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Version préliminaire

43rd Legislature, 1st Session
(November 29, 2022 au September 10, 2025)

Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.

Pour en savoir plus sur le Journal des débats et ses différentes versions

Tuesday, March 18, 2025 - Vol. 47 N° 89

Special consultations and public hearings on Bill 89, An Act to give greater consideration to the needs of the population in the event of a strike or a lock-out


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Journal des débats

9 h 30 (version non révisée)

(Neuf heures quarante-huit minutes)

Le Président (M. Allaire) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Bon matin, tout le monde. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de l'économie et du travail ouverte.

Je vous souhaite tous la bienvenue. Naturellement, j'aimerais que vous preniez quelques secondes pour éteindre la sonnerie de vos appareils électroniques, s'il vous plaît. Gardez cette bonne habitude.

Alors, la commission est réunie afin de procéder aux consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 89, Loi visant à considérer davantage les besoins de la population en cas de grève ou de lock-out.

Alors, Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire : Oui, M. le Président. Mme Boivin Roy (Anjou—Louis-Riel) est remplacée par M. Provençal (Beauce-Nord); Mme Lakhoyan Olivier (Chomedey) est remplacée par Mme Prass (D'Arcy-McGee); et M. Fontecilla (Laurier-Dorion) est remplacé par M. Leduc (Hochelaga-Maisonneuve).

Le Président (M. Allaire) : Merci, Mme la secrétaire. Alors, je vous donne un aperçu de l'ordre du jour de notre matinée. Nous allons débuter avec le premier groupe... Bien, nous allons d'abord débuter avec les remarques préliminaires, ensuite, on enchaîne avec les trois groupes : le Conseil du patronat du Québec, la Fédération des chambres de commerce du Québec et la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante.

Alors, avant de débuter, est-ce qu'il y a consentement afin de permettre aux député de Jean-Talon et député de Saint-Jérôme à faire chacun à tour de rôle des remarques préliminaires d'une minute? Est-ce que j'ai votre consentement? Parfait. Excellent, merci.

Alors, on débute avec les remarques préliminaires. M. le ministre, la parole est à vous pour vos remarques pour six minutes. Alors, allez-y.

• (9 h 50) •

M. Boulet : Oui. Merci, M. le Président. Bon, salutations à tout le monde. M. le Président, merci. Ce qui nous réunit aujourd'hui, c'est un projet de loi, le titre dit bien, visant à considérer davantage les besoins de la population en cas de grève ou de lock-out...

M. Boulet : ...projet de loi cherche à équilibrer, essentiellement, c'est le respect du droit à la grève ou lockout, d'une part, et les besoins de la population, d'autre part. C'est dans cet esprit que le projet de loi propose la mise en place de mesures nuancées, capables d'apporter des solutions adaptées à des cas spécifiques où la population est affectée de manière disproportionnée ou préjudiciable par des conflits de travail. C'est une nouvelle approche, qui est le fruit d'une longue réflexion, influencée notamment par des conflits de travail survenus au cours des dernières années. Dans certains cas, ils ont fait subir des difficultés importantes à une partie de la population, et les personnes concernées se sont retrouvées souvent sans alternative, confrontées à une situation de vulnérabilité et d'impuissance, sur laquelle elles n'avaient aucun contrôle. Cette situation était possible, puisque ces arrêts de travail n'étaient pas soumis aux règles qui gouvernent le maintien des services essentiels.

Je le rappelle, dans le cadre légal actuel, le risque à la santé ou à la sécurité publique est le seul critère pouvant justifier le maintien de services essentiels. Le droit à la grève, on le sait tous, il est constitutionnellement garanti, la Cour suprême l'a clairement affirmé dans un jugement de 2015. Sans remettre en question ce droit, notre gouvernement veut agir pour que les besoins de la population, notamment les personnes en situation de vulnérabilité, soient davantage pris en compte.

La première mesure, c'est de permettre au Tribunal administratif du travail, indépendant, impartial, sur demande d'une partie, de déterminer si des services doivent être maintenus pour assurer le bien-être de la population. On ne touche pas, on maintient dans son intégralité le processus de maintien des services essentiels. Le but, c'est d'ajouter un mécanisme pour déterminer des services minimalement requis pour assurer que la sécurité sociale, économique ou environnementale de la population ne soit pas affectée de manière disproportionnée. Quand des enjeux significatifs apparaissent, le gouvernement identifie un employeur et une association accréditée par décret. Une partie aurait la possibilité de s'adresser au tribunal pour déterminer si des services doivent être maintenus.

Si le tribunal détermine que des services doivent être maintenus, les parties ont 15 jours pour négocier une entente, au besoin, avec l'aide d'une personne nommée par le tribunal. Dans le cas d'une entente, le tribunal l'évalue, pourrait juger sa suffisance. En l'absence d'entente, le tribunal pourrait lui-même déterminer ces services à maintenir. Après l'intervention du tribunal, le droit de grève ou de lockout continue de s'appliquer jusqu'au règlement du conflit, sauf pour les services minimaux, qui auront été définis à cette étape. D'ailleurs, rien, dans le projet de loi, n'empêcherait le tribunal de décider que la situation ne requiert pas le maintien de services en fonction des critères dont je viens de parler. Avec ce nouveau mécanisme, le gouvernement du Québec fait office de précurseur.

La deuxième mesure, c'est d'octroyer au ministre le pouvoir de déférer un différend à l'arbitrage dans des cas exceptionnels. C'est une solution de dernier recours quand le conflit cause ou menace de causer un préjudice grave ou irréparable à la population. Évidemment, ce sera après que l'intervention d'un conciliateur et/ou médiateur aura été infructueuse. C'est deux nouveaux outils qui vont permettre au gouvernement d'intervenir de manière ciblée pour protéger la population, ce qui est au cœur d'une de ses missions fondamentales. Il y a une uniformisation, quant à l'exercice du droit au lockout, pour l'envoi du préavis de sept jours quand il n'y a pas maintien des services essentiels.

Donc, je conclus. C'est une approche modérée, dans des circonstances exceptionnelles, c'est du cas par cas, c'est très circonstanciel. À entendre certains des commentaires depuis la présentation du projet de loi, on pourrait croire que la nouvelle loi permettrait au pouvoir... au ministre de mettre fin à un conflit de travail. Ce n'est, évidemment, pas le cas. On veut que le processus soit objectif, apolitique, limité aux cas vraiment problématiques. Je veux rester à l'écoute. C'est le début des consultations particulières, je suis ouvert à entendre des idées et je veux que nous continuions à échanger, à dialoguer, dans le calme et le respect. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Allaire) : Merci à vous, M. le ministre. On enchaîne avec la porte-parole de l'opposition officielle, Mme la députée de Bourassa-Sauvé. La parole est à vous pour 4 min 30 s.

Mme Cadet : ...bonjour, chers...

Mme Cadet : ...très heureuse d'être avec vous ici, aujourd'hui, lors du début des consultations particulières du projet de loi... n° 89 et non 1989, M. le Président, Loi visant à considérer davantage les besoins de la population en cas de grève ou de lockout. M. le Président, donc, au Québec, en ce moment, donc, c'est le Code du travail qui est la principale loi qui régit les relations de travail depuis son adoption en 1964. Elle encadre, entre autres l'étape cruciale de la négociation des conventions collectives et précise les obligations des parties impliquées dans les négociations et confère au ministre certains pouvoirs pour faciliter la conclusion d'une entente.

Donc, aujourd'hui, donc, à l'heure où on se parle, M. le Président, en vertu du code, le ministre du Travail peut d'office ou à la demande de l'une ou l'autre des parties impliquées, donc, peut nommer un conciliateur pour les aider à conclure une entente. Les parties sont tenues à ce moment-là d'assister aux rencontres organisées par le conciliateur. Par la suite, donc, la partie patronale et la partie syndicale peuvent également demander au ministre que le différend soit soumis à l'arbitrage. Vous aurez compris, M. le Président, qu'elles le peuvent concurremment. Le ministre doit ensuite aviser les parties qu'il défère leur dossier à un arbitre, et la sentence rendue par cet arbitre a le même effet qu'une convention collective signée par les parties. En plus des pouvoirs énumérés précédemment, donc, le ministre, en théorie, à titre de législateur, a la possibilité, et donc je reviendrai, donc, d'intervenir dans un conflit de travail par la voie législative, donc, en déposant à l'Assemblée nationale ce que communément, donc, nous connaissons sous le nom de la loi spéciale, donc une loi de retour au travail comme régulation exceptionnelle qui intervient de façon réactive et ponctuelle afin de suspendre l'application des règles législatives encadrant la négociation collective dans le cas d'un conflit de travail spécifique.

Or, et on l'a évoqué ici, vous avez suivi, M. le Président, donc, l'actualité entourant le dépôt du projet de loi n° 89. Parce qu'il est de plus en plus connu dans la population que, depuis la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Saskatchewan Federation of Labor contre Saskatchewan en 2015, donc, ce qu'on appelle communément l'arrêt Saskatchewan, le recours aux lois spéciales est plus complexe pour les législateurs parce que la constitutionnalité de ces lois n'est pas acquise. En effet, dans l'arrêt Saskatchewan, donc, il a été tranché par la majorité des juges que le droit de faire la grève est une composante essentielle de la liberté d'association, protégée par l'alinéa deux d de la Charte canadienne des droits et libertés, et l'arrêt s'est également étendu sur l'importance juridique et pratique pour toute pièce législative affectant la liberté d'association, d'offrir un autre moyen à la fois adéquat, indépendant et efficace, de mettre fin à l'impasse de la négociation collective.

Vous comprendrez donc, M. le Président, que depuis 2015, le législateur a dû apprivoiser un nouveau cadre dans lequel... en fait, le nouveau cadre dans lequel il est habilité à opérer. Je vous ai mentionné, donc, le cadre actuel et le fait que, donc, il y a donc la possibilité, donc, d'émettre des lois spéciales, mais depuis Saskatchewan, donc, il y a un nouveau cadre dans lequel, donc, le législateur, donc, doit opérer. Ces années d'ajustement, donc, nous amènent à... En fait, ont soulevé au fil du temps quelques questionnements sur le plan politique, des questionnements que j'identifie ici. Quel est l'équilibre des forces qui doit prévaloir alors que les parties suivantes, les salariés syndiqués, l'employeur et la population sont touchés par un conflit? L'équilibre qui est établi par le cadre actuel, est-ce qu'il doit être appelé à évoluer? Un gouvernement dûment élu par la population dispose-t-il de la légitimité nécessaire pour intervenir entre deux parties lorsqu'un conflit se trouve dans une impasse? Ou est-ce que le droit à la libre négociation devrait prévaloir, nonobstant les conséquences autres que celles sur la santé ou la sécurité physique de la population, donc, les critères qui sont mis de l'avant lorsque des services essentiels sont négociés? Et qui doit assumer la plus grande partie du risque de l'échec d'une négociation d'une convention collective? Est-ce qu'il devrait y avoir un transfert du risque vers un gouvernement qui sera imputable d'intervenir ou non devant la population et prendre ainsi un risque politique, ou les entreprises qui subissent les conséquences pécuniaires et les travailleurs qui perdent de précieux salaires devraient-ils être les seuls à disposer de leviers pour encadrer un conflit lorsqu'il arrive, donc, au stade de la grève ou du lockout que personne ne fait par plaisir? Donc, je pense que le projet de loi n° 89 nous invite à approfondir ces questionnements. J'en aurai certainement pour le ministre et pour les groupes qui viendront en consultation. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Allaire) : Merci à vous, Mme la députée. On enchaîne avec le deuxième groupe de l'opposition, M. le porte-parole officiel du deuxième groupe de l'opposition, M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve, 1 min 30 s.

• (10 heures) •

M. Leduc : Merci, M. le Président. Moi, je vais être honnête avec vous. Je suis déçu d'être ici ce matin. Je suis triste d'être ici ce matin. On devrait être en train de faire autre chose que de présider à des audiences du plus gros recul en droit du travail des 20 dernières années. On vit une guerre tarifaire majeure en ce moment contre un partenaire qu'on pensait être un partenaire commercial. On devrait se serrer les coudes en ce moment entre le patronat, le syndicat, l'État du Québec. Mais non...


 
 

10 h (version non révisée)

M. Leduc : ...à la place de se serrer les coudes, on envoie un pavé dans la marre puis on fait le plus gros recul en droit du travail des 20 dernières années, une véritable bombe nucléaire, puis vous allez l'entendre certainement aujourd'hui, demain et jeudi. C'est aussi particulièrement ironique d'être ici, M. le Président, aujourd'hui parce qu'il y a une grève dans le réseau des CPE. À peu près 80 %, 85 % sont en grève aujourd'hui et demain. Ils se dirigent vers la grève générale illimitée. Puis regardez ce qui est dans la petite liste qui est prévue par le ministère, les gens qui vont être touchés : les centres de petite enfance. Alors, c'est une mesure qui est antidémocratique et dangereuse, qui utilise des critères bidon, qui donne des pouvoirs de décret exagérés au ministre et qui vise à faire une vengeance sur le secteur public, notamment les professeurs l'année passée, qui vise à faire une vengeance préventive par rapport à la grève des CPE qui s'en vient. C'est quelque chose qu'il faut retirer. Il faut...

Le Président (M. Allaire) : Faites attention, faites attention pour ne pas prêter des intentions. Je vous mets en garde ici. Merci.

M. Leduc : Alors, le ministre dit qu'il est ouvert aux suggestions, je lui en fais une : Qu'il retire son projet de loi puis qu'on se concentre sur autre chose.

Le Président (M. Allaire) : Merci, M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve. On enchaîne avec la députée de Jean-Talon. Vous avez une minute.

M. Paradis : Bon. Merci à toute l'équipe gouvernementale, aux collègues et à toutes les personnes qu'on va entendre aujourd'hui. Nous allons être à l'écoute, nous allons analyser studieusement ce qu'on va entendre aujourd'hui, mais je vous avoue que nous sommes préoccupés. J'ai bien entendu le ministre parler de rééquilibrer. Est-ce que ce n'est pas plutôt l'inverse qu'on est en train... on est en train de faire, c'est-à-dire de déséquilibrer un équilibre précieux qu'on a au Québec dans les négociations des conditions de travail des travailleurs? Pourquoi ce projet de loi? Pourquoi arrive-t-il maintenant? Quelle est la raison? Est-ce que c'est lié justement au conflit de travail de l'automne de l'année dernière? D'où viennent ces notions d'affecter de manière disproportionnée la sécurité sociale, économique ou environnementale de la population, une grève ou un lock-out qui cause ou menace de causer un préjudice? J'ai bien hâte de voir d'où viennent ces notions qui apparaissent complètement nouvelles, et, si elles ont un effet disproportionné, on va être là pour parler au nom des travailleurs. Merci.

Le Président (M. Allaire) : ...de Jean-Talon. On enchaîne avec le député de Saint-Jérôme. La parole est à vous, une minute.

M. Chassin :Merci, M. le Président. Bonjour à tout le monde. Évidemment, je suis quelqu'un qui a des convictions très fortes, je pense que c'est su. Et, quand on me parle, dans le fond, d'un projet de loi qui est précurseur, c'est parce que, dans le fond, personne d'autre ne le fait. Alors, j'ai un doute, j'ai un doute. Quand on voit un projet de loi qui donne des pouvoirs au ministre, en général, je me dis : Il faut l'étudier comme il faut, mais, si c'est basé sur des notions abstraites, sur de l'arbitraire ou du cas par cas, comme l'a dit le ministre, j'ai un réel problème. Je pense qu'il y a des libertés d'association qui sont fondamentales, incluant dans le droit de grève. Alors, je suis là pour voir et veiller à ce qu'on s'assure de ne pas donner des pouvoirs plus arbitraires au ministre. Merci.

Le Président (M. Allaire) : Merci à vous, M. le député de Saint-Jérôme. Alors, ça met fin aux remarques préliminaires. On enchaîne avec les auditions. Donc, on va accueillir avec beaucoup de plaisir le premier groupe, le Conseil du patronat du Québec. M. Blackburn, M. Di lorio, j'espère que vous m'entendez bien. Ça va bien?

M. Blackburn (Karl) : On vous entend très bien.

Le Président (M. Allaire) : Excellent. Donc, je vous cède déjà la parole. Peut-être prendre le soin de vous présenter à tour de rôle, et vous avez 10 minutes pour faire votre audition, ensuite va s'ensuivre une période d'échange avec les parlementaires. La parole est à vous.

M. Blackburn (Karl) : Excellent. Merci beaucoup. Alors, merci, M. le Président. Merci, M. le ministre du Travail. Mesdames et Messieurs les députés, d'abord, Karl... je m'appelle Karl Blackburn, je suis le président et chef de la direction du Conseil du patronat du Québec. Je suis accompagné ce matin par Nicolas Di lorio, associé avocat chez DS Avocats, un partenaire du CPQ sur plusieurs dossiers, dont entre autres celui qui nous intéresse aujourd'hui.

Comme vous le savez, le CPQ représente plus de 70 000 employeurs, de toutes tailles et de tous secteurs d'activités, contribuant ainsi à la vitalité économique du Québec. En tant qu'organisation engagée dans l'élaboration de politiques publiques favorisant un environnement de travail sain et prévisible, nous avons pris connaissance avec intérêt du projet de loi n° 89 et souhaitons apporter notre contribution au débat en cours.

La question soulevée par ce projet de loi est fondamentale : Comment assurer un équilibre entre les droits des travailleurs et la nécessité de protéger la population contre les effets disproportionnés des conflits de travail? Les dernières années ont été marquées par une augmentation du nombre et de la durée des conflits de travail au Québec. Ce phénomène n'est pas sans conséquence, vous le savez bien. Nous avons tous vu les impacts concrets de ces arrêts de travail sur des milliers de citoyens et d'entreprises. Des perturbations dans les transports scolaires obligeant des parents à revoir leur organisation quotidienne et pénalisant les élèves. Des grèves prolongées dans le secteur de l'éducation retardant la réussite scolaire et créant de l'incertitude...

M. Blackburn (Karl) : ...pour des milliers d'étudiants. Des interruptions de service dans le secteur postal et du transport des marchandises désorganisant les chaînes d'approvisionnement et freinant l'activité économique. Des conflits touchant les services funéraires qui ont privé des familles endeuillées d'un accompagnement adéquat dans des moments difficiles. Ces quelques exemples montrent bien l'enjeu central du débat. Lorsque des conflits de travail surviennent, leur effet ne se limite pas aux parties impliquées dans la négociation, c'est l'ensemble de la société qui en subit les conséquences. Dans ce contexte, nous croyons que le projet de loi n° 89 apporte une réponse légitime et nécessaire à ces défis. Un cadre modernisé pour mieux protéger le public.

Le CPQ accueille favorablement cette initiative gouvernementale qui vise à encadrer les conflits de travail ayant un impact significatif sur la population. Loin de remettre en cause le droit de grève ou de lock-out, le p.l. n° 89 cherche à concilier le respect des droits des travailleurs et la continuité des services critiques pour la population et l'économie québécoise.

Cette démarche s'inscrit d'ailleurs dans une évolution législative observée ailleurs dans le monde. Dans plusieurs pays, des mécanismes existent pour encadrer les conflits de travail et limiter leurs effets négatifs sur le public. L'objectif du p.l. n° 89 est d'adapter ces principes à la réalité québécoise.

Le CPQ appuie les grandes orientations du projet de loi et reconnaît sa pertinence pour l'avenir des relations de travail au Québec. Toutefois, nous estimons que certaines précisions et bonifications sont nécessaires pour assurer une application efficace et équilibrée. Alors, les recommandations du CPQ, les voici. Notre mémoire présente plusieurs recommandations visant à améliorer le cadre proposé par le p.l. n° 89. Je souhaite ici en souligner quelques-unes qui nous semblent particulièrement importantes.

Premièrement, élargir la portée du projet de loi et d'autres secteurs stratégiques. Certaines industries, comme la construction, par exemple, ont un impact économique majeur et peuvent affecter l'ensemble du tissu économique lorsqu'un conflit de travail s'éternise. Il est essentiel d'assurer que ces secteurs soient couverts par les nouvelles dispositions du projet de loi.

Accélérer les délais d'intervention du Tribunal administratif du travail. Lorsque les services essentiels sont interrompus, chaque jour compte. Nous recommandons donc une réduction des délais de traitement des dossiers afin de minimiser les perturbations pour la population et les entreprises.

Troisièmement, permettre aux personnes affectées d'être entendues. Les citoyens et les entreprises subissent les conséquences des arrêts de travail devraient avoir la possibilité de faire valoir leurs préoccupations auprès des instances décisionnelles. Actuellement, ils sont souvent laissés sans recours.

Quatrième point. Clarifier les pouvoirs d'intervention du gouvernement. Le rôle du gouvernement dans la gestion des conflits ayant un impact majeur sur la société doit être précisé afin d'assurer une capacité d'action rapide et efficace lorsque nécessaire.

Ces quelques recommandations visent à rendre le projet de loi le plus robuste possible, plus efficace et plus adapté aux réalités du terrain. En conclusion, M. le Président, un projet de loi qui répond à une nécessité sociale.

M. le Président, M. les ministres... M. le ministre, mesdames et messieurs et les membres de la commission, comme on l'a entendu dans les mots d'introduction, le débat sur ce projet de loi ne doit pas être perçu comme une remise en question des droits des travailleurs. Il s'agit plutôt d'un ajustement nécessaire pour mieux répondre aux défis actuels et futurs. Nous ne pouvons ignorer que certaines grèves ou lock-out ont aujourd'hui malheureusement des effets beaucoup plus larges qu'il y a quelques décennies. Notre responsabilité collective est d'adapter notre cadre législatif pour éviter que des conflits prolongés ne pénalisent injustement des citoyens qui n'ont aucun pouvoir sur l'issue des négociations.

• (10 h 10) •

Le p.l. n° 89 constitue une avancée importante et nous sommes convaincus qu'en intégrant certaines bonifications, il pourra pleinement jouer son rôle de garant d'un équilibre entre les droits syndicaux et la protection du bien commun. Le CPQ s'engage à poursuivre le dialogue avec le gouvernement et l'ensemble des parties prenantes pour assurer que cette réforme aboutisse à un cadre de travail juste, prévisible et efficace pour tous. Et j'aimerais...

M. Blackburn (Karl) : ...prendre quelques minutes, M. le Président, ici, ce matin, pour partager un sentiment personnel qui m'a attristé très fortement la semaine dernière. Demain, nous soulignerons le premier anniversaire, malheureusement, du décès de Michel Jutras. Qui était Michel Jutras? Il est un travailleur impliqué dans le port de Montréal. Rappelez-vous, lors des derniers conflits dans le port de Montréal et l'environnement dans lequel ces conflits évoluent et l'intimidation dans laquelle les travailleurs se retrouvent malgré eux, mais Michel avait eu l'occasion de partager, avec moi, certaines préoccupations au cours des dernières années, concernant justement les menaces d'intimidation auxquelles il faisait face, l travail souvent bâclé des représentants syndicaux de son organisation et, malheureusement, le climat de travail qui se détériorait et qui était pris en otage par des gros bras.

Ça s'est conclu, vendredi dernier, M. le Président, avec un article paru dans La Presse, et je suis convaincu que tous les parlementaires ici, ce matin, en ont pris connaissance. S'ils ne l'ont pas fait, je les invite à le faire. L'article s'intitulait Sur un drame, un drame sur fond d'intimidation et d'hostilité. Comment pouvons-nous, aujourd'hui, en 2025, accepter que pareille situation se déroule sous nos yeux sans que personne n'interpelle les dirigeants syndicaux? Je prenais connaissance dans l'article que Michel Murray, le représentant syndical, ne voulait pas porter d'aucune façon le sang de Michel Jutrassur ses mains, mais, malheureusement, Michel Murray porte le sang de Michel Jutras sur ses mains. De par sa façon de fonctionner, de par son intimidation, de par les règles non écrites du port de Montréal ou en termes de gestion de travail, bien, malheureusement, ça a mené au suicide de Michel Jutras il y aura un an, demain. Je vous invite, vous tous, parlementaires autour de la table, à garder ça en tête et de faire attention dans les remarques, dans les commentaires ou dans les qualificatifs que vous pourriez attribuer au projet de loi en invoquant le saint droit à les conventions collectives, aux grèves ou aux lockouts.

Et je terminerais, bien évidemment, en disant un autre message concernant, encore une fois, une activité qui, malheureusement, a permis à des gros bras de déstabiliser une activité dans laquelle le ministre du Travail participait vendredi dernier ici, à Montréal, ou par de l'intimidation, du brasse-camarade, du bris d'équipement. Encore une fois, des syndiqués se sont fait entendre à forte, à forte cause, mais avec les mauvaises façons. Et je souscris totalement à l'appel qu'a fait le ministre du Travail d'inviter les représentants syndicaux à dénoncer pareille intimidation et pareille mesure. Malheureusement, comme dans le dossier du port de Montréal, comme dans le dossier de vendredi dernier, qu'est-e que les représentants syndicaux ont dit publiquement? Silence radio.

Alors, moi, j'inviterais les parlementaires aujourd'hui, à cette commission parlementaire, à envoyer un message très fort à ceux et celles qui se font entendre, que l'intimidation n'a plus sa place au Québec en 2025, que nous tous, que vous tous, vous vous ferez des dénonciateurs de cette intimidation et que personne ne doit accepter de vivre dans pareille situation au péril de sa vie. Merci, M. le Président, pour votre attention.

Le Président (M. Allaire) : Merci, M. Blackburn. Avant de passer la parole à la partie gouvernementale et à M. le ministre. Un sympathique rappel sur l'importance d'avoir des discussions qui sont respectueuses. Je pense que ce sera d'autant plus important, tout au long de cette commission, de faire attention aux propos qu'on porte. Donc, je vous invite à la prudence à tout le monde, à l'ensemble des parlementaires, mais aussi aux gens qui viennent en audition avec nous. M. le ministre, on enchaîne avec la période d'échange. Vous avez 16 min 30 s. 

M. Boulet : Merci, M. le Président. Merci, M. Blackburn, Me Di Iorio,  pour la qualité du mémoire, le temps que vous avez consacré à le préparer. Évidemment, comme tous mes collègues des partis d'opposition, on va s'assurer de réfléchir à vos recommandations, évidemment, que vous confirmiez que c'est une réponse légitime et nécessaire dans le contexte actuel. Puis, souvent, on fait référence au contexte international, mais on a besoin de prévisibilité et de stabilité dans nos relations de travail. On n'a pas besoin de conflits de travail qui ont des conséquences non souhaitées et non souhaitables sur la population. Et c'est la raison...

M. Boulet : ...pour laquelle il faut que sa sécurité sociale, économique ou environnementale soit prévue et protégée de la façon la plus impartiale et indépendante possible. Et vous le soulignez bien, monsieur Blackburn, c'est une recherche d'équilibre. Jamais il n'a été question de nier un droit constitutionnel comme celui de la liberté d'association, le droit de négocier des conventions collectives de travail, le droit de faire la grève ou le droit de faire un lock-out, parce que ça arrive que des conflits découlent de décisions prises par des employeurs. Je comprends qu'à certains égards vous souhaitez même un élargissement de la portée d'application du projet de loi 89. Évidemment, on va faire une étude détaillée, article par article, après nos consultations particulières, peut-être, simplement, quelques éléments. Vous dites bien qu'en attendant que les parties aient négocié une entente, dans le cas du premier outil, là, les services minimalement requis pour assurer la sécurité de la population ou son bien-être, que la grève ou le lock-out ne puissent être déclenchés tant que la décision et que les parties n'ont pas négocié une entente.

Donc, si les parties s'entendent, évidemment, le tribunal aura à juger de sa suffisance. Mais vous souhaiteriez... Est-ce que ça ne peut pas ou ça ne risque pas d'être considéré comme une entrave supplémentaire au droit à la grève? Je vous pose la question à vous ou à Me Di Iorio. 

M. Blackburn (Karl) : Peut-être, d'entrée de jeu, monsieur le ministre, ce que je voudrais faire, c'est un léger préambule par rapport à la situation que vous avez mentionnée initialement. Dans notre présentation du mémoire, vous l'avez constaté, les dernières années ont beaucoup nui à la réputation du Canada, du Québec dans la stabilité et le maintien de nos chaînes d'approvisionnement. Dans un monde qui change à une vitesse grand V autour de nous, bien évidemment, on peut rester accroché à nos valeurs, à nos principes. Mais, malheureusement, ce changement qui risque de nous affecter et qui a déjà commencé à nous affecter nécessite qu'on s'adapte. Alors, le mot important dans ce que vous venez de mentionner, c'est effectivement cette flexibilité, cet équilibre qui est essentiel dans les relations de travail. Et je m'en voudrais de ne pas profiter de l'expertise et de l'expérience de mon collègue qui est avec moi aujourd'hui, Nicola, et dans... les membres de la commission parlementaire.

Alors, Nicola, je te demanderais peut-être de contribuer de façon positive à la question qu'a posée le ministre par rapport à un élément très précis.

M. Di Iorio (Nicola) : Merci. Bonjour, monsieur le ministre. Bonjour, monsieur le Président, mesdames et messieurs les députés. Je voudrais tout d'abord prendre juste un bref moment pour vous remercier, vous, M. le ministre, vos collègues du cabinet, les députés qui sont ici et tous les députés de l'Assemblée nationale d'avoir désigné la présente semaine comme étant la Semaine nationale de la prévention de la conduite avec facultés affaiblies.

Dans un deuxième temps, je voudrais répondre à votre question. L'élément central, c'est le suivant, c'est que la Cour suprême, quand elle a donné cette protection, cette assise constitutionnelle au droit de grève, elle s'est inspirée de l'expérience internationale, mais surtout de l'expérience européenne. Et quand on lit le jugement sous la plume de la  juge Rosalie Abella, on voit l'énorme emphase qui est placée sur ça. Mais il y a une immense mission, c'est qu'en Europe, des grèves de deux heures, de quatre heures... On parlait des grèves de CPE tantôt, il y en a des grèves de CPE en Europe, mais allez voir la durée de ces grèves.  Ce n'est pas une semaine, donc... ou comme on voit dans certaines... dans la plupart des grèves auxquelles nous sommes confrontés, ça commence et on ne sait pas quand c'est fini. Donc, la réponse à votre question c'est... commence par oui, et le oui pour la raison suivante, c'est qu'il faut préalablement aller devant un tribunal parce que ces éclaircissements-là doivent être fournis.

Donc, évidemment, il n'y a personne ici qui dit qu'on ne peut pas faire la grève, au contraire, et ont même souligné que, dans certains cas, ça peut avoir des effets bénéfiques sur l'amélioration des conditions de travail... sont des conditions de nature patrimoniale, mais ça peut en avoir. Mais l'idée, la suivante, c'est, on n'est plus à l'époque où c'était devant un établissement manufacturier qui avait six concurrents autour de lui, puis on en visait un, puis on améliorait, puis on allait au deuxième, au troisième ou quatrième. À notre époque, la société a beaucoup, beaucoup évolué. Alors, si la société évolue, le droit de grève doit évoluer et aller là où la société va.

• (10 h 20) •

M. Boulet : Très bonne réponse, Me Di Iorio...

M. Boulet : ...puis je vais poser quelques questions pointues, là, à cet égard-là, un petit peu pour justifier pourquoi on n'est pas allé plus loin, parce que ce que le Conseil du patronat souhaite, encore une fois je le réitère, c'est d'élargir la portée d'application du p. l. 89. Ce que je comprends, vous souhaitez aussi remplacer le terme «préjudice grave» par «préjudice sérieux» afin d'abaisser le seuil d'application de la mesure. Et là, c'est la deuxième mesure qui réfère... qui donne le pouvoir au ministre de déférer à un arbitre différent, bien sûr, après que la conciliation-médiation ait été infructueuse et dans le cas où, évidemment, il y a un risque d'une menace de préjudice grave ou irréparable. C'est une notion d'ailleurs qui est constamment utilisée dans d'autres contextes. Mais vous souhaiteriez que «préjudice grave» remplace «préjudice sérieux» pour permettre un seuil d'application plus bas. C'est ma compréhension. Me Di Iorio, ou Karl... ou M. Blackburn.

M. Di Iorio (Nicola) : Si vous permettez, M. le ministre ou Karl, en fait, il y a une nuance importante, et la courte réponse, je dirais, non, ce n'est pas ce qui est visé. Mais la réponse plus nuancée, c'est la suivante, c'est que «préjudice sérieux», c'est une terminologie qui est hautement utilisée devant les tribunaux. Donc, arrivez avec une terminologie avec laquelle les tribunaux sont déjà familiers évite de débattre de la question de degré de gravité et d'y... si c'est sérieux, bien, on est dans une société responsable, alors ça devrait permettre de passer aux autres étapes du débat et ne pas s'enliser dans des questionnements sur le degré ou quel niveau de gravité il faudrait accepter.

M. Boulet : Bien compris. Autre question. Encore une fois, vous référez peut-être à un élargissement de la portée d'application du p. l. 89. Vous suggérez d'inclure le secteur de la construction dans les dispositions du projet de loi. Évidemment, vous savez que, dans l'industrie de la construction, il y a une loi particulière, il y a un régime particulier de négociation qui est prévu dans la Loi sur les relations de travail, la formation professionnelle de la main-d'œuvre, ce qui est constamment appelé la loi R20. C'est un secteur où les dispositions antibriseurs de grève ne s'appliquent pas. Je sais, Me Di Iorio que vous connaissez aussi très bien cette loi-là. Pourquoi précisément demander l'inclusion du secteur de la construction dans le p. l. 89? Me Di Iorio ou Karl, là, je pose la question aux deux.

M. Di Iorio (Nicola) : Si l'ambulance est un service public puis le transport en commun est un service public, pourquoi la route sur lesquels ils circulent et les gens qui la construisent cette route-là ne participeraient pas de cette nature-la. Donc, si on veut fournir ce service, il faut s'assurer que, comme société, ont est écoutés, on est outillés que, dans certaines circonstances, la construction de certains éléments d'infrastructure, de... il faut compléter la résidence de personnes âgées parce que sinon il y a des... le droit au logement, c'est sacro-saint,  il y a... Évidemment le droit de grève. Bien aussi ces personnes âgées où vont-elles se retrouver? Il peut y avoir des... des conséquences qui surviennent qui font en sorte qu'autrement on se retrouve avec ce qu'on énonce, bien, faites des lois spéciales. Mais évidemment, des lois spéciales, c'est premièrement en soi, c'est une mécanique extrêmement lourde et qui ne permet pas d'apporter des outils extrêmement ciblés parce qu'il faut y aller avec beaucoup de généralités, même si la loi est spéciale.

M. Blackburn (Karl) : Si je peux me permettre d'ajouter, M. le ministre, on le voit, là, dans les prochaines années, si ce n'est dans les prochaines décennies, les besoins sont énormes, surtout dans le secteur de la construction, tant dans les besoins privés avec des logements, des résidences, que dans le secteur public avec des écoles, avec des hôpitaux, avec des résidences pour les personnes aînées. Alors, il est clair que de pouvoir permettre d'enchâsser le secteur de la construction est dans votre projet de loi, bien, ça évite tout le processus législatif que vient de présenter Nicola par rapport à une loi spéciale que la loi R-20 prévoit. Donc, donner donc un outil supplémentaire au gouvernement pour le secteur de la construction justement pour éviter que celui-ci puisse, dans une négociation de convention collective à court ou à moyen terme, puisse être utilisé comme étant un outil...

M. Blackburn (Karl) : ...un levier de pouvoir qui malheureusement viendrait à pénaliser la population québécoise et les besoins que nous avons en termes de différents éléments qui sont reliés avec le secteur de la construction. Alors, nous, on pense qu'étant donné que vous êtes en commission parlementaire, vous étudiez justement un projet de loi qui vise le secteur des négociations collectives, qu'il serait opportun d'inclure le secteur de la construction dans votre projet de loi.

M. Boulet : Bien compris. Merci, Karl et Nicola. Vous référez... puis là, je n'ai pas eu le temps de lire dans son intégralité votre mémoire, mais vous référez à la réduction de certains délais. Est-ce qu'il y en a un qui vous apparaît une réduction plutôt plus prioritaire? Je pense que c'est le 10 jours à cinq jours, hein, pour la négociation des services minimaux à maintenir, hein? C'est... C'est celui-là?

M. Di Iorio (Nicola) : Oui. C'est un délai de 15 jours pour négocier. On est quand même dans une situation ici où on parle d'atteinte disproportionnée au bien-être de la population. Et là, ça concerne des gens comme moi, on va prendre 15 jours pour essayer de... alors qu'on est censé l'avoir anticipé. La convention collective est en existence depuis 3, cinq, sept ans, on a eu le temps de se préparer à se prémunir, et c'est... c'est... ça fait partie de la préparation essentielle quand on arrive en négociation de renouvellement de la convention collective. On doit anticiper qu'il peut y avoir des moyens de pression. Surtout qu'on sait qu'il y a un décret qui a été adopté, alors on aura tendance à devoir se mettre à l'œuvre immédiatement.

Le Président (M. Allaire) : ...d'autres inventions?

M. Boulet : Bien, peut-être une dernière intervention. Peut-être rapidement vous référer à la possibilité que les personnes affectées puissent être entendues, hein? Souvent, c'est des personnes qui vivent de l'isolement, qui vivent une atteinte à leur développement. Vous souhaiteriez que ces personnes-là puissent être entendues, ce qui n'est pas exclu, devant le Tribunal administratif du travail, suite notamment à l'adoption d'un décret gouvernemental. Est-ce que c'est le sens de votre recommandation, maître?

M. Di Iorio (Nicola) : En fait, tout au moins qu'ils aient la possibilité d'envoyer des observations au tribunal. On a l'expérience du Conseil canadien des relations industrielles qui le fait, par exemple, dans des exemples... dans des situations de grève du transport en commun entre Gatineau et Ottawa. Et ils ont fait un appel à la population, ils ont donné un délai, ils ont dit : Écoutez, envoyez-nous vos observations et ils les ont guidés un peu, équipés, outillés. Il y a toutes sortes d'organisations, d'individus, même. Et, comme vous dites souvent, c'est des personnes vulnérables qui sont les plus laissées à elles-mêmes. Et il faut qu'on comprenne de manière bien spécifique leur situation.

M. Boulet : Absolument. Je le comprends. Juste peut-être un petit commentaire, puis après ça, je vais laisser la parole à une de mes collègues. Mais souvenez-vous des conflits de compétence fédérale dans le secteur ferroviaire, dans le secteur portuaire. Il y a un article 107 du Code canadien du travail qui a été utilisé, qui est libellé de façon extrêmement générale. Et donc, un des objectifs de notre p.l. 89, c'était de conférer des balises à l'utilisation d'un pouvoir pour permettre que des services minimaux soient maintenus ou qu'un arbitre puisse déterminer le contenu d'une convention collective de travail. Donc, c'est un petit commentaire que je souhaitais apporter.

Et je laisserais la parole à ma collègue de Huntingdon.

Le Président (M. Allaire) : La parole est à vous, Mme la députée.

M. Di Iorio (Nicola) : Et, si vous me permettez, M.... Si vous me permettez, M. le ministre, votre projet de loi, en plus, il prévoit la possibilité pour les syndicats et les employeurs de se faire entendre devant le tribunal.

M. Boulet : Tout à fait.

Le Président (M. Allaire) : Merci. Mme la députée, la parole est à vous, 1 min 30 s.

Mme Mallette : Très rapidement, j'aimerais vous entendre en tant que Conseil du patronat. Selon vous, est-ce que les cotisations syndicales devraient servir pour des fins personnelles, politiques ou partisanes? C'est quoi votre position sur cette question?

M. Blackburn (Karl) : Citron! C'est toute une question. Je sens une question piège dans ce que vous nous posez comme comme... Les cotisations syndicales, ça permet à des travailleurs de payer pour qu'un regroupement, donc le syndicat, prenne à cœur leurs intérêts et les défende ou travaille pour eux. Ça doit servir à ça et pas à autre chose.

Mme Mallette : Merci.

Le Président (M. Allaire) : Merci. D'autres interventions? Pas d'autre intervention. On va poursuivre avec... Oui, M. le ministre, allez-y.

M. Boulet : Encore une fois vous remercier, M. Blackburn, Me Di Iorio. Ça m'a fait plaisir d'échanger avec vous. Merci pour votre participation à cette commission et la qualité de votre mémoire. Merci beaucoup.

M. Blackburn (Karl) : Merci, M. le ministre.

M. Di Iorio (Nicola) : Merci, M. le ministre.

• (10 h 30) •

Le Président (M. Allaire) : Merci à vous, M... Merci, M. le ministre. Effectivement, on enchaîne avec...


 
 

10 h 30 (version non révisée)

Le Président (M. Allaire) :  ...de l'opposition officielle. Mme la députée de Bourassa-Sauvé, la parole est à vous pour 10 minutes 24 secondes.

Mme Cadet : Merci, M. le Président. Bonjour, M. Blackburn.

M. Blackburn (Karl) : Bonjour.

Mme Cadet : Bonjour, Me Di Iorio.

M. Di Iorio (Nicola) : Bonjour.

Mme Cadet : Donc, merci beaucoup pour le mémoire que vous nous avez... que vous avez soumis à la commission. Donc, j'ai quelques questions. Le ministre, évidemment, comme toujours, en aborde... en aborde, donc, quelques-unes avant que j'aie le temps de le faire, mais je pense que notre échange sera complémentaire.

J'aimerais d'abord vous entendre sur les propositions que vous faites relatives à l'article 111.22.3. Mais vous le savez, vous l'avez nommé vous-même, donc, le projet de loi, donc, vient donner, donc, des pouvoirs... donc, des pouvoirs, donc, distincts, donc, d'une part, donc, de maintenir des services minimalement requis, et donc les procédures, donc, d'arbitrage exécutoire que l'on voit en seconde partie du mémoire, donc, à l'article 4, donc, on introduit cet article-ci qui nous indique qu'on entend par «services assurant le bien-être la population les services minimalement requis pour éviter que ne soit affectée de manière disproportionnée la sécurité sociale, économique ou environnementale de la population, notamment celle des personnes en situation de vulnérabilité». Le ministre vient de dire que, donc, l'objectif de ce libellé ici était de conférer des balises. Je crois lire, là, de votre mémoire, que vous souhaiteriez, donc, que ces balises-là, donc, soient peut-être, donc, distinctes, là, ou soient aménagées différemment pour répondre aux objectifs visés par la loi. J'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Blackburn (Karl) : Oui. Bien, je vais laisser Nicola, bien sûr, avoir l'occasion de vous parler là-dessus, mais j'aimerais revenir brièvement sur les derniers propos qu'a tenus le ministre par rapport à l'article 107 utilisé par le gouvernement fédéral pour, à tout le moins, encadrer certains conflits. Et cet article 107 a permis justement d'éviter de fragiliser des pans importants de notre économie, qui n'étaient pas nécessairement reliés aux conflits en cours, mais que ces conflits auraient pu dégénérer et créer des catastrophes très importantes au niveau de l'économie. Donc, l'objectif avec le p.l. 89, c'est de se doter ce genre de pouvoirs au Québec pour être capables justement d'éviter que des pans importants de nos économies soient malheureusement affectés.

