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Version finale

32nd Legislature, 5th Session
(October 16, 1984 au October 10, 1985)

Wednesday, April 24, 1985 - Vol. 28 N° 36

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude des crédits du ministère du Commerce extérieur


Journal des débats

 

(Dix heures onze minutes)

Le Président (M. Beaumier): La commission de l'économie et du travail ouvre ses travaux, avec le mandat de procéder à l'étude des crédits budgétaires 1985-1986 du ministère du Commerce extérieur.

Je crois que nous nous sommes entendus pour procéder - puisqu'il n'y a qu'un seul programme, d'autant plus de la façon la plus générale possible, quitte à adopter l'ensemble des crédits à la toute fin. M. le ministre du Commerce extérieur.

M. Landry: Je vous remercie, M. le Président. Comme le Commerce extérieur, par définition et par vocation, se livre à des activités assez pragmatiques, j'ai l'intention de limiter mon exposé liminaire à deux choses: vous présenter d'abord les collaborateurs qui m'accompagnent et vous donner les faits saillants de notre action, au cours de l'exercice 1984-1985; ensuite, répondre aux questions de la façon la plus précise et la plus technique possible.

M. le Président et chers membres de la commission, j'ai l'honneur d'avoir avec moi M. Roger Pruneau, sous-ministre du Commerce extérieur, assis à ma droite; M. Marcel Bergeron, à ma gauche, sous-ministre adjoint; M. Jacques Brind'Amour, directeur général de la coopération économique; M. Michel Dagenais, directeur général du développement de l'offre; M. Gerald Audet, directeur général de l'analyse et de la stratégie; Mme Janine Beaulieu, directrice de nos communications; M. François Paradis, secrétaire du ministère; M. Carl Grenier, directeur de la politique commerciale; M. Raynald Brulotte, directeur de l'administration; M. Paul-Émile Blouin, direction Europe; M. François Cournoyer, direction Amérique; M. Robert Cossette, du secrétariat; M. Yvan Bouchard, direction de l'administration.

Je ne sais pas si vous avez remarqué le phénomène visuel suivant: il n'y a pas d'uniforme pour travailler au ministère du Commerce extérieur, mais vous voyez, par hasard, que tout le monde,. sans aucune consigne, se met toujours dans la tenue austère des vendeurs internationaux, discrète et de bon goût.

Remarques préliminaires M. Bernard Landry

Les faits saillants en 1984-1985 sont les suivants. Vous allez voir qu'il y a - je parle pour le député de Nelligan, surtout, M. le Président - certains recoupements avec l'action internationale plus générale du Québec que nous avons étudiée lors des crédits du ministère des Relations internationales. C'est pour cela que la première chose que je signale, c'est l'ouverture de trois nouveaux bureaux à l'étranger: Bogota en Colombie, Stockholm en Suède et Singapour. De plus, un conseiller économique a été affecté à la nouvelle délégation du Québec à Hong Kong.

Ces conseillers relèvent, dans le cas de Bogota, de notre délégation du Venezuela; dans le cas de Stockholm, de notre délégation de Londres; et dans le cas de Singapour, de la délégation de Tokyo.

J'ai eu également l'honneur de participer, au cours de l'exercice, à six missions commerciales importantes en vue d'appuyer les efforts de nos gens d'affaires et de promouvoir la vente de biens et de services produits au Québec. Je ne mentionne que les déplacements majeurs où on avait un grand nombre d'hommes d'affaires avec nous - tout cela a été largement publicisé dans la presse - mais à titre d'illustration, la grande mission sud-est asiatique - la République populaire de Chine, la Corée, Hong Kong, Japon - qui a profité de la présence du premier ministre en particulier, à la tête d'une délégation considérable où toute la fine fleur de l'économie québécoise était représentée.

Le ministère était également très impliqué dans la préparation et la tenue du sommet Le Québec dans le monde. Il est normal que dans un tel sommet l'activité économique et commerciale occupe une grande proportion du temps, ce qui fut le cas. Il y a eu, nous l'avons vu aux crédits du ministère des Relations internationales, la signature de ce protocole d'entente que vous avez entre les mains - je vous l'ai remis à ce moment-là - entre les services du Commerce extérieur et les services des Relations internationales en général, de façon à organiser un fonctionnement harmonieux des deux équipes, ce qui est maintenant devenu une réalité.

Nous avons également mis sur place un

réseau international d'échange d'information technologique qui compte maintenant 117 correspondants répartis aux États-Unis d'Amérique, au Canada, en France, en Espagne, en Italie, en Belgique, aux Pays-Bas, en Grande-Bretagne, en Allemagne et dans les pays Scandinaves. Nous avons mis en place une banque d'offres à l'exportation avec un logiciel d'exploitation permettant d'obtenir des données d'ordre technologique, financier, commercial et juridique auprès de 2500 entreprises de fabrication destinée à l'exportation. Ces données faciliteront le repérage des atouts à l'exportation de nos PME québécoises.

Nous avons également assuré la présence de trois conseillers en commerce extérieur à temps plein auprès de trois organismes spécialisés du monde des affaires. Il s'agit du Centre de finance et de commerce international, de Montréal, du Centre de commerce international de l'Est du Québec et du Groupement québécois d'entreprises.

Cette année, au cours de l'exercice qui s'écoule, pour des raisons de conjoncture, mais des raisons de changement de mentalité, deux fois plus d'entreprises ont profité du programme APEX d'aide à la mise en place d'une stratégie de marketing; comparativement à l'an dernier, 109 entreprises se sont vu accorder une aide dans le cadre de ce programme. Je vous signale qu'il s'agit de l'APEX "strategic marketing" et non pas de l'APEX régulier. Nous avons également lancé une série d'activités de groupe: des expositions commerciales, des missions commerciales, des missions d'accords industriels, des missions mixtes, promotions en magasin et missions d'acheteurs étrangers, qui ont engendré, selon les informations préliminaires recueillies des entreprises participantes, des ventes sur place - cela n'inclut pas le suivi - de l'ordre de 61 000 000 $ et des ventes projetées sur douze mois de 426 000 000 $. C'est là que vous voyez l'énorme rendement des activités de promotion du Commerce extérieur.

En vérité, il n'est pas exagéré de dire que plus d'une fois par semaine des missions officielles organisées, par le ministère du Commerce extérieur quittent le territoire québécois. Je parle des missions de groupe, je ne parle pas des activités individuelles: là, évidemment, c'est chaque jour que des entreprises du Québec quittent notre territoire pour aller faire la promotion de leurs biens et de leurs services à l'extérieur de nos frontières.

Nous avons également lancé un bulletin mensuel de liaison en cours d'année qui s'appelle Le Commerce extérieur. Si vous ne l'avez pas déjà par-devers vous, vous l'aurez dans les minutes qui viennent. Mme la directrice de l'information.

Une voix: Le messager apporte les documents.

M. Landry: Très bien. Nous avons également réalisé trois documents audiovisuels pour soutenir l'information et la formation des entreprises en vue d'exporter. Ce sont: "Exporter, c'est rentable", "Les accords industriels, une solution d'avenir" et "Exposer, c'est profitable".

Nous avons poursuivi les efforts entrepris en matière de politique commerciale en vue de réduire ou de supprimer les difficultés d'ordre tarifaire ou de réglementation auxquelles font face les entreprises québécoises. Parmi les principaux dossiers, voici les plus spectaculaires que vous connaissez et dont on a abondamment parlé: libéralisation sectorielle des échanges entre le Canada et les États-Unis d'Amérique, les ministères sectoriels ont été mis à contribution afin d'identifier les intérêts spécifiques du Québec; élargissement de l'accord du GATT sur les marchés publics, l'effort d'identification des opportunités et des coûts pour le Québec de participer à cet accord s'est poursuivi; intensification, enfin, des échanges entre le Québec, les Maritimes et la Nouvelle-Angleterre dans le cadre de la conférence des premiers ministres de l'Est du Canada et des gouverneurs de la Nouvelle-Angleterre.

Il y a aussi de grands dossiers particuliers qui ne sont pas toujours heureux. Des fois, ce sont des tuiles qui nous arrivent, mais vous savez que les producteurs américains, dans certains cas, se sont transformés en pétitionnaires devant la commission américaine du commerce et nous ont causé certains ennuis, soit passagers, en voie de règlement ou hélas! définitifs, tant que les rapports ne seront pas mieux aménagés entre le Canada et les États-Unis. Il s'agit de l'acier, des tubes en acier, du cuivre, du porc et d'un certain nombre d'autres cas moins déterminants, mais également présents dans notre paysage contentieux avec les États-Unis d'Amérique.

Également, nous nous sommes penchés sur la tentative de la Communauté économique européenne de réduire unilatéralement le contingentement en franchise sur le papier journal, avec un résultat qui a été acceptable pour les producteurs. Cela n'a pas été une catastrophe. On a 600 000 tonnes plus 50 000 tonnes.

Voilà les faits saillants de notre année. Je n'insiste pas sur l'activité régulière du ministère, qui n'est pas un vieux ministère, mais qui s'est suffisamment illustré auprès de la communauté des affaires et de l'administration pour être le ministère du gouvernement dont les crédits vont le plus augmenter au cours du prochain exercice.

Donc, cette priorité du Commerce

extérieur annoncée par le gouvernement, maintenue par le gouvernement depuis quelques années, se traduit dans - les choix budgétaires du gouvernement puisque c'est cette équipe que vous avez devant vous qui va disposer de la plus forte augmentation de crédits pour l'exercice qui vient.

Le Président (M. Beaumier): Merci, M. le ministre. Maintenant, je passe la parole au député de Nelligan et porte-parole de l'Opposition. M. le député de Nelligan.

M. Clifford Lincoln

M. Lincoln: M. le Président, j'ai participé à l'étude des crédits et à des débats avec le ministre du Commerce extérieur depuis la création du ministère en novembre 1982. Loin de moi l'idée de vouloir faire de l'opposition systématique à tout ce qui a trait au commerce extérieur. De notre côté, nous réalisons l'importance presque capitale du commerce extérieur dans l'appareil économique du Québec qui, en fait, vit en grande partie de ses exportations et de son commerce extérieur.

Là où peut-être nous nous départageons de l'approche du ministre, ce n'est pas dans les politiques et les actions pragmatiques, systématiques et spécifiques que le ministre a mises en place ou continue d'exploiter comme une extension du système du commerce extérieur qui était en place alors à travers le ministère de l'Industrie et du Commerce, les programmes APEX, les programmes de mission à l'étranger, les programmes spécifiques de promotion de nos produits, les programmes de soutien à l'entreprise. Sur cela, je pense que nous pourrions nous mettre d'accord pour dire que beaucoup de ces programmes - la majorité, sans doute - sont très valables, aident l'entreprise et devraient être soutenus, devraient être encouragés.

Là où nous nous départageons, c'est sur une approche quant au commerce extérieur. Chaque fois que j'ai eu un débat avec le ministre, chaque fois que j'ai écouté les propositions qu'il nous a faites par rapport au ministère du Commerce extérieur, par rapport à ses actions, je revois l'analogie de deux familles. Il y a une famille avec beaucoup d'enfants où il y a un menu commun, il y a des heures de repas communes. Tout le monde mange en même temps et tout le monde mange le même menu. Après, il y a l'autre famille avec beaucoup d'enfants où chacun a son menu spécifique et séparé, chacun mange à son heure. On peut tirer soi-même sa conclusion. Dans un cas, une cohésion globale, une attitude d'ordre et d'efficacité. Dans l'autre cas, des politiques spécifiques, des politiques pragmatiques, soit, mais on peut constater que c'est le manque de cohésion, le manque d'efficacité, des coûts additionnels, etc. C'est peut-être cela qui démontre notre approche différente par rapport au commerce extérieur.

Nous avons toujours dit de ce côté de la Chambre que, d'après le gouvernement et les politiques que le ministre a mises en place, les attitudes que le ministre véhicule et a mises en place, on semble traiter le commerce extérieur en vase clos, qu'on semble ignorer que le commerce extérieur fait partie d'un tout, que le commerce extérieur, c'est avant tout une projection, une résultante de toutes les actions du gouvernement dans toutes les autres sphères. Le commerce extérieur, en fait, ce n'est pas magique. C'est toute la résultante des actions du côté économique, du côté de l'éducation, de la haute éducation, de nos écoles, de nos universités. C'est le produit de notre fiscalité, de tout ce qui fait l'appareil gouvernemental en entier.

Je pense que cela démarque une question très importante. Nous, nous disons qu'il faudrait d'abord avoir une politique de départ, une politique globale qui nous donne les objectifs du Commerce extérieur par rapport à l'action économique globale du gouvernement. Lorsque nous avons créé le ministère, en novembre 1982, nous disions au ministre: Tout le monde doit se mettre d'accord qu'il faut faire plus de commerce extérieur, mais en même temps il faudrait mettre les boeufs avant la charrue. Il faudrait situer nos objectifs globaux, il faudrait situer nos priorités. Il faudrait situer toutes les questions qui ont trait au commerce extérieur avant que nous ne nous embarquions dans un ministère spécifique. Là, ironiquement, après deux ans et demi de ministère du Commerce extérieur, le ministre va présenter bientôt une politique de relations internationales et de commerce extérieur dans les semaines et mois qui vont venir et ce, à la veille même de la fin du mandat du gouvernement.

Il nous aurait semblé, nous, qu'on aurait dû attendre six mois et plus, un an et plus, avant de créer un ministère, afin de savoir où on s'en allait sur toutes ces questions. Nous avions fait le point au départ avec le ministre en disant: Prenez la question de la coordination des ministères qui s'entrecroisent par rapport au commerce extérieur. Le ministère à vocation responsable légalement se lie aux Affaires intergouvernementales d'alors. On n'avait fait aucune coordination de base. Le ministre nous avait dit alors: II faudra faire un rodage et, ensuite, on va voir ce qui va se présenter.

On a décidé de séparer le ministère des Affaires intergouvernementales entre affaires canadiennes et affaires internationales. Il a fallu, en décembre 1984, reconnaître qu'il fallait une coordination de base. Et, là, nous

ne sommes pas tout à fait convaincus que la coordination se fait de la façon la plus efficace possible. Nous avons des questions là-dessus que nous allons présenter au ministre encore aujourd'hui. Mais, en décembre 1984, deux ans après la création du ministère, on reconnaissait alors qu'il fallait un protocole d'entente entre le ministère des Relations internationales et le ministère du Commerce extérieur. Nous aurions pensé que, si on avait une vue globale de la chose, ce protocole d'entente se serait fait, non pas en décembre 1984, mais certainement qu'il y aurait eu une politique de coordination, une politique d'entente au départ même, avant la création du ministère.

C'est peut-être systématique ce qui se passe du point de vue de l'action économique en général. Par exemple, hier soir, j'écoutais le budget du ministre des Finances. On pourrait dire que le budget du ministre des Finances n'a rien à voir avec nos débats sur les crédits aujourd'hui. Pourtant, cela démontre ce que nous essayons de souligner. Je pense que c'est un exemple tout à fait typique de ce que je veux souligner. D'un côté, le ministre des Finances parlait beaucoup de commerce extérieur, d'exportation. À la fin de son budget, il nous annonce qu'il va décréter une taxe dès minuit hier soir sur toutes les primes d'assurance, que ce soient les assurances personnelles ou les assurances commerciales. C'est un domaine que je connais intimement. Toute ma vie, je l'ai passée dans le domaine de l'assurance internationale. Or, il est évident pour qui s'intéresse aux choses économiques que les trois grands piliers de l'économie sont le système bancaire, le système des transports et les assurances. Il n'y a pas une industrie, une entreprise, qu'elle soit toute petite, grande ou de taille moyenne, qui n'a pas besoin d'assurances pour pouvoir faire du commerce, pour pouvoir vivre, pour pouvoir prendre un départ. La première chose qu'il faut qu'elle ait, c'est un crédit en banque, des fonds financiers. Il faut qu'elle puisse s'assurer du transport de ses marchandises, de sa sécurité, de ses garanties d'affaires, etc. (10 h 30)

Cela pourrait paraître quelque chose qui n'a rien à voir avec le commerce extérieur, mais prenons l'impact que cela a sur une firme, surtout les petites firmes d'aujourd'hui. Les petites firmes ont à s'approvisionner en matériaux de base, en ressources, en services, en transport. Tous ces services qui lui sont donnés, que ce soient les services de transports, les services de consultations, les services d'imprimerie, les services de publicité, les matériaux de base dont elles ont besoin pour construire un produit, toutes ces composantes vont avoir des primes d'assurance plus élevées au départ. Ce qui veut dire que les produits de base qui vont faire le produit final vont coûter plus cher, c'est évident. C'est évident que, si on taxe les primes d'assurance, on va chercher 400 000 000 $ par année, et c'est un chiffre très conservateur. Aujourd'hui, il y a des gens de ce milieu qui me disent que c'est une estimation très conservatrice, que cela pourrait aller jusqu'à 500 000 000 $, 600 000 000 $.

Il faut bien que l'économie accuse le coût des 400 000 000 $. Si l'économie accuse le coût des 400 000 000 $, peut-on dire... C'est cela l'ironie de la chose: comme le disait le ministre des Finances, on cherche une économie concurrentielle. Comment est-ce qu'on peut faire de la concurrence en grevant les entreprises au même moment? Cela me dépasse, c'est un manque total de logique. Il me semble que c'est là le point central que nous faisons. Le point central que nous faisons, c'est que le commerce extérieur, cela ne se fait pas en vase clos. Cela se fait comme la composante d'un tout. C'est la résultante du tout.

Il me semble que, si le ministre du Commerce extérieur, qui est peut-être le principal ministre économique du gouvernement à l'heure actuelle, après le départ de l'ancien ministre des Finances... C'est peut-être le ministre en titre qui a le plus de poids dans le gouvernement aujourd'hui. Est-ce qu'il n'aurait pas pu discuter avec son collègue et lui dire: C'est aberrant d'aller grever une taxe directe sur une composante essentielle de l'économie? Quelles sont les conséquences de cela sur le commerce extérieur? Encore une fois, on va nous dire: II faut qu'on soit concurrentiel avec l'Ontario et l'Alberta. Est-ce que ces provinces font cette chose? La seule province que je sache au Canada qui le fasse, c'est Terre-Neuve. Là encore, on n'est pas en concurrence avec Terre-Neuve. On est en concurrence avec l'Ontario, l'Alberta, avec les États américains. C'est un exemple typique de ce qui se fait. Il me semble que, si on avait une approche systémique du commerce extérieur au lieu d'une approche pragmatique, au lieu d'une approche au pied levé, ce budget ne devrait pas contenir cette mesure tout à fait régressive.

Je parle d'un autre exemple pour souligner un peu la différence d'approche que nous avons sur cette question. Nous avons fait pas mal de débats en Chambre ici. On a posé des questions sur tout le propos du libre-échange. Le ministre et moi, en principe, pouvons nous mettre d'accord sur le libre-échange, tout le monde dit la même chose. On dit oui, on est pour le libre-échange. J'ai même lu une déclaration très récente du ministre où il propose encore une fois un marché commun États-Unis-Québec, qui était sa proposition d'il y a environ deux ans. On peut se dire: Comme principe, nous sommes

tout à fait d'accord que si c'était possible on ferait un marché commun États-Unis-Québec. Un marché commun, cela veut dire la fluidité la plus totale d'économies juxtaposées. Cela veut dire une complète fluidité de tout ce qui a trait au commerce, que ce soient les services, les biens, les capitaux, le personnel. Je ne pouvais pas m'empêcher de penser en même temps qu'on fait des discours sur le marché commun qu'il y a peut-être un an de cela on se battait avec les gens du Nouveau-Brunswick qui ne pouvaient pas venir travailler au Québec quand les gens du Québec allaient travailler au Nouveau-Brunswick et que cela avait fait une guerre de frontières. On parle de tous les problèmes que nous avons dans la construction entre nous-mêmes et les autres provinces. On parle de toutes les restrictions de personnel d'une province à l'autre. On parle de notre fameuse politique d'achat. Là, encore, je fais un parallèle. L'autre jour, lors d'une question en Chambre, je voyais le ministre applaudir son collègue de l'Industrie et du Commerce qui défendait la politique d'achat du Québec. Selon moi, c'était une question superficielle qui avait trait à un document que j'ai publié et qui n'avait certainement pas été lu par le ministre de l'Industrie et du Commerce parce que, s'il l'avait lu, il aurait très bien compris qu'on ne cherchait pas une abolition unilatérale de la chose, mais qu'on disait: Prenons les devants au Québec. Comment pouvons-nous parler de libre-échange avec les États-Unis? Comment pouvons-nous parler de marché commun en plus, qui va beaucoup plus loin que le libre-échange, quand nous-mêmes, entre provinces d'un pays qui est encore un pays où s'enchaînent dix provinces, on ne peut pa3 s'entendre avec les provinces voisines pour arriver à une politique d'achat commune?

Sur ce sujet, le ministre disait: Avant qu'on fasse le désarmement, il faudrait que le désarmement se fasse aussi en Ontario. Il faisait même le parallèle entre les Russes et les Américains. Qui commence? Mais même les Russes et les Américains l'autre jour s'entendaient pour avoir des discussions à Genève. Il faut bien que quelqu'un commence à en parler. Si on cherche le libre-échange avec les États-Unis, il va y avoir un cadre beaucoup plus élargi qui va se faire bientôt, qu'on le veuille ou non. Il faudra bien qu'on s'ajuste ici localement. Ce sera tout à fait paraxodal et ironique que chez nous on ne puisse pas s'entendre tandis qu'on fait des approches avec les États-Unis pour un commerce plus ouvert.

Nous avons dit au ministre: Ce que nous suggérons, c'est que nous prenions les devants et qu'on n'attende pas que l'Ontario le fasse ou que l'Alberta le fasse avant nous. Qu'on prenne les devants pour leur dire: Écoutez, si on ne le fait pas ensemble, cela va se faire de gré ou de force parce qu'il le faudra bien lorsqu'il y aura un contexte beaucoup plus libre entre nous et les États-Unis. Pour nous, c'est une question qui a trait à cette approche systémique du commerce extérieur au sein de l'économie. Nous ne pouvons pas concevoir une politique d'achat préférentielle en 1985, à l'abord même des réductions des barrières tarifaires du GATT dans quelque chose comme moins de deux ans, à la veille même de nouvelles négociations du GATT qui vont avoir trait en grande partie aux politiques d'achat et aux marchés publics. Pour nous, ce sont des exemples de notre approche que le commerce extérieur doit être la résultante de l'économie. Si le reste de l'économie ne marche pas, si on taxe les primes d'assurance, si notre fiscalité n'est pas concurrentielle, si nous grevons nos universités de budgets trop restreints qu'on ne fait que réduire tout le temps et qui ont un impact négatif sur notre évolution technologique, tout cela veut dire que tout ce que nous faisons de systématique, de pragmatique dans le commerce extérieur n'a pas d'impact ou bien moins d'impact, beaucoup moins d'impact que si nous avions une politique systémique où le commerce extérieur était partie d'un tout. Ce que nous disons au ministre, c'est que d'abord nous suggérons comme nous l'avons suggéré au départ qu'il faudrait au plus tôt avoir une politique d'ensemble, une politique d'objectifs et une coordination interministérielle qui se reflète dans des actions qui empêchent les actions négatives comme celles du ministre des Finances hier soir et que j'ai citées plus tôt.

Au début de novembre 1982, au départ du Commerce extérieur, on a dit que le ministre créerait un ministère mobile, un ministère léger, un ministère adaptable aux circonstances, pragmatique, et sur cela on l'a appuyé. Mais là, on commence à constater que la maladie bureaucratique affecte tous les gouvernements et surtout les gouvernements qui ont été rodés depuis plusieurs années, et je ne critique pas particulièrement ce gouvernement sur ce sujet. Tous l'ont été, tous le font, que ce soit le gouvernement de Reagan, que ce soit le gouvernement libéral antérieur fédéral, que ce soit le gouvernement libéral antérieur provincial ou un autre. La bureaucratie s'alourdit aux cours des années. On peut voir que la petite équipe mobile qui avait, au départ, un budget de 9 000 000 $ pour les mois qui restaient dans le premier exercice financier, qui avait dépensé 13 000 000 $ au cours du second exercice financier, aujourd'hui, est arrivée avec un budget de 24 000 000 $. Comparativement à celui de l'année dernière où l'on a dépensé 18 000 000 $, c'est 50 % de plus. On peut dire que 24 000 000 $ au sein d'un budget

de 27 000 000 000 $ du gouvernement du Québec, ce n'est pas grand-chose. En effet, ce n'est pas grand-chose, mais il faut se demander si nous arrivons à une bureaucratie qui commence à devenir, non plus légère, non plus mobile, mais un peu trop alourdie. En deux ans, les effectifs en personnel ont monté de 38 %. On va poser des questions au ministre. Ce qui nous frappe surtout, après avoir analysé les chiffres de très près, c'est que la composante économique dans certains secteurs névralgiques du commerce extérieur, au lieu de s'améliorer avec la progression significative du budget, avec la progression significative du personnel, s'est au contraire relativement amoindrie.

On a encore parlé, par exemple, des effectifs de notre délégation étrangère où nous concluons, avec les chiffres que nous avons cités, que les composantes économiques de notre délégation étrangère sont moins appuyées par les budgets, par le personnel, que les composantes politiques ou non économiques, dans un âge où nous disons que la concurrence économique est la raison même de notre existence future, où on a à concurrencer le Japon, Taïwan, et le reste. Cela me semble impensable qu'en 1985, si nous avions une politique économique solide, si nous avions une politique du commerce extérieur solide, quand le ministre est un des personnages les plus importants au sein de l'appareil, parce que, comme nous le disons, c'est le ministère économique qui a le plus de poids aujourd'hui dans l'appareil gouvernemental... Au lieu de voir à ces choses, de voir d'urgence à des politiques aujourd'hui, qu'est-ce qu'on a fait depuis qu'on est là, en séance, depuis le mois de février? C'est ce même gouvernement qui faisait, il y a quelques semaines, l'ordre du mérite des pisciculteurs et l'ordre du mérite de l'alimentation. Pour moi, c'est complètement impensable. On pourrait dire que là on se détache du sujet, mais c'est un exemple de plus du manque de pensée économique et c'est ce qui se reflète dans les politiques; par exemple, dans nos délégations il n'y a pas de politique centrale.

Là, je reviens encore à quelque chose dont on a discuté avec le ministre l'autre jour: nous n'avons pas de politique centrale pour nos délégations à l'étranger, nous n'avons pas d'objectifs précis, nous n'avons en fait pas d'objectifs clairs et précis par rapport à nos délégations étrangères. Autrement, nous n'aurions pas vu des budgets monter à 50 % dans le commerce extérieur. Pourtant, le nombre de conseillers économiques diminuent, comme nous allons le montrer plus tard. C'est pourquoi il faut voir à toutes ces choses. Au lieu de perdre notre temps, à l'Assemblée nationale, à faire des ordres du mérite des cultivateurs et autres, il faudrait... Chaque chose en son temps, mais pour le moment on n'y est pas. Moi, je dirais la même chose aux pisciculteurs. Ce n'est pas le moment d'aller faire des petites politiques systématiques ridicules qui n'ont aucun impact sur l'économie quand, aujourd'hui, on est dans un monde concurrentiel où on fait concurrence au Japon, à Taïwan, à la Corée qui nous abondent de leurs produits. Au lieu de mettre autant d'efforts sur des lois tout à fait inutiles, on devrait mettre plus d'efforts pour avoir une politique systémique du commerce extérieur et de notre économie en général.

