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(Douze heures trois minutes)
La Présidente (Mme Juneau): Je déclare la
séance ouverte.
La commission de l'économie et du travail est réunie pour
procéder à l'étude détaillée du projet de
loi 42, Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.
Est-ce qu'il y a des changements, M. le Secrétaire?
Le Secrétaire: Oui, Mme la Présidente.
M. Bourbeau (Laporte) est remplacé par M. Ciaccia (Mont-Royal);
Mme Dougherty (Jacques-Cartier) est remplacée par M. Maltais (Saguenay);
M. Kehoe (Chapleau) est remplacé par M. Paradis (Brome-Missisquoi) et M.
Maciocia (Viger) est remplacé par M. Leduc (Saint-Laurent).
La Présidente (Mme Juneau): Merci. Étant
donné que...
Le Secrétaire: Pour terminer, Mme la Présidente, M.
Le May (Gaspé) est remplacé par M. Gagnon (Champlain).
La Présidente (Mme Juneau): Étant donné que,
lorsque nous avons ajourné nos travaux hier, nous avions convenu de
suspendre l'article 40.1 jusqu'à ce que les articles
énumérés dans l'amendement de l'article 40.1 soient
étudiés, nous passons à l'article 41.
Indemnités
M. Fréchette: Alors, Mme la Présidente, le
député de Sainte-Marie qui revient dans un délai
raisonnable a, je pense, des suggestions à nous faire quant
à...Pardon?
La Présidente (Mme Juneau): M. le député de
Sainte-Marie.
M. Bisaillon: Mme la Présidente, deux choses. La
première, c'est qu'hier soir le ministre a procédé
à la distribution de documents d'information. Est-ce qu'il serait
possible d'en avoir un exemplaire additionnel?
Deuxièmement, Mme la Présidente, hier, j'avais
adressé une demande au ministre du Travail pour qu'avant d'aborder
l'étude de l'article 41 le ministre nous dresse un tableau de la
situation. On se rend tous compte qu'on entre dans les articles du projet de
loi qui sont un point important des discussions que l'on doit avoir entre nous,
un des quatres points centraux du projet de loi. Dans ce sens-là, je
pense qu'il serait intéressant, à la fois pour la façon
dont on pourra délibérer sur l'étude article par article
et à la fois pour nous éviter de dédoubler nos
commentaires et nos discussions au moment où on fera l'étude
article par article, que le ministre nous trace un tableau complet. Quelle est
la situation actuelle? Comment procède-t-on quant aux indemnités?
Comment entend-on procéder à l'avenir? Pourquoi ce changement de
deux systèmes? Quels sont les objectifs poursuivis par le projet de loi
et par les changements qu'on y apporte? Quelles sont les conséquences de
ces changements en termes de perte d'indemnité ou de gain, si
c'était le cas? La présentation du ministre étant faite,
on pourrait s'entendre sur une discussion générale du
système, quitte à limiter cette discussion dans le temps.
Je pensais que, si le ministre prenait l'heure que l'on a à notre
disposition pour nous expliquer le système, on prendrait la
période de l'après-midi, c'est-à-dire de trois heures
à six heures, pour faire une discussion générale, un peu
comme on le fait avant l'étude du projet de loi. On passe des
commentaires généraux. Alors, qu'on prenne l'après-midi
pour passer nos commentaires généraux. Ceci étant fait, on
pourrait passer par la suite à l'étude article par article et les
délibérations ne pourraient être que meilleures. C'est la
suggestion que je voulais faire au ministre. Je n'ai malheureusement pas
consulté les collègues de la commission parlementaire, ni ceux de
l'Opposition, ni ceux du côté ministériel, mais j'en fais
la suggestion, non seulement au ministre, mais à l'ensemble des
collègues, en espérant qu'ils pourront réagir
favorablement à ma demande.
La Présidente (Mme Juneau): Y a-t-il des commentaires sur
la suggestion du député de Sainte-Marie?
M. Cusano: Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Juneau): M. le député de
Viau.
M. Cusano: De notre côté, nous sommes
complètement d'accord avec le député de Sainte-Marie vu
l'importance et la
complexité du chapitre d'indemnité de remplacement du
revenu. Je crois que le fait d'approcher cet aspect des indemnités de
remplacement du revenu de cette façon nous permettra d'avoir une
meilleure compréhension. En même temps, pendant que ces
discussions se poursuivent, peut-être que le ministre pourrait songer
à des amendements qui seront nécessaires à chacun des
articles. Cela éviterait des délais. Dès que les
discussions seront entamées, nous pourrons voir, autour de la table,
vers quelle direction on s'en va et cela donnera l'occasion aux personnes qui
travaillent pour le ministre de préparer des amendements pour que nous
puissions procéder d'une façon plus efficace et plus rapide.
La Présidente (Mme Juneau): Est-ce que cela va? Je
constate que tous les députés sont d'accord avec cette
suggestion.
Une voix: Oui, Madame.
La Présidente (Mme Juneau): M. le ministre.
M. Fréchette: Quant à moi, c'est évidemment
sans aucune réserve que je reçois cette suggestion parce qu'elle
va très certainement être utile dans les travaux que nous
entreprenons ce matin, et particulièrement à cause du chapitre
que nous abordons.
J'ai donc compris, Mme la Présidente, qu'on irait jusqu'à
13 heures. Ce serait la période de temps qui me serait
réservée et, à notre retour, à 15 heures
jusqu'à 18 heures, la discussion générale se
continuerait.
M. Cusano: Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Juneau): M. le député de
Viau.
M. Cusano: Le ministre me permettra un commentaire. S'il juge
nécessaire d'aller au-delà de 13 heures et qu'à 15 heures
il juge nécessaire de couvrir des faits additionnels, nous n'avons
aucune objection.
La Présidente (Mme Juneau): M. le ministre.
Exposé du sujet M. Raynald
Fréchette
M. Fréchette: Je prends acte de cette offre, mais je suis
d'opinion que, durant les trois quarts d'heure qui viennent, je devrais
être mesure de faire le tour de la question qu'on aborde.
Il y a une première préoccupation que je veux soumettre
aux membres de la commission et qui me paraît être le principe
fondamental de toute politique, de tout système de réparation. Il
me semble assez clair et assez évident que l'objectif de fond,
l'objectif de base d'une politique de réparation doit être
essentiellement d'essayer de faire en sorte que l'accidenté soit
replacé dans la situation dans laquelle il se trouvait avant son
accident. Évidemment, cela nous amène à deux situations
possibles: celle qui est en relation directe avec l'aspect que j'appellerais
"économique" - entre guillemets - de l'accidenté et l'aspect qui
concerne plus spécifiquement la consolidation de sa blessure, de sa
maladie professionnelle par la voie de la réadaptation, qu'elle soit
physique, professionnelle ou sociale. Donc, encore une fois, cet objectif
fondamental doit être de replacer cet accidenté dans l'état
dans lequel il se trouvait avant cet accident, en tenant compte, bien
sûr, des séquelles, des incapacités partielles permanentes
qui peuvent découler de l'accident dont il a été victime,
ce qu'on est convenu d'appeler plus scientifiquement le déficit
anatomophysiologique. Donc, encore une fois, l'objectif de fond est de replacer
la victime de l'accident dans l'état dans lequel elle était avant
son accident.
Une autre préoccupation fondamentale -et je pense que personne
d'entre nous ne peut passer à côté de cette
préoccupation -c'est d'essayer de faire en sorte que le départage
économique - si vous me prêtez l'expression - soit accentué
ou plus accentué sur la nécessité de réparer ou de
compenser davantage ceux qu'on est convenu d'appeler les accidentés
lourds, c'est-à-dire ceux qui se retrouvent, après un accident du
travail, avec des séquelles plus importantes qui peuvent aller
jusqu'à l'incapacité totale permanente. Autant au plan de la
réparation économique, encore une fois, que de la
réadaptation généralement parlant, il nous semble que
c'est une préoccupation qui doit, de toute évidence, guider
toutes nos discussions, toutes nos délibérations sur le projet de
loi 42 et, plus particulièrement, sur le chapitre dont on est en train
d'entreprendre l'étude. (12 h 15)
À partir de ces deux préoccupations de fond, soit de
replacer l'accidenté dans l'état où il était si
c'est possible et, deuxièmement, faire en sorte que ceux qui en ont le
plus besoin en reçoivent plus, le chapitre III, Mme la
Présidente, qui précise la politique de remplacement du revenu va
tenir compte des grands axes suivants. La loi va prévoir, si elle est
adoptée comme elle nous est soumise, que l'accidenté, autant
celui qui est en période d'incapacité temporaire que celui qui se
retrouvera malheureusement en état d'incapacité totale et
permanente, va retirer pour l'une ou l'autre des périodes, le cas
échéant, 90% de son revenu net pendant tout le temps que
durera cette incapacité temporaire, si tel est le cas, et
jusqu'à l'âge de 65 ans, dans le cas d'une incapacité
totale permanente avec une dégradation de 25% par an après
l'âge de 65 ans jusqu'à extinction complète à
l'âge de 68 ans alors que le Régime de rentes du Québec
prendra la relève.
Dans toutes les discussions qui ont été suscitées
jusqu'à maintenant autour du projet de loi 42, il y a une remarque qui
est revenue très souvent, qui a été soulevée par
des gens qui prétendent que cette loi ne devrait pas être
acceptée, ne devrait pas être votée, qu'elle devrait
être retirée, que le statu quo devrait demeurer il y a une
représentation qui revient souvent et elle est de la nature suivante:
Beaucoup d'intervenants nous signalent qu'au lieu de prévoir le paiement
d'une indemnité de revenu égal à 90% du revenu net, ce
devrait être une indemnité de remplacement du revenu de 100%.
Encore une fois, beaucoup d'intervenants nous ont soumis des
représentations dans ce sens. Je vous signale les deux motifs pour
lesquels il me semble que nous ne pouvons pas retenir cette
représentation.
D'une part, que l'indemnité de remplacement du revenu soit
fixée à 90% du revenu net au lieu de 100% du revenu net constitue
- à tort ou à raison, mais c'est notre évaluation - un
premier incitatif de retour au travail. Il est évident que
l'accidenté qui est en période de consolidation et de
réadaptation, qui va retirer 90% de son revenu net, va espérer
pouvoir reprendre ses activités normales dans les meilleurs
délais, tout en étant par ailleurs très prudent quant
à la consolidation de sa blessure et quant à la
nécessité d'éviter que, retournant au travail trop
tôt, il n'en subisse un préjudice. Mais dès lors que,
médicalement parlant et autrement, il pourra en arriver à la
conclusion que sa blessure est consolidée, qu'il peut
réintégrer son poste, il me semble qu'il va être davantage
motivé à retourner à sa fonction à raison de 100%
de son salaire plutôt que de continuer à retirer les
indemnités de remplacement du revenu dans une proportion de 90% du
revenu net.
L'autre motif pour lequel il nous est apparu et il nous apparaît
encore que l'on doive garder ce barème des 90% du revenu net, c'est
qu'il tombe sous le sens commun des choses qu'un travailleur qui est
accidenté et qui se retrouve à la maison ne doit pas faire face
aux mêmes déboursés que ceux auxquels il a à faire
face lorsque, quotidiennement, il doit se présenter à son
travail. Que l'on pense simplement et strictement, par exemple, en termes de
transport, en termes de dépenses de vêtements, d'achat d'outils
dans certains cas. Alors, il est évident que, pendant la période
où il est en accident du travail, les dépenses qu'autrement il
aurait à absorber s'il était au travail ne doivent pas être
imputées dans ces déboursés.
L'objectif fondamental, encore une fois, quand on se
réfère à cette indemnité de remplacement du revenu,
c'est de faire en sorte que l'accidenté soit, économiquement
parlant, dans la même situation que celle qui prévalait dans son
cas avant son accident.
Il y a l'autre aspect d'un accident du travail et c'est celui qui est en
relation avec ce dont je parlais tout à l'heure, c'est-à-dire ce
déficit anatomophysiologique. Plus simplement, on pourrait parler
d'incapacité: incapacité partielle temporaire, incapacité
totale temporaire, incapacité partielle permanente et incapacité
totale permanente.
Le degré de ces incapacités est déterminé
par une évaluation médicale qui est faite par le médecin
traitant en vertu et en fonction des mécanismes que l'on retrouve dans
la loi, quand la consolidation de l'accidenté est
complétée. Son médecin traitant va déterminer que
les séquelles dans son cas très précis sont de telle
nature. Donc, quand cette conclusion médicale aura été
tirée, l'accidenté, à partir des critères habituels
en semblable matière, c'est-à-dire son âge, le salaire
qu'il faisait, le degré d'incapacité dont il est affecté,
va recevoir un montant forfaitaire, dont les barèmes apparaissent
à l'annexe, pour compenser, mais strictement et uniquement, le
déficit anatomophysiologique, l'indemnité de remplacement du
revenu demeurant toujours.
Dans le débat qui se fait actuellement sur la place publique, il
y a beaucoup d'intervenants. Je ne vais pas vous signaler ou, enfin, vous dire
que c'est volontaire, mais il y a beaucoup d'intervenants qui, actuellement
encore une fois, écrivent, disent et plaident que le montant forfaitaire
remplace la rente viagère. Ce qui est tout à fait inexact. Le
montant forfaitaire n'est là que pour compenser le déficit
anatomophysiologique. J'insiste là-dessus parce que cela a
été véhiculé dans le public depuis que le projet de
loi réimprimé a été déposé. On a
entendu cela dans les lignes ouvertes; on a entendu cela dans des
assemblées publiques; on a lu dans les journaux que le montant
forfaitaire était prévu dans la loi pour remplacer la rente
viagère alors qu'il n'y a rien de plus inexact.
Encore une fois, je ne vais pas prétendre que les gens qui ont
plaidé ou argumenté dans ce sens-là le faisaient de
mauvaise foi, pas du tout, mais il m'apparaît important de replacer les
choses dans leur véritable contexte et de faire entre nous, en tout cas,
une situation claire qui est conforme aux dispositions que l'on retrouve dans
la loi et en vertu desquelles, encore une fois, ce montant forfaitaire ne
remplace d'aucune façon la rente dont on parle.
Je donne un exemple de ce que je veux
dire. Prenons un accidenté du travail qui est victime d'un
accident tel qu'il se retrouve, après les traitements auxquels il doit
se soumettre, après l'utilisation des moyens de réadaptation
prévus dans la loi, malgré tout cela, dans un état
d'incapacité totale permanente. Quelle sera la situation qui sera faite
à cet accidenté, si le projet de loi 42 était
adopté, en considération de l'état dans lequel il se
retrouve? Il aurait droit, quel que soit son âge, aurait-il 20 ans,
aurait-il 25 ans, à une indemnité de remplacement du revenu
équivalant à 90% de son revenu net, revalorisée
annuellement jusqu'à l'âge de 65 ans, avec les diminutions dontje parlais jusqu'à l'âge de 68 ans, plus le montant
forfaitaire prévu par la loi, alors que, dans l'état actuel des
choses, si ma compréhension de la lecture de la loi est la bonne, quand
l'incapacité est déterminée, c'est cette rente dont on
parle qui est payée à l'accidenté. Je comprends qu'elle
est viagère, mais c'est cette rente qui est payée et qui n'est
pas accompagnée du paiement d'un montant forfaitaire.
Alors, il m'apparaissait tout à fait indiqué d'insister
sur cet aspect de la loi parce que, encore une fois, dans toutes les
discussions publiques qui ont été faites, on a souvent omis de
faire cette distinction importante selon laquelle l'indemnité
forfaitaire dont il est question ne va pas remplacer la rente viagère
qui est payée en vertu des dispositions de la loi actuelle.
Un autre exemple qu'il est important de signaler - c'est probablement
à partir d'exemples concrets; d'ailleurs, j'aurai tout à l'heure
des tableaux à préciser - prenons l'exemple suivant. Il y a, dans
une entreprise, un travailleur qui est soudeur de son métier. Il gagne
25 000 $ par année dans son métier ou sa profession de soudeur.
Il est victime d'un accident du travail qui lui occasionne une
incapacité, peu importe le degré, mais pas une incapacité
totale permanente, qui lui permettrait de retourner au travail, mais pas dans
la même fonction que celle qu'il occupait au moment de l'accident.
Prenons, aux fins de la discussion, l'exemple qu'il est soudeur au
moment de son accident et, après sa réadaptation physique, la
consolidation de son accident, il retourne chez son employeur, mais en
qualité de commis aux pièces, dans une fonction qui commande une
rémunération de 15 000 $ par année au lieu de 25 000 $,
salaire qu'il gagnait au moment de son accident.
Qu'est-ce que la loi 42 prévoit? Elle prévoit que,
dès lors qu'il sera retourné au travail dans cette fonction de
commis aux pièces qui commande une rémunération de 15 000
$, la Commission de la santé et de la sécurité du travail
va compenser la différence entre le salaire qu'il gagnait au moment de
son accident et celui qu'il gagne maintenant, c'est-à-dire qu'ilva économiquement être dans la même situation, continuer
de retirer ses 25 000 $ par année même s'il est commis aux
pièces, et 25 000 $ revalorisés chaque année
également.
Il me semble que c'est un autre aspect de la loi dont il faut tenir
compte de façon sérieuse et dont on n'a pas entendu parler non
plus dans le débat public qui est actuellement en cours. On en a entendu
parler... Évidemment, il faudra ajouter à cette indemnité
de remplacement de revenu de 10 000 $, c'est-à-dire la différence
entre 15 000 $ et 25 000 $, un montant forfaitaire basé sur
l'évaluation du déficit anatomophysiologique dont sera
affecté l'accidenté. 11 continuera donc de recevoir son plein
salaire dans une autre fonction et on ajoutera à cette indemnité
le montant forfaitaire prévu par la loi.
Il y a certaines gens qui nous ont représenté que, de
toute manière, ce n'était pas à retenir, cette
argumentation, parce que, dans certains cas - les gens prétendent que
c'est appliqué de façon générale - c'est
déjà la situation, nous dit-on, dans certains milieux. A cet
égard, j'ai deux observations à vous soumettre.
D'abord, il est vrai qu'en vertu d'un programme de stabilisation
économique mis sur pied par la Commission de la santé et de la
sécurité du travail, il y a de ces situations qui existent,
c'est-à-dire la compensation pour combler la différence de
salaire quand quelqu'un revient dans un emploi qui commande une
rémunération moindre. C'est vrai que la Commission de la
santé et de la sécurité du travail, par des
décisions strictement administratives, a instauré des programmes
de stabilisation économique, stabilisation sociale et stabilisation
professionnelle. À partir des programmes de stabilisation
économique, elle a retenu la formule dont je viens de parler, et cela
existe depuis 1980 ou 1981 ou à peu près. (12 h 30)
Cependant, cela ne s'applique pas à l'ensemble des travailleurs
accidentés. Cela s'applique à ceux qui, si ce programme
n'était pas offert, se retrouveraient dans une situation
économique qui nécessiterait que d'autres sources
économiques puissent assumer le bien-être de l'accidenté et
de ceux qui dépendent de lui, s'il y en a. Donc, ce programme ne
s'applique pas à tous les accidentés, d'une part.
Deuxièmement, et cela est plus inquiétant, Mme la
Présidente, dès lors que la Commission de la santé et de
la sécurité a pris la décision d'instaurer ce programme de
stabilisation économique, il s'est trouvé des employeurs - et
cela n'est que normal que cette décision ait été prise par
eux -pour en venir à la conclusion qu'en vertu des
dispositions actuelles de la loi cette directive administrative et, par
voie de conséquence, le programme qui en découle, est
illégale, nulle, caduque et ne peut pas être mise sur pied en
vertu des dispositions actuelles de la loi.
Dans quelle situation pourrions-nous nous retrouver le jour où la
Cour supérieure ou la Cour d'appel ou la Cour suprême donnerait
raison aux employeurs et dirait aux employeurs: Vous avez raison, la Commission
de la santé et de la sécurité n'était pas
habilitée, en vertu des pouvoirs de la loi actuelle, à mettre sur
pied de semblables programmes. Le jour où une cour de dernière
instance rendrait un jugement de cette nature, cela voudrait dire, si la loi
doit demeurer ce qu'elle est, que tous ces programmes de stabilité
économique, sociale et professionnelle devront être balayés
de la main. Il n'en existera plus et le phénomène de combler la
différence de salaire à partir de l'exemple dont je parlais tout
à l'heure n'existera plus lui non plus.
J'ai l'impression que, là aussi, par rapport à
l'état actuel des choses, en tout cas l'état juridique et
théorique des choses actuellement, c'est une garantie, une assurance
considérable qui, actuellement, n'existe pas.
Maintenant, Mme la Présidente, on doit aussi tenir compte, dans
un programme de réparation, il me semble, en tout cas, du processus
important de la réadaptation. Je comprends qu'on n'est pas encore rendu
à ce chapitre, mais il me semble qu'il y a un lien entre les deux.
Au risque de me répéter, Mme la Présidente, je vous
rappellerai que, lorsque nous avons étudié la loi au mois de mars
et au mois de février dernier en commission parlementaire, la
dernière journée d'audition a été consacrée
à des groupes spécialisés en matière de
réadaptation, d'ergothérapie, enfin un bon nombre de groupes dont
les préoccupations fondamentales se situent du côté de la
réadaptation. Et la préoccupation de la plupart de ces gens, et
cela a été la même chose dans les jours qui ont
précédé, particulièrement du côté des
représentants des travailleurs, des représentants des
accidentés du travail, la préoccupation, à cet
égard, se situait à deux niveaux. On nous disait, d'une part: La
loi devrait être très précise quant à la
reconnaissance du droit à la réadaptation. Le législateur
devrait faire en sorte que l'on retrouve maintenant, dans la loi, la
consécration législative du principe du droit à la
réadaptation.
Et, deuxièmement, ces mêmes groupes nous ont
représenté avec beaucoup d'insistance que nous devrions retrouver
dans la loi les mécanismes ou les programmes de réadaptation,
réadaptation de trois ordres, comme on le sait, physique, sociale et
professionnelle. Pourquoi nous ont-ils soumis ces représentations? Pour
un motif fort simple, Mme la Présidente. Dans l'état actuel des
choses, la réadaptation n'est assurée qu'en vertu de programmes
mis sur pied par la commission elle-même, en vertu de programmes qui
procèdent de directives administratives ou alors de
réglementations adoptées par la Commission de la santé et,
nécessairement, lorsqu'il s'agit d'interpréter une
réglementation, il va entrer une bonne dose de discrétion de la
part de celui qui interprète le règlement de réadaptation.
Les groupes nous ont dit: Voulez-vous enlever à la Commission de la
santé et de la sécurité du travail cette juridiction en
matière de réadaptation et inscrire tout cela dans la loi? De
cette façon, nous allons être sûrs que le droit est
consacré et que, deuxièmement, les programmes auxquels nous avons
droit seront très expressément reproduits dans la loi.
C'est ce que nous avons retenu. C'est la suggestion que nous avons
retenue. Quand aujourd'hui j'entends des gens nous dire: Voici un projet de 566
articles. Je veux bien, mais, si nous n'avions pas accepté cette
recommandation des groupes que nous avons entendus d'introduire ou d'incorporer
dans la loi la politique de la réadaptation, il y aurait 125 articles de
moins. Si nous n'avions pas incorporé dans la loi le mécanisme de
l'arbitrage médical, du choix du médecin traitant, il y aurait
une cinquantaine d'articles de moins. Ou bien on retient les
représentations qui nous ont été faites et on les inscrit
dans la loi pour que ce soit vivable et praticable par tout le monde, ou alors
on les retire purement et simplement les politiques de réadaptation
qu'on retrouve dans la loi. On la retire, la politique du choix du
médecin traitant. On la retire, la politique de l'arbitrage
médical. Bien sûr, on va réduire notre projet de loi de 566
articles qu'il est actuellement à 125, 150.
C'est donc pour cela que, Mme la Présidente, de retenir dans la
loi le principe de la réadaptation conformément aux demandes qui
nous ont été soumises, nous est apparu capital dans les
circonstances.
Maintenant, si vous me le permettiez, je consacrerais les minutes qui me
restent à certains tableaux, des tableaux qui vont illustrer des cas
pratiques par rapport è l'état actuel de la loi en fonction de ce
que serait l'indemnisation si la loi 42 était adoptée. Il ne faut
pas que je m'éloigne trop, je suppose.
Une voix: Non.
M. Fréchette: Voici un premier exemple. C'est un exemple
qui concerne un travailleur qui serait un homme de maintenance. Il est
marié. Il a 46 ans et il est père d'un enfant. Au moment de son
accident, il réalise un salaire de 20 000 $
par année. Il s'est retrouvé dans l'obligation de cesser
de travailler pour une période de 18 mois et il subit un déficit
anatomophysiologique de 15%. Il retourne à son travail mais, à
cause de son incapacité partielle permanente de 15%, il retourne dans un
emploi différent qui commande une rémunération de 10 000 $
par rapport à celle de 20 000 $ qu'il faisait au moment où il a
eu son accident. Oui.
La Présidente (Mme Juneau): M. le député de
Sainte-Marie.
M. Bisaillon: Est-ce que je peux vous arrêter une seconde?
Est-ce que le tableau qu'on voit de loin, on l'a dans les documents que vous
nous avez remis?
M. Fréchette: C'est censé être la
reproduction, la documentation que vous avez..
M. Bisaillon: Alors, c'est l'exemple no 1.
M. Fréchette: C'est ça. M. Bisaillon: Merci.
M. Fréchette: Donc, les données étant
posées, voici ce à quoi il aurait droit sur le plan encore une
fois strictement économique, strictement en termes de revenu ou de
remplacement de salaire. Ce qu'il retirerait actuellement, c'est un montant de
283,19 $ par semaine non indexé; 90%, donc, de son revenu net. Qu'est-ce
que la loi actuelle prévoit? La même indemnité, bien
sûr, parce que c'est la même proportion, sauf qu'il faut ajouter
qu'à l'expiration de l'année de l'accident il y aura une
indexation de l'indemnité, une revalorisation, ce qui n'est pas le cas,
actuellement, dans les dossiers d'incapacité temporaire.
Si la loi 42 était adoptée dans sa forme et sa teneur
actuelles, que l'incapacité temporaire, par exemple, est de deux
années et demie, il y aura eu pendant les deux années et demie
trois revalorisations de l'indemnité, ce qui, actuellement, n'est pas le
cas.
Voyons maintenant quel sera son revenu disponible après son
retour au travail. Remarquons qu'il retourne dans un emploi de 10 000 $, au
lieu des 20 000 $ qu'il faisait au moment de l'accident. Dans l'état
actuel de la loi, ce travailleur recevrait, de son nouvel emploi, de son
nouveau salaire un montant de 185,12 $ par semaine auquel il faudrait ajouter
45,51 $ qui est cette rente à vie qui existe actuellement, ce qui
l'amènerait donc à un salaire, dans son nouvel emploi, de 230,43
$, par rapport à un salaire de 283,19 $ qu'il réalisait au moment
de son accident, dans l'état actuel de la loi.
Si la loi 42 était adoptée et qu'elle retenait les
principes qu'on y retrouve actuellement, dans son nouvel emploi, il retirerait
ces 85,12 $ par semaine auxquels serait ajoutée une indemnité de
remplacement du revenu de 98,07 $, c'est-à-dire la compensation des 10
000 $ qu'il a perdus pour arriver, Mme la Présidente, à 283,19 $,
donc, exactement à la même situation économique que celle
dans laquelle il était au moment de son accident, alors que, sous la loi
actuelle, il est à 230 $ par semaine, comparativement à 283 $
qu'il retirait.
Il faudra ajouter à cela, Mme la Présidente,
c'est-à-dire à cette indemnité de remplacement du revenu,
un montant forfaitaire pour compenser le DAP, le déficit
anatomophysiologique, de 5266 $ qu'actuellement, en aucune espèce de
circonstance, l'accidenté ne retire.
À quelle conclusion finale tout cela nous amène-t-il?
C'est que, lorsqu'il sera rendu à l'âge de 65 ans, ce
travailleur-là se retrouvera dans la situation suivante: II aura 45,31 $
par semaine qui est la rente à vie que l'on connaît actuellement.
Il aura une rente de sécurité de vieillesse de 62,30 $. Il aura
une rente de la RRQ de 68 $ par semaine, pour un total de 175,61 $ par semaine,
à l'âge de 65 ans.
Dans la loi actuelle, ce qu'il recevra au terme de la
sécurité de la vieillesse, c'est 62,30 $ et du Régime de
rentes, 86 $, pour un total de 148,30 $ à l'âge de 65 ans.
Mais regardez, Mme la Présidente, la valeur totale des
indemnités, à cause, bien sûr, de l'indemnité de
remplacement de revenu qui lui a été payée, à
compter de l'âge de 47 ans et demi jusqu'à l'âge de la
retraite, le total de la valeur des indemnités reçues se
répartit de la façon suivante: Dans l'état actuel de la
loi, il aura reçu 66 870 $, alors que, si la loi 42 était
adoptée dans sa teneur actuelle, il aura reçu 98 455 $.
M. Perron: Juste une question, Mme la Présidente, avant
que le tableau disparaisse devant nous. Est-ce que le ministre pourrait nous
dire si l'indemnité forfaitaire de 5266 $, dans le cas du travailleur de
46 ans, qui lui serait donnée selon son incapacité, si ce montant
est imposable? (12 h 45)
M. Fréchette: Non. Pas plus, d'ailleurs, que
l'indemnité de remplacement du revenu elle-même. On en a
discuté il y a quelques jours. La Loi sur les impôts
prévoit que toute indemnité provenant de cette source doit
être déclarée mais est également déduite au
moment où l'on fait sa déclaration d'impôt sur le revenu de
sorte que ni le forfaitaire, ni les indemnités de remplacement du revenu
ne sont imposables.
M. Grégoire: Est-ce que je peux poser une question juste
sur cet exemple?
M. Fréchette: Sur le premier tableau? M.
Grégoire: Oui.
La Présidente (Mme Juneau): M. le député de
Frontenac.
M. Grégoire: Comment faites-vous le calcul de
l'indemnité forfaitaire de 5266 $ dans la valeur totale des
indemnités de 98 455 $? Est-ce que vous faites juste ajouter les 5266 $
ou si vous calculez 5266 $ plus les intérêts
composés...
M. Fréchette: Non.
M. Grégoire: ...de l'âge de 47 1/2 ans
jusqu'à l'âge de...
M. Fréchette: Ce n'est que le capital de 5000 $.
M. Grégoire: Simplement. M. Fréchette:
Simplement.
M. Grégoire: Les intérêts de cela ne sont
nullement...
M. Fréchette: Les intérêts de cela
s'ajouteraient, mais on n'en a pas tenu compte.
M. Grégoire: Vous n'en avez pas tenu compte dans la valeur
totale de 98 455 $?
M. Fréchette: Non.
La Présidente (Mme Juneau): M. le ministre.
M. Fréchette: On peut passer à un deuxième
tableau.
Celui-ci serait l'exemple ou le cas d'un opérateur qui est
âgé de 23 ans, qui est marié et qui est père d'un
enfant. Au moment où il est victime de son accident, ' il reçoit
un salaire de 25 000 $. Dans ce cas, comme dans le cas précédent,
il y a une incapacité totale temporaire de 18 mois aussi.
L'incapacité partielle permanente cependant est plus
élevée, elle est à 25%. Il retourne au travail dans cette
fonction de commis aux pièces dont je parlais tout à l'heure. Le
nouveau salaire auquel il a droit dans sa nouvelle fonction est donc de 10 400
$ à cause, évidemment, de son incapacité de 25%.
Voyons le même processus et établissons les montants
auxquels aurait droit un accidenté dont les coordonnées
rejoindraient ou seraient équivalentes à celles dont je viens de
parler sous l'empire de la loi actuelle. Il faut retenir qu'au moment de son
accident, là, il y a un revenu disponible de 373,51 $. Sous l'empire de
la loi actuelle, il recevrait ces 90%, donc 336,15 $ sans indexation, peu
importe le temps que dure l'incapacité temporaire. La loi 42
prévoit le même montant avec indexation. Après le retour au
travail cependant - et j'attire l'attention des membres de la commission sur ce
cas parce qu'on est en face d'une personne qui a une incapacité
partielle permanente importante de 25%, ce qui ne l'empêche pas cependant
de vaquer à certaines occupations comme celles de commis aux
pièces... Sous la loi actuelle il retirerait de son nouvel emploi 10 400
$ par année donc 192,13$ par semaine et sa rente à vie de 90,70 $
pour un total de 282,31 $. Cela, c'est la loi actuelle.
Si la loi 42 était adoptée, il retirerait le même
montant de son emploi, l'emploi effectif qu'il fait tous les jours, commis aux
pièces, donc 192,13 $ mais le remplacement du revenu comblerait son
manque à gagner par rapport au salaire de 25 000 $ qu'il faisait au
moment où il a eu son accident, ce qui nous l'amènerait à
un salaire hebdomadaire de 336,15 $ comparativement à 282,13 $ dans
l'état actuel de la loi. L'état actuel de la loi ne
prévoit pas de paiement de forfaitaire alors que, dans le cas
traité en vertu des dispositions de la loi 42, il y a un forfaitaire de
12 782 $. L'on voit bien ici l'illustration de ce que je signalais dans mes
remarques préliminaires que le forfaitaire ne remplace pas la rente
viagère. Faisons maintenant les additions. Vous arrivez dans un cas
à une valeur totale d'indemnité à 65 ans de 126 000 $ sous
la loi actuelle et de 210 000 $ sous la loi 42.
M. Grégoire: J'aurais encore une question.
La Présidente (Mme Juneau): Oui, M. le
député de Frontenac.
M. Grégoire: Elle concerne le premier et le
deuxième exemple. Concernant la Régie des rentes du
Québec, on voit bien que le montant de sécurité de la
vieillesse reste le même dans les deux cas, sous la loi actuelle ou sous
l'ancienne loi. Sous la loi actuelle, le citoyen dans son revenu disponible ne
paie pour sa régie des rentes que sur le salaire qu'il a alors. Ce que
je voudrais savoir, c'est s'il reçoit plus dans la nouvelle loi.
À même son remplacement de revenu, il peut payer sa régie
des rentes. Est-ce qu'à même son remplacement de revenu il peut
également payer le plein montant pour son fonds de retraite de la
compagnie s'il a un fonds de retraite de la compagnie ou s'il paie seulement
sur le salaire qu'il reçoit?
La Présidente (Mme Juneau): M. le
député de Frontenac, je voudrais seulement vous faire part
que nous avions convenu ensemble de laisser le temps au ministre d'expliquer et
que cet après-midi on reviendrait avec les questions. Si vous voulez, M.
le député, ce sera la dernière question, après on
laissera le ministre donner son exposé et après cela on posera
les questions.
M. Grégoire: Si vous voulez revenir cet après-midi
avec les questions, Mme la Présidente...
M. Fréchette: Oui. Si cet accidenté retourne comme
commis aux pièces mais chez le même employeur, il aura toute la
liberté, à partir du paiement qu'il reçoit d'une
indemnité de remplacement du revenu, de continuer à contribuer
dans le fonds de retraite de son même employeur. Rien ne
l'empêchera de faire cela. Cependant, s'il allait chez un autre employeur
que celui chez qui il a eu l'accident, je pense que là il peut le faire
pour un an ou deux ans.
La Présidente (Mme Juneau): M. le ministre.
M. Fréchette: Oui, hé bien, je pense que cela vaut
la peine, même si cela peut devenir un peu lourd et fastidieux, de faire
le tour de nos exemples. Alors, le troisième des exemples étant
donc le suivant, nous aurions affaire dans ce cas-ci à un vendeur de 30
ans qui est marié et père d'un enfant. Au moment de son accident,
il gagne un salaire de 28 000 $ par année. Son accident l'a
obligé à se retirer du milieu de travail pour une période
de six mois et il restera avec une incapacité partielle permanente ou un
DAP de 10%. Il retourne au travail dans le même emploi, donc au
même salaire que celui qu'il faisait au moment où il a eu son
accident, c'est-à-dire 28 000 $. Quelles sont les dispositions des lois,
maintenant, qui s'appliquent? Dans le cas de la loi actuelle, il va retirer au
chapitre de l'indemnité temporaire un montant de 366,80 $, toujours sans
indexation. Dans la loi 42, même montant avec indexation annuelle.
Quand il retournera au travail - et à retenir qu'il s'agit ici
d'un accidenté qui, malgré son accident, peut retourner dans ses
fonctions et continuer économiquement de gagner exactement le même
salaire... Cela aussi, c'est une préoccupation qu'on doit avoir quand on
accepte le principe fondamental qu'un régime ou une philosophie de
réparation doit avoir pour objectif de replacer les gens dans la
même situation qu'ils étaient. Or, dans ce cas-ci, donc, cet
accidenté, après une absence de six mois, retourne dans son
même emploi et au même salaire. Dans l'état actuel de la loi
il aurait retiré 407,55 $ pendant les six mois plus 36 $, donc 444,23 $,
alors qu'en vertu de la loi 42 il retirerait 407,55 $. C'est le seul des
exemples que l'on a dans nos dossiers qui va nous amener à la conclusion
que la loi 42, en termes, encore une fois, strictement économiques est
moins avantageuse que la loi actuelle, mais retenons qu'il s'agit ici d'une
personne qui est retournée dans la même situation
économique que celle qu'elle avait au moment de son accident.
Il y aura, bien sûr, le forfaitaire de 4362 $, qui n'existe
pas sous la loi actuelle et, en bout de ligne, la valeur totale des
indemnités pour ce travailleur sera de 54 741 $, sous la loi actuelle et
elle sera de 13 899 $, en fonction de la loi 42. Mais cet individu va pouvoir
continuer de travailler dans la même fonction et au même salaire
jusqu'à l'âge de sa retraite. Cela rejoint la préoccupation
dont je parlais également dans mes remarques préliminaires quand
je disais qu'il nous apparaît absolument nécessaire et essentiel
de faire en sorte que les sommes d'argent soient redistribuées de
façon que les accidentés lourds en bénéficient
davantage que ceux qui sont moins handicapés par les séquelles de
l'accident du travail.
Dans ce cas-ci, il y a un handicap, bien sûr, important, 10%
d'incapacité, mais qui n'empêche pas de continuer de gagner son
salaire et dans la même fonction.
Considérez-vous qu'il est 13 heures, Mme la
Présidente?
La Présidente (Mme Juneau): Étant donné que
vous venez de terminer un tableau...
M. Fréchette: Oui.
La Présidente (Mme Juneau): ...si les membres de la
commission sont d'accord, nous pourrions suspendre nos travaux jusqu'à
15 heures.
Une voix: Le ministre va continuer son exposé...
M. Fréchette: II reste trois petits tableaux.
Une voix: C'est bien.
La Présidente (Mme Juneau): Cela va, M. le
député? Nous suspendons nos travaux jusqu'à 15 heures.
(Suspension de la séance à 12 h 57)
(Reprise à 15 h 10)
La Présidente (Mme Juneau): Nous avons quorum. La
commission de l'économie et du travail reprend ses travaux pour
l'étude de la loi 42, Loi sur les accidents du
travail et les maladies professionnelles.
Ce matin, lorsque nous avons suspendu nos travaux, le ministre
était en train de nous expliquer certains tableaux. M. le ministre avez
la parole.
M. Fréchette: Mme la Présidente, je vais aller
rapidement pour ce qui reste des tableaux dont on a parlé ce matin.
Quant au tableau 3, je voudrais simplement attirer l'attention des membres de
la commission sur une situation qui ne risque plus de se produire dans certains
cas. Remarquons qu'ici le travailleur est retourné au même emploi
que celui dans lequel il était au moment où il a eu son accident.
Il y est retourné parce que son employeur a consenti à le
reprendre. Il n'y a aucune obligation dans l'état actuel des choses pour
l'employeur de reprendre à son service l'accidenté du travail
à moins que la convention collective ne contienne déjà des
dispositions qui prévoient un cas comme celui-ci. Mais à
supposer, dans ce cas, que le travailleur ne soit pas protégé par
une convention collective et que l'employeur ait pris la décision de ne
pas le reprendre à son service, la loi 42 oblige l'employeur à le
reprendre à son service dans un délai d'un an ou de deux ans
suivant le cas et dans le même emploi que celui qu'il faisait avant son
accident, si évidemment il est en mesure de reprendre cet emploi.
Un quatrième exemple, le cas d'un contremaître qui a 46
ans, qui est marié, qui est père d'un enfant, qui travaille au
salaire de 20 000 $ au moment de son accident, que l'accident éloigne du
milieu de travail pour une période de 36 mois, qui a une
incapacité partielle permanente de 21% et qui ne peut pas retourner au
travail ou qui ne retourne pas au travail, donc qui se retrouve sans salaire
après trois ans de consolidation ou de réadaptation. La loi
actuelle lui permettrait d'obtenir une indemnité temporaire de 283,19 $;
c'est exactement le même montant dans la loi 42 avec toujours la
distinction de la revalorisation ou l'indexation de la rente. Le revenu
disponible après le retour au travail, il n'y a pas de revenu d'emploi
parce qu'il n'est pas retourné au travail. Il retirera donc strictement
et uniquement 96,29 $, soit le montant de sa rente. Avec la loi 42, il
retirerait par semaine un montant de 283,19 $ plus un forfaitaire de 7372 $. La
valeur totale des indemnités sous la loi actuelle, 146 448 $, et, sous
la loi 42, 263 495 $.
Prenons maintenant - et je vais essayer d'accélérer - un
employé d'usine de 56 ans qui est marié, qui a deux enfants, qui
gagne 24 000 $ au moment de son accident, qui est en arrêt de travail
pour une période de 15 mois, qui subit une incapacité partielle
permanente de 10% et qui ne retourne pas au travail. Allons au montant global
tout de suite. Sous la loi actuelle, un travailleur ainsi blessé, qui ne
retournerait pas à son emploi, aurait des revenus globaux de 55 479 $
alors que, sous la loi 42, ce montant passerait à 134 823 $.
Le dernier exemple, un travailleur de 45 ans, père de deux
enfants et qui a 12 000 $ de salaire au moment de l'accident. Arrêt: 12
mois, 7% d'incapacité. Il retourne au travail dans un autre emploi
à 9200 $, donc à un salaire moindre que celui qu'il avait au
moment de l'accident. En valeur totale, au chapitre des indemnités,
c'est 19 210 $ dans l'état actuel de la loi et 31 000 $ en vertu des
dispositions de la loi 42.
Mme la Présidente, je pense avoir... En tout cas, j'ai
tenté de le faire et, si je n'avais pas réussi, on pourra revenir
sur les autres sujets que j'aurais omis. Mais j'ai particulièrement
tenté de démontrer qu'à partir du principe fondamental
dont on parlait au tout début, c'est-à-dire l'objectif de
rétablir un accidenté dans la même situation que celle dans
laquelle il se trouvait avant son accident, cet objectif-là est celui
qui a guidé du commencement à la fin la rédaction du
chapitre qui concerne les indemnités, et toujours à partir de
l'indemnité de remplacement du revenu.
Je réitère, parce que c'est revenu tellement souvent dans
le débat, que cette démonstration peut sans doute nous amener
à la conclusion que le montant forfaitaire dont on parle dans la loi
n'est pas là pour remplacer la rente viagère; il est là
pour compenser un déficit anatomophysiologique et il faut
évidemment toujours garder dans l'esprit, pour les fins de la
discussion, que l'indemnité de remplacement du revenu est vraiment le
mécanisme en vertu duquel la réparation économique en
matière d'accident du travail va se faire dans les meilleures conditions
possible.
La Présidente (Mme Juneau): Merci, M. le ministre. M. le
député de Viau, vous avez la parole.
Discussion générale M. William
Cusano
M. Cusano: Merci, Mme la Présidente. J'aimerais
peut-être suggérer au ministre et aux collègues qu'on
puisse diviser le temps qu'il nous reste en deux parties. Premièrement,
on ferait quelques commentaires sur l'exposé des tableaux du ministre et
après on pourrait refaire le tour de table sur tout le chapitre, parce
que je pense que les tableaux du ministre n'ont pas exposé tout le
chapitre d'indemnité de remplacement du revenu et tous les articles qui
sont contenus.
Dans les commentaires sur les tableaux
que le ministre nous a montrés, si les documents qu'il nous a
donnés sont fidèles aux tableaux, on peut remarquer que,
lorsqu'il a parlé de salaires, il s'est servi d'exemples de salaires de
20 000 $, 25 000 $, 28 000 $, 20 000 $ et 24 000 $, et un de 12 000 $. Je me
demande à quel point de tels salaires collent vraiment à la
réalité du Québec, parce qu'en faisant la moyenne de ces
salaires on est loin de la moyenne des salaires annuels dans la province de
Québec.
D'un autre côté, j'aimerais faire quelques remarques au
ministre sur le fait que ces tableaux indiquaient, parlaient d'arrêt de
travail. J'aimerais faire référence encore à ces tableaux
où il a employé des exemples où l'arrêt de travail
était de 18 mois dans un tableau, de 18 mois dans un autre tableau, de 6
mois dans un autre, de 36 mois, de 15 mois et de 12 mois.
Si on se réfère au rapport actuariel de la CSST, on
remarque que la durée des absences en jours ouvrables penche
plutôt d'un côté que de l'autre, c'est-à-dire que, si
on regarde la durée des jours ouvrables en bas de 41 jours, ce n'est pas
six mois, M. le ministre. C'est loin d'être six mois. Sur le total, il y
a 324 000 personnes qui ont des absences d'une durée entre un jour et 41
jours, tandis qu'il y en a seulement 6000 qui ont un an et plus. Alors, si on
parle de 6000 par rapport à 324 000, je pense que, dans ces exemples, il
aurait pu nous sortir quelque chose qui aurait collé un peu plus
à la réalité du rapport actuariel.
Lorsqu'il parle encore de DAP, les exemples qu'il a employés sont
encore un peu frappants, je pourrais les sortir. 11 nous a parlé d'un
déficit de 15% au premier exemple. Dans le deuxième exemple, il
parle d'un déficit de 25%; au troisième, de 10%; au
quatrième, c'est 21%; au cinquième, c'est 10% et, au
sixième exemple, il parle de 7%. J'aimerais le référer...
On aurait apprécié, de notre côté, que ces exemples
aient collé davantage au rapport actuariel. Sur le tableau
indiqué à la page 23 du rapport actuariel, on ne parle que de
l'année 1985. Je voudrais ajouter en passant que, justement, le rapport
annuel dit qu'il n'y aura pas de diminution d'accident et que, même s'il
y a eu une légère baisse, les actuaires de la CSST nous disent ce
que l'Opposition dit depuis longtemps. C'est que la baisse d'accident n'est pas
parce qu'on travaille dans une plus grande sécurité au
Québec, c'est plutôt à cause de la conjoncture
économique.
Pour revenir à cette question du pourcentage de déficit
anatomophysiologique, on remarque sur ce tableau, justement, que 12 971
personnes - on va dire 13 000 personnes - seraient atteintes d'un
déficit anatomophysiologique de 1% jusqu'à 100%; c'est 13 000
personnes. Lorsqu'on regarde ce pourcentage de déficit
anatomophysiologique divisé par groupes, on s'aperçoit qu'il y a
11 167 personnes qui se trouvent dans la catégorie de 1% à
10%.
