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(Dix heures quinze minutes)
Le Président (M. Parent, Sauvé): J'invite les
membres de la commission à prendre place. J'invite aussi l'agriculture
à se joindre à la culture. La commission permanente de
l'éducation, dans le cadre du mandat qui lui a été
donné par l'Assemblée nationale, poursuit ses travaux en tenant
des audiences publiques sur les projets de loi 106 et 107, le projet de loi 106
traitant des élections scolaires et le projet de loi 107 qui est la
pièce maîtresse de cette commission parlementaire, portant sur le
projet de restructuration de la Loi sur l'instruction publique.
Ce matin, la commission permanente de l'éducation accueille la
Coalition pour l'égalité des droits en éducation dont le
porte-parole est M. André Paradis. M. Paradis, nous vous souhaitons la
bienvenue et nous vous remercions beaucoup d'avoir répondu à
notre invitation. La commission a prévu de vous entendre pendant environ
45 minutes. Si vous voulez bien nous présenter les gens qui vous
accompagnent. Avant de commencer, je veux seulement m'informer s'il y a des
remplacements à la commission aujourd'hui, M. le secrétaire.
Le Secrétaire: Oui, M. le Président. Il y a M.
Vaillancourt (Orford) qui remplace M. Khelfa (Richelieu). Merci.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Les membres de la
commission, pour votre information, M. Paradis, sont M. le député
d'Orford, M. le député de Charlevoix, M. le député
de Saint-Henri, M. le député de Rimouski, M. le
député d'Arthabaska et Mme la députée de
Jacques-Cartier qui est adjointe parlementaire au ministre de
l'Éducation, Mme la députée de Chicoutimi qui est le
porte-parole de l'Opposition officielle en matière d'éducation,
et le vice-président de la commission permanente de l'éducation,
M. le député de Shefford. M. Paradis, nous vous
écoutons.
Coalition pour l'égalité des droits en
éducation
M. Paradis (André): Bonjour. Vous me permettrez d'abord de
vous rappeler qui sont les membres de la coalition. C'est une coalition qui
existe depuis à peu près deux ans, qui regroupe des organismes
syndicaux dont les trois grandes centrales, la CSN, la CEQ et la FTQ, des
organismes communautaires comme la FACEF, le Réseau d'action et
d'information pour les femmes, le Centre de santé des femmes de
Montréal le Collectif féministe, le Mouvement laïc et la
Ligue des droits et libertés. Je voudrais ajouter à cela l'Union
nationale des écrivains québécois qui a endossé le
mémoire.
Comme son nom l'indique, la raison d'être de notre regroupement,
c'est l'égalité des droits en éducation ou, si vous
voulez, le plein exercice pour tous des libertés fondamentales au sein
du système scolaire public.
Les principes qui fondent notre intervention - on les mentionne
brièvement au début de notre mémoire - sont les suivants:
Toutes les personnes humaines sont égales entre elles en dignité
et doivent avoir un égal accès au plein exercice des droits
fondamentaux de la personne, indépendamment de toute discrimination
fondée notamment sur l'appartenance ou la non-appartenance à un
groupe religieux; toute société qui veut survivre et se
développer comme société doit être fondée sur
l'adhésion à certaines valeurs communes et à une culture
commune; l'école, c'est-à-dire l'ensemble du système
d'éducation doit avoir comme mission essentielle de promouvoir
l'égalité des personnes entre elles et de les amener à
partager des valeurs et une culture communes dans le respect des
différences.
Ces principes nous amènent à dire d'emblée qu'il
n'y a pas de justification valable au maintien des structures confessionnelles
à quelque niveau que ce soit au sein du système public
d'éducation.
Les notions mêmes d'école publique et de système
public devraient naturellement impliquer la non-confessionnalité de
leurs structures politiques et administratives. Ces notions d'école
publique et de système public devraient impliquer que tous les enfants
sont traités sans discrimination aucune et dans le respect de leurs
croyances ou de leur non-croyance. C'est notre conviction que l'État
démocratique ne peut pas être au service d'une confession
religieuse de quelque façon que ce soit. Cela nous semble tout à
fait cohérent avec le principe de la séparation de l'État
et de l'Église, un acquis démocratique fondamental, reconnu et
accepté dans la plupart des pays occidentaux.
Si l'on se place de ce point de vue, c'est bien sûr que le statu
quo est inacceptable. La situation actuelle est inacceptable pour les membres
de notre coalition puisque l'ensemble du sytème primaire et secondaire
québécois est fondé sur la reconnaissance
privilégiée des religions catholique et protestante. Qu'il
s'agisse des sous-ministres associés ou des comités catholiques
et protestants, des commissions scolaires confessionnelles de Montréal
ou de Québec ou des commissions scolaires dissidentes, de la
reconnaissance des écoles comme école catholique ou protestante,
du statut privilégié de l'enseignement religieux ou de
l'animation pastorale subventionnée par des fonds publics, on peut dire
que le caractère confessionnel de notre système scolaire
compromet les libertés de
conscience et de religion ainsi que le droit à
l'égalité. On l'a vu à plusieurs reprises, à
Montréal particulièrement.
Il nous semble que cela entraîne aussi d'autres
conséquences néfastes comme l'afflux des enfants des nouveaux
immigrants vers les commissions scolaires protestantes qui demeurent
dirigées par des anglophones et administrées en anglais ou
encore, la prolifération d'écoles privées à
l'initiative de groupes ethniques minoritaires de religion autre que catholique
ou protestante. Le statu quo est donc pour nous inacceptable. Tous les
organismes membres de notre coalition sont acquis depuis longtemps
déjà à l'idée d'une réforme d'envergure pour
assurer l'égalité des droits en éducation, pour assurer le
plein exercice pour tous des libertés fondamentales dans le
système d'éducation.
Tout autant le statu quo nous est inacceptable, tout autant nous est
inacceptable le projet de loi 107. Il ne répond pas du tout à nos
attentes. Il est très décevant. Il ne corrige pas la situation et
on pourrait même dire qu'à certains égards, il va empirer
le statu quo actuel. Il nous semble que le projet de loi 107 est
essentiellement la superposition d'un système de commissions scolaires
linguistiques sur l'actuel système confessionnel et, dans les cas
où cette superposition porterait atteinte à la
confessionnalité du sytème, il y a des mesures dans le projet de
loi - je pense aux articles 80 et 95 ou à l'élargissement du
droit à la dissidence - qui viennent remettre finalement l'ensemble du
système dans la voie de la confessionnalité.
On me permettra d'être un peu plus explicite. Avec le projet de
loi 107, la confes-sionnalité des commissions scolaires à
Québec et à Montréal sera maintenue. Ces commissions
scolaires vont voir toutes leurs compétences maintenues, telles qu'elles
sont actuellement, alors que c'est précisément dans ces deux
villes et surtout à Montréal que se pose avec urgence le
défi de l'intégration des communautés culturelles et que
se fait sentir avec le plus d'acuité la discrimination et les risques de
discrimination liés au caractère confessionnel.
Le projet de loi 107 permet certes la création de commissions
scolaires linguistiques francophones et anglophones à Montréal,
mais cela viendrait tout au plus placer ces commissions scolaires en situation
de concurrence avec les commissions scolaires catholiques et protestantes, une
concurrence qui, à notre avis, risque de donner lieu à des
pratiques néfastes qui sont parfois déjà
présentes.
Par ailleurs, tout en prévoyant la constitution de commissions
scolaires linguistiques sur tout le territoire, le projet de loi 107 maintient
le droit à la dissidence pour les catholiques et les protestants. Si,
à l'avenir, les commissions scolaires dissidentes n'auront juridiction
ou compétence que sur les personnes qui sont de la confession religieuse
dont leur commission scolaire se réclame, par ailleurs, les conditions
d'exercice de ce droit à la dissidence seront élargies ou
libéralisées dans le sens que le droit à la dissidence
pourra s'exercer sur le même territoire, aussi bien par les catholiques
que les par protestants, dès que les deux confessions se retrouveront
minoritaires respectivement au sein de la population globale.
Par ailleurs, le projet de loi permettra toujours, par l'article 80, aux
commissions scolaires de demander le statut confessionnel pour une
école, ce qui permettra, selon les termes mêmes du projet de loi
d'intégrer, dans le respect des libertés de conscience et de
religion, les croyances et les valeurs de la religion catholique dans un projet
éducatif. Cette affirmation du projet de loi nous semble une
contradiction dans les termes mêmes, une antinomie. On ne peut pas
envisager, de notre point de vue, privilégier un projet religieux dans
l'école et penser qu'en même temps les libertés
fondamentales des autres qui ne sont pas de cette confession seront
respectées. À cet égard, on rejoint tout à fait la
position de la Commission des droits de la personne, telle qu'exprimée
devant cette commission ou dans son mémoire.
Le projet de loi 107 ne remet donc pas en question les privilèges
garantis par l'article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867. Il va même
plus loin. Le projet de loi 107 confirme d'autres aspects discriminatoires du
système confessionnel qui ne sont même pas imposés par
l'article 93, et c'est ce qui oblige d'ailleurs, encore une fois, à
déroger à la charte québécoise.
Notre conclusion. Il n'y a pas de véritable réforme
possible sans supprimer les entraves constitutionnelles et, à
défaut de faire cela, on ne peut que penser à des projets qui
seront des cataplasmes.
Il faut que le gouvernement du Québec - c'est notre point de vue
- s'engage dans les négociations à lever le verrou que
constituent l'article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867 et les articles 22
et 23 de la charte canadienne qui viennent confirmer les privilèges
donnés par l'article 93.
On voit bien que c'est la clé; on l'a vu avec le projet de loi 3
qui a été invalidé par les tribunaux, et on le voit assez
clairement avec le projet de loi 107. Nous étions intervenus à
cette époque pour faire valoir le point de vue suivant: Nous pensons que
le gouvernement québécois aurait dû intégrer la
négociation des problèmes posés par l'article 93 dans les
négociations du lac Meech. Cela n'a pas été fait mais il
nous semble qu'il n'est pas trop tard pour s'engager dans le processus qui va
permettre des négociations et qui va permettre éventuellement de
lever cet obstacle qui nous semble fondamental à une réforme en
profondeur du système scolaire, une réforme qui s'impose pour se
mettre à l'heure de la société québécoise
d'aujourd'hui. Je vous remercie.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Je vous
remercie, M. Paradis, de votre intervention.
M. Paradis (André): J'ai oublié de présenter
une autre personne qui représente la Coalition pour
l'égalité des droits en éducation, ce matin, Mme
Réjeanne Cyr-Read, du Mouvement laïc québécois.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Mme Cyr-Read,
bonjour. Alors, M. le ministre.
M. Ryan: M. le Président, j'ai pris connaissance du
mémoire de la Coalition pour l'égalité des droits en
éducation et j'y ai retrouvé, comme mes collègues de la
commission parlementaire, des thèmes familiers que nous avons eu
l'occasion de discuter au cours des derniers mois avec certains organismes
entendus par la commission parlementaire, en particulier la Commission des
droits de la personne, la Centrale de l'enseignement du Québec et
d'autres organismes dont le Mouvement laïc. Alors je pense qu'on a fait
pas mal le tour de ce dossier. Il nous fait plaisir d'ajouter les
éléments que vous venez apporter aujourd'hui à la
discussion. Je ne pense pas qu'il y ait d'éléments vraiment
nouveaux dans ce que vous nous soumettez ce matin. On l'accueille avec non
moins de respect et d'attention. Justement à cause de cette attitude que
nous essayons de maintenir, en toute sincérité, je vais
volontiers vous communiquer quelques réactions que m'inspire votre
présentation et je vous adresserai peut-être une ou deux questions
par la suite.
Au sujet de la proposition principale qui consiste à dire: Bien,
ne faisons rien maintenant, faisons d'abord une réforme
constitutionnelle, la double réponse du gouvernement est la suivante:
tout d'abord, avant d'aller engager le débat constitutionnel sur cette
question, nous voulons vérifier soigneusement la nature,
l'étendue et la portée exacte des pouvoirs que détient
déjà l'Assemblée nationale en vertu du régime
constitutionnel actuel. Nous savons tous qu'il est extrêmement difficile
et extrêmement complexe de rechercher une modification constitutionnelle
radicale sur ce sujet qui gravite autour de l'article 93 de la constitution. Et
la prudence politique requiert d'un gouvernement, avant d'allumer un foyer de
controverse possible, de mesurer soigneusement les choses qui sont
déjà à sa portée, c'est-à-dire les
attributions qu'il peut déjà exercer. Alors l'exercice que nous
envisageons autour du projet de loi 107 nous permettra d'obtenir un grand
nombre de clarifications à cet égard, et nous laissons l'avenir
ouvert pour la voie que vous proposez. Cet avenir n'est pas du tout
fermé. Au contraire, je pense que les choses pourraient être
grandement facilitées par la démarche qu'a décidé
de retenir le gouvernement. (10 h 30)
Pour envisager un changement constitutionnel aussi important, il faut un
deuxième élément: il faut un consensus. Ce consensus
n'existe pas à l'heure actuelle et ce pour une raison bien simple: c'est
que les problèmes n'ont pas été étudiés dans
toute leur complexité. Toutes les conséquences de la modification
que vous proposez n'ont pas été examinées attentivement et
dire qu'il existerait un consensus dans un contexte comme celui-là
serait, à mon point de vue, un abus de langage. Je donne seulement un
exemple. Si on modifie l'article 93, est-ce qu'on va superposer des droits
linguistiques à des droits confessionnels ou si on va remplacer les
droits constitutionnels par les droits linguistiques? Je vous inviterais
à répondre à cette question tantôt. Dans l'une comme
dans l'autre hypothèse, les implications sont nombreuses et
extrêmement complexes. Tout gouvernement, quelles que soient ses
intentions initiales, doit finalement se mesurer à l'opinion publique
dont il est tributaire et sur ces questions, franchement, je ne crois pas que
les choses aient mûri suffisamment pour que nous puissions envisager une
telle démarche. Elle n'est pas exclue. Le chef du gouvernement l'a
même laissé entrevoir dans une entrevue qu'il accordait au
Devoir il y a quelques mois. Il ne ferme pas la porte de ce
côté, mais la voie que nous avons choisie pour le moment est celle
qui passe par le projet de loi 107, et l'autre question sera examinée en
temps utile. C'est une première réaction que je voulais vous
communiquer et qui vous est déjà d'ailleurs bien connue.
Deuxièmement, je pense qu'il est important de souligner les
progrès que nous accomplissons avec le projet de loi 107. D'après
ce que j'ai cru entendre, il y aurait un recul par rapport à la
situation actuelle. Je ne crois pas que ce soit le cas. Je pense bien que les
textes sont là pour être lus et compris par tout le monde. Je vais
vous donner des exemples. Quand nous proposons de remplacer les commissions
scolaires confessionnelles par des commissions scolaires linguistiques, je
pense que nous faisons un pas énorme. C'est vrai qu'il y a le
problème des commissions scolaires dont l'existence est
protégée par ta constitution, ce qui a été
confirmé à maintes reprises par la jurisprudence, mais au point
de vue politique, il reste énormément de fluidité, et le
gouvernement n'exclut aucune hypothèse de ce côté. Il doit
reconnaître ce qui est inscrit dans la constitution; il n'a pas
autorité pour le changer arbitrairement. On n'exclut pas du tout la
possibilité d'une évolution importante. Il faut tenir compte
également du contexte politique dans ces choses. Le contexte politique
peut évoluer très rapidement dans les territoires qui sont
visés par vos observations. À mon point de vue, c'est une
question beaucoup plus ouverte qu'on ne veut l'admettre.
Je pense que le pas qu'on franchirait avec le projet de loi 107 est
énorme si on compare à la situation actuelle. Le statut de
l'école, comparé à ce qu'il est aujourd'hui,
connaîtrait des modifications profondes. Actuellement les choses
sont pas mal figées. On ne peut pas facilement remettre en cause
un statut d'école dans le projet de loi, combiné avec les
règlements des comités confessionnels qui sont entrés en
vigueur au mois de juillet. Le statut devrait être
réexaminé périodiquement. Il pourrait être remis en
question; il pourrait être modifié. On introduit dans la situation
une fluidité qui n'existait pas auparavant dans les textes
législatifs, et on le met dans la loi.
La liberté de choix des parents en matière d'enseignement
moral et religieux n'est pas inscrite, à ma connaissance, dans la loi,
à l'heure actuelle; elle est inscrite dans les règlements. Nous
l'inscrivons clairement dans la loi. Le respect de la liberté de
conscience des enseignants, je ne crois pas non plus que ce soit dans la loi
à l'heure actuelle; nous le mettons dans la loi. J'aurais aimé
trouver ces observations dans votre mémoire, je vous le dis franchement.
Mais je vous les rappelle, car je pense que ce sont des faits.
Le projet éducatif vous inquiète. Je crois que les
modifications que nous avons mises, dans le respect des droits fondamentaux,
apportent une garantie très importante; c'est une modification que nous
avons apportée aux règlements des comités confessionnels,
à la suite des débats qui eurent lieu en commission parlementaire
l'automne dernier, avant l'adoption des règlements par le gouvernement.
Je pense que cette nuance qui est inscrite dans le projet de loi veut dire
beaucoup; elle circonscrit considérablement la portée de cet
article. Je ne pense pas qu'on ait de problème majeur de ce
côté. S'il fallait que votre thèse fût vraie, cela
voudrait dire que le Québec évolue depuis un siècle dans
un régime de violation des libertés fondamentales, et je refuse
de croire cela. Je refuse de le croire. Je pense qu'on était plus
intelligents que ça, plus capables de discernement et surtout de sens
pratique et de respect concret de la dignité des personnes. C'est un
jugement qui va loin.
L'inégalité inscrite dans notre régime, je ne peux
pas la contester. Vous dites qu'on donne plus de reconnaissance à la
religion catholique, à la religion protestante. C'est écrit en
toutes lettres dans le jugement de Mme Wilson dans la cause des écoles
catholiques de l'Ontario. Elle le dit en toutes lettres: "Les fondateurs de ce
pays ont inscrit des éléments d'inégalité
théorique lorsqu'ils ont privilégié ces deux familles
religieuses. " C'est dans la Constitution canadienne. Cela a été
confirmé par la Loi constitutionnelle de 1982. Un article inscrit dans
la Loi constitutionnelle de 1982 reprend ces choses. On peut trouver que ce
n'est pas acceptable, et je respecte le point de vue de ceux qui combattent
cette chose, mais je me dis que vous avez une jolie côte à monter,
par exemple, parce que tout a été remis là.
Nous qui sommes députés - je termine par cet aspect - qui
sommes en contact avec la population dans chaque territoire du Québec,
tous les jours, pour un motif ou l'autre, avons conçu un projet qui
répond aux attentes que nous formulent nos commettants et nous savons
très bien que si nous avions voulu aller dans la voie que propose votre
coalition, ce n'eut pas été acceptable à notre population.
Au bout de la ligne, un gouvernement existe pour répondre aussi aux
attentes de la population. Je peux vous assurer que sur ce point, nos
concitoyens nous soumettent très fréquemment des
représentations qui vont de manière très
générale dans le sens des orientations définies par le
projet de loi.
Il y a cela. Il y a les droits fondamentaux qu'on peut définir
à l'état pur. Il y a les droits fondamentaux dans leurs
applications concrètes. Il y a des politiques des gouvernements dans
leur relation avec la volonté des citoyens. Nous, nous pouvons nous
tromper, nous pouvons faire erreur, mais nous pensons que le projet de loi se
situe en harmonie avec les attentes de la très grande majorité de
nos concitoyens et concitoyennes, et les échos que nous avons obtenus
depuis que le débat se poursuit - cela fait maintenant huit mois que le
projet de loi est déposé - vont dans ce sens. Peut-être que
nous sommes dans l'erreur, mais moi, je refuse de le croire, et je pense que
tout en adhérant à l'objectif de fond que vous énoncez,
soit l'égalité absolue de toutes les personnes - nous ne le
mettons pas en doute - nous devons reconnaître que dans la pratique, les
lois existent très souvent pour donner ceci à tel groupe et non
pas à tel autre groupe, ceci à tel groupe, ceci à tel
autre groupe. On va donner des exemptions fiscales aux cultivateurs, par
exemple, sur la propriété foncière, qui ne sont pas
données aux propriétaires urbains. Ce n'est pas de
l'égalité absolue dans mon livre à moi; c'est la
législation concrète que nous avons, c'est la législation
que politiquement nous pouvons adopter. Il y a certaines catégories de
contribuables qui sont taxées à un niveau plus
élevé que d'autres. Ce n'est pas l'égalité absolue,
mais ce sont des choses qui se comprennent, étant donné les
facteurs politiques qui président inévitablement aux
décisions des gouvernants. C'est la réaction globale que j'aurais
à présenter à votre mémoire.
Maintenant, je vous pose une question. Dans l'hypothèse d'un
changement constitutionnel, est-ce que vous demandez - ce n'est pas clair dans
votre mémoire - qu'on remplace les garanties constitutionnelles de
l'article 93 par des garanties linguistiques ou qu'on vienne superposer des
garanties linguistiques aux garanties confessionnelles existantes?
Le Président (M. Parent, Sauvé): M. Paradis.
M. Paradis (André): Avant d'aborder directement la
réponse, je voudrais revenir sur certains énoncés que vous
avez faits. Vous dites que l'égalité absolue n'est pas une chose
qu'on peut atteindre facilement et que c'est peut-être une
démarche vers l'égalité. Mais ce dont on
parie dans ce cas-ci, ce n'est pas l'égalité de n'importe
quoi, c'est l'égalité de l'exercice des libertés
fondamentales. C'est ce dont il s'agit quand on parie de liberté de
conscience, de liberté de religion; c'est cette égalité
fondamentale qui, nous semble-t-il, doit être limitée à des
arguments tout à fait extraordinaires. Je pense qu'il y a toute une
genèse de débats sur la question des libertés
fondamentales. C'est de cela qu'il s'agit; il ne s'agit pas
d'égalité dans le niveau de taxation; il s'agit de
libertés fondamentales.
D'autre part, vous dites que le projet de loi semble répondre aux
attentes de la population, suivant les échos que vous en avez et qui se
sont fait entendre depuis quelque temps déjà. Cela reste une
question discutable. Je dirais qu'en même temps qu'il faut
répondre aux attentes de la population, je pense que c'est le devoir des
dirigeants politiques d'indiquer de façon assez claire la direction pour
la solution véritable des problèmes.
Le débat sur la question de la confession-nalité du
système scolaire, c'est un débat qui n'est pas nouveau, qui
existe depuis longtemps. C'est vrai que les sociétés
évoluent lentement. Elles n'évoluent pas en ligne droite. Elles
évoluent par à-coups et tout cela. Mais le changement radical
dont vous parlez, c'est un changement radical qui est un acquis de civilisation
pour la plupart des pays occidentaux depuis très longtemps.
La société québécoise n'est pas sortie de
l'obscurantisme hier et je pense que la capacité de la population
québécoise d'évoluer et d'évoluer rapidement sur
certaines questions aussi importantes que celles-là existe
réellement, dans la mesure où les dirigeants politiques vont
véritablement travailler à faire ressortir la voie de
véritables solutions aux problèmes.
Vous avez aussi dit que cela constitue un changement radical. Avant
d'entreprendre un changement radical, il faut vérifier le consensus, en
vue d'éviter une trop grande controverse. Je dirais qu'il y a
déjà un foyer de controverse important sur la question de la
confessionnalité. Il ne s'agit pas, finalement, de s'engager dans une
démarche qui va créer de la controverse. Il y a
déjà une controverse importante et elle ressurgit
périodiquement avec force et acuité. Quand on parie
d'inégalité de l'exercice des droits fondamentaux, ce n'est pas
un discours tout à fait théorique. Il s'agit de suivre ce qui se
passe à Montréal depuis quelques années, et nous le
faisons, pour voir ce qui est effectivement en jeu et qu'il y a des atteintes
véritables et non pas isolées aux droits des enfants qui sont
dans ces écoles-là.
Quand on parie d'établir un consensus, il y a d'autres
changements constitutionnels qui ont été entrepris et je ne crois
pas qu'on ait vérifié, qu'il y a eu des moyens de
vérifier, avant qu'on ait commencé à entreprendre les
démarches, si le consensus existait déjà. On a bâti
le consensus à travers la démarche. Dans certains cas, on a
peut-être bâti le consensus une fois que les accords ont
été établis.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci.
M. Ryan: Là, je n'ai pas eu de réponse à ma
question.
M. Laberge (Henri): Si vous le permettez, je vais...
Le Président (M. Parent, Sauvé): Allez,
monsieur.
M. Laberge: Je vais essayer de répondre à la
question de M. le ministre, mais, avant, je vais quand même situer un
certain nombre de choses. M. le ministre nous a parié de la
nécessité de vérifier l'étendue des pouvoirs qu'a
déjà l'Assemblée nationale en vertu des dispositions
constitutionnelles et, notamment, ce que lui permettent de faire l'article 93
de 1967 et l'article 23 de 1982.
Je pense qu'il y a déjà une vérification qui a
été faite de cela par le jugement qui a été
porté sur la loi 3. De toute façon, le gouvernement ne semble pas
douter d'un certain nombre de choses. Il sait déjà, il est
convaincu que l'article 93 lui impose des restrictions très fortes,
puisqu'il présente le projet de loi 107 de la façon dont il est
construit. Il reconnaît qu'il y a des restrictions à son pouvoir
d'agir dans ce domaine-là.
Maintenant, M. le ministre nous dit: Ce n'est pas très clair dans
votre mémoire si vous voulez remplacer les droits confessionnels par des
droits linguistiques ou les superposer. J'inviterai M. le ministre à
relire le mémoire et je pense que c'est très clair. Notre
position, ce n'est pas de remplacer des droits par d'autres et ce n'est surtout
pas de superposer des droits de ce genre-là par d'autres. Notre
insistance, c'est de supprimer les contraintes contenues à l'article 93.
Mais nous disons aussi que nous souhaiterions supprimer également les
contraintes contenues à l'article 23 de 1982.
Je pense que venir prétendre que ce n'est pas clair dans notre
mémoire si on veut superposer des droits linguistiques aux droits
confessionnels... Nous reprochons précisément au projet de loi de
faire cela, de superposer une division linguistique à une division
confessionnelle. Alors, nous n'allons sûrement pas demander à la
constitution d'imposer une telle superposition.
M. Ryan: Est-ce que vous demandez explicitement la suppression de
toutes les garanties confessionnelles contenues dans la constitution?
M. Laberge: Qui sont à l'article 93.
M. Ryan: En matière d'éducation, c'est cela
que vous demandez? M. Laberge: Oui.
M. Ryan: Ne comptez pas sur moi. M. Laberge: Nous l'avions
déjà compris.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Oui, monsieur.
Avez-vous terminé votre intervention?
M. Laberge: Oui.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Vous avez
terminé? Mme la députée de Chicoutimi.
M. Laberge: Je voulais ajouter... Excusez, monsieur, je ne veux
pas... (10 h 45)
Mme Blackburn: II me semble que, vu le respect des invités
dont se targue M. le président, on pourrait peut-être permettre
à M. Laberge de terminer son exposé.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Je vous
répondrai, madame, que j'avais demandé à M. Laberge s'il
avait terminé et il m'a répondu oui.
M. Laberge: Je croyais que vous me demandiez si j'avais d'autres
interventions.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Non. Avez-vous
terminé votre intervention?
M. Laberge: On s'était mal compris.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Vous n'avez pas
terminé?
M. Laberge: Je n'ai pas terminé.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Allez, je vous
écoute.
M. Laberge: M. le ministre nous a parlé des progrès
accomplis par la loi 107. Premier progrès: il dit remplacer les
commissions scolaires confessionnelles par des commissions scolaires
linguistiques. Nous contestons cela. Ce n'est pas vrai. Il ne remplace pas, il
ajoute des commissions scolaires linguistiques aux commissions scolaires
confessionnelles qui existent déjà. En plus, il maintient le
droit à la dissidence partout. Comme nous l'avons dit dans notre
mémoire, le droit à la dissidence serait maintenant plus
facilement accessible qu'il ne l'est dans la loi actuelle. On pourra avoir une
dissidence catholique du côté anglophone, une dissidence
protestante du côté francophone, ce qui fait théoriquement
une possibilité assez raisonnable de quatre commissions scolaires
partout au Québec, quatre commissions scolaires sur n'importe quel
territoire. À Montréal, je me demande même si cela ne
pourra pas être plus que cela. J'aimerais que le ministre nous explique
un peu le mécanisme de la dissidence par rapport aux commissions
scolaires linguistiques qui vont exister à Montréal. Je ne sais
pas si cela va pouvoir exister ici. Mais, en tout cas, il y a au moins quatre
commissions scolaires partout au Québec.
Deuxième progrès que le ministre nous mentionne, c'est la
remise en question périodique du statut confessionnel de l'école.
Je me demande si c'est un véritable progrès. Comme nous le
disons, il n'est pas sûr que la demande du statut confessionnel des
écoles sera toujours faite dans une perspective de besoins uniquement
confessionnels. Il peut y avoir d'autres motivations qui jouent, dans la
perspective où les commissions scolaires linguistiques, en particulier
les commissions scolaires francophones, seront ouvertes à tous les
enfants d'immigrants. Ne pourrait-il pas arriver que nos Canadiens
français pure laine se réfugient dans les commissions scolaires
confessionnelles et dans les écoles définies comme
confessionnelles pour mettre leurs enfants à l'abri des
fréquentations qu'ils ne jugeraient pas souhaitables avec les enfants
d'immigrants? C'est une voie très dangereuse qu'il faudrait essayer
d'éviter.
Pour ce qui est de la liberté de choix des parents et de la
liberté de conscience des enseignants, j'admets que la loi est plus
explicite que ne l'était l'ancienne. Mais c'étaient des choses
qui étaient censées être acquises par la Charte des droits
et libertés du Québec, dans les deux cas, et qui malheureusement
n'étaient pas toujours bien respectées. Je ne suis pas sûr
qu'encore maintenant ce sera toujours très bien respecté. Je
donne un exemple: dans le cas de la liberté de choix, quand une
école de quartier va se définir comme catholique, il y a toujours
la possibilité que ceux qui ne seraient pas d'accord avec ce statut
envoient leurs enfants dans une autre école, comme c'est prévu
dans le projet de loi, la liberté de choisir l'école. Mais c'est
un droit assez théorique. Dans les milieux populaires, donner aux gens
de revenus modestes le droit de changer leurs enfants d'école, c'est un
droit assez théorique. Donc, la liberté de choix des parents
demeure limitée par les dispositions mêmes du projet de loi.
Le ministre nous a parlé du fait que chaque loi fait une certaine
discrimination. C'est bien sûr. Les pensions de vieillesse sont pour les
vieux, les allocations familiales sont pour ceux qui ont des enfants. Mais, en
général, ces lois qui font de la discrimination en font en vue de
rétablir une certaine égalité et non en vue de la
détruire. On présume que c'est l'intention du législateur
quand il fait de la discrimination de ce genre. C'est ce qu'on appelle de la
discrimination positive. Dans le cas qui nous occupe, ce n'est pas de la
discrimination positive. C'est une façon de maintenir des
privilèges qui vont à rencontre d'une meilleure
intégration possible à la société
québécoise des groupes multiculturels et multiconfessionnels qui
vont entrer de plus en
plus dans la société québécoise.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci. M. Laberge,
je regrette, mais je ne peux pas vous laisser aller plus longtemps. J'ai quand
même un ordre du jour à respecter. D'autres invités vous
suivent. Je reconnais maintenant Mme la députée de
Chicoutimi.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. M. Paradis, M.
Laberge, madame, je voudrais vous souhaiter la bienvenue au nom de l'Opposition
officielle. Vous vous en doutez, pour l'essentiel des commentaires et des
remarques qu'on retrouve dans votre mémoire, je les partage. J'ai eu
l'occasion de l'exprimer au moins à deux reprises lors de cette
commission parlementaire de même qu'à celle qui examinait les
règlements des comités catholique et protestant.
Vous comprendrez que je ne fais pas tout à fait, tout comme vous
d'ailleurs, la même lecture que celle qui est faite par le ministre.
Lorsque le ministre se dit offensé de l'idée qu'on aurait pu, au
Québec, ne pas respecter les droits de la personne au cours du dernier
siècle, je lui ferais seulement remarquer que, si on a réussi au
Québec à respecter le droit des personnes et la liberté de
conscience des personnes, c'est - et je pense qu'il faut le dire - parce qu'on
avait un réseau scolaire protestant qui était beaucoup plus
ouvert aux autres communautés religieuses. Il est connu et il est de
commune renommée, et le ministre le sait très bien, que les
commissions scolaires catholiques ont été plutôt
fermées aux immigrants, peu respectueuses des droits et libertés
des personnes et des libertés de conscience en particulier. Le fait
qu'on connaisse l'effet net et les effets pervers du système scolaire
actuel qui amènent les immigrants à s'intégrer aux
commissions scolaires anglophones. On a pu le constater en commission
parlementaire et, hier, le ministre en faisait justement la remarque devant une
commission scolaire qui n'est ni pire ni mieux que les autres, une commission
scolaire protestante qui est davantage une commission scolaire unifiée,
dont le tiers de la clientèle fréquente les écoles
françaises et il y avait, parmi les commissaires, une seul parent qui
avait un enfant dans une école française. Le ministre sait
très bien que c'est encore comme cela que ça se passe au
Québec et les effets pervers y sont nombreux, vous les avez
soulignés, il y a toute la capacité d'intégration des
nouveaux arrivants à la communauté française. Cela vient
comme consacrer les divisions. L'école est un facteur et sera encore
davantage un facteur de division plutôt qu'un facteur de cohésion,
d'unité et de développement d'un sentiment d'appartenance. C'est
d'autant plus vrai, comme vous le soulignez dans votre mémoire, que,
pour contourner ces effets, on va réclamer de plus en plus des
écoles privées de différentes confessions. Et là,
c'est vraiment l'éclatement de la communauté
québécoise, et c'est cela, les effets pervers.
Quand le ministre nous dit: II n'y a pas de consensus au Québec,
je voudrais qu'on revienne... Sur les commissions scolaires unifiées, il
faudrait revoir la question. Moi, je n'ai pas l'impression qu'on a suffisamment
fait le débat là-dessus pour vous dire s'il y a ou non un
consensus. Je sais qu'un sondage nous a déjà été
rappelé et qui démontrait que cela aurait pu faire consensus.
Mais, cependant, sur les commissions scolaires linguistiques, je dois dire que
les seuls opposants qu'on a entendus ici, en commission parlementaire, sont la
CECM, la PSBGM. Quand on a reçu la Fédération des
commissions scolaires catholiques, qui est favorable à
l'établissement de commissions scolaires linguistiques, quand on a
reçu l'Association des commissions scolaires protestantes, on a fini par
nous dire que c'était davantage de protection linguistique qu'elles
avaient besoin et non pas de protection religieuse. Quand le ministre nous dit
qu'il n'y a pas de consensus là-dessus, l'Assemblée des
évêques du Québec... J'ai vu Mgr Vachon tout à fait
par hasard - je ne lui ai pas demandé de rendez-vous - rappeler que sa
position là-dessus, c'est qu'il avait fini par accepter que
l'idée de commissions scolaires linguistiques était
réalisable au Québec et que cela ne menaçait pas à
ce point l'existence et la capacité de développement de... Cela
ne menaçait pas l'Église catholique à ce point qu'il
fallait s'y opposer, il fallait un peu s'adapter à la situation
actuelle.
Si on me dit que cela ne fait pas consensus au Québec, il y a
quelque chose qui ne va pas. Serait-il préférable de voir des
commissions scolaires unifiées? J'ai eu l'occasion de le dire, et je
vais le répéter, mais je pense qu'effectivement on devrait se
tourner du côté des commissions scolaires unifiées.
Cependant, la situation, telle qu'on la connaît au Québec, rend
cette hypothèse, je dirais fragile, peu réaliste, quand on
connaît les tensions qui, actuellement, confrontent les deux
communautés. Le ministre aurait pu et aurait dû négocier
l'article 93, mais, à l'entendre nous dire qu'il veut absolument
maintenir des protections confessionnelles dans la charte canadienne - c'est la
première fois qu'il nous le dit aussi clairement - et non pas
québécoise, canadienne, on comprend pourquoi il n'a pas
négocié l'article 93 et c'est la première fois qu'il le
dit ce matin. Je trouve que c'est mal comprendre ce qui est en train de se
passer au Québec et ce n'est pas comprendre les effets pervers de la
structure actuelle.
Par rapport à son projet de loi, on n'en parlera plus en ce qui
touche les structures, mais d'avance cela a de bonnes chances de subir
exactement, sinon plus, le sort de la loi 3 sur cela parce que cela a comme
effet de renforcer le pouvoir de dissidence, comme vous l'avez souligné,
qui pourrait nous donner quatre commissions scolaires dans tout le
Québec. Cependant, ce qu'on ne sait pas et ce que le ministre ne sait
pas non plus, c'est si l'article 93 protège
les commissions scolaires confessionnelles qui se sont établies
en dehors des territoires de Québec et de Montréal depuis la
confédération. Il ne le sait pas. Il ne le sait pas plus que nous
et là-dessus j'ai hâte de voir le jugement. Mais, entre-temps, on
aura perdu un temps inouï. On n'a pas poursuivi l'appel de la
décision de la cour sur la loi 3. On aurait pu aller à des
tribunaux supérieurs. On a plus compris que cela n'était pas que
sur les structures scolaires qu'elle était en désaccord,
c'était sur le reste du projet de loi qui, à son avis - on est
obligé de le constater aujourd'hui - n'était pas suffisamment
centralisateur. Il laissait trop de pouvoirs aux commissions scolaires, pas
assez au ministre. Toutes les modifications qu'il a apportées au projet
de loi, à l'exception des structures scolaires, viennent confirmer cette
lecture qui a été faite par la très grande majorité
des intervenants.
Tout à l'heure, nous allons entendre dans le courant de la
matinée une association de parents, le Ralliement provincial des parents
du Québec, qui dit, et c'est son droit le plus strict, qu'on doit
maintenir des structures confessionnelles, et il prétend
représenter 92 % ou 95 % des parents du Québec. Mais, vous, qui
représentez-vous? Avez-vous essayé d'évaluer cela à
peu près? J'ai vu que vous représentiez plus d'une vingtaine
d'organismes, mais de façon générale des organismes qui
ont un membership assez important, cela doit représenter un peu de
personnes au Québec, cela?
Le Président (M. Parent, Sauvé): M. Paradis.
M. Paradis (André): Je n'ai pas fait le total des
personnes qui sont représentées par les organismes qui
participent à la coalition. Il y a les trois grandes centrales
syndicales qui comptent évidemment beaucoup de membres; il y a des
organismes comme la Ligue des droits et libertés et sans doute le
Mouvement laïc, qui compte beaucoup moins de monde mais qui en compte tout
de même un certain nombre, et il y a d'autres organismes, des organismes
de femmes, entre autres, le Réseau d'action et d'information pour les
femmes, les centres d'éducation, les ACEF, etc. Je pense que cela
représente un nombre assez important. Je ne voudrais pas m'engager dans
des calculs immédiatement. Je pense que Mme Read avait quelque chose
à dire sur cela.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Madame.
Mme Read (Réjeanne): Mesdames, messieurs, M. le ministre
de l'Éducation, vous citez l'Ontario comme voulant nous donner des
leçons concernant la liberté de conscience. Au ministère
en Ontario, il y a une personne qui reconnaît que les principes
fondateurs privilégiés peut-être des religions... Moi, je
tiens à vous dire qu'une injustice confirmée par des lois demeure
une injustice.
Vous nous dites aussi que ce que nous demandons, c'est de ne rien faire;
cela signifie une sorte de statu quo. Pourtant, ce n'est pas ce que vous
faites, ne rien faire. Vous renforcez les valeurs qui briment les
libertés de conscience dans les écoles. Par exemple, je ne
détaillerai pas tout, mais c'est évident que le projet
éducatif chrétien va brimer les valeurs des jeunes, surtout au
niveau primaire où ils sont un peu handicapés pour se
défendre face à cela. Vous y avez aussi ajouté l'animation
de pastorale dans toutes les écoles, y compris les écoles qui ne
seraient pas confessionnelles. Je ne crois pas que les animateurs de pastorale
n'aient pas un rôle à jouer concernant la liberté de
conscience. Il va possiblement y avoir aussi un éveil religieux à
la maternelle. M. le ministre de l'Éducation, je vous ai
déjà posé la question, en aparté quand je suis
venue ici auparavant, concernant le fait qu'à la maternelle,
dorénavant, avec votre projet de loi, il y aurait possibilité
d'ajouter l'éveil spirituel. Entre l'interprétation que l'on fait
de l'éveil spirituel et de l'éveil religieux... Dans le
passé, c'était ce terme qu'on utilisait, il y a quelques
années, on appelait cela l'éveil spirituel et il y avait partout
de l'éveil religieux à la maternelle. On ne peut pas demander
l'exemption de l'enseignement religieux à ce niveau.
Je vous demanderais de répondre à cette question ce matin,
à savoir si, en dehors de toutes les questions qu'on pose dans
l'immédiat, en attendant qu'à l'article 93 quelque chose soit
fait, vous pouvez nous éclairer ou nous garantir qu'il n'y aura pas
d'éveil religieux à la maternelle. (11 heures)
Le Président (M. Parent, Sauvé): Je vous ferai
remarquer qu'il y a quand même des règles
élémentaires qui régissent ces commissions parlementaires.
Actuellement, le temps qui est dévolu est celui de l'Opposition. Alors,
si le ministre manifeste son intention de répondre, je devrai demander
à l'Opposition si elle accepte que ce temps-là soit déduit
du temps qui lui est alloué.
Mme Blackburn: Vous avez mon consentement, M. le
Président.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Je n'ai pas celui
du ministre, par exemple.
Mme Blackburn: Pour répondre, on sait qu'il n'est pas
obligé. De toute façon, je ne suis pas sûre qu'il
réponde. Je pense que c'est une question fort pertinente. Autant on peut
être d'accord avec des gens qui veulent avoir un projet catholique dans
une école particulière, autant je prétends qu'on ne peut
pas prétendre avoir un projet catholique et respecter les
libertés de conscience. C'est la quadrature du cercle. Ce n'est pas
possible. On aura beau
essayer de me présenter cela dans tous les sens, dans toutes les
directions, jamais on ne réussira à m'en convaincre. Ce n'est pas
vrai.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Est-ce que vous
voulez intervenir, M. le ministre?
M. Ryan: Je n'ai pas d'objection du tout.
Le Président (M. Parent, Sauvé): M. le
ministre.
M. Ryan: Je n'ai pas d'objection du tout, vous pouvez être
sûr. La question que vous posez se réfère à la
classe maternelle, si je comprends bien. En classe maternelle, il n'y a pas
d'enseignement proprement dit, comme vous le dites. Par conséquent,
l'exemption vaut pour l'enseignement moral et religieux. Dans les classes
maternelles, d'après ce que je comprends, nous avons un programme
d'éveil spirituel. Il y en a un d'éveil spirituel et religieux
aussi qui peut être utilisé. Si un parent demandait que son enfant
soit exempté de cela, il n'y aurait pas de problème là,
mais je vais regarder la question de plus près. Je vais vous envoyer une
lettre là-dessus. On ne répondra pas à peu près. Je
prends note de la question. On va vous envoyer des précisions ces jours
prochains disant exactement où cela en est, mais je ne pense pas que le
projet de loi comporte d'implications de ce point de vue-là.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le
ministre. Mme la députée de Chicoutimi. Est-ce que vous vouliez
réagir, madame?
Mme Read: Bien, le projet de loi ajoute, et il n'était pas
là précédemment, la question de l'éveil spirituel
à la maternelle.
M. Ryan: Avez-vous l'article?
Mme Read: Je ne l'ai pas devant moi. C'est dans les premiers
articles.
M. Ryan: On va vérifier cela. Je ne trouve pas de mention
explicite du problème que vous évoquez; peut-être que cela
y est par voie d'implication. On va regarder cela attentivement. Je vous donne
un exemple. À l'article qui traite de la liberté de conscience de
l'enseignant, on dit qu'il peut être exempté de l'obligation de
donner l'enseignement moral et religieux. Peut-être que cela serait plus
complet si on mettait "l'enseignement moral ou religieux ou l'éveil
moral et religieux". Je n'ai pas d'objection à ce qu'on regarde cela. Il
y a peut-être une possibilité ici. Mais, en tout cas, je ne vois
pas très clairement en quoi le projet de loi vient modifier la situation
que nous connaissons ou l'alourdir.
Mme Read: Pourriez-vous le spécifier quand même?
J'aimerais que vous m'envoyiez une lettre, que vous me le spécifiiez ou
que vous le spécifiiez, disons, publiquement, afin que les situations
qu'on a connues et qu'on connaît encore ne se répètent pas
à ce niveau-là.
M. Ryan: Pour être de bon compte, voulez-vous m'envoyer une
lettre me disant ce que vous voulez savoir exactement et...
Une voix: Ha, ha, ha!
Mme Read: Certainement, M. Ryan.
M. Ryan:... je vais vous répondre avec plaisir.
D'accord?
Mme Read: Je vais vous redire ce que je vous ai
déjà dit.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le
ministre. Merci, Mme Read. Mme la députée de Chicoutimi.
Mme Blackburn: M. le Président, le ministre a
peut-être raison. Cependant, je voudrais qu'on m'explique comment est
interprété le mot "éveil" dans le tout premier article.
'Toute personne âgée de 5 ans et plus a droit aux services de
formation et d'éveil à l'éducation préscolaire et
aux services d'enseignement prévu... " Comment traduit-on "éveil"
dans le régime pédagogique?
M. Ryan: Regardez ce qui est écrit ici "services de
formation et d'éveil à l'éducation préscolaire".
C'est une définition globale qui comprend tout ce qui est fait au niveau
de la maternelle. Ensuite, c'est "aux services d'enseignement prévus par
la présente loi"; c'est ce qui est dispensé aux niveaux primaire
et secondaire.
Mme Blackburn: Oui, cela va.
M. Ryan: II n'y a pas du tout d'arrière-pensée
là-dedans.
Mme Blackburn: Non. Est-ce que vous avez eu l'occasion de
vérifier, par rapport à ce qu'était le programme de
formation en enseignement préscolaire, s'il y avait des activités
qui touchaient l'éveil à la foi catholique ou protestante?
Mme Read: Le dernier programme que j'ai vu, qui a
été fait au moment de la présentation du projet de loi 103
qui précédait ce projet de loi-ci, était un programme qui
éliminait complètement les valeurs religieuses au niveau de la
maternelle. On n'appelait pas cela de l'éveil spirituel non plus dans
les livres en question. Cependant, ce qui précédait ce programme
s'appelait: Vers l'éveil spirituel des tout-petits, et, à
l'intérieur de ce manuel-là, il y avait des phrases aussi
incroyables que: "Ils sont inexcusables les païens qui n'ont pas su
comprendre
la grandeur de Dieu. " Cela date d'à peu près six ans,
peut-être un peu plus, avant qu'on ne change la loi 3 et qu'on n'apporte
des modifications à différents programmes.
