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(Dix heures vingt et une minutes)
La Présidente (Mme Juneau); La commission de
l'économie et du travail reprend ses travaux. Voici le mandat de notre
commission: procéder à l'étude détaillée du
projet de loi 42, Loi sur les accidents du travail et les maladies
professionnelles. M. le Secrétaire, voulez-vous annoncer les
remplacements.
Le Secrétaire: Oui, Mme la Présidente. Les
remplacements, pour cette séance, sont les suivants: M. Bourbeau
(Laporte) est remplacé par M. Maltais (Saguenay), Mme Dougherty
(Jacques-Cartier) est remplacée par M. Paradis (Brome-Missisquoi), M.
Kehoe (Chapleau) est remplacé par M. Polak (Sainte-Anne), M. Le Blanc
(Montmagny-L'Islet) est remplacé par M. Gagnon (Champlain), M. Perron
(Duplessis) est remplacé par M. Dupré (Saint-Hyacinthe) et MM.
Bisaillon (Sainte-Marie) et Grégoire (Frontenac) nous ont
informés qu'ils désiraient se prévaloir de l'article 130
lorsqu'ils seront présents.
Une voix: En quoi consiste l'article 130, Mme la
Présidente?
Motion pour convoquer la Commission des affaires
sociales (suite)
La Présidente (Mme Juneau): L'article 130 dit ceci: "Tout
député indépendant peut participer sans droit de vote aux
travaux d'une commission qui étudie un projet de loi." Voilà.
Nous en étions à discuter l'amendement proposé par
le député de Viau sur la motion principale, qui était de
changer les mots "les représentants" par les mots "le président
de la Commission des affaires sociales".
M. Dussault: Mme la Présidente, étant donné
que nous sommes tous d'accord avec l'amendement à la motion qui a
été proposé hier par le vice-président de la
commission, M. le député d'Outremont, je suggère à
nouveau que nous passions au vote immédiatement sur cet amendement.
M. Marcel Gagnon M. Gagnon: Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Juneau): Oui, M. le
député de Champlain...
M. Gagnon: Si je me souviens bien...
La Présidente (Mme Juneau): ...vous aviez la parole
hier.
M. Gagnon: ...à la fermeture des travaux hier soir...
La Présidente (Mme Juneau): C'est exact.
M. Gagnon: ...c'était à moi à parler,
j'avais le droit de parole. Je ne veux pas me prévaloir de ce droit trop
longtemps. C'est seulement à la suite de l'intervention du
député de Sainte-Marie où l'on s'est aperçu
qu'à 21 h 45 hier soir - ou à 21 h 55 - on avait discuté
sur des choses avec lesquelles tout le monde était d'accord. Ce matin,
je me souviens que la suggestion qui avait été faite par le
député de Sainte-Marie qui a été reprise sous forme
de motion par le député de Saguenay à l'effet d'entendre
la commission et ainsi de suite... Lorsque le ministre est arrivé, hier
soir, il a dit qu'il semblait d'accord à quatre conditions,
c'est-à-dire: premièrement, consulter le ministre responsable de
cette commission; deuxièmement, baliser notre rencontre;
troisièmement, inviter la commission lorsque nous en serons rendus
à étudier les articles qui font l'objet de cette commission;
quatrièmement, limiter le temps. Il est arrivé un amendement, par
la suite, du député d'Outremont qui a dit: Au lieu d'entendre la
commission, c'est le président de la commission. Là-dessus aussi
nous sommes d'accord.
À ce moment-là, j'espérais, ce matin, et
c'était à peu près l'intervention que je voulais faire
hier soir, non seulement qu'on prenne une décision sur l'amendement
seul, mais sur tout le sujet discuté hier soir qui, à mon point
de vue, a duré trop longtemps pour rien parce que nous étions
tous d'accord.
Si on veut commencer le mandat de notre commission qui est
d'étudier article par article, y a-t-il possibilité de disposer
de l'ensemble, du tout?
M. Fréchette: Je n'ai rien à ajouter, Mme la
Présidente, à l'argumentation du député de
Champlain. Cela me semble d'une logique absolument imperturbable. C'est
sans
réserve évidemment que je souscris à la suggestion
du député de Champlain.
La Présidente (Mme Juneau): Merci. M. Cusano: Mme
la Présidente.
La Présidente (Mme Juneau): M. le député de
Viau.
M. Cusano: J'aimerais poser quelques questions au ministre sur
l'amendement qui est devant nous. Est-ce que vous avez eu le temps de faire les
consultations que vous songiez à faire?
M. Fréchette: Est-ce la première question?
M. Cusano: Oui. Je vais y aller au fur et à mesure, si
cela ne vous dérange pas.
M. Raynald Fréchette
M. Fréchette: Je vous dirai, Mme la Présidente,
qu'effectivement c'est un peu le motif pour lequel je n'étais pas ici
à 10 heures précises. J'ai poursuivi la consultation dont je
parlais hier soir. J'indiquais également hier soir que ce serait cet
après-midi, à la reprise de nos travaux, que je serais en mesure
de vous indiquer, de façon précise, l'état de la
situation, mais, si le député de Viau me demande si cette
consultation a été poursuivie, je dois lui dire que oui.
M. Cusano: Avez-vous consulté l'honorable juge
Sauvé depuis hier soir?
M. Fréchette: Mme la Présidente, je veux bien qu'on
continue, comme on l'a fait depuis un an et demi, deux ans, à faire le
procès de tout un chacun, pas d'objection à cela, pas du tout,
mais la réponse à la question du député de Viau,
c'est un non catégorique.
M. Cusano: C'est clair quand c'est un non catégorique.
Est-ce que vous avez songé, puisque vous semblez y être favorable,
à ce que l'on convoque le président? Dans quel délai
seriez-vous d'accord qu'il soit convoqué?
M. Fréchette: Mme la Présidente, le
député de Champlain vient très précisément
de le dire. C'est à l'article 352 - je pense, sous réserve d'une
erreur de mémoire - qu'on amorcerait, normalement, l'étude
article par article de la formation de cette commission d'appel en
matière de santé et sécurité. La logique des choses
m'amenait à la conclusion - c'est toujours l'opinion que j'en ai
à ce stade-ci - que ce serait effectivement à ce moment qu'il
serait indiqué, pour notre commission, d'entendre le président de
la Commission des affaires sociales, si la décision est prise de
l'entendre.
À cet égard, je voudrais simplement ajouter que les
balises, dont vient de parler le député de Champlain, sont
également importantes dans l'ensemble du scénario. Par exemple,
le député de Sainte-Marie qui a été l'initiateur de
cette discussion, par la suggestion qu'il a faite au début de nos
travaux hier... Il faudra, de toute évidence, baliser dans le temps le
témoignage du président de la Commission des affaires sociales,
si on l'entend. Parce que convenons entre nous, Mme la Présidente, que
les discussions que nous avons eues hier, après le dîner, ont fait
dévier considérablement, à mon sens, l'objectif qui
était ou qui semblait, préalablement, visé par les gens
qui ont manifesté le désir que l'on puisse entendre le juge
Poirier. Or, s'il est entendu, il faudra que ce soit à
l'intérieur d'un temps déterminé et il faudra
également que l'on s'entende sur le fait que nous n'allons pas, à
tout bout de champ, procéder à entendre d'autres personnes ou
d'autres organismes, particulièrement ceux qui ont déjà eu
l'occasion de venir en commission parlementaire à travers les
différentes étapes de l'adoption de cette loi.
M. Cusano: M. le ministre, vous accrochez toujours au chapitre
XII en commençant par l'article 352, mais vous semblez oublier
qu'à l'article 2 du projet de loi la commission d'appel y est difinie.
Alors, il me semble qu'il faudrait - si vous êtes vraiment
intéressé à entendre cet organisme ou son président
- au moins que vous nous donniez une garantie qu'on l'entendrait, avant
même d'aborder l'article 2, Mme la Présidente.
M. Fréchette: Mme la Présidente, mon
expérience des débats parlementaires n'est pas ce qu'est celle de
plusieurs autres, mais il me semble que cela ne répugne ni à la
logique, ni à notre règlement qu'arrivant à l'article 2
nous suspendions l'adoption de cet article 2 pour le reporter pour adoption au
moment où nous en arriverons à l'article 352. Je ne pense pas
qu'en adoptant cette position nous ferions quelque entrave que ce soit à
la réglementation.
La Présidente (Mme Juneau): M. le député de
Saguenay.
M. Maltais: Mme la Présidente, si on acquiesçait
directement à la demande du ministre, cela serait d'accepter, au
départ, que la commission d'appel est créée. La raison
pour laquelle nous voulons entendre la Commission des affaires sociales, c'est
que, si on étudie 352 articles avant, dans lesquels le principe de la
commission d'appel est
inclus, cela veut dire qu'on donne notre accord de principe pour le
reste du projet de loi. À partir du moment où on a des
interrogations sérieuses sur la commission d'appel et que tout le monde
est d'accord pour entendre la Commission des affaires sociales, je ne vois pas
pourquoi on ne le ferait pas à cette étape-ci, avant le
début de l'étude du projet de loi. Si on le fait à la fin,
qu'est-ce que vous voulez, on sera obligé de revenir sur certains
articles, car c'est dans une prémisse du projet de loi. Je pense que ce
serait normal qu'on l'appelle dès l'article 2.
La Présidente (Mme Juneau): M. le député de
Champlain.
M. Gagnon: Je constate tout simplement que le débat
recommence et que, à midi ou à 13 heures, je ne sais pas à
quelle heure on va suspendre les travaux, on en sera encore sur le même
sujet. On a perdu une heure trois quarts là-dessus, hier soir. Hier
soir, j'ai écouté les interventions des libéraux;
là-dessus, il n'y avait pas de problème, on était
prêt à entendre la commission au moment de l'étude des
articles, autour de l'article 352. On recommence le débat ce matin. Ce
qui m'a fait mal un peu, c'est quand j'ai entendu le plaidoyer du
député d'Outremont, à la toute fin de la commission, qui
disait: Ce n'est surtout pas un "filibuster" qu'on fait. Mais il faudrait
peut-être s'entendre, si l'on veut avancer; on est tous d'accord et on
recommence le débat qu'on a fait hier soir. Si on veut avancer, pourquoi
ne nous entendrions-nous pas sur les balises? Les balises sont claires, c'est
lorsqu'on arrivera aux articles qui touchent la commission, l'article 352 et
suivants; deuxièmement, s'entendre sur une période de temps.
Alors, est-ce qu'il y a possibilité de régler cela au plus vite
pour qu'on commence à étudier le projet de loi?
La Présidente (Mme Juneau): M. le député de
Dubuc, ensuite M. le député de Châteauguay.
M. Desbiens: Mme la Présidente, le député de
Saguenay parle d'appel, il dit qu'on va décider du principe - le
principe a été décidé en deuxième lecture -
d'une cour d'appel. Quand on parle de cour d'appel, cela ne présume pas
comment sera constituée cette cour d'appel. On peut très bien
discuter des 350 articles qui précèdent et l'appel se fera selon
la cour qui sera déterminée à partir des articles 350 et
suivants.
La Présidente (Mme Juneau): M. le député de
Châteauguay, je lui avais donné la parole.
M. Dussault: Mme la Présidente, merci. Pour
compléter l'intervention du député de Dubuc, il est
évident que le principe de la création d'une cour d'appel
intervient à l'article 352. Alors, cela veut dire qu'on n'aura jamais
tranché ce principe jusqu'à ce qu'on en arrive à cet
article 352. Donc, il n'y a aucun problème à se rendre
jusqu'à l'article 352. Il y a une définition, on ne la tranchera
pas, on va la suspendre tout simplement, Mme la Présidente. C'est cela
qu'on offre.
Je sais que M. le député de Saguenay n'est pas avec nous
depuis longtemps, c'est sans doute quelque chose qu'il a encore à
apprendre, c'est normal; mais c'est peut-être l'occasion de comprendre
que le principe arrive seulement à l'article 352.
La Présidente (Mme Juneau): M. le député de
Viau.
M. William Cusano
M. Cusano: Mme la Présidente, de quoi l'Opposition
a-t-elle voulu tenter de convaincre les ministériels? C'est qu'on a dit,
tout simplement, que la Commission des affaires sociales a une certaine
expertise que peu d'autres organismes ont présentement.
Je voudrais me référer à une brochure de la CSST,
1984, à la page 13, où, justement, on parle de la Commission des
affaires sociales. Je pourrais vous lire tout le texte, mais, enfin, c'est un
cas d'appel devant la Commission des affaires sociales, où la commission
a eu à juger, à savoir si c'était un accident du travail
ou non. Je vais simplement vous lire la conclusion, Mme la Présidente,
où on dit: "Pour ces motifs, la commission a conclu que l'accident en
question s'était produit alors que la victime exerçait une
activité qui lui était personnelle et qui ne pouvait donc
être considéré comme un accident du travail, la victime
n'étant pas un employé de la municipalité." L'appel a
été rejeté. C'est que tout cela, c'est inclus, ce sur quoi
la Commission des affaires sociales a eu à se prononcer. On le retrouve
dès le début. Si vous avez bien écouté mon
intervention, j'ai dit que, s'il y avait un organisme qui avait une expertise
en matière d'accidents du travail, c'est bien la Commission des affaires
sociales et que l'on voulait entendre cet organisme pour qu'il puisse nous
éclairer lorsqu'on arrive... Ce n'est pas simplement la question de la
cour d'appel, ce n'est pas seulement ça. Ce sont tous les autres
articles. On voudrait le savoir, lorsqu'on parle, par exemple, de
l'établissement, un accident du travail comme celui-là qui a
été jugé tel quel. C'est ça qu'on veut savoir de la
Commission des affaires sociales. C'est de voir, justement, quel
problème elle a le droit de régler dans le projet de loi.
Alors, si vous n'êtes pas intéressé à
ça, si vous n'êtes pas intéressé, c'est une autre
question. Mais, si on suit votre esprit d'ouverture, il me semble qu'il serait
très normal, avant même qu'on aborde l'article 1, de convoquer les
personnes qui sont des experts dans la matière. Le ministre, lors des
auditions sur la loi 42, première version, avait accepté la
suggestion, je crois, du Conseil du patronat, qu'on puisse adjoindre des
experts.
Ce n'est pas là la proposition. On veut entendre la Commission
des affaires sociales pour voir ce qu'elle a vécu, elle, en tant que
commission d'appel et, en même temps aussi, nous dire si la structure qui
est proposée comme commission, comme nouvel organisme, est vraiment une
structure qui va améliorer le sort des accidentés.
C'est ça qui est l'esprit de la motion qui est devant nous, Mme
la Présidente. Alors, ceux qui essaient de leur côté une
petite stratégie en disant: Bon, on va y arriver en temps et lieu,
à l'article 352, nous, nous n'avons aucune garantie que ça va
être accepté.
Comme disait mon collègue, le député de Saguenay,
c'est qu'il y a beaucoup d'autres choses dans le projet de loi, justement,
où on pourrait profiter de l'expertise de la Commission des affaires
sociales. C'est pour ça qu'on avait fait la motion. Alors, s'il pense
qu'on est dans un "filibuster", il a droit à son opinion, mais je peux
vous dire une chose, M. le député. C'est que, si on regarde la
brique, environ 200 amendements, alors qu'au début de la deuxième
lecture on me disait qu'il n'y en avait qu'une centaine, une chance que nous
avons pris le temps nécessaire pour permettre au ministre de
réviser son projet de loi avec quelque 200 amendements. C'est quelque
chose de considérable et on voudrait voir quelle est l'opinion de cet
organisme qui a une expertise, une expertise énorme.
C'est pour ces raisons, Mme la Présidente, que je crois qu'il
faut prendre une décision immédiatement. Je suis d'accord que le
ministre soit préoccupé, dans un sens, de ne pas éterniser
le débat. Je n'ai pas l'intention d'éterniser le débat.
Mais je veux être bien informé et je veux que les membres ici de
cette commission soient bien informés, en demandant à la
Commission des affaires sociales, à son président de venir
ici.
Qu'on le limite dans le temps, il n'y a aucune objection. Il n'y a
aucune objection et qu'on le dise tout de suite. Si le ministre est si ouvert
que ça, qu'il propose des amendements, que le côté
ministériel propose des amendements, pour que, justement, le
président soit convoqué pour telle ou telle journée, pour
telle ou telle période de temps. Là, on verra si, d'après
nous, c'est convenable.
La Présidente (Mme Juneau): Vous avez terminé, M.
le député de Viau?
M. Cusano: Oui, pour le moment.
La Présidente (Mme Juneau): M. le député de
Beauharnois.
M. Lavigne: Mme la Présidente, je voudrais remplacer le
député de Saint-Hyacinthe par le député de
Duplessis.
La Présidente (Mme Juneau): Remplacement...
M. Cusano: On s'était mis d'accord, Mme la
Présidente.
La Présidente (Mme Juneau): Oui, ça va.
M. Cusano: II y a un esprit de collaboration de ce
côté-ci.
La Présidente (Mme Juneau): C'est à espérer!
M. le député de Champlain, vous avez demandé la
parole.
M. Gagnon: Je crois que le ministre avait demandé la
parole avant.
M. Fréchette: Oui, j'ai juste...
La Présidente (Mme Juneau): Je m'excuse, M. le
ministre.
M. Fréchette: ...une argumentation à ajouter, Mme
la Présidente, à tout ce qui s'est dit jusqu'à maintenant
et je vous signale, quant à moi, que je n'ajouterai aucun commentaire
à toutes ces argumentations-là.
De la façon dont le député de Viau nous fait ses
représentations ce matin, il a l'air de penser, ou enfin, de souhaiter
que, s'il faut entendre le juge Poirier, nous devrions le faire cet
après-midi ou demain.
J'imagine bien que, si nous prenions cette décision-là, si
le juge, le président de la Commission des affaires sociales en
était informé, il est suffisamment responsable pour prendre le
temps dont il a besoin pour se préparer à venir répondre
à nos questions. En tout cas, si j'étais dans sa position, dans
ses fonctions et qu'on me demandait à une heure d'avis de venir me
présenter devant une commission parlementaire pour répondre aux
questions de tous ses membres, je me considérerais passablement
bousculé. C'est une autre des raisons pour lesquelles la demande, ou
enfin, les balises dont on parle, de procéder à l'adoption de la
motion avec cependant la réserve que le président de la
Commission des affaires sociales serait entendu au moment où nous
entreprendrions l'étude des articles 352 et suivants, c'est un
autre motif pour lequel cela m'apparaît être tout à
fait logique, raisonnable et convenable que l'on procède à son
audition uniquement au moment d'entreprendre l'étude des articles 352 et
suivants.
La Présidente (Mme Juneau): Merci, M. le ministre. M. le
député de Champlain.
M. Gagnon: Pour revenir à la charge, Mme la
Présidente, j'ai l'impression qu'à peu près tout le monde
a écoulé le temps de droit de parole qu'on avait sur cette
motion. Je n'ajouterai rien d'autre que de vous demander d'appeler le vote sur
la motion, de façon qu'on puisse commencer à étudier
article par article le projet de loi.
La Présidente (Mme Juneau): Selon l'article 194, M. le
député de Champlain: "Si aucun amendement n'est proposé
à une motion, tout député qui a la parole peut proposer
qu'elle soit immédiatement mise aux voix. Cette motion ne peut
être amendée." Étant donné que nous avons eu un
amendement hier par le député d'Outremont.
M. Gagnon: J'avais justement lu cet article, mais, si j'ai bien
compris - je pense que oui, j'ai bien compris - l'amendement qu'on avait en
discussion a été automatiquement accepté par tout le
monde. Même s'il n'y a pas eu de vote - je présume qu'il n'y en a
pas eu - si on relit le Journal des débats d'hier soir, je pense que
l'amendement n'a fait l'objet d'aucune discussion. Après l'explication
du député d'Outremont, tout le monde était d'accord. Donc,
je considère que l'amendement est adopté et je considère
qu'on en est rendu à adopter la motion principale.
M. Bisaillon: Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Juneau): M. le député de
Saguenay avait demandé la parole.
Je dois lui donner la parole, je l'avais reconnu d'ailleurs.
M. Maltais: Mme la Présidente, je pense que le ministre a
peut-être mal interprété mes paroles tout à l'heure.
Ce que je dis, c'est que, dans les articles 1 à 352, il y a tout le
principe d'acceptation d'une commission d'appel et qu'on regarde seulement, par
exemple, le chapitre III, de 41 à 55, à l'heure actuelle, c'est
là que les problèmes se posent à la Commission des
affaires sociales par rapport à cette commission d'appel. C'est un droit
fondamental au niveau des travailleurs. Il est vrai que je n'ai pas huit ans
d'expérience de parlementaire, peut-être que dans l'avenir on
l'apprendra. Cependant, il y a une chose qui est bien claire: C'est qu'on est
ici pour légiférer pour des citoyens qui sont lésés
et c'est à ce titre-là qu'on entend le faire. Peu importe ce que
les membres d'en face puissent en penser, cela ne nous empêchera pas de
faire notre travail adéquatement. Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Juneau): M. le député de
Sainte-Marie.
M. Guy Bisaillon
M. Bisaillon: Mme la Présidente, je voudrais juste - en
espérant que cela va accélérer les choses - indiquer que
l'argumentation du député de Viau m'amène à
conclure finalement dans le même sens que le ministre. Le
député de Viau nous soulignait qu'hier le ministre a
déposé 200 amendements. Il me semble évident que, si on
veut entendre le président de la commission, si on veut que cette
comparution du président de la commission soit valable, même si on
décidait entre nous que c'est absolument avant l'article 2 que cela doit
se faire, il me semble que ça ne serait pas réaliste de penser
que le président de la commission peut, en si peu de temps, passer
à travers les 200 amendements et voir à quel point cela change,
cela modifie le projet de loi qu'il a sûrement déjà lu. Je
trouve qu'on pourrait rapidement adopter le principe et demander au ministre
responsable du projet de loi ainsi qu'au responsable de l'Opposition de
s'entendre sur le moment où cela devrait être fait. Je pense qu'on
peut adopter le principe maintenant et, après cela, demander au ministre
et au responsable de l'Opposition de s'entendre sur le moment. Si, en cours
d'étude article par article, on se rendait compte qu'il est
préférable de suspendre un article en attendant le
président, cela se fait toujours. Je suis pas mal certain qu'à ce
moment on pourrait avoir la collaboration du ministre et des
députés ministériels à cet effet. (10 h 45)
Je pense qu'on devrait, maintenant qu'on a fait le tour de toute la
question, adopter le principe de la motion du député de Saguenay
et demander au ministre qu'il s'entende avec l'Opposition sur le moment
où cela devrait être fait, en convenant, cependant, que, si on
rencontre des articles, au moment de l'étude article par article, qui
posent un problème et qu'on aimerait soumettre au président de la
Commission des affaires sociales, on les suspendra.
La Présidente (Mme Juneau): M. le député de
Viau. Pardon, M. le ministre, est-ce que vous aviez demandé la
parole?
M. Raynald Fréchette
M. Fréchette: Mme la Présidente, je dois vous
signaler que je suis tout à fait
d'accord avec la suggestion que le député de Sainte-Marie
vient de nous soumettre. La seule réserve que j'ai, et elle ne s'adresse
pas à lui, mais à la conséquence des suggestions qu'il
fait, c'est que je voudrais bien que l'on convienne, ici à cette table,
dès maintenant, de ce genre de balise dont on parle.
Cela ne serait pas, quant à moi, tellement compliqué
d'arriver à les identifier et si on peut s'entendre sur ces balises, je
vous réitère qu'on va adopter la motion rapidement et qu'on
pourra passer à autre chose.
Quelles pourraient être les balises? En termes de temps, par
exemple, pour ce qui nous concerne très spécifiquement et ce qui
concerne le président de la Commission des affaires sociales, il me
semble qu'à l'intérieur d'une période de deux heures on
pourrait être suffisamment informé sur les choses qu'on a besoin
de savoir.
Deuxièmement, il nous faut, de toute évidence, avoir cette
assurance qu'en acceptant la motion cela n'ouvrira pas la porte à toute
espèce de motion de même nature pour faire venir ici les autres
groupes qui ont pu être entendus en commission parlementaire.
C'est à l'intérieur, donc, de ces deux balises et,
évidemment aussi, il faut laisser au juge Poirier le temps
nécessaire pour se préparer. Et, comme le suggère le
député de Sainte-Marie, si, de l'article 1 à l'article
352, il y a des articles qui se réfèrent à la commission
d'appel, nous les suspendrons purement et simplement jusqu'à ce que le
juge Poirier ait été entendu.
Mme la Présidente, je pense qu'on est allé aussi loin
qu'on pouvait aller et je souhaite entendre maintenant la réaction de
nos collègues de l'Opposition sur ces suggestions. Un seul autre
commentaire, Mme la Présidente. Il faudrait aussi que ce soit
très clair entre nous que les motifs pour lesquels le président
de la Commission des affaires sociales viendrait devant nous sont des motifs
strictement reliés à la matière qui nous occupe. Il ne
faudrait pas, évidemment, qu'on entreprenne ici de faire
l'évaluation de toutes les activités de la Commission des
affaires sociales.
M. Bisaillon: C'est dans la motion, cela. Pour être
honnête avec le proposeur, c'est dans sa motion.
M. Fréchette: Enfin, trop fort ne casse pas.
M. Bisaillon: Oui, je comprends, mais des fois trop fort
allonge.
M. Fréchette: Je suis tout à fait d'accord.
La Présidente (Mme Juneau): M. le député de
Viau, vous aviez demandé la parole.
M. Cusano: Mme la Présidente, je suis d'accord avec les
propos du ministre, mais j'aimerais avoir une certaine garantie; il parle de
deux heures. Cela veut dire qu'en l'espace de deux heures le président
aurait à faire une présentation. D'après
l'expérience qu'on a vécue ici aux commissions parlementaires,
lorsqu'on parle, justement, d'un sujet aussi important, il me semble que deux
heures, considérant l'exposé du président plus les
interventions d'un côté et de l'autre de la table, cela ne nous
donne pas beaucoup de temps. Qu'il consente, par exemple, qu'on
établisse que la présentation du juge Poirier soit d'une heure,
que deux autres heures supplémentaires soient allouées et que ces
deux heures soient partagées: une heure du côté
ministériel et une heure du côté de l'Opposition, cela
m'irait.
M. Bisaillon: II y en a deux.
M. Cusano: II y a deux Oppositions. Dans ce cas, M. le
député de Sainte-Marie, je suis prêt à partager et
même à demander un peu plus de temps. Je ne voudrais pas qu'on
passe à travers une action et, à la fin, qu'on s'impose
soi-même une guillotine. Je pense que ce serait important et j'aimerais
savoir du ministre si, dans son esprit d'ouverture, justement, il pouvait nous
indiquer... Si le juge Poirier, même dans le temps qu'on lui accorde,
prend plus de temps pour faire son exposé, je pense qu'il serait gentil
de le laisser faire son exposé. Encore une autre suggestion, M. le
ministre. Que le juge fasse son exposé et, par après, que l'on
prenne deux heures pour lui poser des questions. Cela va. Parce que de lui dire
qu'il va avoir 30 minutes pour faire une présentation, je pense qu'on
commence à imposer pas mal de choses. Si le ministre est d'accord, je
vais lui donner l'accord en principe justement. Qu'il convoque ou qu'il demande
au juge Poirier, justement, de se préparer. Je suis d'accord avec
quelque 200 articles ici qui sont amendés.
Il serait peut-être préférable que le ministre
renvoie une réimpression de la réimpression du projet de loi au
juge Poirier pour qu'il puisse vraiment se préparer adéquatement.
Laissant la liberté au juge de se préparer et de nous dire
à un certain moment: Je suis prêt à venir vous rencontrer,
parfait. Nous, ici, qu'on s'entende sur le partage du temps du
côté ministériel et du côté de l'Opposition et
des indépendants. Sur ça, Mme la Présidente, je suis
complètement ouvert.
La Présidente (Mme Juneau): Vous avez terminé,
monsieur. M. le ministre.
M. Fréchette: Je vais faire un autre bout. Là je
vous signale que c'est vraiment le dernier. Cela veut dire quoi?
M. Bisaillon: En négociations, il ne faut jamais dire
cela.
M. Fréchette: Moi je serais disposé à
retenir la suggestion du député de Viau, que l'enveloppe de temps
soit de trois heures au lieu de deux. Maintenant, il n'y a rien qui implique
que de toute évidence le président de la Commission des affaires
sociales doive faire une présentation d'une heure. Il peut bien faire
une présentation d'une demi-heure, une présentation de quinze
minutes, une présentation de 20 minutes, il peut ne pas en faire du tout
et se déclarer à la disposition des membres de la commission pour
que l'on procède à l'interroger sur les renseignements qu'on veut
avoir. Si on peut s'entendre, au sujet du délai maximum de la
présentation, si le président de la Commission des affaires
sociales veut effectivement en faire une, ce serait d'une heure. S'il en fait
une et qu'elle est de quinze minutes, les représentants des deux partis
- et là je ne sais pas comment on va répartir cela pour
l'Opposition circonstancielle - pourraient avoir une enveloppe d'une heure
chacun pour procéder à obtenir des renseignements du juge
Poirier. Cela veut dire que cela peut durer au maximum trois heures et au
minimum deux heures. C'est le compromis que je suggère aux membres de la
commission.
La Présidente (Mme Juneau): II me semble que tout le monde
est d'accord. Personne...
M. Cusano: Dernière question. C'est que si je comprends
bien, vous allez communiquer avec le juge Poirier, c'est ça? Bon,
ça va être le secrétariat justement qui dira que l'on
désire le rencontrer. Dans la communication, vous allez justement lui
expliquer...