En ce qui me concerne, ces tableaux auraient pu être un peu plus
fidèles au rapport des actuaires. Je pense que ce sont des chiffres ou
des exemples qui auraient reflété justement le rapport actuariel,
ce qu'ils auraient dû démontrer. C'est à peu près
tout ce que je voulais dire.
Un autre commentaire aussi. Le ministre nous dit toujours qu'on ne
devrait pas mélanger les choses lorsqu'on parle de la Loi sur les
accidents du travail, mais, lorsque lui fait ses tableaux, sa
présentation, lorsqu'il parle du revenu disponible après
l'âge de 65 ans, il inclut, je ne sais trop pourquoi, la pension de
vieillesse. Cela vient de quelque part, je pense que ça vient d'Ottawa,
si je ne me trompe pas, M. le député. Je ne vois pas comment on
le calculerait dans un revenu à cause d'un accident du travail.
Si on regarde tous les documents qu'il a présentés, je lis
une chose très claire, c'est que, lorsque je regarde la loi actuelle et
le projet de loi, dans la loi actuelle, cette rente à vie est disponible
pour le reste de ses jours. Encore selon les actuaires, on dit qu'au
Québec on vit jusqu'à l'âge de 77 ans. C'est loin de 65
ans, c'est très loin de 65 ans. Maintenant, peut-être que des
personnes dans la salle peuvent dire que l'âge moyen de vie pour les
Québécois n'est pas de 77 ans. C'est peut-être contestable,
mais ce chiffre a été lancé par certains actuaires qui ont
travaillé au régime de retraite des députés. Ils
avaient avancé ce chiffre de 77 ans.
Tout à coup, on revient à 65 ans. Si on regarde
l'âge de 65 ans, qu'est-ce qui se produit avec la loi actuelle et le
projet de loi 42? À 65 ans, dans le premier exemple, on remarque que la
rente à vie qu'il va continuer de recevoir, c'est 45 $ par semaine dans
le premier exemple, tandis qu'avec le projet de loi 42 c'est zéro, c'est
rien.
Dans le deuxième exemple, c'est exactement la même chose.
On parle de la rente à vie; à l'âge de 65 ans, il y a 90 $.
Dans le projet de loi 42, il n'y a rien d'inscrit; donc, cela veut dire
zéro. On continue. Dans l'exemple 3, la rente à vie est de 36,68
$ et, du côté du projet de loi 42, il n'y a rien.
J'aurais aussi aimé que le ministre, au lieu de nous donner des
exemples où on parle de salaires de 20 000 $, de 25 000 $ et 28 000 $,
nous donne un exemple d'un individu qui gagne le salaire minimum. Une fois
qu'on lui trouve un autre emploi, il ne peut pas gagner plus que le salaire
minimum, de toute façon. Je me demande, à ce moment, quelle est
l'indemnité de retour au
travail. Lorsqu'il fait ses petits calculs, s'il était au salaire
minimum et si la "job" qu'il va trouver est au salaire minimum, quel est le
montant de l'indemnité de remplacement du revenu? Selon mes calculs, il
n'y en a pas. Peut-être que le ministre peut me corriger, mais je n'en
vois pas.
Je remarquais aussi, et cela est pour les commentaires
généraux, que le ministre avait des tableaux sur la question des
rentes pour les veuves ou les indemnités de décès. Il a
choisi - peut-être que c'est un petit oubli - de ne pas nous le
présenter, mais c'était inclus dans les documents qu'on a
reçus.
On a entendu les ministériels et le ministre en Chambre dire
comment cette indemnisation pour décès allait être plus
avantageuse. Je trouve que c'est un peu le monde à l'envers. Les
actuaires de la CSST disent que, dans le projet de loi 42 - et c'est à
la page 52 du rapport des actuaires le sommaire des coûts des
indemnités payables en cas de décès, le coût serait,
par rapport à la loi actuelle, de 10 000 000 $ de moins. Comment une
chose peut-elle être plus avantageuse et coûter moins,
c'est-à-dire qu'il va y avoir moins de déboursés? Je ne
suis pas capable de comprendre cela, M. le ministre. Peut-être que vous
pourrez nous éclairer.
C'est à peu près ce que j'ai à dire sur les
tableaux qui ont été présentés par le ministre.
Pour qu'on comprenne bien tout l'aspect de ces indemnisations, j'aurais
aimé, et j'invite le ministre à le faire, qu'il nous fasse le
même calcul - comme je l'ai dit tout à l'heure - pour une personne
qui est au salaire minimum ou pas trop loin du salaire minimum, pour voir ce
que seront ces avantages. Deuxièmement, j'aimerais bien qu'il nous
prouve, sur la question des indemnités de décès, comment
on peut prétendre que cela va donner plus quand le rapport dit que, en
fin de compte, cela va coûter 10 500 000 $ de moins.
La Présidente (Mme Juneau): Merci, M. le
député. M. le ministre.
M. Fréchette: Oui, Mme la Présidente. Je vais
essayer de procéder très rapidement aux commentaires qu'a
soulevés le député de Viau. D'abord, il est
préoccupé par les chiffres qu'on a retenus quant aux salaires qui
apparaissent à l'un ou l'autre des six exemples qu'on a retenus et qu'on
a utilisés. Je veux simplement lui signaler que le salaire moyen au
Québec se situe autour de 21 000 $ et que c'est à peu près
la moyenne - si on prend les chiffres qui sont là - qui a
été retenue.
Deuxièmement, il s'est également interrogé sur le
fait qu'on a pris des exemples à l'intérieur desquels les
absences au travail duraient six mois et plus. Je dirai simplement au
député de Viau que les exemples ont été
utilisés pour des cas qui étaient accompagnés
d'incapacité partielle permanente ou d'incapacité totale
permanente. Mais il va convenir avec moi que, dans toute situation où
l'absence du travail est d'un mois, de deux mois ou de trois mois, il n'y a
généralement pas, dans ces cas, d'incapacité partielle
permanente et, en conséquence, il est évident que ce n'est pas le
genre d'exemple qu'il fallait retenir pour illustrer les mécanismes de
la loi 42. L'absence d'un mois, de deux mois, de trois mois, de quatre mois, de
cinq mois ou de six mois va être indemnisée à partir des
mécanismes qu'on retrouve dans la loi, c'est-à-dire
l'indemnité de remplacement du revenu pour la période de temps
que dure cette absence et, s'il y a un phénomène
d'incapacité partielle permanente, une indemnité forfaitaire. (15
h 30)
Le député de Viau s'interroge également sur le
motif pour lequel nous avons inscrit sur les différents tableaux les
montants de la sécurité de la vieillesse qui sont accordés
lorsqu'un travailleur atteint l'âge de 65 ans. La première
observation que je voudrais faire, c'est que, s'il fait les calculs qui
apparaissent sur les tableaux, il va réaliser que, dans
l'évaluation des valeurs totales, il n'est pas tenu compte du montant de
la sécurité de la vieillesse, d'une part. Deuxièmement,
j'ai cru entendre le député de Viau plaider dans le sens que,
même lorsqu'un travailleur a atteint l'âge de la retraite, ce
devrait être l'employeur qui continue d'assumer une partie des
obligations qui découlent de l'accident du travail dont a
été victime ce salarié à son travail.
M. Cusano: Est-ce que je peux poser une question à ce
moment-ci, parce qu'il a parlé de...
M. Fréchette: Je n'ai pas d'objection. Oui, oui.
M. Cusano: Vous permettez? M. Fréchette: Oui, oui.
La Présidente (Mme Juneau): M. le député de
Viau.
M. Cusano: Est-ce qu'on pourrait me dire l'âge de la
retraite présentement au Québec?
M. Fréchette: L'âge conventionnel et classique,
c'est 65 ans, que je sache. Il y en a, cependant, qui peuvent aller
jusqu'à 70 ans, dans certains cas.
M. Cusano: Merci.
M. Fréchette: D'autres peuvent la prendre à 60 ans,
dans d'autres cas.
Ce que j'étais en train d'essayer de répondre à
l'argumentation du député de Viau, ce sont les faits suivants. Je
prends, par exemple, le cas du travailleur qui n'a pas été -
heureusement pour lui - victime d'un accident du travail. 11 va atteindre
l'âge de 65 ans à un moment donné ou l'âge de la
retraite, peu importe quel est cet âge. Alors, quelles seront les sources
de revenus à partir desquelles il sera capable d'assumer et de respecter
ses obligations minimales? Ce sont les sources de revenus que l'on
connaît en vertu des autres programmes qui sont spécifiquement mis
sur pied pour cela. Dans le cas de l'accidenté du travail, le
député de Viau est en train de plaider que, même
après l'âge de la retraite, alors qu'il n'y a plus aucune
espèce de lien de droit entre le salarié et son employeur,
l'employeur devrait continuer d'assumer jusqu'au décès du
travailleur une obligation découlant du fait que ce salarié a eu
un accident du travail. S'il fallait retenir cette argumentation du
député de Viau, il faudrait, de toute évidence, renoncer
à la philosophie qui prévaut dans la mise en place d'un
système d'indemnité de remplacement du revenu. On remplace le
revenu d'une personne pour la période de temps pendant laquelle,
normalement, elle en aurait gagné un. Quand la période de temps
pendant laquelle elle n'aurait plus gagné de revenu cesse, il me semble
que cela va de soi que l'indemnité de remplacement du revenu cesse
également et que les autres régimes prévus par les
différents programmes puissent être mis en application.
Le député de Viau me reproche de ne pas avoir fait le tour
des tableaux verts. Je lui dirai que, lorsqu'on arrivera au chapitre des
compensations prévues pour les personnes à charge, on pourra
très certainement faire le tour de tous les tableaux qui sont
là.
La Présidente (Mme Juneau): M. le député de
Viau.
M. Cusano: Lorsqu'on parle de l'âge de la retraite,
j'aimerais bien que le ministre nous dise quel est l'âge au Québec
où la retraite est obligatoire selon les lois actuelles.
M. Fréchette: Cet âge n'est pas absolu. Il y a des
gens qui peuvent prendre leur retraite à 65 ans, d'autres à 66
ans, d'autres, bientôt, à 64 ou à 63 ans, et d'autres
peuvent attendre l'âge de 70 ans. II n'y a pas d'absolu là-dedans.
Cela relève du choix de la personne concernée, quand les
dispositions des lois s'appliquent à elle, bien sûr.
La Présidente (Mme Juneau): M. le député de
Sainte-Marie.
M. Guy Bisaillon
M. Bisaillon: Mme la Présidente, j'aurais plusieurs
questions à adresser au ministre avant qu'on entre dans le fond de la
discussion. De toute évidence, il y a un transfert, à certains
moments, dans le processus de certains coûts qui, autrefois,
étaient uniquement imputables au fonds de la CSST, donc aux employeurs,
et qui, maintenant, seront imputables à l'ensemble de la
société. Je voudrais savoir si une analyse de cela a
été faite. Peut-on nous indiquer si, effectivement, on s'est
penché sur cette question? Je pense, par exemple, à des
coûts qui, autrefois, auraient pu être payés par la CSST et
qui, maintenant, seront assumés par la Régie de
l'assurance-maladie; je pense à des coûts qui pouvaient être
payables par la CSST après avis, donc après l'âge de la
retraite, et qui, maintenant, seront assumés par la
"société" - entre guillemets - puisque c'est la pension qui va
devenir le seul moyen de... Dans un certain nombre d'endroits comme cela, il
peut y avoir des tranferts de paiements, d'indemnités ou de coûts
qui seront assumés par la société. A-t-on fait une
évaluation de ce transfert de coûts à l'ensemble des
citoyens et citoyennes plutôt qu'au seul régime de la CSST?
Deuxièmement, la question des 90%. Le ministre nous a
donné deux arguments pour faire valoir l'importance de conserver les
90%. Le premier argument qu'il a invoqué est celui de laisser 90% comme
incitatif de retour au travail. Est-ce que, effectivement, le ministre pense
sérieusement que c'est en soi un incitatif de retour au travail le fait,
au lieu de recevoir 100% du salaire brut et de l'imposer, de recevoir 90% du
salaire net? Selon lui et sérieusement, est-ce un incitatif au travail?
Le deuxième argument que le ministre a utilisé pour conserver les
90%, c'est le fait que quelqu'un qui est accidenté du travail a des
dépenses inférieures par rapport à la période
où il occupe un emploi. Si j'appliquais ce raisonnement, il faudrait
que, constamment, il me semble, on fasse des distinctions pour un même
emploi entre les dépenses occasionnées par l'emploi pour une
personne plutôt qu'une autre. À ce compte, un ministre devrait
recevoir moins qu'un député. Il y a plus de services autour: il a
une limousine, nous n'en avons pas. Cela nous coûte plus cher pour se
rendre au travail. Le ministre devrait recevoir moins. Si je poussais à
l'absurde l'argumentation du ministre, il me semble que cela ne devient pas un
argument pour dire qu'il faut maintenir cela à 90%. Comme il y a moins
de dépenses, on va réduire à 90%.
Le ministre a-t-il étudié la possibilité de payer
100% du revenu brut et d'imposer
ce revenu? Cela aurait comme effet, d'abord, d'être moins
coûteux pour la société, c'est-à-dire qu'il y a une
perte. Pendant que l'accidenté du travail reçoit 90% de son
salaire net, l'État, la société ne retire rien de cet
accidenté du travail et lui, de toute façon, a l'impression qu'il
est -entre guillemets - dévalué pendant cette période.
Pourquoi ne calcule-t-on pas 100% du revenu brut et n'examine-t-on pas la
possibilité d'imposer ce salaire comme pour n'importe quel autre
travailleur? A-t-on déjà fait des calculs dans ce sens? Ces
calculs, s'il y en a eu de faits, que donnent-ils? Qu'est-ce que cela
apporterait comme revenus additionnels à l'État? Qu'est-ce qui en
resterait pour le travailleur? Troisièmement...
M. Grégoire: Mme la Présidente, je ne sais pas si
cet argument... Le député de Sainte-Marie me permettrait-il une
remarque? Je serais un peu contre cela parce qu'en l'imposant à 100% le
fédéral viendrait tirer 50% de l'impôt. Je m'opposerais
à ce que...
M. Bisaillon: J'aurais aimé mieux que le ministre me le
dise.
M. Grégoire: Oui?
M. Bisaillon: Oui, j'aurais aimé mieux que le ministre me
le dise. Vous avez raté une belle occasion de démontrer qu'il
voulait aller chercher de l'argent au fédéral sans le dire.
M. Grégoire: Je m'excuse, M. le député, mais
cela m'avait frappé tout de suite parce que je suis un vrai
indépendantiste...
La Présidente (Mme Juneau): Déformation
professionnelle!
M. Grégoire: ...cela m'a frappé d'un coup sec qu'on
allait donner de l'argent à Ottawa et je suis contre cela.
La Présidente (Mme Juneau): II a été trop
longtemps à Ottawa. M. le député de Sainte-Marie, vous
avez la parole.
M. Bisaillon: Le ministre pourrait peut-être m'expliquer
s'il a les mêmes motifs que le député de Frontenac pour ne
pas imposer l'indemnité de remplacement du revenu. Troisièmement,
le ministre nous a expliqué que le projet de loi actuel tient compte,
d'une part, du remplacement de revenu et, d'autre part, d'un montant
forfaitaire qui est donné pour dommages corporels. Or, ce montant
forfaitaire donné pour dommages corporels est en fonction de
l'âge, si j'ai bien compris. Plus on est jeune, plus le forfaitaire est
imposant. Plus on vieillit, plus le forfaitaire diminue. Ce n'est pas en
fonction de la lésion elle-même. Si j'ai bien calculé, le
premier ministre, à 64 ans, vaut 26 464 $. C'est à partir de 26
464 $ qu'on commencerait à calculer pour le premier ministre. C'est
cela.
Une voix: C'est 100% d'indemnité.
M. Bisaillon: J'ai calculé cela à peu près.
Je peux me tromper sur les chiffres, mais c'est autour de 24 000 $ ou de 26 000
$. C'est peut-être moins que cela. C'est peut-être beaucoup, 26 000
$ pour le premier ministre, mais...
Une voix: ...64 ans...
M. Bisaillon: À son âge, je parle.
Une voix: Oui, 25 500 $...
M. Bisaillon: C'est autour de l'âge que cela tourne.
Comment se fait-il que ce n'est pas envisagé sous l'angle de...? Par
exemple, concernant les accidents d'automobiles... Quelle est la
différence entre la perte d'un oeil pour quelqu'un de 30 ans et la perte
d'un oeil pour quelqu'un de 60 ans? Je voudrais qu'on m'explique pourquoi on ne
donne pas, puisqu'on parle de dommages corporels... En quoi les dommages
corporels sont-ils moins importants et altèrent-ils moins la personne -
cela a déjà été un thème de ce gouvernement:
"La personne avant toute chose"... Est-ce que l'oeil ou le membre, le bras
droit ou la jambe gauche, c'est moins important lorsqu'on a 55 ans que
lorsqu'on en a 30? Je voudrais qu'on m'explique pourquoi.
Quatrièmement, j'avais demandé dans mon intervention du
début que le ministre nous explique pourquoi les gens ont fait ce type
de choix par rapport à la situation actuelle. Autrement dit, qu'est-ce
qui les a motivés? J'avais précisé ma question en essayant
de le quantifier. Est-ce qu'il y a des gains pour la CSST globalement? Le
calcul des actuaires indique-t-il que les coûts vont être moins
importants, globalement, pour l'ensemble du nouveau système
proposé par rapport à l'ancien?
Cinquièmement - je reviendrai par la suite sur les tableaux - je
voudrais savoir de la part du ministre, une fois qu'il m'aura expliqué
pourquoi, si les calculs actuariels démontrent qu'il y a un coût
moins important pour la CSST, d'où provient cette diminution de
coût. Est-ce qu'elle provient du fait qu'il y a moins d'indemnités
qui sont versées aux travailleurs ou parce qu'on fait plus de
transferts, entre les coûts pour la CSST et les coûts sociaux, que
par le passé?
Une dernière question au ministre. Comme il essaie de
défendre le fait que le
système actuel est plus favorable aux personnes
accidentées, je dois donc comprendre que l'objectif qu'il poursuit est
de leur donner un meilleur traitement. Est-ce qu'il est prêt à
envisager la possibilité d'appliquer individuellement aux personnes
accidentées l'un ou l'autre système? Si l'objectif qu'il poursuit
est de fournir le meilleur traitement aux personnes accidentées, est-ce
qu'il serait prêt à envisager l'application individuelle de l'un
ou l'autre système selon qu'il serait plus ou moins avantageux?
La Présidente (Mme Juneau): M. le ministre.
M. Fréchette: Mme la Présidente, je vais soumettre
mes commentaires dans l'ordre que je les ai pris pendant l'argumentation du
député de Sainte-Marie. Je voudrais d'abord lui signaler,
puisqu'il a utilisé l'exemple, qu'il n'y a aucuns frais actuellement
assumés par la CSST qui sont transférés à la
Régie de l'assurance-maladie du Québec. Tous les coûts qui,
jusqu'à maintenant, sont assumés par la CSST à cet
égard vont continuer de l'être pour autant que la régie est
concernée. Je pense que cela règle l'un des problèmes. (15
h 45)
Encore une fois, j'étais en train de dire aux membres de la
commission qu'il n'y a aucun transfert de coûts depuis la CSST à
la RAMQ; les coûts que la CSST assumait pour les services qui lui sont
rendus par la régie vont continuer de l'être.
Maintenant, Mme la Présidente, le député de
Sainte-Marie me demande si je suis vraiment d'avis que d'indemniser dans une
proportion de 90% du salaire net est vraiment un incitatif au travail, je dis
que oui. On peut bien là-dessus diverger d'opinions, mais il me
semble... En tout cas, dans mon cas, j'en viens à la conclusion que
oui.
Quand le député de Sainte-Marie suggère maintenant
d'indemniser dans une proportion de 100% du revenu brut, il y a d'abord,
évidemment, l'aspect qu'a soulevé le député de
Frontenac à côté duquel on ne peut pas passer.
Deuxièmement, Mme la Présidente, je comprends que c'est un
argument qui n'impressionnera pas du tout le député de
Sainte-Marie, mais il nous a demandé si nous avions
procédé à des études à cet égard. La
réponse, c'est oui et retenir le système qu'il suggère
impliquerait une augmentation des cotisations de l'ordre de 75 000 000 $
à 80 000 000 $. Je réitère que ce n'est pas le genre
d'argument qui va retenir beaucoup l'attention du député deSainte-Marie, mais quand vous êtes dans une telle situation que vous
devez procéder à arbitrer un certain nombre de choses, c'est un
dossier à côté duquel vous ne pouvez pas passer.
Maintenant, autre chose. Je suis un peu étonné d'entendre
le député de Sainte-Marie argumenter dans ce sens. Il est tout
à fait évident à l'entendre plaider qu'il a pris tout le
temps qu'il fallait pour regarder la loi de très près, mais quand
il nous dit que l'indemnité forfaitaire, par exemple, n'est fixée
qu'en fonction de l'âge, je m'excuse mais ce n'est pas tout à fait
la "vraie vérité vraie". Bien sûr que l'âge est l'un
des éléments tout à fait importants dont il fauttenir compte, mais trois autres éléments vont
également entrer en considération et à partir desquels le
montant forfaitaire va être déterminé. Par exemple: la
perte de jouissance de la vie, le préjudice esthétique et,
évidemment, le degré d'incapacité physique dont est
affecté le travailleur. C'est sûr que l'âge, il faut en
tenir compte...
M. Bisaillon: Mais, M. le ministre, supposons que...
La Présidente (Mme Juneau): M. le député de
Sainte-Marie.
M. Bisaillon: ...deux des trois critères sont
appliqués uniformément à deux personnes: une de 50 ans et
une de 30 ans. On est d'accord pour dire que l'élément quiva différencier, ce sera l'âge.
M. Fréchette: L'âge sera un
élément...
M. Bisaillon: Ce qui va faire que le forfaitaire va être
plus bas, c'est que l'âge va être plus élevé.
M. Fréchette: L'âge est un élément
important - je l'ai dit d'ailleurs dans mes remarques - sauf que si l'un, par
exemple, est ainsi affecté au plan esthétique que cela lui
crée des inconvénients quotidiennement, cela l'empêche de
mener une vie sociale normale, c'est aussi évident que cet aspect sera
évalué dans l'ensemble du montant forfaitaire.
Maintenant, Mme la Présidente, quand on se regarde on se
désole et quand on se compare on se console. Si je fais le tour du
Canada pour essayer de voir comment et à partir de quoi est fixée
l'indemnisation pour incapacité totale permanente, je suis obligé
d'arriver à la conclusion que, par rapport aux neuf autres provinces, on
est très sérieusement au haut de l'échelle. Je pense que
cela vaut la peine de l'indiquer. En Colombie britannique, on paie en
indemnisation - je parle toujours pour incapacité totale permanente -
75% du salaire moyen antérieur à l'accident; en Alberta, 90% du
revenu net retenu; en Saskatchewan, indemnité forfaitaire allant
jusqu'à un maximum de 15 000 $ plus 75%
de la perte de capacité de gain; au Manitoba, 75% du salaire
moyen antérieur à l'accident; en Ontario, 75% du salaire moyen
antérieur à l'accident; au Québec, 90%; au
Nouveau-Brunswick, indemnité forfaitaire allant jusqu'au maximum
assuré: 27 500 $ -dans notre cas, c'est 31 500 $ - plus 90% de la perte
de gain calculée d'après le revenu net; à
l'Île-du-Prince-Édouard, 75% du salaire moyen antérieur
à l'accident; en Nouvelle-Écosse, 75% du salaire antérieur
à l'accident; à Terre-Neuve et au Labrador, indemnité
forfaitaire allant jusqu'à un maximum assuré de 45 000 $ plus 90%
de perte de gain calculée d'après le revenu net. Dans
l'échelle, nous nous situons encore une fois au haut du palier et nous
n'avons rien à envier à personne à cet égard.
Maintenant, les coûts: Je ne sais pas si le député
de Sainte-Marie a entre les mains le rapport sur les résultats de
l'évaluation des implications financières des dispositions de la
réimpression du projet de loi 42, mais il va voir à la toute fin
qu'il y a là un tableau qui fait le départage des coûts et
l'on arrive à la conclusion - je comprends que cette position est
contestée par plusieurs intervenants - que le projet de loi 42
étant adopté dans sa forme et teneur actuelles engendrerait des
coûts additionnels de 20 000 000 $. Pourquoi? Parce que les
évaluations ont été faites, comme je l'expliquais ce
matin, que des efforts doivent être faits pour faire en sorte que les
accidentés les plus sérieusement affectés, les plus
sérieusement handicapés soient ceux qui bénéficient
le plus du régime de réparation. Donc, il y a eu
répartition d'un certain montant d'argent pour arriver
précisément à atteindre cet objectif. Encore une fois,
l'on va voir par exemple que tous ces chiffres étant additionnés
les uns aux autres, on arrive à un coût global supérieur
à l'actuel coût de 20 000 000 $.
La Présidente (Mme Juneau): M. le député de
Frontenac.
M. Bisaillon: Je n'ai pas terminé. J'avais dit que je
reviendrais sur la question des tableaux.
La Présidente (Mme Juneau): M. le député de
Sainte-Marie.
M. Bisaillon: Avant cela, je souligne au ministre qu'il pourra me
répondre avec la réponse qu'il me fera sur la question des
tableaux. J'ai posé une dernière question à laquelle il ne
m'a pas répondu. Comment envisageriez-vous - puisque votre objectif
c'est le meilleur traitement possible - un système applicable
individuellement avec le système actuel et le nouveau système?
Autrement dit - ma question vient des tableaux justement - dans les exemples
que le ministre nous a donnés... Je comprends que ce sont des exemples
hypothétiques et qu'on a essayé de faire correspondre ces
exemples à une situation moyenne; je suppose que c'est comme cela qu'on
a procédé. Cela nous donne des différences entre
l'application du régime proposé par rapport à la loi
actuelle. Les calculs dans cela sont diversifiés et j'ai ici une
brochure que vous avez d'ailleurs probablement vue et qui a été
faite par la CSN. Dans cette brochure on propose un calcul. Je vous lis
l'exemple et vous me direz d'abord si vous l'avez vu et quel commentaire vous
pouvez nous faire sur cela. L'exemple, c'est une personne âgée de
25 ans qui pourrait vivre jusqu'à l'âge de 72 ans,
évidemment. Elle devient sourde à la suite d'une explosion dans
son milieu de travail. Le pourcentage d'incapacité est
évalué à 20%. Elle retourne à son emploi. Selon la
loi actuelle elle toucherait à vie 128 027 $; selon le projet de loi 42,
9225 $. Il y a une différence de 119 202 $ entre le régime actuel
et le régime proposé. Est-ce que ce mode de calcul est exact?
Est-ce vrai, l'exemple qu'il y a là? Est-ce qu'il est bon?
La deuxième question est sur les tableaux que vous nous avez
déposés. Quand vous tracez le portrait de la loi actuelle, est-ce
que vous tenez compte du régime dont vous nous aviez parlé dans
l'introduction actuellement mis en vigueur par la CSST, le programme de
stabilisation économique dont vous nous aviez parlé? Si ce
programme existe actuellement, comment se fait-il qu'on n'en a pas tenu compte
dans les coûts?
Une troisième question sur les tableaux. Vous arrêtez le
calcul à 65 ans. On comprend pourquoi le régime proposé
arrête à 65 ans, c'est-à-dire qu'il diminue de 25%
jusqu'à 68 ans. Cela va un peu à rencontre, selon moi, de deux
lois qu'on a ici, les lois 10 et 15. Une dit que l'âge de la retraite est
facultatif. Dans le nouveau programme, on présume que quelqu'un qui a eu
un accident à 45 ans aurait forcément cessé de travailler
à 65 ans. On sait que, par ailleurs, nos lois lui permettraient de
travailler, de dépasser l'âge de 65 ans et même de 68
ans.
D'autre part, l'autre loi qu'on a votée sur les retraites, en
tout cas, sur des modifications à la Régie des rentes, fait en
sorte que des gens peuvent prendre leur retraite à 60 ans. Dans le
nouveau régime, je comprends que ces personnes-là, elles sont
gagnantes. Quelqu'un qui, autrement dit, aurait profité de la loi
facilitant l'accès à la retraite et qui l'aurait prise à
60 ans, il continuerait à recevoir sa prime quand même ou ses
indemnités jusqu'à 65 ans, ce qui ne serait pas le cas de
l'autre. Autrement dit, est-ce qu'on ne présume pas d'une application
uniforme qui va à l'encontre de lois qu'on a déjà
votées ici à l'Assemblée nationale? Sous quel
prétexte peut-on se
permettre de présumer ainsi que la personne qui a eu un accident
à 45 ans, elle aurait forcément pris sa retraite à
l'âge de 65 ans?
La Présidente (Mme Juneau): M. le ministre.
M. Fréchette: Mme la Présidente, je vais tenter de
répondre à l'interrogation du député de
Sainte-Marie quant à la possibilité de laisser le choix aux
accidentés de se prévaloir de l'un ou l'autre des deux
systèmes.
Pour retenir une suggestion de cette nature, il faudrait que nous ayons
la conviction que le régime de l'indemnité de remplacement du
revenu n'est pas approprié dans les circonstances, que cela n'est pas
celui qui répond le plus exactement aux objectifs d'un programme de
réparation en matière d'accident du travail. Nous avons la
conviction qu'en termes d'objectifs à atteindre, encore une fois, il
faut de toute évidence retenir le principe de l'indemnité de
remplacement du revenu à partir de la considération que
l'accidenté du travail est privé d'une partie de son revenu.
C'est cette partie dont il est privé qu'il faut combler par le
régime de réparation. C'est à partir, encore une fois, de
cette considération que j'aurais beaucoup de difficulté à
retenir la suggestion du député de Sainte-Marie.
Deuxièmement, et cela est d'ordre strictement technique, ce n'est
pas une argumentation de fond mais le député de Sainte-Marie est
très certainement conscient du fait que... Comment allons-nous
procéder? II va falloir attendre que les professionnels de la
santé se soient prononcés sur l'état de l'accidenté
et ensuite de cela procéder à l'évaluation de l'un ou
l'autre des deux régimes et offrir à l'accidenté celui qui
pourrait lui convenir le mieux. On voit d'ici quels genres de problèmes
d'ordre administratif cela pourrait entraîner. Encore une fois, ce n'est
pas la raison principale. La raison principale, c'est que nous continuons de
prétendre qu'un régime de réparation en matière
d'accident du travail doit viser à l'indemnité de remplacement de
revenu.
Maintenant, il tire d'une brochure qu'a publiée une centrale
syndicale un exemple à partir duquel la démonstration serait
faite que le régime actuel, dans certains cas, serait moins avantageux
économiquement que celui qui est proposé dans la loi 42. (16
heures)
Je signalerai au député de Sainte-Marie que les actuaires
qui ont procédé à la préparation des estimations de
coûts ont effectivement rencontré, à au moins une reprise,
des représentants de la Confédération des syndicats
nationaux pour très précisément procéder avec eux
à l'évaluation de ce genre de situation. Et, à partir de
l'exemple précis auquel nous réfère le
député de Sainte-Marie, la conclusion à laquelle nous en
sommes arrivés, c'est que cela ne peut pas se comparer ou alors se
comparer correctement parce que, d'après ce que j'en sais, en tout cas,
les discussions ont tourné autour de l'évaluation d'une situation
à partir d'un montant forfaitaire, d'un capital non actualisé
alors qu'on actualisait la rente.
C'est bien évident que, si le calcul se fait de cette
façon, on va se retrouver avec des écarts de la nature de ceux
dont parle le député de Sainte-Marie et des écarts de la
nature de ceux qu'on retrouve dans la brochure en question.
M. Bisaillon: Je ne vous comprends pas, par exemple.
Pourriez-vous m'expliquer cela mieux que cela? Je ne comprends pas ce que vous
me dites.
M. Fréchette: Ce que je veux dire: on a tenu compte de ce
que donnerait la rente sur la période de la vie durant, en tenant compte
de l'expectative de vie, mais on n'a pas calculé à partir de ce
que donnerait le montant forfaitaire en termes de revenus
d'intérêts, s'il était placé. Voici la raison pour
laquelle dans notre évaluation... Je ne vous dis pas que notre
perception est la bonne, mais c'est la conclusion à laquelle nous en
sommes arrivés. Dans un cas, on a fait l'évalution globale de ce
que cela pourrait donner au moment où le décès
interviendrait et, dans l'autre cas, on a dit: Voici 5000 $ et cela reste de
même. Si on prenait les 5000 $ pour la même période de
temps, en y incluant les intérêts, peut-être bien que
l'écart serait moins grand. Je ne vous dis pas qu'il n'y en aurait pas,
mais il serait moindre.
M. Bisaillon: Au plan mathématique, je peux être
d'accord avec le ministre que cela peut faire une différence; au plan
pratique, qu'on reçoive une rente viagère de 50 $ par mois ou
qu'on reçoive un montant de 5000 $ d'un coup, de toute façon,
dans ces catégories de revenus dont on parle, cela va être
dépensé. Alors, calculer les intérêts sur un montant
de 5000 $, reçu par quelqu'un qui gagne 15 000 $ par année, c'est
un peu universitaire de faire le calcul de l'intérêt.
M. Fréchette: Finalement, Mme la Présidente, en
tout cas je pense que c'est le dernier aspect qu'a soulevé le
député de Sainte-Marie, sous réserve d'avoir omis de noter
des choses, pourquoi l'application de la loi est-elle uniforme en fonction de
l'âge de la retraite.
Je rappellerai au député de Sainte-Marie, d'une part,
qu'il y a cette espèce de dégradation de 25%, annuellement,
à partir de l'âge de 65 ans, très précisément
pour tenir compte des aspects qu'il a soulevés
tout à l'heure. Deuxièmement, je lui signalerai
également que les statistiques qui sont à notre disposition - ce
sont les actuaires qui ont procédé à l'évaluation
-nous amènent à la conclusion tout à fait certaine et
évidente que, en milieu industriel, par exemple, où l'on retrouve
le plus grand nombre de travailleurs et, de surcroît, le plus grand
nombre de travailleurs susceptibles d'être accidentés, l'âge
de la retraite est effectivement à 65 ans.
Alors, il nous faut bien tirer une ligne quelque part, il faut bien
arriver à prendre une décision quelque part; c'est à
partir, en particulier, de ces deux considérations, que je viens de
soumettre aux membres de la commission, que la décision a
été prise de retenir le mécanisme qui est
suggéré dans la loi.
La Présidente (Mme Juneau): M. le député de
Frontenac.
M. Gilles Grégoire
M. Grégoire: Mme la Présidente, je voudrais
soumettre deux cas à l'honorable ministre. Premièrement, à
partir de ces tableaux, on remarquera que, dans ceux-ci, que ce soit de un
à six, le revenu disponible à 65 ans est toujours
inférieur dans le cadre de la loi nouvelle, le projet de loi 42, par
rapport à l'ancienne loi, sauf dans le tableau trois, qui est six mois
d'arrêt. Dans tous les autres... Non, même dans le tableau trois et
dans le quatre, dans les six cas, le revenu, à l'âge de 65 ans,
est inférieur par rapport à l'ancienne loi. J'ai fait le total
ici. Et je voudrais continuer.
Dans le premier cas, le type a un emploi différent. Dans le
deuxième cas, le type nommé commis aux pièces, il a un
emploi différent avec le remplacement de revenu, avec le montant de
remplacement de revenu. Dans le troisième cas, le type retourne
également au travail, dans le même emploi, au même salaire.
Dans le quatrième cas, là, il n'y a aucun retour au travail.
Remarquez bien, celui-là est important. Dans le cinquième cas, il
n'y aura aucun retour au travail et, dans le sixième cas, il a un autre
emploi avec le remplacement de revenu indexé annuellement.
Ceci veut dire que, dans les quatre cas où il y a retour au
travail, le type retourne travailler et il paye son régime de retraite
à son employeur, à sa compagnie, ce qui veut dire qu'à 65
ans il va recevoir un régime de retraite qui peut être de 70 $, 75
$, 80 $, 90 $ par semaine, qui va venir amplement compenser l'écart ici
montré dans les six cas.
Mais il y a deux cas où il n'y a aucun retour au travail. Le type
ne se trouve pas à payer, comme il ne retourne pas au travail; il
reçoit son remplacement de revenu. Dans le quatrième cas, par
exemple, emploi, 0,00 $ par semaine, remplacement de revenu, 283,19 $; mais,
à même ses 283,19 $, il ne se trouve pas à payer de
régime de retraite à un employeur puisqu'il ne travaille pas. 11
y a deux cas sur six dans les tableaux que vous nous avez montrés qui
sont comme cela, le numéro quatre et le numéro cinq. Les quatre
autres retournent au travail et paient un régime de retraite.
Ceci veut dire que, dans les quatre cas qui retournent au travail et qui
paient un régime de retraite, lorsqu'ils seront rendus à 65 ans,
leur total sera plus élevé en vertu de la nouvelle loi qu'en
vertu de l'ancienne loi à cause, justement, du régime de retraite
qu'ils auront payé à leurs employeurs, tandis que, dans les cas
numéro quatre et numéro cinq, eux sont bien malchanceux. Ils ne
sont pas retournés au travail. Ils ont reçu leur remplacement de
revenu comme les quatre autres, mais rendus à 65 ans, ils sont nettement
défavorisés puisque, selon les exemples que vous nous avez
donnés, dans le cas numéro quatre, si c'était sous
l'ancienne loi, il recevrait 209,59 $. Sous la nouvelle loi, il recevra 148,30
$ par semaine, soit une différence de 28% à 30%, ce qui fait une
différence d'à peu près 61 $ ou 62 $ par semaine. Dans le
cas numéro cinq, c'est une différence de 31 $ de moins que
l'ancienne loi qu'il reçoit avec la nouvelle loi.
C'est pourquoi, M. le ministre, je voudrais vous suggérer ici un
amendement que vous rédigerez comme bon vous semblera, mais que je crois
devoir être une mesure nécessaire. C'est que celui qui n'effectue
aucun retour au travail - prenons une maladie industrielle: il n'effectue aucun
retour au travail, il reçoit 90% de son salaire net - qu'on ajoute qu'il
puisse avoir le droit, comme s'il avait continué à travailler.
Adoptons le principe que vous avez mis au tout début, que celui qui a un
accident du travail ou qui subit une maladie industrielle doit être
replacé dans les mêmes conditions que s'il n'avait pas eu cet
accident ou cette maladie industrielle, c'est-à-dire qu'il ait le droit,
au même titre que les autres travailleurs de l'usine ou de la mine qui
n'ont pas été blessés - prenons le cas des mines d'amiante
- qui ont eu à travailler dans des endroits plus sécuritaires
où il y avait moins de fibres au centimètre cube alors que, lui,
il a travaillé où il y avait beaucoup plus de fibres au
centimètre cube, il a attrapé une maladie industrielle... Au
moins, gardons le principe que vous avez énoncé au début,
que celui qui a une lésion corporelle ou une maladie industrielle soit
replacé dans le même cas que les autres qui n'ont pas
été victimes de ces accidents du travail ou de ces lésions
corporelles. Alors, adoptons le principe, et formulez l'amendement comme vous
le voudrez, que
celui qui ne retrouve aucun emploi, qui reçoit 90% de son salaire
net, puisse, de son propre gré, payer à la compagnie qui
l'engageait - que ce soit une mine d'amiante ou une usine à papier, mais
c'est plus fréquent dans les mines d'amiante parce que c'est une maladie
industrielle - son régime de retraite au même titre que les
autres. Sinon, qu'est-ce qui se produit? Il est déclaré
amiantosé à 45 ans, il ne paie plus pour son régime de
retraite. À 65 ans, qu'est-ce qu'il recevra? Il recevra, en 1984, s'il a
65 ans aujourd'hui, ce qu'il aurait reçu en 1964. Alors, permettons-lui
pendant tout ce temps où il reçoit son indemnité de
compensation du revenu égale à 90% de son revenu net, de pouvoir
payer à la compagnie qui l'a engagé et qui, n'ayant pas pris les
précautions voulues, n'a pas su le protéger contre une maladie
industrielle... Plaçons-le dans la même situation que ceux qui
n'ont pas été victimes de ces maladies industrielles et
permettons-lui de payer son régime de retraite à la
compagnie.
À ce moment, M. le ministre, les numéros quatre et cinq
qui reçoivent moins, à l'âge de 65 ans, sous la nouvelle
loi que sous l'ancienne loi, pourront être traités justement tout
comme les numéros un, deux, trois et six qui, eux, ont effectué
un retour au travail et ont continué à payer un régime de
retraite à la compagnie.
M. le ministre, je crois que c'est un amendement que vous pourriez
facilement ajouter à ce chapitre parce que vous l'avez dit, et je l'ai
retenu, le premier et grand principe de base, c'est de replacer le citoyen
victime d'un accident du travail ou d'une maladie industrielle dans les
conditions où il se serait retrouvé s'il ne l'avait pas eu.
Pour cela, il faut que vous corrigiez l'anomalie grave qui existe
lorsqu'on compare le travailleur cité à l'exemple numéro
quatre et celui cité à l'exemple numéro cinq à
celui cité aux quatre autres exemples.
M. le ministre, c'est le premier point, c'est le premier amendement que
je voudrais vous demander. Jusqu'ici, le gouvernement a été assez
favorable quand j'ai demandé des amendements et j'ai toujours
prouvé que ma cause était bonne quand j'ai demandé des
amendements à la loi 52, l'ancienne loi des victimes d'amiantose dans
les mines et les carrières. J'ai calculé que, . depuis le 16
novembre 1976, ce gouvernement a consenti à au moins huit amendements
qui avaient été demandés par tous les syndicats des mines
d'amiante, que le gouvernement en a accordé huit. On les demandait un
par un, M. le ministre. C'est venu un par un à chaque année
où on faisait une législation sur l'ensemble des mesures du
travail; on ajoutait un amendement. Des fois, il y avait deux lois par
année; on n'ajoutait pas deux amendements, on en ajoutait un et on les
avait tout le temps.
Cette fois, celui que je vous demande, c'est de permettre au travailleur
de pouvoir, s'il ne retourne pas au travail, continuer è payer
jusqu'à l'âge de 65 ans son régime de retraite à la
compagnie pour laquelle il travaillait.
Je vais attendre votre réponse là-dessus; ensuite, j'aurai
d'autres observations.
La Présidente (Mme Juneau): M. le ministre.
M. Fréchette: Merci, Mme la Présidente. J'ai suivi
avec beaucoup d'attention l'argumentation du député de Frontenac.
Sa première observation a été de faire la constatation
que, dans deux des six exemples qui ont été cités, il y
aurait des situations qui font que le travailleur ayant atteint l'âge de
la retraite se retrouve dans une situation moins favorable sous l'empire de la
loi 42 qu'il ne l'est sous l'empire de la loi actuelle. C'est très vrai
ce que le député de Frontenac est en train de nous dire et c'est
très vrai pour un motif qui est fort clair. À l'âge de la
retraite, la Commission de la santé et de la sécurité du
travail cesse le paiement de cette rente à vie. (16 h 15)
En d'autres mots, le travailleur accidenté est traité,
rendu à cet âge, à l'âge de la retraite, tout comme
s'il avait pu continuer de travailler et atteindre l'âge de 65 ans ou
l'âge de 66 ou 64 ans et prendre sa retraite à ce
moment-là. C'est exactement à partir du mécanisme ou de la
philosophie de l'indemnité du remplacement de revenu que nous arrivons
à cette conclusion.
Deuxièmement, le député de Frontenac a
consacré la majeure partie de son temps à tenter de nous
convaincre d'introduire un amendement en vertu duquel le travailleur
accidenté pourrait continuer de contribuer à un fonds de retraite
privé, ce qui ferait en sorte que, arrivé à l'âge de
la retraite, il se retrouverait à peu près dans la même
situation que les autres cas que nous avons utilisés.
Mme la Présidente, je ne vois pas comment un organisme
paragouvernemental ou un organisme comme la CSST pourrait intervenir et obliger
des entreprises privées à assumer des obligations qu'autrement
elles ne voudraient pas assumer, d'une part. Deuxièmement, si l'on
accepte que les modalités d'indemnisation se font à partir du
revenu qui a été remplacé, si le travailleur désire
se prévaloir des dispositions d'un fonds de retraite privé, rien
ne l'empêche, à partir de l'indemnité de remplacement de
revenu qu'il reçoit et qui est l'équivalent, à toutes fins
utiles, de son salaire, de se payer un fonds de retraite privé. Il n'y a
rien qui l'empêche de faire cela puisqu'il retire une indemnité
qui est l'équivalent, ou à peu près,
du revenu qu'autrement il ferait s'il était au travail.
Le travailleur qui veut prendre la précaution de se
protéger dans le sens que suggère le député de
Frontenac pourra le faire à partir des paiements qui lui sont faits pour
remplacer le salaire qu'il ne gagne pas parce qu'il n'est pas au travail. Une
décision comme celle-là devrait être prise de sa propre
initiative. Encore une fois, je ne vois pas comment la CSST pourrait
intervenir, par le biais d'une loi, pour obliger des entreprises privées
à assumer des obligations qu'elles ne voudraient pas assumer. Je
présume que cela pourrait être une situation, mais l'argument de
fond, c'est que l'initiative d'une telle décision doit continuer
d'appartenir au travailleur qui reçoit son indemnité de
remplacement de revenu.
La Présidente (Mme Juneau): M. le député de
Frontenac.
M. Grégoire: Je voudrais spécifier un point
là-dessus. Une personne victime d'une maladie industrielle et ayant
travaillé de l'âge de 20 ans jusqu'à l'âge de 40 ans
dans une mine a déjà payé son régime de retraite et
a déjà commencé à en accumuler. La compagnie
assumait sa part de ce régime de retraite, de ce régime
privé; ce que je demande, c'est que le travailleur qui est à
l'emploi de cette compagnie puisse continuer à payer son régime
de retraite. Il reçoit 90% de son salaire net. Je ne demande pas que
l'écart soit comblé, mais si la compagnie accepte ce genre de
travailleurs victimes d'une maladie industrielle à l'emploi de cette
compagnie, qu'elle accepte aussi puisqu'il y a déjà 20 ans
d'accumulés... Ces fonds ne sont pas toujours transférables. Ces
fonds sont souvent améliorés en cours de route et le sont de
mieux en mieux. On sait ce que c'était, il y a 20 ans, en 1960 ou en
1955, que d'organiser une tel régime de retraite privé.
Que le travailleur puisse continuer, comme avant, de participer au
régime de retraite de la compagnie de la même manière
qu'avant. C'est tout ce que je demande. Vous me direz: II peut aller se
chercher un régime de retraite privé. S'il commence à
l'âge de 50 ans ou à l'âge de 55 ans, rendu à
l'âge de 65 ans, il n'aura pas réussi à équilibrer
la différence qui existe, par exemple, dans le cas numéro 4,
alors qu'il aura participé pendant 25 ou je ne sais combien
d'années dans la compagnie minière. C'est une demande qui, je
crois, est raisonnable. Le travailleur a participé pendant longtemps
à son régime de retraite. Tout à coup, il contracte une
maladie industrielle. En vertu de la loi actuelle, on voit qu'à 65 ans
il est moins bien nanti qu'en vertu de l'ancienne loi, sauf s'il retourne au
travail. S'il ne retourne pas au travail - et on a calculé... M. le
député de Viau a donné des chiffres tout à l'heure
concernant ceux qui ne retournaient pas au travail et je crois que
c'étaient quelques milliers sur les 324 000...
