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Version finale

33rd Legislature, 2nd Session
(March 8, 1988 au August 9, 1989)

Wednesday, August 31, 1988 - Vol. 30 N° 26

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur les projets de loi 106 - Loi sur les élections scolaires et 107 - Loi sur l'instruction publique


Journal des débats

 

(Dix heures quinze minutes)

Le Président (M. Parent, Sauvé): J'invite les membres de la commission à prendre place. J'invite aussi l'agriculture à se joindre à la culture. La commission permanente de l'éducation, dans le cadre du mandat qui lui a été donné par l'Assemblée nationale, poursuit ses travaux en tenant des audiences publiques sur les projets de loi 106 et 107, le projet de loi 106 traitant des élections scolaires et le projet de loi 107 qui est la pièce maîtresse de cette commission parlementaire, portant sur le projet de restructuration de la Loi sur l'instruction publique.

Ce matin, la commission permanente de l'éducation accueille la Coalition pour l'égalité des droits en éducation dont le porte-parole est M. André Paradis. M. Paradis, nous vous souhaitons la bienvenue et nous vous remercions beaucoup d'avoir répondu à notre invitation. La commission a prévu de vous entendre pendant environ 45 minutes. Si vous voulez bien nous présenter les gens qui vous accompagnent. Avant de commencer, je veux seulement m'informer s'il y a des remplacements à la commission aujourd'hui, M. le secrétaire.

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. Il y a M. Vaillancourt (Orford) qui remplace M. Khelfa (Richelieu). Merci.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Les membres de la commission, pour votre information, M. Paradis, sont M. le député d'Orford, M. le député de Charlevoix, M. le député de Saint-Henri, M. le député de Rimouski, M. le député d'Arthabaska et Mme la députée de Jacques-Cartier qui est adjointe parlementaire au ministre de l'Éducation, Mme la députée de Chicoutimi qui est le porte-parole de l'Opposition officielle en matière d'éducation, et le vice-président de la commission permanente de l'éducation, M. le député de Shefford. M. Paradis, nous vous écoutons.

Coalition pour l'égalité des droits en éducation

M. Paradis (André): Bonjour. Vous me permettrez d'abord de vous rappeler qui sont les membres de la coalition. C'est une coalition qui existe depuis à peu près deux ans, qui regroupe des organismes syndicaux dont les trois grandes centrales, la CSN, la CEQ et la FTQ, des organismes communautaires comme la FACEF, le Réseau d'action et d'information pour les femmes, le Centre de santé des femmes de Montréal le Collectif féministe, le Mouvement laïc et la Ligue des droits et libertés. Je voudrais ajouter à cela l'Union nationale des écrivains québécois qui a endossé le mémoire.

Comme son nom l'indique, la raison d'être de notre regroupement, c'est l'égalité des droits en éducation ou, si vous voulez, le plein exercice pour tous des libertés fondamentales au sein du système scolaire public.

Les principes qui fondent notre intervention - on les mentionne brièvement au début de notre mémoire - sont les suivants: Toutes les personnes humaines sont égales entre elles en dignité et doivent avoir un égal accès au plein exercice des droits fondamentaux de la personne, indépendamment de toute discrimination fondée notamment sur l'appartenance ou la non-appartenance à un groupe religieux; toute société qui veut survivre et se développer comme société doit être fondée sur l'adhésion à certaines valeurs communes et à une culture commune; l'école, c'est-à-dire l'ensemble du système d'éducation doit avoir comme mission essentielle de promouvoir l'égalité des personnes entre elles et de les amener à partager des valeurs et une culture communes dans le respect des différences.

Ces principes nous amènent à dire d'emblée qu'il n'y a pas de justification valable au maintien des structures confessionnelles à quelque niveau que ce soit au sein du système public d'éducation.

Les notions mêmes d'école publique et de système public devraient naturellement impliquer la non-confessionnalité de leurs structures politiques et administratives. Ces notions d'école publique et de système public devraient impliquer que tous les enfants sont traités sans discrimination aucune et dans le respect de leurs croyances ou de leur non-croyance. C'est notre conviction que l'État démocratique ne peut pas être au service d'une confession religieuse de quelque façon que ce soit. Cela nous semble tout à fait cohérent avec le principe de la séparation de l'État et de l'Église, un acquis démocratique fondamental, reconnu et accepté dans la plupart des pays occidentaux.

Si l'on se place de ce point de vue, c'est bien sûr que le statu quo est inacceptable. La situation actuelle est inacceptable pour les membres de notre coalition puisque l'ensemble du sytème primaire et secondaire québécois est fondé sur la reconnaissance privilégiée des religions catholique et protestante. Qu'il s'agisse des sous-ministres associés ou des comités catholiques et protestants, des commissions scolaires confessionnelles de Montréal ou de Québec ou des commissions scolaires dissidentes, de la reconnaissance des écoles comme école catholique ou protestante, du statut privilégié de l'enseignement religieux ou de l'animation pastorale subventionnée par des fonds publics, on peut dire que le caractère confessionnel de notre système scolaire compromet les libertés de

conscience et de religion ainsi que le droit à l'égalité. On l'a vu à plusieurs reprises, à Montréal particulièrement.

Il nous semble que cela entraîne aussi d'autres conséquences néfastes comme l'afflux des enfants des nouveaux immigrants vers les commissions scolaires protestantes qui demeurent dirigées par des anglophones et administrées en anglais ou encore, la prolifération d'écoles privées à l'initiative de groupes ethniques minoritaires de religion autre que catholique ou protestante. Le statu quo est donc pour nous inacceptable. Tous les organismes membres de notre coalition sont acquis depuis longtemps déjà à l'idée d'une réforme d'envergure pour assurer l'égalité des droits en éducation, pour assurer le plein exercice pour tous des libertés fondamentales dans le système d'éducation.

Tout autant le statu quo nous est inacceptable, tout autant nous est inacceptable le projet de loi 107. Il ne répond pas du tout à nos attentes. Il est très décevant. Il ne corrige pas la situation et on pourrait même dire qu'à certains égards, il va empirer le statu quo actuel. Il nous semble que le projet de loi 107 est essentiellement la superposition d'un système de commissions scolaires linguistiques sur l'actuel système confessionnel et, dans les cas où cette superposition porterait atteinte à la confessionnalité du sytème, il y a des mesures dans le projet de loi - je pense aux articles 80 et 95 ou à l'élargissement du droit à la dissidence - qui viennent remettre finalement l'ensemble du système dans la voie de la confessionnalité.

On me permettra d'être un peu plus explicite. Avec le projet de loi 107, la confes-sionnalité des commissions scolaires à Québec et à Montréal sera maintenue. Ces commissions scolaires vont voir toutes leurs compétences maintenues, telles qu'elles sont actuellement, alors que c'est précisément dans ces deux villes et surtout à Montréal que se pose avec urgence le défi de l'intégration des communautés culturelles et que se fait sentir avec le plus d'acuité la discrimination et les risques de discrimination liés au caractère confessionnel.

Le projet de loi 107 permet certes la création de commissions scolaires linguistiques francophones et anglophones à Montréal, mais cela viendrait tout au plus placer ces commissions scolaires en situation de concurrence avec les commissions scolaires catholiques et protestantes, une concurrence qui, à notre avis, risque de donner lieu à des pratiques néfastes qui sont parfois déjà présentes.

Par ailleurs, tout en prévoyant la constitution de commissions scolaires linguistiques sur tout le territoire, le projet de loi 107 maintient le droit à la dissidence pour les catholiques et les protestants. Si, à l'avenir, les commissions scolaires dissidentes n'auront juridiction ou compétence que sur les personnes qui sont de la confession religieuse dont leur commission scolaire se réclame, par ailleurs, les conditions d'exercice de ce droit à la dissidence seront élargies ou libéralisées dans le sens que le droit à la dissidence pourra s'exercer sur le même territoire, aussi bien par les catholiques que les par protestants, dès que les deux confessions se retrouveront minoritaires respectivement au sein de la population globale.

Par ailleurs, le projet de loi permettra toujours, par l'article 80, aux commissions scolaires de demander le statut confessionnel pour une école, ce qui permettra, selon les termes mêmes du projet de loi d'intégrer, dans le respect des libertés de conscience et de religion, les croyances et les valeurs de la religion catholique dans un projet éducatif. Cette affirmation du projet de loi nous semble une contradiction dans les termes mêmes, une antinomie. On ne peut pas envisager, de notre point de vue, privilégier un projet religieux dans l'école et penser qu'en même temps les libertés fondamentales des autres qui ne sont pas de cette confession seront respectées. À cet égard, on rejoint tout à fait la position de la Commission des droits de la personne, telle qu'exprimée devant cette commission ou dans son mémoire.

Le projet de loi 107 ne remet donc pas en question les privilèges garantis par l'article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867. Il va même plus loin. Le projet de loi 107 confirme d'autres aspects discriminatoires du système confessionnel qui ne sont même pas imposés par l'article 93, et c'est ce qui oblige d'ailleurs, encore une fois, à déroger à la charte québécoise.

Notre conclusion. Il n'y a pas de véritable réforme possible sans supprimer les entraves constitutionnelles et, à défaut de faire cela, on ne peut que penser à des projets qui seront des cataplasmes.

Il faut que le gouvernement du Québec - c'est notre point de vue - s'engage dans les négociations à lever le verrou que constituent l'article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867 et les articles 22 et 23 de la charte canadienne qui viennent confirmer les privilèges donnés par l'article 93.

On voit bien que c'est la clé; on l'a vu avec le projet de loi 3 qui a été invalidé par les tribunaux, et on le voit assez clairement avec le projet de loi 107. Nous étions intervenus à cette époque pour faire valoir le point de vue suivant: Nous pensons que le gouvernement québécois aurait dû intégrer la négociation des problèmes posés par l'article 93 dans les négociations du lac Meech. Cela n'a pas été fait mais il nous semble qu'il n'est pas trop tard pour s'engager dans le processus qui va permettre des négociations et qui va permettre éventuellement de lever cet obstacle qui nous semble fondamental à une réforme en profondeur du système scolaire, une réforme qui s'impose pour se mettre à l'heure de la société québécoise d'aujourd'hui. Je vous remercie.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Je vous

remercie, M. Paradis, de votre intervention.

M. Paradis (André): J'ai oublié de présenter une autre personne qui représente la Coalition pour l'égalité des droits en éducation, ce matin, Mme Réjeanne Cyr-Read, du Mouvement laïc québécois.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Mme Cyr-Read, bonjour. Alors, M. le ministre.

M. Ryan: M. le Président, j'ai pris connaissance du mémoire de la Coalition pour l'égalité des droits en éducation et j'y ai retrouvé, comme mes collègues de la commission parlementaire, des thèmes familiers que nous avons eu l'occasion de discuter au cours des derniers mois avec certains organismes entendus par la commission parlementaire, en particulier la Commission des droits de la personne, la Centrale de l'enseignement du Québec et d'autres organismes dont le Mouvement laïc. Alors je pense qu'on a fait pas mal le tour de ce dossier. Il nous fait plaisir d'ajouter les éléments que vous venez apporter aujourd'hui à la discussion. Je ne pense pas qu'il y ait d'éléments vraiment nouveaux dans ce que vous nous soumettez ce matin. On l'accueille avec non moins de respect et d'attention. Justement à cause de cette attitude que nous essayons de maintenir, en toute sincérité, je vais volontiers vous communiquer quelques réactions que m'inspire votre présentation et je vous adresserai peut-être une ou deux questions par la suite.

Au sujet de la proposition principale qui consiste à dire: Bien, ne faisons rien maintenant, faisons d'abord une réforme constitutionnelle, la double réponse du gouvernement est la suivante: tout d'abord, avant d'aller engager le débat constitutionnel sur cette question, nous voulons vérifier soigneusement la nature, l'étendue et la portée exacte des pouvoirs que détient déjà l'Assemblée nationale en vertu du régime constitutionnel actuel. Nous savons tous qu'il est extrêmement difficile et extrêmement complexe de rechercher une modification constitutionnelle radicale sur ce sujet qui gravite autour de l'article 93 de la constitution. Et la prudence politique requiert d'un gouvernement, avant d'allumer un foyer de controverse possible, de mesurer soigneusement les choses qui sont déjà à sa portée, c'est-à-dire les attributions qu'il peut déjà exercer. Alors l'exercice que nous envisageons autour du projet de loi 107 nous permettra d'obtenir un grand nombre de clarifications à cet égard, et nous laissons l'avenir ouvert pour la voie que vous proposez. Cet avenir n'est pas du tout fermé. Au contraire, je pense que les choses pourraient être grandement facilitées par la démarche qu'a décidé de retenir le gouvernement. (10 h 30)

Pour envisager un changement constitutionnel aussi important, il faut un deuxième élément: il faut un consensus. Ce consensus n'existe pas à l'heure actuelle et ce pour une raison bien simple: c'est que les problèmes n'ont pas été étudiés dans toute leur complexité. Toutes les conséquences de la modification que vous proposez n'ont pas été examinées attentivement et dire qu'il existerait un consensus dans un contexte comme celui-là serait, à mon point de vue, un abus de langage. Je donne seulement un exemple. Si on modifie l'article 93, est-ce qu'on va superposer des droits linguistiques à des droits confessionnels ou si on va remplacer les droits constitutionnels par les droits linguistiques? Je vous inviterais à répondre à cette question tantôt. Dans l'une comme dans l'autre hypothèse, les implications sont nombreuses et extrêmement complexes. Tout gouvernement, quelles que soient ses intentions initiales, doit finalement se mesurer à l'opinion publique dont il est tributaire et sur ces questions, franchement, je ne crois pas que les choses aient mûri suffisamment pour que nous puissions envisager une telle démarche. Elle n'est pas exclue. Le chef du gouvernement l'a même laissé entrevoir dans une entrevue qu'il accordait au Devoir il y a quelques mois. Il ne ferme pas la porte de ce côté, mais la voie que nous avons choisie pour le moment est celle qui passe par le projet de loi 107, et l'autre question sera examinée en temps utile. C'est une première réaction que je voulais vous communiquer et qui vous est déjà d'ailleurs bien connue.

Deuxièmement, je pense qu'il est important de souligner les progrès que nous accomplissons avec le projet de loi 107. D'après ce que j'ai cru entendre, il y aurait un recul par rapport à la situation actuelle. Je ne crois pas que ce soit le cas. Je pense bien que les textes sont là pour être lus et compris par tout le monde. Je vais vous donner des exemples. Quand nous proposons de remplacer les commissions scolaires confessionnelles par des commissions scolaires linguistiques, je pense que nous faisons un pas énorme. C'est vrai qu'il y a le problème des commissions scolaires dont l'existence est protégée par ta constitution, ce qui a été confirmé à maintes reprises par la jurisprudence, mais au point de vue politique, il reste énormément de fluidité, et le gouvernement n'exclut aucune hypothèse de ce côté. Il doit reconnaître ce qui est inscrit dans la constitution; il n'a pas autorité pour le changer arbitrairement. On n'exclut pas du tout la possibilité d'une évolution importante. Il faut tenir compte également du contexte politique dans ces choses. Le contexte politique peut évoluer très rapidement dans les territoires qui sont visés par vos observations. À mon point de vue, c'est une question beaucoup plus ouverte qu'on ne veut l'admettre.

Je pense que le pas qu'on franchirait avec le projet de loi 107 est énorme si on compare à la situation actuelle. Le statut de l'école, comparé à ce qu'il est aujourd'hui, connaîtrait des modifications profondes. Actuellement les choses

sont pas mal figées. On ne peut pas facilement remettre en cause un statut d'école dans le projet de loi, combiné avec les règlements des comités confessionnels qui sont entrés en vigueur au mois de juillet. Le statut devrait être réexaminé périodiquement. Il pourrait être remis en question; il pourrait être modifié. On introduit dans la situation une fluidité qui n'existait pas auparavant dans les textes législatifs, et on le met dans la loi.

La liberté de choix des parents en matière d'enseignement moral et religieux n'est pas inscrite, à ma connaissance, dans la loi, à l'heure actuelle; elle est inscrite dans les règlements. Nous l'inscrivons clairement dans la loi. Le respect de la liberté de conscience des enseignants, je ne crois pas non plus que ce soit dans la loi à l'heure actuelle; nous le mettons dans la loi. J'aurais aimé trouver ces observations dans votre mémoire, je vous le dis franchement. Mais je vous les rappelle, car je pense que ce sont des faits.

Le projet éducatif vous inquiète. Je crois que les modifications que nous avons mises, dans le respect des droits fondamentaux, apportent une garantie très importante; c'est une modification que nous avons apportée aux règlements des comités confessionnels, à la suite des débats qui eurent lieu en commission parlementaire l'automne dernier, avant l'adoption des règlements par le gouvernement. Je pense que cette nuance qui est inscrite dans le projet de loi veut dire beaucoup; elle circonscrit considérablement la portée de cet article. Je ne pense pas qu'on ait de problème majeur de ce côté. S'il fallait que votre thèse fût vraie, cela voudrait dire que le Québec évolue depuis un siècle dans un régime de violation des libertés fondamentales, et je refuse de croire cela. Je refuse de le croire. Je pense qu'on était plus intelligents que ça, plus capables de discernement et surtout de sens pratique et de respect concret de la dignité des personnes. C'est un jugement qui va loin.

L'inégalité inscrite dans notre régime, je ne peux pas la contester. Vous dites qu'on donne plus de reconnaissance à la religion catholique, à la religion protestante. C'est écrit en toutes lettres dans le jugement de Mme Wilson dans la cause des écoles catholiques de l'Ontario. Elle le dit en toutes lettres: "Les fondateurs de ce pays ont inscrit des éléments d'inégalité théorique lorsqu'ils ont privilégié ces deux familles religieuses. " C'est dans la Constitution canadienne. Cela a été confirmé par la Loi constitutionnelle de 1982. Un article inscrit dans la Loi constitutionnelle de 1982 reprend ces choses. On peut trouver que ce n'est pas acceptable, et je respecte le point de vue de ceux qui combattent cette chose, mais je me dis que vous avez une jolie côte à monter, par exemple, parce que tout a été remis là.

Nous qui sommes députés - je termine par cet aspect - qui sommes en contact avec la population dans chaque territoire du Québec, tous les jours, pour un motif ou l'autre, avons conçu un projet qui répond aux attentes que nous formulent nos commettants et nous savons très bien que si nous avions voulu aller dans la voie que propose votre coalition, ce n'eut pas été acceptable à notre population. Au bout de la ligne, un gouvernement existe pour répondre aussi aux attentes de la population. Je peux vous assurer que sur ce point, nos concitoyens nous soumettent très fréquemment des représentations qui vont de manière très générale dans le sens des orientations définies par le projet de loi.

Il y a cela. Il y a les droits fondamentaux qu'on peut définir à l'état pur. Il y a les droits fondamentaux dans leurs applications concrètes. Il y a des politiques des gouvernements dans leur relation avec la volonté des citoyens. Nous, nous pouvons nous tromper, nous pouvons faire erreur, mais nous pensons que le projet de loi se situe en harmonie avec les attentes de la très grande majorité de nos concitoyens et concitoyennes, et les échos que nous avons obtenus depuis que le débat se poursuit - cela fait maintenant huit mois que le projet de loi est déposé - vont dans ce sens. Peut-être que nous sommes dans l'erreur, mais moi, je refuse de le croire, et je pense que tout en adhérant à l'objectif de fond que vous énoncez, soit l'égalité absolue de toutes les personnes - nous ne le mettons pas en doute - nous devons reconnaître que dans la pratique, les lois existent très souvent pour donner ceci à tel groupe et non pas à tel autre groupe, ceci à tel groupe, ceci à tel autre groupe. On va donner des exemptions fiscales aux cultivateurs, par exemple, sur la propriété foncière, qui ne sont pas données aux propriétaires urbains. Ce n'est pas de l'égalité absolue dans mon livre à moi; c'est la législation concrète que nous avons, c'est la législation que politiquement nous pouvons adopter. Il y a certaines catégories de contribuables qui sont taxées à un niveau plus élevé que d'autres. Ce n'est pas l'égalité absolue, mais ce sont des choses qui se comprennent, étant donné les facteurs politiques qui président inévitablement aux décisions des gouvernants. C'est la réaction globale que j'aurais à présenter à votre mémoire.

Maintenant, je vous pose une question. Dans l'hypothèse d'un changement constitutionnel, est-ce que vous demandez - ce n'est pas clair dans votre mémoire - qu'on remplace les garanties constitutionnelles de l'article 93 par des garanties linguistiques ou qu'on vienne superposer des garanties linguistiques aux garanties confessionnelles existantes?

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. Paradis.

M. Paradis (André): Avant d'aborder directement la réponse, je voudrais revenir sur certains énoncés que vous avez faits. Vous dites que l'égalité absolue n'est pas une chose qu'on peut atteindre facilement et que c'est peut-être une démarche vers l'égalité. Mais ce dont on

parie dans ce cas-ci, ce n'est pas l'égalité de n'importe quoi, c'est l'égalité de l'exercice des libertés fondamentales. C'est ce dont il s'agit quand on parie de liberté de conscience, de liberté de religion; c'est cette égalité fondamentale qui, nous semble-t-il, doit être limitée à des arguments tout à fait extraordinaires. Je pense qu'il y a toute une genèse de débats sur la question des libertés fondamentales. C'est de cela qu'il s'agit; il ne s'agit pas d'égalité dans le niveau de taxation; il s'agit de libertés fondamentales.

D'autre part, vous dites que le projet de loi semble répondre aux attentes de la population, suivant les échos que vous en avez et qui se sont fait entendre depuis quelque temps déjà. Cela reste une question discutable. Je dirais qu'en même temps qu'il faut répondre aux attentes de la population, je pense que c'est le devoir des dirigeants politiques d'indiquer de façon assez claire la direction pour la solution véritable des problèmes.

Le débat sur la question de la confession-nalité du système scolaire, c'est un débat qui n'est pas nouveau, qui existe depuis longtemps. C'est vrai que les sociétés évoluent lentement. Elles n'évoluent pas en ligne droite. Elles évoluent par à-coups et tout cela. Mais le changement radical dont vous parlez, c'est un changement radical qui est un acquis de civilisation pour la plupart des pays occidentaux depuis très longtemps.

La société québécoise n'est pas sortie de l'obscurantisme hier et je pense que la capacité de la population québécoise d'évoluer et d'évoluer rapidement sur certaines questions aussi importantes que celles-là existe réellement, dans la mesure où les dirigeants politiques vont véritablement travailler à faire ressortir la voie de véritables solutions aux problèmes.

Vous avez aussi dit que cela constitue un changement radical. Avant d'entreprendre un changement radical, il faut vérifier le consensus, en vue d'éviter une trop grande controverse. Je dirais qu'il y a déjà un foyer de controverse important sur la question de la confessionnalité. Il ne s'agit pas, finalement, de s'engager dans une démarche qui va créer de la controverse. Il y a déjà une controverse importante et elle ressurgit périodiquement avec force et acuité. Quand on parie d'inégalité de l'exercice des droits fondamentaux, ce n'est pas un discours tout à fait théorique. Il s'agit de suivre ce qui se passe à Montréal depuis quelques années, et nous le faisons, pour voir ce qui est effectivement en jeu et qu'il y a des atteintes véritables et non pas isolées aux droits des enfants qui sont dans ces écoles-là.

Quand on parie d'établir un consensus, il y a d'autres changements constitutionnels qui ont été entrepris et je ne crois pas qu'on ait vérifié, qu'il y a eu des moyens de vérifier, avant qu'on ait commencé à entreprendre les démarches, si le consensus existait déjà. On a bâti le consensus à travers la démarche. Dans certains cas, on a peut-être bâti le consensus une fois que les accords ont été établis.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci.

M. Ryan: Là, je n'ai pas eu de réponse à ma question.

M. Laberge (Henri): Si vous le permettez, je vais...

Le Président (M. Parent, Sauvé): Allez, monsieur.

M. Laberge: Je vais essayer de répondre à la question de M. le ministre, mais, avant, je vais quand même situer un certain nombre de choses. M. le ministre nous a parié de la nécessité de vérifier l'étendue des pouvoirs qu'a déjà l'Assemblée nationale en vertu des dispositions constitutionnelles et, notamment, ce que lui permettent de faire l'article 93 de 1967 et l'article 23 de 1982.

Je pense qu'il y a déjà une vérification qui a été faite de cela par le jugement qui a été porté sur la loi 3. De toute façon, le gouvernement ne semble pas douter d'un certain nombre de choses. Il sait déjà, il est convaincu que l'article 93 lui impose des restrictions très fortes, puisqu'il présente le projet de loi 107 de la façon dont il est construit. Il reconnaît qu'il y a des restrictions à son pouvoir d'agir dans ce domaine-là.

Maintenant, M. le ministre nous dit: Ce n'est pas très clair dans votre mémoire si vous voulez remplacer les droits confessionnels par des droits linguistiques ou les superposer. J'inviterai M. le ministre à relire le mémoire et je pense que c'est très clair. Notre position, ce n'est pas de remplacer des droits par d'autres et ce n'est surtout pas de superposer des droits de ce genre-là par d'autres. Notre insistance, c'est de supprimer les contraintes contenues à l'article 93. Mais nous disons aussi que nous souhaiterions supprimer également les contraintes contenues à l'article 23 de 1982.

Je pense que venir prétendre que ce n'est pas clair dans notre mémoire si on veut superposer des droits linguistiques aux droits confessionnels... Nous reprochons précisément au projet de loi de faire cela, de superposer une division linguistique à une division confessionnelle. Alors, nous n'allons sûrement pas demander à la constitution d'imposer une telle superposition.

M. Ryan: Est-ce que vous demandez explicitement la suppression de toutes les garanties confessionnelles contenues dans la constitution?

M. Laberge: Qui sont à l'article 93.

M. Ryan: En matière d'éducation, c'est cela

que vous demandez? M. Laberge: Oui.

M. Ryan: Ne comptez pas sur moi. M. Laberge: Nous l'avions déjà compris.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Oui, monsieur. Avez-vous terminé votre intervention?

M. Laberge: Oui.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Vous avez terminé? Mme la députée de Chicoutimi.

M. Laberge: Je voulais ajouter... Excusez, monsieur, je ne veux pas... (10 h 45)

Mme Blackburn: II me semble que, vu le respect des invités dont se targue M. le président, on pourrait peut-être permettre à M. Laberge de terminer son exposé.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Je vous répondrai, madame, que j'avais demandé à M. Laberge s'il avait terminé et il m'a répondu oui.

M. Laberge: Je croyais que vous me demandiez si j'avais d'autres interventions.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Non. Avez-vous terminé votre intervention?

M. Laberge: On s'était mal compris.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Vous n'avez pas terminé?

M. Laberge: Je n'ai pas terminé.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Allez, je vous écoute.

M. Laberge: M. le ministre nous a parlé des progrès accomplis par la loi 107. Premier progrès: il dit remplacer les commissions scolaires confessionnelles par des commissions scolaires linguistiques. Nous contestons cela. Ce n'est pas vrai. Il ne remplace pas, il ajoute des commissions scolaires linguistiques aux commissions scolaires confessionnelles qui existent déjà. En plus, il maintient le droit à la dissidence partout. Comme nous l'avons dit dans notre mémoire, le droit à la dissidence serait maintenant plus facilement accessible qu'il ne l'est dans la loi actuelle. On pourra avoir une dissidence catholique du côté anglophone, une dissidence protestante du côté francophone, ce qui fait théoriquement une possibilité assez raisonnable de quatre commissions scolaires partout au Québec, quatre commissions scolaires sur n'importe quel territoire. À Montréal, je me demande même si cela ne pourra pas être plus que cela. J'aimerais que le ministre nous explique un peu le mécanisme de la dissidence par rapport aux commissions scolaires linguistiques qui vont exister à Montréal. Je ne sais pas si cela va pouvoir exister ici. Mais, en tout cas, il y a au moins quatre commissions scolaires partout au Québec.

Deuxième progrès que le ministre nous mentionne, c'est la remise en question périodique du statut confessionnel de l'école. Je me demande si c'est un véritable progrès. Comme nous le disons, il n'est pas sûr que la demande du statut confessionnel des écoles sera toujours faite dans une perspective de besoins uniquement confessionnels. Il peut y avoir d'autres motivations qui jouent, dans la perspective où les commissions scolaires linguistiques, en particulier les commissions scolaires francophones, seront ouvertes à tous les enfants d'immigrants. Ne pourrait-il pas arriver que nos Canadiens français pure laine se réfugient dans les commissions scolaires confessionnelles et dans les écoles définies comme confessionnelles pour mettre leurs enfants à l'abri des fréquentations qu'ils ne jugeraient pas souhaitables avec les enfants d'immigrants? C'est une voie très dangereuse qu'il faudrait essayer d'éviter.

Pour ce qui est de la liberté de choix des parents et de la liberté de conscience des enseignants, j'admets que la loi est plus explicite que ne l'était l'ancienne. Mais c'étaient des choses qui étaient censées être acquises par la Charte des droits et libertés du Québec, dans les deux cas, et qui malheureusement n'étaient pas toujours bien respectées. Je ne suis pas sûr qu'encore maintenant ce sera toujours très bien respecté. Je donne un exemple: dans le cas de la liberté de choix, quand une école de quartier va se définir comme catholique, il y a toujours la possibilité que ceux qui ne seraient pas d'accord avec ce statut envoient leurs enfants dans une autre école, comme c'est prévu dans le projet de loi, la liberté de choisir l'école. Mais c'est un droit assez théorique. Dans les milieux populaires, donner aux gens de revenus modestes le droit de changer leurs enfants d'école, c'est un droit assez théorique. Donc, la liberté de choix des parents demeure limitée par les dispositions mêmes du projet de loi.

Le ministre nous a parlé du fait que chaque loi fait une certaine discrimination. C'est bien sûr. Les pensions de vieillesse sont pour les vieux, les allocations familiales sont pour ceux qui ont des enfants. Mais, en général, ces lois qui font de la discrimination en font en vue de rétablir une certaine égalité et non en vue de la détruire. On présume que c'est l'intention du législateur quand il fait de la discrimination de ce genre. C'est ce qu'on appelle de la discrimination positive. Dans le cas qui nous occupe, ce n'est pas de la discrimination positive. C'est une façon de maintenir des privilèges qui vont à rencontre d'une meilleure intégration possible à la société québécoise des groupes multiculturels et multiconfessionnels qui vont entrer de plus en

plus dans la société québécoise.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci. M. Laberge, je regrette, mais je ne peux pas vous laisser aller plus longtemps. J'ai quand même un ordre du jour à respecter. D'autres invités vous suivent. Je reconnais maintenant Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. M. Paradis, M. Laberge, madame, je voudrais vous souhaiter la bienvenue au nom de l'Opposition officielle. Vous vous en doutez, pour l'essentiel des commentaires et des remarques qu'on retrouve dans votre mémoire, je les partage. J'ai eu l'occasion de l'exprimer au moins à deux reprises lors de cette commission parlementaire de même qu'à celle qui examinait les règlements des comités catholique et protestant.

Vous comprendrez que je ne fais pas tout à fait, tout comme vous d'ailleurs, la même lecture que celle qui est faite par le ministre. Lorsque le ministre se dit offensé de l'idée qu'on aurait pu, au Québec, ne pas respecter les droits de la personne au cours du dernier siècle, je lui ferais seulement remarquer que, si on a réussi au Québec à respecter le droit des personnes et la liberté de conscience des personnes, c'est - et je pense qu'il faut le dire - parce qu'on avait un réseau scolaire protestant qui était beaucoup plus ouvert aux autres communautés religieuses. Il est connu et il est de commune renommée, et le ministre le sait très bien, que les commissions scolaires catholiques ont été plutôt fermées aux immigrants, peu respectueuses des droits et libertés des personnes et des libertés de conscience en particulier. Le fait qu'on connaisse l'effet net et les effets pervers du système scolaire actuel qui amènent les immigrants à s'intégrer aux commissions scolaires anglophones. On a pu le constater en commission parlementaire et, hier, le ministre en faisait justement la remarque devant une commission scolaire qui n'est ni pire ni mieux que les autres, une commission scolaire protestante qui est davantage une commission scolaire unifiée, dont le tiers de la clientèle fréquente les écoles françaises et il y avait, parmi les commissaires, une seul parent qui avait un enfant dans une école française. Le ministre sait très bien que c'est encore comme cela que ça se passe au Québec et les effets pervers y sont nombreux, vous les avez soulignés, il y a toute la capacité d'intégration des nouveaux arrivants à la communauté française. Cela vient comme consacrer les divisions. L'école est un facteur et sera encore davantage un facteur de division plutôt qu'un facteur de cohésion, d'unité et de développement d'un sentiment d'appartenance. C'est d'autant plus vrai, comme vous le soulignez dans votre mémoire, que, pour contourner ces effets, on va réclamer de plus en plus des écoles privées de différentes confessions. Et là, c'est vraiment l'éclatement de la communauté québécoise, et c'est cela, les effets pervers.

Quand le ministre nous dit: II n'y a pas de consensus au Québec, je voudrais qu'on revienne... Sur les commissions scolaires unifiées, il faudrait revoir la question. Moi, je n'ai pas l'impression qu'on a suffisamment fait le débat là-dessus pour vous dire s'il y a ou non un consensus. Je sais qu'un sondage nous a déjà été rappelé et qui démontrait que cela aurait pu faire consensus. Mais, cependant, sur les commissions scolaires linguistiques, je dois dire que les seuls opposants qu'on a entendus ici, en commission parlementaire, sont la CECM, la PSBGM. Quand on a reçu la Fédération des commissions scolaires catholiques, qui est favorable à l'établissement de commissions scolaires linguistiques, quand on a reçu l'Association des commissions scolaires protestantes, on a fini par nous dire que c'était davantage de protection linguistique qu'elles avaient besoin et non pas de protection religieuse. Quand le ministre nous dit qu'il n'y a pas de consensus là-dessus, l'Assemblée des évêques du Québec... J'ai vu Mgr Vachon tout à fait par hasard - je ne lui ai pas demandé de rendez-vous - rappeler que sa position là-dessus, c'est qu'il avait fini par accepter que l'idée de commissions scolaires linguistiques était réalisable au Québec et que cela ne menaçait pas à ce point l'existence et la capacité de développement de... Cela ne menaçait pas l'Église catholique à ce point qu'il fallait s'y opposer, il fallait un peu s'adapter à la situation actuelle.

Si on me dit que cela ne fait pas consensus au Québec, il y a quelque chose qui ne va pas. Serait-il préférable de voir des commissions scolaires unifiées? J'ai eu l'occasion de le dire, et je vais le répéter, mais je pense qu'effectivement on devrait se tourner du côté des commissions scolaires unifiées. Cependant, la situation, telle qu'on la connaît au Québec, rend cette hypothèse, je dirais fragile, peu réaliste, quand on connaît les tensions qui, actuellement, confrontent les deux communautés. Le ministre aurait pu et aurait dû négocier l'article 93, mais, à l'entendre nous dire qu'il veut absolument maintenir des protections confessionnelles dans la charte canadienne - c'est la première fois qu'il nous le dit aussi clairement - et non pas québécoise, canadienne, on comprend pourquoi il n'a pas négocié l'article 93 et c'est la première fois qu'il le dit ce matin. Je trouve que c'est mal comprendre ce qui est en train de se passer au Québec et ce n'est pas comprendre les effets pervers de la structure actuelle.

Par rapport à son projet de loi, on n'en parlera plus en ce qui touche les structures, mais d'avance cela a de bonnes chances de subir exactement, sinon plus, le sort de la loi 3 sur cela parce que cela a comme effet de renforcer le pouvoir de dissidence, comme vous l'avez souligné, qui pourrait nous donner quatre commissions scolaires dans tout le Québec. Cependant, ce qu'on ne sait pas et ce que le ministre ne sait pas non plus, c'est si l'article 93 protège

les commissions scolaires confessionnelles qui se sont établies en dehors des territoires de Québec et de Montréal depuis la confédération. Il ne le sait pas. Il ne le sait pas plus que nous et là-dessus j'ai hâte de voir le jugement. Mais, entre-temps, on aura perdu un temps inouï. On n'a pas poursuivi l'appel de la décision de la cour sur la loi 3. On aurait pu aller à des tribunaux supérieurs. On a plus compris que cela n'était pas que sur les structures scolaires qu'elle était en désaccord, c'était sur le reste du projet de loi qui, à son avis - on est obligé de le constater aujourd'hui - n'était pas suffisamment centralisateur. Il laissait trop de pouvoirs aux commissions scolaires, pas assez au ministre. Toutes les modifications qu'il a apportées au projet de loi, à l'exception des structures scolaires, viennent confirmer cette lecture qui a été faite par la très grande majorité des intervenants.

Tout à l'heure, nous allons entendre dans le courant de la matinée une association de parents, le Ralliement provincial des parents du Québec, qui dit, et c'est son droit le plus strict, qu'on doit maintenir des structures confessionnelles, et il prétend représenter 92 % ou 95 % des parents du Québec. Mais, vous, qui représentez-vous? Avez-vous essayé d'évaluer cela à peu près? J'ai vu que vous représentiez plus d'une vingtaine d'organismes, mais de façon générale des organismes qui ont un membership assez important, cela doit représenter un peu de personnes au Québec, cela?

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. Paradis.

M. Paradis (André): Je n'ai pas fait le total des personnes qui sont représentées par les organismes qui participent à la coalition. Il y a les trois grandes centrales syndicales qui comptent évidemment beaucoup de membres; il y a des organismes comme la Ligue des droits et libertés et sans doute le Mouvement laïc, qui compte beaucoup moins de monde mais qui en compte tout de même un certain nombre, et il y a d'autres organismes, des organismes de femmes, entre autres, le Réseau d'action et d'information pour les femmes, les centres d'éducation, les ACEF, etc. Je pense que cela représente un nombre assez important. Je ne voudrais pas m'engager dans des calculs immédiatement. Je pense que Mme Read avait quelque chose à dire sur cela.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Madame.

Mme Read (Réjeanne): Mesdames, messieurs, M. le ministre de l'Éducation, vous citez l'Ontario comme voulant nous donner des leçons concernant la liberté de conscience. Au ministère en Ontario, il y a une personne qui reconnaît que les principes fondateurs privilégiés peut-être des religions... Moi, je tiens à vous dire qu'une injustice confirmée par des lois demeure une injustice.

Vous nous dites aussi que ce que nous demandons, c'est de ne rien faire; cela signifie une sorte de statu quo. Pourtant, ce n'est pas ce que vous faites, ne rien faire. Vous renforcez les valeurs qui briment les libertés de conscience dans les écoles. Par exemple, je ne détaillerai pas tout, mais c'est évident que le projet éducatif chrétien va brimer les valeurs des jeunes, surtout au niveau primaire où ils sont un peu handicapés pour se défendre face à cela. Vous y avez aussi ajouté l'animation de pastorale dans toutes les écoles, y compris les écoles qui ne seraient pas confessionnelles. Je ne crois pas que les animateurs de pastorale n'aient pas un rôle à jouer concernant la liberté de conscience. Il va possiblement y avoir aussi un éveil religieux à la maternelle. M. le ministre de l'Éducation, je vous ai déjà posé la question, en aparté quand je suis venue ici auparavant, concernant le fait qu'à la maternelle, dorénavant, avec votre projet de loi, il y aurait possibilité d'ajouter l'éveil spirituel. Entre l'interprétation que l'on fait de l'éveil spirituel et de l'éveil religieux... Dans le passé, c'était ce terme qu'on utilisait, il y a quelques années, on appelait cela l'éveil spirituel et il y avait partout de l'éveil religieux à la maternelle. On ne peut pas demander l'exemption de l'enseignement religieux à ce niveau.

Je vous demanderais de répondre à cette question ce matin, à savoir si, en dehors de toutes les questions qu'on pose dans l'immédiat, en attendant qu'à l'article 93 quelque chose soit fait, vous pouvez nous éclairer ou nous garantir qu'il n'y aura pas d'éveil religieux à la maternelle. (11 heures)

Le Président (M. Parent, Sauvé): Je vous ferai remarquer qu'il y a quand même des règles élémentaires qui régissent ces commissions parlementaires. Actuellement, le temps qui est dévolu est celui de l'Opposition. Alors, si le ministre manifeste son intention de répondre, je devrai demander à l'Opposition si elle accepte que ce temps-là soit déduit du temps qui lui est alloué.

Mme Blackburn: Vous avez mon consentement, M. le Président.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Je n'ai pas celui du ministre, par exemple.

Mme Blackburn: Pour répondre, on sait qu'il n'est pas obligé. De toute façon, je ne suis pas sûre qu'il réponde. Je pense que c'est une question fort pertinente. Autant on peut être d'accord avec des gens qui veulent avoir un projet catholique dans une école particulière, autant je prétends qu'on ne peut pas prétendre avoir un projet catholique et respecter les libertés de conscience. C'est la quadrature du cercle. Ce n'est pas possible. On aura beau

essayer de me présenter cela dans tous les sens, dans toutes les directions, jamais on ne réussira à m'en convaincre. Ce n'est pas vrai.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Est-ce que vous voulez intervenir, M. le ministre?

M. Ryan: Je n'ai pas d'objection du tout.

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. le ministre.

M. Ryan: Je n'ai pas d'objection du tout, vous pouvez être sûr. La question que vous posez se réfère à la classe maternelle, si je comprends bien. En classe maternelle, il n'y a pas d'enseignement proprement dit, comme vous le dites. Par conséquent, l'exemption vaut pour l'enseignement moral et religieux. Dans les classes maternelles, d'après ce que je comprends, nous avons un programme d'éveil spirituel. Il y en a un d'éveil spirituel et religieux aussi qui peut être utilisé. Si un parent demandait que son enfant soit exempté de cela, il n'y aurait pas de problème là, mais je vais regarder la question de plus près. Je vais vous envoyer une lettre là-dessus. On ne répondra pas à peu près. Je prends note de la question. On va vous envoyer des précisions ces jours prochains disant exactement où cela en est, mais je ne pense pas que le projet de loi comporte d'implications de ce point de vue-là.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le ministre. Mme la députée de Chicoutimi. Est-ce que vous vouliez réagir, madame?

Mme Read: Bien, le projet de loi ajoute, et il n'était pas là précédemment, la question de l'éveil spirituel à la maternelle.

M. Ryan: Avez-vous l'article?

Mme Read: Je ne l'ai pas devant moi. C'est dans les premiers articles.

M. Ryan: On va vérifier cela. Je ne trouve pas de mention explicite du problème que vous évoquez; peut-être que cela y est par voie d'implication. On va regarder cela attentivement. Je vous donne un exemple. À l'article qui traite de la liberté de conscience de l'enseignant, on dit qu'il peut être exempté de l'obligation de donner l'enseignement moral et religieux. Peut-être que cela serait plus complet si on mettait "l'enseignement moral ou religieux ou l'éveil moral et religieux". Je n'ai pas d'objection à ce qu'on regarde cela. Il y a peut-être une possibilité ici. Mais, en tout cas, je ne vois pas très clairement en quoi le projet de loi vient modifier la situation que nous connaissons ou l'alourdir.

Mme Read: Pourriez-vous le spécifier quand même? J'aimerais que vous m'envoyiez une lettre, que vous me le spécifiiez ou que vous le spécifiiez, disons, publiquement, afin que les situations qu'on a connues et qu'on connaît encore ne se répètent pas à ce niveau-là.

M. Ryan: Pour être de bon compte, voulez-vous m'envoyer une lettre me disant ce que vous voulez savoir exactement et...

Une voix: Ha, ha, ha!

Mme Read: Certainement, M. Ryan.

M. Ryan:... je vais vous répondre avec plaisir. D'accord?

Mme Read: Je vais vous redire ce que je vous ai déjà dit.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le ministre. Merci, Mme Read. Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: M. le Président, le ministre a peut-être raison. Cependant, je voudrais qu'on m'explique comment est interprété le mot "éveil" dans le tout premier article. 'Toute personne âgée de 5 ans et plus a droit aux services de formation et d'éveil à l'éducation préscolaire et aux services d'enseignement prévu... " Comment traduit-on "éveil" dans le régime pédagogique?

M. Ryan: Regardez ce qui est écrit ici "services de formation et d'éveil à l'éducation préscolaire". C'est une définition globale qui comprend tout ce qui est fait au niveau de la maternelle. Ensuite, c'est "aux services d'enseignement prévus par la présente loi"; c'est ce qui est dispensé aux niveaux primaire et secondaire.

Mme Blackburn: Oui, cela va.

M. Ryan: II n'y a pas du tout d'arrière-pensée là-dedans.

Mme Blackburn: Non. Est-ce que vous avez eu l'occasion de vérifier, par rapport à ce qu'était le programme de formation en enseignement préscolaire, s'il y avait des activités qui touchaient l'éveil à la foi catholique ou protestante?

Mme Read: Le dernier programme que j'ai vu, qui a été fait au moment de la présentation du projet de loi 103 qui précédait ce projet de loi-ci, était un programme qui éliminait complètement les valeurs religieuses au niveau de la maternelle. On n'appelait pas cela de l'éveil spirituel non plus dans les livres en question. Cependant, ce qui précédait ce programme s'appelait: Vers l'éveil spirituel des tout-petits, et, à l'intérieur de ce manuel-là, il y avait des phrases aussi incroyables que: "Ils sont inexcusables les païens qui n'ont pas su comprendre

la grandeur de Dieu. " Cela date d'à peu près six ans, peut-être un peu plus, avant qu'on ne change la loi 3 et qu'on n'apporte des modifications à différents programmes.

