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Version finale

32nd Legislature, 5th Session
(October 16, 1984 au October 10, 1985)

Thursday, April 25, 1985 - Vol. 28 N° 37

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude des crédits du ministère de l'Enseignement supérieur, de la Science et de la Technologie


Journal des débats

 

(Dix heures vingt-deux minutes)

Le Président (M. Fortier): La séance est ouverte. Je rappelle que le mandat de la commission de l'économie et du travail est de procéder à l'étude des crédits du ministère de l'Enseignement supérieur, de la Science et de la Technologie, pour le secteur science et technologie, pour l'année financière 1985-1986.

On m'indique qu'il y a eu entente entre le président de la commission de l'éducation ainsi que celui de la commission de l'économie et du travail sur une répartition des programmes et des éléments de programme pour étude par ces deux commissions. Pour la commission de l'économie et du travail, les éléments de programme que nous avons à étudier sont les suivants: programme 1, éléments 1, 2 et 5; programme 2, élément 1 et programme 4, éléments 1, 2, 3, 4, et 5.

Je crois qu'il n'y a aucun remplacement, M. le secrétaire? C'est ça. Nous procédons maintenant aux déclarations liminaires. M. le ministre, s'il vous plaît.

Remarques préliminaires

Mme Dougherty: Un instant! Excusez-moi, M. le Présidentl Est-ce qu'on pourrait avoir une copie du discours du ministre?

M. Bérubé: Je n'en ai malheureusement pas. Je n'ai que mon original, en ce moment, que nous avons terminé tard dans la nuit et je n'ai malheureusement aucune copie à l'heure actuelle.

Le Président (M. Fortier): Procédez, M. le ministre.

M. Yves Bérubé

M. Bérubé: M. le Président, on pourrait intituler cet exposé très bref "L'excellence, ses enjeux et ses défis" puisque, finalement, c'est bien là le mandat qui est imparti au nouveau ministère de l'Enseignement supérieur, de la Science et de la Technologie. Je ne tenterai pas ici de séparer les interventions de ce ministère suivant qu'elles s'adressent à l'enseignement supérieur ou encore à ce qu'était l'ancien ministère de la Science et de la Technologie, dans la mesure où je pense que nous devons viser à rendre ces interventions complémentaires, à les intégrer et, en conséquence, il m'apparaît plus approprié de les traiter globalement. C'est ce que je ferai donc maintenant.

M. le Président, pour le Québec, les années quatre-vingt constituent une période d'intense remise en question avec, évidemment, toute l'insécurité que cela peut engendrer chez nos concitoyens. La crise économique dont nous sortons à peine et l'accélération des changements technologiques que nous devrons apprendre à maîtriser nous forcent à réexaminer nos priorités et nos modes d'action.

Deux préoccupations majeures animent notre société face à la mutation technologique, comme en faisaient foi les interventions lors d'un récent sommet sur l'électronique et l'informatique que nous tenions à Montréal. D'une part, le rythme des transformations économiques s'accélère et nous échappe à bien des égards. Dans ce contexte, notre tentative pour nous glisser au sein du peloton de tête des pays novateurs se heurte à des obstacles sérieux. Nous ne devons pas y voir un signe d'échec personnel. Au contraire! Même les géants de la Silicon Valley américaine en perdent leur japonais, s'il faut prêter foi au numéro du 25 février 1985 de la revue américaine Newsweek, lequel faisait état de malaises profonds chez les leaders américains dans le domaine des nouvelles technologies.

Dans cette course dont nous ne contrôlons pas le tempo, même nos entreprises les plus novatrices peuvent donc craindre de ne pas pouvoir négocier les virages. Les unes après les autres, elles se voient confrontées à la nécessité de développer de nouveaux marchés et d'obtenir l'accès à des technologies toujours plus récentes et raffinées. Pour eux, la question qui se pose est simple et brutale: Pourront-ils survivre? Pour nous, en tant que société, les questions pourraient se poser ainsi: Risquons-nous de nous retrouver parmi les sous-développés de l'univers économique de demain? Quelles conditions devons-nous créer pour favoriser l'innovation et l'entre-preneurship qui permettront d'éviter un tel sort?

D'autre part, pour l'ensemble des citoyens, les mots mêmes "d'innovation technologique", d'"entrepreneurship" engendrent un malaise et des craintes mal

dissimulées. Pour certains, il peut même sembler qu'il s'agit là d'un sombre complot qui viserait à consolider une relation de dominants-dominés entre ceux qui ont le savoir et ceux qui ne l'ont pasl Pour les adultes qui voient leur domaine d'expertise bouleversé, tout particulièrement pour les femmes qui tentent de réintégrer le marché du travail, il y a la crainte de se retrouver laissés pour compte faute des connaissances, des qualifications requises pour participer pleinement aux nouvelles façons de faire.

Devant de tels risques, devons-nous conclure qu'il faille se tenir à l'écart et laisser passer la tornade technologique en espérant qu'une lente adaptation nous permettra d'en récolter quelques retombées, tout en évitant les erreurs qu'entraînerait une trop grande précipitation? Hélas! une telle solution comporte un risque tout aussi grand et qui pourrait s'avérer encore plus coûteux socialement, si cela devait entraîner une impuissance à tenir notre place dans un monde concurrentiel où nous devons écouler à l'étranger 40 % de notre produit intérieur brut. Nous n'avons pas le choix, nous devons relever le défi. Il ne s'agit pas d'une mince tâche et nous devons être conscients des multiples obstacles qui se présentent à nous.

Ainsi, nous devons accroître notre effort de recherche tout en étant conscients que nous ne pouvons être assurés que les résultats de cette recherche seront couronnés de succès. De plus, la nature de notre structure industrielle, tantôt dirigée de l'extérieur, tantôt axée sur l'exploitation des ressources naturelles n'exigeant pas l'effort considérable de recherche et, souvent, en concurrence avec des ressources similaires sur le marché mondial, risque d'être en perte de vitesse si nous l'envisageons comme unique fer de lance de notre économie.

L'innovation et le risque s'imposent donc. Plus que jamais, notre succès en tant que société exige de chacun la pleine expression de tout son potentiel de créativité. Cela suppose un contexte social qui puise son dynamisme à même une ambiance culturelle qui encourage la curiosité intellectuelle, la rigueur scientifique, l'indépendance d'esprit et l'esprit d'entrepreneurship. Mais cela ne saurait suffire en soit. Encore faut-il pouvoir canaliser nos ressources de manière à réaliser l'approfondissement des connaissances, développer des créneaux d'expertise et favoriser la diffusion du savoir au profit de notre développement socio-économique. (10 h 30)

Pour ce faire, nous avons un autre défi à relever; en effet, demeurent omniprésentes les pressions pour diluer les énergies, morceler les ressources au nom d'une justice distributive où tous sont supposés trouver leur compte sans qu'aucun puisse donner sa pleine mesure. Trop souvent, le concept de démocratie s'avère synonyme d'une uniformité rébarbative au concept même d'excellence. Le défi est d'autant plus formidable que la restriction des ressources ne peut que rendre plus difficiles les choix qu'impose une répartition plus sélective.

Pourtant, comme nous le rappelait récemment le numéro de l'été 1984 du journal de l'American Planning Association -qui tenait d'ailleurs son congrès à Montréal il y a à peine deux jours - seuls de vigoureux pôles d'excellence académique peuvent servir d'ancrage au développement d'entreprises de haute technologie. Des entreprises conscientes de la richesse intellectuelle du milieu académique, des institutions d'enseignement ouvertes a leur milieu, des mécanismes d'interaction entre les intervenants, le tout complété par des mécanismes simples de financement du capital de risque, semblent ensuite constituer les principaux moyens que privilégient la plupart des États américains dans leur course à l'innovation. Nous devons tenir compte de leur expérience en l'adaptant à notre réalité.

Tels sont donc les enjeux. Examinons comment, à travers ces crédits budgétaires, le nouveau ministère de l'Enseignement supérieur, de la Science et de la Technologie entend y répondre.

Le développement d'un milieu ambiant qui favorise l'absorption et la diffusion de valeurs culturelles et la vulgarisation des connaissances essentielles en cette fin du XXe siècle est une mission que se partagent plusieurs ministères. En effet, la culture n'est pas le fait de la poursuite d'un seul domaine de connaissance au détriment de tous les autres. C'est donc en collaboration avec les intervenants des autres ministères sectoriels, et plus particulièrement le ministère des Affaires culturelles, qu'il faut situer les actions du ministère de l'Enseignement supérieur, de la Science et de la Technologie dans le domaine de la culture scientifique et technique et de la culture en général.

L'appropriation collective de la réalité scientifique prend bien des formes. Nous nous impliquons donc dans tout un réseau d'activités de vulgarisation scientifique. C'est ainsi que mon ministère continue d'assurer la tenue d'un concours de journalisme scientifique pour encourager les vulgarisateurs de la science. C'est ainsi qu'il organise les prix du Québec en science pour reconnaître les mérites des hommes et des femmes de science et qu'il met en oeuvre un programme de soutien aux projets innovateurs des organismes sans but lucratif voués à la diffusion de la science et de la technologie, plus particulièrement dans le monde du loisir scientifique où on retrouve au Québec plus de 60 000 membres actifs. 11 y a également lieu de soutenir les

activités d'information scientifique et technique émanant des milieux de recherche eux-mêmes, comme nous le faisons pour la revue Interface, de l'ACFAS. Une large interaction entre les milieux de la recherche, du développement technologique et la population nous apparaît nécessaire à la promotion d'une culture de l'innovation.

L'implantation de la Maison des sciences et de la technologie constituera un élément important de notre politique de promotion et de diffusion de la culture scientifique. D'ailleurs, lors d'une récente tournée en Californie et au Mexique, j'ai pu vérifier la justesse des orientations qui ont été retenues pour la Maison des sciences et de la technologie dont l'emplacement prévu à l'île Sainte-Hélène m'apparaît aujourd'hui bien fondé et bien adapté à la mission d'un tel organisme. En effet, l'ensemble des directeurs de centres similaires que nous avons rencontrés s'accordaient pour décrire leur clientèle comme étant essentiellement constituée de personnes qui organisaient leur visite à la suite d'une décision planifiée et y passaient en moyenne plus de trois heures par visite. L'intégration du site au centre-ville ne représentait pas un élément d'incitation et pouvait même nuire à sa fréquentation en raison de difficultés de stationnement qui auraient pu se présenter dans une telle situation.

Dans ce contexte d'un milieu ambiant ouvert à l'acquisition de tout ce que l'esprit humain a su développer de meilleur, nous pouvons, à ce moment-ci, situer le coeur de l'action du ministère, soit la consolidation d'un réseau d'enseignement supérieur où domine la volonté d'excellence.

Parlons d'abord de cette opposition entre ce que j'appellerais l'excellence et l'accessibilité. L'accessibilité aux études supérieures a constitué un choix volontariste de notre société, choix que nous continuons d'assumer. Cet objectif a d'ailleurs été réalisé avec succès, puisque nous avons maintenant un taux d'accès de 54 % au niveau collégial et de 25 % à l'université. Devant un tel succès, le temps approche sans doute où il faudra s'interroger quant à l'objectif ultime d'accessibilité et, surtout, sa modulation en fonction de nos besoins socio-économiques. L'importance accordée, cependant, à l'accessibilité demeure évidente dans le budget de 1985 lorsqu'on examine quelques-uns des choix posés: par exemple, un financement qui incite toujours au recrutement de clientèles additionnelles; également, le gel des frais de scolarité avec octroi aux universités d'un montant compensatoire, de manière à ne pas les pénaliser pour l'application d'une telle politique. Rappelons aussi notre programme d'aide financière, qui est le plus généreux au Canada, qui touche, en fait, près de 50 % de tous les étudiants inscrits aux niveaux collégial et universitaire, ce qui représente une injection de fonds de 275 000 000 $ en 1985-1986, et qui a vu son enveloppe croître de près de 340 % depuis 1976, contre une inflation moyenne de 75 % pour la même période. Ceci indique à quel point le gouvernement a véritablement voulu mettre l'accent sur l'accessibilité.

Enfin, soulignons que l'autonomie quasi complète des universités dans l'aménagement de leurs ressources et les services offerts constitue un autre élément dans ce choix de l'accessibilité, puisqu'elle permet à ces dernières de chercher à répondre à peu près à n'importe quel besoin dans à peu près n'importe quelle circonstance.

