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(Dix heures vingt-deux minutes)
Le Président (M. Fortier): La séance est ouverte.
Je rappelle que le mandat de la commission de l'économie et du travail
est de procéder à l'étude des crédits du
ministère de l'Enseignement supérieur, de la Science et de la
Technologie, pour le secteur science et technologie, pour l'année
financière 1985-1986.
On m'indique qu'il y a eu entente entre le président de la
commission de l'éducation ainsi que celui de la commission de
l'économie et du travail sur une répartition des programmes et
des éléments de programme pour étude par ces deux
commissions. Pour la commission de l'économie et du travail, les
éléments de programme que nous avons à étudier sont
les suivants: programme 1, éléments 1, 2 et 5; programme 2,
élément 1 et programme 4, éléments 1, 2, 3, 4, et
5.
Je crois qu'il n'y a aucun remplacement, M. le secrétaire? C'est
ça. Nous procédons maintenant aux déclarations liminaires.
M. le ministre, s'il vous plaît.
Remarques préliminaires
Mme Dougherty: Un instant! Excusez-moi, M. le Présidentl
Est-ce qu'on pourrait avoir une copie du discours du ministre?
M. Bérubé: Je n'en ai malheureusement pas. Je n'ai
que mon original, en ce moment, que nous avons terminé tard dans la nuit
et je n'ai malheureusement aucune copie à l'heure actuelle.
Le Président (M. Fortier): Procédez, M. le
ministre.
M. Yves Bérubé
M. Bérubé: M. le Président, on pourrait
intituler cet exposé très bref "L'excellence, ses enjeux et ses
défis" puisque, finalement, c'est bien là le mandat qui est
imparti au nouveau ministère de l'Enseignement supérieur, de la
Science et de la Technologie. Je ne tenterai pas ici de séparer les
interventions de ce ministère suivant qu'elles s'adressent à
l'enseignement supérieur ou encore à ce qu'était l'ancien
ministère de la Science et de la Technologie, dans la mesure où
je pense que nous devons viser à rendre ces interventions
complémentaires, à les intégrer et, en conséquence,
il m'apparaît plus approprié de les traiter globalement. C'est ce
que je ferai donc maintenant.
M. le Président, pour le Québec, les années
quatre-vingt constituent une période d'intense remise en question avec,
évidemment, toute l'insécurité que cela peut engendrer
chez nos concitoyens. La crise économique dont nous sortons à
peine et l'accélération des changements technologiques que nous
devrons apprendre à maîtriser nous forcent à
réexaminer nos priorités et nos modes d'action.
Deux préoccupations majeures animent notre société
face à la mutation technologique, comme en faisaient foi les
interventions lors d'un récent sommet sur l'électronique et
l'informatique que nous tenions à Montréal. D'une part, le rythme
des transformations économiques s'accélère et nous
échappe à bien des égards. Dans ce contexte, notre
tentative pour nous glisser au sein du peloton de tête des pays novateurs
se heurte à des obstacles sérieux. Nous ne devons pas y voir un
signe d'échec personnel. Au contraire! Même les géants de
la Silicon Valley américaine en perdent leur japonais, s'il faut
prêter foi au numéro du 25 février 1985 de la revue
américaine Newsweek, lequel faisait état de malaises profonds
chez les leaders américains dans le domaine des nouvelles
technologies.
Dans cette course dont nous ne contrôlons pas le tempo, même
nos entreprises les plus novatrices peuvent donc craindre de ne pas pouvoir
négocier les virages. Les unes après les autres, elles se voient
confrontées à la nécessité de développer de
nouveaux marchés et d'obtenir l'accès à des technologies
toujours plus récentes et raffinées. Pour eux, la question qui se
pose est simple et brutale: Pourront-ils survivre? Pour nous, en tant que
société, les questions pourraient se poser ainsi: Risquons-nous
de nous retrouver parmi les sous-développés de l'univers
économique de demain? Quelles conditions devons-nous créer pour
favoriser l'innovation et l'entre-preneurship qui permettront d'éviter
un tel sort?
D'autre part, pour l'ensemble des citoyens, les mots mêmes
"d'innovation technologique", d'"entrepreneurship" engendrent un malaise et des
craintes mal
dissimulées. Pour certains, il peut même sembler qu'il
s'agit là d'un sombre complot qui viserait à consolider une
relation de dominants-dominés entre ceux qui ont le savoir et ceux qui
ne l'ont pasl Pour les adultes qui voient leur domaine d'expertise
bouleversé, tout particulièrement pour les femmes qui tentent de
réintégrer le marché du travail, il y a la crainte de se
retrouver laissés pour compte faute des connaissances, des
qualifications requises pour participer pleinement aux nouvelles façons
de faire.
Devant de tels risques, devons-nous conclure qu'il faille se tenir
à l'écart et laisser passer la tornade technologique en
espérant qu'une lente adaptation nous permettra d'en récolter
quelques retombées, tout en évitant les erreurs
qu'entraînerait une trop grande précipitation? Hélas! une
telle solution comporte un risque tout aussi grand et qui pourrait
s'avérer encore plus coûteux socialement, si cela devait
entraîner une impuissance à tenir notre place dans un monde
concurrentiel où nous devons écouler à l'étranger
40 % de notre produit intérieur brut. Nous n'avons pas le choix, nous
devons relever le défi. Il ne s'agit pas d'une mince tâche et nous
devons être conscients des multiples obstacles qui se présentent
à nous.
Ainsi, nous devons accroître notre effort de recherche tout en
étant conscients que nous ne pouvons être assurés que les
résultats de cette recherche seront couronnés de succès.
De plus, la nature de notre structure industrielle, tantôt dirigée
de l'extérieur, tantôt axée sur l'exploitation des
ressources naturelles n'exigeant pas l'effort considérable de recherche
et, souvent, en concurrence avec des ressources similaires sur le marché
mondial, risque d'être en perte de vitesse si nous l'envisageons comme
unique fer de lance de notre économie.
L'innovation et le risque s'imposent donc. Plus que jamais, notre
succès en tant que société exige de chacun la pleine
expression de tout son potentiel de créativité. Cela suppose un
contexte social qui puise son dynamisme à même une ambiance
culturelle qui encourage la curiosité intellectuelle, la rigueur
scientifique, l'indépendance d'esprit et l'esprit d'entrepreneurship.
Mais cela ne saurait suffire en soit. Encore faut-il pouvoir canaliser nos
ressources de manière à réaliser l'approfondissement des
connaissances, développer des créneaux d'expertise et favoriser
la diffusion du savoir au profit de notre développement
socio-économique. (10 h 30)
Pour ce faire, nous avons un autre défi à relever; en
effet, demeurent omniprésentes les pressions pour diluer les
énergies, morceler les ressources au nom d'une justice distributive
où tous sont supposés trouver leur compte sans qu'aucun puisse
donner sa pleine mesure. Trop souvent, le concept de démocratie
s'avère synonyme d'une uniformité rébarbative au concept
même d'excellence. Le défi est d'autant plus formidable que la
restriction des ressources ne peut que rendre plus difficiles les choix
qu'impose une répartition plus sélective.
Pourtant, comme nous le rappelait récemment le numéro de
l'été 1984 du journal de l'American Planning Association -qui
tenait d'ailleurs son congrès à Montréal il y a à
peine deux jours - seuls de vigoureux pôles d'excellence
académique peuvent servir d'ancrage au développement
d'entreprises de haute technologie. Des entreprises conscientes de la richesse
intellectuelle du milieu académique, des institutions d'enseignement
ouvertes a leur milieu, des mécanismes d'interaction entre les
intervenants, le tout complété par des mécanismes simples
de financement du capital de risque, semblent ensuite constituer les principaux
moyens que privilégient la plupart des États américains
dans leur course à l'innovation. Nous devons tenir compte de leur
expérience en l'adaptant à notre réalité.
Tels sont donc les enjeux. Examinons comment, à travers ces
crédits budgétaires, le nouveau ministère de
l'Enseignement supérieur, de la Science et de la Technologie entend y
répondre.
Le développement d'un milieu ambiant qui favorise l'absorption et
la diffusion de valeurs culturelles et la vulgarisation des connaissances
essentielles en cette fin du XXe siècle est une mission que se partagent
plusieurs ministères. En effet, la culture n'est pas le fait de la
poursuite d'un seul domaine de connaissance au détriment de tous les
autres. C'est donc en collaboration avec les intervenants des autres
ministères sectoriels, et plus particulièrement le
ministère des Affaires culturelles, qu'il faut situer les actions du
ministère de l'Enseignement supérieur, de la Science et de la
Technologie dans le domaine de la culture scientifique et technique et de la
culture en général.
L'appropriation collective de la réalité scientifique
prend bien des formes. Nous nous impliquons donc dans tout un réseau
d'activités de vulgarisation scientifique. C'est ainsi que mon
ministère continue d'assurer la tenue d'un concours de journalisme
scientifique pour encourager les vulgarisateurs de la science. C'est ainsi
qu'il organise les prix du Québec en science pour reconnaître les
mérites des hommes et des femmes de science et qu'il met en oeuvre un
programme de soutien aux projets innovateurs des organismes sans but lucratif
voués à la diffusion de la science et de la technologie, plus
particulièrement dans le monde du loisir scientifique où on
retrouve au Québec plus de 60 000 membres actifs. 11 y a
également lieu de soutenir les
activités d'information scientifique et technique émanant
des milieux de recherche eux-mêmes, comme nous le faisons pour la revue
Interface, de l'ACFAS. Une large interaction entre les milieux de la recherche,
du développement technologique et la population nous apparaît
nécessaire à la promotion d'une culture de l'innovation.
L'implantation de la Maison des sciences et de la technologie
constituera un élément important de notre politique de promotion
et de diffusion de la culture scientifique. D'ailleurs, lors d'une
récente tournée en Californie et au Mexique, j'ai pu
vérifier la justesse des orientations qui ont été retenues
pour la Maison des sciences et de la technologie dont l'emplacement
prévu à l'île Sainte-Hélène m'apparaît
aujourd'hui bien fondé et bien adapté à la mission d'un
tel organisme. En effet, l'ensemble des directeurs de centres similaires que
nous avons rencontrés s'accordaient pour décrire leur
clientèle comme étant essentiellement constituée de
personnes qui organisaient leur visite à la suite d'une décision
planifiée et y passaient en moyenne plus de trois heures par visite.
L'intégration du site au centre-ville ne représentait pas un
élément d'incitation et pouvait même nuire à sa
fréquentation en raison de difficultés de stationnement qui
auraient pu se présenter dans une telle situation.
Dans ce contexte d'un milieu ambiant ouvert à l'acquisition de
tout ce que l'esprit humain a su développer de meilleur, nous pouvons,
à ce moment-ci, situer le coeur de l'action du ministère, soit la
consolidation d'un réseau d'enseignement supérieur où
domine la volonté d'excellence.
Parlons d'abord de cette opposition entre ce que j'appellerais
l'excellence et l'accessibilité. L'accessibilité aux
études supérieures a constitué un choix volontariste de
notre société, choix que nous continuons d'assumer. Cet objectif
a d'ailleurs été réalisé avec succès,
puisque nous avons maintenant un taux d'accès de 54 % au niveau
collégial et de 25 % à l'université. Devant un tel
succès, le temps approche sans doute où il faudra s'interroger
quant à l'objectif ultime d'accessibilité et, surtout, sa
modulation en fonction de nos besoins socio-économiques. L'importance
accordée, cependant, à l'accessibilité demeure
évidente dans le budget de 1985 lorsqu'on examine quelques-uns des choix
posés: par exemple, un financement qui incite toujours au recrutement de
clientèles additionnelles; également, le gel des frais de
scolarité avec octroi aux universités d'un montant compensatoire,
de manière à ne pas les pénaliser pour l'application d'une
telle politique. Rappelons aussi notre programme d'aide financière, qui
est le plus généreux au Canada, qui touche, en fait, près
de 50 % de tous les étudiants inscrits aux niveaux collégial et
universitaire, ce qui représente une injection de fonds de 275 000 000 $
en 1985-1986, et qui a vu son enveloppe croître de près de 340 %
depuis 1976, contre une inflation moyenne de 75 % pour la même
période. Ceci indique à quel point le gouvernement a
véritablement voulu mettre l'accent sur l'accessibilité.
Enfin, soulignons que l'autonomie quasi complète des
universités dans l'aménagement de leurs ressources et les
services offerts constitue un autre élément dans ce choix de
l'accessibilité, puisqu'elle permet à ces dernières de
chercher à répondre à peu près à n'importe
quel besoin dans à peu près n'importe quelle circonstance.
Parlons maintenant de la qualité générale de ce
système. En effet, dans la mesure où l'acquis de
l'accessibilité est bien en main, nous devons attaquer un défi
moins facilement quantifiable, mais non moins essentiel, celui de la
qualité générale de notre système. Par exemple, au
niveau collégial, cela suppose la mise à jour, l'implantation
continue de nouveaux programmes, de manière à maintenir
l'adéquation de la formation aux besoins du marché de l'emploi et
aux attentes des étudiants. Nous continuerons à injecter, cette
année, près de 4 500 000 $ à cet égard.