Alors, Nicola, je vais te laisser répondre à la question précise de Mme la députée.

M. Di Iorio (Nicola) : Oui. Bonjour, Mme la députée. Bien, l'élément est le suivant : c'est qu'évidemment on parle de la notion de l'impact disproportionné sur la population, et le projet de loi donne l'exemple... ou semble centrer les personnes vulnérables. C'est évidemment primordial de le faire. Il faut cependant réaliser que la notion de vulnérabilité, parfois, peut être anticipée. Il ne faut pas attendre que la personne se retrouve en situation de vulnérabilité si aisément on peut prédire, on peut prévoir, on peut anticiper que cela va arriver.

Il y a aussi la situation où des personnes vont se retrouver impactées de manière totalement disproportionnée. Je vous donne un exemple, et les exemples sont toujours mauvais, donc ce n'est pas le contenu de l'exemple, c'est juste pour illustrer le propos. Si la grève peut avoir pour effet d'empêcher la tenue des Jeux olympiques, bien, si on a des athlètes qui se sont entraînés pendant quatre ans, il m'apparaît que c'est un effet disproportionné. Il doit y avoir autre moyen, dans une société comme la nôtre, pour répondre et pour trouver une solution aux attentes légitimes des travailleurs que de faire en sorte qu'un groupe soit impacté avec de telles conséquences qui font en sorte que l'occasion du... leur échappe totalement. Je rappelle que si... Je ne suis pas en train de dire d'écrire que les Jeux olympiques ne doivent pas être impactés dans une loi, mais que c'est un débat qui s'engagerait devant un tribunal, le tribunal entendrait la preuve et peut évidemment façonner des remèdes qui font en sorte que peut-être qu'il pourrait y avoir des grèves, mais s'inspirant de l'expérience internationale, tout comme la Cour suprême s'en est inspirée pour reconnaître l'assise constitutionnelle à laquelle vous avez fait référence dans vos remarques tantôt, bien, à ce moment-là, on pourra dire : Bien, O.K., mais vous ferez deux heures par jour la grève, ou vous ferez le lundi la grève, ou vous la ferez à tel moment. Et, à ce moment-là, il y a une manifestation qui se fait. On doit... On doit... Nous-mêmes, on reconnaît qu'en Europe ça fonctionne, ces grèves. Donc, pourquoi elles ne fonctionneraient pas dans notre expérience à nous? Pourquoi nous, c'est : on lance la grève et là on dit : Bon, allez-y maintenant, on va voir qu'est-ce que... qu'est-ce qui en arrive. Donc, quand ça a des effets disproportionnés... donc pas toutes les situations qui sont visées...

Mme Cadet : Me Di Iorio, sur ces propos, donc, encore une fois, donc, je reviens à la notion de balise ici, est-ce que... évidemment, donc, si le projet de loi, il est adopté tel quel, donc, c'est ce qui permettra, donc, au Tribunal administratif du travail de décider, donc, si des parties ne s'entendent pas, donc, de la portée des services minimalement requis...

Mme Cadet : ...Est-ce que vous pensez que ce qui est présenté ici va donner, donc, des assises suffisamment robustes au Tribunal administratif du travail, donc, de pouvoir se pencher, de créer des précédents, là, parce qu'il n'y en a pas, donc, en droit canadien, sur la notion de service minimal requis?

M. Di Iorio (Nicola) : La courte réponse, c'est non. Avec ce qui est là il quand même... il faut souligner parce que ça prend énormément de courage politique pour présenter un projet de loi comme celui-ci. La chose facile, c'est de ne rien faire. Mais si on a vraiment à coeur de dire : Je veux que les travailleurs améliorent leur condition de travail, je veux que les entreprises s'épanouissent, mais je veux aussi m'assurer que ma population ne soit pas coincée dans un conflit sur lequel elle n'a pas un mot à dire. Elle peut influer sur le conflit. Et il y a des conflits dans lesquels tant l'employeur qui dit : Ah, ça fait fonctionner mes usines à l'étranger, donc tant mieux que ça soit fermé que le syndicat, ah, eux autres sont... les gens travaillent tous ailleurs, donc il n'y a pas de problème. Et la population, à ce moment-là, se retrouve coincée dans ça. D'où le fait que je... ce qu'on vous soumet, c'est que ça ne peut pas être restreint simplement à la notion de personne vulnérable, mais aussi aux personnes qui en subissent les conséquences disproportionnées et qui se trouvent, à ce moment-là... qui vont se retrouver en état de vulnérabilité face à ce conflit-là.

Mme Cadet : Me Di Irio, toujours sur le mécanisme maintenant. Évidemment, donc, que dans les questionnements que... bon, si j'avais eu plus de temps en remarque préliminaire, là, je les aurais soulevés aussi, c'est à savoir, donc... donc, quelle devrait être, donc, la portée des services finalement requis. Et, le cas échéant, est-ce que le mécanisme qui est présenté ici est vraiment donc le plus propice à la réduction de la durée des conflits de travail? Est-ce que vous pensez que, par exemple, donc d'offrir, donc, la possibilité, donc, pour les parties de s'entendre sur les services minimalement requis, est-ce que ça va véritablement diminuer, donc, la durée des conflits de travail? Parce que c'est l'objectif du projet loi qui est présenté.

M. Di Iorio (Nicola) : Merci. En fait, c'est pour ça qu'on suggère de prévoir que des groupes ou des personnes puissent présenter des observations. Parce qu'on peut penser à une organisation où les cadres se disent : Ah, c'est mieux une grève complète, on ferme puis on attendra qu'ils reviennent. Et le syndicat dit : Ah, nous, on veut la grève complète, donc on arrête tout. Alors que ça requérait de la part de l'employeur de faire un effort d'opérer, disons, trois fois deux heures par jour, bien que ce soit un peu contraignant, mais, à ce moment-là, au moins, la population, minimalement, aurait accès aux biens ou aux services dont elle a besoin. Alors, dans ce contexte-là, on voit bien que oui, le cadre est bien conçu, bien établi, mais il faut s'assurer qu'on façonne des remèdes en conséquence.

Mme Cadet : ...M. Blackburn là-dessus, évidemment, vous représentez les employeurs, donc vous connaissez, donc, cette situation-là. Donc, pour vous, donc, dans un conflit de travail avec le mécanisme qui est proposé, est-ce que, donc, ça permettrait véritablement d'atteindre l'objectif qui est visé, là, en toute bonne foi, de réduire, donc, la durée des conflits de travail?

M. Blackburn (Karl) : Ça apporte une certaine prévisibilité, Mme la députée, et, dans le monde incertain dans lequel on est, on a besoin de beaucoup de prévisibilité. Et le projet de loi, c'est ce qu'il apporte.

Mme Cadet : Rapidement, donc, sur les autres aspects. Vous nous... En fait, vous... à l'article 111.0.23, donc vous nous amenez une recommandation, vous dites, donc, sauf si en... «en raison des circonstances percevant la bonne marche du travail, contraignant l'employeur à suspendre ses opérations, l'employeur peut alors en urgence demander la suspension du délai de sept jours». Donc, ce délai de sept jours francs, donc, qui est introduit dans le projet de loi. Donc, pourquoi, donc, vous pensez qu'il faudrait, donc, amener, donc, des aménagements supplémentaires à l'article est présenté ici?

M. Di Iorio (Nicola) : Merci, Mme la députée. Quand il a fait référence tantôt aux événements malheureux qui sont survenus la semaine dernière et qui concernent la présence du ministre, il arrive parfois que, quand on anticipe un conflit, ou quand on arrive négociation, et quand les négociations ne vont pas rythme qu'on veut, qu'il peut y avoir des bouleversements dans le milieu de travail qui ne constituent pas une grève, mais qui font en sorte qu'il devient irréaliste d'opérer l'entreprise, le service, l'organisation. Et, dans ce cas là, l'employeur ne devrait pas dire : Bien, on va être assis ici et simplement être pénalisé, ou même voir jusqu'à la destruction, ou jusqu'à l'avarice importante du milieu de travail, sans pouvoir les faire suspendre ce délai de sept jours.

• (10 h 40) •

Mme Cadet : En 30 secondes... Merci pour cette réponse. L'intervention du public.

Mme Cadet : ...de la population, donc article 111.22.8, là, vous faites cette recommandation-là, est-ce qu'il y a des précédents, ailleurs au Canada ou à l'international, là, sur une disposition comme celle-ci ou sur la suffisance des services assurant... bon, essentiels ou le bien-être de la population et la population serait appelée à réagir?

M. Di Iorio (Nicola) : Bien, la réponse, c'est oui. Donc, j'ai donné l'exemple, puis je vais rester sur le... mais je pourrais vous en fournir d'autres si vous en voulez, mais il y a eu cet exemple de la Commission de transport de l'Outaouais, donc, qui fait de transport entre Gatineau et Ottawa. Donc, pour cette raison, c'est de compétence fédérale...

Le Président (M. Allaire) : Je m'excuse. Malheureusement, ça met fin à cette portion d'échange. Je suis désolé, je suis le gardien du temps et j'ai cette tâche ingrate. Alors, on enchaîne avec le deuxième groupe de l'opposition. M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve, la parole est à vous pour trois minutes 28 secondes.

M. Leduc : Merci, M. le Président. Bonjour à vous deux. Toujours un plaisir de vous voir en commission. M. Blackburn, vous avez évoqué dans votre présentation originale le fait qu'il y avait eu des lock-out qui avaient eu des effets négatifs sur la population, mais vous n'en avez nommé aucun. J'aimerais ça que vous m'en nommiez quelques-uns, à votre connaissance, des lock-out qui ont eu des conséquences négatives sur la population.

M. Blackburn (Karl) : Je vais demander à Nicola d'aller précisément là-dessus, mais je vais revenir quand même sur certains conflits de travail, M. le député, et ça me fait plaisir également d'échanger avec vous, sur certains conflits de travail qui malheureusement...

M. Leduc : Ma question, c'est vraiment sur les lock-out, M. Blackburn.

M. Blackburn (Karl) : Oui. O.K. Alors, les conflits de travail ont des conséquences sur plusieurs acteurs du milieu, et je vais laisser Nicola rentrer directement dans la question que vous avez soulevée.

M. Leduc : Merci.

M. Di Iorio (Nicola) : Bien, écoutez, on a eu... Des lock-out, on en a eu un au port de Québec jusqu'à tout récemment, on en a eu dans des alumineries, on en a eu dans des... dans les concessionnaires automobiles au Saguenay, qui ont eu des conséquences. Tu sais, le projet de loi du ministre, dans une situation comme celle-là, où ça devenait insoluble, ce conflit, il n'y avait pas de solution. Alors, ça aurait été tellement aisé à ce moment-là, que les parties aillent dans ça, il y aurait même eu des mécanismes qui auraient permis de résoudre le conflit et qui aurait évité que les populations soient privées toute entière de services qui sont essentiels pour... Parce que, dans le quotidien, comment on se prive de changer les pneus, de rendre le véhicule sécuritaire, de faire des réparations qui sont nécessaires pour conduire les enfants à la garderie, à l'école, pour se rendre au travail, tous ces éléments-là, dont on aurait pu être privés, bien, on en a eu dans le... encore tout récemment au Canada.

M. Leduc : Si je comprends bien, bien, le port de Québec...

M. Di Iorio (Nicola) : Mais je peux vous donner un exemple, je peux donner un autre exemple, si vous voulez. Bien, celui-là pour faire plaisir à la CSN, il y a un hôtel, puis je pointe dans sa direction, de cet hôtel-là, parce qu'il n'est pas loin de moi, bien, il y a des... il y a plein de gens qui avaient planifié des activités qui étaient fort importantes, et, autour de cet hôtel-là, il y a plein de gens qui sont mis à pied, qui ont perdu leur emploi parce que ce conflit-là est maintenant devenu insoluble. Il n'y aura pas de fin à ce conflit-là. Les employés travaillent tous ailleurs, l'entreprise est archiriche et elle a fait d'autres investissements ailleurs, et il y a quelque chose qui est placardé de collants, je pense qu'ils les ont enlevés maintenant, mais on les remet à l'occasion, placardé de collants en plein centre-ville de Montréal, qui a donc un impact majeur sur un paquet de populations autour, et ça, ça va durer, à mon avis, le temps que l'hôtel soit détérioré, parce que... et il n'y a personne qui a intérêt à mettre fin à ce conflit.

Le Président (M. Allaire) : ...

M. Leduc : Pardon?

Le Président (M. Allaire) : 50 secondes.

M. Leduc : Merci. J'aimerais vous...

M. Di Iorio (Nicola) : ...

M. Leduc : Oui, d'accord. Vous vous préoccupez beaucoup du sort des gens vulnérables. C'est correct que vous évoquiez le fait qu'ils puissent participer à des audiences, c'est intéressant. Cela dit, vous dites ça, mais, quand on se rencontre dans d'autres projets de loi, notamment la révision de la santé et sécurité, quand il était le temps de demander un rehaussement des participations pour la prévention, vous n'étiez pas nécessairement aux abonnés présents sur ce niveau-là. Quand il est temps de revendiquer une hausse du salaire minimum, c'est plutôt l'inverse qu'on entend, de votre côté, il ne faudrait pas augmenter le salaire minimum. Ça fait qu'il n'y a pas une petite contradiction peut-être à ce niveau-là?

M. Blackburn (Karl) : C'est de l'interprétation de propos qui vont dans le sens que vous le souhaitez, M. le député, mais c'est clair que... Par exemple, prenons l'exemple du salaire minimum ou le salaire moyen, il est basé sur un équilibre entre le salaire moyen et le marché du travail. Prenons l'exemple de la santé et sécurité...

Le Président (M. Allaire) : ...désolé, M. Blackburn, je dois vous couper, je suis vraiment désolé. On enchaîne avec le député de Jean-Talon. Vous avez une minute 19 secondes.

M. Paradis : Bon. Alors, on constate que le Conseil du patronat et le ministre semblent s'entendre sur beaucoup de points, notamment sur la question de l'importance de la prévisibilité puis de la stabilité dans les relations de travail. Le projet de loi n° 89, c'est du droit entièrement nouveau, notamment, là, la notion de services assurant le bien-être de la population, on ignore la constitutionnalité de tout ça. Vous applaudissez le projet de loi, mais en plus vous proposez 19 mesures pour aller plus loin, vraiment beaucoup plus loin. Moi, j'aimerais savoir dans quelle mesure révolutionner le droit de grève au Québec, ça contribue à la prévisibilité puis à la stabilité des relations de travail au Québec...

M. Blackburn (Karl) : Votre question est générale, M. le député, puis je vais vous donner une réponse générale. On a constaté malheureusement dans les dernières années que l'environnement d'affaires au Québec s'est détérioré, il s'est détérioré... — d'ailleurs, le premier ministre est d'accord avec ça — où on a trop de charges fiscales, les impôts sont trop élevés. Mais il y a également une lourdeur réglementaire. Il est clair que dans le projet de loi que présente le ministre ce matin, c'est dans le but d'apporter une prévisibilité pour améliorer l'environnement d'affaires dans lequel nous évoluons. Dans le contexte actuel, comment peut-on demander à des entrepreneurs, à des gens d'affaires de continuer d'investir, avec tant d'incertitude et tant d'imprévisibilité? Je vous ai fait tout à l'heure référence à deux malheureuses situations qui se sont produites pour lesquelles aucune, aucune déclaration, comme : C'était inacceptable, n'est apparue de la part des syndicats...

Le Président (M. Allaire) : Merci. Merci, M. Blackburn. Désolé! C'est très court, hein, les interventions, quand même. M. le député de Saint-Jérôme, la parole est à vous.

M. Chassin :Merci. Parce qu'on a 1 min 19 s, tant pour les questions que pour les réponses.

M. Blackburn (Karl) : On va arrêter de respirer.

M. Chassin :Et, évidemment, vous parlez de prévisibilité.  Je pense qu'on va être d'accord, il y a plein d'éléments sur lesquels on peut rendre l'environnement d'affaires plus prévisible, par exemple pour les investissements, que ce soit l'allègement réglementaire, que ce soit la fiscalité. Mais là on est dans une question de principe, et puis vous avez dit :  Bien, attention, hein, il ne faut pas rester accroché nécessairement à ses valeurs, à ses principes. Moi, je reste peut-être accroché à mes valeurs, mes principes, parce qu'il me semble que, s'il faut s'adapter aux circonstances, d'accord, j'en suis, mais, s'il faut adapter nos valeurs, nos principes puis avoir le principe mou, la valeur flexible, là, je pense qu'on ne peut pas dire que ce sont des valeurs ou des principes.

Et, dans ce cas-ci, il me semble qu'on ne peut pas augmenter la prévisibilité avec des concepts aussi flous que «des conséquences sérieuses» ou «des effets disproportionnés». Les services funéraires, je comprends que c'est problématique, mais c'est ça, l'idée d'un conflit avec par exemple des grèves, c'est qu'il y ait des conséquences, il faut que ça se fasse sentir. C'est un peu normal. Donc, ce n'est pas juste de klaxonner, hein, c'est de ne pas donner un service. Est-ce que ça, c'est...

M. Di Iorio (Nicola) : Les conséquences...

M. Chassin :Allez-y.

M. Di Iorio (Nicola) : Les conséquences doivent se faire sentir sur ceux qui sont capables de décider. Les familles qui vivent un deuil... Quiconque a vécu un deuil comprend. Qui n'a pas vécu de deuil...

M. Chassin :Bien, les clients d'un monopole ne décident jamais, vous savez.

Le Président (M. Allaire) : Merci, merci à tout le monde. Ça met fin à cette première période d'échange avec notre premier groupe, le Conseil du patronat du Québec. M. Blackburn, Me Di Iorio, merci pour votre participation à cette commission, c'est toujours apprécié.

Alors, nous allons suspendre les travaux...

M. Blackburn (Karl) : Merci pour votre écoute.

Le Président (M. Allaire) : Merci à vous, mais on va suspendre...

M. Blackburn (Karl) : Merci.

Le Président (M. Allaire) : ...les travaux quelques instants pour permettre à l'autre groupe de s'installer. Merci.

(Suspension de la séance à 10 h 48)

(Reprise à 10 h 53)

Le Président (M. Allaire) : Alors, nous allons reprendre les travaux. On accueille maintenant la Fédération des chambres de commerce du Québec. M. Pageau, M. Gagnon, je vous laisse le soin quand même de vous présenter peut-être avec votre titre. Je vous cède la parole pour votre exposé de 10 minutes. Va s'en suivre une période d'échange. La parole est à vous.

M. Gagnon (Alexandre) :Merci, M. le Président. M. le ministre, Mesdames et Messieurs les députés, merci de nous accueillir aujourd'hui afin d'échanger sur un projet de loi important, un projet de loi qui vient modifier certains travers dans notre régime de relations de travail.

Mon nom est Alexandre Gagnon, vice-président travail capital humain pour la Fédération des chambres de commerce. Je suis accompagné de mon collègue Stéphane Pageau, conseiller principal main-d'oeuvre et affaires publiques, qui participe pour la première fois à une commission parlementaire, donc je vous demande un peu de compassion.

Avant d'amorcer la présentation de nos recommandations quant au projet de loi, permettez-moi, un peu à l'image de nos prédécesseurs, d'exprimer certaines préoccupations et inquiétudes sur certaines... certains des épisodes qui se sont déroulés récemment. Dernièrement, nous avons assisté à plusieurs événements regrettables que nous croyons ne plus revoir au Québec. En quelques semaines, un lanceur d'alerte s'est fait traiter de criminel en ondes. Un média a reçu une mise en demeure afin de contraindre à arrêter d'enquêter sur des allégations. Des travailleurs de deux hôtels se sont fait intimider et injurier par des manifestants car ils n'étaient pas suffisamment solidaires d'un conflit de travail survenant dans un autre établissement. La semaine dernière, un coroner est venu affirmer qu'un travailleur s'était malheureusement enlevé la vie des suites d'une profonde détresse psychologique découlant de conflits avec son syndicat après que le Conseil canadien des relations industrielles ai reconnu son syndicat coupable d'avoir eu recours à de l'intimidation et à de l'hostilité à son égard, et, dans un deuxième temps, après avoir organisé un procès syndical contre lui pour avoir émis publiquement une position qui ne concordait pas avec celle de son syndicat. Le travailleur en question se serait d'ailleurs enlevé la vie peu de temps après que son syndicat eut refusé de reconnaître un billet médical affirmant qu'il n'était pas en état d'assister au procès syndical en question.

M. le ministre, vous n'êtes pas sans savoir personnellement que la semaine dernière, une manifestation a mal tourné après que des représentants syndicaux aient brisé des fenêtres, empêché une association d'employeurs de se réunir et de vous entendre faire part de la vision du gouvernement afin de faire face aux importants défis que nous traversons. Est-ce nécessaire de rappeler aujourd'hui que la liberté d'expression, le droit d'association et le droit de rassemblement ne sont pas seulement...

M. Gagnon (Alexandre) :...des droits s'appliquant aux syndicats. Manifestement, autant le droit d'association est important et légitime, autant la réalité nous démontre que certaines balises doivent être mises en place.

Revenons au sujet aujourd'hui. Le projet de loi n° 89 vise à assurer le bien-être de la population lors de conflits de travail. Il s'agit d'une intention à laquelle nous souscrivons, évidemment, complètement. À notre compréhension, le débat qui suivra dans les prochains jours sera d'évaluer la place laissée à la population comme partie intéressée aux négociations de conventions collectives. Un examen des relations de travail des dernières années a rapidement mis en lumière que l'opinion publique est devenue un réel instrument de moyen de pression. Campagnes publicitaires, manifestations en des lieux autres que le milieu de travail et interventions médiatiques sont maintenant la norme, plutôt que l'exception. Manifestement, la population est devenue une partie intéressée et intéressante dans le cadre des négociations de conventions collectives modernes.

Nous devons également nous entendre ensemble qu'une négociation fructueuse est l'exercice de rapports de force devant être faits entre un employeur et un syndicat. Nous devons arrêter de rendre normal que la meilleure façon de faire bouger son employeur, c'est d'atteindre la viabilité économique de son client, ses fournisseurs et de leurs employés. L'exercice sain du rapport de force, ce n'est pas d'isoler les habitants d'une île ou de priver des milliers de personnes de moyens de transport pour aller travailler ou obtenir des traitements médicaux. Cependant, même si la population fait les frais de certains conflits de travail, elle n'a pas d'outils à sa disposition afin de limiter les préjudices qu'elle subit et afin de se faire entendre par les parties.

La mesure principale de ce projet de loi est, tout d'abord, d'imposer un dialogue, une réflexion. Il ne devrait pas être exceptionnel d'amorcer une négociation en réfléchissant aux moyens à mettre en place afin de ne pas nuire inutilement à la population lors d'éventuels conflits de travail. Cette discussion doit être faite en prévention, pas de façon exceptionnelle, en réaction à l'imminence de répercussions catastrophiques pour la population. Peu de milieux de travail ont réellement le potentiel de créer des préjudices graves en cas de conflit. Nous aurions donc avantage à nous inspirer de la pandémie et de l'évaluation des services autrefois nommés essentiels afin d'assurer une viabilité minimale de certains services, de notre société et de notre économie. Prévoir, par règlement, que certains milieux tiennent ces réflexions en début de négociation, et avant l'obtention du droit de grève ou de lockout, serait le meilleur mécanisme possible afin d'atteindre les objectifs du projet de loi de protéger la population, et ce, sans brimer de façon exagérée les droits d'association des travailleurs et des employeurs.

Évidemment, il peut survenir, à de rares occasions, que les parties négociatrices et le Tribunal administratif du travail ne soient pas au fait d'enjeux spécifiques de certains acteurs de la population. C'est pourquoi nous demandons qu'une partie tiers puisse interpeler directement le tribunal afin que ce dernier examine les services minimaux à la lumière des enjeux spécifiques de cet intervenant. Lorsque cela surviendrait, le tribunal pourrait déterminer de façon urgente si la suspension immédiate des moyens de pression est nécessaire ou non, afin d'éviter un préjudice grave et irréparable. Un tel processus assurerait à la population de pouvoir être entendue par les parties.

Selon nous, le pouvoir spécial du ministre prévu au projet de loi est une mesure exceptionnelle, soit, mais, malheureusement, nécessaire. Il arrive que les parties soient trop éloignées, que le climat soit trop toxique et que la population ou l'économie ne puissent plus subir les contrecoups d'un arrêt de travail. L'arbitrage exécutoire est parfois la seule solution. Ni patronale ni syndicale, une telle mesure nuit aux deux parties. Toute personne ayant fait des relations de travail vous racontera l'adage que la pire des ententes vaut mieux que le meilleur des arbitrages. Il est ardu, pour les deux parties, de travailler au quotidien avec une convention imposée par un arbitre.

Cependant, comme les travailleurs ont le droit de grève, et les employeurs ont le droit de lockout, la population, en tant que partie intéressée qui se fait entraîner, malgré elle, dans un conflit, doit également avoir accès à une arme ultime et dissuasive, soit l'imposition d'un arbitrage. Le meilleur indicateur du succès de cet outil à la disposition du ministre est de, finalement, ne jamais en avoir de besoin. Une fois cela dit, nous recommandons que, dans les rares cas où cela sera nécessaire, les arbitrages soient effectués sur le modèle de la meilleure offre globale ou communément appelée baseball. Ce modèle pousse les parties à faire les propositions les plus raisonnables possible. Il y a là le gage de discussions plus saines, plus sereines, et l'établissement d'une meilleure paix industrielle pour le Québec.

• (11 heures) •

Finalement, il nous semble particulier que l'industrie de la construction ne soit pas touchée par ce projet de loi. Véritable moteur de l'économie de notre société québécoise, elle représente, à elle seule, 17 % de notre PIB. Les conflits de travail dans cette industrie sont systématiquement catastrophiques pour notre économie. Les gouvernements sont d'ailleurs intervenus à quatre occasions afin d'imposer un retour au travail par une loi spéciale. Les autres ententes sont généralement survenues, d'ailleurs, après une ou des interventions du ministre du Travail de l'époque, afin de rappeler qu'il n'hésiterait pas à légiférer si les parties n'arrivaient pas à une entente. Selon nous, l'industrie de la construction est l'exemple parfait de l'industrie qui bénéficierait des mécanismes prévus au présent projet de loi, et nous recommandons donc que la loi R-20 soit modifiée en conséquence...


 
 

11 h (version non révisée)

M. Gagnon (Alexandre) :...nous vous remercions pour votre écoute et sommes prêts à répondre à vos questions.

Le Président (M. Allaire) : Merci. On a... On débute la période d'échange avec la partie gouvernementale. M. le ministre, la parole est à vous pour 16 minutes 30 s.

M. Boulet : Oui, merci, M. le Président. Merci à la Fédération des chambres de commerce du Québec, Alexandre, Stéphane. C'est aussi un excellent mémoire. Évidemment, vous vous exprimez de façon concrète. Vous êtes à la quête de solutions qui sont adaptées et qui visent essentiellement à atténuer les répercussions négatives que des conflits de travail peuvent avoir sur une société, sur une économie, sur un environnement. Et c'est ça, ce que nous recherchons, essentiellement.

On peut citer des exemples continuellement, mais on en a vécu en éducation, on en a vécu en transformation alimentaire, dans le transport scolaire, dans le transport en commun, dans un cimetière, et il y en a d'autres. Puis il faut penser aussi particulièrement aux personnes qui sont rendues vulnérables. Puis, tu sais, il y a des personnes qui sont faciles à identifier, là : les enfants à besoins particuliers, souvent, j'y ai référé, dont les services éducatifs sont interrompus et à l'égard desquels le conflit peut avoir un impact permanent sur le développement de sa compétence, une personne à faibles revenus, vous le disiez, M. Gagnon, qui ne peut pas aller travailler, et je rajouterais qui ne peut pas aller pour recevoir un service médical, les personnes qui vivent dans l'insécurité alimentaire, les personnes qui sont isolées, les personnes qui vivent des conséquences disproportionnées par rapport aux conflits de travail.

Je pense qu'on est d'accord avec l'essence de vos propos. Maintenant, évidemment, comme le groupe précédent, vous souhaitez certains élargissements à la portée de l'application de la loi.

Et juste quelques points, M. Gagnon. Vous dites : On devrait publier une liste de secteurs. Et pourquoi ne pas avoir une liste de secteurs pour le moins possible porter atteinte à l'exercice du droit des syndicats et des employeurs? Parce qu'une grève, c'est pour mettre une pression sur un employeur pour qu'il accepte des conditions de travail. Ce n'est pas pour mettre de la pression sur la population particulièrement rendue vulnérable. Et un lock-out, c'est la même affaire, pour mettre de la pression sur un syndicat pour qu'il accepte des conditions de travail, et pas que ça ait des répercussions dommageables sur la population. Et c'est la raison pour laquelle il n'y a pas de liste de secteurs. Il faudra que ce soit appliqué au cas par cas, de manière très exceptionnelle et que les impacts sur la sécurité de la population soient bien analysés, soient bien documentés.

Et c'est applicable pour une négociation, pas pour un secteur, on ne pourra pas dire, selon ma compréhension, qu'un secteur est visé par le maintien de service minimum, mais à un conflit de travail qui aura des répercussions particulièrement dommageables pour la population. Là, il y aura possibilité d'un décret et d'une décision par la suite du Tribunal administratif du travail. Ça fait que je voulais un peu vous faire cette précision-là. Est-ce que... Oui. Vous vouliez faire un commentaire, allez-y, M. Gagnon.

M. Gagnon (Alexandre) :Certainement. On peut comprendre que, dans un aspect réparateur ou réactif à un conflit de travail, il faut être limité puis il faut y aller à la pièce. D'accord. Maintenant, le dialogue, c'est quand même l'atteinte minimale qu'on peut bien penser pouvoir mettre à un droit de négocier. On vous impose un sujet de conversation, un sujet d'échange, en début de négociation, qui est de réfléchir est-ce que, si, le cas échéant, on fait un conflit de travail, si on fait un arrêt de travail, quelles conséquences il aura sur notre population, sur notre environnement. Une entreprise est avant tout un acteur économique, mais un acteur social qui réagit dans un environnement précis, dans un environnement large, qui a des conséquences sur ce qui l'entoure. Et ce doit être pris en compte lorsque les parties commencent à négocier, dans un aspect préventif de discussion, de dialogue, d'identification, qui va probablement ramener d'une convention à l'autre des aspects très similaires, une fois que les premières listes seront faites. Pour nous, à ce moment-là, il y a... il y a évidemment un aspect fonctionnel et évidemment beaucoup plus efficace...

M. Gagnon (Alexandre) :...beaucoup plus serein, beaucoup plus adapté à prévenir des conséquences importantes pour notre population. Donc, d'y aller uniquement de façon réactive, bien, n'ira pas dans le sens du dialogue que vous prônez depuis plusieurs années afin d'encourager la conciliation, la médiation dans tous les aspects. Pour nous, notamment, au niveau de la prévention, de ses conséquences pour la population, il n'y a rien qui ne devrait limiter cette application-là. Maintenant, ce n'est pas tous les milieux qui vont avoir des conséquences graves pour la population, on en convient, c'est pourquoi on impose la discussion. Et lorsqu'il y a manifestement des enjeux, pour la population, qui découlent, là il y aura une imposition où il y aura une discussion, quand approchera le tribunal, pour faire dicter des normes minimales.

M. Boulet : Ah! tout à fait. Puis vous avez raison, parce que, d'abord, ce n'est pas une première convention collective de travail, quand c'est un renouvellement, même une première, les parties s'assoient à une table de négociation, travaillent ensemble, la négo leur appartient. C'est à ces parties-là de convenir des conditions de travail qui vont être incluses dans la convention collective de travail. Et, comme vous le savez, on a des services pour aider à la négociation, on a des conciliateurs, médiateurs. Et c'est là, quand on s'en va au bout de l'entonnoir puis qu'on a une impasse, et que là on réalise dans ce conflit-là que les critères prévus dans la loi s'appliquent dans le projet de loi, là le Tribunal administratif du travail aura à interpréter puis à appliquer en fonction de la preuve qui est faite devant lui, ce tribunal-là. Puis d'ailleurs j'en parlais peut-être un peu plus tôt, mon collègue de Matane-Matapédia demandait récemment de déclarer la Société des traversiers comme un service essentiel - vous hochez de la tête - puis il mentionnait: Cinq journées sans traverse, ça ne peut pas marcher.

Évidemment, puis je le connais, puis il l'a même mentionné, je le dis de souvenir: Il faut quand même être solidaire avec les travailleurs, mais il faut tenir compte des répercussions d'un conflit sur la population. Est-ce que c'est un exemple qui vous apparaît manifeste ou qui devrait faire l'objet d'une interprétation par le tribunal, par exemple?

M. Gagnon (Alexandre) :C'est un excellent exemple à prendre pour voir dans quels cas on peut préventivement penser qu'il y aura des impacts et non pas attendre le conflit de travail. Lorsque les tensions et les pressions sont au paroxysme et que d'obtenir des ententes raisonnables sont de plus en plus difficiles au début d'une grève ou d'un lock-out. Vous avez parlé, oui, de traversiers, d'ailleurs, il faut parler notamment du maire de L'Isle-aux-Coudres, ce matin, qui a demandé une mesure un peu équivalente pour sa population, pour son île, justement, en raison des conséquences importantes que peut avoir un arrêt de travail au niveau des traversiers. Mais je vous amènerais aussi dans le passé, on a eu également même un conflit de travail dans la transformation alimentaire, qui a même amené des réflexions, même auprès de Québec solidaire, en tout respect, donc, à savoir la nécessité, dans certaines circonstances, de peut-être réfléchir à un mécanisme pour prévenir des dommages environnementaux, mais également économiques et sociaux pour la population.

M. Boulet : Tellement, tellement, tout à fait. Mais c'est sûr que là où je suis un petit peu moins confortable, c'est, vous auriez tendance à nous proposer d'intervenir en amont plutôt que d'attendre et de documenter. C'est sûr que le risque constitutionnel est plus grand de le faire en amont. Je pense que - je le répète, là, et je pense qu'on se comprend - je pense qu'il faut attendre que ce soit confirmé puis qu'il y ait des impacts plutôt que de l'anticiper puis, après ça, de faire un décret ou d'analyser en tenant compte des critères qui sont dans le projet de loi.

• (11 h 10) •

Vous mentionnez, un peu à l'instar du groupe qui vous a précédé, que les principes de maintien des services devraient s'appliquer aussi dans un secteur qui est régi par un régime particulier, c'est-à-dire l'industrie de la construction. Je le répète, mais comment... Donnez-moi un élément de réponse sur notre analyse. Bon, évidemment, c'est un secteur qui est particulier. Je comprends qu'un conflit peut avoir des impacts, d'ailleurs...

M. Boulet : ...en 2017, le gouvernement qui nous a précédés a adopté une loi spéciale. Nous n'avons d'ailleurs pas adopté de loi spéciale depuis 2018. Mais cette loi spéciale là a été déclarée inconstitutionnelle, là, si je ne m'abuse, en 2022 par la Cour supérieure de Montréal. Mais c'est quand même un secteur où les dispositions antibriseurs de grève ne s'appliquent pas. Or, comment concilier l'inapplicabilité des dispositions antibriseurs de grève avec votre recommandation d'assujettir quand même ce secteur-là au p.l. no° 89?

M. Gagnon (Alexandre) : L'industrie de la construction... On nous ramène à notre exemple de quand on parlait d'avoir un mécanisme préventif, d'avoir... d'imposer la discussion et d'imposer les échanges. On l'a vu également pendant la pandémie où qu'on a été voir quels sont les travaux minimums pour assurer la viabilité économique de notre province, puis de notre population, puis de notre société. Puis la construction a été un des critères qui avait été mis de l'avant, une des industries. Pas dans son ensemble, là, hein? Rappelons-nous, il y avait certaines activités très précises qui ont été mises, qui imposaient... pas qui imposaient, mais qui permettaient à certains... certains types de travaux de continuer le temps des moyens... des moyens de prévention au niveau de la COVID. C'est un peu équivalent, là, de ce qu'on propose aujourd'hui. Donc, c'est de permettre les échanges plus que la loi spéciale, plus que le pouvoir de retour au travail, le pouvoir spécial que le projet loi prévoit, c'est le dialogue entre les parties et la détermination de services minimums afin de ne pas avoir trop d'impacts sur la population. Ce n'est pas exceptionnel comme demande. Je pense que même le fédéral, c'est beaucoup plus systématique comme réflexion dans les milieux de travail. On a déjà des tables de discussion, des tables d'échange nationales au lieu de... au milieu des... pour négocier les conventions collectives. D'avoir cet outil supplémentaire là à leur disposition ne ferait certainement pas de mal. On n'en est pas entrain de voir comment ne peut pas nuire à l'employeur dans la construction, mais là d'éviter qu'il y a des dommages trop importants à la population autour. Donc là, est-ce qu'on est prêt à ne pas donner voix à la population qu'on tente justement de prévenir les atteintes à leur bien-être.

Donc, que ça soit dans le milieu de la construction que ça soit n'importe quel secteur d'activité, on devrait toujours, si on a un potentiel d'avoir des impacts importants, graves pour la population, permettre une détermination de services minimaux, une évaluation des services minimaux pour assurer que leur bien-être soit protégé. Donc, la construction, soit, mais c'est... C'est un exemple d'une industrie tellement importante et qui a été déterminée à chaque conflit de travail, à chaque fois qu'il y a eu un arrêt de travail comme étant trop important pour notre économie, trop important pour la viabilité économique de notre province. Donc, soyons conséquents, si on est pour se donner des nouveaux outils pour protéger de ce type de situation, là, bien, profitons-en pour les donner également à ce secteur de la construction.

M. Boulet : Merci à M. Gagnon. Puis là, peut-être dernier élément, l'arbitrage de différends. Comme vous le savez, le Code du travail le prévoit déjà, la possibilité pour la ministre du Travail de déférer à un arbitre de différends, sur demande d'une partie quand c'est une première convention, sur consentement des deux parties quand c'est un renouvellement de convention collective. Et dans le Code du travail, il y a des critères que l'arbitre doit considérer. Puis l'arbitre, je le répète, c'est une personne qui est neutre, impartiale et indépendante, qui fait l'objet d'ailleurs de recommandations du Comité consultatif du travail et de la main-d'œuvre, où vous siégez d'ailleurs, où les centrales syndicales siègent, où les associations patronales sont aussi présentes. Et la liste des arbitres constituée par le Comité consultatif du travail et de la main-d'œuvre est l'objet d'un consensus fait par les associations patronales et syndicales.

Mais je reviens aux critères. Bon, les critères, si je me souviens bien, dans le Code du travail, c'est les conditions de travail dans des entreprises semblables, notamment. Dans le secteur municipal, il y a d'autres critères, mais vous proposez ce que vous appelez le modèle baseball. Ça, donc, c'est les offres finales globales. C'est quoi la distinction? Vous dites...

M. Boulet : ...les deux parties présentent leur offre finale globale, et l'arbitre a à déterminer la dernière meilleure offre. Est-ce que c'est bien ça? Donc ça, ça a été assez populaire aux États-Unis, ça a été utilisé quand même dans certains contextes, donc c'est ce que vous dites. Mais là, ça prend l'accord des deux parties, puis que l'arbitre adhère à ça. Mais ce que vous dites, c'est qu'on devrait prévoir, dans le projet de loi, la possibilité pour les parties, pas une obligation, là, je présume, la possibilité pour les parties d'adhérer à ce mécanisme-là que les deux parties soumettent leur dernière meilleure offre, et l'arbitre décide, en fonction des critères prévus dans le Code du travail, laquelle est la dernière meilleure. Est-ce que c'est bien ça?

M. Gagnon (Alexandre) :Oui.

M. Boulet : Ça force les parties à se rapprocher beaucoup.

M. Gagnon (Alexandre) :Un arbitrage de différends, un arbitrage... conventionnel, c'est que les parties, tout le long, vont garder des positions extrêmement distancées puisqu'ils vont s'attendre à ce que l'arbitre trouve une voie mitoyenne. Donc évidemment, les rapprochements potentiels, dans ces circonstances-là, sont très peu probables, et il va avoir un campement dans les positionnements historiques, puis ils ne vont pas bouger de ces endroits-là parce qu'ils vont savoir que, finalement, il y a quelqu'un qui va venir... va venir au milieu.

Un arbitrage est fait sur la meilleure offre globale finale, ça l'oblige les parties à être les plus raisonnables possibles, à être de bonne foi, à trouver quelque chose que l'arbitre va trouver sain, qu'il va trouver équilibré, qu'il va trouver fonctionnel dans le cadre du travail, que les milieux vont être capables d'utiliser dans le cadre de leur travail, dans les prochaines années.

Le Président (M. Lemay) : Merci, merci. Malheureusement, ça fait... ça met fin au bloc d'échange avec la partie gouvernementale. On enchaîne avec la députée de Bourassa-Sauvé. La parole est à vous pour 10 min 24 s.

Mme Cadet : Merci beaucoup, M. le Président. Bonjour, M. Gagnon. Bienvenue en commission, M. Pageau. Donc, je vais vous laisser poursuivre votre réponse, parce que c'était effectivement, donc, l'une des questions que j'avais pour vous. Ça fait qu'on peut y aller par la fin de votre mémoire et vous laisser nous expliquer un peu, là, quelle est la stratégie de... le modèle de baseball, là, que vous présentez.

M. Gagnon (Alexandre) :Baseball, c'est parce que ça a été popularisé, notamment parce que ça avait été  utilisé par la Ligue nationale de baseball. Donc, c'est resté dans... dans le jargon populaire, là, mais... Donc, en utilisant la meilleure offre globale finale, on s'assure que tous les aspects sont considérés, pas uniquement certains aspects qui sont souvent financiers ou le minimum notamment, hein. L'arbitre de différends va voir à ce... sur quoi j'ai absolument besoin de trancher, et il va y aller au milieu. Donc, il n'y... on n'incite pas le changement organisationnel, on n'incite pas les transformations des modèles d'affaires ou l'ajustement à la nouvelle réalité de l'organisation, et donc ça met en pause beaucoup d'innovation dans nos entreprises, puis on en a de besoin d'innovation. Donc, en allant avec une meilleure offre globale, on s'assure que tous les aspects de ce qu'il y a besoin d'être modernisé dans la convention sont utilisés en plus de façon beaucoup plus sereine, avec des positions beaucoup plus raisonnées et raisonnables.

Mme Cadet : Et j'imagine donc que ça amène les parties à être plus satisfaites de la décision de l'arbitre, puis on s'entend, vous l'avez mentionné d'entrée de jeu, là, que donc la pire des ententes est meilleure qu'une entente qui est imposée. Mais dans ce cadre là, donc selon le modèle que vous présentez, puis je pense que le ministre dit que vous demandez que ça puisse s'effectuer selon ce modèle-là. Mais ce que je vois de votre recommandation, là, c'est qu'en fait, vous préfériez, là, que ce soit le modèle qui soit en fait soumis aux parties.