Parlons maintenant de la qualité générale de ce système. En effet, dans la mesure où l'acquis de l'accessibilité est bien en main, nous devons attaquer un défi moins facilement quantifiable, mais non moins essentiel, celui de la qualité générale de notre système. Par exemple, au niveau collégial, cela suppose la mise à jour, l'implantation continue de nouveaux programmes, de manière à maintenir l'adéquation de la formation aux besoins du marché de l'emploi et aux attentes des étudiants. Nous continuerons à injecter, cette année, près de 4 500 000 $ à cet égard. Également, il nous faut acquérir de nouveaux équipements pour nos institutions collégiales; " c'est près de 8 600 000 $ que nous injecterons en mécanique, technologie minérale, communication graphique, travaux publics. Ces mesures vont rejoindre tout près de 17 collèges et près de 4000 étudiants oeuvrant dans les secteurs de pointe. Je vous souligne que cela s'ajoute à 8 000 000 $ consacrés en 1984-1985 à l'achat d'équipements en électrotechnique et en fabrication mécanique.

Mais, la qualité des équipements de formation n'a véritablement de valeur qu'à la condition que soient consentis aussi des efforts pour la mise à jour de la formation des enseignants, à cet égard. Par exemple, pour atteindre un objectif de perfectionnement continu, les collèges reçoivent une somme de l'ordre de 1 034 000 $ cette année; à cela, il faut ajouter 500 000 $ pour des stages en entreprises; s'y ajoute, également, le recyclage d'enseignants en disponibilité, à l'heure actuelle, qui sont formés dans des disciplines pour lesquelles il existe présentement des problèmes de recrutement.

Toutes ces mesures doivent être soumises, également, à une démarche évaluative rigoureuse si nous voulons maintenir le haut standard de qualité. Aussi, cette année, nous maintiendrons notre programme de subventions à cet effet. Et, dans la foulée du document gouvernemental "L'évaluation dans le système éducatif" et des avis du Conseil des collèges, le ministère

entend développer et mettre en oeuvre avec ses partenaires une seconde phase d'évaluation systémique de notre système collégial.

Au niveau universitaire, la poursuite de l'objectif de qualité implique un certain nombre de décisions. Ainsi, nous devons améliorer les règles de financement de nos institutions universitaires. Lors de la commission parlementaire sur le financement des universités, en octobre 1984, nous avions pu établir qu'à la suite des compressions imposées au réseau universitaire le coût par étudiant, qui était en 1980-1981 supérieur de 12 % à celui de l'Ontario, était, en 1984-1985, inférieur de 5 % et que, à ce moment-là, nous avions atteint un seuil qu'il était difficile de dépasser sans compromettre la qualité de l'enseignement dans le réseau universitaire. C'est pour cette raison que nous décidions d'injecter 36 700 000 $ additionnels pour les clientèles de 1984-1985; en d'autres termes, nous venons d'injecter ces 36 700 000 $ pour couvrir les clientèles inscrites en 1984-1985. C'est donc un ajustement pour les clientèles - ajustement que l'on pourrait qualifier quasi de rétroactif - afin de combler l'essentiel de la différence entre le coût unitaire par étudiant au Québec et celui en Ontario. L'injection de ce montant devrait permettre l'engagement de professeurs additionnels et l'amélioration des infrastructures de fonctionnement de l'université, entre autres.

Une décision plus importante encore nous a amenés à choisir de financer au coût réel les clientèles inscrites à l'université afin, en particulier, de favoriser le développement des études de deuxième et de troisième cycle. En effet, les règles budgétaires existantes agissaient en quelque sorte comme un "désincitatif" au développement des études avancées qui sont forcément plus coûteuses que les programmes tels les certificats de premier cycle et, en finançant sur la base de coûts moyens, un tel financement pouvait agir comme barrière à l'excellence et au développement des études avancées.

Il nous faut également assurer l'infrastructure de base en mettant un terme à l'effort de réduction des coûts que nous avions exigé des universités, dans la mesure où nous étions en mesure d'affirmer que les sommes additionnelles injectées dans le réseau éducatif québécois ne se traduisaient pas nécessairement en amélioration de la qualité générale, en amélioration de l'accessibilité générale et que, en conséquence, il n'y avait pas de justification à injecter plus de ressources que nos voisins pour obtenir un résultat, somme toute, similaire.

Toutefois, dans la mesure où notre niveau de financement devenait comparable, il était normal que nous ne voulions plus imposer d'efforts additionnels au réseau universitaire. Donc, pour ce faire, aucune compression budgétaire ne sera imposée au réseau universitaire en 1985-1986. La compression de 18 500 000 $ qui était initialement prévue au plan triennal a été annulée. De plus, l'enveloppe de subventions comprend les sommes nécessaires à la pleine indexation de toutes les dépenses, ce qui équivaut aussi à la suppression d'une compression additionnelle de 7 500 000 $ qui aurait dû s'appliquer au réseau universitaire, comme elle s'applique, d'ailleurs, à l'ensemble des dépenses assumées par le gouvernement.

En fait, également, nous devons poursuivre le financement des équipements universitaires, de manière à améliorer la situation générale de l'enseignement, particulièrement au premier cycle. Une somme de 13 000 000 $ sera affectée à l'acquisition et au remplacement d'appareillages dont 5 000 000 $ pour le financement des équipements scientifiques reliés au virage technologique, 4 200 000 $ pour l'achat de micro-ordinateurs à des fins d'enseignement, 3 800 000 $ pour l'augmentation des équipements nécessaires à l'accueil de clientèles additionnelles.

Je dois maintenant, au-delà de la question simple du financement de nos institutions, discuter d'un problème plus général, soit celui de la spécialisation des institutions.

Contrairement à la société américaine qui a choisi de répartir inégalement les ressources entre ses universités et où l'effort de recherche se retrouve concentré dans 11 % de ses universités, le Québec a plutôt choisi la voie d'un accès démocratique à un système dont la qualité visée demeure uniforme. Comment, en ce cas, relever la concurrence que nous ferons des institutions étrangères qui, elles, concentrent leurs ressources de manière à percer? Ce défi prendra d'autant plus d'importance que l'activité devient plus difficile à normaliser et fait appel au dépassement individuel, seul véritable moteur de l'excellence. En fait, cette option de la qualité un peu exceptionnelle peut être réconciliée à la condition expresse, cependant, que l'on vise l'émergence de créneaux d'excellence bien indentifiés au sein de nos universités.

Pour atteindre ce but, nous devrons procéder à des concentrations de nos ressources humaines et matérielles là où se trouvent nos points forts, mais - et j'insiste ici - tout en favorisant une répartition propice au développement des différentes régions du Québec et à l'équilibre entre les éléments que constitue une société complexe.

Par exemple, il est tout à fait souhaitable que l'émergence des créneaux tienne compte des vocations économiques particulières de nos régions. Cela facilitera

l'interaction naturelle entre les équipes de recherches universitaires et les entreprises directement intéressées par les retombées possibles de leur travail. (10 h 45)

L'émergence et le développement de créneaux d'excellence impliquent cependant nécessairement que le financement de la recherche doive favoriser les équipes les plus performantes. Dans ce but, le gouvernement du Québec promulguait à la fin de 1984 la création du Fonds pour la formation de chercheurs et l'aide à la recherche en vertu de la Loi favorisant le développement scientifique et technologique du Québec. Par la même occasion, il nommait les membres du conseil d'administration du fonds. Ce dernier, dont la mission est de promouvoir et d'aider financièrement la recherche, en particulier mais non exclusivement universitaire, dispose d'un budget de près de 30 000 000 $ cette année. Dès sa création, j'ai invité les responsables du fonds à préparer le premier plan triennal de ses activités dans une perspective de promotion de l'excellence en matière de recherche, de manière à inciter les équipes de recherche et les chercheurs du Québec à atteindre des standards de performance de très haut niveau.

Je pense que, contrairement a certaines habitudes passées, il faudra désormais se garder de la tentation du morcellement qui découle presque toujours de notre incapacité maladive à effectuer des choix.

La recherche de l'excellence implique aussi que les universités poursuivent les travaux entrepris depuis quelques années en regard de la rationalisation des programmes d'enseignement menée en concertation avec le Conseil des universités dans le cadre des évaluations sectorielles. Au cours de cette opération, les universités ne devraient pas hésiter à fermer les programmes qui constituent des dédoublements inutiles entre les universités.

La collaboration interuniversitaire constitue une autre formule à privilégier pour favoriser la constitution de pôles d'excellence. À titre d'exemple, je voudrais mentionner le Centre de recherche informatique de Montréal, issu d'une collaboration interuniversitaire fort opportune en matière de recherche. Cinq établissements, l'Université Concordia, l'Université de Montréal, l'Université McGill, l'École polytechnique et l'Université du Québec à Montréal, se sont regroupés pour effectuer des recherches en commun dans le domaine de l'informatique.

Le ministère de l'Enseignement supérieur, de la Science et de la Technologie a accordé une subvention de démarrage de 500 000 $ pour deux ans à ce centre. Également, le ministère a retenu ce centre dans le cadre du programme particulier de subventions que le gouvernement fédéral avait mis à l'intention d'équipes de recherche au Canada. D'ailleurs, l'une de ces subventions a porté dans le cadre des actions structurantes sur l'équipe en télématique et l'autre, sur l'équipe oeuvrant dans le domaine de circuits fiables à très haute échelle dans le domaine de la micro-électronique.

À l'ensemble de ces mesures s'ajoute le programme d'actions structurantes pour le soutien d'équipes de recherche lié au virage technologique. Le 4 avril dernier, j'ai eu le plaisir de présenter à la presse la quintessence de la recherche universitaire au Québec, c'est-à-dire les responsables des douze premières équipes retenues dans le cadre de ce programme pour la première année de fonctionnement.

D'ici le mois d'octobre prochain, quinze nouvelles équipes viendront s'ajouter aux douze premières. Ce programme vise en particulier à consolider des éléments de recherche existants et à favoriser l'encadrement de secteurs de recherche en émergence en soutenant des groupes de recherche suffisamment larges et structurés dans les secteurs reliés au virage technologique de près ou de loin, soit ta biotechnologie, l'informatique, l'électronique, l'énergie, le transport, les mines, l'agro-alimentaire, les pâtes et papiers, etc.

Ce programme va permettre la création de 40 équipes de recherche sur une période de trois ans. En 1985-1986, il y a 7 200 000 $ qui seront consacrés aux dépenses de personnel et 2 000 000 $ aux équipements scientifiques dans le cadre de ces équipes.

En fait, cet effort additionnel pour favoriser le développement de la recherche dans les secteurs prioritaires s'explique, se justifie fort bien si nous prenons en compte la pénurie actuelle observée de doctorats au Québec dans le domaine des sciences et du génie et des mathématiques.

En effet, si nous voulons accroître notre taux actuel qui est de 1, 94 doctorat en science par 100 000 habitants pour le porter à 4, 18, soit le niveau ontarien, nous devons obtenir chaque année 145 diplômés de plus au niveau doctoral. Considérant que la durée moyenne des études est de l'ordre de quatre ans, cela implique des inscriptions additionnelles, dans le domaine d'études doctorales, de l'ordre de 600 étudiants. Or, c'est justement là ce que prévoit injecter le programme d'actions structurantes pour le développement de la recherche universitaire. Donc, d'ici à deux ans, nous devrions avoir atteint cet objectif.

Je voudrais ici dire un seul mot de l'importance de l'effort de recherche dans le domaine universitaire consenti par le Québec. En fait, si l'on devait se fier aux données que nous fournissait le ministre fédéral des Sciences et de la Technologie, il y a

quelques mois, lors d'une conférence des ministres de la Science et de la Technologie à Calgary, on tirerait la conclusion - et je crois qu'il n'y a pas de raison de mettre en doute ces chiffres - que le Québec consacre 0, 28 % de son produit intérieur brut à la recherche universitaire. Sur la même base des données fédérales, le Canada se situe à 0, 23 %. Il faut donc dire que, dans la mesure où le Québec " entraîne le Canada vers le haut, la moyenne, en général, dans les autres provinces est même en deçà de 0, 23 %.

Si on devait comparer, d'ailleurs, ce chiffre à l'effort que l'on observe au sein des quatre plus grandes puissances du monde occidental - on pense au Japon, aux États-Unis, à la France, à l'Allemagne - l'effort consenti par ces pays à la recherche universitaire est de 0, 34 % du produit intérieur brut. Nous ne sommes donc pas loin.

De plus, si nous prenons en compte l'effort additionnel que nous consacrons à l'heure actuelle dans le cadre, par exemple, de l'implantation des 40 équipes de recherche en milieu universitaire, dans l'implantation de 6 centres de recherche conjoints dont je parlerai plus tard, normalement, notre effort consacré à la recherche universitaire devrait atteindre environ 0, 32 % du produit intérieur brut, ce qui nous situe très très près de l'effort observé ailleurs dans le monde et bien en avance sur l'effort généralement consacré au Canada.