Également, il nous faut acquérir de nouveaux équipements
pour nos institutions collégiales; " c'est près de 8 600 000 $
que nous injecterons en mécanique, technologie minérale,
communication graphique, travaux publics. Ces mesures vont rejoindre tout
près de 17 collèges et près de 4000 étudiants
oeuvrant dans les secteurs de pointe. Je vous souligne que cela s'ajoute
à 8 000 000 $ consacrés en 1984-1985 à l'achat
d'équipements en électrotechnique et en fabrication
mécanique.
Mais, la qualité des équipements de formation n'a
véritablement de valeur qu'à la condition que soient consentis
aussi des efforts pour la mise à jour de la formation des enseignants,
à cet égard. Par exemple, pour atteindre un objectif de
perfectionnement continu, les collèges reçoivent une somme de
l'ordre de 1 034 000 $ cette année; à cela, il faut ajouter 500
000 $ pour des stages en entreprises; s'y ajoute, également, le
recyclage d'enseignants en disponibilité, à l'heure actuelle, qui
sont formés dans des disciplines pour lesquelles il existe
présentement des problèmes de recrutement.
Toutes ces mesures doivent être soumises, également,
à une démarche évaluative rigoureuse si nous voulons
maintenir le haut standard de qualité. Aussi, cette année, nous
maintiendrons notre programme de subventions à cet effet. Et, dans la
foulée du document gouvernemental "L'évaluation dans le
système éducatif" et des avis du Conseil des collèges, le
ministère
entend développer et mettre en oeuvre avec ses partenaires une
seconde phase d'évaluation systémique de notre système
collégial.
Au niveau universitaire, la poursuite de l'objectif de qualité
implique un certain nombre de décisions. Ainsi, nous devons
améliorer les règles de financement de nos institutions
universitaires. Lors de la commission parlementaire sur le financement des
universités, en octobre 1984, nous avions pu établir qu'à
la suite des compressions imposées au réseau universitaire le
coût par étudiant, qui était en 1980-1981 supérieur
de 12 % à celui de l'Ontario, était, en 1984-1985,
inférieur de 5 % et que, à ce moment-là, nous avions
atteint un seuil qu'il était difficile de dépasser sans
compromettre la qualité de l'enseignement dans le réseau
universitaire. C'est pour cette raison que nous décidions d'injecter 36
700 000 $ additionnels pour les clientèles de 1984-1985; en d'autres
termes, nous venons d'injecter ces 36 700 000 $ pour couvrir les
clientèles inscrites en 1984-1985. C'est donc un ajustement pour les
clientèles - ajustement que l'on pourrait qualifier quasi de
rétroactif - afin de combler l'essentiel de la différence entre
le coût unitaire par étudiant au Québec et celui en
Ontario. L'injection de ce montant devrait permettre l'engagement de
professeurs additionnels et l'amélioration des infrastructures de
fonctionnement de l'université, entre autres.
Une décision plus importante encore nous a amenés à
choisir de financer au coût réel les clientèles inscrites
à l'université afin, en particulier, de favoriser le
développement des études de deuxième et de
troisième cycle. En effet, les règles budgétaires
existantes agissaient en quelque sorte comme un "désincitatif" au
développement des études avancées qui sont
forcément plus coûteuses que les programmes tels les certificats
de premier cycle et, en finançant sur la base de coûts moyens, un
tel financement pouvait agir comme barrière à l'excellence et au
développement des études avancées.
Il nous faut également assurer l'infrastructure de base en
mettant un terme à l'effort de réduction des coûts que nous
avions exigé des universités, dans la mesure où nous
étions en mesure d'affirmer que les sommes additionnelles
injectées dans le réseau éducatif québécois
ne se traduisaient pas nécessairement en amélioration de la
qualité générale, en amélioration de
l'accessibilité générale et que, en conséquence, il
n'y avait pas de justification à injecter plus de ressources que nos
voisins pour obtenir un résultat, somme toute, similaire.
Toutefois, dans la mesure où notre niveau de financement devenait
comparable, il était normal que nous ne voulions plus imposer d'efforts
additionnels au réseau universitaire. Donc, pour ce faire, aucune
compression budgétaire ne sera imposée au réseau
universitaire en 1985-1986. La compression de 18 500 000 $ qui était
initialement prévue au plan triennal a été annulée.
De plus, l'enveloppe de subventions comprend les sommes nécessaires
à la pleine indexation de toutes les dépenses, ce qui
équivaut aussi à la suppression d'une compression additionnelle
de 7 500 000 $ qui aurait dû s'appliquer au réseau universitaire,
comme elle s'applique, d'ailleurs, à l'ensemble des dépenses
assumées par le gouvernement.
En fait, également, nous devons poursuivre le financement des
équipements universitaires, de manière à améliorer
la situation générale de l'enseignement, particulièrement
au premier cycle. Une somme de 13 000 000 $ sera affectée à
l'acquisition et au remplacement d'appareillages dont 5 000 000 $ pour le
financement des équipements scientifiques reliés au virage
technologique, 4 200 000 $ pour l'achat de micro-ordinateurs à des fins
d'enseignement, 3 800 000 $ pour l'augmentation des équipements
nécessaires à l'accueil de clientèles additionnelles.
Je dois maintenant, au-delà de la question simple du financement
de nos institutions, discuter d'un problème plus général,
soit celui de la spécialisation des institutions.
Contrairement à la société américaine qui a
choisi de répartir inégalement les ressources entre ses
universités et où l'effort de recherche se retrouve
concentré dans 11 % de ses universités, le Québec a
plutôt choisi la voie d'un accès démocratique à un
système dont la qualité visée demeure uniforme. Comment,
en ce cas, relever la concurrence que nous ferons des institutions
étrangères qui, elles, concentrent leurs ressources de
manière à percer? Ce défi prendra d'autant plus
d'importance que l'activité devient plus difficile à normaliser
et fait appel au dépassement individuel, seul véritable moteur de
l'excellence. En fait, cette option de la qualité un peu exceptionnelle
peut être réconciliée à la condition expresse,
cependant, que l'on vise l'émergence de créneaux d'excellence
bien indentifiés au sein de nos universités.
Pour atteindre ce but, nous devrons procéder à des
concentrations de nos ressources humaines et matérielles là
où se trouvent nos points forts, mais - et j'insiste ici - tout en
favorisant une répartition propice au développement des
différentes régions du Québec et à
l'équilibre entre les éléments que constitue une
société complexe.
Par exemple, il est tout à fait souhaitable que
l'émergence des créneaux tienne compte des vocations
économiques particulières de nos régions. Cela
facilitera
l'interaction naturelle entre les équipes de recherches
universitaires et les entreprises directement intéressées par les
retombées possibles de leur travail. (10 h 45)
L'émergence et le développement de créneaux
d'excellence impliquent cependant nécessairement que le financement de
la recherche doive favoriser les équipes les plus performantes. Dans ce
but, le gouvernement du Québec promulguait à la fin de 1984 la
création du Fonds pour la formation de chercheurs et l'aide à la
recherche en vertu de la Loi favorisant le développement scientifique et
technologique du Québec. Par la même occasion, il nommait les
membres du conseil d'administration du fonds. Ce dernier, dont la mission est
de promouvoir et d'aider financièrement la recherche, en particulier
mais non exclusivement universitaire, dispose d'un budget de près de 30
000 000 $ cette année. Dès sa création, j'ai invité
les responsables du fonds à préparer le premier plan triennal de
ses activités dans une perspective de promotion de l'excellence en
matière de recherche, de manière à inciter les
équipes de recherche et les chercheurs du Québec à
atteindre des standards de performance de très haut niveau.
Je pense que, contrairement a certaines habitudes passées, il
faudra désormais se garder de la tentation du morcellement qui
découle presque toujours de notre incapacité maladive à
effectuer des choix.
La recherche de l'excellence implique aussi que les universités
poursuivent les travaux entrepris depuis quelques années en regard de la
rationalisation des programmes d'enseignement menée en concertation avec
le Conseil des universités dans le cadre des évaluations
sectorielles. Au cours de cette opération, les universités ne
devraient pas hésiter à fermer les programmes qui constituent des
dédoublements inutiles entre les universités.
La collaboration interuniversitaire constitue une autre formule à
privilégier pour favoriser la constitution de pôles d'excellence.
À titre d'exemple, je voudrais mentionner le Centre de recherche
informatique de Montréal, issu d'une collaboration interuniversitaire
fort opportune en matière de recherche. Cinq établissements,
l'Université Concordia, l'Université de Montréal,
l'Université McGill, l'École polytechnique et l'Université
du Québec à Montréal, se sont regroupés pour
effectuer des recherches en commun dans le domaine de l'informatique.
Le ministère de l'Enseignement supérieur, de la Science et
de la Technologie a accordé une subvention de démarrage de 500
000 $ pour deux ans à ce centre. Également, le ministère a
retenu ce centre dans le cadre du programme particulier de subventions que le
gouvernement fédéral avait mis à l'intention
d'équipes de recherche au Canada. D'ailleurs, l'une de ces subventions a
porté dans le cadre des actions structurantes sur l'équipe en
télématique et l'autre, sur l'équipe oeuvrant dans le
domaine de circuits fiables à très haute échelle dans le
domaine de la micro-électronique.
À l'ensemble de ces mesures s'ajoute le programme d'actions
structurantes pour le soutien d'équipes de recherche lié au
virage technologique. Le 4 avril dernier, j'ai eu le plaisir de
présenter à la presse la quintessence de la recherche
universitaire au Québec, c'est-à-dire les responsables des douze
premières équipes retenues dans le cadre de ce programme pour la
première année de fonctionnement.
D'ici le mois d'octobre prochain, quinze nouvelles équipes
viendront s'ajouter aux douze premières. Ce programme vise en
particulier à consolider des éléments de recherche
existants et à favoriser l'encadrement de secteurs de recherche en
émergence en soutenant des groupes de recherche suffisamment larges et
structurés dans les secteurs reliés au virage technologique de
près ou de loin, soit ta biotechnologie, l'informatique,
l'électronique, l'énergie, le transport, les mines,
l'agro-alimentaire, les pâtes et papiers, etc.
Ce programme va permettre la création de 40 équipes de
recherche sur une période de trois ans. En 1985-1986, il y a 7 200 000 $
qui seront consacrés aux dépenses de personnel et 2 000 000 $ aux
équipements scientifiques dans le cadre de ces équipes.
En fait, cet effort additionnel pour favoriser le développement
de la recherche dans les secteurs prioritaires s'explique, se justifie fort
bien si nous prenons en compte la pénurie actuelle observée de
doctorats au Québec dans le domaine des sciences et du génie et
des mathématiques.
En effet, si nous voulons accroître notre taux actuel qui est de
1, 94 doctorat en science par 100 000 habitants pour le porter à 4, 18,
soit le niveau ontarien, nous devons obtenir chaque année 145
diplômés de plus au niveau doctoral. Considérant que la
durée moyenne des études est de l'ordre de quatre ans, cela
implique des inscriptions additionnelles, dans le domaine d'études
doctorales, de l'ordre de 600 étudiants. Or, c'est justement là
ce que prévoit injecter le programme d'actions structurantes pour le
développement de la recherche universitaire. Donc, d'ici à deux
ans, nous devrions avoir atteint cet objectif.
Je voudrais ici dire un seul mot de l'importance de l'effort de
recherche dans le domaine universitaire consenti par le Québec. En fait,
si l'on devait se fier aux données que nous fournissait le ministre
fédéral des Sciences et de la Technologie, il y a
quelques mois, lors d'une conférence des ministres de la Science
et de la Technologie à Calgary, on tirerait la conclusion - et je crois
qu'il n'y a pas de raison de mettre en doute ces chiffres - que le
Québec consacre 0, 28 % de son produit intérieur brut à la
recherche universitaire. Sur la même base des données
fédérales, le Canada se situe à 0, 23 %. Il faut donc dire
que, dans la mesure où le Québec " entraîne le Canada vers
le haut, la moyenne, en général, dans les autres provinces est
même en deçà de 0, 23 %.
Si on devait comparer, d'ailleurs, ce chiffre à l'effort que l'on
observe au sein des quatre plus grandes puissances du monde occidental - on
pense au Japon, aux États-Unis, à la France, à l'Allemagne
- l'effort consenti par ces pays à la recherche universitaire est de 0,
34 % du produit intérieur brut. Nous ne sommes donc pas loin.
De plus, si nous prenons en compte l'effort additionnel que nous
consacrons à l'heure actuelle dans le cadre, par exemple, de
l'implantation des 40 équipes de recherche en milieu universitaire, dans
l'implantation de 6 centres de recherche conjoints dont je parlerai plus tard,
normalement, notre effort consacré à la recherche universitaire
devrait atteindre environ 0, 32 % du produit intérieur brut, ce qui nous
situe très très près de l'effort observé ailleurs
dans le monde et bien en avance sur l'effort généralement
consacré au Canada.