Je dis au ministre encore une fois: Nous ne voyons rien dans son budget qui indique qu'il y a une politique pour nos délégations étrangères, qu'il y a une politique de gestion du personnel, qu'il y a de grands objectifs qui se situent par rapport à son ministère. Nous voyons, nous, des politiques tout à fait spécifiques, des politiques, comme il dit, pragmatiques. Il les a citées: une ici, une là-bas, le programme APEX. On va faire ceci pour le GATT, on va faire cela pour autre chose. Moi, j'aurais espérer, trois ans après, que le ministre nous dise, au contraire, dans son exposé que, bientôt, il va nous présenter quelque chose, un éventail, un tissu, un dessin de là où le Québec s'en va par rapport à la concurrence mondiale. (10 h 45)

J'aurais espéré qu'il nous dise: On va essayer de renverser la balance entre nos importations et nos exportations. J'aurais espéré qu'il nous parle du libre-échange; j'aurais espéré qu'il nous parle de sa politique par rapport à la politique d'achat du Québec et ce qu'il compte faire pour la contrecarrer, pour l'harmoniser avec celle des provinces d'à côté, pour arriver à quelque chose de logique par rapport au grand débat qui se fait aujourd'hui entre le Canada et les États-Unis pour un accord commercial plus large.

J'aurais espéré qu'il nous parle de fiscalité, qu'il nous dise: On va se diriger vers des incitatifs fiscaux pour les exportateurs. Il y en a des quantités qui peuvent être suggérés. Nous allons les suggérer bientôt nous-mêmes dans notre programme électoral pour aider les exportateurs au sein d'une politique économique large où, lui, comme ministre peut-être dominant de l'économie, prendrait une part active, dominante et globale.

Malheureusement, on est là, au point de départ de 1982. On a fait une politique d'entente à retardement avec le ministre des Relations internationales. On fait des politiques pragmatiques ici et là. On dit que le ministère est pragmatique, on dit que le ministère est mobile et il devient de plus en plus lourd. On dit qu'on appuie l'économie concurrentielle. On va démontrer que ce n'est pas toujours le cas et, en fait, que c'est de moins en moins le cas. On dit, nous,

qu'il est temps que le ministre nous apporte des politiques larges, des politiques qui ont un objectif précis et nous allons poser beaucoup de questions au ministre en ce sens.

Le Président (M. Beaumier: Merci, M. le député. Toujours dans le cadre des remarques préliminaires, le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue.

M. Landry: M. le Président, n'est-ce pas l'usage de répondre alternativement aux interventions?

Le Président (M. Beaumier): Selon le règlement, à l'article 287, lors de l'étude des crédits, le ministre peut intervenir autant de fois qu'il le désire après une intervention.

M. Landry: Si mon collègue et adjoint parlementaire le permettait, j'aimerais mieux relever tout de suite pour vider la table de la commission...

M. Fortier:... profondeur.

M. Landry:... d'un certain nombres de choses qui sont d'une utilité relative, pour ne pas dire nulle.

Le Président (M. Beaumier): M. le ministre, vous avez la parole à présent.

M. Bernard Landry (réplique)

M. Landry: Avant d'entendre l'intervention sérieuse de l'honorable adjoint parlementaire, je veux dire au député de Nelligan qu'il a ma gratitude pour un certain nombre de choses dans ce qu'il vient de dire. C'est la première fois, je pense, en huit ans de vie parlementaire que les phrases du critique de l'Opposition pourront être citées dans ma littérature électorale à Laval-des-Rapides. Je m'engage à le faire, à dire à mes électeurs que le député m'a reproché d'être pragmatique. Je pense que dans une population comme la mienne: classe moyenne, gens industrieux, etc., cette épithète de pragmatique pourrait m'être de quelque utilité.

Le député m'étonne et me surprend aussi, et c'est bon qu'une commission parlementaire soit intéressante à ce point, parce qu'il me rappelle ma jeunesse. Dans les universités, les facultés de sciences économiques, milieu théorique par excellence, il y avait toujours une proportion noble des étudiants qui étaient là, qui étaient ce qu'on appelle des gauchistes, et c'est en cela que le député m'étonne: il emploie exactement le langage des gauchistes de ma jeunesse avec lesquels j'ai eu des discussions dialectiques à n'en plus finir.

Autant j'ai de respect pour les gens de gauche véritable, les gauchistes m'ont toujours, jusqu'à un certain point, horripilé, mais, en rétrospective, quinze ou vingt ans après, cela m'amuse. En effet, la clé du vocabulaire gauchiste, c'est "global". Le député a employé le mot 25 fois. C'est systémique, c'est systématique, c'est le Gosplan, quoi. En Union soviétique, on pratique le Gosplan. Depuis la révolution, ils sont rendus au nième Gosplan, avec les résultats brillants, d'ailleurs, que l'on connaît, et il n'y a pas de pays plus systémique, plus systématique que cette grande nation qui a choisi d'organiser son économie d'une façon qui ne nous conviendrait pas.

Les approches globales et creuses à la sauce systémique, à mon humble avis, ne mènent nulle part. Ce n'est pas ce genre de réflexion qui a conduit à la création pragmatique du ministère du Commerce extérieur. Cela ne veut pas dire qu'il ne faut pas faire une réflexion profonde sur l'économie et sur les stratégies économiques. Or, de ce point de vue et pour mémoire, je rappelle au député de Nelligan que le gouvernement du Québec actuel est le seul gouvernement en Amérique du Nord qui se soit doté de stratégies économiques profondes, claires, bien étayées, saluées avec un concert d'éloges par toute la communauté économique du Québec, mais surtout par des instances majeures de la communauté canadienne.

Le Conseil des sciences du Canada a affirmé clairement et à plusieurs reprises que le Québec était la seule province du Canada qui avait une stratégie de développement industriel. Ce n'est pas le Gosplan, ce n'est pas la globalisation; ce n'est pas le système, c'est la vision de l'avenir, c'est l'agencement des politiques que l'on appelle stratégie. C'est cela que l'on pratique. Et ce serait un grand malheur que le gouvernement du Québec ou que le Québec se laisse entraîner par une opposition qui, visiblement, manque de réflexions et de compétence sur la chose économique dans quelque vision globalisante qui ne nous mènerait nulle part. Si Maurice Duplessis, qui a siégé dans cette salle si longtemps, avait eu une politique systémique, une politique globalisante et qu'il avait inscrit l'activité économique du Québec dans un plan, jamais Armand Bombardier n'aurait été nulle part avec une chose qui était absolument imprévisible dans tout système et dans tout plan qu'avec un moteur de tondeuse à gazon et deux chenillettes il pouvait monter un empire économique privé et dynamique, comme l'est devenu aujourd'hui Bombardier.

Donc, le député a bien exprimé sa pensée. Elle est le contraire de celle du gouvernement. Remarquez que ce n'est pas surprenant pour une opposition. Il est bien que ce soit comme cela. Il est bien que cela

reste comme cela. Le député a aussi évoqué la question du libre-échange. Je dois vous dire qu'il m'a beaucoup amusé aussi et je m'amuse considérablement devant la tournure des événements dans cette affaire, parce que, lorsqu'il y a trois ans j'ai commencé à parler clairement et ouvertement de la nécessité d'une plus grande fluidité continentale entre les espaces économiques des États-Unis d'Amérique, du Canada et du Québec, indépendamment de toute considération constitutionnelle, j'ai eu droit de la part de l'Opposition et de son chef, qui ne participe pas à nos travaux, à des gorges chaudes, à des quolibets, en disant que ce sont tous des projets irréalistes. M. Bourassa disait: Jamais le Sénat américain ne voudra entendre parler de cela. Or, le président des États-Unis d'Amérique est venu en parler ouvertement ici au Château Frontenac avec le premier ministre du Canada et on a mis des équipes importantes sur ces idées que moi-même, comme membre du présent gouvernement... Et, si le député est sérieux quand il dit - et j'accepte modestement son constat - que je suis un des ministres économiques qui comptent, il doit reconnaître qu'en raison de la solidarité ministérielle, c'est le gouvernement du Québec qui aura peut-être fait le plus pour faire évoluer la fluidité économique de l'ensemble du continent nord-américain.

Ce n'est pas le ministre du Commerce extérieur de l'Alberta qui a fait cela, ce n'est pas le gouverneur du Wisconsin, c'est le ministre du Commerce extérieur du Québec qui a donné un coup d'accélérateur fantastique à ce qui est la voie d'avenir, il me semble, de la constitution de grands marchés, de grands espaces, avec des centaines de millions de consommateurs solvables.

Déjà les Américains travaillent sur 225 000 000, ce qui est un chiffre extrêmement impressionnant.

Les Européens depuis la semaine dernière, avec l'entrée des deux Ibériques dans la communauté, sont à 335 000 000 de consommateurs dans leur marché intérieur européen. Alors, les petites batailles d'arrière-garde et les gorges chaudes de M. Bourassa qui dit que jamais le Sénat ne voudra entendre parler de cela... D'ailleurs, le Sénat quand il est allé, il n'a pas entendu parler beaucoup de ce que M. Bourassa a dit. Il a réuni combien de représentants? Il y a 500 représentants au US Congress; il y en a eu onze qui sont allés voir M. Bourassa? "Big event". Si on remet la proportion ici, disons qu'un grand Américain, un moyen ou un petit vient présenter un projet à notre Assemblée nationale, toute proportion gardée, il y aurait un député qui irait. Cela ferait un gros événement historique au Québec, celai Figurez-vous qu'un Américain vient nous présenter un projet et que notre ami Guy

Bisaillon se présente là, seul, ou que, malgré son mérite extrême, notre ami le député et adjoint parlementaire de Rouyn-Noranda-Té-miscamingue irait rencontrer l'Américain, cela serait gentil, mais cela ne serait pas un événement d'envergure occidentale, en tout respect pour notre Assemblée. C'est cela qui est arrivé aux États-Unis.

Alors, quand M. Bourassa brandit le Sénat américain, il n'a pas réussi dans toute l'assemblée, Sénat et Congrès ensemble, à en avoir plus de onze pour entendre parler, soi-disant, du projet du demi-siècle.

Je veux que cela soit reconnu par les membres de l'Opposition parce que c'est un fait inéluctable qu'ils ont tiré au flanc dès qu'on a parlé de fluidité par la bouche de leur chef, par leurs questions à l'Assemblée nationale et qu'aujourd'hui, prudemment et d'une façon assez peureuse, ils se remettent dans le "main-stream". Là, ils sont pour cela maintenant.

Le député a parlé aussi de politique d'achat. Il l'a eue, sa réplique. Ce n'est pas le gouvernement qui la lui a donnée. Il a proposé naïvement le désarmement unilatéral il y a deux semaines. Aucun membre du gouvernement n'y a répondu, mais les agents économiques lui ont répondu, en particulier les fournisseurs du matériel qui va représenter des milliards de dollars dans l'épuration des eaux pour les années qui vont venir.

Je rappelle au député la fable de La Fontaine, qu'il connaît peut-être, d'un renard qui, par un accident tragique, s'était fait couper la queue et voulait persuader les autres de se la couper. Il disait que ce n'était plus la mode, que cela ne se portait plus, que cela traînait dans les sentiers fangeux. Un instant! On ne va pas désarmer. On ne va pas se couper la queue en prétendant que ce n'est plus la mode de la porter quand l'Ontario va garder une politique discriminatoire à rencontre de toutes nos productions.

Une entreprise de mon propre comté a été obligée de déménager, sous peine de perdre les contrats, une partie de sa production en Ontario parce qu'il y a une clause dans les conventions collectives des travailleurs de la construction en Ontario qui dit qu'ils ne posent pas, en Ontario, de matériel fabriqué au Québec. Est-ce que vous saviez cela, M. le Président? Sans doute pas. C'est une chose tellement énorme que, quand on m'en a averti, j'ai dit: Cela n'a pas de sens, ce n'est pas croyable.

Les travailleurs de la construction, en Ontario, par leur convention collective ne posent pas, dans les constructions, de produits fabriqués au Québec. Et, dans le cas qui nous occupe, il s'agissait d'un contrat pour un édifice d'une quinzaine d'étages de tubes de ventilation fabriqués à Laval, Québec, contrat obtenu parce que c'était le

plus bas soumissionnaire, le meilleur produit, une meilleure technologie; contrat cassé à cause de la convention collective des travailleurs de la construction en Ontario. Ce serait cela, se couper la queue, que de ne pas se protéger.

Nous avons fait une politique d'achat. Elle a été conçue au ministère du Développement économique dont j'avais la charge en 1977, pas cinq ans après notre élection, mais cinq semaines après notre élection ou à peu près, parce que nous étions les dindons de la farce et c'était cela, l'héritage économique libérai: nos produits discriminés, nos entrepreneurs bafoués. Nous, dans la naïveté totale et complète: Venez les bénis, venez dans nos marchés.

Par conséquent, libre-échange ne veut pas dire naïveté. Le libre-échange ne veut pas dire tourner le dos à ses intérêts bien compris. Le libre-échange veut dire: négociation. Le libre-échange veut dire: discussions. Je pense que je n'ai pas besoin de m'appesantir davantage sur cette question qui est tellement limpide. Je ne vois pas pourquoi le député a pris le risque politique énorme d'aller s'embarquer dans ce bourbier qui a été dénoncé par les entrepreneurs eux-mêmes. (11 heures)

Le député a parlé des effectifs du ministère du Commerce extérieur. Je vais lui en parler. D'abord, je lui avais dit: Un ministère léger, un ministère mobile. Il est resté léger, il est resté mobile. S'il est vrai... Et vous ne pouvez pas me reprocher de ne pas augmenter les budgets et de les augmenter en même temps. S'il est vrai que le ministère du Commerce extérieur connaît la plus forte augmentation de crédits pour l'exercice qui vient, c'est parce que le ministère du Commerce extérieur est aussi celui qui fait le plus de transferts directement dans la poche des entreprises. On a probablement 50 % de notre budget qui va directement à la PME.

Nous avons maintenant des milliers de clients. Notre stratégie, non pas notre plan et notre approche systémique, notre stratégie était de prendre les PME par la main pour les amener sur les marchés extérieurs. C'est ce qu'on a fait. Comme le disait Alain Dubuc, dans la Presse: Petit coup de pouce, mais petit coup de pouce déterminant et des milliers d'interventions du ministère du Commerce extérieur sous forme d'APEX régulier ou sous forme d'APEX plus lourd, APEX marketing.

Alors, le ministère, contrairement à ce que le ministre a dû faire à certaines périodes de sa vie, n'a pas à se mettre au "Weight Watchers", d'aucune espèce de manière. Cela reste un ministère léger, un ministère mobile dont les augmentations d'effectifs sont toujours liées à la masse des dépenses qui sont transférées directement aux poches des entrepreneurs et qui, de toute façon, restent extrêmement modestes.

On peut y aller d'une façon un peu chiffrée. Au 1er avril 1984, il y avait 199 personnes au ministère du Commerce extérieur. Au 1er avril 1985, il y a 220 personnes au ministère du Commerce extérieur, donc, un différentiel, un delta de 10, 5 % alors que notre budget est en progression absolument spectaculaire. Cela prouve que l'argent ne va pas dans les poches des fonctionnaires ou dans le grossissement de la machine. L'argent va dans les poches des entreprises. Il n'y a pas de démonstration mathématique plus évidente et plus claire que cela.

Il y a aussi de la confusion technique dans l'approche du député. Je ne sais pas s'il n'a pas eu suffisamment de temps pour éplucher nos chiffres. Je pense qu'il reconnaîtra qu'on lui a remis tout ce qu'il nous a demandé, tous les documents qu'il nous a demandés. Il y a une confusion parce que, quand il dit, par exemple, que l'activité économique à l'étranger en ressources ne progresse pas aussi vite que le reste de l'activité du MRI, disons, mais on a discuté cela abondamment aux crédits du MRI! C'est vrai qu'il avait manqué la première séance, pour des raisons sans doute très valables. Mais le député ne sait-il pas que c'est le ministère des Relations internationales qui fournit le soutien au ministère du Commerce extérieur à l'étranger? Alors, c'est le ministère des Relations internationales qui loge les gens du MCE, qui fournit les secrétaires, qui fournit toutes les dépenses de soutien. Alors, quand l'activité du MCE augmente, il y a un effet symétrique immédiat dans le budget du MRI parce que c'est le MRI qui fournit les secrétaires du délégué commercial, etc. Il me semble que c'est tellement élémentaire en termes de gestion des finances publiques que le député aurait dû voir cela.

Je termine sur une chose, pas importante, mais qu'il ne faut pas laisser passer non plus, ce sont les gorges chaudes qu'il a faites des mérites et des ordres. Premièrement, moi qui suis d'un milieu rural, si vous étiez venu rigoler du Commandeur du mérite agricole dans ma paroisse à Saint-Jacques de Montcalm, vous auriez été, vous, l'objet de la risée générale et de la réprobation générale. C'est un phénomène humain, parfaitement compréhensible, que des agriculteurs méritants, des pêcheurs méritants, des pisciculteurs, des restaurateurs soient honorés par la collectivité. Je vous dirais plus que cela. Certains pays ont fait de ces mérites, de ces distinctions et de ces récompenses une stratégie majeure de commerce extérieur. La République française en a donné l'exemple à plusieurs reprises. L'Australie a utilisé énormément...

Une voix: L'île Maurice.

M. Landry: Je ne connais pas la situation mauricienne, c'est un des trous qui manquent à ma culture. Peut-être que le député en dehors des sessions de la commission parlementaire pourrait m'aider à combler cette lacune, une lacune qui me manque, comme disait notre collègue d'autrefois, Camille Laurin. Mais, on a, nous, au ministère du Commerce extérieur un prix qui s'appelle Stimulexport, 100 000 $ sous forme d'un APEX marketing. Le député aurait dû assister à la remise du prix. Il aurait dû voir l'intérêt suscité par le prix. Il aurait dû voir ce que l'entreprise qui l'a reçu, qui s'appelle Electromed, qui fabrique, en particulier le détecteur Avion X que nous avons ici à l'entrée... On consomme nos produits. Je ne sais pas si c'est un effet de la politique d'achat, de l'excellence de la firme ou des deux, mais c'est un Avion X fabriqué par Electromed, justement, grand prix Stimulexport de cette année.

Je trouve cela méprisant. Je trouve que cela manque de stratégie. Ce sont des choses qui ne coûtent pas cher et dont le ratio coûts-bénéfices est extraordinairement élevé.

Je termine ces remarques. Je suis content de les avoir faites. J'espère que je n'ai pas trop déplu au député de Nelligan, mais ce qui me chagrine le plus, c'est d'avoir retardé notre commission d'entendre le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue et adjoint parlementaire.

Le Président (M. Beaumier): Merci. M. le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue.

M. Gilles Baril

M. Baril (Rouyn-Noranda-Témiscamingue): M. le Président, d'abord, comme je suis le fils d'un ancien méritas agricole du Québec, je devrai reprendre le député de Nelligan pour lui dire que, pour nous, c'est une fierté. Mon père avait gagné, en 1963, la médaille de bronze pour le mérite agricole. C'est vrai que, dans la grande aristocratie libérale, les cultivateurs et les régions, cela ne semble pas être trop important.

Alors, il est évident que, pour nous, l'agro-alimentaire et ces mérites-là, c'est en quelque sorte un "challenge", un défi de l'excellence que les gens veulent atteindre, chez nous, dans la région de l'Abitibi-Témiscamingue et dans l'ensemble des régions du Québec.

M. le Président, j'ai assisté, la semaine dernière, à l'étude des crédits du ministère des Relations internationales et aujourd'hui à ceux du ministère du Commerce extérieur. J'ai l'impression que l'Opposition - c'est important de le signaler - flotte, actuellement, sur des sondages et s'assoit sur une certaine paresse intellectuelle dans les commissions parlementaires. On n'a pas d'exposé de fond. On a, effectivement, une analyse globale de la situation, mais on n'a pas un effort avec un objectif et un souci de recherche et d'analyse.

Dans certains secteurs comme le domaine du commerce extérieur, concernant les pâtes et papiers, au sujet du bois, par exemple, actuellement, le litige qui confronte les exportateurs de la région de l'Abitibi-Témiscamingue par rapport aux États-Unis, en ce qui concerne, entre autres, la question du moratoire des États-Unis concernant l'exportation du bois de sciage au Québec vis-à-vis des États-Unis... Il est malheureux de voir l'Opposition qui s'assied confortablement sur certains sondages et ne fait pas son travail d'opposition actuellement et je le déplore parce que, effectivement, il y aurait des choses à soulever, il y aurait des choses à souligner. On n'a pas cet effort de rechercher en profondeur des choses qui permettraient, dans une discussion positive, d'en connaître davantage sur les points majeurs au niveau de l'exportation au Québec.

M. le Président, je suis fier d'exposer aujourd'hui un point de vue parce qu'il ne faut pas oublier que l'Abitibi-Témiscamingue dépend de l'exportation; 50 % de notre économie régionale est exportée. Donc, 50 % des emplois chez nous, en Abitibi-Témiscamingue, dépendent de l'exportation. Alors, pour nous, c'est important et on doit dire que depuis quelques années, surtout avec la mise en place du ministère du Commerce extérieur, on assiste, dans la région de l'Abitibi-Témiscamingue à une sorte de poussée très intéressante dans tous les secteurs. Cela part, naturellement, de nos secteurs traditionnels comme les pâtes et papiers et le bois de sciage, notre 2x4, vers les États-Unis, mais cela va dans des domaines aussi innovateurs et inédits que le caviar. On devrait être en mesure, d'ici quelques semaines, de signer un contrat extrêmement important avec les Allemands et probablement avec les Chinois dans le domaine de l'exportation de la chaux.

Pour nous, le commerce extérieur, c'est extrêmement important. Je dois vous dire que les gens, dans les régions, que ce soit dans le domaine de la forêt, dans le domaine des mines ou dans le domaine agro-alimentaire parce que, effectivement, il y a quelques semaines, l'ensemble des intervenants agro-alimentaires, chez nous, ont mis sur pied un dossier qui va être envoyé dans toutes les délégations du Québec à travers le monde pour faire connaître les produits du domaine agro-alimentaire en ce qui concerne l'Abitibi-Témiscamingue... Cela part du caviar jusqu'au lapin. Je pense qu'effectivement cela va permettre à certaines entreprises de chez nous de

connaître des expansions extrêmement intéressantes pour les années à venir.

D'autre part, je ne voudrais pas passer sous silence le souci du défi de l'excellence qui est actuellement l'objectif premier de l'ensemble de la jeunesse de l'Abitibi-Témiscamingue parce qu'on sait qu'il y a quelques semaines M. Landry est venu souligner les grands gagnants et finissants des sciences comptables de la région de l'Abitibi-Témiscamingue qui se sont classés parmi les dix premiers au Canada.

C'est très important de le souligner parce que, étant dans une région très importatrice, notre économie doit être confrontée à un environnement beaucoup plus international. Alors, le souci de l'excellence, le défi de l'excellence est très important. Comme l'a dit le ministre du Commerce extérieur chez nous, nous devons former des gens extrêmement compétents pour calculer, en fin de compte, notre 2 X 4 de façon qu'il soit moins cher sur les marchés des États-Unis et de l'Europe pour concurrencer les Finlandais et les autres.

Alors, peut-être pour finir, M. le Président, parce que je serai très bref. La question du libre-échange est très importante. On se rappellera que le président de l'Association des manufacturiers de bois de sciage, M. Bienvenu, l'a souligné à maintes reprises. Le Parti québécois prêche toujours et de plus en plus une ouverture sur le monde et est capable, effectivement, pour reprendre une vieille expression de Jack Lang, d'affronter Donald Duck, c'est-à-dire les Américains à tous les points de vue. Je pense que les gens du Québec, les gens de l'Abitibi-Témiscamingue sont prêts à relever ce défi.

Alors, j'espère, M. le Président, sur ce point, que le Parti libéral apportera une plus grande attention, surtout en ce qui concerne des dossiers à caractère économique, une recherche plus approfondie, et permettra à l'ensemble de la commission parlementaire et à tous les intervenants, effectivement, d'apporter une discussion positive et d'amener certains éclairages sur certains dossiers. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Beaumier): Alors, toujours dans le cadre des remarques préliminaires, M. le député d'Outremont.

M. Pierre-C. Fortier

M. Fortier: Très brièvement, M. le Président. Je souriais à entendre le ministre du Commerce extérieur faire certaines remarques qui étaient assez désobligeantes et qui tranchaient du ton serein qui avait été utilisé par mon collègue de Nelligan. Je me demandais pourquoi le ministre qui a, des fois, de bons arguments, cherche toujours à faire des attaques ad hominem alors que les députés ne cherchent qu'à faire leur travail dans cette Chambre.

Mais, sans vouloir aller plus loin dans cette direction, il y a deux points que j'aimerais souligner. En toute honnêteté, le ministre doit reconnaître que la politique d'achat chez nous au Québec existe depuis fort longtemps. Je me souviens lorsque j'étais jeune, il y avait des sociétés nationalistes qui demandaient à tous les magasins d'avoir dans leur vitrine une pancarte qui disait: L'achat chez nous, c'est important. Cela fait depuis plusieurs années que le Québec a cru nécessaire, et peut-être que cela a très bien servi la communauté, d'avoir une politique d'achat chez nous qui a été instaurée bien avant le gouvernement du Québec par Hydro-Québec elle-même, qui a fait que tous ceux qui voulaient vendre à Hydro-Québec devaient montrer patte blanche, devaient démontrer qu'ils existaient bien au Québec, que leurs bureaux étaient du Québec même. De plus, ils étaient réconfortés par une marge de 10 % qui les avantageait.

Le ministre reconnaîtra qu'en particulier - et, moi-même, venant d'un grand bureau de génie-conseil, j'en ai fait la preuve à plusieurs reprises - pour leur part, les grands bureaux de génie-conseil, qui ont pu se développer grâce à cette politique d'achat, n'ont pas rencontré la même résistance dans les autres provinces canadiennes. Dans une certaine mesure, je dirais que cela a bien joué pour les Québécois, mais il faut bien comprendre que les autres bureaux de génie-conseil en Ontario et ailleurs se sentent un peu frustrés de voir les SNC et Lavalin obtenir des contrats d'Hydro-Ontario, des contrats de l'Alberta, des contrats en Colombie britannique, que ces deux grands bureaux ont des succursales dans tout le Québec. Je crois que je pourrais nommer un bureau dans le domaine des mines en particulier qui est encouragé par SOQUEM, qui obtient certains contrats, mais nommez-moi un bureau ontarien de génie-conseil d'ailleurs qui pourra obtenir des contrats d'Hydro-Québec? Je n'en connais pas. (11 h 15)

II faut bien se rendre compte, M. le ministre, que ce que vous avez dit était légèrement faux, que depuis plusieurs années je dirais même que cela a peut-être été encouragé par la communauté québécoise dans son ensemble, indépendamment de tous les partis politiques. Mais ce que mon collègue de Nelligan a voulu souligner, c'est que cette politique a amené les autres provinces à se défendre contre cette politique d'achat chez nous qui a très bien avantagé de grandes industries québécoises et en particulier, j'ai nommé: le génie-conseil.