Mme Blackburn: Je pense que vous soulevez là tout le problème difficilement soluble pour le moment de la confessionnalité des écoles. On a transféré la confessionnalité des commissions scolaires vers la confessionnalité des écoles, c'est l'objectif du projet. En toute conscience, on ne peut pas faire semblant qu'il n'y a pas de problème là. Les enfants qui ont sept, huit, neuf, dix ou quinze ans et qui se trouvent à être ce que j'appelle des clientèles captives... Pas captives parce qu'on les force à s'asseoir là et à écouter cela, mais parce qu'il y a une pression du groupe qui s'exerce sur l'enfant. On ne peut pas prétendre en toute honnêteté qu'on respecte les libertés de conscience dans ces circonstances-là. On connaît le besoin d'appartenance à un groupe d'un enfant. D'ailleurs, comme adulte, on le maintient en grande partie, on a besoin de s'identifier à un groupe. Le groupe d'appartenance d'un enfant, c'est son groupe scolaire et son groupe de quartier. Il y a généralement deux groupes et ils se fondent l'un dans l'autre parce qu'ils se retrouvent dans la même école. Là, le problème sera double. S'il choisit de se retrouver dans une école neutre, il ne sera pas dans la même école que ses petits copains de quartier et, s'il choisit l'école confessionnelle, le groupe va exercer sur lui une pression. Je ne veux pas dire que c'est malsain parce qu'à un moment donné on retournerait où on apprendrait la pratique religieuse, mais je prétends et je maintiens qu'on ne peut pas prétendre respecter la liberté de conscience. Ceux qui me défendront le contraire, je les mets au défi, en toute logique, de me dire que cela se défend. Ce n'est pas possible. Les pressions sont grandes sur l'enfant qui dit: Maman, il faudrait que j'embarque avec les autres, ils vont tous se promener, ils vont à la messe, ils vont faire des activités. Vous pensez qu'un enfant de sept ou huit ans est en mesure de faire l'évaluation et de dire: Je voudrais me tenir à l'écart de cela? Ce n'est pas possible. Là-dessus, je partage tout à fait votre avis. Je pense qu'on a un problème très sérieux.

Quant à l'autre problème, j'ai eu l'occasion de l'exprimer, il est déplorable de voir que l'Église est à la remorque de l'école. Je ne suis pas sûre que cela contribue à sa survie de la façon qu'on voudrait bien nous le laisser entendre. Il y a comme deux poids deux mesures. On paie avec les impôts publics l'animation pastorale catholique et protestante, alors qu'on n'a pas d'équivalent pour ceux qui voudraient avoir une animation pour la morale dite sans épithète, qui pourrait avoir un caractère plus humanitaire, plus humaniste, dans le sens d'aider, de contribuer à des activités à caractère plus humanitaire qui touchent les personnes âgées, les enfants en difficulté, les pays en voie de développement, etc. On n'a rien d'équivalent.

Vous avez tout à fait raison, on vient ici renforcer les privilèges de deux confessions en ce qui concerne la superposition des commissions scolaires. Dans la région de Montréal où le problème est le plus criant... Le problème dont on parle ici ne pose pas grand problème dans ma région. En toute sincérité, je pense qu'on s'arrange bien avec le système qu'on a là et cela ne cause pas beaucoup de préjudice quoique, pour ceux qui veulent avoir des exemptions, cela pose des problèmes. J'ai eu connaissance de situations plutôt déplorables. Je ne dirais pas que c'est la majorité et que cela fait plus partie de la culture parce qu'on a peu d'immigrants dans notre région, mais, dans la grande région de Montréal, cela pose non seulement des problèmes de respect des libertés fondamentales des personnes, mais cela pose un problème de survie - c'est comme ça qu'il faut l'appeler - de la majorité francophone au Québec et c'est là qu'on n'agit pas.

Ensuite, il y a quelque chose de totalement inacceptable. La commission scolaire n'est plus confessionnelle; elle serait linguistique, sauf que tous les pasteurs catholiques et protestants auraient le droit de visiter toutes les écoles, indépendamment qu'elles soient catholiques ou protestantes. Ça aussi, c'est inacceptable. Si les parents choisissent une école neutre, ce n'est pas pour se faire imposer ce droit inscrit dans une loi qu'on vienne leur faire de la propagande. Je ne porte pas de jugement sur la valeur du programme, mais sur le respect des personnes, et je trouve que ça va loin. Je n'aurai pas d'autres commentaires parce que je pense que vous avez raison sur la grande partie de vos interventions.

En ce qui concerne l'établissement de commissions scolaires unifiées, le gouvernement du Parti québécois, à tort ou à raison, mais jusqu'ici je ne suis pas en mesure de vous dire qu'on avait tort et que ce n'était pas le choix politique qui nous apparaissait avoir le plus d'avenir, a choisi l'établissement de commissions scolaires linguistiques de préférence à des commissions scolaires unifiées. Mais je suis d'accord avec vous au moins sur un point, c'est que les commissions scolaires linguistiques, tout ce réseau qu'on a au Québec, qui est double partout, dans tous nos établissements publics, nous coûte particulièrement cher aux niveaux primaire et secondaire. On a une double structure partout et cela coûte cher. N'importe qui le sait. Le ministre essaie de centraliser tous les pouvoirs ici.

Peut-être voudriez-vous faire quelques commentaires?

M. Paradis (André): Pour terminer - si j'ai bien compris, on s'en va vers la clôture - on a écouté attentivement les arguments du ministre, bien qu'on les connaissait déjà avant de venir devant cette commission parlementaire, mais on

reste convaincus - je le reste et je pense que c'est aussi le point de vue des autres - que la dynamique enclenchée par le projet de loi 107 ne mènera pas à une résolution des problèmes qu'on voit dans la structure et l'organisation confessionnelle du système scolaire.

On reste convaincus que, avec le Conseil supérieur de l'éducation, la Commission des droits de la personne et d'autres organismes, il faut s'engager de façon urgente dans les négociations qui vont lever le verrou constitutionnel posé par l'article 93 et que c'est sans doute la voie la plus difficile, mais c'est celle qui va nous permettre d'en arriver à la résolution réelle des problèmes, nous le répétons, qu'il ne faut pas sous-estimer à l'heure actuelle et dont les effets sont très concrets dans certains secteurs du système scolaire, et je pense en particulier à la région de Montréal. Je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci. En conclusion, M. le ministre de l'Éducation.

M. Ryan: En vous écoutant ce matin, je vous ai souvent entendus parler du privilège accordé à des confessions religieuses, en particulier la confession catholique et la confession protestante. Le gros problème est justement au plan de la perception; pour vous, ce sont des privilèges et, pour d'autres, ce sont des droits. Il y a là un arbitrage à faire.

Si on faisait le tour de la population du Québec pour lui demander si elle considère le respect des valeurs religieuses dans les écoles comme un droit ou un privilège, je suis convaincu qu'elle répondrait: C'est un droit. C'est là que le gouvernement propose sa réponse. Vous avez le droit à votre perception, mais là-dessus il y a un désaccord assez profond entre nous. C'est vraiment une question d'évolution des perceptions et de la philosophie politique de chacun, au fond; ces choses-là n'existent pas à l'état pur. En tout cas, ma perception est celle que je vous donne en toute sincérité. Je suis convaincu que la très grande majorité de nos concitoyens voient, dans cette question, une question de droits fondamentaux qu'ils perçoivent différemment de vous. Là où vous mettez le mot "privilège", un très grand nombre de personnes éminemment respectables vont mettre le mot "droit". Au bout de la ligne, un arbitrage se fait par l'Assemblée nationale, le gouvernement et l'électorat. C'est le point où nous en sommes. Je pense que nous pourrions discuter des heures durant sur ce qui va dans le concept de droit et dans celui de privilège. Pour le moment, j'enregistre les différences et je pense qu'elles ont été exposées clairement une fois de plus. Mais le gouvernement pense davantage à une conception libérale des droits. (11 h 15)

Je voudrais m'inscrire en faux contre une affirmation énorme que j'ai entendue tantôt des lèvres de la députée de Chicoutimi, une calomnie à l'endroit de nos commissions scolaires confessionnelles. Vous avez dit que, par étroitesse, elles ont transféré ou permis le transfert des immigrants du côté des écoles protestantes, et c'est faux. La Commission des écoles catholiques de Montréal, à l'endroit de laquelle j'ai souvent fait des critiques, a accueilli des milliers et des milliers d'immigrants dans ses écoles depuis la fin du deuxième conflit mondial. Le reproche qu'on a pu lui adresser, c'est de les avoir inscrits dans ses écoles anglaises, mais elle les a accueillis dans ses écoles...

Mme Blackburn: Oui, dans les écoles anglaises.

M. Ryan:... catholiques. Tantôt, vous disiez que c'était par intolérance religieuse et, à mon point de vue, c'est absolument faux. Encore aujourd'hui, la très grande majorité des enfants d'immigrants vont dans les écoles de la Commission des écoles catholiques à Montréal, dans les écoles de la Commission scolaire Sainte-Croix...

Mme Blackburn: Parce qu'ils n'ont pas le choix.

M. Ryan:... et c'est une minorité qui est dans les écoles de la Commission des écoles protestantes. On peut engager le débat au point de vue linguistique, c'est un autre débat. Mais venir créer une impression comme celle qui l'a été tantôt, je pense que cela répugne d'abord à toute connaissance la moindrement sérieuse des faits à Montréal.

Mme Blackburn: Les écoles françaises se sont multipliées par dix à la PSBGM.

M. Ryan: Les immigrants en général insistent beaucoup sur le choix de l'école. On a remarqué, encore une fois, qu'une majorité insiste pour aller du côté des écoles de la CECM et de la Commission scolaire Sainte-Croix, et aucune violence, aucune pression n'est exercée sur eux de ce point de vue.

Je n'ai pas d'inquiétude non plus au sujet de l'éclatement de l'école. J'ai entendu des théories là-dessus. Nous avons autorisé la fondation de quelques écoles particulières. Allez transiger avec les représentants de la confession musulmane quand ils vous disent qu'ils voudraient avoir une école qui va leur permettre de transmettre les valeurs essentielles de leur religion. Nous leur avons accordé un permis pour la création d'une école privée à Montréal, avec une reconnaissance pour fins de subventions, et j'en suis très fier. Je pense que c'est faire une place à cette communauté d'importance mondiale dans la famille des grandes confessions qui sont représentées dans notre communauté québécoise. Je pense qu'il faut respecter leur point de vue quand ils nous disent que l'école publique ne

peut pas répondre complètement à leurs attentes. Je ne pense pas qu'on fasse un gros fractionnement en faisant cela. Les élèves qui sont dans nos écoles privées représentent à peu près 8 % de tous les élèves des niveaux primaire et secondaire au Québec. Nous les contenons dans des bornes très raisonnables.

Le Président (M. Parent, Sauvé): En conclusion, M. le ministre.

M. Ryan: Je termine là-dessus en disant que ce débat est toujours extrêmement intéressant et que nous le reprendrons sans doute avant longtemps. Merci.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Je vous remercie, M. le ministre. M. Paradis, Mme Lapierre, M. Laberge, merci.

La commission suspend ses travaux pour quelques minutes.

J'invite immédiatement le groupe suivant, à savoir l'Association des usagers de la langue française, à s'approcher.

(Suspension de la séance à 11 h 18)

(Reprise à 11 h 22)

Association des usagers de la langue française

Le Président (M. Parent, Sauvé): J'invite les membres de la commission à prendre place. La commission permanente de l'éducation poursuit ses travaux en accueillant l'Association des usagers de la langue française, dont le porte-parole est M. Robert Auclair qui en est le président. M. Auclair, bienvenue et merci beaucoup d'avoir répondu à l'invitation de la commission pour venir nous faire connaître vos réactions ou le fruit de votre réflexion sur les deux projets de loi qui font l'objet de l'étude par cette commission.

M. le président, si vous voulez bien nous présenter les gens qui vous accompagnent et enchaîner immédiatement avec la présentation de votre mémoire. La commission a prévu de vous entendre durant environ 45 minutes. Alors, dès que vous aurez terminé votre exposé, nous allons amorcer le dialogue entre vous, les gens qui vous accompagnent et les membres de cette commission. Le porte-parole, c'est M. Auclair? M. Auclair, nous vous écoutons.

M. Auclair (Robert): Je vous présente à ma droite M. Jacques Perrin, qui est juriste et qui est un ancien membre de la Commission de la fonction publique du Québec, à ma gauche, M. Michel Sparer, qui est un jurilinguiste et qui est le secrétaire général de l'association, plus loin, M. Jean-Claude Gémar, professeur de jurilinguistique à l'Université de Montréal, à l'arrière, M.

André Breton, adjoint du juge en chef associé de la Cour supérieure, le juge Pierre Côté qui est également juriste. Vous avez ici M. Jean-Louis Jobin qui est professeur de français et, en arrière de moi, M. François Lavallée qui est traducteur et M. Laberge qui est en arrière.

M. le Président, M. le ministre, mesdames, messieurs, nous vous remercions d'avoir bien voulu nous accorder quelques minutes pour nous permettre de faire entendre un point de vue sur un aspect particulier du projet de loi qui est celui de la forme. C'est peut-être le seul qui touche à cet aspect des projets de loi que vous avez devant vous.

Je vous rassure immédiatement que je ne vous lirai pas les 25 pages du mémoire. Je vais insister sur quelques points seulement et feuilleter avec vous quelques autres pages...

Le Président (M. Parent, Sauvé): C'est rassurant!

M. Auclair: Je vous rassure au départ et je vais essayer de tenir ma promesse!

Le Président (M. Parent, Sauvé): Allez!

M. Auclair: Brièvement, l'Association des usagers de la langue française a pour raison d'être de promouvoir l'usage d'une langue française de qualité, c'est-à-dire qui assure une communication efficace et cohérente. Il est important, dans un contexte démocratique, que le législateur s'exprime aussi clairement que possible pour que tous les intéressés comprennent le texte de la même façon. L'association a pris connaissance des projets de loi et constate évidemment qu'il y a des progrès qui ont été apportés dans la rédaction des lois depuis quelques années.

Nous tenons tout de même à faire quelques brèves observations sur les deux projets à l'étude. Il ne s'agit pas d'un relevé complet mais tout simplement de quelques observations, parce que nous croyons que la Loi sur l'instruction publique doit être un modèle en ce qui concerne la qualité du français. À un moment où tout le monde parle de la francisation du Québec, il est important que l'État donne l'exemple.

Si je vais à la première page, une brève suggestion: ne serait-il pas préférable de parler de la loi sur l'éducation? Après tout, nous avons un ministre de l'Éducation, un ministère de l'Éducation, un Conseil supérieur de l'Éducation. Peut-être pourrait-on l'appeler de justesse loi sur l'enseignement primaire et secondaire public? C'est une suggestion que nous laissons à votre réflexion.

Le point suivant sur lequel je désire insister, celui sur lequel nous allons appuyer davantage, est la dénomination "commission scolaire". Comme l'indiquent les notes explicatives, ce projet de loi remplace la Loi sur l'instruction publique dans le but de lui donner

une structure nouvelle plus cohérente, de la moderniser et de la rationaliser. Ce projet comporte des modifications importantes au régime scolaire actuel par la création de commissions scolaires francophones et anglophones, l'institution des comités à la commission scolaire, de mécanismes de représentativité des minorités linguistiques, du droit de vote aux parents, de l'obligation d'adopter certaines décisions par voie de règlement. Il y a donc un changement substantiel des structures de cet organisme et le réseau scolaire ne sera plus, à l'avenir, ce qu'il est maintenant. Nous constatons que la dénomination "commission scolaire" est inexacte et a, de plus, l'inconvénient de dévaloriser l'institution comme telle et ceux qui la dirigent.

Du point de vue de la langue, la définition du mot "commission" contenue dans les principaux dictionnaires fait voir que c'est une réunion de personnes à qui une autorité supérieure confie le mandat d'étudier une situation, un projet, un travail en vue de décisions à prendre pour l'autorité qui délègue. Ainsi, dans les années soixante, on a eu la commission d'enquête sur l'éducation au Québec, la commission Parent, qui a fait des recommandations au gouvernement qui, lui, a créé le ministère de l'Éducation. Il y a un organisme qui s'appelle Commission municipale du Québec, qui a un statut et des pouvoirs, et la présente commission parlementaire qui fera rapport à l'Assemblée nationale. Ce sont de vraies commissions.

Comme l'écrit Gérard Dagenais dans son Dictionnaire des difficultés de la langue française au Canada, une commission "étudie ou prépare des projets, contrôle des travaux, constate des faits, donne des avis, mais n'administre ni ne gère. Les membres d'une commission sont des délégués d'une autorité. Ils sont des agents. " Les linguistes que nous avons consultés - nous en avons consulté plusieurs - sont de notre avis. Ainsi, qui ne se souvient des critiques formulées contre la dénomination "Commission des liqueurs", qui était un calque de "Liquor Board" et qui a été utilisée pendant un demi-siècle? Maintenant, tout le monde parle de la Société des alcools. Personne n'est induit en erreur et la langue ne s'en porte que mieux.

En 1968, le ministère de l'Éducation a publié, en collaboration avec l'Office de la langue française, une brochure intitulée Vocabulaire de l'éducation au Québec - que j'ai retrouvée dans mes vieux papiers et qui n'est pas très répandue maintenant - où l'on peut lire qu'il s'agissait d'améliorer le texte de la loi, de corriger des impropriétés. Aux mots "commission scolaire", on lit ceci: "Corps public électif qui administre la ou les écoles publiques d'un territoire donné. La dénomination de commission scolaire est impropre. Il s'agit d'un conseil scolaire. Ses membres sont des conseillers. " Je rappelle que c'est dans le vocabulaire du ministère publié en 1968. Nous ne sommes pas des précurseurs, ce matin, en insistant sur l'utilisa- tion du mot "conseil".

S'il fallait avoir comme attitude de conserver une expression parce qu'elle a 50 ou 100 ans d'usage au Québec, on devrait renoncer à améliorer la qualité de la langue. Je vous cite rapidement un exemple cocasse qui est dans le Code civil actuel, l'article 1571a, où dans le cas de vente de créances, on peut lire que doit être publié un avis dans un papier-nouvelles en langue française et un papier-nouvelles en langue anglaise. Il faut bien savoir que c'est la traduction de "newspaper", le journal d'aujourd'hui. Cela fait encore partie de nos lois après 100 ans. (11 h 30)

On ne compte plus les corrections que le législateur a faites dans nos lois. Il s'agit d'en citer une: "service civil" a été remplacé par "fonction publique". Pierre Daviault, le regretté linguiste, disait, dans le temps, désespérer d'amener les Canadiens à utiliser cette nouvelle expression. Aujourd'hui, tout le monde parle de la fonction publique; les gens ignorent même qu'on a déjà dit service civil.

Le Code de procédure pénale a remplacé le nom de la Loi sur les convictions sommaires qui était un calque de l'anglais "Summary Conviction Act". Ce sont des choses qui ont été faites. La Police Provinciale, c'est devenu la Sûreté du Québec. Grâce à Expo-67, la cité de Montréal, qui était appelée ainsi depuis 1851, est devenue après un siècle la ville de Montréal, et ce, pour un motif purement linguistique. On peut dire la même chose de la ville de Québec et de plusieurs autres grandes villes au Québec.

À la suite d'une intervention de notre association, le ministère du Revenu fédéral a décidé de suivre le bon exemple donné depuis 1966 par le gouvernement du Québec et d'éliminer dès 1988 les rapports d'impôt. Dorénavant, il y aura des déclarations de revenus. Nous ne serons pas plus riches mais la langue française s'en portera mieux.

Ces quelques exemples que nous pourrions multiplier suffisent à vous convaincre d'abord qu'il est possible de corriger un terme impropre, même s'il circule depuis longtemps et, ensuite, que notre population, qui a appris une terminologie incorrecte qu'on lui a proposée, est capable d'apprendre les termes justes et de les uitliser. Elle le fait même avec empressement, lorsqu'on lui explique le pourquoi du changement.

Dans le projet de loi à l'étude, selon nous, le législateur se doit d'utiliser "conseil scolaire". Un conseil est une réunion de personnes qui délibèrent en vue de décisions à prendre par elles-mêmes. Ainsi, on a le Conseil des ministres, un conseil municipal, un conseil d'administration d'une compagnie, un conseil syndical. Les personnes élues, celles qui seront à l'avenir à la tête du corps appelé commission scolaire dans le projet de loi, rempliront réellement la fonction de personnes qui sont membres d'un conseil. Il

va sans dire que le conseil scolaire de Montréal, dont la composition sera modifiée, pourrait porter une autre dénomination, par exemple celle de communauté, à l'imitation de communauté urbaine.

Après la rédaction de ce mémoire, j'ai consulte un ouvrage de Gérard Dagenais qui commentait le projet de loi présenté par le ministre, M. François Cloutier, en 1972. Il écrivait: "La loi - la loi du temps - nomme le Conseil scolaire de Montréal que nous nommerons, nous, afin qu'il soit au moins possible de continuer de nous exprimer en français, le Conseil scolaire général de Montréal. C'est bien, en effet, de la naissance d'un conseil scolaire général qu'il s'agit, les autres n'étant plus que des conseils scolaires particuliers. " Évidemment, c'est une autre solution que celle d'utiliser "communauté", mais cela fait tout de même voir l'idée du mot "conseil" qui est toujours de l'avant.

Enfin, sur l'expression "commission scolaire", le Québec est le foyer de la francophonie en Amérique du Nord. Il serait bien mal avisé de conserver cette dénomination, lorsque la Loi sur l'éducation de l'Ontario que j'ai ici et la loi sur celle du Nouveau-Brunswick, utilisent toutes deux le terme "conseil scolaire" qui correspond à l'anglais "school board". Je voyais dans Le Devoir du 27 août - c'est tout récent - une annonce du Conseil scolaire de Port au Port à Stephenville, à Terre-Neuve, où l'on disait d'écrire au "school board" évidemment, parce qu'on demandait des professeurs de français. Encore ici, on a le conseil scolaire de la ville de Toronto. Dans les autres provinces, c'est conseil scolaire. Les conseils scolaires ontariens sont d'ailleurs regroupés dans l'Association française des conseils scolaires de l'Ontario. Un litige est allé jusqu'en Cour suprême du Canada, sur la question de conseil scolaire. Nous n'insistons pas davantage et nous croyons que ce n'est pas parce qu'un traducteur a utilisé le mot "commission" au XIXe siècle, sans trop vérifier la définition, qu'il faut perpétuer l'emploi de ce mot.

Enfin, M. Louis-Philippe Audet, qui fait l'histoire du système scolaire du Québec, explique qu'en 1841, lorsqu'on a créé ce qu'on a appelé les commissions scolaires, elles étaient des groupements rattachés aux conseils municipaux et non pas des personnes morales autonomes, comme elles le sont maintenant.

Il est possible, M. le ministre et messieurs les membres de la commission, que des gens s'opposent à un tel changement; le changement fait toujours peur. Mais si un usage doit être conservé à tout prix en dépit de son caractère fautif, autant dire qu'il sera difficile de poursuivre le redressement de la langue juridique. Nous refusons de croire à cette éventualité et nous avons confiance que vous examinerez d'un oeil bienveillant notre suggestion.

En terminant, parce que je vous citais tantôt un extrait de Dagenais, j'ajouterais que dans la même page M. Dagenais écrivait: Tant que l'État continuera d'enseigner aux maîtres, aux élèves, à toute la population qu'un conseil scolaire peut s'appeler commission, l'enseignement du français ne pourra guère progresser au Québec. " Évidemment c'est une opinion, mais c'est celle d'un linguiste qui avait une certaine réputation.

À la page 8, si vous nous suivez vous voyez qu'il y a d'autres observations. Je n'ai pas l'intention de vous les lire. Je vous signale, par exemple, qu'à l'article 3 c'était une question de formulation d'une phrase; à la page 9 également, c'est la formulation de phrase que nous croyons meilleure. Alors, je sais que vous savez lire comme nous et que vous êtes un peu pressés par le temps. Je ne veux pas vous retenir davantage. À la page 10, au troisième alinéa, je veux juste vous signaler des choses qui surprennent parfois; à l'article 8, on dit que l'élève a droit à la gratuité des manuels scolaires et du matériel didactique. Dans le projet de loi, on prend la peine de noter que les crayons et les papiers ne sont pas du matériel didactique. L'assertion est surprenante, même si les juristes y voient un artifice de rédaction. Il serait plus clair, et plus simple d'écrire que les crayons sont à la charge de l'élève. Dans le reste de la page, il y a d'autres observations du même genre.

À la page 11, assermenter. On ne peut assermenter une plainte, on la dépose plutôt sous serment. À l'article 54, c'est le deuxième point sur lequel je veux insister après celui de la commission scolaire, soit le mot "profession". À l'article 322, on peut remarquer que le mot "profession" est utilisé dans le sens que tout le monde utilise, à savoir que quelqu'un indique ses nom, prénom, profession et domicile. C'est le sens général. Par ailleurs, à l'article 205, le mot "occupation" est un calque de l'anglais. On dit "en outre des spécialités professionnelles... des programmes d'études conduisant à une fonction de travail ou à une occupation... " À ce moment-là le mot "occupation" est un calque de l'anglais "profession" et devrait être remplacé par "professionnel", parce qu'un menuisier, en français, c'est autant un professionnel qu'un architecte.

Je reviens aux articles 54 et 62. Vous pouvez lire à l'article 54 la composition du conseil d'orientation. Il y a des enseignants, il y a des professionnels, il y a des élèves. Le substantif "professionnel", à ce moment-là, n'est pas utilisé dans son sens général, puisque les enseignants n'y sont pas vus comme des professionnels; seraient-ils des amateurs, à la différence, par exemple, des orienteurs ou des travailleurs sociaux qui, eux, sont vus comme tels? Le projet de loi ne définit pas ce mot. Tout au plus, nous savons que l'article 29 de la Loi sur le régime de négociation des conventions collectives dans les secteurs public et parapublic mentionne trois catégories de salariés: le personnel de soutien, le personnel professionnel non

enseignant, puis les enseignants. Si l'on juge à propos de mentionner qu'il y a un personnel professionnel non enseignant, ce doit être pour faire la distinction avec le personnel professionnel enseignant. Alors, qui ferait partie de ce dernier groupe, qui ne comprendrait pas les enseignants? L'emploi du mot "professionnel" fait problème. Cela vient du fait qu'on l'utilise, comme à l'article 64 de la Loi sur la fonction publique, pour traduire littéralement le mot anglais "professional" qui, lui, désigne des membres des professions libérales, également appelés des professionnels libéraux. Nous savons que dans la législation, évidemment, vous ne pouvez pas changer un mot sans tenir compte du contexte général des lois au Québec. Il nous paraît que le ministère de l'Éducation, qui a le souci de la langue, devrait peut-être profiter de l'examen de ce projet de loi pour sensibiliser les autres ministères et voir à examiner l'emploi de ce mot qui est équivoque et aboutit à des drôles de situations.

Au bas de la page 12, à l'article 115, il est dit qu'une commission scolaire a une juridiction. Évidemment ça vient de "jurisdiction". Il faudrait parler de compétence.

Aux articles 143 et 147, il y a une expression que l'on voit souvent non pas seulement dans le monde scolaire, mais dans le monde municipal aussi, on parle des séances régulières et spéciales des commissions scolaires. Ce sont deux mots français, mais qui sont des anglicismes dans ce cas. Il faudrait parler d'une séance ordinaire et extraordinaire. A l'article 146, on parie des procédures de convocation. En français, le mot "procédure" est un terme collectif, c'est un ensemble de démarches. C'est "la procédure".

Et à la page 14 - comme vous le voyez, je procède rapidement - il y a des articles comme le 149 où ce sont des questions de formulation. Je signale à l'article 173 l'expression "pour les fins de". C'est "for the purposes of, c'est un calque. Cela n'existe pas. C'est "aux fins de". L'article 236, où il est dit que "la commission scolaire a pour fonction d'acquérir ou de louer les biens meubles... qu'elle peut construire, réparer, entretenir ou louer ses meubles". Le mot "louer" a deux sens en français. Il peut vouloir dire "prendre en location" et également "donner en location". Alors ne serait-il pas préférable de "donner" en location ou de "prendre" en location pour préciser le sens d'une expression comme celle-là?

Au bas de la page, un "affidavit". Je signale qu'un affidavit est une déclaration sous serment. Et je sais que le ministère de la Justice, qui est à revoir le vocabulaire qu'il utilise, va suggérer de remplacer cette expression.

Article 314, où on dit évidemment "... à défaut de paiement des taxes... des immeubles à être vendus". C'est là un anglicisme de construction, un claque de "to be sold". II faudrait parler des immeubles "à vendre" ou encore "mis en vente".

Je saute à la page 17, au bas de la page. Par exemple, on mentionne qu'un avis est dûment "complété". Encore là, c'est un calque de l'anglais "completed". S'il s'agit d'un formulaire, on le remplit, en français.

À l'article 494, on trouve même un barbarisme, c'est-à-dire quelque chose qui n'existe pas en français, où il est dit que "le 1er juillet de l'année qui suit celle de la publication du décret des divisions territoriales, les personnes à l'emploi des commissions scolaires... ". C'est un calque de "in the employ of. II s'agit tout simplement des personnes qui travaillent dans les commissions scolaires, du personnel affecté aux commissions scolaires.

L'article suivant, 511, le mot "officier". Je me permets une observation. Le mot "officier" dans la loi, c'est écrit que cela "désigne tout membre d'un conseil municipal et il comprend également tout officier ou employé d'une municipalité". Alors le mot "officier" est un archaïsme qui est devenu un anglicisme. Ce n'est pas une raison pour le conserver. Et la définition emploie le terme "défini" c'est-à-dire dans le défini, on a le mot "officier". Alors cela tourne en rond. Enfin, selon le simple bon sens, il nous paraît anormal d'étendre le sens du mot "officier" au mot "employé"; cela nous fait penser à une armée sans soldat. Tout le monde est officier. Ne pourrait-on pas utiliser un générique tel que "représentant"?

À la page 19, article 577. C'est encore là une question de formulation sur laquelle nous attirons votre attention. On dit que "la présente loi ne porte pas atteinte aux libertés de conscience et de religion". Évidemment, nous ne touchons pas au fond du problème. Mais il nous paraît que le fait d'affirmer qu'une disposition ne porte pas atteinte à un droit, cela ne suffit pas à mettre cette disposition à l'abri d'un recours en vertu de la charte. Et c'est pourquoi nous suggérons peut-être - au bas de la page 20 - qu'il serait plus simple de dire: "Dans la mesure où la présente loi accorde des privilèges et des droits à des personnes ou groupes de personnes qui appartiennent à une confession religieuse, elle s'applique, malgré les articles de la charte. " À ce moment-là, on reconnaît une situation de fait. Le législateur a des raisons de prendre une décision. On dit qu'on accorde des droits en dépit de la charte. Alors cela clarifie la situation.

C'est tout pour le projet de loi 107. Deux observations rapides sur le projet de loi 106. À un moment donné, parce qu'il est question d'élections, il est dit qu'à la fin du scrutin, "le scrutateur scelle l'urne et appose un cachet sécuritaire portant un numéro". Or, le mot "sécuritaire" n'est pas dans les dictionnaires généraux de la langue, mais il a fait l'objet d'un avis de recommandation de l'office. Par contre, le mot "sécuritaire" signifie "l'absence relative de danger matériel pour un usager". Le législateur ne veut sûrement pas parler d'un cachet qui ne

présente pas de danger pour le scrutateur. Il veut plutôt parler d'un "cachet de sûreté" qui devrait être l'expression utilisée.

Et, à la page suivante, on retrouve de nouveau à l'article 104, l'expression "à l'emploi de".

Aux articles 156 et 159 - ce sont peut-être des détails, me direz-vous - mais quand on dit: "sont considérés comme les lieux d'un bureau de vote l'édifice où il se trouve". Le mot "édifice" en français est un terme amélioratif qui veut dire "beau", qui désigne un bâtiment qui est important ou beau. Alors les bureaux de vote, même s'ils sont souvent dans les écoles, ne le sont pas toujours et parfois il serait peut-être mieux de dire qu'ils sont dans des "bâtiments" qui est un terme neutre et qui ne qualifie pas l'édifice, comme tel.

À la page 23 - et je vais terminer dans quelques secondes - on parle de "l'inobservance de la loi". "L'inobservance" relève du vocabulaire non blasphématoire de la religion. Il s'agit plutôt de ('"inobservation" de la loi. (11 h 45)

À l'article 179, on écrit que "la décision de la Cour supérieure est finale". Le mot anglais "final" veut dire, en fait, "sans appel". Souvent, c'est une traduction littérale, et si on veut dire qu'il dispose du fond, on devrait plutôt parler d'un jugement définitif. Si on veut dire qu'il n'y a pas d'appel, on utilise l'expression "sans appel", qui est utilisée dans plusieurs lois, qui a été introduite dans le Code du travail, par exemple. Tout le monde se comprend bien.

À l'article 209, "breuvage". Évidemment, quand on était jeune, on nous disait de ne pas dire l'abreuvoir, des breuvages. On nous disait: Vous n'êtes pas des boeufs. Un de nos professeurs nous disait cela. Dans un texte de loi, c'est une expression qui nous paraît inappropriée. Dans un texte on devrait plutôt parler de boissons alcooliques.

Évidemment, encore l'observation concernant la "juridiction" des commissaires. J'ai peut-être passé un peu vite. Je vous remercie de votre bonne attention.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): M.

Auclair, je vous remercie de votre présentation.

Je cède maintenant la parole au ministre de l'Éducation.

M. Ryan: M. Auclair, messieurs les membres du groupe qui représente l'Association des usagers de la langue française, il m'est agréable de vous saluer ce matin à la suite de ces notes que vous nous avez soumises concernant la qualité linguistique des projets de loi 106 et 107.

Vous avez rappelé, dans la première partie de vos notes, l'évolution qui s'est produite dans l'emploi d'un bon nombre d'expressions fréquemment utilisées dans nos textes législatifs. Vous avez donné l'exemple des Statuts refondus du

Québec qui sont devenus les Lois du Québec, le Service civil qui est devenu la Fonction publique, la Sûreté du Québec qui a remplacé l'ancienne - comment l'appelait-on autrefois? Nous autres, on l'appelait la PP - la ville de Montréal qui a remplacé l'ancienne expression "la cité" de Montréal. Je pense que ce sont tous des exemples qui sont très intéressants et très pertinents. Je pense bien que ce processus doit se poursuivre continuellement. C'est plus facile de le réaliser dans certains cas que dans d'autres.

Je prends deux exemples de changements que vous proposez. Le titre même de la loi. Nous l'appelons Loi sur l'enseignement primaire et secondaire, et vous demandez s'il ne serait pas préférable de l'appeler tout simplement Loi sur l'éducation. Inutile de vous dire que nous en avons longuement disserté. Nous avons pesé le pour et le contre et, finalement, l'expression "loi sur l'enseignement primaire et secondaire" nous est apparue beaucoup plus précise, beaucoup plus apte à définir exactement ce dont il est question dans le texte. L'expression "Loi sur l'enseignement primaire et secondaire" qui était employée dans la loi 3 nous apparaissait plus exacte que "loi sur l'éducation". Après coup, nous ne voulions pas limiter le concept à celui d'enseignement non plus.

C'est là qu'après avoir fait le tour du jardin, nous en sommes revenus à l'expression de base "Loi sur l'instruction publique" qui a un contenu historique très fort, qui est facilement identifiable par tout le monde et à laquelle personnellement je ne vois pas de motifs impérieux de substituer une autre expression. C'est cependant une question qui est ouverte. Évidemment, pour les fins de concordance législative, le statu quo en ces choses est toujours un peu plus facile que le changement radical. Le changement aurait très bien pu s'envisager. Nous allons regarder la question encore.

Vous avez fait des observations pertinentes ce matin. Nous allons les examiner sous tous leurs aspects, dans toutes leurs implications. La porte n'est pas fermée à une modification, j'allais dire à un "amendement", mais j'en reparlerai tantôt.

M. Auclair: Un amendement au projet, cela va.

M. Ryan: L'expression "commission scolaire". Savez-vous, j'ai fait une expérience récemment. J'ai eu l'honneur de présider au lancement d'un nouveau dictionnaire québécois que vous connaissez, qui s'appelle le Dictionnaire du français plus. Une des premières choses que j'ai faites a été de regarder ce qu'on écrirait sous le thème "commission", parce que je pensais à notre projet de loi et je me disais: Ils vont peut-être rejeter l'expression "commission scolaire" et cela m'aurait peut-être fourni un argument. Je suis

bien intéressé par l'expression "conseil scolaire"; je la trouve franchement plus belle. À mon grand étonnement, j'ai trouvé là-dedans une confirmation de cette expression plutôt qu'une remise en question. Je pense que vous avez peut-être déjà feuilleté ce dictionnaire qui a été fait par des experts de l'Université Laval; ces gens ont fait un travail considérable de compilation et d'étude de nos habitudes linguistiques et des éléments qui constituent notre trésor linguistique. Que faire devant une chose comme celle-là? Est-ce qu'il faut être plus catholiques que le pape? C'est une expression utilisée depuis très longtemps. Est-ce qu'il faut opter plutôt pour un élargissement du contenu du mot "commission" qu'on prête au mot "commission", ajouter un huitièmement dans le dictionnaire Le Petit Robert? Il y en avait sept et on en met un huitième? Là-dessus, je suis plutôt de tendance libérale, comme en d'autres choses, d'ailleurs.

J'ai beaucoup de respect pour les choses qu'on me soumet, mais j'exige qu'on me fasse une preuve assez forte. Dans ce cas-ci, la preuve est impressionnante, je vous le dis franchement. C'est un point que nous allons examiner de nouveau. Vous regarderez ce qui est dit dans Le Dictionnaire du français plus; je vais le relire. Je vais parler avec les auteurs du dictionnaire. En causant avec eux, j'ai appris une chose. On a parlé à un moment donné de l'Office de la langue française. Savez-vous ce qu'ils m'ont dit? Ils ont dit: II y a plusieurs expressions qui ont été mises en circulation par l'Office de la langue française et que nous n'avons point retenues dans le dictionnaire, parce qu'ils trouvaient que, tout en étant très pures, ces expressions n'avaient aucune espèce de chance d'être utilisées pratiquement. On peut discuter à l'infini, mais la langue est faite pour parler, pour échanger, pour communiquer; elle n'est pas faite pour satisfaire à des besoins purement puristes non plus. Cela m'a impressionné, et cela fait partie de ma réflexion qui continue là-dessus et qui ne sera jamais terminée, je l'espère bien.

Je pense qu'un bon nombre des remarques que vous faites dans votre mémoire pourront être retenues dans la version définitive du projet de loi et je l'apprécie hautement. Il y en a d'autres. Prenez le mot "affidavit"; je n'ai aucune espèce d'objection à ce qu'il entre le plus tôt possible dans le dictionnaire français. Je ne vois pas pourquoi; c'est un mot latin, au bout de la ligne. Je remarque une chose: la langue anglaise assimile chaque année des milliers de mots nouveaux. La langue française est extrêmement plus retenue et plus puriste. Laquelle fait de l'expansion? Laquelle connaît de l'expansion et laquelle se répand plus vite? Il me semble que celle qui manifeste un pouvoir assimilateur plus grand a beaucoup plus de chances. Nous devons être prudents chez nous à cause du contexte particulier dans lequel nous évoluons, je le reconnais volontiers. Mais j'ai toujours toujours été partisan du développement d'un plus grand pouvoir assimilateur de la langue française, et il ne faut pas que cela devienne un saint office linguistique, les préoccupations qu'on a de ce côté-là. Il faut qu'on soit le plus libéral possible, pourvu que ce soit en conformité avec des normes fondamentales dont vous rappelez plusieurs exemples dans votre mémoire, pour notre plus grand profit.

Le mot "final". On en a discuté depuis des générations. Je le prends dans son sens obvie et cela ne me fait pas peur que le jugement soit final, sans rémission, définitif ou sans appel. Je vais vous dire franchement que ce n'est pas cet exemple qui m'empêcherait de fonctionner. Mais je dis tout ceci avec crainte et tremblement parce qu'après avoir corrigé des copies qu'on me soumet souvent avec une exigence très grande, parfois je retourne dans mon bureau et je commence à vérifier mes propres copies et je me dis que je ne suis peut-être pas tellement meilleur que ceux que j'ai corrigés tantôt. Je pense que le contexte dans lequel nous vivons exerce une influence extrêmement forte sur nos habitudes. C'est pour ça que la vigilance est de mise. J'apprécie énormément la contribution qu'un organisme comme le vôtre peut fournir à nos débats et recherches en ces matières. La présentation que vous avez faite ce matin est extrêmement pertinente et je l'apprécie vivement. Je veux vous donner l'assurance que nous allons examiner chacune de vos suggestions avec toute l'attention souhaitable. Je vous en remercie cordialement. Nous avons un autre rendez-vous avec vous.

Vous m'avez saisi à plusieurs reprises depuis deux ans de la pauvre qualité linguistique des textes de nos conventions collectives. Je vous ai répondu à plusieurs reprises là-dessus, vous disant que je faisais part de l'inquiétude que je partage avec vous à ceux qui sont les auteurs de ces textes, c'est-à-dire les avocats des syndicats et les avocats de la partie patronale. Il me fait plaisir de vous dire qu'en préparation de la prochaine ronde de négociations, nous tiendrons des rencontres avec la partie syndicale où sera présente la partie patronale également. Nous aurons l'occasion de vous rencontrer pour en parler. Si nous pouvons faire un travail de déblaiement en préparation de la négociation proprement dite, nous allons le faire avec grand plaisir. Je ne pense pas que nous pourrons tout régler d'un coup, mais les ouvertures que vous avez faites de ce côté ont été soigneusement notées, les représentations que vous avez soumises étaient très bien documentées. Je suis content de vous dire ce matin qu'elles ne seront pas sans résultat. Merci.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien, M. le ministre. Est-ce que vous voulez réagir là-dessus, M. le président?

M. Auclair: Si vous me le permettez. Je vous dis merci, c'est une bonne nouvelle que

vous m'apprenez en ce qui concerne les conventions collectives. Cela va réjouir tous les membres de l'association.

Je reviens à "commission scolaire", si vous me le permettez. Je me suis dépêché d'acheter le Dictionnaire du français plus et je suis allé voir au mot "commission". Je peux vous dire qu'évidemment je ne suis pas juge de ce dictionnaire. Dans ce dictionnaire, je suis allé voir un autre mot également et j'ai vu "déclaration d'impôt". Je me suis dit... En 1965, j'étais intervenu auprès de M. Gérald Harvey qui était ministre du Revenu à l'époque et, depuis 20 ou 22 ans, au Québec, on a les mots "déclaration de revenus" sur tous les formulaires. J'ai relevé mon formulaire hier et, depuis 1966, c'est "déclaration de revenus". Malgré cela, les mots "déclaration de revenus" n'apparaissent pas au Dictionnaire du français plus. Par ailleurs, vu qu'il est utilisé au fédéral, on reconnaît "déclaration d'impôt". Comme je le dis dans mon mémoire, l'ASULF est intervenue l'an passé et nous avons eu la confirmation officielle à deux reprises qu'à partir de 1988, au fédéral, ce sera "déclaration de revenu". Alors, je me dis que le Dictionnaire du français plus va être en retard parce qu'il n'aura pas consigné les mots "déclaration de revenu" et qu'il aura retenu "déclaration d'impôt" qui sera un terme du passé et qui va s'en aller lentement. Alors, c'est peut-être la même chose pour les mots "commission scolaire". Peut-être qu'en voyant le législateur prendre une heureuse initiative, dans la prochaine édition - parce qu'ils ont des projets - ils vont dire "conseil scolaire". Dans ce dictionnaire que je ne déprécie pas, j'ai découvert également les mots "liqueur douce" et "marshmallow". Dans mon enfance, assez jeune, on m'a dit que c'était un anglicisme. Alors "liqueur douce" et "marshmallow" cela m'a fait grincher des dents un peu, et il y en a peut-être d'autres du genre.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): M. le président, est-ce que cela va?

Je vais maintenant reconnaître la porte-parole officielle de l'Opposition, Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. M. Auclair, je voudrais également saluer toutes les personnes qui vous accompagnent. J'ai lu avec beaucoup de plaisir, je dirais, votre mémoire. Je ne sais pas si c'est une première, mais pour moi, c'est la première fois que j'ai l'occasion de voir une critique d'un projet de loi faite sous cet angle. J'y ai vraiment pris beaucoup de plaisir. Je dirais qu'en plus du plaisir que j'ai eu à le lire, je pense que vos remarques sont extrêmement pertinentes. Aujourd'hui, il y a tout un débat sur la qualité de la langue parlée et écrite et sur la qualité de l'enseignement du français, en particulier dans nos écoles. Il me semble qu'on ne peut pas demeurer insensible, d'ailleurs; je pense que le ministre est également sensible à des recommandations et suggestions en vue d'amélio- rer la loi qui va régir précisément nos écoles publiques sur le plan du français. Je suis particulièrement heureuse de voir à la fois la qualité de votre réflexion et la qualité de votre présentation également.