M. Fréchette: Lui expliquer? Je n'ai absolument rien,
quant à moi, à lui expliquer.
M. Cusano: C'est-à-dire de l'informer au moins combien de
temps il aurait à sa disposition.
La Présidente (Mme Juneau): M. le député de
Viau, je m'excuse de vous interrompre, mais je pense que c'est le travail de la
commission de faire cela et on pourrait après cela vous informer.
M. Cusano: C'est bien.
La Présidente (Mme Juneau): Si vous êtes d'accord
sur le principe.
M. Cusano: Je suis d'accord sur le principe.
La Présidente (Mme Juneau): À ce moment, est-ce que
la motion principale est adoptée, d'une part? Est-ce que l'amendement du
député d'Outremont est adopté?
Des voix: Adopté.
La Présidente (Mme Juneau): Adopté. Maintenant,
nous devons . baliser tel que le ministre l'a dit. Nous convenons que c'est
trois heures maximum que le juge Poirier sera ici pour être entendu.
Est-ce que tout le monde est d'accord avec cela?
Une voix: D'accord.
La Présidente (Mme Juneau): D'accord. Aussi, le moment
où on va inviter le juge est à l'article 352 du projet de loi 42.
Est-ce que tout le monde est d'accord pour cela?
M. Cusano: Cela va. C'est-à-dire, que si je comprends bien
le ministre, il va vouloir...
M. Bisaillon: Étant donné, Mme la
Présidente, que vous avez souligné que la commission va informer
le juge Poirier du désir qu'elle exprime de le rencontrer, les
discussions peuvent se poursuivre entre le ministre et l'Opposition officielle.
Ne serait-il pas préférable de suspendre les articles ayant une
référence, selon l'entente qu'on a eue, tout simplement de
laisser cet aspect de côté, de ne pas préciser à
quel article on veut l'avoir?
M. Fréchette: Au moment jugé opportun.
M. Bisaillon: Au moment jugé opportun par les parties.
La Présidente (Mme Juneau): Nous devons convenir aussi,
tel que le ministre l'a proposé tout à l'heure, qu'il y ait une
heure maximum pour le juge Poirier et deux heures réparties pour
l'ensemble des membres de la commission. Est-ce que c'est exact? Est-ce que
tout le monde est d'accord avec cela?
Une voix: Oui, cela va.
M. Cusano: Mme la Présidente. Excusez-moi.
La Présidente (Mme Juneau): On m'informe qu'après
convocation du juge, on pourra à ce moment-là, fixer la date et
les convenances, tel qu'entendu.
M. Cusano: Sur la question de
commencer cela à l'article 352, c'est que...
M. Fréchette: C'est cela, on vient de dire que ce serait
en temps opportun.
M. Cusano: En temps opportun, exactement. Et, on va se rencontrer
en arrière du trône, j'espère, M. le ministre, pour savoir
quel est le temps opportun, après avoir eu la réponse
du...
M. Fréchette: De toute évidence, Mme la
Présidente, il va falloir qu'on se parle à un moment
donné.
M. Cusano: C'est bien.
M. Desbiens: C'est évident. On peut se parler devant le
monde.
M. Cusano: Cela va.
La Présidente (Mme Juneau): Au moment présent,
c'est que la commission convoquera le juge Poirier et en temps opportun, le
juge sera là pour répondre aux questions des membres de la
commission.
M. Cusano: Cela va.
La Présidente (Mme Juneau): Est-ce que c'est cela?
M. Gagnon: On passe à l'article 1.
La Présidente (Mme Juneau): Bon, c'est très
bien.
Est-ce que l'on peut convenir que les remarques préliminaires
sont maintenant terminées et que nous débutons sur l'article 1 de
la loi 42. Exact? Merci, messieurs.
Étude détaillée Objet
Est-ce qu'il y a des députés qui souhaiteraient intervenir
sur l'article 1 ou si nous convenons qu'il est adopté? Ah! oui.
M. Fréchette: Cela s'engageait.
La Présidente (Mme Juneau): Vu que cela allait bien.
M. Cusano: Bien sûr, ce serait juste pour les
arrêter.
La Présidente (Mme Juneau): M. le député de
Viau, vous avez la parole.
M. Cusano: J'aimerais, lorsqu'on parle de l'article 1, Mme la
Présidente, poser des questions au ministre, s'il me le permet. C'est
sur le mot "consolidation". Est-ce que le ministre peut nous expliquer ce que
veut dire le mot "consolidation" dans le sens du projet de loi?
La Présidente (Mme Juneau): Vous avez terminé, M.
le député?
M. Cusano: Est-ce que vous voulez que je pose toutes les
questions sur l'article...
M. Fréchette: Non. Là, si je comprends bien, on
entreprend l'étude de l'article 1 du projet de loi?
M. Cusano: C'est cela. M. Bisaillon: C'est bien.
M. Fréchette: Déjà une première
question qui m'est soumise par le député de Viau. Ce qu'il me
demande, c'est de lui indiquer quelle serait la définition du terme
"consolidation".
Evidemment, la première source de référence pour
répondre à cette question, on va tous convenir que c'est dans le
dictionnaire qu'on peut la retrouver. La définition du Petit Robert de
l'édition 1979, à la page 373, est la suivante: "rapprochement et
soudure de parties accidentellement séparées. Consolidation d'une
fracture. Stabilisation d'une maladie ou d'une lésion."
Alors, on ne peut pas ajouter ni retrancher à ce genre de
définition. (11 heures)
Maintenant, je vous signale que nous avons eu de longues discussions
avec le monde médical pour obtenir son appréciation quant
à la définition qu'il fallait donner au terme "consolidation" et
je ne vais pas vous répéter , les expressions qu'eux-mêmes
utilisent, mais plutôt la signification qu'on retient de leur
définition. La consolidation d'une lésion professionnelle, qu'il
s'agisse d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, ce serait
l'étape où en arrive une personne et après laquelle,
aucune amélioration n'est possible. En d'autres mots, la
réadaptation physique est complétée. C'est, encore une
fois, à partir des observations du monde médical que cette
définition est retenue. Je ne sais pas si c'est suffisant ou si le
député de Viau souhaite...
M. Cusano: Concernant la consolidation, est-ce qu'on pourrait
nous dire, sur le plan médical, si c'est une définition qui est
très précise? Quand y a-t-il consolidation? Je sais que le
ministre n'est pas médecin, mais j'aimerais savoir. Est-ce que c'est un
moment où il n'y a plus rien à faire sur une lésion ou un
moment où c'est complètement guéri? C'est cela que je veux
savoir.
M. Fréchette: Mme la Présidente, le
député de Viau a été prudent de signaler que
je n'étais pas médecin. Je vais, encore une fois, à
partir de mon appréciation à moi, de mon évaluation et de
la connaissance très limitée que j'ai d'un
phénomène comme celui-là, lui dire que la consolidation
c'est, effectivement, l'étape après laquelle il n'y a pas de
possibilité d'amélioration de la condition d'une personne. En
d'autres mots, donnez les soins que vous voudrez, soumettez cette personne
à quelque traitement que ce soit, cela ne pourra pas améliorer sa
situation et cela répond à la deuxième question du
député de Viau.
Cela veut dire aussi que quelqu'un, par exemple, qui est affecté
d'une incapacité partielle permanente de 10%, si l'incapacité est
permanente, la consolidation va arriver au moment où les médecins
vont évaluer que cette incapacité est là, qu'elle est
là pour durer et que la guérison complète ou totale n'est
pas possible. C'est dans ce sens que l'on parle de consolidation. Cela nous
ramène, encore une fois, à la définition du dictionnaire
le Petit Robert, qui donne de la consolidation une définition qui
réfère à la médecine légale et qui dit ce
que je vous signalais tout à l'heure: C'est la stabilisation d'une
lésion à la suite d'un traitement, état
séquellaire, non susceptible d'amélioration.
M. Cusano: Mme la Présidente, cela va pour le moment.
La Présidente (Mme Juneau): M. le député de
Sainte-Marie.
M. Bisaillon: Mme la Présidente, mes interrogations sur
l'article 1 sont beaucoup plus sur la capacité qu'on peut avoir au
moment où on se parle, d'adopter l'article 1. Si je le lis correctement,
cet article présente les objets du projet de loi, mais son adoption
supposerait que je suis d'accord avec chacune des modalités qui y sont
contenues, en particulier le paiement d'indemnités de remplacement du
revenu, d'indemnités pour dommages corporels et, le cas
échéant, d'indemnités de décès. Cela
présume de toute une discussion qui va avoir lieu plus loin. Il me
semble qu'on devrait plutôt faire cette discussion et par la suite,
revenir à l'article 1. Je dis cela, M. le ministre, en pensant aussi
à toutes les définitions qui vont suivre. Il y a deux
orientations possibles. Je sais que vous avez déjà fait des
négociations et il arrive très souvent que les définitions
soient la dernière chose qu'on règle dans une convention
collective. On s'entend. On fait d'abord les débats de fond, on s'entend
sur une formulation de clauses. Par la suite, on donne les définitions
selon l'utilisation qu'on en a faite. Donner des définitions d'abord et,
après cela, discuter d'un texte, si on apporte des amendements, cela
peut ne pas être concordant, è un moment donné. Or, de la
même façon, je trouve que l'article 1 nous fait entrer dans un
débat de fond qui n'est pas fait. Et adopter l'article 1, même si
c'est l'objet de la loi... Cela me rend mal à l'aise, en tout cas, de
procéder à l'adoption d'un article, qui contient des
modalités dont on va avoir à discuter plus tard, sans savoir
comment cette discussion va ressortir, sans savoir s'il n'y aura pas des
modifications apportées, sans savoir si les calculs et l'analyse qu'on
pourrait faire ne nous amèneront pas à modifier cet aspect du
projet de loi.
M. Fréchette: Mme la Présidente, je trouve
l'argumentation du député de Sainte-Marie fort
intéressante, mais je vous signale que j'ai beaucoup de
difficultés à y souscrire.
Je ne comprendrais pas pourquoi et comment il faudrait que l'adoption de
l'article 1, qui est un article d'orientation générale, de
description des objets de la loi, je ne comprendrais pas comment, si on
l'adoptait, cela nous lierait à l'égard de certains autres
mécanismes qui sont prévus dans la loi comme, par exemple,
là je prends l'exemple très précis qu'utilise le
député de Sainte-Marie, la reconnaissance du fait que nous allons
retenir, lorsque nous y arriverons, le mécanisme d'indemnité par
voie de remplacement du revenu. Si nous arrivons à l'étape qui
prévoit que la réparation, en termes strictement
économiques, doit se faire par l'indemnité de remplacement du
revenu et que les membres de la commission décident de rejeter ce
mécanisme-là, comment voulez-vous qu'on soit lié par
l'application d'un mécanisme qui ne serait pas adopté parce qu'on
aurait, dans un article très général, indiqué un
objet d'application de la loi, lequel objet ne serait pas retenu. En d'autres
mots, je ne vois pas comment on est lié de la façon dont
l'explique le député de Sainte-Marie. J'aimerais avoir un peu
plus de détails là-dessus.
M. Bisaillon: Le ministre me donne un peu raison dans son
argumentation, Mme la Présidente. L'article 1, c'est l'objet de la loi.
L'objet de la loi, c'est la réparation des lésions
professionnelles et des conséquences qu'elle entraîne pour les
bénéficiaires. C'est l'objet de la loi. Tout le reste, ce sont
des mécanismes, des moyens qu'on utilise pour arriver à
répondre à l'objet de la loi, qui est de réparer les
lésions professionnelles. Je dis que le deuxième paragraphe, ce
n'est pas de l'ordre de l'objet de la finalité, c'est de l'ordre du
moyen. Et le fait de l'inclure dans l'article 1 avec la mention objet, cela me
lie au niveau de la discussion que je vais faire sur les moyens. Parce que si
je ne retiens pas les moyens... Le ministre me dit: Si vous ne retenez pas le
moyen, on n'aura qu'à
faire l'ajustement du deuxième paragraphe de l'article 1. Ce que
je dis, c'est que l'article 1 a comme titre "objet". Ce qu'il faut que
j'adopte, à ce niveau, c'est la finalité du projet de loi, ce
qu'il vise ultimement, et c'est la réparation des lésions
professionnelles. Là-dessus, tout le monde va s'entendre.
Comment? Cela est une autre chose. La preuve que c'est une autre chose,
c'est qu'on va retrouver dans le projet de loi plusieurs articles qui vont nous
dire comment cela va se faire, justement. Le fait de l'adopter maintenant,
c'est me lier sur les moyens. Ce que je pourrais par la suite, vous dire: Le
paiement d'indemnités de remplacement du revenu n'est pas suffisant;
mettez-en un peu plus, mettez-en moins. Je pourrais discuter sur les
modalités du paiement de revenu. Mais si je l'adopte dans l'objet, le
paiement de revenu devient un objet de la loi et m'empêche, par la suite,
de discuter du moyen.
En tout cas, je pense que l'argumentation même du ministre nous
indiquait que lorsqu'on réfère aux indemnités de
remplacement du revenu, on réfère à un moyen qu'on prend
pour répondre à l'objet de la loi, qui est, véritablement,
seulement le premier paragraphe de l'article 1.
M. Fréchette: Mme la Présidente, dans la même
foulée de l'argumentation du député de Sainte-Marie,
à supposer que, lorsqu'on arrivera au chapitre des moyens dont il parle
et, plus précisément, au chapitre qui parle d'une
indemnité de remplacement du revenu, l'on ne retienne pas l'objet dont
on parlait à l'article 1, qu'on modifie par exemple ce moyen, qu'on
décide, au lieu d'introduire la notion et le principe du paiement
d'indemnités de remplacement du revenu, de conserver - là, je
parle strictement pour les fins de la discussion - le mécanisme actuel
de réparation sur le plan strictement économique, qu'est-ce qui
nous empêcherait, à ce moment, Mme la Présidente, de faire
le réajustement qui s'impose à l'article 1?
C'est dans ce sens-là que je réitère mon opinion,
que d'adopter l'article 1, comme il se retrouve au projet actuel, ne nous lie
pas juridiquement, ni autrement quant à l'opportunité de
procéder à des changements sur l'un ou l'autre des moyens qui ne
sont qu'identifiés à l'article 1. On ne parle pas, à
l'article 1, des modalités d'application de chacun des moyens qui sont
identifiés. Alors, je ne vois pas, Mme la Présidente, comment
l'argumentation du député de Sainte-Marie pourrait être
retenue à ce stade-ci. Si c'était ça, ça voudrait
dire que, si on prend le deuxième paragraphe de l'article 1, à
toutes fins utiles, il n'y a rien à faire. Je veux dire, on ne peut pas
l'adopter, l'article 1, tant et aussi longtemps qu'on n'aura pas disposé
de tous les moyens auxquels il réfère.
Enfin, si on pousse l'argumentation jusqu'au pied de la lettre, ce n'est
pas illogique d'arriver à cette conclusion-là.
M. Bisaillon: Je termine mon intervention, Mme la
Présidente - ce sera la seule que je vais faire sur l'article 1, de
toute façon - en disant que des articles de loi, ça doit
répondre aux titres qu'on leur donne. Là, on parle des objets de
la loi. L'objet de loi, c'est la réparation des lésions
professionnelles. C'est le droit et la reconnaisance du droit au retour au
travail. Cela, c'est vraiment les objets. Le reste, c'est comment on va y
arriver. Je vais dire au ministre: Le premier et le troisième
paragraphes de l'article 1, pour moi, sont de l'ordre des objets. Comment se
fait-il qu'il n'a pas ajouté un quatrième paragraphe, pour nous
expliquer le processus disant comment on va assurer le droit au travail? Il
aurait pu faire ça et ça aurait répondu exactement au
deuxième paragraphe, quand il nous explique le processus qu'on va
utiliser pour réparer les lésions professionnelles.
Je ne sais pas si je me fais bien comprendre. Premier paragraphe, on
dit: L'objet de la loi, c'est la réparation des lésions
professionnelles. Deuxième paragraphe, on dit - les grands titres disent
comment on va faire pour réparer les lésions
professionnelles.
Deuxième objet qu'on retrouve dans l'article 1, c'est le droit de
retour du travailleur, le droit de retour au travail du travailleur. Mais
là, on ne nous dit pas comment, on ne nous explique pas de processus, on
ne nous dit pas ce que va être les moyens utilisés. On va le
retrouver au chapitre 7 de la loi.
Pourquoi n'a-t-on pas procédé comme ça pour la
réparation des lésions professionnelles? C'est juste ça
que je dis. Dans ce sens-là, je dis: On peut adopter les deux principes,
suspendre le processus et, puis, quand on aura discuté les moyens, on
reviendra là-dessus. Mais, techniquement, je vous dis en plus de
ça que, normalement, on ne devrait pas le retrouver là, le
deuxième paragraphe.
Maintenant, ce n'est pas une question de... Je comprends que le ministre
a dit: Si la discussion de fond sur les moyens amenait des changements, on
l'enlèvera. On fera les concordances. Je suis d'accord avec ça.
C'est habituellement aussi comme ça qu'on procède. Je n'ai pas
d'objection, sauf que j'indique qu'à l'article 1, on en fait un objet.
Le moyen, est-ce que c'est un principe? Est-ce qu'on est lié...
Après la deuxième lecture, on est lié par les principes
qui ont été votés par l'Assemblée nationale, en
commission parlementaire.
Est-ce que le moyen qui a été retenu, c'est ça, le
principe? Si on le retrouve à
l'article 1, je crains qu'à un moment donné, quand on va
discuter du moyen, je me fasse servir ça comme argument. J'aime autant
le dire maintenant. J'aime autant dire, ça, c'est de l'ordre des moyens,
puis ce n'est pas un objet de la loi. Donc, c'est discutable, ici, article par
article, et c'est modifiable. On n'est pas lié par la question de
principe votée par l'Assemblée nationale, parce que c'est de
l'ordre du moyen. Si je ne le dis pas maintenant, Mme la Présidente,
rendu aux articles qui vont parler des processus, je pourrais me faire dire:
C'est une question de principe votée par l'Assemblée nationale,
puis on ne peut pas revenir là-dessus. Je pense que ce ne serait pas
correct d'entrer dans l'étude du projet de loi avec cette attitude
d'esprit.
C'est juste pour ça que je vous dis que, d'après moi, il
vaudrait mieux suspendre le deuxième paragraphe, adopter le premier et
le troisième, et quand on aura discuté des moyens, là, on
l'endossera.
M. Fréchette: Mme la Présidente, je ferai, quant
à moi aussi, une dernière observation. Le député de
Sainte-Marie l'a souligné dans la dernière intervention qu'il
vient de faire, je pense qu'on est beaucoup plus devant une question d'ordre
technique qu'une question de fond. Son objection, encore une fois, concerne
beaucoup plus la forme que le fond. Je continue de prétendre, à
tort ou à raison, que le fait d'adopter le paragraphe 2 de l'article 1
ne nous placerait pas devant l'éventualité de difficultés
comme celles dont parle le député de Sainte-Marie. Je vous
signale que c'est mon appréciation ou mon interprétation. (11 h
15)
La Présidente (Mme Juneau): Merci, M. le ministre. M. le
député de Saguenay.
M. Maltais: Mme la Présidente, malgré le savant
plaidoyer de mon collègue de Sainte-Marie, j'ai l'impression qu'on devra
vivre avec les moyens à l'intérieur des objets.
Tout à l'heure, à une question du député de
Viau, le ministre a donné quand même une définition
très importante du mot "consolidation" et les arguments qu'il a
ajoutés autour du mot "consolidation" prouvent de toute façon et
sans équivoque l'importance dans les moyens.
À ce stade, je ne sais pas si le ministre accepterait qu'on
retrouve la définition du mot "consolidation" à l'article 2.
Puisqu'on trouve déjà le mot "lésion" qui explique
très bien ce que sont des lésions, en contrepartie, si on trouve
le mot "lésion" et sa définition on devrait, pour simplifier la
compréhension de la loi, inclure aussi la définition de
"consolidation".
La Présidente (Mme Juneau): Pour le moment.
M. Fréchette: L'information qu'on me transmet, Mme la
Présidente, c'est que lorsqu'on retrouve dans les dictionnaires ou les
ouvrages appropriés une définition qui rencontre les objectifs
que l'on vise, comme dans ce cas-ci la consolidation au sens strictement
médical du terme, il n'est pas nécessaire, sur le plan de la
technique législative, de l'inscrire dans la loi, les gens devant
interpréter et appliquer la loi se référant à cette
définition que l'on retrouve dans les ouvrages qui donnent des
définitions du terme dont on parle. C'est la raison pour laquelle il ne
serait pas techniquement indiqué sur le plan législatif
d'inscrire, dans la loi, une définition du terme "consolidation".
M. Maltais: Sauf que, M. le ministre, à ce moment, on
laisse la porte ouverte à différentes interprétations,
puisque dans le Petit Robert, on donne une interprétation et plus on
consultera d'avocats sur le mot plus on aura d'interprétations qui
tourneront véritablement autour du pot, définitivement.
Je ne vois pas pourquoi, par exemple, si on accepte d'établir le
mot "lésion", qu'est-ce qu'une lésion, dans la loi, on inclut ce
qu'est une lésion professionnelle, une maladie professionnelle. A partir
du moment où on accepte d'inclure dans la loi la définition de
"lésion" on devrait, en contrepartie, accepter finalement de donner une
définition à "consolidation" qui, en vertu de l'article 1, se
rattache directement à la réparation.
M. Fréchette: Je vais répondre à la question
du député de Saguenay de la façon suivante, Mme la
Présidente, en reprenant un tout petit peu l'argumentation
préliminaire que j'ai faite. On retrouve la définition du terme
"lésion" dans la loi très précisément parce
qu'aucun dictionnaire, aucun ouvrage spécialisé ne donne une
définition du terme lésion dans le sens de son application qu'on
doit retrouver dans une loi sur la réparation des accidents du travail.
Vous n'allez trouver nulle part, dans aucun ouvrage, une définition du
terme "lésion" en fonction de l'application d'une loi comme
celle-là. Au niveau de la consolidation, on ne peut pas y faire des
particularités. La consolidation, en terme médical, est la
même pour toutes les circonstances tandis que pour le terme
"lésion" - c'est la raison pour laquelle on le définit - il y a
des particularités qu'il faut attacher à la définition
pour les fins de l'application d'une loi spécifique et, dans le cas qui
nous occupe, la loi sur la réparation des accidents du travail.
M. Maltais: Maintenant, est-ce que, dans votre définition
du mot "consolidation",
vous y voyez la même implication au niveau d'une lésion
d'un travailleur et d'une lésion d'un professionnel qui est soumis
à la loi?
M. Fréchette: Je ne vois pas comment et pourquoi on
commencerait à faire des distinctions en fonction des termes, selon que
la victime de l'accident - ou, parlons plus généralement, de la
lésion professionnelle -est un travailleur de tel secteur
d'activité plutôt que de tel autre secteur d'activité. Je
m'excuse, je n'ai peut-être pas suffisamment bien saisi la question du
député de Saguenay, mais on ne va certainement pas commencer
à faire des définitions différentes qui vont s'appliquer
à différents secteurs de travailleurs.
M. Maltais: Ce que je voulais dire, M. le ministre, c'est qu'il y
a différentes sortes d'accidentés, de travailleurs, qui sont
régis par la présente loi. Il y a, par exemple, les personnes
cléricales et celles de manoeuvre. Au niveau de la réparation, au
niveau du mot "consolidation", est-ce que la même définition va
être appliquée?
M. Fréchette: Ecoutez, je vais sans doute me
répéter. La consolidation chez une secrétaire de bureau
qui se serait, par exemple, versé une cheville au travail, se serait
cassé une jambe, peu importe, pourquoi faudrait-il que ce soit, en
termes de définition, différent lorsqu'on l'appliquerait à
un travailleur d'usine ou à n'importe quel autre genre de travailleur
qui aurait eu la même blessure?
M. Maltais: Je suis bien d'accord mais vous allez vous en tenir
à cette définition. Merci. C'est très important parce
qu'il y a d'autres articles qui se rapportent à ce mot et, au cours de
l'étude du projet de loi, il sera très important de ne pas
changer d'idée en cours de route. Très important.
M. Fréchette: Je pense qu'on s'entend bien
là-dessus.
M. Maltais: Oui, bien. Je m'entends sur la version que vous me
donnez présentement.
La Présidente (Mme Juneau): L'article 1 est-il
adopté? Non? M. le député de Brome-Missisquoi.
M. Paradis: Oui, Mme la Présidente. J'aimerais strictement
poser au ministre un problème qui peut devenir majeur. Pour
éviter justement un des fléaux que vivent les accidentés
du travail présentement, on en arrive à une situation où
cela prend deux ans, deux ans et demi, trois ans, trois ans et demi, quatre ans
avant d'être entendu au dernier palier. Je pense que plus le projet de
loi sera clair, plus les termes en seront définis, moins on risque
d'encombrer le système aux trois paliers. Si on ne retrouve, et à
moins qu'on ait des indications contraires... Est-ce que vous allez être
ministre? Non?
M. Fréchette: Puis-je prendre deux secondes?
M. Paradis: Oui, pas de problème.
M. Fréchette: Je m'excuse. Cela va. Pardon?
M. Bisaillon: Les cas de comté, cela se règle
ailleurs.
M. Fréchette: C'est un cas national.
M. Paradis: M. le ministre, vous savez que moins les termes sont
définis, plus il y a de place à l'argumentation, plus il y a de
place aux délais, plus on risque de retrouver un encombrement du
rôle, qu'il s'agisse de la nouvelle commission ou des premiers paliers.
L'expérience qu'on a vécue dans les lois du travail où on
tente de plus en plus, à partir d'une jurisprudence maintenant connue,
de rendre les choses claires pour éviter les procès et pour
éviter que les avocats plaident sur la signification des mots...
On me dit que le terme "consolidation" utilisé au paragraphe 2 de
l'article 1 n'a aucun sens médical établi par une jurisprudence.
Si je fais erreur, le ministre peut me corriger.
On me dit que le terme "consolidation" n'a aucun sens juridique
établi par la jurisprudence. On ne retrouve pas la définition de
ce mot à l'article suivant de la loi.
On me dit qu'aucune autre province canadienne n'utilise cette notion,
que le mot n'est pas défini en termes de principe. Si ces informations
sont exactes, M. le ministre, vous savez ce qui va se produire sur le plan
pratique. Tant au premier niveau qu'au niveau de la révision
administrative, qu'au niveau de l'appel, que ce soit la commission ou le
tribunal d'appel, il va falloir établir, par la jurisprudence, une
définition de ce que consolidation veut dire. Les avocats vont prendre
le dictionnaire Larousse, d'autres le dictionnaire encyclopédique
médical Untel, d'autres le Petit Robert, etc., et vont argumenter, vont
plaider jusqu'à ce que la commission d'appel rende finalement des
décisions sur cette notion. Est-ce que vous ne trouvez pas qu'il serait
plus sage pour atteindre les buts que vous recherchez et que sans doute on
recherche tous comme parlementaires, pour éviter des délais de
plaidoiries où on cherchera à dire: Le législateur,
lorsqu'il a utilisé le mot "consolidation" voulait dire... C'est l'objet
de la loi. C'est ce que cela signifie, est-ce que
pour éviter tout cela, ça ne vaudrait pas la peine de
vérifier - parce que vous avez des outils pour le faire au sein de votre
ministère - ce qui se passe ailleurs? Quel mot, quelle expression
utilise-t-on? Je pense que si on prenait la peine de le définir ici, on
pourrait le faire quitte à suspendre l'application de l'article,
l'adoption de l'article pour vous permettre de faire ces vérifications.
À moins que vous ayez toutes les réponses.
Si vous ne les avez pas, je pense qu'on va rendre justice, on va rendre
un fier service aux accidentés du travail en le définissant tout
de suite. On va même rendre un fier service à tout le
système, à tout l'appareil. Je pense que vous êtes
prêt à rendre ce service et que vous n'avez pas
intérêt, comme ministre, à conserver une définition
qui ne repose pas sur des décisions déjà rendues, qui ne
repose sur aucun précédent et qui donne une porte ouverte aux
plaideurs qui voudront plaider ad vitam aeternam. C'est le sens de mon
intervention.
La Présidente (Mme Juneau): M. le ministre.
M. Fréchette: Je suis heureux de l'intervention du
député de Brome-Missisquoi parce que le point qu'il
soulève peut évidemment s'appliquer de façon
spécifique à l'article 2, mais il peut également nous
préoccuper dans le reste du projet de loi. C'est particulièrement
vrai lorsque - si on s'y rend - on arrivera au chapitre de la
réadaptation. La loi consacre le droit à la réadaptation
et décrit les mécanismes de réadaptation physique, sociale
ou professionnelle. Au moment de la commission parlementaire, les groupes qui
sont venus devant nous et, particulièrement, ceux qui sont
intéressés au phénomène de la réadaptation
ont insisté pour que ce droit à la réadaptation et les
programmes qui les accompagnent soient inscrits dans la loi. Actuellement,
c'est dans une réglementation. C'est pour cela qu'il y a des
interprétations qui sont différentes et que dans certaines
régions les programmes de réadaptation pour le même
phénomène n'est peut-être pas tout à fait semblable.
Ce que j'ai indiqué, à ce moment, aux gens qui sont venus nous
voir pour plaider dans le sens d'introduire dans la loi toute la politique de
la réadaptation, je le dis: Sur le plan du principe, je n'ai pas
d'objection à le faire. Cependant, je suis obligé de vous
signaler, pour toutes sortes de motifs et dans le cas qui nous occupe
particulièrement à cause de la "culture", entre guillemets, du
milieu, vous allez tous vous retrouver à un moment ou l'autre devant les
tribunaux pour faire interpréter un article de la loi. Vous allez devoir
attendre possiblement, dans bien des cas, les jugements de la Cour
suprême pour savoir très précisément ce que tel
article de la loi veut essentiellement dire.