Ce que mon collègue a évoqué au nom du Parti libéral du Québec, c'est que de

toute évidence, je me souviens, il y a trois ou quatre ans, le sous-ministre à l'industrie et au commerce de l'Ontario avait distribué une brochure sur ce sujet-là. Il évoquait que cette division du marché à l'intérieur du Canada n'était pas dans le meilleur intérêt de tous les Canadiens et qu'on se devait d'attaquer ce problème, de se poser la question suivante: devons-nous continuer à ériger des barrières entre chacune des provinces du Canada? Devrions-nous plutôt se poser la question, à savoir si un marché commun réellement ouvert ne serait pas plus bénéfique à l'ensemble des Canadiens? C'est la question que mon collègue de Nelligan a soulevée, c'est la politique du Parti libéral dont je fais partie. Tout ce que nous avons dit, c'est que le Québec devrait prendre le leadership comme l'Ontario avait cherché à le prendre il y a quelques années. J'admets que c'est plus gênant pour l'Ontario parce qu'elle bénéficie déjà grandement sur le plan économique, mais il faut quand même se poser la question. J'oserais espérer qu'on puisse en discuter aujourd'hui d'une façon non partisane, à savoir si le ministre du Commerce extérieur croit, si ses fonctionnaires croient qu'il serait dans le meilleur intérêt du Québec de s'assurer de plus grands débouchés dans les autres provinces canadiennes et qu'en conséquence devons-nous poser des gestes, non pas unilatéralement, mais devons-nous poser des gestes? Cela n'a jamais été la politique que mon collègue de Nelligan a évoquée. Devons-nous poser des gestes? Devons-nous prendre le leadership de proposer aux autres provinces canadiennes d'entamer des discussions pour qu'ensemble nous mettions de côté ces barrières qui ont été érigées au fil des ans, je dirais, au Québec, depuis que je suis jeune, depuis trente ou quarante ans?

Donc, c'est la question importante qui a été soulevée par mon collègue de Nelligan. La rejeter de côté aussi facilement, M. le ministre, je crois que c'est trop facile et ce n'est pas dans le meilleur intérêt du Québec. Parce que je tiens pour acquis que vous et moi et que mon collègue de Nelligan, autour de cette table, cherchons à évoquer des politiques qui pourraient améliorer le sort des Québécois. C'est ce qui compte fondamentalement et cela va au-delà des partis politiques en présence.

En ce qui concerne les remarques de mon collègue de l'Abitibi qui disait que l'Opposition manque de profondeur, venant immédiatement après la lecture du budget du ministre des Finances, cela fait sourire parce qu'il y a au moins trois ou quatre articles qui ont été inclus dans ce budget et qui proviennent directement des documents que nous avons développés depuis six ou sept mois. Quand je pense au fonds de développement régional qui a été évoqué à Sept-îles alors que je présidais un atelier; qu'on pense au document que j'ai moi-même déposé en décembre dernier sur la nécessité de réviser toute la question des sociétés d'État; qu'on pense à l'abolition des droits de succession.

Si on nous accusait dans le passé de manquer de politique, je crois que le côté ministériel est en mauvaise posture aujourd'hui pour nous faire cette critique -et je crois que c'est de bonne guerre lorsqu'on est au gouvernement - puisque le gouvernement s'est inspiré de mesures qui, de toute évidence, étaient bonnes puisqu'il s'en est inspirées pour orchestrer, du moins dans le proche avenir, sa politique économique. Somme toute, je crois que nous avons joué notre rôle, que nous avons mis de l'avant des embryons, des propositions de politique économique qui ont été acceptés par le gouvernement au pouvoir.

J'oserais espérer, M. le Président, que nous puissions avoir un débat non partisan, surtout ce débat de la politique extérieure du Québec, ou du moins en ce qui concerne le commerce extérieur. Même si nous pouvons avoir des divergences d'opinions ici au Québec, je crois que - et cela vaut dans tous les pays du monde - lorsqu'on se retrouve à New York, à Washington, à Tokyo ou à Hong Kong, les Québécois doivent mettre leurs divergences d'opinions de côté pour assurer le développement économique du Québec. J'ose espérer, pour ma part, que ce serait dans cet esprit que les discussions pourraient être continuées, quitte à démarquer nos différences d'opinions à l'occasion. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Beaumier): Merci, M. le député d'Outremont. M. le ministre.

Réponse du ministre

M. Landry: Je voudrais réagir aux remarques du député d'Outremont de façon positive à peu près pour toutes, sauf pour une. Quand je ne suis pas d'accord avec les idées du député de Nelligan, je le lui dis. Cela n'a rien d'une attaque à l'homme. C'est une attaque aux idées. Chaque fois qu'il en émettra une qui me semble contraire aux intérêts du Québec, je vais lui répondre de façon systématique, ce qui, évidemment, ne diminue en rien mon respect pour l'homme. Je ne crois pas qu'il y ait eu dans mes remarques quelque attaque qu'on puisse qualifier d'attaque ad hominem.

M. Fortier: Quand on parle du trou de l'île Maurice...

M. Landry: Pardon?

M. Fortier: Quand vous avez parlé du trou de l'île Maurice, c'était aller loin.

M. Landry: Moi, je n'ai jamais parlé du trou de l'île Maurice. J'ai dit que, dans mes connaissances, il y avait un trou.

M. Fortier: Oui, oui, c'est un jeu de mots facile.

M. Landry: Non, non, ce n'est pas...

Le Président (M. Beaumier): La parole est au ministre.

M. Landry: Je ne veux pas que le député d'Outremont m'entraîne dans une chose comme celle-là. Ce n'est pas vrai. Je reconnais modestement que je ne connais pas l'île Maurice. Est-ce que c'est injurieux si je demande en dehors des séances de cette commission à notre ami, le député de Nelligan, qui, me dit-on, en est originaire, de nous en parler? Je parle de mon bled natal à qui veut en entendre parler. Je n'ai pas souvent de demandes, remarquez. Mais il n'y a rien d'injurieux là-dedans.

Revenons maintenant aux remarques sérieuses du député d'Outremont. C'est peut-être une façon de s'exprimer, mais quand il évoque les campagnes d'achat chez nous, j'espère qu'il ne compare pas cela à la politique d'achat du gouvernement. Ce sont deux animaux d'une espèce totalement différente. Plusieurs pays, y compris le Canada, en ont eu assez du "Buy Canadian" et du "Magasinons à la canadienne" avec tous les "jingles" imaginables autour de cela. C'est pratiqué même aux États-Unis. Les Britanniques ont utilisé l'Union Jack déguisé de toutes les couleurs pour promouvoir les produits britanniques. Cela, c'est de la propagande et de la publicité. C'est un animal totalement différent d'une politique d'achat.

M. Fortier: C'est dans le même esprit.

M. Landry: C'est dans le même esprit, peut-être, mais ce n'est pas la même chose que d'inviter les gens à faire une chose et, dans le cadre d'une politique gouvernementale fondée sur des arrêtés en conseil, les obliger à le faire. Il y a eu, évidemment, des mouvements d'achat chez nous au Québec qui, malheureusement, je dois le reconnaître - et cela me déplaît quand je regarde en perspective historique le nationalisme québécois - ne disaient pas "Achetez au Québec", mais "Achetez d'une origine ethnique particulière". Vous rappelez-vous cela? Sur cela, une croix, une immense croix. Ce sont des politiques qui, dans le passé, pouvaient peut-être se justifier pour diverses raisons. Mais jamais le Québec moderne ne pourrait aller encourager qu'on fasse une sélection entre un marchand hongrois québécois, comme le député d'Outremont et moi, ou un marchand qui est né à Saint-Lin des Laurentides. Je pense que ce sont des histoires passéistes. Mais tout cela était fondé sur la propagande et non pas sur les textes.

En 1977, suivant - et là, le député a raison - l'exemple d'Hydro-Québec qui le faisait depuis 1962 - je crois que c'est M. Jean-Paul Gignac qui avait été l'artisan de la naissance de la politique d'achat d'Hydro-Québec - on en a fait une politique systématique du gouvernement. Je réitère que cela aurait été de la naïveté de ne pas le faire, parce que tous nos voisins et concurrents pratiquaient un tel système et, pour nous, ne pas avoir de système aurait été l'équivalent d'avoir une attitude naïve.

Il a parlé des bureaux d'ingénieurs-conseils qui n'ont pas eu de résistance ailleurs au Canada pour leurs services. Pourquoi? Parce qu'ils sont allés s'installer ailleurs au Canada. Vous connaissez les équipes importantes que la firme Lavalin a eues et a encore à Edmonton et à Calgary. Le volume a réduit parce que le boum pétrolier est chose du passé. De la même manière, dans la politique d'achat d'Hydro-Québec, une firme ontarienne fabriquant à Drummondville était admissible, tout comme la firme Lavalin située à Montréal mais puissamment installée à Calgary était admissible au contrat. Voyez-vous, il ne faut pas faire d'erreurs techniques et penser que tous les Ontariens étaient exclus des contrats québécois d'Hydro-Québec. Il s'agissait qu'il y ait une base de fabrication ou de conception ici. Je dirais plus, Hydro-Québec, malgré sa politique d'achat, a toujours eu une ouverture à l'étranger considérable. Un des plus grands entrepreneurs sur les chantiers de la Baie James, sinon le plus grand, qui? Imprégilo Spino. Imprégilo, filiale de Fiat, grand entrepreneur international est venu avec ses véhicules, avec son personnel de maîtrise, c'est eux qui ont fait la grande digue à LG 2 d'ailleurs. Avec un associé québécois qui était Spino, mais c'était une multinationale italienne. Le contenu ontarien de la Baie James est étonnamment élevé. Pourquoi? Parce que lorsqu'on fait des digues, des barrages ou des chaussées, il faut transporter de la terre et de la pierre. Or, tout le matériel roulant et le matériel de traction, sauf pour les choses les plus spécialisées, étaient fabriqués directement à Oshawa, Windsor et al. L'Ontario a énormément profité de cela. Le Québec n'a pas eu du tout une attitude mesquine. Loram-Komo est basée en BC - vous qui êtes ingénieur-conseil - Loram est une firme de BC, je crois, ou d'Alberta. Mais vous avez vu l'implication énorme de Loram-Komo sur les chantiers. Ne donnons pas l'image que le Québec est mesquin, que le Québec est fermé. Le Québec s'est donné un niveau de protection comparable à celui que les autres se donnaient. Cela a dû pas trop mal marcher

puisque le député reconnaît que dans tout cela on a fait naître trois des plus grandes bottes de firmes de génie-conseil du monde en utilisant habilement les contrats d'Hydro-Québec. Pourquoi est-ce que d'autres firmes du Canada n'ont pas pu atteindre le niveau des Lavalin, des SNC, des Monenco? Je pense qu'il ne faut pas chercher cela dans les politiques d'achat. Un des principaux facteurs, à mon avis, cela a été la mobilité culturelle et de mentalité qu'il y avait à l'intérieur des trois grands. Il m'est arrivé souvent d'aller travailler à l'étranger avec des gens de Lavalin ou de SNC en Amérique latine dans la langue du lieu, en Algérie dans la langue du lieu, en Afrique anglophone dans la langue du lieu. Les ingénieurs diplômés de l'École polytechnique et de l'École de génie de Laval ont, comme caractérisques reconnues mondialement, d'etre ouverts aux diverses cultures, de parler plusieurs langues et d'avoir acquis cette mobilité qui est un atout précieux pour le commerce international. Je pense que c'est là qu'il faut voir le succès des trois grands plus que dans quelque protection indue qu'ils auraient eue d'Hydro-Québec.

Maintenant, la division du marché canadien. Le député m'a posé clairement la question et je lui réponds. Quand je parle de fluidité continentale nord-américaine - et personne ne nie que j'en ai parlé sur tous les tons et partout - m'avez-vous entendu exclure le reste du Canada du continent? Si on s'en va vers une fluidité continentale, elle est continentale. Elle est Montréal-Boston, elle est Montréal-New York, elle est Montréal-Saskatoon aussi. J'ai plus insisté sur Boston et sur New York que sur Saskatoon pour des raisons évidentes. Il y a pas mal plus d'intérêts et pas mal plus de monde. Mais il serait incohérent de notre part de préconiser des échanges économiques plus souples, plus fluides et de dire: Si c'est Sakastoon, cela ne marche plus. Le député a raison, on doit tout faire pour que l'économie fonctionne à l'avantage des consommateurs et à l'avantage des producteurs. Et ceux qui ont les produits de la meilleure qualité, du meilleur prix sont ceux qui méritent de vendre ces produits. C'est cela le défi de l'économie québécoise. Les Québécois ne sont pas frileux sur cela. J'ai vu des augmentations de nos exportations dans des domaines qui sont un sujet de fierté énorme. Au cours du dernier exercice pour lequel nous avons des chiffres: tubes électroniques et semi-conducteur - ce n'est pas la lampe â pétrole et la broche à foin - 139 % d'augmentation; matériel commercial de télécommunication: 70 % d'augmentation sur douze mois, à l'exportation; pièces et accessoires d'autres véhicules automobiles: 53 %; pâtes de bois -nos traditions - 36 %; autres minéraux non métalliques bruts, 36 %. Le Québec n'est pas frileux sur le plan de la concurrence. Tout ce que j'ai à dire, c'est que le Québec n'est pas naïf. (11 h 30)

Je pense que quand on nous demande de prendre l'initiative pour prêcher le libre-échange, prêcher la fluidité de l'économie, nous l'avons fait. Encore une fois, ce n'est pas mon collègue, Horst Schmid, de l'Alberta, qui s'est fait le défenseur de la mobilité continentale, c'est le ministre du Commerce extérieur du Québec.

Si l'Opposition voulait qu'on prenne l'initiative, qu'elle reconnaisse que nous l'avons prise, mais si le député veut en faire une chose non partisane, qu'il nous supporte. Quand j'ai commencé à parler de cela et que son chef a fait les gorges chaudes, je ne suis pas partisan en disant cela, il s'est foutu de nous; il disait que ce n'était pas bon et que les sénateurs américains étaient pour bloquer, etc. Là, il a été obligé de prendre le train en marche; ce n'est pas moi qui en fais une affaire partisane. C'est lui qui m'a attaqué de façon partisane, sans penser que c'était cela l'idée d'avenir.

Maintenant que c'est l'idée d'avenir, là, on est obligé de rectifier le tir et cela fait des petites flammèches partisanes dont je m'excuse auprès du député et du président.

Le Président (M. Beaumier): Nous aurions terminé les remarques préliminaires et nous passerions un peu plus à la ventilation des crédits.

M. Lincoln: On peut passer à la ventilation des crédits, mais vous ajouterez trois minutes, parce que le ministre a pris beaucoup de temps pour faire des débats. Moi, j'ai apporté des questions qu'il me semble...

Le Président (M. Beaumier): Mais, un instant!

M. Lincoln: Excusez-moi, M. le Président, je pense que c'est important. Je vais poser des questions, mais j'ai envie de diminuer pour dire une ou deux choses par rapport à ce que le ministre a apporté, parce qu'il me semble, moi, que ce n'est pas équitable et si le ministre peut faire des péroraisons de vingt minutes, j'ai envie de lui dire quelque chose.

Le Président (M. Beaumier): Je suis d'accord, M. le député de Nelligan, sauf que chacun des membres, ici, a pris le temps auquel il avait droit. Alors, le député de Nelligan, allez-y.

Discussion générale

M. Lincoln: D'accord. Tout ce que je voudrais dire au ministre, très brièvement,

c'est que je sais que les crédits, ici, ne se prêtent pas à un débat sur des questions fondamentales. Tout ce que j'ai apporté, moi, dans mon exposé, c'étaient des questions de fond. Je n'ai pas essayé...

Une voix: Questions de fond?

Le Président (M. Beaumier>. C'est au député de Nelligan. M. le député, c'est à vous.

M. Lincoln: Si cela amuse la galerie, moi, je veux bien amuser la galerie, mais j'ai envie de revenir sur ce que j'allais dire. Je n'ai pas parlé du tout de personnalité; je n'ai pas parlé du tout de questions... Je n'ai pas fait de sarcasmes personnels. On peut apporter la question de l'île Maurice, cela ne me fait pas mal du tout. J'ai vécu au Canada bien plus longtemps qu'à l'île Maurice. Je m'en balance de ce qui se passe à l'île Maurice, si les gens ont du mérite ou pas, cela ne m'intéresse pas du tout.

J'ai voulu apporter un exemple dans une situation économique critique au Québec que leurs priorités sont tout à fait faussées. Lorsque le ministre dit que j'ai proposé l'abolition unilatérale de la politique d'achat, c'est clair qu'il n'a même pas lu le document que j'ai présenté, autrement, il n'aurait pas dit cela.

Il a cité, par exemple, un article du Devoir. Le Devoir a isolé une industrie qui s'accommode de la politique d'achat. Mais il n'a pas cité - peut-être qu'il devrait les contacter; je suis sûr qu'il a dû les entendre - l'Association des manufacturiers canadiens, le Groupement québécois des entreprises, la Chambre de commerce du Québec, la Chambre de commerce de l'île de Montréal, le Conseil du patronat du Québec et des entreprises - je pourrais en citer des quantités - des PME, de petites entreprises, des grandes entreprises.

Ce que nous disons, nous, c'est très bon de faire de grands discours sur la fluidité continentale. Le ministre rigole des soi-disant grands termes que j'ai employés: la fluidité continentale. Qu'est-ce qu'il a fait pour apporter la fluidité continentale? C'est très beau de dire: C'est nous qui avons pris les devants. Moi aussi, je peux faire des discours tous les jours sur les marchés communs. Comment est-ce qu'il pourra ouvrir un marché commun avec les États-Unis, une puissance de 250 000 000 d'habitants, avant même qu'il puisse faire un marché commun efficace avec les partenaires à côté de chez lui, dans un pays où on n'a aucune barrière juridique entre nous?

Il a cité beaucoup d'exemples de ce que l'Ontario a fait contre nous et je le conçois, je le conçois tout à fait. Moi, tout ce que je lui dis, c'est que l'Ontario aussi pourrait citer toutes sortes d'exemples, et c'est une bataille de coqs. Tout ce qu'on lui dit: Prenez les devants; prenez des initiatives. Si vous êtes vraiment pour la fluidité continentale, allez vous asseoir avec M. Miller. Faites venir M. Miller ici. Lui, il a proposé M. Miller tout récemment, deux ou trois fois, qu'il est prêt à discuter de la chose.

Il l'a suggéré à la réunion de Regina, prenons les devants, faisons une réunion pour essayer d'examiner des politiques communes au sujet des politiques d'achat. C'est cela, notre proposition; parler, par exemple, du passage de M. Bourassa à Washington et de dire: II a rencontré onze sénateurs, proportionnellement, cela fait un député du Québec, quelle stupidité! Quelle niaiserie de prendre un exemple pareil! M. Reagan est venu ici et il a rencontré peut-être M. Mulroney; c'est une personne sur 269 dans la Chambre des communes d'Ottawa. Est-ce qu'on fait des proportions? Dit-on que c'est une proportion de un contre 269?

Si une personnalité américaine vient rencontrer le ministre ici, le ministre est seul. Est-ce qu'on dit qu'il a rencontré un député sur 122, donc que ce n'est pas beaucoup? Cela dépend qui vous rencontrez. Je ne conçois pas, dans un débat sérieux, qu'on prenne des exemples aussi ridicules. S'il a rencontré onze sénateurs américains, c'est plus de sénateurs américains que beaucoup de gens du Québec ont rencontrés sur des questions sérieuses comme cela. D'après tous les articles de journaux que j'ai lus, les gens étaient très étonnés, au contraire, que les Américains aient pris la chose tellement au sérieux.

J'ai assisté à une réunion avec mon collègue d'Outremont à la John Hopkins University, l'école d'études internationales avancées: les gens qui étaient là, c'étaient des sommités de leur métier, de leur profession et de leur vocation internationale. Et dire, aujourd'hui, qu'on écarte cela du revers de la main, qu'on établit des proportions: cela veut dire un député du Québec... Cela dépend quel député du Québec. S'il rencontre un député du Québec qui n'a aucune assise "executive", je comprends que cela n'a pas de poids; mais s'il rencontre le ministre, cela aura du poids, même si c'est un seul ministre.

Je ne veux pas faire une discussion plus longue. Tout ce que je veux dire au ministre en terminant: On va croiser le fer dans une élection bientôt. On aura une chance, j'espère, pendant un mois de discuter de ces choses en profondeur. Je veux bien le jour que le ministre sera prêt - pendant les élections, on aura un temps égal - discuter de la politique d'achat avec lui et du libre-échange n'importe quand. S'il veut aller affronter M. Bourassa c'est encore mieux, parce que lui est un bien plus grand expert et, sur le marché commun, il est reconnu au

Canada comme un des plus grands experts sur la question.

Dans ma fonction - je sais que cela fait rigoler les gens, peut-être qu'eux voudraient aller discuter avec M. Bourassa des choses du marché commun - en tout cas, si le ministre le veut, n'importe quand, une discussion à temps égal sur la politique d'achat du Québec, pour voir si vraiment il a pris des actions concrètes sur la fluidité continentale et tous les grands mots qu'il utilise...

Le Président (M. Beaumier>. Merci, M. le député de Nelligan. J'en conclus donc que nous reviendrons à notre propre mandat qui est l'étude des crédits.

M. Lincoln: D'accord.

M. Landry: Je me servirais, quand même, sans en abuser, de mon droit d'intervenir à tout moment...

Le Président (M. Beaumier): D'intervenir après chaque intervention.

M. Landry:... pour une des choses sérieuses sur laquelle le député fait vraiment fausse route. Quand il parle de l'Ontario, l'Ontario, précisément, est l'entité politique au Canada la plus réticente à la fluidité. Si le député de Nelligan a écouté attentivement ce qu'a dit le député d'Outremont, il l'a sa réponse. Le député d'Outremont a bien dit que l'Ontario, coeur industriel du Canada, a beaucoup plus d'intérêt parce qu'il fabrique beaucoup plus de choses que n'importe qui d'autre, d'avoir une attitude protectionniste. C'est cela qui est la réalité. Ce n'est ni M. Miller, ni M. Grossman qui a parlé de fluidité et je comprends pourquoi. Je ne dis pas que je les approuve, mais il faut regarder la réalité.

Je ne suis pas élu député en Ontario, le député de Nelligan non plus, même si son comté est légèrement plus à l'ouest que le mien et il devrait garder cela en tête.

On a fait dans notre juridiction, le Québec, la promotion de la libéralisation des échanges et de la fluidité, mais on ne fera le travail ni de M. Miller, ni de M. Grossman qui, eux, pour des raisons évidentes, sont un peu plus réticents à cela. Ils sont moins enthousiastes. Je les comprends. Si j'étais dans une position dominante, comme ils le sont... Je donne un exemple. Le ministre du Commerce extérieur de l'Ontario, c'est un des hommes les plus comblés de la terre; 55 % de sa production industrielle est vendue aux États-Unis le 1er janvier, sans qu'il ait eu même le temps d'offrir ses voeux à sa famille immédiate. Pourquoi? Parce que l'Ontario a toute l'industrie automobile du Canada. Et le commerce extérieur de l'Ontario, pour 55 %, c'est du compte à compte entre Ford Canada et Ford USA, GM Canada et GM USA. Alors, dans ces conditions, ils l'ont réglé leur problème. Ils ont un marché commun pour 55 % de leur production industrielle: le pacte de l'automobile signé il y a plus de 20 ans.

Le député de Nelligan devrait, lui qui veut qu'on fasse des débats durant la prochaine campagne électorale, prendre ce thème en note pour qu'on le débatte un bon jour à la télévision ou devant une assemblée. Si le Québec avait simplement la production automobile comme l'a l'Ontario, le taux de chômage ontarien aurait été deux fois plus élevé que celui du Québec tout au cours des 75 dernières années. Alors, quand on s'apitoie sur les jeunes chômeurs et le taux de chômage, la larme à l'oeil, on devrait avoir ce sens des réalités: la structure économique canadienne a écrit dans les faits que l'Ontario était dans une possibilité d'avoir, toujours et quelles que soient les circonstances, le taux de chômage le plus bas ou à peu près au Canada, parce que les Ontariens se sont pris la grosse part du gâteau dans une économie industrielle occidentale, c'est-à-dire l'automobile. Nous, on les achète les camions, les tracteurs, les voitures particulières. Eux, ils les produisent, ils les vendent au Québec et aux États-Unis. Je dis cela sur un mode technique. Je n'ai aucune agressivité contre l'Ontario. Mais encore une fois, regardons les choses en face.

Le Président (M. Beaumier): Merci, M. le ministre. Alors, nous passerions à la ventilation des crédits. La parole est au député de Nelligan et porte-parole de l'Opposition.

Direction générale de la planification

M. Lincoln: Est-ce qu'on pourrait parler d'abord des crédits de l'aménagement interne et des structures administratives? Je parle d'abord de la direction générale de la planification. Sur le plan de l'organisation administrative, l'organigramme qui a été approuvé par le document du Conseil du trésor 151675, le 10 juillet 1984, comprend une nouvelle direction qui s'appelle la direction générale de la planification et de la coopération économique. Cette direction est dans une ligne hiérarchique directe avec le bureau du sous-ministre. Elle fait, dorénavant, le lien avec le bureau du sous-ministre et les trois directions suivantes: le secrétariat, la direction de l'administration et du personnel et le secteur de la coopération économique.

Avant la création de la nouvelle direction générale, ces trois directions, soit le secrétariat, la direction de l'administration et du personnel et la direction de la

coopération économique entretenaient des liens directs avec le bureau du sous-rninistre. Est-ce que le ministre ou le sous-ministre pourrait nous dire s'il s'agit là d'un simple regroupement de ce que existe déjà dans les trois directions ou s'il s'agit là de la création d'une nouvelle unité administrative?

M. Landry: Il s'agit surtout pour l'essentiel d'un transfert de juridiction découlant du protocole que vous avez entre les mains entre le ministère des Relations internationales et le ministère du Commerce extérieur. L'élément coopération économique est maintenant logé au ministère du Commerce extérieur avec ses moyens et avec une partie de ses effectifs. Cela explique, en partie, l'apparition spécifique de ce secteur coopération économique. Vous avez lu que cela relève directement du bureau du sous-ministre. Oui, toutes les directions relèvent directement du bureau du sous-ministre. C'est un organigramme classique. H y a un seul sous-ministre adjoint au ministère et il est "staff" lui-même. Vous voyez qu'il est dans la ligne hiérarchique également. Je trouve que la suggestion du député d'entendre aussi le sous-ministre est excellente. Je vais donner la parole au sous-ministre du Commerce extérieur, si le président le permet puisque c'est lui qui donne la parole.

Le Président (M. Bordeleau): Oui.

M. Lincoln: Voici ce que j'aurais voulu demander au sous-ministre. Auparavant, ces trois directions séparées relevaient directement de vous. Là, on a interposé cette direction générale de la planification. Si vous vouliez nous dire quelles sont les implications de cette nouvelle structure en termes de budget. Est-ce que c'est une addition budgétaire? En termes de personnel? Quels sont les objectifs visés à travers la structure? Est-ce que c'est un regroupement? Est-ce que c'est une coordination, un élément de coordination? Dans le ministère des Relations internationales, quelle est la corrélation de cette direction générale de planification et de coopération économique?

Le Président (M. Bordeleau): Alors, avant de donner la parole à M. Pruneau, je voudrais simplement vous rappeler qu'en vertu de nos nouveaux règlements, le sous-ministre qui parle, surtout à l'étude des crédits, parle en son nom et non plus au nom du ministre. Alors, M. Pruneau.

