To use the Calendar, Javascript must be activated in your browser.
For more information

Home > Parliamentary Proceedings > Committee Proceedings > Journal des débats (Hansard) of the Commission permanente des finances et des comptes publics

Advanced search in the Parliamentary Proceedings section

Start date must precede end date.

Skip Navigation LinksJournal des débats (Hansard) of the Commission permanente des finances et des comptes publics

Version finale

31st Legislature, 3rd Session
(February 21, 1978 au February 20, 1979)

Wednesday, June 21, 1978 - Vol. 20 N° 152

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude du projet de loi no 55 - Loi sur l'organisation des parties patronale et syndicale aux fins des négociations collectives dans les secteurs de l'éducation, des affaires sociales et des organismes gouvernementaux


Journal des débats

 

Étude du projet de loi no 55

(Quinze heures quinze minutes)

Le Président (M. Boucher): À l'ordre, madame, messieurs!

La commission des finances et des comptes publics est réunie pour étudier article par article le projet de loi no 55, Loi sur l'organisation des parties patronale et syndicale aux fins des négociations collectives dans les secteurs de l'éducation, des affaires sociales et des organismes gouvernementaux.

Les membres de la commission sont M. Bordeleau (Abitibi-Est), M. Charbonneau (Verchères), M. Gagnon (Champlain), M. Forget (Saint-Laurent) remplace M. Garneau (Jean-Talon); M. Brochu (Richmond) remplace M. Goulet (Bellechasse); M. Grégoire (Frontenac), M. Michaud (Laprairie), M. Parizeau (L'Assomption), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie) remplace M. Raynauld (Outremont); M. Roy (Beauce-Sud).

Les intervenants sont M. Caron (Verdun), M. Gosselin (Sherbrooke), M. Guay (Taschereau), M. Jolivet (Laviolette), M. Martel (Richelieu), M. O'Gallagher (Robert Baldwin), M. Russell (Brome-Missisquoi) et M. Samson (Rouyn-Noranda).

Y a-t-il un rapporteur? M. le député de Laprairie.

M. Grégoire: Est-ce que je peux proposer M. le député de Laprairie?

Le Président (M. Boucher): D'accord, M. le député de Laprairie est le rapporteur. M. le ministre, y a-t-il des commentaires généraux?

Commentaires généraux M. Jacques Parizeau

M. Parizeau: M. le Président, à la suite d'interventions qui avaient été faites à l'Assemblée et de rencontres qui ont eu lieu avec les représentants des commissions scolaires et des établissements de santé et de l'Hydro-Québec, nous avons préparé un certain nombre d'amendements qui, si je comprends bien, ont été distribués. Peut-être qu'à l'occasion de l'examen article par article, on pourrait les examiner un à un.

Je voudrais indiquer l'esprit général de ces amendements. Je pense qu'il s'agit, dans la plupart des cas, sauf dans les questions de révision de style, d'assouplissements au projet de loi 55, dans l'esprit d'un certain nombre des partenaires du gouvernement, dans les négociations qui vont s'engager, d'assouplissements par rapport au texte original. Voilà tout ce que j'avais à dire pour commencer.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le ministre. M. le député de Saint-Laurent.

M. Claude Forget

M. Forget: M. le Président, nous abordons l'étude d'une loi qui, sous une forme légèrement ou sensiblement différente revient avant chaque ronde de négociation dans le secteur public et parapublic. Cette coïncidence qui n'en est pas une, évidemment, devient de plus en plus paradoxale. On se prend à se demander s'il est véritablement nécessaire, chaque fois qu'on entreprend des négociations, de réécrire la loi fondamentale sur la base de laquelle une telle négociation va être entreprise. D'autant plus que, pour l'oeil de l'observateur, même averti, il est décidément très difficile de déceler dans le contexte général de ces négociations une évolution, si peu sensible que ce soit. Du moins, depuis dix ans, on semble être à peu près dans un statu quo légèrement remanié de fois en fois, mais qui est essentiellement le même.

Encore une fois, il est assez difficile de comprendre pourquoi il est nécessaire, une dernière fois ou une nouvelle fois, de remettre sur le métier cette loi-cadre plutôt que de prolonger tout simplement l'existence et le champ d'application de celle qui existait auparavant. C'est donc dans l'analyse détaillée des différences que notre travail doit consister et c'est sur ce plan que des difficultés se découvrent, puisque, dans un tel travail d'exégèse des textes, d'explication détaillée des textes, on voit ou on croit voir des différences notables dans l'esprit qui anime le gouvernement cette fois-ci et dans le rôle respectif que pourrait jouer, nous ne parlons pour l'instant que du côté patronal, le gouvernement d'une part, et les différents regroupements de commissions scolaires ou d'établissements, d'autre part.

C'est d'ailleurs sensibilisés par ces différences et ces nuances que nous abordons notre premier geste en commission parlementaire, qui est de souligner l'inquiétude, voire l'insatisfaction qui habite actuellement les porte-parole et les principaux responsables des associations d'établissements et des commissions scolaires. J'aimerais même faire la lecture d'un document qui a été transmis aux membres de l'Assemblée nationale, relativement à ces questions, et qui consiste en une lettre au ministre de l'Éducation, M. Jacques-Yvan Morin, signée par Me Claude Paquet, le tout au nom de la Fédération des commissions scolaires catholiques du Québec.

Avec votre permission, M. le Président, je vais en faire la lecture. C'est daté du 20 juin. "M. le ministre, nous désirons par la présente vous signifier notre déception relativement à l'intérêt que le gouvernement porte aux négociations avec 4000 instituteurs de la PACT. Le rapport ci-joint de l'état des négociations avec ce groupement syndical démontre que les retards dans le dépôt patronal repose entièrement sur l'absence de mandat de la part du gouvernement. "Nous tenons à vous aviser qu'à partir de ce moment, la Fédération des commissions scolaires

catholiques du Québec se désolidarise de tout retard qui pourrait être imputé à la partie patronale dans les jours à venir. "Veuillez agréer, M. le ministre, l'expression de nos meilleurs sentiments'..

Cette lettre est accompagnée d'un état de négociations au 20 juin, c'est-à-dire à la date d'hier, où l'on se rend compte que, effectivement, un mandat en provenance du Conseil du trésor est absent. Cette lettre a été transmise également au ministre des Finances, M. Jacques Parizeau, le même jour et une deuxième lettre est annexée, indiquant ce transfert.

Il existe également une autre lettre, datée du 21 juin, adressée aux membres de l'Assemblée nationale du Québec, provenant du Quebec Association of Protestant School Boards, de la Fédération des cégeps ainsi que de la Fédération des commissions scolaires catholiques du Québec. La lettre est également signée par Me Claude Paquet, président de la Fédération des commissions scolaires catholiques du Québec, par M. Lang, président du Quebec Association of Protestant School Boards et par M. Benoît Lauzière, président de la Fédération des cégeps du Québec.

Le texte de la lettre est le suivant: "Suite à notre lettre du 13 juin 1978, nous vous faisons parvenir le texte d'un télégramme expédié à l'honorable ministre Jacques Parizeau relativement au projet de loi 55. Nous osons croire que nous pouvons compter sur votre appui pour maintenir aux commissions scolaires et aux collèges le rôle de premiers responsables de l'élaboration des conditions de travail de leur personnel."

Annexé à ceci, le télégramme expédié à l'honorable Jacques Parizeau, en date du 21 juin: "M. le ministre, à la suite de notre rencontre du 14 juin, nous confirmons que les hypothèses d'amendements indiquées par le gouvernement constituent des accommodements intéressants, mais ne répondent pas aux demandes de modifications de principe formulées par les commissions scolaires et les collèges. Nous demandons donc que nos organismes puissent être entendus par une commission plénière de l'Assemblée nationale, une commission parlementaire, ou que l'adoption du projet de loi soit reportée au début de la prochaine session. Une discussion de fond nous paraît nécessaire entre le gouvernement et nos organismes sur les principes devant régir la structuration de la partie patronale et l'élaboration de protocoles de fonctionnement des comités patronaux de négociations."

Voici donc, M. le Président, les attitudes exprimées à la fois sur le rythme de la négociation et, ce qui est encore plus pertinent à nos travaux, sur le contenu du projet de loi 55, du côté scolaire, du moins. Je sais, par ailleurs, que les mêmes malaises existent du côté du réseau des établissements de services de santé et de services sociaux. Sur le plan des retards et des délais dans l'émission des mandats, nous en avons eu une indication claire à l'Assemblée nationale, la semaine dernière, alors qu'on nous indiquait que, même s'il y a eu, dans le cas du COPS, le Cartel des organismes professionnels de la santé, une première rencontre à la fin de mai, que les demandes syndicales ont été déposées, il n'existe pas là de mandat ou il n'existait pas encore, durant les derniers jours, de mandat gouvernemental face à ces demandes. Pour ce qui est de la FIQ, la Fédération des infirmières et des infirmiers du Québec, il n'y avait même pas eu, à la date de mardi dernier, une seule rencontre entre les parties, ce qui avait même privé la partie syndicale de la possibilité de déposer ses demandes.

Là aussi, sur le plan des délais, il y a des difficultés certaines qui contredisent assez clairement les intentions exposées par le gouvernement de s'y prendre longuement d'avance, de manière qu'au moment de l'expiration des conventions collectives, on soit en face d'une perspective prochaine de règlement; les conventions collectives en question expirent le 30 juin prochain, c'est-à-dire dans moins de dix jours, et pourtant, il n'y a pas eu de négociations et il ne peut pas y en avoir puisqu'il n'y a pas de mandat du côté patronal, du côté gouvernemental.

Pour ce qui est des structures du côté des services de santé et des services sociaux, j'ai eu abondamment l'occasion, dans plusieurs rencontres au cours de la dernière semaine, de découvrir le malaise et les hésitations, les réticences et même les objections qu'expriment les administrateurs de santé et de services sociaux devant ce qu'ils perçoivent comme étant le désir du gouvernement et plus particulièrement du Conseil du trésor de garder entre ses mains toutes les décisions et de traiter, ce que le gouvernement, ou du moins les gouvernements précédents désignaient comme ses partenaires, comme des espèces de factotums, des boîtes aux lettres, chargés de partager l'odieux, puisque qu'inévitablement il y a toujours, dans une négociation, un certain odieux à assumer, mais à ne pas faire d'autres efforts plus sérieux que cela pour les associer à la détermination des mandats. C'est du moins une possibilité qu'ils entrevoient.

Comme chacun doit se livrer à des analyses de textes assez subtils, essayer de percer les intentions gouvernementales à travers des nuances dans des textes qui se succèdent et qu'on pourrait bien reconduire, si on n'avait pas l'intention d'y changer quoi que ce soit, on est bien obligé de donner raison à ceux qui expriment de telles réticences, de telles inquiétudes. Ce serait d'ailleurs dans l'optique du gouvernement actuel que de vouloir traiter ses partenaires de cette façon.

Il est donc, à mon avis, M. le Président, important que nous puissions entendre en commission parlementaire les points de vue de ces organismes. Il ne serait pas acceptable, pas seulement au titre d'un principe vague de participation et d'ouverture, de ne pas les entendre et de ne pas leur permettre de participer à la détermination des mandats du côté patronal. Il serait dangereux pour la société de prétendre régler tous les problèmes de l'éducation, tous les problèmes de santé ou de

services sociaux à partir d'une perspective strictement financière.

Or, on sait que la commission Martin-Bouchard — et c'est sans aucun doute l'autorité que voudra citer le ministre des Finances — a ouvert la porte à une telle façon de faire. J'ai d'ailleurs eu l'occasion, et j'y reviendrai, de m'exprimer sur le rapport Martin-Bouchard, sur son orientation, sur le choix qu'on avait fait de commissaires de manière à bien préparer la voie au gouvernement... Il ne faudrait pas se faire d'illusion, il ne s'agit pas d'une autorité que nous acceptons de façon béate ou de façon passive. Nous avons de fortes réserves sur le contenu, l'impartialité et les conclusions du rapport Martin-Bouchard.

Quoi qu'il en soit, le ministre des Finances voudra probablement se défendre d'agir conformément aux recommandations ou à une des recommandations du rapport Martin-Bouchard qui, justement, suggérait que le gouvernement décide de toutes les questions qui ont une incidence financière. Or, il s'agit d'un euphémisme, M. le Président, que de parler ainsi des conventions collectives. Tout le monde sait qu'il n'y a pas de clause, dans un contrat collectif, qui n'a pas d'incidence financière. Même les clauses relatives à l'arbitrage en ont, puisqu'il faut bien déterminer qui paiera l'arbitrage et quels sont les motifs pour lesquels on peut invoquer l'arbitrage, donc toutes les clauses des conventions collectives, sans aucune exception, ont des incidences financières. Je défie quiconque de faire la démonstration du contraire. (15 h 30)

Alors, lorsque le gouvernement se donne le pouvoir de décider seul, de manière prépondérante à tout autre avis, des clauses des conventions collectives qui ont une dimension financière, il se donne le pouvoir seul et exclusif de déterminer l'ensemble des mandats.

Il y a une tradition dans les milieux de l'éducation, de même que dans les milieux de la santé et des services sociaux, qui vise à permettre aux spécialistes de la question, à ceux qui vivent dans ces secteurs, qui les connaissent intimement, qui connaissent également, avec détails, de façon concrète, les difficultés d'application des conventions collectives existantes, les aspirations, les projets de développement et d'évolution propres à chacun des réseaux, d'influer sur la détermination du contenu des conventions collectives.

Ce n'est pas sans danger, encore une fois, que le gouvernement voudrait prendre seul toutes ces décisions et les prendre en considération des perspectives et des implications financières seulement. Or, il est bien connu, M. le Président, pour tous ceux qui connaissent l'appareil gouvernemental et quelle que soit l'intelligence qu'on veuille bien accorder aux fonctionnaires du Conseil du trésor, que l'habitude de considérer toutes les questions sous cet angle financier fait l'effet d'un prisme déformant et, nécessairement, ceci est inévitable.

Donc, à mon avis, il est très grave de s'engager dans la voie d'une centralisation encore plus poussée des décisions, centralisation qui va même jusqu'à concentrer finalement entre les mains d'un seul ministre toutes les décisions essentielles au niveau des négociations, puisque, même dans le cadre législatif envisagé, on pourrait longuement argumenter que les ministres de l'Éducation et des Affaires sociales sauront plus qu'à aucune autre époque coordonner, je devrais même dire subordonner à l'action et aux décisions du ministre président du Conseil du trésor...

Je laisserai ces deux ministres sectoriels faire leur bataille sans l'aide de l'Opposition. S'ils ne sont pas capables de se défendre, tant pis pour eux, ils en subiront l'odieux et c'est déjà commencé. Quoi qu'il en soit de leur velléité d'indépendance vis-à-vis du ministre du Trésor, je pense que, dans les réseaux respectifs, on s'est déjà fait largement et abondamment une idée à cet égard, et ce n'est pas ce qu'on pourrait dire en commission parlementaire qui fera changer d'idée aux gens qui appartiennent à ces réseaux et qui ont vu de près comment cela a déjà commencé de fonctionner depuis un an et demi.

C'est un débat que je ne fais que mentionner, qui n'est pas le mien. Je n'ai pas du tout l'intention de courir à la défense du ministre des Affaires sociales ou du ministre de l'Éducation. Encore une fois, ils sont d'assez grands garçons, présumément, pour faire cela tout seuls. Mais je ne peux pas m'empêcher de souligner au passage l'espèce d'aplatissement de l'un et de l'autre en face de leur collègue des Finances. Cela ne fait que renforcer les arguments qui, eux, cependant, doivent être débattus en commission parlementaire voulant que les gens des réseaux, les responsables des commissions scolaires, ceux des hôpitaux, des centres d'accueil et des services sociaux, doivent avoir le sentiment et la conviction profonde, même, qu'ils ne sont pas des espèces d'appendices du pouvoir, des espèces de marionnettes dont le gouvernement, et en particulier le ministre des Finances, va tirer les ficelles au cours de la négociation.

Ce qui risque d'arriver si cette impression s'accrédite, c'est une espèce de décrochage des cadres dans les deux réseaux. Et Dieu sait combien démuni sera le gouvernement dans une négociation et dans un conflit de travail qui accompagne une négociation, s'il n'a pas l'assurance d'avoir l'appui des cadres de ces deux réseaux.

Il serait virtuellement en face d'une impasse totale, il serait dépourvu de tout moyen d'opposer une résistance quelque peu crédible à des demandes syndicales, parce qu'il devrait rapidement se rendre compte que, finalement, ces deux réseaux, ce qui les fait fonctionner, ce n'est pas le personnel du Conseil du trésor, certains diraient grâce au ciel, mais je leur laisserai ce jugement, ce sont les gens qui ont fait carrière dans les services de santé ou de l'éducation.

Et, dans le moment — c'est un avertissement amical que je fais au ministre des Finances — d'après les informations qui nous parviennent de ce côté-ci de la Chambre, ces gens-là se posent de

sérieuses questions. Certains ont déjà commencé à tirer leurs propres conclusions quant à la façon dont ils vont traverser le prochain conflit. S'ils choisissent tous de devenir de simples spectateurs passifs, je nous souhaite tous bonne chance. Mais je pense que cela ne sera pas drôle et ce ne sera certainement pas mieux que cela a été dans le passé. Cela risque finalement, en définitive, d'être contreproductif pour le ministre des Finances lui-même, parce qu'il risque, dans un tel contexte, d'avoir à faire des concessions plus importantes qu'il ne devrait le faire dans une autre circonstance. Je fais allusion à l'absence possible d'appui du côté des cadres.

En conclusion, M. le Président, j'aimerais faire la motion suivante qui...

Mme Lavoie-Roux: Le député de Richmond aurait aimé faire des remarques générales avant qu'il ne fasse sa motion.

M. Forget: Ah bon! Je m'abstiendrai de faire la motion pour l'instant. Je vous demanderai la permission de reprendre la parole. Le député de Richmond aimerait faire quelques remarques générales avant que nous ne présentions une motion.

M. Brochu: Oui, d'accord.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Richmond.

M. Yvon Brochu

M. Brochu: Merci, M. le Président. Merci aussi au député de Saint-Laurent de respecter cette tradition qui veut qu'on fasse un bref tour de table de commentaires avant d'aller aux motions.

Très rapidement, je voudrais vous indiquer d'abord que le projet de loi a évidemment pour but d'établir ce qu'on appelle le cadre organique. Il y a toute la question des négociations, du côté syndical comme du côté patronal, surtout du côté patronal à cause de la position du gouvernement comme État employeur.

À ce chapitre, le fait que le gouvernement ait laissé la partie syndicale libre de s'organiser à l'intérieur de ce cadre juridique nous semble une approche satisfaisante et sage dans les circonstances.

Si on compare le projet de loi 55 à la loi 95 qu'il modifie, le rôle de coordination des négociations du côté patronal que l'on confie désormais au Conseil du trésor, c'est l'élément essentiellement nouveau qui apparaît dans le projet de loi 55.

En somme, la loi tente de résoudre le problème qui se pose depuis 1972-1973, depuis les deux dernières rondes de négociation, à savoir la nécessité d'une certaine centralisation dans les négociations. Comme je l'ai indiqué au ministre en deuxième lecture à l'Assemblée nationale, la question qui se pose, partant de là, c'est de savoir jusqu'où on va aller dans la centralisation des négociations, à quel moment on va tracer la ligne pour dire que c'est maintenant suffisant en termes de centralisation pour assurer l'objectif qu'on s'était fixé au départ.

Il y a un autre élément sur lequel j'aimerais rapidement attirer à nouveau l'attention du ministre, comme je l'ai fait à l'Assemblée nationale en deuxième lecture. Au niveau des organismes gouvernementaux, tels l'Hydro, la SAQ, la Sûreté du Québec et d'autres, le gouvernement et plus spécifiquement le Conseil du trésor s'arroge, en fait, de par la loi, tous les pouvoirs importants. J'avais fait remarquer à ce moment-là au ministre notre crainte que ce soit en quelque sorte, de la part du Conseil du trésor, une espèce de mise en tutelle de ces organismes. Cela pose évidemment dans son entier la question: Jusqu'où doit-on centraliser ces négociations.