M. Gagnon (Alexandre) :Le modèle de base et, le cas échéant, où qu'ils ne veulent absolument pas l'utiliser, d'accord qu'ils puissent utiliser un arbitrage conventionnel, mais ça devrait être l'exception, là, pas la norme, là.

Mme Cadet : D'accord. O.K. Alors, je comprends très bien ça. Puis peut-être que nous, on va rester de votre côté sur la question de l'arbitrage exécutoire et puis on ira ensuite sur la question des services minimalement requis. Donc, de votre côté, évidemment, c'est le... l'objectif qui nous est présenté par le projet de loi, c'est s'assurer d'amoindrir l'impact des différents conflits de travail donc qui... qui s'allongent sur le bien être de la population. C'est ce qui nous est présenté ici. Est-ce que vous pensez que le modèle d'arbitrage exécutoire, puis évidemment, là, vous y allez avec une recommandation sur le mécanisme à employer, mais de façon générale que le ministre puisse disposer de ce levier d'action là, donc aurait donc un véritable impact sur la capacité, donc, d'amoindrir cet impact-là sur la population?

• (11 h 20) •

M. Gagnon (Alexandre) :À ce moment-ci, on n'est pas tant dans l'amoindrir les impacts sur la population, on en est surtout pour donner une voix puis un mécanisme pour la population de se faire entendre et de... d'éviter des préjudices trop importants pour eux. Donc, en ayant cet outil-là à la disposition du ministre, ce que ça fait, c'est que finalement les parties vont se dire : Si jamais on n'arrive pas à s'entendre, si on n'est pas assez de bonne foi, si on n'évalue pas suffisamment bien les services minimums devant être...

M. Gagnon (Alexandre) :...pour assurer le bien-être de la population. Si on ne prend pas cette préoccupation au sérieux, oui, peut-être qu'on sera exposé à un arbitrage exécutoire par le ministre. Donc, ce n'est pas un outil qu'on aimerait qui soit utilisé, on s'entend, sauf que c'est un outil afin de s'assurer que dans les réflexions, quand les milieux vont évaluer les services minimums ou quand ils vont être en train de négocier puis ils ne seront pas capables d'arriver à une entente, mais il y a quelqu'un qui va venir décider pour vous si vous ne le faites pas, parce que pour la société, c'est trop important, pour l'économie, c'est trop important, pour l'environnement, c'est trop important. Donc, c'est un outil qui doit être exceptionnel, mais c'est un outil de dissuasion en premier, premièrement et avant tout.

Mme Cadet : Donc, je vais revenir tout de suite sur la question des services minimalement requis. On l'a dit un peu plus tôt, donc, il s'agit ici de droit nouveau. Donc, comment... est-ce que vous pensez que la façon dont était libellé l'article en question, là, l'article qui établit donc les services finalement requis, qu'il offre des balises assez robustes, donc, au Tribunal du travail, pour pouvoir se pencher sur ces questions-là dans le cas éventuel où, bon, le projet de loi est adopté et qu'un compris se retrouve devant le TAT, et qu'on a à trancher sur des services minimalement requis?

M. Gagnon (Alexandre) :Il y a le... On propose une modification à une définition, un petit peu, là, pour évaluer, mettre en... une équivalence au terme disproportionné, parce que lorsqu'on met disproportionné, disproportionné par rapport à quoi? Tu sais, donc ce qu'on vient préciser, c'est que ce serait important de venir confirmer que l'évaluation de la disproportionnalité des impacts est en lien avec les objectifs poursuivis par la négociation de conventions collectives, donc par rapport aux objectifs de faire pression, pas sur la population, pas pour les entreprises qui entourent, mais sur leur employeur ou sur leur syndicat. Donc là, par rapport à ça, ça ouvre un petit peu la voie à certains aspects... juridiques qu'on voit davantage d'habitude dans le Code civil, lorsqu'il y a des poursuites en mitigation des dommages. Donc, lorsqu'une partie cause des dommages à une autre partie tierce, mais il doit s'assurer de mitiger ces dommages-la, s'assurer que ces dommages-là ne sont pas disproportionnés par rapport à l'événement pour lequel ils ont été causés. Donc, exemple, il y a eu une inondation dans un sous-sol, mais la personne qui vit au sous-sol doit quand même, avec ses assureurs, s'assurer qu'il mitige les dommages dans son sous-sol, enlever ce qu'il peut sauver pour éviter qu'il y ait même une indemnisation par l'assurance. Donc, c'est un peu l'équivalent ce qu'on demande aux parties, puis c'est la protection qui est donnée, c'est de dire : avec cette définition là, c'est un peu faire recours à la jurisprudence dans le cadre des processus civils, c'est de mitiger les dommages pour la population, de prendre les moyens raisonnables pour y arriver.

Mme Cadet : ...vous donnez l'exemple de l'Allemagne dans votre mémoire.

M. Gagnon (Alexandre) :Oui, et c'est justement au niveau de la détermination de qu'est-ce qu'un service assurant le bien-être, ils ont une mesure un peu équivalente au niveau de l'Allemagne. Ils sont venus préciser davantage. À la différence près que l'Allemagne, elle, compte notamment les parties au litige, donc l'entreprise, donc qui vient dire qu'un conflit de travail n'est pas un motif raisonnable pour amener la faillite de l'entreprise. Maintenant, nous, on... bon, si vous voulez aller là, on ne vous empêchera pas, mais... évidemment, mais sur nos préoccupations et surtout pour les entreprises tierces, pour les parties tierces aux conflits de travail qui n'ont pas leurs voix, qui n'ont pas de moyens de mitiger les dommages qu'ils subissent.

Mme Cadet : Puis, comme votre prédécesseur, en fait, à votre troisième recommandation, dans la même lignée, vous nous recommandez de permettre à une partie intéressée de faire appel aux TAT pour que ce dernier considère les répercussions de l'arrêt de travail sur son bien-être ou la population qu'il représente. Donc, vos prédécesseurs, je n'ai pas eu le temps de leur redemander, donc, des précédents, donc, ailleurs au Canada, je ne sais pas si vous, vous en aviez pour nous.

M. Pageau (Stéphane) : Mais précisément, là, des précédents à ça on n'en a pas à vous proposer. Toutefois, on pense que c'est dans l'esprit du projet de loi que, puisqu'on est là pour protéger le bien-être de la population, que la population puisse se faire entendre par elle-même lorsqu'elle est la bonne juge des propres impacts qu'elle peut vivre suite à un conflit, un conflit de travail ou à un arrêt de travail.

M. Gagnon (Alexandre) :Permettez peut-être... peut-être ajouter. On l'a quand même au niveau du fédéral, O.K.? Donc, ça, c'est un mécanisme. On n'attendra pas qu'une des deux parties après un décret détermine qu'elle a besoin d'avoir une détermination des services minimums, une partie tierce. On est dans un mécanisme qui est pour protéger la population encore plus que les parties...

M. Gagnon (Alexandre) :...intéressées à la négociation, la population a encore plus droit au chapitre et devrait pouvoir intervenir pour identifier à est-ce qu'il y a réellement ou non des impacts pour leur bien-être à eux. Donc, dans ces circonstances-là, oui, que le ministre puisse demander la détermination, mais qu'également les partis tiers qui sont touchés directement de façon disproportionnée, qui pensent peut-être, éventuellement, qu'un conflit aurait des impacts disproportionnés sur leur bien-être, sur leurs opérations, qu'ils puissent s'interpeler au Tribunal administratif du travail et demander aux partis de s'entendre sur une liste de services minimums.

Mme Cadet : Rapidement, avant de passer la parole à ma collègue. Donc, dans ce cadre-là, vous demandez de... vous ne le mettez pas juste, donc, comme option, vous demandez donc de remplacer le processus de décret du gouvernement. Est-ce que, selon vous, donc, ça permettrait d'avoir un processus qui est plus impartial, efficace et adéquat, là, les critères de la Cour suprême?

M. Gagnon (Alexandre) :Bien, ça vient surtout élargir le spectre des personnes qui peuvent demander cette intervention-là. Le ministre va être tout en droit d'exiger encore une fois cet examen-là. En fait, dans le projet de loi, comment ça... Le décret du ministre, tout ce qu'il fait, c'est de permettre aux partis de le demander, hein? Donc, que le gouvernement demande par lui-même ou que ce soit un parti tiers qui demande l'examen des services minimums, le tribunal a... est capable d'examiner à la face même des présentations qui leur sont faites si, oui ou non, il y a vraiment... réellement un potentiel de préjudice grave pour la population. Donc, pour nous, ça vient juste bonifier un peu davantage, ça vient reconnaître que, finalement, c'est la population qu'on veut protéger, pas un parti ou un autre.

Mme Cadet : Merci.

Le Président (M. Allaire) : Mme la députée de D'Arcy-McGee, 30 secondes.

Mme Prass : Merci. Question. : Pour ne pas brimer justement le droit de grève des syndicats, pensez-vous qu'il devrait y avoir une période minimale où il devrait être permis d'aller en grève avant que le ministre entame différentes démarches qui sont proposées dans le projet de loi?

Le Président (M. Allaire) : ...

M. Gagnon (Alexandre) :20 secondes, oui. Une période minimale... en fait, c'est de... L'ensemble des milieux de travail, l'ensemble des conventions collectives ont des particularités différentes. Donc, une entreprise pourrait être en grève pendant six mois sans avoir d'impacts trop importants pour la population, une autre pourrait l'être pendant deux jours et ça serait catastrophique.

Le Président (M. Allaire) : ...d'Hochelaga-Maisonneuve, on enchaîne avec vous, trois minutes 28 secondes.

M. Leduc : Merci, M. le Président. Bonjour à vous deux. On parle beaucoup de l'intérêt des personnes vulnérables, de la population. Prenons l'exemple des CPE qui sont en grève aujourd'hui, là, pour la quatrième journée. Si vous, moi et une éducatrice de CPE sommes dans une pièce, selon vous, laquelle de ces trois personnes a le plus l'intérêt des enfants à coeur?

M. Gagnon (Alexandre) :Bien, je pense que ce n'est pas... La valeur des intérêts des enfants, je ne pense pas que personne ici ne peut définir qui a la plus grande probité pour défendre l'intérêt des enfants. Honnêtement, je pense que le Québec... Il y a un vieux proverbe qui disait : Le Québec est fou de ses enfants. Moi, j'ai été président d'un conseil d'administration de CPE, j'ai vu c'était quoi, j'ai trois enfants en bas âge qui vivent ça, j'ai le privilège de siéger au Conseil de gestion de l'assurance parentale pour encourager. Maintenant, on est tous des acteurs sociaux...

M. Leduc : Ah! on a tous notre opinion, ce n'est pas ça, la question, mais moi, j'ai l'impression, et c'est ma conviction profonde, que l'éducatrice dans la pièce, de nous trois, qui passe toutes ses heures de sa journée avec les enfants... je pense que c'est elle qui a le plus de souci du développement des enfants à coeur. Je ne veux pas dire qu'on ne l'a pas. Et cette personne-là, si elle fait une grève, c'est là que j'essaie de vous amener, si elle décide de voter une grève comme aujourd'hui, éducatrice, elle ne perd pas ce souci du développement de l'enfant tout à coup parce qu'elle est en grève. C'est encore elle qui passe le plus d'heures par journée, peut-être parfois... parfois, plus que les parents même avec les enfants. Alors, je ne sais pas pourquoi on commence à dire que ces personnes-là... tout à coup, ils n'ont plus l'intérêt de la population qu'ils servent à coeur.

M. Gagnon (Alexandre) :e n'est pas ce que j'ai dit, et on n'a pas avancé ça du tout.

M. Leduc :  ...on s'entend.

M. Gagnon (Alexandre) :Puis je pense que le débat aujourd'hui, ce n'est pas la question que vous posez, à savoir si vous, moi ou n'importe qui, c'est à savoir est-ce que les parents, eux, vivent les conséquences. C'est eux qu'on veut avoir parce que c'est eux qui vont vivre cette situation-là avec leurs enfants. Je pense que c'est eux qu'on doit mettre au-devant. Et c'est un peu l'essence même du projet de loi parce que c'est eux qu'on veut mettre au-devant, à identifier les impacts sur eux et leur réalité...

M. Leduc : Je vous renvoie la question.

M. Gagnon (Alexandre) :...et non pas l'employeur, pas le syndicat.

• (11 h 30) •

M. Leduc : Je vous renvoie... Si on casse la grève comme avec le projet de loi qui est proposé, qui est dirigé en bonne partie sur les CPE qui s'en viennent en grève générale illimitée, ça va dégrader les conditions de travail d'un secteur qui est déjà en perte de vitesse. Il y a des programmes qui ferment au niveau collégial. Les éducatrices sont mieux payées au Costco que dans leur propre CPE. S'il n'y a pas de grève pour repousser les conditions de travail parce qu'on le casse avec un projet de loi comme celui-là, ça va avoir une conséquence sur les parents parce que les services de garde vont continuer à se détériorer. Et c'est là, la logique qu'on essaie de casser avec le ministre puis que vous soutenez un peu à travers votre présentation aujourd'hui. Les grèves génèrent des améliorations de conditions de travail et amènent de la...


 
 

11 h 30 (version non révisée)

M. Leduc : ...dans les corps d'emploi qu'il représente. C'est sûr que c'est pénible pour le moment. Je l'ai été, moi aussi, avec un enfant en grève, la dernière ronde en 2021. Je n'ai pas trouvé ça bien le fun. Mais ça a rehaussé et ça a pérennisé un peu le réseau une couple d'années, puis là, on revit le même problème. Mais j'aimerais ça que le réseau soit encore bon, moi, pour cinq, 10 ans encore. Puis je ne sais pas si on va être capables de le faire avec le gouvernement actuel, qui ne négocie pas à la table puis qui laisse la situation se détériorer. Ça fait que j'espère qu'on va permettre la grève d'avoir lieu pour le... pour le bien-être des petits puis le bien-être des parents.

M. Gagnon (Alexandre) :J'ai le temps de répondre à ça, M. le Président?

Le Président (M. Allaire) : Oui. Allez-y. 20 secondes.

M. Gagnon (Alexandre) :Oui. D'accord. Le meilleur moyen d'avancer les conditions de travail de nos éducatrices puis de nos CPE, c'est le dialogue social, c'est la politique, c'est les décisions politiques. Maintenant, est-ce que le meilleur moyen qui est déterminé pour faire avancer la cause d'un corps d'emploi entier, c'est d'empêcher les parents d'aller travailler...

Le Président (M. Allaire) : Merci. Malheureusement, je dois.... Malheureusement, je dois vous couper. On enchaîne avec le député de Jean-Talon. Rappelez-vous que votre intervention, elle est courte, et les réponses doivent être courtes. Une minute 19 secondes. La parole est à vous.

M. Paradis : Merci pour votre mémoire nuancé. Mais vous dites cependant que la nécessité du projet de loi a été démontrée, et donc c'est la nature des balises qui est la discussion ici, en commission parlementaire. Je me demande, parce que votre... la base de votre mémoire, c'est de dire : Il y a eu beaucoup plus de grèves dans les dernières années qu'avant, or ce projet de loi là ne vise pas à diminuer le nombre de grèves. Parce qu'il le dit, la grève ou le lock-out va continuer. 95 % des grèves actuellement se règlent avec une entente. Puis il y a des balises qui ont été fixées par la Cour suprême notamment puis les tribunaux pour gérer le processus. Êtes-vous sûrs qu'on a vraiment besoin de ce projet de loi là?

M. Gagnon (Alexandre) :On en est pour définir... Puis on ne veut pas... Puis je sais que ça a été discuté tout à l'heure. On ne veut pas diminuer le nombre de grèves. Bien, tant mieux, si ça... on y arrive, tant mieux, évidemment. Ce qu'on veut, c'est que, dans les cas exceptionnels où ça survient, il n'y ait pas de dérapage. On l'a vu, il y a... De plus en plus, la population est prise à partie et intéressée... considérée comme une partie intéressée à la négociation, et c'est là qu'il y a un dérapage, c'est là qu'il faut venir corriger notre régime de relations de travail. Parce que la négociation, à ce moment-là, ne se fait plus entre un employeur et un syndicat. Et c'est là qu'il faut éviter de tomber dans le piège des dernières années, des dernières décennies, où, maintenant, c'est plus intéressant d'aller parler à la radio puis dans les médias que d'aller parler à son interlocuteur de l'autre côté de la table de négociation.

Le Président (M. Allaire) : Merci. Ça met fin à cette période d'échange avec le député de Jean-Talon. M. le député de Saint-Jérôme, la parole est à vous.

M. Chassin :J'ai envie, M. le Président, de revenir sur l'exemple de la technicienne de service de garde. Je me demande si la technicienne de service de garde, elle jugeait, par exemple, que ce serait important de mettre fin à la grève, comme elle a l'intérêt des enfants à cœur, est-ce qu'elle peut le faire elle-même? Bien non, tu sais, c'est un ensemble de syndiqués qui prennent la décision. Alors évidemment, il y a toute une question de légitimité, il y a toute une question de réflexion sur les services essentiels. Puis vous avez proposé, dans le fond, non seulement la partie de baseball, mais de déterminer, avant d'avoir le droit de grève ou de lock-out... de déterminer à l'avance qu'est-ce qui serait acceptable, qu'est-ce qui serait inacceptable. Moi, ça, je trouve que c'est un moyen d'atteindre l'objectif sans avoir un projet de loi, disons, abstrait, là. Ça, ça s'applique quelque part?

M. Gagnon (Alexandre) :Oui, évidemment, avec cette mesure-là, en façon préventive, les moments où on aura besoin d'une loi spéciale vont être de beaucoup minimisés parce qu'on se sera entendus à un moment où on est capables de dialoguer lorsqu'on amorce nos discussions plutôt qu'au moment où on est arrivés au point où on n'est plus capables de se parler.

M. Chassin :Puis ça s'applique où, dans... enfin, où est-ce qu'on a un exemple de ça?

M. Gagnon (Alexandre) :Bien, nous, ce qu'on propose, c'est justement, dans tous les milieux où on peut de facto penser que peut-être il y aurait un impact important sur la population ou que les services...

M. Chassin :Mais le fédéral ne fait pas ça ou il n'y a pas d'autres juridictions qui...

M. Gagnon (Alexandre) :Bien oui, le fédéral demande...

Le Président (M. Allaire) : Merci. Malheureusement, c'est encore une fois très rapide. Ça met fin à cette période d'échange. Vous avez quand même réussi à me rappeler un beau souvenir. On s'ennuie de nos Expos, même si c'était indirectement, on va se le dire! Alors, les gens de la Fédération des chambres de commerce du Québec, M. Gagnon, Pageau, merci pour votre contribution.

On suspend les travaux quelques instants. Merci.

(Suspension de la séance à 11 h 34)

(Reprise à 11 h 41)

Le Président (M. Allaire) : Alors, nous allons reprendre les travaux. On accueille avec nous la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante. M. Vincent, Mme Dubé, bienvenue! Alors, je vous laisse le soin, peut-être, de vous présenter à votre façon, avec votre titre, puis je vous laisse aller pour votre exposé de 10 minutes. Va s'ensuivre une période d'échange. La parole est à vous.

M. Vincent (François) : Merci, M. le Président. M. le ministre, Mesdames et Messieurs les députés, bonjour. Je suis François Vincent, je suis le vice-président pour le Québec de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, la FCEI. Je suis accompagné, à ma droite, d'Amélie Dubé, qui est analyste des politiques pour notre organisation.

La FCEI, c'est le plus grand regroupement de PME au pays. On compte 100 000 membres, dont 22 000... 100 000 membres au Canada, dont 22 000 au Québec, dans toutes les régions, dans tous les secteurs d'activité économique. Mais aujourd'hui, malheureusement, elles sont, les PME, encore plus que fragilisées. Après des années de turbulences économiques de la pandémie, d'inflation, de pénurie de main-d'œuvre, d'augmentation des coûts d'exploitation, d'augmentation des coûts d'emprunt, elles sont assommées par la guerre tarifaire avec les États-Unis. De plus, elles ont subi récemment des incidences des conflits de travail, qui sont en hausse significative.

D'emblée, je tiens à dire que la FCEI appuie le principe du projet de loi n° 89 et soutient le ministre du Travail. Celui-ci est aussi appuyé massivement par 80 % des membres de la FCEI au Québec. Mais, avant d'aller dans le détail du projet de loi n° 89, nous désirons partager certains constats.

D'abord, après avoir passé une paix relative industrielle au Québec, avec moins de 200 arrêts de travail par année ces 30 dernières années, ceux-ci ont été trois fois plus nombreux en 2023 et 2024. L'an dernier, le Québec représentait à lui seul 91 % des conflits de travail au Canada.

Les nombreux arrêts de travail, surtout dans des secteurs stratégiques, ne sont pas sans conséquence pour les PME et l'économie québécoise. Par exemple, lorsque les ports, les chemins de fer, les traversiers ou les services de livraison sont paralysés, cela entraîne des ruptures dans la chaîne d'approvisionnement et des pertes de ventes pour les PME, une fragilisation de projets d'entreprises.

Lors de la grève du secteur public en 2023, c'est 50 % des PME qui ont dit avoir été affectées, selon nos données, notamment à cause des fermetures d'écoles qui ont forcé des parents à s'absenter du travail. Vous savez, M. le Président, la majorité des PME, 64 % pour être plus précis, ne peuvent offrir le télétravail. Ce n'est pas parce qu'elles ne veulent pas, mais bien parce qu'elles ne peuvent pas. Changer des pneus, des fenêtres, c'est dur de faire ça de son salon, de son bureau, de la cuisine de son domicile.

Ajoutons aussi qu'une grève dans le secteur de la construction frappe durement l'économie québécoise. C'est unique au Québec. Nous sommes la seule juridiction au Canada qui peut être paralysée de la sorte. Autre exemple récent, la grève de Postes Canada en 2024 a fait subir des pertes de 76,6 millions de dollars par jour aux PME pour un total de plus de 1 milliard de dollars après deux semaines de conflit. Les PME n'ont pas les ressources financières pour absorber ce genre de chocs économiques répétés.

Nous sommes donc ici pour appuyer le projet de loi n° 89, qui vise à mieux encadrer les grèves et les lock-out et la protection des services économiques critiques. Le gouvernement fédéral dispose déjà d'un mécanisme d'intervention en cas de crise économique grave. En effet, l'article 107 du Code canadien du travail permet au ministre du Travail fédéral d'imposer un arbitrage lorsque le conflit de travail menace l'économie nationale. Il ne faut pas penser qu'un tel outil est utilisé de façon exagérée pour enlever tout moyen de pression aux entreprises ou aux syndicats. Il a été utilisé moins de 10 fois en 25 ans au fédéral et toujours de façon ciblée.

Évitons de partir en peur en affirmant que le projet de loi n° 89 est une manœuvre explosive qui va faire reculer des droits. D'abord, concernant les nouvelles dispositions d'arbitrage, tant le côté patronal que syndical, pourra faire les mêmes pressions. Mais, en cas de préjudice grave ou irréparable à la population, puis les mots ici, ils sont forts...

M. Vincent (François) : ...grave et irréparable, le ministre aura un outil de plus dans son coffre pour inciter les parties à s'entendre et à agir si cela est nécessaire. Ensuite, la FCEI note le rôle central joué par le Tribunal administratif du travail dans le processus de la définition des services minimaux. M. le Président, nous invitons les parlementaires à étudier le projet de loi n° 89 avec rigueur et en mettant l'intérêt des Québécoises et des Québécois à l'avant-plan, et nous les invitons à l'adopter, à l'adopter en apportant des améliorations.

D'abord, pour l'améliorer, il faut offrir la même portée en matière d'arbitrage, selon nous, pour tous les secteurs d'activité, qu'ils soient privé, municipal ou public. D'ailleurs, nous ne comprenons pas la logique d'exclure le secteur public et parapublic et nous aimerions entendre le ministre sur cette question lors de la période d'échange. Comme je l'ai mentionné précédemment, les grèves dans le secteur public ont des répercussions majeures sur les PME. Pourquoi ne pas appliquer à soi-même ce que l'on propose à appliquer aux autres? Qu'on complète le travail. C'est pourquoi nous demandons une modification pour retirer l'exception faite aux secteurs public et parapublic des dispositions d'arbitrage.

La deuxième amélioration que nous proposons est d'inclure le secteur de la construction au projet de loi. L'industrie de la construction représente 7 % du PIB au Québec. La grève en 2017 a causé des pertes de 45 millions de dollars par jour au Québec. En dollars d'aujourd'hui, une grève représenterait des pertes de 56 millions de dollars par jour. Près de deux PME sur trois estiment qu'un arrêt de travail dans ce secteur nuirait directement à leurs opérations. Il y a ici, selon nous, un préjudice grave. Pourtant, le projet de loi ne va pas assujettir le secteur particulier de la construction. Nous avons demandé à nos membres de se prononcer sur le sujet. C'est 84 % des propriétaires d'entreprises qui croient que le secteur de la construction devrait être inclus dans les dispositions du projet de loi n° 89. La proportion monte à 90 % pour les entrepreneurs oeuvrant dans le secteur. Déjà soumis à un cadre législatif le plus réglementé du pays, il est incohérent d'exclure ce secteur des mesures visant à éviter des crises économiques majeures. Nous demandons donc au ministre et aux parlementaires d'apporter les changements nécessaires au projet de loi pour inclure la construction.

En fait, enfin, je ne peux passer sous silence un cadre législatif désuet et unique en Amérique du Nord, qui nuit aux PME, c'est-à-dire la Loi des décrets de conventions collectives, la LDCC. Cette loi impose des conventions collectives à certains secteurs d'activité et par région. Ce régime crée un fardeau réglementaire et administratif disproportionné et une taxe sur la masse salariale supplémentaire qui nuit aux entreprises assujetties. La FCEI a démontré que le régime de la... vivait une crise de conscience auprès des entreprises assujetties. La forte majorité n'y voit aucun avantage.

Une autre étude que nous avons réalisée fait ressortir des problèmes de gouvernance, de gestion et d'accompagnement des comités paritaires auprès des entreprises assujetties. Certaines histoires rapportées dans les médias illustrent même l'acharnement et le harcèlement vécus par les PME de la part des comités paritaires. Ce sont 10 240 entreprises qui doivent composer avec ces obligations, soit 3,7 % des entreprises avec employés au Québec. Selon l'estimation de la FCEI, le coût annuel du fardeau administratif et réglementaire lié à la LDCC est de 46,8 millions de dollars. Dans un contexte où les PME font face à de nombreux défis économiques, maintenir un tel fardeau réglementaire est injustifié et contre-productif. Nous ne comprenons pas pourquoi le gouvernement du Québec continue à protéger des comités paritaires et laisse une telle situation juridique unique en Amérique du Nord inchangée. Le ministre du Travail devrait montrer le même courage avec la LDCC qu'avec le projet de loi n° 89. Il peut saisir l'occasion de ce projet de loi pour régler la question une bonne fois pour toutes. Le Québec se doit d'agir pour assurer la pérennité des PME, le développement économique.

Il me reste combien de temps?

Le Président (M. Allaire) : ...30 secondes?

M. Vincent (François) : 1 min 30 s. Dans le cas qui nous intéresse, avec le projet de loi n° 89, il est sain que le Québec se dote d'outils supplémentaires dans le Code du travail. Il faut savoir adapter les lois pour donner une marge de manœuvre pour agir en cas opportun. Pour nous, les bases sont bien définies pour éviter des débordements et permettre une action seulement lorsque nécessaire. Et même dans ces cas, il est possible qu'il y ait une attente avant l'application. Enfin, nous pensons que le ministre et les parlementaires doivent effectuer le travail commencé avec le projet de loi, en l'appliquant aux secteurs public et parapublic et à la construction. Merci, M. le Président. Il nous fera plaisir d'échanger avec les parlementaires.

• (11 h 50) •

Le Président (M. Allaire) : Merci à vous. On débute la période d'échange. M. le ministre, la parole est à vous...

M. Boulet : ...merci, monsieur le Président. Merci, monsieur Vincent, merci, Amélie, pour la qualité de votre présentation. Évidemment, vous avez touché plusieurs sujets. Vous me permettrez un certain nombre de commentaires, monsieur Vincent. Un, on est vraiment conscients de l'importance des PME que vous représentez fortement au Québec, le rôle dans le développement... pas qu'économique, mais aussi social du Québec, puis on apprécie beaucoup le travail qui est fait par la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante et que 80 % des membres soient en accord avec ce projet de loi là. Évidemment, c'est un commentaire que nous considérons intéressant puis c'est important de redire l'importance de notre environnement d'affaires, et ça en fait partie, parce que c'est certain qu'il faut tenir compte de notre capacité à attirer puis à retenir des entreprises, notamment des PME. Et je pense qu'un projet de loi qui s'intéresse aux impacts des conflits de travail sur des populations, ça s'impose dans le contexte actuel.

Puis, je le répète, ce n'est pas une loi qui, si elle est adoptée, va être utilisée de façon fréquente, ce n'est que de manière exceptionnelle dans des cas bien précis et avec énormément de parcimonie. Mais je voulais faire un commentaire, parce que je ne l'ai pas fait depuis le début, là, mais l'article 107 du Code canadien du travail, il est libellé de façon très, très, très générale, là, c'est, «le ministre peut prendre les mesures qu'il estime de nature à favoriser la bonne entente». Alors, ce qu'on a voulu faire, c'est baliser un article 107 ou rendre un article 107 plus compatible avec l'état actuel de la jurisprudence canadienne et québécoise, et aussi des concepts qui s'inspirent... Par exemple, je disais tout à l'heure à un collègue: Les services minimaux, c'est reconnu par le Comité des libertés syndicales qui est sous l'égide de l'Organisation internationale du travail, et donc on est loin de l'article 107. Puis, encore une fois, je respecte le Code canadien du travail, mais là on réfère ici au Code du travail du Québec.

L'arbitrage, parce que vous avez peu de recommandations, là, monsieur Vincent, je vais me permettre des commentaires, si vous avez des commentaires additionnels, vous pourrez les faire. L'arbitrage, qui est le deuxième outil, ça ne s'applique pas dans le secteur public pour la raison simple suivante, c'est difficile de demander à un tiers de rendre une décision qui a un impact sur les fonds publics ou sur l'état des finances publiques. Puis ça s'applique à des secteurs où il y a des milliers de travailleurs, travailleuses. Donc, c'est souvent des questions qui requièrent une complexité puis une analyse extrêmement fine. Puis il faut s'assurer aussi de la cohérence de ces décisions-là. Ça fait que c'est essentiellement basé sur ces éléments d'exclusion là que nous avons réfléchis pour exclure le secteur public, en fait, les ministères, les organismes publics de l'application, de l'arbitrage de différends.

Maintenant, pour la construction, bien, je l'ai mentionné, je ne sais pas si vous m'avez entendu, c'est un régime qui est vraiment particulier, hein, vous connaissez la loi R-20 sur les relations de travail dans l'industrie de la construction, et il n'y a pas de disposition antibriseur de grève. Et c'est aussi un secteur qui regroupe, c'est une industrie qui est regroupée en quatre secteurs, il y a le résidentiel, le génie civil puis il y a aussi l'institutionnel, l'industriel et le commercial. Donc, c'est extrêmement vaste. Il y a un peu plus de 200 000 travailleurs et travailleuses. Donc, ce n'est pas le même type d'industrie qui est assujetti aux mêmes règles. Cependant, je comprends l'importance névralgique de cette industrie-là, et je respecte les commentaires, évidemment, que vous avez bien partagés avec nous. Pour la loi sur les décrets de convention collective, je pense que ce n'est pas la première fois que nous en discutons, pas la dernière fois. Je suis sensible à votre argumentaire, et c'est un dossier qui progresse et dont on connaîtra le dénouement le plus rapidement possible, monsieur Vincent, je vous l'assure.

Donc, essentiellement, puis je vais vous laisser du temps: Est-ce que vous avez des commentaires additionnels, monsieur Vincent, à partager avec nous au-delà que de dire que vous êtes aussi préoccupés...

M. Boulet : ...des conflits de travail, de leur incidence sur la population, puis des conflits de travail, souvent, qui concernent des petites et moyennes entreprises, qui sont régies par le Code du travail du Québec, et où la population peut être prise en otage, que ce soient des personnes vulnérables, ou autres, dont la sécurité est affectée de façon importante. Est-ce que... est-ce que vous avez d'autres commentaires ou... Amélie, je ne sais pas si vous voulez partager avec François? Faites un caucus.

M. Vincent (François) : Sur les... Sur votre réponse sur le secteur public et parapublic, bon, ce que je comprends, c'est, dans le fond...

M. Boulet : Oui, dans le fond...

M. Vincent (François) : ...dans le fond, c'est... vous ne voulez juste pas donner à un tiers le fait de pouvoir avoir un impact sur les finances publiques, mais... votre article va s'appliquer au secteur municipal, puis les municipalités, elles vont devoir augmenter les taxes des citoyens. Votre article, c'est un outil supplémentaire que vous n'allez pas utiliser dans tous les conflits du secteur privé. Donc, nous, on comprend mal... Qu'est-ce qui est bon pour pitou devrait être bon pour minou.

Sur la R-20, je comprends, là, qu'il n'y a pas de scabs, mais on va se parler entre nous autres, là, il faut avoir du courage en ti-pépère pour traverser une ligne de piquetage pendant une grève du secteur de la construction. Sérieux, là. Puis si on regarde les données de la FCEI, on est venus sur votre projet de loi... sur votre projet de loi sur la réforme de la construction puis on avait sondé nos entrepreneurs de la construction puis des entrepreneurs non membres de la construction. C'était 81 % qui voulaient que le gouvernement du Québec devrait viser un environnement réglementaire du secteur de la construction similaire au Canada. Vous pourriez enlever la R-20 puis faire un certain secteur similaire en Ontario, puis après ça, appliquer votre loi. Puis sinon, bien, ça pourrait, ceci dit... pourquoi laisser au hasard et à la ligne de piquetage décider? Le gouvernement pourrait clarifier la situation, éviter des brasse-camarades sur les chantiers. Puis ça a été fait, comme les personnes qui sont venues avant nous ont parlé, pendant la pandémie.

Sur la LDCC, le dossier progresse. Nous, on ne le voit pas. On a fait une étude de cas avec des éléments à jeter en bas de la chaise. On a demandé à nos entrepreneurs s'ils avaient vu quelconque modification suite au projet de règlement. Aucun n'ont vu des modifications similaires. Puis, dans le fond, c'est... c'est... c'est... votre réforme, ça a été de mettre une couche de peinture sur un mur avec 15 profondes fissures de fondation.

M. Boulet : ...ce n'est pas l'objet du projet de loi. Puis je comprends vos commentaires. Évidemment, dans le secteur municipal, on réfère notamment aux transports en commun, on réfère à la collecte des ordures. Et, ça, c'est un... et là, c'est une distinction technique, là, mais c'est un service public, alors qu'en santé puis services sociaux, ils sont assujettis à un régime de maintien des services essentiels, de même que les ministères et organismes gouvernementaux. Mais il y a quand même une distinction à faire avec le secteur municipal.

Peut-être une dernière question, là. Je voyais, dans un récent sondage, 77 %... Moi, je réfère souvent à la quête d'un équilibre entre l'exercice du droit de grève ou du droit au lock-out et le respect des besoins de la population, notamment les personnes en situation de vulnérabilité. Mais vous référiez, dans un récent sondage, 77 % de vos membres sont d'accord que le projet de loi n° 89 va aider à assurer un équilibre entre le pouvoir des syndicats et celui des employeurs. Peut-être ma dernière question : Est-ce que vous pouvez nous faire un commentaire sur cet équilibre spécifique là entre les syndicats et les employeurs?

• (12 heures) •

M. Vincent (François) : Bien, je dirais peut-être, là-dessus, on a posé différentes questions. Puis pas parce qu'on aime ça, faire des sondages, puis on fait des sondages. Parce que c'est notre façon de prendre position. On ne va pas demander à notre C.A. ou on ne va pas se réunir, moi puis Amilie, dire : Bon, bien, qu'est-ce que les entrepreneurs pensent du projet de loi? Puis c'était quand même un projet de loi qui est quand même assez important puis qui va donner des nouveaux pouvoirs au ministre, qui va intervenir davantage. Donc, nous... Puis ça va toucher le droit de lock-out aussi. Ce n'est pas juste le droit de grève. Donc, c'était important pour nous d'avoir le pouls de... le pouls de la... de nos membres. Puis ce n'était pas... ce n'est pas du 50 %, là. C'est... C'est quand même au-dessus de 80 % pour plusieurs éléments. Vous avez toutes les données de sondages. C'était préliminaire. Je suis allé faire sortir les résultats hier, puis la proportion est encore la même, il y a juste plus de réponses...


 
 

12 h (version non révisée)

M. Vincent (François) : ...tu voulais rajouter quelque chose? On a aussi demandé à la population, là, je ne savais pas si j'aillais en parler aujourd'hui, là, mais on a fait un sondage Léger qu'on va diffuser demain puis on a posé quelques questions générales à la population sur des principes parce qu'on ne pouvait pas y aller trop ciblé, là, sinon ça n'aurait pas été... ça ne passait pas avec la firme de sondage. Puis on a demandé : Est ce que... êtes-vous d'accord ou pas d'accord, de trop nombreux conflits de travail créent des perturbations néfastes pour l'économie du Québec? 74 % de la population du Québec sont d'accord, 13 % en désaccord. Le gouvernement du Québec devrait pouvoir intervenir pour arrêter des conflits de travail qui créent des perturbations économiques? 72 % de la population du Québec est d'accord, 19 % n'est pas d'accord. Le gouvernement du Québec devrait pouvoir intervenir pour mettre fin à des conflits de travail dans le secteur public? 70 % d'accord, 20 % pas d'accord. Et il est... il y a actuellement trop de conflits de travail au Québec? 62 % totalement... de 62 % d'accord, 19 % en désaccord. Puis après ça le gouvernement du Québec devrait pouvoir intervenir pour mettre fin à des conflits de travail dans les entreprises privées? Puis c'est là où la proportion est la plus faible, c'est 45 % qui sont d'accord puis 41 % qui ne sont pas d'accord. Je pourrai acheminer le sondage Léger à la commission si vous le désirez, là. Je l'ai reçu hier, là, quand on était en route vers la commission... bien, je suis arrivé avant, là.

M. Boulet : Les pourcentages d'acceptation pourraient être plus élevés avec les nuances qui tiennent compte des critères, notamment dans le secteur privé, on réfère à un préjudice grave ou irréparable. Puis, pour les services minimaux, à la sécurité de la population, les pourcentages pourraient être substantiellement plus élevés aussi dans le public. Et pour faire suite aux questions que vous nous avez... que vous avez proposé, là, via le sondage Léger. Merci beaucoup, M. Vincent, Mme Dubé. Merci beaucoup de votre participation et de vos commentaires. Soyez assurés que nous considérerons vos commentaires et votre mémoire. Merci beaucoup.

Le Président (M. Allaire) : Merci.J'aimerais ajouter... bien, vous souhaitez ajouter quelque chose. Allez-y.

M. Vincent (François) : Oui. Je voulais juste ajouter une précision. Nous, dans nos sondages, une question méthodologique, on a des popup qui vont s'ouvrir. Ça fait qu'on va avoir une question, puis ils cliquent dessus, puis ensuite de ça il y a une définition de qu'est ce qui se passe. Dans le sondage avec la population, je ne pouvais pas avoir des popup comme ça. C'est pour ça qu'avec la définition trop claire la firme de sondage a dit : Non, non, ça, tu ne peux pas faire ça, mais vas-y plus sur des principes généraux, puis ça, on s'en va être capables d'avoir l'humeur des Québécois. Puis ce n'est pas tout le monde qui suit l'actualité puis qui se rappelait c'était quoi, le projet de loi n° 89.

Le Président (M. Allaire) : Merci, M. Vincent. Vous avez évoqué le fait, là, de faire intervenir le sondage, là, pour que les gens de la commission puissent la consulter. Vous pouvez l'envoyer à l'adresse de la commission. On le mettra sur Greffier, uniquement les membres de la commission pourront le consulter. Alors, on enchaîne avec la députée de Bourassa-Sauvé. La parole est à vous.

Mme Cadet : Merci beaucoup, M. le Président. Bonjour, M. Vincent. Bienvenue en commission, Mme Dubé, je pense que c'est votre première intervention ici. Merci beaucoup pour la transmission de votre mémoire, du mémoire de la FCEI, de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante.

Je vais me concentrer sur les dispositions qui concernent donc le projet de loi, donc en exclusion des mesures que vous apportez, là, concernant la Loi sur les décrets de conventions collectives.

D'entrée de jeu, là, vous nous expliquiez, et c'est bien en introduction de votre mémoire qu'au Québec vous représentez 22 000 membres. Bien évidemment, ce sont... le nom de votre association le dit, là, donc ce sont des entreprises indépendantes, donc un regroupement, donc, de petites et moyennes entreprises. J'aimerais, étant donné, donc, la taille des entreprises que vous représentez, mieux saisir les... des conséquences des arrêts de travail, donc, sur les PME, parce que je peux m'imaginer que d'abord que c'est probablement, donc, un pourcentage peut-être moins élevé que d'autres regroupements d'employeurs. Donc, on a vu un peu plus tôt peut-être un pourcentage moins élevé des entreprises que vous représentez qui sont elles mêmes syndiquées, donc de bien saisir, donc, à quel titre vos membres sont interpelés.

M. Vincent (François) : Mais, souvent, c'est elles qui vont être les perdantes, parce qu'elles vont avoir un fournisseur qui va être en grève ou en lock-out, ça va avoir un impact sur la petite entreprise, ou quand il va y avoir des secteurs stratégiques, là. Dans le passé, c'était beaucoup au niveau fédéral, puis on a vu qu'il n'y a pas... il n'y a pas eu surutilisation du... de l'article 107, notamment avec Air Canada, là. Ils ont été capables d'arriver à une entente. Mais ça, ça affectait aussi nos membres qui avaient besoin d'utiliser ou de faire des voyages dans le Canada. La grève, le lock-out ferroviaire en 2022, il y a eu des données qu'on a sorties puis qui ne sont pas de nous, là, c'est mis dans la... en note de bas de page, là, le problème de la chaîne d'approvisionnement avait créé des pertes de chiffre d'affaires d'environ 10,5 milliards de dollars. Donc, ça, c'est quand même assez majeur. Pour le conflit du secteur public, bon, bien, c'était 50...

M. Vincent (François) : ...je ne me rappelle plus le pourcentage exact, mais la moitié des entreprises au Québec ont moins de cinq employés. Donc, tu perds un employé qui est obligé de rester chez eux parce qu'il n'y a pas de service, bien, tu perds 20 % de ta force de production. Donc, souvent, on va se ramasser à être... à être... faisant partie de ceux qui peuvent avoir des impacts collatéraux.