M. Pruneau (Roger): Merci, M. le Président.

M. Landry: C'est purement théorique en ce qui nous concerne.

Le Président (M. Bordeleau): Oui. (11 h 45)

M. Pruneau: Effectivement, M. le député, le regroupement des trois directions qui étaient, au départ, des directions autonomes procède, comme le ministre l'a dit, d'un ajout de personnel au niveau de la coopération économique qui, à l'époque, était une direction légère au ministère puisqu'elle était doublée au ministère des Relations internationales. Maintenant elle va devenir une direction beaucoup plus importante. Donc, cela nécessite un degré d'encadrement que je ne peux plus assumer au jour le jour.

La même chose, le groupe à la direction de l'administration, au ministère du Commerce extérieur, est très léger. En conséquence, les ressources d'encadrement sont de plus en plus nécessaires. C'est la raison pour laquelle on a regroupé ces trois directions pour en faire une direction générale, portant maintenant le nombre de directions générales à quatre, comme il était au départ, et n'ajoutant aucun poste d'encadrement à ce niveau. Ce sont les mêmes ressources qui ont été redistribuées de façon différente, sauf pour la coopération économique, où il y a déjà eu un transfert de trois postes du ministère des Relations internationales vers le ministère du Commerce extérieur et où durant le courant de l'année il y aurait quelques transferts de postes au niveau professionnel et possiblement au niveau d'un cadre. C'est essentiellement pour l'organisation du quotidien du ministère, pour libérer mon bureau du quotidien et essayer de chercher à planifier dans le long terme l'avenir du ministère.

M. Lincoln: Donc, il n'y a aucune implication budgétaire ou une implication de personnel. C'est purement le personnel existant dans ces directions spécifiques qui a été regroupé au sein de ce...

M. Pruneau: Pour être tout à fait précis, au niveau de la structure elle-même, ce sont les mêmes directions qui ont été reportées sous le vocable de la direction générale. À l'intérieur de chacune de ces directions, d'une part, à la direction de la coopération économique il y a eu l'ajout de trois postes et, à la direction de l'administration il y a eu l'ajout de sept postes, à la suite d'une demande au Conseil du trésor. Entre autres, le ministère du Commerce extérieur n'avait pas d'agent payeur, c'était un contrat de services avec le ministère du Conseil extécutif. Le ministère du Conseil exécutif n'étant plus capable d'assumer cette charge, nous avons obtenu le poste pour répondre à ces besoins. Il n'y a pas de changement de vocation, ce sont les mêmes vocations avec, dans un cas, trois postes de plus et, dans l'autre cas, sept

postes de plus.

Les effectifs

M. Lincoln: Ce qui nous amène à discuter des effectifs en général. D'après ce que j'ai pu calculer dans le récent livre de crédits - je pense que la date que vous donnez, c'est le 19 mars 1985 - comme le ministre a mentionné, le MCE a 220 employés permanents, auxquels s'ajoutent 6 occasionnels et 28 contractuels à l'étranger, ce qui fait un total de 254. Vous dites dans les crédits: Cela représente un accroissement del'ordre de 10 % comparativement aux effectifs permanents du 1er avril 1984, alors qu'on avait 199 postes permanents contre 220 maintenant. Vous dites que cette augmentation s'est réalisée à la suite de l'obtention de nouveaux postes auprès du Conseil du trésor, ce sont 14 nouveaux postes. Il y a eu 9 transferts de postes provenant de différents ministères, cela fait 23, auxquels il faut retrancher 2 postes à la suite de la compression d'effectifs exigée par le Conseil du trésor.

Si, par exemple, on peut voir l'évolution des effectifs à l'extérieur du Québec, si mes chiffres sont corrects, nous avons 23 fonctionnaires du MCE à l'extérieur du Québec et 28 contractuels pour un total de 51. Nous avons 197 permanents, 6 occasionnels au Québec, pour un total de 203, donc le total complet est 254.

Ce qu'on peut voir, il y a 17 postes qui s'ajoutent aux effectifs au Québec et quatre nouveaux postes qui s'ajoutent aux effectifs extérieurs, soit pour les nouveaux bureaux à Hong Kong, Singapour, Bogota et Stockholm. Pouvez-vous nous dire le pourquoi de la création de 14 nouveaux postes?

M. Landry: D'abord, il y a l'expansion du réseau. Alors là, je pense que cela ne demande pas une réponse très élaborée. On n'était pas à Hong Kong, on y est, etc. Il y a aussi l'expansion du volume des activités du ministère en termes de transfert, par exemple. Si on augmente considérablement le budget APEX, il est entendu que cela va avoir des répercussions dans l'administration. On fait des gains de productivité énormes, la hausse des effectifs n'est pas proportionnelle à la hausse du budget du ministère, mais, en dépit des gains de productivité, de l'usage de méthodes plus compliquées et de l'informatique, il y a un effet sur le personnel minime et non proportionnel à l'augmentation de l'activité du ministère.

M. Lincoln: En ce qui concerne les quatre postes dans les nouvelles délégations étrangères, pourriez-vous nous dire quelles sont vos prévisions pour l'année en cours? Est-ce que cela demeure quatre postes? Aurez-vous besoin de personnel additionnel dans ces délégations? Est-ce que vous prévoyez une stabilisation?

M. Landry: En termes de postes réguliers, il ne faut pas s'attendre à des changements au cours des douze prochains mois. Sauf que vous connaissez notre technique classique qui consiste à engager sur place des attachés commerciaux. Il se peut qu'on engage des contractuels sur place, mais tout cela est très lié à la conjoncture. C'est la vertu des contractuels d'ailleurs. Si un marché est en expansion, on peut engager des contractuels et si - pour une raison ou pour une autre: récession dans le pays d'accueil, voile monétaire comme c'est le cas actuellement en Europe de l'Ouest - on comprime, ce sont les contractuels évidemment qui sautent les premiers.

M. Lincoln: Tout à l'heure je vous parlais des dépenses relatives qu'on fait - si notre analyse est exacte, c'est le but même de notre question - par rapport aux conseillers économiques et les dépenses qui se font dans le secteur des relations internationales. Je le conçois et vous l'avez expliqué. Cela explique en partie qu'il y a du personnel de soutien qui est fourni par le ministère des Relations internationales et cela, c'est expliqué dans le protocole d'entente que j'ai lu. Il y a toujours une relativité parce qu'on parle d'un point de départ qui est le même depuis disons 1983- 1984. Si on prend 1983-1984, on a dépensé pour la représentation à l'étranger, soit les conseillers économiques, tout près de 2 000 000 $, soit 1 951 000 $. En 1984- 1985, c'est monté de 13, 6 %: 2 218 000 $ et dans les crédits pour 1985-1986 cela se chiffre à 2 360 000 $, une augmentation par rapport à l'année précédente de 6, 4 %.

Lorsqu'on regarde l'évolution des dépenses de représentation à l'étranger par rapport au budget des Relations internationales, les chiffres démontrent que les augmentations relatives sont beaucoup plus fortes. Par exemple, de 1983 à 1984, on a augmenté la représentation à l'étranger au sein du MRI de 27 %, de 13 000 000 $ à 16 500 000 $, de 18, 5 % entre 1984-1985 et 1985-1986, soit de 16 500 000 $ à 19 600 000 $. Ce qui nous frappe, c'est vraiment qu'en relativité l'effort au point de vue des conseillers économiques ne semble pas se faire dans la même proportion que l'effort touchant le personnel de soutien et le personnel des relations internationales au sein du ministère des Relations internationales. L'inverse ne devrait-il pas être le cas?

M. Landry: Je pense que c'est parce que vous ne tenez pas compte d'un élément considérable qui n'a rien à voir avec le personnel, qui est mécanique et auquel on ne

peut pas échapper. Quand le ministère des Relations internationales soutient nos agents à l'étranger, il les loge aussi, les loyers sont compris. S'il y a une flambée inflationniste dans un secteur où on a des postes et des employés, on n'augmente pas le nombre des employés mais le budget augmente parce que cela coûte plus cher pour les maintenir là.

M. Lincoln: Est-ce que je n'ai pas bien compris, par exemple, qu'avant, les loyers et les immeubles, c'était fait par la fonction publique, ce ministère?

M. Landry: Non, ce n'est pas tout à fait cela. La gestion des immeubles était faite par l'ancien ministère des Travaux publics; aujourd'hui, cela nous a été transféré, mais le ministère des Travaux publics n'a jamais payé le loyer de nos fonctionnaires.

M. Lincoln: Mais même en considérant que vous ouvrez quatre nouvelles délégations et que l'on parle d'un effort de 1 900 000 $ sur un budget qui était alors de quelque chose comme on a dépensé en 1983-1984, 13 000 000 $, en 1984-1985 18 000 000 $. Là on va dépenser 24 000 000 $, cette année-ci. Ne pensez-vous pas que l'effort que l'on fait, la relativité du budget, les représentations à l'étranger par rapport aux conseillers économiques, semblent aller en baisse relative? En fait, cela descend de 13, 6 % l'année dernière à 6, 4 % alors que le budget monte de presque 50 %.

M. Landry: Je vous ai donné un élément dont vous ne tenez pas compte, le soutien autre que le personnel, mais il y a une chose à laquelle il faut que vous pensiez aussi. La représentation économique n'est pas l'apanage exclusif du MCE qui la coordonne, mais il y a des gens du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation là-dedans et des gens d'autres ministères qui sont comptabilisés, mais vous allez retrouver les salaires de ces gens dans les crédits des ministères concernés et le soutien au MRI.

Alors on peut affirmer, sans crainte de se tromper, que l'effort de personnel à l'étranger est dirigé vers les activités économiques. Je vous comprends des fois de ne pas toujours le voir parce que ce n'est pas toujours strictement repérable dans les crédits budgétaires. Je vais vous donner deux exemples: la déléguée générale du Québec à New York, Mme Rita Dionne-Marsolais, chef de poste, nommée par le Conseil des ministres, rattachée au ministère des Relations internationales, est une personne de profil hautement économique, tout le monde le sait. Sa carrière est économique, elle est économiste, elle vient d'Hydro-Québec et de Bio-Méga. Alors vous ne pouvez pas faire l'équation que, parce que son rattachement est au MRI, son activité n'est pas en grande partie économique comme chef de poste. Le second exemple, c'est le nouveau délégué du Québec à Hong Kong, Jean-Yves Papineau. Il n'y a pas de profil plus économique que le profil de carrière de Jean-Yves Papineau qui est le chef de poste; Patrick Hyndman à Londres, William Siebes à Dusseldorf, Jacques Girard, ancien fonctionnaire du ministère du Commerce extérieur, qui dirige notre délégation à Tokyo, son salaire est au MRI maintenant, ce n'est pas un transfert de l'activité économique de M. Girard à l'activité culturelle ou politique; M. Bérard à Chicago. Alors tout cela pour vous dire que notre personnel à l'étranger est de plus en plus fortement teinté par des profils économiques.

M. Lincoln: Ne pensez-vous pas alors, d'après ce que vous dites, que cela renforce notre argumentation voulant que vraiment le mandat du MRI devient de plus en "plus -vous avez cité l'exemple de la déléguée générale à New York - quasi économique dans plusieurs de ses ressorts? Est-ce que cela ne renforce pas l'argumentation de dire qu'il faudrait presque un ministère unique ou une formule quelconque où il faudrait situer très clairement les priorités centrales? Est-ce que la priorité passe globalement du MRI et du ministère du Commerce extérieur? Quels sont les priorités et les objectifs par rapport au personnel en général? Est-ce prioritairement économique? A ce moment-là, ne faudrait-il pas situer un peu cette priorité en fonction de la relativité des budgets de chaque ministère? Est-ce que cela n'évoque pas une coordination beaucoup plus grande, presque une fusion de ces deux organismes? Ce dont on a discuté l'autre jour. (12 heures)

M. Landry: Je sais que cela traîne dans votre esprit depuis longtemps. Je vous ai répondu dix fois, je vais vous répondre encore que je pense qu'il est nécessaire d'avoir deux ministères. Le chef de poste est dans une situation unique. J'ai donné l'exemple de nombreux chefs de poste; j'ai dit que leur profil de carrière était plutôt économique, mais Mme Rita Dionne-Marsolais, à New York, elle est la patronne des services culturels également. Elle est chef de poste. Les horizons du conseiller culturel à New York, l'attaché culturel à New York, je vous jure que cela n'a rien à voir avec les préoccupations quotidiennes du ministère du Commerce extérieur. Vous avez ici une équipe de gens qui, par leur formation, par leur choix professionnel, sont obsédés par les questions économiques: investissement, transfert technologique, vente de biens et services. Ils ont besoin du ministère du Commerce extérieur comme milieu de rattachement, comme milieu de

références, comme milieu de fertilisation intellectuelle. Ils n'ont pas le même style d'actions que les conseillers culturels, que les conseillers de l'immigration - encore qu'il y ait un substrat économique maintenant dans l'immigration - ou que les conseillers politiques polyvalents. Je ne dis pas que je ne changerai jamais de doctrine mais, jusqu'à maintenant, aucun de vos arguments ne m'ont ébranlé, moi, qui ai à vivre l'existence quotidienne des deux ministères. Le premier ministre m'a mis dans une position privilégiée de ce point de vue. Je connais bien le fonctionnement des deux. Je connais bien les équipes des deux et je crois que deux ministères doivent être maintenus avec une coordination très forte, ce que nous faisons par la personne du ministre, par son cabinet, mais aussi par le protocole que nous avons entre les deux ministères. Je ne veux pas dire que c'est la perfection, c'est une question mal réglée. Il y a peu de pays qui s'en sont sortis vraiment sans tiraillement. Nous avons eu des tiraillements qui ont duré à peu près douze mois mais il y a des pays qui traînent cela depuis quinze ans. Même au gouvernement fédéral du Canada - vous devez parler aux ministres fédéraux et aux fonctionnaires fédéraux; vous parlez moins aux ministres fédéraux aujourd'hui qu'avant mais les fonctionnaires vous devez - ce n'est pas clair. Ils sont trois ministres sur ces questions à Ottawa, au moins trois. M. Joe Clark, secrétaire d'État aux Affaires extérieures du Canada, Mme Vézina et M. Keller, ministre du Commerce extérieur. Chacun a un sous-ministre. Pour les mêmes raisons probablement que celles que nous invoquons ici à Québec. Il y a d'autres raisons aussi que j'ai de la difficulté à préciser. Je vous les ai déjà dites, au moins à mots couverts. Il n'y a pas de honte à cela mais la mentalité du commerçant souvent a besoin d'une dose d'agressivité qui n'est pas toujours conciliable avec la mentalité beaucoup plus harmonieuse et souple du diplomate. Je veux bien qu'on joue sur toutes les palettes de la couleur internationale. Je pense que vous me comprenez.

M. Lincoln: Bon, d'accord. C'était une question que nous voulions soulever par rapport à ces constatations que nous avons faites. On aurait voulu passer à toute la question des crédits et aux chiffres globaux de ces crédits pour l'année 1985-1986. Je dois faire une correction, j'ai fait un lapsus avant en parlant d'une augmentation de 50 %. Je constate que l'augmentation est de 30 %. Je m'excuse, ce n'était pas voulu. Je réalise que c'est un peu moins de 6 000 000 $, soit 5 500 000 $. Cela a été une erreur de ma part que je corrige volontiers. On a augmenté le budget en total de 29 %, environ 5 500 000 $. J'aurais voulu passer un peu en revue l'éventail des augmentations suivant les directions des programmes par rapport aux dépenses prévues en 1984-1985. On a considéré celles qui ont eu des augmentations de plus de 10 %. Par exemple, pour ce qui est du cabinet du ministre, il y a une augmentation de 20 %.

M. Landry: Pardonï

M. Lincoln: Ce sont les chiffres que nous avons. En 1984-1985, comparés aux dépenses de 1984-1985, ce ne sont pas les crédits.

M. Landry: Mais oui! À la page 38, le tableau 13, comparaison des crédits votés en 1985-1986 et 1984-1985: Cabinet du ministre, 1, 4 %.

M. Lincoln: Attendez une minute!

M. Landry: À la page 38. Si vous avez une autre page à me suggérer, je veux bien y aller.

M. Lincoln: Non, on a travaillé sur les pages 31, le tableau 9.

M. Landry: Page 31, le tableau 9.

M. Lincoln: Oui. Vous aviez un crédit de 514 000 $, on parle du cabinet du ministre. Pardon, ce sont les dépenses...

M. Landry: Mais là, écoutez. À mon avis, c'est parce que vous êtes une année en retard. On est sur les crédits de cette année, pas ceux de l'an dernier.

M. Lincoln: Non, je comprends très bien.

M. Landry: 1985-1986 et 1984-1985, ce n'est pas pareil.

M. Lincoln: Je comprends très bien. Écoutez, il faut voir la page 31 et la page 38 ensemble, M. le ministre. Si vous voyez à la page 38 on parle de crédits, les crédits 1984-1985 et les crédits 1985-1986. Vous avez 560 000 $ de crédits en 1985-1986...

M. Landry: Combien?

M. Lincoln: En 1984-1985, vous avez eu 560 000 $ de crédits.

M. Landry: Je ne les retrouve pas. M. Lincoln: C'est à la page 38.

M. Landry: Oui, 568 000 $ de crédits en 1985-1986, oui, je vois. C'est pour l'année qui vient.

M. Lincoln: Alors cela démontre un écart de 7800 $ et nous sommes d'accord.

M. Landry: C'est l'année qui vient.

M. Lincoln: C'est l'année qui vient: 7800 $, donc un écart de 1, 4 %. Mais lorsqu'on regarde la page 31, on voit que les crédits eux-mêmes... On ne s'est pas servi des crédits. Il faut voir les dépenses actuelles. Les dépenses réelles ont été de 473 700 $.

M. Landry: Les dépenses ont été moindres que les crédits.

M. Lincoln: Les dépenses ont été bien moindres que les crédits.

M. Landry: Oui. Et c'est tout à fait possible, mais c'est moins probable que ce soit comme cela pour l'année qui vient également. Mon but n'est pas de dépenser le plus possible dans mon cabinet, mais de dépenser ie moins possible. Deuxièmement, dans les années de référence que vous avez, n'oubliez pas qu'on était en mutation. Normalement, j'aurais eu droit à deux cabinets mais j'ai choisi de ne pas en avoir deux. J'ai pris 1, 2 cabinet, disons. La tradition est qu'un ministre qui a deux ministères peut avoir deux cabinets, deux chefs de cabinet, deux attachés de presse et toute la kyrielle. Dans certains cas, c'est peut-être nécessaire. Moi, comme mes deux ministères sont liés à l'activité internationale, j'ai décidé de ne pas faire cela et de maintenir autour de moi une toute petite équipe personnelle. Donc, je ne dépense pas tout l'argent auquel j'aurais pu avoir droit par une évaluation mécanique. Comprenez-vous?

M. Lincoln: Oui, oui, je comprends. Je vais citer un ou deux noms. Ce n'est pas une question personnelle du tout, et c'est purement à titre d'exemple que je les cite. Je fais abstraction des personnes. Ce n'est pas du tout mon intention... Ce n'est pas donné par poste, c'est donné par nom. J'ai relevé quelques exemples.

M. Landry: Voulez-vous me donner les pages? Je vais vous suivre mieux si vous me donnez les pages à chaque fois.

M. Lincoln: D'accord. Je vais vous donner la référence.

M. Landry: L'annexe 8, Liste du personnel du cabinet du ministre?

Personnel du cabinet

M. Lincoln: Oui, le personnel du cabinet du ministre. Prenons le cas de M. Gilles

Gauthier, par exemple. Il y a une augmentation et je voudrais une confirmation de votre part. Je présume que l'augmentation de salaire de 36 000 $ à 49 000 $, c'est parce qu'il est passé du statut d'attaché politique à celui de chef adjoint de votre cabinet. C'est bien cela?

M. Landry: Oui, c'est possible, puisque vous avez le statut d'attaché politique au 15 août 1983 quand il est entré en fonction. Maintenant, il est chef de cabinet adjoint, oui. Il y a aussi une autre raison. Entre-temps, il a obtenu de façon formelle un Ph. D., ce qui, quand même, est un événement. Non, c'est par année, c'est le traitement annuel. Alors, il y a deux raisons: il a changé de fonction, son poste a été réévalué et, entre-temps, il est devenu détenteur d'un doctorat.

M. Lincoln: La deuxième chose: il y a deux postes que nous avons identifiés, celui de Mme Lise Venne et celui de M. Philippe Châtillon qui, je pense, est votre attaché de presse. H y a augmentation d'environ 15 %, c'est-à-dire 14, 6 % et 14, 7 %. Est-ce que le barème général... Quels sont les critères pour établir les augmentations? Est-ce qu'il y a des critères gouvernementaux par rapport aux autres ministères, aux autres postes de chef de cabinet de ministre ou si le pourcentage d'augmentation est laissé purement à votre discrétion?

M. Landry: À titre de membres d'un cabinet, ils ont une bonification à cause de la précarité, à cause d'un tas de choses. En général, les augmentations ne sont pas régulières et annuelles comme ailleurs et leur rythme annuel de croissance est plus bas que pour l'ensemble des salaires de la fonction publique. Ce sont les critères usuels utilisés. Mais ce n'est pas aussi systématique dans un cabinet que dans une administration de ministère.

M. Lincoln: Pour ce qui concerne votre directeur de cabinet, son salaire a augmenté de 57 750 $ à 70 200 $, une augmentation de 21, 5 %.

M. Landry: À quelle page?

M. Lincoln: II n'y a pas de page, c'est l'annexe C, Relations internationales, 1er novembre 1981, directeur du cabinet. Traitement annuel.

M. Landry: II n'est pas dans le cahier du Commerce extérieur, celui-là. Je m'excuse, il est MRI.

M. Lincoln: Oui, mais c'est la question que je me posais. Comment est-ce qu'on départage, par exemple, dans votre cabinet,

comment décide-t-on que c'est un poste qui va au ministère du Commerce extérieur? C'est un poste, par exemple, votre chef de cabinet, est-ce qu'après que ces budgets sont faits, c'est partagé ou si tout cela est imputé...

M. Landry: Comme cela n'a aucune espèce d'importance sur le plan administratif, c'est un peu arbitraire. Les uns sont chargés sur une masse, les autres sur l'autre. C'est l'argent du gouvernement, de toute façon.

M. Lincoln: Comme on parlait de votre cabinet, je réalise que c'est imputé au... Mais dans le budget 1985-1986, je voyais que le salaire qui était indiqué pour M. Roy était de 57 700 $ et qu'il était inscrit ici dans traitement annuel. C'était la liste...

M. Landry: Intérieur, à l'époque. M. Lincoln:... à l'époque, oui.

M. Landry: Je n'avais pas encore transféré parce que j'ai eu le ministère des

Relations internationales, il y a un an et quelques mois.

M. Lincoln: Oui, d'accord. Mais, dans l'intervalle, ce que je réalise que peut-être vous pourriez me dire: Ce n'est pas le sujet parce que son salaire est maintenant payé par le ministère des Relations internationales, ce qui explique, par exemple, que son salaire monterait de 57 000 $ à 70 000 $.

M. Landry: Non, ce n'est pas cela. C'est que je l'ai carrément sous-payé par rapport à la norme pendant au moins deux ans. Je l'ai carrément sous-payé et on l'a réajusté à la norme du chef de cabinet dans l'ensemble du gouvernement avec quelques années de retard. Je ne me vante pas de l'avoir sous-payé, mais j'ai toujours essayé de comprimer les frais de cabinet au plus bas, comme je l'ai dit. Je n'ai même pas pris deux cabinets, j'en ai pris seulement un. Mais là, il est le chef de deux cabinets.

M. Lincoln: Oui, mais sans...

M. Landry: En pratique.

M. Lincoln:... sans vraiment...

M. Landry: II fait affaires avec deux sous-ministres, il a une double charge de chef de cabinet et il était beaucoup moins payé qu'un chef de cabinet à tâche unique. Je pense qu'il est juste, surtout que ce n'est pas un gars sorti de l'université l'an dernier, c'est une personne qui, comme moi-même, est presque quinquagénaire.

M. Lincoln: Encore une fois, j'ai bien envie de souligner la chose parce que ce n'est nullement mon intention de discuter des mérites de la personne en question. Au contraire, je suis prêt à accepter. Je n'en connais pas beaucoup qui ne font pas un travail très valable et significatif dans votre ministère. Ce n'est pas du tout la question. Mais, justement, pour fins de comparaisons, cela nous aurait intéressés de comparer avec le ministère de l'Éducation où le chef de cabinet de M. Gendron, dans le budget 1985-1986, touche 57 000 $ sur un budget de presque 5 000 000 000 $ et le...

M. Landry: Sans mentionner de noms, je pense que je connais bien l'individu et à mon avis, il doit avoir 15 ans plus jeune.

M. Lincoln: II doit... Pardon?

M. Landry: II doit avoir 15 ans d'âge de moins.

M. Lincoln: Ah! Bon! Il y aussi le ministère de l'Enseignement supérieur où le chef de cabinet, encore une fois, c'est à peu près la norme. Je me demandais si on avait pris quatre exemples, c'était toujours dans ce barème?

M. Landry: Pourriez-vous me donner l'exemple du chef de cabinet du chef de l'Opposition?

M. Lincoln: Écoutez, je ne peux pas vous dire cela. Je n'en sais rien moi-même.

M. Landry: Alors, je ne suis guère plus renseigné sur les chefs de cabinet de mes collègues que vous ne l'êtes sur celui du chef de l'Opposition.

M. Lincoln: Tout ce que je voulais savoir, ce n'est pas cela. C'est vraiment à savoir s'il y avait sûrement des critères. Même vous m'avez dit! Écoutez, il était mal payé comparativement aux autres ministères...

M. Landry: Non, je pense que je vous l'ai dit. Premièrement, il était sous-payé en égard à sa formation et à son âge. C'est un gars qui avait une grande expérience professionnelle, qui est diplômé de l'École internationale de Genève et qui dirige des cabinets de deux ministères et de deux ministères assez remuants, avec des déplacements à l'étranger, etc. Alors, j'ai pensé que je devais corriger cette injustice tout en restant dans les normes parce qu'il y a des normes qui plafonnent ces choses et qui... Je ne veux pas le payer 125 000 $. Ce n'est pas possible. Il y a des normes. Probablement que le plus payé, c'est le chef de cabinet du premier ministre avec un traitement comparable à celui d'un sous-

ministre et après cela, en decrescendo dans la pyramide. (12 h 15)

M. Lincoln: Est-ce qu'on aurait pu le voir, par exemple, en ce qui concerne les directions? Il me semble, d'après les chiffres que nous avons analysés, que l'importance relative de la direction de la planification et de la coopération économique et de la direction générale de l'analyse et de la stratégie, s'est légèrement accrue par rapport à ce qu'elle était en 1983-1984. Mais ce qui nous frappe, c'est que l'importance relative de la direction générale de l'expansion des marchés au sein du budget a diminué progressivement depuis trois ans. En 1983-1984... Est-ce que vous pouvez me donner la page référence des crédits? Je vais vous donner la page référence dans...

M. Landry: C'est la page 38, tableau 13, n'est-ce pas?

M. Lincoln: Oui, la page 38, tableau 13. L'importance relative, depuis trois ans, est passée de 32, 3 % du budget total, en 1983-1984, à environ 21 %, en 1985-1986. Est-ce que vous pourriez nous dire, par exemple, quelles sont les priorités d'une direction par rapport aux autres? Comment établissez-vous les priorités? Pourquoi y a-t-il un décroissement relatif de la Direction de l'expansion des marchés par rapport aux autres?

M. Landry: II y a eu des transferts en particulier de ce poste que vous indiquez, expansion des marchés, à la représentation à l'étranger que vous retrouvez trois lignes plus loin. Il y a aussi eu un léger tassement en raison des coupures et, comme c'est la direction la plus importante en budget, c'est elle qui essuie le plus en termes de coupures.