Mais la société ne peut accepter de consacrer un effort
aussi grand au développement de l'excellence, de la recherche
scientifique au sein de nos universités sans, en même temps,
manifester des exigences additionnelles face au réseau universitaire. En
effet, nos universités pouvaient autrefois se cantonner à un
double rôle traditionnel, soit celui du développement des
connaissances assorti à celui de la diffusion des connaissances
auprès des générations montantes. Aujourd'hui, il est
clair que le bassin d'expertises concentré au sein de nos
universités doit rayonner plus directement dans le milieu. En fait, le
savoir auquel nos universités ont accès et qu'elles
génèrent doit pouvoir être mis plus rapidement, plus
efficacement et plus constamment à la disposition de la
société en général.
Ce rayonnement, par exemple, doit viser au départ un objectif de
formation permanente. En effet, la mutation très rapide de notre
structure industrielle entraîne nécessairement que beaucoup de nos
concitoyens doivent, de façon permanente, réajuster leur niveau
de connaissances. Le réseau collégial et universitaire doit
permettre un tel apprentissage continu et ouvert. La demande à cet
égard, d'ailleurs, est en croissance. En 1984-1985, l'inscription des
adultes au niveau collégial a crû de 3 % par rapport à
l'année précédente, portant le nombre de ces adultes
inscrits à 16 500.
Je dois souligner - et c'était une des raisons principales pour
lesquelles le gouvernement n'a pas voulu s'engager dans le concept d'un office
d'éducation des adultes -qu'il faut réaliser que la contribution
financière du gouvernement québécois à
l'égard de l'éducation des adultes atteint tout près de
550 000 000 $ à l'intérieur des commissions scolaires, des
cégeps et des universités et que, par conséquent, il faut
reconnaître que nos institutions traditionnelles doivent assumer la part
la plus importante de la formation des adultes, de la formation permanente que
nous voulons voir instaurer ici au Québec.
À la suite de la rencontre nationale de concertation sur
l'éducation des adultes, en avril 1984, le ministère poursuivra
donc, en 1985-1986, les travaux engagés dans les domaines suivants: la
reconnaissance des acquis, la formation à distance, l'accueil, la
référence et la formation professionnelle. Mais ce rayonnement de
nos institutions au sein de la société doit non seulement viser
le réajustement constant de la formation de ceux qui oeuvrent au sein de
l'économie, mais également viser à assurer un transfert
continu des connaissances vers les entreprises et toutes les autres
institutions sociales de la société. L'apport du réseau
collégial à ce niveau doit être signalé. Notre
réseau est constitué de 46 établissements, comptant plus
de 10 000 enseignants. Il détient des expertises particulières en
matière de technologie. Il est très largement
disséminé dans tout le territoire. Il a donc une mission à
remplir face au milieu, face aux petites et aux moyennes entreprises, entre
autres.
Dans ce contexte, la mise sur pied de centres spécialisés,
en association avec le secteur de l'enseignement professionnel en particulier,
peut constituer un important levier de développement de nos institutions
collégiales. En fait, la gestion, l'organisation de ces centres
spécialisés repose sur des comités spéciaux
où l'on retrouve des représentants de l'industrie, des
représentants du milieu en général et des
représentants du collège. Partant de la mission première
de formation au collège, notre collège peut, ce moment-là,
s'engager dans des activités additionnelles de recherche directement
appliquées à des problèmes bien concrets des entreprises,
peut s'engager dans de l'aide technique aux entreprises, dans de l'animation
auprès de ces entreprises de manière à servir de centres
de diffusion de la connaissance au sein du milieu.
En fait, l'implantation de ces centres spécialisés se
poursuit depuis 1983-1984. Nous avions annoncé six centres, en
systèmes ordiniques, en technologie physique, meubles et bois
ouvré, textiles, mode et vêtements.
En 1984-1985, trois centres s'y ajoutent: robotique, production
automatisée, technologie minière. En 1985-1986, on injectera
trois nouveaux centres et j'avais le plaisir d'annoncer tout récemment
à Trois-Rivières la création du centre
spécialisé en métallurgie.
Mais il convient aussi de parler des centres créés par le
ministère de l'Enseignement supérieur, de la Science et de la
Technologie en vue de rapprocher les universités et les entreprises. La
vocation de ces six centres que nous voulons mettre en place est de favoriser
la recherche et le développement dans des secteurs prioritaires en
faisant appel à une concertation et aux capacités diverses de
recherche des intervenants dans le milieu, soit les intervenants industriels,
universitaires et collégiaux. Le premier de ces centres, le Centre
québécois d'informatisation de la production, a pour mission de
diffuser les nouvelles technologies de la conception et de la fabrication
assistées par ordinateur au sein des entreprises
québécoises. Son conseil d'administration est en voie de
préparer sa programmation triennale, que nous devrions approuver
normalement au cours des prochaines semaines, et le centre devrait être
en opération vers juin prochain. Quant au Centre de recherche sur les
applications pédagogiques de l'ordinateur et au Centre de recherche sur
la valorisation de la biomasse, leurs lettres patentes seront émises
d'ici à quelques semaines et ils pourront être lancés avant
l'été. Pour ce qui est du Centre de recherche sur la technologie
de l'électrochimie, Hydro-Québec a pris la décision d'en
prendre en charge la constitution et la direction, avec l'appui de mon
ministère. Précédent intéressant, je le souligne,
des discussions sont présentement en cours pour loger dans ce centre des
équipes de recherche du Centre national de recherche du Canada,
équipes dont les travaux sont complémentaires à ceux du
centre. (11 heures)
Enfin, à la suite du consensus dégagé il y a une
quinzaine de jours lors de la conférence sur l'électronique et
Pinfor-matique, il est maintenant arrêté qu'un centre de recherche
sur les technologies informatiques verra bientôt le jour à
Montréal avec la participation financière de tous les
intervenants intéressés. De même, il a été
convenu que le projet d'un centre de recherche sur la bureautique soit
axé autour de l'expérimentation d'un projet pilote. Ce centre
sera mis sur pied à Québec.
Je crois qu'il importe de mentionner, par ailleurs, que des
négociations, qu'il y a tout lieu d'espérer fructueuses, ont
été engagées avec mon collègue du gouvernement
fédéral, le ministre d'État chargé des Sciences et
de la Technologie, pour que le centre fédéral de recherché
en optique, dont l'implantation est également prévue dans la
région de Québec, soit modifié dans sa conception de
manière à faire l'objet d'une direction mixte regroupant des
représentants des industries, des représentants des
gouvernements, de manière à ouvrir ce centre sur la
communauté plutôt que d'en faire un centre strictement
gouvernemental.
Mais tout effort de rapprochement des intervenants ne peut s'envisager
si nous ne multiplions pas les occasions d'échanges, si nous ne
réussissons pas à insérer au sein des entreprises, par
exemple, des femmes et des hommes qui ont à coeur de favoriser les
échanges. Dans le cadre des mesures du plan d'action gouvernemental
AGIR, que nous rendions public en novembre dernier, trois programmes visant
à provoquer ce rapprochement entre les entreprises et nos institutions
ont été mis en place. Je vous souligne le programme de soutien
à l'emploi scientifique qui s'adresse aux entreprises de moins de 500
employés. Il vise à doubler, en quatre ans, le personnel
scientifique de ces entreprises et, pour ce faire, il doit créer chaque
année au moins 400 postes de scientifiques, d'ingénieurs et de
techniciens. Il s'agit d'insérer, au sein de l'entreprise, des jeunes
dotés d'une formation orientée vers le changement et l'innovation
et, ainsi, entraîner notre industrie dans la voie de la modernisation et
l'amener à s'intéresser à ce qui se passe au sein de nos
institutions.
Le second programme vise le prêt de professeurs de cégep et
d'université aux entreprises pour des périodes allant de trois
mois à un an. En 1984-1985, environ 50 demandes ont été
reçues; 44 ont été acceptées. L'objectif
visé, en 1985-1986, est de porter ce total à l'équivalent
de 50 personnes-année. C'est un programme de soutien au renforcement des
liaisons universités-industries et de la recherche dite de transfert
dont les subventions sont accordées sur concours. Ce programme s'adresse
ici aux unités de recherche universitaire. En fait, cinq projets ont
été retenus en 1984-1985 et le programme se poursuivra en
1985-1986. Nous voulons faire bénéficier, cette fois, cinq
nouvelles équipes du programme de manière à porter
à dix le nombre d'équipes de recherche universitaire
bénéficiant de ce programme de trois ans.
Enfin, pour assurer un contact plus précoce avec les
réalités de la vie économique et de la vie de
l'entreprise, les étudiants du Québec ont pu
bénéficier, en 1984-1985, pour une troisième année
consécutive, d'un programme visant à encourager les entreprises
à accueillir, au cours de l'été, des étudiants
stagiaires de niveau universitaire ou collégial ayant une formation
scientifique et technique: 529 étudiants ont effectivement pu
réaliser de tels stages en 1984.
Je soulignerai, en terminant, le rôle important que peut
progressivement jouer l'AQVIR dans la mise en valeur de notre potentiel de
recherche au Québec. À l'oeuvre depuis un an, l'objectif de
l'AQVIR est de promouvoir l'innovation technologique et de contribuer, par la
fourniture de capital de risque, à valoriser la recherche à des
fins industrielles. De juin à décembre 1984, l'agence a
accordé des prêts et subventions à l'innovation à
onze entreprises, pour un total d'environ 3 600 000 $; en fait, le coût
total des projets s'élève à 8 000 000 $.
Depuis décembre 1984, le conseil d'administration a
autorisé huit nouveaux financements représentant des
déboursés de près de 2 000 000 $. Nous comptons engager,
au cours de 1985-1986, une réflexion d'évaluation sur les actions
de l'AQVIR de façon à nous assurer que, comme pourvoyeur de
capital de risque, l'intervention de l'agence tende à privilégier
le transfert de technologies de l'institution d'enseignement vers l'entreprise
et qu'elle se tourne davantage vers la création de nouvelles entreprises
de haute technologie en laissant à la Société de
développement industriel le soin d'assurer le financement traditionnel
gouvernemental auprès des entreprises, au besoin par une multiplication
des programmes de la SDI, si cela devait être requis.
En fait, ce tour d'horizon des principaux programmes va permettre de
mieux apprécier l'ampleur de la mission du nouveau ministère de
l'Enseignement supérieur, de la Science et de la Technologie. Un
résumé des principales composantes de cette mission permet
d'identifier quatre éléments essentiels: d'abord, contribution
à un milieu culturel favorisant la familiarisation avec l'ensemble des
connaissances, y compris celles de nature scientifique et technique;
transmission formelle de la connaissance aux nouvelles
générations et son appropriation par les adultes par le biais de
l'éducation permanente; identification et développement de
créneaux d'excellence et d'expertise; enfin, rayonnement du savoir afin
de contribuer à notre développement socio-économique et
nous permettre de faire face aux transformations
accélérées que nous devons assimiler et
maîtriser.
Les enjeux prioritaires que nous avons identifiés ne doivent pas
nous faire perdre de vue la tâche fondamentale que nous devons assumer,
celle d'assurer la valorisation, l'approfondissement et le rayonnement de
l'ensemble du savoir qui s'offre à notre étude. Souhaitons
plutôt que l'expertise que nous développerons dans la solution des
problèmes les plus urgents qui se posent à nous servira à
stimuler et à alimenter la réflexion dans l'ensemble des secteurs
de la connaissance que les générations précédentes
ont mis à notre disposition.
Le Président (M. Fortier): Merci, M. le ministre. Vous
nous avez donné ample information. Vous avez dépassé de
beaucoup le temps qui vous était alloué, mais je crois que
c'était utile. Cela démontre que, quand un ingénieur
demeure trop longtemps en politique, il apprend à être volubile
comme tout le monde. Mme la députée de Jacques-Cartier.
Mme Joan Dougherty
Mme Dougherty: Comme c'est un sujet très large, j'aimerais
pouvoir dépasser mes 20 minutes moi aussi, M. le Président.
Le Président (M. Fortier): On va être aussi
généreux pour vous que pour M. le ministre.
Mme Dougherty: II est maintenant largement reconnu que le monde
est pris dans le tourbillon d'une révolution technologique
accélérée qui marquera profondément nos vies - j'ai
des copies, M. le Président, à distribuer.
Notre capacité de concurrencer au sein d'une économie
mondiale en voie de transformation rapide entraînera de nouvelles
demandes au niveau du savoir et des talents de tous nos citoyens et de leur
facilité d'adaptation à un marché en perpétuel
mouvement.
Nul besoin de se demander si nous voulons prendre part à la
révolution technologique ou non. Nous faisons face à un raz de
marée et, à moins de nager vigoureusement, on se noie. Notre
qualité de vie, notre survie économique dépendront de la
façon dont nous saurons faire face au défi. Le défi du
développement scientifique et technologique qui s'impose à notre
société devrait forcément impliquer tous les
ministères et tous les citoyens du Québec, parce qu'au coeur du
défi réside la question suivante: Comment peut-on orienter nos
énergies, nos activités, nos institutions publiques,
parapubliques et privées pour qu'elles puissent favoriser l'excellence?