J'ai, à plusieurs reprises, attiré l'attention de nos
intervenants là-dessus. Je pense que le député de Saguenay
va se souvenir de cela. À plusieurs reprises, j'ai attiré
l'attention de nos invités là-dessus. On m'a
représenté avec passablement d'insistance qu'on aimait mieux
courir ce risque que de ne pas voir - et je parle toujours de la
réadaptation - les programmes et le droit inscrits dans la loi. Je
rétière ce que je disais tout à l'heure au plan du terme
strict de la consolidation. (11 h 30)
C'est probablement vrai, au moment où on se parle - je n'ai pas
fait cette vérification d'une façon plus poussée - que les
tribunaux, quels qu'ils soient, ne se sont pas prononcés encore sur ce
qui peut être clairement de la "consolidation" au sens médical du
terme. Ce n'est pas parce qu'on le retrouverait dans la loi qu'on
éliminerait le danger dont on parle. Je veux dire que si on inscrit
à l'article 2, la définition du terme "consolidation" à
partir par exemple de la définition qu'on retrouve au dictionnaire, cela
n'éliminerait pas les difficultés dont parle le
député de Brome-Missisquoi en termes de contestation
éventuelle devant les tribunaux, en termes d'interprétation
différente selon que c'est une personne plutôt que l'autre qui
apprécie la définition de ce terme-là. Ce qu'on dit
essentiellement dans le cas de la définition de la "consolidation",
c'est qu'on réfère à deux sources bien précises
pour retenir la définition du terme consolidation. Donc, cela nous
amène à ne pas l'inscrire dans la loi. D'abord les informations
qui nous viennent du monde médical nous indiquent que dans le monde
médical, le monde de la science médicale, tout le monde s'entend
sur l'interprétation qu'il faut donner au terme "consolidation".
Deuxièmement, on en retrouve dans des dictionnaires et même des
dictionnaires spécialisés, des définitions qui sont
très précises. Alors, je ne vois pas comment on éviterait
la difficulté à laquelle réfère le
député de Brome-Missisquoi, si on inscrivait dans la loi la
définition du terme "consolidation" à partir par exemple de
définitions qu'on retrouve dans le dictionnaire. Les dangers de
contestation vont toujours exister. Les dangers d'interprétation
différente vont toujours exister et par voie de conséquence, bien
sûr, les dangers de contestation devant les tribunaux vont toujours
exister et vont être là, tant et aussi longtemps qu'une instance
décisionnelle finale ne se sera pas prononcée. Je pense qu'on
n'améliorerait définitivement pas la situation.
M. Paradis: Je suis le ministre en disant qu'on ne peut
peut-être pas atteindre
la perfection. On peut pas éliminer tout danger de contestation
et tant qu'une décision finale n'aura pas été rendue par
le système judiciaire, qui la définit dans son application
pratique, il y a des dangers. Tout ce que je suggère au ministre,
pendant qu'on en est là, c'est de vérifier si le cadre ne
pourrait pas être rétréci. C'est tout ce que je
suggère. Le ministre me dit lui-même: Dans le monde médical
on s'entend sur ce que cela veut dire. On peut aller dans les dictionnaires
spécialisés où même dans les dictionnaires usuels et
on va y retrouver des définitions. On a la possibilité, comme
législateurs d'en mettre une définition. Elle pourrait même
être contraire à celle qu'on retrouve dans le dictionnaire et le
tribunal serait lié, les parties seraient liées par celles qu'on
insérera dans la loi. Je veux peut-être demander au ministre
qu'est-ce que lui vise? Qu'est-ce qu'il entend, qu'il nous le dise dans ses
mots et ce n'est pas dangereux pour les interprétations judiciaires. On
sait que devant les tribunaux, on n'a pas le droit de plaider ce qui s'est dit
en commission parlementaire, etc. Qu'est-ce que vous visez exactement? À
partir du moment où on sait... Vous, vous les avez lus les dictionnaires
spécialisés. Vous le savez ce que cela veut dire dans le monde
médical "consolidation" et tout cela. Une fois que vous avez tout
regroupé cela, quelle est votre version à vous du mot
"consolidation"? De quelle façon vous me le définiriez?
Peut-être qu'à partir de cette information, on pourrait ensemble
trouver le vocabulaire pour strictement rétrécir le cadre parce
qu'on ne pourra pas l'éliminer. Je vous suis là-dessus.
M. Fréchette: Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Juneau): M. le , ministre.
M. Fréchette: Je suis tout à fait disposé
à accepter la recommandation du député de Brome-Missisquoi
dans le sens suivant. Si je l'ai bien compris, sa suggestion, c'est que l'on
procède à l'adoption de l'article 1 et lorsqu'on arrivera
à l'article 2, qui est l'article qui donne les définitions des
termes, évaluer après une nouvelle appréciation,
l'opportunité d'inclure à l'article 2, la définition du
terme "consolidation".
M. Paradis: Voici ce que je proposerais, M. le ministre. Avant de
l'adopter, on aurait besoin de savoir quelle interprétation ou ce que
vous visez avec le mot "consolidation" comme gouvernement? On pourrait
peut-être, pour vous donner le temps de retourner dans les dossiers
où cela a certainement déjà été
défini par les gens qui travaillent au ministère, en suspendre
l'adoption, passer à l'article 2 et lorsque vous serez en mesure de nous
fournir cette réponse-là, on pourra reprendre le travail ensemble
sur le terme "consolidation" et s'il y a une possibilité -parce
qu'à l'impossible, nul n'est tenu - s'il y une possibilité de
rétrécir ce cadre, parce qu'il m'apparaît extrêmement
large au moment où l'on se parle... En tout cas, il est le plus large
possible. Si on visait ensemble à le rétrécir, on
n'éliminerait pas toutes les contestations, mais on en
éliminerait sans doute plusieurs. Si on réussissait cela, on
pourrait dégager le rôle de la commission d'appel et on pourrait
peut-être empêcher, s'il y en a une nouvelle, que cela s'engorge
comme cela l'est présentement. C'est par ces exercices qu'on aide les
gens qui sont aux prises avec les décisions quasi judiciaires par la
suite, ou même administratives.
M. Fréchette: Mais, Mme la Présidente, je ne vois
pas pourquoi on ne pourrait pas atteindre l'objectif que soulève le
député de Brome-Missisquoi même en adoptant l'article un.
Qu'est-ce que cela va changer qu'on adopte l'article un et qu'on arrive
à l'article deux et qu'on décide, oui, on en donne une
définition du terme "consolidation" ou on n'en donne pas.
M. Paradis: Je pourrais vous expliquer cela rapidement, M. le
ministre, ce que cela pourrait changer. Si vous nous arrivez avec une
définition du terme "consolidation" qui va soit d'un extrême
à l'autre, soit qui favorise de façon incroyable le travailleur
accidenté ou qui le défavorise de façon incroyable, le
vote peut changer de ce côté-ci de la table. Le vote peut changer
subtantiellement parce qu'on veut savoir ce que vous visez comme gouvernement,
parce... Quelle est votre définition à vous? Parce que vous nous
dites: il en existe; mes recherchistes m'apportent des dictionnaires de gauche,
de droite. Je suis bien content de les lire ces définitions de
dictionnaires, mais c'est la vôtre qui m'intéresse au plus haut
point.
M. Fréchette: Je ne sais pas, Mme la Présidente, si
le député de Brome-Missisquoi était là lorsqu'on a
amorcé la discussion sur la définition du terme
"consolidation".
M. Paradis: Non, j'étais avec le député de
Trois-Rivières en train de...
M. Fréchette: Ah! Bon.
M. Paradis: Discuter de son avenir politique.
M. Fréchette: Bon! Vous connaissez cela, vous, des
discussions d'avenir politique.
Avant donc que le député de Brome-Missisquoi ne nous
rejoigne, le député de Saguenay avait soulevé la question
et...
M. Paradis: ...se rejoigne.
M. Fréchette: ...me demandait très
précisément mon évaluation, en tout cas, mon
appréciation de la définition qu'il fallait donner au terme
"consolidation". Je lui ai donné une réponse à double
volet dont l'une était strictement une définition d'un
dictionnaire que je peux bien répéter au député de
Brome-Missisquoi pour les fins de notre discussion et cette définition -
ce serait dans mon esprit celle qu'il faudrait donner au terme que l'on
retrouve à l'article deux - c'est la stabilisation d'une lésion
à la suite d'un traitement et l'état séquellaire non
susceptible d'amélioration.
Qu'est-ce que, en termes moins scientifiques et plus accessibles, cela
peut-il vouloir dire? Cela peut vouloir dire que la consolidation serait
l'étape, dans un processus de réadaptation physique, après
laquelle il n'y a pas lieu d'espérer d'amélioration d'une
situation.
Le député de Saguenay me demandait, par exemple: est-ce
que dans votre esprit, le terme "consolidation" réfère à
une guérison complète d'une lésion professionnelle? Je lui
dis non. Je lui dis essentiellement non. C'est le moment même où
toute la science médicale ne peut plus améliorer la situation
d'une personne.
La Présidente (Mme Juneau): Le député de
Viau. Il avait demandé la parole, je l'avais reconnu. Après, M.
le député de Frontenac.
M. Paradis: Excusez, Mme la Présidente, je n'avais pas
terminé. Est-ce que j'ai épuisé mon temps?
La Présidente (Mme Juneau): Non.
M. Paradis: Je veux demander au ministre, peut-être des
quatre définitions suivantes, laquelle il préfère?
Stabilisation -et je réfère toujours au mot "consolidation".
Est-ce qu'il préfère la stabilisation comme définition
d'une lésion locale ou l'état général d'un malade
à la suite d'un traitement? Deuxième. Est-ce qu'il fait
référence à la consolidation anatomique? Je pense que
c'est peut-être un peu dans le sens qu'il vient de me dire,
c'est-à-dire "le stade auquel une lésion s'est cicatrisée
anatomiquement tout en laissant subsister certains troubles fonctionnels
susceptibles d'amendement par un traitement approprié" ou est-ce qu'il
s'agit d'une consolidation légale, c'est-à-dire "le stade auquel,
après consolidation anatomique, il subsiste une invalidité
"éventuelle à laquelle on ne peut plus remédier par un
traitement" ou est-ce qu'il préfère la consolidation
médicale? J'aimerais, à ce stade-ci, que le ministre me dise que
c'est une de celles-là, aucune de celles-là, celle qu'il a
mentionnée et qu'on s'entende, entre législateurs, pour dire: On
n'est pas tellement loin, retenons-en une de celles qui ont été
exprimées ou un mélange de quelques-unes, mais qu'on s'entende
sur celle qu'il faut retenir, autrement les avocats vont plaider cela ad
nauseam.
M. Gagnon: Mme la Présidente, juste une question au
député. Il a donné trois définitions et il a dit ou
est-ce qu'il préfère la définition médicale.
J'aimerais qu'il la donne, celle-là aussi, parce qu'il ne l'a pas
donnée.
M. Paradis: "L'ensemble des interventions et des services qui
visent à la prévention, au diagnostic ou au traitement des
affectations pathologiques considéré sous l'angle de son
coût." Je ne sais pas si cela vous éclaire'.
La Présidente (Mme Juneau): M. le ministre.
M. Fréchette: Mme la Présidente, je pourrais
peut-être en ajouter deux ou trois à celles que le
député de Brome-Missisquoi vient de citer. Je lui signalerai que,
essentiellement, dans toutes les définitions auxquelles il
réfère, on retrouve toujours la même notion de l'atteinte
d'un plateau. On ne peut pas parler de guérison parce que ce n'est pas
dans... C'est une notion de stabilisation d'une lésion professionnelle,
d'une lésion généralement parlant. Est-ce qu'il est
indiqué d'essayer de retirer ou d'extraire de chacune des
définitions dont on parle, les principaux éléments et de
s'en bâtir une à partir de tout cela? Peut-être bien, mais
je signale au député de Brome-Missisquoi que la difficulté
qu'on cherche à éviter en inscrivant une définition dans
la loi, on ne l'évitera pas. Les mêmes contestations vont se
produire.
M. Paradis: Il y en a une qu'on peut certainement éviter.
Je vais vous poser la question très précise suivante: C'est entre
la consolidation anatomique et la consolidation légale. La
différence entre les deux, suivant le texte, le préambule est
à peu près le même. Lorsqu'on parle de la consolidation
anatomique, on dit: "susceptible d'amendement par un traitement
approprié". Tandis que lorsque l'on parle de la consolidation
légale, on dit: "à laquelle on ne peut plus remédier par
un traitement". Laquelle des deux retenez-vous? Cela me semble être
capital. Si c'est la deuxième, qu'on le dise. Les deux sont
complètement différentes.
M. Fréchette: Mme la Présidente, je suis
obligé de vous dire qu'on est quasiment, tout le monde ensemble, en
train de faire la
preuve qu'il va falloir en avoir une dans la loi. Est-ce que cela
répondrait au voeu du député de Brome-Missisquoi et de ses
collègues si on essayait de travailler une définition du terme
"consolidation" autour de l'axe suivant: Ce pourrait être l'état
de la victime d'une lésion professionnelle, qui a atteint un plateau de
récupération, dans le cas d'une blessure ou une stabilisation de
sa maladie, dans le cas d'une maladie professionnelle. Je ne vous dis pas que
ce serait, au texte, la définition qu'il faudrait retenir, mais ce
serait autour d'une définition comme celle-là qu'on pourrait,
législativement, bâtir une définition.
M. Paradis: Cela me semble être une approche positive, mais
qu'est-ce que vous entendez par plateau?
M. Fréchette: C'est le sommet. M. Paradis: C'est le
sommet...
M. Fréchette: Le plateau, je vais m'exprimer...
M. Paradis: Je reviens à la question que je vous ai
posée. Si c'est le sommet, on ne peut plus y remédier par un
traitement approprié.
M. Fréchette: C'est cela.
M. Paradis: Donc, cela serait la première
définition qu'on retiendrait. Celle où on pourrait y
remédier par un traitement ne serait pas un sommet ou un plateau.
M. Fréchette: Non. En d'autres mots, le plateau, Mme la
Présidente, c'est l'étape -comme je le disais tout à
l'heure - après laquelle aucune amélioration d'une situation
n'est possible. (11 h 45)
M. Grégoire: D'accord. Moi, j'aurais juste une question
là-dessus au ministre, puis il pourrait peut-être définir
clairement sur un des secteurs. C'est que quand vous parlez du plateau rendu
auquel aucune amélioration n'est possible, dans le cas des victimes
d'amiantose, tout le corps médical a toujours
décrété que ça ne se guérissait pas, que
ça ne pouvait aller qu'en empirant. Alors, est-ce qu'il n'y aurait pas
moyen, dans cette définition-là, d'inscrire, pour simplifier et
clarifier nettement la situation, que dans les cas des victimes d'amiantose, le
plateau est automatiquement reconnu et l'indemnité est automatique?
Parce que le corps médical reconnaît que ça ne se
guérit pas, que ça ne peut pas aller en s'améliorant, que
ça ne peut aller qu'en augmentant.
Alors, si on le mettait clairement dans l'article 2, dans votre
définition, dans vos définitions? C'est reconnu dans l'article
52, pourquoi pas le reconnaître dans l'article 42? Une voix: C'est
dans la loi, ça.
M. Grégoire: Dans la loi 52, c'est-à-dire.
M. Fréchette: Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Juneau): Oui, M. le ministre.
M. Fréchette: Je suis tout à fait d'accord avec le
député de Frontenac, quant à l'évaluation de la
maladie spécifique de l'amiantose. Tout le monde reconnaît, dans
le monde médical, que lorsqu'on est atteint d'amiantose, il ne peut pas
y avoir de régression et de guérison. On va oublier les miracles
qui se sont produits. Il ne peut pas y avoir de régression, ni de
guérison.
Cela ne s'aggraverait pas non plus, à la condition,
évidemment, que celui qui en est victime soit retiré du milieu
ambiant. Cela ne progresserait pas, ce qui veut dire que quelqu'un qui en est
atteint, s'il est retiré du milieu ambiant, va rejoindre, à un
moment donné, ce qu'on est convenu d'appeler une stabilisation de sa
situation ou un plateau.
Alors, je réfère à nouveau à la
définition dont je vous parlais tout à l'heure. Je pense qu'on
rejoint la préoccupation du député de Frontenac quand on
dit: C'est l'état de la victime d'une lésion professionnelle qui
a atteint un plateau de récupération, dans le cas d'une blessure
-blessure étant synonyme d'accident - ou dans le cas d'une stabilisation
de sa maladie, dans le cas d'une maladie professionnelle.
Alors, cela, ça rejoint très précisément la
préoccupation du député de Frontenac. La consolidation
chez le malade professionnel atteint d'amiantose va être l'étape
de la stabilisation de sa maladie. S'il y a par la suite progression, il y a
d'autres dispositions de la loi qui permettent à cet accidenté ou
cette personne atteinte de maladie professionnelle d'utiliser les recours qui
sont prévus par la loi.
Mais, à partir des indications que je viens de donner, quant
à la définition, je pense, moi, sous réserve de mal
interpréter la discussion qu'on est en train de faire, que ça
rejoint la préoccupation du député de Frontenac.
M. Grégoire: Je voudrais rappeler au ministre que si
seulement sur ce point-là, on s'entendait, je pense bien que, moi, sur
la loi 42 après ça, je n'aurais pas grand-chose à ajouter.
Si on pouvait ajouter dans l'article 2, par exemple, définition de
consolidation d'une lésion pour les victimes d'amiantose, que c'est
reconnu qu'un employé a atteint le plateau, dès qu'il est reconnu
malade et qu'il
a le droit à son indemnisation sa vie durant, à 90% de son
revenu brut, comme ça existait auparavant, ça, si ce
point-là est admis, moi, je vais vous dire bien franchement que vous
allez éliminer bien des difficultés pour tout le restant de
l'étude de loi, quant à moi.
M. Fréchette: Bien, Mme la Présidente...
M. Grégoire: Si, parce que c'est un cas spécial.
C'est la seule maladie industrielle qui est reconnue comme n'étant pas
guérissable, étant incurable, qui ne peut aller qu'en s'aggravant
et non pas en diminuant.
Une voix: Autrement dit, réglez-moi ça, puis tu ne
me verras plus.
M. Grégoire: Réglez-moi ça, M. le ministre,
puis je vous dis qu'on va bien s'entendre par la suite.
M. Fréchette: Mme la Présidente, je suis
très heureux que le député de Frontenac soulève
cette question. D'ailleurs, dans tout le reste du projet, il y a un chapitre
qui est consacré très spécifiquement à ça.
Je voudrais simplement rappeler au député de Frontenac que dans
le cas des maladies pulmonaires professionnelles - parce qu'on élimine
de la loi, vous avez dû le remarquer, les termes silicose et amiantose;
on ne parle plus du travailleur atteint d'une maladie pulmonaire
professionnelle - vous allez retrouver un premier élément, en
vertu duquel le travailleur qui a atteint l'âge de 55 ans et qui,
à cet âge-là, est déclaré amiantosé,
silicosé ou atteint d'une maladie causée par le plomb, par
exemple, il y a, quant à lui en tout cas, une garantie qui lui est
donnée que jusqu'à l'âge de 68 ans, il aura droit à
son indemnité de remplacement de revenu même s'il pouvait exister
pour lui un emploi qu'on est convenu de définir comme étant
convenable. En d'autres mots, après l'âge de 55 ans, pour
quelqu'un qui est atteint d'une maladie professionnelle, son indemnité
de remplacement de revenu va durer jusqu'à l'âge de 68 ans.
Je vous signale que c'est une amélioration par rapport à
la loi 52. À la loi 52, à 65 ans, l'indemnité de
remplacement du revenu cessait. Dans le cas des dispositions de la loi 42,
l'indemnité de remplacement du revenu continue jusqu'à 68 ans en
dégradant de 25% par année, chaque année, après 65
ans.
Quant à l'aspect plus spécifiquement médical, la
commission parlementaire des mois de février et mars derniers nous a
amené à la conclusion suivante, après avoir entendu tous
les intéressés et les intéressés plus
spécifiquement reliés au monde de l'amiante. Quand je dis tous
les intéressés je parle autant syndicats que travailleurs et en
particulier la CSD. Ils nous ont dit: Ce devrait être une décision
médicale que celle de déterminer si une personne atteinte,
personne pour laquelle on diagnostique de l'amiantose, ce devrait être
une décision médicale que d'arriver à déterminer si
on la retire ou non du milieu ambiant, ce qui était, jusqu'à
maintenant, la prérogative exclusive de la Commission de la santé
et de la sécurité du travail. Dorénavant, ce sera encore
une fois les gens du milieu médical qui auront à se prononcer
là-dessus.
Lorsqu'un comité de pneumologues - et je vous signale que les
pneumologues ne seront pas choisis par la Commission de la santé et de
la sécurité du travail - ce sont les associations
professionnelles qui vont suggérer des noms pour la formation des
comités de pneumoconiose. Les comités de pneumologues vont avoir
l'obligation d'émettre un certificat médical à
l'intérieur duquel on devra retrouver au moins quatre
éléments qui sont les suivants: d'abord, ce travailleur est-il
atteint d'amiantose? Si oui, à quel degré l'est-il?
Troisièmement, quelles sont ses capacités résiduelles?
Quatrièmement, est-ce qu'il peut retourner au travail sans risque pour
sa santé? Ce sont les nouveaux mécanismes que l'on retrouve dans
la loi. Encore une fois, ce n'est pas la commission de la santé
elle-même qui va avoir à prendre cette décision.
Il me semble, Mme la Présidente, qu'à partir de ces
observations, la préoccupation du député de Frontenac on y
répond de façon expresse dans la loi quand on parle de la
stabilisation de la maladie professionnelle.
M. Grégoire: Mme la Présidente, il y a deux points
que je voudrais soulever. D'abord, en laissant entre les mains des
comités de pneumologues... À l'heure actuelle, tous les
pneumologues au Québec sont engagés par la Commission de la
santé et de la sécurité du travail et cela constitue un
problème énorme que d'avoir un spécialiste
indépendant pour aller faire valoir les droits des victimes d'amiantose.
La profession est assez rare; on en avait un à Sherbrooke, avant, auquel
on faisait appel, au centre hospitalier de Sherbrooke.
M. Fréchette: Le Dr Bégin. M. Grégoire:
Non. M. Fréchette: Non.
M. Grégoire: Un jeune, et cela n'a pas été
long qu'il a été ramassé par la Commission de la
santé et de la sécurité du travail lui aussi. Il travaille
du côté de la Commission de la santé et de la
sécurité du travail.
Deuxièmement, il y a un autre point
dans l'évaluation de cela. La loi 52 - on l'a fait amender -
disait, dans sa formule originale, "un test médical positif", ce qui
voulait dire que le doute jouait en faveur de la compagnie et non pas en faveur
du travailleur. Des pneumologues venaient dire: II a l'amiantose. D'autres
pneumologues disaient non. Alors, il ne restait qu'une seule solution pour en
arriver à le démontrer positivement, c'était la biopsie.
La biopsie c'est opérer le gars, lui enlever un morceau de poumon pour
voir s'il y a des fibres. Là, on en est arrivé, hors de tout
doute, la première version de la loi disait: II est amiantosé
hors de tout doute et hors de tout doute, cela prenait la biopsie. C'est un
traitement sauvage pour les gars atteints d'amiantose à qui il fallait,
pour être sûr hors de tout doute... On ne donnait même pas le
doute au travailleur. Pour être sûr hors de tout doute qu'il
l'avait, il fallait lui enlever un morceau de poumon pour vérifier. J'ai
vu, des fois, M. le ministre, où on a été obligé de
recommencer la biopsie et le travailleur de dire: J'aime mieux ne rien avoir,
mais je ne repasse pas par cette opération parce que c'est très
grave.
Vous avez là deux éléments. On a fait changer cela
dans la loi 52. Et avec le projet de loi 42, cette chose semble revenir,
où il va falloir que le travailleur se resoumette à la biopsie
pour avoir atteint le plateau. Ce n'est pas acceptable d'être
obligé, pour dire qu'il a l'amiantose ou non, de lui ouvrir l'estomac et
d'aller lui arracher un morceau poumon, pour voir s'il y a de la fibre dessus.
C'est de retourner au monde non civilisé. C'est pourquoi je voudrais que
dans l'article 2 - si on s'entend là-dessus, cela va être un fichu
de bon départ - qu'on reconnaisse que l'amiantose, reconnu comme tel, a
atteint son plateau, qu'il n'y a plus rien à faire pour lui, que cela ne
peut pas se guérir. Donc il reçoit son indemnité
équivalant à 90% de son revenu net, puisque c'est une maladie
incurable.
M. Fréchette: Oui, je suis d'accord.
M. Grégoire: Alors qu'on l'expose, ce sera au moins un
secteur des victimes d'accidents du travail qui sera, en trois lignes,
clairement défini. Ce sera clair. Là, tout le monde se dit... Il
va y avoir trois autres articles pour dire: Les bureaucrates pourront toujours
nous changer cela, ils pourront toujours exiger la biopsie, ils pourront
toujours dire qu'il est capable de retourner au travail, il peut retourner dans
la mine, il peut retourner travailler sur un camion.
M. Gagnon: Mme la Présidente, sur le même sujet,
juste un mot, si vous me permettez. C'est parce que le député de
Frontenac... Je suis d'accord, en principe, avec ce que le député
de Frontenac défend, excepté que j'aime mieux la façon
dont le ministre... À mon point de vue, je ne voudrais pas qu'on
revienne à l'amiantose parce que, comme on l'a mentionné
tantôt, c'est pour toutes les maladies pulmonaires, les maladies
industrielles privées, ce qui veut dire que l'amiantose est
là-dedans.
Parce que si on faisait une ouverture pour les amiantosés, cela
veut dire que les gens qui travaillent à, je ne sais pas, à la
CANRON, à Trois-Rivières, qui ont aussi des problèmes de
poumon, les gens qui travaillent dans les fonderies ou dans le plomb, et ainsi
de suite, comme vous l'avez mentionné... Alors, je...
M. Grégoire: C'est différent, c'est que ce sont des
maladies pulmonaires guérissables.
M. Gagnon: Non, non.
M. Fréchette: Non, non, non.
M. Gagnon: C'est au même titre que l'amiantose. Alors quand
le ministre parle des maladies pulmonaires industrielles, cela englobe
l'amiantose.
M. Grégoire: II y en a des guérissables et il y en
a des non guérissables.
M. Gagnon: Non, mais cela englobe l'amiantose. Chez nous, c'est,
c'est la silicose, par exemple.
M. Grégoire: Mais qu'il le spécifie, pour les
maladies non guérissables et que la profession médicale
reconnaît comme non guérissables. À ce moment-là,
vous réglez un gros point. Il n'y a plus un fonctionnaire qui pourra
arriver et jouer avec cela...
M. Gagnon: Mais pour l'ensemble...
M. Grégoire: ...et aller jusqu'à demander des
biopsies.
M. Gagnon: ...des maladies pulmonaires, cela comprend
l'amiantose.
M. Grégoire: L'ensemble des maladies sont
guérissables ou peuvent permettre un retour au travail, mais
l'amiantose, non.
M. Fréchette: Je voudrais simplement indiquer ici pourquoi
on a convenu de retirer du projet de loi les termes "amiantosé" et"silicose". Le député de Frontenac va sans doute comprendre
pourquoi. C'est que cela fait, va faire dix ans bientôt que le
gouvernement, par tous les moyens mis à sa disposition, tente de
convaincre les marchés nationaux et internationaux de
l'opportunité d'acheter des produits d'amiante. Si, par
ailleurs, on a dans nos lois des termes qui réfèrent
très spécifiquement à une éventuelle maladie qu'on
peut contracter au contact de l'amiante, vous allez convenir qu'on n'aide pas
notre propre cause. C'est la raison pour laquelle, ne serait-ce que purement
pédagogique... En tout cas, c'est l'une des raisons pour lesquelles les
termes "amiantose" autant que "silicose" ont été retirés
du projet de loi.
Maintenant...
M. Grégoire: Ce sont deux choses différentes...
M. Fréchette: Oui, je suis tout à fait
d'accord.
M. Grégoire: ...M. le ministre, parce que...
M. Fréchette: Je reviens sur votre autre sujet.
M. Grégoire: ...aujourd'hui, avec le gouvernement actuel
et grâce à celui-ci qui a fait des recherches, il est prévu
que, en 1987, avec l'amiante phosphaté, dont une usine pilote est
installée pas loin de chez vous, l'amiante va perdre 100% de ses
propriétés de nocivité à la santé. Dans deux
ans, avec l'amiante phosphaté, on aura réglé le
problème.