M. Lincoln: Est-ce que vous me dites par là qu'au sein des objectifs eux-mêmes, c'est peut-être la répartition du travail qui a été donnée à d'autres directions, ce qui a résulté en un transfert de personnel?

M. Landry: II y a cela en partie, oui, pour la grande partie. Le phénomène est expliqué en très grande partie par cela.

M. Lincoln: Pourriez-vous, par exemple, me donner une idée des priorités par rapport à cette direction actuelle? Lorsque vous situez le budget, il y a sûrement des priorités. Je réalise que vous avez réorganisé les directions et les objectifs. Auriez-vous pu nous situer un peu? La répartition du budget actuelle traduit-elle les priorités que vous vous êtes imposées?

M. Landry: Les priorités du ministère ne changent pas, mais nous cherchons, à l'expérience et aussi en raison de la conjoncture. Lorsqu'on est en période de récession ou en période d'expansion, ce n'est pas tout à fait pareil; lorsque l'Europe marche ou qu'elle ne marche pas, lorsque les États-Unis marchent ou qu'ils ne marchent pas. Les priorités du ministère n'ont pas varié, mais la façon de les atteindre en utilisation des ressources peut varier légèrement pour une infinité de facteurs qu'on pourrait vous énumérer un à un, si vous le voulez. Par exemple, peut-être le sous-ministre pourrait-il expliquer ce qui s'est passé entre la direction générale de l'expansion des marchés à la représentation à l'étranger. C'est un phénomène mécanique, mais c'est un facteur.

M. Pruneau: Puis-je prendre, la parole, M. le Président?

Le Président (M. Beaumier): Oui, allez- y.

M. Pruneau: Effectivement, la façon de comptabiliser une partie des augmentations qui étaient données et les budgets afférents à nos attachés commerciaux à l'étranger était, à une certaine époque, à la direction générale de l'expansion des marchés. On l'a maintenant "repositionnée" à une direction qu'on appelle la représentation à l'étranger, ce qui explique en grande partie la décroissance.

L'autre partie est à la suite du suivi de la conjoncture. Ce qui est devenu de plus en plus important, compte tenu des parités monétaires sur l'Europe, était de développer des accords technologiques, des échanges technologiques et la Direction générale de l'offre, le développement de l'offre à l'exportation, a vu ses montants augmenter pour prendre en compte cette nouvelle dimension. Essentiellement, les objectifs globaux du ministère n'ont pas changé, mais l'actualisation, compte tenu de ce qui s'est fait sur les marches étrangers, implique des réaménagements constants.

M. Lincoln: Cela veut dire que, d'année en année ou de mois en mois, il pourrait y avoir des ajustements qui vont se pratiquer, mais, au sein d'objectifs globaux, il va y avoir des transferts de directions, d'après les fluctuations du marché.

M. Pruneau: Vous avez raison, M. le député, et la vertu d'un petit ministère, c'est d'être capable de suivre, d'être en mouvance face aux conditions changeantes. Le nombre de missions que nous avons effectuées dans les années passées est constamment en révision - et, souvent, nous allons changer de pays cibles - de même que l'utilisation d'attachés commerciaux dans les

pays étrangers. Présentement, l'évolution des parités monétaires dans certaines régions rend très attrayante l'addition d'un attaché commercial. Nous regardons constamment ces choses et, en cours d'année, au fur et à mesure que nos informations augmentent, nous nous permettons de faire certaines modifications, tout en restant à l'intérieur du même mandat global et à l'intérieur des mêmes crédits à être votés par le Parlement.

M. Lincoln: Au niveau des programmes APEX, ce qu'on appelait autrefois APEX F, aide à la mise en place d'une stratégie de marketing à l'exportation, le nouveau nom du programme, quand on parle de l'importance relative des programmes APEX - c'est le programme d'aide à la mise en place d'une stratégie de marketing à l'exportation -l'importance relative de ces deux programmes au sein du budget, nous constatons, pour ce qui est du programme APEX, que le budget consacrait quelque chose comme 16 % en 1983-1984 contre un peu moins de 11 % en 1985-1986, tandis que l'autre programme, l'ancien APEX F, aide à la mise en place d'une stratégie de marketing, est monté de façon très significative: de 4 % en 1983-1984 du budget total jusqu'à 26 % en 1985-1986. Est-ce que le ministre pourrait nous dire si cela représente un rattrapage au niveau du programme APEX F ou si c'est le résultat d'un choix à long terme quant au type de programmes privilégiés ou prioritaires du ministère?

M. Landry: M. le Président, il y a deux explications: la première, c'est que l'un est un peu une suite logique de l'autre. Le programme APEX ordinaire, c'est un programme très léger: billets d'avion, unités d'hôtel, etc. Avec cela, on fait prendre contact entre l'entreprise et le marché étranger. Quand cela se développe d'une façon un tant soit peu favorable et qu'il y a quelques ventes, à ce moment, suit, logiquement, l'attaque systématique.

L'attaque systématique, ce n'est pas une nuit d'hôtel et un billet d'avion, c'est le plan de marketing à l'étranger, c'est la location de l'entrepôt. Il y a une séquence logique, dans le temps, de l'évolution - c'est ce qu'on souhaitait, c'est ce qu'on a réussi - de la mentalité de l'entreprise québécoise vers l'exportation. Présentement, elle est plus portée sur la stratégie de marketing que sur le petit APEX plus léger.

Il y a une deuxième raison, c'est la conjoncture. La stratégie de marketing, 50 % de contribution du client, comme vous le savez, suivant notre doctrine bien connue, cela coûte cher. Quand les eaux sont basses, il y a moins de clients. Présentement, les eaux sont hautes dans l'économie du Québec: 1983-1984, deux années de croissance économique supérieure à celle du Canada. Cela paraît dans la liquidité des entreprises, dans les fonds de roulement et elles sont capables de se payer des stratégies de marketing dont le ministère paie la moitié. Deux éléments de la réponse.

Programmes APEX

M. Lincoln: Pour ce qui est des programmes APEX, l'année dernière, nous avons eu des discussions parce qu'il y a des programmes où les crédits d'une année sont votés, mais ne sont pas tout à fait accaparés dans cette année. Alors, il y a toujours une marge en avant, un roulement qui se fait. Est-ce que vous pourriez nous situer un peu sur ce qui se passe par rapport aux crédits de 1985-1986, les programmes entamés et qui restent en suspens? Si vous pouviez nous faire un tour d'horizon de cela.

M. Landry: À cause de nos efforts, bien sûr, mais peut-être à cause de votre aide aussi, de vos questions de l'an dernier et de la conjoncture. Quand cela n'allait pas, que les gens ne voulaient pas sortir parce qu'il y avait des exiguïtés intérieures, on dépensait moins. Là, on s'en va vers aucune péremption de crédit dans l'APEX. C'est un problème qui est vraiment dans notre dos, des choses du passé.

M. Lincoln: Vous vous dites alors que les budgets votés dans une année seront pratiquement consommés dans cette même année?

M. Landry: Je ne dis pas presque... Globalement, on n'aura pas de péremption importante de crédit.

M. Lincoln: L'année dernière, je vous avais interrogé à ce sujet-là, je pense qu'on avait eu une discussion.

M. Landry: Notre tableau était moins bon l'an dernier, je le reconnais, je vous l'avais dit d'ailleurs.

M. Lincoln: Oui, je me souviens très bien. Sur toute la question du suivi des programmes APEX pour savoir justement si quelqu'un avait l'obtention d'un crédit, comment l'utiliserait-il? Comment ferait-on le suivi et le "monitoring" de ces crédits APEX? Là, on avait eu toute une discussion là-dessus et j'aurais voulu savoir ce qu'il s'est fait par rapport à l'année dernière pour le suivi. Est-ce que le suivi a eu un effet sur le fait qu'il y aura moins de péremption? Est-ce que cela vous a aidé à faire un tri?

M. Landry: Oui, on a considérablement

resserré notre gestion. D'abord on a une série de critères, beaucoup plus clairs, beaucoup plus rigoureux. Deuxièmement, on a un comité, un genre de jury d'évaluation des dossiers, présidé par le sous-ministre adjoint lui-même, qui fait que là on a une bonne vision des choses et on paie sur facture.

M. Lincoln: Est-ce que par rapport à l'année dernière ce suivi est plus systématique, le fait de confier cela à un sous-ministre adjoint qui suit le programme de beaucoup plus près? Est-ce que cela vous a porté à réévaluer, changer, modifier ou améliorer les critères de sélection du programme APEX?

M. Landry: On a même des critères approuvés par le Conseil du trésor maintenant et qui seront publicisés dans les jours qui viennent. Cela a été approuvé, hier, mais on les pratiquait avant.

M. Lincoln: Est-ce que le ministre pourra nous remettre une copie de ces documents lorsqu'ils seront approuvés?

M. Landry: Volontiers, puisque ce sont des documents que la clientèle doit connaître. D'ailleurs cela fait partie denotre catalogue d'une certaine manière alors dès que cela sera disponible sous forme convenable, vous les aurez.

M. Lincoln: À titre d'information, est-ce que vous pourriez nous dire, pour quelqu'un qui fait une demande d'APEX, pour une firme moyenne, combien de temps cela vous prendrait pour évaluer selon vos critères, pour accorder un crédit, pour notifier la firme, dans quel délai, etc. ? Est-ce que cela se fait très vite?

M. Landry: J'imagine que vous parlez toujours de l'APEX marketing?

M. Lincoln: Oui, l'APEX marketing. Excusez!

Le Président (M. Beaumier>. Oui.

M. Pruneau: Si M. le Président me permet.

Le Président (M. Beaumier): M.

Pruneau.

M. Pruneau: M. le député, nous avons eu, l'an dernier, compte tenu de la demande qui était très croissante, quelques difficultés à satisfaire des délais qui auraient été de la nature que nous aurions aimés. Nous avons maintenant restructuré notre programme, nous avons maintenant des critères que la clientèle va bien comprendre, des critères qui sont également des critères classants qui vont nous permettre immédiatement d'établir le degré de support que nous devrions apporter à l'effort de marketing de l'entreprise.

Nous sommes toujours à la merci de la demande. Si la demande devait devenir exubérante - et je l'espère - il est possible qu'avec les ressources que nous avons pour traiter ces documents, cela prenne un peu plus de temps que prévu. Cela dit, si nous avions le volume que nous avons eu l'an dernier, qui était un volume suffisamment important, nous avons approuvé 109 demandes de prêts après analyse, parce que ce sont des stratégies de mise en marché... si nous devions avoir le même volume, dis-je, je crois qu'à l'intérieur d'un mois, nous serions en mesure de répondre affirmativement ou négativement à l'entreprise, selon le cas, ce qui n'exclut pas, durant cette période de temps, des contacts directs avec l'entreprise pour lui demander des ajouts d'information et participer avec elle à l'élaboration, à la modification de la stratégie si nous le jugeons opportun. (12 h 30)

M. Lincoln: Vous parlez de 109, c'est 109 acceptées sans doute?

M. Pruneau: Oui, acceptées.

M. Lincoln: En général, combien de demandes recevriez-vous pour 109 acceptées? Est-ce beaucoup plus...

M. Pruneau: L'an passé, 209.

M. Lincoln: C'est à peu près 50 % d'acceptées.

M. Pruneau: Oui. Le comité qui revoit la stratégie de la mise en marché est non seulement utile pour assurer une bonne utilisation des deniers publics, mais il est également très utile à l'entreprise. Des gens d'expérience siègent à ce comité qui souvent, dans leurs recommandations, donnent de nouvelles indications à l'entreprise, ce qui lui permet de mettre sur pied une meilleure stratégie de mise en marché.

M. Lincoln: Y a-t-il une attitude différente par rapport aux entreprises qui répètent l'expérience APEX et les entreprises initiales? Je suppose qu'une entreprise qui a déjà fait une demande a bâti une crédibilité ou une non-crédibilité. Est-ce qu'il y a une approche tout à fait différente par rapport aux demandes initiales?

M. Landry: Cela va plus vite, évidemment, si la crédibilité de l'entreprise est établie. Il y a aussi des critères de non-répétition dans un certain délai.

M. Pruneau: C'est surtout pour les

programmes APEX réguliers. Nous avons une limite qui est toujours de trois sur un même marché à l'intérieur de deux années financières pour éviter de développer une clientèle captive.

M. Landry: Cela pourrait être trois aux États-Unis, trois en Europe de l'Ouest.

M. Pruneau: Cela pourrait être trois aux États-Unis et trois en Europe de l'Ouest pour développer des marchés différents. L'aide du ministère doit être perçue comme une aide pour connaître un marché, dans un premier temps, et pour tenter une implantation, dans un deuxième temps, avec l'APEX marketing. Évidemment, si la conclusion de l'APEX marketing est telle que l'entreprise veut continuer ses activités sur ce marché, alors les programmes de la SDI-exportation, qui sont menés conjointement avec les ministères des Relations internationales et du Commerce extérieur, sont les programmes pour une implantation plus longue.

M. Lincoln: Oui, je comprends.

Pour ce qui est du programme APEX et du programme APEX marketing, est-ce que je comprends bien, selon vos réponses, que l'objectif est d'essayer d'attirer de plus en plus de demandes initiales et d'augmenter l'éventail des firmes qui vont postuler?

M. Pruneau: Tout à fait, c'est le défi que s'est donné le ministère, depuis sa création, d'augmenter le nombre d'exportateurs. C'est évidemment de plus en plus difficile au fur et à mesure que les années passent, mais il reste encore une bonne clientèle à développer. La direction générale du développement de l'offre à l'exportation a un rôle clé à ce niveau. C'est elle qui doit dénicher ces nouveaux exportateurs, les former, dans un premier temps, et les programmes APEX, régulier et mise en marché, viennent en aide à leurs efforts lorsque les gens sont prêts à aller à l'étranger.

M. Landry: II y a une dimension des choses qui n'est pas abordée aux crédits et que vous ne devez pas oublier. Nous avons également juridiction sur la SDI-exportation, laquelle prend le relai après un premier APEX marketing avec d'autres instruments d'intervention qui sont le Crédit implantation.

M. Lincoln: J'aurais des questions au sujet des contacts avec la SDI-exportation plus tard. Je n'ai pas oublié cet élément.

M. Landry: C'est pour vous expliquer qu'il y a rarement deux APEX marketing.

M. Lincoln: Oui.

M. Landry: Quand il y a eu un APEX marketing, on est mûr pour les programmes de la SDI.

M. Lincoln: Au sujet du suivi de l'année dernière, que vous avez commencé sur les projets APEX, est-ce que vous êtes en mesure maintenant de déceler des statistiques valables du nombre de faillites dans ceux qui ont fait une demande, dans leur projet, et du nombre de...

M. Landry: Du nombre de?

M. Lincoln:... succès?

M. Landry: Ah oui!

M. Lincoln: Est-ce que vous avez des...

M. Landry: II y a une bonne enquête sur cela. D'abord, des malheurs, on n'en a pratiquement pas eu, on en a eu un. Une faillite dans toute la clientèle, est-ce cela? On a cette information; on a travaillé là-dessus ce matin et, là, on la cherche.

M. Lincoln: Peut-être qu'on peut y revenir, M. le ministre.

M. Landry: Oui. Là, il y a un petit problème. Je ne peux pas vous donner le nom des firmes, vous comprenez pourquoi.

M. Lincoln: Oui, on comprend très bien.

M. Landry: J'en ai vingt qui ont reçu en APEX, globalement, 609 000 $ et elles ont vendu immédiatement 17 000 000 $. Elles ont maintenu ou créé - dans le cas où on a les données et, dans plusieurs cas, on n'a pas les données - 166 emplois. Sur cet échantillonnage de vingt, vous voyez que pour 600 000 $, 17 000 000 $ de ventes, c'est un ratio bénéfices-coût absolument extraordinaire.

M. Lincoln: Est-ce que les vingt dont vous parlez - vous avez parlé d'une centaine - est-ce que ces vingt, c'est une sélection que vous faites pour le suivi ou bien c'est vingt parmi d'autres? Est-ce que vous les suivez toutes? Est-ce que vous en suivez une partie? Est-ce que vous suivez une sélection de firmes dans un secteur cible ou des secteurs géographiques?

M. Landry: On les suit toutes. Celles que je vous ai données, c'est sûr que c'était complètement terminé, de l'initiation du processus jusqu'à la conclusion de la vente.

M. Lincoln: Est-ce que c'est le genre d'information - sans qu'on s'intéresse au nom

de la firme, parce que je comprends la confidentialité - qu'on pourrait avoir pour nos dossiers?

M. Landry: Sans avoir le nom? M. Lincoln: Sans avoir le nom.

M. Landry: Ah oui, je pourrais vous faire la firme no 1, no 2, no 3.

M. Lincoln: Oui, merci.

M. Landry: Cela se fait. Mon tableau, c'est très simple. C'est, disons, la firme A, contribution du MCE, 30 000 $; ventes induites, 3 300 000 $; emplois maintenus et créés, de 30 à 60. J'ai cela en colonnes.

Budget et dépenses

M. Lincoln: Est-ce qu'on pourrait passer, M. le ministre, à la page 30, budget et dépenses? Pour ce qui est de la modification des crédits pour l'exercice 1984-1985, nous avons l'augmentation des effectifs, 152 875 $. Ensuite, il y a trois projets spéciaux, 1 250 000 $, et trois virements techniques en supercatégorie de l'ordre de 598 000 $.

Pour ce qui est des trois projets spéciaux, il y en avait un à CEGIR pour 115 000 $. 11 y en avait un aux Camions Pierre Thibault pour la construction de la papamobile, 85 000 $, et, ensuite, une subvention à BG Checo International pour la réalisation de six projets d'électrification en Amérique latine, en Afrique et en Asie pour 1 050 000 $.

Pour ce qui est de la subvention à CEGIR, est-ce que c'était bien l'étude que vous aviez - pour me rafraîchir la mémoire demandée à CEGIR par rapport à l'établissement de contacts avec des milieux financiers du Sud-Est asiatique? Est-ce que c'était bien cela?

M. Landry: C'est bien cela.

M. Lincoln: Est-ce que vous pourriez nous dire quelle est la conclusion de tout cela? Est-ce que cela a apporté des conclusions concrètes?

M. Landry: II s'agissait de la première phase d'une étude en deux phases; la première phase est complétée. Cette première phase tournait, comme vous le savez, autour des institutions internationales et multilatérales de financement et cela nous a permis d'aller trouver à l'intérieur des dossiers de ces agences de financement multilatérales les projets qui pourraient être intéressants pour nos entreprises. On peut dire que le but de l'opération a été atteint.

M. Lincoln: Est-ce que CEGIR fait maintenant une seconde phase ou est-ce que la seconde phase est pour plus tard?

M. Landry: En négociation, le projet de seconde phase.

M. Lincoln: À un moment donné, il y a eu confusion dans notre esprit. On a posé la question l'année dernière et il y a eu une confusion. On ne sait pas comment cela est arrivé; peut-être que CEGIR ou une firme québécoise allait presque représenter le Québec dans le milieu. Ce n'était pas du tout cela, c'était purement une étude de consultation, une étude sur le terrain.

M. Landry: Bien que souvent la marge est mince. Quand CEGIR se présente à la Banque mondiale et dit: Je suis consultante du gouvernement du Québec, je veux avoir accès aux dossiers, ce n'est pas le gouvernement, mais c'est son mandataire.

M. Lincoln: Oui, d'accord. Pour le moment la première phase est terminée.

M. Landry: Oui.

M. Lincoln: Est-ce que cette étude est disponible? Est-ce le genre d'étude qu'on peut lire et connaître?

M. Landry: Je vois d'ici quelle serait la difficulté. Si je rends l'étude publique, je peux permettre aux contribuables de l'Alberta d'en profiter sans qu'ils n'aient contribué. Alors, ce sont des documents hautement stratégiques pour nous. On le fait pour se donner un avantage de la situation à nous et à nos firmes, mais on ne veut pas que cela se répande plus que cela.

M. Lincoln: Est-ce que cette étude est disponible à titre confidentiel à l'Opposition?

M. Landry: Pour examen.

M. Lincoln: Merci. Pour la dernière subvention à BG Checo International, est-ce que vous pourriez nous dire où en sont ces projets et quel en a été le résultat? Excusez, M. le ministre, de vous interrompre, mais je vois dans les crédits périmés... Est-ce qu'il y a une connexion entre les deux?

M. Landry: Oui, il y a une connexion.

Crédits périmés

M. Lincoln: II y a 850 000 $ qui ont été périmés. Si vous voulez bien nous parler de la différence.

M. Landry: II y a une connexion. Ces six projets sont dans six pays différents,

n'est-ce pas? Cela demande des négociations longues et ardues avec des pays de différentes mentalités. Pour la Malaisie et la Thaïlande, les négociations sont pratiquement terminées. Pour l'Amérique latine, c'est en phase finale de négociation, il y a deux ou trois pays en Amérique latine. L'Asie, c'étaient quels pays?

Une voix: Malaisie et Thaïlande.

M. Landry: C'est terminé pour les négociations. On va au rythme des négociations avec les pays d'accueil. Évidemment, un contrat est un contrat et quand les deux parties sont prêtes, on signe. Des fois, elles ne sont pas prêtes indépendamment de l'exercice financier du gouvernement, ce qui fait qu'on a eu 150 000 $ de périmés.

Une voix: Plus que cela.

M. Landry: On a eu 850 000 $ de périmés.

M. Lincoln: Ce que je comprends, du montant de 1 050 000 $ qui avait été crédité ou obtenu, on a dépensé 200 000 $ jusqu'à maintenant?

M. Landry: Oui. Le reste, on va tout le débourser et le reporter à l'exercice suivant.

M. Lincoln: Est-ce que les 850 000 $ vont être reportés aux crédits de cette année? Vous dites que cela va en être une partie? Ou est-ce que ce sont des crédits spéciaux qui sortent du Conseil du trésor.

M. Landry: Non. On s'est engagé auprès de BG Checo à cette contribution, évidemment, à la condition que les négociations aboutissent; on ne va pas donner de l'argent pour pas de contrats. Si les contrats se font, les montants sont dépensés.

M. Lincoln: D'accord. Ensuite, il y a le point 3. Il y a trois virements techniques en supercatégorie de l'ordre de 598 000 $. Pourriez-vous nous donner un rapport de la situation par rapport à cela? (12 h 45)

M. Landry: L'essentiel est un virement technique régulier à APEX qui est tombé en eaux basses à un certain moment de l'année. Comme la demande était forte, on a fait ce virement technique avec les autorisations habituelles. Les autres, ce sont des détails: il y a 20 000 $ de meubles, je pense, 20 000 $ de prêts et avances, et il y a 78 000 $ d'éléments mobiliers, des ordinateurs, des éditeurs de textes, des machines à traitement, etc., pour faire des gains de productivité.

M. Lincoln: Dans les crédits périmés, il y a justement un poste de 413 000 $ par rapport au report de projets et à la non-réalisation d'activités prévues par les entreprises dans le programme APEX marketing. Est-ce que je peux présumer que dans le programme APEX vous aurez toujours quelque chose qui se détache, des projets qui n'aboutiront pas pour une raison ou pour une autre?

M. Landry: II y aura toujours des projets qui n'aboutiront pas. Cela peut dépendre de la conjoncture intérieure de la firme. Je vous ai dit que, sur l'ensemble de la clientèle de cette année, on a eu une faillite. En faillite, tout arrête. Il y en a d'autres qui, sans être en faillite, sont en butte à une conjoncture du pays d'accueil défavorable; alors, elles vont arrêter les opérations. Elles peuvent se tromper, mais persévérer, c'est plus grave. Alors, elles vont arrêter. C'est la fatalité des programmes APEX: programmes souples, ministère mobile.

Réseau international d'échanges d'information technologique

M. Lincoln: Est-ce qu'on pourrait revenir en arrière, à la page 6 du cahier des crédits, aux faits saillants de 1984-1985? À la fin de la page, vous parlez de la mise en place d'un réseau international d'échanges d'information technologique, qui compte maintenant 117 correspondants répartis aux États-Unis, au Canada, dans les pays Scandinaves, etc. Est-ce que vous pourriez nous dire exactement ce qu'est ce réseau? Depuis quand est-il opérationnel? Est-ce que les correspondants sont des correspondants physiques, des correspondants par informatique? De quoi s'agit-il?

M. Landry: En général, ce sont des associations professionnelles dans les divers pays ou des agences gouvernementales qui s'occupent de ces transferts de technologie. Dans certains cas, ce sont des accords poussés; dans d'autres, ce sont juste des correspondants. J'ai la liste ici... Oui, voilà la liste des correspondants. On en a 5 en République fédérale d'Allemagne, 34 en Angleterre, 19 aux États-Unis, 11 en France, 8 en Finlande, 4 au Canada, 7 au Danemark. Il y en a 117 et ce sont des gens avec qui on est en contact.

M. Lincoln: Est-ce qu'ils ont un statut de contractuel par rapport au gouvernement du Québec ou au ministère?

M. Landry: Non.

M. Lincoln: Les liens qui s'établissent, est-ce que ce sont des liens informels, des liens de contrat?

M. Landry: Tous ces regroupements sont à but non lucratif. Ce sont des entités qui, dans leur propre pays, sont en contact avec plusieurs entreprises mais à but non lucratif, un peu à la manière d'une chambre de commerce, et c'est avec elles qu'on est en contact. Donc, il n'est pas question d'argent. Elles nous rendent service, on leur rend service, on est sur une base de troc. Je pourrais déposer cette liste, mais il se pourrait très bien qu'un fonctionnaire malin d'une autre juridiction, par exemple, l'Ontario, vienne profiter des fruits de notre travail, qu'il prenne la liste et qu'il aille les voir tous, les uns après les autres. Je ne dis pas cela par méchanceté pour quiconque, mais c'est la concurrence. Nous, on est dans le commerce extérieur, on n'est pas là pour donner nos informations aux autres, sauf à nos propres firmes. Vous comprenez?

M. Lincoln: M. le ministre, si vous pouviez...

M. Landry: Si j'ai dépensé, je ne sais pas combien d'argent des taxes des Québécois pour faire une aussi belle liste et que cela va profiter aux riches contribuables de l'Alberta, je ne serai pas content.

M. Lincoln: Si vous pouvez prendre ma parole...

M. Landry: Totalement, M. le député.

M. Lincoln:... je peux vous assurer que, moi aussi, j'ai les intérêts du Québec bien à coeur. Ce n'est nullement mon intention de passer cela surtout aux gens de l'Ontario ou de l'Alberta qui nous font concurrence.

Je réalise qu'il y a toujours des fuites dans le système, qu'il peut y avoir maldonne, mais je peux vous assurer que ce sera gardé en toute confidence.

M. Landry: Je vous crois et je ne dépose pas la liste, mais je fais en sorte que le député l'ait.

M. Lincoln: Merci. Par rapport à ces informations technologiques que vous allez puiser à l'étranger - je présume du nombre de correspondants que vous avez, 117, que cela peut être assez extensif, assez large -comment effectuez-vous le lien ou la distribution de cette information au milieu des affaires, au milieu des exportations, aux intervenants du milieu?

M. Landry: II y a deux méthodes: d'abord, il y a un cahier - je pense qu'il est déjà déposé à cette table - des offres de technologie du Québec et des demandes de technologie du Québec. Ce cahier, par ailleurs, est anonyme pour des raisons de stratégie. Cela marche par numéro.

