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Version finale

32e législature, 5e session
(16 octobre 1984 au 10 octobre 1985)

Le mardi 4 décembre 1984 - Vol. 28 N° 7

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude détaillée du projet de loi 42 - Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles


Journal des débats

 

(Douze heures trois minutes)

La Présidente (Mme Juneau): Je déclare la séance ouverte.

La commission de l'économie et du travail est réunie pour procéder à l'étude détaillée du projet de loi 42, Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.

Est-ce qu'il y a des changements, M. le Secrétaire?

Le Secrétaire: Oui, Mme la Présidente.

M. Bourbeau (Laporte) est remplacé par M. Ciaccia (Mont-Royal); Mme Dougherty (Jacques-Cartier) est remplacée par M. Maltais (Saguenay); M. Kehoe (Chapleau) est remplacé par M. Paradis (Brome-Missisquoi) et M. Maciocia (Viger) est remplacé par M. Leduc (Saint-Laurent).

La Présidente (Mme Juneau): Merci. Étant donné que...

Le Secrétaire: Pour terminer, Mme la Présidente, M. Le May (Gaspé) est remplacé par M. Gagnon (Champlain).

La Présidente (Mme Juneau): Étant donné que, lorsque nous avons ajourné nos travaux hier, nous avions convenu de suspendre l'article 40.1 jusqu'à ce que les articles énumérés dans l'amendement de l'article 40.1 soient étudiés, nous passons à l'article 41.

Indemnités

M. Fréchette: Alors, Mme la Présidente, le député de Sainte-Marie qui revient dans un délai raisonnable a, je pense, des suggestions à nous faire quant à...Pardon?

La Présidente (Mme Juneau): M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: Mme la Présidente, deux choses. La première, c'est qu'hier soir le ministre a procédé à la distribution de documents d'information. Est-ce qu'il serait possible d'en avoir un exemplaire additionnel?

Deuxièmement, Mme la Présidente, hier, j'avais adressé une demande au ministre du Travail pour qu'avant d'aborder l'étude de l'article 41 le ministre nous dresse un tableau de la situation. On se rend tous compte qu'on entre dans les articles du projet de loi qui sont un point important des discussions que l'on doit avoir entre nous, un des quatres points centraux du projet de loi. Dans ce sens-là, je pense qu'il serait intéressant, à la fois pour la façon dont on pourra délibérer sur l'étude article par article et à la fois pour nous éviter de dédoubler nos commentaires et nos discussions au moment où on fera l'étude article par article, que le ministre nous trace un tableau complet. Quelle est la situation actuelle? Comment procède-t-on quant aux indemnités? Comment entend-on procéder à l'avenir? Pourquoi ce changement de deux systèmes? Quels sont les objectifs poursuivis par le projet de loi et par les changements qu'on y apporte? Quelles sont les conséquences de ces changements en termes de perte d'indemnité ou de gain, si c'était le cas? La présentation du ministre étant faite, on pourrait s'entendre sur une discussion générale du système, quitte à limiter cette discussion dans le temps.

Je pensais que, si le ministre prenait l'heure que l'on a à notre disposition pour nous expliquer le système, on prendrait la période de l'après-midi, c'est-à-dire de trois heures à six heures, pour faire une discussion générale, un peu comme on le fait avant l'étude du projet de loi. On passe des commentaires généraux. Alors, qu'on prenne l'après-midi pour passer nos commentaires généraux. Ceci étant fait, on pourrait passer par la suite à l'étude article par article et les délibérations ne pourraient être que meilleures. C'est la suggestion que je voulais faire au ministre. Je n'ai malheureusement pas consulté les collègues de la commission parlementaire, ni ceux de l'Opposition, ni ceux du côté ministériel, mais j'en fais la suggestion, non seulement au ministre, mais à l'ensemble des collègues, en espérant qu'ils pourront réagir favorablement à ma demande.

La Présidente (Mme Juneau): Y a-t-il des commentaires sur la suggestion du député de Sainte-Marie?

M. Cusano: Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Juneau): M. le député de Viau.

M. Cusano: De notre côté, nous sommes complètement d'accord avec le député de Sainte-Marie vu l'importance et la

complexité du chapitre d'indemnité de remplacement du revenu. Je crois que le fait d'approcher cet aspect des indemnités de remplacement du revenu de cette façon nous permettra d'avoir une meilleure compréhension. En même temps, pendant que ces discussions se poursuivent, peut-être que le ministre pourrait songer à des amendements qui seront nécessaires à chacun des articles. Cela éviterait des délais. Dès que les discussions seront entamées, nous pourrons voir, autour de la table, vers quelle direction on s'en va et cela donnera l'occasion aux personnes qui travaillent pour le ministre de préparer des amendements pour que nous puissions procéder d'une façon plus efficace et plus rapide.

La Présidente (Mme Juneau): Est-ce que cela va? Je constate que tous les députés sont d'accord avec cette suggestion.

Une voix: Oui, Madame.

La Présidente (Mme Juneau): M. le ministre.

M. Fréchette: Quant à moi, c'est évidemment sans aucune réserve que je reçois cette suggestion parce qu'elle va très certainement être utile dans les travaux que nous entreprenons ce matin, et particulièrement à cause du chapitre que nous abordons.

J'ai donc compris, Mme la Présidente, qu'on irait jusqu'à 13 heures. Ce serait la période de temps qui me serait réservée et, à notre retour, à 15 heures jusqu'à 18 heures, la discussion générale se continuerait.

M. Cusano: Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Juneau): M. le député de Viau.

M. Cusano: Le ministre me permettra un commentaire. S'il juge nécessaire d'aller au-delà de 13 heures et qu'à 15 heures il juge nécessaire de couvrir des faits additionnels, nous n'avons aucune objection.

La Présidente (Mme Juneau): M. le ministre.

Exposé du sujet M. Raynald Fréchette

M. Fréchette: Je prends acte de cette offre, mais je suis d'opinion que, durant les trois quarts d'heure qui viennent, je devrais être mesure de faire le tour de la question qu'on aborde.

Il y a une première préoccupation que je veux soumettre aux membres de la commission et qui me paraît être le principe fondamental de toute politique, de tout système de réparation. Il me semble assez clair et assez évident que l'objectif de fond, l'objectif de base d'une politique de réparation doit être essentiellement d'essayer de faire en sorte que l'accidenté soit replacé dans la situation dans laquelle il se trouvait avant son accident. Évidemment, cela nous amène à deux situations possibles: celle qui est en relation directe avec l'aspect que j'appellerais "économique" - entre guillemets - de l'accidenté et l'aspect qui concerne plus spécifiquement la consolidation de sa blessure, de sa maladie professionnelle par la voie de la réadaptation, qu'elle soit physique, professionnelle ou sociale. Donc, encore une fois, cet objectif fondamental doit être de replacer cet accidenté dans l'état dans lequel il se trouvait avant cet accident, en tenant compte, bien sûr, des séquelles, des incapacités partielles permanentes qui peuvent découler de l'accident dont il a été victime, ce qu'on est convenu d'appeler plus scientifiquement le déficit anatomophysiologique. Donc, encore une fois, l'objectif de fond est de replacer la victime de l'accident dans l'état dans lequel elle était avant son accident.

Une autre préoccupation fondamentale -et je pense que personne d'entre nous ne peut passer à côté de cette préoccupation -c'est d'essayer de faire en sorte que le départage économique - si vous me prêtez l'expression - soit accentué ou plus accentué sur la nécessité de réparer ou de compenser davantage ceux qu'on est convenu d'appeler les accidentés lourds, c'est-à-dire ceux qui se retrouvent, après un accident du travail, avec des séquelles plus importantes qui peuvent aller jusqu'à l'incapacité totale permanente. Autant au plan de la réparation économique, encore une fois, que de la réadaptation généralement parlant, il nous semble que c'est une préoccupation qui doit, de toute évidence, guider toutes nos discussions, toutes nos délibérations sur le projet de loi 42 et, plus particulièrement, sur le chapitre dont on est en train d'entreprendre l'étude. (12 h 15)

À partir de ces deux préoccupations de fond, soit de replacer l'accidenté dans l'état où il était si c'est possible et, deuxièmement, faire en sorte que ceux qui en ont le plus besoin en reçoivent plus, le chapitre III, Mme la Présidente, qui précise la politique de remplacement du revenu va tenir compte des grands axes suivants. La loi va prévoir, si elle est adoptée comme elle nous est soumise, que l'accidenté, autant celui qui est en période d'incapacité temporaire que celui qui se retrouvera malheureusement en état d'incapacité totale et permanente, va retirer pour l'une ou l'autre des périodes, le cas échéant, 90% de son revenu net pendant tout le temps que

durera cette incapacité temporaire, si tel est le cas, et jusqu'à l'âge de 65 ans, dans le cas d'une incapacité totale permanente avec une dégradation de 25% par an après l'âge de 65 ans jusqu'à extinction complète à l'âge de 68 ans alors que le Régime de rentes du Québec prendra la relève.

Dans toutes les discussions qui ont été suscitées jusqu'à maintenant autour du projet de loi 42, il y a une remarque qui est revenue très souvent, qui a été soulevée par des gens qui prétendent que cette loi ne devrait pas être acceptée, ne devrait pas être votée, qu'elle devrait être retirée, que le statu quo devrait demeurer il y a une représentation qui revient souvent et elle est de la nature suivante: Beaucoup d'intervenants nous signalent qu'au lieu de prévoir le paiement d'une indemnité de revenu égal à 90% du revenu net, ce devrait être une indemnité de remplacement du revenu de 100%. Encore une fois, beaucoup d'intervenants nous ont soumis des représentations dans ce sens. Je vous signale les deux motifs pour lesquels il me semble que nous ne pouvons pas retenir cette représentation.

D'une part, que l'indemnité de remplacement du revenu soit fixée à 90% du revenu net au lieu de 100% du revenu net constitue - à tort ou à raison, mais c'est notre évaluation - un premier incitatif de retour au travail. Il est évident que l'accidenté qui est en période de consolidation et de réadaptation, qui va retirer 90% de son revenu net, va espérer pouvoir reprendre ses activités normales dans les meilleurs délais, tout en étant par ailleurs très prudent quant à la consolidation de sa blessure et quant à la nécessité d'éviter que, retournant au travail trop tôt, il n'en subisse un préjudice. Mais dès lors que, médicalement parlant et autrement, il pourra en arriver à la conclusion que sa blessure est consolidée, qu'il peut réintégrer son poste, il me semble qu'il va être davantage motivé à retourner à sa fonction à raison de 100% de son salaire plutôt que de continuer à retirer les indemnités de remplacement du revenu dans une proportion de 90% du revenu net.

L'autre motif pour lequel il nous est apparu et il nous apparaît encore que l'on doive garder ce barème des 90% du revenu net, c'est qu'il tombe sous le sens commun des choses qu'un travailleur qui est accidenté et qui se retrouve à la maison ne doit pas faire face aux mêmes déboursés que ceux auxquels il a à faire face lorsque, quotidiennement, il doit se présenter à son travail. Que l'on pense simplement et strictement, par exemple, en termes de transport, en termes de dépenses de vêtements, d'achat d'outils dans certains cas. Alors, il est évident que, pendant la période où il est en accident du travail, les dépenses qu'autrement il aurait à absorber s'il était au travail ne doivent pas être imputées dans ces déboursés.

L'objectif fondamental, encore une fois, quand on se réfère à cette indemnité de remplacement du revenu, c'est de faire en sorte que l'accidenté soit, économiquement parlant, dans la même situation que celle qui prévalait dans son cas avant son accident.

Il y a l'autre aspect d'un accident du travail et c'est celui qui est en relation avec ce dont je parlais tout à l'heure, c'est-à-dire ce déficit anatomophysiologique. Plus simplement, on pourrait parler d'incapacité: incapacité partielle temporaire, incapacité totale temporaire, incapacité partielle permanente et incapacité totale permanente.

Le degré de ces incapacités est déterminé par une évaluation médicale qui est faite par le médecin traitant en vertu et en fonction des mécanismes que l'on retrouve dans la loi, quand la consolidation de l'accidenté est complétée. Son médecin traitant va déterminer que les séquelles dans son cas très précis sont de telle nature. Donc, quand cette conclusion médicale aura été tirée, l'accidenté, à partir des critères habituels en semblable matière, c'est-à-dire son âge, le salaire qu'il faisait, le degré d'incapacité dont il est affecté, va recevoir un montant forfaitaire, dont les barèmes apparaissent à l'annexe, pour compenser, mais strictement et uniquement, le déficit anatomophysiologique, l'indemnité de remplacement du revenu demeurant toujours.

Dans le débat qui se fait actuellement sur la place publique, il y a beaucoup d'intervenants. Je ne vais pas vous signaler ou, enfin, vous dire que c'est volontaire, mais il y a beaucoup d'intervenants qui, actuellement encore une fois, écrivent, disent et plaident que le montant forfaitaire remplace la rente viagère. Ce qui est tout à fait inexact. Le montant forfaitaire n'est là que pour compenser le déficit anatomophysiologique. J'insiste là-dessus parce que cela a été véhiculé dans le public depuis que le projet de loi réimprimé a été déposé. On a entendu cela dans les lignes ouvertes; on a entendu cela dans des assemblées publiques; on a lu dans les journaux que le montant forfaitaire était prévu dans la loi pour remplacer la rente viagère alors qu'il n'y a rien de plus inexact.

Encore une fois, je ne vais pas prétendre que les gens qui ont plaidé ou argumenté dans ce sens-là le faisaient de mauvaise foi, pas du tout, mais il m'apparaît important de replacer les choses dans leur véritable contexte et de faire entre nous, en tout cas, une situation claire qui est conforme aux dispositions que l'on retrouve dans la loi et en vertu desquelles, encore une fois, ce montant forfaitaire ne remplace d'aucune façon la rente dont on parle.

Je donne un exemple de ce que je veux

dire. Prenons un accidenté du travail qui est victime d'un accident tel qu'il se retrouve, après les traitements auxquels il doit se soumettre, après l'utilisation des moyens de réadaptation prévus dans la loi, malgré tout cela, dans un état d'incapacité totale permanente. Quelle sera la situation qui sera faite à cet accidenté, si le projet de loi 42 était adopté, en considération de l'état dans lequel il se retrouve? Il aurait droit, quel que soit son âge, aurait-il 20 ans, aurait-il 25 ans, à une indemnité de remplacement du revenu équivalant à 90% de son revenu net, revalorisée annuellement jusqu'à l'âge de 65 ans, avec les diminutions dontje parlais jusqu'à l'âge de 68 ans, plus le montant forfaitaire prévu par la loi, alors que, dans l'état actuel des choses, si ma compréhension de la lecture de la loi est la bonne, quand l'incapacité est déterminée, c'est cette rente dont on parle qui est payée à l'accidenté. Je comprends qu'elle est viagère, mais c'est cette rente qui est payée et qui n'est pas accompagnée du paiement d'un montant forfaitaire.

Alors, il m'apparaissait tout à fait indiqué d'insister sur cet aspect de la loi parce que, encore une fois, dans toutes les discussions publiques qui ont été faites, on a souvent omis de faire cette distinction importante selon laquelle l'indemnité forfaitaire dont il est question ne va pas remplacer la rente viagère qui est payée en vertu des dispositions de la loi actuelle.

Un autre exemple qu'il est important de signaler - c'est probablement à partir d'exemples concrets; d'ailleurs, j'aurai tout à l'heure des tableaux à préciser - prenons l'exemple suivant. Il y a, dans une entreprise, un travailleur qui est soudeur de son métier. Il gagne 25 000 $ par année dans son métier ou sa profession de soudeur. Il est victime d'un accident du travail qui lui occasionne une incapacité, peu importe le degré, mais pas une incapacité totale permanente, qui lui permettrait de retourner au travail, mais pas dans la même fonction que celle qu'il occupait au moment de l'accident.

Prenons, aux fins de la discussion, l'exemple qu'il est soudeur au moment de son accident et, après sa réadaptation physique, la consolidation de son accident, il retourne chez son employeur, mais en qualité de commis aux pièces, dans une fonction qui commande une rémunération de 15 000 $ par année au lieu de 25 000 $, salaire qu'il gagnait au moment de son accident.

Qu'est-ce que la loi 42 prévoit? Elle prévoit que, dès lors qu'il sera retourné au travail dans cette fonction de commis aux pièces qui commande une rémunération de 15 000 $, la Commission de la santé et de la sécurité du travail va compenser la différence entre le salaire qu'il gagnait au moment de son accident et celui qu'il gagne maintenant, c'est-à-dire qu'ilva économiquement être dans la même situation, continuer de retirer ses 25 000 $ par année même s'il est commis aux pièces, et 25 000 $ revalorisés chaque année également.

Il me semble que c'est un autre aspect de la loi dont il faut tenir compte de façon sérieuse et dont on n'a pas entendu parler non plus dans le débat public qui est actuellement en cours. On en a entendu parler... Évidemment, il faudra ajouter à cette indemnité de remplacement de revenu de 10 000 $, c'est-à-dire la différence entre 15 000 $ et 25 000 $, un montant forfaitaire basé sur l'évaluation du déficit anatomophysiologique dont sera affecté l'accidenté. 11 continuera donc de recevoir son plein salaire dans une autre fonction et on ajoutera à cette indemnité le montant forfaitaire prévu par la loi.

Il y a certaines gens qui nous ont représenté que, de toute manière, ce n'était pas à retenir, cette argumentation, parce que, dans certains cas - les gens prétendent que c'est appliqué de façon générale - c'est déjà la situation, nous dit-on, dans certains milieux. A cet égard, j'ai deux observations à vous soumettre.

D'abord, il est vrai qu'en vertu d'un programme de stabilisation économique mis sur pied par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, il y a de ces situations qui existent, c'est-à-dire la compensation pour combler la différence de salaire quand quelqu'un revient dans un emploi qui commande une rémunération moindre. C'est vrai que la Commission de la santé et de la sécurité du travail, par des décisions strictement administratives, a instauré des programmes de stabilisation économique, stabilisation sociale et stabilisation professionnelle. À partir des programmes de stabilisation économique, elle a retenu la formule dont je viens de parler, et cela existe depuis 1980 ou 1981 ou à peu près. (12 h 30)

Cependant, cela ne s'applique pas à l'ensemble des travailleurs accidentés. Cela s'applique à ceux qui, si ce programme n'était pas offert, se retrouveraient dans une situation économique qui nécessiterait que d'autres sources économiques puissent assumer le bien-être de l'accidenté et de ceux qui dépendent de lui, s'il y en a. Donc, ce programme ne s'applique pas à tous les accidentés, d'une part.

Deuxièmement, et cela est plus inquiétant, Mme la Présidente, dès lors que la Commission de la santé et de la sécurité a pris la décision d'instaurer ce programme de stabilisation économique, il s'est trouvé des employeurs - et cela n'est que normal que cette décision ait été prise par eux -pour en venir à la conclusion qu'en vertu des

dispositions actuelles de la loi cette directive administrative et, par voie de conséquence, le programme qui en découle, est illégale, nulle, caduque et ne peut pas être mise sur pied en vertu des dispositions actuelles de la loi.

Dans quelle situation pourrions-nous nous retrouver le jour où la Cour supérieure ou la Cour d'appel ou la Cour suprême donnerait raison aux employeurs et dirait aux employeurs: Vous avez raison, la Commission de la santé et de la sécurité n'était pas habilitée, en vertu des pouvoirs de la loi actuelle, à mettre sur pied de semblables programmes. Le jour où une cour de dernière instance rendrait un jugement de cette nature, cela voudrait dire, si la loi doit demeurer ce qu'elle est, que tous ces programmes de stabilité économique, sociale et professionnelle devront être balayés de la main. Il n'en existera plus et le phénomène de combler la différence de salaire à partir de l'exemple dont je parlais tout à l'heure n'existera plus lui non plus.

J'ai l'impression que, là aussi, par rapport à l'état actuel des choses, en tout cas l'état juridique et théorique des choses actuellement, c'est une garantie, une assurance considérable qui, actuellement, n'existe pas.

Maintenant, Mme la Présidente, on doit aussi tenir compte, dans un programme de réparation, il me semble, en tout cas, du processus important de la réadaptation. Je comprends qu'on n'est pas encore rendu à ce chapitre, mais il me semble qu'il y a un lien entre les deux.

Au risque de me répéter, Mme la Présidente, je vous rappellerai que, lorsque nous avons étudié la loi au mois de mars et au mois de février dernier en commission parlementaire, la dernière journée d'audition a été consacrée à des groupes spécialisés en matière de réadaptation, d'ergothérapie, enfin un bon nombre de groupes dont les préoccupations fondamentales se situent du côté de la réadaptation. Et la préoccupation de la plupart de ces gens, et cela a été la même chose dans les jours qui ont précédé, particulièrement du côté des représentants des travailleurs, des représentants des accidentés du travail, la préoccupation, à cet égard, se situait à deux niveaux. On nous disait, d'une part: La loi devrait être très précise quant à la reconnaissance du droit à la réadaptation. Le législateur devrait faire en sorte que l'on retrouve maintenant, dans la loi, la consécration législative du principe du droit à la réadaptation.

Et, deuxièmement, ces mêmes groupes nous ont représenté avec beaucoup d'insistance que nous devrions retrouver dans la loi les mécanismes ou les programmes de réadaptation, réadaptation de trois ordres, comme on le sait, physique, sociale et professionnelle. Pourquoi nous ont-ils soumis ces représentations? Pour un motif fort simple, Mme la Présidente. Dans l'état actuel des choses, la réadaptation n'est assurée qu'en vertu de programmes mis sur pied par la commission elle-même, en vertu de programmes qui procèdent de directives administratives ou alors de réglementations adoptées par la Commission de la santé et, nécessairement, lorsqu'il s'agit d'interpréter une réglementation, il va entrer une bonne dose de discrétion de la part de celui qui interprète le règlement de réadaptation. Les groupes nous ont dit: Voulez-vous enlever à la Commission de la santé et de la sécurité du travail cette juridiction en matière de réadaptation et inscrire tout cela dans la loi? De cette façon, nous allons être sûrs que le droit est consacré et que, deuxièmement, les programmes auxquels nous avons droit seront très expressément reproduits dans la loi.

C'est ce que nous avons retenu. C'est la suggestion que nous avons retenue. Quand aujourd'hui j'entends des gens nous dire: Voici un projet de 566 articles. Je veux bien, mais, si nous n'avions pas accepté cette recommandation des groupes que nous avons entendus d'introduire ou d'incorporer dans la loi la politique de la réadaptation, il y aurait 125 articles de moins. Si nous n'avions pas incorporé dans la loi le mécanisme de l'arbitrage médical, du choix du médecin traitant, il y aurait une cinquantaine d'articles de moins. Ou bien on retient les représentations qui nous ont été faites et on les inscrit dans la loi pour que ce soit vivable et praticable par tout le monde, ou alors on les retire purement et simplement les politiques de réadaptation qu'on retrouve dans la loi. On la retire, la politique du choix du médecin traitant. On la retire, la politique de l'arbitrage médical. Bien sûr, on va réduire notre projet de loi de 566 articles qu'il est actuellement à 125, 150.

C'est donc pour cela que, Mme la Présidente, de retenir dans la loi le principe de la réadaptation conformément aux demandes qui nous ont été soumises, nous est apparu capital dans les circonstances.

Maintenant, si vous me le permettiez, je consacrerais les minutes qui me restent à certains tableaux, des tableaux qui vont illustrer des cas pratiques par rapport è l'état actuel de la loi en fonction de ce que serait l'indemnisation si la loi 42 était adoptée. Il ne faut pas que je m'éloigne trop, je suppose.

Une voix: Non.

M. Fréchette: Voici un premier exemple. C'est un exemple qui concerne un travailleur qui serait un homme de maintenance. Il est marié. Il a 46 ans et il est père d'un enfant. Au moment de son accident, il réalise un salaire de 20 000 $

par année. Il s'est retrouvé dans l'obligation de cesser de travailler pour une période de 18 mois et il subit un déficit anatomophysiologique de 15%. Il retourne à son travail mais, à cause de son incapacité partielle permanente de 15%, il retourne dans un emploi différent qui commande une rémunération de 10 000 $ par rapport à celle de 20 000 $ qu'il faisait au moment où il a eu son accident. Oui.

La Présidente (Mme Juneau): M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: Est-ce que je peux vous arrêter une seconde? Est-ce que le tableau qu'on voit de loin, on l'a dans les documents que vous nous avez remis?

M. Fréchette: C'est censé être la reproduction, la documentation que vous avez..

M. Bisaillon: Alors, c'est l'exemple no 1.

M. Fréchette: C'est ça. M. Bisaillon: Merci.

M. Fréchette: Donc, les données étant posées, voici ce à quoi il aurait droit sur le plan encore une fois strictement économique, strictement en termes de revenu ou de remplacement de salaire. Ce qu'il retirerait actuellement, c'est un montant de 283,19 $ par semaine non indexé; 90%, donc, de son revenu net. Qu'est-ce que la loi actuelle prévoit? La même indemnité, bien sûr, parce que c'est la même proportion, sauf qu'il faut ajouter qu'à l'expiration de l'année de l'accident il y aura une indexation de l'indemnité, une revalorisation, ce qui n'est pas le cas, actuellement, dans les dossiers d'incapacité temporaire.

Si la loi 42 était adoptée dans sa forme et sa teneur actuelles, que l'incapacité temporaire, par exemple, est de deux années et demie, il y aura eu pendant les deux années et demie trois revalorisations de l'indemnité, ce qui, actuellement, n'est pas le cas.

Voyons maintenant quel sera son revenu disponible après son retour au travail. Remarquons qu'il retourne dans un emploi de 10 000 $, au lieu des 20 000 $ qu'il faisait au moment de l'accident. Dans l'état actuel de la loi, ce travailleur recevrait, de son nouvel emploi, de son nouveau salaire un montant de 185,12 $ par semaine auquel il faudrait ajouter 45,51 $ qui est cette rente à vie qui existe actuellement, ce qui l'amènerait donc à un salaire, dans son nouvel emploi, de 230,43 $, par rapport à un salaire de 283,19 $ qu'il réalisait au moment de son accident, dans l'état actuel de la loi.

Si la loi 42 était adoptée et qu'elle retenait les principes qu'on y retrouve actuellement, dans son nouvel emploi, il retirerait ces 85,12 $ par semaine auxquels serait ajoutée une indemnité de remplacement du revenu de 98,07 $, c'est-à-dire la compensation des 10 000 $ qu'il a perdus pour arriver, Mme la Présidente, à 283,19 $, donc, exactement à la même situation économique que celle dans laquelle il était au moment de son accident, alors que, sous la loi actuelle, il est à 230 $ par semaine, comparativement à 283 $ qu'il retirait.

Il faudra ajouter à cela, Mme la Présidente, c'est-à-dire à cette indemnité de remplacement du revenu, un montant forfaitaire pour compenser le DAP, le déficit anatomophysiologique, de 5266 $ qu'actuellement, en aucune espèce de circonstance, l'accidenté ne retire.

À quelle conclusion finale tout cela nous amène-t-il? C'est que, lorsqu'il sera rendu à l'âge de 65 ans, ce travailleur-là se retrouvera dans la situation suivante: II aura 45,31 $ par semaine qui est la rente à vie que l'on connaît actuellement. Il aura une rente de sécurité de vieillesse de 62,30 $. Il aura une rente de la RRQ de 68 $ par semaine, pour un total de 175,61 $ par semaine, à l'âge de 65 ans.

Dans la loi actuelle, ce qu'il recevra au terme de la sécurité de la vieillesse, c'est 62,30 $ et du Régime de rentes, 86 $, pour un total de 148,30 $ à l'âge de 65 ans.

Mais regardez, Mme la Présidente, la valeur totale des indemnités, à cause, bien sûr, de l'indemnité de remplacement de revenu qui lui a été payée, à compter de l'âge de 47 ans et demi jusqu'à l'âge de la retraite, le total de la valeur des indemnités reçues se répartit de la façon suivante: Dans l'état actuel de la loi, il aura reçu 66 870 $, alors que, si la loi 42 était adoptée dans sa teneur actuelle, il aura reçu 98 455 $.

M. Perron: Juste une question, Mme la Présidente, avant que le tableau disparaisse devant nous. Est-ce que le ministre pourrait nous dire si l'indemnité forfaitaire de 5266 $, dans le cas du travailleur de 46 ans, qui lui serait donnée selon son incapacité, si ce montant est imposable? (12 h 45)

M. Fréchette: Non. Pas plus, d'ailleurs, que l'indemnité de remplacement du revenu elle-même. On en a discuté il y a quelques jours. La Loi sur les impôts prévoit que toute indemnité provenant de cette source doit être déclarée mais est également déduite au moment où l'on fait sa déclaration d'impôt sur le revenu de sorte que ni le forfaitaire, ni les indemnités de remplacement du revenu ne sont imposables.

M. Grégoire: Est-ce que je peux poser une question juste sur cet exemple?

M. Fréchette: Sur le premier tableau? M. Grégoire: Oui.

La Présidente (Mme Juneau): M. le député de Frontenac.

M. Grégoire: Comment faites-vous le calcul de l'indemnité forfaitaire de 5266 $ dans la valeur totale des indemnités de 98 455 $? Est-ce que vous faites juste ajouter les 5266 $ ou si vous calculez 5266 $ plus les intérêts composés...

M. Fréchette: Non.

M. Grégoire: ...de l'âge de 47 1/2 ans jusqu'à l'âge de...

M. Fréchette: Ce n'est que le capital de 5000 $.

M. Grégoire: Simplement. M. Fréchette: Simplement.

M. Grégoire: Les intérêts de cela ne sont nullement...

M. Fréchette: Les intérêts de cela s'ajouteraient, mais on n'en a pas tenu compte.

M. Grégoire: Vous n'en avez pas tenu compte dans la valeur totale de 98 455 $?

M. Fréchette: Non.

La Présidente (Mme Juneau): M. le ministre.

M. Fréchette: On peut passer à un deuxième tableau.

Celui-ci serait l'exemple ou le cas d'un opérateur qui est âgé de 23 ans, qui est marié et qui est père d'un enfant. Au moment où il est victime de son accident, ' il reçoit un salaire de 25 000 $. Dans ce cas, comme dans le cas précédent, il y a une incapacité totale temporaire de 18 mois aussi. L'incapacité partielle permanente cependant est plus élevée, elle est à 25%. Il retourne au travail dans cette fonction de commis aux pièces dont je parlais tout à l'heure. Le nouveau salaire auquel il a droit dans sa nouvelle fonction est donc de 10 400 $ à cause, évidemment, de son incapacité de 25%.

Voyons le même processus et établissons les montants auxquels aurait droit un accidenté dont les coordonnées rejoindraient ou seraient équivalentes à celles dont je viens de parler sous l'empire de la loi actuelle. Il faut retenir qu'au moment de son accident, là, il y a un revenu disponible de 373,51 $. Sous l'empire de la loi actuelle, il recevrait ces 90%, donc 336,15 $ sans indexation, peu importe le temps que dure l'incapacité temporaire. La loi 42 prévoit le même montant avec indexation. Après le retour au travail cependant - et j'attire l'attention des membres de la commission sur ce cas parce qu'on est en face d'une personne qui a une incapacité partielle permanente importante de 25%, ce qui ne l'empêche pas cependant de vaquer à certaines occupations comme celles de commis aux pièces... Sous la loi actuelle il retirerait de son nouvel emploi 10 400 $ par année donc 192,13$ par semaine et sa rente à vie de 90,70 $ pour un total de 282,31 $. Cela, c'est la loi actuelle.

Si la loi 42 était adoptée, il retirerait le même montant de son emploi, l'emploi effectif qu'il fait tous les jours, commis aux pièces, donc 192,13 $ mais le remplacement du revenu comblerait son manque à gagner par rapport au salaire de 25 000 $ qu'il faisait au moment où il a eu son accident, ce qui nous l'amènerait à un salaire hebdomadaire de 336,15 $ comparativement à 282,13 $ dans l'état actuel de la loi. L'état actuel de la loi ne prévoit pas de paiement de forfaitaire alors que, dans le cas traité en vertu des dispositions de la loi 42, il y a un forfaitaire de 12 782 $. L'on voit bien ici l'illustration de ce que je signalais dans mes remarques préliminaires que le forfaitaire ne remplace pas la rente viagère. Faisons maintenant les additions. Vous arrivez dans un cas à une valeur totale d'indemnité à 65 ans de 126 000 $ sous la loi actuelle et de 210 000 $ sous la loi 42.

M. Grégoire: J'aurais encore une question.

La Présidente (Mme Juneau): Oui, M. le député de Frontenac.

M. Grégoire: Elle concerne le premier et le deuxième exemple. Concernant la Régie des rentes du Québec, on voit bien que le montant de sécurité de la vieillesse reste le même dans les deux cas, sous la loi actuelle ou sous l'ancienne loi. Sous la loi actuelle, le citoyen dans son revenu disponible ne paie pour sa régie des rentes que sur le salaire qu'il a alors. Ce que je voudrais savoir, c'est s'il reçoit plus dans la nouvelle loi. À même son remplacement de revenu, il peut payer sa régie des rentes. Est-ce qu'à même son remplacement de revenu il peut également payer le plein montant pour son fonds de retraite de la compagnie s'il a un fonds de retraite de la compagnie ou s'il paie seulement sur le salaire qu'il reçoit?

La Présidente (Mme Juneau): M. le

député de Frontenac, je voudrais seulement vous faire part que nous avions convenu ensemble de laisser le temps au ministre d'expliquer et que cet après-midi on reviendrait avec les questions. Si vous voulez, M. le député, ce sera la dernière question, après on laissera le ministre donner son exposé et après cela on posera les questions.

M. Grégoire: Si vous voulez revenir cet après-midi avec les questions, Mme la Présidente...

M. Fréchette: Oui. Si cet accidenté retourne comme commis aux pièces mais chez le même employeur, il aura toute la liberté, à partir du paiement qu'il reçoit d'une indemnité de remplacement du revenu, de continuer à contribuer dans le fonds de retraite de son même employeur. Rien ne l'empêchera de faire cela. Cependant, s'il allait chez un autre employeur que celui chez qui il a eu l'accident, je pense que là il peut le faire pour un an ou deux ans.

La Présidente (Mme Juneau): M. le ministre.

M. Fréchette: Oui, hé bien, je pense que cela vaut la peine, même si cela peut devenir un peu lourd et fastidieux, de faire le tour de nos exemples. Alors, le troisième des exemples étant donc le suivant, nous aurions affaire dans ce cas-ci à un vendeur de 30 ans qui est marié et père d'un enfant. Au moment de son accident, il gagne un salaire de 28 000 $ par année. Son accident l'a obligé à se retirer du milieu de travail pour une période de six mois et il restera avec une incapacité partielle permanente ou un DAP de 10%. Il retourne au travail dans le même emploi, donc au même salaire que celui qu'il faisait au moment où il a eu son accident, c'est-à-dire 28 000 $. Quelles sont les dispositions des lois, maintenant, qui s'appliquent? Dans le cas de la loi actuelle, il va retirer au chapitre de l'indemnité temporaire un montant de 366,80 $, toujours sans indexation. Dans la loi 42, même montant avec indexation annuelle.

Quand il retournera au travail - et à retenir qu'il s'agit ici d'un accidenté qui, malgré son accident, peut retourner dans ses fonctions et continuer économiquement de gagner exactement le même salaire... Cela aussi, c'est une préoccupation qu'on doit avoir quand on accepte le principe fondamental qu'un régime ou une philosophie de réparation doit avoir pour objectif de replacer les gens dans la même situation qu'ils étaient. Or, dans ce cas-ci, donc, cet accidenté, après une absence de six mois, retourne dans son même emploi et au même salaire. Dans l'état actuel de la loi il aurait retiré 407,55 $ pendant les six mois plus 36 $, donc 444,23 $, alors qu'en vertu de la loi 42 il retirerait 407,55 $. C'est le seul des exemples que l'on a dans nos dossiers qui va nous amener à la conclusion que la loi 42, en termes, encore une fois, strictement économiques est moins avantageuse que la loi actuelle, mais retenons qu'il s'agit ici d'une personne qui est retournée dans la même situation économique que celle qu'elle avait au moment de son accident.

Il y aura, bien sûr, le forfaitaire de 4362 $, qui n'existe pas sous la loi actuelle et, en bout de ligne, la valeur totale des indemnités pour ce travailleur sera de 54 741 $, sous la loi actuelle et elle sera de 13 899 $, en fonction de la loi 42. Mais cet individu va pouvoir continuer de travailler dans la même fonction et au même salaire jusqu'à l'âge de sa retraite. Cela rejoint la préoccupation dont je parlais également dans mes remarques préliminaires quand je disais qu'il nous apparaît absolument nécessaire et essentiel de faire en sorte que les sommes d'argent soient redistribuées de façon que les accidentés lourds en bénéficient davantage que ceux qui sont moins handicapés par les séquelles de l'accident du travail.

Dans ce cas-ci, il y a un handicap, bien sûr, important, 10% d'incapacité, mais qui n'empêche pas de continuer de gagner son salaire et dans la même fonction.

Considérez-vous qu'il est 13 heures, Mme la Présidente?

La Présidente (Mme Juneau): Étant donné que vous venez de terminer un tableau...

M. Fréchette: Oui.

La Présidente (Mme Juneau): ...si les membres de la commission sont d'accord, nous pourrions suspendre nos travaux jusqu'à 15 heures.

Une voix: Le ministre va continuer son exposé...

M. Fréchette: II reste trois petits tableaux.

Une voix: C'est bien.

La Présidente (Mme Juneau): Cela va, M. le député? Nous suspendons nos travaux jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 57)

(Reprise à 15 h 10)

La Présidente (Mme Juneau): Nous avons quorum. La commission de l'économie et du travail reprend ses travaux pour l'étude de la loi 42, Loi sur les accidents du

travail et les maladies professionnelles.

Ce matin, lorsque nous avons suspendu nos travaux, le ministre était en train de nous expliquer certains tableaux. M. le ministre avez la parole.

M. Fréchette: Mme la Présidente, je vais aller rapidement pour ce qui reste des tableaux dont on a parlé ce matin. Quant au tableau 3, je voudrais simplement attirer l'attention des membres de la commission sur une situation qui ne risque plus de se produire dans certains cas. Remarquons qu'ici le travailleur est retourné au même emploi que celui dans lequel il était au moment où il a eu son accident. Il y est retourné parce que son employeur a consenti à le reprendre. Il n'y a aucune obligation dans l'état actuel des choses pour l'employeur de reprendre à son service l'accidenté du travail à moins que la convention collective ne contienne déjà des dispositions qui prévoient un cas comme celui-ci. Mais à supposer, dans ce cas, que le travailleur ne soit pas protégé par une convention collective et que l'employeur ait pris la décision de ne pas le reprendre à son service, la loi 42 oblige l'employeur à le reprendre à son service dans un délai d'un an ou de deux ans suivant le cas et dans le même emploi que celui qu'il faisait avant son accident, si évidemment il est en mesure de reprendre cet emploi.

Un quatrième exemple, le cas d'un contremaître qui a 46 ans, qui est marié, qui est père d'un enfant, qui travaille au salaire de 20 000 $ au moment de son accident, que l'accident éloigne du milieu de travail pour une période de 36 mois, qui a une incapacité partielle permanente de 21% et qui ne peut pas retourner au travail ou qui ne retourne pas au travail, donc qui se retrouve sans salaire après trois ans de consolidation ou de réadaptation. La loi actuelle lui permettrait d'obtenir une indemnité temporaire de 283,19 $; c'est exactement le même montant dans la loi 42 avec toujours la distinction de la revalorisation ou l'indexation de la rente. Le revenu disponible après le retour au travail, il n'y a pas de revenu d'emploi parce qu'il n'est pas retourné au travail. Il retirera donc strictement et uniquement 96,29 $, soit le montant de sa rente. Avec la loi 42, il retirerait par semaine un montant de 283,19 $ plus un forfaitaire de 7372 $. La valeur totale des indemnités sous la loi actuelle, 146 448 $, et, sous la loi 42, 263 495 $.

Prenons maintenant - et je vais essayer d'accélérer - un employé d'usine de 56 ans qui est marié, qui a deux enfants, qui gagne 24 000 $ au moment de son accident, qui est en arrêt de travail pour une période de 15 mois, qui subit une incapacité partielle permanente de 10% et qui ne retourne pas au travail. Allons au montant global tout de suite. Sous la loi actuelle, un travailleur ainsi blessé, qui ne retournerait pas à son emploi, aurait des revenus globaux de 55 479 $ alors que, sous la loi 42, ce montant passerait à 134 823 $.

Le dernier exemple, un travailleur de 45 ans, père de deux enfants et qui a 12 000 $ de salaire au moment de l'accident. Arrêt: 12 mois, 7% d'incapacité. Il retourne au travail dans un autre emploi à 9200 $, donc à un salaire moindre que celui qu'il avait au moment de l'accident. En valeur totale, au chapitre des indemnités, c'est 19 210 $ dans l'état actuel de la loi et 31 000 $ en vertu des dispositions de la loi 42.

Mme la Présidente, je pense avoir... En tout cas, j'ai tenté de le faire et, si je n'avais pas réussi, on pourra revenir sur les autres sujets que j'aurais omis. Mais j'ai particulièrement tenté de démontrer qu'à partir du principe fondamental dont on parlait au tout début, c'est-à-dire l'objectif de rétablir un accidenté dans la même situation que celle dans laquelle il se trouvait avant son accident, cet objectif-là est celui qui a guidé du commencement à la fin la rédaction du chapitre qui concerne les indemnités, et toujours à partir de l'indemnité de remplacement du revenu.

Je réitère, parce que c'est revenu tellement souvent dans le débat, que cette démonstration peut sans doute nous amener à la conclusion que le montant forfaitaire dont on parle dans la loi n'est pas là pour remplacer la rente viagère; il est là pour compenser un déficit anatomophysiologique et il faut évidemment toujours garder dans l'esprit, pour les fins de la discussion, que l'indemnité de remplacement du revenu est vraiment le mécanisme en vertu duquel la réparation économique en matière d'accident du travail va se faire dans les meilleures conditions possible.

La Présidente (Mme Juneau): Merci, M. le ministre. M. le député de Viau, vous avez la parole.

Discussion générale M. William Cusano

M. Cusano: Merci, Mme la Présidente. J'aimerais peut-être suggérer au ministre et aux collègues qu'on puisse diviser le temps qu'il nous reste en deux parties. Premièrement, on ferait quelques commentaires sur l'exposé des tableaux du ministre et après on pourrait refaire le tour de table sur tout le chapitre, parce que je pense que les tableaux du ministre n'ont pas exposé tout le chapitre d'indemnité de remplacement du revenu et tous les articles qui sont contenus.

Dans les commentaires sur les tableaux

que le ministre nous a montrés, si les documents qu'il nous a donnés sont fidèles aux tableaux, on peut remarquer que, lorsqu'il a parlé de salaires, il s'est servi d'exemples de salaires de 20 000 $, 25 000 $, 28 000 $, 20 000 $ et 24 000 $, et un de 12 000 $. Je me demande à quel point de tels salaires collent vraiment à la réalité du Québec, parce qu'en faisant la moyenne de ces salaires on est loin de la moyenne des salaires annuels dans la province de Québec.

D'un autre côté, j'aimerais faire quelques remarques au ministre sur le fait que ces tableaux indiquaient, parlaient d'arrêt de travail. J'aimerais faire référence encore à ces tableaux où il a employé des exemples où l'arrêt de travail était de 18 mois dans un tableau, de 18 mois dans un autre tableau, de 6 mois dans un autre, de 36 mois, de 15 mois et de 12 mois.

Si on se réfère au rapport actuariel de la CSST, on remarque que la durée des absences en jours ouvrables penche plutôt d'un côté que de l'autre, c'est-à-dire que, si on regarde la durée des jours ouvrables en bas de 41 jours, ce n'est pas six mois, M. le ministre. C'est loin d'être six mois. Sur le total, il y a 324 000 personnes qui ont des absences d'une durée entre un jour et 41 jours, tandis qu'il y en a seulement 6000 qui ont un an et plus. Alors, si on parle de 6000 par rapport à 324 000, je pense que, dans ces exemples, il aurait pu nous sortir quelque chose qui aurait collé un peu plus à la réalité du rapport actuariel.

Lorsqu'il parle encore de DAP, les exemples qu'il a employés sont encore un peu frappants, je pourrais les sortir. 11 nous a parlé d'un déficit de 15% au premier exemple. Dans le deuxième exemple, il parle d'un déficit de 25%; au troisième, de 10%; au quatrième, c'est 21%; au cinquième, c'est 10% et, au sixième exemple, il parle de 7%. J'aimerais le référer... On aurait apprécié, de notre côté, que ces exemples aient collé davantage au rapport actuariel. Sur le tableau indiqué à la page 23 du rapport actuariel, on ne parle que de l'année 1985. Je voudrais ajouter en passant que, justement, le rapport annuel dit qu'il n'y aura pas de diminution d'accident et que, même s'il y a eu une légère baisse, les actuaires de la CSST nous disent ce que l'Opposition dit depuis longtemps. C'est que la baisse d'accident n'est pas parce qu'on travaille dans une plus grande sécurité au Québec, c'est plutôt à cause de la conjoncture économique.