Mais là où cela se pose, c'est que, aujourd'hui, on
traverse la génération de ceux qui ont commencé à
travailler à 18, 19 ou 20 ans, pendant la guerre, alors que ceux de 22
ans étaient dans les armées; ceux-ci arrivent à 55, 53 ou
52 ans, ils sont poignés, ils ont travaillé dans ce
temps-là, non pas dans des situations où il y avait une fibre
d'amiante par centimètre cube, mais où il y en avait 250 et 300
par centimètre cube, où, pour se voir, il fallait tasser... C'est
à ceux-là, aujourd'hui, auxquels on fait face. Mais, de plus en
plus, on va dire que l'amiante est devenu un produit non dangereux parce que le
gouvernement fait des recherches pour le rendre non dangereux. Mais, on vit
encore avec le passé, on est obligé de réparer les
bêtises qui n'ont pas été réparées dans le
passé. C'est cela que... (12 heures)
M. Fréchette: C'est peut-être une raison
additionnelle pour retirer de nos lois des termes qui réfèrent
très spécifiquement à la possibilité de contracter
une maladie professionnelle si on travaille dans tel milieu ambiant pour
continuer dans le sens dont le dit le député de Frontenac. Mais
revenons sur le fond de la question, si vous me le permettez. Le
député de Frontenac dit: Des pneumologues au Québec il n'y
en a pas beaucoup et le peu de ceux qui sont là ont tous
été déjà à l'emploi de la commission de la
santé et de la sécurité. Je vous dirai qu'il y en a 150
pneumologues au Québec et que sur les 150, une trentaine ont
déjà travaillé contractuellement pour la Commission de la
santé et de la sécurité du travail. Il en reste un bassin
de 120 et avec les nouvelles dispositions de la loi il n'y en aura plus aucun
dont les services seront retenus par la Commission de la santé et de la
sécurité du travail. Il y a quatre comités des
pneumologues de prévus dans la loi les quatre étant formés
de trois membres chacun et dont les candidatures auront été
retenues à partir des suggestions des associations professionnelles
auxquelles ils appartiennent et formés dans la discipline
spécifique de la pneumoconiose.
Deuxièmement, quand le député de Frontenac me parle
de la loi 52 et qu'il manifeste des inquiétudes par rapport au fait
qu'elle serait abrogée en vertu de la loi 42, c'est vrai. Mais dans la
loi 52, il n'y avait pas de présomption à savoir que quelqu'un,
sur dépôt d'un certificat médical, était atteint de
l'amiantose. Quand il déposait un certificat médical de son
médecin traitant attestant qu'il était atteint à un
degré X d'amiantose, il devait par la suite lui-même franchir
toutes les étapes et convaincre en dernière instance la
Commission de la santé et de la sécurité du travail que
son médecin traitant avait raison. La loi 42, qu'est-ce qu'elle fait?
Elle inscrit en annexe - il y a au-delà de 200 maladies professionnelles
qui sont énumérées en annexe de la loi 42 -l'amiantose et
la silicose comme étant des maladies dont la présomption existe
dès lors qu'un certificat médical est déposé
attestant qu'il y a atteinte à un degré, peu importe le
degré, d'amiantose. À ce moment-là, ce sera ou bien
à l'employeur ou bien à la Commission de la santé et de la
sécurité du travail à faire la preuve qu'il n'y a
effectivement pas amiantose. La présomption, en d'autres mots, est
renversée. Ce qui n'était pas le cas dans la loi 52.
Troisièmement, à supposer qu'un travailleur ne soit pas
satisfait de la décision finale du comité des pneumologues - et
remarquez qu'il y a un premier comité des pneumologues qui se prononce
et il peut être soumis à un deuxième. En tout cas,
n'entrons pas dans les modalités pour le moment - il ne faut jamais
perdre de vue qu'il a un droit d'appel devant l'instance dont on parle dans la
loi actuellement - je ne dis pas si c'était une autre quand on aura fini
- au-delà du diagnostic du comité des pneumologues. Je pense que
c'est important de retenir cette situation-là.
Quatrièmement, quand le député de Frontenac dit que
le phénomène des biopsies c'est traumatisant à ne pas s'en
imaginer les conséquences pour un travailleur, je voudrais simplement
attirer son attention sur les dispositions de l'article 135 de la loi qui
prévoit plus précisément que la commission
peut réduire ou suspendre le paiement d'une indemnité si
le bénéficiaire entrave un examen médical prévu par
la présente loi, ou omet ou refuse de se soumettre à un tel
examen, sauf s'il s'agit habituellement d'un examen qui présente
habituellement un danger grave. Alors, la biopsie étant ce que l'on sait
et ce qu'a décrit le député de Frontenac, mon opinion - et
elle vaut ce qu'elle vaut; encore une fois, c'est de l'interprétation -
c'est que quelqu'un pourrait se prévaloir des dispositions de l'article
dont je viens de parler, considérant que c'est pour lui un danger grave
que de se soumettre à un tel examen, pour le refuser, sans par ailleurs
faire l'objet d'une pénalité de quelque nature que ce soit.
M. Grégoire: Je dois vous dire que je n'aime pas ce
paragraphe-là non plus. S'il s'agit d'un examen qui présente
habituellement un danger grave. Il n'y en a jamais qui sont morts d'une
biopsie. Ils en restent traumatisés. Ils ont été
opérés. On leur a enlevé une partie de poumon, mais il n'y
en a pas qui sont morts d'une biopsie. Alors, jusqu'où cela va le danger
grave. Le député de Brome-Missisquoi parlait des
définitions. Est-ce que ça va jusqu'à la mort? Il faudrait
définir "danger grave" par la suite. Je vous dis que cet
article-là justement: "sauf s'il s'agit d'un examen qui présente
habituellement un danger grave." Or, la biopsie n'a jamais
présenté habituellement un danger grave. C'était une
écoeuranterie que d'être obligé d'aller ouvrir l'estomac du
gars pour lui arracher un morceau de poumon avant de le dédommager. Cela
ne présentait pas un danger grave. Qu'est-ce que c'est qu'un danger
grave? La mort? Il n'y a pas eu de mort encore à la suite d'une
biopsie.
M. Fréchette: Surtout cela dépend encore une
fois...
M. Grégoire: Vous allez voir que même là, la
définition devrait être changée.
M. Fréchette: C'est curieux, Mme la Présidente,
parce qu'on nous demande continuellement de simplifier les lois, de les
diminuer, de faire en sorte qu'elles soient le moins compliquées
possible et par ailleurs, chaque fois ce n'est pas suffisant, ce n'est pas
complet, ça ne rejoint pas l'objectif que l'on visait. C'est sûr
que lorsqu'on va arriver...
M. Grégoire: La première rédaction a
été faite par des avocats qui l'ont compliquée
inutilement.
M. Fréchette: Pardon?
M. Grégoire: C'est parce que la première
rédaction de la loi est faite par des avocats qui l'ont
compliquée inutilement. Alors, on arrive ici, on se dit "Wo là"
on ne comprend pas tout cela.
M. Fréchette: En tout cas, c'est évident que
lorsqu'on va arriver à cet article 135, on va sans doute avoir encore
une discussion intéressante sur ce que peut être un danger grave.
Je suis content qu'on le soulève tout de suite parce qu'on va prendre le
temps d'y regarder de plus près. Encore une fois, je
réitère que les objectifs que poursuit le député de
Frontenac me semblent être atteints dans la loi telle qu'elle est
actuellement.
Une dernière observation que je veux lui faire. Il a dit, je
pense dans l'une ou l'autre de ses observations que, dans l'état actuel
des choses, n'importe qui ou à peu près pouvait ordonner à
un travailleur déclaré atteint d'amiantose de retourner au
travail. Je vous signale que lorsqu'il a atteint l'âge de 55 ans, il n'y
aura personne qui pourra lui faire quelque obligation que ce soit de retourner
au travail, ni dans le milieu ambiant, ni dans un emploi convenable. En
d'autres mots, à 55 ans, s'il est atteint, ce que le
député de Frontenac souhaite, c'est-à-dire
l'indemnité de remplacement de revenu jusqu'à 65 ans, dans ce
cas-ci 68 ans, avec la dégradation que l'on sait, ça c'est dans
la loi. Si cela ne rejoint pas l'objectif qu'il poursuit, je ne sais pas
autrement comment on pourrait l'atteindre cet objectif.
M. Grégoire: Je suis très satisfait de cet article.
Il faut dire aussi que dorénavant, à l'avenir avec les
précautions qui sont prises depuis qu'il y a un gouvernement qui s'en
occupe, qu'il y a du monde qui s'est occupé de nettoyer les moulins et
les mines. Quand on a baissé cela à une fibre-cube par cc alors
que les rapports mentionnaient jusqu'à 740 fibres... Le danger est
à 3 fibres. Quand même, il reste une chose. La seule chose que je
vous demande comme définition dans l'article 2, c'est qu'on parle de
consolidation d'une lésion. On arrive avec différentes
définitions, puis tout à coup vous arrivez et en donnez une qui
semble correcte lorsqu'on a atteint le plateau de soins possibles. Je voudrais
qu'on spécifie le plateau de...
M. Fréchette: D'amélioration.
M. Grégoire: ...d'amélioration possible. Je
voudrais que dans la définition de "consolidation", on ajoute deux
lignes disant: Pour ce qui est des victimes d'amiantose, le corps
médical ayant déclaré qu'il n'y avait pas de
guérison possible, le plateau est atteint automatiquement dès
qu'il est déclaré amiantosé. C'est tout ce que je vous
demande. Là, je vous dis qu'on va bien s'entendre sur bien des
choses après. On aura fait un bon pas.
M. Fréchette: D'accord. Comme on s'entend au moins sur un
aspect de la question, c'est-à-dire que l'amiantose est une maladie qui
ne régresse pas. Dès lors que le taux d'atteinte est fixé,
ce plateau dont on parle, il est également atteint. Dès que les
médecins vont se prononcer sur le degré d'atteinte, ce plateau,
encore une fois, il est atteint à la condition bien sûr qu'il ne
soit pas retourné dans le milieu ambiant. Ce sera une décision
qui appartiendra aux professionnels de la santé et non plus à la
Commission de la santé et de la sécurité du travail.
J'essaie de voir de façon plus précise comment on pourrait
autrement améliorer la situation que par les dispositions qu'on retrouve
actuellement dans la loi. On n'utilise peut-être pas les mêmes mots
mais je pense que les objectifs sont atteints.
M. Grégoire: Ce que je crains - et tout le monde autour,
parce que nous avons tous affaire à la CSST - c'est que les
fonctionnaires fassent du zèle et qu'ils interprètent cela:
amiantosé ou non, tout est guéri. On en a eu des
miraculés. Alors que tous les médecins disaient à
l'hôpital du Mont-Sinaï, le spécialiste de l'amiantose: Cela
ne se guérit pas, cela ne régresse pas, il s'est trouvé un
ou deux pneumologues au Québec pour dire: Tiens, il y en a 40 qui ont
été guéris. Ce sont ceux qu'on a appelés les
miraculés. Ils se sont fait examiner et tous ont dit: Cela n'a pas
regressé, cela a empiré. C'est cela que nous craignons. On a une
loi épaisse. Imaginez-vous l'épaisseur de la CSST pour
administrer cette loi? C'est cela que je crains.
M. Fréchette: Mme la Présidente, le
député de Frontenac...
M. Grégoire: C'est cela qui est le bobo et c'est pour cela
que vous êtes obligés de réformer votre loi, parce qu'en
cours de route, les bureaucrates, les fonctionnaires ont donné des
interprétations; autant de fonctionnaires, autant
d'interprétations et il faut être dans nos bureaux pour le
réaliser et le savoir.
M. Fréchette: Mme la Présidente, je...
M. Grégoire: Moi, je les ai les cas d'amiantose...
M. Fréchette: J'en ai quelques-uns moi aussi.
M. Grégoire: ...et cela n'est pas un cadeau de faire
affaire avec la CSST, vis-à-vis eux.
M. Fréchette: Mme la Présidente.
M. Grégoire: Je vous ai proposé deux lignes qui ne
vont pas à l'encontre d'aucune des autres dispositions...
M. Fréchette: J'ai bien compris votre proposition.
M. Grégoire: ...de votre loi qui ne vont pas à
l'encontre de votre...
La Présidente (Mme Juneau): M. le député de
Frontenac, laissez-le répondre s'il vous plaît!
M. Grégoire: ...principe mais qui réglerait le
problème.
M. Fréchette: Je voudrais bien que le député
de Frontenac sache que le phénomène des miraculés dont il
parle a été fort préoccupant quand est arrivé le
temps de rédiger cette loi. Il a été à ce point
préoccupant qu'il y a une disposition dans la loi qui fait en sorte que
tous ceux qui, à un moment donné, ont été
déclarés amiantosés et qui, par la suite, se sont
prévalus des dispositions de la loi 52 et qui, après deux ou
trois ans ont été déclarés miraculés, tous,
par une disposition transitoire de la loi, ont dit: Les droits que vous avez
acquis, vous les conservez. J'espère que c'est clair dans le milieu plus
particulièrement concerné.
Quant au reste, la préoccupation du député de
Frontenac est bien fondée et c'est pour cela qu'on a dit que,
dorénavant, la décision n'appartiendrait plus à la
Commission de la santé et de la sécurité du travail. On
dit: Cette décision va appartenir au milieu professionnel de la
santé: les comités de pneumologues composés de trois
personnes. Ils ne seront pas un pneumologue patronal avec un poumon patronal et
un poumon syndical et un poumon indépendant dans le milieu. Trois
pneumologues...
M. Cusano: ...un comité paritaire...
M. Fréchette: Si le député de Viau trouve le
moyen de faire des farces avec le genre de discussion que nous sommes en train
d'avoir, il a le droit.
Ce sont trois pneumologues qui vont prendre les décisions et qui
vont indiquer dans leur diagnostic les quatre éléments dont je
viens de parler. Y a-t-il atteinte? Si oui, à quel degré? Quelles
sont les capacités résiduelles de ce travailleur? En fonction de
son état, y a-t-il danger d'aggravation s'il retourne dans le milieu
ambiant? Ce n'est plus la commission de la santé qui va décider
cela, ce sont les professionnels de la santé. Si le travailleur n'est
pas satisfait de la décision du comité des pneumologues, il a
droit à un appel externe, en vertu des
mécanismes qui sont prévus dans la loi. En tout
état de cause, après 55 ans, dès qu'il y a
déclaration ou qu'il y a diagnostic d'arniantose, il n'y a plus personne
qui peut intervenir pour forcer un travailleur à
réintégrer son emploi et risquer d'aggraver sa situation parce
que l'amiantose est une maladie qui progresse. Il n'y a plus personne, non
plus, qui peut le forcer à se trouver un emploi qu'on qualifie dans la
loi comme étant un emploi convenable.
M. Grégoire: Une dernière question au ministre.
Est-ce que je peux lui demander de prendre jusqu'à cet après-midi
pour penser aux deux lignes que je lui suggère d'ajouter au point
"définition de consolidation"...
M. Fréchette: Je suis tout à fait disposé
à prendre ce temps-là.
M. Grégoire: ...et d'y réfléchir comme il le
faut, de consulter les milieux spécialisés et qu'il essaie de
nous arriver avec une solution pour clarifier cela. Cela sera clair. Cela ne
sera plus l'objet de poursuites judiciaires, de délais de deux ans ou de
trois ans. Cela sera clair. (12 h 15)
M. Fréchette: Je suis tout à fait disposé
à y réfléchir davantage.
La Présidente (Mme Juneau): M. le député de
Brome-Missiquoi, est-ce que vous aviez terminé.
M. Paradis: Pour le moment, sauf dépendant de la
décision finale du ministre. Quant à la définition, je
pourrai y revenir si je n'ai pas encore réussi à le
convaincre.
La Présidente (Mme Juneau): Donc, je donne la parole
à quelqu'un d'autre.
M. Fréchette: Mme la Présidente, j'ai compris que
pour autant que le terme "consolidation" était concerné, on
essayait de bâtir, autour de la petite définition non
techniquement législative, que j'ai donnée tout à l'heure,
un texte technique législatif qui rejoindrait ces objectifs.
M. Paradis: Autour du plateau.
M. Fréchette: Autour du plateau, voilà.
La Présidente (Mme Juneau): La parole est maintenant au
député de Viau.
M. Cusano: Mme la Présidente, j'abonde dans le sens du
député de Sainte-Marie, au premier article, lorsqu'on parle de
l'objet comme étant la réparation des lésions
professionnelles et des conséquences qu'elle entraîne pour les
bénéficiaires. Je suis complètement d'accord. Mais
lorsqu'on arrive - et je pense que les discussions l'ont vraiment
démontré - au deuxième et au troisième paragraphes,
on a un peu tendance à s'accrocher dans la plomberie. Sur cette question
de plomberie et spécialement sur la question de consolidation,
j'apprécie le fait que le ministre soit prêt à vouloir
essayer d'en arriver à une définition qui rejoindrait cette
question de plateau.
Il y a un autre aspect, une autre partie de la phrase, avant le mot
"consolidation", dans le deuxième paragraphe et c'est la question de la
fourniture des soins nécessaires. Le projet de loi, lorsqu'on parle de
soins nécessaires, implique la question du choix du médecin
traitant et le choix de l'établissement de la part de
l'accidenté. Est-ce que le ministre pourrait spécifier, à
ce moment - lorsqu'on parle du médecin traitant ou du médecin
chargé du dossier ou du médecin qui prendra la charge de
l'accidenté - si c'est lui qui va décider quels sont les soins
nécessaires pour en arriver à un plateau de consolidation?
Qu'est-ce qui arrive, en ce qui a trait aux soins nécessaires, si
l'accidenté veut avoir des soins d'un chiro ou même en arriver
à des traitements d'acuponcture? Qui est le premier, dans ce cas,
à prendre la décision?
C'est vrai qu'il y a une question d'appel, mais du côté
d'une lésion, je pense que c'est dans l'immédiat qu'il faut
remédier à une situation. C'est pour cela que je voudrais que ce
soit clarifié. Les discussions qu'on a eues sur ce deuxième
paragraphe, la nécessité de définir le mot consultation,
cela prouve qu'on devra reporter l'adoption de ce paragraphe.
Sur la question des soins nécessaires, j'aimerais que le ministre
nous précise, à ce moment-ci, le rôle et l'autonomie du
médecin traitant ou du médecin chargé du patient. Cela
semble ne pas être très clair.
M. Fréchette: Mme la Présidente, j'essaie de donner
aux termes, la signification que le sens commun nous amène à leur
donner. Quand on dit dans la loi: "Que le processus de réparation des
lésions professionnelles comprend la fourniture des soins
nécessaires à la consolidation d'une lésion", il
m'apparatt évident que la conclusion qu'il tire de cela, c'est que cela
réfère aux soins que le médecin traitant qu'il a choisi
évalue qu'il doit recevoir. Si le médecin traitant, dans
l'évolution du traitement qu'il donne à son patient ou à
sa patiente, en venait à la conclusion, à un moment ou l'autre du
traitement, qu'il serait utile et approprié que son patient aille en
traitement de chiropractie, par exemple, rien n'empêche que cela puisse
être fait. À ce moment, c'est inclus de façon très
évidente dans la fourniture des soins nécessaires et ce sont
aussi, bien sûr, des soins dont le coût est assumé par la
Commission de la santé et
de la sécurité du travail. En d'autres mots, le
député de Viau a fort bien résumé, je
présume, l'ensemble de la situation quand il a dit: Est-ce que le
médecin traitant jouit de toute l'autonomie nécessaire pour
prescrire, indiquer à son patient la nature des soins dont il a besoin?
La réponse est carrément oui.
M. Cusano: Cette autonomie, on sait qu'elle peut aller loin,
aussi, dans certains cas. On a vu des cas où on peut suggérer,
justement, un séjour en Floride comme étant partie des soins
nécessaires. Comment allez-vous vous assurer que les soins
nécessaires n'apportent pas des abus de la part de l'accidenté ou
même de la part du médecin?
M. Fréchette: Mme la Présidente, ce ne serait pas
la première fois, quant à moi, que j'entendrais parler qu'un
médecin conseille à son patient ou à sa patiente,
effectivement, de faire un séjour plus ou moins prolongé sous un
autre climat que le sien pour arriver à une "consolidation" - entre
guillemets, parce qu'on ne sait pas encore quelle en sera la définition
- plus rapide de son état de santé.
Par ailleurs, s'il arrivait - et là je parle avec toutes les
réserves qui s'imposent et au conditionnel - qu'un médecin
prescrive des soins qu'il juge nécessaires mais que le médecin de
l'employeur ne jugerait pas nécessaires ou que le médecin de la
Commission de la santé et de la sécurité du travail ne
jugerait pas nécessaires, il y aurait, à ce moment, le
mécanisme de l'arbitrage médical qui, en dernière
instance, déciderait si les soins prescrits sont appropriés ou
non. En d'autres mots, la décision du médecin traitant, eu
égard à la fourniture des soins nécessaires, est
contestable.
M. Cusano: Oui, mais sur cette question de l'autonomie du
médecin traitant, aussi la question du choix de l'établissement,
c'est que lorsqu'on regarde dans le projet de loi -vous me corrigerez si je me
trompe - il y a certains délais avant que tout cela ne soit fait. Si le
médecin traitant décide qu'il faut un certain traitement et que
ce traitement est disponible dans un établissement en dehors du
Québec, est-ce que l'accidenté va pouvoir se prévaloir de
se rendre dans un établissement en dehors du Québec?
M. Fréchette: Je ne sais pas si ce genre de situation
peut, en pratique, exister. Le député de Viau a peut-être
des cas précis en mémoire mais j'essaie d'imaginer dans quelle
situation précise, compte tenu de notre réseau
d'établissements de santé et de la qualité de nos
professionnels, j'essaie d'imaginer dans quelle situation précise il
faudrait, par exemple, à l'intérieur du traitement, prescrire
qu'un traitement médical ou une intervention chirurgicale doit
intervenir à l'extérieur des limites de notre territoire.
Si c'était le cas et qu'il était jugé,
effectivement, que c'est la procédure appropriée et puis c'est la
décision appropriée, cela peut aussi se faire à la
condition qu'au préalable les dépenses inhérentes à
ce genre d'opération aient été évaluées en
même temps qu'autorisées par la commission de la santé et
de la sécurité.
M. Cusano: Alors, c'est la CSST qui aura vraiment le choix.
M. Fréchette: Oui, mais encore là une
décision appelable.
M. Cusano: Oui, certainement.
M. Fréchette: Toutes les décisions sont
appelables.
M. Cusano: Tout est appelable mais lorsqu'on arrive dans un
processus d'appel cela prend du temps. Ce n'est pas une question qui va se
régler, on sait fort bien les délais qui existent. Vous me
demandez si j'ai des cas précis; certainement que j'en ai. Même du
côté, par exemple, de certaines ordonnances du côté
des médicaments, il y en a qui sont dans la région de
Montréal. Je ne sais pas si ça se produit ici à
Québec. 11 y a certains médicaments par exemple, qui sont
disponibles dans certains hôpitaux seulement, parce qu'ils sont au niveau
expérimental.
C'est à ça que je veux en arriver, lorsqu'on parle de
l'établissement, de l'autonomie du médecin traitant et ainsi de
suite. Je veux que le ministre, lorsqu'on parle de soins nécessaires,
essaie de vraiment me définir si l'autonomie du médecin traitant,
c'est un voeu pieux ou bien si ça va être la
réalité.
M. Fréchette: Mme la Présidente, je ne peux pas
ajouter beaucoup aux commentaires que j'ai déjà soumis à
la commission quant à la perception que l'on doit avoir du
phénomène de la fourniture des soins nécessaires, sauf,
peut-être, de répéter qu'il faut comprendre, de toute
évidence, que lorsqu'on parle de la fourniture des soins
nécessaires, on réfère aux soins que le médecin
traitant de l'accidenté juge nécessaires pour atteindre cette
consolidation dont on parle.
Quant au choix de l'établissement, ça aussi c'est
important. La loi - je n'ai pas en mémoire l'article précis -
prévoit que le choix de l'établissement est évidemment la
décision exclusive de l'accidenté. Tout ce qui est ajouté
dans la loi à cet égard-là - cela rejoint la
préoccupation du député de Viau -
c'est que dans certains cas, la commission peut suggérer à
un travailleur, qui n'est pas du tout obligé d'accepter la suggestion,
de songer à la possibilité de se faire traiter dans un autre
établissement et voici pourquoi: Vous avez des accidentés des
régions périphériques qui nécessitent des soins
spécialisés qui ne se donnent que dans de grands centres, par
exemple, Montréal et Québec, ou alors des gens qui peuvent
recevoir des soins dans leur région, mais qui, à cause de la
congestion, sont obligés d'attendre deux, trois, six mois et dans
certains cas, plus, avant d'avoir leur tour dans un établissement de
leur région.
Pourquoi la disposition est-elle là? C'est pour pouvoir indiquer,
à un moment donné, à un travailleur que dans une autre
institution, les mêmes disponibilités de traitement existent. Non
seulement les mêmes disponibilités de traitement existent-elles,
mais il peut les recevoir plus rapidement.
C'est donc la seule - ce n'est même pas une réserve -
indication ou formalité qui existe dans la loi, quant au choix de
l'établissement.
Mais, encore une fois, Mme la Présidente, je ne pense pouvoir
être plus explicite que je ne le suis actuellement en indiquant que la
fourniture des soins nécessaires, c'est tout ce que le médecin
traitant décide de prescrire pour la consolidation de la lésion
de son patient.
M. Cusano: Excusez-moi, M. le ministre, peut-être que je ne
vous comprends pas. C'est que vous avez la décision du médecin
traitant et cette décision est contestable, elle peut être
contestée par l'employeur ou bien la CSST. Est-ce que je me trompe?
M. Fréchette: Je ne pense pas que vous vous trompiez,
non.
M. Cusano: Alors, le médecin traitant -je parle dans des
cas de quasi-urgence, suite à un accident très grave - peut
décider d'envoyer l'individu soit à Montréal ou ailleurs.
Je me demande jusqu'à quel point ça va être
respecté. Ou bien la CSST dit: Non, c'est à l'hôpital un
tel; on peut donner les soins nécessaires sans avoir même
évalué l'état de l'accidenté. C'est ça. Je
voudrais bien que ce soit précisé pour soins nécessaires.
Je ne voudrais pas non plus qu'on arrive à donner une définition
de soins nécessaires, parce que là, on pourrait prendre chaque
mot et commencer à donner une définition.
M. Fréchette: Non, mais l'article, ce ne sera pas long.
(12 h 30)
M. Cusano: Non, je parle de ça, M. le ministre, parce que
ce deuxième paragraphe traite de plomberie et vous nous demandez
d'adopter l'article 1. Il me semble qu'il est nécessaire de remettre
cela à plus tard, une fois qu'on aura regardé les articles,
justement ceux où l'on parle de soins nécessaires parce que cela
n'est pas clair.
En ce qui nous concerne, la question d'autonomie du médecin
traitant n'est pas vraiment claire, parce qu'elle est appelable; elle est
appelable par la CSST et par l'employeur.
M. Fréchette: J'ai un dernier commentaire
là-dessus, Mme la Présidente. Une des préoccupations du
député de Viau, c'est de se demander si, par exemple, à
l'intérieur des limites du territoire du Québec, le
médecin traitant peut décider de prescrire que son patient, qui a
été accidenté à Chibougamau, doit être
traité à l'hôpital Notre-Dame à Montréal. Je
signale au député de Viau que la compréhension qu'on doit
avoir de la fourniture des soins nécessaires dans un cas comme
celui-là, c'est que le médecin traitant de l'accidenté
à Chibougamau pourra prescrire de l'envoyer tout de suite ailleurs. La
seule réserve, c'est que si le médecin traitant prescrivait qu'il
faut aller le faire opérer en Californie, là il faudrait que, au
préalable, les dépenses soient autorisées. À
l'intérieur du territoire du Québec, il n'y a aucune
restriction.
M. Cusano: Cela va pour le moment, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Juneau): M. le député de
Nelligan.
M. Lincoln: Mme la Présidente, j'ai un commentaire dans un
ordre d'idées tout à fait différent. C'est parce que cela
s'enchaîne à ce qu'a dit le député de Viau par
rapport aux objectifs du projet de loi.
Si on regarde le premier paragraphe des objectifs du projet de loi,
c'est tout à fait clair, comme objectif global - là, nous nous
associons tout à fait - quand on arrive au second paragraphe, c'est
plutôt le processus d'application de l'objectif; quant au
troisième paragraphe, duquel je veux parler, je voulais souligner au
ministre les possibilités de problèmes de cedit paragraphe et sur
lesquels il ne s'est peut-être pas arrêté.
En fait, je voulais lui demander si on s'était
arrêté aux problèmes qui pouvaient être causés
par rapport aux sociétés fédérales, alors qu'on
accorde un droit de retour au travail à tous les travailleurs. Pourtant,
on a vu, par exemple, par rapport à la loi 17, le cas paradoxal de
Quebecair, une société du Québec, qui appartient au
gouvernement du Québec, où on se sert de la loifédérale pour contourner l'application de la loi 17. Le fait
est que les travailleurs de
Quebecair, aujourd'hui, ne peuvent pas se prévaloir des droits de
la loi 17 parce que, techniquement et légalement, elle ne s'applique pas
à leur protection comme travailleurs, d'après les lois
fédérales qui régissent les compagnies d'aviation.
En fait, je voudrais souligner au ministre que nous avons
décelé un cas qui opposait la CSST à Bell Canada sur la
question de la Loi sur la santé et la sécurité du travail,
où la cause a été en appel. En appel, le jugement
majoritaire a été que chacune des lois prévoit un
mécanisme, un tribunal d'arbitrage différent. Quant au cas
présent, les articles 33, 36, 37, 40 à 45 de la loi provinciale
n'ont donc pas d'application à l'endroit de l'intimé, qui
était Bell Canada.