Un autre élément peut-être. Je suis allé en janvier l'année passée en Côte-Nord. Puis, eux autres, bien, je veux dire, il y a... il y a un traversier. Puis c'est une... c'est une... c'est une partie... une région qui est... qui est isolée du reste du Québec, jusqu'à tant qu'on fasse un pont, là. Puis il y avait un de nos entrepreneurs, lui, il avait un fournisseur. Puis il a perdu un fournisseur. Puis ses frais de transport avaient augmenté, genre, de façon exponentielle. Donc, s'il y a une problématique par rapport à ça, bien, eux autres, ça leur empêche de pouvoir expédier leur marchandise puis ça peut augmenter leurs coûts de façon significative.

Mme Cadet : Merci pour ces exemples, M. Vincent. Donc, si je saisis bien vos propos, bien, en fait, ce que vous... ce que vous nous dites, oui, donc, certains, donc, de vos membres, donc, pourraient être interpelés comme employeurs, mais c'est principalement à titre de tiers au conflit, là, que les entreprises indépendantes, là, se voient touchées par... ou, bon, subissent, donc, les conséquences, donc, de différents arrêts de travail sur le plan économique.

Ça m'amène donc à poser, donc, telles questions sur l'article, là, qui met état, donc... qui fait état, donc, de services minimalement requis. Vous avez entendu vos prédécesseurs un peu plus tôt. Donc, évidemment, on est dans un contexte où les services essentiels, donc, sont... sont encadrés. Et le projet de loi, tel que présenté, donc, ne touche pas à la question des services essentiels, mais vient établir, donc, d'autres critères, donc, des services minimalement requis. Donc, selon vous... évidemment, donc, je sais que vous... pas nécessairement avec une perspective juridique, là, mais vous, comme représentants de tiers qui seraient touchés par des conflits de travail, par d'éventuels conflits de travail, donc, comment est-ce que vous vous percevez l'article qui est présenté ici?

M. Vincent (François) : Nous, on voit comme un outil supplémentaire. Parce que, quand on regarde les articles, là, l'article 111.22.4, «le ministre peut, par décret, désigner une association accréditée ou un employeur à l'égard desquels le tribunal peut déterminer». Pas marqué «doit», «peut déterminer». Donc, on défère quand même au tribunal administratif une décision ou une... dans ce cas-là. Maintenant, c'est sûr qu'il peut y avoir de la pression parce qu'il y a un décretdu gouvernement, bon, etc. Mais, quand même, c'est de la façon que c'est rédigé, c'est quand même... ça habilite un tribunal spécialisé à prendre la décision. Puis, tu sais, des tribunaux spécialisés, il y en a dans d'autres secteurs, là, notamment au niveau de l'énergie, où il y a des augmentations des tarifs d'électricité qui sont faites de façon posée par un tribunal administratif indépendant, qui peuvent déplaire au gouvernement, mais ils ont quand même pris une décision puis ils sont habilités de le faire par la loi. Après ça, bien, l'article 111.22.6... précise que ça s'applique pour la phase de négociation en cours. Donc, je ne pense pas que c'est un... ce n'est pas un bar ouvert qui est... qui est là-dessus. Donc, nous, on voit, tu sais... on a... sans être des juristes, on voyait que c'était quand même posé comme approche.

Puis après ça, je veux juste faire un pas de recul sur toute cette crainte-là, là. Parce que, des fois, quand on met des nouveaux outils, on change des précédents, ça peut créer certaines incertitudes.

Je vais nous ramener en 2004... en 2003. Le gouvernement de l'époque avait adopté un projet, le projet... le projet de loi n° 31, qui modifiait l'article 45 du Code de travail. Puis, ça, il y a eu une levée de boucliers monstre qui était... qui était démontrée comme une attaque à la paix sociale, comme un retour en arrière, etc. Puis je vais citer un communiqué de presse du 1er mai 2004. Le président de la FTQ, à l'époque, disait : «Mais on n'a rien vu, avec la nouvelle loi 31 de Jean Charest, il n'y aurait même plus de syndicats ni de conventions collectives pour protéger les droits des travailleurs dont les conditions de transfert ne sont plus balisées. Le résultat net de cette sous-traitance de cheap labor avec l'article 45 charcuté, c'est l'appauvrissement des travailleurs... et des travailleuses et des travailleurs, mais c'est aussi l'appauvrissement de la société dans son ensemble.».

• (12 h 10) •

Là-dessus, je veux juste préciser qu'en 2004, le taux de syndicalisation au Québec était de 39,8 %. En 2023, il était de 38,9 %. Puis, hier soir, avant de me coucher, je suis allé voir le salaire horaire moyen de Statistique Canada, CAN SIM 282-0072 : en 2004, le salaire horaire moyen de toute industrie était de 17,99 $, en 2004, il était de 33...

M. Vincent (François) : ...33,84 $. C'est une augmentation de 88 % de 2004 à 2024. Voilà. Donc, les craintes qu'il y avait à l'époque ne se sont pas avérées, puis on pourra revenir faire une commission spéciale, puis vous me réinviterez dans 20 ans, puis on pourra voir quels seront les impacts aujourd'hui.

Mme Cadet : On espère vous voir dans 20 ans certainement, M. Vincent. Donc, vous êtes... Merci. Donc, à ma question précédente, donc, vous avez répondu donc surtout sur le mécanisme, puis comment est-ce que vous le percevez donc à l'article 4.

Maintenant, peut-être sur... sur les secteurs, donc vos prédécesseurs, donc, proposaient, par exemple, donc, d'avoir, bon, nécessairement une liste, mais d'identifier, donc, à l'avance différents secteurs sans vous... sans imputer, là, que c'est ce que vous souhaiteriez faire, là, pas du tout, là. C'est juste pour voir, est-ce que, vous, quand vous voyez donc la question des services minimalement requis, est-ce que vous voyez donc des exemples qui pourraient... qui devraient être à la portée du citoyen, là, pour mieux comprendre l'intention du législateur ici?

M. Vincent (François) : On aurait eu la réflexion : Est-ce qu'on va là? Est-ce qu'on va là? Est-ce qu'on définit les secteurs d'avance? Est-ce qu'on demande au gouvernement de les mettre dans le projet de loi,  par projet de règlement, etc. Puis après ça, on est revenu à la base de ce qui était là, puis c'est... ce qu'on comprend, ce n'est pas une volonté de faire ça pour tous les secteurs ou tout le temps, ou, etc. mais de donner un outil supplémentaire à mettre de la pression dans un... dans un conflit qui pourrait avancer trop lentement, puis inciter les parties créer comme une pression supplémentaire pour accélérer les discussions, puis arriver. Parce que l'objectif du ministre, je suis persuadé, c'est de faire en sorte qu'il y ait plus d'ententes, mais de se mettre dans son coffre à outils une disposition pour stimuler dans le fond le fait que des parties arrivent à une entente, puis ultimement, si ça ne marche pas, bien là, il y a une série de d'autres barrières ou dispositions pour... puis chacune, là, tu sais, il y a du temps qui est donné aux parties. Après ça, il y a un 15 jours, puis, etc. Ça fait que, pendant ce temps-là, le conflit a lieu encore, puis les parties vont être capables de se parler. Donc, on est restés sur le principe général du projet de loi, puis on a décidé de ne pas aller dans... dans les détails. On vous laisse ça à vous, là, si vous voulez discuter ou préciser, soit.

Mme Cadet : Ensuite, donc vous avez identifié, en répondant à mes questions, que vous êtes... que vos membres étaient... intervenaient donc dans les conflits, surtout à titre de tiers, mais certains donc sont certainement employeurs. Peut-être vous amener sur la recommandation du Conseil du patronat du Québec, un peu plus tôt, savoir est-ce que vous avez une opinion, là, sur la question, là, du sept jours ouvrables francs, là, d'où la disposition révisée, donc de conférer à l'employeur le droit de déclarer un lock-out dans un service public tout en assujettissant à l'exigence de la transmission d'un préavis d'au moins sept jours. Il nous a mis en garde, un peu plus tôt, sur des circonstances pour lesquelles donc ce délai devrait être levé. Je ne sais pas si... bon, vous l'avez probablement entendu. Est-ce que vous avez une opinion là-dessus?

Le Président (M. Allaire) : Cinq secondes.

M. Vincent (François) : Non.

Mme Cadet : Parfait.

Le Président (M. Allaire) : Excellent.

Mme Cadet : Merci beaucoup, M. Vincent et Mme Dubé.

Le Président (M. Allaire) : Réponse concise. M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve, la parole est à vous.

M. Leduc : Merci, M. le Président. Bonjour à vous deux. On se voit à peu près à chaque projet de loi qu'on traite ici depuis bientôt sept ans dans mon cas.

J'aimerais la précision quand vous disiez : Ce n'est pas tant les membres de la FCEI qui vont avoir à négocier, la plupart des PME n'ont pas un syndicat dans leurs petites entreprises. Cela dit, la plupart des PME ont des clients qui sont des gens syndiqués, qui sont donc un peu de facto dans la classe moyenne. N'avez-vous pas la crainte, si on prend un pas de recul, qu'en affaiblissant le droit de grève, comme on le fait à travers ce projet de loi là, qu'on affaiblisse la classe moyenne? Parce que la classe moyenne n'est pas descendue du ciel un bon matin par... par le Saint-Esprit, elle s'est construite à travers principalement l'outil syndical, à travers des grèves pour obtenir des conditions de travail. Elle s'est construite avec quelques politiques sociales revendiquées la plupart du temps par les mouvements sociaux, notamment le mouvement syndical. Donc, ce n'est pas quelque chose qui vous inquiète de perdre la classe moyenne au Québec qui sont les principaux clients des PME?

M. Vincent (François) :  Je pense que la meilleure façon d'aider la classe moyenne, c'est d'aider les petites et moyennes entreprises. Une des façons de faire ça, c'est aussi de baisser les taxes parce que c'est la première chose qu'elles vont faire, c'est elles vont augmenter le salaire de leurs employés. Puis, quand j'ai parlé du salaire moyen qui a augmenté entre 2004 et 2024, la proportion de tous les secteurs a augmenté de façon plus grande que ceux du secteur public. Donc, c'est des secteurs qui ne sont pas nécessairement syndiqués, qui ont aussi eu une augmentation de salaire. Allez voir dans les autres provinces canadiennes, le taux de syndicalisation n'est pas aussi grand qu'au Québec, puis les revenus des citoyens sont plus... le revenu moyen...

M. Vincent (François) : ...moyens des habitants sont plus élevés aussi. Donc, ce n'est pas vrai que parce que nécessairement tu vas avoir plus de syndicats, que tu vas avoir une augmentation plus grande des salaires.

M. Leduc : Moins de services publics par exemple dans les autres provinces auxquelles vous faites référence. Revenons sur la question des critères, parce que l'outil que le ministre propose de balancer dans la cour du TAT... je ne suis pas sûr qu'ils sont bien contents, d'ailleurs, eux, de recevoir ce mandat-là, bien, il donne des critères qui, à mon avis, sont extrêmement flous, tu sais, la sécurité sociale, économique, environnementale. Est-ce que vous, à la FCEI, vous pouvez me nommer des exemples de quelque chose qui ne rentrerait pas dans l'un de ces trois critères social, économique ou environnemental?

M. Vincent (François) : Bien, pour que le ministre aille jusque là, il faut vraiment qu'il veuille. Puis, ensuite de ça, si vous voulez définir les critères, bien, vous pourrez proposer un alinéa supplémentaire pour aller plus loin ou faire un amendement.

M. Leduc : Vous êtes d'accord avec moi que, tel que rédigé, c'est un buffet «all–you–can–eat», là.

M. Vincent (François) : Bien, si on se réfère à l'article 107, qui est plus large, ce n'est pas un buffet «all–you–can–eat». Ça fait que je ne pense pas que le ministre du Travail va utiliser ça puis il ne sera plus capable de digérer parce qu'il va manger trop de conflits de travail avec sa disposition...

M. Leduc : ien, vous faites le même argument que le ministre, de lui faire confiance, que c'est lui, le ministre actuel, qui va être le bon arbitre de déterminer quel conflit sera l'objet ou non de sa nouvelle mesure. Puis on le voit dans la manière de négocier avec le secteur public, la longue grève des professeurs, la grève d'il y a trois ans et la grève à venir du secteur des CPE, ce n'est pas nécessairement un haut fait d'armes de la CAQ de trouver des bonnes ententes rapidement dans le secteur public, ce n'est pas... donc c'est un peu inquiétant, ça.

M. Vincent (François) :  Bien, il n'y a pas un gouvernement qui va vouloir s'impliquer dans un conflit s'il n'y a pas nécessité de s'impliquer dans un conflit. Puis je vous référai à l'exemple de 2004. L'article 45, c'était supposé de charcuter complètement le droit du travail, reculer le syndicalisme, puis ça n'a pas été le cas...

Le Président (M. Allaire) : ...je sais que vous voulez compléter votre réponse, mais je dois céder la parole au député de Jean-Talon.

M. Paradis : Dans vos études, vous amalgamez la notion d'arrêt de travail, mais il y a grève, grève lock-out et lock-out. Il y a des statistiques qui démontrent que les lock-out sont beaucoup plus longs en durée que les grèves. J'aimerais savoir, selon vous, en quoi de restreindre le droit de grève va avoir un impact aussi grand que vous le prétendez sur la durée et sur le nombre, sur le nombre de...  bien, on va commencer par ça, oui.

M. Vincent (François) : Bien, si on omet des outils supplémentaires à mettre de la pression puis à amener les partis à s'entendre, sinon, ils peuvent aller vers l'arbitrage, c'est sûr que ça va aider les partis. Puis ce n'est pas juste les grèves, c'est aussi les lock-out. Puis ça, il y a peut-être mes membres qui pourraient avoir un syndicat, je peux penser à aller à des résidences de personnes âgées, ou qui pourraient être touchés par des dispositions comme ça puis qui ne pourraient pas nécessairement être satisfaits des dispositions, mais il y a quand même eu un vote quand même assez massif, au-dessus de huit sur 10, sur les dispositions. Quant au nombre, ce n'est pas... En tout cas, moi, quand je me fie aux données du ministère du Travail... du travail qui a été proposé par la CCTM, ce n'est pas 95 % des conflits, là, qui sont réglés, c'est 80 % qui sont réglés en négociation directe entre 2019 puis 2022.

Le Président (M. Allaire) : ...de Saint Jérôme, la parole est à vous.

M. Chassin :Pour une minute 19 s incluant tout. Mais moi, je vais vous parler de décrets de convention collective, parce que ça fait six ans, que le ministre est en poste, il ne peut pas dire : Ah! je vais prendre connaissance des dossiers, là, il ne le fait pas. Et, en fait, tous les partis se déclarent en faveur. Le Parti libéral, fin mai 2018, juste avant de perdre le pouvoir, a déposé un projet de loi. Il y a... Il y a plein d'éléments comme ça qui font que moi, je n'y crois pas du tout, à la promesse du ministre. Peut-être juste rappeler c'est quoi, parce que c'est une convention collective qui est quand même déposée à un secteur par décret pour les PME, en tout cas, dans mon comté, là, j'imagine ailleurs au Québec. C'est comme une espèce d'imposition «top down», là, tu sais, ça arrive, puis ils n'ont pas de négociation à faire, là.

M. Vincent (François) : ...mais pour certains secteurs précis. Admettons, le secteur automobile. Ça, c'est la carte du Québec, là, mais ça, c'est les régions qui sont assujetties. Ils sont en couleur puis les autres ne le sont pas. Ça veut dire que, vous allez faire réparer votre automobile dans cette région-là, vous n'aurez pas de comité paritaire. Puis il n'y a pas moins d'accidents de travail, les salaires ne sont pas moindres dans ces places-là. Donc, je vous suggère fortement de déposer un amendement pour abolir la loi des décrets de convention collective durant l'étude du projet de...

M. Chassin :On pourrait peut-être faire ça.

Le Président (M. Allaire) : Merci au député de Saint-Jérôme. Merci à la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante. Mme Dubé, Mo. Vincent, merci pour votre contribution à cette commission.

Alors, nous allons suspendre les travaux, de retour cet après-midi. Bon dîner, tout le monde.

(Suspension de la séance à 12 h 20)


 
 

15 h (version non révisée)

(Reprise à 15 h 27)

Le Président (M. Allaire) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! La Commission de l'économie et du travail reprend ses travaux. Prenez quelques secondes, s'il vous plaît, pour, encore une fois, garder vos bonnes habitudes et éteindre vos... la sonnerie de vos appareils électroniques. Nous poursuivons les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 89, Loi visant à considérer davantage les besoins de la population en cas de grève et de lock-out.

Alors, notre horaire pour le reste de la journée : on débute avec l'Union des municipalités du Québec, ensuite Manufacturiers et exportateurs du Québec, ensuite la Confédération des syndicats nationaux, on enchaîne avec la Centrale des syndicats démocratiques et on va terminer avec la Fédération québécoise des municipalités.

Alors, bonjour. J'espère que vous allez bien. Alors, je vais vous laisser le soin de vous présenter à tour de rôle, s'enchaîne votre audition d'une durée de 10 minutes, et nous allons ensuite poursuivre avec la période d'échange avec les parlementaires. La parole est à vous.

M. Damphousse (Martin) : Merci. Martin Damphousse, maire de Varennes et président de l'Union des municipalités du Québec.

M. Tremblay (Guillaume) : Bonjour à vous tous. Guillaume Tremblay, maire de Mascouche et vice-président de l'Union des municipalités du Québec.

M. Létourneau (Yves) : Yves Létourneau, conseiller stratégique aux politiques à l'Union des municipalités du Québec.

M. Damphousse (Martin) : M. le Président de la commission, M. le ministre du Travail, Mesdames, Messieurs les membres de la commission, nous vous remercions de nous accueillir aujourd'hui.

L'UMQ représente depuis plus de 100 ans les municipalités de toutes tailles, dans toutes les régions du Québec. Nos membres représentent 85 % de la population du territoire du Québec. Nos membres, c'est aussi 94 % de la masse salariale totale du secteur municipal pour un total de plus de 10 milliards de dollars.

Les municipalités appuient sans réserve ce projet de loi. Son adoption aura pour effet de limiter les conflits de travail prolongés dans le secteur municipal et ainsi éviter des coupures de services à la population. Le projet de loi n° 89 visant à mieux prendre en compte les besoins de la population en cas de grève ou de lock-out vient corriger une définition souvent trop restrictive des services essentiels avec l'ajout de la notion du bien-être de la population. Pour nous, ce projet de loi est important. Son adoption permettra d'assurer la continuité des services aux populations les plus vulnérables. Les municipalités auront ainsi une plus grande marge de manœuvre pour définir et encadrer les services essentiels tout en tenant compte des réalités locales.      Nous remercions tout particulièrement le ministre du Travail, M. Jean Boulet, pour le dépôt de cette pièce législative qui, nous en sommes convaincus, constituera un outil important pour préserver la qualité des services municipaux en période de conflit.

Maintenant, je cède la parole à M. Tremblay.

• (15 h 30) •

M. Tremblay (Guillaume) : Merci beaucoup, M. le Président. Donc, M. le Président de la commission, M. le ministre du Travail, mesdames et messieurs les membres de la commission. Bien que l'exercice du droit de grève soit balisé par le maintien des services essentiels, certains conflits de travail peuvent avoir un impact...


 
 

15 h 30 (version non révisée)

M. Tremblay (Guillaume) : ...sur les populations vulnérables. À titre d'exemple, le transport en commun n'est pas systématiquement reconnu comme un service essentiel, ce qui peut entraîner d'importantes répercussions pour les personnes qui en dépendent. En effet, un récent jugement du Tribunal administratif du Québec... du travail, pardonnez-moi, concernant un possible conflit entre les réseaux de transport de la Capitale-Nationale et le syndicat a conclu que le transport en commun pour la ville de Québec ne constituait pas un service essentiel. Selon le tribunal, son absence ne représente pas un danger, c'est-à-dire une menace réelle, évidente et imminente pour la santé ou la sécurité publique. Selon nous, le projet de loi n° 89 aurait pu permettre au ministre d'intervenir dans ce cas. L'évolution du contexte social, économique et environnemental fait en sorte que plusieurs services offerts par les municipalités doivent maintenant être considérés comme essentiels. À titre d'exemple, pour l'UMQ, l'accès aux piscines publiques ne relève pas seulement du loisir, mais d'un service incontournable pour la communauté, particulièrement en période de canicule où elles jouent un rôle clé pour le bien être de la population. En 2024, la municipalité de Saint-Georges a été confrontée à un conflit de travail avec son personnel des loisirs pendant plus de huit mois, privant ainsi la population de services essentiels à leur qualité de vie. Les piscines et les jeux d'eau ont été fermés tandis que les terrains de tennis, de soccer et de baseball ont été laissés sans entretien. Pour le soccer, les clubs ont dû maximiser l'utilisation des terrains synthétiques en ajoutant des plages horaires tôt le matin et tard le soir, une situation loin d'être idéale pour les jeunes athlètes et très certainement les jeunes familles. Un conflit qui, avec un encadrement adéquat grâce au projet de loi n° 89, aurait pu être évité.

Dans une perspective de santé publique, les infrastructures sportives jouent un rôle clé. L'accès au plateau sportif favorise un mode de vie actif et contribue au bien être des citoyennes et des citoyens. L'organisation des camps de jour joue aussi un... constitue un autre enjeu majeur. En permettant aux parents de travailler tout en favorisant la socialisation des enfants, ces services contribuent à la fois à la productivité économique et au bien-être collectif. La fermeture des camps de jour en pleine période estivale peut devenir une difficulté majeure pour les familles et met en péril l'équilibre entre le travail et la responsabilité familiale, mais aussi pour les employeurs qui doivent négocier avec des périodes d'absentéisme. Les municipalités offrent des services indispensables à la population. Certains conflits de travail peuvent affecter des populations vulnérables qui n'ont pas d'alternative. Ce projet de loi viendrait donc assurer, en cas de grève ou de lockout, le maintien des services essentiels nécessaires au bien être de la population pour des raisons de sécurité sociale, économique ou environnementale. Je vais céder à nouveau la parole à M. le président pour le mot de la fin.

M. Damphousse (Martin) : Merci, M. Tremblay. De son côté, le pouvoir spécial du ministre accélère le règlement des conflits prolongés en les soumettant à l'arbitrage. Contrairement au gouvernement qui peut décréter les conditions de travail par le biais d'une loi spéciale, les municipalités ne disposent pas de cette prérogative. C'est pourquoi l'UMQ accueille favorablement cette disposition qui offre un mécanisme alternatif pour résoudre les impasses. Cette mesure constitue une solution rapide et juste en cas de conflit pour le bien-être des citoyennes et citoyens. Finalement, nous avons toujours mis de l'avant la négociation comme principal levier pour atteindre nos objectifs communs. Plus qu'une simple méthode, la négociation est une valeur fondamentale pour nos membres, car elle garantit un dialogue constructif et une prise de décision concertée. Nous demeurons convaincus qu'une négociation saine et équilibrée est la clé d'un climat travail harmonieux et durable. L'adoption du projet de loi viendra contribuer significativement à l'atteinte de cet objectif. Nous vous remercions pour votre attention. Nous sommes maintenant disponibles pour vos questions.

Le Président (M. Allaire) : Merci. M. Damphousse. On va débuter la période d'échange avec la partie gouvernementale. M. le ministre, vous avez 16 min 30 s.

M. Boulet : Oui. Merci, M. le Président. D'emblée, merci, évidemment pour votre engagement, votre participation à cette commission parlementaire. Et votre mémoire, il est extrêmement clair, là. Il confirme que, même si ce projet de loi là peut constituer une avancée majeure, comme vous le disiez bien, M. Damphousse, la définition de services essentiels est trop restrictive. On maintient l'intégralité du régime des services essentiels, mais on crée parallèlement un régime...

M. Boulet : ...maintien de services minimaux pour protéger la population, particulièrement les personnes en situation de vulnérabilité. Je trouve que votre présentation est tout à fait compatible avec les tenants et aboutissants de ce projet de loi là, et, dans le secteur municipal, évidemment, tant le maintien des services minimaux pour protéger les besoins de la population que l'arbitrage. Puis l'arbitrage, vous le mentionniez bien aussi, là, je ne sais pas lequel des deux, M. Tremblay ou M. Damphousse, là,... mais ce n'est pas pour empêcher l'exercice d'un droit de grève, c'est pour accélérer le règlement. Parce qu'on est tous des partisans d'une négociation raisonnée, on est tous des partisans d'alternatives de règlement de litiges. Ça passe par la conciliation, la médiation, mais ultimement, quand il n'y en a pas puis que la population est prise en otage, on ne peut pas ne pas avoir des outils d'intervention pour protéger cette population. Moi, ça m'apparaît tellement humain. C'est l'expression qui a été utilisée par des personnes qui m'ont approché. C'est l'équilibre que nous devons constamment rechercher entre le respect des droits constitutionnels, celui de grève, évidemment il y a aussi le droit de lock-out, et la protection des besoins, souvent fondamentaux, des personnes qui sont à risque.

Vous suggérez dans une de vos recommandations... puis je vais vous écouter là-dessus, là, mais vous dites : «Donner aux municipalités l'autorisation de demander au ministre du Travail d'être désignées comme un employeur duquel le tribunal peut déterminer si des services assurant le bien-être de la population doivent être maintenus», mais vous en êtes, vous êtes couverts, mais, en même temps, on n'a pas pris la trajectoire d'identifier des secteurs dans lesquels il y aura assurément des services minimums à maintenir. On veut véritablement y aller au cas par cas, en tenant compte des circonstances d'un conflit. Et donc, quand la négociation est terminée, ultimement, il y aura peut-être un autre conflit dans 10 ans, 15 ans, peut-être, souhaitons-le, jamais, mais ce sera circonstancié. C'est la raison pour laquelle on a préféré ne pas aller dans cette direction-là pour bien respecter les critères que la Cour suprême du Canada a établis, notamment dans l'affaire Saskatchewan en 2015. On veut y aller de manière exceptionnelle et y aller avec parcimonie. Puis les exemples, M. Tremblay, très clairement exprimés, oui, c'est du cas par cas, mais où, effectivement, s'il y a des impacts sur la sécurité sociale, économique, on dit, ou environnementale pour éviter des catastrophes naturelles, mais est disproportionnellement affectée, oui, il y aura des interventions potentielles. Mais je vais vous... je vais vous laisser vous exprimer là-dessus. Vous, dans le fond, M. Damphousse, ou M. Tremblay, ou M. Létourneau, vous souhaitiez que le secteur municipal soit systématiquement identifié comme un secteur où il y aura des services minimaux à maintenir en cas de conflit de travail. Est-ce que c'est comme ça, Martin... M. Damphousse, que vous le réfléchissiez?

M. Damphousse (Martin) : ...évalué, mais, en écoutant votre explication, je comprends que, dans l'approche du cas par cas, dépendamment, par exemple, des saisons où on se trouve, dépendamment du type de conflit, l'entretien de l'aréna, l'entretien de la piscine, l'entretien des parcs, des fois ça peut être des périodes où ça n'affecte personne, mais il est clair que d'avoir ce pouvoir-là plus clair, plus large auprès du milieu municipal peut être un outil important pour nous. Mais je vais inviter M. Létourneau à peut-être préciser ce volet-là et la pensée de l'UMQ dans ce contexte-là.

M. Létourneau (Yves) : Merci, M. le Président. Bien, écoutez, vous avez bien compris l'essence de notre demande, puis là on parle pour le secteur municipal. On sait, il y a 1 100 municipalités au Québec qui offrent plusieurs services. On a mis quelques exemples. Ce qu'on disait, c'est que, peut-être, on souhaitait que les municipalités puissent avoir défini dans le projet de loi une possibilité d'intervention plus directe pour défendre leurs cas. On va parler, bon, d'une grève du transport collectif à Montréal, ça... tout le monde va en entendre parler. Par contre, il y a plusieurs dossiers qu'on peut juger, nous, très importants.

• (15 h 40) •

Et ce qu'on disait, c'est qu'on représente les citoyens. On entendait ce matin quelques associations dire : Donner le droit de parole aux citoyens. On n'est pas contre, mais les municipalités représentent les citoyens, puis ils aimeraient être nommés, nommément ciblés pour pouvoir intervenir directement pour faire part de leurs situations advenant...

M. Létourneau (Yves) : ...des conflits de travail.

M. Boulet : O.K. Je comprends. Puis vous comprenez notre point de vue. Il faut y aller prudemment, puis il faut s'assurer que ça ne puisse pas être interprété trop aisément par un tribunal comme une entrave substantielle à l'exercice du droit de grève, qui fait partie intégrante, là, des chartes de droits et libertés de la personne.

L'autre affaire, peut-être, que j'aimerais discuter avec vous. Vous dites, bon, maintenir au nouvel article 111.22.7 ajouté par l'article 4, une mécanique identique de conciliation à celle des services essentiels. Bon, pour le premier mécanisme, le maintien des services minimaux, il y aurait un décret gouvernemental qui identifie un employeur puis une association accréditée, et une des deux parties peut demander, puis là ce n'est pas le gouvernement qui décide, au Tribunal administratif du travail qui est impartial et indépendant, de décider si les critères prévus dans la loi, qui sont des critères qui sont connus, respectés, utilisés notamment par l'Organisation internationale du travail, s'il y a une obligation de maintenir des services minimaux parce que les critères sont respectés. Et c'est après ça qu'intervient 111.22.7. Les parties ont un délai de 15 jours pour négocier entre elles. On donne toutes les chances possibles aux parties de négocier, négocier, négocier, comme vous le disiez si bien, lesdits services minimaux. Et là, le Tribunal administratif du travail peut désigner une personne pour les accompagner, et je ne sais pas si c'est ça à quoi vous faisiez référence, pour les aider à négocier une entente. Et s'il y a une entente, évidemment, le tribunal va l'entériner si c'est suffisant, va avoir à s'impliquer si ce n'est pas suffisant. Puis, à défaut d'entente, bien, c'est lui qui va devoir déterminer les contours des services minimaux.

Mais je voyais que votre recommandation, c'était ajouter une mécanique identique de conciliation. Dans le fond, la personne qui serait désignée par le Tribunal administratif du travail, elle va agir en tenant compte de ce processus-là, là, de conciliation, va aider, accompagner les parties pour qu'elles s'entendent sur des services minimaux à maintenir. Est-ce qu'on a la même compréhension?

M. Damphousse (Martin) : En fait, étant donné que vous faites référence à des articles tellement précis...

M. Boulet : Oui.

M. Damphousse (Martin) : ...vous me permettrez de me référer directement avec à...

M. Boulet : Dans votre recommandation, M. Létourneau, vous dites que maintenir au nouvel article, puis c'est vous qui l'utilisez, là, le 111.22.7, la même mécanique de conciliation qu'on a dans les régimes de services essentiels.

M. Létourneau (Yves) : Exact. On ne veut pas entrer dans un débat juridique. Mais essentiellement, ce qu'on pense, c'est que la conciliation a des impacts positifs lorsqu'elle est utilisée très tôt puis il y a très peu de membres qui s'y opposent. Ça fait qu'on voudrait que ça soit plus, comme c'est le cas, pour les services essentiels...

M. Boulet : Je comprends.

M. Létourneau (Yves) : ...plus systématique et tout simplement automatique. Et puis, dans le pire des cas, ça n'a pas d'effet, mais des fois, rendus à ce moment-là, on pense que le conciliateur peut avoir un effet très positif pour en arriver même aux premières discussions.

M. Boulet : Totalement. Il faut accompagner les parties, il faut les aider, il faut qu'elles fassent des ententes par elles-mêmes. Puis là je reviens au deuxième mécanisme, l'arbitrage. Puis ça vous en avait parlé. Vous avez fait référence à certains conflits, dont le transport en commun. C'est un régime qui va agir en complémentarité parce que ça fait partie des services publics. On peut penser à la collecte des ordures aussi, où le bien-être de la population peut être affecté de façon substantielle aussi, où, là, l'arbitrage peut être un outil, mais c'est vraiment une solution de dernier recours. Ça, on s'est tous bien entendus là-dessus et après que la conciliation se soit avérée infructueuse.

Puis j'aime bien le terme que vous utilisez, là, des négociations saines et équilibrées dans le but d'accélérer. Ce n'est pas d'éviter, ce n'est pas d'empêcher, ce n'est pas d'annuler, ce n'est pas d'entraver, mais c'est d'aider et pour permettre un environnement d'affaires ou un environnement qui va permettre aux municipalités de fonctionner de façon adéquate et respectueuse des besoins fondamentaux de la population, là. Ça fait que, moi, je me limiterais à ces commentaires-là. Là, je vous remercie sincèrement de votre présentation qui est super appréciée. Merci beaucoup.

Le Président (M. Allaire) : Merci, M. le ministre. On enchaîne avec l'opposition officielle, Mme la députée de Bourassa-Sauvé...

Le Président (M. Allaire) : ...vous avez 10 min 24 s.

Mme Cadet : Merci beaucoup, M. le Président. Bonjour. Bonjour, M. Damphousse, M. Létourneau, M. Tremblay. Merci pour votre présence et pour le mémoire que vous nous avez présenté. Évidemment, donc, vous le savez et puis vous l'indiquez dans votre mémoire, donc, le projet de loi qui nous est présenté se décline en deux volets. D'abord, le maintien des services minimaux à offrir à la population et ensuite la question de l'arbitrage. Donc, vous êtes un groupe, donc, qui serait assujetti, donc, aux deux volets ici, tant donc les services minimaux que la question de l'arbitrage obligatoire.

Au niveau des services minimaux, dans le fond, là, dans ce qui nous est présenté, votre mémoire, bien là, je pense qu'avec le ministre vous venez d'avoir la discussion, là, sur la question de la désignation à l'avance d'une liste donc des employeurs et associations visés. Mais, au-delà donc de cet élément-ci, comment est-ce que vous recevez le mécanisme qui est employé, donc à l'article 4 du projet de loi, pour prévoir, donc, les services minimaux, donc autant, je dis, le mécanisme, donc, en premier lieu, donc sur la forme, donc ce qui nous est présenté comme façon de faire, puis ensuite, au niveau de... des balises qui sont offertes pour permettre au Tribunal administratif du travail d'éventuellement statuer sur des services minimalement requis?

M. Damphousse (Martin) : Bien, sincèrement, le fameux article 4 en question, nous, on n'a pas vu d'embûche dans l'ensemble du projet de loi. Mais s'il y a des éléments plus spécifiques que M. Létourneau souhaite faire... partager, bien honnêtement, je l'invite à commenter.

M. Létourneau (Yves) : Bien, tout simplement dire que les cas sont très... très variés dans le monde municipal. Je pense que MM. Tremblay et Damphousse pourraient citer... ont cité des exemples. Les balises qui sont là permettent une certaine latitude qui va être avec, bon, la jurisprudence et tout ça. Mais il y a comme la durée de l'arrêt de travail, dans certains cas quatre jours, ça a des impacts importants sur les citoyens. Dans d'autres cas, ça peut être plus long. Ça fait que les critères qu'on retrouve dans le projet de loi n° 89 répondent, selon nous, à une... à nos besoins de façon assez large. Mais parce que les besoins des municipalités sont assez variés et assez larges, on ne peut pas mettre ça de façon trop circonscrite.

Mme Cadet : Oui, M. Tremblay.

M. Tremblay (Guillaume) : Si vous vous permettez aussi, ça arrive aussi que c'est en mouvance, hein, les services essentiels. Moi, si vous reculez d'il y a cinq ou 10, bien, dans ma ville, parler d'une piscine publique, je ne pensais pas nécessairement un jour avoir besoin que ça devienne un service essentiel. Mais avec la crise de l'habitation qu'on vit, on en construit en quantité des logements, puis des condos qui n'ont pas nécessairement de piscine. Des fois, ces gens là ont pas nécessairement des airs climatisés. Donc, je pense que les services essentiels qu'on vit aujourd'hui, peut-être que dans cinq, 10 ans, ça va être une autre réalité aussi. C'est pour ça que j'aimais beaucoup tantôt la réponse, dire que peut-être des fois selon la saison, selon la réalité du milieu, chaque milieu a une réalité qui est complètement différente, donc c'est pour ça que je trouve que cette latitude-là qui est... qui est offerte devant nous est très intéressante.

Mme Cadet : Puis sur la question des... plus des services essentiels, mais ici donc le libellé, on parle de services minimalement requis, là, qui auraient un autre degré. En fait, le cadre d'analyse, là, du Tribunal du tribunal, donc, serait distinct, là, de la question des services essentiels qui se concentre sur la santé et la sécurité des tierces parties.

Mais, dans votre mémoire, donc, vous donnez donc des exemples, donc assez larges en introduction, avant d'en arriver aux recommandations sur des... bien, en fait, des conflits de travail qui sont survenus dans différentes municipalités. Donc, est-ce que, selon vous, donc, lorsque vous dites donc «élargir la portée, bon, des services essentiels» — mais, bon, je comprends, là, ce que vous voulez dire ici — est-ce que donc tous les exemples qui sont mentionnés dans votre mémoire, selon vous, devraient être considérés comme des services minimalement requis?

M. Damphousse (Martin) : Bien, c'est une bonne question, mais je suis convaincu que oui, j'ai la certitude que ça fait partie. Si on cite des exemples, c'est que ça fait partie pour nous des services essentiels dont on considère devraient être intégrés dans le projet de loi.

M. Tremblay (Guillaume) : Par exemple, des camps... des camps de jour, comme je nommais tantôt. Tu sais, reculez de 10 ans, moi, ça m'est déjà arrivé dans la ville, je n'étais pas maire dans ce temps-là, mais ils ont arrêté de faire les camps de jour, vous allez comprendre que c'est une réalité pour les parents qu'il faut qu'ils aillent travailler, il y a comme une réalité. Donc, tu sais, je pense qu'il y a 10 ans puis aujourd'hui, la société a beaucoup évolué puis elle risque encore d'évoluer au cours des prochaines années. Donc, à cet égard-là, moi, je trouve intéressant, là, les exemples qui sont donnés devant nous, les terrains de soccer. Tu sais, c'est des réalités, les parents ne peuvent pas se lever le matin à cinq heures pour pouvoir faire faire du sport à nos jeunes, puis c'est démontré que de faire du sport, c'est bon pour la santé. Ça fait que, tu sais, ça a quand même un peu un double sens. Ça fait que moi, je pense que c'est intéressant comme... comme façon de faire.

• (15 h 50) •

Mme Cadet : ...

Mme Cadet : ...selon vous... puis ça, c'est peut-être plus M. Létourneau ici... donc, à quel moment le législateur, tu sais, doit intervenir? Évidemment, donc, il y a un processus... donc, mécanique, donc, qui est proposé dans le projet de loi. Je vous ai entendu un peu plus tôt, vous disiez, donc... de ce qui... ce que vous voyez, donc, dans le fameux article 4, ça vous apparaît satisfaisant. Bien, au-delà, donc, de la recommandation que vous nous apportez, donc, comment est-ce que... en fait, là, comment est-ce que vous pensez, là, que ce mécanisme là, donc, pourrait être bonifié ou mieux répondre, donc, à vos attentes?

M. Létourneau (Yves) : Comme on a indiqué précédemment, premièrement, les municipalités, qu'elles puissent intervenir directement pour faire part de leur situation, puisque chaque situation peut être différente à Montréal que sur la Côte-Nord. Puis ce qu'on apprécie, c'est la latitude qui va être permise. Puis, bon, je sais que ce n'est pas couvert par ça, mais les municipalités sont sûrement les expertes en arbitrage, là où il y en a le plus, à cause des policiers et pompiers. On s'entend que, dans un cas extrême, comme les policiers et pompiers, une grève d'une journée, c'est trop, là. Donc, c'est pour ça que ce n'est pas dans cette loi-là qu'on a la loi 24 qui a été réglée par la loi 88, le projet de loi n° 88, il n'y a pas très longtemps, je pense, mais c'est juste pour dire la diversité des cas. Donc, on ne veut... on ne veut pas arriver avec une solution qui soit trop circonscrite, de dire : On voudrait, pour accélérer le processus, qu'il y ait une grève de deux ou trois, ou quatre jours, d'attente tel, tel moment. On pense qu'il faut laisser de la latitude au ministre, mais aussi aux municipalités, pour faire part de leur position et de leurs inquiétudes dans leur situation propre.

Mme Cadet : Un peu plus tôt... Vous avez probablement entendu les intervenants qui étaient là cet avant-midi, qui invitaient le législateur à permettre aux tierces parties, donc les gens qui sont touchés, donc, en l'occurrence, donc, les citoyens à pouvoir intervenir, donc, dans un recours. Donc, ici, donc, on... donc, le ministre a l'occasion, donc, d'émettre, donc, un décret identifiant, donc, les parties pouvant se prononcer afin, donc, d'établir quels seraient les services minimalement requis. Donc, vos prédécesseurs, donc, nous ont... quelques-uns d'entre eux nous ont présenté des aménagements visant à ce que les tierces parties puissent aussi se présenter devant le TAT et dire : Bien, voilà comment est-ce que nous sommes touchés, et comment est-ce qu'on pourrait négocier les services minimalement requis. Est-ce que c'est une... c'est une suggestion sur laquelle vous vous êtes penchés?

M. Damphousse (Martin) : Bien, ce qu'on a mentionné tantôt, c'est que le milieu municipal est assurément le meilleur parti pour représenter les citoyens et citoyennes de partout au Québec. Donc, je pense que, par nous, on est vraiment bien outillés pour défendre l'ensemble des situations partout au Québec. Mais il y a peut-être des exemples précis, puis M. Tremblay peut donner des exemples. Mais, honnêtement... je ne peux pas dire que je suis contre, mais, honnêtement, je pense qu'on est très bien outillés pour bien les représenter.

M. Tremblay (Guillaume) : Je m'en allais dans le même sens que mon président, dans le sens qu'on ne peut pas être contre la vertu. Cependant, si n'importe quel citoyen peut déposer... vous allez comprendre que le tribunal va être surexposé... suroccupé. On peut vivre, dans d'autres situations, dans d'autres tribunaux... Maintenant, on n'est pas contre, là, on est loin d'être contre cette proposition-là.

Mme Cadet : Merci. Je ne vous ai pas beaucoup entendus sur la question des mesures miroir, là, qui sont intégrées au projet de loi, là, sur sur le droit au lock-out, là, qui, donc... on parlait, donc, ce matin, beaucoup, donc, de sept jours francs, donc, pour déposer un préavis. Mais, si je ne m'abuse, donc, vous, donc, ces mesures-là, donc, viendraient modifier votre réalité, non? Les mesures qui sont prévues dans le projet de loi.

M. Damphousse (Martin) : Je vais inviter M. Létourneau à nous parler des mesures miroir. Je vais être très attentif à ce qu'il va dire.

M. Létourneau (Yves) : Bien, écoutez, pour nous, on... ça ne crée pas de problème, là, à ce niveau-là. On est prêts à vivre avec l'impact que ça pourrait avoir pour les municipalités puis ces questions d'équité dans les responsabilités des parties. Tu sais, ce n'est pas...

Mme Cadet : O.K. Parfait. Et pour ce qui est des mesures... voyons, des préoccupations, là, qui ont été mentionnées quant au préavis de sept jours, ce qu'évidemment... c'est une nouvelle réalité, là. Donc, il y a des... par exemple, le Conseil du patronat qui nous a dit : Bon, bien, peut-être que dans certaines circonstances, ce ne serait pas propice à ce qu'un préavis soit déposé. Est-ce que c'est... vous vous êtes penchés sur cette question?

