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Version finale

32nd Legislature, 1st Session
(May 19, 1981 au June 18, 1981)

Thursday, June 4, 1981 - Vol. 24 N° 12

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude des crédits du Conseil du trésor et du ministère des Finances


Journal des débats

 

(Onze heures trente-six minutes)

Le Président (M. Desbiens): À l'ordre, s'il vous plaît!

Je déclare la commission permanente des finances et des comptes publics ouverte. Le mandat de la commission est l'étude des crédits du ministère des Finances et du Conseil du trésor.

Les membres de la commission sont: M. Blais (Terrebonne), M. Bourbeau (Laporte), M. de Belleval (Charlesbourg), M. Forget (Saint-Laurent), M. French (Westmount), M. Gagnon (Champlain), M. Grégoire (Frontenac), M. Guay (Taschereau), M. Lincoln (Nelligan), M. Paquet (Rosemont), M. Parizeau (L'Assomption).

Les intervenants sont: M. Assad (Papineau), M. Fallu (Groulx), M. Lachance (Bellechasse), Mme Lachapelle (Dorion), M. Lafrenière (Ungava), M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), M. Pagé (Portneuf), M. Ryan (Argenteuil), M. Scowen (Notre-Dame-de-Grâce).

Ce serait peut-être mieux de l'inscrire à la place de M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata)?

Une voix: M. Gagnon ne sera pas présent.

Le Président (M. Desbiens): M. Gagnon ne sera pas là? M. Bérubé (Matane) remplace M. Gagnon (Champlain) comme membre de la commission.

Il serait opportun de nommer un rapporteur. Est-ce qu'il y aurait une suggestion?

Une voix: Le député de Frontenac.

M. Paquette: M. le Président, je propose le député de Terrebonne.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Terrebonne est chargé de faire rapport à l'Assemblée nationale.

M. Blais: Voulez-vous m'informer de ce que veut dire rapporter? C'est la première de ma vie, monsieur.

Le Président (M. Desbiens): M. Blais (Terrebonne). Il s'agit tout simplement de déposer le rapport à l'Assemblée nationale; c'est commissionnaire, ensuite.

M. Blais: C'est un messager. Si c'est à cause de ma télégénie, je vous remercie, messieurs, vous êtes très aimables.

Le Président (M. Desbiens): II y a eu une entente pour étudier d'abord les crédits du Conseil du trésor pendant une période d'environ deux heures.

M. Bérubé: C'est cela, M. le Président.

Le Président (M. Desbiens): J'imagine que vous allez commencer par des remarques préliminaires, des remarques générales?

Conseil du trésor

Remarques préliminaires

M. Yves Bérubé

M. Bérubé: M. le Président, les remarques préliminaires seront très brèves, pour ma part, et je pense que je laisserai à l'Opposition le soin d'élaborer, suite à une entente de le faire ainsi. Pourquoi ces remarques préliminaires seront-elles brèves? C'est simplement parce que le rôle du Conseil du trésor n'est pas un rôle opérationnel et le Conseil du trésor, comme tel, n'a pas de programme de transfert, n'a pas de programme de services à la population.

C'est au contraire un secrétariat qui se voit confier trois missions essentielles, d'une part, la préparation du livre des crédits par les ministères, donc les discussions avec les ministères quant à l'existence des programmes actuels, la croissance de ces programmes, ce qui amène la préparation du budget. C'est donc une responsabilité face à la préparation de l'ensemble des dépenses gouvernementales. En cours d'année, le Conseil du trésor se voit confier comme mandat le contrôle de la progression des dépenses pour s'assurer que cette progression cadre bien avec les objectifs budgétaires et, finalement, il se voit confier un mandat extrêmement important qui est la préparation des mandats de négociation dans les secteurs public et parapublic. Ce sont là les trois missions premières du Conseil du trésor et, par conséquent, nous ne trouverons pas, à l'intérieur de notre budget, beaucoup d'autres choses, comme d'ailleurs on pourra s'en rendre compte, que des salaires.

En effet, sur un budget de

6 566 000 $, il y a pour 6 080 000 $ de salaires. En d'autres termes, il s'agit essentiellement de salaires d'analystes dont la tâche est justement d'effectuer des études des divers programmes gouvernementaux, d'en vérifier la performance et, également, de s'assurer qu'il y a un bon contrôle financier à la fois au niveau des programmes gouvernementaux de perception de revenus, comme de dépenses générales. Pour autant que le Conseil du trésor est concerné, j'ignore quel pourrait être l'intérêt de l'Opposition et des membres de notre commission de notre côté à dire plus, mais plutôt je les laisserai poser des questions plus précises et on verra dans quelle mesure on doit élaborer d'un côté ou de l'autre. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Desbiens: M. le député de Saint-Laurent.

M. Claude Forget

M. Forget: Je serai également bref, M. le Président. Nous avons des questions, bien sûr, mais ce sont des questions qui, comme c'est souvent le cas lors de l'étude des crédits, portent peut-être moins sur les aspects matériels ou administratifs propres au ministère dont les crédits sont débattus en commission aujourd'hui, mais portent davantage sur les plans d'action, les méthodes d'opération et les objectifs opérationnels ou les politiques, si l'on veut utiliser un grand mot, du ministère dans l'accomplissement de ces tâches.

Je suis tout a fait d'accord avec le ministre quant à l'énumération des tâches qui sont celles du Conseil du trésor, mais, sous chacune des rubriques, je crois qu'il se pose des questions soit nouvelles, soit des questions récurrentes d'année en année. Nouvelles, parce que, bien sûr, on est intéressé à obtenir la version du ministre relativement à l'interprétation précise qu'il faut donner à la situation, nouvelle malgré tout, du Conseil du trésor; puisqu'il y a maintenant, d'une façon plus formelle, une relation plus distante entre le Conseil du trésor et le ministère des Finances. Nous voudrions bien comprendre les responsabilités de chacun dans l'exécution du mandat global du gouvernement face à la préparation du budget et à la surveillance des opérations financières.

Il y a aussi, sous l'autre rubrique, celui de la préparation des mandats de négociation, bien sûr, également des questions qui se posent relativement à l'évaluation, de l'expérience vécue en vertu des conventions collectives en vigueur; l'évaluation de l'impact financier d'un certain nombre de dispositions qui se retrouvent à l'intérieur des conventions collectives qui sont des informations vitales pour le Conseil du trésor et l'ensemble du gouvernement - et même du Parlement -dans le cheminement qui va nous amener, au cours des prochains douze mois, vers une nouvelle ronde de négociations. Si je comprends bien, elle va devoir commencer officiellement vers le mois de juillet 1982. On a une année encore pour s'y préparer, mais, déjà, il y a une expérience d'accumulée. Il y a déjà certains chiffres au moins qui, de l'extérieur, semblent indiquer qu'il y a peut-être une analyse à faire des conséquences de la convention actuellement en vigueur. (11 h 45)

Enfin, comme l'a indiqué le ministre, le Conseil du trésor a un mandat de surveillance dans l'exécution des mandats financiers qui sont donnés ou des autorisations financières qui sont données par la voie de l'approbation des crédits aux différents ministères. Nous serions intéressés à avoir certains renseignements sur l'évolution de la situation financière du gouvernement, côté dépenses, puisque nous sommes maintenant au troisième mois d'exercice financier et qu'on a une vue certainement beaucoup plus précise et réaliste de la situation qu'on ne pouvait avoir lorsqu'il s'agissait de projection pour l'avenir. Alors c'est dans ces trois domaines, le rôle du Conseil du trésor, l'évaluation du régime de conventions collectives et d'un certain nombre de questions que cela soulève, et une certaine lumière sur la marche des opérations financières du gouvernement, que nous allons faire porter nos questions. C'est tout pour ce qui est des remarques préliminaires, M. le Président. C'est très bref, pas de grande position de principe, on vient ici essentiellement pour poser des questions et éclairer notre lanterne sur la marche des opérations financières du gouvernement et ses méthodes de travail.

Le Président (M. Desbiens): Alors, nous allons, est-ce qu'il y a...

M. Forget: Maintenant, peut-être un point de procédure. Je ne sais pas dans quelle mesure on veut aller avec un grand formalisme en utilisant la ventilation par programmes et éléments de programme. Je pense qu'on peut déjà noter, dans l'éventail des questions qui nous intéressent, qu'il n'y a pas une correspondance très serrée entre cela et, si vous voulez, les programmes. Quant à moi, si le ministre est d'accord, je serais bien disposé à la fin de la période de deux heures à approuver, si vous voulez, globalement et très rapidement l'ensemble des crédits, pourvu qu'on y aille de façon moins tatillonne relativement à la procédure de l'approbation des crédits et des éléments de programme parce que nos questions, comme je l'ai indiqué, M. le Président, ne

portent pas véritablement sur ces aspects, disons matériel ou administratif.

Le Président (M. Desbiens): De toute façon il n'y a qu'un programme...

M. Forget: II y a quand même cinq éléments de programme, M. le Président.

Le Président (M. Desbiens): Alors, on peut y aller.

M. Forget: On peut faire la discussion sur l'élément et terminer à la fin avec une approbation globale.

M. Bérubé: Est-ce qu'on ne pourrait pas décider si on approuve le programme élément par élément et, après cela, s'engager dans une discussion sur le contenu comme tel et mettre de côté la partie procédure?

M. Forget: Enfin. Je suis indifférent. M. le Président, si je comprends bien, de toute façon, vous ne déclarerez pas nos travaux terminés même si nous avons approuvé tous les programmes à l'intérieur de la période de deux heures.

M. Bérubé: Absolument d'accord que nous poursuivions cette discussion; même en l'absence de questions pertinentes nous prolongerons encore de deux heures...

M. Forget: ...de crédits.

M. Bérubé: ...mais pour s'en tenir à la procédure, on pourrait peut-être régler le programme.

Gestion budgétaire et politigue administrative

Le Président (M. Desbiens): Élément 1: Programmation et contrôle budgétaire.

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Desbiens): Adopté. Élément 2: Politique administrative. Est-ce que l'élément 2 sera adopté?

M. Forget: Mes habitudes prudentes de parlementaire m'incitent peut-être à utiliser cette fenêtre pour poser un certain nombre de questions. N'en déplaise au ministre, mais cela n'a pas d'importance quant à la durée de nos travaux. J'aimerais que le ministre ou ses collaborateurs du ministère nous expliquent quel est, selon eux, dans le fond, l'étendue de leur responsabilité dans la préparation des crédits, dans la discussion avec les ministères. Il y a là un certain nombre d'aspects qui sont soulevés. Il y a d'abord le fait que, si je comprends bien, les ministères, comme cela a toujours été le cas, préparent des demandes budgétaires à partir du mois de juin. C'est à peu près cela et il y a une discussion qui se fait durant l'été ou au début de l'automne. On procède à un certain nombre d'ajustements mécaniques en vertu de taux d'accroissement de la masse salariale des fournitures, un certain nombre de choses qui sont déterminées, si je comprends bien, par le Conseil du trésor.

Est-il exact que les ajustements mécaniques qui sont faits dans les budgets des différents ministères sont faits en vertu de critères qui sont déterminés par le Conseil du trésor et essentiellement par lui seul d'une part? Et est-ce que ce sont subséquemment les analystes du Conseil du trésor qui vont entreprendre la discussion avec les fonctionnaires des différents ministères, de manière à déterminer quelles sont les autres modifications qui s'imposent dans les crédits du ministère, en fonction de tout ce qui peut s'appeler développements ou dépenses non récurrentes d'une source ou d'une autre? C'est bien là la nature: les critères sont déterminés par le Conseil du trésor et ce sont les analystes du Conseil du trésor qui entreprennent la discussion des crédits avec chacun des ministères, toujours

M. Bérubé: Essentiellement, la première ronde de discussions porte sur le niveau des revenus supposés pour l'État au cours de l'année budgétaire qui vient et, également, porte sur la capacité d'emprunt du gouvernement, ce qui, normalement, devrait nous donner une balise générale nous guidant dans cette opération de revue de programmes que vous avez bien décrits.

Elle doit faire l'objet d'une discussion à ce moment-là au comité des priorités, normalement en juin, de manière à définir les principaux paramètres qui vont présider à nos réflexions. Subséquemment, le Conseil du trésor s'engage dans ce que nous appelons la revue de programmes, ce que vous appeliez la revue de programmes, ce qui s'appelle toujours la revue de programmes, si je ne m'abuse. Il s'engage dans une longue discussion avec les ministères qui porte sur les activités que l'on pourrait qualifier de récurrentes, les programmes déjà approuvés, soit à l'Assemblée nationale, soit par le Conseil des ministres, et pour lesquels des crédits ont été votés depuis un certain nombre d'années. Cela porte donc, à ce moment-là, sur la croissance normale de ces programmes dans le cadre des priorités définies antérieurement par le gouvernement.

C'est ce qui nous amène à définir, pour chaque ministère, des enveloppes de base qui, essentiellement, portent sur ces activités. Certaines activités sont non récurrentes. On peut penser à certains investissements de certains ministères qui, à ce moment-là, ne sont pas inclus dans l'enveloppe de base,

mais qui peuvent faire l'objet d'une introduction au moment de la discussion sur les nouvelles activités des ministères.

Également, on doit procéder à certains ajustements mécaniques. Ce sont les ajustements en vertu de modifications à l'inflation, ce qui amène une modification automatique des échelles de salaires par exemple. C'est ce que nous appelons les ajustements mécaniques. Ce sont des ajustements qui ne font pas appel à une décision quant à l'importance d'un proqramme ou d'un autre, mais il s'agit simplement, de façon automatique, de les ajuster pour tenir compte de paramètres inflationnaires.

Également, il arrive parfois que le gouvernement ait pris des engagements au cours d'une année antérieure et il a pu y avoir eu oubli au moment de la préparation de l'enveloppe de base et au cours de la période où on prépare les ajustements mécaniques. On peut, à ce moment-là, corriger la soumission.

Ceci nous amène à ce moment-là à une proposition de budget et nous amène également à voir dans quelle mesure cette proposition de budget est compatible avec la disponibilité de revenus pour l'État et la capacité d'emprunt également pour l'État. À partir de cela, il peut y avoir une décision de compression, décision qui a été prise, par exemple, l'année dernière, donc généralement début d'automne ou fin d'automne. La date exacte est décembre, je crois. À ce moment-là, vous pouvez avoir une décision de compression ou même d'amplification si effectivement le ministre des Finances devait découvrir que nous ne voulons pas dépenser assez, compte tenu de ses revenus plantureux. À ce moment-là, évidemment, on peut aller dans l'opération inverse. Disons entre parenthèses que cela a dû se produire assez rarement dans l'histoire de l'État. Finalement, on a la présentation du budget final.

Donc, il y a responsabilité du Conseil du trésor, mais absolument pas changée par rapport à ce qu'elle était autrefois, en ce sens qu'à partir de paramètres un peu globaux définis en juin et qui nous donnent une idée de l'esprit qui doit prévaloir à la préparation du budget, le Conseil du trésor prépare ce qu'on appelle cette revue de programmes, comme cela se faisait dans les années passées. Donc, il n'y a rien de changé à cet égard.

M. Forget: M. le Président, le ministre fait allusion à un processus qui se déroule dans le temps. Il y a d'abord un effort pour dégager le grand équilibre des finances publiques au moment de commencer le processus de révision des programmes. L'équilibre entre la projection des dépenses, une projection assez grossière des dépenses, et aussi, une projection des revenus, capacité d'emprunt, etc., si je comprends bien, ce n'est pas une responsabilité comme telle du Conseil du trésor. C'est une responsabilité première de formuler des propositions là-dessus, du ministère des Finances, et qui est entérinée par le comité des priorités. Il n'imagine pas cela; il a lui-même une proposition qui vient du ministère des Finances, si je comprends bien.

M. Bérubé: Maintenant, c'est que le trésor doit soumettre comme proposition ce qu'il estime, je ne dirais pas réaliste, mais envisageable, comme dépenses publiques dans le cadre des programmes existants. En d'autres termes, le Conseil du trésor doit avoir une certaine perception du niveau d'activité gouvernementale actuel de manière à projeter à un niveau de dépenses, qui ne serait pas un niveau de dépenses avec, disons, de nouvelles activités, mais simplement une projection d'un niveau de dépenses basé sur les activités existantes. Donc, c'est l'input.

M. Forget: C'est le régime de croisière, le taux de croisière, dans le fond, des dépenses publiques et la responsabilité de cela, face au comité des priorités, appartient au Conseil du trésor. Il doit faire une projection des dépenses. Alors, si je comprends bien, c'est au ministère des Finances qu'appartient de faire la projection des revenus et l'équilibre, effectivement, se fait au Comité des priorités.

M. Bérubé: C'est bien cela.

M. Forget: Si je comprends bien également cette projection des dépenses...

M. Bérubé: II y a quand même un input en ce sens que ce n'est pas totalement en dépit de l'effort de rationalisation que le député de Saint-Laurent est en train d'effectuer.

M. Forget: Je vous laisse la rationalisation.

M. Bérubé: C'est cela. Ce n'est quand même pas complètement fermé, en ce sens qu'il est bien évident que nous-mêmes, en essayant de projeter nos dépenses, il y a un certain nombre de dépenses plus ou moins compressibles. On peut tenir compte également, dans cette préparation de la revue de programme, de la quantité d'argent qui serait disponible. Cela veut qu'il nous faut donc effectivement, de concert avec le ministère des Finances, essayer d'évaluer quelles sont leurs projections, et eux, également, doivent se renseigner, parce qu'il est extrêmement difficile dans l'abstrait de décider quels seront les revenus sans avoir

en même temps un input concernant les dépenses. Par conséquent, ce que cela veut dire, c'est que M. Parizeau et moi-même devons communiquer assez fréquemment, particulièrement dans les semaines actuelles, de manière à harmoniser le plus possible nos approches pour faire en sorte que le comité des priorités ne se voit pas confronté avec des objectifs tellement divergents qu'à ce moment-là, ce soit presque impossible ou, du moins, beaucoup plus difficile de faire l'harmonisation.

Donc, effectivement, les responsabilités, vous les avez décrites, je pense, avec beaucoup de justesse. Toutefois, il est important de souligner que nous n'arrivons pas à une enveloppe de dépenses basées sur une certaine pérennité de nos programmes de façon totalement indépendante de 1'input revenus ou disponibilité monétaire.

M. Forget: M. Parizeau a déjà eu l'occasion de nous entretenir, à l'Assemblée nationale, de ses lunchs avec son collègue. J'imagine que ce sont des repas très agréables. Je reconnais sans peine que les deux ministères ne fonctionnent pas en vase clos. Mais en définitive, la responsabilité doit s'arrêter quelque part et devant le comité des priorités, il faut donc comprendre qu'essentiellement la projection des dépenses est la responsabilité du président du Conseil du trésor. Il doit, évidemment, ne pas faire des projections qui soient irréalistes ou irréalisables, mais en définitive, c'est lui qui doit répondre des projections de dépenses qui sont présentées au comité des priorités.