Lorsqu'une firme se dit intéressée, soit du pays étranger vers le Québec ou vice versa, à un transfert de technologie, on fait le contact de firme à firme, l'anonymat se termine et on entre dans des opérations concrètes de firme à firme. Je vous l'ai déposé, ce cahier?

M. Lincoln: Oui, j'ai le cahier ici.

M. Landry: Vous l'avez. Vous voyez là-dedans qu'il n'y a pas de noms d'entreprise pour des raisons évidentes.

M. Lincoln: Oui. Le réseau d'information, si je le comprends bien, se fait à travers toutes les organisations dans le pays 2 et, là où nous avons une délégation, cela se fait à travers notre délégation et nos conseillers économiques qui filtrent l'information vers les directions appropriées, ici, au Québec.

M. Landry: Parfaitement.

M. Lincoln: Vous dites plus bas: mise en place d'une banque d'offres à l'exportation avec un logiciel d'exploitation permettant d'obtenir des données d'ordre technologique, financier, commercial et juridique auprès de 2500 entreprises. On avait parlé, je pense, d'une banque d'information. Est-ce que c'est la banque d'information que vous deviez commencer? Avant, on l'obtenait à travers la SDI ou la SDI-exportation et vous deviez en commencer une à vous. Est-ce que c'est bien de cela dont on parle ici?

M. Landry: Cela n'a absolument aucun rapport. J'ai un échantillon. C'est cela que ça donne comme information sur chaque entreprise. Vous pouvez voir, d'après le format, que tout cela est mécanisé et informatisé. Ce sont ce qu'on appelle des "printouts". On a le nom de l'entreprise. On a ses adresses de correspondance, ses officiers supérieurs, et même leurs numéros de téléphone. On a le nom des produits. On a les marques de commerce. On a leurs points de vente à l'étranger. Dans le cas de l'entreprise en question, il y a une série de points de vente à l'étranger. On a les ventes annuelles réparties au Québec, dans les Maritimes, en Ontario, dans l'Ouest, au Canada, le total, à l'étranger.

On a un relevé de leurs accords industriels, avec qui elles ont signé des accords industriels concernant quels produits. On sait si elles ont participé à nos missions ou si elles n'ont pas participé à nos missions, si elles ont reçu des acheteurs étrangers ou si elles n'en ont pas reçu, si elles sont allées à des foires et à des expositions. Bref, une banque intéressante de données à l'exportation. On a combien d'entreprises?

Une voix: 2005.

M- Lincoln; On dit 2005.

M. Landry: 2005 documents comme celui que j'ai à la main.

M. Lincoln: Comment coordonne-t-on ces données? Est-ce que certains ministères ou départements fédéraux, par exemple, le MEER, ont une banque de données comme cela où sont gardées des données sur les entreprises? Est-ce qu'il y a une coordination quelconque qui se fait pour éviter des dédoublements de coûts et d'informatisation?

M. Landry: Toute information en provenance du fédéral, on l'inscrit dans notre banque. Alors, on ne redépense pas d'argent pour collecter de l'information qu'un autre percepteur de taxes au Québec a déjà collecté. Mais une chose que je dois vous dire, M. le Président: le gouvernement du Canada voudrait nous imiter. Grand bien lui fasse, il devrait faire cela dans beaucoup de choses! Dans le domaine de la stratégie industrielle, en bon gouvernement bien géré, la nouvelle équipe au pouvoir à Ottawa pourrait prendre des leçons énormes.

M. Lincoln: J'espère et j'en suis sûr, M. le ministre, que c'est de part et d'autre dans toutes les choses du monde. On a beaucoup à apprendre les uns des autres.

M. Landry: II devrait prendre des leçons en matière de déficit, en particulier, quand j'entendais notre collègue des Finances, hier soir, qui annonçait une réduction du déficit québécois, alors que cette malheureuse machine administrative d'Ottawa se débat avec une perte de contrôle sur le sien.

Échanges entre le Canada et les États-Unis

M. Lincoln: M. le ministre, est-ce qu'on pourrait passer un instant à la question qu'on discutait très généralement avant, toute la question de la libéralisation des échanges entre le Canada et les États-Unis? Ce n'est pas une question de débat du tout. J'ai envie de savoir... Par exemple, l'année dernière, aux crédits, vous aviez déclaré - je cite les crédits au Journal des débats, le 5 avril 1984: C'est notre direction qui analyse les stratégies, qui fait ces travaux et, aujourd'hui, le Canada est prêt à commencer des négociations avec les États-Unis d'Amérique.

Les négociations ne sont pas commencées. On parlait, à ce moment, du libre-échange sectoriel qu'avait proposé le gouvernement fédéral libéral. Les fonctionnaires se préparent de part et d'autre. Il y a six secteurs qui sont particulièrement étudiés: l'acier, les textiles, le matériel de transport urbain, la pétrochimie et ses dérivés, et quelques autres.

D'abord, j'aurais voulu savoir, par rapport à l'approche qui avait été suggérée par le gouvernement fédéral antérieur sur des secteurs spécifiques que vous avez cités, s'il y a eu des études qui ont été faites par votre ministère par rapport à ces secteurs.

M. Landry: D'abord, "other days, other ways", un autre gouvernement à Ottawa, surtout à l'issue de la rencontre du premier ministre du Canada et du président des États-Unis, a adopté une méthode différente. Quelle que soit la méthode suivie, l'étude par secteur reste toujours très précieuse...

M. Lincoln: Oui, d'accord.

M. Landry:... parce que si on nous propose une globalisation qui irait nuire dramatiquement à un secteur ou l'autre au Québec, on veut le savoir, et nos études sectorielles - on peut le dire maintenant -sont complétées. Il nous manque deux secteurs. Alors, on est à l'oeuvre.

M. Lincoln: Lesquels des secteurs? Je suis entièrement d'accord avec vous. Je réalise qu'il y a un changement de politique fédérale très marqué du sectoriel vers une approche beaucoup plus globale. Sur cela, nous sommes d'accord, mais c'était justement le sens de ma question, l'importance de ces secteurs au sein de toute approche plus globale. Est-ce que vous pourriez nous dire quels sont les secteurs qui ont été étudiés parmi ceux-là?

M. Landry: Je vais vous énumérer cela. Je ne peux pas le dire par coeur, il faut que je me reporte à mes documents. A cette fin, plusieurs études sur des secteurs spécifiques comme - ce sont les secteurs qu'on a faits -le textile, le vêtement, le transport en commun, les équipements aratoires, les pesticides, l'informatique, les produits agricoles, etc., ont été effectuées en collaboration avec les ministères sectoriels concernés et nous aurons d'autres études à venir sur les minéraux non métalliques et les métaux primaires. Il y a une autre chose que je veux vous dire, que vous allez considérer comme une bonne nouvelle: nous sommes virtuellement assurés de participer aux négociations.

M. Lincoln: Du GATT? Aux négociations fédérales, oui.

M. Landry: Les deux. C'est vous qui m'avez interrogé aux crédits du MRI là-dessus et je vous ai dit que cela allait très bien, qu'on avait de très bonnes informations, que notre collègue fédéral montrait une

ouverture d'esprit et il semble bien que ce que nous demandons depuis si longtemps, nous l'obtiendrons.

M. Lincoln: Pour revenir aux secteurs spécifiques que vous avez étudiés, vous avez étudié, en fait, plus de secteurs que les secteurs qui ont été cités l'année dernière. Parlons spécifiquement de la pétrochimie. Est-ce que c'est à l'étude ou est-ce qu'on se retrouve dedans? L'année dernière, je sais que la pétrochimie et ses dérivés étaient un des secteurs qui avaient été cités, l'acier aussi.

M. Landry: En pétrochimie, il y a un problème très particulier. Il faut que la question canado-québécoise et canado-américaine se règle avant qu'on puisse prendre position.

M. Lincoln: Oui, d'accord.

M. Landry: Tout le reste, c'est théorique. Si les "feed stocks" ne sont pas concurrentiels à Montréal, les études qu'on ferait ne vaudraient pas le papier sur lequel on les écrirait.

Le Président (M. Beaumier): M. le député de Nelligan, je m'excuse, je me vois obligé, malheureusement, de suspendre nos travaux jusqu'à cet après-midi après la période des questions.

M. Landry: Très bien.

Le Président (M. Beaumier): Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 13 h 1)

(Reprise à 16 h 35)

Le Président (M. Beaumier): La commission permanente de l'économie et du travail poursuit ses travaux. La parole était au député de Nelligan, porte-parole de l'Opposition. M. le député.

M. Lincoln: M. le Président, je réalise, avec les motions annoncées, qu'il ne nous reste pas beaucoup de temps. Alors, je vais essayer de faire le plus vite possible pour qu'on puisse passer à travers des sujets.

Le Président (M. Beaumier): Je peux peut-être vous accorder 20 minutes. Ensuite, le député de Frontenac a aussi demandé la parole, quitte à revenir à la fin.

M. Lincoln: Oui, d'accord.

M. Grégoire: M. le Président, c'est une séance de deux heures, n'est-ce pas?

Le Président (M. Beaumier): Cela avait commencé ce matin mais, là, c'est jusqu'à 18 heures, en ce qui concerne les crédits du ministère du Commerce extérieur.

M. Grégoire: Sur le nombre d'heures fixé pour l'étude des crédits de chaque ministère, il restait encore deux heures. Cela ne me fait rien qu'on continue jusqu'à 18 h 30.

M. Lincoln: Est-ce qu'on peut aller jusqu'à 18 heures? Ensuite, on verra si le ministre est disponible, ainsi que les gens. Cela m'est égal.

Le Président (M. Beaumier): On va essayer de s'en tenir aux ententes...

M. Landry:... le président de la commission. Je n'ai pas l'odieux de vouloir vous couper du temps aux questions.

M. Grégoire: Je m'excuse, mais je n'ai pas su que la commission siégeait ce matin sur le Commerce extérieur. Je ne reçois pas toujours les feuillets avant, mais...

Le Président (M. Beaumier): Je crois bien qu'en commençant tout de suite le député de Nelligan va avoir 20 minutes et, ensuite, M. le député de Frontenac, vous pourrez avoir 20 minutes également.

Échanges Québec-Canada-USA M. Lincoln: D'accord.

Le Président (M. Beaumier): M. le député de Nelligan.

M. Lincoln: On parlait des études d'impact que vous avez faites dans différents secteurs. Je voulais vous demander ceci. Par exemple, il y a certains secteurs clés, comme celui du bois de sciage, où on a eu pas mal d'ennuis l'année dernière et où il y a encore des problèmes avec les États-Unis; il y a celui du porc, en particulier, où il y a maintenant une étude américaine qui est en train de se faire. Une décision sera prise en juin. Si ces deux questions sont à l'étude, peut-être que vous auriez pu nous situer par rapport à ces deux secteurs, par rapport aux actions américaines et à ce que nous, nous faisons. Est-ce qu'on fait une étude d'impact advenant que les Américains prennent les mesures protectionnistes annoncées pour le porc ou qu'ils nous imposent des droits dans le cas du bois de sciage?

M. Landry: D'abord, le bois de sciage: vous l'avez rappelé, c'est réglé à notre avantage. La dernière attaque des producteurs et l'intervention des provinces du Canada et de l'État canadien a été

considérée comme de minimis. De toute façon, on a eu des désistements de dernière heure dans cette cause de bois de sciage de la part des pétitionnaires. Elle a été jugée de minimis et la procédure a été arrêtée là. Mais c'est vrai que la menace est toujours là. C'est le "due process of law" aux États-Unis. On s'est déjà entendu là-dessus. Je me suis déjà expliqué publiquement à ce sujet. Le député connaît la question. N'importe quel producteur américain, pourvu qu'il puisse assumer les coûts d'une telle procédure, peut s'adresser à l'American Trade Commission et on est toujours menacés. Alors, nous sommes sur nos gardes. On ne fait pas une étude permanente sur le bois de sciage, mais on tient toujours à jour nos dossiers sur la question du bois dans l'ensemble, parce qu'il aurait pu arriver que du bois de sciage, cela dérive vers les pâtes et papiers, étant donné que la pomme de discorde, c'étaient les droits de coupe. Leg droits de coupe s'appliquent autant au bois de sciage qu'aux pâtes et papiers.

En tout cas, je pense que ce n'est pas surtout de ce secteur dont vous voulez entendre parler, puisqu'on s'est pas mal tirés d'affaire, mais c'est du secteur du porc. Là, on ne s'est pas tirés d'affaire. Il y a eu une requête le 2 novembre dernier par le National Pork Producers Council, et la US International Trade Commission a reconnu le 11 décembre, par une décision préliminaire unanime, qu'il y a des indications raisonnables de croire que les importations de ces produits causent ou risquent de causer un préjudice à l'industrie américaine du porc. En conséquence, ils ont mené une enquête par questionnaire, inscrit dans un premier temps, et ensuite par visite des inspecteurs. On a eu des Américains qui sont venus ici, qui sont allés à la Régie des marchés agricoles et qui ont été entendus la semaine dernière. Le 27 mars dernier, il y a eu une décision préliminaire et, là, il y a peut-être un vice de forme puisque la commission fait porter l'enquête à la fois sur le porc vivant et sur la viande de porc. Nous sommes des exportateurs de viande et les pétitionnaires américains sont des producteurs de porc vivant.

Alors, on pourrait dire que la commission s'est prononcée au-delà de la demande, puisque le fond de la discorde ne touchait pas notre produit, mais s'est élargi parce que des gens d'abattoirs se sont joints aux pétitionnaires. Résultat net: un droit compensateur de 0, 053 $ la livre doit être imposé. Ramené ad valorem, cela fait 7, 5 %. Nos exportateurs de ces produits doivent, depuis le 3 avril, verser un cautionnement équivalant à 1 %, à titre de droit compensateur provisoire, qui serait remis si les droits n'étaient pas imposés.

L'impact québécois est le suivant: on a exporté - comme je l'ai dit - surtout de la viande; 169 000 000 $, 52 % du total canadien, en 1984. Les porcs vivants, c'est peu de chose pour nous; c'est seulement 6 400 000 $, 3, 2 %.

L'étape suivante qui est prévue consiste en une phase de vérification, j'ai dit que les vérificateurs sont venus. Les données, sur le terrain, ont été recueillies. Cela devait se terminer le 16 et cela s'est terminé le 16 avril. Il y aura une décision finale vers le 10 juin sur l'existence de subventions et, si oui, quelle est leur importance; et une décision finale sera rendue quant à l'existence du préjudice. C'est toujours en deux étapes: le quantum et le préjudice que l'industrie américaine subirait à cause de nos exportations. Le 25 juillet, oui.

Notre position est la suivante: si le préjudice était reconnu, il est peu probable que le même pourcentage serait maintenu. Evidemment, on n'admet d'aucune façon le préjudice. On n'est pas là pour en juger, mais on est là pour se défendre. Nous allons nous défendre et on verra; en espérant qu'on aura autant de succès que dans la question des droits de coupe.

On doit dire aussi que, là, ce n'est pas que la loi américaine, c'est le GATT qui est en cause; et les Américains agissent conformément au GATT.

M. Lincoln: Est-ce que le ministre pourrait nous dire... J'aurais voulu revenir sur la question du porc mais, malheureusement, je ne sais pas si on aura le temps de passer cela plus en détail.

Par rapport à nos échanges avec les Américains, vous avez confirmé que certains secteurs ont été étudiés et que d'autres sont à l'étude. Par rapport à la décision fédérale d'élargir le cadre de la libéralisation des échanges avec les États-Unis, est-ce qu'il y a une étude d'impact plus globale qui se fait sur les conséquences d'échanges plus élargis par rapport au Québec?

M. Landry: On avait élargi nos études à l'ensemble des productions agricoles. Dans ce que j'ai dit - vous vous souvenez, dans la matinée - il y avait un "et caetera" qui comprend nos études sur les productions agricoles et d'autres productions industrielles.

M. Lincoln: Est-ce que vous pourriez nous dire brièvement quelle est la participation et l'implication du Québec au sein des discussions fédérales-américaines qui vont venir ou qui sont en cours à ce sujet?

M. Landry: D'abord, la partie canado-québécoise, pas de problème; on a été consulté vraiment régulièrement, soit au niveau des fonctionnaires, soit au niveau ministériel. M. Kelleher est venu lui-même à Montréal il y a trois semaines et nous avons pu discuter de ces choses.

Pour la partie canado-américaine, la réponse est la même que pour notre participation au GATT. Comme je l'ai dit ce matin, nous sommes pratiquement persuadés d'Être membre de l'équipe de négociation du Canada; c'est-à-dire que le Québec sera directement représenté dans l'équipe de négociation canadienne. Cela n'est pas confirmé, mais nous avons un très bon espoir, comme pour la participation au GATT. C'est la dernière impression que nous ont laissée nos homologues fédéraux. (16 h 45)

M. Lincoln: Est-ce que je peux présumer qu'à la date où les négociations vont commencer de façon spécifique avec les Américains vous aurez en main toutes les études d'impact, "incluant celles de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, et leurs conséquences pour le Québec?

M. Landry: C'est un processus continu tout au cours de l'évolution de la négociation non pas uniquement au ministère du Commerce extérieur, mais encore dans les ministères sectoriels dont nous coordonnons l'action. Vous pensez bien qu'à l'Agriculture, Pêcheries, Alimentation, ils ont fait les études dans le domaine du porc en notre compagnie et avec nous, mais tous les ministères sectoriels font également leur travail dans ce domaine.

M. Lincoln: Sur la même longueur d'onde, la Communauté économique européenne a décidé d'imposer des représailles envers le Canada pour contrecarrer les tarifs sur les importations de ses chaussures et de sa viande vers le Canada, et d'imposer des douanes sur les produits chimiques, la sidérurgie et le papier, par exemple. C'est surtout la question du papier qui tratne dans le décor depuis assez longtemps. Je pense qu'elle a aussi parlé de sirop d'érable, récemment. Cela devait avoir lieu en avril 1985; je pense que la date a été reportée maintenant. Une négociation quelconque se fait avec le Canada. Nous considérant comme de grands exportateurs de papier, pourriez-vous nous dire quelle est la situation du Québec dans ce dossier spécifique et qu'est-ce qui se passe entre vous et Ottawa par rapport à cette question?

M. Landry: Pour les premiers produits que vous avez nommés, on a un répit, parce que la communauté n'a pas imposé de droits compensatoires ou de rétorsion, de représailles. Ce sont plutôt des représailles dont il s'agit dans ce cas. Nous discutons, chaque semaine, avec les fonctionnaires fédéraux des conséquences de cela sur le Québec et des sacrifices que le Québec pourrait être amené à faire, si sacrifices il y a, des sacrifices qui ne sont pas disproportionnés par rapport aux avantages qu'on peut en retirer. Pour l'instant, les négociations continuent. Cela se fait sur une base bilatérale et on n'a pas de craintes particulières.

Pour le papier, cela s'est réglé d'une façon qui nous convenait. On a 600 000 tonnes plus 50 000 tonnes. On a eu l'aide, d'ailleurs, de pays amis, membres de la Communauté économique européenne, qui nous ont aidés considérablement: la France, la Grande-Bretagne, en particulier. Pour l'instant, cela nous fait une situation convenable. Mais tout est vulnérable, puisque les pays d'Europe de l'Ouest se sont fait un marché commun, et ils ont une voix unifiée. Ils préservent leurs intérêts. Dans un marché commun, il n'y a pas de tarif à l'intérieur, mais il y a un tarif extérieur commun et une défense extérieure commune. C'est exactement ce qu'ils font.

Je vous ferais remarquer que tout ce dont on discute confirme la nécessité pour le continent nord-américain d'avoir un niveau d'organisation économique sophistiqué, ne serait-ce que pour faire contrepoids à l'Europe de l'Ouest.

M. Lincoln: Pourriez-vous nous dire si la politique que vous allez déposer ou introduire d'ici à la fin de mai, je pense, dans le domaine des relations internationales et du commerce extérieur va inclure toute la question de l'impact sur l'économie du Québec d'un libre échange avec les Américains?

M. Landry: Ce ne serait pas réaliste. On ne peut pas mettre cela dans un énoncé de politique qui va avoir, à tout casser, moins de 200 pages. C'est une stratégie globale. Ce dont vous parlez, toutes les études d'impact, ce sont des milliers de pages; ce ne serait pas convenable de mettre sur la table d'une commission parlementaire des études de ce niveau de technicité, qui d'ailleurs vont varier dans le temps, la situation va être très fluide.

M. Lincoln: Oui, peut-être que je me suis mal exprimé. Je vais reformuler ma question. Ce que j'avais en vue, c'étaient des choses comme identifier certains secteurs dans le cas où il y aurait un élargissement du cadre d'échanges Canada-Amérique, naturellement incluant le Québec, où, par exemple, il y aurait des ajustements à faire dans certains secteurs précis, des ajustements de garantie d'investissement, comme cela s'est fait dans le cas du récent accord bilatéral Israël-États-Unis. Là, il faudra qu'on définisse des politiques d'ajustement dans certains secteurs, et imposer une condition peut-être de garantir l'investissement américain au Québec en cas de libéralisation des échanges pour empêcher la fermeture de

certaines usines; plus une question de politique générale qu'une question spécifique d'impact.

M. Landry: Dans cet énoncé de politique, je vous le rappelle, on va donner les lignes directrices de la politique pour les cinq prochaines années, les bases, la philosophie, les axes fondamentaux vers lesquels nous voulons nous diriger au cours des cinq prochaines années.

Or, à peu près tout ce que vous avez mentionné fait partie d'une négociation entre le Canada et les États-Unis. Il ne serait pas sage d'aller dans des détails qui relèvent plus d'une table de négociation que d'une table éminemment politique comme la commission des institutions, qui va apprécier la direction d'une politique. On peut dire que ce qu'on recherche, c'est la fluidité continentale; on ne la recherche pas à n'importe quel prix, il faudra des clauses de sauvegarde pour ne pas que des pans entiers de notre économie soient brutalement frappés par l'ouverture des frontières. Mais on ne va pas aller mettre sur la table nos arguments de négociation.

M. Lincoln: Mais est-ce qu'on pourrait tout de môme penser que ce serait tout à fait logique pour nous, même si on ne le met pas au sein d'une politique large que vous allez déposer, des politiques de direction, d'objectifs principaux... Peut-être pouvons-nous être d'accord là-dessus aussi. Mais d'une façon ou d'une autre, qu'on fasse des choix, qu'on situe des priorités, des objectifs par rapport aux grandes lignes d'une politique de libéralisation des échanges, comme cela a été le cas, par exemple, dans le récent accord Israël-États-Unis, où ils ont identifié certaines conditions: garantie d'investissement, ajustements, financement mutuel, etc. Peut-être que cela déborde des questions de détail. Ce sont des vues d'ensemble qui démontrent des directions où le Québec voudrait peut-être prendre une position un peu différente de celle de l'Ontario ou de celles des autres provinces par rapport à ses objectifs économiques.

M. Landry: Oui, mais ce que vous nous décrivez, c'est l'accord qu'il y a eu entre les États-Unis d'Amérique et l'État d'Israël. Ce n'est pas un énoncé de politique des États-Unis ou d'Israël. Ce dont on va parler à la commission des institutions, c'est de notre énoncé de politique. L'accord viendra beaucoup plus tard. Juridiquement, il ne peut intervenir qu'entre le Canada et les États-Unis d'Amérique. Nous ferons valoir, au sein de la position canadienne, la position québécoise secteur par secteur. Mais je vous dis qu'on pense à un ouvrage d'entre 150 et 200 pages, alors que simplement pour le textile, le vêtement, la chaussure, on ne peut pas aborder la question dans le sens que vous dites sans publier des centaines de pages.

M. Lincoln: Non, non. Ce que je voulais vous dire, j'ai convenu que ce n'était pas la place de mettre cela dans un énoncé de politique mais est-ce que nous avons établi des critères, des barèmes, des positions que nous allons défendre au sein des prénégociations canadiennes par rapport à ces sujets? Par exemple, la garantie d'investissement, les secteurs que nous devrons peut-être ajuster en regard du libre échange à un taux peut-être différent de celui de l'Ontario, pour nos raisons, comme le secteur du vêtement, du textile, où nos considérations sont un petit peu différentes des leurs ou de celles de la Colombie Britannique et autres...

M. Landry: Oui.

M. Lincoln:... qui dépassent une étude d'impact spécifique dans un secteur ou dans un autre.

M. Landry: C'est l'objet de notre stratégie à l'intérieur de la préparation du dossier canadien de négociation. On va faire cela. On a déjà en main la plus grande partie de ces informations. On va exiger, au besoin, des clauses de sauvegarde ou des périodes d'ajustement qui peuvent aller jusqu'à une dizaine d'années. On va tout faire cela. Mais on va faire cette bataille à l'intérieur de la préparation du dossier canadien en vue de la négociation Canada-USA. C'est vrai qu'il y aura sûrement des intérêts québécois qui peuvent être légèrement divergents des intérêts ontariens, bien que ce soit moins vrai, contrairement à la légende, pour le textile et le vêtement, puisque l'Ontario est devenu producteur autant que nous.

M. Lincoln: Oui. Je citais cela en exemple, réalisant que ce n'est peut-être pas un exemple... Mais le porc aurait peut-être été un bon exemple. J'ai envie de sauter à un autre ordre d'idées. Alors, si le député de Frontenac veut intervenir sur ce point et si... Je vais me retenir parce que je vais sauter à un sujet tout à fait différent après.

Le Président (M. Beaumier): Oui.

M. Lincoln: Alors, je préférerais que...

Le Président (M. Beaumier): D'accord. M. le député de Frontenac.

Exportation de l'amiante

M. Grégoire: M. le ministre, je crois que vous vous doutez du sujet que nous

allons discuter ensemble pendant les prochaines quinze à vingt minutes. Je pense bien que vous devez savoir de quoi nous allons parler.

H y a à peine cinq ans, l'amiante constituait à peu près le deuxième produit d'exportation du Québec. Après les pâtes et papiers, c'était l'amiante; c'était une valeur de 550 000 000 $ par année. Cela allait un peu dans tous les coins du monde. C'est le seul domaine du secteur minier qui rapportait des profits au ministère des Richesses naturelles. C'était surtout un produit d'exportation, parce que 70 % de l'amiante servait à fabriquer des tuyaux d'amiante-ciment, des tuyaux d'égout et d'aqueduc. Les autres 30% servaient pour 1500 ou 1600 autres produits, mais c'était surtout l'amiante-ciment.

J'aimerais savoir ceci, dans un premier temps, étant donné que c'est un gros produit d'exportation: 90 %-95 % de notre amiante était exporté il y a cinq ans. Depuis que vous avez votre ministère du Commerce extérieur... Je vois que vous dépassez 24 000 000 $, que vous avez pour le personnel 8 842 000 $, des autres rémunérations pour 113 000 $; je crois que vous avez des communications pour 2 644 000 $, des services pour 2 874 000 $; il y a 220 employés permanents, 6 employés occasionnels; vous faites des transferts à des entreprises pour la mise en place d'une stratégie de marketing et d'aide à la promotion des exportations.

Est-ce qu'il est ici, celui qui s'occupe de l'exportation de l'amiante? En avez-vous un à votre ministère qui se spécialise là-dedans? Lequel est-ce?

M. Landry: On en a plusieurs. Sauf qu'à notre ministère ils travaillent plus sur une base géographique que sur une base par produit. Alors, il m'est arrivé moi-même de vendre de l'amiante: j'y ai pris un grand plaisir, en Yougoslavie en particulier. Mais, là, ce sont nos directions géographiques qui avaient fait le travail. On a aidé la Société nationale de l'amiante à vendre de l'amiante en Yougoslavie. Mais on ne travaille pas cela sur une base tellement sectorielle. On a aidé aussi à la promotion de structures d'habitations, incluant des panneaux d'amiante. On s'est impliqué auprès des gouvernements du Canada, des États-Unis, de la France, de l'Angleterre et de la République fédérale d'Allemagne pour faire la bataille de l'amiante.