Je sais que cette question est abordée, dans de plus amples
détails, au chapitre VII. Mais, en fait, dans les objectifs du projet de
loi, l'article 1, qui est le principal article où on situe les
objectifs, on donne un droit de retour au travail aux travailleurs. Alors, il
faudrait se demander si, par exemple, les travailleurs des
sociétés fédérales, qui dépendent des lois
fédérales... On peut parler des sociétés
fédérales elles-mêmes telles que Air Canada et CN; on peut
parler de celles qui sont régies par les lois fédérales,
comme Bell et des quantités d'autres comme Quebecair. Si dans ce cas, ce
droit de retour au travail est un droit qualifié réellement et
qui n'appartiendrait qu'aux travailleurs des sociétés
régies directement par les lois du Québec, par les lois de la
santé et de la sécurité du travail du Québec et que
là aussi, il y aurait ces mêmes problèmes que des
sociétés régies par les lois fédérales
pourraient se soustraire à cette obligation de droit au travail, alors,
quelle est la situation par rapport à la discrimination, en fait? On
aurait deux groupes de travailleurs, un qui aurait le droit au retour au
travail par rapport à la loi 42, un autre groupe qui pourrait dire: Bon,
la loi 42 ne s'applique pas à nous parce que nous sommes une compagnie
fédérale. Je voulais savoir du ministre s'il avait pris
connaissance de ce jugement qui a été en appel: La CSST contre
Bell Canada, et s'il ne pense pas que cela constitue un problème
d'importance qui devrait être réglé?
M. Fréchette: Effectivement, Mme la Présidente, le
problème que soulève le député de Nelligan est de
taille et de surcroît préoccupant. Dans la cause à laquelle
il se réfère, CSST versus Bell Canada, effectivement la Cour
d'appel en est venue à la conclusion que les sociétés
fédérales qui étaient régies par les dispositions
ou bien du Code canadien du travail ou alors par les dispositions de la
santé et de la sécurité relevant du gouvernement
fédéral, ces institutions étaient exclues de l'application
de la Loi sur la santé et la sécurité du travail. Je
signalerai cependant un détail que le député a sans doute
oublié, c'est qu'il y a actuellement pendante devant la Cour
suprême une requête pour permission d'appeler et le jugement n'a
pas encore été rendu sur la requête pour permission
d'appeler.
Quant à l'autre aspect de la question, est-ce que les
dispositions du troisième paragraphe de l'article 1 ont comme objectif
de couvrir tous les travailleurs du Québec, même ceux qui sont au
service de sociétés ou d'institutions fédérales?
C'est évident que c'est l'objectif. On n'est cependant pas exempt de ce
danger dont vient de parler le député de Nelligan. Si un
organisme, une société ou une corporation s'avisait de contester
cette disposition-là en alléguant que le même droit est
couvert par des dispositions de lois fédérales, il est
évident que nous pourrions nous retrouver en contestation devant les
tribunaux. La première évaluation qu'on en a faite au moment
d'écrire la loi, c'est que contrairement au problème très
spécifique qui a été soulevé dans la cause de Bell
Canada, il n'y aurait pas - et je vous signale que c'est notre
évaluation - actuellement dans aucune loi fédérale
canadienne concernant les relations du travail ou la santé et la
sécurité, un mécanisme semblable. Si notre
évaluation est exacte, nous devrions, ou bien être à l'abri
de poursuites judiciaires ou alors, si on était l'objet de poursuites
judiciaires, être en mesure de convaincre les tribunaux de la position
qu'on soutient. Alors, c'est essentiellement la position.
M. Lincoln: Si la requête en appel à la Cour
suprême est acceptée, que la cause va à la Cour
suprême et que l'appel est consolidé... En d'autres mots, si les
mêmes décisions sont rendues par la Cour suprême, à
ce moment-là, parce que cela irait plus loin en fait que le retour au
travail, cela voudrait dire que dans les cas comme celui de la Cour d'appel
où il y avait un retrait préventif en cas de grossesse, cela
irait beaucoup plus loin que cela. À ce moment-là, allez-vous
prendre des dispositions, ou par les lois du Québec ou bien par des
ententes spécifiques avec le fédéral, pour régler
ce problème? C'en est un, quand vous considérez la
quantité de travailleurs qui sont régis par des lois
fédérales à travers des sociétés
fédérales, si on ajoute même Air Canada, Canadien National,
Bell et toutes les autres. Ce sont des centaines de milliers. Est-ce que cela
ne serait pas un problème qu'il faudrait adresser à... Est-ce que
vous avez un échéancier quelconque qui dit, bon la
première chose, on va faire appel à la Cour suprême si le
droit d'appel est accepté. Il y a deux scénarios, le droit
d'appel à la Cour suprême peut être refusé
ou la cause va en Cour suprême et cela prend quelques mois ou un
an ou deux ans, je ne sais pas.
À un moment donné, il faut arriver à
l'évidence que d'une façon ou d'une autre, si la Cour
suprême annule la décision, alors tout rentre dans l'ordre, mais
s'il n'y a pas de droit d'appel en Cour suprême qui est accepté ou
si la Cour suprême accepte la décision de la Cour d'appel, est-ce
que, à ce moment-là, il ne faut pas aller plus loin que cela?
Est-ce qu'on ne se retrouve pas dans une situation où on a deux groupes
de travailleurs, les travailleurs régis... Comme le cas est paradoxal,
au lieu d'une société appartenant au gouvernement du
Québec, le gouvernement du Québec se sert réellement de la
loi fédérale pour dire: la loi 17 que nous avons
créée nous-même ne s'applique pas aux travailleurs? Est-ce
que cela n'est pas deux poids, deux mesures?
M. Fréchette: Mme la Présidente, le débat
que soulève le député de Nelligan a deux aspects dans le
sens suivant. Ce qui est actuellement en discussion devant les tribunaux, c'est
un mécanisme d'application de la loi 17, pas la loi 17 relative au Code
du travail, mais la loi 17 ayant créé la Commission de la
santé et de la sécurité du travail et de façon plus
spécifique, le droit au retrait préventif.
Si la Cour suprême, ou bien refusait d'entendre l'appel où
alors l'entendait et confirmait le jugement de la Cour d'appel, c'est
évident qu'à ce moment-là, le droit au retrait
préventif que l'on retrouve dans la loi 17 est très
sérieusement compromis. Je ne vais pas contester cela d'aucune
espèce de façon. Si l'on devait malheureusement se rendre
jusqu'à cette étape, il me semble qu'à ce moment, le
débat devient strictement politique. Je veux dire qu'il n'y aurait pas
de possibilité pour le gouvernement du Québec de procéder
à quelque amendement que ce soit à quelque loi que ce soit, pour
contrer cette difficulté. C'est dans ce sens que je dis que le
débat se transporterait alors carrément au palier politique des
deux gouvernements.
C'est un peu différent du phénomène dont on est en
train de discuter. Je ne pense pas que si la Cour suprême devait
maintenir le jugement de la Cour d'appel, cela doive nécessairement
invalider la disposition du troisième paragraphe de l'article 1 qui
concerne le droit de retour au travail. Parce que selon notre
évaluation, c'est que dans l'état actuel des choses, il n'y
aurait dans aucune disposition d'une loi fédérale, un
espèce de droit qui aurait une allure concurrente ou enfin qui serait
à peu près de même nature dans deux législations
distinctes et, s'il n'existe pas de dispositions de cette nature dans une loi
fédérale, le problème causé par la cause de Bell
Canada n'existerait pas. Enfin, c'est l'évaluation qu'on fait à
ce stade-ci. J'espère qu'elle va continuer d'être la bonne, c'est
notre façon de voir la situation.
M. Lincoln: Est-ce que je comprends bien, Mme la
Présidente, est-ce que je comprends bien, M. le ministre, qu'il y a eu
une évaluation, une opinion légale, que le cas a
été étudié, que selon vous, la décision
quant à la CSST et Bell Canada n'influencerait pas la question de retour
au travail sous la loi 42?
M. Fréchette: Si le député de Nelligan me
parle d'une opinion légale à proprement parler, tout à
fait circonscrite, balisée à l'intérieur d'un long texte,
je lui dirai que non. Il n'y a pas d'évaluation de ce genre. Mais la
situation a été discutée à travers toutes les
séances qu'il a fallu tenir pour préparer la loi, et la
conclusion à laquelle tous en arrivent, c'est qu'effectivement, dans
l'état actuel des choses, à partir d'une analyse des dispositions
du Québec et des dispositions fédérales, il n'y aurait pas
cette concurrence dont je parlais tout à l'heure.
M. Lincoln: Est-ce que je pourrais faire une suggestion, M. le
ministre, puisque nous admettons que c'est un problème potentiel
sérieux? C'est sûr que, si on parle, si, par exemple, la
décision d'aller ou non en Cour suprême était
confirmée, si elle avait une influence sur le cas du retour au travail
-admettons, c'est possible - est-ce que cela n'aurait-il pas valu la peine d'en
faire une évaluation juridique approfondie? Pour en fait être en
avance, prévenir la possibilité que des centaines de milliers de
travailleurs -peut-être qu'il y aurait une société de la
couronne fédérale comme Air Canada ou Bell, je ne sais laquelle,
ou CN, qui justement contesterait ce droit donné par la loi 42 - est-ce
que cela ne vaudrait pas la peine de nous mettre en avant du problème,
d'essayer de voir où exactement nous nous tenons là-dessus? Je
sais que nous allons y revenir au chapitre VII. Je pense que cela aurait
été bon, avant le chapitre VII, d'aborder le problème, de
faire un peu les balises, de voir si cela n'est pas possible, au sein de votre
ministère ou du ministère de la Justice, de voir ce
problème plus en profondeur.
M. Fréchette: Mme la Présidente, je voudrais bien
qu'on prenne la précaution de procéder à une analyse
minutieuse et détaillée de chacune des dispositions de nos lois.
S'il arrivait qu'à la suite d'une évaluation de cette nature, on
en vienne à la conclusion qu'il y a possiblement un danger
qu'éventuellement un droit qu'on voudrait reconnaître à des
travailleurs puisse être contesté et même nié en
dernière instance
par la Cour suprême et qu'on ne l'inscrive pas dans la loi, il y a
un nombre considérable de choses qu'on ne retrouverait pas dans nos lois
et qui sont à l'avantage des gens pour qui ces lois sont faites. En
d'autres mots, je ne peux pas, par présomption, renoncer au désir
que j'ai d'inscrire, dans une loi de la réparation des accidents du
travail, un droit essentiel, parce qu'il y a une crainte éventuelle
qu'une cour en vienne à la conclusion qu'il n'est pas constitutionnel.
Je ne vais certainement pas renoncer d'avance.
Deuxièmement, Mme la Présidente, s'il fallait accepter
l'argumentation du député de Nelligan jusqu'à la limite,
cela voudrait dire que, chaque fois que, dans n'importe laquelle de nos
législations - pas nécessairement celle-ci - il y a une
ambiguïté ou un doute ou alors des questions qui se posent, on ne
doive pas légiférer, cela va créer de sérieux
embarras pour plusieurs législations. Deuxièmement, cela n'est
pas le cas ici, mais, sur le plan des principes, il faut, dans certains cas,
à cause de l'ambiguïté qui existe autour de certaines
dispositions législatives, faire le test de l'autorité judiciaire
pour savoir très précisément où on doit loger en
termes juridictionnels. Pour ces motifs, je serais fort mal à l'aise de
retirer de la loi la consécration du droit de retour au travail parce
que éventuellement telle ou telle chose peut se produire. Par ailleurs,
je suis conscient de l'acuité du problème que soulève le
député de Nelligan.
M. Lincoln: Mme la Présidente, je pense qu'il y a un
malentendu. Je n'ai jamais suggéré, M. le ministre, qu'on retire
le droit de retour au travail. Tout ce que j'ai souligné, c'est qu'on
est devant le fait d'une décision qui s'est passée par rapport
à la CSST elle-même et Bell Canada et qui a des
conséquences certainement sérieuses. Cela est un fait. On ne peut
pas l'ignorer. Cela ira en Cour suprême qui va le confirmer ou non. Si
cela n'est pas confirmé, si cela est infirmé, alors, nous
retournons au point de départ où tout est pour le mieux. Si cela
était confirmé, on constate qu'il y a déjà un
problème. Tout ce que j'ai suggéré, c'est qu'on puisse le
mettre dans la loi et dire: Bon, on va attendre qu'il y ait un conflit devant
les tribunaux, on va aller faire la même chose que dans leur cas.
Là, on a déjà un avertissement. Tout ce que je
suggère, c'est qu'au moins on soit préparé avec une
étude conséquente qui montrerait les bons et les mauvais
côtés de la chose, certainement les avantages que nous avons de
mettre cela dans la loi, quelles sont nos protections, etc. D'après ce
que vous m'avez dit, cela a été une étude sommaire. Cela
n'a pas été quelque chose d'approfondi, mais peut-être
qu'on devrait faire cela maintenant plutôt que d'attendre qu'une
société fédérale nous fasse tester la loi une
seconde fois. Je ne dis nullement qu'on ne devrait pas le mettre dans la
loi.
M. Fréchette: Je voudrais être sûr de bien
comprendre la suggestion du député de Nelligan. Ce qu'il dit
essentiellement, c'est: Gardez cette disposition dans la loi, mais soyez
prêts au cas où. Soyez prêts au cas où, par exemple,
en première étape, la Cour suprême confirmait le jugement
de la Cour d'appel dans le cas de Bell Canada et que ce jugement avait une
incidence sur le phénomène du droit de retour au travail. En
d'autres mots, le député de Nelligan nous donne le conseil
judicieux de se bien préparer à faire éventuellement face
à des contestations judiciaires. Je suis bien disposé...
M. Lincoln: J'allais un petit peu plus loin que cela. Je dis: Si,
par exemple, vous faisiez une telle étude approfondie, quand nous
arriverions à l'étude du chapitre VII, cela nous donnerait du
temps de recul. Au moins nous serons préparés, quand on arrivera
au chapitre VII, à peut-être faire des suggestions. La
sélection d'articles possibles pourrait renforcer l'objectif que vous
vous fixez. Il me semble qu'en arrivant au chapitre VII il faudra discuter de
cette question.
M. Fréchette: Je n'ai pas d'objection à ce qu'on en
discute, Mme la Présidente, mais je ne vois pas pourquoi on devrait
à cet égard-là ne pas adopter l'article 1. Cela
n'empêche pas l'adoption de l'article 1. Cela n'empêche pas non
plus que, lorsqu'on arrivera au chapitre VII, on fasse la discussion
fondamentale sur le sujet dont parle le député de Nelligan et
que, dans l'intervalle, on regarde de plus près quelle est très
précisément notre évaluation de la situation juridique de
la question.
M. Lincoln: Mais, par rapport au troisième chapitre, je
n'ai pas dit de ne pas adopter l'article 1. Il y a les réserves
qu'avaient mes collègues par rapport au chapitre II qu'il faudra
régler. C'est une autre affaire, mais, par rapport au chapitre III,tout ce que j'ai dit, puisqu'on aborde cette question qui est
sérieuse: Soyons prêts avec des études, etc. Quand on
arrivera au chapitre VII, on va discuter, on va avoir quelque chose
d'étoffé devant nous pour pouvoir faire le compte et faire des
suggestions. C'est cela que je veux demander au ministre.
La Présidente (Mme Juneau): M. le député de
Frontenac.
M. Grégoire: Je voudrais faire une suggestion au ministre
du Travail. Cela se
produit souvent dans des commissions parlementaires qu'on suspend un
article et on revient à la fin de l'étude de tout le projet de
loi. Il y a 10 ou 12 articles qui ont été suspendus et qui
passent vite parce que d'autres parties de la loi ont été
étudiées. On gagne du temps. Cela va plus vite et la discussion
ne se fait pas deux fois, elle ne se fait qu'une fois. Si on fait la discussion
sur le deuxième paragraphe de l'article 1 immédiatement, elle va
être recommencée plus tard. On va revenir à l'article 1 et
tout le monde va dire: adopté. Cela se fait régulièrement
et on gagne du temps. Il n'y aura pas une série d'articles. Il peut y en
avoir 10 ou 12 dans le courant de l'étude de toute la loi qui soient
suspendus en attendant qu'on ait des explications qui seront données un
peu plus tard. Je pense que le ministre aurait intérêt à
faire cela. Ça va lui permettre de gagner du temps et cela va aller plus
vite. Cela se fait dans toutes les commissions parlementaires.
M. Fréchette: Je suis tout à fait au fait de cela
et j'étais également tout à fait conscient qu'en abordant
l'étude de la loi 42 nous allions devoir, à un moment
donné, à un stade ou l'autre, tenir un certain nombre d'articles
en suspens. Sauf que je n'ai pas compris dans l'argumentation du
député de Nelligan qu'il demandait la suspension de l'adoption de
l'article 1, à moins, encore une fois que je ne l'aie mal saisi. Il nous
donne un préavis, le député de Nelligan, un préavis
judicieux d'être prêt à répondre aux questions,
lorsqu'on arrivera aux questions sur le chapitre du droit de retour au travail,
pour nous assurer de la constitutionnalité de la disposition. C'est
comme cela que je comprends le préavis du député de
Nelligan.
M. Lincoln: Moi, je n'ai parlé que par rapport au
troisième paragraphe. Je vais laisser le soin à mon
collègue de Viau qui est notre porte-parole de décider s'il
demande une suspension ou non. Ce n'était pas du tout le sens de mon
intervention. Je sais qu'il a beaucoup de réserves par rapport au
paragraphe 2. Moi, j'ai voulu purement apporter certains commentaires au
ministre. Ce sera à notre porte-parole de décider s'il demande la
suspension.
M. Cusano: Mme la Présidente, je disais tout à
l'heure justement que, sur la question de cet article, on est d'accord avec le
premier paragraphe. Mais, lorsqu'on arrive, justement, aux deuxième et
troisième paragraphes, il faut qu'on ait des explications.
Le ministre s'est engagé sur la question de la consultation
à définir d'une façon assez claire ce qu'il entend par le
mot "consolidation". Maintenant, je ne peux pas accepter qu'on adopte ou qu'on
vote sur cet article-là, parce que, selon la définition que vous
allez donner à "consolidation", ça va tout changer. Une fois
qu'on aura... S'il est adopté présentement, on ne peut plus y
revenir, M. le ministre.
Alors, je crois qu'on peut faire deux choses. Une qui serait
peut-être plus complexe, c'est qu'on pourrait adopter les articles par
paragraphe. Mais là, je pense que le secrétariat va avoir de la
difficulté, non pas à se comprendre, parce que ces gens sont
très compétents, mais enfin, ça va être très
long.
Moi, je suggère et, si nécessaire, j'en fais une motion
formelle, de suspendre l'article 1 jusqu'au moment où on sera
prêt, où on connaîtra vraiment la portée de tout
l'article. Il me semble que c'est une demande qui est très raisonnable,
Mme la Présidente et M. le ministre, parce qu'on sait que ce n'est pas
la présidente qui va prendre la décision sur cela; c'est
certainement le ministre.
Alors, je demeure encore dans un esprit de coopération, pour
qu'on comprenne très bien si c'est nécessaire de suspendre
l'adoption de cet article à ce moment-ci.
M. Fréchette: Est-ce que je dois comprendre, Mme la
Présidente, qu'il y a une motion formelle sur la table?
M. Cusano: C'est-à-dire que, si vous voulez que j'en fasse
une, je vais en faire une.
M. Fréchette: Non, je ne vous ai pas demandé si...
Je me suis adressé à la présidence pour savoir s'il y
avait une motion formelle sur la table.
La Présidente (Mme Juneau): II n'y en a pas pour le
moment, M. le ministre.
M. Fréchette: Mme la Présidente, l'argument
qu'utilise ou qu'invoque le député de Viau pour demander à
ce stade-ci la suspension de l'adoption de l'article 1, se réfère
à la définition qu'on est en train d'élaborer autour du
terme "consolidation" et qu'on devra retrouver à l'article 2.
Mais, Mme la Présidente, quelle que soit la définition que
l'on retienne pour le terme "consolidation", dans l'article 1, au paragraphe 2,
on va toujours retrouver le mot "consolidation". Cela ne change strictement
rien au deuxième paragraphe de l'article 1. Cela va toujours être
de la consolidation. On va simplement retrouver, à l'article 2, une
définition de la consolidation, à moins que le
député de Viau ne dise: II ne devrait pas y avoir, dans l'article
2, de référence à la fourniture des soins
nécessaires. Il ne devrait pas y avoir de référence
à la consolidation. Il ne devrait pas y avoir de référence
à la réadaptation
physique, sociale et professionnelle. Il ne devrait pas y avoir de
référence au droit de retour au travail, parce qu'il y a un
danger éventuel de contestation judiciaire. Si c'est à ça
que se réfère le député de Viau, c'est une tout
autre situation.
Mais ce n'est pas comme ça que je comprends son argumentation. Il
dit: N'adoptons pas l'article 1, parce qu'on va définir, dans l'article
2, la consolidation. Ce n'est pas parce qu'on va déterminer une
définition du terme "consolidation" que le terme même de
"consolidation" va changer dans le paragraphe 2 de l'article 1. Alors, j'ai de
la difficulté, Mme la Présidente, à accepter cette
argumentation.
La Présidente (Mme Juneau): M. le député de
Viau.
M. Cusano: M. le ministre, si la définition qu'on
apportera au mot "consolidation" est acceptable de notre part, ça change
notre position sur cette question de voter pour ou voter contre l'article 1.
C'est aussi simple que ça.
Je sais que vous allez peut-être, avec votre expérience
d'avocat, commencer à couper les cheveux en quatre. Ce n'est pas
à ça que je veux en arriver. C'est tout simplement pour qu'on
puisse bien procéder. On demande de suspendre - j'en fais, à ce
point-ci, une motion formelle à Mme la Présidente - l'article 1
pour qu'on puisse prendre connaissance de ce que l'article 1 implique.
La Présidente (Mme Juneau): Je m'excuse. M. le
député de Viau, étant donné que je constate qu'il
est rendu 13 heures, nous devons suspendre nos travaux et reprendre
après les affaires courantes.
(Suspension de la séance à 13 heures)
(Reprise à 16 h 19)
La Présidente (Mme Juneau): La commission de
l'économie et du travail reprend ses travaux pour l'étude du
projet de loi 42, Loi sur les accidents du travail et les maladies
professionnelles.
Nous nous sommes quittés sur la motion du député de
Viau demandant que l'article 1 soit reporté. La parole est au
député de Châteauguay.
M. Dussault: Oui, Mme la Présidente, avant que vous ne
rendiez votre décision...
La Présidente (Mme Juneau): Excusez-moi, c'est sur la
recevabilité de la motion du député de Viau.
M. Dussault: C'est ce que j'allais vous dire. Avant que vous ne
rendiez une décision sur la recevabilité de cette motion, je me
permets, Mme la Présidente, de vous donner un éclairage qui est
le suivant. Il me semble, depuis les huit ans que j'ai été
député à l'Assemblée nationale, qu'au moment
où nous avions une suggestion visant à suspendre un article d'un
projet de loi, à suspendre l'étude de cet article, l'on devait
donner notre consentement à l'unanimité pour ce faire.
Il me semble qu'à partir du moment où on met cette
question aux voix, ici, nous renions cette règle de l'unanimité
pour en faire l'enjeu d'un débat qui pourrait durer un temps assez long.
De plus, Mme la Présidente - je suis toujours en train d'essayer de vous
éclairer sur la recevabilité - il m'apparaît que l'article
1, parce qu'il s'agit de celui-là en plus, présentement, est un
article de fond, un article essentiel puisque c'est à partir de cet
article que beaucoup d'autres articles qui suivront prendront leur sens.
II m'apparaît que, si on devait mettre aux voix une telle motion
et si elle devait être adoptée, cela aurait pour
conséquence d'étudier les articles, par la suite, qui seraient
plutôt pendants par rapport au principe, par rapport à l'objet du
projet de loi.
Mme la Présidente, puisque, de toute façon, si vous
décidiez de la recevoir, cette motion pourrait être de
conséquence pour le reste de nos travaux et pour bien d'autres travaux
qui suivraient, il m'apparaît qu'il serait important que, si vous aviez
le moindre doute sur cette motion, vous preniez la chose en
délibéré et que vous nous apportiez le meilleur
éclairage possible quand vous rendrez la décision.
La Présidente (Mme Juneau): Merci, M. le
député. M. le ministre.
M. Fréchette: Mme la Présidente, je veux ajouter un
seul élément à l'argumentation du député de
Châteauguay. C'est pour nous rappeler le danger que pourrait
représenter une décision en vertu de laquelle, par exemple, une
motion de cette nature serait recevable. Cela voudrait dire -et on a un projet
de loi de 566 articles, cela fait longtemps qu'on se le fait dire - que, pour
tous les articles du projet de loi, le même processus pourrait se
représenter, non seulement pour les articles numérotés du
projet de loi, mais aussi pour des amendements, des sous-paragraphes, des
paragraphes. Alors, cela deviendrait tout à fait illusoire d'essayer de
procéder à l'adoption d'un projet de loi dans une situation comme
celle-là.
Alors, j'appuie sans réserve l'argumentation du
député de Châteauguay. Si vous jugez utile de prendre le
temps qu'il
faut pour regarder la situation de près, je vous suggère,
quant à moi, sans aucune réserve et, évidemment, je n'y
ferai aucune espèce d'objection... Encore une fois, la question est
à ce point importante qu'il faut, me semble-t-il, prendre tout le temps
nécessaire pour la bien cerner et, ensuite, rendre la décision
qui fera en sorte que nous pourrons, normalement, évoluer dans nos
travaux.
La Présidente (Mme Juneau): Merci, M. le ministre. M. le
député de Viau.
M. Cusano: Merci, Mme la Présidente. Vous comprendrez la
raison pour laquelle j'ai présenté cette motion; plusieurs
facteurs m'ont influencé. Un des facteurs les plus importants, c'est le
fait que le ministre nous a déposé nier cette liasse
d'amendements au projet de loi; je n'ai même pas encore fini de les
compter, mais il y en a au-delà de 200, si je ne me trompe pas. Si le
ministre les a déposés, je présume que ceci va avoir un
impact, même sur l'article 1, selon le contenu du projet de loi et des
amendements. Et je ne vois pas pourquoi, à ce moment-ci, on ne pourrait
pas, compte tenu du fait... Je ne serai pas méchant en demandant au
député de Châteauguay s'il a pris connaissance,
c'est-à-dire s'il a lu tous les amendements qui sont proposés,
qui vont certainement amener des changements au projet de loi et qui
pourraient, dans un sens, nous placer dans une situation où l'on va
adopter un article où il y a certains principes et après on ne
pourra pas y revenir, parce que cela a été changé. Il me
semble que cela a déjà été fait, cela a
été soulevé ce matin par d'autres collègues, qui
ont dit que cela a déjà été fait, il y a des
précédents à cela, à savoir qu'on peut suspendre un
article et y revenir après.
Alors, je peux assurer le ministre que ce n'est pas l'intention de
l'Opposition d'arriver, de façon systématique, à chacun
des articles et d'en demander le report. Ce n'est pas cela. Le premier article
est un article fondamental, qui indique l'objet du projet de loi. Et je pense
que, en toute décence, il faudrait donner l'occasion à tous les
membres de cette commission de bien étudier l'impact, même si le
député de Châteauguay les a lus depuis qu'il les a
reçus, de ces amendements au projet de loi.
C'est pour cela, Mme la Présidente, que j'insiste. Je crois que
la motion est recevable et je ne vois pas pourquoi on commence à faire
toutes sortes de chiards de l'autre côté sur cette motion.
Alors, pour le moment, Mme la Présidente, c'est tout ce que j'ai
à dire. Et si vous jugez nécessaire de prendre cette question en
délibéré, à ce moment-là, il va falloir, je
crois, suspendre nos travaux.
La Présidente (Mme Juneau): Effectivement, M. le
député de Viau, étant donné qu'il y a des
divergences d'opinions, je pense que la commission se doit de prendre la chose
en délibéré, d'arrêter momentanément les
travaux et...
M. Dussault: M. le député de Viau se
réfère à moi constamment quant au nombre d'amendements
apportés au projet de loi. Je voudrais faire remarquer quand même
que... Regardez le contenu. J'ai surtout constaté qu'il y a quelques
amendements de fond importants, mais qu'il y a des dizaines et des dizaines
d'amendements de concordance qui découlent de cela et qui font qu'on a
un paquet de feuilles. Je pense que c'est important de le dire; sinon, cela
laisse planer l'impression qu'on est en train de refaire toute la loi. Cela
n'est pas du tout le cas.
Deuxièmement, Mme la Présidente, ce à quoi je m'en
prenais tout à l'heure quand je vous ai fait des représentations,
c'est au formalisme de l'approche qu'a utilisée le député
de Viau pour nous amener à suspendre l'étude. Qu'il nous demande
de consentir à suspendre cet article, cela sera une tout autre affaire;
mais qu'il nous demande de voter cela par une motion, je pense que c'est
dangereux. Cela nous amène forcément à faire des
vérifications très serrées pour que cela ne fasse pas
jurisprudence. Je ne me rappelle pas qu'on ait procédé comme
cela. Si cela avait été le cas, il me semble qu'on aurait
à la mémoire des blocages de commissions absolument
extraordinaires. On en aurait facilement à la mémoire. Je ne me
rappelle pas qu'on ait utilisé une telle technique pour en arriver
à bloquer une commission. C'est ce qui me fait penser que cette
possibilité de voter une telle motion n'existe pas. J'ai plutôt
l'impression très nette que nous avons toujours fonctionné par
consentement mutuel, consentement unanime de la commission. C'est cela que je
veux qu'on vérifie d'une façon très serrée.
C'était l'objet de mon intervention.
M. Cusano: Sur cette question, Mme la Présidente, je
répète ce que j'ai dit. Je suis d'accord pour que vous preniez la
question en délibéré, mais je vois, en attendant, la
nécessité de suspendre les travaux.
M. Fréchette: Mme la Présidente, permettez qu'avant
que vous preniez le tout en délibéré, j'ajoute un seul
commentaire. L'argumentation du député de Châteauguay est
très importante. Là, on a décidé de procéder
par la voie juridique, par la voie légale, c'est-à-dire le
dépôt ferme d'une motion demandant la suspension de l'article 1.