M. Bérubé: La responsabilité de la préparation de ces enveloppes, oui, est effectivement du ressort du Conseil du trésor.

M. Forget: Et non seulement de la préparation, mais si je comprends bien, il y a un certain nombre d'arbitrages que le Conseil du trésor fait en cours de route. C'est-à-dire, que selon que le contexte économique et financier est propice ou non, les hypothèses dont il fait usage pour faire ces projections-là peuvent être, disons, pessimistes ou optimistes. Il y a une certaine fourchette, il y a une certaine discrétion dans la préparation de ces prévisions-là. (12 heures)

M. Bérubé: Pour s'assurer, à ce moment, que le Conseil du trésor ne fonctionnerait pas en vase clos comme vous le dites et n'assurerait pas une certaine harmonisation avec la disponibilité financière, on a pris soin de faire en sorte que chaque enveloppe à laquelle arrive le Conseil du trésor soit soumise au ministre des Finances pour qu'il l'intègre lui-même dans sa prévision budgétaire, de manière qu'il y ait continuellement cette interaction entre les deux niveaux puisqu'il est bien évident que la préparation du budget est l'interaction entre les revenus et les dépenses.

M. Forget: Cela fait introduire un aspect un peu différent. Si je comprends bien, on ne parle pas d'une enveloppe globale pour entendre les dépenses de l'État, mais on parle d'enveloppe qui déjà, au moment d'établir un premier équilibre en juin ou juillet, est particularisée par ministère. C'est ça. Ce n'est pas simplement un chiffre global. On n'essaie pas de dire: Ce sera cette année 20 500 000 000 $ ou 19 500 000 000 $, je ne sais plus trop bien où on en est rendu car ce sont des chiffres astronomiques. Mais on se dit: Voici la liste d'une estimation ministère par ministère, et on est déjà descendu dans un certain niveau de détails.

M. Bérubé: En fait, ce que nous fournissons, l'entente que nous avons, M. Parizeau et moi-même, et qui est approuvée par le Conseil des ministres, indique que nous fournissons non seulement une enveloppe globale, mais également une désagrégation par ministère de cette enveloppe, de manière à dire: Le ministère des Affaires sociales aura une enveloppe de...

M. Forget: Donc, en définitive, si je comprends bien, avant même d'en arriver à votre projection globale de dépenses, vous avez déjà vérifié auprès du ministère des Finances qu'il est d'accord non seulement avec la façon dont ça s'en va dans le total, mais même dans la façon dont certains choix ont pu être faits, déjà à cette époque, dans les projections pour chacun des ministères.

M. Bérubé: On ne peut pas dire qu'on en est encore à ce niveau. La première ronde porte davantage sur les grands équilibres, la première ronde, si vous voulez, d'interaction. C'est-à-dire que, lors de la préparation du premier mémoire au comité des priorités, qui va définir le cadre financier général qui doit présider à la revue des programmes, on ne discute essentiellement que de l'enveloppe globale et également des revenus globaux. Toutefois, ultérieurement, c'est-à-dire au cours de l'automne, lorsque nous aurons effectué cette revue de programmes et qu'on commencera à entrer beaucoup plus dans le détail, à ce moment, effectivement, il va y avoir une discussion qui va porter sur les enveloppes de chaque ministère également. C'est-à-dire qu'on va détailler un peu plus.

M. Forget: Allons-y par étapes. Donc, si je comprends bien, il y a un échange plus ou moins informel entre les deux ministères et qui porte essentiellement sur le total de la projection des dépenses que vous

effectuez, et la ventilation par département est donnée pour mémoire, mais pas pour atteindre un consensus entre les deux ministères sur les crédits de chacun des ministères. Il s'agit de montrer que le chiffre global des dépenses publiques n'est pas tiré du néant, mais qu'il est le fruit d'une somme dans le fond. C'est pour mémoire, c'est pour information. Cela ne va pas au-delà de ça dans la première étape.

M. Bérubé: Pour vous aider à fixer vos idées, je vous donnerais, par exemple, le type de catégories de dépenses sur lequel nous travaillons présentement de concert avec les Finances. Il y a le budget global aux Affaires sociales du réseau, le budget global à l'Éducation et le budget global des ministères, donc, trois enveloppes. Il y a une discussion du niveau des immobilisations: le service de la dette, le régime de retraite, les dépenses de transfert. Il y a une autre enveloppe un peu globale, qui était mystérieuse par son appellation: Dépense dont l'évolution ne peut s'insérer à l'intérieur du cadre budgétaire, c'est-à-dire les programmes qui ont des règles internes de dépenses qui les rendent un peu indépendantes du processus d'analyse, a moins de modifier comme telles les règles. Je pense à l'aide financière aux étudiants, l'aide sociale, les allocations familiales, l'assistance-maladie, le régime d'assurance-maladie.

M. Forget: Plus ou moins, presque des crédits statutaires.

M. Bérubé: Presque des crédits statutaires.

M. Forget: Cela fait sept enveloppes?

M. Bérubé: Oui, en gros, sept ou huit enveloppes.

M. Forget: Alors, cela concorde. C'est sur cette ventilation, plutôt qu'une ventilation par ministère proprement dit, qu'on s'entend parce qu'évidemment, les taux d'accroissement de chacune de ces enveloppes ne sont pas nécessairement les mêmes. Donc, il y a relativement, par exemple, au taux d'accroissement pour le budget global aux affaires sociales, le budget global à l'éducation, si je comprends bien, je ne veux pas placer des mots dans la bouche du ministre, quelque chose qui va au-delà de l'enveloppe globale. On s'entend sur des taux d'accroissement.

M. Bérubé: Toujours bien, M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Non, très mal, très mal, la plupart du temps.

M. Bérubé: Non, vous comprenez toujours bien.

M. Forget: C'est pour cela qu'on questionne longtemps.

M. Bérubé: Mais votre façon de le répéter ensuite, traduit parfois un hiatus entre votre compréhension et ce que vous affirmez.

M. Forget: Je vais répéter ma question. Si je comprends bien, entre le ministère des Finances et le Conseil du trésor, il y aura donc, au début du processus de revue des programmes, une entente qui vise non seulement la masse, mais également les taux d'accroissement propres à chacune des enveloppes qui viennent d'être énumérées, les six ou sept enveloppes.

M. Bérubé: Quant aux grandes caractéristiques du budget, celles qui ont des dynamiques un peu particulières, il est extrêmement difficile de faire un budget sans avoir en même temps une sorte de vue à long terme. On a donc un certain nombre d'enveloppes qui nous donnent une idée un peu plus précise de la dynamique de l'enveloppe plutôt que simplement un montant global, parce que ?0 000 000 000 $, c'est une chose, mais la décomposition des 20 000 000 000 $ vous donne une idée beaucoup plus claire de l'endroit où nous allons.

M. Forget: Cela, sans aucun doute. Ma question et le but de mes questions, c'est de savoir... c'est bien sûr qu'il faut regarder en détail et que, avec 20 000 000 000 $ personne n'est capable de savoir ce qui va se passer, l'an prochain, a moins d'y regarder de plus près. Je pense que c'est important, pour les fins de nos travaux, de faire ressortir que le Conseil du trésor ne se porte donc pas garant d'une prévision globale. La prévision globale qu'il fait n'est que la somme de sept prévisions particulières, en quelque sorte, qui portent sur autant d'enveloppes distinctes, ça peut être sept, ça peut être huit, ça peut être six, mais je me fie à la description que vous en avez donnée tout à l'heure. De ce côté-là, il ne se permet même pas de faire ces prévisions qu'après avoir obtenu l'assentiment du ministère des Finances quant aux critères d'accroissement dont il tiendra compte en faisant des prévisions.

M. Bérubé: Pour parler, on peut parler d'assentiment, on peut parler de travail en collaboration.

M. Forget: M. le Président, je ne veux pas être indûment tatillon, mais il reste que, dans la mesure où vous avez deux

responsables, où vous avez deux organismes administratifs qui ont chacun leur personnel administratif, je pense qu'il devient important, puisqu'on a voulu justement faire une distinction dans les responsabilités, qu'on sache où se trouve finalement la responsabilité. J'ai un peu l'impression que, peut-être parce qu'on n'a pas vécu de conflit, on ne s'est pas donné la peine d'explorer la distribution des responsabilités. Mais il semble que le Conseil du trésor arrive au comité des priorités et dit: Voici, nous pensons que nous faisons face à des dépenses publiques de X milliards de dollars l'an prochain. Bien sûr, nous avons fait notre "homework". On a travaillé, on a des analystes, on a toutes sortes d'hypothèses sur l'inflation, etc. Mais, finalement, en dernière analyse, nous sommes responsables de dire à vous, le Conseil des ministres, au comité des priorités, qu'il faut se préparer à dépenser 20 800 000 000 $ ou un autre chiffre quelque soit ce chiffre, et de ceci, nous nous portons, en quelque sorte, garants. C'est une hypothèse, et parfois certaines des réponses du ministre tendraient à indiquer que c'est cela. L'autre hypothèse, c'est que le Conseil du trésor, le président du Conseil du trésor arrive au comité des priorités et dit: Bien, écoutez, on a fait nos sommes et, sur chacune des sommes, sur chacune des enveloppes on a obtenu l'approbation du ministère des Finances quant aux hypothèses à utiliser. Maintenant, nous avons un personnel qui a fait les calculs et qui a mis tout cela ensemble et qui a fait les additions. Maintenant nous vous présentons le fruit de ce travail, mais c'est effectivement la traduction en chiffres des hypothèses qui ont reçu l'approbation du ministère des Finances; donc, il n'y a plus de responsabilité comme telle pour la projection des dépenses. Je ne sais pas laquelle des deux hypothèses est la plus près de la réalité parce que, bien sûr, à un moment donné, il faut communiquer, il faut échanger de l'information, mais...

M. Bérubé: Je comprends mal, M. le Président. Peut-être le député de Saint-Laurent pourrait-il expliciter davantage. L'opération analyse avec les ministères, avec les régies, du fonctionnement des programmes, des normes de fonctionnement des programmes, de manière à en définir une enveloppe budgétaire, est une opération qui est réalisée par le Conseil du trésor; il en a donc la responsabilité totale.

Cependant, lorsqu'il s'agit de définir, à un niveau inférieur ou supérieur, l'activité, à la suite d'une disponibilité ou non de crédits additionnels, on voit immédiatement qu'il y a là une responsabilité du ministre des Finances.

Le ministre des Finances, pour décider si effectivement il doit augmenter les impôts de manière à dégager les sommes nécessaires, doit avoir une certaine conscience, une certaine connaissance de la nature de ces dépenses. Alors on se rend bien compte que l'opération en est une de coopération, chacun des deux ayant entièrement sa responsabilité. Mais aucun des deux organismes ne pouvant, à lui seul, prendre de décision, c'est le Conseil des ministres qui prend la décision finale. Je pense que ceci doit être très clair.

M. Forget: Oui, c'est clair, tout en ne l'étant pas, parce qu'on saute plusieurs étapes dans l'analyse du ministre.

M. Bérubé: Le député de Frontenac a l'air de trouver ça particulièrement lumineux. Enfin, je ne vois vraiment pas ce que le député de Saint-Laurent y voit.

M. Forget: Je sais qu'il a beaucoup d'admiration pour son ministre, mais, pour ceux d'entre nous qui ne partagent pas les mêmes admirations béates, il est important de comprendre! Il est clair que, à un moment donné, il faut que le Conseil des ministres soit d'accord avec l'ensemble du tableau. Cependant, avant d'en venir à une solution finale, qui se traduit par le livre des crédits et le discours du budget - parce qu'on est à peu près un an avant ça dans le calendrier, on n'a pas encore quitté le début du processus - est-ce qu'on est rendu dans une situation où dès le moment où on commence et où, dans le fond, on est en face d'un budget qui est déjà coupé ou qui est déjà équilibré... Je pense qu'avant d'équilibrer un budget, il faut au moins lui donner la chance d'être, au moins théoriquement, en déséquilibre. Ce que je veux dire par ça, c'est que, si, dans la préparation même de vos prévisions de dépenses, vous tenez compte des coupures qu'il faudra peut-être faire parce qu'il n'y aura pas assez d'argent, ce ne sont plus des prévisions, c'est un mélange de prévisions et de compromis avec ce qui est possible.

Est-ce qu'il n'y a pas, au Conseil du trésor, un premier exercice à faire, qui est le plus honnêtement possible, dans le sens d'avoir l'honnêteté intellectuelle de dire: Si on n'avait aucune contrainte financière, si on pouvait pour un moment - parce qu'il faut le faire au moins conceptuellement - ignorer, mettre de côté les contraintes de financement, qu'est-ce qu'il est réaliste de supposer comme taux d'accroissement des budgets? Malgré tout, même en voulant être réaliste, quand on parle de l'avenir, il faut faire des hypothèses, il faut dire: On pense que l'inflation va être de tant plutôt que de tant; là il faut qu'il y ait quelqu'un et c'est le ministre président du Conseil du trésor qui prend sur lui de dire: Moi, je pense que le

taux d'inflation va être de 6% ou de 14% l'an prochain, mais il faut quand même choisir un taux.

On pense que l'accroissement du nombre des assistés sociaux va être de X pour cent, personne ne le sait, personne ne le saura avant qu'on soit rendu à préparer les comptes publics - mais ça, c'est dans trois ans - il faut faire une supposition et la supposition la plus honnête se fait évidemment en mettant en contact les analystes du Conseil du trésor et ceux du nouveau ministère du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu qui vont dire: Nous, nous prévoyons que... ou alors d'autres analystes...

M. Bérubé: ... en particulier, par exemple, il faut essayer de s'entendre sur ce que devraient être les grands paramètres économiques qui ont des incidences sur les programmes gouvernementaux. Effectivement, vous avez raison. (12 h 15)

M. Forget: Alors, dans la préparation de ces estimations qui doivent, j'ai l'impression, pour informer le comité des priorités adéquatement, être déposées dans une forme qui est le reflet le plus honnête possible de ce qu'on croit vraiment qui peut arriver, qui devrait arriver compte non tenu des contraintes financières, si je comprends bien, le président du Conseil du trésor nous dit: C'est effectivement la responsabilité du Conseil du trésor, et on prend l'avis là où on le trouve, qu'il soit au ministère des Finances, etc. Mais ce n'est strictement, à ce moment-là, qu'un avis, ce n'est qu'une information. On ne leur demande pas du tout de partager la responsabilité. On dit: Voici ce qu'on prévoit devoir faire face aux programmes du gouvernement. Est-ce qu'on peut au moins affirmer cela avec une certaine sûreté?

M. Bérubé: Oui, cela semble...

Dans un temps zéro, ce qui se fait, compte tenu que le ministère des Finances a l'instrumentation technique et la connaissance concernant l'évolution de la conjoncture économique, c'est qu'on s'entend de part et d'autre pour retenir les mêmes facteurs; facteurs qui servent à la fois au calcul des projections de revenus et au calcul des projections de dépenses.

Nous connaissons, au Conseil du trésor, les paramètres particuliers qui s'appliquent aux masses salariales dues aux conventions collectives qui sont signées. Nous connaissons aussi les facteurs internes qui régissent la croissance des ressources nécessaires sur un certain nombre de programmes qui ont été identifiés comme ayant, à toutes fins utiles, un coût de système particulier, plus précisément ceux qui sont de nature pratiquement statutaire.

Alors, avec le même jeu de données sur la conjoncture, les mêmes paramètres de conjoncture que le Revenu, le Conseil du trésor procède à une projection des bases budgétaires pour amener la détermination de ce qu'il en coûterait pour maintenir le même niveau d'activité compte tenu du même niveau de ressource d'une année à l'autre. Alors, c'est la première phase de l'opération qui est faite.

M. Forget: Dans le cas des immobilisations, quel est le critère qui est utilisé par le Conseil du trésor? Est-ce qu'il s'agit de totaliser les demandes reçues des ministères sectoriels, de prendre un certain pourcentage plus ou moins arbitraire ou traditionnel des demandes reçues des différents ministères ou si, dès la préparation des prévisions, on injecte dans l'élément de décision conjoncturelle?

M. Bérubé: Dans le cas de l'éducation, on a une méthode historique essentiellement qui est utilisée présentement. C'est la seule méthode avec laquelle j'ai eu à travailler.

Sur les immobilisations, nous connaissons le coût de l'année budgétaire qui est sous observation, des parachèvements qui donneront lieu à des déboursés. Cela constitue un plancher irrémédiable. Là, il y a un choix à prendre, à savoir si l'on va maintenir un niveau égal d'immobilisations en dollars courants ou en dollars constants. Il y a un choix qui doit se prendre à ce niveau-là qui, lui, est référé par la suite au comité des priorités. Il y a une marge de manoeuvre sur les immobilisations directes.

M. Forget: Du côté des immobilisations, on réfère tout de suite la décision au comité des priorités en ce sens qu'on n'essaie pas de faire de projections plus que le plancher. On projettera le plancher et pour l'éventail des possibilités, on réfère cela tout de suite.

M. Bérubé: C'est cela, c'est-à-dire qu'on a le plancher et on a ensuite des marges. C'est-à-dire que si l'on veut maintenir un niveau d'immobilisations constant en dollars constants, c'est le temps, et si on veut un niveau d'immobilisations constant en dollars courants, c'est le temps. Alors, il y a une fourchette décisionnelle qui est...

M. Forget: Mais comme tel le Conseil du Trésor s'abstient de faire même une recommandation ferme relativement à cela.

M. Bérubé: Non. Pour les nouveaux engagements, cela relève du comité des priorités, essentiellement. Donc, ce sur quoi nous travaillons, c'est sur l'évaluation des engagements antérieurs pour lesquels il y a des dépenses de parachèvement.

Deuxièmement, normalement, bien que dans certains ministères on maintienne quand même un niveau d'activité d'année en année qui...

C'est pris dans la phase 2, c'est-à-dire qu'il y a toujours un choix décisionnel. Nous connaissons le plancher, c'est-à-dire les parachèvements, les contrats qui sont déjà signés, qui vont avoir un effet de déboursés sur l'année qui est en préparation, soit 1982-1983, qui représentent pour les déboursés budgétaires un niveau X. Là, il y a une fourchette décisionnelle qui est présentée, à savoir si nous voulons maintenir globalement, pour l'ensemble des ministères, le même niveau d'immobilisations en dollars constants, c'est tant; et en dollars courants, c'est tout.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Rosemont.