Comment peut-on favoriser et valoriser l'excellence de notre performance,
l'excellence des idées, produits et services que nous offrons à
notre société et au monde entier? C'est une véritable
révolution des valeurs qui s'impose. C'est une révolution qui
soulève de sérieuses questions sur le rôle du gouvernement
face à l'individu dans notre société, sur le rôle et
les objectifs de nos institutions d'enseignement, sur le rôle et
l'importance du secteur privé dans notre poursuite de l'excellence,
ainsi que sur les relations entre les travailleurs et les employeurs dans notre
société. C'est une révolution qui demande qu'on fasse
notre
possible pour libérer et maximiser notre potentiel.
De nombreux exemples justifient notre crainte quant à notre
capacité de rattraper le peloton de tête. Par exemple, l'Institut
national de productivité a lancé, en mars 1985, un cri d'alarme.
Même si le Québec a remarquablement amélioré sa
productivité, il demeure des écarts importants à combler
avec l'Ontario. L'INP estime qu'en 1984 la productivité au travail est
encore de 10, 9 % plus basse au Québec et que la productivité du
capital est encore de 13, 5 % plus basse. De plus, l'écart de la
productivité sociale entre le Québec et l'Ontario est encore plus
élevé: 21, 9 %. Ce dernier chiffre signifie notamment que le
Québec procure de l'emploi à 53, 6 % de sa population en
âge de travailler, tandis que ce taux atteint 61, 2 % en Ontario.
Chaque jour, on lit dans les journaux les témoignages d'hommes
d'affaires, de chefs d'entreprises de haute technologie, d'ingénieurs,
d'hommes de science et d'investisseurs qui déplorent le haut taux de
taxation directe et indirecte sur les individus, la surréglementation
qui réduit la liberté d'action économique et
professionnelle, la taxe sur les gains en capital qui décourage la
réussite, l'intervention gouvernementale contre-productive dans le
secteur privé, des lois du travail irréalistes qui
empêchent les entreprises de s'ajuster aux nouvelles exigences du
marché, la loi antibriseurs de grève, la menace de
négociations multi-patronales, l'application trop stricte des
règlements concernant la langue, l'incertitude politique qui
règne au Québec. Toutes ces conditions réduisent notre
capacité d'être compétitifs dans le commerce international,
découragent l'esprit d'entrepreneurship et nous rendent incapables de
maintenir et d'attirer la main-d'oeuvre spécialisée et les
investissements dont nous avons tellement besoin.
Je cite le témoignage éloquent de M. Alain Brosseau,
directeur du Centre de recherche Bell-Northern, à l'île des
Soeurs, paru dans un article du Devoir et intitulé "Le Québec a
peine à recruter des cerveaux". Je cite l'article: "Jamais le
Québec ne pourra négocier le virage technologique sans recruter
un grand nombre de spécialistes à l'étranger. II s'agit
là d'une réalité inéluctable. Malheureusement,
Québec persiste à attirer les mouches avec du vinaigre alors que
les meilleurs chercheurs sont l'objet d'une véritable chasse à
l'homme à l'échelle internationale. "Depuis la Révolution
tranquille, la plupart des centres de recherches du Québec ont
bâti leur renommée en bonne partie sur une main-d'oeuvre
scientifique d'origine étrangère. La seule façon
d'acquérir un leadership mondial dans une technologie de pointe, c'est
de miser sur les meilleurs spécialistes de la planète. "Les
problèmes de recrutement sont surtout aigus depuis l'arrivée au
pouvoir du Parti québécois, en 1976. " Je cite l'article -indique
avec une certaine gêne M. Brosseau. "Jusqu'à ce moment, notre
personnel avait connu une croissance accélérée, mais,
depuis, le recrutement a suffi à peine à combler les
départs. Notre taux d'attrition est voisin de 33 % par année.
"
Parmi les handicaps actuels auxquels il doit faire face, M. Brosseau
cite la taxation provinciale, les lois sur la langue française, le
déplacement général des sièges sociaux et des
centres de décision vers l'Ontario et vers l'Ouest. "À
l'égard de l'Ontario, c'est surtout le taux de taxation qui fait mal. Au
niveau de salaires qui nous concernent (50 000 $-60 000 $ par an), les taxes
sont supérieures de 25 % au Québec. " Ce sont des chiffres de
1983.
Selon M. Brosseau, "il faudrait que Québec examine de front le
problème et aide davantage l'industrie à haute technologie. Il
faudra aussi repenser toute la politique de financement universitaire et
modifier l'orientation scolaire des jeunes, dès le niveau primaire. La
matière grise est maintenant une ressource convoitée à
l'échelle internationale et on ne peut plus se payer le luxe de confier
nos emplois les plus productifs à des étrangers, alors que tant
de Québécois, sont en chômage. " Fin de la citation. (11 h
15)
Une autre indication alarmante est la perte des cerveaux du
Québec. Une analyse de la Direction des études économiques
et démagographiques du ministère de l'Éducation
révèle que "le Québec a perdu plus de 120 000 personnes
par le biais des échanges migratoires interprovinciaux de 1976 à
1981".
Le Président (M. Fortier): Entre 1976 et 1981.
Mme Dougherty: 1976 et 1981. "La saignée est plus grave
quand on considère que 71 % d'entre elles détenaient un
diplôme secondaire et 32 % avaient fréquenté
l'université. "
L'étude révèle que cette répartition est
très différente de celle de la population
québécoise en général alors qu'en 1981 73 % des
Québécois âgés de 15 ans et plus n'avaient
complété qu'une neuvième année et que 13, 5 %
avaient terminé leurs études universitaires. La différence
s'explique du fait que la plupart des emigrants sont des non-francophones et
possèdent un plus haut niveau de scolarité.
Même si le rapport est encourageant en ce qu'il démontre
que le niveau de scolarité entre les Québécois
francophones et
anglophones, ainsi qu'entre les Québécois et les Ontariens
diminue, principalement chez les jeunes Québécois, le fait
inquiétant est que l'émigration des Québécois
depuis ces dernières années a résulté dans la perte
nette de citoyens hautement scolarisés, une perte de cerveaux
très utiles que nous ne pouvons nous permettre de continuer à
subir, II est à noter que les secteurs dans lesquels nous avons perdu la
plupart des emplois sont précisément les secteurs les plus
modernes et les plus avancés, les secteurs essentiels pour le virage
technologique.
Le Parti libéral du Québec a rendu publics les
résultats de ses études sur le départ des entreprises
entre janvier 1976 et novembre 1982. A la fin de 1982, les départs
représentent une perte cumulative de 14 061 emplois directs. La plupart
de ces pertes étaient dans les secteurs de génie et
d'équipement lourd, la pharmaceutique, les industries chimiques, les
télécommunications et l'électronique, ainsi que dans les
industries de produits alimentaires et de consommation. C'est à se
demander si le gouvernement du Québec ne contribue pas davantage au
développement de l'Ontario qu'à celui du Québeci
À l'égard de la recherche en milieu universitaire, les
analyses révèlent une autre situation alarmante. Les
études du Conseil des universités et du Conseil de la science et
de la technologie révèlent une production lamentable de
diplômés des deuxième et troisième cycles dans les
sciences biologiques, les sciences appliquées, les sciences physiques et
les mathématiques, surtout dans les universités francophones
où nous traînons loin derrière l'Ontario, et même
derrière la moyenne nationale canadienne. Cet écart explique en
grande partie le grave sous-développement de la recherche scientifique
dans nos universités francophones, documenté par le Conseil des
universités.
Dans le Devoir du 12 avril 1983, Lise Bissonnette constatait que "le
problème ressemble à celui de la poule et de l'oeuf; sur plus de
2000 étudiants de maîtrise et doctorat en sciences naturelles et
génie, au Québec, la moitié seulement sont inscrits dans
des universités de langue française. Cette
sous-productivité de diplômés vient-elle de la faiblesse de
l'infrastructure de recherche, ou est-elle elle-même à l'origine
du maigre taux de participation québécoise à la recherche?
Le résultat, de toute façon, est assez catastrophique. "
À l'égard de la recherche et du développement dans
le milieu industriel, les dernières statistiques des sciences,
publiées par la Division de la statistique des sciences et de la
technologie de Statistique Canada, révèlent que le Québec
perd du terrain face à l'Ontario. "En 1979, les industries
implantées au
Québec ont en effet effectué 24, 9 % des dépenses
en recherche au Canada, contre 53 % pour les entreprises de l'Ontario. En 1983,
ces proportions sont passées respectivement à 22, 9 % et 60, 9 %.
La domination ontarienne s'est donc beaucoup accrue. "
Pour compléter ce triste tableau, j'aimerais souligner deux
constatations importantes du bilan de l'activité scientifique et
technologique de la région de l'Estrie publié en novembre 1984
par le Conseil de la science et de la technologie. "Le bilan a
révélé, de façon probante, le manque de contacts
entre le milieu industriel régional et les institutions de recherche et
d'enseignement. "Le bilan a démontré qu'un bon nombre
d'entreprises ignoraient et parfois même se
désintéressaient des programmes de subventions disponibles
à la recherche et au développement ainsi qu'à la formation
des personnels. "
On peut conclure que, malgré le discours et les initiatives du
gouvernement visant à la collaboration des différents agents
reliés au développement technologique de nos entreprises, nous
sommes encore loin de la situation dynamique qui est essentielle si nous
voulons prendre le virage technologique.
J'ai gardé pour la fin le secteur qui est peut-être le plus
critique pour notre avenir à long terme. Je parle du monde de
l'éducation.
Bien qu'il nous soit impossible de prédire l'avenir, nous savons
qu'une des réalités sera le changement. C'est donc dire que la
nature des emplois ainsi que leur disponibilité changeront constamment.
Les travailleurs, à tous les niveaux de leurs métiers, devront
avoir des possibilités de progresser périodiquement et, dans bien
des cas, de se recycler en vue de nouveaux emplois lorsque leurs
compétences deviendront désuètes.
De plus, nous avons la quasi-assurance qu'à l'avenir le niveau
minimal de compétence de notre main-d'oeuvre sera accru. Il sera donc de
plus en plus difficile pour ceux qui n'auront pas une éducation solide
et une bonne formation dans leur métier de se trouver de l'emploi. Les
groupes à plus haut risque seront les décrocheurs, les femmes
s'acquittant de fonctions de niveaux inférieurs, les illettrés et
les unilingues, ainsi que les employés d'âge mûr, lesquels
seront de plus en plus considérés comme ayant un faible rendement
dans l'évolution du marché du travail.
Et, finalement, nous pouvons être assurés que les chances
d'avenir seront ouvertes à ceux qui possèdent non seulement une
formation spécialisée, mais une éducation de base solide
qui saura leur apporter à la fois profondeur et
flexibilité. On ne peut
trop insister sur l'importance d'apprendre à lire, à
écrire, à se familiariser avec les mathématiques et les
sciences, ainsi que la capacité d'analyser et de résoudre des
problèmes et d'exploiter des idées pour des fins utiles.
Il semble que le Québec est mal placé. J'aimerais
souligner quelques faiblesses inquiétantes.
C'est par milliers que nos élèves graduent ou
décrochent sans savoir vraiment lire, écrire ou bien parler. La
réponse du gouvernement est de changer le système d'apprentissage
de la lecture. Cependant, on sait que la majorité des
élèves apprennent à lire en dépit du
système. Ce sont 15 % à 20 % des élèves qui ont de
la difficulté. Ceux-ci ont besoin d'un appui particulier.
Néanmoins, les ressources nécessaires sont de moins en moins
disponibles à cause des coupures budgétaires.
L'apprentissage d'une langue seconde n'est pas parmi les
priorités du gouvernement. Cependant, il est impensable que tous les
enfants du Québec ne puissent avoir la bonne fortune de bien apprendre
la langue seconde pour leur enrichissement personnel, mais aussi pour
fonctionner dans un contexte international. Le grand défaut des
politiques linguistiques du Québec est que le gouvernement a vendu
l'illusion à des multitudes de Québécois qu'ils pouvaient
vivre en français seulement.
Je me pose aussi de sérieuses questions sur la faiblesse de
l'éducation dans le domaine des sciences et des mathématiques.
C'est une faiblesse qui n'est pas unique au Québec. Aux
États-Unis et au Canada, on a constaté une
détérioration grave de la qualité et de la quantité
de sciences et de mathématiques enseignées dans nos
écoles. Cependant, il me semble que la philosophie même qui est
à la base de notre système diminue le climat d'excellence qu'on
veut alimenter. L'accent sur l'égalitarisme risque de mener à la
médiocrité.
Le problème est accentué par le fait que la plupart de nos
enseignants ont une faible formation en sciences et en mathématiques. Un
recyclage urgent s'impose à cet égard.
Pis encore, j'ai peur que le nouveau régime pédagogique
n'aille institutionnaliser la médiocrité. Le régime, qui
met l'accent sur l'acquisition des connaissances selon des objectifs minimaux,
va jouer contre nos meilleurs étudiants, nos esprits créateurs,
nos futurs leaders dans la révolution scientifique et technologique.
Même si l'intention exprimée par le ministre est bonne - je parle
du ministre de l'Éducation, surtout de l'ancien ministre de
l'Éducation - à savoir d'augmenter les standards de fond en
comble, je prévois des résultats graves pour ceux qui aspirent au
défi de l'excellence.