Dans ce sens, je ne répéterai pas les arguments du député de Saint-Laurent; par contre, je réfère le ministre à la citation qu'il a faite de la Fédération des commissions scolaires du Québec et du Quebec Protestant School Board Association qui nous a fait parvenir aujourd'hui un télégramme posant un peu, mais en d'autres termes, les mêmes interrogations que les nôtres.

D'ailleurs, je reprends un des documents qui a été présenté par la Fédération des commissions scolaires catholiques du Québec et le Quebec Protestant School Board Association ainsi que par les autres organismes connexes. Cela avait été présenté ici à l'Assemblée nationale, le 13 juin. Je cite ici, à la page 2 du document: "Selon nous, le projet de loi 55 constitue une mise en tutelle permanente de l'ensemble des commissions scolaires et des collèges du Québec relativement à l'établissement des conditions de travail de leur personnel." Je continue un peu plus loin. "Nous devons rencontrer mercredi le 14 juin 1978 — réunion qui a effectivement eu lieu — le président du Conseil du Trésor afin de lui exposer notre point de vue au nom des membres que nous représentons. Notre représentation vise à empêcher le gouvernement d'accaparer l'ensemble des pouvoirs lors des prochaines négociations dans les secteurs public et parapublic et plus particulièrement dans celui de l'éducation. "

C'était essentiellement leur préoccupation au point de départ. La rencontre du 14 a effectivement eu lieu. Maintenant, on se rend compte, ce matin, par la correspondance, les télégrammes qui nous ont été envoyés, que, dans un premier temps, ces organismes se disent satisfaits des modifications que le ministre vient de nous présenter au projet de loi 55. Par contre, dans un deuxième temps, ils se disent également inquiets et désirent être consultés davantage en ce qui concerne la centralisation de ces négociations. Je pense que c'est un souci que nous devons avoir à l'esprit en abordant les travaux de cette commission parlementaire.

En terminant, je veux souligner tout simplement à l'attention du ministre que le succès de la loi 55, en fait, est relié directement au calendrier du projet de loi 59, et surtout en ce qui concerne le dépôt des offres patronales. C'est un grand en-

semble qui se coordonne. Dans ce sens, je pense que les gestes que nous allons poser en commission parlementaire, les décisions qu'effectivement, à bout de course, le gouvernement va prendre sur son attitude définitive dans l'approche qu'il entend donner à ce cadre organique des négociations, revêtent une importance particulière. Je pense que c'est avec soin qu'on doit, à ce moment, se pencher sur ces problèmes, compte tenu des éléments qui sont à notre disposition maintenant, à savoir la crainte de ces organismes qui est également la nôtre à ce moment. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le député de Richmond. M. le ministre.

Réponse de M. le ministre

M. Parizeau: Quelques observations simplement. Quand le député de Saint-Laurent indiquait tout à l'heure que j'invoquerais le rapport Martin-Bouchard au sujet de ces recommandations quant à la détermination par le Conseil du trésor de toutes les matières de caractère financier, je pense qu'il ne cherchait pas à deviner jusqu'où j'irais, parce que j'ai l'intention d'aller passablement plus loin que cela. Ce que le rapport Martin-Bouchard suggérait, c'était que le Conseil du trésor négocie lui-même toutes les conventions collectives. En fait, il allait bien plus loin que cela, le rapport Martin-Bouchard. Il suggérait, à toutes fins pratiques, que l'agent négociateur dans toutes les conventions, ce soit le Conseil du trésor lui-même. Le gouvernement a trouvé que c'était là justement une proposition qui aurait beaucoup trop centralisé le processus. Dans ce sens, le projet de loi 55, il faut bien s'en rendre compte, sur cette base, va beaucoup moins loin que le rapport Martin-Bouchard. Néanmoins, il implique, sur le plan de l'établissement des mandats, une centralisation au Conseil du trésor pour des raisons qui visent à corriger une situation qui, dans le passé, a parfois été chaotique. À partir du moment où les secteurs public et parapublic dépensent en salaire près de $6 milliards, un peu plus de $6 milliards, si on comprend les organismes gouvernementaux qui sont inclus en annexe du bill 55, il est évident qu'une coordination des mandats est inévitable. Ne pas coordonner les mandats voudrait dire, à toutes fins pratiques, qu'on risquerait — cela s'est produit dans le passé — de perdre le contrôle de l'augmentation de cette énorme masse d'argent.

À partir du moment où on discute d'une masse de plus de $6 milliards, il faut bien comprendre que, dans toute négociation, le point vaut $60 millions. Compte tenu des marges de manoeuvre du gouvernement, de n'importe quel gouvernement, il est évident qu'on ne peut pas laisser sur des tables où des milliards sont en jeu, des opérations ou des avances ou des propositions qui ne seraient pas coordonnées centralement. Ceci, d'ailleurs, n'est pas nouveau. (15 h 45)

Personnellement, quand j'étais fonctionnaire, et comme le député de Saint-Laurent d'ailleurs, au cours des années 1960, j'ai connu une période où les mandats financiers étaient très centralisés et où, finalement, dans cette espèce de grande opération de rattrapage qui s'imposait dans plusieurs secteurs, on s'est tout de même rendu compte que les accidents de parcours, si je peux m'exprimer ainsi, et le contrôle de la masse budgétaire totale consacrée aux salaires ne présentaient pas certaines des difficultés qu'on a pu connaître dans les années qui ont suivi, où le même degré de centralisation n'existait pas.

Pour avoir, comme ministre des Finances, présenté le budget supplémentaire qui terminait l'année 1976/77, je pense que j'ai eu l'occasion de toucher du doigt d'assez près ce qu'un manque de centralisation des mandats avait pu avoir comme effet sur le budget gouvernemental.

Je voudrais ajouter que, sur le plan de l'utilité d'une commission parlementaire, j'ai de la difficulté à suivre le député de Saint-Laurent qui disait tout à l'heure: Même en commission parlementaire — je le paraphrase, évidemment; si je le cite mal, il me corrigera — ce n'est pas une commission parlementaire qui ferait changer d'idée ces partenaires patronaux qui ont déjà leurs prétentions.

Je vous avouerai, à ce moment-là, que je commence à me demander pourquoi il poussait tout à l'heure pour avoir une commission parlementaire. Normalement, c'est destiné à faire en sorte que les esprits se rapprochent.

Je terminerai, encore une fois, en soulignant le fait que plusieurs des amendements qui seront proposés à ce projet de loi font un bon bout de chemin, je pense, pour répondre à certaines appréhensions légitimes que pouvaient avoir nos partenaires patronaux.

Il est clair, par exemple, que leur insistance à établir un protocole, et que ce soit confirmé par la loi, qu'on établisse un protocole entre les représentants du gouvernement et le représentant des institutions, de façon à déterminer que, dans certaines matières, la voix gouvernementale serait prépondérante et que, dans d'autres, la voix des réseaux serait prépondérante. Cette idée, je pense, est utile et on verra tout à l'heure que ça se traduit par des amendements.

Une deuxième chose qui a été soulevée par beaucoup de ceux qui m'ont fait des représentations depuis quelques jours consistait à dire: II ne faudrait pas que le Conseil du trésor cherche à définir la totalité d'un mandat. Des conventions collectives — enfin, certaines des conventions collectives dont nous parlons — sont tellement complexes, comportent tellement d'articles, s'appliquent à tellement de mesures de toute espèce qu'on voit bien le Conseil du trésor intervenir sur un certain nombre de choses importantes, de caractère national, mais qu'on le voit mal commencer à définir les mandats jusque dans leurs détails. Je pense que nous nous avons fait, aussi par un amendement, place à ce type d'inquiétude, si bien que, au fur et à mesure qu'on examinera ça article par article, M. le Président, je pense qu'on constatera que le gouvernement s'est rendu à des

demandes dont certaines, je dois le dire encore une fois, me paraissent certainement légitimes.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: M. le Président, que le ministre ait fait quelques changements dans son projet de loi, changements qu'il a distribués, ça ne fait aucun doute; qu'un protocole d'entente entre le gouvernement et les regroupements de commissions scolaires ou d'établissements soit une bonne chose, cela ne fait aucun doute non plus. C'est une pratique qui n'est pas nouvelle puisque, lors de la dernière négociation, pour ne mentionner que celle-là, il existait un tel protocole, du moins dans le secteur qui m'était le plus familier, celui des affaires sociales et qu'effectivement, le protocole a été, dans son ensemble, dans son esprit, respecté.

Il demeure qu'il reste à établir si oui ou non les amendements apportés en dernière heure par le ministre satisfont les regroupements d'établissements, de commissions scolaires et de collèges ou non. Je serais plus rassuré et je pense bien que ce serait plus rassurant pour le public, également, de l'entendre de la bouche même des porte-parole des groupes visés que de l'entendre de l'autre partie. Ce serait certainement une meilleure indication qu'ils sont satisfaits.

La notion selon laquelle l'existence d'un protocole nous dispenserait presque de cette obligation ne résiste pas longtemps à l'examen dès qu'on est conscient que, dans l'esprit d'un certain nombre de ces porte-parole, les protocoles envisagés contredisent, effectivement, la lettre de la loi même après les amendements de dernière minute. Je répète, M. le ministre des Finances, je n'ai peut-être pas été très clair.

M. Parizeau: Non, non, c'est une minute d'inattention.

M. Forget: Dans l'opinion d'un certain nombre de porte-parole de ces groupes ou de ces regroupements, le protocole qu'ils envisagent signer avec le gouvernement n'est pas compatible avec la lettre de la loi 55 même en tenant compte des amendements de dernière heure. Peut-être ont-ils tort, peut-être ont-ils raison? C'est une raison de plus, certainement, pour souhaiter en débattre avec eux, entendre leur point de vue à ce sujet, de manière qu'il n'y ait pas de malentendu. L'histoire, évidemment, on peut l'invoquer de bien des façons; le ministre des Finances l'invoque d'une façon qui m'apparaît discutable en interprétant toutes les implications financières des ententes passées comme étant le résultat inévitable et nécessaire d'une absence de "coordination" entre guillemets, par le Conseil du trésor.

Je ne suis pas du tout certain qu'il pourrait en faire la démonstration. Je ne suis pas du tout certain que les coûts parfois très élevés, pour ne pas dire excessifs, qui ont été encourus au cours de la négociation et particulièrement lors de sa phase terminale, étaient dus au fait que le gouvernement ou les organes centraux du gouvernement n'étaient pas conscients de ce qui se faisait, n'étaient pas au courant du genre de discussions qui avaient cours, ni des implications qu'elles pourraient avoir, dans la mesure où les chiffres, de toute façon — et le gouvernement actuel fait face aux mêmes difficultés — sur le nombre d'effectifs dans les réseaux, etc, peuvent être suffisamment fermes, suffisamment exacts pour permettre de tirer toutes les implications avec certitude. Ce n'est pas toujours le cas; lorsqu'on a des clauses nouvelles qui font appel à de nouveaux concepts, on n'est jamais absolument certain de leurs implications.

À cette réserve près, je ne suis pas du tout certain qu'on peut expliquer par l'ignorance des organismes centraux du gouvernement, y compris du Conseil du trésor, les développements de dernière heure qui se sont produits en 1968. comme dans les étapes subséquentes, en 1972 ou en 1976. Il y a eu, bien sûr, lors de ces négociations finales, en phase terminale, et très souvent effectuées par le chef du gouvernement lui-même, des échanges de demandes et d'offres qui. évidemment, ont eu des conséquences importantes que l'une ou l'autre des parties a peut-être, par la suite, regrettées.

Je suis loin d'être convaincu — je suis même convaincu du contraire — par l'affirmation du ministre des Finances à l'effet que si cela s'est produit ainsi, c'est parce que le Conseil du trésor n'était pas au courant. Je lui souhaite bonne chance pour la prochaine fois, mais même s'il est très au courant et même si la coordination est parfaite, il ne pourra pas éviter qu'en dernière ligne, il y ait des négociations, des transactions, des échanges dont toutes les implications n'auront pas été circonscrites au cordeau et consignées dans les formulaires du Conseil du trésor. C'est inévitablement le cas, et je pense bien qu'il ne pourra pas empêcher un événement comme celui-là.

À tout événement, M. le Président, ce n'est pas un argument bien fort pour donner un nouveau tour de vis à la centralisation des négociations et je pense que le ministre des Finances ne l'a pas nié. Il a dit, bien sûr, que le rapport Martin-Bouchard allait plus loin. Je n'ai pas de querelle avec cela, c'est vrai, il allait plus loin et c'est la raison pour laquelle j'ai dit que cela pavait le chemin pour le gouvernement. À force d'aller loin, le rapport Martin-Bouchard rendait relativement facile au gouvernement d'aller seulement un peu plus loin qu'avant puisqu'il pouvait le faire en disant: Vous voyez, nous sommes maintenant dans le juste milieu. Mais c'est un procédé trop facile et trop transparent pour qu'on s'amuse bien longtemps à discuter si oui ou non le gouvernement est allé aussi loin que le rapport Martin-Bouchard. C'est une discussion académique.

Ce qui est important c'est qu'il est allé plus loin qu'avant. C'est cela qui compte, parce que c'est la seule comparaison qu'on puisse faire avec le réel plutôt qu'avec l'imaginaire. Il est allé plus

loin qu'avant et les parties avec lesquelles il va négocier à titre de partenaire et non pas contre lesquelles il va négocier mais qui sont du même côté que lui dans la négociation, ne sont pas d'accord, ne semblent pas d'accord et aimeraient s'exprimer sur ce degré nouveau de centralisation.

Motion pour entendre des témoins

C'est la raison pour laquelle, M. le Président, nous faisons formellement la motion suivante: Que les groupements de commissions scolaires, de collèges et d'établissements, tels que définis par le projet de loi 55, soient invités à se faire entendre devant les membres de la commission parlementaire des finances et des comptes publics chargés d'étudier le projet de loi 55, Loi sur l'organisation des parties patronale et syndicale aux fins des négociations collectives dans les secteurs d'éducation, des affaires sociales et des organismes gouvernementaux.

Le Président (M. Boucher): Cette motion mentionne un voeu que la commission pourrait exprimer. De par les précédents qui ont été créés sur la recevabilité de ce genre de motion, une motion préliminaire, je la reçois. Alors, sur le fond de la motion, est-ce qu'il y a des intervenants? Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Je voudrais dire quelques mots pour appuyer la motion de mon collègue le député de Saint-Laurent. Je pense qu'à plusieurs reprises et par les moyens réguliers qui étaient à leur disposition, les différentes fédérations d'organismes scolaires ou collégiaux ont fait connaître au gouvernement leur désir d'être considérées comme de véritables partenaires dans la négociation. Il semble que, de plus en plus, le gouvernement continuellement parle de décentralisation, de gouvernement local, de décisions rapprochées, ou de rapprocher le plus possible les usagers, mais de plus en plus, également, on se rend compte que ce ne sont là que de vains mots. Il ne faut quand même pas oublier que ce sont, dans le cas qui nous occupe, les commissions scolaires ou les fédérations ou les conseils d'administration des cégeps qui doivent d'une part appliquer les conventions collectives et, à ma connaissance, ils sont encore les employeurs officiels des professeurs tant dans les commissions scolaires que dans les cégeps. À ce moment-ci, il ne fait pas de doute que si on regarde, par exemple, l'article 11, finalement les organismes scolaires et les différentes fédérations ne sont pas considérés comme des partenaires dans la négociation mais sont vraiment considérés comme des subordonnés que l'on consultera peut-être puisque c'est sous l'autorité déléguée du ministre de l'Éducation que se feront les négociations. Alors, je pense que pour les différents organismes scolaires, les fédérations, dans le fond, n'entrant en action que par des mandats qui leur sont confiés par les nombreux organismes scolaires, se sentent, à juste titre, mis de côté dans cette négociation. (16 heures)

Je pense qu'on ne peut pas accuser les organismes scolaires d'être soupçonneux, à ce moment-ci, bien qu'ils y aient droit, compte tenu de tout le scénario de la soi-disant décentralisation financière du livre vert, qui a avorté avant même qu'il soit question d'en discuter. Il ne s'agit même pas d'appréhension, il s'agit de faits réels confirmés par le projet de loi 55. Je pense qu'il serait normal, d'autant plus que, quand on entre dans une négociation aussi complexe que la négociation de la fonction publique et parapublique, il est important que celui qui représente l'employeur, le gouvernement, avec ses partenaires, s'assure de la meilleure collaboration possible...

Je sais que dans le passé — je n'étais pas membre du gouvernement alors — on a éprouvé certaines difficultés, à certaines occasions, à concilier les demandes des commissions scolaires et les désirs de certains fonctionnaires, ou du ministre des Finances, ou de la Fonction publique, en l'occurrence. Il reste que ces difficultés ont fini par être résolues et elles ont été, au bout du compte, au bénéfice du monde de l'enseignement.

Alors, je considère la demande des différentes fédérations d'enseignement d'être entendues, de faire valoir leur point de vue comme étant légitimes et comme étant l'occasion de mettre le gouvernement en garde contre des difficultés possibles qu'il aurait lui-même provoquées, compte tenu de la façon quelque peu cavalière avec laquelle on met tout le monde à l'extérieur de la négociation, même s'il est encore l'employeur.

Pour toutes ces raisons, je désire appuyer la motion du député de Saint-Laurent et je demande au ministre des Finances de considérer que l'on reçoive ces personnes ou les représentants de ces organismes en commission parlementaire.

M. Parizeau: M. le Président, je veux d'abord qu'on établisse une distinction assez nette entre les institutions du réseau des affaires sociales et les commissions scolaires. À la suite des rencontres que j'ai eues avec les deux groupes, cette distinction est très nette. Le réseau des affaires sociales, après avoir examiné un certain nombre de changements, je crois, par ce que j'ai entendu, a l'impression que le gouvernement a fait un bon bout pour satisfaire certaines de ses demandes.

Le problème est différent avec les fédérations des commissions scolaires en ce sens que, tel que j'interprète leurs demandes, elles ne pourraient vraiment être satisfaites quant au fond que dans la mesure où la direction de l'ensemble des négociations et l'établissement de l'ensemble des mandats seront vraiment bicéphales. C'est ça qui est demandé, au fond. Cette espèce de bicéphalisme que de façon ambiguë on a connu au cours des dernières années. Le gouvernement ne peut accepter ça. D'abord, parce qu'on a des expériences très récentes de ce que cela a donné. Il est évident que sur certaines matières, le gouvernement ne peut imaginer une structure bicéphale. D'une part, parce qu'en cas de conflit, on ne sait pas comment régler ça et, deuxièmement, parce que, sur le plan de la préparation des lignes majeures, je

pense à tout le domaine salarial, une direction bicéphale est un danger public.

Alors, au fond, la demande d'entendre les parties en commission parlementaire consiste essentiellement à permettre aux commissions scolaires de revenir une fois de plus sur une demande dont, je pense, toute l'expérience passée nous indique clairement qu'on ne peut pas l'accorder. Une direction vraiment bicéphale ne peut pas se faire. Je comprends que cela heurte apparemment cette idée générale de décentralisation qui se répand dans beaucoup de secteurs, mais qui n'est pas applicable dans tous.

J'ai connu la décentralisation des négociations dans les commissions scolaires. Est-ce que vraiment on veut retourner à cela? Est-ce qu'on veut retourner aux 942 conventions collectives? J'ai connu cela. Est-ce qu'on veut revenir aux arbitrages commission scolaire par commission scolaire, qu'on a connus avant 1966? Cela a pris des années pour sortir d'une situation totalement chaotique, socialement injuste. J'ai connu cela, la décentralisation. Il y avait des écarts, du simple au triple, entre hommes et femmes, dans les conventions négociées commission scolaire par commission scolaire.

Il faut bien se rendre compte de ce que cela veut dire quand on parle de certains principes. On dit que décentralisation, c'est un mot qui est bon, qui est beau. On n'ajoute pas "pas cher", parce que cela peut être cher. Mais enfin, beau et bon, sûrement.