M. Paquette: Je pense exact de dire qu'au début de l'automne le budget a pris, dans ses grandes lignes, une certaine configuration quant à de grandes enveloppes, de grands paramètres qui vont ensuite faire l'objet d'ajustements par confrontation avec la revue des programmes qui se fait à l'automne dans chacun des ministères.

Je pense qu'il est exact de dire que, dès le début de l'automne, le budget a déjà pris ses grandes configurations en termes de niveau de dépenses, de niveau de revenus, de niveau des emprunts, jusqu'à quel point?

M. Bérubé: Non, à l'automne, à la suite de la revue des programmes, nous avons une idée claire de ce que devrait être le niveau de dépenses si nous voulons maintenir l'activité existante. Toutefois, c'est là que doivent être introduites les notions de revenu et de capacité d'emprunt qui peuvent nous amener, à ce moment-là, à décider d'une opération compression. C'est ce qui s'est produit l'année dernière. Cette opération compression, à ce moment-là, peut amener des réductions d'activités.

M. Paquette: C'est seulement après la revue des programmes dans les ministères ou avant la revue?

M. Bérubé: II est possible qu'on fasse la compression plus vite, cette année.

M. Paquette: C'est plus intéressant.

M. Bérubé: L'année dernière, la compression s'est faite essentiellement autour du mois de décembre - je vous donne l'expérience de l'année dernière - et c'est généralement vers le mois de janvier ou février que le gouvernement décide également des nouvelles priorités, c'est-à-dire des ajouts aux programmes existants.

Il y a un ajustement nécessaire parce que, lorsqu'on travaille sur le cadre financier préliminaire, c'est-à-dire pour le premier équilibre du côté des revenus comme du côté des dépenses, on ne dispose que d'une histoire de trois mois sur le budget 1981-1982 qui sert de base. Il est normal que trois ou quatre mois plus tard il y ait des révisions qui soient nécessaires compte tenu de l'évolution à la fois des facteurs qui viennent infléchir la dépense et des facteurs qui conditionnent aussi les entrées de revenus. Là, il y a un deuxième ajustement qui doit se faire.

M. Paquette: Si je comprends bien, vous souhaiteriez cette année arriver, avant la revue des programmes, avec déjà une idée aussi précise que possible du niveau des dépenses.

M. Bérubé: Oui.

M. Paquette: Ce serait souhaitable, compte tenu de la conjoncture, compte tenu des revenus escomptés et ainsi de suite.

M. Bérubé: Ce que nous allons essayer de faire, c'est éviter que trop tard dans le cycle de préparation budgétaire on soit amené à décider, au gouvernement, d'un ensemble de compressions qui, généralement, demandent une certaine préparation dans les ministères. Si la décision est prise de façon trop tardive, il est difficile pour un ministère de se rajuster en fonction de ces compressions.

Donc, cela peut devenir intéressant, dès la revue de programmes, de se fixer des paramètres qui impliqueraient déjà une certaine compression d'activités. C'est pour ça que c'est au niveau du comité des priorités qu'il va y avoir cette décision de prise sur le choix des grands paramètres qui vont présider à la revue de programmes, de manière qu'au moment de cette revue de programmes - c'est d'ailleurs ce qui faisait sursauter le député de Saint-Laurent tantôt qui avait de la difficulté à voir où étaient les responsabilités - nous allons essayer de tenter d'appliquer un frein, si un frein doit être appliqué, de manière à ne pas être déporté vers le mois de décembre avec une prise de conscience d'un impossible équilibre.

Donc, au moment de la revue de programmes, on peut effectivement la rendre très libérale, dans le mauvais sens du terme, ou au contraire la rendre plus serrée dans le bon sens du terme.

M. Paquette: Donc, si je comprends bien, il y aura une réunion, à un moment donné, du comité des priorités où tant le Conseil du trésor que le ministère des Finances, conjointement, proposeront des grands paramètres où il pourrait y avoir certaines compressions. J'imagine que cette

décision du comité des priorités sera acheminée ensuite au Conseil des ministres. Vers quelle date prévoyez-vous que cela va se faire?

M. Bérubé: À la fin du mois. M. Paquette: À la fin de juin. M. Bérubé: Oui.

M. Forget: M. le Président, non seulement on arrive, soit au début du processus - si je comprends bien, c'est ce qu'on essaie de faire cette année ou plus tard - à la deuxième phase qui est en fonction d'un essai d'équilibre qui a été défini au moment de la revue de programme entre les dépenses et les revenus, mais dans le contexte de la nouvelle répartition des tâches, le Conseil des ministres ou le comité des priorités décide d'une certaine coupure ou, du moins, d'une certaine affectation de fonds au développement positif ou négatif des programmes.

Est-ce qu'on peut savoir si l'exécution de cette décision est confiée au Conseil du trésor globalement? C'est-à-dire qu'on dit: On rapportait 1 000 000 000 $ de trop au printemps dernier. Supposons 1 000 000 000 $ de trop dans les projections de dépenses. Est-ce qu'il faut qu'on coupe ou si vous vous attendez à recevoir une commande ventilée par ministère?

M. Bérubé: Écoutez! C'est bien le Conseil des ministres et le comité des priorités qui en décideront. Il n'est pas impossible que le comité des priorités décide lui-même de ventiler compte tenu d'une volonté politique gouvernementale plus générale, de favoriser certains secteurs ou en défavoriser certains autres. Donc, je peux difficilement répondre à cette question.

M. Forget: Mais comme le Conseil du trésor semble être le seul organisme de contrôle du gouvernement qui a les analystes familiers non seulement avec l'ensemble du tableau, mais également avec chacune de ses parties au niveau de chague ministère, comment est-il possible, devant la nécessité de faire une coupure ou de limiter l'expansion à un chiffre X, que ce soit autre chose que le Conseil du trésor qui fasse l'affectation détaillée de l'enveloppe ou au moins qui suggère au comité des priorités...

M. Bérubé: Je vais vous donner un exemple.

M. Forget: ...la fourchette des alternatives possibles?

M. Bérubé: Le choix entre les coupures... D'une façon générale, c'est bien évident que c'est le Conseil du trésor qui, ayant dans sa machine les contacts avec les ministères, est le plus en mesure d'identifier les endroits où il est possible de couper. Donc, on va demander des propositions au Conseil du trésor. Mais il reste tout de même qu'un gouvernement peut très bien choisir de ne pas s'attaguer à certains programmes gouvernementaux. Prenons, par exemple, je ne sais pas, les prêts-bourses, l'aide sociale ou la Régie d'assurance-maladie. Ils pourraient très bien décider d'épargner sur certains programmes pour des raisons politigues dictées par la volonté du Conseil des ministres auquel cas, à ce moment-là, le Conseil des ministres peut très bien décider que, le Conseil du trésor n'essaiera pas d'examiner ce qui se passe dans tel secteur parce qu'il n'estime pas approprié d'aller faire des coupures dans ce domaine. Donc, je ne peux pas vous dire que le Conseil des ministres ne dictera pas au Conseil du trésor certains secteurs où il doit couper ou ne pas couper davantage. Mais il est bien évident que le Conseil du trésor va continuer à avoir le problème de soumettre au Conseil des ministres des hypothèses de coupures en identifiant les endroits où il y a possibilité de couper.

Le Président (M. Desbiens): Messieurs, il y a un vote à l'Assemblée. De toute façon, on devait suspendre nos travaux à 12 h 30.

Alors, les travaux de la commission des finances sont suspendus jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 30)

(Reprise de la séance à 15 h 18)

Le Président (M. Desbiens): À l'ordre, messieurs!

La commission permanente des finances reprend ses activités. Avant de commencer, j'aimerais annoncer un changement. M. de Belleval (Charlesbourg) sera remplacé par M. Lachance (Bellechasse) comme membre de la commission. M. Lachance agissait ce matin comme intervenant. M. Guay (Taschereau) sera remplacé par M. Marquis (Matapédia), comme membre également. D'accord?

M. Forget: On pourrait peut-être aborder un autre sujet, M. le Président.

Le Président (M. Desbiens): L'élément 1 a été adopté. L'élément 2 du programme 1, adopté?

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Desbiens): L'élément 3 sera-t-il adopté?

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Desbiens): Élément 4

M. Bérubé: Soutien administratif et technique.

M. Forget: M. le Président.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Pour adopter...

M. Bérubé: J'aimerais attirer l'attention du représentant de l'Opposition. Il y a un montant de 14 500 $ qui y est inscrit.

M. Forget: Oui, on y viendra à son heure, M. le Président. Mais comme il ne nous reste plus que 40 minutes, on va aborder un autre sujet, puisque, ce matin, on a pu tenter au moins d'explorer le sens à attribuer à la distribution des responsabilités.

M. Bérubé: J'espère que c'est resté suffisamment obscur!

M. Forget: Oui, c'est resté suffisamment obscur, d'ailleurs, c'est ce que j'allais dire, M. le Président, j'ai été frappé par le désir apparent du ministre, qui est président du Conseil du trésor, de diminuer son rôle et ses responsabilités, de s'effacer très modestement, d'ailleurs de façon très peu caractéristique, devant l'ensemble de ses collègues, devant le Conseil des ministres, devant le comité des priorités. Il semble soucieux d'avoir l'air de prendre aucune espèce de décision et de n'assumer aucune espèce de responsabilité.

Je pense que le sens de ça n'échappe à personne. Je crois qu'évidemment le gouvernement se trouve dans une période de contraintes budgétaires, il y a beaucoup de décisions impopulaires à prendre. On va se voir confronté par le spectacle de ministres qui rivalisent de modestie en disant: Non, ce n'est pas moi, je ne fais que prendre des notes aux réunions du Conseil des ministres; j'écoute attentivement, je transcris tout ça. On nous a dit au départ que le Conseil du trésor n'était qu'un secrétariat. Évidemment, ça fait beaucoup rigoler tous ceux qui connaissent le rôle du Conseil du trésor traditionnellement et ceux qui occupent des fonctions au Conseil du trésor, mais il est évident que si le ministre des Finances a, un peu plus tard aujourd'hui, la même modestie, on va se retrouver devant une politique financière qui n'a plus de père et qui n'a que des gardiens.

Il est loisible, bien sûr, aux membres du Conseil des ministres de diminuer leur rôle; à d'autres moments, ils choisissent de l'amplifier. Il y a toujours une partie de ça qui est destinée à la galerie. Il demeure que chacun sera libre de tirer ses conclusions, mais je ne pense pas qu'on pourrait aller beaucoup plus loin devant la détermination du ministre de laisser planer bien de la confusion dans les esprits relativement au siège des responsabilités. Probablement que les événements ultérieurs nous en diront davantage.

Quoi qu'il en soit, il y a des conventions collectives qui sont dans le paysage. Cela fait partie d'un autre volet des tâches, j'ose à peine dire des responsabilités, du Conseil du trésor. De ce côté-là, je pense qu'il serait peut-être un peu futile d'essayer de percer le voile pour ce qui est des intentions de la prochaine ronde de négociations. On est encore loin de cela. Mais très certainement, parce que c'est la réalité avec laquelle on vit tous les jours, du côté gouvernemental, je crois qu'il est important de savoir quelle évaluation le Conseil du trésor fait de l'application des conventions collectives. Quel est le coût de ces conventions collectives? À quelles analyses s'est-il livré pour que l'on puisse vraiment mesurer l'impact des décisions qui ont été prises, il y a un an et demi ou deux ans, et aussi pour amasser les matériaux qui lui sont nécessaires pour établir une politique salariale d'ici le mois de juillet de l'an prochain?

Résultats de l'application des conventions collectives

J'inviterais tout simplement, le ministre à le faire quand même assez brièvement, à dresser un tableau des conclusions qui se dégagent de l'application des conventions collectives sur le plan financier.

M. Bérubé: Essentiellement, si on se réfère à la situation qui prévalait lorsque le député de Saint-Laurent faisait partie du gouvernement, avant 1976, la rémunération globale dans le secteur public était de l'ordre de 16% au-dessus de la rémunération prévalant dans le secteur privé, syndiqué, et le mieux rémunéré, c'est-à-dire basé sur une comparaison avec les entreprises de 500 employés et plus, syndiqués. En d'autres termes, le gouvernement avait pris comme habitude, à l'époque de M. Bourassa et de son gouvernement, de rémunérer le secteur public nettement plus que le secteur privé. Lors de la dernière négociation, nous avons commencé à corriger cette situation parce qu'elle amène, à ce moment-là, l'ensemble des citoyens québécois moins bien rémunérés, à devoir consacrer une part grandissante de leurs revenus, à rémunérer une moindre partie de la population à des salaires supérieurs à ce qu'elle gagne elle-même. C'est pour cette raison que, si vous regardez ce qui se passe, l'avance moyenne qui était

de 16,3% en 1978-1979, a été réduite, en 1980-1981, à environ 10% à 11%. Donc, le coût des conventions collectives a décru de façon très significative depuis l'arrivée au pouvoir du gouvernement. Je pense que nous devons nous en féliciter et nous devons souligner l'action énergique du gouvernement lors des dernières négociations collectives. Évidemment...

M. Forget: ...avec humour.

M. Bérubé: ...je dis que tout est relatif. Je me compare au gouvernement dont faisait partie le député de Saint-Laurent antérieurement et là vraiment, il y a une très nette amélioration. Mais, si je fais abstraction de cela parce que, évidemment, tout est relatif, et si j'essayais de juger dans l'absolu, je pense que je devrais quand même constater que les salaires dans le secteur public, la rémunération globale, dis-je, est encore de l'ordre de 10% à 11% au-dessus de la rémunération dans le secteur privé - je parle du secteur privé fort bien rémunéré -et, par conséquent, si un effort devrait être fait, il devrait l'être de ce côté-là. Ce serait l'essentiel des commentaires que j'avais à faire concernant la rémunération dans les secteurs public et parapublic.

M. Forget: Le ministre vient de faire des affirmations et il serait intéressant de savoir à quelle source il les puise. Je fais cette demande de manière incidente. Si le Conseil du trésor a effectivement des études, des analyses qui permettent de faire des affirmations comme celles-là, il serait très intéressant de pouvoir en prendre connaissance. Ces comparaisons entre le secteur public et le secteur privé sont toujours basées sur certaines méthodologies qui sont aussi intéressantes à lire que la méthodologie qui accompagne la description des sondages. C'est-à-dire qu'il y a autant de façons d'écorcher un chat, de ce côté-là, qu'il y a de gens qui l'écorchent. C'est toujours un sujet de controverse de savoir quels sont les points que l'on retient, quels sont les emplois que l'on compare, etc.

Tout le monde sait que dans les secteurs public et parapublic - j'imagine que ses propos ne valent pas simplement pour les fonctionnaires et professionnels à l'emploi du gouvernement - si on regarde l'ensemble du secteur public, il y a énormément de classes d'emploi pour lesquelles il n'y a pas de comparaison possible. On doit se baser sur des approximations. S'il y a eu un progrès de ce côté, on s'en réjouirait. Mais on ne peut pas formuler cela autrement qu'au conditionnel dans le moment parce qu'il y a aussi d'autres données qui semblent indiquer que les coûts, au moins dans certains secteurs, dans le secteur public québécois, loin d'afficher une convergence vers les coûts comparables, peut-être pas avec le secteur privé, mais avec les coûts, par exemple, dans le cas de l'éducation: Le coût de l'éducation par personne ou par enfant dans notre réseau scolaire vis-à-vis de celui de l'Ontario, on voit qu'il y a un écart qui est loin de s'être amenuisé, il semble s'être considérablement accru.

J'ai devant moi des chiffres de Statistique Canada pour les dépenses en éducation relativement à la population des deux provinces. On remarque que le différentiel ou le ratio entre le Québec et l'Ontario, pour ce qui est des dépenses par personne de 5 à 20 ans, c'est-à-dire comparé à la population d'âge scolaire dans les deux provinces, était d'environ de 4% à 8%, pour être juste, entre 1976 et 1979, et, à partir de 1980, il aurait fait un saut brutal et serait maintenant de l'ordre de 30%. Il y a peut-être des choses qui se sont améliorées, je ne peux pas le nier catégoriquement en l'absence de données plus complètes. Je n'ai que l'affirmation du ministre qui, comme je le dis, est sujette à caution parce qu'elle repose sur des hypothèses et des méthodologies de calcul qui sont discutables.

Il y a aussi d'autres aspects sur lesquels, au contraire, le niveau des dépenses publiques, toute proportion gardée, au Québec, au moins dans certains secteurs, semble avoir subi une détérioration qui coïncide assez curieusement avec les récentes conventions collectives.

Quoi qu'il en soit, de cette question-là, j'aimerais que le ministre nous donne des précisions un peu plus détaillées quant à ce qui se passe à deux titres: Premièrement, est-ce que le Conseil du trésor a effectué un relevé des personnes qui, dans les réseaux parapublics de même que dans le secteur public au sens étroit du mot, les ministères et organismes publics qui dépendent directement du gouvernement, sont actuellement bénéficiaires des dispositions de leur convention collective qui leur donne la sécurité du revenu. On ne peut pas même parler de sécurité d'emploi parce que certains n'ont plus d'emploi, mais ils ont toujours le revenu.

Combien y a-t-il de centaines de personnes ou de milliers de personnes qui sont actuellement payées littéralement à ne rien faire? Pas simplement celles qui sont effectivement mises en disponibilité, mais celles qu'une analyse un tant soit peu rigoureuse pourrait révéler être maintenues sur les listes de paie et dans une soi-disant activité de convenance pour éviter que les chiffres ne paraissent trop mal. J'imagine que le Conseil du trésor, dans un contexte de contraction budgétaire, se pose cette question. (15 h 20)

On entend des rapports un peu partout révélant qu'il y a effectivement des

centaines de personnes au niveau des cégeps au niveau des commissions scolaires, au niveau même du secteur social, et certainement au niveau du gouvernement qui sont payées à ne rien faire alors que l'on coupe, par ailleurs, les services. Cela, d'une part. D'autre part, on voudrait bien savoir, par rapport aux crédits de l'année en cours, 1981-1982, on a, au moment des ajustements ou d'établissement des enveloppes, au moment de l'établissement des crédits pour l'année, fait certaines hypothèses quant au taux d'inflation et le taux d'inflation est relié évidemment à l'augmentation des salaires via les clauses d'indexation. Dans le fonds de suppléance, on prévoit une somme qui, de mémoire, est d'environ 65 000 000 $ pour enrichir la masse salariale de l'ensemble des organismes publics et parapublics. Étant donné l'expérience vécue depuis quelques mois du côté de l'inflation, est-ce que cette somme de 65 000 000 $ au fonds de suppléance doit suffire pour honorer les conventions collectives qui sont actuellement en vigueur pour l'année 1981-1982?