M. Cusano: Est-ce que nous les avons...
M. Grégoire: S'il n'y a pas de retour au travail et
qu'à ce moment le citoyen ainsi victime... Ce sont les cas les plus
lourds; il ne s'effectue aucun retour au travail. Le ministre dit vouloir
protéger, d'abord et avant tout, les cas les plus lourds. Je me sers de
ses arguments, c'est-à-dire protéger d'abord les cas les plus
lourds et, deuxièmement, voir à ce que le type accidenté
ou souffrant d'une maladie industrielle puisse être replacé dans
la même situation qu'il aurait eue s'il n'avait pas eu cet accident ou
cette maladie industrielle. C'est pour cela que je demande qu'on puisse
permettre au travailleur de continuer à payer son régime de
retraite de sorte qu'à 65 ans il ne soit pas pénalisé par
rapport aux autres travailleurs avec qui il a passé peut-être 20
ou 25 ans de sa vie dans la mine.
M. Bisaillon: On passe cela au vote.
M. Grégoire: Je crois que c'est parfaitement normal. Ce
sont quelques centaines, comme le disait le député de Viau, sur
les 324 000. Je pense que le ministre devrait y penser. S'il veut avoir le
temps d'y penser... Je crois que c'est une demande...
M. Bisaillon: On va passer au vote. M. Grégoire:
...qu'il devrait accepter.
M. Fréchette: Je veux bien prendre le temps d'y penser,
Mme la Présidente, comme le suggère le député de
Frontenac.
M. Grégoire: Ou si vous voulez voter tout de suite, Mme la
Présidente, cela me plairait.
M. Fréchette: II est astucieux, le député de
Frontenac.
M. Grégoire: On peut...
M. Fréchette: Je voudrais simplement ajouter une couple de
commentaires à sa convaincante argumentation.
M. Bisaillon: Avant que les autres reviennent.
M. Fréchette: D'abord, le député de
Frontenac va convenir avec moi que l'exemple qu'il utilise du travailleur qui
a
commencé à travailler à 20 ans, qui a son accident
à 40 ans et qui, pendant cette période, a contribué
à un régime de retraite, ce qu'il a accumulé dans ce
régime de retraite demeure sa totale et entière
propriété. Je comprends qu'il y a un problème de
transférabilité au moment où on se parle. Le
député de Frontenac est très sensible à cette
situation, parce que des gens de son comté vivent cette situation comme
dans d'autres coins, mais ce n'est pas par une Loi sur les accidents du travail
et les maladies professionnelles qu'on va régler le problème de
la transférabilité des pensions. D'ailleurs, ma connaissance du
dossier me permet...
M. Grégoire: Je ne veux pas qu'il soit question de
transférabilité, M. le ministre. Ne nous éloignons pas du
sujet. Les autres vont revenir, ce ne sera pas long, mais il n'est pas question
de transférabilité. Il n'y a aucun retour au travail. Je veux
qu'il y ait continuation de paiement de primes de retraite. Ce sont deux
choses.
M. Fréchette: J'ai très bien compris, dès sa
première argumentation, l'objectif que vise le député de
Frontenac. Je lui ai dit pourquoi, quant à moi, ce genre de situation ne
peut pas être couvert par la loi actuelle, mais je suis bien
disposé à continuer d'y penser et d'en reparler avec le
député de Frontenac au besoin.
Une voix: Ce n'est pas à huis clos là, hein?
La Présidente (Mme Juneau): M. le député de
Viau.
M. Grégoire: J'aurai d'autres remarques à faire
après par rapport à celle-là, mais sur ce point,
vous...
M. Fréchette: Vous m'avez demandé d'y
réfléchir. Je vais continuer d'y réfléchir
effectivement.
M. Grégoire: Et est-ce qu'il y a moyen de croire...
M. Fréchette: Je vous donnerai une réponse
effectivement.
M. Grégoire: ...que le ministre peut nous apporter un
amendement sur ce point?
M. Fréchette: Ce n'est pas ce que je vous ai dit. Je vous
ai dit que j'allais continuer de réfléchir.
M. Maltais: Mme la Présidente.
M. Bisaillon: De grâce, que le ministre ne
réfléchisse pas trop longtemps! Cela démissionne
après.
La Présidente (Mme Juneau): Vous avez terminé, M.
le député de Frontenac?
M. Grégoire: Non, je voudrais revenir à d'autres
points, parce que...
M. Bisaillon: La prudence serait quand même que le
député de Frontenac prépare, lui aussi, un amendement.
Comme cela, lorsque le ministre aura réfléchi, il aura juste
à comparer deux textes. Ce sera mieux.
M. Grégoire: Oui, très bien. Je vais en
préparer un pour essayer de le présenter...
Il y a un autre point. Par exemple, dans les cas de retour au travail,
cela a l'air beau, les tableaux du ministre. C'est beau en surface mais, quand
on gratte un peu, il y a de petites différences. Un type... Arrêt
de travail: 36 mois; retour au travail: aucun. On dit, prenons les
numéros 4 et 5: aucun retour au travail. Le type a 46 ans, est
marié, a un enfant et, jusqu'à 65 ans, c'est-à-dire
pendant 19 ans - à l'exemple no 4 - il recevrait 283,19 $ par semaine,
ce qui ferait une valeur totale des indemnités de 263 495 $. Or, quand
je lis la loi, je lis ceci à la section 1; je vais lire trois articles.
L'article 45: "Lorsqu'un travailleur victime d'une lésion
professionnelle redevient capable d'exercer son emploi après
l'expiration du délai pour l'exercice de son droit au retour au travail,
il a droit à l'indemnité de remplacement du revenu prévue
par l'article 42 jusqu'à ce qu'il réintègre son emploi ou
un emploi équivalent ou qu'il refuse, sans raison valable, de le faire,
mais pendant au plus un an à compter de la date où il redevient
capable d'exercer son emploi." Donc, son indemnisation, son remplacement de
revenu va jusqu'à pendant au plus un an à compter de la date
où il redevient capable d'exercer son emploi. Ceci veut dire que, dans
l'exemple no 4 qu'on nous donnait: un homme de 46 ans; arrêt de travail:
36 mois; retour au travail: aucun... Après l'arrêt de travail de
36 mois "...au plus un an à compter de la date où il redevient
capable d'exercer son emploi", cela veut dire 48 mois. Il a 46 ans, cela le met
à 50 ans, ce qui veut dire que, de 50 à 65 ans, est-ce qu'il
reçoit quand même son remplacement de revenu puisqu'il ne le
reçoit...? "...redevient capable d'exercer son emploi après
l'expiration du délai pour l'exercice de son droit au retour au travail,
il a droit à l'indemnité de remplacement du revenu prévue
par l'article 42 jusqu'à ce qu'il réintègre son emploi ou
un emploi équivalent ou qu'il refuse, sans raison valable, de le faire,
mais pendant au plus un an à compter de la date où il redevient
capable d'exercer son emploi."
L'article 46 dit aussi: "Cependant, si cet emploi convenable n'est pas
disponible..." L'article 46 vient mettre en lumière la période
que nous traversons aujourd'hui: "Le travailleur incapable d'exercer son emploi
en raison de sa lésion professionnelle qui devient capable d'exercer
à plein temps un emploi convenable a droit à une indemnité
de remplacement du revenu égale à la différence entre 90%
du revenu net retenu qu'il tirait de son emploi et le revenu net retenu qu'il
pourrait tirer de cet emploi convenable." S'il existait. "Cependant, si cet
emploi convenable n'est pas disponible, ce travailleur a le droit à
l'indemnité de remplacement du revenu prévue par l'article 42
jusqu'à ce qu'il occupe cet emploi ou qu'il le refuse sans raison
valable, mais pendant au plus un an à compter de la date où il
devient capable de l'exercer."
C'est toujours pendant au plus un an; donc, mon gars qui a 46 ans, on
l'a pris à 46 ans, mais prenez-le à 25 ans, reçoit-il son
indemnité? Est-il capable d'exercer un retour au travail? Aujourd'hui,
il n'y a pas d'emploi disponible. À l'article 46, on dit: Cependant, si
cet emploi convenable n'est pas disponible, il a le droit malgré tout
à encore un an, même s'il n'a pas d'emploi puisqu'il n'y en a pas
de disponible. Aujourd'hui, il n'y en a pas de disponible et si cela reste non
disponible pendant dix, quinze ans? On dit: au plus un an. Je m'interroge
fortement sur le tableau no 4: Arrêt de travail: 36 mois; retour au
travail: aucun. De 46 à 65 ans, va-t-il donc recevoir, même s'il
est apte à retourner au travail, s'il veut travailler, s'il n'y a pas
d'emploi disponible, que cela fait un an qu'il n'y a pas d'emploi disponible,
qu'il cherche et qu'il dépense tout son remplacement du revenu à
chercher, jusqu'à 65 ans quand même son remplacement du revenu?
C'est là que le chiffre total au bas, il va falloir que vous me
l'expliquiez. (16 h 3D)
M. Fréchette: C'est un long détour pour arriver
à la question, M. le député de Frontenac.
Pour les fins de son argumentation future, je lui suggère d'aller
à l'article 2 et de regarder ce qu'est un emploi convenable lorsqu'on
aura évidemment pris la décision de l'adopter. J'aimerais
qu'après avoir pris connaissance de la définition que l'on donne
du terme "emploi convenable", il réitère son appréciation
en fonction de la disponibilité dont il a parlé, d'une part.
Deuxièmement, le député de Frontenac parle de deux
situations qui ne peuvent, mais d'aucune façon, se comparer, d'aucune
espèce de façon. Quand il prend l'exemple 4 des 6 tableaux qui
ont été déposés, il réfère à
une personne qui ne pourra plus retourner au travail. La démonstration a
été faite à partir de la conclusion que son
incapacité partielle permanente de 21% ne le rend plus capable de
travailler dans aucun emploi.
Ensuite, il m'arrive avec l'article 46. Il me parle du travailleur qui
est complètement rétabli, dont la blessure est consolidée,
pour qui tous les programmes de réadaptation ont été
épuisés et qui est en mesure de travailler. Ce que la loi dit:
Même à compter du moment où il devient capable de
travailler pour l'année qui va suivre, malgré le fait qu'il soit
capable de travailler et qu'il ne travaille pas, peu importe le motif, il va
continuer d'être indemnisé pendant cette année-là
sur la base de 90% de son revenu net.
À supposer maintenant qu'à l'expiration de l'année
dont il est question il ne soit pas plus en mesure de se trouver de l'emploi.
Là, je ne parle pas des motifs pour lesquels il ne peut pas trouver
d'emploi, mais il est revenu dans un état physique tel qu'il est capable
de travailler. Le mécanisme qui est retenu à ce moment-là,
à partir de la définition qu'on retrouve à l'article 2 des
termes "emploi convenable" - remarquez les 4 critères qui sont là
pour que l'emploi soit convenable... A partir, donc, de ce
mécanisme-là, des calculs vont être faits pour
l'évaluation de son indemnité, à partir du 90% du revenu
net qu'il tire, basé sur le salaire qu'il réalisait au moment de
son accident et à partir également du calcul du revenu qu'il
retirerait d'un emploi convenable qu'il est capable de faire mais qu'il ne peut
pas se trouver. En d'autres mots, nous sommes dans une situation à peu
près équivalente à l'assurance-chômage. Si c'est
parce qu'il n'y a pas d'emploi qu'il ne peut pas s'en trouver, est-ce que c'est
l'employeur qui doit assumer l'obligation de continuer d'assurer le minimum
vital à cette personne? Quand le député de Frontenac base
son argumentation en partant de l'exemple 4 et de l'article 46, il ne fait pas
une distinction qui est absolument essentielle et fondamentale. Ce n'est pas du
tout la même situation.
La Présidente (Mme Juneau): Je m'excuse, M. le
député, vous avez épuisé votre temps de parole et
M. le député de Viau avait demandé la parole.
M. Cusano: Mme la Présidente, sur cette question on
s'était mis d'accord. On s'était entendu sur le fait qu'on
prenait le temps. Maintenant, si le député de Frontenac a une
autre question, je n'ai pas d'objection.
La Présidente (Mme Juneau): M. le député de
Viau, il me semble important que chacun puisse intervenir au moins vingt
minutes et revenir par après si vous le souhaitiez ainsi pour donner la
chance à tout le monde de...
M. Cusano: Non, en ce qui me concerne, si le député
de Frontenac a une question, qu'il y aille.
La Présidente (Mme Juneau): Ça va.
M. Grégoire: Écoutez, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Juneau): Oui, M. le
député de Frontenac.
M. Grégoire: Je vais mentionner au ministre les six cas
qu'il nous a donnés. Dans le cas no 1, il y a 15% de dommages corporels
et le gars retourne au travail. Dans le cas no 2, il y a 25% de dommages
corporels et le gars retourne au travail. Dans le cas no 3, il y a 10% de
dommages corporels et le gars retourne au travail. Dans le cas no 4, il y a 21%
et il ne retourne pas au travail. Le no 5, j'aurais pu prendre le no 5, il y a
10% de dommages corporels. Ce sont les plus bas dommages corporels. Non, il y
en a un qui a 7, mais ce sont pratiquement les plus bas et il n'y a aucun
retour au travail. Il y a 10% de revenu. Vous me dites: À ce
moment-là, si celui qui a 25% de dommages corporels peut retourner au
travail, celui de 10% peut retourner au travail mais qu'il ne se trouve pas
d'emploi convenable ou qu'il n'y a pas d'emploi disponible, qu'on arrive avec
350 000 chômeurs et qu'il n'est pas capable de se replacer sur le
marché du travail... Lui, il est sorti de son industrie parce qu'il a eu
un accident du travail, mais quand vient le temps d'y retourner il n'y a plus
de travail pour lui. Quand vous dites pour "emploi convenable": "un emploi qui
permet au travailleur victime d'une lésion professionnelle d'utiliser sa
capacité résiduelle et ses qualifications professionnelles, qui
présente une possibilité raisonnable d'embauche - mais s'il n'y a
pas de possibilité d'embauche - et dont les conditions d'exercice ne
comportent pas de danger pour la santé, la sécurité ou
l'intégrité physique du travailleur compte tenu de sa
lésion", je ne vois pas que cela vienne contredire ce que je disais tout
à l'heure.
M. Fréchette: S'il n'y a pas de possibilité
raisonnable d'embauche, ce n'est pas un emploi convenable, c'est très
précisément ce que j'essaie de démontrer au
député de Frontenac depuis une demi-heure.
M. Grégoire: Ah! S'il n'y a pas de possibilité
raisonnable d'embauche, il continue à...
M. Fréchette: Lisez l'article 2.
M. Grégoire: Oui, mais l'article 46 dit bien: "Cependant,
si cet emploi convenable n'est pas disponible, ce travailleur a droit à
l'indemnité de remplacement du revenu prévue par l'article 42
jusqu'à ce qu'il occupe cet emploi ou qu'il le refuse sans raison
valable, mais pendant au plus un an à compter de la date où il
devient capable de l'exercer." On lui donne rien qu'un an. S'il a 30 ans, c'est
seulement un an que donne l'indemnité de remplacement, même s'il
n'y a pas d'emploi disponible, même s'il n'y a pas de possibilité
d'embauche. Est-ce simple? Est-ce clair? Ou si c'est moi qui ne comprends pas
sa loi.
M. Fréchette: Mme la Présidente, je ne voudrais pas
plaider à temps et à contretemps parce que là, je me vois
dans la situation ou dans l'obligation de répéter l'argumentation
que j'ai utilisée tout à l'heure. Ce n'est pas pour rien que je
demande au député de Frontenac de lire attentivement la
définition de l'article 2 et de retenir les quatre conditions qui
doivent exister en même temps pour qu'un emploi soit convenable. L'une de
ces conditions est celle qui prévoit qu'il doit exister des
possibilités raisonnables d'emploi. Cela est un des
éléments essentiels pour que les critères de l'emploi
convenable soient retenus. Et, à partir de cela, le député
de Frontenac me dit: II n'y en a pas de travail, il n'y a pas de
possibilité de se trouver de l'emploi. Dans la situation qu'on vit, ce
n'est pas possible. Il voudrait voir si, à partir des quatre
critères de la définition de l'article 2, c'est un emploi
convenable au sens de la loi. Je pense qu'on ne peut pas dissocier cette
argumentation, pour les fins de la discussion que suscite le
député de Frontenac, on ne peut pas dissocier les dispositions de
la définition des termes "emploi convenable", si jamais on
l'adoptait.
M. Grégoire: M. le ministre, l'article 46 emploie vos
mots. Cependant, si cet emploi convenable n'est pas disponible, il aura droit
à l'indemnité de remplacement, mais pendant au plus un an...
M. Fréchette: Là vous...
M. Grégoire: Donc, pas jusqu'à 65 ans.
M. Fréchette: J'espère que le député
de Frontenac ne perd jamais de vue qu'on est dans un cas où le
travailleur accidenté est complètement rétabli
physiquement et à tous autres égards. Pendant une année,
à compter de la date de la consolidation de la blessure - je ne sais pas
si le député de Frontenac était ici quand on a
détaillé longuement la définition du terme
"consolidation"...
M. Grégoire: Oui, j'étais ici.
M. Fréchette: Bon! Pendant une année à
compter de la date de la consolidation de la blessure, donc, de l'étape
où aucune amélioration n'est prévisible, mais de
l'étape aussi où l'accidenté est en mesure de retourner au
travail. Pendant un an, même s'il est capable, il va continuer de
recevoir les 90% de son indemnité de remplacement du revenu. À
l'expiration de l'année, l'emploi convenable dont on parle n'existe pas.
Tenons cela pour acquis pour les fins de la discussion. Je vous signale que
c'est une matière qui peut être "appelable", la question de
l'emploi convenable. À supposer qu'il n'en existe pas, mais qu'il serait
capable de remplir un emploi que les professionnels de la santé auraient
déterminé comme convenable, il va y avoir ces calculs qui sont
prévus à l'article 47, je pense, pour faire en sorte qu'il soit
tenu compte de la situation, du fait que l'accidenté est capable de
retourner travailler. En d'autres mots, le député de Frontenac
est-il en train d'essayer de nous convaincre que, lorsque tout le
mécanisme de réadaptation, de guérison est
complété, c'est l'employeur qui doit assumer l'obligation de
payer l'indemnité de remplacement du revenu, alors que, encore une fois,
son travailleur est rétabli? En d'autres mots, est-ce que le
député de Frontenac veut que la Commission de la santé et
de la sécurité du travail devienne une espèce
d'assurance-chômage, à toutes fins utiles?
M. Grégoire: Non, non.
La Présidente (Mme Juneau): Est-ce que vous avez
terminé?
M. Grégoire: Je ne suis pas pour que l'employeur devienne
une espèce d'assurance-chômage, mais c'est parce que vous nous
donnez un tableau et vous nous parlez d'un gars de 56 ans, 10% de dommages
corporels, ou d'un autre de 46 ans, 21% de dommages corporels. Si, en vertu de
l'article 46, il n'a droit qu'à un an d'indemnité de remplacement
si cet emploi convenable n'est pas disponible, après cela, il ne faut
plus les ajouter, ces remplacements du revenu, parce qu'ils ne seront plus
là, dans ces cas-là. Il n'y a aucun retour au travail, il n'y a
pas d'emploi convenable disponible, on en a cherché; il est rendu
à 50 ans, il lui reste 15 ans avant d'avoir 65 ans, ne faudrait-il pas
lui ajouter des indemnités de remplacement du revenu puisqu'il ne les
recevra plus après un an?
M. Fréchette: Mme la Présidente, je vais...
M. Grégoire: C'est ce que la loi dit, c'est ce que je
comprends. Je voudrais demander au ministre si j'ai bien compris ce qu'est la
loi; ce n'est que pour un an, ce n'est pas jusqu'à 65 ans. Je ne demande
pas à la compagnie de devenir un bureau d'assurance-chômage, mais,
à ce moment-là, avez-vous prévu quelque chose pour lui,
sauf si vous l'envoyez au bien-être social ou à
l'assurance-chômage?
La Présidente (Mme Juneau): M. le ministre.
M. Fréchette: Mme la Présidente, je suis bien
conscient que je me répète et je m'en excuse. Mais le
député de Frontenac analyse deux situations qui ne sont pas, mais
pas du tout, constituées des mêmes éléments de fond.
L'exemple 4, à 21% d'incapacité, c'est que la conclusion a
été tirée que ce travailleur-là est incapable de
travailler, dans quelque emploi que ce soit. Supposons, par exemple,
qu'à 21% c'est le degré d'atteinte d'amiantose. Bon.
M. Grégoire: Prenez l'exemple 5, à 10%
d'incapacité.
M. Fréchette: Alors, il n'est pas capable...
La Présidente (Mme Juneau): M. le député,
voulez-vous laisser le ministre répondre, s'il vous plaît?
M. Grégoire: Oui.
M. Fréchette: Alors, dans l'exemple 4, donc, il faudrait
quand même que l'on retienne que c'est un cas où, à cause
du degré d'incapacité, de la nature du travail que faisait
l'accidenté, de la nature de l'entreprise dans laquelle il pourrait
retourner travailler, il ne peut plus, a 21% d'incapacité, retourner ou
bien à son travail antérieur, dans un emploi équivalent,
ou alors dans un emploi convenable, peu importe. Il va bénéficier
du mécanisme qui est prévu à l'article 4.
Quand le député de Frontenac, maintenant, se
réfère aux articles 46, 47 et 48, il parle du travailleur
rétabli de sa blessure, qui, pendant un an, à compter du moment
de la consolidation, va continuer de recevoir sa pleine indemnité de
remplacement du revenu, mais, après une année, va devoir...
Après une année, il y aura ces calculs prévus par
l'article 47 pour tenir compte de l'emploi convenable.
La Présidente (Mme Juneau): M. le député de
Viau.
M. Cusano: Merci, Mme la Présidente. Je voudrais
revenir, justement, aux tableaux du ministre et encore sur l'opportunité
d'avoir choisi, justement, les âges, les salaires et les pourcentages de
déficit anato-
mophysiologique. (16 h 45)
À la page 24 du rapport actuariel qu'il nous a
déposé, je remarque que le pourcentage moyen de déficit,
selon l'âge, des personnes de 24 ans et moins est de 4,7%; des personnes
âgées entre 25 et 34 ans, le pourcentage moyen de déficit
est de 4,96%; de 35 à 44 ans, c'est de 5,17%; de 45 à 54 ans,
c'est 6,58%; de 55 à 64 ans, c'est de 8,53%; de 65 ans et plus, c'est
11,26%. Cela fait une moyenne, selon les actuaires, qui se sont servis des
chiffres de la CSST... Comme je l'ai mentionné tout à l'heure, le
nombre de victimes ayant un déficit anatomophysiologique est
prévu comme étant de 12 991, soit une moyenne de 5,91%.
Si on revient à l'exemple 3, premièrement, je pense qu'il
un peu irréaliste. Je voudrais poser au ministre, spécifiquement,
la question suivante. Si on regarde du côté gauche du tableau, au
sujet de la rente à vie, est-ce que je me trompe, M. le ministre, si je
prends la rente à vie, selon la loi actuelle, cette rente à vie
est capitalisée, est-ce que le montant de 5850 $ serait le montant que
cet individu recevrait?
M. Fréchette: Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Juneau): M. le ministre.
M. Fréchette: À partir de l'argumentation que vient
de nous soumettre le député de Viau, je ne ferai, quant à
moi, que les quelques commentaires suivants. Il m'apparaît tomber sous le
sens, Mme la Présidente, qu'on ne puisse pas, à partir d'un
pourcentage moyen d'incapacité, en arriver à faire le tableau de
ce que pourrait représenter une situation à l'intérieur de
laquelle un salarié gagne tel salaire, il est de tel âge, il est
marié, il est célibataire, il a tel nombre d'enfants ou pas.
C'est absolument impensable d'essayer d'avoir une image précise de ce
que donnerait le mécanisme d'application de la loi à partir d'un
pourcentage moyen d'un degré d'incapacité.
Maintenant, si le député de Viau souhaitait que, par
exemple, l'on fasse l'excercice d'analyser ce que donneraient d'autres
situations que celles que l'on retrouve dans les six tableaux, à partir
de degrés d'incapacité comme ceux auxquels il se
réfère, 4% ou 5%, il n'y a aucune espèce de
problème là-dessus. Il n'a qu'à nous donner le genre de
situation qu'il souhaiterait voir évaluer et nous serions capables,
immédiatement, d'arriver à des conclusions à cet
égard.
Il me demande - je pense que c'est à partir du tableau 1...
M. Cusano: Le tableau 3.
M. Fréchette: On a fait le calcul pour le tableau 1. On
pourra le faire aussi pour le tableau 3. La conversion en capital de la rente
à vie de 45,31 $ nous amènerait à un montant de 6045
$.
M. Cusano: Excusez-moi, M. le ministre, peut-être qu'on n'a
pas le même tableau.
La Présidente (Mme Juneau): M. le député de
Viau.
M. Cusano: Je me réfère à l'exemple 3...
M. Fréchette: On va y arriver à l'exemple 3. On a
fait des capitalisations de rentes. Pour commencer, au tableau 1, on
prévoit la situation d'un travailleur de 46 ans, qui a une
incapacité de 15%, qui retire une rente à vie de 45,31 $. Si l'on
veut faire la conversion en capital de sa rente de 45,31 $, il recevrait 6045
$. Évidemment, il cesserait de retirer les 45,31 $ par semaine. Dans les
propositions de la loi 42, le forfaitaire est de 5266 $. Je pense que c'est le
genre de situation qui démontre assez éloquemment les avantages
de la loi 42 par rapport à la loi actuelle. Quant a l'exemple 3, nous
allons donner tout de suite le renseignement au député de
Viau.
Il s'agit de ce vendeur âgé de 30 ans, qui est
marié, a un enfant, a 10% d'incapacité, qui a un salaire de 28
000 $ au moment de l'accident. Il retirerait une rente viagère de 36,68
$ et, si on fait la conversion de la rente en capital, cela équivaut
à un montant de 5805 $ par rapport...
M. Cusano: Ahi bon. Je me suis trompé de 45 $.
M. Fréchette: ...à 4362 $.
M. Cusano: Parce que je n'ai pas calculé les sous, je me
suis trompé de 45 $.
M. Fréchette: Calculez cela comme vous voudrez.
M. Cusano: C'est 5800 $...
M. Fréchette: 5805 $.
M. Cusano: 5805 $.
M. Fréchette: C'est cela.
M. Cusano: Je vois bien que l'indemnité temporaire, selon
la loi actuelle et selon le projet de loi, c'est la même chose.
M. Fréchette: Exactement.
M. Cusano: Sur l'emploi, le revenu disponible après le
retour au travail, 407,55 $, c'est la même chose avec le projet de loi
42.
M. Fréchette: Oui.
M. Cusano: Si on remplace la rente à vie par la
capitalisation, il reçoit 5845 $ tandis qu'avec le projet de loi...
M. Fréchette: 5805 $.
M. Cusano: Excusez-moi - j'ai 45, excusez - tandis que là
on lui donne 4362 $.
M. Fréchette: Pardon!
M. Cusano: On lui donne... Le montant forfaitaire, c'est la
même chose qu'un montant capitalisé.
M. Fréchette: 4362 $. Voilà!
M. Cusano: Êtes-vous d'accord avec moi que, pour ce cas-ci,
la loi actuelle est plus avantageuse?
La Présidente (Mme Juneau): M. le ministre.
M. Fréchette: Non, je ne suis pas d'accord, Mme la
Présidente, parce que ce travailleur retourne à son même
emploi, au même salaire. Pourquoi faudrait-il que ce travailleur, qui,
malgré son handicap physique de 10%, retourne dans son même
emploi, au même salaire, si l'on parle en termes d'indemnité de
remplacement du revenu, retire, sa vie durant, cette rente qui déborde
le revenu qu'il avait avant son accident? La question est là.
M. Cusano: Alors, si je continue, M. le...
Une voix: Est-ce une récompense?
M. Bisaillon: Non, ce n'est pas une récompense, c'est un
dommage. Les 10%, il continue à les avoir quand même.
M. Fréchette: Le forfaitaire est là.
M. Cusano: Oui, mais le forfaitaire, M. le ministre...
M. Bisaillon: Mais quand on compare le forfaitaire?
La Présidente (Mme Juneau): M. le
député...
M. Cusano: Le forfaitaire est inférieur à ce qu'on
lui donne présentement.
M. Fréchette: Mme la Présidente...
M. Cusano: N'est-il pas inférieur, M. le ministre?
M. Fréchette: C'est évident qu'en termes de
chiffres absolus il est inférieur, mais est-ce que le
député de Viau est en train de me dire que, lorsqu'un
accidenté est replacé dans la même situation
économique que celle qui existait au moment de son accident, on devrait,
dé surcroît, lui accorder davantage que le salaire qu'il avait au
moment de son accident, à part le forfaitaire qui correspond au
déficit anatomophysiologique qu'il a subi? Retenez que, dans la loi
actuelle, dans ce cas-ci, il a le droit d'exercer son retour au travail, ce qui
n'existe pas dans la loi actuelle.
La Présidente (Mme Juneau): M. le député de
Viau.
M. Cusano: Êtes-vous en train de me dire, M. le ministre,
qu'un employé qui n'a pas d'accident - heureusement pour lui
-comparé à celui qui a eu un accident, c'est la même chose?
Nous parlons d'un déficit anatomophysiologique. Cela existe. C'est
déterminé et Dieu sait qu'avant d'arriver à
déterminer ce qu'est un déficit anatomophysiologique dans la loi,
il faut passer à travers plusieurs étapes. Cela n'est pas une
question d'abus dont on parle. Avant que ce pourcentage soit
déterminé, il est contesté par à peu près
tout le monde. Il peut y avoir des abus à ce niveau, mais je pense
qu'ils seraient très minimes.
Dois-je comprendre, si on regarde le tableau des actuaires, où
l'on donne le nombre de personnes prévues ayant un pourcentage de
déficit anatomophysiologique - cela veut dire 13 000 personnes - par
l'interprétation que nous venons de voir, que, pour 11 167 de ces
personnes, le projet de loi sera moins avantageux?
M. Fréchette: Mme la Présidente, je vais reprendre
le début de l'argumentation du député de Viau. Je vous
réitère qu'en chiffres absolus il est vrai que le tableau 3 fait
en sorte que, sous la loi actuelle, l'accidenté recevrait, en
forfaitaire, un montant inférieur d'à peu près - je n'ai
pas fait le calcul - 1200 $, par rapport à la rente viagère
à laquelle il a droit et qu'on a capitalisée à un montant
de 5805 $.
Par ailleurs, et je réponds au deuxième volet de la
question du député de Viau, n'est-il pas plus équitable,
plus juste de prendre les 1200 $ de moins que ce travailleur accidenté
n'aurait pas, mais qui se retrouverait dans la même situation, pour
transférer ce montant à celui qui est affecté
d'une incapacité totale permanente et de donner à celui
qui a une incapacité totale permanente l'argent qu'aurait autrement
celui qui n'est pas affecté au point de ne pas être capable de
travailler dans son même emploi avec le même salaire? Je peux bien
comprendre l'argumentation du député de Viau à cet
égard, mais je ne l'accepterai très certainement pas.
M. Cusano: Mais si le ministre pouvait nous garantir que cela serait le
cas, il n'y a personne qui s'opposerait, dans un sens. On accepte le principe
que la personne, justement, qui est la plus lourdement touchée par un
accident soit compensée de façon supérieure. Mais, en ce
qui me concerne, mes collègues parleront en leur nom, je ne suis pas
convaincu que cet argent va aller où il devrait aller.
M. Fréchette: C'est votre droit.
M. Cusano: Oui, c'est mon droit et je pense qu'on a eu assez de
preuve à cet effet. Peut-être que cet argent va s'en aller du
côté des petits projets pilotes de notre honorable juge
Sauvé. C'est cela mon inquiétude. Si on dit: On va
transférer cet argent directement là-bas, il n'y aura pas
d'objection.
Mais revenons encore sur les chiffres. Voici la question à poser
au ministre: Est-ce que les travailleurs atteints d'un déficit
anatomophysiologique entre 0,1% et 10% retournent à leur emploi ou
à un emploi équivalent, selon les chiffres de la CSST?
M. Fréchette: Mme la Présidente, vous allez
convenir avec moi que je ne peux pas répondre à la question du
député de Viau en partant d'une règle
générale qui serait établie pour une semblable politique
de retour au travail. Le député de Viau va convenir avec moi
qu'un travailleur de 55 ans, par exemple, qui est affecté dans une
proportion de 10% d'amiantose, ne retournera certainement pas à son
travail, alors qu'un autre qui peut avoir 8%, mais qui a 35 ans, peut
très facilement et très bien retourner à son travail ou
dans un autre emploi équivalent. Alors, qu'on ne me demande pas de
donner une politique générale d'application en cette
matière. C'est évident qu'il faudrait entreprendre de faire du
cas par cas pour tirer des conclusions.
M. Cusano: Vous voulez me dire qu'avec les 11 000 000 $, 12 000
000 $ ou 13 000 000 $ qui ont été dépensés à
la CSST pour des ordinateurs, on n'est pas capable de sortir cela. C'est cela
que vous me dites?
M. Fréchette: Mme la Présidente, le
député...
M. Cusano: Ce n'est pas votre ministère, on parle de la
CSST.
M. Fréchette: ...de Viau fera les procès
d'intention qu'il voudra, on commence à être habitué
à ce genre de situation depuis une couple d'années que cela
existe, mais il y a 11 000 dossiers dont il nous parle et il voudrait qu'on ait
un ordinateur pour chacun des dossiers. Je m'excuse, je ne peux pas
répondre à ces exigences. Je lui dis simplement que le genre de
situation qu'il est en train de nous décrire ne peut pas se traiter
globalement. Il faut prendre chacun des dossiers, un à un. Il y a des
gens qui sont affectés d'une incapacité de 10% qui peuvent
retourner travailler et d'autres qui sont affectés d'une
incapacité de 8% qui ne peuvent pas retourner travailler.
M. Cusano: II me semble qu'on devrait être en mesure de
connaître cela, M. le ministre. C'est un facteur important.
M. Fréchette: Ah! Oui.
M. Cusano: C'est-à-dire qu'il me semble qu'on devrait
être informé justement de... On ne demande pas du cas par cas,
mais je suis sûr que cela existe à la CSST.
M. Fréchette: Vous, vous êtes sûr et nous, on
vous dit que non.
M. Cusano: Vous dites officiellement de votre siège que
c'est non? Parfait, on va le prendre tel quel.
Je vous ai demandé tout à l'heure, lorsque j'ai fait mes
premiers commentaires sur ces tableaux, s'il y aurait possibilité de
nous présenter un tableau semblable pour l'individu qui est au salaire
minimum.
M. Fréchette: Oui, mais donnez-nous les conditions:
marié, célibataire, quel âge, quel degré
d'incapacité»
M. Cusano: On peut prendre... On peut revenir à notre gars
de...
M. Fréchette: Un instant, si vous voulez.
M. Cusano: Bon. Un instant, je vais retrouver mon exemple. On va
prendre l'exemple 3: il a 30 ans, marié, un enfant et le salaire au
moment de l'accident serait le salaire minimum. Il y en a beaucoup de cela au
Québec.
M. Fréchette: Oui.
(17 heures)
M. Cusano: Arrêt de travail: pour fins de comparaison, on
va s'en tenir à six mois, même si ce n'est pas en dedans des
chiffres qui ont été mentionnés par les actuaires.
Retour au travail: même emploi. Dommages corporels: on va s'en
tenir à 10%. Nouveau salaire: cela va être le salaire minimum.
Est-ce que cela va en tant que spécifications?
M. Fréchette: Quels sont les détails que vous
voulez obtenir maintenant?
M. Cusano: Les mêmes détails que ceux que vous avez
au tableau. Si vous voulez, je peux bien vous les lire.
M. Fréchette: Non, non, on va le faire. On peut
peut-être continuer la discussion, si vous le voulez.
M. Cusano: Pour le moment, je n'ai pas d'autres commentaires.
La Présidente (Mme Juneau): M. le député de
Sainte-Marie.
M. Bisaillon: Mme la Présidente, il y a trois questions
que je voudrais calmement poser au ministre. Je le trouve meilleur, le
ministre, dans l'étude article par article, si j'ose dire. Dans
l'étude article par article, je trouve que c'est plus calme.
On a parlé tantôt de la loi sur la pension facultative et
jusqu'ici, dans les calculs que vous nous avez donnés, on a toujours
tenu pour acquis que l'accident arrivait avant la période de 65 ans.
Supposons le cas d'un travailleur ou d'une travailleuse qui a plus de 65 ans et
qui a décidé de profiter des avantages de la loi - 10 ou 15, je
ne sais pas laquelle - et qui continue à travailler. À 66 ans ou
à 67 ans, il a un accident de travail. À 67 ans, prenons-le
à 67. Il y a une diminution de 25% après 65. Quelle est la
situation de ce travailleur ou de cette travailleuse qui a un accident de
travail à 66 ou 67 ans? Je pense, entre autres... Pensez en même
temps à cette dame de la région de l'Estrie qui a 82 ans et qui
vient de terminer une maîtrise à...
M. Fréchette: 87.
M. Bisaillon: Elle se faire dire que c'est fini à 65 ans,
elle ne comprend pas cela beaucoup.
M. Fréchette: Mme la Présidente. Aussi calmement et
sereinement que c'est possible de le faire, je vais indiquer au
député de Sainte-Marie quelle pourrait être la situation
d'un travailleur qui se retrouverait dans cette position. L'article 53 du
projet de loi prévoit que, dans une semblable situation, il y a une
année complète d'indemnité totale de remplacement du
revenu. Après la première année de l'accident, la
diminution se fait dans la même proportion que pour le travailleur qui
arrive à l'âge de 65 ans, c'est-à-dire à raison de
25% par année.
M. Bisaillon: La même réponse s'appliquerait pour un
accidenté à 69 ans.
M. Fréchette: Exactement.
M. Bisaillon: Il aurait donc droit à un an.
M. Fréchette: Voilà!
M. Bisaillon: Après cela, zéro.
M. Fréchette: Bien oui.
M. Grégoire: 25%.
M. Bisaillon: Non, après cela, ce serait zéro.
M. Fréchette: On me signale que le travailleur qui serait
victime d'un accident comme celui-là à 69 ans aurait droit
à son année et, même ayant atteint l'âge de 70 ans,
il continuerait de recevoir son indemnité, mais en tenant compte de la
diminution de 25% par année.
M. Bisaillon: Donc, selon les mêmes critères que
ceux qui s'appliquent à partir de 65 ans.
M. Fréchette: Voilà!
M. Cusano: Vous me permettez? À quel article vous trouvez
cela?
La Présidente (Mme Juneau): M. le député de
Viau. Article 53.
M. Cusano: 53.
M. Fréchette: 53.
M. Cusano: D'accord, ça va.
La Présidente (Mme Juneau): Est-ce que ça va pour
les commentaires?
M. Grégoire: Article 54,, vous avez autre chose; 54,
troisièmement.
M. Bisaillon: C'est ça. À troisièmement, on
dit à 68 ans.
M. Grégoire: "S'éteint au premier des
événements suivants..."
M. Fréchette: Il faut tenir pour acquis qu'à 68 ans
il a eu son accident. Vous me parlez d'un travailleur qui aurait un accident
à 69 ans. Le travailleur qui aurait son accident à 69 ans aurait
sa première année complète d'indemnité, plus les
trois autres
années en régressant de 25% par année.
La Présidente (Mme Juneau): M. le député de
Viau.
M. Cusano: Réfléchissez pendant notre discussion.
Est-ce qu'il ne serait pas sage, justement, d'apporter des clarifications aux
articles 53 et 54?
M. Fréchette: Je suis bien disposé à
regarder cela quand on en arrivera à l'étude article par article.
Si, effectivement, l'intention qui se dégage du texte n'est pas ce que
je suis en train de dire, je n'ai pas d'objection du tout à faire les
modifications qui doivent être faites.
M. Bisaillon: On regardera cela à ce moment.
Un deuxième commentaire, Mme la Présidente. Tantôt,
le député de Frontenac est parti des exemples que vous aviez
donnés pour discuter de toute la question de l'emploi convenable
disponible. Je voudrais reprendre cela, mais sans m'attacher aux exemples que
vous aviez fournis. Le cas est possible qu'un travailleur ait un accident du
travail et qu'il en arrive à la situation... Au moment où il a
son accident du travail, selon le projet de loi actuel, on lui paie
l'indemnité de remplacement du revenu. Lorsqu'on détermine son
taux d'incapacité et qu'un emploi convenable n'est pas disponible, on
dit: Là il perd ses droits, il perd sa possibilité d'une
indemnité de remplacement du revenu.
M. Fréchette: Dans la loi actuelle? M. Bisailion: Dans le projet.
M. Fréchette: Ah!
M. Bisaillon: Dans le projet. Cela veut dire qu'à partir
de ce moment ce travailleur aurait eu l'indemnité de remplacement du
revenu jusqu'à temps qu'il arrive à la consolidation, le montant
forfaitaire pour dommages corporels calculé selon les modalités
de la loi, mais comme il n'y a pas d'emploi convenable disponible, tout
s'arrête là pour lui. Ce n'est pas cela que vous avez dit lors des
explications que vous avez fournies au député de Frontenac?
M. Fréchette: Non.
M. Bisaillon: Alors...
M. Fréchette: Enfin, si c'est cela que vous avez compris,
je me suis peut-être mal expliqué, je vais essayer d'être
plus clair.
M. Bisaillon: D'accord.
M. Fréchette: À partir du moment où les
professionnels de la santé constatent ce qu'on appelle un état de
consolidation, c'est-à-dire que les traitements ont atteint un tel stade
qu'on ne peut plus espérer une amélioration dans la condition de
l'accidenté - il est cependant en mesure de reprendre du travail -
à partir de la constatation dont je viens de parler et pour la
période d'une année additionnelle pendant laquelle il est capable
de travailler, il va continuer de recevoir sa pleine indemnité de
remplacement du revenu. Mettons cela en chiffres, si vous le voulez. A supposer
que la consolidation, la réadaptation ait nécessité une
période de trois ans pendant laquelle il va recevoir sa pleine
indemnité, à la fin de la période, il y a cette autre
année qui va s'ajouter aux trois premières années qu'on
vient de passer pour faire donc, en tout état de cause, dans une
situation comme celle que je suis en train de décrire, que le paiement
de l'indemnité de remplacement du revenu dans son
intégralité va être fait pendant au moins quatre
années.
À l'expiration de la quatrième année, il est encore
capable de travailler, il n'y a pas pour lui d'emploi pour n'importe quel motif
qu'on peut imaginer, il n'y a pas ce genre d'emploi dont je viens de parler,
à ce moment, le calcul qui va être fait est le suivant: II va
être déterminé quel pourrait être le revenu que
tirerait ce travailleur accidenté d'un emploi convenable, donc qui
répond aux quatre critères de la définition de l'article 2
de la loi, quel traitement ou salaire il pourrait retirer d'un emploi
convenable qu'il est capable de faire et il y aura réduction de 90% du
salaire net qu'il pourrait tirer de cet emploi convenable de l'indemnité
totale qu'il a reçue pendant les quatre premières années
nécessaires pour la consolidation. Alors, en aucune circonstance
l'indemnité ne cessera totalement, en aucune circonstance et pour
personne.
M. Bisaillon: Ce que vous m'expliquez, c'est qu'elle ne cessera
pas, mais qu'elle va être diminuée.
M. Fréchette: Voilà!
M. Bisaillon: C'est cela. Reprenons ce même travailleur
dont vous venez de me parler et comparons-le maintenant dans la loi actuelle.
Dans la loi actuelle il aurait eu son indemnité de remplacement du
revenu pendant trois ans - c'est cela? - et après cela, il aurait eu la
rente viagère qui lui aurait été appliquée. Est-ce
exact?
M. Fréchette: Oui, vous avez raison.
M. Bisaillon: Est-ce que cela est calculable? Jusqu'à
maintenant, tous les exemples qu'on a sont des exemples de
personnes qui ont une incapacité totale permanente ou encore qui
reprennent un emploi avec le même salaire ou à un salaire
inférieur. Mais on n'a pas d'exemples de cas dont je viens de vous
parler. Dans ce cas-là, la loi actuelle serait plus avantageuse, la
rente viagère serait plus avantageuse.
M. Fréchette: C'est le genre d'évaluation qu'on
peut faire. Il faudra qu'on se détermine des situations bien
concrètes avec des critères aussi précis que ceux que l'on
retrouve dans les tableaux qu'on a élaborés. Je veux être
sûr que je comprends bien. Dans l'état actuel de la loi, il y a
ces trois premières années nécessaires à la
consolidation; il y a l'autre année et, à l'expiration de la
quatrième année, quand la consolidation est atteinte, que le
travailleur est capable de retourner en emploi, il n'y en a pas d'emploi. C'est
cela? Le député de Sainte-Marie dit: Quelle est, dans
l'état actuel des choses, l'indemnité qui est payée
à ce travailleur? Est-on capable de faire des calculs pour essayer d'en
arriver aux conclusions que cela donnerait, en termes de total, par rapport
à la loi 42?
M. Bisaillon: Aux calculs qu'on a faits, c'était
identique. Dernier commentaire, Mme la Présidente, c'est que...
La Présidente (Mme Juneau): M. le député de
Sainte-Marie.
M. Bisaillon: ...si je fais une bonne lecture de tout ce que le
ministre nous a expliqué aujourd'hui et des textes qui sont devant nous,
la loi actuelle, au moment d'un accident du travail ou d'une maladie
professionnelle, procède au remplacement du revenu...
M. Fréchette: La loi actuelle?
M. Bisaillon: La loi actuelle, ne parlons pas du projet, mais de
la loi actuelle.
M. Fréchette: Pour incapacité temporaire?
M. Bisaillon: Pour incapacité temporaire. Par la suite,
lorsqu'il y a reprise ou au moment où on a atteint le plateau dont on a
parlé depuis le début, on lui applique une rente
viagère.
M. Fréchette: Voilà!
M. Bisaillon: La rente viagère est attribuée en
vertu du degré d'incapacité que les professionnels de la
santé ont déterminé chez le travailleur concerné.
Jusque-là, cela va?
M. Fréchette: Jusque-là, cela va bien.
M. Bisaillon: Bon. Le projet actuel, lui, conserve
l'indemnité de remplacement du revenu de la même façon. Il
y a des modalités pour poursuivre ou pour cesser l'indemnité de
remplacement du revenu qui peuvent être différentes, mais le
principe est le même. Il y a pendant un certain temps une
indemnité de remplacement du revenu. On calcule, dans le projet actuel,
un montant forfaitaire qui est calculé pour dommages corporels.