Bien sûr, vous allez devoir vous pencher sur ce problème et nous
indiquer quelle est la teneur du règlement à cet égard. Si
vous en arrivez à la conclusion, Mme la
Présidente, que la motion est recevable, nous entreprendrons le
débat de fond. Si, par ailleurs, vous en arrivez à la conclusion
que la motion n'est pas recevable, je voudrais bien que l'on sache, à ce
stade-ci, que, comme on a décidé d'emprunter plutôt la voie
juridique que la voie du consentement dont on parlait tout à l'heure,
cela va être le même processus pour tous les autres articles. Je ne
sais pas si je suis suffisamment clair. Je veux dire que nous allons disposer
de la situation une fois pour toutes, par la voie juridique. Je vous
réitère que j'aurais été, quant à moi,
disposé à considérer sérieusement la
possibilité de procéder, par voie de consentement de tous les
membres de la commission, à suspendre l'article 1 pour le moment et
à entreprendre l'étude de l'article 2, mais, si la voie du
consentement n'est pas celle que retient le député de Viau, nous
allons attendre, Mme la Présidente, la décision que vous rendrez.
(16 h 30)
La Présidente (Mme Juneau): Étant donné que
le ministre vient de nous faire une certaine ouverture... Oui, M. le
député.
M. Grégoire: Avant que vous ne rendiez une
décision, peut-être que le député de Viau serait
consentant à tout simplement demander au ministre que, de consentement,
sans qu'il y ait motion, on suspende l'article 1...
La Présidente (Mme Juneau): J'allais le dire, cher
monsieur.
M. Fréchette: Je pensais que j'avais été
suffisamment clair.
La Présidente (Mme Juneau): Est-ce qu'on pourrait,
à ce moment, convenir qu'on pourrait suspendre l'article 1
jusqu'après l'article 2, en délibérer, et, quand l'article
2 sera adopté, nous reviendrons avec l'article 1? Est-ce que c'est
à peu près cela?
M. Fréchette: Oui, c'est le processus auquel je pense,
mais il faut une condition préalable à cela, Mme la
Présidente, et le député de Frontenac vient de le
signaler. Il faut que la motion qui est actuellement en discussion soit
retirée par le député de Viau.
La Présidente (Mme Juneau): C'est exact.
Une voix: C'est cela.
M. Fréchette: Si la motion est retirée, je lui dis
tout de suite que, quant à moi, je n'aurai pas d'objection, par la voie
du consentement unanime, à suspendre l'étude de l'article 1 pour
entreprendre immédiatement l'étude de l'article 2.
La Présidente (Mme Juneau): M. le député de
Viau.
M. Cusano: Mme la Présidente, nous avons, tout au long de
la discussion de l'article 1, exprimé, de notre côté, qu'il
y avait une volonté de remettre cet article à plus tard.
C'était dans une esprit non juridique, c'est plutôt une question
d'entente. Les commentaires qu'on a entendus de l'autre côté de la
Chambre étaient que ces gens n'étaient pas favorables. Avec la
garantie que le ministre vient de me donner, je suis prêt à
retirer ma motion et à accepter la vôtre, Mme la
Présidente, à savoir qu'on revient à l'article 1
après l'étude de l'article 2.
Une voix: C'est cela. Cela va.
La Présidente (Mme Juneau): Cela va? Est-ce que tous les
députés sont d'accord? La motion est retirée.
Une voix: La motion est retirée.
M. Cusano: Je retire ma motion moyennant la condition qui a
été soulevée par le ministre du Travail.
M. Fréchette: Nous consentons, Mme la Présidente,
à la suite du retrait de cette motion, à suspendre l'étude
de l'article 1 et à entreprendre tout de suite l'étude de
l'article 2.
Interprétation
La Présidente (Mme Juneau): Nous passons, maintenant,
à l'article 2.
M. Cusano: Une question de directive, Mme la
Présidente.
La Présidente (Mme Juneau): Oui, M. le
député de Viau.
M. Cusano: L'article 2 contient une série de
définitions, commençant par "l'accident du travail" et se
terminant par le "travailleur autonome". La directive que je vous demande vise
à savoir si le droit de parole est limité à 20 minutes
pour la totalité de l'article ou à 20 minutes par
définition.
La Présidente (Mme Juneau): D'accord. L'article 238 se lit
comme suit: "Le temps de parole de vingt minutes dont disposent les membres de
la commission vaut pour chaque article, alinéa ou paragraphe d'un projet
de loi, chaque amendement ou sous-amendement ou chaque article qu'on propose de
modifier ou d'ajouter dans une loi existante. Ce temps de parole peut
être utilisé en une ou plusieurs interventions." Ceci veut dire
que,
dans l'article 2 du projet de loi, il est question de 18 alinéas
qui correspondent à 18 définitions, c'est-à-dire 18 fois
20...
M. Cusano: C'est-à-dire 18 fois 20 par
député.
La Présidente (Mme Juneau): C'est exact.
M. Cusano: Merci.
M. Fréchette: 20 fois 18, c'est cela?
La Présidente (Mme Juneau): Oui, c'est cela.
M. Cusano: C'est théorique cela, M. le ministre.
M. Fréchette: Cela prendrait un miniordinateur. Alors,
c'est l'article 2, paragraphe 1.
La Présidente (Mme Juneau): Nous appelons l'article 2.
M. Cusano: Mme la Présidente, je vois le ministre sourire,
mais ce sont nos règlements. Je crois qu'il ne serait pas sérieux
de notre part d'aborder justement 18 définitions en 20 minutes. Cela
veut dire, en sortant l'ordinateur, une minute et quelques secondes par
définition. Je crois que ce serait irresponsable. Je n'ai pas
l'intention, M. le ministre, je vous le dis tout de suite, de prendre 20
minutes par définition.
Une voix: Vous êtes donc gentil.
M. Cusano: C'est gentil de notre part;
M. Fortier: Moi aussi, je suis soulagé.
M. Cusano: Mon collègue d'Outremont est très
soulagé.
M. Fréchette: Vous êtes bien bon pour nous.
La Présidente (Mme Juneau): Est-ce que vous souhaiteriez
prendre alinéa par alinéa, discuter de chacun d'eux, avec les
réponses du ministre et les autres membres de la commission ou si...
M. Cusano: C'est bien cela, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Juneau): ...vous souhaiteriez discuter
de tout cela ensemble?
M. Cusano: J'aimerais, de notre côté, qu'on prenne
justement chaque alinéa et on pourrait en discuter, poser des questions
au ministre, comme il est d'habitude de le faire et selon...
M. Fréchette: Oui, oui.
La Présidente (Mme Juneau): Cela va?
M. Cusano: Cela va.
La Présidente (Mme Juneau): Cela va. La parole est
à vous, M. le député.
M. Cusano: On est au premier alinéa. Est-ce bien cela?
La Présidente (Mme Juneau): Nous sommes au premier
alinéa.
M. Cusano: Je pense qu'on ne s'attardera pas sur le
préambule, qui dit qu'il y a justement des définitions. Dans le
premier alinéa, sur la question de l'accident du travail, qui est
défini comme "un événement imprévu et soudain
attribuable à toute cause, survenant à une personne par le fait
ou à l'occasion de son travail et qui entraîne pour elle une
lésion professionnelle;", cet article... Il y a un peu de changement.
J'ai remarqué que, parmi les amendements qui sont proposés, le
ministre y amène indirectement un certain changement. Je crois que c'est
à l'article 27.1, M. le ministre.
Une voix: L'article 27.1.
M. Cusano: L'article 27, si je ne me trompe pas.
M. Fréchette: Oui.
M. Cusano: Dans la liasse des amendements qu'il a
déposée.
J'aimerais demander au ministre pour quelle raison on a soustrait de
cette définition l'imprudence grossière du travailleur. Cette
question est fondamentale, pour ma part, et je ne parle pas... Je ne voudrais
pas qu'on m'impute certaines choses lorsqu'on parle d'imprudence
grossière. C'est que je ne parle pas de l'individu, parce que je crois
qu'aucune personne ne veut s'infliger des blessures au travail. Mais nous avons
vécu plusieurs fois l'expérience où l'imprudence
grossière de la part du travailleur a joué un rôle,
justement, très important - ce n'est pas un rôle important mais
c'est une question qui a été trèscontestée... Pourquoi le ministre a-t-il enlevé cette notion
d'imprudence grossière? Parce que, sur le chantier de construction ou
sur n'importe quel autre lieu de travail, il y a des gestes d'imprudence
grossière. Ceci, des fois, est dû aux directives du
côté patronal, mais aussi à certaines directives ou
certaines actions de la part de l'individu qui travaille.
M. Fréchette: Mme la Présidente, je ne voudrais pas
interrompre indûment le député de Viau, mais je voudrais
lui signaler que, dans la liasse d'amendements qui lui a été
remise, il va retrouver, à l'article 27.1...
M. Cusano: Oui.
M. Fréchette: ...un amendement qui réintroduit la
notion de négligence grossière. Et alors, cela veut dire qu'en
réintroduisant à l'article 27.1 la notion de négligence
grossière on revient très précisément dans le statu
quo de la loi actuelle.
M. Cusano: Mais est-ce qu'on peut m'expliquer pourquoi cela a
été fait à l'article 27.1 et non pas à la
définition de l'accident du travail même? Je compte sur
l'expertise juridique du ministre.
M. Fréchette: Dans la Loi actuelle sur les accidents du
travail, qui a plus de 50 ans d'existence, comme on le sait, le motif
d'exclusion par négligence grossière n'apparaît pas dans la
définition de l'accident et n'apparaît pas non plus dans la liste
des autres définitions. C'est une disposition d'ordre
général qu'on retrouve à l'article 3.1 de la loi actuelle
et cette même disposition d'ordre général est reconduite in
extenso, sauf erreur, à l'article 27.1. Alors, c'est simplement un
réajustement de numéros d'articles dans la loi, strictement.
M. Cusano: Je vous remercie. Est-ce qu'il y a d'autres
commentaires?
La Présidente (Mme Juneau): M. le député de
Frontenac.
M. Grégoire: On a ajouté à "accident du
travail" "un événement imprévu et soudain attribuable
à toute cause..." Le mot "imprévu" peut donner lieu à
diverses interprétations. On peut dire, par exemple, que cela aurait pu
être prévu sur un chantier de construction où certains
contremaîtres ne suivraient pas les plans et devis des ingénieurs,
que ce soit en structure ou en mécanique; alors, on peut prévoir
qu'il se produira des accidents et l'accident se produit. À ce
moment-là, est-ce que cela cesse d'être un accident du travail,
alors que le travailleur lui-même n'y est pour rien et que, à
cause des changements effectués par l'entrepreneur aux plans et devis
des ingénieurs, ce qui aurait dû être prévu,
c'est-à-dire un accident, est arrivé? Mais, pour le travailleur,
c'est toujours imprévu. Ce n'est pas lui qui est maître.
Si on prend un cas combien typique, il va y avoir un procès au
sujet de la chute du pont de la rivière Sainte-Marguerite, à
Sept-Îles. On va pouvoir dire, il y en a qui vont prouver ou qui vont
essayer, du moins, de prouver que l'entrepreneur ou toute autre personne n'a
pas rempli les normes de l'art, soit en ingénierie, soit en
construction, et qu'il était à prévoir que ce pont
tomberait.
Alors, à ce moment-là, aux travailleurs qui sont victimes
d'accident, on pourrait leur dire: Vous n'êtes pas dans un
événement imprévu et soudain attribuable à toute
cause. Cela aurait dû être prévu puisque les entrepreneurs
n'ont pas suivi les devis des ingénieurs.
M. Fréchette: M. le Président, la question du
député de Frontenac est intéressante. D'ailleurs...
M. Grégoire: D'autant plus qu'on va avoir affaire à
beaucoup d'avocats avec cette loi.
M. Fréchette: Oui, mais alors...
M. Grégoire: II va y en avoir beaucoup qui vont embarquer
et qui vont chercher tous ces points.
M. Fréchette: II faut peut-être procéder
à abolir le barreau... En tout cas, ce serait plus facile.
Voici les observations que je veux soumettre au député de
Frontenac à la suite de ces représentations. D'abord, il faut
bien retenir à la lecture du texte qu'on ne lit pas qu'il s'agit d'un
événement imprévu ou soudain. Les deux
éléments doivent coexister pour que la notion d'accident du
travail puisse exister.
Deuxièmement, j'étais à dire au
député de Frontenac, tout à l'heure, qu'au moment de la
commission parlementaire, dans le premier projet de loi 42, nous avions
purement et simplement fait disparaître les deux notions d'imprévu
et soudain. On ne retrouvait pas cela dans la loi. Cela élargissait
considérablement la notion. Alors, à la suite de
représentations qui nous ont été faites par des
représentants des parties patronales, on a convenu de
réintroduire la définition qu'on avait dans la loi actuelle.
Ensuite, je dirai aussi au député de Frontenac que la discussion
que nous sommes en train d'avoir a été testée à je
ne sais pas combien d'occasions par les tribunaux et la Cour suprême
s'est prononcée là-dessus pour baliser, circonscrire quels sont
les éléments qui doivent exister pour que la nature
d'imprévu et soudain existe.
C'est-à-dire que les discussions là-dessus, même les
avocats n'en font plus parce que la Cour suprême, à plusieurs
occasions, s'est prononcée et on en connaît maintenant les
balises. Cela serait facile de trouver un de ces jugements qui nous
permettraient de voir quelles sont ces balises. Mais, si nous étions
avec des dispositions tout à fait nouvelles, les craintes
que soulève le député de Frontenac, il faudrait en
tenir compte sérieusement et possiblement les retenir. Mais, comme
déjà les tribunaux ont tranché la question depuis
plusieurs années, je ne vois pas comment une bataille juridique pourrait
reprendre autour et alentour de cette définition. C'est là depuis
1931, comme cela.
La Présidente (Mme Juneau): M. le député
d'Outremont. Vous avez la parole. (16 h 45)
M. Fortier: Je crois que l'échange que vous avons est
important. Bien sûr, on n'en est qu'aux définitions, mais, comme
tout le monde le sait, les définitions sont extrêmement
importantes et le ministre disait qu'il y a un certain consensus à
revenir aux définitions qui existaient déjà. Moi qui n'ai
pas suivi les débats aux commissions parlementaires, j'ai lu les
recommandations qui nous venaient de différentes associations. Je vois
ici, en particulier, que le Conseil du patronat voudrait que la
définition soit plus restrictive. J'aimerais demander au ministre s'il a
pris connaissance de cette recommandation puisque le Conseil du patronat nous
dit: La commission interprète l'expression "à l'occasion de son
travail" -cela se retrouve dans la définition actuelle -et cela est
interprété d'une façon tellement large que les employeurs
écopent de coûts d'accidents qui n'ont rien à voir avec
leurs responsabilités. La recommandation du Conseil du patronat
était à l'effet de restreindre cette définition.
Contrairement à ce que vous avez dit, cela n'est pas un
élargissement, vous revenez au statut actuel, alors que le Conseil du
patronat demandait un resserrement pour dire que la définition soit
telle qu'on ne puisse couvrir que les accidents survenus par le fait, au cours
et à l'occasion du travail et pour exclure des accidents qui pourraient
arriver sur le terrain de balle molle ou alors que l'accidenté n'est pas
au travail. Je n'ai pas moi-même l'expertise qu'il faut pour sustenter
cette argumentation, mais je voudrais quand même que le ministre nous
dise pour quelle raison il ne retient pas l'argumentation du Conseil du
patronat à cet égard.
La Présidente (Mme Juneau): M. le ministre.
M. Fréchette: Essentiellement, Mme la Présidente,
pour les mêmes raisons que celles que je viens de donner au
député de Frontenac. Il s'agit là aussi d'un texte qui
existe depuis 1931. Ce que le député d'Outremont invoque, ce sont
les possibilités qu'il y ait de l'abus à cet égard. Je
dois convenir qu'il y en a effectivement eu. Je donne un exemple de ce que je
veux dire.
Jusqu'à ce que les tribunaux tranchent la question, il
s'était développé, à la Commission des accidents du
travail, à l'époque, devenue par la suite la Commission de la
santé et de la sécurité du travail, une
interprétation parlant de quelqu'un qui, par exemple, voyageait de chez
lui à son travail, mais qui se trouvait sur la route avant l'heure
prévue pour le commencement de son horaire de travail et avait un
accident pendant le trajet; il fut un temps où la Commission des
accidents du travail et, par la suite, la Commission de la santé et de
la sécurité du travail interprétait cette situation comme
devant signifier que l'accident arrivait à l'occasion du travail. Les
cours de justice ont également, à cet égard,
été appelées à se prononcer et elles ont, par
exemple, exclu la situation dont je viens de vous parler. Les circonstances de
cet exemple ont une relation encore plus intense avec le travail lui-même
que l'accident qui pourrait arriver sur le terrain de balle molle, par exemple.
Il me semble que, déjà, à cause des jugements des cours
qui ont tranché la question, ce danger n'existe pas effectivement et
c'est la raison principale pour laquelle la suggestion du Conseil du patronat
à cet égard n'a pas été retenue.
M. Fortier: Juste un éclaircissement, Mme la
Présidente.
La Présidente (Mme Juneau): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: Je remercie le ministre de son explication. Est-ce
qu'il vient de nous dire que la nouvelle interprétation exclurait,
disons, le cas d'un menuisier de Montréal qui irait travailler sur un
des chantiers d'édifices dans Montréal même; s'il avait un
accident en partant - je ne sais pas - du nord de la ville de Montréal
ou de Montréal-Est pour se rendre à un chantier au centre-ville
de Montréal, ce cas serait-il exclu?
Prenons le cas du même menuisier qui, à la demande de son
employeur, devrait se rendre, pendant un certain nombre de semaines, sur un
chantier précis qui serait à l'extérieur de la ville
où il demeure. Un employé de Montréal qui, à la
demande de son employeur, voyagerait le lundi et le vendredi, disons, à
Sainte-Agathe. Est-ce que, dans ce cas où l'employeur demande à
un employé de voyager et d'aller sur un chantier quelque peu
éloigné, l'interprétation de la loi fait en sorte qu'il
est couvert ou qu'il est exclu, au même titre que l'employé ou le
menuisier auquel je me référais tout à l'heure qui irait
travailler sur un chantier à Montréal même?
La Présidente (Mme Juneau): M. le ministre.
M. Fréchette: Mme la Présidente, la question du
député d'Outremont m'embarrasse un peu et je vous dis dans quel
sens. Il me demande de lui donner une interprétation juridique
d'une...
M. Fortier: Je parlais d'un cas qui est arrivé dans le
passé.
M. Fréchette: Bon. J'espère qu'on ne se sentira pas
lié par l'opinion que je peux avoir sur le sujet que vous soulevez. Si
l'accident se produit en dehors des heures de travail, donc avant 8 heures, par
exemple, ou après 16 heures, alors que le travailleur ou bien s'en va au
travail ou retourne chez lui, le soir, mon interprétation, c'est que, si
l'accident arrive à l'extérieur de ces heures, il n'y aurait pas
de couverture par la Loi sur les accidents du travail.
Si, par ailleurs, l'employé étant chez lui le soir,
après son quart de travail, reçoit un appel de son employeur qui
lui demande d'aller rapidement et spontanément à tel endroit
parce qu'il y a un bris qui vient de se produire et qu'il y a lieu de s'y
transporter rapidement, si, pendant que cela se produit, l'accident arrive,
là il y aurait sans doute une couverture qui serait accordée
à l'accidenté.
Je ne veux pas prendre le risque d'aller plus avant dans cette
interprétation, mais cela me semble couvrir les situations auxquelles
vous vous référez.
M. Fortier: Brièvement, Mme la Présidente...
La Présidente (Mme Juneau): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: ...c'est autant pour mon information et mon
instruction, peut-être aussi pour celle du public, pour ceux qui liront
nos débats. Je suis d'accord avec le ministre à savoir qu'il ne
s'agit pas d'une interprétation juridique, donc avec toutes les limites
nécessaires aux réponses qu'il nous donne.
Mais je faisais allusion au fait que, dans plusieurs conventions
collectives, il y a des frais de remboursement qui sont payés à
un employé lorsqu'il doit se déplacer pour aller sur un chantier
quelque peu éloigné et j'oserais croire que, dans une telle
situation, il y a une relation contractuelle entre l'employé et
l'employeur. Si l'employé est rémunéré pour se
rendre à Sainte-Agathe, j'imagine que celui-ci pourrait argumenter que,
de fait, ce n'était pas le même genre de déplacement que
celui qu'il pourrait faire à l'intérieur de Montréal ou
à l'intérieur de la ville où il demeure et que, ce
faisant, il était contractuellement obligé de se déplacer,
puisqu'il était rémunéré. J'imagine...
M. Fréchette: C'est exactement...
M. Fortier: ...que c'est un peu les limites qui s'imposent, je
crois.
La Présidente (Mme Juneau): M. le ministre.
M. Fréchette: ...l'interprétation que j'en ai, Mme
la Présidente, et c'est aussi dans ce sens-là que je vois que les
dispositions qui sont là s'appliquent. Juste un détail
additionnel. Même dans le cas où un travailleur se trouve sur
appel, la Cour d'appel, on vient de me le signaler, a déjà
décidé que la Loi sur les accidents du travail ne s'appliquait
pas. Il devait y avoir des circonstances bien particulières à ce
cas-là. Mais même sur appel, dans un cas, la cour a
décidé qu'il n'y avait pas d'application de la loi. Je ne connais
pas les circonstances précises et particulières, mais cela a
été décidé. Mais je suis tout à fait
d'accord avec l'interprétation que donne le député
d'Outremont aux différents processus d'application de la loi.
M. Fortier: D'ailleurs, mon recherchiste vient de me dire que la
jurisprudence dont on fait état va dans le sens...
M. Fréchette: Dans ce sens-là.
M. Fortier: ...des questions et des réponses qu'on vient
d'avoir. Je vous remercie.
La Présidente (Mme Juneau): M. le député de
Viau.
M. Cusano: Merci, Mme la Présidente. Une question au
ministre, justement sur des accidents qui ne sont pas tout à fait
reliés au travail. En tant qu'exemple il en a soulevé un, c'est
la question de l'accidenté -cela a été tellement
soulevé devant la commission parlementaire - à savoir celui qui
s'est fait mal sur un terrain de balle molle, durant une période
récréative. Ma question est relative à cela. Mais je vais
vous donner un autre exemple. Si on prend un employé qui, au cours de
son travail, décide d'aller se faire un café dans la cuisine qui
est mise à sa disposition - c'est un cas très précis,
c'est arrivé à la CECM - où, justement, l'employé,
le professeur est allé faire chauffer son eau pour préparer son
café. La bouilloire a éclaté; c'était sa
bouilloire, à elle ou à lui - je ne voudrais pas être
sexiste, Mme la Présidente - il y a eu des blessures. Est-ce que le
ministre considère un cas semblable comme un accident du travail?
La Présidente (Mme Juneau): Merci, M. le
député. M. le ministre.
M. Fréchette: Alors, Mme la Présidente... Oui, je
m'excuse...
M. Cusano: Je vais prendre ce que vous avez dit tout à
l'heure en réponse au député d'Outremont. C'est que, pour
cette personne, ses heures de travail étant de 8 h 30 à 15 h 30,
cet accident est arrivé durant cette période. Est-ce qu'il
prévoit des difficultés sur ces choses-lè? Et s'il
prévoit des difficultés, comment envisage-t-il de corriger cette
situation?
La Présidente (Mme Juneau): M. le ministre.
M. Fréchette: Mme la Présidente, je ne vais
évidemment pas écourter notre discussion, elle est fort
intéressante. C'est sûr, et on va tous en convenir, que, si on
entreprend de faire des études de cas par cas, d'abord cela va durer
longtemps et, deuxièmement, notre commission va se constituer en cour de
justice qui va rendre des jugements.
Prenons quand même l'exemple que donne le député de
Viau. Là, encore une fois, je dois être prudent et vous
répéter que c'est une interprétation que je fais, une
interprétation qui ne va lier personne d'autre que moi quant à
l'opinion que j'émets.
Dans le cas très précis que vous nous donnez,
c'est-à-dire l'éclatement d'une bouilloire qui appartient au
professeur, dans ce cas-ci, en propriété propre, je pense que le
mécanisme qui surviendrait serait le suivant. En vertu des dispositions
actuelles de la loi, dispositions qui sont reconduites dans la loi 42, il y
aurait une présomption que l'accident est arrivé à
l'occasion du travail, sauf et excepté si l'employeur entreprenait de
renverser cette présomption et de prouver, effectivement, que l'appareil
ne lui appartenait pas; si l'appareil était défectueux, il n'a
aucune espèce d'implication dans cette défectuosité. Il me
semble - encore une fois avec toutes les réserves qui s'imposent - que
la présomption serait renversable dans ce cas-ci.
On me dit que, effectivement, même la Commission des affaires
sociales a rendu des décisions dans des cas identiques ou à peu
près identiques, décisions en vertu desquelles elle a dit: Non,
vous n'êtes pas couverts parce qu'on ne peut pas, selon un principe, un
axiome légal qui est vieux comme la terre, invoquer sa propre turpitude.
Alors, il y a exclusion complètement de l'application des dispositions
de la loi.
La Présidente (Mme Juneau): M. le député de
Viau.
M. Cusano: Ma question peut être plus précise au
ministre, puisqu'il donne cette interprétation. Ne serait-il pas plus
sage, dans un sens, de prévoir, dans cet article justement, qu'on puisse
exclure tout ce qu'il y a eu de ce côté spécifiquement sur
des accidents qui ne seraient pas imputables à l'employeur?
La Présidente (Mme Juneau): M. le ministre.
M. Fréchette: Mme la Présidente, je suis d'opinion
que, si on entreprenait de retenir les suggestions que nous fait le
député de Viau, tout ce qui est déjà
clarifié par les tribunaux, tous les tribunaux qui se sont
prononcés là-dessus, les dernières instances qui ont rendu
des jugements et clarifié des situations, s'il nous fallait modifier le
texte, ce serait à recommencer complètement. Il faudrait revenir
devant les tribunaux, dire: Là, il y a un nouveau texte. Quand est-ce
qu'on est couvert et quand est-ce qu'on ne l'est pas? Alors que
déjà c'est tout réglé maintenant par ces
décisions qui ont été rendues par tous les tribunaux et
les tribunaux rendent une décision qui a quasiment l'effet de la loi
quand on parle de la Cour suprême. Ce serait, quant à moi, un
désavantage certain par rapport à la situation actuelle.
La Présidente (Mme Juneau): M. le député de
Sainte-Marie.
M. Bisaillon: Mme la Présidente, ma question s'adresse au
ministre sur la notion d'événement imprévu. Je sais qu'il
y a déjà répondu; cela ne me satisfait pas
complètement.
Dans le texte premier du projet de loi, le mot "imprévu" avait
été enlevé et on le réintroduit au moment de la
réimpression. Je voudrais savoir, de la part du ministre, pourquoi il
l'avait enlevé la première fois. Il devait avoir une intention,
la première fois, quand il l'avait enlevé. Qu'est-ce qui a fait
que, tout à coup, cela réapparaît au niveau de
l'impression? Est-ce que, par exemple, c'est là pour couvrir la
mutilation volontaire?
M. Fréchette: Je m'excuse, je n'ai pas saisi.
M. Bisaillon: Est-ce que cela serait pour ne pas couvrir les
mutilations volontaires?
M. Fréchette: Ce pourrait être cela, comme exemple.
Deuxièmement, il est exact de dire, comme nous le rappelle le
député de Sainte-Marie, que, dans la première version du
projet de loi 42, le terme "imprévu" avait été
enlevé. Nous avons eu, par la suite, une commission parlementaire et
c'est au cours de la commission parlementaire que des argumentations nous ont
été soumises, dans
le sens que nous devrions garder le texte actuel pour le principal motif
que déjà les tribunaux ont tranché toutes les questions
qui se rattachent aux notions d'imprévu et de soudain.
Nous avons retenu de faire droit aux représentations qui nous
étaient soumises et de conserver le texte actuel de la loi. (17
heures)
M. Bisaillon: Les groupes qui ont défendu le fait qu'on
devrait réintroduire cette notion-là, en prétextant que
les tribunaux s'étaient déjà prononcés ou avaient
déjà encadré l'interprétation de ces
termes-là... D'abord, on sait qu'un autre jugement pourrait
élargir ou rétrécir cette notion-là qui a
déjà été donnée. Des jugements de tribunaux,
ça se modifie.
M. Fréchette: Je m'excuse, est-ce que je peux
intervenir?
M. Bisaillon: Je ne veux pas un cours de droit, mais...
M. Fréchette: Quand vous avez trois, quatre ou cinq
jugements de la Cour suprême qui vont tous dans le même sens, je ne
sais pas comment, dans les mêmes circonstances, on pourrait
espérer que la Cour suprême modifie une position qu'elle a
déjà clairement arrêtée par trois ou quatre
jugements.
M. Bisaillon: Le ministre nous a dit que des groupes
étaient venus devant la commission parlementaire et avaient
demandé de réintroduire l'expression. Quelle était leur
argumentation? Autrement dit, est-ce que le seul élément qu'on
craignait qui ne soit plus couvert était les mutilations volontaires?
D'abord, au pourcentage qu'il doit y avoir de mutilations volontaires, il me
semble que ce n'est pas dans une définition qu'on couvre ça, mais
en en parlant clairement dans le texte de la loi, ce que vous faites d'ailleurs
plus loin.
