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Version finale

32nd Legislature, 5th Session
(October 16, 1984 au October 10, 1985)

Tuesday, November 27, 1984 - Vol. 28 N° 3

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude détaillée du projet de loi 42 - Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles


Journal des débats

 

(Dix heures trois minutes)

La Présidente (Mme Juneau): Nous sommes réunis pour procéder à l'étude détaillée du projet de loi 42, Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.

Le Secrétaire: Mme la Présidente, les remplacements pour cette séance sont les suivants: M. Tremblay (Chambly) remplace M. Blais (Terrebonne), M. Sirros (Laurier) remplace M. Cusano (Viau), M. Parent (Sauvé) remplace Mme Dougherty (Jacques-Cartier) et M. Fréchette (Sherbrooke) est membre de la commission en vertu de l'article 122 des règles de pratique.

M. Dussault: Mme la Présidente, compte tenu des circonstances et de la difficulté à se réunir ce matin, je voudrais faire motion pour que la commission parlementaire de l'économie et du travail ajourne ses travaux jusqu'à cet après-midi, après les affaires courantes.

Une voix: Adopté.

La Présidente (Mme Juneau): En vertu de l'article 160.1, "un membre peut proposer que la commission ajourne ses travaux" pour quelques minutes. "Cette motion est mise aux voix... Elle ne peut être débattue sauf qu'un représentant de chaque groupe parlementaire peut prononcer un discours de dix minutes." Est-ce que la motion est adoptée?

Une voix: Adopté.

La Présidente (Mme Juneau): Adopté. La commission ajourne ses travaux sine die.

(Suspension de la séance à 10 h 5)

(Reprise à 15 h 46)

La Présidente (Mme Juneau): M. le secrétaire, si vous voulez vérifier le quorum, s'il vous plattl Je déclare la séance ouverte. Le mandat de cette commission est d'étudier, article par article, le projet de loi 42, Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles. Est-ce que nous avons des remplacements, M. le secrétaire?

M. Lavigne: J'aurais quelque chose à dire, Mme la Présidente, là-dessus. Tenant compte des circonstances, à cause de la nomination de certains de nos collègues comme ministres, ils perdent leur poste de membres de la commission de l'économie et du travail. D'ici quelques minutes, on va sûrement trouver des remplaçants dans l'équipe. Est-ce qu'on ne serait pas mieux de commencer les travaux et de les nommer en cours de travaux? Apparemment, d'après la réglementation, cela demande le consentement des deux côtés. On pourrait commencer avec les membres que nous avons et d'ici quelques minutes, on pourra vous soumettre une couple de noms qu'on pourra reconnaître comme membres.

La Présidente (Mme Juneau): Est-ce que la proposition du député est acceptée?

M. Cusano: Mme la Présidente, certainement que le premier ministre a un peu d'ordre à mettre dans sa cuisine et, une fois qu'il aura réussi à établir cet ordre, s'il y a des changements parmi les membres de la commission qui auront certainement à apporter des idées et même des amendements très concrets au projet de loi, ce sera un grand plaisir pour moi et certainement pour mes collègues d'accepter ces changements.

M. Lavigne: J'apprécie, Mme la Présidente, la collaboration de l'Opposition à la demande que vous avez soumise.

Une voix: Toujours.

La Présidente (Mme Juneau): C'est bien, messieurs. Allez-vous, M. le secrétaire, annoncer les remplacements dans le moment?

Le Secrétaire: Je vais annoncer les remplacements qu'on m'a déjà signifiés et au fur et à mesure on complétera la liste des remplaçants. M. Bourbeau (Laporte) est remplacé par M. Maltais (Saguenay), Mme Dougherty (Jacques-Cartier) est remplacée par M. Polak (Sainte-Anne). Je tiens aussi à signaler que M. Grégoire (Frontenac) et M. Bisaillon (Sainte-Marie), conformément à l'article 130 du règlement, ont demandé de pouvoir intervenir.

M. Bisaillon: Non, Mme la Présidente. Ce n'est pas tout à fait comme le secrétaire

l'a dit. Je ne demande pas la permission d'intervenir. Je suis membre d'office de la commission avec tous les droits, sauf celui de vote. L'article 130 du règlement dit qu'un député indépendant, sur des mandats gouvernementaux, peut siéger à toutes les commissions parlementaires, avoir droit de motion, mais n'a pas, cependant, le droit de vote. C'est juste pour dire que je ne demande pas de permission; je suis ici de plein droit.

La Présidente (Mme Juneau):

Effectivement, M. le député, je crois que vous avez raison et nous allons procéder tel que vous l'avez dit.

M. Grégoire: La même chose pour moi, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Juneau): M.

Grégoire aussi?

Le Secrétaire: Oui, exactement.

La Présidente (Mme Juneau): M.

Grégoire aussi.

Maintenant nous sommes rendus aux remarques préliminaires.

M. Dussault: Mme la Présidente, avant qu'on embarque sur le fond des questions qui sont débattues ici, ce matin quand nous avons voulu commencer les travaux, vous vous rappellerez sans doute que j'ai été celui qui a fait une motion pour que nos travaux soient reportés à cet après-midi, une motion d'ajournement. Je voudrais être bien clair parce qu'il s'est dit toutes sortes de choses à l'Assemblée nationale sur cela tout à l'heure. Je voudrais qu'il soit bien clair que, si j'ai fait la motion en question, c'était tout simplement parce que j'avais comme perception et comme information que le responsable du dossier, M. le député de Viau, n'était pas présent et ne pouvait pas l'être cet avant-midi pour des raisons de température. À ce moment, je me suis, moi, prêté à cette motion. C'est la seule et unique raison pour laquelle j'ai fait cette motion, Mme le Présidente, et je voulais que cela soit clair.

Merci.

M. Cusano: Mme la Présidente...

La Présidente (Mme Juneau): Oui, M. le député.

M. Cusano: ...j'apprécie certains des commentaires du député de Châteauguay et j'aimerais préciser, comme je l'ai fait en Chambre, que j'étais en train de me rendre.

Une voix: En train.

M. Cusano: Oui, en train, sur le train oui. À l'arrivée à la Gare de Sainte-Foy, j'ai communiqué avec mon bureau et on m'a dit qu'il y avait eu communication avec le ministre et que la commission avait été reportée à cet après-midi. C'est ce que j'ai compris. J'étais ici au parlement à 10 h 55 et il me semble qu'on a déjà attendu, il n'y a pas trop longtemps lorsque cette commmission a siégé, un peu plus de temps que cela avant qu'on commence les travaux d'une commission. Le ministre n'y était pas, mais je me rappelle très bien qu'on aattendu beaucoup plus que ce matin.

M. Dussault: Mme la Présidente, M. le député implicitement confirme que les événements nous ont amenés à constater qu'il ne serait pas présent pour les travaux puisque c'est entre 10 h et 10 h 05 que cela s'est passé. À ce moment, nous avions la perception...

M. Cusano: M. le député, la dernière fois qu'on a siégé...

M. Dussault: ...que M. le député de Viau ne pourrait pas être présent, Mme la Présidente. C'est la seule raison pour laquelle j'ai fait ma motion et je voudrais qu'on termine là.

La Présidente (Mme Juneau): Étant donné que les éclaircissements...

M. Cusano: Mme la Présidente, vous me le permettez, s'il vous plaît?

La Présidente (Mme Juneau): Oui, je vous en prie.

M. Cusano: La dernière fois - vous n'étiez pas présente, Mme la Présidente -que cette commission a été convoquée, on a attendu longuement et on a été un peu moins pressé que le député de Châteauguay de faire une motion. Simplement lorsqu'on parle de collaboration, j'aimerais bien souligner au député qu'il a été très vite dans son affaire. C'était son droit, je ne mets pas cela en doute, mais il aurait dû s'informer.

La Présidente (Mme Juneau): Merci beaucoup, M. le député.

M. Dussault: Mme la Présidente...

La Présidente (Mme Juneau): Un instant, s'il vous plaît!

M. Dussault: Question de règlement, Mme la Présidente. Je pense qu'il ne faut pas laisser passer cela. J'étais en train de dire que, par collaboration, on avait fait le nécessaire et que je m'étais prêté à cette motion pour rendre service à M. le député

de Viau. Il est quasiment en train de dire que je n'ai pas été correct. J'ai voulu être le plus correct possible. Je voulais que ce soit clair, Mme la Présidente. Je vous remercie.

La Présidente (Mme Juneau): M. le député...

M. Cusano: Mme la Présidente, accepteriez-vous une motion de félicitations envers le député?

La Présidente (Mme Juneau): Un instant, s'il vous plaît! Un instant! Selon l'article 204, tout discours doit porter sur le sujet en question et le sujet en question, c'est l'étude article par article de la loi 42. Étant donné que, de part et d'autre, vous avez donné des éclaircissements sur ce qui s'est passé plus tôt dans la journée, je vous demanderais, dans toute la mesure du possible d'entreprendre un travail qui va faire avancer le projet qu'on a à étudier article par article. Nous sommes maintenant aux remarques préliminaires. M. le ministre, avez-vous quelque chose?

M. Lavigne: Je m'excuse d'intervenir encore avant le début de nos travaux, mais je voudrais vous annoncer que Mme Louise Harel, qui était membre de la commission, sera remplacée par M. Jacques Brassard, député de Lac-Saint-Jean.

La Présidente (Mme Juneau): Merci, M. le député.

M. Lavigne: II y aura probablement d'autres annonces en cours de route. Mme Harel et M. Rodrigue.

La Présidente (Mme Juneau): Pourrais-je prendre en délibéré votre suggestion, M. le député, étant donné qu'il faudrait que je discute avec le secrétaire?

On m'informe qu'étant donné que les deux ministres que vous avez mentionnés étaient d'office membres de la commission, ils n'ont pas à être remplacés. La proposition que vous nous faites pourrait être un remplacement du député de Terrebonne ou de quelqu'un d'autre, parce que les deux ministres en question ne doivent pas l'être.

M. Lavigne: Mme la Présidente, le député de Terrebonne n'est peut-être pas présent ici, mais il est membre et il demeure membre. Devant la situation, je vais demander à la Chambre de proposer Jacques Brassard comme membre.

La Présidente (Mme Juneau): C'est cela.

M. Lavigne: Si c'est possible d'introduire cette demande à l'intérieur des travaux qui sont déjà en cours et de voir à ce que ce soit fait, dès que nous aurons une réponse de la Chambre, on pourra le faire confirmer par la commission.

La Présidente (Mme Juneau): C'est très bien, M. le député. Je vous remercie beaucoup. Est-ce qu'on peut maintenant entreprendre les remarques préliminaires? M. le ministre.

Remarques préliminaires M. Raynald Fréchette

M. Fréchette: Oui, Mme la Présidente, je vous remercie. Comme vous l'indiquez, il s'agira de remarques vraiment préliminaires, compte tenu que, depuis que le projet a été déposé, il a fait l'objet de nombreuses discussions, autant ici en commission parlementaire qu'à l'Assemblée nationale.

Je voudrais, dans un premier temps, attirer notre attention à tous sur l'importance de l'opération que nous amorçons. Il s'agit, effectivement, de ce qui serait l'avant-dernière étape de l'adoption de ce projet de loi si le processus législatif suit son cours jusqu'à sa limite. Je voudrais vous réitérer, Mme la Présidente, la volonté ferme du gouvernement et la volonté ferme également de celui qui vous parle d'arriver, effectivement, à l'adoption de ce projet de loi avant l'ajournement de la période du congé des fêtes. Tout cela, cependant, en respectant scrupuleusement tous les délais prévus, en même temps que les désirs de tous les membres de la commission de s'impliquer dans les discussions qui vont nous occuper.

Je vous dirai, Mme la Présidente, ne serait-ce que pour nous rappeler un certain nombre de choses, quelques-uns des motifs pour lesquels le gouvernement prétend qu'il nous faut procéder à l'adoption de ce projet de loi dans les meilleurs délais. D'abord, il est évident que le régime actuel de la réparation des accidents du travail est devenu, à tous égards, vétuste. On le sait tous, il est là depuis plus de 50 ans maintenant sans avoir subi de transformation fondamentale ou, en tout cas, de nombreuses transformations fondamentales. Ne serait-ce qu'à cause de cela, nous sommes d'opinion qu'il nous faut effectivement procéder à adopter le projet de loi 42.

Deuxièmement, sous la réserve de toutes les observations qui pourront être faites, sous la réserve, bien sûr, aussi des opinions contraires, nous prétendons que les dispositions du projet de loi qui est devant nous constituent une amélioration importante de la situation des travailleurs - quand je parle des travailleurs, Mme la Présidente, je vous signale qu'il faut inclure les

travailleuses, bien sûr - par rapport au système qui existe actuellement. Nous aurons, évidemment, pendant tout le temps des travaux, l'occasion d'attirer notre attention respective sur ce qui constitue des améliorations par rapport au régime actuel.

Permettez que je ne fasse l'énumération que de deux ou trois aspects de ce qui est carrément une amélioration: d'abord, Mme la Présidente, une modification profonde de la loi actuelle quant à cette opération importante pour un accidenté du travail qui est celle du choix de son médecin; le droit de retour au travail est introduit dans la loi, ce qui constitue, nous semble-t-il en tout cas, non seulement une amélioration par rapport à la situation antérieure, mais une innovation fondamentale. (16 heures)

Je voudrais aussi porter à l'attention des membres de la commission qu'un des principes fondamentaux qui sous-tendent cette loi est celui d'atteindre l'objectif d'harmoniser, mutatis mutandis bien sûr, dans la mesure du possible les différents régimes d'indemnités qui existent au Québec. Ne serait-ce que pour mémoire, je voudrais rappeler, par exemple, le Régime de l'assurance automobile et plusieurs autres régimes d'indemnités qui existent. Encore une fois, un des objectifs fondamentaux de cette loi est de procéder dans les meilleures délais à les harmoniser tous, tout en tenant compte, cependant, et cela est particulièrement important, de ce que je pourrais appeler, Mme la Présidente, les vocations particulières de chacun des régimes auxquels je réfère.

Je vous signale également, Mme la Présidente, pour avoir eu l'occasion depuis un peu plus d'une année et demie maintenant de procéder à l'évaluation de lois semblables autant à travers le Canada qu'à travers quelques pays d'Europe, que, malgré les imperfections que peut contenir le projet de loi 42, malgré les récriminations qu'on fait vis-à-vis de ce projet de loi, je n'ai pas eu l'occasion, dans la poursuite de ces recherches, d'arriver à comparer quelque autre système ou régime que ce soit qui puisse - je vous le dis comme je le pense -même se rapprocher du régime qui est proposé à l'intérieur de la loi 42 qui est devant nous.

Je vous réitère, Mme la Présidente, que le débat gouvernemental, en tout cas, n'est pas doctrinaire en ce sens que, comme nous l'avons fait depuis que le premier projet a été déposé, nous serons, de ce côté-ci, ouverts à toute suggestion utile dont l'objectif et l'effet seraient d'améliorer l'ensemble du régime qui est proposé.

D'ailleurs, depuis le dépôt du premier projet, on va se rappeler qu'à travers plusieurs exercices législatifs qui ont été tenus le projet réimprimé a, effectivement, tenu compte de plusieurs des représentations qui avaient été soumises ou bien en commission parlementaire ou bien à l'occasion de consultations informelles de plusieurs groupes intéressés ou, alors, à partir des débats qui se sont tenus à l'Assemblée nationale à l'occasion de l'adoption du principe du projet de loi. À partir de ces espèces de précédents dont je viens de vous parler, je vous réitère que nous sommes, quant à nous, tout à fait ouverts à ce genre de suggestions dont je viens de parler dont l'effet, encore une fois, et la conséquence seraient d'améliorer les dispositions que l'on retrouve à l'intérieur du projet de loi 42.

Je vous signale également, Mme la Présidente, que, probablement à la réunion de ce soir, je remettrai à tous les membres de la commission un exemplaire, qui devrait être final, de l'intention gouvernementale quant aux amendements à être apportés. Je vous dis bien de l'intention gouvernementale, pour insister encore - je ne sais pas si c'est nécessaire de le faire à temps et à contretemps - sur l'ouverture que nous manifesterons quant à des changements, encore une fois, qui pourraient être proposés.

Voilà, Mme la Présidente, les remarques préliminaires que je voulais soumettre à ce stade-ci, étant quant à moi disposé et prêt à continuer nos travaux.

La Présidente (Mme Juneau): En vous remerciant, M. le ministre. M. le député de Viau, qui êtes critique de l'Opposition, avez-vous quelques remarques?

M. William Cusano

M. Cusano: Oui, Mme la Présidente. J'aimerais, premièrement, dire au ministre que j'apprécie ses paroles lorsqu'il parle d'ouverture, lorsqu'il nous dit qu'il sera de son câté ouvert à ce que l'on apporte des amendements qui auront pour but d'améliorer ce projet de loi. Je dois lui dire dès maintenant que c'est bien l'intention de l'Opposition d'apporter des amendements et j'espère qu'à ce moment-là il sera aussi ouvert qu'il l'est présentement. En même temps aussi, j'aimerais adresser une question au ministre qui pourrait y répondre tout de suite ou après. Il vient de nous dire qu'il déposera des amendements au cours de la soirée. Encore une fois, je l'en remercie. La question que je lui poserai est à savoir s'il a l'intention de faire parvenir ces amendements aux milieux intéressés, c'est-à-dire au milieu syndical, au milieu patronal et aux différentes associations d'accidentés du travail au Québec. Il pourra certainement me répondre tout à l'heure.

Mme la Présidente, cela m'a étonné durant le débat en deuxième lecture que du côté ministériel on n'ait quasiment pas parlé sur un projet de loi qui est censé être le

projet de loi le plus avant-gardiste en Amérique du Nord. Le ministre semble avoir eu de la difficulté... Je dois dire qu'il a fait une très bonne présentation de son projet de loi, même s'il y a des choses que je conteste. On se demandait pourquoi les ministériels ne semblaient pas trop intéressés à participer au débat en deuxième lecture. Je me suis posé la question à savoir si c'est parce que le projet de loi est trop complexe - 556 articles, en plus des annexes - ou bien c'est que les ministériels étaient plus préoccupés par les démissions éventuelles de ministres. Peut-être, ceux qui espéraient remplacer les démissionnaires étaient beaucoup plus préoccupés à faire un "lobbying" auprès des personnes qui peuvent influencer le premier ministre. Ceci étant dit, M. le Président, l'Opposition a été très claire, très ferme sur le projet de loi. On est d'accord que la loi a besoin de certains changements mais nous nous posons la question à savoir si l'on doit transformer toute la province en un immense laboratoire, comme le disait un des éditorialistes, sans avoir au préalable testé, sur le terrain, des mesures qui auront des effets réels.

Sur ce, je dois dire que le projet de loi a été testé d'une façon. Il a été testé par l'honorable juge Sauvé, et Dieu sait combien ces mesures qui apparaissent dans la réimpression du projet de loi peuvent être très coûteuses.

Le projet de loi soulève plusieurs questions fondamentales. Le projet de loi est en passant, M. le Président, j'aimerais porter à l'attention des ministériels le rapport actuariel qui a été déposé par le ministre en Chambre. Je ne sais pas si les ministériels en ont pris connaissance mais il est très clairement indiqué dans ce rapport que les accidents, au Québec, n'ont fait qu'augmenter depuis l'adoption de la loi 17 et que, si on se pète un peu les bretelles de l'autre côté en disant: II y a une diminution des accidents à partir de 1981, les actuaires de la CSST disent très clairement que cette baisse est fonction, entre autres, des conditions économiques. On nous a dit cela bien souvent en Chambre et vous avez continué à nous donner des chiffres montrant qu'il y avait une baisse. On a essayé de vous faire comprendre que ce n'est pas le nombre de personnes qui sont couvertes qui est le facteur le plus important. C'est-à-dire que, lorsqu'on regarde le nombre d'accidents, il faut le regarder en relation avec le nombre d'heures travaillées au Québec. Il est sûr et certain que, s'il y a un congé demain matin dans la province et que personne ne travaille, il n'y aura pas d'accident demain. Ces personnes sont couvertes quand même.

Il faut regarder les chiffres - pour ceux qui cherchent, c'est à la page 5 du rapport actuariel - où l'on dit justement qu'il y a une baisse. Dans l'étude qui a été faite, les actuaires disent que la projection des coûts est basée sur le fait qu'on prend les mêmes chiffres qu'en 1981. La loi 17 n'a pas réussi à diminuer les accidents au Québec, ils ont augmenté. Ce projet de loi-ci, je défie qui que ce soit autour de cette table de me dire comment il va diminuer les accidents parce que tout le monde veut - que ce soit les patrons ou d'autres, et Dieu sait que cela coûte assez cher aux patrons - qu'il y ait moins d'accidents. Les parlementaires, je pense qu'on est tous des êtres humains, on est très conscients, on n'est pas heureux de voir que le nombre d'accidents ne fait qu'augmenter d'année en année.

Le projet de loi, M. le Président... excusez-moi, Mme la Présidente. C'est une question d'habitude, j'espère vous voir plus souvent ici et que vous aurez toute la patience d'être...

M. Fréchette: La couleur de sa blouse devrait vous la rendre sympathique.

M. Cusano: Bien oui. Je pense que le rouge lui va très bien. Mais je sais qu'elle n'a pas été de très bonne humeur dernièrement et c'est peut-être pour cela qu'elle porte du rouge pour lui remonter le moral.

Vous essayez de me distraire, M. le ministre.

Par ce projet de loi, je vous défie, tout au long des 556 articles, de nous démontrer comment les accidents vont diminuer au Québec. Même, je crains que certaines mesures ouvrent la porte à des "abuseurs" du système. Lorsqu'on parle des "abuseurs" du système, je voudrais qu'on comprenne bien que des "abuseurs", il y en a de tous les côtés. Il y en a du côté patronal, du côté syndical et il y a aussi des pseudo-malades qui existent. Je pense que c'est un fait. En ce qui me concerne, le projet de loi ne fait rien pour éliminer ce grand pourcentage parce que c'est cela qui coûte cher, et vous regarderez très bien le rapport de l'actuaire. Ce ne sont pas des taux d'incapacité de 40% ou 50% qui coûtent cher, ce sont les absences de moins de quatorze jours.

L'Opposition s'est plainte à maintes reprises de l'inefficacité de la CSST pour compenser de façon assez prompte les accidentés et, là, on admet, en transférant les quatorze premiers jours aux employeurs, que la CSST a été déficiente dans cela. Pourquoi les avoir transférés aux patrons? Qu'est que cela veut dire "les quatorze premiers jours" payables par l'employeur, Mme la Présidente? Cela ne veut pas dire grand-chose pour une compagnie comme General Motors ou toutes les grandes multinationales. Mais, pour la petite entreprise au Québec, pour celui qui a cinq ou sixemployés, cela veut dire que, pendant quatorze jours, il doit débourser 90% du

revenu net à l'accidenté. En même temps, s'il veut que son entreprise fonctionne, il faut qu'il aille chercher un remplaçant. Alors, cela veut dire que pour trois semaines, à toutes fins utiles, cette petite entreprise est obligée de verser quasiment 200% d'un salaire pour l'accidenté. Qu'est-ce que cela va faire? Faites des petits calculs. Ceux ici, autour de la table, allez faire le tour des petites entreprises. Moi, je l'ai fait dans mon comté, et, lorsqu'elles doivent débourser ces montants, qu'est-ce que cela veut dire? Elles n'ont pas les fonds de roulement de la GM ou de n'importe quelle autre compagnie que vous pouvez nommer. C'est un problème. Mais, pourquoi le fait-on? Parce que la CSST est incapable d'émettre le chèque avec tous ses ordinateurs, etc. Alors, dans le projet de loi, on dit: Vous n'êtes pas capables de le faire, messieurs de la CSST, on va donner cela à l'employeur. Mais cela donne quoi à l'accidenté? À l'accidenté cela ne donne rien, absolument rien que cela soit l'employeur ou la CSST qui le paye. Vous transférez cette tâche à l'employeur et, par ce projet de loi, vous ajoutez un fardeau financier à ces petites entreprises qui sont le coeur de l'économie au Québec. (16 h 15)

On parle dans le projet de loi de l'assignation d'un travail temporaire. J'ai encore une question qui m'étonne et à laquelle j'aimerais bien que le ministre puisse me donner une réponse avant même qu'on commence l'étude article par article. Le projet de loi confère à des comités de santé et de sécurité au travail certaines responsabilités telles que la détermination de ce qui serait un travail convenable. Cela me fait un peu penser au projet de loi 40 qui est maintenant le projet de loi 3. J'aimerais bien que le ministre me dise combien de comités de santé et de sécurité existent dans les entreprises. Va-t-on conférer à un comité un certain pouvoir? Il ne faut pas se fermer les yeux et dire: Bon, en tout cas cela va se régler d'une façon ou d'une autre. Mais ces comités, est-ce qu'ils existent? Est-ce fonctionnel dans la province? J'aimerais bien que le ministre du Travail nous le dise avant qu'on aborde l'étude article par article.