Pour revenir à cette question du pourcentage de déficit anatomophysiologique, on remarque sur ce tableau, justement, que 12 971 personnes - on va dire 13 000 personnes - seraient atteintes d'un déficit anatomophysiologique de 1% jusqu'à 100%; c'est 13 000 personnes. Lorsqu'on regarde ce pourcentage de déficit anatomophysiologique divisé par groupes, on s'aperçoit qu'il y a 11 167 personnes qui se trouvent dans la catégorie de 1% à 10%.

En ce qui me concerne, ces tableaux auraient pu être un peu plus fidèles au rapport des actuaires. Je pense que ce sont des chiffres ou des exemples qui auraient reflété justement le rapport actuariel, ce qu'ils auraient dû démontrer. C'est à peu près tout ce que je voulais dire.

Un autre commentaire aussi. Le ministre nous dit toujours qu'on ne devrait pas mélanger les choses lorsqu'on parle de la Loi sur les accidents du travail, mais, lorsque lui fait ses tableaux, sa présentation, lorsqu'il parle du revenu disponible après l'âge de 65 ans, il inclut, je ne sais trop pourquoi, la pension de vieillesse. Cela vient de quelque part, je pense que ça vient d'Ottawa, si je ne me trompe pas, M. le député. Je ne vois pas comment on le calculerait dans un revenu à cause d'un accident du travail.

Si on regarde tous les documents qu'il a présentés, je lis une chose très claire, c'est que, lorsque je regarde la loi actuelle et le projet de loi, dans la loi actuelle, cette rente à vie est disponible pour le reste de ses jours. Encore selon les actuaires, on dit qu'au Québec on vit jusqu'à l'âge de 77 ans. C'est loin de 65 ans, c'est très loin de 65 ans. Maintenant, peut-être que des personnes dans la salle peuvent dire que l'âge moyen de vie pour les Québécois n'est pas de 77 ans. C'est peut-être contestable, mais ce chiffre a été lancé par certains actuaires qui ont travaillé au régime de retraite des députés. Ils avaient avancé ce chiffre de 77 ans.

Tout à coup, on revient à 65 ans. Si on regarde l'âge de 65 ans, qu'est-ce qui se produit avec la loi actuelle et le projet de loi 42? À 65 ans, dans le premier exemple, on remarque que la rente à vie qu'il va continuer de recevoir, c'est 45 $ par semaine dans le premier exemple, tandis qu'avec le projet de loi 42 c'est zéro, c'est rien.

Dans le deuxième exemple, c'est exactement la même chose. On parle de la rente à vie; à l'âge de 65 ans, il y a 90 $. Dans le projet de loi 42, il n'y a rien d'inscrit; donc, cela veut dire zéro. On continue. Dans l'exemple 3, la rente à vie est de 36,68 $ et, du côté du projet de loi 42, il n'y a rien.

J'aurais aussi aimé que le ministre, au lieu de nous donner des exemples où on parle de salaires de 20 000 $, de 25 000 $ et 28 000 $, nous donne un exemple d'un individu qui gagne le salaire minimum. Une fois qu'on lui trouve un autre emploi, il ne peut pas gagner plus que le salaire minimum, de toute façon. Je me demande, à ce moment, quelle est l'indemnité de retour au

travail. Lorsqu'il fait ses petits calculs, s'il était au salaire minimum et si la "job" qu'il va trouver est au salaire minimum, quel est le montant de l'indemnité de remplacement du revenu? Selon mes calculs, il n'y en a pas. Peut-être que le ministre peut me corriger, mais je n'en vois pas.

Je remarquais aussi, et cela est pour les commentaires généraux, que le ministre avait des tableaux sur la question des rentes pour les veuves ou les indemnités de décès. Il a choisi - peut-être que c'est un petit oubli - de ne pas nous le présenter, mais c'était inclus dans les documents qu'on a reçus.

On a entendu les ministériels et le ministre en Chambre dire comment cette indemnisation pour décès allait être plus avantageuse. Je trouve que c'est un peu le monde à l'envers. Les actuaires de la CSST disent que, dans le projet de loi 42 - et c'est à la page 52 du rapport des actuaires le sommaire des coûts des indemnités payables en cas de décès, le coût serait, par rapport à la loi actuelle, de 10 000 000 $ de moins. Comment une chose peut-elle être plus avantageuse et coûter moins, c'est-à-dire qu'il va y avoir moins de déboursés? Je ne suis pas capable de comprendre cela, M. le ministre. Peut-être que vous pourrez nous éclairer.

C'est à peu près ce que j'ai à dire sur les tableaux qui ont été présentés par le ministre. Pour qu'on comprenne bien tout l'aspect de ces indemnisations, j'aurais aimé, et j'invite le ministre à le faire, qu'il nous fasse le même calcul - comme je l'ai dit tout à l'heure - pour une personne qui est au salaire minimum ou pas trop loin du salaire minimum, pour voir ce que seront ces avantages. Deuxièmement, j'aimerais bien qu'il nous prouve, sur la question des indemnités de décès, comment on peut prétendre que cela va donner plus quand le rapport dit que, en fin de compte, cela va coûter 10 500 000 $ de moins.

La Présidente (Mme Juneau): Merci, M. le député. M. le ministre.

M. Fréchette: Oui, Mme la Présidente. Je vais essayer de procéder très rapidement aux commentaires qu'a soulevés le député de Viau. D'abord, il est préoccupé par les chiffres qu'on a retenus quant aux salaires qui apparaissent à l'un ou l'autre des six exemples qu'on a retenus et qu'on a utilisés. Je veux simplement lui signaler que le salaire moyen au Québec se situe autour de 21 000 $ et que c'est à peu près la moyenne - si on prend les chiffres qui sont là - qui a été retenue.

Deuxièmement, il s'est également interrogé sur le fait qu'on a pris des exemples à l'intérieur desquels les absences au travail duraient six mois et plus. Je dirai simplement au député de Viau que les exemples ont été utilisés pour des cas qui étaient accompagnés d'incapacité partielle permanente ou d'incapacité totale permanente. Mais il va convenir avec moi que, dans toute situation où l'absence du travail est d'un mois, de deux mois ou de trois mois, il n'y a généralement pas, dans ces cas, d'incapacité partielle permanente et, en conséquence, il est évident que ce n'est pas le genre d'exemple qu'il fallait retenir pour illustrer les mécanismes de la loi 42. L'absence d'un mois, de deux mois, de trois mois, de quatre mois, de cinq mois ou de six mois va être indemnisée à partir des mécanismes qu'on retrouve dans la loi, c'est-à-dire l'indemnité de remplacement du revenu pour la période de temps que dure cette absence et, s'il y a un phénomène d'incapacité partielle permanente, une indemnité forfaitaire. (15 h 30)

Le député de Viau s'interroge également sur le motif pour lequel nous avons inscrit sur les différents tableaux les montants de la sécurité de la vieillesse qui sont accordés lorsqu'un travailleur atteint l'âge de 65 ans. La première observation que je voudrais faire, c'est que, s'il fait les calculs qui apparaissent sur les tableaux, il va réaliser que, dans l'évaluation des valeurs totales, il n'est pas tenu compte du montant de la sécurité de la vieillesse, d'une part. Deuxièmement, j'ai cru entendre le député de Viau plaider dans le sens que, même lorsqu'un travailleur a atteint l'âge de la retraite, ce devrait être l'employeur qui continue d'assumer une partie des obligations qui découlent de l'accident du travail dont a été victime ce salarié à son travail.

M. Cusano: Est-ce que je peux poser une question à ce moment-ci, parce qu'il a parlé de...

M. Fréchette: Je n'ai pas d'objection. Oui, oui.

M. Cusano: Vous permettez? M. Fréchette: Oui, oui.

La Présidente (Mme Juneau): M. le député de Viau.

M. Cusano: Est-ce qu'on pourrait me dire l'âge de la retraite présentement au Québec?

M. Fréchette: L'âge conventionnel et classique, c'est 65 ans, que je sache. Il y en a, cependant, qui peuvent aller jusqu'à 70 ans, dans certains cas.

M. Cusano: Merci.

M. Fréchette: D'autres peuvent la prendre à 60 ans, dans d'autres cas.

Ce que j'étais en train d'essayer de répondre à l'argumentation du député de Viau, ce sont les faits suivants. Je prends, par exemple, le cas du travailleur qui n'a pas été - heureusement pour lui - victime d'un accident du travail. 11 va atteindre l'âge de 65 ans à un moment donné ou l'âge de la retraite, peu importe quel est cet âge. Alors, quelles seront les sources de revenus à partir desquelles il sera capable d'assumer et de respecter ses obligations minimales? Ce sont les sources de revenus que l'on connaît en vertu des autres programmes qui sont spécifiquement mis sur pied pour cela. Dans le cas de l'accidenté du travail, le député de Viau est en train de plaider que, même après l'âge de la retraite, alors qu'il n'y a plus aucune espèce de lien de droit entre le salarié et son employeur, l'employeur devrait continuer d'assumer jusqu'au décès du travailleur une obligation découlant du fait que ce salarié a eu un accident du travail. S'il fallait retenir cette argumentation du député de Viau, il faudrait, de toute évidence, renoncer à la philosophie qui prévaut dans la mise en place d'un système d'indemnité de remplacement du revenu. On remplace le revenu d'une personne pour la période de temps pendant laquelle, normalement, elle en aurait gagné un. Quand la période de temps pendant laquelle elle n'aurait plus gagné de revenu cesse, il me semble que cela va de soi que l'indemnité de remplacement du revenu cesse également et que les autres régimes prévus par les différents programmes puissent être mis en application.

Le député de Viau me reproche de ne pas avoir fait le tour des tableaux verts. Je lui dirai que, lorsqu'on arrivera au chapitre des compensations prévues pour les personnes à charge, on pourra très certainement faire le tour de tous les tableaux qui sont là.

La Présidente (Mme Juneau): M. le député de Viau.

M. Cusano: Lorsqu'on parle de l'âge de la retraite, j'aimerais bien que le ministre nous dise quel est l'âge au Québec où la retraite est obligatoire selon les lois actuelles.

M. Fréchette: Cet âge n'est pas absolu. Il y a des gens qui peuvent prendre leur retraite à 65 ans, d'autres à 66 ans, d'autres, bientôt, à 64 ou à 63 ans, et d'autres peuvent attendre l'âge de 70 ans. II n'y a pas d'absolu là-dedans. Cela relève du choix de la personne concernée, quand les dispositions des lois s'appliquent à elle, bien sûr.

La Présidente (Mme Juneau): M. le député de Sainte-Marie.

M. Guy Bisaillon

M. Bisaillon: Mme la Présidente, j'aurais plusieurs questions à adresser au ministre avant qu'on entre dans le fond de la discussion. De toute évidence, il y a un transfert, à certains moments, dans le processus de certains coûts qui, autrefois, étaient uniquement imputables au fonds de la CSST, donc aux employeurs, et qui, maintenant, seront imputables à l'ensemble de la société. Je voudrais savoir si une analyse de cela a été faite. Peut-on nous indiquer si, effectivement, on s'est penché sur cette question? Je pense, par exemple, à des coûts qui, autrefois, auraient pu être payés par la CSST et qui, maintenant, seront assumés par la Régie de l'assurance-maladie; je pense à des coûts qui pouvaient être payables par la CSST après avis, donc après l'âge de la retraite, et qui, maintenant, seront assumés par la "société" - entre guillemets - puisque c'est la pension qui va devenir le seul moyen de... Dans un certain nombre d'endroits comme cela, il peut y avoir des tranferts de paiements, d'indemnités ou de coûts qui seront assumés par la société. A-t-on fait une évaluation de ce transfert de coûts à l'ensemble des citoyens et citoyennes plutôt qu'au seul régime de la CSST?

Deuxièmement, la question des 90%. Le ministre nous a donné deux arguments pour faire valoir l'importance de conserver les 90%. Le premier argument qu'il a invoqué est celui de laisser 90% comme incitatif de retour au travail. Est-ce que, effectivement, le ministre pense sérieusement que c'est en soi un incitatif de retour au travail le fait, au lieu de recevoir 100% du salaire brut et de l'imposer, de recevoir 90% du salaire net? Selon lui et sérieusement, est-ce un incitatif au travail? Le deuxième argument que le ministre a utilisé pour conserver les 90%, c'est le fait que quelqu'un qui est accidenté du travail a des dépenses inférieures par rapport à la période où il occupe un emploi. Si j'appliquais ce raisonnement, il faudrait que, constamment, il me semble, on fasse des distinctions pour un même emploi entre les dépenses occasionnées par l'emploi pour une personne plutôt qu'une autre. À ce compte, un ministre devrait recevoir moins qu'un député. Il y a plus de services autour: il a une limousine, nous n'en avons pas. Cela nous coûte plus cher pour se rendre au travail. Le ministre devrait recevoir moins. Si je poussais à l'absurde l'argumentation du ministre, il me semble que cela ne devient pas un argument pour dire qu'il faut maintenir cela à 90%. Comme il y a moins de dépenses, on va réduire à 90%.

Le ministre a-t-il étudié la possibilité de payer 100% du revenu brut et d'imposer

ce revenu? Cela aurait comme effet, d'abord, d'être moins coûteux pour la société, c'est-à-dire qu'il y a une perte. Pendant que l'accidenté du travail reçoit 90% de son salaire net, l'État, la société ne retire rien de cet accidenté du travail et lui, de toute façon, a l'impression qu'il est -entre guillemets - dévalué pendant cette période. Pourquoi ne calcule-t-on pas 100% du revenu brut et n'examine-t-on pas la possibilité d'imposer ce salaire comme pour n'importe quel autre travailleur? A-t-on déjà fait des calculs dans ce sens? Ces calculs, s'il y en a eu de faits, que donnent-ils? Qu'est-ce que cela apporterait comme revenus additionnels à l'État? Qu'est-ce qui en resterait pour le travailleur? Troisièmement...

M. Grégoire: Mme la Présidente, je ne sais pas si cet argument... Le député de Sainte-Marie me permettrait-il une remarque? Je serais un peu contre cela parce qu'en l'imposant à 100% le fédéral viendrait tirer 50% de l'impôt. Je m'opposerais à ce que...

M. Bisaillon: J'aurais aimé mieux que le ministre me le dise.

M. Grégoire: Oui?

M. Bisaillon: Oui, j'aurais aimé mieux que le ministre me le dise. Vous avez raté une belle occasion de démontrer qu'il voulait aller chercher de l'argent au fédéral sans le dire.

M. Grégoire: Je m'excuse, M. le député, mais cela m'avait frappé tout de suite parce que je suis un vrai indépendantiste...

La Présidente (Mme Juneau): Déformation professionnelle!

M. Grégoire: ...cela m'a frappé d'un coup sec qu'on allait donner de l'argent à Ottawa et je suis contre cela.

La Présidente (Mme Juneau): II a été trop longtemps à Ottawa. M. le député de Sainte-Marie, vous avez la parole.

M. Bisaillon: Le ministre pourrait peut-être m'expliquer s'il a les mêmes motifs que le député de Frontenac pour ne pas imposer l'indemnité de remplacement du revenu. Troisièmement, le ministre nous a expliqué que le projet de loi actuel tient compte, d'une part, du remplacement de revenu et, d'autre part, d'un montant forfaitaire qui est donné pour dommages corporels. Or, ce montant forfaitaire donné pour dommages corporels est en fonction de l'âge, si j'ai bien compris. Plus on est jeune, plus le forfaitaire est imposant. Plus on vieillit, plus le forfaitaire diminue. Ce n'est pas en fonction de la lésion elle-même. Si j'ai bien calculé, le premier ministre, à 64 ans, vaut 26 464 $. C'est à partir de 26 464 $ qu'on commencerait à calculer pour le premier ministre. C'est cela.

Une voix: C'est 100% d'indemnité.

M. Bisaillon: J'ai calculé cela à peu près. Je peux me tromper sur les chiffres, mais c'est autour de 24 000 $ ou de 26 000 $. C'est peut-être moins que cela. C'est peut-être beaucoup, 26 000 $ pour le premier ministre, mais...

Une voix: ...64 ans...

M. Bisaillon: À son âge, je parle.

Une voix: Oui, 25 500 $...

M. Bisaillon: C'est autour de l'âge que cela tourne. Comment se fait-il que ce n'est pas envisagé sous l'angle de...? Par exemple, concernant les accidents d'automobiles... Quelle est la différence entre la perte d'un oeil pour quelqu'un de 30 ans et la perte d'un oeil pour quelqu'un de 60 ans? Je voudrais qu'on m'explique pourquoi on ne donne pas, puisqu'on parle de dommages corporels... En quoi les dommages corporels sont-ils moins importants et altèrent-ils moins la personne - cela a déjà été un thème de ce gouvernement: "La personne avant toute chose"... Est-ce que l'oeil ou le membre, le bras droit ou la jambe gauche, c'est moins important lorsqu'on a 55 ans que lorsqu'on en a 30? Je voudrais qu'on m'explique pourquoi.

Quatrièmement, j'avais demandé dans mon intervention du début que le ministre nous explique pourquoi les gens ont fait ce type de choix par rapport à la situation actuelle. Autrement dit, qu'est-ce qui les a motivés? J'avais précisé ma question en essayant de le quantifier. Est-ce qu'il y a des gains pour la CSST globalement? Le calcul des actuaires indique-t-il que les coûts vont être moins importants, globalement, pour l'ensemble du nouveau système proposé par rapport à l'ancien?

Cinquièmement - je reviendrai par la suite sur les tableaux - je voudrais savoir de la part du ministre, une fois qu'il m'aura expliqué pourquoi, si les calculs actuariels démontrent qu'il y a un coût moins important pour la CSST, d'où provient cette diminution de coût. Est-ce qu'elle provient du fait qu'il y a moins d'indemnités qui sont versées aux travailleurs ou parce qu'on fait plus de transferts, entre les coûts pour la CSST et les coûts sociaux, que par le passé?

Une dernière question au ministre. Comme il essaie de défendre le fait que le

système actuel est plus favorable aux personnes accidentées, je dois donc comprendre que l'objectif qu'il poursuit est de leur donner un meilleur traitement. Est-ce qu'il est prêt à envisager la possibilité d'appliquer individuellement aux personnes accidentées l'un ou l'autre système? Si l'objectif qu'il poursuit est de fournir le meilleur traitement aux personnes accidentées, est-ce qu'il serait prêt à envisager l'application individuelle de l'un ou l'autre système selon qu'il serait plus ou moins avantageux?

La Présidente (Mme Juneau): M. le ministre.

M. Fréchette: Mme la Présidente, je vais soumettre mes commentaires dans l'ordre que je les ai pris pendant l'argumentation du député de Sainte-Marie. Je voudrais d'abord lui signaler, puisqu'il a utilisé l'exemple, qu'il n'y a aucuns frais actuellement assumés par la CSST qui sont transférés à la Régie de l'assurance-maladie du Québec. Tous les coûts qui, jusqu'à maintenant, sont assumés par la CSST à cet égard vont continuer de l'être pour autant que la régie est concernée. Je pense que cela règle l'un des problèmes. (15 h 45)

Encore une fois, j'étais en train de dire aux membres de la commission qu'il n'y a aucun transfert de coûts depuis la CSST à la RAMQ; les coûts que la CSST assumait pour les services qui lui sont rendus par la régie vont continuer de l'être.

Maintenant, Mme la Présidente, le député de Sainte-Marie me demande si je suis vraiment d'avis que d'indemniser dans une proportion de 90% du salaire net est vraiment un incitatif au travail, je dis que oui. On peut bien là-dessus diverger d'opinions, mais il me semble... En tout cas, dans mon cas, j'en viens à la conclusion que oui.

Quand le député de Sainte-Marie suggère maintenant d'indemniser dans une proportion de 100% du revenu brut, il y a d'abord, évidemment, l'aspect qu'a soulevé le député de Frontenac à côté duquel on ne peut pas passer. Deuxièmement, Mme la Présidente, je comprends que c'est un argument qui n'impressionnera pas du tout le député de Sainte-Marie, mais il nous a demandé si nous avions procédé à des études à cet égard. La réponse, c'est oui et retenir le système qu'il suggère impliquerait une augmentation des cotisations de l'ordre de 75 000 000 $ à 80 000 000 $. Je réitère que ce n'est pas le genre d'argument qui va retenir beaucoup l'attention du député deSainte-Marie, mais quand vous êtes dans une telle situation que vous devez procéder à arbitrer un certain nombre de choses, c'est un dossier à côté duquel vous ne pouvez pas passer.

Maintenant, autre chose. Je suis un peu étonné d'entendre le député de Sainte-Marie argumenter dans ce sens. Il est tout à fait évident à l'entendre plaider qu'il a pris tout le temps qu'il fallait pour regarder la loi de très près, mais quand il nous dit que l'indemnité forfaitaire, par exemple, n'est fixée qu'en fonction de l'âge, je m'excuse mais ce n'est pas tout à fait la "vraie vérité vraie". Bien sûr que l'âge est l'un des éléments tout à fait importants dont il fauttenir compte, mais trois autres éléments vont également entrer en considération et à partir desquels le montant forfaitaire va être déterminé. Par exemple: la perte de jouissance de la vie, le préjudice esthétique et, évidemment, le degré d'incapacité physique dont est affecté le travailleur. C'est sûr que l'âge, il faut en tenir compte...

M. Bisaillon: Mais, M. le ministre, supposons que...

La Présidente (Mme Juneau): M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: ...deux des trois critères sont appliqués uniformément à deux personnes: une de 50 ans et une de 30 ans. On est d'accord pour dire que l'élément quiva différencier, ce sera l'âge.

M. Fréchette: L'âge sera un élément...

M. Bisaillon: Ce qui va faire que le forfaitaire va être plus bas, c'est que l'âge va être plus élevé.

M. Fréchette: L'âge est un élément important - je l'ai dit d'ailleurs dans mes remarques - sauf que si l'un, par exemple, est ainsi affecté au plan esthétique que cela lui crée des inconvénients quotidiennement, cela l'empêche de mener une vie sociale normale, c'est aussi évident que cet aspect sera évalué dans l'ensemble du montant forfaitaire.

Maintenant, Mme la Présidente, quand on se regarde on se désole et quand on se compare on se console. Si je fais le tour du Canada pour essayer de voir comment et à partir de quoi est fixée l'indemnisation pour incapacité totale permanente, je suis obligé d'arriver à la conclusion que, par rapport aux neuf autres provinces, on est très sérieusement au haut de l'échelle. Je pense que cela vaut la peine de l'indiquer. En Colombie britannique, on paie en indemnisation - je parle toujours pour incapacité totale permanente - 75% du salaire moyen antérieur à l'accident; en Alberta, 90% du revenu net retenu; en Saskatchewan, indemnité forfaitaire allant jusqu'à un maximum de 15 000 $ plus 75%

de la perte de capacité de gain; au Manitoba, 75% du salaire moyen antérieur à l'accident; en Ontario, 75% du salaire moyen antérieur à l'accident; au Québec, 90%; au Nouveau-Brunswick, indemnité forfaitaire allant jusqu'au maximum assuré: 27 500 $ -dans notre cas, c'est 31 500 $ - plus 90% de la perte de gain calculée d'après le revenu net; à l'Île-du-Prince-Édouard, 75% du salaire moyen antérieur à l'accident; en Nouvelle-Écosse, 75% du salaire antérieur à l'accident; à Terre-Neuve et au Labrador, indemnité forfaitaire allant jusqu'à un maximum assuré de 45 000 $ plus 90% de perte de gain calculée d'après le revenu net. Dans l'échelle, nous nous situons encore une fois au haut du palier et nous n'avons rien à envier à personne à cet égard.

Maintenant, les coûts: Je ne sais pas si le député de Sainte-Marie a entre les mains le rapport sur les résultats de l'évaluation des implications financières des dispositions de la réimpression du projet de loi 42, mais il va voir à la toute fin qu'il y a là un tableau qui fait le départage des coûts et l'on arrive à la conclusion - je comprends que cette position est contestée par plusieurs intervenants - que le projet de loi 42 étant adopté dans sa forme et teneur actuelles engendrerait des coûts additionnels de 20 000 000 $. Pourquoi? Parce que les évaluations ont été faites, comme je l'expliquais ce matin, que des efforts doivent être faits pour faire en sorte que les accidentés les plus sérieusement affectés, les plus sérieusement handicapés soient ceux qui bénéficient le plus du régime de réparation. Donc, il y a eu répartition d'un certain montant d'argent pour arriver précisément à atteindre cet objectif. Encore une fois, l'on va voir par exemple que tous ces chiffres étant additionnés les uns aux autres, on arrive à un coût global supérieur à l'actuel coût de 20 000 000 $.

La Présidente (Mme Juneau): M. le député de Frontenac.

M. Bisaillon: Je n'ai pas terminé. J'avais dit que je reviendrais sur la question des tableaux.

La Présidente (Mme Juneau): M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: Avant cela, je souligne au ministre qu'il pourra me répondre avec la réponse qu'il me fera sur la question des tableaux. J'ai posé une dernière question à laquelle il ne m'a pas répondu. Comment envisageriez-vous - puisque votre objectif c'est le meilleur traitement possible - un système applicable individuellement avec le système actuel et le nouveau système? Autrement dit - ma question vient des tableaux justement - dans les exemples que le ministre nous a donnés... Je comprends que ce sont des exemples hypothétiques et qu'on a essayé de faire correspondre ces exemples à une situation moyenne; je suppose que c'est comme cela qu'on a procédé. Cela nous donne des différences entre l'application du régime proposé par rapport à la loi actuelle. Les calculs dans cela sont diversifiés et j'ai ici une brochure que vous avez d'ailleurs probablement vue et qui a été faite par la CSN. Dans cette brochure on propose un calcul. Je vous lis l'exemple et vous me direz d'abord si vous l'avez vu et quel commentaire vous pouvez nous faire sur cela. L'exemple, c'est une personne âgée de 25 ans qui pourrait vivre jusqu'à l'âge de 72 ans, évidemment. Elle devient sourde à la suite d'une explosion dans son milieu de travail. Le pourcentage d'incapacité est évalué à 20%. Elle retourne à son emploi. Selon la loi actuelle elle toucherait à vie 128 027 $; selon le projet de loi 42, 9225 $. Il y a une différence de 119 202 $ entre le régime actuel et le régime proposé. Est-ce que ce mode de calcul est exact? Est-ce vrai, l'exemple qu'il y a là? Est-ce qu'il est bon?

La deuxième question est sur les tableaux que vous nous avez déposés. Quand vous tracez le portrait de la loi actuelle, est-ce que vous tenez compte du régime dont vous nous aviez parlé dans l'introduction actuellement mis en vigueur par la CSST, le programme de stabilisation économique dont vous nous aviez parlé? Si ce programme existe actuellement, comment se fait-il qu'on n'en a pas tenu compte dans les coûts?

Une troisième question sur les tableaux. Vous arrêtez le calcul à 65 ans. On comprend pourquoi le régime proposé arrête à 65 ans, c'est-à-dire qu'il diminue de 25% jusqu'à 68 ans. Cela va un peu à rencontre, selon moi, de deux lois qu'on a ici, les lois 10 et 15. Une dit que l'âge de la retraite est facultatif. Dans le nouveau programme, on présume que quelqu'un qui a eu un accident à 45 ans aurait forcément cessé de travailler à 65 ans. On sait que, par ailleurs, nos lois lui permettraient de travailler, de dépasser l'âge de 65 ans et même de 68 ans.

D'autre part, l'autre loi qu'on a votée sur les retraites, en tout cas, sur des modifications à la Régie des rentes, fait en sorte que des gens peuvent prendre leur retraite à 60 ans. Dans le nouveau régime, je comprends que ces personnes-là, elles sont gagnantes. Quelqu'un qui, autrement dit, aurait profité de la loi facilitant l'accès à la retraite et qui l'aurait prise à 60 ans, il continuerait à recevoir sa prime quand même ou ses indemnités jusqu'à 65 ans, ce qui ne serait pas le cas de l'autre. Autrement dit, est-ce qu'on ne présume pas d'une application uniforme qui va à l'encontre de lois qu'on a déjà votées ici à l'Assemblée nationale? Sous quel prétexte peut-on se

permettre de présumer ainsi que la personne qui a eu un accident à 45 ans, elle aurait forcément pris sa retraite à l'âge de 65 ans?

La Présidente (Mme Juneau): M. le ministre.

M. Fréchette: Mme la Présidente, je vais tenter de répondre à l'interrogation du député de Sainte-Marie quant à la possibilité de laisser le choix aux accidentés de se prévaloir de l'un ou l'autre des deux systèmes.

Pour retenir une suggestion de cette nature, il faudrait que nous ayons la conviction que le régime de l'indemnité de remplacement du revenu n'est pas approprié dans les circonstances, que cela n'est pas celui qui répond le plus exactement aux objectifs d'un programme de réparation en matière d'accident du travail. Nous avons la conviction qu'en termes d'objectifs à atteindre, encore une fois, il faut de toute évidence retenir le principe de l'indemnité de remplacement du revenu à partir de la considération que l'accidenté du travail est privé d'une partie de son revenu. C'est cette partie dont il est privé qu'il faut combler par le régime de réparation. C'est à partir, encore une fois, de cette considération que j'aurais beaucoup de difficulté à retenir la suggestion du député de Sainte-Marie.

Deuxièmement, et cela est d'ordre strictement technique, ce n'est pas une argumentation de fond mais le député de Sainte-Marie est très certainement conscient du fait que... Comment allons-nous procéder? II va falloir attendre que les professionnels de la santé se soient prononcés sur l'état de l'accidenté et ensuite de cela procéder à l'évaluation de l'un ou l'autre des deux régimes et offrir à l'accidenté celui qui pourrait lui convenir le mieux. On voit d'ici quels genres de problèmes d'ordre administratif cela pourrait entraîner. Encore une fois, ce n'est pas la raison principale. La raison principale, c'est que nous continuons de prétendre qu'un régime de réparation en matière d'accident du travail doit viser à l'indemnité de remplacement de revenu.

Maintenant, il tire d'une brochure qu'a publiée une centrale syndicale un exemple à partir duquel la démonstration serait faite que le régime actuel, dans certains cas, serait moins avantageux économiquement que celui qui est proposé dans la loi 42. (16 heures)

Je signalerai au député de Sainte-Marie que les actuaires qui ont procédé à la préparation des estimations de coûts ont effectivement rencontré, à au moins une reprise, des représentants de la Confédération des syndicats nationaux pour très précisément procéder avec eux à l'évaluation de ce genre de situation. Et, à partir de l'exemple précis auquel nous réfère le député de Sainte-Marie, la conclusion à laquelle nous en sommes arrivés, c'est que cela ne peut pas se comparer ou alors se comparer correctement parce que, d'après ce que j'en sais, en tout cas, les discussions ont tourné autour de l'évaluation d'une situation à partir d'un montant forfaitaire, d'un capital non actualisé alors qu'on actualisait la rente.

C'est bien évident que, si le calcul se fait de cette façon, on va se retrouver avec des écarts de la nature de ceux dont parle le député de Sainte-Marie et des écarts de la nature de ceux qu'on retrouve dans la brochure en question.

M. Bisaillon: Je ne vous comprends pas, par exemple. Pourriez-vous m'expliquer cela mieux que cela? Je ne comprends pas ce que vous me dites.

M. Fréchette: Ce que je veux dire: on a tenu compte de ce que donnerait la rente sur la période de la vie durant, en tenant compte de l'expectative de vie, mais on n'a pas calculé à partir de ce que donnerait le montant forfaitaire en termes de revenus d'intérêts, s'il était placé. Voici la raison pour laquelle dans notre évaluation... Je ne vous dis pas que notre perception est la bonne, mais c'est la conclusion à laquelle nous en sommes arrivés. Dans un cas, on a fait l'évalution globale de ce que cela pourrait donner au moment où le décès interviendrait et, dans l'autre cas, on a dit: Voici 5000 $ et cela reste de même. Si on prenait les 5000 $ pour la même période de temps, en y incluant les intérêts, peut-être bien que l'écart serait moins grand. Je ne vous dis pas qu'il n'y en aurait pas, mais il serait moindre.

M. Bisaillon: Au plan mathématique, je peux être d'accord avec le ministre que cela peut faire une différence; au plan pratique, qu'on reçoive une rente viagère de 50 $ par mois ou qu'on reçoive un montant de 5000 $ d'un coup, de toute façon, dans ces catégories de revenus dont on parle, cela va être dépensé. Alors, calculer les intérêts sur un montant de 5000 $, reçu par quelqu'un qui gagne 15 000 $ par année, c'est un peu universitaire de faire le calcul de l'intérêt.

M. Fréchette: Finalement, Mme la Présidente, en tout cas je pense que c'est le dernier aspect qu'a soulevé le député de Sainte-Marie, sous réserve d'avoir omis de noter des choses, pourquoi l'application de la loi est-elle uniforme en fonction de l'âge de la retraite.

Je rappellerai au député de Sainte-Marie, d'une part, qu'il y a cette espèce de dégradation de 25%, annuellement, à partir de l'âge de 65 ans, très précisément pour tenir compte des aspects qu'il a soulevés

tout à l'heure. Deuxièmement, je lui signalerai également que les statistiques qui sont à notre disposition - ce sont les actuaires qui ont procédé à l'évaluation -nous amènent à la conclusion tout à fait certaine et évidente que, en milieu industriel, par exemple, où l'on retrouve le plus grand nombre de travailleurs et, de surcroît, le plus grand nombre de travailleurs susceptibles d'être accidentés, l'âge de la retraite est effectivement à 65 ans.

Alors, il nous faut bien tirer une ligne quelque part, il faut bien arriver à prendre une décision quelque part; c'est à partir, en particulier, de ces deux considérations, que je viens de soumettre aux membres de la commission, que la décision a été prise de retenir le mécanisme qui est suggéré dans la loi.

La Présidente (Mme Juneau): M. le député de Frontenac.

M. Gilles Grégoire

M. Grégoire: Mme la Présidente, je voudrais soumettre deux cas à l'honorable ministre. Premièrement, à partir de ces tableaux, on remarquera que, dans ceux-ci, que ce soit de un à six, le revenu disponible à 65 ans est toujours inférieur dans le cadre de la loi nouvelle, le projet de loi 42, par rapport à l'ancienne loi, sauf dans le tableau trois, qui est six mois d'arrêt. Dans tous les autres... Non, même dans le tableau trois et dans le quatre, dans les six cas, le revenu, à l'âge de 65 ans, est inférieur par rapport à l'ancienne loi. J'ai fait le total ici. Et je voudrais continuer.

Dans le premier cas, le type a un emploi différent. Dans le deuxième cas, le type nommé commis aux pièces, il a un emploi différent avec le remplacement de revenu, avec le montant de remplacement de revenu. Dans le troisième cas, le type retourne également au travail, dans le même emploi, au même salaire. Dans le quatrième cas, là, il n'y a aucun retour au travail. Remarquez bien, celui-là est important. Dans le cinquième cas, il n'y aura aucun retour au travail et, dans le sixième cas, il a un autre emploi avec le remplacement de revenu indexé annuellement.

Ceci veut dire que, dans les quatre cas où il y a retour au travail, le type retourne travailler et il paye son régime de retraite à son employeur, à sa compagnie, ce qui veut dire qu'à 65 ans il va recevoir un régime de retraite qui peut être de 70 $, 75 $, 80 $, 90 $ par semaine, qui va venir amplement compenser l'écart ici montré dans les six cas.

Mais il y a deux cas où il n'y a aucun retour au travail. Le type ne se trouve pas à payer, comme il ne retourne pas au travail; il reçoit son remplacement de revenu. Dans le quatrième cas, par exemple, emploi, 0,00 $ par semaine, remplacement de revenu, 283,19 $; mais, à même ses 283,19 $, il ne se trouve pas à payer de régime de retraite à un employeur puisqu'il ne travaille pas. 11 y a deux cas sur six dans les tableaux que vous nous avez montrés qui sont comme cela, le numéro quatre et le numéro cinq. Les quatre autres retournent au travail et paient un régime de retraite.

Ceci veut dire que, dans les quatre cas qui retournent au travail et qui paient un régime de retraite, lorsqu'ils seront rendus à 65 ans, leur total sera plus élevé en vertu de la nouvelle loi qu'en vertu de l'ancienne loi à cause, justement, du régime de retraite qu'ils auront payé à leurs employeurs, tandis que, dans les cas numéro quatre et numéro cinq, eux sont bien malchanceux. Ils ne sont pas retournés au travail. Ils ont reçu leur remplacement de revenu comme les quatre autres, mais rendus à 65 ans, ils sont nettement défavorisés puisque, selon les exemples que vous nous avez donnés, dans le cas numéro quatre, si c'était sous l'ancienne loi, il recevrait 209,59 $. Sous la nouvelle loi, il recevra 148,30 $ par semaine, soit une différence de 28% à 30%, ce qui fait une différence d'à peu près 61 $ ou 62 $ par semaine. Dans le cas numéro cinq, c'est une différence de 31 $ de moins que l'ancienne loi qu'il reçoit avec la nouvelle loi.

C'est pourquoi, M. le ministre, je voudrais vous suggérer ici un amendement que vous rédigerez comme bon vous semblera, mais que je crois devoir être une mesure nécessaire. C'est que celui qui n'effectue aucun retour au travail - prenons une maladie industrielle: il n'effectue aucun retour au travail, il reçoit 90% de son salaire net - qu'on ajoute qu'il puisse avoir le droit, comme s'il avait continué à travailler. Adoptons le principe que vous avez mis au tout début, que celui qui a un accident du travail ou qui subit une maladie industrielle doit être replacé dans les mêmes conditions que s'il n'avait pas eu cet accident ou cette maladie industrielle, c'est-à-dire qu'il ait le droit, au même titre que les autres travailleurs de l'usine ou de la mine qui n'ont pas été blessés - prenons le cas des mines d'amiante - qui ont eu à travailler dans des endroits plus sécuritaires où il y avait moins de fibres au centimètre cube alors que, lui, il a travaillé où il y avait beaucoup plus de fibres au centimètre cube, il a attrapé une maladie industrielle... Au moins, gardons le principe que vous avez énoncé au début, que celui qui a une lésion corporelle ou une maladie industrielle soit replacé dans le même cas que les autres qui n'ont pas été victimes de ces accidents du travail ou de ces lésions corporelles. Alors, adoptons le principe, et formulez l'amendement comme vous le voudrez, que

celui qui ne retrouve aucun emploi, qui reçoit 90% de son salaire net, puisse, de son propre gré, payer à la compagnie qui l'engageait - que ce soit une mine d'amiante ou une usine à papier, mais c'est plus fréquent dans les mines d'amiante parce que c'est une maladie industrielle - son régime de retraite au même titre que les autres. Sinon, qu'est-ce qui se produit? Il est déclaré amiantosé à 45 ans, il ne paie plus pour son régime de retraite. À 65 ans, qu'est-ce qu'il recevra? Il recevra, en 1984, s'il a 65 ans aujourd'hui, ce qu'il aurait reçu en 1964. Alors, permettons-lui pendant tout ce temps où il reçoit son indemnité de compensation du revenu égale à 90% de son revenu net, de pouvoir payer à la compagnie qui l'a engagé et qui, n'ayant pas pris les précautions voulues, n'a pas su le protéger contre une maladie industrielle... Plaçons-le dans la même situation que ceux qui n'ont pas été victimes de ces maladies industrielles et permettons-lui de payer son régime de retraite à la compagnie.

À ce moment, M. le ministre, les numéros quatre et cinq qui reçoivent moins, à l'âge de 65 ans, sous la nouvelle loi que sous l'ancienne loi, pourront être traités justement tout comme les numéros un, deux, trois et six qui, eux, ont effectué un retour au travail et ont continué à payer un régime de retraite à la compagnie.

M. le ministre, je crois que c'est un amendement que vous pourriez facilement ajouter à ce chapitre parce que vous l'avez dit, et je l'ai retenu, le premier et grand principe de base, c'est de replacer le citoyen victime d'un accident du travail ou d'une maladie industrielle dans les conditions où il se serait retrouvé s'il ne l'avait pas eu.

Pour cela, il faut que vous corrigiez l'anomalie grave qui existe lorsqu'on compare le travailleur cité à l'exemple numéro quatre et celui cité à l'exemple numéro cinq à celui cité aux quatre autres exemples.

M. le ministre, c'est le premier point, c'est le premier amendement que je voudrais vous demander. Jusqu'ici, le gouvernement a été assez favorable quand j'ai demandé des amendements et j'ai toujours prouvé que ma cause était bonne quand j'ai demandé des amendements à la loi 52, l'ancienne loi des victimes d'amiantose dans les mines et les carrières. J'ai calculé que, . depuis le 16 novembre 1976, ce gouvernement a consenti à au moins huit amendements qui avaient été demandés par tous les syndicats des mines d'amiante, que le gouvernement en a accordé huit. On les demandait un par un, M. le ministre. C'est venu un par un à chaque année où on faisait une législation sur l'ensemble des mesures du travail; on ajoutait un amendement. Des fois, il y avait deux lois par année; on n'ajoutait pas deux amendements, on en ajoutait un et on les avait tout le temps.

Cette fois, celui que je vous demande, c'est de permettre au travailleur de pouvoir, s'il ne retourne pas au travail, continuer è payer jusqu'à l'âge de 65 ans son régime de retraite à la compagnie pour laquelle il travaillait.

Je vais attendre votre réponse là-dessus; ensuite, j'aurai d'autres observations.

La Présidente (Mme Juneau): M. le ministre.

M. Fréchette: Merci, Mme la Présidente. J'ai suivi avec beaucoup d'attention l'argumentation du député de Frontenac. Sa première observation a été de faire la constatation que, dans deux des six exemples qui ont été cités, il y aurait des situations qui font que le travailleur ayant atteint l'âge de la retraite se retrouve dans une situation moins favorable sous l'empire de la loi 42 qu'il ne l'est sous l'empire de la loi actuelle. C'est très vrai ce que le député de Frontenac est en train de nous dire et c'est très vrai pour un motif qui est fort clair. À l'âge de la retraite, la Commission de la santé et de la sécurité du travail cesse le paiement de cette rente à vie. (16 h 15)

En d'autres mots, le travailleur accidenté est traité, rendu à cet âge, à l'âge de la retraite, tout comme s'il avait pu continuer de travailler et atteindre l'âge de 65 ans ou l'âge de 66 ou 64 ans et prendre sa retraite à ce moment-là. C'est exactement à partir du mécanisme ou de la philosophie de l'indemnité du remplacement de revenu que nous arrivons à cette conclusion.

Deuxièmement, le député de Frontenac a consacré la majeure partie de son temps à tenter de nous convaincre d'introduire un amendement en vertu duquel le travailleur accidenté pourrait continuer de contribuer à un fonds de retraite privé, ce qui ferait en sorte que, arrivé à l'âge de la retraite, il se retrouverait à peu près dans la même situation que les autres cas que nous avons utilisés.

Mme la Présidente, je ne vois pas comment un organisme paragouvernemental ou un organisme comme la CSST pourrait intervenir et obliger des entreprises privées à assumer des obligations qu'autrement elles ne voudraient pas assumer, d'une part. Deuxièmement, si l'on accepte que les modalités d'indemnisation se font à partir du revenu qui a été remplacé, si le travailleur désire se prévaloir des dispositions d'un fonds de retraite privé, rien ne l'empêche, à partir de l'indemnité de remplacement de revenu qu'il reçoit et qui est l'équivalent, à toutes fins utiles, de son salaire, de se payer un fonds de retraite privé. Il n'y a rien qui l'empêche de faire cela puisqu'il retire une indemnité qui est l'équivalent, ou à peu près,

du revenu qu'autrement il ferait s'il était au travail.

Le travailleur qui veut prendre la précaution de se protéger dans le sens que suggère le député de Frontenac pourra le faire à partir des paiements qui lui sont faits pour remplacer le salaire qu'il ne gagne pas parce qu'il n'est pas au travail. Une décision comme celle-là devrait être prise de sa propre initiative. Encore une fois, je ne vois pas comment la CSST pourrait intervenir, par le biais d'une loi, pour obliger des entreprises privées à assumer des obligations qu'elles ne voudraient pas assumer. Je présume que cela pourrait être une situation, mais l'argument de fond, c'est que l'initiative d'une telle décision doit continuer d'appartenir au travailleur qui reçoit son indemnité de remplacement de revenu.

La Présidente (Mme Juneau): M. le député de Frontenac.

M. Grégoire: Je voudrais spécifier un point là-dessus. Une personne victime d'une maladie industrielle et ayant travaillé de l'âge de 20 ans jusqu'à l'âge de 40 ans dans une mine a déjà payé son régime de retraite et a déjà commencé à en accumuler. La compagnie assumait sa part de ce régime de retraite, de ce régime privé; ce que je demande, c'est que le travailleur qui est à l'emploi de cette compagnie puisse continuer à payer son régime de retraite. Il reçoit 90% de son salaire net. Je ne demande pas que l'écart soit comblé, mais si la compagnie accepte ce genre de travailleurs victimes d'une maladie industrielle à l'emploi de cette compagnie, qu'elle accepte aussi puisqu'il y a déjà 20 ans d'accumulés... Ces fonds ne sont pas toujours transférables. Ces fonds sont souvent améliorés en cours de route et le sont de mieux en mieux. On sait ce que c'était, il y a 20 ans, en 1960 ou en 1955, que d'organiser une tel régime de retraite privé.