Une fois qu'on a dit cela, on ne se rend pas toujours compte de ce que cela veut dire dans les faits. Nous avons vécu au Québec bien plus longtemps sous le régime de la décentralisation des conventions collectives dans l'enseignement que sous le régime de la centralisation. Et les progrès qui se sont faits, sur le plan de l'égalité des traitements hommes-femmes dans l'enseignement, cela s'est fait comment? Par la centralisation, M. le Président. Et l'égalité de traitement des enseignants sur l'ensemble des points du territoire pour un travail identique, cela s'est fait comment? Cela s'est fait par la centralisation.

Et le rattrapage à peu près ordonné des salaires d'enseignants de façon qu'il n'y en ait pas qui restent dans des espèces de trous sombres, cela s'est fait par la centralisation. Et, à travers toutes ces années où la centralisation... Quand le député de Saint-Laurent disait tout à l'heure: Le gouvernement fait un pas de plus dans le sens de la centralisation, il ne fait pas un pas de plus. En un certain sens, il revient à une formule qu'on avait connue à la fin des années soixante, où les mandats, l'expression des mandats essentiels — je ne parle pas des règlements de nettoyage des ascenceurs ou des règlements d'affichage — où les éléments majeurs étaient centralisés. Appelez cela un pas en avant ou un retour en arrière, on cherche cependant une formule qui permet d'éviter ce que semblent demander les fédérations de commissions scolaires, c'est-à-dire une direction bicéphale, c'est-à-dire des affrontements où on ne sait jamais exactement comment cela va se régler, quand cela ne se règle pas, comme on l'a vu il n'y a pas tellement longtemps, il y a deux ou trois ans, devant l'opinion publique, où les deux morceaux de la partie patronale règlent finalement leur différend sur la place publique.

C'est dans ce sens que je me sens forcé de dire que je vais voter contre cette motion, parce que je ne vois pas en quoi elle va régler quoi que ce soit de fondamental et, d'autre part, parce que je ne pense pas qu'il soit évident que l'on en ait besoin, compte tenu, encore une fois, des discussions copieuses, longues, surtout détaillées, que nous avons eues avec nos partenaires.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le ministre. Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: J'ai l'impression que le ministre est peut-être passé à côté du problème. Quand il nous fait la démonstration que la centralisation a corrigé des inégalités flagrantes, a fait une meilleure péréquation des ressources pour accorder à l'ensemble du Québec des ressources éducatives qui soient au moins ou un peu comparables, je suis tout à fait d'accord.

Mais je pense qu'il interprète mal la demande des organismes scolaires. Il ne s'agit pas uniquement de la Fédération des commissions scolaires, il s'agit également des cégeps. Il interprète mal leurs demandes, quand il dit: Écoutez, si on veut retourner à 940 conventions collectives signées individuellement, on va retourner fort probablement dans cette espèce de monde difficile, mais surtout inéquitable, dans lequel on se trouvait avant le centralisation des négociations.

Mais le problème n'est pas du tout là, à mon point de vue. Évidemment, il est plus difficile pour le gouvernement... Si les fédérations des organismes scolaires siègent comme associées avec le ministre de l'Éducation pour établir les mandats qui, selon l'amendement que vous avez apporté, devront être autorisés par le Conseil du trésor, et si ce n'est pas lui qui les détermine, je pense que cela peut créer des problèmes d'entente au niveau des représentations des cadres du ministère de l'Éducation et de celles des cadres des commissions scolaires. Mais à ce moment-là, je pense qu'il faudrait peut-être un jour regarder la vérité en face et dire: Cette joute est devenue impossible. À partir de maintenant, il y a un seul palier qui décide des conditions de travail, dans le sens très large, avec tout ce que cela comporte, c'est le gouvernement du Québec; mais qu'on arrête de parler de décentralisation.

Ce que la fédération demande, ce n'est pas la décentralisation dans le sens de 900 ou 800 conventions collectives, mais vraiment dans le sens qu'on soit un partenaire égal à la table de négociation ou à l'endroit où se discuteront les mandats. Il m apparaît, en dépit de tout le respect que je peux avoir pour les cadres du ministère de l'Éducation ou pour les autres fonctionnaires de la fonction publique... Le ministre du Travail, dans un document que je lisais tout à l'heure, reconnaît lui-même qu'il ne faut quand même pas perdre

l'expérience vécue par les gens qui vraiment oeuvrent dans le milieu de l'éducation, qu'il faut les impliquer et tout cela. Est-ce parce qu'on dit qu'il peut surgir des conflits et qu'à ce moment-là, on va se mettre en garde contre cela, et que c'est le ministre de l'Éducation... Quand on connaît — je regrette de le dire — l'aplatissement — je veux reprendre le terme du député de Saint-Laurent — du ministre de l'Éducation devant le ministre des Finances, le ministre des Affaires municipales, le ministre de l'Agriculture et le prochain qui viendra sur la liste, on peut se demander quel sera celui qui va décider finalement pour établir les priorités et déterminer les ressources dans le domaine de l'éducation, parce que c'est un "pattern " constant avec le ministre de l'Éducation. Je n'ai pas besoin de vous en faire la démonstration, M. le ministre. Je comprends que le ministre va nous dire non et que cela va finir là, comme d'habitude, mais je pense que le ministre interprète mal la demande des commissions scolaires. S'il ne veut pas les entendre, au moins qu'il réexamine la possibilité de modifier l'article 11 en conséquence et qu'il ne dise pas non plus: Vous serez là sous l'autorité du ministre de l'Éducation qui décidera. On sait qu'il va décider à partir de ce que vraiment tous les autres ministères — disons que j'exagère un peu — du gouvernement pourront décider. Mais le problème reste réel. Si on veut vraiment dire que ce qu'on déterminera comme conditions de travail, compte tenu des ressources financières du gouvernement — j'en suis très consciente — correspondra le mieux possible aux réalités vécues dans toutes les institutions d'enseignement, je pense qu'il y aurait peut-être lieu que l'article 11 soit modifié en conséquence, si vous ne voulez pas les entendre.

Le Président (M. Boucher): Merci. M. le ministre.

M. Parizeau: Je me suis peut-être mal fait comprendre tout à l'heure. Je ne veux pas dire que ce que demandent les fédérations des commissions scolaires, c'est de retourner aux 940 conventions collectives, j'en suis tout à fait conscient. Si j'ai laissé flotter cette impression, je m'en excuse parce que je sais bien que ce n'est pas cela qu'elles veulent.

Je faisais simplement quelques observations sur l'utilité de la centralisation à une époque où c'est en train de devenir un mauvais mot. Je voudrais seulement préciser ce que je voulais dire tout à l'heure. Je comprends que les fédérations de commissions scolaires veuillent être étroitement associées à la préparation des mandats et je suis d'accord, c'est important qu'elles soient associées de très près à la préparation des mandats. Il ne faut d'aucune espèce de façon... Il y avait un mot dans l'article 18 qui pouvait prêter à cela, c'est-à-dire qui donnait l'impression qu'un Conseil du trésor, dans une sorte de sagesse innée, sans consultation aucune, préparait des mandats et les flanquait sur la table. C'est essentiellement cela qu'une série d'amendements vise à clarifier. Il est très important que, sur certaines matières, les fédérations des commissions scolaires aient une prépondérance. On cherche aussi à introduire cela dans la loi. Mais la direction bicéphale dont je parlais tout à l'heure, c'est-à-dire en cas de conflit, de débat, le fait qu'il n'y ait pas de mécanisme vraiment prévu pour trancher me paraît dangereux. Il faut qu'à un moment donné quelqu'un tranche.

Sur ce plan, par exemple, le rôle du Conseil du trésor, face à un débat qui n'aboutirait pas sur les mandats, doit avoir ce qu'il faut comme pouvoir pour trancher. (16 h 15)

Le Président (M. Boucher): M. le député de Richmond.

M. Brochu: M. le Président, je comprends qu'il ne s'agit pas de revenir, d'un côté, en arrière. Je ne pense pas que ce soit l'essentiel des propos qui ont été tenus par le député de L'Acadie, mais si je comprends bien l'approche des commissions scolaires actuellement et des autres groupements intéressés, c'est que pour le moment, dans la présente discussion, dans les éléments qui vont les affecter dans le présent projet de loi, ce qu'ils veulent avoir, en fin de compte, c'est une voix au chapitre.

M. Parizeau: C'est cela.

M. Brochu: Je pense que c'est d'abord à ce titre que la résolution du député de Saint-Laurent nous apparaît acceptable dans le sens qu'il y a une participation aux décisions qui vont être prises maintenant, qui les affectent et qui vont les affecter. C'est dans ce sens.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: M. le Président, le ministre des Finances a fait une distinction entre les deux réseaux, le réseau des affaires sociales d'une part, et le réseau de l'éducation. Il a indiqué presque à mots couverts, mais presque aussi de façon explicite que l'expérience récente, donc l'expérience de la plus récente ronde de négociations, celle de 1976, a fait apparaître au grand jour devant l'opinion publique les divergences majeures entre le gouvernement et les commissions scolaires. C'est un fait qu'on ne peut nier, qui était trop connu, de toute façon, pour qu'on cherche même à le nier, mais la solution qu'envisage le ministre des Finances à ce genre de dilemme, ce bicéphalisme qu'il croit déceler dans les demandes de la Fédération des commissions scolaires, n'est pas la bonne solution. Bien sûr, s'il y a un bicéphalisme et s'il y a une loi qui détermine les conditions de participation de tout le monde aux négociations où il y a une stricte égalité entre d'une part la Fédération des commissions scolaires et le gouvernement, l'argument selon lequel il n'y a pas, en cas d'impasse, de mécanisme pour résoudre le conflit, a une certaine validité. Il est clair que si on

pose le problème de cette façon, il n'y a qu'une solution, qui est de donner un pouvoir prépondérant à l'un des deux partenaires. Comme c'est celui qui est le plus fort, de toute façon, celui qui a l'argent et qui a le pouvoir législatif, il n'est pas besoin de grand discours pour savoir de quelle façon cela va se trancher.

Précisément, c'est la façon de poser le problème qui induit en erreur. Ce n'est pas du tout vrai qu'on doive se condamner au bicéphalisme, si on accepte la proposition suivante: Longtemps avant le début des négociations, à la fois le gouvernement et les commissions scolaires sont conscients de l'échéance qui approche. Ils sont conscients de la nécessité de collaborer. Ils sont conscients aussi des écueils qui peuvent se placer sur leur route lorsque, engagés dans la négociation, ils diffèrent de points de vue sur telle ou telle clause de la position patronale. Ainsi avertis des dangers et des problèmes qu'ils doivent éventuellement pouvoir résoudre sans impasse, sans "dead-lock", sans un bicéphalisme non résolu, rien ne les empêche de conclure un protocole d'entente qui détermine les pouvoirs, les responsabilités de chacun, et qui détermine même, parce qu'on peut faire cela à froid, beaucoup plus que dans la chaleur d'un débat, la règle qui peut intervenir pour donner à l'une des deux parties la prépondérance des décisions.

Si ce processus de réflexion et de définition d'un protocole d'entente commence suffisamment tôt avant l'échéance que constitue l'expiration de la convention collective, on peut établir les règles du jeu de façon consensuelle. Ces règles du jeu peuvent comporter les arguments de résolution de conflits s'il doit y avoir un conflit au sein même de la partie patronale. Au cours de la négociation d'un tel protocole d'entente, le gouvernement dispose toujours du pouvoir de dire ceci à la Fédération des commissions scolaires: Si nous ne parvenons pas à signer un tel protocole ou si le protocole ne comprend pas des éléments de résolution d'un conflit éventuel entre nous, il demeure que l'Assemblée nationale pourra trancher, dans le cadre de la loi décrétant justement les mécanismes de négociation dans le secteur public et parapublic, venir imposer la prépondérance gouvernementale sur certains sujets qui seraient les points, par hypothèse, sur lesquels les parties n'auraient pas réussi à conclure ce protocole d'entente. À ce moment-là, l'autorité du gouvernement est intacte, l'exercice de ses responsabilités est entier et, d'un autre côté, les commissions scolaires auraient l'occasion, la chance de se considérer des partenaires à plein titre et devraient faire face au problème de trouver une solution à des impasses possibles entre elles et le gouvernement. Si elles résistent à toute suggestion quant à la nécessité d'un pouvoir prépondérant du côté gouvernemental, mon Dieu! elles auront à faire face à une loi qui l'imposera.

Mais on a le sentiment que la loi nous arrive aujourd'hui avec la solution toute faite, sans même que les efforts appropriés aient été entrepris suffisamment tôt à l'avance pour que les parties, les deux partenaires du côté patronal, le gouvernement et les commissions scolaires, en arrivent d'elles-mêmes à une entente, à une solution consensuelle, contractuelle du problème. On légifère aujourd'hui comme si on n'avait pas pu s'entendre avec elles alors que je suis loin d'être convaincu qu'on ait valablement et loyalement essayé de s'entendre et essayé de conclure un protocole d'entente.

D'ailleurs, ce n'est pas un mystère. À la suite de la publication du rapport Martin-Bouchard, ce n'est qu'à la mi-mai que le gouvernement a ouvert son jeu à ses partenaires quant à la façon dont il aborderait les négociations et la structure des négociations, du moins de façon formelle.

Avant cette date-là, il y a bien eu des indications au niveau des fonctionnaires. Il y a bien eu certaines mesures administratives pour créer une espèce de secrétariat au Conseil du trésor qui s'attacherait principalement à la coordination des mandats et des négociations. Tout ceci était vaguement dans l'air, mais ce n'est qu'à la mi-mai 1978 que le gouvernement a amorcé véritablement le processus de mise en place des mécanismes. Dans ces conditions, on n'a pas à s'étonner d'une réaction d'écorchés vifs de la part de certains groupements qui se disent, à bon droit je pense: Si seulement le gouvernement nous avait fait confiance et nous avait demandé de signer un protocole d'entente, nous aurions probablement fait preuve du plus grand sens des responsabilités, parce que je crois que, du côté des commissions scolaires, on a aussi été instruit par l'expérience de 1976; je ne pense pas que l'on chercherait, de ce côté-là, délibérément, à recréer des situations d'impasse et à se priver d'un mécanisme de solution des conflits. Du moins, si on fait cette hypothèse au départ, il faut cesser de prétendre qu'on va les considérer comme des partenaires parce que c'est leur imputer au départ une absence de responsabilité, une absence de sens de responsabilité qui va faire très tôt éclater la coalition patronale du côté des commissions scolaires, du côté du monde scolaire.

Il me semble que le gouvernement s'engage bien mal dans un processus quand, tout de suite, il passe à un geste législatif, alors que tout cela, du côté patronal, doit être réglé, peut être réglé et a été réglé dans le passé, dans un autre secteur, de façon contractuelle et à la satisfaction générale Ah! bien sûr, il y a eu tel ou tel accrochage sur tel ou tel point particulier, mais, dans l'ensemble, il n'y a pas eu d'amertume, il n'y a pas eu de lutte, il n'y a pas eu de mise en échec; il n'y a pas eu non plus de délai excessif occasionné par des tentatives plus ou moins réussies de régler des différends et de régler les conflits à l'intérieur même de la partie patronale.

Ces difficultés ont éclaté du côté de l'éducation, non pas à cause d'une absence de sens des responsabilités du côté des commissions scolaires, mais à cause d'une absence, du côté du ministère de l'Éducation à l'époque — je pense qu'on peut l'affirmer — de suffisamment de prévoyance pour amorcer, assez tôt à l'avance, ce

dialogue avec les commissions scolaires et conclure un protocole d'entente. Je pense que l'erreur qui fut commise à cet égard en 1975, par le ministère de l'Éducation, a été répétée en 1977-1978 par le gouvernement actuel et par le ministère de l'Éducation actuel. On semble ne rien avoir appris de cette expérience et on nous arrive aujourd'hui, sortant de la cuisse de Jupiter, tout armé, avec un projet de loi qui ne ferait de sens que s'il se présentait comme le dénouement inévitable et regrettable d'un effort loyal de négociations qui auraient échoué. Ce n'est pas cela du tout; c'est le premier geste. Le premier geste est maladroit, malhabile, parce qu'il antagonise les partenaires plutôt que d'aller chercher leur collaboration.

Le Président (M. Boucher): M. le ministre.

M. Parizeau: Un mot seulement, M. le Président. Je dois dire que je ne peux pas suivre du tout le député de Saint-Laurent. Déjà, on reconnaît qu'une loi spéciale applicable aux syndicats comme moyen de régler un conflit de travail ou une grève est à éviter autant qu'il est possible. Je n'ai jamais connu un gouvernement qui passe une loi spéciale de retour au travail ou une loi spéciale destinée à établir, par l'Assemblée nationale, les conditions de travail, qui ait été particulièrement heureux de le faire.

Ce que le député de Saint-Laurent nous propose, ce sont des lois spéciales pour régler des différends avec la partie patronale. En cas de conflit, c'est par un recours à une loi spéciale de l'Assemblée nationale qu'on trancherait la question.

M. Forget: Allons donc! M. Parizeau: C'est cela.

M. Forget: Ce que je vous dis, c'est que vous passez la loi spéciale avant que le conflit n'éclate. C'est une loi préventive.

M. Parizeau: J'y viens dans un instant. Ce qui m'était suggéré tout à l'heure, c'est qu'au cas où le bicéphalisme provoquerait une impasse, ce ne serait pas par une loi générale telle que celle que nous avons devant nous qu'on trancherait la question, ce serait par un appel spécial à l'Assemblée nationale. Il est évident que cela ne peut être la procédure normale de trancher les débats; une loi spéciale n'est jamais une procédure normale ou habituelle.

Dans ces conditions, ce que nous avons devant nous, c'est un projet de loi d'application générale qui n'est pas, comme vient de le dire le député de Saint-Laurent, une loi spéciale avant coup, mais qui est le remplacement de la loi 95 qui, elle aussi, était une loi d'application générale, mais corrigée de façon à faire disparaître certains défauts de la loi 95 qui sont apparus à l'usage. La loi 95 n'était pas une loi spéciale, c'était une loi d'application générale. On s'est rendu compte, au bout d'un certain nombre d'années, qu'elle avait besoin d'être modifiée; c'est ce que fait la loi 55, essentiellement.

M. Forget: M. le Président...

Le Président (M. Boucher): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Puisque le ministre des Finances a voulu, il me semble, chercher à déplacer le débat en interprétant de façon très libre ce que j'ai dit, je vais expliquer à nouveau, pour son bénéfice, au moins, du moins pour le bénéfice du journal des Débats, que je n'ai pas suggéré que le gouvernement, s'il a des difficultés au cours des négociations avec les commissions scolaires, adopte une loi spéciale.

Ce que je lui ai dit, c'est que la loi que nous avons actuellement aurait pu, valablement, intervenir dans sa forme actuelle à la suite de l'échec d'une négociation de bonne foi avec les commissions scolaires pour la conclusion d'un protocole d'entente. À ce moment-là, la façon assez tranchante avec laquelle le gouvernement cherche à se donner l'autorité de tout décider unilatéralement aurait été explicable. Une telle loi générale ou spéciale — de toute façon, on ne se querellera pas sur les mots — étant donné son contenu qui intervient alors qu'on n'a pas fait un tel effort préalablement, c'est l'équivalent de vouloir légiférer de façon spéciale avant même que le conflit n'éclate. C'est comme si on adoptait, aujourd'hui, une loi de retour au travail au cas où les négociations tournent mal avec le front commun en 1979. Qu'on nous fasse la démonstration qu'il n'est pas possible de s'entendre avec les commissions scolaires pour la détermination d'un protocole qui éviterait le problème du bicéphalisme auquel a fait allusion le ministre des Finances, c'est-à-dire la possibilité qu'un jour on se trouve devant deux autorités également légitimes, qui ne partagent pas le même point de vue, qui sont absolument entêtées et qu'en l'absence de prépondérance ou d'arbitrage, on soit dans une impasse et qu'on doive, en quelque sorte, suspendre les négociations avec la partie syndicale. (16 h 30)

Si c'est cela qui le préoccupe, qu'il nous fasse la démonstration qu'il n'a pas pu obtenir de la Fédération des commissions scolaires un protocole d'entente qui réglerait ce problème-là. Au lieu de nous faire cette démonstration, il nous dit: II me faut une loi qui me permettra de trancher. C'est un constat d'échec normalement sur une négociation, mais dans ce cas-ci, ce qui est paradoxal c'est que la négociation avec la Fédération des commissions scolaires semble ne pas avoir eu lieu et d'ailleurs le ministre des Finances n'a jamais dit, au cours de son exposé et de ses réponses qu'effectivement une telle négociation avait eu lieu et qu'elle avait échoué. Au contraire, il a cherché à nous persuader que la négociation, dans la mesure où elle avait eu lieu, débouchait sur les mêmes conclusions. En écoutant ou en lisant les télégrammes qui lui sont parvenus

aujourd'hui, on a au moins une bonne raison d'en douter. D'où l'existence de ce débat et d'où l'existence de la motion que j'ai présentée tout à l'heure.