Lorsqu'on parle des indemnités pour dommages corporels - encore vous avez à vous référer à l'étude actuarielle - vous allez remarquer qu'il y aurait des économies énormes. C'est un changement fondamental -c'est cela qui est votre laboratoire - de remplacer des rentes viagères par des montants forfaitaires. J'entendais le député de Mille-Îles, je crois, qui disait que 9255 $ investis pendant 20 ans rapportaient, à la fin de ces 20 ans, 210 000 $. Mais il a oublié de dire une chose dans son discours c'est que pendant ces 20 ans il ne faut pas retirer des intérêts pour que cela rapporte cela. Si l'on retire les intérêts sur 9255 $, à la fin de 20 ans il va encore y avoir 9255 $ en banque. C'est cela. Alors vous allez remplacer les rentes viagères. C'est une coutume chez nous, c'est accepté et tout d'un coup vous arrivez et vous allez sabrer. Si au moins vous aviez dit: On va remplacer ces montants par un montant équivalent. Le fait de remplacer les rentes viagères va amener des économies à la CSST. Cela veut dire qu'il n'y aura pas de chèque d'émis à tous les 15 jours ou à chaque mois. Vous savez aussi bien que moi combien c'est l'émission d'un chèque. Peut-être que le vice-président de la CSST pourrait nous dire combien la commission va épargner.

Une voix: II va rester plus d'argent pour les travailleurs.

M. Cusano: Ah oui! Il va rester plus d'argent mais c'est pour cela qu'on leur donne moins. Faites les calculs et vous allez voir que le travailleur qui est âgé de 25 ans qui gagne entre 20 000 $ et 21 000 $ par année, c'est beaucoup moins que ce que vous et moi gagnons ici et que celui avec un taux d'incapacité de 25% présentement, faites les calculs, il va recevoir environ 225 $ ou 230 $ par mois pour le restant de ses jours. Vous savez, selon le projet de loi, ce que vous lui donnez, M. le député? Vous lui donnez 9255 $, point final.

M. Lavigne: ...90% de remplacement...

M. Cusano: Oui, il l'a quand même, M. le Président.

Est-ce que je vais me faire interrompre, Mme la Présidente, par la...

La Présidente (Mme Juneau): Non, vous avez le droit de parole. Je m'excuse, M. le député, la parole est au député de Viau.

M. Lavigne: Vous avez raison, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Juneau): S'il vous plaît, M. le député de Viau.

M. Cusano: Merci. Alors lorsqu'on arrivera à ce chapitre on fera peut-être les démonstrations nécessaires. Vous dites que vous en donnez plus. Ce n'est pas aux travailleurs que vous en donnez plus, c'est à la CSST que vous en donnez plus pour qu'on s'amuse avec les petites expériences.

Il était très curieux de vous entendre en Chambre lorsqu'on parlait des indemnités de décès, et j'ai relu le discours du ministre. Je l'ai relu parce que j'avais eu l'impression qu'il disait que le nouveau système était plus avantageux. Ce n'est pas tout à fait cela qu'il a dit. Il a donné certains chiffres mais il n'a pas dit cela; il l'a laissé entendre; en

tout cas, c'est cela que j'avais compris.

Quand on regarde encore l'étude actuarielle, on voit le sommaire des coûts des indemnités payables en cas de décès. La CSST va économiser 10 500 000 $, mais pourtant on nous a montré toutes sortes de tableaux disant qu'avec ce projet de loi cela sera beaucoup plus avantageux pour les enfants et les veuves. Moi, j'ai beaucoup de misère à comprendre comment cela sera plus avantageux et que cela coûtera moins. Pour ceux qui sont en affaires, vous allez me dire quelque chose, je vais en recevoir plus, c'est-à-dire que c'est plutôt le contraire, c'est que quelque chose va coûter plus et je vais en recevoir moins. Ce n'est pas concevable, Mme la Présidente.

Je parlais justement des comités de la santé et de la sécurité qui vont avoir certains pouvoirs et ces comités, présentement, ne sont pas fonctionnels. C'est la même chose, comme je le disais, avec la loi 40 parce qu'on disait que les comités d'orientation auraient certaines choses à faire; ce n'est pas tout à fait pratique, ces comités n'existent pas dans toute la province.

Lorsqu'on parle, dans le projet de loi, de réadaptation physique, je n'ai aucun argument sur cela. La réadaptation sociale, cela me semble être très flou; on ne sait pas exactement. Si on peut encore se fier à certaines expériences de la CSST, on peut craindre, M. le ministre, que cela va coûter très cher et les chiffres qui nous sont cités, nous ne pouvons pas les accepter tels quels.

Lorsqu'on parle de la fonction réglementaire de la commission, le ministre nous dit: La commission va être limitée dans ses pouvoirs réglementaires. Il ne parle pas de directives de la CSST et, à toutes fins utiles, c'est le règlement. Je vais donner un exemple concret parce que cette commission - vous savez, M. le ministre, je l'ai dit bien souvent en Chambre mais peut-être qu'un jour vous allez le réaliser vous-même - elle se fout des parlementaires et elle se fout de vous en tant que ministre responsable de cette commission.

Vous êtes sans doute au courant d'un document du 31 août 1984, le projet d'implantation, où on dit, justement, qu'ils se donnent toutes sortes de pouvoirs dans les définitions, ils font tout un travail même avant que nous, ici, ayons apporté des amendements. Eux autres, déjà, se le permettent. Je peux vous dire même plus que cela, en fin de semaine, je parlais avec des hommes d'affaires qui me disaient qu'il y a des nouvelles formules déjà prêtes. On les a même avisés et, en parlant des formules, cela m'amène à la question des cotisations. On exige déjà un montant qui est au-delà de ce que la loi actuelle permet. C'est inquiétant cela, Mme la Présidente, en tant que parlementaire; que nous ayons un organisme qui se permet toutes sortes de choses.

La Présidente (Mme Juneau): M. le député, je m'excuse de vous interrompre. C'est seulement pour vous signaler qu'il vous reste une minute. Si vous voulez conclure, s'il vous plaît.

M. Cusano: Je vais essayer, dans une minute...

La Présidente (Mme Juneau): Merci.

M. Cusano: ...dans un esprit de collaboration parce que je pourrai certainement y revenir au long de ces articles.

La Présidente (Mme Juneau): Sûrement.

M. Cusano: Ce sont des questions qu'on se pose, Mme la Présidente. Je crois qu'il est important d'aborder tout cela. On change le processus d'appel par l'abolition, c'est-à-dire pas par l'abolition mais en créant une nouvelle commission en matière d'accidents du travail. On dit qu'à la Commission des affaires sociales il y a un engorgement. Que va-t-on faire? On va en créer une autre. Si je ne me trompe pas, au Québec, il y a à peu près 80 ou 90 commissions judiciaires comme cela, Mme la Présidente. C'est un ajout, et je crois qu'il n'est pas nécessaire.

Lorsqu'on parle d'évaluation médicale, j'aimerais savoir comment va fonctionner l'évaluation de deux morceaux de papier. La question fondamentale, comme on le dit en anglais, est celle-ci: "He who pays the fiddler calls the tune." Cela veut dire que c'est celui qui paie qui prend les grandes décisions. Lorsqu'on parle de la décision en ce qui concerne l'évaluation médicale, etc., Mme la Présidente... La tradition est toujours, Mme la Présidente, que le porte-parole peut déborder un peu. Si vous le permettez, je vais terminer.

En ce qui concerne le droit de retour au travail, il y a encore des choses extrêmement imprécises, par exemple la discrimination entre l'employeur qui a 20 employés et plus et celui qui en a moins. Cela me faire rire un peu, pour ne pas dire pleurer lorsque vous parlez de financement. Vous dites: Le taux de cotisation baisse. Je ne conteste pas que le taux de cotisation baisse, mais la masse salariale assurable augmente. Il y a des municipalités qui ont joué ce tour aux propriétaires et qui ont annoncé dans les journaux que le taux de taxation avait baissé. Lorsqu'ils ont reçu leur compte chez eux, ils ont dit: Comment se fait-il qu'il ait baissé alors que je paie plus? L'évaluation est plus élevée. C'est ce qu'on fait ici. On baisse le taux - je ne conteste pas cela - mais on augmente la masse

salariale. Mes collègues vont certainement continuer, parce que j'allais parler des pouvoirs d'humanisation de la CSST.

La Présidente (Mme Juneau): Vous en aurez l'occasion au fur et à mesure qu'on va avancer, M. le député.

M. Cusano: Certainement, Mme la Présidente. Vous comprendrez...

La Présidente (Mme Juneau): Je comprends très bien.

M. Cusano: ...qu'il y a 556 articles. Le ministre nous a souvent dit qu'il y a plusieurs principes dans le projet de loi. Peut-être qu'il aurait été sage à un certain moment de scinder le bill, et on aurait eu moins de difficulté. Merci.

La Présidente (Mme Juneau): Merci, M. le député. M. le député de Sainte-Marie, s'il vous plaît.

M. Guy Bisaillon

M. Bisaillon: Merci, Mme la Présidente. Mme la Présidente, le ministre nous a indiqué qu'il avait l'intention - c'est son désir - de faire adopter le projet de loi 42 en troisième lecture avant Noël. Il nous a aussi indiqué son intention de ne pas brusquer les choses, de permettre au travail parlementaire de s'effectuer correctement. Je suis porté à faire confiance au ministre. Cela a peut-être l'air drôle de dire cela, mais...

Une voix: Ce n'est pas drôle, c'est bien.

M. Bisaillon: ...je pense que c'est un ministre qui est de bonne foi. Cependant, M. le ministre, on fait moins confiance à votre entourage. Lorsque je parle de votre entourage, je ne parle pas de votre entourage immédiat, de celui de votre cabinet politique - on sait que ces gens font du bon travail - mais de celui de ce projet de loi. J'ai beaucoup moins confiance en ce qui se passe à la CSST, ainsi qu'au président de la CSST, parce qu'au même moment où vous nous dites que vous êtes prêt à faire le travail parlementaire comme il doit être fait, par ailleurs, au niveau de la CSST, on dit: Cela va être adopté avant le 25 décembre. Si ce n'est pas adopté avant le 25 décembre, si c'est bloqué en commission parlementaire, il va y avoir la guillotine.

M. le ministre, j'ai eu l'occasion de poser des questions au premier ministre à ce sujet. Je lui ai demandé si la position du gouvernement était à ce point fermée qu'elle ne souffrirait pas d'amendements en commission parlementaire. Il m'a répondu non. Il m'a répondu qu'il était réceptif à des amendements. Vous nous avez dit la même chose. J'apprécierais que ce discours qui se tient actuellement à la CSST puisse au moins cesser pendant les travaux de la commission. C'est, quant à moi, un mépris du travail qui s'amorce, en rappelant - je sais que vous le savez, M. le ministre, et que vous en êtes conscient - aux responsables de la CSST que la commission parlementaire siège parce qu'il y a une bonne volonté des parlementaires de l'Opposition et des députés indépendants. Ces travaux, à cause d'un imbroglio juridique que tout le monde connaît, n'auraient pas pu normalement avoir lieu s'il n'y avait eu le consentement de l'Opposition et des députés indépendants. Notre intérêt n'est pas de bloquer les travaux et de les retarder, c'est celui de discuter au fond chacun des points qui, pour nous, posent des problèmes. C'est dans cet esprit-là que moi j'amorce les travaux de cette commission. Je pense qu'on serait grandement aidés si les déclarations -que, quant à moi, je juge intempestives - du président de la CSST pouvaient prendre fin. (16 h 30)

Vous avez annoncé, M. le ministre, les amendements qui seraient déposés à la séance de ce soir. Vous avez déjà déposé ou remis, en tout cas, une série de 75 amendements. Je voudrais savoir si on doit comprendre qu'il va y avoir d'autres amendements qui vont s'ajouter à ceux dont on a déjà pris connaissance et vous souligner que la notion d'amendement - en tout cas, si je me fie aux 75 premiers que j'ai lus - cela n'annonce pas nécessairement une plus grande ouverture du gouvernement. Vous l'avez présenté un peu sous cet angle-là en disant: Comme on dépose des amendements, forcément vous pouvez juger de notre souplesse. Un amendement, je vous rappellerai que cela peut être plus dur que l'article original et, dans certains cas, je me ferais fort de vous démontrer que, dans les amendements qui ont été présentés jusqu'à maintenant, il y a des amendements qui vont moins loin que le projet réimprimé. C'est, je pense, une indication que vous devriez nous fournir au moment où vous allez déposer les amendements ce soir.

Troisièmement, j'aurais deux demandes à vous adresser et à adresser aux membres de la commission parlementaire. Mes demandes sont simples. Depuis les auditions qui ont eu lieu avant la deuxième lecture, les auditions de groupes qui sont venus présenter leur position sur le projet de loi 42, et d'autres rencontres qui ont amené possiblement les amendements que le ministre a déposés par la suite, il y a eu un mémoire qui a été déposé par la Commission des services juridiques qui traite d'aspects particuliers du projet de loi. Au moment où on sera rendu aux articles concernés - je ne veux pas qu'on s'embarque dans d'autres

auditions jusqu'à l'infini - il me semble qu'il pourrait être intéressant pour la bonne compréhension des parlementaires qu'on s'entende tous pour prendre une période de temps, qui pourrait être courte, pour vérifier la portée de ce qui est allégué dans le mémoire de la Commission des services juridiques. Cela pourrait prendre une heure, une heure et quart. Rien pour allonger les débats mais peut-être une présence qui pourrait nous permettre de scruter plus à fond l'argumentation qui est développée.

Je signale que la Commission des services juridiques - ce sont des avocats de l'aide juridique qui traitent souvent les problèmes des accidentés du travail - s'est déjà présentée de,vant la commission parlementaire avant la réimpression. Ilsont fait maintenant une étude qui tient compte du projet de loi réimprimé. Ils n'ont pas les amendements. Leur analyse ne tient pas compte des amendements. C'est peut-être un peu tout cela qu'il faudrait consolider au moment où on sera rendu à cet aspect, aux articles qui concernent le contenu du mémoire de la Commission des services juridiques. De la même façon... Ouil

M. Fréchette: Est-ce que le député de Sainte-Marie me permettrait simplement une précision? Quand il parle du moment où on arrivera à l'étude des articles auxquels réfère le mémoire de la Commission des services juridiques et qu'il souhaite que nous puissions suspendre nos travaux pour une heure, une heure et demie ou, enfin, peu importe la période de temps dont il faudra disposer, est-ce que je dois comprendre que c'est pour faire en sorte que les membres de la Commission des services juridiques viennent expliciter eux-mêmes leur mémoire? C'est cela?

M. Bisaillon: Pour qu'on puisse leur poser des questions, compte tenu du fait que, quand ils ont réécrit leur mémoire à partir du projet de loi réimprimé, ils n'avaient pas la connaissance des amendements que le ministre a apportés par la suite. Je trouverais intéressant que des gens qui sont des spécialistes de la question, qui traitent ces cas quotidiennement, puissent venir nous faire leur analyse, nous donner leur version du vécu des accidentés du travail. Deuxièmement, au moment où l'on étudiera toute la question des moyens qu'on fournit aux accidentés du travail pour faire appel des décisions de la commission, lorsqu'on étudiera tout cela, j'apprécierais quant à moi que la commission parlementaire convoque le président de la Commission des affaires sociales. On sait que la Commission des affaires sociales est l'organisme qui, actuellement, au moment où l'on se parle, traite et entend les appels concernant l'ensemble des lois sociales au Québec.

Dans le projet de loi, on fait une exception et on retire à la Commission des affaires sociales l'audition des appels par rapport aux accidentés du travail. La commission n'est pas un organisme qui, instinctivement et de par son mandat et sa fonction, va se rendre à une commission parlementaire pour présenter d'elle-même un mémoire. Je pense que, comme parlementaires, il serait intéressant d'avoir l'expertise de la Commission de affaires sociales sur le cas des accidentés du travail; son évaluation des possibilités qu'elle entrevoit de poursuivre ce travail; l'impact que cela pourrait avoir, non seulement sur les cas d'accidentés du travail, mais sur les autres cas qui sont entendus normalement par la Commission des affaires sociales; l'impact que cela pourrait représenter dans son travail. Là encore, M. le ministre, je parle de quelque chose qui durerait une heure, une heure et quart, une heure et demie, rien pour allonger les travaux mais pour nous permettre d'avoir la perception de quelqu'un qui n'est pas au débat. Il me semble que cela pourrait nous aider à comprendre et à accélérer les travaux par la suite sur un certain nombre d'articles du projet de loi.

Je termine, Mme la Présidente, en signalant au ministre qu'il nous a indiqué qu'un des objectifs du projet de loi 42 était d'harmoniser les régimes. L'harmonisation c'est un peu comme la centralisation, cela comprend aussi ses désavantages. Il m'a semblé, jusqu'à maintenant, que les orientations gouvernementales, à tous les niveaux, en tout cas jusqu'à récemment, allaient contre la centralisation à outrance. Il me semble que là on embarque dans un système qui, en voulant trop harmoniser, va faire perdre des droits à un certain nombre de travailleurs et de travailleuses qui auront à subir - je trouve qu'il est important de rappeler cette expression - "à subir" un accident du travail. Je trouve qu'on leur fait perdre, par rapport à la loi actuelle, un certain nombre de droits. Évidemment, on va avoir l'occasion de discuter de ces choses article par article, mais je voudrais souligner qu'un objectif qu'on devrait aussi avoir en tête c'est la diminution des accidents du travail.

Si on se fie à ce qui s'est passé ailleurs au Canada - en Saskatchewan, par exemple, et au Nouveau-Brunswick, où une loi à peu près identique a été adoptée il y a environ cinq ans - ce qu'on constate aujourd'hui, c'est que les coûts pour les employeurs ont diminué, les prestations pour les travailleurs ont diminué, mais les accidents du travail, eux, n'ont pas diminué. Il y aurait une autre façon de faire diminuer les coûts pour les employeurs: c'est de faire diminuer les accidents du travail. Moins il y aura d'accident du travail, moins,

évidemment, cela coûtera cher aux employeurs. Il faudrait se méfier d'une harmonisation qui dévie de l'objectif premier que le Parlement a eu lorsqu'il a voté la Loi sur la santé et la sécurité du travail. L'objectif premier était de faire payer les premiers responsables que sont les employeurs. Par l'harmonisation, si, finalement, on fait payer l'ensemble de la société pour un certain nombre de services qui seront fournis aux accidentés du travail, il me semble qu'on dévie du débat.

Je sais qu'il y a un certain nombre de députés ministériels qui sont conscients de cet aspect de la question. Je sais aussi qu'il y a un certain nombre de députés ministériels qui sont conscients qu'en changeant le type de remboursement, qu'en payant maintenant, non plus l'incapacité au travail, mais davantage le manque à gagner temporaire, on fait perdre des choses aux travailleurs. À ce que je sache, il y a même un député ministériel qui a présenté une motion à son caucus pour demander qu'on réétudie toute cette question de la rente. Il me semble que c'est le député de Beauharnois, si je ne me trompe pas, si mes sources de renseignements sont exactes. Je trouve que c'est une question extrêmement sérieuse qui doit être traitée en dehors - à moins qu'il y ait un texte récent du premier ministre sur la question. Il me semble que c'est une chose dont on devrait traiter ici, à la lumière de ce pourquoi on veut une nouvelle loi, c'est-à-dire la protection des travailleuses et des travailleurs qui sont impliqués. C'est dans ce sens, Mme la Présidente, que j'effectuerai mon travail à la commission parlementaire en espérant que l'ouverture annoncée par le ministre se vérifiera concrètement dans les amendements que non seulement il va déposer mais dans ceux qu'on pourra peut-être amener en cours de discussion et qu'il sera ouvert, aussi, aux demandes que je lui ai formulées.

La Présidente (Mme Juneau): M. le député de Sainte-Marie, pour éclairer les membres de cette commission, pourriez-vous nous dire si c'est une proposition ou une motion formelle que vous faites de rencontrer...

M. Bisaillon: Non, pas pour l'instant, Mme la Présidente. C'est une demande que j'adresse au ministre et aux députés ministériels; on peut la discuter. Si je le jugeais utile, je me réserve toujours le droit, évidemment, lorsqu'on sera rendu à l'étude de ces articles, d'en faire une motion et de la faire discuter. Je pense que pour l'instant il faut donner la chance au coureur et permettre au ministre de démontrer l'ouverture dont il nous a parlé.

La Présidente (Mme Juneau): Je vous remercie beaucoup, M. le député. La parole est maintenant au député de Saguenay.

M. Ghislain Maltais

M. Maltais: Merci, M. le Président. Mme la Présidente, je m'excuse, c'est une déformation professionnelle.

Le projet de loi 42, à l'étape où nous sommes rendus à son étude, évidemment c'est un pas en avant comparé à la loi qui existait au Québec depuis 50 ans. Le ministre avait comme responsabilité de consulter les principaux intervenants et c'est pour cette raison que, l'hiver dernier, nous avons eu une commission parlementaire où les principaux intervenants du monde dutravail québécois sont venus se faire entendre ici à la commission. Nous, comme parlementaires, avions une responsabilité bien définie dans chacune de nos régions, comme représentants à l'Assemblée nationale de nos comtés, d'aller voir ce qui se passe exactement chez les différentes parties.

Je l'ai fait, cet exercice, M. le ministre, et je suis peut-être un des rares députés qui ait pris le temps de le faire au niveau de la grosse entreprise. Je parle de grosses entreprises de 1500 à 2500 travailleurs, autant du côté patronal que du côté syndical, et aussi de petites entreprises de 25 travailleurs et plus, aussi d'une classe de travailleurs qui ne sont pas syndiqués et de petites entreprises qui regroupent deux, trois, quatre ou cinq travailleurs; particulièrement cette classe de travailleurs non syndiqués, c'est la partie qui m'a frappé le plus parce qu'on les ignore totalement dans le projet de loi.

On les ignore de différentes façons, et je m'explique là-dessus: ces gens qui travaillent dans une entreprise qui emploie environ quinze personnes et moins, qui sont non syndiqués, ce sont des gens qui n'ont à peu près aucune information. C'est malheureux de le dire, les syndicats ont comme responsabilité d'informer leurs membres et ils le font; les employeurs aussi, dans tous les cas, ont cette responsabilité d'informer leurs travailleurs de leurs droits. Plusieurs le font; plusieurs ne le font pas. Dans les petites entreprises non syndiquées, cela ne se fait pas à 90%.

Or, M. le ministre, il est inconcevable, je pense, de modifier fondamentalement l'habitude, presque vieille de 50 ans, d'une partie des travailleurs québécois, la majorité des travailleurs québécois et des travailleuses québécoises, sans que ceux-ci soient partie prenante à la loi. Je suis allé rencontrer tous les paliers syndicaux de ma région, je suis même allé en rencontrer ici à Québec. Vous aviez délégué quelqu'un pour vous représenter, mais je ne suis pas sûr que vous ayez été bien représenté, M. le ministre. Lorsqu'on arrive devant 500 ou 600

travailleurs et qu'on dise: Je ne suis pas au courant du projet de loi, ce n'est pas mon dossier, je ne suis pas sûr que ce soit l'homme idéal pour aller donner des explications aux travailleurs. Je pense qu'on aurait dû, à ce moment, envoyer quelqu'un -je comprends que vous, vous ne pouviez pas le faire, je comprends cela - du côté ministériel qui était au courant de ce projet de loi et qui aurait pu donner des explications de la part du gouvernement. Ce n'est pas un blâme à vous, M. le ministre, c'est un blâme au gouvernement. Lorsque les travailleurs sont représentés par des associations syndicales, sont regroupés et demandent de l'information, il est juste et équitable que tous les partis soient entendus, autant l'Opposition que le pouvoir. Je déplore que la partie ministérielle ait été très mal représentée et n'ait pas su donner les informations pertinentes à ces travailleurs. Souvent, cela permet, M. le ministre, de laisser planer des doutes qui ne sont pas acceptables au niveau de tout le respect que nous avons vis-à-vis de la machine gouvernementale. (16 h 45)

Ceci étant dit, le deuxième point que j'ai rencontré lors de ces discussions avec autant les employeurs que les travailleurs, c'est l'humanisation des services. M. le ministre, une fâcheuse habitude s'est établie au cours des années - encore là, je fais un constat, je ne vous mets pas en accusation, soyez bien à l'aise - au niveau du travailleur accidenté. Je ne vous dis pas qu'il n'y a pas des exceptions, qu'il n'y a pas des profiteurs de la loi, il y en a; s'il n'y en avait pas, il n'y aurait pas d'avocat et il manquerait une bonne classe de la société, M. le Président. Cependant, nous sommes obligés de concevoir que tout le monde n'est pas profiteur, et je ne suis pas avocat. Il y a des travailleurs honnêtes au Québec. La très grosse partie, la très grosse majorité sont des travailleurs honnêtes.