M. Létourneau (Yves) : Écoutez, à prime abord, puis je ne veux pas me mettre en opposition avec le Conseil du patronat, mais on n'a pas trouvé de cas là où on ne peut pas donner un préavis, comme je vous disais, évidemment...

Mme Cadet : De votre côté, dans le contexte des municipalités.

M. Létourneau (Yves) : Exact. Puis là, il y a... il y a les policiers, pompiers qui ne sont pas là-dedans...

M. Létourneau (Yves) : ...il y a les services essentiels par ailleurs, mais, pour nous, le sept jours nous apparaissait raisonnable.

Mme Cadet : Oui. Justement, vous avez parlé du projet de loi n° 88, où l'objectif était de permettre d'offrir donc des mesures alternatives, et efficaces, et neutres parce que, donc, le régime des policiers et des pompiers, donc, ne permet... n'octroie pas le droit de grève. Est-ce que vous pensez que l'arbitrage exécutoire, donc, qui est prévu au projet de loi permet, donc, ces mesures alternatives là?

Le Président (M. Allaire) : Malheureusement, je dois vous couper. Désolé, je suis le gardien du temps. Donc, on enchaîne avec le deuxième groupe de l'opposition, M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve, 3 min 28 s

M. Leduc : ...Je trouve ça intéressant parce que vous avez utilisé, dans vos explications puis dans vos échanges, souvent le terme services essentiels en disant vous vouliez élargir les services essentiels. Or, ce n'est pas ça qu'on change en théorie dans la loi et c'est toute l'astuce du ministre de dire : Non, je ne touche pas à la Loi sur les services essentiels, j'invente un nouveau truc qui est le bien-être, etc. Je trouve ça quand même fascinant que, dans les faits, tout le monde comprend ce qui est en train d'arriver, c'est-à-dire qu'on modifie par la porte en arrière la Loi sur les services essentiels.

J'aimerais vous entendre sur le fait que... Vous n'êtes pas les premiers à passer aujourd'hui qui sont dans des rôles de patrons. Vous êtes ici en tant qu'employeur, là, comme mairie représentante des citoyens, bien sûr, mais comme employeur. Je cherche, moi, le contexte chaotique qui justifierait un affront aussi frontal aux droits constitutionnels de grève et d'association qui est protégé par la Charte québécoise des droits et libertés puis les exemples ne sont pas légion. Tu sais, on a connu la grève des autobus à Québec, il y a quoi, un an ou deux déjà. Il y a encore une grève de cols bleus, une poignée de patinoires tantôt qui ont été fermées à Québec il y a une couple de mois. Mais sur l'étendue de la... des municipalités du Québec, c'est quoi la longue liste de grands problèmes de relations de travail structurant qui légitimerait une intervention aussi musclée que celle qui est devant nous aujourd'hui de la part du ministre?

M. Damphousse (Martin) : Bien, tant mieux, on n'en a pas tant que ça, puis je laisserai M. Tremblay donner probablement d'autres exemples, mais l'exemple qu'on a donné tantôt sur le transport en commun, pour nous, est important. Ce qu'a vécu Québec, personne n'a le goût de vivre ça. Je n'ai pas le goût de le vivre à Varennes. Il n'a pas le goût de le vivre à Mascouche. Quand il y a des tempêtes de neige comme on connaît, puis on déciderait de faire une grève des cols bleus dans un contexte... Mais imaginez, là, on vient de paralyser, puis le mot est faible, là, paralyser nos municipalités. On parle d'éboueurs, quand les vidanges pendant des semaines et des semaines... bien, ça crée un contexte de chaos qu'on ne veut pas vivre. Mais des exemples spécifiques comme ça, j'ai l'impression qu'on peut en trouver beaucoup. Ne parlons pas juste du gazon qui est rendu trop long sur le terrain de soccer. Je pense qu'il y a tellement d'autres exemples qui peuvent faire en sorte que comme services essentiels d'une municipalité auprès de leur population... On parlait d'exemples de camps de jour, mais dans l'exemple de Guillaume tantôt, où la grande majorité des couples varennois, les deux travaillent, mais s'il n'y a plus de camps de jour quand tu avais programmé ton... Mais ça devient le chaos, là. Puis ce n'est pas vrai qu'il y a des grands-parents, dans chacune de nos villes, disposés à régler le problème du jour au lendemain, assurément pas.

M. Leduc : On s'entend. Les situations sont différentes, mais on a connu les fermetures de CPE aujourd'hui même et demain, on a connu les fermetures d'école.

M. Damphousse (Martin) : Mais c'est ça, mais si on peut être capables...

M. Leduc : Les camps de jour, c'est un peu dans la même famille de conflits de travail, mais, je veux dire, il n'y a pas eu mort d'homme, là.

M. Damphousse (Martin) : Puis si on peut éviter ça. Je n'ai pas parlé de mort d'homme.

M. Leduc : Non, non, je le sais. Bien sûr.

M. Damphousse (Martin) : Mais si on peut éviter ces conflits-là, mais tant mieux pour tout le monde. C'est ça qu'on souhaite.

M. Leduc : Mais ces conflits-là, ils existent pour une raison. Parce que, là, pourquoi on est en train de modifier ça, c'est qu'il y a eu un jugement de la Cour suprême qui a dit : Il faut restreindre les critères parce que c'était trop le bar ouvert. Ça fait qu'on a rétréci ça avec... C'est une des premières lois qu'on a négociées avec M. le ministre ici, c'était sur la sécurité physique des personnes. Ce débat-là, il date de 2019. Puis on revient avec des critères complètement loufoques, là : sécurité économique, sociale, environnementale. Qu'est ce qui n'est pas inclus là-dedans, sécurité sociale, économique et environnementale? Tu sais, seriez-vous capable de me nommer, par exemple, dans vos municipalités, des titres d'emploi que vous me dites, là? Moi, je suis sûr que ça, ça peut faire la grève à l'infini puis il n'y a pas de problème, ça ne toucherait pas personne puis ça ne dérangera pas personne.

Le Président (M. Allaire) : ...à cette période d'échange. On enchaîne avec la députée de Jean-Talon. Et, avant que vous débutiez, vous allez voir M. Damphousse, c'est pratiquement aussi vite qu'un échange de pickleball. Ils ont à peu près juste 1 min 19 s, ça fait que réponse courte peut-être pour favoriser, là, si jamais il y a une deuxième question.

M. Damphousse (Martin) : Si le service est rapide, le retour va être rapide.

Le Président (M. Allaire) : Oui. M. le député de Jean-Talon, la parole est à vous.

Des voix : ...

• (16 heures) •

Le Président (M. Allaire) : Là, vous soulevez une question de règlement, Mme la députée? C'est parce qu'on ne vous a pas entendus, je vous laisse le soin.

Mme Mallette : Oui. Excusez-moi. J'aimerais savoir si le mot «loufoque» est un nom... un mot non parlementaire. Et question de règlement, là, je vous dirais, là, de ne pas donner de mauvaise intention, là, à notre ministre, là, dans le contexte de ce projet de loi là, qu'au contraire les intentions sont très nobles de vouloir protéger le bien-être de la population, des citoyens. Je pense que c'est un peu...


 
 

16 h (version non révisée)

Mme Mallette : ...notre mission de base.

Le Président (M. Allaire) : Parfait. C'est sûr que ça dépend toujours du contexte. Je l'ai rappelé en début de commission, la prudence, dans le contexte de ce qu'on vit. On sent que c'est un projet de loi qui peut soulever les passions, donc je vous demande de faire très attention. Je sens... Je souhaite que tout le monde a compris. M. le député de Jean-Talon, vous pouvez poursuivre.

M. Paradis : Commencer, vous voulez dire.

Le Président (M. Allaire) : Commencer, effectivement, ça va être mieux.

M. Paradis : Très bien. Merci. C'est parce que, 1 min 19 s, ça passe vite!

Le Président (M. Allaire) : Oui, oui, oui! Allez-y.

M. Paradis : C'est délicat, l'équilibre, dans les relations de travail. Diriez-vous que, si, comme vous semblez le suggérer, les piscines publiques, les bibliothèques, les infrastructures sportives, l'organisation des camps de jour, l'émission des permis de construction deviennent des services qui sont visés par la nouvelle loi du ministre, que c'est une intervention délicate qui ne bouleverse pas trop les relations de travail? Est-ce qu'il reste un incitatif suffisamment fort sur les deux parties pour régler?

M. Damphousse (Martin) : Bien, c'est... c'est une bonne question. Puis, quand je donnais l'exemple, dépendamment de quand on se trouve dans la saison, si on a une grève de la bibliothèque en plein été, quand on est dans des horaires de fermeture, bien, je vous dirais intervenons pas. Mais il y a d'autres cas, l'exemple des piscines extérieures, en pleine canicule, quand on a des parents, des familles qui suffoquent sans air climatisé, bien, je pense que là, on mériterait d'intervenir. Je donne deux exemples simples. C'est mon retour du service.

M. Paradis : Très bien. Vous avez été efficace, il me reste 10 secondes, mais ce n'est pas assez pour continuer nos échanges.

Le Président (M. Allaire) : Merci. Donc, on enchaîne avec le député de Saint-Jérôme. La parole est à vous.

M. Chassin :Dans... Merci d'être là. En fait, il y a... il y a une question qui pour moi est importante, puis je suis sûr, en fait, pour tous mes collègues, mais c'est cette clarté. Parce que, dans le fond, vous avez mentionné, tu sais, on a un outil plus large, plus clair. Est-ce que, dans le fond, par exemple, les piscines municipales, en pleine canicule, il n'y a pas un lien avec la santé? Puis, dans ce cas-là, si c'est un risque pour la santé, bien, c'est les services essentiels qui peuvent s'appliquer pour ces journées-là. Moi, ce que je cherche à avoir, c'est... puis mon collègue député d'Hochelaga-Maisonneuve le disait, bien, c'est... c'est un peu ça. On a des critères assez abstraits, assez flous. Est-ce que c'est vraiment clair à votre avis?

M. Damphousse (Martin) : Bien, je comprends que le cas par cas va être analysé, et non d'avoir la même règle à tout le monde partout. Bien, c'est là le gros avantage. Dépendamment des cas, dépendamment des périodes, dépendamment des régions, bien, ce sera jugé sur la valeur du conflit. Puis je pense que ça a son mérite.

M. Chassin :Mais est-ce qu'on peut penser, par exemple, qu'il y a d'autres solutions? Par exemple, de demander aux parties de déterminer qu'est-ce qu'on peut faire comme mouvement de grève ou de lock-out sans compromettre la sécurité des gens au départ?

M. Damphousse (Martin) : Bien, je dirais, je vous invite à trouver de meilleures solutions s'il y en a.

M. Chassin :D'accord.

Le Président (M. Allaire) : Merci, pile... pile à l'heure, comme on dit. Merci beaucoup, M. Létourneau, M. Damphousse, M. Tremblay, pour votre contribution à cette commission.

Nous allons suspendre les travaux pour permettre à l'autre groupe de s'installer. Merci.

(Suspension de la séance à 16 h 03)

(Reprise à 16 h 07)

Le Président (M. Allaire) : Alors, nous allons reprendre les travaux. Nous sommes maintenant avec les Manufacturiers et exportateurs du Québec. Mme White, bonjour. Bienvenue! Donc, je vous laisse le soin de vous présenter, votre titre officiel, et vous pouvez poursuivre ensuite avec votre 10 minutes pour votre audition. Puis ensuite va s'ensuivre une période d'échange. Vous êtes habituée de toute façon. Allez-y.

Mme White (Julie) : Merci. Donc, Julie White, présidente-directrice générale de Manufacturiers et exportateurs du Québec. M. le Président, merci. M. le ministre, Mmes, MM. les députés, merci de me recevoir aujourd'hui pour vous exposer la perspective de Manufacturiers et exportateurs sur le projet de loi n° 89. MEQ, c'est une association dont la mission est d'améliorer l'environnement d'affaires, d'aider les entreprises manufacturières et exportatrices à être plus compétitives sur les marchés locaux et internationaux. C'est important de vous rappeler que le secteur manufacturier, c'est vraiment l'un de nos piliers économiques. C'est plus de 500 000 emplois à travers le Québec. Près de 13 % du PIB. C'est le secteur le plus fort en fonction dans l'économie. C'est 85 % des exportations et plus de 13 700 entreprises. Vous comprendrez que dans le contexte actuel d'incertitude économique, notamment, on a un rôle stratégique et on a aussi des préoccupations importantes quant à la stabilité de notre environnement d'affaires, ici, au Québec et au Canada.

D'entrée de jeu, je voulais faire un court mot, M. le ministre, suite à votre lettre ouverte de ce matin dans LaPresse. Je pense que c'est important de rappeler que tout le monde a le droit d'avoir une opinion sur un projet de loi, ce projet de loi ci, comme l'ensemble des projets de loi. Avoir des débats, c'est sain, mais faisons-le dans le respect. Si on souhaite avoir des négociations qui sont paisibles, il faut le faire sur le bon ton et c'est de cette façon-là que nous ferons avancer les dossiers.

Maintenant, si on va sur le thème du projet de loi, tout d'abord, rappelons qu'au cours des dernières années, il y a eu beaucoup de conflits de travail qui ont affecté les entreprises du secteur manufacturier, et particulièrement leur capacité à être compétitives et productives pendant des moments qui étaient clés de l'économie. Il y a eu plusieurs conflits, par ailleurs, au port de Montréal, il y a eu le conflit dans le rail. Il y a eu d'autres conflits au niveau provincial, notamment chez Olymel. Bien sûr, tous ces conflits-là ont des causes variées et ont des particularités qui leur sont propres. Mais une chose est en commun, c'est qu'elles ont souvent des conséquences qui ont affecté beaucoup plus que les parties au dossier. Ça s'est étendu au-delà, à la fois des conséquences sociales, mais économiques majeures. Entendons-nous ici, le droit d'association des travailleurs est un droit qui est reconnu et que nous respectons bien évidemment. La grève est un moyen de pression qui est légitime dans le cadre d'une négociation.

• (16 h 10) •

Mais le droit du travail est une question d'équilibre, un équilibre entre les droits de chacune des parties, des travailleurs et ceux de l'employeur. Évidemment, tout le monde ici autour de la table, j'en suis convaincu, souhaite que les parties négocient des solutions qui leur conviennent mutuellement. Malheureusement, ce n'est pas toujours possible, et il faut avoir un cadre légal qui permette de résoudre ces conflits de façon agile et en tenant compte de l'intérêt de l'ensemble des parties. Depuis quelques années, il y a eu une multiplication de conflits, de situations d'impasse dans les négociations qui ont eu des impacts collatéraux importants sur la société, notamment sur notre économie. L'équilibre qui devait prévaloir dans la relation de travail...

Mme White (Julie) : ...s'est trouvé... s'est alors trouvé compromis. Pour nous, c'est important de ramener le pendule à... et de trouver des façons d'éviter que des conflits de travail n'aient pas d'impact déraisonnable sur la société.

En ce sens, on appuie le principe du projet de loi n° 89 déposé par le ministre du Travail. Ce n'est pas... un projet de loi qui selon nous permettra de rééquilibrer les forces dans le cadre de négociations tout en déployant des solutions constructives pour trouver des solutions à ces conflits de travail. Je souhaite tout de même vous exposer des commentaires sur trois aspects liés au projet de loi.

Premièrement, la catégorie de «services assurant le bien-être de la population», pour nous, c'est bienvenu. Ça va permettre d'éviter de paralyser l'entièreté d'activités soit d'entreprises ou de différents secteurs, tout en permettant de maintenir des moyens de pression par les employés. C'est important de maintenir quand même ce droit-là. Ça ressemble beaucoup au concept de «services minima», reconnu ailleurs dans le monde, notamment par l'Organisation internationale du travail. Selon ce qui est prévu actuellement dans le projet de loi, ce seront les services minimalement requis pour éviter que la sécurité sociale, économique ou environnementale de la population soit affectée de manière disproportionnée.

C'est une définition qui demeure floue, qui demeure sujette à l'interprétation. Je sais qu'en tant que législateurs, ce n'est pas facile de trouver le bon équilibre entre les bons mots pour bien comprendre la situation, mais donner aussi la flexibilité. Qu'est-ce que ça signifie réellement, des «impacts disproportionnés»? Comment on qualifie «disproportionnés»? Ça peut varier beaucoup en fonction de la position dans laquelle on est. Donc, pour baliser le tout, on vous invite à regarder ce qui se fait dans d'autres juridictions où il y a des listes qui sont préétablies de sous-secteurs qui pourraient être visés par des services minimaux. Évidemment, cette liste-là ne devrait pas être limitative, ça devrait être une liste de base qui nous permette d'orienter certains secteurs, mais pour lesquels le ministre pourrait tout de même ajouter des situations si certains conflits plus spécifiques le nécessitent, mais aussi pour tenir compte de l'évolution de la société, hein. On ne veut pas non plus se mettre dans un carcan qui est trop rigide et qui ne répond pas aux objectifs de la loi. La prévisibilité amenée par une telle liste pourrait permettre aux parties de se préparer plus rapidement aussi à la situation et, une fois déférées au TAQ pour s'entendre, être prêtes à ce que ça procède rapidement, éviter qu'il y ait des délais qui soient trop longs.

Évidemment, si je parle du TAQ 30 secondes, on a déjà des enjeux, hein, de délais au TAQ, il y a déjà des... ce n'est pas parfait en ce moment. Donc, il faut évidemment que l'application de cette loi-là soit accompagnée de ressources suffisantes au TAQ pour être capables de remplir cette nouvelle mission-là, qui va amener du volume supplémentaire.

Dans un deuxième temps, on vous soumet que le secteur de la construction devrait être visé par le projet de loi n° 89. Non seulement c'est un de nos grands secteurs économiques, mais il va être essentiel pour soutenir la reprise économique et faire face aux défis qu'on vit actuellement avec le sud de la frontière. On en a parlé régulièrement, le gouvernement en parle aussi, c'est un des moteurs de développement qu'il saura utiliser. Un nombre important des manufacturiers que je représente sont des fournisseurs du secteur de la construction aussi. Donc, pour eux, c'est... un ralentissement dans un conflit de travail qui pourrait perdurer de façon disproportionnée pourrait aussi avoir des impacts importants. Nous sommes conscients que la construction a un régime de travail particulier, mais les conséquences économiques et sociales d'un conflit dans ce secteur sont les mêmes que celles visées par le Code du travail. Donc, nous vous invitons à regarder cette question-là dans l'étude du projet de loi.

Finalement, nous souhaitons réitérer l'importance d'inclure dans le Code du travail québécois des dispositions similaires à celles de l'article 107 du Code canadien du travail afin de permettre au ministre d'intervenir en cas de conflit de travail risquant de causer des préjudices graves et irréparables à la population. C'est un pouvoir qui doit être utilisé de façon judicieuse et exceptionnelle, mais il est nécessaire que Québec puisse déférer des situations à l'arbitrage quand les démarches de médiation ou de conciliation ont échoué. Ça arrive, des impasses. Elles doivent trouver... Il doit y avoir une solution à ces impasses. Au niveau fédéral, on l'a vu, l'article 107 a été utilisé récemment. J'ai parlé plus tôt du conflit au Port de Montréal. En fait, je vais... La répétition des conflits de travail au Port de Montréal, la grève ferroviaire aussi, ça avait des impacts majeurs pour toute la chaîne d'approvisionnement, la chaîne logistique. Dans le contexte que nous vivons actuellement, particulièrement, on comprend bien les impacts que ces conflits peuvent...

Mme White (Julie) : ...avoir. Évidemment, l'article 107 du Code canadien du travail est très large, beaucoup plus large que ce qu'il y a dans la loi actuelle, mais je pense qu'on fait bien de mieux baliser pour éviter les enjeux. On sait aussi que l'article 107 est en train d'être challengé, excusez-moi l'anglicisme, devant la cour.

Donc, on appuie, évidemment, ce troisième pan du projet de loi, qui, pour nous, est nécessaire, particulièrement dans le... un moment où on cherche de la stabilité dans notre environnement d'affaires et où on a besoin de l'ensemble de nos joueurs pour se... passer à travers la vague que nous vivons actuellement. Merci.

Le Président (M. Allaire) : Merci à vous, Mme White. On débute la période d'échange avec M. le ministre. La parole est à vous.

M. Boulet : Merci beaucoup, Mme White. Évidemment, on a tous ici beaucoup d'estime pour les manufacturiers exportateurs du Québec. Merci pour votre présence, merci pour la qualité de votre présentation. Véritablement, vous avez touché à tous les points fondamentaux de ce projet de loi là.

Je vais faire quelques commentaires, puis on pourra peut-être échanger, là, mais, tu sais, quand un de vos objectifs, c'est d'assurer un environnement d'affaires qui est stable, ça en fait partie. Puis il y a des associations patronales qui sont venues ce matin, puis ils disaient : Il y a eu effectivement des conflits de travail qui ont eu des répercussions significatives sur la population, sur sa sécurité. Vous avez fait référence à des conflits de compétence fédérale, évidemment. Je vais... Je reviendrai à l'article 107, là. Mais moi, je partage totalement cet avis-là. Il faut respecter le droit de grève, le droit de lock-out, mais il faut le faire dans le respect des besoins fondamentaux, souvent de notre population, puis ça s'exprime par la sécurité sociale, économique ou environnementale. Puis j'apprécie, vous êtes la première à revenir sur le concept de service minima, qui a été utilisé par le Comité des libérations syndicales sous l'égide de l'Organisation internationale du travail. Donc, quand on me dit «service minimalement requis», c'est... on réfère à ça.

Ceci dit, on va faire une étude détaillée article par article, puis, s'il y a des concepts à clarifier, on pourra le faire. C'est pour ça qu'on échange tout le monde ensemble. Puis je réfère à... aussi à un autre commentaire d'un de mes collègues des partis d'opposition, l'interprétation, on la veut évolutive, on veut des solutions adaptées à des conflits concrets. C'est pour ça qu'on ne peut pas dire d'avance, par exemple, puis je vous le définirai, là, «affecter de manière disproportionnée», ce n'est pas nous qui allons juger, c'est le Tribunal administratif du travail. Puis, quant à sa capacité de le faire, je pense que l'expertise, elle est là. Il y a une division des services essentiels qui va être requalifiée, mais il n'y aura pas nécessairement beaucoup de cas.

On met tellement d'énergie à aider à l'amélioration des climats de relations de travail, à aider à la négociation des premières et des renouvellements de conventions collectives de travail, puis on a des conciliateurs médiateurs qui sont reconnus à l'échelle canadienne. Ça fait qu'il faut éviter. Puis que des syndicats me disent : La vaste majorité des dossiers se règlent sans conflit, c'est ce qu'il faut souhaiter. Ultimement, il faudrait qu'il n'y en ait pas, de conflit. Il y en a eu 288 en 2024. Puis je ne veux pas jouer ce discours-là. Il faut les éviter. Il faut éviter les conflits qui, malheureusement, prennent la population en otage.

Une grève, c'est pour mettre une pression sur un employeur, un lock-out, c'est pour mettre une pression sur un syndicat, pas affecter la sécurité sociale, économique ou environnementale d'une population. Ça fait que «affecter de manière disproportionnée»... en fait, je référerais au mot «significatif», puis ça va être le tribunal à le déterminer en fonction des faits et des circonstances. On ne veut pas du mur-à-mur, on veut de quoi qui est adapté. Et donc l'effet sur la sécurité sociale, économique ou environnementale de la population doit être significatif. Ça ne peut pas être un simple inconfort, vous l'admettez avec moi, Mme White, ça ne peut pas être un simple désagrément non plus. Il faut qu'il y ait des répercussions qui sont significatives, puis on l'a vu avec les dossiers auxquels vous faisiez référence, là, de compétence fédérale.

• (16 h 20) •

Vous l'avez lu, hein, Mme White, l'article 107? Vous l'avez lu plusieurs fois, puis je le relis, là, pour le bénéfice de tout le monde : «Le ministre fédéral du Travail peut prendre les mesures qu'il estime — qu'il estime — de nature à favoriser la bonne entente dans le monde du travail et à susciter des conditions...

M. Boulet : ...non favorables au règlement des désaccords ou différends qui surgissent. À ces fins, il peut déférer au conseil toute question ou lui ordonner de prendre les mesures qu'il juge nécessaires.

Bon. Je ne ferai pas plus de commentaires, mais je pense que notre projet de loi, il y a un effort extrêmement important de clarifier, d'utiliser des concepts qui sont clairs, qui sont reconnus et qui constituent des balises qui vont nous permettre, au cas par cas, de faire les justifications nécessaires devant les tribunaux. Puis, encore une fois, il n'y a pas une loi que je connais, puis vous le savez, vous avez une formation équivalente à la mienne, qui ne suscite pas de problèmes d'interprétation ou d'application. C'est pour ça qu'on a adopté l'approche circonstancielle au cas par cas. C'est comme ça que les lois devraient être faites pour permettre aux tribunaux, puis aux parties, puis aux personnes intervenantes, là, parce que la Loi instituant le Tribunal administratif du travail permet à une partie d'intervenir. On ne veut pas que ça devienne un bar ouvert, mais les personnes peuvent être entendues, mais pour tenir compte de la réalité spécifique du conflit de travail qui va nous concerner. Je vois Carole qui voulait...

Une voix : ...

M. Boulet : Allez-y! Puis après ça, je pourrai conclure.

Le Président (M. Allaire) : Pas de problème. Mme la députée de Huntingdon, la parole est à vous.

Mme Mallette : Merci. Vous avez évoqué que nous avions un contexte économique particulier, sans doute en référence avec la menace des tarifs. Vous avez aussi dit qu'on avait besoin de stabilité. Est-ce que vous croyez que c'est le bon moment d'apporter ce projet de loi ci. Puis est-ce que ça va apporter, selon vous, ou ça va favoriser une meilleure stabilité par la suite?

Mme White (Julie) : Merci. Écoutez, en ce moment, les tarifs douaniers, ça bouleverse notre économie, mais ça ne sera pas non plus réglé dans deux mois, là. On a quatre ans d'un gouvernement américain devant nous. Il faut utiliser la crise et trouver des opportunités où est ce qu'on peut améliorer notre environnement d'affaires si on veut demeurer une économie qui est forte en Amérique du Nord. On a vécu la pandémie. Dans le secteur manufacturier, ça a été particulièrement difficile. On s'attendait à plein de changements sur la productivité et l'innovation, un paquet de choses, mais ça n'a pas tout à fait arrivé. Ça fait que, là, on a un moment, un autre moment qui arrive, dans lequel on a... On est quand même un peu pris dans un étau et c'est le temps, là, de trouver toutes les façons au Québec, dans ce qu'on contrôle, en contrôlant ce qu'on contrôle. On ne contrôlera jamais ce que M. Trump fait. Donc, qu'est ce qu'on peut faire pour améliorer cet environnement d'affaires? Donc, moi, toutes les mesures qui permettent d'aller dans ce sens-là, actuellement, je les vois positivement. Évidemment, il y en a qui ont des effets à plus long terme, des effets plus grands, plus petits, mais si on est capable de tous s'enligner dans cette direction-là pour le secteur manufacturier, qui sera le secteur le plus affecté et qui a été beaucoup affecté dans le passé par des conflits de travail avec des conséquences économiques, c'est sûr que je vois ça d'un bon œil et je trouve que ça amène un élément de stabilité dans l'environnement d'affaires.

M. Boulet : Merci. Oui, je voulais... la construction, Mme White.

Mme White (Julie) : Oui.

M. Boulet : Parce que vous n'êtes pas, ça, cependant la première à nous interpeller. Vous savez que c'est un régime qui est très particulier. C'est des conventions collectives qui ont une portée nationale, qui visent au-delà de 200 000 travailleurs. Ça fait que c'est sûr que ça prend une cohérence, hein? Puis il y a des clauses communes, il y a des clauses sectorielles. Ça fait que c'est sûr qu'il y a des caractéristiques distinctes, là, comme le pluralisme syndical. Vous savez que c'est à adhésion syndicale obligatoire. Ça fait que la solution, les deux solutions qu'on a développées dans le projet de loi, ça implique généralement des relations traditionnelles employeur-salarié. Tout ce qui est couvert par le Code du travail du Québec, qui a été adopté en 1964, un employeur manufacturier, avec son syndicat, un employeur municipal avec son syndicat, bien là, ici, cette pluralité et cette complexité rendaient particulièrement difficile de couvrir l'industrie de la construction. Puis, autre élément, bien sûr, ça aussi, vous le savez, il n'y a pas de dispositions antibriseur de grève dans la loi R-20. Ça fait que c'est sûr que la réalité n'est pas la même. Ça fait que c'est sûr que de traverser des piquets de grève, ce n'est pas évident, mais il y a quand même une revendication traditionnelle du monde syndical, de l'industrie de la construction, d'avoir ce type de dispositions-là. On en a débattu au printemps, l'année dernière. Ça fait que c'était un complément d'information...

Mme White (Julie) : ...puis je le comprends bien, d'ouvrir la Loi R-20, ce n'est pas quelque chose qui est simple, c'est quelque chose qui est complexe. Vous venez de le faire aussi. Maintenant, je vous invite quand même à y réfléchir. Je pense qu'on a une opportunité actuellement. Si on parle de stabilité d'affaires, je n'ai pas le choix de vous le dire, stabilité du milieu d'affaires, ça fait partie...

M. Boulet : Je ne suis pas choqué, là.

Mme White (Julie) : ...de la solution. J'ai entendu beaucoup le premier ministre, dans les dernières semaines, nous dire à quel point l'industrie de la construction était nécessaire pour la relance économique, comment ça allait être un des piliers les plus importants pour s'assurer que notre économie passe à travers la crise actuelle, que ce soit avec les infrastructures publiques mais aussi avec le projet... les grands projets, notamment chez Hydro-Québec. Donc, je vous le resoumets à tous. Je sais que vous aurez des débats et je sais que c'est complexe.

Si je peux me permettre, juste dans les commentaires précédents sur les services minima, c'est certain que d'avoir une définition parfaite dans la loi trop serrée, ça n'arrivera pas puis ça va entraîner des problèmes si on est trop restrictifs. Peut-être qu'il y a des façons d'inclure certains types par décret, par règlement, par exemple des listes qui pourraient être non exhaustives, mais d'enligner certaines situations, je pense notamment à des services minima qui ont été reconnus ailleurs dans le monde, par exemple la gestion des infrastructures énergétiques. S'il y avait quelque chose chez Hydro-Québec qui paralysait notamment des situations comme ça sur le réseau d'Énergir. Il y a aussi, évidemment, tout ce qui pourrait être lié au transport de marchandises. Là, je n'ai pas besoin de vous convaincre qu'il y a quelque chose qui est beaucoup fédéral là dessus, mais même pour la sécurité économique, des services bancaires de base. Donc, c'est ce type d'élément là qui, pour moi, est nécessaire. Vous aurez des débats, vous aurez l'occasion aussi, puis on pourra bien comprendre l'intention du législateur à ce moment-là et avoir ces discussions là, mais sur ce genre de service minimum, là, que je... je m'oriente quand j'ai cette discussion-là avec vous, il faut être prudent. Fabrication d'ÉPI, de médicaments notamment aussi qui pourrait être touché, ce genre de précision là. Mais c'est sûr que ce n'est pas facile de trouver l'équilibre dans la façon dont on l'écrit versus dans la façon dont on l'applique. Si on est capables de réfléchir à certaines façons, peut-être un peu créatives, de trouver une solution pour prévoir de la... pour avoir de la prévisibilité pour les employeurs qui eux, des fois, se retrouvent un peu surpris à l'interprétation de cet article-là, même s'ils ont des avocats, ce n'est pas toutes les entreprises qui ont non plus le même volume légal derrière eux pour les soutenir. Donc, c'est un peu dans ce sens-là. Ça peut aussi être des guides d'interprétation, des façons de l'appliquer dans l'information que vous ferez par la suite. Mais je pense que c'est important de tenir en compte que oui, c'est bien que les tribunaux le testent, mais il faut un premier test, un deuxième test, un troisième test avant qu'on soit capables de bien le comprendre. Et c'est dans cette perspective-là que je vous suggérais de regarder un peu la question des listes. Mais si on est capables d'avoir des pressions pour que ce soit facile de compréhension pour les... pour les différentes parties, mais ça atteindra un objectif qui est similaire, là.

M. Boulet : Merci beaucoup de votre participation encore une fois et au plaisir de vous revoir bientôt. Merci, Mme White.

Le Président (M. Allaire) : Merci, M. le ministre. On enchaîne avec l'opposition officielle. Mme la députée de Bourassa-Sauvé, la parole est à vous.

Mme Cadet : Bonjour. Merci, M. le Président. Bonjour, Mme White. Un grand plaisir, donc, de vous voir ici cet après-midi. Je vais enchaîner sur la question des listes, parce que c'était effectivement la première question que j'avais ici, que j'avais prise en note, donc, face à votre... votre libellé, là, ce que vous nous avez présenté un peu plus tôt, parce que, bon, vous nous disiez d'entrée de jeu, donc, qu'il y a, donc, des... donc, en fait, que, pour baliser le tout, donc, il y a des listes, donc, qui se font ailleurs dans le monde. Vous venez de donner trois exemples. Je vous laisserais peut-être l'occasion de compléter ici puis peut-être de nous donner aussi une idée générale, là, derrière les exemples qui sont donnés ici, là, qui nous semblent plutôt structurants.

• (16 h 30) •

Mme White (Julie) : Écoutez, merci pour la question, puis, je pense, c'est important d'en discuter. Évidemment, ce que je vous rapporte aujourd'hui puis les suggestions que je fais sont basées sur ce que l'Organisation internationale du travail et le Comité de la liberté syndicale ont déjà produit, là. Je n'invente pas des choses en ce moment, je me suis basée sur ces éléments-là, parce que ce sont des éléments qui vont affecter quand même les critères dont on parle aujourd'hui, donc sécurité sociale, économique, probablement des personnes vulnérables. Donc, c'est un peu dans ce sens-là. Évidemment, je suis consciente que l'élaboration d'une liste, qu'elle soit limitative, fermée ou non fermée, évidemment, je préférerais quelque chose que le ministre a encore un pouvoir de décréter par lui-même parce que ça amènerait de la flexibilité, c'est sûr, ça nécessite un équilibre, ça nécessite d'entendre quand même... consulter un peu...


 
 

16 h 30 (version non révisée)

Mme White (Julie) : ...les parties, ça pourrait être, par exemple, un projet de règlement qui institue une liste qui n'est pas exhaustive. Mais dans les éléments qui ont été reconnus en droit international, là, la gestion des infrastructures énergétiques, les services bancaires de base, le transport en commun, l'éducation lors d'une grève de longue durée, le transport de voyageurs et de marchandises, le service de ramassage des ordures ménagères seraient des éléments qui répondraient à ces critères-là et, évidemment, ce ne sont pas des services qui sont des services essentiels, et il faut voir la différence. Et dans l'application et dans les mesures qui seront déterminées, par exemple, si on va au TAT, c'est sûr qu'il y aura une différenciation dans la façon d'appliquer les services minimaux, et c'est normal, on n'est pas dans la même catégorie que les services essentiels. On ne le voit pas comme des services essentiels supplémentaires, mais une catégorie différente et distincte qui pourrait avoir des mesures d'aménagement qui sont différentes dans l'application lorsque le TAT décidera des mesures.

Mme Cadet : Oui, tout à fait ce que vous mentionnez, et donc les services essentiels, donc les critères qui sont reconnus, donc pour établir si, oui ou non, donc il y aurait lieu donc de négocier des services essentiels entre les parties, c'est donc la question de la santé et de la sécurité de la population. Ici, on est vraiment donc dans un... dans un cadre distinct où l'analyse du Tribunal du travail, là, donc ne prendrait pas en considération donc la notion de services essentiels internationalement... internationalement reconnue, mais bien celle des services minima. Puis là, vous dites donc cet... ces exemples-là que vous nommez, donc ils ont été établis par le Comité de la liberté syndicale de l'OIT, c'est bien ça?

Mme White (Julie) : ....puis je pourrais faire parvenir notamment un article, là, de certains avocats chez Lavery qui ont fait une recension, puis ça pourrait vous aider à la compréhension.

Mme Cadet : Merci. Je pense que ça nous... ça nous aide à nous structurer. Est- ce que... Si vous avez entendu mes interventions précédentes, effectivement donc le libellé actuel ou le flou entourant la manière dont... de l'article 4 est prévu pour le moment certainement donc suscite certaines interprétations. Je pense que ça va être important que législateur puisse offrir au tribunal un certain... certains aménagements afin de l'aider à prendre ses premières décisions, étant donné qu'on n'a pas de précédent en droit canadien.

Ensuite, dans votre échange avec le ministre, je pense qu'il a été assez clair. Donc, ça a été nommé de part et d'autre qu'évidemment donc ces services-là, bon, là, on a établi donc des exemples précis, mais que ça ne peut pas être un désagrément. Là, par exemple, on se répète un peu ici, là, mais vous, donc, dans votre secteur d'activité, au-delà du fait donc de prévoir, donc, cette liste là qui est prévue, ce que vous voyez, donc, des exemples? Vous êtes, bon, dans ce cas... dans le cadre donc d'un conflit X ou Y, évidemment sans... sans présumer de rien, puis en gardant... en s'assurant que le tout puisse se dérouler rondement, quels seraient... bien, en fait, quels seraient des exemples qui ne sont pas nécessairement donc ceux qui ont été établis par l'OIT, mais qui, dans votre secteur d'activité, au niveau des... des entreprises manufacturières, donc pourraient donc les toucher et que, selon vous, ça pourrait être compris dans les services affectant le bien-être de la population?

Mme White (Julie) : Évidemment, je veux être prudente dans la façon que je vais le faire, mais je comprends bien la question. J'ai évoqué tantôt la question, par exemple, de la fabrication de... et de médicaments. Si on a, par exemple, un fournisseur d'un type de masque M-95 pour lequel il y a un conflit de travail et qu'on est en pleine période où qu'on a une résurgence pandémique et qu'on a besoin d'avoir des masques, on n'est pas capables d'avoir accès puis qu'on a besoin d'avoir de la production, ça pourrait être une chose. Et là, c'est totalement fictif, là. Je veux juste être claire. C'est sûr que la gestion des infrastructures énergétiques pourrait être aussi critique pour approvisionner certains types de production manufacturière à certains moments, s'il y avait des enjeux majeurs, par exemple avec Hydro-Québec. Je ne suis pas en train de dire qu'il y en a, là. Juste être claire.

Mme Cadet : J'ai très bien compris.

Mme White (Julie) : Il n'y a pas... Ce n'est pas ça. Mais... Puis que ça mettait par exemple en cause l'approvisionnement électrique dans des alumineries ou, si vous connaissez un peu les alumineries, si les cuves ferment, les repartir puis de recommencer la production, ce n'est pas quelque chose qui se fait rapidement ni facilement. Il pourrait y avoir des situations comme ça. Évidemment, là, c'est des scénarios qui sont assez importants, qui ne sont pas là en ce moment. Mais de se prémunir face à ces situations-là, d'avoir un cadre législatif qui le permet déjà, qui est adapté et souple pour répondre à ça, c'est... c'est... c'est là que c'est nécessaire aujourd'hui. Et rappelons que le cadre qui est offert actuellement, ce n'est pas d'imposer une convention collective, ce n'est pas de trouver...

Mme White (Julie) : ...les... d'établir les conditions de travail qui seront déterminées, mais de trouver un moyen pour les parties de s'entendre à une solution. Il faut dénouer ces impasses-là. Évidemment, vous avez raison, une grève, un lock-out, ça a des impacts, c'est normal, ça fait partie de l'équilibre. Mais normalement, les impacts devraient être sur les parties qui sont dans la négociation, c'est là que le rapport de force de négociation est, donc, le plus possible, concentrer les impacts autour des parties qui sont en cause.

Mme Cadet : Sur la question de l'arbitrage obligatoire... puis vous avez nommé la distinction entre le libellé de l'article 107 du Code canadien du travail et ce qui est prévu, bon, dans les dispositions entourant, donc, l'article cinq, là, du projet de loi, le pouvoir spécial du ministre. Donc, vous, vous avez mentionné que ce qui nous est présenté, donc, offre des balises un peu plus circonscrites que l'article 107, et que ça... bon, ça semble donc vous satisfaire. Donc, grosso modo, est-ce que vous pensez que cet article-ci et le précédent, donc, permettent véritablement au projet de loi, là, donc, d'atteindre, donc, ses visées? Donc, on le dit, donc, l'objectif est de réduire l'impact sur la population, de réduire la durée aussi, donc, des conflits, donc, lorsqu'ils s'amorcent. Est-ce que les mécanismes qui nous sont proposés atteignent ces objectifs selon vous?

Mme White (Julie) : L'article 107 est plus large, évidemment, que ce qu'on a actuellement. L'article 107, par exemple, a été très utile pour les manufacturiers et on a applaudi l'utilisation par le gouvernement fédéral de cet article-là. Maintenant, ça demeure, les deux régimes, là, que ce soit fédéral ou ce qu'on... ce qui est prévu dans le projet de loi n° 89, des situations où qu'il y a des pouvoirs, un pouvoir d'un ministre qui peut exercer. Donc, c'est sûr que, dans ces circonstances-là, d'avoir plus de balises, comme il est prévu dans le projet de loi n° 89, pour s'assurer de circonscrire un peu plus le pouvoir discrétionnaire du ministre, de s'assurer qu'on n'a pas la panoplie, là, tu sais. On parle, dans 107, «le ministre peut prendre les mesures qu'il estime de nature à favoriser une bonne entente et à susciter des conditions favorables au règlement des désaccords ou de différends... des désaccords ou de différends qui surgissent. À ces fins, il peut déférer - là, pas il doit déférer - toute question ou lui ordonner de prendre les mesures qu'il juge nécessaires.» C'est un... C'est très large. Si on est dans un mode d'équilibre dans nos relations de travail, de prévoir que le ministre peut imposer aux parties d'avoir un mécanisme de dénouer une impasse, je pense que c'est sain, mais de l'encadrer un peu plus pour s'assurer... aussi d'éviter d'être contesté, hein? L'article.... L'article 107, il n'avait pas été testé vraiment, hein? On va avoir ces balises-là, et s'assurer qu'on ait cette prévisibilité-là. Je pense que, dans ce qu'on a dans le projet de loi actuellement, on atteint les objectifs.

Mme Cadet : Mais vous pensez aussi que le libellé, donc, de ce qui nous est présenté à l'article cinq du projet de loi est une mesure qui est la moins contraignante possible. Parce qu'on s'entend, donc, dans ce qui nous était... ce qui nous a été amené par la Cour suprême, c'était évidemment, donc, le fait, donc, d'atteindre le moins possible, donc, à la liberté d'association et d'offrir un mécanisme autre qui soit efficace, neutre et impartial. Donc, est-ce que vous pensez que ce qui nous est présenté répondrait à ces objectifs?