Le Président (M. Boucher): M. le ministre.

M. Parizeau: Un dernier mot, M. le Président. C'est justement à la suite des discussions avec la Fédération des commissions scolaires que l'article 12, tel qu'on propose de l'amender, prévoit spécifiquement un protocole d'entente et la détermination des voix prépondérantes pour les deux parties. C'est le résultat direct des discussions qui ont eu lieu avec la Fédération des commissions scolaires le 14 de ce mois.

Le Président (M. Boucher): Mme le député de L'Acadie, est-ce que vous avez demandé la parole.

Alors, est-ce qu'on est prêt à prendre le vote sur la motion? D'accord.

M. Forget: Un vote enregistré. Vote sur la motion

Le Président (M. Boucher): Un vote enregistré. M. le député de Champlain?

M. Gagnon: Contre.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Saint-Laurent?

M. Forget: Pour.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Richmond?

M. Brochu: Pour.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Frontenac?

M. Grégoire: Contre.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Laprairie?

M. Michaud: Contre.

Le Président (M. Boucher): M. le député de L'Assomption?

M. Parizeau: Contre.

Le Président (M. Boucher): Mme le député de L'Acadie?

Mme Lavoie-Roux: Pour.

Le Président (M. Boucher): La motion est donc rejetée: 4, contre 3. Est-ce qu'on est prêt à passer à l'article 1 du projet de loi 55?

Interprétation

Alors, j'appelle l'article 1. M. le ministre.

M. Parizeau: II s'agit essentiellement des définitions, M. le Président. Est-ce que je dois appeler les amendements de l'article 1 tout de suite ou paragraphe par paragraphe?

Le Président (M. Boucher): Disons que globalement...

M. Parizeau: J'ai un amendement à l'article i).

Le Président (M. Boucher): On peut discuter de l'article 1 globalement et apporter vos amendements en même temps.

M. Parizeau: Globalement, oui.

M. Forget: Peut-être pour simplifier les débats, si le ministre jugeait possible d'attirer notre attention sur ce qui représente une innovation majeure à son point de vue et la raison de l'innovation au niveau des définitions comme au niveau des autres articles.

M. Parizeau: D'accord. D'une façon générale, je pense qu'on peut le faire. Ce n'est vraiment que dans les définitions des groupements qu'il y a à la fois une certaine innovation dans h) et dans i) et qui a créé un problème d'ailleurs dans la version originale du projet de loi. Dans le cas des commissions scolaires, la notion de groupement implique qu'il doit y avoir majorité et caractère représentatif, les deux, alors que dans le groupe d'établissements en i) seul le caractère représentatif est retenu. Cela, évidemment, c'est une anomalie. Nous proposons de corriger i) selon l'amendement. Est-ce que je dois lire l'amendement, M. le Président?

Le Président (M. Boucher): Si vous le voulez, M. le ministre.

M. Parizeau: Le paragraphe i) se lirait maintenant ainsi: "groupement d'établissements": toute union, fédération, confédération ou autre organisation dont une majorité d'établissements — on revient à ce qu'on appliquait à h) — d'une catégorie font partie et qui est jugée représentative de cette catégorie par le ministre des Affaires sociales, si elle n'est pas déjà ainsi reconnue par la loi. L'idée étant, évidemment... Je comprends les établissements, à cet égard, de réagir ainsi, on pourrait théoriquement reconnaître comme représentative une fédération, un groupe, qui aurait une minorité d'établissements inscrits. Puisqu'on avait reconnu ce principe au paragraphe h), on le reconnaît aussi au paragraphe i).

M. Brochu: M. le Président, est-ce qu'on doit comprendre qu'il s'agissait simplement d'un oubli à ce moment-là ou s'il y avait une autre raison, au point de départ?

M. Parizeau: Non, il n'y avait vraiment pas d'intention particulière. Simplement, comme le cas ne se posait pas, ne s'était jamais posé historiquement pour ces groupements d'établissements, c'était un oubli.

M. Brochu: D'accord.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Saint-Laurent?

M. Forget: Cela va bien, M. le Président.

Le Président (M. Boucher): Est-ce que l'amendement est adopté?

M. Forget: Adopté. Il n'y a pas d'amendement, M. le Président, c'est simplement un point de règlement, mais ça va simplifier nos travaux, tout ce qui est présenté par le ministre est considéré faire partie du projet de loi, d'après nos procédures habituelles en commission parlementaire.

Le Président (M. Boucher): Alors, les amendements proposés font partie du projet de loi habituellement.

M. Forget: C'est ça, on n'a pas besoin de les retrouver séparément.

Le Président (M. Boucher): Article 1, adopté? M. Forget: Adopté. M. Brochu: Adopté.

Secteurs de l'éducation et des affaires sociales

Le Président (M. Boucher): Article 2.

M. Parizeau: L'article 2 n'appelle pas de commentaires particuliers.

M. Forget: Cela va. Adopté.

Le Président (M. Boucher): Adopté.

M. Parizeau: Article 3.

M. Forget: M. le Président...

Le Président (M. Boucher): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: ... il y a une question d'interprétation sur laquelle on attire votre attention. On ne trouve pas de stipulation dans cet article que les conventions collectives lient le gouvernement et que la loi elle-même lie le gouvernement. Enfin, il y a deux interprétations possibles. Le présent chapitre s'applique à toute convention collective liant une association de salariés à une commission scolaire, un collège ou un établissement. Il est bien sûr que lorsqu'il lie un collège ou un établissement, le gouvernement se trouve indirectement lié puisqu'il est partie à la négociation et qu'il aide au financement et qu'il signe, il est signataire avec les commissions scolaires, des stipulations.

M. Parizeau: Non, attention, des stipulations, mais pas de la convention collective. En somme la convention collective signée par un collège, par une commission scolaire, le gouvernement ne contresigne pas, il n'a jamais contresigné d'ailleurs.

M. Forget: Non, d'accord, bien sûr.

Mais il reste que le sens de cette loi, c'est de dire... le présent chapitre d'ailleurs ne désigne pas le chapitre 2, il désigne la loi dans son entier, j'imagine, ou est-ce que c'est le chapitre 2 seulement?

M. Parizeau: C'est vraiment le chapitre 2 seulement. Cela ne peut pas s'appliquer aux organismes publics de l'annexe. Donc, ce sont les secteurs de l'éducation et des affaires sociales.

M. Forget: Je ne vois pas le sens de l'article 2, je m'excuse, mais qu'est-ce qu'on veut exclure de cette façon? Qu'est-ce qu'on veut préciser?

M. Parizeau: II s'agit, en somme, essentiellement, du mode de négociation des conventions collectives. On dit que tout ce qui va suivre s'applique aux conventions collectives qui seront signées entre des associations de salariés et, soit une commission scolaire, un collège ou un établissement.

Parlons d'accords, si on veut, au niveau des fédérations, au niveau des groupements d'établissements ou au niveau du gouvernement, tous ces accords doivent se traduire dans des conventions collectives locales, ce qu'on indique simplement, c'est que tout ce qui va suivre dans le chapitre 2 s'applique à toute convention collective entre une association de salariés et l'employeur, commission scolaire, collège ou établissement.

M. Forget: II semblerait que le chapitre 4 soit dans la même situation.

M. Parizeau: On revient là-dessus quant aux conventions collectives auxquelles ces dispositions ne s'appliquent pas, au chapitre 4. On exclut de l'application de la loi toutes les conventions collectives qui viennent à échéance avant le 1er juillet, donc c'est celle du 30 juin. Le chapitre IV est une formule d'exclusion.

M. Forget: D'accord.

Le Président (M. Boucher): L'article 2 est adopté. Article 3.

M. Brochu: J'aurais une question, M. le Président.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Richmond.

M. Brochu: On dit, à l'article 3: "Elles prévoient toutefois que certaines matières sont susceptibles de faire l'objet d'arrangements au sens de l'article 4 ou de stipulations négociées et agréées à l'échelle locale ou régionale, conformément à l'article 5. "

Quelle différence de notion existe-t-il entre ces deux points, arrangement au sens de l'article 4 et stipulations négociées et agréées?

M. Parizeau: Attention! Les arrangements sont relatifs à la mise en oeuvre, c'est-à-dire au mode d'application. L'article 5, ce sont les matières elles-mêmes.

Le Président (M. Boucher): Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Dans la même ligne que le député de Richmond, est-ce que ceci veut dire qu'il se pourrait qu'il n'y ait pas de matières qui soient négociées au niveau local et que ce serait simplement des arrangements?

M. Parizeau: Non. L'arrangement, c'est la mise en oeuvre. On peut s'entendre localement pour décider que telle ou telle disposition de la convention collective donnera lieu à une mise en application graduelle. Évidemment, les deux parties doivent convenir de cela. Les dispositions de la convention collective peuvent s'appliquer à partir de demain matin, neuf heures. Il faut prendre des arrangements pour que ce soit introduit graduellement.

M. Brochu: Si je comprends bien, l'arrangement, c'est le cadre général?

M. Parizeau: Non. Il peut arriver, dans une convention collective, que la mise en application instanter, immédiate, de ce qui est dans le cadre de la convention collective ne soit pas réaliste et que, à la fois, gérance de l'établissement et syndicat s'entendent pour prendre un certain temps pour mettre cela en vigueur.

C'est sûr que, lors de la première convention collective des fonctionnaires, ici, s'il avait fallu la mettre en vigueur le lendemain de sa signature, on se serait amusé.

Mme Lavoie-Roux: M. le ministre, dans la convention collective qui avait été signée avec la Fédération des commissions scolaires, en 1976, il y avait des négociations locales prévues, qui ont été... Je pense que la Commission scolaire de Québec a signé la sienne il y a à peu près un mois.

Mais, dans le cas de l'Association des enseignants catholiques anglophones, il n'y avait eu aucune négociation locale prévue et uniquement des arrangements. Il se pourrait qu'ici, même dans le cas de la Fédération des commissions scolaires catholiques, on ne prévoie que des arrangements et non nécessairement de la négociation locale.

M. Parizeau: Remarquez qu'avec les articles 4 et 5, cela couvre les deux.

Mme Lavoie-Roux: C'est cela. Ils auraient le choix.

M. Parizeau: Ils ont le choix. Mme Lavoie-Roux: D'accord.

M. Parizeau: Au fond, on se trouve à ne rien exclure, avec cela.

Le Président (M. Boucher): Article 3, adopté?

M. Forget: Adopté.

Mme Lavoie-Roux: Sauf que...

Le Président (M. Boucher): Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Sauf que, compte tenu de la "tutelle" (je l'utilise entre guillemets) dans laquelle vont se trouver...

M. Parizeau: Mettez-le entre guillemets.

Mme Lavoie-Roux: ... les commissions scolaires... Je ne veux rien exagérer, mais il se pourrait quand même que, dans les pouvoirs de décision que se réserve soit le Conseil du trésor et même le ministre de l'Éducation, cette bicéphalie dont vous ne voulez plus entendre parler, unilatéralement, vous décidiez qu'il n'y ait plus que des arrangements, qu'il n'y ait plus d'associations locales et que ce soit vous qui auriez le dernier mot, à décider qu'il n'y ait que des arrangements et non pas des négociations locales.

M. Parizeau: Compte tenu des amendements qui seront présentés aux autres articles, on verra là, à mon sens, que cette porte est vraiment fermée.

Mme Lavoie-Roux: On s'en souviendra.

M. Parizeau: Oui. Moi, cela me paraît tout à fait clair. Prenons ces articles pour le moment pour ce qu'ils veulent dire et, quand on arrivera aux articles 12 et 18 en particulier, je pense qu'on pourra revenir à la question.

Mme Lavoie-Roux: D'accord.

M. Parizeau: Pour le moment, en tout cas, ce que ces articles veulent dire, c'est que c'est possible. (16 h 45)

Mme Lavoie-Roux: Ils laissent la porte ouverte aux deux.

M. Parizeau: Ils laissent la porte ouverte à tout.

Mme Lavoie-Roux: Il ne faut pas oublier que

vous avez le pouvoir de décision au bout du compte.

M. Parizeau: Oui, d'accord, mais il ne vient pas aux articles 4 et 5, il vient plus loin.

Mme Lavoie-Roux: Oui, d'accord.

Le Président (M. Boucher): Article 3, adopté. Article 4?

Mme Lavoie-Roux: Adopté, ce sont les questions qu'on a posées.

M. Forget: Adopté, je n'ai rien.

Le Président (M. Boucher): Adopté. Article 5? Il y a un changement.

M. Parizeau: Oui, il y a un changement. Il s'agit surtout... Cela a été reformulé. C'est la question, je pense, d'une formulation plus claire et plus française. Je vais le lire. "Les parties à une convention collective visées dans l'article 2 peuvent négocier et agréer des stipulations à l'échelle locale ou régionale. "Les matières sur lesquelles portent ces négociations ainsi que le cadre de leur déroulement sont prévus dans des stipulations négociées et agréées à l'échelle nationale entre le deux cent soixante-dixième et le cent quatre-vingtième jour précédant la date d'expiration de la convention collective. 'Les matières qui n'ont pas été ainsi définies à l'expiration de ce délai font l'objet de stipulations négociées et agréées à l'échelle nationale, à moins que le gouvernement n'en décide autrement."

Mme Lavoie-Roux: Attendez une minute.

Le Président (M. Boucher): Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Le ministre pourrait-il expliciter un peu ce qu'il veut dire par "à moins que le gouvernement n'en décide autrement"? Vous allez peut-être me dire que cela parle de lui-même, mais...

M. Parizeau: Au fond, c'est un peu une...

Mme Lavoie-Roux: ... quelle est la prévention que vous voulez exercer à ce moment-là, si je puis dire?

M. Parizeau: Simplement ceci: S'il n'y a vraiment pas eu, sur un certain nombre de matières, possibilité de s'entendre quant aux caractères local et régional entre les délais prévus — on a cherché une entente, il n'y en a pas eu — automatiquement ces matières montent au niveau national, à moins que le gouvernement dise: Retournez cela au niveau local ou régional.

M. Forget: Est-ce l'équivalent du pouvoir que le lieutenant-gouverneur avait à l'expiration du délai de faire la détermination selon l'ancien article 8?

M. Parizeau: Dans l'ancienne loi 95? M. Forget: Oui.

M. Parizeau: Je crois que oui. Un instant! je vais seulement vérifier. Exactement. C'est formulé autrement, mais c'est exactement le même sens.

M. Forget: C'est la même chose. Adopté.

Le Président (M. Boucher): L'article 5, tel que reformulé, est adopté. Article 6?

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Boucher): Adopté. Article 7?

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Boucher): Adopté. Article 8?

M. Brochu: Adopté.

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Boucher): Adopté. Article 9?

M. Forget: À l'article 9...

Le Président (M. Boucher): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: ... c'est une disposition nouvelle, si je ne m'abuse. Est-ce que ce n'est pas un frein assez important à des changements d'allégeance syndicale en cours de convention collective? Ne serait-il pas plus logique de présumer qu'une association de salariés, qui est fondamentalement locale, qui bénéficie d'un contrat de travail — supposons que c'est un contrat de travail CSN — qui désirerait changer d'allégeance syndicale dans la deuxième année d'une convention collective de trois ans, devrait, il me semble, conserver son contrat, parce que c'est le contrat qu'elle a signé comme association locale, selon l'application normale du Code du travail? Si elle décide de changer d'allégeance, le problème de la redéfinition de ses conditions de travail ne se posera que lors de la prochaine convention collective. Son syndicat d'entrée, si l'on veut, ou de destination aura à concilier dans ses demandes, évidemment, l'ajustement au statu quo, la conservation des droits acquis pour les nouveaux membres qu'il a ainsi acquis, à obliger les salariés, au moment du transfert d'allégeance syndicale, de faire cession de leurs droits acquis, en quelque sorte, globalement, et d'assumer une autre convention collective. Cela me semble compliquer la question de changement d'allégeance syndicale d'une dimension

qu'elle n'a pas normalement en vertu du Code du travail où les travailleurs qui changent d'affiliation conservent leur contrat de travail.

M. Parizeau: Avant qu'on s'engage plus loin, je veux seulement souligner ceci: II ne s'agit pas de se désaffilier pour s'affilier ailleurs. C'est: toute nouvelle association de salariés. Le mot important, c'est le mot "nouvelle". Donc, cette nouvelle association de salariés n'a pas encore de convention collective.

M. Forget: Non, effectivement, elle n'en a pas. M. Parizeau: L'accent est là-dessus. M. Forget: D'accord. Adopté.

Le Président (M. Boucher): Article 9, adopté. Article 10?

M. Parizeau: Nous entrons dans la discussion. Je voudrais seulement dire deux mots sur l'article 10. En vertu de l'article 10 sont institués des comités patronaux et, à partir de là, de l'article 11 à l'article 17, les règles du jeu, tel que le suggéraient les amendements tout à l'heure, sont établies. Alors, l'article 10 n'a pas de signification en soi, comme article, mais, évidemment, il conditionne après cela, c'est le point de départ de tout le reste.

Le Président (M. Boucher): Article 10, adopté. Article 11, il y a un amendement.

M. Parizeau: II y a un changement. Le premier alinéa est modifié de façon à clarifier un concept qui, effectivement, était très ambigu, et ceci s'est fait justement à la demande et à la suggestion des groupes que nous avons rencontrés. Il s'agit de l'autorité déléguée du ministre. Le premier paragraphe se lirait maintenant ainsi: Les comités patronaux ont pour fonction, sous l'autorité déléguée par le gouvernement au ministre de l'Éducation ou au ministre des Affaires sociales, de négocier et d'agréer les stipulations visées dans l'article 3. L'ambiguïté était la suivante: C'est que, rédigé comme c'était, on pouvait croire que c'était le comité patronal qui tirait son autorité d'une délégation de pouvoirs du ministre. Or, ce n'est pas cela du tout. C'est le ministre qui a une autorité qui lui est déléguée par le gouvernement, et non pas le ministre qui délègue ses pouvoirs aux comités.

Le Président (M. Boucher): Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: J'aimerais faire un amendement à l'article 11.

Le Président (M. Boucher): Que nous avons...

Mme Lavoie-Roux: Est-ce que cela ne se trouve pas, quand le ministre le fait intégrer... Est-ce que cela ne devient pas un nouvel article? Comment procédez-vous?

Le Président (M. Boucher): On a établi qu'on considérait le changement proposé comme faisant partie du texte. Alors, vous pouvez proposer un amendement.

Mme Lavoie-Roux: Oui, c'est cela. C'est dans ce sens. Dans l'esprit dans lequel nous avons discuté tout à l'heure et devant les représentations des commissions scolaires — je ne veux pas revenir et développer la même argumentation — j'aimerais proposer un amendement qui serait le suivant: L'article 11 est modifié: a) en remplaçant le premier alinéa par le suivant: Les comités patronaux ont pour fonction de négocier et d'agréer les stipulations visées à l'article 3; b) en remplaçant, dans la deuxième ligne du deuxième paragraphe, les mots "requièrent du" par les mots "conviennent avec le Conseil du trésor des mandats de négociation ".

Le Président (M. Boucher): Est-ce que vous pourriez me produire l'amendement, s'il vous plaît?

Mme Lavoie-Roux: Au lieu de "requièrent".