J'évalue que le montant forfaitaire pour dommages corporels est
équivalent, en tout cas il vise les mêmes fins que le montant
qu'on versait avant, que ce soit mensuellement ou d'un coup, pour
l'incapacité. Peut-être que les critères de calculs ne sont
pas les mêmes, mais les objectifs poursuivis sont les mêmes.
Pourquoi s'étonner de la réflexion du député de
Viau tantôt? L'objectif du ministre, c'est de dire: On replace le
travailleur dans sa situation, comme il était avant, mais,
au-delà de la situation où il était avant, il y a le
dommage qui demeure et qui peut être permanent. Ce dommage avant, vous
l'évaluiez ou vous le remboursiez ou vous le compensiez par une rente
viagère; maintenant, vous proposez un forfaitaire. Il me semble normal
de mettre cela en balance et de dire lequel des deux est le plus avantageux
pour le travailleur. Dans bien des cas, on pourrait en arriver à la
conclusion que le dommage corporel et que l'incapacité étaient
mieux reconnus dans la loi actuelle que dans le projet de loi qui est devant
nous.
Je ne sais pas si je me fais bien comprendre du ministre. Tantôt,
il nous a dit: Est-ce que vous voudriez qu'un travailleur qui a eu un accident
reçoive plus après son accident qu'avant? On veut juste que
l'incapacité, que le tort qui lui a été causé
physiquement, cela lui soit reconnu d'une façon ou de l'autre. Vous
parlez d'un forfaitaire, bon! Appelons cela un forfaitaire, mais qu'il soit au
moins équivalent à ce qu'on lui reconnaissait comme compensation
pour l'incapacité de travail qu'il avait avant. (17 h 15)
On peut bien s'engueuler sur les termes, sur les mots, mais je pense que
la rente viagère poursuivait les mêmes fins ou reconnaissait les
mêmes effets de l'accident du travail ou de la maladie professionnelle
que le montant forfaitaire, sauf qu'on ne le calcule pas de la même
façon. Les critères sont différents et les montants sont
différents aussi, mais le principe d'être compensé pour des
torts permanents qui nous sont causés, qu'ils soient de l'ordre de 10%
ou de 100%, il me semble qu'on reconnaît cela partout ailleurs dans la
société. Pourquoi ne le reconnaîtrait-on pas pour un
travailleur victime d'un accident du travail?
La Présidente (Mme Juneau): M. le
ministre.
M. Fréchette: Je pense bien saisir l'argumentation du
député de Sainte-Marie, Mme la Présidente. Je n'aurais pas
d'objection non plus à simuler des cas pour illustrer l'argumentation
qu'il développe. De plus, je vous dirai qu'à certains
égards je partage son analyse. Quand il nous dit, par exemple, qu'il
peut arriver que la rente viagère qui existe actuellement soit plus
avantageuse que le mécanisme qu'on retrouve dans la loi 42, je lui
dirai: Oui, c'est exact dans les cas légers d'accidents du travail. Le
cas, par exemple, du travailleur...
M. Bisaillon: Un instant! On peut convenir que c'est dans les cas
légers et que cela pourrait être aussi dans les cas dont parlait
le député de Viau, c'est-à-dire ceux qui reçoivent
le salaire minimum.
M. Fréchette: Si on veut avoir l'exemple qui s'en vient...
Je vais convenir sans aucune discussion ni réserve avec le
député de Sainte-Marie que, dans les cas légers, le
phénomène qu'il nous explique avec force détails est sans
doute vrai. Dans le cas, par exemple, du travailleur qui subit un
déficit anatomophysiologique de 5%, mais qui peut retourner au
même emploi, au même salaire et aux mêmes conditions de
travail, il est évident que, pour lui, le fait de ne pas recevoir cette
rente viagère et de remplacer le déficit anatomophysiologique par
un montant forfaitaire, cela peut, en termes absolus de piastres, être
moins élevé.
Si, par ailleurs, vous transférez le processus ou l'analyse dans
les cas plus lourds, cela n'est plus vrai. Les cas plus lourds, me semble-t-il,
dans le mécanisme de la loi 42, sont davantage
"dédommagés" -entre guillemets - qu'ils ne le sont actuellement
et qu'ils ne le seraient s'il fallait retenir le système actuel.
M. Bisaillon: Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Juneau): M. le député de
Sainte-Marie.
M. Bisaillon: II est fort possible que, dans les cas les plus
lourds, l'incapacité soit totale et permanente. Donc," possiblement -pas
possiblement, de façon certaine - le mécanisme actuel est
meilleur, mais ce n'est pas la majorité des cas qui sont traités
au niveau de la CSST. L'autre argument, c'est le suivant: le travailleur qui a
eu un accident, même s'il retrouve son emploi deux ou trois mois
après, son incapacité, elle, il la véhicule avec lui, il
la transporte avec lui, il la subit toute sa vie durant...
M. Fréchette: C'est pour cela que le forfaitaire est
là.
M. Bisaillon: ...et elle lui cause des préjudices...
M. Fréchette: Hé oui!
M. Bisaillon: ...qui dépassent le milieu de travail. J'ai
l'impression qu'on traite trop la question uniquement en fonction du milieu de
travail, mais le préjudice causé aux individus à
l'extérieur de leur travail aussi-Si j'ai un oeil affaibli ou atteint,
cela va affecter aussi mon comportement dans mon milieu familial, dans mes
activités sociales et c'est le milieu de travail qui en est responsable.
Sauf qu'on dit que, parce qu'il a retrouvé son emploi, oublions donc
qu'il a une incapacité de 5%. Je force la note quand je dis: oublions
donc, mais on voudrait quand même atténuer cette incapacité
qui, elle, va demeurer de façon permanente. On l'atténue dans le
projet de loi actuel par rapport à l'application qu'on en faisait dans
le passé. Je trouve que c'est un élément sur lequel il
faudrait revenir. C'est peut-être un peu dans ce sens que je vous
demandais pourquoi vous n'évalueriez pas la possibilité de doser
cela en fonction des individus.
M. Fréchette: Mme la Présidente, ai-je besoin de
vous réitérer que je suis tout à fait d'accord avec
l'analyse qu'est en train de faire le député de Sainte-Marie,
mais je vais aussi lui rappeler ce que je disais cet après-midi quand on
parlait de la possibilité d'indemniser dans une proportion de 100% du
revenu brut. Je lui dirai qu'il y a, à un moment donné, un
arbitrage à faire et des décisions à prendre quant aux
objectifs qui sont à atteindre.
Notre évaluation et notre conclusion ont été qu'il
y avait deux situations particulières sur lesquelles il fallait porter
une attention toute spéciale. D'aboid, les cas lourds; je ne reviendrai
pas là-dessus, sauf peut-être pour dire qu'on va tous convenir,
sans doute, que le travailleur qui est affecté d'une incapacité
totale permanente, avec le mécanisme prévu dans la loi 42, se
retrouve, économiquement, en tout cas, dans une meilleure situation que
celle qui prévaut dans la loi actuelle.
Deuxièmement, il ne faudrait pas oublier dans le cadre de notre
discussion, Mme la Présidente, un des éléments que je
soulevais dans mes remarques préliminaires ce matin. C'est le
mécanisme de l'indemnité de remplacement de revenu pour le
travailleur qui revient dans un emploi autre que le sien et qui commande un
salaire moindre. Je vous réitère qu'actuellement, en vertu des
programmes de stabilisation économique, cela se fait à la
Commission de la santé et de la sécurité du travail. Quand
j'ai mon accident, 25 000 $; je reviens à 15 000 $. Je continue de
gagner 25 000 $ quand même et cela continuera d'être
indexé. Actuellement, ce n'est pas indexé, mais dans la
loi 42 il est prévu que ce serait indexé.
Le jour où les tribunaux diraient à la CSST: Oui, cela
part d'un bon naturel, sans doute. Vous avez voulu parer à des
situations absolument désespérées, mais malheureusement
votre loi ne vous permettait pas de faire cela. Je vous signale ce que j'en
sais. Ce n'est évidemment pas moi qui rendrai jugement, mais on me dit
que la position de la commission, devant les tribunaux, est
particulièrement fragile à cet égard. Cela voudrait dire
que, si jamais le recours exercé par les employeurs était
maintenu et qu'il n'y a pas de modification dans la loi actuelle, le
travailleur qui gagnait 25 000 $ et qui retourne à 15 000 $, il va
continuer de gagner 15 000 $ plus sa petite rente viagère.
M. Bisaillon: Deux derniers commentaires très rapides, Mme
la Présidente.
La Présidente (Mme Juneau): M. le député de
Sainte-Marie.
M. Bisaillon: Merci. Le ministre vient de revenir sur la question
du programme existant déjà à la CSST qui est actuellement
devant les tribunaux. Ce que je veux lui souligner, c'est que ce n'est
peut-être pas dans la loi actuelle, mais c'est dans l'acquis actuel pour
les personnes. C'est une réglementation de la CSST. Ce n'est pas parce
qu'elle est contestée par les tribunaux que la CSST est obligée
de dire qu'elle ne le fait pas. Elle le fait. Elle le fait actuellement et il
n'y a personne qui lui a tordu le bras, probablement. Pour une fois qu'elle
avait fait un bon geste, il ne faudrait pas qu'elle le renie. Ils l'ont fait,
c'est là, sauf que dans vos exemples ce n'est pas calculé. C'est
calculé pour actuellement, c'est calculé dans le projet, mais ce
n'est pas calculé comme se payant actuellement et là la
différence pourrait être fort différente de ce qui nous
était présenté. Comprenez-vous ce que je veux dire, M. le
ministre? Dans les exemples que vous nous avez fournis, vous nous avez dit:
Dans la loi actuelle, c'est 90% du salaire non indexé et vous avez
arrêté là, mais en plus il y avait la différence
quand le salaire était diminué et vous ne l'avez pas
calculée dans vos exemples.
La Présidente (Mme Juneau): M. le ministre.
M. Fréchette: On n'allait pas le calculer, Mme la
Présidente, parce que notre opinion, c'est qu'en vertu des dispositions
actuelles de la loi, ce n'est pas pré.vu dans la loi.
M. Bisaillon: La réglementation provient de la loi.
M. Fréchette: Ce n'est pas une raison, cependant...
M. Bisaillon: C'était de la grandeur d'âme.
M. Fréchette: ...pour faire en sorte qu'arrive la
situation dont parle le député de Sainte-Marie,
c'est-à-dire que la Commission de la santé et de la
sécurité du travail arrête demain matin d'appliquer ce
programme de stabilité économique. La précaution que l'on
prend, c'est d'inscrire dans la loi 42 des dispositions pour faire en sorte
que, malgré tout éventuel jugement de n'importe quel tribunal,
cette situation soit maintenant tout à fait claire, véridique,
juridique et légale.
M. Bisaillon: Avant de passer à mon dernier commentaire,
je voudrais juste terminer sur cette question. Si c'est là actuellement,
le programme de stabilisation économique qu'on appelle...
M. Fréchette: Oui.
M. Bisaillon: ...est-ce que cela vient d'un règlement fait
par la CSST?
M. Fréchette: Non, cela ne procède pas d'un
règlement, Mme la Présidente. Vous savez, la CSST peut avoir de
temps en temps des élans d'équité et de justice naturelle,
malgré tout ce qu'on en dit. Cela procède d'une situation ou de
situations constatées par la CSST qui l'ont amenée à la
conclusion que dans l'état actuel des choses, avec les dispositions que
contient l'actuelle Loi sur les accidents du travail, il y a des travailleurs
qui, malgré une situation qu'ils n'ont jamais souhaitée, se
retrouvent dans une condition telle qu'ils ne pourront même pas faire
face au strict minimum nécessaire pour vivre. Par une directive
administrative, de façon tout à fait discrétionnaire -
pour une fois que la discrétion a été utilisée dans
le bon sens - la commission en est venue à la conclusion qu'il fallait,
dans ces cas-là, considérer que c'étaient des situations
spéciales et, alors, retenir le mécanisme dont on parle. C'est ce
mécanisme-là, encore une fois, qui s'applique dans certains cas
déterminés par stricte discrétion et qui est,
malheureusement, actuellement contesté devant les tribunaux.
Je vous dirai essentiellement que l'on retrouve cette directive
administrative à l'intérieur d'un programme de
réadaptation. C'est à partir d'un programme de
réadaptation, qui n'a aucune assise juridique autre que la directive
administrative, que le programme de stabilité économique a
été
incorporé dans les politiques de la commission.
M. Bisaillon: Dernier commentaire, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Juneau): M. le député de
Sainte-Marie.
M. Bisaillon: Cela concerne une réflexion que le ministre
a faite sur les coûts impliqués, à mesure que... On parlait
de 100%. Il disait que cela représentait 80 000 000 $. Il semblait dire
que je me fichais éperdument des coûts, ce n'est pas vrai. Ce
n'est pas vrai, je ne me fiche pas des coûts qui sont engendrés
par des mesures que l'on pourrait mettre sur pied. Cela me fait moins pleurer
que d'autres, peut-être...
M. Fréchette: Je me suis mal exprimé.
M. Bisaillon: ...mais j'en tiens compte. La seule chose que je
veux souligner au ministre, c'est qu'il nous a comparé, tantôt,
les pourcentages qui étaient payés dans les autres provinces
canadiennes pour démontrer que les 90% qu'on paie au Québec,
c'est ce qu'il y a de plus élevé au Canada. Il nous a
comparé cela avec l'Ontario, entre autres, qui était à
75%, si je me souviens bien.
M. Fréchette: Oui, 75%.
M. Bisaillon: Donc, 75% en Ontario. Or, les primes payées
par les employeurs, en Ontario, sont supérieures à ce qui est
versé ici, au Québec. Je veux bien qu'on parle des coûts,
mais déjà les primes payées par les employeurs ont
été réduites dans les années passées. On se
prépare à les réduire encore . et, tant et aussi longtemps
qu'on pourra le faire, je trouve qu'il faut le faire. Je ne vois pas pourquoi
on irait chercher de l'argent dont on n'a pas besoin, mais il me semble que,
s'il y a des avantages nécessaires pour réparer des torts qui ont
été faits à des travailleurs, on ne doit pas
lésiner non plus là-dessus, à même les sommes
d'argent qui sont déjà là, compte tenu du fait qu'on est
déjà en bas de tout ce qui se paie par les employeurs à
l'extérieur.
Alors, je pense que c'est un argument dont il faut tenir compte. Il ne
faut pas nous épouvanter constamment avec les coûts
engendrés par les mesures. Les sommes dans les réserves de la
CSST sont imposantes, les primes continuent à baisser pour les
employeurs et il y a d'autres moyens qu'on pourrait prendre pour continuer
à les faire baisser. Les moyens que l'on peut prendre pour continuer
à les faire baisser, ce n'est pas nécessairement de diminuer les
droits des travailleurs, ni ce qu'on va leur donner. Cela pourrait être,
entre autres choses, d'intensifier la prévention et de faire diminuer
les accidents du travail. Moins il va y avoir d'accidents du travail, moins
cela va coûter cher. Cela est la logique et c'est exactement ce qu'on
s'est dit quand on a fait la Loi sur la santé et la
sécurité du travail.
La Présidente (Mme Juneau): M. le ministre.
M. Fréchette: Mme la Présidente, je suis heureux
que le député de Sainte-Marie soulève cette question du
taux de cotisation. Cela va nous permettre de communiquer un certain nombre de
renseignements qui peuvent être fort utiles dans la discussion.
C'est vrai que l'Ontario est actuellement à un taux moyen de 2,16
$ et les dernières nouvelles, ce serait que, avec le prochain budget,
cela pourrait rejoindre 2,25 $, 2,30 $, comme taux moyen les 100 $. Pourquoi?
Uniquement et strictement parce que l'Ontario doit assumer le coût d'une
dette de 4 900 000 000 $. Pourquoi y a-t-il là une dette de 4 900 000
000 $? Je n'en possède pas les détails, mais la
vérité brutale, c'est que cette commission de la santé et
de la sécurité du travail en Ontario fait face, actuellement,
à ce déficit assez extraordinaire de 4 900 000 000 $. Pourquoi?
Parce qu'elle n'a jamais pris la précaution de capitaliser son fonds
actuariel. Elle a procédé en vertu de la formule "pay as you go"
et, quand il n'y en aura plus, il y en aura encore, avec le résultat
qu'on est maintenant, en Ontario, à ce déficit de 4 900 000 000
$. (17 h 30)
Laissez-moi terminer, si vous le permettez. Pourquoi, maintenant - non,
je vous voyais avancer, vous aviez l'air de...
M. Bisaillon: Je m'avance, M. le ministre.
M. Fréchette: Pourquoi, maintenant, au Québec,
sommes-nous à 1,89 $ les 100 $ assurables et allons-nous être
à 1,88 $ le premier janvier prochain? Pour quelques motifs que vous
allez me permettre de vous soumettre. D'abord, en 1974 ou 1975, le gouvernement
du temps, pour des motifs que je n'ai pas à évaluer, du jour au
lendemain, décrétait que, dorénavant, toutes les
indemnités prévues en vertu des lois de réparation en
santé et sécurité allaient être indexées.
Cette décision gouvernementale du temps faisait en sorte que, du jour au
lendemain, encore une fois, la Commission de la santé et de la
sécurité du travail se retrouvait avec une dette qu'elle n'avait
jamais envisagée, qu'elle n'avait pas prévue de 300 000 000 $. Du
jour au lendemain. Il fallait, de toute évidence, prendre les
dispositions nécessaires pour rencontrer les
exigences de cette dette, le service de la dette, tout ce qui entoure
les obligations face à une situation de cette nature tout à fait
imprévue. C'est en fonction de cela que le taux était,
jusqu'à l'année dernière, de 2,16 $.
Qu'est-il arrivé à propos de la dette de 300 000 000 $? Le
conseil d'administration de la CSST a décidé de la geler pour le
moment. Elle est inscrite dans les livres, mais il n'y a pas de paiements qui
se font sur cette dette pour précisément atteindre l'objectif de
diminuer le taux de cotisation. Premier aspect.
Deuxièmement, le conseil d'administration de la CSST aaussi pris la décision de ne pas faire assumer par les employeurs
actuels le coût total des politiques de prévention. Le
raisonnement derrière cela est de dire: les politiques de
prévention que l'on met sur pied actuellement dans les comités de
santé et de sécurité à travers les entreprises vont
servir aux employeurs du futur aussi et il n'est pas à nous seulement,
employeurs actuels, d'assumer intégralement et totalement tous les
coûts de la prévention. Au lieu d'imposer une cotisation à
partir de l'évaluation de 100% des coûts de la prévention,
la décision a été prise de ne charger que 90% des
coûts réels de la prévention, à partir de ce
raisonnement dont je parlais que les employeurs futurs doivent aussi contribuer
au coût de la prévention.
Troisièmement, Mme la Présidente, pourquoi sommes-nous
capables, au Québec, d'avoir ce taux de cotisation à 1,89 $?
Parce qu'il y a un fonds actuariel capitalisé équivalant à
peu près à 70% des obligations de la commission, de sorte que,
toute chose étant normale, à moins qu'une catastrophe absolument
inattendue ne se produise, nous n'allons jamais nous retrouver dans cette
situation de l'Ontario, avec une dette qui approche les 5 000 000 000 $. Nous
sommes actuellement équipés, économiquement parlant, pour
faire face à toutes les actuelles obligations de la Commission de la
santé et de la sécurité du travail. Cela m'apparaît
une prudence tout à fait de bon aloi qui, en même temps, permet de
ne pas indûment augmenter les taux de cotisation.
M. Bisaillon: Mme la Présidente, quand je me regarde, je
me désole, quand je me compare, je me console, disait le ministre
tantôt. Malgré toutes ces belles explications qu'il vient de me
donner, fort pertinentes, très intéressantes, le fait demeure, et
pour une fois on peut le dire: les employeurs ici sont moins
pénalisés que les employeurs en Ontario. Peut-on le dire? Est-ce
vrai de dire cela? Les employeurs paient plus cher en Ontario qu'au
Québec. Est-ce vrai cela, M. le ministre? C'est vrai? Bravo pour la
CSST! On l'a assez critiquée la CSST. Bravo pour la CSST du
Québec! Malheureusement, cela n'est pas le cas en Ontario. On va les
plaindre. Le fait demeure qu'ici les employeurs paient mois cher que les
employeurs d'Ontario et qu'ils ont un fonds de réserve - vous nous
l'avez dit tantôt -qui nous permet d'envisager toutes les
éventualités qui vont se présenter dans l'avenir. À
partir de cela, ne nous laissons pas arrêter par des broutilles de 20 000
000 $ ou 25 000 000 $ quand des droits de travailleurs sont concernés et
quand on peut suppléer et améliorer un projet de loi. C'est tout
ce que j'ai voulu dire. De tiens compte des coûts, mais cela ne me fait
pas pleurer quand je me rends compte que les employeurs d'ici paient moins cher
qu'en Ontario. Pour une fois que c'est le cas et qu'on peut continuer, à
part cela, à baisser leurs cotisations, tant mieux si on peut le faire!
Mais pas au prix d'empêcher les travailleurs d'avoir le maximum qu'on
peut leur donner.
La Présidente (Mme Juneau): Je veux juste vous signaler
qu'il est 17 h 36 è peu près, que M. Bisaillon a utilisé
tout près de 25 minutes, M. Grégoire, 24 minutes, et M. Cusano
n'a que 18 minutes; il a demandé la parole depuis un bon bout de
temps.
M. Bisaillon: Je m'excuse.
La Présidente (Mme Juneau): Je pense que ce serait
peut-être important de le laisser...
M. Cusano: Je n'ai pas...
M. Bisaillon: Vous ne vous êtes pas plaint?
M. Cusano: Non, non. M. Bisaillon: Bon!
M. Cusano: Non, non, je n'ai rien dit, Mme la Présidente.
Je vous ai indiqué que j'avais l'intention de reprendre la parole.
La Présidente (Mme Juneau): Étant donné que
vous étiez le porte-parole.
M. Cusano: Mais, si le député de Sainte-Marie me
permettait de poser une question au ministre - parce qu'il ne vous a pas
répondu - sur...
Une voix: J'en aurais une courte, après.
La Présidente (Mme Juneau): Tout de suite
après.
M. Cusano: Vous avez fait une affirmation et le ministre n'a pas
répondu. C'est qu'il est vrai, au Québec, que le taux
de cotisation est de 1,89 $ et je prends sa parole quand il dit qu'en
Ontario le taux est de 2,25 $.
M. Fréchette: De 2,16 $.
M. Cusano: De 2,16 $, bon. Mais la question que je voudrais poser
au ministre, c'est, en termes très pratiques... Parce que, lorsque l'on
parle de taux de cotisation, cela me fait penser un peu au compte de taxes que
je reçois chez moi. Vous savez, chaque fois que la ville où
j'habite prépare son budget, elle annonce toujours des réductions
de taux de taxation. Pourtant, quand je reçois mon compte, je paie plus
que l'année antérieure.
La question que je veux poser au ministre: L'employeur de l'année
dernière par rapport à l'employeur de cette année, toutes
les conditions semblables, même nombre d'employés et ainsi de
suite, est-ce que par le fait que, l'année dernière, il payait
2,05 $, je crois, si je ne me trompe pas...
M. Fréchette: 2,16 $. M. Cusano: Deux et? Une
voix: 1,89 $.
M. Cusano: L'année précédente, d'abord; on
va faire la comparaison avec une autre année, parce que c'était
plus élevé que 1,89 $, à un certain moment.
M. Fréchette: 2,05 $.
M. Cusano: 2,05 $, bon. Si l'on pouvait réellement
comparer des oranges avec des oranges et des pommes avec des pommes... Est-ce
que c'est possible de le faire?
Une voix: Cela devrait!
M. Cusano: Oui, je pense que oui. Ce que je voudrais savoir,
c'est si l'employeur, en réalité, ses contributions ont
diminué lorsque le taux de cotisation a diminué.
M. Fréchette: Là, Mme la Présidente, vous me
voyez tout embarrassé par cette question.
M. Cusano: Oui.
M. Fréchette: Quand vous avez un taux de cotisation de
2,05 $, et c'est pour couvrir le risque assumé par la loi, cela se
réfère à la prévention, au comité de la
santé et de la sécurité, à la réadaptation,
vous avez un taux qui est fixé pour assumer un certain nombre de
risques; ce taux était à 2,05 $ les 100 $ l'année
dernière et il est maintenant à 1,89 $. Ce ne sont pas des choses
qui s'étirent d'un côté ou de l'autre, ou par en haut ou
par en bas. Ce sont des chiffres absolus. Votre prime d'assurance, si vous me
permettez l'expression, coûtait 2,05 $ les 100 $ l'année
passée et là, elle coûte 1,89 $ pour la même
protection.
M. Cusano: Oui.
M. Fréchette: Alors, je ne suis pas capable de voir le
sens de la question du député de Viau: Est-ce que cela
coûte plus?
M. Cusano: Je vais préciser...
La Présidente (Mme Juneau): M. le député de
Viau.
M. Cusano: ...Mme la Présidente...
Une voix: II faudrait voir si c'est pour la même
protection.
M. Fréchette: Ah bien, cela, on peut discuter
là-dessus, oui.
M. Cusano: Non, mais considérant que tout est égal,
M. le député de Sainte-Marie, est-ce que la masse salariale
assurable a changé depuis?
M. Fréchette: Oui.
M. Cusano: Et l'augmentation... Alors, laissez-moi
préciser pour que le ministre réponde bien à ma question
et non pas à une autre question. Est-ce que la masse salariale a
augmenté selon l'indice du coût de la vie?
M. Fréchette: Mme la Présidente, la masse
salariale...
La Présidente (Mme Juneau): M. le ministre.
M. Fréchette: ...a augmenté en Ontario, la masse
salariale a augmenté au Québec et la masse salariale a
augmenté partout.
M. Cusano: Oui. Est-ce que le ministre me permettrait une
question? Je m'excuse de vous interrompre, mais la masse salariale assurable au
Québec, c'est 33 000 $. Est-ce bien cela?
M. Fréchette: Actuellement, le maximum assurable est de 33
000 $ au Québec...
M. Cusano: Le rnaximun... En Ontario. M. Fréchette:
31 000 $, je m'excuse.
M. Cusano: 31 000 $, mais je crois...! me semble avoir vu un
amendement où cela est amené à 33 000 $.
M. Fréchette: L'an prochain, cela sera 33 000 $ si la loi
est adoptée dans sa...
M. Cusano: Si la loi est adoptée, on passe à 33 000
$. De combien est la masse salariale en Ontario, la masse assurable?
M. Fréchette: Le maximum assurable? Attendez un petit peu,
je vais vous trouver cela.
Alors, on peut même déborder de l'Ontario. Cela peut
être utile de connaître les situations des autres provinces.
M. Cusano: Certainement. M. Fréchette: En
1984...
M. Cusano: Oui, parce qu'il y a eu un virage
fédéraliste.
M. Fréchette: En 1984, en Colombie britannique, le maximum
était de 30 200 $; en Alberta de 40 000 $, 33 000 $ en Saskatchewan, 28
000 $ au Manitoba, 26 800 $ en Ontario, 31 500 $ au Québec et, au
Québec, c'est toujours, et de façon automatique, 150% du salaire
moyen; 27 500 $ au Nouveau-Brunswick, 17 000 $ à
l'Île-du-Prince-Édouard, 19 000 $ en Nouvelle-Écosse, 45
500 $ à Terre-Neuve et au Labrador, et 27 000 $ au Yukon.
M. Cusano: Si je comprends bien, M. le ministre, on va essayer de
simplifier la chose.
Prenez un employeur avec 100 employés dont, dans le temps, le
taux de cotisation était de 2,05 $, si on prend ce même employeur
aujourd'hui, avec un taux de cotisation de 1,89 $, est-ce qu'il paie plus ou
moins en chiffres absolus? En d'autres mots, son chèque qu'il doit
envoyer à la CSST est de combien? A-t-il augmenté de façon
proportionnelle aux salaires ou est-ce qu'il y a eu une diminution? Parce qu'en
réalité, si le taux baisse, il devrait avoir une diminution aussi
dans le montant final qu'il envoie a la CSST.
M. Fréchette: Alors, Mme la Présidente, sous une
autre forme, je vais donner la même réponse au
député de Viau.
Les chiffres absolus sont suffisamment éloquents, il me semble,
pour arriver à la conclusion que les coûts pour les employeurs ont
diminué au Québec. C'est évident que, lorsque la masse
salariale augmente en Ontario, elle augmente aussi au Québec. Les
proportions peuvent varier suivant l'état de l'économie de l'une
ou l'autre des deux provinces, mais cela augmente de la même façon
dans certains cas, et cela peut être différent.
Prenons le cas où les masses salariales augmentent en Ontario et
au Québec dans une même proportion et retenons, par exemple, un
chiffre de 5% d'augmentation. Le phénomème qui va se produire
à cause des circonstances, des événements et des faits
dont j'ai parlé tout à l'heure, ces 300 000 000 $ de dettes qui
sont gelés, le fait que le coût de la prévention n'est pas
tellement assumé, le fait que le fonds actuariel est suffisamment
capitalisé pour faire face aux obligations, alors qu'en Ontario c'est
tout à fait le contraire qui se produit, le phénomème sur
lequel on va déboucher, c'est qu'en Ontario cela va augmenter la
cotisation et qu'ici cela va la diminuer, même si la masse salariale
augmente.
M. Cusano: Laissons faire pour un instant...
La Présidente (Mme Juneau): Le député de
Viau.
(17 h 45)
M. Cusano: ...la question... Peut-être qu'on ne se comprend
pas. Je vais essayer de le mettre dans des mots très simples. Je vous ai
posé la question, à savoir si on prenait un employeur avec 50
employés durant la période où la cotisation était
de 2,05 $. On prend le même employeur avec les mêmes
employés et maintenant que c'est 1,89 $, est-ce que le chèque
qu'il doit envoyer à la CSST a augmenté? De quelle proportion
a-t-il augmenté vis-à-vis des augmentations salariales? Est-ce
que la proportion est la même?
Un autre mot, M. le ministre. S'il y a eu une augmentation de 10% de
salaire, est-ce que le montant qui est envoyé à la CSST
correspond à 10% par rapport à l'année
précédente ou est-il supérieur à 10%? C'est cela ma
question précise.
La Présidente (Mme Juneau): M. le ministre.
M. Fréchette: Mme la Présidente, je voudrais
simplement vous signaler qu'il ne faut pas perdre de vue le système de
mérite et de démérite qu'on a dans nos lois. Lorsque la
masse salariale augmente, il va arriver qu'à partir des
mécanismes qui sont utilisés pour fixer un taux de cotisation
moyen, il va arriver que l'employeur qui a, entre guillemets, un bon dossier,
chez qui les accidents n'ont pas été nombreux - ou il n'y en a
pas eu du tout, ou alors cela a été des accidents qui n'ont pas
occasionné trop de dommages - celui-là, en chiffres absolus, va
payer moins - on va en convenir - à un taux moyen de 1,89 $ par rapport
à un taux moyen de 2,05 $.
L'employeur, par ailleurs, chez qui on dénombrerait plusieurs
accidents, et des accidents sérieux, il peut arriver, il n'est pas
à exclure que pour lui le taux de cotisation
ait augmenté.
M. Cusano: En cela, M. le ministre, je suis complètement
d'accord. Je suis au courant du système de mérite et de
démérite. Ce n'est pas cela qu'était ma question.
M. Fréchette: Dans l'ensemble, il paie moins.
M. Cusano: Dans l'ensemble, il paie moins.
M. Fréchette: C'est bien clair. M. Cusano: C'est bien.
La Présidente (Mme Juneau): Est-ce que les interventions
sont terminées sur le chapitre? M. le député de
Frontenac.
M. Grégoire: Oui, j'aurais juste une question
d'information. Je ne sais pas si les journaux l'ont bien rapports, mais la Cour
supérieure et la Cour d'appel se seraient prononcées sur la
manière...
M. Fréchette: Sur l'assurance automobile.
M. Grégoire: ...sur l'assurance automobile, la
manière de constater les dommages personnels, la perte de...
M. Fréchette: La façon de liquider les
dommages.
M. Grégoire: ...jouissance ou...
M. Fréchette: Jouissance de la vie, préjudice
esthétique, degré d'incapacité.
M. Grégoire: C'est cela. Je m'aperçois que dans vos
indemnisations, ici, après avoir écouté tout cela, vous
suivez un peu le même modus operandi que...
M. Fréchette: Pas du tout.
M. Grégoire: ...la Régie de l'assurance automobile.
Est-ce que ces jugements peuvent avoir des effets sur.... C'est ce que je
voulais vous demander. Est-ce que ces jugements peuvent avoir des effets sur la
loi 42, étant donné que la Régie de l'assurance automobile
a décidé de s'adapter un peu à ces jugements?
La Présidente (Mme Juneau); M. le ministre.
M. Fréchette: Mme la Présidente, je suis
très au fait de ce jugement dont parle le député de
Frontenac. Effectivement, c'est un jugement qui a été rendu
à la Cour supérieure du district de Saint-François par M.
le juge Fortin, probablement un jugement récent, juste avant de prendre
sa retraite. Ce jugement du juge Fortin a été confirmé par
la Cour d'appel à l'unanimité, je pense, et la Cour d'appel a
indiqué à la Régie de l'assurance automobile que les
critères qu'elle utilisait pour arriver à déterminer le
montant des dommages auquel peut avoir droit un accidenté
n'étaient pas correctement déterminés.
Avant même que ce jugement ne soit rendu par la Cour
supérieure, confirmé par la Cour d'appel, nous avions, quant
à nous, pris les dispositions nécessaires pour répondre
aux exigences contenues dans le jugement du juge Fortin et dans le jugement de
la Cour d'appel.
Nous avons une tête de chapitre qui s'appelle: dommages corporels,
et cette tête de chapitre est divisée en trois colonnes, l'une se
référant au déficit anatomophysiologique, l'autre se
référant au préjudice esthétique et la
troisième colonne se référant à la perte de
jouissance de la vie. C'est très précisément ce que la
cour a indiqué à la régie en termes d'obligations, de
mécanisme ou de processus à retenir pour arriver à
évaluer globalement le dommage corporel dont peut être atteint un
accidenté du travail. Le mécanisme que l'on retient satisfait aux
exigences de ces deux jugements de la Cour supérieure et de la Cour
d'appel.
La Présidente (Mme Juneau): Cela va, M. le
député? Oui, M. le député.
M. Perron: Une question très brève se rapportant
aux tableaux qui nous furent déposés et expliqués cet
après-midi par le ministre du Travail. Dans tous les exemples qui furent
donnés, on mentionne à un moment donné le forfaitaire.
Est-ce que le ministre pourrait expliquer de quelle façon on a
établi les montants forfaitaires, selon les exemples qui ont
été donnés?
M. Fréchette: Mme la Présidente, pour
répondre à la question du député de Duplessis, je
lui dirai essentiellement ceci, au risque de me répéter un peu:
il faut donc retenir que la tête de chapitre, c'est "dommages corporels".
À partir de cela, il faut tenir compte de son âge, du salaire que
gagnait l'accidenté - oublions le salaire, son âge - et les trois
autres phénomènes dont je viens de parler, c'est-à-dire
son degré d'incapacité, ce qu'on est convenu d'appeler le DAP, le
déficit anatomophysiologique, le préjudice esthétique que
lui occasionne l'accident et, finalement, la perte de jouissance de la vie.
Cela fait trois colonnes et, à l'intérieur de chacune de ces
colonnes, on va mettre un chiffre et de ces trois chiffres va sortir un chiffre
unique qui va
être le barème à partir duquel le montant
forfaitaire va être déterminé.
La Présidente (Mme Juneau): Cela va-t-il? Les discussions
sont-elles terminées sur ce chapitre? Étant donné l'heure,
souhaiteriez-vous entreprendre l'article 41 ou attendre après la
suspension qui sera à 20 heures? M. le député de Viau.
M. Cusano: Je n'ai qu'une question sur la demande que j'avais
formulée. Le tableau pour l'employé...
M. Fréchette: On l'a complété. On va vous le
remettre.
M. Cusano: C'est terminé, oui?
M. Fréchette: Oui, cela doit être
complété. Mme la Présidente, je suis tout à fait
disposé à considérer qu'il est 18 heures. Est-ce que nous
tenons pour acquis qu'à notre retour, à 20 heures, nous
entreprenons l'étude article par article...
La Présidente (Mme Juneau): C'est cela.
M. Fréchette: ...suivant l'entente qui avait
été convenue?
La Présidente (Mme Juneau): C'est cela.
M. Cusano: Nous permettrez-vous quelques petites questions sur le
tableau que vous allez nous fournir?
M. Fréchette: Bien, là, allons-y d'ici 18
heures.
M. Cusano: Mme la Présidente, je suis en train de faire
quelques petits calculs sur le tableau, vous me permettez?
La Présidente (Mme Juneau): Cela va, M. le
député?
M. Cusano: ...l'exemple...
La Présidente (Mme Juneau): M. le député de
Viau.
M. Cusano: On voit que la valeur totale des indemnités
selon la loi présente est à 14 501 $ et, dans le projet de loi,
elle est à 8349 $. Alors, il est perdant.
M. Fréchette: En chiffres absolus, il est perdant, c'est
exact, mais il retourne au même emploi. C'est l'exemple que vous nous
avez donné. Vous nous avez demandé de simuler un cas à
partir d'une situation où l'accidenté retourne au travail. Dans
ce cas-ci, exactement comme dans l'exemple 3, en chiffres absolus,
l'indemnité totale va être moindre que dans la loi actuelle. C'est
le seul des six cas qu'on a donnés en exemple.
M. Cusano: Je réalise cela, mais c'est parce que je
reviens toujours à la question de tout à l'heure. C'est que les
chiffres du rapport actuaire indiquent autrement.
M. Fréchette: Dernière observation, Mme la
Présidente. Quand on parle du forfaitaire de 4362 $, c'est
évident qu'on ne tient pas compte du fait que quelqu'un qui est en
mesure de le faire, ou qui est suffisamment prudent pour le faire, peut faire
fructifier ces 4362 $ en les plaçant à un bon taux
d'intérêt.
M. Cusano: Oui, il peut aussi acheter des Loto-Québec et
les faire fructifier de façon énorme.
La Présidente (Mme Juneau): Messieurs, je vous signale
qu'il est 18 heures et que nous suspendons nos travaux jusqu'à 20 heures
et, à 20 heures, nous reprendrons article par article, à
l'article 41.
(Suspension de la séance à 17 h 58)
(Reprise à 20 h 6)
La Présidente (Mme Juneau): Nous avons constaté le
quorum. Je déclare maintenant la séance ouverte et le mandat de
la commission est de procéder à l'étude
détaillée du projet de loi 42, Loi sur les accidents du travail
et les maladies professionnelles.
M. Fortier: Mme la Présidente, une question de
règlement.
La Présidente (Mme Juneau): Oui, M. le
député; j'allais vous donner la parole, M. le
député d'Outremont. J'aurais...
M. Fortier: Cela sera très bref, Mme la Présidente.
C'est qu'on m'a informé qu'un document nécessitait l'approbation
ou l'autorisation du président par intérim, c'est-à-dire
le vice-président de la commission, et, bien sûr, il me fait
plaisir de le déposer pour respecter les règlements de la
Chambre.
La Présidente (Mme Juneau): Merci. C'est le document de la
Commission d'accès à l'information qui a été
déposé avant-hier. Merci, M. le député d'Outremont.
La parole était au député de Viau.
M. Cusano: Excusez-moi, Mme la Présidente, je suis un peu
essoufflé, il a fallu que je coure de mon bureau. Je sais qu'on ne peut
pas soulever de questions de
privilège en commission, mais c'est une question de
règlement et j'ai le droit de soulever une question de règlement.
J'aimerais que le ministre nous donne la formule qu'il a employée pour
en arriver au fameux montant forfaitaire, lorsqu'il a calculé le montant
pour l'individu de 30 ans qui recevait le salaire minimum. Selon mes calculs et
des vérifications que j'ai faites auprès d'autres personnes, je
n'arrive pas tout à fait au même résultat. J'aimerais bien
savoir de la part du ministre comment il arrive à déterminer le
montant forfaitaire, selon la loi actuelle.
M. Fréchette: Mme la Présidente...
M. Cusano: C'est que, si vous me permettez, vous dites "le
montant forfaitaire"... J'aimerais savoir plus précisément, si on
prend l'exemple que vous appelé l'exemple 3a, quel serait le montant
capitalisé de la rente à vie de 15,33 $ pour un individu de 30
ans qui gagnait un salaire de 9200 $ par année.
La Présidente (Mme Juneau): M. le député de
Viau, vous aviez dit: une seule question. C'est la question que vous posez
parce que nous avions convenu avant le souper...
M. Cusano: Oui, je comprends, Mme la Présidente, mais,
suivant la réponse du ministre, cela peut changer plusieurs autres
choses sur ce qui a été dit jusqu'à maintenant sur la
question des indemnités de remplacement de revenu.
M. Fréchette: Mme la Présidente, je n'ai vraiment
pas d'objection à m'engager dans ce processus, mais l'entente que nous
avons prise ce matin et qui a été confirmée à 10
heures, à la suspension de nos travaux, est en train, encore une fois,
malheureusement...
M. Cusano: Une question de règlement, Mme la
Présidente.
M. Fréchette: ...de ne tourner à rien ou à
peu près rien.
M. Cusano: Non, je pense que c'est capital.
M. Fréchette: C'est capital, mais cela déborde
l'entente qu'on a prise.
M. Cusano: Laissons de côté l'exemple 3a. J'avais
demandé au ministre, sur l'exemple 3, si la rente à vie, qui
était calculée à 36,68 $ par semaine, une fois
capitalisée... J'avais avancé le montant de 5850 $. Le ministre
m'a corrigé et m'a dit que c'était 5805 $. Est-ce qu'il maintient
encore ce montant comme étant le montant d'une rente de 36,68 $ par
semaine capitalisée pour un individu de 30 ans gagnant un salaire de 28
000 $?
M. Fréchette: Mme la Présidente, nous avons aussi
à l'occasion du lunch pris le temps de réévaluer
l'ensemble de la situation et les conclusions auxquelles nous en arrivons, qui
ne sont pas précisément celles auxquelles nous en arrivions cet
après-midi, c'est qu'il n'y aurait qu'à l'exemple 6 où la
conversion en capital peut se faire. Dans les autres cas, dans les conditions
actuelles de la loi, la conversion en capital ne peut pas se faire parce que la
rente mensuelle est supérieure à 90 $.
M. Cusano: Mais, dans ce cas-là, est-ce que le ministre
pourrait nous... C'est toujours dans l'esprit de collaboration.
M. Fréchette: Oui, je trouve cela d'un naturel absolument
extraordinaire, c'est effrayant.
M. Maltais: C'est bien, M. le ministre.
M. Cusano: M. le ministre, nous avons vécu beaucoup
d'heures ensemble. Je suis sûr que nous allons en vivre beaucoup d'autres
et je pense que l'esprit de coopération doit régner...
C'est-à-dire que, comme j'avais dit en Chambre, si le ministre est
prêt à amener certains changements à la loi, je pense que
cela peut être assez court. Mais, si on prend justement l'exemple
numéro 6, est-ce qu'on pourrait me dire quel sera le montant que
l'individu pourra recevoir, une fois que la rente à vie de 15,64 $ par
semaine sera capitalisée? Et plus précisément, j'aimerais,
pour faciliter la compréhension pour en arriver à un tel montant,
savoir si le ministre peut nous dire quelle est la formule qui est
employée, la formule mathémathique, "the algebraic equation".
M. Fréchette: Mme la Présidente, je comprends que
malgré l'entente dont tout le monde...
M. Cusano: Mme la Présidente, si le ministre ne
désire pas répondre à mes questions, je n'insisterai pas
plus que cela. Alors, ce n'est pas une question d'essayer de déroger de
l'entente qu'on avait prise, c'est juste une question, cela m'a frappé,
à la suite de l'exemple qu'il nous a donné, l'exemple 3a, qui a
été donné à 19 h 55 précises et que je n'ai
pas eu l'occasion... C'est vrai qu'il y avait eu entente, mais, si le ministre
ne veut pas donner la réponse à cela, on attendra en temps et
lieu parce qu'il y aura certainement d'autres articles qui vont nous donner la
possibilité de lui
poser la même question. C'est juste, je pense, pour pouvoir...
M. Fréchette: Quelle est la question précise?
M. Cusano: Je voudrais savoir quelle formule vous employez pour
en arriver, en prenant l'individu qui est mentionné à l'exemple
numéro 6, lui qui reçoit, selon l'exemple, une rente hebdomadaire
de 15,64 $, j'aimerais savoir, si cette personne décide de capitaliser
cette rente, quelle est la formule qui est employée.
Deuxièmement, qu'on me dise quel est le montant de ce montant
capitalisé.
M. Fréchette: Alors, Mme la Présidente, la formule
qui est utilisée est celle que l'on retrouve à l'annexe E de
l'actuelle Loi sur les accidents du travail, d'une part, et quel est le montant
qui serait converti? Comme cette rente viagère dont on parle est de
68,00 $ par mois, si la conversion se fait en capital, cela donne une rente de
9043 $ à partir du mécanisme de l'annexe E de l'actuelle Loi sur
les accidents du travail.
M. Cusano: 9043 $, c'est bien, mais, si on arrive à
l'exemple 3a, la rente à vie indexée de 15,33 $, qui est un peu
inférieure à 15,64 $, cela ne devrait pas faire une grande
différence, mais peut-être que le vice-président de la CSST
pourrait nous dire exactement quel montant cela ferait. (20 h 15)
M. Fréchette: Prendre 3a et le convertir en capital?
M. Cusano: Oui.
M. Fréchette: Toujours à partir des
mécanismes prévus à l'annexe A de la loi des accidents de
travail, c'est une rente de 66 $ par mois. Quand on fait la conversion en
capital, on arrive au total de 10 514 $.
M. Cusano: C'est 10 514 $? M. Fréchette:
Voilà.
M. Cusano: Versus un montant forfaitaire de 8349 $?
M. Fréchette: Non. 4362 $.
M. Cusano: Cela veut dire que, selon la loi actuelle, je veux
bien qu'on se comprenne, M. le ministre, le même accidenté, s'il
capitalise sa rente actuelle, il va recevoir 10 514 $ et, selon le projet de
loi, il va recevoir 4362 $. C'est bien cela que vous dites?
M. Fréchette: C'est exactement ce que je dis, Mme la
Présidente.
M. Cusano: Merci, M. le ministre.
M. Fréchette: Permettez maintenant, puisque le
député de Viau a ouvert la porte, qu'on y entre. Quand on fait la
conversion d'une rente en capital, il est évident, Mme la
Présidente, qu'on va tenir compte de toute l'expectative de vie. On va
l'évaluer sur un nombre considérable d'années. Si le
député de Viau voulait pousser son raisonnement jusqu'à la
limite, prendre un crayon, un papier, le montant de 4362 $ et faire le calcul
de ce que ce montant signifierait après 20 ans ou 25 ans, en produisant
des intérêts normaux, il va constater qu'on est
considérablement proche du même montant.