Sinon, à combien va s'élever la carence de ce côté?

M. Bérubé: II y a eu de la part du député de Saint-Laurent un certain nombre de commentaires liminaires. Je pense qu'ils ne méritent pas de réponse puisqu'il n'y a pas eu de question, mais ils mériteraient au moins des commentaires de ma part. D'une part, lorsque le député de Saint-Laurent regrette de ne pas avoir en main les comparaisons salariales entre le secteur public et le secteur privé, il me ferait certainement plaisir de les lui faire parvenir mais je suis convaincu que son service de recherche doit les avoir puisque ces études ont été rendues publiques lors des préliminaires à la négociation du secteur public et parapublic au moment où le ministre des Finances avait déposé un ensemble d'études. Je suis convaincu qu'une très brève conversation avec son service de recherche, évidemment, devrait lui permettre sans doute d'obtenir l'information qu'il désire.

M. Forget: Juste pour un complément d'information. Est-ce que ces études qui ont été déposées avant que les conventions collectives ne soient même négociées renferment aussi une évaluation du niveau de la rémunération actuelle relativement au secteur privé en prenant pour acquis que les offres déposées...

M. Bérubé: Non. Vous voulez dire pour 1980-1981?

M. Forget: Oui. C'est parce que vous avez fait une comparaison avec 1981. Alors, cela ne doit pas se trouver dans les études qui ont été déposées avant la négociation de 1979.

M. Bérubé: Les études que nous avons sont remises à jour annuellement, si vous voulez. Mais, la toute dernière étude, enfin, à une date...

M. Forget: Ce serait disponible aussi à la mise à jour.

M. Bérubé: II n'y a pas de problème.

M. Forget: Cela vient du Bureau de recherche sur la rémunération? Cela nous intéresserait beaucoup. Je pense que c'est une des grandes questions de l'heure.

M. Bérubé: Je pense que vous avez raison. C'est un élément essentiel, je pense, de toute politique salariale d'arriver à faire certaines comparaisons. Toutefois, le député de Saint-Laurent est allé plus avant en commentant également le problème de la rémunération dans le secteur public et parapublic au Québec par comparaison avec la rémunération dans d'autres provinces. Il a fait état, par exemple, du coût de l'enseignement au Québec par rapport au coût de l'enseignement en Ontario. Je dois souligner que dans les autres provinces il y a eu une loi fédérale de contrôle des prix et des salaires qui a, en un certain sens, permis de maintenir la croissance des prix et des salaires dans ces provinces à un niveau plus raisonnable.

Toutefois, au Québec, le gouvernement de l'époque, je dis bien de l'époque, avait décidé d'adopter sa propre loi et de décider, c'était son droit j'imagine, de déposer à la table de convention collective des propositions qui étaient même supérieures à ce que la loi lui permettait de faire et une des conséquences, évidemment, c'est que la croissance salariale que le Québec a connue dans le secteur public et parapublic dans ces années a fait qu'effectivement il s'est développé un écart entre la rémunération au Québec et celle des autres provinces.

Toutefois, je ne contesterai pas les assertions du député de Saint-Laurent concernant, par exemple, le coût par élève pour l'éducation des enfants. Effectivement, un certain nombre d'études confirment que le coût de l'éducation au Québec est plus élevé par enfant qu'il ne l'est, par exemple, en Ontario. Toutefois, il y a peut-être un élément de comparaison que le député de Saint-Laurent n'a pas, mais qui est quand même intéressant. C'est lorsque l'on compare le coût de l'éducation per capita. Il y a dans notre système d'éducation des va-et-vient d'élèves qui peuvent affecter différemment les clientèles, selon qu'on est en Ontario ou au Québec, et si on regarde le per capita, c'est-à-dire combien les Québécois dépensent,

le chiffre que j'ai sous les yeux vers la fin, vers les années 1976, indiquait que le coût per capita était sensiblement égal pour l'élémentaire et le secondaire en Ontario et au Québec. Donc, on n'est pas très loin per capita, mais par enfant, je pense que le député de Saint-Laurent a raison, nous sommes au-dessus par enfant.

M. Forget: II faut faire attention de ne pas jouer sur les mots de ce côté-là non plus, M. le ministre. Tout le monde est bien au courant qu'il y a un taux d'abandon scolaire au Québec ou de non-poursuite des études, même au niveau secondaire qui est, je pense, sensiblement plus élevé ici qu'ailleurs; c'est clair que par habitant, on peut ne pas payer plus cher, mais c'est à peine consolant, parce que tout ce que cela nous dit, c'est qu'on paie le même prix pour éduquer moins d'enfants, toutes proportions gardées, puisqu'il y en a plusieurs qui ne sont pas dans les écoles. Les adolescents qui ne sont pas dans nos écoles ont de très bonnes raisons de ne pas nous coûter très cher. Donc, ce n'est pas consolant de savoir que le coût per capita n'est pas plus élevé qu'ailleurs.

Ce qui est important, c'est de savoir combien nous coûtent ceux de nos enfants qui sont dans les écoles. Parce que c'est effectivement ceux-là seulement, malheureusement, qu'on éduque. À moins que les chiffres que nous avons puisés à Statistique Canada ne soient contestés, -mais il ne semble pas que ce soit le cas - il semble que c'est en 1980, et non pas au moment de l'application des normes sur l'augmentation des revenus et des salaires par le mécanisme auquel le ministre a fait allusion tantôt, mécanisme devenu caduc il y a déjà un bon moment, c'est en 1980 qu'il y a eu une hausse subite dans le coût par élève; une différence entre l'Ontario et le Québec dans le coût par une élève. Alors que la différence était de l'ordre de 5% ou 6%, cela devient tout à coup une différence de l'ordre de 30%. Encore une fois, ces chiffres sont-ils bons ou non? Ils viennent éventuellement du gouvernement du Québec lui-même qui les fournit à Statistique Canada. Y a-t-il eu une erreur de transcription? On nous donne un coût par personne de 5 à 20 ans, dans le fond, pour la population d'âge scolaire. Il ne tient même pas compte, à ce moment-là, du fait qu'il y a moins d'enfants, proportionnellement, qui sont inscrits dans nos écoles. Ce coût est de 4 580 $ comparativement à 3 518 $ en Ontario, ce qui fait un rapport de 30% supérieur dans le cas des coûts pour le Québec, alors que le rapport n'a jamais été aussi élevé dans le passé. Donc, il semble, à première vue du moins, et sous bénéfice d'inventaire, qu'en 1980, il s'est passé quelque chose du côté des coûts de l'éducation au Québec. Comme il ne s'est rien passé de visible, sauf la nouvelle convention collective, il était assez normal qu'on dise: Que s'est-il passé au niveau de la nouvelle convention collective pour faire faire cette hausse subite?

M. Bérubé: II n'y a pas, M. le député de Saint-Laurent, de changement significatif, sauf peut-être dans la façon de comptabiliser les sommes puisque, comme vous le savez, lorsque vous avez des négociations, vous avez des versements globaux qui sont faits, lors du règlement de la convention, pour couvrir des périodes passées et qui peuvent, à un moment donné, amener un changement brutal dans l'allure des courbes, mais ce n'est pas nécessairement significatif.

M. Forget: Vous avez raison là-dessus et cela s'est toujours produit à la suite de la conclusion des conventions collectives. Ce qui est surprenant, c'est qu'on observe qu'en 1977, ce ne se serait pas produit.

M. Bérubé: La réforme de la fiscalité municipale, s'ils prennent des dépenses qui apparaissent aux crédits pour faire la comparaison, à ce moment-là, c'est clair que le fait qu'il y a eu une disparition de l'impôt foncier qui donnait une partie des revenus...

M. Forget: Non, les chiffres qu'on vous donne sont compilés par Statistique Canada et j'ai ici une note qu'ils comprennent l'ensemble des dépenses en éducation au Québec, qu'elles soient supportées par les particuliers, la province, les commissions scolaires, le gouvernement fédéral - dans le cas où cela peut s'appliquer aux Indiens et aux Esquimaux - et donc, ne sont pas les dépenses du gouvernement du Québec comme telles. Ce sont des dépenses globales au titre de l'éducation, même les frais de scolarité payés par les individus.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Rosemont m'a demandé la parole.

M. Raquette: M. le Président, c'était justement cette remargue que je voulais faire. En fait, il faudrait avoir les chiffres. On écoute de façon très intéressée ce dialogue, mais...

M. Forget: Nous, on peut vous citer nos sources. C'est Statistique Canada 81220.

M. Bérubé: C'est le mot "Canada" sur lequel il faut insister puisque c'est le symbole de qualité.

M. Forget: Je m'attendais bien que vous essayiez de trouver une diversion quelconque, il reste que c'est 81 220 $ pour les dépenses en éducation; évidemment, les

données sur la population, je pense que tout le monde sait où les trouver.

M. Bérubé: M. le Président, je pense qu'on peut toujours avancer un certain nombre de chiffres, et un des problèmes de l'utilisation de statistiques, c'est généralement de trouver une base de comparaison absolument exacte. Je pense que le député de Saint-Laurent a fait appel à un certain nombre de réserves d'ordre oratoire dans sa présentation en disant qu'il n'assumait pas nécessairement de responsabilité quant à la valeur des chiffres, et je pense qu'il a parfaitement raison. Les chiffres qu'il souligne, je suis incapable de les commenter dans la mesure où je n'ai pas véritablement les données sous les yeux, et surtout la base de comparaison. Il ne me semble pas qu'au niveau d'éducation au Québec, si on regarde les budgets qui y sont consacrés - c'est très facile à vérifier puisque nous avons les chiffres sous les yeux - qu'il y a eu une hausse spectaculaire du coût de l'éducation au Québec non plus qu'il y a eu une baisse subite du nombre d'élèves dans les écoles nous conduisant à une hausse par élève le moindrement significative.

Par conséquent, dans la mesure où nous sommes parfaitements conscients, comme membres élus de cette Assemblée qui approuvons les budgets année après année, qu'il n'y a pas eu de hausse spectaculaire dans les budgets alloués à l'éducation, et que, d'autre part, il n'y a pas eu, que l'on sache, d'élimination massive d'enfants dans le système, il faut donc en conclure que les chiffres de Statistique Canada sont peut-être discutables dans la mesure où la base de comparaison est différente.

M. Forget: M. le Président, je pense que les réserves qu'on peut apporter sur les statistiques comme, curieusement, le ministre vient de le découvrir quand ça ne fait pas son affaire d'être confronté par des chiffres, tout à l'heure, il nous a cité des chiffres qui sont encore plus difficiles à vérifier puisque ce sont des documents...

M. Bérubé: ... les libéraux utilisent toujours Statistique Canada.

M. Forget: Ce sont des documents qui ne sont même pas publics, et qu'on nous a promis, d'ailleurs fort gracieusement, de nous communiquer, pour ce qui est des mises à jour, il reste que, jusqu'à nouvel avis, on peut faire plus confiance à des chiffres qui sont publiés qu'à des chiffres qui ne le sont pas. Elles ont au moins les mêmes validités que les comparaisons que le ministre faisait tout à l'heure quant à la rigueur avec laquelle les conventions collectives ont été négociées par le gouvernement actuel.

N'est-il pas surprenant que le Conseil du trésor, dont c'est la mission d'analyser le coût de fonctionnement, soit, semble-t-il, surpris lorsqu'on lui avance des chiffres qu'il devrait connaître déjà lui-même beaucoup mieux que nous? Je pense que cela démontre, en quelque sorte, qu'on se laisse probablement vendre par le ministère de l'Éducation une certaine salade sans vraiment aller au-delà de cela. J'aimerais demander au ministre s'il peut nous dire, puisqu'il a présumément ces chiffres, quel est le coût de la libéralisation, si le mot est approprié, de la clause qui a été insérée dans la convention des enseignants relativement à la sécurité d'emploi dans le rayon de 30 kilomètres. Est-ce qu'on a le nombre de personnes qui bénéficient de cette clause et le coût pour le trésor public?

M. Bérubé: En fait, M. le Président, je n'ai absolument pas été surpris par les chiffres comme tels, mais j'ai été surtout surpris par la crédulité du député de Saint-Laurent qui les manipule avec une aisance comme s'ils avaient force de loi. Je pense qu'il faudrait les vérifier vraiment en profondeur pour avoir une base de comparaison.

M. Forget: ... quand vous serez retourné dans votre ministère. En attendant, pouvez-vous répondre à notre question?

M. Bérubé: Oui, certainement, ça me fait plaisir. Lorsque l'on parle . de compression, il y a d'abord, au niveau du gouvernement, dans la fonction publique comme telle, une compression d'effectifs de l'ordre de 2%.

M. Forget: Je ne parle pas de compression, ma question porte sur le coût, une analyse que, présumément, le Conseil du trésor a faite avec un grand soin pour mesurer le coût de la concession qui a été faite l'an dernier lors de la négociation en dernière minute de la convention collective des enseignants où on a modifié la clause de sécurité d'emploi. Cela doit bien coûter quelque chose parce que les syndicats ne l'auraient pas demandé si ça ne donnait rien à personne.

M. Bérubé: Si vous permettez, je vais terminer ma réponse et, à ce moment-là, vous aurez le portrait global. Comme je le disais tantôt, il y a effectivement, au niveau de la fonction publique, une compression de l'effectif de l'ordre de 2%. L'attrition est plutôt de l'ordre de 4% à 5%, ça dépend un peu des ministères, et, par conséquent, il est relativement aisé d'absorber la compression de l'effectif au niveau de la fonction publique à l'intérieur de l'attrition normale qui se produit au cours d'une année. Donc, la sécurité d'emploi au niveau du ministère ne

doit pas nous coûter très cher. Là où elle pourrait nous coûter plus cher, c'est au niveau de l'éducation. (15 h 45)

II y aurait peut-être une remarque à faire là-dessus. On connaît avec assez de précision quelles sont les personnes qui ont été mises en disponibilité qui tombent sous le chapitre de la sécurité d'emploi. On connaît aussi des taux, parce que les taux de résorption de ces personnels dans une année donnée, on peut appliquer les facteurs...

La réponse précise à votre question, nous ne pouvons pas la donner parce que la sécurité d'emploi existait après deux ans dans l'ancien système. C'est seulement après l'exercice complet d'une année que nous pourrons déterminer ceux qui sont restés sur le carreau à l'intérieur d'un rayon de 50 kilomètres, qui auraient pu être réengagés dans une commission scolaire à l'extérieur de ce rayon. Pour le moment, nous n'en sommes pas capables. Là nous référons au système d'éducation.

En fait, ce qui s'est produit...

M. Forget: Oui, mais cela s'applique depuis l'an dernier, n'est-ce pas?

M. Bérubé: Oui.

M. Forget: Donc, les mises en disponibilité qui ont été faites en mai et juin 1980 et qui n'ont pas été réabsorbés en septembre-octobre par les commissions scolaires, sont depuis septembre-octobre derniers en disponibilité. Un certain nombre de ces personnes sont demeurées en disponibilité parce que la clause du 50 kilomètres s'appliquait à elles. Donc, on est actuellement à la fin de la première année d'application du régime, n'est-il pas plausible de croire qu'on sait combien de gens et donc quel est le coût de cette modification à la clause de sécurité d'emploi.

M. Bérubé: Nous avons quand même une idée, c'est-à-dire nous savons quel sera le maximum possible du coût de la sécurité d'emploi mais nous ne savons pas le montant exact. Je m'explique: Au 1er mai 1980, avaient été mis en disponibilité, dans le secteur public de l'éducation, 3436 personnes. Nous constatons que, en cours d'année, un taux de résorption au niveau des enseignants atteint 70%, au niveau des professionnels de l'enseignement, 62% ou 63%. Donc, nous connaissons les taux de réabsorption par le système des enseignants mis en disponibilité. Donc cela est clair.

Le problème est de savoir si la capacité du système cette année à réabsorber ces enseignants ou ces professionnels de l'enseignement est aussi élevée. Cette question mérite d'être posée parce que dans la mesure où au 1er mai 1981 ce n'est plus 3500 enseignants mis en disponibilité mais plutôt 7200 maximum, à ce moment-là on peut se demander: Est-ce que le taux de réabsorption des enseignants par le système sera aussi élevé. Là-dessus nous n'avons pas de garantie parce qu'il se produit un certain nombre de phénomènes simultanés. Vous avez les compressions de personnel, qui équivalent à peu près au tiers, qui proviennent de la diminution du nombre d'enfants inscrits dans les écoles. C'est donc une compression en vertu même de l'application de la convention collective qui vaut le tiers.

M. Forget: Étant donné qu'il ne reste que dix minutes...

M. Bérubé: Je m'aperçois que le député de Saint-Laurent n'est pas vraiment intéressé aux réponses alors je vais le laisser continuer à poser des questions, M. le Président.

M. Forget: Non, je ne suis pas intéressé aux spéculations sur l'avenir. Ce que je vous demande, et ce que je n'ai pas encore obtenu et que j'espère obtenir dans les minutes qui viennent, c'est pour l'année écoulée. On ne fait plus de spéculation, on n'a pas besoin de s'interroger sur ce qui va se produire et l'influence des cycles de la lune sur l'évolution du nombre de professeurs dans les écoles l'an prochain. Je vous demande, ceci: Dans l'année qui s'est écoulée - ce sont des faits maintenant, ce n'est plus de la spéculation et le ministre ne peut pas maintenant dire autre chose que, soit qu'il connaît le chiffre ou qu'il ne le connaît pas. Les deux réponses sont valables quant à nos propos ici - combien...

M. Bérubé: Qu'est-ce que vous voulez savoir?

M. Forget: ... y a-t-il de gens qui ont effectivement bénéficié de la clause élargie de sécurité d'emploi.

M. Bérubé: Je vous l'ai donné. M. le Président, je suis obligé de reconnaître...

M. Forget: Bien, cela dû être fait très vite. Il y a eu plus de 3500 persones mises en disponibilité et environ, a-t-on dit, 70 personnes qui ont été résorbées. Donc, les autres...

M. Bérubé: Le député de Saint-Laurent ne peut pas prendre la différence entre 100 et 70 pour conclure que c'est 30%.

M. Forget: Donc, les autres c'est environ 800 en chiffres absolus; combien ce nombre représente-t-il comme impact budgétaire?

M. Bérubé: Voilà une question plus précise. Nous savons qu'il en est resté 709 sur le carreau. Sur ces 709, quels sont ceux qui, si les anciennes dispositions s'étaient appliquées, auraient pu être relocalisées, nous ne le savons pas.