M. le Président, lorsqu'on subit des sévices physiques et qu'on se retrouve presque au banc des accusés... Ce que je dis, il y a des députés ministériels qui sont venus à l'Assemblée nationale, lors du débat en deuxième lecture, le dénoncer. En faisant une refonte fondamentale de cette loi, on aurait dû inclure des certitudes vis-à-vis de ces gens afin qu'ils soient traités d'une façon humanitaire. Non seulement un travailleur blessé - qui subit des sévices physiques - se voit amputé de capacités physiques mais fait face à la société comme un accusé; c'est loin d'être drôle. À partir du moment où on a des lois, on a des droits et des responsabilités. La majorité des syndicats et des associations qui regroupent des travailleurs sont venus nous dire ici en commission parlementaire - et ils nous le disent dans nos comtés lorsqu'on les rencontre parce qu'il faut d'abord les rencontrer pour le savoir - c'est devenu un fléau. Cela est devenu une maladie industrielle de se faire traiter à la CSST parce qu'on est considéré comme quelqu'un de deuxième ou de troisième classe parce qu'on a eu un accident du travail. Il y a différentes façons de persécuter quelqu'un. Il y a la façon de le recevoir, en première instance. Il y a la façon de s'acquitter de son dossier, lui fournir toute la paperasse nécessaire et aussi traiter son dossier dans un suivi normal. Celui qui subit un accident du travail n'a pas toujours nécessairement de l'argent d'avance et, en plus d'être blessé, il se voit privé pendant un certain temps de montants d'argent, son train de vie doit diminuer et les problèmes financiers viennent. J'ai l'impression que cette personne a tendance à sortir de son expérience avec une très mauvaise opinion des lois qui ont des devoirs vis-à-vis des travailleurs.

Mme la Présidente, il y a une chose qui me chicote, c'est que, pendant que ce projet de loi est ici, à l'Assemblée nationale, débattu par les parlementaires, les élus du peuple, la CSST a pris pour acquis qu'il était déjà loi. Malheureusement, je pense que c'est inacceptable pour des parlementaires de se faire doubler dans un virage, puisque c'est la mode de parler des virages présentement. J'ai l'impression qu'aujourd'hui, ici, on a l'air d'une bande de cons parce que la CSST a pris les devants et cette commission parlementaire ne la retarde même pas. C'est juste de la foutaise pour elle. Je pense que, comme parlementaires élus démocratiquement par une population, on n'a pas le droit d'accepter cela.

M. le ministre, vous avez le devoir, et très rapidement, de remettre à l'ordre les sphinx de la CSST qui ont l'intention de se prendre pour des parlementaires. S'ils veulent jouer ce petit jeu, M. le ministre, nous allons le jouer, et nous allons entrer aussi dans la botte parce que nous avons le droit comme parlementaires d'y aller dans la boîte. Nous allons y aller faire le ménage, M. le ministre, si vous ne le faites pas, et je vous dis que cela presse.

Mme la Présidente, au cours de cette commission nous allons présenter des amendements. Il y a de bonnes choses dans la loi. Je ne dis pas que tout est imparfait. Cependant, nous devons, comme c'est notre devoir d'Opposition, apporter des correctifs. On a connu le vécu dans nos comtés et on représente une population. C'est notre devoir de vous présenter ici en cette commission parlementaire les amendements que ces personnes nous ont demandés et que nous croyons, de ce côté, très justes.

Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Juneau): Merci beaucoup, M. le député.

La parole est maintenant au député de Frontenac.

M. Gilles Grégoire

M. Grégoire: Mme la Présidente, la première chose qui me frappe dans cette loi, au départ, c'est qu'elle a 556 articles. Cela en fait des articles. Cela veut dire de la complication, cela veut dire beaucoup d'avocats dans le travail et dans le jeu, cela veut dire beaucoup de frais judiciaires, cela veut dire beaucoup de bureaucratie, cela veut dire des interprétations différentes par chacun des bureaucrates. On nous a toujours enseigné que "ce qui se conçoit bien s'énonce clairement et les mots pour le dire viennent aisément." Mais quand, pour une loi sur les accidents de travail et les maladies professionnelles, on est obligé d'avoir 556 articles et qu'il en manque, là je me dis, cela va entraîner plusieurs années de difficulté pour s'adapter à cette nouvelle loi. Cela va entraîner surtout du travail juridique, cela va entraîner une bureaucratie énorme, cela va entraîner des complications. Je me demande si le ministre, qui est lui-même avocat et qui doit savoir que plus il y a de lois, plus il y a d'articles, plus c'est compliqué, plus cela prend du temps, s'il ne pourrait pas inaugurer un système où on décompliquerait cela. Je donne un exemple au ministre du Travail. Hier, je prenais la nouvelle que ceux qui ont fait isoler leur maison par la M1UF (mousse formaldéhyde) ont commencé leur procédure pour se faire indemniser il y a deux ans et qu'on ne prévoyait pas en terminer avant l'an 1990, dans six ans, avant que cela ait passé tous les délais dus à la procédure et aux complications de la loi. Pourquoi est-ce que cela prend du temps? Pendant ce temps les avocats qui défendent ceux qui sont victimes de la mousse d'urée formaldéhyde sont payés par le gouvernement provincial parce qu'ils ont un recours collectif; et ceux qui sont de l'autre côté, les avocats de la Société canadienne d'hypothèques et de logement, sont payés par le gouvernement fédéral. Je vous dis une chose: quand les avocats sont payés par les gouvernements d'un côté ou de l'autre, cela prend pas mal plus de temps. Les honoraires professionnels, quand je relis les comptes publics que ce soit du gouvernement fédéral ou du gouvernement provincial, il y a plusieurs avocats dans tout cela qui reçoivent le salaire combiné du premier ministre du Canada et du premier ministre du Québec dans la même année, qui reçoivent autant que les deux premiers ministres réunis. Avec cette loi on s'en va vers une complication qui ne nuira qu'à qui? Qu'aux travailleurs qui seront accidentés du travail. Je me demande si le ministre ne pourrait pas faire un effort pour essayer de la simplifier cette loi sur les accidents du travail. Cela est toujours préparé par des avocats, qui voient qu'en définitive ceux qui en profiteront seront encore les avocats. Vous allez voir quand le procès pour la mousse d'urée formaldéhyde va être terminé, tout le monde va se demander: Qui est-ce qui a été victime? Est-ce que c'est nous autres? Ce sont les avocats qui ont empêché tout le montant.

Je veux entrer sur un deuxième point. Je vois également que la loi actuelle vient modifier deux lois: la Loi sur les accidents du travail et la Loi sur l'indemnisation des victimes d'amiantose ou de silicose dans les mines et les carrières. Cela vient en modifier deux, la Loi sur les accidents du travail et la Loi sur l'indemnisation des victimes d'amiantose ou de silicose dans les mines et les carrières, les victimes d'amiantose. Les travailleurs de l'amiante, pendant longtemps, ont été les victimes d'une maladie industrielle et n'avaient rien pour se protéger. Ils ont dû gagner de peine et de misère, après plusieurs grèves longues, après des matraquages - que ce soit la grève de 1949, que ce soit la grève de 1975 - ils ont réussi avec l'aide des principaux membres du gouvernement actuel, en 1975. Tout le monde se rappellera les visites répétées en 1975 à Thetford, que ce soit du premier ministre actuel, que ce soit du ministre des finances qui était là il y a encore une semaine, que ce soit de tous les dirigeants du Parti québécois en 1975; ilsse sont mérité l'appui de tout ce monde-là et finalement ont réussi à gagner ce qu'on appelle la loi 52 pour les victimes d'amiantose.

Vous arrivez avec la loi 42. Peut-être que pour les autres victimes d'accidents du travail ou de maladies industrielles qui étaient sous l'ancienne loi sur les accidents du travail, peut-être que la nouvelle loi est un gain. Pour ceux qui sont victimes d'amiantose, la nouvelle loi n'est pas un progrès. C'est un recul. Ce n'est pas qu'il y en a beaucoup comparativement au nombre d'accidents du travail ou de maladies professionnelles qu'il y a dans l'ensemble du Québec, mais pour ceux-là c'est un recul. Je me demande si ces droits des travailleurs de l'amiante qui ont été acquis après de longues luttes, après de dures luttes, ne devraient pas au moins être respectés dans cette nouvelle loi 42. Ainsi par exemple, les victimes d'amiantose se sont toujours fait dire par toute la profession médicale, où qu'elle se trouve dans le monde, que leur maladie était incurable. C'est une maladie industrielle pour laquelle il n'y a jamais eu de recherches en profondeur et qu'on a toujours traitée de maladie incurable. C'est pourquoi dans la loi 52 pour les victimes d'amiantose, on a toujours dit: Le travailleur qui en est atteint aura droit à 90% de son revenu net, sa vie durant. Tantôt on a dit

qu'harmoniser les lois, les centraliser, parfois cela pouvait faire perdre des droits à certains. Avec la nouvelle loi, la Commission de la santé et de la sécurité au travail pourra décider au bout de deux, trois ans: vous pouvez remplir un travail convenable. Alors, on vous enlève votre rente à 90% de votre revenu.

De l'autre côté, les médecins viennent affirmer que l'amiantose est une maladie qui n'est pas guérissable. On prévoit quand même dans la nouvelle loi qu'on peut les retourner au travail, ou à un travail convenable, ou un travail où ils ne seraient plus exposés à la poussière. Mais la profession médicale vient dire: Celui qui est atteint de cette maladie-là est atteint d'une maladie incurable et ne peut plus fournir un rendement convenable.

Mme la Présidente, je vois que le ministre du Travail semble n'être pas d'accord avec ce que je viens d'énoncer. Si c'est le cas, il me semble à ce moment-là que la loi, même si elle contient 556 articles, devra au moins en contenir un pour venir rassurer les travailleurs de l'amiante à l'effet que s'ils sont déclarés amiantosés, on reconnaît leur rente tel que prévu à l'heure actuelle. Je crois que cela devrait être reconnu par la nouvelle loi.

Il y a un deuxième point qui est important pour les travailleurs de l'amiante. C'est que dans leur cas, on demande un verdict médical, et les seuls qui sont aptes à donner un verdict médical pour les victimes d'amiantose ce sont les pneumologues. On n'acceptera pas le verdict d'un médecin traitant ordinaire ou d'un omnipraticien. On va demander un pneumologue. À l'heure actuelle, tous les pneumologues du Québec, tous les pneumologues enregistrés au Québec sont engagés par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, de telle sorte que la victime de l'amiantose se fait dire par son médecin que les victimes de l'amiantose ont toutes les difficultés du monde à se trouver un pneumologue parce qu'ils sont tous engagés par la Commission de la santé et de la sécurité du travail. (17 heures)

J'ai à l'heure actuelle le cas d'un travailleur de l'amiante, et cela va illustrer ce que je veux exposer ici. Depuis cinq ans il a été déclaré amiantosé par un pneumologue de Montréal. Or, en appel devant la Commission de la santé et de la sécurité du travail, à deux pneumologues contre un, on a décidé qu'il ne l'était pas. Ce même travailleur de l'amiante attend depuis deux ans pour aller devant la Commission des affaires sociales parce que le pneumologue qui l'a examiné, il y a déjà plusieurs années, est actuellement en dehors du Canada, en voyage pour encore deux ans, et cette victime d'amiantose ne peut plus se trouver un pneumologue pour aller le représenter devant la Commission des affaires sociales.

Il y a là un problème grave parce que c'est une maladie des poumons, que les spécialistes sont rares et que les victimes de l'amiantose, même s'ils ont le choix de leur médecin, se retrouvent devant le fait que, devant la rareté des pneumologues et devant le fait qu'ils sont engagés par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, les malades ont de la difficulté à faire reconnaître leur maladie industrielle devant la CSST. Alors, je crois que la loi 52, qui était la loi en vertu de laquelle les travailleurs de l'amiante pouvaient réclamer devant la CSST, présentait de nombreux avantages que la loi actuelle ne présente pas. Je crois que le ministre aurait intérêt à faire regarder les articles, à faire comparer les deux lois et à faire inclure dans la nouvelle loi 42 ceux qui protégeaient, que ce soit au point de vue maladie industrielle, que ce soit au point de vue rente, les victimes d'amiantose, loi 52 qu'ils ont conquis après de multiples efforts.

Je demanderais donc au ministre d'essayer d'adapter les deux lois. Il y a du bon dans la nouvelle loi, mais vis-à-vis de cette catégorie spéciale de travailleurs, les victimes d'amiantose, je crois qu'il y a un net recul sur plusieurs points et j'aurai des amendements à apporter en temps et lieu.

La Présidente (Mme Juneau): Merci, M. le député. Est-ce qu'il y a d'autres députés qui souhaiteraient intervenir? M. le député de Châteauguay? M. le député de Nelligan.

M. Roland Dussault

M. Dussault: Merci, Mme la Présidente.

Je suis satisfait de l'ouverture que le ministre a démontrée relativement à des amendements ou des améliorations qui pourraient être apportés de la part des députés qui participent aux travaux de cette commission. Et dans ce sens-là, je vais appuyer la demande qu'a faite tout à l'heure le député de Sainte-Marie.

Auparavant, je voudrais reprendre quelques éléments qui ont été avancés par le député de Viau, tout à l'heure. Il a évoqué que les députés ministériels avaient été peu nombreux à prendre la parole en deuxième lecture, quoique ce ne sont plus les termes que l'on emploie selon la réforme, qu'on avait été peu nombreux à prendre la parole sur le projet de loi 42. Je voudrais quand même rappeler qu'il y a eu au-delà de quinze députés, c'est peut-être même dix-sept députés ministériels qui ont pris la parole sur ce projet de loi. Alors, je pense que c'est un petit peu déplacé de la part du député de Viau que de laisser entendre que nous avons été peu nombreux à prendre la parole là-dessus.

Une autre chose que je voudrais faire

remarquer est que le député de Viau ne m'a pas donné l'impression, tout à l'heure, qu'il faisait la distinction entre la loi préventive sur les accidents du travail qu'est la loi 17 et la loi réparatrice qu'est la loi 42, celle sur laquelle nous nous penchons. Je pense qu'il est important de faire cette distinction, ne serait-ce que pour ceux qui liront le Journal des débats à la suite de nos travaux. Semble-t-il qu'il faudra qu'ils le voient sur vidéo parce que cela ne sera pas produit comme cela l'était auparavant, c'est-à-dire les débats des commissions.

Il a aussi parlé, tout à l'heure, du financement - quoique je pense que ce soit le député de Saguenay qui a parlé de la question du financement - cela me paraît important de faire une correction des propos qu'il a tenus parce qu'il disait que le projet de loi baisserait le taux de cotisation et que la masse salariale augmenterait. Je voudrais rappeler au député de Viau que ce ne sont sûrement pas les députés de la commission ni le gouvernement qui vont faire augmenter la masse salariale. Je pense bien que...

M. Bisaillon: Pas par les temps qui courent!

M. Dussault: On sait qu'on a connu la crise, M. le député de Sainte-Marie, avec toutes les conséquences que cela représente; je pense qu'on s'entendra là-dessus.

Mais il reste quand même que la masse salariale, ce sont plutôt les forces du marché qui font que cela fluctue. Je pense bien que ce n'est pas par volonté gouvernementale ou par la volonté des députés qu'on en arrive à ce résultat.

Et pour en venir à ce point que je voulais appuyer, qui nous est venu de la part du député de Sainte-Marie, Mme la Présidente, je voudrais dire au ministre que je ne vois peut-être pas, actuellement, toute la portée ou les conséquences, sur le plan bien pratique peut-être, de la demande du député de Sainte-Marie. Mais celle qui consistait à entendre le représentant, le président enfin de la commission, le commissaire principal, je ne me rappelle pas le terme exact, de la Commission des affaires sociales, cette demande m'apparaît intéressante. Peut-être craindra-t-on que cela fasse précédent, que l'on soit obligé par la même occasion de convoquer d'autres organismes qui n'auraient pas eu la chance de se faire entendre. Mais il m'apparaît - je pense que le député de Sainte-Marie l'a invoqué dans ces termes - que la Commission des affaires sociales n'est pas, effectivement, un organisme qui a le réflexe, peut-être même que ce n'est pas du tout dans le cadre de son mandat de prendre l'initiative d'offrir son éclairage à l'occasion de travaux parlementaires. Peut-être que, dans ce sens-là, il y aurait une ouverture qui nous permettrait de prendre un risque calculé, qui n'aurait pas les conséquences que l'on pourrait craindre.

Mais je le répète au ministre, Mme la Présidente, que je ne vois pas toutes les conséquences de cela. Je voulais tout simplement dire au ministre que, personnellement, j'aurais le goût, à moins qu'on me convainque - que ce soient des raisons très importantes - que ce n'est pas une bonne chose, jusqu'à preuve du contraire, je pense qu'il y aurait un intérêt à ce qu'on entende la Commission des affaires sociales à cette commission.

Dans ce sens-là, l'idée de suspendre, durant un certain temps, nos travaux pour pouvoir entendre quelqu'un de la commission m'apparaît intéressante.

La Présidente (Mme Juneau): Merci, M. le député. J'avais reconnu le député de Nelligan.

M. Clifford Lincoln

M. Lincoln: Mme la Présidente, j'aurais voulu continuer dans le sens de deux ou trois points que j'avais soulevés lors du débat de deuxième lecture, en Chambre, surtout concernant la période où l'employeur devient maintenant responsable par le projet de loi 42 par rapport à l'ancienne loi.

En fait, si le minsitre voulait regarder avec moi le rapport annuel de la CSST de 1983, à la page 52, où il y a un graphique et des statistiques de la durée de l'interruption du travail à la suite de lésions professionnelles déclarées en 1983. On remarquera là-dedans que le pourcentage de cas où il n'y a aucune indemnisation, c'est presque la moitié. Il y a quelque chose comme 146 000 cas où il n'y a aucun nombre de jours d'indemnisation, c'est 48%. De un à cinq jours, il y a 66 000 cas, 22%; de six à dix jours, 27 000 cas, 9,1%; et de onze à quinze jours, 12 765 cas, donc 4,2%.

Or, selon les dispositions de la nouvelle loi, le projet de loi 42, la loi projetée, ce qui arriverait, c'est que l'employeur ferait les frais initiaux de l'indemnisation pour les premiers quatorze jours. Donc, si on retire le pourcentage de cas qui ne sont soumis ni à l'employeur, ni à la CSST - donc il n'y a pas d'indemnisation - c'est 48,4%. Si on ajoute à cela le pourcentage de un à quatorze jours, on verra que pratiquement 80% - en fait, si on prend les statistiques, il y a plus de 80% maintenant seraient l'affaire de l'employeur, initialement. L'employeur devra faire les frais initiaux, devra remplir toute la paperasserie, avoir la responsabilité des montants d'indemnisation. Si on laisse la différence de cinq jours, 16 à 20, 21 et plus et le reste, on verra, d'après les statistiques du rapport annuel de la CSST, que c'est une faible minorité, au plus 16% à 20%, qui va

être vraiment l'affaire de la CSST.

On se demande s'il y aura une compensation quelconque? Est-ce qu'il y aura une réduction des effectifs de la CSST? Est-ce qu'il y aura un ajustement quelconque à la bureaucratie presque monstre qui est créée par cet organisme maintenant que vous allez ajouter au fardeau de l'employeur, surtout du petit employeur, un pourcentage accru de responsabilité sous son chef, d'après les articles 58 et suivants qui vont porter la période où l'employeur sera responsable à 14 jours.

Nous avons aussi soulevé le cas parallèle durant le débat en Chambre: les statistiques aussi semblent démontrer que, chaque fois que vous augmentez le nombre de jours où des indemnisations sont données, le taux d'accidents semble monter parallèlement. C'est dire que beaucoup de petites entreprises, la grosse majorité des entreprises, vont avoir affaire, comme l'a souligné mon collègue de Viau, à une bureaucratie additionnelle, des dépenses de frais opérationnels qu'elles ne peuvent pas se payer. C'est très bon de dire: On va rembourser cela à l'employé, à l'employeur mais il faudra que l'employeur ajoute un coût additionnel en plus d'avoir, en fait, le travail qui était fait au préalable par la CSST et transféré à l'employeur.

La deuxième question qui me préoccupait et que mon collègue de Mont-Royal, je pense, a souligné de façon très éloquente, c'est toute la question du processus d'appel. Je pense aussi que mon collègue de Viau a souligné cela et le député de Sainte-Marie, je m'en souviens. Toute la question de l'équité par rapport au droit d'appel, la comparaison entre le droit d'appel actuel et le droit d'appel prévu par la loi. Alors, après la décision, aujourd'hui, comme nous le savons, c'est le bureau de révision qui se prononce et ensuite il y a l'appel à la Commission des affaires sociales.

Maintenant, ce sera une révision administrative; on peut comparer cela avec le bureau de révision actuel. Mais après ce sera un appel à une Commission d'appel qui est formée selon la loi. Alors, il faut se poser quelques questions.

D'abord la question d'équité. Il faudra se demander si la Commission d'appel qui sera instituée par la loi va être aussi impartiale qu'une Commission des affaires sociales qui est certainement en dehors du giron du même ministère, en dehors du giron de la CSST. Il me semble que, quand le droit d'appel a été institué à la Commission des affaires sociales, certainement cette constatation, cette préoccupation a dû être très, très importante de situer ce droit d'appel à une commission qui ne relevait pas de la CSST elle-même ou du ministre responsable. (17 h 15)

On ne fait aucun procès d'intention ni à la CSST, ni au ministre responsable, mais il est certain que tout le processus d'appel dans tout le système juridique est justement d'essayer d'avoir le plus grand partage possible des responsabilités afin qu'il n'y ait pas une situation où on pourrait se mettre en conflit d'intérêts. Là, c'est le gouvernement - si je lis bien - qui nomme les douze commissaires à part le président et le vice-président. Le gouvernement se donne le droit de procéder à la sélection des commissaires à la Commission d'appel. Il faut se demander pour la nomination de ces commissaires d'appel de qui le gouvernement recevra des recommandations. Il est évident que le gouvernement acceptera la recommandation de la CSST elle-même et du ministre en charge. Il me semble que nous arrivons à une situation où certainement le droit d'appel actuel à la Commission des affaires sociales est beaucoup plus impartial en principe que celui qui est prévu dans la loi 42. Il faut aussi se demander: Qui va faire les frais de toute cette bureaucratie additionnelle? La loi est tout à fait silencieuse là-dessus. Nous aurons 12 commissaires. Parmi ces 12 commissaires, il y en aura un qui sera président, il y en aura un qui sera vice-président. Il y aura toute la question d'honoraires. Il y aura des assesseurs qui vont être employés. Il y aura une banque centrale de jurisprudence qui sera créée. Il y aura tout un système d'informatique qui sera créé. Qu'est-ce que c'est que cette bureaucratie monstre qu'on va créer, quand aujourd'hui nous avons déjà un mécanisme qui a travaillé sur cette question et qui a sûrement lui-même établi des expériences, un historique, créé sans doute une banque d'information et de jurisprudence? Le ministre pourrait nous rétorquer: Mais oui, mais cela fonctionne mal, il y a beaucoup trop de délais: en fait, notre collègue de Frontenac en a souligné. D'accord.

Est-ce que la chose la plus simple ne serait pas d'entendre les gens de la Commission des affaires sociales pour savoir vraiment ce qu'il faudrait faire pour améliorer ce processus au sein de la Commission des affaires sociales, qui après tout a acquis toute une expérience, un cheminement sur cette question, plutôt que d'aller créer, encore une fois, une nouvelle bureaucratie qui, en plus, est obligée de faire face à une possibilité tout à fait distincte puisque la nomination des commissaires, c'est sûr, d'après la loi, pourrait se faire par une procédure établie par un règlement du gouvernement, la procédure de sélection. À ce moment-là, ne peut-on pas dire que la commission, quoique en théorie elle sera tout à fait démarquée de la CSST, ne sera pas presque une extension de la CSST et du ministère en place?

Nous croyons fondamentalement que cette question de la commission d'appel est si importante qu'elle devait être vue. Nous demandons au ministère de revoir toute cette question et d'essayer, si le mécanisme de la Commission des affaires sociales est défectueux dans un certain sens et s'il y a des délais, d'améliorer les choses. Est-ce que le ministre a évalué les coûts de la nouvelle commission d'appel? Qu'est-ce qui nous dit dans la loi qui va payer pour cela? Qui est responsable de payer pour la commission d'appel? Est-ce que le coût de la commission d'appel sera à la charge du fonds consolidé du Trésor? Est-ce qu'il va sortir du budget de la CSST? Est-ce qu'il va sortir du budget du ministre? À ce moment-là, si, par exemple, la commission d'appel est financée par la CSST ou par les fonds du ministère, est-ce que cela ne crée pas une espèce de lien entre l'un et l'autre? Si, par exemple, la commission d'appel dépend, pour ses budgets, de la CSST, est-ce que cela ne cause pas des dangers qu'il y ait un manque d'indépendance de la commission par rapport à la CSST, ce qui ne serait pas le cas pour la Commission des affaires sociales?