Que le travailleur puisse continuer, comme avant, de participer au régime de retraite de la compagnie de la même manière qu'avant. C'est tout ce que je demande. Vous me direz: II peut aller se chercher un régime de retraite privé. S'il commence à l'âge de 50 ans ou à l'âge de 55 ans, rendu à l'âge de 65 ans, il n'aura pas réussi à équilibrer la différence qui existe, par exemple, dans le cas numéro 4, alors qu'il aura participé pendant 25 ou je ne sais combien d'années dans la compagnie minière. C'est une demande qui, je crois, est raisonnable. Le travailleur a participé pendant longtemps à son régime de retraite. Tout à coup, il contracte une maladie industrielle. En vertu de la loi actuelle, on voit qu'à 65 ans il est moins bien nanti qu'en vertu de l'ancienne loi, sauf s'il retourne au travail. S'il ne retourne pas au travail - et on a calculé... M. le député de Viau a donné des chiffres tout à l'heure concernant ceux qui ne retournaient pas au travail et je crois que c'étaient quelques milliers sur les 324 000...

M. Cusano: Est-ce que nous les avons...

M. Grégoire: S'il n'y a pas de retour au travail et qu'à ce moment le citoyen ainsi victime... Ce sont les cas les plus lourds; il ne s'effectue aucun retour au travail. Le ministre dit vouloir protéger, d'abord et avant tout, les cas les plus lourds. Je me sers de ses arguments, c'est-à-dire protéger d'abord les cas les plus lourds et, deuxièmement, voir à ce que le type accidenté ou souffrant d'une maladie industrielle puisse être replacé dans la même situation qu'il aurait eue s'il n'avait pas eu cet accident ou cette maladie industrielle. C'est pour cela que je demande qu'on puisse permettre au travailleur de continuer à payer son régime de retraite de sorte qu'à 65 ans il ne soit pas pénalisé par rapport aux autres travailleurs avec qui il a passé peut-être 20 ou 25 ans de sa vie dans la mine.

M. Bisaillon: On passe cela au vote.

M. Grégoire: Je crois que c'est parfaitement normal. Ce sont quelques centaines, comme le disait le député de Viau, sur les 324 000. Je pense que le ministre devrait y penser. S'il veut avoir le temps d'y penser... Je crois que c'est une demande...

M. Bisaillon: On va passer au vote. M. Grégoire: ...qu'il devrait accepter.

M. Fréchette: Je veux bien prendre le temps d'y penser, Mme la Présidente, comme le suggère le député de Frontenac.

M. Grégoire: Ou si vous voulez voter tout de suite, Mme la Présidente, cela me plairait.

M. Fréchette: II est astucieux, le député de Frontenac.

M. Grégoire: On peut...

M. Fréchette: Je voudrais simplement ajouter une couple de commentaires à sa convaincante argumentation.

M. Bisaillon: Avant que les autres reviennent.

M. Fréchette: D'abord, le député de Frontenac va convenir avec moi que l'exemple qu'il utilise du travailleur qui a

commencé à travailler à 20 ans, qui a son accident à 40 ans et qui, pendant cette période, a contribué à un régime de retraite, ce qu'il a accumulé dans ce régime de retraite demeure sa totale et entière propriété. Je comprends qu'il y a un problème de transférabilité au moment où on se parle. Le député de Frontenac est très sensible à cette situation, parce que des gens de son comté vivent cette situation comme dans d'autres coins, mais ce n'est pas par une Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles qu'on va régler le problème de la transférabilité des pensions. D'ailleurs, ma connaissance du dossier me permet...

M. Grégoire: Je ne veux pas qu'il soit question de transférabilité, M. le ministre. Ne nous éloignons pas du sujet. Les autres vont revenir, ce ne sera pas long, mais il n'est pas question de transférabilité. Il n'y a aucun retour au travail. Je veux qu'il y ait continuation de paiement de primes de retraite. Ce sont deux choses.

M. Fréchette: J'ai très bien compris, dès sa première argumentation, l'objectif que vise le député de Frontenac. Je lui ai dit pourquoi, quant à moi, ce genre de situation ne peut pas être couvert par la loi actuelle, mais je suis bien disposé à continuer d'y penser et d'en reparler avec le député de Frontenac au besoin.

Une voix: Ce n'est pas à huis clos là, hein?

La Présidente (Mme Juneau): M. le député de Viau.

M. Grégoire: J'aurai d'autres remarques à faire après par rapport à celle-là, mais sur ce point, vous...

M. Fréchette: Vous m'avez demandé d'y réfléchir. Je vais continuer d'y réfléchir effectivement.

M. Grégoire: Et est-ce qu'il y a moyen de croire...

M. Fréchette: Je vous donnerai une réponse effectivement.

M. Grégoire: ...que le ministre peut nous apporter un amendement sur ce point?

M. Fréchette: Ce n'est pas ce que je vous ai dit. Je vous ai dit que j'allais continuer de réfléchir.

M. Maltais: Mme la Présidente.

M. Bisaillon: De grâce, que le ministre ne réfléchisse pas trop longtemps! Cela démissionne après.

La Présidente (Mme Juneau): Vous avez terminé, M. le député de Frontenac?

M. Grégoire: Non, je voudrais revenir à d'autres points, parce que...

M. Bisaillon: La prudence serait quand même que le député de Frontenac prépare, lui aussi, un amendement. Comme cela, lorsque le ministre aura réfléchi, il aura juste à comparer deux textes. Ce sera mieux.

M. Grégoire: Oui, très bien. Je vais en préparer un pour essayer de le présenter...

Il y a un autre point. Par exemple, dans les cas de retour au travail, cela a l'air beau, les tableaux du ministre. C'est beau en surface mais, quand on gratte un peu, il y a de petites différences. Un type... Arrêt de travail: 36 mois; retour au travail: aucun. On dit, prenons les numéros 4 et 5: aucun retour au travail. Le type a 46 ans, est marié, a un enfant et, jusqu'à 65 ans, c'est-à-dire pendant 19 ans - à l'exemple no 4 - il recevrait 283,19 $ par semaine, ce qui ferait une valeur totale des indemnités de 263 495 $. Or, quand je lis la loi, je lis ceci à la section 1; je vais lire trois articles. L'article 45: "Lorsqu'un travailleur victime d'une lésion professionnelle redevient capable d'exercer son emploi après l'expiration du délai pour l'exercice de son droit au retour au travail, il a droit à l'indemnité de remplacement du revenu prévue par l'article 42 jusqu'à ce qu'il réintègre son emploi ou un emploi équivalent ou qu'il refuse, sans raison valable, de le faire, mais pendant au plus un an à compter de la date où il redevient capable d'exercer son emploi." Donc, son indemnisation, son remplacement de revenu va jusqu'à pendant au plus un an à compter de la date où il redevient capable d'exercer son emploi. Ceci veut dire que, dans l'exemple no 4 qu'on nous donnait: un homme de 46 ans; arrêt de travail: 36 mois; retour au travail: aucun... Après l'arrêt de travail de 36 mois "...au plus un an à compter de la date où il redevient capable d'exercer son emploi", cela veut dire 48 mois. Il a 46 ans, cela le met à 50 ans, ce qui veut dire que, de 50 à 65 ans, est-ce qu'il reçoit quand même son remplacement de revenu puisqu'il ne le reçoit...? "...redevient capable d'exercer son emploi après l'expiration du délai pour l'exercice de son droit au retour au travail, il a droit à l'indemnité de remplacement du revenu prévue par l'article 42 jusqu'à ce qu'il réintègre son emploi ou un emploi équivalent ou qu'il refuse, sans raison valable, de le faire, mais pendant au plus un an à compter de la date où il redevient capable d'exercer son emploi."

L'article 46 dit aussi: "Cependant, si cet emploi convenable n'est pas disponible..." L'article 46 vient mettre en lumière la période que nous traversons aujourd'hui: "Le travailleur incapable d'exercer son emploi en raison de sa lésion professionnelle qui devient capable d'exercer à plein temps un emploi convenable a droit à une indemnité de remplacement du revenu égale à la différence entre 90% du revenu net retenu qu'il tirait de son emploi et le revenu net retenu qu'il pourrait tirer de cet emploi convenable." S'il existait. "Cependant, si cet emploi convenable n'est pas disponible, ce travailleur a le droit à l'indemnité de remplacement du revenu prévue par l'article 42 jusqu'à ce qu'il occupe cet emploi ou qu'il le refuse sans raison valable, mais pendant au plus un an à compter de la date où il devient capable de l'exercer."

C'est toujours pendant au plus un an; donc, mon gars qui a 46 ans, on l'a pris à 46 ans, mais prenez-le à 25 ans, reçoit-il son indemnité? Est-il capable d'exercer un retour au travail? Aujourd'hui, il n'y a pas d'emploi disponible. À l'article 46, on dit: Cependant, si cet emploi convenable n'est pas disponible, il a le droit malgré tout à encore un an, même s'il n'a pas d'emploi puisqu'il n'y en a pas de disponible. Aujourd'hui, il n'y en a pas de disponible et si cela reste non disponible pendant dix, quinze ans? On dit: au plus un an. Je m'interroge fortement sur le tableau no 4: Arrêt de travail: 36 mois; retour au travail: aucun. De 46 à 65 ans, va-t-il donc recevoir, même s'il est apte à retourner au travail, s'il veut travailler, s'il n'y a pas d'emploi disponible, que cela fait un an qu'il n'y a pas d'emploi disponible, qu'il cherche et qu'il dépense tout son remplacement du revenu à chercher, jusqu'à 65 ans quand même son remplacement du revenu? C'est là que le chiffre total au bas, il va falloir que vous me l'expliquiez. (16 h 3D)

M. Fréchette: C'est un long détour pour arriver à la question, M. le député de Frontenac.

Pour les fins de son argumentation future, je lui suggère d'aller à l'article 2 et de regarder ce qu'est un emploi convenable lorsqu'on aura évidemment pris la décision de l'adopter. J'aimerais qu'après avoir pris connaissance de la définition que l'on donne du terme "emploi convenable", il réitère son appréciation en fonction de la disponibilité dont il a parlé, d'une part.

Deuxièmement, le député de Frontenac parle de deux situations qui ne peuvent, mais d'aucune façon, se comparer, d'aucune espèce de façon. Quand il prend l'exemple 4 des 6 tableaux qui ont été déposés, il réfère à une personne qui ne pourra plus retourner au travail. La démonstration a été faite à partir de la conclusion que son incapacité partielle permanente de 21% ne le rend plus capable de travailler dans aucun emploi.

Ensuite, il m'arrive avec l'article 46. Il me parle du travailleur qui est complètement rétabli, dont la blessure est consolidée, pour qui tous les programmes de réadaptation ont été épuisés et qui est en mesure de travailler. Ce que la loi dit: Même à compter du moment où il devient capable de travailler pour l'année qui va suivre, malgré le fait qu'il soit capable de travailler et qu'il ne travaille pas, peu importe le motif, il va continuer d'être indemnisé pendant cette année-là sur la base de 90% de son revenu net.

À supposer maintenant qu'à l'expiration de l'année dont il est question il ne soit pas plus en mesure de se trouver de l'emploi. Là, je ne parle pas des motifs pour lesquels il ne peut pas trouver d'emploi, mais il est revenu dans un état physique tel qu'il est capable de travailler. Le mécanisme qui est retenu à ce moment-là, à partir de la définition qu'on retrouve à l'article 2 des termes "emploi convenable" - remarquez les 4 critères qui sont là pour que l'emploi soit convenable... A partir, donc, de ce mécanisme-là, des calculs vont être faits pour l'évaluation de son indemnité, à partir du 90% du revenu net qu'il tire, basé sur le salaire qu'il réalisait au moment de son accident et à partir également du calcul du revenu qu'il retirerait d'un emploi convenable qu'il est capable de faire mais qu'il ne peut pas se trouver. En d'autres mots, nous sommes dans une situation à peu près équivalente à l'assurance-chômage. Si c'est parce qu'il n'y a pas d'emploi qu'il ne peut pas s'en trouver, est-ce que c'est l'employeur qui doit assumer l'obligation de continuer d'assurer le minimum vital à cette personne? Quand le député de Frontenac base son argumentation en partant de l'exemple 4 et de l'article 46, il ne fait pas une distinction qui est absolument essentielle et fondamentale. Ce n'est pas du tout la même situation.

La Présidente (Mme Juneau): Je m'excuse, M. le député, vous avez épuisé votre temps de parole et M. le député de Viau avait demandé la parole.

M. Cusano: Mme la Présidente, sur cette question on s'était mis d'accord. On s'était entendu sur le fait qu'on prenait le temps. Maintenant, si le député de Frontenac a une autre question, je n'ai pas d'objection.

La Présidente (Mme Juneau): M. le député de Viau, il me semble important que chacun puisse intervenir au moins vingt minutes et revenir par après si vous le souhaitiez ainsi pour donner la chance à tout le monde de...

M. Cusano: Non, en ce qui me concerne, si le député de Frontenac a une question, qu'il y aille.

La Présidente (Mme Juneau): Ça va.

M. Grégoire: Écoutez, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Juneau): Oui, M. le député de Frontenac.

M. Grégoire: Je vais mentionner au ministre les six cas qu'il nous a donnés. Dans le cas no 1, il y a 15% de dommages corporels et le gars retourne au travail. Dans le cas no 2, il y a 25% de dommages corporels et le gars retourne au travail. Dans le cas no 3, il y a 10% de dommages corporels et le gars retourne au travail. Dans le cas no 4, il y a 21% et il ne retourne pas au travail. Le no 5, j'aurais pu prendre le no 5, il y a 10% de dommages corporels. Ce sont les plus bas dommages corporels. Non, il y en a un qui a 7, mais ce sont pratiquement les plus bas et il n'y a aucun retour au travail. Il y a 10% de revenu. Vous me dites: À ce moment-là, si celui qui a 25% de dommages corporels peut retourner au travail, celui de 10% peut retourner au travail mais qu'il ne se trouve pas d'emploi convenable ou qu'il n'y a pas d'emploi disponible, qu'on arrive avec 350 000 chômeurs et qu'il n'est pas capable de se replacer sur le marché du travail... Lui, il est sorti de son industrie parce qu'il a eu un accident du travail, mais quand vient le temps d'y retourner il n'y a plus de travail pour lui. Quand vous dites pour "emploi convenable": "un emploi qui permet au travailleur victime d'une lésion professionnelle d'utiliser sa capacité résiduelle et ses qualifications professionnelles, qui présente une possibilité raisonnable d'embauche - mais s'il n'y a pas de possibilité d'embauche - et dont les conditions d'exercice ne comportent pas de danger pour la santé, la sécurité ou l'intégrité physique du travailleur compte tenu de sa lésion", je ne vois pas que cela vienne contredire ce que je disais tout à l'heure.

M. Fréchette: S'il n'y a pas de possibilité raisonnable d'embauche, ce n'est pas un emploi convenable, c'est très précisément ce que j'essaie de démontrer au député de Frontenac depuis une demi-heure.

M. Grégoire: Ah! S'il n'y a pas de possibilité raisonnable d'embauche, il continue à...

M. Fréchette: Lisez l'article 2.

M. Grégoire: Oui, mais l'article 46 dit bien: "Cependant, si cet emploi convenable n'est pas disponible, ce travailleur a droit à l'indemnité de remplacement du revenu prévue par l'article 42 jusqu'à ce qu'il occupe cet emploi ou qu'il le refuse sans raison valable, mais pendant au plus un an à compter de la date où il devient capable de l'exercer." On lui donne rien qu'un an. S'il a 30 ans, c'est seulement un an que donne l'indemnité de remplacement, même s'il n'y a pas d'emploi disponible, même s'il n'y a pas de possibilité d'embauche. Est-ce simple? Est-ce clair? Ou si c'est moi qui ne comprends pas sa loi.

M. Fréchette: Mme la Présidente, je ne voudrais pas plaider à temps et à contretemps parce que là, je me vois dans la situation ou dans l'obligation de répéter l'argumentation que j'ai utilisée tout à l'heure. Ce n'est pas pour rien que je demande au député de Frontenac de lire attentivement la définition de l'article 2 et de retenir les quatre conditions qui doivent exister en même temps pour qu'un emploi soit convenable. L'une de ces conditions est celle qui prévoit qu'il doit exister des possibilités raisonnables d'emploi. Cela est un des éléments essentiels pour que les critères de l'emploi convenable soient retenus. Et, à partir de cela, le député de Frontenac me dit: II n'y en a pas de travail, il n'y a pas de possibilité de se trouver de l'emploi. Dans la situation qu'on vit, ce n'est pas possible. Il voudrait voir si, à partir des quatre critères de la définition de l'article 2, c'est un emploi convenable au sens de la loi. Je pense qu'on ne peut pas dissocier cette argumentation, pour les fins de la discussion que suscite le député de Frontenac, on ne peut pas dissocier les dispositions de la définition des termes "emploi convenable", si jamais on l'adoptait.

M. Grégoire: M. le ministre, l'article 46 emploie vos mots. Cependant, si cet emploi convenable n'est pas disponible, il aura droit à l'indemnité de remplacement, mais pendant au plus un an...

M. Fréchette: Là vous...

M. Grégoire: Donc, pas jusqu'à 65 ans.

M. Fréchette: J'espère que le député de Frontenac ne perd jamais de vue qu'on est dans un cas où le travailleur accidenté est complètement rétabli physiquement et à tous autres égards. Pendant une année, à compter de la date de la consolidation de la blessure - je ne sais pas si le député de Frontenac était ici quand on a détaillé longuement la définition du terme "consolidation"...

M. Grégoire: Oui, j'étais ici.

M. Fréchette: Bon! Pendant une année à compter de la date de la consolidation de la blessure, donc, de l'étape où aucune amélioration n'est prévisible, mais de l'étape aussi où l'accidenté est en mesure de retourner au travail. Pendant un an, même s'il est capable, il va continuer de recevoir les 90% de son indemnité de remplacement du revenu. À l'expiration de l'année, l'emploi convenable dont on parle n'existe pas. Tenons cela pour acquis pour les fins de la discussion. Je vous signale que c'est une matière qui peut être "appelable", la question de l'emploi convenable. À supposer qu'il n'en existe pas, mais qu'il serait capable de remplir un emploi que les professionnels de la santé auraient déterminé comme convenable, il va y avoir ces calculs qui sont prévus à l'article 47, je pense, pour faire en sorte qu'il soit tenu compte de la situation, du fait que l'accidenté est capable de retourner travailler. En d'autres mots, le député de Frontenac est-il en train d'essayer de nous convaincre que, lorsque tout le mécanisme de réadaptation, de guérison est complété, c'est l'employeur qui doit assumer l'obligation de payer l'indemnité de remplacement du revenu, alors que, encore une fois, son travailleur est rétabli? En d'autres mots, est-ce que le député de Frontenac veut que la Commission de la santé et de la sécurité du travail devienne une espèce d'assurance-chômage, à toutes fins utiles?

M. Grégoire: Non, non.

La Présidente (Mme Juneau): Est-ce que vous avez terminé?

M. Grégoire: Je ne suis pas pour que l'employeur devienne une espèce d'assurance-chômage, mais c'est parce que vous nous donnez un tableau et vous nous parlez d'un gars de 56 ans, 10% de dommages corporels, ou d'un autre de 46 ans, 21% de dommages corporels. Si, en vertu de l'article 46, il n'a droit qu'à un an d'indemnité de remplacement si cet emploi convenable n'est pas disponible, après cela, il ne faut plus les ajouter, ces remplacements du revenu, parce qu'ils ne seront plus là, dans ces cas-là. Il n'y a aucun retour au travail, il n'y a pas d'emploi convenable disponible, on en a cherché; il est rendu à 50 ans, il lui reste 15 ans avant d'avoir 65 ans, ne faudrait-il pas lui ajouter des indemnités de remplacement du revenu puisqu'il ne les recevra plus après un an?

M. Fréchette: Mme la Présidente, je vais...

M. Grégoire: C'est ce que la loi dit, c'est ce que je comprends. Je voudrais demander au ministre si j'ai bien compris ce qu'est la loi; ce n'est que pour un an, ce n'est pas jusqu'à 65 ans. Je ne demande pas à la compagnie de devenir un bureau d'assurance-chômage, mais, à ce moment-là, avez-vous prévu quelque chose pour lui, sauf si vous l'envoyez au bien-être social ou à l'assurance-chômage?

La Présidente (Mme Juneau): M. le ministre.

M. Fréchette: Mme la Présidente, je suis bien conscient que je me répète et je m'en excuse. Mais le député de Frontenac analyse deux situations qui ne sont pas, mais pas du tout, constituées des mêmes éléments de fond. L'exemple 4, à 21% d'incapacité, c'est que la conclusion a été tirée que ce travailleur-là est incapable de travailler, dans quelque emploi que ce soit. Supposons, par exemple, qu'à 21% c'est le degré d'atteinte d'amiantose. Bon.

M. Grégoire: Prenez l'exemple 5, à 10% d'incapacité.

M. Fréchette: Alors, il n'est pas capable...

La Présidente (Mme Juneau): M. le député, voulez-vous laisser le ministre répondre, s'il vous plaît?

M. Grégoire: Oui.

M. Fréchette: Alors, dans l'exemple 4, donc, il faudrait quand même que l'on retienne que c'est un cas où, à cause du degré d'incapacité, de la nature du travail que faisait l'accidenté, de la nature de l'entreprise dans laquelle il pourrait retourner travailler, il ne peut plus, a 21% d'incapacité, retourner ou bien à son travail antérieur, dans un emploi équivalent, ou alors dans un emploi convenable, peu importe. Il va bénéficier du mécanisme qui est prévu à l'article 4.

Quand le député de Frontenac, maintenant, se réfère aux articles 46, 47 et 48, il parle du travailleur rétabli de sa blessure, qui, pendant un an, à compter du moment de la consolidation, va continuer de recevoir sa pleine indemnité de remplacement du revenu, mais, après une année, va devoir... Après une année, il y aura ces calculs prévus par l'article 47 pour tenir compte de l'emploi convenable.

La Présidente (Mme Juneau): M. le député de Viau.

M. Cusano: Merci, Mme la Présidente. Je voudrais revenir, justement, aux tableaux du ministre et encore sur l'opportunité d'avoir choisi, justement, les âges, les salaires et les pourcentages de déficit anato-

mophysiologique. (16 h 45)

À la page 24 du rapport actuariel qu'il nous a déposé, je remarque que le pourcentage moyen de déficit, selon l'âge, des personnes de 24 ans et moins est de 4,7%; des personnes âgées entre 25 et 34 ans, le pourcentage moyen de déficit est de 4,96%; de 35 à 44 ans, c'est de 5,17%; de 45 à 54 ans, c'est 6,58%; de 55 à 64 ans, c'est de 8,53%; de 65 ans et plus, c'est 11,26%. Cela fait une moyenne, selon les actuaires, qui se sont servis des chiffres de la CSST... Comme je l'ai mentionné tout à l'heure, le nombre de victimes ayant un déficit anatomophysiologique est prévu comme étant de 12 991, soit une moyenne de 5,91%.

Si on revient à l'exemple 3, premièrement, je pense qu'il un peu irréaliste. Je voudrais poser au ministre, spécifiquement, la question suivante. Si on regarde du côté gauche du tableau, au sujet de la rente à vie, est-ce que je me trompe, M. le ministre, si je prends la rente à vie, selon la loi actuelle, cette rente à vie est capitalisée, est-ce que le montant de 5850 $ serait le montant que cet individu recevrait?

M. Fréchette: Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Juneau): M. le ministre.

M. Fréchette: À partir de l'argumentation que vient de nous soumettre le député de Viau, je ne ferai, quant à moi, que les quelques commentaires suivants. Il m'apparaît tomber sous le sens, Mme la Présidente, qu'on ne puisse pas, à partir d'un pourcentage moyen d'incapacité, en arriver à faire le tableau de ce que pourrait représenter une situation à l'intérieur de laquelle un salarié gagne tel salaire, il est de tel âge, il est marié, il est célibataire, il a tel nombre d'enfants ou pas. C'est absolument impensable d'essayer d'avoir une image précise de ce que donnerait le mécanisme d'application de la loi à partir d'un pourcentage moyen d'un degré d'incapacité.

Maintenant, si le député de Viau souhaitait que, par exemple, l'on fasse l'excercice d'analyser ce que donneraient d'autres situations que celles que l'on retrouve dans les six tableaux, à partir de degrés d'incapacité comme ceux auxquels il se réfère, 4% ou 5%, il n'y a aucune espèce de problème là-dessus. Il n'a qu'à nous donner le genre de situation qu'il souhaiterait voir évaluer et nous serions capables, immédiatement, d'arriver à des conclusions à cet égard.

Il me demande - je pense que c'est à partir du tableau 1...

M. Cusano: Le tableau 3.

M. Fréchette: On a fait le calcul pour le tableau 1. On pourra le faire aussi pour le tableau 3. La conversion en capital de la rente à vie de 45,31 $ nous amènerait à un montant de 6045 $.

M. Cusano: Excusez-moi, M. le ministre, peut-être qu'on n'a pas le même tableau.

La Présidente (Mme Juneau): M. le député de Viau.

M. Cusano: Je me réfère à l'exemple 3...

M. Fréchette: On va y arriver à l'exemple 3. On a fait des capitalisations de rentes. Pour commencer, au tableau 1, on prévoit la situation d'un travailleur de 46 ans, qui a une incapacité de 15%, qui retire une rente à vie de 45,31 $. Si l'on veut faire la conversion en capital de sa rente de 45,31 $, il recevrait 6045 $. Évidemment, il cesserait de retirer les 45,31 $ par semaine. Dans les propositions de la loi 42, le forfaitaire est de 5266 $. Je pense que c'est le genre de situation qui démontre assez éloquemment les avantages de la loi 42 par rapport à la loi actuelle. Quant a l'exemple 3, nous allons donner tout de suite le renseignement au député de Viau.

Il s'agit de ce vendeur âgé de 30 ans, qui est marié, a un enfant, a 10% d'incapacité, qui a un salaire de 28 000 $ au moment de l'accident. Il retirerait une rente viagère de 36,68 $ et, si on fait la conversion de la rente en capital, cela équivaut à un montant de 5805 $ par rapport...

M. Cusano: Ahi bon. Je me suis trompé de 45 $.

M. Fréchette: ...à 4362 $.

M. Cusano: Parce que je n'ai pas calculé les sous, je me suis trompé de 45 $.

M. Fréchette: Calculez cela comme vous voudrez.

M. Cusano: C'est 5800 $...

M. Fréchette: 5805 $.

M. Cusano: 5805 $.

M. Fréchette: C'est cela.

M. Cusano: Je vois bien que l'indemnité temporaire, selon la loi actuelle et selon le projet de loi, c'est la même chose.

M. Fréchette: Exactement.

M. Cusano: Sur l'emploi, le revenu disponible après le retour au travail, 407,55 $, c'est la même chose avec le projet de loi 42.

M. Fréchette: Oui.

M. Cusano: Si on remplace la rente à vie par la capitalisation, il reçoit 5845 $ tandis qu'avec le projet de loi...

M. Fréchette: 5805 $.

M. Cusano: Excusez-moi - j'ai 45, excusez - tandis que là on lui donne 4362 $.

M. Fréchette: Pardon!

M. Cusano: On lui donne... Le montant forfaitaire, c'est la même chose qu'un montant capitalisé.

M. Fréchette: 4362 $. Voilà!

M. Cusano: Êtes-vous d'accord avec moi que, pour ce cas-ci, la loi actuelle est plus avantageuse?

La Présidente (Mme Juneau): M. le ministre.

M. Fréchette: Non, je ne suis pas d'accord, Mme la Présidente, parce que ce travailleur retourne à son même emploi, au même salaire. Pourquoi faudrait-il que ce travailleur, qui, malgré son handicap physique de 10%, retourne dans son même emploi, au même salaire, si l'on parle en termes d'indemnité de remplacement du revenu, retire, sa vie durant, cette rente qui déborde le revenu qu'il avait avant son accident? La question est là.

M. Cusano: Alors, si je continue, M. le...

Une voix: Est-ce une récompense?

M. Bisaillon: Non, ce n'est pas une récompense, c'est un dommage. Les 10%, il continue à les avoir quand même.

M. Fréchette: Le forfaitaire est là.

M. Cusano: Oui, mais le forfaitaire, M. le ministre...

M. Bisaillon: Mais quand on compare le forfaitaire?

La Présidente (Mme Juneau): M. le député...

M. Cusano: Le forfaitaire est inférieur à ce qu'on lui donne présentement.

M. Fréchette: Mme la Présidente...

M. Cusano: N'est-il pas inférieur, M. le ministre?

M. Fréchette: C'est évident qu'en termes de chiffres absolus il est inférieur, mais est-ce que le député de Viau est en train de me dire que, lorsqu'un accidenté est replacé dans la même situation économique que celle qui existait au moment de son accident, on devrait, dé surcroît, lui accorder davantage que le salaire qu'il avait au moment de son accident, à part le forfaitaire qui correspond au déficit anatomophysiologique qu'il a subi? Retenez que, dans la loi actuelle, dans ce cas-ci, il a le droit d'exercer son retour au travail, ce qui n'existe pas dans la loi actuelle.

La Présidente (Mme Juneau): M. le député de Viau.

M. Cusano: Êtes-vous en train de me dire, M. le ministre, qu'un employé qui n'a pas d'accident - heureusement pour lui -comparé à celui qui a eu un accident, c'est la même chose? Nous parlons d'un déficit anatomophysiologique. Cela existe. C'est déterminé et Dieu sait qu'avant d'arriver à déterminer ce qu'est un déficit anatomophysiologique dans la loi, il faut passer à travers plusieurs étapes. Cela n'est pas une question d'abus dont on parle. Avant que ce pourcentage soit déterminé, il est contesté par à peu près tout le monde. Il peut y avoir des abus à ce niveau, mais je pense qu'ils seraient très minimes.

Dois-je comprendre, si on regarde le tableau des actuaires, où l'on donne le nombre de personnes prévues ayant un pourcentage de déficit anatomophysiologique - cela veut dire 13 000 personnes - par l'interprétation que nous venons de voir, que, pour 11 167 de ces personnes, le projet de loi sera moins avantageux?

M. Fréchette: Mme la Présidente, je vais reprendre le début de l'argumentation du député de Viau. Je vous réitère qu'en chiffres absolus il est vrai que le tableau 3 fait en sorte que, sous la loi actuelle, l'accidenté recevrait, en forfaitaire, un montant inférieur d'à peu près - je n'ai pas fait le calcul - 1200 $, par rapport à la rente viagère à laquelle il a droit et qu'on a capitalisée à un montant de 5805 $.

Par ailleurs, et je réponds au deuxième volet de la question du député de Viau, n'est-il pas plus équitable, plus juste de prendre les 1200 $ de moins que ce travailleur accidenté n'aurait pas, mais qui se retrouverait dans la même situation, pour transférer ce montant à celui qui est affecté

d'une incapacité totale permanente et de donner à celui qui a une incapacité totale permanente l'argent qu'aurait autrement celui qui n'est pas affecté au point de ne pas être capable de travailler dans son même emploi avec le même salaire? Je peux bien comprendre l'argumentation du député de Viau à cet égard, mais je ne l'accepterai très certainement pas.

M. Cusano: Mais si le ministre pouvait nous garantir que cela serait le cas, il n'y a personne qui s'opposerait, dans un sens. On accepte le principe que la personne, justement, qui est la plus lourdement touchée par un accident soit compensée de façon supérieure. Mais, en ce qui me concerne, mes collègues parleront en leur nom, je ne suis pas convaincu que cet argent va aller où il devrait aller.

M. Fréchette: C'est votre droit.

M. Cusano: Oui, c'est mon droit et je pense qu'on a eu assez de preuve à cet effet. Peut-être que cet argent va s'en aller du côté des petits projets pilotes de notre honorable juge Sauvé. C'est cela mon inquiétude. Si on dit: On va transférer cet argent directement là-bas, il n'y aura pas d'objection.

Mais revenons encore sur les chiffres. Voici la question à poser au ministre: Est-ce que les travailleurs atteints d'un déficit anatomophysiologique entre 0,1% et 10% retournent à leur emploi ou à un emploi équivalent, selon les chiffres de la CSST?

M. Fréchette: Mme la Présidente, vous allez convenir avec moi que je ne peux pas répondre à la question du député de Viau en partant d'une règle générale qui serait établie pour une semblable politique de retour au travail. Le député de Viau va convenir avec moi qu'un travailleur de 55 ans, par exemple, qui est affecté dans une proportion de 10% d'amiantose, ne retournera certainement pas à son travail, alors qu'un autre qui peut avoir 8%, mais qui a 35 ans, peut très facilement et très bien retourner à son travail ou dans un autre emploi équivalent. Alors, qu'on ne me demande pas de donner une politique générale d'application en cette matière. C'est évident qu'il faudrait entreprendre de faire du cas par cas pour tirer des conclusions.

M. Cusano: Vous voulez me dire qu'avec les 11 000 000 $, 12 000 000 $ ou 13 000 000 $ qui ont été dépensés à la CSST pour des ordinateurs, on n'est pas capable de sortir cela. C'est cela que vous me dites?

M. Fréchette: Mme la Présidente, le député...

M. Cusano: Ce n'est pas votre ministère, on parle de la CSST.

M. Fréchette: ...de Viau fera les procès d'intention qu'il voudra, on commence à être habitué à ce genre de situation depuis une couple d'années que cela existe, mais il y a 11 000 dossiers dont il nous parle et il voudrait qu'on ait un ordinateur pour chacun des dossiers. Je m'excuse, je ne peux pas répondre à ces exigences. Je lui dis simplement que le genre de situation qu'il est en train de nous décrire ne peut pas se traiter globalement. Il faut prendre chacun des dossiers, un à un. Il y a des gens qui sont affectés d'une incapacité de 10% qui peuvent retourner travailler et d'autres qui sont affectés d'une incapacité de 8% qui ne peuvent pas retourner travailler.

M. Cusano: II me semble qu'on devrait être en mesure de connaître cela, M. le ministre. C'est un facteur important.

M. Fréchette: Ah! Oui.

M. Cusano: C'est-à-dire qu'il me semble qu'on devrait être informé justement de... On ne demande pas du cas par cas, mais je suis sûr que cela existe à la CSST.

M. Fréchette: Vous, vous êtes sûr et nous, on vous dit que non.

M. Cusano: Vous dites officiellement de votre siège que c'est non? Parfait, on va le prendre tel quel.

Je vous ai demandé tout à l'heure, lorsque j'ai fait mes premiers commentaires sur ces tableaux, s'il y aurait possibilité de nous présenter un tableau semblable pour l'individu qui est au salaire minimum.

M. Fréchette: Oui, mais donnez-nous les conditions: marié, célibataire, quel âge, quel degré d'incapacité»

M. Cusano: On peut prendre... On peut revenir à notre gars de...

M. Fréchette: Un instant, si vous voulez.

M. Cusano: Bon. Un instant, je vais retrouver mon exemple. On va prendre l'exemple 3: il a 30 ans, marié, un enfant et le salaire au moment de l'accident serait le salaire minimum. Il y en a beaucoup de cela au Québec.

M. Fréchette: Oui.

(17 heures)

M. Cusano: Arrêt de travail: pour fins de comparaison, on va s'en tenir à six mois, même si ce n'est pas en dedans des chiffres qui ont été mentionnés par les actuaires.

Retour au travail: même emploi. Dommages corporels: on va s'en tenir à 10%. Nouveau salaire: cela va être le salaire minimum. Est-ce que cela va en tant que spécifications?

M. Fréchette: Quels sont les détails que vous voulez obtenir maintenant?

M. Cusano: Les mêmes détails que ceux que vous avez au tableau. Si vous voulez, je peux bien vous les lire.

M. Fréchette: Non, non, on va le faire. On peut peut-être continuer la discussion, si vous le voulez.

M. Cusano: Pour le moment, je n'ai pas d'autres commentaires.

La Présidente (Mme Juneau): M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: Mme la Présidente, il y a trois questions que je voudrais calmement poser au ministre. Je le trouve meilleur, le ministre, dans l'étude article par article, si j'ose dire. Dans l'étude article par article, je trouve que c'est plus calme.

On a parlé tantôt de la loi sur la pension facultative et jusqu'ici, dans les calculs que vous nous avez donnés, on a toujours tenu pour acquis que l'accident arrivait avant la période de 65 ans. Supposons le cas d'un travailleur ou d'une travailleuse qui a plus de 65 ans et qui a décidé de profiter des avantages de la loi - 10 ou 15, je ne sais pas laquelle - et qui continue à travailler. À 66 ans ou à 67 ans, il a un accident de travail. À 67 ans, prenons-le à 67. Il y a une diminution de 25% après 65. Quelle est la situation de ce travailleur ou de cette travailleuse qui a un accident de travail à 66 ou 67 ans? Je pense, entre autres... Pensez en même temps à cette dame de la région de l'Estrie qui a 82 ans et qui vient de terminer une maîtrise à...

M. Fréchette: 87.

M. Bisaillon: Elle se faire dire que c'est fini à 65 ans, elle ne comprend pas cela beaucoup.

M. Fréchette: Mme la Présidente. Aussi calmement et sereinement que c'est possible de le faire, je vais indiquer au député de Sainte-Marie quelle pourrait être la situation d'un travailleur qui se retrouverait dans cette position. L'article 53 du projet de loi prévoit que, dans une semblable situation, il y a une année complète d'indemnité totale de remplacement du revenu. Après la première année de l'accident, la diminution se fait dans la même proportion que pour le travailleur qui arrive à l'âge de 65 ans, c'est-à-dire à raison de 25% par année.

M. Bisaillon: La même réponse s'appliquerait pour un accidenté à 69 ans.

M. Fréchette: Exactement.

M. Bisaillon: Il aurait donc droit à un an.

M. Fréchette: Voilà!

M. Bisaillon: Après cela, zéro.

M. Fréchette: Bien oui.

M. Grégoire: 25%.

M. Bisaillon: Non, après cela, ce serait zéro.

M. Fréchette: On me signale que le travailleur qui serait victime d'un accident comme celui-là à 69 ans aurait droit à son année et, même ayant atteint l'âge de 70 ans, il continuerait de recevoir son indemnité, mais en tenant compte de la diminution de 25% par année.

M. Bisaillon: Donc, selon les mêmes critères que ceux qui s'appliquent à partir de 65 ans.

M. Fréchette: Voilà!

M. Cusano: Vous me permettez? À quel article vous trouvez cela?

La Présidente (Mme Juneau): M. le député de Viau. Article 53.

M. Cusano: 53.

M. Fréchette: 53.

M. Cusano: D'accord, ça va.

La Présidente (Mme Juneau): Est-ce que ça va pour les commentaires?

M. Grégoire: Article 54,, vous avez autre chose; 54, troisièmement.

M. Bisaillon: C'est ça. À troisièmement, on dit à 68 ans.

M. Grégoire: "S'éteint au premier des événements suivants..."

M. Fréchette: Il faut tenir pour acquis qu'à 68 ans il a eu son accident. Vous me parlez d'un travailleur qui aurait un accident à 69 ans. Le travailleur qui aurait son accident à 69 ans aurait sa première année complète d'indemnité, plus les trois autres

années en régressant de 25% par année.

La Présidente (Mme Juneau): M. le député de Viau.

M. Cusano: Réfléchissez pendant notre discussion. Est-ce qu'il ne serait pas sage, justement, d'apporter des clarifications aux articles 53 et 54?

M. Fréchette: Je suis bien disposé à regarder cela quand on en arrivera à l'étude article par article. Si, effectivement, l'intention qui se dégage du texte n'est pas ce que je suis en train de dire, je n'ai pas d'objection du tout à faire les modifications qui doivent être faites.

M. Bisaillon: On regardera cela à ce moment.

Un deuxième commentaire, Mme la Présidente. Tantôt, le député de Frontenac est parti des exemples que vous aviez donnés pour discuter de toute la question de l'emploi convenable disponible. Je voudrais reprendre cela, mais sans m'attacher aux exemples que vous aviez fournis. Le cas est possible qu'un travailleur ait un accident du travail et qu'il en arrive à la situation... Au moment où il a son accident du travail, selon le projet de loi actuel, on lui paie l'indemnité de remplacement du revenu. Lorsqu'on détermine son taux d'incapacité et qu'un emploi convenable n'est pas disponible, on dit: Là il perd ses droits, il perd sa possibilité d'une indemnité de remplacement du revenu.

M. Fréchette: Dans la loi actuelle? M. Bisailion: Dans le projet.

M. Fréchette: Ah!

M. Bisaillon: Dans le projet. Cela veut dire qu'à partir de ce moment ce travailleur aurait eu l'indemnité de remplacement du revenu jusqu'à temps qu'il arrive à la consolidation, le montant forfaitaire pour dommages corporels calculé selon les modalités de la loi, mais comme il n'y a pas d'emploi convenable disponible, tout s'arrête là pour lui. Ce n'est pas cela que vous avez dit lors des explications que vous avez fournies au député de Frontenac?

M. Fréchette: Non.

M. Bisaillon: Alors...

M. Fréchette: Enfin, si c'est cela que vous avez compris, je me suis peut-être mal expliqué, je vais essayer d'être plus clair.

M. Bisaillon: D'accord.

M. Fréchette: À partir du moment où les professionnels de la santé constatent ce qu'on appelle un état de consolidation, c'est-à-dire que les traitements ont atteint un tel stade qu'on ne peut plus espérer une amélioration dans la condition de l'accidenté - il est cependant en mesure de reprendre du travail - à partir de la constatation dont je viens de parler et pour la période d'une année additionnelle pendant laquelle il est capable de travailler, il va continuer de recevoir sa pleine indemnité de remplacement du revenu. Mettons cela en chiffres, si vous le voulez. A supposer que la consolidation, la réadaptation ait nécessité une période de trois ans pendant laquelle il va recevoir sa pleine indemnité, à la fin de la période, il y a cette autre année qui va s'ajouter aux trois premières années qu'on vient de passer pour faire donc, en tout état de cause, dans une situation comme celle que je suis en train de décrire, que le paiement de l'indemnité de remplacement du revenu dans son intégralité va être fait pendant au moins quatre années.

À l'expiration de la quatrième année, il est encore capable de travailler, il n'y a pas pour lui d'emploi pour n'importe quel motif qu'on peut imaginer, il n'y a pas ce genre d'emploi dont je viens de parler, à ce moment, le calcul qui va être fait est le suivant: II va être déterminé quel pourrait être le revenu que tirerait ce travailleur accidenté d'un emploi convenable, donc qui répond aux quatre critères de la définition de l'article 2 de la loi, quel traitement ou salaire il pourrait retirer d'un emploi convenable qu'il est capable de faire et il y aura réduction de 90% du salaire net qu'il pourrait tirer de cet emploi convenable de l'indemnité totale qu'il a reçue pendant les quatre premières années nécessaires pour la consolidation. Alors, en aucune circonstance l'indemnité ne cessera totalement, en aucune circonstance et pour personne.

M. Bisaillon: Ce que vous m'expliquez, c'est qu'elle ne cessera pas, mais qu'elle va être diminuée.

M. Fréchette: Voilà!

M. Bisaillon: C'est cela. Reprenons ce même travailleur dont vous venez de me parler et comparons-le maintenant dans la loi actuelle. Dans la loi actuelle il aurait eu son indemnité de remplacement du revenu pendant trois ans - c'est cela? - et après cela, il aurait eu la rente viagère qui lui aurait été appliquée. Est-ce exact?

M. Fréchette: Oui, vous avez raison.

M. Bisaillon: Est-ce que cela est calculable? Jusqu'à maintenant, tous les exemples qu'on a sont des exemples de

personnes qui ont une incapacité totale permanente ou encore qui reprennent un emploi avec le même salaire ou à un salaire inférieur. Mais on n'a pas d'exemples de cas dont je viens de vous parler. Dans ce cas-là, la loi actuelle serait plus avantageuse, la rente viagère serait plus avantageuse.

M. Fréchette: C'est le genre d'évaluation qu'on peut faire. Il faudra qu'on se détermine des situations bien concrètes avec des critères aussi précis que ceux que l'on retrouve dans les tableaux qu'on a élaborés. Je veux être sûr que je comprends bien. Dans l'état actuel de la loi, il y a ces trois premières années nécessaires à la consolidation; il y a l'autre année et, à l'expiration de la quatrième année, quand la consolidation est atteinte, que le travailleur est capable de retourner en emploi, il n'y en a pas d'emploi. C'est cela? Le député de Sainte-Marie dit: Quelle est, dans l'état actuel des choses, l'indemnité qui est payée à ce travailleur? Est-on capable de faire des calculs pour essayer d'en arriver aux conclusions que cela donnerait, en termes de total, par rapport à la loi 42?

M. Bisaillon: Aux calculs qu'on a faits, c'était identique. Dernier commentaire, Mme la Présidente, c'est que...

La Présidente (Mme Juneau): M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: ...si je fais une bonne lecture de tout ce que le ministre nous a expliqué aujourd'hui et des textes qui sont devant nous, la loi actuelle, au moment d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, procède au remplacement du revenu...

M. Fréchette: La loi actuelle?

M. Bisaillon: La loi actuelle, ne parlons pas du projet, mais de la loi actuelle.

M. Fréchette: Pour incapacité temporaire?

M. Bisaillon: Pour incapacité temporaire. Par la suite, lorsqu'il y a reprise ou au moment où on a atteint le plateau dont on a parlé depuis le début, on lui applique une rente viagère.

M. Fréchette: Voilà!

M. Bisaillon: La rente viagère est attribuée en vertu du degré d'incapacité que les professionnels de la santé ont déterminé chez le travailleur concerné. Jusque-là, cela va?