En ce qui concerne le titre du projet de loi, vos remarques sont pertinentes. Je vous dirais que, comme j'entends mener une bataille sur plusieurs autres modifications pour ne pas dire amendements, je ne sais pas si je me battrai jusqu'à la limite pour faire changer le titre, mais je trouve que vos remarques sont pertinentes. (12 heures)

Cependant, en ce qui concerne le mot "commission", à voir le projet de loi 107, je finis par penser que le mot "commission" est plus conforme à la réalité parce qu'on a, pour ainsi dire, vidé les commissions scolaires de leurs pouvoirs. Elles se retrouvent plus dans une situation de commissions - quoiqu'une commission, je connais la définition mais quand même - ce ne seront plus vraiment des conseils scolaires au sens où on l'entend, où ils ont des pouvoirs réels. Elles en auront de moins en moins. Dans les autres provinces canadiennes, les commissions scolaires sont investies de pouvoirs un peu plus grands que ne le sont nos commissions scolaires ici ou les conseils scolaires des autres provinces. Je le dis en boutade, mi-sérieux mi-badin, mais je prétends que si le ministre ne modifie pas profondément son projet de loi, cela va plus ressembler à des commissions qu'à des conseils.

Sur les autres points, j'imagine que, comme législateurs, les conseillers qui seront appelés à travailler sur ce projet de loi vont être sensibles aux différentes remarques que vous avez faites. Effectivement, on finit par être influencés, c'est normal. Ce n'est pas seulement le Québec. Ce sont tous les pays. Les pays francophones, comme les autres, sont influencés beaucoup par l'anglais, ce qui fait qu'on retrouve des anglicismes non seulement dans les mots - on va dire un "parking" ou des choses comme cela - mais aussi dans les structures de phrases. On n'est pas toujours vigilants là-dessus. Quand on commence à porter un peu plus d'attention, on réalise que c'est facile à corriger et on prend l'habitude de le faire assez rapidement. Vous avez raison de dire que généralement, les Québécois se sont bien adaptés et ont bien adopté la plupart des modifications et des termes qui leur ont été suggérés pour appeler différentes choses. Il y en a quelques-uns qui n'ont pas passé la rampe. Je pense à "hambourgeois". À mon avis, je ne me battrais pas dans la rue pour faire appeler un "hamburger" un "hambourgeois". Je trouve qu'il y a quelque chose là-dedans qui ne sonne pas bien. Par ailleurs, on a réussi à imposer plusieurs termes nouveaux dans la langue française internationale. C'est intéressant. Je ne voudrais pas en dire plus. C'est une contribution précieuse, et je dirais unique, dans les débats de la commission parlementaire que nous connais-

sons. En ce qui me concerne, je voudrais vous assurer que je vais porter une attention particulière au moment où nous allons examiner le projet de loi article par article. Je vous remercie.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski):

Excusez, Mme la présidente. Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: C'est terminé, M. le Président.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Est-ce que vous voulez réagir, M. le président, s'il vous plaît?

M. Auclair: Nous vous remercions de l'attention et du temps que vous nous avez accordés. Nous allons espérer. Au revoir!

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): M. le président, MM. les représentants, nous vous remercions de vous être présentés devant cette commission. Nous allons suspendre temporairement la commission.

M. Auclair: Votre requérant ne cessera de prier.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski):

Immédiatement après, nous allons entendre le Ralliement provincial des parents du Québec.

(Suspension de la séance à 12 h 4) (Reprise à 12 h 5)

Ralliement provincial des parents du Québec

Le Président (M. Tremblay, Rimouski):

J'inviterais les représentants du Ralliement provincial des parents du Québec à prendre place, s'il vous plaît.

Nous allons continuer nos mémoires. Je demanderais au Ralliement provincial des parents du Québec de bien vouloir présenter leur mémoire. Je souhaite la bienvenue à M. Roméo Pa-quette, à M. le chanoine Achille Larouche, au docteur Gaston Deslippe et au révérend Edmond Robillard. Messieurs, bienvenue. Je demanderais maintenant à votre représentant, M. Paquette de bien vouloir nous livrer son mémoire dans un premier temps.

M. Paquette (Roméo): Je pense que c'est plutôt le chanoine qui va débuter.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski):

Chanoine Larouche.

M. Larouche (Achille): Très bien. M. le ministre, mesdames, messieurs. Je voudrais vous parler quelque peu du principe de subsidiarité en éducation et des relations connexes et également des objections qu'on fait à la confes-sionnalité, particulièrement aux commissions scolaires catholiques, objections que j'ai entendues tout à l'heure avec l'Association des usagers de la langue française.

Le bien commun requiert que les individus et les familles se développent librement, d'une manière autonome selon le droit naturel et leur propre culture. L'État doit reconnaître le principe de subsidiarité en laissant s'exercer le pouvoir à l'échelon le plus proche possible de ceux qui sont concernés. La systématisation des droits naturels, juridiques et constitutionnels reconnus aux familles en éducation repose assurément sur ce principe. On devrait le considérer comme le plus démocratique qui soit en politique. Mais resitué dans son contexte en matière d'éducation, il y loin de la théorie à la pratique. Trente années de lutte scolaire le démontrent. On est encore bien loin de la rigueur, de la garantie, de la spécificité de l'école catholique bien que M. le ministre de l'Éducation tente présentement un retournement en ce sens, et nous l'en félicitons bien qu'il ait érigé quatre écoles privées dans la province de Québec, dont l'une en Estrie.

Que l'on ne se surprenne pas trop si la présence aujourd'hui du Ralliement provincial des parents du Québec prend un peu figure de mini-états généraux. Pendant que notre peuple sommeille avec du pain et des jeux, que notre élite souffre d'aveuglement, notre volonté est de modifier les enjeux actuels, il semble bien que notre peuple a brisé son vase de Soissons. Nous voulons affirmer en principe qu'entre l'État et l'éducation catholique au Québec, il doit y avoir identité de vues et nul conflit de position. L'État doit être le moyen, l'instrumentation de la promotion culturelle de notre peuple dans la fidélité à son éducation catholique, à ses institutions, à sa langue française, à sa culture propre de même qu'à sa foi chrétienne.

C'est un trompe-l'oeil effarant de croire que le Québec serait différent uniquement par sa langue française. Ce serait opérer la fracture entre le corps et l'âme de notre peuple. Notre langue française, si belle qu'elle soit, ne se substitue pas à l'âme chrétienne de notre peuple dont elle reste encore la gardienne. Nous demandons à nos politiciens de regarder et de respecter l'idiosyncrasie de notre peuple, non pas de le diriger uniquement du dehors mais aussi de l'intérieur. Et alors nous affirmons que, face à l'agression du pluralisme corrosif, du pouvoir médiatique de gauche, notre évolution positive doit néanmoins se continuer dans le libre exercice et l'expansion de nos valeurs, du progrès de nos institutions et de notre idéal historique.

Il convient de distinguer les objets nécessaires et essentiels à notre bien-être culturel. L'État est le protecteur de la paix et du progrès social. Il doit être aussi le promoteur du bien

humain intégral par une sorte de primauté de la nature. Un régime politique qui sacrifierait nos valeurs essentielles de l'école catholique, des commissions scolaires catholiques, est du même ordre qu'un pouvoir qui "ostracise" un groupe ethnique au profit d'un autre, ce qui constitue, selon saint Thomas d'Aquin, un état d'injustice et de violence. En plus de l'évolution économique, il y a donc une évolution culturelle et spirituelle à harmoniser.

Si révolution de notre peuple nous place dans une situation de changement tragique qui pourrait amener sa ruine comme il arrive souvent dans l'histoire des nations, l'ordre politique, les valeurs de justice sociale, de patriotisme doivent intervenir pour que l'on scrute l'écho de notre existence et de notre conservation comme éléments de solution et d'orientation. Se référer aux causes secondes, réalité, principe et facteur qui ont fait ce que nous sommes aujourd'hui.

L'origine de notre peuple repose sur des données métaphysiques de l'homme, matière et esprit, corps et âme, sur l'option de l'idéal moral à atteindre prenant plus d'importance que la matière à organiser. Ce n'est pas la première fois que notre agir humain historique fait face à des contingences, à des phénomènes de mutabilité. Mais entre l'instinctif, le cahotique, entre la logique et la cohérence, nous avons opté pour une conception séculaire aboutissant au choix de l'univers moral et culturel dont les manifestations qui ont fait notre force et notre puissance ont pris caractère de type national spécifique.

Notre identité évolue consécutivement à la qualité de nos vertus morales et à la finesse de notre culture française. Mais si nous avons reflété dans le passé le syndrome d'un type de nationalité supérieure, ce serait une grossière erreur de prétendre que notre groupe ethnique pourrait continuer à subsister sous le choc pervers et autodestructeur de l'antinomie des contre-valeurs. Que notre peuple puisse se perpétuer sans les valeurs morales et spirituelles d'où il a tiré sa sève et toute sa vitalité. Tel est le constat à faire présentement au Québec.

L'allure de fraude dégradante anéantissant nos valeurs humaines et spirituelles constitue l'inversion tragique d'un ordre historique objectif de grandeur. Faute aujourd'hui de ne pouvoir identifier les ressources qualitatives de notre éducation culturelle chrétienne conditionnant l'épanouissement intégral de la personne humaine, l'État politique se retrouve devant l'effet désastreux de ne plus pouvoir compter sur les forces natives de notre peuple pour assurer même son développement démographique en l'obligeant à se rabattre sur la fausse solution de l'immigration.

Comment l'immersion en cette panoplie de cultures disparates pourrait réussir a conserver les trésors de notre humanisme culturel chrétien? Le dualisme du national et du religieux, dont on a fait d'une façon si bénéfique la preuve dans le passé, s'est transformé en une dualité d'une contre-offensive antinationale et antichétienne.

Ce qui avait servi à croître en profondeur, en intensité, en force d'élans promoteurs a été sacrifié aux dépens des fonctions régulatrices illuminatrices de la suprématie de l'intelligence et de la foi.

L'âme de notre peuple n'étant plus en conjonction de ces deux entités, alors elle s'étiole. Elle a été subvertie. Elle est toute prête à destiner aux générations futures son poison mortel. Jamais notre peuple n'a paru si bas, si désespéré, si enclin au suicide, comme s'il trouvait dans son effondrement une apaisante jouissance. Au lieu de restauration et de progrès, on nous sert les élucubrations du scepticisme, du freudisme, du socialisme, du marxisme-léninisme. Pensez-vous que notre civilisation technique puisse se satisfaire d'une culture animiste à la façon des Zoulous? Pensez-vous que le développement moderne condamne irrémédiablement notre société québécoise à l'athéisme? Il faut élucider cette question aujourd'hui une fois pour toutes.

C'est vrai qu'une culture techniquement très développée d'inspiration athée menace notre catholicisme, mais qui répondra demain à l'homme sur le sens de son existence et de sa finalité? Qui rappellera les méfaits de la civilisation technique, les normes de la justice sociale et de la charité? Qui empêchera cette société de sombrer sans les valeurs morales et spirituelles, sans la valeur transcendante de la rencontre de l'homme avec Dieu, sans la causalité dispositive de nos institutions catholiques? Même espérer que notre catholicisme transcendant puisse transformer les différences culturelles qui nous environnent. (12 h 15)

Oui, nous sommes un peuple supérieur. Il faut le dire et en être conscients, par notre culture française et chrétienne. Nous voudrions faire aujourd'hui une race de pygmées, alors qu'on devrait s'ouvrir aux audaces des perspectives de l'universel et de l'infini pour survivre. Notre mentalité de vaincus en notre ghetto québécois s'inverse contre nous-mêmes en une sorte de masochisme global favorisé par l'inculture contre nos acquis historiques. Mais confiance en nous-mêmes et grâce à la toute puissance de Dieu, n'avons-nous pas emprunté à la France catholique notre meilleur système d'éducation? Ce fut la multiplication de nos collèges classiques, l'entrée des ordres monastiques, des congrégations enseignantes issues des révolutionnaires de 1789. Qui pourra jamais évaluer ce que nous devons de progrès intellectuel et spirituel à ces envahissements en masse du catholicisme français, s'écriait un jour le révérend père Louis Lachance, dominicain, notre plus grand philosophe québécois?

En tirant de l'homme de chez nous le meilleur de lui-même, notre catholicisme n'a pas seulement servi à organiser sa société en une sorte de sommet, mais à aménager son milieu humain et culturel d'une façon supérieure. C'est

que les ressources de notre catholicisme sont transcendantes. Le message culturel chrétien pourrait faire acquérir à notre peuple un niveau supérieur de civilisation, au lieu de déchoir dans la politique du pire en éducation. Mais nous n'avons peut-être pas les chefs politiques et religieux qui s'imposent. L'idolâtrie du moi collectif québécois et l'idolâtrie de la langue française ne suffisent pas à nous servir de rempart au milieu de 300 000 000 d'anglophones. Il faut à notre peuple, pour l'animer de courage et de fidélité, le rempart de sa foi catholique; telle est l'intuition fondamentale que devrait avoir aujourd'hui notre politique québécoise. Survivre ou disparaître, tels sont les deux enjeux dans ce grand tout américain.

Mais nous avons tout à notre disposition pour survivre. Nous constituons la plus vieille famille spirituelle du continent. Nous sommes les seuls à avoir conservé les traits d'une incomparable civilisation gréco-latine. Nous avons porté au-delà des mers la culture française et chrétienne pour la transmettre à toute l'Amérique. Mais nos gourous d'aujourd'hui n'en parlent plus. Ils préfèrent l'effondrement de notre peuple en lui apprenant à douter de lui-même. Pour réaliser notre survivance et même notre mission, j'ose dire, nous avons encore besoin d'un degré supérieur de culture française et chrétienne, réalimenter nos esprits intellectuellement, fortifier notre armature morale et spirituelle selon notre génie propre, notre génie français profondément assimilateur, autre qualité. Mais ce n'est pas en détruisant nos écoles catholiques, nos commissions scolaires catholiques que nous permettrons, par l'assassinat moral et spirituel, à notre génie propre d'exercer ses virtualités. Notre éducation catholique a besoin de la tranquillité et de l'ordre pour progresser, comme le réclame si bien saint Augustin. Notre peuple est à rebâtir en ses éléments matériels et formels, dans le courage et l'idéal d'être et de vaincre, objectifs que doivent servir la piété filiale du patriotisme, la justice sociale et l'ordre politique. Mais, hélas, depuis 30 ans, notre politique provinciale anarchique s'est plu à multiplier ces antinomies, à rendre impossibles nos finalités culturelles et spirituelles malgré les progrès matériels, à se laisser envahir par les infiltrations du paganisme nordique de la social-démocratie et du matérialisme américain. Au pluralisme des options et des déviations que l'on voudrait confiner, notre peuple, d'une façon suicidaire, qui se dit catholique encore à raison de 92 %, il faut le répéter, notre nation française et chrétienne doit répondre au pluralisme ambiant par une politique unifiée, parler d'ordre, d'excellence et de finalité de façon à recréer et à recomposer la totalité de nos valeurs propres par la coordination des efforts individuels et collectifs pour assurer le grand sursaut national. De sorte que les carences des uns, compensées par les qualités des autres, permettent ainsi à notre collectivité l'ascension vers le bien humain complet et intégral. À l'heure de la perestroïka, rejetant les crimes révoltants du stanilisme, nous pensons que notre politique québécoise scolaire doit aussi faire son bilan de ses agressions et de ses matraquages. Trève à la désintégration, place à l'intégration des valeurs morales et chrétiennes, place à la culture chrétienne, à la famille, à la natalité, place également au sursaut national, place à l'école catholique, à nos commissions scolaires catholiques. Fin à l'anarchie, à la conspiration gauchiste et maçonnique au Québec en éducation. Place à l'immense tâche de la régénération de notre peuple canadien-français, à l'heure où l'on signale déjà son agonie, par l'école catholique et par nos commissions scolaires catholiques. Merci.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): M. le chanoine Larouche, je vous remercie de votre présentation. Je vais maintenant reconnaître M. Roméo Paquette.

M. Paquette: Alors, simplement une question ou deux parce que je reconnais que le chanoine a dit à peu près tout sur le plan philosophique. La question que je poserais, c'est que j'ai vécu plusieurs années à l'extérieur du Québec et je me suis rendu compte, dans les luttes que nous avons menées, que l'école confessionnelle et tes commissaires et les commissions qui doivent les représenter, en somme, font énormément de progrès depuis plusieurs années. On se dirige vers une reconnaissance de plus en plus officielle de l'école confessionnelle à cause des carences d'une école publique qui n'a pas d'identification particulière, ni aucune valeur. Ici au Québec, on essaie de réinventer la roue, c'est une impression que j'ai, en créant une formule scolaire qui s'éloignerait de la confessionnalité. L'école confessionnelle est quand même l'école de la majorité au Québec et je ne comprends pas pourquoi... À peu près dans tous les pays du monde, on prétend toujours que c'est la majorité qui a raison dans une démocratie et, chez nous, pour être accueillants, on voudrait tellement s'ouvrir au reste du monde que toutes les minorités marginales ont plus raison que la majorité traditionnelle. Une nation qui a 300 ans d'existence, qui est en danger, on fait 2 % de la population nord-américaine anglophone, et nous rejetterions des valeurs qui ont a peu près 6000 ou 7000 ans de recul pour adopter des valeurs qui sont empruntées strictement à des expériences passagères.

Personnellement, j'appuie le mouvement du chanoine Larouche et le mouvement des parents en ce sens que, en tant qu'individu ayant 70 ans maintenant, je trouve que les patriarches doivent commencer à s'exprimer. J'ai l'impression qu'une certaine génération a oublié les racines, a oublié notre passé et que nous nous dirigeons vers des expériences suicidaires.

La question que je pose, c'est pourquoi renverser la vapeur alors que nos lois nous

permettent, notre tradition nous permet de créer, par la dissidence, d'offrir à ceux qui ne partagent pas nos vues, qui ne partagent pas nos convictions, de pouvoir obtenir justice scolaire en ayant leurs propres écoles? On respecte ces parents qui ne veulent pas d'enseignement religieux en donnant à leurs enfants le privilège - c'est un privilège - de ne pas recevoir d'enseignement religieux ou moral. Je n'ai pas l'impression que l'enseignement religieux catholique soit une contradiction avec l'enseignement moral naturel.

C'est tout en ce qui me concerne parce que j'aimerais bien donner la chance aux deux autres intervenants.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): M.

Paquette, je vous remercie. Est-ce que les autres intervenants veulent donner leurs impressions? Oui? Est-ce que vous pourriez vous identifier, s'il vous plaît?

M. Robillard (Edmond): Edmond Robillard, dominicain.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien, M. Robillard.

M. Robillard: Je crois qu'au point zéro où nous en sommes de notre expansion démographique, il y a lieu de nous demander si nous procédons actuellement à l'autopsie du Québec, ou si nous nous consultons sérieusement sur les moyens à prendre pour lui redonner quelque santé. Le Québec optimiste des années cinquante-cinq a réussi cet exploit prodigieux de réaliser seul, sans aide, comme les grands "scoreurs" de hockey, en 30 ans, son propre anéantissement ethnique. Cette fois, ce ne sont pas les Anglais, ni les protestants, ni les francs-maçons. Ce sont les Québécois eux-mêmes qui ont réalisé ce remarquable suicide religieux et culturel. Peuple de vieillards que nous sommes devenus, rendons-nous compte que nous ferons dans l'histoire un bien petit cadavre et seulement peut-être attardons-nous à des choses que des historiens, qui auront toute liberté de penser, pourront dire en se demandant comment ce peuple est-il disparu.

Parlant au nom du Ralliement des parents catholiques, je laisse tomber beaucoup de questions. Ces parents catholiques s'inspirent de Vatican II, des recommandations de Jean-Paul II en particulier, de la lettre qu'il vient d'écrire à l'épiscopat catholique. Je suppose que vous connaissez tous ces textes et je ne m'y attarde pas. Seulement, comme théologien, il y a un point que je voudrais rappeler parce qu'on ne le rappelle pas souvent. Le Jésus de l'Évangile n'est pas en sucre mou, comme on nous le présente assez souvent depuis 1960. Il y a deux endroits dans l'Évangile où on nous dit que Jésus a été furieux, c'est le mot employé. Tout d'abord, quand il a chassé les vendeurs du temple et deuxièmement, quand les disciples ont voulu empêcher les enfants de venir à lui. Il s'indigna et dit avec force: Laissez venir à moi les petits enfants. Ne les empêchez pas. Ce texte justifie depuis les origines de l'Église, le baptême des petits enfants qui a souvent été discuté, même que des dissidents protestants ne l'acceptent pas, et l'instruction chrétienne des enfants. Nos ancêtres gaulois n'avaient peur de rien sauf de ceci: que le ciel leur tombe sur la tête. Nous, Québécois, n'avons même plus peur de cela. Depuis 20 ans, un énorme effort est déployé, je dirais autant par l'Église que par l'État, pour contrer nos écoles confessionnelles et leur substituer des écoles neutres. C'est une attitude pour le moins audacieuse car Jésus n'est pas un mort comme Aristote ou Platon. Il n'est pas un mort dont on peut se moquer impunément. Il est un vivant et un juge qui rendra à chacun de nous selon ses oeuvres.

Maintenant, je pose trois questions au ministère de l'Education. Tout d'abord, je commence par une question qu'on se pose dans la province. Je suis du côté des profanes, étant en dehors de l'école bien qu'à l'université, j'ai recueilli les fruits de l'enseignement qui se donne ou qui s'est donné entre 1950 et 1985. Je pose la question suivante, qui est sérieuse: Est-ce que notre ministère de l'Éducation est en otage? Est-ce que nous vivons sous la menace de terroristes? Est-ce qu'il y a des soldats Lortie qui se promènent dans les corridors, prêts à abattre nos politiciens, leurs femmes ou leurs enfants s'ils n'abolissent pas dans les plus brefs délais possible la confessionnalité de nos écoles?

Le Québec de 1981, encore d'après les statistiques officielles... Aujourd'hui, on ne peut même plus savoir. C'est une autre façon de mentir que de ne pas dire la vérité. On a réussi à obtenir que ces statistiques ne soient plus données. Mais ce Québec de 1981, ce n'est pas le déluge ou 1760, comptait 6 000 000 de catholiques, 637 000 protestants et seulement 132 100 sans religion. Or depuis 1964, on l'a répété dans bien des endroits, le ministère de l'Éducation fait une guerre évidente et incontestable aux écoles confessionnelles. Peut-être moins marquée actuellement, mais enfin.

M. Lesage nous avait annoncé à trois reprises qu'il n'y aurait pas de ministère de l'Éducation. M. Johnson a repris exactement la même idée. Sous son régime, M. Cardinal a plutôt accéléré le processus même de la déconfession-nalisation. Ensuite, M. Lesage a été battu sur cette question. Le Parti québécois, lui aussi, a été battu sur cette question. Mais rien n'y change. Et c'est là que mes yeux se sont ouverts. Quelqu'un que je connaissais bien et qui était député du Parti québécois m'a dit: Nous allons être battus sur la question scolaire, mais peu importe, le gouvernement va poursuivre sa politique. En somme, à travers son gouvernement, la majorité de la province est bafouée et prend

chaque jour la mesure d'un système scolaire qui ajoute à la menace de mort qui pèse sur notre nation; une nation qui bat les records du monde en fait de suicides chez les jeunes en même temps qu'il y a le progrès rapide de l'alcoolisme, de la drogue, de l'homosexualité et de la prostitution, toujours chez les jeunes. Ensuite, nos jeunes, quand ils se marient, sont souvent impropres à fonder des foyers sains et féconds. Tout cela a un commencement quelque part. (12 h 30)

Nous nous demandons ce qui paralyse l'action de gens qui voudraient bien exaucer les voeux de la majorité, mais qui semblent en être incapables. Nos partis politiques acceptent d'être battus sur cette question et, même, ils sont très sages. Il y a comme une entente entre les partis. On aurait pu s'attendre qu'un parti profite de la commission scolaire pour prendre le pouvoir. Non, on se tait sur la question.

C'est donc qu'il y a une puissance occulte au dessus des partis et que nos partis sont téléguidés ou télécommandés. Qui est-ce qui les télécommande? Ce n'est pas à moi de le dire, mais chose certaine, la politique du gouvernement est très étrange. Je sais bien que dans les démocraties, on veut exaucer le voeu des minorités. C'est un droit et c'est même très chrétien. En l'Allemagne de Hitler et dans la Russie de Staline, on n'écoutait pas beaucoup les voeux des minorités. On savait les envoyer dans les camps de concentration.

Maintenant, on veut tellement exaucer les voeux des minorités qu'on méprise ceux des majorités. Les Romains disaient: L'extrême du droit, c'est l'extrême injustice. Nous, nous devons dire: L'extrême de la liberté finit par l'extrême de la tyrannie. Laissez un seul bébé pleurer à tue-tête dans l'église et c'est toute la paroisse qui perdra le sermon et cela n'avancera rien ni personne.

La deuxième question que je veux poser au gouvernement est celle-ci. Elle concerne les écoles du Québec en dehors de Montréal et de la ville de Québec. Premièrement, depuis vingt ans, on interprète l'article 93 d'une manière fallacieuse, on pousse dans une direction et toujours en vue de porter préjudice aux écoles confessionnelles. On essaie de nous faire croire que ces écoles peuvent être neutres, alors que les préoccupations du législateur en l'article 93, et au moment où sa loi a été votée, n'occupaient aucunement la tendance dont je viens de parler, soit d'établir des écoles neutres.

Deuxièmement, jamais l'article 93 n'a été interprété dans ce sens jusqu'au début de 1960 où on a commencé à essayer de le sortir de la poussière. Troisièmement, alors que la volonté obvie du législateur était seulement à ce moment de ne pas contraindre des petites villes, des petites municipalités où il n'y avait que des protestants ou des catholiques, on ne voulait pas leur imposer l'obligation d'avoir des écoles confessionnelles, le double système. Donc, c'est simplement ce qu'on a voulu faire en faisant la distinction de ces places avec Montréal et Québec où la population, notamment, se prêtait au double système.

Mais alors, qu'est-ce que c'est que cette tendance? Remarquez que c'est parce qu'en fait, c'est bien ce qui se fait. On interprète comme si ces écoles-là étaient en réalité des écoles neutres et on les pousse dans cette direction le plus possible. Enfin, j'ajouterai que si les "neutres" dont on ne cesse de servir les intérêts depuis 1964 sont si nombreux et si redoutables, pourquoi ne pas leur donner des écoles neutres et pourquoi préfère-t-on pour le bénéfice de 132 000 personnes sans religion brimer les droits de 6 000 000 de catholiques baptisés comme vous, confirmés comme vous et communiants comme vous.

Personne ne vous empêche de donner à ces gens-là des écoles neutres là où le nombre des enfants le justifie s'ils n'acceptent pas le cours de morale, s'ils trouvent que ce cours de morale donné dans les écoles est injuste. Parce que, tout de même, ce n'est pas facile d'avoir dans chaque école un cours de religion qu'on fusionne à un cours qui autorise le meurtre, à un cours qui autorise le vol ou qui autorise l'adultère pour faire plaisir à tout le monde. Comment voulez-vous qu'on puisse satisfaire à tout cela?

Enfin, quand ils ont le nombre, et on ne demande même pas qu'ils aient un nombre infini, un nombre suffisant, s'ils veulent des écoles neutres qu'on leur en donne. Ce qui est vraiment curieux, c'est qu'il y a des mouvements qui s'agitent uniquement pour enlever les droits des catholiques. Ils ne s'occupent pas de leurs enfants à eux. Ils ne disent pas: Nous avons des enfants neutres et nous voulons qu'ils aient des écoles neutres. Ils veulent tout simplement que les catholiques, la majorité des 6 000 000 n'aient pas leurs écoles. Est-ce que c'est cela, la justice? Est-ce que c'est cela parler au nom de la liberté?

Qu'est-ce qu'on veut dans nos écoles? Voir sortir de nos écoles une nation de jeunes fauves pour qui le sexe, l'argent et le pouvoir seront tout? Laisser fabriquer dans nos maisons d'enseignement de glorieux petits marxistes qui se feront une gloire de dénoncer leurs propres parents aux partis qui réclameront qu'on construise dans l'Ungava des camps de travail pour les chrétiens encore résistants et même pour leurs parents encore résistants et nous verrons dans quelle mesure en suivant cette ligne nous aurons servi la liberté.

Enfin une dernière question. Il n'était pas tellement difficile de donner au Québec depuis 1964 un système confessionnel. Nous l'avions déjà. Seulement il fallait perfectionner ce système qui en avait grandement besoin. Là-dessus, je suis parfaitement d'accord. L'État s'était toujours montré particulièrement pingre en matière d'éducation, laissant des religieux, des frères enseignants, des frères fondateurs fonder

des institutions et vivre de petits salaires, de salaires de famine sans verser un dollar par année pour les prêtres séculiers qui m'ont enseigné au cours classique. Il a laissé vivre ces gens-là dans le plus grand dénuement. Quand j'étais collégien, ils ont demandé au gouvernement des laboratoires et des bibliothèques, mais l'État n'avait jamais de fonds pour cela. Subitement donc, l'État a enfin accepté d'assumer son rôle, de le prendre au sérieux et de surveiller les programmes. L'État n'a pas plein pouvoir dans les écoles confessionnelles. Il a des pouvoirs et l'Église a les siens. Mais l'État a même le droit et l'avantage, dans un sens, de prier l'Église à l'occasion et de la forcer d'être à la hauteur de sa tâche. Personne cependant ne vous demandait de prendre dans nos écoles confessionnelles uniquement des catholiques pratiquants pour enseigner des sciences profanes. On demande seulement des gens qui sont respectueux de la croyance catholique. On n'a pas demandé non plus à ce moment-là de mettre au rancart des hommes et des femmes entièrement voués à leur tâche. Ils n'avaient peut-être pas eu les moyens, parce qu'ils étaient trop voués à leur tâche, de se procurer des diplômes universitaires pour justifier leur salaire, mais ils avaient ce qui vaut mieux que tous les diplômes, soit un long passé et une longue expérience dans l'enseignement. Mais tout cela, c'est le passé, laissons tomber. Cela m'amène au point où je veux en venir.

Notre système confessionnel repose à la base sur la famille qu'il veut aider, promouvoir, préparer et éduquer en même temps qu'il éduque ses enfants. Pourquoi repousser toujours les parents au lieu de les initier à leur tâche qui est conjointe à celle de l'éducateur? Remarquez que c'est ce que nous craignons dans l'instauration d'un système linguistique parce que déjà, on parle de créer des conseils d'orientation qui se substitueraient aux comités de parents. Oui, mais il faut se dire que cela ne réussit pas du coup. Des comités de parents, c'est long à préparer. Ne nous disons pas que parce qu'en dix ans, on n'a pas réussi un sommet... D'ailleurs, il faut même préparer déjà ces enfants à l'école, à devenir plus tard, quand ils seront parents, des membres du comité de parents qui pourront s'associer à l'oeuvre d'éducation. Mais un système scolaire doit voir à éduquer toute la province. On veut des cours d'éducation des adultes, mais cela en est déjà un, d'initier des parents à voir ce qu'est le système scolaire, à s'y initier et à y participer. Je comprends que des professeurs détestent voir des parents venir dans les classes, ils détestent que les parents s'occupent de l'éducation qu'ils donnent, mais en fin de compte, ils ont bien tort de voir dans les parents des ennemis. D'abord, eux-mêmes devraient avoir des enfants et comprendre qu'eux aussi voudraient bien avoir, à l'occasion, leur mot à dire dans l'école.

Enfin, mon dernier point est ceci. Quand on parle d'écoles, qu'est-ce qu'on sait de ce qui se passe dans les écoles? Il n'y a même pas d'inspecteurs d'écoles. Même les directeurs d'école, j'en ai appelé six et ils m'ont tous dit: Je ne sais absolument pas ce qui se passe dans mon école, je ne sais même pas ce que les professeurs enseignent. Même si on faisait des manuels extraordinaires et qu'on les multipliait, si on ne sait même pas quel usage en est fait... Un inspecteur d'école, c'est quelqu'un qui rend service aux professeurs, ce n'est pas un ennemi des professeurs. Je donne un cours à l'université, par exemple, et je m'aperçois que les étudiants ne savent même pas le "b-a ba" du catéchisme. On leur a donné des cours de sexe au lieu des cours de catéchisme. Comment voulez-vous bâtir un savoir là-dessus, s'ils ne savent ni additionner ni soustraire et si personne n'a vérifié? On ne sait pas ce qu'un professeur enseigne, si celui de 1re année a donné une base sur laquelle celui de 2e année va ajouter quelque chose. Le savoir est une pyramide, cela se construit. Mais comment savoir? Il n'y a pas d'autres moyens que celui-là. Même du côté catholique, remarquez que l'Église a ses torts autant que l'État là-dessus. Pensez-vous qu'on sait ce qui s'enseigne sur le plan religieux? Chaque professeur ferme sa porte à double tour et personne n'a le droit d'aller voir. Comment voulez-vous qu'il y ait un progrès réel? C'est une aide aux professeurs de dire: Écoutez, vous perdez votre temps, vous expliquez ce que l'autre avant vous a expliqué, alors, ajoutez, vous avez de l'espace. Si vous ne donnez pas ce que vous avez, celui qui vous suit ne peut pas continuer. Alors, comme chrétien, me faisant l'écho de ce que les parents chrétiens nous disent, c'est ce que je tenais à dire. Cela n'est pas aussi technique que ce qui a précédé, mais je crois que c'est plus fondamental et plus important. Merci beaucoup.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien, M. Robillard, je vous remercie de votre présentation. M. Deslippe, voulez-vous ajouter quelque chose? Très bien, on va vous entendre. Je vais vous dire que votre temps s'écoule rapidement. Très bien.

M. Deslippe (Gaston): Je serai très bref. Je suis Dr Gaston Deslippe de La Prairie. Je suis médecin depuis 52 ans et vis à côté d'une polyvalente, dans une population tout près de Montréal. Étant âgé de 74 ans, j'ai vu les premières conceptions du rapport Parent. Je l'ai regardé, je l'ai vu naître, je suis médecin, je regarde cela, les naissances, par déformation professionnelle. Aujourd'hui, nous fêtons les noces d'argent du rapport Parent. Au lieu de faire une belle fête et de donner à la population les objectifs qu'on s'était fixés à ce moment, qu'on nous avait fixés, Mgr Parent était absent, il n'était pas mort. Je l'ai connu à l'Université Laval, vous savez, j'ai fait mon cours là. Puis, on est en train de détruire le système qui

prévalait à l'Université Laval.

Je vais vous conter ma vie personnelle, mais je ne serai pas long. J'étais un fils d'une famille de onze enfants pauvres. Je suis allé à l'université. J'ai été reçu par le procureur Doyon du Séminaire de Québec. Je lui ai expliqué que mon père avait de la misère à payer mes cours. Mais la charité prévalait dans l'éducation dans ce temps-là. Aujourd'hui, je vous laisse en juger. L'abbé Doyon m'a dit ceci: Vous savez, il faut payer vos cours. Ce que je peux faire: Vous allez travailler aux cuisines, laver la vaisselle, servir et cela vous donnera la permission de manger. Puis, si vous pensez que je rêve, je suis vieux, j'ai 74 ans. J'ai lavé la vaisselle avec un homme que vous connaissez bien qui était dans les mêmes conditions et qui s'appelle le Père Gé-déon. Vous vous informerez. Alors, après 25 ans d'école, n'est-ce pas d'ailleurs, M. le ministre nous a dit ce printemps à une conférence de presse à la télévision qu'il voulait revenir aux dictées? J'aimerais bien qu'il précise cela un de ces jours et j'aimerais qu'il m'invite. On ferait un bel auditoire tous les deux, en passant. Sélection du Reader's Digest, août 1988: Qu'est-ce qu'on apprend à l'école? Ce n'est pas un curé qui parle, ce n'est pas Robillard. Pas grand-chose si on en croit les résultats de ce test donné par un professeur à ses étudiants. Quand j'ai commencé, dit-il, à enseigner la littérature, je tenais pour acquis que les étudiants possédaient une culture générale suffisante pour comprendre au moins les notions de base auxquelles je faisais allusion dans mes cours. Je me suis vite rendu compte de mon erreur. Pour en avoir le coeur net, je les ai soumis à ce petit test. Les résultats sont consternants. À moins que les programmes scolaires ne viennent remédier à ce manque de culture générale, les professeurs de l'enseignement supérieur continueront à perdre leur temps, à combler d'invraisemblables lacunes.

Vous savez, je suis un médecin et tous les problèmes sociaux qui nous entourent se résument tous à des problèmes éducationnels. J'ai dit aux gens: La première journée où j'ai mis le pied dans une école j'ai commencé à devenir médecin. Qu'est-ce qu'on enseigne dans nos écoles? Voici, Sélection du Reader's Digest, juillet 1988: Épidémie de maladies vénériennes au Québec. Geneviève, une petite fille de treize ans. Cela me trouble profondément qu'une petite fille de treize ans, dans mon Québec, attrape une maladie vénérienne, mais cela me trouble encore bien plus qu'elle la porte pendant treize ans alors qu'on fait des transplantations cardiaques, des transplantations pulmonaires, etc. Cette petite fille l'a portée pendant treize ans jusqu'à 26 ans. C'est un problème et ce n'est pas médical. Ce problème est éducationnel tout autant que l'est une liste d'attente de 3000 personnes pour se faire opérer. Il est aussi éducationnel que le problème des 75 malades qui ont tous rendez-vous à 9 heures du matin. Il est aussi éducationnel que le problème de ce que l'on met dans les hôpitaux. Regardez cela! La CUM de Montréal nous dit: Vous êtes dans la jungle. S'il y a des choses précieuses que vous voulez conserver, cachez-les! C'est un problème social. Hier, les sinistrés de Saint-Bruno ont demandé l'armée parce qu'il y a trop de voleurs au Québec. C'est un problème social. Il y a plus de policiers au Québec que n'importe où ailleurs. C'est un problème social. On a volé les questions dans les écoles ce printemps. Je vais vous dire deux mots et j'arrête. D'abord, la population en veut des écoles catholiques. Elle a donné 1 000 000 $ au cardinal Paul Grégoire l'année passée et elle se propose de lui donner un autre million. Et le sénateur Paul David était l'un de ces hommes. Il n'y a pas seulement des curés dans cela. Deuxièmement, qu'est-ce que cela nous a donné dans 25 ans? Bien, j'aimerais bien avoir un compte-rendu de cela. J'y ai droit il me semble. Comme Québécois, je suis le citoyen le plus endetté et le plus taxé de toute l'Amérique du nord. C'est un problème éducationnel. Les joueurs de hockey qui jouent à Halifax, dans la riche province de Nouvelle-Écosse, ne veulent pas venir jouer au Québec parce qu'ils sont trop taxés. (12 h 45)

Si vous arrivez avec des notions linguistiques là-dessus, je vais vous parler en médecin, c'est comme si vous appliquiez un cataplasme sur une jambe de bois. Cela ne réglera pas le problème; le problème qui nous achemine vers une extinction. C'était dans La Presse du 30 juin 1987, Marcel Adam.

Un autre problème m'a bouleversé. J'ai vu à la télévision une petite fille, une adolescente de douze ans qui est venue exhiber un condom et qui a dit: Moi, mon amour, je le protège. Écoutez, j'ai été renversé que nos adolescentes... Quand elles vont être grand-mères, cela va être beau ceux qui vont voir son portrait. Ils vont dire: Maman, as-tu une cassette de cela? Ce qui me renverse encore plus, c'est qu'on fait de la publicité là-dessus un peu partout. J'ai lu dans l'histoire de France que Mme de Maintenon disait: C'est un bouclier contre la jouissance et une toile d'araignée contre le danger. C'est vrai qu'elle n'était pas curé celle-là, comme de raison.

Cette année, Statistique Canada nous a dit que nous avions 29 000 chômeurs au Québec en juillet. L'Ontario en a 14 000 avec le double de population. Les statistiques nous ont dit que cette année, au mois d'avril, dans la francophonie, le Québec occupait le dernier rang au point de vue éducationnel. Je vous ai gardé assez longtemps. Soignez-les, il y a un mal là-dedans et c'est à l'éducation et ce n'est pas par la langue que vous allez guérir cela. Bonjour.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien, Dr Deslippe, je vous remercie.

Une voix:...

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Un moment, s'il vous plaît. Si vous voulez céder la place, M. Robillard a une autre intervention. Je dois vous dire que votre temps est pratiquement écoulé et que nous devons avoir la réplique du ministre et du porte-parole officiel de l'Opposition. Si vous voulez prendre encore deux ou trois minutes, celui qui voudra parler à votre... Non? Cela va. Je demanderais maintenant la réaction du ministre, s'il vous plaît.

M. Ryan: M. Larouche, père Robillard, M. Paquette et M. Deslippe. D'abord, je vous remercie d'être venus nous présenter votre point de vue en commission parlementaire. L'Assemblée nationale est la tribune où se rencontrent tous les courants de pensée au Québec. Je pense qu'elle exerce cette fonction de manière magnifique. Parfois c'est très douleureux pour les parlementaires de se soumettre à ces interventions innombrables qu'on leur présente. Mais l'esprit de l'institution veut qu'elle soit ouverte à tous les points de vue et non seulement qu'elle y soit ouverte, mais qu'elle les draine et les attire pour essayer de les incorporer dans ce que j'appellerais le courant principal de la réflexion collective.

Une Assemblée nationale qui cesserait d'exercer cette fonction serait infidèle à sa vocation. La contrepartie de cette vocation que doit assumer l'Assemblée nationale, c'est évidemment la nécessité d'entendre des points de vue souvent les plus contradictoires. Ce matin, nous avons entendu juste avant vous la Coalition pour l'égalité des droits en éducation.

Cette coalition affirme représenter une vingtaine d'organismes très importants au point de vue numérique, comme les grandes centrales syndicales, la Centrale de l'enseignement du Québec et de nombreux autres organismes. Vous nous présentez un point de vue qui est complètement à l'antipode de celui que nous a soumis cette coalition. Je pense que vous nous donnerez le témoignage que nous entendons ces points de vue avec respect, avec la courtoisie qui doit être accordée à chaque citoyen qui se donne la peine de se déplacer pour faire entendre son point de vue.

Il y a longtemps que je prends connaissance des points de vue de M. Larouche par la voie des journaux. Il m'a écrit à maintes reprises également au nom du ralliement. Je connais le père Robillard depuis très longtemps aussi. J'aurais souhaité que nous eussions un peu plus de temps pour dialoguer, mais la grosse partie du temps a été absorbée par les interventions que vous vouliez faire. C'était votre droit d'ailleurs.

Je voudrais réagir très brièvement à l'essentiel de votre position de la manière suivante. Si nous discutions de doctrine pure, je pense qu'il y a bien des choses dans la présentation que vous avez faite qui entraîneraient mon adhésion sans difficulté. Mais nous sommes sur le terrain pratique de l'action politique. Je vais vous énoncer ma position très rapidement. Tout d'abord, que le gouvernement est le gouvernement de tous les citoyens, les bons et les mauvais, les catholiques, les protestants et les autres, les francophones, les anglophones, ceux d'autres origines également et qu'il a des obligations de service et de justice envers tous ses citoyens. Comme on nous l'a rappelé tantôt, il doit les considérer comme des êtres égaux en droits et en responsabilités. Deuxièmement, l'actuel gouvernement est respectueux des valeurs religieuses et morales. Il l'a témoigné à maintes reprises et j'en parlerai tantôt à propos de ce projet de loi. Le gouvernement favorise non seulement la reconnaissance passive des droits des familles religieuses, cela est facile, mais il favorise la reconnaissance explicite dans beaucoup de domaines. On pourrait donner des exemples à l'infini. Je prends seulement celui des hôpitaux. Par exemple, le gouvernement assure, par les budgets attribués aux hôpitaux, l'existence de services pastoraux ou religieux auprès des patients. Cela fait partie d'une tradition solidement ancrée, et nous l'avons. Dans beaucoup d'autres domaines, on pourrait donner des exemples semblables, mais je pense pouvoir dire en toute sincérité et en toute vérité que le gouvernement favorise la reconnaissance non seulement passive, mais active, des droits des citoyens en matière religieuse.

Le gouvernement, quand il agit, ne peut pas obéir seulement à une doctrine pure. Cela est de sagesse élémentaire. Aucune affirmation ne viendra modifier cela. Il doit tenir compte également de la réalité humaine à laquelle il s'adresse. C'est pour cela qu'autrefois, le père Robillard s'en souviendra comme moi, quand les grands théologiens présentaient la thèse de l'union de l'Église et de l'État, ils présentaient toujours en contrepartie l'hypothèse du contexte concret dans lequel cette thèse serait appelée à s'appliquer. Plus on a avancé dans l'époque moderne, plus ils se sont aperçus que l'hypothèse prenait de la place à cause d'une réalité humaine sur laquelle personne n'avait de contrôle absolu.

C'est un point je vous le soumets bien modestement, je pense que si le gouvernement agissait contrairement à cela, il manquerait à sa vocation. Au Québec, nous le savons tous, la réalité humaine à laquelle nous faisons face a énormément changé. On peut dire que c'est sous l'influence de mauvaises décisions qui ont été prises. Je dis que c'est plutôt sous l'influence de courants universels. Ce n'est pas seulement le Québec qui a changé, ce sont toutes les sociétés. Celles qui ont retardé encore un peu vont évoluer vite dès qu'elles seront atteintes par le courant d'air. Cela n'est pas nouveau. Le cardinal Newman, que le père Robillard connaît bien, le constatait dans son temps: chaque fois qu'arrive une période de grande prospérité matérielle et intellectuelle dans la vie d'un peuple, il se produit des changements profonds en ce qui touche ses attitudes morales et religieuses. Cela

ne veut pas dire qu'il faut cesser toutes choses, mais ce sont des faits auxquels nous devons faire face.