Devant la faiblesse du nouveau programme de mathématiques au
primaire, le Groupe de recherche en didactique dans les mathématiques a
demandé une enquête sur l'enseignement des mathématiques au
Québec. Le groupe considère que le nouveau programme est
inférieur à tous ceux que le Québec a connus depuis 50
ans. Dans un article de la Presse du 25 mai 1984, il constate que "la seule
chose géniale dans ce programme, c'est qu'on y fait très peu de
choses en beaucoup de temps. "
La même situation existe en ce qui concerne l'éducation des
adultes. Le gouvernement parle de l'importance de la formation professionnelle
et du recyclage qui s'impose pour les femmes qui sont les plus touchées
par la révolution micro-électronique et l'automatisation de nos
entreprises. L'objectif est bon, mais est-ce qu'il est réaliste
d'attendre que nos institutions aient la capacité de répondre
à ces besoins, étant donné que chaque année le
gouvernement coupe sévèrement le budget consacré à
l'éducation permanente?
Il semble que les ministres de l'Éducation, messieurs Laurin et
Bérubé, et maintenant Gendron, soient préoccupés
par d'autres priorités, parce qu'au lieu de s'occuper de l'avenir de nos
ressources humaines ils poursuivent à tout prix leur plan massif et
largement inutile de réorganisation scolaire qui consomme les
énergies de centaines de milliers de citoyens qui
préféreraient s'occuper davantage de l'amélioration de la
qualité de l'éducation de nos futurs citoyens.
Si la situation dans les écoles est grave, la situation au niveau
universitaire est pire. Je crois que nous sommes tous d'accord que, dans une
économie où les connaissances deviennent hautement prioritaires,
un plus haut niveau d'éducation devient une ressource
stratégique. Un plus grand financement des universités est donc
critique si nous voulons mettre fin à la sérieuse érosion
actuelle de leur enseignement, de leurs capacités de recherche et de
bibliothèque.
Cependant, la réponse du gouvernement, au cours des cinq
dernières années, est d'assujettir les universités aux
coupures draconiennes et aveugles et ceci, en dépit d'une augmentation
substantielle de leur clientèle. Des douzaines d'analyses faites par le
Conseil des universités, ainsi que les témoignages du monde
universitaire lors des récentes auditions publiques ont longuement
documenté la situation désastreuse dans nos universités.
(11 h 30)
Malgré les efforts extraordinaires faits par les
universités afin d'absorber l'impact des coupures budgétaires, le
niveau général de financement de nos universités est rendu
au point où on risque de sacrifier leur mission primordiale: la
poursuite de l'excellence. Pendant que le gouvernement
prêche l'importance et la nécessité d'encourager une
formation plus poussée afin de rattraper notre retard sérieux
dans la recherche, ce même gouvernement a continué de siphonner
des millions et des millions des budgets universitaires.
Les prévisions pour l'année 1985-1986 indiquent quelques
améliorations de la situation. Cependant, la faiblesse fondamentale est
toujours là. Dans son rapport annuel, le Conseil des universités
résume la situation comme suit: "Les effets de ces compressions
financières ont d'ailleurs déjà commencé à
se faire sentir: vieillissement accéléré du corps
professoral ainsi qu'on l'a vu précédemment, vieillissement et,
dans certains cas, obsolescence des équipements requis pour
l'enseignement, diminution dramatique des achats dans les bibliothèques,
etc. Tout cela augure mal pour la qualité de l'enseignement et de la
recherche au cours des prochaines années. "
Je continue en citant le conseil: "En outre, depuis quelques
années, les gouvernements paraissent de plus en plus enclins à
lier une partie du financement des universités à la
réalisation de projets spécifiques dans le but, en particulier,
de les amener à effectuer les changements qu'ils estiment
nécessaires. C'est le cas, par exemple, du programme d'actions
structurantes, du financement des clientèles dans le secteur du virage
technologique, de crédits spéciaux à l'investissement.
"Sans vouloir porter de jugement sur ces actions, il faut tout de même
reconnaître qu'elles sont de nature à compliquer
singulièrement la tâche des gestionnaires des universités
québécoises en réduisant d'autant leur manoeuvre au moment
où ils sont aux prises avec la délicate opération de
réajustement de leur niveau de dépenses. Tout cela suggère
la nécessité pour chaque université de revoir son
rôle, ses orientations, ses objectifs, de dégager les consensus
nécessaires sur les moyens d'action, car, si elles n'y prennent pas
garde, si elles ne s'appuient pas sur de telles réflexions menées
avec ouverture et sérieux, elles risquent de voir leur
développement leur échapper plus ou moins complètement.
"Il faut dire à la décharge des universités que les
politiques existantes, les modes de financement ne conviaient guère
à la collaboration et à la consolidation. Les augmentations de
clientèles constituant le principal moyen de générer de
nouvelles ressources, il ne faut pas se surprendre de constater qu'elles aient
utilisé tous les moyens disponibles pour attirer de nouveaux
étudiants et augmenter leur part des ressources. "
M. le Président, voilà quelques faiblesses critiques dans
l'infrastructure de notre système scientifique et technologique au
Québec.
Vous pouvez me demander pourquoi j'insiste tellement sur
l'infrastructure au lieu de parler des projets du gouvernement qui visent notre
développement technologique. La raison est que je suis convaincue que
nous allons manquer le bateau si le gouvernement n'adopte pas une
stratégie globale et cohérente à long terme qui vise
l'instauration des conditions fiscales et l'encouragement des conditions
sociales, économiques et éducatives propices à
libérer et maximiser le potentiel de nos citoyens. Notre
développement scientifique et technologique, qui est au coeur de notre
capacité d'être concurrentiel, sera compromis si le gouvernement
du Québec ignore cette réalité.
À ce jour, le gouvernement du Québec a poursuivi ses
objectifs politiques contradictoires et ses solutions improvisées, tout
en nous encourageant à prendre le virage technologique. Au lieu de
prendre à coeur ses responsabilités premières dans cette
vaste entreprise, le gouvernement insiste pour greffer ses propres projets
à une infrastructure qui est nettement inadéquate. Le
gouvernement est tout occupé à donner un nouveau toit et à
peinturer la maison, sans tenir compte de la plomberie, de la filerie et des
fissures dans la fondation.
Le président pourrait me rappeler à l'ordre, étant
donné que plusieurs des problèmes soulevés relèvent
d'autres ministères. C'est vrai. Cependant, si vous étudiez la
loi 19, elle établit clairement un mandat très large pour le
ministère de la Science et de la Technologie. Par exemple, à
l'article 7 de la loi, "le ministre de la Science et de la Technologie: 1°
élabore et propose la politique du gouvernement en matière de
science et de technologie; il en surveille l'application et en coordonne
l'exécution; 3° contribue à l'harmonisation du
développement scientifique et technologique avec l'ensemble des
politiques de développement économique, social et culturel.
Aux fins de l'exécution de ses fonctions, l'article 8 permet plus
particulièrement au ministre de "proposer au gouvernement des objectifs,
des priorités et des stratégies de développement
scientifique et technologique; de conseiller le gouvernement sur toute question
relative aux activités scientifiques et technologiques des
ministères et des organismes publics; de promouvoir l'analyse,
l'évaluation et la maîtrise des incidences du développement
technologique sur les personnes et la société, de soumettre ses
recommandations au gouvernement sur les ressources de l'État
consacrées à la science et à la technologie; de proposer
au gouvernement et aux ministres concernés des mesures destinées
à assurer l'adéquation des politiques et des pratiques du
gouvernement et de ses ministères avec les besoins du Québec
en
personnel scientifique et technique; dernièrement, de favoriser
et coordonner le développement et la diffusion de l'information et de la
culture scientifiques et technologiques. "
M. le Président, ces articles donnent au ministre la
possibilité d'influencer le gouvernement pour améliorer
l'infrastructure de notre société afin de promouvoir le
développement de nos ressources humaines et d'aider nos entreprises
à créer, à développer et à utiliser de
nouvelles technologies.
On n'a pas besoin d'un ministre de la Science et de la Technologie qui
s'occupe seulement de la création d'un programme d'emploi scientifique,
d'une maison des sciences et de la distribution d'un "slush fund" pour appuyer
quelques projets de recherche et de développement scientifique et
technologique. Toutes ces initiatives pourraient être mises sur pied
à la suite d'une collaboration entre d'autres ministères.
C'est en vue d'un large mandat accordé au ministre de la Science
et de la Technologie que je pose les questions suivantes au ministre.
Le Président (M. Fortier): Mme la députée,
je m'inquiète simplement de la façon dont on va procéder
parce que je vois que les trois prochaines pages de votre texte, ce sont des
questions. Si on veut procéder d'une façon ordonnée et
comme j'imagine que, si vous posez des questions, c'est pour entendre les
réponses du ministre, je me demandais si...
M. Bérubé: M. le Président, en fait, j'en
doute. En général, les questions sont intéressantes, mais
les réponses intéressent généralement peu
l'Opposition. Vous n'êtes pas vraiment préoccupé de cet
aspect.
Le Président (M. Fortier): M. le ministre, vous
présumez de l'importance... Il y a le public qui nous écoute et
tous les journalistes qui sont dans leurs quartiers, en haut, qui
écoutent les propos que vous tenez. Tout simplement, je posais la
question parce que je vois qu'il y a trois pages de questions et, si Mme la
députée veut avoir une réponse à chacune d'elles
j'imagine que, par la suite, elle devra encore répéter les
questions et du temps sera perdu de cette façon.
M. Bérubé: Nos réponses seront
complètes, M. le Président.
Mme Dougherty: M. le Président, je préfère
les lire et je ne vais pas les répéter. Pour le Journal des
débats, je préfère les lire et le ministre pourrait les
lire. Je suis certaine que je ne vais pas les répéter.
M. Bérubé: Vous en avez pour trois jours juste avec
les réponses.
Mme Dougherty: Alors, on doit commencer, peut-être.
Le Président (M. Fortier): Alors, allez-y, madame. Si
c'est le voeu des membres de la commission, je n'ai pas d'objection.
Mme Dougherty: Premièrement, les ressources humaines. 1)
Quelles sont les démarches que vous avez prises afin d'améliorer
la qualité et la quantité de l'enseignement des sciences et des
mathématiques dans nos écoles? 2) Êtes-vous favorable
à une approche plus pluraliste en vue de stimuler les enfants
surdoués? Êtes-vous prêt à encourager le MEQ dans le
but d'orienter le régime pédagogique selon cette philosophie? 3)
Etes-vous d'accord sur le fait que la connaissance des deux langues est
essentielle pour tous nos enfants? Si oui, qu'avez-vous l'intention de faire en
ce sens? 4) C'est un fait que non seulement l'éducation des adultes
manque de fonds, mais également que trois ministères se partagent
la responsabilité de ce secteur: le MEQ, le ministère de
l'Éducation supérieure et le ministère de la Main-d'oeuvre
et de la Sécurité du revenu. Vu l'incohérence des
programmes gouvernementaux qui en découle et face à une demande
toujours croissante pour une main-d'oeuvre plus qualifiée et
recyclée, quelles améliorations envisagez-vous afin que nous
puissions faire face à ces besoins changeants du marché? 5) Quels
sont les projets du gouvernement afin d'affronter les futurs besoins de
perfectionnement et de recyclage de la main-d'oeuvre? Où cela se
fera-t-il et comment cela sera-t-il financé? 6) Quelles politiques
avez-vous suggérées afin d'aider les industries à attirer
et maintenir une main-d'oeuvre hautement qualifiée au Québec? 7)
Vous êtes sans doute conscient que la hausse proposée des
crédits aux universités ne règle pas leurs
problèmes fondamentaux. Quelles sont vos intentions, à long
terme, pour pallier, par exemple, au manque de personnel scientifique et de
recherche qualifié, pour remplacer l'équipement désuet et
inadéquat et pour revaloriser les bibliothèques? 8) La hausse des
frais de scolarité des étudiants étrangers a causé
un émoi considérable, particulièrement dans les
universités anglophones qui sont les plus affectées. Avez-vous
étudié l'impact de votre nouvelle politique sur notre potentiel
de recherche et sur l'échange international des connaissances? 9) II y a
une grande inquiétude parmi la communauté de la recherche
universitaire concernant l'apparent manque d'intérêt du
gouvernement pour les programmes de recherche financés par le
FCAR. Alors que des pays fructueux technologiquement, tels le Japon et
l'Allemagne de l'Ouest, et les États-Unis, reconnaissent maintenant la
recherche de base universitaire comme une priorité fondamentale
puisqu'elle sert de base à tout autre effort de recherche, il semble que
le gouvernement du Québec pense réussir en donnant
priorité à la recherche appliquée au détriment de
la recherche libre. Quelle est votre politique à cet égard?
Êtes-vous disposé à vous engager à long terme afin
d'assurer le développement de ces programmes? 10) La nouvelle emphase
mise sur le virage technologique a fait que ceux du domaine des sciences
sociales et humaines se sont sentis abandonnés. Quelle est votre
politique à l'égard de la recherche dans ce secteur? Le
gouvernement a-t-il reconnu le besoin d'avoir des experts en sciences sociales
pour venir en aide aux gens qui ont à subir le traumatisme du changement
technologique? Quelles sont vos intentions à cet égard?