Mais la société ne peut accepter de consacrer un effort aussi grand au développement de l'excellence, de la recherche scientifique au sein de nos universités sans, en même temps, manifester des exigences additionnelles face au réseau universitaire. En effet, nos universités pouvaient autrefois se cantonner à un double rôle traditionnel, soit celui du développement des connaissances assorti à celui de la diffusion des connaissances auprès des générations montantes. Aujourd'hui, il est clair que le bassin d'expertises concentré au sein de nos universités doit rayonner plus directement dans le milieu. En fait, le savoir auquel nos universités ont accès et qu'elles génèrent doit pouvoir être mis plus rapidement, plus efficacement et plus constamment à la disposition de la société en général.

Ce rayonnement, par exemple, doit viser au départ un objectif de formation permanente. En effet, la mutation très rapide de notre structure industrielle entraîne nécessairement que beaucoup de nos concitoyens doivent, de façon permanente, réajuster leur niveau de connaissances. Le réseau collégial et universitaire doit permettre un tel apprentissage continu et ouvert. La demande à cet égard, d'ailleurs, est en croissance. En 1984-1985, l'inscription des adultes au niveau collégial a crû de 3 % par rapport à l'année précédente, portant le nombre de ces adultes inscrits à 16 500.

Je dois souligner - et c'était une des raisons principales pour lesquelles le gouvernement n'a pas voulu s'engager dans le concept d'un office d'éducation des adultes -qu'il faut réaliser que la contribution financière du gouvernement québécois à l'égard de l'éducation des adultes atteint tout près de 550 000 000 $ à l'intérieur des commissions scolaires, des cégeps et des universités et que, par conséquent, il faut reconnaître que nos institutions traditionnelles doivent assumer la part la plus importante de la formation des adultes, de la formation permanente que nous voulons voir instaurer ici au Québec.

À la suite de la rencontre nationale de concertation sur l'éducation des adultes, en avril 1984, le ministère poursuivra donc, en 1985-1986, les travaux engagés dans les domaines suivants: la reconnaissance des acquis, la formation à distance, l'accueil, la référence et la formation professionnelle. Mais ce rayonnement de nos institutions au sein de la société doit non seulement viser le réajustement constant de la formation de ceux qui oeuvrent au sein de l'économie, mais également viser à assurer un transfert continu des connaissances vers les entreprises et toutes les autres institutions sociales de la société. L'apport du réseau collégial à ce niveau doit être signalé. Notre réseau est constitué de 46 établissements, comptant plus de 10 000 enseignants. Il détient des expertises particulières en matière de technologie. Il est très largement disséminé dans tout le territoire. Il a donc une mission à remplir face au milieu, face aux petites et aux moyennes entreprises, entre autres.

Dans ce contexte, la mise sur pied de centres spécialisés, en association avec le secteur de l'enseignement professionnel en particulier, peut constituer un important levier de développement de nos institutions collégiales. En fait, la gestion, l'organisation de ces centres spécialisés repose sur des comités spéciaux où l'on retrouve des représentants de l'industrie, des représentants du milieu en général et des représentants du collège. Partant de la mission première de formation au collège, notre collège peut, ce moment-là, s'engager dans des activités additionnelles de recherche directement appliquées à des problèmes bien concrets des entreprises, peut s'engager dans de l'aide technique aux entreprises, dans de l'animation auprès de ces entreprises de manière à servir de centres de diffusion de la connaissance au sein du milieu.

En fait, l'implantation de ces centres spécialisés se poursuit depuis 1983-1984. Nous avions annoncé six centres, en systèmes ordiniques, en technologie physique, meubles et bois ouvré, textiles, mode et vêtements.

En 1984-1985, trois centres s'y ajoutent: robotique, production automatisée, technologie minière. En 1985-1986, on injectera trois nouveaux centres et j'avais le plaisir d'annoncer tout récemment à Trois-Rivières la création du centre spécialisé en métallurgie.

Mais il convient aussi de parler des centres créés par le ministère de l'Enseignement supérieur, de la Science et de la Technologie en vue de rapprocher les universités et les entreprises. La vocation de ces six centres que nous voulons mettre en place est de favoriser la recherche et le développement dans des secteurs prioritaires en faisant appel à une concertation et aux capacités diverses de recherche des intervenants dans le milieu, soit les intervenants industriels, universitaires et collégiaux. Le premier de ces centres, le Centre québécois d'informatisation de la production, a pour mission de diffuser les nouvelles technologies de la conception et de la fabrication assistées par ordinateur au sein des entreprises québécoises. Son conseil d'administration est en voie de préparer sa programmation triennale, que nous devrions approuver normalement au cours des prochaines semaines, et le centre devrait être en opération vers juin prochain. Quant au Centre de recherche sur les applications pédagogiques de l'ordinateur et au Centre de recherche sur la valorisation de la biomasse, leurs lettres patentes seront émises d'ici à quelques semaines et ils pourront être lancés avant l'été. Pour ce qui est du Centre de recherche sur la technologie de l'électrochimie, Hydro-Québec a pris la décision d'en prendre en charge la constitution et la direction, avec l'appui de mon ministère. Précédent intéressant, je le souligne, des discussions sont présentement en cours pour loger dans ce centre des équipes de recherche du Centre national de recherche du Canada, équipes dont les travaux sont complémentaires à ceux du centre. (11 heures)

Enfin, à la suite du consensus dégagé il y a une quinzaine de jours lors de la conférence sur l'électronique et Pinfor-matique, il est maintenant arrêté qu'un centre de recherche sur les technologies informatiques verra bientôt le jour à Montréal avec la participation financière de tous les intervenants intéressés. De même, il a été convenu que le projet d'un centre de recherche sur la bureautique soit axé autour de l'expérimentation d'un projet pilote. Ce centre sera mis sur pied à Québec.

Je crois qu'il importe de mentionner, par ailleurs, que des négociations, qu'il y a tout lieu d'espérer fructueuses, ont été engagées avec mon collègue du gouvernement fédéral, le ministre d'État chargé des Sciences et de la Technologie, pour que le centre fédéral de recherché en optique, dont l'implantation est également prévue dans la région de Québec, soit modifié dans sa conception de manière à faire l'objet d'une direction mixte regroupant des représentants des industries, des représentants des gouvernements, de manière à ouvrir ce centre sur la communauté plutôt que d'en faire un centre strictement gouvernemental.

Mais tout effort de rapprochement des intervenants ne peut s'envisager si nous ne multiplions pas les occasions d'échanges, si nous ne réussissons pas à insérer au sein des entreprises, par exemple, des femmes et des hommes qui ont à coeur de favoriser les échanges. Dans le cadre des mesures du plan d'action gouvernemental AGIR, que nous rendions public en novembre dernier, trois programmes visant à provoquer ce rapprochement entre les entreprises et nos institutions ont été mis en place. Je vous souligne le programme de soutien à l'emploi scientifique qui s'adresse aux entreprises de moins de 500 employés. Il vise à doubler, en quatre ans, le personnel scientifique de ces entreprises et, pour ce faire, il doit créer chaque année au moins 400 postes de scientifiques, d'ingénieurs et de techniciens. Il s'agit d'insérer, au sein de l'entreprise, des jeunes dotés d'une formation orientée vers le changement et l'innovation et, ainsi, entraîner notre industrie dans la voie de la modernisation et l'amener à s'intéresser à ce qui se passe au sein de nos institutions.

Le second programme vise le prêt de professeurs de cégep et d'université aux entreprises pour des périodes allant de trois mois à un an. En 1984-1985, environ 50 demandes ont été reçues; 44 ont été acceptées. L'objectif visé, en 1985-1986, est de porter ce total à l'équivalent de 50 personnes-année. C'est un programme de soutien au renforcement des liaisons universités-industries et de la recherche dite de transfert dont les subventions sont accordées sur concours. Ce programme s'adresse ici aux unités de recherche universitaire. En fait, cinq projets ont été retenus en 1984-1985 et le programme se poursuivra en 1985-1986. Nous voulons faire bénéficier, cette fois, cinq nouvelles équipes du programme de manière à porter à dix le nombre d'équipes de recherche universitaire bénéficiant de ce programme de trois ans.

Enfin, pour assurer un contact plus précoce avec les réalités de la vie économique et de la vie de l'entreprise, les étudiants du Québec ont pu bénéficier, en 1984-1985, pour une troisième année consécutive, d'un programme visant à encourager les entreprises à accueillir, au cours de l'été, des étudiants stagiaires de niveau universitaire ou collégial ayant une formation scientifique et technique: 529 étudiants ont effectivement pu réaliser de tels stages en 1984.

Je soulignerai, en terminant, le rôle important que peut progressivement jouer l'AQVIR dans la mise en valeur de notre potentiel de recherche au Québec. À l'oeuvre depuis un an, l'objectif de l'AQVIR est de promouvoir l'innovation technologique et de contribuer, par la fourniture de capital de risque, à valoriser la recherche à des fins industrielles. De juin à décembre 1984, l'agence a accordé des prêts et subventions à l'innovation à onze entreprises, pour un total d'environ 3 600 000 $; en fait, le coût total des projets s'élève à 8 000 000 $.

Depuis décembre 1984, le conseil d'administration a autorisé huit nouveaux financements représentant des déboursés de près de 2 000 000 $. Nous comptons engager, au cours de 1985-1986, une réflexion d'évaluation sur les actions de l'AQVIR de façon à nous assurer que, comme pourvoyeur de capital de risque, l'intervention de l'agence tende à privilégier le transfert de technologies de l'institution d'enseignement vers l'entreprise et qu'elle se tourne davantage vers la création de nouvelles entreprises de haute technologie en laissant à la Société de développement industriel le soin d'assurer le financement traditionnel gouvernemental auprès des entreprises, au besoin par une multiplication des programmes de la SDI, si cela devait être requis.

En fait, ce tour d'horizon des principaux programmes va permettre de mieux apprécier l'ampleur de la mission du nouveau ministère de l'Enseignement supérieur, de la Science et de la Technologie. Un résumé des principales composantes de cette mission permet d'identifier quatre éléments essentiels: d'abord, contribution à un milieu culturel favorisant la familiarisation avec l'ensemble des connaissances, y compris celles de nature scientifique et technique; transmission formelle de la connaissance aux nouvelles générations et son appropriation par les adultes par le biais de l'éducation permanente; identification et développement de créneaux d'excellence et d'expertise; enfin, rayonnement du savoir afin de contribuer à notre développement socio-économique et nous permettre de faire face aux transformations accélérées que nous devons assimiler et maîtriser.

Les enjeux prioritaires que nous avons identifiés ne doivent pas nous faire perdre de vue la tâche fondamentale que nous devons assumer, celle d'assurer la valorisation, l'approfondissement et le rayonnement de l'ensemble du savoir qui s'offre à notre étude. Souhaitons plutôt que l'expertise que nous développerons dans la solution des problèmes les plus urgents qui se posent à nous servira à stimuler et à alimenter la réflexion dans l'ensemble des secteurs de la connaissance que les générations précédentes ont mis à notre disposition.

Le Président (M. Fortier): Merci, M. le ministre. Vous nous avez donné ample information. Vous avez dépassé de beaucoup le temps qui vous était alloué, mais je crois que c'était utile. Cela démontre que, quand un ingénieur demeure trop longtemps en politique, il apprend à être volubile comme tout le monde. Mme la députée de Jacques-Cartier.

Mme Joan Dougherty

Mme Dougherty: Comme c'est un sujet très large, j'aimerais pouvoir dépasser mes 20 minutes moi aussi, M. le Président.

Le Président (M. Fortier): On va être aussi généreux pour vous que pour M. le ministre.

Mme Dougherty: II est maintenant largement reconnu que le monde est pris dans le tourbillon d'une révolution technologique accélérée qui marquera profondément nos vies - j'ai des copies, M. le Président, à distribuer.

Notre capacité de concurrencer au sein d'une économie mondiale en voie de transformation rapide entraînera de nouvelles demandes au niveau du savoir et des talents de tous nos citoyens et de leur facilité d'adaptation à un marché en perpétuel mouvement.

Nul besoin de se demander si nous voulons prendre part à la révolution technologique ou non. Nous faisons face à un raz de marée et, à moins de nager vigoureusement, on se noie. Notre qualité de vie, notre survie économique dépendront de la façon dont nous saurons faire face au défi. Le défi du développement scientifique et technologique qui s'impose à notre société devrait forcément impliquer tous les ministères et tous les citoyens du Québec, parce qu'au coeur du défi réside la question suivante: Comment peut-on orienter nos énergies, nos activités, nos institutions publiques, parapubliques et privées pour qu'elles puissent favoriser l'excellence? Comment peut-on favoriser et valoriser l'excellence de notre performance, l'excellence des idées, produits et services que nous offrons à notre société et au monde entier? C'est une véritable révolution des valeurs qui s'impose. C'est une révolution qui soulève de sérieuses questions sur le rôle du gouvernement face à l'individu dans notre société, sur le rôle et les objectifs de nos institutions d'enseignement, sur le rôle et l'importance du secteur privé dans notre poursuite de l'excellence, ainsi que sur les relations entre les travailleurs et les employeurs dans notre société. C'est une révolution qui demande qu'on fasse notre

possible pour libérer et maximiser notre potentiel.