Une autre chose, c'est que les services publics que le gouvernement offre à la population ne peuvent pas être multipliés à l'infini. Il faut des structures relativement simples, il faut que ces structures soient adaptées à la réalité.

Nous avons conclu, vous le dites dans votre mémoire, que les structures linguistiques pour les commissions scolaires répondraient mieux à la réalité humaine du Québec d'aujourd'hui que la structure confessionnelle. Je vais vous dire une chose, père Robillard, ce n'est pas imposé à l'actuel ministre par quelque monstre secret qui se cacherait dans les antichambres du ministère de l'Éducation. Vous connaissez assez le ministre de l'Éducation, je pense, pour savoir qu'il n'a pas coutume d'obéir à des influences comme celles-là. C'est venu d'un examen de la réalité et, en ce qui me touche, il y a déjà une quinzaine d'années que j'avais tiré cette conclusion concernant les commissions scolaires, bien avant d'être dans mes fonctions actuelles. Non pas que je fusse indifférent aux valeurs religieuses, mais parce que je pensais qu'il y avait peut-être de meilleures manières de les servir aujourd'hui que celles qui avaient pu être excellentes dans leur temps.

Je tiens à vous signaler qu'il y a deux points principaux que comporte le projet de loi. Il y a d'un côté les commissions scolaires linguistiques et, de l'autre, de multiples dispositions visant le respect des droits religieux et même confessionnels qui ont été précédées par l'adoption d'un nouveau règlement du comité catholique, l'an dernier - il est entré en vigueur cet été - qui renforce la protection de ces droits qui apparaît essentielle au gouvernement. Ceci est tellement vrai que, au cours des auditions de la commission parlementaire, nous avons entendu d'autres témoignages.

Je vais en citer un en particulier. Nous avons eu l'Association des directeurs diocésains de l'éducation. On peut bien juger et excommunier tout le monde, c'est facile; mais il faut quand même tenir compte de la réalité. Voici des personnes qui font office de personnes spécialement mandatées par l'autorité religieuse compétente pour veiller au bien de l'éducation morale et religieuse dans leur diocèse respectif. Ces gens sont venus nous dire ici, avec une force qui m'a étonné, qu'ils étaient éminemment satisfaits des dispositions du projet de loi en matières religieuse et confessionnelle. Ceci, non pas parce que je veux tirer la couverture de mon côté, peut-être que ce point de vue n'est pas bon, peut-être celui du gouvernement est-il erroné, mais pour vous dire qu'en ces matières, à cette époque de grande interrogation à laquelle personne ne peut se soustraire, il faut considérer qu'on est en face de réponses qui varient beaucoup d'une personne à l'autre, d'une source à l'autre. Cela ne donne rien d'invoquer directe- ment les textes des grandes encycliques.

Je vous ferai une confidence, j'ai lu à plusieurs reprises, au cours des dernières années, le texte de Vatican II sur l'éducation. Si vous lisez ce texte attentivement, vous allez voir que le document conciliaire ne réclame pas que les écoles publiques soient confessionnelles. Il réclame que les pouvoirs publics respectent les écoles confessionnelles et les écoles que veulent se donner les catholiques. Mais je n'ai jamais trouvé dans ce document l'affirmation explicite que les écoles publiques doivent être catholiques. Nous avons cela dans le Québec par une tradition historique très particulière dont nous sommes fiers que nous voulons conserver. Mais nous voulons la conserver en tenant compte des adaptations qui sont nécessaires dans le contexte d'aujourd'hui. C'est cela que nous cherchons.

Je voudrais que vous sachiez, quand vous plaidez contre l'indifférence, que vous n'êtes pas tout seuls. Nous sommes aussi préoccupés que vous autres par les valeurs religieuses et morales dans l'éducation. Nous voyons comme vous la situation dans laquelle nous sommes placés. Pour ma part, je ne cesse d'affirmer combien est centrale la dimension morale, et aussi l'influence religieuse, dans l'oeuvre de l'éducation. Sur des modalités, nous avons des manières différentes de chercher. Cela ne nous empêche pas d'écouter les opinions comme les vôtres qui nous ont été communiquées ce matin et de continuer à chercher, sans être jamais assurés d'avoir atteint une certitude complète et même satisfaisante en ces choses.

Il y a une autre obligation des gouvernements, celle de décider. Il faut qu'ils prennent des décisions, des responsabilités, il faut qu'ils courent le risque d'errer. Mais je pense que nous avons fait toutes les consultations voulues. Au terme de cette série d'auditions de la commission parlementaire, on aura entendu tous les points de vue qui circulent actuellement dans le Québec, là-dessus. Je pense que pour le reste, notre jugement, notre sens pratique, notre dévouement à la chose publique et, surtout, le mandat que nous tenons de nos concitoyens nous habilitent peut-être mieux que personne à prendre des décisions qui devront être prises. Je vous remercie infiniment.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien, M. le ministre. Maintenant je vais reconnaître le porte-parole officiel de l'Opposition, le député de Shefford.

M. Paré: Merci, M. le Président.

Très rapidement, je veux tout d'abord vous remercier de la présentation que vous nous avez faite. C'est important qu'on entende effectivement tous les points de vue avant d'étudier le projet de loi article par article. Vous en avez émis un qu'on va considérer, sauf que je vais vous parier très ouvertement et rapidement en tant que Québécois, législateur et catholique

aussi. Je dois vous dire que je suis un peu peiné de la présentation que vous nous faites dans le sens du peu d'espoir que vous avez dans l'avenir alors que moi, je vois la religion d'une tout autre façon. De la façon dont vous présentez la société québécoise qui est en train de disparaître, et la religion qui va disparaître avec... Je dois vous dire que la religion, c'est au-delà des peuples et des nations, premièrement, c'est international. Oui, on vit des problèmes. La preuve qu'on vit des problèmes, c'est qu'on est obligés d'apporter des changements. La société québécoise vit des problèmes graves, la religion vit une période - ou a vécu plus, cela semble se replacer - internationale assez difficile à cause de changements de toutes sortes. Ce qu'on vit au Québec, cela se vit ailleurs dans le monde en même temps. Si c'était uniquement ici en ce qui concerne l'Église catholique, on aurait de grosses questions à se poser, mais ce n'est pas juste cela. (13 heures)

Je peux vous dire qu'on vous a écoutés pour avoir votre point de vue. Mais, effectivement on ne se sent pas obligés de quelque façon que ce soit dans les choix qu'on va faire, on le fait librement et c'est pour cela qu'on écoute tout le monde. Sauf que les changements de la société québécoise nous sont souvent imposés, il ne faut pas l'oublier. L'immigration qui rentre c'est un phénomène avec lequel il faut absolument vivre maintenant. Le libre-échange... On ne peut pas renfermer le Québec, on ne peut pas l'étouffer comme société. Vous avez utilisé le mot - je ne me souviens pas lequel d'entre vous tantôt, mais j'ai écouté attentivement les quatre représentants... On a parlé de ghetto. Il n'y a personne autour de la table qui veut que la société québécoise soit dans un ghetto. Vous avez aussi utilisé un terme sur lequel je ne suis pas d'accord: vous avez dit dans votre mémoire, je pense que c'est la première représentation, qu'on a le choix entre survivre ou disparaître. Moi, je dois vous dire que je ne travaille pas pour cela du tout, ni pour survivre, ni pour disparaître, mais plutôt pour croître et me développer comme société. Ce n'est pas du tout pareil. Je ne veux pas qu'on ne fasse que survivre ou qu'on disparaisse. Je vais me battre pour qu'on ne disparaisse pas. Je ne veux surtout pas qu'on ne fasse que survivre parce que, comme société, on va s'en aller vraiment vers le négativisme et le pessimisme tout le temps si on pense qu'on va juste survivre. Il faut faire plus que cela, il faut se développer comme société.

C'est ce qu'on essaie de trouver nous autres ici. On se dit: Le problème de l'éducation est grave, la preuve c'est qu'on est obligés de le changer. Depuis des années qu'on en parle, on n'a pas encore trouvé la solution idéale. Mais il faut modifier notre système parce que, oui, vous avez raison, au moment où on se parle, il joue contre nous comme société. À mon avis, le problème au Québec ce n'est pas un problème de religion, c'est un problème linguistique. Si on ne règle pas nos structures scolaires avant bien longtemps, oui, on risque de disparaître comme société francophone et, à ce moment-là comme les francophones sont, entre autres, dans les écoles catholiques, en étouffant l'une des facettes de la société québécoise qui est francophone on va aussi tuer l'autre qui est catholique. Moi, je me dis qu'il faut être ouverts. Je vais conclure sur cela en vous disant: Oui, l'école doit être absolument cet instrument, cette structure, cette institution qui doit instruire les gens, mais, plus que cela, qui doit aussi éduquer les jeunes et amener des valeurs dans la société. Parmi les valeurs de la société, au Québec, parce qu'on est au-dessus de 80 % de francophones et catholiques, ce sont ces valeurs-là qu'il faut continuer à véhiculer, non pas juste à faire survivre, mais à développer. Le ministre a nommé des articles dans cela qui donnent ce pouvoir, mais il faut aussi être ouverts, sinon on va disparaître. On a vu dans d'autres mémoires qui ont été présentés que, maintenant, même des francophones s'en vont sous la tutelle - des francophones qui se disent non-catholiques ou qui sont catholiques -pour avoir une autre éducation, des commissions scolaires protestantes. Donc, non seulement le ghetto, on ne pourra plus le garder, mais cela se ratatine et cela se rapetisse parce que cela s'en va sous d'autres commissions scolaires. Même les catholiques anglophones s'en vont sous la tutelle des commissions scolaires anglophones, protestantes. Donc, on est en train de gruger la majorité qu'on est. On ne peut pas accepter cela plus longtemps.

Je vais conclure en disant que dans l'esprit de l'oecuménisme qui est là depuis non seulement le pape qu'on connaît à l'heure actuelle, mais depuis le Conseil oecuménique, moi j'ai vu la religion catholique comme une religion ouverte, accueillante, dynamique. Ce devrait être cela. Je veux bien croire que ce n'est pas facile, mais c'est cela en fait. Il faut la rendre dynamique, accueillante et ouverte. L'une des façons de l'ouvrir c'est au moins d'être accueillants chez nous dans nos écoles. Je vais seulement vous rappeler que nos meilleurs et nos premiers ambassadeurs au Québec furent nos missionnaires. Ils sont allés dans toutes sortes de communautés de toutes les cultures et de toutes les langues à travers le monde. On était ouverts dans le sens qu'on y est allés, mais il faut aussi être ouverts dans le sens qu'il faut accueillir ces gens. Moi, je fais confiance, je conclus avec cela, aux Québécois catholiques. Ce ne sont pas les structures qui vont garder la foi catholique au Québec, ce sont les gens qui le veulent bien et les communautés locales. Moi, je peux vous assurer déjà que, connaissant mon monde chez nous - je serais bien surpris si c'était le contraire, dans mon comté - les gens vont exiger et vont avoir des écoles qui vont être catholiques, même s'il y a une structure de commission

scolaire qui est linguistique et non pas confessionnelle. C'est sur le terrain que cela devrait se faire. Je me dis que si on a la foi et si on y croit, il faut faire confiance aux autres qui, comme nous, ont une foi ou une religion. Et dans ce cas-ci, c'est la religion catholique. Donc, comme je l'ai dit au début, je suis un peu peiné de voir que la religion est sur la défensive, je suis d'accord qu'il vous faille défendre le point de vue qui vous tient à coeur, mais de là à penser que tout sera fini avec cela, moi, je fais bien plus confiance aux gens sur le terrain, dans ma communauté comme dans les autres où c'est majoritairement francophone et catholique, donc partout sur le territoire, sauf dans les grandes régions métropolitaines, cela ne virera pas le monde à l'envers. Par contre, là où le problème se vit - et la disparition des Québécois se ferait par là, quand vous avez parlé d'un peuple qui s'éteint et qu'on en serait coupables - si on ne fait rien, oui, dans la grande région métropolitaine, qui représente 40 % de la population du Québec, si on laisse disparaître cela, là on sera coupables, mais on ne peut pas le laisser disparaître dans le système actuel. Et ce n'est pas seulement sur l'île de Montréal. On a découvert hier que, par la structure actuelle, on est en train de gruger dans la majorité francophone et catholique par la commission scolaire qui est, elle, protestante. Elle n'est pas protestante, on nous l'a dit ici, l'autre commission scolaire est neutre, elle est tout ce qui n'est pas catholique et francophone. Donc, elle vient gruger sur notre majorité et elle nous fait disparaître comme peuple et elle nous fera disparaître comme peuple catholique aussi. Je dois vous dire qu'on a un devoir de réagir et c'est dans ce sens-là que nous essayons de trouver une solution et, dans la solution, on va tenir compte de tous les mémoires qui ont été présentés, y compris le vôtre. Alors, au nom de l'Opposition, je vous remercie. On vous a écoutés attentivement. J'ai pris beaucoup de notes. Je dois vous dire qu'on a aussi la crainte de la disparition, mais je suis plus optimiste pour l'avenir, autant comme francophone que comme catholique, que vous ne semblez l'être. Je dois vous dire qu'on est préoccupés par cela, c'est pour cela qu'on vous a écoutés et on va tenir compte de la présentation de vos mémoires. Là-dessus, je vous remercie.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien, M. le député de Shefford. Je remercie maintenant les représentants du Ralliement provincial des parents du Québec pour la présentation de leur mémoire. Nous allons suspendre la commission pour quelques minutes.

J'aurais besoin du consensus pour entendre la South Shore University, ici présente, qui ne peut pas revenir cet après-midi. Il faudrait prendre peut-être quinze minutes durant. la commission. Y a-t-il consensus à la commission? Pour quinze minutes, êtes-vous prêts, les représentants de la South Shore University? Sont-ils ici? Très bien. Alors, si vous voulez prendre place s'il vous plaît, on va vous entendre immédiatement.

Mesdames, êtes-vous prêtes à présenter votre rapport?

South Shore University Women's Club

Mme Gillbert (Catherine): Est-il possible de le présenter en anglais parce que, pour nous, c'est plus...

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): On n'a pas d'objection, madame, à vous entendre en anglais.

Mme Gillbert: Merci.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien. Alors, vous êtes madame?

Mme Gillbert: Mme Gillbert.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Mme

Gillbert.

Mme Gillbert: You received our brief and we will not keep you for more than five minutes. We would just like to accentuate some of the things we said. First, several of our members are very concerned about the quality of French being taught in francophone schools as well as our members who are worried about the quality of English in the anglophone schools in Québec. We hope that where the project to the law suggest that all the teachers will be required to look for language improvement in their students, we hope that is followed-up upon.

In our area, we have had some problems where single parents who do not have the resources to attend school committee meetings and the school committee is not founded for baby-sitters and transportation. We hope that when you put the orientation committee into place that funding will be provided for single parents, particularly single parents mothers who do not have the resources to attend meetings after work hours. So, perhaps you could think about that.

Our last, and perhaps our most important point, is point 8. We are very concerned about students who come from either jurisdictions, particularly Britain, the United States and Hong Kong, where the students have already attended some schooling in English and when they arrive in Quebec, because of the provisions of Bill 101, it is no longer possible for them to continue their schooling in English.

We wondered if, at the same time, as the Education Act was changed it would be possible to extend the provisions of Bill 101 to cover students coming from jurisdictions where the language of instruction was in English. We feel

that the teaching of French now in English schools - we assume - will be excellent once the change-over to linguistic boards occur.

We are both unilingual anglophones, but our children have been well-taught in French and my daughter is now working in French. So, we are not at all worried about the quality of French being taught in English schools and we feel that the children of immigrants from these countries will benefit from being in English schools where the quality of English education is suited to them better, because that would be their first language and they have already received instruction in that language so we know that they will receive adequate English instruction at the moment the quality of English being taught in French schools is not at all suitable for students who have already received some instruction in English and, yet, at the same time, we feel that they will receive good instruction in French and we are sure that all anglophone schools in the future in Quebec will turn out bilingual students. Thank you very much.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski):

Thank you, madam. Je vais maintenant reconnaître la représentante officielle de la partie ministérielle, Mme la députée de Jacques-Cartier.

Mme Dougherty: Thank you. Hello, it is a pleasure for me to welcome you, Mrs Gillbert and Mrs Fallon. First of all, the minister unfortunately has had to go because he is going to attend Jean Marchand's funeral and I am very sorry that you have been put on. We are running overtime and we do not want to short-change you, but we are very pleased that you have been able to stay until a later time than the original appointment.

I would first like to say that the University Women's Club of the South Shore... I would like to thank you for your interest that you have always shown in educational matters. I had the pleasure of participating in a very lively debate on the South Shore which you sponsored, believe. I think it was at the time of Bill 40. always remember that, because I had a good time there!

I think that your first point... You made a couple of points that are very valid and a lot of people share. First of all, the quality of English and French in our schools. We hear a lot about the need to upgrade the quality of French as a first language. I am certainly aware - I am sure that Mr Ryan is aware - that the English schools have the same problem with respect to a first language.

We have been hearing for generations that the quality of language is deteriorating and the children arrive at university and they still cannot read and write. It is not new, but the same problem is certainly in the English schools and I think it is something our government is very aware of and we will try in the future years to see that something is done.

With respect to a second language, again, I think the same applies. I think it is everybody's long-term wish that all of our children become bilingual no matter what their language of origin is and what their first language is. (13 h 15)

You have also talked about Bill 101 and its restriction to parents who have been educated in English in Canada which is normally called the Canada clause. What you are really asking for is what has been called, what we have called the International clause. I think that many share that view. Unfortunately, at the moment, Bill 101 still restricts those people and it seems particularly when you consider that in the future we may have language boards, linguistic boards, there will be a certain group under Bill 101 who have to go to French schools. We heard a group from the Lakeshore School Board who are English parents from England who, under Bill 101, are not allowed to send their children to an English school. But nevertheless, they are very satisfied with the French school operated by the Lakeshore School Board which has many English children in it and there is that accommodation particularly when it comes to English which is a second language in that school. The English program is designed for children who already speak English and have an English background, so, they do not get left out on the second language question. So, that is a debate that will go on, I suppose, for a number of years and I think your position is shared by many.

Now, you made a couple of interesting points about the orientation committee. You have chosen the orientation committee; you never mentioned school committees. Unlike most people, I think, in the English community and many in the French community as well, they seem to prefer the school committee as the obligatory committee and I think this is what is being considered now in terms of amendments.

You have chosen the orientation committee. I do not know quite why. You do recognize that there are some possible problems. You might not get parents that are interested enough to take on those kinds of responsibilities. But why did you not consider the school committee which seems to be operating very well in most communities and they want it continued? Did you look at that question?

Le Président (M. Tremblay, Rimouski):

Madam Fallon, madam Gillbert.

Mme Gillbert: Okay! I think that we have both been active members of school committees and it is our opinion or the group's opinion that school committees work very well in schools where there is trust put in them and the principal chooses to use them. It was our opinion that the purpose of the orientation committee was that the consultation process was more

clearly defined, that consultation had to occur rather than it was optional, that it was more structured.

It is our opinion that some school committees already operate similarly to the orientation committee as described. But others are very frustrating to serve on when you get an uncooperative principal. It seems to me, to us, that in the new Bill, the principal had less ability to be uncooperative and that was why we supported the notion of the orientation committee.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien, madame.

Mme Dougherty: I see. You mentioned something that we have discussed very little. You seem to feel quite strongly about the idea of a community representation other than just parents and the other people who are on the orientation committee. Why do you say that? I know it is in the Bill, but it is as an option.

Mme Gillbert: You mean why did we pick it up and support it?

Mme Dougherty: Yes. Why do you feel... I mean, as a community group, you feel that is an important element of the law. I would just like you to tell us why.

Mme Gillbert: Because we feel that as members of the community, we have valuable input and in a school committee, the forum does not exist at the moment, I do not think, the members of the community, to become involved in the local schools. They can become involved as volunteers or they can become involved as commissioners. I am myself a commissioner on the St. Lawrence Board. But, I think there is a vacuum of which I thought that the purpose of the Bill was to fill that vacuum and that valuable resources in the community could be pulled in in consultative roles which I do not think occurs at the moment.

Mme Dougherty: You do not think that - this is some people's fear - a community representation, depending on who it is, could bring a new element which was not necessarily desirable in a school committee, which would distort the real role of the orientation committee or school committee and use it as a vehicle to promote their own or grind their own particular acts.

Mme Gillbert: I think that is the same fear that if the orientation committee had too much power that a clique could take that over and it would veer the school into a direction that the majority of parents did not want. I think you have always got that fear. Our assumption, when we discussed this, was that if you have a limited term and people disruptive and people who do not cooperate, then the committee will sit and there will be removed for the next session. I think that is always a problem in a democracy but if we have limited terms, then you cannot get rid of people who are not representing the will of the majority.

Mme Dougherty: A last question, O. K. ?

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): O. K.

Mme Dougherty: You have said that you feel with the fact that school committees do not pay, or there is no prevision in the law certainly, or does not specify what the school committees or the orientation committees budget might pay for. Did you feel that baby-sitting, particularly for single parents, is very important to allow them to participate in school affairs? Do you know of any schools that do this, that any school committees that do that? I am getting a message here, but it does happen.

Une voix: PSBGM.

Mme Dougherty: PSBGM.

Mme Gillbert: At the St. Lawrence Board, where I am a commissioner, the previous board before the last elections did not allow the use of school committee money for baby-sitting, that was a board resolution and there was a change around of quite large number of commissioners last November and since then, we have now approved the use of school committee funds for baby-sitting and transportation. So, I know the both exist because in our board we have had a change over in the last year.

Mme Dougherty: Does that mean that the budget had to be augmented in order to cover those costs or as it just the same budget or enlarged option of how it could be used?

Mme Gillbert: But we agree to enlarge that but the school committee budget at the same time, but previous to that, there was a fixed budget but you were not allowed to submit bills for baby-sitting.

Mme Dougherty: Well, the law does not - I read it - put any restriction, it just says that you - and people have insisted over and over again - that they want to be sure that the parents participating in committees have a stable and solid funding, but is does not say what for. I presume the door is open for parents or the committee or the board to decide what it could be used for it.

Mme Gillbert: I think our fear is that some boards would not have at all the interest of single parents. We are asking the minister to

protect the interest of single parents who do not have the adequate resources because of a lack of trust in local boards and who might be able to make the rules.

Mme Dougherty: Anyway, I appreciate you are raising this. I think that it is a very important point. Thank you again for your interest and your continuing interest in education affairs and I hope you will continue. You are already involved, I see, so... Thank you so much.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien. Merci, Mme la députée de Jacques-Cartier. Je vais reconnaître la porte-parole officielle de l'Opposition, Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Mesdames, bonjour. J'ai écouté votre brève présentation avec intérêt. J'ai remarqué plus particulièrement votre intérêt pour la qualité de l'enseignement de la langue. Je trouve que c'est un problème international, du moins dans les pays industrialisés, qui nous préoccupe également.

Les recommandations que vous faites touchant le comité d'orientation sont intéressantes. Cependant, l'idée d'un conseil d'orientation n'a pas fait l'unanimité, loin de là, indépendamment de la structure de vos recommandations qui pourraient éventuellement s'appliquer.

Je ne vous cache pas qu'en ce qui concerne les modifications à la loi 101 pour reconnaître comme admissibles à l'école anglaise ceux qui viennent de l'extérieur du Canada, des autres pays du Commonwealth en particulier, je ne serais pas favorable à une telle hypothèse, d'autant plus que l'apprentissage pour ces personnes, pour ces enfants en particulier, de l'anglais, qui devient la langue seconde de l'école, est relativement facilité par tout un environnement finalement, qui facilite davantage l'apprentissage de l'anglais au Québec, surtout dans la grande région de Montréal, que cela ne l'est pour le français. Je pense que vous en êtes un exemple.

La commission parlementaire reçoit toujours avec beaucoup d'intérêt tous les avis et opinions qui sont émis ici. C'est avec cet intérêt que j'ai suivi votre présentation. Je rappelle brièvement qu'en ce qui concerne les recommandations touchant le conseil d'orientation, je voudrais qu'on ait au moins une attention, si ce n'est dans la loi, au moment où on parlera de l'implantation, pour les services de garde. Ce n'est pas une chose qui m'avait frappée, mais je trouve que l'idée est intéressante. Je vous remercie infiniment.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien. Est-ce qu'il y a d'autres interventions du parti ministériel, Madame... Non, cela va. Mme Gillbert et Mme Fallon, je vous remercie au nom de la commission parlementaire de votre présentation. La commission suspend ses travaux jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 h 26)

(Reprise à 15 h 5)

Comité régional de vie étudiante de la Montérégie

Le Président (M. Parent, Sauvé): A l'ordre, s'il vous plaît!

La commission reprend ses travaux et accueille le Comité régional de vie étudiante de la Montérégie. Je veux d'abord remercier, de façon toute particulière, Mme Luce Beauregard qui en est le porte-parole, pour avoir répondu à l'invitation de cette commission, afin de venir nous livrer le fruit de votre réflexion sur ces deux projets de loi et, j'imagine bien, principalement sur le projet de loi 107 qui est peut-être la pièce maîtresse de cette consultation.

Alors, nous allons commencer immédiatement, madame. Si vous voulez nous présenter les gens qui vous accompagnent et enchaîner avec la présentation de votre mémoire. La commission a environ 45 minutes à consacrer à l'audition de votre mémoire, incluant la discussion qui aura lieu après. Allez-y, madame.

Mme Beauregard (Luce): Merci beaucoup, M. le Président. Bonjour, Mmes et MM. les députés. Il me fait plaisir de vous présenter mes collègues de travail qui viennent avec moi pour vous rencontrer et vous entretenir sur la vie étudiante dans notre milieu scolaire. À ma droite, M. Auguste Mollica, qui est conseiller en orientation à la Commission scolaire régionale de Chambly, où il a la responsabilité de tous les services complémentaires.

M. Mollica (Auguste): Bonjour.

Mme Beauregard: Vous avez également M. Denis Racine qui est conseiller pédagogique affecté aux services complémentaires dans sa commission scolaire, nouvellement appelée Commission scolaire Des Cantons.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Alors, M. Racine, bienvenue. Avant que vous ne commenciez, je dois vous livrer un petit message de la part du ministre de l'Éducation qui a dû s'absenter, vers 14 heures, pour les funérailles de M. Marchand. Par contre, il a donné le mot aux députés ministériels d'avoir une oreille attentive à votre mémoire. Il devrait être ici incessamment, d'une minute à l'autre.

Mme Beauregard: Merci. Pour ma part, je pratique dans le milieu scolaire à titre de psychologue. Je suis également responsable de tous les services complémentaires de ma commission scolaire à Châteauguay. Je vais tout de

suite céder la parole à M. Mollica qui va commencer notre présentation et, par la suite, je vous reviendrai.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Monsieur.

M. Mollica: Alors, je voudrais simplement préciser, au départ, ce qu'est le CRVEM, Comité régional de vie étudiante de la Montérégie. Cela regroupe des responsables de services complémentaires, c'est-à-dire de services de consultation, d'animation, d'éducation. On retrouve là-dedans des responsables de la fréquentation scolaire, des activités parascolaires, des échanges étudiants, de la radio étudiante, de la cafétéria, etc. Qu'est-ce qui nous a incités à déposer un mémoire aujourd'hui? C'est que comme le projet de loi 107 traite de façon directe ou indirecte des services complémentaires, on a jugé important de vous faire connaître notre point de vue. Le point de vue qu'on vous exprime dans ce mémoire a été présenté et entériné par quelque 25 responsables de services complémentaires, répartis à travers la province. En fait, ce qu'on vous propose dans notre petit mémoire - ce n'est pas un mémoire tellement substantiel en termes de quantité de pages - ce sont des modifications qui nous apparaissent comme étant mineures, mais qui pourraient, à notre point de vue, être extrêmement bénéfiques pour l'élève et son environnement scolaire: école, milieu de vie.

À ce stade-ci, je voudrais passer la parole à Luce qui pourra vous définir d'une façon un peu plus précise les services complémentaires et la réalité qui touche les élèves dans nos écoles aujourd'hui.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Madame.

Mme Beauregard: M. le Président, je vais tenter de vous éclairer sur ce que sont exactement les services complémentaires en vous parlant de leurs objectifs généraux et aussi de ce que cela peut impliquer dans la vie de tous les jours en milieu scolaire.

Services complémentaires, comme vous le voyez, c'est un terme assez vague. C'est voulu parce que cela comporte plusieurs sortes de services. Tout d'abord, je vais vous nommer les différents services qui en font partie et par la suite, je vais vous parler des grands objectifs généraux de tous les services complémentaires. Je vais vous épargner la liste de chacun des objectifs spécifiques si on veut...

Le Président (M. Parent, Sauvé): Soyez bien à votre aise, Madame, de nous expliquer cela...

Mme Beauregard: On verra selon...

Le Président (M. Parent, Sauvé):... de la façon que vous jugez à propos.

Mme Beauregard: Merci beaucoup, M. le Président. Les différents champs d'intervention des services complémentaires sont composés tout d'abord de services d'animation qui sont, entre autres, l'animation sportive, l'animation socioculturelle et l'animation pastorale; ce sont déjà trois champs importants. Ensuite, après les services d'animation, nous avons également des services de consultation professionnelle. Ceux-ci sont plus précisément représentés dans le milieu par des services de psychologie, des services d'orientation scolaire et professionnelle, des services d'orthophonie et des services de psychoéducation. Nous avons également, dans certains milieux, des services en recherche d'emploi et, évidemment, nous avons des services de santé et des services sociaux, notamment, par entente de services avec les CLSC. Alors, tout ceci compose les différents services de consultation professionnelle. Donc, il y a des services d'animation, des services de consultation professionnelle et, ensuite, et non les moindres, des services plus généraux qui complètent l'éducation des jeunes, à savoir des services pour l'éducation aux droits et aux responsabilités, des services d'encadrement et de surveillance des élèves, des services de participation à la vie éducative, entre autres pour ce qui a trait aux associations de vie étudiante et tout cela, il faut s'occuper de tout cela et encadrer tout cela. Je crois avoir - et je l'espère - fait le tour des différents services complémentaires qui, comme vous le voyez, sont très variés et nombreux en termes de champs d'action. Maintenant, tous ces services ont de grands objectifs et ces services... Je ne dois pas oublier que ce sont des services qui sont mentionnés dans le régime pédagogique comme étant des services essentiels, au même titre que les services d'enseignement.

J'ai ici le régime pédagogique du secondaire et également celui du primaire. Aux articles 11 et 12 du dernier, il est question de services personnels à l'élève qui donnent, si je peux dire, le plus le ton en ce qui concerne les services de consultation professionnelle. Les services complémentaires sont séparés en ce qui a trait surtout aux services d'animation, d'activités, enfin, tous les services que je vous ai mentionnés tout à l'heure. C'est en deux articles dans le régime pédagogique et c'est regroupé depuis 1986, sous le vocable de services complémentaires dans le cadre de ce document qui s'appelle Vivre à l'école, qui est le cadre générai d'organisation des services complémentaires. Je crois avoir situé un peu les services complémentaires dans l'ensemble des services éducatifs. S'il y a des questions, évidemment, je vous prierai d'y revenir. Des fois, cela paraît bien clair pour nous, mais, quand on est loin, ce n'est pas si facile.

Le document auquel je fais allusion, Vivre à l'école, n'est pas une politique. C'est vraiment un document d'orientation qui vient inspirer les différentes commissions scolaires sur l'organisation de leurs services complémentaires. Il est

très explicite sur les objectifs généraux et spécifiques. Il est très bien fait à ce sujet d'ailleurs. Nous avons cependant eu une certaine déception parce que le premier document qui avait été déposé, l'avait été en tant qu'énoncé d'une politique en consultation et, par la suite, il est sorti en document, comme cadre d'organisation. En tout cas, cela aussi pourra peut-être être matière à discussion entre nous. Je peux vous dire sincèrement que tout le personnel des services complémentaires a reçu cela avec beaucoup de tristesse parce qu'on avait beaucoup d'espoir en la sortie d'une politique sur les services complémentaires. Ce qui peut déjà vous faire part de la situation quelque peu précaire des services complémentaires dans les différentes commissions scolaires de la province. (15 h 15)

J'en suis maintenant à vous présenter les grands objectifs de ces services complémentaires. Il y a quatre grands objectifs qui semblent, au départ, des volontés très louables, mais qui, je l'espère, vont vous être concrétisés le mieux possible, par cette présentation. Je vous les nomme tout d'abord: le soutien aux autres services éducatifs, qui est le premier grand objectif des services complémentaires; le développement des élèves sur divers plans; la solution aux difficultés des élèves et la sécurité physique et morale des élèves. Ces quatre grands objectifs, comme vous le voyez, semblent très prétentieux mais très importants.

Alors, comment les services complémentaires peuvent-ils apporter un soutien aux autres services éducatifs? Sur le terrain, cela se fait tout d'abord en termes d'échanges entre nos spécialistes et les enseignants sur leur démarche pédagogique. Comme vous le savez, il ne suffit pas seulement d'être très connaissant dans une matière pour pouvoir la livrer et qu'elle passe auprès des élèves de sorte qu'ils en retirent quelque chose. Toute la démarche, l'art d'enseigner est très important et, selon nous, nos spécialistes sont bien placés pour donner un soutien aux enseignants en matière d'approche pédagogique.

Une autre façon d'intervenir au chapitre de ce grand objectif de soutien aux autres services éducatifs est la participation directe à l'intervention auprès des groupes d'élèves. Nos spécialistes peuvent, à titre de personnes-ressources, se joindre à l'enseignant dans la classe pour présenter des activités ou certaines parties de matière en collaboration avec l'enseignant.

Il y a un apport certain dans des contenus de programmes que je pourrais vous donner à titre d'exemple. Par exemple, que ce soit en enseignement religieux, c'est sûr que l'animation pastorale est d'un grand secours, à certains moments, dans ces cours-là. Il y a également le cours d'éducation au choix de carrière qui est fort important au secondaire parce que les élèves, actuellement plus que jamais, se demandent beaucoup ce que l'avenir leur réserve.

Souvent leur choix de carrière les rend très insécures et les conseillers en orientation, très particulièrement, ont un rôle à jouer dans l'application de ce programme-là, ainsi que les personnes qui s'occupent de recherche d'emploi.

Pour un autre cours qui peut recevoir un apport de nos spécialistes en services complémentaires, il y a celui de l'éducation aux droits et responsabilités et de formation personnelle et sociale, où particulièrement les gens en psychologie, en services de santé et services sociaux sont d'un grand secours pour la "dispensation" de ces programmes. C'est un autre type de soutien aux activités des services éducatifs.

Il y a également, dans un cadre hors cours - ce que je viens de vous mentionner est carrément collé aux programmes et aux cours - des activités organisées à l'extérieur qui visent essentiellement à l'intégration des apprentissages des diverses disciplines par les élèves. À un moment donné on a l'impression que les élèves reçoivent des matières et ont de la difficulté à tout mettre cela ensemble pour intégrer tout cela ou comprendre toutes les dimensions d'apprentissage qui leur sont fournies.

Les services complémentaires sont d'une grande aide pour apporter l'intégration que les élèves ont besoin de faire à un certain moment.

Il y a également des activités qui visent à augmenter la participation des parents à la vie de l'école. Chose bien souvent à laquelle on ne pense pas mais qui est d'un très grand apport comme soutien aux services éducatifs, c'est la participation des parents. Si les parents s'impliquent beaucoup dans la vie de l'école et dans l'apprentissage de leur enfant, il y a souvent beaucoup de problèmes qui sont évités.

Les gens des services complémentaires organisent des activités qui vont stimuler la participation des parents et leur implication auprès de leur enfant et auprès de la vie de l'école.

Je vous fais grâce de la diversité des activités possibles, mais seulement en vous mentionnant la quantité et la variété de champs que je vous ai mentionnés, que ce soit au niveau d'activités sportives, si on invite des parents à participer, que ce soit au niveau de certains ateliers qui s'adressent aux parents pour comprendre ce qu'est le développement d'un adolescent, par exemple. Ce sont plusieurs activités qui peuvent faire en sorte que les parents s'impliquent plus. Voilà pour le premier grand objectif.

Le deuxième et non le moindre, c'est le développement des élèves sur divers plans. C'est un très gros objectif qui tend à développer chez l'élève différentes caractéristiques que je vous mentionne rapidement: son autonomie, son sens des responsabilités, son sentiment d'appartenance à l'école, son Initiative, sa créativité, en résumé, en faire un bon citoyen. Comment peut-on essayer de réaliser un pareil objectif avec des services complémentaires? C'est beaucoup en

organisant des activités parascolaires qui répondent aux besoins et aux intérêts des élèves, et qui leur permettent de se mettre à l'épreuve dans différentes choses, par exemple, que ce soit au plan d'une radio étudiante, d'un journal étudiant, d'un conseil de classe, enfin différentes activités qui favorisent l'information auprès des élèves et leur participation.

D'autres types d'activités sont plus reliés à des activités réalisées par des professionnels, soit des ateliers d'éducation à la santé, des ateliers de développement affectif et social, des ateliers de développement vocationnel pour que l'élève en vienne à prendre sa santé en main, à prendre ses problèmes personnels en main et à prendre en main son avenir. Ces différentes dimensions sont traitées évidemment par les spécialistes précités ou en équipe multidisciplinaire. Un autre type d'activités ce sont les activités d'information et de sensibilisation sur différents sujets qui préoccupent les élèves. À ce moment-là, on peut avoir affaire à des clientèles-cibles, soit des élèves en difficulté socio-économique plus particulière, soit encore des élèves doués. Les élèves doués ont besoin d'activités qui vont aller chercher et mobiliser leurs énergies et leur créativité afin d'éviter qu'ils se désintéressent carrément de l'école.

Voilà en gros différentes façons qu'utilisent les services complémentaires pour tenter de réaliser l'objectif de développement des élèves sur divers plans. J'espère que je ne suis trop longue. Cela va? Bon, comme vous voyez, on a beaucoup d'objectifs.

Le Président (M. Parent, Sauvé): La seule chose dont je voudrais vous mettre en garde, par exemple...

Mme Beauregard: Oui.

Le Président (M. Parent, Sauvé):... et c'est à vous de juger, ce n'est pas à moi. On a 45 minutes pour travailler avec vous. C'est à vous de juger s'il est plus important de présenter votre mémoire ou de discuter avec les membres de la commission. Vous êtes entièrement libre d'utiliser cette période-là comme bon vous semble.

Mme Beauregard: Merci beaucoup, M. le Président. Pour autant que je ne vous rende pas ça trop aride. C'est ce que je souhaite.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Au contraire!

Mme Beauregard: J'en suis au troisième grand objectif, la solution des difficultés des élèves. Non seulement on essaie de veiller à leur développement, mais on a souvent affaire à des élèves qui vivent des difficultés importantes. Quand cela se produit-il et comment répond-on à tout ça?

Tout d'abord, il y a des moments précis où des difficultés se manifestent dans le vécu scolaire d'un élève, soit les moments de transition. Le premier moment difficile est évidemment l'entrée à l'école qui peut être vécue plus ou moins bien par les élèves et par leurs parents, en passant. Il y a également le passage du primaire au secondaire qui est toujours un saut important pour le jeune qui se retrouve avec plusieurs enseignants, avec un horaire plus personnalisé et qui déjà commence à avoir à prendre des décisions et des initiatives par lui-même. Peu à peu, du premier cycle du secondaire au deuxième cycle, les responsabilités augmentent et évidemment, au sortir du secondaire, vers le cégep, c'est le grand saut. Toutes ces transitions et ces nouvelles choses qui les attendent inquiètent énormément les jeunes. Cela, c'est pour le vécu scolaire normal.

Il y a également dans tout ce vécu des situations à portée très significative pour eux sur le plan personnel, qui peuvent faire en sorte que leur comportement à l'école puisse être perturbé, soit, par exemple, des changements familiaux. Comme vous le savez, nos familles au Québec comme ailleurs vivent des changements. Quand on voit un enfant qui commence l'école à cinq ans, jusqu'à 17 ou 18 ans, au moment où on les perd de vue, il y a des bonnes chances qu'il se passe des choses chez lui, malheureusement, dans 50 % des cas. Cette période est très difficile à vivre pour le jeune. Souvent, l'école est l'endroit le plus stable dans sa vie. Les personnes qui s'occupent de lui sont peut-être celles qui sont les plus disponibles à ce moment, à l'école.

Ce sont des situations où les services complémentaires tentent de jouer un rôle auprès du jeune pour faire en sorte que son cheminement scolaire ne soit pas trop perturbé, en tout cas s'il l'est, que cela n'ait pas des conséquences trop graves du moins pour son avenir.

Il y a également des difficultés d'adaptation dues à toutes sortes d'autres problèmes qui ne sont pas nécessairement des changements familiaux, mais des difficultés d'adaptation. Il peut y avoir des enfants qui ont changé d'école trois ou quatre fois à cause du travail des parents. Différentes situations peuvent faire qu'un jeune arrive à l'école et se sente en grand besoin d'aide et ait beaucoup de difficultés à s'adapter à son vécu.

Il y a également le phénomène, malheureusement fort répandu, d'abandon scolaire qui nous agresse beaucoup au tout début du secondaire. Cela arrive de plus en plus tôt dans la carrière scolaire où un jeune commence à vivre des situations de "drop", "drop-in" pour commencer puis "drop-out" par la suite.

Toutes ces situations, très significatives dans la vie d'un jeune, amènent une gamme d'activités qui sont livrées auprès des individus ou encore, auprès de petits groupes, pour essayer de les aider à augmenter leur capacité à faire

face à tous ces changements et à tous les problèmes qui se présentent à eux malheureusement très tôt, auxquels ils sont confrontés et souvent très seuls pour passer à travers tout cela. Ce sont des activités qui ont lieu devant des situations de ce type.

Évidemment, il y a des activités de prévention des difficultés et des activités qui exigent une action immédiate et concertée de tous les agents. Un exemple bien précis est quand on a une communication avec un parent qui nous dit: Écoutez, ces temps-ci, mon enfant est peut-être un petit peu dérangé à l'école, on va déménager bientôt; entre mon mari et moi cela va moins bien, est-ce que vous pourriez essayer de l'aider plus à l'école, je ne sais pas trop comment, je ne suis pas capable de m'occuper de ses devoirs ces temps-ci, etc... Ce sont des choses très quotidiennes, très concrètes, mais qui peuvent faire en sorte que, si on ne prend pas l'enfant au bon moment... Si les personnes qui s'en occupent à l'école, particulièrement son titulaire au primaire, s'il est mis au courant, il pourra avec l'aide des spécialistes, avoir la bonne attitude. Par exemple, au moment de la fête des mères ou de la fête des pères, on leur fait faire un travail, une carte. Si le professeur sait qu'actuellement cet enfant est privé de voir son père par la loi, je pense que, s'il est bien informé par nos services, on va pouvoir l'aider à réaliser son activité tout en étant respectueux de la situation de l'enfant pour qu'il ne se sente pas mis à part et même qu'il prenne la maîtresse en grippe à la limite pour avoir fait une chose pareille. Comme vous voyez, je prends des termes tout à fait simples, mais il reste que finalement, ce sont des choses comme celles-là auxquelles on est confrontés en milieu scolaire et qui vont bien au-delà de l'enseignement et qui finalement sont essentielles pour que l'enfant soit réceptif à ce qu'on a à lui apprendre.

Évidemment, dans ce grand objectif de solution des difficultés des élèves, comme je vous en ai donné quelques exemples, il y a une activité fort importante qui s'adresse aux parents, à savoir les informer sur la progression de leur enfant. Quand on a un appel de leur part, une demande d'aide, cela va relativement bien, on peut travailler en collaboration avec eux. Mais souvent, c'est nous qui avons à faire appel à eux pour nous aider auprès de leur enfant quand celui-ci vit des difficultés, particulièrement leur demander d'avoir certaines attitudes aidantes pour que cela se passe bien à l'école et que les résultats soient bons. Je pense que c'est assez explicite à l'égard de ce grand objectif de solution des difficultés des élèves.

Le dernier, le quatrième, est un grand objectif de sécurité physique et morale, chose qui semble également fort vaste. Concrètement, qu'est-ce que cela veut dire? L'école, c'est l'endroit où on peut et doit apporter une aide et un secours lorsque les circonstances le justifient. Souvent, c'est le premier endroit où le jeune va demander de l'aide, que ce soit à la suite d'un accident à l'école ou même ailleurs. Vous savez, quelquefois, il arrive des choses aux jeunes la fin de semaine et c'est le lundi matin qu'ils vont aller demander de l'aide à l'infirmière, à son grand désarroi, mais il reste que c'est cela, la réalité. Cela peut être à la suite d'agressions sur la personne. Malheureusement, ce sont des choses qui arrivent et qui sont très violentes pour les jeunes, à savoir quand on a toujours... Évidemment, à la suite d'un congé, un jeune qui vient à nos bureaux nous dire: II m'est arrivé quelque chose en fin de semaine, je ne sais pas quoi faire, etc., et finalement, on se rend compte qu'il peut y avoir eu un viol. Ce ne sont pas nécessairement des choses qu'on publie dans le Journal de Montréal, mais cela existe dans nos écoles, quels que soient les endroits au Québec. Nous avons à aménager des solutions tout de suite pour ce jeune, l'envoyer aux ressources qu'il faut, enfin tout cela et surtout voir à sa sécurité physique et morale, dans certains cas. (15 h 30)

Évidemment, il y a la consommation de drogues à laquelle on est confrontés fort souvent et d'alcool, de plus en plus. Disons que la mode change, mais l'effet est le même. Souvent des élèves se retrouvent à nos bureaux et ils ne sont pas en état de se présenter aux cours. Alors il faut apporter une réponse immédiate et voir à leur fournir de l'aide pour que cela ne se reproduise pas. Il y a également des cas où un jeune garçon ou une jeune fille se présente à l'école en disant: Je suis en fugue, cela fait deux jours que je ne suis pas allé chez moi. Qu'est-ce que je fais? Je n'ai plus d'argent, je n'ai plus rien. Ce sont des situations avec lesquelles nous avons à vivre et à composer tous les jours. L'école doit favoriser, le plus possible, la sécurité physique des jeunes dans des situations semblables, entre autres, en leur fournissant des services.