M. Cusano: M. le ministre, peut-être que je suis dur de
comprenure, ce n'est pas ma faute. On prend l'exemple 3a. En ce qui regarde
l'indemnité temporaire, dans le projet de loi actuel, elle est de 153,33
$. Dans le nouveau projet de loi, on change de nom, c'est la seule chose qu'on
fait, parce que cela existe déjà l'indemnité totale
temporaire à la CSST. Là, on l'appelle indemnité de
remplacement de revenu. Cela me rappelle lorsque Esso, aux États-Unis, a
changé de nom pour Exxon. Il y a des gens qui disaient: "The name has
changed but it is the same old gas." L'indemnité de remplacement de
revenu est de 153,33 $ par semaine selon le projet de loi. Le travailleur
revient à son emploi et, selon les deux projets de loi, il reçoit
la même chose, excepté que le projet de loi actuel va lui donner
15,33 $ par semaine, s'il capitalise. Quand vous capitalisez, c'est un montant
forfaitaire que vous recevez, non? À ma connaissance, ce ne sont pas des
paiements mensuels. C'est un "lump sum payment". Avec la loi actuelle, il va
recevoir 10 514 $ et, avec le projet de loi qui est proposé, il va
recevoir 4362 $. C'est bien cela?
M. Fréchette: Mme la Présidente, le
député de Viau est en train de faire la démonstration de
ce que je me suis évertué à essayer de faire depuis le
début de nos travaux. C'est que, dans le cas d'un accidenté du
travail qui, après la consolidation et la réadaptation, est en
mesure de reprendre son emploi, comme c'est notre cas ici, il y a
effectivement, en dollars absolus, un montant d'argent moins
élevé que dans la loi actuelle. Il ne fait qu'illustrer ce que je
dis depuis ce matin, Mme la Présidente.
M. Cusano: M. le ministre, considérant tous les programmes
qui existent à la CSST, à toutes fins pratiques, le gars qui est
accidenté présentement va recevoir les
mêmes avantages que par le projet de loi 42. Si on prend la loi
actuelle et avec tous les projets pilotes ou directives - appelez-les comme
vous voulez - il va recevoir la stabilisation - comment appelle-t-on cela - la
stabilisation économique? Cela revient à la même chose.
J'essaie de comparer cela et, à la fin du compte, j'arrive à la
conclusion que, selon le projet de loi actuel, dans le cas de 3a, c'est la
personne qui travaille au salaire minimum. C'est que le projet de loi 42, au
lieu de lui donner un montant forfaitaire, une capitalisation - ce sont des
mots différents, c'est ce que je conclus -mais cela veut dire que le
gars va recevoir un chèque de la CSST. Sous le régime actuel, il
va recevoir 10 514 $, mais le même gars, le même accidenté,
dans les mêmes conditions, sous le projet de loi 42, il va recevoir,
à part ce qui est commun aux deux projets de loi, 4362 $. J'aimerais que
le ministre me dise si j'ai raison ou si j'ai tort.
M. Fréchette: C'est la troisième fois que je dis
oui, Mme la Présidente,
M. Cusano: J'ai posé deux questions. Est-ce que j'ai
raison ou j'ai tort?
M. Fréchette: Vous avez raison. M. Cusano: Merci.
La Présidente (Mme Juneau): Là, est-ce que l'on
peut appeler l'article 41? Je dirais: "The time is passed but it is the same
old gang"'
M. Bisaillon: Voulez-vous répéter cela, Mme la
Présidente, s'il vous plaît?
La Présidente (Mme Juneau): C'est pour revenir à la
même chose que le député de Viau.
Une voix: Oh boy!
Droit à l'indemnité de remplacement du
revenu
La Présidente (Mme Juneau): Est-ce qu'on adopte l'article
41?
Une voix: Adopté.
M. Cusano: Que le ministre nous présente justement...
Est-ce qu'il y a des amendements, Mme la Présidente?
La Présidente (Mme Juneau): Non, pas pour l'article
41.
M. Fréchette: De l'article 41 jusqu'à l'article 47,
il n'y a pas d'amendement.
M. Cusano: Un instant, si je peux organiser mes papiers, vous me
permettez.
La Présidente (Mme Juneau): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: J'aurais une question, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Juneau): Concernant l'article 41?
M. Fortier: Oui.
La Présidente (Mme Juneau): Cela va.
M. Fortier: Le deuxième paragraphe de l'article 41 dit
ceci: "Le travailleur qui n'a plus d'emploi lorsque se manifeste sa
lésion professionnelle a droit à cette indemnité s'il
devient incapable d'exercer l'emploi." Il n'y a aucun laps de temps qui est
mentionné. Certains ont cru que ce n'était peut-être pas
raisonnable et qu'on devrait préciser que la lésion est survenue
dans le cadre d'un emploi qu'il a détenu dans les trois mois
précédant la manifestation de la lésion. J'imagine, s'il
est en chômage, qu'il a pu avoir une lésion pendant qu'il
était inoccupé pendant un certain nombre de mois. On a
précisé, dans des articles, qu'il fallait qu'il s'agisse d'une
lésion qui arrivait alors que la personne était à l'emploi
d'un employeur, tandis qu'ici il y a une présomption; on dit: "Le
travailleur qui n'a plus d'emploi lorsque se manifeste sa lésion
professionnelle a droit à cette indemnité." Il ne semble pas y
avoir de relation de cause à effet entre le moment où il a
été employé et la lésion qui s'est
manifestée par la suite.
M. Fréchette: Mme la Présidente...
La Présidente (Mme Juneau): M. le ministre.
M. Fréchette: ...je voudrais simplement attirer
l'attention du député d'Outremont sur le fait que le
deuxième paragraphe de l'article 41 réfère, de
façon plus spécifique, aux maladies professionnelles plutôt
qu'aux accidents du travail.
Alors, je n'ai pas plus d'expertise qu'il le faut mais, ayant
été élevé dans une ville d'amiante, je suis en
mesure de vous dire que l'amiantose peut se manifester cinq, dix ou quinze ans
après que le travailleur s'est retiré du milieu ambiant. C'est la
même situation dans le cas de l'aggravation ou bien d'un accident du
travail comme tel, ou alors d'une maladie professionnelle. C'est la seule
raison, qui me semble, quant à moi, en tout cas, tout à fait
suffisante, pour laquelle le paragraphe 2 de l'article 41 est là.
M. Fortier: Dans le cas d'une lésion
professionnelle qui dériverait d'une maladie professionnelle, je
serais d'accord.
Maintenant, la définition de la lésion professionnelle est
plus...
M. Fréchette: Ce sera à l'article 2 du projet de
loi lorsqu'on l'aura adopté.
M. Fortier: Oui.
M. Fréchette: La lésion professionnelle comme telle
couvre à la fois l'accident et la maladie professionnelle, couvre les
deux concepts.
M. Fortier: Mais est-ce que le ministre croit, même si on
est d'accord avec la lésion professionnelle qui dériverait
d'une...
M. Fréchette: Maladie.
M. Fortier: ...maladie professionnelle...
M. Fréchette: Oui.
M. Fortier: ...le ministre est d'accord pour dire que la
définition de la lésion professionnelle pourrait sous-entendre un
autre genre de lésion qui serait subséquent à un accident,
donc...
M. Fréchette: Oui, c'est cela, c'est l'aggravation dont on
parle...
M. Fortier: Oui.
M. Fréchette: ...autant de la maladie professionnelle
que...
M. Fortier: Mais je pensais...
M. Fréchette: ...d'un accident de travail.
M. Fortier: ...à l'exemple idiot que j'ai en tête,
c'est le mal de dos. Quelqu'un...
M. Fréchette: Oui.
M. Fortier: ...est en chômage et dit: J'ai un mal de dos,
donc c'est dû au fait que, alors que je travaillais, j'ai
travaillé trop fort. Est-ce que...
M. Fréchette: Évidemment, il n'y a rien qui
exclurait qu'un travailleur qui se retrouverait dans cette situation et qui
prétendrait, à tort ou à raison, que son mal de dos a une
relation avec la nature ou les conditions de travail dans lesquelles il
était essaie de présenter une réclamation à la
Commission de la santé et de la sécurité du travail. Il
devra, évidemment, traverser les étapes, la première
étant d'obtenir une attestation médicale qu'il y a d'abord
traumatisme de quelque nature que ce soit et, deuxièmement, relation de
cause à effet entre le traumatisme dont on parle et le travail que
faisait l'accidenté. S'il peut obtenir cette preuve prima facie, il
pourra, évidemment, enclencher le processus de réclamation et les
instances décisionnelles détermineront, à la fin des
recours, s'il a raison ou s'il a tort.
Cela peut être le genre de situation qui soit couvert par ce
qu'est en train de nous dire le député d'Outremont.
La Présidente (Mme Juneau): Est-ce que vous avez
terminé, M. le député? M. le député de
Viau.
M. Cusano: M. le Président...
La Présidente (Mme Juneau): Madame...
M. Cusano: C'est parce que vous ne portez pas votre rouge comme
l'autre jour.
M. Fréchette: Elle y tient beaucoup. M. Cusano: Mme la
Présidente... Une voix: Cela lui va mieux aussi. M.
Fréchette: Oui.
M. Cusano: Je comprends que par le premier paragraphe la seule
chose qui change de la loi actuelle, c'est simplement l'indemnité de
remplacement du revenu.
Dans la pratique, on sait ce qui se produit présentement
lorsqu'on donne des indemnités pour ce qu'on appelle incapacité
totale temporaire médicale. C'est juste une question d'appellation et on
ne passera pas des heures là-dessus.
Lr deuxième paragraphe, je crois, tel qu'il est écrit,
porte à confusion. Je suis sûr que le député de
Sainte-Marie va probablement intervenir, en ce sens que c'est une loi qui est
faite pour les travailleurs, pas nécessairement pour des avocats ou des
notaires ou d'autres personnes.
Lorsqu'on commence à lire à la première ligne: "Le
travailleur qui n'a plus d'emploi", je présume que dans l'esprit du
ministre il parle justement d'un individu qui n'a plus d'emploi à la
suite d'une maladie professionnelle. "Le travailleur qui n'a plus d'emploi": si
j'étais chômeur présentement, je n'aurais plus d'emploi.
Est-ce que cela veut dire qu'une personne, selon le deuxième paragraphe,
qui est chômeuse pendant trois, quatre, cinq, six, sept, huit, douze
mois, tout à coup, peut dire: Voici - comme le député
d'Outremont l'a mentionné - un mal de dos qui s'est
développé, alors j'aurais le droit à une indemnité
de remplacement du revenu.
La Présidente (Mme Juneau): M. le
ministre.
M. Fréchette: Mme la Présidente, c'est assez
extraordinaire si on n'a pas la même lecture d'un même texte. Le
paragraphe 2 de l'article 41 qui commence par les mots: "Le travailleur qui n'a
plus d'emploi" ne particularise ni ne détermine d'aucune espèce
de façon le ou les motifs pour lesquels il n'a plus d'emploi. Ce peut
être un licenciement, ce peut être un congédiement, ce peut
être une mise à pied, ce peut être une maladie ordinaire, ce
peut être une maladie professionnelle, ce peut être un accident du
travail. Il n'a plus d'emploi et on ne qualifie d'aucune espèce de
façon.
La crainte du député de Viau, que le député
d'Outremont a alimentée un petit peu tout à l'heure, c'est de
dire: Cela serait bien effrayant si après dix mois...
M. Bisaillon: Personnellement j'enlèverais "un petit
peu".
La Présidente (Mme Juneau): Un instant, s'il vous
plaît, M. le député.
M. Fréchette: Cela serait bien effrayant si, après
dix mois, il fallait qu'un travailleur présente une réclamation
à la Commission de la santé et de la sécurité du
travail parce que, même ayant été absent du travail pendant
une période d'une année, il se retrouve avec des malaises, une
maladie ou une aggravation d'un accident, même après douze
mois.
Si c'est cela que le député de Viau est en train d'essayer
de nous démontrer, je vais lui dire très clairement qu'on n'est
pas, évidemment, de la même opinion. Je vous disais tout à
l'heure, à partir de l'exemple de la maladie professionnelle de
l'amiantose, qu'il y a de ces maladies qui ont été
diagnostiquées un an, deux ans, trois ans, quatre ans et cinq ans
après que le travailleur eut quitté l'emploi. C'est ce genre de
situation que le paragraphe 2 de l'article 41 veut viser.
À moins que le député de Viau me dise: Après
trois mois, on devrait tout arrêter cela et, quoi qu'il arrive, trois
mois après avoir laissé l'emploi, on n'ouvre plus aucun dossier.
(20 h 30)
La Présidente (Mme Juneau): M. le député de
Viau,
M. Cusano: Ce n'est pas cela que je dis, M. le ministre. Je dis
que le deuxième paragraphe ouvre la porte, justement, à des abus.
Je ne parle pas des maladies professionnelles, de l'amiantose, je ne parle pas
de cela, M. le ministre. Il me semble que si je lis: "Le travailleur qui n'a
plus d'emploi", et, tout d'un coup, il développe... Vous savez, en
commission parlementaire, on a entendu des gens du côté patronal,
et même du côté syndical, dire que leur préoccupation
était la question des abus. J'ose espérer que ce n'est pas la
règle générale, mais ce sont les abus qui frustrent un peu
tout le monde qui est impliqué dans cette question de la santé et
de la sécurité du travail, les indemnités qui en
découlent.
L'interprétation que je donne à ce deuxième
paragraphe, c'est que l'individu qui est en chômage se verrait
très bien, tout d'un coup... et on sait fort bien combien de maux de dos
il y a de déclarés à la CSST; je ne voudrais pas demander
encore des chiffres au vice-président, mais on sait que le nombre de
maux de dos est vraiment considérable. Je demande au ministre: Est-il
d'accord avec le fait que, de la manière que le deuxième
paragraphe est écrit, cela peut ouvrir la porte à des
chômeurs qui se voient devant une situation - Dieu sait que la situation
économique au Québec n'est pas rose, même si on a des
spectacles roses un peu partout et qui coûtent énormément
cher, des cravates roses, mais je remarque que le ministre a une cravate...
La Présidente (Mme Juneau): On est au ministère du
Travail, M. le député.
M. Cusano: Oui, on est au ministère du Travail.
C'est que la précision que j'aimerais avoir du ministre à
ce moment-ci - je pense que cela demanderait la réécriture de ce
deuxième paragraphe - c'est qu'on spécifie que cela vise les
maladies professionnelles. Qu'on le dise.
M. Fréchette: Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Juneau): M. le ministre.
M. Fréchette: Je voudrais rappeler, aussi sereinement et
calmement qu'il est possible de le faire, au député de Viau que
l'article 2 de la loi contient une disposition qui donne une définition
de la lésion professionnelle et cette définition
réfère aussi bien à une maladie professionnelle
qu'à un accident du travail. Alors, quand le député de
Viau nous demande d'écrire dans la loi que cela ne réfère
qu'à la maladie professionnelle, je suis obligé de lui
répondre qu'en utilisant l'expression "lésion professionnelle",
c'est très précisément à cette inquiétude
que cela répond.
Deuxièmement, le député de Viau est en train
d'élaborer une thèse qui est chère à quelques-uns
de ses collègues, en particulier le député de Huntingdon,
qui a consacré son intervention de deuxième lecture très
précisément sur les fraudeurs, les gens qui, à tout bout
de champ, pour toute espèce de motifs, font des réclamations
à la CSST pour
des maux de dos d'excursions de chasse, d'excursions de pêche et
ainsi de suite. Le député de Viau, à sa façon, est
en train de reprendre l'argumentation du député de Huntingdon, et
c'est correct, je veux dire, on a le droit d'en discuter dans ce
sens-là.
Mme la Présidente, le travailleur qui n'a plus d'emploi et qui,
à n'importe quelle période après avoir laissé son
emploi, prétendrait, de bonne foi ou pas - je vais aller
jusque-là - qu'il y a une relation de cause à effet entre le mal
dont il prétend être affligé et ses conditions de travail,
il n'a qu'à amorcer le régime de réclamation prévu
dans la loi avec comme preuve prima facie, preuve de départ, une
attestation médicale déterminant un diagnostic quant à la
nature du malaise dont il prétend être affecté et,
deuxièmement, une évaluation qu'il y a relation de cause à
effet entre les deux phénomèmes, et il aura à ce
moment-là les portes ouvertes pour faire sa réclamation. Il devra
devant les instances appropriées faire la preuve, convaincre à
l'évidence que sa prétention est correcte. S'il réussit
à convaincre les instances décisionnelles que sa
prétention est correcte, il aura droit à son indemnité
même s'il s'agit d'un mal de dos qui se serait déclaré six
mois après qu'il a quitté son emploi. Si, par ailleurs, il n'est
pas équipé pour faire la preuve et convaincre les instances
décisionnelles, sa réclamation sera rejetée purement et
simplement. Il me semble que cela procède de l'élémentaire
sens commun que d'analyser la situation de cette façon-là.
La Présidente (Mme Juneau): Est-ce qu'il y a d'autres
interventions sur l'article 41?
M. Cusano: Oui, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Juneau): M. le député de
Viau.
M. Cusano: De l'intervention du ministre, dois-je comprendre que,
selon lui, il n'y a aucun fraudeur du système qui existe?
M. Fréchette: Mme la Présidente...
La Présidente (Mme Juneau): M. le ministre.
M. Fréchette: ...le député de Viau me
reproche souvent d'être avocat. Mais si, enfin, il avait fait un bout de
chemin dans ce genre de discipline...
M. Cusano: Non, heureusement, M. le ministre, je n'ai pas...
M. Fréchette: ...il aurait appris...
M. Cusano: ...choisi d'être avocat. En tout cas, c'est une
question de choix.
La Présidente (Mme Juneau): Voulez-vous le laisser
répondre, M. le député?
M. Fréchette: II aurait appris que, effectivement, les
législateurs adoptent des lois. Et il y a des gens, pour des motifs qui
peuvent varier d'une personne à l'autre, qui vont décider, un bon
matin, de transgresser la loi. Si le député de Viau a une recette
pour éviter cette situation, je serais bien disposé à
l'écouter.
Je vais aller plus loin dans mon raisonnement, Mme la Présidente,
on n'est pas pressé, vous savez, on prend tout le temps qu'il faut. Je
l'ai dit lundi dernier, si ce n'est pas pour Noël, ce sera pour
Pâques. Il n'y a personne qui nous bouscule dans les portiques, on va
prendre tout le temps qu'il faut. Mais qu'il me soumette donc une formule pour
rejoindre l'objectif qu'il est en train de plaider, empêcher les
fraudeurs de maux de dos de pouvoir réclamer trois mois après
qu'ils n'ont plus d'emploi. Qu'il me suggère une formule.
M. Cusano: Écoutez, c'est votre projet de loi, M. le
ministre...
La Présidente (Mme Juneau): M. le député de
Viau.
M. Fréchette: Ah oui! Vous avez le droit de
présenter des amendements!
M. Cusano: Oui, oui.
M. Gagnon: Mme la Présidente...
La Présidente (Mme Juneau): M. le député de
Champlain.
M. Gagnon: Bien, lorsqu'on répond "c'est votre projet de
loi", on est ici pour essayer de l'améliorer. Le député de
Viau, depuis tantôt, montre qu'il y a des possibilités de frauder
la commission. Le ministre lui dit: Avez-vous la formule qui fermerait ces
portes? À mon point de vue, il est membre de la commission comme nous et
nous sommes ici pour l'améliorer.
La Présidente (Mme Juneau): Oui.
M. Gagnon: Donc, quand la porte est ouverte, il devrait en
profiter.
La Présidente (Mme Juneau): M. le député de
Viau.
M. Cusano: Je vais certainement en profiter, M. le
député de Champlain, mais j'aimerais, avant d'en arriver à
ce point, peut-être adresser une question à l'ensemble des membres
de la commission, à savoir si,
premièrement, est-ce qu'on comprend par l'article, comme le dit
le ministre, que la question... Lorsqu'on dit "le travailleur qui n'a plus
d'emploi", cela vise-t-il justement le travailleur victime d'une maladie
professionnelle?
M. Fréchette: Bien non.
M. Cusano: Ah, cela ne vise pas cela.
M. Fréchette: Bien non!
M. Cusano: Bon. Qu'est-ce que cela vise?
La Présidente (Mme Juneau): II dit: Qu'est-ce que cela
vise?
M. Fréchette: Qu'est-ce que cela vise? Mme la
Présidente, cela vise la situation suivante. Cela vise le travailleur
qui peut se retrouver sans emploi parce qu'il a été
congédié. Cela vise le travailleur qui se retrouve sans emploi
parce qu'il a été mis à pied temporairement. Cela vise le
travailleur qui peut être retiré du marché du travail parce
qu'il est affecté d'une maladie autre que la maladie professionnelle.
Cela vise le travailleur qui est affecté d'une maladie professionnelle,
d'un accident du travail ou d'une aggravation d'une maladie professionnelle ou
d'un accident de travail. C'est cela que cela vise.
La Présidente (Mme Juneau): M. le député de
Sainte-Marie.
M. Bisaillon: Mme la Présidente, j'entends les arguments
qui ont été invoqués depuis le début, sans pour
autant les comprendre tout à fait. Ce que je veux dire par là,
c'est que l'article 41, selon moi, établit seulement le principe de
fonctionnement.
Une voix: C'est cela.
M. Bisaillon: Si, par la suite, on veut répondre aux
objections qui ont été soulevées par le
député d'Outremont - c'est dans ce sens-là que j'enlevais
"un petit peu" tantôt, il a amorcé pas rien qu'un petit peu, mais
amorcé complètement... Je pense que c'est plutôt dans le
détail du fonctionnement qu'on peut prévoir comment, de quelle
façon et jusqu'à quel point on peut empêcher les gestes, si
tant est qu'ils existent, auxquels le député d'Outremont
référait.
Alors, je pense que l'article 41 est beaucoup plus un article de
principe qui pose les jalons qu'on aura, par la suite, à examiner en
détail, c'est-à-dire que: "Le travailleur victime d'une
lésion professionnelle a droit à une indemnité de
remplacement du revenu s'il devient incapable d'exercer son emploi en raison de
cette lésion." Je peux être d'accord avec cela, sans pour autant
être d'accord avec le genre d'indemnité qu'on va nous proposer
tantôt, sans pour autant être d'accord avec les conditions
additionnelles qu'on va lui imposer. Dans ce sens-là, je trouve que
l'article est correct.
Le deuxième paragraphe: "Le travailleur qui n'a plus d'emploi
lorsque se manifeste sa lésion professionnelle a droit à cette
indemnité s'il devient incapable d'exercer l'emploi qu'il occupait
habituellement." Je suppose que tantôt on va aussi baliser; de la
même façon qu'on va baliser le premier paragraphe, on va aussi
baliser, dans le texte ou dans les articles qui vont suivre, les conditions
à franchir pour obtenir une telle indemnité et les
critères qui vont être utilisés. Jusqu'à un certain
point, tout en entendant les inquiétudes et les commentaires qui ont
été formulés, je trouve que c'est beaucoup plus dans le
détail des autres articles qui vont suivre qu'on pourra avoir cela
plutôt qu'à l'article 41, qui est davantage une déclaration
de principe.
Quant à moi, Mme la Présidente, sous réserve, on
aura évidemment à y revenir quant aux moyens et aux
modalités, je trouverais...
La Présidente (Mme Juneau): Vous seriez prêt
à adopter l'article.
M. Bisaillon: Je serais prêt à adopter
l'article.
La Présidente (Mme Juneau): Est-ce que l'article 41 est
adopté? Une voix: Adopté.
M. Cusano: Sur division.
La Présidente (Mme Juneau): D'accord. L'article 42.
M. Fréchette: L'article 42, Mme la Présidente, en
est un autre de principe, comme le soulignait le député de
Sainte-Marie il y a un instant. Il prévoit simplement la proportion de
l'indemnité à laquelle le travailleur accidenté peut avoir
droit. Cette proportion, c'est 90% du salaire net retenu qu'il gagnait au
moment où il a eu son accident.
La Présidente (Mme Juneau): Est-ce que l'article 42 est
adopté? M. le député de Viau.
M. Cusano: Seulement quelques questions. Le principe des 90% du
revenu net est louable. Il est reconnu depuis plusieurs années au
Québec et même ailleurs. Est-ce que, dans ses recherches, la CSST
ou le
ministre aurait trouvé par hasard que dans certains États
des États-Unis, par exemple, on était très
préoccupé par le fait que les 90% du revenu net n'incitaient pas
les travailleurs à vouloir retourner au travail? Est-ce que le ministre
aurait découvert que, dans certains États, l'indemnité de
remplacement du revenu ayant été changée de 90% à
75%, il y a eu une diminution d'accidents?
La Présidente (Mme Juneau): M. le ministre.
M. Cusano: Ou, si j'étais un peu plus spécifique,
est-ce qu'il est au courant de certaines mesures prises dans l'État du
Michigan, aux États-Unis?
M. Fréchette: Mme la Présidente, cet
après-midi, en donnant des renseignements au député de
Sainte-Marie, j'ai fait état des situations qui existaient au Canada,
dans toutes les provinces, pour arriver è la conclusion, avec les
membres de la commission, que nous sommes effectivement, avec une autre
province, je ne me rappelle plus laquelle, celle qui à cet égard
- c'est la Saskatchewan, je pense; l'Alberta, je m'excuse - a probablement le
régime le plus "généreux" - entre guillemets. Cela me
répugne de parler de générosité pour
dédommager quelqu'un qui a été victime d'un accident du
travail. C'est simplement pour illustrer ma pensée.
Au Canada, nous sommes donc à ces 90%. Quant aux
États-Unis, il y a des États qui paient 90% du revenu net,
d'autres 80%, d'autres 75%, d'autres 66% - deux tiers -d'autres 95%, d'autres
55%. Il faudrait faire le tour de l'ensemble des États pour avoir une
image très précise de la situation. Si, maintenant, le
député de Viau est en train d'essayer de me convaincre que, pour
retrouver dans la loi une incitation à la diminution des accidents du
travail, il faille réduire l'indemnité de 90% à 75%, je
vous signale, Mme la Présidente, qu'on va passer une bonne secousse ici
avant qu'on réussisse à me convaincre de cette
nécessité. (20 h 45)
M. Cusano: M. le ministre, je voulais seulement savoir, parce que
je sais qu'il y a eu beaucoup de recherches faites à ce niveau - je ne
veux pas abandonner les 90%, pas du tout - si, parmi ces recherches, justement,
on a réexaminé le changement qui a été
apporté à l'État du Michigan, où c'était
à 90% et puis on a réduit à 75%.
M. Fréchette: On a des renseignements ici.
M. Cusano: Ne me prêtez pas des intentions, je voulais
seulement savoir si ces recherches...
La Présidente (Mme Juneau): M. le député de
Sainte-Marie. Il a terminé, qu'il a dit.
M. Cusano: Non, non. C'était juste une question de
renseignement.
M. Fréchette: Je voulais juste indiquer au
député de Viau, Mme la Présidente, qu'au Michigan, en
1983, l'indemnité de remplacement de revenu était
équivalente à 80% du revenu net.
M. Cusano: Est-ce qu'il y a eu une baisse après?
M. Fréchette: On n'a pas les chiffres après
1983.
La Présidente (Mme Juneau): M. le député de
Sainte-Marie.
M. Bisaillon: Merci, Mme la Présidente. J'ai
soulevé cet après-midi un certain nombre de questions au ministre
auxquelles il a répondu. J'ai apporté aussi un certain nombre
d'arguments qu'il a plus ou moins retenus, évidemment.
Je voudrais faire une intervention sur l'article 42 et je terminerai par
un amendement, Mme la Présidente, aux fins de faire travailler un peu,
évidemment, le secrétaire de la commission.
La notion qui apparaît à l'article 42, c'est 90% du revenu
net. Les arguments invoqués par le ministre cet après-midi,
après nous avoir tracé le portrait de ce qui se fait à
l'extérieur du Québec, au Canada, et avoir démontré
qu'au Québec c'est le pourcentage le plus élevé qui se
paie... En passant, Mme la Présidente, j'apprécie que le ministre
ait apporté la précision qu'il a faite tantôt quant au mot
"générosité" à mettre entre guillemets. Je pense
que c'était de mise. C'est la reconnaissance du maintien de quelque
chose que le travailleur avait déjà et, au moment où il le
perd, la faute ne lui incombe pas. En ce sens, on n'est pas
généreux, on ne fait que reconnaître les obligations qu'on
a contractées à la fois comme employeur et à la fois comme
société vis-à-vis de lui.
Les arguments qu'invoquait le ministre pour ne pas aller au-delà
des 90% et modifier le pourcentage prévu par la loi étaient de
deux ordres. Je vais les répéter. Le premier était
l'incitation au travail. Il disait: On préfère laisser 90% du
revenu net parce que, selon nous, c'est un motif ou une incitation au retour au
travail. Là-dessus, j'ai donné quelques éléments de
réponse cet après-midi, mais je trouve que le meilleur
élément de réponse réside, dans le fond, dans ce
que le ministre vient juste de dire par rapport à une diminution du
pourcentage. Si le fait de baisser le pourcentage à 75%, aux yeux du
ministre, n'avait pas comme effet
d'entraîner une diminution des accidents du travail, je pense
qu'on pourrait aussi conclure qu'une augmentation du pourcentage n'aurait pas
plus l'effet d'inciter davantage au retour au travail. Ce qui va inciter
davantage au retour au travail, c'est d'abord et avant tout les soins
adéquats que le travailleur va recevoir. Plus il va être
traité adéquatement rapidement, plus il va être prêt
à retourner au travail.
Deuxièmement, c'est la structure d'assistance, aussi, pour le
réintégrer sur le marché du travail par des programmes de
soutien au plan physique, au plan social ou au plan psychologique à
certains égards et même en termes de recherche d'emplois
éventuellement. Je pense que ce sont des éléments qui sont
davantage des incitations au retour au travail.
J'avais évoqué, cet après-midi, la
possibilité d'aller a 100% non pas du revenu net mais du revenu brut. En
termes concrets, qu'est-ce que cela donnerait de mettre dans la loi 100% du
revenu brut plutôt que 90% du revenu net? Pour un bon nombre, cela
pourrait à peu près représenter, en bout de course, le
même montant d'argent ou à peu près si on tient compte du
fait que ces sommes pourraient être imposées. Je pense que
là-dessus il y a deux arguments qui militent en faveur d'aller à
100% du revenu brut et de l'imposer.
J'indique au ministre qu'on a déjà fait la discussion sur
la notion de remboursement non imposable. Le ministre s'était
engagé à l'inclure dans la loi. Il nous a dit qu'il l'avait
laissé tomber parce que cela n'était pas nécessaire, que
cela se retrouvait dans la loi de l'impôt sur le revenu, mais il nous a
quand même dit que, par précaution, on rajouterait que les
prestations seraient non imposables. Je pense qu'il faudrait considérer
sérieusement la possibilité de les rendre imposables en versant
100% du revenu brut, pour plusieurs raisons. La première, c'est le fait
de ne pas faire de différence entre un travailleur qui est
accidenté et le moment où il se retrouve au travail. Tout le
monde prend pour acquis que n'importe quel gain de travail doit être
imposé et que cela n'est que justice qu'il en soit ainsi. Si on
maintient le revenu d'un travailleur qui est accidenté pendant sa
période d'accident et qu'on l'impose de la même façon que
l'on imposerait son salaire s'il était au travail, on maintient au moins
un statut d'équilibre entre le travailleur accidenté et le
travailleur qui est toujours au travail. Cela semble peut-être pour
certains des notions de psychologie, mais je trouve que c'est important de ne
pas se sentir à part des autres dans une catégorie à part,
de ne pas être traité différemment.
Le revenu généré par le travailleur
accidenté produirait pour la société les mêmes
revenus qu'il produit lorsqu'il est au travail. On ne ferait donc pas de
distinction. Il ne devient pas quelqu'un qui est "au crochet de". En fait, on
sait bien que les fonds qui servent à payer proviennent des employeurs
par le fonds créé par les employeurs parce qu'on dit que c'est le
milieu de travail qui est responsable de la situation, et ces sommes viennent
de là. Mais je pense qu'il serait juste qu'une partie du salaire, du
revenu du travailleur accidenté revienne à la
société. Il ne faudrait pas oublier qu'il n'y a pas que les
employeurs qui paient l'ensemble du système. Non, il n'y a pas que les
employeurs, il y a toute une série de mécanismes qu'on
prévoit par lesquels, à un moment donné, on va les
retourner soit sur l'assurance-chômage, soit sur le bonheur social, comme
disait un célèbre spécialiste de la question, ou, encore,
d'autres mesures prévues dans la loi font assumer un certain nombre de
coûts par l'ensemble de la société. Il y aurait donc une
certaine forme de revenu.
Deuxièmement, Mme la Présidente, je ne pense pas qu'il
soit opportun dans les moments qu'on traverse de me servir officiellement, en
tout cas, de l'argument qui a été invoqué cet
après-midi par le député de Frontenac.
Préférer donner 90% du revenu net et le rendre non imposable pour
éviter de retourner une partie de ces impôts à Ottawa, cela
me semble un argument très faible, d'autant plus que, dès le
début de nos travaux, le ministre nous a clairement indiqué que,
si Ottawa, unilatéralement, comme il le fait habituellement,
légiférait sur l'imposition des rentes, alors les travailleurs
seraient tenus de le faire à moins qu'il y ait déjà des
ententes de conclues entre le fédéral et la CSST, auquel cas il
faudrait donner la recette immédiatement à un certain nombre de
ministres et au premier ministre: peut-être que cela pourrait les aider
dans les négociations futures. Je ne pense pas que cela soit un argument
qui pourrrait être invoqué actuellement.
Troisièmement, je pense que c'est une partie... Pour une certaine
catégorie de travailleurs, c'est comme si on les imposait deux fois.
C'est comme si on les faisait payer deux fois. Oublions la première,
mais, la deuxième, cet argent qui revient dans les coffres de
l'État sert aussi à alimenter des programmes sociaux et est
retourné à l'ensemble des citoyens et des citoyennnes.
Pour toutes ces raisons, Mme la Présidente, et quitte à
revenir pour étayer davantage mon argumentation, je propose en
amendement que l'on remplace, à la première ligne du paragraphe
de l'article 42, "90% du revenu net" par "100% du revenu brut".
La Présidente (Mme Juneau): M. le ministre.
M. Fréchette: On n'a pas une copie de l'amendement.
Une voix: On peut aller faire des photocopies.
M. Fréchette: Alors, Mme la Présidente, ce devant
quoi on est...
La Présidente (Mme Juneau): M. le ministre.
M. Fréchette: ...la motion d'amendement qui est devant
nous nous amène à reprendre, essentiellement, la substance de la
discussion qu'on a eue cet après-midi.
Le député de Sainte-Marie avait déjà, cet
après-midi, indiqué très clairement ses positions à
cet égard. Je lui ai aussi fait connaître les miennes, mais je
dois lui signaler que l'argumentation qu'il a reprise ce soir n'arrive pas
à me convaincre de la justesse... Pardon?
M. Bisaillon: J'en ai ajouté quand même un peu.
M. Fréchette: Oui. Mais, malgré cela, cela n'arrive
pas à me convaincre de la justesse de sa revendication.
Je réitérerai, très brièvement, ce que j'ai
dit cet après-midi. Malgré que l'on ait des divergences à
cet égard, je continue de prétendre que le taux de 90% du revenu
net, prévu par la loi, constitue en soi une incitation au retour au
travail. Je ne connais pas, quant à moi, de travailleurs qui vont
vouloir prolonger indûment, si vous me prêtez l'expression, leurs
prestations d'accident du travail ou de maladie professionnelle lorsqu'ils sont
en mesure de réintégrer le travail et que, de surcroît, le
travail dans lequel ils étaient les attend.
Il n'est pas négligeable non plus de rappeler que, quand on est
chez soi en indemnité de remplacement du revenu - on va en convenir et
on va l'admettre, tout le monde - il y a un certain nombre de dépenses -
là-dessus, le député ne s'est pas prononcé -
qu'autrement on ferait si on était au travail, qu'on n'est pas
obligé de faire lorsqu'on est chez soi ou ailleurs en indemnité
de remplacement du revenu. C'est d'autant plus vrai que, lorsque
l'accidenté a à se déplacer pour des fins de traitements,
de consultations médicales et de dépenses médicales, tout
cela lui est remboursé par la Commission de la santé et de la
sécurité du travail.
Troisièmement, je ne recommencerai pas
l'énumération que j'ai faite cet après-midi, mais on a vu,
par les comparaisons qu'on a faites, que, au Québec, dans l'état
actuel des choses, en termes de proportion d'indemnités, on avait le
système qui était le plus généreux avec les
mêmes réserves. Si c'est nécessaire, je
référerai aussi les membres de la commission à ce qui se
fait aux États-Unis.
Maintenant, j'étais heureux d'entendre le député de
Sainte-Marie nous dire, cet après-midi, que, contrairement à ce
que j'avais évalué, la question des coûts
économiques le préoccupe, pas pour le faire pleurer, a-t-il dit,
ou le faire rire - enfin je ne me rappelle pas la formule - mais il a quand
même une préoccupation à cet égard. Or, des
évaluations qui ont déjà été faites de la
formule qu'il suggère nous amènent à la conclusion que les
coûts additionnels qui seraient engendrés seraient de l'ordre de
75 000 000 $ à 100 000 000 $ de plus. Encore une fois, quand on est dans
la situation d'être obligé d'arbitrer un certain nombre de choses,
il y a des décisions qu'il faut prendre et qui peuvent amener à
ce genre de résultat. (21 heures)
Le député de Sainte-Marie tire une argumentation de la
réponse que j'ai donnée au député de Viau et il a
l'air de prétendre que j'ai dit qu'une indemnité de 75%, par
exemple, du revenu net ne constituerait pas une espèce de
barrière à l'incidence des accidents du travail; ce n'est pas
cela que j'ai dit. Effectivement, si l'on a une indemnité de 75% du
revenu net ou de 66 2/3%, cela pourrait, théoriquement en tout cas,
être une incitation quant à l'incidence des accidents du travail.
Ce dont je ne pourrais jamais me laisser convaincre, c'est qu'à cause de
l'incidence que cela pourrait avoir sur le quantum des accidents du travail,
à cause de ce seul phénomène, il nous faille
réduire de 90% à 75% notre indemnité de revenu net ici.
C'est dans ce sens que je disais qu'aucune argumentation ne pourra me
convaincre, à tort ou à raison, de réduire les 90% du
revenu net.
Mme la Présidente, je suis d'autant plus réservé,
même très réservé, devant la suggestion du
député de Sainte-Marie qu'on me signale que, tout compte fait, il
est loin d'être sûr que l'accidenté retirerait des montants
d'argent plus élevés que ceux que lui permet de retirer
l'actuelle loi, basés sur le critère du revenu net à 90%.
Pour ces motifs, Mme la Présidente, je pense que l'amendement devrait
être rejeté.
La Présidente (Mme Juneau): M. le député de
Sainte-Marie.
M. Bisaillon: Mme la Présidente, je vais aller rapidement
parce que mon objectif était de présenter l'amendement et de
faire faire un minimum de discussions. Je pense que les membres de la
commission peuvent en disposer par la suite. Je ne veux pas faire perdre
indûment le temps de la commission sur cette question quoique je la
trouve, quant à moi, d'importance.
Je voudrais reprendre au moins deux arguments invoqués par le
ministre. D'une part, son dernier argument qui dit que je ne l'ai pas convaincu
que les sommes d'argent qu'un travailleur recevrait avec 100% du revenu brut
par rapport à 90% du revenu net seraient beaucoup plus
élevées. S'il a raison, s'il n'y a pas une si grosse
différence, en tout cas il y en a sûrement une de 80 000 000 $, on
va s'entendre là-dessus au moins.
M. Fréchette: En impôts, en taxes, oui.
M. Bisaillon: Bon. 80 000 000 $ au total pour la CSST et
là-dessus une bonne partie irait en revenus à l'État.
M. Fréchette: Aux deux États.
M. Bisaillon: Aux deux États et, comme nous sommes pour
les deux États par les temps qui courent, on convient qu'une bonne
partie des 80 000 000 $ irait aux deux États. Si le ministre me dit
qu'il n'y aurait pas une grande différence, je ne comprends pas qu'il
puisse maintenir que 90% du revenu net est en soi une incitation au retour au
travail. Pour qu'on se comprenne bien, c'est l'un ou l'autre. Ou bien 90% du
revenu net est un argument pour inciter au retour au travail ou, encore, s'il
n'y a pas de différence significative en termes de revenus dans la poche
du travailleur, mais que l'ensemble de l'augmentation de la CSST va davantage
aux gouvernements, aux deux États, c'est donc que son argument, comme
incitation de retour au travail, n'est pas très fort.
Deuxièmement, le ministre n'a pas retenu, mais pas du tout,
l'argument que je trouvais majeur, quant à moi, et dont il n'a
même pas parlé, qui est celui de l'équilibre à
maintenir et du statut de travailleur à maintenir, de ne pas - je n'aime
pas le terme - "ghettoïser", qu'on pourrait dire, les gens qui ont
été victimes d'accidents du travail, de continuer à les
traiter de la même façon.
Finalement, je ne peux pas accepter l'argument du ministre qui me dit:
N'oublions pas qu'un accidenté du travail, à la maison, n'a pas
les mêmes dépenses qu'un travailleur qui est à son travail.
Cela me fait ch... chaque fois le même effet, Mme la Présidente.
Vous avez eu peur, Mme la Présidente, vous étiez suspendue
à mes lèvres. Cela me fait chaque fois le même effet parce
que c'est comme si on balayait du même coup, dans un autre champ
d'activités, toute la notion: À travail égal, salaire
égal.
Cela voudrait dire que l'enseignant qui a à voyager par rapport
à l'enseignant qui demeure à côté de l'école,
on ne devrait pas lui donner le même salaire. Cela veut dire que le
député de la région de l'Abitibi par rapport au
député de Québec ne devrait pas avoir le même
salaire. Cela voudrait dire que la femme secrétaire qui se
déplace dans un bureau par rapport à la femme secrétaire
à son domicile, on ne lui donnerait pas le même salaire. Pourtant,
ce sont toutes des choses contre lesquelles on se bat.
Je veux bien que le ministre repousse mon amendement, mais je ne
voudrais surtout pas qu'il utilise des arguments qui, finalement, vont se
retourner contre d'autres politiques qu'on veut maintenir de l'avant. Ce que
fait un travailleur avec le revenu qu'on trouve équitable pour son
emploi, c'est une chose, et les dépenses engendrées par son
travail, c'est une autre affaire. Ce n'est pas parce qu'il a eu moins de
dépenses que je vais lui donner moins de salaire. Cela n'a rien à
voir avec la notion de revenu familial. C'est comme quand, autrefois, on
donnait un salaire différent à l'homme et à la femme ou,
même entre les hommes, on donnait un salaire différent à
l'homme marié et à l'homme célibataire. On est sorti de
cela. C'était dans les années quarante. On est rendu en 1984 et
il me semble qu'on ne devrait pas nous resservir ces arguments. Je le dis, Mme
la Présidente, très calmement, comme vous le voyez.
Je le dis dans le même esprit que ce qu'on utilisait hier comme
argument. Cela ne me frustre pas et je trouve normal qu'on ne partage pas
toujours les mêmes idées. C'est la prérogative des membres
de cette commission de repousser l'amendement que j'ai présenté,
s'ils le désirent. Sauf que je ne veux pas qu'on utilise des arguments
qui vont affaiblir des positions traditionnelles qu'on défend - à
moins qu'on décide de ne plus les défendre - depuis plus
longtemps que 1976.
La Présidente (Mme Juneau): S'il n'y a pas d'autres
interventions, est-ce que... J'ai passé proche! M. le
député de Viau.
M. Cusano: Mme la Présidente, le ministre nous a mentionné
que l'amendement qui est proposé par le député de
Sainte-Marie coûtera 80 000 000 $ de plus. Est-ce qu'il pourrait
déposer l'étude qui l'amène à conclure ainsi? Je
veux bien le croire, mais il me semble qu'on arrive un peu gratuitement
à dire que cela va coûter 80 000 000 $ de plus. La CSST acertainement dû faire des recherches sur cela. J'aimerais bien qu'on
m'apporte des preuves concrètes.
La Présidente (Mme Juneau): M. le ministre.
M. Fréchette: Mme la Présidente, si le
député de Viau, qui est fort préoccupé par des
motifs de cotisation, voulait être suffisamment patient, nous
préparerions pour
lui, strictement et uniquement pour lui, un document qui arriverait aux
conclusions dont on vient de parler. C'est à partir de calculs simples
de ce qu'il en coûte actuellement en cotisations de payer une
indemnité de 90% du revenu net et de ce que cela coûterait de
payer 100% du revenu brut que nous en arrivons à la conclusion que, dans
l'état actuel des choses, les cotisations se chiffrent au montant de 58
000 000 $ et, aller à 100% du revenu brut, il en coûterait entre
175 000 000 $ et 200 000 000 $. Pour les fins de la demande du
député de Viau, nous allons mettre tout cela par écrit et
lui faire parvenir rapidement le document pour son utilisation.
M. Cusano: Je ne veux pas imposer du travail
supplémentaire à la CSST. La seule chose que je demandais
était de savoir s'il y avait eu une étude et, si elle existe,
qu'on la dépose. Je ne voudrais pas imposer à la CSST plus de
travail. Dieu sait si elle en a assez pour se conformer aux exigences de la
présente loi. Je ne voudrais pas lui imposer d'autre travail.
Simplement, si elle existe, c'est bien gentil de votre part de vraiment vouloir
essayer de m'éclairer en préparant un document
expressément pour moi. Si l'étude a été faite,
qu'on la dépose. Si elle n'a pas été faite, on va prendre
votre parole.
La Présidente (Mme Juneau): S'il n'y a pas d'autres
interventions, est-ce que l'amendement du député de Sainte-Marie
est adopté?
M. Fréchette: Rejeté. Une voix: Sur
division?
La Présidente (Mme Juneau): Rejeté? Est-ce que
l'article 42 est adopté?
M. Bisaillon: Si j'avais le choix, Mme la Présidente, je
dirais sur division.
La Présidente (Mme Juneau): Vous ne l'avez pas, cher
monsieur.
M. Fréchette: L'effet est exactement le même. Il est
brillant.
La Présidente (Mme Juneau): Article 43.
M. Fréchette: L'article 42 est adopté sur
division.
La Présidente (Mme Juneau): D'accord. Article 43.
M. Fortier: Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Juneau): Oui, M. le
député d'Outremont.
M. Fortier: Dans l'article 43, il y a certaines questions qui
doivent être posées. Alors, on dit: "Le travailleur est
présumé incapable d'exercer son emploi tant que la lésion
professionnelle dont il a été victime n'est pas
consolidée." Alors, plusieurs s'inquiètent, bien sûr,
suivant les experts que l'on consulte, du phénomène de
"consolidation", entre guillemets, qui peut-être évalué de
différentes façons.
Je crois qu'on n'a pas encore étudié les
définitions comme telles. Je ne crois pas qu'il y ait de
définition de "consolidation".