Le Président (M. Boucher): La motion d'amendement se lit comme suit: L'article 11 est modifié: a) en remplaçant le premier alinéa par le suivant: Les comités patronaux ont pour fonction de négocier et d'agréer les stipulations visées à l'article 3; b) en remplaçant, dans la deuxième ligne du deuxième alinéa, les mots "requièrent du" par les mots "convient avec le".

M. Michaud: "conviennent avec"...

Le Président (M. Boucher): ".. avec le". M. le ministre.

M. Parizeau: M. le Président, à l'égard de ces amendements, c'est une autre expression du bicéphalisme dont je parlais tout à l'heure. Enlever l'autorité déléguée par le gouvernement au ministre de l'Éducation ou au ministre des Affaires sociales, c'est faire en sorte, justement, qu'en cas de désaccord, on débouche sur une situation conflictuelle où on ne saurait pas très bien comment régler la question.

Deuxièmement, dire que le comité patronal convient avec le Conseil du trésor, c'est établir à nouveau le bicéphalisme. Pour convenir, il faut que les deux soient d'accord. Si les deux ne sont pas d'accord, ils ne conviennent pas et ça se règle comment? Je comprends très bien pourquoi on a présenté ces amendements, mais pour moi, c'est simplement une nouvelle tentative de nous ramener au bicéphalisme sur lequel j'ai dit, tout à l'heure, ce que j'avais à en dire.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, vous aviez jugé la motion recevable, j'imagine.

Le Président (M. Boucher): Oui.

Mme Lavoie-Roux: Bon! D'accord. Écoutez! Je pense que ce n'était pas une stratégie très mystérieuse et je pense que c'est dans la logique des représentations qu'on a faites au début de

l'étude du projet de loi article par article, dans les remarques préliminaires, et je demeure convaincue que le ministre des Finances se déclare vaincu avant même d'avoir commencé. Cela m'apparaît un excès de prudence et un refus de vouloir quand même faire partager, d'une façon réelle, les fédérations d'institutions d'enseignement à une... C'est-à-dire d'en faire de véritables partenaires à la table de négociation, et je ne m'étendrai pas plus longuement dans l'argumentation. Je pense qu'elle a été développée en début de séance, et je ne pense pas pouvoir ajouter d'arguments qui puissent, à ce moment-ci, convaincre le ministre. Il est tellement convaincu de sa "bicéphalie" que je ne voudrais quand même pas qu'il ait des problèmes d'équilibre si j'insistais trop.

Je vais arrêter ici mes commentaires.

M. Forget: M. le Président...

Le Président (M. Boucher): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: ... il me semble que pour clarifier la participation de chacun dans toutes ces décisions, je comprends que la loi dit: Le ministre sectoriel qui siège au comité patronal, soit de l'Éducation ou des Affaires sociales, tranche, en définitive, puisqu'il est le président de ce comité et qu'il a le pouvoir... C'est sous son autorité que le comité fonctionne. C'est assez clair que si ça fonctionne sous son autorité, il en est l'inspirateur, le directeur, le moteur principal et tout ce qu'on veut.

Il demeure qu'il y a un protocole d'entente où il y a des ententes. Est-ce que ces ententes seront publiques? Je me place du point de vue de la partie syndicale. Il deviendra peut-être un peu embêtant de savoir à qui vraiment elle parle, si les protocoles d'entente ne sont pas publics. Est-ce qu'il ne serait pas opportun de les publier immédiatement, de manière que, au moins, les rôles respectifs des associations, des groupements patronaux et des ministres sectoriels soient bien connus de la partie syndicale pour qu'on ne joue pas à cache-cache de ce côté-là?

Pour ce qui est de l'autorité déléguée par le Conseil des ministres aux ministres sectoriels, c'est une autorité qui est assez conditionnelle, puisque les mandats sont définis par le Conseil du trésor et rien n'assure que les ministres en question siègent même au Conseil du trésor. C'est donc une autorité beaucoup plus... Enfin, le mot "déléguée", il faut l'appuyer, le souligner de trois traits rouges. C'est véritablement l'autorité du Conseil des ministres sur avis du Conseil du trésor qui s'exerce au sein des comités patronaux par la bouche des ministres sectoriels. (17 heures)

M. Forget: Dans le fond, on est rendu loin. L'association patronale, qu'il s'agisse de la Fédération des commissions scolaires ou de l'Association des hôpitaux, est rendue au quatrième échelon de décision. Ils ont d'abord un forum de comité patronal de négociations sectorielles, ils reçoivent du ministre délégué par le Conseil des ministres des directives du Conseil des ministres; le Conseil des ministres, à son tour, reçoit des avis et des mandats déjà déterminés par le Conseil du trésor. Cela fait pas mal loin et si c'est cela qu'on veut, c'est une expérience sociale intéressante, mais cela m'apparaît une façon assez curieuse de procéder. Il serait peut-être intéressant de dire que l'expérience précédente a, malgré tout, court-circuité largement un certain nombre de ces étapes; ce n'était pas dans la loi 95, mais c'était malgré tout dans les minutes du Conseil du trésor. Le Conseil du trésor a délégué son pouvoir de décision, relativement à la préparation des mandats, à un comité ad hoc de trois ministres: le président du Conseil du trésor, le ministre de la Fonction publique — les deux ne faisant qu'une seule et même personne, c'est-à-dire le vice-président du Conseil du trésor et le ministre de la Fonction publique — et le ministre des Affaires sociales, ainsi que le ministre de l'Éducation constituant les deux autres et le ministre des Finances, bien sûr, faisait partie du comité.

C'est ce comité qui décidait, dans le fond, de l'immense majorité des questions, sauf les questions vraiment majeures, au nom du Conseil du trésor et au nom du Conseil des ministres en même temps, ce qui permettait de rapprocher immensément plus qu'on ne le fera maintenant les ministres sectoriels de la prise des décisions. Il est d'ailleurs coutumier que les ministres sectoriels des Affaires sociales et de l'Éducation — je ne sais pas si c'est encore la pratique — étant donné qu'ils sont les ministres les plus dépensiers du gouvernement, ne sont pas des membres permanents du Conseil du trésor, puisqu'on souhaite évidemment les éloigner le plus possible des cordons de la bourse, étant donné leur propension marquée à en accaparer un bon morceau.

Si c'est encore le cas, évidemment, il s'agit là de messagers beaucoup plus que de preneurs de décisions et ce sont des messagers que les comités patronaux auront à leurs fins et sous l'autorité desquels ils vont fonctionner. C'est très hiérarchisé, cette histoire-là, et je ne m'étonne pas, d'ailleurs, de retrouver au sommet de la pyramide le ministre des Finances, président du Conseil du trésor et ministre du Revenu, pour ne citer que ses titres publics. Il reste que c'est beaucoup pour un seul homme et je me demande si... Le moins qu'on puisse demander, c'est que les protocoles d'entente soient publics, soient connus, de façon qu'on puisse un peu s'y retrouver du côté syndical. Autrement, la pression sera immense et, d'ici quelques mois, on va retrouver le président du Conseil du trésor en train de négocier tout seul avec les présidents des centrales. Je ne sais pas si c'est ce qu'il souhaite?

M. Parizeau: Non.

M. Forget: ... mais cela s'en vient dangereusement. Si j'étais président d'une centrale, M. le Président, et que je voyais cette pyramide s'édifier, je m'achèterais une carte géographique et j'irais tout de suite à la capitale. Je ne m'attarderais pas aux satrapies provinciales. J'irais tout de suite au siège du pouvoir et il est assez facile de l'identifier, dans le cas présent.

M. Parizeau: M. le Président...

Le Président (M. Boucher): M. le ministre.

M. Parizeau: La proposition qui nous est faite de rendre publics les protocoles d'entente, je m'en excuse, mais je n'arrive pas à me l'expliquer. On dit: II faut faire un effort important pour s'entendre avec nos partenaires; nous entendons cela depuis déjà un certain temps, cet après-midi. Là, on prendrait une décision quant à rendre public ou ne pas rendre public le protocole d'entente sans les consulter?

Mme Lavoie-Roux: On ne vous demande pas de les rendre publics cet après-midi.

M. Parizeau: Je ne parle pas de cela, mais même prendre un engagement de quelque ordre que ce soit au nom des partenaires.

M. Forget: Non, prendre un engagement que, s'ils n'ont pas d'objection, quant à vous, vous les rendrez publics immédiatement.

M. Parizeau: II y a une chose qui est tout à fait claire là-dessus, M. le Président, c'est une des choses, justement, qui devront être discutées par les comités patronaux, mais, pour le moment, il est hors de question que je préjuge des discussions qui pourraient avoir lieu à ce moment-là et sur ce sujet.

M. Forget: Même quant à vous? Même quant à votre position?

M. Parizeau: Ce n'est pas moi qui suis en cause, c'est le comité. Je ne suis pas membre, M. le Président, des comités patronaux.

M. Forget: Non, mais cela commence, vous voyez. On se renvoie la balle déjà.

M. Parizeau: On ne se renvoie pas la balle.

M. Forget: On est à un an des négociations et on commence déjà à dire que ce n'est pas le bon ministre.

M. Parizeau: On ne se renvoie pas la balle, mais on cherche à savoir qui fait quoi et qui se mêle de quoi. Deuxièmement, je voudrais souligner qu'à l'article 19, M. le Président, il est explicitement indiqué que le Conseil du trésor invite le ministre de l'Éducation, ou selon le cas, le ministre des Affaires sociales à participer aux délibérations qui ont trait aux négociations visées à l'article 3. Il n'est donc pas nécessaire de se poser la question de savoir s'ils seront là ou s'ils ne seront pas là. C'est prévu dans la loi.

Troisièmement, j'ai de la difficulté à comprendre en quoi la création d'un comité ad hoc à l'occasion de la dernière ronde de négociation simplifiait les choses par rapport au Conseil du trésor. Que le Conseil du trésor du temps ait décidé d'organiser un comité ad hoc, possible; que le Conseil du trésor ici prévoie que c'est lui qui fait le travail, bon; mais c'est toujours un comité. Dans les deux cas ce sont deux comités du Conseil des ministres. Je ne vois pas en quoi on allonge le totem par cette loi par rapport à la procédure de la dernière ronde de négociation. Les deux totems ont à peu près la même hauteur.

M. Forget: Ce serait plus correct de dire qu'il y a un totem dont on connaît la hauteur et l'autre totem a une hauteur incertaine mais probablement supérieure.

M. Parizeau: C'est une interprétation que je laisse au député de Saint-Laurent.

Le Président (M. Boucher): Est-ce qu'on est prêt à prendre le vote sur la motion d'amendement de Mme le député de L'Acadie? M. le député d'Abitibi-Est? Pour ou contre la motion?

M. Bordeleau: Contre.

Mme Lavoie-Roux: Une chance que vous l'avez averti, parce que...

M. Charbonneau: II était au courant, voyons donc.

M. Bordeleau: Une distraction simplement.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Verchères

M. Charbonneau: Voyons donc, M. le Président, contre. Je ne peux pas être pour.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Champlain?

M. Gagnon: Contre.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Saint-Laurent?

M. Forget: Pour, M. le Président.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Richmond?

M. Brochu: Pour.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Frontenac? Il est absent. M. le députe de Laprairie?

M. Michaud: Contre, M. le Président.

Le Président (M. Boucher): M. le député de L'Assomption?

M. Parizeau: Contre.

Le Président (M. Boucher): Mme le député de L'Acadie?

Mme Lavoie-Roux: Pour.

Le Président (M. Boucher): La motion d'amendement est donc rejetée à cinq contre trois. Article 11 adopté?

M. Forget: Adopté, M. le Président.

Le Président (M. Boucher): Article 12? M. le ministre.

M. Forget: L'article 11 sur division, M. le Président, s'il vous plaît.

Le Président (M. Boucher): Sur division.

M. Parizeau: Avant de passer à l'article 12, M. le Président, il y aurait à modifier le sous-titre pour des raisons de français tout simplement. Au lieu d'indiquer les groupements de commissions scolaires et les groupements de collèges, ce serait "les groupements de commissions scolaires et de collèges", bien sûr.

Le Président (M. Boucher): Pas d'objection?

M. Forget: Oui, cela va très bien. On n'a pas d'objection au titre.

M. Parizeau: À l'article 12, il y a des modifications importantes qui traduisent les discussions que nous avons eues avec nos partenaires depuis quelques jours. D'abord le premier alinéa aux première, deuxième et troisième lignes, on remplace les mots "les groupements " par les mots "le groupement ". Je pense que c'était simplement une erreur.

M. Forget: C'est la syntaxe.

M. Parizeau: C'est cela. Quant au deuxième alinéa, il serait remplacé au complet par le texte suivant...

Mme Lavoie-Roux: M. le ministre, je m'excuse de vous interrompre.

M. Parizeau: Oui.

Le Président (M. Boucher): Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Vous dites que c'est une erreur de remplacer les mots "les groupements" par les mots "le groupement", du moins à la dernière ronde de négociation. Le QAPSB constituait un groupe de commissions scolaires protestantes et vous aviez le groupe des commissions scolaires catholiques. Alors, est-ce que cela ne fait pas "les groupements"?

M. Parizeau: Non, parce que le texte de l'article 12 se lisait: "Les groupements de commissions scolaires pour catholiques, les groupements de commissions scolaires pour protestants"; il faut mettre le groupement de commissions scolaires pour catholiques, le groupement de commissions scolaires pour protestants.

Mme Lavoie-Roux: D'accord.

M. Parizeau: Le groupement des collèges. D'accord?

Mme Lavoie-Roux: Parfait, excusez-moi.

M. Parizeau: Cela pourrait indiquer qu'il pourrait y avoir une demi-douzaine de groupements pour protestants... cela aurait été un peu...

Mme Lavoie-Roux: D'accord.

Les commissions scolaires qui sont encore avec les syndicats, est-ce qu'elles entrent dans les groupements de commissions scolaires? Il y en a encore quelques-unes?

M. Parizeau: Je pense. Il y en a encore, je sais qu'il y en a encore. Oui, elles doivent entrer dans le groupement.

Mme Lavoie-Roux: Oui, je vois.

M. Parizeau: Voulez-vous qu'on vérifie?

Mme Lavoie-Roux: Bien, c'est pour vous.

M. Parizeau: Enfin, je crois qu'elles entrent dans le groupement, mais je dois dire que c'est une interprétation que je donne.

M. Forget: Certaines lois les mentionnent séparément.

M. Parizeau: Oui.

M. Forget: II doit y avoir une raison juridique quelconque.

M. Parizeau: C'est possible.

Le deuxième paragraphe se lirait ainsi: "Ses représentants, dans chacun des comités désigne un président et un vice-président dont l'un est choisi parmi les personnes désignées par le groupement des commissions scolaires ou des collèges en cause et l'autre parmi les personnes désignées par le ministre. Ils conviennent, en outre, d'une entente sur les modalités de fonctionnement du comité et sur la détermination des matières à l'égard desquelles les représentants du groupement ou les représentants du ministre ont une voix prépondérante lors des délibérations du comité. Cette entente prévoit, en outre, le mode de financement du comité, la durée du mandat des membres et, s'il y a lieu, leur rémunération ainsi que celle des agents du comité. La signature du président du Conseil du trésor confirme l'engagement du gouvernement à l'égard d'une telle entente."

Mme Lavoie-Roux: Vous allez être comme le pape, M. le ministre.

M. Parizeau: Comment?

Mme Lavoie-Roux: Vous allez être comme le pape.

M. Parizeau: Oh, à peine! C'est peut-être à la curie qu'il faudrait faire allusion.

M. Forget: M. le Président, je me permets de m'étonner que ce soit dans un comité placé sous l'autorité d'un ministre, soit de l'Éducation ou des Affaires sociales... que ce soit le président du Conseil du trésor qui doive signer pour signifier l'engagement du gouvernement. Je pense qu'on est en train d'avoir non seulement des superministres et des ministres ordinaires, mais aussi des "infraministres".

Les "infraministres" sont des ministres qui parlent au nom du gouvernement, mais qui ne l'engagent pas. C'est une découverte du gouvernement actuel. Les ministres de l'Éducation et des Affaires sociales vont convenir avec les représentants des groupements de commissions scolaires ou d'établissements, de l'envergure des négociations, des modes de financement des comités, etc, et ça engage, en tout et pour tout, M. le Président, peut-être $2 millions par ministère, qui en dépense $3 milliards ou $4 milliards par année.

Pour cela, cependant, on leur dit: Ne vous engagez pas. Vous ne faites que préparer le terrain, la signature va être celle du président du Conseil du trésor. Je pense qu'on pousse un peu loin la coquetterie, du côté du Conseil du trésor. On pourrait être plus gentleman et permettre aux collègues sectoriels d'engager le gouvernement pour des montants qui sont minimes, dans le fond. Je pense bien qu'il y a un symbolisme dans tout ça que personne ne perd de vue. On veut passer un message à tout le monde: Si le ministre sectoriel siège au comité patronal de négociations, il ne faut pas nécessairement prendre ça au sérieux, l'action est ailleurs.

Mme Lavoie-Roux: Ils sont dociles, d'ailleurs, ces deux ministres.

M. Forget: D'autant plus, M. le Président...

Mme Lavoie-Roux: C'est assez intéressant de voir ça.

M. Forget:... étant donné leur docilité, je ne vois vraiment pas pourquoi on ne leur fait pas plus confiance. On sait bien qu'ils ne dérogeront pas de la ligne établie. Mais c'est inexplicable.

Une question d'information, M. le Président. On dit que les comités sont placés dans l'autorité de — et ce sont les deux ministres sectoriels, respectivement — et après, on parle d'un vote prépondérant. Normalement, un vote prépondérant, par exemple dans nos règlements de l'Assemblée nationale, signifie que, lorsqu'il y a une division égale des voix, le président peut faire pencher la balance d'un côté ou de l'autre. Dans d'autres règlements d'assemblées délibérantes, le vote prépondérant, c'est un vote qui s'ajoute, dans le fond. C'est un deuxième vote dont dispose le président qui a pu déjà se prononcer, comme un autre membre du comité, et qui peut, en cas de division des voix, voter une deuxième fois, pour entraîner la décision d'un côté ou de l'autre.

Ici, on a un vote prépondérant qui n'est pas défini. Est-ce que cela veut dire que, même si nous avons, dans un comité patronal de négociation... Prenons par exemple le cas des affaires sociales. Il y aura, à un tel comité, l'Association des hôpitaux de la province de Québec, l'Association des centres d'accueil de la province de Québec, l'Association des centres de services sociaux de la province de Québec, l'Association des CLSC du Québec, l'Association des directeurs et des propriétaires d'établissements privés du Québec et l'Association des établissements prives du Québec. Cela fait pas mal de monde. Cela fait plus d'une voix.

De l'autre côté, du côté gouvernemental, il y aura le ministre des Affaires sociales. Qu'est-ce que cela veut dire, qu'il aura une voix prépondérante? Est-ce que cela veut dire que si, lorsqu'on prend un vote, cela se divise — je ne sais pas si cela fait huit personnes, à peu près — également et qu'il y a des absents, ce qui peut toujours arriver, le ministre des Affaires sociales aura un deuxième vote prépondérant, ou si cela veut dire que, quelle que soit la division des votes et quelle que soit la façon dont cela se distribue, l'opinion exprimée par le ministère des Affaires sociales, qui n'est, de toute façon, que le porte-parole du Conseil des ministres qui, à son tour, ne fait qu'entériner les recommandations du Conseil du trésor, cette décision, de toute façon, sera prépondérante?

C'est une signification de prépondérance qui est "exorbitante du droit commun", comme dirait le ministre de l'Éducation. C'est une chose qu'on ne voit pas souvent. Est-ce que c'est cela qu'on veut dire? Si c'est cela qu'on veut dire, j'aimerais bien qu'on le dise et surtout que ce soit au journal des Débats. J'ai l'impression qu'on va avoir des surprises.

Le Président (M. Boucher): M. le ministre.

M. Parizeau: M. le Président, il est évident que la signature du président du Conseil du trésor n'est pas là pour des raisons de coquetterie, ainsi qu'on l'a souligné. Je pense qu'elle permet essentiellement d'assurer, sur le plan des prépondérances, à l'occasion desquelles j'aurai tout à l'heure à répondre à la question du député de Saint-Laurent, de s'assurer que, dans la répartition des prépondérances et dans les pouvoirs de l'article 18, qui définit ce que fait le Conseil du trésor, il y ait l'assurance d'une stricte compatibilité. Ce n'est pas pour vérifier $2 millions, c'est bien sûr.