Également, il y a la dimension de sécurité morale qui fait appel, d'une façon plus générale, au respect de leurs droits, quels que soient leur âge, leur sexe, leur ethnie ou leur sécurité en termes de libre expression de leurs opinions et dans les comportements qu'ils manifestent. Souvent, on a beaucoup de travail à faire auprès du personnel qui, des fois ou même souvent, peut mal décoder les modes d'expression des jeunes. Je crois que si on essaie de comprendre leur façon de s'exprimer envers nous, je crois également que les jeunes pourront eux aussi, réciproquement, montrer un certain respect envers le personnel qui s'en occupe. C'est beaucoup de travail qui se fait aussi à long terme par, entre autres, des activités qui se réalisent auprès des élèves sur la répercussion des attitudes et des comportements qu'ils peuvent avoir ou auprès des enseignants et des différents corps, du personnel, que ce soient les cadres ou autres, qui eux-mêmes doivent travailler certaines attitudes et comportements envers les élèves.

Alors, j'espère que cela vous donne un aperçu des grands objectifs que nous avons à réaliser comme services complémentaires par les différents champs d'intervention que je vous ai nommés. Je dois vous dire que si nous prenons la peine de venir vous mentionner tout ce que nous avons à faire dans nos écoles auprès des jeunes, qui est bien au-delà de l'enseignement, mais en même temps, à notre avis, essentiel pour un bon enseignement, c'est que la situation des services aux élèves et des services complémentaires est malheureusement précaire à certains moments, compte tenu des priorités ou des budgets qui sont alloués par les différentes commissions scolaires pour de nouveaux projets ou autre chose.

Sur cette situation, je ne vais pas élaborer plus longuement. Si vous avez des questions, vous pourrez nous en parler, mais chose certaine, c'est que pour nous, il était important de venir vous mentionner l'existence de ce type de services dans le milieu scolaire et l'importance que cela peut avoir auprès de jeunes de leur en dispenser.

J'en suis à vous parler, peut-être plus globalement et très rapidement, du contexte social qu'il y a autour de nos jeunes. Tout ne se passe pas seulement à l'école. Malgré tout ce que je vous ai dit, il s'en passe beaucoup, mais comme vous le savez, les élèves vivent dans une situation familiale que je vous ai mentionnée rapidement, soit monoparentale, soit reconstituée, chose qui est aussi complexe pour eux, parfois. Ils ont besoin de soutien, et jeunes et parents. Également, je vous ai mentionné le phénomène d'abandon scolaire comme étant un phénomène qui prenait beaucoup d'ampleur. Il y a eu, d'ailleurs, des projets récemment d'insertion sociale et professionnelle après de jeunes qui étaient en difficulté au plan de la motivation. Mais c'est toujours précaire, le maintien de ce type de service. À notre avis, cette prévention du décrochage est très importante.

Il y a une chose à laquelle on est confrontés aussi, c'est bien souvent même dans le vécu de l'école que cela se produit. On est, comme vous le savez, bons premiers au Québec au plan des statistiques sur le suicide des jeunes. Souvent, c'est à l'école qu'ils viennent nous dire: J'ai pris des pilules, j'en ai pris, ce matin, dans l'autobus. Cela se passe régulièrement comme cela ou encore il y a eu une intervention en clinique, la fin de semaine, ou à l'hôpital et on nous réfère le cas à l'école: Vous verrez à cet enfant parce qu'il a fait une tentative de suicide en fin de semaine. Ce ne sont pas des choses qu'on doit prendre à la légère. Ce ne sont surtout pas des choses qu'on doit confier à des gens qui ont seulement leur bonne volonté comme outil d'intervention. Pour ce type de cas très problématique, cela prend vraiment des interventions de spécialistes. C'est la seule façon de faire face à ce type de problème.

Il y a également toute la dimension de l'avenir des jeunes qui est importante, le contexte de violence dans lequel ils vivent, non seulement dans leur famille, mais dans la société en général. Ce sont toutes des choses sur lesquelles on doit attirer votre attention dans le sens que nous avons vraiment à faire un travail auprès des jeunes pour essayer d'éviter trop de pots cassés.

Enfin, je vous laisse là-dessus pour passer la parole à M. Mollica et pour regarder le mémoire d'une façon un peu plus particulière. Je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Parent, Sauvé): C'est moi qui vous remercie, madame. M. Mollica.

M. Mollica: On vient de vous brosser le tableau de la réalité scolaire. L'élève d'aujourd'hui n'est plus le même, tout comme la famille a évolué avec ses valeurs. Le support familial n'est plus le même qu'il y a 20 ans. L'école a écopé et doit, d'une certaine façon, composer.

À ce stade, je voudrais commenter rapidement le mémoire qu'on vous a présenté. Pour nous, un projet de loi comme la Loi sur l'instruction publique, compte tenu du fait qu'à l'article 1, on précise de façon très explicite que toute personne âgée de cinq ans a droit à des services, il nous semble que - parce qu'il n'y a pas politique ministérielle sur les services complémentaires - une loi comme celle-là devrait encadrer très explicitement les services complémentaires. Dans sa présentation actuelle, le projet de loi n'encadre pas les services complémentaires, à l'exception de l'animation pastorale qui est très bien expliquée à l'article 208. On est tout à fait d'accord avec cela, sauf qu'il faudrait ajouter les autres types de services complémentaires. Il y a comme un oubli à ce niveau,

À l'article 7, on dit très clairement que l'élève a droit à des services complémentaires en animation pastorale. Donc pour nous, il s'agirait de préciser également, dans la loi, les autres champs d'intervention auxquels l'élève a droit. Luce vous a énuméré tantôt, M. le Président, les différents types de services complémentaires.

À l'article 54, on recommande que les professionnels soient représentés par des professionnels. Tel que formulé actuellement, l'article 54 pourrait amener un membre du personnel de soutien à représenter les professionnels et vice versa. Il nous semble que chaque type de personnel a droit à son représentant qui appartient au même corps d'emploi.

La section IV traite des comités consultatifs de la commission scolaire. On parle, entre autres, des comités consultatifs en ce qui concerne les élèves en difficulté d'adaptation ou les élèves handicapés. Pour nous, il faudrait prévoir un comité consultatif pour les services complémentaires. Évidemment, des parents, des enseignants, des professionnels et des élèves pourraient siéger sur ce comité consultatif et

donner leurs recommandations, leurs opinions, sur le type de services complémentaires auxquels l'école devrait subvenir.

À l'article 206, on précise que chaque commission scolaire peut conclure une entente avec un autre organisme. Il est important de maintenir la formulation telle quelle parce que la commission scolaire a droit de regard sur les programmes qui doivent être offerts dans nos écoles. Il ne faudrait pas que cela soit simplement imposé par un organisme extérieur. Donc, on souscrit totalement à l'article 206.

L'article 208 stipule que la commission scolaire doit s'assurer que des services complémentaires en animation pastorale soient offerts dans chaque école. Encore une fois, comme pour l'article ' 7, nous souscrivons au contenu de cet article. Nous recommandons d'élargir la portée de l'article en y incluant un autre article qui stipulerait qu'en vertu du droit conféré à toute personne âgée de cinq ans et plus - qui est l'article 1 - quant à l'accessibilité des services complémentaires, la commission scolaire doit s'assurer que soient offerts dans chaque école des services complémentaires, après consultation du comité consultatif régional. Donc, on pense qu'il faudrait étendre cet article-là.

L'article 218 nous semble incomplet, toujours en référence à l'article 1 où on parle de façon très spécifique des services éducatifs, des services complémentaires et des services particuliers. Actuellement, à l'article 218, on fait mention uniquement des services éducatifs. Dans ce sens-là, on vous suggère d'ajouter de façon claire qu'il y a des services éducatifs complémentaires et particuliers qui sont dispensés par chaque école ou centre d'éducation des adultes.

À l'article 232, on fait référence un peu à la qualification du personnel qu'on retrouve dans nos écoles. Alors, on dit: À l'instar des enseignants et des animateurs de pastorale, il nous paraît important de préciser que la commission scolaire s'assure qu'une personne qu'elle affecte comme professionnelle dans ses écoles est dûment qualifiée en regard des fonctions qu'elle exerce. Donc, tout comme pour les enseignants et les animateurs de pastorale, on voudrait que les gens qui travaillent dans les services complémentaires soient dûment qualifiés.

L'article 11 traite davantage de la fréquentation scolaire. Ce qu'on se dit, c'est que dans le contexte actuel de la quantité de services et de la nature des difficultés rencontrées, si on reporte l'âge obligatoire de fréquentation scolaire à seize ans, donc un an de plus, selon nous, on va avoir des problèmes dans le sens que ces élèves vont être démotivés et, dans l'école, ils n'auront pas véritablement de service pour les aider à réintégrer le système scolaire et, éventuellement, procéder à une réinsertion sociale. Alors, dans le contexte actuel des services qui sont actuellement accessibles aux élèves, il nous semble que c'est plus ou moins réaliste d'appliquer cela. Dans le fond, on va avoir plus d'élè- ves en "drop in" qui vont être dans l'école, sauf qu'ils ne seront pas plus attentifs ou disposés à l'enseignement dans la conjoncture actuelle. Évidemment, si cette conjoncture change, il y aura évidemment lieu de discuter et de regarder dans quelle mesure ce serait applicable.

À l'article 15, on dit que la direction d'école devrait avoir les moyens de connaître la population scolaire de son territoire susceptible de fréquenter l'école, particulièrement pour les enfants de quatre, cinq et six ans. On propose un recensement. Pour nous, ce serait un des moyens. Actuellement, sans cette connaissance de la population scolaire réelle de son territoire, un directeur peut difficilement s'assurer que tous les élèves fréquentent assidûment l'école. Qu'on pense actuellement, et je pense que vous êtes sensibilisé, M. le Président, au phénomène de la non-fréquentation scolaire pour motif religieux. Si l'élève de quatre, cinq et six ans n'a jamais fréquenté l'école, n'a jamais été inscrit, un directeur d'école ne peut pas savoir, dans la ' réalité, que tel élève existe et doit fréquenter son école. Cet article stipule aussi que dans le cas où l'élève ne fréquente pas l'école, le directeur d'école le signale au directeur de la protection de la jeunesse. Toujours dans le contexte actuel, si cela s'applique demain matin, on peut vous assurer qu'il n'y aura pas de prise en charge par le directeur de la protection de la jeunesse parce que cela n'est pas un motif jugé essentiel et prioritaire. Alors, je pense qu'à ce moment-là, on joue un peu à l'autruche, dans le sens que l'élève va être carrément dans la rue et vous savez aussi bien que moi le problème d'engorgement au niveau de la Direction de la protection de la jeunesse. Donc, pour nous, cette solution est un peu irréaliste.

Pour conclure, M. le Président, ce qu'on souhaite, dans le fond, c'est que le projet de loi 107, Loi sur l'instruction publique, reconnaisse et encadre les services complémentaires pour que les élèves qui sont aux prises avec beaucoup de difficultés, qu'on vous a énumérées tantôt, aient véritablement accès à ces services. Je pense que la loi précise très bien que l'élève a droit à des services complémentaires, et je suis tout à fait d'accord avec cela. Ce que nous vous recommandons, c'est de spécifier clairement dans la loi que les commissions scolaires doivent offrir des services complémentaires, en les nommant. Actuellement, dans le projet de loi, il y a un seul type de service complémentaire qui bénéficie de cette précision à l'article 208, soit l'animation pastorale. (15 h 45)

Nos recommandations, si vous les acceptez, M. le Président, ne bouleverseront pas la structure scolaire mais nous permettront, entre autres, d'aider l'élève à être plus attentif, plus réceptif, plus motivé face à l'apprentissage scolaire. Nous croyons qu'il y a des préalables à l'apprentissage scolaire et notre expérience actuelle dans le milieu nous démontre hors de

tout doute qu'il y a de plus en plus d'élèves qui sont hypothéqués et qui n'ont pas ces préalables à l'enseignement. Alors, s'il n'y a pas une intervention préalable à l'enseignement, ces élèves-là ne réintégreront à peu près jamais la structure scolaire d'une façon efficace. Le législateur ne peut pas ignorer cette réalité et c'est un petit peu à cette réalité-là qu'on a voulu vous sensibiliser aujourd'hui. Le législateur doit permettre à l'école de réaliser pleinement sa mission qui en est une non seulement d'instruction, mais aussi et surtout d'éducation. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Parent, Sauvé): C'est moi qui vous remercie, M. Mollica. Au tout début de l'intervention, je ne vous avais pas mis en garde, mais je vous avais informé de nos- règles de procédure. Je pense que vous nous avez bien situé l'importance de vos services dans le cadre de - la vie étudiante et de la vie de" l'école. D'autre part, vos recommandations sont assez claires. Je pense qu'elles sont très bien définies dans la deuxième partie de votre mémoire. Malheureusement, il nous reste cinq minutes. Nous avions prévu 45 minutes et il y a d'autres groupes qui vous suivent. Je vais permettre une brève réaction du côté ministériel et du côté de l'Opposition et après cela, je pense que nous devrons conclure. Pour le côté ministériel, M. le député de Charlevoix.

M. Bradet: Merci, M. le Président.

Je voudrais d'abord vous remercier d'avoir accepté l'invitation de venir enrichir nos débats sur le projet de loi 107 et surtout sur un volet que vous avez très bien exprimé, la complémentarité des services à l'école. Il faut avoir vécu dans une école, comme beaucoup de mes collègues, pour comprendre que ce n'est pas seulement une question de classes, de cours académiques, mais que tout. ce volet de services dont on parle et qui n'est peut-être pas étiqueté très souvent avec la valeur qu'il devrait avoir, a une importance capitale.

Compte tenu du temps qu'il reste, malgré, vous l'avez dit, que votre mémoire soit court - il est concis, mais il est clair - j'aimerais juste vous poser deux questions dont une de fond. Partout dans votre mémoire, on sent que vous insistez sur le fait qu'on ne précise pas ces responsabilités dans le projet de loi ou encore que vous aimeriez qu'on précise quels sont les services complémentaires. Est-ce que cela veut dire que dans le passé, il y a eu des problèmes dans certaines commissions scolaires, dans le sens que souvent les services complémentaires étaient mis de côté? Je parle de petites commissions scolaires qui ont peut-être dépensé l'argent ailleurs ou qui ont été échaudées là-dessus. Ou bien, serait-ce dangereux ou utopique de penser qu'on pourrait mettre un cadre défini dans un projet de loi, vu qu'au Québec il y a des grandes, des moyennes et des petites commissions scolaires?

En tout cas, la première réaction qu'on a, c'est que vous ne pensez pas que ce serait difficile à faire accepter à certaines commissions scolaires que de leur dire qu'il y a un cadre défini, que les services complémentaires, ce n'est plus cela - vous en avez fait une énumération - qu'elles devront se débrouiller avec ce qu'il y a là-dedans, sans dire que des commissions scolaires auraient des orienteurs si elles n'en ont pas besoin, des choses comme cela? On leur dirait qu'il n'y a pas ce danger-là, vu qu'elles ont quand même une garantie, avec le conseil d'orientation dont elles vont faire partie, qu'elles vont...

Et là, je comprends votre point de vue parce que concernant le conseil d'orientation vous dites: C'est un peu ambigu, on fait le choix. Je pense que le ministre a dit souvent que tout mérite qu'on s'y attarde et vous avez peut-être raison de dire qu'il serait important qu'on puisse dire clairement que oui, il y a un membre de vos services qui va être. au conseil, alors qu'il y aurait peut-être un danger que ce soit un membre du personnel de soutien qui se retrouve au conseil. Généralement, est-ce que vous pensez qu'il n'y a pas un danger inverse à trop vouloir encadrer ces services dans une loi et que, à toutes fins utiles, on ne réglerait pas le cas parce qu'on créerait peut-être des problèmes à des commissions scolaires?

Le Président (M. Parent, Sauvé): Vous voulez répondre, M. Mollica?

M. Mollica: En fait, on ne demande pas un encadrement rigide dans le sens de les nommer et de donner des ratios. On voudrait un peu la même chose qu'on retrouve à l'article 208, c'est-à-dire qu'il soit clairement dit que chaque commission scolaire s'assure que soient offerts dans chaque école des services complémentaires en orientation, en psychologie, etc. On ne demandé pas que la loi aille jusqu'à dire: II nous faut un conseiller d'orientation par 500 élèves. Remarquez que ce serait déjà un gain énorme si c'était cela. On ne demande pas que la loi aille si loin que cela, mais qu'elle précise, comme elle le fait très bien à l'article 208, à mon avis, que la responsabilité de chaque commission scolaire est d'offrir ces services-là dans la mesure où on y croit et on réalise que ces services sont très utiles actuellement dans le contexte social.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci.

M. Bradet: Rapidement une deuxième question, M. le Président.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Rapidement, M. le député.

M. Bradet: Oui. Cela concerne le dédoublement du comité. Vous dites dans la section IV:

"Cette section prévoit la formation de comités... " En fait, on parle d'un comité d'école qui serait prévu. Vous dites qu'il devrait y avoir un comité régissant les services complémentaires, etc. Nous avons entendu dans nos consultations, ce qui m'amène à vous poser la question, des gens qui étaient pour ou contre le comité d'école. Attendu que dans le présent projet de loi on parle du comité d'école, est-ce que vous êtes pour ou contre? Êtes-vous pour le fait qu'on laisse tomber le comité d'école et qu'on garde le conseil d'orientation, ou qu'on garde quand même le comité d'école?

Mme Beauregard: Je m'apprête à répondre. Je crois qu'il ne faut surtout pas enlever le comité d'école, au contraire. Je crois que ce sont des gens qui sont très près de la réalité, du vécu de l'école. Cependant, le comité auquel on fait allusion, le nouveau comité qu'on souhaite voir apparaître dans la loi, est un comité au niveau de la commission scolaire qui va, entre autres, recueillir les points de vue des différents comités d'école et voir, parce que cela prend quelque chose, une vision de toute la commission pour cela, à organiser les différents services. Je crois que c'est plus à ce niveau-là qu'il faut prioriser, selon les milieux.

M. Bradet: Une dernière petite question si vous me le permettez, M. le Président.

Le Président (M. Parent, Sauvé): C'est une promesse?

M. Bradet: Vous l'avez souligné tantôt et j'ai vécu cette expérience d'enseigner l'initiation au choix de carrière. Je dois vous dire que, bien sûr, cela fait partie du champ de formation de la personne, éducation physique, enseignement religieux, moral... Vous dites que les commissions scolaires devraient être en mesure d'avoir des gens qui ont une bonne formation. Pensez-vous, je ne veux pas parler contre les enseignants, que dans certaines commissions scolaires actuellement, la qualité qu'on donne à l'initiation au choix de carrière est vraiment ce qui devrait être fait dans les écoles?

M. Mollica: Disons que vous nous demandez de porter un jugement et que ce n'est pas l'objet de notre mémoire.

M. Bradet: Non, mais je pense que c'est important, quand on parle de qualité de l'enseignement, d'être capable de voir... Très souvent le responsable ou le professeur qui a la meilleure formation pour l'enseigner le fait au niveau du secondaire V et c'est aux niveaux I, II, III et IV... Dans votre région, est-ce qu'il y a des soubresauts là-dessus? Avez-vous eu des rebondissements de professeurs qui se sont dits malheureux d'enseigner quelque chose où l'on présente un livre, un cahier d'exercices qu'ils doivent suivre, ou ça s'arrête là?

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. Mollica.

M. Mollica: Non, je ne peux pas dire que j'ai eu des réactions très négatives par rapport à cela bien que, comme je vous le dis, je ne sois pas directement impliqué dans l'enseignement de CC ou de FPS. Les renseignements que j'ai en général au niveau de la province, c'est que ce ne sont pas des spécialistes qui donnent cet enseignement. Cela fait partie de l'enseignement d'un cours intégré à la grille des matières. Je serais plutôt porté à demander: Est-ce que les élèves bénéficient effectivement de ces cours-là vu qu'on n'a pas de spécialistes? Je n'ai pas cette évaluation-là, M. le Président.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci. Ceci met fin à la période...

M. Racine (Denis): M. le Président...

Le Président (M. Parent, Sauvé): Oui, monsieur?

M. Racine:... juste pour répondre à monsieur qui tantôt parlait d'une formation. Si on prend pour exemple les animateurs de pastorale, cela leur prend un mandat de pastorale de la part de l'évêque. Un professeur a besoin d'un brevet d'enseignement. On veut mentionner que quelqu'un qui va faire de l'orientation dans une commission scolaire, que ce soit un conseiller d'orientation diplômé, quelqu'un qui fait un travail de psychologie, un psychologue diplômé reconnu, et non pas quelqu'un qui a fait une partie de cours, qu'on va chercher pour lui faire faire cette tâche-là; c'est une tâche de professionnel et on veut que ce soit un professionnel qui l'exerce.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. Racine. Je reconnais maintenant le vice-président de la commission permanente de l'éducation, M. le député de Shefford.

M. Paré: Merci, M. le Président.

Moi aussi, je vous souhaite la bienvenue et je vous remercie de votre préoccupation du domaine de l'éducation. On a reçu plusieurs groupes. On a eu le temps de regarder les structures, la qualité du français de nos enseignants; on a regardé ce matin la religion, l'intégration des personnes handicapées, des personnes qui ont des problèmes. Mais là, vous montrez une autre vision importante de l'école et vous nous avez sensibilisés d'une façon claire au fait que c'était important.

Vous avez terminé votre présentation là-dessus - je trouve cela important - en disant: On est là comme essentiels dans ce qu'on peut qualifier d'instruction par rapport à l'éducation. Vous êtes le lien indispensable et vous nous

montrez l'école comme étant le lieu non pas où on fait juste bourrer les enfants de connaissances, mais où on s'en occupe comme des êtres humains. Vous nous avez montré l'école comme un milieu de vie, le complément à la famille, et vous avez bien situé le rôle social de l'école dont on n'a pas vraiment discuté depuis le début, même si c'est majeur, c'est capital, c'est une étape qui dure quand même plusieurs années dans la vie de chacun des citoyens. Vous avez montré votre souci pour la santé des jeunes et pour les problèmes qu'ils vivent. Ce n'est pas parce qu'ils entrent à l'école et qu'on veut leur montrer les mathématiques durant 45 minutes, qu'ils viennent d'oublier leurs problèmes. Très souvent, les problèmes les empêchent de capter ce qu'on veut leur apprendre.

Vous avez montré le côté très humain, social et civique de ce citoyen, même pas en devenir, qui est déjà un citoyen même s'il est jeune. Vous l'avez raccroché à quelque chose d'important quand vous avez joué sur la question de l'âge à l'école, des décrocheurs. Dans une société où il y a tant de décrocheurs, où on est capables de prouver, au moment où on se parle que 80 % de nos sans-abri au Québec sont de plus en plus jeunes et n'ont pas fini leur secondaire... Donc c'est directement relié à ça. Le Québec a un autre championnat dont on ne parle pas souvent, et on n'a pas avantage à en parler, soit le plus haut taux de suicide au monde chez les jeunes. C'est parce qu'il y a quelque chose, quelque part, qui ne fonctionne pas. Comme ces jeunes sont à l'école ou quittent l'école, c'est à elle... on ne met pas suffisamment d'énergie, d'argent, de monde ou de compétences là où c'est nécessaire, c'est-à-dire dans le rôle joué par les gens que vous représentez, ceux qui s'occupent du côté humain de ces jeunes-là, de les empêcher de décrocher, de les aider à résoudre leurs problèmes et de faire en sorte que l'école soit la continuité de la vie et non pas la rupture avec le monde à l'extérieur de l'école, puisque cela fait partie de leur vie.

Je vais être très rapide. Je pense que vous avez réussi à sensibiliser les gens de la commission à l'importance du rôle que vous jouez, si on veut que l'école soit dans la vie de chacun un milieu qui lui permettra de passer à travers des moments difficiles et non pas seulement d'aller - l'expression n'est pas très bonne - se faire bourrer de connaissances qu'on veut lui entrer dans la tête de force et rapidement, très souvent, pour en faire un citoyen au plan de la prévention, et je ne reprendrai pas tout ce que vous avez énuméré au début, comment c'est large, vaste de faire de l'étudiant un vrai citoyen, une personne heureuse qui va s'en sortir finalement bien préparée à la vie.

J'aurai une seule question, parce que le président me signale que je dépasse mon temps. Vous avez des points bien précis sur des articles, mais vous en avez un d'ordre vraiment majeur et capital qu'on retrouve dans votre première demande et aussi dans la conclusion: vous dites que vous êtes indispensables, mais on ne semble pas vouloir le reconnaître. On le met dans l'article 1 comme une espèce de beau grand principe, comme on en met trop souvent en politique. Mais quand vient le temps d'imposer quelque chose aux commissions scolaires ou à n'importe quelle instance dans d'autres ministères, si on ne le met pas d'une façon précise, cela veut dire qu'on sait ce qui va arriver: quand il y aura des compressions ou n'importe quel problème, on coupera là où ce n'est pas dans la loi. Vous dites qu'il faudrait encadrer les services complémentaires, qu'il faudrait élargir l'article 208. Est-ce que ce serait satisfaisant pour vous et que cela viendrait vraiment apporter, surtout pour nos jeunes et pour la population, les garanties qu'on va former de vrais citoyens, si l'on modifiait l'article 208 tel qu'on le retrouve où, finalement, on dit que la commission scolaire s'assure que soient offerts dans chaque école les services complémentaires en animation pastorale pour l'élève inscrit comme catholique, et des services complémentaires en animation religieuse pour les élèves inscrits comme protestants? Serait-il préférable de ramener plutôt ce qu'on retrouvait dans la loi 3, à l'article 24? On y dit: "Les services complémentaires comprennent notamment: "1° des services de promotion des droits et responsabilités de l'élève, notamment pour favoriser l'exercice du droit d'association des élèves; "2° des services de participation de l'élève à la vie de l'école; "3° des services d'encadrement et de surveillance; "4° des services d'orientation scolaire et professionnelle; "5° des services de santé et des services sociaux; "6° des services d'animation pastorale catholique ou d'animation religieuse protestante; "7° des services de psychologie; "8° des services d'orthophonie ou de psychoéducation; "9° des services de recherche d'emploi. " (16 heures)

Avec cela inclus dans le projet de loi, à l'article 208, est-ce que ça va prouver qu'il y a ici une volonté de faire de l'école un véritable milieu de vie? Je trouvais de toute beauté le début de votre présentation, où vous dites que c'est le comité régional de la vie étudiante. Est-ce que cette modification ferait en sorte que cela viendrait vous apporter les garanties que vous demandez? Si c'est oui, vous pourrez compter sur nous, à l'étude article par article, pour essayer de le faire modifier.

Le Président (M. Parent, Sauvé): C'était un oui ou c'est un non?

Mme Beauregard: Oui.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Alors...

Mme Beauregard: Je pense que ce genre d'article viendrait assurer que les services complémentaires quittent une situation précaire dans le milieu.

Pour répondre à monsieur qui parlait de petites commissions scolaires, je dirai qu'il y a toujours moyen entre commissions scolaires, et on l'a déjà fait, de faire des ententes de services et même entre nous, pas juste avec les autres ministères. C'est toujours possible de rendre tous les services accessibles.

Le Président (M. Parent, Sauvé): II me reste à vous remercier au nom des membres de cette commission et à m'excuser auprès de ma collègue, la députée de Marie-Victorin, qui aurait voulu... Mais malheureusement, le rôle ingrat d'un président, c'est aussi de voir à l'ordonnance des travaux de cette commission. Nous avons déjà pris du retard. Nous avons d'autres invités qu'il faut respecter aussi.

Madame, messieurs, je vous remercie beaucoup. Nous suspendons pour quelques minutes.

(Suspension de la séance à 16 h 2)

(Reprise à 16 h 5)

Étudiants à la formation des maîtres de l'Université du Québec à Montréal

Le Président (M. Parent, Sauvé): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission permanente de l'éducation poursuit ses travaux. J'invite le groupe suivant à prendre place à l'avant, à savoir les étudiants à la formation des maîtres de l'Université du Québec à Montréal.

J'invite les membres de la commission à prendre place. Je vous rappelle que la commission a repris ses travaux et que nous accueillons les étudiants à la formation des maîtres de l'Université du Québec à Montréal, qui sont représentés par Mme Caroline Cipelleti et Mme Nathalie Morissette. Alors, mesdames, je vous souhaite la bienvenue et vous remercie d'avoir répondu à notre invitation pour nous faire connaître votre point de vue sur les deux projets de loi qui font l'objet d'une étude de la part de cette commission. La commission est prête à vous entendre. Prenez le temps qu'il vous faut. Je vais vous dire ce que j'ai répété aux autres groupes avant vous. C'est à vous de juger de la façon d'utiliser le temps qui vous est alloué, soit environ 45 minutes. Par contre, je vous suggère de prendre 15 ou 20 minutes pour présenter votre mémoire et le reste du temps sera réparti également entre les membres des deux formations politiques de façon que vous puissiez dialoguer avec eux. Alors, madame, nous vous écoutons.

Mme Morissette (Nathalie): Merci beaucoup. Je voudrais d'abord remercier les membres de la commission de nous accueillir. Vous savez, le mémoire que l'équipe a écrit a sa petite histoire: c'est dans le cadre d'un cours sur l'organisation du système éducationnel au Québec que nous l'avons écrit. En fait, cela a servi de travail de session et comme tout étudiant, quand on termine un travail à la fin d'une session, on en est fiers; on s'est dit: Pourquoi ne pas l'envoyer à Québec? Tiens, tiens, ils sont peut-être intéressés à le lire. En plein milieu de l'été, on a appris qu'on était invités à venir partager avec vous notre opinion. Alors, c'est un peu la raison de notre petit test en tant que groupe. Malheureusement, seulement Caroline et moi avons pu nous joindre à vous cet après-midi. Les autres sont ou bien au travail - ils se sont trouvé des postes dans les écoles - ou bien en train de passer des entrevues.

Alors, je commence ainsi. Nous avons séparé notre mémoire en quatre parties, soit l'historique, mais ce n'est pas dans notre mémoire car on ne pensait pas que c'était une bonne idée de vous parler de l'historique, ensuite les lois, et je pense que vous les connaissez probablement même mieux que nous. Il y a une partie intitulée "Aspects linguistiques" et Caroline vous en parlera un peu plus tard. Moi, je voulais vous parler un peu de l'aspect confessionnel, de ce qu'on a reconnu, nous, dans le projet de loi.

En tant que futurs enseignants en adaptation scolaire ou en orthopédagogie, pour nous, ce qu'il est important d'établir avec l'enfant, c'est un aménagement moral et physique qui se rapproche le plus près du vécu et de ce dont les enfants ont besoin à l'intérieur même de l'école. C'est une question d'adaptation de notre part envers les enfants.

Mais on sent un problème face à la religion ou face aux cours mêmes qu'on doit suivre dans le cadre de notre formation en didactique, la religion catholique ou la morale. Vous savez, expliquer à un enfant que deux plus deux font quatre, c'est facile quand on y croit. Mais quand on ne croit pas ou qu'on a une façon plutôt intime de voir la religion et qu'on se sent un peu encadrés et forcés de suivre une voie qui correspond peu à soi... Je ne sais pas si c'est un problème de génération ou peut-être que, nous, on a été mal introduits dans cette religion, mais on a un peu de mal à entrevoir cela et c'est un petit peu apeurant. Vous savez qu'on nous demande si on a la foi quand on passe des entrevues dans les commissions scolaires. Dire oui, ce serait mentir et dire non, ce serait aussi mentir. Vous savez, on a foi dans l'enseignement mais on n'a peut-être pas la foi que prônent les évêques ou le curé au coin des rues Saint-Denis et Duluth. On se sent mal face à cela et on

comprend mal le besoin d'encadrer dès enfants, ou même une commission scolaire, ou même une école dans des murs catholiques ou protestants.

On est beaucoup plus sensibles à la langue. On vit des drôles de conflits en orthographe, en lecture et aussi face à notre patrimoine. Quand on travaille avec le public, comme je l'ai fait cet été, et qu'on parle à des Américains et à des gens parlant différentes langues, on aimerait bien partager notre langue à nous et on reconnaît qu'elle est belle. En fait, il y a tout un univers un peu émotif autour de cette langue. On trouvait que c'était intéressant de séparer les commissions scolaires en commissions scolaires linguistiques au lieu de faire une discrimination, ce qu'on appelle une discrimination sur le plan de la religion.

Quand on fait des stages en adaptation scolaire, vous savez que la majorité des enfants, souvent, ne viennent pas du Québec. Ce sont des enfants qui viennent de l'étranger. Maintenant, je pense que leur religion est à respecter et qu'on n'a pas à leur imposer un cadre à l'intérieur des cours. On a besoin d'être honnêtes, on veut l'être et c'est pour être honnêtes qu'on est ici.

Maintenant, je voudrais laisser la parole à Caroline qui vous parlera un peu plus de l'aspect linguistique et qui vous lira les recommandations que l'on a écrites à la fin de notre mémoire.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci.

Mme Cipelleti (Caroline): En tant qu'étudiants en enseignement, en adaptation scolaire et sociale, notre plus grande préoccupation concernant le système scolaire est que ce dernier réponde aux besoins des élèves. Il ne s'agit pas seulement de satisfaire la majorité des élèves, mais bien de tendre à satisfaire les besoins de chacun d'eux. Les besoins spécifiques de chaque individu doivent être assouvis et ce, tant au plan cognitif qu'au plan affectif. Nous croyons qu'une école qui admet les enfants sur une base linguistique plutôt que confessionnelle répond mieux aux besoins des élèves. Ces derniers vivent à l'école un épanouissement tant culturel que social. L'école doit offrir la possibilité à l'enfant de s'ouvrir à la réalité sociale qu'est le multiculturalisme du Québec.

On sait qu'en conservant le statut confessionnel aux commissions scolaires, on favorise l'éloignement des Québécois et des différentes ethnies et, de ce fait, on continue à perpétuer les incompréhensions culturelles qui peuvent exister de part et d'autre. Aussi, nous croyons que le souci d'intégrer les immigrants à notre culture doit se manifester concrètement. L'établissement de commissions scolaires linguistiques serait un témoignage de notre ouverture envers les immigrants et de notre volonté de les sentir vivre près de nous. De plus, ce serait un geste qui saurait nous faire ressentir que notre essence culturelle, ici, au Québec, est bien définie parce qu'elle est différente de celle de nos voisins canadiens. Cet aveu que nous saurions nous faire à nous-mêmes témoignerait de notre différence aux autres Canadiens.

Les recommandations générales du groupe sont: premièrement, nous demandons la priorité de la langue française dans le système scolaire québécois en rapport avec la loi 101, afin qu'il y ait uniformité de juridictions en matière d'éducation et de travail et qu'ainsi l'ambiguïté de la langue et de la confessionnalité soit levée; deuxièmement, nous demandons la restructuration du fonctionnement des mécanismes décisionnels d'une commission scolaire dans le système scolaire québécois, en regard d'une modification de la représentativité du conseil d'orientation plus adaptée aux orientations d'un projet éducatif non confessionnel; troisièmement, nous demandons rétablissement d'un troisième comité dit non confessionnel ayant, à la manière des deux autres, la charge d'approuver l'ensemble des modalités d'application d'un enseignement non confessionnel et ce, à partir d'une reconnaissance juridique à l'intérieur du Conseil supérieur de l'éducation; quatrièmement, nous demandons le décloisonnement de l'imbroglio entre la portée de l'article 93 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique et le pouvoir juridique provincial réel en matière d'éducation.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Cela termine...

Mme Cipelleti: Les recommandations que je viens de vous lire sont écrites à la dernière page de notre mémoire. Maintenant, on en a terminé la présentation.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Cela met fin à votre intervention?

Mme Cipelleti: Oui.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci. Comme je vous le disais, le reste de la période va être séparé également entre les membres des deux formations politiques.

Je reconnais, dans un premier temps, M. le député d'Arthabaska.

M. Gardner: Merci beaucoup, M. le Président.

Je veux d'abord vous féliciter, mesdames, pour votre travail. D'après ce que vous avez dit, il y en a deux ou trois autres qui ont participé au travail et elles ont obtenu un emploi depuis ce temps-là?

Mme Cipelleti: II y en a qui en ont obtenu, oui.

Mme Morissette: II y en a qui en ont obtenu, d'autres qui sont en entrevue.

M. Gardner: Cela veut donc dire que votre travail a eu une bonne note, a été bien coté par votre professeur. Je vous félicite. J'espère que les remarques que je vais faire ne vous causeront pas de préjudice.

Au départ, c'est malheureux que le temps nous ait manqué, parce que j'ai relu votre aspect historique et cela m'a rappelé mon cours d'histoire de l'éducation lorsque j'étais à l'université, il y a une vingtaine d'années. C'aurait été bon que même les députés de l'Opposition entendent cela. Je vous félicite pour cette partie-là, en tout cas, cela va très bien.

Pour les autres parties, j'ai de petites restrictions. Il y en a une à la page - c'est malheureux que je vous fasse cela, je m'excuse... Au plan linguistique, on va passer rapidement. Vous dites qu'il faudrait changer l'article 93 de la constitution, et tout cela. Cela vous semble très facile de changer une constitution. Cela me rappelle, moi aussi, quand j'avais votre âge - malheureusement, je dois parler comme cela - on avait des ambitions aussi... (16 h 15)

Une voix: Des volontés politiques.

M. Gardner: Lorsqu'on était à l'université, on avait des grandes ambitions de changer bien des choses. Tout simplement pour vous dire que changer une constitution, c'est beaucoup plus difficile que vous ne le pensez. Je vais passer rapidement là-dessus. Je vais plutôt aller du côté confessionnel. À la page 9 de votre mémoire, vous dites: "Nous sommes convaincus que l'école n'a plus besoin d'un statut confessionnel pour offrir une qualité d'enseignement. " Est-ce que cela veut dire, dans votre idée, qu'il y a quelques années c'était le statut confessionnel qui faisait qu'il y avait de la qualité dans l'enseignement?

Mme Morissette: Si on revient aux années cinquante, à mon souvenir, il n'y avait pas beaucoup d'écoles publiques. C'était géré par les frères et les soeurs. Il y avait toute une structure à l'intérieur. Mes parents m'en ont parlé. Malheureusement ou heureusement, je n'ai pas vécu ce genre d'éducation. On ne comprend pas. On n'est pas des experts en interprétation de lois. On ne peut pas dire qu'on a tout compris ce que vous avez écrit dans vos projets de loi. Ce n'est pas toujours accessible à de jeunes étudiantes comme nous.

M. Gardner: Remarquez que nous autres non plus, on ne comprend pas toujours tout.

Mme Morissette: On parle de nouvelles structures, de nouveaux cadres et de nouvelles règles à l'intérieur d'une école confessionnelle. Nous, nous ne comprenons pas pourquoi c'est important de faire cela. Quelle est la teneur éthique, le mythe ou la terminologie d'avoir une école catholique ou protestante? Pourquoi avons-nous besoin de cela, ici au Québec, au Canada, en Amérique du Nord? Pourquoi avons-nous besoin de cela ici? Par exemple à Montréal, pourquoi avoir besoin de cela à Montréal, à la CECM quand, en 1993 apparemment, les statistiques disent que la majorité des enfants dans les écoles primaires seront de minorité ethnique? On peut dire de majorité ethnique, peut-être.

M. Gardner: Ma question était surtout de savoir si dans votre idée, il faut absolument que... Quand on avait une école confessionnelle, c'était ce qui faisait qu'il y avait une qualité d'enseignement. En fait, le texte que vous nous avez présenté dit cela. Est-ce vraiment ce que vous voulez dire?

Mme Morissette: Je ne pense pas. M. Gardner: Non? Mme Morissette: Je pense que... M. Gardner: Tant mieux.

Mme Morissette:... cela ne fait pas partie de l'enseignement.

M. Gardner: Vous aimeriez...

Mme Morissette: Cela change. Est-ce que votre objectif est d'améliorer l'enseignement? Est-ce que vous pensez... Si je renverse la question, pensez-vous que c'est améliorer l'enseignement que de donner à l'école un cadre confessionnel, que d'accrocher des croix dans chaque classe? Est-ce que c'est améliorer l'enseignement?

M. Gardner: Voici.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): M. le député, est-ce que vous voulez répondre, s'il vous plaît?

M. Gardner: C'est un respect des valeurs, quand même. Vous admettez quand même que les écoles étaient bonnes et que ce n'était pas le statut confessionnel qui faisait que l'école était bonne. C'est ce que je veux vous faire...

Mme Morissette: Cela l'encadrait et la structurait, mais on a changé cela.

M. Gardner: Cela l'encadrait.

Mme Morissette: II y a beaucoup plus d'écoles publiques que d'écoles privées maintenant. Non? Je ne sais pas.

M. Gardner: Vous dites un peu plus loin que cela ferait une sélection discriminatoire, la discrimination de la majorité. En fait, il faut

bien l'avouer, dans votre aspect historique vous le mentionnez. Le Québec a une grosse majorité francophone et catholique. Pensez-vous que le fait que cela soit confessionnel, cela devient discriminatoire envers la minorité?

Mme Morissette: Dans des secteurs comme Montréal ou dans des commissions scolaires où il y a une forte population de minorités ethniques, je sens que c'est discriminatoire de leur imposer un enseignement en religion catholique. C'est encore plus discriminatoire d'imposer ou de demander à des enseignants s'ils ont la foi, quand on les embauche pour expliquer à un enfant ce que font deux et quatre. Voyez-vous?

M. Gardner: J'aurais aimé vous entendre dire... Vous n'étiez pas là ce matin lorsque les parents catholiques sont venus?

Mme Morissette: Non.

M. Gardner: C'est complèment à l'opposé. D'ailleurs, le but de la commission est d'entendre toutes les opinions. C'est parfois très édifiant.

Je viens sur un autre point rapidement. À la page 14 de votre rapport, vous dites: "Afin de donner un pouvoir décisionnel réel au comité d'orientation, nous recommandons que le projet éducatif de l'école soit obligatoire dans chaque école... " C'est drôle, aux articles 35 et 36 du projet de loi, l'article 35 dit: "L'école est destinée à assurer la formation de l'élève... dans le respect des valeurs qui lui sont propres... " etc... Si on va à l'article 36: "L'école réalise sa mission suivant un projet éducatif élaboré, réalisé et évalué périodiquement avec la participation des élèves, des parents, du personnel de l'école et de la commission scolaire. " Donc, l'école réalise sa mission suivant un projet éducatif vraiment élaboré par tout le monde de l'école. J'ai été surpris de voir cela dans votre mémoire. Vous dites que vous recommandez cela alors que c'est vraiment dans le projet de loi, à l'article 36.

Mme Cipelleti: Je vais vous expliquer que quand on a fait le travail, on se l'est divisé. On a chacun nos spécialités. La personne qui a écrit cette partie n'est pas là, mais si j'ai bien compris ce qu'elle a écrit, ce serait que les décisions prises par le conseil d'orientation en rapport avec le projet d'école ne seraient pas nécessairement acheminées aux commissions scolaires. La direction de l'école a à acheminer les demandes et les décisions du conseil. Finalement, c'est la direction de l'école qui a le pouvoir. C'est ce qui fait que le projet éducatif ne sera pas nécessairement appliqué. Vous comprenez?

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien, Mme Cipelleti. M. le député, est-ce que vous avez d'autres questions?

M. Gardner: Oui. Est-ce qu'il me reste du temps, M. le Président?

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Deux minutes, M. le député.

Mme Cipelleti: Est-ce que vous avez bien entendu? Avez-vous bien compris?

M. Gardner: Oui, merci. Cela répond à ma question. En fait, vous voulez que non seulement il soit obligatoire, mais qu'il achemine le projet éducatif à la commission scolaire.

Mme Cipelleti: Oui, c'est cela.

M. Gardner: Qu'il soit acheminé.

Mme Cipelleti: Obligatoirement. C'est cela.

M. Gardner: D'accord. Vous dites aussi que le conseil d'orientation devrait aussi gérer les locaux, le nombre d'enseignants et les budgets. Pensez-vous vraiment que les parents veulent cela, veulent aller jusque-là?

Mme Cipelleti: On trouve que le conseil d'orientation n'a pas tellement de pouvoirs, finalement. Dans le projet de loi, on a l'illusion qu'il aurait beaucoup de pouvoirs, mais finalement ce n'est qu'un pouvoir décisionnel, alors qu'on voudrait peut-être un pouvoir plus concret. Ce sont des choses qui sont quand même très près de l'école.