Mme Blackburn: Je pense que vous soulevez là tout le
problème difficilement soluble pour le moment de la
confessionnalité des écoles. On a transféré la
confessionnalité des commissions scolaires vers la
confessionnalité des écoles, c'est l'objectif du projet. En toute
conscience, on ne peut pas faire semblant qu'il n'y a pas de problème
là. Les enfants qui ont sept, huit, neuf, dix ou quinze ans et qui se
trouvent à être ce que j'appelle des clientèles captives...
Pas captives parce qu'on les force à s'asseoir là et à
écouter cela, mais parce qu'il y a une pression du groupe qui s'exerce
sur l'enfant. On ne peut pas prétendre en toute honnêteté
qu'on respecte les libertés de conscience dans ces
circonstances-là. On connaît le besoin d'appartenance à un
groupe d'un enfant. D'ailleurs, comme adulte, on le maintient en grande partie,
on a besoin de s'identifier à un groupe. Le groupe d'appartenance d'un
enfant, c'est son groupe scolaire et son groupe de quartier. Il y a
généralement deux groupes et ils se fondent l'un dans l'autre
parce qu'ils se retrouvent dans la même école. Là, le
problème sera double. S'il choisit de se retrouver dans une école
neutre, il ne sera pas dans la même école que ses petits copains
de quartier et, s'il choisit l'école confessionnelle, le groupe va
exercer sur lui une pression. Je ne veux pas dire que c'est malsain parce
qu'à un moment donné on retournerait où on apprendrait la
pratique religieuse, mais je prétends et je maintiens qu'on ne peut pas
prétendre respecter la liberté de conscience. Ceux qui me
défendront le contraire, je les mets au défi, en toute logique,
de me dire que cela se défend. Ce n'est pas possible. Les pressions sont
grandes sur l'enfant qui dit: Maman, il faudrait que j'embarque avec les
autres, ils vont tous se promener, ils vont à la messe, ils vont faire
des activités. Vous pensez qu'un enfant de sept ou huit ans est en
mesure de faire l'évaluation et de dire: Je voudrais me tenir à
l'écart de cela? Ce n'est pas possible. Là-dessus, je partage
tout à fait votre avis. Je pense qu'on a un problème très
sérieux.
Quant à l'autre problème, j'ai eu l'occasion de
l'exprimer, il est déplorable de voir que l'Église est à
la remorque de l'école. Je ne suis pas sûre que cela contribue
à sa survie de la façon qu'on voudrait bien nous le laisser
entendre. Il y a comme deux poids deux mesures. On paie avec les impôts
publics l'animation pastorale catholique et protestante, alors qu'on n'a pas
d'équivalent pour ceux qui voudraient avoir une animation pour la morale
dite sans épithète, qui pourrait avoir un caractère plus
humanitaire, plus humaniste, dans le sens d'aider, de contribuer à des
activités à caractère plus humanitaire qui touchent les
personnes âgées, les enfants en difficulté, les pays en
voie de développement, etc. On n'a rien d'équivalent.
Vous avez tout à fait raison, on vient ici renforcer les
privilèges de deux confessions en ce qui concerne la superposition des
commissions scolaires. Dans la région de Montréal où le
problème est le plus criant... Le problème dont on parle ici ne
pose pas grand problème dans ma région. En toute
sincérité, je pense qu'on s'arrange bien avec le système
qu'on a là et cela ne cause pas beaucoup de préjudice quoique,
pour ceux qui veulent avoir des exemptions, cela pose des problèmes.
J'ai eu connaissance de situations plutôt déplorables. Je ne
dirais pas que c'est la majorité et que cela fait plus partie de la
culture parce qu'on a peu d'immigrants dans notre région, mais, dans la
grande région de Montréal, cela pose non seulement des
problèmes de respect des libertés fondamentales des personnes,
mais cela pose un problème de survie - c'est comme ça qu'il faut
l'appeler - de la majorité francophone au Québec et c'est
là qu'on n'agit pas.
Ensuite, il y a quelque chose de totalement inacceptable. La commission
scolaire n'est plus confessionnelle; elle serait linguistique, sauf que tous
les pasteurs catholiques et protestants auraient le droit de visiter toutes les
écoles, indépendamment qu'elles soient catholiques ou
protestantes. Ça aussi, c'est inacceptable. Si les parents choisissent
une école neutre, ce n'est pas pour se faire imposer ce droit inscrit
dans une loi qu'on vienne leur faire de la propagande. Je ne porte pas de
jugement sur la valeur du programme, mais sur le respect des personnes, et je
trouve que ça va loin. Je n'aurai pas d'autres commentaires parce que je
pense que vous avez raison sur la grande partie de vos interventions.
En ce qui concerne l'établissement de commissions scolaires
unifiées, le gouvernement du Parti québécois, à
tort ou à raison, mais jusqu'ici je ne suis pas en mesure de vous dire
qu'on avait tort et que ce n'était pas le choix politique qui nous
apparaissait avoir le plus d'avenir, a choisi l'établissement de
commissions scolaires linguistiques de préférence à des
commissions scolaires unifiées. Mais je suis d'accord avec vous au moins
sur un point, c'est que les commissions scolaires linguistiques, tout ce
réseau qu'on a au Québec, qui est double partout, dans tous nos
établissements publics, nous coûte particulièrement cher
aux niveaux primaire et secondaire. On a une double structure partout et cela
coûte cher. N'importe qui le sait. Le ministre essaie de centraliser tous
les pouvoirs ici.
Peut-être voudriez-vous faire quelques commentaires?
M. Paradis (André): Pour terminer - si j'ai bien compris,
on s'en va vers la clôture - on a écouté attentivement les
arguments du ministre, bien qu'on les connaissait déjà avant de
venir devant cette commission parlementaire, mais on
reste convaincus - je le reste et je pense que c'est aussi le point de
vue des autres - que la dynamique enclenchée par le projet de loi 107 ne
mènera pas à une résolution des problèmes qu'on
voit dans la structure et l'organisation confessionnelle du système
scolaire.
On reste convaincus que, avec le Conseil supérieur de
l'éducation, la Commission des droits de la personne et d'autres
organismes, il faut s'engager de façon urgente dans les
négociations qui vont lever le verrou constitutionnel posé par
l'article 93 et que c'est sans doute la voie la plus difficile, mais c'est
celle qui va nous permettre d'en arriver à la résolution
réelle des problèmes, nous le répétons, qu'il ne
faut pas sous-estimer à l'heure actuelle et dont les effets sont
très concrets dans certains secteurs du système scolaire, et je
pense en particulier à la région de Montréal. Je vous
remercie de votre attention.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci. En
conclusion, M. le ministre de l'Éducation.
M. Ryan: En vous écoutant ce matin, je vous ai souvent
entendus parler du privilège accordé à des confessions
religieuses, en particulier la confession catholique et la confession
protestante. Le gros problème est justement au plan de la perception;
pour vous, ce sont des privilèges et, pour d'autres, ce sont des droits.
Il y a là un arbitrage à faire.
Si on faisait le tour de la population du Québec pour lui
demander si elle considère le respect des valeurs religieuses dans les
écoles comme un droit ou un privilège, je suis convaincu qu'elle
répondrait: C'est un droit. C'est là que le gouvernement propose
sa réponse. Vous avez le droit à votre perception, mais
là-dessus il y a un désaccord assez profond entre nous. C'est
vraiment une question d'évolution des perceptions et de la philosophie
politique de chacun, au fond; ces choses-là n'existent pas à
l'état pur. En tout cas, ma perception est celle que je vous donne en
toute sincérité. Je suis convaincu que la très grande
majorité de nos concitoyens voient, dans cette question, une question de
droits fondamentaux qu'ils perçoivent différemment de vous.
Là où vous mettez le mot "privilège", un très grand
nombre de personnes éminemment respectables vont mettre le mot "droit".
Au bout de la ligne, un arbitrage se fait par l'Assemblée nationale, le
gouvernement et l'électorat. C'est le point où nous en sommes. Je
pense que nous pourrions discuter des heures durant sur ce qui va dans le
concept de droit et dans celui de privilège. Pour le moment,
j'enregistre les différences et je pense qu'elles ont été
exposées clairement une fois de plus. Mais le gouvernement pense
davantage à une conception libérale des droits. (11 h 15)
Je voudrais m'inscrire en faux contre une affirmation énorme que
j'ai entendue tantôt des lèvres de la députée de
Chicoutimi, une calomnie à l'endroit de nos commissions scolaires
confessionnelles. Vous avez dit que, par étroitesse, elles ont
transféré ou permis le transfert des immigrants du
côté des écoles protestantes, et c'est faux. La Commission
des écoles catholiques de Montréal, à l'endroit de
laquelle j'ai souvent fait des critiques, a accueilli des milliers et des
milliers d'immigrants dans ses écoles depuis la fin du deuxième
conflit mondial. Le reproche qu'on a pu lui adresser, c'est de les avoir
inscrits dans ses écoles anglaises, mais elle les a accueillis dans ses
écoles...
Mme Blackburn: Oui, dans les écoles anglaises.
M. Ryan:... catholiques. Tantôt, vous disiez que
c'était par intolérance religieuse et, à mon point de vue,
c'est absolument faux. Encore aujourd'hui, la très grande
majorité des enfants d'immigrants vont dans les écoles de la
Commission des écoles catholiques à Montréal, dans les
écoles de la Commission scolaire Sainte-Croix...
Mme Blackburn: Parce qu'ils n'ont pas le choix.
M. Ryan:... et c'est une minorité qui est dans les
écoles de la Commission des écoles protestantes. On peut engager
le débat au point de vue linguistique, c'est un autre débat. Mais
venir créer une impression comme celle qui l'a été
tantôt, je pense que cela répugne d'abord à toute
connaissance la moindrement sérieuse des faits à
Montréal.
Mme Blackburn: Les écoles françaises se sont
multipliées par dix à la PSBGM.
M. Ryan: Les immigrants en général insistent
beaucoup sur le choix de l'école. On a remarqué, encore une fois,
qu'une majorité insiste pour aller du côté des
écoles de la CECM et de la Commission scolaire Sainte-Croix, et aucune
violence, aucune pression n'est exercée sur eux de ce point de vue.
Je n'ai pas d'inquiétude non plus au sujet de l'éclatement
de l'école. J'ai entendu des théories là-dessus. Nous
avons autorisé la fondation de quelques écoles
particulières. Allez transiger avec les représentants de la
confession musulmane quand ils vous disent qu'ils voudraient avoir une
école qui va leur permettre de transmettre les valeurs essentielles de
leur religion. Nous leur avons accordé un permis pour la création
d'une école privée à Montréal, avec une
reconnaissance pour fins de subventions, et j'en suis très fier. Je
pense que c'est faire une place à cette communauté d'importance
mondiale dans la famille des grandes confessions qui sont
représentées dans notre communauté
québécoise. Je pense qu'il faut respecter leur point de vue quand
ils nous disent que l'école publique ne
peut pas répondre complètement à leurs attentes. Je
ne pense pas qu'on fasse un gros fractionnement en faisant cela. Les
élèves qui sont dans nos écoles privées
représentent à peu près 8 % de tous les
élèves des niveaux primaire et secondaire au Québec. Nous
les contenons dans des bornes très raisonnables.
Le Président (M. Parent, Sauvé): En conclusion, M.
le ministre.
M. Ryan: Je termine là-dessus en disant que ce
débat est toujours extrêmement intéressant et que nous le
reprendrons sans doute avant longtemps. Merci.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Je vous remercie,
M. le ministre. M. Paradis, Mme Lapierre, M. Laberge, merci.
La commission suspend ses travaux pour quelques minutes.
J'invite immédiatement le groupe suivant, à savoir
l'Association des usagers de la langue française, à
s'approcher.
(Suspension de la séance à 11 h 18)
(Reprise à 11 h 22)
Association des usagers de la langue
française
Le Président (M. Parent, Sauvé): J'invite les
membres de la commission à prendre place. La commission permanente de
l'éducation poursuit ses travaux en accueillant l'Association des
usagers de la langue française, dont le porte-parole est M. Robert
Auclair qui en est le président. M. Auclair, bienvenue et merci beaucoup
d'avoir répondu à l'invitation de la commission pour venir nous
faire connaître vos réactions ou le fruit de votre
réflexion sur les deux projets de loi qui font l'objet de l'étude
par cette commission.
M. le président, si vous voulez bien nous présenter les
gens qui vous accompagnent et enchaîner immédiatement avec la
présentation de votre mémoire. La commission a prévu de
vous entendre durant environ 45 minutes. Alors, dès que vous aurez
terminé votre exposé, nous allons amorcer le dialogue entre vous,
les gens qui vous accompagnent et les membres de cette commission. Le
porte-parole, c'est M. Auclair? M. Auclair, nous vous écoutons.
M. Auclair (Robert): Je vous présente à ma droite
M. Jacques Perrin, qui est juriste et qui est un ancien membre de la Commission
de la fonction publique du Québec, à ma gauche, M. Michel Sparer,
qui est un jurilinguiste et qui est le secrétaire général
de l'association, plus loin, M. Jean-Claude Gémar, professeur de
jurilinguistique à l'Université de Montréal, à
l'arrière, M.
André Breton, adjoint du juge en chef associé de la Cour
supérieure, le juge Pierre Côté qui est également
juriste. Vous avez ici M. Jean-Louis Jobin qui est professeur de
français et, en arrière de moi, M. François
Lavallée qui est traducteur et M. Laberge qui est en arrière.
M. le Président, M. le ministre, mesdames, messieurs, nous vous
remercions d'avoir bien voulu nous accorder quelques minutes pour nous
permettre de faire entendre un point de vue sur un aspect particulier du projet
de loi qui est celui de la forme. C'est peut-être le seul qui touche
à cet aspect des projets de loi que vous avez devant vous.
Je vous rassure immédiatement que je ne vous lirai pas les 25
pages du mémoire. Je vais insister sur quelques points seulement et
feuilleter avec vous quelques autres pages...
Le Président (M. Parent, Sauvé): C'est
rassurant!
M. Auclair: Je vous rassure au départ et je vais essayer
de tenir ma promesse!
Le Président (M. Parent, Sauvé): Allez!
M. Auclair: Brièvement, l'Association des usagers de la
langue française a pour raison d'être de promouvoir l'usage d'une
langue française de qualité, c'est-à-dire qui assure une
communication efficace et cohérente. Il est important, dans un contexte
démocratique, que le législateur s'exprime aussi clairement que
possible pour que tous les intéressés comprennent le texte de la
même façon. L'association a pris connaissance des projets de loi
et constate évidemment qu'il y a des progrès qui ont
été apportés dans la rédaction des lois depuis
quelques années.
Nous tenons tout de même à faire quelques brèves
observations sur les deux projets à l'étude. Il ne s'agit pas
d'un relevé complet mais tout simplement de quelques observations, parce
que nous croyons que la Loi sur l'instruction publique doit être un
modèle en ce qui concerne la qualité du français. À
un moment où tout le monde parle de la francisation du Québec, il
est important que l'État donne l'exemple.
Si je vais à la première page, une brève
suggestion: ne serait-il pas préférable de parler de la loi sur
l'éducation? Après tout, nous avons un ministre de
l'Éducation, un ministère de l'Éducation, un Conseil
supérieur de l'Éducation. Peut-être pourrait-on l'appeler
de justesse loi sur l'enseignement primaire et secondaire public? C'est une
suggestion que nous laissons à votre réflexion.
Le point suivant sur lequel je désire insister, celui sur lequel
nous allons appuyer davantage, est la dénomination "commission
scolaire". Comme l'indiquent les notes explicatives, ce projet de loi remplace
la Loi sur l'instruction publique dans le but de lui donner
une structure nouvelle plus cohérente, de la moderniser et de la
rationaliser. Ce projet comporte des modifications importantes au régime
scolaire actuel par la création de commissions scolaires francophones et
anglophones, l'institution des comités à la commission scolaire,
de mécanismes de représentativité des minorités
linguistiques, du droit de vote aux parents, de l'obligation d'adopter
certaines décisions par voie de règlement. Il y a donc un
changement substantiel des structures de cet organisme et le réseau
scolaire ne sera plus, à l'avenir, ce qu'il est maintenant. Nous
constatons que la dénomination "commission scolaire" est inexacte et a,
de plus, l'inconvénient de dévaloriser l'institution comme telle
et ceux qui la dirigent.
Du point de vue de la langue, la définition du mot "commission"
contenue dans les principaux dictionnaires fait voir que c'est une
réunion de personnes à qui une autorité supérieure
confie le mandat d'étudier une situation, un projet, un travail en vue
de décisions à prendre pour l'autorité qui
délègue. Ainsi, dans les années soixante, on a eu la
commission d'enquête sur l'éducation au Québec, la
commission Parent, qui a fait des recommandations au gouvernement qui, lui, a
créé le ministère de l'Éducation. Il y a un
organisme qui s'appelle Commission municipale du Québec, qui a un statut
et des pouvoirs, et la présente commission parlementaire qui fera
rapport à l'Assemblée nationale. Ce sont de vraies
commissions.
Comme l'écrit Gérard Dagenais dans son Dictionnaire des
difficultés de la langue française au Canada, une commission
"étudie ou prépare des projets, contrôle des travaux,
constate des faits, donne des avis, mais n'administre ni ne gère. Les
membres d'une commission sont des délégués d'une
autorité. Ils sont des agents. " Les linguistes que nous avons
consultés - nous en avons consulté plusieurs - sont de notre
avis. Ainsi, qui ne se souvient des critiques formulées contre la
dénomination "Commission des liqueurs", qui était un calque de
"Liquor Board" et qui a été utilisée pendant un
demi-siècle? Maintenant, tout le monde parle de la Société
des alcools. Personne n'est induit en erreur et la langue ne s'en porte que
mieux.
En 1968, le ministère de l'Éducation a publié, en
collaboration avec l'Office de la langue française, une brochure
intitulée Vocabulaire de l'éducation au Québec -
que j'ai retrouvée dans mes vieux papiers et qui n'est pas très
répandue maintenant - où l'on peut lire qu'il s'agissait
d'améliorer le texte de la loi, de corriger des
impropriétés. Aux mots "commission scolaire", on lit ceci: "Corps
public électif qui administre la ou les écoles publiques d'un
territoire donné. La dénomination de commission scolaire est
impropre. Il s'agit d'un conseil scolaire. Ses membres sont des conseillers. "
Je rappelle que c'est dans le vocabulaire du ministère publié en
1968. Nous ne sommes pas des précurseurs, ce matin, en insistant sur
l'utilisa- tion du mot "conseil".
S'il fallait avoir comme attitude de conserver une expression parce
qu'elle a 50 ou 100 ans d'usage au Québec, on devrait renoncer à
améliorer la qualité de la langue. Je vous cite rapidement un
exemple cocasse qui est dans le Code civil actuel, l'article 1571a, où
dans le cas de vente de créances, on peut lire que doit être
publié un avis dans un papier-nouvelles en langue française et un
papier-nouvelles en langue anglaise. Il faut bien savoir que c'est la
traduction de "newspaper", le journal d'aujourd'hui. Cela fait encore partie de
nos lois après 100 ans. (11 h 30)
On ne compte plus les corrections que le législateur a faites
dans nos lois. Il s'agit d'en citer une: "service civil" a été
remplacé par "fonction publique". Pierre Daviault, le regretté
linguiste, disait, dans le temps, désespérer d'amener les
Canadiens à utiliser cette nouvelle expression. Aujourd'hui, tout le
monde parle de la fonction publique; les gens ignorent même qu'on a
déjà dit service civil.
Le Code de procédure pénale a remplacé le nom de la
Loi sur les convictions sommaires qui était un calque de l'anglais
"Summary Conviction Act". Ce sont des choses qui ont été faites.
La Police Provinciale, c'est devenu la Sûreté du Québec.
Grâce à Expo-67, la cité de Montréal, qui
était appelée ainsi depuis 1851, est devenue après un
siècle la ville de Montréal, et ce, pour un motif purement
linguistique. On peut dire la même chose de la ville de Québec et
de plusieurs autres grandes villes au Québec.
À la suite d'une intervention de notre association, le
ministère du Revenu fédéral a décidé de
suivre le bon exemple donné depuis 1966 par le gouvernement du
Québec et d'éliminer dès 1988 les rapports d'impôt.
Dorénavant, il y aura des déclarations de revenus. Nous ne serons
pas plus riches mais la langue française s'en portera mieux.
Ces quelques exemples que nous pourrions multiplier suffisent à
vous convaincre d'abord qu'il est possible de corriger un terme impropre,
même s'il circule depuis longtemps et, ensuite, que notre population, qui
a appris une terminologie incorrecte qu'on lui a proposée, est capable
d'apprendre les termes justes et de les uitliser. Elle le fait même avec
empressement, lorsqu'on lui explique le pourquoi du changement.
Dans le projet de loi à l'étude, selon nous, le
législateur se doit d'utiliser "conseil scolaire". Un conseil est une
réunion de personnes qui délibèrent en vue de
décisions à prendre par elles-mêmes. Ainsi, on a le Conseil
des ministres, un conseil municipal, un conseil d'administration d'une
compagnie, un conseil syndical. Les personnes élues, celles qui seront
à l'avenir à la tête du corps appelé commission
scolaire dans le projet de loi, rempliront réellement la fonction de
personnes qui sont membres d'un conseil. Il
va sans dire que le conseil scolaire de Montréal, dont la
composition sera modifiée, pourrait porter une autre
dénomination, par exemple celle de communauté, à
l'imitation de communauté urbaine.
Après la rédaction de ce mémoire, j'ai consulte un
ouvrage de Gérard Dagenais qui commentait le projet de loi
présenté par le ministre, M. François Cloutier, en 1972.
Il écrivait: "La loi - la loi du temps - nomme le Conseil scolaire de
Montréal que nous nommerons, nous, afin qu'il soit au moins possible de
continuer de nous exprimer en français, le Conseil scolaire
général de Montréal. C'est bien, en effet, de la naissance
d'un conseil scolaire général qu'il s'agit, les autres
n'étant plus que des conseils scolaires particuliers. "
Évidemment, c'est une autre solution que celle d'utiliser
"communauté", mais cela fait tout de même voir l'idée du
mot "conseil" qui est toujours de l'avant.
Enfin, sur l'expression "commission scolaire", le Québec est le
foyer de la francophonie en Amérique du Nord. Il serait bien mal
avisé de conserver cette dénomination, lorsque la Loi sur
l'éducation de l'Ontario que j'ai ici et la loi sur celle du
Nouveau-Brunswick, utilisent toutes deux le terme "conseil scolaire" qui
correspond à l'anglais "school board". Je voyais dans Le Devoir du 27
août - c'est tout récent - une annonce du Conseil scolaire de Port
au Port à Stephenville, à Terre-Neuve, où l'on disait
d'écrire au "school board" évidemment, parce qu'on demandait des
professeurs de français. Encore ici, on a le conseil scolaire de la
ville de Toronto. Dans les autres provinces, c'est conseil scolaire. Les
conseils scolaires ontariens sont d'ailleurs regroupés dans
l'Association française des conseils scolaires de l'Ontario. Un litige
est allé jusqu'en Cour suprême du Canada, sur la question de
conseil scolaire. Nous n'insistons pas davantage et nous croyons que ce n'est
pas parce qu'un traducteur a utilisé le mot "commission" au XIXe
siècle, sans trop vérifier la définition, qu'il faut
perpétuer l'emploi de ce mot.
Enfin, M. Louis-Philippe Audet, qui fait l'histoire du système
scolaire du Québec, explique qu'en 1841, lorsqu'on a créé
ce qu'on a appelé les commissions scolaires, elles étaient des
groupements rattachés aux conseils municipaux et non pas des personnes
morales autonomes, comme elles le sont maintenant.
Il est possible, M. le ministre et messieurs les membres de la
commission, que des gens s'opposent à un tel changement; le changement
fait toujours peur. Mais si un usage doit être conservé à
tout prix en dépit de son caractère fautif, autant dire qu'il
sera difficile de poursuivre le redressement de la langue juridique. Nous
refusons de croire à cette éventualité et nous avons
confiance que vous examinerez d'un oeil bienveillant notre suggestion.
En terminant, parce que je vous citais tantôt un extrait de
Dagenais, j'ajouterais que dans la même page M. Dagenais écrivait:
Tant que l'État continuera d'enseigner aux maîtres, aux
élèves, à toute la population qu'un conseil scolaire peut
s'appeler commission, l'enseignement du français ne pourra guère
progresser au Québec. " Évidemment c'est une opinion, mais c'est
celle d'un linguiste qui avait une certaine réputation.
À la page 8, si vous nous suivez vous voyez qu'il y a d'autres
observations. Je n'ai pas l'intention de vous les lire. Je vous signale, par
exemple, qu'à l'article 3 c'était une question de formulation
d'une phrase; à la page 9 également, c'est la formulation de
phrase que nous croyons meilleure. Alors, je sais que vous savez lire comme
nous et que vous êtes un peu pressés par le temps. Je ne veux pas
vous retenir davantage. À la page 10, au troisième alinéa,
je veux juste vous signaler des choses qui surprennent parfois; à
l'article 8, on dit que l'élève a droit à la
gratuité des manuels scolaires et du matériel didactique. Dans le
projet de loi, on prend la peine de noter que les crayons et les papiers ne
sont pas du matériel didactique. L'assertion est surprenante, même
si les juristes y voient un artifice de rédaction. Il serait plus clair,
et plus simple d'écrire que les crayons sont à la charge de
l'élève. Dans le reste de la page, il y a d'autres observations
du même genre.
À la page 11, assermenter. On ne peut assermenter une plainte, on
la dépose plutôt sous serment. À l'article 54, c'est le
deuxième point sur lequel je veux insister après celui de la
commission scolaire, soit le mot "profession". À l'article 322, on peut
remarquer que le mot "profession" est utilisé dans le sens que tout le
monde utilise, à savoir que quelqu'un indique ses nom, prénom,
profession et domicile. C'est le sens général. Par ailleurs,
à l'article 205, le mot "occupation" est un calque de l'anglais. On dit
"en outre des spécialités professionnelles... des programmes
d'études conduisant à une fonction de travail ou à une
occupation... " À ce moment-là le mot "occupation" est un calque
de l'anglais "profession" et devrait être remplacé par
"professionnel", parce qu'un menuisier, en français, c'est autant un
professionnel qu'un architecte.
Je reviens aux articles 54 et 62. Vous pouvez lire à l'article 54
la composition du conseil d'orientation. Il y a des enseignants, il y a des
professionnels, il y a des élèves. Le substantif "professionnel",
à ce moment-là, n'est pas utilisé dans son sens
général, puisque les enseignants n'y sont pas vus comme des
professionnels; seraient-ils des amateurs, à la différence, par
exemple, des orienteurs ou des travailleurs sociaux qui, eux, sont vus comme
tels? Le projet de loi ne définit pas ce mot. Tout au plus, nous savons
que l'article 29 de la Loi sur le régime de négociation des
conventions collectives dans les secteurs public et parapublic mentionne trois
catégories de salariés: le personnel de soutien, le personnel
professionnel non
enseignant, puis les enseignants. Si l'on juge à propos de
mentionner qu'il y a un personnel professionnel non enseignant, ce doit
être pour faire la distinction avec le personnel professionnel
enseignant. Alors, qui ferait partie de ce dernier groupe, qui ne comprendrait
pas les enseignants? L'emploi du mot "professionnel" fait problème. Cela
vient du fait qu'on l'utilise, comme à l'article 64 de la Loi sur la
fonction publique, pour traduire littéralement le mot anglais
"professional" qui, lui, désigne des membres des professions
libérales, également appelés des professionnels
libéraux. Nous savons que dans la législation, évidemment,
vous ne pouvez pas changer un mot sans tenir compte du contexte
général des lois au Québec. Il nous paraît que le
ministère de l'Éducation, qui a le souci de la langue, devrait
peut-être profiter de l'examen de ce projet de loi pour sensibiliser les
autres ministères et voir à examiner l'emploi de ce mot qui est
équivoque et aboutit à des drôles de situations.
Au bas de la page 12, à l'article 115, il est dit qu'une
commission scolaire a une juridiction. Évidemment ça vient de
"jurisdiction". Il faudrait parler de compétence.
Aux articles 143 et 147, il y a une expression que l'on voit souvent non
pas seulement dans le monde scolaire, mais dans le monde municipal aussi, on
parle des séances régulières et spéciales des
commissions scolaires. Ce sont deux mots français, mais qui sont des
anglicismes dans ce cas. Il faudrait parler d'une séance ordinaire et
extraordinaire. A l'article 146, on parie des procédures de convocation.
En français, le mot "procédure" est un terme collectif, c'est un
ensemble de démarches. C'est "la procédure".
Et à la page 14 - comme vous le voyez, je procède
rapidement - il y a des articles comme le 149 où ce sont des questions
de formulation. Je signale à l'article 173 l'expression "pour les fins
de". C'est "for the purposes of, c'est un calque. Cela n'existe pas. C'est "aux
fins de". L'article 236, où il est dit que "la commission scolaire a
pour fonction d'acquérir ou de louer les biens meubles... qu'elle peut
construire, réparer, entretenir ou louer ses meubles". Le mot "louer" a
deux sens en français. Il peut vouloir dire "prendre en location" et
également "donner en location". Alors ne serait-il pas
préférable de "donner" en location ou de "prendre" en location
pour préciser le sens d'une expression comme celle-là?
Au bas de la page, un "affidavit". Je signale qu'un affidavit est une
déclaration sous serment. Et je sais que le ministère de la
Justice, qui est à revoir le vocabulaire qu'il utilise, va
suggérer de remplacer cette expression.
Article 314, où on dit évidemment "... à
défaut de paiement des taxes... des immeubles à être
vendus". C'est là un anglicisme de construction, un claque de "to be
sold". II faudrait parler des immeubles "à vendre" ou encore "mis en
vente".
Je saute à la page 17, au bas de la page. Par exemple, on
mentionne qu'un avis est dûment "complété". Encore
là, c'est un calque de l'anglais "completed". S'il s'agit d'un
formulaire, on le remplit, en français.
À l'article 494, on trouve même un barbarisme,
c'est-à-dire quelque chose qui n'existe pas en français,
où il est dit que "le 1er juillet de l'année qui suit celle de la
publication du décret des divisions territoriales, les personnes
à l'emploi des commissions scolaires... ". C'est un calque de "in the
employ of. II s'agit tout simplement des personnes qui travaillent dans les
commissions scolaires, du personnel affecté aux commissions
scolaires.
L'article suivant, 511, le mot "officier". Je me permets une
observation. Le mot "officier" dans la loi, c'est écrit que cela
"désigne tout membre d'un conseil municipal et il comprend
également tout officier ou employé d'une municipalité".
Alors le mot "officier" est un archaïsme qui est devenu un anglicisme. Ce
n'est pas une raison pour le conserver. Et la définition emploie le
terme "défini" c'est-à-dire dans le défini, on a le mot
"officier". Alors cela tourne en rond. Enfin, selon le simple bon sens, il nous
paraît anormal d'étendre le sens du mot "officier" au mot
"employé"; cela nous fait penser à une armée sans soldat.
Tout le monde est officier. Ne pourrait-on pas utiliser un
générique tel que "représentant"?
À la page 19, article 577. C'est encore là une question de
formulation sur laquelle nous attirons votre attention. On dit que "la
présente loi ne porte pas atteinte aux libertés de conscience et
de religion". Évidemment, nous ne touchons pas au fond du
problème. Mais il nous paraît que le fait d'affirmer qu'une
disposition ne porte pas atteinte à un droit, cela ne suffit pas
à mettre cette disposition à l'abri d'un recours en vertu de la
charte. Et c'est pourquoi nous suggérons peut-être - au bas de la
page 20 - qu'il serait plus simple de dire: "Dans la mesure où la
présente loi accorde des privilèges et des droits à des
personnes ou groupes de personnes qui appartiennent à une confession
religieuse, elle s'applique, malgré les articles de la charte. "
À ce moment-là, on reconnaît une situation de fait. Le
législateur a des raisons de prendre une décision. On dit qu'on
accorde des droits en dépit de la charte. Alors cela clarifie la
situation.
C'est tout pour le projet de loi 107. Deux observations rapides sur le
projet de loi 106. À un moment donné, parce qu'il est question
d'élections, il est dit qu'à la fin du scrutin, "le scrutateur
scelle l'urne et appose un cachet sécuritaire portant un numéro".
Or, le mot "sécuritaire" n'est pas dans les dictionnaires
généraux de la langue, mais il a fait l'objet d'un avis de
recommandation de l'office. Par contre, le mot "sécuritaire" signifie
"l'absence relative de danger matériel pour un usager". Le
législateur ne veut sûrement pas parler d'un cachet qui ne
présente pas de danger pour le scrutateur. Il veut plutôt
parler d'un "cachet de sûreté" qui devrait être l'expression
utilisée.
Et, à la page suivante, on retrouve de nouveau à l'article
104, l'expression "à l'emploi de".
Aux articles 156 et 159 - ce sont peut-être des détails, me
direz-vous - mais quand on dit: "sont considérés comme les lieux
d'un bureau de vote l'édifice où il se trouve". Le mot
"édifice" en français est un terme amélioratif qui veut
dire "beau", qui désigne un bâtiment qui est important ou beau.
Alors les bureaux de vote, même s'ils sont souvent dans les
écoles, ne le sont pas toujours et parfois il serait peut-être
mieux de dire qu'ils sont dans des "bâtiments" qui est un terme neutre et
qui ne qualifie pas l'édifice, comme tel.
À la page 23 - et je vais terminer dans quelques secondes - on
parle de "l'inobservance de la loi". "L'inobservance" relève du
vocabulaire non blasphématoire de la religion. Il s'agit plutôt de
('"inobservation" de la loi. (11 h 45)
À l'article 179, on écrit que "la décision de la
Cour supérieure est finale". Le mot anglais "final" veut dire, en fait,
"sans appel". Souvent, c'est une traduction littérale, et si on veut
dire qu'il dispose du fond, on devrait plutôt parler d'un jugement
définitif. Si on veut dire qu'il n'y a pas d'appel, on utilise
l'expression "sans appel", qui est utilisée dans plusieurs lois, qui a
été introduite dans le Code du travail, par exemple. Tout le
monde se comprend bien.
À l'article 209, "breuvage". Évidemment, quand on
était jeune, on nous disait de ne pas dire l'abreuvoir, des breuvages.
On nous disait: Vous n'êtes pas des boeufs. Un de nos professeurs nous
disait cela. Dans un texte de loi, c'est une expression qui nous paraît
inappropriée. Dans un texte on devrait plutôt parler de boissons
alcooliques.
Évidemment, encore l'observation concernant la "juridiction" des
commissaires. J'ai peut-être passé un peu vite. Je vous remercie
de votre bonne attention.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): M.
Auclair, je vous remercie de votre présentation.
Je cède maintenant la parole au ministre de
l'Éducation.
M. Ryan: M. Auclair, messieurs les membres du groupe qui
représente l'Association des usagers de la langue française, il
m'est agréable de vous saluer ce matin à la suite de ces notes
que vous nous avez soumises concernant la qualité linguistique des
projets de loi 106 et 107.
Vous avez rappelé, dans la première partie de vos notes,
l'évolution qui s'est produite dans l'emploi d'un bon nombre
d'expressions fréquemment utilisées dans nos textes
législatifs. Vous avez donné l'exemple des Statuts refondus
du
Québec qui sont devenus les Lois du Québec, le Service
civil qui est devenu la Fonction publique, la Sûreté du
Québec qui a remplacé l'ancienne - comment l'appelait-on
autrefois? Nous autres, on l'appelait la PP - la ville de Montréal qui a
remplacé l'ancienne expression "la cité" de Montréal. Je
pense que ce sont tous des exemples qui sont très intéressants et
très pertinents. Je pense bien que ce processus doit se poursuivre
continuellement. C'est plus facile de le réaliser dans certains cas que
dans d'autres.
Je prends deux exemples de changements que vous proposez. Le titre
même de la loi. Nous l'appelons Loi sur l'enseignement primaire et
secondaire, et vous demandez s'il ne serait pas préférable de
l'appeler tout simplement Loi sur l'éducation. Inutile de vous dire que
nous en avons longuement disserté. Nous avons pesé le pour et le
contre et, finalement, l'expression "loi sur l'enseignement primaire et
secondaire" nous est apparue beaucoup plus précise, beaucoup plus apte
à définir exactement ce dont il est question dans le texte.
L'expression "Loi sur l'enseignement primaire et secondaire" qui était
employée dans la loi 3 nous apparaissait plus exacte que "loi sur
l'éducation". Après coup, nous ne voulions pas limiter le concept
à celui d'enseignement non plus.
C'est là qu'après avoir fait le tour du jardin, nous en
sommes revenus à l'expression de base "Loi sur l'instruction publique"
qui a un contenu historique très fort, qui est facilement identifiable
par tout le monde et à laquelle personnellement je ne vois pas de motifs
impérieux de substituer une autre expression. C'est cependant une
question qui est ouverte. Évidemment, pour les fins de concordance
législative, le statu quo en ces choses est toujours un peu plus facile
que le changement radical. Le changement aurait très bien pu
s'envisager. Nous allons regarder la question encore.
Vous avez fait des observations pertinentes ce matin. Nous allons les
examiner sous tous leurs aspects, dans toutes leurs implications. La porte
n'est pas fermée à une modification, j'allais dire à un
"amendement", mais j'en reparlerai tantôt.
M. Auclair: Un amendement au projet, cela va.
M. Ryan: L'expression "commission scolaire". Savez-vous, j'ai
fait une expérience récemment. J'ai eu l'honneur de
présider au lancement d'un nouveau dictionnaire québécois
que vous connaissez, qui s'appelle le Dictionnaire du français plus.
Une des premières choses que j'ai faites a été de
regarder ce qu'on écrirait sous le thème "commission", parce que
je pensais à notre projet de loi et je me disais: Ils vont
peut-être rejeter l'expression "commission scolaire" et cela m'aurait
peut-être fourni un argument. Je suis
bien intéressé par l'expression "conseil scolaire"; je la
trouve franchement plus belle. À mon grand étonnement, j'ai
trouvé là-dedans une confirmation de cette expression
plutôt qu'une remise en question. Je pense que vous avez peut-être
déjà feuilleté ce dictionnaire qui a été
fait par des experts de l'Université Laval; ces gens ont fait un travail
considérable de compilation et d'étude de nos habitudes
linguistiques et des éléments qui constituent notre trésor
linguistique. Que faire devant une chose comme celle-là? Est-ce qu'il
faut être plus catholiques que le pape? C'est une expression
utilisée depuis très longtemps. Est-ce qu'il faut opter
plutôt pour un élargissement du contenu du mot "commission" qu'on
prête au mot "commission", ajouter un huitièmement dans le
dictionnaire Le Petit Robert? Il y en avait sept et on en met un
huitième? Là-dessus, je suis plutôt de tendance
libérale, comme en d'autres choses, d'ailleurs.
J'ai beaucoup de respect pour les choses qu'on me soumet, mais j'exige
qu'on me fasse une preuve assez forte. Dans ce cas-ci, la preuve est
impressionnante, je vous le dis franchement. C'est un point que nous allons
examiner de nouveau. Vous regarderez ce qui est dit dans Le Dictionnaire du
français plus; je vais le relire. Je vais parler avec les auteurs du
dictionnaire. En causant avec eux, j'ai appris une chose. On a parlé
à un moment donné de l'Office de la langue française.
Savez-vous ce qu'ils m'ont dit? Ils ont dit: II y a plusieurs expressions qui
ont été mises en circulation par l'Office de la langue
française et que nous n'avons point retenues dans le dictionnaire, parce
qu'ils trouvaient que, tout en étant très pures, ces expressions
n'avaient aucune espèce de chance d'être utilisées
pratiquement. On peut discuter à l'infini, mais la langue est faite pour
parler, pour échanger, pour communiquer; elle n'est pas faite pour
satisfaire à des besoins purement puristes non plus. Cela m'a
impressionné, et cela fait partie de ma réflexion qui continue
là-dessus et qui ne sera jamais terminée, je l'espère
bien.
Je pense qu'un bon nombre des remarques que vous faites dans votre
mémoire pourront être retenues dans la version définitive
du projet de loi et je l'apprécie hautement. Il y en a d'autres. Prenez
le mot "affidavit"; je n'ai aucune espèce d'objection à ce qu'il
entre le plus tôt possible dans le dictionnaire français. Je ne
vois pas pourquoi; c'est un mot latin, au bout de la ligne. Je remarque une
chose: la langue anglaise assimile chaque année des milliers de mots
nouveaux. La langue française est extrêmement plus retenue et plus
puriste. Laquelle fait de l'expansion? Laquelle connaît de l'expansion et
laquelle se répand plus vite? Il me semble que celle qui manifeste un
pouvoir assimilateur plus grand a beaucoup plus de chances. Nous devons
être prudents chez nous à cause du contexte particulier dans
lequel nous évoluons, je le reconnais volontiers. Mais j'ai toujours
toujours été partisan du développement d'un plus grand
pouvoir assimilateur de la langue française, et il ne faut pas que cela
devienne un saint office linguistique, les préoccupations qu'on a de ce
côté-là. Il faut qu'on soit le plus libéral
possible, pourvu que ce soit en conformité avec des normes fondamentales
dont vous rappelez plusieurs exemples dans votre mémoire, pour notre
plus grand profit.
Le mot "final". On en a discuté depuis des
générations. Je le prends dans son sens obvie et cela ne me fait
pas peur que le jugement soit final, sans rémission, définitif ou
sans appel. Je vais vous dire franchement que ce n'est pas cet exemple qui
m'empêcherait de fonctionner. Mais je dis tout ceci avec crainte et
tremblement parce qu'après avoir corrigé des copies qu'on me
soumet souvent avec une exigence très grande, parfois je retourne dans
mon bureau et je commence à vérifier mes propres copies et je me
dis que je ne suis peut-être pas tellement meilleur que ceux que j'ai
corrigés tantôt. Je pense que le contexte dans lequel nous vivons
exerce une influence extrêmement forte sur nos habitudes. C'est pour
ça que la vigilance est de mise. J'apprécie
énormément la contribution qu'un organisme comme le vôtre
peut fournir à nos débats et recherches en ces matières.
La présentation que vous avez faite ce matin est extrêmement
pertinente et je l'apprécie vivement. Je veux vous donner l'assurance
que nous allons examiner chacune de vos suggestions avec toute l'attention
souhaitable. Je vous en remercie cordialement. Nous avons un autre rendez-vous
avec vous.
Vous m'avez saisi à plusieurs reprises depuis deux ans de la
pauvre qualité linguistique des textes de nos conventions collectives.
Je vous ai répondu à plusieurs reprises là-dessus, vous
disant que je faisais part de l'inquiétude que je partage avec vous
à ceux qui sont les auteurs de ces textes, c'est-à-dire les
avocats des syndicats et les avocats de la partie patronale. Il me fait plaisir
de vous dire qu'en préparation de la prochaine ronde de
négociations, nous tiendrons des rencontres avec la partie syndicale
où sera présente la partie patronale également. Nous
aurons l'occasion de vous rencontrer pour en parler. Si nous pouvons faire un
travail de déblaiement en préparation de la négociation
proprement dite, nous allons le faire avec grand plaisir. Je ne pense pas que
nous pourrons tout régler d'un coup, mais les ouvertures que vous avez
faites de ce côté ont été soigneusement
notées, les représentations que vous avez soumises étaient
très bien documentées. Je suis content de vous dire ce matin
qu'elles ne seront pas sans résultat. Merci.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien, M.
le ministre. Est-ce que vous voulez réagir là-dessus, M. le
président?
M. Auclair: Si vous me le permettez. Je vous dis merci, c'est une
bonne nouvelle que
vous m'apprenez en ce qui concerne les conventions collectives. Cela va
réjouir tous les membres de l'association.
Je reviens à "commission scolaire", si vous me le permettez. Je
me suis dépêché d'acheter le Dictionnaire du
français plus et je suis allé voir au mot "commission". Je
peux vous dire qu'évidemment je ne suis pas juge de ce dictionnaire.
Dans ce dictionnaire, je suis allé voir un autre mot également et
j'ai vu "déclaration d'impôt". Je me suis dit... En 1965,
j'étais intervenu auprès de M. Gérald Harvey qui
était ministre du Revenu à l'époque et, depuis 20 ou 22
ans, au Québec, on a les mots "déclaration de revenus" sur tous
les formulaires. J'ai relevé mon formulaire hier et, depuis 1966, c'est
"déclaration de revenus". Malgré cela, les mots
"déclaration de revenus" n'apparaissent pas au Dictionnaire du
français plus. Par ailleurs, vu qu'il est utilisé au
fédéral, on reconnaît "déclaration d'impôt".
Comme je le dis dans mon mémoire, l'ASULF est intervenue l'an
passé et nous avons eu la confirmation officielle à deux reprises
qu'à partir de 1988, au fédéral, ce sera
"déclaration de revenu". Alors, je me dis que le Dictionnaire du
français plus va être en retard parce qu'il n'aura pas
consigné les mots "déclaration de revenu" et qu'il aura retenu
"déclaration d'impôt" qui sera un terme du passé et qui va
s'en aller lentement. Alors, c'est peut-être la même chose pour les
mots "commission scolaire". Peut-être qu'en voyant le législateur
prendre une heureuse initiative, dans la prochaine édition - parce
qu'ils ont des projets - ils vont dire "conseil scolaire". Dans ce dictionnaire
que je ne déprécie pas, j'ai découvert également
les mots "liqueur douce" et "marshmallow". Dans mon enfance, assez jeune, on
m'a dit que c'était un anglicisme. Alors "liqueur douce" et
"marshmallow" cela m'a fait grincher des dents un peu, et il y en a
peut-être d'autres du genre.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): M. le
président, est-ce que cela va?
Je vais maintenant reconnaître la porte-parole officielle de
l'Opposition, Mme la députée de Chicoutimi.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. M. Auclair, je
voudrais également saluer toutes les personnes qui vous accompagnent.
J'ai lu avec beaucoup de plaisir, je dirais, votre mémoire. Je ne sais
pas si c'est une première, mais pour moi, c'est la première fois
que j'ai l'occasion de voir une critique d'un projet de loi faite sous cet
angle. J'y ai vraiment pris beaucoup de plaisir. Je dirais qu'en plus du
plaisir que j'ai eu à le lire, je pense que vos remarques sont
extrêmement pertinentes. Aujourd'hui, il y a tout un débat sur la
qualité de la langue parlée et écrite et sur la
qualité de l'enseignement du français, en particulier dans nos
écoles. Il me semble qu'on ne peut pas demeurer insensible, d'ailleurs;
je pense que le ministre est également sensible à des
recommandations et suggestions en vue d'amélio- rer la loi qui va
régir précisément nos écoles publiques sur le plan
du français. Je suis particulièrement heureuse de voir à
la fois la qualité de votre réflexion et la qualité de
votre présentation également.