Mme White (Julie) : Ceci n'est pas une opinion juridique, mais oui, je pense qu'on a trouvé un certain équilibre. Et il faut aussi s'assurer d'une agilité dans ce processus-là. Et c'est ce qu'on a actuellement.

Mme Cadet : Merci. Combien de temps, M. le Président?

Le Président (M. Allaire) : 15 secondes.

Mme Cadet : Ah! mon Dieu! Le préavis de sept jours, vos prédécesseurs, donc, nous ont émis des réserves à ce sujet. Je veux vous entendre.

Mme White (Julie) : Préoccupations de certains membres sur l'impact que ça peut avoir sur le climat de travail pendant cette période-là. Mais je comprends que c'est une question aussi de miroir par rapport au droit de grève.

Le Président (M. Allaire) : Merci, merci, malheureusement je dois vous arrêter, Mme White. Alors, on poursuit avec le deuxième groupe de l'opposition. M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve, la parole est à vous. Trois minutes 28 secondes.

M. Leduc : Merci, M. le Président. Bonjour, Mme White. Toujours un plaisir de vous voir ici.

Je commence... On commence à avoir plusieurs intervenants, là, depuis ce matin, puis il y a quelque chose qui me frappe. Tout le monde qui passe ici, qui sont dans des situations d'employeur comme la vôtre, ils disent tous à peu près la même chose. Ils disent : Non, non, on n'est pas contre le droit de grève, mais les grèves qui touchent notre secteur, c'est un problème, puis il faut que ça cesse. Ça fait qu'individuellement ils ont toujours la posture de dire : Non, non, le droit de grève, c'est correct, il faut le défendre, il faut le respecter, mais dans mon secteur, c'est que ça cause trop de problèmes, il faut... il faut... il faut y voir. Mais, quand vous additionnez toutes ces choses-là, finalement, on se demande c'est qui, c'est quoi, la grève qui ne cause pas de problème puis que tout le monde est d'accord avec. Puis vous avez référé tantôt à la construction, à Hydro-Québec. Moi, j'essaie de comprendre une éventuelle grève à Hydro-Québec, c'est quoi, le rapport avec le bien-être des personnes, sécurité environnementale, sociale, économique? Est-ce que... J'ai l'impression que tout est inclus là-dedans. Est-ce que je me trompe?

• (16 h 40) •

Mme White (Julie) : Ce n'est pas l'objectif de mes...

Mme White (Julie) : ...interventions. Premièrement, oui, le droit de grève, c'est un droit qui est reconnu. Je l'ai dit d'emblée. Ce que je... Ce qu'on parle aujourd'hui... Ce que je parle de mon côté, c'est des grèves qui ont des impacts disproportionnés, soit parce qu'il y a une impasse, que ça s'étend dans le temps, parce que les impacts vont au-delà des impacts sur les parties et qui affectent des... de façon importante notamment un secteur... le secteur économique, que je représente, mais d'autres secteurs. Jamais Manufacturiers et exportateurs ne va affirmer qu'une grève en soit est... ce n'est pas... ce n'est pas correct, ça fait partie des droits des employeurs, comme le lock-out fait partie aussi des opportunités que les... des employés qui... dont le lock-out fait partie des droits pour les employeurs, mais il faut aussi... et c'est... d'où l'importance de démontrer la question des préjudices, la façon dont ça se passe. Oui, la sécurité économique advenant un conflit d'Hydro-Québec, elle peut être importante et majeure pour beaucoup de Québécois, mais est-ce que toutes les grèves dans les entreprises sont... ont... répondent à ces critères-là, la réponse est non.

M. Leduc : Bien, allons-y alors, parce que je me pose la question, je l'ai parlé... posée à vos prédécesseurs, ils n'ont pas eu le temps de répondre : Pouvez-vous me donner de... donner deux ou trois exemples de grèves marquantes des dernières années qui, selon vous, n'ont pas eu d'impact disproportionné?

Mme White (Julie) : Écoutez, là, vous... je vais quand même être prudente dans la façon que je vais répondre. Il y a des conflits de travail. Je pense, M. le ministre, il a dit qu'il y en avait eu 280 au cours de la dernière année. Ce n'est pas dans 280 situations où la sécurité... il y a eu un impact disproportionné sur l'économie. Je veux être prudente dans les affirmations que je fais. Je ne veux pas parler à travers mon chapeau en ce moment, donc je ne vais pas vous fournir trois exemples, mais je vais vous dire que, sur les 282 conflits de travail qu'on a eus au Québec l'année dernière, c'est probablement un ou deux ou trois qui se trouvent dans cette catégorie-là.

M. Leduc : ...parler aux employeurs de ces 280 conflits, je vous gage mon petit 2 $ qu'ils vont tous dire la même chose, que leur conflit dans leur secteur a des impacts disproportionnés puis qu'il faut intervenir.

Mme White (Julie) : Les employeurs disent que des conflits de travail, ça a des impacts sur eux, c'est vrai, mais c'est ça aussi, l'équilibre en droit du travail. Quand on a un conflit de travail, il y a des impacts pour chacune des parties.

Le Président (M. Allaire) : Merci. Merci. ...qu'on enchaîne avec le député de Jean-Talon. La parole est à vous.

M. Paradis : Vous avez beaucoup insisté sur la question de la stabilité, comme d'autres, mais là, j'ai... ça fait plusieurs fois que j'entends le ministre utiliser l'expression «simple désagrément» : Ah! ce n'est pas ça qu'on va viser ici, puis vous avez repris ces termes-là. Est-ce que vous pensez que de passer de la notion de service essentiel dont l'interruption peut avoir un effet de mettre en danger la santé, la sécurité publique à, bien, tous les services sauf ceux, là, qui entraîneraient des simples désagréments quand on arrête de les livrer, ça serait un changement délicat qui n'affecterait pas la stabilité des relations de travail au Québec?

Mme White (Julie) : Il faut être prudent dans la façon dont on parle des services minimaux et des... de la façon de les appliquer, ça, c'est clair. La... Les dispositions aussi où le ministre aura un pouvoir discrétionnaire d'intervention, il faut qu'il soit bien balisé. On ne peut pas se baser uniquement sur des simples désagréments. L'équilibre doit être là. Maintenant, c'est sûr qu'on parle dans des situations hypothétiques. Actuellement, il n'y a pas un conflit de travail au Québec actuellement qui est dans ces circonstances-là. Je vais me référer aux conflits de travail qu'on a eus... qui sont de compétence fédérale, j'en conviens, mais qui sont... qui exemplifient bien la situation. Le conflit de travail au port de Montréal entraînait des impacts économiques allant jusqu'à 90 millions de dollars par jour...

Le Président (M. Allaire) : ...oui, je suis désolé. M. le député de Saint-Jérôme, la parole est à vous. Une minute 19 secondes.

M. Chassin :Merci. Une minute 19 secondes pour les questions et les réponses, hein? Alors, évidemment, j'ai bien entendu, pour l'industrie de la construction, votre proposition. Vous n'êtes pas la seule à le faire. J'ai un peu la préoccupation de me dire : Bien, est-ce qu'il n'y a pas, dans le fond, un plus grand impact... En fait, justement, dans les 282 ou 284 conflits de travail de l'année dernière, il y en a dont on a peut-être moins entendu parler parce que justement ça n'avait peut-être pas d'impact démesuré sur d'autres personnes, je comprends, mais est-ce que, dans des situations où, par exemple, il y a monopole, bien, il n'y a pas, à ce moment-là, effectivement, des conséquences, que ce soit le port de Montréal aussi... peut-être pas un monopole, là, il y a le port le Québec, quoiqu'il y a d'autres problèmes. Puis c'est ça. Puis, en même temps, bien, dans les services publics, dans un certain nombre de lieux, de sociétés, dans le fond, publiques ou l'industrie de la construction, où...

M. Chassin :...ce n'est pas un monopole, on est obligés, par exemple, de se syndiquer. Est-ce que, dans ce cas-là, il n'y a pas, effectivement, un problème particulier, puis on devrait s'attaquer à ça plutôt?

Le Président (M. Allaire) : 10 secondes.

Mme White (Julie) : Bien, écoutez, ce que je suis capable de vous répondre aujourd'hui, c'est que je pense qu'on est capables d'agir rapidement avec le projet de loi n° 89 pour amener la stabilité dont on a besoin. Il y a probablement des réflexions à plus long terme, mais, actuellement, on a une solution qui est satisfaisante.

Le Président (M. Allaire) : Merci beaucoup, Mme White. Mme White, du groupe des Manufacturiers et exportateurs du Québec, merci pour votre contribution à cette commission.

Nous allons suspendre les travaux quelques instants, merci.

(Suspension de la séance à 16 h 46)

(Reprise à 16 h 51)

Le Président (M. Allaire) : Alors, nous allons reprendre les travaux. Nous sommes maintenant avec la Confédération des syndicats nationaux. Nous avons M. Jean, Mme Senneville, M. Enault et Mme Clermont-Isabelle. Bienvenue à cette commission. Je vais quand même laisser le soin de vous présenter, peut-être, avec votre titre plus officiel, et je vous cède la parole pour votre exposé de 10 minutes, va s'ensuivre une période d'échange. La parole est à vous.

Mme Senneville (Caroline) : Oui. Donc, je suis Caroline Senneville, présidente de la CSN. Vous avez oublié Pascal Jean qui est conseiller politique auprès de la CSN. François Enault est... premier vice-président de la CSN, responsable de la négociation; et Mme Clermont-Isabelle, Vanessa, c'est sa deuxième commission parlementaire aujourd'hui, elle est avocate au  Service juridique de la CSN. M Enault va commencer la présentation, je ferai la deuxième partie.

M. Enault (François) : Merci. Donc, il est clair que, pour nous, le projet de loi du ministre Boulet constitue un affront aux organisations syndicales au Québec. Avec son projet de loi, le gouvernement s'immisce dans l'équilibre du rapport de force entre les parties. En introduisant la notion de service assurant le bien-être à la population, le ministre pourrait demander l'instauration du service minimum si celui-ci a trop d'impacts négatifs sur la sécurité sociale, économique ou environnementale de la population. Celle-là, j'ai hâte qu'on me l'explique, parce que'avec un gouvernement qui a refusé un BAPE pour une usine de batteries qui fait faillite, je ne comprends pas c'est quoi, la préoccupation soudaine de l'environnement pour le gouvernement. Également, il peut mettre fin à une grève ou un lock-out en demandant à un arbitre de déterminer les conditions de travail des salariés, si le ministre estime qu'un conflit cause ou menace de causer un préjudice grave ou irréparable à la population.

Le projet de loi permet l'ingérence du politique dans les conflits de travail. Par ailleurs, étant donné que la majorité des conflits de travail sont des grèves et non des lock-out, ce pouvoir discriminatoire impactera plus les syndicats. En 2021, on parlait de 95,9 % de grève et on parlait de 2,4 % de lock-out. Le projet de loi est une masse politique utilisée pour mater les syndicats. 95 % des conventions collectives se règlent sans conflit de travail au Québec. Le pouvoir discrétionnaire du ministre de mettre fin à la grève et d'imposer l'arbitrage de différend n'est pas neutre et impartial, tout au contraire, il est politique et renforce le déséquilibre du rapport de force entre les parties.

Je me questionne aussi comment le ministre va faire pour trouver des arbitres, il y a présentement une pénurie d'arbitres. On devait en embaucher 20 cet hiver, on a été capable d'en embaucher cinq seulement. Le ministre fait le contraire de ce qu'il dit vouloir faire, de déjudiciariser les relations de travail, au contraire, on les judiciarise davantage avec ce projet de loi, ce qui va remplir plus les poches des avocats patronaux.

Le critère permettant de mettre fin à une grève légale est flou, non défini et beaucoup trop large. Le projet de loi ne comporte aucune indication permettant d'interpréter ce qui est un préjudice grave ou irréparable à la population. Il est normal qu'une grève cause une contrainte économique à l'employeur, c'est précisément le but recherché. Sans cette pression économique, on retire le principal effet d'une grève. En plus, le présent projet de loi ne passe pas le test des tribunaux. Il porte atteinte aux droits constitutionnels protégés par... je parle de la grève notamment. La Cour suprême a reconnu l'importance du droit de grève, hein, dans l'arrêt Saskatchewan en 2015. Je vais le couper, parce que vous avez tout ce que l'arrêt Saskatchewan a dit, je pense que je ne suis pas le premier qui en parle, puis je ne suis pas le premier qui va en parler non plus.

Le mécanisme du projet de loi est fortement inspiré de ce qui existe à l'article 107 du Code canadien du travail, lequel est déjà devant les tribunaux. D'ailleurs, on se questionne beaucoup, pourquoi déposer un projet de loi qui prévoit un pouvoir discrétionnaire qui est contesté haut et fort dans d'autres juridictions au Canada. C'est révélateur d'une volonté inquiétante de mépris envers les travailleuses et travailleurs et le plein exercice du droit fondamental à la grève. Du côté négociation, bon, maître Boulet était avocat, mais il est aussi un négociateur, moi aussi, je suis un négociateur. Si les arguments juridiques ne sont pas capables de vous convaincre, on va y aller sur la négociation. Des conséquences prévisibles sont... ça va faire tout faire l'inverse de ce que le ministre veut faire. La seule chose qu'on va faire, c'est qu'on va continuer à augmenter les négociations...

M. Enault (François) : ...parce que s'il n'y a pas de pouvoir de force, on n'a pas de rapport de force, bien, on va éterniser les négociations, ce qui va éloigner un retour rapide à la paix industrielle. Les négociations seront toujours alors sous la menace de l'utilisation par le ministre de ce pouvoir discrétionnaire. Comme si une loi spéciale de retour au travail pendait toujours au bout du nez, une espèce d'épée de Damoclas... Damoclès, excusez. Quels incitatifs ont les employeurs de faire des concessions à la table de négociation s'ils ne peuvent que laisser traîner le conflit jusqu'à tant que le ministre utilise son pouvoir?

Par ailleurs, si le ministre avait voulu rééquilibrer le rapport de force entre les parties, on aurait plutôt amendé la loi antiscabs, hein, pour revoir la notion d'établissement, pour donner plus de pouvoir aux enquêteurs et embaucher plus d'enquêteurs.

Avant de passer la parole à ma présidence, j'aurais une question, quand même, à poser au ministre, à savoir : En cinq ans, en cinq ans que le ministre m'a appelé comme premier vice-président de la CSN responsable des négociations... qu'on me nomme, un dossier que le ministre nous a appelés, qu'il nous a convoqués, avec mon comité syndical, en conflit, qu'on n'a pas réglé le dossier. La réponse, c'est : jamais. On a toujours réglé nos dossiers. Caroline.

Mme Senneville (Caroline) : Oui. Alors, c'est clair qu'à notre avis le droit de grève est protégé, puis il n'est pas protégé pour rien, parce que c'est le moyen qu'on a, comme travailleurs et travailleuses, d'améliorer nos conditions de travail. C'est quelque chose qui a peut-être l'air abstrait, mais c'est quelque chose qui est très concret quand le livre de beurre est à 8$, mes amis.

Il faut... Le droit de grève est déjà restreint, hein, au Canada et au Québec. On peut faire la grève seulement quand on... à la fin de notre convention collective. Dans d'autres juridictions, on peut faire la grève à d'autres moments. Et je sais que le ministre ne sera pas d'accord, il va dire : Ah! vous, vous trouvez que le projet de loi déséquilibre le rapport de force, moi, je pense qu'il est plutôt équilibré. Bien, si je lis Brian Miles, dans Le Devoir, il dit : «L'équilibre n'en demeure pas moins infléchi à l'avantage des employeurs.» Paul Journet, dans La Presse : «Une chose ne fait toutefois pas de doute avec ce projet de loi, les syndicats seront perdants. Des experts en droit du travail nous disent : «Ce projet de loi accorde des pouvoirs discrétionnaires exorbitants, ça risque de provoquer des poursuites à répétition, ça va affaiblir, à long terme, le rapport de force des travailleurs et ça pourrait nuire à leurs conditions de travail.»

C'est le seul moyen qu'on a d'améliorer nos conditions de travail. On a fait des gains sociaux par les grèves, et c'est ce qui explique la colère de nos membres. Alors, tout ce qui est fait pour affaiblir ce rapport de force là nuit à la classe ouvrière. On ne peut pas affecter le rapport de force de 40 % des travailleurs et travailleuses au Québec parce que ce sont les gens qui sont syndiqués sans affaiblir l'ensemble des travailleurs et des travailleuses du Québec, et donc de la population du Québec. Il y a plus... il y a plus de travailleurs que d'employeurs.

Alors, moi, je vais terminer en faisant un appel solennel au gouvernement du Québec, à sa tête, son premier ministre, et, bien sûr, au ministre du Travail, de retirer ce projet de loi là. On vous offre une proposition, on fait une proposition. Il y a des problèmes avec les conflits de travail : parlez-nous, parlez-nous avant, plutôt qu'on ait appris ce projet de loi là par les nouvelles, assoyons-nous, puis on va en trouver ensemble, des solutions, comme le vice-président vous l'a dit. Vous êtes un adepte du dialogue social, allons-y, parce que nous, ce qu'on vous dit, c'est que quand on prive les gens de moyens pour améliorer leur vie, pour leur dignité et leur respect au travail, c'est la paix sociale qu'on met en danger, c'est les inégalités qu'on augmente.

Le Président (M. Allaire) : Merci, Mme Senneville. Alors, on enchaîne avec la période d'échange. M. le ministre, la parole est à vous.

M. Boulet : Oui. D'abord, merci de votre présence, merci du temps et de l'énergie consacrés à la préparation de votre mémoire. Évidemment, vous savez que c'est des consultations particulières, on va analyser. Moi, je suis ouvert, lors de l'étude détaillée, à faire des précisions. En même temps, quand on parle d'équilibre, ce qui nous préoccupe constamment, c'est l'équilibre entre les besoins de la population et l'exercice de droits. Dans le cas d'une grève, c'est un droit qui est intégré à la charte, tant canadienne que québécoise, des droits et libertés de la personne, mais il y a aussi le droit de faire un lock-out.

• (17 heures) •  

Cet équilibre-là n'a pas toujours été atteint dans un certain nombre de dossiers de conflits dans lesquels on n'a pas eu l'opportunité de travailler ensemble. Mais c'est vrai, je le dis d'emblée, là, M. Enault, quand on a eu à discuter, à chaque fois, je discutai avec la partie patronale et la partie syndicale, parfois, on faisait des rencontres conjointes, et j'ai toujours eu une écoute raisonnée...


 
 

17 h (version non révisée)

M. Boulet : ...et une volonté de participer à un processus de négociation qui était aussi raisonné. Ça fait que ça, je n'ai jamais contesté ça. Ce qui nous préoccupe dans ce projet de loi là, c'est : Est-ce qu'on ne peut pas considérer les besoins de la population? Puis les exemples que je donne peut-être ennuis, mais il faut que je les répète. Les enfants qui ont des besoins particuliers, Mme Senneville, dont les services éducatifs sont interrompus et qui subissent un impact négatif sur leur développement cognitif ou le développement de leurs compétences, ça peut avoir un effet pérenne. Il y a des personnes à faibles revenus, puis vous êtes préoccupés par ces personnes-là, qui ne peuvent pas aller au travail, qui ne peuvent pas aller subir un traitement médical. C'est des personnes dont il faut considérer fondamentalement les besoins. Les parents des enfants qui ne peuvent pas bénéficier d'un transport scolaire, il y en a, des exemples multiples. Et c'est tout simplement d'avoir des services à un niveau minimal pour protéger cette population. C'est pour ça que je ne parle pas d'ingérence dans le rapport de force, c'est juste une considération davantage. D'ailleurs, le projet de loi le dit : «Considérer davantage les besoins de la population».

Et je regrette mais je réfute l'ingérence politique auquel vous... à laquelle vous faites référence. Le décret gouvernemental ne fait que permettre à une partie de demander à un tribunal indépendant et impartial de prendre une décision. Puis les critères, je le dis souvent, les critères, ils auront toujours à être précisés. On ne peut pas faire une loi qui ne suscite aucune interprétation, aucune difficulté d'application, je le reconnais d'emblée. Mais le pouvoir politique, ce n'est que de faire un décret gouvernemental, après ça la balle est dans le camp du Tribunal administratif du travail. Puis, si le tribunal décide que les critères ne sont pas rencontrés, on vit dans un État de droit et nous respecterons la décision du Tribunal administratif du travail. Puis ce n'est pas parce qu'il y a des mots qui me... Tu sais, je sais à quel point vous êtes des partisans et partisanes du dialogue social, mater les syndicats, il n'y a pas grand monde qui m'ont entendu parler de mater les syndicats comme vous avez fait appel. Ce n'est pas une volonté de mater les syndicats. Et, que la majorité des conflits ou des négos se règlent, tant mieux. 95 %. Si c'est 98 %, souhaitons-le.

Puis ce n'est pas une pénurie d'arbitres, c'est des cas de dernier recours, M. Enault, c'est des cas de solution ultime où il y a un préjudice grave ou irréparable à la population. Il y a un groupe qui nous disait : Est-ce que «grave» ne devrait pas être remplacé par «sérieux»? Mais c'est des concepts qui sont utilisés dans la jurisprudence québécoise, notamment en matière d'injonction, où on parle d'urgence, où on fait la balance des inconvénients. C'est des concepts que vous connaissez autant que moi. Ce n'est pas des concepts qu'on est allés chercher dans les... dans les airs, c'est des concepts concrets. Ça fait que la volonté, ce n'est pas de judiciariser. Il n'y aura pas de pénurie d'arbitres. Il va y avoir combien de cas? Mme White disait un cas, deux cas, trois cas par année? Souhaitons qu'il n'y en ait pas, mais il va y en avoir. Mais c'est exceptionnel, et ce sera évidemment un outil qui va être utilisé avec parcimonie. Ce n'est pas d'aller dans les poches des... tu sais, d'aller chercher de l'argent dans... Non, c'est un critère qui est respectueux d'une population qui a besoin de stabilité dans la conjoncture internationale actuelle. Vous me dites souvent : Le timing n'est pas bon. Oui, le timing est bon parce que la population a besoin d'être rassurée, particulièrement parce qu'il y a des enjeux multiples, autant au niveau québécois que canadien et international. Et j'aime ça que vous vous référiez à la pression économique. Pour moi, là, une grève, c'est une pression sur un employeur pour accepter des conditions de travail, comme le lock-out l'est pour un employeur, mais, quand ça finit par prendre une population en otage, comme ça a été le cas... Puis il n'y a pas 25 cas, là, que j'ai constatés où on était impuissants, où il y avait une population qui était vulnérabilisée, où on n'avait pas d'outil dans la législation québécoise. Et je sais que vous comparez à 107, mais, je le répète, c'est un 107 balisé, c'est un 107... je ne dirais pas intelligent, mais c'est 107 qui...

M. Boulet : ...rapproche le mieux possible du respect de ce que la Cour suprême du Canada nous a enseigné, ainsi que les tribunaux canadiens et québécois.

Un dernier point, volonté de mépris. Je regrette, là, mais je réfute cette volonté de mépris que vous m'attribuez. Je suis quelqu'un qui est prêt à parler. Puis mon collègue d'Hochelaga-Maisonneuve, on a eu des désaccords. Ça fait presque sept ans qu'on travaille ensemble et on s'apprécie. On a... Moi, je pense qu'on a de l'affection mutuelle et c'est ça le vrai dialogue. Ce n'est pas un monologue social. Il faut donner l'opportunité à tout le monde de s'exprimer, ce que je n'ai pas eu tout le temps fait. Ça fait qu'excusez-moi de prendre du temps, là, mais le dialogue social, c'est d'écouter puis d'être prêt à changer, puis d'être prêt à s'adapter. Donc, il n'y a pas dans le dialogue social de volonté explicite ou implicite de mépris. J'ai énormément de respect pour les travailleurs et les travailleuses du Québec.

Peut-être mon dernier commentaire à Mme Senneville, vous me dites concessions ou propositions, c'est de retirer le projet de loi. Est-ce que c'est aussi d'accepter de faire partie d'un processus démocratique où vous donnez votre opinion? Nous allons travailler tout le monde autour de la table, article par article. On va s'échanger des propositions, des recommandations ou des amendements, et c'est ce que je souhaite que nous fassions tous ensemble pour le bénéfice du Québec et en tenant compte non seulement de la conjoncture, mais particulièrement ou notamment des personnes qui sont en situation de vulnérabilité. Alors, ça serait... Moi, ça complète ma présentation.

Le Président (M. Allaire) : Ça va? Pas d'autres interventions?

M. Boulet : Non.

Le Président (M. Allaire) : Ça va? On enchaîne avec l'opposition officielle.

Une voix : ...

Le Président (M. Allaire) : Bien, en fait, je suis... On va poursuivre avec l'opposition officielle.

M. Boulet : Je n'ai pas de question. Je n'ai pas de question.

Le Président (M. Allaire) : Parce qu'il n'y avait pas de question précise qui avait été posée.

Mme Senneville (Caroline) : ...commission parlementaire.

Le Président (M. Allaire) : Oui, oui, je vais juste...

M. Boulet : Non, mais, Mme Senneville, je n'ai pas de problème. Allez-y, on va vous écouter. J'ai écouté votre présentation, puis je suis prêt à ce que vous réagissiez à mes commentaires et je me réserve le droit de contre réagir.

Le Président (M. Allaire) : Juste... Juste par précision, on est...

M. Boulet : C'est ça le dialogue.

Le Président (M. Allaire) : On est avec le temps de la partie gouvernementale. Donc, ça leur appartient, c'est leur temps à eux, là. Je comprends qu'il vient d'ouvrir la porte pour vous donner un droit de parole. Donc, allez-y.

Mme Senneville (Caroline) : Oui. Bon. Alors, tout d'abord, nos membres font partie de la population.

M. Boulet : C'est ça, le dialogue.

Mme Senneville (Caroline) : Oui, c'est ça. Alors, nos membres font partie de la population. Puis on s'inscrit en faux entre le fait d'opposer les syndiqués, puis d'opposer la population. J'ai deux syndicats qui sont en conflit de travail en ce moment. J'ai un syndicat qui se bat parce qu'il gagne 0,15 $ de plus que salaire minimum, même après 22 ans d'ancienneté. Puis il aimerait ça que ce 0,15 $ là reste, puis qu'à chaque fois que le salaire minimum augmente, il gagne 0,15 $ de plus que le salaire minimum. L'employeur le refuse. J'ai un syndicat qui s'est présenté à table de négociation, puis on leur a dit : On ne veut plus de régime de retraite, on ne veut plus de régime d'assurance collective. Les quatre prochaines années, on vous offre 0 %. Eux, là, on est en train de leur dire : Vous allez vous battre avec une main dans le dos. Parce que vous dites que ça va être exceptionnel. Une fois que la loi est adoptée, là, on ne sait pas qui sera le futur ministre du Travail, et ce que son gouvernement va en faire. C'est très large, c'est très flou et c'est une épée de Damoclès, effectivement, puis la menace plane sur les syndicats. À partir du moment où la loi existe, même si vous ne l'utilisez pas, c'est quoi le message qu'on envoie aux syndicats? Faites attention à votre grève. Peut être que vous allez faire une grève inefficace parce qu'on va vous... on va vous obliger à faire une partie de travail qui n'est pas prévue à la loi des services essentiels. On rajoute une notion. Or, votre grève dure trop longtemps? Bien, peut-être qu'on va vous enlever le droit de négocier, puis ça va être un arbitre qui va le faire. Alors, c'est... Et juste le fait qu'elle existe, cette loi-là... C'est comme dans le secteur public avant, hein? Dans le secteur public, avant, on se disait : Mon doux! Tu sais, tout d'un coup qu'on a une loi spéciale. Là, les gens vont être : Mon doux! Tout d'un coup, je ne suis plus capable de faire la grève parce qu'on va me demander de travailler ou qu'on va mettre fin à ma négociation parce qu'on va arbitrer. Et là, excusez-moi, je vais faire un petit bout de prof de français, mais un otage, ce n'est pas ça qu'on fait. Il y a des désagréments, il y a des désagréments qui peuvent être, oui, importants sur la population, mais je nous inviterais là-dessus à faire attention au choix des mots. Puis je vais laisser mon vice-président parce qu'il a quelque chose aussi sur la négociation.

• (17 h 10) •

M. Enault (François) : Bien, premièrement, où est ce qu'on est surpris, c'est peut-être le ton, M. le ministre, c'est qu'on parle du travail des enfants, qu'on parle de plein de projets de loi qui ont été issus du CCTM. On a toujours été consultés et non pas informés en mangeant de la dinde le 23 décembre. C'est ça aussi qu'on trouve... qu'on ne comprend pas présentement. Sur les enfants démunis qui ont besoin de...

M. Enault (François) : ...je vous invite à aller dans Limoilou. L'École, L'Envol. On peut quasiment y aller à pied, hein? C'est des enfants avec des problèmes d'apprentissage, des enfants autistes. C'est drôle, on s'en préoccupe, de ces enfants-là lorsqu'il y a 20 jours de grève, peut-être, parce que c'était la FAE, nous, on en a fait 10. Êtes-vous au courant que, présentement, il y a des enfants, dans ces classes-là qui ont un professeur deux jours par semaine puis qui ont un adulte dans la classe trois jours par semaine. Multipliez ça par 180 jours dans une année, c'est pas mal plus long qu'une grève qu'on a pu faire. Puis personne ne s'en occupe, présentement- de ces enfants-là. Allez voir. Je le sais, ma fille enseigne là. Allez voir, Allez voir.

Donc, à un moment donné, c'est beau de tout mettre sur le dos des grèves, mais on ne peut pas non plus, comme citoyens et citoyennes, faire abstraction de ce qui se passe dans la vraie vie, présentement, dans des écoles où il y a un sous-financement, que les professeurs paient des queues de castor à leurs étudiants, étudiantes pour essayer de les faire socialiser dans la ville de Québec parce qu'ils n'ont pas de budget. Mais c'est ça, la vraie vie.

Ça fait qu'arrêtez de nous dire que c'est seulement les grèves qui font ça. Ça, c'est quand même... Puis, sur les exemples, M. le ministre, je suis content de vous entendre dire qu'on a toujours réglé, mais arrêtez de prendre des exemples CSN. À chaque fois que vous prenez des exemples, vous parlez des ports à Vallée-Jonction, vous parlez du cimetière Côte-des-Neiges. C'est des dossiers qu'on a réglés personnellement ensemble avec des syndicats, pas seuls, vous et moi, le syndicat était à mes côtés, mais on les a réglés, ces dossiers-là suite à vos interventions. Ça fait que, s'il vous plaît, au moins, si vous ne voulez pas qu'on soit un peu surpris, bien, changez d'exemple, s'il vous plaît.

Mme Senneville (Caroline) : Sur le transport scolaire... je veux juste dire un mot sur le transport scolaire. Ça, c'est des gens qui ne gagnent presque rien. Les bris de service sont dus beaucoup plus parce qu'il manque de chauffeurs que parce qu'il y a des grèves. Puis pourquoi il y a des grèves? Parce que votre collègue, M. Drainville, a augmenté le budget pour qu'il y ait des salaires. Et j'ai un patron qui, lui, a décidé qu'il prenait la subvention du gouvernement, qui a augmenté son salaire de 30 %, ce qui amène son salaire à deux fois celui du premier ministre, puis qui ne donne pas d'augmentation salariale à du monde qui gagne moins que 20 $ de l'heure. C'est ça, les conflits de travail.

M. Boulet : ...si vous me permettez. Dans tout processus de négociation qui a une impasse et un conflit, les torts sont toujours partagés. Puis, effectivement, dans le transport scolaire, c'est ce que j'ai constaté. Et ce n'est jamais plus de la faute du syndicat ou de la faute de l'employeur. C'est important de rappeler, puis vous le savez bien, Mme Senneville puis M. Enault, on met beaucoup d'énergie à améliorer les climats de relations de travail. On a développé de l'expertise. On a, au Québec, un réseau de conciliateurs médiateurs qui est reconnu à l'échelle canadienne. Ce n'est pas de dire : Arbitrairement... on va déférer à un arbitre, je le répète, c'est vraiment des solutions de dernier recours, où il y a un préjudice grave ou irréparable à la population, ce que je voulais préciser, c'est que... après que le processus de conciliation médiation ait été infructueux.

Ça fait que c'est important de le mentionner, on fait tout pour diminuer le nombre de conflits de travail qui sont soit déstabilisateurs ou perturbateurs pour la population. C'est simplement ce que ce projet de loi là vise à faire. Puis le choix des mots, je le comprends, «population en otage», puis je le respecte, votre commentaire, mais vous comprenez le contexte. Mais le choix des mots, quand vous référez à «mater les syndicats», ça aussi, je l'ai mentionné tout à l'heure, puis à «une volonté de mépris»... Je vous vois sourire, M. Enault, nous, parce que vous me connaissez bien puis vous savez que ce n'est pas mon cas. Puis vous savez que le but derrière ce projet de loi là, il n'est pas incompatible avec ma détermination de poursuivre le dialogue social. Moi, je ne crois jamais que c'est terminé, indépendamment des événements. Puis je respecte le droit de vous exprimer, de manifester. Moi, quand c'est fait dans la paix puis dans l'ordre, je n'ai aucun problème à cet égard-là. Ça fait que, voilà, c'est ce que je voulais simplement mentionner.

Puis, je le répète, dans tout conflit, il n'y a jamais la faute de l'un et la grâce de l'autre. C'est tout le temps, tout le temps partagé. Puis ça... Je me souviens du juge Allan... ça doit vous dire de quoi, qui était juge en chef de la Cour du Québec et, par la suite, en Cour supérieure, puis il était vraiment en fin de carrière, là, il était à sa retraite. Puis je lui avais demandé, tout jeune avocat, quel était le plus grand enseignement qu'il pouvait...

M. Boulet : ...qu'il pouvait me partager, puis c'est ce qu'il me mentionnait : À chaque fois qu'il y a un conflit, Me Boulet, les torts sont toujours partagés, et ça, je le reconnais. Et ce n'est pas ce que nous voulons faire, ce n'est pas de s'immiscer dans un rapport de force entre un employeur puis un syndicat, mais parfois il y a des rapports de force qui ont créé certains déséquilibres perturbateurs pour la population. Alors, voilà. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Allaire) : Merci à vous. On enchaîne avec l'opposition officielle. Mme la députée de Bourassa-Sauvé, la parole est à vous.

Mme Cadet : Bonjour. Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Senneville, M. Enault, M. Jean et Me Clermont-Isabelle. Contente de vous avoir ici avec nous. Merci pour votre mémoire également. Dans mes remarques préliminaires un peu plus tôt, donc, je mentionnais un peu, donc, le cadre actuel qui prévaut, donc, qui existe, donc, pour le règlement de différents conflits de différends. Évidemment, donc, les mécanismes, donc, qui s'ajoutent ici, dans le projet de loi qui est déposé, donc, ce serait complémentaire, donc, au mécanisme actuel. Évidemment, donc, on a bien entendu votre positionnement sur le projet de loi qui est déposé. Selon vous, donc, qu'est-ce qui existe déjà dans le Code du travail pour faciliter le règlement des conventions collectives?

M. Enault (François) : Bien, écoutez... Bien, premièrement, peut-être, j'ai entendu ce matin, tantôt encore, on parlait de déneigement des ordures. Tout ça, là, c'est déjà tout inclus, hein? C'est déjà tout inclus dans les services essentiels. Ça fait qu'on n'a pas besoin de refaire un projet de loi pour ça, c'est là. La piscine, c'est autre chose, hein, on s'entend. Donc... Mais, pour... Vous voyez, quand même, il y a un service de conciliation, je le dis. Puis, je veux dire, je suis peut-être un des plus grands utilisateurs du service de conciliation dans la salle ici, j'ai toujours... je veux dire, on est la première... le front commun... le dernier front commun et le premier front commun qui a demandé la conciliation à la table centrale. C'est la partie qui l'a demandée, avec une certaine réticence à un moment donné du gouvernement, mais c'est ce qui a fait que ça l'a réglé les choses. Moi, je pense, il faut utiliser ces services-là. La loi antiscab... Présentement, on fait affaire avec des scabs. Allez juste en bas de la côte ici. J'ai plein d'exemples de la ville de Québec. C'est le fun aujourd'hui. Allez à l'Hôtel PUR. Je veux dire, il y a des scabs qui rentrent à la pelletée là-dedans. On ne les arrête pas. Ça, ça fait durer des conflits. Donc, moi, je pense qu'avant de commencer à réparer de quoi qui n'est pas brisé, tant qu'à moi... mais on peut-tu quand même utiliser des outils qu'on a dans notre coffre à outils présentement avec le Code du travail puis les utiliser correctement? Je vous le dis, ça fait le travail, hein? Une opération un peu proactive du ministre, comme le ministre l'a faite souvent, puis qu'on s'assoit, qu'on assoit les parties, ça fait le travail, ça fait le travail. Il y a de quoi ici qui sous-entend de quoi qu'on ne comprend pas. Mais c'est clair, que ce n'est pas la Confédération des syndicats nationaux. On a fait le travail quand il arrive de quoi. Mais là on parle... On parle du cimetière. Le cimetière, là, oui, les gens ont sorti en grève pendant sept mois, mais, on va faire un quiz ici, ça faisait combien d'années, que ces gens-là n'avaient pas de convention collective? Cinq ans, après cinq ans sans convention collective. Tu sais, ce n'est pas se voter un décret de 30 % comme ça, là, d'augmentation de salaire. Cinq ans sans augmentation de salaire. Ça se peut-tu que ces gens-là soient un peu à bout, choqués, mécontents? C'est ce qui est arrivé. Puis ces gens-là ne se battaient pas tant pour le salaire, se battaient pour être capables d'avoir de l'aide pour qu'ils n'y aient pas d'ossements qui traînent dans le cimetière. Parce que des fois ça relève, hein? Ces gens-là voulaient avoir d'autres travailleuses, travailleurs pour travailler avec eux, ils se battaient pour ça. Après cinq ans, il me semble, tu sais... Parce qu'on l'utilise beaucoup, les familles endeuillées, mais, cinq ans, après cinq ans, là, il y a beaucoup de monde alentour d'ici qui serait choqué.

Mme Cadet : ...je vous comprends bien. Donc, selon vous, donc, dans le Code du travail, donc, il y a déjà, donc, des mécanismes suffisants qui existent. En même temps, dans l'exemple que vous donnez, donc, c'est donc... l'employeur, donc, avait sollicité le Tribunal administratif du travail devant la division des services essentiels, et ici on parle, donc, de services qui n'ont pas été reconnus comme services essentiels. Est-ce que vous pensez que le concept, donc, de services minimaux, là, pas nécessairement, donc, tel qui nous a été présenté par des précédents intervenants, là, mais de la manière dont ils sont amenés par l'Organisation internationale du travail, donc par le Comité de la liberté syndicale, est-ce que vous pensez que ces exemples-là ou ces mécanismes-là, donc, pourraient être légitimement ajoutés au corpus québécois?

• (17 h 20) •

Mme Senneville (Caroline) : Bien, le Code du travail prévoit déjà un employeur qui peut utiliser des salariés lors d'un conflit pour éviter la destruction, la détérioration grave de ses biens. On a vu les entreprises brassicoles l'utiliser...

Mme Senneville (Caroline) : ...mais c'est là où on dit : Nous, ce qu'on voudrait, c'est discuter deça avec le ministre et les autres syndicats, et mêmes les employeurs, on est fins de même, mais avant le projet de loi, non pas : on nous dépose le projet de loi, on l'apprend, on l'a appris par hasard, en tout cas, par les nouvelles. C'est de dire : Vous trouvez qu'il y a un problème, vous trouvez qu'il y a des notions qui pourraient peut-être... on peut-tu en discuter, on peut-tu s'asseoir, puis on va arriver avec nos exemples, les employeurs vont arriver avec leur exemple, puis on va faire comme avec le travail des enfants, on va arriver à un consensus.

Mais là on nous a dit... On nous fait travailler depuis plusieurs mois sur un projet de loi omnibus qui s'en vient, notamment sur l'utilisation des briseurs de grève. Les employeurs ne sont pas sanctionnés. Négociation de mauvaise foi. Tu te fais dire : Oh! ne recommence plus. Ça, ça prolonge les conflits. Puis on avait une entente pour vraiment s'occuper de cette question-là. Puis excusez-nous de le prendre personnel, on se fait dire... ça fait des mois qu'on travaille là-dessus, mais : Non, ce projet de loi là, ce ne sera pas tout de suite, il va y en avoir un autre dont je ne vous ai jamais parlé et qui vient gruger votre rapport de force, qui est votre moyen ultime. Ce n'est jamais agréable, il n'y a pas un salarié qui vote la grève de gaieté de cœur, mais qui est le moyen ultime pour dire : Bien, j'aimerais ça, pouvoir payer mon augmentation de loyer ou ma livre de beurre à 8$.

Mme Cadet : Effectivement, je l'ai mentionné dans mes remarques préliminaires, donc, personne ne fait la grève par plaisir. On vous a entendu dire publiquement, Mme Senneville. Vous venez de parler, donc, de... bon, de faits, des éléments, donc, qui prolongent indûment, donc, des conflits de travail. Selon vous, en fait, comment le Code du travail aurait pu être amélioré afin de réduire la durée des conflits? Parce que ce que j'entends, c'est que vous ne pensez pas que les dispositions qui nous sont présentées, donc, permettent de les réduire, mais que vous partagez cet objectif de réduction là. Donc, quelles seraient les dispositions qui vous permettraient d'arriver à cet objectif?

Mme Senneville (Caroline) : Bien, notre objectif, c'est d'en discuter dans un groupe de travail. Nous, ce qu'on demande, puis, tu sais, je ne m'aventure pas sur ce terrain-là parce qu'on ne souhaite pas faire d'amendement à la loi, on souhaite que le projet de loi soit retiré pour qu'on puisse en discuter. Puis, à ce moment-là, si on arrive avec une autre mouture qui est le résultat de... On pourra le... on pourra en discuter, là, tout le monde ensemble, mais, pour nous, c'est... On était avec... j'étais avec nos membres. Mes membres, je les vois, là, on les voit quotidiennement, là, je parle au "je", mais, à deux, on en voit encore deux fois plus... mais les gens sont en détresse, ils ont vraiment l'impression que... là, on te renvoie sur le ring, puis je t'attache une main dans le dos, parce qu'il va... Et je le répète, même si on dit : On va l'utiliser de façon exceptionnelle, la menace plane, la... on ne le sait pas, puis il n'y a pas de jurisprudence établie. À notre avis, les critères sont larges et, à certains égards, il y a de l'arbitraire là-dedans.

Donc, les gens, ils... Puis c'est ça qui va amener la judiciarisation. C'est que, s'il y a des mesures qui sont prises, elles seront tout le temps contestées, tout le temps contestées. Puis je vais en rajouter une couche. Il y a une grève, en ce moment, des CPE. La principale raison de la grève des CPE, là... les travailleuses se battent parce qu'on manque de travailleuses en garderie. On a fermé un programme, il y a un cégep qui a fermé un programme parce qu'il n'y a pas assez d'étudiantes qui se présentent là-dessus. Mettons qu'on décide qu'on fait... que c'est très, très important les soins aux tout petits, là, malgré que les travailleuses ont l'appui des familles, puis qu'on dise : On va obliger un arbitrage de convention collective, les travailleuses vont se sentir tellement flouées de ne pas avoir une entente de travail négociée que ça va avoir un effet délétère sur leur rétention et leur attraction. Alors, des fois, régler un conflit de travail, ce n'est pas régler une situation, hein, parce qu'il y a toujours après le conflit.