Une voix: On l'a étudiée.
M. Fortier: Vous l'avez étudiée. Quelle est la
réponse, M. le ministre?
Une voix: Cela dépend de ton interprétation, c'est
aussi clair que celai
M. Fréchette: La première réponse à
donner au député d'Outremont, Mme la Présidente -
c'était une chose sur laquelle on s'est entendu - c'était de ne
pas adopter immédiatement la définition du terme
"consolidation"...
Une voix: Et de ne jamais en parler!
M. Fréchette: ...pour toutes sortes de motifs que le
député d'Outremont relirait sans doute avec beaucoup
d'intérêt au Journal des débats.
J'essaie de résumer ces motifs. C'est qu'autant que vous allez
consulter de dictionnaires, autant des dictionnaires généraux que
des dictionnaires spécialisés, vous allez retrouver des
définitions différentes du terme "consolidation". La
définition qu'on suggère à l'article 2 du projet de loi,
c'est celle qui procède d'informations qui ont été
fournies par, précisément, le monde médical, qui
indiquent... Là, évidemment, j'y vais dans des termes tout
à fait, comment je dirais bien, des termes qui n'ont aucune valeur
scientifique, bien sûr, mais la consolidation serait l'étape
après laquelle aucune amélioration n'est possible, qu'il s'agisse
d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle. En d'autres mots,
c'est le maximum de réadaptation physique qu'il est possible
d'atteindre. Une définition qu'on risque - là, je donne ce
renseignement uniquement pour les fins de la discussion -cela pourrait
être la suivante: La consolidation, c'est la guérison ou la
stabilisation d'une lésion professionnelle, à la suite de
laquelle aucune amélioration de l'état de santé du
travailleur victime de cette lésion n'est prévisible.
M. Fortier: J'aurais juste une deuxième question.
La Présidente (Mme Juneau): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: Est-ce qu'il y a une notion qui est implicite quant
à l'employé qui a été incapable d'exercer son
travail et qui peut y retourner? Si on pouvait démontrer qu'il pouvait
retourner au travail à un moment donné, indépendamment de
la notion de consolidation, laquelle des deux prévaudrait? Est-ce qu'il
y a une notion dans le projet de loi qui dit que, si on est capable de
démontrer qu'un employé peut retourner au travail, cette notion
prévaudrait sur la notion de consolidation?
M. Fréchette: Effectivement, Mme la Présidente, il
y a une disposition dans le projet de loi...
La Présidente (Mme Juneau): M. le ministre.
M. Fréchette: ...à l'article 56 plus
précisément, qui permet l'affectation à un travail
temporaire, dans des conditions très spécifiquement
établies par ce même article 56.
La Présidente (Mme Juneau): Est-ce que cela va, M. le
député?
M. Fortier: Oui. L'article 56... M. Fréchette: Ce
qui... M. Fortier: ...dit qu'on doit le .. M. Fréchette:
L'affecter.
M. Fortier: ...l'affecter à un autre travail.
M. Fréchette: C'est cela. Oui, dans les conditions
prévues par ce même article 56. Il y a quatre conditions, je
pense, qui sont prévues là, qui, si elles sont
réalisées, permettent une affectation de l'accidenté
à un travail temporaire...
M. Fortier: Ah oui!
M. Fréchette: ...même si la consolidation n'est pas
atteinte.
M. Fortier: Alors, en théorie, parce qu'ici on dit: Si,
d'après le médecin traitant, "le travailleur est raisonnablement
en mesure d'accomplir ce travail", le travail temporaire, mais, à la
limite, ce travail temporaire pourrait se rapprocher très près du
travail original...
M. Fréchette: Bien sûr.
M. Fortier: ...que la personne faisait.
M. Fréchette: Absolument.
M. Fortier: Même, à la limite, cela pourrait
être le même travail.
M. Fréchette: Cela pourrait être le même
travail si les quatre conditions qu'on retrouve là sont
respectées.
M. Fortier: Merci.
La Présidente (Mme Juneau): M. le député de
Viau. (21 h 15)
M. Cusano: Lorsque nous avons abordé cette question de
consolidation, je crois qu'il y avait eu un consensus de
développé sur ce qu'on avait appelé le plateau de
consolidation. Parce que, dans un sens, une consolidation, c'est un peu... Il y
a certaines lésions qui, dans un sens, ne sont jamais consolidées
et, pour ne pas avoir de difficulté d'interprétation, est-ce que
le ministre serait d'accord, à l'article 43, pour que ce soit toujours
clair, de remplacer "n'est pas consolidée" par les mots "n'a pas atteint
son plateau de consolidation"? Est-ce que le ministre aurait une grande
objection?
M. Fréchette: Je ne vois pas...
La Présidente (Mme Juneau): M. le ministre.
M. Fréchette: La nécessité de
procéder ou de retenir... Je ne sais pas si c'est un amendement ferme
que fait le député de Viau...
M. Cusano: Pour le moment, non.
M. Fréchette: ...ou juste une suggestion.
M. Cusano: C'est juste une suggestion.
M. Fréchette: Je ne vois pas la nécessité de
retenir cette suggestion parce que, dès lors que nous aurons convenu
d'une définition du terme "consolidation", quelle que soit la
définition que nous allons retenir, le terme "consolidée" de
l'article 43 va, de toute évidence, référer à la
définition qu'on aura retenue pour le mot "consolidation". Je ne vois
pas qu'il soit nécessaire ni indiqué de retenir la suggestion du
député de Viau, pour le principal motif que l'objectif qu'il vise
est de toute façon atteint.
M. Cusano: C'est simplement pour clarification...
La Présidente (Mme Juneau): M. le député de
Viau.
M. Cusano: Je suis d'accord avec le
ministre que, lorsqu'on arrivera à définir
"consolidation", on pourra justement parler de plateau.
La Présidente (Mme Juneau): M. le député de
Sainte-Marie.
M. Bisaillon: Mme la Présidente, à l'article 43, on
dit: "Le travailleur est présumé incapable d'exercer son emploi
tant que la lésion professionnelle dont il a été victime
n'est pas consolidée."
Deux remarques, le mot "présumé" dans cet article, est-ce
qu'on ne court pas un risque que l'utilisation du terme
"présumé"... Est-ce que "est réputé incapable" ne
serait pas plus juste?
M. Fréchette: Non, Mme la Présidente. Cela pourrait
être plus juste pour l'objectif que veut atteindre le
député de Sainte-Marie, c'est évident. Si l'on utilise le
terme "réputé", cela devient une présomption qu'on
appelle, en termes bien pompeux, irréfragable ou quelque chose du genre.
En d'autres mots, ce n'est plus une présomption, c'est une constatation
d'un état de fait et, par aucune espèce de moyen de preuve, vous
ne pouvez réfuter, alors que ce que l'on vise comme objectif, c'est de
créer une présomption, effectivement, en faveur du travailleur
accidenté, mais une présomption que l'employeur pourra contester
et renverser.
Alors, c'est très précisément la raison pour
laquelle le député de Sainte-Marie a fait un loyal essai, mais je
ne peux de toute évidence retenir la suggestion qu'il est en train de
nous faire.
La Présidente (Mme Juneau): M. le député de
Sainte-Marie.
M. Bisaillon: Cela n'a pas été un essai trop, trop
fort. On conviendra de cela. Mais je voulais vous l'entendre dire, M. le
ministre.
Si on retenait la définition de "consolidation", la
définition qu'on a donnée tantôt, c'est ou bien la
guérison ou bien le degré de stabilisation de la maladie,
c'est-à-dire le moment où l'on évalue que l'état de
l'accidenté ne pourra s'améliorer. Supposons que c'était
cela comme balise. Est-ce qu'il ne serait pas prudent d'ajouter une phrase au
paragraphe, en comprenant que consolidation, c'est cela que cela va vouloir
dire, pour préciser qu'on ne pourrait pas imposer un autre emploi
à un travailleur? On sait que, pendant la période - appelons-la
ainsi - de consolidation, il y a souvent des pressions qui peuvent être
exercées sur le travailleur accidenté, il y a des manoeuvres qui
peuvent être exercées ou, encore, des accidents du travail
pourront être camouflés. Or, si on précisait que, pendant
cette période à laquelle on réfère, aucun autre
emploi ne peut lui être imposé par quiconque, comment le ministre
recevrait-il cette suggestion?
M. Fréchette: Mme la Présidente...
M. Bisaillon: Ce n'est pas un amendement, c'est une
suggestion.
M. Fréchette: Non, je comprends, c'est une suggestion.
Mais ma compréhension de l'article 43 m'amène à la
conclusion que c'est très précisément ce qu'on doit
interpréter à partir du texte qui est déjà
là. Il y a la présomption qui existe qu'il est incapable
d'accomplir un emploi...
M. Bisaillon: Son emploi. M. Fréchette: Son emploi.
M. Bisaillon: Son emploi.
M. Fréchette: Bon. Cela voudrait dire que, dans les
conditions retenues par l'article 56, il n'y aurait aucune espèce de
possibilité de demander à un accidenté d'être
affecté à un travail temporaire. Je donne un exemple de ce que je
veux dire. À supposer qu'une personne est réceptionniste dans un
bureau d'avocats. En arrivant au travail un matin, elle va, par mégarde,
faire une mauvaise chute ou trébucher sur un obstacle qui est devant
elle et se fracturer une jambe. Il est évident que dans les premiers
jours qui vont suivre l'accident elle ne sera sans doute pas en mesure de faire
quelque travail que ce soit. Il y aura hospitalisation, peut-être. Il y
aura imposition d'un plâtre, peut-être, mais après 20 jours,
30 jours, 45 jours, même si la lésion n'est pas consolidée,
peut-être qu'elle pourrait revenir et continuer de répondre au
téléphone à titre de réceptionniste. C'est ce genre
de situation que l'article 56 veut couvrir.
Si on amendait l'article 56 dans le sens que suggère le
député de Sainte-Marie, l'article ne serait pas là et ce
serait exactement la même chose.
La Présidente (Mme Juneau): M. le député de
Sainte-Marie.
M. Bisaillon: Là-dessus, Mme la Présidente,
j'aimerais que le ministre me donne des précisions additionnelles parce
que, si on retient ce qu'il nous a donné comme balises pour une
définition de la consolidation, c'est la guérison ou la
stabilisation de la maladie professionnelle ou de la situation de
l'accidenté.
L'article 43 dit: "Le travailleur est présumé incapable."
On a compris que "présumé" voulait dire que c'était
contestable. La présomption est en faveur du travailleur mais c'est
contestable; "est présumé incapable d'exercer son emploi tant
que la lésion professionnelle dont il a été victime
n'est pas consolidée."
L'objectif de la loi c'est de réparer, c'est cela. Le premier
article disait cela, c'est de réparer les lésions
professionnelles. Si on prend une période de temps où le
travailleur est à réparer sa lésion professionnelle et
qu'on lui impose ou qu'on l'amène par toutes sortes de méthodes
à accepter un autre emploi... Que ce qui est prévu à
l'article 56 arrive à un moment donné, ce n'est pas de cela qu'on
parle, c'est que pendant la période de consolidation, si on lui donne la
définition que vous nous avez donnée tantôt, tant qu'il
n'est pas guéri, tant que sa situation ne s'est pas stabilisée,
il me semble qu'on doit empêcher que des pressions soient faites sur le
travailleur, des pressions qui pourraient l'amener à exercer un autre
emploi mais un autre emploi qui pourrait empêcher sa guérison ou
la stabilisation de sa maladie. Ce que je veux dire, Mme la Présidente,
je ne veux pas qu'on interdise d'offrir, je ne veux pas qu'on s'empêche
d'offrir et puis le travailleur d'accepter, je veux qu'on interdise d'imposer.
Ce n'est pas pareil cela.
Reprenons l'exemple que le ministre m'a donné tantôt, la
téléphoniste qui se brise une jambe. Le ministre dit:
Après 25 jours, 30 jours, 40 jours, elle pourrait probablement occuper
un autre emploi. Je suppose que dans l'exemple qu'il m'a donné, si elle
était capable d'occuper un autre emploi, elle était capable aussi
d'occuper son emploi. Dans ce cas, la période de consolidation serait
terminée, serait atteinte. Donc, elle réintégrerait son
emploi.
La Présidente (Mme Juneau): M. le ministre.
M. Fréchette: Mme la Présidente, le
député de Sainte-Marie ne semble pas, en tout cas, évaluer
qu'il faille faire un lien entre l'argumentation qu'il développe et les
dispositions de l'article 56. Quant à moi, l'un ne va pas sans l'autre.
Il nous dit, par exemple, qu'il ne devrait se faire aucune espèce de
pression sur un accidenté pour qu'il soit affecté à un
autre emploi que le sien jusqu'à ce que la consolidation soit atteinte.
Mais si, par exemple, ce travailleur, comme le dit l'article 56, est
raisonnablement en mesure d'accomplir ce travail, si ce travail ne comporte pas
de danger pour sa santé, sa sécurité, son
intégrité physique compte tenu de la nature de la lésion,
si ce travail est favorable à sa réadaptation, en vertu de quel
raisonnement, de quel principe faudrait-il empêcher que cela puisse se
faire? Retenons que cette situation ne serait pas possible sans que le
médecin traitant de l'accidenté ait établi très
clairement, dans une évaluation ou une expertise médicale, que
les conditions qu'on retrouve là sont jointes et que toutes les trois
existent en même temps. Il y a même un amendement qu'on doit
ajouter, je pense. Je ne sais pas si c'est pour ajouter une quatrième
condition. Les trois conditions sont là. Il me semble que, ces trois
conditions étant respectées, le tout étant confirmé
par des experts médicaux, non seulement il n'y a pas de réserve
quant à la possibilité d'être assigné à un
travail temporaire, mais cela va être favorable à la
réadaptation du travailleur.
M. Bisaillon: Vous enlevez les articles 56 et 57 pour les
reporter au chapitre de la réadaptation.
M. Fréchette: Voilà et c'est encore plus,
enfin...
M. Bisaillon: Le ministre convient-il, cependant, que, dans la
teneur de l'article 56 tel qu'il est rédigé, c'est le travailleur
qui doit faire la démarche de contester et qui doit démontrer
qu'il n'est pas en mesure d'accomplir ce travail, que cela comporte des dangers
et que cela n'est pas favorable à sa réadaptation? À
l'article 43, par ailleurs, la présomption joue en sa faveur. Pourquoi
n'est-ce pas à ce moment, à cet article? Pourquoi l'article 56
va-t-il se retrouver au chapitre de la réadaptation et ne sera pas
relié à l'article 43?
M. Fréchette: Simplement parce que toutes les associations
de travailleurs ou d'accidentés nous l'ont demandé. Pourquoi nous
l'ont-ils demandé? J'allais dire, comme je le pense et comme cela nous a
été présenté, parce qu'incorporant les
mécanismes de l'article 56 et 57 de la loi dans le chapitre des
programmes de réadaptation, cela devra être
interprété comme devant faire partie d'un programme de
réadaptation. Strictement à cause de cela et dit de façon
plus claire, c'est moins contraignant dans le chapitre de la
réadaptation que cela ne pourrait l'être si on le laissait
à l'endroit où on le retrouve actuellement.
M. Bisaillon: Revenons à l'article 56. On dit:
"L'employeur d'un travailleur victime d'une lésion professionnelle peut
assigner un travail à ce travailleur, en attendant que celui-ci
redevienne capable d'exercer son emploi ou devienne capable d'exercer un emploi
convenable, si le médecin traitant croit que..." Pourquoi, à
l'article 56, dans le paragraphe d'introduction, avant de donner les
conditions, ne se réfère-t-on pas à la consolidation?
Pourquoi n'utilise-t-on pas, à l'article 56, l'élément
consolidation puisque vous les reliez, ces deux articles?
M. Fréchette: On va avoir un
amendement qui va rejoindre ce que le député de
Sainte-Marie est en train de nous dire.
M. Bisaillon: Qui est où?
La Présidente (Mme Juneau): M. le député de
Sainte-Marie, ne pourrait-on pas, dans ce cas, si vous parlez de l'article 56,
commencer par adopter l'article 43?
M. Bisaillon: Mme la Présidente, je parle de l'article 56
parce que le ministre me le donne en réponse à une suggestion que
je fais à l'article 43.
M. Fréchette: L'amendement est dans la liasse.
M. Bisaillon: Je peux bien vous faire l'amendement tout de suite
à 43, mais on ne réglera rien.
M. Fréchette: Si vous vous référez à
la liasse d'amendements qui vous a été remise, à l'article
170, vous allez rejoindre ce dont vous êtes en train de nous parler.
M. Bisaillon: Le 170.1, c'était le 56? M.
Fréchette: Oui, c'était cela.
M. Bisaillon: C'est cela. Dans l'article 170.1, vous dites:
"Même si sa lésion n'est pas consolidée." Cela va à
rencontre de 43. Cela apporte des restrictions à 43. À l'article
43, on dit: "Le travailleur est présumé incapable d'exercer son
emploi tant que la lésion professionnelle dont il a été
victime n'est pas consolidée." Cela veut dire, M. le ministre, si je
vous ai bien compris, que la présomption joue en faveur du travailleur
et que l'employeur, s'il veut contester le fait que le travailleur n'est pas
capable d'exercer son emploi, va pouvoir le faire, mais c'est lui qui va devoir
prouver que le travailleur est capable d'exercer son emploi. On se comprend
bien là-dessus? L'article 170.1 limite tellement l'article 43 qu'il va
quasiment à rencontre de ce dernier. (21 h 30)
M. Fréchette: Oui, mais il faudrait peut-être
retenir que l'article 170.1 reconduit les trois conditions de l'article 56. Il
y a une des trois conditions qui dit que cette assignation à un travail
temporaire ne se fait que dans l'intérêt de l'accidenté et
cela est un des éléments essentiels des trois conditions qui sont
retenues là. Je ne vois pas comment il ne faudrait pas permettre que,
dans l'intérêt d'un accidenté, une disposition comme
celle-là puisse être retenue.
La Présidente (Mme Juneau): Est-ce que cela va pour la
discussion?
Est-ce que l'article 43 est adopté?
Une voix: Adopté.
La Présidente (Mme Juneau): Adopté.
M. Bisaillon: Sur division, je pourrais dire.
La Présidente (Mme Juneau): L'article 44?
Oui. M. le député de Saguenay.
M. Maltais: Brièvement, j'aurais quelques petites
interrogations. Sans doute que le ministre va y répondre rapidement.
Peut-être que mon collègue de Sainte-Marie continuera sur l'autre
côté de la médaille de cet article. Je vais m'attarder
à un côté en particulier. Dans l'article 44, on retrouve
encore le mot "consolidation", avec la définition sur laquelle on
s'entend bien, M. le ministre, sur le plateau.
Il y a un petit point qui me chatouille. C'est que, dans cet article, on
ne trouve pas de cran d'arrêt, de cran de sûreté ou de
limite dans le temps. Si on ne trouve pas de limite dans le temps, j'imagine
qu'on ne peut pas évaluer les coûts, non plus.
M. Fréchette: L'article 44, Mme la Présidente, est
celui qui prévoit que l'accidenté a droit à de la
réadaptation tant et aussi longtemps qu'on n'atteindra pas ce niveau de
consolidation dont on parle. C'est évident que, si la
réadaptation, en même temps que les traitements médicaux
doivent durer quatre ans, cinq ans, six ans, c'est à ce terme-là
qu'on se réfère: jusqu'à ce que l'accidenté soit
capable de retourner à son travail ou alors qu'il soit capable de se
livrer à des activités d'un emploi convenable.
M. Maltais: Justement là-dessus, c'est parce que je ne
veux pas empiéter sur l'article 46. Mme la Présidente n'aime pas
cela et elle a raison. On y va article par article. On voit très bien
dans l'article 46 le chaînon manquant à 44.
Ce qui me chicote un petit peu, c'est qu'au début de votre
déclaration ce matin vous avez dit: C'est une évaluation, la loi
42 va coûter grosso modo 20 000 000 $ de plus...
M. Fréchette: Voilà.
M. Maltais: ...si je me rappelle bien. Or, on n'a pas
d'indication pour évaluer ces choses particulièrement à
l'article 44 ici, parce que, il faut le dire en toute honnêteté,
cela prendra le temps que cela voudra. Écoutez, le temps que la nature y
mettra, le temps que les médecins y mettront, les soins, c'est un temps
illimité et indéterminé. À
partir du moment où c'est illimité et
indéterminé, c'est très difficile de quantifier
l'indemnité en termes de dollars. Cela ouvre une porte, Mme la
Présidente, à des coûts présumément
estimés que personne ne peut vérifier, ni nous, ni la CSST. C'est
une extrapolation d'actuaires, vous allez me dire, mais, quand même,
entre 20 000 000 $ et 50 000 000 $, il y a une différence de 30 000 000
$. On n'a pas de cran de sûreté là-dessus. C'est cela qui
est difficile.
Je sais que mon collègue de Sainte-Marie aura la contrepartie,
mais il faut quand même avoir celle-là aussi.
M. Fréchette: Alors, Mme la Présidente, prenons le
mécanisme à compter de son début, après l'accident
de travail. Évidemment, la première étape qu'il faut
franchir, c'est celle de s'assurer que les traitements dont a besoin
l'accidenté vont lui être donnés, vont lui être
prodigués autant en institution qu'autrement. C'est la première
étape à franchir.
La deuxième étape, c'est celle de la réadaptation
proprement dite. Il est tout à fait impossible d'arriver à penser
qu'on pourrait limiter dans le temps la période pendant laquelle les
programmes de réadaptation vont être offerts et appliqués
dans le cas de l'accidenté. Par ailleurs, on me signale que les
expériences menées jusqu'à maintenant conduisent à
la conclusion que la période de temps moyenne pour arriver à
compléter la réadaptation d'un accidenté, qu'elle soit
physique, sociale ou professionnelle, est à peu près de deux
années, en ne tenant pas compte, évidemment, de la
première étape dont on a parlé, c'est-à-dire les
traitements médicaux. Mais le motif ou le rationnel derrière cet
article 44, c'est qu'il y a la notion d'incapacité d'accomplir son
travail ou, alors, la notion de la capacité d'accomplir un emploi
convenable.
M. Maltais: Excusez-moi, Mme la Présidente. M. le
ministre, il y a une étape qu'involontairement sans doute vous avez
sautée. Il y a la première étape que sont les soins
médicaux immédiats. Elle est inévitable suivant
l'accidenté qui arrive. Il y a l'étape aussi de la
consolidation.
M. Fréchette: Oui, bien sûr.
M. Maltais C'est la deuxième, à mon avis, qui est
très importante puisque selon l'étape de la consolidation va
être régie l'étape de la réadaptation. Et à
partir du moment où on est consolidé, on s'est entendu que cela
ne veut pas dire qu'on est guéri, on peut avoir besoin de
réadaptation après. Je ne veux pas m'en aller à l'article
46 du tout parce que Mme la Présidente va me rappeler à l'ordre
et elle aurait raison. Il y a une étape indéterminée entre
la consolidation et la réadaptation. Par exemple, pour les soins
médicaux premiers qui vont arriver à la suite de l'accident, sans
les quantifier en termes de jours, l'expertise nous dit: C'est à peu
près entre 0 et 90 jours, les soins médicaux intensifs. Il y a
l'étape de la consolidation qui peut prendre entre 90 jours et 6 mois ou
quelque chose comme cela, s'il y a fracture. Il y a l'étape de la
réadaptation; c'est elle la plus longue.
M. Fréchette: Oui, d'après lesexpériences qui ont été vécues jusqu'à
maintenant, c'est cela.
M. Maltais: À partir du moment où c'est elle qui
est la plus longue... Encore une fois, parce que c'est un corollaire, l'article
46, c'est difficile de...
M. Fréchette: Oui.
M. Maltais: ...parler de l'article 44 et de ne pas
déborder sur l'article 46. Il y a tout le principe de l'indemnité
continue partielle, il y a la participation entre le travail convenable et ce
que le gars faisait avant et la différence de la rente quicontinue. Je m'interroge, car ce n'est pas facile de mettre une limite de
temps dans cela, c'est presque impossible. Donc, cela devient impossible de
quantifier les coûts.
M. Fréchette: Sauf à partir des expériences
déjà vécues.
M. Maltais: D'accord. Vous avez une base actuarielle.
M. Fréchette: Oui, c'est d'ailleurs l'évaluation
qui a été faite. En introduisant cet article 44 dans le projet de
loi, cela n'implique pas que les mécanismes de traitement, de
consolidation et de réadaptation sont changés; je veux dire que
c'est la même procédure. Donc, à partir de
l'expérience vécue à la commission depuis 1980,
l'évaluation a été faite que cela n'entraînait pas
de coûts par rapport à la situation actuelle.
M. Maltais: Tout à l'hegre, si je vous ai bien compris,
vous avez semblé dire: Entre 0 et 24 mois est une période
convenable.
M. Fréchette: Une moyenne...
M. Maltais: Une moyenne convenable.
M. Fréchette: ...pour la période de
réadaptation.
M. Maltais: Oui. Entre 0 et 24 mois,
c'est une moyenne convenable... M. Fréchette: C'est
cela.
M. Maltais: ...acceptable; c'est à peu près ce qui
se passe dans la vie courante.
M. Fréchette: D'après l'expérience.
M. Maltais: D'accord. Cela va pour moi.
La Présidente (Mme Juneau): S'il n'y a pas d'autres
discussions, est-ce que l'article 44...
M. Fréchette: II y a la contrepartie, me dit-on.
La Présidente (Mme Juneau): Ah!
Excusez-moi.
M. le député de Sainte-Marie.
M. Bisaillon: Je trouve que c'est un article très
important, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Juneau): Effectivement.
M. Bisaillon: Ce n'est pas parce qu'on a passé trois
heures à discuter de l'ensemble cet après-midi qu'on doit
expédier les articles les uns après les autres sans se poser de
questions sur et leur formulation et leur portée.
La Présidente (Mme Juneau): Personne n'a jamais
prétendu cela, M. le député.
M. Bisaillon: Non, non.
La Présidente (Mme Juneau): Vous avez tout le loisir
possible.
M. Bisaillon: Je souligne pourquoi je donne la contrepartie et
pourquoi je pense qu'il faut le regarder plus attentivement aussi. Je remarque
que les députés ministériels sont beaucoup moins actifs ce
soir qu'ils ne l'étaient hier soir.
La Présidente (Mme Juneau): C'est parce qu'ils ont
compris...
M. Bisaillon: Pourtant... Comment dites-vous? Que dit-il, le
député de Viau?
La Présidente (Mme Juneau): II dit qu'il y a eu un
caucus.
M. Gagnon: Allez donc, M. le député de
Sainte-Marie, allez donc là.
La Présidente (Mme Juneau): Allez-y donc, M. le
député de Sainte-Marie; vous avez la parole. Sur l'article A4,
toujours.
M. Bisaillon: Mme la Présidente, l'article 44 se lit comme
suit: "Le travailleur dont la lésion professionnelle est
consolidée a droit à l'indemnité de remplacement du revenu
prévue par l'article 42 tant qu'il a besoin de réadaptation pour
redevenir capable d'exercer son emploi ou, si cet objectif ne peut être
atteint, pour devenir capable d'exercer à temps plein un emploi
convenable." C'est la dernière partie de l'article qui, quant à
moi, me pose des problèmes.
Premièrement, c'est quoi un emploi convenable? Dans les
circonstances, est-ce qu'on utilise la meilleure formule? Ne devrait-on pas
utiliser une autre appellation que "emploi convenable" pour couvrir l'ensemble
des éléments dont on doit tenir compte?
Deuxièmement, qui va déterminer qu'il est capable
d'exercer ledit emploi convenable? Quelle est la procédure
prévue? Quels sont les recours du travailleur? Est-ce que la CSST a des
pouvoirs pour imposer des mesures à l'employeur l'amenant à
aménager l'ancien emploi? Parce que, lorsqu'on parle de son emploi, on
parle de l'emploi tel qu'il l'exerçait, mais il peut revenir au travail
dans un emploi aménagé par l'employeur qui tient compte de sa
nouvelle situation ou de son incapacité nouvelle. Alors, il n'y a rien
de tout cela qui est prévu dans cet article et je trouve que c'est dans
l'application qu'on va se rendre compte que cela crée des
problèmes.
Alors, ma première questions: Est-ce qu'on ne pourrait pas
trouver une autre expression que "emploi convenable"? Par exemple, l'expression
"un emploi approprié" vous semblerait-elle plus juste? Parce que
l'emploi approprié, si on se fie aux définitions du dictionnaire,
veut dire convenable et pertinent. La pertinence de l'autre emploi, il me
semble que c'est quelque chose dont on devrait tenir compte. Tout ce dont on
parle ici, c'est de devenir capable de l'exercer; ce n'est pas de l'exercer.
À partir du moment où on pose le jugement qu'il est capable de
l'exercer, c'est terminé. Cela ne veut pas dire qu'il va l'exercer, cet
emploi convenable ou approprié ou appelons-le comme on voudra.
Ce sont toutes des questions qui restent en suspens et on ne peut pas,
à mon sens, approuver cela de même les deux yeux fermés
sans savoir comment cela va s'appliquer.
La Présidente (Mme Juneau): M. le ministre.
M. Fréchette: Mme la Présidente, voici mes
commentaires aux observations du député de Sainte-Marie. D'abord,
il s'interroge sur ce que serait, ce que peut être ou est la nature d'un
emploi convenable.
Je vais le référer à l'article 2 de la loi.
Évidemment, on ne l'a pas adopté, mais cela pourrait être
une avenue qu'on commence à regarder quant à la définition
du terme "emploi convenable". C'est "un emploi qui permet au travailleur
victime d'une lésion professionnelle d'utiliser sa capacité
résiduelle et ses qualifications professionnelles, qui présente
une possibilité raisonnable d'embauche et dont les conditions d'exercice
ne comportent pas de danger pour la santé, la sécurité ou
l'intégrité physique du travailleur compte tenu de sa
lésion."
Lorsque nous reviendrons à la discussion de l'article 2, nous
allons proposer d'ajouter à la définition du terme "emploi
convenable" le terme suivant: "un emploi approprié qui permet au
travailleur", etc. Alors, la notion d'approprié dont parle le
député de Sainte-Marie sera suggérée lorsque nous
arriverons à l'étude de la définition d'un "emploi
convenable".
M. Bisaillon: Dans la définition? M. Fréchette:
Voilà!
M. Bisaillon: Pour les autres aspects de mes interrogations, M.
le ministre.
M. Fréchette: C'est ce que j'allais aborder.
M. Bisaillon: Excusez-moi.
La Présidente (Mme Juneau): M. le ministre.
M. Fréchette: II est évident qu'il va devoir
arriver une décision à un moment donné si une contestation
s'élève autant au niveau de la nature de ce que pourrait
être l'emploi convenable pour un accidenté donné qu'au
niveau de sa capacité ou de sa possibilité de le faire. La
première instance décisionnelle ne peut être aucune autre
instance que la commission elle-même. (21 h 45)
La commission, à partir des progrès réalisés
par l'accidenté, autant à la suite de ses traitements
médicaux qu'à la suite de son programme de réadaptation,
à partir du contenu des expertises médicales, à partir des
évaluations globales qui auront été faites de
l'état de l'accidenté, pourra déterminer que cet
accidenté est maintenant en mesure d'occuper un emploi qu'on va indiquer
comme étant convenable, le tout conformément aux critères
de la définition de cette expression "emploi convenable".
Si l'accidenté prétend, d'une part, que l'emploi n'est pas
convenable ou, alors, que l'emploi pourrait être convenable si la
consolidation était complétée, il aura tout le loisir de
contester la décision que prendrait la commission dans son cas à
partir, encore une fois, des sources d'information dont je viens de parler.
Mais il faut que le processus décisionnel commence quelque part et cela
ne peut pas être ailleurs qu'à la commission elle-même.
La Présidente (Mme Juneau): Est-ce que cela va, M. le
député?
M. Bisaillon: Mme la Présidente, j'aurais un amendement
à proposer. L'objectif, Mme la Présidente, c'est d'essayer
d'améliorer...
La Présidente (Mme Juneau): Oui, vous voulez faire
travailler M. le secrétaire.
M. Bisaillon: ...le texte. Il s'agirait de biffer, dans la
dernière partie de l'article 44, "si cet objectif ne peut être
atteint, pour devenir capable d'exercer à plein temps un emploi
convenable" et de le remplacer par "tant qu'il n'occupe pas un emploi
convenable". Le nouvel article se lirait comme suit: Le travailleur dont la
lésion professionnelle est consolidée a droit à
l'indemnité de remplacement du revenu prévue par l'article 42
tant qu'il a besoin de réadaptation pour redevenir capable d'exercer son
emploi ou tant qu'il n'occupe pas un emploi convenable.
M. Fréchette: Mme la Présidente, je ne
recommencerai pas la discussion, mais je vous signale que, quant à moi,
je ne pourrais pas souscrire à l'amendement soumis par le
député de Sainte-Marie.
M. Bisaillon: Mme la Présidente, vous , admettrez avec moi
que jusqu'à maintenant le ministre ne m'a donné aucun argument
pour me dire pourquoi il ne peut pas souscrire à cet amendement.
Le problème qui va se poser, c'est que, à partir d'un
jugement qui va se faire sur la capacité du travailleur d'occuper un
emploi convenable, tout cesse à moins que le travailleur ne conteste.
Mais ce qu'il conteste - le ministre l'a bien expliqué - ou ce qu'il va
pouvoir contester, c'est la notion d'emploi convenable, c'est tel emploi est-il
convenable? C'est bien beau de déterminer qu'un emploi est convenable,
mais est-ce qu'il l'occupe, cet emploi convenable? S'il ne l'occupe pas, ses
indemnités cessent. Autrement dit, à 44, ce que vous êtes
en train d'adopter, c'est que les indemnités vont cesser à partir
du moment où on va juger qu'il serait capable d'exercer. Mais tant qu'il
ne l'exerce pas, tant qu'on ne lui a pas donné la possibilité de
l'exercer, pourquoi on lui coupe les indemnités?
La seule chose que le travailleur va pouvoir contester, c'est la
définition d'emploi convenable qu'on va avoir appliquée dans son
cas. C'est cela que le ministre m'a expliqué
tantôt. Ce n'est pas le fait que c'est trop hâtif ou qu'il
ne l'exerce pas, effectivement. Comment on peut justifier qu'à partir du
moment où il n'exerce pas cet emploi convenable on va lui couper ses
indemnités? Le ministre a passé beaucoup de temps, cet
après-midi, à nous faire comprendre que le nouveau projet
défrayait la différence entre le salaire, par exemple, de
l'ancien emploi par rapport au salaire diminué d'un nouvel emploi. C'est
bien beau cela, mais encore faut-il qu'il l'occupe, cet emploi.
Tant et aussi longtemps qu'on dit: Le travailleur, parce qu'il est
diminué, ne peut pas occuper son emploi, cela va. On va lui en donner un
autre et, s'il a un revenu moindre, le régime va combler la
différence. Tout cela sur papier, c'est excellent. En pratique,
qu'arrivera-t-il? En pratique, dès qu'on va avoir décidé
qu'il est capable de l'exercer, c'est terminé. Alors, là, tous
vos savants calculs pour indiquer qu'on va payer la différence, on ne la
paiera pas, la différence, puisque les indemnités vont cesser
dès qu'il va devenir capable de l'exercer.
Relisons 44, Mme la Présidente, tel qu'il est là,
maintenant.
M. Fréchette: Et les autres.
M. Bisaillon: Pardon!
M. Fréchette: 44, 45, 46 et 47.
M. Bisaillon: Alors, que le ministre me dise que cela se retrouve
ailleurs, mais qu'il ne me dise pas juste qu'il ne peut pas endosser mon
amendement. Qu'il me l'explique, il est là pour cela aussi.
M. Fréchette: Mme la Présidente, je pensais, ce
matin ou au début de l'après-midi, avoir donné une
explication là-dessus; elle n'a sans doute pas été
suffisamment claire. Lorsque l'accidenté est en mesure d'occuper un
emploi convenable, mais qu'il n'y en a pas de disponible pour lui, je n'ai
jamais dit que son indemnité cessait, même s'il n'occupe pas
l'emploi convenable, et ce n'est pas, non plus, ce que la loi indique. La loi
indique purement et simplement que, si l'accidenté est maintenant en
mesure d'occuper un emploi convenable, mais qu'il n'est pas capable de se
trouver un emploi convenable, que la commission, dans le programme de
réadaptation, ne lui a pas trouvé un emploi convenable, il y aura
une réduction de l'indemnité dans la proportion prévue aux
articles 46 et 47. À moins que notre lecture ne soit complètement
différente -du même texte, il n'est nulle part indiqué
qu'au moment où la consolidation sera arrivée, s'il ne peut pas
retourner dans son même emploi, mais qu'il peut être affecté
à un emploi convenable, toute indemnité cesse. Cela,
c'était vrai dans le projet de loi 42 tel que déposé en
novembre 1983; ce n'est plus vrai maintenant.
M. Bisaillon: Mais, Mme la Présidente, tel que l'article
44 est rédigé actuellement, s'il ne se réfère pas
aux autres articles, il doit trouver son application, l'article 44. Que dit-il?
Que l'indemnité de l'article 42 est payée "tant qu'il a besoin de
réadaptation pour redevenir capable d'exercer son emploi ou, si cet
objectif ne peut être atteint, pour devenir capable d'exercer à
plein temps un emploi convenable." Si j'applique l'article 44, ça veut
dire que le droit à l'indemnité, dès qu'on porte le
jugement qu'il devient capable, il doit cesser..
Vous me dites: Non, on retrouve ça dans d'autres articles. Mais
nulle part dans l'article 44 vous ne vous référez à ces
articles-là. Normalement, que dit-on dans des articles de loi? Je ne
sais pas ce qu'il y a de drôle; s'il y a quelque chose de drôle,
expliquez-le-moi. Normalement, quand on ne veut pas qu'un texte s'applique
comme il est écrit, on met "nonobstant". J'ai toujours vu ça dans
n'importe quel texte de loi. Comment se fait-il que ce n'est pas là?
C'est ce que je veux savoir.
M. Fréchette: Mme la Présidente, je serais
disposé à ce qu'on prenne les dix, quinze ou vingt prochaines
minutes pour faire une lecture attentive des articles 44, 45, 46, 47 et 48. Si
le député de Sainte-Marie, après cette lecture, n'obtient
pas réponse à ses questions, nous continuerons d'y
travailler.
M. Bisaillon: Je serais prêt à
suggérer...
M. Fréchette: L'article 44 réfère à
la période de consolidation; les autres articles réfèrent
à la période de réadaptation et à la période
de récupération totale.
M. Bisaillon: Je serais prêt à suggérer qu'on
suspende l'article 44 et mon amendement; qu'on regarde les autres et qu'on
revienne par la suite.
M. Fréchette: Mais quelle est la nature de l'amendement?
Ah oui, ça va.
M. Bisaillon: C'est de dire que tant qu'il n'occupe pas...
La Présidente (Mme Juneau): On est en train de le faire
photocopier...
M. Bisaillon: Je voudrais faire une précision qui me
semble importante, Mme la Présidente. Jusqu'à présent,
j'ai essayé de travailler correctement à cette commission
parlementaire; j'ai essayé de le faire honnêtement, sans retarder
indûment les travaux de la commission. Je comprends que ça ne fait
pas des mois que je travaille dans
ce dossier. Je comprends que ça ne fait pas plusieurs projets que
j'écris moi-même, mais les arguments que j'apporte, j'essaie de
les apporter sincèrement.
Je dis au conseiller du ministre qu'il faudrait qu'il le perçoive
comme ça. Si, à l'occasion, il nous arrive de dire des choses qui
sont incorrectes, !e ministre et son conseiller sont là pour nous
reprendre et pour nous expliquer la vraie façon de voir les choses.
C'est comme ça que je perçois aussi mon travail en commission. Ce
n'est pas la bible, ce que je dis; j'aimerais qu'on me reprenne et, à ce
moment-là, qu'on le fasse de la même façon que je
travaille, c'est-à-dire correctement.
La Présidente (Mme Juneau): M. le ministre.
M. Fréchette: Mme la Présidente, sur le dernier
commentaire du député de Sainte-Marie, j'espère qu'il
n'ira pas prétendre que, pour autant que je suis concerné, moi,
j'ai des doutes quant à la sincérité, la loyauté,
l'honnêteté et, surtout, l'acharnement qu'il met dans
l'étude du projet qu'on a devant nous.
Il faudrait peut-être, par ailleurs, savoir ce dont on parlait
tous les deux, avant d'arriver à des conclusions fermes qu'on
référait à l'argumentation du député de
Sainte-Marie. C'est strictement ça.
M. Bisaillon: Mme la Présidente, quand on fait une
argumentation à deux, on s'attend au moins à être deux. Je
veux bien croire que le ministre parlait d'autre chose avec son conseiller,
mais moi, je discute avec lui.
M. Fréchette: D'accord.
La Présidente (Mme Juneau): Est-ce que vous voulez
intervenir sur l'amendement?
Une voix: Suspendez donc cinq minutes.
M. Fréchette: C'est cela. C'est ce qu'on a l'habitude de
faire à cette heure-ci.
La Présidente? (Mme Juneau): M. le député de
Champlain.
M. Gagnon: Sur la dernière intervention du
député de Sainte-Marie que je ne trouve pas tout à fait
correcte, parce que, en fait...
M. Bisaillon: Vous auriez aimé qu'elle soit plus
claire?
M. Gagnon: Non. Je vais vous le dire. C'est qu'on a même
passé des remarques ici et c'est pour ça que je n'aime pas trop
l'allusion qu'il a faite, à savoir que sa contribution à cette
commission était même très intéressante. Je ne vois
pas de quelle façon il se sentirait lésé. Je pense qu'il a
tout le temps...
M. Bisaillon: Concluez que vous n'étiez pas visé,
M. le député!
M. Gagnon: ...de parole qu'il a le droit d'avoir et je n'ai pas
l'impression que quelqu'un le brime dans son droit de parole. Même, on a
collaboré à l'amélioration du projet de loi en question.
Je pense que, depuis le début, aussi, le ministre s'empresse de
répondre aux questions du député de Sainte-Marie.
M. Bisaillon: Très bien. Adopté.
La Présidente (Mme Juneau): Est-ce qu'on peut
suspendre?
M. Bisaillon: Alors, cela devait être en dehors de tout
ça.
La Présidente (Mme Juneau): Voulez-vous qu'on suspende
quelques minutes?
M. Bisaillon: Oui, on va suspendre cinq minutes.
La Présidente (Mme Juneau): Voulez-vous suspendre cinq
minutes, s'il vous plaît?
Une voix: Oui, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Juneau): Voilà. Nous suspendons
cinq minutes.
(Suspension de la séance à 21 h 57)
(Reprise à 22 h 6)
Le Président (M. Dussault): Nous allons reprendre les
travaux de la commission. Nous étions à un amendement, à
l'article 44, qui avait été proposé par M. le
député de Sainte-Marie. Qui avait la parole? M. le ministre, vous
avez la parole.
M. Fréchette: M. le Président, si l'on retenait
l'amendement proposé par le député de Sainte-Marie,
ça voudrait dire, en même temps, qu'il nous faudrait, à
l'avance, renoncer aux mécanismes prévus quand arrive la
possibilité pour un accidenté d'occuper un emploi convenable,
même si, malheureusement, il ne peut pas en occuper.
Les articles qui suivent vont nous amener, sans doute, à la
conclusion que, lorsque la consolidation est terminée, que les
traitements médicaux aussi, bien sûr, sont terminés, que le
travailleur ou que l'accidenté est en mesure d'occuper un emploi
convenable, même s'il n'en occupe
pas, il y a un mécanisme qui est prévu en vertu duquel
l'indemnité à laquelle il a droit est diminuée dans les
proportions que prévoient les articles qui suivent l'article 44. Or, il
faudrait, avec l'amendement du député de Sainte-Marie, faire une
exception à l'article 44 ou bien, alors, accepter à l'avance
qu'il faille déjà renoncer, comme je viens de le dire, à
la politique prévue dans le cas qu'on discute, c'est-à-dire le
cas où l'accidenté est en mesure d'occuper un emploi
convenable.
Enfin, je ne peux pas présumer de ce qui va se passer quand on va
arriver aux autres articles. Mais, comme au niveau de cette politique ou de
cette philosophie, il m'apparaît assez clairement que notre position est
la bonne, est correcte, je ne voudrais pas, à ce stade-ci, accepter un
amendement qui ferait en sorte que l'on "démolisse", entre guillemets,
un certain nombre d'autres articles qui viennent et qui sont en
référence avec la notion d'emploi convenable et en
référence, également, avec les conditions dans lesquelles
cet emploi convenable peut et doit être exercé.
Le Président (M. Dussault): M. le député de
Sainte-Marie.
M. Bisaillon: Effectivement, l'amendement que j'apportais
à l'article 44, c'était l'expression d'un choix. Cela n'avait pas
cela comme objectif, mais cela aura probablement comme effet de
"démolir", selon l'expression du ministre, les articles 45, 46 et 47.
Mais c'est un choix.
Quel est le choix qui nous est présenté? Dans un premier
temps, on dit: Le droit à l'indemnité, c'est tant qu'il a besoin
de réadaption ou jusqu'au moment où on juge qu'il est capable
d'exercer à plein temps un emploi convenable. Pendant tout le temps de
la réadaptation, pas de problèmes. À partir du moment
où on juge qu'il est capable d'exercer à plein temps un emploi
convenable, les articles 45 et 46 déterminent comment, maintenant, cela
va s'appliquer.
Regardons le deuxième paragraphe de l'article 46. Il dit:
"Cependant, si cet emploi convenable n'est pas disponible, ce travailleur a
droit à l'indemnité de remplacement du revenu prévue par
l'article 42 jusqu'à ce qu'il occupe cet emploi ou qu'il le refuse sans
raison valable, mais pendant au plus un an à compter de la date
où il devient capable de l'exercer." Autrement dit, on a repris dans le
deuxième paragraphe exactement les termes que j'utilisais à
l'article 44, sauf qu'à l'article 44, j'en faisais un absolu.
Le travailleur avait un emploi. Il a eu un accident au travail. Ce n'est
pas sa faute, à moins qu'on ne présume qu'ils se sont tous
automutilés. Ce n'est pas sa faute, il a eu un accident du travail. Cet
accident l'empêche de continuer à exercer son emploi et, au moment
où on détermine qu'il pourrait exercer un emploi convenable, il
n'y en a pas. Ce n'est pas sa faute, non plus, s'il n'y en a pas. Le choix que
je préférerais, c'est qu'on reconnaisse que, si le travailleur
n'a pas la possibilité d'exercer un emploi convenable, ce n'est pas
parce qu'il refuse de le faire; c'est parce qu'on ne lui en rend pas
disponible. On le reconnaît, d'ailleurs, à l'article 46, qu'il est
possible qu'il n'y ait pas d'emploi convenable disponible. Dans ce cas, on dit:
On va continuer à le payer, mais seulement un an.