Nous posons ces questions au ministre et nous espérons que, par rapport à des choses que nous pensons fondamentales, il sera assez ouvert pour peut-être ne pas faire acte sur ce projet de loi qui, comme l'a souligné un de mes collègues, est une affaire immense. Nous avons l'étude des premiers 100 articles avec les commentaires de notre recherche. 100 articles regardez c'est presque... Comment peut-on travailler sur tout cela et arriver à des conclusions rationnelles? C'est à se demander, quand on a des livres devant soi, si on pense à la bureaucratie que tout cela va créer. Alors j'espère que le ministre va avoir un esprit d'ouverture et voudra écouter nos suggestions au long de l'étude. Merci.

La Présidente (Mme Juneau): Merci beaucoup, M. le député.

La parole est maintenant au député de Beauharnois.

M. Laurent Lavigne

M. Lavigne: Merci, Mme la Présidente.

Justement, je vais très brièvement ouvrir avec en gros les dernières paroles du député de...

La Présidente (Mme Juneau): De Nelligan.

M. Lavigne: De Nelligan, qui fait appel à la réceptivité du ministre. Je pense que le ministre dans son ouverture verbale, tout à l'heure, nous a justement montré sa réceptivité intellectuelle à examiner la loi article par article. Je suis convaincu que le ministre ne l'a pas seulement dit, mais qu'il est prêt à cet exercice et je suis content aussi de l'attitude qui semble vouloir se dégager des gens de l'Opposition et des députés indépendants face à l'étude qu'on entreprend maintenant sur une loi que je considère d'une aussi grande importance. Elle est importante sur le plan économique parce qu'on sait que finalement ce sont les patrons qui ont à en assumer les coûts et que c'est important. Si l'économie va bien au Québec, il y a des chances d'avoir plus de travail et, s'il y a plus de travail, il va y avoir moins de chômage.

Il y a aussi toute l'autre dimension qui nous démontre à quel point cette loi est importante. C'est qu'on parle d'accidents du travail, de maladies professionnelles pour nos travailleurs et nos travailleuses au Québec. Donc, cette loi doit être passée non pas à la vapeur, dans la partisanerie, mais avec le plus d'ouverture d'esprit et le plus d'objectivité possible, car on ne parle pas de n'importe quoi quand on parle de l'économie de notre pays et de la réparation ou de l'indemnisation des travailleurs qui ont eu la malchance de subir un accident du travail ou une maladie professionnelle. Donc, je sais qu'il y a des principes nouveaux dans cette loi qui, au premier abord, m'apparaissent intéressants. Qu'on parle du principe de réadaptation, justement. Cela n'existait pas dans l'ancienne loi. Cela comprend plusieurs articles. On aura l'occasion de les examiner un à un et si, effectivement, dans tout le chapitre qui touche la réparation, on s'aperçoit que, encore là, il y a des améliorations à apporter, je suis prêt à les examiner de près, je suis prêt à prendre en considération les propositions ou les recommandations que pourront nous faire les députés de l'Opposition et les députés indépendants. Si les recommandations qu'ils nous font vont dans le sens de bonifier la loi, je pense que c'est ce que le ministre nous a laissé entendre tout à l'heure dans son premier exposé, je suis prêt à contribuer.

On parle aussi d'un autre principe qui, je pense, a été largement discuté en commission parlementaire quand les différents groupes sont venus nous présenter leur mémoire. C'était la question du choix du médecin. À mon avis, on l'a introduit comme on voulait le voir introduit dans la loi. Je pense que cela ne fait ombrage ni au côté patronal, ni au côté syndical. À la lecture de la loi telle qu'on la retrouve, si on tient compte de ces amendements, je pense que toute la question du choix du médecin règle les lacunes que la vieille loi comprenait. L'obligation pour le patron de reprendre son employé après un accident de travail, je pense que cela est un élément nouveau aussi que je considère comme très positif. Il y a bien sûr des termes comme "emploi convenable". On pourra en discuter dans

l'étude article par article et voir si vraiment le terme "convenable" correspond effectivement à ce à quoi on veut que cela corresponde. Je sais que tout au long des dernières discussions, des rencontres que l'on a pu avoir avec les gens sur le terrain, même dans nos bureaux de comté, le terme "emploi convenable" semblait inquiéter certaines personnes. Je suis prêt à ce qu'on en discute à nouveau lors de l'étude article par article et si on avait un terme qui correspondait davantage à ce qu'on veut voir vraiment introduire dans la loi, mon Dieu, on en discutera et on conviendra ensemble d'un terme qui pourrait être plus précis. L'obligation pour l'employeur de faire la preuve que l'accidenté ou que l'employé souffre d'une maladie professionnelle incombe à l'employeur maintenant; on a renversé la vapeur à ce niveau-là comparativement à l'ancienne loi. Je pense que cela est un élément majeur, un élément important. Combien d'employés n'avaient pas le courage, les connaissances ou l'argent pour partir un débat ou un procès afin de démontrer et faire la preuve que l'accident avait bel et bien eu lieu en milieu de travail, que la maladie dont il souffre dépend de son travail. Le fardeau de la preuve est complètement renversé maintenant. Je pense que c'est un principe nouveau dans la loi qui, à mon avis, est à l'avantage du travailleur.

Le droit d'indemnité en remplacement du revenu aussi, je suis sûr que c'est un chapitre qui va être largement discuté en commission parce qu'on vient changer un principe; on parle plutôt du remplacement d'un revenu que d'une rente viagère. Donc, je suis sûr qu'à ce chapitre il y aura des suggestions qui nous seront faites de la part de l'Opposition et des députés indépendants. Moi aussi, je suis prêt à regarder et à examiner en profondeur toute cette question de l'indemnité.

Le député de Nelligan semblait très inquiet, dans son intervention, en ce qui a trait aux quatorze jours qui devront être assumés d'une certaine façon par l'employeur. Il disait lui-même que le fait de passer de six à quatorze jours diminuait d'environ 80% les cas à la CSST. Donc, s'il y avait 80% moins de cas à la CSST, cela veut dire 80% moins de dossiers, de paperasse, avec comme conséquence une rapidité d'action et une diminution des coûts administratifs, car avec les 14 jours, cela ferait autant de paperasse de moins qui entrerait à la CSST, et non pas un mince pourcentage, 80% des cas.

Donc, à première vue en tout cas, il m'apparaît que cela devrait amener une diminution des coûts de la CSST et par le fait même laisser dans la banque ou dans le fonds consolidé plus d'argent pour intervenir auprès des travailleurs, des travailleuses qui auraient la malencontreuse chance d'avoir un accident du travail ou une maladie professionnelle.

En tout cas, quand on sera rendu à ces articles, vous ferez valoir votre point de vue et on verra si on doit modifier ou changer, soit des termes ou des principes. Mais moi je pense, en tout cas, à première vue que le principe me paraît correct.

Mme la Présidente, je pense que ce qui est important, pour moi, dans cette loi, c'est de faire en sorte... Quand on a écouté les députés de l'Opposition et les députés indépendants lors de l'étude du principe de la loi en deuxième lecture en Chambre, je ne sais pas si c'était l'effet de la télévision qui ne leur faisait pas admettre trop que la loi avait quand même des bons côtés. Tour à tour, ils ont maintenant admis que, finalement, la loi n'était pas seulement mauvaise, mais qu'elle avait quand même des bonnes choses dedans. Cela on ne l'a pas entendu beaucoup lors de l'étude du principe en deuxième lecture.

Par contre, ici, tous et chacun, je l'ai remarqué quand ils sont intervenus il y a quelques minutes, ont souligné - et cela n'avait pas l'air de les embarrasser de le dire - que la loi apportait des éléments nouveaux ou une nette amélioration sur l'ancienne.

Je considère, moi aussi, que la loi, évidemment, a au-delà de 500 et quelques articles; c'est beaucoup. J'aurais aimé mieux la réduire. Il y a des amendements en plus de cela. C'est vrai que c'est volumineux, et le député de Frontenac disait que cela pouvait amener des procès et de la paperasse additionnelle; s'il y avait possibilité de la réduire, j'aimerais bien cela, mais j'en doute.

De toute façon, mon objectif est de faire en sorte qu'en conclusion, quand viendra le temps de voter et de mettre en force cette nouvelle loi, la loi 42, que ce soit meilleur que l'ancienne loi. C'est le but que je vise et je vais m'évertuer tout au long de nos travaux, Mme la Présidente, à améliorer, par cette loi, le sort des travailleurs et des travailleuses qui auront eu la malchance d'être des accidentés du travail ou qui auront la malchance de subir ou de connaître des maladies professionnelles. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Juneau): Merci, M. le député. Est-ce qu'il y a d'autres députés qui souhaiteraient intervenir à ce moment-ci des remarques préliminaires?

M. Dussault: Mme la Présidente, s'il n'y a pas d'autres intervenants... Quelques secondes, à la suite des propos tenus par notre collègue de Beauharnois. Il est l'adjoint parlementaire et il disait être sûr de l'ouverture du ministre à l'égard des propositions qui seraient faites par les députés de l'Opposition et les députés

indépendants. Je voudrais dire que je suis certain aussi que le ministre se montrera disposé à écouter aussi les propositions des députés ministériels. J'en ai fait une tout à l'heure à la suite de celle de M. le député de Sainte-Marie et, entre autres, je voudrais dire que des questions de délai on va en retrouver à travers la loi assez régulièrement. Cela me préoccupe beaucoup parce que ces questions de délais d'application de la loi au service des travailleurs font que, quand ils sont trop longs, il y aura une victime en fin de compte. Cela me préoccupe beaucoup. Je vais surtout surveiller cela et si, effectivement, il me paraît que quelque chose peut être amélioré je vais être un de ceux qui vont vouloir que le ministre se montre ouvert à des propositions, même des députés ministériels. Je n'en doute pas. Cela sera sûrement le cas. (17 h 30)

La Présidente (Mme Juneau): Oui, M. ledéputé. Étant donné que vous avez épuisé votre temps de parole, M. le député de Viau...

M. Cusano: En tant que commentaires préliminaires...

La Présidente (Mme Juneau): Oui, on est encore aux remarques préliminaires et M. le ministre n'avait pas utilisé tout son droit de parole, alors je donne la parole à M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Raynald Fréchette (réplique)

M. Fréchette: Merci, Mme la Présidente, comprenez que je ne reviendrai pas sur toutes les questions que tout un chacun a soulevées. Je n'aurais pas suffisamment de temps et, deuxièmement, plusieurs d'entre elles vont faire l'objet de nos discussions lorsque nous arriverons à l'article particulier qui est en relation avec le problème soulevé. Je veux cependant revenir sur certains des aspects qui ont été soulevés et, en même temps, répondre à une question spécifique du député de Viau et à une autre, spécifique également, du député de Sainte-Marie.

Le député de Viau m'a d'abord demandé si, lorsque les amendements allaient être déposés a la commission, les parties intéressées pourraient en prendre copie. Il me paraît évident, Mme la Présidente, que, dès lors qu'un document est déposé ici, il devient public et tous ceux et toutes celles qui veulent en obtenir une copie peuvent le faire sans aucune espèce de difficulté. Deuxièmement, je signalerai au député de Viau que nous allons, quant à nous, prendre toutes les dispositions nécessaires pour faire parvenir à ceux et à celles qui le souhaiteraient une copie de ces amendements. Quand je dis à ceux et à celles qui le souhaiteraient, comprenez qu'il y a une espèce de priorité à établir vis-à-vis des groupes que nous avons entendus en commission parlementaire, à la fin du mois de février et au début du mois de mars dernier.

Un autre aspect de l'intervention du député de Viau que vous me permettrez de relever rapidement, Mme la Présidente, et je pense d'ailleurs que le député de Châteauguay y a référé, il ne faudrait quand même pas qu'il y ait une confusion entre le projet de loi que nous sommes en train d'étudier et ce qu'a été la loi 17 lorsqu'elle a été adoptée en 1980. Nous ne sommes pas à entreprendre l'étude d'une loi de prévention des accidents du travail, ni des maladies professionnelles. Tant mieux si, en le faisant, on retrouve des dispositions dont les effets sont, secondairement, d'arriver à atteindre cet objectif. Je voudrais bien que l'on se souvienne que c'est la loi 17 qui visait ces objectifs et qui est en train de les atteindre. Cette loi n'a pas encore cinq ans et déjà il y a des améliorations substantielles à bien des égards en termes de prévention d'accidents et de maladie? par rapport à la situation qui existait auparavant.

Le député de Viau s'est également interrogé sur, d'une part, le mécanisme des comités de santé et de sécurité et, d'autre part, sur leur nombre, s'il en existe encore au moment où l'on se parle. Mme la Présidente, est-il nécessaire de rappeler qu'autant la loi 17 que les organismes institutionnels ou d'autres natures qu'elle prévoyait retenaient comme principe de fonctionnement l'idée qu'il fallait que tous ces mécanismes soient alimentés par les parties qui étaient intéressées et impliquées par la santé et la sécurité? Cela procédait d'ailleurs aussi d'un principe fondamental qui a présidé à la création de la commission elle-même. Or, à l'intérieur des comités de santé et de sécurité, c'est donc paritairement qu'on retrouve des représentants des parties, pour s'assurer qu'à l'intérieur de l'entreprise l'on convienne ensemble des moyens à prendre pour s'assurer précisément de la prévention. Le député de Viau me demandait également: Combien y en a-t-il de formés au moment où l'on se parle? Je ne lui donnerai pas de détail, sauf peut-être de lui dire qu'il y en a, en moins d'une année, 788 qui ont été mis sur pied et principalement dans des entreprises dont les activités se retrouvent à l'intérieur de groupes qu'on a convenu de classifier comme étant des groupes prioritaires.

Retenons qu'il n'y a pas plus d'une année, je crois, que le règlement autorisant ou décrétant la création des comités de santé et sécurité a été adopté et, déjà, à l'intérieur d'une année, il y a ce nombre de

788 comités de santé et sécurité qui ont été formés.

Mme la Présidente, permettez-moi également que je relève une affirmation du député de Viau qui m'apparaft, quant à moi, procéder probablement d'une mauvaise compréhension d'une des dispositions que l'on retrouve dans la loi. Le député de Viau a déclaré, me semble t-il, que le forfaitaire que l'on retrouve dans la loi remplace la rente viagère. Il m'apparaît tout à fait élémentaire que c'est là une mauvaise interprétation; je ne dis pas qu'il y a de la mauvaise foi, mais c'est une mauvaise interprétation du texte de la loi et des principes qu'on y retrouve eu égard et strictement eu égard à la réparation économique d'un accident du travail.

Je ne vous parle pas de la réparation en termes de réadaptation avec ces trois chapitres bien précis: physique, professionnel et social, mais sur le plan strictement économique. Je pense qu'on va ensemble convenir qu'un régime de réparation d'accident ou de maladie professionnelle doit avoir comme objectif principal de replacer l'accidenté dans le même état qu'il était au moment où son accident est arrivé. Je pense que là-dessus on devrait être en mesure de s'entendre tous assez facilement. C'est très précisément ce que fait la loi actuelle.

La loi actuelle prévoit qu'un accidenté, après la consolidation de sa lésion, sera replacé dans la même situation économique que celle dans laquelle il était au moment où son accident est arrivé. Donc, en termes de revenu qui était autrefois son salaire, il se retrouvera, comme je viens de le dire, dans la même situation, c'est-à-dire suivant les circonstances particulières dans lesquelles on peut se retrouver. S'agit-il d'une incapacité totale et permanente? S'agit-il d'une incapacité partielle temporaire? Suivant les circonstances dans lesquelles on peut se retrouver, le principe de l'indemnité de remplacement du revenu est là pour faire en sorte que l'accidenté se retrouve dans la même situation.

Quand on parle du forfaitaire, Mme la Présidente, c'est pour rejoindre l'objectif qu'un accidenté qui subit un préjudice dans son intégrité physique ou autre puisse être, d'une certaine façon, compensé pour ce préjudice. C'est ce qu'on est convenu d'appeler, dans des termes scientifiques, le déficit anatomophysiologique.

L'accidenté, donc...

M. Bisaillon: Combien?

M. Fréchette: Le déficit anatomophysiologique. L'accidenté, donc, est placé dans une position telle qu'il recevra son indemnité de remplacement du revenu à laquelle devra s'ajouter ce montant forfaitaire dont on parle qui correspondra au degré d'incapacité dont il est affecté.

Quand on plaide, qu'on essaie de nous convaincre que le forfaitaire remplace la rente viagère, je pense qu'il était important de replacer la discussion dans son véritable contexte à cet égard. D'ailleurs, je l'ai fait au moment de l'étude de l'adoption du principe; j'ai rappelé à nos amis de l'Opposition qu'ils sont les initiateurs de ces principes dans nos lois. Le député de Frontenac y a référé tout à l'heure; en 1975, la loi 52 a été adoptée à la suite d'un long conflit dans l'amiante à Thetford-Mines et on a retrouvé dans la loi 52 de 1975 exactement le principe que l'on retrouve dans la loi 42 en termes de réparation économique. La loi 52 disait: Une indemnité de remplacement du revenu pour quelqu'un qui est affecté d'amiantose accompagné du paiement d'un montant forfaitaire. Nous avons pris plaisir ces derniers temps à fouiller les débats, les journaux de l'Assemblée législative de l'époque pour, à notre grande satisfaction d'ailleurs, retrouver des argumentations du gouvernement de l'époque qui disait que le régime proposé dans la loi 52 était, de toute évidence, plus équitable et répondait plus adéquatement au besoin des accidentés, dans ce cas précis, des amiantosés et des silicoses.

Or, Mme la Présidente, je pense qu'il est important de se rappeler cette situation puisque, encore une fois, à tous égards quant aux principes, la loi 42 reconduit l'indemnisation prévue par la loi 52 et adoptée par le gouvernement Bourassa en 1975.

On a fait beaucoup état, également, de cette institution nouvelle qui serait une commission d'appel. Remarquez que les observations qui ont été soumises de part et d'autre ont retenu mon attention pendant tout le temps de l'étude de la loi, des travaux préliminaires à sa préparation, et continuent de me préoccuper. Je vous le signale sans aucune hésitation.

Je voudrais cependant, ne serait-ce que pour en mettre les éléments sur la table, que l'on songe à la situation suivante. Toutes les parties que nous avons entendues en commission parlementaire, autant patronale que syndicale, ont convenu qu'il fallait étendre les champs de juridiction d'appel. Les travailleurs nous ont dit, par exemple: Vous devriez rendre "appelable" une décision de la commission en matière de réadaptation. Les employeurs nous ont dit: Vous devriez introduire des dispositions en vertu desquelles, si nous ne sommes pas satisfaits d'un avis de cotisation que nous émet la commission, nous puissions aussi nous retrouver devant un palier d'appel. Donc, toutes les décisions actuellement rendues par la commission et qui ne sont pas "appelables" vont devenir "appelables". Alors, la question fondamentale qui se pose: Est-ce que la

Commission des affaires sociales est l'institution habilitée à entendre toutes ces causes, même le voudra-t-elle? À partir du raisonnement que l'on fait que la Commission des affaires sociales est un organisme qui a une vocation sociale intéressante que tout le monde reconnaît, qu'est-ce que la Commission des affaires sociales va faire devant un appel d'un employeur qui ne sera pas satisfait de son avis de cotisation, d'un employeur qui va vouloir contester dans les meilleurs délais possible une fermeture de son usine à la suite d'une inspection?

Et alors, c'est à partir de considérations de cette nature qu'on en est venu à la conclusion que l'on sait. Ou bien alors, on transfère à la Commission des affaires sociales in extenso toutes les possibilités d'appel ou alors, on enlève de la loi ce que toutes les parties nous ont demandé, c'est-à-dire la possibilité d'aller en appel et on revient au statu quo avec les seules possibilités d'appel du droit à une indemnité ou du quantum de l'indemnité qui a déjà été accordée. Alors, on enlève le droit d'appel pour la réadaptation, on enlève le droit d'appel pour tous les autres motifs possibles. Alors, c'est là-dessus que la réflexion a porté et je vous réitère que, quant à moi, toute suggestion utile propre à couvrir les objectifs pour lesquels il y a une commission d'appel sera étudiée favorablement.

Je fais un dernier commentaire pour répondre à la demande très précise du député de Sainte-Marie.

Je dirai simplement ceci, Mme la Présidente. Le député de Châteauguay l'a soulevé, nous avons entendu en commission parlementaire 43 organismes dont les uns ont été là pendant une bonne partie d'une journée complète d'audition. Ce que je crains au moment où l'on se parle, c'est que le précédent étant créé pour ces deux organismes très précis que vous avez identifiés, l'on ait dans les heures qui vont suivre les mêmes demandes de 10, 15 ou 20 des autres groupes que nous avons entendus en commission. C'est le genre de situation qui, actuellement en tout cas, me préoccupe. Je dirai cependant au député de Sainte-Marie que ce que je viens de dire n'est pas une réponse négative à la suggestion qu'il a mise sur la table. Et ayant, en particulier, l'assurance que le phénomème dont je viens de parler ne se produirait pas, je suis tout à fait disposé à regarder sa suggestion de très près. (17 h 45)

M. Bisaillon: Est-ce que le ministre me permet une petite question, comme il l'a fait pendant que je parlais? Est-ce que le ministre ne serait pas prêt à admettre qu'il y a une distinction, en termes de précédent, à faire entre la Commission des services juridiques et la Commission des affaires sociales? La Commission des affaires sociales est un organisme paragouvernemental, administratif, elle a un tribunal administratif que la commission convoquerait. Cela n'est pas un groupe d'intérêt. Elles ne sont pas directement intéressées dans le projet de loi. Dans ce sens, on pourrait peut-être en arriver à faire des distinctions.

M. Fréchette: Je voudrais être aussi clair que possible vis-à-vis du député de Sainte-Marie quand je parle d'une crainte quant à la possibilité de faire un précédent en entendant la Commission des services juridiques qui est venue en commission parlementaire. Cela fera-t-il boule de neige? Est-ce que, demain, le CPQ ne nous demandera pas une nouvelle audition? La FTQ? La CSN? C'est ce genre de situation que je veux complètement éviter. Je signale au député de Sainte-Marie que je suis tout à fait ouvert à regarder de très près la suggestion qu'il a faite.

La Présidente (Mme Juneau): Merci, M. le ministre. M. le député de Saguenay.

Motion pour convoquer la Commission des affaires sociales

M. Maltais: Mme la Présidente, je voudrais faire motion qu'en vertu du deuxième alinéa de l'article 237 de nos règles de procédure la commission de l'économie et du travail invite des représentants de la Commission des affaires sociales pour éclairer les membres de la commission de l'économie et du travail relativement au projet de loi 42, Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, et ceci dans les plus brefs délais.

La Présidente (Mme Juneau): Conformément à l'article 237, la motion est effectivement recevable, M. le député.

M. Maltais: Merci, Mme la Présidente. Je vous la donne pour le texte.

M. Fréchette: Est-ce que la motion du député de Saguenay vise les deux organismes dont a parlé le député de Sainte-Marie?

M. Maltais: Non, c'est seulement la Commission des affaires sociales.

La Présidente (Mme Juneau): Est-ce que je pourrais lire la motion pour éclairer les membres de la commission?

Qu'en vertu du deuxième alinéa de l'article 237 de nos règles de procédure la commission de l'économie et du travail invite les représentants de la Commission des affaires sociales instituée en vertu de la Loi sur la Commission des affaires sociales pour

éclairer les membres de la commission de l'économie et du travail relativement au projet de loi 42, Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, et ceci, dans les plus brefs délais.

Je vais faire faire des photocopies pour tout le monde. Est-ce que cette motion est adoptée par l'ensemble des membres de la commission?

M. Raynald Fréchette

M. Fréchette: Mme la Présidente, je comprends que le règlement nous permet une intervention de 20 minutes sur la motion. Je voudrais, quant à moi, utiliser mon droit de parole à cet égard. Je viens de vous signaler, Mme la Présidente, que je suis tout à fait disposé à considérer de très près la demande que soumettait le député de Sainte-Marie, mais qui a été reprise plus formellement à partir des dispositions de notre règlement par le député de Saguenay.