M. Gardner: D'accord. Il ne me reste pas grand temps. Je vais poser une dernière question sur le conseil d'orientation, où vous voulez une place prépondérante pour les enseignants. Je vous comprends, vous êtes une future enseignante, si vous ne l'êtes pas déjà. Mais, est-ce que c'est vraiment cela qui doit être ou si... J'ai entendu les comités de parents qui disaient, eux, qu'ils voudraient que ce soient les parents qui aient la prépondérance. Est-ce que vous y tenez vraiment?

Mme Cipelleti: Je vous dirai que je ne suis ni parent, ni professeur pour l'instant. Il me semble que si le nombre de parents et d'enseignants était égal, ce serait bien. Mais je n'ai pas de position vraiment ferme là-dessus.

M. Gardner: Bon. Je vous remercie. Je pense que c'est très instructif.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Très bien, M. le député d'Arthabaska. Maintenant, je vais donner la parole à la porte-parole officielle de l'Opposition, Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Mesdames, bonjour. Il me fait plaisir de vous

voir là. Je suis très heureuse, finalement, qu'on vous ait convoqués à cette commission. C'est la première fois que l'occasion nous est donnée d'entendre des gens qui, tantôt, vont entrer effectivement dans des classes et qui sont, je dirais, de génération plus récente, et je dirais aussi de culture un peu différente de celle des aînés qui viennent nous présenter une école un peu théorique, avec un projet éducatif, etc... Je me demandais tout le temps comment cela s'accorde avec ceux qu'on est en train de former pour entrer dans les écoles tantôt. Je trouve cela intéressant. Je trouve votre présence aujourd'hui stimulante. Avant de commencer, je voudrais juste déplorer qu'on ait si peu de temps pour vous entendre. Ce que j'ai cru comprendre, c'est que vous dites que l'école devrait être une école neutre pour qu'on puisse respecter le pluralisme de la société québécoise, plus particulièrement dans la grande région de Montréal, où tantôt 50 % de nos élèves seront d'autres ethnies, c'est-à-dire qu'ils ne seront pas des Québécois d'origine. Il faut donc respecter cela, et cela s'accorde mal avec une école confessionnelle. Vous dites plus. Vous dites: Moi, je ne me sens pas à l'aise là-dedans, je ne sais pas trop comment je vais faire cela. Il y a deux choses sur lesquelles j'aimerais vous entendre. Il va y avoir le projet éducatif de l'école - et je pense que le député d'Arthabaska a raison - cependant ce qui est prévu c'est que le projet éducatif de l'école reconnue comme confessionnelle devra s'inspirer des croyances et des valeurs de la foi catholique dans le respect des différences. Ne me demandez pas... C'est de la gymnastique que je n'ai pas encore été capable de faire. Il y a des groupes qui sont venus ici... Sauf que l'enseignant va pouvoir être exempté de donner un enseignement qui ne correspond pas à sa foi ou à ses croyances. Par ailleurs, beaucoup de gens sont venus nous dire qu'il faudrait s'assurer que tous les enseignants et enseignantes soient tenus de faire la promotion du projet éducatif. Donc, c'est la promotion de certaines valeurs. Mais je dois vous dire cependant que cette obligation n'est pas dans le projet de loi, dans les devoirs de l'enseignant qu'on retrouve à l'article 16. On y reviendra tantôt. Mais le règlement du comité catholique a été modifié quant aux exigences, pour donner l'enseignement moral religieux, l'enseignement catholique. Au secondaire, ce sont des spécialistes. Ce sont donc 60 crédits qui devront être pris avec des contenus et didactique de la foi catholique. Et au primaire ce sont neuf crédits.

Comment cela se passe-t-il chez vous? Est-ce à dire que pour s'assurer d'une place, être un peu plus mobiles dans une commission scolaire, tout le monde aura tendance à prendre les neuf crédits indépendamment de ses convictions religieuses?

Mme Morissette: Au mois d'octobre dernier, je suis venue accompagner ma vice-doyenne à une commission parlementaire portant sur cette question-là. Je n'ai pas parlé parce que je pense que la boucane m'aurait sorti par les oreilles.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Morissette: Vous savez à l'UQAM -c'est peut-être une université spéciale, je ne le sais pas, je suis très fière d'être à l'UQAM - on a l'impression de se faire rire en plein visage quand on nous impose neuf crédits. Neufs crédits, en fait, ce sont trois cours. Caroline et moi à la fin de notre bac, nous pouvons nous en sortir en suivant un cours de didactique en mathématiques et nous sommes orthopédagogues en sortant de là. C'est loin d'être dans nos tâches. Nous avons très très peu de chance d'avoir à enseigner la morale ou la religion catholique dans des écoles primaires ou secondaires. On va être appelées à travailler avec des enfants qui ont des difficultés d'apprentissage, soit en mathématiques et en français, ou des difficultés de comportement. Alors on est loin de cela et cela nous est imposé dans notre programme également.

Mme Blackburn: Cela vous est imposé. Est-ce que cela vous est imposé...

Mme Morissette: Bien imposé...

Mme Blackburn:... ou vous vous sentez obligées?

Mme Morissette:... pas encore. Je veux dire ça...

Mme Blackburn: Mais vous vous sentez obligées de les prendre?

Mme Morissette: Nous, nous terminons. Il me reste quelques cours. Caroline a terminé. C'est terminé. Il est trop tard pour nous. Ils ne vont pas nous renvoyer à l'école pour suivre trois cours de didactique. C'est sûr. Non, ce n'est pas bien pris du tout. On a l'impression de retourner dans les années cinquante. D'abord on est très loin de cela, la religion. C'est très intime. C'est très personnel. On ne fait pas partie de sectes religieuses, peu importe. On se sent tous catholiques, peut-être pas chrétiens selon le curé du coin de chez nous. Mais chose certaine, c'est qu'on est loin de cela. Cela ne nous touche pas. Parlez-nous de handicapés visuels, d'éducation psychologique, d'orthopédagogie, d'orthophonie, de services pour encadrer un enfant à mieux parler, à mieux écrire, à mieux voir, à mieux entendre mais à mieux penser et à mieux prier, par exemple, là c'est très loin de nous, très loin de nos convictions et de la raison pour laquelle on veut enseigner aussi. Là, on se demande si cela vaut la peine de commencer à enseigner. On se demande si cela nous intéresse. (16 h 30)

Vous savez que cela a apporté réflexion d'écrire quelque chose comme ce mémoire-là, chez certaines personnes dans l'équipe. On n'est plus sûres. On ne sait plus ce que le gouvernement attend des enseignants. On ne sait plus, non plus, ce que les enfants attendent parce que les enfants sont tellement différents les uns des autres. On ne sait plus ce que les parents attendent de nous. Ils vont entrer dans les conseils d'orientation, les comités d'école, les projets d'école, les projets éducatifs. Ils vont être là. On ne sait pas ce qu'ils attendent de nous. C'est difficile à cerner. Il nous suffirait peut-être d'aller travailler dans le milieu pour vraiment comprendre ce qui s'y passe, mais on fait six stages à l'intérieur de notre formation. On en a vu des écoles. On a enseigné, on a travaillé avec des enfants. On a goûté un peu à ce que c'était le fonctionnement dans une école. Il y a peu de choses qui sont prises au sérieux, peu d'encadrement pris au sérieux. On a de beaux programmes, de belles pensées, de belles structures sur papier, mais il n'y a pas de ressources pour subvenir à cela et on est formées là-dedans. On est justement formées dans cette pauvreté de ressources. On est même très peu supervisées dans nos stages. C'est une grosse blague. Peut-être même beaucoup moins que certains autres étudiants dans d'autres universités. On ne veut pas revenir là-dessus, mais on est même très très peu encadrés dans notre formation.

Donc, nous dire quoi apprendre, comment l'enseigner, on est des petits débrouillards. On mérite des diplômes de petits débrouillards mais pas d'enseignants, à mon avis. À l'UQAM en tout cas, ce que j'ai vécu à l'intérieur de mon bac, c'est ce que j'attends de l'unjversité. Je n'ai pas appris à enseigner.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien.

Mme la députée de Chicoutimi, avez-vous d'autres questions?

Mme Blackburn: Oui. Vous avez suggéré, à tout le moins pour pallier aux difficultés que posait la reconnaissance de statut confessionnel au sein des écoles du Québec, qu'il y ait un comité pour l'enseignement moral, comité qui pourrait être l'équivalent de ce qu'on connaît, comité catholique et comité protestant.

Vous savez que le projet de loi prévoit que des ressources soient affectées à la surveillance de l'application du respect des écoles confessionnelles. Est-ce que c'était dans cette direction-là que vous vous disiez qu'il faudrait au moins avoir l'équivalent en enseignement moral, la morale sans épithète?

Mme Morissette: À mon avis, oui.

Mme Cipelleti: Je ne suis pas certaine d'avoir bien compris.

Mme Blackburn: J'ai cru comprendre que vous souhaitiez la création d'un comité rattaché au Conseil supérieur de l'éducation. Vous m'aviez bien dit cela tantôt.

Mme Cipelleti: Oui, oui, oui.

Mme Blackburn: Pour l'enseignement moral.

Mme Cipelleti: Non, ce n'était pas pour l'enseignement moral.

Mme Blackburn: C'était pour...

Mme Cipelleti: C'était pour prendre différentes décisions au sein de l'école. Évidemment, ils vont décider... Je pense que le conseil d'orientation va prendre des décisions quant à l'orientation confessionnelle de l'école, sauf que cela nous intéresse plus ou moins parce que, dans le fond, d'abord les écoles auront un statut linguistique et ensuite confessionnel. On va juste inverser les titres des écoles.

Mme Blackburn: Changer le problème de place.

Mme Cipelleti: C'est cela.

Mme Morissette: En fait, quand on est allées, Caroline et moi, au Conseil supérieur de l'éducation, on a remarqué que toutes les publications étaient faites par le comité catholique. On cherchait des trucs publiés par le comité moral ou pluraliste ou Pierre Tremblay... Tout était du comité catholique, sur les rayons. Ce sont les questions qu'on se posait.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Mme la députée de Chicoutimi, vous avez d'autres questions?

Mme Blackburn: Oui. Vous avez souligné que la participation des enseignants devrait être au moins égale à celle des parents. C'est peut-être sur une autre question que je voulais vous entendre. Sur cette question de la participation des enseignants dans la loi, le comité pédagogique tel que prévu dans la loi 3 est disparu. Cela prévoyait un certain nombre de pouvoirs qui devaient être donnés à ce comité sur les méthodes pédagogiques, les manuels scolaires, un certain nombre de choses comme cela, et cela n'apparaît plus dans le projet de loi.

Dans le projet de loi actuel, il y a une définition des obligations, des devoirs de l'enseignant. Est-ce que vous en avez pris connaissance? J'imagine que cela a dû retenir votre attention?

D'abord, il y a les droits de l'enseignant: "L'enseignant a notamment le droit: "de prendre les modalités d'intervention pédagogique qui correspondent aux besoins et aux objectifs fixés pour chaque groupe et pour

chaque élève qui lui sont confiés; "de choisir les instruments d'évaluation des élèves qui lui sont confiés... " Dans les devoirs, il a le devoir de "contribuer à la formation intellectuelle et au développement intégral de la personnalité de chaque élève qui lui est confié; "de développer chez chaque élève qui lui est confié le goût d'apprendre; "de prendre les moyens appropriés pour développer chez ses élèves le respect des droits de la personne; "d'agir d'une manière juste et impartiale dans toutes ses relations avec chacun de ses élèves; "de prendre les mesures nécessaires pour assurer la qualité de l'usage de la langue écrite et parlée; "de prendre des mesures appropriées qui lui permettent d'atteindre et de conserver en tout temps le plus haut degré de compétence professionnelle; "d'appliquer, en septième point, les décisions et les règlements du gouvernement et du ministre, de la commission scolaire, du conseil d'orientation et du directeur d'école. " Vous ne vous êtes pas attardées à cet aspect du projet de loi?

Mme Cipelleti: II y a seulement la dernière fonction qui nous semble embêtante, le reste va de soi; on pense que cela fait partie de nos fonctions. Mais, pour ce qui est d'appliquer les valeurs morales qu'on nous dira d'appliquer, en tout cas, quand cela ne correspond pas à ce qu'on pense, ' c'est plutôt difficile de fonctionner dans un système comme ça.

Mme Blackburn: Appliquer les décisions touche évidemment la décision du caractère confessionnel de l'école.

Mme Cipelleti: Oui, c'est ça.

Mme Blackburn: C'est bien évident. Là-dessus, vous avez raison. Le projet éducatif définit le caractère confessionnel de l'école. J'ai cru comprendre, et je voudrais que ce soit clair avant que vous ne nous quittiez, qu'actuellement l'Université du Québec à Montréal suggère à tous les étudiants du programme de formation des maîtres de prendre les neuf crédits pour l'enseignement religieux.

Mme Morissette: Je ne peux vous le dire. Je pourrais vous le dire si je m'inscrivais au bac; je ne le sais vraiment pas. Je suis au courant qu'il me reste quelques cours pour terminer mon bac, mais je ne peux vraiment pas répondre à cette question-là; quelles sont les modalités que prend l'université à cet égard? Je ne pourrais pas vous le dire.

Mme Blackburn: J'avais cru comprendre tantôt que vous disiez que les étudiants ne sont pas contents de cette obligation de se voir imposer des cours.

Mme Morissette: Écoutez, avant de venir à la commission parlementaire, j'ai fait ma petite enquête auprès des étudiants. Je représentais les étudiants à ce moment-là à une instance à l'université et on en parlait; c'était à l'ordre du jour. J'en ai parlé à des groupes d'étudiants à l'UQAM et c'était mal perçu de la part des étudiants. Je ne sais pas ce que l'université fait. Chose certaine, c'est qu'on se demande ce qui va nous arriver au moment des embauches.

Ce que j'ai compris et ce que je comprends, c'est qu'il sera nécessaire pour notre embauche d'avoir accumulé un certain nombre de crédits en didactique de la religion catholique ou morale, n'est-ce pas? Si on ne les a pas, c'est qu'on n'a pas la foi et qu'on ne peut pas enseigner. C'est un peu ce qu'on comprend. Cela fait dogmatique ou draconien, mais cela revient un peu à ça.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Mme la députée de Chicoutimi, est-ce que vous voulez conclure, s'il vous plaît?

Mme Blackburn: Donc, si on veut être pratique, actuellement on n'a pas le choix. Si on veut se donner toutes les garanties d'obtenir un emploi, il faut prendre ces crédits-là.

Mme Morissette: Absolument. C'est ce que je suggérerais aux futurs étudiants.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Est-ce terminé, madame?

Mme Blackburn: C'est bien ce qu'on pensait. M. le Président, il n'y a pas d'urgence. Je pense qu'elles n'ont pas pris tout à fait leur temps.

Je voudrais vous remercier de votre participation aux travaux de cette commission, vous redire que j'ai été heureuse de vous entendre et de vous avoir ici en commission parlementaire pour nous permettre d'avoir une petite idée de la façon dont cela va se passer dans le programme de formation des maîtres pour les étudiants qui y sont inscrits ou qui y viendront tantôt par rapport à toute cette question touchant le caractère confessionnel de nos écoles publiques au Québec. J'ai été heureuse de vous voir.

En terminant, je voudrais vous souhaiter bonne chance également si vous le permettez, et vous souhaiter que vous vous trouviez quelque chose assez rapidement. Je dirais que c'est peut-être l'un des avantages des dérogations que le ministre a accordées à des enfants pour avoir accès à l'école plus tôt que prévu. Il en a admis environ 2300, cela voudrait dire quelque professeurs de plus dans le système. Cependant, c'est bien le seul avantage que j'y vois. Mais cela pourrait être un avantage et on va vous souhaiter bonne chance. Je vous remercie.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien, Mme la députée de Chicoutimi. Mmes Cipelleti et Morissette, au nom de la commission, je vous remercie de vous être présentées devant cette commission et je vous souhaite un bon voyage de retour.

Je demanderais maintenant à la Conférence de la pastorale scolaire de se présenter. Nous allons suspendre temporairement la séance.

(Suspension de la séance à 16 h 40)

(Reprise à 16 h 41)

Conférence de la pastorale scolaire

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): À l'ordre, s'il vous plaît!

Nous allons reprendre les travaux de la commission. Je demanderais à la Conférence de la pastorale scolaire de prendre place, s'il vous plaît.

M. le président, si vous voulez nous présenter, s'il vous plaît, les membres qui vous accompagnent. Nous allons vous écouter.

M. Charron (Jacques): Nous avons une femme à la vice-présidence, Mme Colette Massé à ma droite ici, de la région de Québec; M. Yves Tremblay de la région de Trois-Rivières et du privé et aussi du primaire ainsi que M. Donald Guertin, de la région de Saint-Jean-sur-Richelieu. Moi-même, je suis de la région de Farnham.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Vous êtes le porte-parole, monsieur... Quel est votre nom déjà?

M. Charron: Mon nom est Jacques Charron.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): M.

Charron.

M. Charron: Oui.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): C'est vous qui faites la lecture du rapport?

M. Charron: Je pense que nous allons le résumer dans certains aspects de façon à vous faciliter la tâche. Nous supposons que vous l'avez lu.

J'ai préparé une petite introduction. Je vous le dis parce que c'est ce que nous vivons aujourd'hui. Dans nos écoles le 31 août, au moment où je vous parle, c'est aujourd'hui la journée de la rentrée scolaire. Nous avons fait le voyage aujourd'hui et nous avons sacrifié ce premier contact avec nos élèves, contact qui est très important, je vous prie de me croire, pour être présents ici. C'est donc vous dire l'importance que nous accordons aux travaux de cette commission.

Notre mémoire se veut aussi avec une perspective large parce que nous représentons - les chiffres ici sont moindres - 520 animateurs et animatrices de pastorale au Québec. Nous voulons aborder d'autres articles que ceux qui parlent seulement de l'animation pastorale. Nous voulons travailler dans la mentalité de services que décrit "Voies et impasses" où on veut la formation intégrale de la personne.

Enfin, peut-être un dernier point, nous avons dû travailler d'arrache-pied en janvier dernier, compte tenu du délai rigoureux imposé par le secrétaire de la commission au mois de février. Nous espérons que la discussion qui va suivre nous permettra d'étoffer peut-être un peu plus notre position vis-à-vis de l'un ou l'autre des points.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): M.

Charron, je voudrais vous préciser tout de suite que la commission va vous entendre pendant 45 minutes.

M. Charron: Oui.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Mais le temps que vous prenez, nécessairement, vous privera de la discussion avec les partis ministériels et l'Opposition. C'est vous qui êtes maître de votre temps. Cela va?

M. Charron: Parfait. Je vous remercie. Dans notre introduction, nous faisons mention que nous nous sommes déjà penchés, à l'occasion du livre blanc sur l'éducation, à l'occasion aussi du projet de loi sur l'enseignement primaire et secondaire public en octobre 1983, sur les règlements et sur les lois qui avaient cours à ce moment comme élaboration.

Ici, comme le projet de loi 107, et on vient de le voir antérieurement, est beaucoup en lien avec la commission qui a siégé sur les règlements du comité catholique, nous avons tenu à vous présenter le mémoire qui va suivre. Dans la première partie, M. Tremblay va vous résumer les points d'accord. Dans la deuxième partie, les questions que nous posons vis-à-vis de certains numéros, Mme Massé. À la fin, M. Guertin va poser les défis qui sont portés par cette loi.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): M.

Tremblay, s'il vous plaît.

M. Tremblay (Yves): À la page 4. La Conférence de la pastorale scolaire accueille favorablement la loi 107 en ce qui a trait aux grandes orientations de l'école comme lieu d'éducation: une école nettement définie dans son rôle, une école répondant à sa mission à travers un projet éducatif solidement articulé. (16 h 45)

Toutes les personnes concernées par l'éducation scolaire y figurent et chacun y

trouve matière à responsabilité. La loi respecte judicieusement les entités suivantes: l'élève, les parents, les enseignants. Je vous fais grâce de l'énumération des droits de chacun que vous connaissez et que vous retrouverez aux pages 6 et 7.

À la page 7: En outre, la loi exprime clairement le droit à la confessionnalité des écoles et le droit à l'animation pastorale. La reconnaissance confessionnelle ou la demande de retrait de cette reconnaissance est établie par des règlements après consultation des comités confessionnels. L'école doit offrir l'option et les services d'enseignement religieux et d'animation pastorale dans chaque école, tant au primaire qu'au secondaire. L'enseignement religieux doit être de qualité, le service de pastorale doit être exercé par une personne compétente, répondant à des conditions de qualification. Un responsable du soutien "cadre" ayant un mandat de l'évêque est nommé par la commission. Un élève ne peut être dispensé d'un enseignement religieux ou d'un enseignement moral.

La CPS entérine ces orientations prévues par la loi et en reconnaît le bien-fondé. Plusieurs de ces articles sont déjà en vigueur, comme le droit de refus des enseignants de dispenser l'enseignement religieux ou le droit à l'option entre l'enseignement religieux et l'enseignement moral.

Les garanties inscrites dans la loi en matière de confessionnalité et de service aux élèves nous semblent précieuses et nécessaires afin de protéger les droits des élèves inscrits comme catholiques.

Mme Massé (Colette): Des interrogations sur la loi. Volontairement, nous avons pointé des articles de la loi 107 qui nous posent question. En même temps que nous posons la problématique, nous cherchons de nouvelles avenues.

Le libre choix de l'école. Il est heureux que soit accordé à l'élève le choix de l'école qui correspond le mieux à ses attentes. Cependant, les restrictions imposées par la loi, au troisième alinéa de l'article concernant le transport, font en sorte que cet article n'a plus de poids. Dans une grande ville, cette liberté de choix est plus réalisable que dans les zones semi-urbaines ou rurales. Il y a donc discrimination selon les régions où habitent les élèves. Il s'agirait donc d'un droit théorique peu applicable dans beaucoup de régions du Québec.

Le droit à un service de pastorale. Cette garantie légale à un service de pastorale est essentielle pour que soit complet le développement de l'éducation de la foi de l'élève. Il faudrait que l'application de ce droit soit appuyée par des normes réalistes et un soutien financier correspondant.

Le droit de refus pour l'enseignant. Le service de qualité d'éducation chrétienne auquel a droit l'élève exige que son enseignement religieux soit donné par des témoins convaincus de la foi chrétienne. Malgré les difficultés de gérance qu'entraîne l'application concrète de ce droit, nous trouvons essentielle l'affirmation de ce droit de l'enseignant.

Le devoir de l'enseignant. Il est étonnant de ne pas trouver dans cette énumération des devoirs de l'enseignant celui de la promotion du projet éducatif de l'école. La notion d'éducation qui a inspiré cet article nous semble reposer davantage sur une vision individualiste de la personne; on retrouve la promotion de l'excellence à travers un modèle éducatif centré sur l'individu et ses droits personnels. Il n'est aucunement développé la notion de l'éducation à la vie en société; aucun lien n'est établi entre le projet collectif vécu à l'école et la communauté humaine, voire chrétienne.

Le rôle de l'école. Nous nous interrogeons sur l'emploi du terme "formation" pour parler du rôle fondamental de l'école. Cette notion fait appel à un modèle où l'élève serait davantage perçu comme "une matière inerte à façonner". Nous croyons que le rôle premier de l'école est d'éduquer et non seulement de former.

Le projet éducatif. Nous nous réjouissons du fait que soient mieux définis les éléments du projet éducatif. Trop souvent, la réalisation d'un projet éducatif est vue comme une montagne à franchir. Conséquemment, peu d'efforts concrets sont déployés pour mettre par écrit les éléments d'un projet éducatif.

Les membres du conseil d'orientation. Nous demandons qu'un représentant des professionnels et un représentant du personnel de soutien soient élus distinctivement au conseil d'orientation de l'école. Les préoccupations et les visées éducatives des deux catégories d'emploi sont différentes. Nous comprenons mal la fusion de ces deux types d'emploi.

L'enseignement religieux d'une autre religion. Il faudrait que la primauté confessionnelle d'un projet éducatif soit respectée, et que l'école ne devienne pas un supermarché des religions. L'esprit d'ouverture et de tolérance ne doit pas endiguer les efforts déployés pour l'élaboration d'un projet éducatif confessionnel clairement identifié.

Le responsable du soutien. Dans la logique de commissions scolaires linguistiques, il est nécessaire que la préoccupation de la gérance des "droits religieux" soit confiée à un cadre de la commission scolaire. La personne désignée fait le lien avec la communauté chrétienne; le mandat pastoral en fait foi. Il faudrait clarifier le rôle et les tâches confiés à cette personne mandatée pour éviter que soient évacués dans l'organisation scolaire les droits en matière religieuse reconnus par la loi.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski):

Madame, monsieur.

M. Guertin (Donald): Au plan des défis et

prospectives.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Est-ce que vous pourriez vous identifier, s'il vous plaît?

M. Guertin: Oui. Donald Guertin.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien.

M. Guertin: Merci, M. le Président. À la lecture du texte du projet de loi 107, nous avons manifesté notre accord avec les grandes orientations fondamentales et nous avons mis en relief certains écueils que nous portons à votre attention. Nous formulons maintenant certaines opinions quant à l'application concrète de là loi dans nos différents milieux. Pour être respectée intégralement dans son esprit, la loi doit posséder des ancrages clairs et précis par une réglementation explicite.

Le responsable du soutien à la confession-nalité. Par la loi, le responsable du soutien devient membre du personnel-cadre de la commission scolaire à laquelle il appartient. Nous croyons à l'impact que peut avoir une telle position organisationnelle sur le vécu confessionnel des écoles et le respect des droits des élèves inscrits comme catholiques. Cependant, nous nous interrogeons sur les modalités concrètes selon lesquelles cette option légale sera aménagée dans les milieux respectifs. En fait, il faut peut-être discerner entre la volonté de la loi et l'ouverture, voire l'accueil, des milieux à une telle orientation fondamentale. Les commissions scolaires devenant linguistiques, seule cette personne-cadre portera effectivement, au niveau de la direction générale, la responsabilité de veiller au respect des droits donnés, dévolus par le projet de loi 107. Au-delà de la volonté et de l'intention, comment s'exercera le pouvoir concret et réel?

L'autorité du sous-ministre. À l'article 554, on précise le pouvoir du sous-ministre dans les établissements reconnus autres. À long terme et au rythme de la réceptivité des milieux, de quelle façon le sous-ministre conservera-t-il un exercice efficace de ses droits accordés? Nous nous interrogeons sur la portée réelle de ces droits reconnus et le risque flagrant qu'avec le temps ces droits s'estompent.

Le seuil de signifiance d'un service de pastorale scolaire. En regard du droit de tout élève inscrit comme catholique de recevoir un service en animation pastorale, nous nous interrogeons au sujet des garanties concrètes d'un tel droit reconnu. En d'autres termes, ne faudrait-il pas établir un seuil minimal au-delà duquel il n'y a plus de service de pastorale signifiant dans l'école, primaire et secondaire? Il faudrait instaurer des mécanismnes précis pour gérer les effectifs en animation pastorale scolaire.

Les fonds alloués à la gérance de la confessionnalité et de l'animation pastorale scolaire. La volonté du gouvernement enclenchera l'allocation de fonds nécessaires à l'application de la loi dans les différents milieux; nous nous interrogeons sur la modalité par laquelle le ministre pourra s'assurer de l'usage ultime des fonds alloués à l'animation pastorale et à la gérance de la confessionnalité. Ne serait-il pas plus sage d'envisager l'éventualité de la création d'une enveloppe budgétaire distincte assignée exclusivement à ces domaines?

Le projet éducatif en lien avec la communauté. Nous voulons redire l'importance accordée au fait que le projet éducatif est un lien explicite avec la communauté dans laquelle est situé l'établissement scolaire; dans le cas d'un projet éducatif confessionnel, il faudrait un lien explicite avec les communautés confessionnelles environnantes.

Sur ce point, la loi n'est pas assez explicite. Elle pourrait, à long terme, favoriser un plus grand repli sur lui-même du milieu scolaire comme établissement. Il faut être conscient que la continuité d'un projet éducatif est portée par l'ensemble des partenaires de l'école.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien, M. Guertin. M. Charron.

M. Charron: Comme conclusion - elle est très simple - à la page 19. Le présent mémoire manifeste notre relatif accord avec les lignes directrices du projet de la loi 107 et avec la place faite au vécu confessionnel dans les écoles primaires et secondaires du Québec.

Nous avons cependant souligné les écueils que rencontrera la mise en place de la loi, telle que présentée.

Enfin, nous avons tracé des avenues, souligné des défis réels quant à l'instauration de cette importante loi. Nous avons proposé des améliorations possibles pour mieux gérer la confessionnalité et donner une meilleure qualité à l'animation pastorale scolaire.

L'application du projet de loi 107 sera le moment de vérité de la réelle volonté politique du gouvernement du Québec d'ajuster la Loi sur l'instruction publique à la réalité québécoise actuelle en matière de confessionnalité scolaire.

Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien, M. Charron. Je vous remercie, madame et messieurs, de votre présentation. Je demanderais maintenant à la porte-parole officielle de la partie ministérielle, la députée de Jacques-Cartier, de bien vouloir faire la réplique.

Mme Dougherty: Merci, M. le Président. Au nom du ministre et de mes colfègues de la partie ministérielle, c'est un plaisir pour moi d'accueillir les représentants de la Conférence de la pas-

torale scolaire. Malheureusement, le ministre s'en vient mais il est retenu au Conseil des ministres cet après-midi. Il sera de retour bientôt, je crois, je l'espère.

Je suis heureuse de constater que vous êtes d'accord avec les grandes orientations du projet de loi 107, et je vais en venir immédiatement à vos préoccupations qui portent surtout sur un certain renforcement ou clarification du projet de loi concernant la gestion de la confession-nalité et la qualité de la pastorale scolaire.

Ma première question porte sur le service d'animation pastorale. Si je comprends bien, vous aimeriez voir insérée ou incluse dans la loi une certaine définition des normes d'application du droit au service d'animation, et vous aimeriez voir un soutien financier correspondant et garanti, une espèce de budget fermé; au lieu d'un budget global, un budget ouvert, comme c'est le cas actuellement. Voudriez-vous préciser un peu ce point pour nous? Est-ce que vous pourriez décrire un peu, pour nous, les carences du système actuel à cet égard?

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): M.

Charron.

M. Charron: Je vais partir d'un exemple. Dans deux commissions scolaires présentement, on a des déficits de fonctionnement assez importants. Comme tout ce qui touche les postes budgétaires des enseignants on ne peut pas y toucher, alors je ne parle pas... J'étais content d'être là tantôt quand des membres des services aux élèves étaient là: on coupe beaucoup dans les services aux élèves parce qu'ils ne sont pas protégés, justement, par des normes plus précises. En tout cas...

Mme Dougherty: Excusez-moi. M. Charron: Oui.

Mme Dougherty: Quelles sont les normes auxquelles vous faites allusion, les normes du personnel, les ratios du personnel, quelles sont les normes dont vous parlez?

M. Charron: Présentement, du côté de l'animation pastorale, il y a une forme de ratio provincial qui est autour de 1000. Je vais vous donner un cas précis: dans une polyvalente de 1500, on a coupé l'animateur de pastorale qui était là et c'est le CEC qui va être là, à raison d'une journée par semaine, pour une population de 1500, parce qu'il y a des dépenses qu'il faut réduire. Nous sommes à la merci de l'administration. C'est pour cela que nous demandons d'avoir vraiment... On est pleinement d'accord avec ce qui est inscrit dans la loi; cela peut être bien théorique, cela peut être bien beau, c'est un beau voeu, mais, quand arrive la gestion de cela, on n'est pas protégés. Est-ce que c'est un peu plus clair?

(17 heures)

Mme Dougherty: Est-ce que c'est réaliste de penser qu'on puisse insérer dans une loi des normes précises pour garantir un service? On a le même problème en ce qui concerne les enfants en difficulté d'apprentissage. Tout le monde aime avoir certaines garanties budgétaires pour assurer un certain minimum de services. Mais, est-ce que c'est vraiment réaliste de demander que ce soit dans la loi?

M. Guertin: Je crois, Mme la députée, que, dans le fond, on parle au niveau de la réglementation et non de la loi. Je pense que c'est à ce niveau qu'il faudrait qu'il y ait un encadrement plus précis. Le budget des services à l'élève, dont fait partie l'animation pastorale et d'autres services comme la psychologie, le service à l'enfance inadaptée, aux handicapés visuels ou autres, fait partie du même budget que le papier de toilette. C'est aussi clair que cela. Donc, si on coupe et qu'on a besoin de papier de toilette dans une école ou une commission scolaire, on va d'abord privilégier l'utilisation. La comparaison est assez crue, mais elle est assez explicite sur l'utilisation que l'on fait des budgets dans les commissions scolaires, à ce niveau. Donc, la tarification n'est pas au niveau de la loi, mais au niveau de l'utilisation des enveloppes budgétaires qui sont allouées aux commissions scolaires. Nous, entre autres au niveau de la personne-cadre, compte tenu qu'actuellement on coupe facilement des postes, on se dit que, si on veut assurer une confessionnalité là où il y aura une confessionnalité d'assurée, on aimerait que soit assuré un budget et que ce budget ne soit pas assuré par la commission scolaire, mais assuré par le gouvernement dans la réglementation qu'il pourrait établir selon des normes ou des conditions.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien, M. Guertin. Mme la députée.

Mme Dougherty: Merci pour cette clarification. Ma prochaine question... Vous faites référence à l'article 233. Je ne comprends pas le problème que vous soulevez ici. Pouvez-vous l'expliquer un peu? Est-ce que vous avez une copie du projet de loi?

M. Charron: Pardon?

Mme Dougherty: Je vous demande si vous avez une copie de cet article.

M. Charron: Oui.

Mme Dougherty: J'aimerais avoir l'explication de votre crainte ici.

M. Charron: Le problème, qui se produit présentement dans certaines commissions scolaires, c'est que le poste de CEC est très fragile. À

un moment donné, dans une commission scolaire, on demande à un cadre déjà existant, un directeur d'école, d'assumer le poste de soutien qui est décrit ici. Alors, dans les commissions scolaires, est-ce qu'on va engager quelqu'un d'une façon spécifique pour occuper ce poste ou si on va donner à quelqu'un qui est déjà à temps plein comme directeur d'école une autre responsabilité? On est d'accord avec la loi, mais dans les faits, on ne rend pas le service qui est demandé. Cet homme ou cette femme, qui a d'autres responsabilités, est limité. Est-ce que c'est plus clair?

Mme Dougherty: Alors, vous demandez un renforcement à cet égard? Ce n'est pas l'esprit... Vous êtes d'accord avec le principe, mais c'est un certain renforcement que vous voulez?

M. Charron: C'est au niveau de la réglementation qui va suivre.

Mme Dougherty: D'accord, je comprends. Merci.

M. Charron: Par exemple, une suggestion: Cela pourrait être une commission scolaire de 2000 à 3000, mais à raison de tant de jours par semaine ou une commission scolaire de 5000, etc. C'est au niveau de la réglementation.

Mme Dougherty: Merci. Alors, j'en viens à la notion du libre choix de l'école. C'est apparemment une chose qui vous préoccupait même lors de nos discussions sur la loi 40. Il me semble que vous protestez contre une certaine condition qui est imposée par le projet de loi sur le choix de l'école, contre l'imposition d'une condition qui limite cela selon la capacité d'accueil de l'école et selon la disponibilité du transport scolaire.

Mais est-ce que ce serait réaliste de retirer ces conditions, ces limites du projet de loi? Après tout, il faut tenir compte de la réalité géographique, démographique, linguistique, etc. Dans certaines régions, il n'y a qu'une école anglo-catholique, par exemple. Il n'y en a pas d'autres. Il n'y aura pas de choix d'école. Et si un parent voulait choisir une école qui est à une distance de 200 kilomètres, est-ce que c'est réaliste de répondre à cette demande? Alors j'aimerais savoir pourquoi vous avez tellement insisté sur ce droit qui, si je comprends bien, devrait être un droit absolu.

M. Charron: Je suis content que vous posiez cette question, effectivement, telle n'est pas notre intention. Nous disons que la formulation actuelle du projet de loi est irréaliste. C'est impossible à gérer de donner un droit comme cela à chacun, surtout dans les régions semi-urbaines ou rurales; cela ne se peut pas. Et c'est pour cela que nous voulons plutôt modifier cet article-là pour le rendre vrai. Il y a comme une fausse déclaration là-dedans; on fait miroiter quelque chose qu'on ne peut pas donner après. Nous ne demandons pas le libre choix pour les parents.

Mme Dougherty: Alors quel est votre point ici?

M. Charron: Dans le premier alinéa de l'article 5 nous voulons peut-être modifier le texte de façon à ce qu'on ne fasse pas miroiter quelque chose qu'on ne peut pas donner après. Ce libre choix est assez utopique dans beaucoup de régions du Québec.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Mme la députée.

Mme Dougherty: Oui, c'est utopique, mais je suis encore dans la noirceur. Est-ce que vous aimeriez que ce soit enlevé du projet de loi? Parce que cela a été très bien reçu par les parents dans la région de Montréal. Il existe plusieurs commissions scolaires qui donnent, depuis longtemps, le choix de l'école. C'est peut-être pour refléter... Si on établit des commissions scolaires linguistiques, il y aura peut-être plusieurs types d'écoles dans une commission scolaire linguistique: une école non confessionnelle, une école biconfessionnelle, une école catholique, etc. Alors, cela facilitera le choix des parents qui veulent que leurs enfants reçoivent une éducation conforme à leurs propres valeurs. Si on enlève cette prévision, je crois qu'on va créer des problèmes.

M. Guertin: Mme la députée, on voulait, entre autres, signifier que c'était un droit qui n'était pas applicable pour tous les jeunes du Québec. C'était une des premières choses qu'on voulait mettre en évidence. Le deuxième point, c'était que dans un des alinéas de l'article 5, on dit que le transport pourrait justifier le refus de la commission scolaire. On trouve que ce refus est vite donné et est vite justifiable. Alors, on trouve que c'est une injustice que ce soit le transport, encore une fois, qui soit à la remorque du choix de l'école qu'une personne pourait faire, parce que déjà, malheureusement, le transport nous mène beaucoup. Dans les zones non urbaines, semi-urbaines ou rurales, c'est le transport scolaire qui mène le système d'éducation. Et, encore une fois, je trouve que, dans cet alinéa, on donne un droit de refuser l'accès à telle ou telle école. C'est dans ce sens-là qu'on voulait manifester.

Mme Dougherty: Merci. J'apprécie votre raisonnement, mais, quelquefois, il faut accepter des limitations imposées par des considérations financières, etc. La plupart des parents acceptent certaines limitations. On pourrait toujours répondre aux droits d'une façon absolue. C'est un des problèmes quand on essaie d'écrire un projet

de loi, de ne pas discriminer, mais d'essayer d'établir les choses aussi clairement que possible.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, Mme la députée de Jacques-Cartier.

Je reconnais maintenant la porte-parole officielle de l'Opposition en matière d'éducation, Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Madame, messieurs, j'ai le plaisir de vous retrouver à nouveau. On a eu l'occasion de se parler au moment où on examinait, ici, en commission parlementaire, le projet de règlement du comité catholique, si je ne m'abuse, et de voir un peu dans quelle perspective se situaient votre approche et vos prises de position. Juste avant de commencer la période de questions, j'aimerais que vous nous rappeliez brièvement, avant que ne soit appliqué le règlement du comité catholique, quelle était la situation exacte des animateurs de pastorale dans le réseau scolaire.

M. Charron: Avant que ne soit appliqué le règlement.

Mme Blackburn: Oui, le règlement du comité catholique sur la reconnaissance des animateurs de pastorale. Je ne suis pas certaine, j'essayais de me le rappeler à la suite d'une question que me posait mon collègue, mais est-ce que vous étiez payés? Je pense qu'il y en avait quelques-uns qui étaient payés et reconnus par la commission scofaire, d'autres relevaient davantage du diocèse. Pourriez-vous m'expliquer un peu quelle est la situation actuelle de façon générale?

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. Charron.

M. Charron: Oui. En gros, au début, vers 1965, c'étaient des aumôniers d'école. Par la suite, c'est devenu... en 1971, cela a été reconnu comme service complémentaire au même titre qu'un psychologue ou qu'un conseiller en orientation et, au secondaire, nous avons été payés professionnellement, à partir de 1971. Au primaire, on en avait parlé lors de l'autre commission parlementaire, c'est beaucoup plus flou. Il y a tantôt la participation des communautés chrétiennes, tantôt celle de la commission scolaire, mais la gérance est beaucoup plus difficile au primaire, présentement, bien que ce soit en train de se clarifier.

Mme Blackburn: Ce que vous réclamez, actuellement, c'est d'abord un ratio maître-élèves - il me semble que j'ai retrouvé cela dans votre mémoire - pour l'établissement du nombre d'animateurs de pastorale par commission scolaire. Ce sont donc des postes entièrement financés et rémunérés par la commission scolaire.

M. Charron: Oui. La question du ratio est difficile à évaluer parce que ceux qui sont au-dessus devraient baisser et ceux qui sont en bas devraient monter. Parfois, il y a d'autres considérations: Pour quelqu'un qui travaille dans plusieurs écoles, c'est plus difficile que dans une seule école, selon la clientèle aussi. Nous parlons plutôt, dans notre mémoire, d'un seuil de si-gnifiance. Si on confie à un animateur de pastorale une polyvalente de 2000 élèves, pour nous c'est clair que ce n'est pas signifiant. Le service est là, mais il ne peut pas vraiment répondre à toutes les exigences posées par l'animation alors qu'à 1 pour 800, 1 pour 900, 1 pour 1000, il nous semble que c'est possible de créer vraiment un climat d'animation.

Mme Blackburn: Je dois probablement avoir de mauvaises références. Les comparaisons sont certes boiteuses mais on voit beaucoup d'églises, de paroisses avec un prêtre et, à l'occasion, un vicaire, qui ont 2000, 3000, 4000 ou 5000 âmes. Comment un animateur pour 2000 élèves ne serait-il pas suffisant? Rapidement, s'il vous plaît!

M. Guertin: Je crois, Mme la députée, que la situation n'est peut-être pas la même. Il faut comprendre que notre intervention se situe à l'intérieur d'une institution scolaire et non pas d'une communauté humaine, quelle qu'elle soit, et qu'on vit à l'intérieur de normes et de restrictions assez... Quand l'élève entre à 8 heures et qu'il sort à 14 h 45, on doit intervenir sur ses heures de présence et, si possible, par la suite. On a donc des conditions de contact avec le jeune qui sont restreintes.

Deuxièmement, c'est que le travail d'éducation de la foi qu'on peut faire avec ces jeunes nous amène aussi, peut-être, à vivre au rythme de ce que vivent les jeunes de nos écoles et c'est parfois très essoufflant. Ce n'est peut-être pas nécessairement... Pour avoir déjà fait du travail en paroisse pendant quelques années, je crois qu'il serait difficile de comparer à celle en milieu scolaire. Ce n'est pas tout à fait le même type d'intervention. (17 h 15)

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci. Mme la députée.

Mme Blackburn: Je ne doute pas, M. le Président, de la qualité du travail des animateurs de pastorale. J'ai un excellent ami qui en fait dans une très grande polyvalente chez nous; je le respecte beaucoup et je pense qu'il fait un excellent travail. Ce n'était pas là la question.

Comment verriez-vous que... Je vous dis tout de suite que la conception de l'école que j'aurais privilégiée en est une où on s'assure que ceux qui choisissent l'enseignement religieux reçoivent l'enseignement religieux. J'aime être suffisamment claire là-dessus, car je trouve que c'est important que le choix moral des parents

soit respecté et moral dit sans épithète ou l'enseignement moral neutre, quoique cela n'existe pas. Je pense que c'est fondamental. J'ai des réserves lorsqu'on tient un discours sur le projet éducatif inspiré des valeurs catholiques et qui respectent les autres, là cela me pose des problèmes de conscience, en toute conscience. Je pense que l'enseignement religieux ou moral doit être maintenu et doit être aux frais de l'État; cela m'apparaît fondamental.

Lorsqu'il s'agit d'animation pastorale, j'aurais préféré, comme catholique, que cela se retrouve dans la communauté religieuse. Comment accepteriez-vous l'idée qu'à tout le moins on partage les frais de cette animation pastorale entre la communauté religieuse et la commission scolaire?

M. Charron: Au secondaire ou au primaire? Mme Blackburn: Aux deux niveaux. M. Charron: Aux deux niveaux.

Mme Blackburn: Je me dis que l'animation peut être aussi nécessaire au primaire qu'au secondaire, quoique c'est différent au primaire, les parents sont plus proches et l'église est généralement plus proche également. Il y a toute l'initiation aux sacrements et donc des rapports plus étroits entre la communauté religieuse et l'école, ce qui fait que cela ne se présente peut-être pas tout à fait de la même façon. Mais il n'en demeure pas moins que compte tenu - je vais tenir le discours du ministre - de la capacité de l'État de payer, en toute honnêteté, entre nous, sur quoi faut-il couper? Sur les services de psychopédagogie? Vous allez me dire: Ce n'est pas à moi qu'il faut demander ça. C'est bien évident. Mais ce que je me demande plus fondamentalement, par rapport à cette question de l'animation pastorale... Parce que, tantôt, on va parler aussi de l'animation morale. Qu'est-ce qu'on fait de ceux qui ont choisi... On les met quelque part dans la bibliothèque parce que les autres participent à une activité d'animation pastorale. Cela va aussi soulever une question d'équité.

Je me demande si, à tout le moins, on peut penser que la participation de la communauté religieuse ne devrait pas être plus importante, aux deux niveaux.