M. Forget: Oui, mais il reste que ce n'est pas non plus ma question. Je ne vous demande pas une analyse comparative sur l'histoire passée par rapport à ce qu'elle aurait pu être. Cela aussi, c'est de la spéculation. Je vous demande, de façon très claire, combien il y a de gens qui bénéficient des clauses de sécurité d'emploi dans l'éducation. Vous pouvez bien, si le coeur vous en dit, faire une distinction parmi ceux qui en bénéficient et qui, effectivement, reçoivent un salaire pour rester chez eux, et me dire qu'il y en a 775 qui le font parce qu'ils l'auraient fait de toute façon en vertu d'une convention collective non modifiée et qu'il y en a encore 50 qui le font en vertu de la nouvelle addition à la convention collective. C'est une analyse supplémentaire, mais de combien de dollars et de personnes parlons-nous, en fait?

M. Bérubé: M. le Président, on fait référence, au budget de l'année dernière, parce qu'il s'agit de savoir quel est le montant, dans le budget de l'année dernière, qui est allé à la sécurité d'emploi. N'ayant pas présidé à la préparation du budget de l'année dernière comme tel et n'étant pas ministre de l'Éducation, c'est un peu difficile pour moi d'y répondre. Ce serait plus facile d'y répondre cette année. 40 000 000 $ l'année dernière.

M. Forget: 40 000 000 $, cela représente le coût de la sécurité d'emploi dans le secteur de l'éducation.

M. Bérubé: L'année dernière.

Je réitère ce que je vous disais, ce n'est pas un coût net par rapport aux nouvelles clauses. De ces 40 000 000 $, quel serait le coût net du fait qu'il y a maintenant une limite de 50 kilomètres? L'analyse n'est pas faite.

M. Forget: L'analyse n'est pas faite. Je vois.

M. Bérubé: Nous ne pouvons pas savoir, des 40 000 000 $, quel pourcentage est lié aux conventions collectives signées par l'ancien gouvernement libéral et quel pourcentage est lié aux conventions signées par le gouvernement du Parti québécois.

M. Forget: Au cas où le ministre, comme président du Conseil du trésor, l'oublierait, les anciennes conventions collectives de 1976 ne sont plus valables.

Tout ça a été repris dans les nouvelles conventions collectives qui ont été signées en 1979 ou en 1980. Dans une négociation, tout se négocie, en plus ou en moins, dans les deux cas. Il peut dire, qu'historiquement, c'était fait ainsi, mais il reste que le tout a été signé, pas seulement les modifications. Il est d'un intérêt historique seulement de savoir d'où ça vient. Cela vient de très loin, mais il reste que la responsabilité...

M. Bérubé: Pour le Parti libéral, l'histoire a cessé en 1976.

M. Forget: ...est reprise et assumée en totalité au moment de chaque convention collective.

Dans le même ordre d'idées, M. le Président, quel est le coût des modifications qui sont intervenues du côté des ratios, dans le secteur de l'éducation? Est-ce que le Conseil du trésor possède cette donnée?

M. Bérubé: Vous pourriez poser les questions a l'éducation là-dessus, sur le coût détaillé de l'utilisation des ratios.

M. Forget: Vraiment, vous m'étonnez, messieurs du Conseil du trésor, parce que vous êtes les analystes financiers des dépenses gouvernementales. En fonction de cette analyse, vous allez effectuer des coupures, plus ou moins considérables; j'aurais plutôt dû dire, que vous allez recommander à vos collègues du conseil des priorités, un certain nombre de coupures. Vous avez à préparer des mandats de négociation. Il me paraît inconcevable que vous puissiez vous acquitter de ces deux tâches sans savoir quel est le coût des décisions que vous avez prises, des décisions qui sont analogues à celles que vous devrez prendre d'ici un an.

Est-il possible qu'on s'engage dans une négociation d'ici douze mois, sans qu'on ait la moindre idée de ce que coûtent les concessions qui ont été faites dans la convention collective qui est en train de s'appliquer et qui s'applique, rétroactivement, depuis effectivement deux ans.

M. Bérubé: M. le Président, c'est bien certain que le Conseil du trésor contrôle les dépenses de l'ensemble des ministères pour un montant de 20 000 000 000 $

M. Forget: Je ne suis plus aussi certain que j'en étais.

M. Forget: Évidemment, à l'intérieur de ce montant, il y a un nombre de facteurs concourants au coût final que le député de Saint-Laurent pense que le Conseil du trésor devrait avoir à l'esprit continuellement, mais dans la pratique, nous n'avons pas à l'esprit les détails sur absolument toutes

les questions que le député de Saint-Laurent peut vouloir poser.

M. Forget: Non, mais des bagatelles comme les ratios en éducation et la sécurité d'emploi, on s'excuse de vous poser ces questions-là, M. le Président, mais on penseait que vous connaîtriez les réponses.

M. Bérubé: M. le Président, nous sommes conscients du coût global des conventions collectives, puisque nous avons l'ensemble. Nous pouvons également répondre à ces questions par des analyses plus fouillées pour aller chercher les données, mais c'est bien évident qu'on pourrait également me poser un paquet de questions sur le détail du fonctionnement du système hospitalier. Si vous me posez des questions sur le coût du fonctionnement du ministère de l'Énergie et des Ressources, je serais peut-être mieux placé pour répondre, mais il reste quand même qu'il y a beaucoup de questions que vous pouvez poser auxquelles nous n'avons pas la réponse au bout des doigts. Nous connaissons en général le fonctionnement du système, donc nous sommes en mesure d'attribuer des coûts à chaque article en particulier, mais de là à pouvoir répondre immédiatement, non, je n'ai pas vu ce chiffre personnellement. Cela demanderait une recherche. Le meilleur endroit pour poser la question, cela va être véritablement au ministère de l'Éducation qui est chargé d'administrer le système.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Rosemont.

M. Paquette: J'allais faire une proposition au ministre. Comme le temps achève, s'il était possible d'avoir certaines des données concernant le coût des conventions collectives, notamment, et de nous les faire parvenir par la suite après cette commission.

M. Forget: Je pense qu'on nous a dit qu'au niveau des analyses du bureau de recheches sur la rémunération, on nous communiquait les analyses.

M. Bérubé: Une mise à jour.

M. Forget: II y a une question que j'ai posée tout à l'heure et qui a été peut-être perdue en cours de route, c'était la suffisance du fonds de suppléance relativement aux hypothèses qui ont servi à la préparation des crédits pour l'année 1981-1982, et l'expérience des derniers mois au niveau de l'inflation. Est-ce que les 65 000 000 $ prévus seront suffisants? Quel est le taux d'inflation qu'on a utilisé dans la préparation de l'estimation de la masse monétaire nécessaire pour défrayer le coût de la masse salariale? Est-ce que ce taux est différent du taux qu'on peut maintenant aujourd'hui projeter pour l'ensemble de l'année? Sinon, quelles sont les implications financières de cet écart?

M. Bérubé: Actuellement, l'inflation qui est postulée est de 12,2% dans la préparation du budget. Nous ne savons pas encore véritablement quel sera le taux d'inflation réel que nous connaîtrons. Il est possible que ce soit supérieur à 12,2%, on me dit ici peut-être 12,7%, possiblement.

M. Forget: Donc, ce qu'on nous dit, c'est que les crédits de 1981-1982 ont été préparés dans l'hypothèse où l'inflation qui s'appliquerait à la période pour les fins d'ajustement de la masse salariale et de l'application des clauses d'indexation des conventions collectives serait de 12,2%. Tout ce qui va dépasser 12,2% va entraîner un ajustement à la masse salariale. Cela correspond à un point de pourcentage sur l'indice des prix à la consommation. Cela va se traduire par combien de millions dans le budget total du gouvernement?

M. Bérubé: 60 000 000 $ du point. M. Forget: 60 000 000 $ du point.

M. Bérubé: II est important quand même de souligner que les revenus également suivent en gros l'inflation et, par conséquent, il y a une compensation naturelle.

M. Forget: Oui, même un peu mieux.

M. Bérubé: Même un peu mieux. Par conséquent, il y a une certaine compensation naturelle. Cela ne veut pas dire pour autant qu'il y a un accroissement du déficit à la suite d'une prévision un peu pessimiste ou optimiste, suivant le point de vue.

M. Forget: Toute chose étant égale d'ailleurs, comme dit le philosophe!

M. Bérubé: Parfait.

Le Président (M. Desbiens): Est-ce que l'élément 4, soutien administratif et technique est adopté? Vous avez une question, M. le député de Westmount?

M. French: J'ai quelques questions d'ordre général. Je ne sais pas si elles se rattachent à un élément ou à un autre.

M. Bérubé: Cela n'a aucune espèce d'importance, M. le député de Westmount.

M. French: Je savais que le ministre me pardonnerait mes questions innocentes. Est-ce que le ministre est membre du comité

des priorités?

M. Bérubé: Oui.

M. French: C'est une nouvelle nomination, parce que évidemment le poste n'était pas là avant. On a entendu parler beaucoup ce matin du cycle budgétaire. C'est très intéressant comme toujours, mais finalement l'expérience ici comme ailleurs nous dit que le cycle budgétaire comme tel est un instrument très imparfait pour faire ce genre de compression, de coupures, ce dont toutes les économies publiques ont besoin actuellement. Je me demande s'il y a un mandat d'évaluation exceptionnel en dehors du cycle budgétaire qui réside quelque part dans l'appareil du gouvernement du Québec, et si d'ailleurs ce serait au vôtre, M. le ministre, de faire fonctionner un certain nombre d'évaluations de programmes ou de secteurs d'activités du gouvernement. Cela peut même impliquer des budgets horizontaux plutôt que verticaux, comme on voit ici, et si oui, avez-vous des sujets prioritaires pour l'évaluation? (16 heures)

M. Bérubé: Oui, effectivement, c'est le rôle du Conseil du trésor de choisir comme cible un ensemble de programmes gouvernementaux de manière à en évaluer la performance, l'efficience et s'assurer qu'il n'y a pas lieu, lors de la revue de programmes, de réduire ou d'accroître l'importance attribuée à ces programmes. Je ne sais pas si on pourrait me donner la liste de ceux qui sont sous surveillance?...

M. Forget: C'est en probation, pour ainsi dire?

M. Bérubé: C'est cela.

En fait, de façon générale, on met sous examen particulier les programmes dont le rythme d'augmentation est supérieur à celui du PIB. Nous graduons, je veux dire qu'il y a des examens qui durent plusieurs années, lorsque l'on entre dans des phénomènes fort complexes comme, par exemple, le progamme de l'aide sociale qui fait déjà l'objet d'un examen particulier par le Conseil du trésor depuis au moins deux ans. C'est la même chose pour les programmes de santé. Vous avez aussi l'hébergement qui fait l'objet d'une étude particulière. Les grands programmes de transfert d'aide aux entreprises agricoles ou d'aide aux entreprises industrielles font aussi l'objet d'un examen d'évaluation, etc. Dans des gros programmes de fonctionnement, vous avez l'administration des greffes et des bureaux d'enregistrement de la justice. On fait actuellement une analyse administrative du programme de perception des revenus des contribuables au ministère du Revenu. On en a terminé une, il y a un an, sur le Bureau des véhicules automobiles qui a donné lieu à un certain nombre de décisions dont la liste est assez longue. Chaque direction a des cibles particulières avec d'autant plus de personnel et de temps consacrés que l'impact est majeur et le rythme de croissance important.

M. French: C'est le personnel du Conseil du trésor qui est responsable et non le personnel des ministères, des régies ou des agences qui s'occupent des programmes, ou est-ce un exercice conjoint?

M. Bérubé: Les deux, c'est-à-dire qu'il y a toujours une vérification interne dans les ministères qui peut les amener à remettre en cause le fonctionnement de leur ministère. C'est certainement le cas de certains programmes, par exemple celui de perception d'impôt du ministère du Revenu, qui font l'objet d'un contrôle interne au ministère, mais qui peuvent également faire l'objet d'un contrôle externe de la part du Conseil du trésor.

M. French: Les études qui en découlent sont-elles disponibles? N'avez-vous jamais publié d'études d'évaluation?

M. Bérubé: Non.

M. French: Auriez-vous l'intention de le faire?

M. Bérubé: Non.

M. Forget: Est-ce qu'avec la nouvelle loi sur l'information gouvernementale, ce ne sera pas obligatoire de le faire?

M. Bérubé: Plus tard, je crois.

M. Forget: II n'y a pas de loi sur les secrets officiels, M. le ministre, au Québec, pas encore du moins.

Une voix: Adopté.

Le Président (M. Desbiens): L'élément 4, est-il adopté?

M. Forget: Oui.

Le Président (M. Desbiens): L'élément 5, est-il adopté?

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Desbiens): Les crédits du Conseil du trésor sont-ils adoptés?

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Desbiens): Adopté. Je vais suspendre quelques minutes pour

permettre peut-être le changement d'équipe. (Suspension de la séance à 16 heures)

(Reprise de la séance à 16 h 7)

Ministère des Finances

Le Président (M. Desbiens): ...pour l'étude des crédits 1981-1982 du ministère des Finances. M. le ministre, vous avez la parole.

M. Parizeau: M. le Président, nous examinons les crédits du ministère des Finances et, selon une coutume consacrée, on discute aussi des sociétés d'État qui répondent à l'Assemblée nationale par le truchement du ministre des Finances, c'est-à-dire la Caisse de dépôt, d'une part, et Loto-Québec d'autre part.

Nous en sommes venus à une entente avec le critique financier de l'Opposition officielle pour discuter d'abord de la Caisse de dépôt de façon à libérer M. Campeau, son président, qui est avec nous cet après-midi, le plus rapidement possible, et qu'il puisse retourner à Montréal. Ensuite, on aborderait à la fois les crédits du ministère des Finances et de Loto-Québec, si tant est qu'on va en parler, dans l'ordre qui viendrait par la suite.

Le Président (M. Oesbiens): M. le député de Saint-Laurent. Programme 1. Est-ce qu'il est adopté? Élément 1. Est-ce qu'il est adopté?

M. Forget: Cela, c'est la Caisse de dépôt.

Le Président (M. Desbiens): Excusez, alors, on laisse aller les programmes.

M. Parizeau: La Caisse de dépôt apparaît pas dans les crédits, c'est pour cela qu'il fallait une entente entre nous avant d'aborder les programmes...

M. Forget: ...pour suspendre l'étude des crédits du ministère comme tels.

Le Président (M. Desbiens): On laisse aller les programmes et les crédits comme tels. M. le député de Saint-Laurent, sur la Caisse de dépôt.

Caisse de dépôt et placement

M. Forget: Pour ce qui est de la Caisse de dépôt, nous ne reviendrons pas sur le terrain qui a été couvert l'an passé, mais j'aimerais profiter de la présence de M. Campeau ici pour avoir une indication de ce qu'il entrevoit comme les perspectives à moyen terme, enfin disons un horizon de trois à cinq ans quant aux disponibilités, aux fonds à investir, de la Caisse de dépôt, étant donné les tendances observées dans le passé dont semble se dégager un certain plafonnement des contributions de la plupart des déposants actuels. Il ne semble pas y avoir des sources nouvelles en perspective, du moins, pas de sources véritablement importantes en perspective, qui s'ajouteraient à celles qui sont déjà connues. Il y a une maturation très évidente du régime de rentes qui fait que les contributions sont plutôt en déclin et vont continuer de l'être.

Pour ce qui est des autres régimes, le mieux qu'on peut en dire, est que ça plafonne. À l'exception de la Commission administrative des régimes de retraite du secteur public qui, elle, continue de croître, mais à un rythme quand même modéré.

D'un autre côté, depuis quelques années, il y a eu une progression remarquable du rendement des placements effectués, conséquente à l'augmentation des taux d'intérêt observée en général. Mais à moins de supposer que les taux d'intérêt, après être passés d'environ 10% à environ 20%, vont continuer à augmenter pour atteindre 30% et 35%, je pense qu'il faut aussi s'attendre à un plafonnement et peut-être même à un déclin, sait-on, sur trois ou cinq ans, de cette source de financement.

Ceci tendrait à dire - mais c'est une question que je pose, c'est une hypothèse que je formule sous forme interrogative - que les perspectives à moyen terme de la Caisse de dépôt, sont de maintenir, plus ou moins, un rythme de croisière et peut-être même de faire face à un plafonnement? J'aimerais bien avoir les commentaires de M. Campeau ou du ministre.

M. Parizeau: M. le Président, avant que je passe la parole à M. Campeau pour qu'il réponde à la question posée par le député de Saint-Laurent, est-ce que le député de Saint-Laurent aurait objection à ce que nous fonctionnions dans le cadre suivant; c'est-à-dire que M. Campeau prend les lois qui existent à l'heure actuelle comme des données et répond dans ce cadre-là aux questions posées par le député de Saint-Laurent? Et quant aux possibilités de modifier certaines des lois existantes, c'est moi qui répondrai.

M. Forget: C'est tout à fait régulier, M. le Président.

Le Président (M. Desbiens): M.

Campeau, au nom du ministre.

M. Parizeau: D'abord, disons qu'on a complète discrétion - complète discrétion, c'est un grand mot - sur la Régie des rentes et la Régie de l'assurance automobile. Mais

sur les autres déposants, on est en contact continuellement avec eux pour décider dans quel genre de placement leurs dépôts seront investis, soit en obligations, en actions, en hypothèques ou encore en immeubles.

Nous ne sommes pas complètement libres d'investir l'argent exactement où on veut. C'est une concertation entre deux parties et on doit suivre leurs directives. Remarquez qu'ils ne nous diront pas: investissez dans telle action. Ils vont juste dire: investissez dans le domaine des actions. C'est à nous de faire l'administration en ce sens.

Pour ce qui est de la Régie des rentes et de la Régie de l'assurance automobile, pour autant que les échéanciers de la Régie des rentes nous le permettront, il y aura peut-être un effort d'investir davantage dans de l'équité au cours des prochaines années, plutôt que dans de la dette.

La proportion du fonds général de la Régie des rentes et de la Régie de l'assurance automobile est à peu près 87% dettes et 13% titres de propriété, actions, immeubles. Certains fonds de retraite, certaines caisses de retraite, vont même jusqu'à 30% d'équité et 70% de dette. Je ne sais pas si la Caisse de dépôt se rendra jusque-là. En temps et lieu, il faudra y voir. Mais il est évident que nous ferons un pas dans cette direction et que nous tâcherons, au cours des années qui viennent, d'augmenter le pourcentage d'équité, c'est-à-dire de titres de propriété, plus haut que 13% et réduire le portefeuille d'obligations.

À quel rythme cela se fera-t-il? Cela se fera dépendant des conditions économiques. Il est évident qu'aujourd'hui, quand on voit des taux d'hypothèque à 18% et des taux de bons emprunteurs à 16%, on hésite à aller trop lourdement dans les achats de titres de propriété. C'est intéressant d'être dans la dette, parce que c'est payant, à ce moment-ci.