M. Fréchette: Ce n'est pas effectivement le seul
élément, Mme la Présidente. Un des éléments
- on retrouverait ça dans les débats sans aucune
difficulté - c'est qu'on nous a dit: Vous avez une notion qui va devenir
tellement large que vous allez devoir couvrir, du moins pour enclencher le
processus de couverture des dispositions de la loi, à peu près
tout ce qui se passe à l'intérieur d'un lieu de travail. En
d'autres mots, on nous a dit: C'est une ouverture que nous ne pouvons pas
accepter. À partir de cette argumentation-là, de
l'évaluation que nous avons faite par la suite des
représentations qui nous étaient soumises, nous avons retenu ce
qui nous avait été demandé et réintroduit la notion
d'imprévu pour couvrir effectivement la situation dont parle le
député de Sainte-Marie. Par exemple, la mutilation volontaire: je
veux bien convenir avec lui qu'on ne trouve pas ça à treize
à la douzaine, dans toutes les entreprises, à tous les jours. Je
suis tout à fait d'accord avec lui là-dessus, mais c'était
essentiellement pour ça.
Comme on est habitué de vivre, de part et d'autre, avec un texte
qui a 50 ans et que les cours, encore une fois, en ont déterminé
les balises d'application, il nous apparaissait logique dans les circonstances
de revenir à...
M. Bisaillon: Si je comprends bien, Mme la Présidente, les
50 ans, ça sert à toutes les sauces, ça sert aussi bien
quand on veut faire des changements que quand on ne veut pas en faire.
M. Fréchette: Pour entrer dans l'âge d'or aussi.
M. Bisaillon: Là, l'expression est bonne parce que
ça fait 50 ans qu'on l'utilise alors que, il y a à peine deux
semaines, le ministre nous disait qu'il fallait tout chambarder justement parce
que cela avait 50 ans. Il faudrait peser la valeur des arguments.
Je voudrais poser une dernière question là-dessus au
ministre. Est-ce que le ministre est conscient que, par exemple, si la CSST
intervenait sur un chantier en disant: Attention, tel aspect de l'organisation
du chantier est dangereux et susceptible de créer des accidents...
M. Fréchette: Oui.
M. Bisaillon: ...et que le propriétaire du chantier
laissait courir les choses, ne se préoccupait pas des conseils de la
CSST et qu'il y avait un accident, ce n'est pas imprévu, cela avait
été prévu par quelqu'un, par exemple par la CSST.
M. Fréchette: Si la situation devait se présenter
exactement de la façon que l'explique le député de
Sainte-Marie, il y a très certainement un ou des inspecteurs de la CSST
qui n'auraient pas fait leur job comme il le faut. Parce que, si un inspecteur
de la CSST arrive sur un chantier, que ce soit un chantier de construction ou
un autre - on entend parler de ça tellement souvent qu'on sait que
ça existe - et qu'après évaluation de l'ensemble de la
situation il en vient à la conclusion qu'il y a effectivement des
situations qui présentent des dangers pour la santé ou la
sécurité des travailleurs qui y sont, il ne fera pas qu'avertir
les gens qui s'y trouvent, il va immédiatement arrêter les travaux
qui resteront arrêtés tant et aussi longtemps que l'employeur ou
le maître d'oeuvre n'aura pas
pris les dispositions pour faire disparaître le danger dont on
parle.
M. Grégoire: Dans l'affaire du pont de Sainte-Marguerite,
l'inspecteur n'a pas fait son travail puisque...
M. Fréchette: Je veux bien qu'on fasse du cas par cas,
mais je veux simplement signaler au député de Frontenac qu'il y a
actuellement une enquête publique dans le cas du pont de
Sainte-Marguerite qui a été décrétée par le
gouvernement, dont les travaux sont commencés et qui va être en
auditions publiques à Sept-Îles très bientôt. Que le
député de Frontenac ne me demande pas de me prononcer sur les
conclusions auxquelles la commission en arrivera. Même s'il insistait
beaucoup, je n'entrerais pas dans...
M. Grégoire: ...sur les conclusions, ça peut
être un exemple de ce qui peut se produire.
M. Fréchette: Hypothétiquement, ça peut
être un exemple, bien sûr, mais j'aurais aimé mieux que vous
preniez un autre exemple que celui-là.
M. Bisaillon: Je vais terminer...
M. Fréchette: Cela en prendrait un autre.
M. Bisaillon: Je vais terminer mon intervention, Mme la
Présidente, en changeant mon exemple. Le ministre m'a répondu,
dans l'exemple que je lui avais donné qui était celui de la CSST,
qu'il y a des pouvoirs effectivement non seulement pour constater, mais en plus
pour arrêter. Je vais donner un autre exemple. Un enquêteur du
ministère de l'Habitation va vérifier l'état des
édifices publics, disons, gouvernementaux. Cela arrive quand ça
change de main. Quand cela passe du ministère à un organisme,
à une société d'État, le ministère de
l'Habitation doit faire une enquête et vérifier l'état de
l'édifice. L'enquêteur conclut que l'édifice n'est pas
sécuritaire, qu'il devrait y avoir, disons, quatre ou cinq portes de
sortie de plus, qu'on devrait ajouter un escalier en cas d'incendie. Il n'a pas
le pouvoir de fermer l'édifice. Il a simplement le pouvoir de constater
que c'est dangereux et d'imposer des travaux éventuellement, mais il n'a
pas plus de pouvoir que celui-là. S'il arrivait un accident? L'accident
aurait été prévu, il y aurait eu un enquêteur qui
serait passé pour dire: Attention, cet édifice public est
dangereux; il ne correspond pas aux normes de sécurité. Mais il
n'avait pas le pouvoir de fermer l'édifice. Les employés qui sont
à l'intérieur, s'il arrivait un accident, je dois comprendre que
ce ne serait pas un accident du travail parce que ce ne serait pas un accident
imprévu.
M. Fréchette: Mme la Présidente, ce sont des
discussions qui seraient intéressantes devant des cours de justice,
demander à des juges de trancher dans le vif comme cela. Encore une
fois, de l'argumentation du député de Sainte-Marie, je crois
devoir faire la distinction suivante: Ce que cet inspecteur du ministère
de l'Habitation dont vous me parlez est en mesure de prévoir, c'est le
danger d'un accident. II va dire à l'entrepreneur et aux gens qui y
travaillent: De la façon dont les choses fonctionnent, il y a un danger
d'accident. Mais il n'est très certainement pas en mesure de
prévoir que, demain, il arrivera un accident. Il aura prévu le
danger, mais pas l'accident lui-même, l'éventualité de
l'accident, bien sûr. Mais, pour prévoir l'accident
lui-même, il me semble que cet inspecteur devrait être encore plus
précis et dire: Si vous ne faites pas attention et si vous ne corrigez
pas telle situation, ce soir, à 16 heures, vous allez avoir un accident.
Il peut prévoir qu'il y a un danger éventuel, hypothétique
d'accident, mais prévoir effectivement qu'il y aura un accident, je ne
pense pas qu'il soit en mesure de le faire.
M. Bisaillon: En tout cas, Mme la Présidente, je vais
continuer à prétendre que j'avais vu, dans la première
version, une amélioration, un élargissement, et que je trouve cet
article restrictif. Je considère que le principal argument du ministre a
été de me dire que c'est là depuis 50 ans, que cela a
été testé auprès des tribunaux et que les tribunaux
ont rendu des jugements qui ' rendent cette définition
sécuritaire et imperméable. Alors, je vais retenir son argument
des 50 ans et lui dire que je l'utiliserai à d'autres articles du projet
de loi.
Des voix: Ah! Ah! Ah!
M. Fréchette: J'en prends acte, M. le
député.
La Présidente (Mme Juneau): M. le député de
Viau.
M. Cusano: Mme la Présidente, pour accélérer
les travaux de la Chambre, parce que...
Une voix: ...
M. Cusano: Vous me prêtez des intentions, M. le
ministre.
M. Fréchette: Non. Il faut s'amuser un peu de temps en
temps.
M. Cusano: Oui. Précisément, cet article 2 avec les
définitions et tout ce que cela comporte, toutes les questions, est-ce
qu'il y aurait consentement - je suis prêt à donner mon
consentement - si on voulait procéder à l'article 3 et revenir
à ceci plus tard?
M. Fréchette: Et voilà. C'est exactement, Mme la
Présidente, la situation à laquelle je faisais
référence avant de donner le consentement à l'article 1.
Le député de Viau m'a dit: Écoutez! Croyez en ma bonne
foi; je suis rempli de bonnes intentions, comme l'enfer l'est, et nous
voilà très précisément tombés dans le
piège et dans le panneau du député de Viau. Là, Mme
la Présidente, on va très certainement s'en remettre aux
dispositions de notre règlement à cet égard.
M. Cusano: Mme la Présidente...
La Présidente (Mme Juneau): M. le député de
Viau.
M. Cusano: ...j'aimerais peut-être corriger le ministre un
peu. Lorsqu'on parlait de l'article 1, c'est parce que j'avais
procédé de façon légale. Je voudrais, à ce
moment-ci, lui demander si, par consentement... Ce n'est pas tout à fait
la même chose.
M. Fréchette: Mme la Présidente, nous n'allons pas
jouer ce jeu aux 566 articles du projet de loi. En toute bonne foi tout
à l'heure, et croyant profondément aux bonnes intentions que me
manifestait le député de Viau, j'ai accepté qu'on
procède par consentement alors qu'il a accepté de retirer sa
motion pour suspendre l'étude de l'article 1. Nous avions, encore une
fois, de bonne grâce, tous les deux, avec tous les membres de la
commission, convenu que nous n'allions pas nous servir du consentement qu'on
venait de donner à l'article 1 pour l'appliquer à tous les autres
articles. Et là, ça ne fait pas une demi-heure de ça, nous
tombons très précisément, je dois le dire, quant à
moi, naïvement, dans le piège que le député de Viau
nous a tendu. Je m'excuse, mais ça prend un consentement pour chacun des
articles et, dans ce cas-ci, je ne vais pas le donner.
La Présidente (Mme Juneau): M. le député de
Nelligan.
M. Lincoln: M. le ministre, à la défense du
député de Viau, cette suggestion qu'il a faite est venue de moi.
D'accord.
Ce que je voulais vous expliquer, c'est ceci: Quand j'ai vu qu'on
discutait... Il est 17 h 10 et on discute toujours de la première
définition, on va passer des jours à décider parce que...
Je vais vous donner des exemples et vous dire pourquoi j'ai fait cette
suggestion. Si vous nous prêtez des intentions, à savoir qu'on
essaie de bloquer le projet de loi, au contraire, je trouve qu'on est en train
de mettre la charrue devant les boeufs.
Vous voyez, par exemple, la définition d"'emploi convenable", la
définition de "personne à charge": "Une personne qui a droit
à une indemnité en vertu de la sous-section 2 de la section III
du chapitre III." Et là, vous voulez nous faire dire: Bon, on va
accepter ça sans passer à l'étude de la sous-section 2 de
la section III du chapitre III. C'est moi qui viens de faire, il y a quelques
minutes, la suggestion à mon collègue de Viau qu'on pourrait
passer des heures à voir chacun de ces chapitres-là qui se
réfèrent à d'autres lois, qui se réfèrent
à d'autres chapitres. Je lui ai dit: Pourquoi ne fait-on pas la
suggestion de sauter l'article 2, d'arriver à 3 et à 4 sur
lesquels on pourra s'entendre bien facilement et qu'on pourra accepter?
Si vous voulez, on ira avec l'article 2. Chaque fois qu'il y aura une
sous-section on va l'examiner; autrement, ça n'a aucun sens. Si c'est
ça que vous voulez, c'est d'accord.
M. Fréchette: Je veux bien croire à la bonne foi du
député de Nelligan. Je n'ai jamais mis en doute cette bonne foi
et je n'ai pas l'intention de commencer à la mettre en doute non plus.
Cependant, je ne sais pas s'il était ici au moment où ensemble
nous avons convenu d'un processus pour en arriver à la même
conclusion pour l'article 1.
Le député de Viau a manifesté l'intention que l'on
procède à la suspension de l'étude de l'article 1 pour
amorcer l'étude de l'article 2. Nous avons eu une discussion d'ordre
juridique, d'ordre technique à cause d'une motion qu'il a finalement
présentée pour arriver à cette fin. Mme la
Présidente avait presque pris la décision de suspendre nos
travaux pour quelques minutes, pour délibérer sur la question
parce qu'elle est importante. J'ai suggéré, à ce
moment-là, au député de Viau de retirer sa motion de
suspension et que, de mon côté, j'allais demander à mes
collègues de consentir à la suspension sans qu'il y ait cette
motion, mais que j'attirais l'attention de la commission, en faisant cette
argumentation, sur le fait que nous n'allions pas recommencer le même
processus à chacun des articles du projet de loi.
Je suis obligé de dire que, de toute évidence, c'est dans
ce processus qu'on est engagé. Le député de Viau a
demandé la suspension de l'article 1; vous demandez maintenant, M. le
député de Nelligan, la suspension de l'article 2. Si on arrive
à l'article 3, qui va en demander la suspension? C'est ça
l'imbroglio dans lequel
on se trouve maintenant.
M. Lincoln: M. le ministre, je comprends très bien, vous
avez bien situé le cas. Tout ce que je voulais vous dire, c'est que j'ai
fait ça de bonne foi parce que je pense que l'article 2, comme l'article
1, du reste, contient des définitions cruciales, que tout le reste du
projet de loi s'accroche à des définitions et que ces mêmes
mots, ces mêmes termes qui sont réellement la base même du
projet de loi vont revenir tout le temps. (17 h 15)
Alors, on va passer des heures et des heures là-dessus puisqu'on
passe une heure sur une définition. Voici ce que je voulais vous
suggérer: aux articles 3 et 4, on parle de choses qui n'accrochent pas,
qu'on pourrait accepter, amender ou rejeter, et en terminer. C'est ma
suggestion. Je ne suis pas le porte-parole. Ce sera au député de
Viau de décider. C'est ma suggestion pour qu'on accélère
les travaux. Qu'on laisse cela là; autrement, on va discuter de cette
définition pendant longtemps, c'est sûr. Tout accroche sur
cela.
M. Fréchette: Je veux être bien clair sur une chose.
Que le député de Nelligan ne croie pas que je mette en doute sa
bonne foi. C'est simplement, à partir de la discussion
préliminaire que nous avions eue, le député de Viau et
moi-même...
M. Lincoln: D'accord.
M. Fréchette: ...que je suis presque malgré moi
obligé d'en arriver à la conclusion que le
phénomène qu'on est en train de créer va se
perpétuer à tous les articles qu'on va entreprendre. Je voudrais
bien avoir l'assurance que non, mais, à partir de ce qui vient de se
passer, je peux difficilement avoir cette assurance. C'est pour cela que je me
vois dans l'obligation de demander que l'on procède par voie de motion,
que la présidence décide et, après, on se conformera
à la décision que la présidence rendra.
La Présidente (Mme Juneau): M. le député de
Viau.
M. Cusano: J'aimerais bien expliquer de nouveau au ministre que,
lorsque j'ai présenté la motion formelle, je lui ai donné
la garantie que je retirais la proposition formelle et que ce n'était
pas mon intention de procéder à un report, par le biais d'une
motion formelle. À ce moment-ci, je vous demande un consentement, comme
on a fait avec l'article 1. C'est tout. Si vous voulez le refuser, on va le
refuser. On va continuer à étudier chacun de ces alinéas,
comme l'a dit le député de Nelligan, si vous voulez insister sur
ce point. On va se référer à tous les articles du projet
de loi qui sont reliés aux définitions.
La Présidente (Mme Juneau): Merci, M. le
député. M. le ministre.
M. Fréchette: II y a une difficulté qui va se
présenter. Regardez à l'article 7, par exemple. Il y a là
aussi des dispositions qui font référence aux définitions
de l'article 2. Si les définitions de l'article 2 ne sont pas
adoptées, cela voudra dire qu'il nous faudra également suspendre
l'étude de l'article 7, et on va s'enliser comme cela dans toute
l'étude du projet de loi. Vous comprenez que ce n'est pas de la mauvaise
volonté que je suis en train de...
M. Fortier: Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Juneau): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: Je crois qu'on est à la veille d'en arriver
à un consensus. J'aimerais proposer...
M. Fréchette: Encore? J'espère.
M. Fortier: Ce qu'on pourrait proposer, c'est que, lorsqu'on
arrivera à l'article 7, s'il y a des définitions qui s'y
rapportent, on pourra avoir un "gentleman's agreement", à savoir que la
définition qui est pertinente à l'article 7 serait
également adoptée, à toutes fins utiles, remettant le vote
éventuellement à la fin. Si on peut procéder par
"gentleman's agreement", ce sera beaucoup plus facile.
Des voix: ...
M. Fréchette: Je vais à nouveau, Mme la
Présidente, procéder par voie de consentement. Je suis
disposé à convenir qu'on suspende l'article 2, mais
j'espère que, cette fois-ci, l'on comprend encore une fois le genre de
difficulté que je soulève. Si, vraiment, cela doit être
ainsi tout le temps, on n'en finira pas de finir. Je comprends que c'est un
projet de loi important, qu'on doit y consacrer tout le temps et ne rien
escamoter. On prendra le temps que cela voudra et cela ira où cela
voudra. Si c'est un cadeau de Noël, c'en sera un. Si c'est un cadeau de
Pâques, ce sera un cadeau de Pâques. Il n'y a pas plus de
bousculade dans le portillon que cela. On va convenir de cela. Suspendons pour
le moment l'étude de l'article 2 et allons immédiatement à
l'article 3.
La Présidente (Mme Juneau): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: On peut convenir de ce que j'ai
suggéré. Le député de Viau est d'accord que, s'il y
a une définition qui s'y rattache lors de l'étude d'un article en
particulier, on en fera l'étude tout en convenant que cette discussion
est faite à toutes fins utiles.
M. Bisaillon: Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Juneau): M. le député de
Sainte-Marie.
M. Bisaillon: C'est juste la dernière partie de
l'intervention du député d'Outremont qui me fait un peu peur.
Dès le départ, à l'article 1, j'avais indiqué au
ministre que ce que je disais pour l'article 1, j'aurais pu aussi le dire pour
l'article 2. On s'en souviendra, je lui avais donné l'exemple de la
négociation d'une convention collective où, selon l'orientation
qu'on prend, on règle des définitions et, après, à
chacun des articles, on s'y réfère, ou encore on règle le
contenu de nos clauses et, après, on fait nos définitions en
fonction du contenu qu'on y a mis. N'importe quelle façon
m'agrée. À partir du moment où le ministre consent
à suspendre l'article 2, ce que je craindrais, cependant, c'est que...
Adoptons les articles de la loi et, après cela, revenons aux
définitions pour voir si les définitions qui sont là sont
conformes à ce qu'on a adopté. Si on le fait à la
pièce, on va en perdre des morceaux. Pour moi, c'est tout l'un ou tout
l'autre. Ou bien on les fait au début, ou bien on les fait totalement
à la fin, mais là on aura un tout qui pourra être
cohérent.
M. Fréchette: Je veux dire que je suis tout à fait
d'accord avec l'interprétation. Cela irait comme cela? Très
bien.
La Présidente (Mme Juneau): Consentement?
Une voix: Nous allons consentir.
La Présidente (Mme Juneau): II est convenu de suspendre
l'article 2. Vous êtes d'accord? Cela va. L'article 3, adopté?
Des voix: Adopté.
Une voix: Sortez le champagne.
La Présidente (Mme Juneau): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: L'article 3 dit: La présente loi lie le
gouvernement, ses ministères et les organismes qui en sont mandataires.
Qu'est-ce qu'on veut dire? La présente loi lie le gouvernement, cela lie
tous ceux qui sont... Cela s'applique à tous les gens, à tous les
accidents du travail dans l'industrie en général. Quand on dit
que cela lie le gouver- nement et ses mandataires, qu'est-ce qu'on veut dire
exactement?
M. Fréchette: Le gouvernement et ses mandataires, cela
veut dire que la loi s'applique au gouvernement et à ses mandataires de
la même façon qu'elle s'applique pour n'importe quel autre
employeur, et que le gouvernement est obligé, comme tous les employeurs,
de cotiser à la CSST. Prenons simplement l'accident du mois de mai ici.
Cet accident du mois de mai est compensé par... Enfin, l'accident. Je
m'excuse. Le drame du mois de mai, c'est couvert par la Commission de la
santé et de la sécurité.
M. Fortier: Quand on dit mandataires, cela inclut les
sociétés d'État à l'intérieur desquelles on
retrouve la définition comme étant mandataires. D'ailleurs, il y
en a une nouvelle qui va être créée, c'est celle de la
Société d'État des établissements de plein airdont on dit, à l'article 3 ou 4, qu'elle va être un
mandataire.
M. Fréchette: C'est cela.
M. Fortier: Cela inclut ces sociétés d'État
également.
M. Fréchette: D'ailleurs, je signale au
député d'Outremont qu'il n'y a aucun changement par rapport
à la loi actuelle.
M. Fortier: Merci.
La Présidente (Mme Juneau): L'article 3 est-il
adopté?
Des voix: Adopté.
La Présidente (Mme Juneau): J'appelle l'article 4?
M. Bisaillon: II serait peut-être bon que le ministre,
à chaque fois qu'on arrive à un article, nous souligne le fait
qu'il n'y a aucun changement par rapport à la loi actuelle. J'aimerais
cela qu'il nous le dise avant.
La Présidente (Mme Juneau): Merci, M. le
député. L'article 4.
M. Fréchette: L'article 4, spontanément comme cela,
je dirais qu'il était déjà là. Est-ce qu'il y
était?
Une voix: Non.
M. Fréchette: Bon. Ce que cela indique, essentiellement,
c'est que, lorsque, par exemple - et je vais procéder par la voie d'un
exemple pour exprimer l'objectif que vise cet article - il peut intervenir
une
convention collective entre un employeur et ses employés qui
contiendrait des dispositions plus avantageuses en termes de réparation
et d'indemnité que celles que l'on retrouve dans la loi. C'est une
convention qui peut être faite et qui est tout à fait
légale. Cependant, une convention collective qui dirait, par exemple,
qu'en cas d'accident, l'indemnité de remplacement de revenu sera de 80%
au lieu de 90% comme la loi le prévoit, cette disposition dans la
convention collective serait illégale.
La Présidente (Mme Juneau): D'autres personnes
souhaitent-elles intervenir?
M. Cusano: Oui.
La Présidente (Mme Juneau): M. le député de
Viau.
M. Cusano: Je suis d'accord avec le ministre lorsqu'il parle de
convention. Est-ce qu'il pourrait m'expliquer ce qu'on entend par
règlement? Est-ce que c'est un règlement de cour ou un
règlement de la CSST?
M. Fréchette: Je m'excuse, je n'ai pas saisi la question
du député de Viau. Je m'en excuse.
M. Cusano: Peut-être que le ministre
réfléchissait à ses mandataires à cause de la
question qui avait été posée en Chambre par mon
collègue, le député de Mont-Royal, sur l'article 3.
M. Fréchette: Cela couvre toute espèce de
règlement. Quand on parle de décret, c'est la même chose.
Toute décision gouvernementale, par exemple, qui serait rendue par la
voie d'un règlement ou d'un décret ne pourrait pas contenir de
dispositions qui seraient inférieures à celles que l'on retrouve
dans la loi générale. Il pourrait y avoir des dispositions plus
avantageuses. Encore une fois, si un employeur décidait de donner 100%
du salaire net en cas d'accident du travail, cela serait tout à fait
légal, acceptable.
M. Cusano: Oui, je comprends cela, M. le ministre. Lorsque vous
dites par décret, est-ce que cela veut dire qu'on peut avoir un
décret gouvernemental justement et que les 90% du salaire net passent
à 100%?
M. Fréchette: Cela se pourrait pour ses employés,
pour les employés du gouvernement, pas pour... De toute façon, il
ne peut pas se produire de situation pour les employés autres que ceux
du gouvernement qui ressemblerait à celle que...
M. Cusano: Cela se pourrait.
M. Fréchette: Oui, théoriquement, c'est
peut-être possible, mais il est évident que, lorsqu'on parle
d'entente ou de décret, on se réfère au gouvernement comme
employeur. Il est également évident, par interprétation,
qu'il faut en arriver à la seule conclusion que c'est une entente ou un
décret qui touche ses propres employés et c'est également
vrai dans l'entreprise privée. C'est exactement le même
phénomène.
M. Cusano: Je voudrais seulement m'assurer, M. le
Président, que, demain matin ou à un autre moment, le
gouvernement n'arrive pas par décret - c'est le mot "décret" qui
m'inquiète, pas le mot "convention" - changer certaines choses qui sont
ici dans la loi, parce que...
M. Fréchette: C'est précisément ce que cela
interdit. C'est le décret qui donne effet à la convention ou au
règlement.
M. Cusano: Cela veut dire, si je comprends bien, qu'il y a eu une
entente entre employés et employeur et le décret, c'est pour
confirmer cette entente qui a eu lieu.
M. Fréchette: Voilà!
La Présidente (Mme Juneau): M. le député de
Sainte-Marie.
M. Bisaillon: L'article 4, Mme la Présidente, couvre les
conventions ou ce qui en tient lieu, ou ce qui a valeur de convention, de plus
en plus des décrets. Est-ce...
Une voix: De temps en temps, même dans le transport.
M. Bisaillon: ...qu'il est possible de prévoir que les
lois subséquentes... Je vous donne l'exemple de la rente. Actuellement,
la rente, ce n'est pas imposable. Il n'y a rien qui nous dit qu'un jour ou
l'autre elle ne le deviendra pas. On peut faire semblant de donner des choses
dans ce projet de loi et, par la suite, en rendant cela imposable par un autre
décret... Ce que vous appliquez aux conventions collectives, est-ce
qu'il ne serait pas pensable que cela s'applique aussi aux autres lois du
même gouvernement?
M. Fréchette: M. le Président, je ne sais pas trop
comment prendre la question du député de Sainte-Marie.
M. Bisaillon: Comme elle est posée, Mme la
Présidente.
M. Fréchette: Bon! Alors, comme elle est posée,
cela veut essentiellement dire que, dans cette loi-là, le gouvernement
devrait
s'interdire de légiférer en semblable matière ad
infinitum, c'est-à-dire...
M. Bisaillon: Sauf pour donner...
M. Fréchette: ...réglez cela et n'y revenez plus
jamais, M. le député de Sainte-Marie.
M. Bisaillon: Bon! Mme la Présidente, je vais essayer
d'expliquer ce que je veux dire. Dans cet article, l'article 3 qu'on vient
d'adopter, on dit: "La présente loi lie le gouvernement, ses
ministères et les organismes qui en sont mandataires." On trouve cela
normal. À l'article 4, on dit: les conventions collectives ou ce qui en
tient lieu, cela peut prévoir des dispositions qui sont meilleures, mais
cela ne peut jamais aller en bas de ce qu'il y a dans la loi. C'est ce qu'on
dit et, comme le disait le député de Châteauguay, on ne
peut pas être contre cela. Sauf que là, on ne prend pas le
même engagement que celui qu'on prenait tantôt. Tantôt, on
disait: La loi qu'il y a là, elle s'applique à toutes les
entreprises du Québec, mais, en plus, le gouvernement va se lier par
cette loi. Il va l'appliquer de la même façon que l'ensemble des
employeurs du Québec.
Pourquoi ne ferait-on pas la même chose par rapport à cette
loi seulement? Si cette loi ne prévoit pas actuellement, au moment
où on l'adopte, l'imposition des rentes, je dois comprendre que le
gouvernement ne pourrait pas dans un autre temps enlever à cette loi ce
qu'elle peut donner et cela me semblerait logique. Si on dit: Les conventions
collectives ne doivent pas contenir moins que ce qu'il y a dans la loi, comment
pourrait-on accepter que des lois ultérieures donnent moins - à
moins d'amender celle-là - ou enlèvent, par le biais d'autres
lois, les choses qu'on donnait dans celle-ci? Il me semble que ce n'est pas
illogique de penser cela, surtout qu'au même moment où on
travaille le président de la CSST se promène, en disant: Les
rentes vont être imposables, mes petits garçons. N'oubliez pas
cela! Un jour, les rentes vont être imposables. Alors, on ne parle plus
des mêmes montants. On ne parle plus des mêmes sommes d'argent.
Là, je voudrais savoir si c'est le gouvernement qui parle ou si c'est le
président de la CSST. Qui mène, au juste, et qui a raison
là-dedans?
M. Fréchette: Mme la Présidente...
La Présidente (Mme Juneau): M. le ministre.
M. Fréchette: ...une première observation quant
à la demande spécifique du député de Sainte-Marie
et, ensuite, un commentaire sur son dernier commentaire.
D'abord, une réponse d'ordre strictement technique. Si l'objectif
est de faire en sorte que jamais les rentes ou les indemnités ne soient
imposables, je ne pense pas que ce soit dans la loi 42 que l'on doive retrouver
une disposition comme celle-là. (17 h 30)
C'est tellement vrai qu'on avait une disposition dans la loi 42, dans le
premier projet, qui précisait clairement que les indemnités ne
sont pas imposables. Nous avons découvert, au fur et à mesure que
les travaux préparatoires à la loi ont progressé, que la
Loi sur les impôts contenait également une disposition dans ce
sens. Alors, nous avons retranché de la loi 42 la disposition en vertu
de laquelle les indemnités n'allaient pas être imposables, puisque
c'est déjà dans la Loi sur les impôts. Quand je dis que
c'est une question d'ordre technique que je soulève, c'est pour en
arriver à la conclusion que, si jamais cela devait être ça,
ce serait par un amendement à la Loi sur les impôts.