Deuxièmement, quant à la définition de la prépondérance, oui, il est clair que ce n'est pas donner une deuxième voix; à supposer qu'on ait un comité patronal qui serait constitué de huit personnes de nos partenaires et d'un représentant du ministre, ce n'est pas pour donner une voix additionnelle au représentant du ministre. Ce n'est pas cela.

La prépondérance implique que, sur certaines matières, l'opinion du gouvernement prime et que, sur d'autres matières, l'opinion — dans ce cas-ci,

puisque nous sommes à l'article 12 — des commissions scolaires prime.

M. Forget: M. le Président, cela a au moins le mérite d'être clair. Je n'irai pas jusqu'à dire que c'est acceptable, mais c'est clair. Je remercie le ministre, au moins pour son explication.

M. Parizeau: Je prends cela comme un compliment, M. le Président.

M. Forget: Cela me laisse presque bouche bée, M. le Président. Je trouve que c'est une façon vraiment invraisemblable d'amorcer la négociation. Mais enfin... On a déjà exposé notre point de vue là-dessus. C'est évident qu'on ne votera pas pour l'adoption de cet article tel que rédigé. Mais avant d'en venir là, M. le Président, il semble qu'il y ait malgré tout — ceci fait suite à une suggestion que je faisais tout à l'heure — un besoin d'inclure dans cet article une référence au fait que puisqu'on daigne s'adresser à l'Assemblée nationale pour entériner ce genre de cadre de négociation, il serait d'une élémentaire politesse que les membres de l'Assemblée nationale et la partie syndicale, parce qu'elle en a besoin, soient informés des ententes qui sont conclues. Cela pourrait se faire par un dépôt à l'Assemblée nationale dont on a l'habitude pour toutes sortes de documents, même les documents qui n'ont aucun intérêt parfois pour les députés, mais celui-là certainement en aurait un très grand. Cela pourrait prendre la forme de l'amendement suivant:

L'article 12 est modifié en ajoutant à la fin du deuxième alinéa les mots suivants: "Dès que les ententes sont conclues, dépôt en est fait à l'Assemblée nationale par le ministre de l'Éducation ou des Affaires sociales et copie en est envoyée à la partie syndicale."

Le Président (M. Boucher): L'amendement se lit comme suit: L'article 12 est modifié en ajoutant à la fin l'alinéa suivant: "Dès que les ententes sont conclues, dépôt en est fait à l'Assemblée nationale par le ministre de l'Éducation ou des Affaires sociales et copie en est envoyée à la partie syndicale." M. le ministre.

M. Parizeau: M. le Président, j'aimerais demander au député de Saint-Laurent si ce qu'il suggère n'a pas été fait dans le passé et pourquoi cela n'a pas été fait dans le passé. Il a été associé de très près à la négociation d'ententes de cet ordre.

M. Forget: Si cela n'a pas été fait, M. le Président, c'est que cela n'a jamais été demandé par l'Opposition de l'époque. Je puis donner l'assurance très sincèrement au ministre des Finances actuel que si j'en avais eu la demande par qui que ce soit, l'entente aurait été publiée immédiatement, parce que je ne peux pas encore aujourd'hui imaginer un seul motif valable pour lequel une telle entente ne serait pas publiée.

M. Parizeau: J'imagine que si... Excusez-moi.

Le Président (M. Boucher): Oui, allez-y, M. le ministre.

M. Parizeau: J'imagine, M. le Président, que s'il n'y avait pas de motif valable, cela aurait été fait depuis longtemps.

M. Forget: Je vous avoue franchement, M. le Président, que c'est en faisant lecture de ce projet de loi et de la façon dont les ententes qui devraient avoir précédé la présentation du projet de loi nous sont présentées comme rectifiant tout ce qui est dans le projet de loi sans pour autant que les commissions scolaires, pour leur part, ou l'Association des hôpitaux, pour la leur, soient d'accord qu'il m'est devenu apparent que ces ententes doivent être publiques. J'avais l'impression qu'elles l'étaient dans le passé, que je sache.

Je prends d'ailleurs la parole du ministre des Finances que cela n'a pas été publié dans le passé, mais je ne serais pas surpris que cela l'ait été. De toute façon, il n'y a jamais eu aucune objection de ma part certainement relativement au secteur des affaires sociales quant à la publication de ces ententes. Je ne me souviens pas qu'on m'ait demandé ce document. Si on me l'avait demandé, je l'aurais déposé immédiatement à l'Assemblée nationale.

Le Président (M. Boucher): M. le ministre.

M. Parizeau: M. le Président, j'avais posé la question sous une forme interrogative justement parce que je ne veux pas m'engager sur plusieurs années en disant que cela n'a jamais été déposé selon mon impression, cela ne l'était pas. C'est pour cette raison que j'ai demandé cela sous forme de question.

Deuxièmement, je reviens à certaines des discussions que nous avons eues depuis le début de l'après-midi. Il faudrait donc que dans la loi on préjuge des discussions à avoir avec nos partenaires qui, sur le plan de la divulgation ou non, peuvent fort bien avoir leurs idées. Les impressions que j'ai, les renseignements qu'on me fournit, c'est que justement, dans le passé, il y avait des réticences très nettes de la part de nos partenaires à rendre publiques des choses comme celle-là. Dans la mesure où les comités n'ont pas établi leurs propres règles de fonctionnement, je trouverais cela singulièrement préjuger des décisions qui se prendront dans les comités, non pas seulement de nous imposer à nous-mêmes, comme gouvernement, mais de leur imposer à eux...

Mme Lavoie-Roux: Ils l'ont toujours fait, de toute façon.

M. Parizeau: ... ce qui normalement doit être discuté dans les comités patronaux.

M. Forget: L'intérêt public s'interprète de façon inhabituelle quand on traite un document qui est essentiel à la compréhension de la répartition des responsabilités comme étant un document confidentiel. Ce qui est d'intérêt public, ce

n'est pas de protéger la susceptibilité ou l'amour-propre d'un tel ou d'un autre dans une négociation qui a pu tourner ou qui a pu ne pas tourner, conformément aux attentes de chacun, et c'est normal. Ce qui est d'intérêt public, ce n'est donc pas de protéger ces amours-propres ou ces susceptibilités, mais c'est de dévoiler le résultat final de la négociation. D'ailleurs, du côté des établissements et des commissions scolaires, ce doit être un secret de polichinelle, parce que ce sont là des organismes représentatifs, donc responsables auprès de leurs membres. Je ne peux pas m imaginer que la Fédération des commissions scolaires dise aux commissions scolaires auprès de qui elle est redevable: Écoutez, ce document qui contient l'entente entre le gouvernement et nous, vos représentants, ne vous est pas accessible. Comme il y a plusieurs milliers de commissaires d'école, comme il y a plusieurs milliers de cadres hospitaliers ou dans les centres d'accueil, etc., je vois mal comment les organismes en question, les groupements en question pourraient tenir confidentiels des documents qu'ils doivent forcément expliquer à leurs membres, puisque c'est en fonction de ces documents qu'ils doivent exercer leur mandat. Il me semble que c'est là une objection qui ne tient pas. Je serais le plus étonné du monde que, de la part de ces groupements, on trouve une objection véritablement sérieuse à ce que soit rendu public le texte des protocoles. Du côté gouvernemental, je n'en vois aucun non plus, puisque, déjà, le ministre a été assez direct dans ses réponses. Il nous a avoué la façon dont il concevait l'organisation des négociations. Dieu sait que le rôle du Conseil du trésor et des organismes centraux du gouvernement y est déjà affirmé avec passablement de clarté, de netteté, et même si nous ne sommes pas d'accord avec cette orientation, je pense qu'on a au moins ici un certain nombre d'indications qui sont sans ambiguïté. Pourquoi ne pas aller jusqu'au bout et faire la démonstration qu'effectivement, les protocoles d'entente sont conformes à la loi qui nous est proposée, de manière que nous n'ayons pas, au cours des prochains mois, des débats, à savoir s'il y a ou non entente ou concordance, dirais-je, entre l'entente et la loi et que nous n'ayons pas, du côté syndical, des espèces de complaintes à savoir qu'étant donné les protocoles d'entente, il se joue entre le gouvernement et les groupements d'établissements ou de commissions scolaires des jeux qui ne sont pas clairs et que les syndicats ne réussissent pas à percer le mystère, parce que, justement, ces documents sont secrets? On n'a rien à protéger par le secret. On n'a rien à sauvegarder. Il n'y a aucun intérêt qui soit menacé par la divulgation de ces documents. Encore une fois, j'ai toujours eu l'impression dans le passé que ces documents avaient été rendus publics même à la presse. S'ils ne l'ont pas été, je serais le plus étonné du monde. Je ne vois vraiment pas de raison pour qu'ils ne l'aient pas été, si ce n'est que personne n'a pensé en faire la demande. Il y a à cela deux raisons: Du côté des Affaires sociales, il y avait un protocole qui fonctionnait et tout le monde était d'accord. Donc, cela n'a pas suscité de problème, il n'y avait pas de contradiction entre le protocole et la loi, et personne n'a voulu soulever de controverse à ce sujet. Du côté de l'Éducation, pour autant que je sache, il n'y avait pas de protocole. Évidemment, on n'était pas pour demander la publication d'un protocole qui n'existait pas, pendant un long moment, du moins. Quand il y en a finalement eu un. de toute manière, il est devenu évident que ce n'était pas la solution non plus. Donc, cela devenait académique de demander le dépôt d'un protocole qui ne semblait pas appliqué ou applicable. À tout événement, je ne vois pas, je suis incapable d'imaginer, à partir de l'expérience que j'ai vécue, un seul motif valable pour ne pas publier les protocoles comme annexe, en quelque sorte, au projet de loi.

Le Président (M. Boucher): M. le ministre. (17 h 30)

M. Parizeau: M. le Président, je voudrais tout simplement revenir sur un mot qu'utilisait tout à l'heure le député de Saint-Laurent. Je n'ai rien avoué du tout, ou, tout au moins, je n'ai pas l'impression depuis cet après-midi d'avoir avoué quoi que ce soit. J'ai expliqué des choses. Ce n'est pas la même chose.

Pour ce qui a trait au fond de la question, ce n'est pas parce que ce n'est pas dans la loi que ça ne se fera en aucune façon ou bien que c'est interdit de les rendre publiques. Il ne s'agit pas de ça. Je ne résiste pas au principe lui-même, de rendre ça public ou pas. Je dis simplement qu'il est évident que le comité patronal va avoir à en examiner les implications. Il est bien possible qu'aujourd'hui on ne voie pas d'objection à rendre ça public. Il est tout à fait possible que nos partenaires nous fassent des représentations tout à fait différentes et qu'ils aient des raisons tout à fait valables. Cela se verra à ce moment-là. Entre laisser la porte ouverte... la loi, telle qu'elle existe à l'heure actuelle, laisse la porte ouverte à ça. L'amendement du député de Sain-Laurent rendrait la chose obligatoire. Je ne vois pas en quoi on peut rendre ça obligatoire avant que les comités patronaux se soient penchés sur la question.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Richmond.

M. Brochu: J'aimerais poser une question au ministre. J'ai suivi un peu la discussion. Est-ce que la proposition du député de Saint-Laurent ne va pas dans le sens du mécanisme qu'on a prévu justement au projet de loi no 59, lorsqu'on a institué le conseil d'information sur les négociations dans les secteurs public et parapublic?

M. Forget: Non...

M. Brochu: Ce conseil a pour but de rendre publiques et accessibles les données du problème pour démontrer l'écart, s'il y a lieu, entre les propositions et les demandes de différentes natures, dans le but de faire avancer les négociations. Est-ce que la proposition du député de Saint-Laurent ne s'inscrit pas dans ce cadre de vouloir

ouvrir, vis-à-vis du public, de rendre publiques ces informations tout à fait pertinentes au déroulement des négociations? Cela rejoint en même temps, évidemment, la question du droit à l'information du public. J'inscrirais surtout ma question dans le sens de la préoccupation que le législateur a bien voulu avoir au niveau du cadre législatif du projet de loi no 59 en créant ce conseil d'information. Il y avait donc un besoin, puisqu'il est reconnu dans le cadre de la loi. Est-ce que ça ne s'inscrirait pas dans cette même foulée de demander qu'il y ait dépôt des ententes à l'Assemblée nationale?

M. Parizeau: Cela pourrait s'inspirer du même genre de philosophie, clairement, mais comme il s'agit essentiellement d'une entente entre partenaires qui entrent dans une négociation, il n'est pas impensable que nos partenaires insistent pour que, par exemple, pour des raisons de stratégie, et, inévitablement, il y en a dans les négociations, cette question-là, enfin, les données d'un accord ou d'une entente comme celle-là restent entre les partenaires.

Je ne dis pas, remarquez bien, que le gouvernement accepterait ça nécessairement. Je ne dis pas qu'il se rangerait nécessairement à des demandes de cet ordre. Je dis simplement: II ne faut pas préjuger de l'aboutissement de ce genre de discussion. Moi, je conviens volontiers que, plus il y a de renseignements qui circulent et qui sont rendus publics, en général, mieux c'est. Mais quand il s'agit d'une entente entre partenaires dont nous ne sommes qu'une partie dans ces ententes à l'article 12, il faut d'abord voir quel genre d'attitude le comité patronal prendra là-dessus.

M. Brochu:... admettre au départ que vous êtes une partie, mais une partie prépondérante avec les pouvoirs que vous aurez dans la loi.

M. Parizeau: Là, vous préjugez de la façon que la prépondérance va se partager. Je m'excuse, M. le Président.

Le député de Richmond préjuge de la façon que les ententes de prépondérance seront établies. On ne le sait pas encore. Tout ce qu'on dit, c'est qu'il doit y avoir une entente prévoyant les prépondérances.

M. Brochu: On sait que, lorsque l'État, le gouvernement entre dans un champ comme celui-là, sa propension naturelle, c'est de prendre le plus d'espace possible. Il faut voir les pouvoirs que le Conseil du trésor prend, par exemple, dans le projet de loi pour voir cette propension naturelle.

M. Parizeau: Ce n'est pas le plus d'espace possible, M. le Président. C'est l'espace qui est nécessaire pour assurer une coordination correcte des négociations. En fait, comme je l'ai dit précédemment, si le Conseil du trésor voulait commencer à examiner chaque clause contenue dans les conventions collectives et à établir un mandat sur chaque clause, on va tout droit vers, non seulement une situation chaotique, non seulement des délais considérables dans l'établissement des mandats, mais vers la possibilité d'erreurs grotesques, parce que, sur un certain nombre de matières, non seulement le Conseil du trésor n'a pas de compétence particulière, mais, de toute façon, cela n'intéresse pas le gouvernement. Il ne s'agit pas de considérer le Conseil du trésor comme prenant le plus grand espace possible, il n'a jamais été question de cela.

Le Président (M. Boucher): Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Le député de Richmond a un peu touché au point que je voulais soulever ou à la question que je voulais poser au ministre. Je ne me situais pas dans le contexte de la loi 59, mais il a fait allusion aux cauchemars que fait naître, chez lui, l'idée de la bicéphalie.

Je pense que, lorsqu'il y a eu des difficultés entre la Fédération des commissions scolaires, le ministère de l'Éducation et le gouvernement, lors de la dernière négociation, elles ont été si évidentes que, comme le disait le député de Saint-Laurent, il serait difficile de les nier. C'est justement ces ententes où un protocole avait été signé et avait été rendu public, alors que chacun se lançait la balle pour dire qui était le plus entêté ou le plus obstiné des deux, du gouvernement ou de la Fédération des commissions scolaires. Cela aurait peut-être été plus facile pour le public de juger, finalement, où il y avait un manque de collaboration et où, au moins, les gens auraient été obligés de justifier leur position.

L'autre chose qui m'étonne, c'est que, tout à coup, le ministre est plein de ménagement pour les fédérations d'employeurs alors que c'est à coup de masse qu'on leur dit: On ne veut pas vous avoir la tète trop haute parce qu'on va avoir de la bicéphalie et, quand on demande de rendre ceci public, tout à coup, il faut faire attention à eux, à leurs réactions. Je trouve que c'est un peu en contradiction avec une démarche passablement autoritaire de la part du ministre des Finances dans tout ce projet de loi 55 quant au rôle qu'il va jouer dans la prochaine négociation.

Je dirais peut-être à la blague, pour terminer, que si le député de Saint-Laurent n'avait pas fait son amendement, on aurait peut-être pu en faire un autre qui aurait été agréé par le ministre et qui aurait été que les ententes soient rendues publiques si le ministre des Finances le jugeait opportun.

Le Président (M. Boucher): M. le ministre.

M. Parizeau: M. le Président, je pense que, si on avait voulu manifester une réaction de caractère autoritaire — je pense que c'est l'adjectif qui a été utilisé...

Mme Lavoie-Roux: C'est en plein cela, M. le ministre.

M. Parizeau: ... l'amendement présenté à l'article 12 n'aurait pas été fait; je parle de l'amendement que j'ai présenté. Cet amendement, justement, visait à satisfaire un souci légitime de la

Fédération des commissions scolaires. Non seulement on s'est rendu à ses demandes, au moins sur ce plan, mais on s'est rendu vite à ses demandes. Je pense que ce sont probablement les télégrammes que nous avons reçus aujourd'hui qui indiquent "progrès", du point de vue des fédérations des commissions scolaires... Dans les premières lignes du télégramme, on indique "progrès".

Mme Lavoie-Roux: Ah oui! C'est vrai.

M. Parizeau: ... doivent laisser croire, je pense, au député de L'Acadie que le président du Conseil du trésor n'a peut-être pas le caractère autoritaire quelle veut absolument lui accoler.

Mme Lavoie-Roux: Je peux laisser l'interprétation à d'autres, mais je pense que quiconque lit ce projet de loi y voit tous les pouvoirs qui reviennent au Conseil du trésor, et en particulier à son président, j'imagine... Il sera difficile de penser qu'il a été très généreux et que son approche est une approche collégiale.

M. Parizeau: Elle l'est sur le plan du Conseil du trésor, bien sûr. Ce n'est pas parce que la signature du président du Conseil du trésor apparaît sur certains documents que le Conseil du trésor cesse pour cela d'être collégial.

Mme Lavoie-Roux: Sur le plan du Conseil du trésor, vous l'avez bien dit, elle est collégiale, mais pas dans l'ensemble de la négociation.

Le Président (M. Boucher): Est-ce qu'on est disposé à voter sur l'amendement? M. le député de Saint-Laurent?

M. Forget: S'il vous plaît, M. le Président. On est disposé à voter.

Le Président (M. Boucher): Vote enregistré. M. le député de Verchères?

M. Charbonneau: Contre.

Le Président (M. Boucher): Contre? M. le député de Champlain?

M. Gagnon: Contre.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Saint-Laurent?

M. Forget: Pour.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Richmond?

M. Brochu: Pour.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Laprairie?

M. Michaud: Contre.

Le Président (M. Boucher): M. le député de L'Assomption?

M. Parizeau: Contre.

Le Président (M. Boucher): Mme le député de L'Acadie?

Mme Lavoie-Roux: Pour.

Le Président (M. Boucher): L'amendement est donc rejeté à quatre contre trois. M. le ministre.

M. Parizeau: M. le Président, est-ce que je pourrais demander l'autorisation de donner une réponse à quelque chose qui n'était pas clair tout à l'heure au sujet des syndics? La Loi de l'instruction publique indique bien que les mots "corporation scolaire ou commission scolaire " désignent indistinctement toute corporation de commissaires ou de syndics d'écoles.

Le Président (M. Boucher): Est-ce que l'article 12, tel que rédigé, est adopté?

M. Forget: Sur division.

Le Président (M. Boucher): Sur division. Article 13?

M. Parizeau: II n'y a rien de particulier à l'article 13, M. le Président.

Le Président (M. Boucher): Adopté?

M. Brochu: Adopté.

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Boucher): Article 14?

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Boucher): Adopté. Article 15?