D'après vous, quel est l'apport des sciences sociales au virage
technologique?
Deuxièmement, un groupe de questions qui touchent les obstacles
au changement technologique. 1) L'industrie et les gouvernements ont reconnu le
besoin de faciliter l'accès aux multiples programmes gouvernementaux de
soutien, tant fédéraux que provinciaux. Quelles sont vos
intentions à ce sujet? 2) Le gouvernement a-t-il évalué
tous ses programmes de soutien technologique dans le but de supprimer
graduellement les programmes inutiles à ses clients et d'augmenter ceux
qui sont utiles?
(11 h 45) 3) La Loi sur les gains en capital est perçue comme une
punition à la réussite. Avez-vous examiné la
possibilité de réduire cette taxe afin d'élargir le bassin
du capital de risque pour les initiatives de haute technologie? 4) Le
gouvernement a-t-il évalué l'efficacité relative de
subventions directes par rapport à des incitatifs fiscaux à la
recherche et au développement, quant à leur impact sur la
productivité? 5) Le Conseil de la science et de la technologie a
recommandé que soit allouée une subvention pour cinq
années égale à 25 % de l'accroissement net de la masse
salariale dû à l'augmentation du personnel scientifique
assigné spécifiquement à des activités de R-D
industrielle effectuées au Québec. Avez-vous l'intention
d'implanter une telle mesure? 6) La base conflictuelle de nos relations de
travail, qui crée de rigides spécifications d'emplois et des
dispositions d'ancienneté, est largement reconnue comme étant un
des plus sérieux obstacles aux changements dans l'industrie
technologique. Le gouvernement est-il préparé à fournir un
leadership afin d'améliorer les relations de travail, et comment? 7) Les
gens sont craintifs et même opposés aux changements
technologiques. Est-ce que le gouvernement a l'intention de redéployer
ses ressources vers un ajustement efficace au lieu de renforcer le statu quo
visant à ne pas reconnaître le changement qui s'impose? Quelles
sont les mesures spécifiques que le gouvernement entend prendre pour
compenser les pertes en capital entraînées par une relocalisation
des ressources humaines? 8) II est bien connu qu'il y a un besoin de renforcer
les liens entre l'industrie et l'université. À cet égard,
quel est votre avis sur les recommandations suivantes du rapport Wright: a) une
prime de 25 % payable aux universités participant à des contrats
industriels en recherche et développement; b) un crédit
d'impôt de 50 % accordé aux compagnies pour de la recherche et du
développement qu'elles font exécuter par les universités?
9) Que pensez-vous de la suggestion de l'Université McGill afin que des
compagnies soient autorisées à donner de l'équipement aux
universités et à déduire le coût de cet
équipement plus la moitié des profits anticipés sur la
vente au détail de tel équipement? Seriez-vous prêt
à appuyer une telle mesure? 10) L'Ontario a créé un fonds
d'encouragement à la recherche universitaire qui permet l'ajout de 1 $
pour chaque 2 $ que les universités recueillent du secteur privé.
Le gouvernement du Québec a-t-il considéré l'implantation
d'un tel programme? 11) Un des sérieux obstacles à la recherche
et au développement dans l'industrie pharmaceutique est la loi
fédérale sur les brevets. Votre gouvernement, ainsi que
l'Opposition libérale, a fait des représentations auprès
du gouvernement fédéral pour amender cette loi et étendre
la protection aux brevets pharmaceutiques afin que cette industrie
reçoive un retour équitable de son investissement en recherche et
développement pour de nouveaux produits. La commission Eastrnann a
étudié le problème. Quels contacts avez-vous eus avec le
gouvernement fédéral pour accélérer les
démarches? Avez-vous considéré l'impact de cette loi sur
les brevets sur la viabilité de Bio-Méga et les résultats
de la recherche accomplie par les anciens chercheurs de Ayerst?
En terminant, M. le Président, j'aimerais soumettre une question
posée par Mme Lise Bissonnette lors du sommet "Québec dans le
monde". Comment pouvez-vous concilier vos exhortations pieuses sur
l'importance de l'université comme lieu de recherche et de
contact sur et avec la réalité internationale et une politique de
financement qui risque de porter atteinte à l'ampleur de la
coopération internationale menée par les universités et
d'hypothéquer la coopération scientifique et technologique?
Comment pouvez-vous justifier le déséquilibre entre les
investissements extérieurs dans les domaines politiques et culturels et
la pauvreté navrante de nos équipements d'enseignement et de
recherche sur les sociétés américaines et canadiennes,
premiers partenaires économiques et politiques du Québec?
Voilà donc, M. le Président, quelques-unes des nombreuses
questions que suscite la situation que vous vous apprêtez à nous
léguer bientôt en guise de testament politico-scientifique. Soyez
conscients que vous entamez donc l'année de la dernière chance
quant à la contribution de votre gouvernement au développement
scientifique du Québec. Merci.
Le Président (M. Fortier): Merci, Mme la
députée. J'aimerais demander le consentement des membres pour que
M. Assad (Papineau) remplace M. Maciocia (Viger) pour cette séance.
Est-ce qu'il y a consentement?
Des voix: Cela va. Il y a consentement.
Le Président (M. Fortier): M. le ministre, j'aimerais tout
simplement qu'on procède d'une façon quelque peu ordonnée.
Vous avez le droit de réplique, bien sûr, maintenant, et je sais
que certains membres veulent peut-être intervenir. Est-ce que vous
utilisez votre droit de réplique maintenant? Est-ce que vous allez
répondre à chaque question une à une? Enfin, je vous
laisse choisir, mais j'aimerais tout simplement savoir, de façon
à ordonner nos travaux, de quelle façon nous allons
procéder dans nos discussions.
M. Yves Bérubé: (réplique)
M. Bérubé: M. le Président, il y a
là, évidemment, énormément de questions qui peuvent
me permettre, à chaque fois, de donner la réplique puisque les
questions ne sont pas posées en vue d'avoir des réponses, mais
dans le but de tenter, pour l'Opposition, de faire ressortir son rôle de
critique. Mais je dois dire que j'ai écouté le discours de la
députée de Jacques-Cartier, et je n'ai retenu à peu
près que ceci. C'est un discours profondément
réactionnaire vis-à-vis de tout ce qu'est la
société québécoise; c'est un discours de
dépendance économique permanente et de dépendance
culturelle que propose la députée. C'est un discours
émaillé de clichés creux, sans aucune orientation vis-
à-vis du système d'éducation.
Je pourrais m'amuser longuement à donner la réplique, mais
je ne pense pas que cela ferait avancer les travaux de cette commission. Il y a
des questions qui sont posées. Je vais répondre de façon
pertinente et percutante à chacune des interventions vagues, confuses et
généralement biaisées de l'Opposition.
Mme Dougherty: Je n'ai pas posé ces questions, M. le
ministre, afin de vous amuser. Ce sont des questions sérieuses,
posées par beaucoup d'autres personnes qui sont profondément
concernées, qui s'occupent de notre avenir et surtout de notre avenir
scientifique et technologique. J'espère que vous allez répondre
avec un esprit sérieux parce que c'est dans un esprit sérieux que
j'ai posé ces questions.
Le Président (M. Fortier): Mme la députée,
le ministre avait fait ses remarques préliminaires. Vous avez fait les
vôtres. Le ministre vient de répliquer. Nous sommes donc à
la période des questions. Qui veut la parole?
Période de questions
Mme Dougherty: Est-ce que le ministre peut répondre
à ces questions? Par exemple, on pourrait commencer avec les sciences et
les mathématiques...
M. Bérubé: On pourrait commencer par la
première question.
Mme Dougherty:... à l'école.
Enseignement des sciences
et des mathématiques
M. Bérubé: M. le Président, c'est
très facile. La députée n'est absolument pas au courant de
l'implantation de nouveaux régimes pédagogiques. Cela me fera
plaisir de lui envoyer une description complète de tous les
régimes pédagogiques qui ont fait l'objet de débats
profonds au sein de notre société à partir de 1977,
débats qui ont regroupé tous les intervenants dans le monde de
l'éducation.
Ces nouveaux régimes pédagogiques sont en implantation
depuis 1980-1981. Ils impliquent, par exemple, l'introduction de cours
d'initiation à la science technologique au niveau secondaire. Ils
impliquent l'introduction de cours et initiation à la vie
économique également au niveau secondaire. Ils impliquent
l'implantation de cours dans le domaine des sciences à chacun des
trimestres de la formation reçue à l'école secondaire. Ils
impliquent une réforme totale des programmes et des cours en
définissant désormais des objectifs d'acquisition de
connaissances avec également des mesures d'évaluation de
l'acquisition de telles connaissances.
Ce qui est dramatique, M. le Président, c'est que la
députée n'est absolument pas au courant de tout ce qui se passe
à l'heure actuelle dans le réseau. Par conséquent, poser
une question comme celle-là, c'est simplement faire aveu de son
ignorance. C'est le genre de chose qu'on ne devrait pas, normalement,
étaler sur la place publique.
Mme Dougherty: Comment expliquez-vous la demande du Groupe de
recherche en didactique pour une enquête sur l'enseignement des
mathématiques au Québec? Deuxième volet: est-ce que vous
avez des chiffres qui démontrent le taux d'échecs en
mathématiques au niveau secondaire?
M. Bérubé: M. le Président, nous ne sommes
pas ici pour discuter de l'enseignement aux niveaux primaire et secondaire.
C'est le ministre de l'Éducation qui en est responsable. Cette
commission ne porte pas là-dessus. Il me fera plaisir de demander au
ministère de l'Éducation d'envoyer à la
députée toute la description des régimes
pédagogiques, des objectifs pédagogiques, des nouveaux devis de
programmes. On pourra lui fournir également tous les commentaires
concernant les devis des nouveaux programmes d'enseignement dans le domaine des
sciences.
Je dois dire que l'ensemble des régimes pédagogiques est
fort bien accueilli de la part de la communauté d'enseignement au
Québec. Ils sont présentement en voie d'implantation. Ils
représentent, justement, les moyens retenus par le gouvernement pour
améliorer l'enseignement tant de la langue française que de la
langue anglaise et l'enseignement des sciences et des mathématiques. Ils
constituent la réponse à l'absence de régimes
pédagogiques qui avait caractérisé l'administration
libérale antérieure. De tels régimes, effectivement, ont
été conçus à partir de 1977. Ils sont en
implantation depuis 1981. Si la députée n'est pas au courant, je
n'y peux rien.
Le Président (M. Fortier): M. le ministre, dans la mesure
où vos commentaires nous disent que nous sommes ici pour discuter des
crédits de la science et de la technologie et non de ceux de
l'enseignement primaire et secondaire, je crois que vos remarques sont
valables. Mais je laisse le soin à la députée de
préciser sa pensée pour que, justement, on aborde la discussion
de la science et la technologie comme telle.
Mme Dougherty: M. le Président, je crois que le ministre a
lui-même abordé le sujet du développement scientifique et
technologique d'une façon très large. Je suis d'accord avec cette
large approche parce qu'on ne peut pas parler de notre avenir, de notre
développement scientifique et technologique sans parler de nos
écoles, de la base et de l'infrastructure en éducation. Donc,
l'éducation - je parle uniquement des sciences et des
mathématiques - est une partie importante de cette infrastructure.
Mais si le ministre ne veut pas en discuter, peut-être pourrait-on
passer à d'autres questions.
Le Président (M. Fortier): Allez-y, Mme la
députée.
Recyclage de la main-d'oeuvre
Mme Dougherty: Est-ce que vous aimeriez parler du recyclage,
question 5? Nous sommes d'accord sur les objectifs. Tout le monde parle des
besoins futurs...
M. Bérubé: M. le Président, est-ce que je
pourrais savoir de quoi on parle? Est-ce qu'on veut avoir la réponse
à la deuxième question? C'est parce que là il m'est
difficile de savoir si je dois porter attention aux travaux de la commission,
si je dois répondre à des questions. Exactement, quelle est la
nature de la démarche?
Le Président (M. Fortier): Je crois que Mme la
députée a compris qu'à la première question qu'elle
avait posée vous aviez répondu brièvement.
Mme Dougherty: Question 5.
Le Président (M. Fortier): Là, elle allait à
la question 5...
M. Bérubé: Question 5.
Le Président (M. Fortier):... à la page 20.
Mme Dougherty: Qui va être responsable pour ce
perfectionnement et ce recyclage massif dont tout le monde parle?
M. Bérubé: Ah!
Mme Dougherty: Comment cela sera-t-il financé? Est-ce que
vous avez des plans?
M. Bérubé: La réponse à cette
question est simple, très limpide. Vous allez trouver la réponse
à la question dans les notes qui vous ont été
envoyées. C'est dommage que les gens ne prennent pas la peine de lire
les documents et posent une série de questions en pensant que leurs
questions sont tellement plus lumineuses, alors que, dans le fond, elles ne
font que traduire l'absence de lecture des
documents qu'on vous a envoyés. Je m'arrête et je
regarde.