Deuxièmement, il nous faut ici faire la distinction entre le
gouvernement et le législateur. On ne pourrait pas, dans une disposition
législative, lier le gouvernement dans une juridiction qui appartient au
législateur. Quand bien même on dirait dans la loi que le
gouvernement est lié de cette façon, s'il y a une loi qui est
adoptée de l'autre côté pour déroger à cette
disposition, cela ne voudra absolument rien dire. Moi, je veux bien qu'on
essaie de contourner la difficulté dont parle le député de
Sainte-Marie, mais cela n'en est pas une, et il le sait tout aussi bien que
moi.
M. Bisaillon: Je n'avais pas terminé. Il y a un autre
aspect que je voudrais souligner, c'est la difficulté, dans la
rédaction actuelle - et je n'ai pas de suggestion pour une
rédaction qui pourrait être différente - que
représentent les termes "plus avantageuses". En principe, c'est
évident et c'est habituellement les notions qu'on retrouve à peu
près partout. On voit cette disposition dans plusieurs autres lois. Mais
la notion de "plus avantageuses", cela amène, dans l'application, des
problèmes. Sur des choses qui sont concrètes, quantifiables, cela
va bien, cela ne cause pas de problème. Si la loi dit 90% et qu'une
convention dit 100%, on comprend tout de suite que c'est plus avantageux. Mais,
dans la procédure, dans tout ce qui est plutôt de la forme que du
fond, souvent, les organisations, les associations qui défendent les
accidentés du travail ou les centrales syndicales sont obligées
d'aller en Cour supérieure pour faire la démonstration que c'est
plus avantageux.
Je ne sais pas comment on peut éviter cette situation, mais cela
ne couvre pas, selon moi - quand on parle de dispositions de conventions
collectives - la procédure. On
pourrait même aller jusqu'à se demander si une convention
collective pourrait prévoir des procédures différentes de
celles de la loi, même si elles étaient plus avantageuses ou plus
efficaces. À ce moment, l'individu, ou l'association qui le
représente, se trouve obligé de faire la preuve de cela. Y a-t-il
un moyen de faire en sorte que cet article...
La Présidente (Mme Juneau): M. le ministre.
M. Fréchette: J'ai deux commentaires, à la suite de
la question du député de Sainte-Marie. D'abord, il l'a dit
lui-même, c'est l'expression que l'on retrouve dans toutes les lois qui
contiennent des dispositions de cette nature. Deuxièmement, s'il a une
formule à suggérer... Effectivement, la question s'est
posée chaque fois qu'un texte de loi comme cela a été
écrit et les spécialistes de la rédaction des lois en
arrivent toujours à la même conclusion: c'est, dans l'état
des choses que l'on connaît, la meilleure façon d'arriver à
atteindre l'objectif que l'on vise. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas
d'autres solutions qui rejoindraient la situation dont parle le
député de Sainte-Marie. Par exemple, sur la stricte question de
la procédure pour exercer un droit, si on parle de plus avantageux,
qu'est-ce que ça veut dire? Comment cela s'évalue-t-il?
M. Bisaillon: ...pour le retrait préventif, par exemple,
par rapport à la Loi sur la santé et la sécurité du
travail. Il y a eu des difficultés quant à la procédure
concernant le retrait préventif. Les organisations syndicales ont eu des
difficultés à faire comprendre que les clauses qu'il y avait dans
leurs conventions collectives étaient plus avantageuses que celles de la
loi. La notion d'avantage est reliée à quelque chose de
pécuniaire ou de financier.
M. Fréchette: À des choses qui peuvent se
quantifier.
M. Bisaillon: Oui. Je me demande s'il n'y aurait pas moyen, tout
en trouvant cet article correct, d'essayer de préciser ou d'ajouter un
adjectif, une précision qui éviterait aux organisations
d'être constamment devant la Cour supérieure.
M. Fréchette: Je suis bien disposé à
regarder davantage la situation dont parle le député de
Sainte-Marie, sauf que, dans l'état actuel des choses, je ne connais
vraiment pas de solution qui rejoindrait son objectif et cela ne veut pas dire
que l'on ne doive pas regarder davantage la situation, mais je suggère
qu'on puisse procéder à l'adoption de cet article de la
même façon, quitte à regarder de plus près la
situation qu'il soulève.
M. Bisaillon: Le ministre serait-il d'accord avec un ajout qui
dirait "Tant des droits que de la procédure".
M. Fréchette: Pardon?
M. Bisaillon: "Des dispositions plus avantageuses, tant des
droits que de la procédure."
M. Fréchette: Je ne suis pas capable de donner une
réponse immédiatement à cette suggestion.
M. Bisaillon: Cela couvrirait les deux aspects.
M. Fréchette: Je suis bien disposé à le
regarder. Je ne voudrais pas, par ailleurs, retarder l'adoption de l'article
4.
M. Bisaillon: Non, non. On peut l'adopter sous réserve que
vous reveniez avec quelque chose plus tard.
M. Fréchette: Cela va.
La Présidente (Mme Juneau): M. le député
d'Outremont. Vous passez? M. le député de Nelligan.
M. Lincoln: Je voudrais poser une ou deux questions au ministre.
À l'article A, vous dites: "La présente loi est d'ordre public."
J'aurais voulu savoir, par exemple, par rapport à l'ancienne, pourquoi
c'est d'ordre public dans ce cas-là, parce qu'il me semble que c'est la
seule province où cette , loi serait d'ordre public. Quelle a
été la motivation pour la faire d'ordre public?
La Présidente (Mme Juneau): M. le ministre.
M. Fréchette: Dans la loi actuelle, Mme la
Présidente, il y a une disposition qui est au même effet, mais qui
est rédigée en termes différents. Lorsqu'on utilise cette
expression: "la présente loi est d'ordre public", c'est pour indiquer
que personne ne peut y déroger par des conventions particulières
et, encore une fois, c'est expressément la reprise de l'intention ou du
principe de l'actuelle loi, mais formulée avec d'autres mots. Mais c'est
précisément pour atteindre l'objectif dont je vous parle,
c'est-à-dire qu'il soit clairement compris qu'aucune disposition
particulière ne peut déroger à ce qu'on retrouve dans la
loi.
La Présidente (Mme Juneau): M. le député de
Nelligan.
M. Lincoln: Auriez-vous pu aussi
m'expliquer, par rapport, si c'était possible... Je pense nue
j'ai compris votre explication. Cet article: "Cependant, une convention ou un
règlement ou un décret qui y donne effet..." se rapporte
exclusivement, en fait, aux employés du gouvernement. Non?
M. Fréchette: Non, non. Quand on parle d'un
règlement, cela peut, effectivement, se référer à
une décision gouvernementale qui a effet par l'adoption d'un
décret. Quand on parle d'une convention, cela n'exclut pas,
évidemment, les conventions collectives qui peuvent intervenir dans la
fonction publique, mais cela inclut aussi les conventions qui interviennent
dans l'enteprise privée, dans le secteur privé.
M. Lincoln: Je vous avais mal compris. Ce sont toutes les
questions que j'avais. Merci.
Le Président (M. Dussault): C'est terminé? M. le
député de Frontenac.
M. Grégoire: Je n'ai qu'une courte question. Le ministre
nous a dit tout à l'heure qu'il existait dans la loi le fait que la
rente n'était pas imposable, mais, comme il était inscrit dans la
Loi sur les impôts que les rentes n'étaient pas imposables, on l'a
enlevé de la loi 42, ce qui veut dire que si, toutefois, des gens
veulent les rendre imposables, ils ne sont même pas obligés de
venir toucher à cette loi. Ils n'ont qu'à toucher à la loi
sur le revenu. Pourquoi ne l'auriez-vous pas gardé là-dedans pour
les obliger au moins à ce que le travail soit deux fois plus dur, que
les efforts soient deux fois plus grands pour venir imposer les rentes...
M. Fréchette: M. le député de
Frontenac...
M. Grégoire: ...parce que n'oubliez pas une chose, M. le
ministre. Quand on dit que le travailleur qui est dans une incapacité
permanente et totale reçoit une rente égale à 90% de son
revenu net, c'est égal à peu près, du moins pour un
salarié moyen, à 66% ou 70% de son revenu brut. Si on va lui
imposer cela en plus... C'est pour cela que je me demande: Pourquoi ne le
garderiez-vous pas là-dedans?
M. Fréchette: Bon!
M. Grégoire: Cela voudrait dire pour le prochain ministre,
pour le ministre...
M. Fréchette: Je suis content de la question du
député de Frontenac, parce qu'elle me fait penser que je n'ai pas
donné au député de Sainte-Marie la réponse que
j'aurais voulu lui donner quant à des intentions qui auraient
apparemment été manifestées sur
l'éventualité de l'imposition des indemnités par les deux
paliers de gouvernement. Je ne parlerai certainement pas pour l'autre palier de
gouvernement, bien sûr. Je sais à quoi fait allusion le
député de Sainte-Marie, je le sais très bien.
M. Bisaillon: Mais, M. le Président, peut-être que
je pourrais me permettre de donner la citation exacte.
M. Fréchette: Je l'ai lue, je l'ai presque en
mémoire par coeur.
M. Bisaillon: Mais pour les fins de nos travaux et de ceux qui ne
l'auraient pas vue. C'est le mercredi 28 novembre, le président de la
CSST faisait une déclaration où il disait "les gouvernements".
"Actuellement, ces indemnités qui équivalent à 90% du
revenu net, maximum de 31 500 $ par année, ne sont pas imposables.
Cependant, selon le président de la CSST - ici on parle de M.
Sauvé - les gouvernements préparent subtilement le terrain - les
soulignés sont de moi - pour que ces prestations soient
considérées éventuellement comme des gains imposables.
Pour le moment, les gouvernements se contentent d'obliger le
bénéficiaire à déclarer ce revenu dans son rapport
d'impôt tout en lui permettant de déduire un montant
équivalent."
M. Fréchette: Je remercie le député de
Sainte-Marie de me rafraîchir la mémoire parce que j'avais
effectivement été sensibilisé à la
déclaration qu'il me cite au texte. Je ne parlerai pas pour l'autre
palier de gouvernement, mais, si jamais c'était cela, c'est à ce
point subtil que personne dans le gouvernement n'en a entendu parler. Quand on
utilise le terme "subtilement", cela voudrait dire que ceux qui auraient
éventuellement à prendre une semblable décision n'ont
jamais imaginé une semblable situation. C'est aussi invraisemblable de
penser à une situation comme celle-là que de penser, par exemple,
à demander aux travailleurs de cotiser au régime comme certaines
gens le demandent.
Alors, je vous signale que, pour autant que le gouvernement du
Québec est concerné, il n'y a à cet égard-là
aucune espèce d'intention, ni non plus aucune espèce de travail
subtil ou pas qui est amorcé dans ce sens.
M. Bisaillon: Je trouve quand même, Mme la
Présidente, assez incroyable - je me dois de prendre la parole du
ministre quand il nous dit que jamais le gouvernement n'a envisagé cela
- je trouve quand même incroyable qu'au moment où une commission
parlementaire est en train d'étudier un projet de loi important le
président de la CSST se
promène dans le décor en faisant des déclarations
comme celles-là. Ou bien il est mieux informé que le ministre, ce
que je suis prêt à nier, ou encore il se permet des
déclarations qui ne vont pas dans le sens des intérêts, en
tout cas, de nos travaux et je ne pense pas non plus dans le sens des
intérêts du gouvernement.
Une voix: Sûrement pas.
La Présidente (Mme Juneau): M. le ministre.
M. Fréchette: Quand j'ai été
sensibilisé à cette déclaration, Mme la Présidente,
j'ai évidemment demandé d'obtenir des renseignements plus
précis quant au contexte dans lequel cette déclaration a
été faite, à l'intérieur de quelle situation et de
quelle circonstance. J'aurai sans doute plus de détails à cet
égard-là demain ou après-demain.
Mais je réitère au député de Sainte-Marie et
aux membres de la commission qu'en aucune circonstance et jamais cette
hypothèse n'a été soulevée au gouvernement de
Québec.
La Présidente (Mme Juneau): M. le député de
Frontenac.
M. Grégoire: Mme la Présidente, avec les
années et l'expérience politique qu'il a, le ministre devrait
savoir que souvent les ministres sont les derniers à savoir quels sont
les documents que leurs fonctionnaires préparent et lâchent en
fuite. On en a eu des exemples dernièrement.
M. Fréchette: La plupart de ceux-là n'ont jamais eu
de suite.
M. Grégoire: Qui sortent en fuite et... Ce qui se produit,
c'est qu'en même temps on s'aperçoit qu'on enlève de la loi
l'article qui dit que les rentes ne sont pas imposables. On l'enlève
sous prétexte que c'est dans la loi de l'impôt sur le revenu. On
l'enlève de la loi 42. C'est cela que je me demande. On dirait que la
subtilité peut être forte aussi.
Une voix: Elle a bien meilleur goût.
M. Grégoire: S'il y a quelqu'un d'autre qui a
pensé, est-ce que c'est vous ou si c'est quelqu'un d'autre ou si c'est
un fonctionnaire qui a pensé à enlever cet article? Est-ce que
c'est quelqu'un de l'impôt sur le revenu qui vous a fait penser
subtilement que vous devriez peut-être l'enlever de la loi 42 parce
qu'elle est déjà dans la loi de l'impôt? Alors, il ne vous
est pas venu à l'esprit d'imposer les rentes, mais il y a quelqu'un qui,
subtilement, vous a mis dans la tête d'enlever l'article de la loi 42.
C'est votre responsabilité. Cela vient probablement de l'impôt sur
le revenu puisqu'elle y est déjà. Et alors, si le ministre de
l'impôt veut changer sa loi, cela n'est plus incrit dans votre loi. Vous
avez perdu votre pouvoir de dire non parce que cela n'est plus inscrit dans
votre loi, vous l'avez enlevé. Vous ne trouvez pas que la
subtilité est réelle? (17 h 45)
M. Fréchette: Est-ce que le député de
Frontenac...
La Présidente (Mme Juneau): M. le ministre.
M. Fréchette: ...est en train de me dire que la loi de
l'impôt à cet égard ne s'appliquerait pas? C'est cela que
le député de Frontenac est en train de me dire. Non seulement me
dit-il que la loi de l'impôt pourrait théoriquement,
éventuellement, ne pas s'appliquer, mais il faudrait aussi faire en
sorte que, dans toutes les lois, on se double, on se... Trop fort ne casse pas.
Plus il y en a, mieux c'est, en fait.
La Présidente (Mme Juneau): M. le député de
Frontenac.
M. Grégoire: La loi de l'impôt, pour s'appliquer,
par exemple, devrait contenir un article de concordance qui viendrait amender
la loi 42. À ce moment-là, cela serait deux fois plus long parce
que le ministre du Travail serait directement impliqué à cause de
sa loi. Tous ceux qui font partie du...
M. Bisaillon: Les parlementaires seraient alertés.
M. Grégoire: Les parlementaires seraient alertés,
oui. Cela ferait deux lois à amender au lieu d'une. Cela serait deux
fois plus dur. Je crois, M. le ministre, que...
M. Fréchette: Tout ce que je peux vous dire, c'est qu'on
ne passera pas quatre heures là-dessus. Je ne ferai pas une guerre de
principe sur une situation comme celle-là. C'est une question de
technique législative. Il m'apparaissait que, quand c'est prévu
dans une loi, cela couvre la situation qu'on est en train d'évaluer et
de discuter, mais cela va donner davantage d'ouvrage aux avocats parce que cela
fera deux lois à interpréter. Le député de
Frontenac a fait de longues argumentations ce matin pour dire que les lois
étaient assez longues et assez compliquées, qu'il y avait trop
d'avocats là-dedans et que cela prenait trop de temps, mais, si on fait
des lois qui se retrouvent avec les mêmes dispositions de part et
d'autre, cela va ouvrir la porte aux avocats.
La Présidente (Mme Juneau): M. le
député de Sainte-Marie.
M. Bisaillon: Mais on doit comprendre que vous seriez prêt
à remettre l'article dans la loi.
M. Fréchette: Oui, tout à fait. M. Bisaillon:
Bravo.
La Présidente (Mme Juneau): M. le député
d'Outremont, vous avez la parole.
M. Fortier: Merci. Le député de Frontenac disait
qu'il y avait des fuites de documents, les documents fuyaient, mais maintenant
ce ne sont plus les documents qui fuient, ce sont les ministres. Ce que je
trouve curieux en ce qui concerne cette taxation... Je suis d'accord avec le
ministre que, dans le fond, il s'agit d'une disposition législative qui,
normalement, provient du ministre des Finances et est tenue secrète.
C'est le ministre du Revenu ou des Finances, cela peut être
également dans le discours du ministre des Finances.
Dans le Soleil du 28 novembre, M. Sauvé est allé encore
plus loin. Il a soutenu que, dans cette éventualité, les
gouvernements fédéral et québécois auraient
remboursé à la CSST les 80 000 000 $ qu'elle débourse
annuellement en frais médicaux et d'hospitalisation. Je ne comprends pas
bien la relation avec la fiscalité, mais il a calculé qu'il y
avait 80 000 000 $. Il semblerait qu'il s'est penché sur le
problème, il a fait le calcul, il a passé l'information à
quelqu'un et il en a fait état. J'espère que le ministre comprend
le sérieux de la situation. Cela mérite certainement une
déclaration minitérielle, en quelque sorte. Alors qu'on est en
train de discuter d'une disposition et alors que tout le monde a tenu pour
acquis qu'il s'agissait d'un bénéfice non imposable, non
seulement cela serait, pour l'employé, une baisse éventuelle de
revenu, mais on pourrait aussi prétendre qu'à la suite de cette
baisse de revenu les employés ou les syndicats demanderaient une
augmentation et que, finalement, ce seraient les employeurs qui devraient payer
davantage pour compenser le fait qu'il y a taxation.
C'est bien certain que, pour un employé recevant un
bénéfice de 90% du revenu net -et tout le monde tient pour acquis
qu'il s'agit d'un revenu non taxable - s'il s'agissait d'un revenu taxable, les
employés eux-mêmes demanderaient que les montants soient
reconsidérés et les employeurs se verraient obligés de
payer des taux plus élevés à la CSST. Je crois que M.
Sauvé a ouvert un dossier et un débat très important. S'il
le fait de lui-même, d'une part, je laisse le soin au ministre
responsable de le rappeler à l'ordre, mais, d'autre part, je crois
qu'une déclaration s'impose dans les meilleurs délais, compte
tenu de l'implication non seulement pour les individus, mais,
éventuellement, de l'implication financière pour les
employeurs.
La Présidente (Mme Juneau): M. le ministre.
M. Fréchette: Mme la Présidente, je remercie les
membres de la commission d'attirer mon attention sur ce dossier. Vous ne serez
pas surpris que je vous dise qu'au moment où j'ai pris connaissance de
cette déclaration j'ai immédiatement demandé plus de
précision, comme je le signalais tout à l'heure. Dans quel
contexte cela a-t-il été dit? Dans quelle circonstance, à
partir de quelles informations ces affirmations ont-elles été
faites? Je sais qu'actuellement nous sommes en train de préciser ces
questions. Je devrai très certainement, quant à moi, à
partir des renseignements que j'obtiendrai, faire les précisions qui
s'imposent. Est-ce que ce sera par la voie d'une déclaration
ministérielle ou autrement, c'est autre chose, mais qu'il y ait un
réajustement ou une précision qui se fasse, cela m'apparaît
aller de soi.
La Présidente (Mme Juneau): M. le député de
Frontenac.
M. Grégoire: Dois-je comprendre que le ministre est
prêt à le faire de lui-même, de réinclure la clause
de la non-taxation de la rente dans la loi 42?
La Présidente (Mme Juneau): M. le ministre.
M. Fréchette: Mme la Présidente, je suis prêt
à le faire, mais j'attire l'attention du député de
Frontenac, comme je l'avais fait pour nombre de groupes qui étaient
venus ici et qui insistaient pour que des choses soient dans la loi, je leur
disais qu'on ouvre sur des contestations judiciaires qui peuvent nous amener
jusqu'en Cour suprême.
Si le député de Frontenac qui a une peur bleue des avocats
et des contestations judiciaires me dit qu'il insiste là-dessus, je vais
le remettre dans la loi et on vivra avec cela.
La Présidente (Mme Juneau): M. le député de
Frontenac.
M. Grégoire: Maintenant, dans un tel cas, le ministre du
Travail nous dit que le gouvernement du Québec n'en a nullement
l'intention, mais si c'est inscrit dans la loi 42 et si le gouvernement
fédéral voulait taxer la rente...
M. Fréchette: La loi 42?
M. Grégoire: ...voulait changer son
régime de taxation et imposer la rente, qui aurait
priorité? La loi fédérale de l'impôt ou la loi
provinciale 42?
Une voix: Le président de la CSST. Quelle question!
M. Grégoire: Qui aurait priorité? Est-ce que le
Québec serait assez autonome, est-ce que le Québec serait assez
maître de ses destinées pour dire: Nous avons adopté une
loi...
Une voix: Il faut faire la souveraineté avant!
La Présidente (Mme Juneau): Messieurs!
M. Grégoire: Est-ce que le gouvernement
fédéral pourrait aller à l'encontre de la loi 42 qui
décréterait que les rentes ne sont pas taxées?
Une voix: Vous ne parlez pas de souveraineté.
La Présidente (Mme Juneau): S'il vous plaît! M. le
ministre.
M. Fréchette: Mme la Présidente, le
député de Frontenac me demande une opinion que je suis tout
à fait disposé à lui donner, qui vaut ce qu'elle vaut,
remarquez bien, mais je suis d'opinion que, si le gouvernement
fédéral adoptait une législation fiscale en vertu de
laquelle il décréterait, par législation, que les rentes,
les indemnités de remplacement de revenu seront dorénavant
imposables, nous n'aurions pas d'autre choix que d'accepter cette
décision du fédéral.
M. Grégoire: Se soumettre.
M. Fréchette: Enfin!
Une voix: Ou se démettre.
M. Fréchette: Se soumettre ou se démettre,
mais...
M. Grégoire: Mais là, il n'est même pas
question de se démettre, il faut se soumettre.
La Présidente (Mme Juneau): M. le député de
Viau.
M. Lincoln: Mon collègue me permettrait-il de poser une
question très courte au ministre?
M. Cusano: Certainement.
La Présidente (Mme Juneau): M. le député de
Nelligan.
M. Lincoln: M. le ministre, est-ce que ce ne serait pas la
même chose si le ministre des Finances décidait, demain matin, que
ces rentes sont imposables? Ce serait la même chose, en fait. Le ministre
des Finances pourrait, malgré ce qui est dans la loi 42, décider
de changer la loi de l'impôt et que les rentes soient imposables. Cela
deviendrait imposable malgré la loi 42, il me semble.
M. Fréchette: Oui, c'est clair cela aussi.
M. Grégoire: Mais il faudrait qu'il soit en charge de la
loi 42.
M. Lincoln: Oui, d'accord.
La Présidente (Mme Juneau): La parole est au
député de Viau.
M. Cusano: Seulement un petit commentaire, Mme la
Présidente. À l'article 4, lorsqu'on regarde...
M. Fréchette: Je voulais simplement attirer l'attention
des membres de la commission, particulièrement du député
de Frontenac qui s'intéresse à la question, sur l'amendement que
l'on retrouve à l'article 137. Cet amendement va nous permettre de faire
toute la discussion qu'on vient d'amorcer il y a deux minutes.
Une voix: Article 137.
M. Fréchette: Article 137, dans les amendements.
La Présidente (Mme Juneau): Dans les amendements.
M. Bisaillon: On comprend qu'on ne fera plus de discussion
là-dessus étant donné que c'est déjà acquis
que cela va être là.
M. Fréchette: Ce dont on parle, oui, cela va.
La Présidente (Mme Juneau): M. le député de
Viau.
M. Cusano: Seulement un commentaire, Mme la Présidente,
avant de terminer. En regardant la version anglaise du projet de loi, l'article
4, peut-être à cause de ma langue maternelle, je le trouve un peu
plus clair. On dit, à l'article 4, en anglais: "Not withstanding the
first paragraph, any agreement or any regulation or Order giving effect to an
agreement may provide more favourably for a worker than does this Act." Il me
semble que c'est un peu plus clair, dans mon esprit, que le texte
français.
La question qui me chicote dans cela,
c'est la question du décret; c'est un décret qui donne
suite à une entente et non un décret gouvernemental.
Une voix: Comment cela?
M. Cusano: C'est une question simple, Mme la Présidente.
Est-ce que, demain matin, si on parle justement de dispositions qui sont plus
avantageuses - je vais prendre l'exemple des 90% du salaire net - est-ce que,
par décret gouvernemental, demain matin ou à un temps
donné, le gouvernement pourrait arriver et dire: C'est plus avantageux
de donner 95% du salaire net?
M. Fréchette: Il pourrait le faire.
M. Cusano: II pourrait le faire.
M. Fréchette: Pour ses employés.
M. Cusano: Pour ses employés!
M. Fréchette: Oui.
M. Cusano: Mais non pour l'ensemble des travailleurs de la
province.
M. Fréchette: Absolument pas.
M. Cusano: Absolument pas.
M. Fréchette: On ne pourrait pas faire cela sans changer
la loi. On ne pourrait pas procéder à une décision comme
celle-là par simple décret. Il faudrait procéder à
un amendement législatif de la loi.
M. Cusano: Non, mais c'est ma préoccupation.
M. Fréchette: Ma compréhension, c'est ce que je
viens de vous dire.
M. Bisaillon: Mais, par contre, une convention collective
signée pourrait aller...
M. Cusano: Non, non. Sur la question des conventions collectives, je
suis complètement d'accord avec cela. C'est le mot "décret",
à ce moment-ci. Qu'est-ce qui arrive, justement, lorsqu'un gouvernement
a décrété une convention collective?
M. Fréchette: Dans le décret, on ne pourrait pas
retrouver des dispositions qui feraient en sorte que les avantages
prévus par la loi 42 seraient inférieurs à ceux que l'on
retrouve effectivement dans la loi.
M. Cusano: Vous êtes complètement convaincu de cela,
M. le ministre?
M. Fréchette: Bien, écoutez...
M. Cusano: C'est-à-dire que, s'il y a un autre projet de
loi... Quel était le projet de loi dont on avait discuté?
M. Fréchette: Pardon? M. Bisaillon: Le
décret...
La Présidente (Mme Juneau): M. le député de
Sainte-Marie.
M. Bisaillon: ...quand il est voté...
M. Fréchette: Oui...
M. Bisaillon: ...c'est comme une loi.
M. Fréchette: ...mais vous ne pouvez jamais amender ou
abroger une loi par un décret. Convenons de cela, quand même.
M. Bisaillon: Non, non, mais ce que je veux dire...
La Présidente (Mme Juneau): M. le député de
Sainte-Marie.
M. Bisaillon: Prenons le dernier exemple...
M. Fréchette: Oui.
M. Bisaillon: ...celui dont beaucoup de gens se souviennent
encore; 105 et 111, c'étaient des décrets, ce n'était pas
juste une loi disant: On arrête...
M. Fréchette: II y a eu une loi d'adoptée pour
déterminer...
La Présidente (Mme Juneau): M. le ministre.
M. Fréchette: ...que les décrets tiendraient lieu
de conventions collectives. Et c'est par loi que cela a été
fait.
M. Bisaillon: Bon.
La Présidente (Mme Juneau): M. le député de
Sainte-Marie.
M. Bisaillon: Alors, ce que je veux dire, c'est que c'est par loi
que cela s'est fait.
M. Fréchette: C'est cela.
M. Bisaillon: Dans ce cas-là, c'est par loi que c'est
fait.
M. Fréchette: C'est cela, oui.
M. Bisaillon: Et vous nous dites que, dans cette loi, il ne
pourrait pas y avoir de dispositions inférieures à ce qui est
contenu dans le projet de loi 42.
M. Fréchette: Non, ce n'est pas cela que je vous dis. Dans
une loi, tout un chacun peut faire à sa volonté, faire ce qu'il
veut. C'est évident que, si le gouvernement décidait d'adopter
une loi spéciale ou une autre, à l'intérieur de laquelle
on retrouverait une disposition qui dirait: L'article 4 de la loi 42 est
abrogé et les avantages que prévoit cette loi seront
inférieurs à ceux qu'on y retrouve actuellement, c'est cette loi
qui aurait force de loi.
Ce que l'on dit, c'est que, dans une convention - je pense qu'on
s'entend tous là-dessus - ou un règlement qui pourrait intervenir
par le gouvernement, qui s'applique à ses employés et lequel
règlement est sanctionné ou avalisé par décret,
sans que l'appareil législatif ne soit mis en marche, dans ces
conditions, il ne peut pas y avoir de conditions inférieures. Mais par
une loi, évidemment, c'est une tout autre chose.
M. Cusano: ...M. le ministre...
La Présidente (Mme Juneau): M. le député de
Viau.
M. Cusano: ...c'est que... Il est 18 heures. Je crois qu'on
revient demain matin, à 10 heures. J'aurai d'autres...
La Présidente (Mme Juneau): C'est exact, mais est-ce que
vous voulez poser votre question?
M. Cusano: Non, non, j'aime autant attendre à demain
matin, parce que, si je pose ma question, je vais avoir ma réponse
demain. J'aime autant, si le ministre y consent...
Une voix: Est-ce que l'article 4 est adopté?
M. Cusano: Non, non...
La Présidente (Mme Juneau): Est-ce que l'article 4 est
adopté?
M. Cusano: ...j'ai d'autres questions à poser sur
l'article 4.
La Présidente (Mme Juneau): Nous ajournons nos travaux
jusqu'à demain, 10 heures.
(Fin de la séance à 18 heures)