M. Charron: Je vais répondre à une partie de votre intervention et je reviendrai à la seconde partie par la suite. Vous avez mentionné, en toute conscience, la difficulté pour une école catholique de respecter ses minorités. Dans la responsabilité des animateurs de pastorale, avec la direction d'école, nous essayons de donner la meilleure information possible du droit à l'option et du respect de l'option. Pour nous, c'est très important que l'élève qui a choisi l'enseignement religieux l'ait et que celui qui a choisi l'ensei- gnement moral l'ait, en toute honnêteté.

Deuxièmement, comme animateurs de pastorale, nous intervenons beaucoup en enseignement religieux, en complément, en expérience, en ateliers évangéliques. Cependant, je vous dis que, dans mon école, je vais parfois dans les groupes de morale, très brièvement, pour les inviter à des activités. Je ne me sens pas bien de les exclure d'activités qui se déroulent en dehors des cours, parce que l'option touche leur choix de cours et leur option est parfois le désir de faire quelque chose de nouveau, de prendre des distances tout en gardant parfois la possibilité de faire un cheminement. Alors, cette information dans une école catholique est importante pour moi, afin que tous les élèves qui sont inscrits comme catholiques aient la possibilité de vivre des expériences en dehors des cours. Évidemment, c'est libre.

Mme Blackburn: Vous savez, on va recevoir ce soir deux communautés religieuses qui vont venir nous présenter leur vision des choses, leur perception des besoins du Québec d'aujourd'hui. Ce que je dis - et je ne voudrais pas revenir là-dessus trop longuement parce que j'ai eu l'occasion d'en parler... Ce qui me pose problème, ce n'est pas l'enseignement, ce n'est pas l'animation pastorale, c'est le projet éducatif qui s'inspire des valeurs de la foi. Ce n'est pas parce que ce n'est pas valable - je suis de foi catholique - sauf que je maintiens que ce que vous dites sur le chapitre en pages 4 et 5 de votre mémoire, à savoir que la loi respecte judicieusement les entités suivantes: l'élève, l'enseignant et les parents, moi, j'ai comme des réserves. D'abord, puisque l'élève n'est pas sûr de faire respecter son choix parce que cela peut être conditionné par le transport scolaire, il peut...

Une voix:... non.

Mme Blackburn: C'est-à-dire qu'il ne peut pas vraiment choisir son école. S'il dit: Cette école a un projet catholique mur-à-mur, je veux aller dans une école neutre, il ne sera pas nécessairement capable de faire respecter son choix. Je pense avoir raison là-dessus.

Le droit du service complémentaire en pastorale... Je dis qu'on respecterait le droit des élèves à condition qu'il y ait l'équivalent en animation morale.

J'estime que le projet de loi respecterait judicieusement les droits de l'élève s'il reconnaissait son droit de recours devant le Protecteur du citoyen - j'ai déploré que vous ne I'abordie2 pas - de même que son droit d'association et son droit aux autres services: services de placement - la liste des services dont on a parlé tout à l'heure - les services de promotion des droits et responsabilités de l'élève, les services de participation à la vie de l'école, d'encadrement et de surveillance, ainsi de suite. On avait défini neuf de ces services complémen-

taires obligés. Les deux seuls qu'on retrouve actuellement sont pour les enfants handicapés ou souffrant de mésadaptation et l'animation pastorale. Je ne trouve pas que le projet de loi respecte judicieusement les droits de l'élève à cet égard.

Une dernière question. Oui?

M. Guertin: Est-ce que je pourrais revenir un peu sur ce que...

Mme Blackburn: Oui. Allez.

M. Guertin: Brièvement. Je crois que souvent dans le raisonnement qu'on fait entre enseignement moral et enseignement religieux, à mon point de vue, on part d'une prémisse qui est fausse en disant que la personne qui se retrouve en enseignement moral le fait par rejet ou par exclusion de sa foi.

Je fais juste cette mention parce que souvent dans le propos populaire quelqu'un qui se retrouve en science morale le fait comme par exclusion de sa foi. Dans mon expérience personnelle, dans la plupart des projets et activités pastorales, les gens qui s'impliquent sont autant des élèves qui proviennent de science morale ou de science religieuse. Je parle au niveau du secondaire, je n'ai pas travaillé au primaire en tant que tel.

Deuxièmement, je crois que la garantie de la loi, et pour nous elle est importante parce que dans l'histoire du Québec, qu'on le veuille ou non, comme dans d'autres pays comme la Belgique, comme cela existe aussi en France, comme cela existe dans d'autres systèmes scolaires... Il y a des écoles publiques ou privées qui peuvent être confessionnelles. Ici au Québec, dans notre histoire, on a fonctionné avec un système confessionnel. Je crois que pour nous, si on poursuit dans cette ligne socio-historique, il est important de donner à la communauté catholique cette assurance qu'il puisse y avoir des écoles confessionnelles et, dans ce sens, la garantie que tout élève de foi catholique pourra, dans cet esprit de continuité, recevoir un service d'éducation de la foi par l'animation pastorale.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. Guertin. Le secrétaire m'informe que le temps est écoulé. Madame, si vous vous voulez conclure au nom de votre formation politique.

Mme Blackburn:... 17 h 30, M. le Président.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Madame, c'est lui qui tient le temps, ce n'est pas moi.

Mme Blackburn: M. le Président, j'aurais deux brèves questions à la place de la conclusion. Juste pour rappeler d'abord que je ne partage pas tout à fait votre lecture lorsque vous dites que la loi respecte judicieusement les entités des enseignants. Vous dites aussi que l'enseignant a le droit de refuser l'enseignement catholique qui ne correspond pas à sa foi, mais, en même temps, vous dites qu'il devrait faire la promotion du projet éducatif de l'école qui, lui, est catholique.

Pour quelqu'un qui est baptisé, qui...

Le Président (M. Parent, Sauvé): Madame, je vous invite à conclure. Je n'ai pas laissé continuer le côté ministériel parce qu'on était limités par le temps.

Mme Blackburn: Je pense que cela ne pose pas trop de problèmes de conscience. Mais quand on va avoir des enseignants qui sont d'autres confessions religieuses, cela va certes poser des problèmes de conscience.

Vous pourriez peut-être conclure là-dessus. Vous dites que la loi ne protège en rien le rôle qui est dévolu aux sous-ministres à la foi catholique ou protestante quant à la protection de l'enseignement du caractère religieux de l'école. Mais c'est une délégation de pouvoirs; les sous-ministres ont en ces matières les pouvoirs que le ministre aurait en pareille matière. Quelle garantie de plus voulez-vous? J'ai été étonnée de cela parce que, si vous relisez l'article, il a les pouvoirs du ministre.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Alors, qui va répondre? M. Guertin ou M. Charron?

M. Charron: Ce qu'on voulait dire c'est qu'à l'avenir, il va y avoir des écoles autres. Il est normal qu'il y en ait au Québec à cause du pluralisme qui se répand. Ce qu'on se posait comme question, ce n'était pas sur la reconnaissance de son autorité, mais: Est-ce qu'il va pouvoir vraiment rejoindre... On dit dans la loi qu'il est un peu comme le "porte-garant" de ceux qui sont inscrits comme catholiques dans ces écoles. Comment cela va-t-il se faire? Ce sont des questions d'opérationnalisation. Comment cela va-t-il être vécu? Comment lui, à Québec, pourrait-il être conscient si les droits des catholiques dans telle ou telle région sont respectes? C'est de cet ordre qu'était notre interrogation.

Mme Blackburn: Je voudrais vous remercier infiniment de votre participation aux travaux de cette commission et vous dire qu'il n'a jamais été dans mon intention ni dans ma pensée qu'il fallait sortir les crucifix ou la religion des écoles du Québec. J'ai des préoccupations d'ordre éthique lorsqu'il s'agit du respect des droits des autres et cela me pose problème. Je reconnais la qualité de votre engagement dans les écoles. En tout cas, dans mon comté, j'ai eu l'occasion de le voir. Je le reconnais et je l'apprécie. Je voudrais, en terminant, vous remercier de votre participation aux travaux de cette commission.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Je vous

remercie beaucoup au nom des membres de cette commission. Nous allons immédiatement accueillir le prochain intervenant qui est M. Alain Bellemare. On suspend nos travaux pour quelques minutes.

(Suspension de la séance à 17 h 27)

(Reprise à 17 h 30)

MM. Alain Bellemare et Marcel Godbout, à titre personnel

Le Président (M. Parent, Sauvé): A l'ordre, s'il vous plaît!

J'invite les membres de la commission à prendre place. La commission de l'éducation poursuit ses travaux. Nous accueillons, cet après-midi, M. Alain Bellemare.

M. Bellemare, les membres de la commission ont pris connaissance de votre demande, de venir rencontrer les membres de la commission. Ils ont accepté de vous recevoir. Vous comprendrez, par exemple, qu'une commission comme la nôtre tâche le plus possible de rencontrer des groupes parce qu'ils représentent, enfin, un ensemble de la population et c'est beaucoup plus facile pour nous. Vous étiez deux individus ou trois personnes, je pense, qui avaient demandé à être entendus individuellement. Les membres ont accepté avec plaisir de vous accueillir. Par contre, de façon à se protéger aussi contre une avalanche, peut-être, d'individus qui voudraient se faire entendre, on a limité votre temps à 30 minutes. Le secrétaire vous en a averti et avez semblé convenir que vous pouviez fonctionner à l'intérieur de cette période de temps.

Alors, si vous voulez nous présenter la personne qui vous accompagne et enchaîner immédiatement avec la présentation de votre intervention sur les projets de loi dont il est question ici.

M. Bellemare (Alain): Alors, M. Marcel Godbout qui m'accompagne est probablement le seul protecteur de l'élève ici, au Québec. Il travaille à la polyvalente de Charlesbourg. Tantôt, si vous avez des questions plus pratiques à lui poser...

Le Président (M. Parent, Sauvé): D'accord.

M. Bellemare:... il est venu pour cela également.

Alors, je vous suis reconnaissant, au nom de tous les jeunes écoliers et écolières du Québec, d'avoir bien accepté d'entendre aujourd'hui l'une des causes les plus déterminantes pour l'avenir de l'école publique québécoise, celle qui assurera à nos étudiantes et étudiants un environnement scolaire de qualité qui est l'élément indispensable au succès de leurs apprentissages. Je parle bien sûr de celle du protecteur de l'élève.

On s'était aperçus, il y a quelques années, que l'obligation de fréquentation scolaire qui est inscrite dans la Loi sur l'instruction publique n'était pas suffisante en soi pour assurer la scolarisation des jeunes dans son aspect qualitatif. Alors les programmes académiques, le temps d'enseignement, la scolarisation des maîtres, les méthodes et techniques d'enseignement, l'évaluation pédagogique et bien d'autres éléments du système scolaire furent modifiés dans le but, évidemment, d'améliorer l'ensemble des services éducatifs offerts par l'école, mais en évitant à chaque fois le débat fondamental sur la condition sociale des jeunes, sur leur qualité de vie à l'école, débat qui nous aurait engagés assurément vers une conscientisation de leur rôle véritable comme premier agent de leur éducation comme jeunes, disait le document, égaux en droits et responsables.

Pourtant, l'État que vous représentez ne considère-t-il pas que tous les individus doivent jouir des mêmes droits sans discrimination d'âge, de conditions sociales, etc. ? Entre ce principe décrété dans nos chartes nationales et son application dans nos lois et règlements, le gouvernement n'a pas hésité à instaurer pour les autres groupes sociaux des mécanismes d'accès à l'exercice et à la défense de leurs droits afin, bien sûr, d'en assurer la pratique quotidienne aux individus concernés.

C'est dans cette optique que furent instaurés, par exemple, le Conseil du statut de la femme, les programmes d'accès à l'égalité pour les minorités culturelles linguistiques, pour les handicapés, et même des comités conjoints, dernièrement, pour assurer la gestion de certains droits des autochtones. Dans tous ces cas et bien d'autres, les gouvernements ne se sont pas contentés de simples déclarations de principe, mais ils ont créé pour ces citoyens des moyens concrets de se réaliser pleinement dans l'action des moyens qui répondaient avant tout aux besoins et aux particularités de ces groupes.

Que dire maintenant de nos jeunes écoliers et écolières, étudiants et étudiantes, dont la très grande majorité n'a même pas le droit politique de voter, ni de fait, ni par délégation d'autorité parentale, et qui, sur le plan des relations du travail, répondent aux critères de travailleurs par la nature même de leurs activités scolaires, mais malgré leur nombre considérable, ne représentent aucune force réelle face aux autres groupes et individus hautement structurés dans un système éducatif complexe où les moindres ficelles du pouvoir leur échappent? Ces jeunes, me direz-vous, ont leurs parents. Oui, ces chers parents aux prises avec bien d'autres soucis socio-économiques, ces parents dont l'élite seulement est venue vous dire il n'y a pas longtemps qu'elle ne détenait pas grand pouvoirs dans les prises de décision de l'école de leurs enfants. Que dire maintenant des parents ordinaires, des familles monoparentales, des familles dont les

deux conjoints travaillent à l'extérieur du foyer, des parents des milieux défavorisés? Quelles ressources ont-ils pour assurer le respect des droits de leurs enfants à l'école? En analysant, dans la première partie de mon mémoire, les recours de nos principales institutions de protection des droits de l'enfant, je conclus qu'aucune d'entre elles n'a les pouvoirs d'intervenir à l'école en matière des droits de l'enfant, ni même la capacité d'écoute de leurs problèmes scolaires et encore moins la qualité d'être accessibles par les jeunes dans l'exercice et la défense de leurs droits.

Très peu d'institutions scolaires présentent, par ailleurs, quelque document sur la nature des droits civiques reconnus à leurs élèves, tandis que des règlements qui soumettent les jeunes aux multiples exigences d'organisation scolaire devenues de plus en plus sophistiquées, il y en a plus qu'il n'en faut. Et ces règlements, largement diffusés, sont d'une précision parfois étonnante, allant dans bien des cas jusqu'à réglementer les besoins naturels des jeunes ou la marque de leur matériel didactique. La plupart de ces règlements accordent de plus à l'autorité scolaire l'entière liberté d'interprétation et d'application. Or, nous ne sommes pas sans savoir que bien des préjugés persistent encore chez les adultes sur l'éducation des jeunes, allant de la perception que les mineurs sont incapables d'une quelconque autonomie jusqu'au dicton "qui aime bien châtie bien", qui ne s'adresse nullement, sans se méprendre, à une relation homme-femme, blanc-amérindien, directeur-professeur ou même député-électeur.

La Charte québécoise des droits de la personne considère le jeune comme un individu de même valeur que l'adulte. Pourtant, dans l'enquête présentée dans la deuxième partie de mon mémoire et réalisée en janvier de cette année auprès d'une centaine de parents répartis dans quatre grandes régions du Québec, je constate, sans aucune ambiguïté, que: premièrement, il existe un malaise réel en ce qui concerne la condition sociale des jeunes dans nos écoles; deuxièmement, il existe une impuissance évidente des parents à faire valoir les droits de leurs enfants devant la complexité et l'inacces-sibilité de l'école; et troisièmement, il existe une frustration inquiétante des parents et une démotivation réelle de leurs enfants face à cette situation problématique. Je peux déjà pressentir les conclusions effarantes qui résulteraient maintenant d'une enquête plus générale sur la condition étudiante dans nos institutions d'enseignement, en faisant bien sûr référence aux droits et libertés reconnus aux autres catégories de citoyens.

À part un libre choix réel des parents pour l'école ou même l'enseignant de leur enfant, ce qui amènerait de toute évidence la fin d'un bon nombre d'institutions et de plusieurs carrières en enseignement, il demeure une mesure compensatoire qui permettrait à tous les usagers de l'école publique de faire valoir leurs revendica- tions, et c'est certes au droit de recours de l'élève ou de ses parents, reconnu dans la Loi sur l'instruction publique, que je vous réfère maintenant. Un droit de recours auprès du ministre de l'Éducation est prévu, me direz-vous, à l'article 25, dans l'actuel projet de loi 107. Je ne conteste certes pas la nature de ce droit, comme le handicapé physique ne contestera pas, par ailleurs, dans sa revendication de rampes d'accès, la présence de l'escalier qui mène à cet illustre salon rouge. Ce qu'en fait il est réclamé dans mon mémoire, c'est un droit de recours accessible, par tout étudiant et étudiante, par tout parent, jusque dans les coulisses de nos écoles, un droit incontestable, par toute autorité scolaire, et par lequel, comme je le disais plus tôt, l'enfant et ses parents pourront faire entendre en toute quiétude et confidentialité le sérieux de leurs revendications. Je ne prône aucun modèle particulier. Je dis simplement, en conclusion de mon mémoire, que le protecteur de l'élève est un modèle à privilégier, si son mandat répond réellement à la réalité, aux besoins et aux attentes des jeunes en milieu soclaire. Pourquoi ne profiterait-on pas de cette réforme de la loi sur l'instruction scolaire pour rajeunir le modèle révolu d'inspecteur d'école aux nécessités de l'école d'aujourd'hui? Comment pourrons-nous, en effet, embarquer dans l'ère des droits de l'homme si nous négligeons de telle sorte les droits les plus élémentaires du plus petit de nos citoyens? Si cette commission veut réellement valoriser l'école québécoise par une réforme efficace de la Loi sur l'instruction publique, je vous dis en terminant qu'elle devra exiger de ses institutions d'enseignement une reconnaissance plus élaborée et formelle des droits de ses usagers ainsi qu'un droit de recours pour en assurer la pratique constante.

C'est à ce prix, c'est-à-dire en améliorant la condition sociale des étudiantes et des étudiants, que nous pourrons assurer une véritable démocratisation de l'enseignement au Québec. C'est à la base même du système, dans les couloirs et les salles de cours, que se joue l'avenir des jeunes. Ces mesures auront de plus l'avantage d'effacer chez eux le mythe que la vie, la liberté, l'égalité et la promotion sociale ne commencent dans notre société qu'à l'âge de 18 ans, c'est-à-dire à la porte de sortie de nos écoles. Cette volonté politique de faire avancer l'école à l'actualité des droits de la personne est pertinente et partagée déjà par bon nombre d'organismes publics qui ont une vaste expérience dans le domaine des droits de la personne. D'autre part, des expériences isolées à l'Université Laval, par exemple, à la Commission scolaire de La Pocatière, à celle de Charlesbourg et dans bien d'autres régions me permettent de croire à l'efficacité et au réalisme de ces mesures. Des résolutions de comités d'école vont dans le même sens, si bien que désormais il ne manque que l'adhésion des membres de cette commission parlementaire.

C'est pour cette raison qu'aujourd'hui je vous demande de recommander à l'Assemblée nationale d'inclure dans le projet de loi 107 l'instauration du protecteur de l'élève, afin que tous les étudiants et étudiantes du Québec puissent bénéficier d'un droit de recours dans l'exercice de leurs droits et libertés à l'école. Un droit n'a de réelle valeur que si l'auteur possède les moyens d'en assurer la défense. Cela, nous le savons tous: les syndicats, les corporations professionnelles, les divers groupes de pression en éducation. Tous ceux d'ailleurs qui sont venus ici l'ont compris depuis fort longtemps et luttent encore avec détermination pour se les garantir. Pour que les étudiants et étudiantes du Québec puissent maintenant en bénéficier, il serait grand temps d'agir. C'est urgent. C'est même là l'essentiel de toute la réforme scolaire. C'est là que réside le seul moyen démocratique d'assurer dans nos écoles la justice sociale et l'émancipation de la condition étudiante.

M. le Président, Mmes et MM. les députés de cette commission parlementaire, au nom de ces milliers de jeunes du Québec, je vous remercie de m'avoir entendu.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Je pense que c'est nous, M. Bellemare, qui avons à vous remercier de l'exposé que vous venez de nous faire et d'être venu attirer l'attention des membres de cette commission sur un sujet qui vous préoccupe particulièrement, à savoir la création d'un poste d'ombudsman pour les élèves. C'est la protection de l'élève dans son milieu. Vous n'avez pas à nous remercier, c'est nous qui vous remercions. Je reconnais, dans un premier temps, le porte-parole du côté ministériel, M. le député de Rimouski.

M. Tremblay (Rimouski): M. Bellemare, je vous félicite pour la qualité de votre rapport. Je pense que c'est un domaine que vous connaissez très bien. L'expérience que vous avez du réseau de l'enseignement, tant secondaire qu'élémentaire et à travers le monde, si je comprends bien, j'ai lu les différents pays que vous avez explorés et où vous avez même enseigné, m'amène à penser que vous avez certainement l'expertise voulue pour promouvoir, demander et insister pour qu'un poste d'ombudsman soit créé pour la protection des jeunes dans les écoles. C'est évident qu'il y a des abus qui se créent à des endroits et il y a toujours les parents qui sont, au premier titre et au premier chef, responsables de leur enfant et de son éducation. Mais comme nous sommes dans une société qui a des carences et que des fois ce ne sont pas toujours les parents qui ont cette possibilité d'exercer ce droit de protecteur pour leurs enfants, vous insistez pour qu'on crée officiellement et qu'on l'insère dans la loi le poste d'ombudsman. Je n'ai personnellement pas d'opinion arrêtée sur cette possibilité. Par contre, je pense que votre suggestion sera étudiée au mérite par les membres de la commis- sion et probablement par le ministre et ses fonctionnaires.

Ce que je voudrais explorer avec vous dans un premier temps est à la page 4. Lorsque vous dites qu'il y a 1 227 000 étudiants au Québec, si je comprends bien, sur cela il y en a 87 000, soit environ 8 % qui semblent avoir des conditions de travail traduites dans des conventions officielles. Est-ce que cela veut dire qu'il y en aurait 8 % qui seraient organisés?

M. Bellemare: Je ne parlais pas dans ce nombre des élèves, mais des agents de l'éducation, autant des élèves que des enseignants que des directeurs; les différents agents. (17 h 45)

M. Tremblay (Rimouski): D'accord.

M. Bellemare: Et là-dessus, il y a notre catégorie, nous les directeurs d'école, les enseignants, enfin les adultes qui avons des conditions de travail garanties par des conventions, par des décrets, etc. et...

M. Tremblay (Rimouski): D'accord.

M. Bellemare:... il y a une proportion qui sont les élèves qui...

M. Tremblay (Rimouski): II y a des élèves tout de même qui sont organisés. Il y a des associations d'élèves. Il y a des représentations qui se font à l'heure actuelle par l'intermédiaire de leurs associations, ce qui devient à ce moment-là des revendications de groupes d'élèves.

M. Bellemare: Oui, d'une manière isolée en ce qui concerne les institutions.

M. Tremblay (Rimouski): Isolé. Ce n'est pas institutionnalisé.

M. Bellemare: Non.

M. Tremblay (Rimouski): Mais il y en a. Cela existe à l'heure actuelle.

M. Bellemare: Oui.

M. Tremblay (Rimouski): Tandis que vous voudriez l'avoir de façon beaucoup plus étendue. Je voudrais poser quelques questions à la personne qui est avec vous sur l'expérience qu'elle a vécue à l'école de Charlesbourg et je voudrais m'enquérir si votre poste est bien achalandé. Par exemple, quel est le nombre de cas que vous avez eu à traiter dans une année?

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. Godbout.

M. Godbout (Marcel): Je n'ai pas eu beaucoup le temps de faire des statistiques à ce sujet. J'ai le goût de vous dire que c'est quelque

chose qui se passe de façon très prompte, très rapide. Cela se fait dans les corridors. Cela se fait pendant mes périodes de cours. Je suis enseignant. J'ai 24 périodes de cours. Et où cela a été difficile à vendre ç'a été auprès personnel; ne pas avoir la prétention d'être celui qui vient essayer de défendre le droit d'un élève contre un autre professeur, c'est ce qui est difficile. Mais où on a eu à travailler cela a été de jouer au pompier si on veut. Il y a un problème majeur. Un élève voit les notes affichées dans sa classe. Son droit au respect de l'individualité est brimé. Tout le monde sait qu'en anglais j'ai eu 28, Marcel. Ils n'ont pas le droit d'afficher cela dans une école. Là, c'est affiché dans le local. Il y a beaucoup de monde qui va là. Il faut que tu fasses quelque chose dira-t-il. C'est dans ce sens-là. C'est toujours très rapide. Je joue au pompier avec deux périodes d'encadrement et de libération pour faire cette tâche-là. Quotidiennement, des gens viennent me voir en disant: Le professeur a-t-il le droit de faire cela?

M. Tremblay (Rimouski): Mais si je comprends bien, votre poste a été créé à la suite d'un... Est-ce qu'il n'y avait pas eu un problème à cette école-là?

M. Godbout: À la polyvalente de Charlesbourg?

M. Tremblay (Rimouski): Oui.

M. Godbout: Non, c'est qu'on...

M. Tremblay (Rimouski): Est-ce que votre poste a été créé à la suite de cela?

M. Godbout: Non. Cela n'a pas été créé à la suite de problèmes. C'est qu'en secondaire V, en enseignement religieux et moral, on parlait beaucoup des droits de la personne. Vous êtes libres, les autres aussi. Et en secondaire IV nous parlons du thème de la liberté. On a travaillé sur les droits de la personne. Et avec les associations étudiantes on s'est aperçu que les jeunes aussi avaient des droits. Vous aussi vous avez des droits. Quels sont les droits que vous pouvez avoir, quelles sont les responsabilités que vous avez à l'égard de ces droits-là, qu'est-ce qu'on peut en faire et comment peut-on s'organiser pour vous aider à vivre ces droits-là?

M. Tremblay (Rimouski): Maintenant, je poserais une autre question à M. Bellemare. À l'élémentaire, jusqu'à la sixième année, comment pensez-vous que l'élève pourra revendiquer ou se servir de l'intermédiaire de l'ombudsman pour étudiants ou du protecteur de l'étudiant? Comment un élève de deuxième année va-t-il se servir du protecteur de l'élève, comment va-t-il y avoir accès? Il y a tout de même les parents qui sont là, à mon sens, et qui peuvent servir.

M. Bellemare: Ce sera évidemment dans la structure que prendra l'institution parce que pour moi la protection des droits c'est une institution. Il est évident que si ce droit de recours est instauré par la Loi sur l'instruction publique il sera sûrement chapeauté par une institution qui a déjà fait ses preuves comme le Protecteur du citoyen. Il devra y avoir à la base même, comme le disait mon collègue, des pompiers, c'est-à-dire des gens qui travaillent à la base, qui sont à la base et qui, en plus de répondre aux besoins, doivent faire de la promotion, se rendre accessibles et faire de la prévention. Donc, il devra y avoir une présence à la base, dans mon esprit.

Je viens d'une petite commission scolaire de huit écoles et de 1600 élèves. Il y a même des gens qui, en ce qui concerne l'enseignement des spécialités, font quatre ou cinq écoles. Je me dis qu'il est facile pour une personne de voir à l'environnement, à des contacts à l'égard de ces unités.

Vous savez qu'une des priorités des commissions scolaires, c'est la promotion de l'école publique. On fait valoir de plus en plus dans la population, auprès des parents, les services qu'on donne, la qualité de ces services. Évidemment, le protecteur de l'élève deviendrait un service qu'il faudrait faire connaître et faire promouvoir auprès de la population.

M. Tremblay (Rimouski): Très bien, M. Bellemare. Je vous félicite encore une fois pour votre rapport. Soyez assuré qu'il sera écouté au mérite et c'est loin d'être refusé d'emblée. Je vous remercie.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Juste une petite intervention avant de reconnaître l'Opposition. J'ai lu votre mémoire rapidement. Cette espèce d'arbitre, de protecteur de l'élève, le voyez-vous au sein de l'école, au sein de la commission scolaire, au sein du ministère ou au sein de la région? Où le situez-vous?

M. Bellemare: Vous savez que le ministère de l'Éducation a des bureaux régionaux. Nécessairement, au-dessus des bureaux régionaux je voyais le Protecteur du citoyen parce qu'il a toute l'expertise et l'expérience. Mais au niveau des bureaux régionaux, pour assurer quand même une répartition du service à travers le Québec d'une manière équitable, je voyais des responsables. Et au niveau des commissions scolaires, des répondants et des gens, comme on dit, sur le terrain, c'est-à-dire des gens qui seraient dans les écoles. À une grosse école comme celle où il enseigne, il y a 2000 élèves, il y a de la place pour une personne, un répondant. Mais dans de petites écoles il y a lieu de regrouper les écoles sous une responsabilité.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. Bellemarre.

Je reconnais maintenant la porte-parole de

l'Opposition en matière d'éducation, Mme la députée de Chitoutimi.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. M. Bellemare et M. Godbout, j'ai apprécié à la fois le contenu de votre mémoire de même que sa qualité et, évidemment, ses conclusions. Cela m'étonnait, et je me faisais moi-même la réflexion tout à l'heure, vous rappelez justement toute la question qui a touché la reconnaissance des droits des élèves, qu'un statut leur permettait de les faire valoir, cela s'est déroulé entre 1980 et 1985 et, après ça, c'est tombé comme dans l'oubli à l'exception d'un avis qui a été donné par le Protecteur du citoyen qui dit qu'il faudrait absolument créer un poste de protecteur de l'élève et reconnaître le droit de l'élève de recourir au Protecteur du citoyen. Je pense que je n'aurais pas longuement à discourir là-dessus parce que vous n'avez pas à me convaincre.

Fondamentalement, je suis convaincue. Je ne sais pas comment cela va se passer. Le ministre me semble extrêmement réservé à cet égard, mais je vais faire tout mon possible pour qu'on puisse revenir au moins au texte de la loi 3 et qu'on reconnaisse à l'élève ces droits élémentaires, à la fois le droit d'association. Vous savez, s'il y a quelque chose qui est reconnu pour tous les groupes dans la société, c'est le droit d'association, sans exception; c'est un droit légitime et il faut qu'on leur donne les conditions pour que ce droit puisse effectivement s'exercer. Je trouve cela inacceptable et je ne comprends vraiment pas que ce soit disparu de la loi. Je n'ai aucune idée comment on peut justifier avoir retiré cet article-là de la loi 3. Je vous dis que cela dépasse mon entendement.

L'article que vous citiez tout à l'heure sur le pouvoir de porter plainte... au ministre; d'abord, la procédure, si M. Godbout nous décrit le rôle d'un protecteur de l'élève à l'école: c'est le temps d'écrire au ministre, d'avoir la réponse, sans parler de la lenteur du courrier actuellement. L'étudiant a le temps de sortir de l'école et d'être "drop-in" ou "drop-out", pour utiliser des expressions qu'on a entendues cet après-midi, et cette possibilité d'un appel, de porter plainte, s'est faite exclusivement à l'endroit d'un enseignant.

M. Bellemare: Oui, c'est cela. Cela élimine tous les autres...

Mme Blackburn: Et la structure est tellement loin que, avant que vous vous asseyiez pour écrire pourquoi vous portez plainte, vous...

Je n'ai vraiment pas compris que le ministre ait décidé de ne pas reconnaître - parce que c'est ça en fait - ces droits qui m'apparaissent élémentaires dans la société d'aujourd'hui et qui assurent, comme vous le rappelez justement, les bases d'une qualité de vie à l'école qui, ensuite, évitent les décrochages, ainsi de suite. Parfois, ce ne sont pas de gros problèmes, mais cela commence à "braquer" tranquillement l'adolescent en particulier qui dit: Je ne suis plus capable de sentir ce professeur. Parfois, ce sont des affaires relativement banales qui ne demandent pas une grosse intervention mais qui assainissent le climat et détendent un peu les situations. Je pense que souvent, dans la grande majorité des cas, ce sont des choses qui peuvent facilement, rapidement se régler et qui demandent une intervention un peu plus souple, rapide à l'intérieur, moins formelle.

Je reconnais la qualité du travail que vous avez fait. Je ne pourrais pas y ajouter. Je vous dis que je vais faire tout en mon pouvoir, au moment où on examinera le projet de loi article par article, pour ramener dans ce projet de loi cet article qu'on retrouvait dans la loi 3.

Je voudrais vous remercier infiniment de votre participation aux travaux de cette commission. Je vois que vous avez peut-être des commentaires.

M. Bellemare: Je voulais vous dire simplement ceci. Ce qui est apprécié également par les parents dans le cas de son rôle, par exemple, c'est la confidentialité de la plainte.

Encore ce matin, j'étais à l'école. C'est une petite école primaire dans un milieu simple rural où il n'y a pas de gros problèmes comme en ville. Une mère me demande: Est-ce qu'un professeur a le droit de donner des coups de règle sur les doigts à un enfant en quatrième année? J'ai dit: Cela n'a pas dû se passer déjà, c'était l'accueil hier. Elle a dit: Justement, cela s'est passé hier. J'ai dit: Parlez-m'en, je vais essayer de régler cela. Eh bien! Je n'ai jamais pu obtenir le nom de cette dame. J'ai dit: Donnez-moi au moins le nom d'un garçon auprès de qui je pourrais enquêter. Elle dit non parce qu'il va avoir des représailles. Cela fait plusieurs années. J'ai changé souvent d'école. Cela m'étonne à chaque fois. À chaque fois que j'arrive dans un milieu, cela m'étonne de voir, de constater la crainte des parents de s'adresser même au directeur d'école qui... Pourtant, je suis une personne ouverte et je leur dis: Vous ne me dérangez pas. Il y a une crainte de représailles auprès de leur enfant.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Nous vous remercions M. Bellemare, M. Godbout, au nom des membres de cette commission d'être venus nous rencontrer. Nous suspendons nos travaux jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 17 h 58)

(Reprise à 20 h 7)

Congrès juif canadien de la région du Québec

Le Président (M. Parent, Sauvé): À l'ordre, s'il vous plaît!

Je rappelle que la commission permanente de l'éducation poursuit ses travaux dans le cadre du mandat qui lui a été confié par l'Assemblée nationale, à savoir tenir une consultation générale sur les projets de loi 106, Loi sur les élections scolaires et 107, Loi sur l'instruction publique.

Ce soir, nous accueillons le Congrès juif canadien de la région du Québec dont le porte-parole est M. Morton Bessner, président. M. Bessner, au nom des membres de cette commission, je voudrais vous remercier d'avoir bien voulu répondre à notre appel pour nous faire connaître le fruit de votre réflexion sur ces deux projets de loi. Monsieur Bessner je vous inviterais à nous présenter les gens qui vous accompagnent et à enchaîner immédiatement avec la présentation de votre mémoire. Feel free to express yourself in English or in French. Nous vous écoutons.

M. Bessner (Morton): Merci. M. le Président, Mmes, MM. les membres de la commission, je suis Morton Bessner. Je suis président du Congrès juif canadien de la région du Québec. Nous sommes très heureux d'être ici ce soir. Notre équipe est composée, à ma gauche de M. Michael Crelinsten, directeur exécutif du Congrès juif canadien, région de l'Est; à mon extrême droite, M. Jack Jedwab, directeur du comité de relations communautaires au sein duquel on trouve la responsabilité pour l'éducation; M. Frank Schlessinger, qui est ce soir notre porte-parole.

Je vous dirai, premièrement, comme président, que nous avons déposé notre mémoire et nous présumons que tous les membres en ont déjà pris connaissance.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Soyez-en certain, monsieur.

M. Bessner: Nous voudrions vous présenter M. Frank Schlessinger qui sera notre porte-parole et qui exprimera quelques remarques sur notre mémoire et sur notre position.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Avant de débuter, M. Bessner, permettez-moi de faire une petite intervention. Je voudrais excuser M. le ministre de l'Éducation qui va se joindre à nous incessamment. Aujourd'hui, c'est mercredi et il y a Conseil des ministres. Alors, M. Ryan a été retenu par le Conseil des ministres jusqu'à l'heure du souper. Il devait retourner à son bureau et revenir. On nous informe qu'il devrait être ici dans cinq ou dix minutes. Par contre, j'aurais pu attendre le ministre et je pourrais encore l'attendre, mais on m'a informé que vous aviez un avion à prendre et que vous deviez retourner à Montréal de bonne heure. Alors, Mme la députée de Jacques-Cartier, ici à ma droite, est l'adjointe parlementaire du ministre de l'Éducation et il y a également tous les députés de l'équipe ministérielle qui vont se faire un devoir d'informer le ministre et il y a aussi l'équipe de l'Opposition officielle qui est là. Alors, vous êtes entre bonnes mains.

M. Bessner: Merci. M. Schlessinger, s'il vous plaît!

Le Président (M. Parent, Sauvé): Monsieur.

M. Schlessinger (Frank): M. le Président, Mmes et MM. les députés, membres de la commission, je tiens à vous remercier de votre accueil chaleureux et de nous avoir accordé cette occasion de comparaître devant vous, ce soir.

Vous savez peut-être que le peuple juif a toujours été appelé le peuple du livre. L'éducation pour les Juifs, c'est l'essentiel; c'est le noeud de notre culture et de notre religion. Pour cette raison, l'éducation, qui va main en main avec le livre, est quelque chose, qui était au noeud de notre famille, de notre religion, de nos synagogues depuis le début, depuis nos origines. C'est pour cette raison que lorsqu'il y a quelque chose qui touche à l'éducation, nous nous y intéressons vivement. Nous sommes très heureux d'avoir l'occasion de venir présenter nos préoccupations.

Peut-être au lieu... Nous n'allons pas vous ennuyer à vous lire notre mémoire que vous avez lu, ni le résumer, mais...

Le Président (M. Parent, Sauvé): Vous voulez, par exemple, insister sur certains éléments...

M. Schlessinger: Oui, c'est cela.

Le Président (M. Parent, Sauvé):... soyez bien à votre aise parce qu'en fin de compte, d'habitude, les gens prennent au moins le tiers de la période de temps qui leur est réservée pour expliquer enfin leurs positions.

M. Schlessinger: Nous n'avons pas cette intention.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Très bien.

M. Schlessinger: En effet, une lecture attentive du projet de loi 107 que nous avons faite révèle que plutôt que d'abolir la confes-sionnalité au sein du système d'éducation, on l'a tout simplement déplacée du niveau commission scolaire au niveau de l'école. Ce qui peut arriver, il y a un danger; c'est que cela va politiser l'école. Au lieu de garder la religion au niveau de la commission scolaire, où l'atmosphère serait peut-être un peu plus saine, on va demander aux parents et aux membres des commissions d'orientation d'avoir des débats sur la direction et l'orientation religieuse de chaque école. Nous trouvons que cela peut avoir des effets néfastes sur l'éducation.

Si, par exemple ou par contre, vous tenez réellement à maintenir le système de confession-nalité, lequel nous avons toujours dit qu'il n'était pas bon pour la province de Québec, nous avons toujours appuyé le concept d'un système neutre, un système linguistique peut-être. C'est peut-être un des moyens de l'avoir, je vais revenir à cela dans un moment. Nous avons toujours appuyé le système de neutralité au sein des commissions scolaires. Mais si vous tenez réellement à garder la confessionnalité dans les écoles, nous prétendons qu'il est inapproprié, dans le contexte actuel de multiculturalisme et d'égalité de religion, de conserver cette situation démodée d'exclusivité aux protestants et catholiques. Les autres religions devraient avoir les mêmes droits et recevoir le même respect.

A titre d'exemple, je peux vous citer quelque chose qui peut vous paraître moins important mais qui nous frappe: c'est la question de l'enseignement moral et religieux. Si vous êtes protestants et recevez votre éducation protestante au sein de l'école, vous n'avez pas besoin de prendre l'instruction morale et religieuse. Si vous êtes catholiques et prenez l'éducation catholique, vous n'avez pas besoin du cours d'instruction ou d'enseignement moral et religieux. Par contre, si vous êtes juifs et que vous suivez un cours de religion juive, vous devez toujours prendre le cours d'instruction morale ou religieuse. Cela veut dire qu'on a peur peut-être si nous ne sommes pas protestants ou catholiques, la religion n'est pas tout à fait comme il faut. Je suis convaincu que c'est un oubli de la part des rédacteurs de ce projet de loi et je vous suggère fortement de porter attention à cette question parce que, dans le contexte actuel, c'est quasiment une insulte aux autres religions. (20 h 15)

II y a également la question des comités d'orientation. Pour avoir l'instruction dans une religion autre que protestante ou catholique, il faut que le comité d'orientation le demande. Si, par contre, la majorité d'une école consiste en protestants ou catholiques et non en un groupe minoritaire, il y a de fortes probabilités que le groupe minoritaire n'ait jamais le moyen d'avoir son instruction dans la religion voulue. Alors il y a deux façons de voir ce problème, soit - et ce que nous avons suggéré - s'il y a un groupe de parents qui demande l'éducation ou l'enseignement de cette autre religion, ce groupe aura le droit de l'avoir et non seulement le privilège. Reste à fixer quelles seront les normes pour les groupes. Nous n'avons pas fixé cela dans notre mémoire, mais c'est quelque chose qu'on peut discuter. D'autre part, il faut avoir une certaine mobilité des étudiants, parce que s'il y a deux ou trois musulmans ou deux ou trois juifs dans une école, et s'il y en a un autre à côté qui a peut-être plus, il devrait avoir le droit de se joindre à eux pour former un groupe adéquat pour demander l'enseignement de leur religion.

Un autre aspect que nous considérons essentiel, c'est qu'on ne réforme pas un système d'éducation à la légère. Je vois que l'existence même de cette commission démontre le sérieux du gouvernement et son dévouement à ce problème. Nous suggérons fortement, vu les questions constitutionnelles posées par cette loi et indiquées par M. le ministre Ryan, que le projet de loi soit soumis à une décision constitutionnelle sur tous les aspects de la loi, non pas en partie, ni après avoir instauré une partie de la loi. Si on commence à instituer ou à faire l'implantation du système et, en plein milieu, la cour rend un jugement déclarant qu'une partie était anticonstitutionnelle, on risque de devoir démanteler un système déjà réformé. Cela risque de causer un chaos dans le système. On suggère fortement que le projet de loi soit soumis à une décision judiciaire avant de démanteler ou de réformer le système actuel.

Enfin, si les catholiques et les protestants ont le droit d'établir leur école, je crois que les autres religions devraient avoir le même droit. Je ne vois aucune raison, dans le contexte de l'année 1988, pour que l'on reste dans ce contexte de catholiques et protestants. Toutes les religions qui ont une existence, qui ont un groupe, qui existent et qui désirent avoir leur propre système d'école devraient avoir les mêmes droits que les catholiques et les protestants.

M. le président du Congrès juif canadien de la région du Québec me rappelle que l'on demande que si le projet de loi est adopté - espérons-le après avoir reçu l'approbation de la Cour suprême ou du système judiciaire - ce devrait être une loi organique, c'est-à-dire des garanties constitutionnelles qu'une fois établies, un autre gouvernement ne pourrait pas revenir tout changer dans deux, trois ou dix ans. Le système d'éducation, comme je viens de le dire, n'est pas une chose à laquelle on touche à la légère. Il faut que, si on abandonne un système existant ou actuel, il soit remplacé par quelque chose de très stable, qui va protéger les droits de toutes les parties.

Je crois que j'ai assez parlé pour le moment. J'ai été bref, mais je crois que c'était dans notre intérêt d'être brefs et de vous donner, messieurs et mesdames, la possibilité de nous questionner sur les points qui vous intéressent en particulier. Je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. Schlessinger, je vous remercie beaucoup, d'abord d'avoir pris la peine de venir ici, avec vos collègues, nous donner le fruit de votre réflexion sur ce projet de loi. Je pense que tous les membres de la commission présents ici sont conscients de l'apport important, et surtout de l'apport culturel des gens de religion juive dans l'histoire du Québec, de la place importante que vous y avez prise et de la place importante que vous continuez à prendre. Le Congrès juif a toujours été le représentant et le porte-parole de

l'ensemble des gens qui pratiquent cette religion. Il a toujours reçu une oreille attentive de la part de tous les gouvernements, nonobstant leur appartenance politique. Nous avons eu des gens de votre religion qui ont vécu ici, au Parlement, comme parlementaires; nous en avons eu qui ont été parmi nos juges les plus éminents, et on en a reconnu dans à peu près toutes les sphères de la société. C'est pour cela que nous sommes heureux et flattés que vous ayez pris la peine de venir, parce que souvent, et vous le savez, on est porté à vous marginaliser. Vous faites partie intégrante de l'ensemble du Québec, et vous nous apportez un éclairage que d'autres ne peuvent nous apporter parce qu'ils ne le vivent pas. Je pense que cela est très précieux pour enrichir une commission comme la nôtre.

Nous avons retenu votre interrogation sur le droit ou le privilège des tenants de certaines religions à être mieux représentés que d'autres. Cela porte à réfléchir. C'est sûr que l'histoire du Québec est basée sur deux grandes religions fondamentales: les catholiques et les protestants. Mais aujourd'hui, en 1988, est-ce que la réalité culturelle est la même? Nous avons le droit de nous interroger. Je ne dis pas que je partage le point de vue de tout ce que vous nous avez dit, mais je reconnais votre droit à vous poser des questions, et cela, nous l'apprécions beaucoup.

Quant à vos remarques sur l'article 93, l'article 93 de la constitution du Canada touche seulement deux territoires: le territoire de la région de Québec et le territoire de la région de Montréal qu'elle protège et où elle reconnaît les commissions scolaires confessionnelles. Est-ce que vous accepteriez qu'à l'intérieur de la constitution canadienne un article, qui serait un autre article que 93, protégerait les droits linguistiques? Quant à cela...