En ce qui concerne le titre du projet de loi, vos remarques sont
pertinentes. Je vous dirais que, comme j'entends mener une bataille sur
plusieurs autres modifications pour ne pas dire amendements, je ne sais pas si
je me battrai jusqu'à la limite pour faire changer le titre, mais je
trouve que vos remarques sont pertinentes. (12 heures)
Cependant, en ce qui concerne le mot "commission", à voir le
projet de loi 107, je finis par penser que le mot "commission" est plus
conforme à la réalité parce qu'on a, pour ainsi dire,
vidé les commissions scolaires de leurs pouvoirs. Elles se retrouvent
plus dans une situation de commissions - quoiqu'une commission, je connais la
définition mais quand même - ce ne seront plus vraiment des
conseils scolaires au sens où on l'entend, où ils ont des
pouvoirs réels. Elles en auront de moins en moins. Dans les autres
provinces canadiennes, les commissions scolaires sont investies de pouvoirs un
peu plus grands que ne le sont nos commissions scolaires ici ou les conseils
scolaires des autres provinces. Je le dis en boutade, mi-sérieux
mi-badin, mais je prétends que si le ministre ne modifie pas
profondément son projet de loi, cela va plus ressembler à des
commissions qu'à des conseils.
Sur les autres points, j'imagine que, comme législateurs, les
conseillers qui seront appelés à travailler sur ce projet de loi
vont être sensibles aux différentes remarques que vous avez
faites. Effectivement, on finit par être influencés, c'est normal.
Ce n'est pas seulement le Québec. Ce sont tous les pays. Les pays
francophones, comme les autres, sont influencés beaucoup par l'anglais,
ce qui fait qu'on retrouve des anglicismes non seulement dans les mots - on va
dire un "parking" ou des choses comme cela - mais aussi dans les structures de
phrases. On n'est pas toujours vigilants là-dessus. Quand on commence
à porter un peu plus d'attention, on réalise que c'est facile
à corriger et on prend l'habitude de le faire assez rapidement. Vous
avez raison de dire que généralement, les Québécois
se sont bien adaptés et ont bien adopté la plupart des
modifications et des termes qui leur ont été
suggérés pour appeler différentes choses. Il y en a
quelques-uns qui n'ont pas passé la rampe. Je pense à
"hambourgeois". À mon avis, je ne me battrais pas dans la rue pour faire
appeler un "hamburger" un "hambourgeois". Je trouve qu'il y a quelque chose
là-dedans qui ne sonne pas bien. Par ailleurs, on a réussi
à imposer plusieurs termes nouveaux dans la langue française
internationale. C'est intéressant. Je ne voudrais pas en dire plus.
C'est une contribution précieuse, et je dirais unique, dans les
débats de la commission parlementaire que nous connais-
sons. En ce qui me concerne, je voudrais vous assurer que je vais porter
une attention particulière au moment où nous allons examiner le
projet de loi article par article. Je vous remercie.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski):
Excusez, Mme la présidente. Mme la députée de
Chicoutimi.
Mme Blackburn: C'est terminé, M. le Président.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Est-ce que vous
voulez réagir, M. le président, s'il vous plaît?
M. Auclair: Nous vous remercions de l'attention et du temps que
vous nous avez accordés. Nous allons espérer. Au revoir!
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): M. le
président, MM. les représentants, nous vous remercions de vous
être présentés devant cette commission. Nous allons
suspendre temporairement la commission.
M. Auclair: Votre requérant ne cessera de prier.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski):
Immédiatement après, nous allons entendre le Ralliement
provincial des parents du Québec.
(Suspension de la séance à 12 h 4) (Reprise à 12 h
5)
Ralliement provincial des parents du
Québec
Le Président (M. Tremblay, Rimouski):
J'inviterais les représentants du Ralliement provincial des
parents du Québec à prendre place, s'il vous plaît.
Nous allons continuer nos mémoires. Je demanderais au Ralliement
provincial des parents du Québec de bien vouloir présenter leur
mémoire. Je souhaite la bienvenue à M. Roméo Pa-quette,
à M. le chanoine Achille Larouche, au docteur Gaston Deslippe et au
révérend Edmond Robillard. Messieurs, bienvenue. Je demanderais
maintenant à votre représentant, M. Paquette de bien vouloir nous
livrer son mémoire dans un premier temps.
M. Paquette (Roméo): Je pense que c'est plutôt le
chanoine qui va débuter.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski):
Chanoine Larouche.
M. Larouche (Achille): Très bien. M. le ministre,
mesdames, messieurs. Je voudrais vous parler quelque peu du principe de
subsidiarité en éducation et des relations connexes et
également des objections qu'on fait à la
confes-sionnalité, particulièrement aux commissions scolaires
catholiques, objections que j'ai entendues tout à l'heure avec
l'Association des usagers de la langue française.
Le bien commun requiert que les individus et les familles se
développent librement, d'une manière autonome selon le droit
naturel et leur propre culture. L'État doit reconnaître le
principe de subsidiarité en laissant s'exercer le pouvoir à
l'échelon le plus proche possible de ceux qui sont concernés. La
systématisation des droits naturels, juridiques et constitutionnels
reconnus aux familles en éducation repose assurément sur ce
principe. On devrait le considérer comme le plus démocratique qui
soit en politique. Mais resitué dans son contexte en matière
d'éducation, il y loin de la théorie à la pratique. Trente
années de lutte scolaire le démontrent. On est encore bien loin
de la rigueur, de la garantie, de la spécificité de
l'école catholique bien que M. le ministre de l'Éducation tente
présentement un retournement en ce sens, et nous l'en félicitons
bien qu'il ait érigé quatre écoles privées dans la
province de Québec, dont l'une en Estrie.
Que l'on ne se surprenne pas trop si la présence aujourd'hui du
Ralliement provincial des parents du Québec prend un peu figure de
mini-états généraux. Pendant que notre peuple sommeille
avec du pain et des jeux, que notre élite souffre d'aveuglement, notre
volonté est de modifier les enjeux actuels, il semble bien que notre
peuple a brisé son vase de Soissons. Nous voulons affirmer en principe
qu'entre l'État et l'éducation catholique au Québec, il
doit y avoir identité de vues et nul conflit de position. L'État
doit être le moyen, l'instrumentation de la promotion culturelle de notre
peuple dans la fidélité à son éducation catholique,
à ses institutions, à sa langue française, à sa
culture propre de même qu'à sa foi chrétienne.
C'est un trompe-l'oeil effarant de croire que le Québec serait
différent uniquement par sa langue française. Ce serait
opérer la fracture entre le corps et l'âme de notre peuple. Notre
langue française, si belle qu'elle soit, ne se substitue pas à
l'âme chrétienne de notre peuple dont elle reste encore la
gardienne. Nous demandons à nos politiciens de regarder et de respecter
l'idiosyncrasie de notre peuple, non pas de le diriger uniquement du dehors
mais aussi de l'intérieur. Et alors nous affirmons que, face à
l'agression du pluralisme corrosif, du pouvoir médiatique de gauche,
notre évolution positive doit néanmoins se continuer dans le
libre exercice et l'expansion de nos valeurs, du progrès de nos
institutions et de notre idéal historique.
Il convient de distinguer les objets nécessaires et essentiels
à notre bien-être culturel. L'État est le protecteur de la
paix et du progrès social. Il doit être aussi le promoteur du
bien
humain intégral par une sorte de primauté de la nature. Un
régime politique qui sacrifierait nos valeurs essentielles de
l'école catholique, des commissions scolaires catholiques, est du
même ordre qu'un pouvoir qui "ostracise" un groupe ethnique au profit
d'un autre, ce qui constitue, selon saint Thomas d'Aquin, un état
d'injustice et de violence. En plus de l'évolution économique, il
y a donc une évolution culturelle et spirituelle à
harmoniser.
Si révolution de notre peuple nous place dans une situation de
changement tragique qui pourrait amener sa ruine comme il arrive souvent dans
l'histoire des nations, l'ordre politique, les valeurs de justice sociale, de
patriotisme doivent intervenir pour que l'on scrute l'écho de notre
existence et de notre conservation comme éléments de solution et
d'orientation. Se référer aux causes secondes,
réalité, principe et facteur qui ont fait ce que nous sommes
aujourd'hui.
L'origine de notre peuple repose sur des données
métaphysiques de l'homme, matière et esprit, corps et âme,
sur l'option de l'idéal moral à atteindre prenant plus
d'importance que la matière à organiser. Ce n'est pas la
première fois que notre agir humain historique fait face à des
contingences, à des phénomènes de mutabilité. Mais
entre l'instinctif, le cahotique, entre la logique et la cohérence, nous
avons opté pour une conception séculaire aboutissant au choix de
l'univers moral et culturel dont les manifestations qui ont fait notre force et
notre puissance ont pris caractère de type national
spécifique.
Notre identité évolue consécutivement à la
qualité de nos vertus morales et à la finesse de notre culture
française. Mais si nous avons reflété dans le passé
le syndrome d'un type de nationalité supérieure, ce serait une
grossière erreur de prétendre que notre groupe ethnique pourrait
continuer à subsister sous le choc pervers et autodestructeur de
l'antinomie des contre-valeurs. Que notre peuple puisse se perpétuer
sans les valeurs morales et spirituelles d'où il a tiré sa
sève et toute sa vitalité. Tel est le constat à faire
présentement au Québec.
L'allure de fraude dégradante anéantissant nos valeurs
humaines et spirituelles constitue l'inversion tragique d'un ordre historique
objectif de grandeur. Faute aujourd'hui de ne pouvoir identifier les ressources
qualitatives de notre éducation culturelle chrétienne
conditionnant l'épanouissement intégral de la personne humaine,
l'État politique se retrouve devant l'effet désastreux de ne plus
pouvoir compter sur les forces natives de notre peuple pour assurer même
son développement démographique en l'obligeant à se
rabattre sur la fausse solution de l'immigration.
Comment l'immersion en cette panoplie de cultures disparates pourrait
réussir a conserver les trésors de notre humanisme culturel
chrétien? Le dualisme du national et du religieux, dont on a fait d'une
façon si bénéfique la preuve dans le passé, s'est
transformé en une dualité d'une contre-offensive antinationale et
antichétienne.
Ce qui avait servi à croître en profondeur, en
intensité, en force d'élans promoteurs a été
sacrifié aux dépens des fonctions régulatrices
illuminatrices de la suprématie de l'intelligence et de la foi.
L'âme de notre peuple n'étant plus en conjonction de ces
deux entités, alors elle s'étiole. Elle a été
subvertie. Elle est toute prête à destiner aux
générations futures son poison mortel. Jamais notre peuple n'a
paru si bas, si désespéré, si enclin au suicide, comme
s'il trouvait dans son effondrement une apaisante jouissance. Au lieu de
restauration et de progrès, on nous sert les élucubrations du
scepticisme, du freudisme, du socialisme, du marxisme-léninisme.
Pensez-vous que notre civilisation technique puisse se satisfaire d'une culture
animiste à la façon des Zoulous? Pensez-vous que le
développement moderne condamne irrémédiablement notre
société québécoise à l'athéisme? Il
faut élucider cette question aujourd'hui une fois pour toutes.
C'est vrai qu'une culture techniquement très
développée d'inspiration athée menace notre catholicisme,
mais qui répondra demain à l'homme sur le sens de son existence
et de sa finalité? Qui rappellera les méfaits de la civilisation
technique, les normes de la justice sociale et de la charité? Qui
empêchera cette société de sombrer sans les valeurs morales
et spirituelles, sans la valeur transcendante de la rencontre de l'homme avec
Dieu, sans la causalité dispositive de nos institutions catholiques?
Même espérer que notre catholicisme transcendant puisse
transformer les différences culturelles qui nous environnent. (12 h
15)
Oui, nous sommes un peuple supérieur. Il faut le dire et en
être conscients, par notre culture française et chrétienne.
Nous voudrions faire aujourd'hui une race de pygmées, alors qu'on
devrait s'ouvrir aux audaces des perspectives de l'universel et de l'infini
pour survivre. Notre mentalité de vaincus en notre ghetto
québécois s'inverse contre nous-mêmes en une sorte de
masochisme global favorisé par l'inculture contre nos acquis
historiques. Mais confiance en nous-mêmes et grâce à la
toute puissance de Dieu, n'avons-nous pas emprunté à la France
catholique notre meilleur système d'éducation? Ce fut la
multiplication de nos collèges classiques, l'entrée des ordres
monastiques, des congrégations enseignantes issues des
révolutionnaires de 1789. Qui pourra jamais évaluer ce que nous
devons de progrès intellectuel et spirituel à ces envahissements
en masse du catholicisme français, s'écriait un jour le
révérend père Louis Lachance, dominicain, notre plus grand
philosophe québécois?
En tirant de l'homme de chez nous le meilleur de lui-même, notre
catholicisme n'a pas seulement servi à organiser sa
société en une sorte de sommet, mais à aménager son
milieu humain et culturel d'une façon supérieure. C'est
que les ressources de notre catholicisme sont transcendantes. Le message
culturel chrétien pourrait faire acquérir à notre peuple
un niveau supérieur de civilisation, au lieu de déchoir dans la
politique du pire en éducation. Mais nous n'avons peut-être pas
les chefs politiques et religieux qui s'imposent. L'idolâtrie du moi
collectif québécois et l'idolâtrie de la langue
française ne suffisent pas à nous servir de rempart au milieu de
300 000 000 d'anglophones. Il faut à notre peuple, pour l'animer de
courage et de fidélité, le rempart de sa foi catholique; telle
est l'intuition fondamentale que devrait avoir aujourd'hui notre politique
québécoise. Survivre ou disparaître, tels sont les deux
enjeux dans ce grand tout américain.
Mais nous avons tout à notre disposition pour survivre. Nous
constituons la plus vieille famille spirituelle du continent. Nous sommes les
seuls à avoir conservé les traits d'une incomparable civilisation
gréco-latine. Nous avons porté au-delà des mers la culture
française et chrétienne pour la transmettre à toute
l'Amérique. Mais nos gourous d'aujourd'hui n'en parlent plus. Ils
préfèrent l'effondrement de notre peuple en lui apprenant
à douter de lui-même. Pour réaliser notre survivance et
même notre mission, j'ose dire, nous avons encore besoin d'un
degré supérieur de culture française et chrétienne,
réalimenter nos esprits intellectuellement, fortifier notre armature
morale et spirituelle selon notre génie propre, notre génie
français profondément assimilateur, autre qualité. Mais ce
n'est pas en détruisant nos écoles catholiques, nos commissions
scolaires catholiques que nous permettrons, par l'assassinat moral et
spirituel, à notre génie propre d'exercer ses virtualités.
Notre éducation catholique a besoin de la tranquillité et de
l'ordre pour progresser, comme le réclame si bien saint Augustin. Notre
peuple est à rebâtir en ses éléments
matériels et formels, dans le courage et l'idéal d'être et
de vaincre, objectifs que doivent servir la piété filiale du
patriotisme, la justice sociale et l'ordre politique. Mais, hélas,
depuis 30 ans, notre politique provinciale anarchique s'est plu à
multiplier ces antinomies, à rendre impossibles nos finalités
culturelles et spirituelles malgré les progrès matériels,
à se laisser envahir par les infiltrations du paganisme nordique de la
social-démocratie et du matérialisme américain. Au
pluralisme des options et des déviations que l'on voudrait confiner,
notre peuple, d'une façon suicidaire, qui se dit catholique encore
à raison de 92 %, il faut le répéter, notre nation
française et chrétienne doit répondre au pluralisme
ambiant par une politique unifiée, parler d'ordre, d'excellence et de
finalité de façon à recréer et à recomposer
la totalité de nos valeurs propres par la coordination des efforts
individuels et collectifs pour assurer le grand sursaut national. De sorte que
les carences des uns, compensées par les qualités des autres,
permettent ainsi à notre collectivité l'ascension vers le bien
humain complet et intégral. À l'heure de la perestroïka,
rejetant les crimes révoltants du stanilisme, nous pensons que notre
politique québécoise scolaire doit aussi faire son bilan de ses
agressions et de ses matraquages. Trève à la
désintégration, place à l'intégration des valeurs
morales et chrétiennes, place à la culture chrétienne,
à la famille, à la natalité, place également au
sursaut national, place à l'école catholique, à nos
commissions scolaires catholiques. Fin à l'anarchie, à la
conspiration gauchiste et maçonnique au Québec en
éducation. Place à l'immense tâche de la
régénération de notre peuple canadien-français,
à l'heure où l'on signale déjà son agonie, par
l'école catholique et par nos commissions scolaires catholiques.
Merci.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): M. le chanoine
Larouche, je vous remercie de votre présentation. Je vais maintenant
reconnaître M. Roméo Paquette.
M. Paquette: Alors, simplement une question ou deux parce que je
reconnais que le chanoine a dit à peu près tout sur le plan
philosophique. La question que je poserais, c'est que j'ai vécu
plusieurs années à l'extérieur du Québec et je me
suis rendu compte, dans les luttes que nous avons menées, que
l'école confessionnelle et tes commissaires et les commissions qui
doivent les représenter, en somme, font énormément de
progrès depuis plusieurs années. On se dirige vers une
reconnaissance de plus en plus officielle de l'école confessionnelle
à cause des carences d'une école publique qui n'a pas
d'identification particulière, ni aucune valeur. Ici au Québec,
on essaie de réinventer la roue, c'est une impression que j'ai, en
créant une formule scolaire qui s'éloignerait de la
confessionnalité. L'école confessionnelle est quand même
l'école de la majorité au Québec et je ne comprends pas
pourquoi... À peu près dans tous les pays du monde, on
prétend toujours que c'est la majorité qui a raison dans une
démocratie et, chez nous, pour être accueillants, on voudrait
tellement s'ouvrir au reste du monde que toutes les minorités marginales
ont plus raison que la majorité traditionnelle. Une nation qui a 300 ans
d'existence, qui est en danger, on fait 2 % de la population
nord-américaine anglophone, et nous rejetterions des valeurs qui ont a
peu près 6000 ou 7000 ans de recul pour adopter des valeurs qui sont
empruntées strictement à des expériences
passagères.
Personnellement, j'appuie le mouvement du chanoine Larouche et le
mouvement des parents en ce sens que, en tant qu'individu ayant 70 ans
maintenant, je trouve que les patriarches doivent commencer à
s'exprimer. J'ai l'impression qu'une certaine génération a
oublié les racines, a oublié notre passé et que nous nous
dirigeons vers des expériences suicidaires.
La question que je pose, c'est pourquoi renverser la vapeur alors que
nos lois nous
permettent, notre tradition nous permet de créer, par la
dissidence, d'offrir à ceux qui ne partagent pas nos vues, qui ne
partagent pas nos convictions, de pouvoir obtenir justice scolaire en ayant
leurs propres écoles? On respecte ces parents qui ne veulent pas
d'enseignement religieux en donnant à leurs enfants le privilège
- c'est un privilège - de ne pas recevoir d'enseignement religieux ou
moral. Je n'ai pas l'impression que l'enseignement religieux catholique soit
une contradiction avec l'enseignement moral naturel.
C'est tout en ce qui me concerne parce que j'aimerais bien donner la
chance aux deux autres intervenants.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): M.
Paquette, je vous remercie. Est-ce que les autres intervenants veulent
donner leurs impressions? Oui? Est-ce que vous pourriez vous identifier, s'il
vous plaît?
M. Robillard (Edmond): Edmond Robillard, dominicain.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien, M.
Robillard.
M. Robillard: Je crois qu'au point zéro où nous en
sommes de notre expansion démographique, il y a lieu de nous demander si
nous procédons actuellement à l'autopsie du Québec, ou si
nous nous consultons sérieusement sur les moyens à prendre pour
lui redonner quelque santé. Le Québec optimiste des années
cinquante-cinq a réussi cet exploit prodigieux de réaliser seul,
sans aide, comme les grands "scoreurs" de hockey, en 30 ans, son propre
anéantissement ethnique. Cette fois, ce ne sont pas les Anglais, ni les
protestants, ni les francs-maçons. Ce sont les Québécois
eux-mêmes qui ont réalisé ce remarquable suicide religieux
et culturel. Peuple de vieillards que nous sommes devenus, rendons-nous compte
que nous ferons dans l'histoire un bien petit cadavre et seulement
peut-être attardons-nous à des choses que des historiens, qui
auront toute liberté de penser, pourront dire en se demandant comment ce
peuple est-il disparu.
Parlant au nom du Ralliement des parents catholiques, je laisse tomber
beaucoup de questions. Ces parents catholiques s'inspirent de Vatican II, des
recommandations de Jean-Paul II en particulier, de la lettre qu'il vient
d'écrire à l'épiscopat catholique. Je suppose que vous
connaissez tous ces textes et je ne m'y attarde pas. Seulement, comme
théologien, il y a un point que je voudrais rappeler parce qu'on ne le
rappelle pas souvent. Le Jésus de l'Évangile n'est pas en sucre
mou, comme on nous le présente assez souvent depuis 1960. Il y a deux
endroits dans l'Évangile où on nous dit que Jésus a
été furieux, c'est le mot employé. Tout d'abord, quand il
a chassé les vendeurs du temple et deuxièmement, quand les
disciples ont voulu empêcher les enfants de venir à lui. Il
s'indigna et dit avec force: Laissez venir à moi les petits enfants. Ne
les empêchez pas. Ce texte justifie depuis les origines de
l'Église, le baptême des petits enfants qui a souvent
été discuté, même que des dissidents protestants ne
l'acceptent pas, et l'instruction chrétienne des enfants. Nos
ancêtres gaulois n'avaient peur de rien sauf de ceci: que le ciel leur
tombe sur la tête. Nous, Québécois, n'avons même plus
peur de cela. Depuis 20 ans, un énorme effort est déployé,
je dirais autant par l'Église que par l'État, pour contrer nos
écoles confessionnelles et leur substituer des écoles neutres.
C'est une attitude pour le moins audacieuse car Jésus n'est pas un mort
comme Aristote ou Platon. Il n'est pas un mort dont on peut se moquer
impunément. Il est un vivant et un juge qui rendra à chacun de
nous selon ses oeuvres.
Maintenant, je pose trois questions au ministère de l'Education.
Tout d'abord, je commence par une question qu'on se pose dans la province. Je
suis du côté des profanes, étant en dehors de
l'école bien qu'à l'université, j'ai recueilli les fruits
de l'enseignement qui se donne ou qui s'est donné entre 1950 et 1985. Je
pose la question suivante, qui est sérieuse: Est-ce que notre
ministère de l'Éducation est en otage? Est-ce que nous vivons
sous la menace de terroristes? Est-ce qu'il y a des soldats Lortie qui se
promènent dans les corridors, prêts à abattre nos
politiciens, leurs femmes ou leurs enfants s'ils n'abolissent pas dans les plus
brefs délais possible la confessionnalité de nos
écoles?
Le Québec de 1981, encore d'après les statistiques
officielles... Aujourd'hui, on ne peut même plus savoir. C'est une autre
façon de mentir que de ne pas dire la vérité. On a
réussi à obtenir que ces statistiques ne soient plus
données. Mais ce Québec de 1981, ce n'est pas le déluge ou
1760, comptait 6 000 000 de catholiques, 637 000 protestants et seulement 132
100 sans religion. Or depuis 1964, on l'a répété dans bien
des endroits, le ministère de l'Éducation fait une guerre
évidente et incontestable aux écoles confessionnelles.
Peut-être moins marquée actuellement, mais enfin.
M. Lesage nous avait annoncé à trois reprises qu'il n'y
aurait pas de ministère de l'Éducation. M. Johnson a repris
exactement la même idée. Sous son régime, M. Cardinal a
plutôt accéléré le processus même de la
déconfession-nalisation. Ensuite, M. Lesage a été battu
sur cette question. Le Parti québécois, lui aussi, a
été battu sur cette question. Mais rien n'y change. Et c'est
là que mes yeux se sont ouverts. Quelqu'un que je connaissais bien et
qui était député du Parti québécois m'a dit:
Nous allons être battus sur la question scolaire, mais peu importe, le
gouvernement va poursuivre sa politique. En somme, à travers son
gouvernement, la majorité de la province est bafouée et prend
chaque jour la mesure d'un système scolaire qui ajoute à
la menace de mort qui pèse sur notre nation; une nation qui bat les
records du monde en fait de suicides chez les jeunes en même temps qu'il
y a le progrès rapide de l'alcoolisme, de la drogue, de
l'homosexualité et de la prostitution, toujours chez les jeunes.
Ensuite, nos jeunes, quand ils se marient, sont souvent impropres à
fonder des foyers sains et féconds. Tout cela a un commencement quelque
part. (12 h 30)
Nous nous demandons ce qui paralyse l'action de gens qui voudraient bien
exaucer les voeux de la majorité, mais qui semblent en être
incapables. Nos partis politiques acceptent d'être battus sur cette
question et, même, ils sont très sages. Il y a comme une entente
entre les partis. On aurait pu s'attendre qu'un parti profite de la commission
scolaire pour prendre le pouvoir. Non, on se tait sur la question.
C'est donc qu'il y a une puissance occulte au dessus des partis et que
nos partis sont téléguidés ou
télécommandés. Qui est-ce qui les
télécommande? Ce n'est pas à moi de le dire, mais chose
certaine, la politique du gouvernement est très étrange. Je sais
bien que dans les démocraties, on veut exaucer le voeu des
minorités. C'est un droit et c'est même très
chrétien. En l'Allemagne de Hitler et dans la Russie de Staline, on
n'écoutait pas beaucoup les voeux des minorités. On savait les
envoyer dans les camps de concentration.
Maintenant, on veut tellement exaucer les voeux des minorités
qu'on méprise ceux des majorités. Les Romains disaient:
L'extrême du droit, c'est l'extrême injustice. Nous, nous devons
dire: L'extrême de la liberté finit par l'extrême de la
tyrannie. Laissez un seul bébé pleurer à tue-tête
dans l'église et c'est toute la paroisse qui perdra le sermon et cela
n'avancera rien ni personne.
La deuxième question que je veux poser au gouvernement est
celle-ci. Elle concerne les écoles du Québec en dehors de
Montréal et de la ville de Québec. Premièrement, depuis
vingt ans, on interprète l'article 93 d'une manière fallacieuse,
on pousse dans une direction et toujours en vue de porter préjudice aux
écoles confessionnelles. On essaie de nous faire croire que ces
écoles peuvent être neutres, alors que les préoccupations
du législateur en l'article 93, et au moment où sa loi a
été votée, n'occupaient aucunement la tendance dont je
viens de parler, soit d'établir des écoles neutres.
Deuxièmement, jamais l'article 93 n'a été
interprété dans ce sens jusqu'au début de 1960 où
on a commencé à essayer de le sortir de la poussière.
Troisièmement, alors que la volonté obvie du législateur
était seulement à ce moment de ne pas contraindre des petites
villes, des petites municipalités où il n'y avait que des
protestants ou des catholiques, on ne voulait pas leur imposer l'obligation
d'avoir des écoles confessionnelles, le double système. Donc,
c'est simplement ce qu'on a voulu faire en faisant la distinction de ces places
avec Montréal et Québec où la population, notamment, se
prêtait au double système.
Mais alors, qu'est-ce que c'est que cette tendance? Remarquez que c'est
parce qu'en fait, c'est bien ce qui se fait. On interprète comme si ces
écoles-là étaient en réalité des
écoles neutres et on les pousse dans cette direction le plus possible.
Enfin, j'ajouterai que si les "neutres" dont on ne cesse de servir les
intérêts depuis 1964 sont si nombreux et si redoutables, pourquoi
ne pas leur donner des écoles neutres et pourquoi
préfère-t-on pour le bénéfice de 132 000 personnes
sans religion brimer les droits de 6 000 000 de catholiques baptisés
comme vous, confirmés comme vous et communiants comme vous.
Personne ne vous empêche de donner à ces gens-là des
écoles neutres là où le nombre des enfants le justifie
s'ils n'acceptent pas le cours de morale, s'ils trouvent que ce cours de morale
donné dans les écoles est injuste. Parce que, tout de même,
ce n'est pas facile d'avoir dans chaque école un cours de religion qu'on
fusionne à un cours qui autorise le meurtre, à un cours qui
autorise le vol ou qui autorise l'adultère pour faire plaisir à
tout le monde. Comment voulez-vous qu'on puisse satisfaire à tout
cela?
Enfin, quand ils ont le nombre, et on ne demande même pas qu'ils
aient un nombre infini, un nombre suffisant, s'ils veulent des écoles
neutres qu'on leur en donne. Ce qui est vraiment curieux, c'est qu'il y a des
mouvements qui s'agitent uniquement pour enlever les droits des catholiques.
Ils ne s'occupent pas de leurs enfants à eux. Ils ne disent pas: Nous
avons des enfants neutres et nous voulons qu'ils aient des écoles
neutres. Ils veulent tout simplement que les catholiques, la majorité
des 6 000 000 n'aient pas leurs écoles. Est-ce que c'est cela, la
justice? Est-ce que c'est cela parler au nom de la liberté?
Qu'est-ce qu'on veut dans nos écoles? Voir sortir de nos
écoles une nation de jeunes fauves pour qui le sexe, l'argent et le
pouvoir seront tout? Laisser fabriquer dans nos maisons d'enseignement de
glorieux petits marxistes qui se feront une gloire de dénoncer leurs
propres parents aux partis qui réclameront qu'on construise dans
l'Ungava des camps de travail pour les chrétiens encore
résistants et même pour leurs parents encore résistants et
nous verrons dans quelle mesure en suivant cette ligne nous aurons servi la
liberté.
Enfin une dernière question. Il n'était pas tellement
difficile de donner au Québec depuis 1964 un système
confessionnel. Nous l'avions déjà. Seulement il fallait
perfectionner ce système qui en avait grandement besoin.
Là-dessus, je suis parfaitement d'accord. L'État s'était
toujours montré particulièrement pingre en matière
d'éducation, laissant des religieux, des frères enseignants, des
frères fondateurs fonder
des institutions et vivre de petits salaires, de salaires de famine sans
verser un dollar par année pour les prêtres séculiers qui
m'ont enseigné au cours classique. Il a laissé vivre ces
gens-là dans le plus grand dénuement. Quand j'étais
collégien, ils ont demandé au gouvernement des laboratoires et
des bibliothèques, mais l'État n'avait jamais de fonds pour cela.
Subitement donc, l'État a enfin accepté d'assumer son rôle,
de le prendre au sérieux et de surveiller les programmes. L'État
n'a pas plein pouvoir dans les écoles confessionnelles. Il a des
pouvoirs et l'Église a les siens. Mais l'État a même le
droit et l'avantage, dans un sens, de prier l'Église à l'occasion
et de la forcer d'être à la hauteur de sa tâche. Personne
cependant ne vous demandait de prendre dans nos écoles confessionnelles
uniquement des catholiques pratiquants pour enseigner des sciences profanes. On
demande seulement des gens qui sont respectueux de la croyance catholique. On
n'a pas demandé non plus à ce moment-là de mettre au
rancart des hommes et des femmes entièrement voués à leur
tâche. Ils n'avaient peut-être pas eu les moyens, parce qu'ils
étaient trop voués à leur tâche, de se procurer des
diplômes universitaires pour justifier leur salaire, mais ils avaient ce
qui vaut mieux que tous les diplômes, soit un long passé et une
longue expérience dans l'enseignement. Mais tout cela, c'est le
passé, laissons tomber. Cela m'amène au point où je veux
en venir.
Notre système confessionnel repose à la base sur la
famille qu'il veut aider, promouvoir, préparer et éduquer en
même temps qu'il éduque ses enfants. Pourquoi repousser toujours
les parents au lieu de les initier à leur tâche qui est conjointe
à celle de l'éducateur? Remarquez que c'est ce que nous craignons
dans l'instauration d'un système linguistique parce que
déjà, on parle de créer des conseils d'orientation qui se
substitueraient aux comités de parents. Oui, mais il faut se dire que
cela ne réussit pas du coup. Des comités de parents, c'est long
à préparer. Ne nous disons pas que parce qu'en dix ans, on n'a
pas réussi un sommet... D'ailleurs, il faut même préparer
déjà ces enfants à l'école, à devenir plus
tard, quand ils seront parents, des membres du comité de parents qui
pourront s'associer à l'oeuvre d'éducation. Mais un
système scolaire doit voir à éduquer toute la province. On
veut des cours d'éducation des adultes, mais cela en est
déjà un, d'initier des parents à voir ce qu'est le
système scolaire, à s'y initier et à y participer. Je
comprends que des professeurs détestent voir des parents venir dans les
classes, ils détestent que les parents s'occupent de l'éducation
qu'ils donnent, mais en fin de compte, ils ont bien tort de voir dans les
parents des ennemis. D'abord, eux-mêmes devraient avoir des enfants et
comprendre qu'eux aussi voudraient bien avoir, à l'occasion, leur mot
à dire dans l'école.
Enfin, mon dernier point est ceci. Quand on parle d'écoles,
qu'est-ce qu'on sait de ce qui se passe dans les écoles? Il n'y a
même pas d'inspecteurs d'écoles. Même les directeurs
d'école, j'en ai appelé six et ils m'ont tous dit: Je ne sais
absolument pas ce qui se passe dans mon école, je ne sais même pas
ce que les professeurs enseignent. Même si on faisait des manuels
extraordinaires et qu'on les multipliait, si on ne sait même pas quel
usage en est fait... Un inspecteur d'école, c'est quelqu'un qui rend
service aux professeurs, ce n'est pas un ennemi des professeurs. Je donne un
cours à l'université, par exemple, et je m'aperçois que
les étudiants ne savent même pas le "b-a ba" du catéchisme.
On leur a donné des cours de sexe au lieu des cours de
catéchisme. Comment voulez-vous bâtir un savoir là-dessus,
s'ils ne savent ni additionner ni soustraire et si personne n'a
vérifié? On ne sait pas ce qu'un professeur enseigne, si celui de
1re année a donné une base sur laquelle celui de 2e année
va ajouter quelque chose. Le savoir est une pyramide, cela se construit. Mais
comment savoir? Il n'y a pas d'autres moyens que celui-là. Même du
côté catholique, remarquez que l'Église a ses torts autant
que l'État là-dessus. Pensez-vous qu'on sait ce qui s'enseigne
sur le plan religieux? Chaque professeur ferme sa porte à double tour et
personne n'a le droit d'aller voir. Comment voulez-vous qu'il y ait un
progrès réel? C'est une aide aux professeurs de dire:
Écoutez, vous perdez votre temps, vous expliquez ce que l'autre avant
vous a expliqué, alors, ajoutez, vous avez de l'espace. Si vous ne
donnez pas ce que vous avez, celui qui vous suit ne peut pas continuer. Alors,
comme chrétien, me faisant l'écho de ce que les parents
chrétiens nous disent, c'est ce que je tenais à dire. Cela n'est
pas aussi technique que ce qui a précédé, mais je crois
que c'est plus fondamental et plus important. Merci beaucoup.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien, M.
Robillard, je vous remercie de votre présentation. M. Deslippe,
voulez-vous ajouter quelque chose? Très bien, on va vous entendre. Je
vais vous dire que votre temps s'écoule rapidement. Très
bien.
M. Deslippe (Gaston): Je serai très bref. Je suis Dr
Gaston Deslippe de La Prairie. Je suis médecin depuis 52 ans et vis
à côté d'une polyvalente, dans une population tout
près de Montréal. Étant âgé de 74 ans, j'ai
vu les premières conceptions du rapport Parent. Je l'ai regardé,
je l'ai vu naître, je suis médecin, je regarde cela, les
naissances, par déformation professionnelle. Aujourd'hui, nous
fêtons les noces d'argent du rapport Parent. Au lieu de faire une belle
fête et de donner à la population les objectifs qu'on
s'était fixés à ce moment, qu'on nous avait fixés,
Mgr Parent était absent, il n'était pas mort. Je l'ai connu
à l'Université Laval, vous savez, j'ai fait mon cours là.
Puis, on est en train de détruire le système qui
prévalait à l'Université Laval.
Je vais vous conter ma vie personnelle, mais je ne serai pas long.
J'étais un fils d'une famille de onze enfants pauvres. Je suis
allé à l'université. J'ai été reçu
par le procureur Doyon du Séminaire de Québec. Je lui ai
expliqué que mon père avait de la misère à payer
mes cours. Mais la charité prévalait dans l'éducation dans
ce temps-là. Aujourd'hui, je vous laisse en juger. L'abbé Doyon
m'a dit ceci: Vous savez, il faut payer vos cours. Ce que je peux faire: Vous
allez travailler aux cuisines, laver la vaisselle, servir et cela vous donnera
la permission de manger. Puis, si vous pensez que je rêve, je suis vieux,
j'ai 74 ans. J'ai lavé la vaisselle avec un homme que vous connaissez
bien qui était dans les mêmes conditions et qui s'appelle le
Père Gé-déon. Vous vous informerez. Alors, après 25
ans d'école, n'est-ce pas d'ailleurs, M. le ministre nous a dit ce
printemps à une conférence de presse à la
télévision qu'il voulait revenir aux dictées? J'aimerais
bien qu'il précise cela un de ces jours et j'aimerais qu'il m'invite. On
ferait un bel auditoire tous les deux, en passant. Sélection du Reader's
Digest, août 1988: Qu'est-ce qu'on apprend à l'école? Ce
n'est pas un curé qui parle, ce n'est pas Robillard. Pas grand-chose si
on en croit les résultats de ce test donné par un professeur
à ses étudiants. Quand j'ai commencé, dit-il, à
enseigner la littérature, je tenais pour acquis que les étudiants
possédaient une culture générale suffisante pour
comprendre au moins les notions de base auxquelles je faisais allusion dans mes
cours. Je me suis vite rendu compte de mon erreur. Pour en avoir le coeur net,
je les ai soumis à ce petit test. Les résultats sont
consternants. À moins que les programmes scolaires ne viennent
remédier à ce manque de culture générale, les
professeurs de l'enseignement supérieur continueront à perdre
leur temps, à combler d'invraisemblables lacunes.
Vous savez, je suis un médecin et tous les problèmes
sociaux qui nous entourent se résument tous à des
problèmes éducationnels. J'ai dit aux gens: La première
journée où j'ai mis le pied dans une école j'ai
commencé à devenir médecin. Qu'est-ce qu'on enseigne dans
nos écoles? Voici, Sélection du Reader's Digest, juillet 1988:
Épidémie de maladies vénériennes au Québec.
Geneviève, une petite fille de treize ans. Cela me trouble
profondément qu'une petite fille de treize ans, dans mon Québec,
attrape une maladie vénérienne, mais cela me trouble encore bien
plus qu'elle la porte pendant treize ans alors qu'on fait des transplantations
cardiaques, des transplantations pulmonaires, etc. Cette petite fille l'a
portée pendant treize ans jusqu'à 26 ans. C'est un
problème et ce n'est pas médical. Ce problème est
éducationnel tout autant que l'est une liste d'attente de 3000 personnes
pour se faire opérer. Il est aussi éducationnel que le
problème des 75 malades qui ont tous rendez-vous à 9 heures du
matin. Il est aussi éducationnel que le problème de ce que l'on
met dans les hôpitaux. Regardez cela! La CUM de Montréal nous dit:
Vous êtes dans la jungle. S'il y a des choses précieuses que vous
voulez conserver, cachez-les! C'est un problème social. Hier, les
sinistrés de Saint-Bruno ont demandé l'armée parce qu'il y
a trop de voleurs au Québec. C'est un problème social. Il y a
plus de policiers au Québec que n'importe où ailleurs. C'est un
problème social. On a volé les questions dans les écoles
ce printemps. Je vais vous dire deux mots et j'arrête. D'abord, la
population en veut des écoles catholiques. Elle a donné 1 000 000
$ au cardinal Paul Grégoire l'année passée et elle se
propose de lui donner un autre million. Et le sénateur Paul David
était l'un de ces hommes. Il n'y a pas seulement des curés dans
cela. Deuxièmement, qu'est-ce que cela nous a donné dans 25 ans?
Bien, j'aimerais bien avoir un compte-rendu de cela. J'y ai droit il me semble.
Comme Québécois, je suis le citoyen le plus endetté et le
plus taxé de toute l'Amérique du nord. C'est un problème
éducationnel. Les joueurs de hockey qui jouent à Halifax, dans la
riche province de Nouvelle-Écosse, ne veulent pas venir jouer au
Québec parce qu'ils sont trop taxés. (12 h 45)
Si vous arrivez avec des notions linguistiques là-dessus, je vais
vous parler en médecin, c'est comme si vous appliquiez un cataplasme sur
une jambe de bois. Cela ne réglera pas le problème; le
problème qui nous achemine vers une extinction. C'était dans
La Presse du 30 juin 1987, Marcel Adam.
Un autre problème m'a bouleversé. J'ai vu à la
télévision une petite fille, une adolescente de douze ans qui est
venue exhiber un condom et qui a dit: Moi, mon amour, je le protège.
Écoutez, j'ai été renversé que nos adolescentes...
Quand elles vont être grand-mères, cela va être beau ceux
qui vont voir son portrait. Ils vont dire: Maman, as-tu une cassette de cela?
Ce qui me renverse encore plus, c'est qu'on fait de la publicité
là-dessus un peu partout. J'ai lu dans l'histoire de France que Mme de
Maintenon disait: C'est un bouclier contre la jouissance et une toile
d'araignée contre le danger. C'est vrai qu'elle n'était pas
curé celle-là, comme de raison.
Cette année, Statistique Canada nous a dit que nous avions 29 000
chômeurs au Québec en juillet. L'Ontario en a 14 000 avec le
double de population. Les statistiques nous ont dit que cette année, au
mois d'avril, dans la francophonie, le Québec occupait le dernier rang
au point de vue éducationnel. Je vous ai gardé assez longtemps.
Soignez-les, il y a un mal là-dedans et c'est à
l'éducation et ce n'est pas par la langue que vous allez guérir
cela. Bonjour.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien, Dr
Deslippe, je vous remercie.
Une voix:...
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Un moment, s'il vous
plaît. Si vous voulez céder la place, M. Robillard a une autre
intervention. Je dois vous dire que votre temps est pratiquement
écoulé et que nous devons avoir la réplique du ministre et
du porte-parole officiel de l'Opposition. Si vous voulez prendre encore deux ou
trois minutes, celui qui voudra parler à votre... Non? Cela va. Je
demanderais maintenant la réaction du ministre, s'il vous
plaît.
M. Ryan: M. Larouche, père Robillard, M. Paquette et M.
Deslippe. D'abord, je vous remercie d'être venus nous présenter
votre point de vue en commission parlementaire. L'Assemblée nationale
est la tribune où se rencontrent tous les courants de pensée au
Québec. Je pense qu'elle exerce cette fonction de manière
magnifique. Parfois c'est très douleureux pour les parlementaires de se
soumettre à ces interventions innombrables qu'on leur présente.
Mais l'esprit de l'institution veut qu'elle soit ouverte à tous les
points de vue et non seulement qu'elle y soit ouverte, mais qu'elle les draine
et les attire pour essayer de les incorporer dans ce que j'appellerais le
courant principal de la réflexion collective.
Une Assemblée nationale qui cesserait d'exercer cette fonction
serait infidèle à sa vocation. La contrepartie de cette vocation
que doit assumer l'Assemblée nationale, c'est évidemment la
nécessité d'entendre des points de vue souvent les plus
contradictoires. Ce matin, nous avons entendu juste avant vous la Coalition
pour l'égalité des droits en éducation.
Cette coalition affirme représenter une vingtaine d'organismes
très importants au point de vue numérique, comme les grandes
centrales syndicales, la Centrale de l'enseignement du Québec et de
nombreux autres organismes. Vous nous présentez un point de vue qui est
complètement à l'antipode de celui que nous a soumis cette
coalition. Je pense que vous nous donnerez le témoignage que nous
entendons ces points de vue avec respect, avec la courtoisie qui doit
être accordée à chaque citoyen qui se donne la peine de se
déplacer pour faire entendre son point de vue.
Il y a longtemps que je prends connaissance des points de vue de M.
Larouche par la voie des journaux. Il m'a écrit à maintes
reprises également au nom du ralliement. Je connais le père
Robillard depuis très longtemps aussi. J'aurais souhaité que nous
eussions un peu plus de temps pour dialoguer, mais la grosse partie du temps a
été absorbée par les interventions que vous vouliez faire.
C'était votre droit d'ailleurs.
Je voudrais réagir très brièvement à
l'essentiel de votre position de la manière suivante. Si nous discutions
de doctrine pure, je pense qu'il y a bien des choses dans la
présentation que vous avez faite qui entraîneraient mon
adhésion sans difficulté. Mais nous sommes sur le terrain
pratique de l'action politique. Je vais vous énoncer ma position
très rapidement. Tout d'abord, que le gouvernement est le gouvernement
de tous les citoyens, les bons et les mauvais, les catholiques, les protestants
et les autres, les francophones, les anglophones, ceux d'autres origines
également et qu'il a des obligations de service et de justice envers
tous ses citoyens. Comme on nous l'a rappelé tantôt, il doit les
considérer comme des êtres égaux en droits et en
responsabilités. Deuxièmement, l'actuel gouvernement est
respectueux des valeurs religieuses et morales. Il l'a témoigné
à maintes reprises et j'en parlerai tantôt à propos de ce
projet de loi. Le gouvernement favorise non seulement la reconnaissance passive
des droits des familles religieuses, cela est facile, mais il favorise la
reconnaissance explicite dans beaucoup de domaines. On pourrait donner des
exemples à l'infini. Je prends seulement celui des hôpitaux. Par
exemple, le gouvernement assure, par les budgets attribués aux
hôpitaux, l'existence de services pastoraux ou religieux auprès
des patients. Cela fait partie d'une tradition solidement ancrée, et
nous l'avons. Dans beaucoup d'autres domaines, on pourrait donner des exemples
semblables, mais je pense pouvoir dire en toute sincérité et en
toute vérité que le gouvernement favorise la reconnaissance non
seulement passive, mais active, des droits des citoyens en matière
religieuse.
Le gouvernement, quand il agit, ne peut pas obéir seulement
à une doctrine pure. Cela est de sagesse élémentaire.
Aucune affirmation ne viendra modifier cela. Il doit tenir compte
également de la réalité humaine à laquelle il
s'adresse. C'est pour cela qu'autrefois, le père Robillard s'en
souviendra comme moi, quand les grands théologiens présentaient
la thèse de l'union de l'Église et de l'État, ils
présentaient toujours en contrepartie l'hypothèse du contexte
concret dans lequel cette thèse serait appelée à
s'appliquer. Plus on a avancé dans l'époque moderne, plus ils se
sont aperçus que l'hypothèse prenait de la place à cause
d'une réalité humaine sur laquelle personne n'avait de
contrôle absolu.
C'est un point je vous le soumets bien modestement, je pense que si le
gouvernement agissait contrairement à cela, il manquerait à sa
vocation. Au Québec, nous le savons tous, la réalité
humaine à laquelle nous faisons face a énormément
changé. On peut dire que c'est sous l'influence de mauvaises
décisions qui ont été prises. Je dis que c'est
plutôt sous l'influence de courants universels. Ce n'est pas seulement le
Québec qui a changé, ce sont toutes les sociétés.
Celles qui ont retardé encore un peu vont évoluer vite dès
qu'elles seront atteintes par le courant d'air. Cela n'est pas nouveau. Le
cardinal Newman, que le père Robillard connaît bien, le constatait
dans son temps: chaque fois qu'arrive une période de grande
prospérité matérielle et intellectuelle dans la vie d'un
peuple, il se produit des changements profonds en ce qui touche ses attitudes
morales et religieuses. Cela
ne veut pas dire qu'il faut cesser toutes choses, mais ce sont des faits
auxquels nous devons faire face.
Une autre chose, c'est que les services publics que le gouvernement
offre à la population ne peuvent pas être multipliés
à l'infini. Il faut des structures relativement simples, il faut que ces
structures soient adaptées à la réalité.