M. Fréchette: Jusque-là, cela va bien.

M. Bisaillon: Bon. Le projet actuel, lui, conserve l'indemnité de remplacement du revenu de la même façon. Il y a des modalités pour poursuivre ou pour cesser l'indemnité de remplacement du revenu qui peuvent être différentes, mais le principe est le même. Il y a pendant un certain temps une indemnité de remplacement du revenu. On calcule, dans le projet actuel, un montant forfaitaire qui est calculé pour dommages corporels. J'évalue que le montant forfaitaire pour dommages corporels est équivalent, en tout cas il vise les mêmes fins que le montant qu'on versait avant, que ce soit mensuellement ou d'un coup, pour l'incapacité. Peut-être que les critères de calculs ne sont pas les mêmes, mais les objectifs poursuivis sont les mêmes. Pourquoi s'étonner de la réflexion du député de Viau tantôt? L'objectif du ministre, c'est de dire: On replace le travailleur dans sa situation, comme il était avant, mais, au-delà de la situation où il était avant, il y a le dommage qui demeure et qui peut être permanent. Ce dommage avant, vous l'évaluiez ou vous le remboursiez ou vous le compensiez par une rente viagère; maintenant, vous proposez un forfaitaire. Il me semble normal de mettre cela en balance et de dire lequel des deux est le plus avantageux pour le travailleur. Dans bien des cas, on pourrait en arriver à la conclusion que le dommage corporel et que l'incapacité étaient mieux reconnus dans la loi actuelle que dans le projet de loi qui est devant nous.

Je ne sais pas si je me fais bien comprendre du ministre. Tantôt, il nous a dit: Est-ce que vous voudriez qu'un travailleur qui a eu un accident reçoive plus après son accident qu'avant? On veut juste que l'incapacité, que le tort qui lui a été causé physiquement, cela lui soit reconnu d'une façon ou de l'autre. Vous parlez d'un forfaitaire, bon! Appelons cela un forfaitaire, mais qu'il soit au moins équivalent à ce qu'on lui reconnaissait comme compensation pour l'incapacité de travail qu'il avait avant. (17 h 15)

On peut bien s'engueuler sur les termes, sur les mots, mais je pense que la rente viagère poursuivait les mêmes fins ou reconnaissait les mêmes effets de l'accident du travail ou de la maladie professionnelle que le montant forfaitaire, sauf qu'on ne le calcule pas de la même façon. Les critères sont différents et les montants sont différents aussi, mais le principe d'être compensé pour des torts permanents qui nous sont causés, qu'ils soient de l'ordre de 10% ou de 100%, il me semble qu'on reconnaît cela partout ailleurs dans la société. Pourquoi ne le reconnaîtrait-on pas pour un travailleur victime d'un accident du travail?

La Présidente (Mme Juneau): M. le

ministre.

M. Fréchette: Je pense bien saisir l'argumentation du député de Sainte-Marie, Mme la Présidente. Je n'aurais pas d'objection non plus à simuler des cas pour illustrer l'argumentation qu'il développe. De plus, je vous dirai qu'à certains égards je partage son analyse. Quand il nous dit, par exemple, qu'il peut arriver que la rente viagère qui existe actuellement soit plus avantageuse que le mécanisme qu'on retrouve dans la loi 42, je lui dirai: Oui, c'est exact dans les cas légers d'accidents du travail. Le cas, par exemple, du travailleur...

M. Bisaillon: Un instant! On peut convenir que c'est dans les cas légers et que cela pourrait être aussi dans les cas dont parlait le député de Viau, c'est-à-dire ceux qui reçoivent le salaire minimum.

M. Fréchette: Si on veut avoir l'exemple qui s'en vient... Je vais convenir sans aucune discussion ni réserve avec le député de Sainte-Marie que, dans les cas légers, le phénomène qu'il nous explique avec force détails est sans doute vrai. Dans le cas, par exemple, du travailleur qui subit un déficit anatomophysiologique de 5%, mais qui peut retourner au même emploi, au même salaire et aux mêmes conditions de travail, il est évident que, pour lui, le fait de ne pas recevoir cette rente viagère et de remplacer le déficit anatomophysiologique par un montant forfaitaire, cela peut, en termes absolus de piastres, être moins élevé.

Si, par ailleurs, vous transférez le processus ou l'analyse dans les cas plus lourds, cela n'est plus vrai. Les cas plus lourds, me semble-t-il, dans le mécanisme de la loi 42, sont davantage "dédommagés" -entre guillemets - qu'ils ne le sont actuellement et qu'ils ne le seraient s'il fallait retenir le système actuel.

M. Bisaillon: Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Juneau): M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: II est fort possible que, dans les cas les plus lourds, l'incapacité soit totale et permanente. Donc," possiblement -pas possiblement, de façon certaine - le mécanisme actuel est meilleur, mais ce n'est pas la majorité des cas qui sont traités au niveau de la CSST. L'autre argument, c'est le suivant: le travailleur qui a eu un accident, même s'il retrouve son emploi deux ou trois mois après, son incapacité, elle, il la véhicule avec lui, il la transporte avec lui, il la subit toute sa vie durant...

M. Fréchette: C'est pour cela que le forfaitaire est là.

M. Bisaillon: ...et elle lui cause des préjudices...

M. Fréchette: Hé oui!

M. Bisaillon: ...qui dépassent le milieu de travail. J'ai l'impression qu'on traite trop la question uniquement en fonction du milieu de travail, mais le préjudice causé aux individus à l'extérieur de leur travail aussi-Si j'ai un oeil affaibli ou atteint, cela va affecter aussi mon comportement dans mon milieu familial, dans mes activités sociales et c'est le milieu de travail qui en est responsable. Sauf qu'on dit que, parce qu'il a retrouvé son emploi, oublions donc qu'il a une incapacité de 5%. Je force la note quand je dis: oublions donc, mais on voudrait quand même atténuer cette incapacité qui, elle, va demeurer de façon permanente. On l'atténue dans le projet de loi actuel par rapport à l'application qu'on en faisait dans le passé. Je trouve que c'est un élément sur lequel il faudrait revenir. C'est peut-être un peu dans ce sens que je vous demandais pourquoi vous n'évalueriez pas la possibilité de doser cela en fonction des individus.

M. Fréchette: Mme la Présidente, ai-je besoin de vous réitérer que je suis tout à fait d'accord avec l'analyse qu'est en train de faire le député de Sainte-Marie, mais je vais aussi lui rappeler ce que je disais cet après-midi quand on parlait de la possibilité d'indemniser dans une proportion de 100% du revenu brut. Je lui dirai qu'il y a, à un moment donné, un arbitrage à faire et des décisions à prendre quant aux objectifs qui sont à atteindre.

Notre évaluation et notre conclusion ont été qu'il y avait deux situations particulières sur lesquelles il fallait porter une attention toute spéciale. D'aboid, les cas lourds; je ne reviendrai pas là-dessus, sauf peut-être pour dire qu'on va tous convenir, sans doute, que le travailleur qui est affecté d'une incapacité totale permanente, avec le mécanisme prévu dans la loi 42, se retrouve, économiquement, en tout cas, dans une meilleure situation que celle qui prévaut dans la loi actuelle.

Deuxièmement, il ne faudrait pas oublier dans le cadre de notre discussion, Mme la Présidente, un des éléments que je soulevais dans mes remarques préliminaires ce matin. C'est le mécanisme de l'indemnité de remplacement de revenu pour le travailleur qui revient dans un emploi autre que le sien et qui commande un salaire moindre. Je vous réitère qu'actuellement, en vertu des programmes de stabilisation économique, cela se fait à la Commission de la santé et de la sécurité du travail. Quand j'ai mon accident, 25 000 $; je reviens à 15 000 $. Je continue de gagner 25 000 $ quand même et cela continuera d'être

indexé. Actuellement, ce n'est pas indexé, mais dans la loi 42 il est prévu que ce serait indexé.

Le jour où les tribunaux diraient à la CSST: Oui, cela part d'un bon naturel, sans doute. Vous avez voulu parer à des situations absolument désespérées, mais malheureusement votre loi ne vous permettait pas de faire cela. Je vous signale ce que j'en sais. Ce n'est évidemment pas moi qui rendrai jugement, mais on me dit que la position de la commission, devant les tribunaux, est particulièrement fragile à cet égard. Cela voudrait dire que, si jamais le recours exercé par les employeurs était maintenu et qu'il n'y a pas de modification dans la loi actuelle, le travailleur qui gagnait 25 000 $ et qui retourne à 15 000 $, il va continuer de gagner 15 000 $ plus sa petite rente viagère.

M. Bisaillon: Deux derniers commentaires très rapides, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Juneau): M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: Merci. Le ministre vient de revenir sur la question du programme existant déjà à la CSST qui est actuellement devant les tribunaux. Ce que je veux lui souligner, c'est que ce n'est peut-être pas dans la loi actuelle, mais c'est dans l'acquis actuel pour les personnes. C'est une réglementation de la CSST. Ce n'est pas parce qu'elle est contestée par les tribunaux que la CSST est obligée de dire qu'elle ne le fait pas. Elle le fait. Elle le fait actuellement et il n'y a personne qui lui a tordu le bras, probablement. Pour une fois qu'elle avait fait un bon geste, il ne faudrait pas qu'elle le renie. Ils l'ont fait, c'est là, sauf que dans vos exemples ce n'est pas calculé. C'est calculé pour actuellement, c'est calculé dans le projet, mais ce n'est pas calculé comme se payant actuellement et là la différence pourrait être fort différente de ce qui nous était présenté. Comprenez-vous ce que je veux dire, M. le ministre? Dans les exemples que vous nous avez fournis, vous nous avez dit: Dans la loi actuelle, c'est 90% du salaire non indexé et vous avez arrêté là, mais en plus il y avait la différence quand le salaire était diminué et vous ne l'avez pas calculée dans vos exemples.

La Présidente (Mme Juneau): M. le ministre.

M. Fréchette: On n'allait pas le calculer, Mme la Présidente, parce que notre opinion, c'est qu'en vertu des dispositions actuelles de la loi, ce n'est pas pré.vu dans la loi.

M. Bisaillon: La réglementation provient de la loi.

M. Fréchette: Ce n'est pas une raison, cependant...

M. Bisaillon: C'était de la grandeur d'âme.

M. Fréchette: ...pour faire en sorte qu'arrive la situation dont parle le député de Sainte-Marie, c'est-à-dire que la Commission de la santé et de la sécurité du travail arrête demain matin d'appliquer ce programme de stabilité économique. La précaution que l'on prend, c'est d'inscrire dans la loi 42 des dispositions pour faire en sorte que, malgré tout éventuel jugement de n'importe quel tribunal, cette situation soit maintenant tout à fait claire, véridique, juridique et légale.

M. Bisaillon: Avant de passer à mon dernier commentaire, je voudrais juste terminer sur cette question. Si c'est là actuellement, le programme de stabilisation économique qu'on appelle...

M. Fréchette: Oui.

M. Bisaillon: ...est-ce que cela vient d'un règlement fait par la CSST?

M. Fréchette: Non, cela ne procède pas d'un règlement, Mme la Présidente. Vous savez, la CSST peut avoir de temps en temps des élans d'équité et de justice naturelle, malgré tout ce qu'on en dit. Cela procède d'une situation ou de situations constatées par la CSST qui l'ont amenée à la conclusion que dans l'état actuel des choses, avec les dispositions que contient l'actuelle Loi sur les accidents du travail, il y a des travailleurs qui, malgré une situation qu'ils n'ont jamais souhaitée, se retrouvent dans une condition telle qu'ils ne pourront même pas faire face au strict minimum nécessaire pour vivre. Par une directive administrative, de façon tout à fait discrétionnaire - pour une fois que la discrétion a été utilisée dans le bon sens - la commission en est venue à la conclusion qu'il fallait, dans ces cas-là, considérer que c'étaient des situations spéciales et, alors, retenir le mécanisme dont on parle. C'est ce mécanisme-là, encore une fois, qui s'applique dans certains cas déterminés par stricte discrétion et qui est, malheureusement, actuellement contesté devant les tribunaux.

Je vous dirai essentiellement que l'on retrouve cette directive administrative à l'intérieur d'un programme de réadaptation. C'est à partir d'un programme de réadaptation, qui n'a aucune assise juridique autre que la directive administrative, que le programme de stabilité économique a été

incorporé dans les politiques de la commission.

M. Bisaillon: Dernier commentaire, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Juneau): M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: Cela concerne une réflexion que le ministre a faite sur les coûts impliqués, à mesure que... On parlait de 100%. Il disait que cela représentait 80 000 000 $. Il semblait dire que je me fichais éperdument des coûts, ce n'est pas vrai. Ce n'est pas vrai, je ne me fiche pas des coûts qui sont engendrés par des mesures que l'on pourrait mettre sur pied. Cela me fait moins pleurer que d'autres, peut-être...

M. Fréchette: Je me suis mal exprimé.

M. Bisaillon: ...mais j'en tiens compte. La seule chose que je veux souligner au ministre, c'est qu'il nous a comparé, tantôt, les pourcentages qui étaient payés dans les autres provinces canadiennes pour démontrer que les 90% qu'on paie au Québec, c'est ce qu'il y a de plus élevé au Canada. Il nous a comparé cela avec l'Ontario, entre autres, qui était à 75%, si je me souviens bien.

M. Fréchette: Oui, 75%.

M. Bisaillon: Donc, 75% en Ontario. Or, les primes payées par les employeurs, en Ontario, sont supérieures à ce qui est versé ici, au Québec. Je veux bien qu'on parle des coûts, mais déjà les primes payées par les employeurs ont été réduites dans les années passées. On se prépare à les réduire encore . et, tant et aussi longtemps qu'on pourra le faire, je trouve qu'il faut le faire. Je ne vois pas pourquoi on irait chercher de l'argent dont on n'a pas besoin, mais il me semble que, s'il y a des avantages nécessaires pour réparer des torts qui ont été faits à des travailleurs, on ne doit pas lésiner non plus là-dessus, à même les sommes d'argent qui sont déjà là, compte tenu du fait qu'on est déjà en bas de tout ce qui se paie par les employeurs à l'extérieur.

Alors, je pense que c'est un argument dont il faut tenir compte. Il ne faut pas nous épouvanter constamment avec les coûts engendrés par les mesures. Les sommes dans les réserves de la CSST sont imposantes, les primes continuent à baisser pour les employeurs et il y a d'autres moyens qu'on pourrait prendre pour continuer à les faire baisser. Les moyens que l'on peut prendre pour continuer à les faire baisser, ce n'est pas nécessairement de diminuer les droits des travailleurs, ni ce qu'on va leur donner. Cela pourrait être, entre autres choses, d'intensifier la prévention et de faire diminuer les accidents du travail. Moins il va y avoir d'accidents du travail, moins cela va coûter cher. Cela est la logique et c'est exactement ce qu'on s'est dit quand on a fait la Loi sur la santé et la sécurité du travail.

La Présidente (Mme Juneau): M. le ministre.

M. Fréchette: Mme la Présidente, je suis heureux que le député de Sainte-Marie soulève cette question du taux de cotisation. Cela va nous permettre de communiquer un certain nombre de renseignements qui peuvent être fort utiles dans la discussion.

C'est vrai que l'Ontario est actuellement à un taux moyen de 2,16 $ et les dernières nouvelles, ce serait que, avec le prochain budget, cela pourrait rejoindre 2,25 $, 2,30 $, comme taux moyen les 100 $. Pourquoi? Uniquement et strictement parce que l'Ontario doit assumer le coût d'une dette de 4 900 000 000 $. Pourquoi y a-t-il là une dette de 4 900 000 000 $? Je n'en possède pas les détails, mais la vérité brutale, c'est que cette commission de la santé et de la sécurité du travail en Ontario fait face, actuellement, à ce déficit assez extraordinaire de 4 900 000 000 $. Pourquoi? Parce qu'elle n'a jamais pris la précaution de capitaliser son fonds actuariel. Elle a procédé en vertu de la formule "pay as you go" et, quand il n'y en aura plus, il y en aura encore, avec le résultat qu'on est maintenant, en Ontario, à ce déficit de 4 900 000 000 $. (17 h 30)

Laissez-moi terminer, si vous le permettez. Pourquoi, maintenant - non, je vous voyais avancer, vous aviez l'air de...

M. Bisaillon: Je m'avance, M. le ministre.

M. Fréchette: Pourquoi, maintenant, au Québec, sommes-nous à 1,89 $ les 100 $ assurables et allons-nous être à 1,88 $ le premier janvier prochain? Pour quelques motifs que vous allez me permettre de vous soumettre. D'abord, en 1974 ou 1975, le gouvernement du temps, pour des motifs que je n'ai pas à évaluer, du jour au lendemain, décrétait que, dorénavant, toutes les indemnités prévues en vertu des lois de réparation en santé et sécurité allaient être indexées. Cette décision gouvernementale du temps faisait en sorte que, du jour au lendemain, encore une fois, la Commission de la santé et de la sécurité du travail se retrouvait avec une dette qu'elle n'avait jamais envisagée, qu'elle n'avait pas prévue de 300 000 000 $. Du jour au lendemain. Il fallait, de toute évidence, prendre les dispositions nécessaires pour rencontrer les

exigences de cette dette, le service de la dette, tout ce qui entoure les obligations face à une situation de cette nature tout à fait imprévue. C'est en fonction de cela que le taux était, jusqu'à l'année dernière, de 2,16 $.

Qu'est-il arrivé à propos de la dette de 300 000 000 $? Le conseil d'administration de la CSST a décidé de la geler pour le moment. Elle est inscrite dans les livres, mais il n'y a pas de paiements qui se font sur cette dette pour précisément atteindre l'objectif de diminuer le taux de cotisation. Premier aspect.

Deuxièmement, le conseil d'administration de la CSST aaussi pris la décision de ne pas faire assumer par les employeurs actuels le coût total des politiques de prévention. Le raisonnement derrière cela est de dire: les politiques de prévention que l'on met sur pied actuellement dans les comités de santé et de sécurité à travers les entreprises vont servir aux employeurs du futur aussi et il n'est pas à nous seulement, employeurs actuels, d'assumer intégralement et totalement tous les coûts de la prévention. Au lieu d'imposer une cotisation à partir de l'évaluation de 100% des coûts de la prévention, la décision a été prise de ne charger que 90% des coûts réels de la prévention, à partir de ce raisonnement dont je parlais que les employeurs futurs doivent aussi contribuer au coût de la prévention.

Troisièmement, Mme la Présidente, pourquoi sommes-nous capables, au Québec, d'avoir ce taux de cotisation à 1,89 $? Parce qu'il y a un fonds actuariel capitalisé équivalant à peu près à 70% des obligations de la commission, de sorte que, toute chose étant normale, à moins qu'une catastrophe absolument inattendue ne se produise, nous n'allons jamais nous retrouver dans cette situation de l'Ontario, avec une dette qui approche les 5 000 000 000 $. Nous sommes actuellement équipés, économiquement parlant, pour faire face à toutes les actuelles obligations de la Commission de la santé et de la sécurité du travail. Cela m'apparaît une prudence tout à fait de bon aloi qui, en même temps, permet de ne pas indûment augmenter les taux de cotisation.

M. Bisaillon: Mme la Présidente, quand je me regarde, je me désole, quand je me compare, je me console, disait le ministre tantôt. Malgré toutes ces belles explications qu'il vient de me donner, fort pertinentes, très intéressantes, le fait demeure, et pour une fois on peut le dire: les employeurs ici sont moins pénalisés que les employeurs en Ontario. Peut-on le dire? Est-ce vrai de dire cela? Les employeurs paient plus cher en Ontario qu'au Québec. Est-ce vrai cela, M. le ministre? C'est vrai? Bravo pour la CSST! On l'a assez critiquée la CSST. Bravo pour la CSST du Québec! Malheureusement, cela n'est pas le cas en Ontario. On va les plaindre. Le fait demeure qu'ici les employeurs paient mois cher que les employeurs d'Ontario et qu'ils ont un fonds de réserve - vous nous l'avez dit tantôt -qui nous permet d'envisager toutes les éventualités qui vont se présenter dans l'avenir. À partir de cela, ne nous laissons pas arrêter par des broutilles de 20 000 000 $ ou 25 000 000 $ quand des droits de travailleurs sont concernés et quand on peut suppléer et améliorer un projet de loi. C'est tout ce que j'ai voulu dire. De tiens compte des coûts, mais cela ne me fait pas pleurer quand je me rends compte que les employeurs d'ici paient moins cher qu'en Ontario. Pour une fois que c'est le cas et qu'on peut continuer, à part cela, à baisser leurs cotisations, tant mieux si on peut le faire! Mais pas au prix d'empêcher les travailleurs d'avoir le maximum qu'on peut leur donner.

La Présidente (Mme Juneau): Je veux juste vous signaler qu'il est 17 h 36 è peu près, que M. Bisaillon a utilisé tout près de 25 minutes, M. Grégoire, 24 minutes, et M. Cusano n'a que 18 minutes; il a demandé la parole depuis un bon bout de temps.

M. Bisaillon: Je m'excuse.

La Présidente (Mme Juneau): Je pense que ce serait peut-être important de le laisser...

M. Cusano: Je n'ai pas...

M. Bisaillon: Vous ne vous êtes pas plaint?

M. Cusano: Non, non. M. Bisaillon: Bon!

M. Cusano: Non, non, je n'ai rien dit, Mme la Présidente. Je vous ai indiqué que j'avais l'intention de reprendre la parole.

La Présidente (Mme Juneau): Étant donné que vous étiez le porte-parole.

M. Cusano: Mais, si le député de Sainte-Marie me permettait de poser une question au ministre - parce qu'il ne vous a pas répondu - sur...

Une voix: J'en aurais une courte, après.

La Présidente (Mme Juneau): Tout de suite après.

M. Cusano: Vous avez fait une affirmation et le ministre n'a pas répondu. C'est qu'il est vrai, au Québec, que le taux

de cotisation est de 1,89 $ et je prends sa parole quand il dit qu'en Ontario le taux est de 2,25 $.

M. Fréchette: De 2,16 $.

M. Cusano: De 2,16 $, bon. Mais la question que je voudrais poser au ministre, c'est, en termes très pratiques... Parce que, lorsque l'on parle de taux de cotisation, cela me fait penser un peu au compte de taxes que je reçois chez moi. Vous savez, chaque fois que la ville où j'habite prépare son budget, elle annonce toujours des réductions de taux de taxation. Pourtant, quand je reçois mon compte, je paie plus que l'année antérieure.

La question que je veux poser au ministre: L'employeur de l'année dernière par rapport à l'employeur de cette année, toutes les conditions semblables, même nombre d'employés et ainsi de suite, est-ce que par le fait que, l'année dernière, il payait 2,05 $, je crois, si je ne me trompe pas...

M. Fréchette: 2,16 $. M. Cusano: Deux et? Une voix: 1,89 $.

M. Cusano: L'année précédente, d'abord; on va faire la comparaison avec une autre année, parce que c'était plus élevé que 1,89 $, à un certain moment.

M. Fréchette: 2,05 $.

M. Cusano: 2,05 $, bon. Si l'on pouvait réellement comparer des oranges avec des oranges et des pommes avec des pommes... Est-ce que c'est possible de le faire?

Une voix: Cela devrait!

M. Cusano: Oui, je pense que oui. Ce que je voudrais savoir, c'est si l'employeur, en réalité, ses contributions ont diminué lorsque le taux de cotisation a diminué.

M. Fréchette: Là, Mme la Présidente, vous me voyez tout embarrassé par cette question.

M. Cusano: Oui.

M. Fréchette: Quand vous avez un taux de cotisation de 2,05 $, et c'est pour couvrir le risque assumé par la loi, cela se réfère à la prévention, au comité de la santé et de la sécurité, à la réadaptation, vous avez un taux qui est fixé pour assumer un certain nombre de risques; ce taux était à 2,05 $ les 100 $ l'année dernière et il est maintenant à 1,89 $. Ce ne sont pas des choses qui s'étirent d'un côté ou de l'autre, ou par en haut ou par en bas. Ce sont des chiffres absolus. Votre prime d'assurance, si vous me permettez l'expression, coûtait 2,05 $ les 100 $ l'année passée et là, elle coûte 1,89 $ pour la même protection.

M. Cusano: Oui.

M. Fréchette: Alors, je ne suis pas capable de voir le sens de la question du député de Viau: Est-ce que cela coûte plus?

M. Cusano: Je vais préciser...

La Présidente (Mme Juneau): M. le député de Viau.

M. Cusano: ...Mme la Présidente...

Une voix: II faudrait voir si c'est pour la même protection.

M. Fréchette: Ah bien, cela, on peut discuter là-dessus, oui.

M. Cusano: Non, mais considérant que tout est égal, M. le député de Sainte-Marie, est-ce que la masse salariale assurable a changé depuis?

M. Fréchette: Oui.

M. Cusano: Et l'augmentation... Alors, laissez-moi préciser pour que le ministre réponde bien à ma question et non pas à une autre question. Est-ce que la masse salariale a augmenté selon l'indice du coût de la vie?

M. Fréchette: Mme la Présidente, la masse salariale...

La Présidente (Mme Juneau): M. le ministre.

M. Fréchette: ...a augmenté en Ontario, la masse salariale a augmenté au Québec et la masse salariale a augmenté partout.

M. Cusano: Oui. Est-ce que le ministre me permettrait une question? Je m'excuse de vous interrompre, mais la masse salariale assurable au Québec, c'est 33 000 $. Est-ce bien cela?

M. Fréchette: Actuellement, le maximum assurable est de 33 000 $ au Québec...

M. Cusano: Le rnaximun... En Ontario. M. Fréchette: 31 000 $, je m'excuse.

M. Cusano: 31 000 $, mais je crois...! me semble avoir vu un amendement où cela est amené à 33 000 $.

M. Fréchette: L'an prochain, cela sera 33 000 $ si la loi est adoptée dans sa...

M. Cusano: Si la loi est adoptée, on passe à 33 000 $. De combien est la masse salariale en Ontario, la masse assurable?

M. Fréchette: Le maximum assurable? Attendez un petit peu, je vais vous trouver cela.

Alors, on peut même déborder de l'Ontario. Cela peut être utile de connaître les situations des autres provinces.

M. Cusano: Certainement. M. Fréchette: En 1984...

M. Cusano: Oui, parce qu'il y a eu un virage fédéraliste.

M. Fréchette: En 1984, en Colombie britannique, le maximum était de 30 200 $; en Alberta de 40 000 $, 33 000 $ en Saskatchewan, 28 000 $ au Manitoba, 26 800 $ en Ontario, 31 500 $ au Québec et, au Québec, c'est toujours, et de façon automatique, 150% du salaire moyen; 27 500 $ au Nouveau-Brunswick, 17 000 $ à l'Île-du-Prince-Édouard, 19 000 $ en Nouvelle-Écosse, 45 500 $ à Terre-Neuve et au Labrador, et 27 000 $ au Yukon.

M. Cusano: Si je comprends bien, M. le ministre, on va essayer de simplifier la chose.

Prenez un employeur avec 100 employés dont, dans le temps, le taux de cotisation était de 2,05 $, si on prend ce même employeur aujourd'hui, avec un taux de cotisation de 1,89 $, est-ce qu'il paie plus ou moins en chiffres absolus? En d'autres mots, son chèque qu'il doit envoyer à la CSST est de combien? A-t-il augmenté de façon proportionnelle aux salaires ou est-ce qu'il y a eu une diminution? Parce qu'en réalité, si le taux baisse, il devrait avoir une diminution aussi dans le montant final qu'il envoie a la CSST.

M. Fréchette: Alors, Mme la Présidente, sous une autre forme, je vais donner la même réponse au député de Viau.

Les chiffres absolus sont suffisamment éloquents, il me semble, pour arriver à la conclusion que les coûts pour les employeurs ont diminué au Québec. C'est évident que, lorsque la masse salariale augmente en Ontario, elle augmente aussi au Québec. Les proportions peuvent varier suivant l'état de l'économie de l'une ou l'autre des deux provinces, mais cela augmente de la même façon dans certains cas, et cela peut être différent.

Prenons le cas où les masses salariales augmentent en Ontario et au Québec dans une même proportion et retenons, par exemple, un chiffre de 5% d'augmentation. Le phénomème qui va se produire à cause des circonstances, des événements et des faits dont j'ai parlé tout à l'heure, ces 300 000 000 $ de dettes qui sont gelés, le fait que le coût de la prévention n'est pas tellement assumé, le fait que le fonds actuariel est suffisamment capitalisé pour faire face aux obligations, alors qu'en Ontario c'est tout à fait le contraire qui se produit, le phénomème sur lequel on va déboucher, c'est qu'en Ontario cela va augmenter la cotisation et qu'ici cela va la diminuer, même si la masse salariale augmente.

M. Cusano: Laissons faire pour un instant...

La Présidente (Mme Juneau): Le député de Viau.

(17 h 45)

M. Cusano: ...la question... Peut-être qu'on ne se comprend pas. Je vais essayer de le mettre dans des mots très simples. Je vous ai posé la question, à savoir si on prenait un employeur avec 50 employés durant la période où la cotisation était de 2,05 $. On prend le même employeur avec les mêmes employés et maintenant que c'est 1,89 $, est-ce que le chèque qu'il doit envoyer à la CSST a augmenté? De quelle proportion a-t-il augmenté vis-à-vis des augmentations salariales? Est-ce que la proportion est la même?

Un autre mot, M. le ministre. S'il y a eu une augmentation de 10% de salaire, est-ce que le montant qui est envoyé à la CSST correspond à 10% par rapport à l'année précédente ou est-il supérieur à 10%? C'est cela ma question précise.

La Présidente (Mme Juneau): M. le ministre.

M. Fréchette: Mme la Présidente, je voudrais simplement vous signaler qu'il ne faut pas perdre de vue le système de mérite et de démérite qu'on a dans nos lois. Lorsque la masse salariale augmente, il va arriver qu'à partir des mécanismes qui sont utilisés pour fixer un taux de cotisation moyen, il va arriver que l'employeur qui a, entre guillemets, un bon dossier, chez qui les accidents n'ont pas été nombreux - ou il n'y en a pas eu du tout, ou alors cela a été des accidents qui n'ont pas occasionné trop de dommages - celui-là, en chiffres absolus, va payer moins - on va en convenir - à un taux moyen de 1,89 $ par rapport à un taux moyen de 2,05 $.

L'employeur, par ailleurs, chez qui on dénombrerait plusieurs accidents, et des accidents sérieux, il peut arriver, il n'est pas à exclure que pour lui le taux de cotisation

ait augmenté.

M. Cusano: En cela, M. le ministre, je suis complètement d'accord. Je suis au courant du système de mérite et de démérite. Ce n'est pas cela qu'était ma question.

M. Fréchette: Dans l'ensemble, il paie moins.

M. Cusano: Dans l'ensemble, il paie moins.

M. Fréchette: C'est bien clair. M. Cusano: C'est bien.

La Présidente (Mme Juneau): Est-ce que les interventions sont terminées sur le chapitre? M. le député de Frontenac.

M. Grégoire: Oui, j'aurais juste une question d'information. Je ne sais pas si les journaux l'ont bien rapports, mais la Cour supérieure et la Cour d'appel se seraient prononcées sur la manière...

M. Fréchette: Sur l'assurance automobile.

M. Grégoire: ...sur l'assurance automobile, la manière de constater les dommages personnels, la perte de...

M. Fréchette: La façon de liquider les dommages.

M. Grégoire: ...jouissance ou...

M. Fréchette: Jouissance de la vie, préjudice esthétique, degré d'incapacité.

M. Grégoire: C'est cela. Je m'aperçois que dans vos indemnisations, ici, après avoir écouté tout cela, vous suivez un peu le même modus operandi que...

M. Fréchette: Pas du tout.

M. Grégoire: ...la Régie de l'assurance automobile. Est-ce que ces jugements peuvent avoir des effets sur.... C'est ce que je voulais vous demander. Est-ce que ces jugements peuvent avoir des effets sur la loi 42, étant donné que la Régie de l'assurance automobile a décidé de s'adapter un peu à ces jugements?

La Présidente (Mme Juneau); M. le ministre.

M. Fréchette: Mme la Présidente, je suis très au fait de ce jugement dont parle le député de Frontenac. Effectivement, c'est un jugement qui a été rendu à la Cour supérieure du district de Saint-François par M. le juge Fortin, probablement un jugement récent, juste avant de prendre sa retraite. Ce jugement du juge Fortin a été confirmé par la Cour d'appel à l'unanimité, je pense, et la Cour d'appel a indiqué à la Régie de l'assurance automobile que les critères qu'elle utilisait pour arriver à déterminer le montant des dommages auquel peut avoir droit un accidenté n'étaient pas correctement déterminés.

Avant même que ce jugement ne soit rendu par la Cour supérieure, confirmé par la Cour d'appel, nous avions, quant à nous, pris les dispositions nécessaires pour répondre aux exigences contenues dans le jugement du juge Fortin et dans le jugement de la Cour d'appel.

Nous avons une tête de chapitre qui s'appelle: dommages corporels, et cette tête de chapitre est divisée en trois colonnes, l'une se référant au déficit anatomophysiologique, l'autre se référant au préjudice esthétique et la troisième colonne se référant à la perte de jouissance de la vie. C'est très précisément ce que la cour a indiqué à la régie en termes d'obligations, de mécanisme ou de processus à retenir pour arriver à évaluer globalement le dommage corporel dont peut être atteint un accidenté du travail. Le mécanisme que l'on retient satisfait aux exigences de ces deux jugements de la Cour supérieure et de la Cour d'appel.

La Présidente (Mme Juneau): Cela va, M. le député? Oui, M. le député.

M. Perron: Une question très brève se rapportant aux tableaux qui nous furent déposés et expliqués cet après-midi par le ministre du Travail. Dans tous les exemples qui furent donnés, on mentionne à un moment donné le forfaitaire. Est-ce que le ministre pourrait expliquer de quelle façon on a établi les montants forfaitaires, selon les exemples qui ont été donnés?

M. Fréchette: Mme la Présidente, pour répondre à la question du député de Duplessis, je lui dirai essentiellement ceci, au risque de me répéter un peu: il faut donc retenir que la tête de chapitre, c'est "dommages corporels". À partir de cela, il faut tenir compte de son âge, du salaire que gagnait l'accidenté - oublions le salaire, son âge - et les trois autres phénomènes dont je viens de parler, c'est-à-dire son degré d'incapacité, ce qu'on est convenu d'appeler le DAP, le déficit anatomophysiologique, le préjudice esthétique que lui occasionne l'accident et, finalement, la perte de jouissance de la vie. Cela fait trois colonnes et, à l'intérieur de chacune de ces colonnes, on va mettre un chiffre et de ces trois chiffres va sortir un chiffre unique qui va

être le barème à partir duquel le montant forfaitaire va être déterminé.

La Présidente (Mme Juneau): Cela va-t-il? Les discussions sont-elles terminées sur ce chapitre? Étant donné l'heure, souhaiteriez-vous entreprendre l'article 41 ou attendre après la suspension qui sera à 20 heures? M. le député de Viau.

M. Cusano: Je n'ai qu'une question sur la demande que j'avais formulée. Le tableau pour l'employé...

M. Fréchette: On l'a complété. On va vous le remettre.

M. Cusano: C'est terminé, oui?

M. Fréchette: Oui, cela doit être complété. Mme la Présidente, je suis tout à fait disposé à considérer qu'il est 18 heures. Est-ce que nous tenons pour acquis qu'à notre retour, à 20 heures, nous entreprenons l'étude article par article...

La Présidente (Mme Juneau): C'est cela.

M. Fréchette: ...suivant l'entente qui avait été convenue?

La Présidente (Mme Juneau): C'est cela.

M. Cusano: Nous permettrez-vous quelques petites questions sur le tableau que vous allez nous fournir?

M. Fréchette: Bien, là, allons-y d'ici 18 heures.

M. Cusano: Mme la Présidente, je suis en train de faire quelques petits calculs sur le tableau, vous me permettez?

La Présidente (Mme Juneau): Cela va, M. le député?

M. Cusano: ...l'exemple...

La Présidente (Mme Juneau): M. le député de Viau.

M. Cusano: On voit que la valeur totale des indemnités selon la loi présente est à 14 501 $ et, dans le projet de loi, elle est à 8349 $. Alors, il est perdant.

M. Fréchette: En chiffres absolus, il est perdant, c'est exact, mais il retourne au même emploi. C'est l'exemple que vous nous avez donné. Vous nous avez demandé de simuler un cas à partir d'une situation où l'accidenté retourne au travail. Dans ce cas-ci, exactement comme dans l'exemple 3, en chiffres absolus, l'indemnité totale va être moindre que dans la loi actuelle. C'est le seul des six cas qu'on a donnés en exemple.

M. Cusano: Je réalise cela, mais c'est parce que je reviens toujours à la question de tout à l'heure. C'est que les chiffres du rapport actuaire indiquent autrement.

M. Fréchette: Dernière observation, Mme la Présidente. Quand on parle du forfaitaire de 4362 $, c'est évident qu'on ne tient pas compte du fait que quelqu'un qui est en mesure de le faire, ou qui est suffisamment prudent pour le faire, peut faire fructifier ces 4362 $ en les plaçant à un bon taux d'intérêt.

M. Cusano: Oui, il peut aussi acheter des Loto-Québec et les faire fructifier de façon énorme.

La Présidente (Mme Juneau): Messieurs, je vous signale qu'il est 18 heures et que nous suspendons nos travaux jusqu'à 20 heures et, à 20 heures, nous reprendrons article par article, à l'article 41.

(Suspension de la séance à 17 h 58)

(Reprise à 20 h 6)

La Présidente (Mme Juneau): Nous avons constaté le quorum. Je déclare maintenant la séance ouverte et le mandat de la commission est de procéder à l'étude détaillée du projet de loi 42, Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.

M. Fortier: Mme la Présidente, une question de règlement.

La Présidente (Mme Juneau): Oui, M. le député; j'allais vous donner la parole, M. le député d'Outremont. J'aurais...

M. Fortier: Cela sera très bref, Mme la Présidente. C'est qu'on m'a informé qu'un document nécessitait l'approbation ou l'autorisation du président par intérim, c'est-à-dire le vice-président de la commission, et, bien sûr, il me fait plaisir de le déposer pour respecter les règlements de la Chambre.

La Présidente (Mme Juneau): Merci. C'est le document de la Commission d'accès à l'information qui a été déposé avant-hier. Merci, M. le député d'Outremont. La parole était au député de Viau.

M. Cusano: Excusez-moi, Mme la Présidente, je suis un peu essoufflé, il a fallu que je coure de mon bureau. Je sais qu'on ne peut pas soulever de questions de

privilège en commission, mais c'est une question de règlement et j'ai le droit de soulever une question de règlement. J'aimerais que le ministre nous donne la formule qu'il a employée pour en arriver au fameux montant forfaitaire, lorsqu'il a calculé le montant pour l'individu de 30 ans qui recevait le salaire minimum. Selon mes calculs et des vérifications que j'ai faites auprès d'autres personnes, je n'arrive pas tout à fait au même résultat. J'aimerais bien savoir de la part du ministre comment il arrive à déterminer le montant forfaitaire, selon la loi actuelle.

M. Fréchette: Mme la Présidente...

M. Cusano: C'est que, si vous me permettez, vous dites "le montant forfaitaire"... J'aimerais savoir plus précisément, si on prend l'exemple que vous appelé l'exemple 3a, quel serait le montant capitalisé de la rente à vie de 15,33 $ pour un individu de 30 ans qui gagnait un salaire de 9200 $ par année.

La Présidente (Mme Juneau): M. le député de Viau, vous aviez dit: une seule question. C'est la question que vous posez parce que nous avions convenu avant le souper...

M. Cusano: Oui, je comprends, Mme la Présidente, mais, suivant la réponse du ministre, cela peut changer plusieurs autres choses sur ce qui a été dit jusqu'à maintenant sur la question des indemnités de remplacement de revenu.

M. Fréchette: Mme la Présidente, je n'ai vraiment pas d'objection à m'engager dans ce processus, mais l'entente que nous avons prise ce matin et qui a été confirmée à 10 heures, à la suspension de nos travaux, est en train, encore une fois, malheureusement...

M. Cusano: Une question de règlement, Mme la Présidente.

M. Fréchette: ...de ne tourner à rien ou à peu près rien.

M. Cusano: Non, je pense que c'est capital.

M. Fréchette: C'est capital, mais cela déborde l'entente qu'on a prise.

M. Cusano: Laissons de côté l'exemple 3a. J'avais demandé au ministre, sur l'exemple 3, si la rente à vie, qui était calculée à 36,68 $ par semaine, une fois capitalisée... J'avais avancé le montant de 5850 $. Le ministre m'a corrigé et m'a dit que c'était 5805 $. Est-ce qu'il maintient encore ce montant comme étant le montant d'une rente de 36,68 $ par semaine capitalisée pour un individu de 30 ans gagnant un salaire de 28 000 $?

M. Fréchette: Mme la Présidente, nous avons aussi à l'occasion du lunch pris le temps de réévaluer l'ensemble de la situation et les conclusions auxquelles nous en arrivons, qui ne sont pas précisément celles auxquelles nous en arrivions cet après-midi, c'est qu'il n'y aurait qu'à l'exemple 6 où la conversion en capital peut se faire. Dans les autres cas, dans les conditions actuelles de la loi, la conversion en capital ne peut pas se faire parce que la rente mensuelle est supérieure à 90 $.

M. Cusano: Mais, dans ce cas-là, est-ce que le ministre pourrait nous... C'est toujours dans l'esprit de collaboration.

M. Fréchette: Oui, je trouve cela d'un naturel absolument extraordinaire, c'est effrayant.

M. Maltais: C'est bien, M. le ministre.

M. Cusano: M. le ministre, nous avons vécu beaucoup d'heures ensemble. Je suis sûr que nous allons en vivre beaucoup d'autres et je pense que l'esprit de coopération doit régner... C'est-à-dire que, comme j'avais dit en Chambre, si le ministre est prêt à amener certains changements à la loi, je pense que cela peut être assez court. Mais, si on prend justement l'exemple numéro 6, est-ce qu'on pourrait me dire quel sera le montant que l'individu pourra recevoir, une fois que la rente à vie de 15,64 $ par semaine sera capitalisée? Et plus précisément, j'aimerais, pour faciliter la compréhension pour en arriver à un tel montant, savoir si le ministre peut nous dire quelle est la formule qui est employée, la formule mathémathique, "the algebraic equation".

M. Fréchette: Mme la Présidente, je comprends que malgré l'entente dont tout le monde...

M. Cusano: Mme la Présidente, si le ministre ne désire pas répondre à mes questions, je n'insisterai pas plus que cela. Alors, ce n'est pas une question d'essayer de déroger de l'entente qu'on avait prise, c'est juste une question, cela m'a frappé, à la suite de l'exemple qu'il nous a donné, l'exemple 3a, qui a été donné à 19 h 55 précises et que je n'ai pas eu l'occasion... C'est vrai qu'il y avait eu entente, mais, si le ministre ne veut pas donner la réponse à cela, on attendra en temps et lieu parce qu'il y aura certainement d'autres articles qui vont nous donner la possibilité de lui

poser la même question. C'est juste, je pense, pour pouvoir...

M. Fréchette: Quelle est la question précise?

M. Cusano: Je voudrais savoir quelle formule vous employez pour en arriver, en prenant l'individu qui est mentionné à l'exemple numéro 6, lui qui reçoit, selon l'exemple, une rente hebdomadaire de 15,64 $, j'aimerais savoir, si cette personne décide de capitaliser cette rente, quelle est la formule qui est employée. Deuxièmement, qu'on me dise quel est le montant de ce montant capitalisé.

M. Fréchette: Alors, Mme la Présidente, la formule qui est utilisée est celle que l'on retrouve à l'annexe E de l'actuelle Loi sur les accidents du travail, d'une part, et quel est le montant qui serait converti? Comme cette rente viagère dont on parle est de 68,00 $ par mois, si la conversion se fait en capital, cela donne une rente de 9043 $ à partir du mécanisme de l'annexe E de l'actuelle Loi sur les accidents du travail.

M. Cusano: 9043 $, c'est bien, mais, si on arrive à l'exemple 3a, la rente à vie indexée de 15,33 $, qui est un peu inférieure à 15,64 $, cela ne devrait pas faire une grande différence, mais peut-être que le vice-président de la CSST pourrait nous dire exactement quel montant cela ferait. (20 h 15)

M. Fréchette: Prendre 3a et le convertir en capital?

M. Cusano: Oui.

M. Fréchette: Toujours à partir des mécanismes prévus à l'annexe A de la loi des accidents de travail, c'est une rente de 66 $ par mois. Quand on fait la conversion en capital, on arrive au total de 10 514 $.

M. Cusano: C'est 10 514 $? M. Fréchette: Voilà.

M. Cusano: Versus un montant forfaitaire de 8349 $?

M. Fréchette: Non. 4362 $.

M. Cusano: Cela veut dire que, selon la loi actuelle, je veux bien qu'on se comprenne, M. le ministre, le même accidenté, s'il capitalise sa rente actuelle, il va recevoir 10 514 $ et, selon le projet de loi, il va recevoir 4362 $. C'est bien cela que vous dites?