M. Parizeau: Excusez-moi, M. le Président, il y a des changements.

Le Président (M. Boucher): Oui, il y a des changements à l'article 15.

M. Parizeau: Oui, 15...

Mme Lavoie-Roux: Je m'excuse. À l'article 14, est-ce que je peux poser une question. Ce n'est pas une motion.

Le Président (M. Boucher): Avec l'accord des membres

M. Parizeau: Bien sûr.

Mme Lavoie-Roux: Qu'est-ce qui était prévu autrefois quant à la signature des négociations. Est-ce que cela n'était pas, à ce moment-là, signé par un membre des deux grandes fédérations scolaires et du cégep alors que, présentement, cela ne sera signé que par le ministre de l'Éducation, le président, qui peut être un représentant de ces fédérations, et le vice-président, qui est quelqu'un nommé par le ministre. Alors, finalement, il n'y aura qu'une signature émanant des différentes fédérations d'employeurs de l'éducation.

M. Parizeau: Je vais voir comment se présente... Est-ce que je pourrais demander deux minutes, M. le Président, c'est assez complexe à 95, et je voudrais être certain que ma réponse est complète?

Mme Lavoie-Roux: Merci.

M. Parizeau: Je pense, M. le Président, que je pourrai lire les trois articles pertinents de 95. L'article 4 se lisait ainsi: "Les commissions scolaires négocient et agréent les stipulations visées à l'article 10 par l'entremise d'un agent négociateur nommé par l'un des groupements". Article 5: "Les collèges négocient et agréent les stipulations visées à l'article 17 par l'entremise d'un agent négociateur, etc." Ensuite, "Le ministre de l'Éducation — article 6 — par l'entremise de ses représentants et de trois parties à la négociation, les stipulations visées à l'article 10 et à l'article 17... ces stipulations sont signées pour le gouvernement, sur autorisation du lieutenant-gouverneur en conseil par la personne qu'il désigne".

Mme Lavoie-Roux: À la dernière convention, probablement qu'un représentant des commissions scolaires, un représentant des cégeps et un représentant du gouvernement ont signé pour la partie patronale, alors que cette fois-ci, il se peut qu'il n'y ait qu'un seul représentant des fédérations, le ministre de l'Éducation et une autre personne nommée par le ministre, est-ce que c'est ça? (17 h 45)

M. Parizeau: Soit le président, soit le vice-président.

Mme Lavoie-Roux: Oui, ce sera un représentant...

M. Parizeau: II représentera... c'est ça.

Mme Lavoie-Roux:... une fédération. Alors, il y en aura un de moins que la dernière fois. Ce sera soit la fédération...

M. Parizeau: Oui, si on veut, il y en aura un de moins.

Mme Lavoie-Roux: Oui.

Le Président (M. Boucher): L'article 14 est adopté?

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Boucher): Article 15.

M. Parizeau: À l'article 15, le deuxième alinéa est remplacé par les paragraphes suivants qui établissent, en somme, pour les affaires sociales, la concordance, si on peut dire, avec le deuxième alinéa de l'article 12 pour l'enseignement. "Ses représentants désignent un président et un vice-président du comité dont l'un est choisi parmi les personnes désignées par les groupes d'établissements et l'autre, parmi les personnes désignées par le ministre. Ils conviennent, en outre, d'une entente sur les modalités de fonctionnement du comité et sur la détermination des matières à l'égard desquelles les représentants des groupements ou les représentants du ministre ont une voix prépondérante lors des délibérations du comité. Cette entente prévoit, en outre, le mode de financement du comité, la durée du mandat des membres et s'il y a lieu, leur rémunération, ainsi que celle des agents du comité. La signature du président du Conseil du trésor confirme l'engagement du gouvernement à l'égard d'une telle entente".

M. Forget: Est-ce que le ministre des Finances pourrait nous dire, à titre d'hypothèse ou d'illustration, sans nécessairement un engagement de sa part, mais évidemment pas de façon absolument gratuite, comment il voit cette distinction entre les matières sur lesquelles les représentants des groupements auront une voix délibérante ou une voix prépondérante, et ces matières sur lesquelles les représentants du ministre auront une voix prépondérante?

M. Parizeau: C'est difficile, là encore, je pense, d'être très clair.

M. Forget: Déjà.

M. Parizeau: Oui, ce n'est pas déjà, c'est pas encore. C'est qu'il y a, dans ces domaines, deux ordres de préoccupation, comme le député de Saint-Laurent le sait bien.

D'une part, il y a les questions de négociation proprement dite, appelons cela, à défaut d'un meilleur terme, les questions de stratégie et de tactiques, où là, il y aura à définir des prépondérances. Deuxièmement, il y a, au niveau des matières qu'on peut considérer comme étant d'intérêt gouvernemental par opposition aux matières d'intérêt local, une deuxième analyse des conditions de prépondérance à faire à l'intérieur de ces comités.

Donc, c'est sur deux plans distincts qu'ils vont avoir à fonctionner: celui de la forme des négociations, de la présentation des négociations, du déroulement des négociations et, deuxièmement, sur les questions de fond.

Je ne préjugerai pas, pour le moment, de la façon dont cela peut se dérouler. Je pense qu'on verra, en arrivant à l'article 18, l'esprit, en tout cas, dans lequel, personnellement, je souhaiterais que

cela se déroule, quant à la deuxième matière, c'est-à-dire le fond.

Quant aux questions de présentation des négociations, du déroulement des négociations, je ne peux vraiment pas préjuger de la façon dont les comités patronaux auront à discuter entre eux. Je pense que normalement, il faut laisser tout le champ libre à cette discussion pour voir exactement comment les deux partenaires peuvent s'entendre quant aux voix prépondérantes de chacun.

M. Forget: M. le Président, au moment d'aborder la discussion de ces ententes, est-ce que les porte-parole gouvernementaux approcheront de la table de négociation — parce que ce sera presque une négociation — avec des propositions quant aux matières sur lesquelles ils seront prêts, au départ, à concéder une prépondérance aux groupements? Ou si l'attitude gouvernementale en sera une essentiellement défensive, c'est-à-dire qu'on dira: A priori, tout nous intéresse, démontrez-nous, mesdames et messieurs de l'autre côté, que vous devriez être prépondérants sur tel ou tel sujet.

M. Parizeau: Je pense, M. le Président, qu'il n'y aurait pas de raison pour que le gouvernement prenne une attitude défensive comme celle-là. Je pense même que, comme partenaire de la partie patronale, le gouvernement doit avoir, dès le départ, un certain nombre d'idées assez précises. Il est évident que dans les discussions préparatoires, il faudra, je pense, que le gouvernement ait des idées assez claires là-dessus et soit en mesure, d'ailleurs, de faire un certain nombre de propositions. Cela me paraîtrait être la façon sage de procéder.

M. Forget: Est-ce que le ministre peut me donner un exemple, quant au fond de la question, sur lequel il serait prêt à suggérer que les groupements aient une voix prépondérante?

M. Parizeau: Je pense qu'il y a un bon nombre de conditions qui tiennent dans les conventions collectives, à l'administration courante du personnel, par exemple. L'administration du personnel — on se situe au niveau des facéties, M. le Président — l'administration du personnel va un peu plus loin que l'affichage.

Mme Lavoie-Roux: ...

M. Parizeau: Si vraiment cela consistait uniquement en affichage, les agents de personnel et les directeurs de personnel auraient une vie bien facile.

Mme Lavoie-Roux: Mais il n'en a pas donné quand même.

M. Forget: M. le Président, ce n'est pas très éclairant comme illustration. Est-ce qu'il faut croire...

M. Parizeau: Oui, oh oui!

M. Forget: ... que rendu au 21 juin 1978, ce projet de loi, à six heures moins sept, sur le point d'être adopté, avec — on pourrait l'espérer — des ententes déjà sur le point d'être conclues avec les groupements désignés par la loi, est-ce qu'il faut croire qu'on n'est pas plus avancé que cela dans la détermination des règles du jeu qui devront prévaloir seulement du côté patronal? On n'en est même pas venu à définir des mandats. On n'est même pas capable de nous donner des exemples d'un début d'entente ou de la base sur laquelle on pourrait commencer à s'entendre au sein même de la partie patronale et on veut nous faire croire qu'à compter de l'automne prochain on aura terminé la préparation des mandats et qu'on pourra amorcer une négociation quelque six mois avant l'expiration des conventions collectives. Ce n'est pas croyable, M. le Président! Je pense qu'on est très loin de l'objectif visé.

M. Parizeau: M. le Président, c'est essentiellement la raison pour laquelle ce projet de loi est présenté maintenant. Bien sûr, comme toutes les conventions collectives qui viennent à échéance avant le 1er juillet 1978 échappent à l'application de cette loi, la chose simple, j'imagine, aurait été de reporter tout cela à l'automne. Là justement on aurait eu des problèmes, parce que cela aurait été beaucoup trop près des échéances que nous nous sommes nous-mêmes fixées pour éviter de tomber dans des travers que le député de Saint-Laurent a bien connus au moment où les choses étaient faites à la dernière minute.

Ce que le député de Saint-Laurent est en train de souligner à l'heure actuelle, c'est que de passer l'établissement des règles du jeu dès le mois de juin, de façon que justement on soit en mesure, dès l'automne, de respecter les délais que le gouvernement actuel s'est lui-même donnés pour être prêt à commencer les négociations avant l'expiration des conventions collectives, et longtemps avant leur expiration. Lui, il peut présenter cela comme étant un retard. Nous, du gouvernement, on considère cela plutôt comme une avance et singulièrement, si on compare les démarches actuelles avec ce qui s'est fait dans le passé.

M. Forget: M. le Président, il n'y a rien là. La loi qu'on remplace dans le moment, qui était la loi 95, c'était une loi, si je ne m'abuse, de 1974. Qu'on calcule les délais en termes de nombre de jours ou de semaines, ce n'est pas très différent de ce à quoi on assiste dans le moment. Ce que je dis essentiellement, c'est que l'histoire se répète.

M. Parizeau: M. le Président, la loi 95 était venue après une série de problèmes soulevés antérieurement, à l'occasion de nouvelles rondes. Nous essayons de faire en sorte, non pas de laisser passer cette ronde de négociations et ensuite de corriger le cadre, mais de corriger le cadre le mieux possible avant même qu'elle commence, parce qu'avant la ronde de 1976, il y a eu la ronde de 1972.

Le Président (M. Boucher): Article 15, adopté?

M. Forget: Sur division.

Le Président (M. Boucher): Sur division. Article 16?

M. Brochu: Adopté.

Le Président (M. Boucher): Adopté. Article 16?

M. Forget: Cela va.

Le Président (M. Boucher): Cela va. Article 17?

M. Parizeau: C'est l'équivalent de l'article 14. M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Boucher): Adopté. Article 18? Il y a un changement.

M. Parizeau: L'article 18b devient "autorise les mandats de négociations des comités patronaux dans les matières qu'ils jugent d'intérêt gouvernemental." Donc, on ne parle plus de déterminer les mandats. Ceci, je pense, met l'accent sur une demande qui avait encore été faite par nos partenaires, c'est-à-dire qu'une correction soit apportée qui mette clairement ou qui reflète clairement le fait que les comités patronaux ont à préparer les mandats et à les acheminer au Conseil du trésor, et qui ne donne pas l'impression, comme le mot "déterminait" pouvait le faire croire, que le Conseil du trésor pouvait, j'allais dire, littéralement organiser ses propres mandats et les transmettre, remplacer "déterminer" par "autorise", corrige cette impression.

Deuxièmement, tel que b) était rédigé, il est évident que le Conseil du trésor, comme j'ai eu l'occasion de le dire à quelques reprises cet après-midi, aurait été à la limite chargé de statuer sur tous les mandats, sur tous les éléments possibles et imaginables du mandat, même les plus locaux, même les plus directement reliés à des conditions locales, ou à des conditions tellement spécifiques qu'elles n'ont pas vraiment, sur le plan des grands ensembles, de signification particulière.

Dans ces conditions, nous en sommes arrivés à cette formulation, non pas " les mandats de négociation", mais "les mandats dans les matières qu'il juge d'intérêt gouvernemental".

Par rapport aux articles 12 et 15, on comprendra un peu mieux ici le sens que cela peut avoir. On me dira peut-être: Le Conseil du trésor peut juger tout d'intérêt gouvernemental. Bien non, justement! Le fait de mettre l'accent sur l'intérêt gouvernemental implique, dans son esprit tout au moins, que le conseil du trésor ne va pas aller se mêler de toutes espèces de choses qui, vraiment, n'ont de portée que locale. Le mot est là à dessein.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Saint-Laurent. (18 heures)

M. Forget: M. le Président, sur le paragraphe a), il y a des comités patronaux de négociation dans chacun des secteurs et on aurait présumé que la tâche de ces comités patronaux de négociation eût porté non seulement sur la préparation de mandats avant présentation au Conseil du trésor, mais également sur la conduite des négociations, comme le mot même l'indique. Il est possible que ce soit effectivement ce que le gouvernement leur réserve comme rôle. Sauf que le paragraphe a) de l'article 18 est une interprétation malaisée. Assurer qu'un texte législatif donne à un organisme quelconque le pouvoir d'assurer le suivi des négociations, ce n'est pas la même chose que de dire que le Conseil du trésor doit s'informer du déroulement des négociations, à moins qu'on fasse simplement de la sémantique pour ne rien dire.

Assurer le suivi des négociations, c'est effectivement avoir la responsabilité de la poursuite ordonnée de négociations et de l'exécution des mandats. C'est une traduction, j'imagine, pour le "follow-up", c'est-à-dire qu'une fois qu'on a autorisé des mandats, on s'assure que ces mandats sont respectés par les négociateurs, si on veut évaluer, également, le succès des négociateurs à faire passer leur mandat, évaluer parfois la difficulté insurmontable de certains mandats au niveau de la table de négociations et la nécessité de les réviser.

Il y a toujours eu, au Conseil du trésor, du moins la dernière fois et je pense que c'était vrai la fois précédente, selon une formule un peu différente, un organisme central, gouvernemental, une coordination et une information abondante, mais malgré tout schématique, sur le déroulement des négociations, sur le succès des différents mandats, etc. L'expression "assurer le suivi", à mon avis, signifie quelque chose d'autre et va plus loin. On n'a pas dit, encore une fois: Le Conseil du trésor s'informe du déroulement des négociations, reçoit des rapports ou établit un système d'information sur le déroulement des négociations, on dit: Assurer le suivi. Un suivi, ce n'est pas de l'information; un suivi implique une action.

Le Président (M. Boucher): Je m'excuse, nous sommes à l'heure de la suspension.

M. Michaud: M. le Président, puisqu'il est 18 heures, j'aimerais suggérer, avec l'assentiment des membres de cette commission, qu'on continue plutôt que de revenir à 20 heures.

M. Forget: D'accord, M. le Président, je n'aurais pas d'objection si...

M. Brochu: Entièrement d'accord.

Le Président (M. Boucher): Pas d'objection? Alors, nous pouvons terminer. Allez-y, M. le député de Saint-Laurent.

M. Parizeau: Mon seul problème, M. le Président, c'est que je dois rencontrer à nouveau le Conseil des ministres, tout à l'heure. Je n'avais pas prévu...

M. Forget: Avez-vous des échéances très serrées?

M. Parizeau: Acceptons de continuer. Comme il s'agit d'un des dossiers que je pilote au Conseil des ministres, j'espère que tout le monde comprendra si on me dit qu'on a absolument besoin de moi là-bas, qu'on doive terminer.

M. Michaud: D'accord.

M. Parizeau: Cela n'avait pas été prévu au programme.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: M. le Président, je terminais... Si on utilise une expression comme "assurer le suivi", encore que ce ne soit pas une expression très reconnue par l'Académie, il reste qu'on veut dire autre chose que simplement "se tenir au courant de "... On veut aussi "se tenir au courant de", mais prendre les mesures appropriées pour s'assurer que les mandats qu'on a donnés soient exécutés ou corrigés selon l'évolution de la négociation et cela est un rôle qui les place en parallèle, cela fait un dédoublement de l'action des comités de négociation, des comités patronaux et sectoriels de négociation. Là-dessus, je pense qu'il y aurait lieu que le ministre des Finances nous donne quelques éclaircissements et quelques assurances, encore que si cela se limite à des assurances verbales de sa part, en soi cela ne modifie pas la loi et le conflit est dans les textes.

M. Parizeau: M. le Président, je reconnais que l'expression "assurer le suivi " n'est peut-être pas aussi précise qu'il le faudrait. Cela me semble cependant être corrigé par la deuxième ligne où on dit "à cette fin". C'est-à-dire que la façon d'exprimer ce suivi consiste à pouvoir déléguer aux tables un observateur et la nécessité ou, en tout cas, la grande utilité d'un tel observateur je pense est essentiellement la suivante: II est — et là, je suis forcé jusqu'à un certain point de m'appuyer sur passablement d'expériences passées auxquelles j'ai longuement participé — extrêmement difficile de s'imaginer que périodiquement seulement le Conseil du trésor est saisi, à défaut d'un meilleur terme je dirai, de ce qui accroche. Rien n'est plus difficile — si on veut vraiment être en mesure de corriger le tir, de modifier les mandats à certains moments — que d'être longtemps dans l'obscurité quant à la façon dont cela se déroule très régulièrement. Il faut, par exemple, voir venir les crises, voir venir les choses sur lesquelles, cela accroche.

Je vous avouerai, M. le Président, que depuis... Indépendamment de la loi 55, le Conseil du trésor, depuis que nous sommes au pouvoir, et cela se faisait avant aussi, a très souvent déterminé des mandats, ou corrigé des mandats pour la foule de conventions collectives dans lesquelles le gouvernement est impliqué et qui ne relèvent pas des matières dont nous discutons aujourd'hui. Il y a constamment des groupes avec lesquels le gouvernement négocie, pas nécessairement très importants, en terme de nombre, mais il y en a constamment.

Or, depuis un an et demi que j'occupe ce poste, une des difficultés majeures que j'ai trouvé à voir venir, c'est justement que l'habitude s'était — et je reviens à un passé plus lointain — perdue que ceux qui sont chargés des mandats financiers, en particulier un observateur, assistaient à ça. Le mot observateur est très important, parce qu'il ne s'agit pas de quelqu'un qui négocie, il ne s'agit pas de quelqu'un qui est porte-parole de quoi que ce soit, mais qui permet simplement au Conseil du trésor de voir venir, de savoir où cela a des chances d'accrocher. Si bien que ça permet d'abord de gagner beaucoup de temps, parce qu'il faut bien se rendre compte que ce n'est pas quand le comité patronal revient en disant: Ce mandat n'a pas de bon sens, ça accroche sur une dizaine de sujets, il faut corriger le mandat, une bonne partie du travail, des options, des possibilités, ont pu commencer à être étudiées et ça permet de gagner du temps et un temps considérable. Encore une fois, depuis un an et demi, tout ce que je vois passer ne fait que confirmer mon impression qu'avoir un observateur aux tables est sans prix pour le Conseil du trésor, pas pour intervenir, mais pour être capable d'assurer le suivi.

M. Forget: M. le Président, dans la mesure où on peut être sûr qu'il s'agit d'une fonction d'information, nous applaudissons à toutes les initiatives qui visent à faire du Conseil du trésor un organisme mieux informé. Nous applaudissons également à l'idée que le Conseil du trésor obtienne de première main cette information en déléguant un observateur. Mais il y a deux sortes d'observateurs. Il y a les vrais observateurs qui observent et il y a d'autres observateurs, qui n'ont d'observateurs que le nom, et qui n'attendent que l'occasion pour devenir les négociateurs en chef.