Nous avons conclu, vous le dites dans votre mémoire, que les
structures linguistiques pour les commissions scolaires répondraient
mieux à la réalité humaine du Québec d'aujourd'hui
que la structure confessionnelle. Je vais vous dire une chose, père
Robillard, ce n'est pas imposé à l'actuel ministre par quelque
monstre secret qui se cacherait dans les antichambres du ministère de
l'Éducation. Vous connaissez assez le ministre de l'Éducation, je
pense, pour savoir qu'il n'a pas coutume d'obéir à des influences
comme celles-là. C'est venu d'un examen de la réalité et,
en ce qui me touche, il y a déjà une quinzaine d'années
que j'avais tiré cette conclusion concernant les commissions scolaires,
bien avant d'être dans mes fonctions actuelles. Non pas que je fusse
indifférent aux valeurs religieuses, mais parce que je pensais qu'il y
avait peut-être de meilleures manières de les servir aujourd'hui
que celles qui avaient pu être excellentes dans leur temps.
Je tiens à vous signaler qu'il y a deux points principaux que
comporte le projet de loi. Il y a d'un côté les commissions
scolaires linguistiques et, de l'autre, de multiples dispositions visant le
respect des droits religieux et même confessionnels qui ont
été précédées par l'adoption d'un nouveau
règlement du comité catholique, l'an dernier - il est
entré en vigueur cet été - qui renforce la protection de
ces droits qui apparaît essentielle au gouvernement. Ceci est tellement
vrai que, au cours des auditions de la commission parlementaire, nous avons
entendu d'autres témoignages.
Je vais en citer un en particulier. Nous avons eu l'Association des
directeurs diocésains de l'éducation. On peut bien juger et
excommunier tout le monde, c'est facile; mais il faut quand même tenir
compte de la réalité. Voici des personnes qui font office de
personnes spécialement mandatées par l'autorité religieuse
compétente pour veiller au bien de l'éducation morale et
religieuse dans leur diocèse respectif. Ces gens sont venus nous dire
ici, avec une force qui m'a étonné, qu'ils étaient
éminemment satisfaits des dispositions du projet de loi en
matières religieuse et confessionnelle. Ceci, non pas parce que je veux
tirer la couverture de mon côté, peut-être que ce point de
vue n'est pas bon, peut-être celui du gouvernement est-il erroné,
mais pour vous dire qu'en ces matières, à cette époque de
grande interrogation à laquelle personne ne peut se soustraire, il faut
considérer qu'on est en face de réponses qui varient beaucoup
d'une personne à l'autre, d'une source à l'autre. Cela ne donne
rien d'invoquer directe- ment les textes des grandes encycliques.
Je vous ferai une confidence, j'ai lu à plusieurs reprises, au
cours des dernières années, le texte de Vatican II sur
l'éducation. Si vous lisez ce texte attentivement, vous allez voir que
le document conciliaire ne réclame pas que les écoles publiques
soient confessionnelles. Il réclame que les pouvoirs publics respectent
les écoles confessionnelles et les écoles que veulent se donner
les catholiques. Mais je n'ai jamais trouvé dans ce document
l'affirmation explicite que les écoles publiques doivent être
catholiques. Nous avons cela dans le Québec par une tradition historique
très particulière dont nous sommes fiers que nous voulons
conserver. Mais nous voulons la conserver en tenant compte des adaptations qui
sont nécessaires dans le contexte d'aujourd'hui. C'est cela que nous
cherchons.
Je voudrais que vous sachiez, quand vous plaidez contre
l'indifférence, que vous n'êtes pas tout seuls. Nous sommes aussi
préoccupés que vous autres par les valeurs religieuses et morales
dans l'éducation. Nous voyons comme vous la situation dans laquelle nous
sommes placés. Pour ma part, je ne cesse d'affirmer combien est centrale
la dimension morale, et aussi l'influence religieuse, dans l'oeuvre de
l'éducation. Sur des modalités, nous avons des manières
différentes de chercher. Cela ne nous empêche pas d'écouter
les opinions comme les vôtres qui nous ont été
communiquées ce matin et de continuer à chercher, sans être
jamais assurés d'avoir atteint une certitude complète et
même satisfaisante en ces choses.
Il y a une autre obligation des gouvernements, celle de décider.
Il faut qu'ils prennent des décisions, des responsabilités, il
faut qu'ils courent le risque d'errer. Mais je pense que nous avons fait toutes
les consultations voulues. Au terme de cette série d'auditions de la
commission parlementaire, on aura entendu tous les points de vue qui circulent
actuellement dans le Québec, là-dessus. Je pense que pour le
reste, notre jugement, notre sens pratique, notre dévouement à la
chose publique et, surtout, le mandat que nous tenons de nos concitoyens nous
habilitent peut-être mieux que personne à prendre des
décisions qui devront être prises. Je vous remercie
infiniment.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien, M.
le ministre. Maintenant je vais reconnaître le porte-parole officiel de
l'Opposition, le député de Shefford.
M. Paré: Merci, M. le Président.
Très rapidement, je veux tout d'abord vous remercier de la
présentation que vous nous avez faite. C'est important qu'on entende
effectivement tous les points de vue avant d'étudier le projet de loi
article par article. Vous en avez émis un qu'on va considérer,
sauf que je vais vous parier très ouvertement et rapidement en tant que
Québécois, législateur et catholique
aussi. Je dois vous dire que je suis un peu peiné de la
présentation que vous nous faites dans le sens du peu d'espoir que vous
avez dans l'avenir alors que moi, je vois la religion d'une tout autre
façon. De la façon dont vous présentez la
société québécoise qui est en train de
disparaître, et la religion qui va disparaître avec... Je dois vous
dire que la religion, c'est au-delà des peuples et des nations,
premièrement, c'est international. Oui, on vit des problèmes. La
preuve qu'on vit des problèmes, c'est qu'on est obligés
d'apporter des changements. La société québécoise
vit des problèmes graves, la religion vit une période - ou a
vécu plus, cela semble se replacer - internationale assez difficile
à cause de changements de toutes sortes. Ce qu'on vit au Québec,
cela se vit ailleurs dans le monde en même temps. Si c'était
uniquement ici en ce qui concerne l'Église catholique, on aurait de
grosses questions à se poser, mais ce n'est pas juste cela. (13
heures)
Je peux vous dire qu'on vous a écoutés pour avoir votre
point de vue. Mais, effectivement on ne se sent pas obligés de quelque
façon que ce soit dans les choix qu'on va faire, on le fait librement et
c'est pour cela qu'on écoute tout le monde. Sauf que les changements de
la société québécoise nous sont souvent
imposés, il ne faut pas l'oublier. L'immigration qui rentre c'est un
phénomène avec lequel il faut absolument vivre maintenant. Le
libre-échange... On ne peut pas renfermer le Québec, on ne peut
pas l'étouffer comme société. Vous avez utilisé le
mot - je ne me souviens pas lequel d'entre vous tantôt, mais j'ai
écouté attentivement les quatre représentants... On a
parlé de ghetto. Il n'y a personne autour de la table qui veut que la
société québécoise soit dans un ghetto. Vous avez
aussi utilisé un terme sur lequel je ne suis pas d'accord: vous avez dit
dans votre mémoire, je pense que c'est la première
représentation, qu'on a le choix entre survivre ou disparaître.
Moi, je dois vous dire que je ne travaille pas pour cela du tout, ni pour
survivre, ni pour disparaître, mais plutôt pour croître et me
développer comme société. Ce n'est pas du tout pareil. Je
ne veux pas qu'on ne fasse que survivre ou qu'on disparaisse. Je vais me battre
pour qu'on ne disparaisse pas. Je ne veux surtout pas qu'on ne fasse que
survivre parce que, comme société, on va s'en aller vraiment vers
le négativisme et le pessimisme tout le temps si on pense qu'on va juste
survivre. Il faut faire plus que cela, il faut se développer comme
société.
C'est ce qu'on essaie de trouver nous autres ici. On se dit: Le
problème de l'éducation est grave, la preuve c'est qu'on est
obligés de le changer. Depuis des années qu'on en parle, on n'a
pas encore trouvé la solution idéale. Mais il faut modifier notre
système parce que, oui, vous avez raison, au moment où on se
parle, il joue contre nous comme société. À mon avis, le
problème au Québec ce n'est pas un problème de religion,
c'est un problème linguistique. Si on ne règle pas nos structures
scolaires avant bien longtemps, oui, on risque de disparaître comme
société francophone et, à ce moment-là comme les
francophones sont, entre autres, dans les écoles catholiques, en
étouffant l'une des facettes de la société
québécoise qui est francophone on va aussi tuer l'autre qui est
catholique. Moi, je me dis qu'il faut être ouverts. Je vais conclure sur
cela en vous disant: Oui, l'école doit être absolument cet
instrument, cette structure, cette institution qui doit instruire les gens,
mais, plus que cela, qui doit aussi éduquer les jeunes et amener des
valeurs dans la société. Parmi les valeurs de la
société, au Québec, parce qu'on est au-dessus de 80 % de
francophones et catholiques, ce sont ces valeurs-là qu'il faut continuer
à véhiculer, non pas juste à faire survivre, mais à
développer. Le ministre a nommé des articles dans cela qui
donnent ce pouvoir, mais il faut aussi être ouverts, sinon on va
disparaître. On a vu dans d'autres mémoires qui ont
été présentés que, maintenant, même des
francophones s'en vont sous la tutelle - des francophones qui se disent
non-catholiques ou qui sont catholiques -pour avoir une autre éducation,
des commissions scolaires protestantes. Donc, non seulement le ghetto, on ne
pourra plus le garder, mais cela se ratatine et cela se rapetisse parce que
cela s'en va sous d'autres commissions scolaires. Même les catholiques
anglophones s'en vont sous la tutelle des commissions scolaires anglophones,
protestantes. Donc, on est en train de gruger la majorité qu'on est. On
ne peut pas accepter cela plus longtemps.
Je vais conclure en disant que dans l'esprit de l'oecuménisme qui
est là depuis non seulement le pape qu'on connaît à l'heure
actuelle, mais depuis le Conseil oecuménique, moi j'ai vu la religion
catholique comme une religion ouverte, accueillante, dynamique. Ce devrait
être cela. Je veux bien croire que ce n'est pas facile, mais c'est cela
en fait. Il faut la rendre dynamique, accueillante et ouverte. L'une des
façons de l'ouvrir c'est au moins d'être accueillants chez nous
dans nos écoles. Je vais seulement vous rappeler que nos meilleurs et
nos premiers ambassadeurs au Québec furent nos missionnaires. Ils sont
allés dans toutes sortes de communautés de toutes les cultures et
de toutes les langues à travers le monde. On était ouverts dans
le sens qu'on y est allés, mais il faut aussi être ouverts dans le
sens qu'il faut accueillir ces gens. Moi, je fais confiance, je conclus avec
cela, aux Québécois catholiques. Ce ne sont pas les structures
qui vont garder la foi catholique au Québec, ce sont les gens qui le
veulent bien et les communautés locales. Moi, je peux vous assurer
déjà que, connaissant mon monde chez nous - je serais bien
surpris si c'était le contraire, dans mon comté - les gens vont
exiger et vont avoir des écoles qui vont être catholiques,
même s'il y a une structure de commission
scolaire qui est linguistique et non pas confessionnelle. C'est sur le
terrain que cela devrait se faire. Je me dis que si on a la foi et si on y
croit, il faut faire confiance aux autres qui, comme nous, ont une foi ou une
religion. Et dans ce cas-ci, c'est la religion catholique. Donc, comme je l'ai
dit au début, je suis un peu peiné de voir que la religion est
sur la défensive, je suis d'accord qu'il vous faille défendre le
point de vue qui vous tient à coeur, mais de là à penser
que tout sera fini avec cela, moi, je fais bien plus confiance aux gens sur le
terrain, dans ma communauté comme dans les autres où c'est
majoritairement francophone et catholique, donc partout sur le territoire, sauf
dans les grandes régions métropolitaines, cela ne virera pas le
monde à l'envers. Par contre, là où le problème se
vit - et la disparition des Québécois se ferait par là,
quand vous avez parlé d'un peuple qui s'éteint et qu'on en serait
coupables - si on ne fait rien, oui, dans la grande région
métropolitaine, qui représente 40 % de la population du
Québec, si on laisse disparaître cela, là on sera
coupables, mais on ne peut pas le laisser disparaître dans le
système actuel. Et ce n'est pas seulement sur l'île de
Montréal. On a découvert hier que, par la structure actuelle, on
est en train de gruger dans la majorité francophone et catholique par la
commission scolaire qui est, elle, protestante. Elle n'est pas protestante, on
nous l'a dit ici, l'autre commission scolaire est neutre, elle est tout ce qui
n'est pas catholique et francophone. Donc, elle vient gruger sur notre
majorité et elle nous fait disparaître comme peuple et elle nous
fera disparaître comme peuple catholique aussi. Je dois vous dire qu'on a
un devoir de réagir et c'est dans ce sens-là que nous essayons de
trouver une solution et, dans la solution, on va tenir compte de tous les
mémoires qui ont été présentés, y compris le
vôtre. Alors, au nom de l'Opposition, je vous remercie. On vous a
écoutés attentivement. J'ai pris beaucoup de notes. Je dois vous
dire qu'on a aussi la crainte de la disparition, mais je suis plus optimiste
pour l'avenir, autant comme francophone que comme catholique, que vous ne
semblez l'être. Je dois vous dire qu'on est préoccupés par
cela, c'est pour cela qu'on vous a écoutés et on va tenir compte
de la présentation de vos mémoires. Là-dessus, je vous
remercie.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien, M.
le député de Shefford. Je remercie maintenant les
représentants du Ralliement provincial des parents du Québec pour
la présentation de leur mémoire. Nous allons suspendre la
commission pour quelques minutes.
J'aurais besoin du consensus pour entendre la South Shore University,
ici présente, qui ne peut pas revenir cet après-midi. Il faudrait
prendre peut-être quinze minutes durant. la commission. Y a-t-il
consensus à la commission? Pour quinze minutes, êtes-vous
prêts, les représentants de la South Shore University? Sont-ils
ici? Très bien. Alors, si vous voulez prendre place s'il vous
plaît, on va vous entendre immédiatement.
Mesdames, êtes-vous prêtes à présenter votre
rapport?
South Shore University Women's Club
Mme Gillbert (Catherine): Est-il possible de le présenter
en anglais parce que, pour nous, c'est plus...
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): On n'a pas
d'objection, madame, à vous entendre en anglais.
Mme Gillbert: Merci.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien.
Alors, vous êtes madame?
Mme Gillbert: Mme Gillbert.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Mme
Gillbert.
Mme Gillbert: You received our brief and we will not keep you for
more than five minutes. We would just like to accentuate some of the things we
said. First, several of our members are very concerned about the quality of
French being taught in francophone schools as well as our members who are
worried about the quality of English in the anglophone schools in
Québec. We hope that where the project to the law suggest that all the
teachers will be required to look for language improvement in their students,
we hope that is followed-up upon.
In our area, we have had some problems where single parents who do not
have the resources to attend school committee meetings and the school committee
is not founded for baby-sitters and transportation. We hope that when you put
the orientation committee into place that funding will be provided for single
parents, particularly single parents mothers who do not have the resources to
attend meetings after work hours. So, perhaps you could think about that.
Our last, and perhaps our most important point, is point 8. We are very
concerned about students who come from either jurisdictions, particularly
Britain, the United States and Hong Kong, where the students have already
attended some schooling in English and when they arrive in Quebec, because of
the provisions of Bill 101, it is no longer possible for them to continue their
schooling in English.
We wondered if, at the same time, as the Education Act was changed it
would be possible to extend the provisions of Bill 101 to cover students coming
from jurisdictions where the language of instruction was in English. We
feel
that the teaching of French now in English schools - we assume - will be
excellent once the change-over to linguistic boards occur.
We are both unilingual anglophones, but our children have been
well-taught in French and my daughter is now working in French. So, we are not
at all worried about the quality of French being taught in English schools and
we feel that the children of immigrants from these countries will benefit from
being in English schools where the quality of English education is suited to
them better, because that would be their first language and they have already
received instruction in that language so we know that they will receive
adequate English instruction at the moment the quality of English being taught
in French schools is not at all suitable for students who have already received
some instruction in English and, yet, at the same time, we feel that they will
receive good instruction in French and we are sure that all anglophone schools
in the future in Quebec will turn out bilingual students. Thank you very
much.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski):
Thank you, madam. Je vais maintenant reconnaître la
représentante officielle de la partie ministérielle, Mme la
députée de Jacques-Cartier.
Mme Dougherty: Thank you. Hello, it is a pleasure for me to
welcome you, Mrs Gillbert and Mrs Fallon. First of all, the minister
unfortunately has had to go because he is going to attend Jean Marchand's
funeral and I am very sorry that you have been put on. We are running overtime
and we do not want to short-change you, but we are very pleased that you have
been able to stay until a later time than the original appointment.
I would first like to say that the University Women's Club of the South
Shore... I would like to thank you for your interest that you have always shown
in educational matters. I had the pleasure of participating in a very lively
debate on the South Shore which you sponsored, believe. I think it was at the
time of Bill 40. always remember that, because I had a good time there!
I think that your first point... You made a couple of points that are
very valid and a lot of people share. First of all, the quality of English and
French in our schools. We hear a lot about the need to upgrade the quality of
French as a first language. I am certainly aware - I am sure that Mr Ryan is
aware - that the English schools have the same problem with respect to a first
language.
We have been hearing for generations that the quality of language is
deteriorating and the children arrive at university and they still cannot read
and write. It is not new, but the same problem is certainly in the English
schools and I think it is something our government is very aware of and we will
try in the future years to see that something is done.
With respect to a second language, again, I think the same applies. I
think it is everybody's long-term wish that all of our children become
bilingual no matter what their language of origin is and what their first
language is. (13 h 15)
You have also talked about Bill 101 and its restriction to parents who
have been educated in English in Canada which is normally called the Canada
clause. What you are really asking for is what has been called, what we have
called the International clause. I think that many share that view.
Unfortunately, at the moment, Bill 101 still restricts those people and it
seems particularly when you consider that in the future we may have language
boards, linguistic boards, there will be a certain group under Bill 101 who
have to go to French schools. We heard a group from the Lakeshore School Board
who are English parents from England who, under Bill 101, are not allowed to
send their children to an English school. But nevertheless, they are very
satisfied with the French school operated by the Lakeshore School Board which
has many English children in it and there is that accommodation particularly
when it comes to English which is a second language in that school. The English
program is designed for children who already speak English and have an English
background, so, they do not get left out on the second language question. So,
that is a debate that will go on, I suppose, for a number of years and I think
your position is shared by many.
Now, you made a couple of interesting points about the orientation
committee. You have chosen the orientation committee; you never mentioned
school committees. Unlike most people, I think, in the English community and
many in the French community as well, they seem to prefer the school committee
as the obligatory committee and I think this is what is being considered now in
terms of amendments.
You have chosen the orientation committee. I do not know quite why. You
do recognize that there are some possible problems. You might not get parents
that are interested enough to take on those kinds of responsibilities. But why
did you not consider the school committee which seems to be operating very well
in most communities and they want it continued? Did you look at that
question?
Le Président (M. Tremblay, Rimouski):
Madam Fallon, madam Gillbert.
Mme Gillbert: Okay! I think that we have both been active members
of school committees and it is our opinion or the group's opinion that school
committees work very well in schools where there is trust put in them and the
principal chooses to use them. It was our opinion that the purpose of the
orientation committee was that the consultation process was more
clearly defined, that consultation had to occur rather than it was
optional, that it was more structured.
It is our opinion that some school committees already operate similarly
to the orientation committee as described. But others are very frustrating to
serve on when you get an uncooperative principal. It seems to me, to us, that
in the new Bill, the principal had less ability to be uncooperative and that
was why we supported the notion of the orientation committee.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien,
madame.
Mme Dougherty: I see. You mentioned something that we have
discussed very little. You seem to feel quite strongly about the idea of a
community representation other than just parents and the other people who are
on the orientation committee. Why do you say that? I know it is in the Bill,
but it is as an option.
Mme Gillbert: You mean why did we pick it up and support it?
Mme Dougherty: Yes. Why do you feel... I mean, as a community
group, you feel that is an important element of the law. I would just like you
to tell us why.
Mme Gillbert: Because we feel that as members of the community,
we have valuable input and in a school committee, the forum does not exist at
the moment, I do not think, the members of the community, to become involved in
the local schools. They can become involved as volunteers or they can become
involved as commissioners. I am myself a commissioner on the St. Lawrence
Board. But, I think there is a vacuum of which I thought that the purpose of
the Bill was to fill that vacuum and that valuable resources in the community
could be pulled in in consultative roles which I do not think occurs at the
moment.
Mme Dougherty: You do not think that - this is some people's fear
- a community representation, depending on who it is, could bring a new element
which was not necessarily desirable in a school committee, which would distort
the real role of the orientation committee or school committee and use it as a
vehicle to promote their own or grind their own particular acts.
Mme Gillbert: I think that is the same fear that if the
orientation committee had too much power that a clique could take that over and
it would veer the school into a direction that the majority of parents did not
want. I think you have always got that fear. Our assumption, when we discussed
this, was that if you have a limited term and people disruptive and people who
do not cooperate, then the committee will sit and there will be removed for the
next session. I think that is always a problem in a democracy but if we have
limited terms, then you cannot get rid of people who are not representing the
will of the majority.
Mme Dougherty: A last question, O. K. ?
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): O. K.
Mme Dougherty: You have said that you feel with the fact that
school committees do not pay, or there is no prevision in the law certainly, or
does not specify what the school committees or the orientation committees
budget might pay for. Did you feel that baby-sitting, particularly for single
parents, is very important to allow them to participate in school affairs? Do
you know of any schools that do this, that any school committees that do that?
I am getting a message here, but it does happen.
Une voix: PSBGM.
Mme Dougherty: PSBGM.
Mme Gillbert: At the St. Lawrence Board, where I am a
commissioner, the previous board before the last elections did not allow the
use of school committee money for baby-sitting, that was a board resolution and
there was a change around of quite large number of commissioners last November
and since then, we have now approved the use of school committee funds for
baby-sitting and transportation. So, I know the both exist because in our board
we have had a change over in the last year.
Mme Dougherty: Does that mean that the budget had to be augmented
in order to cover those costs or as it just the same budget or enlarged option
of how it could be used?
Mme Gillbert: But we agree to enlarge that but the school
committee budget at the same time, but previous to that, there was a fixed
budget but you were not allowed to submit bills for baby-sitting.
Mme Dougherty: Well, the law does not - I read it - put any
restriction, it just says that you - and people have insisted over and over
again - that they want to be sure that the parents participating in committees
have a stable and solid funding, but is does not say what for. I presume the
door is open for parents or the committee or the board to decide what it could
be used for it.
Mme Gillbert: I think our fear is that some boards would not have
at all the interest of single parents. We are asking the minister to
protect the interest of single parents who do not have the adequate
resources because of a lack of trust in local boards and who might be able to
make the rules.
Mme Dougherty: Anyway, I appreciate you are raising this. I think
that it is a very important point. Thank you again for your interest and your
continuing interest in education affairs and I hope you will continue. You are
already involved, I see, so... Thank you so much.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien.
Merci, Mme la députée de Jacques-Cartier. Je vais
reconnaître la porte-parole officielle de l'Opposition, Mme la
députée de Chicoutimi.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Mesdames, bonjour.
J'ai écouté votre brève présentation avec
intérêt. J'ai remarqué plus particulièrement votre
intérêt pour la qualité de l'enseignement de la langue. Je
trouve que c'est un problème international, du moins dans les pays
industrialisés, qui nous préoccupe également.
Les recommandations que vous faites touchant le comité
d'orientation sont intéressantes. Cependant, l'idée d'un conseil
d'orientation n'a pas fait l'unanimité, loin de là,
indépendamment de la structure de vos recommandations qui pourraient
éventuellement s'appliquer.
Je ne vous cache pas qu'en ce qui concerne les modifications à la
loi 101 pour reconnaître comme admissibles à l'école
anglaise ceux qui viennent de l'extérieur du Canada, des autres pays du
Commonwealth en particulier, je ne serais pas favorable à une telle
hypothèse, d'autant plus que l'apprentissage pour ces personnes, pour
ces enfants en particulier, de l'anglais, qui devient la langue seconde de
l'école, est relativement facilité par tout un environnement
finalement, qui facilite davantage l'apprentissage de l'anglais au
Québec, surtout dans la grande région de Montréal, que
cela ne l'est pour le français. Je pense que vous en êtes un
exemple.
La commission parlementaire reçoit toujours avec beaucoup
d'intérêt tous les avis et opinions qui sont émis ici.
C'est avec cet intérêt que j'ai suivi votre présentation.
Je rappelle brièvement qu'en ce qui concerne les recommandations
touchant le conseil d'orientation, je voudrais qu'on ait au moins une
attention, si ce n'est dans la loi, au moment où on parlera de
l'implantation, pour les services de garde. Ce n'est pas une chose qui m'avait
frappée, mais je trouve que l'idée est intéressante. Je
vous remercie infiniment.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien.
Est-ce qu'il y a d'autres interventions du parti ministériel, Madame...
Non, cela va. Mme Gillbert et Mme Fallon, je vous remercie au nom de la
commission parlementaire de votre présentation. La commission suspend
ses travaux jusqu'à 15 heures.
(Suspension de la séance à 13 h 26)
(Reprise à 15 h 5)
Comité régional de vie étudiante
de la Montérégie
Le Président (M. Parent, Sauvé): A l'ordre, s'il
vous plaît!
La commission reprend ses travaux et accueille le Comité
régional de vie étudiante de la Montérégie. Je veux
d'abord remercier, de façon toute particulière, Mme Luce
Beauregard qui en est le porte-parole, pour avoir répondu à
l'invitation de cette commission, afin de venir nous livrer le fruit de votre
réflexion sur ces deux projets de loi et, j'imagine bien, principalement
sur le projet de loi 107 qui est peut-être la pièce
maîtresse de cette consultation.
Alors, nous allons commencer immédiatement, madame. Si vous
voulez nous présenter les gens qui vous accompagnent et enchaîner
avec la présentation de votre mémoire. La commission a environ 45
minutes à consacrer à l'audition de votre mémoire,
incluant la discussion qui aura lieu après. Allez-y, madame.
Mme Beauregard (Luce): Merci beaucoup, M. le Président.
Bonjour, Mmes et MM. les députés. Il me fait plaisir de vous
présenter mes collègues de travail qui viennent avec moi pour
vous rencontrer et vous entretenir sur la vie étudiante dans notre
milieu scolaire. À ma droite, M. Auguste Mollica, qui est conseiller en
orientation à la Commission scolaire régionale de Chambly,
où il a la responsabilité de tous les services
complémentaires.
M. Mollica (Auguste): Bonjour.
Mme Beauregard: Vous avez également M. Denis Racine qui
est conseiller pédagogique affecté aux services
complémentaires dans sa commission scolaire, nouvellement appelée
Commission scolaire Des Cantons.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Alors, M. Racine,
bienvenue. Avant que vous ne commenciez, je dois vous livrer un petit message
de la part du ministre de l'Éducation qui a dû s'absenter, vers 14
heures, pour les funérailles de M. Marchand. Par contre, il a
donné le mot aux députés ministériels d'avoir une
oreille attentive à votre mémoire. Il devrait être ici
incessamment, d'une minute à l'autre.
Mme Beauregard: Merci. Pour ma part, je pratique dans le milieu
scolaire à titre de psychologue. Je suis également responsable de
tous les services complémentaires de ma commission scolaire à
Châteauguay. Je vais tout de
suite céder la parole à M. Mollica qui va commencer notre
présentation et, par la suite, je vous reviendrai.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Monsieur.
M. Mollica: Alors, je voudrais simplement préciser, au
départ, ce qu'est le CRVEM, Comité régional de vie
étudiante de la Montérégie. Cela regroupe des responsables
de services complémentaires, c'est-à-dire de services de
consultation, d'animation, d'éducation. On retrouve là-dedans des
responsables de la fréquentation scolaire, des activités
parascolaires, des échanges étudiants, de la radio
étudiante, de la cafétéria, etc. Qu'est-ce qui nous a
incités à déposer un mémoire aujourd'hui? C'est que
comme le projet de loi 107 traite de façon directe ou indirecte des
services complémentaires, on a jugé important de vous faire
connaître notre point de vue. Le point de vue qu'on vous exprime dans ce
mémoire a été présenté et
entériné par quelque 25 responsables de services
complémentaires, répartis à travers la province. En fait,
ce qu'on vous propose dans notre petit mémoire - ce n'est pas un
mémoire tellement substantiel en termes de quantité de pages - ce
sont des modifications qui nous apparaissent comme étant mineures, mais
qui pourraient, à notre point de vue, être extrêmement
bénéfiques pour l'élève et son environnement
scolaire: école, milieu de vie.
À ce stade-ci, je voudrais passer la parole à Luce qui
pourra vous définir d'une façon un peu plus précise les
services complémentaires et la réalité qui touche les
élèves dans nos écoles aujourd'hui.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Madame.
Mme Beauregard: M. le Président, je vais tenter de vous
éclairer sur ce que sont exactement les services complémentaires
en vous parlant de leurs objectifs généraux et aussi de ce que
cela peut impliquer dans la vie de tous les jours en milieu scolaire.
Services complémentaires, comme vous le voyez, c'est un terme
assez vague. C'est voulu parce que cela comporte plusieurs sortes de services.
Tout d'abord, je vais vous nommer les différents services qui en font
partie et par la suite, je vais vous parler des grands objectifs
généraux de tous les services complémentaires. Je vais
vous épargner la liste de chacun des objectifs spécifiques si on
veut...
Le Président (M. Parent, Sauvé): Soyez bien
à votre aise, Madame, de nous expliquer cela...
Mme Beauregard: On verra selon...
Le Président (M. Parent, Sauvé):... de la
façon que vous jugez à propos.
Mme Beauregard: Merci beaucoup, M. le Président. Les
différents champs d'intervention des services complémentaires
sont composés tout d'abord de services d'animation qui sont, entre
autres, l'animation sportive, l'animation socioculturelle et l'animation
pastorale; ce sont déjà trois champs importants. Ensuite,
après les services d'animation, nous avons également des services
de consultation professionnelle. Ceux-ci sont plus précisément
représentés dans le milieu par des services de psychologie, des
services d'orientation scolaire et professionnelle, des services d'orthophonie
et des services de psychoéducation. Nous avons également, dans
certains milieux, des services en recherche d'emploi et, évidemment,
nous avons des services de santé et des services sociaux, notamment, par
entente de services avec les CLSC. Alors, tout ceci compose les
différents services de consultation professionnelle. Donc, il y a des
services d'animation, des services de consultation professionnelle et, ensuite,
et non les moindres, des services plus généraux qui
complètent l'éducation des jeunes, à savoir des services
pour l'éducation aux droits et aux responsabilités, des services
d'encadrement et de surveillance des élèves, des services de
participation à la vie éducative, entre autres pour ce qui a
trait aux associations de vie étudiante et tout cela, il faut s'occuper
de tout cela et encadrer tout cela. Je crois avoir - et je l'espère -
fait le tour des différents services complémentaires qui, comme
vous le voyez, sont très variés et nombreux en termes de champs
d'action. Maintenant, tous ces services ont de grands objectifs et ces
services... Je ne dois pas oublier que ce sont des services qui sont
mentionnés dans le régime pédagogique comme étant
des services essentiels, au même titre que les services
d'enseignement.
J'ai ici le régime pédagogique du secondaire et
également celui du primaire. Aux articles 11 et 12 du dernier, il est
question de services personnels à l'élève qui donnent, si
je peux dire, le plus le ton en ce qui concerne les services de consultation
professionnelle. Les services complémentaires sont séparés
en ce qui a trait surtout aux services d'animation, d'activités, enfin,
tous les services que je vous ai mentionnés tout à l'heure. C'est
en deux articles dans le régime pédagogique et c'est
regroupé depuis 1986, sous le vocable de services complémentaires
dans le cadre de ce document qui s'appelle Vivre à l'école,
qui est le cadre générai d'organisation des services
complémentaires. Je crois avoir situé un peu les services
complémentaires dans l'ensemble des services éducatifs. S'il y a
des questions, évidemment, je vous prierai d'y revenir. Des fois, cela
paraît bien clair pour nous, mais, quand on est loin, ce n'est pas si
facile.
Le document auquel je fais allusion, Vivre à l'école,
n'est pas une politique. C'est vraiment un document d'orientation qui vient
inspirer les différentes commissions scolaires sur l'organisation de
leurs services complémentaires. Il est
très explicite sur les objectifs généraux et
spécifiques. Il est très bien fait à ce sujet d'ailleurs.
Nous avons cependant eu une certaine déception parce que le premier
document qui avait été déposé, l'avait
été en tant qu'énoncé d'une politique en
consultation et, par la suite, il est sorti en document, comme cadre
d'organisation. En tout cas, cela aussi pourra peut-être être
matière à discussion entre nous. Je peux vous dire
sincèrement que tout le personnel des services complémentaires a
reçu cela avec beaucoup de tristesse parce qu'on avait beaucoup d'espoir
en la sortie d'une politique sur les services complémentaires. Ce qui
peut déjà vous faire part de la situation quelque peu
précaire des services complémentaires dans les différentes
commissions scolaires de la province. (15 h 15)
J'en suis maintenant à vous présenter les grands objectifs
de ces services complémentaires. Il y a quatre grands objectifs qui
semblent, au départ, des volontés très louables, mais qui,
je l'espère, vont vous être concrétisés le mieux
possible, par cette présentation. Je vous les nomme tout d'abord: le
soutien aux autres services éducatifs, qui est le premier grand objectif
des services complémentaires; le développement des
élèves sur divers plans; la solution aux difficultés des
élèves et la sécurité physique et morale des
élèves. Ces quatre grands objectifs, comme vous le voyez,
semblent très prétentieux mais très importants.
Alors, comment les services complémentaires peuvent-ils apporter
un soutien aux autres services éducatifs? Sur le terrain, cela se fait
tout d'abord en termes d'échanges entre nos spécialistes et les
enseignants sur leur démarche pédagogique. Comme vous le savez,
il ne suffit pas seulement d'être très connaissant dans une
matière pour pouvoir la livrer et qu'elle passe auprès des
élèves de sorte qu'ils en retirent quelque chose. Toute la
démarche, l'art d'enseigner est très important et, selon nous,
nos spécialistes sont bien placés pour donner un soutien aux
enseignants en matière d'approche pédagogique.
Une autre façon d'intervenir au chapitre de ce grand objectif de
soutien aux autres services éducatifs est la participation directe
à l'intervention auprès des groupes d'élèves. Nos
spécialistes peuvent, à titre de personnes-ressources, se joindre
à l'enseignant dans la classe pour présenter des activités
ou certaines parties de matière en collaboration avec l'enseignant.
Il y a un apport certain dans des contenus de programmes que je pourrais
vous donner à titre d'exemple. Par exemple, que ce soit en enseignement
religieux, c'est sûr que l'animation pastorale est d'un grand secours,
à certains moments, dans ces cours-là. Il y a également le
cours d'éducation au choix de carrière qui est fort important au
secondaire parce que les élèves, actuellement plus que jamais, se
demandent beaucoup ce que l'avenir leur réserve.
Souvent leur choix de carrière les rend très
insécures et les conseillers en orientation, très
particulièrement, ont un rôle à jouer dans l'application de
ce programme-là, ainsi que les personnes qui s'occupent de recherche
d'emploi.
Pour un autre cours qui peut recevoir un apport de nos
spécialistes en services complémentaires, il y a celui de
l'éducation aux droits et responsabilités et de formation
personnelle et sociale, où particulièrement les gens en
psychologie, en services de santé et services sociaux sont d'un grand
secours pour la "dispensation" de ces programmes. C'est un autre type de
soutien aux activités des services éducatifs.
Il y a également, dans un cadre hors cours - ce que je viens de
vous mentionner est carrément collé aux programmes et aux cours -
des activités organisées à l'extérieur qui visent
essentiellement à l'intégration des apprentissages des diverses
disciplines par les élèves. À un moment donné on a
l'impression que les élèves reçoivent des matières
et ont de la difficulté à tout mettre cela ensemble pour
intégrer tout cela ou comprendre toutes les dimensions d'apprentissage
qui leur sont fournies.
Les services complémentaires sont d'une grande aide pour apporter
l'intégration que les élèves ont besoin de faire à
un certain moment.
Il y a également des activités qui visent à
augmenter la participation des parents à la vie de l'école. Chose
bien souvent à laquelle on ne pense pas mais qui est d'un très
grand apport comme soutien aux services éducatifs, c'est la
participation des parents. Si les parents s'impliquent beaucoup dans la vie de
l'école et dans l'apprentissage de leur enfant, il y a souvent beaucoup
de problèmes qui sont évités.
Les gens des services complémentaires organisent des
activités qui vont stimuler la participation des parents et leur
implication auprès de leur enfant et auprès de la vie de
l'école.
Je vous fais grâce de la diversité des activités
possibles, mais seulement en vous mentionnant la quantité et la
variété de champs que je vous ai mentionnés, que ce soit
au niveau d'activités sportives, si on invite des parents à
participer, que ce soit au niveau de certains ateliers qui s'adressent aux
parents pour comprendre ce qu'est le développement d'un adolescent, par
exemple. Ce sont plusieurs activités qui peuvent faire en sorte que les
parents s'impliquent plus. Voilà pour le premier grand objectif.
Le deuxième et non le moindre, c'est le développement des
élèves sur divers plans. C'est un très gros objectif qui
tend à développer chez l'élève différentes
caractéristiques que je vous mentionne rapidement: son autonomie, son
sens des responsabilités, son sentiment d'appartenance à
l'école, son Initiative, sa créativité, en
résumé, en faire un bon citoyen. Comment peut-on essayer de
réaliser un pareil objectif avec des services complémentaires?
C'est beaucoup en
organisant des activités parascolaires qui répondent aux
besoins et aux intérêts des élèves, et qui leur
permettent de se mettre à l'épreuve dans différentes
choses, par exemple, que ce soit au plan d'une radio étudiante, d'un
journal étudiant, d'un conseil de classe, enfin différentes
activités qui favorisent l'information auprès des
élèves et leur participation.
D'autres types d'activités sont plus reliés à des
activités réalisées par des professionnels, soit des
ateliers d'éducation à la santé, des ateliers de
développement affectif et social, des ateliers de développement
vocationnel pour que l'élève en vienne à prendre sa
santé en main, à prendre ses problèmes personnels en main
et à prendre en main son avenir. Ces différentes dimensions sont
traitées évidemment par les spécialistes
précités ou en équipe multidisciplinaire. Un autre type
d'activités ce sont les activités d'information et de
sensibilisation sur différents sujets qui préoccupent les
élèves. À ce moment-là, on peut avoir affaire
à des clientèles-cibles, soit des élèves en
difficulté socio-économique plus particulière, soit encore
des élèves doués. Les élèves doués
ont besoin d'activités qui vont aller chercher et mobiliser leurs
énergies et leur créativité afin d'éviter qu'ils se
désintéressent carrément de l'école.
Voilà en gros différentes façons qu'utilisent les
services complémentaires pour tenter de réaliser l'objectif de
développement des élèves sur divers plans. J'espère
que je ne suis trop longue. Cela va? Bon, comme vous voyez, on a beaucoup
d'objectifs.
Le Président (M. Parent, Sauvé): La seule chose
dont je voudrais vous mettre en garde, par exemple...
Mme Beauregard: Oui.
Le Président (M. Parent, Sauvé):... et c'est
à vous de juger, ce n'est pas à moi. On a 45 minutes pour
travailler avec vous. C'est à vous de juger s'il est plus important de
présenter votre mémoire ou de discuter avec les membres de la
commission. Vous êtes entièrement libre d'utiliser cette
période-là comme bon vous semble.
Mme Beauregard: Merci beaucoup, M. le Président. Pour
autant que je ne vous rende pas ça trop aride. C'est ce que je
souhaite.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Au contraire!
Mme Beauregard: J'en suis au troisième grand objectif, la
solution des difficultés des élèves. Non seulement on
essaie de veiller à leur développement, mais on a souvent affaire
à des élèves qui vivent des difficultés
importantes. Quand cela se produit-il et comment répond-on à tout
ça?
Tout d'abord, il y a des moments précis où des
difficultés se manifestent dans le vécu scolaire d'un
élève, soit les moments de transition. Le premier moment
difficile est évidemment l'entrée à l'école qui
peut être vécue plus ou moins bien par les élèves et
par leurs parents, en passant. Il y a également le passage du primaire
au secondaire qui est toujours un saut important pour le jeune qui se retrouve
avec plusieurs enseignants, avec un horaire plus personnalisé et qui
déjà commence à avoir à prendre des
décisions et des initiatives par lui-même. Peu à peu, du
premier cycle du secondaire au deuxième cycle, les
responsabilités augmentent et évidemment, au sortir du
secondaire, vers le cégep, c'est le grand saut. Toutes ces transitions
et ces nouvelles choses qui les attendent inquiètent
énormément les jeunes. Cela, c'est pour le vécu scolaire
normal.
Il y a également dans tout ce vécu des situations à
portée très significative pour eux sur le plan personnel, qui
peuvent faire en sorte que leur comportement à l'école puisse
être perturbé, soit, par exemple, des changements familiaux. Comme
vous le savez, nos familles au Québec comme ailleurs vivent des
changements. Quand on voit un enfant qui commence l'école à cinq
ans, jusqu'à 17 ou 18 ans, au moment où on les perd de vue, il y
a des bonnes chances qu'il se passe des choses chez lui, malheureusement, dans
50 % des cas. Cette période est très difficile à vivre
pour le jeune. Souvent, l'école est l'endroit le plus stable dans sa
vie. Les personnes qui s'occupent de lui sont peut-être celles qui sont
les plus disponibles à ce moment, à l'école.
Ce sont des situations où les services complémentaires
tentent de jouer un rôle auprès du jeune pour faire en sorte que
son cheminement scolaire ne soit pas trop perturbé, en tout cas s'il
l'est, que cela n'ait pas des conséquences trop graves du moins pour son
avenir.
Il y a également des difficultés d'adaptation dues
à toutes sortes d'autres problèmes qui ne sont pas
nécessairement des changements familiaux, mais des difficultés
d'adaptation. Il peut y avoir des enfants qui ont changé d'école
trois ou quatre fois à cause du travail des parents. Différentes
situations peuvent faire qu'un jeune arrive à l'école et se sente
en grand besoin d'aide et ait beaucoup de difficultés à s'adapter
à son vécu.
Il y a également le phénomène, malheureusement fort
répandu, d'abandon scolaire qui nous agresse beaucoup au tout
début du secondaire. Cela arrive de plus en plus tôt dans la
carrière scolaire où un jeune commence à vivre des
situations de "drop", "drop-in" pour commencer puis "drop-out" par la
suite.
Toutes ces situations, très significatives dans la vie d'un
jeune, amènent une gamme d'activités qui sont livrées
auprès des individus ou encore, auprès de petits groupes, pour
essayer de les aider à augmenter leur capacité à faire
face à tous ces changements et à tous les problèmes
qui se présentent à eux malheureusement très tôt,
auxquels ils sont confrontés et souvent très seuls pour passer
à travers tout cela. Ce sont des activités qui ont lieu devant
des situations de ce type.
Évidemment, il y a des activités de prévention des
difficultés et des activités qui exigent une action
immédiate et concertée de tous les agents. Un exemple bien
précis est quand on a une communication avec un parent qui nous dit:
Écoutez, ces temps-ci, mon enfant est peut-être un petit peu
dérangé à l'école, on va déménager
bientôt; entre mon mari et moi cela va moins bien, est-ce que vous
pourriez essayer de l'aider plus à l'école, je ne sais pas trop
comment, je ne suis pas capable de m'occuper de ses devoirs ces temps-ci,
etc... Ce sont des choses très quotidiennes, très
concrètes, mais qui peuvent faire en sorte que, si on ne prend pas
l'enfant au bon moment... Si les personnes qui s'en occupent à
l'école, particulièrement son titulaire au primaire, s'il est mis
au courant, il pourra avec l'aide des spécialistes, avoir la bonne
attitude. Par exemple, au moment de la fête des mères ou de la
fête des pères, on leur fait faire un travail, une carte. Si le
professeur sait qu'actuellement cet enfant est privé de voir son
père par la loi, je pense que, s'il est bien informé par nos
services, on va pouvoir l'aider à réaliser son activité
tout en étant respectueux de la situation de l'enfant pour qu'il ne se
sente pas mis à part et même qu'il prenne la maîtresse en
grippe à la limite pour avoir fait une chose pareille. Comme vous voyez,
je prends des termes tout à fait simples, mais il reste que finalement,
ce sont des choses comme celles-là auxquelles on est confrontés
en milieu scolaire et qui vont bien au-delà de l'enseignement et qui
finalement sont essentielles pour que l'enfant soit réceptif à ce
qu'on a à lui apprendre.
Évidemment, dans ce grand objectif de solution des
difficultés des élèves, comme je vous en ai donné
quelques exemples, il y a une activité fort importante qui s'adresse aux
parents, à savoir les informer sur la progression de leur enfant. Quand
on a un appel de leur part, une demande d'aide, cela va relativement bien, on
peut travailler en collaboration avec eux. Mais souvent, c'est nous qui avons
à faire appel à eux pour nous aider auprès de leur enfant
quand celui-ci vit des difficultés, particulièrement leur
demander d'avoir certaines attitudes aidantes pour que cela se passe bien
à l'école et que les résultats soient bons. Je pense que
c'est assez explicite à l'égard de ce grand objectif de solution
des difficultés des élèves.
Le dernier, le quatrième, est un grand objectif de
sécurité physique et morale, chose qui semble également
fort vaste. Concrètement, qu'est-ce que cela veut dire? L'école,
c'est l'endroit où on peut et doit apporter une aide et un secours
lorsque les circonstances le justifient. Souvent, c'est le premier endroit
où le jeune va demander de l'aide, que ce soit à la suite d'un
accident à l'école ou même ailleurs. Vous savez,
quelquefois, il arrive des choses aux jeunes la fin de semaine et c'est le
lundi matin qu'ils vont aller demander de l'aide à l'infirmière,
à son grand désarroi, mais il reste que c'est cela, la
réalité. Cela peut être à la suite d'agressions sur
la personne. Malheureusement, ce sont des choses qui arrivent et qui sont
très violentes pour les jeunes, à savoir quand on a toujours...
Évidemment, à la suite d'un congé, un jeune qui vient
à nos bureaux nous dire: II m'est arrivé quelque chose en fin de
semaine, je ne sais pas quoi faire, etc., et finalement, on se rend compte
qu'il peut y avoir eu un viol. Ce ne sont pas nécessairement des choses
qu'on publie dans le Journal de Montréal, mais cela existe dans
nos écoles, quels que soient les endroits au Québec. Nous avons
à aménager des solutions tout de suite pour ce jeune, l'envoyer
aux ressources qu'il faut, enfin tout cela et surtout voir à sa
sécurité physique et morale, dans certains cas. (15 h 30)
Évidemment, il y a la consommation de drogues à laquelle
on est confrontés fort souvent et d'alcool, de plus en plus. Disons que
la mode change, mais l'effet est le même. Souvent des
élèves se retrouvent à nos bureaux et ils ne sont pas en
état de se présenter aux cours. Alors il faut apporter une
réponse immédiate et voir à leur fournir de l'aide pour
que cela ne se reproduise pas. Il y a également des cas où un
jeune garçon ou une jeune fille se présente à
l'école en disant: Je suis en fugue, cela fait deux jours que je ne suis
pas allé chez moi. Qu'est-ce que je fais? Je n'ai plus d'argent, je n'ai
plus rien. Ce sont des situations avec lesquelles nous avons à vivre et
à composer tous les jours. L'école doit favoriser, le plus
possible, la sécurité physique des jeunes dans des situations
semblables, entre autres, en leur fournissant des services.