M. Fréchette: C'est exactement ce que je dis, Mme la Présidente.

M. Cusano: Merci, M. le ministre.

M. Fréchette: Permettez maintenant, puisque le député de Viau a ouvert la porte, qu'on y entre. Quand on fait la conversion d'une rente en capital, il est évident, Mme la Présidente, qu'on va tenir compte de toute l'expectative de vie. On va l'évaluer sur un nombre considérable d'années. Si le député de Viau voulait pousser son raisonnement jusqu'à la limite, prendre un crayon, un papier, le montant de 4362 $ et faire le calcul de ce que ce montant signifierait après 20 ans ou 25 ans, en produisant des intérêts normaux, il va constater qu'on est considérablement proche du même montant.

M. Cusano: M. le ministre, peut-être que je suis dur de comprenure, ce n'est pas ma faute. On prend l'exemple 3a. En ce qui regarde l'indemnité temporaire, dans le projet de loi actuel, elle est de 153,33 $. Dans le nouveau projet de loi, on change de nom, c'est la seule chose qu'on fait, parce que cela existe déjà l'indemnité totale temporaire à la CSST. Là, on l'appelle indemnité de remplacement de revenu. Cela me rappelle lorsque Esso, aux États-Unis, a changé de nom pour Exxon. Il y a des gens qui disaient: "The name has changed but it is the same old gas." L'indemnité de remplacement de revenu est de 153,33 $ par semaine selon le projet de loi. Le travailleur revient à son emploi et, selon les deux projets de loi, il reçoit la même chose, excepté que le projet de loi actuel va lui donner 15,33 $ par semaine, s'il capitalise. Quand vous capitalisez, c'est un montant forfaitaire que vous recevez, non? À ma connaissance, ce ne sont pas des paiements mensuels. C'est un "lump sum payment". Avec la loi actuelle, il va recevoir 10 514 $ et, avec le projet de loi qui est proposé, il va recevoir 4362 $. C'est bien cela?

M. Fréchette: Mme la Présidente, le député de Viau est en train de faire la démonstration de ce que je me suis évertué à essayer de faire depuis le début de nos travaux. C'est que, dans le cas d'un accidenté du travail qui, après la consolidation et la réadaptation, est en mesure de reprendre son emploi, comme c'est notre cas ici, il y a effectivement, en dollars absolus, un montant d'argent moins élevé que dans la loi actuelle. Il ne fait qu'illustrer ce que je dis depuis ce matin, Mme la Présidente.

M. Cusano: M. le ministre, considérant tous les programmes qui existent à la CSST, à toutes fins pratiques, le gars qui est accidenté présentement va recevoir les

mêmes avantages que par le projet de loi 42. Si on prend la loi actuelle et avec tous les projets pilotes ou directives - appelez-les comme vous voulez - il va recevoir la stabilisation - comment appelle-t-on cela - la stabilisation économique? Cela revient à la même chose. J'essaie de comparer cela et, à la fin du compte, j'arrive à la conclusion que, selon le projet de loi actuel, dans le cas de 3a, c'est la personne qui travaille au salaire minimum. C'est que le projet de loi 42, au lieu de lui donner un montant forfaitaire, une capitalisation - ce sont des mots différents, c'est ce que je conclus -mais cela veut dire que le gars va recevoir un chèque de la CSST. Sous le régime actuel, il va recevoir 10 514 $, mais le même gars, le même accidenté, dans les mêmes conditions, sous le projet de loi 42, il va recevoir, à part ce qui est commun aux deux projets de loi, 4362 $. J'aimerais que le ministre me dise si j'ai raison ou si j'ai tort.

M. Fréchette: C'est la troisième fois que je dis oui, Mme la Présidente,

M. Cusano: J'ai posé deux questions. Est-ce que j'ai raison ou j'ai tort?

M. Fréchette: Vous avez raison. M. Cusano: Merci.

La Présidente (Mme Juneau): Là, est-ce que l'on peut appeler l'article 41? Je dirais: "The time is passed but it is the same old gang"'

M. Bisaillon: Voulez-vous répéter cela, Mme la Présidente, s'il vous plaît?

La Présidente (Mme Juneau): C'est pour revenir à la même chose que le député de Viau.

Une voix: Oh boy!

Droit à l'indemnité de remplacement du revenu

La Présidente (Mme Juneau): Est-ce qu'on adopte l'article 41?

Une voix: Adopté.

M. Cusano: Que le ministre nous présente justement... Est-ce qu'il y a des amendements, Mme la Présidente?

La Présidente (Mme Juneau): Non, pas pour l'article 41.

M. Fréchette: De l'article 41 jusqu'à l'article 47, il n'y a pas d'amendement.

M. Cusano: Un instant, si je peux organiser mes papiers, vous me permettez.

La Présidente (Mme Juneau): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: J'aurais une question, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Juneau): Concernant l'article 41?

M. Fortier: Oui.

La Présidente (Mme Juneau): Cela va.

M. Fortier: Le deuxième paragraphe de l'article 41 dit ceci: "Le travailleur qui n'a plus d'emploi lorsque se manifeste sa lésion professionnelle a droit à cette indemnité s'il devient incapable d'exercer l'emploi." Il n'y a aucun laps de temps qui est mentionné. Certains ont cru que ce n'était peut-être pas raisonnable et qu'on devrait préciser que la lésion est survenue dans le cadre d'un emploi qu'il a détenu dans les trois mois précédant la manifestation de la lésion. J'imagine, s'il est en chômage, qu'il a pu avoir une lésion pendant qu'il était inoccupé pendant un certain nombre de mois. On a précisé, dans des articles, qu'il fallait qu'il s'agisse d'une lésion qui arrivait alors que la personne était à l'emploi d'un employeur, tandis qu'ici il y a une présomption; on dit: "Le travailleur qui n'a plus d'emploi lorsque se manifeste sa lésion professionnelle a droit à cette indemnité." Il ne semble pas y avoir de relation de cause à effet entre le moment où il a été employé et la lésion qui s'est manifestée par la suite.

M. Fréchette: Mme la Présidente...

La Présidente (Mme Juneau): M. le ministre.

M. Fréchette: ...je voudrais simplement attirer l'attention du député d'Outremont sur le fait que le deuxième paragraphe de l'article 41 réfère, de façon plus spécifique, aux maladies professionnelles plutôt qu'aux accidents du travail.

Alors, je n'ai pas plus d'expertise qu'il le faut mais, ayant été élevé dans une ville d'amiante, je suis en mesure de vous dire que l'amiantose peut se manifester cinq, dix ou quinze ans après que le travailleur s'est retiré du milieu ambiant. C'est la même situation dans le cas de l'aggravation ou bien d'un accident du travail comme tel, ou alors d'une maladie professionnelle. C'est la seule raison, qui me semble, quant à moi, en tout cas, tout à fait suffisante, pour laquelle le paragraphe 2 de l'article 41 est là.

M. Fortier: Dans le cas d'une lésion

professionnelle qui dériverait d'une maladie professionnelle, je serais d'accord.

Maintenant, la définition de la lésion professionnelle est plus...

M. Fréchette: Ce sera à l'article 2 du projet de loi lorsqu'on l'aura adopté.

M. Fortier: Oui.

M. Fréchette: La lésion professionnelle comme telle couvre à la fois l'accident et la maladie professionnelle, couvre les deux concepts.

M. Fortier: Mais est-ce que le ministre croit, même si on est d'accord avec la lésion professionnelle qui dériverait d'une...

M. Fréchette: Maladie.

M. Fortier: ...maladie professionnelle...

M. Fréchette: Oui.

M. Fortier: ...le ministre est d'accord pour dire que la définition de la lésion professionnelle pourrait sous-entendre un autre genre de lésion qui serait subséquent à un accident, donc...

M. Fréchette: Oui, c'est cela, c'est l'aggravation dont on parle...

M. Fortier: Oui.

M. Fréchette: ...autant de la maladie professionnelle que...

M. Fortier: Mais je pensais...

M. Fréchette: ...d'un accident de travail.

M. Fortier: ...à l'exemple idiot que j'ai en tête, c'est le mal de dos. Quelqu'un...

M. Fréchette: Oui.

M. Fortier: ...est en chômage et dit: J'ai un mal de dos, donc c'est dû au fait que, alors que je travaillais, j'ai travaillé trop fort. Est-ce que...

M. Fréchette: Évidemment, il n'y a rien qui exclurait qu'un travailleur qui se retrouverait dans cette situation et qui prétendrait, à tort ou à raison, que son mal de dos a une relation avec la nature ou les conditions de travail dans lesquelles il était essaie de présenter une réclamation à la Commission de la santé et de la sécurité du travail. Il devra, évidemment, traverser les étapes, la première étant d'obtenir une attestation médicale qu'il y a d'abord traumatisme de quelque nature que ce soit et, deuxièmement, relation de cause à effet entre le traumatisme dont on parle et le travail que faisait l'accidenté. S'il peut obtenir cette preuve prima facie, il pourra, évidemment, enclencher le processus de réclamation et les instances décisionnelles détermineront, à la fin des recours, s'il a raison ou s'il a tort.

Cela peut être le genre de situation qui soit couvert par ce qu'est en train de nous dire le député d'Outremont.

La Présidente (Mme Juneau): Est-ce que vous avez terminé, M. le député? M. le député de Viau.

M. Cusano: M. le Président...

La Présidente (Mme Juneau): Madame...

M. Cusano: C'est parce que vous ne portez pas votre rouge comme l'autre jour.

M. Fréchette: Elle y tient beaucoup. M. Cusano: Mme la Présidente... Une voix: Cela lui va mieux aussi. M. Fréchette: Oui.

M. Cusano: Je comprends que par le premier paragraphe la seule chose qui change de la loi actuelle, c'est simplement l'indemnité de remplacement du revenu.

Dans la pratique, on sait ce qui se produit présentement lorsqu'on donne des indemnités pour ce qu'on appelle incapacité totale temporaire médicale. C'est juste une question d'appellation et on ne passera pas des heures là-dessus.

Lr deuxième paragraphe, je crois, tel qu'il est écrit, porte à confusion. Je suis sûr que le député de Sainte-Marie va probablement intervenir, en ce sens que c'est une loi qui est faite pour les travailleurs, pas nécessairement pour des avocats ou des notaires ou d'autres personnes.

Lorsqu'on commence à lire à la première ligne: "Le travailleur qui n'a plus d'emploi", je présume que dans l'esprit du ministre il parle justement d'un individu qui n'a plus d'emploi à la suite d'une maladie professionnelle. "Le travailleur qui n'a plus d'emploi": si j'étais chômeur présentement, je n'aurais plus d'emploi. Est-ce que cela veut dire qu'une personne, selon le deuxième paragraphe, qui est chômeuse pendant trois, quatre, cinq, six, sept, huit, douze mois, tout à coup, peut dire: Voici - comme le député d'Outremont l'a mentionné - un mal de dos qui s'est développé, alors j'aurais le droit à une indemnité de remplacement du revenu.

La Présidente (Mme Juneau): M. le

ministre.

M. Fréchette: Mme la Présidente, c'est assez extraordinaire si on n'a pas la même lecture d'un même texte. Le paragraphe 2 de l'article 41 qui commence par les mots: "Le travailleur qui n'a plus d'emploi" ne particularise ni ne détermine d'aucune espèce de façon le ou les motifs pour lesquels il n'a plus d'emploi. Ce peut être un licenciement, ce peut être un congédiement, ce peut être une mise à pied, ce peut être une maladie ordinaire, ce peut être une maladie professionnelle, ce peut être un accident du travail. Il n'a plus d'emploi et on ne qualifie d'aucune espèce de façon.

La crainte du député de Viau, que le député d'Outremont a alimentée un petit peu tout à l'heure, c'est de dire: Cela serait bien effrayant si après dix mois...

M. Bisaillon: Personnellement j'enlèverais "un petit peu".

La Présidente (Mme Juneau): Un instant, s'il vous plaît, M. le député.

M. Fréchette: Cela serait bien effrayant si, après dix mois, il fallait qu'un travailleur présente une réclamation à la Commission de la santé et de la sécurité du travail parce que, même ayant été absent du travail pendant une période d'une année, il se retrouve avec des malaises, une maladie ou une aggravation d'un accident, même après douze mois.

Si c'est cela que le député de Viau est en train d'essayer de nous démontrer, je vais lui dire très clairement qu'on n'est pas, évidemment, de la même opinion. Je vous disais tout à l'heure, à partir de l'exemple de la maladie professionnelle de l'amiantose, qu'il y a de ces maladies qui ont été diagnostiquées un an, deux ans, trois ans, quatre ans et cinq ans après que le travailleur eut quitté l'emploi. C'est ce genre de situation que le paragraphe 2 de l'article 41 veut viser.

À moins que le député de Viau me dise: Après trois mois, on devrait tout arrêter cela et, quoi qu'il arrive, trois mois après avoir laissé l'emploi, on n'ouvre plus aucun dossier. (20 h 30)

La Présidente (Mme Juneau): M. le député de Viau,

M. Cusano: Ce n'est pas cela que je dis, M. le ministre. Je dis que le deuxième paragraphe ouvre la porte, justement, à des abus. Je ne parle pas des maladies professionnelles, de l'amiantose, je ne parle pas de cela, M. le ministre. Il me semble que si je lis: "Le travailleur qui n'a plus d'emploi", et, tout d'un coup, il développe... Vous savez, en commission parlementaire, on a entendu des gens du côté patronal, et même du côté syndical, dire que leur préoccupation était la question des abus. J'ose espérer que ce n'est pas la règle générale, mais ce sont les abus qui frustrent un peu tout le monde qui est impliqué dans cette question de la santé et de la sécurité du travail, les indemnités qui en découlent.

L'interprétation que je donne à ce deuxième paragraphe, c'est que l'individu qui est en chômage se verrait très bien, tout d'un coup... et on sait fort bien combien de maux de dos il y a de déclarés à la CSST; je ne voudrais pas demander encore des chiffres au vice-président, mais on sait que le nombre de maux de dos est vraiment considérable. Je demande au ministre: Est-il d'accord avec le fait que, de la manière que le deuxième paragraphe est écrit, cela peut ouvrir la porte à des chômeurs qui se voient devant une situation - Dieu sait que la situation économique au Québec n'est pas rose, même si on a des spectacles roses un peu partout et qui coûtent énormément cher, des cravates roses, mais je remarque que le ministre a une cravate...

La Présidente (Mme Juneau): On est au ministère du Travail, M. le député.

M. Cusano: Oui, on est au ministère du Travail.

C'est que la précision que j'aimerais avoir du ministre à ce moment-ci - je pense que cela demanderait la réécriture de ce deuxième paragraphe - c'est qu'on spécifie que cela vise les maladies professionnelles. Qu'on le dise.

M. Fréchette: Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Juneau): M. le ministre.

M. Fréchette: Je voudrais rappeler, aussi sereinement et calmement qu'il est possible de le faire, au député de Viau que l'article 2 de la loi contient une disposition qui donne une définition de la lésion professionnelle et cette définition réfère aussi bien à une maladie professionnelle qu'à un accident du travail. Alors, quand le député de Viau nous demande d'écrire dans la loi que cela ne réfère qu'à la maladie professionnelle, je suis obligé de lui répondre qu'en utilisant l'expression "lésion professionnelle", c'est très précisément à cette inquiétude que cela répond.

Deuxièmement, le député de Viau est en train d'élaborer une thèse qui est chère à quelques-uns de ses collègues, en particulier le député de Huntingdon, qui a consacré son intervention de deuxième lecture très précisément sur les fraudeurs, les gens qui, à tout bout de champ, pour toute espèce de motifs, font des réclamations à la CSST pour

des maux de dos d'excursions de chasse, d'excursions de pêche et ainsi de suite. Le député de Viau, à sa façon, est en train de reprendre l'argumentation du député de Huntingdon, et c'est correct, je veux dire, on a le droit d'en discuter dans ce sens-là.

Mme la Présidente, le travailleur qui n'a plus d'emploi et qui, à n'importe quelle période après avoir laissé son emploi, prétendrait, de bonne foi ou pas - je vais aller jusque-là - qu'il y a une relation de cause à effet entre le mal dont il prétend être affligé et ses conditions de travail, il n'a qu'à amorcer le régime de réclamation prévu dans la loi avec comme preuve prima facie, preuve de départ, une attestation médicale déterminant un diagnostic quant à la nature du malaise dont il prétend être affecté et, deuxièmement, une évaluation qu'il y a relation de cause à effet entre les deux phénomèmes, et il aura à ce moment-là les portes ouvertes pour faire sa réclamation. Il devra devant les instances appropriées faire la preuve, convaincre à l'évidence que sa prétention est correcte. S'il réussit à convaincre les instances décisionnelles que sa prétention est correcte, il aura droit à son indemnité même s'il s'agit d'un mal de dos qui se serait déclaré six mois après qu'il a quitté son emploi. Si, par ailleurs, il n'est pas équipé pour faire la preuve et convaincre les instances décisionnelles, sa réclamation sera rejetée purement et simplement. Il me semble que cela procède de l'élémentaire sens commun que d'analyser la situation de cette façon-là.

La Présidente (Mme Juneau): Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur l'article 41?

M. Cusano: Oui, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Juneau): M. le député de Viau.

M. Cusano: De l'intervention du ministre, dois-je comprendre que, selon lui, il n'y a aucun fraudeur du système qui existe?

M. Fréchette: Mme la Présidente...

La Présidente (Mme Juneau): M. le ministre.

M. Fréchette: ...le député de Viau me reproche souvent d'être avocat. Mais si, enfin, il avait fait un bout de chemin dans ce genre de discipline...

M. Cusano: Non, heureusement, M. le ministre, je n'ai pas...

M. Fréchette: ...il aurait appris...

M. Cusano: ...choisi d'être avocat. En tout cas, c'est une question de choix.

La Présidente (Mme Juneau): Voulez-vous le laisser répondre, M. le député?

M. Fréchette: II aurait appris que, effectivement, les législateurs adoptent des lois. Et il y a des gens, pour des motifs qui peuvent varier d'une personne à l'autre, qui vont décider, un bon matin, de transgresser la loi. Si le député de Viau a une recette pour éviter cette situation, je serais bien disposé à l'écouter.

Je vais aller plus loin dans mon raisonnement, Mme la Présidente, on n'est pas pressé, vous savez, on prend tout le temps qu'il faut. Je l'ai dit lundi dernier, si ce n'est pas pour Noël, ce sera pour Pâques. Il n'y a personne qui nous bouscule dans les portiques, on va prendre tout le temps qu'il faut. Mais qu'il me soumette donc une formule pour rejoindre l'objectif qu'il est en train de plaider, empêcher les fraudeurs de maux de dos de pouvoir réclamer trois mois après qu'ils n'ont plus d'emploi. Qu'il me suggère une formule.

M. Cusano: Écoutez, c'est votre projet de loi, M. le ministre...

La Présidente (Mme Juneau): M. le député de Viau.

M. Fréchette: Ah oui! Vous avez le droit de présenter des amendements!

M. Cusano: Oui, oui.

M. Gagnon: Mme la Présidente...

La Présidente (Mme Juneau): M. le député de Champlain.

M. Gagnon: Bien, lorsqu'on répond "c'est votre projet de loi", on est ici pour essayer de l'améliorer. Le député de Viau, depuis tantôt, montre qu'il y a des possibilités de frauder la commission. Le ministre lui dit: Avez-vous la formule qui fermerait ces portes? À mon point de vue, il est membre de la commission comme nous et nous sommes ici pour l'améliorer.

La Présidente (Mme Juneau): Oui.

M. Gagnon: Donc, quand la porte est ouverte, il devrait en profiter.

La Présidente (Mme Juneau): M. le député de Viau.

M. Cusano: Je vais certainement en profiter, M. le député de Champlain, mais j'aimerais, avant d'en arriver à ce point, peut-être adresser une question à l'ensemble des membres de la commission, à savoir si,

premièrement, est-ce qu'on comprend par l'article, comme le dit le ministre, que la question... Lorsqu'on dit "le travailleur qui n'a plus d'emploi", cela vise-t-il justement le travailleur victime d'une maladie professionnelle?

M. Fréchette: Bien non.

M. Cusano: Ah, cela ne vise pas cela.

M. Fréchette: Bien non!

M. Cusano: Bon. Qu'est-ce que cela vise?

La Présidente (Mme Juneau): II dit: Qu'est-ce que cela vise?

M. Fréchette: Qu'est-ce que cela vise? Mme la Présidente, cela vise la situation suivante. Cela vise le travailleur qui peut se retrouver sans emploi parce qu'il a été congédié. Cela vise le travailleur qui se retrouve sans emploi parce qu'il a été mis à pied temporairement. Cela vise le travailleur qui peut être retiré du marché du travail parce qu'il est affecté d'une maladie autre que la maladie professionnelle. Cela vise le travailleur qui est affecté d'une maladie professionnelle, d'un accident du travail ou d'une aggravation d'une maladie professionnelle ou d'un accident de travail. C'est cela que cela vise.

La Présidente (Mme Juneau): M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: Mme la Présidente, j'entends les arguments qui ont été invoqués depuis le début, sans pour autant les comprendre tout à fait. Ce que je veux dire par là, c'est que l'article 41, selon moi, établit seulement le principe de fonctionnement.

Une voix: C'est cela.

M. Bisaillon: Si, par la suite, on veut répondre aux objections qui ont été soulevées par le député d'Outremont - c'est dans ce sens-là que j'enlevais "un petit peu" tantôt, il a amorcé pas rien qu'un petit peu, mais amorcé complètement... Je pense que c'est plutôt dans le détail du fonctionnement qu'on peut prévoir comment, de quelle façon et jusqu'à quel point on peut empêcher les gestes, si tant est qu'ils existent, auxquels le député d'Outremont référait.

Alors, je pense que l'article 41 est beaucoup plus un article de principe qui pose les jalons qu'on aura, par la suite, à examiner en détail, c'est-à-dire que: "Le travailleur victime d'une lésion professionnelle a droit à une indemnité de remplacement du revenu s'il devient incapable d'exercer son emploi en raison de cette lésion." Je peux être d'accord avec cela, sans pour autant être d'accord avec le genre d'indemnité qu'on va nous proposer tantôt, sans pour autant être d'accord avec les conditions additionnelles qu'on va lui imposer. Dans ce sens-là, je trouve que l'article est correct.

Le deuxième paragraphe: "Le travailleur qui n'a plus d'emploi lorsque se manifeste sa lésion professionnelle a droit à cette indemnité s'il devient incapable d'exercer l'emploi qu'il occupait habituellement." Je suppose que tantôt on va aussi baliser; de la même façon qu'on va baliser le premier paragraphe, on va aussi baliser, dans le texte ou dans les articles qui vont suivre, les conditions à franchir pour obtenir une telle indemnité et les critères qui vont être utilisés. Jusqu'à un certain point, tout en entendant les inquiétudes et les commentaires qui ont été formulés, je trouve que c'est beaucoup plus dans le détail des autres articles qui vont suivre qu'on pourra avoir cela plutôt qu'à l'article 41, qui est davantage une déclaration de principe.

Quant à moi, Mme la Présidente, sous réserve, on aura évidemment à y revenir quant aux moyens et aux modalités, je trouverais...

La Présidente (Mme Juneau): Vous seriez prêt à adopter l'article.

M. Bisaillon: Je serais prêt à adopter l'article.

La Présidente (Mme Juneau): Est-ce que l'article 41 est adopté? Une voix: Adopté.

M. Cusano: Sur division.

La Présidente (Mme Juneau): D'accord. L'article 42.

M. Fréchette: L'article 42, Mme la Présidente, en est un autre de principe, comme le soulignait le député de Sainte-Marie il y a un instant. Il prévoit simplement la proportion de l'indemnité à laquelle le travailleur accidenté peut avoir droit. Cette proportion, c'est 90% du salaire net retenu qu'il gagnait au moment où il a eu son accident.

La Présidente (Mme Juneau): Est-ce que l'article 42 est adopté? M. le député de Viau.

M. Cusano: Seulement quelques questions. Le principe des 90% du revenu net est louable. Il est reconnu depuis plusieurs années au Québec et même ailleurs. Est-ce que, dans ses recherches, la CSST ou le

ministre aurait trouvé par hasard que dans certains États des États-Unis, par exemple, on était très préoccupé par le fait que les 90% du revenu net n'incitaient pas les travailleurs à vouloir retourner au travail? Est-ce que le ministre aurait découvert que, dans certains États, l'indemnité de remplacement du revenu ayant été changée de 90% à 75%, il y a eu une diminution d'accidents?

La Présidente (Mme Juneau): M. le ministre.

M. Cusano: Ou, si j'étais un peu plus spécifique, est-ce qu'il est au courant de certaines mesures prises dans l'État du Michigan, aux États-Unis?

M. Fréchette: Mme la Présidente, cet après-midi, en donnant des renseignements au député de Sainte-Marie, j'ai fait état des situations qui existaient au Canada, dans toutes les provinces, pour arriver è la conclusion, avec les membres de la commission, que nous sommes effectivement, avec une autre province, je ne me rappelle plus laquelle, celle qui à cet égard - c'est la Saskatchewan, je pense; l'Alberta, je m'excuse - a probablement le régime le plus "généreux" - entre guillemets. Cela me répugne de parler de générosité pour dédommager quelqu'un qui a été victime d'un accident du travail. C'est simplement pour illustrer ma pensée.

Au Canada, nous sommes donc à ces 90%. Quant aux États-Unis, il y a des États qui paient 90% du revenu net, d'autres 80%, d'autres 75%, d'autres 66% - deux tiers -d'autres 95%, d'autres 55%. Il faudrait faire le tour de l'ensemble des États pour avoir une image très précise de la situation. Si, maintenant, le député de Viau est en train d'essayer de me convaincre que, pour retrouver dans la loi une incitation à la diminution des accidents du travail, il faille réduire l'indemnité de 90% à 75%, je vous signale, Mme la Présidente, qu'on va passer une bonne secousse ici avant qu'on réussisse à me convaincre de cette nécessité. (20 h 45)

M. Cusano: M. le ministre, je voulais seulement savoir, parce que je sais qu'il y a eu beaucoup de recherches faites à ce niveau - je ne veux pas abandonner les 90%, pas du tout - si, parmi ces recherches, justement, on a réexaminé le changement qui a été apporté à l'État du Michigan, où c'était à 90% et puis on a réduit à 75%.

M. Fréchette: On a des renseignements ici.

M. Cusano: Ne me prêtez pas des intentions, je voulais seulement savoir si ces recherches...

La Présidente (Mme Juneau): M. le député de Sainte-Marie. Il a terminé, qu'il a dit.

M. Cusano: Non, non. C'était juste une question de renseignement.

M. Fréchette: Je voulais juste indiquer au député de Viau, Mme la Présidente, qu'au Michigan, en 1983, l'indemnité de remplacement de revenu était équivalente à 80% du revenu net.

M. Cusano: Est-ce qu'il y a eu une baisse après?

M. Fréchette: On n'a pas les chiffres après 1983.

La Présidente (Mme Juneau): M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: Merci, Mme la Présidente. J'ai soulevé cet après-midi un certain nombre de questions au ministre auxquelles il a répondu. J'ai apporté aussi un certain nombre d'arguments qu'il a plus ou moins retenus, évidemment.

Je voudrais faire une intervention sur l'article 42 et je terminerai par un amendement, Mme la Présidente, aux fins de faire travailler un peu, évidemment, le secrétaire de la commission.

La notion qui apparaît à l'article 42, c'est 90% du revenu net. Les arguments invoqués par le ministre cet après-midi, après nous avoir tracé le portrait de ce qui se fait à l'extérieur du Québec, au Canada, et avoir démontré qu'au Québec c'est le pourcentage le plus élevé qui se paie... En passant, Mme la Présidente, j'apprécie que le ministre ait apporté la précision qu'il a faite tantôt quant au mot "générosité" à mettre entre guillemets. Je pense que c'était de mise. C'est la reconnaissance du maintien de quelque chose que le travailleur avait déjà et, au moment où il le perd, la faute ne lui incombe pas. En ce sens, on n'est pas généreux, on ne fait que reconnaître les obligations qu'on a contractées à la fois comme employeur et à la fois comme société vis-à-vis de lui.

Les arguments qu'invoquait le ministre pour ne pas aller au-delà des 90% et modifier le pourcentage prévu par la loi étaient de deux ordres. Je vais les répéter. Le premier était l'incitation au travail. Il disait: On préfère laisser 90% du revenu net parce que, selon nous, c'est un motif ou une incitation au retour au travail. Là-dessus, j'ai donné quelques éléments de réponse cet après-midi, mais je trouve que le meilleur élément de réponse réside, dans le fond, dans ce que le ministre vient juste de dire par rapport à une diminution du pourcentage. Si le fait de baisser le pourcentage à 75%, aux yeux du ministre, n'avait pas comme effet

d'entraîner une diminution des accidents du travail, je pense qu'on pourrait aussi conclure qu'une augmentation du pourcentage n'aurait pas plus l'effet d'inciter davantage au retour au travail. Ce qui va inciter davantage au retour au travail, c'est d'abord et avant tout les soins adéquats que le travailleur va recevoir. Plus il va être traité adéquatement rapidement, plus il va être prêt à retourner au travail.

Deuxièmement, c'est la structure d'assistance, aussi, pour le réintégrer sur le marché du travail par des programmes de soutien au plan physique, au plan social ou au plan psychologique à certains égards et même en termes de recherche d'emplois éventuellement. Je pense que ce sont des éléments qui sont davantage des incitations au retour au travail.

J'avais évoqué, cet après-midi, la possibilité d'aller a 100% non pas du revenu net mais du revenu brut. En termes concrets, qu'est-ce que cela donnerait de mettre dans la loi 100% du revenu brut plutôt que 90% du revenu net? Pour un bon nombre, cela pourrait à peu près représenter, en bout de course, le même montant d'argent ou à peu près si on tient compte du fait que ces sommes pourraient être imposées. Je pense que là-dessus il y a deux arguments qui militent en faveur d'aller à 100% du revenu brut et de l'imposer.

J'indique au ministre qu'on a déjà fait la discussion sur la notion de remboursement non imposable. Le ministre s'était engagé à l'inclure dans la loi. Il nous a dit qu'il l'avait laissé tomber parce que cela n'était pas nécessaire, que cela se retrouvait dans la loi de l'impôt sur le revenu, mais il nous a quand même dit que, par précaution, on rajouterait que les prestations seraient non imposables. Je pense qu'il faudrait considérer sérieusement la possibilité de les rendre imposables en versant 100% du revenu brut, pour plusieurs raisons. La première, c'est le fait de ne pas faire de différence entre un travailleur qui est accidenté et le moment où il se retrouve au travail. Tout le monde prend pour acquis que n'importe quel gain de travail doit être imposé et que cela n'est que justice qu'il en soit ainsi. Si on maintient le revenu d'un travailleur qui est accidenté pendant sa période d'accident et qu'on l'impose de la même façon que l'on imposerait son salaire s'il était au travail, on maintient au moins un statut d'équilibre entre le travailleur accidenté et le travailleur qui est toujours au travail. Cela semble peut-être pour certains des notions de psychologie, mais je trouve que c'est important de ne pas se sentir à part des autres dans une catégorie à part, de ne pas être traité différemment.

Le revenu généré par le travailleur accidenté produirait pour la société les mêmes revenus qu'il produit lorsqu'il est au travail. On ne ferait donc pas de distinction. Il ne devient pas quelqu'un qui est "au crochet de". En fait, on sait bien que les fonds qui servent à payer proviennent des employeurs par le fonds créé par les employeurs parce qu'on dit que c'est le milieu de travail qui est responsable de la situation, et ces sommes viennent de là. Mais je pense qu'il serait juste qu'une partie du salaire, du revenu du travailleur accidenté revienne à la société. Il ne faudrait pas oublier qu'il n'y a pas que les employeurs qui paient l'ensemble du système. Non, il n'y a pas que les employeurs, il y a toute une série de mécanismes qu'on prévoit par lesquels, à un moment donné, on va les retourner soit sur l'assurance-chômage, soit sur le bonheur social, comme disait un célèbre spécialiste de la question, ou, encore, d'autres mesures prévues dans la loi font assumer un certain nombre de coûts par l'ensemble de la société. Il y aurait donc une certaine forme de revenu.

Deuxièmement, Mme la Présidente, je ne pense pas qu'il soit opportun dans les moments qu'on traverse de me servir officiellement, en tout cas, de l'argument qui a été invoqué cet après-midi par le député de Frontenac. Préférer donner 90% du revenu net et le rendre non imposable pour éviter de retourner une partie de ces impôts à Ottawa, cela me semble un argument très faible, d'autant plus que, dès le début de nos travaux, le ministre nous a clairement indiqué que, si Ottawa, unilatéralement, comme il le fait habituellement, légiférait sur l'imposition des rentes, alors les travailleurs seraient tenus de le faire à moins qu'il y ait déjà des ententes de conclues entre le fédéral et la CSST, auquel cas il faudrait donner la recette immédiatement à un certain nombre de ministres et au premier ministre: peut-être que cela pourrait les aider dans les négociations futures. Je ne pense pas que cela soit un argument qui pourrrait être invoqué actuellement.

Troisièmement, je pense que c'est une partie... Pour une certaine catégorie de travailleurs, c'est comme si on les imposait deux fois. C'est comme si on les faisait payer deux fois. Oublions la première, mais, la deuxième, cet argent qui revient dans les coffres de l'État sert aussi à alimenter des programmes sociaux et est retourné à l'ensemble des citoyens et des citoyennnes.

Pour toutes ces raisons, Mme la Présidente, et quitte à revenir pour étayer davantage mon argumentation, je propose en amendement que l'on remplace, à la première ligne du paragraphe de l'article 42, "90% du revenu net" par "100% du revenu brut".

La Présidente (Mme Juneau): M. le ministre.

M. Fréchette: On n'a pas une copie de l'amendement.

Une voix: On peut aller faire des photocopies.

M. Fréchette: Alors, Mme la Présidente, ce devant quoi on est...

La Présidente (Mme Juneau): M. le ministre.

M. Fréchette: ...la motion d'amendement qui est devant nous nous amène à reprendre, essentiellement, la substance de la discussion qu'on a eue cet après-midi.

Le député de Sainte-Marie avait déjà, cet après-midi, indiqué très clairement ses positions à cet égard. Je lui ai aussi fait connaître les miennes, mais je dois lui signaler que l'argumentation qu'il a reprise ce soir n'arrive pas à me convaincre de la justesse... Pardon?

M. Bisaillon: J'en ai ajouté quand même un peu.

M. Fréchette: Oui. Mais, malgré cela, cela n'arrive pas à me convaincre de la justesse de sa revendication.

Je réitérerai, très brièvement, ce que j'ai dit cet après-midi. Malgré que l'on ait des divergences à cet égard, je continue de prétendre que le taux de 90% du revenu net, prévu par la loi, constitue en soi une incitation au retour au travail. Je ne connais pas, quant à moi, de travailleurs qui vont vouloir prolonger indûment, si vous me prêtez l'expression, leurs prestations d'accident du travail ou de maladie professionnelle lorsqu'ils sont en mesure de réintégrer le travail et que, de surcroît, le travail dans lequel ils étaient les attend.

Il n'est pas négligeable non plus de rappeler que, quand on est chez soi en indemnité de remplacement du revenu - on va en convenir et on va l'admettre, tout le monde - il y a un certain nombre de dépenses - là-dessus, le député ne s'est pas prononcé - qu'autrement on ferait si on était au travail, qu'on n'est pas obligé de faire lorsqu'on est chez soi ou ailleurs en indemnité de remplacement du revenu. C'est d'autant plus vrai que, lorsque l'accidenté a à se déplacer pour des fins de traitements, de consultations médicales et de dépenses médicales, tout cela lui est remboursé par la Commission de la santé et de la sécurité du travail.

Troisièmement, je ne recommencerai pas l'énumération que j'ai faite cet après-midi, mais on a vu, par les comparaisons qu'on a faites, que, au Québec, dans l'état actuel des choses, en termes de proportion d'indemnités, on avait le système qui était le plus généreux avec les mêmes réserves. Si c'est nécessaire, je référerai aussi les membres de la commission à ce qui se fait aux États-Unis.

Maintenant, j'étais heureux d'entendre le député de Sainte-Marie nous dire, cet après-midi, que, contrairement à ce que j'avais évalué, la question des coûts économiques le préoccupe, pas pour le faire pleurer, a-t-il dit, ou le faire rire - enfin je ne me rappelle pas la formule - mais il a quand même une préoccupation à cet égard. Or, des évaluations qui ont déjà été faites de la formule qu'il suggère nous amènent à la conclusion que les coûts additionnels qui seraient engendrés seraient de l'ordre de 75 000 000 $ à 100 000 000 $ de plus. Encore une fois, quand on est dans la situation d'être obligé d'arbitrer un certain nombre de choses, il y a des décisions qu'il faut prendre et qui peuvent amener à ce genre de résultat. (21 heures)

Le député de Sainte-Marie tire une argumentation de la réponse que j'ai donnée au député de Viau et il a l'air de prétendre que j'ai dit qu'une indemnité de 75%, par exemple, du revenu net ne constituerait pas une espèce de barrière à l'incidence des accidents du travail; ce n'est pas cela que j'ai dit. Effectivement, si l'on a une indemnité de 75% du revenu net ou de 66 2/3%, cela pourrait, théoriquement en tout cas, être une incitation quant à l'incidence des accidents du travail. Ce dont je ne pourrais jamais me laisser convaincre, c'est qu'à cause de l'incidence que cela pourrait avoir sur le quantum des accidents du travail, à cause de ce seul phénomène, il nous faille réduire de 90% à 75% notre indemnité de revenu net ici. C'est dans ce sens que je disais qu'aucune argumentation ne pourra me convaincre, à tort ou à raison, de réduire les 90% du revenu net.

Mme la Présidente, je suis d'autant plus réservé, même très réservé, devant la suggestion du député de Sainte-Marie qu'on me signale que, tout compte fait, il est loin d'être sûr que l'accidenté retirerait des montants d'argent plus élevés que ceux que lui permet de retirer l'actuelle loi, basés sur le critère du revenu net à 90%. Pour ces motifs, Mme la Présidente, je pense que l'amendement devrait être rejeté.

La Présidente (Mme Juneau): M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: Mme la Présidente, je vais aller rapidement parce que mon objectif était de présenter l'amendement et de faire faire un minimum de discussions. Je pense que les membres de la commission peuvent en disposer par la suite. Je ne veux pas faire perdre indûment le temps de la commission sur cette question quoique je la

trouve, quant à moi, d'importance.

Je voudrais reprendre au moins deux arguments invoqués par le ministre. D'une part, son dernier argument qui dit que je ne l'ai pas convaincu que les sommes d'argent qu'un travailleur recevrait avec 100% du revenu brut par rapport à 90% du revenu net seraient beaucoup plus élevées. S'il a raison, s'il n'y a pas une si grosse différence, en tout cas il y en a sûrement une de 80 000 000 $, on va s'entendre là-dessus au moins.

M. Fréchette: En impôts, en taxes, oui.

M. Bisaillon: Bon. 80 000 000 $ au total pour la CSST et là-dessus une bonne partie irait en revenus à l'État.

M. Fréchette: Aux deux États.

M. Bisaillon: Aux deux États et, comme nous sommes pour les deux États par les temps qui courent, on convient qu'une bonne partie des 80 000 000 $ irait aux deux États. Si le ministre me dit qu'il n'y aurait pas une grande différence, je ne comprends pas qu'il puisse maintenir que 90% du revenu net est en soi une incitation au retour au travail. Pour qu'on se comprenne bien, c'est l'un ou l'autre. Ou bien 90% du revenu net est un argument pour inciter au retour au travail ou, encore, s'il n'y a pas de différence significative en termes de revenus dans la poche du travailleur, mais que l'ensemble de l'augmentation de la CSST va davantage aux gouvernements, aux deux États, c'est donc que son argument, comme incitation de retour au travail, n'est pas très fort.

Deuxièmement, le ministre n'a pas retenu, mais pas du tout, l'argument que je trouvais majeur, quant à moi, et dont il n'a même pas parlé, qui est celui de l'équilibre à maintenir et du statut de travailleur à maintenir, de ne pas - je n'aime pas le terme - "ghettoïser", qu'on pourrait dire, les gens qui ont été victimes d'accidents du travail, de continuer à les traiter de la même façon.

Finalement, je ne peux pas accepter l'argument du ministre qui me dit: N'oublions pas qu'un accidenté du travail, à la maison, n'a pas les mêmes dépenses qu'un travailleur qui est à son travail. Cela me fait ch... chaque fois le même effet, Mme la Présidente. Vous avez eu peur, Mme la Présidente, vous étiez suspendue à mes lèvres. Cela me fait chaque fois le même effet parce que c'est comme si on balayait du même coup, dans un autre champ d'activités, toute la notion: À travail égal, salaire égal.

Cela voudrait dire que l'enseignant qui a à voyager par rapport à l'enseignant qui demeure à côté de l'école, on ne devrait pas lui donner le même salaire. Cela veut dire que le député de la région de l'Abitibi par rapport au député de Québec ne devrait pas avoir le même salaire. Cela voudrait dire que la femme secrétaire qui se déplace dans un bureau par rapport à la femme secrétaire à son domicile, on ne lui donnerait pas le même salaire. Pourtant, ce sont toutes des choses contre lesquelles on se bat.

Je veux bien que le ministre repousse mon amendement, mais je ne voudrais surtout pas qu'il utilise des arguments qui, finalement, vont se retourner contre d'autres politiques qu'on veut maintenir de l'avant. Ce que fait un travailleur avec le revenu qu'on trouve équitable pour son emploi, c'est une chose, et les dépenses engendrées par son travail, c'est une autre affaire. Ce n'est pas parce qu'il a eu moins de dépenses que je vais lui donner moins de salaire. Cela n'a rien à voir avec la notion de revenu familial. C'est comme quand, autrefois, on donnait un salaire différent à l'homme et à la femme ou, même entre les hommes, on donnait un salaire différent à l'homme marié et à l'homme célibataire. On est sorti de cela. C'était dans les années quarante. On est rendu en 1984 et il me semble qu'on ne devrait pas nous resservir ces arguments. Je le dis, Mme la Présidente, très calmement, comme vous le voyez.

Je le dis dans le même esprit que ce qu'on utilisait hier comme argument. Cela ne me frustre pas et je trouve normal qu'on ne partage pas toujours les mêmes idées. C'est la prérogative des membres de cette commission de repousser l'amendement que j'ai présenté, s'ils le désirent. Sauf que je ne veux pas qu'on utilise des arguments qui vont affaiblir des positions traditionnelles qu'on défend - à moins qu'on décide de ne plus les défendre - depuis plus longtemps que 1976.

La Présidente (Mme Juneau): S'il n'y a pas d'autres interventions, est-ce que... J'ai passé proche! M. le député de Viau.

M. Cusano: Mme la Présidente, le ministre nous a mentionné que l'amendement qui est proposé par le député de Sainte-Marie coûtera 80 000 000 $ de plus. Est-ce qu'il pourrait déposer l'étude qui l'amène à conclure ainsi? Je veux bien le croire, mais il me semble qu'on arrive un peu gratuitement à dire que cela va coûter 80 000 000 $ de plus. La CSST acertainement dû faire des recherches sur cela. J'aimerais bien qu'on m'apporte des preuves concrètes.

La Présidente (Mme Juneau): M. le ministre.

M. Fréchette: Mme la Présidente, si le député de Viau, qui est fort préoccupé par des motifs de cotisation, voulait être suffisamment patient, nous préparerions pour

lui, strictement et uniquement pour lui, un document qui arriverait aux conclusions dont on vient de parler. C'est à partir de calculs simples de ce qu'il en coûte actuellement en cotisations de payer une indemnité de 90% du revenu net et de ce que cela coûterait de payer 100% du revenu brut que nous en arrivons à la conclusion que, dans l'état actuel des choses, les cotisations se chiffrent au montant de 58 000 000 $ et, aller à 100% du revenu brut, il en coûterait entre 175 000 000 $ et 200 000 000 $. Pour les fins de la demande du député de Viau, nous allons mettre tout cela par écrit et lui faire parvenir rapidement le document pour son utilisation.

M. Cusano: Je ne veux pas imposer du travail supplémentaire à la CSST. La seule chose que je demandais était de savoir s'il y avait eu une étude et, si elle existe, qu'on la dépose. Je ne voudrais pas imposer à la CSST plus de travail. Dieu sait si elle en a assez pour se conformer aux exigences de la présente loi. Je ne voudrais pas lui imposer d'autre travail. Simplement, si elle existe, c'est bien gentil de votre part de vraiment vouloir essayer de m'éclairer en préparant un document expressément pour moi. Si l'étude a été faite, qu'on la dépose. Si elle n'a pas été faite, on va prendre votre parole.

La Présidente (Mme Juneau): S'il n'y a pas d'autres interventions, est-ce que l'amendement du député de Sainte-Marie est adopté?

M. Fréchette: Rejeté. Une voix: Sur division?

La Présidente (Mme Juneau): Rejeté? Est-ce que l'article 42 est adopté?

M. Bisaillon: Si j'avais le choix, Mme la Présidente, je dirais sur division.

La Présidente (Mme Juneau): Vous ne l'avez pas, cher monsieur.

M. Fréchette: L'effet est exactement le même. Il est brillant.

La Présidente (Mme Juneau): Article 43.

M. Fréchette: L'article 42 est adopté sur division.

La Présidente (Mme Juneau): D'accord. Article 43.

M. Fortier: Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Juneau): Oui, M. le député d'Outremont.

M. Fortier: Dans l'article 43, il y a certaines questions qui doivent être posées. Alors, on dit: "Le travailleur est présumé incapable d'exercer son emploi tant que la lésion professionnelle dont il a été victime n'est pas consolidée." Alors, plusieurs s'inquiètent, bien sûr, suivant les experts que l'on consulte, du phénomène de "consolidation", entre guillemets, qui peut-être évalué de différentes façons.