De nombreux exemples justifient notre crainte quant à notre capacité de rattraper le peloton de tête. Par exemple, l'Institut national de productivité a lancé, en mars 1985, un cri d'alarme. Même si le Québec a remarquablement amélioré sa productivité, il demeure des écarts importants à combler avec l'Ontario. L'INP estime qu'en 1984 la productivité au travail est encore de 10, 9 % plus basse au Québec et que la productivité du capital est encore de 13, 5 % plus basse. De plus, l'écart de la productivité sociale entre le Québec et l'Ontario est encore plus élevé: 21, 9 %. Ce dernier chiffre signifie notamment que le Québec procure de l'emploi à 53, 6 % de sa population en âge de travailler, tandis que ce taux atteint 61, 2 % en Ontario.

Chaque jour, on lit dans les journaux les témoignages d'hommes d'affaires, de chefs d'entreprises de haute technologie, d'ingénieurs, d'hommes de science et d'investisseurs qui déplorent le haut taux de taxation directe et indirecte sur les individus, la surréglementation qui réduit la liberté d'action économique et professionnelle, la taxe sur les gains en capital qui décourage la réussite, l'intervention gouvernementale contre-productive dans le secteur privé, des lois du travail irréalistes qui empêchent les entreprises de s'ajuster aux nouvelles exigences du marché, la loi antibriseurs de grève, la menace de négociations multi-patronales, l'application trop stricte des règlements concernant la langue, l'incertitude politique qui règne au Québec. Toutes ces conditions réduisent notre capacité d'être compétitifs dans le commerce international, découragent l'esprit d'entrepreneurship et nous rendent incapables de maintenir et d'attirer la main-d'oeuvre spécialisée et les investissements dont nous avons tellement besoin.

Je cite le témoignage éloquent de M. Alain Brosseau, directeur du Centre de recherche Bell-Northern, à l'île des Soeurs, paru dans un article du Devoir et intitulé "Le Québec a peine à recruter des cerveaux". Je cite l'article: "Jamais le Québec ne pourra négocier le virage technologique sans recruter un grand nombre de spécialistes à l'étranger. II s'agit là d'une réalité inéluctable. Malheureusement, Québec persiste à attirer les mouches avec du vinaigre alors que les meilleurs chercheurs sont l'objet d'une véritable chasse à l'homme à l'échelle internationale. "Depuis la Révolution tranquille, la plupart des centres de recherches du Québec ont bâti leur renommée en bonne partie sur une main-d'oeuvre scientifique d'origine étrangère. La seule façon d'acquérir un leadership mondial dans une technologie de pointe, c'est de miser sur les meilleurs spécialistes de la planète. "Les problèmes de recrutement sont surtout aigus depuis l'arrivée au pouvoir du Parti québécois, en 1976. " Je cite l'article -indique avec une certaine gêne M. Brosseau. "Jusqu'à ce moment, notre personnel avait connu une croissance accélérée, mais, depuis, le recrutement a suffi à peine à combler les départs. Notre taux d'attrition est voisin de 33 % par année. "

Parmi les handicaps actuels auxquels il doit faire face, M. Brosseau cite la taxation provinciale, les lois sur la langue française, le déplacement général des sièges sociaux et des centres de décision vers l'Ontario et vers l'Ouest. "À l'égard de l'Ontario, c'est surtout le taux de taxation qui fait mal. Au niveau de salaires qui nous concernent (50 000 $-60 000 $ par an), les taxes sont supérieures de 25 % au Québec. " Ce sont des chiffres de 1983.

Selon M. Brosseau, "il faudrait que Québec examine de front le problème et aide davantage l'industrie à haute technologie. Il faudra aussi repenser toute la politique de financement universitaire et modifier l'orientation scolaire des jeunes, dès le niveau primaire. La matière grise est maintenant une ressource convoitée à l'échelle internationale et on ne peut plus se payer le luxe de confier nos emplois les plus productifs à des étrangers, alors que tant de Québécois, sont en chômage. " Fin de la citation. (11 h 15)

Une autre indication alarmante est la perte des cerveaux du Québec. Une analyse de la Direction des études économiques et démagographiques du ministère de l'Éducation révèle que "le Québec a perdu plus de 120 000 personnes par le biais des échanges migratoires interprovinciaux de 1976 à 1981".

Le Président (M. Fortier): Entre 1976 et 1981.

Mme Dougherty: 1976 et 1981. "La saignée est plus grave quand on considère que 71 % d'entre elles détenaient un diplôme secondaire et 32 % avaient fréquenté l'université. "

L'étude révèle que cette répartition est très différente de celle de la population québécoise en général alors qu'en 1981 73 % des Québécois âgés de 15 ans et plus n'avaient complété qu'une neuvième année et que 13, 5 % avaient terminé leurs études universitaires. La différence s'explique du fait que la plupart des emigrants sont des non-francophones et possèdent un plus haut niveau de scolarité.

Même si le rapport est encourageant en ce qu'il démontre que le niveau de scolarité entre les Québécois francophones et

anglophones, ainsi qu'entre les Québécois et les Ontariens diminue, principalement chez les jeunes Québécois, le fait inquiétant est que l'émigration des Québécois depuis ces dernières années a résulté dans la perte nette de citoyens hautement scolarisés, une perte de cerveaux très utiles que nous ne pouvons nous permettre de continuer à subir, II est à noter que les secteurs dans lesquels nous avons perdu la plupart des emplois sont précisément les secteurs les plus modernes et les plus avancés, les secteurs essentiels pour le virage technologique.

Le Parti libéral du Québec a rendu publics les résultats de ses études sur le départ des entreprises entre janvier 1976 et novembre 1982. A la fin de 1982, les départs représentent une perte cumulative de 14 061 emplois directs. La plupart de ces pertes étaient dans les secteurs de génie et d'équipement lourd, la pharmaceutique, les industries chimiques, les télécommunications et l'électronique, ainsi que dans les industries de produits alimentaires et de consommation. C'est à se demander si le gouvernement du Québec ne contribue pas davantage au développement de l'Ontario qu'à celui du Québeci

À l'égard de la recherche en milieu universitaire, les analyses révèlent une autre situation alarmante. Les études du Conseil des universités et du Conseil de la science et de la technologie révèlent une production lamentable de diplômés des deuxième et troisième cycles dans les sciences biologiques, les sciences appliquées, les sciences physiques et les mathématiques, surtout dans les universités francophones où nous traînons loin derrière l'Ontario, et même derrière la moyenne nationale canadienne. Cet écart explique en grande partie le grave sous-développement de la recherche scientifique dans nos universités francophones, documenté par le Conseil des universités.

Dans le Devoir du 12 avril 1983, Lise Bissonnette constatait que "le problème ressemble à celui de la poule et de l'oeuf; sur plus de 2000 étudiants de maîtrise et doctorat en sciences naturelles et génie, au Québec, la moitié seulement sont inscrits dans des universités de langue française. Cette sous-productivité de diplômés vient-elle de la faiblesse de l'infrastructure de recherche, ou est-elle elle-même à l'origine du maigre taux de participation québécoise à la recherche? Le résultat, de toute façon, est assez catastrophique. "

À l'égard de la recherche et du développement dans le milieu industriel, les dernières statistiques des sciences, publiées par la Division de la statistique des sciences et de la technologie de Statistique Canada, révèlent que le Québec perd du terrain face à l'Ontario. "En 1979, les industries implantées au

Québec ont en effet effectué 24, 9 % des dépenses en recherche au Canada, contre 53 % pour les entreprises de l'Ontario. En 1983, ces proportions sont passées respectivement à 22, 9 % et 60, 9 %. La domination ontarienne s'est donc beaucoup accrue. "

Pour compléter ce triste tableau, j'aimerais souligner deux constatations importantes du bilan de l'activité scientifique et technologique de la région de l'Estrie publié en novembre 1984 par le Conseil de la science et de la technologie. "Le bilan a révélé, de façon probante, le manque de contacts entre le milieu industriel régional et les institutions de recherche et d'enseignement. "Le bilan a démontré qu'un bon nombre d'entreprises ignoraient et parfois même se désintéressaient des programmes de subventions disponibles à la recherche et au développement ainsi qu'à la formation des personnels. "

On peut conclure que, malgré le discours et les initiatives du gouvernement visant à la collaboration des différents agents reliés au développement technologique de nos entreprises, nous sommes encore loin de la situation dynamique qui est essentielle si nous voulons prendre le virage technologique.

J'ai gardé pour la fin le secteur qui est peut-être le plus critique pour notre avenir à long terme. Je parle du monde de l'éducation.

Bien qu'il nous soit impossible de prédire l'avenir, nous savons qu'une des réalités sera le changement. C'est donc dire que la nature des emplois ainsi que leur disponibilité changeront constamment. Les travailleurs, à tous les niveaux de leurs métiers, devront avoir des possibilités de progresser périodiquement et, dans bien des cas, de se recycler en vue de nouveaux emplois lorsque leurs compétences deviendront désuètes.

De plus, nous avons la quasi-assurance qu'à l'avenir le niveau minimal de compétence de notre main-d'oeuvre sera accru. Il sera donc de plus en plus difficile pour ceux qui n'auront pas une éducation solide et une bonne formation dans leur métier de se trouver de l'emploi. Les groupes à plus haut risque seront les décrocheurs, les femmes s'acquittant de fonctions de niveaux inférieurs, les illettrés et les unilingues, ainsi que les employés d'âge mûr, lesquels seront de plus en plus considérés comme ayant un faible rendement dans l'évolution du marché du travail.

Et, finalement, nous pouvons être assurés que les chances d'avenir seront ouvertes à ceux qui possèdent non seulement une formation spécialisée, mais une éducation de base solide qui saura leur apporter à la fois profondeur et flexibilité. On ne peut

trop insister sur l'importance d'apprendre à lire, à écrire, à se familiariser avec les mathématiques et les sciences, ainsi que la capacité d'analyser et de résoudre des problèmes et d'exploiter des idées pour des fins utiles.

Il semble que le Québec est mal placé. J'aimerais souligner quelques faiblesses inquiétantes.

C'est par milliers que nos élèves graduent ou décrochent sans savoir vraiment lire, écrire ou bien parler. La réponse du gouvernement est de changer le système d'apprentissage de la lecture. Cependant, on sait que la majorité des élèves apprennent à lire en dépit du système. Ce sont 15 % à 20 % des élèves qui ont de la difficulté. Ceux-ci ont besoin d'un appui particulier. Néanmoins, les ressources nécessaires sont de moins en moins disponibles à cause des coupures budgétaires.

L'apprentissage d'une langue seconde n'est pas parmi les priorités du gouvernement. Cependant, il est impensable que tous les enfants du Québec ne puissent avoir la bonne fortune de bien apprendre la langue seconde pour leur enrichissement personnel, mais aussi pour fonctionner dans un contexte international. Le grand défaut des politiques linguistiques du Québec est que le gouvernement a vendu l'illusion à des multitudes de Québécois qu'ils pouvaient vivre en français seulement.

Je me pose aussi de sérieuses questions sur la faiblesse de l'éducation dans le domaine des sciences et des mathématiques. C'est une faiblesse qui n'est pas unique au Québec. Aux États-Unis et au Canada, on a constaté une détérioration grave de la qualité et de la quantité de sciences et de mathématiques enseignées dans nos écoles. Cependant, il me semble que la philosophie même qui est à la base de notre système diminue le climat d'excellence qu'on veut alimenter. L'accent sur l'égalitarisme risque de mener à la médiocrité.

Le problème est accentué par le fait que la plupart de nos enseignants ont une faible formation en sciences et en mathématiques. Un recyclage urgent s'impose à cet égard.

Pis encore, j'ai peur que le nouveau régime pédagogique n'aille institutionnaliser la médiocrité. Le régime, qui met l'accent sur l'acquisition des connaissances selon des objectifs minimaux, va jouer contre nos meilleurs étudiants, nos esprits créateurs, nos futurs leaders dans la révolution scientifique et technologique. Même si l'intention exprimée par le ministre est bonne - je parle du ministre de l'Éducation, surtout de l'ancien ministre de l'Éducation - à savoir d'augmenter les standards de fond en comble, je prévois des résultats graves pour ceux qui aspirent au défi de l'excellence.