M. Bessner: On ne peut pas dire - je pense que c'est presque réglé - que l'article 93 est un article qui protège la langue de l'instruction. Je pense que c'est la confessionnalité qui y est protégée. La question que vous avez soulevée, M. le Président, c'est la réalité d'aujourd'hui. Mais la réalité d'aujourd'hui, il est nécessaire de la regarder en vertu de celle qui est déjà passé. En anglais, on dirait: Je pense qu'il est temps de faire un "trade off. Parce que le temps est que la confessionnalité est, en fait, une... La réalité est que les écoles catholiques sont des écoles françaises, et les écoles protestantes sont des écoles anglaises. Si vous voulez bouleverser la chose d'aujourd'hui, la réalité ou le "trade off", vous devez mettre dans la constitution: catholique française, protestante anglaise. Je pense que, en vertu du fait que nous sommes en train de bâtir un système d'éducation non seulement pour le passé, ni pour aujourd'hui, mais pour l'avenir, à Québec, même au Canada et dans le continent nord-américain... On vit dans une société ouverte, une société avec des liens plus importants - si on peut utiliser, dans cette auguste Chambre le "free trade agreement" - on est en train de changer la direction de l'avenir. Ce qu'on veut au Québec, ce sont des étudiants qui vont sortir de nos écoles prêts à bâtir pour l'avenir. Je pense qu'on doit considérer que, pour la communauté juive, on voudrait que les étudiants qui vont sortir de nos écoles publiques à l'avenir soient prêts à prendre leur place dans la société à venir. C'est la raison pour laquelle je dois vous dire rapidement que l'article 43 n'est pas une règle linguistique, mais si vous regardez la réalité dans l'avenir et celle du passé, on doit faire le changement pour quelque chose d'important pour l'avenir.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. Bessner. Il y a une chose qui me sécurise un peu dans votre réponse et dans vos allusions, et qui m'avait inquiété dans l'interprétation de votre collègue tout à l'heure. Il nous a dit: Si jamais le projet de loi 107 venait à passer, nous espérons qu'il sera stable et pratiquement immuable, de façon qu'un autre gouvernement, d'ici quelques années, ne le change pas. Aucun politicien, aucun gouvernement ne peut vous garantir cela. Au rythme où l'évolution va aujourd'hui, au rythme où les choses changent aujourd'hui, ce serait faire preuve d'un conservatisme dangereux que de s'engager. Actuellement, il y a un projet de loi qui est sur le tapis, qui est présenté, mais rien ne nous dit que dans cinq ou dix ans, il ne devra pas être amélioré, peut-être pas remis en question, mais qu'il ne devra pas être amélioré.

M. Bessner: Si vous me permettez de vous interrompre, M. le Président, la raison pour laquelle nous avons eu ici à Québec, depuis de longues années, le débat sur la question de la confessionnalité, c'est qu'il y a quelque chose de ferme qui fait obstacle à des changements. In english: just to change the wind or to go with the wind. On ne remet pas en question la bonne foi du gouvernement qui sera en place demain, ni celle du gouvernement qui était en place il y a vingt ans. Mais c'est important. Il doit y avoir, je ne voulais pas dire des barrières, mais des choses sur lesquelles on puisse avoir une deuxième chance de regarder, des choses fondamentales. L'éducation est une chose fondamentale pour le bien-être d'une société.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Je puis vous assurer que les intentions du ministre de l'Éducation semblent bien arrêtées et bien sérieuses. Si je vous apprends que, ce soir, vous êtes probablement le 112e ou 113e organisme que nous entendons; je ne sais pas si vous connaissez le processus... Non, non, mais on a appris ce soir. Si on ne vous avait pas reçus, il y a peut-être une facette de la problématique du système que l'on n'aurait pas eue.

Si ce projet de loi revient, il sera étudié par les ministériels et par l'Opposition article

par les ministériels et par l'Opposition article par article pour 579 articles. C'est donc dire qu'on va mettre toutes les chances de notre côté de façon que la Loi sur l'instruction publique réponde aux besoins, aux aspirations et au climat politique et culturel à l'intérieur duquel nous vivons ici au Québec.

Je reconnais maintenant Mme la députée de Jacques-Cartier. (20 h 30)

Mme Dougherty: Merci, M. le Président. À mon tour, il me fait énormément plaisir d'accueillir les représentants du Congrès juif. Je suis franchement un peu perplexe devant votre mémoire. Comme vous le savez, nous avons lutté ensemble - les représentants et surtout M. Bessner, d'abord - il y a vingt ans, pour le droit de vote des juifs dans la commission scolaire où j'étais commissaire, à Ville Mont-Royal. Quand j'y suis arrivée comme commissaire, j'ai découvert avec horreur que les Juifs n'avaient pas le droit de vote à la commission scolaire de Ville Mont-Royal. Depuis cette époque, j'ai toujours lutté pour une commission scolaire plus accueillante et plus ouverte, où on pourrait enlever toutes les étiquettes, oublier toutes les différences d'origines, les différences culturelles, les différences religieuses, etc., pour en faire une commission scolaire vraiment neutre et respectueuse des différences.

Je sais que vous vous êtes toujours prononcés pour un système neutre. Dans ce sens, je crois que nous avons toujours partagé le même rêve pour l'avenir. Aujourd'hui, nous sommes en face d'un mémoire qui présente un virage de pensée et qui demande, par exemple, qu'une religion autre que catholique ou protestante soit dispensée lorsque les parents d'une religion particulière en font la demande, en dépit du nombre. Je crois que, dans le projet de loi, on mentionne: "... where numbers warrant".

M. Schlessinger: C'est le comité d'orientation qui décide.

Mme Dougherty: Pardon?

Une voix: Non, c'est la commission...

Mme Dougherty. D'accord. Voudriez-vous nous expliquer un peu ce que j'appelle ce virage de pensée? Est-ce que c'est réel, est-ce que c'est circonstanciel, peut-être? Voudriez-vous nous donner des précisions et nous dire le pourquoi de votre position dans ce mémoire?

Le Président (M. Parent, Sauvé): M.

Bessner.

M. Bessner: I think it is unfortunate if, Mme la députée whom... I did not realize - it would be possible to have been 20 years ago that we started before Judy Lamarsh... ha, ha! - that our brief would give the impression that we were making a turn in our "pensée". I think it is important to express clearly that Canadian Jewish Congress has always stood for and, at this time, continues to stand for a non confessional neutral public school system in the province of Québec, rendering the highest quality of education, regardless of language or religion or color or creed. That is fundamental, that is our premise, it has not changed and we do not intend to change it. And if we have our wishes, that is the kind of school system that one should have in the province of Québec. However, faced with what we still believe is a confessional school system disguised as a linguistic school system, we believe that administratively you have taken confessionality in this Bill and removed it from the school board level where it has always been historically down to the local school level. We then say that, in 1988, if you are going to entrench confessionality in the school, then it should be available in 1988 and in the future to all persons bearing a religious grouping. That is based on the quality of citizen... but we do not, Mme la députée, change our fundamental and preferred position in having the kind of school system which we have espoused for years.

Une voix: My colleague has...

Le Président (M. Parent, Sauvé): Go ahead.

M. Schlessinger: Je tiens à souligner la deuxième phrase du deuxième paragraphe du résumé qui est annexé à notre mémoire, et qui se lit comme suit: "Le Congrès juif canadien de la région du Québec regrette donc et est déçu que le gouvernement n'ait pas profité de cette occasion pour proposer un véritable système d'écoles publiques non confessionnelles. " Je crois que notre position est assez claire. Nous préférerions de beaucoup que ce soit un système vraiment non confessionnel. Mais, comme je l'ai dit dans mes remarques préliminaires, si vous insistez pour garder un système confessionnel, à ce moment-là, nous voulons les mêmes droits pour les minorités que ceux qu'ont les majorités. C'est cela que nous disons.

Je tiens également, Mme la députée, à attirer votre attention sur le premier alinéa de l'article 80 qui dit que le conseil d'orientation donne son avis à la commission scolaire sur la demande de reconnaissance confessionnelle de l'école ou du retrait de cette reconnaissance. Ce n'est pas là où le nombre le justifie ou "the number warrant", c'est le conseil d'orientation. Je crois que ce conseil d'orientation est élu démocratiquement et, par conséquent, par la majorité, d'où le fait que les minorités seront, par définition, dépourvues.

Je me permets peut-être, puisque j'ai le micro, d'ajouter quelque chose sur quoi j'ai oublié de revenir. Lors des enquêtes que nous avons faites, parce que nous avons aussi tenu notre petite commission parlementaire au sein du

les différents représentants de notre communauté: l'Association des écoles juives de Montréal, le Jewish Education..., le Conseil d'éducation juive, le Service communautaire juif, l'association des parents, l'association des professeurs, les représentants des étudiants. Alors, afin de créer notre aide-mémoire, nous avons consulté toute notre communauté. Il y a une chose qui est ressortie, c'est que nous sommes tous d'accord pour le système non confessionnel. Quand on choisit le système linguistique, peut-être que c'est la seule façon, je ne le sais pas, mais il ne faut peut-être pas oublier le fait qu'il y ait un certain risque qu'il ne faut pas oublier, c'est de promouvoir plus de "dichotomisation", si je peux employer ce mot, de "ghettoïsation" de la province entre Anglais et Français. Dans le moment, dans le système catholique, on a quand même les catholiques anglais et les catholiques français; dans le système protestant, on a les protestants anglais, les catholiques anglais et les Juifs, par particularité. C'est peut-être le seul endroit au monde où des Juifs sont appelés pour fin d'éducation des protestants. Je suis protestant, officiellement, pour fin d'éducation, imaginez!

Il y a quand même une certaine interrelation entre les groupes linguistiques à ce niveau. Si vraiment cela devient un système purement linguistique, même si on a la confessionnalité, on risque d'avoir encore un autre endroit où l'inter-relation anglophone-francophone sera peut-être diminuée. C'est peut-être quelque chose à garder à l'esprit. Je ne dis pas qu'il y a d'autres solutions, mais peut-être qu'il ne faut pas tout à fait oublier cet aspect.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Je vous remercie, monsieur. Maintenant, je vais reconnaître l'Opposition officielle en la personne du député de Shefford et qui est aussi le vice-président de cette commission. M. le député.

M. Paré: Moi aussi, au nom de la formation politique que je représente, je vous souhaite la bienvenue. Je trouve très important que vous y soyez, je dois le dire. Quand vous disiez tantôt, M. le président, que ce qu'on est en train de faire, ce sont des écoles ou un système pour l'avenir, c'est effectivement vrai. On ne change pas cela en espérant le changer à nouveau dans deux ou trois ans, même si, possiblement, on fera des ajustements de société dans dix, quinze ou vingt ans. Cela est tout à fait naturel et normal. Sauf qu'il aurait été impensable, je pense, de modifier le système sans vous entendre et entendre d'autres groupes des communautés culturelles. On sait très bien que la communauté québécoise est de plus en plus pluraliste. Il y a de plus en plus de groupes qui viennent ici, tant mieux. Quand il y a un système aussi important que le système d'éducation qui, en fait, devrait rapprocher les gens, qui touche tout le monde parce que tous les jeunes passent par le système d'éducation, malgré les écoles privées, cela n'empêchera pas quand même que tous passent par l'école, cela est important, donc, que les communautés culturelles viennent nous donner leur point de vue là-dessus. Quand on parle de religion, en plus d'être un sujet sensible, je dois vous dire que c'est important. On a une histoire au Québec et, si vous aviez été ici depuis quelques jours, même depuis quelques heures, avec l'avant-midi qu'on a connue, vous auriez vu déambuler devant vous l'histoire catholique, d'une certaine façon, du Québec. C'est une des raisons pour lesquelles on veut avoir un nouveau système plus moderne, plus adapté, qui tienne compte du fait que la société québécoise doit être ouverte et accueillante, mais en même temps ne pas abandonner ce que l'histoire nous a légué comme responsabilité. S'il y avait au tout début une société strictement catholique, les protestants étant venus, avec les siècles finalement, on se retrouve aujourd'hui avec deux groupes plus importants mais avec d'autres groupes qui s'ajoutent.

Si ma collègue et porte-parole officielle en matière d'éducation était ici, je crois qu'elle vous aurait félicités encore davantage pour l'école neutre que vous préconisez. Quand on croit à la charte des droits et libertés, quand on croit à la justice et à l'équité et qu'on porte notre jugement au maximum, à la limite, effectivement, vous avez raison, cela prendrait des écoles neutres pour permettre à chacun des citoyens d'avoir des chances égales de ne pas être "ghettoïsés" ou minorisés à l'intérieur d'une structure, car on passe plusieurs heures comme étudiants sur les banquettes de l'école.

Cela étant dit, il faut tenir compte de tout le contexte et le système qu'on apporte est linguistique. Vous aviez raison tout à l'heure quand vous disiez que vous êtes obligés de vous considérer comme protestants alors que vous êtes juifs, parce que le système fait en sorte qu'il y a des choses qui ne sont plus claires. Il y a des choses à corriger. On pense que la meilleure façon, ce sont le système linguistique, les commissions scolaires linguistiques, mais en tenant compte de la possibilité ou de la liberté des gens au niveau religieux, spécialement des deux groupes sans ignorer les autres groupes. Que vous veniez nous le dire est important.

Et, comment peut-on le faire maintenant en pratique? Vous dites que l'idéal serait un système neutre égalitaire pour tout le monde. Donc, les écoles sont neutres, la religion on va la chercher ailleurs. Les communautés, les églises sont là pour apporter aux citoyens l'aspect religieux finalement qu'ils doivent avoir. Par contre, on apporte un système. Le comité d'orientation va suggérer à la commission scolaire qu'une école soit catholique ou protestante. Là, il va y avoir un projet éducatif qui va être catholique. À l'intérieur de cela, il y a des cours de religion catholique qui vont être donnés et ceux qui n'y iront pas iront au cours de morale. Cela veut

dire ce que vous avez dit tout à l'heure, le cours obligatoire de morale, comme si les autres religions n'étaient pas bonnes. Je pense qu'on doit effectivement à cette table, lorsqu'on étudiera la loi, le projet de loi modifié, corrigé, tenir compte de votre préoccupation, tout comme vous êtes des Juifs et non pas des protestants. Est-ce que dans l'école on va vous obliger... L'argument que vous avez utilisé tout à l'heure m'a frappé, je vous le dis tout de suite. Il faut que nos enfants assistent au cours de morale parce que les autres religions, c'est comme si elles n'étaient pas bonnes.

N'y aurait-il pas moyen finalement de s'entendre qu'il y a des écoles confessionnelles et que la pastorale est donnée à l'intérieur d'un cours? Le cours de religion et la pastorale entrent là-dedans. Cependant, ceux qui ne suivent pas le cours de religion catholique, admettons dans une école catholique, qu'on donne le choix aux gens d'avoir un cours de religion juive ou autre. Cela pourrait être probablement équitable, juste, en respectant la philosophie, la charte des droits et libertés, en respectant le voeu de la majorité mais ne pas bafouer le choix des minorités parce qu'il peut y en avoir plusieurs.

Par contre, au niveau très pratique, vous me l'expliquerez tantôt. Vous l'avez fait, mais je voudrais que cela soit bien clair. C'est sûr que, dans des écoles, dans la région de Montréal spécialement, dans la même école, on va retrouver très souvent plusieurs groupes de différentes religions. Il n'y aura pas probablement au même niveau et au même moment dans la même classe un nombre d'élèves suffisant. Quand vous dites qu'on devrait le faire au niveau des écoles, expliquez-moi comment vous le voyez du point de vue pratique, parce que cela voudrait dire quoi? Un cours par semaine où on regroupe les gens dans un même local? (20 h 45)

M. Schlessinger: Pour commencer, si vous lisez la partie de notre mémoire qui parle de mobilité, cela va peut-être clarifier un peu la situation. Grosso modo, le problème se présente plutôt dans l'île de Montréal et aux alentours. Je ne pense pas qu'à Chicoutimi vous ayez beaucoup de problèmes là-dessus. Disons que dans une école à Saint-Laurent, il y a 17 élèves grecs et que dans une école à deux coins de rue, il y en a deux ou trois. Si les deux ou trois de cette autre école peuvent se joindre à ceux où il y en a 17, pour avoir un cours de grec orthodoxe - je me sers d'un exemple absolument non recherché, c'est seulement à titre d'exemple - je ne veux pas que la communauté grecque orthodoxe vienne me voir. Mais si, par exemple, il y avait cette situation pour justifier qu'un professeur de religion grecque orthodpxe vienne à cette école donner le cours - je crois que c'est deux périodes par semaine, si je ne m'abuse - quelque 80 minutes par semaine, ce n'est pas exorbitant, on pourrait facilement arranger quelque chose comme cela. Alors, si on avait ces deux choses ensemble, le droit d'un groupe de parents, pas nécessairement le comité d'orientation où ils ne seront toujours pas majoritaires, mais un groupe de parents et la capacité pour les élèves voisins de venir s'installer dans la même école pour faire un groupe d'une taille et d'envergure assez importante pour justifier les dépenses, je crois que ce serait quelque chose qui ne serait pas très difficile à instaurer. Je serais étonné de savoir que ce n'est pas faisable. Si c'est une personne, c'est évident qu'on ne peut pas, il faut être réaliste, mais si on a un groupe de personnes qui peuvent mériter une certaine dépense, je crois qu'ils ont le même droit que d'autres groupes.

D'autre part, il ne faut pas oublier non plus que si les gens veulent vraiment avoir leur éducation religieuse, il y a les systèmes privés d'éducation aussi. Il y a le réseau privé juif, le réseau privé grec; d'autres ont leur réseau et si le système devait être en mesure de rester en place et de servir les communautés qui veulent leur éducation religieuse, mais le système public devrait être neutre.

M. Paré: Je comprends qu'il y a le système privé parallèle qui offre finalement le cours désiré pour les gens qui veulent les envoyer là, sauf que quand on parie de permettre aux gens de suivre les cours dans un même local, je préfère cela et que l'on regarde les dépenses, puis qu'on essaie de les assumer comme société que ce que vous avez amené tantôt comme possibilité c'est-à-dire que ce sont des écoles de groupes qu'on implanterait: orthodoxes, grecs, juifs, etc. Je dois vous dire que le système public scolaire doit avant tout rapprocher les gens et les communautés et non pas les diviser. A ce stade, on a à investir temps, argent, énergie et imagination pour trouver la façon dont les Québécois, peu importe notre provenance, notre origine, se retrouvent dans le système scolaire malgré nos différences et avec nos différences.

Quand vous disiez tantôt - une autre chose que l'on retrouve dans votre mémoire - que l'on veut maintenir les commissions scolaires dissidentes, et là aussi c'est un principe qu'il faut considérer dans la logique la plus pure qui soit, si on accepte qu'il y ait des commissions scolaires dissidentes, comment n'accepte-t-on pas qu'il y ait des commissions scolaires linguistiques? C'est ce que l'on retrouve dans votre mémoire, si on accepte de maintenir des commissions scolaires dissidentes, les communautés religieuses auraient le droit d'avoir leur commission scolaire religieuse, étant donné que l'on en permet une, c'est une liberté qu'on leur donne. C'est ce que l'on retrouve dans votre mémoire. Cela porte à réfléchir. Je ne vous dis pas que je suis d'accord, je vous dis que, comme membres de la commission, nous devrons réfléchir sur le principe même de le permettre à un groupe minori-

taire et plus petit parce qu'il est dissident, mais au groupe plus important, on ne le permet pas. Il faudrait pousser la logique au fond, à mon avis.

Deux autres petites questions avant que mon temps finisse. Quand vous dites que les élèves doivent avoir le choix, ce que l'on retrouve surtout dans la région de Montréal encore une fois, de leur école en fonction de leur religion et de leur langue - on retrouve cela dans votre mémoire - vous le mettez toujours dans le respect de la loi 101. J'ai bien compris quand vous dites que pour ce qui est de la langue, c'est là où vous pouvez peut-être retrouver le plus de gens de la communauté juive à l'intérieur d'une école, mais toujours dans !e respect de la loi 101. D'accord.

Une dernière question. Vous dites qu'on devrait soumettre - on retrouve cela dans le résumé, le dernier paragraphe - le projet de loi dans sa totalité aux tribunaux et attendre les résultats avant de procéder. Ne pensez-vous pas, connaissant les faiblesses ou des faiblesses en tout cas qu'il y a présentement dans le système scolaire, qu'on pourrait au moins essayer d'en régler en sachant que ces points sont constitutionnels, qui nous permettraient non pas de changer tout le système mais au moins d'améliorer là où on sait qu'on peut le faire? Ne pensez-vous pas qu'il y a des mesures qu'on peut déjà mettre en place et que ce serait favorable, parce que tout n'est pas relié à la confession et au domaine linguistique dans le système scolaire? Il y a la qualité de l'enseignement, la formation des enseignants, il y a une foule de choses quand on regarde les 579 articles de la loi. Ne pensez-vous pas qu'on pourrait au moins faire un bout de chemin en attendant?

M. Bessner: On doit être réalistes. Il doit y avoir, je suis certain, des aspects administratifs qui peuvent être changés et être améliorés et qui ne touchent pas les bases fondamentales de la constitution d'une école confessionnelle. Mais la question est toujours: Where do you draw the line? Je suis très heureux que M. le ministre soit déjà arrivé. Je pense que ce devrait être son ministère et le législateur qui doivent décider "where to draw the line when you are starting to change" un système fondamental. Est-ce qu'on doit mettre tout le projet de loi ou seulement un article? Je pense que c'est le gouvernement qui doit décider. C'est un projet de loi très compliqué et je pense qu'il y a des liens entre les quatorze premiers paragraphes qui sont répétés, particulièrement dans les articles 400 et plus. Est-ce qu'on peut couper l'esprit même du projet de loi ou tout le projet de loi? On doit être réalistes, c'est tout ce qu'on peut vous dire à ce moment-ci.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. Bessner.

M. Paré: Alors en concluant, je vous remercie. C'est un enrichissement pour la commission de pouvoir vous entendre et je suis convaincu que vous allez nous porter à réfléchir passablement sur une partie importante de la clientèle scolaire qui est le groupe des communautés culturelles qui prend de plus en plus de place dans la grande région de Montréal et un peu aussi dans les autres régions. Mais nous sommes très préoccupés. La loi est due aussi en grande partie à cette situation, donc nous devrons en tenir compte. Merci de votre présentation.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci. Il nous reste encore quelques minutes et je reconnais M. le ministre de l'Éducation.

M. Ryan: Alors M. Bessner et messieurs de la délégation du congrès juif, il m'est agréable de vous rencontrer ce soir avec mes collègues de la commission parlementaire. Je veux profiter de l'occasion pour remercier le Congrès juif canadien de l'intérêt qu'il a toujours manifesté pour les questions d'éducation au Québec et pour le sérieux et la régularité avec lesquels il intervient dans les débats qui intéressent l'avenir de la communauté québécoise. Je pense que le Congrès juif canadien, dans sa section québécoise en particulier, est profondément impliqué dans révolution de la vie au Québec et nous nous en réjouissons à bien des points de vue.

Dans le domaine de l'éducation, votre communauté a une situation particulière. Une bonne partie des enfants de la communauté juive fréquentent les écoles publiques, surtout du côté protestant, et s'y trouvent bien dans l'ensemble et y reçoivent, je pense, un traitement dont leurs parents sont satisfaits; ils ont accès à des fonctions d'enseignement, des fonctions de gestion, même des fonctions de commissaire, grâce à des amendements qui ont été apportés à nos lois au cours des années. Je pense que nous nous en réjouissons tous. Nous avons un certain nombre d'élèves juifs dans les écoles de nos commissions scolaires pour catholiques également qui sont très bien reçus, qui réussissent très bien et que nous sommes heureux de rencontrer à l'occasion.

En plus, le gouvernement subventionne, comme vous en avez fait mention tantôt, des écoles privées juives. Je pense que le gouvernement subventionne 24 écoles privées juives qui accomplissent un excellent travail en matière d'éducation, qui imposent à leurs élèves un régime très exigeant, parce qu'on • leur fait étudier, non pas seulement une langue, mais parfois quatre langues: le français, l'anglais, le yiddish et l'hébreu. Et ces enfants - moi, j'en ai connu quelques-uns personnellement à travers des familles que je connaissais bien - acquièrent dans ces écoles une discipline et accèdent à un développement intellectuel, social et moral très intéressant, très riche. Nous sommes heureux de cette association du gouvernement avec les

écoles de la communauté juive, et il ne me serait jamais venu à l'idée de penser que l'existence même de ces écoles soit un facteur de division. C'est un facteur, à la longue, de meilleure compréhension parce que ma philosophie, c'est que plus chacun est profondément enraciné dans sa tradition, plus il a de chances d'accéder à l'universel dans des conditions qui ne le déforment pas et qui lui permettent d'apporter sa contribution à l'enrichissement de l'ensemble.

Alors, vous avez cette liberté de choix dans votre communauté. Les uns vont du côté des écoles privées, les autres du côté des écoles publiques. Et nous souhaitons maintenir longtemps cette flexibilité à l'intérieur du système d'enseignement. Je pense que les structures que nous proposons faciliteront la continuation de cette tradition; cela créera des problèmes différents que nous pourrons identifier plus clairement à mesure que nous avancerons. Je crois que dans l'ensemble, il y a de bonnes chances que cela donne de bons résultats. Même si peut-être idéalement la préférence du Congrès juif n'irait pas de ce côté-là, je suis content de voir et j'ai noté, dans votre mémoire, que vous dites, à un moment donné, la phrase suivante: "La création de commissions scolaires de langues française et anglaise est en accord avec cette réalité linguistique qui est caractéristique du Québec d'aujourd'hui. " On peut bien vouloir dire que tout le monde est francophone, au Québec, mais ce n'est pas vrai. Ce n'est pas vrai. 'The facts are stubborn", comme le disait le président Reagan récemment.

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Ryan: Ha, ha, ha! Tôt ou tard, quelles que soient les lois que le gouvernement ou l'Assemblée nationale adopte, si elles sont trop éloignées des réalités, la réalité finit par reprendre le dessus. Nous ne voudrions pas commettre cet écart; c'est pourquoi nous ne sommes pas pressés. Nous ne voulons pas procéder avec quelque précipitation que ce soit. Nous ferons les consultations nécessaires auprès des tribunaux. Nous aurons l'occasion de poursuivre le débat avec nos concitoyens et je pense qu'au bout de la ligne, après encore une période de réflexion - peut-être de trois ans - sur certains aspects du projet de loi, nous arriverons à un équilibre qui pourra être pratiquement, sinon théoriquement, acceptable à tout le monde.

Deux ou trois remarques très brèves sur des propositions que vous faites. Il y a un chapitre sur la centralisation des pouvoirs. Je passe par-dessus; c'était de bon ton d'inscrire ces remarques, mais je sais que vous n'y croyez pas.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Ryan: Ha, ha, ha! Ce sont des blagues que je fais, ne me prenez pas à la lettre. Nous, nous sommes convaincus qu'il y a beaucoup de décentralisation dans le projet de loi et nous apporterons d'ailleurs des amendements prochainement qui feront disparaître de très nombreux irritants qu'on a signalés à notre intention et que nous avons eu la bonne fortune d'écouter. Vous parlez de la référence constitutionnelle; elle aura lieu, évidemment. Mais, comme le disait tantôt le député de Shefford dont j'ai bien apprécié l'intervention, nous ne pouvons pas référer tout le projet de loi aux tribunaux. Il y a peut-être 80% à 85% du contenu du projet de loi qui portent sur le réaménagement fonctionnel, administratif, qui relève de la compétence législative ordinaire de l'Assemblée nationale. Il n'y aurait pas de raison de retarder l'application de toutes ces sections du projet de loi. Mais tous les articles qui ont des implications constitutionnelles reliées en particulier à l'article 93 de la loi de 1867 seront référés. S'il y a des articles que le Congrès juif veut faire inclure dans la liste que nous soumettrons aux tribunaux, nous recevrons volontiers vos suggestions; si vos conseillers juridiques veulent nous faire des représentations là-dessus, nous serons très heureux d'en discuter avec eux ou avec vous, et nous ne voudrions pas que quelque article que ce soit soit mis sous le boisseau. Nous n'avons pas de "hidden thoughts" dans cette affaire. Nous procédons avec le plus de droiture possible, donc, que cela soit public et franc et réciproque. (21 heures)

Vous posez une question au sujet des garanties constitutionnelles. Je veux la commenter très brièvement. S'il fallait superposer des garanties linguistiques aux garanties confessionnelles qui existent déjà! C'est déjà très difficile de légiférer avec des garanties confessionnelles. Vous dites: Ajoutez celles-ci à celles qui existent déjà en matière confessionnelle. S'il fallait qu'on ait deux étages de garanties - confessionnelles et linguistiques - je pense que le législateur aurait les deux mains attachées dans le dos. Il ne pourrait rien faire. Je vous pose le problème. Nous enregistrons votre point de vue quand même et je vous fais part de la difficulté qui se présente a moi, qui suis obligé de gérer ces choses-là quotidiennement. Ce serait très difficile de fonctionner. Nous avons en plus, dans la charte canadienne, des garanties linguistiques qui ne sont pas insignifiantes, qui sont réelles et importantes. En tout cas, c'est sûr que je suis d'accord avec vous, il y a un équilibre à trouver entre les droits linguistiques et les droits confessionnels. Là-dessus, nous sommes d'accord pour poursuivre la recherche avec vous.

Alors, cela étant dit, je vous remercie très cordialement. Je ne veux pas répéter l'excellent travail qui a été fait par la députée de Jacques-Cartier et le président de la commission avant mon arrivée tantôt. Je m'excuse, j'ai été retenu par des devoirs d'État. Je suis très heureux d'avoir été là pour au moins cette partie de la

rencontre avec vous. Je vous prierais d'adresser à vos collègues du congrès les salutations cordiales du gouvernement.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. Bessner, M. Schlessinger, M. Crelinsten, M. Jedwab. Merci beaucoup. Nous accueillons le groupe suivant, à savoir l'Association nationale des Canadiens d'origine indienne, chapitre de Montréal.

M. Schlessinger: Merci, M. le Président et les membres de la commission.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Nous allons suspendre pour quelques minutes.

(Suspension à 21 h 2)

(Reprise à 21 h 3)

Association nationale des Canadiens d'origine indienne - Chapitre de Montréal

Le Président (M. Parent, Sauvé): Je rappelle la commission à l'ordre. J'invite le ministre, les membres de cette commission et nos prochains invités à prendre place à l'avant.

Encore une fois, j'invite les représentants de l'Association nationale des Canadiens d'origine indienne à prendre place à l'avant. Nous accueillons M. Jaykar Daniel, vice-président de l'Association nationale des Canadiens d'origine indienne, accompagné de M. Minoo Gondovia, représentant de la même organisation. Messieurs, nous vous souhaitons la bienvenue et nous vous remercions d'avoir bien voulu répondre à l'invitation de la commission à venir l'aider dans son travail d'étude sur les deux projets de loi dont elle se préoccupe actuellement, à savoir le projet de loi 106 et le projet de loi 107.

La commission a 45 minutes à vous consacrer. Ce sont nos règles de procédure. Je vous invite donc à nous présenter votre mémoire et, immédiatement après, on répartira le temps - vous avez vu comment cela s'est passé avec vos prédécesseurs - également entre les deux formations politiques. Je ne sais pas si vous voulez vous adresser à la commission en anglais ou en français, but feel free to express yourself as you like, in English or in French. Nous vous écoutons.

M. Daniel (Jaykar): Thank you, Mr Chairman. I am Jaykar Daniel from the National Association of Canadians of Indian Origin in Montreal. I am vice-president of the Association. With me is Mr Minoo Gondovia, a member of the Executive Committee.

We thank you for giving us this opportunity to present our brief In person. As you know, our brief is brief because we only want to touch upon things that are concerns to us, as a minority. So I will call upon Mr Gondovia to present the brief.

M. Gondovia (Minoo): Je vais lire le texte en français et si vous avez des questions, vous les poserez à M. Daniel en anglais parce que, malheureusement, il ne parle pas le français.

Le Président (M. Parent, Sauvé): D'accord.

M. Gondovia: C'est pourquoi je vais lire le texte en français.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Très bien.

M. Gondovia: M. le président et chers membres de la commission, bonsoir. Au nom de l'Association nationale des Canadiens et Canadiennes d'origine indienne, je vous remercie de nous avoir donné cette occasion de faire connaître nos points de vue sur le projet de loi 107 qui, à notre avis, est fondamental à la création d'une société harmonieuse au Québec. Notre association a été fondée en 1976 et regroupe actuellement 18 organismes comptant 22 000 membres. Depuis sa fondation, l'ANCOI travaille à intégrer ses membres à la société québécoise et aussi à promouvoir et à protéger les intérêts socio-politiques de la communauté sud-asiatique. Rappelons que la plupart de nos membres n'appartiennent pas à la tradition judéo-chrétienne, un fait très important en ce qui concerne le projet de loi 107.

L'évolution du Québec depuis les années soixante peut être résumée en un mot: internationalisation. Au niveau économique, la province s'intègre de plus en plus au marché mondial, et au niveau social, la société québécoise a vu s'installer dans son milieu les peuples de l'Afrique, de l'Asie et de l'Amérique latine. Cela a créé de nouveaux besoins; il a fallu trouver de nouvelles structures et institutions pour répondre à la nouvelle situation.

Nous croyons que le gouvernement québécois a jusqu'à maintenant fait de bons efforts dans cette direction. Pourtant, la tâche est loin d'être complète. C'est dans l'esprit de trouver des réponses que nous faisons quelques propositions en ce qui a trait au projet de loi 107.

La Loi sur le Conseil supérieur de l'éducation. Établir un comité composé des minorités religieuses. Ce comité doit avoir les mêmes droits et privilèges que le Comité catholique et le Comité protestant.

Article 6. Les écoles où plus de 10 % des élèves ont choisi l'enseignement moral et religieux d'une confession autre que catholique ou protestante doivent dispenser un tel enseignement.

Article 7. L'élève inscrit comme ni catholique ni protestant doit avoir droit à des services complémentaires en animation non religieuse.

Article 19. Parmi les obligations de l'enseignant, il faut en ajouter une autre, à savoir

que l'enseignant doit cultiver chez chaque élève une attitude de tolérance et de compréhension envers les cultures différentes.

Article 63. Le conseil d'orientation doit être composé de membres supplémentaires qui pourraient remplacer les élus, si ces derniers ne remplissent pas leur mandat pour des raisons quelconques.

Article 95. Dans toutes les écoles où la population des élèves est de plus de 10 %, les membres du comité des minorités religieuses doivent avoir les mêmes droits de visite à l'école que les membres du Comité catholique ou du Comité protestant.

Article 169. Créer un comité consultatif multiculturel avec les fonctions décrites dans le même article.

Article 210. La commission scolaire doit s'assurer que les contenus des programmes d'études officiels n'aillent pas à rencontre des minorités religieuses.

Article 212. Le comité des minorités religieuses doit faire partie du Comité catholique et du Comité protestant.

Article 226. En plus des enseignants, la consultation doit avoir lieu auprès des groupes communautaires qui sont intéressés à l'éducation multiculturelle et interculturelle.

Merci d'avoir écouté.

Le Président (M. Parent, Sauvé): On vous remercie beaucoup, monsieur. Comme premier intervenant, je vais reconnaître M. le ministre de l'Éducation. M. le ministre.

M. Ryan: Alors, il me fait plaisir d'engager la conversation avec les représentants de l'Association nationale des Canadiens et Canadiennes d'origine indienne. Nous sommes très heureux que vous vous soyez intéressés au projet de loi 107 et que nous ayons l'occasion d'en discuter avec vous, ce soir.

Je voudrais vous demander, brièvement, pour commencer, dans quelles parties du Québec sont surtout cencentrés les membres de votre communauté culturelle?

M. Gondovia: La région de Montréal.

M. Ryan: Et dans la région de Montréal, dans quelles parties de la région de Montréal, en particulier?

M. Gondovia: La région métropolitaine, dans l'ouest de la ville, comme les municipalités de Dolllard-des-Ormeaux, Pointe-Saint-Charles.

M. Ryan: Vous en avez du côté de la rive sud aussi, je pense.

M. Gondovia: Oui, à Brossard. M. Ryan: Du côté de Brossard, oui.

M. Gondovia: À Brossard aussi.

M. Ryan: Combien votre communauté compte-t-elle de membres au Québec, à peu près?

M. Gondovia: C'est 22 000 membres.

M. Ryan: Une vingtaine de milliers de membres.

M. Gondovia: Oui, c'est cela.

M. Ryan: Une vingtaine de milliers.

M. Gondovia: Oui.

Une voix: 22 000.

M. Ryan: 22 000.

M. Gondovia: 22 000, c'est cela.

M. Ryan: Oui, c'est important. Est-ce que c'est de l'immigration récente ou remontant déjà à une certaine période?

M. Gondovia: Cela a commencé au début des années soixante.

M. Ryan: Les années soixante. Est-ce que cela continue présentement? Est-ce qu'il en vient un bon nombre, ces années-ci?

M. Gondovia: Oui, cela continue parce que les parents déjà venus appellent la parenté ou leur famille, mais je ne connais pas le nombre exact.

M. Ryan: I will put a question to both of you, in English, this time. Which schools do your kids attend? Catholic or protestant schools?

M. Daniel: Both, I would say. I do not have any figures with me, but I would say more or less equally divided between the catholic and the protestant school boards.

M. Ryan: I see. What kind of problems do they encounter in each system? Are there any differences according to reports you have? What are the outstanding problems which you would want to see resolved by this legislation?

M. Daniel: I would not be able to differentiate between the two boards. I can only speak from my own experience with my own children. When my daughter comes back from school and tells me that the teacher explained the presence of "East Indians" in Canada, the origin of it, as being originated by bringing slave labour from India, I am astonished at the ignorance of the sources of the information. There are lots of problems with regard to the understanding of our community. For example, here, the individual is

important, but in our concept, the families are more important. So, when a wife goes to take a course in the evening and the academic counsellor wants to counsel the wife about it, we assume that the husband has the right to sit with her when she talks with the counsellor. But I am just giving an example, but that is not always welcomed or looked upon favourably. So, it is more a question of a lack of understanding of the community in that academic area.

But there are other areas of concern to us, as an association, as we have pointed out in this brief. We see the attempt by the government to have non confessional school boards, but we also see the inability to get out of that system completely. It is our understanding that the Superior Council of Education with the two committees, protestant and catholic, will continue. If that is the case, we would like very much to have another committee at that level, apart these two committes, representing religious minority communities, which are present in Québec. One of those communities is present here; so I think that that has to be taken into account and we request that the minister and the legislators of our province take that into account. (21 h 15)

Le Président (M. Parent, Sauvé): Thank you.

M. Ryan: If I should be allowed to comment on this proposal which I found in your brief, I would think that it is worth examining. I think it is a very interesting proposal. We have been discussing so far in terms of a catholic and a protestant committee and we had suggestions to the effect that we should have a committee on moral instruction for those who want no religion at all. But nobody had yet raised the problem which you discussed in your brief, that of the attention which ought to be paid to the need of religious minorities. We had considered that seriously. I do not know what we can do with your proposal, but be assured that we will study it with great interest.

I think that the whole argument around the place which the religious concerns of members of minority communities ought to get in our schools is an important question which we should not treat lightly. But be assured that we are taking this seriously. I do not know what we can do in actual practice, but we will consider this sincerely. I wish to thank you for it.

M. Daniel: Thank you.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le ministre.

Je vais maintenant reconnaître le vice-président de cette commission, M. le député de Shefford, pour l'Opposition officielle.

M. Paré: Merci, M. le Président. À mon tour, je vous dis merci d'avoir préparé un mémoire, d'être venus nous le présenter, et je vous souhaite la bienvenue.

Que vous demandiez un peu d'avoir votre mot à dire à tous les niveaux, je dois vous dire que vous n'êtes pas les premiers à le faire. Déjà depuis le début de la commission, des groupes ont dénoncé, si on veut, à plusieurs moments, l'absence de place réservée dans le projet de loi, dans les articles, finalement, aux communautés culturelles comme telles. Quand on y pense comme il faut, ce n'est pas acceptable. Si on est en train de refaire la Loi sur l'instruction publique, c'est en très grande partie parce que le tissu québécois est en train de se modifier avec la venue de communautés culturelles.

On dit souvent qu'on est en train de modifier la Loi sur l'instruction publique au Québec, mais en fait, c'est à Montréal que cela connaît le plus de modifications et, s'il y a plus de changements à Montréal, c'est parce que des communautés culturelles s'ajoutent et, finalement, là-dedans, on ne retrouve pas de devoirs, de responsabilités, de droits ou d'avantages, de place tout court aux communautés culturelles. Je trouve vos demandes tout à fait légitimes. Il faudra regarder comment cela peut se faire, mais on n'a pas le droit de l'ignorer dans la Loi sur l'instruction publique. C'est peut-être sous-entendu, mais que ce ne soit pas écrit dans la loi, c'est impensable, alors qu'effectivement les modifications viennent en partie de la venue des communautés culturelles. Vous faites bien de le rappeler et c'est important que vous soyez venus ici pour nous le dire, ainsi que le Congrès juif canadien qui vous a précédés.

Une première petite question. Vous avez dit tantôt qu'on retrouvait de vos enfants dans les commissions scolaires et catholiques et protestantes. Est-ce qu'on en retrouve aussi dans les classes et francophones et anglophones ou si la communauté est concentrée dans les classes plutôt anglophones?

M. Daniel: If I may answer in English, we find that more and more students are going into the French sector. Apart from that, those who go to the English sector, I would say 95 % of the children of our community are in full French-immersion program. I have two children who are in that program and both are fully bilingual by now. So, I would say that this means that our younger generation is definitely acquiring enough skills as Quebeckers in the language of Quebec.

M. Paré: Merci. Je dois vous dire que je ne connais pas la situation personnellement, mais je connais assez celle de Brossard, étant donné que je suis de la Montérégie, donc c'est dans ma région.

Dans votre mémoire, ce que l'on retrouve c'est la présence des communautés culturelles et au Conseil supérieur de l'éducation. Le ministre en a parlé un peu tantôt, il faudra vraiment

tenir compte de votre demande. Vous revenez un peu avec ce que l'on retrouvait dans le mémoire précédent soit garantir l'enseignement dans une confessionnalité, mais vous y mettez une façon différente, laquelle vous privilégiez. Tantôt, les représentants de la communauté juive nous disaient: On va regrouper des étudiants de plusieurs écoles dans une classe pour l'enseignement d'une confessionnalité. Vous dites: On va la garantir là où il y a au moins 10 % des élèves dans une école, si je comprends bien. Est-ce que vous partagez les deux façons de donner l'enseignement de votre religion; ce serait à l'intérieur de l'école s'il y a 10 % des élèves et essayer d'agencer le transport pour permettre aux enfants de différentes écoles de pouvoir se réunir deux fois par semaine pour pouvoir avoir l'enseignement de votre religion? Est-ce que vous pensez que c'est faisable et s'il n'y a pas 10 %, on ne le ferait pas ou si vous êtes d'accord avec la proposition du comité juif avant vous d'amener les gens dans un même local?

Le Président (M. Parent, Sauvé): M. Daniel.

M. Daniel: If it is not going to dislocate the life of the families or of the children, it will involve, I suppose, one kind of bossing. If it is within the limits of time and the convenience of the families, we are not opposed of grouping the children, but on the other side of it, we would prefer to see our children in normal school conditions rather than forming ghettos.

M. Paré: Thank you. Deux petites choses en terminant. Quand vous dites que l'on devrait inclure à l'article 19 concernant les devoirs de l'enseignant une attitude de compréhension et de tolérance ethnique et culturelle, je ne sais pas si on peut l'inclure, parce que c'est une attitude, mais je dois vous dire que si on ne peut pas l'inclure comme telle, je serais favorable, il faudra que les mentalités soient ouvertes à cela. C'est un minimum dans une société qui évolue et qui est de plus en plus pluraliste, il faut être ouvert et accueillant si on veut finalement vivre ensemble. Si on ne peut pas l'inclure, il faudra convaincre les gens et que cela fasse partie de la nature simplement, spécialement celle des enseignants qui sont en contact direct avec nos jeunes qui ont à s'intégrer.

Une dernière question, qui n'est pas nécessairement dans votre mémoire, c'est une question de curiosité: au moment où on se parle, comment vos enfants vivent-ils l'apprentissage de votre religion, étant donné qu'à l'école c'est un cours de morale qui est obligatoire, mais que ce n'est pas un cours de votre religion?

M. Daniel: In the hinduist Canadian community in Quebec, there is a majority of Hindus and there are minority communities of Muslims, Sikhs and Christians. These communities have their place of worship which many of them attend regularly, on a weekly basis, and Christians usually go to the churches that are available in the area where they reside, along with majority communities, altought there are orthodox church members who have their own worship services. So that is one place where they get enough enrichment in their own religious beliefs, apart from close family situations. However, if the decision is to have religious education available in the school system, where ' we have made a suggestion that when at least 10 % of this community ask for instruction in their religious orientation it should be available.

M. Paré: Alors je vous remercie beaucoup d'être venus, premièrement d'avoir préparé un mémoire, d'être venus sensibiliser les membres de la commission et nous allons certainement tenir compte de vos préoccupations lors de nos discussions, lorsque nous allons passer le projet de loi article par article. Alors, merci beaucoup d'être venus à la commission.

Le Président (M. Parent, Sauvé): Mr.

Jaykar, Mr. Gondovia, in the name of the minister, in the name of the members of our board, I would like to thank you very much.

Nous ajournons nos travaux à demain matin, 10 heures, au même endroit.

(Fin de la séance à 21 h 27)

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