Mme Cadet : Oui. Si j'ai bien compris... si j'ai bien lu le projet de loi, par contre, je pense que cet exemple-là ne serait pas soumis à l'arbitrage exécutoire, donc à la mesure qui est prévue à l'article 5, parce que... voyons, les fonctions, donc, publiques, là, et parapubliques ne sont pas assujettis à cet article. Mais je comprends très bien l'exemple que vous donnez, là, effectivement, je pense que les éducatrices ont l'appui des familles, j'en suis une, d'ailleurs, mon fils est en grève aujourd'hui. Je vais...

Mme Senneville (Caroline) : On peut lui fournir une petite pancarte, si vous voulez.

Mme Cadet : En fait, c'est... son CPE est en grève. Je vais laisser ma collègue de d'Arcy-McGee compléter. Merci beaucoup.

Le Président (M. Allaire) : ...la parole est à vous. Allez-y.

Mme Prass : Merci, Mme la... Merci, M. le Président, désolée. Si je comprends bien, vous n'avez pas fait de recommandation, vous ne voulez pas voir le projet de loi amendé, donc vous consulter en amont aurait donné le même résultat.

Mme Senneville (Caroline) : Non, au contraire.

Mme Prass : O.K., donc, justement, je vous pose la question : Avoir ces discussions-là aurait été constructif, d'après vous, de quelle façon?

Mme Senneville (Caroline) : Bien on aurait... Ce que je vous dis là : Comment ça se fait que la négociation de bonne foi puis l'utilisation des briseurs de grève, il n'y a pas de conséquences à ça? Vous voulez qu'on s'entende sur c'est quoi, la destruction, la détérioration grave des biens, vous voulez qu'on précise des choses par rapport à ça? O.K., comment vous voulez le préciser? Qu'est-ce que vous voulez? C'est quoi, votre objectif? C'est quoi, vos problèmes? C'est ça qu'on veut entendre...

M. Enault (François) : ...ce que je mentionnais plus tôt, qu'on regarde à l'époque, avec le régime complémentaire de retraite, on a été consultés au CCTM, il y a eu un avis. On a parlé avec les parties patronales, on est arrivés avec un avis. On est arrivés en commission parlementaire, on ne s'est pas chicanés. Là, je parle d'une affaire d'il y a six, sept ans. On l'a fait, ces décrets de conventions collectives sur la gouvernance des décrets de conventions collectives. On l'a fait, on a discuté, on a trouvé des consensus, on est arrivés ici, on ne s'est pas chicanés. Sur le travail des enfants, on a fait la même affaire. Sur les délais d'arbitrage, on a rendu un consensus à la fin juin, on attend le projet de loi, là. Mais ce projet de loi là, il est là, on l'a fait. Ce qu'on dit : Ce n'est pas vrai qu'on va commencer ici à trouver des solutions, il est trop tard. On s'est fait dire que voici... On ne s'est jamais fait traiter comme ça dans les lois qui touchent le Code du travail dans les 10 dernières années.

Le Président (M. Allaire) : ...malheureusement, je dois mettre fin à ce bloc d'échange. On enchaîne avec le deuxième groupe d'opposition. M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve, la parole est à vous.

M. Leduc : Merci, M. le Président. Bonjour à vous quatre. Je vais poser mes deux questions puis je vais vous laisser partir, parce que c'est quand même rapide, trois minutes et demie.

Première question. Dans le fond, moi, je suis surpris de voir que le ministre, il a l'air surpris que vous soyez fâchés. Il me semble que ça allait être une évidence qu'un recul en droit du travail comme ça, ça allait mettre le feu aux poudres dans le milieu syndicat. Moi, j'ai qualifié ça de bombe nucléaire en droit du travail, ça le faisait peut-être un peu sourciller, mais ça me semblait une évidence. Est-ce que — donc ma question — c'est dans le top cinq des pires reculs en droit du travail des 20 dernières années, le projet de loi n° 89?

Puis ma deuxième question, encore une fois, après ça, je vous laisse aller dans la réponse. Je ne peux pas m'empêcher de penser qu'il y a... qu'il y a dans le projet de loi n° 89 quelque chose de préventif contre la grève des CPE générale à venir. On est en grève aujourd'hui et demain, quatrième, cinquième journées. On sait que ça s'enligne vers une GGI parce que ça ne négocie pas bien, bien vite à la table. L'article 11, là, c'est la disposition finale, puis le ministre nous a habitués, dans ses précédents projets de loi, à chaque fois qu'il y avait une nouvelle... des nouvelles patentes, là, qu'il créait pour les processus, il y avait toujours des dates d'application différée dans le futur, puis là woups, cette fois-ci, un projet de loi qui n'est pas simple à appliquer, le TAT n'a pas été mis au courant bien, bien plus tôt que vous autres puis nous autres de cette affaire-là puis de nouveaux critères, bien là, c'est tout de suite l'application du projet de loi, puis on le sait que la grève potentielle des CPE est tout de suite. Comment ne pas y voir une attaque préventive contre la grève générale des CPE à venir?

M. Enault (François) : Bien, écoutez, c'est clair, je veux dire... Puis je l'ai mentionné tantôt, là, ils sont venus manifester en avant de l'Assemblée nationale puis j'ai dit : Les premières personnes qui vont goûter à ça, c'est eux, là, c'est elles, c'est ces femmes-là qui vont se faire attaquer de plein fouet si... de plein fouet si... parce que je pense que ça va être assez expéditif, là, la façon d'appliquer la loi.

Pour répondre à votre question, top un, deux, trois, quatre, cinq... J'ai des discussions avec mes collègues. Moi, ça fait 30 ans, je travaille à la CSN. Là, on s'ostine : C'est-tu 45 de Charest à l'époque ou c'est ça? Bon, il y en a qui disent : C'est 45. Moi, je dis que c'est ça. Ça fait que ça, c'est un ou deux, là, mais il y a une médaille d'argent, une médaille d'or, c'est clair, les deux sont sur le podium... Ça, c'est... quant à moi, c'est les deux pires lois qui ont attaqué le Code du travail en 30 ans d'exercice pour la CSN.

M. Leduc : ...conflits qui ont touché la CSN. Vous avez parlé un peu des... du domaine de Vallée-Jonction. Vous avez évoqué cimetière Côte-des-Neiges, mais on n'a pas eu le temps de parler, je pense, du Réseau de transport de la Capitale. Pouvez-vous nous placer quelques mots là-dessus?

Mme Senneville (Caroline) : Bien, écoutez, on s'est présentés devant le Tribunal administratif du travail, on a fait une preuve, le service juridique, bravo au service juridique, notre preuve a été prépondérante. Alors, on est... Je veux dire, l'employeur avait... il n'avait rien qu'à présenter une preuve meilleure que la nôtre. Le tribunal administratif a fait son travail à partir des critères de la loi, puis, écoutez, c'était une grève en plein été. Puis je pense que les gens se sont plus énervés pour des motifs économiques. C'est une grève de quatre jours en plein été.

M. Enault (François) : Puis c'est moins pire quand même, les gens étaient moins pris en otage que les gens de Brossard qui prennent le REM à tous les jours.

M. Leduc : C'est un autre dossier, ça, c'est un autre dossier. Ça allait aller mieux avec le privé.

M. Enault (François) : Non, mais c'est du transport en commun, quand même.

M. Leduc : Est-ce que j'ai raison de croire que les fameux critères, justement, de sécurité sociale, économique et environnementale, c'est bien trop large, n'importe quoi peut fitter là-dedans, en bon français?

M. Enault (François) : Définitivement. C'est «one-size-fits-all», là, puis c'est ce qu'on ne comprend pas à un moment donné. «Environnementale», je le répète...  Bon, un côté, je suis content qu'il y a quand même certaines fibres environnementales par la CAQ présentement, là, mais, je veux dire, on vient quand même... je le dis... j'ai dit d'entrée de jeu, le BAPE, hein, l'usine de batteries qui n'a pas eu de BAPE à Saint-Basile...

Le Président (M. Allaire) : Merci. Merci. Ça met fin à ce bloc d'échange.

M. Leduc : Merci beaucoup.

Le Président (M. Allaire) : J'enchaîne avec le député de Jean-Talon. Une minute 19 secondes.

• (17 h 30) •

M. Paradis : Selon nos calculs, il pourrait y avoir environ 775 000 travailleurs d'affectés par le projet de loi. Est-ce que... Est-ce que mes chiffres sont bons? Est-ce que ça se pourrait?

Mme Senneville (Caroline) : C'est fort possible. 40 % de la population, hein, est syndiquée.

M. Paradis : Très bien. Le ministre insiste beaucoup sur l'importance du dialogue. On peut imaginer qu'un gouvernement qui planifie, qui prévoit, qui présente un projet de loi comme ça sur un sujet d'importance sociale...


 
 

17 h 30 (version non révisée)

M. Paradis : ...consulte les parties prenantes avant. Pourriez-vous nous parler de l'ampleur des discussions que le ministre a eues avec le mouvement syndical ou avec votre mouvement syndical avant.

Mme Senneville (Caroline) : Zéro. Moi, écoutez, dans la dinde, là, j'ai donné des entrevues le 23 décembre et le 24 décembre à ce sujet-là. Puis c'est mon délégué à Trois-Rivières qui a dit : Bien là, ça, ça roule beaucoup dans notre région, le ministre du Travail étant député de Trois-Rivières, et je tombais des nues. Alors, après, le ministre nous a rencontrés, les organisations syndicales, mais je pense que le projet de loi était déjà pas mal écrit, là, parce qu'il y a beaucoup de choses qui ont été dites par le ministre, même ici, qui nous ont été dites à cette rencontre-là, mais... Et on a exprimé notre colère, ça peut répondre à M. Leduc, je pense que oui. Il n'y a pas de surprise par rapport à notre colère, on l'a exprimée très clairement, mais non, zéro... Puis on est partout, là, on siège partout.

M. Enault (François) : C'est un peu ça, notre colère, hein, il y a le fond et la forme. Sur le fond, on s'entend qu'on n'est pas d'accord avec le projet de loi...

Le Président (M. Allaire) : Merci. Désolé. Ça met fin aussi à ce petit bloc d'échange. M. le député de Saint-Jérôme, la parole est à vous.

M. Chassin :Bien, justement, ça va être très court aussi. Merci. Votre présentation, évidemment, je pense que vous avez dit quelque chose, Mme Senneville, qui, pour moi, est très important. Quand vous dites, c'est très large, c'est très flou, dans le fond, ça laisse la place à... Que feront les prochains ministres du Travail? Parce qu'on a le député de Trois-Rivières, mais on a d'autres ministres du Travail qui, un jour, seront, dans le fond, saisis de ces nouveaux outils là. Puis moi, ça, c'est une question qui me préoccupe, je me dis : Jusqu'où ça peut aller? Puis l'arbitraire, en fait, c'est qu'on dit : Bien oui, mais il faut garder une agilité, pouvoir faire du cas par cas.

Moi, je ne sais pas si, même si on dit que c'est un 107 balisé, je ne sais pas si c'est si balisé parce que les concepts sont assez flous. Puis, dans le fond, j'ai envie de poser la question peut-être à vous, M. Enault, mais assister au Festival d'été de Québec, c'est-tu une conséquence sur la sécurité économique de certains ménages?

Mme Senneville (Caroline) : Pas assez pour... Mais allons-y sur 107 balisé, 107 est contesté.

M. Chassin :En plus. Donc, vous, vous dites : Peut-être, au moins, attendons 107. 

Mme Senneville (Caroline) : Bien, moi, je serais curieuse de savoir si le ministre de la Justice... Le ministère de la Justice a été consulté sur le contenu de ça. Parce qu'en tout cas, nous, les juristes, à qui on parle, nous disent qu'il y a beaucoup de matière à...

M. Enault (François) : Moi, je vous dirais que c'est plus un 107 déguisé qu'un 107 balisé.

Le Président (M. Allaire) : Merci, Ça met fin à l'ensemble des échanges avec les groupes parlementaires. Merci à vous quatre de la Confédération des syndicats nationaux.

On va suspendre les travaux quelques instants. Merci.

(Suspension de la séance à 17 h 33)

(Reprise à 17 h 42)

Le Président (M. Allaire) : Alors, nous allons reprendre les travaux. Avant de débuter et de souhaiter la bienvenue à notre nouveau groupe, j'ai besoin de votre consentement pour permettre à la députée de Verdun de remplacer le député de Laurier-Dorion. Est-ce que j'ai votre consentement?

Des voix : Consentement.

Le Président (M. Allaire) : Consentement. Pardon?

Une voix : ...

Le Président (M. Allaire) : Oui. Ça va? Excellent, merci. Donc, nous accueillons notre prochain groupe, la Centrale des syndicats démocratiques. MM. Lesage et Vachon, bienvenue. Je vous laisse le soin quand même de vous présenter avec votre titre plus officiel et je vous cède la parole pour votre exposé de 10 minutes. La parole est à vous.

M. Vachon (Luc) :Alors, merci beaucoup, bon. Alors, bon, M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, les parlementaires et toutes vos équipes, alors bonjour à tous. Je me présente, je suis Luc Vachon, président de la CSD, donc la Centrale des syndicats démocratiques. Je suis accompagné de Samuel Lesage qui est conseiller syndical à la recherche. Pour... la CSD représente près de 72 000 personnes salariées, principalement dans les secteurs privé, municipal, la construction et les ressources de type familial à l'enfance et à l'adulte. Alors, je vous remercie tout le monde d'avoir invité la CSD aux consultations particulières portant sur le projet de loi n° 89, Loi visant à considérer davantage les besoins de la population en cas de grève ou de lock-out, afin que nous puissions soumettre les inquiétudes des travailleuses et travailleurs.

Vous avez probablement lu notre mémoire et constaté que nous nous opposons au projet de loi n° 89 dans son contenu actuel. Nous jugeons qu'il ne répond à aucun problème réel concernant l'état actuel des rapports collectifs de travail et qu'il affaiblira le processus de négociation collective et, par le fait même, la capacité des travailleuses et travailleurs du Québec d'améliorer leurs conditions de travail et de vie.

Cela étant dit, nous désirons appuyer un élément spécifique que nous n'avons qu'évoqué dans notre mémoire, à savoir tout le processus qui a mené au projet de loi n° 89. Dans un modèle de promotion et de valorisation du dialogue social, nous nous serions attendu à ce qu'avant de soumettre un projet de loi d'une telle nature que soit soumis aux différents intervenants de se pencher sur les préoccupations et qu'ils soient mis à contribution dans la recherche de solutions, solutions qui souvent prennent un peu plus de temps, mais qui, sans être parfaites, ont le mérite de moins diviser, de proposer des zones de compromis et d'apporter des arguments qui font progresser les réflexions au lieu de polariser les débats sur la place publique.

De plus, M. le ministre, vous nous avez habitués à proposer des projets de loi qui sans faire l'unanimité généralement rejoignent en partie les organisations syndicales et patronales. Vous avez été soucieux de préserver un certain équilibre dans les projets de loi concernant le travail que vous avez déposés. Avec ce projet de loi, nous ne retrouvons ni le processus de consultation qu'un sujet de cette nature aurait plus que mérité ni le souci de préserver cet équilibre. Ce projet de loi a été annoncé à la veille des vacances de la période des fêtes, en référence directe à l'article du code... 107 du Code canadien du travail, qui a mis fin aux conflits dans les secteurs du transport portuaire et ferroviaire. La constitutionnalité de l'usage de l'article 107 étant plus que questionnable, le projet de loi n° 89 prend une voie différente, créant un nouveau régime d'encadrement des conflits de travail.

Mais peu importe, à ce stade-ci, que ce nouveau régime soit constitutionnel ou non, la vraie question est : Qui sert-il? De plus, d'où vient le besoin? Quel est l'enjeu dans le déroulement des négociations collectives? En quoi ça répond à un enjeu qu'on voit actuellement dans le processus de négociation? Nous n'en voyons aucun. Plutôt, le projet de loi n° 89 introduit un affaiblissement de la capacité de négocier collectivement en assujettissant les conflits à un...

M. Vachon (Luc) :...régime de maintien en activité minimale, sous le couvert du bien-être de la population et en se réservant le droit de le faire cesser si le conflit risque de lui causer un préjudice grave ou irréparable. Nous déplorons que le projet de loi no 89 soit imposé de la sorte et qu'il vienne rebrasser aussi profondément le fragile équilibre des rapports collectifs de travail. Cela est d'autant plus frustrant que le projet de loi le fait en opposant la population aux conflits de travail, ce qui met les syndicats dans une drôle de posture défensive.

Les personnes salariées que nous représentons font aussi partie de la population. Prendre la décision de faire la grève représente pour elles une décision sérieuse et un risque majeur. Cette manière d'opposer syndicats et population ne sert personne ni ne rend justice aux travaux faits au fil du temps pour l'amélioration des relations de travail. De notre point de vue, le projet de loi no 89 vise précisément les syndicats et leur capacité à mener une grève effective. Aucun cas de lock-out n'a été mentionné pour justifier ce projet de loi, bien que notre mémoire montre que les impacts économiques de lock-out... est beaucoup plus important qu'on ne le croit. Permettez-moi de citer quelques chiffres. Sur près de 20 ans, 40 % des grèves ont duré moins de 15 jours, tandis que près de 47 % des lock-out ont duré plus de 100 jours civils.

Mais suivons le projet de loi. Où est l'avantage des travailleurs à demander de maintenir les activités minimales? Aucun. Il n'est que pour l'employeur, qui se retrouverait donc dans une posture d'écrasante supériorité à la table de négociation. Le projet de loi no 89, en clair, respecte peut-être, et je dis bien peut-être, symboliquement la lettre de l'arrêt Saskatchewan, mais il a été à nos yeux très clairement écrit pour contourner les restrictions aux lois spéciales de cette décision. Manifestement, le projet de loi no 59 ne respecte aucunement l'esprit de Saskatchewan.

La capacité de faire la grève constitue une composante essentielle et fondamentale de tout processus de négociation collective fonctionnelle. Voilà l'enseignement de Saskatchewan et de près de 150 ans de syndicalisme à travers le monde. Personne ne fait la grève pour le plaisir, mais il s'agit de l'ultime moyen qu'ont les travailleuses et travailleurs lorsque les négociations sont dans l'impasse. Et il est normal que cette pression se traduise parfois par des impacts économiques ou sociaux. En fait, c'est précisément le fondement de ce moyen, et cette considération ne devrait aucunement être remise en question.

En venant, dès le départ du conflit, ouvrir la possibilité de restreindre la portée de la grève ou même de la faire cesser au nom du bien-être de la population, le projet de loi jette une chape de plomb sur la capacité des personnes salariées à réellement s'organiser pour améliorer leurs conditions de travail. Si le projet de loi est adopté tel quel, nous craignons une judiciarisation importante des conflits, une perte d'intérêt des employeurs à participer de bonne foi aux négociations, qui pourront adopter une attitude attentiste jusqu'à l'intervention du législateur, et un aggravement des relations de travail, lesquelles deviendront acrimonieuses pendant la négociation, mais aussi entre les périodes de renouvellement de la convention collective. Tout cela aura l'impact contraire de ce que prétend viser le projet de loi.

De plus, en étant la porte d'entrée des recours prévus au projet de loi no 89, le gouvernement ouvre la voie à la politisation de la gestion des conflits et donne même à des parties intéressées le pouvoir de demander aux TAT de s'assurer du respect du régime. Le gouvernement et le TAT doivent-ils être la porte d'entrée des antisyndicaux? Le processus, la négociation et la résolution des conflits appartiennent aux parties et doivent rester uniquement entre les mains des parties concernées.

• (17 h 50) •

Tout cela fait du projet de loi no 89 une proposition que nous ne pouvons accepter, écrite en catimini, affaiblissant la capacité de négociation et proposée avec une approche populiste. Il n'y a pas de place pour aménager des voies de passage, à moins de le réécrire en profondeur. Les recours encadrant les conflits pour protéger les équipements et biens de l'employeur ou pour garantir les services essentiels suffisent, selon nous. Pour le reste, si le gouvernement cherche à améliorer et corriger certains problèmes du Code du travail, toute forme ne sera jugée recevable que si elle fait intervenir les organisations syndicales afin de dégager des pistes d'amélioration. Surtout, toute proposition ne sera acceptable que si et seulement si elle ne nuit pas d'emblée au processus de négociation collective. Nous ne pouvons accepter un recul aussi majeur...

M. Vachon (Luc) :...de la capacité des personnes syndiquées à négocier. Et tous savent très bien que lorsqu'on affaiblit la capacité des syndiqués d'améliorer les conditions de travail et de vie, au final, c'est toute la population qui y perd, celle-là même que le projet de loi prétend vouloir se préoccuper, et ce, même si le projet de loi n° 89 prétend parler en leur nom. Je vous remercie de votre écoute.

Le Président (M. Allaire) : Merci à vous. On débute la période d'échange. M. le ministre, la parole est à vous.

M. Boulet : Oui, merci. Merci, M. Vachon, de votre présentation. Merci de l'énergie que vous avez consacrée à la préparation de votre mémoire. Merci à vous deux, là, d'être ici, d'ailleurs, au Parlement.

Évidemment, je ne répéterai pas ce que j'ai mentionné avec le groupe précédent, qui était la CSN, mais il y a des questions qui m'interpellent, M. Vachon. Puis ce n'est pas de mettre en opposition les syndicats avec la population. C'est plutôt d'harmoniser l'impact que peut avoir un conflit de travail sur une population qui est parfois rendue vulnérable. C'est de trouver un bon équilibre entre l'exercice du droit de grève ou de lock-out et les besoins parfois fondamentaux de cette population-là.

Et vous me dites, parce que vous me posez une question, qui ça sert : ça sert les enfants à besoins particuliers, ça sert les personnes à faibles revenus, ça sert les familles endeuillées. On en parle. Puis votre prédécesseur disait, bon, il n'y avait pas de convention depuis un certain nombre d'années, mais il n'y avait pas d'activités de travail parce qu'il y avait une grève depuis au-delà d'une année. Puis il y avait une accumulation des dépouilles dans des frigidaires. Puis c'est des cas vécus, c'est des cas réels où ces personnes-là étaient impuissantes, incapables de procéder à l'inhumation d'une personne chère, ne pouvaient pas non plus aller se recueillir dans le cimetière parce qu'il n'avait pas été entretenu. Il y avait une crise de verglas. C'est ces personnes-là que nous voulons servir. Ce n'est pas de judiciariser. Au contraire, c'est des cas exceptionnels dans des circonstances particulières où la population du Québec a besoin de prévisibilité et de stabilité.

Puis je pense que c'est bénéfique pour l'environnement québécois dans nos lois du travail. Ce n'est vraiment pas pour opposer la population aux syndicats. Ce n'est vraiment pas pour avoir un impact sur le rapport de force entre les parties. C'est de s'intéresser dans un projet de loi à l'impact perturbateur ou déstabilisateur sur la population que peut avoir un conflit de travail. C'est ça, l'enjeu, c'est ça que nous voulons faire simplement.

Puis j'en avais parlé, et je le disais à mes collègues des partis d'opposition, à une rencontre du CCTM, où, je pense, vous étiez présents. Et c'était dans la foulée de l'utilisation par mon collègue à Ottawa de l'article 107 dans le cadre du conflit ferroviaire. Et tout le monde comprenait. Puis j'avais mentionné que je m'intéressais à ce critère-là, qui était un peu restrictif, de détermination des services essentiels.

Et deux points qui me préoccupent, là, quand vous dites «politisation». Vous êtes un homme brillant, M. Vachon, on se connaît bien, vous savez que ce n'est pas le gouvernement qui décide. C'est le Tribunal administratif du travail. Puis vous savez que c'est des personnes indépendantes et impartiales qui vont devoir déterminer si les critères s'appliquent. Est-ce que les critères ont besoin de précision? Jamais je n'argumenterai que c'est des critères parfaits. Mais, quand ce n'est pas du mur-à-mur, qu'on veut s'assurer que ce soient des décisions adaptées à des cas concrets, ça nous prend des critères qui sont englobants. Puis la sécurité sociale, économique ou environnementale... environnementale, c'est pour éviter des catastrophes naturelles, et c'est des termes qui sont définis, qui sont à interpréter par un tribunal. Puis c'est les besoins de la... le bien-être de la population qui est mis en exergue par ce critère-là.

Et vous avez mentionné «anti-syndicaux». Ce n'est pas des décideurs antisyndicaux. Puis ce n'est pas parce qu'il y a un décret gouvernemental que ça impose une décision au Tribunal administratif du travail. Si le tribunal décide que le critère n'est pas rencontré, qu'il n'y a pas des impacts importants sur la population...

M. Boulet : ...ce sera respecté par le gouvernement, c'est une décision d'un tribunal, je l'ai dit encore une fois, on est dans un État de droit. Puis le deuxième mécanisme, l'arbitrage, vous le savez, vous avez déjà été impliqué dans des dossiers d'injonctions interlocutoires provisoires, vous savez c'est quoi un préjudice sérieux ou irréparable, ou grave, ou irréparable? Parce que «sérieux», ça nous a été proposé par un groupe ce matin. Vous savez que ça doit être consécutif à une conciliation-médiation infructueuse. Vous le savez à quel point on met de l'énergie, dans notre ministère, à accompagner les parties pour améliorer leurs relations de travail, pour les aider à négocier. Puis je sais qu'il y a quand même eu une augmentation quand même particulièrement importante du nombre de conflits de travail puis je ne veux pas m'attarder au quantitatif, puis qu'il y en ait eu 95 % ou 98 % qui ont n'ont pas abouti à des conflits de travail, tant mieux! Il faut souhaiter qu'il y en ait presque 100 %, mais qu'il n'y en ait pas, le moins possible, des cas où la population est vulnérabilisée ou marginalisée par des conflits de travail. C'est ça qu'on veut éviter, c'est simplement ça, ce n'est pas de quoi de si sophistiqué. Moi, je pense qu'il faut revenir à la base, s'intéresser aux objectifs du projet de loi puis s'assurer... vous le dites, dans la vaste majorité de mes projets de loi, on a... on a discuté, on a développé des consensus, mais il y a des sujets sur lesquels on n'avait pas de consensus, et le législateur est là parce qu'il est élu pour faire l'arbitrage et faire des lois. C'est ce que nous avons fait dans un projet de loi qui a 11 articles qui concernent la protection de la population, et c'est une des missions fondamentales d'un État, d'un gouvernement, de protéger sa population.

Et je le répète puis je ne veux pas simplifier à outrance le contenu du projet de loi, mais c'est simplement ça, il n'y a pas de volonté antisyndicale. Il y a une quête incessante que vous partagez avec moi d'un bon équilibre dans les rapports de force. Malheureusement, dans certains dossiers, il y a eu un déséquilibre de ce rapport de force là qui a fait mal à la population, qui a fragilisé du monde. Bon. Puis je pourrais prendre des exemples, vous en connaissez autant que moi, mais je vais finir en disant que c'est deux mécanismes qui vont être utilisés, qui vont devoir être utilisés avec parcimonie, puis c'est deux mécanismes qui sont très loin de l'article 107 du Code canadien du travail, qui fait l'objet de contestations judiciaires. Et j'ai retenu votre commentaire que le projet de loi n° 89, il respecte probablement ce que vous avez dit, la lettre de l'arrêt Saskatchewan, pas nécessairement l'esprit, puis ça, il y a des opinions variées là-dessus, et je respecte votre opinion, mais je la retiens.

Alors, merci beaucoup à vous deux. Merci à la CSD pour sa présentation. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Allaire) : Merci, M. le ministre. On enchaîne.

M. Vachon (Luc) :Mais là, on a-tu temps pour intervenir?

Le Président (M. Allaire) : Bien, en fait, je reviens à ce que j'ai dit tantôt, là. Là, tantôt, c'est parce que c'est un peu la première fois que ça nous arrivait, là. Il appartient vraiment au groupe parlementaire, peu importe lequel, de gérer son temps. Donc, dans ce cas-ci, il appartient au parti gouvernemental de gérer le temps qu'il a.

M. Boulet : Mais, M. le Président, ceci dit, on se connaît bien, vous savez mon intérêt pour le dialogue social. Je vais être équitable avec le groupe précédent, alors, M. Vachon, allez-y. Si vous pouviez le faire de façon diligente, ça serait bien apprécié, mais allez-y.

Le Président (M. Allaire) : Allez-y, la parole est à vous.

M. Vachon (Luc) :Je vais... je vais essayer d'être concis là-dessus. Alors, il faut... ce qu'il faut retenir dans l'intervention, vous avez vu qu'on s'est attardés beaucoup plus à la forme que le fond au niveau du projet de loi parce qu'on aurait souhaité vraiment, je pense, que ça aurait été nécessaire, dans des chambardements importants comme ça, qu'on passe par le processus du dialogue social.

• (18 heures) •

Qu'est-ce que ça fait quand on passe par le processus du dialogue social? Ça crée déjà, d'entrée de jeu, avec les intervenants qui sont en place que ce soit des organisations patronales, syndicales, ça crée déjà d'entrée de jeu une réflexion et des zones de compromis qu'ils vont générer. Les préoccupations sont soumises, auraient pu être soumises là, auraient été discutées, et il se serait généré des zones de compromis. Quand en bout de ligne, il n'y a pas de consensus absolu, c'est vrai---je me doutais que le ministre nous dirait qu'il y a un rôle d'arbitrage à la fin---il y a un arbitrage, et l'arbitrage, quand on le connaît...


 
 

18 h (version non révisée)

M. Vachon (Luc) :...ça veut dire qu'on a entendu les représentations de chacune des parties, leurs arguments, leurs préoccupations, et on détermine en fonction de tout ça. Dans ce cas, ici, il n'y a pas eu de ça. Et, dans ce cas, ici, il suffit d'écouter ce qui se dit sur la place publique, il suffit d'entendre les différentes représentations qui ont été faites pour se rendre compte qu'on n'est pas dans un projet de loi pour lequel... qui va, en fait, plaire, en partie, à des groupes, puis moins à d'autres. On est vraiment polarisés. Ça, ça veut dire que les discussions ont achoppé. Les discussions auraient dû être faites plus tôt, et ils ne l'ont pas été.

Et, ceci dit, je ne doute absolument pas de l'intention du ministre quand il nous soulève ça, mais quand on a un projet de loi... Regardez, écoutez ce que vous avez eu, comme représentations, aujourd'hui, avant les deux derniers groupes : c'est une brèche, et ce qui est attendu, c'est... ce n'est pas suffisant. Ce qui est attendu, c'est qu'on va pousser dans ça pour ouvrir... Alors... Puis là... puis ce qui a circulé sur la place publique, dans les différents... dans différents médias, ce n'est pas aussi restreint que ce que le ministre soulève.

Alors, il y a une prudence extrême par rapport à ça. On ouvre une brèche. Comment on sera capables de la refermer, cette brèche-là, à partir du moment où... Aujourd'hui, c'est M. Boulet qui est le ministre. Qui ce sera demain, et comment les tribunaux évolueront, puis quels genres d'influences il pourra se faire au niveau des tribunaux, ça, c'est une grande préoccupation que nous avons. Parce que, vous avez entendu ce matin, ça, c'est bien, mais pas assez. C'est ça qui a été dit.

M. Boulet : Simplement mentionner que l'absence de recommandations dans les mémoires de certains groupes démontre que leur volonté fondamentale, c'est le maintien du statu quo. Donc, j'aurais apprécié qu'il y ait certaines recommandations. Mais vous faites la démonstration qu'ultimement ce que vous souhaitiez, c'est le statu quo. Le groupe précédent nous a dit, cependant : Ce qu'on aurait discuté, dans le cadre d'une consultation, c'est comment améliorer les articles sur la négociation de bonne foi, puis comment avoir plus d'inspecteurs pour s'assurer du respect des dispositions anti-briseurs de grève. Ça fait que c'était mon commentaire, tu sais. Puis j'ai discuté. Est-ce que j'ai obtenu des avis en amont? Non. Mais ça n'empêche pas de faire des recommandations quand le projet de loi est déposé. Merci, là, c'est vraiment complet.

Le Président (M. Allaire) : Merci, M. le ministre. On enchaîne avec l'opposition officielle. Mme la députée de Bourassa-Sauvé, la parole est à vous.

Mme Cadet : ...le Président. Bonjour, M. Vachon. Bonjour, M. Lesage. Donc, ravie de vous revoir. Merci pour votre mémoire. Peut-être reprendre, donc, vos derniers propos, M. Vachon, ce que vous disiez, donc, ce qui a été évoqué sur la place publique et ce qui a été entendu précédemment, donc, fait en sorte que, bon, selon vous, donc, ce qui nous est présenté n'est pas aussi restreint, là — c'est le terme que vous avez évoqué — que ce que le ministre propose. Donc, selon vous, donc, comment... ce n'est pas quelque chose qu'on a l'occasion de lire dans le mémoire... donc, comment, donc, des dispositions du projet de loi, ou d'autres dispositions qui, selon vous, auraient dû se retrouver dans le projet de loi, donc, permettraient, donc, de restreindre adéquatement les différents pouvoirs additionnels qui sont octroyés au ministre?

M. Vachon (Luc) :Bien, il y a deux volets dans le projet de loi. Donc, il y a la question des activités minimales ou de... qui seraient maintenues. Ça, c'est... là dessus, je pense que les services essentiels couvrent déjà une grande partie... en fait, permettent déjà de fonctionner. Il y a... Tu sais, c'est sûr que... il faut... il faut faire attention aussi, parce que la question du bien-être... Je veux dire, pour moi, le terme «bien-être» est très... Tu sais, si on regarde la définition de «bien-être», là, sincèrement, il n'y aura plus de conflits au Québec, ça va être terminé, parce qu'il ne peut plus y en avoir, parce que le bien-être, c'est aucun souci, ça, bon.

Qu'on s'attaque au... qu'on veuille se préoccuper des personnes en situation de vulnérabilité, bien, peut-être... on pourrait peut-être trouver des voies de passage là-dessus, mais le projet de loi, ce qu'il dit lui, c'est «notamment pour les personnes vulnérables», «notamment». Bien, je ne ferai pas un cours à personne ici, mais, quand on dit «notamment», ce n'est pas exclusif, ça. Ça, c'est très large, c'est tout, mais particulièrement, peut-être, eux. Alors, il y a des façons de lire le projet de loi, qui dit que, demain matin, ce n'est pas terminé, bon.

Puis l'autre bout, c'est... on s'attaque beaucoup aux résultats, et pas... ou à la conséquence, plutôt, et pas aux processus avant. Pourquoi on n'aurait pas pu travailler mieux...

M. Vachon (Luc) :...et plus, surtout le processus de négociation. Parce que, ce qu'on veut, et le ministre le disait précédemment, ce n'est pas 95 %, c'est 98 % des négociations qui vont se régler par... sans conflit de travail. On veut ça aussi. Parce qu'il ne faut pas penser qu'on souhaite les conflits de travail avec nos représentations, mais loin de là, parce qu'il suffit d'en avoir vécu ou d'avoir côtoyé des gens qui ont vécu des conflits de travail pour savoir qu'il n'y a rien de drôle, là, il n'y a rien de drôle. C'est drôle deux jours, un conflit de travail, mais... puis il faut qu'il fasse beau, idéalement. Mais ceci dit... Alors, à partir de là, on ne souhaite pas ça. Notre préoccupation, c'est tout le processus de négociation qui se voit encore plus affaibli parce qu'il l'est déjà souvent.

Alors, pourquoi on ne se serait pas préoccupé en même temps de corriger ce qui fait défaut au niveau du processus de négociation et dire : Peut-être qu'à l'autre bout, les derniers résultats qu'il y aura, on pourra trouver des pistes. Mais on ne s'occupe pas de ce qui cause ça, mais on s'occupe juste de la finalité. Ça, pour nous, ça pose un problème, ça pose un problème. Donc, comment on pourrait renforcer les dispositions antibriseurs de grève? Il y a de l'espace, là. Comment on pourrait renforcer l'application des décisions des tribunaux? On a un groupe au Saguenay qui est en conflit depuis deux ans, 12 décisions favorables au syndicat sur 13 puis il ne se passe rien, il n'y a rien qui a changé. Pourquoi? Parce que ça fait mal à... pour que l'employeur ne souffre pas : Ah oui! je vais payer une amende de 5 000 $. Une amende à 5 000 $, il dit : Je peux-tu payer la prochaine tout de suite? Tu sais, c'est ça notre modèle dans lequel nous sommes, et ça, c'est au cours de la négociation, donc... Mais il n'y a rien qui se préoccupe de ça. Voilà.

Mme Cadet : Donc, est-ce que, selon vous, là, le projet de loi aurait dû s'attaquer, dans son ensemble, au processus de négociation avant...

M. Vachon (Luc) :En fait, je reviens. Si on avait pu prendre ça avec les préoccupations soulevées dans un processus de dialogue social où on aurait pu réfléchir à l'adaptation de notre modèle de relation de travail en tenant compte non pas juste des situations de conflit, mais qu'est-ce qui génère les conflits de travail, comment on est capable d'améliorer le processus par sa source et non pas travailler uniquement sur la finalité, ça aurait été bien plus bénéfique, à mon avis.

Mme Cadet : Merci beaucoup. M. Lesage, vous voulez...

M. Lesage (Samuel-Élie) : A contrario à ce qui vient d'être dit, actuellement, le projet de loi... ne s'applique, excusez-moi, que sur la conséquence, le conflit, la conséquence... le processus sans s'attarder au tout début, bien, ça a un impact sur le début. Et c'est ça au final que nous déplorons, c'est que le processus de négociation est entaché, il est limité, il est réduit. En fait, l'équilibre de rapport de force est atteint parce qu'au final, on dit, dès le départ : Il y a... mais pas ce qui va se passer. Dès le départ, il y a le potentiel qu'à la fin vous soyez impactés négativement face à une table de négociation. C'est partir avec un désavantage.

Mme Cadet : O.K., je comprends. Merci. Je comprends bien votre position ici. Plus tôt, il a été évoqué... donc, les travaux du Comité de la liberté syndicale de l'Organisation internationale du travail, qui s'est penché sur la question, donc, des services minimalement requis. Donc, vous avez évoqué, donc, le libellé qui est ici, puis je pense que vous m'avez entendu poser des questions justement sur la clarté ou comment, donc, ce serait possible de mieux baliser ce qui est présenté ici. Je ne sais pas si vous, vous vous êtes penché sur les travaux du Comité de la liberté syndicale et les exemples qui ont été donnés sur des services minimalement requis, qui pourraient servir de balises au Tribunal administratif du travail dans son interprétation de l'article 4.

M. Vachon (Luc) :À date, je ne me suis pas penché là-dessus. Je dirais n'importe quoi si je...

Mme Cadet : M. Lesage.

M. Lesage (Samuel-Élie) : Oui. Bien, je peux répondre très brièvement. Dans le mémoire, on en cite, certaines des décisions... bien, certaines synthèses des décisions du Comité de la liberté syndicale qui montrent clairement l'importance de... bien là, je vais citer, je suis à la page... de mon mémoire. N° 1 : Mettre la vie en danger et sécurité de la population dans son ensemble... services essentiels au sens strict du terme. N° 2 : Qui pourrait créer une crise nationale aiguë. N° 3 : Services publics d'importance primordiale. Là, on est pour les services essentiels. Si on touchait 109.3 par le Code du travail, j'imagine que le Comité de liberté syndicale ou quelque chose d'équivalent quelque part que je n'ai pas regardé à ce moment-là pour le mémoire, mais on voit qu'on a des critères qui sont extrêmement plus restreints, plus limités, très prudents, leur application. Et, en disant ça, on se demande en quoi 111.0.17 services essentiels, quand... assujettis aux entreprises privées, excusez-moi, en quoi ce n'est pas suffisant?

• (18 h 10) •

Mme Cadet : ...pouvez-vous répéter le dernier bout de votre phrase, 111.0.17?

M. Lesage (Samuel-Élie) : Oui. 111.0.17, quand ça s'applique en entreprises privées qui donnent des services essentiels, en quoi ce n'est pas suffisant?

Mme Cadet : O.K., O.K. Bien, essentiellement, ce que je... ma compréhension de ce 111.0.17, c'est que, là, donc, on parle, donc, des services publics qui, à ce moment-là, donc le...

Mme Cadet : ...donc, peuvent être déférés, là, au tribunal... donc, tribunal, de son propre chef ou à la demande de l'employeur ou de l'association accréditée, donc, peut, s'il croit que ça peut avoir pour effet de mettre en danger la santé ou la sécurité publique, ordonner à ceux-ci les services... de maintenir les services essentiels. Donc là, on est vraiment dans l'interprétation stricte des services essentiels. Mais ici, la question que j'avais, là, c'était sur le concept, donc, de services minimalement requis, là, qui a fait l'objet de travaux, qui va au-delà, donc, de l'interprétation donnée aux services essentiels. Mais je vous entends là-dessus que, selon vous, ce qui est prévu ici, donc, devrait pouvoir correspondre, même si c'est... c'est plus large. En fait, ce que vous dites, c'est que le législateur détient déjà les outils, là, pour répondre à ces services-là, selon vous.

Ensuite... Bien, en fait, je pense, je vais laisser ma collègue de D'Arcy-McGee d'y poser des questions avec le temps qui nous est imparti. Merci.

Le Président (M. Allaire) : Mme la députée de Darcy-McGee, la parole est à vous.

Mme Prass : Merci, M. le Président. Vous avez évoqué, dans une de vos réponses ici, que vous reconnaissez quand même qu'il y a un effet sur des populations vulnérables. Et vous avez critiqué dans le projet de loi qu'on mentionne «notamment». Donc, vous n'avez pas fait de recommandations dans le cadre de votre mémoire, mais, par exemple, est-ce que ça n'aurait pas été un élément à ajouter? Parce que vous semblez avoir une reconnaissance qu'il peut y avoir un effet négatif sur certains groupes de personnes vulnérables. C'est ce que je comprends de ce que vous avez dit tantôt?

M. Vachon (Luc) :Effectivement. L'idée, ce n'est pas de... L'idée, dans notre présentation, ce n'est pas de venir nier qu'il ne peut pas y avoir des choses qui soient... qui devraient être aménagées, qui pourraient être aménagées. L'idée, ce n'est pas ça. Je répète, notre intervention, elle est sur la forme beaucoup plus que sur le fond. Puis, de venir mette que c'est le bien-être de la population en opposition au conflit, ça, ça heurte profondément. Parce qu'on peut, on peut, lorsqu'on nous sollicite, intervenir et trouver des pistes de solutions. Alors, si, demain matin, on avait travaillé puis qu'on aurait eu des préoccupations, qu'on aurait eu des choses, on aurait pu mettre des choses au jeu, on aurait pu regarder c'est quoi les éléments et trouver peut-être des pistes qui auraient déjà balisé, peut-être que ça aurait même permis, au niveau des organisations syndicales, en contrepartie de... Parce que le dialogue social... ça a été nommé, le dialogue social, ça veut dire qu'on discute, ça veut dire qu'on écoute l'opinion des autres parties, des arguments, et chercher les zones de compromis. Et, chaque fois qu'on travaille en dialogue social, c'est ce que nous faisons.