En fait, ce que je dis, c'est qu'on part d'un principe très large
et au fur et à mesure que les articles s'en vont on dilue le principe
qu'on a d'abord énoncé. C'est très ressemblant à
des choses qu'on peut remarquer par ailleurs. On part de l'indépendance,
puis, tranquillement, on ajoute un référendum ici, un
référendum là; on diminue ça et on dilue ça
tellement qu'il ne reste plus rien. C'est exactement ce qu'on fait.
À l'article 44, on pose un principe: il aura droit à
ça. À l'article 45, on commence déjà à le
limiter et, à l'article 46, on dit: S'il n'y en a pas de disponible ou
s'il refuse de l'occuper, on va continuer à le payer, mais seulement
pendant un an. Donc, ce sont des calculs. C'est par calcul, ce n'est pas par
principe qu'on met ça. Si c'était par principe, ou bien on
dirait: C'est non sur toute la ligne, ou bien on dirait: C'est oui sur toute la
ligne. Là où on voit que c'est uniquement par calcul, c'est qu'on
le limite à un an. Donc, on reconnaît que, pendant une certaine
période, il est normal de compenser le travailleur qui a subi un
accident du travail parce qu'on ne lui trouve pas l'emploi convenable qu'on a
déterminé, parce que l'emploi convenable qu'on lui a
déterminé n'est pas disponible.
Là, ce sont des questions de choix pour les parlementaires: que
vont-ils privilégier? Je dis que, s'ils ne retiennent pas mon amendement
à l'article 44, jusqu'à un certain point, ils rendent le
travailleur responsable de ce qui lui est arrivé. Ils le rendent
responsable, de surcroît, de ne pas être capable, parce qu'il n'y
en a pas de disponible, d'occuper un poste convenable qu'on aura
déterminé pour lui. C'est ça que je dis. C'est juste une
question de choix. Faites vos choix clairement. Mais quand vous avez fait le
choix clair de dire: Est-ce la faute du travailleur ou si ce n'est pas sa
faute, ne diluez rien, faites vos choix complets. Il me semble que c'est
ça qui serait cohérent et logique. À partir du moment
où, à l'article 46, on dit que, s'il n'y a pas d'emploi
disponible, on va le payer pendant un an, pourquoi met-on une limite d'un an?
Quand on le paie pendant un an, on reconnaît automatiquement ou
implicitement
le fait ou le principe que ce n'est pas sa faute, qu'il n'en est pas
responsable. Si on le limite a un an, c'est parce qu'on a fait des calculs. Si
on fait des calculs, on se trouve à les faire sur le dos du travailleur
plutôt que sur le dos de ceux qui doivent payer la note. C'est ça
que je dis, M. le Président: Faites vos choix clairs! Vous êtes
pour les responsables des accidents ou vous rendez les travailleurs
accidentés responsables. C'est ça le choix entre mon amendement
à l'article 44 et l'adoption des articles 45, 46 et 47. (22 h 15)
J'ai pris seulement un aspect; on a convenu que l'on traiterait des
articles 44, 45, 46 et 47. Je pense que c'est à la suggestion du
ministre. Il est évident que, si mon amendement à l'article 44
est rejeté, le choix sera fait. Il ne restera qu'à regarder les
articles au plan technique, mais sur le fond de la question les parlementaires
auront fait leur choix.
Le Président (M. Dussault): M. le ministre.
M. Fréchette: Oui, brièvement, M. le
Président. Il y a une chose avec laquelle je suis tout à fait
d'accord à partir de la dernière argumentation du
député de Sainte-Marie. Quelle que soit la décision que
l'on retient à chacun des articles qu'on est en train d'étudier
ou, alors, à l'ensemble d'une série d'articles qui contiennent un
mécanisme, c'est tout à fait évident que cela se
résume à une question de choix. Je pense que sur cela on va
très facilement être capables de se comprendre.
Le député de Sainte-Marie a fait un choix et il nous
suggère de l'introduire dans la loi. Je lui signale que ce n'est pas le
choix que le gouvernement a retenu pour les motifs suivants. C'est vrai qu'au
fur et à mesure que le temps passe depuis la date de l'accident et
à partir de toutes les étapes qui suivent les possibilités
- je pense que le député de Sainte-Marie a utilisé
l'expression - "se diluent graduellement" - c'est vrai que cela se dilue
graduellement, mais c'est inversement proportionnel, par ailleurs, à
l'amélioration de l'état de l'accidenté. Au fur et
à mesure que se rétrécissent les objectifs ou les
possibilités dont parle le député de Sainte-Marie, c'est
strictement parce que, encore une fois, l'état de l'accidenté,
lui, s'améliore. Cet état va aboutir ou bien à une
récupération complète ou bien à la consolidation
dont on parle, c'est-à-dire au maximum possible de l'amélioration
de l'état de l'accidenté.
Mme la Présidente, vous êtes revenue, oui.
La Présidente (Mme Juneau): Oui, cher monsieur.
M. Fréchette: Mme la Présidente, je suis d'opinion,
à tort ou à raison, que retenir la suggestion du
député de Sainte-Marie équivaudrait, à toutes fins
utiles, à introduire dans la loi des dispositions équivalant
è un système d'assurance-chômage. C'est très
précisément l'aboutissement du raisonnement du
député de Sainte-Marie et il me semble que, cet
après-midi, on a les uns et les autres convenu que ce n'était pas
par une loi de réparation des accidents du travail qu'il fallait
atteindre les objectifs louables qu'il veut atteindre par l'amendement qu'il
suggère. Pour ces motifs, je suis un de ceux qui croient que
l'amendement devrait être rejeté.
La Présidente (Mme Juneau): M. le député de
Beauharnois.
M. Lavigne: Pour aller un peu dans le même sens de
l'argumentation que vient de développer le ministre, c'est bien
évident que c'est un choix. Je suis bien sensible à toute
l'argumentation qu'a développée le député de
Sainte-Marie. Bien sûr, comme parlementaires, on peut endosser
l'argumentation du député de Sainte-Marie ou pas. Les raisons qui
vont faire que je ne i'endosse pas sont celles-ci. D'abord, après
l'accident, il y a toute la période de la consolidation. Cela peut durer
six mois, un an, deux ans, trois ans et quatre ans, il n'y a pas de limite
à cela dans la loi. On le paie pendant la consolidation, il n'y a pas de
maximum. Après sa consolidation, le médecin évalue qu'il y
a consolidation, que le travailleur accidenté est remis à la
santé, qu'on ne peut plus améliorer sa situation physique par des
traitements. C'est ce qu'on définit dans la consolidation. Donc, si lui
décide qu'il n'y a pas encore consolidation, il a toujours droit
d'appel.
De toute façon, si l'employé considère qu'il y a
consolidation et qu'il est d'accord avec son médecin, il s'embarque dans
le processus de l'emploi convenable. Dans le cas d'un employé qui
travaille dans une entreprise où il y a 20 employés et moins, on
lui donne un an, en collaboration avec la CSST, pour se trouver l'emploi
convenable en question. S'il travaille dans une entreprise où il y a
plus de 20 employés, il a droit à deux ans. Si, après
cette année pour trouver un nouvel emploi, il arrive devant un
cul-de-sac parce qu'il n'y a pas d'emploi disponible, c'est un peu - et
là vous me remettrez sur la piste si vous ne le comprenez pas comme cela
- comme ce qui pourrait arriver à quelqu'un qui n'a pas eu d'accident
lorsqu'il y a un manque d'emplois. Il peut y avoir des mises à pied dans
une entreprise; parce que le carnet de commandes est diminué, le patron
en met trois à pied. Là, parce que l'employé a
été victime d'un accident, on veut quand même l'aider,
parce que ce n'est
pas sa faute s'il a eu un accident. Donc, pendant la période de
consolidation, on le paie, un an ou deux selon le cas. Seulement, je ne veux
pas lui donner, moi, par la loi, l'opportunité de ne plus jamais - c'est
un choix, encore là, je le dis - pouvoir retourner sur le chômage
ou bien sur l'aide sociale. Si, mettons, en bout de piste, après dix
ans, il n'a pas d'emploi convenable -exagérons la situation pour bien
comprendre - cela veut dire que ce gars, parce qu'il aura eu un accident de
travail une fois dans sa vie, est exempt à tout jamais de toucher soit
l'assurance-chômage ou l'aide sociale. Moi, je dis qu'on le traite de
façon discriminatoire, si on veut, par rapport à un
employé qui n'a pas eu d'accident, mais qui n'a pas d'emploi.
Cela se peut, des employés qui n'ont pas d'emploi en cours de
route pendant leur vie, à un moment donné. Cela fait dix ans que
le gars travaille dans la "shop" et là, cela va moins bien pour son
patron, il n'a plus besoin de lui et le met à pied. Le gars va prendre
ses cliques et ses claques et va essayer de se trouver une autre "job". S'il
n'y en a pas, en bout de piste, il va tomber en chômage et sur l'aide
sociale. Mais parce qu'il aurait eu un accident de travail, il serait exempt de
cela jusqu'à la fin de ses jours. Moi, je n'achète pas cela.
C'est une question de principe. On peut l'acheter ou ne pas l'acheter. Mon
choix, je l'explique: je n'achète pas cela.
La Présidente (Mme Juneau): Est-ce qu'il y a d'autres
interventions sur l'amendement du député de Sainte-Marie?
M. le député de Sainte-Marie.
M. Bisaillon: Je n'ai pas argumenté sur l'amendement, Mme
la Présidente, mais répondu plutôt au voeu du ministre de
regarder dans l'ensemble les quatre articles. Après cela, je pense qu'on
va disposer de l'amendement et cela va régler une partie de la
question.
Je voudrais, quand même, reprendre l'argumentation du
député de Beauharnois. On va admettre avec moi que, quand il est
rendu à sept ans et à huit ans, on n'est plus dans les cas
légers dont parlait le ministre aujourd'hui; on est plutôt dans
les cas lourds. L'article 1 du projet de loi dit: "La présente loi a
pour objet la réparation des lésions professionnelles et des
conséquences qu'elles entraînent pour les
bénéficiaires." Je dis que, dans cette situation, le fait de ne
pas avoir l'emploi convenable disponible qu'on a déterminé pour
lui, c'est une conséquence. S'il n'avait pas eu d'accident de travail,
il l'aurait, cet emploi. Pas un emploi convenable, pas un emploi
différent.
Le ministre dit: Peut-être pas. C'est vrai, peut-être pas.
Mais s'il ne l'avait plus, son emploi antérieur, il serait traité
sur le même pied que tout le monde. Mais à cause d'un accident de
travail, il est incapable d'exercer son emploi antérieur et, parce qu'il
est incapable d'exercer son emploi antérieur, on détermine pour
lui un emploi convenable. On fait cela à sa place. Cet emploi convenable
qu'on a déterminé, il n'est pas disponible.
Moi, je prétends que ça devient une conséquence de
l'accident de travail, de la lésion professionnelle. Selon l'article 1,
ce projet de loi ne traite pas juste de la réparation des
lésions; il doit se préoccuper aussi des conséquences
qu'elles entraînent pour les bénéficiaires. Je trouve que,
dans les circonstances, quand on est rendu après sept ans, cela devient
une conséquence. À moins qu'on ne prétende que, dès
que quelqu'un a eu un accident de travail et est diminué physiquement
d'une partie importante, il devient automatiquement un parasite de la
société et il se considère comme cela.
Je ne dis pas que c'est ce que le député a voulu dire,
mais c'est cela que nos discours entraînent, finalement, quand on dit:
Après sept ans, qu'est-ce-que tu veux, s'il n'a pas d'emploi, il est sur
le même pied que tout le monde. Ce n'est pas vrai parce que ce n'est pas
tout le monde qui a eu un accident de travail.
Je disais: Tant qu'il n'occupe pas un emploi convenable. Je pourrais
ajouter: Tant qu'il n'occupe pas ou qu'il refuse un emploi convenable. Parce
que c'est de cela que vous parlez aussi à 46. S'il refuse un emploi
convenable, vous allez continuer à le payer pour un an et, après
l'année, vous allez arrêter. Je dis que quelqu'un qui refuse un
emploi disponible, pour moi, c'est la première journée que tu
dois le couper, ce n'est pas d'attendre un an. Sauf que là on
achète la paix en le payant pendant un an à partir du moment
où il refuse. On achète la paix. Je dis que ce sont des solutions
de compromis.
La Présidente (Mme Juneau): Oui, M. ledéputé de Beauharnois.
M. Lavigne: Pour essayer de comprendre ce que le
député de Sainte-Marie vient de dire, c'est que l'année ou
les deux années qu'on lui donne, selon le cas, de 20 employés ou
moins ou plus...
M. Bisaillon: Pas qu'on lui donne; qu'il mérite.
M. Lavigne: M. le député de Sainte-Marie!
M. Bisaillon: Qu'on lui accorde. M. Lavigne: Qu'on lui
accorde.
La Présidente (Mme Juneau): M. ie député de
Beauharnois, vous avez la parole.
M. Lavigne: Ce n'est pas à partir d'un refus qu'on le lui
accorde; c'est dans la loi. Si au bout de trois mois on en trouve un et qu'un
employé accidenté, qui a été consolidé,
revient et est d'accord pour prendre cet emploi après trois mois, on va
le lui accorder. Si après l'année on n'a pas réussi, cela
se fait, selon le texte même de la loi, en collaboration entre la CSST et
l'employé. Ce n'est pas l'employé qu'on envoie dans le champ tout
seul se trouver...
Ce que je veux dire, c'est qu'il y a un an... C'est parce que vous
introduisez dans l'article la question de refus de la part de
l'employé.
M. Bisaillon: Ce que je vous dis, c'est qu'à l'article 46
- c'est aussi le cas à 45 -on dit: "Cependant, si cet emploi convenable
n'est pas disponible, ce travailleur a droit à l'indemnité de
remplacement du revenu prévue par l'article 42 jusqu'à ce qu'il
occupe cet emploi ou qu'il le refuse sans raison valable, mais pendant au plus
un an à compter de la date où il devient capable de
l'exercer."
Alors, ce que je comprends de cette partie de l'article et je pense que
je ne me trompe pas, c'est ou bien l'emploi convenable n'est pas disponible ou
bien il y a un emploi convenable et le travailleur le refuse sans raison
valable. Dans ces deux circonstances, on va lui payer une indemnité, qui
peut être diminuée, pendant une période d'un an. C'est
après que cela va cesser. "Mais pendant au plus un an à compter
de la date où il devient capable de l'exercer."
La Présidente (Mme Juneau): Est-ce qu'il y a d'autres
interventions sur l'amendement du député de Sainte-Marie? Est-ce
que l'amendement du député de Sainte-Marie est adopté?
M. Fréchette: Rejeté, Mme la Présidente.
M. Lavigne: Une autre question, Mme la Présidente, de la
part du député de Beauharnois, au député de
Sainte-Marie. Est-ce que, si je comprends bien, le député de
Sainte-Marie voudrait avoir une année de plus en cas de refus?
M. Bisaillon: Non, vous ne comprenez pas du tout.
M. Lavigne: C'est indéfiniment.
M. Bisaillon: Au contraire, non. Je dis que, dans ce projet, on
accepte même que le travailleur accidenté refuse sans raison
valable. Je dis que j'aimerais mieux qu'on lui paie des indemnités tant
qu'il n'occupe pas un emploi convenable, mais je serais prêt à
dire qu'à partir du moment où il le refuse, quand il en a un, on
devrait le couper. C'est cela que je dis, alors que vous, vous maintenez les
deux. C'est cela que je dis.
La Présidente (Mme Juneau): Donc, l'amendement est
rejeté.
M. Bisaillon: Je dois comprendre, Mme la Présidente, que
l'amendement est rejeté à l'unanimité?
M. Fréchette: II faudrait demander cela à nos
collègues à notre gauche.
La Présidente (Mme Juneau): M. le député de
Viau, est-ce que l'amendement est rejeté?
M. Cusano: II y a des bouts qu'on n'a pas suivis, excusez. Juste
un instant.
M. Lavigne: Mme la Présidente, si vous me le
permettez...
La Présidente (Mme Juneau): M. le député de
Beauharnois.
M. Lavigne: ...on pourrait amender l'article dans le sens
suivant: C'est que s'il le refuse...
La Présidente (Mme Juneau): Une minute! On est en train de
discuter un amendement, M. le député, si vous le permettez. Un
à la fois.
M. Lavigne: C'est sur l'amendement du député
de Sainte-Marie.
La Présidente (Mme Juneau): Attendez, on va savoir. Juste
un instant, s'il vous plaît:
M. Fréchette: II est rejeté.
M. Bisaillon: Tout ce que je veux savoir, c'est s'il a
été rejeté à l'unanimité. Il me semble que
c'est un droit normal.
La Présidente (Mme Juneau): On m'a demandé quelques
secondes pour...
M. Cusano: On a demandé quelques secondes.
M. Bisaillon: Très bien.
M. Lavigne: Mme la Présidente, question de causer...
La Présidente (Mme Juneau): Un instant, s'il vous
plaît: Juste un instant. Il m'a dit que cela prendrait quelques
secondes,
s'il vous plaît: (22 h 30)
M. Fortier: On aurait seulement une question à poser au
ministre. Je pense que toute la notion qu'on a étudiée depuis le
début semble donner l'interprétation de la capacité
à un médecin traitant qui fait rapport éventuellement. Je
crois que, lorsqu'on dit, selon le texte de la loi, "redevient capable
d'exercer", le terme "capable d'exercer" sera interprété par un
médecin traitant.
M. Fréchette: En fonction.
M. Fortier: Alors, c'est la notion. Selon la notion qui nous est
suggérée, je crois que c'est l'employé lui-même,
s'il refuse un emploi alors qu'il en était capable, qui se fait juge.
Personnellement, je crois, en accord avec les notions qui ont été
établies depuis le début, que la proposition faite ici par le
ministre semble plus logique avec l'ensemble des autres articles de loi qui
sont devant nous. De prime abord, je voterais contre l'amendement.
La Présidente (Mme Juneau): Contre l'amendement. M. le
député de Viau?
M. Cusano: Contre.
La Présidente (Mme Juneau): Cela veut dire que
l'amendement du député de Sainte-Marie est rejeté à
l'unanimité.
M. Bisaillon: Mme la Présidente, veuillez croire que j'en
suis profondément désolé et que, si j'avais eu l'occasion
de le dire et de l'exprimer par un vote, j'aurais sûrement voté
favorablement.
La Présidente (Mme Juneau): Je n'en doute pas un instant,
cher monsieur. Est-ce que l'article 44 est adopté?
Des voix: Adopté.
La Présidente (Mme Juneau): Adopté. L'article 45?
M. le député de Viau.
M. Cusano: Seulement quelques clarifications. Si je comprends la
portée de l'article 45, une fois que l'accidenté est capable de
retourner à son emploi, il y a un délai de prescrit en vertu des
autres articles qui consacrent le droit de retour au travail d'un an ou de deux
ans.
C'est la ' pause-café, M. le ministre. C'est un "compliment" de
qui? C'est de vous-même. Merci beaucoup, M. le ministre.
M. Gagnon: Mme la Présidente, on a rejeté
l'amendement du député de Sainte-Marie.
La Présidente (Mme Juneau): Oui.
M. Gagnon: Mais est-ce qu'on a adopté l'article ou si on
en parle actuellement?
La Présidente (Mme Juneau): Non, non, on a adopté
l'article 44. On est à l'article 45.
M. Cusano: Cela arrive des fois qu'on ne suit pas tous les
débats.
La Présidente (Mme Juneau): On est à l'article
45.
M. Cusano: Je demandais des précisions au ministre parce
que je veux bien comprendre la portée de l'article. Lorsque
l'accidenté redevient capable d'exercer son emploi, mais que ceci est
après l'expiration des droits de retour au travail, c'est-à-dire
un an ou deux ans, cela veut dire en termes très concrets - parce que
s'il travaille pour une compagnie de moins de 20 employés, son
délai est d'un an, d'après ce que l'on trouve dans les autres
articles - que, s'il devenait capable d'exercer un emploi équivalent un
an et deux mois après l'accident, il aurait un prolongement d'un an.
Est-ce bien cela?
M. Fréchette: Il aurait un prolongement d'un an pour
l'exercice du droit de retour au travail?
M. Cusano: Oui.
M. Fortier: Le "un an" s'applique à quoi?
M. Fréchette: À l'indemnité à
laquelle il a droit.
M. Cusano: Oui.
M. Fréchette: Mais quant à l'exercice du droit de
retour au travail, on va le voir quand on arrivera à ce
chapitre-là. Les mécanismes prévus par la loi pour le
retour au travail sont d'une année à compter de la date de
l'accident dans les circonstances prévues par la loi et de deux
années dans les autres circonstances prévues par la loi. On aura
un amendement quand on arrivera à ce chapitre pour prévoir une
exception à ce mécanisme global, mais on n'y est pas. Mais
l'année dont on parle dans l'article 45...
M. Cusano: Le délai, c'est au cas où il y
aurait refus de la part de l'accidenté. Est-ce cela?
M. Fréchette: C'est cela.
M. Cusano: On explicite en disant: Sans raison valable.
M. Fréchette: Mme la Présidente,
l'explication qu'on me fournit est la suivante. Après la date de
l'accident, il y a cette période d'une année, si on parle d'une
entreprise de 20 travailleurs et moins...
M. Cusano: C'est cela.
M. Fréchette: ...pour pouvoir réintégrer son
travail.
M. Fortier: Depuis l'accident.
M. Fréchette: De la date de l'accident.
M. Fortier: Oui.
M. Fréchette: Si, après l'expiration de ce
délai, disons quatorze mois après l'accident...
M. Cusano: C'est ce que je disais.
M. Fréchette: ...le droit de retour au travail n'existant
plus, l'employeur indique à un accidenté qu'il n'a plus de
travail pour lui, pendant une année à la suite de cela, il sera
admissible à l'indemnité. Il est, par ailleurs, évident
que, s'il refuse un autre emploi équivalent qui lui serait offert, ses
prestations vont cesser.
La Présidente (Mme Juneau): Est-ce qu'il y a d'autres
interventions sur l'article 45? L'article 45. Oui, M. le député
de Viau.
M. Cusano: Je voudrais bien comprendre parce que cela a l'air, en
tout cas pour moi, confus. Après l'expiration d'un an ou deux ans selon
le cas... Pardon?
La Présidente (Mme Juneau): C'est à moi qu'il
parlait. Je m'excuse, M. le député.
M. Cusano: Après cette expiration d'un an ou deux ans, il
y a une certaine obligation de la part de l'employeur d'aviser cet
accidenté qu'il y aurait un travail qui deviendrait disponible pour une
période d'une autre année. C'est cela?
M. Fréchette: II n'y a pas d'obligation dans ce sens qui
est faite à l'employeur, je ne pense pas.
M. Cusano: II n'y a pas d'obligation. M. Fréchette:
Non.
M. Cusano: Mais la prolongation, elle, c'est pourquoi?
M. Fréchette: Pour lui permettre de se retrouver un autre
emploi, s'il ne peut pas retourner chez son employeur où l'accident
s'est produit.
M. Fortier: Cela, c'est compris.
M. Perron: Parce que l'employeur ne le reprend pas au travail
qu'il avait antérieurement.
M. Fortier: Le seul problème, je pense, c'est si on lui
offre un emploi et qu'il le refuse...
M. Fréchette: Après l'expiration.
M. Fortier: Après cela, s'il le refuse, il a encore un
an.
M. Fréchette: Non. S'il refuse un emploi équivalent
qu'il est capable de faire, la prestation est coupée,
M. Fortier: Non, ce n'est pas comme cela...
Une voix: Ce n'est pas clair. M. Fortier: ...qu'on peut le
lire.
La Présidente (Mme Juneau): Il serait important qu'il y
ait un intervenant à la fois parce que, pour le Journal des
débats, cela va être très difficile. M. le
député de Duplessis.
M. Perron: Mme la Présidente, pour ma
compréhension, je demanderais ceci au ministre. Par exemple,
l'accidenté, quatorze mois après son accident, peut retourner au
travail chez son employeur. Son employeur refuse de le prendre parce qu'il a
réduit, par exemple, son nombre d'employés. L'employé en
question passe quatre mois en étant indemnisé. Il a droit
à une année et il passe quatre mois en étant
indemnisé. Tout à coup, il a une offre d'emploi quatre mois
après les quatorze mois et, à ce moment, il refuse d'aller
travailler à cet emploi équivalent. C'est là qu'il y a une
coupure nette, pas rétroactivement, mais à partir de ce moment.
Donc, l'année n'est que de quatre mois au lieu d'être de douze
mois. C'est cela, la compréhension?
La Présidente (Mme Juneau): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: Juste pour que ce soit clair, M. le ministre, si je
lis l'article 45 et que je dis: "II a droit à l'indemnité deremplacement du revenu prévue par l'article 42 jusqu'à ce
qu'il réintègre son emploi ou un emploi équivalent - et
là, je laisse tomber "ou qu'il refuse sans raison valable de le faire -
mais pendant au plus un an à compter de la date où il redevient
capable d'exercer son emploi", il n'y a aucun problème. Autrement dit,
c'est le cas où la personne a eu un accident, elle peut
réintégrer son travail ou on lui offre un travail
équivalent, mais cette période est d'un an, au plus. Il faudrait
faire un amendement pour rayer ces mots et ajouter: S'il refuse de
réintégrer son emploi ou d'occuper un emploi équivalent,
son indemnité cesse immédiatement. Si on le disait clairement au
lieu de l'intégrer à la même phrase, je crois qu'il n'y
aurait pas d'ambiguïté.
M. Fréchette: Mme la Présidente, je vais essayer de
faire l'exercice en lisant très lentement l'article 45 et je pense qu'on
va réaliser que l'objectif du député d'Outremont est
atteint. "Lorsqu'un travailleur victime d'une lésion professionnelle
redevient capable d'exercer son emploi après l'expiration du
délai pour l'exercice de son droit de retour au travail, il a droit
à l'indemnité de remplacement du revenu prévue, par
l'article 42 "jusqu'à ce que, premièrement, il
réintègre son emploi ou un emploi équivalent ou
jusqu'à ce qu'il refuse, sans raison valable, de le faire, mais pendant
au plus un an..." Alors, quand il va refuser, cela va cesser.
M. Fortier: II y a deux "jusqu'à ce que".
Premièrement: jusqu'à ce qu'il réintègre son emploi
ou un emploi équivalent ou, deuxièmement: jusqu'à ce qu'il
refuse sans raison valable. Si on le lit comme cela, d'accord.
M. Cusano: Je comprends ce que cela veut dire, mais pour rendre
l'article plus compréhensible...
M. Fréchette: On pourrait mettre un autre "jusqu'à"
après le terme "ou".
M. Cusano: Oui, cela conviendrait. Je pense que cela serait plus
clair.
M. Fréchette: Alors, allons-y, Mme la
Présidente.
La Présidente (Mme Juneau): C'est "jusqu'à" avant
les mots "qu'il refuse", M. le ministre?
M. Fréchette: C'est cela, "ou jusqu'à ce qu'il
refuse".
La Présidente (Mme Juneau): Y a-t-il d'autres
interventions?
M. Fortier: Non, je pense qu'on est d'accord. Le ministre le
propose et on va l'adopter à l'unanimité.
La Présidente (Mme Juneau): Avec l'ajout de
"jusqu'à".
M. Fortier: Mme la Présidente, si vous voulez lire la
phrase pour que cela soit bien clair. .
La Présidente (Mme Juneau): D'accord.
M. Fortier: Seulement le bout de phrase.
La Présidente (Mme Juneau): Le bout de phrase?
D'accord.
M. Fortier: C'est de l'autre côté, page ?0.
La Présidente (Mme Juneau): "Jusqu'à ce qu'il
réintègre son emploi ou un emploi équivalent ou
jusqu'à ce qu'il refuse, sans raison valable, de le faire."
M. Fortier: D'accord.
La Présidente (Mme Juneau): Cela va?
M. Fortier: C'est cela. Adopté.
La Présidente (Mme Juneau): D'accord. Nous allons prendre
l'article 46 maintenant.
M. Perron: Si je comprends bien, Mme la Présidente...
La Présidente (Mme Juneau): Je dis bien: Tel
qu'amendé.
M. Perron: L'article 45 est adopté tel
qu'amendé.
La Présidente (Mme Juneau): Oui, c'est exact.
M. Fortier: Tel qu'amendé.
La Présidente (Mme Juneau): Je m'excuse, cela va.
L'article 46? M. le ministre.
M. Fréchette: Mme la Présidente, l'article 46 est
précisément celui dont on a déjà parlé dans
la discussion. Je vais essayer de le résumer succinctement et de
l'illustrer par un exemple. L'accident se produit, la période des
traitements médicaux s'écoule, la période de
réadaptation s'écoule également et on arrive à
cette étape de la consolidation. L'on tient pour acquis que la
consolidation est la notion dont on parle depuis le début. Cela nous
amène à la constatation que l'accidenté ne peut pas
retourner dans l'emploi où il était au moment où il a eu
son accident, mais qu'il est en mesure d'occuper un emploi qu'on est convenu
d'appeler convenable qui répondrait aux capacités
résiduelles de l'accidenté. (22 h 45)
Mais il arrive, pour toutes sortes de motifs dont l'accidenté
n'est pas responsable, que cet emploi convenable n'existe pas ou
n'est pas disponible. L'emploi convenable n'est pas disponible. Il y a
des gens qui ont prétendu, jusqu'à maintenant, et qui
prétendent encore que, si cet emploi convenable n'est pas disponible et
que l'accidenté est en mesure de le faire, de l'accomplir, de l'exercer,
il perd toute indemnité, ce qui n'est pas du tout la situation.
Le calcul qui va être fait, à ce moment-là, va
être le suivant: à partir du 90% du revenu net qu'il retire en
indemnité de remplacement du revenu, le revenu étant celui qu'il
réalisait au moment de son accident, nous allons également
calculer 100% du revenu net que pourrait lui donner l'emploi convenable. Nous
allons faire le calcul de la différence entre les deux et c'est de ce
montant que l'indemnité serait réduite. En tout temps et en toute
circonstance, même dix ans après l'accident, si l'emploi
convenable n'existe pas, il y aura toujours compensation et
indemnité.
La Présidente (Mme Juneau): M. le député de
Champlain.
M. Gagnon: J'aimerais que vous repreniez le dernier bout:
à partir du moment où l'emploi convenable n'existe pas, je n'ai
pas bien saisi le calcul qui est fait.
M. Fréchette: Essayons d'illustrer la situation par un
exemple concret. À supposer que l'indemnité de remplacement du
revenu de l'accidenté est de 400 $. Il retire 400 $ qui est donc
l'équivalent de 90% du revenu net du salaire qu'il recevait dans
l'emploi dans lequel il était au moment de son accident. Le 100% du
revenu net d'un emploi convenable pourrait être 200 $. Alors, soustrayez
400 $ de 200 $, il continuera de recevoir, sa vie durant, tant et aussi
longtemps que l'emploi convenable ne sera pas disponible, le montant de 200
$.
La Présidente (Mme Juneau): Est-ce qu'il y a d'autres
interventions sur l'article 46?
M. Fréchette: Je ne sais pas si c'est suffisamment
clair.
M. Gagnon: Vous avez dit "toute sa vie"?
M. Fréchette: Jusqu'à 65 ans.
M. Fortier: Ici, on dit: "jusqu'à ce qu'il occupe cet
emploi ou qu'il le refuse, sans raison valable, mais pendant au plus un an
à compter de la date."
M. Fréchette: Cela, c'est l'indemnité
totale.
M. Fortier: Ah oui. "L'indemnité prévue par le
deuxième alinéa est réduite de tout montant versé
au travailleur, en raison de sa cessation d'emploi, en vertu d'une loi du
Québec ou d'ailleurs, autre que la présente loi."
M. Fréchette: Moi, je parle du premier alinéa.
L'explication que je viens de donner réfère au texte du premier
alinéa de l'article 46. Le deuxième alinéa de l'article 46
réfère à une période de temps pendant laquelle un
emploi convenable n'est pas disponible, une période maximale d'une
année.
M. Fortier: C'est le parallèle de l'article 45.
M. Fréchette: Voilà.
M. Fortier: Juste pour clarifier, est-ce qu'on pourrait faire
l'amendement...
M. Fréchette: "Jusqu'où".
M. Fortier: ...mutatis mutandis, qu'on a fait tout à
l'heure, dans le deuxième alinéa, troisième ligne:
"jusqu'à ce qu'il occupe cet emploi ou jusqu'à ce qu'il le
refuse"?
La Présidente (Mme Juneau): M. le député de
Champlain.
M. Gagnon: Si j'ai bien compris, là, il y a une
pénalité pour l'accidenté parce qu'il a perdu son emploi
à cause de l'accident et que l'emploi convenable qu'on croit qu'il est
capable de prendre n'existe pas. Mais là, ce n'est pas sa faute si
l'emploi n'existe pas. À ce moment-là, on lui paie la
différence entre l'emploi qui existerait et ce qu'il gagnait, le salaire
qu'il avait avant d'être accidenté. C'est ça? À ce
moment, n'y a-t-il pas une pénalité pour lui?
M. Fréchette: L'emploi convenable va toujours exister. Il
ne sera peut-être pas disponible, par ailleurs, mais l'emploi convenable
va toujours exister. La notion de disponibilité, c'est autre chose.
M. Gagnon: D'accord.
M. Fréchette: Je comprends aussi la préoccupation
du député de Champlain et, si sa suggestion était de
garder la même indemnité, on se retrouverait dans la situation
qu'a expliquée le député de Beauharnois, dans la situation
que j'ai expliquée également. En d'autres mots, ce serait,
à toutes fins utiles, l'équivalent d'un régime
d'assurance-chômage pour lequel l'employeur n'a pas de
responsabilité.
La Présidente (Mme Juneau): M. le député de
Sainte-Marie.
M. Bisaillon: Sa préoccupation est quand même
réelle et indique au député qu'il aurait dû adopter
mon amendement.
M. Gagnon: C'était mieux expliqué.
La Présidente (Mme Juneau): Est-ce que l'article 46 tel
qu'amendé est adopté?
M. Bisaillon: Mme la Présidente, je voudrais juste,
rapidement en une phrase, indiquer que je ne suis pas intervenu sur l'article
45 et 46 puisque c'était conditionnel à ce qui avait
été décidé à l'article 44. Ceci étant
repoussé, je ne voulais pas continuer une discussion qui avait
déjà été faite. Alors, c'est sur division.
La Présidente (Mme Juneau): Merci, M. le
député.
À l'article 47, nous avons un amendement. L'amendement se lit
comme suit: Ajouter, après le premier alinéa, le suivant: "
Cependant, si la commission croit que le revenu brut annuel que le travailleur
pourrait tirer de l'emploi convenable qu'il devient capable d'exercer à
plein temps est supérieur au maximum annuel assurable établi en
vertu de l'article 65, elle considère que ce revenu brut annuel est
égal au maximum annuel assurable."
M. Fortier: En langage ordinaire, qu'est-ce que cela veut dire,
M. le ministre?
M. Fréchette: Je vais lire le commentaire que j'ai ici.
Cet article est de droit nouveau. Il définit les modalités
d'opérationnalisation de l'article 46.
Mme la Présidente, je vais essayer de prendre le temps qu'il faut
pour transmettre la compréhension que j'en ai. Il pourrait, me dit-on,
arriver des situations où l'emploi convenable qu'on a
déterminé pour l'accidenté commande un salaire qui soit
supérieur au maximum assurable prévu par la loi, soit 31 500 $.
L'exemple pourrait être le suivant. Si l'emploi convenable qu'on offre
à un accidenté commande un salaire de 35 000 $, alors que le
maximum assurable est de 31 500 $, à tous égards le traitement
qui sera donné à cet accidenté ne sera toujours en
référence qu'au maximum assurable et non pas au salaire
supérieur au maximum assurable qu'il retirerait dans l'emploi
convenable. Je n'irai pas plus loin mais c'est la compréhension que j'en
ai. Mme la Présidente, il serait utile que j'ajoute le commentaire
suivant. II est bien évident que, pour l'accidenté qui se
retrouverait dans un emploi jugé convenable, mais à un salaire
supérieur au maximum assurable, aucune disposition de la loi, aucun
droit dans la loi ne s'appliquerait à lui.
La Présidente (Mme Juneau): M. le député de
Sainte-Marie. Excusez-moi.
M. Fortier: Je comprends bien l'explication du ministre. Je me
demandais pourquoi c'était nécessaire de le dire parce qu'il y a
déjà un article qui dit qu'aucune indemnité n'est payable
au-delà du maximum prévu à l'article 65. Si c'est
nécessaire de le dire, je ne vois pas pourquoi...
M. Fréchette: II semble que, techniquement et pour
atteindre les objectifs visés, ce soit nécessaire de le dire.
La Présidente (Mme Juneau): M. le député de
Sainte-Marie.
M. Bisaillon: C'est une question, Mme la Présidente. Je ne
sais pas si je dois la poser à l'article 47 ou 48. Qu'est-ce qui arrive
si on a déterminé un emploi convenable au travailleur et que cet
emploi convenable n'est pas disponible? On va déterminer le revenu de
l'emploi convenable. On va payer la différence entre l'indemnité
de son ancien emploi et l'emploi convenable. Si l'emploi convenable n'est pas
disponible et que le travailleur s'en trouve un, emploi, mettons au salaire
minimum, qu'est-ce qui arrive dans ce temps-là? Est-ce qu'on lui paie,
à ce moment, la différence entre son indemnité de revenu
et le revenu de l'emploi qu'il s'est trouvé, même si c'est un
emploi qui est inférieur à l'emploi convenable
déterminé par la commission?
M. Fréchette: La réponse à la question, Mme
la Présidente, c'est oui, effectivement.
M. Bisaillon: En vertu de quel article, M. le ministre?
M. Fréchette: 48.
M. Bisaillon: Il me semble que 48 ne répond pas à
cela.
M. Fréchette: Je m'excuse, c'est une mauvaise information.
L'information qu'on me transmet, Mme la Présidente, c'est que,
dès lors que l'emploi convenable est déterminé et qu'on
peut y joindre ou y accrocher un revenu, si l'accidenté se trouve un
emploi au salaire minimum, c'est toujours à partir du salaire
prévu à l'emploi convenable que le "traitement", entre
guillemets, auquel il aura droit sera déterminé, sera
fixé.
M. Bisaillon: Donc, cela veut dire qu'il peut être
pénalisé parce qu'il veut travailler absolument. Comme incitatif
au travail...
M. Fortier: On a seulement à définir dans la loi
qu'une "job" convenable, c'est une "job" qu'il a pu trouver, lui aussi. On n'a
qu'à mettre une définition dans ce sens.
M. Bisaillon: Tu dirais cela à quel endroit? J'ai vu
l'amendement 47.1, mais je me demande si cela couvre cela.
La Présidente (Mme Juneau): M. le ministre.
M. Fréchette: Est-ce que l'on pourrait tenir en suspens
l'article 47 pour évaluer la situation très pratique dont parle
le député de Sainte-Marie? Je ne voudrais pas qu'un travailleur
pour qui on aurait procédé à évaluer un emploi
convenable à tel salaire, parce que lui a fait la démarche de se
trouver un emploi qui ne commande qu'un salaire minimum, soit
pénalisé à cause de cela.
M. Fortier: À ce moment, il y aurait lieu d'ajouter un
article qui définirait un emploi convenable comme un emploi qu'il a pu
trouver dont le salaire serait en deçà de...
M. Fréchette: Si les membres de la commission sont
d'accord, nous suspendrions cet article 47 pour regarder cela.
M. Fortier: Cela va.
La Présidente (Mme Juneau): On va suspendre l'article 47.
Il y a l'article 47.1, un amendement, M. le ministre.
M. Bisaillon: Est-ce que le ministre, quand il dit 47, cela
comprend l'ensemble de l'article, y compris 47.1?
La Présidente (Mme Juneau): C'est cela que j'allais lui
demander. Est-ce que cela comprend l'amendement à l'article 47.1, M. le
ministre?
M. Fréchette: Un instant: Est-ce que ce n'est pas
plutôt à 48 qu'il faudrait penser à apporter...
La Présidente (Mme Juneau): Non, c'est l'article 47.1.
L'autre, M. le ministre.
M. Fortier: Pour l'amendement à venir, on le
numérotera comme il le faut tout à l'heure, cela n'a pas
d'importance.
M. Cusano: On pourrait suspendre 47 et 47.1, on y reviendra.
M. Bisaillon: Ce serait 47.1, avec quelque chose qui pourrait
s'apparenter où on pourrait, là, introduire...
M. Fréchette: Alors, pour être bien sûr qu'on
ne manque pas notre coup, est-ce qu'on pourrait suspendre et 47 et48?
M. Bisaillon: Et 48.
La Présidente (Mme Juneau): Et 48 aussi?
M. Fréchette: Les deux.
M. Bisaillon: Est-ce que je pourrais indiquer au ministre,
étant donné qu'on va suspendre 48 et que vous allez regarder
cette situation à 47 ou ailleurs, qu'à 48 il y aurait juste une
concordance à faire étant donné qu'il y a eu des
amendements? En même temps, peut-être que vous pourriez la faire.
On réfère au deuxième alinéa de l'article 46.
D'accord, c'est 46, cela va. Je n'ai rien dit, effacez.
La Présidente (Mme Juneau): D'accord. Vous suspendez les
articles 47, 47.1 et 48.
M. Fréchette: C'est cela.
La Présidente (Mme Juneau): On va prendre 49. (23
heures)
M. Fréchette: Mme la Présidente, l'article 49
prévoit deux situations: la situation de la maladie professionnelle et
la situation de l'accident de travail. Ce que, essentiellement, veut dire 49,
c'est que, lorsque l'accidenté est déclaré malade
professionnel à l'âge de 55 ans, il ne lui sera pas
nécessaire de s'impliquer dans tout ce processus de l'emploi convenable,
de l'emploi équivalent ou dans toute autre espèce de
mécanisme. En d'autres mots, la personne qui a atteint l'âge de 55
ans, qui est déclarée malade professionnelle, recevra son
indemnité de remplacement de revenu jusqu'à l'âge de la
retraite avec la dégradation que l'on connaît. Dans le cas de
l'accident du travail, c'est à compter de l'âge de 60 ans que le
même mécanisme s'applique. En d'autres mots, après le stade
de la consolidation, s'il n'y a pas d'emploi convenable de disponible, elle va
continuer, elle, de recevoir le total de l'indemnité.
La Présidente (Mme Juneau): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: Est-ce que le ministre n'est pas en contradiction? Il
disait au député de Beauharnois, tout à l'heure, qu'il
fallait faire la distinction entre le projet de loi qu'on étudiait et un
plan d'assurance-chômage. S'il n'oblige pas le travailleur d'un certain
âge à faire certaines démarches - dans un sens, ce n'est
pas l'assurance-chômage, c'est un régime de retraite
anticipé qu'il lui donne -comment peut-il concilier la réponse
qu'il donnait au député de Beauharnois tout à l'heure et
l'attitude qu'il prend dans ce projet de loi? En fait, ce qu'il fait, c'est de
passer un jugement afin qu'un travailleur de 55 ans ou de 60 ans n'ait plus
besoin de faire les démarches qu'un autre travailleur
devrait faire. En conséquence, la CSST, les travailleurs en
général devraient payer une indemnité qui équivaut,
ni plus, ni moins, à une pension anticipée.
M. Fréchette: Ce sont les employeurs en
général.
M. Fortier; Les employeurs.
M. Fréchette: Strictement, Mme la Présidente,
comme, d'ailleurs, l'article 49 l'indique, en fonction de l'âge de la
personne qui est atteinte de la maladie professionnelle ou qui est victime de
l'accident.
Permettez simplement que je vous rappelle brièvement, ne
serait-ce que pour illustrer la nécessité d'une supposition comme
celle-là, ce qui s'est passé dans le cas des amiantosés.
L'amiantose se déclare généralement autour de ces
âges-là. Qu'est-ce qui se produit lorsqu'un travailleur de 55 ans
est déclaré amiantosé? Généralement, on lui
retire son permis de travail. Il ne lui est plus possible de travailler dans le
milieu ambiant. Il se retrouve dans une ville, plus souvent qu'autrement,
mono-industrielle où il n'y a que cette entreprise. Je prends l'exemple
de l'amiante, on pourrait en prendre d'autres. Il se retrouve donc dans une
localité, une municipalité où il n'y a
généralement que cette seule entreprise et il est absolument
illusoire de penser qu'il pourrait trouver un emploi convenable, qu'il pourrait
exister un emploi convenable qu'il pourrait remplir à cause de sa
situation.
C'est strictement à partir du phénomène de
l'amiante, donc, que les modalités qu'on retrouve à l'article 49
ont été retenues.
La Présidente (Mme Juneau): Est-ce qu'il y a d'autres
interventions sur l'article 49?
M. Fortier: Je voudrais simplement relire l'article avec le
ministre. On dit: "Le travailleur victime d'une maladie professionnelle - donc,
on parle d'une maladie professionnelle - alors qu'il est âgé d'au
moins 55 ans ou celui qui est victime d'une autre lésion
professionnelle..."
M. Fréchette: Cela, c'est l'accident du
travail.
M. Fortier: Cela, c'est l'accident du travail. Là, on
donne 60 ans.
M. Fréchette: C'est cela.
M. Fortier: Dans le premier cas, 55 ans, c'est l'exemple...
M. Fréchette: C'est la maladie professionnelle.
M. Fortier: ...dont parlait le ministre.
M. Fréchette: Exactement.
M. Fortier: 55 ans.
M. Fréchette: Oui.
M. Fortier: Dans le deuxième cas, l'exemple que nous a
donné le ministre ne s'applique pas.
M. Fréchette: Non, le deuxième cas...
M. Fortier: Alors, là il y a une présomption pour
dire qu'un homme de 60 ans, s'il est accidenté, c'est un homme fini. Je
peux vous assurer, si je suis accidenté à 60 ans, que je vais
continuer à exercer mon métier de député. Cela
dépend de nous autres; il faut avoir de la volonté.
M. Fréchette: II faudrait peut-être continuer la
lecture de l'article jusqu'au bout et cela pourra, sans doute, donner une
explication additionnelle au député d'Outremont: "...alors qu'il
est âgé d'au moins 60 ans et qui subit, en raison de cette maladie
ou de cette autre lésion - dans le cas qui nous occupe c'est la
lésion de l'accident du travail - une atteinte permanente à son
intégrité physique ou psychique qui le rend incapable d'exercer
son emploi a droit à l'indemnité de remplacement du revenu
prévue par l'article 42 tant qu'il n'occupe pas un nouvel emploi." En
d'autres mots, tant qu'il n'y en a pas de disponible pour lui.
M. Fortier: II n'est pas obligé de chercher.
M. Fréchette: II n'est pas obligé de chercher sauf
que dans son programme de réadaptation, on peut bien lui indiquer
cependant que ce serait indiqué dans les circonstances d'entreprendre
les démarches pour essayer de s'en trouver un.
M. Fortier: Est-ce que l'article 47, mutatis mutandis, pourrait
s'appliquer? S'il se trouvait un emploi moins bien
rémunéré, à ce moment, l'indemnité
couvrirait la différence? Est-ce qu'on le retrouve un peu plus loin?