Je crois qu'on n'a pas encore étudié les définitions comme telles. Je ne crois pas qu'il y ait de définition de "consolidation".

Une voix: On l'a étudiée.

M. Fortier: Vous l'avez étudiée. Quelle est la réponse, M. le ministre?

Une voix: Cela dépend de ton interprétation, c'est aussi clair que celai

M. Fréchette: La première réponse à donner au député d'Outremont, Mme la Présidente - c'était une chose sur laquelle on s'est entendu - c'était de ne pas adopter immédiatement la définition du terme "consolidation"...

Une voix: Et de ne jamais en parler!

M. Fréchette: ...pour toutes sortes de motifs que le député d'Outremont relirait sans doute avec beaucoup d'intérêt au Journal des débats.

J'essaie de résumer ces motifs. C'est qu'autant que vous allez consulter de dictionnaires, autant des dictionnaires généraux que des dictionnaires spécialisés, vous allez retrouver des définitions différentes du terme "consolidation". La définition qu'on suggère à l'article 2 du projet de loi, c'est celle qui procède d'informations qui ont été fournies par, précisément, le monde médical, qui indiquent... Là, évidemment, j'y vais dans des termes tout à fait, comment je dirais bien, des termes qui n'ont aucune valeur scientifique, bien sûr, mais la consolidation serait l'étape après laquelle aucune amélioration n'est possible, qu'il s'agisse d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle. En d'autres mots, c'est le maximum de réadaptation physique qu'il est possible d'atteindre. Une définition qu'on risque - là, je donne ce renseignement uniquement pour les fins de la discussion -cela pourrait être la suivante: La consolidation, c'est la guérison ou la stabilisation d'une lésion professionnelle, à la suite de laquelle aucune amélioration de l'état de santé du travailleur victime de cette lésion n'est prévisible.

M. Fortier: J'aurais juste une deuxième question.

La Présidente (Mme Juneau): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: Est-ce qu'il y a une notion qui est implicite quant à l'employé qui a été incapable d'exercer son travail et qui peut y retourner? Si on pouvait démontrer qu'il pouvait retourner au travail à un moment donné, indépendamment de la notion de consolidation, laquelle des deux prévaudrait? Est-ce qu'il y a une notion dans le projet de loi qui dit que, si on est capable de démontrer qu'un employé peut retourner au travail, cette notion prévaudrait sur la notion de consolidation?

M. Fréchette: Effectivement, Mme la Présidente, il y a une disposition dans le projet de loi...

La Présidente (Mme Juneau): M. le ministre.

M. Fréchette: ...à l'article 56 plus précisément, qui permet l'affectation à un travail temporaire, dans des conditions très spécifiquement établies par ce même article 56.

La Présidente (Mme Juneau): Est-ce que cela va, M. le député?

M. Fortier: Oui. L'article 56... M. Fréchette: Ce qui... M. Fortier: ...dit qu'on doit le .. M. Fréchette: L'affecter.

M. Fortier: ...l'affecter à un autre travail.

M. Fréchette: C'est cela. Oui, dans les conditions prévues par ce même article 56. Il y a quatre conditions, je pense, qui sont prévues là, qui, si elles sont réalisées, permettent une affectation de l'accidenté à un travail temporaire...

M. Fortier: Ah oui!

M. Fréchette: ...même si la consolidation n'est pas atteinte.

M. Fortier: Alors, en théorie, parce qu'ici on dit: Si, d'après le médecin traitant, "le travailleur est raisonnablement en mesure d'accomplir ce travail", le travail temporaire, mais, à la limite, ce travail temporaire pourrait se rapprocher très près du travail original...

M. Fréchette: Bien sûr.

M. Fortier: ...que la personne faisait.

M. Fréchette: Absolument.

M. Fortier: Même, à la limite, cela pourrait être le même travail.

M. Fréchette: Cela pourrait être le même travail si les quatre conditions qu'on retrouve là sont respectées.

M. Fortier: Merci.

La Présidente (Mme Juneau): M. le député de Viau. (21 h 15)

M. Cusano: Lorsque nous avons abordé cette question de consolidation, je crois qu'il y avait eu un consensus de développé sur ce qu'on avait appelé le plateau de consolidation. Parce que, dans un sens, une consolidation, c'est un peu... Il y a certaines lésions qui, dans un sens, ne sont jamais consolidées et, pour ne pas avoir de difficulté d'interprétation, est-ce que le ministre serait d'accord, à l'article 43, pour que ce soit toujours clair, de remplacer "n'est pas consolidée" par les mots "n'a pas atteint son plateau de consolidation"? Est-ce que le ministre aurait une grande objection?

M. Fréchette: Je ne vois pas...

La Présidente (Mme Juneau): M. le ministre.

M. Fréchette: La nécessité de procéder ou de retenir... Je ne sais pas si c'est un amendement ferme que fait le député de Viau...

M. Cusano: Pour le moment, non.

M. Fréchette: ...ou juste une suggestion.

M. Cusano: C'est juste une suggestion.

M. Fréchette: Je ne vois pas la nécessité de retenir cette suggestion parce que, dès lors que nous aurons convenu d'une définition du terme "consolidation", quelle que soit la définition que nous allons retenir, le terme "consolidée" de l'article 43 va, de toute évidence, référer à la définition qu'on aura retenue pour le mot "consolidation". Je ne vois pas qu'il soit nécessaire ni indiqué de retenir la suggestion du député de Viau, pour le principal motif que l'objectif qu'il vise est de toute façon atteint.

M. Cusano: C'est simplement pour clarification...

La Présidente (Mme Juneau): M. le député de Viau.

M. Cusano: Je suis d'accord avec le

ministre que, lorsqu'on arrivera à définir "consolidation", on pourra justement parler de plateau.

La Présidente (Mme Juneau): M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: Mme la Présidente, à l'article 43, on dit: "Le travailleur est présumé incapable d'exercer son emploi tant que la lésion professionnelle dont il a été victime n'est pas consolidée."

Deux remarques, le mot "présumé" dans cet article, est-ce qu'on ne court pas un risque que l'utilisation du terme "présumé"... Est-ce que "est réputé incapable" ne serait pas plus juste?

M. Fréchette: Non, Mme la Présidente. Cela pourrait être plus juste pour l'objectif que veut atteindre le député de Sainte-Marie, c'est évident. Si l'on utilise le terme "réputé", cela devient une présomption qu'on appelle, en termes bien pompeux, irréfragable ou quelque chose du genre. En d'autres mots, ce n'est plus une présomption, c'est une constatation d'un état de fait et, par aucune espèce de moyen de preuve, vous ne pouvez réfuter, alors que ce que l'on vise comme objectif, c'est de créer une présomption, effectivement, en faveur du travailleur accidenté, mais une présomption que l'employeur pourra contester et renverser.

Alors, c'est très précisément la raison pour laquelle le député de Sainte-Marie a fait un loyal essai, mais je ne peux de toute évidence retenir la suggestion qu'il est en train de nous faire.

La Présidente (Mme Juneau): M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: Cela n'a pas été un essai trop, trop fort. On conviendra de cela. Mais je voulais vous l'entendre dire, M. le ministre.

Si on retenait la définition de "consolidation", la définition qu'on a donnée tantôt, c'est ou bien la guérison ou bien le degré de stabilisation de la maladie, c'est-à-dire le moment où l'on évalue que l'état de l'accidenté ne pourra s'améliorer. Supposons que c'était cela comme balise. Est-ce qu'il ne serait pas prudent d'ajouter une phrase au paragraphe, en comprenant que consolidation, c'est cela que cela va vouloir dire, pour préciser qu'on ne pourrait pas imposer un autre emploi à un travailleur? On sait que, pendant la période - appelons-la ainsi - de consolidation, il y a souvent des pressions qui peuvent être exercées sur le travailleur accidenté, il y a des manoeuvres qui peuvent être exercées ou, encore, des accidents du travail pourront être camouflés. Or, si on précisait que, pendant cette période à laquelle on réfère, aucun autre emploi ne peut lui être imposé par quiconque, comment le ministre recevrait-il cette suggestion?

M. Fréchette: Mme la Présidente...

M. Bisaillon: Ce n'est pas un amendement, c'est une suggestion.

M. Fréchette: Non, je comprends, c'est une suggestion. Mais ma compréhension de l'article 43 m'amène à la conclusion que c'est très précisément ce qu'on doit interpréter à partir du texte qui est déjà là. Il y a la présomption qui existe qu'il est incapable d'accomplir un emploi...

M. Bisaillon: Son emploi. M. Fréchette: Son emploi. M. Bisaillon: Son emploi.

M. Fréchette: Bon. Cela voudrait dire que, dans les conditions retenues par l'article 56, il n'y aurait aucune espèce de possibilité de demander à un accidenté d'être affecté à un travail temporaire. Je donne un exemple de ce que je veux dire. À supposer qu'une personne est réceptionniste dans un bureau d'avocats. En arrivant au travail un matin, elle va, par mégarde, faire une mauvaise chute ou trébucher sur un obstacle qui est devant elle et se fracturer une jambe. Il est évident que dans les premiers jours qui vont suivre l'accident elle ne sera sans doute pas en mesure de faire quelque travail que ce soit. Il y aura hospitalisation, peut-être. Il y aura imposition d'un plâtre, peut-être, mais après 20 jours, 30 jours, 45 jours, même si la lésion n'est pas consolidée, peut-être qu'elle pourrait revenir et continuer de répondre au téléphone à titre de réceptionniste. C'est ce genre de situation que l'article 56 veut couvrir.

Si on amendait l'article 56 dans le sens que suggère le député de Sainte-Marie, l'article ne serait pas là et ce serait exactement la même chose.

La Présidente (Mme Juneau): M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: Là-dessus, Mme la Présidente, j'aimerais que le ministre me donne des précisions additionnelles parce que, si on retient ce qu'il nous a donné comme balises pour une définition de la consolidation, c'est la guérison ou la stabilisation de la maladie professionnelle ou de la situation de l'accidenté.

L'article 43 dit: "Le travailleur est présumé incapable." On a compris que "présumé" voulait dire que c'était contestable. La présomption est en faveur du travailleur mais c'est contestable; "est présumé incapable d'exercer son emploi tant

que la lésion professionnelle dont il a été victime n'est pas consolidée."

L'objectif de la loi c'est de réparer, c'est cela. Le premier article disait cela, c'est de réparer les lésions professionnelles. Si on prend une période de temps où le travailleur est à réparer sa lésion professionnelle et qu'on lui impose ou qu'on l'amène par toutes sortes de méthodes à accepter un autre emploi... Que ce qui est prévu à l'article 56 arrive à un moment donné, ce n'est pas de cela qu'on parle, c'est que pendant la période de consolidation, si on lui donne la définition que vous nous avez donnée tantôt, tant qu'il n'est pas guéri, tant que sa situation ne s'est pas stabilisée, il me semble qu'on doit empêcher que des pressions soient faites sur le travailleur, des pressions qui pourraient l'amener à exercer un autre emploi mais un autre emploi qui pourrait empêcher sa guérison ou la stabilisation de sa maladie. Ce que je veux dire, Mme la Présidente, je ne veux pas qu'on interdise d'offrir, je ne veux pas qu'on s'empêche d'offrir et puis le travailleur d'accepter, je veux qu'on interdise d'imposer. Ce n'est pas pareil cela.

Reprenons l'exemple que le ministre m'a donné tantôt, la téléphoniste qui se brise une jambe. Le ministre dit: Après 25 jours, 30 jours, 40 jours, elle pourrait probablement occuper un autre emploi. Je suppose que dans l'exemple qu'il m'a donné, si elle était capable d'occuper un autre emploi, elle était capable aussi d'occuper son emploi. Dans ce cas, la période de consolidation serait terminée, serait atteinte. Donc, elle réintégrerait son emploi.

La Présidente (Mme Juneau): M. le ministre.

M. Fréchette: Mme la Présidente, le député de Sainte-Marie ne semble pas, en tout cas, évaluer qu'il faille faire un lien entre l'argumentation qu'il développe et les dispositions de l'article 56. Quant à moi, l'un ne va pas sans l'autre. Il nous dit, par exemple, qu'il ne devrait se faire aucune espèce de pression sur un accidenté pour qu'il soit affecté à un autre emploi que le sien jusqu'à ce que la consolidation soit atteinte. Mais si, par exemple, ce travailleur, comme le dit l'article 56, est raisonnablement en mesure d'accomplir ce travail, si ce travail ne comporte pas de danger pour sa santé, sa sécurité, son intégrité physique compte tenu de la nature de la lésion, si ce travail est favorable à sa réadaptation, en vertu de quel raisonnement, de quel principe faudrait-il empêcher que cela puisse se faire? Retenons que cette situation ne serait pas possible sans que le médecin traitant de l'accidenté ait établi très clairement, dans une évaluation ou une expertise médicale, que les conditions qu'on retrouve là sont jointes et que toutes les trois existent en même temps. Il y a même un amendement qu'on doit ajouter, je pense. Je ne sais pas si c'est pour ajouter une quatrième condition. Les trois conditions sont là. Il me semble que, ces trois conditions étant respectées, le tout étant confirmé par des experts médicaux, non seulement il n'y a pas de réserve quant à la possibilité d'être assigné à un travail temporaire, mais cela va être favorable à la réadaptation du travailleur.

M. Bisaillon: Vous enlevez les articles 56 et 57 pour les reporter au chapitre de la réadaptation.

M. Fréchette: Voilà et c'est encore plus, enfin...

M. Bisaillon: Le ministre convient-il, cependant, que, dans la teneur de l'article 56 tel qu'il est rédigé, c'est le travailleur qui doit faire la démarche de contester et qui doit démontrer qu'il n'est pas en mesure d'accomplir ce travail, que cela comporte des dangers et que cela n'est pas favorable à sa réadaptation? À l'article 43, par ailleurs, la présomption joue en sa faveur. Pourquoi n'est-ce pas à ce moment, à cet article? Pourquoi l'article 56 va-t-il se retrouver au chapitre de la réadaptation et ne sera pas relié à l'article 43?

M. Fréchette: Simplement parce que toutes les associations de travailleurs ou d'accidentés nous l'ont demandé. Pourquoi nous l'ont-ils demandé? J'allais dire, comme je le pense et comme cela nous a été présenté, parce qu'incorporant les mécanismes de l'article 56 et 57 de la loi dans le chapitre des programmes de réadaptation, cela devra être interprété comme devant faire partie d'un programme de réadaptation. Strictement à cause de cela et dit de façon plus claire, c'est moins contraignant dans le chapitre de la réadaptation que cela ne pourrait l'être si on le laissait à l'endroit où on le retrouve actuellement.

M. Bisaillon: Revenons à l'article 56. On dit: "L'employeur d'un travailleur victime d'une lésion professionnelle peut assigner un travail à ce travailleur, en attendant que celui-ci redevienne capable d'exercer son emploi ou devienne capable d'exercer un emploi convenable, si le médecin traitant croit que..." Pourquoi, à l'article 56, dans le paragraphe d'introduction, avant de donner les conditions, ne se réfère-t-on pas à la consolidation? Pourquoi n'utilise-t-on pas, à l'article 56, l'élément consolidation puisque vous les reliez, ces deux articles?

M. Fréchette: On va avoir un

amendement qui va rejoindre ce que le député de Sainte-Marie est en train de nous dire.

M. Bisaillon: Qui est où?

La Présidente (Mme Juneau): M. le député de Sainte-Marie, ne pourrait-on pas, dans ce cas, si vous parlez de l'article 56, commencer par adopter l'article 43?

M. Bisaillon: Mme la Présidente, je parle de l'article 56 parce que le ministre me le donne en réponse à une suggestion que je fais à l'article 43.

M. Fréchette: L'amendement est dans la liasse.

M. Bisaillon: Je peux bien vous faire l'amendement tout de suite à 43, mais on ne réglera rien.

M. Fréchette: Si vous vous référez à la liasse d'amendements qui vous a été remise, à l'article 170, vous allez rejoindre ce dont vous êtes en train de nous parler.

M. Bisaillon: Le 170.1, c'était le 56? M. Fréchette: Oui, c'était cela.

M. Bisaillon: C'est cela. Dans l'article 170.1, vous dites: "Même si sa lésion n'est pas consolidée." Cela va à rencontre de 43. Cela apporte des restrictions à 43. À l'article 43, on dit: "Le travailleur est présumé incapable d'exercer son emploi tant que la lésion professionnelle dont il a été victime n'est pas consolidée." Cela veut dire, M. le ministre, si je vous ai bien compris, que la présomption joue en faveur du travailleur et que l'employeur, s'il veut contester le fait que le travailleur n'est pas capable d'exercer son emploi, va pouvoir le faire, mais c'est lui qui va devoir prouver que le travailleur est capable d'exercer son emploi. On se comprend bien là-dessus? L'article 170.1 limite tellement l'article 43 qu'il va quasiment à rencontre de ce dernier. (21 h 30)

M. Fréchette: Oui, mais il faudrait peut-être retenir que l'article 170.1 reconduit les trois conditions de l'article 56. Il y a une des trois conditions qui dit que cette assignation à un travail temporaire ne se fait que dans l'intérêt de l'accidenté et cela est un des éléments essentiels des trois conditions qui sont retenues là. Je ne vois pas comment il ne faudrait pas permettre que, dans l'intérêt d'un accidenté, une disposition comme celle-là puisse être retenue.

La Présidente (Mme Juneau): Est-ce que cela va pour la discussion?

Est-ce que l'article 43 est adopté?

Une voix: Adopté.

La Présidente (Mme Juneau): Adopté.

M. Bisaillon: Sur division, je pourrais dire.

La Présidente (Mme Juneau): L'article 44?

Oui. M. le député de Saguenay.

M. Maltais: Brièvement, j'aurais quelques petites interrogations. Sans doute que le ministre va y répondre rapidement. Peut-être que mon collègue de Sainte-Marie continuera sur l'autre côté de la médaille de cet article. Je vais m'attarder à un côté en particulier. Dans l'article 44, on retrouve encore le mot "consolidation", avec la définition sur laquelle on s'entend bien, M. le ministre, sur le plateau.

Il y a un petit point qui me chatouille. C'est que, dans cet article, on ne trouve pas de cran d'arrêt, de cran de sûreté ou de limite dans le temps. Si on ne trouve pas de limite dans le temps, j'imagine qu'on ne peut pas évaluer les coûts, non plus.

M. Fréchette: L'article 44, Mme la Présidente, est celui qui prévoit que l'accidenté a droit à de la réadaptation tant et aussi longtemps qu'on n'atteindra pas ce niveau de consolidation dont on parle. C'est évident que, si la réadaptation, en même temps que les traitements médicaux doivent durer quatre ans, cinq ans, six ans, c'est à ce terme-là qu'on se réfère: jusqu'à ce que l'accidenté soit capable de retourner à son travail ou alors qu'il soit capable de se livrer à des activités d'un emploi convenable.

M. Maltais: Justement là-dessus, c'est parce que je ne veux pas empiéter sur l'article 46. Mme la Présidente n'aime pas cela et elle a raison. On y va article par article. On voit très bien dans l'article 46 le chaînon manquant à 44.

Ce qui me chicote un petit peu, c'est qu'au début de votre déclaration ce matin vous avez dit: C'est une évaluation, la loi 42 va coûter grosso modo 20 000 000 $ de plus...

M. Fréchette: Voilà.

M. Maltais: ...si je me rappelle bien. Or, on n'a pas d'indication pour évaluer ces choses particulièrement à l'article 44 ici, parce que, il faut le dire en toute honnêteté, cela prendra le temps que cela voudra. Écoutez, le temps que la nature y mettra, le temps que les médecins y mettront, les soins, c'est un temps illimité et indéterminé. À

partir du moment où c'est illimité et indéterminé, c'est très difficile de quantifier l'indemnité en termes de dollars. Cela ouvre une porte, Mme la Présidente, à des coûts présumément estimés que personne ne peut vérifier, ni nous, ni la CSST. C'est une extrapolation d'actuaires, vous allez me dire, mais, quand même, entre 20 000 000 $ et 50 000 000 $, il y a une différence de 30 000 000 $. On n'a pas de cran de sûreté là-dessus. C'est cela qui est difficile.

Je sais que mon collègue de Sainte-Marie aura la contrepartie, mais il faut quand même avoir celle-là aussi.

M. Fréchette: Alors, Mme la Présidente, prenons le mécanisme à compter de son début, après l'accident de travail. Évidemment, la première étape qu'il faut franchir, c'est celle de s'assurer que les traitements dont a besoin l'accidenté vont lui être donnés, vont lui être prodigués autant en institution qu'autrement. C'est la première étape à franchir.

La deuxième étape, c'est celle de la réadaptation proprement dite. Il est tout à fait impossible d'arriver à penser qu'on pourrait limiter dans le temps la période pendant laquelle les programmes de réadaptation vont être offerts et appliqués dans le cas de l'accidenté. Par ailleurs, on me signale que les expériences menées jusqu'à maintenant conduisent à la conclusion que la période de temps moyenne pour arriver à compléter la réadaptation d'un accidenté, qu'elle soit physique, sociale ou professionnelle, est à peu près de deux années, en ne tenant pas compte, évidemment, de la première étape dont on a parlé, c'est-à-dire les traitements médicaux. Mais le motif ou le rationnel derrière cet article 44, c'est qu'il y a la notion d'incapacité d'accomplir son travail ou, alors, la notion de la capacité d'accomplir un emploi convenable.

M. Maltais: Excusez-moi, Mme la Présidente. M. le ministre, il y a une étape qu'involontairement sans doute vous avez sautée. Il y a la première étape que sont les soins médicaux immédiats. Elle est inévitable suivant l'accidenté qui arrive. Il y a l'étape aussi de la consolidation.

M. Fréchette: Oui, bien sûr.

M. Maltais C'est la deuxième, à mon avis, qui est très importante puisque selon l'étape de la consolidation va être régie l'étape de la réadaptation. Et à partir du moment où on est consolidé, on s'est entendu que cela ne veut pas dire qu'on est guéri, on peut avoir besoin de réadaptation après. Je ne veux pas m'en aller à l'article 46 du tout parce que Mme la Présidente va me rappeler à l'ordre et elle aurait raison. Il y a une étape indéterminée entre la consolidation et la réadaptation. Par exemple, pour les soins médicaux premiers qui vont arriver à la suite de l'accident, sans les quantifier en termes de jours, l'expertise nous dit: C'est à peu près entre 0 et 90 jours, les soins médicaux intensifs. Il y a l'étape de la consolidation qui peut prendre entre 90 jours et 6 mois ou quelque chose comme cela, s'il y a fracture. Il y a l'étape de la réadaptation; c'est elle la plus longue.

M. Fréchette: Oui, d'après lesexpériences qui ont été vécues jusqu'à maintenant, c'est cela.

M. Maltais: À partir du moment où c'est elle qui est la plus longue... Encore une fois, parce que c'est un corollaire, l'article 46, c'est difficile de...

M. Fréchette: Oui.

M. Maltais: ...parler de l'article 44 et de ne pas déborder sur l'article 46. Il y a tout le principe de l'indemnité continue partielle, il y a la participation entre le travail convenable et ce que le gars faisait avant et la différence de la rente quicontinue. Je m'interroge, car ce n'est pas facile de mettre une limite de temps dans cela, c'est presque impossible. Donc, cela devient impossible de quantifier les coûts.

M. Fréchette: Sauf à partir des expériences déjà vécues.

M. Maltais: D'accord. Vous avez une base actuarielle.

M. Fréchette: Oui, c'est d'ailleurs l'évaluation qui a été faite. En introduisant cet article 44 dans le projet de loi, cela n'implique pas que les mécanismes de traitement, de consolidation et de réadaptation sont changés; je veux dire que c'est la même procédure. Donc, à partir de l'expérience vécue à la commission depuis 1980, l'évaluation a été faite que cela n'entraînait pas de coûts par rapport à la situation actuelle.

M. Maltais: Tout à l'hegre, si je vous ai bien compris, vous avez semblé dire: Entre 0 et 24 mois est une période convenable.

M. Fréchette: Une moyenne...

M. Maltais: Une moyenne convenable.

M. Fréchette: ...pour la période de réadaptation.

M. Maltais: Oui. Entre 0 et 24 mois,

c'est une moyenne convenable... M. Fréchette: C'est cela.

M. Maltais: ...acceptable; c'est à peu près ce qui se passe dans la vie courante.

M. Fréchette: D'après l'expérience.

M. Maltais: D'accord. Cela va pour moi.

La Présidente (Mme Juneau): S'il n'y a pas d'autres discussions, est-ce que l'article 44...

M. Fréchette: II y a la contrepartie, me dit-on.

La Présidente (Mme Juneau): Ah!

Excusez-moi.

M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: Je trouve que c'est un article très important, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Juneau): Effectivement.

M. Bisaillon: Ce n'est pas parce qu'on a passé trois heures à discuter de l'ensemble cet après-midi qu'on doit expédier les articles les uns après les autres sans se poser de questions sur et leur formulation et leur portée.

La Présidente (Mme Juneau): Personne n'a jamais prétendu cela, M. le député.

M. Bisaillon: Non, non.

La Présidente (Mme Juneau): Vous avez tout le loisir possible.

M. Bisaillon: Je souligne pourquoi je donne la contrepartie et pourquoi je pense qu'il faut le regarder plus attentivement aussi. Je remarque que les députés ministériels sont beaucoup moins actifs ce soir qu'ils ne l'étaient hier soir.

La Présidente (Mme Juneau): C'est parce qu'ils ont compris...

M. Bisaillon: Pourtant... Comment dites-vous? Que dit-il, le député de Viau?

La Présidente (Mme Juneau): II dit qu'il y a eu un caucus.

M. Gagnon: Allez donc, M. le député de Sainte-Marie, allez donc là.

La Présidente (Mme Juneau): Allez-y donc, M. le député de Sainte-Marie; vous avez la parole. Sur l'article A4, toujours.

M. Bisaillon: Mme la Présidente, l'article 44 se lit comme suit: "Le travailleur dont la lésion professionnelle est consolidée a droit à l'indemnité de remplacement du revenu prévue par l'article 42 tant qu'il a besoin de réadaptation pour redevenir capable d'exercer son emploi ou, si cet objectif ne peut être atteint, pour devenir capable d'exercer à temps plein un emploi convenable." C'est la dernière partie de l'article qui, quant à moi, me pose des problèmes.

Premièrement, c'est quoi un emploi convenable? Dans les circonstances, est-ce qu'on utilise la meilleure formule? Ne devrait-on pas utiliser une autre appellation que "emploi convenable" pour couvrir l'ensemble des éléments dont on doit tenir compte?

Deuxièmement, qui va déterminer qu'il est capable d'exercer ledit emploi convenable? Quelle est la procédure prévue? Quels sont les recours du travailleur? Est-ce que la CSST a des pouvoirs pour imposer des mesures à l'employeur l'amenant à aménager l'ancien emploi? Parce que, lorsqu'on parle de son emploi, on parle de l'emploi tel qu'il l'exerçait, mais il peut revenir au travail dans un emploi aménagé par l'employeur qui tient compte de sa nouvelle situation ou de son incapacité nouvelle. Alors, il n'y a rien de tout cela qui est prévu dans cet article et je trouve que c'est dans l'application qu'on va se rendre compte que cela crée des problèmes.

Alors, ma première questions: Est-ce qu'on ne pourrait pas trouver une autre expression que "emploi convenable"? Par exemple, l'expression "un emploi approprié" vous semblerait-elle plus juste? Parce que l'emploi approprié, si on se fie aux définitions du dictionnaire, veut dire convenable et pertinent. La pertinence de l'autre emploi, il me semble que c'est quelque chose dont on devrait tenir compte. Tout ce dont on parle ici, c'est de devenir capable de l'exercer; ce n'est pas de l'exercer. À partir du moment où on pose le jugement qu'il est capable de l'exercer, c'est terminé. Cela ne veut pas dire qu'il va l'exercer, cet emploi convenable ou approprié ou appelons-le comme on voudra.

Ce sont toutes des questions qui restent en suspens et on ne peut pas, à mon sens, approuver cela de même les deux yeux fermés sans savoir comment cela va s'appliquer.

La Présidente (Mme Juneau): M. le ministre.

M. Fréchette: Mme la Présidente, voici mes commentaires aux observations du député de Sainte-Marie. D'abord, il s'interroge sur ce que serait, ce que peut être ou est la nature d'un emploi convenable.

Je vais le référer à l'article 2 de la loi. Évidemment, on ne l'a pas adopté, mais cela pourrait être une avenue qu'on commence à regarder quant à la définition du terme "emploi convenable". C'est "un emploi qui permet au travailleur victime d'une lésion professionnelle d'utiliser sa capacité résiduelle et ses qualifications professionnelles, qui présente une possibilité raisonnable d'embauche et dont les conditions d'exercice ne comportent pas de danger pour la santé, la sécurité ou l'intégrité physique du travailleur compte tenu de sa lésion."

Lorsque nous reviendrons à la discussion de l'article 2, nous allons proposer d'ajouter à la définition du terme "emploi convenable" le terme suivant: "un emploi approprié qui permet au travailleur", etc. Alors, la notion d'approprié dont parle le député de Sainte-Marie sera suggérée lorsque nous arriverons à l'étude de la définition d'un "emploi convenable".

M. Bisaillon: Dans la définition? M. Fréchette: Voilà!

M. Bisaillon: Pour les autres aspects de mes interrogations, M. le ministre.

M. Fréchette: C'est ce que j'allais aborder.

M. Bisaillon: Excusez-moi.

La Présidente (Mme Juneau): M. le ministre.

M. Fréchette: II est évident qu'il va devoir arriver une décision à un moment donné si une contestation s'élève autant au niveau de la nature de ce que pourrait être l'emploi convenable pour un accidenté donné qu'au niveau de sa capacité ou de sa possibilité de le faire. La première instance décisionnelle ne peut être aucune autre instance que la commission elle-même. (21 h 45)

La commission, à partir des progrès réalisés par l'accidenté, autant à la suite de ses traitements médicaux qu'à la suite de son programme de réadaptation, à partir du contenu des expertises médicales, à partir des évaluations globales qui auront été faites de l'état de l'accidenté, pourra déterminer que cet accidenté est maintenant en mesure d'occuper un emploi qu'on va indiquer comme étant convenable, le tout conformément aux critères de la définition de cette expression "emploi convenable".

Si l'accidenté prétend, d'une part, que l'emploi n'est pas convenable ou, alors, que l'emploi pourrait être convenable si la consolidation était complétée, il aura tout le loisir de contester la décision que prendrait la commission dans son cas à partir, encore une fois, des sources d'information dont je viens de parler. Mais il faut que le processus décisionnel commence quelque part et cela ne peut pas être ailleurs qu'à la commission elle-même.

La Présidente (Mme Juneau): Est-ce que cela va, M. le député?

M. Bisaillon: Mme la Présidente, j'aurais un amendement à proposer. L'objectif, Mme la Présidente, c'est d'essayer d'améliorer...

La Présidente (Mme Juneau): Oui, vous voulez faire travailler M. le secrétaire.

M. Bisaillon: ...le texte. Il s'agirait de biffer, dans la dernière partie de l'article 44, "si cet objectif ne peut être atteint, pour devenir capable d'exercer à plein temps un emploi convenable" et de le remplacer par "tant qu'il n'occupe pas un emploi convenable". Le nouvel article se lirait comme suit: Le travailleur dont la lésion professionnelle est consolidée a droit à l'indemnité de remplacement du revenu prévue par l'article 42 tant qu'il a besoin de réadaptation pour redevenir capable d'exercer son emploi ou tant qu'il n'occupe pas un emploi convenable.

M. Fréchette: Mme la Présidente, je ne recommencerai pas la discussion, mais je vous signale que, quant à moi, je ne pourrais pas souscrire à l'amendement soumis par le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: Mme la Présidente, vous , admettrez avec moi que jusqu'à maintenant le ministre ne m'a donné aucun argument pour me dire pourquoi il ne peut pas souscrire à cet amendement.

Le problème qui va se poser, c'est que, à partir d'un jugement qui va se faire sur la capacité du travailleur d'occuper un emploi convenable, tout cesse à moins que le travailleur ne conteste. Mais ce qu'il conteste - le ministre l'a bien expliqué - ou ce qu'il va pouvoir contester, c'est la notion d'emploi convenable, c'est tel emploi est-il convenable? C'est bien beau de déterminer qu'un emploi est convenable, mais est-ce qu'il l'occupe, cet emploi convenable? S'il ne l'occupe pas, ses indemnités cessent. Autrement dit, à 44, ce que vous êtes en train d'adopter, c'est que les indemnités vont cesser à partir du moment où on va juger qu'il serait capable d'exercer. Mais tant qu'il ne l'exerce pas, tant qu'on ne lui a pas donné la possibilité de l'exercer, pourquoi on lui coupe les indemnités?

La seule chose que le travailleur va pouvoir contester, c'est la définition d'emploi convenable qu'on va avoir appliquée dans son cas. C'est cela que le ministre m'a expliqué

tantôt. Ce n'est pas le fait que c'est trop hâtif ou qu'il ne l'exerce pas, effectivement. Comment on peut justifier qu'à partir du moment où il n'exerce pas cet emploi convenable on va lui couper ses indemnités? Le ministre a passé beaucoup de temps, cet après-midi, à nous faire comprendre que le nouveau projet défrayait la différence entre le salaire, par exemple, de l'ancien emploi par rapport au salaire diminué d'un nouvel emploi. C'est bien beau cela, mais encore faut-il qu'il l'occupe, cet emploi.

Tant et aussi longtemps qu'on dit: Le travailleur, parce qu'il est diminué, ne peut pas occuper son emploi, cela va. On va lui en donner un autre et, s'il a un revenu moindre, le régime va combler la différence. Tout cela sur papier, c'est excellent. En pratique, qu'arrivera-t-il? En pratique, dès qu'on va avoir décidé qu'il est capable de l'exercer, c'est terminé. Alors, là, tous vos savants calculs pour indiquer qu'on va payer la différence, on ne la paiera pas, la différence, puisque les indemnités vont cesser dès qu'il va devenir capable de l'exercer.

Relisons 44, Mme la Présidente, tel qu'il est là, maintenant.

M. Fréchette: Et les autres.

M. Bisaillon: Pardon!

M. Fréchette: 44, 45, 46 et 47.

M. Bisaillon: Alors, que le ministre me dise que cela se retrouve ailleurs, mais qu'il ne me dise pas juste qu'il ne peut pas endosser mon amendement. Qu'il me l'explique, il est là pour cela aussi.

M. Fréchette: Mme la Présidente, je pensais, ce matin ou au début de l'après-midi, avoir donné une explication là-dessus; elle n'a sans doute pas été suffisamment claire. Lorsque l'accidenté est en mesure d'occuper un emploi convenable, mais qu'il n'y en a pas de disponible pour lui, je n'ai jamais dit que son indemnité cessait, même s'il n'occupe pas l'emploi convenable, et ce n'est pas, non plus, ce que la loi indique. La loi indique purement et simplement que, si l'accidenté est maintenant en mesure d'occuper un emploi convenable, mais qu'il n'est pas capable de se trouver un emploi convenable, que la commission, dans le programme de réadaptation, ne lui a pas trouvé un emploi convenable, il y aura une réduction de l'indemnité dans la proportion prévue aux articles 46 et 47. À moins que notre lecture ne soit complètement différente -du même texte, il n'est nulle part indiqué qu'au moment où la consolidation sera arrivée, s'il ne peut pas retourner dans son même emploi, mais qu'il peut être affecté à un emploi convenable, toute indemnité cesse. Cela, c'était vrai dans le projet de loi 42 tel que déposé en novembre 1983; ce n'est plus vrai maintenant.

M. Bisaillon: Mais, Mme la Présidente, tel que l'article 44 est rédigé actuellement, s'il ne se réfère pas aux autres articles, il doit trouver son application, l'article 44. Que dit-il? Que l'indemnité de l'article 42 est payée "tant qu'il a besoin de réadaptation pour redevenir capable d'exercer son emploi ou, si cet objectif ne peut être atteint, pour devenir capable d'exercer à plein temps un emploi convenable." Si j'applique l'article 44, ça veut dire que le droit à l'indemnité, dès qu'on porte le jugement qu'il devient capable, il doit cesser..

Vous me dites: Non, on retrouve ça dans d'autres articles. Mais nulle part dans l'article 44 vous ne vous référez à ces articles-là. Normalement, que dit-on dans des articles de loi? Je ne sais pas ce qu'il y a de drôle; s'il y a quelque chose de drôle, expliquez-le-moi. Normalement, quand on ne veut pas qu'un texte s'applique comme il est écrit, on met "nonobstant". J'ai toujours vu ça dans n'importe quel texte de loi. Comment se fait-il que ce n'est pas là? C'est ce que je veux savoir.

M. Fréchette: Mme la Présidente, je serais disposé à ce qu'on prenne les dix, quinze ou vingt prochaines minutes pour faire une lecture attentive des articles 44, 45, 46, 47 et 48. Si le député de Sainte-Marie, après cette lecture, n'obtient pas réponse à ses questions, nous continuerons d'y travailler.

M. Bisaillon: Je serais prêt à suggérer...

M. Fréchette: L'article 44 réfère à la période de consolidation; les autres articles réfèrent à la période de réadaptation et à la période de récupération totale.

M. Bisaillon: Je serais prêt à suggérer qu'on suspende l'article 44 et mon amendement; qu'on regarde les autres et qu'on revienne par la suite.

M. Fréchette: Mais quelle est la nature de l'amendement? Ah oui, ça va.

M. Bisaillon: C'est de dire que tant qu'il n'occupe pas...

La Présidente (Mme Juneau): On est en train de le faire photocopier...

M. Bisaillon: Je voudrais faire une précision qui me semble importante, Mme la Présidente. Jusqu'à présent, j'ai essayé de travailler correctement à cette commission parlementaire; j'ai essayé de le faire honnêtement, sans retarder indûment les travaux de la commission. Je comprends que ça ne fait pas des mois que je travaille dans

ce dossier. Je comprends que ça ne fait pas plusieurs projets que j'écris moi-même, mais les arguments que j'apporte, j'essaie de les apporter sincèrement.

Je dis au conseiller du ministre qu'il faudrait qu'il le perçoive comme ça. Si, à l'occasion, il nous arrive de dire des choses qui sont incorrectes, !e ministre et son conseiller sont là pour nous reprendre et pour nous expliquer la vraie façon de voir les choses. C'est comme ça que je perçois aussi mon travail en commission. Ce n'est pas la bible, ce que je dis; j'aimerais qu'on me reprenne et, à ce moment-là, qu'on le fasse de la même façon que je travaille, c'est-à-dire correctement.

La Présidente (Mme Juneau): M. le ministre.

M. Fréchette: Mme la Présidente, sur le dernier commentaire du député de Sainte-Marie, j'espère qu'il n'ira pas prétendre que, pour autant que je suis concerné, moi, j'ai des doutes quant à la sincérité, la loyauté, l'honnêteté et, surtout, l'acharnement qu'il met dans l'étude du projet qu'on a devant nous.

Il faudrait peut-être, par ailleurs, savoir ce dont on parlait tous les deux, avant d'arriver à des conclusions fermes qu'on référait à l'argumentation du député de Sainte-Marie. C'est strictement ça.

M. Bisaillon: Mme la Présidente, quand on fait une argumentation à deux, on s'attend au moins à être deux. Je veux bien croire que le ministre parlait d'autre chose avec son conseiller, mais moi, je discute avec lui.

M. Fréchette: D'accord.

La Présidente (Mme Juneau): Est-ce que vous voulez intervenir sur l'amendement?

Une voix: Suspendez donc cinq minutes.

M. Fréchette: C'est cela. C'est ce qu'on a l'habitude de faire à cette heure-ci.

La Présidente? (Mme Juneau): M. le député de Champlain.

M. Gagnon: Sur la dernière intervention du député de Sainte-Marie que je ne trouve pas tout à fait correcte, parce que, en fait...

M. Bisaillon: Vous auriez aimé qu'elle soit plus claire?

M. Gagnon: Non. Je vais vous le dire. C'est qu'on a même passé des remarques ici et c'est pour ça que je n'aime pas trop l'allusion qu'il a faite, à savoir que sa contribution à cette commission était même très intéressante. Je ne vois pas de quelle façon il se sentirait lésé. Je pense qu'il a tout le temps...

M. Bisaillon: Concluez que vous n'étiez pas visé, M. le député!

M. Gagnon: ...de parole qu'il a le droit d'avoir et je n'ai pas l'impression que quelqu'un le brime dans son droit de parole. Même, on a collaboré à l'amélioration du projet de loi en question. Je pense que, depuis le début, aussi, le ministre s'empresse de répondre aux questions du député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: Très bien. Adopté.

La Présidente (Mme Juneau): Est-ce qu'on peut suspendre?

M. Bisaillon: Alors, cela devait être en dehors de tout ça.

La Présidente (Mme Juneau): Voulez-vous qu'on suspende quelques minutes?

M. Bisaillon: Oui, on va suspendre cinq minutes.

La Présidente (Mme Juneau): Voulez-vous suspendre cinq minutes, s'il vous plaît?

Une voix: Oui, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Juneau): Voilà. Nous suspendons cinq minutes.

(Suspension de la séance à 21 h 57)

(Reprise à 22 h 6)

Le Président (M. Dussault): Nous allons reprendre les travaux de la commission. Nous étions à un amendement, à l'article 44, qui avait été proposé par M. le député de Sainte-Marie. Qui avait la parole? M. le ministre, vous avez la parole.

M. Fréchette: M. le Président, si l'on retenait l'amendement proposé par le député de Sainte-Marie, ça voudrait dire, en même temps, qu'il nous faudrait, à l'avance, renoncer aux mécanismes prévus quand arrive la possibilité pour un accidenté d'occuper un emploi convenable, même si, malheureusement, il ne peut pas en occuper.

Les articles qui suivent vont nous amener, sans doute, à la conclusion que, lorsque la consolidation est terminée, que les traitements médicaux aussi, bien sûr, sont terminés, que le travailleur ou que l'accidenté est en mesure d'occuper un emploi convenable, même s'il n'en occupe

pas, il y a un mécanisme qui est prévu en vertu duquel l'indemnité à laquelle il a droit est diminuée dans les proportions que prévoient les articles qui suivent l'article 44. Or, il faudrait, avec l'amendement du député de Sainte-Marie, faire une exception à l'article 44 ou bien, alors, accepter à l'avance qu'il faille déjà renoncer, comme je viens de le dire, à la politique prévue dans le cas qu'on discute, c'est-à-dire le cas où l'accidenté est en mesure d'occuper un emploi convenable.

Enfin, je ne peux pas présumer de ce qui va se passer quand on va arriver aux autres articles. Mais, comme au niveau de cette politique ou de cette philosophie, il m'apparaît assez clairement que notre position est la bonne, est correcte, je ne voudrais pas, à ce stade-ci, accepter un amendement qui ferait en sorte que l'on "démolisse", entre guillemets, un certain nombre d'autres articles qui viennent et qui sont en référence avec la notion d'emploi convenable et en référence, également, avec les conditions dans lesquelles cet emploi convenable peut et doit être exercé.

Le Président (M. Dussault): M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: Effectivement, l'amendement que j'apportais à l'article 44, c'était l'expression d'un choix. Cela n'avait pas cela comme objectif, mais cela aura probablement comme effet de "démolir", selon l'expression du ministre, les articles 45, 46 et 47. Mais c'est un choix.

Quel est le choix qui nous est présenté? Dans un premier temps, on dit: Le droit à l'indemnité, c'est tant qu'il a besoin de réadaption ou jusqu'au moment où on juge qu'il est capable d'exercer à plein temps un emploi convenable. Pendant tout le temps de la réadaptation, pas de problèmes. À partir du moment où on juge qu'il est capable d'exercer à plein temps un emploi convenable, les articles 45 et 46 déterminent comment, maintenant, cela va s'appliquer.

Regardons le deuxième paragraphe de l'article 46. Il dit: "Cependant, si cet emploi convenable n'est pas disponible, ce travailleur a droit à l'indemnité de remplacement du revenu prévue par l'article 42 jusqu'à ce qu'il occupe cet emploi ou qu'il le refuse sans raison valable, mais pendant au plus un an à compter de la date où il devient capable de l'exercer." Autrement dit, on a repris dans le deuxième paragraphe exactement les termes que j'utilisais à l'article 44, sauf qu'à l'article 44, j'en faisais un absolu.

Le travailleur avait un emploi. Il a eu un accident au travail. Ce n'est pas sa faute, à moins qu'on ne présume qu'ils se sont tous automutilés. Ce n'est pas sa faute, il a eu un accident du travail. Cet accident l'empêche de continuer à exercer son emploi et, au moment où on détermine qu'il pourrait exercer un emploi convenable, il n'y en a pas. Ce n'est pas sa faute, non plus, s'il n'y en a pas. Le choix que je préférerais, c'est qu'on reconnaisse que, si le travailleur n'a pas la possibilité d'exercer un emploi convenable, ce n'est pas parce qu'il refuse de le faire; c'est parce qu'on ne lui en rend pas disponible. On le reconnaît, d'ailleurs, à l'article 46, qu'il est possible qu'il n'y ait pas d'emploi convenable disponible. Dans ce cas, on dit: On va continuer à le payer, mais seulement un an.