Également, il y a la dimension de sécurité morale
qui fait appel, d'une façon plus générale, au respect de
leurs droits, quels que soient leur âge, leur sexe, leur ethnie ou leur
sécurité en termes de libre expression de leurs opinions et dans
les comportements qu'ils manifestent. Souvent, on a beaucoup de travail
à faire auprès du personnel qui, des fois ou même souvent,
peut mal décoder les modes d'expression des jeunes. Je crois que si on
essaie de comprendre leur façon de s'exprimer envers nous, je crois
également que les jeunes pourront eux aussi, réciproquement,
montrer un certain respect envers le personnel qui s'en occupe. C'est beaucoup
de travail qui se fait aussi à long terme par, entre autres, des
activités qui se réalisent auprès des élèves
sur la répercussion des attitudes et des comportements qu'ils peuvent
avoir ou auprès des enseignants et des différents corps, du
personnel, que ce soient les cadres ou autres, qui eux-mêmes doivent
travailler certaines attitudes et comportements envers les
élèves.
Alors, j'espère que cela vous donne un aperçu des grands
objectifs que nous avons à réaliser comme services
complémentaires par les différents champs d'intervention que je
vous ai nommés. Je dois vous dire que si nous prenons la peine de venir
vous mentionner tout ce que nous avons à faire dans nos écoles
auprès des jeunes, qui est bien au-delà de l'enseignement, mais
en même temps, à notre avis, essentiel pour un bon enseignement,
c'est que la situation des services aux élèves et des services
complémentaires est malheureusement précaire à certains
moments, compte tenu des priorités ou des budgets qui sont
alloués par les différentes commissions scolaires pour de
nouveaux projets ou autre chose.
Sur cette situation, je ne vais pas élaborer plus longuement. Si
vous avez des questions, vous pourrez nous en parler, mais chose certaine,
c'est que pour nous, il était important de venir vous mentionner
l'existence de ce type de services dans le milieu scolaire et l'importance que
cela peut avoir auprès de jeunes de leur en dispenser.
J'en suis à vous parler, peut-être plus globalement et
très rapidement, du contexte social qu'il y a autour de nos jeunes. Tout
ne se passe pas seulement à l'école. Malgré tout ce que je
vous ai dit, il s'en passe beaucoup, mais comme vous le savez, les
élèves vivent dans une situation familiale que je vous ai
mentionnée rapidement, soit monoparentale, soit reconstituée,
chose qui est aussi complexe pour eux, parfois. Ils ont besoin de soutien, et
jeunes et parents. Également, je vous ai mentionné le
phénomène d'abandon scolaire comme étant un
phénomène qui prenait beaucoup d'ampleur. Il y a eu, d'ailleurs,
des projets récemment d'insertion sociale et professionnelle
après de jeunes qui étaient en difficulté au plan de la
motivation. Mais c'est toujours précaire, le maintien de ce type de
service. À notre avis, cette prévention du décrochage est
très importante.
Il y a une chose à laquelle on est confrontés aussi, c'est
bien souvent même dans le vécu de l'école que cela se
produit. On est, comme vous le savez, bons premiers au Québec au plan
des statistiques sur le suicide des jeunes. Souvent, c'est à
l'école qu'ils viennent nous dire: J'ai pris des pilules, j'en ai pris,
ce matin, dans l'autobus. Cela se passe régulièrement comme cela
ou encore il y a eu une intervention en clinique, la fin de semaine, ou
à l'hôpital et on nous réfère le cas à
l'école: Vous verrez à cet enfant parce qu'il a fait une
tentative de suicide en fin de semaine. Ce ne sont pas des choses qu'on doit
prendre à la légère. Ce ne sont surtout pas des choses
qu'on doit confier à des gens qui ont seulement leur bonne
volonté comme outil d'intervention. Pour ce type de cas très
problématique, cela prend vraiment des interventions de
spécialistes. C'est la seule façon de faire face à ce type
de problème.
Il y a également toute la dimension de l'avenir des jeunes qui
est importante, le contexte de violence dans lequel ils vivent, non seulement
dans leur famille, mais dans la société en général.
Ce sont toutes des choses sur lesquelles on doit attirer votre attention dans
le sens que nous avons vraiment à faire un travail auprès des
jeunes pour essayer d'éviter trop de pots cassés.
Enfin, je vous laisse là-dessus pour passer la parole à M.
Mollica et pour regarder le mémoire d'une façon un peu plus
particulière. Je vous remercie de votre attention.
Le Président (M. Parent, Sauvé): C'est moi qui vous
remercie, madame. M. Mollica.
M. Mollica: On vient de vous brosser le tableau de la
réalité scolaire. L'élève d'aujourd'hui n'est plus
le même, tout comme la famille a évolué avec ses valeurs.
Le support familial n'est plus le même qu'il y a 20 ans. L'école a
écopé et doit, d'une certaine façon, composer.
À ce stade, je voudrais commenter rapidement le mémoire
qu'on vous a présenté. Pour nous, un projet de loi comme la Loi
sur l'instruction publique, compte tenu du fait qu'à l'article 1, on
précise de façon très explicite que toute personne
âgée de cinq ans a droit à des services, il nous semble que
- parce qu'il n'y a pas politique ministérielle sur les services
complémentaires - une loi comme celle-là devrait encadrer
très explicitement les services complémentaires. Dans sa
présentation actuelle, le projet de loi n'encadre pas les services
complémentaires, à l'exception de l'animation pastorale qui est
très bien expliquée à l'article 208. On est tout à
fait d'accord avec cela, sauf qu'il faudrait ajouter les autres types de
services complémentaires. Il y a comme un oubli à ce niveau,
À l'article 7, on dit très clairement que
l'élève a droit à des services complémentaires en
animation pastorale. Donc pour nous, il s'agirait de préciser
également, dans la loi, les autres champs d'intervention auxquels
l'élève a droit. Luce vous a énuméré
tantôt, M. le Président, les différents types de services
complémentaires.
À l'article 54, on recommande que les professionnels soient
représentés par des professionnels. Tel que formulé
actuellement, l'article 54 pourrait amener un membre du personnel de soutien
à représenter les professionnels et vice versa. Il nous semble
que chaque type de personnel a droit à son représentant qui
appartient au même corps d'emploi.
La section IV traite des comités consultatifs de la commission
scolaire. On parle, entre autres, des comités consultatifs en ce qui
concerne les élèves en difficulté d'adaptation ou les
élèves handicapés. Pour nous, il faudrait prévoir
un comité consultatif pour les services complémentaires.
Évidemment, des parents, des enseignants, des professionnels et des
élèves pourraient siéger sur ce comité consultatif
et
donner leurs recommandations, leurs opinions, sur le type de services
complémentaires auxquels l'école devrait subvenir.
À l'article 206, on précise que chaque commission scolaire
peut conclure une entente avec un autre organisme. Il est important de
maintenir la formulation telle quelle parce que la commission scolaire a droit
de regard sur les programmes qui doivent être offerts dans nos
écoles. Il ne faudrait pas que cela soit simplement imposé par un
organisme extérieur. Donc, on souscrit totalement à l'article
206.
L'article 208 stipule que la commission scolaire doit s'assurer que des
services complémentaires en animation pastorale soient offerts dans
chaque école. Encore une fois, comme pour l'article ' 7, nous
souscrivons au contenu de cet article. Nous recommandons d'élargir la
portée de l'article en y incluant un autre article qui stipulerait qu'en
vertu du droit conféré à toute personne âgée
de cinq ans et plus - qui est l'article 1 - quant à
l'accessibilité des services complémentaires, la commission
scolaire doit s'assurer que soient offerts dans chaque école des
services complémentaires, après consultation du comité
consultatif régional. Donc, on pense qu'il faudrait étendre cet
article-là.
L'article 218 nous semble incomplet, toujours en référence
à l'article 1 où on parle de façon très
spécifique des services éducatifs, des services
complémentaires et des services particuliers. Actuellement, à
l'article 218, on fait mention uniquement des services éducatifs. Dans
ce sens-là, on vous suggère d'ajouter de façon claire
qu'il y a des services éducatifs complémentaires et particuliers
qui sont dispensés par chaque école ou centre d'éducation
des adultes.
À l'article 232, on fait référence un peu à
la qualification du personnel qu'on retrouve dans nos écoles. Alors, on
dit: À l'instar des enseignants et des animateurs de pastorale, il nous
paraît important de préciser que la commission scolaire s'assure
qu'une personne qu'elle affecte comme professionnelle dans ses écoles
est dûment qualifiée en regard des fonctions qu'elle exerce. Donc,
tout comme pour les enseignants et les animateurs de pastorale, on voudrait que
les gens qui travaillent dans les services complémentaires soient
dûment qualifiés.
L'article 11 traite davantage de la fréquentation scolaire. Ce
qu'on se dit, c'est que dans le contexte actuel de la quantité de
services et de la nature des difficultés rencontrées, si on
reporte l'âge obligatoire de fréquentation scolaire à seize
ans, donc un an de plus, selon nous, on va avoir des problèmes dans le
sens que ces élèves vont être démotivés et,
dans l'école, ils n'auront pas véritablement de service pour les
aider à réintégrer le système scolaire et,
éventuellement, procéder à une réinsertion sociale.
Alors, dans le contexte actuel des services qui sont actuellement accessibles
aux élèves, il nous semble que c'est plus ou moins
réaliste d'appliquer cela. Dans le fond, on va avoir plus
d'élè- ves en "drop in" qui vont être dans l'école,
sauf qu'ils ne seront pas plus attentifs ou disposés à
l'enseignement dans la conjoncture actuelle. Évidemment, si cette
conjoncture change, il y aura évidemment lieu de discuter et de regarder
dans quelle mesure ce serait applicable.
À l'article 15, on dit que la direction d'école devrait
avoir les moyens de connaître la population scolaire de son territoire
susceptible de fréquenter l'école, particulièrement pour
les enfants de quatre, cinq et six ans. On propose un recensement. Pour nous,
ce serait un des moyens. Actuellement, sans cette connaissance de la population
scolaire réelle de son territoire, un directeur peut difficilement
s'assurer que tous les élèves fréquentent assidûment
l'école. Qu'on pense actuellement, et je pense que vous êtes
sensibilisé, M. le Président, au phénomène de la
non-fréquentation scolaire pour motif religieux. Si
l'élève de quatre, cinq et six ans n'a jamais
fréquenté l'école, n'a jamais été inscrit,
un directeur d'école ne peut pas savoir, dans la '
réalité, que tel élève existe et doit
fréquenter son école. Cet article stipule aussi que dans le cas
où l'élève ne fréquente pas l'école, le
directeur d'école le signale au directeur de la protection de la
jeunesse. Toujours dans le contexte actuel, si cela s'applique demain matin, on
peut vous assurer qu'il n'y aura pas de prise en charge par le directeur de la
protection de la jeunesse parce que cela n'est pas un motif jugé
essentiel et prioritaire. Alors, je pense qu'à ce moment-là, on
joue un peu à l'autruche, dans le sens que l'élève va
être carrément dans la rue et vous savez aussi bien que moi le
problème d'engorgement au niveau de la Direction de la protection de la
jeunesse. Donc, pour nous, cette solution est un peu irréaliste.
Pour conclure, M. le Président, ce qu'on souhaite, dans le fond,
c'est que le projet de loi 107, Loi sur l'instruction publique, reconnaisse et
encadre les services complémentaires pour que les élèves
qui sont aux prises avec beaucoup de difficultés, qu'on vous a
énumérées tantôt, aient véritablement
accès à ces services. Je pense que la loi précise
très bien que l'élève a droit à des services
complémentaires, et je suis tout à fait d'accord avec cela. Ce
que nous vous recommandons, c'est de spécifier clairement dans la loi
que les commissions scolaires doivent offrir des services
complémentaires, en les nommant. Actuellement, dans le projet de loi, il
y a un seul type de service complémentaire qui bénéficie
de cette précision à l'article 208, soit l'animation pastorale.
(15 h 45)
Nos recommandations, si vous les acceptez, M. le Président, ne
bouleverseront pas la structure scolaire mais nous permettront, entre autres,
d'aider l'élève à être plus attentif, plus
réceptif, plus motivé face à l'apprentissage scolaire.
Nous croyons qu'il y a des préalables à l'apprentissage scolaire
et notre expérience actuelle dans le milieu nous démontre hors
de
tout doute qu'il y a de plus en plus d'élèves qui sont
hypothéqués et qui n'ont pas ces préalables à
l'enseignement. Alors, s'il n'y a pas une intervention préalable
à l'enseignement, ces élèves-là ne
réintégreront à peu près jamais la structure
scolaire d'une façon efficace. Le législateur ne peut pas ignorer
cette réalité et c'est un petit peu à cette
réalité-là qu'on a voulu vous sensibiliser aujourd'hui. Le
législateur doit permettre à l'école de réaliser
pleinement sa mission qui en est une non seulement d'instruction, mais aussi et
surtout d'éducation. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Parent, Sauvé): C'est moi qui vous
remercie, M. Mollica. Au tout début de l'intervention, je ne vous avais
pas mis en garde, mais je vous avais informé de nos- règles de
procédure. Je pense que vous nous avez bien situé l'importance de
vos services dans le cadre de - la vie étudiante et de la vie de"
l'école. D'autre part, vos recommandations sont assez claires. Je pense
qu'elles sont très bien définies dans la deuxième partie
de votre mémoire. Malheureusement, il nous reste cinq minutes. Nous
avions prévu 45 minutes et il y a d'autres groupes qui vous suivent. Je
vais permettre une brève réaction du côté
ministériel et du côté de l'Opposition et après
cela, je pense que nous devrons conclure. Pour le côté
ministériel, M. le député de Charlevoix.
M. Bradet: Merci, M. le Président.
Je voudrais d'abord vous remercier d'avoir accepté l'invitation
de venir enrichir nos débats sur le projet de loi 107 et surtout sur un
volet que vous avez très bien exprimé, la
complémentarité des services à l'école. Il faut
avoir vécu dans une école, comme beaucoup de mes
collègues, pour comprendre que ce n'est pas seulement une question de
classes, de cours académiques, mais que tout. ce volet de services dont
on parle et qui n'est peut-être pas étiqueté très
souvent avec la valeur qu'il devrait avoir, a une importance capitale.
Compte tenu du temps qu'il reste, malgré, vous l'avez dit, que
votre mémoire soit court - il est concis, mais il est clair - j'aimerais
juste vous poser deux questions dont une de fond. Partout dans votre
mémoire, on sent que vous insistez sur le fait qu'on ne précise
pas ces responsabilités dans le projet de loi ou encore que vous
aimeriez qu'on précise quels sont les services complémentaires.
Est-ce que cela veut dire que dans le passé, il y a eu des
problèmes dans certaines commissions scolaires, dans le sens que souvent
les services complémentaires étaient mis de côté? Je
parle de petites commissions scolaires qui ont peut-être
dépensé l'argent ailleurs ou qui ont été
échaudées là-dessus. Ou bien, serait-ce dangereux ou
utopique de penser qu'on pourrait mettre un cadre défini dans un projet
de loi, vu qu'au Québec il y a des grandes, des moyennes et des petites
commissions scolaires?
En tout cas, la première réaction qu'on a, c'est que vous
ne pensez pas que ce serait difficile à faire accepter à
certaines commissions scolaires que de leur dire qu'il y a un cadre
défini, que les services complémentaires, ce n'est plus cela -
vous en avez fait une énumération - qu'elles devront se
débrouiller avec ce qu'il y a là-dedans, sans dire que des
commissions scolaires auraient des orienteurs si elles n'en ont pas besoin, des
choses comme cela? On leur dirait qu'il n'y a pas ce danger-là, vu
qu'elles ont quand même une garantie, avec le conseil d'orientation dont
elles vont faire partie, qu'elles vont...
Et là, je comprends votre point de vue parce que concernant le
conseil d'orientation vous dites: C'est un peu ambigu, on fait le choix. Je
pense que le ministre a dit souvent que tout mérite qu'on s'y attarde et
vous avez peut-être raison de dire qu'il serait important qu'on puisse
dire clairement que oui, il y a un membre de vos services qui va être. au
conseil, alors qu'il y aurait peut-être un danger que ce soit un membre
du personnel de soutien qui se retrouve au conseil. Généralement,
est-ce que vous pensez qu'il n'y a pas un danger inverse à trop vouloir
encadrer ces services dans une loi et que, à toutes fins utiles, on ne
réglerait pas le cas parce qu'on créerait peut-être des
problèmes à des commissions scolaires?
Le Président (M. Parent, Sauvé): Vous voulez
répondre, M. Mollica?
M. Mollica: En fait, on ne demande pas un encadrement rigide dans
le sens de les nommer et de donner des ratios. On voudrait un peu la même
chose qu'on retrouve à l'article 208, c'est-à-dire qu'il soit
clairement dit que chaque commission scolaire s'assure que soient offerts dans
chaque école des services complémentaires en orientation, en
psychologie, etc. On ne demandé pas que la loi aille jusqu'à
dire: II nous faut un conseiller d'orientation par 500 élèves.
Remarquez que ce serait déjà un gain énorme si
c'était cela. On ne demande pas que la loi aille si loin que cela, mais
qu'elle précise, comme elle le fait très bien à l'article
208, à mon avis, que la responsabilité de chaque commission
scolaire est d'offrir ces services-là dans la mesure où on y
croit et on réalise que ces services sont très utiles
actuellement dans le contexte social.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci.
M. Bradet: Rapidement une deuxième question, M. le
Président.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Rapidement, M. le
député.
M. Bradet: Oui. Cela concerne le dédoublement du
comité. Vous dites dans la section IV:
"Cette section prévoit la formation de comités... " En
fait, on parle d'un comité d'école qui serait prévu. Vous
dites qu'il devrait y avoir un comité régissant les services
complémentaires, etc. Nous avons entendu dans nos consultations, ce qui
m'amène à vous poser la question, des gens qui étaient
pour ou contre le comité d'école. Attendu que dans le
présent projet de loi on parle du comité d'école, est-ce
que vous êtes pour ou contre? Êtes-vous pour le fait qu'on laisse
tomber le comité d'école et qu'on garde le conseil d'orientation,
ou qu'on garde quand même le comité d'école?
Mme Beauregard: Je m'apprête à répondre. Je
crois qu'il ne faut surtout pas enlever le comité d'école, au
contraire. Je crois que ce sont des gens qui sont très près de la
réalité, du vécu de l'école. Cependant, le
comité auquel on fait allusion, le nouveau comité qu'on souhaite
voir apparaître dans la loi, est un comité au niveau de la
commission scolaire qui va, entre autres, recueillir les points de vue des
différents comités d'école et voir, parce que cela prend
quelque chose, une vision de toute la commission pour cela, à organiser
les différents services. Je crois que c'est plus à ce
niveau-là qu'il faut prioriser, selon les milieux.
M. Bradet: Une dernière petite question si vous me le
permettez, M. le Président.
Le Président (M. Parent, Sauvé): C'est une
promesse?
M. Bradet: Vous l'avez souligné tantôt et j'ai
vécu cette expérience d'enseigner l'initiation au choix de
carrière. Je dois vous dire que, bien sûr, cela fait partie du
champ de formation de la personne, éducation physique, enseignement
religieux, moral... Vous dites que les commissions scolaires devraient
être en mesure d'avoir des gens qui ont une bonne formation. Pensez-vous,
je ne veux pas parler contre les enseignants, que dans certaines commissions
scolaires actuellement, la qualité qu'on donne à l'initiation au
choix de carrière est vraiment ce qui devrait être fait dans les
écoles?
M. Mollica: Disons que vous nous demandez de porter un jugement
et que ce n'est pas l'objet de notre mémoire.
M. Bradet: Non, mais je pense que c'est important, quand on parle
de qualité de l'enseignement, d'être capable de voir...
Très souvent le responsable ou le professeur qui a la meilleure
formation pour l'enseigner le fait au niveau du secondaire V et c'est aux
niveaux I, II, III et IV... Dans votre région, est-ce qu'il y a des
soubresauts là-dessus? Avez-vous eu des rebondissements de professeurs
qui se sont dits malheureux d'enseigner quelque chose où l'on
présente un livre, un cahier d'exercices qu'ils doivent suivre, ou
ça s'arrête là?
Le Président (M. Parent, Sauvé): M. Mollica.
M. Mollica: Non, je ne peux pas dire que j'ai eu des
réactions très négatives par rapport à cela bien
que, comme je vous le dis, je ne sois pas directement impliqué dans
l'enseignement de CC ou de FPS. Les renseignements que j'ai en
général au niveau de la province, c'est que ce ne sont pas des
spécialistes qui donnent cet enseignement. Cela fait partie de
l'enseignement d'un cours intégré à la grille des
matières. Je serais plutôt porté à demander: Est-ce
que les élèves bénéficient effectivement de ces
cours-là vu qu'on n'a pas de spécialistes? Je n'ai pas cette
évaluation-là, M. le Président.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci. Ceci met
fin à la période...
M. Racine (Denis): M. le Président...
Le Président (M. Parent, Sauvé): Oui, monsieur?
M. Racine:... juste pour répondre à monsieur qui
tantôt parlait d'une formation. Si on prend pour exemple les animateurs
de pastorale, cela leur prend un mandat de pastorale de la part de
l'évêque. Un professeur a besoin d'un brevet d'enseignement. On
veut mentionner que quelqu'un qui va faire de l'orientation dans une commission
scolaire, que ce soit un conseiller d'orientation diplômé,
quelqu'un qui fait un travail de psychologie, un psychologue
diplômé reconnu, et non pas quelqu'un qui a fait une partie de
cours, qu'on va chercher pour lui faire faire cette tâche-là;
c'est une tâche de professionnel et on veut que ce soit un professionnel
qui l'exerce.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. Racine.
Je reconnais maintenant le vice-président de la commission permanente de
l'éducation, M. le député de Shefford.
M. Paré: Merci, M. le Président.
Moi aussi, je vous souhaite la bienvenue et je vous remercie de votre
préoccupation du domaine de l'éducation. On a reçu
plusieurs groupes. On a eu le temps de regarder les structures, la
qualité du français de nos enseignants; on a regardé ce
matin la religion, l'intégration des personnes handicapées, des
personnes qui ont des problèmes. Mais là, vous montrez une autre
vision importante de l'école et vous nous avez sensibilisés d'une
façon claire au fait que c'était important.
Vous avez terminé votre présentation là-dessus - je
trouve cela important - en disant: On est là comme essentiels dans ce
qu'on peut qualifier d'instruction par rapport à l'éducation.
Vous êtes le lien indispensable et vous nous
montrez l'école comme étant le lieu non pas où on
fait juste bourrer les enfants de connaissances, mais où on s'en occupe
comme des êtres humains. Vous nous avez montré l'école
comme un milieu de vie, le complément à la famille, et vous avez
bien situé le rôle social de l'école dont on n'a pas
vraiment discuté depuis le début, même si c'est majeur,
c'est capital, c'est une étape qui dure quand même plusieurs
années dans la vie de chacun des citoyens. Vous avez montré votre
souci pour la santé des jeunes et pour les problèmes qu'ils
vivent. Ce n'est pas parce qu'ils entrent à l'école et qu'on veut
leur montrer les mathématiques durant 45 minutes, qu'ils viennent
d'oublier leurs problèmes. Très souvent, les problèmes les
empêchent de capter ce qu'on veut leur apprendre.
Vous avez montré le côté très humain, social
et civique de ce citoyen, même pas en devenir, qui est déjà
un citoyen même s'il est jeune. Vous l'avez raccroché à
quelque chose d'important quand vous avez joué sur la question de
l'âge à l'école, des décrocheurs. Dans une
société où il y a tant de décrocheurs, où on
est capables de prouver, au moment où on se parle que 80 % de nos
sans-abri au Québec sont de plus en plus jeunes et n'ont pas fini leur
secondaire... Donc c'est directement relié à ça. Le
Québec a un autre championnat dont on ne parle pas souvent, et on n'a
pas avantage à en parler, soit le plus haut taux de suicide au monde
chez les jeunes. C'est parce qu'il y a quelque chose, quelque part, qui ne
fonctionne pas. Comme ces jeunes sont à l'école ou quittent
l'école, c'est à elle... on ne met pas suffisamment
d'énergie, d'argent, de monde ou de compétences là
où c'est nécessaire, c'est-à-dire dans le rôle
joué par les gens que vous représentez, ceux qui s'occupent du
côté humain de ces jeunes-là, de les empêcher de
décrocher, de les aider à résoudre leurs problèmes
et de faire en sorte que l'école soit la continuité de la vie et
non pas la rupture avec le monde à l'extérieur de l'école,
puisque cela fait partie de leur vie.
Je vais être très rapide. Je pense que vous avez
réussi à sensibiliser les gens de la commission à
l'importance du rôle que vous jouez, si on veut que l'école soit
dans la vie de chacun un milieu qui lui permettra de passer à travers
des moments difficiles et non pas seulement d'aller - l'expression n'est pas
très bonne - se faire bourrer de connaissances qu'on veut lui entrer
dans la tête de force et rapidement, très souvent, pour en faire
un citoyen au plan de la prévention, et je ne reprendrai pas tout ce que
vous avez énuméré au début, comment c'est large,
vaste de faire de l'étudiant un vrai citoyen, une personne heureuse qui
va s'en sortir finalement bien préparée à la vie.
J'aurai une seule question, parce que le président me signale que
je dépasse mon temps. Vous avez des points bien précis sur des
articles, mais vous en avez un d'ordre vraiment majeur et capital qu'on
retrouve dans votre première demande et aussi dans la conclusion: vous
dites que vous êtes indispensables, mais on ne semble pas vouloir le
reconnaître. On le met dans l'article 1 comme une espèce de beau
grand principe, comme on en met trop souvent en politique. Mais quand vient le
temps d'imposer quelque chose aux commissions scolaires ou à n'importe
quelle instance dans d'autres ministères, si on ne le met pas d'une
façon précise, cela veut dire qu'on sait ce qui va arriver: quand
il y aura des compressions ou n'importe quel problème, on coupera
là où ce n'est pas dans la loi. Vous dites qu'il faudrait
encadrer les services complémentaires, qu'il faudrait élargir
l'article 208. Est-ce que ce serait satisfaisant pour vous et que cela
viendrait vraiment apporter, surtout pour nos jeunes et pour la population, les
garanties qu'on va former de vrais citoyens, si l'on modifiait l'article 208
tel qu'on le retrouve où, finalement, on dit que la commission scolaire
s'assure que soient offerts dans chaque école les services
complémentaires en animation pastorale pour l'élève
inscrit comme catholique, et des services complémentaires en animation
religieuse pour les élèves inscrits comme protestants? Serait-il
préférable de ramener plutôt ce qu'on retrouvait dans la
loi 3, à l'article 24? On y dit: "Les services complémentaires
comprennent notamment: "1° des services de promotion des droits et
responsabilités de l'élève, notamment pour favoriser
l'exercice du droit d'association des élèves; "2° des
services de participation de l'élève à la vie de
l'école; "3° des services d'encadrement et de surveillance; "4°
des services d'orientation scolaire et professionnelle; "5° des services de
santé et des services sociaux; "6° des services d'animation
pastorale catholique ou d'animation religieuse protestante; "7° des
services de psychologie; "8° des services d'orthophonie ou de
psychoéducation; "9° des services de recherche d'emploi. " (16
heures)
Avec cela inclus dans le projet de loi, à l'article 208, est-ce
que ça va prouver qu'il y a ici une volonté de faire de
l'école un véritable milieu de vie? Je trouvais de toute
beauté le début de votre présentation, où vous
dites que c'est le comité régional de la vie étudiante.
Est-ce que cette modification ferait en sorte que cela viendrait vous apporter
les garanties que vous demandez? Si c'est oui, vous pourrez compter sur nous,
à l'étude article par article, pour essayer de le faire
modifier.
Le Président (M. Parent, Sauvé): C'était un
oui ou c'est un non?
Mme Beauregard: Oui.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Alors...
Mme Beauregard: Je pense que ce genre d'article viendrait assurer
que les services complémentaires quittent une situation précaire
dans le milieu.
Pour répondre à monsieur qui parlait de petites
commissions scolaires, je dirai qu'il y a toujours moyen entre commissions
scolaires, et on l'a déjà fait, de faire des ententes de services
et même entre nous, pas juste avec les autres ministères. C'est
toujours possible de rendre tous les services accessibles.
Le Président (M. Parent, Sauvé): II me reste
à vous remercier au nom des membres de cette commission et à
m'excuser auprès de ma collègue, la députée de
Marie-Victorin, qui aurait voulu... Mais malheureusement, le rôle ingrat
d'un président, c'est aussi de voir à l'ordonnance des travaux de
cette commission. Nous avons déjà pris du retard. Nous avons
d'autres invités qu'il faut respecter aussi.
Madame, messieurs, je vous remercie beaucoup. Nous suspendons pour
quelques minutes.
(Suspension de la séance à 16 h 2)
(Reprise à 16 h 5)
Étudiants à la formation des
maîtres de l'Université du Québec à
Montréal
Le Président (M. Parent, Sauvé): À l'ordre,
s'il vous plaît!
La commission permanente de l'éducation poursuit ses travaux.
J'invite le groupe suivant à prendre place à l'avant, à
savoir les étudiants à la formation des maîtres de
l'Université du Québec à Montréal.
J'invite les membres de la commission à prendre place. Je vous
rappelle que la commission a repris ses travaux et que nous accueillons les
étudiants à la formation des maîtres de l'Université
du Québec à Montréal, qui sont représentés
par Mme Caroline Cipelleti et Mme Nathalie Morissette. Alors, mesdames, je vous
souhaite la bienvenue et vous remercie d'avoir répondu à notre
invitation pour nous faire connaître votre point de vue sur les deux
projets de loi qui font l'objet d'une étude de la part de cette
commission. La commission est prête à vous entendre. Prenez le
temps qu'il vous faut. Je vais vous dire ce que j'ai
répété aux autres groupes avant vous. C'est à vous
de juger de la façon d'utiliser le temps qui vous est alloué,
soit environ 45 minutes. Par contre, je vous suggère de prendre 15 ou 20
minutes pour présenter votre mémoire et le reste du temps sera
réparti également entre les membres des deux formations
politiques de façon que vous puissiez dialoguer avec eux. Alors, madame,
nous vous écoutons.
Mme Morissette (Nathalie): Merci beaucoup. Je voudrais d'abord
remercier les membres de la commission de nous accueillir. Vous savez, le
mémoire que l'équipe a écrit a sa petite histoire: c'est
dans le cadre d'un cours sur l'organisation du système
éducationnel au Québec que nous l'avons écrit. En fait,
cela a servi de travail de session et comme tout étudiant, quand on
termine un travail à la fin d'une session, on en est fiers; on s'est
dit: Pourquoi ne pas l'envoyer à Québec? Tiens, tiens, ils sont
peut-être intéressés à le lire. En plein milieu de
l'été, on a appris qu'on était invités à
venir partager avec vous notre opinion. Alors, c'est un peu la raison de notre
petit test en tant que groupe. Malheureusement, seulement Caroline et moi avons
pu nous joindre à vous cet après-midi. Les autres sont ou bien au
travail - ils se sont trouvé des postes dans les écoles - ou bien
en train de passer des entrevues.
Alors, je commence ainsi. Nous avons séparé notre
mémoire en quatre parties, soit l'historique, mais ce n'est pas dans
notre mémoire car on ne pensait pas que c'était une bonne
idée de vous parler de l'historique, ensuite les lois, et je pense que
vous les connaissez probablement même mieux que nous. Il y a une partie
intitulée "Aspects linguistiques" et Caroline vous en parlera un peu
plus tard. Moi, je voulais vous parler un peu de l'aspect confessionnel, de ce
qu'on a reconnu, nous, dans le projet de loi.
En tant que futurs enseignants en adaptation scolaire ou en
orthopédagogie, pour nous, ce qu'il est important d'établir avec
l'enfant, c'est un aménagement moral et physique qui se rapproche le
plus près du vécu et de ce dont les enfants ont besoin à
l'intérieur même de l'école. C'est une question
d'adaptation de notre part envers les enfants.
Mais on sent un problème face à la religion ou face aux
cours mêmes qu'on doit suivre dans le cadre de notre formation en
didactique, la religion catholique ou la morale. Vous savez, expliquer à
un enfant que deux plus deux font quatre, c'est facile quand on y croit. Mais
quand on ne croit pas ou qu'on a une façon plutôt intime de voir
la religion et qu'on se sent un peu encadrés et forcés de suivre
une voie qui correspond peu à soi... Je ne sais pas si c'est un
problème de génération ou peut-être que, nous, on a
été mal introduits dans cette religion, mais on a un peu de mal
à entrevoir cela et c'est un petit peu apeurant. Vous savez qu'on nous
demande si on a la foi quand on passe des entrevues dans les commissions
scolaires. Dire oui, ce serait mentir et dire non, ce serait aussi mentir. Vous
savez, on a foi dans l'enseignement mais on n'a peut-être pas la foi que
prônent les évêques ou le curé au coin des rues
Saint-Denis et Duluth. On se sent mal face à cela et on
comprend mal le besoin d'encadrer dès enfants, ou même une
commission scolaire, ou même une école dans des murs catholiques
ou protestants.
On est beaucoup plus sensibles à la langue. On vit des
drôles de conflits en orthographe, en lecture et aussi face à
notre patrimoine. Quand on travaille avec le public, comme je l'ai fait cet
été, et qu'on parle à des Américains et à
des gens parlant différentes langues, on aimerait bien partager notre
langue à nous et on reconnaît qu'elle est belle. En fait, il y a
tout un univers un peu émotif autour de cette langue. On trouvait que
c'était intéressant de séparer les commissions scolaires
en commissions scolaires linguistiques au lieu de faire une discrimination, ce
qu'on appelle une discrimination sur le plan de la religion.
Quand on fait des stages en adaptation scolaire, vous savez que la
majorité des enfants, souvent, ne viennent pas du Québec. Ce sont
des enfants qui viennent de l'étranger. Maintenant, je pense que leur
religion est à respecter et qu'on n'a pas à leur imposer un cadre
à l'intérieur des cours. On a besoin d'être honnêtes,
on veut l'être et c'est pour être honnêtes qu'on est ici.
Maintenant, je voudrais laisser la parole à Caroline qui vous
parlera un peu plus de l'aspect linguistique et qui vous lira les
recommandations que l'on a écrites à la fin de notre
mémoire.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci.
Mme Cipelleti (Caroline): En tant qu'étudiants en
enseignement, en adaptation scolaire et sociale, notre plus grande
préoccupation concernant le système scolaire est que ce dernier
réponde aux besoins des élèves. Il ne s'agit pas seulement
de satisfaire la majorité des élèves, mais bien de tendre
à satisfaire les besoins de chacun d'eux. Les besoins spécifiques
de chaque individu doivent être assouvis et ce, tant au plan cognitif
qu'au plan affectif. Nous croyons qu'une école qui admet les enfants sur
une base linguistique plutôt que confessionnelle répond mieux aux
besoins des élèves. Ces derniers vivent à l'école
un épanouissement tant culturel que social. L'école doit offrir
la possibilité à l'enfant de s'ouvrir à la
réalité sociale qu'est le multiculturalisme du Québec.
On sait qu'en conservant le statut confessionnel aux commissions
scolaires, on favorise l'éloignement des Québécois et des
différentes ethnies et, de ce fait, on continue à
perpétuer les incompréhensions culturelles qui peuvent exister de
part et d'autre. Aussi, nous croyons que le souci d'intégrer les
immigrants à notre culture doit se manifester concrètement.
L'établissement de commissions scolaires linguistiques serait un
témoignage de notre ouverture envers les immigrants et de notre
volonté de les sentir vivre près de nous. De plus, ce serait un
geste qui saurait nous faire ressentir que notre essence culturelle, ici, au
Québec, est bien définie parce qu'elle est différente de
celle de nos voisins canadiens. Cet aveu que nous saurions nous faire à
nous-mêmes témoignerait de notre différence aux autres
Canadiens.
Les recommandations générales du groupe sont:
premièrement, nous demandons la priorité de la langue
française dans le système scolaire québécois en
rapport avec la loi 101, afin qu'il y ait uniformité de juridictions en
matière d'éducation et de travail et qu'ainsi
l'ambiguïté de la langue et de la confessionnalité soit
levée; deuxièmement, nous demandons la restructuration du
fonctionnement des mécanismes décisionnels d'une commission
scolaire dans le système scolaire québécois, en regard
d'une modification de la représentativité du conseil
d'orientation plus adaptée aux orientations d'un projet éducatif
non confessionnel; troisièmement, nous demandons rétablissement
d'un troisième comité dit non confessionnel ayant, à la
manière des deux autres, la charge d'approuver l'ensemble des
modalités d'application d'un enseignement non confessionnel et ce,
à partir d'une reconnaissance juridique à l'intérieur du
Conseil supérieur de l'éducation; quatrièmement, nous
demandons le décloisonnement de l'imbroglio entre la portée de
l'article 93 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique et le pouvoir
juridique provincial réel en matière d'éducation.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Cela
termine...
Mme Cipelleti: Les recommandations que je viens de vous lire sont
écrites à la dernière page de notre mémoire.
Maintenant, on en a terminé la présentation.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Cela met fin
à votre intervention?
Mme Cipelleti: Oui.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci. Comme je
vous le disais, le reste de la période va être
séparé également entre les membres des deux formations
politiques.
Je reconnais, dans un premier temps, M. le député
d'Arthabaska.
M. Gardner: Merci beaucoup, M. le Président.
Je veux d'abord vous féliciter, mesdames, pour votre travail.
D'après ce que vous avez dit, il y en a deux ou trois autres qui ont
participé au travail et elles ont obtenu un emploi depuis ce
temps-là?
Mme Cipelleti: II y en a qui en ont obtenu, oui.
Mme Morissette: II y en a qui en ont obtenu, d'autres qui sont en
entrevue.
M. Gardner: Cela veut donc dire que votre travail a eu une bonne
note, a été bien coté par votre professeur. Je vous
félicite. J'espère que les remarques que je vais faire ne vous
causeront pas de préjudice.
Au départ, c'est malheureux que le temps nous ait manqué,
parce que j'ai relu votre aspect historique et cela m'a rappelé mon
cours d'histoire de l'éducation lorsque j'étais à
l'université, il y a une vingtaine d'années. C'aurait
été bon que même les députés de l'Opposition
entendent cela. Je vous félicite pour cette partie-là, en tout
cas, cela va très bien.
Pour les autres parties, j'ai de petites restrictions. Il y en a une
à la page - c'est malheureux que je vous fasse cela, je m'excuse... Au
plan linguistique, on va passer rapidement. Vous dites qu'il faudrait changer
l'article 93 de la constitution, et tout cela. Cela vous semble très
facile de changer une constitution. Cela me rappelle, moi aussi, quand j'avais
votre âge - malheureusement, je dois parler comme cela - on avait des
ambitions aussi... (16 h 15)
Une voix: Des volontés politiques.
M. Gardner: Lorsqu'on était à l'université,
on avait des grandes ambitions de changer bien des choses. Tout simplement pour
vous dire que changer une constitution, c'est beaucoup plus difficile que vous
ne le pensez. Je vais passer rapidement là-dessus. Je vais plutôt
aller du côté confessionnel. À la page 9 de votre
mémoire, vous dites: "Nous sommes convaincus que l'école n'a plus
besoin d'un statut confessionnel pour offrir une qualité d'enseignement.
" Est-ce que cela veut dire, dans votre idée, qu'il y a quelques
années c'était le statut confessionnel qui faisait qu'il y avait
de la qualité dans l'enseignement?
Mme Morissette: Si on revient aux années cinquante,
à mon souvenir, il n'y avait pas beaucoup d'écoles publiques.
C'était géré par les frères et les soeurs. Il y
avait toute une structure à l'intérieur. Mes parents m'en ont
parlé. Malheureusement ou heureusement, je n'ai pas vécu ce genre
d'éducation. On ne comprend pas. On n'est pas des experts en
interprétation de lois. On ne peut pas dire qu'on a tout compris ce que
vous avez écrit dans vos projets de loi. Ce n'est pas toujours
accessible à de jeunes étudiantes comme nous.
M. Gardner: Remarquez que nous autres non plus, on ne comprend
pas toujours tout.
Mme Morissette: On parle de nouvelles structures, de nouveaux
cadres et de nouvelles règles à l'intérieur d'une
école confessionnelle. Nous, nous ne comprenons pas pourquoi c'est
important de faire cela. Quelle est la teneur éthique, le mythe ou la
terminologie d'avoir une école catholique ou protestante? Pourquoi
avons-nous besoin de cela, ici au Québec, au Canada, en Amérique
du Nord? Pourquoi avons-nous besoin de cela ici? Par exemple à
Montréal, pourquoi avoir besoin de cela à Montréal,
à la CECM quand, en 1993 apparemment, les statistiques disent que la
majorité des enfants dans les écoles primaires seront de
minorité ethnique? On peut dire de majorité ethnique,
peut-être.
M. Gardner: Ma question était surtout de savoir si dans
votre idée, il faut absolument que... Quand on avait une école
confessionnelle, c'était ce qui faisait qu'il y avait une qualité
d'enseignement. En fait, le texte que vous nous avez présenté dit
cela. Est-ce vraiment ce que vous voulez dire?
Mme Morissette: Je ne pense pas. M. Gardner: Non? Mme
Morissette: Je pense que... M. Gardner: Tant mieux.
Mme Morissette:... cela ne fait pas partie de l'enseignement.
M. Gardner: Vous aimeriez...
Mme Morissette: Cela change. Est-ce que votre objectif est
d'améliorer l'enseignement? Est-ce que vous pensez... Si je renverse la
question, pensez-vous que c'est améliorer l'enseignement que de donner
à l'école un cadre confessionnel, que d'accrocher des croix dans
chaque classe? Est-ce que c'est améliorer l'enseignement?
M. Gardner: Voici.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): M. le
député, est-ce que vous voulez répondre, s'il vous
plaît?
M. Gardner: C'est un respect des valeurs, quand même. Vous
admettez quand même que les écoles étaient bonnes et que ce
n'était pas le statut confessionnel qui faisait que l'école
était bonne. C'est ce que je veux vous faire...
Mme Morissette: Cela l'encadrait et la structurait, mais on a
changé cela.
M. Gardner: Cela l'encadrait.
Mme Morissette: II y a beaucoup plus d'écoles publiques
que d'écoles privées maintenant. Non? Je ne sais pas.
M. Gardner: Vous dites un peu plus loin que cela ferait une
sélection discriminatoire, la discrimination de la majorité. En
fait, il faut
bien l'avouer, dans votre aspect historique vous le mentionnez. Le
Québec a une grosse majorité francophone et catholique.
Pensez-vous que le fait que cela soit confessionnel, cela devient
discriminatoire envers la minorité?
Mme Morissette: Dans des secteurs comme Montréal ou dans
des commissions scolaires où il y a une forte population de
minorités ethniques, je sens que c'est discriminatoire de leur imposer
un enseignement en religion catholique. C'est encore plus discriminatoire
d'imposer ou de demander à des enseignants s'ils ont la foi, quand on
les embauche pour expliquer à un enfant ce que font deux et quatre.
Voyez-vous?
M. Gardner: J'aurais aimé vous entendre dire... Vous
n'étiez pas là ce matin lorsque les parents catholiques sont
venus?
Mme Morissette: Non.
M. Gardner: C'est complèment à l'opposé.
D'ailleurs, le but de la commission est d'entendre toutes les opinions. C'est
parfois très édifiant.
Je viens sur un autre point rapidement. À la page 14 de votre
rapport, vous dites: "Afin de donner un pouvoir décisionnel réel
au comité d'orientation, nous recommandons que le projet éducatif
de l'école soit obligatoire dans chaque école... " C'est
drôle, aux articles 35 et 36 du projet de loi, l'article 35 dit:
"L'école est destinée à assurer la formation de
l'élève... dans le respect des valeurs qui lui sont propres... "
etc... Si on va à l'article 36: "L'école réalise sa
mission suivant un projet éducatif élaboré,
réalisé et évalué périodiquement avec la
participation des élèves, des parents, du personnel de
l'école et de la commission scolaire. " Donc, l'école
réalise sa mission suivant un projet éducatif vraiment
élaboré par tout le monde de l'école. J'ai
été surpris de voir cela dans votre mémoire. Vous dites
que vous recommandez cela alors que c'est vraiment dans le projet de loi,
à l'article 36.
Mme Cipelleti: Je vais vous expliquer que quand on a fait le
travail, on se l'est divisé. On a chacun nos spécialités.
La personne qui a écrit cette partie n'est pas là, mais si j'ai
bien compris ce qu'elle a écrit, ce serait que les décisions
prises par le conseil d'orientation en rapport avec le projet d'école ne
seraient pas nécessairement acheminées aux commissions scolaires.
La direction de l'école a à acheminer les demandes et les
décisions du conseil. Finalement, c'est la direction de l'école
qui a le pouvoir. C'est ce qui fait que le projet éducatif ne sera pas
nécessairement appliqué. Vous comprenez?
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien,
Mme Cipelleti. M. le député, est-ce que vous avez d'autres
questions?
M. Gardner: Oui. Est-ce qu'il me reste du temps, M. le
Président?
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Deux minutes, M. le
député.
Mme Cipelleti: Est-ce que vous avez bien entendu? Avez-vous bien
compris?
M. Gardner: Oui, merci. Cela répond à ma question.
En fait, vous voulez que non seulement il soit obligatoire, mais qu'il achemine
le projet éducatif à la commission scolaire.
Mme Cipelleti: Oui, c'est cela.
M. Gardner: Qu'il soit acheminé.
Mme Cipelleti: Obligatoirement. C'est cela.
M. Gardner: D'accord. Vous dites aussi que le conseil
d'orientation devrait aussi gérer les locaux, le nombre d'enseignants et
les budgets. Pensez-vous vraiment que les parents veulent cela, veulent aller
jusque-là?
Mme Cipelleti: On trouve que le conseil d'orientation n'a pas
tellement de pouvoirs, finalement. Dans le projet de loi, on a l'illusion qu'il
aurait beaucoup de pouvoirs, mais finalement ce n'est qu'un pouvoir
décisionnel, alors qu'on voudrait peut-être un pouvoir plus
concret. Ce sont des choses qui sont quand même très près
de l'école.
M. Gardner: D'accord. Il ne me reste pas grand temps. Je vais
poser une dernière question sur le conseil d'orientation, où vous
voulez une place prépondérante pour les enseignants. Je vous
comprends, vous êtes une future enseignante, si vous ne l'êtes pas
déjà. Mais, est-ce que c'est vraiment cela qui doit être ou
si... J'ai entendu les comités de parents qui disaient, eux, qu'ils
voudraient que ce soient les parents qui aient la prépondérance.