M. Fréchette: S'il se trouve un autre emploi, vous avez
à la toute fin de l'article 49 une ligne et demie qui prévoit la
situation que le député d'Outremont est en train de nous
expliquer.
M. Fortier: D'accord. Merci.
La Présidente (Mme Juneau): M. le député de
Sainte-Marie.
M. Bisaillon: Qu'est-ce qui arrive à 65 ans dans ce cas?
Est-ce que ce sont les mêmes conditions qui s'appliquent...
M. Fréchette: Dans l'un et l'autre cas, ce sont les
mêmes conditions qui s'appliquent.
M. Bisaillon: ...que celles dont on a déjà
parlé?
M. Fréchette: C'est cela. M. Fortier: C'est
diminué.
M. Bisaillon: Donc, c'est diminué. Autrement dit, cela
subit les mêmes règles.
M. Fréchette: Exactement.
M. Bisaillon: C'est vraiment "subir" que je voulais dire. Cela
subit les mêmes règles que celles qui ont déjà
été déterminées.
M. Fréchette: C'est cela.
M. Fortier: Si le député de Sainte-Marie me le
permet, c'est assez drôle. On parle d'une déduction des montants
qui vont être payables autrement, mais dans le premier cas il s'agit d'un
montant non imposable et dans le deuxième cas il s'agit d'un montant
imposable.
M. Fréchette: Je saisis mal.
M. Fortier: À la fin de l'article 46, on dit:
"L'indemnité prévue par le deuxième alinéa est
réduite de tout montant versé au travailleur, en raison de sa
cessation d'emploi, en vertu d'une loi du Québec ou d'ailleurs, autre
que la présente loi." Donc, s'il reçoit un montant, par exemple
de 300 $ par mois et qu'arrivé à l'âge de 65 ans il
reçoit une pension de vieillesse de 300 $ par mois. Donc, il recevra sa
pension de vieillesse et il ne recevra plus son indemnité. Dans un
premier cas, c'était une indemnité libre d'impôt et dans un
deuxième cas, cela va être imposable. C'est une drôle desituation.
La Présidente (Mme Juneau): Est-ce que cela va pour
l'article 49?
M. Bisaillon: On va attendre une réponse du ministre.
M. Fortier: II n'a pas de réponse.
M. Fréchette: Non, je pense qu'on va en avoir une, si vous
voulez me donner juste une seconde.
M. Fortier: II faut espérer qu'il n'y a pas d'autre
revenu.
La Présidente (Mme Juneau): M. le ministre.
M. Fréchette: Mme la Présidente, les termes "en
raison de sa cessation d'emploi" ne font référence qu'à
deux situations bien précises: l'une étant
l'assurance-chômage qu'éventuellement il pourrait recevoir,
l'autre étant toute forme d'allocation qui pourrait être par
exemple de la nature d'une prime de séparation au moment où il
cesse d'être à l'emploi d'un employeur. Cela ne couvre pas par
ailleurs le Régime de la sécurité de la vieillesse qui lui
n'est pas affecté par une indemnité qu'il pourrait recevoir de la
CSST. "En raison de sa cessation d'emploi" est en référence
stricte aux deux phénomènes dont je viens de parler:
l'assurance-chômage, d'une part...
M. Fortier: C'est imposable. M. Fréchette:
Voilà.
M. Fortier: C'est cela. Mon raisonnement est valable, mais c'est
peut-être un peu moins important.
M. Fréchette: C'est cela.
La Présidente (Mme Juneau): Cela va-t-il? Est-ce que
l'article 49 est adopté?
M. Fortier: Adopté.
M. Bisaillon: Normalement, sur division, oui.
La Présidente (Mme Juneau): Adopté? M. Fortier:
Adopté.
La Présidente (Mme Juneau): Adopté. L'article
50?
M. Fréchette: Y a-t-il un amendement?
La Présidente (Mme Juneau): Non, M. le ministre.
M. Fréchette: II n'y a pas d'amendement.
La Présidente (Mme Juneau): Seulement à l'article
53. M. le ministre.
M. Fréchette: La situation visée par l'article 50
est la suivante: à supposer que l'accidenté se retrouve dans un
emploi convenable qui a été évalué par la
Commission de la santé et de la sécurité du travail comme
devant produire un salaire de 10 000 $, la commission évalue que cet
emploi convenable que l'accidenté pourrait faire commanderait
normalement un salaire de 10 000 $, mais que dans les faits il
retire 15 000 $. Pendant les deux années à compter de la
date où il va commencer d'exercer cet emploi convenable, la commission
va toujours considérer qu'il est à 10 000 $, soit le montant
qu'elle avait évalué.
Le droit que veut se garder ou se réserver la commission à
l'article 50, c'est celui de procéder, après deux ans, à
l'évaluation de la situation qui prévaudra à ce
moment-là et, à ce moment-là seulement, elle pourra tenir
compte du fait que c'est 15 000 $ qu'il gagne dans un emploi qu'elle avait
évalué comme devant produire un salaire de 10 000 $. Alors, c'est
une réévaluation du dossier après une expiration de deux
ans.
M. Bisaillon: Mais cette réévaluation...
Excusez-moi.
La Présidente (Mme Juneau): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: La seule question que je veux poser est: Est-ce que
la commission a un droit d'inspection, un droit d'exiger des documents? Est-ce
simplement sur la déclaration du travailleur lui-même ou si la
commission a le droit d'aller vérifier auprès de l'employeur quel
est son salaire? Est-ce qu'il y a une clause plus loin, un article qui dit que
la CSST a un droit d'inspection?
M. Fréchette: Oui, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Juneau): M. le ministre.
M. Fréchette: On le lui reproche, d'ailleurs, tellement
souvent, mais la CSST a effectivement un pouvoir d'enquête au sens
très large du terme qui lui permettrait, par exemple, de faire une
vérification chez l'employeur et d'obtenir de l'employeur les
renseignements pertinents de cette évaluation qu'elle doit faire tous
les deux ans.
M. Fortier: J'imagine que la situation pourrait être un
salaire à la hausse ou un salaire à la baisse. Je m'explique. Le
salaire nominal était de 10 000 $ et, comme par hasard, on s'en va vers
le temps partagé. Maintenant, le travailleur en question travaille trois
jours sur cinq au lieu de travailler cinq jours sur cinq. Donc, ce serait 60%
de 10 000 $. L'autre cas serait le fait qu'il travaille cinq jours sur cinq,
mais qu'il travaille en temps supplémentaire à un point tel qu'il
gagne 15 000 $. Est-ce que cela s'applique à la hausse ou à la
baisse pour arriver à faire l'ajustement?
La Présidente (Mme Juneau): M. le ministre.
M. Fréchette: Si c'est inférieur, Mme la
Présidente, la commission n'interviendra pas. Oui, c'est cela, c'est la
situation qu'on a suspendue tout à l'heure pour en faire le tour
complètement et être bien sûr qu'on ne va pas, par les
dispositions de la loi, pénaliser des gens qui font l'effort de se
réintégrer au marché du travail, même dans des
conditions inférieures à celles dans lesquelles ils
étaient ou encore que la commission a déterminées pour eux
en termes d'emploi convenable. Évidemment, on va pouvoir revoir ce
mécanisme-là en évaluant à nouveau les articles 47
et 48, mais il semble clair, pour les fins de l'application de l'article 50,
que cette situation inférieure, dans laquelle ils pourraient se
retrouver, ne les pénalisera pas et ne leur créera pas
préjudice.
M. Fortier: Une dernière question: Pour toutes ces
indemnités...
La Présidente (Mme Juneau): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: ...qui sont payables - et excusez mon ignorance -
à la totalité des travailleurs, quand on dit "travailleurs",
est-ce que cela inclut des cadres dans une entreprise?
M. Fréchette: Les cadres sont couverts.
M. Fortier: Alors, ce régime-là est universel dans
le sens que, pour la majorité des gens, c'est peut-être la seule
source de revenu et je pense bien que c'est le sens de la loi. Mais pour des
gens qui auraient d'autres revenus - là, cela amène toute la
discussion sur l'universalité des régimes - si une personne
possède un hôtel, a des ressources financières telles que,
lorsqu'elle fait son rapport d'impôt, elle peut déclarer un revenu
imposable de 150 000 $, alors que, comme par hasard, on lui a trouvé un
emploi de 10 000 $, j'imagine que ses autres revenus n'entrent pas en ligne de
compte.
M. Fréchette: D'aucune façon.
M. Fortier: Alors, il s'agit d'un régime universel et il
n'y a pas d'ajustement même si elle a d'autres revenus qui peuvent lui
venir d'autres investissements qu'elle aurait pu faire ailleurs.
M. Fréchette: C'est cela. (23 h 15)
La Présidente (Mme Juneau): M. le député de
Sainte-Marie.
M. Bisaillon: Mme la Présidente, le député
d'Outremont a posé une question que, je pense, tout le monde se posait:
Est-ce à la hausse ou à la baisse? Le ministre a
répondu que c'est la situation qui serait regardée aux
articles 47 et 48. Je pense, cependant, que la situation n'est pas tout
à fait identique. Ce que j'avais soulevé comme question à
l'article 47, c'est: On a déterminé un emploi convenable, il
n'est pas disponible, le travailleur s'en trouve un qui représente un
revenu inférieur à ce qu'on a déterminé pour lui
dans l'emploi convenable.
À l'article 50, ce que la commission va réviser, c'est
l'emploi convenable lui-même. Autrement dit, c'est le traitement, le
salaire, le revenu attaché à l'emploi convenable. Il n'est pas
impossible de penser que, effectivement, cet emploi convenable... Aux articles
47 et 48, on parlait d'un autre emploi que l'emploi convenable nondisponible. Dans le cas de l'article 50, c'est la
réévaluation de l'emploi convenable lorsqu'il est à la
hausse, c'est-à-dire lorsque le salaire payé pour l'emploi
convenable est supérieur à l'évaluation qui en avait
été faite par la commission.
On sait qu'il y a des circonstances où il peut y avoir une
diminution du salaire de l'emploi convenable. Ce n'est donc pas tout à
fait la même situation qu'aux articles 47 et 48. Si, par exemple,
l'emploi convenable était dans la fonction publique, on sait que la
fonction publique tend à diminuer. La dernière fois, c'est 20%,
25% que vous avez coupé? Même l'emploi convenable peut être
à la baisse.
La situation prévue à l'article 50 ne s'applique
qu'à la hausse. Ce n'est pas tout à fait la même... Je
comprends que vous pouvez le regarder en même temps que les articles 47
et 48, mais ce n'est pas la même situation.
La Présidente (Mme Juneau): M. le député de
Champlain.
M. Gagnon; Justement pour faire suite à ce qu'on vient de
dire, le député d'Outremont tantôt a parlé d'un
emploi convenable qui donnerait, selon l'exemple du ministre, 5000 $ de plus
par année que ce qu'on avait déterminé. Mais il a dit:
Comme on s'en va de plus en plus vers un travail partagé, il est
possible que le salaire, par rapport à un nombre d'heures de travail
diminué, arrive au montant auquel on a évalué l'emploi
convenable, à cause du travail partagé.
Supposons que l'accidenté lui-même choisirait de travailler
- ce qui est possible -trois jours et demi par semaine. Si je prends l'exemple
du ministre, au lieu de 10 000 $, c'est 15 000 $. S'il choisissait
lui-même de travailler trois jours et demi par semaine pour diminuer son
salaire de l'emploi convenable à 10 000 $, est-ce qu'à ce
moment-là ce serait la même évaluation?
M. Fréchette: C'est exactement le même
phénomène.
M. Gagnon: II pourrait le faire.
M. Fréchette: Oui. Mme la Présidente, les articles
47 et 48 ont été tenus en suspens jusqu'à maintenant pour
faire la vérification que l'on sait. Comme il y a unphénomène qui peut ressembler au phénomène
qu'on pense identifier aux articles 47 et 48 qu'on pourrait retrouver à
l'article 50, je pense qu'on devrait réserver le même sort
è l'article 50 pour le moment, procéder è ces
vérifications et essayer d'avoir l'heure juste, autant que possible, par
rapport aux questions qu'on se pose.
La Présidente (Mme Juneau): Est-ce que tout le monde est
d'accord pour suspendre l'article 50?
M. Fortier: D'accord, madame.
La Présidente (Mme Juneau): Oui. Nous entreprenons
l'étude de l'article 51.
M. Fréchette: C'est le même phénomène
également.
La Présidente (Mme Juneau): Nous suspendons l'article 51.
L'article 52.
M. Bisaillon: On a suspendu les articles 48 et 50 et, à
l'article 52, on fait référence aux articles 48 et 50. Tant qu'on
n'aura pas la teneur des articles 48 et 50, il me semble que ça doit
subir le même sort aussi.
M. Fréchette: Je suis tout à fait d'accord.
La Présidente (Mme Juneau): L'article 52 est suspendu.
Article 53?
M. Fréchette: À l'article 53, il y a un amendement,
Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Juneau): Oui, c'est exact, M. le
ministre. L'amendement proposé à l'article 53 se lit comme suit:
"Remplacer, dans la troisième ligne du deuxième alinéa, le
nombre "65" par le nombre "64"."
M. Fréchette: Mme la Présidente, je vais simplement
vous indiquer le motif pour lequel cet amendement est suggéré.
Cet amendement a pour but d'éviter que ne soit lésé le
travailleur qui est victime d'une lésion professionnelle alors qu'il est
âgé d'au moins 64 ans et de moins de 65 ans. En vertu de l'article
imprimé, celui qu'on retrouve à l'article 53, ce travailleur
verrait son indemnité réduite de 25% dès qu'il atteint ses
65 ans, alors que le travailleur qui est âgé de 65 ans ou plus
serait assuré de recevoir une indemnité complète
pendant
toute une année. Le texte amendé permettra à tout
travailleur, dans la mesure où son incapacité persiste, de
recevoir pendant au moins un an une indemnité complète, s'il ason accident, comme on vient de le dire, après avoir atteint
l'âge de 64 ans mais avant d'avoir atteint l'âge de 65 ans. Si
l'amendement ne se fait pas, il y aura, pour lui, une pénalité
dès qu'il aura atteint l'âge de 65 ans. Ce qu'on veut couvrir,
c'est la possibilité d'obtenir des indemnités de remplacement de
revenu pour au moins, comme dans tous les cas, l'année complète
qui suivra immédiatement l'accident dont il a été
victime.
La Présidente (Mme Juneau): M. le député
d'Outremont, cela va?
M. Fortier: D'accord.
M. Bisaillon: On est d'accord avec l'amendement qui est
proposé.
La Présidente (Mme Juneau): L'amendement est-il
adopté?
M. Bisaillon: Non, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Juneau): M. le député de
Sainte-Marie.
M. Bisaillon: Que ce soit 64 ou 65 ans, je pense qu'il faut faire
la discussion sur l'article au complet.
La Présidente (Mme Juneau): Je ne parlais que de
l'amendement. Je voulais savoir si l'amendement était adopté, M.
le député.
M. Bisaillon: Je ne vote pas.
La Présidente (Mme Juneau): Les autres membres ont dit
adopté. La discussion sur l'article 53, tel qu'amendé.
M. Bisaillon: Toute la question, Mme la Présidente...
La Présidente (Mme Juneau): M. le député de
Sainte-Marie.
M. Bisaillon: ...réside dans le fait de savoir pourquoi on
arrêterait et on diminuerait, à un certain moment de la vie du
travailleur, les indemnités recevables. Dans le régime actuel, on
sait que ce qui est versé au travailleur accidenté, c'est pour
toute la durée de la vie. Dans le projet de loi, on dit: À partir
de 64 ans, on va amputer son indemnité, pendant les années
suivantes, de 25%, à chaque année, jusqu'à l'effacement
complet, dans le cas actuel, à 68 ans, si je comprends bien. Je ne vois
pas en quoi la CSST a intérêt à procéder de cette
façon. Combien la commission "sauve"-t-elle en procédant de cette
façon? Qui vise-t-elle? Ce n'est plus un travailleur à 64 ans. Il
n'a plus les mêmes séquelles. S'il vit jusqu'à 70 ans, ou
72 ans, ou 77 ans, il va être pénalisé indéfiniment
et tout ce qui va lui rester, c'est le bien-être social ou la pension de
vieillesse.
Le député de Frontenac a souligné cet
après-midi que c'est d'autant plus abject qu'on n'a pas prévu
que, pendant que le travailleur est sous le contrôle de la Loi sur les
accidents du travail, il continue à recevoir les mêmes avantages
que s'il avait été au travail, comme par exemple le droit
à une pension. Il n'y a rien dans le projet de loi qui prévoit
cela. On dit: Le projet de loi est pour replacer le travailleur dans sa
situation d'avant. S'il a un accident à 45 ans et que c'est une
incapacité permanente, non seulement de 45 à 64 ans on ne
prévoit pas de mesure pour qu'il puisse au moins conserver ou
mériter les mêmes avantages que s'il était resté
dans le milieu de travail, c'est-à-dire le droit d'accumuler une
pension, auquel cas on pourrait comprendre que la CSST arrête à 65
ans. Qu'on me comprenne bien, Mme la Présidente, c'est l'un ou l'autre.
Ou bien on continue les rentes tant et aussi longtemps qu'il n'occupe pas un
travail, y compris après 65 ans, ou bien encore on prend les moyens, les
mesures pour faire véritablement que le travailleur, pendant qu'il est
sur les accidents du travail, continue à mériter ou à se
prévaloir des autres conditions qui accompagnaient son travail
auxquelles les autres travailleurs de l'entreprise où il a eu son
accident ont toujours droit, c'est-à-dire le droit de s'accumuler une
pension.
Il y aurait deux façons de procéder pour l'obtenir.
Autrement dit, si au moins le travailleur avait le droit à une pension
de son entreprise, on pourrait le justifier. Mais, là, on lui coupe
même ces avantages-là. Pendant qu'il est sur les accidents du
travail, il ne continue pas à verser sa portion de la retraite, du
régime de pension qu'il pourra avoir dans son entreprise.
Pourquoi la CSST, par exemple, ne pourrait-elle pas comptabiliser les
coûts du régime de retraite et facturer la part de l'employeur, de
sorte que quand il arriverait à l'âge de la retraite, il aurait au
moins sa pension de l'entreprise? Si on ne fait pas ça, on ne replace
pas le travailleur dans la situation où il était avant. Ce n'est
pas un argument qui est toujours valable. Cela, c'est un
élément.
L'autre élément, c'est de dire, par rapport à la
situation qui existe: On atteint là les travailleurs âgés
et je ne comprends pas pourquoi. Je ne fais pas d'amendement pour l'instant,
Mme la Présidente, mais je voudrais au moins qu'on ne passe pas
là-dessus comme si c'était un automatisme et
qu'il n'y avait personne de touché par ça. Au moins, qu'on
en discute et qu'on sache pourquoi on adopte cet article.
La Présidente (Mme Juneau): M. le ministre.
M. Fréchette: Mme la Présidente, on revient
essentiellement à une discussion qu'on a largement faite cet
après-midi. Je n'ai pas d'objection, quant à moi, à la
reprendre dans ses détails. Je pense bien que l'on peut dire, dans ce
cas-ci comme dans l'autre cas dont on a discuté il y a quelques minutes,
qu'il y a là aussi une question de choix. D'ailleurs, on le disait au
moment où on a fait cette discussion. Il y a une question de choix aux
566 articles de la loi.
Ce qu'on disait cet après-midi, c'est que l'âge à
peu près conventionnel de la retraite est 65 ans. Il y a,
évidemment, des lois qui été adoptées
récemment et qui prévoient que quelqu'un qui remplit certaines
conditions, qui le désire, peut prolonger sa période de travail
au-delà de 65 ans jusqu'à un maximum possible de 70 ans. C'est
pour cela, d'ailleurs, que la cessation du paiement de l'indemnité
provenant d'un accident du travail diminue graduellement au fur et à
mesure que l'âge maximum de la retraite est atteint, c'est-à-dire
70 ans, dans les cas où cela existe.
La question de fond qui se soulève dans l'argumentation du
député de Sainte-Marie, c'est le député de
Beauharnois qui l'a touchée tout à l'heure. Pourquoi faudrait-il
qu'un travailleur accidenté, qui arrive à l'âge de la
retraite, se retrouve dans une situation privilégiée par rapport
au travailleur qui, lui, n'a pas eu le malheur, pendant qu'il a exercé
des fonctions, d'avoir un accident du travail? Pourquoi faudrait-il que le
travailleur qui arrive à l'âge de la retraite, qui pourra
bénéficier du Régime de la sécurité de la
vieillesse, qui pourra bénéficier du Régime des rentes,
mais d'aucun autre revenu, et que celui qui a été
accidenté, arrivé à la même étape de sa vie,
soit à l'étape de la retraite, en plus des régimes
auxquels a droit le travailleur qui n'a pas subi d'accident, continue de
recevoir une indemnité pour des motifs d'accident du travail? C'est
là qu'est la question de fond.
M. Bisaillon: Je me suis mal exprimé.
La Présidente (Mme Juneau): M. le député de
Sainte-Marie. (23 h 30)
M. Bisaillon: J'ai dû mal m'exprimer, Mme la
Présidente. Je vais recommencer, en essayant de choisir des termes
différents. Je dis - et je répète en cela les propos du
ministre - que le projet vise à replacer le travailleur dans la
situation où il était avant son accident.
Dans le cas d'une incapacité permanente, c'est sûr qu'on ne
le retournera jamais au travail. Il ne peut pas réintégrer un
travail. Le ministre nous dit: Pourquoi serait-il traité de façon
privilégiée par rapport au travailleur qui lui est resté
dans l'usine et qui n'a pas eu le malheur d'avoir un accident du travail? Mon
argumentation n'était pas de cet ordre. Mon argumentation était
de dire: Si vous vouliez vraiment traiter le travailleur accidenté de la
même façon que le travailleur qui reste à l'usine, vous
vous organiseriez pour qu'arrivé à l'âge normal de la
retraite - mettez-la à 65 ans, ou mettez-la à 70 ans, ou
mettez-la à 66 ans, on ne s'engueulera pas sur cela - il n'ait pas que
le programme social mais qu'il ait en plus de cela les mêmes choses, les
mêmes avantages que le travailleur qui est resté dans l'usine, qui
a travaillé et qui lui a continué possiblement à accumuler
un régime de retraite privé. Ce ne sont pas des coûts
énormes. On ne parle pas de 80 000 000 $. On parle juste d'au moins lui
permettre d'avoir autre chose que le minimum décent comme n'importe
lequel autre travailleur qui n'a pas eu d'accident de la même usine que
celle où lui-même travaillait. Il y aurait des mécanismes
simples, d'après moi. Quand le ministre dit: On reprend des discussions
qu'on a faites cet après-midi. Cet aspect que je souligne a
été soulevé par le député de Frontenac. Il
me semble qu'il avait reçu un accueil assez favorable de la part du
ministre. Il me semble qu'il y aurait des moyens simples à prendre pour
en arriver à prévoir cette situation. M. le ministre, vous
comprenez qu'on ne laisserait pas aux personnes âgées victimes
d'accident du travail que le simple programme de la . pension de vieillesse ou
de la Régie des rentes - tout le monde va convenir que c'est un minimum
- alors que le travailleur qui est resté dans l'usine a pu accumuler un
régime de retraite privé. Replacer dans ce cas le travailleur
comme il était avant, cela pourrait vouloir dire prendre des mesures
pour assurer au moins le même programme de retraite qu'il avait
là.
La Présidente (Mme Juneau): M. le ministre.
M. Fréchette: Je pensais avoir répondu au
député de Frontenac sur ce point très précis que
soulève le député de Sainte-Marie. Le cas auquel il fait
référence est manifestement le cas de l'accidenté qui va
demeurer avec des séquelles qui sont de la nature d'une
incapacité totale permanente et qui, à compter de la date de
l'accident, va recevoir jusqu'à l'âge de 65 ans une
indemnité de remplacement du revenu égale aux proportions que
l'on connaît: 90% du revenu net.
La réponse que j'ai faite au député de
Frontenac cet après-midi et qui m'apparaît être
encore appropriée a été d'indiquer au député
de Frontenac qu'à partir de l'indemnité de remplacement de revenu
qui est payée è cet accidenté qui est demeuré avec
une incapacité totale permanente, il pourra prendre les dispositions
pour lui garantir ce revenu additionnel auquel il peut aspirer quand il aura
atteint l'âge de 65 ans. En d'autres mots, s'il était
demeuré au travail, il aurait utilisé une certaine partie de son
revenu pour assurer cette garantie à laquelle nous réfère
le député de Sainte-Marie. Qu'est-ce qui empêche ce
même travailleur avec l'indemnité de remplacement du revenu qui
lui est versée de prendre les mêmes dispositions et de se payer -
je ne sais pas - un régime de retraite privé ou n'importe quelle
autre protection de même nature mais à partir du montant qu'il
reçoit au chapitre de l'indemnité de remplacement du revenu?
M. Bisaillon: Je ne disais pas qu'il fallait qu'il le prenne
à l'extérieur. Sa contribution ne devait pas être prise
à l'extérieur de son indemnité de revenu, je n'ai jamais
dit cela. Sauf que le ministre conviendra qu'il y a des régimes
différents et des degrés de participation divers aux
régimes de retraite privés. Il y a des entreprises où les
conventions collectives par exemple prévoient que l'employeur paie 100%
de la cotisation au régime de retraite privé. Dans d'autres cas,
ce sera 50-50 et dans d'autres, 25-75. Si la participation du travailleur est
à 50%, je suis conscient que les 50% du travailleur vont devoir
être pris à même son indemnité de revenu. Mais on
n'assure pas du tout la partie que normalement l'employeur aurait versée
et qui en fin de compte crée le fonds ou la rente que le travailleur qui
est resté dans l'usine va retirer. C'est la participation des deux qui
crée cela. Si le travailleur l'utilise à même son
indemnité de revenu, la partie de l'employeur, comment
l'assure-t-on?
M. Fréchette: II n'y a personne qui va l'assurer, c'est
évident.
M. Bisaillon: C'est évident là, mais c'est
peut-être évident qu'on pourrait le faire et facilement.
M. Fortier: Mme la Présidente, j'aimerais participer au
débat. Ah, il y a quelqu'un d'autre, allez-y.
La Présidente (Mme Juneau): M. le député de
Beauharnois m'a demandé la parole. Tout de suite après.
M. Lavigne: J'allais poser une question au député
de Sainte-Marie pour éclairer ma lanterne. C'est exactement ce qu'il
vient d'exprimer: C'est la participation de la partie patronale. Un
employé qui n'est pas victime d'accident du travail, qui reste à
son emploi et qui a un régime de retraite dans cette entreprise, plus
souvent qu'autrement il y a une participation de la part de l'employeur. Par
contre, dans le cas où la personne est victime d'un accident du travail
et qu'elle bénéficie de la loi, elle est pénalisée
dans la partie que ne mettra pas dans son fonds de pension la partie patronale.
C'est là qu'il y a une pénalité. Je le comprends comme
cela.
M. Fortier: Mme la Présidente, je crois qu'on fait erreur.
À mon avis, tout l'équilibre du projet de loi n'est pas
basé sur le fait qu'un travailleur qui a le malheur d'avoir un accident
ou d'avoir une maladie professionnelle ne souffrira aucun préjudice.
C'est tellement vrai qu'on dit que quelqu'un qui a une lésion
professionnelle a le droit à une indemnité de 90% de son revenu
net au moment où il a eu une lésion professionnelle. Si cette
personne a 45 ans et qu'elle ne peut travailler jusqu'à l'âge de
65 ans, on peut présumer que si elle avait continué à
travailler, elle aurait eu des promotions, elle serait peut-être devenue
contremaître. Alors, c'est bien évident que les 90% du revenu net
qu'elle faisait à l'âge de 45 ans le pénalisent.
Argumenter à savoir qu'il ne faudrait absolument pas que cette
personne-là soit aucunement pénalisée, je crois que
là on s'en va dans un genre d'économie de compensations que
personne ne pourrait se payer ou, du moins, que cela n'a jamais
été la base du projet de loi devant nous. Je crois que ce qui est
devant nous, c'est pour corriger des situations de fait où des gens
étaient pénalisés par une lésion professionnelle, y
inclus les maladies professionnelles, quittaient l'emploi et ne recevaient
aucune compensation. Maintenant, on dit, d'une part, que l'employeur devra
contribuer à un fonds de la CSST et que, d'autre part, l'employé
recevra une certaine compensation pendant un certain nombre
d'années.
Donc, jusqu'à l'âge de 65 ans, il reçoit cette
indemnité. Il est pénalisé, surtout s'il avait pu
bénéficier de certaines promotions dans cette période de
temps-là. Par la suite, on dit: La responsabilité de l'employeur,
qui aurait dû être normalement de lui garantir un emploi
jusqu'à l'âge de 65 ans, cesse. L'indemnité qui compense
dans une certaine partie, pas en totalité, et la responsabilité
que l'on peut attribuer à l'employeur cessent parce que cet
employé aurait cessé normalement de travailler à
l'âge de 65 ans.
Donc, je crois que l'argumentation du député de
Sainte-Marie, quoiqu'elle soit d'un bon naturel, mais je crois que cela n'a
jamais été l'objectif de la loi - le ministre pourra me corriger
- de donner une
compensation totale, parce que sans cela on devrait s'en aller dans le
genre de discussions que l'on fait présentement où il y a le
fonds de retraite pour lequel l'employeur ne contribue pas et que
l'employé ne devrait pas être pénalisé d'aucune
sorte. Malheureusement, je pense qu'on doit accepter les faits. Les faits sont
qu'un employé qui subit un préjudice corporel ou autre, d'une
maladie professionnelle ou autrement, subit un préjudice qu'on essaie
d'atténuer par le projet de loi devant nous.
M. Lavigne: Mme la Présidente, me permettez-vous?
La Présidente (Mme Juneau): M. le député de
Beauharnois, M. le ministre m'avait demandé la parole.
M. Fréchette: Après le député de
Beauharnois.
M. Lavigne: Je fais référence à l'article
221. Je pense qu'on réglerait un peu le problème en lisant
l'article 221: "Le travailleur qui s'absente de son travail en raison de sa
lésion professionnelle: 1° continue d'accumuler de
l'ancienneté au sens de la convention collective qui lui est applicable
et du service continu au sens de cette convention et au sens de la Loi sur les
normes du travail; 2° continue de participer aux régimes de retraite
et d'assurances offerts dans l'établissement, pourvu qu'il paie sa part
des cotisations exigibles, s'il y a lieu, auquel cas son employeur assume la
sienne; 3° cesse d'accumuler des jours de vacances et de congé de
maladie."
M. Bisaillon: Je trouve que ce serait un excellent article, Mme
la Présidente, si l'expression du début de l'article 221
était précisée. Là, on dit "qui s'absente de son
travail", ce qui laisse supposer qu'on ne parle pas d'incapacité totale
permanente.
M. Fréchette: L'article 221 auquel se réfère
le député de Beauharnois s'applique, dans ma
compréhension, en tout cas, pendant la période prévue pour
l'exercice du droit de retour au travail, pendant l'année qui suit
l'accident, dans les cas prévus au droit de retour au travail, et
pendant les deux années. C'est pour cette période-là.
Je voudrais seulement ajouter un commentaire à celui que vient de
nous soumettre le député d'Outremont, que je partage totalement,
d'ailleurs. Ce phénomène en vertu duquel un accidenté du
travail ne peut pas espérer être à tous égards
replacé dans la même situation que celle dans laquelle il
était avant l'accident s'inspire également de la philosophie qui
a présidé à la mise sur pied de ce régime il y a 50
ans. À l'époque - le député de Sainte-Marie le sait
sans doute mieux que moi, pas parce qu'il était là, mais sans
doute parce qu'il a lu des choses là-dessus - les employeurs ont convenu
de créer cette espèce de mutuelle et de s'associer aux fins de
compenser - à ce moment-là, évidemment, on ne parlait que
de compension et que de réparation, on ne parlait pas de
prévention, on ne parlait pas de réadaptation, rien de ça
- les travailleurs qui auraient été victimes d'un accident.
Pourquoi le faisaient-ils? Pour éviter des poursuites civiles qui
pourraient être dirigées contre eux et des poursuites civiles
d'importance qui, dans bien des cas, auraient pu conduire purement et
simplement à la déroute totale d'une entreprise. Une petite
entreprise qui, dans une année, doit faire face par exemple à
deux ou trois actions en dommages de 50 000 $, 60 000 $, 70 000 $ ou 100 000 $
chacune, il y a des risques sérieux que ça lui crée des
embêtements au niveau de sa survie.
À ce moment-là, les employeurs ont dit: Cotisons-nous,
créons cette espèce de mutuelle et, à partir du fonds de
cette mutuelle, nous allons accepter de compenser nos travailleurs
accidentés. Il y a donc là une garantie de compensation.
De leur côté, les travailleurs ont renoncé à
un certain nombre d'"avantages" -toujours entre guillemets - ou de droits,
plutôt, auxquels ils auraient pu très légitimement
prétendre en vertu des principes du droit commun.
Une voix: Les employés.
M. Fréchette: Les employés, je m'excuse. Les
employés ont renoncé, quant à eux, pour être
certains d'obtenir certains droits, à l'ensemble ou à la
globalité des droits auxquels ils auraient pu prétendre
autrement, s'ils s'inscrivaient dans des réclamations inspirées
du droit commun. Une action en dommages devant les tribunaux pour une situation
donnée, ça peut faire en sorte qu'il y ait une compensation de
150 000 $ qui est payée à quelqu'un. Mais les travailleurs ont
dit, à cette époque: J'aime mieux avoir seulement 100 000 $ et
être certain de l'avoir plutôt que de risquer de me retrouver
devant un employeur qui sera acculé à la faillite, à
toutes fins utiles, parce que la réclamation que je lui fais, il ne
pourra pas la rencontrer.
Je pense que le même principe a prévalu depuis toujours. Il
est évident qu'idéalement, ça devrait être 100% du
revenu net; idéalement, ça devrait être l'emploi disponible
au lieu de convenable; idéalement, il faudrait rejoindre toutes les
situations auxquelles se réfère le député de
Sainte-Marie. Mais les deux parties ont convenu, au moment même où
elles ont, ensemble, établi ce régime - c'est de la
volonté commune des deux parties que le
régime est né - que l'une et l'autre devaient accepter de
renoncer à certains droits comme, d'autre part, elles s'enlevaient l'une
et l'autre aussi certaines obligations. (23 h 45)
Par exemple, le travailleur accidenté, dans le régime de
réparation que l'on connaît, n'est pas obligé d'aller
devant les tribunaux de droit civil. Il a une compensation quasi automatique
dès que certaines conditions sont remplies. À partir de cette
philosophie, ajoutée à l'argumentation que le
député d'Outremont a développée, je pense qu'il va
nous falloir faire un certain nombre de choix. C'est bien évident que,
idéalement, il faudrait rejoindre tous les objectifs que le
député de Sainte-Marie nous soumet et sur lesquels il attire
notre attention, mais il y a toujours, fondamentalement, cette question de
choix.
La Présidente (Mme Juneau): M. le député de
Sainte-Marie.
M. Bisaillon: Mme la Présidente, j'ai déjà
développé une argumentation sur la possibilité de
continuer à verser, sous une forme ou sous une autre, la participation
de l'employeur au fonds de retraite privé auquel l'employé avait
déjà droit dans le passé, avant son accident, pour faire
en sorte que, au moment où il arriverait à l'âge de la
retraite, il ait plus que les bénéfices sociaux prévus
comme minimum. Je regrette que cela ne touche pas davantage les membres de
cette commission. Je voudrais indiquer au ministre que ce ne sont pas juste les
demandes du député de Sainte-Marie, mais qu'à peu
près l'ensemble des associations qui traitent des cas
d'accidentés du travail, l'ensemble des associations syndicales - cela
fait déjà un peu de monde aussi - se sont aussi prononcées
dans ce sens.
Il faudrait aussi comparer avec la situation actuelle, pour les
personnes qu'on vise à l'article 53, et partir des lois qu'on a. Cet
après-midi, j'ai posé une question au ministre: Qu'est-ce qui
arrive à un travailleur profitant de la loi rendant la mise à la
retraite facultative, s'il continue de travailler après 65 ans et qu'il
a un accident à 67, 68 ou 69 ans? Le ministre m'a répondu que,
dans ce cas, la première année d'indemnité lui serait
payée; qu'après la première année, on appliquerait
la réduction de 25%, 50% et 75%, même si cela dépasse 70
ans. C'est la réponse que le ministre m'a faite cet après-midi.
Il m'a dit que c'était à l'article 53 qu'on réglerait
cela. On est rendu à l'article 53. C'est un autre aspect dont on a
traité cet après-midi.
Et je me sers de cet exemple pour démontrer qu'il va y avoir deux
catégories de personnes âgées, de travailleurs
âgés. Il va y avoir ceux qui ont eu leur accident du travail
après 65 ans et ceux qui ont eu leur accident avant 65 ans. Ceux qui ont
eu leur accident avant 64 ou 65 ans, dès qu'ils vont arriver à 64
ans, on va les diminuer. Ceux qui ont continué à travailler et
qui ont eu un accident de travail après 66, 67 ans, on va continuer de
leur verser des indemnités.
Le problème n'est pas de savoir si c'est plus coûteux d'en
ajouter un peu plus. Je parle de la situation actuelle, et dans la situation
actuelle, on a dit aujourd'hui que, pour des cas d'incapacité totale
permanente, le régime proposé par le projet de loi était
plus avantageux que la loi actuelle, sauf quand on arrive à 65 ans.
C'est sûr que, si le travailleur meurt à 67 ans, on pourrait
encore prétendre que le régime proposé dans le projet de
loi est plus intéressant. Mais s'il a - entre guillemets - la malchance
de vivre plus longtemps, le régime de la loi actuelle va être
préférable au régime proposé dans le projet de
loi.
C'est cela que je voudrais qu'on corrige aussi. Je comprends qu'il est
possible que les députés de l'Opposition aient reçu un
appel téléphonique du Conseil du patronat, trouvant
peut-être que, depuis le début de l'étude de ce projet de
loi, il y avait des arguments trop pro-travailleurs et qu'on change le discours
ce soir, mais j'aimerais qu'on se préoccupe quand même du fait que
c'est une loi pour les travailleurs qui ont subi des accidents. La
comptabilité des employeurs, il y a d'autres occasions pour parler de
cela. Ce que je demande à l'article 53, ce ne sont pas des sommes
énormes. Combien y a-t-il d'accidentés avec des
incapacités totales permanentes? Combien y en n-t-il actuellement?
La Présidente (Mme Juneau): M. le député de
Saguenay.
M. Bisaillon: J'attends une réponse.
M. Fréchette: Je pense qu'il y en aurait actuellement 3000
qui se retrouvent dans cette situation d'incapacité totale permanente et
il y en aurait une centaine par année qui s'ajoute à ce nombre de
3000.
M. Bisaillon: Quand on parle de combler...
M. Fréchette: Maintenant soyons «clairs, entre nous,
c'est une information qui est "pif".
M. Bisaillon: Oui, oui.
M. Fréchette: Sous réserve d'une information plus
précise, d'une recherche plus précise.
M. Bisaillon: Oui, mais c'est juste pour fins d'argumentation que
j'essayais d'avoir le chiffre. Je ne veux pas avoir un chiffre
précis. Je veux juste indiquer que la seule chose que je
demandais: Cela représente finalement quoi? Si le travailleur qui a eu
son accident à 45 ans continue à payer sa participation à
son régime privé - on parle de quoi là? - la participation
de l'employeur, cela pourrait peut-être être de 100 $ par
année. On parle de 100 $ fois 3000. C'est de cela qu'on parle. Ce ne
sont pas des sommes énormes pour faire qu'un travailleur qui a eu le
malheur d'avoir un accident du travail se retrouve avec autre chose que juste
la pension de vieillesse quand il atteint 65 ans. Il me semble qu'on ne parle
pas de grand-chose. Les employeurs paient, rappelons-nous-le, les plus basses
cotisations - on l'a dit cet après-midi - et ils ne sont pas si
malheureux que cela au Québec. Ils paient moins cher qu'en Ontario. Ils
ne peuvent pas se permettre d'en mettre plus, de se servir de leur caisse pour
payer 3000 fois 100 $ par année. On ne parle pas de sommes incroyables.
Je comprends qu'on veuille défendre le patronat, mais il me semble qu'il
faudrait qu'on le fasse avec un peu plus de décence. Quand ça ne
coûte pas cher et que cela donne des avantages, pourquoi ne les
donne-t-on pas?
La Présidente (Mme Juneau): M. le député de
Saguenay. Il avait demandé la parole.
M. Fortier: C'est parce que le député indirectement
a fait les remarques qui suivaient celles que j'avais faites moi-même.
J'aurais juste une remarque là-dessus. Non. Les commentaires que j'ai
faits, je les avais faits dans le sens de l'article 53 qui dit que
l'indemnité de remplacement du revenu est réduite de 25%. Je
pensais que l'argumentation du député allait dans le sens que
l'indemnité ne devrait pas être réduite dès
l'âge de 65 ans. Je crois que la deuxième argumentation qu'il a
faite touchait les fonds de retraite. Je dois vous avouer que la contribution
des employeurs ou le coût que cela pourrait représenter, moi, je
n'en ai aucune idée ici. C'est assez facile de faire des estimations sur
le bout de la table et si c'est là la demande du député de
Sainte-Marie, en ce qui me concerne, je serais prêt à l'examiner
mais il faudrait avoir des chiffres plus précis.
Par ailleurs, on sait déjà que les coûts totaux, sur
la masse salariale, sont beaucoup plus élevés au Québec
qu'en Ontario et quand on dit que les contributions des employeurs ou que le
tarif est plus bas ici qu'en Ontario, il faudrait dire toute la
vérité. C'est vrai que les tarifs de la CSST sont plus bas ici
qu'en Ontario mais les maximums permissibles sont plus élevés au
Québec qu'en Ontario. À ce moment-là, quand on multiplie
l'un par l'autre, on peut arriver à des chiffres qui sont
différents. De toute façon, l'ensemble des taxes sur la masse
salariale au Québec comporte, je crois, une différence de 5%.
C'est l'économiste Fortin qui en a fait l'étude, il y a deux ans,
du moins dans une conférence qu'il a donnée. Les taxes sur la
masse salariale au Québec sont de l'ordre de 14% alors qu'elles sont de
9% en Ontario. Donc, une différence de 5%. Je parle de l'ensemble des
taxes sur la masse salariale. L'économiste Fortin, qui est maintenant le
conseiller du premier ministre, a établi que pour une différence
de 1%, cela nous coûtait 1000 emplois au Québec, donc 50 000
emplois qu'on perd du fait que la taxe sur la masse salariale est plus
élevée au Québec qu'en Ontario.
Je suis bien prêt et je suis d'accord, si on peut... Je crois que
son intervention ne touchait pas nécessairement à l'article 53
comme tel, mais c'était de dire: Est-ce qu'on ne pourrait pas regarder
la possibilité, si les coûts n'étaient pas énormes,
de faire en sorte qu'une personne qui est pénalisée à plus
ou moins long terme puisse bénéficier quand même de son
fonds de retraite ou des contributions à son fonds de retraite
éventuellement? Je suis bien prêt à examiner cela. Je ne
pensais pas que c'était là l'argumentation du
député lorsqu'il a commencé. J'ai simplement dit que je
suis sensible à l'argumentation qu'il développe. Je croyais que
mon argumentation était à l'effet de dire que quoi que l'on
fasse, malheureusement l'employé qui a subi une lésion corporelle
subira toujours un préjudice et que d'essayer de nous entraîner
dans une augumentation, à savoir qu'il faudrait compenser de telle
façon que cette personne ne subisse aucun préjudice, je ne
croyais pas que c'était là l'économie du projet de loi qui
était devant nous.
Maintenant, s'il s'agit de certaines compensations qu'on peut
étudier et dont le député dit qu'elles
représenteraient des coûts minimes, il faudrait avoir les rapports
d'actuaires qui nous donneraient l'information en conséquence. Je ne
suis pas prêt immédiatement à porter un jugement
là-dessus. Je ne crois pas, de toute façon, que la proposition du
député de Sainte-Marie vienne nécessairement à
l'article 53. Elle pourrait venir à un autre moment.
La Présidente (Mme Juneau): M. le député de
Saguenay.
M. Maltais: Merci, Mme la Présidente. C'est juste pour
rassurer le député de Sainte-Marie que l'Opposition n'est pas
raccordée au Conseil du patronat. Je pense que les connexions du
député de Sainte-Marie sont beaucoup plus près de lui que
les nôtres peuvent l'être présentement.
M. Bisaillon: Moi, elles sont officielles,
à part de cela elles sont là.
M. Maltais: Non, non, je suis bien d'accord.
M. Bisaillon: Elles sont claires, elles sont engagées
à 1 $ pour un mois.
M. Maltais: Ceci étant dit sans méchanceté,
il faut se rappeler qu'il y a 562 articles. Je pense qu'on aura tous l'occasion
de...
Il y a une question, M. le ministre, qui suscite... On dit que le but de
la loi, c'est de remettre le travailleur dans la situation où il
était, le plus possible, après un accident. Dans les conventions
collectives, quelqu'un qui souffre d'une maladie, à ce que je sache, ses
années de régime de retraite ne s'accumulent pas.
Je vous donne l'exemple des enseignants. M. le député de
Sainte-Marie est un expert et à moins qu'il me dise le contraire parce
que je vais faire un grief à la CEQ: mon épouse a
été dans le cas à trois reprises pour des congés de
maternité... M. le ministre, les années de régime de
retraite ne s'accumulent pas. Alors, pourquoi? Est-ce que c'est un
précédent qu'on va créer ici ou est-ce que cela va revenir
dans chacune des conventions collectives? Si on évalue la masse pour ces
travailleurs, je suis bien d'accord qu'on l'évalue aussi pour l'ensemble
des travailleurs qui ont souffert de maladies.
M. Fréchette: Évidemment, au niveau des conventions
collectives, les régimes peuvent varier autant de fois qu'il y a de
conventions. Cela dépend de ce que les parties ont
négocié. Vous pouvez effectivement avoir des conventions
collectives qui prévoient qu'en cas de maladie le régime de
retraite n'est pas assumé par l'employeur. Vous pouvez probablement en
avoir d'autres qui vont le prévoir. C'est un contrat
particularisé pour chaque employeur et groupe de salariés.
Maintenant, dans le cas précis qui nous préoccupe, bien
sûr qu'il y aura lieu de procéder à une évaluation
des coûts que cela pourrait engendrer, bien que je sois d'avis que ce
n'est pas en relation avec l'article 53 qu'on est en train d'étudier que
ce phénomène doit être évalué. Une
première évaluation fort approximative et qui ne procède,
à ce stade-ci, d'aucune appréciation scientifique nous
amènerait à la conclusion que cela coûterait, en sus de ce
que cela coûte actuellement pour atteindre cet objectif, une somme de 5
000 000 $ par année à l'ensemble des employeurs.
Je donne cela sous toutes les réserves qui doivent être
retenues mais on peut regarder de plus près la situation.
La Présidente (Mme Juneau): Je vous signale qu'il est
minuit et que nous devons ajourner nos travaux sine die.
(Fin de la séance à 23 h 59)