En fait, ce que je dis, c'est qu'on part d'un principe très large et au fur et à mesure que les articles s'en vont on dilue le principe qu'on a d'abord énoncé. C'est très ressemblant à des choses qu'on peut remarquer par ailleurs. On part de l'indépendance, puis, tranquillement, on ajoute un référendum ici, un référendum là; on diminue ça et on dilue ça tellement qu'il ne reste plus rien. C'est exactement ce qu'on fait.

À l'article 44, on pose un principe: il aura droit à ça. À l'article 45, on commence déjà à le limiter et, à l'article 46, on dit: S'il n'y en a pas de disponible ou s'il refuse de l'occuper, on va continuer à le payer, mais seulement pendant un an. Donc, ce sont des calculs. C'est par calcul, ce n'est pas par principe qu'on met ça. Si c'était par principe, ou bien on dirait: C'est non sur toute la ligne, ou bien on dirait: C'est oui sur toute la ligne. Là où on voit que c'est uniquement par calcul, c'est qu'on le limite à un an. Donc, on reconnaît que, pendant une certaine période, il est normal de compenser le travailleur qui a subi un accident du travail parce qu'on ne lui trouve pas l'emploi convenable qu'on a déterminé, parce que l'emploi convenable qu'on lui a déterminé n'est pas disponible.

Là, ce sont des questions de choix pour les parlementaires: que vont-ils privilégier? Je dis que, s'ils ne retiennent pas mon amendement à l'article 44, jusqu'à un certain point, ils rendent le travailleur responsable de ce qui lui est arrivé. Ils le rendent responsable, de surcroît, de ne pas être capable, parce qu'il n'y en a pas de disponible, d'occuper un poste convenable qu'on aura déterminé pour lui. C'est ça que je dis. C'est juste une question de choix. Faites vos choix clairement. Mais quand vous avez fait le choix clair de dire: Est-ce la faute du travailleur ou si ce n'est pas sa faute, ne diluez rien, faites vos choix complets. Il me semble que c'est ça qui serait cohérent et logique. À partir du moment où, à l'article 46, on dit que, s'il n'y a pas d'emploi disponible, on va le payer pendant un an, pourquoi met-on une limite d'un an? Quand on le paie pendant un an, on reconnaît automatiquement ou implicitement

le fait ou le principe que ce n'est pas sa faute, qu'il n'en est pas responsable. Si on le limite a un an, c'est parce qu'on a fait des calculs. Si on fait des calculs, on se trouve à les faire sur le dos du travailleur plutôt que sur le dos de ceux qui doivent payer la note. C'est ça que je dis, M. le Président: Faites vos choix clairs! Vous êtes pour les responsables des accidents ou vous rendez les travailleurs accidentés responsables. C'est ça le choix entre mon amendement à l'article 44 et l'adoption des articles 45, 46 et 47. (22 h 15)

J'ai pris seulement un aspect; on a convenu que l'on traiterait des articles 44, 45, 46 et 47. Je pense que c'est à la suggestion du ministre. Il est évident que, si mon amendement à l'article 44 est rejeté, le choix sera fait. Il ne restera qu'à regarder les articles au plan technique, mais sur le fond de la question les parlementaires auront fait leur choix.

Le Président (M. Dussault): M. le ministre.

M. Fréchette: Oui, brièvement, M. le Président. Il y a une chose avec laquelle je suis tout à fait d'accord à partir de la dernière argumentation du député de Sainte-Marie. Quelle que soit la décision que l'on retient à chacun des articles qu'on est en train d'étudier ou, alors, à l'ensemble d'une série d'articles qui contiennent un mécanisme, c'est tout à fait évident que cela se résume à une question de choix. Je pense que sur cela on va très facilement être capables de se comprendre.

Le député de Sainte-Marie a fait un choix et il nous suggère de l'introduire dans la loi. Je lui signale que ce n'est pas le choix que le gouvernement a retenu pour les motifs suivants. C'est vrai qu'au fur et à mesure que le temps passe depuis la date de l'accident et à partir de toutes les étapes qui suivent les possibilités - je pense que le député de Sainte-Marie a utilisé l'expression - "se diluent graduellement" - c'est vrai que cela se dilue graduellement, mais c'est inversement proportionnel, par ailleurs, à l'amélioration de l'état de l'accidenté. Au fur et à mesure que se rétrécissent les objectifs ou les possibilités dont parle le député de Sainte-Marie, c'est strictement parce que, encore une fois, l'état de l'accidenté, lui, s'améliore. Cet état va aboutir ou bien à une récupération complète ou bien à la consolidation dont on parle, c'est-à-dire au maximum possible de l'amélioration de l'état de l'accidenté.

Mme la Présidente, vous êtes revenue, oui.

La Présidente (Mme Juneau): Oui, cher monsieur.

M. Fréchette: Mme la Présidente, je suis d'opinion, à tort ou à raison, que retenir la suggestion du député de Sainte-Marie équivaudrait, à toutes fins utiles, à introduire dans la loi des dispositions équivalant è un système d'assurance-chômage. C'est très précisément l'aboutissement du raisonnement du député de Sainte-Marie et il me semble que, cet après-midi, on a les uns et les autres convenu que ce n'était pas par une loi de réparation des accidents du travail qu'il fallait atteindre les objectifs louables qu'il veut atteindre par l'amendement qu'il suggère. Pour ces motifs, je suis un de ceux qui croient que l'amendement devrait être rejeté.

La Présidente (Mme Juneau): M. le député de Beauharnois.

M. Lavigne: Pour aller un peu dans le même sens de l'argumentation que vient de développer le ministre, c'est bien évident que c'est un choix. Je suis bien sensible à toute l'argumentation qu'a développée le député de Sainte-Marie. Bien sûr, comme parlementaires, on peut endosser l'argumentation du député de Sainte-Marie ou pas. Les raisons qui vont faire que je ne i'endosse pas sont celles-ci. D'abord, après l'accident, il y a toute la période de la consolidation. Cela peut durer six mois, un an, deux ans, trois ans et quatre ans, il n'y a pas de limite à cela dans la loi. On le paie pendant la consolidation, il n'y a pas de maximum. Après sa consolidation, le médecin évalue qu'il y a consolidation, que le travailleur accidenté est remis à la santé, qu'on ne peut plus améliorer sa situation physique par des traitements. C'est ce qu'on définit dans la consolidation. Donc, si lui décide qu'il n'y a pas encore consolidation, il a toujours droit d'appel.

De toute façon, si l'employé considère qu'il y a consolidation et qu'il est d'accord avec son médecin, il s'embarque dans le processus de l'emploi convenable. Dans le cas d'un employé qui travaille dans une entreprise où il y a 20 employés et moins, on lui donne un an, en collaboration avec la CSST, pour se trouver l'emploi convenable en question. S'il travaille dans une entreprise où il y a plus de 20 employés, il a droit à deux ans. Si, après cette année pour trouver un nouvel emploi, il arrive devant un cul-de-sac parce qu'il n'y a pas d'emploi disponible, c'est un peu - et là vous me remettrez sur la piste si vous ne le comprenez pas comme cela - comme ce qui pourrait arriver à quelqu'un qui n'a pas eu d'accident lorsqu'il y a un manque d'emplois. Il peut y avoir des mises à pied dans une entreprise; parce que le carnet de commandes est diminué, le patron en met trois à pied. Là, parce que l'employé a été victime d'un accident, on veut quand même l'aider, parce que ce n'est

pas sa faute s'il a eu un accident. Donc, pendant la période de consolidation, on le paie, un an ou deux selon le cas. Seulement, je ne veux pas lui donner, moi, par la loi, l'opportunité de ne plus jamais - c'est un choix, encore là, je le dis - pouvoir retourner sur le chômage ou bien sur l'aide sociale. Si, mettons, en bout de piste, après dix ans, il n'a pas d'emploi convenable -exagérons la situation pour bien comprendre - cela veut dire que ce gars, parce qu'il aura eu un accident de travail une fois dans sa vie, est exempt à tout jamais de toucher soit l'assurance-chômage ou l'aide sociale. Moi, je dis qu'on le traite de façon discriminatoire, si on veut, par rapport à un employé qui n'a pas eu d'accident, mais qui n'a pas d'emploi.

Cela se peut, des employés qui n'ont pas d'emploi en cours de route pendant leur vie, à un moment donné. Cela fait dix ans que le gars travaille dans la "shop" et là, cela va moins bien pour son patron, il n'a plus besoin de lui et le met à pied. Le gars va prendre ses cliques et ses claques et va essayer de se trouver une autre "job". S'il n'y en a pas, en bout de piste, il va tomber en chômage et sur l'aide sociale. Mais parce qu'il aurait eu un accident de travail, il serait exempt de cela jusqu'à la fin de ses jours. Moi, je n'achète pas cela. C'est une question de principe. On peut l'acheter ou ne pas l'acheter. Mon choix, je l'explique: je n'achète pas cela.

La Présidente (Mme Juneau): Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur l'amendement du député de Sainte-Marie?

M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: Je n'ai pas argumenté sur l'amendement, Mme la Présidente, mais répondu plutôt au voeu du ministre de regarder dans l'ensemble les quatre articles. Après cela, je pense qu'on va disposer de l'amendement et cela va régler une partie de la question.

Je voudrais, quand même, reprendre l'argumentation du député de Beauharnois. On va admettre avec moi que, quand il est rendu à sept ans et à huit ans, on n'est plus dans les cas légers dont parlait le ministre aujourd'hui; on est plutôt dans les cas lourds. L'article 1 du projet de loi dit: "La présente loi a pour objet la réparation des lésions professionnelles et des conséquences qu'elles entraînent pour les bénéficiaires." Je dis que, dans cette situation, le fait de ne pas avoir l'emploi convenable disponible qu'on a déterminé pour lui, c'est une conséquence. S'il n'avait pas eu d'accident de travail, il l'aurait, cet emploi. Pas un emploi convenable, pas un emploi différent.

Le ministre dit: Peut-être pas. C'est vrai, peut-être pas. Mais s'il ne l'avait plus, son emploi antérieur, il serait traité sur le même pied que tout le monde. Mais à cause d'un accident de travail, il est incapable d'exercer son emploi antérieur et, parce qu'il est incapable d'exercer son emploi antérieur, on détermine pour lui un emploi convenable. On fait cela à sa place. Cet emploi convenable qu'on a déterminé, il n'est pas disponible.

Moi, je prétends que ça devient une conséquence de l'accident de travail, de la lésion professionnelle. Selon l'article 1, ce projet de loi ne traite pas juste de la réparation des lésions; il doit se préoccuper aussi des conséquences qu'elles entraînent pour les bénéficiaires. Je trouve que, dans les circonstances, quand on est rendu après sept ans, cela devient une conséquence. À moins qu'on ne prétende que, dès que quelqu'un a eu un accident de travail et est diminué physiquement d'une partie importante, il devient automatiquement un parasite de la société et il se considère comme cela.

Je ne dis pas que c'est ce que le député a voulu dire, mais c'est cela que nos discours entraînent, finalement, quand on dit: Après sept ans, qu'est-ce-que tu veux, s'il n'a pas d'emploi, il est sur le même pied que tout le monde. Ce n'est pas vrai parce que ce n'est pas tout le monde qui a eu un accident de travail.

Je disais: Tant qu'il n'occupe pas un emploi convenable. Je pourrais ajouter: Tant qu'il n'occupe pas ou qu'il refuse un emploi convenable. Parce que c'est de cela que vous parlez aussi à 46. S'il refuse un emploi convenable, vous allez continuer à le payer pour un an et, après l'année, vous allez arrêter. Je dis que quelqu'un qui refuse un emploi disponible, pour moi, c'est la première journée que tu dois le couper, ce n'est pas d'attendre un an. Sauf que là on achète la paix en le payant pendant un an à partir du moment où il refuse. On achète la paix. Je dis que ce sont des solutions de compromis.

La Présidente (Mme Juneau): Oui, M. ledéputé de Beauharnois.

M. Lavigne: Pour essayer de comprendre ce que le député de Sainte-Marie vient de dire, c'est que l'année ou les deux années qu'on lui donne, selon le cas, de 20 employés ou moins ou plus...

M. Bisaillon: Pas qu'on lui donne; qu'il mérite.

M. Lavigne: M. le député de Sainte-Marie!

M. Bisaillon: Qu'on lui accorde. M. Lavigne: Qu'on lui accorde.

La Présidente (Mme Juneau): M. ie député de Beauharnois, vous avez la parole.

M. Lavigne: Ce n'est pas à partir d'un refus qu'on le lui accorde; c'est dans la loi. Si au bout de trois mois on en trouve un et qu'un employé accidenté, qui a été consolidé, revient et est d'accord pour prendre cet emploi après trois mois, on va le lui accorder. Si après l'année on n'a pas réussi, cela se fait, selon le texte même de la loi, en collaboration entre la CSST et l'employé. Ce n'est pas l'employé qu'on envoie dans le champ tout seul se trouver...

Ce que je veux dire, c'est qu'il y a un an... C'est parce que vous introduisez dans l'article la question de refus de la part de l'employé.

M. Bisaillon: Ce que je vous dis, c'est qu'à l'article 46 - c'est aussi le cas à 45 -on dit: "Cependant, si cet emploi convenable n'est pas disponible, ce travailleur a droit à l'indemnité de remplacement du revenu prévue par l'article 42 jusqu'à ce qu'il occupe cet emploi ou qu'il le refuse sans raison valable, mais pendant au plus un an à compter de la date où il devient capable de l'exercer."

Alors, ce que je comprends de cette partie de l'article et je pense que je ne me trompe pas, c'est ou bien l'emploi convenable n'est pas disponible ou bien il y a un emploi convenable et le travailleur le refuse sans raison valable. Dans ces deux circonstances, on va lui payer une indemnité, qui peut être diminuée, pendant une période d'un an. C'est après que cela va cesser. "Mais pendant au plus un an à compter de la date où il devient capable de l'exercer."

La Présidente (Mme Juneau): Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur l'amendement du député de Sainte-Marie? Est-ce que l'amendement du député de Sainte-Marie est adopté?

M. Fréchette: Rejeté, Mme la Présidente.

M. Lavigne: Une autre question, Mme la Présidente, de la part du député de Beauharnois, au député de Sainte-Marie. Est-ce que, si je comprends bien, le député de Sainte-Marie voudrait avoir une année de plus en cas de refus?

M. Bisaillon: Non, vous ne comprenez pas du tout.

M. Lavigne: C'est indéfiniment.

M. Bisaillon: Au contraire, non. Je dis que, dans ce projet, on accepte même que le travailleur accidenté refuse sans raison valable. Je dis que j'aimerais mieux qu'on lui paie des indemnités tant qu'il n'occupe pas un emploi convenable, mais je serais prêt à dire qu'à partir du moment où il le refuse, quand il en a un, on devrait le couper. C'est cela que je dis, alors que vous, vous maintenez les deux. C'est cela que je dis.

La Présidente (Mme Juneau): Donc, l'amendement est rejeté.

M. Bisaillon: Je dois comprendre, Mme la Présidente, que l'amendement est rejeté à l'unanimité?

M. Fréchette: II faudrait demander cela à nos collègues à notre gauche.

La Présidente (Mme Juneau): M. le député de Viau, est-ce que l'amendement est rejeté?

M. Cusano: II y a des bouts qu'on n'a pas suivis, excusez. Juste un instant.

M. Lavigne: Mme la Présidente, si vous me le permettez...

La Présidente (Mme Juneau): M. le député de Beauharnois.

M. Lavigne: ...on pourrait amender l'article dans le sens suivant: C'est que s'il le refuse...

La Présidente (Mme Juneau): Une minute! On est en train de discuter un amendement, M. le député, si vous le permettez. Un à la fois.

M. Lavigne: C'est sur l'amendement du •député de Sainte-Marie.

La Présidente (Mme Juneau): Attendez, on va savoir. Juste un instant, s'il vous plaît:

M. Fréchette: II est rejeté.

M. Bisaillon: Tout ce que je veux savoir, c'est s'il a été rejeté à l'unanimité. Il me semble que c'est un droit normal.

La Présidente (Mme Juneau): On m'a demandé quelques secondes pour...

M. Cusano: On a demandé quelques secondes.

M. Bisaillon: Très bien.

M. Lavigne: Mme la Présidente, question de causer...

La Présidente (Mme Juneau): Un instant, s'il vous plaît: Juste un instant. Il m'a dit que cela prendrait quelques secondes,

s'il vous plaît: (22 h 30)

M. Fortier: On aurait seulement une question à poser au ministre. Je pense que toute la notion qu'on a étudiée depuis le début semble donner l'interprétation de la capacité à un médecin traitant qui fait rapport éventuellement. Je crois que, lorsqu'on dit, selon le texte de la loi, "redevient capable d'exercer", le terme "capable d'exercer" sera interprété par un médecin traitant.

M. Fréchette: En fonction.

M. Fortier: Alors, c'est la notion. Selon la notion qui nous est suggérée, je crois que c'est l'employé lui-même, s'il refuse un emploi alors qu'il en était capable, qui se fait juge. Personnellement, je crois, en accord avec les notions qui ont été établies depuis le début, que la proposition faite ici par le ministre semble plus logique avec l'ensemble des autres articles de loi qui sont devant nous. De prime abord, je voterais contre l'amendement.

La Présidente (Mme Juneau): Contre l'amendement. M. le député de Viau?

M. Cusano: Contre.

La Présidente (Mme Juneau): Cela veut dire que l'amendement du député de Sainte-Marie est rejeté à l'unanimité.

M. Bisaillon: Mme la Présidente, veuillez croire que j'en suis profondément désolé et que, si j'avais eu l'occasion de le dire et de l'exprimer par un vote, j'aurais sûrement voté favorablement.

La Présidente (Mme Juneau): Je n'en doute pas un instant, cher monsieur. Est-ce que l'article 44 est adopté?

Des voix: Adopté.

La Présidente (Mme Juneau): Adopté. L'article 45? M. le député de Viau.

M. Cusano: Seulement quelques clarifications. Si je comprends la portée de l'article 45, une fois que l'accidenté est capable de retourner à son emploi, il y a un délai de prescrit en vertu des autres articles qui consacrent le droit de retour au travail d'un an ou de deux ans.

C'est la ' pause-café, M. le ministre. C'est un "compliment" de qui? C'est de vous-même. Merci beaucoup, M. le ministre.

M. Gagnon: Mme la Présidente, on a rejeté l'amendement du député de Sainte-Marie.

La Présidente (Mme Juneau): Oui.

M. Gagnon: Mais est-ce qu'on a adopté l'article ou si on en parle actuellement?

La Présidente (Mme Juneau): Non, non, on a adopté l'article 44. On est à l'article 45.

M. Cusano: Cela arrive des fois qu'on ne suit pas tous les débats.

La Présidente (Mme Juneau): On est à l'article 45.

M. Cusano: Je demandais des précisions au ministre parce que je veux bien comprendre la portée de l'article. Lorsque l'accidenté redevient capable d'exercer son emploi, mais que ceci est après l'expiration des droits de retour au travail, c'est-à-dire un an ou deux ans, cela veut dire en termes très concrets - parce que s'il travaille pour une compagnie de moins de 20 employés, son délai est d'un an, d'après ce que l'on trouve dans les autres articles - que, s'il devenait capable d'exercer un emploi équivalent un an et deux mois après l'accident, il aurait un prolongement d'un an. Est-ce bien cela?

M. Fréchette: Il aurait un prolongement d'un an pour l'exercice du droit de retour au travail?

M. Cusano: Oui.

M. Fortier: Le "un an" s'applique à quoi?

M. Fréchette: À l'indemnité à laquelle il a droit.

M. Cusano: Oui.

M. Fréchette: Mais quant à l'exercice du droit de retour au travail, on va le voir quand on arrivera à ce chapitre-là. Les mécanismes prévus par la loi pour le retour au travail sont d'une année à compter de la date de l'accident dans les circonstances prévues par la loi et de deux années dans les autres circonstances prévues par la loi. On aura un amendement quand on arrivera à ce chapitre pour prévoir une exception à ce mécanisme global, mais on n'y est pas. Mais l'année dont on parle dans l'article 45...

M. Cusano: Le délai, c'est au cas où il y aurait refus de la part de l'accidenté. Est-ce cela?

M. Fréchette: C'est cela.

M. Cusano: On explicite en disant: Sans raison valable.

M. Fréchette: Mme la Présidente,

l'explication qu'on me fournit est la suivante. Après la date de l'accident, il y a cette période d'une année, si on parle d'une entreprise de 20 travailleurs et moins...

M. Cusano: C'est cela.

M. Fréchette: ...pour pouvoir réintégrer son travail.

M. Fortier: Depuis l'accident.

M. Fréchette: De la date de l'accident.

M. Fortier: Oui.

M. Fréchette: Si, après l'expiration de ce délai, disons quatorze mois après l'accident...

M. Cusano: C'est ce que je disais.

M. Fréchette: ...le droit de retour au travail n'existant plus, l'employeur indique à un accidenté qu'il n'a plus de travail pour lui, pendant une année à la suite de cela, il sera admissible à l'indemnité. Il est, par ailleurs, évident que, s'il refuse un autre emploi équivalent qui lui serait offert, ses prestations vont cesser.

La Présidente (Mme Juneau): Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur l'article 45? L'article 45. Oui, M. le député de Viau.

M. Cusano: Je voudrais bien comprendre parce que cela a l'air, en tout cas pour moi, confus. Après l'expiration d'un an ou deux ans selon le cas... Pardon?

La Présidente (Mme Juneau): C'est à moi qu'il parlait. Je m'excuse, M. le député.

M. Cusano: Après cette expiration d'un an ou deux ans, il y a une certaine obligation de la part de l'employeur d'aviser cet accidenté qu'il y aurait un travail qui deviendrait disponible pour une période d'une autre année. C'est cela?

M. Fréchette: II n'y a pas d'obligation dans ce sens qui est faite à l'employeur, je ne pense pas.

M. Cusano: II n'y a pas d'obligation. M. Fréchette: Non.

M. Cusano: Mais la prolongation, elle, c'est pourquoi?

M. Fréchette: Pour lui permettre de se retrouver un autre emploi, s'il ne peut pas retourner chez son employeur où l'accident s'est produit.

M. Fortier: Cela, c'est compris.

M. Perron: Parce que l'employeur ne le reprend pas au travail qu'il avait antérieurement.

M. Fortier: Le seul problème, je pense, c'est si on lui offre un emploi et qu'il le refuse...

M. Fréchette: Après l'expiration.

M. Fortier: Après cela, s'il le refuse, il a encore un an.

M. Fréchette: Non. S'il refuse un emploi équivalent qu'il est capable de faire, la prestation est coupée,

M. Fortier: Non, ce n'est pas comme cela...

Une voix: Ce n'est pas clair. M. Fortier: ...qu'on peut le lire.

La Présidente (Mme Juneau): Il serait important qu'il y ait un intervenant à la fois parce que, pour le Journal des débats, cela va être très difficile. M. le député de Duplessis.

M. Perron: Mme la Présidente, pour ma compréhension, je demanderais ceci au ministre. Par exemple, l'accidenté, quatorze mois après son accident, peut retourner au travail chez son employeur. Son employeur refuse de le prendre parce qu'il a réduit, par exemple, son nombre d'employés. L'employé en question passe quatre mois en étant indemnisé. Il a droit à une année et il passe quatre mois en étant indemnisé. Tout à coup, il a une offre d'emploi quatre mois après les quatorze mois et, à ce moment, il refuse d'aller travailler à cet emploi équivalent. C'est là qu'il y a une coupure nette, pas rétroactivement, mais à partir de ce moment. Donc, l'année n'est que de quatre mois au lieu d'être de douze mois. C'est cela, la compréhension?

La Présidente (Mme Juneau): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: Juste pour que ce soit clair, M. le ministre, si je lis l'article 45 et que je dis: "II a droit à l'indemnité deremplacement du revenu prévue par l'article 42 jusqu'à ce qu'il réintègre son emploi ou un emploi équivalent - et là, je laisse tomber "ou qu'il refuse sans raison valable de le faire - mais pendant au plus un an à compter de la date où il redevient capable d'exercer son emploi", il n'y a aucun problème. Autrement dit, c'est le cas où la personne a eu un accident, elle peut

réintégrer son travail ou on lui offre un travail équivalent, mais cette période est d'un an, au plus. Il faudrait faire un amendement pour rayer ces mots et ajouter: S'il refuse de réintégrer son emploi ou d'occuper un emploi équivalent, son indemnité cesse immédiatement. Si on le disait clairement au lieu de l'intégrer à la même phrase, je crois qu'il n'y aurait pas d'ambiguïté.

M. Fréchette: Mme la Présidente, je vais essayer de faire l'exercice en lisant très lentement l'article 45 et je pense qu'on va réaliser que l'objectif du député d'Outremont est atteint. "Lorsqu'un travailleur victime d'une lésion professionnelle redevient capable d'exercer son emploi après l'expiration du délai pour l'exercice de son droit de retour au travail, il a droit à l'indemnité de remplacement du revenu prévue, par l'article 42 "jusqu'à ce que, premièrement, il réintègre son emploi ou un emploi équivalent ou jusqu'à ce qu'il refuse, sans raison valable, de le faire, mais pendant au plus un an..." Alors, quand il va refuser, cela va cesser.

M. Fortier: II y a deux "jusqu'à ce que". Premièrement: jusqu'à ce qu'il réintègre son emploi ou un emploi équivalent ou, deuxièmement: jusqu'à ce qu'il refuse sans raison valable. Si on le lit comme cela, d'accord.

M. Cusano: Je comprends ce que cela veut dire, mais pour rendre l'article plus compréhensible...

M. Fréchette: On pourrait mettre un autre "jusqu'à" après le terme "ou".

M. Cusano: Oui, cela conviendrait. Je pense que cela serait plus clair.

M. Fréchette: Alors, allons-y, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Juneau): C'est "jusqu'à" avant les mots "qu'il refuse", M. le ministre?

M. Fréchette: C'est cela, "ou jusqu'à ce qu'il refuse".

La Présidente (Mme Juneau): Y a-t-il d'autres interventions?

M. Fortier: Non, je pense qu'on est d'accord. Le ministre le propose et on va l'adopter à l'unanimité.

La Présidente (Mme Juneau): Avec l'ajout de "jusqu'à".

M. Fortier: Mme la Présidente, si vous voulez lire la phrase pour que cela soit bien clair. .

La Présidente (Mme Juneau): D'accord.

M. Fortier: Seulement le bout de phrase.

La Présidente (Mme Juneau): Le bout de phrase? D'accord.

M. Fortier: C'est de l'autre côté, page ?0.

La Présidente (Mme Juneau): "Jusqu'à ce qu'il réintègre son emploi ou un emploi équivalent ou jusqu'à ce qu'il refuse, sans raison valable, de le faire."

M. Fortier: D'accord.

La Présidente (Mme Juneau): Cela va?

M. Fortier: C'est cela. Adopté.

La Présidente (Mme Juneau): D'accord. Nous allons prendre l'article 46 maintenant.

M. Perron: Si je comprends bien, Mme la Présidente...

La Présidente (Mme Juneau): Je dis bien: Tel qu'amendé.

M. Perron: L'article 45 est adopté tel qu'amendé.

La Présidente (Mme Juneau): Oui, c'est exact.

M. Fortier: Tel qu'amendé.

La Présidente (Mme Juneau): Je m'excuse, cela va. L'article 46? M. le ministre.

M. Fréchette: Mme la Présidente, l'article 46 est précisément celui dont on a déjà parlé dans la discussion. Je vais essayer de le résumer succinctement et de l'illustrer par un exemple. L'accident se produit, la période des traitements médicaux s'écoule, la période de réadaptation s'écoule également et on arrive à cette étape de la consolidation. L'on tient pour acquis que la consolidation est la notion dont on parle depuis le début. Cela nous amène à la constatation que l'accidenté ne peut pas retourner dans l'emploi où il était au moment où il a eu son accident, mais qu'il est en mesure d'occuper un emploi qu'on est convenu d'appeler convenable qui répondrait aux capacités résiduelles de l'accidenté. (22 h 45)

Mais il arrive, pour toutes sortes de motifs dont l'accidenté n'est pas responsable, que cet emploi convenable n'existe pas ou

n'est pas disponible. L'emploi convenable n'est pas disponible. Il y a des gens qui ont prétendu, jusqu'à maintenant, et qui prétendent encore que, si cet emploi convenable n'est pas disponible et que l'accidenté est en mesure de le faire, de l'accomplir, de l'exercer, il perd toute indemnité, ce qui n'est pas du tout la situation.

Le calcul qui va être fait, à ce moment-là, va être le suivant: à partir du 90% du revenu net qu'il retire en indemnité de remplacement du revenu, le revenu étant celui qu'il réalisait au moment de son accident, nous allons également calculer 100% du revenu net que pourrait lui donner l'emploi convenable. Nous allons faire le calcul de la différence entre les deux et c'est de ce montant que l'indemnité serait réduite. En tout temps et en toute circonstance, même dix ans après l'accident, si l'emploi convenable n'existe pas, il y aura toujours compensation et indemnité.

La Présidente (Mme Juneau): M. le député de Champlain.

M. Gagnon: J'aimerais que vous repreniez le dernier bout: à partir du moment où l'emploi convenable n'existe pas, je n'ai pas bien saisi le calcul qui est fait.

M. Fréchette: Essayons d'illustrer la situation par un exemple concret. À supposer que l'indemnité de remplacement du revenu de l'accidenté est de 400 $. Il retire 400 $ qui est donc l'équivalent de 90% du revenu net du salaire qu'il recevait dans l'emploi dans lequel il était au moment de son accident. Le 100% du revenu net d'un emploi convenable pourrait être 200 $. Alors, soustrayez 400 $ de 200 $, il continuera de recevoir, sa vie durant, tant et aussi longtemps que l'emploi convenable ne sera pas disponible, le montant de 200 $.

La Présidente (Mme Juneau): Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur l'article 46?

M. Fréchette: Je ne sais pas si c'est suffisamment clair.

M. Gagnon: Vous avez dit "toute sa vie"?

M. Fréchette: Jusqu'à 65 ans.

M. Fortier: Ici, on dit: "jusqu'à ce qu'il occupe cet emploi ou qu'il le refuse, sans raison valable, mais pendant au plus un an à compter de la date."

M. Fréchette: Cela, c'est l'indemnité totale.

M. Fortier: Ah oui. "L'indemnité prévue par le deuxième alinéa est réduite de tout montant versé au travailleur, en raison de sa cessation d'emploi, en vertu d'une loi du Québec ou d'ailleurs, autre que la présente loi."

M. Fréchette: Moi, je parle du premier alinéa. L'explication que je viens de donner réfère au texte du premier alinéa de l'article 46. Le deuxième alinéa de l'article 46 réfère à une période de temps pendant laquelle un emploi convenable n'est pas disponible, une période maximale d'une année.

M. Fortier: C'est le parallèle de l'article 45.

M. Fréchette: Voilà.

M. Fortier: Juste pour clarifier, est-ce qu'on pourrait faire l'amendement...

M. Fréchette: "Jusqu'où".

M. Fortier: ...mutatis mutandis, qu'on a fait tout à l'heure, dans le deuxième alinéa, troisième ligne: "jusqu'à ce qu'il occupe cet emploi ou jusqu'à ce qu'il le refuse"?

La Présidente (Mme Juneau): M. le député de Champlain.

M. Gagnon: Si j'ai bien compris, là, il y a une pénalité pour l'accidenté parce qu'il a perdu son emploi à cause de l'accident et que l'emploi convenable qu'on croit qu'il est capable de prendre n'existe pas. Mais là, ce n'est pas sa faute si l'emploi n'existe pas. À ce moment-là, on lui paie la différence entre l'emploi qui existerait et ce qu'il gagnait, le salaire qu'il avait avant d'être accidenté. C'est ça? À ce moment, n'y a-t-il pas une pénalité pour lui?

M. Fréchette: L'emploi convenable va toujours exister. Il ne sera peut-être pas disponible, par ailleurs, mais l'emploi convenable va toujours exister. La notion de disponibilité, c'est autre chose.

M. Gagnon: D'accord.

M. Fréchette: Je comprends aussi la préoccupation du député de Champlain et, si sa suggestion était de garder la même indemnité, on se retrouverait dans la situation qu'a expliquée le député de Beauharnois, dans la situation que j'ai expliquée également. En d'autres mots, ce serait, à toutes fins utiles, l'équivalent d'un régime d'assurance-chômage pour lequel l'employeur n'a pas de responsabilité.

La Présidente (Mme Juneau): M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: Sa préoccupation est quand même réelle et indique au député qu'il aurait dû adopter mon amendement.

M. Gagnon: C'était mieux expliqué.

La Présidente (Mme Juneau): Est-ce que l'article 46 tel qu'amendé est adopté?

M. Bisaillon: Mme la Présidente, je voudrais juste, rapidement en une phrase, indiquer que je ne suis pas intervenu sur l'article 45 et 46 puisque c'était conditionnel à ce qui avait été décidé à l'article 44. Ceci étant repoussé, je ne voulais pas continuer une discussion qui avait déjà été faite. Alors, c'est sur division.

La Présidente (Mme Juneau): Merci, M. le député.

À l'article 47, nous avons un amendement. L'amendement se lit comme suit: Ajouter, après le premier alinéa, le suivant: " Cependant, si la commission croit que le revenu brut annuel que le travailleur pourrait tirer de l'emploi convenable qu'il devient capable d'exercer à plein temps est supérieur au maximum annuel assurable établi en vertu de l'article 65, elle considère que ce revenu brut annuel est égal au maximum annuel assurable."

M. Fortier: En langage ordinaire, qu'est-ce que cela veut dire, M. le ministre?

M. Fréchette: Je vais lire le commentaire que j'ai ici. Cet article est de droit nouveau. Il définit les modalités d'opérationnalisation de l'article 46.

Mme la Présidente, je vais essayer de prendre le temps qu'il faut pour transmettre la compréhension que j'en ai. Il pourrait, me dit-on, arriver des situations où l'emploi convenable qu'on a déterminé pour l'accidenté commande un salaire qui soit supérieur au maximum assurable prévu par la loi, soit 31 500 $. L'exemple pourrait être le suivant. Si l'emploi convenable qu'on offre à un accidenté commande un salaire de 35 000 $, alors que le maximum assurable est de 31 500 $, à tous égards le traitement qui sera donné à cet accidenté ne sera toujours en référence qu'au maximum assurable et non pas au salaire supérieur au maximum assurable qu'il retirerait dans l'emploi convenable. Je n'irai pas plus loin mais c'est la compréhension que j'en ai. Mme la Présidente, il serait utile que j'ajoute le commentaire suivant. II est bien évident que, pour l'accidenté qui se retrouverait dans un emploi jugé convenable, mais à un salaire supérieur au maximum assurable, aucune disposition de la loi, aucun droit dans la loi ne s'appliquerait à lui.

La Présidente (Mme Juneau): M. le député de Sainte-Marie. Excusez-moi.

M. Fortier: Je comprends bien l'explication du ministre. Je me demandais pourquoi c'était nécessaire de le dire parce qu'il y a déjà un article qui dit qu'aucune indemnité n'est payable au-delà du maximum prévu à l'article 65. Si c'est nécessaire de le dire, je ne vois pas pourquoi...

M. Fréchette: II semble que, techniquement et pour atteindre les objectifs visés, ce soit nécessaire de le dire.

La Présidente (Mme Juneau): M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: C'est une question, Mme la Présidente. Je ne sais pas si je dois la poser à l'article 47 ou 48. Qu'est-ce qui arrive si on a déterminé un emploi convenable au travailleur et que cet emploi convenable n'est pas disponible? On va déterminer le revenu de l'emploi convenable. On va payer la différence entre l'indemnité de son ancien emploi et l'emploi convenable. Si l'emploi convenable n'est pas disponible et que le travailleur s'en trouve un, emploi, mettons au salaire minimum, qu'est-ce qui arrive dans ce temps-là? Est-ce qu'on lui paie, à ce moment, la différence entre son indemnité de revenu et le revenu de l'emploi qu'il s'est trouvé, même si c'est un emploi qui est inférieur à l'emploi convenable déterminé par la commission?

M. Fréchette: La réponse à la question, Mme la Présidente, c'est oui, effectivement.

M. Bisaillon: En vertu de quel article, M. le ministre?

M. Fréchette: 48.

M. Bisaillon: Il me semble que 48 ne répond pas à cela.

M. Fréchette: Je m'excuse, c'est une mauvaise information. L'information qu'on me transmet, Mme la Présidente, c'est que, dès lors que l'emploi convenable est déterminé et qu'on peut y joindre ou y accrocher un revenu, si l'accidenté se trouve un emploi au salaire minimum, c'est toujours à partir du salaire prévu à l'emploi convenable que le "traitement", entre guillemets, auquel il aura droit sera déterminé, sera fixé.

M. Bisaillon: Donc, cela veut dire qu'il peut être pénalisé parce qu'il veut travailler absolument. Comme incitatif au travail...

M. Fortier: On a seulement à définir dans la loi qu'une "job" convenable, c'est une "job" qu'il a pu trouver, lui aussi. On n'a qu'à mettre une définition dans ce sens.

M. Bisaillon: Tu dirais cela à quel endroit? J'ai vu l'amendement 47.1, mais je me demande si cela couvre cela.

La Présidente (Mme Juneau): M. le ministre.

M. Fréchette: Est-ce que l'on pourrait tenir en suspens l'article 47 pour évaluer la situation très pratique dont parle le député de Sainte-Marie? Je ne voudrais pas qu'un travailleur pour qui on aurait procédé à évaluer un emploi convenable à tel salaire, parce que lui a fait la démarche de se trouver un emploi qui ne commande qu'un salaire minimum, soit pénalisé à cause de cela.

M. Fortier: À ce moment, il y aurait lieu d'ajouter un article qui définirait un emploi convenable comme un emploi qu'il a pu trouver dont le salaire serait en deçà de...

M. Fréchette: Si les membres de la commission sont d'accord, nous suspendrions cet article 47 pour regarder cela.

M. Fortier: Cela va.

La Présidente (Mme Juneau): On va suspendre l'article 47. Il y a l'article 47.1, un amendement, M. le ministre.

M. Bisaillon: Est-ce que le ministre, quand il dit 47, cela comprend l'ensemble de l'article, y compris 47.1?

La Présidente (Mme Juneau): C'est cela que j'allais lui demander. Est-ce que cela comprend l'amendement à l'article 47.1, M. le ministre?

M. Fréchette: Un instant: Est-ce que ce n'est pas plutôt à 48 qu'il faudrait penser à apporter...

La Présidente (Mme Juneau): Non, c'est l'article 47.1. L'autre, M. le ministre.

M. Fortier: Pour l'amendement à venir, on le numérotera comme il le faut tout à l'heure, cela n'a pas d'importance.

M. Cusano: On pourrait suspendre 47 et 47.1, on y reviendra.

M. Bisaillon: Ce serait 47.1, avec quelque chose qui pourrait s'apparenter où on pourrait, là, introduire...

M. Fréchette: Alors, pour être bien sûr qu'on ne manque pas notre coup, est-ce qu'on pourrait suspendre et 47 et48?

M. Bisaillon: Et 48.

La Présidente (Mme Juneau): Et 48 aussi?

M. Fréchette: Les deux.

M. Bisaillon: Est-ce que je pourrais indiquer au ministre, étant donné qu'on va suspendre 48 et que vous allez regarder cette situation à 47 ou ailleurs, qu'à 48 il y aurait juste une concordance à faire étant donné qu'il y a eu des amendements? En même temps, peut-être que vous pourriez la faire. On réfère au deuxième alinéa de l'article 46. D'accord, c'est 46, cela va. Je n'ai rien dit, effacez.

La Présidente (Mme Juneau): D'accord. Vous suspendez les articles 47, 47.1 et 48.

M. Fréchette: C'est cela.

La Présidente (Mme Juneau): On va prendre 49. (23 heures)

M. Fréchette: Mme la Présidente, l'article 49 prévoit deux situations: la situation de la maladie professionnelle et la situation de l'accident de travail. Ce que, essentiellement, veut dire 49, c'est que, lorsque l'accidenté est déclaré malade professionnel à l'âge de 55 ans, il ne lui sera pas nécessaire de s'impliquer dans tout ce processus de l'emploi convenable, de l'emploi équivalent ou dans toute autre espèce de mécanisme. En d'autres mots, la personne qui a atteint l'âge de 55 ans, qui est déclarée malade professionnelle, recevra son indemnité de remplacement de revenu jusqu'à l'âge de la retraite avec la dégradation que l'on connaît. Dans le cas de l'accident du travail, c'est à compter de l'âge de 60 ans que le même mécanisme s'applique. En d'autres mots, après le stade de la consolidation, s'il n'y a pas d'emploi convenable de disponible, elle va continuer, elle, de recevoir le total de l'indemnité.

La Présidente (Mme Juneau): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: Est-ce que le ministre n'est pas en contradiction? Il disait au député de Beauharnois, tout à l'heure, qu'il fallait faire la distinction entre le projet de loi qu'on étudiait et un plan d'assurance-chômage. S'il n'oblige pas le travailleur d'un certain âge à faire certaines démarches - dans un sens, ce n'est pas l'assurance-chômage, c'est un régime de retraite anticipé qu'il lui donne -comment peut-il concilier la réponse qu'il donnait au député de Beauharnois tout à l'heure et l'attitude qu'il prend dans ce projet de loi? En fait, ce qu'il fait, c'est de passer un jugement afin qu'un travailleur de 55 ans ou de 60 ans n'ait plus besoin de faire les démarches qu'un autre travailleur

devrait faire. En conséquence, la CSST, les travailleurs en général devraient payer une indemnité qui équivaut, ni plus, ni moins, à une pension anticipée.

M. Fréchette: Ce sont les employeurs en général.

M. Fortier; Les employeurs.

M. Fréchette: Strictement, Mme la Présidente, comme, d'ailleurs, l'article 49 l'indique, en fonction de l'âge de la personne qui est atteinte de la maladie professionnelle ou qui est victime de l'accident.

Permettez simplement que je vous rappelle brièvement, ne serait-ce que pour illustrer la nécessité d'une supposition comme celle-là, ce qui s'est passé dans le cas des amiantosés. L'amiantose se déclare généralement autour de ces âges-là. Qu'est-ce qui se produit lorsqu'un travailleur de 55 ans est déclaré amiantosé? Généralement, on lui retire son permis de travail. Il ne lui est plus possible de travailler dans le milieu ambiant. Il se retrouve dans une ville, plus souvent qu'autrement, mono-industrielle où il n'y a que cette entreprise. Je prends l'exemple de l'amiante, on pourrait en prendre d'autres. Il se retrouve donc dans une localité, une municipalité où il n'y a généralement que cette seule entreprise et il est absolument illusoire de penser qu'il pourrait trouver un emploi convenable, qu'il pourrait exister un emploi convenable qu'il pourrait remplir à cause de sa situation.

C'est strictement à partir du phénomène de l'amiante, donc, que les modalités qu'on retrouve à l'article 49 ont été retenues.

La Présidente (Mme Juneau): Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur l'article 49?

M. Fortier: Je voudrais simplement relire l'article avec le ministre. On dit: "Le travailleur victime d'une maladie professionnelle - donc, on parle d'une maladie professionnelle - alors qu'il est âgé d'au moins 55 ans ou celui qui est victime d'une autre lésion professionnelle..."

M. Fréchette: Cela, c'est l'accident du travail.

M. Fortier: Cela, c'est l'accident du travail. Là, on donne 60 ans.

M. Fréchette: C'est cela.

M. Fortier: Dans le premier cas, 55 ans, c'est l'exemple...

M. Fréchette: C'est la maladie professionnelle.

M. Fortier: ...dont parlait le ministre.

M. Fréchette: Exactement.

M. Fortier: 55 ans.

M. Fréchette: Oui.

M. Fortier: Dans le deuxième cas, l'exemple que nous a donné le ministre ne s'applique pas.

M. Fréchette: Non, le deuxième cas...

M. Fortier: Alors, là il y a une présomption pour dire qu'un homme de 60 ans, s'il est accidenté, c'est un homme fini. Je peux vous assurer, si je suis accidenté à 60 ans, que je vais continuer à exercer mon métier de député. Cela dépend de nous autres; il faut avoir de la volonté.

M. Fréchette: II faudrait peut-être continuer la lecture de l'article jusqu'au bout et cela pourra, sans doute, donner une explication additionnelle au député d'Outremont: "...alors qu'il est âgé d'au moins 60 ans et qui subit, en raison de cette maladie ou de cette autre lésion - dans le cas qui nous occupe c'est la lésion de l'accident du travail - une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique qui le rend incapable d'exercer son emploi a droit à l'indemnité de remplacement du revenu prévue par l'article 42 tant qu'il n'occupe pas un nouvel emploi." En d'autres mots, tant qu'il n'y en a pas de disponible pour lui.

M. Fortier: II n'est pas obligé de chercher.

M. Fréchette: II n'est pas obligé de chercher sauf que dans son programme de réadaptation, on peut bien lui indiquer cependant que ce serait indiqué dans les circonstances d'entreprendre les démarches pour essayer de s'en trouver un.

M. Fortier: Est-ce que l'article 47, mutatis mutandis, pourrait s'appliquer? S'il se trouvait un emploi moins bien rémunéré, à ce moment, l'indemnité couvrirait la différence? Est-ce qu'on le retrouve un peu plus loin?