Est-ce que vous y tenez vraiment?
Mme Cipelleti: Je vous dirai que je ne suis ni parent, ni
professeur pour l'instant. Il me semble que si le nombre de parents et
d'enseignants était égal, ce serait bien. Mais je n'ai pas de
position vraiment ferme là-dessus.
M. Gardner: Bon. Je vous remercie. Je pense que c'est très
instructif.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Très bien,
M. le député d'Arthabaska. Maintenant, je vais donner la parole
à la porte-parole officielle de l'Opposition, Mme la
députée de Chicoutimi.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Mesdames, bonjour.
Il me fait plaisir de vous
voir là. Je suis très heureuse, finalement, qu'on vous ait
convoqués à cette commission. C'est la première fois que
l'occasion nous est donnée d'entendre des gens qui, tantôt, vont
entrer effectivement dans des classes et qui sont, je dirais, de
génération plus récente, et je dirais aussi de culture un
peu différente de celle des aînés qui viennent nous
présenter une école un peu théorique, avec un projet
éducatif, etc... Je me demandais tout le temps comment cela s'accorde
avec ceux qu'on est en train de former pour entrer dans les écoles
tantôt. Je trouve cela intéressant. Je trouve votre
présence aujourd'hui stimulante. Avant de commencer, je voudrais juste
déplorer qu'on ait si peu de temps pour vous entendre. Ce que j'ai cru
comprendre, c'est que vous dites que l'école devrait être une
école neutre pour qu'on puisse respecter le pluralisme de la
société québécoise, plus particulièrement
dans la grande région de Montréal, où tantôt 50 % de
nos élèves seront d'autres ethnies, c'est-à-dire qu'ils ne
seront pas des Québécois d'origine. Il faut donc respecter cela,
et cela s'accorde mal avec une école confessionnelle. Vous dites plus.
Vous dites: Moi, je ne me sens pas à l'aise là-dedans, je ne sais
pas trop comment je vais faire cela. Il y a deux choses sur lesquelles
j'aimerais vous entendre. Il va y avoir le projet éducatif de
l'école - et je pense que le député d'Arthabaska a raison
- cependant ce qui est prévu c'est que le projet éducatif de
l'école reconnue comme confessionnelle devra s'inspirer des croyances et
des valeurs de la foi catholique dans le respect des différences. Ne me
demandez pas... C'est de la gymnastique que je n'ai pas encore
été capable de faire. Il y a des groupes qui sont venus ici...
Sauf que l'enseignant va pouvoir être exempté de donner un
enseignement qui ne correspond pas à sa foi ou à ses croyances.
Par ailleurs, beaucoup de gens sont venus nous dire qu'il faudrait s'assurer
que tous les enseignants et enseignantes soient tenus de faire la promotion du
projet éducatif. Donc, c'est la promotion de certaines valeurs. Mais je
dois vous dire cependant que cette obligation n'est pas dans le projet de loi,
dans les devoirs de l'enseignant qu'on retrouve à l'article 16. On y
reviendra tantôt. Mais le règlement du comité catholique a
été modifié quant aux exigences, pour donner
l'enseignement moral religieux, l'enseignement catholique. Au secondaire, ce
sont des spécialistes. Ce sont donc 60 crédits qui devront
être pris avec des contenus et didactique de la foi catholique. Et au
primaire ce sont neuf crédits.
Comment cela se passe-t-il chez vous? Est-ce à dire que pour
s'assurer d'une place, être un peu plus mobiles dans une commission
scolaire, tout le monde aura tendance à prendre les neuf crédits
indépendamment de ses convictions religieuses?
Mme Morissette: Au mois d'octobre dernier, je suis venue
accompagner ma vice-doyenne à une commission parlementaire portant sur
cette question-là. Je n'ai pas parlé parce que je pense que la
boucane m'aurait sorti par les oreilles.
Des voix: Ha, ha, ha!
Mme Morissette: Vous savez à l'UQAM -c'est peut-être
une université spéciale, je ne le sais pas, je suis très
fière d'être à l'UQAM - on a l'impression de se faire rire
en plein visage quand on nous impose neuf crédits. Neufs crédits,
en fait, ce sont trois cours. Caroline et moi à la fin de notre bac,
nous pouvons nous en sortir en suivant un cours de didactique en
mathématiques et nous sommes orthopédagogues en sortant de
là. C'est loin d'être dans nos tâches. Nous avons
très très peu de chance d'avoir à enseigner la morale ou
la religion catholique dans des écoles primaires ou secondaires. On va
être appelées à travailler avec des enfants qui ont des
difficultés d'apprentissage, soit en mathématiques et en
français, ou des difficultés de comportement. Alors on est loin
de cela et cela nous est imposé dans notre programme
également.
Mme Blackburn: Cela vous est imposé. Est-ce que cela vous
est imposé...
Mme Morissette: Bien imposé...
Mme Blackburn:... ou vous vous sentez obligées?
Mme Morissette:... pas encore. Je veux dire ça...
Mme Blackburn: Mais vous vous sentez obligées de les
prendre?
Mme Morissette: Nous, nous terminons. Il me reste quelques cours.
Caroline a terminé. C'est terminé. Il est trop tard pour nous.
Ils ne vont pas nous renvoyer à l'école pour suivre trois cours
de didactique. C'est sûr. Non, ce n'est pas bien pris du tout. On a
l'impression de retourner dans les années cinquante. D'abord on est
très loin de cela, la religion. C'est très intime. C'est
très personnel. On ne fait pas partie de sectes religieuses, peu
importe. On se sent tous catholiques, peut-être pas chrétiens
selon le curé du coin de chez nous. Mais chose certaine, c'est qu'on est
loin de cela. Cela ne nous touche pas. Parlez-nous de handicapés
visuels, d'éducation psychologique, d'orthopédagogie,
d'orthophonie, de services pour encadrer un enfant à mieux parler,
à mieux écrire, à mieux voir, à mieux entendre mais
à mieux penser et à mieux prier, par exemple, là c'est
très loin de nous, très loin de nos convictions et de la raison
pour laquelle on veut enseigner aussi. Là, on se demande si cela vaut la
peine de commencer à enseigner. On se demande si cela nous
intéresse. (16 h 30)
Vous savez que cela a apporté réflexion d'écrire
quelque chose comme ce mémoire-là, chez certaines personnes dans
l'équipe. On n'est plus sûres. On ne sait plus ce que le
gouvernement attend des enseignants. On ne sait plus, non plus, ce que les
enfants attendent parce que les enfants sont tellement différents les
uns des autres. On ne sait plus ce que les parents attendent de nous. Ils vont
entrer dans les conseils d'orientation, les comités d'école, les
projets d'école, les projets éducatifs. Ils vont être
là. On ne sait pas ce qu'ils attendent de nous. C'est difficile à
cerner. Il nous suffirait peut-être d'aller travailler dans le milieu
pour vraiment comprendre ce qui s'y passe, mais on fait six stages à
l'intérieur de notre formation. On en a vu des écoles. On a
enseigné, on a travaillé avec des enfants. On a
goûté un peu à ce que c'était le fonctionnement dans
une école. Il y a peu de choses qui sont prises au sérieux, peu
d'encadrement pris au sérieux. On a de beaux programmes, de belles
pensées, de belles structures sur papier, mais il n'y a pas de
ressources pour subvenir à cela et on est formées
là-dedans. On est justement formées dans cette pauvreté de
ressources. On est même très peu supervisées dans nos
stages. C'est une grosse blague. Peut-être même beaucoup moins que
certains autres étudiants dans d'autres universités. On ne veut
pas revenir là-dessus, mais on est même très très
peu encadrés dans notre formation.
Donc, nous dire quoi apprendre, comment l'enseigner, on est des petits
débrouillards. On mérite des diplômes de petits
débrouillards mais pas d'enseignants, à mon avis. À l'UQAM
en tout cas, ce que j'ai vécu à l'intérieur de mon bac,
c'est ce que j'attends de l'unjversité. Je n'ai pas appris à
enseigner.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très
bien.
Mme la députée de Chicoutimi, avez-vous d'autres
questions?
Mme Blackburn: Oui. Vous avez suggéré, à
tout le moins pour pallier aux difficultés que posait la reconnaissance
de statut confessionnel au sein des écoles du Québec, qu'il y ait
un comité pour l'enseignement moral, comité qui pourrait
être l'équivalent de ce qu'on connaît, comité
catholique et comité protestant.
Vous savez que le projet de loi prévoit que des ressources soient
affectées à la surveillance de l'application du respect des
écoles confessionnelles. Est-ce que c'était dans cette
direction-là que vous vous disiez qu'il faudrait au moins avoir
l'équivalent en enseignement moral, la morale sans
épithète?
Mme Morissette: À mon avis, oui.
Mme Cipelleti: Je ne suis pas certaine d'avoir bien compris.
Mme Blackburn: J'ai cru comprendre que vous souhaitiez la
création d'un comité rattaché au Conseil supérieur
de l'éducation. Vous m'aviez bien dit cela tantôt.
Mme Cipelleti: Oui, oui, oui.
Mme Blackburn: Pour l'enseignement moral.
Mme Cipelleti: Non, ce n'était pas pour l'enseignement
moral.
Mme Blackburn: C'était pour...
Mme Cipelleti: C'était pour prendre différentes
décisions au sein de l'école. Évidemment, ils vont
décider... Je pense que le conseil d'orientation va prendre des
décisions quant à l'orientation confessionnelle de
l'école, sauf que cela nous intéresse plus ou moins parce que,
dans le fond, d'abord les écoles auront un statut linguistique et
ensuite confessionnel. On va juste inverser les titres des écoles.
Mme Blackburn: Changer le problème de place.
Mme Cipelleti: C'est cela.
Mme Morissette: En fait, quand on est allées, Caroline et
moi, au Conseil supérieur de l'éducation, on a remarqué
que toutes les publications étaient faites par le comité
catholique. On cherchait des trucs publiés par le comité moral ou
pluraliste ou Pierre Tremblay... Tout était du comité catholique,
sur les rayons. Ce sont les questions qu'on se posait.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Mme la
députée de Chicoutimi, vous avez d'autres questions?
Mme Blackburn: Oui. Vous avez souligné que la
participation des enseignants devrait être au moins égale à
celle des parents. C'est peut-être sur une autre question que je voulais
vous entendre. Sur cette question de la participation des enseignants dans la
loi, le comité pédagogique tel que prévu dans la loi 3 est
disparu. Cela prévoyait un certain nombre de pouvoirs qui devaient
être donnés à ce comité sur les méthodes
pédagogiques, les manuels scolaires, un certain nombre de choses comme
cela, et cela n'apparaît plus dans le projet de loi.
Dans le projet de loi actuel, il y a une définition des
obligations, des devoirs de l'enseignant. Est-ce que vous en avez pris
connaissance? J'imagine que cela a dû retenir votre attention?
D'abord, il y a les droits de l'enseignant: "L'enseignant a notamment le
droit: "de prendre les modalités d'intervention pédagogique qui
correspondent aux besoins et aux objectifs fixés pour chaque groupe et
pour
chaque élève qui lui sont confiés; "de choisir les
instruments d'évaluation des élèves qui lui sont
confiés... " Dans les devoirs, il a le devoir de "contribuer à la
formation intellectuelle et au développement intégral de la
personnalité de chaque élève qui lui est confié;
"de développer chez chaque élève qui lui est confié
le goût d'apprendre; "de prendre les moyens appropriés pour
développer chez ses élèves le respect des droits de la
personne; "d'agir d'une manière juste et impartiale dans toutes ses
relations avec chacun de ses élèves; "de prendre les mesures
nécessaires pour assurer la qualité de l'usage de la langue
écrite et parlée; "de prendre des mesures appropriées qui
lui permettent d'atteindre et de conserver en tout temps le plus haut
degré de compétence professionnelle; "d'appliquer, en
septième point, les décisions et les règlements du
gouvernement et du ministre, de la commission scolaire, du conseil
d'orientation et du directeur d'école. " Vous ne vous êtes pas
attardées à cet aspect du projet de loi?
Mme Cipelleti: II y a seulement la dernière fonction qui
nous semble embêtante, le reste va de soi; on pense que cela fait partie
de nos fonctions. Mais, pour ce qui est d'appliquer les valeurs morales qu'on
nous dira d'appliquer, en tout cas, quand cela ne correspond pas à ce
qu'on pense, ' c'est plutôt difficile de fonctionner dans un
système comme ça.
Mme Blackburn: Appliquer les décisions touche
évidemment la décision du caractère confessionnel de
l'école.
Mme Cipelleti: Oui, c'est ça.
Mme Blackburn: C'est bien évident. Là-dessus, vous
avez raison. Le projet éducatif définit le caractère
confessionnel de l'école. J'ai cru comprendre, et je voudrais que ce
soit clair avant que vous ne nous quittiez, qu'actuellement l'Université
du Québec à Montréal suggère à tous les
étudiants du programme de formation des maîtres de prendre les
neuf crédits pour l'enseignement religieux.
Mme Morissette: Je ne peux vous le dire. Je pourrais vous le dire
si je m'inscrivais au bac; je ne le sais vraiment pas. Je suis au courant qu'il
me reste quelques cours pour terminer mon bac, mais je ne peux vraiment pas
répondre à cette question-là; quelles sont les
modalités que prend l'université à cet égard? Je ne
pourrais pas vous le dire.
Mme Blackburn: J'avais cru comprendre tantôt que vous
disiez que les étudiants ne sont pas contents de cette obligation de se
voir imposer des cours.
Mme Morissette: Écoutez, avant de venir à la
commission parlementaire, j'ai fait ma petite enquête auprès des
étudiants. Je représentais les étudiants à ce
moment-là à une instance à l'université et on en
parlait; c'était à l'ordre du jour. J'en ai parlé à
des groupes d'étudiants à l'UQAM et c'était mal
perçu de la part des étudiants. Je ne sais pas ce que
l'université fait. Chose certaine, c'est qu'on se demande ce qui va nous
arriver au moment des embauches.
Ce que j'ai compris et ce que je comprends, c'est qu'il sera
nécessaire pour notre embauche d'avoir accumulé un certain nombre
de crédits en didactique de la religion catholique ou morale, n'est-ce
pas? Si on ne les a pas, c'est qu'on n'a pas la foi et qu'on ne peut pas
enseigner. C'est un peu ce qu'on comprend. Cela fait dogmatique ou draconien,
mais cela revient un peu à ça.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Mme la
députée de Chicoutimi, est-ce que vous voulez conclure, s'il vous
plaît?
Mme Blackburn: Donc, si on veut être pratique, actuellement
on n'a pas le choix. Si on veut se donner toutes les garanties d'obtenir un
emploi, il faut prendre ces crédits-là.
Mme Morissette: Absolument. C'est ce que je suggérerais
aux futurs étudiants.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Est-ce
terminé, madame?
Mme Blackburn: C'est bien ce qu'on pensait. M. le
Président, il n'y a pas d'urgence. Je pense qu'elles n'ont pas pris tout
à fait leur temps.
Je voudrais vous remercier de votre participation aux travaux de cette
commission, vous redire que j'ai été heureuse de vous entendre et
de vous avoir ici en commission parlementaire pour nous permettre d'avoir une
petite idée de la façon dont cela va se passer dans le programme
de formation des maîtres pour les étudiants qui y sont inscrits ou
qui y viendront tantôt par rapport à toute cette question touchant
le caractère confessionnel de nos écoles publiques au
Québec. J'ai été heureuse de vous voir.
En terminant, je voudrais vous souhaiter bonne chance également
si vous le permettez, et vous souhaiter que vous vous trouviez quelque chose
assez rapidement. Je dirais que c'est peut-être l'un des avantages des
dérogations que le ministre a accordées à des enfants pour
avoir accès à l'école plus tôt que prévu. Il
en a admis environ 2300, cela voudrait dire quelque professeurs de plus dans le
système. Cependant, c'est bien le seul avantage que j'y vois. Mais cela
pourrait être un avantage et on va vous souhaiter bonne chance. Je vous
remercie.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien,
Mme la députée de Chicoutimi. Mmes Cipelleti et Morissette, au
nom de la commission, je vous remercie de vous être
présentées devant cette commission et je vous souhaite un bon
voyage de retour.
Je demanderais maintenant à la Conférence de la pastorale
scolaire de se présenter. Nous allons suspendre temporairement la
séance.
(Suspension de la séance à 16 h 40)
(Reprise à 16 h 41)
Conférence de la pastorale scolaire
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): À l'ordre,
s'il vous plaît!
Nous allons reprendre les travaux de la commission. Je demanderais
à la Conférence de la pastorale scolaire de prendre place, s'il
vous plaît.
M. le président, si vous voulez nous présenter, s'il vous
plaît, les membres qui vous accompagnent. Nous allons vous
écouter.
M. Charron (Jacques): Nous avons une femme à la
vice-présidence, Mme Colette Massé à ma droite ici, de la
région de Québec; M. Yves Tremblay de la région de
Trois-Rivières et du privé et aussi du primaire ainsi que M.
Donald Guertin, de la région de Saint-Jean-sur-Richelieu.
Moi-même, je suis de la région de Farnham.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Vous êtes le
porte-parole, monsieur... Quel est votre nom déjà?
M. Charron: Mon nom est Jacques Charron.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): M.
Charron.
M. Charron: Oui.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): C'est vous qui
faites la lecture du rapport?
M. Charron: Je pense que nous allons le résumer dans
certains aspects de façon à vous faciliter la tâche. Nous
supposons que vous l'avez lu.
J'ai préparé une petite introduction. Je vous le dis parce
que c'est ce que nous vivons aujourd'hui. Dans nos écoles le 31
août, au moment où je vous parle, c'est aujourd'hui la
journée de la rentrée scolaire. Nous avons fait le voyage
aujourd'hui et nous avons sacrifié ce premier contact avec nos
élèves, contact qui est très important, je vous prie de me
croire, pour être présents ici. C'est donc vous dire l'importance
que nous accordons aux travaux de cette commission.
Notre mémoire se veut aussi avec une perspective large parce que
nous représentons - les chiffres ici sont moindres - 520 animateurs et
animatrices de pastorale au Québec. Nous voulons aborder d'autres
articles que ceux qui parlent seulement de l'animation pastorale. Nous voulons
travailler dans la mentalité de services que décrit "Voies et
impasses" où on veut la formation intégrale de la personne.
Enfin, peut-être un dernier point, nous avons dû travailler
d'arrache-pied en janvier dernier, compte tenu du délai rigoureux
imposé par le secrétaire de la commission au mois de
février. Nous espérons que la discussion qui va suivre nous
permettra d'étoffer peut-être un peu plus notre position
vis-à-vis de l'un ou l'autre des points.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): M.
Charron, je voudrais vous préciser tout de suite que la
commission va vous entendre pendant 45 minutes.
M. Charron: Oui.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Mais le temps que
vous prenez, nécessairement, vous privera de la discussion avec les
partis ministériels et l'Opposition. C'est vous qui êtes
maître de votre temps. Cela va?
M. Charron: Parfait. Je vous remercie. Dans notre introduction,
nous faisons mention que nous nous sommes déjà penchés,
à l'occasion du livre blanc sur l'éducation, à l'occasion
aussi du projet de loi sur l'enseignement primaire et secondaire public en
octobre 1983, sur les règlements et sur les lois qui avaient cours
à ce moment comme élaboration.
Ici, comme le projet de loi 107, et on vient de le voir
antérieurement, est beaucoup en lien avec la commission qui a
siégé sur les règlements du comité catholique, nous
avons tenu à vous présenter le mémoire qui va suivre. Dans
la première partie, M. Tremblay va vous résumer les points
d'accord. Dans la deuxième partie, les questions que nous posons
vis-à-vis de certains numéros, Mme Massé. À la fin,
M. Guertin va poser les défis qui sont portés par cette loi.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): M.
Tremblay, s'il vous plaît.
M. Tremblay (Yves): À la page 4. La Conférence de
la pastorale scolaire accueille favorablement la loi 107 en ce qui a trait aux
grandes orientations de l'école comme lieu d'éducation: une
école nettement définie dans son rôle, une école
répondant à sa mission à travers un projet éducatif
solidement articulé. (16 h 45)
Toutes les personnes concernées par l'éducation scolaire y
figurent et chacun y
trouve matière à responsabilité. La loi respecte
judicieusement les entités suivantes: l'élève, les
parents, les enseignants. Je vous fais grâce de
l'énumération des droits de chacun que vous connaissez et que
vous retrouverez aux pages 6 et 7.
À la page 7: En outre, la loi exprime clairement le droit
à la confessionnalité des écoles et le droit à
l'animation pastorale. La reconnaissance confessionnelle ou la demande de
retrait de cette reconnaissance est établie par des règlements
après consultation des comités confessionnels. L'école
doit offrir l'option et les services d'enseignement religieux et d'animation
pastorale dans chaque école, tant au primaire qu'au secondaire.
L'enseignement religieux doit être de qualité, le service de
pastorale doit être exercé par une personne compétente,
répondant à des conditions de qualification. Un responsable du
soutien "cadre" ayant un mandat de l'évêque est nommé par
la commission. Un élève ne peut être dispensé d'un
enseignement religieux ou d'un enseignement moral.
La CPS entérine ces orientations prévues par la loi et en
reconnaît le bien-fondé. Plusieurs de ces articles sont
déjà en vigueur, comme le droit de refus des enseignants de
dispenser l'enseignement religieux ou le droit à l'option entre
l'enseignement religieux et l'enseignement moral.
Les garanties inscrites dans la loi en matière de
confessionnalité et de service aux élèves nous semblent
précieuses et nécessaires afin de protéger les droits des
élèves inscrits comme catholiques.
Mme Massé (Colette): Des interrogations sur la loi.
Volontairement, nous avons pointé des articles de la loi 107 qui nous
posent question. En même temps que nous posons la problématique,
nous cherchons de nouvelles avenues.
Le libre choix de l'école. Il est heureux que soit accordé
à l'élève le choix de l'école qui correspond le
mieux à ses attentes. Cependant, les restrictions imposées par la
loi, au troisième alinéa de l'article concernant le transport,
font en sorte que cet article n'a plus de poids. Dans une grande ville, cette
liberté de choix est plus réalisable que dans les zones
semi-urbaines ou rurales. Il y a donc discrimination selon les régions
où habitent les élèves. Il s'agirait donc d'un droit
théorique peu applicable dans beaucoup de régions du
Québec.
Le droit à un service de pastorale. Cette garantie légale
à un service de pastorale est essentielle pour que soit complet le
développement de l'éducation de la foi de l'élève.
Il faudrait que l'application de ce droit soit appuyée par des normes
réalistes et un soutien financier correspondant.
Le droit de refus pour l'enseignant. Le service de qualité
d'éducation chrétienne auquel a droit l'élève exige
que son enseignement religieux soit donné par des témoins
convaincus de la foi chrétienne. Malgré les difficultés de
gérance qu'entraîne l'application concrète de ce droit,
nous trouvons essentielle l'affirmation de ce droit de l'enseignant.
Le devoir de l'enseignant. Il est étonnant de ne pas trouver dans
cette énumération des devoirs de l'enseignant celui de la
promotion du projet éducatif de l'école. La notion
d'éducation qui a inspiré cet article nous semble reposer
davantage sur une vision individualiste de la personne; on retrouve la
promotion de l'excellence à travers un modèle éducatif
centré sur l'individu et ses droits personnels. Il n'est aucunement
développé la notion de l'éducation à la vie en
société; aucun lien n'est établi entre le projet collectif
vécu à l'école et la communauté humaine, voire
chrétienne.
Le rôle de l'école. Nous nous interrogeons sur l'emploi du
terme "formation" pour parler du rôle fondamental de l'école.
Cette notion fait appel à un modèle où
l'élève serait davantage perçu comme "une matière
inerte à façonner". Nous croyons que le rôle premier de
l'école est d'éduquer et non seulement de former.
Le projet éducatif. Nous nous réjouissons du fait que
soient mieux définis les éléments du projet
éducatif. Trop souvent, la réalisation d'un projet
éducatif est vue comme une montagne à franchir.
Conséquemment, peu d'efforts concrets sont déployés pour
mettre par écrit les éléments d'un projet
éducatif.
Les membres du conseil d'orientation. Nous demandons qu'un
représentant des professionnels et un représentant du personnel
de soutien soient élus distinctivement au conseil d'orientation de
l'école. Les préoccupations et les visées
éducatives des deux catégories d'emploi sont différentes.
Nous comprenons mal la fusion de ces deux types d'emploi.
L'enseignement religieux d'une autre religion. Il faudrait que la
primauté confessionnelle d'un projet éducatif soit
respectée, et que l'école ne devienne pas un supermarché
des religions. L'esprit d'ouverture et de tolérance ne doit pas endiguer
les efforts déployés pour l'élaboration d'un projet
éducatif confessionnel clairement identifié.
Le responsable du soutien. Dans la logique de commissions scolaires
linguistiques, il est nécessaire que la préoccupation de la
gérance des "droits religieux" soit confiée à un cadre de
la commission scolaire. La personne désignée fait le lien avec la
communauté chrétienne; le mandat pastoral en fait foi. Il
faudrait clarifier le rôle et les tâches confiés à
cette personne mandatée pour éviter que soient
évacués dans l'organisation scolaire les droits en matière
religieuse reconnus par la loi.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski):
Madame, monsieur.
M. Guertin (Donald): Au plan des défis et
prospectives.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Est-ce que vous
pourriez vous identifier, s'il vous plaît?
M. Guertin: Oui. Donald Guertin.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très
bien.
M. Guertin: Merci, M. le Président. À la lecture du
texte du projet de loi 107, nous avons manifesté notre accord avec les
grandes orientations fondamentales et nous avons mis en relief certains
écueils que nous portons à votre attention. Nous formulons
maintenant certaines opinions quant à l'application concrète de
là loi dans nos différents milieux. Pour être
respectée intégralement dans son esprit, la loi doit
posséder des ancrages clairs et précis par une
réglementation explicite.
Le responsable du soutien à la confession-nalité. Par la
loi, le responsable du soutien devient membre du personnel-cadre de la
commission scolaire à laquelle il appartient. Nous croyons à
l'impact que peut avoir une telle position organisationnelle sur le vécu
confessionnel des écoles et le respect des droits des
élèves inscrits comme catholiques. Cependant, nous nous
interrogeons sur les modalités concrètes selon lesquelles cette
option légale sera aménagée dans les milieux respectifs.
En fait, il faut peut-être discerner entre la volonté de la loi et
l'ouverture, voire l'accueil, des milieux à une telle orientation
fondamentale. Les commissions scolaires devenant linguistiques, seule cette
personne-cadre portera effectivement, au niveau de la direction
générale, la responsabilité de veiller au respect des
droits donnés, dévolus par le projet de loi 107. Au-delà
de la volonté et de l'intention, comment s'exercera le pouvoir concret
et réel?
L'autorité du sous-ministre. À l'article 554, on
précise le pouvoir du sous-ministre dans les établissements
reconnus autres. À long terme et au rythme de la
réceptivité des milieux, de quelle façon le sous-ministre
conservera-t-il un exercice efficace de ses droits accordés? Nous nous
interrogeons sur la portée réelle de ces droits reconnus et le
risque flagrant qu'avec le temps ces droits s'estompent.
Le seuil de signifiance d'un service de pastorale scolaire. En regard du
droit de tout élève inscrit comme catholique de recevoir un
service en animation pastorale, nous nous interrogeons au sujet des garanties
concrètes d'un tel droit reconnu. En d'autres termes, ne faudrait-il pas
établir un seuil minimal au-delà duquel il n'y a plus de service
de pastorale signifiant dans l'école, primaire et secondaire? Il
faudrait instaurer des mécanismnes précis pour gérer les
effectifs en animation pastorale scolaire.
Les fonds alloués à la gérance de la
confessionnalité et de l'animation pastorale scolaire. La volonté
du gouvernement enclenchera l'allocation de fonds nécessaires à
l'application de la loi dans les différents milieux; nous nous
interrogeons sur la modalité par laquelle le ministre pourra s'assurer
de l'usage ultime des fonds alloués à l'animation pastorale et
à la gérance de la confessionnalité. Ne serait-il pas plus
sage d'envisager l'éventualité de la création d'une
enveloppe budgétaire distincte assignée exclusivement à
ces domaines?
Le projet éducatif en lien avec la communauté. Nous
voulons redire l'importance accordée au fait que le projet
éducatif est un lien explicite avec la communauté dans laquelle
est situé l'établissement scolaire; dans le cas d'un projet
éducatif confessionnel, il faudrait un lien explicite avec les
communautés confessionnelles environnantes.
Sur ce point, la loi n'est pas assez explicite. Elle pourrait, à
long terme, favoriser un plus grand repli sur lui-même du milieu scolaire
comme établissement. Il faut être conscient que la
continuité d'un projet éducatif est portée par l'ensemble
des partenaires de l'école.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien, M.
Guertin. M. Charron.
M. Charron: Comme conclusion - elle est très simple -
à la page 19. Le présent mémoire manifeste notre relatif
accord avec les lignes directrices du projet de la loi 107 et avec la place
faite au vécu confessionnel dans les écoles primaires et
secondaires du Québec.
Nous avons cependant souligné les écueils que rencontrera
la mise en place de la loi, telle que présentée.
Enfin, nous avons tracé des avenues, souligné des
défis réels quant à l'instauration de cette importante
loi. Nous avons proposé des améliorations possibles pour mieux
gérer la confessionnalité et donner une meilleure qualité
à l'animation pastorale scolaire.
L'application du projet de loi 107 sera le moment de
vérité de la réelle volonté politique du
gouvernement du Québec d'ajuster la Loi sur l'instruction publique
à la réalité québécoise actuelle en
matière de confessionnalité scolaire.
Je vous remercie beaucoup.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien, M.
Charron. Je vous remercie, madame et messieurs, de votre présentation.
Je demanderais maintenant à la porte-parole officielle de la partie
ministérielle, la députée de Jacques-Cartier, de bien
vouloir faire la réplique.
Mme Dougherty: Merci, M. le Président. Au nom du ministre
et de mes colfègues de la partie ministérielle, c'est un plaisir
pour moi d'accueillir les représentants de la Conférence de la
pas-
torale scolaire. Malheureusement, le ministre s'en vient mais il est
retenu au Conseil des ministres cet après-midi. Il sera de retour
bientôt, je crois, je l'espère.
Je suis heureuse de constater que vous êtes d'accord avec les
grandes orientations du projet de loi 107, et je vais en venir
immédiatement à vos préoccupations qui portent surtout sur
un certain renforcement ou clarification du projet de loi concernant la gestion
de la confession-nalité et la qualité de la pastorale
scolaire.
Ma première question porte sur le service d'animation pastorale.
Si je comprends bien, vous aimeriez voir insérée ou incluse dans
la loi une certaine définition des normes d'application du droit au
service d'animation, et vous aimeriez voir un soutien financier correspondant
et garanti, une espèce de budget fermé; au lieu d'un budget
global, un budget ouvert, comme c'est le cas actuellement. Voudriez-vous
préciser un peu ce point pour nous? Est-ce que vous pourriez
décrire un peu, pour nous, les carences du système actuel
à cet égard?
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): M.
Charron.
M. Charron: Je vais partir d'un exemple. Dans deux commissions
scolaires présentement, on a des déficits de fonctionnement assez
importants. Comme tout ce qui touche les postes budgétaires des
enseignants on ne peut pas y toucher, alors je ne parle pas... J'étais
content d'être là tantôt quand des membres des services aux
élèves étaient là: on coupe beaucoup dans les
services aux élèves parce qu'ils ne sont pas
protégés, justement, par des normes plus précises. En tout
cas...
Mme Dougherty: Excusez-moi. M. Charron: Oui.
Mme Dougherty: Quelles sont les normes auxquelles vous faites
allusion, les normes du personnel, les ratios du personnel, quelles sont les
normes dont vous parlez?
M. Charron: Présentement, du côté de
l'animation pastorale, il y a une forme de ratio provincial qui est autour de
1000. Je vais vous donner un cas précis: dans une polyvalente de 1500,
on a coupé l'animateur de pastorale qui était là et c'est
le CEC qui va être là, à raison d'une journée par
semaine, pour une population de 1500, parce qu'il y a des dépenses qu'il
faut réduire. Nous sommes à la merci de l'administration. C'est
pour cela que nous demandons d'avoir vraiment... On est pleinement d'accord
avec ce qui est inscrit dans la loi; cela peut être bien
théorique, cela peut être bien beau, c'est un beau voeu, mais,
quand arrive la gestion de cela, on n'est pas protégés. Est-ce
que c'est un peu plus clair?
(17 heures)
Mme Dougherty: Est-ce que c'est réaliste de penser qu'on
puisse insérer dans une loi des normes précises pour garantir un
service? On a le même problème en ce qui concerne les enfants en
difficulté d'apprentissage. Tout le monde aime avoir certaines garanties
budgétaires pour assurer un certain minimum de services. Mais, est-ce
que c'est vraiment réaliste de demander que ce soit dans la loi?
M. Guertin: Je crois, Mme la députée, que, dans le
fond, on parle au niveau de la réglementation et non de la loi. Je pense
que c'est à ce niveau qu'il faudrait qu'il y ait un encadrement plus
précis. Le budget des services à l'élève, dont fait
partie l'animation pastorale et d'autres services comme la psychologie, le
service à l'enfance inadaptée, aux handicapés visuels ou
autres, fait partie du même budget que le papier de toilette. C'est aussi
clair que cela. Donc, si on coupe et qu'on a besoin de papier de toilette dans
une école ou une commission scolaire, on va d'abord privilégier
l'utilisation. La comparaison est assez crue, mais elle est assez explicite sur
l'utilisation que l'on fait des budgets dans les commissions scolaires,
à ce niveau. Donc, la tarification n'est pas au niveau de la loi, mais
au niveau de l'utilisation des enveloppes budgétaires qui sont
allouées aux commissions scolaires. Nous, entre autres au niveau de la
personne-cadre, compte tenu qu'actuellement on coupe facilement des postes, on
se dit que, si on veut assurer une confessionnalité là où
il y aura une confessionnalité d'assurée, on aimerait que soit
assuré un budget et que ce budget ne soit pas assuré par la
commission scolaire, mais assuré par le gouvernement dans la
réglementation qu'il pourrait établir selon des normes ou des
conditions.
Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien, M.
Guertin. Mme la députée.
Mme Dougherty: Merci pour cette clarification. Ma prochaine
question... Vous faites référence à l'article 233. Je ne
comprends pas le problème que vous soulevez ici. Pouvez-vous l'expliquer
un peu? Est-ce que vous avez une copie du projet de loi?
M. Charron: Pardon?
Mme Dougherty: Je vous demande si vous avez une copie de cet
article.
M. Charron: Oui.
Mme Dougherty: J'aimerais avoir l'explication de votre crainte
ici.
M. Charron: Le problème, qui se produit
présentement dans certaines commissions scolaires, c'est que le poste de
CEC est très fragile. À
un moment donné, dans une commission scolaire, on demande
à un cadre déjà existant, un directeur d'école,
d'assumer le poste de soutien qui est décrit ici. Alors, dans les
commissions scolaires, est-ce qu'on va engager quelqu'un d'une façon
spécifique pour occuper ce poste ou si on va donner à quelqu'un
qui est déjà à temps plein comme directeur d'école
une autre responsabilité? On est d'accord avec la loi, mais dans les
faits, on ne rend pas le service qui est demandé. Cet homme ou cette
femme, qui a d'autres responsabilités, est limité. Est-ce que
c'est plus clair?
Mme Dougherty: Alors, vous demandez un renforcement à cet
égard? Ce n'est pas l'esprit... Vous êtes d'accord avec le
principe, mais c'est un certain renforcement que vous voulez?
M. Charron: C'est au niveau de la réglementation qui va
suivre.
Mme Dougherty: D'accord, je comprends. Merci.
M. Charron: Par exemple, une suggestion: Cela pourrait être
une commission scolaire de 2000 à 3000, mais à raison de tant de
jours par semaine ou une commission scolaire de 5000, etc. C'est au niveau de
la réglementation.
Mme Dougherty: Merci. Alors, j'en viens à la notion du
libre choix de l'école. C'est apparemment une chose qui vous
préoccupait même lors de nos discussions sur la loi 40. Il me
semble que vous protestez contre une certaine condition qui est imposée
par le projet de loi sur le choix de l'école, contre l'imposition d'une
condition qui limite cela selon la capacité d'accueil de l'école
et selon la disponibilité du transport scolaire.
Mais est-ce que ce serait réaliste de retirer ces conditions, ces
limites du projet de loi? Après tout, il faut tenir compte de la
réalité géographique, démographique, linguistique,
etc. Dans certaines régions, il n'y a qu'une école
anglo-catholique, par exemple. Il n'y en a pas d'autres. Il n'y aura pas de
choix d'école. Et si un parent voulait choisir une école qui est
à une distance de 200 kilomètres, est-ce que c'est
réaliste de répondre à cette demande? Alors j'aimerais
savoir pourquoi vous avez tellement insisté sur ce droit qui, si je
comprends bien, devrait être un droit absolu.
M. Charron: Je suis content que vous posiez cette question,
effectivement, telle n'est pas notre intention. Nous disons que la formulation
actuelle du projet de loi est irréaliste. C'est impossible à
gérer de donner un droit comme cela à chacun, surtout dans les
régions semi-urbaines ou rurales; cela ne se peut pas. Et c'est pour
cela que nous voulons plutôt modifier cet article-là pour le
rendre vrai. Il y a comme une fausse déclaration là-dedans; on
fait miroiter quelque chose qu'on ne peut pas donner après. Nous ne
demandons pas le libre choix pour les parents.
Mme Dougherty: Alors quel est votre point ici?
M. Charron: Dans le premier alinéa de l'article 5 nous
voulons peut-être modifier le texte de façon à ce qu'on ne
fasse pas miroiter quelque chose qu'on ne peut pas donner après. Ce
libre choix est assez utopique dans beaucoup de régions du
Québec.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Mme la
députée.
Mme Dougherty: Oui, c'est utopique, mais je suis encore dans la
noirceur. Est-ce que vous aimeriez que ce soit enlevé du projet de loi?
Parce que cela a été très bien reçu par les parents
dans la région de Montréal. Il existe plusieurs commissions
scolaires qui donnent, depuis longtemps, le choix de l'école. C'est
peut-être pour refléter... Si on établit des commissions
scolaires linguistiques, il y aura peut-être plusieurs types
d'écoles dans une commission scolaire linguistique: une école non
confessionnelle, une école biconfessionnelle, une école
catholique, etc. Alors, cela facilitera le choix des parents qui veulent que
leurs enfants reçoivent une éducation conforme à leurs
propres valeurs. Si on enlève cette prévision, je crois qu'on va
créer des problèmes.
M. Guertin: Mme la députée, on voulait, entre
autres, signifier que c'était un droit qui n'était pas applicable
pour tous les jeunes du Québec. C'était une des premières
choses qu'on voulait mettre en évidence. Le deuxième point,
c'était que dans un des alinéas de l'article 5, on dit que le
transport pourrait justifier le refus de la commission scolaire. On trouve que
ce refus est vite donné et est vite justifiable. Alors, on trouve que
c'est une injustice que ce soit le transport, encore une fois, qui soit
à la remorque du choix de l'école qu'une personne pourait faire,
parce que déjà, malheureusement, le transport nous mène
beaucoup. Dans les zones non urbaines, semi-urbaines ou rurales, c'est le
transport scolaire qui mène le système d'éducation. Et,
encore une fois, je trouve que, dans cet alinéa, on donne un droit de
refuser l'accès à telle ou telle école. C'est dans ce
sens-là qu'on voulait manifester.
Mme Dougherty: Merci. J'apprécie votre raisonnement, mais,
quelquefois, il faut accepter des limitations imposées par des
considérations financières, etc. La plupart des parents acceptent
certaines limitations. On pourrait toujours répondre aux droits d'une
façon absolue. C'est un des problèmes quand on essaie
d'écrire un projet
de loi, de ne pas discriminer, mais d'essayer d'établir les
choses aussi clairement que possible.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, Mme la
députée de Jacques-Cartier.
Je reconnais maintenant la porte-parole officielle de l'Opposition en
matière d'éducation, Mme la députée de
Chicoutimi.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Madame, messieurs,
j'ai le plaisir de vous retrouver à nouveau. On a eu l'occasion de se
parler au moment où on examinait, ici, en commission parlementaire, le
projet de règlement du comité catholique, si je ne m'abuse, et de
voir un peu dans quelle perspective se situaient votre approche et vos prises
de position. Juste avant de commencer la période de questions,
j'aimerais que vous nous rappeliez brièvement, avant que ne soit
appliqué le règlement du comité catholique, quelle
était la situation exacte des animateurs de pastorale dans le
réseau scolaire.
M. Charron: Avant que ne soit appliqué le
règlement.
Mme Blackburn: Oui, le règlement du comité
catholique sur la reconnaissance des animateurs de pastorale. Je ne suis pas
certaine, j'essayais de me le rappeler à la suite d'une question que me
posait mon collègue, mais est-ce que vous étiez payés? Je
pense qu'il y en avait quelques-uns qui étaient payés et reconnus
par la commission scofaire, d'autres relevaient davantage du diocèse.
Pourriez-vous m'expliquer un peu quelle est la situation actuelle de
façon générale?
Le Président (M. Parent, Sauvé): M. Charron.
M. Charron: Oui. En gros, au début, vers 1965,
c'étaient des aumôniers d'école. Par la suite, c'est
devenu... en 1971, cela a été reconnu comme service
complémentaire au même titre qu'un psychologue ou qu'un conseiller
en orientation et, au secondaire, nous avons été payés
professionnellement, à partir de 1971. Au primaire, on en avait
parlé lors de l'autre commission parlementaire, c'est beaucoup plus
flou. Il y a tantôt la participation des communautés
chrétiennes, tantôt celle de la commission scolaire, mais la
gérance est beaucoup plus difficile au primaire, présentement,
bien que ce soit en train de se clarifier.
Mme Blackburn: Ce que vous réclamez, actuellement, c'est
d'abord un ratio maître-élèves - il me semble que j'ai
retrouvé cela dans votre mémoire - pour l'établissement du
nombre d'animateurs de pastorale par commission scolaire. Ce sont donc des
postes entièrement financés et rémunérés par
la commission scolaire.
M. Charron: Oui. La question du ratio est difficile à
évaluer parce que ceux qui sont au-dessus devraient baisser et ceux qui
sont en bas devraient monter. Parfois, il y a d'autres considérations:
Pour quelqu'un qui travaille dans plusieurs écoles, c'est plus difficile
que dans une seule école, selon la clientèle aussi. Nous parlons
plutôt, dans notre mémoire, d'un seuil de si-gnifiance. Si on
confie à un animateur de pastorale une polyvalente de 2000
élèves, pour nous c'est clair que ce n'est pas signifiant. Le
service est là, mais il ne peut pas vraiment répondre à
toutes les exigences posées par l'animation alors qu'à 1 pour
800, 1 pour 900, 1 pour 1000, il nous semble que c'est possible de créer
vraiment un climat d'animation.
Mme Blackburn: Je dois probablement avoir de mauvaises
références. Les comparaisons sont certes boiteuses mais on voit
beaucoup d'églises, de paroisses avec un prêtre et, à
l'occasion, un vicaire, qui ont 2000, 3000, 4000 ou 5000 âmes. Comment un
animateur pour 2000 élèves ne serait-il pas suffisant?
Rapidement, s'il vous plaît!
M. Guertin: Je crois, Mme la députée, que la
situation n'est peut-être pas la même. Il faut comprendre que notre
intervention se situe à l'intérieur d'une institution scolaire et
non pas d'une communauté humaine, quelle qu'elle soit, et qu'on vit
à l'intérieur de normes et de restrictions assez... Quand
l'élève entre à 8 heures et qu'il sort à 14 h 45,
on doit intervenir sur ses heures de présence et, si possible, par la
suite. On a donc des conditions de contact avec le jeune qui sont
restreintes.
Deuxièmement, c'est que le travail d'éducation de la foi
qu'on peut faire avec ces jeunes nous amène aussi, peut-être,
à vivre au rythme de ce que vivent les jeunes de nos écoles et
c'est parfois très essoufflant. Ce n'est peut-être pas
nécessairement... Pour avoir déjà fait du travail en
paroisse pendant quelques années, je crois qu'il serait difficile de
comparer à celle en milieu scolaire. Ce n'est pas tout à fait le
même type d'intervention. (17 h 15)
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci. Mme la
députée.
Mme Blackburn: Je ne doute pas, M. le Président, de la
qualité du travail des animateurs de pastorale. J'ai un excellent ami
qui en fait dans une très grande polyvalente chez nous; je le respecte
beaucoup et je pense qu'il fait un excellent travail. Ce n'était pas
là la question.
Comment verriez-vous que... Je vous dis tout de suite que la conception
de l'école que j'aurais privilégiée en est une où
on s'assure que ceux qui choisissent l'enseignement religieux reçoivent
l'enseignement religieux. J'aime être suffisamment claire
là-dessus, car je trouve que c'est important que le choix moral des
parents
soit respecté et moral dit sans épithète ou
l'enseignement moral neutre, quoique cela n'existe pas. Je pense que c'est
fondamental. J'ai des réserves lorsqu'on tient un discours sur le projet
éducatif inspiré des valeurs catholiques et qui respectent les
autres, là cela me pose des problèmes de conscience, en toute
conscience. Je pense que l'enseignement religieux ou moral doit être
maintenu et doit être aux frais de l'État; cela m'apparaît
fondamental.
Lorsqu'il s'agit d'animation pastorale, j'aurais
préféré, comme catholique, que cela se retrouve dans la
communauté religieuse. Comment accepteriez-vous l'idée
qu'à tout le moins on partage les frais de cette animation pastorale
entre la communauté religieuse et la commission scolaire?
M. Charron: Au secondaire ou au primaire? Mme Blackburn:
Aux deux niveaux. M. Charron: Aux deux niveaux.
Mme Blackburn: Je me dis que l'animation peut être aussi
nécessaire au primaire qu'au secondaire, quoique c'est différent
au primaire, les parents sont plus proches et l'église est
généralement plus proche également. Il y a toute
l'initiation aux sacrements et donc des rapports plus étroits entre la
communauté religieuse et l'école, ce qui fait que cela ne se
présente peut-être pas tout à fait de la même
façon. Mais il n'en demeure pas moins que compte tenu - je vais tenir le
discours du ministre - de la capacité de l'État de payer, en
toute honnêteté, entre nous, sur quoi faut-il couper? Sur les
services de psychopédagogie? Vous allez me dire: Ce n'est pas à
moi qu'il faut demander ça. C'est bien évident. Mais ce que je me
demande plus fondamentalement, par rapport à cette question de
l'animation pastorale... Parce que, tantôt, on va parler aussi de
l'animation morale. Qu'est-ce qu'on fait de ceux qui ont choisi... On les met
quelque part dans la bibliothèque parce que les autres participent
à une activité d'animation pastorale. Cela va aussi soulever une
question d'équité.
Je me demande si, à tout le moins, on peut penser que la
participation de la communauté religieuse ne devrait pas être plus
importante, aux deux niveaux.