On se souviendra aussi que la Caisse de dépôt et tous les fonds de retraite, à cause de leur statut qu'ils ne paient pas d'impôt, ne regardent pas les titres de dettes comme les autres. (16 h 15)

M. Forget: Ce qui nous amènerait à conclure que dans la mesure où la caisse suit l'orientation hypothétique à laquelle vous avez fait allusion d'investir davantage dans l'équité plutôt que dans la dette, si l'on projette cela sur une période de trois à cinq ans, on doit conclure donc face au plafonnement de l'addition annuelle aux sommes à investir qui proviennent des deux sources que je mentionnais tout à l'heure, et face à une orientation comme celle qu'on vient de nous décrire que les sommes disponibles pour les fins de la dette iraient en diminuant plutôt qu'en augmentant.

M. Parizeau: Toute proportion gardée, oui, pas en absolu, parce que vous imaginez bien que les profits ont été l'an passé de 1 100 000 000 $ ils vont continuer à augmenter, alors même si les contributions devaient décroître un peu, les sommes disponibles ne sont pas moindres que par les années passées.

M. Forget: Vous avez raison, mais les revenus des fonds administrés par la caisse ont effectivement affiché une hausse remarquable si l'on pense aux cinq dernières années, passant de 400 000 000 $ à 500 000 000 $ à 630 000 000 $ à 830 000 000 $ à 1 042 000 000 $ il y a là-dessus le reflet de deux influences. Il y a l'influence du fait que les fonds sur lesquels on fait des revenus s'accroissent à tous les ans, mais il y a aussi une influence qui est peut-être plus importante dans le court terme qui a été la hausse du rendement.

Est-ce qu'il est sage de miser la politique d'investissement à moyen terme sur la perspective que ce deuxième facteur va continuer à jouer? Je pense que non, puisque cela nous amènerait à des taux d'intérêt...enfin, tout est possible sur cette terre; on nous aurait dit il y a une dizaine d'années que les taux iraient au-delà de 20% que personne ne l'aurait cru, mais peut-être qu'ils peuvent monter à 30%; disons que cela rencontre un certain degré, une certaine barrière d'incrédibilité à ce moment-ci au moins. Les perspectives à moyen terme sont plutôt d'un déclin, on ne sait pas ce qui est la prévision, ce qui est l'espoir là-dedans, il reste qu'on ne peut pas anticiper que ce milliard va continuer à progresser.

M. Parizeau: À ce point, je pense que je pourrais peut-être poursuivre parce que cela implique des choix et des perspectives dans les années qui viennent. Il y a un contraste frappant entre deux fonds principaux qui alimentent la caisse de dépôt: la Régie des rentes, l'assurance automobile. Les contributions de l'assurance automobile vont continuer à augmenter assez rapidement, mais ce qui est en cause à l'heure actuelle, compte tenu des taux de contribution au régime des rentes, c'est ce qui va arriver au fonds de la Régie des rentes proprement dite, dans les années qui viennent. Tous ceux qui ont touché à cela depuis quinze ans, savent très bien que toutes nos projections étaient exactes, des deux côtés, sauf que l'on s'était trompé sur les taux d'intérêt; enfin, à tout péché miséricorde, tout le monde s'était trompé sur les taux d'intérêt. On sait bien que le fonds de la Régie des rentes, telle qu'elle existe au Québec et au Canada n'a jamais été complètement capitalisé. Je reviens à ce qui s'est passé il y a déjà une quinzaine d'années où le gouvernement fédéral voulait avoir un

"pay as you go" comme système. M. Lesage tenait, à cette époque, à un système complètement capitalisé. On a fait un compromis à la canadienne habituel, c'est-à-dire, que cela n'a pas été tout à fait "pay as you go" et cela n'a pas été tout à fait capitalisé. Donc, nous savons tous que le Canada Pension Plan et la Régie des rentes, quelque part dans les années quatre-vingt, commencent à perdre de l'argent. Les contributions sont insuffisantes pour assurer, non pas seulement la progression des fonds dans le sens où en parlait le député de Saint-Laurent, mais même simplement une entrée constante de fonds; l'entrée nette va devenir négative. Cela dépendra du niveau des taux d'intérêt. On se disait il y a quinze ans: Ce sera au début des années quatre-vingt. Maintenant, parce que les taux d'intérêt ont été plus élevés, on sait que ce ne sera pas au début des années quatre-vingt, mais cela va être dans les années quatre-vingt.

On n'a pas le choix, il va falloir à un moment donné que le Canada Pension Plan et la Régie des rentes du Québec augmentent leurs taux de contribution. Actuellement, c'est 1,8% pour les employés, 1,8% pour les employeurs, c'est insuffisant, et nous savons que cela est insuffisant. A la limite, si cela continuait comme cela pendant un certain nombre d'années, les rentrées nettes de fonds au titre de la Régie des rentes à la caisse de dépôt deviendrait négative et la caisse de dépôt commencerait à rembourser de l'argent à la Régie des rentes. C'est vrai aussi du Canada Pension Plan exactement de la même façon. Il s'agit maintenant de savoir quand on augmente les taux de contribution. On a bien failli y arriver en 1977-1978, parce qu'à ce moment le ministre des Finances de l'Ontario, le ministre des Finances du Québec et le ministre des Finances du gouvernement fédéral avaient une vue très voisine des choses. Il est clair qu'il faudra qu'on fonctionne ensemble. On ne peut pas, dans l'état actuel des choses, se permettre des divergences majeures entre le Canada Pension Plan et la Régie des rentes, quand même que ce ne serait qu'à cause de la mobilité de la main-d'oeuvre. Donc, il faut qu'on bouge ensemble.

Il est indiscutable que depuis quelques années, pour des raisons peut-être de manque de stabilité du personnel politique - je ne sais pas - la résolution d'il y a quatre ou cinq ans s'est un peu effilochée. Je ne sais pas quand et à Ottawa, et à Toronto, et à Québec, il y aura cette espèce de symbiose des esprits qui fera qu'on se dira: II faut y aller. Mais, il va falloir y aller. Alors, est-ce que ce sera dans un an, dans trois ans, j'espère que ce ne sera pas dans cinq ans. Parce que si c'était dans cinq ans, on commencerait tous à dire: II est trop tard.

Mais, il y a un moment donné - puisque M. le député de Saint-Laurent parlait de perspectives à moyen terme - dans les quelques années qui viennent où il va falloir que les gouvernements se mettent d'accord pour dire effectivement qu'il faut augmenter les taux de contribution des employés et des employeurs. C'est inévitable.

M. Forget: Bon, on peut donc déduire de cette incursion sur le domaine voisin du financement du régime de rentes qu'à défaut de voir les contributions au régime de rentes s'accroître dans un horizon de trois à cinq ans, on assistera effectivement à un plafonnement des fonds à investir au niveau de la caisse de dépôt, si ce n'est déjà fait, à cause de la diminution qui est déjà observée, enfin, il y a un certain vacillement dans les chiffres, mais c'est certainement vrai que le régime de rentes du Québec ne s'accroît plus, n'accroît plus ses contributions nettes à la caisse. La probabilité est que si les taux d'intérêt déclinent un tant soit peu, cela va rapidement décroître.

Du côté de l'assurance automobile, en dépit de l'indication qu'a donnée le ministre des Finances à l'effet que cela croissait encore, cela aussi c'est une projection qui ne semble pas appuyée sur les chiffres des trois premières années du régime puisque les contributions nettes de l'assurance automobile ont, au contraire, été assez stables, 262 000 000 $, 233 000 000 $, 241 000 000 $ pour les trois dernières années. Donc, on peut à peine parler d'un accroissement. Peut-être pas non plus d'une diminution, à moins évidemment que les taux de contributions au régime d'assurance automobile eux aussi augmentent.

Ceci mis à part, ces deux possibilités d'augmentation des contributions aux deux régimes précités étant mises de côté, pour l'instant, à défaut de cela, on est en face d'un plafonnement qui ne sera que légèrement atténué par le fait que, comme les fonds malgré tout augmentent, comme les taux d'intérêt se maintiendront quand même à un niveau assez élevé, les revenus, eux, compenseront en partie la stabilisation des dépôts nets et il y aura une petite augmentation, une augmentation qui, en termes relatifs, sera quand même extrêmement modeste en pourcentage.

Ce que j'aimerais savoir c'est... Effectivement, on se trouve donc dès maintenant et pour une perspective de trois à cinq ans, sous réserve qu'il n'y ait pas de changement majeur dans les taux de cotisation à l'assurance automobile ou au réqime de rentes, devant la situation où essentiellement on se retrouvera l'an prochain, et l'année après, et l'année après sur le plan total des fonds dont dispose la caisse de dépôt pour le gouvernement du

Québec.

M. Parizeau: J'établirai quand même une nuance là-dessus, M. le Président, dans le sens suivant. C'est que les taux de contribution à l'assurance automobile sont des taux en dollars qui, jusqu'à maintenant, sont restés fixes. Il y aura, bien sûr, des décisions à prendre quant à savoir à quel niveau, dans cette perspective de trois à cinq ans, les taux en dollars de l'assurance automobile doivent être rétablis. Est-ce que cela montera plus vite que le prix du beurre? moins vite que le prix du beurre? pas du tout? Bon. Mais, il faut bien comprendre que là il s'agit d'un taux en dollars alors que dans le cas de la Réqie des rentes c'est tout à fait différent. C'est un pourcentage de la feuille de paie. Les contributions au Régime de rentes reflètent l'inflation. Cela le reflète parfaitement. Mais, comme ce n'était pas intégralement capitalisé au départ, il y a, indépendamment de l'ajustement à l'inflation par la Régie des rentes, un phénomène de trop peu perçu qui se produit dans les années qui viennent. Dans ce sens-là... Ce n'est pas une hypothèse de dire qu'on devra bouger ces taux, c'est une certitude. Le problème c'est de savoir quand, parce que la Régie de l'assurance-automobile ne se trouverait pas placée à court ou à moyen terme, comme la Régie des rentes où, à un moment donné, ça va se mettre à tomber. Il va falloir que le Canada Pension Plan et la Régie des rentes paient en pensions plus qu'elles ne ramassent, y compris le taux de rendement sur les placements déjà faits. À un moment donné, ça va se mettre à tomber et - le député de Saint-Laurent connaît tout aussi bien les projections qui ont été établies par un de ses ex-collègues, à l'époque où il était ministre des Affaires sociales et bien avant qu'il le soit - on sait très bien que quand les fonds de la Régie des rentes et du Canada Pension Plan vont tomber, ils vont tomber bien plus vite qu'ils n'ont augmenté. Le rythme de décroissance n'est pas un rythme de décroissance lente, ça tombe comme une roche.

Nous n'avons qu'une seule certitude dans le système. C'est qu'il va falloir augmenter les taux. Le problème encore une fois consiste a savoir quand Toronto, Ottawa et Québec se mettront d'accord sur la date.

M. Forget: M. le Président, je crois que le débat est un peu en porte-à-faux. Le ministre des Finances me donne l'impression d'avoir compris dans mon interrogation que je mettais en doute la nécessité d'augmenter éventuellement la contribution au Régime de rentes. Je l'ignore tellement peu que c'est moi qui ai proposé au Conseil des ministres, il y a quelques années, de créer le comité d'études COFIRENTES qui avait précisément pour but de regarder ce problème et un certain nombre d'autres problèmes qui y sont reliés. Donc, j'en suis parfaitement conscient. Mais, comme il le dit lui-même, le moment de cette hausse, puisqu'il s'agit d'une conjonction des bonnes volontés dans trois gouvernements, pose un certain problème parce qu'on ne sait pas à quel moment, justement, les gens vont avoir le bon goût de tomber d'accord sur une hausse de contribution.

Donc, comme ceci demeure hypothétique, au moins quant au moment et non pas quant au fait de savoir si oui ou non ce devrait être fait, si on regarde les projections financières du gouvernement et de la Caisse de dépôt, il faut donc bien mettre cette possibilité entre parenthèses en disant: oui, peut-être, mais à défaut de, quelle est la situation? Il semble bien que c'est là qu'on revient à la situation de départ. C'est que nous sommes effectivement... et ça, je pense que c'est important, on m'a donné une confirmation implicite, mais je pense qu'on comprend bien que j'aimerais bien avoir une confirmation un peu plus explicite de cette conclusion à laquelle on arrive: c'est qu'on a un plafonnement des fonds à investir, on a une velléité, je n'irai pas plus loin que ça, à laquelle a fait allusion le président-directeur général de la Caisse de dépôt, selon laguelle on aimerait probablement, sur une période de trois à cinq ans, redresser un peu l'équilibre en faveur de l'équité aux dépens de la date. Donc, sur le plan des finances gouvernementales, qui est notre principal centre d'intérêts ici, aujourd'hui, on doit se rendre compte que si on regarde la Caisse de dépôt comme client, en quelque sorte, de la dette à long terme du gouvernement, on doit se dire que c'est un client qui n'aura pas les moyens ou le goût, ou les deux combinés, de se porter acquéreur du montant, en chiffres absolus, croissant de la dette que le gouvernement émet chaque année. II y a donc un "pool" de fonds à investir que la Caisse de dépôt destine à des achats d'obligations nouvellement émises qui ne croîtra pas, qui est à peu près plafonné. On peut donc dire qu'à partir de maintenant, l'ordre de grandeur que représente le chiffre des ventes d'obligations à la Caisse de dépôt cette année, c'est à peu près ça, et ça restera à peu près ça, dans le moyen terme. Évidemment, sous réserve que si...

M. Parizeau: ...sous réserve! (16 h 30)

M. Forget: Sous réserve, bien oui. C'est une réserve qui est importante. Sous réserve que si on s'adonne à tomber d'accord avec le ministre des Finances fédéral et celui de l'Ontario sur l'augmentation des cotisations aux régimes de rentes, il se pourrait que la situation soit améliorée, toutes choses étant

égales par ailleurs, puisque, bien sûr, le désir de la Caisse de dépôt d'investir davantage dans l'équité pourrait se manifester au même moment et là, évidemment, il y a toutes sortes de possibilités, mais n'entrons pas là-dedans. Il reste que ça demeure hypothétique des deux côtés.

Je crois que ce qu'il est important pour nous de savoir à ce moment-ci, c'est que la perspective est qu'il n'y aura pas de fonds plus considérables dans l'état actuel des choses et des décisions à aller chercher du côté de la Caisse de dépôt.

M. Parizeau: Je suis tout à fait d'accord avec cette conclusion, cela me paraît être une expression même de l'arithmétique. Compte tenu des hypothèses qu'on soulève, si on se dit, au cours des trois ou cinq prochaines années, qu'il n'y aura pas de décision quant à la transformation, dans l'alimentation des régimes, il est évident qu'une Caisse de dépôt qui, comme à peu près tous les fonds de retraite du même genre, s'oriente davantage du côté de l'équité, a donc proportionnellement moins de fonds à mettre du côté de la dette. D'autre part, dans la mesure où il y a un certain plafonnement dans ses ressources, ça peut vouloir dire aussi un plafonnement dans les montants absolus qui y sont mis. Cela, c'est de l'arithmétique, on s'entend bien là-dessus, il n'y a pas de débat là-dessus.

Là où il pourrait y avoir à nuancer, cela c'est dans le sens suivant. Il est possible que le gouvernement ait même à réduire jusqu'à un certain point la proportion de ces fonds qu'il va chercher à la Caisse de dépôt, si tant est que les grands projets d'immobilisation qui viennent, d'ici quelques années, dans l'épuration des eaux et le transport en commun, exigeaient de faire de la place et davantage de place à la Caisse de dépôt pour les emprunts municipaux.

Je rappellerais à cet égard qu'en 1975, 1976 et 1977, les municipalités et les communautés urbaines au Québec empruntaient au-delà de 1 000 000 000 45, qu'au moment de la réforme fiscale municipale, elles étaient rendues à 700 000 000 $, ce qui représente, en volume, une grosse diminution, si on tient compte de 30% ou 40% d'inflation, car passer de 1 000 000 000 $ à 700 000 000 $, c'est une très forte réduction.

Or, on s'engage dans la voie inverse. Avec les programmes d'épuration des eaux et le transport en commun, les emprunts municipaux vont devenir beaucoup plus importants qu'ils l'étaient. Il serait tout à fait normal, il n'y aurait rien d'aberrant, compte tenu de son mandat, que la Caisse de dépôt, en plus des sommes qu'elle veut affecter de façon croissante du côté de l'équité, affecte une partie un peu plus importante de ses fonds du côté des emprunts municipaux. Qu'est-ce que ça voudrait dire? Cela voudrait dire que le gouvernement se tasse. Je dirais au député de Saint-Laurent que ça ne présenterait aucune espèce de caractère ni dramatique, ni anormal que le gouvernement, si tant est que c'était la décision des gouvernements au Canada, dise: On ne veut pas toucher aux taux de contribution pendant quelques années encore et dise aussi: Bon! dans ces conditions, c'est le secteur privé sur lequel le gouvernement du Québec comptera davantage et un peu moins sur la Caisse de dépôt.

Or, si les gouvernements au Canada disent: On va augmenter les taux de contribution, on n'aura pas à compter à ce point sur le secteur privé et, à ce moment-là, il y aura davantage d'argent du côté de la caisse.

Ce sont des vases communicants. L'augmentation des taux de contribution à la Régie des rentes, cela fera ça de moins d'argent, mutatis mutandis, je veux bien, du côté des compagnies d'assurances, des compagnies de fiducie, enfin, des fonds qui sont disponibles dans le secteur privé. En soi, ca ne me paraît pas absolument anormal qu'on puisse en arriver à une situation où la Caisse de dépôt dirait: Je veux davantage d'équité, parce que, compte tenu du climat inflationniste, c'est vraiment de cette façon qu'on se protège le mieux; compte tenu, d'autre part, des programmes d'investissements municipaux, je vais mettre davantage l'action sur les emprunts municipaux. Donc, dans ces conditions, j'ai moins d'argent pour le gouvernement. Il n'y a rien d'anormal là-dedans.

M. Forget: M. le Président, jusque là, tout va bien, mais il demeure que cette possibilité à laquelle fait allusion le ministre des Finances que le gouvernement se tasse, pour employer son expression, suppose l'une de deux choses, soit qu'il réduise ses besoins de financement net, soit qu'il ait véritablement des choix à faire pour sa dette à long terme. Or, il semble que, dans la situation actuelle et depuis un certain temps, la Caisse de dépôt a vraiment été un très bon client du gouvernement pour sa dette à long terme, au point d'en absorber, semble-t-il, près de 80% dans la dernière année. Je parle de la dette à long terme, je ne parle pas de toute la dette.