La première observation que je voudrais soumettre, Mme la Présidente, c'est qu'il ne faudrait pas imaginer, depuis le temps que le projet de loi est en préparation, que des consultations n'ont pas été faites avec la Commission des affaires sociales. Il y a eu effectivement, et j'y ai participé, une rencontre avec son président, M. le juge Poirier. Nous avons, à ce moment-là, procédé à obtenir ses commentaires sur la possibilité que la Commission des affaires sociales soit l'organisme investi des juridictions d'appel prévues par la loi. Lorsque effectivement il a été question du fait qu'il y aurait ouverture sur les matières "appelables" et que toute décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail devenait "appelable", je vous signale, Mme la Présidente, qu'il y a eu, à ce moment, passablement de réserves de la part du président de la Commission des affaires sociales quant à se voir investi, avec ses commissaires, de tout ce champ de juridiction. Il y a même eu, à un certain moment, des discussions assez fermes sur le fait que c'était presque impensable de se retrouver devant la Commission des affaires sociales avec la contestation, comme je le disais tout à l'heure, d'un avis de cotisation.

Deuxièmement, je sais aussi à ce stade-ci, je peux le dire sans hésitation, que la Commission des affaires sociales ne serait pas actuellement, en tout cas, "disposée" -entre guillemets - à entendre des dossiers de réadaptation. La Commission des affaires sociales ne voudrait pas se voir confier, avec le mécanisme prévu dans la loi, d'abord le droit à la réadaptation qui est reconnu dans la loi et, deuxièmement, le genre de réadaptation qu'on y retrouve, la réadaption physique, sociale et professionnelle.

La Commission des affaires sociales a, là-dessus, des réserves sérieuses et elle nous les a d'ailleurs communiquées. Assez curieusement aussi, les groupes que nous avons entendus en commission parlementaire, aux mois de février et mars, m'apparaissaient, à cette époque, assez réceptifs à la création de l'organisme qu'on retrouve dans la loi. C'est après que la loi a été écrite que les représentations ont repris à cet égard et qu'on nous a dit: On voudrait garder notre Commission des affaires sociales telle qu'elle est.

De deux choses l'une, Mme la Présidente, ou on enlève de la loi - cela contribuerait à réduire le volume - toutes les matières qui y sont actuellement "appelables" et on conserve comme matière "appelable" le droit à l'indemnité et le quantum qu'on conteste et puis on reste à la Commission des affaires sociales, ou bien on retient les suggestions des parties de rendre toutes les matières "appelables" et on fait autre chose.

C'est le dilemme dans lequel, actuellement, on se trouve. Encore une fois, s'il y a des suggestions concrètes qui sont mises sur la table pour arriver à essayer de voir quel mécanisme pourrait être retenu, je suis tout à fait disposé à les considérer de près.

Il y a également, Mme la Présidente, en termes de consultation beaucoup de temps qui y a été consacré. Remarquez qu'il fallait le faire et je ne suis pas en train de dire que cela n'aurait pas dû être fait, ce n'est pas cela que je suis en train de dire. Ce à quoi je veux en venir, la conclusion à laquelle je veux en arriver, c'est que tous ceux qui l'ont voulu, autant à la commission parlementaire qu'en rencontre informelle, ont eu l'occasion de venir exprimer leur point de vue là-dessus. Nous avons donné aussi à tout le monde l'occasion de récrire des mémoires. II n'y a pas que la Commission des services juridiques qui a récrit des mémoires, le Conseil du patronat a récrit un long mémoire et suggère fortement que la Commission d'appel demeure telle qu'on la retrouve dans le projet de loi. Le Conseil du patronat ne serait pas heureux si on disait: On retourne tout cela à la Commission des affaires sociales.

Je crois pouvoir vous dire que la Fédération des travailleurs du Québec est relativement satisfaite du mécanisme qu'on retrouve dans la loi telle qu'elle est écrite actuellement et plusieurs autres organismes ont manifesté cette même satisfaction.

Je vous signale, Mme la Présidente, que je ne sais pas - c'est la question fondamentale que je me pose - si le fait de recevoir en consultation le président de la Commission des affaires sociales contribuerait à mettre sur la table des éléments nouveaux ou des suggestions nouvelles qui permettraient de rejoindre les objectifs louables que les uns et les autres ont en tête.

S'il fallait, effectivement, retenir la

suggestion de tout envoyer à la Commission des affaires sociales, remarquez que la Commission d'appel qui est prévue dans la loideviendrait, à la Commission des affaires sociales, une espèce de chambre particulière sur la réparation des accidents du travail et tous les autres mécanismes et qu'elle serait tout aussi bureaucratique - pour utiliser l'expression du député de Nelligan - que la commission à laquelle on parle et on réfère dans la loi.

M. Bisaillon: Si vous me le permettez, je ne veux pas en faire des questions de procédure. Je comprends que le ministre essaie de se donner deux heures additionnelles, mais j'ai l'impression qu'il nous parle plus...

Une voix: Vous faites des procès d'intention, cher monsieur.

M. Bisaillon: ...maintenant sur le contenu de ce que pourrait dire ou pourrait faire la Commission des affaires sociales dans la loi que sur la motion du député qui ne fait que demander la comparution de la commission. Je pense que l'intervention du ministre devrait se limiter à nous dire pourquoi, oui ou non, il serait intéressant à recevoir la commission plutôt que d'entrer sur le contenu, à moins que le ministre nous dise que, avant de réagir complètement à la motion du député, il préférerait se donner un peu de temps à l'heure du souper, auquel cas on n'écoutera pas cela pour rien, on ne tuera pas le temps. Si c'est trois minutes qu'il nous reste, on peut bien ajourner maintenant et demander au ministre de nous revenir après le souper avec...

M. Fréchette: Je dirai simplement au député de Sainte-Marie, Mme la Présidente, que je suis convaincu qu'il y a des avantages à recevoir le président des affaires sociales comme il y a des inconvénients aussi. À partir des dernières observations du député de Sainte-Marie, je suis tout à fait disposé à y réfléchir davantage.

La Présidente (Mme Juneau): Est-ce qu'il y a consentement pour qu'on ajourne les travaux jusqu'à 20 heures?

Une voix: Oui, consentement.

La Présidente (Mme Juneau): Oui, merci. À 20 heures.

(Suspension de la séance à 17 h 57)

(Reprise à 20 h 7)

La Présidente (Mme Juneau): La commission de l'économie et du travail reprend ses travaux. La parole était au ministre.

M. Cusano: Mme la Présidente, j'aimerais à ce moment-ci, compte tenu de l'entente que nous avons eue ce matin, faire un remplacement, remplacer M. Polak, qui remplaçait Mme Dougherty, par M. Paradis.

M. Fréchette: Pas d'objection, cela va. C'est, d'ailleurs, conforme à l'entente, comme vient de le dire le député de Viau.

La Présidente (Mme Juneau): M. le ministre.

M. Fréchette: Mme la Présidente, au moment de la suspension de nos travaux à 18 heures, nous étions en train de discuter de la motion du député du Saguenay dont l'objectif est de demander que notre commission puisse procéder à l'audition du président de la Commission des affaires sociales. J'ai eu l'occasion d'indiquer, Mme la Présidente, autant dans mes remarques préliminaires qu'au moment où nous avons discuté du fond de la motion, que j'étais effectivement sympathique à la demande que nous soumet maintenant par motion le député de Saguenay et, à cet égard-là, je vous signale que je n'ai pas à ce stade-ci changé d'opinion.

J'ai aussi admis à 18 heures, peut-être un peu candidement, mais c'était tout à fait conforme à la réalité, que je voulais prendre le temps de procéder à une consultation, ne serait-elle que très préliminaire, sur la question qui nous est soumise. J'ai effectivement, à l'heure du dîner, Mme la Présidente, fait un peu de consultation en cette matière, mais je vous signale qu'au moment où l'on se parle je n'ai pas été en mesure de la compléter, cette consultation.

Je vous dirai deux choses à cet égard: D'abord, il s'agit d'une demande qui concerne l'éventuelle audition d'un président d'un organisme qui relève de la juridiction d'une autre collègue et il m'apparaît tout à fait élémentaire, convenable que je puisse établir avec elle une communication à cet égard-là.

Deuxièmement, il m'apparaît assez clair - en tout cas, ici je procède par voie de présomption, on me corrigera si je fais erreur - que l'objectif que l'on vise, ce serait effectivement d'ajouter de l'argumentation qui amènerait les membres de notre commission à la conclusion qu'il faille remplacer le mécanisme d'appel qu'on retrouve actuellement dans la loi 42 par celui qui existe actuellement en matière d'indemnités. Je vous dirai, Mme la Présidente, que le projet de loi 42 réimprimé tel que nous l'avons devant nous actuellement procède d'une décision du Conseil des ministres, donc d'une décision du gouvernement. Avant d'enclencher tout processus ou toute mécanique qui conduirait

au changement que l'on vise, vous allez certainement convenir avec moi, Mme la Présidente, qu'il me faudra soulever la question au Conseil des ministres, c'est-à-dire à l'endroit où la décision a préalablement été prise.

Troisièmement, Mme la Présidente, ce dont on est en train de discuter, encore une fois, c'est ce mécanisme d'appel actuellement prévu par la loi et sous réserve d'erreur, ce n'est qu'au moment où on arrivera aux articles 325 et suivants que tout ce mécanisme sera soumis à notre appréciation et à notre évaluation.

Dans les circonstances, Mme la Présidente, je soumets aux membres de la commission la suggestion suivante: que nous suspendions la décision sur la motion qui a été présentée par le député de Saguenay, qu'elle soit en quelque sorte tenue en suspens et, lorsque nous arriverons, dans l'étude du projet de loi, aux articles spécifiquement concernés, nous disposerons alors de la motion. C'est une suggestion, Mme la Présidente, que je soumets, encore une fois, à l'appréciation des membres de la commission.

La Présidente (Mme Juneau): Merci, M. le ministre. M. le député de Saguenay.

M. Ghislain Maltais

M. Maltais: Merci, Mme la Présidente. Je vous signale, au départ, que je ne prendrai pas toutes les 20 minutes qui me sont accordées, en cédant une partie à mon collègue de Viau qui pourra conclure et apporter certaines précisions sur le sens de la motion que j'ai présentée cet après-midi.

Mme la Présidente, il s'agit ici, somme toute, d'un éclairage que les membres de la commission n'ont pas eu l'occasion d'avoir. Il ne s'agit pas, je ne dirais pas contrairement à ce que le ministre affirme, de chercher des entraves. Il s'agit d'avoir l'opportunité d'entendre tous les intervenants. M. le ministre, qui est un brillant avocat dans la pratique privée, sait très bien qu'on ne peut pas condamner quelqu'un sans l'avoir entendu. Dans le projet de loi, on dit que la Commission des affaires sociales doit être remplacée et, de prime abord, cela m'apparaît une chose peut-être correcte. Cependant, avant qu'on la condamne et qu'on la remplace, je pense que ces gens ou le président de la commission, au moment opportun, je suis d'accord avec vous -demain matin, cela ne m'intéresse pas d'entendre le président de la commission; au niveau du temps, je pense que l'Opposition est d'accord avec vous - devraient être entendus lorsqu'on sera rendu aux articles précis traitant de la commission d'appel.

Cependant, il s'agit ici, je pense, d'une question d'équité, parce que, tout au long de la commission parlementaire, nous avons entendu à peu près tous les intervenants qui ont voulu se faire entendre et qui ont manifesté le désir de se faire entendre. D'autres aussi ont été convoqués sur l'insistance, de part et d'autre, de différents groupes au Québec. Cependant, la Commission des affaires sociales, la commission de révision, elle qui a un rôle prépondérant à jouer sur des incidences monétaires, à long et à court terme, au niveau des accidentés, je pense qu'il est important pour nous d'avoir son son de cloche, puisque, comme parlementaires, on n'a pas eu l'occasion... Je l'ai eue une fois, cette occasion d'aller représenter un de mes électeurs à la commission d'appel et je pense que j'en ai appris beaucoup. Compte tenu de l'incidence monétaire que cette commission a sur les accidentés, en toute justice, pour ma part, il serait important de l'entendre et j'aurais des questions pertinentes à poser au président de la commission, non pas des questions négatives, mais des questions fort positives. À la suite des renseignements que le président nous fournira, peut-être qu'il nous convaincra aussi de la non-nécessité de cette commission et que, plutôt, on devrait avoir une commission d'appel.

Le ministre a souligné, cet après-midi, des points fort intéressants au niveau des cotisations des employeurs. Je suis certain que la Commission des affaires sociales n'a pas à statuer là-dessus, sauf qu'avant d'enlever un mécanisme qui, malgré son imperfection, donnait quand même une certaine satisfaction, d'après les échos et la perception, en tout cas, que nous avons de ce côté-ci, je pense qu'il serait avantageux... Il y a quand même un fait que le ministre a souligné cet après-midi et qui est très important pour nous autres. C'est que cette commission d'appel - lui-même nous l'a déclaré cet après-midi: Écoutez, c'est un ensemble qu'on regarde, c'est un ensemble qu'on voit - n'est pas encore précisée dans sa pensée. Elle est inscrite dans le projet de loi, mais comment elle va fonctionner, c'est une chose qu'on n'a pas encore.

À la mesure d'une étude approfondie du projet de loi traitant de cette section et à la mesure aussi de l'éclairage que pourrait apporter la Commission des affaires sociales, celle-ci pourra sans doute nous permettre de voir le degré de satisfaction, son degré de compétence. Aussi, il y a une chose très importante. Si la Commission des affaires sociales elle-même nous dit qu'elle ne veut plus s'en occuper, sans doute qu'elle aura de bonnes raisons et peut-être que ces raisons seront concordantes avec celles que le ministre nous a expliquées cet après-midi. M. le ministre, vous devez comprendre que nous n'avons pas eu l'occasion d'interroger la Commission des affaires sociales et c'est pour cette raison qu'on désirerait l'avoir.

Merci, Mme la Présidente, et je cède le reste de mon temps à mon collègue de Viau.

La Présidente (Mme Juneau): Étant donné que le député de Sainte-Marie avait demandé la parole, est-ce que je peux lui donner la parole? Ensuite, ce sera vous, M. le député de Viau.

M. Cusano: II n'y a pas de problème, Mme la Présidente, vous pouvez continuer.

Une voix: Entendez-vous donc, tous les deux.

M. Cusano: Oui, on va s'entendre très bien.

M. Lavigne: Si vous me permettez, M. le député de Bisaillon, Mme la Présidente... C'est le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: C'est M. Sainte-Marie dans le comté de Bisaillon.

M. Lavigne: Je voudrais faire un changement. Je voudrais aviser la commission que M. Le Blanc, de Montmagny-L'Islet, serait remplacé par M. Gagnon, député de Champlain.

La Présidente (Mme Juneau): M. le député de Sainte-Marie.

M. Guy Bisaillon

M. Bisaillon: Si on me le permet, Mme la Présidente, je vais essayer de développer une argumentation peut-être un peu différente, mais, au préalable, je voudrais indiquer au ministre que je n'ai vu nulle part, dans la motion du député de Saguenay, le moment où cela devait se tenir. Rien dans sa motion ne nous dit que ce doit être demain matin. Je pense que ce sont des choses qui pourraient facilement être discutables et s'appliquer, effectivement, comme vous l'avez suggéré, au moment où on sera rendu là, dans le projet de loi, ce qui était d'ailleurs dans le sens de la demande que j'avais formulée au tout début.

Le ministre nous a d'abord indiqué, cet après-midi, les problèmes qu'il affrontait au moment où il voulait laisser le droit d'appel à la Commission des affaires sociales, étant donné qu'on a augmenté les raisons ou les motifs d'appeler. Il dit que la Commission des affaires sociales n'est peut-être plus l'instrument et c'est pour cela qu'on en a mis un autre. Donc, il faudra faire un choix. Il nous dit avoir rencontré le président de la commission qui lui a expliqué ce qui faisait son affaire et ce qui ne faisait pas son affaire. Je fais toujours confiance au ministre, mais c'est du ouï-dire. Pour nous, parlementaires, et pour lui, avocat, c'est du ouï-dire. Nous, on ne l'a pas entendu le président de la commission.

Deuxièmement, l'objectif de l'entendre, le président de la commission, c'est peut-être d'en arriver à répondre aux souhaits du ministre qui nous implorait de trouver des suggestions, de lui apporter des suggestions. Je peux bien avoir un certain nombre d'orientations, mais comment puis-je les lui apporter maintenant sans, au préalable, avoir vérifié - pour utiliser un mot à la mode de l'autre côté - la faisabilité auprès du président de la commission? Avant d'apporter des amendements, avant de faire des suggestions au ministre, il me semble, en tout cas, qu'il serait normal qu'on vérifie leur possibilité d'application auprès de celui qui, éventuellement, à nos yeux, aurait à l'appliquer.

Troisièmement, je comprends que beaucoup de choses se passent au Conseil des ministres, mais je comprends mal que, sur une motion aussi simple qui ne crée pas de précédent, parce qu'il a été clair, quant è nous, en tout cas, qu'il ne s'agissait pas de faire reprendre les consultations des groupes qui étaient déjà passés... Quant à moi, c'est justement parce que la Commission des affaires sociales n'est pas un groupe d'intérêt, ne fait pas partie des organismes qu'on entend habituellement, mais est l'autorité, le tribunal administratif chargé par nos lois, donc par nous parlementaires, d'appliquer les lois sociales du Québec, parce qu'elle a développé l'expertise. Cela n'en fait pas un cas d'exception. Ce n'est pas dans ce sens d'ailleurs qu'on avait proposé cela.

Alors, il n'y a pas de précédent dans le fait qu'une commission parlementaire entende le président de la Commission des affaires sociales, pas plus qu'on n'a créé de précédent en entendant aujourd'hui la Régie du logement pour la première fois devant une commission parlementaire. Je ne vois vraiment pas en quoi le ministre serait obligé de retourner au Conseil des ministres pour voter sur une proposition aussi simple que celle qui lui a été présentée par le député de Saguenay. Je comprends qu'il ait besoin de réfléchir; il a eu deux heures pour cela. Je comprends qu'il ait eu besoin de faire un certain nombre de vérifications; il a eu deux heures pour cela. Je comprends qu'il avait peut-être besoin d'une certaine consultation avec ses collègues, étant donné qu'on semblait sympathique, de ce côté-là, à cette demande du député de Saguenay; il a eu deux heures pour cela. D'ailleurs, ils l'ont fait. Je les ai vus qui discutaient ensemble à l'heure du souper. Je ne vois vraiment pas ce qui nous empêcherait... En deux heures, le portrait a l'air de changer beaucoup de votre côté, sans tourner le fer dans la plaie!

Je pense qu'on pourrait facilement se prononcer favorablement à la proposition du

député de Saguenay, quitte à endosser aussi le voeu que le ministre a exprimé, c'est-à-dire de ne les recevoir - les représentants de la Commission des affaires sociales - qu'au moment où on en serait arrivé à l'étude de cette section, à l'étape de nos travaux. Ce sont deux choses tout à fait distinctes. On pourrait déjà accepter le principe ce soir, permettre au député de Châteauguay d'aller dans le sens de ce qu'il nous a annoncé cet après-midi et convenir avec le ministre, par la suite, que, lorsqu'on en sera arrivé là, on s'entendra sur les modalités de fonctionnement. Quant à moi, j'ai déjà annoncé que j'étais prêt à discuter d'un temps limite à cette audition de la Commission des affaires sociales.

Que le ministre comprenne bien. S'il appelle des suggestions de notre part, il faudrait qu'il nous donne aussi les outils nécessaires pour qu'on puisse les formuler en étant sûrs de ne pas se faire dire par le ministre, mais bien par la personne véritablement chargée de son application, que ce que nous proposons comme suggestion n'est pas applicable.

La Présidente (Mme Juneau): Merci, M. le député. M. le député de Viau, s'il vous plaît.

M. William Cusano

M. Cusano: Merci, Mme la Présidente. Au cours des travaux de la commission parlementaire sur la loi 42, première version, je me rappelle assez bien qu'un des organismes - je pense que c'était le Conseil du patronat - à un certain moment, avait demandé au ministre s'il y avait possibilité, au moment où l'on allait débattre le projet de loi article par article, que la commission aille chercher des experts dans le domaine. Il me semble que la Commission des affaires sociales, depuis 1977 - je peux être corrigé -traite des accidents de travail. Sur le nombre de cas reçus, Mme la Présidente, selon les rapports annuels de la Commission des affaires sociales, déjà, en 1979-1980, il y a eu au-delà de 1000 appels interjetés devant la Commission des affaires sociales; en 1980-1981, cela passait à 2357; en 1981-1982, à 1441; en 1982-1983, à 1805; en 1983-1984, à 2428.

Je voudrais bien, comme le dit le ministre, qu'on attende au moment où l'on arrive précisément à la commission d'appel, mais j'aimerais souligner au ministre et au député de Sainte-Marie que, déjà, à la section II du projet de loi, dans les définitions, on parle de la commission d'appel, au chapitre des définitions. Je suis bien prêt, dans un sens, à attendre; cela serait conditionnel à ce qu'on laisse tomber temporairement certains articles ou paragraphes du projet de loi.

C'est que cette commission, qui a toute une expertise dans le domaine, pourrait certainement donner beaucoup plus d'information aux membres de cette commission et, même, se prononcer sur d'autres aspects du projet de loi, parce qu'elle a eu à le vivre. Je suis sûr que le ministre a souvent vu des comptes-rendus de décisions qui ont été rendues par la Commission des affaires sociales. Alors, la question qui nous a toujours préoccupés, en ce qui regarde les accidentés, est celle de l'engorgement des appels logés devant la Commission des affaires sociales. C'est inacceptable qu'on parle de délais allant jusqu'à deux ans, Mme la Présidente.

On aimerait, de notre côté, questionner le président sur ce projet de loi, qui a été conçu par la CSST, avoir plus d'information, d'opinions sur tous les autres articles du projet de loi, parce qu'ils ont eu à vivre avec cela. Je ne voudrais pas non plus éterniser le temps qu'on aurait à notre disposition, mais je crois que c'est primordial de les entendre, puisqu'ils vont être appelés à disparaître. Vous nous dites que vous avez eu des dialogues avec le président et, si je vous ai bien compris, M. le ministre, eux disent: On ne peut pas tout faire. C'est peut-être vrai, je n'ai aucune raison d'en douter, mais on aimerait bien qu'ils viennent nous le dire, nous suggérer des possibilités. Je pense que c'est bien important.

Je ne verrais pas pourquoi cette motion serait battue, compte tenu du fait que, depuis le début de nos travaux jusqu'à présent, il y a eu un grand esprit de collaboration. Tous les députés membres de cette commission - vous les avez entendus comme moi - étaient réceptifs à toutes sortes de suggestions. Il me semble que s'il y a un organisme gouvernemental qui est vraiment habilité à se prononcer en matière d'accidents du travail, c'est bien l'organisme qui a à entendre les appels. Je suis prêt, comme je vous l'ai dit tout à l'heure, à donner au président, une fois que la demande lui sera formulée, un certain temps pour qu'il prépare sa présentation. Mais d'attendre, selon le bon loisir du ministre, à savoir quand elle sera convoquée, je ne suis pas tout à fait d'accord avec cela.

Je ne prendrai pas tout mon temps, Mme la Présidente, parce que je voudrais revenir plus tard. Alors, je ne vois pas pourquoi, si le ministre et les députés autour de cette table étaient tous réceptifs à des suggestions, on refuserait de recevoir ce que je crois être l'organisme le plus habilité à parler d'accidents du travail, spécialement en matière d'appel.

La Présidente (Mme Juneau): Merci, M. le député. Est-ce qu'il y a d'autres députés qui souhaiteraient intervenir sur cette motion? M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Pierre-J. Paradis

M. Paradis: Mme la Présidente, lorsque le ministre a introduit... Est-ce que j'entends des voix, Mme la Présidente?

La Présidente (Mme Juneau): La parole est au député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: Merci, Mme la Présidente. Lorsque le ministre a introduit ce projet de loi, j'ai cru, malgré les discours qui ont été prononcés en deuxième lecture du côté ministériel, qu'il s'agissait d'émettre des propositions dans le sens non pas de détériorer le système, mais de tenter, à tort ou à raison - on en a discuté au cours de la deuxième lecture - d'améliorer le système. (20 h 30)

Le député de Saguenay, dans sa grande sagesse, voulait, sans aucun doute, être renseigné par quelqu'un ou un organisme qui a de l'expérience dans le domaine, qui a une expérience de plusieurs années. On demande simplement au ministre d'avoir l'esprit ouvert et d'inviter la Commission des affaires sociales à venir se faire entendre, nous révéler son expérience, etc. Le ministre semble difficile à convaincre. Je ne sais pas si, lui, il l'a rencontré en privé. Il l'a peut-être rencontré en privé et il est sans doute en mesure, s'il l'a fait, de nous livrer les commentaires de cet organisme, mais je doute qu'il l'ait fait.

Ce qui m'inquiète, Mme la Présidente, si on n'invite pas ces gens de la Commission des affaires sociales, c'est notre manque d'expertise lorsqu'on aura à se prononcer comme législateurs. Ce qui m'inquiète davantage - et je l'ai dit au moment de mon intervention en deuxième lecture - c'est que je crois que ce projet de loi n'est pas celui de l'honorable ministre du Travail, député de Sherbrooke, mais bien celui issu des technocrates de la CSST.