M. Forget: Si le ministre est véritablement sincère dans son désir de maintenir le Conseil du trésor dans une position de coordination, mais non de dieu tutélaire de tout ce qui se fait et d'arbitre unique de toutes les décisions, il va devoir, dans le choix des observateurs, prendre des précautions faciles à comprendre, s'il nomme comme observateurs des gens seniors, des gens qui ont une expérience dans les relations de travail, qui ont un statut certain au sein de la fonction publique, qui ont l'oreille du ministre. Il est clair que le message va être compris très rapidement par la partie syndicale et que l'on va négocier pendant une semaine dans le corridor avec l'observateur délégué par le président du Conseil du trésor, en se livrant à un simulacre de négociation à la table de négociation, avec les "vrais négociateurs". La deuxième semaine, on va déjà avoir des réunions à une table, mais une autre table que dans la salle officielle où se déroulent les négociations, et je vous garantis que, la troisième semaine, il va y avoir les vrais négociateurs à la vraie

table et tout le monde va arrêter de parler de ceux qui ont été désignés par ailleurs aux comités de négociation. C'est inévitable, parce qu'il faut bien ne pas se faire d'illusion, les syndicats veulent négocier avec les vrais responsables. C'est la raison pour laquelle ils ont toujours poussé pour une plus grande centralisation de la négociation. Ils se doutaient bien que le gouvernement détenait un pouvoir sur les cordons de la bourse qui en faisait un agent essentiel à convaincre. Même au sein du gouvernement, il y a du côté syndical des gens qui, normalement, et c'est compréhensible, on ferait la même chose à leur place, sont à l'affût de ceux qui détiennent véritablement l'influence, l'oreille du ministre, la possibilité d'influencer le cours des choses.

Alors, d'accord pour les observateurs, si c'est pou raider le Conseil du trésor à s'informer de ce qui se passe. À ce moment-là, il faut qu'il désigne des gens relativement juniors, qui ont de très bonnes oreilles, qui sont capables de rédiger succinctement un rapport analytique de ce qu'ils observent, mais qui, à cause de leur statut, à cause de leur mutisme, ne seront pas pris pour d'autres dans ce scénario. C'est seulement au moment où il désignera des observateurs que les intentions du ministre deviendront des réalités ou, alors, on pourra voir que l'intention du ministre a dévié en cours de route et qu'il a décidé, à un moment donné, d'assumer directement le leadership de la négociation.

Il est clair que, même s'il ne le veut pas, il y aura une poussée dans ce sens-là de la part du côté syndical et qu'il devra être extrêmement prudent, s'il ne veut pas que les associations, les divers groupements qui se regroupent avec le gouvernement qui ont signé ou qui auront signé, à ce moment-là, des ententes avec les ministres sectoriels ne se lèvent pas par dépit et ne quittent pas, en somme, tous les forums auxquels ils ont été conviés par la loi et par le gouvernement en disant au gouvernement: Si vous voulez fonctionner comme cela, fonctionnez tout seul; nous, on s'en lave les mains. À ce moment-là, cela deviendrait un peu compliqué pour le gouvernement, je pense, parce que, même s'il ne veut pas s'occuper des clauses locales, il sera bien obligé de le faire parce qu'il n'y aura plus personne pour s'en occuper.

Le Président (M. Parizeau): M. le ministre.

M. Parizeau: M. le Président, je souscris à tout ce que vient de dire le député de Saint-Laurent, je pense qu'il a parfaitement raison. Si le passé est le moindrement garant de l'avenir, je peux au moins lui signaler une chose, c'est que beaucoup de ceux qui occupent actuellement des postes assez élevés dans les négociations pour le compte du gouvernement, dans les négociations collectives, ont en fait commencé comme observateurs, exactement dans ce sens-là, alors qu'ils avaient 25 ans, enfin, 26 ou 27 ans. Je souscris entièrement à ce que vient de dire le député de Saint-Laurent.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Richmond.

M. Brochu: M. le Président, une seule petite question au ministre. Lorsque je regarde son amendement, l'expression qu'il emploie "d'intérêt gouvernemental", à la fin de son amendement, est-ce que cela signifie que le Conseil du trésor aura le pouvoir d'autoriser les mandats de négociations dans les seules matières sur lesquelles, à la suite d'ententes entre les parties, le ministre aura une voix prépondérante? Est-ce que c'est limitatif? (18 h 15)

M. Parizeau: Non, ce n'est pas limitatif. C'est le problème fédéral-provincial bien connu des pouvoirs résiduaires. On a beau faire toutes les ententes qu'on veut — et je pense que le député de Saint-Laurent en conviendra avec moi — les ententes peuvent être aussi parfaites et aussi unanimes à part cela, il arrive toujours, en cours de négociations, une idée nouvelle, un projet nouveau, une offre nouvelle sur la table qui n'a pas été prévue. Et là, il est très important que la chicane ne prenne pas. Si le Conseil du trésor considère que c'est vraiment un thème d'intérêt gouvernemental... Il y a eu des cas patents dans le passé. Quand je parle du passé, je ne parle pas seulement de l'ancien gouvernement; je parle des quinze dernières années où, en cours de route, des accidents fâcheux se sont produits sur ce plan-là. Je pense, par exemple, à des choses comme la définition du poste, que le député de Saint-Laurent connaît bien.

M. Forget: Oui.

M. Parizeau: L'erreur qui s'est faite est de ne pas avoir considéré la question de poste comme matière d'intérêt gouvernemental. Il y a longtemps — il y a quatorze ans — et on vit encore avec cela aujourd'hui. C'est dans ce sens où cela ne peut pas être limitatif parce qu'encore une fois, la meilleure des ententes avec nos partenaires ne peut pas couvrir tous les cas. Sur une période de mois de négociations, il arrive toujours des choses qui n'ont pas été prévues.

M. Brochu: D'accord.

Le Président (M. Boucher): L'article 18, tel que modifié, est accepté?

M. Forget: M. le Président, comme le ministre des Finances et moi-même semblons d'accord sur le sens qu'il faut donner au paragraphe a) et comme il m'apparaît que le paragraphe a), dans sa rédaction actuelle, peut facilement prêter à d'autres interprétations, nous nous demandons s'il ne serait pas approprié d'ajuster le verbe aux intentions exprimées par le ministre et de modifier en conséquence le paragraphe a) — et là-dessus, c'est une suggestion que nous rédigeons à la toute dernière minute et sur laquelle nous serions prêts, bien sûr, à nous entendre avec le ministre pour des améliorations; nous faisons cela dans un contexte d'ouverture d'esprit maximum qui pourrait se lire de la façon suivante: "Le paragraphe a) de l'article 18 est remplacé par le suivant: S'informe du déroulement des négociations et à cette fin

délègue un fonctionnaire aux séances de négociations pour observer leur déroulement sans droit de parole."

M. Parizeau: Cela devient incroyablement...

Le Président (M. Boucher): Un instant, s'il vous plaît!

M. Parizeau: Enfin, on va voir ce qui va se passer.

Le Président (M. Boucher): L'amendement proposé par le député de Saint-Laurent se lit comme suit: "Le paragraphe a) de l'article 18 est remplacé par le suivant: S'informe du déroulement des négociations et, à cette fin, délègue un fonctionnaire aux séances de négociations pour observer leur déroulement sans droit de parole. "

M. le ministre.

M. Parizeau: Cela, M. le Président, devient, à mon sens, pour une part redondant avec l'article et, d'autre part, inutilement restrictif. Un fonctionnaire qui observe et un observateur, j'aimerais bien qu'on établisse la différence entre les deux. Au fond, l'idée là-dedans, c'est de faire en sorte, si je comprends bien, qu'on lui enlève par la loi, le droit de parole.

M. Forget: On précise sa fonction.

M. Parizeau: Je suis bien prêt à reconnaître qu'un observateur observe, bien sûr, c'est ce que la loi dit. Mais de là à considérer que n'importe qui, à un moment donné, qui parlerait ou s'échapperait dans une négociation est dans une situation d'illégalité, tout de même... Sur un an et demi de discussions et de négociations? Voyons!

M. Forget: Le ministre accepterait au moins de substituer à "assurer le suivi des négociations", "s'informe des négociations visées dans l'article 3 et, à cette fin, peut déléguer un observateur aux séances de négociations".

M. Parizeau: "Assurer le suivi", je pense que c'est plus général que cela, c'est plus que seulement s'informer.

M. Forget: C'est ce qu'on redoute.

Mme Lavoie-Roux: C'est ce qu'on soupçonnait.

M. Parizeau: II n'y a pas de raison de soupçonner. Cela me paraît tout à fait clair. La principale fonction d'assurer le suivi, quand tout va bien, c'est évidemment de voir comment cela se déroule, de s'informer. Dans 90% des cas, l'essentiel du travail va être simplement de rester informé de ce qui se passe. Mais, dans l'hypothèse où, à un moment donné, pour une raison ou une autre, des négociations rencontrent des difficultés particulières, le Conseil du trésor, inévitablement...

M. Forget: Va court-circuiter les comités patronaux.

M. Parizeau: Ah! non, non, non. Il doit, par exemple, en vertu de l'article 19, inviter les partenaires à discuter de cela.

M. Forget: II n'a pas besoin de parler pour faire cela, l'observateur.

M. Parizeau: Non, non, mais c'est assurer le suivi.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président...

Le Président (M. Boucher): M. le député de Saint-Laurent, un instant. Est-ce que, par le fait que vous avez changé la formulation de votre amendement, vous retirez le premier?

M. Forget: Non, je faisais une offre de compromis au ministre qui n'a pas été acceptée, alors je vais maintenir l'amendement tel que formulé.

Le Président (M. Boucher): Vous maintenez votre amendement.

M. Forget: Parce que je me rends compte qu'on fait ce qu'on appelle en américain du "back-pedaling . Je serais désolé de ne pas l'inscrire au journal des Débats.

Le Président (M. Boucher): Mme le député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Je veux simplement confirmer l'impression que mon collègue de Saint-Laurent a: j'avais cru, compte tenu des propos que le ministre a tenus, disant que "assure le suivi" étaient peut-être des termes qui auraient pu être plus précis. Je pense que c'est à peu près ce que le ministre a dit: à part cela, il a dit qu'il souscrivait entièrement à ce que le député de Saint-Laurent venait de dire. Avec ces deux points, on ne peut manquer de s'étonner, tout à coup, de la résistance du ministre à accepter une ou l'autre des formules, la première étant peut-être de s'informer du suivi des négociations et de laisser la formule telle quelle, ou encore l'amendement tel que proposé par le député de Saint-Laurent.

C'est un peu incompréhensible pour ceux qui sont de ce côté de la table, M. le Président.

M. Parizeau: M. le Président, j'ai souscrit à la fois à l'esprit et aux remarques que faisait le député de Saint-Laurent quant à la nécessité ou à l'utilité de se renseigner, le moins possible par des représentants seniors qui deviendraient des espèces de négociateurs par en arrière, pour aller jusqu'au choix de jeunes pour faire cela. Ce que disait le député de Saint-Laurent me paraissait très sage. Mais ce qu'il demande avec son amendement, ce n'est pas cela. Il demande au Conseil du trésor de renoncer à la responsabilité qu'il ne peut pas éviter, quant à une certaine forme de négo-

ciation dans l'ensemble du secteur public. Si, à un moment donné, assurer le suivi, c'est inévitablement s'assurer que, dans l'ensemble de tous les secteurs avec lequel le gouvernement négocie, cela se déroule suffisamment rapidement à l'intérieur des délais, on ne peut pas demander au Conseil du trésor de ne pas faire cela. D'ailleurs, soit dit en passant, M. le Président, le comité ad hoc dont parlait le député de Saint-Laurent tout à l'heure, c'est très exactement ce qu'il faisait, sous l'ancien système, avec un mandat du Conseil des ministres.

Tout ce qui se produit, au fond, c'est que ce suivi qu'assurait le comité ad hoc, sous l'ancien régime, pour le compte du Conseil des ministres, est assuré ici par le Conseil du trésor, pour le compte du Conseil des ministres.

M. Forget: M. le Président, on perd nos illusions tranquillement, mais de toute façon, je crois que les positions sont claires. On peut passer au vote sur cette motion.

Le Président (M. Boucher): Le vote sur la motion de l'amendement de M. le député de Saint-Laurent. M. Charbonneau (Verchères)?

M. Charbonneau: Contre.

Le Président (M. Boucher): M. Gagnon (Champlain)?

M. Gagnon: Contre.

Le Président (M. Boucher): M. Forget (Saint-Laurent)?

M. Forget: Pour.

Le Président (M. Boucher): M. Brochu (Richmond)?

M. Brochu: Contre.

Le Président (M. Boucher): M. Parizeau (L'Assomption)?

M. Parizeau: Contre.

Le Président (M. Boucher): M. Michaud (Laprairie)?

M. Michaud: Contre.

Le Président (M. Boucher): Mme Lavoie-Roux (L'Acadie)?

Mme Lavoie-Roux: Pour.

Le Président (M. Boucher): L'amendement est donc rejeté à cinq contre deux.

Est-ce que l'article 18 sera adopté?

M. Forget: Sur division, M. le Président.

Le Président (M. Boucher): Sur division. Article 19?

M. Parizeau: C'est là, M. le Président, que je vais revenir sur ce qu'on disait de mes collègues et de leur docilité appréhendée tout à l'heure. C'est là que les discussions viriles vont se produire, en vertu de l'article 19.

M. Forget: Adopté, sans commentaires, M. le Président!

Le Président (M. Boucher): Adopté.

Le secteur des organismes gouvernementaux

Article 20.

M. Parizeau: Alors là il s'agit, M. le Président, des négociations dans le secteur des organismes gouvernementaux désignés dans l'annexe.

Le Président (M. Boucher): Adopté? M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Boucher): Article 21 ?

M. Parizeau: Modification: L'article 21 est remplacé par le suivant: "Avant d'entreprendre, avec une association de salariés, la négociation d'une convention collective, un organisme gouvernemental soumet au ministre responsable un projet établissant les paramètres généraux d'une politique de rémunération et de conditions de travail. Le ministre soumet ce projet pour approbation au Conseil du trésor, qui détermine, en collaboration avec celui-ci et l'organisme, les modalités selon lesquelles est assuré le suivi du déroulement des négociations. "

La modification s'explique de la façon suivante, c'est qu'ici on nous a fait aussi des représentations que certains de ces organismes gouvernementaux — je pense ici en particulier à l'HydroQuébec — n'émargent pas au budget du gouvernement et que, par souci de cohérence, quant aux politiques salariales, par souci, d'autre part, de pouvoir apprécier le degré d'autofinancement de l'Hydro-Québec, par souci aussi de jeter un coup d'oeil sur ce qu'un monopole est susceptible de faire lorsque justement il est monopole, il suffirait que la politique de rémunération d'organismes comme ceux-là soit soumise au Conseil du trésor. Nous en avons convenu sans trop de difficultés et c'est le sens de l'article 21.

Le Président (M. Boucher): Adopté?

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Boucher): Article 22.

M. Parizeau: L'article 22 devient ceci: "La politique de rémunération et de conditions de travail approuvée avec ou sans modification par le

Conseil du trésor et modalités déterminées pour le suivi du déroulement des négociations lie l'organisme qui est tenu de s'y conformer."

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Boucher): Article 23. M. Parizeau: L'article 23 est supprimé. M. Forget: Pourquoi est-il supprimé?

M. Parizeau: Parce qu'il est remplacé en pratique par 21 et 22 aussi.

M. Forget: C'est le ministre responsable de quoi dans l'article 21a?

M. Parizeau: De l'organisme. Pour la SAQ, c'est le ministre de l'Industrie et du Commerce. Pour l'Hydro-Québec, c'est le ministre de l'énergie...

M. Forget: Je cherchais à vérifier si les ministres de tutelle des organismes étaient impliqués dans le processus, puisqu'on faisait sauter 19.

M. Parizeau: Ils le sont.

Le Président (M. Boucher): Alors, la suppression de l'article 23 est adoptée?

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Boucher): Article 24, qui devient 23. (18 h 30)

M. Parizeau: L'article 23: Un organisme gouvernemental négocie, agrée et signe une convention collective dans le cadre défini en application des articles 21 et 22.

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Boucher): Adopté Article 25, qui devient 24.

M. Parizeau: Le gouvernement peut retrancher de l'annexe un organisme qui y figure, ou y ajouter tout autre organisme; il peut également ajouter ou retrancher une filiale de tout organisme qu'il désigne. Pour expliquer ceci, je pense qu'il faudrait tout de suite indiquer qu'à l'occasion de l'annexe — quand nous examinerons l'annexe — je vais suggérer qu'on enlève de la liste les filiales de l'Hydro-Québec, pour les raisons suivantes: Les filiales existantes n'ont vraiment pas besoin d'être là: dans un cas, la SEBJ, parce que ce sont les décrets de la construction qui s'y appliquent, et dans le cas, par exemple, de la société d'exportation qui vient d'être annoncée, il s'agit d'une opération commerciale qui n'a aucun caractère de monopole. Donc, il n'y a pas de raison de l'entrer là-dedans. Mais le gouvernement se garde le droit, cependant, dans l'hypothèse où de nouvelles filiales seraient créées, à caractère monopolistique, de les incorporer dans l'annexe.

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Boucher): Adopté. Article 26, qui devient 25.

M. Parizeau: Les articles 26, 27 et 28. qui deviennent 25, 26 et 27... L'article 26 indique donc que les conventions collectives qui viennent à échéance avant le 1er juillet ne seront pas soumises à la loi actuelle, à la loi qui est devant nous. En gros, évidemment, il s'agit des fonctionnaires. 30 juin...

Mme Lavoie-Roux: La PACT.

M. Parizeau: ... la PACT, 30 juin. COPS. 30 juin aussi.

M. Forget: Dans leur cas, quel est le régime de négociations qui s'applique? Celui prévu par la loi 95, nomination 1974...

M. Parizeau: Nous ne pouvons pas changer les règles du jeu au milieu de...

M. Forget: ... qui, pour ces fins, continue à être en vigueur tant qu'il est utile?

M. Parizeau: C'est cela. À ce sujet, ceci me donne la possibilité de revenir sur ce qu'on disait au sujet du projet de loi no 95, M. le Président. Il avait été sanctionné le 24 décembre 1974, six mois après l'expiration d'un certain nombre de conventions collectives.

M. Forget: Cela expirait en...

M. Parizeau: Ce n'est pas six mois, excusez-moi, après... six mois avant. Nous avons donc, à l'heure actuelle, six mois d'avance.

M. Forget: Oui, mais, enfin, il y aurait bien des choses qu'on pourrait ajouter là-dessus puisqu'il y avait des ententes qui étaient en voie de règlement, ce qui n'est pas commencé sur le plan des protocoles, au moment de l'adoption du projet de loi. Cela reste à faire, alors que cela se situe avant l'adoption du projet de loi no 95, en 1974.

M. Parizeau: D'un protocole. M. Forget: D'une part.

Le Président (M. Boucher): L'article 26 qui devient 25, est-il adopté?

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Laprairie.

M. Michaud: À l'intérieur du nouvel article 26. il faudrait changer "sous réserve de l'article 25 ...

M. Forget: C'est cela.

M. Michaud: ... au lieu de 26.

M. Parizeau: Oui, il y avait une correction qui, effectivement, m'avait échappé. Je remercie le député de Laprairie. C'est de concordance, sous réserve de l'article 25.

Le Président (M. Boucher): L'article 27 qui devient 26, est-il adopté?

M. Parizeau: Ainsi qu'on vient de l'amender.

Le Président (M. Boucher): L'article 28 qui devient 27, est-il adopté?

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Boucher): L'annexe est-elle adoptée?

M. Forget: Adopté.

M. Parizeau: Donc, tel qu'amendé, c'est-à-dire que, après Hydro-Québec, on biffe tout.

Le Président (M. Boucher): Que la Société des alcools du Québec, la Société des traversiers du Québec et la Sûreté du Québec soient...

M. Parizeau: Non, non, non, après HydroQuébec. On biffe "et celles de ses filiales que désigne le gouvernement", Société des alcools, Société des traversiers, Sûreté du Québec.

Le Président (M. Boucher): Alors, le projet de loi no 55, Loi sur l'organisation des parties patronale et syndicale aux fins des négociations collectives dans les secteurs de l'éducation, des affaires sociales et des organismes gouvernementaux, est donc adopté. Je prie le rapporteur d'en faire rapport à l'Assemblée nationale au nom des membres de la commission.

M. Michaud: Avec plaisir, M. le Président.

Le Président (M. Boucher): La commission des finances et des comptes publics ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 18 h 36)

Document(s) related to the sitting