Le Président (M. Fortier): M. le ministre... (12
heures)
M. Bérubé: À la page 5, à l'onglet 06
du document qui vous a été transmis - "it was not for the birds"
- vous observerez que, par exemple, lorsqu'on. regarde les taux d'accès
à l'université des moins de 30 ans, à temps partiel, au
Québec - prenons les chiffres de 1978 puisque nous n'avons pas de
chiffres plus récents en Ontario; toutefois, on nous dit que les
chiffres ne semblent pas avoir évolué de façon
significative - nous avions un taux d'accès de 5, 5 %, alors qu'il est
de 2, 06 % en Ontario. Nos universités ont investi massivement dans la
formation permanente à l'intention de clientèles
fréquentant à temps partiel nos institutions d'enseignement.
Également, dans mon exposé, vous trouverez, au chapitre de
l'enseignement collégial, la nature de l'effort consenti pour
accroître la fréquentation à temps partiel ou la
fréquentation des adultes au niveau collégial. Vous allez
constater que c'est ici que se fait l'effort le plus massif pour donner
accès à des clientèles adultes à l'enseignement -
je dirais - continu.
Où cela va se donner? Dans nos institutions d'enseignement.
Comment cela va-t-il se financer? Par les règles budgétaires du
gouvernement, qui ne font pas de distinction entre, par exemple,
l'étudiant à temps partiel et l'étudiant à temps
complet, à l'heure actuelle. Est-ce que l'effort consenti, au
gouvernement, est suffisant? Je vous dirai qu'il est deux fois et demi plus
important, en tout cas, que celui du gouvernement ontarien dans le domaine.
La réponse, à ce moment-là, à la question -
et là je reprends la question: Quels sont les projets du gouvernement
afin d'affronter les futurs besoins de perfectionnement et de recyclage de la
main-d'oeuvre? - ce n'est pas compliqué: en assurant, par des
règles budgétaires, la possibilité à nos
collèges et à nos universités d'accueillir des
clientèles dans le cadre de programmes de recyclage. Exemple: le nouveau
régime pédagogique permet des attestations d'études
collégiales qui représentent des reconnaissances de programmes
plus courts dans des domaines spécialisés qui permettent,
justement, aux collèges de répondre à des besoins plus
immédiats. Nous finançons, par nos règles
budgétaires, les clientèles qui s'inscrivent à de tels
programmes. Nous faisons de même pour les clientèles à
temps partiel.
Donc, où cela va-t-il se faire? Dans nos institutions
d'enseignement. Comment cela sera-t-il financé? Par les règles
budgétaires, qui ne présentent pas d'obstacles à de tels
programmes de recyclage de nos clientèles.
Le Président (M. Fortier): Mme la
députée.
Mme Dougherty: Je crois que vous avez oublié les gens qui
sont déjà dans le monde du travail. J'aimerais savoir si vous
avez examiné le rapport du jury consultatif national sur les
congés de perfectionnement présenté au ministre de
l'Emploi et de l'Immigration qui était intitulé: "Apprendre, un
défi pour la vie. " Dans ce rapport, à la page 12, on
suggère que les gouvernements fédéral et provinciaux
adoptent des mesures pour instaurer un programme universel de
congés-éducation sans perte de revenus. C'est un régime
enregistré d'épargne-congé d'éducation.
M. Bérubé: M. le Président, on se trompe de
ministère. Si on nous demande ce que nous, comme ministère de
l'Enseignement supérieur, de la Science et de la Technologie, nous
allons faire, nous allons permettre à des clientèles de venir
s'inscrire à l'université, au collège pour
compléter leur formation. Si on me demande: Qu'est-ce que le
ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu
compte faire, qu'on adresse la question au ministère de la Main-d'Oeuvre
et de la Sécurité du revenu.
Mme Dougherty: Vous ne croyez pas que cette responsabilité
qui découle du mandat inscrit dans la loi 19 est partagée
peut-être avec d'autres ministères?
M. Bérubé: II ne faut pas tout mêler. On va
essayer, si possible, de ramener les idées un peu plus claires.
Le Président (M. Fortier): Pour préciser la
question de la députée, M. le ministre, peut-être que vous
pourriez nous résumer l'orientation ou les responsabilités de
votre ministère par rapport à celles du ministère de la
Main-d'Oeuvre, et de la Sécurité du revenu, pour qu'on puisse
faire le partage des responsabilités dans ce secteur bien précis.
Je crois que ce serait d'une certaine utilité.
M. Bérubé: Effectivement, M. le Président,
je reconnais entièrement le bien-fondé d'une telle question. Le
ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu
est responsable de l'évaluation des besoins en main-d'oeuvre au
Québec et également de l'évaluation de
l'inadéquation entre les connaissances de la main-d'oeuvre actuelle et
les besoins de l'univers économique. C'est la fonction première
du ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du
revenu ici au Québec.
H doit, à ce rnoment-là, concevoir des moyens. Ces moyens
peuvent être le congé de perfectionnement, comme vous avez
mentionné. Ils pourraient également être l'implantation de
stages en entreprise, ce que fait le ministère de la Main-d'Oeuvre.
Donc, il y a une quantité de moyens que l'on peut envisager.
Évidemment, certains de ces moyens impliquent des formations
additionnelles de nature "académique" dispensées soit à
l'intérieur de nos collèges, soit à l'intérieur de
nos universités. Lorsque tel est le cas, en ce qui concerne nos
règles budgétaires, nous devons faire en sorte que ces
clientèles puissent être admises et financées, car,
évidemment, si elles n'étaient pas financées, nos
institutions ne pourraient pas dispenser l'enseignement que le ministère
de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu prétend
requis.
Donc, pour autant que nous sommes concernés, il faut que nos
institutions aient les budgets requis pour accueillir ces clientèles.
Or, ce qui caractérise nos règles budgétaires, c'est
l'ouverture de ces règles aux clientèles additionnelles. De fait,
nous devons constater - et c'était l'exemple que je vous donnais - qu'en
ce moment nous avons deux fois et demie plus d'étudiants inscrits
à temps partiel dans nos universités, dans le cadre d'un
recyclage ou d'un perfectionnement continu, que notre voisin ontarien.
Alors, si vous venez me demander: Est-ce que vous êtes
gêné de l'effort que vous faites? Je vous dis: Non, c'est sans
doute le meilleur au monde. Vous allez me dire; Est-ce qu'il est suffisant? Il
semble certainement suffisant puisqu'on accueille toutes les clientèles
qui veulent y aller. Vous allez me dire: Est-ce que d'autres mesures, fiscales
ou autres, pourraient être mises en place par d'autres ministères?
Je vous dis: Adressez vos questions à d'autres ministères.
Le Président (M. Fortier): M. le ministre, dans la mesure
où il y aura des collaborations qui s'imposeront - je pense à
l'aérospatiale, en particulier, où l'industrie elle-même,
en collaboration avec des collèges ou peut-être même avec
des universités, peut mettre sur pied des programmes plus à
même de donner une meilleure spécialisation, puisqu'ils
possèdent l'équipement qui permet cette formation - dans la
mesure où, justement, des organismes sous votre responsabilité
devront faire le pont avec l'industrie et, dans une certaine mesure,
amèneront votre ministère à faire le pont avec un autre
ministère, de quelle façon cet agencement des politiques va-t-il
se faire? De la façon dont vous vous exprimez, vous semblez laisser la
responsabilité première de ces initiatives de faire le pont entre
l'industrie, les collèges et universités au ministère du
Travail et au ministère de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, et vous allez
réagir par la suite. Dans quelle mesure votre propre ministère
est-il impliqué dans ces négociations pour assurer qu'une
meilleure formation et un meilleur recyclage soient faits en collaboration avec
l'industrie et les collèges spécialisés ou les
universités, surtout dans le domaine technologique?
M. Bérubé: Alors, la mécanique pour
réaliser cette concertation essentielle de tous les intervenants est la
suivante: par le biais des centres de formation professionnelle sont
constituées des tables régionales de concertation où se
retrouvent des représentants des milieux d'enseignement, des
représentants du monde économique, des représentants des
milieux sociaux. Ces tables constituées au niveau des centres de
formation professionnelle ont comme mission d'évaluer les besoins en
formation spécifiques au milieu, d'examiner quels sont les besoins plus
particuliers et dans quelle mesure, par exemple, nos institutions
d'enseignement publiques peuvent répondre à la demande. Lorsque
les institutions ne peuvent pas répondre à la demande, elles
s'adressent au ministère pour obtenir des injections de fonds, pour
moderniser de l'équipement. Dans mon exposé - ce que nous
pourrons discuter lorsque nous examinerons les crédits - j'ai
mentionné des injections de fonds de l'ordre de 4 500 000 $ en
équipement dans un certain nombre de secteurs où, effectivement,
l'on pressent un besoin en modernisation de nos institutions.
De plus, s'ajoute à cette concertation des intervenants locaux
une autre action amorcée à partir de nos collèges, dans un
cas, c'est celle des centres spécialisés. Les centres
spécialisés n'ont pas nécessairement comme objectif la
formation permanente. Mais, néanmoins, plusieurs de ces centres
spécialisés se sont donné comme première mission la
conception et le développement de stages dans les domaines de leur
spécialisation à l'intention de l'ensemble du milieu industriel
intéressé.
Ainsi, le Centre spécialisé en métallurgie de
Trois-Rivières a conçu des programmes de formation en soudure en
essais non destructifs qu'il dispense à des étudiants de
l'école polytechnique et également à des étudiants
de l'Université du Québec; donc, un collège qui dispense
des programmes précis à des étudiants d'université,
mais également à des membres d'entreprises, à des
ingénieurs oeuvrant dans les entreprises du secteur de la
métallurgie au Québec.
Donc, le centre spécialisé peut, lui aussi, vouloir offrir
ce type de services. Notons que le centre spécialisé regroupe, au
niveau des conseils d'administration, des représentants des
autorités collégiales, souvent universitaires et du monde
industriel
environnant. Cela peut donc constituer une autre table de concertation,
mais soulignons, cependant, qu'à ce moment c'est une table beaucoup plus
spécialisée. En d'autres termes, il y a la table de concertation
de la Commission de formation professionnelle qui, elle, couvre l'ensemble des
disciplines et on peut avoir, de plus, en région, dans certains
secteurs, je dirais des secteurs reliés à nos centres
spécialisés, une autre concertation, mais celle-là
beaucoup plus pointue.
Le Président (M. Fortier): Je vous remercie. Enfin, il
semblerait que ce que vous nous dites, c'est nouveau. Mais, je me souviens que,
quand j'étais étudiant à Polytechnique, tous les samedis
matin, j'allais à l'école technique de la rue Sherbrooke. Je
pense qu'on revient à ce qu'on faisait, il y a quelques
années.
Mme la députée.
Mme Dougherty: Est-ce qu'on pourrait passer à une autre
question?
Le Président (M. Fortier): Allez-y. C'est vous qui
êtes le porte-parole de l'Opposition et je crois que les autres
collègues vous laissent le champ libre, madame.
Mme Dougherty: Question no 7.
M. Bérubé: C'est dommage, vous sautez la question
6. J'avais une réponse pour la question 6.
Mme Dougherty: C'est parce qu'on n'aura pas assez de temps.
M. Bérubé: Disons que, pour la question 6, nous
demanderons à nos collègues du fédéral de bien
vouloir vous envoyer le rapport Fantus portant sur le développement de
la haute technologie et l'attraction de main-d'oeuvre dans un centre comme
Montréal. La députée aura le plaisir de lire...
Mme Dougherty: Je l'ai déjà lu, monsieur.
M. Bérubé:... que si l'on prend l'ensemble des
facteurs susceptibles d'attirer de la main-d'oeuvre hautement qualifiée
au Québec, l'ensemble des facteurs privilégie Montréal par
rapport à peu près à n'importe quelle ville
nord-américaine. Lorsqu'on parle de la taxation comme étant un
facteur négatif - l'ensemble des facteurs est très positif, mais
il existe un certain nombre de facteurs négatifs - on souligne que la
taxation est compensée par le coût de la vie qui est nettement
plus faible au Québec, par le coût de l'habitation qui est plus
faible au Québec et que, sur le plan financier, la main-d'oeuvre
hautement qualifiée qui vient s'implanter à Montréal a un
niveau de vie supérieur.
Mme Dougherty: Oui, je l'ai lu. (12 h 15)
M. Bérubé: Prenant en compte l'ensemble, parce
qu'il faut prendre en compte aussi les taxes foncières, il faut prendre
en compte les taxes scolaires. Il faut donc prendre l'ensemble des facteurs en
considération et on tire la conclusion qu'évidemment il y a des
facteurs positifs et des facteurs négatifs. Mais, au chapitre du niveau
de vie général dont peut bénéficier une
main-d'oeuvre hautement qualifiée, Montréal est nettement
avantagée par rapport à la plupart des villes
nord-américaines, sinon par rapport à toutes les villes
nord-américaines.
Il reste la question du français. Évidemment, la
députée ne m'a jamais posé la question: Mais, M.
Bérubé, est-ce qu'il n'est pas dangereux pour les
Américains de maintenir la langue anglaise, ce qui pourrait
empêcher le recrutement de main-d'oeuvre hautement
spécialisée et qualifiée autour de la route 128, par
exemple, à Boston ou encore dans le Research Triangle Park de la
Caroline? Parce qu'à ma connaissance, c'est l'anglais qui est
utilisé. Et le fait d'utiliser une seule langue, l'anglais, ne semble
pas nuire à la capacité d'attraction de scientifiques venant du
monde entier...