M. Parizeau: D'accord. Vous enlevez le 1 000 000 000 $ d'obligations d'épargne.

M. Forget: Oui, on y reviendra. Je ne sais pas si la Caisse de dépôt peut acheter des obligations d'épargne. On s'entend là-dessus, mais du côté de la dette à long

terme, il semble que la Caisse de dépôt soit vraiment un recours tout à fait singulier du gouvernement. Faut-il supposer qu'il y a un appétit insatisfait du côté des institutions privées qui donnerait véritablement une marge de manoeuvre au gouvernement de ce côté, s'il le souhaitait?

M. Parizeau: En fait, il n'y a pas de problème particulier. Au fond, c'est une question de stratégie de placements à l'égard de l'ensemble du secteur public. Le gouvernement, depuis quelques années, a comme attitude générale à l'égard de ses placements, d'aller chercher une bonne partie de ce qu'il lui faut à la Caisse de dépôt et de dégager dans l'ensemble le marché privé aux fins de laisser Hydro-Québec y emprunter. Dans la mesure où la Baie-James a impliqué des besoins de financement considérables, cela a très bien fonctionné. On s'est entendu d'ailleurs pour une sorte de partage des marchés étrangers. Le gouvernement du Québec n'est pas allé depuis fort longtemps sur le marché de New York, par exemple, c'est Hydro qui y va. Le gouvernement du Québec, de temps à autre, va dans des marchés exotiques avec Hydro-Québec. Quand on fait des emprunts en yens ou en deutsche marks, ou des trucs comme cela, on se partage agréablement le marché au hasard des circonstances. Dans l'ensemble, depuis quelques années, New York, c'est Hydro-Québec. Une bonne partie du marché privé canadien ou conventionnel, c'est HydroQuébec. Le gouvernement s'appuie surtout sur la caisse. Ces choses correspondent simplement à une stratégie de financement de l'ensemble du secteur public. Il faut bien comprendre à cet égard que je ne peux pas considérer un segment du secteur public comme étant en lui-même particulièrement significatif. Je pourrais donner moins d'argent aux municipalités, comme le gouvernement fédéral veut le faire à l'égard des provinces, dit-il, et forcer les municipalités à emprunter à ma place. Cela se ferait. Cela ne causerait aucune espèce de problème. Les municipalités emprunteraient; elles pourraient, sur la base de ce qu'elles empruntaient en 1976, emprunter presque 2 000 000 000 $ aujourd'hui. Elles n'empruntent pas 2 000 000 000 $, elles empruntent 700 000 000 $.

Nous déterminons les tarifs d'électricité en vertu de nos lois au Québec. On pourrait bien déterminer qu'on augmente les taux d'électricité, puisqu'on l'a fait; Hydro-Québec emprunterait moins. Ce sont des vases communicants. Hydro, le gouvernement, les municipalités, les commissions scolaires, sont tous des vases communicants. L'important, c'est de savoir quel est le stock d'emprunt nécessaire pour l'ensemble du secteur public. Comment, jusqu'à un certain point, on spécialise chacun des emprunteurs dans certains types de marché? Il n'y a pas de dogme, il n'y a pas de religion là-dedans. C'est ce qu'il y a de plus commode pendant un certain nombre d'années. Les circonstances chanqent et deviennent différentes et on change de stratégie. La seule chose qu'on ne peut pas vraiment changer, c'est combien le secteur public québécois doit-il emprunter? C'est la donnée fondamentale.

Une fois qu'on a déterminé dans l'année combien le secteur public québécois doit emprunter, après cela, la répartition entre les différents acheteurs et les différents marchés, cela devient des questions commodes, utiles. C'est tout.

M. Forget: Dans l'hypothèse où le gouvernement du Québec choisirait de se tasser au profit des municipalités, relativement à la Caisse de dépôt, quelles en seraient les implications pour le coût du service de la dette du Québec? Est-ce qu'il serait possible au gouvernement du Québec d'aller chercher sur les marchés privés l'autre de ces vases communicants, les mêmes sommes au taux que pratique à son égard la Caisse de dépôt? En revanche, est-ce que la Caisse de dépôt ferait les mêmes conditions aux municipalités? Je pense, par exemple, aux nouveaux taux, à la nouvelle politique qui a été adoptée l'an dernier relativement à la décision de faire concurrence en quelque sorte au Heritage Fund. Est-ce qu'on adopterait la même attitude face aux municipalités ou est-ce qu'on adopterait une attitude différente?

M. Parizeau: À partir du moment où le Heritage Fund ne prête vraiment qu'aux institutions qui produisent de l'énergie au Canada et à certains gouvernements de provinces, mais jamais au municipal, enfin à ma connaissance - vous n'avez pas entendu parler de cela? - comme le Heritage Fund ne prête pas aux municipalités, il n'y a aucune espèce de raison qu'on s'aligne, qu'on étende les conditions du Heritage Fund aux municipalités nous-mêmes. Nous avons eu à répondre à une politique adoptée par le Heritage Fund, mais cette politique n'était adoptée qu'à l'égard des compagnies d'Hydro ou à l'égard des gouvernements provinciaux; elle n'était pas appliquée aux municipalités. Il n'y a pas de raison de suivre le Heritage Fund sur un terrain où il ne s'est pas engagé.

M. Forget: Oui, c'est une façon de dire qu'on ne le suit pas en s'en inspirant pour ne pas y aller. Il reste que...

M. Parizeau: La concurrence a des vertus.

M. Forget: ... le Heritage Fund... Oui, la concurrence a des vertus, mais il reste que, lorsqu'un orqanisme public comme la Caisse de dépôt et placement du Québec pratique certains taux face au gouvernement et qu'elle n'a comme toute excuse pour partiquer d'autres taux face à des institutions comme les municipalités, ou la ville de Montréal, ou la communauté urbaine de Montréal ou de Québec, etc., de dire: Comme le Heritage Fund en Alberta, qui est dans une situation financière sensiblement différente de la caisse, comme le Heritage Fund ne prête pas à la ville de Montréal, nous allons peut-être lui prêter, mais en se basant sur des considérations différentes. Il me semble qu'on prend peut-être là un prétexte d'une analogie qui n'en est pas une.

M. Parizeau: Non, M. le Président, je m'excuse, mais là, il y a une erreur quant à la Loi de la Caisse de dépôt et placement du Québec, il y a une différence fondamentale. C'est que la Caisse de dépôt et placement du Québec peut, en vertu de sa loi, depuis le début d'ailleurs, cela n'a jamais été changé, prendre à la limite une émission entière d'Hydro ou une émission entière du gouvernement du Québec, alors qu'à l'égard des municipalités, c'est très différent, elle ne peut prendre qu'une proportion définie de 20% d'une émission municipale. Il faut que l'émission municipale se soit d'abord placée à un certain taux. Là, la Caisse de dépôt et placement du Québec en vertu de sa loi peut dire: Je prends 10% de cette émission au taux qui a été établi ou 20% au taux qui a été établi, mais elle ne peut pas dépasser 20%. Dans ce sens, par exemple, une municipalité ne pourrait pas faire un placement privé à la Caisse de dépôt et placement du Québec, comme le gouvernement peut faire un placement privé ou Hydro peut faire un placement privé. C'est une différence fondamentale, mais elle découle de la Loi de la caisse depuis qu'elle existe.

M. Forget: Et pour ce qui est des conséquences sur le coût du service de la dette pour le gouvernement du Québec d'une décision de laisser à la Caisse de dépôt et placement des disponibilités suffisantes pour absorber un certain nombre d'émissions municipales, par exemple, ou de communautés urbaines, ne peut-on pas prévoir qu'il y aura un impact de ce côté?

M. Parizeau: Mais il y a sûrement un impact en ce sens que, si la caisse est très active, comme client, jusqu'à concurrence de 20% sur des obligations municipales, il est évident que l'obligation municipale se place mieux, dans des conditions meilleures.

M. Forget: Je m'excuse, le ministre n'a pas compris le sens de ma question. M. Parizeau: À l'opposé.

M. Forget: À l'opposé, les émissions du gouvernement du Québec, qui seraient achetées ou offertes au secteur privé et peut-être même qui seraient offertes sur le marché de New York, ne seraient pas absorbées au même taux, aux mêmes conditions que le Heritage Fund présumément ou que celles de la Caisse de dépôt et placement.

M. Parizeau: Sûrement pas aux conditions du Heritage Fund, mais il faudrait savoir exactement jusqu'où le Heritage Fund est prêt à aller. Je vais chercher mon bien où il se trouve. Cela ne m'a jamais dérangé d'aller chercher de l'argent au Heritage Fund.

M. Forget: On n'en fait pas le procès au ministre des Finances; on veut tout simplement savoir comment il mesure son profit.

M. Parizeau: S'il y a quelque part de l'argent solide et bon marché, s'il y a de l'argent disponible bon marché, pourquoi n'irais-je pas le chercher, d'autant plus qu'au fond il y a des choses amusantes, enfin intéressantes qui se passent? On connaît bien le débat à l'heure actuelle qui consiste, pour le gouvernement fédéral, à dire: Je ne veux pas donner trop d'argent aux provinces; je veux même réduire l'argent que je donne aux provinces, mais serait-il intéressant que les provinces entre elles établissent une forme de péréquation? Je comprends très bien que l'Alberta, étant la province désignée pour une opération comme celle-là, cherche plutôt à accélérer les prêts à partir du Heritage Fund plutôt que de se faire prendre dans un programme de péréquation individuelle dans le genre initiatives locales à l'égard des autres provinces. Il est évident que le Heritage Fund s'ouvre davantage. C'est pour cela que je ne peux pas répondre à ce que dit le député de Saint-Laurent vraiment. On peut fort bien en arriver à une situation où la Caisse de dépôt et placement passe davantage d'argent aux municipalités à l'intérieur du 20% où cela tasse un peu le gouvernement, mais le gouvernement profite du fait que le Heritage Fund serait particulièrement sympathique pendant quelques années. Ce n'est pas de la religion, on va chercher le pognon où il est. (16 h 45)

M. Forget: Alors je pense que cela fait le sommaire de la situation. Nous avons donc une perspective sur une certaine période d'années où les fonds dont dispose la Caisse de dépôt, à moins de décisions majeures dans des domaines que nous avons discutés tout à

l'heure, sont essentiellement ceux que nous connaissons actuellement comme ordre de grandeur. Il est possible que le gouvernement continue à s'en prévaloir au même rythme et il est possible également qu'il veuille permettre aux municipalités d'y avoir recours et à ce moment-là l'alternative sur lequel il mise est soit d'avoir recours aux marchés étrangers ou au marché canadien tel que le Heritage Fund.

M. Parizeau: Au marché canadien conventionnel ou Heritage Fund ou aux marchés étrangers dépendant du risque de change, M. Forget.

M. Forget: Dépendant des possibilités, à ce moment-ci les implications sur le service de la dette sont différentes.

M. Parizeau: Non ce n'est pas tellement une question de croisière de possibilités, c'est une question de, comment dire, il y a un lot de facteurs nombreux qui interviennent là-dedans. Prenez, par exemple, l'argent est encore diponible dans les pays comme la Suisse ou l'Allemagne, à des taux relativement bon marché. Ils sont bon marché parce que le taux d'inflation est faible dans ces pays, mais aussi parce qu'il reste encore un certain nombre d'emprunteurs qui se disent que le taux de change du franc suisse avec le dollar américain ou que le taux du deutsche mark par rapport au dollar américain va continuer de s'affaisser.

Ce ne sera pas évident, indéfiniment. On sent très bien par des choses qui se passent actuellement en Allemagne en particulier que ces perspectives vont s'atténuer, seulement, ceux qui seront les derniers à aller emprunter en Allemagne ou en Suisse à des taux qui reflètent encore ce genre de préoccupation, quand la réalité des choses sera changée, eux vont faire un coup d'argent extraordinaire. Dans ce sens, on ne peut pas empêcher l'habileté; il y aura des gens qui auront du pif là-dessus et des gens qui n'en auront pas. Des gens qui seront bien conseillés et des gens qui seront mal conseillés. Si l'avenir était parfaitement connu, toute chose serait tellement simple!...

M. Forget: D'après ce que le ministre des Finances nous en dit, on a un peu l'impression qu'il se croit bien conseillé ou qu'il se donne le mérite d'avoir du pif et qu'il a peut-être l'intention de spéculer un peu sur les possibilités de dévaluation du mark allemand au cours des prochains mois.

M. Parizeau: Mais nous l'avons tous fait, M. le Président.

M. Forget: Avec des résultats variables.

M. Parizeau: Nous l'avons tous fait, tous les emprunteurs en franc suisse depuis quinze ans, il y en a quelques-uns au Québec et un peu partout dans le monde même chez les gens très sérieux.

M. Forget: Moi, je n'ai pas d'autres questions au sujet de la Caisse de dépôt, je pense que nous devons féliciter son président pour un rapport annuel qui est d'une très belle tenue et qui contient beaucoup d'informations. Je crois qu'il y a eu du progrès de ce côté-là et je pense qu'on doit le souligner. Je n'ai pas d'autres commentaires.

Études des politiques économiques et fiscales

Le Président (M. Desbiens): Alors est-ce que nous revenons à l'étude programme par programme? Oui. Le programme 1 sur les études des politiques économiques et fiscales élément 1 politiques fiscales est-ce que l'élément 1 sera adopté? Programme 1 élément 1?

M. Forget: Un instant, M. le Président. Oui, j'aimerais aborder avec le ministre des Finances la question de la nouvelle division des responsabilités entre le ministère des Finances et le Conseil du trésor. Nous ferons cela aussi rapidement que possible, mais je pense qu'il est intéressant, voir rassurant le tableau qui se dégage de la situation nouvelle, d'après les témoignages des deux ministres impliqués, soit le plus concordant possible. Je peux dire que l'impression qui se dégage de notre échange, ce matin et au début de l'après-midi, avec le président du Conseil du trésor, c'est une image d'une très grande collégialité. C'est le moins qu'on puisse dire.

Le président du Conseil du trésor a pris beaucoup de soin pour minimiser ses responsabilités, mais comme il demeure un homme politique, M. le Président, il a aussi, de la même façon, minimisé les responsabilités du ministre des Finances et il nous a laissé croire que finalement, toutes les décisions ne se prennent plus que collégialement, au Conseil des ministres ou du moins au comité des priorités du gouvernement. Je crois que c'est assez habile de la part du président du Conseil du trésor qui devra avoir à défendre un grand nombre de décisions impopulaires, que de minimiser son propre rôle, dans tout cela.

Mais, il reste qu'on s'interroge un peu sur ceux qui, effectivement, doivent assumer la responsabilité de présenter des recommandations au Conseil des ministres et au comité des priorités.

J'aimerais que le ministre des Finances nous éclaire un peu là-dessus, selon sa façon à lui de voir les choses, parce qu'il semble

bien - et je terminerai là-dessus - que selon son collègue du Conseil du trésor, il y a une concertation étroite entre les deux ministères, mais qui se bornerait surtout à se mettre d'accord sur les éléments techniques qui doivent être utilisés, les hypothèses techniques d'accroissement de la masse salariale, du taux d'inflation, etc. Et une fois qu'on s'est mis d'accord sur les choses techniques, les vraies décisions sur les priorités gouvernementales, sur les coupures à effectuer, sur leur importance et leur orientation, que tout cela, c'est plutôt le fruit d'efforts collectifs de l'ensemble des ministres qui sont membres du comité des priorités. Il n'y a pas vraiment de leadership qui soit assumé à un endroit bien identifiable.

Si tel est le cas, on est en face d'un gouvernement qui a peut-être une politique financière, mais il sera impossible, à jamais, de savoir exactement qui en est vraiment responsable. Et c'est un peu avec incrédulité qu'on a écouté le président du Conseil du trésor, ce matin. Mais, peut-être que finalement, il a raison; on a peut-être réalisé la symbiose idéale de tout gouvernement, qui est d'avoir vraiment un collectif, de devenir un collectif absolument sans failles.

Mais malgré tout, cela taxe un peu l'imagination et nous serions intéressés à entendre les commentaires du ministre des Finances à ce sujet.

Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.

M. Parizeau: M. le Président, le ministre des Finances n'a pas de commentaires à faire à ce sujet. Appartenant au même gouvernement que celui du président du Conseil du trésor, j'ai, par définition, les mêmes buts que lui. Je n'ai pas entendu ce qu'il a dit ce matin, mais je suis persuadé que ce qu'il a dit a été bien dit.

M. Forget: Vous avez un "A" pour la solidarité. Il demeure, pour préciser un peu les choses, que le Conseil du trésor est le seul qui dispose d'une équipe d'analystes qui est en relation directe avec chacun des ministères. Le Conseil du trésor est le seul qui puisse vraiment mesurer le bien-fondé, la force de persuasion - si on peut la désigner ainsi - de chacun des ministères pour défendre sa cause, pour résister à des coupures, ou même pour arracher des programmes de développement.

Même si la lettre du fameux arrêté en conseil dit bien que les enveloppes sont approuvées par le ministre des Finances, on s'interroge un peu sur la substance de cette opération d'approbation. Est-ce qu'il s'agit d'un visa de conformité du total avec le total qui doit être atteint pour que l'équilibre budgétaire prévu par le ministre des Finances soit satisfait? Autrement dit, on s'assure que les sommes soient bien faites, ou s'agit-il de passer un jugement sur la validité de ce qui est derrière ces sommes? S'il s'agit de porter un jugement sur la validité, on s'attendrait que le ministère des Finances s'équipe désormais non pas seulement d'un bureau d'études sur la conjoncture et les politiques fiscales générales mais d'une espèce de second regard, de la capacité d'un deuxième regard sur les arbitrages qui sont faits au niveau du Conseil du Trésor, entre les ministères, à savoir si vraiment il faut des effectifs additionnels dans tel et tel endroit, est-ce que vraiment tel programme ne tient pas debout à moins qu'on y ajoute un petit supplément ou est-ce que vraiment les coupures sont intolérables à tel ou tel endroit pour telle ou telle raison? Le ministre ne peut pas faire ça tout seul et s'il n'en est qu'informé par son collègue, je pense bien que, encore une fois, il s'agit de vérifier des sommes et non pas de porter un jugement sur les éléments qui constituent la somme. De ce côté-là on peut peut-être nous annoncer qu'on va faire un effort de recrutement pour que l'équipe du ministère des Finances se développe dans le sens nécessaire pour faire des analyses comme celle-là.

M. Parizeau: M. le Président, je ne vois pas où est l'ambiguïté. Il me semblait que l'arrêté en conseil qui a été passé est quand même très clair. Pour être clair il faut habituellement être succinct et il est très succinct. Les enveloppes budgétaires totales de chacun des ministères et le coût des mandats monétaires aux tables de négociations collectives doivent être approuvés par le ministre des Finances. C'est tout. C'est clair. Qu'est-ce qu'on veut qu'on ajoute? Quatre pages d'explications?