Ce qui m'inquiète encore davantage dans ce contexte, Mme la Présidente, c'est que lorsque vous recevez, à votre bureau de comté, une personne qui a été victime d'un accident du travail et qui a un dossier humainement difficile vous communiquez, comme député de votre comté, avec les services de la CSST. Là, tout ce qu'on fait, on vous dit simplement que la décision a été rendue au premier palier et qu'elle est justifiée. Vous, comme député, vous faites sans doute ce que les autres députés font, vous tentez d'en savoir davantage et on vous indique que la seule porte de sortie pour votre électeur, pour cette victime d'un accident du travail, est de déposer une demande de révision. Dans une demande de révision, on révise administrativement.

Vous savez maintenant - parce que cela fait quand même quelques années que vous êtes député - quelles sont vos chances d'obtenir une révision différente ou une décision différente de celle qui a été rendue au premier niveau. C'est humain, cela. Les gens qui ont rendu une décision au premier niveau ont un préjugé défavorable à rendre une décision différente. Vous savez que votre électeur, que cette personne qui est victime d'un accident du travail a une côte à remonter tout simplement parce que la décision en révision est rendue par le même organisme. Et cette côte, elle est raide et pas facile à remonter.

Mais vdus gardez confiance, Mme la Présidente, parce que vous dites à votre électeur: C'est vrai que la pente est raide, qu'elle est difficile à remonter, mais si jamais vous ne réussissez pas à remonter la pente en révision administrative, vous pourrez toujours aller devant un organisme qui n'est pas le même, en tout cas, qui n'est pas issu du même ministère, un organisme dont le ministre responsable n'est pas le même, un organisme que les technocrates de la CSST ne contrôlent pas. Vous irez en appel devant la Commission des affaires sociales. C'est vrai que les délais sont là. C'est vrai que c'est pénible pour nos gens. C'est vrai que, lorsqu'on a à leur expliquer pourquoi, on est souvent à court de réponse.

Concernant les ressources humaines qu'on est prêt à consacrer à la création d'un nouvel organisme d'appel, est-ce qu'on n'aurait pas avantage à consacrer ces ressources humaines, ces énergies, ces ressources financières à améliorer les services rendus par la Commission des affaires sociales ou par un autre tribunal? Je vais vous dire pourquoi. Par souci d'apparence d'indépendance. Je n'oserai pas dire par souci d'indépendance, Mme la Présidente, mais par souci d'apparence d'indépendance.

Le justiciable qui va en appel devant la Commission des affaires sociales a au moins l'impression qu'il n'est pas devant le même monde qui lui a dit non une première fois, qui lui a dit non une deuxième fois et qui est plus que susceptible, parce que l'humain n'aime pas admettre qu'il a eu tort, de lui dire non une troisième fois.

Le ministre du Travail - c'est peut-être quelque chose sur lequel il devrait réfléchir, c'est peut-être une chance d'ouverture dans le présent débat - a été, je ne sais plus s'il l'est, membre du barreau, avocat. Je suis sûr que les principes de justice naturelle sont des principes qu'il a déjà connus. Je fais appel à ces principes en espérant qu'il ne les a pas oubliés. Je veux lui rappeler strictement ce que la corporation professionnelle à laquelle il a appartenu dit sur ce sujet. Je veux tout simplement lui rappeler qu'en s'opposant à la création d'une commission d'appel à l'intérieur de la CSST même, donc qui dépend de la CSST administrativement, le barreau a insisté sur

les points suivants. J'aimerais que, dans sa réplique, le ministre me dise quels sont les points avec lesquels il est en désaccord. Sur quels points le barreau, qui n'a pas d'intérêt immédiat dans le présent dossier, se trompe-t-il lorsqu'il parle ou lorsqu'il dit que le ministre ne devrait pas aller dans la direction où il va pour assurer une indépendance judiciaire? Vous êtes contre l'indépendance judiciaire, M. le ministre.

Lorsque le barreau dit qu'il se prononce par souci d'impartialité et d'objectivité, qu'il ne serait pas affecté par des directives venant des supérieurs hiérarchiques ou par un risque de complaisance dans les décisions lorsque approche le temps du renouvellement du mandat, vous comprenez ce qu'ils veulent dire, M. le ministre? Parce qu'il y a des commissaires qui sont nommés à la commission d'appel; ces gens-là sont nommés pour une période de temps déterminée et ils ont besoin d'avoir des mandats renouvelés s'ils veulent continuer à exercer leurs fonctions. À la veille du renouvellement de ces mandats, c'est là qu'on retrouve le plus souvent devant ces tribunaux administratifs des décisions plus ou moins bizarres, mais qui ont généralement tendance à aller de pair avec les décisions ou le discours politique qu'on entend ailleurs.

On parle d'une commission où les commissaires posséderaient une connaissance légale essentielle pour décider des objections à la preuve, de la prépondérance de la preuve, etc. Le barreau indique que ce ne sont plus des questions purement administratives qui sont décidées au niveau de l'appel, mais il y a des questions de droit. Là, vous pouvez me dire que ce soit à la Commission des affaires sociales ou que ce soit à la commission d'appel que vous voulez instituer, qu'on peut remédier à ce point. Donc, on peut avoir des gens qui ont ces connaissances, quel que soit le niveau.

Est-ce qu'on peut parler dans les deux cas, comme le barreau l'indique, d'une indépendance face à l'organisme décisionnel de première instance? Le barreau souligne que, le fait que les membres et les fonctionnaires impliqués ne relèvent pas du même ministère, c'est important. C'est important, je ne dirai pas pour que la justice soit rendue, même si je pense que ce devraient être les termes utilisés, mais pour qu'il y ait apparence de justice. Le barreau continue en parlant de respect des principes de justice naturelle. Naturellement, si le ministre n'est pas d'accord avec le respect des principes de justice naturelle, il peut poursuivre dans la voie qu'il a entreprise. Le barreau conclut qu'un organisme qui ne dépend pas du même ministère peut assurer une meilleure protection des droits des parties. Mais si le ministre ne veut pas assurer une meilleure protection des droits des parties, il peut continuer dans la voie qu'il a entreprise.

M. le ministre, lorsque quelqu'un de votre comté va vous voir, est-ce que vous lui recommandez d'aller plaider sa cause -parce que c'est la cause du travailleur accidenté dont il s'agit - devant un organisme, une institution ou une commission, appelons-les comme on veut, qui est à la fois juge et partie? L'organisme, dans ce que vous proposez, qui aura à rendre la décision finale, la décision d'appel relève du même ministère, du même budget. Est-ce que vous recommanderiez à votre électeur, par souci d'apparence de justice, par souci d'équité, d'aller plaider devant un organisme de la CSST? Est-ce que vous ne pensez pas plutôt que ce projet de loi, qui a été préparé par les technocrates de la CSST, vise à s'assurer ou à assurer aux technocrates de la CSST qu'ils auront le plein contrôle sur toutes les décisions qui seront rendues?

M. le ministre, à partir du moment où vous accordez, comme gouvernement, le plein contrôle à la CSST sur la première décision, sur la décision administrative en révision, sur la décision en appel, à partir du moment où vous accordez plein pouvoir à cette commission, quelles sont les garanties qui demeurent dans les mains des travailleurs accidentés ou de leurs représentants? Est-ce qu'il en reste? M. le ministre, lorsque vous optez pour qu'un des organismes qui dépend de votre autorité, de votre volonté, de votre contrôle, devienne à la fois juge et partie, vous inquiétez tous les citoyens du Québec qui savent et qui connaissent les risques que cela représente face aux règles de la justice naturelle, les risques que cela représente face aux abus, les risques que cela représente non pas pour vous et moi qui occupons des fonctions de député à l'Assemblée nationale, parce que nos risques d'être des victimes d'un accident du travail comme député... Mme la Présidente, oui, on peut toujours tomber de notre chaise, il y en a qui perdent leur siège de ce temps-ci, mais - cela n'est pas arrivé de notre côté -cela s'est fait sans réclamation à la CSST.

M. Maltais: Ils sont assis entre deux.

M. Paradis: Est-ce que vous êtes conscient des risques que cela représente pour les accidentés du travail? Est-ce que, si vous étiez vous-même personnellement victime d'un accident du travail, si un membre de votre famille proche, si un de vos amis ou si un de vos organisateurs politiques, s'il en reste dans le comté de Sherbrooke, si un de vos électeurs subissait un accident du travail demain, vous seriez satisfait de lui dire avec votre formation d'avocat, avec ce que vous connaissez ou ce que vous avez déjà pratiqué des règles de la justice naturelle, est-ce que vous seriez satisfait ou content ou fier de lui dire que

les trois décisions qui auront à être rendues dans son dossier seront rendues par le même organisme? Ne seriez-vous pas plutôt fier de lui dire que vous avez participé à une réforme qui lui garantit que toutes les décisions dans son dossier ne seront pas rendues par le même organisme? Ne seriez-vous pas plutôt fier de lui dire après avoir entendu la Commission des affaires sociales comme le suggère le député de Saguenay, qu'on en est venu à la décision qu'il fallait améliorer le processus, conserver l'apparence d'indépendance du processus, mais l'améliorer? (20 h 45)

En vertu de quel principe de justice naturelle, en vertu de quel principe d'avantager le travailleur victime d'un accident du travail, en vertu de quel principe pouvez-vous aujourd'hui vous présenter devant cette commission et dire: Messieurs, je vous demande d'adopter un article en vertu duquel on va enlever une apparence de justice à vos travailleurs? Comment pouvez-vous faire cela, si ce n'est - et c'est la seule raison, parce que je vous connais bien et je me permets de le dire - parce que vous avez pris le projet de loi préparé par le juge Sauvé et son équipe, qui veulent avoir le dernier mot parce que des fois ils n'aiment pas être renversés par la Commission des affaires sociales, qui vous disent: Mettez donc votre étampe en caoutchouc - en anglais, on appelle cela du "rubber-stamping" - et faites adopter cela par les députés.

M. le ministre, je crois que vous croyez aux règles de la justice naturelle. Je pense sincèrement que l'apparence de justice, vous y croyez. Je pense aussi qu'il y a une règle de justice naturelle qui vous tient à coeur. On l'appelle, dans notre jargon légal, audi alteram partem. Vous avez entendu jusqu'à maintenant le juge Sauvé et son équipe de la CSST. Ils veulent avoir le dernier mot. Ils veulent les trois décisions et ne veulent surtout pas qu'il y ait quelqu'un d'en dehors qui vienne se mêler de ces dossiers-là. Mais audi alteram partem, c'est ce que vous propose le député de Saguenay. Il vous propose tout simplement d'entendre la Commission des affaires sociales.

On a plusieurs questions de posées à la Commission des affaires sociales. Il ne s'agit pas de leur dire que, parce qu'ils sont un organisme indépendant de la CSST, ils représentent une apparence de justice. Ce n'est pas tout ce que l'on a à leur dire, M. le ministre. On a à leur demander pourquoi cela traîne, pourquoi cela prend un an et demi, deux ans, deux ans et demi avant qu'un dossier soit entendu. On a des questions à leur poser. Ce ne sont pas juste des félicitations qu'on a à leur faire, M. le ministre. On voudrait avoir, de ces gens-là, des suggestions constructives et positives; qu'on nous explique pourquoi cela prend ces délais. Quelles sont les mesures qu'il vous faudrait ou qu'il nous faudrait, tous ensemble, adopter comme législateurs pour que ces délais soient raccourcis.

Si on ne les entend pas, n'avez-vous pas l'impression que vous risquez - et le risque est gros - de recréer un autre organisme qui, au bout de quelques mois, au bout de quelques années, aura ou connaîtra tout simplement le même vice que l'actuelle Commission des affaires sociales, faisant en sorte que cela prenne encore six mois, un an, un an et demi, deux ans, deux ans et demi avant que les causes soient entendues? Vous aurez, d'un autre côté, diminué en apparence l'application des règles de justice naturelle.

Mme la Présidente, vous m'indiquez qu'il reste une minute. Je terminerai en posant des questions brèves au ministre et j'aimerais qu'il me réponde. Croyez-vous que, lorsque vous faites entendre votre cas ou que vous faites entendre le cas de vos électeurs devant une commission qui est à la fois juge et partie, votre électeur a plus de possibilités de connaître la justice ou l'injustice?

M. le ministre, lorsque le cas d'un de vos électeurs, un de vos travailleurs accidentés est entendu devant une commission qui contrôle les trois niveaux décisionnels, pensez-vous que cette personne a plus de chances d'obtenir justice ou risque plus de connaître l'injustice? Comme ministre, M. le député de Sherbrooke, lorsqu'un travailleur accidenté se présente à vos bureaux, pensez-vous que, du fait qu'il soit entendu par un organisme d'appel qui relève du même ministre, il a plus de chances d'avoir un jugement qui lui rende justice ou si on ne répète pas, dans certains cas, les injustices commises en première instance?

M. le ministre, est-ce que vous croyez, après avoir entendu les représentations de la CSST, du juge Sauvé et de son équipe, en vertu de la règle audi alteram partem, que vous ne devriez pas suivre l'aimable invitation du député de Saguenay et entendre les représentants de la Commission des affaires sociales?

La Présidente (Mme Juneau): Merci, M. le député. La parole est maintenant au député de Viau.

M. Cusano: Merci, Mme la Présidente. On m'a dit que j'ai encore...

M. William Cusano

La Présidente (Mme Juneau): Une dizaine de minutes.

M. Cusano: Merci. Lors des auditions sur le projet de loi 42, première version, s'il

y a eu un consensus par rapport à tous les intervenants, soit du côté patronal, syndical, des accidentés - c'est justement ce que disait mon collègue, le député de Brome-Missisquoi - c'est que la CSST, dans son système actuel, jusqu'au niveau des bureaux de révision, était juge et partie, parce que justement il y avait une décision de rendue par la CSST. La révision de cette décision se faisait par la CSST elle-même, par les bureaux de révision.

On nous a démontré à de nombreuses occasions, durant les presque deux mois qu'on a siégé, qu'il répugnait à tout le monde le fait de faire face à un organisme qui était juge et partie.

C'est vrai, comme certains députés durant les discours en deuxième lecture nous l'ont dit, que pour un tel projet de loi c'est peut-être difficile d'obtenir un consensus des intervenants. Mais, M. le ministre, vous devez admettre que s'il y a eu un consensus lors des auditions, c'était justement sur la question que la Commission de la santé et de la sécurité du travail était juge et partie.

Alors, vous suggérez, par le projet de loi, que ce qui était juge et partie devienne encore plus juge et partie, si c'est possible de le faire. C'est parce que là, au moins, avec les bureaux de révision qui sont imparfaits, qui ne sont pas satisfaisants, vous les remplacez par une décision administrative. Qu'est-ce que c'est ça, une décision administrative? C'est une décision qui est prise par les mêmes gens qui ont rendu la décision, en première instance...

Ce qui me fait sourire, M. le ministre, c'est l'article 342 du projet de loi, lorsqu'on parle justement de cette révision administrative. L'article 342, au cas où vous ne l'auriez pas remarqué, dit que: "La personne qui a rendu la décision faisant l'objet d'une révision administrative ne peut réviser elle-même cette décision."

Bien, il me semble que si vous voyez la nécessité d'insérer un tel article, c'est que vous admettez qu'un organisme ne doit pas être juge et partie. Mais une personne veut dire aussi l'ensemble des personnes qui travaillent ensemble.

Une voix: Oui, c'est clair.

M. Cusano: Les directives de la CSST, les fameuses directives de la CSST, que ce soit M. X ou M. Y qui les regarde, ce sont les directives de la CSST. Avec le processus qui nous est suggéré ici par le projet de loi, ça va encore empirer la situation. Je m'explique. À la Commission des affaires sociales, présentement, il y a 4768 dossiers en attente. C'est déplorable, puis on veut en arriver è des solutions pour éliminer ceci. Il y 4768 dossiers en attente. Cela va prendre plus de deux ans pour les entendre.

On veut diminuer cette période d'attente. Là, vous allez me dire: Mais ceux qui ont été logés avant une certaine date vont rester avec la Commission des affaires sociales et les appels qui seront logés après une telle date vont aller devant la nouvelle commission. Qu'est-ce qui va se produire devant la nouvelle commission, puisque justement la décision de la CSST qui révise administrativement, c'est elle-même qui est juge et partie de tout le dossier? Vous allez vous trouver automatiquement avec toutes ces décisions révisées administrativement qui vont se ramasser devant cette nouvelle commission que vous allez instaurer. C'est cela qui est le problème. Alors, je n'ai pas besoin de vous dire, M. le ministre, que j'appuie la motion de mon collègue, le député de Saguenay, parce qu'on veut justement que la Commission des affaires sociales nous dise: C'est peut-être faisable, on peut diminuer cette période d'attente en ajoutant des commissaires, des assesseurs, on ne sait pas, nous, si c'est impossible de le faire. Ces gens ont l'expertise, ils savent exactement la nature des cas et ils savent les problèmes que cela a causés et les contestations d'un bord et de l'autre. Pourquoi ne pas les convoquer?

Je répète ce que j'ai dit tout à l'autre, M. le Président. Je pense que cette question du droit d'appel est fondamentale dans le projet de loi. C'est la question la plus fondamentale, le droit d'appel. Oui, comme dit mon collègue ici à ma gauche, c'est la justice. Je pense qu'avant même qu'on aborde les articles, avant qu'on arrive directement à cette commission d'appel, on se doit en tant que parlementaire d'être illuminé par des gens. Je sais que le ministre me dit souvent que je suis dur de "comprenure" mais je pense que s'il y a quelqu'un qui a un meilleur record que moi c'est bien le ministre du Travail lorsqu'il s'agit de comprendre quelque chose. Je reviens sur le point que cette Commission des affaires sociales est indépendante de la CSST, elle est très indépendante de la CSST. On sait fort bien, on se l'est fait dire dans le passé, qu'un des problèmes c'était une petite chicane interne. Les dossiers qui se promenaient d'un bord et de l'autre lorsque la Commission des affaires sociales justement a dit à la CSST: Bien écoutez les gars, on s'est déjà prononcé sur des cas semblables, pourquoi persistez-vous? Sur la question des taux d'incapacité, vous savez fort bien, la CSST a été préoccupée par sa propre spécificité. Cela fait longtemps qu'on entend parler de cela, sa propre spécificité. À la CSST, on emploie une méthode pour arriver à ce taux d'incapacité tandis qu'à la Commission des affaires sociales on emploie une autre méthode. On voudrait bien qu'on nous explique cette formule qui, selon mes informations, est employée à la Commission des affaires sociales, qui est reconnue et

employée à travers le continent nord-américain. Que se passera-t-il maintenant avec cette commission d'appel? Est-ce que ce sont les bureaux de révision qui deviennent automatiquement la nouvelle commission d'appel? Où vont tous ces gens au bureau de révision? C'est une question auquelle je suis sûr que vous allez me répondre en temps et lieu. Où vont-ils aller? Est-ce que cette commission d'appel aura justement à développer ses propres formules pour établir des taux? Alors, lorsque vous parlez de justice sociale, les seules plaintes qu'on entend dans nos bureaux de comté en ce qui a trait à la Commission des affaires sociales, c'est la période d'attente. Est-ce qu'il y a un député ici qui a reçu... certainement, il y a quelques cas d'une personne qui n'est pas satisfaite de la décision rendue par la Commission des affaires sociales, c'est normal. Mais 90% des cas qui arrivent dans le comté, c'est parce que ces gens disent: M. le député, est-ce que je peux me permettre d'attendre aussi longtemps que cela? Ce sont les seules plaintes que nous avons. Alors, il me semble qu'un organisme qui n'est pas contesté d'aucune autre façon, excepté pour l'engorgement qui est devant la Commission des affaires sociales, ce n'est pas nécessairement la faute de la Commission des affaires sociales et si on leur donnait un peu plus de personnel, sans arriver dans une structure... Vous savez qu'aussitôt qu'on en parle, on parle de bureaux, de secrétaires, de papeterie, de communications et ainsi de suite et avant même qu'on ait commencé à faire le total, on est rendu à 2 000 000 $ ou 3 000 000 $ par année. Les députés de l'autre côté nous disaient être concernés par le fait que si on peut économiser de l'argent ce seront les travailleurs qui en recevront le plus. Je suis complètement d'accord avec cela; je veux économiser, M. le Président. Je me garde deux minutes... Je crois qu'il me reste deux minutes, oui, juste au cas où il me resterait autre chose à ajouter. J'ai dit et je maintiens: Je crois qu'il est primordial d'entendre cette commission parce qu'il y en a parmi nous qui seront surpris de voir quelle est la compétence de ces gens-là. (21 heures)

La Présidente (Mme Juneau): Merci, M. le député. M. le ministre.

M. Fréchette: M. le député de Châteauguay, Mme la Présidente.

M. Roland Dussault

M. Dussault: Merci, Mme la Présidente. En fait, cet après-midi, c'est à cela qu'on a fait allusion tout à l'heure quand M. le député Bisaillon de Sainte-Marie disait qu'il sentait une certaine sympathie de ce côté-ci. J'étais un de ceux qui avaient laissé entendre nettement et clairement un intérêt pour entendre le président de la Commission des affaires sociales, mais dans les dernières minutes j'ai entendu l'intervention principalement de mon bon ami, le député de Brome-Missisquoi, concernant à toutes fins utiles l'objectif...

Une voix: C'est épouvantable.

M. Dussault: Oui, oui, mon bon ami, le député de Brome-Missisquoi. Y a-t-il quelque chose de honteux à ce que le député de Brome-Missisquoi soit mon bon ami?

M. Cusano: ...si c'est réciproque.

M. Dussault: Je suis sûr que c'est réciproque.

La Présidente (Mme Juneau): La parole est au député de Châteauguay.

M. Dussault: La meilleure preuve, voyez-vous, il se tait.

M. Cusano: Ah! C'est parce qu'ils sont allés en Californie ensemble.

La Présidente (Mme Juneau): Pardon, je m'excuse.

M. Dussault: II arrive parfois que les situations créent des amitiés. C'est connu, Mme la Présidente. Alors donc, en entendant l'intervention du député de Brome-Missisquoi, il m'est apparu que l'objectif visé par le député de Brome-Missisquoi, tout au moins, et cela transparaissait un peu dans l'intervention du député de Viau, ce n'est pas de vérifier auprès de la Commission des affaires sociales sa capacité d'assumer un nouveau mandat tel que cela apparaît dans le projet de loi 42 ou encore de mesurer en quoi il serait opportun que l'on transfère un tel mandat à un autre organisme. Il m'est apparu dans cette intervention que cela visait énormément à faire des vérifications quant au fonctionnement comme tel de la Commission des affaires sociales. Ce qui m'apparaît, à mon humble avis, être un objet possible d'un mandat d'initiative qui pourrait être donné à la commission parlementaire des affaires sociales, cela ne m'apparaft pas vraiment relever de notre commission.

M. Cusano: Avant ou après l'adoption du projet de loi?

M. Dussault: À moins qu'on ne me garantisse du côté de l'Opposition que l'esprit qui régnait cet après-midi est l'objectif réel sur lequel on devrait s'entendre et serait celui que l'on viserait en entendant la commission. Je suis bien obligé

de prendre mes distances à l'égard de l'offre de mon bon ami, le député de Brome-Missisquoi, et de tous les autres membres de la commission.

Mme la Présidente, j'ai beau devenir l'ami de certains membres de l'Opposition de ce temps-ci, je demeure quand même un peu critique à l'égard de certains fonctionnements. J'ai vu des choses dans le passé. Il m'est arrivé de temps en temps de devenir méfiant - c'est le moins que l'on puisse dire - à l'égard de certains fonctionnements. En tout cas, je pense qu'avec l'éclairage que j'ai eu, je ne peux plus avoir cette ouverture que j'ai eue cet après-midi. Il m'apparaft que là vraiment on s'en va vers quelque chose qui ne relève plus de notre juridiction. À moins que d'ici les quelques minutes qui restent à l'Opposition on me donne une tout autre impression, une tout autre opinion. Je vais devoir davantage penser que, tout au moins, on devrait attendre à demain quant à la prise d'une telle décision selon ce que le ministre disait tout à l'heure. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Juneau): M. le ministre.

M. Raynald Fréchette

M. Fréchette: Merci, Mme la Présidente. Permettez que je vous soumette quelques commentaires à la suite des interventions que nous venons d'entendre de part et d'autre. Moi aussi, j'ai été impressionné par l'argumentation du député de Brome-Missisquoi que je vais prendre la chance de qualifier d'ami de mon côté également. Je vous dirai cependant qu'à bien des égards, j'ai une difficulté absolument... Je suis absolument incapable de le suivre dans le développement de son argumentation et voici pourquoi. D'abord, il pose des questions. En vertu de quels principes faudrait-il que l'on retienne le mécanisme qui est suggéré dans la loi 42? Je lui dirai que, entre autres principes, il y en a quatre qu'on peut très facilement identifier.