Le Président (M. Fortier): Impossiblel
M. Bérubé:... ou encore, également, dans la
région de Silicon Valley, en Californie. Non. Lorsque l'imposition d'une
langue unique est l'anglais, la députée est toute fière.
Évidemment, je ne ferai pas de commentaires sur la langue qu'elle
utilise habituellement. Mais lorsque l'anglais...
Le Président (M. Fortier): M. le ministre, pas de
jugements d'intentionl
M. Bérubé:... considéré par elle
comme étant la langue supérieure dans le monde, est
utilisé et imposé dans un pays, cela n'offre aucun frein. Mais
lorsque nous imposons notre langue à nous, au Québec, alors,
subitement, cela devient vicieux et susceptible de bloquer la venue de cerveaux
au Québec.
Eh bien, je dis: Non, madame! Les Allemands, les Russes, les Indiens,
les Chinois, qui souvent constituent 50 % des clientèles dans les
universités américaines au niveau des études
supérieures et du corps professoral, ont été
attirés en dépit du fait que la langue parlée aux
États-Unis leur ait été étrangère. Par
conséquent, les gens viennent s'installer en fonction des
opportunités que leur offre un environnement. Ce n'est pas d'abord une
question de langue,
mais une question d'opportunités. Et, lorsque vous en faites une
question de langue, vous essayez de vendre à la société
québécoise une dépendance absolue qui amènerait
cette société à percevoir que, du fait qu'elle parle
français, c'est une société moins stimulante
intellectuellement, moins attrayante intellectuellement. C'est une attitude
tellement méprisante vis-è-vis de la majorité qui vous
accueille avec énormément de générosité, Mme
la députée, que je la trouve insultante.
Le Président (M. Fortier): M. le ministre, je ne veux pas
intervenir dans le débat parce que je préside, mais je vous
rappellerais que les règlements de la Chambre nous imposent, à
tous les membres ici présents, de ne pas prêter d'intention et je
crois que c'est faire injure à Mme la députée de
Jacques-Cartier de dire ce que vous venez de dire. J'oserais vous demander de
respecter, quand même, le règlement en ce qui concerne le respect
de tous les membres de cette Chambre et tous les Québécois,
quelle que soit la langue qu'ils parlent.
M. Bérubé: Oui, mais c'est exactement ce que fait
la députée.
Mme Dougherty: M. le Président, excusez-moi...
Le Président (M. Fortier): Je vais donner la parole
à Mme la députée de Jacques-Cartier.
Manque de personnel scientifique
Mme Dougherty: Après avoir constaté que je pose
trop de questions, le ministre est en train de répondre à des
questions que je n'ai jamais posées. Je suggère que l'on passe
à une autre question très importante: le manque de personnel
scientifique, le vieillissement du personnel scientifique dans les
universités qui touche directement les responsabilités.
Le Président (M. Fortier): Quelle question, madame?
Mme Dougherty: C'est la question 7.
Le Président (M. Fortier): Tout à l'heure, Mme la
députée, je vous ai demandé si vous aviez l'intention de
poser toutes les questions pour qu'ensuite le ministre ait le loisir d'y
répondre et vous m'avez dit: Oui, et je ne reposerai pas les questions.
C'est pour cela que je vous ai posé cette question tout à
l'heure. Maintenant, on ne peut pas empêcher le ministre de
répondre à une question que vous avez posée tout à
l'heure. Je crois, malheureusement, que le ministre a tout à fait raison
de vouloir répondre à une question que vous avez posée
antérieurement. Mais si vous voulez passer à la question 7
maintenant, c'est votre droit.
Mme Dougherty: Je préfère passer à la
question 7, surtout en ce qui concerne l'aspect du personnel scientifique.
En 1984, le Conseil des universités recommandait quelques mesures
précises pour augmenter le nombre de jeunes scientifiques dans nos
universités. Il a recommandé que le ministère de
l'Éducation, à cette époque, et les établissements
universitaires prennent les mesures nécessaires pour assurer jusqu'en
1992 une croissance annuelle de 1 % du personnel scientifique des
universités québécoises; cette mesure ayant comme objectif
spécifique d'accroître jusqu'à 20 % la proportion des
jeunes dans le personnel scientifique des universités
québécoises. À cette fin, il a recommandé qu'on
mette sur pied un programme spécifique destiné à la
création annuelle, au cours des 10 prochaines années, de 40
postes au sein du corps professoral des universités
québécoises et au financement de chacun de ces postes pour une
durée de 10 années. Quelle est votre réaction?
Il est évident que ce n'est pas une des mesures que vous avez
retenues surtout dans les crédits qu'on va étudier la semaine
prochaine. J'aimerais connaître votre réaction. Est-ce que vous
avez l'intention d'implanter ces mesures?
Le Président (M. Fortier): En ce qui concerne les
bibliothèques, je ne sais pas si cela fait partie de nos
crédits.
M. Bérubé: Les bibliothèques
universitaires.
Mme Dougherty: Faute de temps, j'essaie de me concentrer sur une
chose à la fois. Nous pourrions peut-être parler du personnel
scientifique et du problème de vieillissement.
M. Bérubé: C'est fait intégralement.
À titre d'exemple, si vous prenez les chiffres de 1982, pour les
professeurs ayant effectué des demandes au Conseil national de
recherches, enfin, aux organismes sub-ventionnaires dans le domaine de la
science et de la technologie, nous constatons que notre taux de participation
était d'environ 62 %, en moyenne, au Québec, alors que le taux de
participation canadien était de 72 %. Il faut donc injecter dans notre
système un certain nombre de nouveaux chercheurs qui pourront hausser
notre taux. Combien faut-il en injecter? Environ 170, si on avait voulu avoir
un nombre de demandes référées à ces organismes qui
soit comparable à ce qui se
faisait ailleurs au Canada. Si je prends les 40 équipes de
recherche, si je mets en moyenne 4 associés de recherche par
équipe, cela me donne 160. Donc, seulement le programme d'action
structurante injectera instantanément l'équivalent d'environ 150
à 200 postes d'associés de recherche à l'intérieur
de nos universités. Ce sont, justement, de jeunes chercheurs, de jeunes
professeurs qui permettront de hausser, en l'espace de 2 ans, le nombre de
demandes au Conseil national de recherches d'environ 160. Ce n'est pas
tout.
Mme Dougherty: Au sujet des équipes que l'on veut
implanter, combien de nouveaux chercheurs y aura-t-il qui ne sont pas
déjà en place?
M. Bérubé: II faut qu'ils soient tous additionnels.
Il est possible, pour une institution, de prendre un chercheur qui est
déjà en place, mais qui n'a pas de poste -par exemple, son
salaire est défrayé dans le cadre d'une subvention de recherche -
et de l'intégrer au sein d'une équipe. Mais, dans les
critères de performance, le groupe de recherche doit faire la
démonstration que, ce faisant, il n'a pas supprimé le poste
antérieur. L'équipe doit donc maintenir l'effort actuel de
recherche et faire la démonstration que l'octroi de la subvention
d'équipe s'est traduit par un accroissement du potentiel de recherche
au-delà du niveau d'activité antérieur. De fait, nous
obligeons chacune des équipes à nous fournir des critères
de performance avant de recevoir la subvention et de nous indiquer en quoi ces
critères de performance seront modifiés par l'octroi de la
subvention.
Si une équipe devait nous dire qu'elle a présentement 4
associés de recherche et que, au bout de 5 ans, elle en aura toujours 4,
nous dirions à ce moment-là: On regrette, mais vous ne pourrez
pas être admissible à une telle subvention. Donc, si une
équipe nous dit: Nous avons présentement 3 associés de
recherche et, à la fin du programme, nous en aurons 6, voilà ce
qui est un ajout réel. C'est de cela que j'ai demandé au
ministère de s'assurer de façon systématique et
méthodique. Là-dessus, je pense que vous avez le droit et que
vous avez parfaitement raison de soulever la question. Le plus gros danger du
programme d'action structurante, c'est qu'il ne constitue que de la
substitution de financement. Financement facile, stable et permanent pendant
cinq ans, et, à ce moment-là, on peut s'asseoir sur ses
lauriers.
Eh bien, si c'est ce que le ministère devait faire par
l'application d'un tel programme, il ferait totalement erreur. Le
ministère doit donc s'assurer que l'équipe qui reçoit une
telle subvention accroît réellement le potentiel global de
recherche. Par conséquent, je présume toujours que le
ministère va faire correctement son travail et qu'il va s'assurer
qu'effectivement il livre la marchandise que le Conseil des ministres lui a
demandé de livrer. Il doit donc s'assurer qu'il y a un ajout
réel. Donc, lorsque je parle d'associés de recherche, pour moi,
ce sont de nouveaux associés de recherche.
Comment l'équipe s'y prend? Là-dessus, je ne veux pas
intervenir. Il est possible que l'on prenne quelqu'un qui est
déjà en place et qu'on lui donne un poste plus permanent.
À ce moment-là, on réserve à un nouvel
arrivé le type de poste qui existait antérieurement. Je n'ai
aucune objection à ce qu'une équipe de recherche fasse cela.
Cependant, je serais radicalement opposé à ce que le nouveau
programme ne constitue que de la substitution de financement. D'ailleurs, ce
n'est pas accepté. Dans les renseignements demandés par le
ministère auprès des douze premières équipes, et
j'ai exigé qu'une nouvelle lettre leur soit envoyée pour que
ceux-ci précisent très clairement le type de performance
additionnelle que va permettre la création des équipes. Je veux
que ce soit cela que, dans cinq ans, on contrôle.
Mme Dougherty: Alors...
M. Bérubé: Je n'ai pas terminé.
Jusque-là, je répondais à une question subsidiaire.
S'ajoute à ce programme le financement des clientèles
additionnelles, forcément, que le programme entraîne. Si
j'introduis 500 étudiants gradués de plus au doctorat, si j'ai
droit en vertu des règles de financement à un financement de 8000
$ ou 10 000 $ par élève - arrondissez-le à 10 000 $ - je
viens donc d'injecter 5 000 000 $ dans le budget de base de mes
universités. Ce budget de base, normalement, doit servir à
engager, au moins à 80 %, du personnel additionnel. Donc, je viens, pour
encadrer ces étudiants, permettre à l'université d'engager
autant de professeurs chercheurs que ce que j'ai permis à
l'université d'insérer grâce au programme d'action
structurante.
Je termine en soulignant que, pour toutes ces clientèles
additionnelles inscrites en 1984, nous venons d'ajouter 36 000 000 $; ce
montant permet d'engager beaucoup de professeurs. Cela représente plus
de 3 % de l'enveloppe budgétaire. Alors, si vous avez 3 % de plus
d'enveloppe budgétaire, c'est comme rien, vous ne devriez pas avoir de
difficulté à engager 1 % de plus de professeurs.
Mme Dougherty: Alors, selon votre analyse, l'objectif
proposé par le Conseil des universités sera atteint par des
mesures différentes, mais on va arriver au même but.
M. Bérubé: Oui, il va être non
seulement atteint, mais très largement dépassé si
les universités décident d'y mettre leurs priorités, car
nous avons une pratique, qui, je pense, est désirable, de ne pas amener
les universités à dépenser là où nous
estimerions peut-être que cela est plus désirable, mais à
laisser les universités apprécier elles-mêmes là
où elles doivent établir leurs priorités. Donc, les
ressources budgétaires sont là. L'utilisation par les
universités, elle, peut évidemment ne pas être ou
être acceptable, ou désirable, mais c'est l'université qui
décide où elle met ses ressources.
Là où, cependant, nous sommes en un sens un peu directifs,
c'est par le programme d'action structurante où nous finançons
directement des associés de recherche dont le salaire sera
incorporé dans le budget de base de l'université, s'il y a
performance. En d'autres termes, une équipe qui aurait
présentement quatre associés de recherche, avec la subvention
d'équipe, devrait porter à huit les associés de recherche.
Si, au bout de cinq ans, on retrouve cinq associés de recherche au sein
de l'équipe, eh bien, personnellement, j'estime que nous ne devons pas
intégrer les sommes en question dans le budget de l'université,
mais nous devons, au contraire, nous en servir pour privilégier
l'émergence d'autres équipes ailleurs.
Mme Dougherty: Est-ce que le gouvernement va agir
rétroactivement?
M. Bérubé: Non, pas rétroactivement.
Mme Dougherty: Malheureusement, c'est exactement ce qui se passe
quelquefois dans les universités. Elles ont toujours en retard les avis
du gouvernement en ce qui concerne le budget de l'année
précédente.
M. Bérubé: À l'heure actuelle, vous
parlez... Non, nos règles de financement, comme nous le verrons quand
nous le discuterons, cette année, pour la première fois depuis
cinq ou six ans, vont être déposées auprès des
universités avant même le début de l'année scolaire
et très nettement alors.
Le Président (M. Fortier): Nos travaux sont
terminés pour aujourd'hui. Nous ajournons sine die.
(Fin de la séance à 12 h 31)