Devant la faiblesse du nouveau programme de mathématiques au primaire, le Groupe de recherche en didactique dans les mathématiques a demandé une enquête sur l'enseignement des mathématiques au Québec. Le groupe considère que le nouveau programme est inférieur à tous ceux que le Québec a connus depuis 50 ans. Dans un article de la Presse du 25 mai 1984, il constate que "la seule chose géniale dans ce programme, c'est qu'on y fait très peu de choses en beaucoup de temps. "

La même situation existe en ce qui concerne l'éducation des adultes. Le gouvernement parle de l'importance de la formation professionnelle et du recyclage qui s'impose pour les femmes qui sont les plus touchées par la révolution micro-électronique et l'automatisation de nos entreprises. L'objectif est bon, mais est-ce qu'il est réaliste d'attendre que nos institutions aient la capacité de répondre à ces besoins, étant donné que chaque année le gouvernement coupe sévèrement le budget consacré à l'éducation permanente?

Il semble que les ministres de l'Éducation, messieurs Laurin et Bérubé, et maintenant Gendron, soient préoccupés par d'autres priorités, parce qu'au lieu de s'occuper de l'avenir de nos ressources humaines ils poursuivent à tout prix leur plan massif et largement inutile de réorganisation scolaire qui consomme les énergies de centaines de milliers de citoyens qui préféreraient s'occuper davantage de l'amélioration de la qualité de l'éducation de nos futurs citoyens.

Si la situation dans les écoles est grave, la situation au niveau universitaire est pire. Je crois que nous sommes tous d'accord que, dans une économie où les connaissances deviennent hautement prioritaires, un plus haut niveau d'éducation devient une ressource stratégique. Un plus grand financement des universités est donc critique si nous voulons mettre fin à la sérieuse érosion actuelle de leur enseignement, de leurs capacités de recherche et de bibliothèque.

Cependant, la réponse du gouvernement, au cours des cinq dernières années, est d'assujettir les universités aux coupures draconiennes et aveugles et ceci, en dépit d'une augmentation substantielle de leur clientèle. Des douzaines d'analyses faites par le Conseil des universités, ainsi que les témoignages du monde universitaire lors des récentes auditions publiques ont longuement documenté la situation désastreuse dans nos universités. (11 h 30)

Malgré les efforts extraordinaires faits par les universités afin d'absorber l'impact des coupures budgétaires, le niveau général de financement de nos universités est rendu au point où on risque de sacrifier leur mission primordiale: la poursuite de l'excellence. Pendant que le gouvernement

prêche l'importance et la nécessité d'encourager une formation plus poussée afin de rattraper notre retard sérieux dans la recherche, ce même gouvernement a continué de siphonner des millions et des millions des budgets universitaires.

Les prévisions pour l'année 1985-1986 indiquent quelques améliorations de la situation. Cependant, la faiblesse fondamentale est toujours là. Dans son rapport annuel, le Conseil des universités résume la situation comme suit: "Les effets de ces compressions financières ont d'ailleurs déjà commencé à se faire sentir: vieillissement accéléré du corps professoral ainsi qu'on l'a vu précédemment, vieillissement et, dans certains cas, obsolescence des équipements requis pour l'enseignement, diminution dramatique des achats dans les bibliothèques, etc. Tout cela augure mal pour la qualité de l'enseignement et de la recherche au cours des prochaines années. "

Je continue en citant le conseil: "En outre, depuis quelques années, les gouvernements paraissent de plus en plus enclins à lier une partie du financement des universités à la réalisation de projets spécifiques dans le but, en particulier, de les amener à effectuer les changements qu'ils estiment nécessaires. C'est le cas, par exemple, du programme d'actions structurantes, du financement des clientèles dans le secteur du virage technologique, de crédits spéciaux à l'investissement. "Sans vouloir porter de jugement sur ces actions, il faut tout de même reconnaître qu'elles sont de nature à compliquer singulièrement la tâche des gestionnaires des universités québécoises en réduisant d'autant leur manoeuvre au moment où ils sont aux prises avec la délicate opération de réajustement de leur niveau de dépenses. Tout cela suggère la nécessité pour chaque université de revoir son rôle, ses orientations, ses objectifs, de dégager les consensus nécessaires sur les moyens d'action, car, si elles n'y prennent pas garde, si elles ne s'appuient pas sur de telles réflexions menées avec ouverture et sérieux, elles risquent de voir leur développement leur échapper plus ou moins complètement. "Il faut dire à la décharge des universités que les politiques existantes, les modes de financement ne conviaient guère à la collaboration et à la consolidation. Les augmentations de clientèles constituant le principal moyen de générer de nouvelles ressources, il ne faut pas se surprendre de constater qu'elles aient utilisé tous les moyens disponibles pour attirer de nouveaux étudiants et augmenter leur part des ressources. "

M. le Président, voilà quelques faiblesses critiques dans l'infrastructure de notre système scientifique et technologique au Québec.

Vous pouvez me demander pourquoi j'insiste tellement sur l'infrastructure au lieu de parler des projets du gouvernement qui visent notre développement technologique. La raison est que je suis convaincue que nous allons manquer le bateau si le gouvernement n'adopte pas une stratégie globale et cohérente à long terme qui vise l'instauration des conditions fiscales et l'encouragement des conditions sociales, économiques et éducatives propices à libérer et maximiser le potentiel de nos citoyens. Notre développement scientifique et technologique, qui est au coeur de notre capacité d'être concurrentiel, sera compromis si le gouvernement du Québec ignore cette réalité.

À ce jour, le gouvernement du Québec a poursuivi ses objectifs politiques contradictoires et ses solutions improvisées, tout en nous encourageant à prendre le virage technologique. Au lieu de prendre à coeur ses responsabilités premières dans cette vaste entreprise, le gouvernement insiste pour greffer ses propres projets à une infrastructure qui est nettement inadéquate. Le gouvernement est tout occupé à donner un nouveau toit et à peinturer la maison, sans tenir compte de la plomberie, de la filerie et des fissures dans la fondation.

Le président pourrait me rappeler à l'ordre, étant donné que plusieurs des problèmes soulevés relèvent d'autres ministères. C'est vrai. Cependant, si vous étudiez la loi 19, elle établit clairement un mandat très large pour le ministère de la Science et de la Technologie. Par exemple, à l'article 7 de la loi, "le ministre de la Science et de la Technologie: 1° élabore et propose la politique du gouvernement en matière de science et de technologie; il en surveille l'application et en coordonne l'exécution; 3° contribue à l'harmonisation du développement scientifique et technologique avec l'ensemble des politiques de développement économique, social et culturel.

Aux fins de l'exécution de ses fonctions, l'article 8 permet plus particulièrement au ministre de "proposer au gouvernement des objectifs, des priorités et des stratégies de développement scientifique et technologique; de conseiller le gouvernement sur toute question relative aux activités scientifiques et technologiques des ministères et des organismes publics; de promouvoir l'analyse, l'évaluation et la maîtrise des incidences du développement technologique sur les personnes et la société, de soumettre ses recommandations au gouvernement sur les ressources de l'État consacrées à la science et à la technologie; de proposer au gouvernement et aux ministres concernés des mesures destinées à assurer l'adéquation des politiques et des pratiques du gouvernement et de ses ministères avec les besoins du Québec en

personnel scientifique et technique; dernièrement, de favoriser et coordonner le développement et la diffusion de l'information et de la culture scientifiques et technologiques. "

M. le Président, ces articles donnent au ministre la possibilité d'influencer le gouvernement pour améliorer l'infrastructure de notre société afin de promouvoir le développement de nos ressources humaines et d'aider nos entreprises à créer, à développer et à utiliser de nouvelles technologies.

On n'a pas besoin d'un ministre de la Science et de la Technologie qui s'occupe seulement de la création d'un programme d'emploi scientifique, d'une maison des sciences et de la distribution d'un "slush fund" pour appuyer quelques projets de recherche et de développement scientifique et technologique. Toutes ces initiatives pourraient être mises sur pied à la suite d'une collaboration entre d'autres ministères.

C'est en vue d'un large mandat accordé au ministre de la Science et de la Technologie que je pose les questions suivantes au ministre.

Le Président (M. Fortier): Mme la députée, je m'inquiète simplement de la façon dont on va procéder parce que je vois que les trois prochaines pages de votre texte, ce sont des questions. Si on veut procéder d'une façon ordonnée et comme j'imagine que, si vous posez des questions, c'est pour entendre les réponses du ministre, je me demandais si...

M. Bérubé: M. le Président, en fait, j'en doute. En général, les questions sont intéressantes, mais les réponses intéressent généralement peu l'Opposition. Vous n'êtes pas vraiment préoccupé de cet aspect.

Le Président (M. Fortier): M. le ministre, vous présumez de l'importance... Il y a le public qui nous écoute et tous les journalistes qui sont dans leurs quartiers, en haut, qui écoutent les propos que vous tenez. Tout simplement, je posais la question parce que je vois qu'il y a trois pages de questions et, si Mme la députée veut avoir une réponse à chacune d'elles j'imagine que, par la suite, elle devra encore répéter les questions et du temps sera perdu de cette façon.

M. Bérubé: Nos réponses seront complètes, M. le Président.

Mme Dougherty: M. le Président, je préfère les lire et je ne vais pas les répéter. Pour le Journal des débats, je préfère les lire et le ministre pourrait les lire. Je suis certaine que je ne vais pas les répéter.

M. Bérubé: Vous en avez pour trois jours juste avec les réponses.

Mme Dougherty: Alors, on doit commencer, peut-être.

Le Président (M. Fortier): Alors, allez-y, madame. Si c'est le voeu des membres de la commission, je n'ai pas d'objection.

Mme Dougherty: Premièrement, les ressources humaines. 1) Quelles sont les démarches que vous avez prises afin d'améliorer la qualité et la quantité de l'enseignement des sciences et des mathématiques dans nos écoles? 2) Êtes-vous favorable à une approche plus pluraliste en vue de stimuler les enfants surdoués? Êtes-vous prêt à encourager le MEQ dans le but d'orienter le régime pédagogique selon cette philosophie? 3) Etes-vous d'accord sur le fait que la connaissance des deux langues est essentielle pour tous nos enfants? Si oui, qu'avez-vous l'intention de faire en ce sens? 4) C'est un fait que non seulement l'éducation des adultes manque de fonds, mais également que trois ministères se partagent la responsabilité de ce secteur: le MEQ, le ministère de l'Éducation supérieure et le ministère de la Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu. Vu l'incohérence des programmes gouvernementaux qui en découle et face à une demande toujours croissante pour une main-d'oeuvre plus qualifiée et recyclée, quelles améliorations envisagez-vous afin que nous puissions faire face à ces besoins changeants du marché? 5) Quels sont les projets du gouvernement afin d'affronter les futurs besoins de perfectionnement et de recyclage de la main-d'oeuvre? Où cela se fera-t-il et comment cela sera-t-il financé? 6) Quelles politiques avez-vous suggérées afin d'aider les industries à attirer et maintenir une main-d'oeuvre hautement qualifiée au Québec? 7) Vous êtes sans doute conscient que la hausse proposée des crédits aux universités ne règle pas leurs problèmes fondamentaux. Quelles sont vos intentions, à long terme, pour pallier, par exemple, au manque de personnel scientifique et de recherche qualifié, pour remplacer l'équipement désuet et inadéquat et pour revaloriser les bibliothèques? 8) La hausse des frais de scolarité des étudiants étrangers a causé un émoi considérable, particulièrement dans les universités anglophones qui sont les plus affectées. Avez-vous étudié l'impact de votre nouvelle politique sur notre potentiel de recherche et sur l'échange international des connaissances? 9) II y a une grande inquiétude parmi la communauté de la recherche universitaire concernant l'apparent manque d'intérêt du

gouvernement pour les programmes de recherche financés par le FCAR. Alors que des pays fructueux technologiquement, tels le Japon et l'Allemagne de l'Ouest, et les États-Unis, reconnaissent maintenant la recherche de base universitaire comme une priorité fondamentale puisqu'elle sert de base à tout autre effort de recherche, il semble que le gouvernement du Québec pense réussir en donnant priorité à la recherche appliquée au détriment de la recherche libre. Quelle est votre politique à cet égard? Êtes-vous disposé à vous engager à long terme afin d'assurer le développement de ces programmes? 10) La nouvelle emphase mise sur le virage technologique a fait que ceux du domaine des sciences sociales et humaines se sont sentis abandonnés. Quelle est votre politique à l'égard de la recherche dans ce secteur? Le gouvernement a-t-il reconnu le besoin d'avoir des experts en sciences sociales pour venir en aide aux gens qui ont à subir le traumatisme du changement technologique? Quelles sont vos intentions à cet égard? D'après vous, quel est l'apport des sciences sociales au virage technologique?