Donc forcément, il y aurait eu des préoccupations qui auraient été... Ça aurait été quoi, les pistes de solution? Je ne suis pas capable de le dire, mais peut-être que ça aurait permis qu'en contrepartie d'une ouverture sur des personnes vulnérables, nous aurions eu une contrepartie qui sécurise le processus de négociation, par exemple, ou qui vient sécuriser la grève, si elle a lieu, le conflit de travail, s'il a lieu, pour rééquilibrer les rapports de force. Mais est-ce qu'on peut nier qu'il y a des situations? La réponse est non. On aurait pu... On aurait pu se pencher là-dessus.

Mme Prass : Merci beaucoup. Je pense, mon temps est écoulé. Merci.

Le Président (M. Allaire) : Vous avez bien calculé. On enchaîne avec la députée de Verdun. La parole est à vous pour trois minutes 28 secondes.

Mme Zaga Mendez : Merci. Merci beaucoup pour votre présentation.

Ma première question. Vous avez déjà commencé à répondre en parlant de l'élaboration puis de s'attarder plutôt aux situations en amont plutôt que, comme vous l'avez dit, de restreindre, réduire et limiter le cadre de la négociation, de voir comment on peut le faire en amont... on pouvait développer sur comment et les effets bénéfiques que ceci pourrait avoir.

M. Vachon (Luc) :En fait, un peu comme je le soulignais, c'est... Quand on aborde une situation comme celle-là, et là on est en train d'apporter une modification au Code du travail, quand on aborde un sujet aussi polarisateur que ça, et, je pense, je n'ai pas besoin de vous faire la démonstration de la polarisation qui génère, ça devrait, socialement, pour que ce soit durable, pour ne pas qu'on embarque dans un processus de judiciarisation, passer par un processus de consultation.

C'est vrai que ça peut bousculer quand on amène un sujet comme celui-là, quand on amène autant les associations patronales que les organisations syndicales à discuter d'un sujet comme ça, ce n'est pas forcément un élan naturel qui va se faire. Il va y avoir une certaine réaction. C'est correct. Mais, en même temps, on sait tous qu'en bout de ligne on va devoir trouver une piste parce que, sinon, il va se passer quelque chose pareil. Avec ou sans nous, il va arriver quoi, à l'autre bout. Donc, on a intérêt à travailler, on a intérêt à travailler sur les pistes et de trouver des zones de compromis et même d'échanger des éléments...

M. Vachon (Luc) :...en contrepartie. Ça permet ça, pour arriver à la fin à dire : Bon, O.K. Voici où on s'entend - ça, c'est déjà réglé. Une fois qu'on s'est entendus, on ne s'obstinera pas - et voici où on ne s'entend pas puis pourquoi on ne s'entend pas. L'argumentaire serait produit, les propositions seraient faites. Et à ce moment-là, bien évidemment, le ministre a son rôle d'arbitrage là-dedans pour aller... Mais ça, on fait déjà ça. On l'a fait, puis ça a été nommé, pour le travail des enfants. Je veux dire, on le fait déjà. Est- ce qu'il y a des sujets plus costauds que d'autres, puis que celui-là en serait un? Assurément.

Mme Zaga Mendez : C'est contraire aux pratiques habituelles que vous avez connues auparavant dans l'arbitrage de ces enjeux?

M. Vachon (Luc) :C'est à dire qu'on a pu voir... C'est ça. Je ne dirais pas que c'est la première fois qu'un projet de loi est déposé comme ça, je dirais juste que, quand on est dans... en processus où on veut valoriser et promouvoir le dialogue social, c'est dans les moments les plus costauds comme ceux-là qu'il faut le faire. Le dialogue social ne peut pas servir aux affaires qui sont plus périphériques uniquement, on doit utiliser le dialogue social pour les événements qui sont cruciaux dans le monde du travail. C'est le meilleur moyen de faire réfléchir les intervenants puis de développer des relations à long terme.

Mme Zaga Mendez : Puis, adopté tel quel, le projet de loi, est-ce que vous avez l'intention de contester cette loi devant les tribunaux?

M. Vachon (Luc) :Tel quel?

Mme Zaga Mendez : Oui.

M. Vachon (Luc) :Vous me faites peur, là. Mais tel quel, je pense qu'il ne faut rien écarter, effectivement.

Mme Zaga Mendez : Bon, il me reste peut-être 10 secondes. Je ne sais pas si vous voulez ajouter quelque chose.

M. Vachon (Luc) :Non. Je dirais... Moi, j'ai confiance au processus, s'occuper de ce qui génère les conflits, pas uniquement de la situation de conflit, et c'est ce que je ne retrouve pas, puis que je reçois dès qu'on retrouve.

Le Président (M. Allaire) : Merci. Merci, Mme la députée de Verdun. On enchaîne avec le député de Jean-Talon. La parole est à vous.

M. Paradis : Merci. C'est intéressant. On a beaucoup parlé de l'arrêt de la Cour suprême Saskatchewan. Vous nous parlez d'un autre arrêt, l'arrêt Pepsi-Cola 2002, dans lequel la Cour suprême rappelle que l'objectif de la grève, c'est de causer des effets socioéconomiques, et que ça fait partie du droit de grève. Vous nous dites que le projet de loi, en réalité, c'est ce qu'il vise principalement, c'est de s'attaquer à cette question-là des effets socioéconomiques, et qu'en conséquence ça violerait non seulement les décisions de la Cour suprême, mais aussi le droit international, et notamment les décisions rendues par l'Organisation internationale du travail. C'est bien ça?

M. Vachon (Luc) :Bien, effectivement. Quel est le... Quand un groupe de salariés décide de faire la grève, bon, alors forcément, le levier que ça a, c'est un levier économique; je veux dire, c'est de faire mal économiquement pour forcer l'autre partie à accepter des positions et des mises au jeu. Est-ce que ça a des effets collatéraux? Oui, ça va en avoir, c'est sûr, ça fait partie de l'équation, puis je dirais même que des fois c'est l'impact sur le public qui est le plus grand levier, justement, c'est le plus grand levier. Si on élimine l'aspect économique d'abord, que les tribunaux ont déterminé qu'il ne fallait pas prendre en considération...

Le Président (M. Allaire) : Merci. Malheureusement, ça met... Désolé, ça met fin à ce petit bloc. Député de Saint-Jérôme, la parole est à vous pour le même temps.

M. Chassin :Ça va très vite. Vous parlez... Dans le fond, on ne s'attaque pas à ce qui génère les conflits, on s'attaque finalement à un moyen de mettre fin, dans le fond, au conflit a posteriori, là, une fois qu'il est apparu. Si je vous prends au mot, puis là je vous prends un peu au mot, justement, si on parle de certains... de certaines problématiques que... de la population a vu dans les syndicats, par exemple le fait qu'on vote sur la poursuite d'une grève ou sur, par exemple, entériner une entente de principe, mais après des heures de procédure en Teams, puis là, bien, ça devient très compliqué, puis certains syndiqués ont qualifié ça d'épreuve olympique, bien, est-ce qu'on peut peut-être réfléchir, au CCTM, là-dessus?

M. Vachon (Luc) :Tout... Dans les pratiques syndicales, il y a certainement des choses à aménager. Les travailleurs sont propriétaires de leur organisation, c'est à eux de faire en sorte que l'organisation réponde à leurs besoins correctement. C'est à eux, ça leur appartient. Si des choses comme ça se passent, ce n'est pas souhaitable, c'est clair que ce n'est pas souhaitable. Mais ça appartient aux travailleurs puis aux travailleuses, ils ont le pouvoir de le faire. Moi, si quelqu'un chez nous vit ça, c'est sûr que le téléphone va sonner, puis qu'il va y avoir des choses qui vont changer, puis je n'ai pas besoin d'une loi pour ça.

Le Président (M. Allaire) : Merci. Merci. Ça met fin à ce petit bloc d'échange, donc ça met fin aussi à l'ensemble des blocs d'échange. Merci, M. Lesage, M. Vachon, pour votre contribution à cette commission...

Le Président (M. Allaire) : ...plaisir de vous retrouver pour un autre projet de loi. Donc, nous allons suspendre les travaux. Merci.

(Suspension de la séance à 18 h 20)

(Reprise à 18 h 28)

Le Président (M. Allaire) : Alors, nous allons reprendre les travaux. On accueille le dernier groupe de la journée, la Fédération québécoise des municipalités. Bienvenue! Alors, je vais vous laisser vous présenter avec votre titre officiel, s'il vous plaît, et vous aurez la parole ensuite pour votre 10 minutes, pour votre exposé. Alors, la parole est à vous.

M. St-Pierre (Guy) : Bonjour. Bienvenue... pas bienvenue, mais merci de nous recevoir - la journée est longue pour nous aussi à l'occasion - merci de nous recevoir. Je suis Guy St-Pierre, maire de Manseau. Je siège au conseil d'administration de la FQM et aussi à l'exécutif de la Fédération québécoise des municipalités. Je suis accompagné de Sylvain Lepage, qui est notre directeur général; de Mme Héloïse Desgagnés, qui est directrice des services RHRT, Ressources humaines et relations de travail; et Vincent Desrosiers, qui est agent politique au niveau de la FQM. On y a va.

Donc, M. le ministre, M. le Président de la Commission de l'économie et du travail, Mmes, MM. les députés, membres de la commission, je remercie les membres de la commission de nous recevoir. Et, comme vous le savez, la Fédération québécoise des municipalités regroupe plus de 1050 municipalités locales et régionales, l'ensemble des MRC, et, à ce titre, nous sommes le porte-parole des régions. Aujourd'hui, je suis accompagné de... - je l'ai dit, excusez, c'est dans mon texte.

D'entrée de jeu, la FQM est en accord avec les objectifs poursuivis dans ce projet de loi, c'est-à-dire de prendre en compte le bien-être de la population en cas de grève ou de lock-out, et nous y voyons une pertinence particulière pour les régions éloignées où l'accès aux services est déjà restreint. Également, la possibilité pour le ministre de déférer un conflit à l'arbitrage constitue un levier pour les municipalités dans le cadre de la négociation de leur convention collective, notamment, en raison de leur capacité financière souvent limitée. Toutefois, nous sommes d'avis qu'il serait utile d'apporter des modifications au projet de loi afin de s'assurer que l'impact d'une grève ou d'un lock-out sur le bien-être de la population soit évalué en tenant compte de la taille et de l'éloignement des communautés.

• (18 h 30) •

Maintenant, le maintien des services assurant le bien-être de la population. Ces dernières années, le Tribunal administratif du travail a été amené à de nombreuses occasions à se prononcer sur l'assujettissement aux services...


 
 

18 h 30 (version non révisée)

M. St-Pierre (Guy) : ...de différents services publics. Dans certains cas, même si le bien-être de la population pouvait être affecté par une grève, le tribunal n'a pas ordonné le maintien de services essentiels car il n'était pas démontré à la satisfaction du tribunal que la santé ou la sécurité du public pourraient être mises en danger. Par exemple, dans la dernière année, les préfets de la MRC de la Côte-Nord ont demandé à Québec de faire de la traverse Matane-Baie-Comeau-Godbout un service essentiel, en plus de mettre fin au conflit de travail entre la Société des traversiers du Québec et ses employés. En 2020, le Tribunal administratif du travail avait jugé que la traverse n'était pas un service essentiel, car même si la grève cause des difficultés, des ennuis ou des inconvénients, elle ne met pas en danger la santé ou la sécurité publique, qui est le seul critère applicable en cette matière. Pour les préfets, il était évident que l'interruption de service, notamment en raison de l'enclave de la région causait des préjudices au bien-être de la population, entre autres pour le déplacement des travailleurs et pour l'obtention de soins de santé dans les établissements hors de la région. Dans le projet de loi n° 89, le ministre vient régler ce vide juridique en élargissant la possibilité de maintenir un niveau de service minimal en cas de grève ou de lock-out des secteurs ou des activités qui ne sont pas visées par la définition des services essentiels au Code du travail. Ainsi, sans être qualifié de service essentiel, le traverse pourrait se qualifier de service à maintenir pour assurer le bien-être de la population. La FQM est aussi d'accord avec l'élargissement de cette mesure au secteur privé.

En régions plus éloignées, l'arrêt de certains services en raison d'une grève ou d'un lock-out peut causer de sérieux préjudices au bien-être des populations vulnérables, comme les personnes aînées, les personnes itinérantes, les personnes à mobilité réduite et les personnes isolées géographiquement, pour ne nommer que ceux-là. Nous proposons au gouvernement de prévoir un mécanisme permettant à une municipalité de soumettre au ministre une demande visant à garantir un niveau suffisant de services Si elle estime qu'une grève ou un lock-out sur son territoire porte atteinte à la sécurité économique, sociale ou environnementale de sa population. Elle pourrait agir ainsi à titre d'employeur, mais également à titre de gouvernement de proximité. Il reviendra alors au ministre de juger bon ou non, de décréter ou non le maintien des services pour assurer le bien-être de la population.

La FQM accueille favorablement la possibilité pour le ministre de déférer un conflit à l'arbitrage s'il entrevoit qu'une grève ou un lock-out cause ou menace de causer un préjudice à la population et si l'intervention d'un conciliateur ou d'un médiateur s'est avérée infructueuse. En plus d'être un levier intéressant pour les municipalités, il s'agit d'un compromis favorable permettant d'assurer à la fois la protection des droits des travailleurs à négocier leurs conditions de travail, de la sécurité sociale, économique... de la sécurité sociale, économique ou environnementale de la population et de la capacité de payer des municipalités. Par cet arbitrage, le ministre pourra mettre fin à une impasse en cours de négociation en y substituant un mécanisme véritable de règlement de différends.

À nouveau, et pour ces mêmes raisons, nous recommandons de prévoir un mécanisme permettant à une municipalité de soumettre au ministre une demande afin de déférer un conflit de travail à l'arbitrage si cette dernière estime qu'une grève sur son territoire porte un préjudice grave ou irréparable à sa population. Évidemment, il reviendra alors au ministre de juger de la pertinence de déférer le conflit à l'arbitrage. Finalement, comme mentionné précédemment, le ministre peut déférer à un arbitre un conflit de travail pour déterminer les conditions de travail s'il constate ou appréhende une menace pouvant causer un préjudice grave ou irréparable à la population en raison d'une grève ou d'un lock-out.

Néanmoins, nous nous questionnons sur l'interprétation que donneront les tribunaux au terme «préjudice grave ou irréparable». Nous proposons de le remplacer par la notion de «préjudice sérieux ou irréparable», qui figure expressément à l'article 511 du Code de procédure civile en matière d'injonction interlocutoire et qui a été interprété et appliqué à plusieurs reprises par les tribunaux et déjà à certaines occasions en matière de droit du travail. Nous serions maintenant prêts à répondre à vos questions, avec mes collègues.

Le Président (M. Allaire) : Merci, M. St-Pierre. M. le ministre, la parole est à vous.

M. Boulet : Oui. Merci, M. St-Pierre. Merci à la FQM, hein, c'est un très beau document. Vous avez des recommandations. Quand on a des recommandations, c'est qu'on adhère aux objectifs du projet de loi, et ça, je l'apprécie beaucoup. Quand on n'adhère pas aux objectifs...

M. Boulet : ...on a peu ou pas de recommandation. Ça, c'est un petit commentaire qui m'appartient. Mais je suis intéressé aussi de reprendre... puis vous le savez, que le processus de négociation, ce que certains disent en amont, il y a énormément d'expertises qui ont été développées au Québec, soit dans le privé et aussi dans le public, parce que là, je pense au ministère du Travail, on a fait au-delà de 500 interventions. Et vous connaissez ça, Héloïse, vous... Mme — excusez-moi, votre nom de famille? — ...

Des voix : ...

M. Boulet : ...Desgagnés, parce que vous vous occupez des ressources humaines, Mme Desgagnés, l'aide à l'amélioration des relations de travail, l'accompagnement à la négociation de renouvellement ou de première convention collective puis les conciliateurs-médiateurs, il y a un groupe à Québec et à Montréal. Mais je le dis parce que je suis un peu sensible, en fait beaucoup, M. St-Pierre, quand, dans votre mémoire, vous faites référence à la pertinence du projet de loi puis vous référez notamment aux régions... aux personnes qui sont dans les régions un peu plus éloignées. Est-ce que, M. St-Pierre, vous auriez un exemple à nous donner... puis peut-être que vous n'en avez pas, mais un exemple d'une région ou d'une municipalité où l'éloignement a été un facteur qui a nui à l'accès aux services de la population en cas de conflit de travail? Est-ce que vous avez un cas? Sinon, ce n'est pas plus grave que ça, là.

M. St-Pierre (Guy) : ...laisser Sylvain y aller, mais, dans le mémoire, on parlait de la Côte-Nord tantôt, là, sur la...

M. Boulet : Ah! oui, j'ai vu ça, là. Mais est-ce qu'il y en a un, cas particulier de la Côte-Nord, d'une municipalité là-bas?

M. Lepage (Sylvain) : Dans le cas de la traverse, je pense que tout le monde...

M. Boulet : C'est vrai, c'est vrai.

M. Lepage (Sylvain) : ...c'est un dossier qui a été très médiatisé, vous le savez. On peut prétendre que ce n'est pas un service essentiel, c'est d'ailleurs ce que nous a dit le tribunal, au sens des définitions actuelles. Sauf que vous savez comme moi que la Côte-Nord, c'est un immense territoire, et d'exiger des citoyens qu'ils fassent le tour, hein... Je pense, c'est un cas concret, là, tu sais.

M. Boulet : C'est tellement un cas concret. Puis j'en ai parlé à des collègues de d'autres partis à l'Assemblée nationale, puis effectivement ce cas-là revient souvent. Le critère pour les groupes soumis au régime des services essentiels dont les services publics comme celui des traversiers, il est assez restrictif, et c'est pour ça qu'on crée un régime parallèle où on réfère à la nécessité de s'intéresser au bien-être de la population, puis c'est là qu'on utilise le concept de service minimalement requis pour assurer que la sécurité sociale, économique ne soit pas affectée de manière disproportionnée. C'est un cas tellement patent, un cas tellement clair, où, si on entendait des personnes venir ici puis témoigner de l'impact du conflit de travail sur leur qualité de vie, sur le temps d'attente... C'est vraiment un cas... puis je le souligne, là, c'est particulièrement intéressant. Vous parlez aussi des capacités financières souvent limitées. Ça, vous référez éventuellement, en cas de soumission, à un arbitre de différent, de...

M. Lepage (Sylvain) : Ça fait partie des problématiques que nous avons, M. le ministre, que, même dans le cas... même dans le cas des premières conventions collectives, là, qui sont assujetties, vous le savez, déjà à l'arbitrage, il y a souvent un déséquilibre entre les petites municipalités. Une municipalité qui a 200, 300, 400, 500 habitants, comprenez-vous qu'elle ne peut pas payer... Et là je vais parler contre ma paroisse, ayant gagné ma vie pendant plusieurs années comme procureur patronal, il n'en demeure pas moins que payer 50 000 $, 100 000 $ d'honoraires pour faire un arbitrage de première convention collective, c'est extrêmement difficile pour les petits employeurs et que sont souvent les petites municipalités. Alors, en ce qui nous concerne, il y a quand même un certain déséquilibre à ce niveau-là que règle partiellement, bon, l'existence du droit à l'arbitrage. Mais oui, effectivement, vous avez raison de souligner qu'on souligne dans notre mémoire le fait que le recours à l'arbitrage n'est pas ouvert autant qu'il peut l'apparaître en raison du coût qui est attaché à ça.

• (18 h 40) •

M. Boulet : Totalement, pour les très petites municipalités. Puis, oui, vous avez totalement raison. Si jamais on a à embaucher un avocat, avec les honoraires professionnels, ça finit par presque accoter un bon pourcentage de la masse salariale, là, des employés. Ça fait que ça, je le comprends. Mais sachez que les critères, là, inhérents à la masse salariale puis les comparaisons avec les autres employés, là, qui apparaissent, vous le savez, là, dans la loi...

M. Boulet : ...pour le régime de négociation dans le secteur municipal sont maintenus dans notre projet de loi.

Niveau suffisant, bien, je ne sais pas si vous m'avez entendu, évidemment, ce sera plus du cas par cas, là. On ne peut pas dire «le secteur municipal», il faut essayer d'avoir un projet de loi qui est le plus compatible possible avec les enseignements de la Cour suprême. C'est ce que nous allons faire. Et donc il s'agira d'évaluer, de documenter et de justifier les circonstances de chaque conflit de travail et s'assurer que les critères, parce que c'est le Tribunal administratif du travail qui aura à le déterminer, sont rencontrés.

O.K., vous disiez, bon, évidemment, l'arbitrage c'est... J'ai pris note de votre... au lieu de préjudice grave ou irréparable», vous souhaiteriez que ce soit préjudice sérieux ou irréparable». C'est quoi... pourquoi vous demandez ça, particulièrement?

M. Lepage (Sylvain) : Parce que l'expression «préjudice sérieux» a fait l'objet d'une abondante jurisprudence, vous le savez, notamment en vertu du Code de procédure civile, et donc il n'y aura pas de controverse jurisprudentielle sur ce que ça veut dire. Notre objectif, c'est d'éviter, encore une fois, d'investir dans les honoraires d'avocats. Lorsque le droit est clair et peu contesté, ça amène beaucoup plus facilement les parties à s'entendre.

Et l'autre recommandation, vous l'avez sûrement remarquée, c'est que la loi soit davantage claire sur la possibilité, pour une municipalité, mais je peux vous dire pour un employeur, de s'adresser au ministre. Pour nous, ça semble implicite. On comprend que vous aurez le pouvoir, que le ministre aura le pouvoir, mais il devrait y avoir un droit clair de s'adresser au ministre, qui fera son enquête et décidera, en fonction de l'enquête qu'il fera, si les critères, comme vous venez de le dire, il y a quelques minutes, sont rencontrés, mais ça... il nous apparaît essentiel que la loi précise qu'une personne, un employeur peut s'adresser au ministre pour le demander, qui l'acceptera ou le refusera, en fonction de sa discrétion, là, des règles applicables au pouvoir discrétionnaire, là.

M. Boulet : Parfait. C'est bien compris, c'est bien entendu. Merci beaucoup pour vos recommandations. Merci. Vous êtes aussi, Me Lepage et Me Desgagnés... et la notion de préjudice sérieux ou irréparable, vous expliquez très bien la raison. Puis comme j'ai parlé, je pense à un groupe précédent, c'est souvent interprété dans les contextes d'injonction interlocutoire provisoire. Ça fait que, merci de vos commentaires puis de votre adhésion aux objectifs et aux principaux paramètres de ce projet de loi qui est vraiment important pour la population québécoise. Merci, et au plaisir de se revoir bientôt.

Le Président (M. Allaire) : Merci, M. le ministre. On enchaîne avec l'opposition officielle. Mme la députée de Bourassa-Sauvé, la parole est à vous. Vous avez un peu plus de...

Mme Cadet : Ah! D'accord. Merci beaucoup, M. le Président. Merci à vous, M. St-Pierre. Me Lepage, Me Desgagnés, M. Desrosiers. Merci également, donc, pour votre mémoire. Donc, je vais d'abord y aller avec vos recommandations, avant peut-être d'ouvrir plus largement, puisque je comprends que nous avons un peu plus de temps. Donc, vous l'avez évoqué, donc, en fin d'échange avec le ministre, donc, votre première recommandation, vous souhaitez que le gouvernement prévoie un mécanisme qui permet à une municipalité de soumettre au ministre une demande visant à garantir un niveau suffisant de services et les SEM qu'une grève ou un lock-out sur son territoire porte atteinte à la sécurité économique, sociale ou environnementale de sa population.... bien saisir, donc, ce serait, donc, un mécanisme parallèle à celui qui se trouve dans le projet loi, mais qui serait spécifique, attribuable, donc, aux municipalités?

M. Lepage (Sylvain) : ...un mécanisme complémentaire. Parce qu'on n'a pas trouvé de disposition claire qui dit : Lorsqu'une municipalité est d'avis que le conflit ou la situation porte... porte un... ou fait, cause, un préjudice sérieux ou irréparable à sa population, elle peut s'adresser au ministre et demander que, puis le ministre... suite à ça, le ministre a tant de jours pour étudier puis répondre si, oui ou non... Ce n'est pas présent dans le texte actuel du projet de loi.

Mme Cadet : O.K. Donc, quand vous dites, donc, complémentaire, donc, ce qu'on retrouve à 111.22.4, là, qui est introduit par l'article 4 du projet de loi, lorsqu'on dit : «Le gouvernement peut, par décret, désigner l'association accréditée et l'employeur à l'égard desquels le tribunal peut déterminer les services d'assurance bien-être de la population devant être maintenus en cas de grève ou de lock-out», donc, vous dites, donc, préalablement à l'émission de ce décret, donc, vous voudriez, donc, avoir un mécanisme formel pour...

M. Lepage (Sylvain) : Tout à fait, qui fait que nous devons avoir une réponse formelle à une demande formelle...

M. Lepage (Sylvain) : ...

Mme Cadet : O.K. O.K. Et, ici, peut-être, en fait, nous orienter. Parce que là je me dis, en théorie, le ministre, donc, peut, donc, émettre, donc, ce décret-là. Et, à ce moment-là, donc, le tribunal s'en saisit. Pourquoi est-ce que vous souhaitez vous adresser directement au ministre et non pas vous dire : O.K., bien, nous, on aimerait, donc, saisir... avoir un autre mécanisme, là, où est-ce qu'on saisi directement le tribunal?

M. Lepage (Sylvain) : Essentiellement parce qu'avec tout le respect que j'ai pour les parlementaires et pour le ministre, généralement, on régit... on réagit à l'actualité médiatique. Quand vous êtes à Barraute, en Abitibi, mon village natal dont plusieurs d'entre vous ont entendu parler à chaque fois que je viens ici, l'actualité médiatique se retrouve rarement à la une des journaux et de La Presse que vous lisez tous chaque matin ou Le Devoir. Alors, si on veut faire émerger au niveau politique ces situations-là qui existent concrètement à l'extérieur de Québec et Montréal, la meilleure façon, c'est que le maire écrive au ministre pour dire : Écoutez, moi, j'ai tel conflit depuis tant de semaines, il se passe ceci, pouvez-vous faire de quoi? Alors, il peut évidemment déjà s'adresser à son député, vous allez me dire, mais là il y a une demande formelle d'adressée au ministre, et le ministre devra répondre. Il pourra répondre non, mais il aura à justifier auprès de l'élu ou des élus et de la population de la communauté le refus.

Mme Cadet : De justifier publiquement. Parce qu'en fait, dans les faits, la municipalité, donc, peut toujours... si les canaux de communication sont ouverts, donc, interpeler le ministre. Mais, vous, ce que vous souhaitez, c'est qu'il y ait un mécanisme...

M. Lepage (Sylvain) : Vous savez, quand vous êtes à Rochebaucourt, les travaux de... la communication, elle a... elle a plus de chance de passer par la FQM que par une adresse au ministre.

Mme Cadet : Oui. Certainement.

M. Lepage (Sylvain) : Mais c'est quand même ça, la réalité des régions, là. On est tous très québéco-montréalocentristes. Et j'en fais partie. Je vis à Québec depuis 30 ans, mais aussitôt qu'on sort à l'extérieur des grands centres, surtout dans le nouveau contexte médiatique que vous connaissez tous où il y a peu maintenant de journaux régionaux... Je viens de l'Abitibi. J'ai découvert que tous les journaux qui existaient autrefois n'existent pas. L'Écho abitibien, pour ceux qui connaissaient, c'est tous des journaux qui n'existent plus, qui amenaient sur la place publique ce genre de situation là. Ça fait qu'on pense, c'est important que les élus municipaux puissent s'adresser au ministère, au ministre pour dire : Écoutez, nous, on vise telle situation, nous vous le demandons. Le ministre devra toujours exercer sa discrétion. On le comprend.

Mme Cadet : O.K. Directement et non pas par l'entreprise... par l'entremise de la FQM, là. Là, je comprends mieux. Puis je pense que vous répondez en amont à ma prochaine question.

M. Lepage (Sylvain) : Je ne demande pas que la loi dise : Vous devez vous adresser à la FQM. Entendons-nous bien, là, tu sais. Mais...

Mme Cadet : Ou à un organisme de représentation. Mais vous avez répondu, peut-être, je pense, en amont, à la question suivante que j'avais, à l'interrogation suivante que j'avais par rapport à votre première recommandation, qui était, bien, est-ce que vous... est-ce que c'est un mécanisme qui serait exclusif aux municipalités ou est-ce que vous... bien, en fait, vous donnez votre propre exemple, parce que, bon, évidemment, ce sont les membres que vous représentez, mais ça pourrait être ouvert à n'importe quel...

M. Lepage (Sylvain) : Je ne prendrai pas la place du Conseil du patronat. Je vais me contenter de représenter les municipalités que nous représentons.

Mme Cadet : Parfait. Bien, il y a aussi, je pense, l'exemple que vous avez donné, là, des petites municipalités peut-être un peu plus éloignées, là, qui donnent une spécificité à votre recommandation, donc je le saisis.

Ensuite, bien, je pense, en fait, on est un peu dans la même mouture, là, ce que... la première recommandation, donc, visait, donc, la question, donc, des services minimalement requis. Puis je comprends que c'est un peu, donc, une mesure similaire que vous souhaitez voir, là, en ce qui a trait, donc, à la soumission, donc, d'un conflit de travail à l'arbitrage, que «le gouvernement prévoit un mécanisme permettant à une municipalité de soumettre au ministre une demande de déférer un conflit de travail à l'arbitrage, si cette dernière estime qu'une grève sur son territoire porte un préjudice sérieux et irréparable à sa population.» C'est le même concept ici?

M. Lepage (Sylvain) : C'est... C'est... C'est le même constat. Vous avez tout à fait raison.

Mme Cadet : O.K. Donc, c'est... c'est le même concept qui est appliqué ici. En fait, peut-être pour... parce que là, vous êtes deux avocats devant nous, peut-être juste aussi, pour cet aspect-là... ce que là, je comprends bien, la première... le mécanisme de la première recommandation où est-ce qu'on... il y a, donc, toutes ces couches-là qui sont mises de l'avant, ici, bon, on a beaucoup parlé de l'arrêt Saskatchewan et de l'importance d'avoir des mécanismes les plus impartiaux, efficaces et indépendants possible. Est-ce que ça viendrait, selon... ça ne viendrait pas, selon vous, compromettre un peu, là, l'aspect d'indépendance, si vous avez cette possibilité-là vous-mêmes de pousser officiellement?

• (18 h 50) •  

M. Lepage (Sylvain) : Non, parce que ce n'est pas nous qui, un, au bout de la ligne, va décider s'il y a déférence à l'arbitrage. Évidemment, l'arbitre doit être indépendant. Donc, à ma connaissance, et sous réserve que la Cour ait révisé les décisions que j'ai déjà lues il y a plusieurs années, la Cour a...

M. Lepage (Sylvain) : ...a dit et puis la doctrine enseigne que, dans la mesure où il y a un arbitrage véritablement indépendant, ça permet et équivaut de compenser, entre guillemets, l'absence de droit de lockout et de grève dans ces cas-là alors, et on peut présumer que l'arbitre qui entend l'ensemble de la preuve va trancher de façon à compenser l'ensemble des parties, dont les salariés. Alors, non, pour nous, il n'y a pas de... il n'y a pas de problème là puis, à mon humble avis, il n'y a aucune indication dans la jurisprudence à l'effet contraire, là.

Mme Cadet : Je vous vois hocher de la tête, Me Desgagnés.

Mme Desgagnés (Héloïse) : Je suis tout à fait d'accord avec M. Lepage.

Mme Cadet : Ah! Parfait. Votre troisième recommandation, mais on la lit un peu dans la deuxième, là. Vous utilisez déjà ce libellé-là de «préjudice sérieux et irréparable». Je pense que vous l'avez évoqué un peu avec le ministre, donc c'est vraiment, donc, la question de l'interprétation des tribunaux, selon vous. Mais, en même temps, donc, ça ne vient pas amoindrir le... le degré de... de gravité, là, parce qu'on a l'impression que, quand on utilise le concept de «préjudice grave et irréparable», on donne un seuil plus élevé que celui du «préjudice sérieux».

M. Lepage (Sylvain) : Écoutez, vous savez, la gravité d'une situation où le caractère sérieux varie en fonction de nos moyens financiers respectifs. Je vais vous conter un cas très véridique. Vous vous rappelez qu'il y a environ deux ans on a eu une grève RTC à Québec. Ma femme de ménage n'avait pas de transport en commun, O.K.? Alors, elle a dû abandonner son emploi en appelant chez nous, et je vous jure que ce que je vous conte là est vrai, parce qu'elle n'avait aucun moyen de... de partir du fond de Charlesbourg pour venir dans Montcalm pour travailler. O.K.? Et c'est la première fois où je me suis senti assez démuni face... Vous savez, moi, j'aurais pris un taxi, je l'aurais payé ou un Uber, et ça n'aurait rien changé dans ma vie. Elle, elle était littéralement sans moyens. Ça fait qu'il faut faire attention à l'expression «préjudice grave». Pour elle, là, c'est un préjudice grave ou c'est un préjudice sérieux, pour moi, c'était... personnellement, j'aurais pris le taxi. Et ce que je vous dis, je vous jure que c'est véritablement arrivé, et elle a démissionné, mais ça fait que c'est juste pour vous illustrer qu'on ne parle pas de situations qui n'arrivent pas, c'est vraiment des situations qui arrivent. Évidemment, le ministre va exercer sa discrétion et je ne l'appellerai pas pour lui parler du cas de ma femme de... ma femme de ménage. Mais pour ces gens-là qui, par exemple, utilisent le transport en commun, pour eux, pour elle, il n'y a aucun doute que c'était un préjudice sérieux. Et de dire qu'il devait être grave, tu sais, comprenez-vous que pour nous «sérieux», c'est suffisant? On parle de services publics, entendons-nous bien, on ne parle pas de McDonald qui est en grève puis, au pire, j'irai à l'autre. Ce n'est pas de ça dont on parle, on parle de services publics dont les citoyens sont privés. Alors, quand ça leur cause un préjudice sérieux, on est d'avis que le ministre peut décider que ça mérite d'aller à l'arbitrage.

Mme Cadet : Oui. Merci. Vous venez de parler de services publics, donc on l'a évoqué plus tôt, l'article 111.0.16 du Code du travail indique qu'on entend par «services publics», notamment une municipalité ou une régie intermunicipale». Pouvez-vous nous donner... puis je pense que vous avez donné l'exemple d'un peu donc de la traverse, là, je pense. Mais peut-être étayer un peu mon argumentaire, là. Vous dites donc que l'ajout donc d'une seconde catégorie donc de services minimaux à garantir, donc, pourrait donc vous être utile, considérant que, de toute manière, donc, le tribunal donc peut même, de son propre chef, ordonner à... bon, en fait, le maintien donc de services essentiels en cas de grève lorsqu'on parle de services publics.

M. Lepage (Sylvain) : Oui.Quelle est votre question?

Mme Cadet : Ma question, là, c'est en fait donc en quoi donc une deuxième catégorie donc de... mais en fait la catégorie plutôt donc des services minimaux à garantir, là, et minimalement requis. Comment donc ça viendrait donc vous toucher au-delà de ce qui est déjà prévu, là comme...

M. Lepage (Sylvain) : Bien, si vous voulez mon humble avis, un des problèmes, puis j'imagine que les juristes du ministère l'ont regardé, c'est que la définition actuelle de «services essentiels» est beaucoup trop restrictive, tu dais. Le gouvernement, je le comprends, a fait le choix de ne pas toucher parce qu'il y a toutes sortes de conséquences, je peux le comprendre, légales de toucher à cette définition-là et de prévoir à côté un nouveau système ou un système parallèle. J'imagine qu'il y a des raisons peut- être constitutionnelles ou autres, là, mais en ce qui me concerne, et là je parle en mon nom personnel, une partie du problème est la définition trop restrictive que l'on retrouve actuellement au Code du travail, et c'est ce que vient corriger en bonne partie le projet de loi.

Mme Cadet : Merci. Je vais laisser ma collègue de D'Arcy-McGeecontinuer. Merci beaucoup.

Le Président (M. Allaire) : Mme la députée, la parole est à vous.

Mme Prass : ...M. le Président, on...

Mme Prass : ...on parle, évidemment, dans le projet de loi, de services minimaux requis, et, quand il y a un conflit de travail, bien, c'est communiqué, déjà, au cabinet du ministre de... du Travail. Donc, est-ce que vous pensez... parce que, justement, le fait que vous voulez pouvoir demander qu'il se saisisse d'un conflit de travail pour mettre en place ces mesures-là... est-ce que vous ne pensez pas qu'il y aurait déjà une reconnaissance, qu'il faudrait intervenir dans le cas de ces services minimaux requis? Ou, pour vous, il y a des cas particuliers, au-delà... compte tenu de la réalité des régions?

M. Lepage (Sylvain) : Bien, écoutez, je n'ai jamais... je n'ai jamais travaillé dans un cabinet. J'ai quand même fait beaucoup de choses. Et je serais surpris que le cabinet du ministre du Travail regarde, dans le détail, chaque conflit si personne ne lui soumet qu'il y a une situation particulière qui mérite l'attention du ministre. Alors, évidemment, notre objectif, c'est qu'il reviendra aux élus de déterminer à quel moment ça mérite qu'on dérange... excusez l'expression, là... qu'on s'adresse au ministre pour dire : Écoutez, il y aurait lieu que vous regardiez ce qui se passe ici, là, tu sais.

Mme Prass : Puis, justement, est-ce que c'est question d'entendre la part des citoyens, qui vont dire : Écoutez, nous, cette réalité-là fait en sorte que ça nous porte préjudice, ça nous porte un préjudice sérieux? Ou est-ce que vous... est-ce que c'est vraiment la municipalité qui va être déterminée, au nom de ses citoyens?

M. Lepage (Sylvain) : Bien, nous ne demandons pas que les citoyens puissent s'adresser directement au ministre. En ce qui nous concerne, c'est le rôle des élus. Ceci dit, si les... personne ne peut empêcher un citoyen d'écrire au ministre. Le ministre, la loi prévoit déjà qu'il peut déjà lui-même, décider si un conflit est rendu suffisamment perturbateur, si vous me permettez l'expression, pour faire en sorte que les citoyens s'adressent au ministre. J'imagine que le ministère va réagir, mais...

Le Président (M. Allaire) : Merci. Malheureusement, ça fait... fin à ce petit bloc d'échange. On poursuit avec le député de Jean-Talon. La parole est à vous, 1 min 19 s.

M. Paradis : Je remarque, dans votre mémoire, à la page 6, que vous parlez de protéger les citoyens des conséquences néfastes et perturbatrices des conflits de travail, et, ensuite, vous parlez des services que la population juge importants. Est-ce que, ce faisant, vous proposez une lecture, ou votre lecture, de ce que ça signifierait, donc, les services minimalement requis pour éviter que ne soit affectée, de manière disproportionnée, etc., qu'on retrouve dans le projet de loi?

M. Lepage (Sylvain) : Je ne pense pas, je ne pense pas, en toute honnêteté, que... Vous me demandez d'interpréter à l'avance ce que va faire la commission, là, ou le tribunal. Je pense que le texte de la loi est un peu plus restrictif que ce que nous écrivons, là, en toute honnêteté.

M. Paradis : Mais c'est... mais c'est ce que vous aimeriez voir poindre comme...

M. Lepage (Sylvain) : C'est ce qu'on aimerait... Écoutez, ce qu'on veut éviter là, c'est des situations comme celle dont je vous ai parlé, qui est vraiment... L'idée, ce n'est pas de s'adresser au ministre parce que le balai n'a pas été passé sur la Grande Allée. On peut tous survivre à ça. Je pense qu'on... je doute que le ministre, peu importe son identité, intervienne dans ces cas comme ça. Ce qu'on souhaite, c'est que, lorsque le ministre ou qu'un élu municipal constate qu'il y a une situation difficile, préjudice sérieux...

Le Président (M. Allaire) : Merci. Malheureusement, je dois vous couper.

M. Lepage (Sylvain) : Malheureusement, vous n'avez... vous n'avez pas de temps, mais on pourra en parler ensemble, là.

Le Président (M. Allaire) : On enchaîne... on enchaîne avec le député de Saint-Jérôme. La parole est à vous.

M. Chassin :Le dernier, mais non le moindre, j'ai envie d'ajouter. Bien, en fait, évidemment, vous comprendrez que... Je pense qu'il y a comme, toujours une évolution dans le droit du travail. Là, on arrive, dans le fond, avec un outil législatif qui, justement, prête à interprétation. Puis, en fait, moi, c'est un petit peu ma problématique, là, on confie des pouvoirs au ministre, à l'État ou au tribunal sur la base de concepts flous et peu clairs.

Maintenant, je suis sensible à la situation des municipalités, notamment parce que vous avez, certainement, bien des membres qui ont fait face à des conflits de travail. Vous n'aviez plus d'outils, dans le fond, pour, par exemple, forcer à l'arbitrage. Ça, ça a été problématique pour vous. Puis là je ne sais pas si... Est-ce que... est-ce que vous voyez, là, dans le fond, une solution rétroactive, ou est-ce que, dans le fond, je ne sais pas...

• (19 heures) •

M. Lepage (Sylvain) : Non, on ne voit pas une solution rétroactive. On voit une solution de gros bon sens. Lorsqu'on constate qu'il y a un préjudice sérieux ou grave, choisissez le mot que vous voulez, pour la population, le ministre peut d'abord, en certains cas, imposer une liste de services, puis, à défaut, si ça...

M. Chassin :C'est ça. Mais l'accès aux piscines municipales, par exemple?

M. Lepage (Sylvain) : Oui, pardon?

M. Chassin :L'accès aux piscines municipales l'été?

M. Lepage (Sylvain) : Oui. L'accès... l'accès à une piscine municipale, le 15 juillet, quand il y a une canicule qui dure depuis...


 
 

19 h (version non révisée)

M. Lepage (Sylvain) : ...10 jours, je pense que le ministre pourrait dire : Écoutez, là, ça fait.

M. Chassin :Merci.

Le Président (M. Allaire) : Merci. Merci, M. le député de Saint-Jérôme. Ça met fin à ce dernier bloc d'échange. M. Desrosiers, M. St-Pierre, M. Lepage, Mme Desgagnés, merci pour votre belle contribution à cette commission. C'est apprécié.

Alors, la commission ajourne ses travaux au mercredi 19 mars 2025, après les avis touchant... les travaux des commissions, pardon, où elle poursuivra son mandat. Merci, tout le monde.

(Fin de la séance à 19 h 01)


 
 

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