Alors, le ministère du Commerce extérieur n'a pas été en reste sur cette question.

M. Grégoire: II n'y a aucun secteur de l'exploitation, même si cela se négocie d'une façon géographique, qui a un personnage en charge et qui voit à... Comme, par exemple, dans les pâtes et papiers, ce qui est le plus gros...

M. Landry: On n'en a pas pour les pâtes et papiers, on n'en a pas pour l'aluminium. Chaque directeur géographique est responsable de vendre la production québécoise dans son secteur, y compris l'amiante. On a trouvé que c'était beaucoup plus efficace d'avoir des gens qui connaissent le marché et qui ont une optique marketing que d'avoir des gens surspécialisés dans un produit pour couvrir toute la planète. Pour vendre de l'amiante en Yougoslavie...

M. Grégoire: Sans couvrir la planète, en se servant des bureaux que vous avez établis un peu partout, en se servant de ces bureaux et de leur expérience des marchés locaux...

M. Landry: C'est exactement ce que l'on fait. On prend l'approche "connaissance des marchés". On pense, par exemple, que pour vendre de l'amiante en Yougoslavie, c'est plus important de connaître la Yougoslavie que de connaître l'amiante. Car la Société nationale de l'amiante connaît l'amiante et ce sont ses représentants qui viennent avec nous et qui font la promotion du produit.

M. Grégoire: Maintenant, l'amiante se vendait mieux parce qu'il y avait beaucoup d'usines de transformation dans des pays étrangers il y a cinq, dix ou quinze ans, surtout en Europe et aux États-Unis. Ces marchés ont diminué considérablement.

Maintenant, il y a des pays assez bien développés, en voie de développement si vous voulez, qui ont regardé du cûté de l'amiante et qui, il y a deux, trois ou quatre ans, lorsque la crise internationale s'est annoncée, lorsqu'on est rentré dans le pire de cette crise internationale, ont annulé leurs commandes d'amiante, comme l'Algérie, le Mexique. Pourtant, pour ces pays, qui ont énormément besoin de systèmes d'égout et d'aqueduc, surtout des villes comme Mexico City, où on dit que près de 50 % de la population n'est pas desservie par un réseau d'aqueduc et d'égout, ce qui leur revient à meilleur marché, c'est encore les tuyaux d'amiante-ciment. (17 heures)

Est-ce que vous avez pensé à l'établissement ou à faire partie d'un consortium qui établirait des usines de tuyaux d'égout d'amiante-ciment dans des pays comme l'Égypte, l'Algérie, le Mexique, le Nigéria où il y a de grosses populations qui s'urbanisent de plus en plus? Est-ce que vous avez pensé à instaurer un consortium qui irait installer des usines de tuyaux d'amiante-ciment dans ces pays-là? La prise d'action par le gouvernement du Québec pourrait être tout simplement l'amiante qu'il

fournirait qui constituerait...

Dans un moment où nos hommes sont improductifs, on pourrait acheter des actions d'usines comme celles-là en payant avec de l'amiante qui est absolument nécessaire en se disant également que, dans ces pays-là, ce qui revient le moins dispendieux et qui, économiquement est le plus rentable, c'est justement de fabriquer, de construire le réseau d'égout et d'aqueduc en amiante-ciment parce que, si les gens le font en fonte, c'est moins durable, cela rouille plus vite. Il faut aussi qu'ils achètent tout le tuyau à l'extérieur. Souvent, ils ne sont pas organisés avec les sidérurgies voulues pour construire leurs propres tuyaux tandis qu'en amiante-ciment ils n'ont qu'à acheter l'amiante et ils sont capables de se construire des cimenteries chez eux et d'avoir des usines de fabrication pour tuyaux d'amiante-ciment, la technologie étant là.

C'est ce genre de consortium et l'argent qui sort de chez eux, à ce moment-là, ne constitue qu'une faible partie du coût des tuyaux d'amiante-ciment, ce n'est que de l'amiante. L'argent ne sortirait pas puisqu'on paierait nos actions, dans ces usines, en amiante. On profiterait du moment où les mineurs sont là; les mineurs reçoivent leur assurance-chômage ou leur bien-être social, ils sont payés quand même. Ils pourraient travailler et l'amiante produit servirait à acheter des actions dans des usines de tuyaux d'amiante-ciment. Rejoindre un consortium avec une cimenterie multinationale, avec des ingénieurs, avec des actionnaires des pays concernés, pour ces pays-là, c'est un avantage énorme, cela leur revient moins cher et, surtout, l'argent ne sort pas du pays. C'est leur gros avantage. S'ils le font en tuyaux de fonte ou en polyvilène, l'argent sort de leur pays; s'ils le font en tuyaux d'amiante-ciment qui sont plus résistants, qui ont une durée plus longue, l'argent ne sort pas de leur pays parce qu'ils ont toute la matière première chez eux et ils peuvent le fabriquer eux-mêmes.

Avez-vous pensé à un tel consortium qui serait installé là où les besoins se font sentir, là où ces pays ne peuvent pas se permettre de sortir leur argent en quantité, là où l'inflation les empêche d'aller sur le marché international pour s'acheter des tuyaux de fonte ou de polyvilène, ne penseriez-vous pas à revenir à l'ancien système et installer cela sur place dans des pays sous-développés ou des pays en voie de développement? Ceux que je vous nomme là sont capables de le faire. L'argent ne sortirait pas de leur pays.

Vous pourriez intéresser à cela une cimenterie multinationale, une firme d'ingénieurs internationale, des courtiers en valeurs mobilières. Vous pourriez intéresser à cela des investisseurs des pays locaux, d'autant plus qu'avec ce qui s'en vient l'amiante phosphaté, qui est déjà produit ici au Québec mais à quelques tonnes, pourra être à la disposition au point de vue industriel d'ici à deux ans. L'amiante phosphaté ne constituera plus aucun danger pour la santé et pour les poumons. L'amiante phosphaté perd 99 % de ses propriétés biologiques pour garder toutes ses propriétés physiques. L'amiante phosphaté demeure quand même... Et la SNA, grâce à son centre de recherche à Sherbrooke, a les brevets d'invention pour tous les pays du monde. Vous arrivez avec un produit dont on a appris que c'était un produit nuisible, si on s'en servait mal, mais cela peut devenir un produit qui n'est plus nuisible. Tout comme les premiers qui se sont servis de l'électricité, ils n'ont pas dû penser tout de suite à l'entourer d'une pièce de caoutchouc et il y en a qui se sont électrocutés au début. L'amiante, on l'a connu tard, c'est-à-dire que c'était nocif, mais on a trouvé le remède à cela.

Est-ce que ce ne serait pas le temps de constituer des consortiums pour les pays en voie de développement, de s'allier avec des cimenteries multinationales, avec des firmes d'ingénieurs et d'acheter des actions dans ces usines de fabrication de tuyaux d'amiante-ciment en les payant avec de l'amiante, au moment où on peut produire de l'amiante, mais où on ne le vend pas? Est-ce que vous ne trouvez pas que ce serait remettre l'amiante sur le marché que d'aller dans une quantité de grands pays qui ont des besoins et qui n'ont pas les devises fortes voulues pour acheter d'autres sortes de tuyaux? Tous les avantages sont là: la qualité du produit, sa durabilité, son faible coût, le fait qu'on ait réussi à passer à travers les effets nocifs de l'amiante pour, après maintes recherches, en trouver la solution au point de vue de l'hygiène et de la santé, le fait que nous en ayons ici, de l'amiante, et que ce soit un de nos principaux produits d'exportation. Comment entrevoyez-vous... Pourquoi, dans votre budget, n'ajouteriez-vous pas quelque chose? Une équipe irait voir si c'est possible d'installer, avec un consortium international, des usines comme celles-là. C'est 70 % de notre amiante, ce sont des centaines de millions de dollars, ce sont des milliers d'emplois. Je voudrais avoir votre réaction là-dessus, M. le ministre.

M. Landry: D'abord, si jamais on fait cela ou quelque chose d'analogue - je ne dis pas qu'on ne le fera pas - vous ne verrez pas apparaître cela dans les budgets du ministère du Commerce extérieur. Le ministère du Commerce extérieur appuie les entreprises privées ou publiques à faire des transactions à l'étranger et à constituer des consortiums. La SDI participe à ces

consortiums. Nous, on fournit l'aide technique et l'organisation du consortium, mais ce ne sera jamais pour nous une opération budgétaire. Ce n'est pas le râle du ministère du Commerce extérieur de s'impliquer dans une cimenterie ou dans une fabrique de tuyaux d'amiante.

Cependant, ce que vous dites est à ce point pertinent qu'à plusieurs reprises nous avons rencontré la Société natinale de l'amiante et la Caisse de dépôt et placement pour discuter de projets de cet ordre. Moi-même, j'ai offert à plusieurs pays du tiers monde des formules de ce genre. La Société nationale' de l'amiante a dû le faire plus que moi, puisqu'elle est spécialisée et a même utilisé les services d'un de nos fonctionnaires qu'on lui a prêté pendant plusieurs mois, sinon plus d'un an. M. Normand Bernier, ancien délégué du Québec à Tokyo, a été prêté - non, il n'est pas ici - à la Société nationale de l'amiante, justement pour mettre sur pied - on l'a prêté à la Caisse de dépôt et placement ensuite - des projets du même genre, dont des projets d'amiante. La dernière fois qu'on s'est rencontré dans une réunion, M. Normand Bernier était là.

M. Grégoire: Oui, je l'ai rencontré. Alors, c'est lui qui serait...

M. Landry: II connatt bien le secteur de l'amiante. Mais, encore une fois, quand vient le temps de passer à l'action, le ministère du Commerce extérieur peut être la bougie d'allumage, peut fournir des services: les services des délégations, comme vous l'avez dit, notre service des consortiums, la SOI peut participer à la formation du consortium mais ce n'est pas nous, jamais, qui sommes au front, en première ligne.

Ceci dit, si ces projets qu'on a évoqués, si le travail de M. Normand Bernier, si le travail d'un certain nombre d'autres n'a pas abouti au cours des dernières années, c'est que la conjoncture a été très mauvaise, la conjoncture tenant à l'amiante d'abord, vous le savez. Je suis de ceux qui croient, comme vous, qu'on va remonter la cote de l'amiante, d'abord parce que ce produit a été décrié d'une façon très injuste et d'une façon plus religieuse que scientifique, dans plusieurs pays. Il s'est fait un combat antiamiante qui a ressemblé beaucoup au combat de Mme Brigitte Bardot pour la fourrure de phoque et cela a jouxté l'absurde. Il y a eu 20 000 000 de signatures, je pense, dans la Communauté économique européenne, à un moment donné, des choses qui, selon moi, en tout respect pour ceux qui sont les promoteurs de ces causes, ne sont pas des causes prioritaires pour l'humanité. L'amiante a été l'objet d'une psychose de ce genre.

On voit que les Américains se sont par ailleurs ressaisis. Les Américains sont venus bien près de faire une interdiction globale de l'amiante et, il y a deux ans, la situation n'était pas rose. Mais, là, on voit qu'autant l'EPA que l'OSHA, même si elles restent préoccupées par la question de l'amiante, considèrent que c'est un produit utile, un produit intéressant qui doit être manipulé avec précaution, qu'on doit avoir des normes. La conjoncture antiamiante est en train d'être chose du passé et je pense que de mois en mois le produit remonte la côte, d'autant plus que la phosphorylation de la fibre que nous pratiquons déjà à quelques tonnes par jour, je crois, dans une usine de petite taille pourrait devenir un procédé à l'échelle industrielle rentable et nous permettre pratiquement de mettre sur le marché une nouvelle fibre. Même le nom ne s'appliquerait plus parce que la phosphorylation produit un changement physico-chimique tel qu'il ne serait pas illusoire de parler d'une nouvelle fibre qui aurait un nouveau nom, qui serait présentée d'une nouvelle manière et, là, repartir l'offensive de l'amiante. C'était le premier aspect conjoncturel tenant au produit.

Le deuxième aspect, il n'est pas réglé et même s'il y a des signes de rémission, on n'a pas encore passé à travers le pire, c'est l'incapacité de payer des pays du tiers monde, pas simplement de payer la fibre, mais est-ce que la ville de Mexico est en position financière de doter ses 12 000 000 ou 15 000 000 d'habitants d'un réseau d'aqueduc? Dans la plupart des cas, la réponse est non et, là, il faudrait se lancer dans le financement des travaux locaux. C'est cela que les gens nous demandent: Financez l'usine, fournissez la fibre, financez les travaux locaux. Là, cela devient un autre genre d'opération.

Donc, dans plusieurs pays - je ne veux pas faire un cas particulier du Mexique parce que le Mexique remonte la pente assez vite à cause d'institutions qui ne conviendraient peut-être pas au peuple québécois, mais qui sont assez rigides pour remettre le pays sur la bonne voie dans un an ou deux - sans parler plus particulièrement du Mexique, la plupart des pays du tiers monde, actuellement, ont beaucoup de difficultés à satisfaire des nécessités pour eux plus élémentaires et primaires que même l'adduction d'eau et les travaux de génie sanitaire dans leur ville. Plusieurs en sont à combattre des problèmes de balance alimentaire et à nourrir leurs gens. Plusieurs en sont à faire des dépenses élémentaires de santé, des dépenses élémentaires de mise en valeur des surfaces agricoles pour régler le problème de la balance agro-alimentaire.

Alors, on peut dire que tous ces facteurs combinés ont fait qu'en dépit d'efforts véritables faits par la SNA, par la Caisse de dépôt et placement du Québec, par

le ministère du Commerce extérieur et un certain nombre d'autres, aucun des projets auxquels le député pense n'a pu être réalisé jusqu'à ce jour, mais je crois que l'idée doit être maintenue. Pourvu que le beau temps revienne un tant soit peu, on sera en mesure, un jour ou l'autre, de participer au financement d'usines de produits en amiante à la condition qu'on ait une exclusivité de vente du produit.

M. Grégoire: Maintenant, simplement dans le domaine des pays développés qui sont capables de payer, je vais vous donner un exemple pour vous montrer ce que peut être l'amiante et, là, il n'y a peut-être pas un effort... Je ne sais pas s'il y a un effort qui a été fait depuis la guerre des îies Falkland, mais il me semble qu'il y a là un exemple où on aurait pu permettre un effort et je me demande si le ministère du Commerce extérieur ne pourrait pas le faire. On a blâmé l'amiante pour ceux qui travaillaient à revêtir, redoubler les bateaux de la marine marchande qui traversaient l'Atlantique nord au temps de la dernière grande guerre et ceux qui font des réclamations, aujourd'hui, pour amiantose vis-à-vis des compagnies comme Johns-Manville, ce sont ceux qui ont travaillé, justement, là-dessus. Mais, en les lambrissant d'amiante, en les recouvrant d'amiante à l'intérieur, on leur donnait six à sept heures de temps d'évacuation alors que, lors de la guerre des îles Falkland, nos Anglais qui avaient peur de l'amiante et qui ne voulaient pas le voir construisaient leurs croiseurs en aluminium et cela a pris une petite bombe bien dirigée pour que le croiseur, en moins de 20 minutes, ait passé au feu au complet et on n'a pas eu le temps d'évacuer. (17 h 15)

Je ne sais pas combien de centaines de marins anglais sont morts et combien il y en a eu de sauvés parce qu'ils ont eu le temps d'évacuer à cause de l'amiante. Le bateau ne brûlait pas si vite à cause de l'amiante pendant la dernière grande guerre comparativement à ceux qui ont attrapé l'amiantose en travaillant. Mais il faut dire qu'aujourd'hui, quand on lambrisse les bateaux d'amiante, quand on emploie un matériel d'amiante pour donner une protection de sécurité contre le feu, on ne le fait plus comme autrefois, par jets, alors que la fibre n'était pas du tout attachée à sa matière première, qu'elle pouvait s'envoler dans l'air. Elle pouvait se répandre dans l'air et pénétrer dans les poumons.

Aujourd'hui, grâce au centre de recherche, quand on se sert de l'amiante, c'est relié à une matière première qui ne le laisse plus se dégager, il n'y a plus d'émission de fibres dans l'air. Ce sont les nouvelles recherches qui ont donné cela. Alors, est-ce qu'il n'y aurait pas de ce côté- là un effort à faire pour diversifier ou ramener ces ventes d'amiante qu'on faisait en... Parce qu'il s'en est vendu, des tonnes d'amiante, autrefois. Puis, tout à coup, cela cesse. Est-ce qu'il n'y aurait pas un autre effort à faire de ce côté?

M. Landry: Je veux bien vous croire. Je ne suis pas un expert du matériel militaire et des spécifications techniques de la flotte de Sa Majesté. Je sais qu'aux îles Falkland, il y a un autre produit québécois - vous l'avez mentionné - qui a connu des difficultés de marketing, c'est l'aluminium. Il est à peu près certain que...

M. Grégoire: II a brûlé vite.

M. Landry:... l'aluminium de ces navires avait été fabriqué également au Québec à cause de la présence de la Canadian British Aluminium dans le temps, qui était une compagnie britannique à l'époque où les navires ont été construits. Mais je ne veux pas entrer dans un niveau de détails. Je n'ai pas votre érudition en matière d'amiante. Je dois vous répéter que tous les bons produits québécois qui sont dans les prix et les qualités voulus reçoivent au ministère du Commerce extérieur l'accueil mérité.

Encore une fois, la Société nationale de l'amiante est un de nos clients réguliers. Nous sommes en contact avec elle. J'ai amené moi-même ces gens en mission. J'ai vendu des tonnages d'amiante par intervention, pas juste en paroles diplomatiques. Nous avons soutenu financièrement les ventes. On a garanti les prêts à des pays dont on pensait que les finances publiques pourraient être défaillantes. On a garanti des délais plus grands. Mais on ne veut pas se faire nous-mêmes les promoteurs immédiats des produits. On va aider les promoteurs à faire la promotion de leurs produits. Vous avez probablement raison dans ce que vous dites.

M. Grégoire: Avez-vous l'impression que la Société nationale de l'amiante, à l'heure actuelle, est tellement préoccupée par les problèmes de l'Asbestos Corporation, cette seule succursale de la SNA - c'est la plus grosse succursale de la SNA - qu'elle n'a pas le temps de voir à la promotion de ses produits, à ses développements ou à ses diversifications, qu'elle est uniquement préoccupée et qu'elle laisse tomber le reste?

M. Landry: Franchement, je crois...

M. Grégoire: Est-ce que ce n'est pas là mettre un terme à ce qu'on appelait l'objectif de la politique d'amiante qui était la création d'usines et l'exportation d'un produit fini ou... Si vous faites affaire avec la SNA, n'avez-vous pas l'impression que,

justement, son rôle n'est plus que d'essayer de rapiécer? Vous savez, M. le ministre, qu'à payer les actions de la Société Asbestos à 42 $ l'action à 16, 5 % d'intérêt par année, cela fait trois ans qu'on paie l'intérêt qui est cumulatif. C'est rendu au-delà de 70 $ l'action et les intérêts de 1982 ne sont pas encore payés. C'est rendu au-delà de 70 $ l'action. Quand c'est inscrit sur le marché de la Bourse à Toronto ou à Montréal à 4, 75 $ ou à 5 $ l'action, soit la moitié du coût de l'intérêt, cela devient un gros problème pour la Société nationale de l'amiante qui s'est engagée à acheter toutes ces actions, soit 54 % des actions. À ce moment-là, ces personnes n'ont plus les loisirs ou la capacité de voir à développer l'exportation des produits d'amiante ou à s'occuper de cela. Est-ce que vous n'avez pas remarqué un tel gel à la politique de l'amiante telle qu'elle avait été énoncée le 22 octobre 1977?

M. Landry: M. le Président, j'ai l'impression que le député s'adresse à moi comme si j'étais toujours le ministre d'État au Développement économique, ce que je ne suis plus depuis un certain nombre d'années. Je n'ai plus, d'une part...

M. Grégoire: Sachant que c'est un des plus compétents dans le secteur économique, que ce soit dans le commerce extérieur ou dans le développement économique, je m'adresse au ministre en étant sûr que c'est un des plus compétents dans le domaine économique.

M. Landry: Le député est très gentil de me dire cela. Il confirme aussi, d'ailleurs, ce que disait mon ami de Nelligan ce matin. Vous me comblez d'éloges et tout cela et je vous réponds bêtement que je n'ai plus l'expertise directe de ces dossiers comme je l'avais autrefois. Cela me passionnait de faire cela, mais je ne peux pas vous dire si ce qui se passe à l'intérieur de la Société nationale de l'amiante actuellement fait que ces gens ont un potentiel à l'exportation plus ou moins grand. Ce que je peux vous dire, c'est que, lorsque nous avons travaillé avec eux, ils se sont vraiment comportés comme des vendeurs, et des vendeurs résolus et décidés.

M. Grégoire: Dernièrement encore?

M. Landry: La dernière fois que j'ai participé à une mission avec la SNA, cela doit faire huit ou dix mois, je pense, M. Dorais lui-même y était et nous avons vendu sur place 700 000 ou 800 000 tonnes, pour autant que je me souvienne. Sur place! Dans les pays de l'Est!

M. Grégoire: C'est la production de...

Le Président (M. Beaumier): M. le député de Frontenac, est-ce qu'on peut conclure, parce que, si je veux...

M. Landry: C'était très important et on a soutenu l'opération, comme je l'ai dit, en crédits supplémentaires. On a délogé des concurrents que je ne nommerai pas et qui étaient en furie des résultats de notre mission. M. Dorais m'avait dit à l'époque combien d'heures-hommes étaient impliquées par cette vente et cela dépassait les chiffres d'emploi global d'une année pour une des mines, je crois.

Le Président (M. Beaumier): Alors, merci. Si je veux respecter...

M. Grégoire: Est-ce que je pourrais conclure?

Le Président (M. Beaumier): Oui, mais brièvement, parce que je veux respecter les paroles que j'ai dites tantôt. Je voudrais passer au député de Nelligan. Concluez.

M. Grégoire: Je pourrais revenir après le député de Nelligan.

Le Président (M. Beaumier): Terminez plutôt tout de suite.

M. Grégoire: Le député de Nelligan en a-t-il pour plus de 40 minutes?

M. Lincoln: M. le Président, vous savez que nous faisons l'étude des crédits de tout le ministère. Il y a 24 000 000 $. Il y a toutes sortes de programmes et de sous-programmes qu'il faut... C'est notre seule chance de poser des questions. J'ai beaucoup de sympathie pour le député, mais, si on veut parler purement de l'amiante, il me semble tout à fait démesuré de passer... Je veux aller jusqu'à 18 heures, à moins que vous ne me disiez...

Le Président (M. Beaumier): C'est pour cela que je terminerai avec le député de Frontenac, tout en disant...

M. Grégoire: Je vais terminer en deux minutes, M. le Président!

Le Président (M. Beaumier): Excusez-moi, M. le député! Tout en disant, quand même, qu'il y a un programme que nous avons adopté et que le député de Frontenac avait droit à son temps lui aussi. On a été assez large aussi. Alors, vous avez eu votre bonne part et vous aurez la dernière aussi. Merci.

M. le député de Frontenac.

M. Grégoire: Je vais terminer comme ceci. À la suite de tous ces projets qu'on

peut mettre de l'avant dans différents domaines, est-ce que le ministre ne considérerait pas qu'un secteur d'exportation aussi volumineux et aussi important que l'a déjà été l'amiante mériterait qu'on y attache un homme, quitte à ce qu'il se serve des lieux géographiques, qui a la connaissance du marché pour aller faire des ventes, un homme qui s'occuperait de projets et viendrait aider à la Société nationale de l'amiante dans les pays étrangers, surtout dans les pays en voie de développement? Est-ce que le ministre serait d'accord avec une telle proposition?

M. Landry: Je vous dis qu'on fait déjà cela depuis quelques années puisqu'un de nos bons opérateurs à l'étranger, l'ancien délégué à Tokyo, a été prêté à la SNA et s'active présentement dans le dossier de l'amiante. Je ne minimise pas la question. Toutes nos directions peuvent travailler pour l'amiante -Analyse et stratégie peut travailler pour la question de l'amiante - mais ce n'est pas notre méthode et je crois que nos méthodes sont éprouvées, pas depuis vingt ans, mais depuis que le ministère existe et avec, ceci dit modestement, les succès d'opération que nous avons eus, nous n'avons pas l'intention d'ouvrir des divisions sectorielles, sauf que pour un dossier particulier, des fois, on va faire un détachement de fonctionnaire. Là, j'en ai déjà fait un. Je ne prévois pas en faire d'autres.

Je peux bien m'engager, par ailleurs, à faire regarder de plus près par nos directions concernées le marketing mondial de l'amiante et les opérations spécifiques qu'on pourrait prévoir, mais je ne veux rendre aucun de mes fonctionnaires prisonnier d'un secteur. Ils vont s'occuper de cela; ensuite, ils vont s'occuper des pâtes et papiers et, ensuite, ils vont s'occuper d'aluminium. Mais ce sont les vendeurs qui vont vendre ultimement, donc, la SNA et les autres compagnies.

Le Président (M. Beaumier): Merci. La parole est à M. le député de Nelligan.

Projets de consortiums

M. Lincoln: M. le ministre, est-ce qu'on pourrait vous poser quelques questions sur les consortiums? Je pense que c'est à la page 12 du cahier. D'après ce que j'ai vu, en mars 1983, il y avait neuf projets de consortiums, six projets avaient été abandonnés et un autre était considéré comme en formation. En avril 1984, il y avait quatorze projets de consortiums, en plus des neuf premiers. De ces quatorze projets, il y en avait huit qui avaient été abandonnés et deux en formation. En 1985, il y avait eu neuf nouveaux projets, dont trois abandonnés et cinq en formation, c'est-à-dire, au total, trente-deux projets mis en marche, dix-sept abandonnés et huit en formation. Pouvez-vous me dire si les consortiums qui ont été abandonnés avaient été formés pour une seule transaction ou si c'étaient des consortiums qui devaient être formés d'une façon permanente?

M. Landry: Je pense que vous avez tout cela à l'annexe 3. D'ailleurs, à l'annexe 3, vous avez cela en chiffres, en lignes et en colonnes et on vous donne dans les colonnes de droite ce qui se passe exactement. Je prends le numéro 1 - Scordos & Als, manufacturier d'équipement électrique. Le secteur visé, c'étaient les lignes de transmission de distribution électrique. Le marché: l'Afrique, le Moyen-Orient. Le projet a été abandonné de façon pure et simple, il n'a pas vu le jour.

M. Lincoln: Est-ce que le ministre ou le sous-ministre pourrait nous expliquer le pourcentage très significatif, très élevé, d'un petit peu plus de la moitié des consortiums qui ont été abandonnés? Pourquoi ce pourcentage élevé d'abandons?

M. Landry: D'abord, on a déjà un résultat, dans le domaine des consortiums, qui n'est pas négligeable. Après peut-être quinze ans, le souhait de formation de consortiums, c'est une opération très, très compliquée. D'abord, les entrepreneurs, par définition, ont une mentalité un peu individualiste, ils sont souvent en concurrence les uns les autres. S'ils veulent faire un consortium sur un marché, ils restent en concurrence sur les autres marchés, ce qui ne crée pas entre eux un climat d'harmonie, un climat de communication des renseignements qui seraient nécessaires. C'est une opération très compliquée.