Deuxièmement, un groupe de questions qui touchent les obstacles au changement technologique. 1) L'industrie et les gouvernements ont reconnu le besoin de faciliter l'accès aux multiples programmes gouvernementaux de soutien, tant fédéraux que provinciaux. Quelles sont vos intentions à ce sujet? 2) Le gouvernement a-t-il évalué tous ses programmes de soutien technologique dans le but de supprimer graduellement les programmes inutiles à ses clients et d'augmenter ceux qui sont utiles?

(11 h 45) 3) La Loi sur les gains en capital est perçue comme une punition à la réussite. Avez-vous examiné la possibilité de réduire cette taxe afin d'élargir le bassin du capital de risque pour les initiatives de haute technologie? 4) Le gouvernement a-t-il évalué l'efficacité relative de subventions directes par rapport à des incitatifs fiscaux à la recherche et au développement, quant à leur impact sur la productivité? 5) Le Conseil de la science et de la technologie a recommandé que soit allouée une subvention pour cinq années égale à 25 % de l'accroissement net de la masse salariale dû à l'augmentation du personnel scientifique assigné spécifiquement à des activités de R-D industrielle effectuées au Québec. Avez-vous l'intention d'implanter une telle mesure? 6) La base conflictuelle de nos relations de travail, qui crée de rigides spécifications d'emplois et des dispositions d'ancienneté, est largement reconnue comme étant un des plus sérieux obstacles aux changements dans l'industrie technologique. Le gouvernement est-il préparé à fournir un leadership afin d'améliorer les relations de travail, et comment? 7) Les gens sont craintifs et même opposés aux changements technologiques. Est-ce que le gouvernement a l'intention de redéployer ses ressources vers un ajustement efficace au lieu de renforcer le statu quo visant à ne pas reconnaître le changement qui s'impose? Quelles sont les mesures spécifiques que le gouvernement entend prendre pour compenser les pertes en capital entraînées par une relocalisation des ressources humaines? 8) II est bien connu qu'il y a un besoin de renforcer les liens entre l'industrie et l'université. À cet égard, quel est votre avis sur les recommandations suivantes du rapport Wright: a) une prime de 25 % payable aux universités participant à des contrats industriels en recherche et développement; b) un crédit d'impôt de 50 % accordé aux compagnies pour de la recherche et du développement qu'elles font exécuter par les universités? 9) Que pensez-vous de la suggestion de l'Université McGill afin que des compagnies soient autorisées à donner de l'équipement aux universités et à déduire le coût de cet équipement plus la moitié des profits anticipés sur la vente au détail de tel équipement? Seriez-vous prêt à appuyer une telle mesure? 10) L'Ontario a créé un fonds d'encouragement à la recherche universitaire qui permet l'ajout de 1 $ pour chaque 2 $ que les universités recueillent du secteur privé. Le gouvernement du Québec a-t-il considéré l'implantation d'un tel programme? 11) Un des sérieux obstacles à la recherche et au développement dans l'industrie pharmaceutique est la loi fédérale sur les brevets. Votre gouvernement, ainsi que l'Opposition libérale, a fait des représentations auprès du gouvernement fédéral pour amender cette loi et étendre la protection aux brevets pharmaceutiques afin que cette industrie reçoive un retour équitable de son investissement en recherche et développement pour de nouveaux produits. La commission Eastrnann a étudié le problème. Quels contacts avez-vous eus avec le gouvernement fédéral pour accélérer les démarches? Avez-vous considéré l'impact de cette loi sur les brevets sur la viabilité de Bio-Méga et les résultats de la recherche accomplie par les anciens chercheurs de Ayerst?

En terminant, M. le Président, j'aimerais soumettre une question posée par Mme Lise Bissonnette lors du sommet "Québec dans le monde". Comment pouvez-vous concilier vos exhortations pieuses sur

l'importance de l'université comme lieu de recherche et de contact sur et avec la réalité internationale et une politique de financement qui risque de porter atteinte à l'ampleur de la coopération internationale menée par les universités et d'hypothéquer la coopération scientifique et technologique?

Comment pouvez-vous justifier le déséquilibre entre les investissements extérieurs dans les domaines politiques et culturels et la pauvreté navrante de nos équipements d'enseignement et de recherche sur les sociétés américaines et canadiennes, premiers partenaires économiques et politiques du Québec?

Voilà donc, M. le Président, quelques-unes des nombreuses questions que suscite la situation que vous vous apprêtez à nous léguer bientôt en guise de testament politico-scientifique. Soyez conscients que vous entamez donc l'année de la dernière chance quant à la contribution de votre gouvernement au développement scientifique du Québec. Merci.

Le Président (M. Fortier): Merci, Mme la députée. J'aimerais demander le consentement des membres pour que M. Assad (Papineau) remplace M. Maciocia (Viger) pour cette séance. Est-ce qu'il y a consentement?

Des voix: Cela va. Il y a consentement.

Le Président (M. Fortier): M. le ministre, j'aimerais tout simplement qu'on procède d'une façon quelque peu ordonnée. Vous avez le droit de réplique, bien sûr, maintenant, et je sais que certains membres veulent peut-être intervenir. Est-ce que vous utilisez votre droit de réplique maintenant? Est-ce que vous allez répondre à chaque question une à une? Enfin, je vous laisse choisir, mais j'aimerais tout simplement savoir, de façon à ordonner nos travaux, de quelle façon nous allons procéder dans nos discussions.

M. Yves Bérubé: (réplique)

M. Bérubé: M. le Président, il y a là, évidemment, énormément de questions qui peuvent me permettre, à chaque fois, de donner la réplique puisque les questions ne sont pas posées en vue d'avoir des réponses, mais dans le but de tenter, pour l'Opposition, de faire ressortir son rôle de critique. Mais je dois dire que j'ai écouté le discours de la députée de Jacques-Cartier, et je n'ai retenu à peu près que ceci. C'est un discours profondément réactionnaire vis-à-vis de tout ce qu'est la société québécoise; c'est un discours de dépendance économique permanente et de dépendance culturelle que propose la députée. C'est un discours émaillé de clichés creux, sans aucune orientation vis- à-vis du système d'éducation.

Je pourrais m'amuser longuement à donner la réplique, mais je ne pense pas que cela ferait avancer les travaux de cette commission. Il y a des questions qui sont posées. Je vais répondre de façon pertinente et percutante à chacune des interventions vagues, confuses et généralement biaisées de l'Opposition.

Mme Dougherty: Je n'ai pas posé ces questions, M. le ministre, afin de vous amuser. Ce sont des questions sérieuses, posées par beaucoup d'autres personnes qui sont profondément concernées, qui s'occupent de notre avenir et surtout de notre avenir scientifique et technologique. J'espère que vous allez répondre avec un esprit sérieux parce que c'est dans un esprit sérieux que j'ai posé ces questions.

Le Président (M. Fortier): Mme la députée, le ministre avait fait ses remarques préliminaires. Vous avez fait les vôtres. Le ministre vient de répliquer. Nous sommes donc à la période des questions. Qui veut la parole?

Période de questions

Mme Dougherty: Est-ce que le ministre peut répondre à ces questions? Par exemple, on pourrait commencer avec les sciences et les mathématiques...

M. Bérubé: On pourrait commencer par la première question.

Mme Dougherty:... à l'école.

Enseignement des sciences

et des mathématiques

M. Bérubé: M. le Président, c'est très facile. La députée n'est absolument pas au courant de l'implantation de nouveaux régimes pédagogiques. Cela me fera plaisir de lui envoyer une description complète de tous les régimes pédagogiques qui ont fait l'objet de débats profonds au sein de notre société à partir de 1977, débats qui ont regroupé tous les intervenants dans le monde de l'éducation.

Ces nouveaux régimes pédagogiques sont en implantation depuis 1980-1981. Ils impliquent, par exemple, l'introduction de cours d'initiation à la science technologique au niveau secondaire. Ils impliquent l'introduction de cours et initiation à la vie économique également au niveau secondaire. Ils impliquent l'implantation de cours dans le domaine des sciences à chacun des trimestres de la formation reçue à l'école secondaire. Ils impliquent une réforme totale des programmes et des cours en définissant désormais des objectifs d'acquisition de

connaissances avec également des mesures d'évaluation de l'acquisition de telles connaissances.

Ce qui est dramatique, M. le Président, c'est que la députée n'est absolument pas au courant de tout ce qui se passe à l'heure actuelle dans le réseau. Par conséquent, poser une question comme celle-là, c'est simplement faire aveu de son ignorance. C'est le genre de chose qu'on ne devrait pas, normalement, étaler sur la place publique.

Mme Dougherty: Comment expliquez-vous la demande du Groupe de recherche en didactique pour une enquête sur l'enseignement des mathématiques au Québec? Deuxième volet: est-ce que vous avez des chiffres qui démontrent le taux d'échecs en mathématiques au niveau secondaire?

M. Bérubé: M. le Président, nous ne sommes pas ici pour discuter de l'enseignement aux niveaux primaire et secondaire. C'est le ministre de l'Éducation qui en est responsable. Cette commission ne porte pas là-dessus. Il me fera plaisir de demander au ministère de l'Éducation d'envoyer à la députée toute la description des régimes pédagogiques, des objectifs pédagogiques, des nouveaux devis de programmes. On pourra lui fournir également tous les commentaires concernant les devis des nouveaux programmes d'enseignement dans le domaine des sciences.

Je dois dire que l'ensemble des régimes pédagogiques est fort bien accueilli de la part de la communauté d'enseignement au Québec. Ils sont présentement en voie d'implantation. Ils représentent, justement, les moyens retenus par le gouvernement pour améliorer l'enseignement tant de la langue française que de la langue anglaise et l'enseignement des sciences et des mathématiques. Ils constituent la réponse à l'absence de régimes pédagogiques qui avait caractérisé l'administration libérale antérieure. De tels régimes, effectivement, ont été conçus à partir de 1977. Ils sont en implantation depuis 1981. Si la députée n'est pas au courant, je n'y peux rien.

Le Président (M. Fortier): M. le ministre, dans la mesure où vos commentaires nous disent que nous sommes ici pour discuter des crédits de la science et de la technologie et non de ceux de l'enseignement primaire et secondaire, je crois que vos remarques sont valables. Mais je laisse le soin à la députée de préciser sa pensée pour que, justement, on aborde la discussion de la science et la technologie comme telle.

Mme Dougherty: M. le Président, je crois que le ministre a lui-même abordé le sujet du développement scientifique et technologique d'une façon très large. Je suis d'accord avec cette large approche parce qu'on ne peut pas parler de notre avenir, de notre développement scientifique et technologique sans parler de nos écoles, de la base et de l'infrastructure en éducation. Donc, l'éducation - je parle uniquement des sciences et des mathématiques - est une partie importante de cette infrastructure.

Mais si le ministre ne veut pas en discuter, peut-être pourrait-on passer à d'autres questions.

Le Président (M. Fortier): Allez-y, Mme la députée.

Recyclage de la main-d'oeuvre

Mme Dougherty: Est-ce que vous aimeriez parler du recyclage, question 5? Nous sommes d'accord sur les objectifs. Tout le monde parle des besoins futurs...

M. Bérubé: M. le Président, est-ce que je pourrais savoir de quoi on parle? Est-ce qu'on veut avoir la réponse à la deuxième question? C'est parce que là il m'est difficile de savoir si je dois porter attention aux travaux de la commission, si je dois répondre à des questions. Exactement, quelle est la nature de la démarche?

Le Président (M. Fortier): Je crois que Mme la députée a compris qu'à la première question qu'elle avait posée vous aviez répondu brièvement.

Mme Dougherty: Question 5.

Le Président (M. Fortier): Là, elle allait à la question 5...

M. Bérubé: Question 5.

Le Président (M. Fortier):... à la page 20.

Mme Dougherty: Qui va être responsable pour ce perfectionnement et ce recyclage massif dont tout le monde parle?

M. Bérubé: Ah!

Mme Dougherty: Comment cela sera-t-il financé? Est-ce que vous avez des plans?

M. Bérubé: La réponse à cette question est simple, très limpide. Vous allez trouver la réponse à la question dans les notes qui vous ont été envoyées. C'est dommage que les gens ne prennent pas la peine de lire les documents et posent une série de questions en pensant que leurs questions sont tellement plus lumineuses, alors que, dans le fond, elles ne font que traduire l'absence de lecture des

documents qu'on vous a envoyés. Je m'arrête et je regarde.