D'abord le député de Brome-Missisquoi n'a pas assisté ici, en tout cas pas régulièrement, à la commission parlementaire que nous avons tenue à la fin du mois de février 1984 et au début du mois de mars 1984. S'il avait été là ou s'il avait pris le temps de relire un tant soit peu les différentes recommandations qui nous ont été faites par les 43 organismes que nous avons entendus, il se souviendrait certainement que c'est presque à l'unanimité de tous ces groupes que dans le projet réimprimé l'on retrouve cette suggestion de procéder à la formation d'une commission d'appel de la façon dont elle est suggérée. Presque à l'unanimité de tous les groupes, le patronat était unanime à réclamer la formation de cette commission d'appel. Plusieurs instances syndicales également suggéraient la formation de cette commission d'appel. C'est à partir donc de l'expression d'opinion d'un grand nombre de ces organismes que la suggestion qu'on retrouve dans la loi a été retenue.

Deuxièmement, Mme la Présidente, j'ai un peu d'hésitation à vous le dire mais il faut bien que je vous le dise comme je le pense. C'est à partir également de l'affirmation absolument sans équivoque, fort claire et qui ne permettait pas de susciter de la discussion, du député de Portneuf, le spécialiste en la matière, au moment de l'adoption du principe qui a dit: Voici, vous avez une loi qui est excellente; cela fait longtemps qu'on réclame, par exemple, que la loi prévoie que l'accidenté ait la priorité quant au choix de son médecin; nous trouvons excellente la suggestion d'assurer le droit de retour au travail à l'accidenté; il est également excellent de retrouver dans la loi un certain nombre d'autres choses dont la création d'une commission d'appel indépendante; vous répondez en inscrivant cette disposition dans la loi à une demande que l'on fait depuis longtemps. Cela vaudrait sans doute la peine de retracer la déclaration du député de Portneuf qui faisait cette affirmation avec une éloquence absolument remarquable et une conviction qui ne semblait pas être ébranlée en aucune espèce de façon. Dans les 4 ou 5 paragraphes identifiés par le député de Portneuf quant aux éléments intéressants de la loi, il y avait donc la formation de cette commission d'appel.

Une voix: Et il est avocat aussi.

M. Fréchette: Il est avocat également. Donc, je croyais qu'à partir de cette affirmation assez claire du député de Portneuf, il y avait moyen d'essayer de s'entendre sur le mécanisme. Quatrièmement, Mme la Présidente, pourquoi cette suggestion est-elle là? Parce que l'objectif est d'arriver à la création d'une porte unique pour toute matière relevant des mécanismes de santé et de sécurité.

Actuellement, vous savez et tout le monde le sait, les juridictions sont éparpillées à travers à peu près une dizaine d'instances: le commissaire du travail, le Tribunal du travail, la Commission des affaires sociales, le bureau de révision, les mécanismes de grief dans les conventions collectives, tout cela est éparpillé partout et l'un des objectifs qui est visé dans les dispositions de la loi, c'est d'arriver à cette espèce de guichet ou porte unique qui permettra au travailleur accidenté de même qu'à l'employeur de savoir que, dorénavant, il n'aura qu'à frapper à une seule porte pour régler son problème.

Quatrièmement, Mme la présidente, l'on

sait que dans l'état actuel des choses - le député de Brome-Missisquoi est très certainement au fait de cette situation - les seules décisions de la Commission de santé et de sécurité qui sont appelables devant la Commission des affaires sociales sont celles qui concernent, ou bien le droit à l'indemnité, ou alors le quantum de l'indemnité lorsque le droit a été reconnu. Ce sont les deux seules matières actuellement appelables.

Les parties - le député de Brome-Missisquoi n'était pas en commission parlementaire - autant les représentants de travailleurs que d'employeurs nous ont dit: Pourquoi est-ce qu'une décision qui concerne le droit à ma réadaptation, n'est-elle pas appelable? Pourquoi est-ce qu'une décision qui concerne un programme de réadaptation, qu'on veut me suggérer, n'est-elle pas appelable? Pourquoi ne puis-je pas contester ce programme devant aucune instance?

Les employeurs, de leur côté, nous ont dit: Pourquoi, lorsque la Commission de la santé et de la sécurité du travail m'impose un taux de cotisation, lorsqu'à la suite de la visite d'un inspecteur je dois fermer mon usine, lorsqu'on appose des scellés sur des produits ou des procédés dangereux, lorsqu'on me classifie dans une catégorie d'employeurs, la nouvelle loi ne me permettrait pas de me prévaloir en appel d'une décision dont je ne serais pas satisfait? C'est très précisément ce que le projet de loi fait et l'énumération que je viens de faire - on le sait - n'est pas exhaustive. Il y a plus de 25 matières qui, maintenant, deviendraient appelables, alors qu'on n'en a que deux dans l'état actuel des choses.

L'argumentation de l'Opposition, c'est de nous dire: Gardons tout cela à la Commission des affaires sociales. Le député de Viau plaide avec autant d'éloquence lui aussi que, actuellement, il y a 4700 cas en attente et ce ne sont que des cas de droit à l'indemnité ou du quantum à l'indemnité. On nous dit: Conservons cette instance comme étant la juridiction d'appel pour disposer de toutes les matières, mais ajoutons-y 25 autres matières appelables. Et dans l'état actuel des choses, il y a des délais variant de trois et demi à quatre ans.

Maintenant, à partir . de - comment dirais-je, pas la juridiction - la compétence qu'a développée la Commission des affaires sociales, compétence que personne ne met en doute, en aucune manière, comment pourrait-on espérer qu'elle devienne tout aussi compétente dans des matières qui sont d'ordre strictement administratif comme, par exemple, allons-nous aller demander à un commissiaire des affaires sociales de se prononcer sur la justesse ou la non-justesse d'un taux de cotisation qui lui est imposé? Est-ce que c'est un commissaire des affaires sociales qui va faire cela?

Maintenant, Mme la Présidente, vous me permettrez que je vous signale combien je ne suis pas capable de suivre le raisonnement du député de Brome-Missisquoi. Il invoque le fait que la Commission des affaires sociales a une réputation extraordinaire, ce avec quoi tout le monde est d'accord. La Commission des affaires sociales jouit d'une indépendance absolue, non seulement en termes pratiques, concrets, mais en termes de réputation aussi et en termes d'apparence que justice soit rendue. Il dit: II faudrait que cela continue comme cela et qu'on ne procède pas à la création d'un organisme dont les commissaires seraient nommés par le ministre du Travail et qui dépendraient aussi du même ministre du Travail. (21 h 15)

Mais, Mme la Présidente, est-ce que le député de Brome-Missisquoi avec ses connaissances approfondies du droit, comme il dit les avoir lui-même... ce que je ne comprends pas, c'est que c'est exactement le mécanisme qui existe à la commission des Affaires sociales. Le président de la commission des Affaires sociales, les commissaires sont nommés par le gouvernement sur recommandation du ministre ou de la ministre responsable. Non seulement ce président et ces commissaires sont-ils nommés par le ministre ou la ministre responsable, mais ils prennent également des décisions dans des matières qui relèvent de la juridiction du même ministre en matière, par exemple, d'aide sociale, en matière de sécurité du revenu.

Alors, à partir de cette argumentation-là, je ne peux pas comprendre l'argumentation et les conclusions auxquelles en arrive le député de Brome-Missisquoi. D'une décision qu'il décrit comme étant idéale, à partir de son fonctionnement et de ses mécanismes, il en arrive à la conclusion qu'une autre qui pourrait lui ressembler ne pourrait pas avoir la même compétence pour les motifs que l'on vient de dire, alors qu'on retrouve exactement la même situation dans l'autre suggestion.

La Présidente (Mme Juneau): M. le ministre, votre temps est terminé.

M. Fréchette: Bien, madame.

La Présidente (Mme Juneau): M. le député de Saguenay.

M. Maltais: Merci, Mme la Présidente. Je suis un peu étonné de voir la réaction du ministre, une attitude aussi conciliante avant le lunch. Je suis en train de me demander quelle sorte de bifteck il a mangé ce soir.

Une voix: Where's the beef?

M. Maltais: II me semble, Mme la

Présidente... Je ne comprends pas l'insistance du ministre. Lui qui nous rappelait l'extrême nécessité, toute à l'heure, de réviser une loi vieille de 50 ans. C'est quelque chose, plus de 50 ans et...

Une voix: II n'était pas au monde!

M. Maltais: ...une loi qui va marquer, peut-être, les cinq, dix ou quinze prochaines années des travailleurs au Québec. Je ne comprends pas que le ministre mette autant d'insistance à entendre une commission qui relève du gouvernement. Est-ce que, Mme la Présidente, on en serait rendu à l'époque où la transparence ou le translucide gouvernemental serait un empêchement au niveau des parlementaires de pouvoir entendre toute personne qui a des décisions à prendre sur nos commettants dans chacun de nos comtés?

À partir du moment où j'ai présenté cette motion, j'avais, suite... Mme la Présidente, j'ai assisté à tous les dépôts des 43 mémoires et à toute l'audition lors de la commission, sans en manquer une.

Une voix: C'est vrai, ça.

M. Maltais: Je ne suis pas sûr que beaucoup de membres ici, y incluant le ministre, aient pris le temps de le faire.

Une voix: Pas moi.

M. Ghislain Maltais

M. Maltais: Lorsque le ministre nous parle de sa quasi-unanimité, je pense qu'il a manqué quelques petits avant-midi, lorsqu'il nous dit, lui-même, que lors de la première impression de son livre - d'ailleurs, ce livre-là est sous presse depuis tellement longtemps qu'il est taché d'encre - il ne comprend pas que les revendications de cette commission d'appel viennent un peu plus tard.

Lorsqu'on dépose un pareil projet de loi et qu'on le met à la disposition de la population, il est normal que la réaction ne se fasse pas dans les 24 heures, les réactions profondes, article par article. Ce serait tout à fait aberrant de croire qu'au Québec un ministre va déposer un projet de loi de 560 et quelques articles et, le lendemain matin, toutes les personnes concernées vont pouvoir se prononcer sur chacun des articles. Cela, ce n'est pas de la législation, puis ce n'est pas demain qu'on va voir ça au Québec.

Une voix: ...une réputation péquiste.

M. Maltais: Mme la Présidente, le ministre nous a bien expliqué, calmement, comme on le connaît, que cette réticence-là est venue par après. Bien sûr, M. le ministre, bien sûr, et si vous aviez été en région, si vous étiez allé voir les travailleurs, les syndicats, comme plusieurs de nos collègues l'ont fait, dont mon collègue de Sainte-Marie, vous vous seriez aperçu, M. le ministre, que cette commission ne fait pas, du moins d'un côté de la table, c'est-à-dire du côté des travailleurs, l'unanimité. Cela est bien dommage, et je ne l'avale pas parce que cela n'est pas vrai.

Pourquoi? Les travailleurs nous ont expliqué, les patrons aussi nous ont expliqué qu'être juge et partie, cela ne peut demeurer longtemps équitable. Mais ' je vous rappelle à ce stade-ci, M. le ministre, que les travailleurs, dans le projet de loi actuel, ont déjà renoncé à leur droit de poursuite civile, sauf dans quelques exceptions, mais, règle majoritaire, ils ont perdu ce droit de recours. Et, à partir du moment où ils ont perdu leur droit de recours, comment voulez-vous que ces gens aient dans leur esprit une intention d'équité lorsqu'ils s'en vont à une commission dans laquelle le mandataire des montants d'argent est déjà juge et partie? Comment voulez-vous, Mme la Présidente, que ces travailleurs n'aient pas une certaine réticence alors que la Commission des affaires sociales, même si elle est gouvernementale, n'est pas partie? C'est là la grande différence et, M. le ministre, je ne comprends pas que vos émissaires en région, les émissaires de la CSST, ne vous aient pas averti de ce danger.

Le parti politique que vous représentez, M. le ministre, prétendait avoir un préjugé favorable aux travailleurs, mais, Bon Dieu, où l'avez-vous mis? Est-ce que vous l'avez envoyé par la même occasion à Ottawa? M. le ministre, il faut être un peu plus sérieux. Il faut toujours tenir le même langage et à l'heure actuelle, dans ce projet de loi, M. le ministre, vous avez changé de langage. Vous avez changé de langage depuis le dépôt premier du projet de loi 42. Vous avez changé de langage depuis votre discours en adoption de principe et vous avez changé de langage de cet après-midi à ce soir.

M. le ministre, je vous demande encore une fois de nous dire exactement vers où vous allez et quels sont les serviteurs qui vous servent aussi servilement selon l'opinion qui change continuellement.

M. le ministre, les travailleurs du Québec ne sont pas prêts à engager les quinze ou vingt prochaines années de leur vie avec un projet de loi par lequel ils seront mal servis et, si j'ai demandé cet après-midi que la Commission des affaires sociales vienne nous rencontrer, c'était spécifiquement pour lui poser des questions. On ne vous a jamais dit que c'était la perfection, la Commission des affaires sociales, loin de là, sauf que nous avons, et c'est notre devoir en tant que parlementaires, des questions fort précises à lui poser. Au cours de cette rencontre, sans

doute M. le ministre, aurez-vous un éclairage nouveau. Je ne comprends pas l'insistance que vous avez à devenir le ministre, le juge, l'avocat et la partie. Il doit quand même rester, certainement, de la démarcation pour celui qui va subir des sévices au niveau d'un accident du travail.

Ne sommes-nous pas ici, ce soir - et depuis combien de temps, Dieu, presque qu'un an - sur ce projet de loi? S'il faut passer trois ou quatre mois de plus, M. le ministre, on le fera. Vous avez exprimé votre ferme intention que ce projet de loi soit adopté avant les fêtes, mais il ne faudrait quand même pas que ce projet de loi soit adopté à la vapeur puisqu'il engage pour les quinze prochaines années l'avenir des travailleurs du Québec. On n'a pas le droit, en tant que législateurs, et on serait de mauvais représentants de nos comtés si on acceptait de s'embarquer là-dedans. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Juneau): Merci, M. le député.

Je vous rappelle, M. le ministre, que d'après l'article 239 vous avez le droit d'intervenir cinq minutes après chacune des interventions de chacun des membres de la commission. Est-ce que vous utilisez votre...

M. Raynald Fréchette

M. Fréchette: Je vous remercie de me le rappeler, Mme la Présidente.

II y a peut-être des attitudes qui sont en train de changer. C'est parce que les objectifs qui en début de travaux nous ont été mis sur la table sont également en train de changer complètement. Ce que j'avais compris, particulièrement de l'intervention du député de Sainte-Marie, c'était que l'objectif très précis qui était visé consistait à prendre une certaine période de temps limitée. Le député de Sainte-Marie avait même évoqué la possibilité qu'il s'agisse d'une période d'une heure, une heure et demie, deux heures, le temps qu'il aurait fallu prendre pour obtenir de la Commission des affaires sociales les informations pertinentes à l'exercice de sa juridiction en matière d'appels d'accidents du travail et de maladies professionnelles.

Mme la Présidente, au fur et à mesure que le débat avance, que de nouveaux arguments sont soulevés, je vous réitère ma perception des choses, à savoir que l'objectif mis sur la table d'abord, encore une fois, par le député de Sainte-Marie, a pris une tangente tout à fait nouvelle qui ne ressemble pas à ce à quoi on s'attendait. En écoutant la virulente argumentation du député de Saguenay - avec force conviction comme il est capable de le faire - je réalise maintenant que ce que l'on voudrait savoir de la Commission des affaires sociales c'est beaucoup plus que les renseignements pertinents aux mandats qui sont spécifiques aux appels en matière de santé et de sécurité.

Là, évidemment, on essayera de savoir sans doute quelle est son expertise ou son évaluation des autres juridictions d'appel qui lui sont confiées par la loi. Enfin, on va ouvrir sur à peu près toutes les matières qui relèvent de la Commission des affaires sociales. Mme la Présidente, à cet égard, je ne suis pas loin de partager l'opinion du député de Châteauguay qui nous disait tout à l'heure qu'il y a évidemment et très probablement d'autres moyens plus appropriés pour atteindre le même objectif, c'est-à-dire évaluer l'efficacité, l'expertise et la "capacité", entre guillemets, de la Commission des affaires sociales et ce serait qu'un mandat d'initiative parlementaire soit retenu pour atteindre ces objectifs.

Mme la Présidente, malgré la virulence du député de Saguenay, je vous réitère qu'à partir des positions qui avaient été mises sur la table cet après-midi il n'y avait pas grand-chose qui nous séparait, finalement. J'étais convaincu que nous aurions pu arriver à établir un processus qui aurait fait en sorte que nous aurions pu entendre la Commission des affaires sociales en spécifiant et en limitant très clairement le mandat, autant au niveau des matières qui seraient soumises à son évaluation que du temps que cela prendrait, qu'au niveau, par exemple, du fait qu'il ne fallait pas par là créer un précédent qui aurait fait en sorte qu'après que cette motion aurait été adoptée on en aurait présenté une autre pour entendre n'importe lequel des 43 autres organismes qui sont déjà venus en commission parlementaire. Il apparaît très clairement que les objectifs ont dévié complètement de ce qui paraissait être l'esprit, cet après-midi.

Je vais quand même vous réitérer ma position, Mme la Présidente, si vous me le permettez. Cet après-midi, il n'y avait pas grand-chose qui nous séparait. J'avais suggéré, à 18 heures, la suspension de la discussion pour me permettre de procéder à un certain nombre de consultations et d'évaluations de la situation. J'ai réitéré, à 20 heures, lorsque nous sommes revenus, que mes dispositions étaient les mêmes mais que j'avais besoin de faire certaines autres vérifications plus poussées. Ces dispositions sont encore les mêmes. Dans les balises dont je viens de parler, je serais encore disposé à retenir la suggestion qu'a faite le député de Sainte-Marie. Ce que je suggérais simplement c'est que l'on suspende, pour le moment, la décision sur la motion, quitte à y revenir, dès lors que, dans la loi, nous serions arrivés à l'étude d'un article qui réfère à la commission d'appel. Si cette suggestion n'est pas retenue, ce que je respecterais comme

décision, nous allons, évidemment, devoir voter sur la motion qui nous a été soumise. (21 h 30)

La Présidente (Mme Juneau): Merci, M. le ministre. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants sur la motion?

M. Lincoln: Oui, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Juneau): M. le député de Nelligan.

M. Clifford Lincoln

M. Lincoln: M. le ministre, je pense que, d'un côté ou de l'autre, je ne veux pas passer de blâme, chacun se renverra la balle comme il voudra, mais, de toute façon, je ne pense pas qu'il y ait tellement de choses qui nous séparent quant à la motion faite par mon collègue de Saguenay.

Si vraiment vous avez l'intention - et vous êtes sincère, je crois - de faire la lumière sur la question de la commission d'appel... En fait, lorsque j'ai fait mes remarques préliminaires, la plupart d'entre elles se situaient au niveau de la commission d'appel. Je pense que s'il y a une chose, du côté de l'Opposition et des députés indépendants, qui a été soulevée, même je pense que, dans vos remarques préliminaires, vous avez dit que la question de la commission d'appel vous avait réellement tracassé... C'est parce que nous pensons qu'il y a un vice de forme et un vice de substance dans toute la notion d'une commission d'appel qui serait contrôlée par le ministère et/ou la CSST.

Là, vous avez soulevé deux arguments principaux. Le premier, c'est que la Commission des affaires sociales se penche sur des questions d'indemnités pour incapacité mais elle ne se penche pas sur des questions techniques. Vous avez suggéré l'exemple, je pense, de la cotisation, soit. Mais c'est justement là-dessus que nous voulons essayer de faire la lumière. Je ne pense pas que ce soit une raison assez valable pour dire: On va éliminer la commission d'appel et tout ce qu'elle fait, maintenant, qui est fondamental. Si des questions techniques ne peuvent pas être entendues par la commission d'appel, pourquoi ne découvrirait-on pas un autre mécanisme pour écouter les appels sur cette partie de la loi? Il y a peut-être des compromis qui pourraient être faits. Mais ce que nous disons, c'est que, sans écouter les gens de la Commission des affaires sociales, comment voulez-vous que nous nous fassions une idée constructive et objective de la question?

Je pense que c'est le point qu'a voulu apporter mon collègue de Saguenay, dès le début. Vous dites qu'on devrait étudier cela quand cela viendra. En fait, si je lis bien la loi, on dit, dès l'article 2: "la commission d'appel en matière de santé et de sécurité du travail instituée par la présente loi." Nous sommes d'accord. Je vois que vous souriez. On peut dire que la première référence à la commission d'appel est faite sous l'article 2. Vous pouvez nous dire que c'est purement une définition. On va parler de la commission d'appel aux articles 352 et suivants. Alors, est-ce qu'on va dire qu'on va étudier 350 articles, des jours et des jours, sans jamais entendre la Commission des affaires sociales? En fait, c'est la clé, peut-être, du projet de loi, parce que c'est la dernière instance pour les gens qui ont un appel. Il me semble que si on ne met pas cela au clair - cela a été l'objection fondamentale du député de Sainte-Marie et de notre formation politique, de dire que cette question d'appel, on ne peut pas l'accepter comme elle est maintenant. Ce que vous voulez dire, c'est: On ne va pas la regarder à l'article 2 parce que c'est une pure définition, on va le faire à l'article 352, ce qui va se passer à la fin de décembre, je ne sais pas quand on en fera l'étude.

Nous, nous disons: Au contraire, on veut faire la lumière là-dessus dès le début parce que cette question est assez importante pour qu'on puisse l'examiner tout de suite. C'est cela qu'on dit. Là, vous dites: II faudrait peut-être aussi rappeler tous les gens qu'on a déjà entendus. Ce n'est pas du tout le cas. Je pense que le fait est que la Commission des affaires sociales ne s'est pas fait entendre, on ne sait pas ce qu'ils pensent du projet de loi. Je sais que vous nous avez expliqué qu'ils ne sont pas intéressés à élargir leur mandat, mais au moins peut-être qu'ils pourraient nous donner un éclairage sur comment ils travaillent maintenant, ce qu'ils suggèrent par rapport aux autres matières qu'ils n'étudient pas maintenant en commission d'appel.

Vous avez dit que la Commission des affaires sociales est constituée de la même façon que la commission d'appel que vous voulez constituer sous l'article 352 et les suivants, soit par le ministère des Affaires sociales, sous l'égide du ministère des Affaires sociales. Seulement, du point de vue de la loi 42, c'est sûr que la Commission des affaires sociales ne dépend pas, elle, de la CSST, elle ne dépend pas du ministère. Justement, c'est là que nous avons des objections assez importantes parce qu'il faut nous baser sur le cheminement de la CSST jusqu'à présent.

Le pouvoir de la CSST est presque immense, la CSST est devenue un appareil tellement fort qu'elle se moque presque du ministre. Elle fait des communiqués à l'avance sur une loi qu'on n'a même pas commencé à étudier. C'est cela qui nous fait peur. Ce qui nous fait peur c'est que la CSST va avoir un droit de regard sur la commission d'appel qui sera peut-être très

grand. Si, par exemple, l'expérience avec la CSST, l'expérience avec le président de la CSST n'avait pas été aussi concluante qu'elle ne l'a été, peut-être qu'on aurait pris une position différente. Mais comme elle se place maintenant, nous pensons que c'est une assurance que nous avons, c'est un genre de garantie indirecte que nous avons que la Commission des affaires sociales ne trouve pas à se placer dans le même cadre que le ministère et la CSST. Cela, pour nous, c'est une notion importante.

M. le ministre, s'il faut prendre quelques heures, s'il faut prendre un jour pour écouter les gens de la Commission des affaires sociales, ce n'est pas la fin du monde quand on parle d'une loi qui a 600 articles. Est-ce que vous n'auriez pas pu recevoir des suggestions tout à fait constructives et objectives qui viennent de l'ensemble de l'Opposition? Il me semble que ce n'est pas une affaire qui va retarder les travaux de la commission indûment. Que vous le fassiez maintenant, que vous admettiez qu'on le fasse à l'article 2 ou à l'article 353, quelle est la différence? Pourquoi ne pas le faire dès le début et mettre à l'aise tous les gens pour qui cette question est une affaire fondamentale et qui ne le font pas à titre obstructif. Je peux vous assurer qu'ils le font parce que nous pensons que c'est une question qui doit être réglée dès le départ parce que c'est réellement tout le processus d'appel. C'est sûrement le processus peut-être le plus important de la loi. Alors, nous continuons à insister pour que vous révisiez votre position et que vous entendiez, le plus tôt possible, les gens de la Commission des affaires sociales.

M. Bisaillon: Mme la Présidente...

La Présidente (Mme Juneau): Oui, M. le député.

M. Bisaillon: ...je dois vous avouer que je ne comprends plus rien. Cet après-midi j'avais fait une suggestion, une demande au ministre. Cette demande, il l'a accueillie, il m'a semblé, en tout cas, de façon favorable.