Le premier consortium qui a vu le jour, il y a quelques années, je crois que c'est le Consortium de créativité de Montréal. Après des mois et des mois de travail, la Société nationale des véhicules industriels, qui regroupe SDI-exportation, Exportation

Québec, Camions Pierre-Thibault, Équipements Poudrier, Ramtec, Paul Demers, etc., a également eu une très longue gestation. On a déjà des consortiums qui marchent et on espère se servir de l'expertise développée dans ceux qui fonctionnent pour aider à en faire naître d'autres. L'exemple entraîne. Dès qu'il y en a une masse critique suffisante qui va fonctionner, cela va apprendre aux autres comment fonctionner, cela va leur donner l'exemple. Dès qu'il y a de l'argent qui se fait, les autres veulent utiliser les mêmes méthodes pour en faire et on a l'espoir d'accélérer le mouvement.

M. Lincoln: Depuis l'expérience de 1983, est-ce qu'il y a - je ne sais pas le mot français - des "patterns", est-ce qu'il y

a de grandes lignes qui se détachent de l'expérience qui s'est faite depuis 1983?

M. Landry: J'ai perdu le début de la phrase.

M. Lincoln: Est-ce qu'il y a de grandes lignes qui se détachent de l'expérience qui s'est faite depuis 1983 par rapport à 1985 pour vous permettre de savoir comment ajuster le tir et mieux le coordonner? Est-ce qu'on a pu avoir des statistiques, des éléments de réponse de ce qui a été fait en 1983 par rapport à ce qu'on va faire en 1985-1986?

M. Landry: Ce qui ressort de notre expérience - si on peut vous résumer cela brièvement - la difficulté des consortiums qui peut se transformer en facteur de succès, si elle est résolue, c'est le problème humain, le choix du directeur général, l'entente entre les associés et le niveau de confiance et de coopération qu'ils peuvent développer entre eux. (17 h 30)

On a même organisé - c'est relaté dans le document - un séminaire, un symposium pour inviter tous les gens qui ont tâté de cette expérience de consortium à donner leurs impressions. Le résumé de la journée de consortium est le suivant: niveau de motivation et de compétence du directeur général et capacité des partenaires à travailler entre eux, dans des relations humaines et de confiance harmonieuses; ce serait cela, le message. Cela se fait. Vous voyez, on en a déjà un certain nombre qui fonctionnent et qui sont solides.

M. Lincoln: Est-ce que vous voyez une accentuation future de ce programme de consortiums? Est-ce que vous pensez que l'expérience nous démontre qu'il faudrait accentuer le programme des consortiums?

M. Landry: On en a plusieurs en formation, comme vous voyez. Mon pari, puisque c'est une formule relativement nouvelle au Québec, c'est que, dès que quelques consortiums auront connu des résultats spectaculaires, vous allez voir la boule de neige commencer à rouler et à prendre du volume. Mais, il faudrait qu'il y ait quelques bons "success stories"; on commence à en avoir. SNVI, cela commence à être tout à fait montrable, et quelques autres. C'est quand ces modes de fonctionnement seront bien éprouvés et auront connu du succès que les autres suivront. C'est souvent comme cela que cela se passe en affaires.

M. Lincoln: À la page 13 du cahier, identification des marchés extérieurs, vous dites: "La direction de l'analyse des marchés a poursuivi son mandat d'identification des marchés extérieurs le plus susceptibles d'acheter les biens et services produits au Québec. Ainsi, afin de parfaire la connaissance des principaux pays partenaires commerciaux du Québec, 63 analyses ont été effectuées. " Pourriez-vous me dire quels moyens principaux on utilise pour faire connaître les occasions de marché aux entreprises québécoises? Est-ce que les délégations du Québec à l'étranger jouent un râle actif et dominant dans le processus de recensement des informations contenues dans les dossiers?

M. Landry: L'équipe qui ne quitte pas le territoire - l'équipe de Montréal et la petite équipe de Québec - joue un rôle clé dans la collecte des données, dans l'analyse et dans le traitement de ces données. À l'étranger, des équipes sont en contact direct avec les clientèles et les marchés. C'est un système d'interrelation et de transmission d'informations qui fait qu'on peut arriver à certains résultats et qu'on a pu, en particulier, monter 33 analyses solides.

M. Lincoln: Est-ce que ces 33 analyses ont été entreprises par le ministère lui-même ou si c'est à la suite de demandes d'intervenants que les analyses ont...

M. Landry: Non. C'est nous-mêmes. Il est arrivé quelques fois qu'on ait agi sur demande, mais on a agi suivant l'importance de nos partenaires commerciaux. On a fait l'analyse de nos marchés les plus importants d'abord.

M. Lincoln: Cela fonctionne par secteurs ou par pays?

M. Landry: Par pays. C'est ce qu'on appelle la fiche "pays".

M. Lincoln: Est-ce que vous pouvez nous dire quelle est l'évaluation officielle par rapport à l'expérience qui s'est faite jusqu'à maintenant? Est-ce qu'il y aura plus d'analyses qui vont se faire? Est-ce qu'on continue au même rythme? Est-ce que l'expérience a été concluante?

M. Landry: On va continuer nos analyses et cela va être de plus en plus simple parce qu'on va finir par avoir couvert la planète et là, cela deviendra une question de renouvellement et de mise à jour. On utilise l'informatique en plus.

Représentation à l'étranger

M. Lincoln: Est-ce qu'on aurait pu parler brièvement de la représentation à l'étranger? Je ne veux pas revenir sur les débats que nous avons eus l'autre jour sur la

même question. Beaucoup de questions que nous avons posées aux Relations internationales s'appliquent ici. J'aurais voulu vous poser des questions plus spécifiques, par exemple, sur la formule des conseillers itinérants, qui est peut-être une formule, en un sens, expérimentale.

M. Landry: Voulez-vous faire une référence de page, s'il vous plaît? Il n'y a pas de page là-dessus?

M. Lincoln: Excusez. Page 23, je pense.

M. Landry: II n'est pas question des itinérants?

M. Lincoln: Non. Je pose une question par rapport à la représentation à l'étranger.

M. Landry: Oui.

M. Lincoln: L'année dernière, à la suite des crédits, on avait discuté de la formule des conseillers itinérants. Est-ce que vous pouvez nous dire combien de conseillers itinérants vous avez à l'heure actuelle dans votre délégation étrangère?

M. Landry: On a eu, M. le député, depuis notre dernière rencontre, deux conseillers itinérants, qui ont couvert essentiellement les pays du Moyen-Orient et du Maghreb. Il s'agit de MM. Louis Granger et Jean Labonté. Les deux, d'ailleurs, sont actuellement dans d'autres affectations. M. Labonté travaille toujours sur le dossier du golfe Persique et M. Granger est actuellement dans une autre affectation. On va probablement avoir un autre itinérant pour le remplacer, suivant les besoins.

M. Lincoln: Est-ce que la formule en est une flexible, où vous employez ces conseillers itinérants pour une période de X et peut-être que, après cela, le travail se résorbe, pour recommencer plus tard? Quelle est la formule? Quel est le genre de contrat qu'ils ont avec le ministère?

M. Landry: Ce ne sont pas des contractuels. Ce sont des fonctionnaires du ministère.

M. Lincoln: Ce sont des fonctionnaires du ministère.

M. Landry: Oui, oui. Ce qui est souple, c'est l'endroit où ils travaillent, car ils vont suivant les besoins. Ils vont couvrir des marchés où on n'est pas présent avec une délégation permanente, mais où il y a des possibilités de faire des affaires. Pour le Moyen-Orient, cela se passe de commentaires; les Emirats, la République Arabe, l'Arabie Saoudite; pour le Maghreb, cela se passe de commentaires aussi. Ces conseillers nous ont rendu de grands services. Quand on en a moins besoin, on les retire, on les envoie ailleurs ou on réutilise la main-d'oeuvre d'une autre manière.

M. Lincoln: L'évaluation du système qui a pu être faite jusqu'à présent, est-ce que...

M. Landry: On est généralement satisfait de l'effort de ces conseillers.

M. Lincoln: Je ne parle pas des conseillers comme personnes, comme compétences individuelles, mais du principe même des conseillers itinérants. Est-ce que vous comptez le garder? Est-ce que vous voulez préserver la formule ou peut-être l'étendre à d'autres secteurs? Est-ce que c'est une expérience que vous allez réévaluer dans un avenir prochain, pour décider si elle continue ou ne continue pas?

M. Landry: On est déjà prêt à dire qu'on doit continuer. Ces gens nous ont rendu - encore une fois, au-delà des personnes, cela a bien tombé parce que c'étaient des gens qui travaillaient bien - de grands services; les succès qu'on a eus sur les marchés du Moyen-Orient et des pays d'Afrique du Nord, du Maghreb sont là pour en témoigner.

M. Lincoln: Alors, vous en avez deux ou trois. Est-ce que vous avez des prévisions pour que ce chiffre soit augmenté dans l'avenir? Est-ce que vous pouvez nous dire si cela va rester au statu quo?

M. Landry: On n'a pas les ressources, actuellement, pour en mettre plus. Alors, il faudra les rendre plus mobiles et leur demander davantage. On ne pense pas que le Conseil du trésor nous accordera les ressources pour en avoir davantage.

M. Lincoln: Dans les engagements financiers de novembre 1984, on parlait du renouvellement du contrat de services de l'attaché commercial du Québec à La Haye pour une période de cinq mois et deux semaines. Est-ce que vous pouvez nous dire si ce poste se continue? Quel est le rôle de l'attaché commercial? Est-ce que cela va se continuer?

M. Landry: On a fait un deuxième bloc de six mois. On est en phase d'évaluation. Si l'évaluation est positive, on va continuer la formule.

M. Lincoln: Pourriez-vous me dire le rôle spécifique de l'attaché commercial à La Haye? Est-ce qu'il est rattaché purement aux Pays-Bas ou est-ce que c'est un secteur quelconque du marché européen?

M. Landry: II est rattaché aux Pays-Bas et il relève hiérarchiquement de notre délégation de Bruxelles.

M. Lincoln: Sur les 95 personnes aux États-Unis, nous avons 18 attachés commerciaux. Je réalise que c'est une question à laquelle, réellement, la réponse peut prendre bien des sens, se fait d'elle-même, parce qu'il y a naturellement une relation avec nos exportations dans le pays. Mais, malgré tout, puisqu'on a parlé, lors du 20e anniversaire de la coopération avec la France, d'augmenter nos échanges économiques avec la France, sur 91 personnes en France, on a seulement 6 attachés commerciaux. Est-ce que c'est l'objectif du ministère d'augmenter l'apport des conseillers économiques en France...

M. Landry: Mais, est-ce qu'il compte le CQCI là-dedans?

M. Lincoln:... d'accentuer la dimension économique de la délégation en France?

M. Landry: Commençons par le premier aspect de votre question. Quand vous voyez le grand nombre d'attachés commerciaux que nous avons aux États-Unis et que vous n'avez pas nommé les conseillers, vous voyez bien que c'est là que l'effort se passe parce que c'est là que les marchés se trouvent. C'est 66 % de l'exportation internationale.

Quant à la France, je pense qu'on n'a pas de... On en a six à Paris. Trois conseillers, plus trois recrutés locaux à Paris. Aux États-Unis, c'est sept fonctionnaires et onze recrutés locaux, pour un total de dix-huit.

M. Lincoln: On a parlé tantôt de 19, mais, enfin, c'est...

M. Landry: De 19, il y en a peut-être un qui traîne quelque part...

M. Lincoln: Oui, d'accord.

M. Landry: Je ne dis pas qu'on ne pourrait pas faire davantage avec la France. Cependant, vous n'êtes pas sans savoir que nos prix vendeurs ont plus que doublé au cours des deux dernières années pour des raisons de conjoncture monétaire. Alors, est-ce que ce serait sage de ma part, quand j'ai à ce point la réalité monétaire contre moi, d'aller lancer des troupes excédentaires dans un pays où on est mieux d'attendre que le beau temps revienne pour être plus concurrentiel, là où les meilleurs vendeurs ont beaucoup de difficultés?

M. Lincoln: Pour situer la question dans un autre contexte ou différemment, dans l'ordre des priorités du ministère, je réalise que les États-Unis sont de beaucoup notre gros marché international. Dans la question de situer les priorités de marchés cibles et de zones cibles, où se situent, par exemple, la France et la francophonie par rapport aux priorités géographiques comparativement au Sud-Est asiatique, etc? Est-ce que la France et la francophonie y occupent une place prioritaire, importante pour l'avenir? Il y aura les conjonctures temporaires.

M. Landry: Sur le plan des relations internationales, vous ne me demanderez pas de faire une priorité entre la France...

M. Lincoln: Non. Je veux parler du commerce extérieur.

M. Landry:... et les États-Unis. Sur le plan du commerce extérieur, vous voyez par la répartition de nos objectifs quel est le degré de priorité: l'Amérique du Nord, les États-Unis, le Canada ont 43 % de nos effectifs. L'Europe en a 38 %. Le reste du monde en a 20 %. Alors, cela vous donne une idée que nous établissons le volume de notre effort, pour l'instant, en fonction de l'importance des marchés, en nombre d'habitants et en facilité de pénétration. C'est vrai qu'en Europe de l'Ouest et dans l'Europe de la communauté, il y aura, avec les deux pays ibériques, 335 000 000 de personnes. C'est vrai aussi que la conjoncture monétaire nous défavorise énormément et que nous n'avons pas avec eux les circuits traditionnels qu'on a avec les États-Unis. Malgré cela, on fait un effort pour l'Europe de l'Ouest de 38 %.

Et là, entre la France et les Pays-Bas ou la Grande-Bretagne, on n'est pas dans l'univers culturel ou politique, ce sont des marchés et, pour nous, ils ont une importance égale, ou même dans le cas de la Grande-Bretagne, plus importante à cause de l'histoire, à cause des circuits économiques. La Grande-Bretagne est un client plus important pour nous que la République française.

M. Lincoln: Je réalise tout à fait, oui. (17 h 45)

M. Landry: Alors, c'est pour cela que je mets 43 % en Amérique du Nord et 38 % en Europe de l'Ouest. Si le franc français, le deutsche mark et la livre sterling reprenaient un peu du poil de la bête et rendaient nos produits plus concurrentiels, je ne dis pas que je ne serais pas amené un jour ou l'autre à inverser les choses et à mettre un effort supplémentaire en Europe de l'Ouest.

M. Lincoln: À la suite du sommet, vous avez pris l'engagement de prolonger le mandat des conseillers économiques à cinq ans. Est-ce que vous pouvez nous dire où on se situe par rapport à cela?

Débats de l'Assemblée nationale 24 avril 1985

M. Landry: On se situe là-dedans à cette réserve près que ce que j'ai dit, c'est que nous pourrions aller jusqu'à cinq ans et on l'a déjà fait en prolongeant un certain nombre d'entre eux. S'ils sont bons, s'ils sont bien adaptés au pays où ils se trouvent, si leur rendement est acceptable, on peut aller jusqu'à cinq ans. On le faisait déjà aussi dans certains cas avant. Je pense à M. Migneault, qui était à Los Angeles et qu'on vient de ramener à New York; il a bien été là cinq ans. Pardon, c'est quatre ans.

M. Lincoln: Aujourd'hui, est-ce qu'on peut dire, par exemple, qu'il y aura peut-être un certain nombre de ces conseillers économiques qui vont choisir eux-mêmes, si les conditions s'y prêtent? Je pense que c'était cela que vous citiez, lorsque les conditions se prêtent à cela. Je pense que c'était cela, lorsque les conditions le permettent. Si le délégué économique lui-même fait du bon travail et qu'il est désireux de rester en poste, est-ce que c'est la politique du ministère de le garder là jusqu'à cinq ans?

M. Landry: De plus en plus, ils vont être cinq ans en poste alors que, pour les diplomates, en général, la règle c'est trois ans; pour les délégués économiques, cela va être plutôt cinq ans.

Le financement des exportations

M. Lincoln: Est-ce qu'on pourrait vous poser quelques questions sur le financement des exportations, parce c'est par rapport aux priorités à la page 25? Vous avez dit qu'un certain nombre de moyens, d'outils financiers et techniques permettant de mieux appuyer les efforts de pénétration du marché de nos entreprises font l'objet d'une évaluation et que certains d'entre eux seront mis en oeuvre au cours de l'année prochaine. Quant à la société de financement des exportations, j'aurais voulu vous demander, d'abord, où se trouve le projet, parce qu'il y a eu différentes déclarations qui ont été faites par votre ministère et vous-même, où vous avez dit: On est presque prêt à embarquer dedans. Je ne sais pas si vous parliez de jours ou de mois à venir. H y a certaines déclarations qui semblaient dire que c'était presque imminent. Est-ce que vous pourriez nous dire où on se trouve avec cela? Où est-ce que vous en êtes avec vos consultations, vos études et quel est l'échéancier? Est-ce que vous allez de l'avant avec une société de financement à l'exportation?

M. Landry: D'abord, vous connaissez la doctrine du ministère en cette matière et la doctrine du ministre. On pense que nos moyens d'intervention, qui ne sont pas négligeables et qui n'ont pas mal marché, sont devenus, eu égard à l'augmentation de notre commerce extérieur et à l'augmentation du nombre de firmes impliquées, insuffisants, surtout si on tient compte d'une nouvelle dimension du commerce mondial qui n'est pas la dimension la plus sympathique - mais ce n'est pas le Québec qui donne le "trend", comme on dit -qui est cette dimension des accords de compensation du troc.

Si on pense au fait que nous sommes totalement dépourvus, autant dans le secteur public que dans le secteur privé, d'un bon instrument pour répondre à notre clientèle qui veut faire du troc, nous allons être obligés de modifier nos structures d'intervention d'appuis financiers aux exportations et ce que nous mettons de l'avant au ministère du Commerce extérieur, c'est un réaménagement des forces en utilisant une partie des ressources de la SDI-Exportation, une partie des ressources du commerce extérieur pour donner naissance à la Société québécoise d'exportation.

Comme c'est une chose qui n'allait pas de soi, comme souvent les idées nouvelles, on a entrepris une série de consultations. Au début, les gens du secteur privé avaient compris qu'il s'agissait de mettre sur pied une nouvelle société d'État. Alors, sans autre forme de procès, ils ont fait quelques déclarations adverses. Quand ils ont compris qu'il ne s'agissait pas de cela, mais qu'il s'agissait d'un réaménagement des personnels, des moyens et des effectifs, et surtout quand ils ont eu des problèmes de troc et qu'ils se sont rendu compte qu'aucune entreprise privée ne pouvait les leur régler, le vent a tourné. Le Conseil du patronat, je crois, avait alors fait une déclaration plutôt négative - j'espère que je ne me trompe pas avec la chambre de commerce; c'est bien la chambre de commerce plutôt - au début. Après explications plutôt positives et un certain nombre de déclarations de milieux d'affaires, on voudrait même qu'on en fasse une société mixte dans laquelle ils pourraient prendre des intérêts.

C'est donc là qu'en est le dossier. Nos consultations continuent. On a un projet de mémoire qui serait presque en forme pour aller au Conseil des ministres. On va faire les travaux ultimes dans les mois qui viennent et si on doit passer à l'action, si on a un consensus suffisant, on le ferait à l'automne. Parce que cela va aussi demander des aménagements législatifs et je ne pense pas que, d'ici au 21 juin, on soit en mesure de déposer quoi que ce soit de bien préparé.

M. Lincoln: Est-ce que vous songez à une commission parlementaire pour écouter les intervenants avant de...

M. Landry: Ce n'est pas du tout exclu comme hypothèse. En tout cas, il y aura

sûrement une commission parlementaire passionnante sur le projet de loi lui-même, article par article. Ce serait hautement souhaitable et ce serait probablement souhaitable aussi d'entendre des intervenants.

M. Lincoln: C'est dans ce sens que je vous demandais cela.

M. Landry: On verra, à l'époque, en accord avec les leaders parlementaires, mais je peux dire dès maintenant qu'en principe c'est la façon dont on devrait procéder.

M. Lincoln: Je pense que je vous avais posé une question en Chambre et ce n'est certainement pas la façon, on n'a pas le temps d'avoir des réponses prédéfinies, mais peut-être pourriez-vous me dire si cela implique qu'une partie de la SDI-Exportation va être prise par la nouvelle société et sera sous l'égide du ministère du Commerce extérieur?

M. Landry: Oui, c'est exactement ce que cela implique quand je parie de réaménagement. J'ai été réticent depuis le début - les chiffres le montrent d'ailleurs -à me lancer dans des embauches de fonctionnaires à n'en plus finir. On a aimé mieux avoir des équipes plus légères, plus productives et on n'entend pas, au ministère du Commerce extérieur, préconiser des formules qui dérogent de cette philosophie. Par conséquent, nous allons employer des ressources disponibles à l'intérieur du secteur public présentement, donc ce qui se trouve à la SDI-Exportation. Sous réserve, évidemment, qu'on ait un bon consensus et qu'on soit bien appuyés par le milieu d'affaires qui a parlé de participation au capital-actions. Alors, à ce moment-là, cela ne pourra plus être la SDI qui, elle, est possédée à 100 % par l'État.

M. Lincoln: L'élément du consensus par rapport au ministère de l'Industrie et du Commerce, est-ce que cette étape est déjà franchie?

M. Landry: Le ministère de l'Industrie et du Commerce, comme tous les ministères du gouvernement, s'ajuste aux meilleures formules requises par la clientèle. Le jour où s'est ajustée la clientèle et, comme je vous l'ai dit, quand le vent a tourné - c'est un peu comme l'attitude de votre chef sur l'ouverture avec les Etats-Unis - il y a des gens qui ont pris le train en marche, et je prévois que c'est ce qui va encore arriver. On juge les dossiers au mérite. Si M. Biron me fait une démonstration convaincante comme il l'a fait à 100 reprises depuis qu'il est membre du Conseil des ministres, je suis le premier à l'appuyer et l'inverse est également vrai.

Le Président (M. Beaumier): Ce serait seulement pour informer les membres de la commission que, si on veut terminer vers 18 heures, on pourrait peut-être conclure, parce qu'il faudrait aussi procéder à l'adoption des crédits.

M. Lincoln: Oui. Je vais conclure le plus tôt possible. Mais cela ne prend que quelques secondes pour adopter les crédits, ce n'est pas tellement compliqué!

Le Président (M. Beaumier): C'est cela, si nous le voulons, mais il ne faudrait pas trop dépasser 18 heures, parce que cela entraîne des coûts aussi.

M. Lincoln: Je vois que notre chef vous préoccupe, M. le ministre, c'est bon signe, c'est de bon augure pour nous. En tout cas, revenons à la société des exportations, qui est le sujet du moment. Est-ce que vous pourriez nous parler de la coordination que vous entendez faire avec la SEE? Par exemple, le dernier rapport qui a été émis sur le financement des exportations par le fédéral citait ce dédoublement qu'il regrette des financements provinciaux et, en fait, on y parle du Québec plus spécifiquement.

M. Landry: Je dois d'abord dire que nous parlons déjà régulièrement à la Société d'expansion des exportations. Je pourrais dire que, quotidiennement, au niveau des fonctionnaires, ils sont en contact.

Alors, on a un bon modus vivendi, une complémentarité. Ce qui m'amène à vous redire en une phrase une doctrine qui, pour nous, est fondamentale: Les mécanismes québécois sont complémentaires aux mécanismes fédéraux. Nous avons, à moult reprises, procédé par addition des avantages au profit des PME québécoises. Toute proposition fédérale - notre collègue, M. Kelleher, le sait, les fonctionnaires fédéraux le savent -qui viserait à homogénéiser l'intervention de l'État, de Halifax à Vancouver, en matière de soutien aux exportations, recevra, de la part du Québec, une fin de non-recevoir. Il se peut qu'il y ait des aménagements. Par exemple, le ministre de l'Industrie et du Commerce du Québec discute avec son homologue fédéral pour le transfert de la gestion de certains programmes à Québec; très bien, on pourrait faire cela. Sans addition d'effectifs et de moyens spectaculaires, on pourrait administrer probablement nous-mêmes une partie des programmes fédéraux qui s'adressent à la PME, mais jamais nous n'entrerons dans la philosophie de l'homogénéisation des programmes, c'est le contraire de ce qu'on fait avec succès depuis trois ans. C'est bien cela, notre doctrine.

M. Lincoln: M. le ministre, malheureu-

sèment, il faudra terminer à 18 heures. C'est très regrettable parce que j'avais d'autres questions à vous poser. J'aurais voulu, peut-être très brièvement, vous demander où on se situe par rapport à SEREQ, j'avais plusieurs questions sur ce sujet. Quelle va être l'implication du ministre du Commerce extérieur par rapport à SEREQ? Je voulais aussi vous poser des questions sur deux ou trois études, où on en est. Mais peut-être que je pourrai les poser au sous-ministre après, par téléphone.

M. Landry: Oui.

La SEREQ

M. Lincoln: Mais peut-être que vous pourriez nous parler, brièvement, de SEREQ.

M. Landry: D'accord. Je pense que le député reconnaîtra que, lorsqu'il s'adresse au ministère du Commerce extérieur à quelque moment de l'année, commission ou pas, il reçoit les informations...

M. Lincoln: Oui, oui.

M. Landry:... qu'il demande...

M. Lincoln: Je n'ai pas à me plaindre du tout de ce côté.

M. Landry:... et on va continuer à faire cela.

Pour SEREQ, c'est vrai qu'on n'a pas beaucoup de temps, mais même si on en avait plus, je ne vous en parlerais pas beaucoup; je vais vous dire pourquoi. C'est que la SEREQ est tombée sous notre juridiction, sous bénéfice d'inventaire, le 1er avril. Alors, on est encore en train d'en examiner tous les mécanismes. On a mis une espèce de moratoire sur son action, comme dans la période d'inventaire dans le commerce, on ferme la boutique. On est en train de faire l'inventaire, de recentrer son action. On a maintenant un an et demi d'expérience à SEREQ. On a rencontré le conseil d'administration. Maintenant, la SEREQ est dans le giron du ministère du Commerce extérieur et je pourrai vous dire, dans quelques mois, qu'on va véritablement en faire.

M. Lincoln: Est-ce que SEREQ va devenir une société d'État?

M. Landry: C'est déjà une société d'État, qui était sous la tutelle du ministère de l'Éducation.

M. Lincoln: Mais qui n'avait pas de loi constitutive, n'est-ce pas?

M- Landry: Non. C'était une société...

Oui, c'est vrai, techniquement, vous avez raison. Vous m'avez pris en défaut, moi qui suis pourtant un juriste aussi. C'était une compagnie québécoise, suivant la loi québécoise, mais possédée par le gouvernement.

M. Lincoln: Oui.

M- Landry: Ce n'était donc pas techniquement une société d'État. Je ne pense pas que ce soit sous l'angle juridique qu'on aborde les choses. Cela va rester comme cela.

M. Lincoln: D'accord.

Adoption des crédits

Le Président (M. Beaumier): Merci, M. le député. Alors, est-ce que les membres de la commission adoptent le programme 1' et, comme il n'y a qu'un programme, l'ensemble des crédits du ministère du Commerce extérieur?

M. Lincoln: Adopté.

Le Président (M. Beaumier): Merci beaucoup, M. le ministre et MM. les membres de la commission...

M. Landry: Merci, M. le Président, ainsi que tous les membres de la commission.

Le Président (M. Beaumier): Alors, nous allons ajourner nos travaux sine die.

(Fin de la séance à 18 heures)

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