Le Président (M. Fortier): M. le ministre... (12 heures)

M. Bérubé: À la page 5, à l'onglet 06 du document qui vous a été transmis - "it was not for the birds" - vous observerez que, par exemple, lorsqu'on. regarde les taux d'accès à l'université des moins de 30 ans, à temps partiel, au Québec - prenons les chiffres de 1978 puisque nous n'avons pas de chiffres plus récents en Ontario; toutefois, on nous dit que les chiffres ne semblent pas avoir évolué de façon significative - nous avions un taux d'accès de 5, 5 %, alors qu'il est de 2, 06 % en Ontario. Nos universités ont investi massivement dans la formation permanente à l'intention de clientèles fréquentant à temps partiel nos institutions d'enseignement.

Également, dans mon exposé, vous trouverez, au chapitre de l'enseignement collégial, la nature de l'effort consenti pour accroître la fréquentation à temps partiel ou la fréquentation des adultes au niveau collégial. Vous allez constater que c'est ici que se fait l'effort le plus massif pour donner accès à des clientèles adultes à l'enseignement - je dirais - continu.

Où cela va se donner? Dans nos institutions d'enseignement. Comment cela va-t-il se financer? Par les règles budgétaires du gouvernement, qui ne font pas de distinction entre, par exemple, l'étudiant à temps partiel et l'étudiant à temps complet, à l'heure actuelle. Est-ce que l'effort consenti, au gouvernement, est suffisant? Je vous dirai qu'il est deux fois et demi plus important, en tout cas, que celui du gouvernement ontarien dans le domaine.

La réponse, à ce moment-là, à la question - et là je reprends la question: Quels sont les projets du gouvernement afin d'affronter les futurs besoins de perfectionnement et de recyclage de la main-d'oeuvre? - ce n'est pas compliqué: en assurant, par des règles budgétaires, la possibilité à nos collèges et à nos universités d'accueillir des clientèles dans le cadre de programmes de recyclage. Exemple: le nouveau régime pédagogique permet des attestations d'études collégiales qui représentent des reconnaissances de programmes plus courts dans des domaines spécialisés qui permettent, justement, aux collèges de répondre à des besoins plus immédiats. Nous finançons, par nos règles budgétaires, les clientèles qui s'inscrivent à de tels programmes. Nous faisons de même pour les clientèles à temps partiel.

Donc, où cela va-t-il se faire? Dans nos institutions d'enseignement. Comment cela sera-t-il financé? Par les règles budgétaires, qui ne présentent pas d'obstacles à de tels programmes de recyclage de nos clientèles.

Le Président (M. Fortier): Mme la députée.

Mme Dougherty: Je crois que vous avez oublié les gens qui sont déjà dans le monde du travail. J'aimerais savoir si vous avez examiné le rapport du jury consultatif national sur les congés de perfectionnement présenté au ministre de l'Emploi et de l'Immigration qui était intitulé: "Apprendre, un défi pour la vie. " Dans ce rapport, à la page 12, on suggère que les gouvernements fédéral et provinciaux adoptent des mesures pour instaurer un programme universel de congés-éducation sans perte de revenus. C'est un régime enregistré d'épargne-congé d'éducation.

M. Bérubé: M. le Président, on se trompe de ministère. Si on nous demande ce que nous, comme ministère de l'Enseignement supérieur, de la Science et de la Technologie, nous allons faire, nous allons permettre à des clientèles de venir s'inscrire à l'université, au collège pour compléter leur formation. Si on me demande: Qu'est-ce que le ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu compte faire, qu'on adresse la question au ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu.

Mme Dougherty: Vous ne croyez pas que cette responsabilité qui découle du mandat inscrit dans la loi 19 est partagée peut-être avec d'autres ministères?

M. Bérubé: II ne faut pas tout mêler. On va essayer, si possible, de ramener les idées un peu plus claires.

Le Président (M. Fortier): Pour préciser la question de la députée, M. le ministre, peut-être que vous pourriez nous résumer l'orientation ou les responsabilités de votre ministère par rapport à celles du ministère de la Main-d'Oeuvre, et de la Sécurité du revenu, pour qu'on puisse faire le partage des responsabilités dans ce secteur bien précis. Je crois que ce serait d'une certaine utilité.

M. Bérubé: Effectivement, M. le Président, je reconnais entièrement le bien-fondé d'une telle question. Le ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu est responsable de l'évaluation des besoins en main-d'oeuvre au Québec et également de l'évaluation de l'inadéquation entre les connaissances de la main-d'oeuvre actuelle et les besoins de l'univers économique. C'est la fonction première du ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu ici au Québec.

H doit, à ce rnoment-là, concevoir des moyens. Ces moyens peuvent être le congé de perfectionnement, comme vous avez mentionné. Ils pourraient également être l'implantation de stages en entreprise, ce que fait le ministère de la Main-d'Oeuvre. Donc, il y a une quantité de moyens que l'on peut envisager. Évidemment, certains de ces moyens impliquent des formations additionnelles de nature "académique" dispensées soit à l'intérieur de nos collèges, soit à l'intérieur de nos universités. Lorsque tel est le cas, en ce qui concerne nos règles budgétaires, nous devons faire en sorte que ces clientèles puissent être admises et financées, car, évidemment, si elles n'étaient pas financées, nos institutions ne pourraient pas dispenser l'enseignement que le ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu prétend requis.

Donc, pour autant que nous sommes concernés, il faut que nos institutions aient les budgets requis pour accueillir ces clientèles. Or, ce qui caractérise nos règles budgétaires, c'est l'ouverture de ces règles aux clientèles additionnelles. De fait, nous devons constater - et c'était l'exemple que je vous donnais - qu'en ce moment nous avons deux fois et demie plus d'étudiants inscrits à temps partiel dans nos universités, dans le cadre d'un recyclage ou d'un perfectionnement continu, que notre voisin ontarien.

Alors, si vous venez me demander: Est-ce que vous êtes gêné de l'effort que vous faites? Je vous dis: Non, c'est sans doute le meilleur au monde. Vous allez me dire; Est-ce qu'il est suffisant? Il semble certainement suffisant puisqu'on accueille toutes les clientèles qui veulent y aller. Vous allez me dire: Est-ce que d'autres mesures, fiscales ou autres, pourraient être mises en place par d'autres ministères? Je vous dis: Adressez vos questions à d'autres ministères.

Le Président (M. Fortier): M. le ministre, dans la mesure où il y aura des collaborations qui s'imposeront - je pense à l'aérospatiale, en particulier, où l'industrie elle-même, en collaboration avec des collèges ou peut-être même avec des universités, peut mettre sur pied des programmes plus à même de donner une meilleure spécialisation, puisqu'ils possèdent l'équipement qui permet cette formation - dans la mesure où, justement, des organismes sous votre responsabilité devront faire le pont avec l'industrie et, dans une certaine mesure, amèneront votre ministère à faire le pont avec un autre ministère, de quelle façon cet agencement des politiques va-t-il se faire? De la façon dont vous vous exprimez, vous semblez laisser la responsabilité première de ces initiatives de faire le pont entre l'industrie, les collèges et universités au ministère du Travail et au ministère de la

Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, et vous allez réagir par la suite. Dans quelle mesure votre propre ministère est-il impliqué dans ces négociations pour assurer qu'une meilleure formation et un meilleur recyclage soient faits en collaboration avec l'industrie et les collèges spécialisés ou les universités, surtout dans le domaine technologique?

M. Bérubé: Alors, la mécanique pour réaliser cette concertation essentielle de tous les intervenants est la suivante: par le biais des centres de formation professionnelle sont constituées des tables régionales de concertation où se retrouvent des représentants des milieux d'enseignement, des représentants du monde économique, des représentants des milieux sociaux. Ces tables constituées au niveau des centres de formation professionnelle ont comme mission d'évaluer les besoins en formation spécifiques au milieu, d'examiner quels sont les besoins plus particuliers et dans quelle mesure, par exemple, nos institutions d'enseignement publiques peuvent répondre à la demande. Lorsque les institutions ne peuvent pas répondre à la demande, elles s'adressent au ministère pour obtenir des injections de fonds, pour moderniser de l'équipement. Dans mon exposé - ce que nous pourrons discuter lorsque nous examinerons les crédits - j'ai mentionné des injections de fonds de l'ordre de 4 500 000 $ en équipement dans un certain nombre de secteurs où, effectivement, l'on pressent un besoin en modernisation de nos institutions.

De plus, s'ajoute à cette concertation des intervenants locaux une autre action amorcée à partir de nos collèges, dans un cas, c'est celle des centres spécialisés. Les centres spécialisés n'ont pas nécessairement comme objectif la formation permanente. Mais, néanmoins, plusieurs de ces centres spécialisés se sont donné comme première mission la conception et le développement de stages dans les domaines de leur spécialisation à l'intention de l'ensemble du milieu industriel intéressé.

Ainsi, le Centre spécialisé en métallurgie de Trois-Rivières a conçu des programmes de formation en soudure en essais non destructifs qu'il dispense à des étudiants de l'école polytechnique et également à des étudiants de l'Université du Québec; donc, un collège qui dispense des programmes précis à des étudiants d'université, mais également à des membres d'entreprises, à des ingénieurs oeuvrant dans les entreprises du secteur de la métallurgie au Québec.

Donc, le centre spécialisé peut, lui aussi, vouloir offrir ce type de services. Notons que le centre spécialisé regroupe, au niveau des conseils d'administration, des représentants des autorités collégiales, souvent universitaires et du monde industriel

environnant. Cela peut donc constituer une autre table de concertation, mais soulignons, cependant, qu'à ce moment c'est une table beaucoup plus spécialisée. En d'autres termes, il y a la table de concertation de la Commission de formation professionnelle qui, elle, couvre l'ensemble des disciplines et on peut avoir, de plus, en région, dans certains secteurs, je dirais des secteurs reliés à nos centres spécialisés, une autre concertation, mais celle-là beaucoup plus pointue.

Le Président (M. Fortier): Je vous remercie. Enfin, il semblerait que ce que vous nous dites, c'est nouveau. Mais, je me souviens que, quand j'étais étudiant à Polytechnique, tous les samedis matin, j'allais à l'école technique de la rue Sherbrooke. Je pense qu'on revient à ce qu'on faisait, il y a quelques années.

Mme la députée.

Mme Dougherty: Est-ce qu'on pourrait passer à une autre question?

Le Président (M. Fortier): Allez-y. C'est vous qui êtes le porte-parole de l'Opposition et je crois que les autres collègues vous laissent le champ libre, madame.

Mme Dougherty: Question no 7.

M. Bérubé: C'est dommage, vous sautez la question 6. J'avais une réponse pour la question 6.

Mme Dougherty: C'est parce qu'on n'aura pas assez de temps.

M. Bérubé: Disons que, pour la question 6, nous demanderons à nos collègues du fédéral de bien vouloir vous envoyer le rapport Fantus portant sur le développement de la haute technologie et l'attraction de main-d'oeuvre dans un centre comme Montréal. La députée aura le plaisir de lire...

Mme Dougherty: Je l'ai déjà lu, monsieur.

M. Bérubé:... que si l'on prend l'ensemble des facteurs susceptibles d'attirer de la main-d'oeuvre hautement qualifiée au Québec, l'ensemble des facteurs privilégie Montréal par rapport à peu près à n'importe quelle ville nord-américaine. Lorsqu'on parle de la taxation comme étant un facteur négatif - l'ensemble des facteurs est très positif, mais il existe un certain nombre de facteurs négatifs - on souligne que la taxation est compensée par le coût de la vie qui est nettement plus faible au Québec, par le coût de l'habitation qui est plus faible au Québec et que, sur le plan financier, la main-d'oeuvre hautement qualifiée qui vient s'implanter à Montréal a un niveau de vie supérieur.

Mme Dougherty: Oui, je l'ai lu. (12 h 15)

M. Bérubé: Prenant en compte l'ensemble, parce qu'il faut prendre en compte aussi les taxes foncières, il faut prendre en compte les taxes scolaires. Il faut donc prendre l'ensemble des facteurs en considération et on tire la conclusion qu'évidemment il y a des facteurs positifs et des facteurs négatifs. Mais, au chapitre du niveau de vie général dont peut bénéficier une main-d'oeuvre hautement qualifiée, Montréal est nettement avantagée par rapport à la plupart des villes nord-américaines, sinon par rapport à toutes les villes nord-américaines.

Il reste la question du français. Évidemment, la députée ne m'a jamais posé la question: Mais, M. Bérubé, est-ce qu'il n'est pas dangereux pour les Américains de maintenir la langue anglaise, ce qui pourrait empêcher le recrutement de main-d'oeuvre hautement spécialisée et qualifiée autour de la route 128, par exemple, à Boston ou encore dans le Research Triangle Park de la Caroline? Parce qu'à ma connaissance, c'est l'anglais qui est utilisé. Et le fait d'utiliser une seule langue, l'anglais, ne semble pas nuire à la capacité d'attraction de scientifiques venant du monde entier...