La Présidente (Mme Juneau): Je m'excuse, est-ce que c'est une question de règlement? Quelle...

M. Bisaillon: Non, c'est une question de clarification. J'essaie de comprendre ce qui se passe, Mme la Présidente, et puis je ne comprends pas. Le ministre nous dit qu'il est prêt et en même temps il refuse de voter sur une motion qui lui demande la même chose que ce que je demandais cet après-midi. Je ne comprends pas pourquoi on prend tout ce temps alors que tout le monde est d'accord. Je ne vois pas de virulence dans l'intervention du député de Nelligan. Je ne vois pas ce qui fait craindre quoi que ce soit au ministre. Il nous répète qu'il est d'accord encore...

La Présidente (Mme Juneau): M. le député...

M. Bisaillon: ...et que le sens de ma demande serait là.

La Présidente (Mme Juneau): M. le député de Sainte-Marie, selon l'article 36...

M. Bisaillon: Moi, je ne connais pas cela , Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Juneau): ...aucun député... Étant donné que...

M. Bisaillon: Expliquez-le-moi, cela va me faire plaisir parce que je ne connais pas cela beaucoup.

La Présidente (Mme Juneau): Oui, c'est cela. L'article 36 dit qu'aucun député ne peut interrompre celui qui a la parole sauf pour faire un rappel au règlement, signaler le défaut du quorum ou attirer l'attention sur une violation de droit ou de privilège.

M. Bisaillon: Je n'ai interrompu personne.

La Présidente (Mme Juneau): Étant donné que M. le député...

M. Bisaillon: II avait terminé, excusez.

La Présidente (Mme Juneau): Vous aviez terminé?

M. Bisaillon: Oui, il avait terminé. M. Lincoln: Oui, j'avais terminé.

La Présidente (Mme Juneau): Combien reste-t-il de minutes à...?

M. Bisaillon: C'est parce qu'il avait terminé.

La Présidente (Mme Juneau): C'est très bien, monsieur, vous avez le droit de parole.

M. Bisaillon: Bon! Alors là je comprends. Mme la Présidente, ce que je voulais vous expliquer c'était que je ne comprenais pas l'attitude du ministre. Cet après-midi, je n'ai pas fait une proposition, j'ai adressé une demande au ministre. Une demande qu'il a trouvée raisonnable. Une demande qu'il trouvait justifiée. Il nous disait même qu'il était pour étudier cela pour voir comment on pourrait encadrer pour que cela ne crée pas de précédent. Cela c'était cet après-midi. On va souper, puis, juste avant le

souper, le député de Saguenay, fort de l'appui du ministre, a tout simplement voulu formaliser cela en le mettant dans une proposition. Probablement que cela se trouve au procès-verbal. Il disait exactement la même chose que ce que j'avais demandé. Là, le ministre revient de souper. Il nous dit: C'est encore favorable mais je voudrais prendre encore un petit peu plus de temps. Jusque-là on peut s'entendre encore. Il y a des interventions qui expliquent la demande du député de Saguenay, puis le ministre dit: Écoutez, je vais être obligé de voter contre la motion mais je vais toujours demeurer favorable à la demande du député de Sainte-Marie. C'est où que l'on se sépare? Vous dites que le débat a pris une tangente. Effectivement, peut-être que les débats prennent des tangentes, parfois cela arrive. Il y a...

M. Bordeleain C'est la...

M. Bisaillon: II y a des fois, M. le ministre, qu'on commence dans une voie, puis on se rend compte finalement qu'on est dans une troisième voie. Cela ne prend pas de temps. Cela arrive. Mais, après l'intervention du député de Nelligan, il me semble que le député de Nelligan dit exactement la même chose que je disais cet après-midi. Il disait exactement dans son intervention ce que le ministre souhaitait entendre. Alors, qu'est-ce qui nous retient de passer à autre chose rapidement en se mettant d'accord pour dire qu'on va entendre la Commission des affaires sociales? Je ne vois pas où est le débat là-dedans. On s'entend tous; alors, pour une fois qu'on s'entend, profitons-en avant que quelqu'un d'autre vienne nous dire qu'on ne s'entend pas.

La Présidente (Mme Juneau): Avez-vous terminé? Je veux être bien sûr que tout le monde termine ce qu'il a à dire avant de donner la parole à un autre. Avez-vous terminé?

M. Bisaillon: Oui, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Juneau): M. le député de Beauharnois, vous aviez demandé la parole avant.

M. Laurent Lavigne

M. Lavigne: Merci, Mme la Présidente. Je ne comprends pas que le député de Sainte-Marie ne comprenne pas. Je ne comprends pas cela parce qu'il m'a toujours donné l'impression que c'était un gars qui comprenait. Effectivement, je pense que l'attitude et la demande qui était formulée, avant le souper, avant 18 heures, renfermaient, à mon avis, une demande qui a changé d'allure quant à son contenu dans toute l'argumentation qui a été développée au retour du souper. Moi, j'étais - et je le suis encore - sympathique à l'idée de recevoir la commission ici et je le dis. Seulement, écoutez. Le jour - si toutefois elle venait, la Commission des affaires sociales - qu'elle viendra ici, ce qui est bien important c'est qu'elle vienne ici pour la loi 42, qu'elle ne vienne pas ici pour se faire passer au peigne fin dans toute son administration. Quand on regarde le plaidoyer des gens d'en face, ils ont parlé de passer, ni plus ni moins si j'ai bien compris, toute l'administration de la Commission des affaires sociales au peigne fin. Si c'est le mandat...

M. Bisaillon: Ça, c'est un travers du député de Brome-Missisquoi.

M. Lavigne: Si c'est ça le mandat, moi je m'y oppose fermement. Cela s'en va dans un mandat d'initiative de la commission parlementaire des affaires sociales. Pour moi c'est clair. Il n'y a pas d'ambiguïté là-dessus. Si on est d'accord avec des balises -parce que des fois, un moment donné, on semble être d'accord verbalement sur-le-champ et, quand les décisions sont prises, on se fait avoir parce qu'on a eu confiance. On finit par se méfier un moment donné en cours de route. Après huit ans de vie parlementaire, M. le député de Sainte-Marie, vous devez savoir qu'on a de grandes raisons de se méfier parfois.

M. Bisaillon: Ah! oui. Ah! oui.

M. Lavigne: Et c'est la raison pour laquelle, moi, je dis que, si on décidait ensemble de faire venir ici la Commission des affaires sociales, il va falloir baliser davantage.

La Présidente (Mme Juneau): Un instant, s'il vous plaît! II y a une question de règlement. Quel numéro d'article, M. le député?

M. Lincoln: Mme la Présidente, excusez. On est entre nous ici. On ne va pas jouer avec les articles.

La Présidente (Mme Juneau): Non, non, on est... Je veux savoir quel article.

M. Lincoln: Tout ce que je veux vous dire, rien que pour citer...

La Présidente (Mme Juneau): Quel article, M. le député?

M. Lincoln: Le député de Beauharnois ne veut pas se tracasser de cela si c'est l'article 42 ou 54.

La Présidente (Mme Juneau): Mais moi, je m'en tracasse. Je veux savoir sur quel article vous voulez poser votre question.

M. Lincoln: Bien, sur l'article 36 ou 48, si vous voulez.

La Présidente (Mme Juneau): L'article 36? Aucun député ne peut interrompre... M. le député de Beauharnois, vous avez la parole. Vous avez la parole, M. le député.

M. Lincoln: Ah! Corne on. (21 h 45)

Une voix: II a terminé son exposé.

La Présidente (Mme Juneau): Non, il n'avait pas terminé.

M. Lavigne: Vous comprendrez, Mme la Présidente, que le député d'en face m'a fait perdre un peu le fil...

M. Lincoln: J'avais peut-être une précision à faire au député de Beauharnois. Je suis sûr que...

M. Lavigne: Je ne sais pas si c'était ça, le but de son intervention.

M. Lincoln: Bien, si vous me donnez la chance de faire une intervention...

M. Lavigne: Mais il a, jusqu'à un certain point, réussi. Mme la Présidente, je reviens sur la demande qui a été formulée, dans un premier temps, par le député de Sainte-Marie et, dans un deuxième temps, par le député de Saguenay. Je souscris à cette demande-là, avec la réserve suivante: c'est que le ministre vous demande - il ne dit pas non, il nous a consultés, on ne s'en cache pas, vous l'avez vu le faire au souper. On s'est parlé là-dessus. Il a d'autres personnes à consulter; il voudrait avoir un peu de temps là-dessus.

Si vous êtes de bonne foi, prouvez-nous le. On va commencer à étudier l'article 1 et, demain ou après-demain... On ne dit pas: Dans trois mois, il va prendre une décision. Incessamment, il va prendre une décision. Il a quelques personnes à voir encore, entre autres la ministre responsable de cet organisme-là. C'est un peu légitime qu'il lui parle. Il n'a pas eu le temps de lui parler lors du souper. Il voudrait lui parler, lui demander son avis.

Il demande un peu de temps. Donnez-lui ce temps-là. Montrez-nous que vous êtes de bonne foi et commençons l'article 1.

M. Bisaillon: C'est quel ministre, ça?

M. Lavigne: C'est Mme Marois qui est responsable de la commission.

M. Bisaillon: Elle est encore là?

M. Lavigne: Oui, Main-d'Oeuvre et Sécurité du revenu. Elle est encore là comme - j'aillais dire un seul homme - une seule femme. Prouvez-nous votre bonne foi, faites-nous croire que vous êtes de bonne foi; c'est le moins que vous puissiez faire.

M. Paradis: ...de bonne foi.

M. Lavigne: Écoutez, il vous demande un peu de temps. Ou bien donc vous le croyez dans sa demande, ou bien donc vous ne le croyez pas. Si vous n'êtes pas d'accord, si vous n'achetez pas ça, on va la mettre au vote, puis on va la battre, puis on n'en parlera plus. Vous embarquerez sur d'autre chose, si vous n'êtes pas de bonne foi.

M. Paradis: Passer sur le corps... M. Lavigne: Bien non, ce n'est pas ça.

M. Lincoln: Mme la Présidente...

M. Lavigne: II y a un "deal" là.

M. Lincoln: ...selon l'article 33, je vais demander une minute à mon collègue d'Outremont pour faire une remarque bien simple au député de Beauharnois, parce que je pense que d'un côté ou de l'autre on est de bonne foi ici. Tout ce que je voulais souligner au député, c'est que, s'il lisait la motion de mon collègue de Saguenay, la motion dit tout à fait clairement, si je l'ai bien lue, qu'on veut écouter les gens de la Commission des affaires sociales par rapport au projet de loi 42.

Donc, le mandat est tout à fait clair et spécifié, quoi qu'en dise n'importe quel député ici. Alors, excusez-moi, M. le député, ce que je voulais dire, c'est que je pense que nous pouvons faire les balises de ce qu'on veut entendre. D'un côté et de l'autre, ce qui nous intéresse, c'est de questionner la Commission des affaires sociales, non pas sur tout le mandat global qu'ils ont avec les Affaires sociales, sur l'administration des Affaires sociales, naturellement, mais par rapport au projet de loi 42.

Je pense que notre porte-parole l'a confirmé avec plaisir et si c'est ça qui accroche entre nous, ah bien, qu'on le règle maintenant et qu'on décide que si c'est par rapport au projet de loi 42, si vous n'avez aucune objection, si le député de Sainte-Marie n'a aucune objection, nous n'avons aucune objection. Mais qu'on le fasse.

M. Lavigne: On vous a demandé, et je le répète...

M. Lincoln: La motion l'indique

clairement, M. le député.

M. Lavigne: ...de nous donner un peu de temps.

Une voix: Pourquoi?

M. Lavigne: Je vous l'ai dit. Vous ne comprenez pas, vous n'écoutez pas quand je parle.

Une voix: Répétez-le.

M. Lavigne: On peut répéter.

La Présidente (Mme Juneau): Est-ce que vous aviez terminé, M. le député de Beauharnois?

M. Lavigne: Oui.

Une voix: ...on a du temps...

La Présidente (Mme Juneau): Oui, vous avez encore du temps. Vous avez 20 minutes.

M. Lavigne: Je peux toujours en prendre, Mme la Présidente. Si je savais qu'en utilisant mon temps de parole j'arriverais à faire comprendre les gens d'en face, je pourrais peut-être faire un autre petit bout. Mais il me semble que j'ai été assez clair dans mon explication et que, effectivement - je le disais tout à l'heure et je tiens à le répéter - l'attitude et la demande qui nous a été formulée avant le souper étaient une chose et l'attitude et la demande, les plaidoyers du député de Viau et du député de Brome-Missisquoi nous ont laissé croire, en tout cas, qu'ils voulaient beaucoup plus... Relisez votre propre plaidoirie dans le Journal des débats et vous allez voir combien vous êtes allés loin.

C'était, à mon interprétation, pour le moins, un examen exhaustif de toute l'administration de la Commission des affaires sociales et je ne pense pas que la demande initiale parlait de ça et voulait ça. Si ça doit être ça, pour ma part, ce sera non.

M. Paradis: Question de règlement, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Juneau): Quel numéro, s'il vous plaît, d'article?

M. Paradis: Même numéro que mon collègue de Nelligan, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Juneau): 33?

M. Paradis: C'est ça, bingol Mme la Présidente, si j'étais sorti du cadre. de la motion - je vous connais comme une présidente autoritaire - vous auriez certainement soulevé le point et vous m'auriez restreint au débat. Donc, les paroles du député de Beauharnois sont complètement hors du contexte. Il aura la chance cette nuit, pendant qu'il réfléchira, de relire cela et de venir s'excuser demain, en gentilhomme.

M. Lavigne: La nuit je ne réfléchis pas, je dors.

La Présidente (Mme Juneau): M. le député de Brome-Missisquoi, j'ai protégé votre droit de parole lorsque vous l'aviez, maintenant la parole est au député de Beauharnois. S'il veut terminer son intervention, il a droit à 20 minutes tout comme vous avez eu.

M. Paradis: Mon intervention était strictement dans le but de dire: Lorsque vous présidez, vous faites respecter le règlement.

La Présidente (Mme Juneau): C'est très bien, c'est ce que je vais faire. M. le député de Beauharnois, avez-vous terminé?

M. Bisaillon: Mme la Présidente, est-ce que le député me permettrait une question? Notre règlement nous permet cela.

L'argumentation du député me convient. Je trouve que cela a du sens et que cela se tient. Mais, là aussi, cela demanderait des balises. Quand vous demandez du temps, qu'est-ce que cela veut dire? Est-ce que cela veut dire jusqu'à demain midi? Par exemple, supposons qu'on trouverait normal que, effectivement, il y ait un peu plus de consultations qui puissent se faire; est-ce que cela veut dire qu'on pourrait au moins trancher cette question demain midi ou demain en après-midi?

M. Fréchette: Mme la Présidente, je peux, si vous me le permettez...

La Présidente (Mme Juneau): M. le ministre.

M. Fréchette: ...répondre à la question du député de Sainte-Marie et, pour le faire, je vais utiliser le texte de la motion du député de Saguenay aussi, ses conclusions, en tout cas, et ceci dans les plus brefs délais, cette audition. Je vous signale que je serais disposé à ce qu'on procède à l'évaluation et à disposer aussi de la motion dans la journée de demain, effectivement, très probablement au début de la séance qui suivra immédiatement la période des affaires courantes à l'Assemblée nationale. Je vous signale qu'à ce moment je serais disposé à prendre une position définitive.

La Présidente (Mme Juneau): M. le ministre, avez-vous terminé?

M. Fréchette: Oui, j'ai terminé pour le moment.

La Présidente (Mme Juneau): La parole est au député d'Outremont.

M. Frechétte: Est-ce que demain matin on siège?

La Présidente (Mme Juneau): Demain matin, on siège à 10 heures.

M. Pierre-C. Fortier

M. Fortier: Mme la Présidente, je croyais que, entre fédéralistes que nous sommes tous ici, on pouvait s'entendre sur une motion aussi facile. Comme de raison, il y a le collègue de Sainte-Marie qui est dans une classe à part mais, maintenant que nous sommes tous dans le même Canada, je croyais qu'on aurait pu s'entendre assez facilement. Moi aussi, je me suis posé des questions sur certaines argumentations et je me suis posé la question à savoir pour quelle raison - compte tenu du fait que tous semblent dire que ce serait une très bonne affaire si on pouvait entendre le représentant de la Commission des affaires sociales, relativement au projet de loi 42, comme l'a dit la motion - on ne puisse pas se mettre d'accord.

Et, de fait, si je me suis tu jusqu'à maintenant, Mme la Présidente, c'est que, n'ayant pas eu la chance de participer aux nombreuses séances pour entendre tous ceux qui voulaient se faire entendre sur le sujet, j'ai cru bon, en homme responsable, d'écouter certains de mes collègues qui avaient plus d'expérience que moi pour tenter de cerner la vérité d'un peu plus près. .

Cependant, même un ingénieur comme moi comprend les argumentations des avocats et là je suis un peu en désaccord avec mon collègue de Sainte-Marie. C'est que nous avons un règlement qui dit: Lorsque nous avons une motion, il faut en disposer. Et bien sûr, si j'ai bien compris, la demande explicite qui est faite par la motion, c'est d'entendre les représentants de la Commission des affaires sociales dans les meilleurs délais. Mais lorsque j'ai écouté leur plaidoyer, dans le fond, ce que les gens de l'Opposition ou ceux qui se sont manifestés demandent, c'est qu'il serait plus logique, plus responsable, dans le sens d'une meilleure compréhension de la loi, d'entendre les représentants de la Commission des affaires sociales avant même de commencer l'étude article par article. Quoique, Mme la Présidente, la motion ne soit pas aussi explicite que ce que je viens de dire, je crois que c'était là le sens de l'argumentation qui avait été faite.

Moi-même, j'ai très bien compris, d'ailleurs les députés de Nelligan, de

Saguenay, de Brome-Missisquoi et tous les autres qui se sont exprimés l'ont dit clairement, c'est que l'ensemble du projet de loi commande que nous puissions, avant même de commencer, entendre les représentants de la Commission des affaires sociales. C'est la raison pour laquelle je me permets d'insister sur le fait - et personnellement je le fais d'une façon très simple, sans aucune acrimonie - que c'est là le sens très précis de la demande. Si l'on veut, Mme la Présidente, expliciter davantage la motion qui est devant nous, j'en ferais un amendement pour l'expliciter encore davantage et pour préciser la motion qui est devant nous. J'aimerais proposer que l'on change les mots "les représentants", dans la motion, par les mots "le président de la Commission des affaires sociales". En changeant ces mots, bien sûr, cela est tout à fait anodin, mais c'est pour préciser; on demandait d'avoir des balises. Dans le fond, ce que nous demandons ou ce que ceux qui se sont exprimés ont demandé, c'est d'entendre une personne en autorité de la commission; donc, le président; qu'il soit entendu, mais pas pour n'importe quel sujet. Il faut que cela soit relativement au projet de loi 42. J'imagine que ceux des députés qui insistent si fortement pour entendre les représentants - et je propose, en amendement, le président - c'est que, justement, cette personne autorisée pourra nous donner l'éclairage dont nous avons besoin avant de continuer le débat.

Connaissant mes collègues, je ne crois pas que l'intention - si elle a pu être perçue ainsi, je dis que c'est malheureux - est de faire un "filibuster", loin de là. C'est un projet de loi extrêmement sérieux. Je crois qu'il faut l'étudier en profondeur et, si l'argumentation qui été faite a pu faire croire à certains députés ministériels que les députés de l'Opposition étaient mal intentionnés, je voudrais les rassurer immédiatement. Connaissant les discussions que nous avons eues ensemble, je ne crois pas que ce soit là le désir des membres de l'Opposition.

En conséquence, Mme la Présidente, je propose donc cet amendement, c'est-à-dire de changer les mots "les représentants" par "le président", et j'insiste pour demander que cela soit fait dès que possible, sans en faire un amendement; j'insiste auprès du ministre: dès que possible, soit à la reprise de nos travaux, demain matin.

Donc, Mme la Présidente, je crois que nous avons écouté toute l'argumentation nécessaire pour nous faire une idée de la justesse de la demande formulée. Je crois qu'elle a été faite avec beaucoup de sérieux. Je crois que, si l'on veut rendre justice à un projet de loi si important pour tous les travailleurs du Québec et également pour les employeurs - peut-être pour différentes

raisons, mais certainement aussi importantes l'une que l'autre - cette demande explicite, très claire, devrait être entendue. Si le ministre nous dit: Je suis d'accord, je crois, à ce moment-là, compte tenu des règles de procédure que nous avons, qu'il devrait voter pour la motion. J'ai de la difficulté à comprendre pour quelle raison le ministre responsable de cette commission pourrait avoir une attitude négative face à une demande aussi explicite. Je crois que le ministre pourrait se faire notre allié pour dire à la ministre responsable que cette demande est tout à fait raisonnable et qu'elle devrait être acceptée.

Ce sont donc là les propos que j'avais à tenir sur le sujet, en espérant qu'ils permettront de comprendre le sens du débat que nous avons eu depuis deux heures et en espérant que tout le monde se rangera à l'opinion que j'ai essayé de résumer dans les mots que j'ai utilisés.

La Présidente (Mme Juneau): Un instant, s'il vous plaît. L'amendement qui vient d'être proposé par le vice-président de la commission et député d'Outremont, selon l'article 189...

M. Fortier: 189, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Juneau): ...est recevable. Donc, je donne la parole à M. le ministre. Il ne vous reste qu'une seule minute, M. le ministre...

M. Fréchette: Mme la Présidente...

La Présidente (Mme Juneau): ...selon le temps et selon l'ajournement.

M. Fréchette: Je vous dirai, quant à nous, que nous n'avons évidemment pas d'objection à l'amendement qu'a suggéré le député d'Outremont et, deuxièmement, je vous signale que je suis également d'accord avec lui quand il se réfère au règlement pour nous rappeler que nous devons disposer de la motion qui est en discussion. Cependant, le règlement ne nous oblige pas à en disposer en l'adoptant ou en la refusant. Le même règlement nous permettrait sans doute - je ne sais pas si cela nécessiterait le consentement de tous les membres de la commission - de retenir la suggestion que j'ai faite depuis 20 heures et de reporter la décision sur la motion à notre séance de demain après-midi, après la période de questions. C'est une façon aussi, je pense, de disposer de la motion qui est devant nous.

La Présidente (Mme Juneau): Étant donné qu'il faut, comme vous l'avez dit, M. le ministre, le consentement des membres de la commission, nous pourrions effectivement, si les membres y consentent, reporter à demain, après les affaires courantes, la décision sur l'amendement et la motion elle-même. Est-ce que...

M. Lavigne: Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Juneau): Étant donné qu'il est 22 heures...

M. Lavigne: Est-ce que, Mme la Présidente, on ne pourrait pas accepter... Est-ce que l'amendement du député d'Outremont a été accepté officiellement?

La Présidente (Mme Juneau): II est recevable, oui.

M. Lavigne: II est recevable, mais est-ce qu'on l'adopte?

La Présidente (Mme Juneau): C'est cela.

M. Gagnon: Vingt minutes pour expliquer l'amendement, c'est cela? Et ce n'est pas un "filibuster".

M. Lavigne: Je proposerais, Mme la Présidente, s'il n'y a pas d'objection...

M. Paradis: ...les propos du député de Beauharnois.

M. Lavigne: Je ferais une proposition qui serait d'adopter l'amendement proposé par le député d'Outremont dès maintenant. On est d'accord ou non avec son amendement.

La Présidente (Mme Juneau): Est-ce que tout le monde est consentant à adopter la proposition d'amendement de M. le député d'Outremont?

Des voix: Adopté.

M. Cusano: Mme la Présidente, il est passé 22 heures et je crois qu'il serait...

La Présidente (Mme Juneau): Oui, il est 22 heures effectivement.

Une voix: Je ne sais pas si je suis contre l'amendement du député d'Outremont, mais j'aimerais y penser.

La Présidente (Mme Juneau): Un instant, s'il vous plaît.

M. Fréchette: Un instant, si vous me le permettez. Je ne sais pas si les règles vont encore être écorchées, mais souvenez-vous qu'au début de nos travaux j'avais indiqué que je procéderais au dépôt des amendements, tels que corrigés dans leur dernière édition. Je voudrais solliciter le

consentement des membres de la commission pour procéder à ce dépôt et je remettrais deux copies...

M. Cusano: On va lire cela ce soir, avant de se coucher, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Juneau): Selon l'article 158, il faut que le dépôt soit accepté par le vice-président de la commission.

M. Fortier: Cela me fait plaisir, Mme la Présidente, d'accepter le dépôt des amendements pour me permettre de les étudier.

La Présidente (Mme Juneau): Nous ajournons nos travaux à demain, 10 heures.

(Fin de la séance à 22 h 2)

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