M. Charron: Je vais répondre à une partie de votre
intervention et je reviendrai à la seconde partie par la suite. Vous
avez mentionné, en toute conscience, la difficulté pour une
école catholique de respecter ses minorités. Dans la
responsabilité des animateurs de pastorale, avec la direction
d'école, nous essayons de donner la meilleure information possible du
droit à l'option et du respect de l'option. Pour nous, c'est très
important que l'élève qui a choisi l'enseignement religieux l'ait
et que celui qui a choisi l'ensei- gnement moral l'ait, en toute
honnêteté.
Deuxièmement, comme animateurs de pastorale, nous intervenons
beaucoup en enseignement religieux, en complément, en expérience,
en ateliers évangéliques. Cependant, je vous dis que, dans mon
école, je vais parfois dans les groupes de morale, très
brièvement, pour les inviter à des activités. Je ne me
sens pas bien de les exclure d'activités qui se déroulent en
dehors des cours, parce que l'option touche leur choix de cours et leur option
est parfois le désir de faire quelque chose de nouveau, de prendre des
distances tout en gardant parfois la possibilité de faire un
cheminement. Alors, cette information dans une école catholique est
importante pour moi, afin que tous les élèves qui sont inscrits
comme catholiques aient la possibilité de vivre des expériences
en dehors des cours. Évidemment, c'est libre.
Mme Blackburn: Vous savez, on va recevoir ce soir deux
communautés religieuses qui vont venir nous présenter leur vision
des choses, leur perception des besoins du Québec d'aujourd'hui. Ce que
je dis - et je ne voudrais pas revenir là-dessus trop longuement parce
que j'ai eu l'occasion d'en parler... Ce qui me pose problème, ce n'est
pas l'enseignement, ce n'est pas l'animation pastorale, c'est le projet
éducatif qui s'inspire des valeurs de la foi. Ce n'est pas parce que ce
n'est pas valable - je suis de foi catholique - sauf que je maintiens que ce
que vous dites sur le chapitre en pages 4 et 5 de votre mémoire,
à savoir que la loi respecte judicieusement les entités
suivantes: l'élève, l'enseignant et les parents, moi, j'ai comme
des réserves. D'abord, puisque l'élève n'est pas sûr
de faire respecter son choix parce que cela peut être conditionné
par le transport scolaire, il peut...
Une voix:... non.
Mme Blackburn: C'est-à-dire qu'il ne peut pas vraiment
choisir son école. S'il dit: Cette école a un projet catholique
mur-à-mur, je veux aller dans une école neutre, il ne sera pas
nécessairement capable de faire respecter son choix. Je pense avoir
raison là-dessus.
Le droit du service complémentaire en pastorale... Je dis qu'on
respecterait le droit des élèves à condition qu'il y ait
l'équivalent en animation morale.
J'estime que le projet de loi respecterait judicieusement les droits de
l'élève s'il reconnaissait son droit de recours devant le
Protecteur du citoyen - j'ai déploré que vous ne I'abordie2 pas -
de même que son droit d'association et son droit aux autres services:
services de placement - la liste des services dont on a parlé tout
à l'heure - les services de promotion des droits et
responsabilités de l'élève, les services de participation
à la vie de l'école, d'encadrement et de surveillance, ainsi de
suite. On avait défini neuf de ces services complémen-
taires obligés. Les deux seuls qu'on retrouve actuellement sont
pour les enfants handicapés ou souffrant de mésadaptation et
l'animation pastorale. Je ne trouve pas que le projet de loi respecte
judicieusement les droits de l'élève à cet
égard.
Une dernière question. Oui?
M. Guertin: Est-ce que je pourrais revenir un peu sur ce
que...
Mme Blackburn: Oui. Allez.
M. Guertin: Brièvement. Je crois que souvent dans le
raisonnement qu'on fait entre enseignement moral et enseignement religieux,
à mon point de vue, on part d'une prémisse qui est fausse en
disant que la personne qui se retrouve en enseignement moral le fait par rejet
ou par exclusion de sa foi.
Je fais juste cette mention parce que souvent dans le propos populaire
quelqu'un qui se retrouve en science morale le fait comme par exclusion de sa
foi. Dans mon expérience personnelle, dans la plupart des projets et
activités pastorales, les gens qui s'impliquent sont autant des
élèves qui proviennent de science morale ou de science
religieuse. Je parle au niveau du secondaire, je n'ai pas travaillé au
primaire en tant que tel.
Deuxièmement, je crois que la garantie de la loi, et pour nous
elle est importante parce que dans l'histoire du Québec, qu'on le
veuille ou non, comme dans d'autres pays comme la Belgique, comme cela existe
aussi en France, comme cela existe dans d'autres systèmes scolaires...
Il y a des écoles publiques ou privées qui peuvent être
confessionnelles. Ici au Québec, dans notre histoire, on a
fonctionné avec un système confessionnel. Je crois que pour nous,
si on poursuit dans cette ligne socio-historique, il est important de donner
à la communauté catholique cette assurance qu'il puisse y avoir
des écoles confessionnelles et, dans ce sens, la garantie que tout
élève de foi catholique pourra, dans cet esprit de
continuité, recevoir un service d'éducation de la foi par
l'animation pastorale.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. Guertin.
Le secrétaire m'informe que le temps est écoulé. Madame,
si vous vous voulez conclure au nom de votre formation politique.
Mme Blackburn:... 17 h 30, M. le Président.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Madame, c'est lui
qui tient le temps, ce n'est pas moi.
Mme Blackburn: M. le Président, j'aurais deux
brèves questions à la place de la conclusion. Juste pour rappeler
d'abord que je ne partage pas tout à fait votre lecture lorsque vous
dites que la loi respecte judicieusement les entités des enseignants.
Vous dites aussi que l'enseignant a le droit de refuser l'enseignement
catholique qui ne correspond pas à sa foi, mais, en même temps,
vous dites qu'il devrait faire la promotion du projet éducatif de
l'école qui, lui, est catholique.
Pour quelqu'un qui est baptisé, qui...
Le Président
(M. Parent, Sauvé): Madame, je
vous invite à conclure. Je n'ai pas laissé continuer le
côté ministériel parce qu'on était limités
par le temps.
Mme Blackburn: Je pense que cela ne pose pas trop de
problèmes de conscience. Mais quand on va avoir des enseignants qui sont
d'autres confessions religieuses, cela va certes poser des problèmes de
conscience.
Vous pourriez peut-être conclure là-dessus. Vous dites que
la loi ne protège en rien le rôle qui est dévolu aux
sous-ministres à la foi catholique ou protestante quant à la
protection de l'enseignement du caractère religieux de l'école.
Mais c'est une délégation de pouvoirs; les sous-ministres ont en
ces matières les pouvoirs que le ministre aurait en pareille
matière. Quelle garantie de plus voulez-vous? J'ai été
étonnée de cela parce que, si vous relisez l'article, il a les
pouvoirs du ministre.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Alors, qui va
répondre? M. Guertin ou M. Charron?
M. Charron: Ce qu'on voulait dire c'est qu'à l'avenir, il
va y avoir des écoles autres. Il est normal qu'il y en ait au
Québec à cause du pluralisme qui se répand. Ce qu'on se
posait comme question, ce n'était pas sur la reconnaissance de son
autorité, mais: Est-ce qu'il va pouvoir vraiment rejoindre... On dit
dans la loi qu'il est un peu comme le "porte-garant" de ceux qui sont inscrits
comme catholiques dans ces écoles. Comment cela va-t-il se faire? Ce
sont des questions d'opérationnalisation. Comment cela va-t-il
être vécu? Comment lui, à Québec, pourrait-il
être conscient si les droits des catholiques dans telle ou telle
région sont respectes? C'est de cet ordre qu'était notre
interrogation.
Mme Blackburn: Je voudrais vous remercier infiniment de votre
participation aux travaux de cette commission et vous dire qu'il n'a jamais
été dans mon intention ni dans ma pensée qu'il fallait
sortir les crucifix ou la religion des écoles du Québec. J'ai des
préoccupations d'ordre éthique lorsqu'il s'agit du respect des
droits des autres et cela me pose problème. Je reconnais la
qualité de votre engagement dans les écoles. En tout cas, dans
mon comté, j'ai eu l'occasion de le voir. Je le reconnais et je
l'apprécie. Je voudrais, en terminant, vous remercier de votre
participation aux travaux de cette commission.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Je vous
remercie beaucoup au nom des membres de cette commission. Nous allons
immédiatement accueillir le prochain intervenant qui est M. Alain
Bellemare. On suspend nos travaux pour quelques minutes.
(Suspension de la séance à 17 h 27)
(Reprise à 17 h 30)
MM. Alain Bellemare et Marcel Godbout, à titre
personnel
Le Président (M. Parent, Sauvé): A l'ordre, s'il
vous plaît!
J'invite les membres de la commission à prendre place. La
commission de l'éducation poursuit ses travaux. Nous accueillons, cet
après-midi, M. Alain Bellemare.
M. Bellemare, les membres de la commission ont pris connaissance de
votre demande, de venir rencontrer les membres de la commission. Ils ont
accepté de vous recevoir. Vous comprendrez, par exemple, qu'une
commission comme la nôtre tâche le plus possible de rencontrer des
groupes parce qu'ils représentent, enfin, un ensemble de la population
et c'est beaucoup plus facile pour nous. Vous étiez deux individus ou
trois personnes, je pense, qui avaient demandé à être
entendus individuellement. Les membres ont accepté avec plaisir de vous
accueillir. Par contre, de façon à se protéger aussi
contre une avalanche, peut-être, d'individus qui voudraient se faire
entendre, on a limité votre temps à 30 minutes. Le
secrétaire vous en a averti et avez semblé convenir que vous
pouviez fonctionner à l'intérieur de cette période de
temps.
Alors, si vous voulez nous présenter la personne qui vous
accompagne et enchaîner immédiatement avec la présentation
de votre intervention sur les projets de loi dont il est question ici.
M. Bellemare (Alain): Alors, M. Marcel Godbout qui m'accompagne
est probablement le seul protecteur de l'élève ici, au
Québec. Il travaille à la polyvalente de Charlesbourg.
Tantôt, si vous avez des questions plus pratiques à lui
poser...
Le Président (M. Parent, Sauvé): D'accord.
M. Bellemare:... il est venu pour cela également.
Alors, je vous suis reconnaissant, au nom de tous les jeunes
écoliers et écolières du Québec, d'avoir bien
accepté d'entendre aujourd'hui l'une des causes les plus
déterminantes pour l'avenir de l'école publique
québécoise, celle qui assurera à nos étudiantes et
étudiants un environnement scolaire de qualité qui est
l'élément indispensable au succès de leurs apprentissages.
Je parle bien sûr de celle du protecteur de l'élève.
On s'était aperçus, il y a quelques années, que
l'obligation de fréquentation scolaire qui est inscrite dans la Loi sur
l'instruction publique n'était pas suffisante en soi pour assurer la
scolarisation des jeunes dans son aspect qualitatif. Alors les programmes
académiques, le temps d'enseignement, la scolarisation des
maîtres, les méthodes et techniques d'enseignement,
l'évaluation pédagogique et bien d'autres éléments
du système scolaire furent modifiés dans le but,
évidemment, d'améliorer l'ensemble des services éducatifs
offerts par l'école, mais en évitant à chaque fois le
débat fondamental sur la condition sociale des jeunes, sur leur
qualité de vie à l'école, débat qui nous aurait
engagés assurément vers une conscientisation de leur rôle
véritable comme premier agent de leur éducation comme jeunes,
disait le document, égaux en droits et responsables.
Pourtant, l'État que vous représentez ne
considère-t-il pas que tous les individus doivent jouir des mêmes
droits sans discrimination d'âge, de conditions sociales, etc. ? Entre ce
principe décrété dans nos chartes nationales et son
application dans nos lois et règlements, le gouvernement n'a pas
hésité à instaurer pour les autres groupes sociaux des
mécanismes d'accès à l'exercice et à la
défense de leurs droits afin, bien sûr, d'en assurer la pratique
quotidienne aux individus concernés.
C'est dans cette optique que furent instaurés, par exemple, le
Conseil du statut de la femme, les programmes d'accès à
l'égalité pour les minorités culturelles linguistiques,
pour les handicapés, et même des comités conjoints,
dernièrement, pour assurer la gestion de certains droits des
autochtones. Dans tous ces cas et bien d'autres, les gouvernements ne se sont
pas contentés de simples déclarations de principe, mais ils ont
créé pour ces citoyens des moyens concrets de se réaliser
pleinement dans l'action des moyens qui répondaient avant tout aux
besoins et aux particularités de ces groupes.
Que dire maintenant de nos jeunes écoliers et
écolières, étudiants et étudiantes, dont la
très grande majorité n'a même pas le droit politique de
voter, ni de fait, ni par délégation d'autorité parentale,
et qui, sur le plan des relations du travail, répondent aux
critères de travailleurs par la nature même de leurs
activités scolaires, mais malgré leur nombre considérable,
ne représentent aucune force réelle face aux autres groupes et
individus hautement structurés dans un système éducatif
complexe où les moindres ficelles du pouvoir leur échappent? Ces
jeunes, me direz-vous, ont leurs parents. Oui, ces chers parents aux prises
avec bien d'autres soucis socio-économiques, ces parents dont
l'élite seulement est venue vous dire il n'y a pas longtemps qu'elle ne
détenait pas grand pouvoirs dans les prises de décision de
l'école de leurs enfants. Que dire maintenant des parents ordinaires,
des familles monoparentales, des familles dont les
deux conjoints travaillent à l'extérieur du foyer, des
parents des milieux défavorisés? Quelles ressources ont-ils pour
assurer le respect des droits de leurs enfants à l'école? En
analysant, dans la première partie de mon mémoire, les recours de
nos principales institutions de protection des droits de l'enfant, je conclus
qu'aucune d'entre elles n'a les pouvoirs d'intervenir à l'école
en matière des droits de l'enfant, ni même la capacité
d'écoute de leurs problèmes scolaires et encore moins la
qualité d'être accessibles par les jeunes dans l'exercice et la
défense de leurs droits.
Très peu d'institutions scolaires présentent, par
ailleurs, quelque document sur la nature des droits civiques reconnus à
leurs élèves, tandis que des règlements qui soumettent les
jeunes aux multiples exigences d'organisation scolaire devenues de plus en plus
sophistiquées, il y en a plus qu'il n'en faut. Et ces règlements,
largement diffusés, sont d'une précision parfois
étonnante, allant dans bien des cas jusqu'à réglementer
les besoins naturels des jeunes ou la marque de leur matériel
didactique. La plupart de ces règlements accordent de plus à
l'autorité scolaire l'entière liberté
d'interprétation et d'application. Or, nous ne sommes pas sans savoir
que bien des préjugés persistent encore chez les adultes sur
l'éducation des jeunes, allant de la perception que les mineurs sont
incapables d'une quelconque autonomie jusqu'au dicton "qui aime bien
châtie bien", qui ne s'adresse nullement, sans se méprendre,
à une relation homme-femme, blanc-amérindien,
directeur-professeur ou même député-électeur.
La Charte québécoise des droits de la personne
considère le jeune comme un individu de même valeur que l'adulte.
Pourtant, dans l'enquête présentée dans la deuxième
partie de mon mémoire et réalisée en janvier de cette
année auprès d'une centaine de parents répartis dans
quatre grandes régions du Québec, je constate, sans aucune
ambiguïté, que: premièrement, il existe un malaise
réel en ce qui concerne la condition sociale des jeunes dans nos
écoles; deuxièmement, il existe une impuissance évidente
des parents à faire valoir les droits de leurs enfants devant la
complexité et l'inacces-sibilité de l'école; et
troisièmement, il existe une frustration inquiétante des parents
et une démotivation réelle de leurs enfants face à cette
situation problématique. Je peux déjà pressentir les
conclusions effarantes qui résulteraient maintenant d'une enquête
plus générale sur la condition étudiante dans nos
institutions d'enseignement, en faisant bien sûr référence
aux droits et libertés reconnus aux autres catégories de
citoyens.
À part un libre choix réel des parents pour l'école
ou même l'enseignant de leur enfant, ce qui amènerait de toute
évidence la fin d'un bon nombre d'institutions et de plusieurs
carrières en enseignement, il demeure une mesure compensatoire qui
permettrait à tous les usagers de l'école publique de faire
valoir leurs revendica- tions, et c'est certes au droit de recours de
l'élève ou de ses parents, reconnu dans la Loi sur l'instruction
publique, que je vous réfère maintenant. Un droit de recours
auprès du ministre de l'Éducation est prévu, me
direz-vous, à l'article 25, dans l'actuel projet de loi 107. Je ne
conteste certes pas la nature de ce droit, comme le handicapé physique
ne contestera pas, par ailleurs, dans sa revendication de rampes
d'accès, la présence de l'escalier qui mène à cet
illustre salon rouge. Ce qu'en fait il est réclamé dans mon
mémoire, c'est un droit de recours accessible, par tout étudiant
et étudiante, par tout parent, jusque dans les coulisses de nos
écoles, un droit incontestable, par toute autorité scolaire, et
par lequel, comme je le disais plus tôt, l'enfant et ses parents pourront
faire entendre en toute quiétude et confidentialité le
sérieux de leurs revendications. Je ne prône aucun modèle
particulier. Je dis simplement, en conclusion de mon mémoire, que le
protecteur de l'élève est un modèle à
privilégier, si son mandat répond réellement à la
réalité, aux besoins et aux attentes des jeunes en milieu
soclaire. Pourquoi ne profiterait-on pas de cette réforme de la loi sur
l'instruction scolaire pour rajeunir le modèle révolu
d'inspecteur d'école aux nécessités de l'école
d'aujourd'hui? Comment pourrons-nous, en effet, embarquer dans l'ère des
droits de l'homme si nous négligeons de telle sorte les droits les plus
élémentaires du plus petit de nos citoyens? Si cette commission
veut réellement valoriser l'école québécoise par
une réforme efficace de la Loi sur l'instruction publique, je vous dis
en terminant qu'elle devra exiger de ses institutions d'enseignement une
reconnaissance plus élaborée et formelle des droits de ses
usagers ainsi qu'un droit de recours pour en assurer la pratique constante.
C'est à ce prix, c'est-à-dire en améliorant la
condition sociale des étudiantes et des étudiants, que nous
pourrons assurer une véritable démocratisation de l'enseignement
au Québec. C'est à la base même du système, dans les
couloirs et les salles de cours, que se joue l'avenir des jeunes. Ces mesures
auront de plus l'avantage d'effacer chez eux le mythe que la vie, la
liberté, l'égalité et la promotion sociale ne commencent
dans notre société qu'à l'âge de 18 ans,
c'est-à-dire à la porte de sortie de nos écoles. Cette
volonté politique de faire avancer l'école à
l'actualité des droits de la personne est pertinente et partagée
déjà par bon nombre d'organismes publics qui ont une vaste
expérience dans le domaine des droits de la personne. D'autre part, des
expériences isolées à l'Université Laval, par
exemple, à la Commission scolaire de La Pocatière, à celle
de Charlesbourg et dans bien d'autres régions me permettent de croire
à l'efficacité et au réalisme de ces mesures. Des
résolutions de comités d'école vont dans le même
sens, si bien que désormais il ne manque que l'adhésion des
membres de cette commission parlementaire.
C'est pour cette raison qu'aujourd'hui je vous demande de recommander
à l'Assemblée nationale d'inclure dans le projet de loi 107
l'instauration du protecteur de l'élève, afin que tous les
étudiants et étudiantes du Québec puissent
bénéficier d'un droit de recours dans l'exercice de leurs droits
et libertés à l'école. Un droit n'a de réelle
valeur que si l'auteur possède les moyens d'en assurer la
défense. Cela, nous le savons tous: les syndicats, les corporations
professionnelles, les divers groupes de pression en éducation. Tous ceux
d'ailleurs qui sont venus ici l'ont compris depuis fort longtemps et luttent
encore avec détermination pour se les garantir. Pour que les
étudiants et étudiantes du Québec puissent maintenant en
bénéficier, il serait grand temps d'agir. C'est urgent. C'est
même là l'essentiel de toute la réforme scolaire. C'est
là que réside le seul moyen démocratique d'assurer dans
nos écoles la justice sociale et l'émancipation de la condition
étudiante.
M. le Président, Mmes et MM. les députés de cette
commission parlementaire, au nom de ces milliers de jeunes du Québec, je
vous remercie de m'avoir entendu.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Je pense que c'est
nous, M. Bellemare, qui avons à vous remercier de l'exposé que
vous venez de nous faire et d'être venu attirer l'attention des membres
de cette commission sur un sujet qui vous préoccupe
particulièrement, à savoir la création d'un poste
d'ombudsman pour les élèves. C'est la protection de
l'élève dans son milieu. Vous n'avez pas à nous remercier,
c'est nous qui vous remercions. Je reconnais, dans un premier temps, le
porte-parole du côté ministériel, M. le
député de Rimouski.
M. Tremblay (Rimouski): M. Bellemare, je vous félicite
pour la qualité de votre rapport. Je pense que c'est un domaine que vous
connaissez très bien. L'expérience que vous avez du réseau
de l'enseignement, tant secondaire qu'élémentaire et à
travers le monde, si je comprends bien, j'ai lu les différents pays que
vous avez explorés et où vous avez même enseigné,
m'amène à penser que vous avez certainement l'expertise voulue
pour promouvoir, demander et insister pour qu'un poste d'ombudsman soit
créé pour la protection des jeunes dans les écoles. C'est
évident qu'il y a des abus qui se créent à des endroits et
il y a toujours les parents qui sont, au premier titre et au premier chef,
responsables de leur enfant et de son éducation. Mais comme nous sommes
dans une société qui a des carences et que des fois ce ne sont
pas toujours les parents qui ont cette possibilité d'exercer ce droit de
protecteur pour leurs enfants, vous insistez pour qu'on crée
officiellement et qu'on l'insère dans la loi le poste d'ombudsman. Je
n'ai personnellement pas d'opinion arrêtée sur cette
possibilité. Par contre, je pense que votre suggestion sera
étudiée au mérite par les membres de la commis- sion et
probablement par le ministre et ses fonctionnaires.
Ce que je voudrais explorer avec vous dans un premier temps est à
la page 4. Lorsque vous dites qu'il y a 1 227 000 étudiants au
Québec, si je comprends bien, sur cela il y en a 87 000, soit environ 8
% qui semblent avoir des conditions de travail traduites dans des conventions
officielles. Est-ce que cela veut dire qu'il y en aurait 8 % qui seraient
organisés?
M. Bellemare: Je ne parlais pas dans ce nombre des
élèves, mais des agents de l'éducation, autant des
élèves que des enseignants que des directeurs; les
différents agents. (17 h 45)
M. Tremblay (Rimouski): D'accord.
M. Bellemare: Et là-dessus, il y a notre catégorie,
nous les directeurs d'école, les enseignants, enfin les adultes qui
avons des conditions de travail garanties par des conventions, par des
décrets, etc. et...
M. Tremblay (Rimouski): D'accord.
M. Bellemare:... il y a une proportion qui sont les
élèves qui...
M. Tremblay (Rimouski): II y a des élèves tout de
même qui sont organisés. Il y a des associations
d'élèves. Il y a des représentations qui se font à
l'heure actuelle par l'intermédiaire de leurs associations, ce qui
devient à ce moment-là des revendications de groupes
d'élèves.
M. Bellemare: Oui, d'une manière isolée en ce qui
concerne les institutions.
M. Tremblay (Rimouski): Isolé. Ce n'est pas
institutionnalisé.
M. Bellemare: Non.
M. Tremblay (Rimouski): Mais il y en a. Cela existe à
l'heure actuelle.
M. Bellemare: Oui.
M. Tremblay (Rimouski): Tandis que vous voudriez l'avoir de
façon beaucoup plus étendue. Je voudrais poser quelques questions
à la personne qui est avec vous sur l'expérience qu'elle a
vécue à l'école de Charlesbourg et je voudrais
m'enquérir si votre poste est bien achalandé. Par exemple, quel
est le nombre de cas que vous avez eu à traiter dans une
année?
Le Président (M. Parent, Sauvé): M. Godbout.
M. Godbout (Marcel): Je n'ai pas eu beaucoup le temps de faire
des statistiques à ce sujet. J'ai le goût de vous dire que c'est
quelque
chose qui se passe de façon très prompte, très
rapide. Cela se fait dans les corridors. Cela se fait pendant mes
périodes de cours. Je suis enseignant. J'ai 24 périodes de cours.
Et où cela a été difficile à vendre ç'a
été auprès personnel; ne pas avoir la prétention
d'être celui qui vient essayer de défendre le droit d'un
élève contre un autre professeur, c'est ce qui est difficile.
Mais où on a eu à travailler cela a été de jouer au
pompier si on veut. Il y a un problème majeur. Un élève
voit les notes affichées dans sa classe. Son droit au respect de
l'individualité est brimé. Tout le monde sait qu'en anglais j'ai
eu 28, Marcel. Ils n'ont pas le droit d'afficher cela dans une école.
Là, c'est affiché dans le local. Il y a beaucoup de monde qui va
là. Il faut que tu fasses quelque chose dira-t-il. C'est dans ce
sens-là. C'est toujours très rapide. Je joue au pompier avec deux
périodes d'encadrement et de libération pour faire cette
tâche-là. Quotidiennement, des gens viennent me voir en disant: Le
professeur a-t-il le droit de faire cela?
M. Tremblay (Rimouski): Mais si je comprends bien, votre poste a
été créé à la suite d'un... Est-ce qu'il n'y
avait pas eu un problème à cette école-là?
M. Godbout: À la polyvalente de Charlesbourg?
M. Tremblay (Rimouski): Oui.
M. Godbout: Non, c'est qu'on...
M. Tremblay (Rimouski): Est-ce que votre poste a
été créé à la suite de cela?
M. Godbout: Non. Cela n'a pas été
créé à la suite de problèmes. C'est qu'en
secondaire V, en enseignement religieux et moral, on parlait beaucoup des
droits de la personne. Vous êtes libres, les autres aussi. Et en
secondaire IV nous parlons du thème de la liberté. On a
travaillé sur les droits de la personne. Et avec les associations
étudiantes on s'est aperçu que les jeunes aussi avaient des
droits. Vous aussi vous avez des droits. Quels sont les droits que vous pouvez
avoir, quelles sont les responsabilités que vous avez à
l'égard de ces droits-là, qu'est-ce qu'on peut en faire et
comment peut-on s'organiser pour vous aider à vivre ces
droits-là?
M. Tremblay (Rimouski): Maintenant, je poserais une autre
question à M. Bellemare. À l'élémentaire,
jusqu'à la sixième année, comment pensez-vous que
l'élève pourra revendiquer ou se servir de l'intermédiaire
de l'ombudsman pour étudiants ou du protecteur de l'étudiant?
Comment un élève de deuxième année va-t-il se
servir du protecteur de l'élève, comment va-t-il y avoir
accès? Il y a tout de même les parents qui sont là,
à mon sens, et qui peuvent servir.
M. Bellemare: Ce sera évidemment dans la structure que
prendra l'institution parce que pour moi la protection des droits c'est une
institution. Il est évident que si ce droit de recours est
instauré par la Loi sur l'instruction publique il sera sûrement
chapeauté par une institution qui a déjà fait ses preuves
comme le Protecteur du citoyen. Il devra y avoir à la base même,
comme le disait mon collègue, des pompiers, c'est-à-dire des gens
qui travaillent à la base, qui sont à la base et qui, en plus de
répondre aux besoins, doivent faire de la promotion, se rendre
accessibles et faire de la prévention. Donc, il devra y avoir une
présence à la base, dans mon esprit.
Je viens d'une petite commission scolaire de huit écoles et de
1600 élèves. Il y a même des gens qui, en ce qui concerne
l'enseignement des spécialités, font quatre ou cinq
écoles. Je me dis qu'il est facile pour une personne de voir à
l'environnement, à des contacts à l'égard de ces
unités.
Vous savez qu'une des priorités des commissions scolaires, c'est
la promotion de l'école publique. On fait valoir de plus en plus dans la
population, auprès des parents, les services qu'on donne, la
qualité de ces services. Évidemment, le protecteur de
l'élève deviendrait un service qu'il faudrait faire
connaître et faire promouvoir auprès de la population.
M. Tremblay (Rimouski): Très bien, M. Bellemare. Je vous
félicite encore une fois pour votre rapport. Soyez assuré qu'il
sera écouté au mérite et c'est loin d'être
refusé d'emblée. Je vous remercie.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Juste une petite
intervention avant de reconnaître l'Opposition. J'ai lu votre
mémoire rapidement. Cette espèce d'arbitre, de protecteur de
l'élève, le voyez-vous au sein de l'école, au sein de la
commission scolaire, au sein du ministère ou au sein de la
région? Où le situez-vous?
M. Bellemare: Vous savez que le ministère de
l'Éducation a des bureaux régionaux. Nécessairement,
au-dessus des bureaux régionaux je voyais le Protecteur du citoyen parce
qu'il a toute l'expertise et l'expérience. Mais au niveau des bureaux
régionaux, pour assurer quand même une répartition du
service à travers le Québec d'une manière
équitable, je voyais des responsables. Et au niveau des commissions
scolaires, des répondants et des gens, comme on dit, sur le terrain,
c'est-à-dire des gens qui seraient dans les écoles. À une
grosse école comme celle où il enseigne, il y a 2000
élèves, il y a de la place pour une personne, un
répondant. Mais dans de petites écoles il y a lieu de regrouper
les écoles sous une responsabilité.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M.
Bellemarre.
Je reconnais maintenant la porte-parole de
l'Opposition en matière d'éducation, Mme la
députée de Chitoutimi.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. M. Bellemare et M.
Godbout, j'ai apprécié à la fois le contenu de votre
mémoire de même que sa qualité et, évidemment, ses
conclusions. Cela m'étonnait, et je me faisais moi-même la
réflexion tout à l'heure, vous rappelez justement toute la
question qui a touché la reconnaissance des droits des
élèves, qu'un statut leur permettait de les faire valoir, cela
s'est déroulé entre 1980 et 1985 et, après ça,
c'est tombé comme dans l'oubli à l'exception d'un avis qui a
été donné par le Protecteur du citoyen qui dit qu'il
faudrait absolument créer un poste de protecteur de
l'élève et reconnaître le droit de l'élève de
recourir au Protecteur du citoyen. Je pense que je n'aurais pas longuement
à discourir là-dessus parce que vous n'avez pas à me
convaincre.
Fondamentalement, je suis convaincue. Je ne sais pas comment cela va se
passer. Le ministre me semble extrêmement réservé à
cet égard, mais je vais faire tout mon possible pour qu'on puisse
revenir au moins au texte de la loi 3 et qu'on reconnaisse à
l'élève ces droits élémentaires, à la fois
le droit d'association. Vous savez, s'il y a quelque chose qui est reconnu pour
tous les groupes dans la société, c'est le droit d'association,
sans exception; c'est un droit légitime et il faut qu'on leur donne les
conditions pour que ce droit puisse effectivement s'exercer. Je trouve cela
inacceptable et je ne comprends vraiment pas que ce soit disparu de la loi. Je
n'ai aucune idée comment on peut justifier avoir retiré cet
article-là de la loi 3. Je vous dis que cela dépasse mon
entendement.
L'article que vous citiez tout à l'heure sur le pouvoir de porter
plainte... au ministre; d'abord, la procédure, si M. Godbout nous
décrit le rôle d'un protecteur de l'élève à
l'école: c'est le temps d'écrire au ministre, d'avoir la
réponse, sans parler de la lenteur du courrier actuellement.
L'étudiant a le temps de sortir de l'école et d'être
"drop-in" ou "drop-out", pour utiliser des expressions qu'on a entendues cet
après-midi, et cette possibilité d'un appel, de porter plainte,
s'est faite exclusivement à l'endroit d'un enseignant.
M. Bellemare: Oui, c'est cela. Cela élimine tous les
autres...
Mme Blackburn: Et la structure est tellement loin que, avant que
vous vous asseyiez pour écrire pourquoi vous portez plainte, vous...
Je n'ai vraiment pas compris que le ministre ait décidé de
ne pas reconnaître - parce que c'est ça en fait - ces droits qui
m'apparaissent élémentaires dans la société
d'aujourd'hui et qui assurent, comme vous le rappelez justement, les bases
d'une qualité de vie à l'école qui, ensuite,
évitent les décrochages, ainsi de suite. Parfois, ce ne sont pas
de gros problèmes, mais cela commence à "braquer" tranquillement
l'adolescent en particulier qui dit: Je ne suis plus capable de sentir ce
professeur. Parfois, ce sont des affaires relativement banales qui ne demandent
pas une grosse intervention mais qui assainissent le climat et détendent
un peu les situations. Je pense que souvent, dans la grande majorité des
cas, ce sont des choses qui peuvent facilement, rapidement se régler et
qui demandent une intervention un peu plus souple, rapide à
l'intérieur, moins formelle.
Je reconnais la qualité du travail que vous avez fait. Je ne
pourrais pas y ajouter. Je vous dis que je vais faire tout en mon pouvoir, au
moment où on examinera le projet de loi article par article, pour
ramener dans ce projet de loi cet article qu'on retrouvait dans la loi 3.
Je voudrais vous remercier infiniment de votre participation aux travaux
de cette commission. Je vois que vous avez peut-être des
commentaires.
M. Bellemare: Je voulais vous dire simplement ceci. Ce qui est
apprécié également par les parents dans le cas de son
rôle, par exemple, c'est la confidentialité de la plainte.
Encore ce matin, j'étais à l'école. C'est une
petite école primaire dans un milieu simple rural où il n'y a pas
de gros problèmes comme en ville. Une mère me demande: Est-ce
qu'un professeur a le droit de donner des coups de règle sur les doigts
à un enfant en quatrième année? J'ai dit: Cela n'a pas
dû se passer déjà, c'était l'accueil hier. Elle a
dit: Justement, cela s'est passé hier. J'ai dit: Parlez-m'en, je vais
essayer de régler cela. Eh bien! Je n'ai jamais pu obtenir le nom de
cette dame. J'ai dit: Donnez-moi au moins le nom d'un garçon
auprès de qui je pourrais enquêter. Elle dit non parce qu'il va
avoir des représailles. Cela fait plusieurs années. J'ai
changé souvent d'école. Cela m'étonne à chaque
fois. À chaque fois que j'arrive dans un milieu, cela m'étonne de
voir, de constater la crainte des parents de s'adresser même au directeur
d'école qui... Pourtant, je suis une personne ouverte et je leur dis:
Vous ne me dérangez pas. Il y a une crainte de représailles
auprès de leur enfant.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Nous vous
remercions M. Bellemare, M. Godbout, au nom des membres de cette commission
d'être venus nous rencontrer. Nous suspendons nos travaux jusqu'à
20 heures.
(Suspension de la séance à 17 h 58)
(Reprise à 20 h 7)
Congrès juif canadien de la région du
Québec
Le Président (M. Parent, Sauvé): À l'ordre,
s'il vous plaît!
Je rappelle que la commission permanente de l'éducation poursuit
ses travaux dans le cadre du mandat qui lui a été confié
par l'Assemblée nationale, à savoir tenir une consultation
générale sur les projets de loi 106, Loi sur les élections
scolaires et 107, Loi sur l'instruction publique.
Ce soir, nous accueillons le Congrès juif canadien de la
région du Québec dont le porte-parole est M. Morton Bessner,
président. M. Bessner, au nom des membres de cette commission, je
voudrais vous remercier d'avoir bien voulu répondre à notre appel
pour nous faire connaître le fruit de votre réflexion sur ces deux
projets de loi. Monsieur Bessner je vous inviterais à nous
présenter les gens qui vous accompagnent et à enchaîner
immédiatement avec la présentation de votre mémoire. Feel
free to express yourself in English or in French. Nous vous
écoutons.
M. Bessner (Morton): Merci. M. le Président, Mmes, MM. les
membres de la commission, je suis Morton Bessner. Je suis président du
Congrès juif canadien de la région du Québec. Nous sommes
très heureux d'être ici ce soir. Notre équipe est
composée, à ma gauche de M. Michael Crelinsten, directeur
exécutif du Congrès juif canadien, région de l'Est;
à mon extrême droite, M. Jack Jedwab, directeur du comité
de relations communautaires au sein duquel on trouve la responsabilité
pour l'éducation; M. Frank Schlessinger, qui est ce soir notre
porte-parole.
Je vous dirai, premièrement, comme président, que nous
avons déposé notre mémoire et nous présumons que
tous les membres en ont déjà pris connaissance.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Soyez-en certain,
monsieur.
M. Bessner: Nous voudrions vous présenter M. Frank
Schlessinger qui sera notre porte-parole et qui exprimera quelques remarques
sur notre mémoire et sur notre position.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Avant de
débuter, M. Bessner, permettez-moi de faire une petite intervention. Je
voudrais excuser M. le ministre de l'Éducation qui va se joindre
à nous incessamment. Aujourd'hui, c'est mercredi et il y a Conseil des
ministres. Alors, M. Ryan a été retenu par le Conseil des
ministres jusqu'à l'heure du souper. Il devait retourner à son
bureau et revenir. On nous informe qu'il devrait être ici dans cinq ou
dix minutes. Par contre, j'aurais pu attendre le ministre et je pourrais encore
l'attendre, mais on m'a informé que vous aviez un avion à prendre
et que vous deviez retourner à Montréal de bonne heure. Alors,
Mme la députée de Jacques-Cartier, ici à ma droite, est
l'adjointe parlementaire du ministre de l'Éducation et il y a
également tous les députés de l'équipe
ministérielle qui vont se faire un devoir d'informer le ministre et il y
a aussi l'équipe de l'Opposition officielle qui est là. Alors,
vous êtes entre bonnes mains.
M. Bessner: Merci. M. Schlessinger, s'il vous plaît!
Le Président (M. Parent, Sauvé): Monsieur.
M. Schlessinger (Frank): M. le Président, Mmes et MM. les
députés, membres de la commission, je tiens à vous
remercier de votre accueil chaleureux et de nous avoir accordé cette
occasion de comparaître devant vous, ce soir.
Vous savez peut-être que le peuple juif a toujours
été appelé le peuple du livre. L'éducation pour les
Juifs, c'est l'essentiel; c'est le noeud de notre culture et de notre religion.
Pour cette raison, l'éducation, qui va main en main avec le livre, est
quelque chose, qui était au noeud de notre famille, de notre religion,
de nos synagogues depuis le début, depuis nos origines. C'est pour cette
raison que lorsqu'il y a quelque chose qui touche à l'éducation,
nous nous y intéressons vivement. Nous sommes très heureux
d'avoir l'occasion de venir présenter nos préoccupations.
Peut-être au lieu... Nous n'allons pas vous ennuyer à vous
lire notre mémoire que vous avez lu, ni le résumer, mais...
Le Président (M. Parent, Sauvé): Vous voulez, par
exemple, insister sur certains éléments...
M. Schlessinger: Oui, c'est cela.
Le Président (M. Parent, Sauvé):... soyez bien
à votre aise parce qu'en fin de compte, d'habitude, les gens prennent au
moins le tiers de la période de temps qui leur est
réservée pour expliquer enfin leurs positions.
M. Schlessinger: Nous n'avons pas cette intention.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Très
bien.
M. Schlessinger: En effet, une lecture attentive du projet de loi
107 que nous avons faite révèle que plutôt que d'abolir la
confes-sionnalité au sein du système d'éducation, on l'a
tout simplement déplacée du niveau commission scolaire au niveau
de l'école. Ce qui peut arriver, il y a un danger; c'est que cela va
politiser l'école. Au lieu de garder la religion au niveau de la
commission scolaire, où l'atmosphère serait peut-être un
peu plus saine, on va demander aux parents et aux membres des commissions
d'orientation d'avoir des débats sur la direction et l'orientation
religieuse de chaque école. Nous trouvons que cela peut avoir des effets
néfastes sur l'éducation.
Si, par exemple ou par contre, vous tenez réellement à
maintenir le système de confession-nalité, lequel nous avons
toujours dit qu'il n'était pas bon pour la province de Québec,
nous avons toujours appuyé le concept d'un système neutre, un
système linguistique peut-être. C'est peut-être un des
moyens de l'avoir, je vais revenir à cela dans un moment. Nous avons
toujours appuyé le système de neutralité au sein des
commissions scolaires. Mais si vous tenez réellement à garder la
confessionnalité dans les écoles, nous prétendons qu'il
est inapproprié, dans le contexte actuel de multiculturalisme et
d'égalité de religion, de conserver cette situation
démodée d'exclusivité aux protestants et catholiques. Les
autres religions devraient avoir les mêmes droits et recevoir le
même respect.
A titre d'exemple, je peux vous citer quelque chose qui peut vous
paraître moins important mais qui nous frappe: c'est la question de
l'enseignement moral et religieux. Si vous êtes protestants et recevez
votre éducation protestante au sein de l'école, vous n'avez pas
besoin de prendre l'instruction morale et religieuse. Si vous êtes
catholiques et prenez l'éducation catholique, vous n'avez pas besoin du
cours d'instruction ou d'enseignement moral et religieux. Par contre, si vous
êtes juifs et que vous suivez un cours de religion juive, vous devez
toujours prendre le cours d'instruction morale ou religieuse. Cela veut dire
qu'on a peur peut-être si nous ne sommes pas protestants ou catholiques,
la religion n'est pas tout à fait comme il faut. Je suis convaincu que
c'est un oubli de la part des rédacteurs de ce projet de loi et je vous
suggère fortement de porter attention à cette question parce que,
dans le contexte actuel, c'est quasiment une insulte aux autres religions. (20
h 15)
II y a également la question des comités d'orientation.
Pour avoir l'instruction dans une religion autre que protestante ou catholique,
il faut que le comité d'orientation le demande. Si, par contre, la
majorité d'une école consiste en protestants ou catholiques et
non en un groupe minoritaire, il y a de fortes probabilités que le
groupe minoritaire n'ait jamais le moyen d'avoir son instruction dans la
religion voulue. Alors il y a deux façons de voir ce problème,
soit - et ce que nous avons suggéré - s'il y a un groupe de
parents qui demande l'éducation ou l'enseignement de cette autre
religion, ce groupe aura le droit de l'avoir et non seulement le
privilège. Reste à fixer quelles seront les normes pour les
groupes. Nous n'avons pas fixé cela dans notre mémoire, mais
c'est quelque chose qu'on peut discuter. D'autre part, il faut avoir une
certaine mobilité des étudiants, parce que s'il y a deux ou trois
musulmans ou deux ou trois juifs dans une école, et s'il y en a un autre
à côté qui a peut-être plus, il devrait avoir le
droit de se joindre à eux pour former un groupe adéquat pour
demander l'enseignement de leur religion.
Un autre aspect que nous considérons essentiel, c'est qu'on ne
réforme pas un système d'éducation à la
légère. Je vois que l'existence même de cette commission
démontre le sérieux du gouvernement et son dévouement
à ce problème. Nous suggérons fortement, vu les questions
constitutionnelles posées par cette loi et indiquées par M. le
ministre Ryan, que le projet de loi soit soumis à une décision
constitutionnelle sur tous les aspects de la loi, non pas en partie, ni
après avoir instauré une partie de la loi. Si on commence
à instituer ou à faire l'implantation du système et, en
plein milieu, la cour rend un jugement déclarant qu'une partie
était anticonstitutionnelle, on risque de devoir démanteler un
système déjà réformé. Cela risque de causer
un chaos dans le système. On suggère fortement que le projet de
loi soit soumis à une décision judiciaire avant de
démanteler ou de réformer le système actuel.
Enfin, si les catholiques et les protestants ont le droit
d'établir leur école, je crois que les autres religions devraient
avoir le même droit. Je ne vois aucune raison, dans le contexte de
l'année 1988, pour que l'on reste dans ce contexte de catholiques et
protestants. Toutes les religions qui ont une existence, qui ont un groupe, qui
existent et qui désirent avoir leur propre système d'école
devraient avoir les mêmes droits que les catholiques et les
protestants.
M. le président du Congrès juif canadien de la
région du Québec me rappelle que l'on demande que si le projet de
loi est adopté - espérons-le après avoir reçu
l'approbation de la Cour suprême ou du système judiciaire - ce
devrait être une loi organique, c'est-à-dire des garanties
constitutionnelles qu'une fois établies, un autre gouvernement ne
pourrait pas revenir tout changer dans deux, trois ou dix ans. Le
système d'éducation, comme je viens de le dire, n'est pas une
chose à laquelle on touche à la légère. Il faut
que, si on abandonne un système existant ou actuel, il soit
remplacé par quelque chose de très stable, qui va protéger
les droits de toutes les parties.
Je crois que j'ai assez parlé pour le moment. J'ai
été bref, mais je crois que c'était dans notre
intérêt d'être brefs et de vous donner, messieurs et
mesdames, la possibilité de nous questionner sur les points qui vous
intéressent en particulier. Je vous remercie de votre attention.
Le Président (M. Parent, Sauvé): M. Schlessinger,
je vous remercie beaucoup, d'abord d'avoir pris la peine de venir ici, avec vos
collègues, nous donner le fruit de votre réflexion sur ce projet
de loi. Je pense que tous les membres de la commission présents ici sont
conscients de l'apport important, et surtout de l'apport culturel des gens de
religion juive dans l'histoire du Québec, de la place importante que
vous y avez prise et de la place importante que vous continuez à
prendre. Le Congrès juif a toujours été le
représentant et le porte-parole de
l'ensemble des gens qui pratiquent cette religion. Il a toujours
reçu une oreille attentive de la part de tous les gouvernements,
nonobstant leur appartenance politique. Nous avons eu des gens de votre
religion qui ont vécu ici, au Parlement, comme parlementaires; nous en
avons eu qui ont été parmi nos juges les plus éminents, et
on en a reconnu dans à peu près toutes les sphères de la
société. C'est pour cela que nous sommes heureux et
flattés que vous ayez pris la peine de venir, parce que souvent, et vous
le savez, on est porté à vous marginaliser. Vous faites partie
intégrante de l'ensemble du Québec, et vous nous apportez un
éclairage que d'autres ne peuvent nous apporter parce qu'ils ne le
vivent pas. Je pense que cela est très précieux pour enrichir une
commission comme la nôtre.
Nous avons retenu votre interrogation sur le droit ou le
privilège des tenants de certaines religions à être mieux
représentés que d'autres. Cela porte à
réfléchir. C'est sûr que l'histoire du Québec est
basée sur deux grandes religions fondamentales: les catholiques et les
protestants. Mais aujourd'hui, en 1988, est-ce que la réalité
culturelle est la même? Nous avons le droit de nous interroger. Je ne dis
pas que je partage le point de vue de tout ce que vous nous avez dit, mais je
reconnais votre droit à vous poser des questions, et cela, nous
l'apprécions beaucoup.
Quant à vos remarques sur l'article 93, l'article 93 de la
constitution du Canada touche seulement deux territoires: le territoire de la
région de Québec et le territoire de la région de
Montréal qu'elle protège et où elle reconnaît les
commissions scolaires confessionnelles. Est-ce que vous accepteriez qu'à
l'intérieur de la constitution canadienne un article, qui serait un
autre article que 93, protégerait les droits linguistiques? Quant
à cela...