M. Fréchette: S'il se trouve un autre emploi, vous avez à la toute fin de l'article 49 une ligne et demie qui prévoit la situation que le député d'Outremont est en train de nous expliquer.

M. Fortier: D'accord. Merci.

La Présidente (Mme Juneau): M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: Qu'est-ce qui arrive à 65 ans dans ce cas? Est-ce que ce sont les mêmes conditions qui s'appliquent...

M. Fréchette: Dans l'un et l'autre cas, ce sont les mêmes conditions qui s'appliquent.

M. Bisaillon: ...que celles dont on a déjà parlé?

M. Fréchette: C'est cela. M. Fortier: C'est diminué.

M. Bisaillon: Donc, c'est diminué. Autrement dit, cela subit les mêmes règles.

M. Fréchette: Exactement.

M. Bisaillon: C'est vraiment "subir" que je voulais dire. Cela subit les mêmes règles que celles qui ont déjà été déterminées.

M. Fréchette: C'est cela.

M. Fortier: Si le député de Sainte-Marie me le permet, c'est assez drôle. On parle d'une déduction des montants qui vont être payables autrement, mais dans le premier cas il s'agit d'un montant non imposable et dans le deuxième cas il s'agit d'un montant imposable.

M. Fréchette: Je saisis mal.

M. Fortier: À la fin de l'article 46, on dit: "L'indemnité prévue par le deuxième alinéa est réduite de tout montant versé au travailleur, en raison de sa cessation d'emploi, en vertu d'une loi du Québec ou d'ailleurs, autre que la présente loi." Donc, s'il reçoit un montant, par exemple de 300 $ par mois et qu'arrivé à l'âge de 65 ans il reçoit une pension de vieillesse de 300 $ par mois. Donc, il recevra sa pension de vieillesse et il ne recevra plus son indemnité. Dans un premier cas, c'était une indemnité libre d'impôt et dans un deuxième cas, cela va être imposable. C'est une drôle desituation.

La Présidente (Mme Juneau): Est-ce que cela va pour l'article 49?

M. Bisaillon: On va attendre une réponse du ministre.

M. Fortier: II n'a pas de réponse.

M. Fréchette: Non, je pense qu'on va en avoir une, si vous voulez me donner juste une seconde.

M. Fortier: II faut espérer qu'il n'y a pas d'autre revenu.

La Présidente (Mme Juneau): M. le ministre.

M. Fréchette: Mme la Présidente, les termes "en raison de sa cessation d'emploi" ne font référence qu'à deux situations bien précises: l'une étant l'assurance-chômage qu'éventuellement il pourrait recevoir, l'autre étant toute forme d'allocation qui pourrait être par exemple de la nature d'une prime de séparation au moment où il cesse d'être à l'emploi d'un employeur. Cela ne couvre pas par ailleurs le Régime de la sécurité de la vieillesse qui lui n'est pas affecté par une indemnité qu'il pourrait recevoir de la CSST. "En raison de sa cessation d'emploi" est en référence stricte aux deux phénomènes dont je viens de parler: l'assurance-chômage, d'une part...

M. Fortier: C'est imposable. M. Fréchette: Voilà.

M. Fortier: C'est cela. Mon raisonnement est valable, mais c'est peut-être un peu moins important.

M. Fréchette: C'est cela.

La Présidente (Mme Juneau): Cela va-t-il? Est-ce que l'article 49 est adopté?

M. Fortier: Adopté.

M. Bisaillon: Normalement, sur division, oui.

La Présidente (Mme Juneau): Adopté? M. Fortier: Adopté.

La Présidente (Mme Juneau): Adopté. L'article 50?

M. Fréchette: Y a-t-il un amendement?

La Présidente (Mme Juneau): Non, M. le ministre.

M. Fréchette: II n'y a pas d'amendement.

La Présidente (Mme Juneau): Seulement à l'article 53. M. le ministre.

M. Fréchette: La situation visée par l'article 50 est la suivante: à supposer que l'accidenté se retrouve dans un emploi convenable qui a été évalué par la Commission de la santé et de la sécurité du travail comme devant produire un salaire de 10 000 $, la commission évalue que cet emploi convenable que l'accidenté pourrait faire commanderait normalement un salaire de 10 000 $, mais que dans les faits il

retire 15 000 $. Pendant les deux années à compter de la date où il va commencer d'exercer cet emploi convenable, la commission va toujours considérer qu'il est à 10 000 $, soit le montant qu'elle avait évalué.

Le droit que veut se garder ou se réserver la commission à l'article 50, c'est celui de procéder, après deux ans, à l'évaluation de la situation qui prévaudra à ce moment-là et, à ce moment-là seulement, elle pourra tenir compte du fait que c'est 15 000 $ qu'il gagne dans un emploi qu'elle avait évalué comme devant produire un salaire de 10 000 $. Alors, c'est une réévaluation du dossier après une expiration de deux ans.

M. Bisaillon: Mais cette réévaluation... Excusez-moi.

La Présidente (Mme Juneau): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: La seule question que je veux poser est: Est-ce que la commission a un droit d'inspection, un droit d'exiger des documents? Est-ce simplement sur la déclaration du travailleur lui-même ou si la commission a le droit d'aller vérifier auprès de l'employeur quel est son salaire? Est-ce qu'il y a une clause plus loin, un article qui dit que la CSST a un droit d'inspection?

M. Fréchette: Oui, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Juneau): M. le ministre.

M. Fréchette: On le lui reproche, d'ailleurs, tellement souvent, mais la CSST a effectivement un pouvoir d'enquête au sens très large du terme qui lui permettrait, par exemple, de faire une vérification chez l'employeur et d'obtenir de l'employeur les renseignements pertinents de cette évaluation qu'elle doit faire tous les deux ans.

M. Fortier: J'imagine que la situation pourrait être un salaire à la hausse ou un salaire à la baisse. Je m'explique. Le salaire nominal était de 10 000 $ et, comme par hasard, on s'en va vers le temps partagé. Maintenant, le travailleur en question travaille trois jours sur cinq au lieu de travailler cinq jours sur cinq. Donc, ce serait 60% de 10 000 $. L'autre cas serait le fait qu'il travaille cinq jours sur cinq, mais qu'il travaille en temps supplémentaire à un point tel qu'il gagne 15 000 $. Est-ce que cela s'applique à la hausse ou à la baisse pour arriver à faire l'ajustement?

La Présidente (Mme Juneau): M. le ministre.

M. Fréchette: Si c'est inférieur, Mme la Présidente, la commission n'interviendra pas. Oui, c'est cela, c'est la situation qu'on a suspendue tout à l'heure pour en faire le tour complètement et être bien sûr qu'on ne va pas, par les dispositions de la loi, pénaliser des gens qui font l'effort de se réintégrer au marché du travail, même dans des conditions inférieures à celles dans lesquelles ils étaient ou encore que la commission a déterminées pour eux en termes d'emploi convenable. Évidemment, on va pouvoir revoir ce mécanisme-là en évaluant à nouveau les articles 47 et 48, mais il semble clair, pour les fins de l'application de l'article 50, que cette situation inférieure, dans laquelle ils pourraient se retrouver, ne les pénalisera pas et ne leur créera pas préjudice.

M. Fortier: Une dernière question: Pour toutes ces indemnités...

La Présidente (Mme Juneau): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: ...qui sont payables - et excusez mon ignorance - à la totalité des travailleurs, quand on dit "travailleurs", est-ce que cela inclut des cadres dans une entreprise?

M. Fréchette: Les cadres sont couverts.

M. Fortier: Alors, ce régime-là est universel dans le sens que, pour la majorité des gens, c'est peut-être la seule source de revenu et je pense bien que c'est le sens de la loi. Mais pour des gens qui auraient d'autres revenus - là, cela amène toute la discussion sur l'universalité des régimes - si une personne possède un hôtel, a des ressources financières telles que, lorsqu'elle fait son rapport d'impôt, elle peut déclarer un revenu imposable de 150 000 $, alors que, comme par hasard, on lui a trouvé un emploi de 10 000 $, j'imagine que ses autres revenus n'entrent pas en ligne de compte.

M. Fréchette: D'aucune façon.

M. Fortier: Alors, il s'agit d'un régime universel et il n'y a pas d'ajustement même si elle a d'autres revenus qui peuvent lui venir d'autres investissements qu'elle aurait pu faire ailleurs.

M. Fréchette: C'est cela. (23 h 15)

La Présidente (Mme Juneau): M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: Mme la Présidente, le député d'Outremont a posé une question que, je pense, tout le monde se posait: Est-ce à la hausse ou à la baisse? Le ministre a

répondu que c'est la situation qui serait regardée aux articles 47 et 48. Je pense, cependant, que la situation n'est pas tout à fait identique. Ce que j'avais soulevé comme question à l'article 47, c'est: On a déterminé un emploi convenable, il n'est pas disponible, le travailleur s'en trouve un qui représente un revenu inférieur à ce qu'on a déterminé pour lui dans l'emploi convenable.

À l'article 50, ce que la commission va réviser, c'est l'emploi convenable lui-même. Autrement dit, c'est le traitement, le salaire, le revenu attaché à l'emploi convenable. Il n'est pas impossible de penser que, effectivement, cet emploi convenable... Aux articles 47 et 48, on parlait d'un autre emploi que l'emploi convenable nondisponible. Dans le cas de l'article 50, c'est la réévaluation de l'emploi convenable lorsqu'il est à la hausse, c'est-à-dire lorsque le salaire payé pour l'emploi convenable est supérieur à l'évaluation qui en avait été faite par la commission.

On sait qu'il y a des circonstances où il peut y avoir une diminution du salaire de l'emploi convenable. Ce n'est donc pas tout à fait la même situation qu'aux articles 47 et 48. Si, par exemple, l'emploi convenable était dans la fonction publique, on sait que la fonction publique tend à diminuer. La dernière fois, c'est 20%, 25% que vous avez coupé? Même l'emploi convenable peut être à la baisse.

La situation prévue à l'article 50 ne s'applique qu'à la hausse. Ce n'est pas tout à fait la même... Je comprends que vous pouvez le regarder en même temps que les articles 47 et 48, mais ce n'est pas la même situation.

La Présidente (Mme Juneau): M. le député de Champlain.

M. Gagnon; Justement pour faire suite à ce qu'on vient de dire, le député d'Outremont tantôt a parlé d'un emploi convenable qui donnerait, selon l'exemple du ministre, 5000 $ de plus par année que ce qu'on avait déterminé. Mais il a dit: Comme on s'en va de plus en plus vers un travail partagé, il est possible que le salaire, par rapport à un nombre d'heures de travail diminué, arrive au montant auquel on a évalué l'emploi convenable, à cause du travail partagé.

Supposons que l'accidenté lui-même choisirait de travailler - ce qui est possible -trois jours et demi par semaine. Si je prends l'exemple du ministre, au lieu de 10 000 $, c'est 15 000 $. S'il choisissait lui-même de travailler trois jours et demi par semaine pour diminuer son salaire de l'emploi convenable à 10 000 $, est-ce qu'à ce moment-là ce serait la même évaluation?

M. Fréchette: C'est exactement le même phénomène.

M. Gagnon: II pourrait le faire.

M. Fréchette: Oui. Mme la Présidente, les articles 47 et 48 ont été tenus en suspens jusqu'à maintenant pour faire la vérification que l'on sait. Comme il y a unphénomène qui peut ressembler au phénomène qu'on pense identifier aux articles 47 et 48 qu'on pourrait retrouver à l'article 50, je pense qu'on devrait réserver le même sort è l'article 50 pour le moment, procéder è ces vérifications et essayer d'avoir l'heure juste, autant que possible, par rapport aux questions qu'on se pose.

La Présidente (Mme Juneau): Est-ce que tout le monde est d'accord pour suspendre l'article 50?

M. Fortier: D'accord, madame.

La Présidente (Mme Juneau): Oui. Nous entreprenons l'étude de l'article 51.

M. Fréchette: C'est le même phénomène également.

La Présidente (Mme Juneau): Nous suspendons l'article 51. L'article 52.

M. Bisaillon: On a suspendu les articles 48 et 50 et, à l'article 52, on fait référence aux articles 48 et 50. Tant qu'on n'aura pas la teneur des articles 48 et 50, il me semble que ça doit subir le même sort aussi.

M. Fréchette: Je suis tout à fait d'accord.

La Présidente (Mme Juneau): L'article 52 est suspendu. Article 53?

M. Fréchette: À l'article 53, il y a un amendement, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Juneau): Oui, c'est exact, M. le ministre. L'amendement proposé à l'article 53 se lit comme suit: "Remplacer, dans la troisième ligne du deuxième alinéa, le nombre "65" par le nombre "64"."

M. Fréchette: Mme la Présidente, je vais simplement vous indiquer le motif pour lequel cet amendement est suggéré. Cet amendement a pour but d'éviter que ne soit lésé le travailleur qui est victime d'une lésion professionnelle alors qu'il est âgé d'au moins 64 ans et de moins de 65 ans. En vertu de l'article imprimé, celui qu'on retrouve à l'article 53, ce travailleur verrait son indemnité réduite de 25% dès qu'il atteint ses 65 ans, alors que le travailleur qui est âgé de 65 ans ou plus serait assuré de recevoir une indemnité complète pendant

toute une année. Le texte amendé permettra à tout travailleur, dans la mesure où son incapacité persiste, de recevoir pendant au moins un an une indemnité complète, s'il ason accident, comme on vient de le dire, après avoir atteint l'âge de 64 ans mais avant d'avoir atteint l'âge de 65 ans. Si l'amendement ne se fait pas, il y aura, pour lui, une pénalité dès qu'il aura atteint l'âge de 65 ans. Ce qu'on veut couvrir, c'est la possibilité d'obtenir des indemnités de remplacement de revenu pour au moins, comme dans tous les cas, l'année complète qui suivra immédiatement l'accident dont il a été victime.

La Présidente (Mme Juneau): M. le député d'Outremont, cela va?

M. Fortier: D'accord.

M. Bisaillon: On est d'accord avec l'amendement qui est proposé.

La Présidente (Mme Juneau): L'amendement est-il adopté?

M. Bisaillon: Non, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Juneau): M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: Que ce soit 64 ou 65 ans, je pense qu'il faut faire la discussion sur l'article au complet.

La Présidente (Mme Juneau): Je ne parlais que de l'amendement. Je voulais savoir si l'amendement était adopté, M. le député.

M. Bisaillon: Je ne vote pas.

La Présidente (Mme Juneau): Les autres membres ont dit adopté. La discussion sur l'article 53, tel qu'amendé.

M. Bisaillon: Toute la question, Mme la Présidente...

La Présidente (Mme Juneau): M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: ...réside dans le fait de savoir pourquoi on arrêterait et on diminuerait, à un certain moment de la vie du travailleur, les indemnités recevables. Dans le régime actuel, on sait que ce qui est versé au travailleur accidenté, c'est pour toute la durée de la vie. Dans le projet de loi, on dit: À partir de 64 ans, on va amputer son indemnité, pendant les années suivantes, de 25%, à chaque année, jusqu'à l'effacement complet, dans le cas actuel, à 68 ans, si je comprends bien. Je ne vois pas en quoi la CSST a intérêt à procéder de cette façon. Combien la commission "sauve"-t-elle en procédant de cette façon? Qui vise-t-elle? Ce n'est plus un travailleur à 64 ans. Il n'a plus les mêmes séquelles. S'il vit jusqu'à 70 ans, ou 72 ans, ou 77 ans, il va être pénalisé indéfiniment et tout ce qui va lui rester, c'est le bien-être social ou la pension de vieillesse.

Le député de Frontenac a souligné cet après-midi que c'est d'autant plus abject qu'on n'a pas prévu que, pendant que le travailleur est sous le contrôle de la Loi sur les accidents du travail, il continue à recevoir les mêmes avantages que s'il avait été au travail, comme par exemple le droit à une pension. Il n'y a rien dans le projet de loi qui prévoit cela. On dit: Le projet de loi est pour replacer le travailleur dans sa situation d'avant. S'il a un accident à 45 ans et que c'est une incapacité permanente, non seulement de 45 à 64 ans on ne prévoit pas de mesure pour qu'il puisse au moins conserver ou mériter les mêmes avantages que s'il était resté dans le milieu de travail, c'est-à-dire le droit d'accumuler une pension, auquel cas on pourrait comprendre que la CSST arrête à 65 ans. Qu'on me comprenne bien, Mme la Présidente, c'est l'un ou l'autre. Ou bien on continue les rentes tant et aussi longtemps qu'il n'occupe pas un travail, y compris après 65 ans, ou bien encore on prend les moyens, les mesures pour faire véritablement que le travailleur, pendant qu'il est sur les accidents du travail, continue à mériter ou à se prévaloir des autres conditions qui accompagnaient son travail auxquelles les autres travailleurs de l'entreprise où il a eu son accident ont toujours droit, c'est-à-dire le droit de s'accumuler une pension.

Il y aurait deux façons de procéder pour l'obtenir. Autrement dit, si au moins le travailleur avait le droit à une pension de son entreprise, on pourrait le justifier. Mais, là, on lui coupe même ces avantages-là. Pendant qu'il est sur les accidents du travail, il ne continue pas à verser sa portion de la retraite, du régime de pension qu'il pourra avoir dans son entreprise.

Pourquoi la CSST, par exemple, ne pourrait-elle pas comptabiliser les coûts du régime de retraite et facturer la part de l'employeur, de sorte que quand il arriverait à l'âge de la retraite, il aurait au moins sa pension de l'entreprise? Si on ne fait pas ça, on ne replace pas le travailleur dans la situation où il était avant. Ce n'est pas un argument qui est toujours valable. Cela, c'est un élément.

L'autre élément, c'est de dire, par rapport à la situation qui existe: On atteint là les travailleurs âgés et je ne comprends pas pourquoi. Je ne fais pas d'amendement pour l'instant, Mme la Présidente, mais je voudrais au moins qu'on ne passe pas là-dessus comme si c'était un automatisme et

qu'il n'y avait personne de touché par ça. Au moins, qu'on en discute et qu'on sache pourquoi on adopte cet article.

La Présidente (Mme Juneau): M. le ministre.

M. Fréchette: Mme la Présidente, on revient essentiellement à une discussion qu'on a largement faite cet après-midi. Je n'ai pas d'objection, quant à moi, à la reprendre dans ses détails. Je pense bien que l'on peut dire, dans ce cas-ci comme dans l'autre cas dont on a discuté il y a quelques minutes, qu'il y a là aussi une question de choix. D'ailleurs, on le disait au moment où on a fait cette discussion. Il y a une question de choix aux 566 articles de la loi.

Ce qu'on disait cet après-midi, c'est que l'âge à peu près conventionnel de la retraite est 65 ans. Il y a, évidemment, des lois qui été adoptées récemment et qui prévoient que quelqu'un qui remplit certaines conditions, qui le désire, peut prolonger sa période de travail au-delà de 65 ans jusqu'à un maximum possible de 70 ans. C'est pour cela, d'ailleurs, que la cessation du paiement de l'indemnité provenant d'un accident du travail diminue graduellement au fur et à mesure que l'âge maximum de la retraite est atteint, c'est-à-dire 70 ans, dans les cas où cela existe.

La question de fond qui se soulève dans l'argumentation du député de Sainte-Marie, c'est le député de Beauharnois qui l'a touchée tout à l'heure. Pourquoi faudrait-il qu'un travailleur accidenté, qui arrive à l'âge de la retraite, se retrouve dans une situation privilégiée par rapport au travailleur qui, lui, n'a pas eu le malheur, pendant qu'il a exercé des fonctions, d'avoir un accident du travail? Pourquoi faudrait-il que le travailleur qui arrive à l'âge de la retraite, qui pourra bénéficier du Régime de la sécurité de la vieillesse, qui pourra bénéficier du Régime des rentes, mais d'aucun autre revenu, et que celui qui a été accidenté, arrivé à la même étape de sa vie, soit à l'étape de la retraite, en plus des régimes auxquels a droit le travailleur qui n'a pas subi d'accident, continue de recevoir une indemnité pour des motifs d'accident du travail? C'est là qu'est la question de fond.

M. Bisaillon: Je me suis mal exprimé.

La Présidente (Mme Juneau): M. le député de Sainte-Marie. (23 h 30)

M. Bisaillon: J'ai dû mal m'exprimer, Mme la Présidente. Je vais recommencer, en essayant de choisir des termes différents. Je dis - et je répète en cela les propos du ministre - que le projet vise à replacer le travailleur dans la situation où il était avant son accident.

Dans le cas d'une incapacité permanente, c'est sûr qu'on ne le retournera jamais au travail. Il ne peut pas réintégrer un travail. Le ministre nous dit: Pourquoi serait-il traité de façon privilégiée par rapport au travailleur qui lui est resté dans l'usine et qui n'a pas eu le malheur d'avoir un accident du travail? Mon argumentation n'était pas de cet ordre. Mon argumentation était de dire: Si vous vouliez vraiment traiter le travailleur accidenté de la même façon que le travailleur qui reste à l'usine, vous vous organiseriez pour qu'arrivé à l'âge normal de la retraite - mettez-la à 65 ans, ou mettez-la à 70 ans, ou mettez-la à 66 ans, on ne s'engueulera pas sur cela - il n'ait pas que le programme social mais qu'il ait en plus de cela les mêmes choses, les mêmes avantages que le travailleur qui est resté dans l'usine, qui a travaillé et qui lui a continué possiblement à accumuler un régime de retraite privé. Ce ne sont pas des coûts énormes. On ne parle pas de 80 000 000 $. On parle juste d'au moins lui permettre d'avoir autre chose que le minimum décent comme n'importe lequel autre travailleur qui n'a pas eu d'accident de la même usine que celle où lui-même travaillait. Il y aurait des mécanismes simples, d'après moi. Quand le ministre dit: On reprend des discussions qu'on a faites cet après-midi. Cet aspect que je souligne a été soulevé par le député de Frontenac. Il me semble qu'il avait reçu un accueil assez favorable de la part du ministre. Il me semble qu'il y aurait des moyens simples à prendre pour en arriver à prévoir cette situation. M. le ministre, vous comprenez qu'on ne laisserait pas aux personnes âgées victimes d'accident du travail que le simple programme de la . pension de vieillesse ou de la Régie des rentes - tout le monde va convenir que c'est un minimum - alors que le travailleur qui est resté dans l'usine a pu accumuler un régime de retraite privé. Replacer dans ce cas le travailleur comme il était avant, cela pourrait vouloir dire prendre des mesures pour assurer au moins le même programme de retraite qu'il avait là.

La Présidente (Mme Juneau): M. le ministre.

M. Fréchette: Je pensais avoir répondu au député de Frontenac sur ce point très précis que soulève le député de Sainte-Marie. Le cas auquel il fait référence est manifestement le cas de l'accidenté qui va demeurer avec des séquelles qui sont de la nature d'une incapacité totale permanente et qui, à compter de la date de l'accident, va recevoir jusqu'à l'âge de 65 ans une indemnité de remplacement du revenu égale aux proportions que l'on connaît: 90% du revenu net.

La réponse que j'ai faite au député de

Frontenac cet après-midi et qui m'apparaît être encore appropriée a été d'indiquer au député de Frontenac qu'à partir de l'indemnité de remplacement de revenu qui est payée è cet accidenté qui est demeuré avec une incapacité totale permanente, il pourra prendre les dispositions pour lui garantir ce revenu additionnel auquel il peut aspirer quand il aura atteint l'âge de 65 ans. En d'autres mots, s'il était demeuré au travail, il aurait utilisé une certaine partie de son revenu pour assurer cette garantie à laquelle nous réfère le député de Sainte-Marie. Qu'est-ce qui empêche ce même travailleur avec l'indemnité de remplacement du revenu qui lui est versée de prendre les mêmes dispositions et de se payer - je ne sais pas - un régime de retraite privé ou n'importe quelle autre protection de même nature mais à partir du montant qu'il reçoit au chapitre de l'indemnité de remplacement du revenu?

M. Bisaillon: Je ne disais pas qu'il fallait qu'il le prenne à l'extérieur. Sa contribution ne devait pas être prise à l'extérieur de son indemnité de revenu, je n'ai jamais dit cela. Sauf que le ministre conviendra qu'il y a des régimes différents et des degrés de participation divers aux régimes de retraite privés. Il y a des entreprises où les conventions collectives par exemple prévoient que l'employeur paie 100% de la cotisation au régime de retraite privé. Dans d'autres cas, ce sera 50-50 et dans d'autres, 25-75. Si la participation du travailleur est à 50%, je suis conscient que les 50% du travailleur vont devoir être pris à même son indemnité de revenu. Mais on n'assure pas du tout la partie que normalement l'employeur aurait versée et qui en fin de compte crée le fonds ou la rente que le travailleur qui est resté dans l'usine va retirer. C'est la participation des deux qui crée cela. Si le travailleur l'utilise à même son indemnité de revenu, la partie de l'employeur, comment l'assure-t-on?

M. Fréchette: II n'y a personne qui va l'assurer, c'est évident.

M. Bisaillon: C'est évident là, mais c'est peut-être évident qu'on pourrait le faire et facilement.

M. Fortier: Mme la Présidente, j'aimerais participer au débat. Ah, il y a quelqu'un d'autre, allez-y.

La Présidente (Mme Juneau): M. le député de Beauharnois m'a demandé la parole. Tout de suite après.

M. Lavigne: J'allais poser une question au député de Sainte-Marie pour éclairer ma lanterne. C'est exactement ce qu'il vient d'exprimer: C'est la participation de la partie patronale. Un employé qui n'est pas victime d'accident du travail, qui reste à son emploi et qui a un régime de retraite dans cette entreprise, plus souvent qu'autrement il y a une participation de la part de l'employeur. Par contre, dans le cas où la personne est victime d'un accident du travail et qu'elle bénéficie de la loi, elle est pénalisée dans la partie que ne mettra pas dans son fonds de pension la partie patronale. C'est là qu'il y a une pénalité. Je le comprends comme cela.

M. Fortier: Mme la Présidente, je crois qu'on fait erreur. À mon avis, tout l'équilibre du projet de loi n'est pas basé sur le fait qu'un travailleur qui a le malheur d'avoir un accident ou d'avoir une maladie professionnelle ne souffrira aucun préjudice. C'est tellement vrai qu'on dit que quelqu'un qui a une lésion professionnelle a le droit à une indemnité de 90% de son revenu net au moment où il a eu une lésion professionnelle. Si cette personne a 45 ans et qu'elle ne peut travailler jusqu'à l'âge de 65 ans, on peut présumer que si elle avait continué à travailler, elle aurait eu des promotions, elle serait peut-être devenue contremaître. Alors, c'est bien évident que les 90% du revenu net qu'elle faisait à l'âge de 45 ans le pénalisent.

Argumenter à savoir qu'il ne faudrait absolument pas que cette personne-là soit aucunement pénalisée, je crois que là on s'en va dans un genre d'économie de compensations que personne ne pourrait se payer ou, du moins, que cela n'a jamais été la base du projet de loi devant nous. Je crois que ce qui est devant nous, c'est pour corriger des situations de fait où des gens étaient pénalisés par une lésion professionnelle, y inclus les maladies professionnelles, quittaient l'emploi et ne recevaient aucune compensation. Maintenant, on dit, d'une part, que l'employeur devra contribuer à un fonds de la CSST et que, d'autre part, l'employé recevra une certaine compensation pendant un certain nombre d'années.

Donc, jusqu'à l'âge de 65 ans, il reçoit cette indemnité. Il est pénalisé, surtout s'il avait pu bénéficier de certaines promotions dans cette période de temps-là. Par la suite, on dit: La responsabilité de l'employeur, qui aurait dû être normalement de lui garantir un emploi jusqu'à l'âge de 65 ans, cesse. L'indemnité qui compense dans une certaine partie, pas en totalité, et la responsabilité que l'on peut attribuer à l'employeur cessent parce que cet employé aurait cessé normalement de travailler à l'âge de 65 ans.

Donc, je crois que l'argumentation du député de Sainte-Marie, quoiqu'elle soit d'un bon naturel, mais je crois que cela n'a jamais été l'objectif de la loi - le ministre pourra me corriger - de donner une

compensation totale, parce que sans cela on devrait s'en aller dans le genre de discussions que l'on fait présentement où il y a le fonds de retraite pour lequel l'employeur ne contribue pas et que l'employé ne devrait pas être pénalisé d'aucune sorte. Malheureusement, je pense qu'on doit accepter les faits. Les faits sont qu'un employé qui subit un préjudice corporel ou autre, d'une maladie professionnelle ou autrement, subit un préjudice qu'on essaie d'atténuer par le projet de loi devant nous.

M. Lavigne: Mme la Présidente, me permettez-vous?

La Présidente (Mme Juneau): M. le député de Beauharnois, M. le ministre m'avait demandé la parole.

M. Fréchette: Après le député de Beauharnois.

M. Lavigne: Je fais référence à l'article 221. Je pense qu'on réglerait un peu le problème en lisant l'article 221: "Le travailleur qui s'absente de son travail en raison de sa lésion professionnelle: 1° continue d'accumuler de l'ancienneté au sens de la convention collective qui lui est applicable et du service continu au sens de cette convention et au sens de la Loi sur les normes du travail; 2° continue de participer aux régimes de retraite et d'assurances offerts dans l'établissement, pourvu qu'il paie sa part des cotisations exigibles, s'il y a lieu, auquel cas son employeur assume la sienne; 3° cesse d'accumuler des jours de vacances et de congé de maladie."

M. Bisaillon: Je trouve que ce serait un excellent article, Mme la Présidente, si l'expression du début de l'article 221 était précisée. Là, on dit "qui s'absente de son travail", ce qui laisse supposer qu'on ne parle pas d'incapacité totale permanente.

M. Fréchette: L'article 221 auquel se réfère le député de Beauharnois s'applique, dans ma compréhension, en tout cas, pendant la période prévue pour l'exercice du droit de retour au travail, pendant l'année qui suit l'accident, dans les cas prévus au droit de retour au travail, et pendant les deux années. C'est pour cette période-là.

Je voudrais seulement ajouter un commentaire à celui que vient de nous soumettre le député d'Outremont, que je partage totalement, d'ailleurs. Ce phénomène en vertu duquel un accidenté du travail ne peut pas espérer être à tous égards replacé dans la même situation que celle dans laquelle il était avant l'accident s'inspire également de la philosophie qui a présidé à la mise sur pied de ce régime il y a 50 ans. À l'époque - le député de Sainte-Marie le sait sans doute mieux que moi, pas parce qu'il était là, mais sans doute parce qu'il a lu des choses là-dessus - les employeurs ont convenu de créer cette espèce de mutuelle et de s'associer aux fins de compenser - à ce moment-là, évidemment, on ne parlait que de compension et que de réparation, on ne parlait pas de prévention, on ne parlait pas de réadaptation, rien de ça - les travailleurs qui auraient été victimes d'un accident.

Pourquoi le faisaient-ils? Pour éviter des poursuites civiles qui pourraient être dirigées contre eux et des poursuites civiles d'importance qui, dans bien des cas, auraient pu conduire purement et simplement à la déroute totale d'une entreprise. Une petite entreprise qui, dans une année, doit faire face par exemple à deux ou trois actions en dommages de 50 000 $, 60 000 $, 70 000 $ ou 100 000 $ chacune, il y a des risques sérieux que ça lui crée des embêtements au niveau de sa survie.

À ce moment-là, les employeurs ont dit: Cotisons-nous, créons cette espèce de mutuelle et, à partir du fonds de cette mutuelle, nous allons accepter de compenser nos travailleurs accidentés. Il y a donc là une garantie de compensation.

De leur côté, les travailleurs ont renoncé à un certain nombre d'"avantages" -toujours entre guillemets - ou de droits, plutôt, auxquels ils auraient pu très légitimement prétendre en vertu des principes du droit commun.

Une voix: Les employés.

M. Fréchette: Les employés, je m'excuse. Les employés ont renoncé, quant à eux, pour être certains d'obtenir certains droits, à l'ensemble ou à la globalité des droits auxquels ils auraient pu prétendre autrement, s'ils s'inscrivaient dans des réclamations inspirées du droit commun. Une action en dommages devant les tribunaux pour une situation donnée, ça peut faire en sorte qu'il y ait une compensation de 150 000 $ qui est payée à quelqu'un. Mais les travailleurs ont dit, à cette époque: J'aime mieux avoir seulement 100 000 $ et être certain de l'avoir plutôt que de risquer de me retrouver devant un employeur qui sera acculé à la faillite, à toutes fins utiles, parce que la réclamation que je lui fais, il ne pourra pas la rencontrer.

Je pense que le même principe a prévalu depuis toujours. Il est évident qu'idéalement, ça devrait être 100% du revenu net; idéalement, ça devrait être l'emploi disponible au lieu de convenable; idéalement, il faudrait rejoindre toutes les situations auxquelles se réfère le député de Sainte-Marie. Mais les deux parties ont convenu, au moment même où elles ont, ensemble, établi ce régime - c'est de la volonté commune des deux parties que le

régime est né - que l'une et l'autre devaient accepter de renoncer à certains droits comme, d'autre part, elles s'enlevaient l'une et l'autre aussi certaines obligations. (23 h 45)

Par exemple, le travailleur accidenté, dans le régime de réparation que l'on connaît, n'est pas obligé d'aller devant les tribunaux de droit civil. Il a une compensation quasi automatique dès que certaines conditions sont remplies. À partir de cette philosophie, ajoutée à l'argumentation que le député d'Outremont a développée, je pense qu'il va nous falloir faire un certain nombre de choix. C'est bien évident que, idéalement, il faudrait rejoindre tous les objectifs que le député de Sainte-Marie nous soumet et sur lesquels il attire notre attention, mais il y a toujours, fondamentalement, cette question de choix.

La Présidente (Mme Juneau): M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: Mme la Présidente, j'ai déjà développé une argumentation sur la possibilité de continuer à verser, sous une forme ou sous une autre, la participation de l'employeur au fonds de retraite privé auquel l'employé avait déjà droit dans le passé, avant son accident, pour faire en sorte que, au moment où il arriverait à l'âge de la retraite, il ait plus que les bénéfices sociaux prévus comme minimum. Je regrette que cela ne touche pas davantage les membres de cette commission. Je voudrais indiquer au ministre que ce ne sont pas juste les demandes du député de Sainte-Marie, mais qu'à peu près l'ensemble des associations qui traitent des cas d'accidentés du travail, l'ensemble des associations syndicales - cela fait déjà un peu de monde aussi - se sont aussi prononcées dans ce sens.

Il faudrait aussi comparer avec la situation actuelle, pour les personnes qu'on vise à l'article 53, et partir des lois qu'on a. Cet après-midi, j'ai posé une question au ministre: Qu'est-ce qui arrive à un travailleur profitant de la loi rendant la mise à la retraite facultative, s'il continue de travailler après 65 ans et qu'il a un accident à 67, 68 ou 69 ans? Le ministre m'a répondu que, dans ce cas, la première année d'indemnité lui serait payée; qu'après la première année, on appliquerait la réduction de 25%, 50% et 75%, même si cela dépasse 70 ans. C'est la réponse que le ministre m'a faite cet après-midi. Il m'a dit que c'était à l'article 53 qu'on réglerait cela. On est rendu à l'article 53. C'est un autre aspect dont on a traité cet après-midi.

Et je me sers de cet exemple pour démontrer qu'il va y avoir deux catégories de personnes âgées, de travailleurs âgés. Il va y avoir ceux qui ont eu leur accident du travail après 65 ans et ceux qui ont eu leur accident avant 65 ans. Ceux qui ont eu leur accident avant 64 ou 65 ans, dès qu'ils vont arriver à 64 ans, on va les diminuer. Ceux qui ont continué à travailler et qui ont eu un accident de travail après 66, 67 ans, on va continuer de leur verser des indemnités.

Le problème n'est pas de savoir si c'est plus coûteux d'en ajouter un peu plus. Je parle de la situation actuelle, et dans la situation actuelle, on a dit aujourd'hui que, pour des cas d'incapacité totale permanente, le régime proposé par le projet de loi était plus avantageux que la loi actuelle, sauf quand on arrive à 65 ans. C'est sûr que, si le travailleur meurt à 67 ans, on pourrait encore prétendre que le régime proposé dans le projet de loi est plus intéressant. Mais s'il a - entre guillemets - la malchance de vivre plus longtemps, le régime de la loi actuelle va être préférable au régime proposé dans le projet de loi.

C'est cela que je voudrais qu'on corrige aussi. Je comprends qu'il est possible que les députés de l'Opposition aient reçu un appel téléphonique du Conseil du patronat, trouvant peut-être que, depuis le début de l'étude de ce projet de loi, il y avait des arguments trop pro-travailleurs et qu'on change le discours ce soir, mais j'aimerais qu'on se préoccupe quand même du fait que c'est une loi pour les travailleurs qui ont subi des accidents. La comptabilité des employeurs, il y a d'autres occasions pour parler de cela. Ce que je demande à l'article 53, ce ne sont pas des sommes énormes. Combien y a-t-il d'accidentés avec des incapacités totales permanentes? Combien y en n-t-il actuellement?

La Présidente (Mme Juneau): M. le député de Saguenay.

M. Bisaillon: J'attends une réponse.

M. Fréchette: Je pense qu'il y en aurait actuellement 3000 qui se retrouvent dans cette situation d'incapacité totale permanente et il y en aurait une centaine par année qui s'ajoute à ce nombre de 3000.

M. Bisaillon: Quand on parle de combler...

M. Fréchette: Maintenant soyons «clairs, entre nous, c'est une information qui est "pif".

M. Bisaillon: Oui, oui.

M. Fréchette: Sous réserve d'une information plus précise, d'une recherche plus précise.

M. Bisaillon: Oui, mais c'est juste pour fins d'argumentation que j'essayais d'avoir le chiffre. Je ne veux pas avoir un chiffre

précis. Je veux juste indiquer que la seule chose que je demandais: Cela représente finalement quoi? Si le travailleur qui a eu son accident à 45 ans continue à payer sa participation à son régime privé - on parle de quoi là? - la participation de l'employeur, cela pourrait peut-être être de 100 $ par année. On parle de 100 $ fois 3000. C'est de cela qu'on parle. Ce ne sont pas des sommes énormes pour faire qu'un travailleur qui a eu le malheur d'avoir un accident du travail se retrouve avec autre chose que juste la pension de vieillesse quand il atteint 65 ans. Il me semble qu'on ne parle pas de grand-chose. Les employeurs paient, rappelons-nous-le, les plus basses cotisations - on l'a dit cet après-midi - et ils ne sont pas si malheureux que cela au Québec. Ils paient moins cher qu'en Ontario. Ils ne peuvent pas se permettre d'en mettre plus, de se servir de leur caisse pour payer 3000 fois 100 $ par année. On ne parle pas de sommes incroyables. Je comprends qu'on veuille défendre le patronat, mais il me semble qu'il faudrait qu'on le fasse avec un peu plus de décence. Quand ça ne coûte pas cher et que cela donne des avantages, pourquoi ne les donne-t-on pas?

La Présidente (Mme Juneau): M. le député de Saguenay. Il avait demandé la parole.

M. Fortier: C'est parce que le député indirectement a fait les remarques qui suivaient celles que j'avais faites moi-même. J'aurais juste une remarque là-dessus. Non. Les commentaires que j'ai faits, je les avais faits dans le sens de l'article 53 qui dit que l'indemnité de remplacement du revenu est réduite de 25%. Je pensais que l'argumentation du député allait dans le sens que l'indemnité ne devrait pas être réduite dès l'âge de 65 ans. Je crois que la deuxième argumentation qu'il a faite touchait les fonds de retraite. Je dois vous avouer que la contribution des employeurs ou le coût que cela pourrait représenter, moi, je n'en ai aucune idée ici. C'est assez facile de faire des estimations sur le bout de la table et si c'est là la demande du député de Sainte-Marie, en ce qui me concerne, je serais prêt à l'examiner mais il faudrait avoir des chiffres plus précis.

Par ailleurs, on sait déjà que les coûts totaux, sur la masse salariale, sont beaucoup plus élevés au Québec qu'en Ontario et quand on dit que les contributions des employeurs ou que le tarif est plus bas ici qu'en Ontario, il faudrait dire toute la vérité. C'est vrai que les tarifs de la CSST sont plus bas ici qu'en Ontario mais les maximums permissibles sont plus élevés au Québec qu'en Ontario. À ce moment-là, quand on multiplie l'un par l'autre, on peut arriver à des chiffres qui sont différents. De toute façon, l'ensemble des taxes sur la masse salariale au Québec comporte, je crois, une différence de 5%. C'est l'économiste Fortin qui en a fait l'étude, il y a deux ans, du moins dans une conférence qu'il a donnée. Les taxes sur la masse salariale au Québec sont de l'ordre de 14% alors qu'elles sont de 9% en Ontario. Donc, une différence de 5%. Je parle de l'ensemble des taxes sur la masse salariale. L'économiste Fortin, qui est maintenant le conseiller du premier ministre, a établi que pour une différence de 1%, cela nous coûtait 1000 emplois au Québec, donc 50 000 emplois qu'on perd du fait que la taxe sur la masse salariale est plus élevée au Québec qu'en Ontario.

Je suis bien prêt et je suis d'accord, si on peut... Je crois que son intervention ne touchait pas nécessairement à l'article 53 comme tel, mais c'était de dire: Est-ce qu'on ne pourrait pas regarder la possibilité, si les coûts n'étaient pas énormes, de faire en sorte qu'une personne qui est pénalisée à plus ou moins long terme puisse bénéficier quand même de son fonds de retraite ou des contributions à son fonds de retraite éventuellement? Je suis bien prêt à examiner cela. Je ne pensais pas que c'était là l'argumentation du député lorsqu'il a commencé. J'ai simplement dit que je suis sensible à l'argumentation qu'il développe. Je croyais que mon argumentation était à l'effet de dire que quoi que l'on fasse, malheureusement l'employé qui a subi une lésion corporelle subira toujours un préjudice et que d'essayer de nous entraîner dans une augumentation, à savoir qu'il faudrait compenser de telle façon que cette personne ne subisse aucun préjudice, je ne croyais pas que c'était là l'économie du projet de loi qui était devant nous.

Maintenant, s'il s'agit de certaines compensations qu'on peut étudier et dont le député dit qu'elles représenteraient des coûts minimes, il faudrait avoir les rapports d'actuaires qui nous donneraient l'information en conséquence. Je ne suis pas prêt immédiatement à porter un jugement là-dessus. Je ne crois pas, de toute façon, que la proposition du député de Sainte-Marie vienne nécessairement à l'article 53. Elle pourrait venir à un autre moment.

La Présidente (Mme Juneau): M. le député de Saguenay.

M. Maltais: Merci, Mme la Présidente. C'est juste pour rassurer le député de Sainte-Marie que l'Opposition n'est pas raccordée au Conseil du patronat. Je pense que les connexions du député de Sainte-Marie sont beaucoup plus près de lui que les nôtres peuvent l'être présentement.

M. Bisaillon: Moi, elles sont officielles,

à part de cela elles sont là.

M. Maltais: Non, non, je suis bien d'accord.

M. Bisaillon: Elles sont claires, elles sont engagées à 1 $ pour un mois.

M. Maltais: Ceci étant dit sans méchanceté, il faut se rappeler qu'il y a 562 articles. Je pense qu'on aura tous l'occasion de...

Il y a une question, M. le ministre, qui suscite... On dit que le but de la loi, c'est de remettre le travailleur dans la situation où il était, le plus possible, après un accident. Dans les conventions collectives, quelqu'un qui souffre d'une maladie, à ce que je sache, ses années de régime de retraite ne s'accumulent pas.

Je vous donne l'exemple des enseignants. M. le député de Sainte-Marie est un expert et à moins qu'il me dise le contraire parce que je vais faire un grief à la CEQ: mon épouse a été dans le cas à trois reprises pour des congés de maternité... M. le ministre, les années de régime de retraite ne s'accumulent pas. Alors, pourquoi? Est-ce que c'est un précédent qu'on va créer ici ou est-ce que cela va revenir dans chacune des conventions collectives? Si on évalue la masse pour ces travailleurs, je suis bien d'accord qu'on l'évalue aussi pour l'ensemble des travailleurs qui ont souffert de maladies.

M. Fréchette: Évidemment, au niveau des conventions collectives, les régimes peuvent varier autant de fois qu'il y a de conventions. Cela dépend de ce que les parties ont négocié. Vous pouvez effectivement avoir des conventions collectives qui prévoient qu'en cas de maladie le régime de retraite n'est pas assumé par l'employeur. Vous pouvez probablement en avoir d'autres qui vont le prévoir. C'est un contrat particularisé pour chaque employeur et groupe de salariés.

Maintenant, dans le cas précis qui nous préoccupe, bien sûr qu'il y aura lieu de procéder à une évaluation des coûts que cela pourrait engendrer, bien que je sois d'avis que ce n'est pas en relation avec l'article 53 qu'on est en train d'étudier que ce phénomène doit être évalué. Une première évaluation fort approximative et qui ne procède, à ce stade-ci, d'aucune appréciation scientifique nous amènerait à la conclusion que cela coûterait, en sus de ce que cela coûte actuellement pour atteindre cet objectif, une somme de 5 000 000 $ par année à l'ensemble des employeurs.

Je donne cela sous toutes les réserves qui doivent être retenues mais on peut regarder de plus près la situation.

La Présidente (Mme Juneau): Je vous signale qu'il est minuit et que nous devons ajourner nos travaux sine die.

(Fin de la séance à 23 h 59)

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