Le Président (M. Fortier): Impossiblel

M. Bérubé:... ou encore, également, dans la région de Silicon Valley, en Californie. Non. Lorsque l'imposition d'une langue unique est l'anglais, la députée est toute fière. Évidemment, je ne ferai pas de commentaires sur la langue qu'elle utilise habituellement. Mais lorsque l'anglais...

Le Président (M. Fortier): M. le ministre, pas de jugements d'intentionl

M. Bérubé:... considéré par elle comme étant la langue supérieure dans le monde, est utilisé et imposé dans un pays, cela n'offre aucun frein. Mais lorsque nous imposons notre langue à nous, au Québec, alors, subitement, cela devient vicieux et susceptible de bloquer la venue de cerveaux au Québec.

Eh bien, je dis: Non, madame! Les Allemands, les Russes, les Indiens, les Chinois, qui souvent constituent 50 % des clientèles dans les universités américaines au niveau des études supérieures et du corps professoral, ont été attirés en dépit du fait que la langue parlée aux États-Unis leur ait été étrangère. Par conséquent, les gens viennent s'installer en fonction des opportunités que leur offre un environnement. Ce n'est pas d'abord une question de langue,

mais une question d'opportunités. Et, lorsque vous en faites une question de langue, vous essayez de vendre à la société québécoise une dépendance absolue qui amènerait cette société à percevoir que, du fait qu'elle parle français, c'est une société moins stimulante intellectuellement, moins attrayante intellectuellement. C'est une attitude tellement méprisante vis-è-vis de la majorité qui vous accueille avec énormément de générosité, Mme la députée, que je la trouve insultante.

Le Président (M. Fortier): M. le ministre, je ne veux pas intervenir dans le débat parce que je préside, mais je vous rappellerais que les règlements de la Chambre nous imposent, à tous les membres ici présents, de ne pas prêter d'intention et je crois que c'est faire injure à Mme la députée de Jacques-Cartier de dire ce que vous venez de dire. J'oserais vous demander de respecter, quand même, le règlement en ce qui concerne le respect de tous les membres de cette Chambre et tous les Québécois, quelle que soit la langue qu'ils parlent.

M. Bérubé: Oui, mais c'est exactement ce que fait la députée.

Mme Dougherty: M. le Président, excusez-moi...

Le Président (M. Fortier): Je vais donner la parole à Mme la députée de Jacques-Cartier.

Manque de personnel scientifique

Mme Dougherty: Après avoir constaté que je pose trop de questions, le ministre est en train de répondre à des questions que je n'ai jamais posées. Je suggère que l'on passe à une autre question très importante: le manque de personnel scientifique, le vieillissement du personnel scientifique dans les universités qui touche directement les responsabilités.

Le Président (M. Fortier): Quelle question, madame?

Mme Dougherty: C'est la question 7.

Le Président (M. Fortier): Tout à l'heure, Mme la députée, je vous ai demandé si vous aviez l'intention de poser toutes les questions pour qu'ensuite le ministre ait le loisir d'y répondre et vous m'avez dit: Oui, et je ne reposerai pas les questions. C'est pour cela que je vous ai posé cette question tout à l'heure. Maintenant, on ne peut pas empêcher le ministre de répondre à une question que vous avez posée tout à l'heure. Je crois, malheureusement, que le ministre a tout à fait raison de vouloir répondre à une question que vous avez posée antérieurement. Mais si vous voulez passer à la question 7 maintenant, c'est votre droit.

Mme Dougherty: Je préfère passer à la question 7, surtout en ce qui concerne l'aspect du personnel scientifique.

En 1984, le Conseil des universités recommandait quelques mesures précises pour augmenter le nombre de jeunes scientifiques dans nos universités. Il a recommandé que le ministère de l'Éducation, à cette époque, et les établissements universitaires prennent les mesures nécessaires pour assurer jusqu'en 1992 une croissance annuelle de 1 % du personnel scientifique des universités québécoises; cette mesure ayant comme objectif spécifique d'accroître jusqu'à 20 % la proportion des jeunes dans le personnel scientifique des universités québécoises. À cette fin, il a recommandé qu'on mette sur pied un programme spécifique destiné à la création annuelle, au cours des 10 prochaines années, de 40 postes au sein du corps professoral des universités québécoises et au financement de chacun de ces postes pour une durée de 10 années. Quelle est votre réaction?

Il est évident que ce n'est pas une des mesures que vous avez retenues surtout dans les crédits qu'on va étudier la semaine prochaine. J'aimerais connaître votre réaction. Est-ce que vous avez l'intention d'implanter ces mesures?

Le Président (M. Fortier): En ce qui concerne les bibliothèques, je ne sais pas si cela fait partie de nos crédits.

M. Bérubé: Les bibliothèques universitaires.

Mme Dougherty: Faute de temps, j'essaie de me concentrer sur une chose à la fois. Nous pourrions peut-être parler du personnel scientifique et du problème de vieillissement.

M. Bérubé: C'est fait intégralement. À titre d'exemple, si vous prenez les chiffres de 1982, pour les professeurs ayant effectué des demandes au Conseil national de recherches, enfin, aux organismes sub-ventionnaires dans le domaine de la science et de la technologie, nous constatons que notre taux de participation était d'environ 62 %, en moyenne, au Québec, alors que le taux de participation canadien était de 72 %. Il faut donc injecter dans notre système un certain nombre de nouveaux chercheurs qui pourront hausser notre taux. Combien faut-il en injecter? Environ 170, si on avait voulu avoir un nombre de demandes référées à ces organismes qui soit comparable à ce qui se

faisait ailleurs au Canada. Si je prends les 40 équipes de recherche, si je mets en moyenne 4 associés de recherche par équipe, cela me donne 160. Donc, seulement le programme d'action structurante injectera instantanément l'équivalent d'environ 150 à 200 postes d'associés de recherche à l'intérieur de nos universités. Ce sont, justement, de jeunes chercheurs, de jeunes professeurs qui permettront de hausser, en l'espace de 2 ans, le nombre de demandes au Conseil national de recherches d'environ 160. Ce n'est pas tout.

Mme Dougherty: Au sujet des équipes que l'on veut implanter, combien de nouveaux chercheurs y aura-t-il qui ne sont pas déjà en place?

M. Bérubé: II faut qu'ils soient tous additionnels. Il est possible, pour une institution, de prendre un chercheur qui est déjà en place, mais qui n'a pas de poste -par exemple, son salaire est défrayé dans le cadre d'une subvention de recherche - et de l'intégrer au sein d'une équipe. Mais, dans les critères de performance, le groupe de recherche doit faire la démonstration que, ce faisant, il n'a pas supprimé le poste antérieur. L'équipe doit donc maintenir l'effort actuel de recherche et faire la démonstration que l'octroi de la subvention d'équipe s'est traduit par un accroissement du potentiel de recherche au-delà du niveau d'activité antérieur. De fait, nous obligeons chacune des équipes à nous fournir des critères de performance avant de recevoir la subvention et de nous indiquer en quoi ces critères de performance seront modifiés par l'octroi de la subvention.

Si une équipe devait nous dire qu'elle a présentement 4 associés de recherche et que, au bout de 5 ans, elle en aura toujours 4, nous dirions à ce moment-là: On regrette, mais vous ne pourrez pas être admissible à une telle subvention. Donc, si une équipe nous dit: Nous avons présentement 3 associés de recherche et, à la fin du programme, nous en aurons 6, voilà ce qui est un ajout réel. C'est de cela que j'ai demandé au ministère de s'assurer de façon systématique et méthodique. Là-dessus, je pense que vous avez le droit et que vous avez parfaitement raison de soulever la question. Le plus gros danger du programme d'action structurante, c'est qu'il ne constitue que de la substitution de financement. Financement facile, stable et permanent pendant cinq ans, et, à ce moment-là, on peut s'asseoir sur ses lauriers.

Eh bien, si c'est ce que le ministère devait faire par l'application d'un tel programme, il ferait totalement erreur. Le ministère doit donc s'assurer que l'équipe qui reçoit une telle subvention accroît réellement le potentiel global de recherche. Par conséquent, je présume toujours que le ministère va faire correctement son travail et qu'il va s'assurer qu'effectivement il livre la marchandise que le Conseil des ministres lui a demandé de livrer. Il doit donc s'assurer qu'il y a un ajout réel. Donc, lorsque je parle d'associés de recherche, pour moi, ce sont de nouveaux associés de recherche.

Comment l'équipe s'y prend? Là-dessus, je ne veux pas intervenir. Il est possible que l'on prenne quelqu'un qui est déjà en place et qu'on lui donne un poste plus permanent. À ce moment-là, on réserve à un nouvel arrivé le type de poste qui existait antérieurement. Je n'ai aucune objection à ce qu'une équipe de recherche fasse cela. Cependant, je serais radicalement opposé à ce que le nouveau programme ne constitue que de la substitution de financement. D'ailleurs, ce n'est pas accepté. Dans les renseignements demandés par le ministère auprès des douze premières équipes, et j'ai exigé qu'une nouvelle lettre leur soit envoyée pour que ceux-ci précisent très clairement le type de performance additionnelle que va permettre la création des équipes. Je veux que ce soit cela que, dans cinq ans, on contrôle.

Mme Dougherty: Alors...

M. Bérubé: Je n'ai pas terminé. Jusque-là, je répondais à une question subsidiaire. S'ajoute à ce programme le financement des clientèles additionnelles, forcément, que le programme entraîne. Si j'introduis 500 étudiants gradués de plus au doctorat, si j'ai droit en vertu des règles de financement à un financement de 8000 $ ou 10 000 $ par élève - arrondissez-le à 10 000 $ - je viens donc d'injecter 5 000 000 $ dans le budget de base de mes universités. Ce budget de base, normalement, doit servir à engager, au moins à 80 %, du personnel additionnel. Donc, je viens, pour encadrer ces étudiants, permettre à l'université d'engager autant de professeurs chercheurs que ce que j'ai permis à l'université d'insérer grâce au programme d'action structurante.

Je termine en soulignant que, pour toutes ces clientèles additionnelles inscrites en 1984, nous venons d'ajouter 36 000 000 $; ce montant permet d'engager beaucoup de professeurs. Cela représente plus de 3 % de l'enveloppe budgétaire. Alors, si vous avez 3 % de plus d'enveloppe budgétaire, c'est comme rien, vous ne devriez pas avoir de difficulté à engager 1 % de plus de professeurs.

Mme Dougherty: Alors, selon votre analyse, l'objectif proposé par le Conseil des universités sera atteint par des mesures différentes, mais on va arriver au même but.

M. Bérubé: Oui, il va être non

seulement atteint, mais très largement dépassé si les universités décident d'y mettre leurs priorités, car nous avons une pratique, qui, je pense, est désirable, de ne pas amener les universités à dépenser là où nous estimerions peut-être que cela est plus désirable, mais à laisser les universités apprécier elles-mêmes là où elles doivent établir leurs priorités. Donc, les ressources budgétaires sont là. L'utilisation par les universités, elle, peut évidemment ne pas être ou être acceptable, ou désirable, mais c'est l'université qui décide où elle met ses ressources.

Là où, cependant, nous sommes en un sens un peu directifs, c'est par le programme d'action structurante où nous finançons directement des associés de recherche dont le salaire sera incorporé dans le budget de base de l'université, s'il y a performance. En d'autres termes, une équipe qui aurait présentement quatre associés de recherche, avec la subvention d'équipe, devrait porter à huit les associés de recherche. Si, au bout de cinq ans, on retrouve cinq associés de recherche au sein de l'équipe, eh bien, personnellement, j'estime que nous ne devons pas intégrer les sommes en question dans le budget de l'université, mais nous devons, au contraire, nous en servir pour privilégier l'émergence d'autres équipes ailleurs.

Mme Dougherty: Est-ce que le gouvernement va agir rétroactivement?

M. Bérubé: Non, pas rétroactivement.

Mme Dougherty: Malheureusement, c'est exactement ce qui se passe quelquefois dans les universités. Elles ont toujours en retard les avis du gouvernement en ce qui concerne le budget de l'année précédente.

M. Bérubé: À l'heure actuelle, vous parlez... Non, nos règles de financement, comme nous le verrons quand nous le discuterons, cette année, pour la première fois depuis cinq ou six ans, vont être déposées auprès des universités avant même le début de l'année scolaire et très nettement alors.

Le Président (M. Fortier): Nos travaux sont terminés pour aujourd'hui. Nous ajournons sine die.

(Fin de la séance à 12 h 31)

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