M. Bessner: On ne peut pas dire - je pense que c'est presque
réglé - que l'article 93 est un article qui protège la
langue de l'instruction. Je pense que c'est la confessionnalité qui y
est protégée. La question que vous avez soulevée, M. le
Président, c'est la réalité d'aujourd'hui. Mais la
réalité d'aujourd'hui, il est nécessaire de la regarder en
vertu de celle qui est déjà passé. En anglais, on dirait:
Je pense qu'il est temps de faire un "trade off. Parce que le temps est que la
confessionnalité est, en fait, une... La réalité est que
les écoles catholiques sont des écoles françaises, et les
écoles protestantes sont des écoles anglaises. Si vous voulez
bouleverser la chose d'aujourd'hui, la réalité ou le "trade off",
vous devez mettre dans la constitution: catholique française,
protestante anglaise. Je pense que, en vertu du fait que nous sommes en train
de bâtir un système d'éducation non seulement pour le
passé, ni pour aujourd'hui, mais pour l'avenir, à Québec,
même au Canada et dans le continent nord-américain... On vit dans
une société ouverte, une société avec des liens
plus importants - si on peut utiliser, dans cette auguste Chambre le "free
trade agreement" - on est en train de changer la direction de l'avenir. Ce
qu'on veut au Québec, ce sont des étudiants qui vont sortir de
nos écoles prêts à bâtir pour l'avenir. Je pense
qu'on doit considérer que, pour la communauté juive, on voudrait
que les étudiants qui vont sortir de nos écoles publiques
à l'avenir soient prêts à prendre leur place dans la
société à venir. C'est la raison pour laquelle je dois
vous dire rapidement que l'article 43 n'est pas une règle linguistique,
mais si vous regardez la réalité dans l'avenir et celle du
passé, on doit faire le changement pour quelque chose d'important pour
l'avenir.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. Bessner.
Il y a une chose qui me sécurise un peu dans votre réponse et
dans vos allusions, et qui m'avait inquiété dans
l'interprétation de votre collègue tout à l'heure. Il nous
a dit: Si jamais le projet de loi 107 venait à passer, nous
espérons qu'il sera stable et pratiquement immuable, de façon
qu'un autre gouvernement, d'ici quelques années, ne le change pas. Aucun
politicien, aucun gouvernement ne peut vous garantir cela. Au rythme où
l'évolution va aujourd'hui, au rythme où les choses changent
aujourd'hui, ce serait faire preuve d'un conservatisme dangereux que de
s'engager. Actuellement, il y a un projet de loi qui est sur le tapis, qui est
présenté, mais rien ne nous dit que dans cinq ou dix ans, il ne
devra pas être amélioré, peut-être pas remis en
question, mais qu'il ne devra pas être amélioré.
M. Bessner: Si vous me permettez de vous interrompre, M. le
Président, la raison pour laquelle nous avons eu ici à
Québec, depuis de longues années, le débat sur la question
de la confessionnalité, c'est qu'il y a quelque chose de ferme qui fait
obstacle à des changements. In english: just to change the wind or to go
with the wind. On ne remet pas en question la bonne foi du gouvernement qui
sera en place demain, ni celle du gouvernement qui était en place il y a
vingt ans. Mais c'est important. Il doit y avoir, je ne voulais pas dire des
barrières, mais des choses sur lesquelles on puisse avoir une
deuxième chance de regarder, des choses fondamentales.
L'éducation est une chose fondamentale pour le bien-être d'une
société.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Je puis vous
assurer que les intentions du ministre de l'Éducation semblent bien
arrêtées et bien sérieuses. Si je vous apprends que, ce
soir, vous êtes probablement le 112e ou 113e organisme que nous
entendons; je ne sais pas si vous connaissez le processus... Non, non, mais on
a appris ce soir. Si on ne vous avait pas reçus, il y a peut-être
une facette de la problématique du système que l'on n'aurait pas
eue.
Si ce projet de loi revient, il sera étudié par les
ministériels et par l'Opposition article
par les ministériels et par l'Opposition article par article pour
579 articles. C'est donc dire qu'on va mettre toutes les chances de notre
côté de façon que la Loi sur l'instruction publique
réponde aux besoins, aux aspirations et au climat politique et culturel
à l'intérieur duquel nous vivons ici au Québec.
Je reconnais maintenant Mme la députée de Jacques-Cartier.
(20 h 30)
Mme Dougherty: Merci, M. le Président. À mon tour,
il me fait énormément plaisir d'accueillir les
représentants du Congrès juif. Je suis franchement un peu
perplexe devant votre mémoire. Comme vous le savez, nous avons
lutté ensemble - les représentants et surtout M. Bessner, d'abord
- il y a vingt ans, pour le droit de vote des juifs dans la commission scolaire
où j'étais commissaire, à Ville Mont-Royal. Quand j'y suis
arrivée comme commissaire, j'ai découvert avec horreur que les
Juifs n'avaient pas le droit de vote à la commission scolaire de Ville
Mont-Royal. Depuis cette époque, j'ai toujours lutté pour une
commission scolaire plus accueillante et plus ouverte, où on pourrait
enlever toutes les étiquettes, oublier toutes les différences
d'origines, les différences culturelles, les différences
religieuses, etc., pour en faire une commission scolaire vraiment neutre et
respectueuse des différences.
Je sais que vous vous êtes toujours prononcés pour un
système neutre. Dans ce sens, je crois que nous avons toujours
partagé le même rêve pour l'avenir. Aujourd'hui, nous sommes
en face d'un mémoire qui présente un virage de pensée et
qui demande, par exemple, qu'une religion autre que catholique ou protestante
soit dispensée lorsque les parents d'une religion particulière en
font la demande, en dépit du nombre. Je crois que, dans le projet de
loi, on mentionne: "... where numbers warrant".
M. Schlessinger: C'est le comité d'orientation qui
décide.
Mme Dougherty: Pardon?
Une voix: Non, c'est la commission...
Mme Dougherty. D'accord. Voudriez-vous nous expliquer un peu ce
que j'appelle ce virage de pensée? Est-ce que c'est réel, est-ce
que c'est circonstanciel, peut-être? Voudriez-vous nous donner des
précisions et nous dire le pourquoi de votre position dans ce
mémoire?
Le Président (M. Parent, Sauvé): M.
Bessner.
M. Bessner: I think it is unfortunate if, Mme la
députée whom... I did not realize - it would be possible to have
been 20 years ago that we started before Judy Lamarsh... ha, ha! - that our
brief would give the impression that we were making a turn in our
"pensée". I think it is important to express clearly that Canadian
Jewish Congress has always stood for and, at this time, continues to stand for
a non confessional neutral public school system in the province of
Québec, rendering the highest quality of education, regardless of
language or religion or color or creed. That is fundamental, that is our
premise, it has not changed and we do not intend to change it. And if we have
our wishes, that is the kind of school system that one should have in the
province of Québec. However, faced with what we still believe is a
confessional school system disguised as a linguistic school system, we believe
that administratively you have taken confessionality in this Bill and removed
it from the school board level where it has always been historically down to
the local school level. We then say that, in 1988, if you are going to entrench
confessionality in the school, then it should be available in 1988 and in the
future to all persons bearing a religious grouping. That is based on the
quality of citizen... but we do not, Mme la députée, change our
fundamental and preferred position in having the kind of school system which we
have espoused for years.
Une voix: My colleague has...
Le Président (M. Parent, Sauvé): Go ahead.
M. Schlessinger: Je tiens à souligner la deuxième
phrase du deuxième paragraphe du résumé qui est
annexé à notre mémoire, et qui se lit comme suit: "Le
Congrès juif canadien de la région du Québec regrette donc
et est déçu que le gouvernement n'ait pas profité de cette
occasion pour proposer un véritable système d'écoles
publiques non confessionnelles. " Je crois que notre position est assez claire.
Nous préférerions de beaucoup que ce soit un système
vraiment non confessionnel. Mais, comme je l'ai dit dans mes remarques
préliminaires, si vous insistez pour garder un système
confessionnel, à ce moment-là, nous voulons les mêmes
droits pour les minorités que ceux qu'ont les majorités. C'est
cela que nous disons.
Je tiens également, Mme la députée, à
attirer votre attention sur le premier alinéa de l'article 80 qui dit
que le conseil d'orientation donne son avis à la commission scolaire sur
la demande de reconnaissance confessionnelle de l'école ou du retrait de
cette reconnaissance. Ce n'est pas là où le nombre le justifie ou
"the number warrant", c'est le conseil d'orientation. Je crois que ce conseil
d'orientation est élu démocratiquement et, par conséquent,
par la majorité, d'où le fait que les minorités seront,
par définition, dépourvues.
Je me permets peut-être, puisque j'ai le micro, d'ajouter quelque
chose sur quoi j'ai oublié de revenir. Lors des enquêtes que nous
avons faites, parce que nous avons aussi tenu notre petite commission
parlementaire au sein du
les différents représentants de notre communauté:
l'Association des écoles juives de Montréal, le Jewish
Education..., le Conseil d'éducation juive, le Service communautaire
juif, l'association des parents, l'association des professeurs, les
représentants des étudiants. Alors, afin de créer notre
aide-mémoire, nous avons consulté toute notre communauté.
Il y a une chose qui est ressortie, c'est que nous sommes tous d'accord pour le
système non confessionnel. Quand on choisit le système
linguistique, peut-être que c'est la seule façon, je ne le sais
pas, mais il ne faut peut-être pas oublier le fait qu'il y ait un certain
risque qu'il ne faut pas oublier, c'est de promouvoir plus de
"dichotomisation", si je peux employer ce mot, de "ghettoïsation" de la
province entre Anglais et Français. Dans le moment, dans le
système catholique, on a quand même les catholiques anglais et les
catholiques français; dans le système protestant, on a les
protestants anglais, les catholiques anglais et les Juifs, par
particularité. C'est peut-être le seul endroit au monde où
des Juifs sont appelés pour fin d'éducation des protestants. Je
suis protestant, officiellement, pour fin d'éducation, imaginez!
Il y a quand même une certaine interrelation entre les groupes
linguistiques à ce niveau. Si vraiment cela devient un système
purement linguistique, même si on a la confessionnalité, on risque
d'avoir encore un autre endroit où l'inter-relation
anglophone-francophone sera peut-être diminuée. C'est
peut-être quelque chose à garder à l'esprit. Je ne dis pas
qu'il y a d'autres solutions, mais peut-être qu'il ne faut pas tout
à fait oublier cet aspect.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Je vous remercie,
monsieur. Maintenant, je vais reconnaître l'Opposition officielle en la
personne du député de Shefford et qui est aussi le
vice-président de cette commission. M. le député.
M. Paré: Moi aussi, au nom de la formation politique que
je représente, je vous souhaite la bienvenue. Je trouve très
important que vous y soyez, je dois le dire. Quand vous disiez tantôt, M.
le président, que ce qu'on est en train de faire, ce sont des
écoles ou un système pour l'avenir, c'est effectivement vrai. On
ne change pas cela en espérant le changer à nouveau dans deux ou
trois ans, même si, possiblement, on fera des ajustements de
société dans dix, quinze ou vingt ans. Cela est tout à
fait naturel et normal. Sauf qu'il aurait été impensable, je
pense, de modifier le système sans vous entendre et entendre d'autres
groupes des communautés culturelles. On sait très bien que la
communauté québécoise est de plus en plus pluraliste. Il y
a de plus en plus de groupes qui viennent ici, tant mieux. Quand il y a un
système aussi important que le système d'éducation qui, en
fait, devrait rapprocher les gens, qui touche tout le monde parce que tous les
jeunes passent par le système d'éducation, malgré les
écoles privées, cela n'empêchera pas quand même que
tous passent par l'école, cela est important, donc, que les
communautés culturelles viennent nous donner leur point de vue
là-dessus. Quand on parle de religion, en plus d'être un sujet
sensible, je dois vous dire que c'est important. On a une histoire au
Québec et, si vous aviez été ici depuis quelques jours,
même depuis quelques heures, avec l'avant-midi qu'on a connue, vous
auriez vu déambuler devant vous l'histoire catholique, d'une certaine
façon, du Québec. C'est une des raisons pour lesquelles on veut
avoir un nouveau système plus moderne, plus adapté, qui tienne
compte du fait que la société québécoise doit
être ouverte et accueillante, mais en même temps ne pas abandonner
ce que l'histoire nous a légué comme responsabilité. S'il
y avait au tout début une société strictement catholique,
les protestants étant venus, avec les siècles finalement, on se
retrouve aujourd'hui avec deux groupes plus importants mais avec d'autres
groupes qui s'ajoutent.
Si ma collègue et porte-parole officielle en matière
d'éducation était ici, je crois qu'elle vous aurait
félicités encore davantage pour l'école neutre que vous
préconisez. Quand on croit à la charte des droits et
libertés, quand on croit à la justice et à
l'équité et qu'on porte notre jugement au maximum, à la
limite, effectivement, vous avez raison, cela prendrait des écoles
neutres pour permettre à chacun des citoyens d'avoir des chances
égales de ne pas être "ghettoïsés" ou minorisés
à l'intérieur d'une structure, car on passe plusieurs heures
comme étudiants sur les banquettes de l'école.
Cela étant dit, il faut tenir compte de tout le contexte et le
système qu'on apporte est linguistique. Vous aviez raison tout à
l'heure quand vous disiez que vous êtes obligés de vous
considérer comme protestants alors que vous êtes juifs, parce que
le système fait en sorte qu'il y a des choses qui ne sont plus claires.
Il y a des choses à corriger. On pense que la meilleure façon, ce
sont le système linguistique, les commissions scolaires linguistiques,
mais en tenant compte de la possibilité ou de la liberté des gens
au niveau religieux, spécialement des deux groupes sans ignorer les
autres groupes. Que vous veniez nous le dire est important.
Et, comment peut-on le faire maintenant en pratique? Vous dites que
l'idéal serait un système neutre égalitaire pour tout le
monde. Donc, les écoles sont neutres, la religion on va la chercher
ailleurs. Les communautés, les églises sont là pour
apporter aux citoyens l'aspect religieux finalement qu'ils doivent avoir. Par
contre, on apporte un système. Le comité d'orientation va
suggérer à la commission scolaire qu'une école soit
catholique ou protestante. Là, il va y avoir un projet éducatif
qui va être catholique. À l'intérieur de cela, il y a des
cours de religion catholique qui vont être donnés et ceux qui n'y
iront pas iront au cours de morale. Cela veut
dire ce que vous avez dit tout à l'heure, le cours obligatoire de
morale, comme si les autres religions n'étaient pas bonnes. Je pense
qu'on doit effectivement à cette table, lorsqu'on étudiera la
loi, le projet de loi modifié, corrigé, tenir compte de votre
préoccupation, tout comme vous êtes des Juifs et non pas des
protestants. Est-ce que dans l'école on va vous obliger... L'argument
que vous avez utilisé tout à l'heure m'a frappé, je vous
le dis tout de suite. Il faut que nos enfants assistent au cours de morale
parce que les autres religions, c'est comme si elles n'étaient pas
bonnes.
N'y aurait-il pas moyen finalement de s'entendre qu'il y a des
écoles confessionnelles et que la pastorale est donnée à
l'intérieur d'un cours? Le cours de religion et la pastorale entrent
là-dedans. Cependant, ceux qui ne suivent pas le cours de religion
catholique, admettons dans une école catholique, qu'on donne le choix
aux gens d'avoir un cours de religion juive ou autre. Cela pourrait être
probablement équitable, juste, en respectant la philosophie, la charte
des droits et libertés, en respectant le voeu de la majorité mais
ne pas bafouer le choix des minorités parce qu'il peut y en avoir
plusieurs.
Par contre, au niveau très pratique, vous me l'expliquerez
tantôt. Vous l'avez fait, mais je voudrais que cela soit bien clair.
C'est sûr que, dans des écoles, dans la région de
Montréal spécialement, dans la même école, on va
retrouver très souvent plusieurs groupes de différentes
religions. Il n'y aura pas probablement au même niveau et au même
moment dans la même classe un nombre d'élèves suffisant.
Quand vous dites qu'on devrait le faire au niveau des écoles,
expliquez-moi comment vous le voyez du point de vue pratique, parce que cela
voudrait dire quoi? Un cours par semaine où on regroupe les gens dans un
même local? (20 h 45)
M. Schlessinger: Pour commencer, si vous lisez la partie de notre
mémoire qui parle de mobilité, cela va peut-être clarifier
un peu la situation. Grosso modo, le problème se présente
plutôt dans l'île de Montréal et aux alentours. Je ne pense
pas qu'à Chicoutimi vous ayez beaucoup de problèmes
là-dessus. Disons que dans une école à Saint-Laurent, il y
a 17 élèves grecs et que dans une école à deux
coins de rue, il y en a deux ou trois. Si les deux ou trois de cette autre
école peuvent se joindre à ceux où il y en a 17, pour
avoir un cours de grec orthodoxe - je me sers d'un exemple absolument non
recherché, c'est seulement à titre d'exemple - je ne veux pas que
la communauté grecque orthodoxe vienne me voir. Mais si, par exemple, il
y avait cette situation pour justifier qu'un professeur de religion grecque
orthodpxe vienne à cette école donner le cours - je crois que
c'est deux périodes par semaine, si je ne m'abuse - quelque 80 minutes
par semaine, ce n'est pas exorbitant, on pourrait facilement arranger quelque
chose comme cela. Alors, si on avait ces deux choses ensemble, le droit d'un
groupe de parents, pas nécessairement le comité d'orientation
où ils ne seront toujours pas majoritaires, mais un groupe de parents et
la capacité pour les élèves voisins de venir s'installer
dans la même école pour faire un groupe d'une taille et
d'envergure assez importante pour justifier les dépenses, je crois que
ce serait quelque chose qui ne serait pas très difficile à
instaurer. Je serais étonné de savoir que ce n'est pas faisable.
Si c'est une personne, c'est évident qu'on ne peut pas, il faut
être réaliste, mais si on a un groupe de personnes qui peuvent
mériter une certaine dépense, je crois qu'ils ont le même
droit que d'autres groupes.
D'autre part, il ne faut pas oublier non plus que si les gens veulent
vraiment avoir leur éducation religieuse, il y a les systèmes
privés d'éducation aussi. Il y a le réseau privé
juif, le réseau privé grec; d'autres ont leur réseau et si
le système devait être en mesure de rester en place et de servir
les communautés qui veulent leur éducation religieuse, mais le
système public devrait être neutre.
M. Paré: Je comprends qu'il y a le système
privé parallèle qui offre finalement le cours
désiré pour les gens qui veulent les envoyer là, sauf que
quand on parie de permettre aux gens de suivre les cours dans un même
local, je préfère cela et que l'on regarde les dépenses,
puis qu'on essaie de les assumer comme société que ce que vous
avez amené tantôt comme possibilité c'est-à-dire que
ce sont des écoles de groupes qu'on implanterait: orthodoxes, grecs,
juifs, etc. Je dois vous dire que le système public scolaire doit avant
tout rapprocher les gens et les communautés et non pas les diviser. A ce
stade, on a à investir temps, argent, énergie et imagination pour
trouver la façon dont les Québécois, peu importe notre
provenance, notre origine, se retrouvent dans le système scolaire
malgré nos différences et avec nos différences.
Quand vous disiez tantôt - une autre chose que l'on retrouve dans
votre mémoire - que l'on veut maintenir les commissions scolaires
dissidentes, et là aussi c'est un principe qu'il faut considérer
dans la logique la plus pure qui soit, si on accepte qu'il y ait des
commissions scolaires dissidentes, comment n'accepte-t-on pas qu'il y ait des
commissions scolaires linguistiques? C'est ce que l'on retrouve dans votre
mémoire, si on accepte de maintenir des commissions scolaires
dissidentes, les communautés religieuses auraient le droit d'avoir leur
commission scolaire religieuse, étant donné que l'on en permet
une, c'est une liberté qu'on leur donne. C'est ce que l'on retrouve dans
votre mémoire. Cela porte à réfléchir. Je ne vous
dis pas que je suis d'accord, je vous dis que, comme membres de la commission,
nous devrons réfléchir sur le principe même de le permettre
à un groupe minori-
taire et plus petit parce qu'il est dissident, mais au groupe plus
important, on ne le permet pas. Il faudrait pousser la logique au fond,
à mon avis.
Deux autres petites questions avant que mon temps finisse. Quand vous
dites que les élèves doivent avoir le choix, ce que l'on retrouve
surtout dans la région de Montréal encore une fois, de leur
école en fonction de leur religion et de leur langue - on retrouve cela
dans votre mémoire - vous le mettez toujours dans le respect de la loi
101. J'ai bien compris quand vous dites que pour ce qui est de la langue, c'est
là où vous pouvez peut-être retrouver le plus de gens de la
communauté juive à l'intérieur d'une école, mais
toujours dans !e respect de la loi 101. D'accord.
Une dernière question. Vous dites qu'on devrait soumettre - on
retrouve cela dans le résumé, le dernier paragraphe - le projet
de loi dans sa totalité aux tribunaux et attendre les résultats
avant de procéder. Ne pensez-vous pas, connaissant les faiblesses ou des
faiblesses en tout cas qu'il y a présentement dans le système
scolaire, qu'on pourrait au moins essayer d'en régler en sachant que ces
points sont constitutionnels, qui nous permettraient non pas de changer tout le
système mais au moins d'améliorer là où on sait
qu'on peut le faire? Ne pensez-vous pas qu'il y a des mesures qu'on peut
déjà mettre en place et que ce serait favorable, parce que tout
n'est pas relié à la confession et au domaine linguistique dans
le système scolaire? Il y a la qualité de l'enseignement, la
formation des enseignants, il y a une foule de choses quand on regarde les 579
articles de la loi. Ne pensez-vous pas qu'on pourrait au moins faire un bout de
chemin en attendant?
M. Bessner: On doit être réalistes. Il doit y avoir,
je suis certain, des aspects administratifs qui peuvent être
changés et être améliorés et qui ne touchent pas les
bases fondamentales de la constitution d'une école confessionnelle. Mais
la question est toujours: Where do you draw the line? Je suis très
heureux que M. le ministre soit déjà arrivé. Je pense que
ce devrait être son ministère et le législateur qui doivent
décider "where to draw the line when you are starting to change" un
système fondamental. Est-ce qu'on doit mettre tout le projet de loi ou
seulement un article? Je pense que c'est le gouvernement qui doit
décider. C'est un projet de loi très compliqué et je pense
qu'il y a des liens entre les quatorze premiers paragraphes qui sont
répétés, particulièrement dans les articles 400 et
plus. Est-ce qu'on peut couper l'esprit même du projet de loi ou tout le
projet de loi? On doit être réalistes, c'est tout ce qu'on peut
vous dire à ce moment-ci.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M.
Bessner.
M. Paré: Alors en concluant, je vous remercie. C'est un
enrichissement pour la commission de pouvoir vous entendre et je suis convaincu
que vous allez nous porter à réfléchir passablement sur
une partie importante de la clientèle scolaire qui est le groupe des
communautés culturelles qui prend de plus en plus de place dans la
grande région de Montréal et un peu aussi dans les autres
régions. Mais nous sommes très préoccupés. La loi
est due aussi en grande partie à cette situation, donc nous devrons en
tenir compte. Merci de votre présentation.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci. Il nous
reste encore quelques minutes et je reconnais M. le ministre de
l'Éducation.
M. Ryan: Alors M. Bessner et messieurs de la
délégation du congrès juif, il m'est agréable de
vous rencontrer ce soir avec mes collègues de la commission
parlementaire. Je veux profiter de l'occasion pour remercier le Congrès
juif canadien de l'intérêt qu'il a toujours manifesté pour
les questions d'éducation au Québec et pour le sérieux et
la régularité avec lesquels il intervient dans les débats
qui intéressent l'avenir de la communauté
québécoise. Je pense que le Congrès juif canadien, dans sa
section québécoise en particulier, est profondément
impliqué dans révolution de la vie au Québec et nous nous
en réjouissons à bien des points de vue.
Dans le domaine de l'éducation, votre communauté a une
situation particulière. Une bonne partie des enfants de la
communauté juive fréquentent les écoles publiques, surtout
du côté protestant, et s'y trouvent bien dans l'ensemble et y
reçoivent, je pense, un traitement dont leurs parents sont satisfaits;
ils ont accès à des fonctions d'enseignement, des fonctions de
gestion, même des fonctions de commissaire, grâce à des
amendements qui ont été apportés à nos lois au
cours des années. Je pense que nous nous en réjouissons tous.
Nous avons un certain nombre d'élèves juifs dans les
écoles de nos commissions scolaires pour catholiques également
qui sont très bien reçus, qui réussissent très bien
et que nous sommes heureux de rencontrer à l'occasion.
En plus, le gouvernement subventionne, comme vous en avez fait mention
tantôt, des écoles privées juives. Je pense que le
gouvernement subventionne 24 écoles privées juives qui
accomplissent un excellent travail en matière d'éducation, qui
imposent à leurs élèves un régime très
exigeant, parce qu'on leur fait étudier, non pas seulement une
langue, mais parfois quatre langues: le français, l'anglais, le yiddish
et l'hébreu. Et ces enfants - moi, j'en ai connu quelques-uns
personnellement à travers des familles que je connaissais bien -
acquièrent dans ces écoles une discipline et accèdent
à un développement intellectuel, social et moral très
intéressant, très riche. Nous sommes heureux de cette association
du gouvernement avec les
écoles de la communauté juive, et il ne me serait jamais
venu à l'idée de penser que l'existence même de ces
écoles soit un facteur de division. C'est un facteur, à la
longue, de meilleure compréhension parce que ma philosophie, c'est que
plus chacun est profondément enraciné dans sa tradition, plus il
a de chances d'accéder à l'universel dans des conditions qui ne
le déforment pas et qui lui permettent d'apporter sa contribution
à l'enrichissement de l'ensemble.
Alors, vous avez cette liberté de choix dans votre
communauté. Les uns vont du côté des écoles
privées, les autres du côté des écoles publiques. Et
nous souhaitons maintenir longtemps cette flexibilité à
l'intérieur du système d'enseignement. Je pense que les
structures que nous proposons faciliteront la continuation de cette tradition;
cela créera des problèmes différents que nous pourrons
identifier plus clairement à mesure que nous avancerons. Je crois que
dans l'ensemble, il y a de bonnes chances que cela donne de bons
résultats. Même si peut-être idéalement la
préférence du Congrès juif n'irait pas de ce
côté-là, je suis content de voir et j'ai noté, dans
votre mémoire, que vous dites, à un moment donné, la
phrase suivante: "La création de commissions scolaires de langues
française et anglaise est en accord avec cette réalité
linguistique qui est caractéristique du Québec d'aujourd'hui. "
On peut bien vouloir dire que tout le monde est francophone, au Québec,
mais ce n'est pas vrai. Ce n'est pas vrai. 'The facts are stubborn", comme le
disait le président Reagan récemment.
Une voix: Ha, ha, ha!
M. Ryan: Ha, ha, ha! Tôt ou tard, quelles que soient les
lois que le gouvernement ou l'Assemblée nationale adopte, si elles sont
trop éloignées des réalités, la
réalité finit par reprendre le dessus. Nous ne voudrions pas
commettre cet écart; c'est pourquoi nous ne sommes pas pressés.
Nous ne voulons pas procéder avec quelque précipitation que ce
soit. Nous ferons les consultations nécessaires auprès des
tribunaux. Nous aurons l'occasion de poursuivre le débat avec nos
concitoyens et je pense qu'au bout de la ligne, après encore une
période de réflexion - peut-être de trois ans - sur
certains aspects du projet de loi, nous arriverons à un équilibre
qui pourra être pratiquement, sinon théoriquement, acceptable
à tout le monde.
Deux ou trois remarques très brèves sur des propositions
que vous faites. Il y a un chapitre sur la centralisation des pouvoirs. Je
passe par-dessus; c'était de bon ton d'inscrire ces remarques, mais je
sais que vous n'y croyez pas.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Ryan: Ha, ha, ha! Ce sont des blagues que je fais, ne me
prenez pas à la lettre. Nous, nous sommes convaincus qu'il y a beaucoup
de décentralisation dans le projet de loi et nous apporterons d'ailleurs
des amendements prochainement qui feront disparaître de très
nombreux irritants qu'on a signalés à notre intention et que nous
avons eu la bonne fortune d'écouter. Vous parlez de la
référence constitutionnelle; elle aura lieu, évidemment.
Mais, comme le disait tantôt le député de Shefford dont
j'ai bien apprécié l'intervention, nous ne pouvons pas
référer tout le projet de loi aux tribunaux. Il y a
peut-être 80% à 85% du contenu du projet de loi qui portent sur le
réaménagement fonctionnel, administratif, qui relève de la
compétence législative ordinaire de l'Assemblée nationale.
Il n'y aurait pas de raison de retarder l'application de toutes ces sections du
projet de loi. Mais tous les articles qui ont des implications
constitutionnelles reliées en particulier à l'article 93 de la
loi de 1867 seront référés. S'il y a des articles que le
Congrès juif veut faire inclure dans la liste que nous soumettrons aux
tribunaux, nous recevrons volontiers vos suggestions; si vos conseillers
juridiques veulent nous faire des représentations là-dessus, nous
serons très heureux d'en discuter avec eux ou avec vous, et nous ne
voudrions pas que quelque article que ce soit soit mis sous le boisseau. Nous
n'avons pas de "hidden thoughts" dans cette affaire. Nous procédons avec
le plus de droiture possible, donc, que cela soit public et franc et
réciproque. (21 heures)
Vous posez une question au sujet des garanties constitutionnelles. Je
veux la commenter très brièvement. S'il fallait superposer des
garanties linguistiques aux garanties confessionnelles qui existent
déjà! C'est déjà très difficile de
légiférer avec des garanties confessionnelles. Vous dites:
Ajoutez celles-ci à celles qui existent déjà en
matière confessionnelle. S'il fallait qu'on ait deux étages de
garanties - confessionnelles et linguistiques - je pense que le
législateur aurait les deux mains attachées dans le dos. Il ne
pourrait rien faire. Je vous pose le problème. Nous enregistrons votre
point de vue quand même et je vous fais part de la difficulté qui
se présente a moi, qui suis obligé de gérer ces
choses-là quotidiennement. Ce serait très difficile de
fonctionner. Nous avons en plus, dans la charte canadienne, des garanties
linguistiques qui ne sont pas insignifiantes, qui sont réelles et
importantes. En tout cas, c'est sûr que je suis d'accord avec vous, il y
a un équilibre à trouver entre les droits linguistiques et les
droits confessionnels. Là-dessus, nous sommes d'accord pour poursuivre
la recherche avec vous.
Alors, cela étant dit, je vous remercie très cordialement.
Je ne veux pas répéter l'excellent travail qui a
été fait par la députée de Jacques-Cartier et le
président de la commission avant mon arrivée tantôt. Je
m'excuse, j'ai été retenu par des devoirs d'État. Je suis
très heureux d'avoir été là pour au moins cette
partie de la
rencontre avec vous. Je vous prierais d'adresser à vos
collègues du congrès les salutations cordiales du
gouvernement.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. Bessner,
M. Schlessinger, M. Crelinsten, M. Jedwab. Merci beaucoup. Nous accueillons le
groupe suivant, à savoir l'Association nationale des Canadiens d'origine
indienne, chapitre de Montréal.
M. Schlessinger: Merci, M. le Président et les membres de
la commission.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Nous allons
suspendre pour quelques minutes.
(Suspension à 21 h 2)
(Reprise à 21 h 3)
Association nationale des Canadiens d'origine indienne
- Chapitre de Montréal
Le Président (M. Parent, Sauvé): Je rappelle la
commission à l'ordre. J'invite le ministre, les membres de cette
commission et nos prochains invités à prendre place à
l'avant.
Encore une fois, j'invite les représentants de l'Association
nationale des Canadiens d'origine indienne à prendre place à
l'avant. Nous accueillons M. Jaykar Daniel, vice-président de
l'Association nationale des Canadiens d'origine indienne, accompagné de
M. Minoo Gondovia, représentant de la même organisation.
Messieurs, nous vous souhaitons la bienvenue et nous vous remercions d'avoir
bien voulu répondre à l'invitation de la commission à
venir l'aider dans son travail d'étude sur les deux projets de loi dont
elle se préoccupe actuellement, à savoir le projet de loi 106 et
le projet de loi 107.
La commission a 45 minutes à vous consacrer. Ce sont nos
règles de procédure. Je vous invite donc à nous
présenter votre mémoire et, immédiatement après, on
répartira le temps - vous avez vu comment cela s'est passé avec
vos prédécesseurs - également entre les deux formations
politiques. Je ne sais pas si vous voulez vous adresser à la commission
en anglais ou en français, but feel free to express yourself as you
like, in English or in French. Nous vous écoutons.
M. Daniel (Jaykar): Thank you, Mr Chairman. I am Jaykar Daniel
from the National Association of Canadians of Indian Origin in Montreal. I am
vice-president of the Association. With me is Mr Minoo Gondovia, a member of
the Executive Committee.
We thank you for giving us this opportunity to present our brief In
person. As you know, our brief is brief because we only want to touch upon
things that are concerns to us, as a minority. So I will call upon Mr Gondovia
to present the brief.
M. Gondovia (Minoo): Je vais lire le texte en français et
si vous avez des questions, vous les poserez à M. Daniel en anglais
parce que, malheureusement, il ne parle pas le français.
Le Président (M. Parent, Sauvé): D'accord.
M. Gondovia: C'est pourquoi je vais lire le texte en
français.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Très
bien.
M. Gondovia: M. le président et chers membres de la
commission, bonsoir. Au nom de l'Association nationale des Canadiens et
Canadiennes d'origine indienne, je vous remercie de nous avoir donné
cette occasion de faire connaître nos points de vue sur le projet de loi
107 qui, à notre avis, est fondamental à la création d'une
société harmonieuse au Québec. Notre association a
été fondée en 1976 et regroupe actuellement 18 organismes
comptant 22 000 membres. Depuis sa fondation, l'ANCOI travaille à
intégrer ses membres à la société
québécoise et aussi à promouvoir et à
protéger les intérêts socio-politiques de la
communauté sud-asiatique. Rappelons que la plupart de nos membres
n'appartiennent pas à la tradition judéo-chrétienne, un
fait très important en ce qui concerne le projet de loi 107.
L'évolution du Québec depuis les années soixante
peut être résumée en un mot: internationalisation. Au
niveau économique, la province s'intègre de plus en plus au
marché mondial, et au niveau social, la société
québécoise a vu s'installer dans son milieu les peuples de
l'Afrique, de l'Asie et de l'Amérique latine. Cela a créé
de nouveaux besoins; il a fallu trouver de nouvelles structures et institutions
pour répondre à la nouvelle situation.
Nous croyons que le gouvernement québécois a
jusqu'à maintenant fait de bons efforts dans cette direction. Pourtant,
la tâche est loin d'être complète. C'est dans l'esprit de
trouver des réponses que nous faisons quelques propositions en ce qui a
trait au projet de loi 107.
La Loi sur le Conseil supérieur de l'éducation.
Établir un comité composé des minorités
religieuses. Ce comité doit avoir les mêmes droits et
privilèges que le Comité catholique et le Comité
protestant.
Article 6. Les écoles où plus de 10 % des
élèves ont choisi l'enseignement moral et religieux d'une
confession autre que catholique ou protestante doivent dispenser un tel
enseignement.
Article 7. L'élève inscrit comme ni catholique ni
protestant doit avoir droit à des services complémentaires en
animation non religieuse.
Article 19. Parmi les obligations de l'enseignant, il faut en ajouter
une autre, à savoir
que l'enseignant doit cultiver chez chaque élève une
attitude de tolérance et de compréhension envers les cultures
différentes.
Article 63. Le conseil d'orientation doit être composé de
membres supplémentaires qui pourraient remplacer les élus, si ces
derniers ne remplissent pas leur mandat pour des raisons quelconques.
Article 95. Dans toutes les écoles où la population des
élèves est de plus de 10 %, les membres du comité des
minorités religieuses doivent avoir les mêmes droits de visite
à l'école que les membres du Comité catholique ou du
Comité protestant.
Article 169. Créer un comité consultatif multiculturel
avec les fonctions décrites dans le même article.
Article 210. La commission scolaire doit s'assurer que les contenus des
programmes d'études officiels n'aillent pas à rencontre des
minorités religieuses.
Article 212. Le comité des minorités religieuses doit
faire partie du Comité catholique et du Comité protestant.
Article 226. En plus des enseignants, la consultation doit avoir lieu
auprès des groupes communautaires qui sont intéressés
à l'éducation multiculturelle et interculturelle.
Merci d'avoir écouté.
Le Président (M. Parent, Sauvé): On vous remercie
beaucoup, monsieur. Comme premier intervenant, je vais reconnaître M. le
ministre de l'Éducation. M. le ministre.
M. Ryan: Alors, il me fait plaisir d'engager la conversation avec
les représentants de l'Association nationale des Canadiens et
Canadiennes d'origine indienne. Nous sommes très heureux que vous vous
soyez intéressés au projet de loi 107 et que nous ayons
l'occasion d'en discuter avec vous, ce soir.
Je voudrais vous demander, brièvement, pour commencer, dans
quelles parties du Québec sont surtout cencentrés les membres de
votre communauté culturelle?
M. Gondovia: La région de Montréal.
M. Ryan: Et dans la région de Montréal, dans
quelles parties de la région de Montréal, en particulier?
M. Gondovia: La région métropolitaine, dans l'ouest
de la ville, comme les municipalités de Dolllard-des-Ormeaux,
Pointe-Saint-Charles.
M. Ryan: Vous en avez du côté de la rive sud aussi,
je pense.
M. Gondovia: Oui, à Brossard. M. Ryan: Du
côté de Brossard, oui.
M. Gondovia: À Brossard aussi.
M. Ryan: Combien votre communauté compte-t-elle de membres
au Québec, à peu près?
M. Gondovia: C'est 22 000 membres.
M. Ryan: Une vingtaine de milliers de membres.
M. Gondovia: Oui, c'est cela.
M. Ryan: Une vingtaine de milliers.
M. Gondovia: Oui.
Une voix: 22 000.
M. Ryan: 22 000.
M. Gondovia: 22 000, c'est cela.
M. Ryan: Oui, c'est important. Est-ce que c'est de l'immigration
récente ou remontant déjà à une certaine
période?
M. Gondovia: Cela a commencé au début des
années soixante.
M. Ryan: Les années soixante. Est-ce que cela continue
présentement? Est-ce qu'il en vient un bon nombre, ces
années-ci?
M. Gondovia: Oui, cela continue parce que les parents
déjà venus appellent la parenté ou leur famille, mais je
ne connais pas le nombre exact.
M. Ryan: I will put a question to both of you, in English, this
time. Which schools do your kids attend? Catholic or protestant schools?
M. Daniel: Both, I would say. I do not have any figures with me,
but I would say more or less equally divided between the catholic and the
protestant school boards.
M. Ryan: I see. What kind of problems do they encounter in each
system? Are there any differences according to reports you have? What are the
outstanding problems which you would want to see resolved by this
legislation?
M. Daniel: I would not be able to differentiate between the two
boards. I can only speak from my own experience with my own children. When my
daughter comes back from school and tells me that the teacher explained the
presence of "East Indians" in Canada, the origin of it, as being originated by
bringing slave labour from India, I am astonished at the ignorance of the
sources of the information. There are lots of problems with regard to the
understanding of our community. For example, here, the individual is
important, but in our concept, the families are more important. So, when
a wife goes to take a course in the evening and the academic counsellor wants
to counsel the wife about it, we assume that the husband has the right to sit
with her when she talks with the counsellor. But I am just giving an example,
but that is not always welcomed or looked upon favourably. So, it is more a
question of a lack of understanding of the community in that academic area.
But there are other areas of concern to us, as an association, as we
have pointed out in this brief. We see the attempt by the government to have
non confessional school boards, but we also see the inability to get out of
that system completely. It is our understanding that the Superior Council of
Education with the two committees, protestant and catholic, will continue. If
that is the case, we would like very much to have another committee at that
level, apart these two committes, representing religious minority communities,
which are present in Québec. One of those communities is present here;
so I think that that has to be taken into account and we request that the
minister and the legislators of our province take that into account. (21 h
15)
Le Président (M. Parent, Sauvé): Thank you.
M. Ryan: If I should be allowed to comment on this proposal which
I found in your brief, I would think that it is worth examining. I think it is
a very interesting proposal. We have been discussing so far in terms of a
catholic and a protestant committee and we had suggestions to the effect that
we should have a committee on moral instruction for those who want no religion
at all. But nobody had yet raised the problem which you discussed in your
brief, that of the attention which ought to be paid to the need of religious
minorities. We had considered that seriously. I do not know what we can do with
your proposal, but be assured that we will study it with great interest.
I think that the whole argument around the place which the religious
concerns of members of minority communities ought to get in our schools is an
important question which we should not treat lightly. But be assured that we
are taking this seriously. I do not know what we can do in actual practice, but
we will consider this sincerely. I wish to thank you for it.
M. Daniel: Thank you.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Merci, M. le
ministre.
Je vais maintenant reconnaître le vice-président de cette
commission, M. le député de Shefford, pour l'Opposition
officielle.
M. Paré: Merci, M. le Président. À mon tour,
je vous dis merci d'avoir préparé un mémoire, d'être
venus nous le présenter, et je vous souhaite la bienvenue.
Que vous demandiez un peu d'avoir votre mot à dire à tous
les niveaux, je dois vous dire que vous n'êtes pas les premiers à
le faire. Déjà depuis le début de la commission, des
groupes ont dénoncé, si on veut, à plusieurs moments,
l'absence de place réservée dans le projet de loi, dans les
articles, finalement, aux communautés culturelles comme telles. Quand on
y pense comme il faut, ce n'est pas acceptable. Si on est en train de refaire
la Loi sur l'instruction publique, c'est en très grande partie parce que
le tissu québécois est en train de se modifier avec la venue de
communautés culturelles.
On dit souvent qu'on est en train de modifier la Loi sur l'instruction
publique au Québec, mais en fait, c'est à Montréal que
cela connaît le plus de modifications et, s'il y a plus de changements
à Montréal, c'est parce que des communautés culturelles
s'ajoutent et, finalement, là-dedans, on ne retrouve pas de devoirs, de
responsabilités, de droits ou d'avantages, de place tout court aux
communautés culturelles. Je trouve vos demandes tout à fait
légitimes. Il faudra regarder comment cela peut se faire, mais on n'a
pas le droit de l'ignorer dans la Loi sur l'instruction publique. C'est
peut-être sous-entendu, mais que ce ne soit pas écrit dans la loi,
c'est impensable, alors qu'effectivement les modifications viennent en partie
de la venue des communautés culturelles. Vous faites bien de le rappeler
et c'est important que vous soyez venus ici pour nous le dire, ainsi que le
Congrès juif canadien qui vous a précédés.
Une première petite question. Vous avez dit tantôt qu'on
retrouvait de vos enfants dans les commissions scolaires et catholiques et
protestantes. Est-ce qu'on en retrouve aussi dans les classes et francophones
et anglophones ou si la communauté est concentrée dans les
classes plutôt anglophones?
M. Daniel: If I may answer in English, we find that more and more
students are going into the French sector. Apart from that, those who go to the
English sector, I would say 95 % of the children of our community are in full
French-immersion program. I have two children who are in that program and both
are fully bilingual by now. So, I would say that this means that our younger
generation is definitely acquiring enough skills as Quebeckers in the language
of Quebec.
M. Paré: Merci. Je dois vous dire que je ne connais pas la
situation personnellement, mais je connais assez celle de Brossard,
étant donné que je suis de la Montérégie, donc
c'est dans ma région.
Dans votre mémoire, ce que l'on retrouve c'est la présence
des communautés culturelles et au Conseil supérieur de
l'éducation. Le ministre en a parlé un peu tantôt, il
faudra vraiment
tenir compte de votre demande. Vous revenez un peu avec ce que l'on
retrouvait dans le mémoire précédent soit garantir
l'enseignement dans une confessionnalité, mais vous y mettez une
façon différente, laquelle vous privilégiez. Tantôt,
les représentants de la communauté juive nous disaient: On va
regrouper des étudiants de plusieurs écoles dans une classe pour
l'enseignement d'une confessionnalité. Vous dites: On va la garantir
là où il y a au moins 10 % des élèves dans une
école, si je comprends bien. Est-ce que vous partagez les deux
façons de donner l'enseignement de votre religion; ce serait à
l'intérieur de l'école s'il y a 10 % des élèves et
essayer d'agencer le transport pour permettre aux enfants de différentes
écoles de pouvoir se réunir deux fois par semaine pour pouvoir
avoir l'enseignement de votre religion? Est-ce que vous pensez que c'est
faisable et s'il n'y a pas 10 %, on ne le ferait pas ou si vous êtes
d'accord avec la proposition du comité juif avant vous d'amener les gens
dans un même local?
Le Président (M. Parent, Sauvé): M. Daniel.
M. Daniel: If it is not going to dislocate the life of the
families or of the children, it will involve, I suppose, one kind of bossing.
If it is within the limits of time and the convenience of the families, we are
not opposed of grouping the children, but on the other side of it, we would
prefer to see our children in normal school conditions rather than forming
ghettos.
M. Paré: Thank you. Deux petites choses en terminant.
Quand vous dites que l'on devrait inclure à l'article 19 concernant les
devoirs de l'enseignant une attitude de compréhension et de
tolérance ethnique et culturelle, je ne sais pas si on peut l'inclure,
parce que c'est une attitude, mais je dois vous dire que si on ne peut pas
l'inclure comme telle, je serais favorable, il faudra que les mentalités
soient ouvertes à cela. C'est un minimum dans une société
qui évolue et qui est de plus en plus pluraliste, il faut être
ouvert et accueillant si on veut finalement vivre ensemble. Si on ne peut pas
l'inclure, il faudra convaincre les gens et que cela fasse partie de la nature
simplement, spécialement celle des enseignants qui sont en contact
direct avec nos jeunes qui ont à s'intégrer.
Une dernière question, qui n'est pas nécessairement dans
votre mémoire, c'est une question de curiosité: au moment
où on se parle, comment vos enfants vivent-ils l'apprentissage de votre
religion, étant donné qu'à l'école c'est un cours
de morale qui est obligatoire, mais que ce n'est pas un cours de votre
religion?
M. Daniel: In the hinduist Canadian community in Quebec, there is
a majority of Hindus and there are minority communities of Muslims, Sikhs and
Christians. These communities have their place of worship which many of them
attend regularly, on a weekly basis, and Christians usually go to the churches
that are available in the area where they reside, along with majority
communities, altought there are orthodox church members who have their own
worship services. So that is one place where they get enough enrichment in
their own religious beliefs, apart from close family situations. However, if
the decision is to have religious education available in the school system,
where ' we have made a suggestion that when at least 10 % of this community ask
for instruction in their religious orientation it should be available.
M. Paré: Alors je vous remercie beaucoup d'être
venus, premièrement d'avoir préparé un mémoire,
d'être venus sensibiliser les membres de la commission et nous allons
certainement tenir compte de vos préoccupations lors de nos discussions,
lorsque nous allons passer le projet de loi article par article. Alors, merci
beaucoup d'être venus à la commission.
Le Président (M. Parent, Sauvé): Mr.
Jaykar, Mr. Gondovia, in the name of the minister, in the name of the
members of our board, I would like to thank you very much.
Nous ajournons nos travaux à demain matin, 10 heures, au
même endroit.
(Fin de la séance à 21 h 27)