M. Forget: Oui, ça pourrait aider.

M. Parizeau: Si jamais ça causait une ambiguïté comme j'ai eu l'occasion et l'honneur de le dire à l'Assemblée nationale, je déjeunerais avec mon collègue.

M. Forget: Oui, mais comme nous ne sommes pas invités à ces déjeuners, M. le Président, nous n'en connaissons même pas le menu. On voudrait, en particulier, savoir si on y mange froid ou si on y mange chaud.

M. Parizeau: On y mange chaud, M. le Président, mais on discute à froid.

M. Forget: Bon, alors, M. le Président, si c'est tout ce que le ministre des Finances peut nous dire sur le sujet, je n'ai pas l'intention de prolonger le supplice.

M. Parizeau: Oh, il n'y a pas de supplice, M. le Président; Un lunch au Parlementaire n'est jamais un supplice.

M. Forget: Surtout si c'est un prix de consolation.

M. Parizeau: Ah non! Je paie mes repas, M. le Président.

M. Forget: Je pense qu'il demeure assez clair, d'après les réponse que nous avons reçues à la fois ce matin et cet après-midi, qu'on a convenu, et c'est peut-être la première entente et j'espère que ce ne sera pas la seule entre les deux ministres, qu'il valait mieux ne pas aller dans les détails sur un sujet comme celui-là. Je leur souhaite bonne chance, mais de toute façon nous pourrons nous livrer aux conjectures qui nous plairont. Il demeure qu'il doit bien y avoir quelque part une clé à ce problème.

M. le Président, j'aimerais passer à des choses non pas plus sérieuses mais peut-être plus concrètes et demander au ministre s'il serait possible d'examiner, puisqu'on en est à la partie du budget qui traite des études, jusqu'à quel point des études sont faites qui nous permettraient de déterminer, de faire une mise à jour si l'on veut, des prévisions de revenus et de dépenses, d'abord pour l'exercice qui s'est terminé le 31 mars 1981. Nous attendons, j'imagine, de façon imminente la dernière tranche des rapports trimestriels qui pourrait nous informer sur l'état final non encore vérifié, bien sûr, des comptes publics pour cette année-là mais surtout en tenant compte du fait que nous sommes maintenant au début de juin, donc nous nous situons environ quatre ou cinq mois après la date à laquelle ont été arrêtées les prévisions de revenus et de dépenses - on en sait quand même plus long maintenant qu'on en savait en janvier ou février - quelles sont, de façon un peu plus précises, les perspectives que les prévisions budgétaires se concrétisent conformément à ce qui avait été prévu? (17 heures)

II y a un certain nombre de points auxquels on peut faire allusion. Je crois qu'il en a déjà été question en dehors de l'Assemblée nationale et, si je comprends bien, pour un de ces points, on a admis que le calcul des dépenses prévues aux crédits était très optimiste; il s'agit de l'aide sociale. Une estimation sommaire à laquelle je me suis livré m'a permis de juger qu'il y avait un défaut, pas un manque à gagner, mais c'est un manque à dépenser d'à peu près 100 000 000 $ à 110 000 000 $, si ce n'est pas davantage.

Je pense que le ministre des Finances a confessé qu'effectivement les renseignements les plus récents qu'il avait ne lui permettaient pas de contredire un chiffre comme celui-là. Il y a la question de l'indexation des salaires, sur laquelle on a eu un bref échange avec son collègue, le président du Conseil du trésor. Il semble que, de ce côté, il n'y a aucun problème. On aimerait en entendre la confirmation de la part du ministre des Finances. Enfin, il y a les prévisions relativement au secteur scolaire et au secteur hospitalier. Est-ce que, à la suite de tous les débats, de tout ce qui s'est déroulé depuis, à l'expérience, on est toujours confiant que les budgets tels que prévus au livre des crédits pourront se réaliser? Voilà pour les dépenses. Je reviendrai plus tard aux revenus.

M. Parizeau: M. le Président, d'abord, un mot sur notre précédent échange. Quand le député de Saint-Laurent dit que je ne veux pas donner, avec mon collègue du Conseil du trésor, des détails sur notre façon de procéder, cela n'est pas exact. Sauf erreur, selon les échos que j'en ai eus, le président du Conseil du trésor a donné beaucoup de détails. Je suis heureux de voir, comme il dit, qu'il est disposé à revenir à des choses plus concrètes. Moi aussi.

Donc, passons aux projections, c'est-à-dire aux états financiers - parce qu'on n'en est plus à des projections au 31 mars 1981 -et aux projections pour l'année qui vient. La première synthèse trimestrielle est préparée, comme on le sait, pour la fin de juin et sera publiée dans le courant du mois de juillet. Elle devrait comporter, à ce moment-là, ce qui serait une estimation préliminaire mais quand même assez exacte des données financières 1980-1981. Les livres, à ce moment-là, sont fermés et ont été vérifiés de façon interne par le contrôleur des finances. Nous en sommes à l'étape actuelle suivante, c'est-à-dire que les compilations sont faites, mais le contrôleur des finances doit maintenant passer à travers tout ça.

La première impression que nous avons, c'est que ce qui avait été annoncé dans le discours sur le budget quant à l'année 1980-1981 est à peu près réalisé; peut-être un peu mieux, en ce sens que les dépenses sont peut-être un peu moins fortes, les revenus sont peut-être un peu plus forts, mais alors là, c'est vraiment peu de choses. Donc, ce qui avait été annoncé dans le discours sur le budget pour 1980-1981, dans l'ensemble, tient, mais, encore une fois, c'est une vue très préliminaire des choses et il faut que le contrôleur des finances passe à travers tout ça, nous fasse un rapport à temps pour qu'on puisse le sortir dans la synthèse d'avril à juin publiable dans le mois de juillet.

Dans ce sens, je pense qu'il n'y aura pas de surprise. S'il y en avait, ce serait plutôt dans le sens un peu plus favorable que ce qui avait été indiqué là. Je n'y compte pas nécessairement, ça peut être assez petit.

En ce qui a trait aux projections de

1981-1982, il y a une série de questions qui ont été posées par le député de de Saint-Laurent, il faudrait les reprendre une à une. Il a mentionné un certain nombre de très grands programmes, d'éléments majeurs des dépenses du gouvernement, l'aide sociale, l'indexation, les secteurs scolaires et sociaux. On va prendre ces quatre questions une après l'autre. En ce qui a trait a l'aide sociale, je comprends très bien que le député de Saint-Laurent ait l'impression - même plus qu'une impression - que si les choses évoluent sans être modifiées, on peut se trouver dans une situation où, d'année en année, une sorte de manque à pourvoir apparaîtrait dans les crédits. Je suis très conscient de cela. J'ai eu l'occasion d'ailleurs de le dire à plusieurs reprises publiquement. Nous devons assurer, au titre de l'aide sociale, à ceux qui sont les plus démunis et les plus mal pris dans notre société, une sorte de plancher de revenu minimum. On n'en disconvient pas, il faut le faire. C'est une responsabilité élémentaire de la société. Néanmoins, il faut aussi reconnaître - j'ai eu l'occasion de le dire, sauf erreur, dans deux discours sur le budget successifs - que, comme une bonne partie de la population, on est conscient qu'il y a une sorte de resserrement administratif à faire parce qu'il y a des abus, parce qu'il y a des contrôles un peu plus efficaces à établir et qu'il faut donc faire une sorte de pression sur la machine de façon assez systématique pour que ce programme qui, encore une fois, est essentiel au fonctionnement de la société, soit administré de façon aussi rationnelle, aussi correcte que possible.

Je vais donner un exemple que, je pense, tout le monde comprendra. Cela fait déjà un certain temps que je suis préoccupé par le fait qu'il y a une différence énorme dans les prestations mensuelles entre ce que l'on accorde à un célibataire apte au travail de moins de trente ans et ce qu'on accorde au même célibataire de moins de trente ans, s'il est déclaré inapte temporairement. Je ne parle pas des inaptes permanents, je ne parle pas des handicapés, je parle d'une inadaptation temporaire. Ce n'est un secret pour personne, que quand la différence de revenu mensuel est tellement forte, il y a une sorte d'incitation perpétuelle et permanente à chercher à être inapte temporaire et qu'un resserrement élémentaire ferait du bien à tout le monde, parce que peut-être tout le monde aura l'impression que les fonds publics sont un peu mieux gérés.

Des opérations qui sont de cet ordre et qui sont essentiellement administratives, le député de Saint-Laurent le sait pour avoir lui-même été préoccupé par le même genre de problèmes pendant des années, ce n'est pas facile à faire. Cela représente une sorte de travail persistant, constant, pour chercher à améliorer les modes administratifs. Cela ne fait qu'un an et demi que je suis là-dedans et il l'a été beaucoup plus lonqtemps que moi, il sait exactement ce que je veux dire par là, cela demande une persistance de tous les diables. Peut-être qu'effectivement, en mettant, comme je l'ai fait depuis deux ans, une sorte de pression constante sur la machine, je me tromperai? Je me suis déjà trompé, mais la pression reste là cependant. J'aime mieux faire cela comme cela, en ayant cet espoir qu'un système essentiel au fonctionnement de la société sera graduellement mieux administré que de simplement faire des projections mécaniques en disant: Cela a coûté tant historiquement telle année, on ajoute un coefficient d'indexation, on projette des augmentations de clientèle et on regarde simplement ce que cela donne.

Au fond, il n'y a pas de débat véritable entre le député de Saint-Laurent et moi, il sait très bien de ce dont je parle. Si on fonctionne de façon purement mécanique, évidemment, on arrive à des taux de progression absolument invraisemblables. D'un autre côté, il y a cette préoccupation constante de faire en sorte que ce programme soit administré de façon serrée, c'est plus qu'une préoccupation constante, c'est une responsabilité élémentaire. Il y aura chaque année une sorte de débat des incroyants un peu sceptiques qui se disent: Vous allez en chercher bien trop, vous n'y arriverez pas, et ceux qui disent: Vous avez peut-être raison, mais il faut essayer.

Pour ce qui a trait à l'indexation des salaires, c'est une opération effectivement assez mécanique. Sur ce que nous coûte en termes de taux, un taux d'inflation défini, à partir de la convention collective, cela se projette sans difficulté particulière. Comme l'indexation se fait de juin à juin, il va falloir attendre le taux de juin pour savoir exactement à combien on se situera. J'ai attrapé, simplement en arrivant un peu plus tôt que l'heure indiquée, les réflexions de M. Bérubé sur le taux d'inflation. On a fonctionné effectivement à 12,2%. Cela peut être différent de quelques dixièmes de points, mais il faut reconnaître qu'on est à la merci, en termes de quelques dixièmes de points, d'un achat de Pétrofina ou de n'importe quoi et des conséquences que cela a sur le prix de l'énergie. Je pense que les 12,2% ne sont pas totalement incorrects. Il est évident que cela peut varier, une fois les livres fermés pour un an - on saura cela à la fin du mois - de quelques dixièmes de points. Mais si vous mettez 60 000 000 $ par un point de différence sur l'indexation et qu'on parle effectivement de quelques dizaines de points, il n'y a pas là, compte tenu des masses énormes dont il s'agit, à s'étonner des différences qu'il pourrait y avoir dans les projections. Dans ce sens, cela ne m'inquiète pas particulièrement.

Je ferais remarquer cependant, parce que c'est un débat important depuis quelques mois et cela va l'être encore pendant quelques semaines, que le coût de l'indexation des salaires et l'application des conventions collectives et des taux que comportent les conventions collectives, ce n'est pas le budget de salaires. Le budget de salaires implique qu'on multiplie cela par un certain quantum, le nombre de gens embauchés. Il n'y a qu'une seule de nos conventions collectives qui comporte un quantum, c'est la convention des enseignants. Une fois qu'on a compté les élèves et qu'on applique la tâche de l'enseignant telle que définie par la convention collective, on détermine le nombre d'enseignants au bout. C'est la seule convention collective qui est de cette nature, toutes les autres conventions collectives ne précisent pas de quantum.

Quand il s'agit d'établir le coût de la feuille de paie, ce n'est pas seulement du facteur d'indexation qu'on ajoute à la convention collective qu'il faut tenir compte, c'est du nombre de gens qu'on embauche au bout. Un budget, ce n'est pas le reflet de la convention collective, c'est la convention collective multipliée par les quanta établis.

À supposer que, par exemple, le taux d'inflation soit plus fort que prévu, que le coût des salaires soit plus fort que prévu, on peut toujours se rattraper sur le plan des quanta, parce qu'ils ne sont pas prévus par la convention collective. Cette nuance, je pense, est importante.

Quant au secteur scolaire et au secteur social, c'est un monde! Je ne veux pas traîner ma réponse pendant des heures, quitte à ce que le député de Saint-Laurent intervienne à nouveau sur les mêmes questions tout à l'heure, mais je dirais à peu près ceci: Les instructions quant au secteur scolaire sont à peu près toutes expédiées et déjà depuis fort longtemps. Dans l'ensemble, les commissions scolaires savent exactement à quoi s'en tenir. Il y a eu évidemment des ajustements faits sur l'éducation des adultes qui vont avoir certaines répercussions sur leurs budgets, mais c'est relativement marginal par rapport à l'ensemble de leurs enveloppes. Elles savent à quoi s'en tenir. Je ne crois pas, en tenant compte de ce que je dirai tout à l'heure - je demanderai ici l'indulgence du député de Saint-Laurent, parce qu'il va falloir que je parle de quelque chose d'un peu nouveau sur ce plan - qu'on ait de grosses surprises de ce côté. Pas plus qu'on en a eu d'ailleurs pour 1980-1981 où, en fait, pour la première fois, le coût des commissions scolaires dans les crédits et dans le budget du Québec tombe exactement pile, à 12 000 000 $ près, au montant qui avait été prévu. C'est la première fois que cela se produit; avec 12 000 000 $ non pas en plus, mais en moins.

Les affaires sociales, c'est autre chose. Dans la mesure où les réseaux de santé n'ont pas encore tous reçu leurs cadres budgétaires, il reste des ajustements possibles. Il faut dire que les organisations de santé sont beaucoup plus diversifiées que peuvent l'être les commissions scolaires. Les commissions scolaires, cela fait assez longtemps qu'elles sont normées, alors que, par exemple, les hôpitaux ne le sont pas vraiment, en ce sens qu'il y a des hôpitaux qui sont, selon le jargon que connaît bien le député de Saint-Laurent, en excédant de ressources depuis fort longtemps et d'autres qui, au contraire, entrent à peu près dans leurs budgets. Certains hôpitaux et, en particulier, certains gros hôpitaux de Montréal et de Québec, ont eu dans le passé des dépassements considérables par rapport aux budgets qui leur étaient normalement affectés, habituellement parce qu'ils embauchaient trop de monde. Donc, les programmes, les budgets qu'on affecte aux hôpitaux doivent être beaucoup plus spécifiques à la situation de chaque hôpital. (17 h 15)

Depuis trois ans, nous fonctionnons sur des courbes de redressement budgétaire qui sont littéralement déterminées par la situation de chaque hôpital. Par exemple, il y a des hôpitaux qui ne nous posent aucune espèce de problème. C'est la majorité, d'ailleurs, qui est administrée depuis plusieurs années à l'intérieur de son budget et qui ne nous cause pas de problème. Donc, qu'est-ce qu'on applique sur le plan budgétaire à ces hôpitaux? Essentiellement, les hypothèses qu'on fait quant au coefficient d'indexation à appliquer ou à ne pas appliquer à ce qui n'est pas masse salariale, les applications des conventions collectives aux salaires des employés, certains jugements à apporter quant aux compressions qu'ils peuvent apporter sur certains postes. Mais cela pour 150 ou 170 hôpitaux, ce sont des règles relativement mécaniques qui permettent de déterminer les enveloppes. Pour 60 ou 70 hôpitaux, au contraire, ils sont sur une courbe de redressement budgétaire qui est très spécifique à chacun d'eux. C'est une des raisons, d'ailleurs, pour lesquelles il y a cette espèce de décalage dans le temps en ce qui a été fait à l'égard du réseau de l'enseignement et ce qui a été fait dans les affaires sociales. C'est beaucoup plus compliqué. Parce que là, c'est chaque hôpital. On dit à un hôpital: Vous avez, par rapport à toutes les normes connues, 600 employés de trop. Vous allez suivre tel cheminement pour revenir pendant un an, cela n'aurait pas de bon sens, mais graduellement, aux normes reconnues. Vous n'avez que 100 personnes de trop sur le même nombre de lits. Bien vous, vous pouvez y aller plus rapidement, mais cela va représenter une compression moins grande.

Or, c'est beaucoup plus humain, dans ce domaine.

Est-ce qu'on va arriver, dans le domaine des réseaux des affaires sociales, aux genres d'objectifs en termes de crédits généraux auxquels on pense? Oui, je le crois. Mais peut-être avec des ajustements entre les postes plus nombreux, plus diversifiés que dans le cas de l'enseignement avec des échanges entre les différents postes. Mais cela, je pense que c'est dans la nature des choses. En soi, ce n'est pas particulièrement surprenant. Mais encore une fois, dans un cas comme dans l'autre, je pense que l'objectif de compression est clair et que, sujettes à ces ajustements dont je parlais tout à l'heure, les enveloppes essentielles, elles, vont être maintenues. Je ne verrais pas pourquoi elles ne le seraient pas, sauf, une échappatoire qui commence à devenir gênante. C'est normal que cela devienne gênant maintenant. Seulement, il faut prendre ce taureau par les cornes. Il y a une façon, pour tout organisme de réseau, d'échapper au contrôle des dépenses que le gouvernement voudrait exercer. C'est d'emprunter à la banque. Je suis persuadé que, si les 26 ou 28 sous-ministres du gouvernement sur lesquels on fait toutes sortes de pressions depuis deux ou trois ans, avaient la possibilité d'emprunter à la banque, ce serait le même phénomène. Mais malheureusement, eux, n'ont pas de chance, ils ne peuvent pas emprunter à la banque. Une commission scolaire peut emprunter à la banque, un hôpital peut emprunter à la banque. Le danger là-dedans, on en sait quelque chose, ce trou maintenant mythique dans notre société des 500 000 000 $ nous montre clairement qu'il est tout à fait possible pour des organismes d'aller emprunter à la banque, surtout quand ils ont des banquiers au conseil d'administration. Il y a une sorte d'osmose à cet égard.

Il est évident que quand vous établissez une certaine compression, disons celle d'il y a trois ans, sur certains établissements, la compression, ils peuvent la prendre. La première année de compression, ce n'est jamais bien sérieux. On s'adapte. La deuxième année, c'est plus dur. On commence a avoir la tentation d'aller chercher à la banque des choses qu'on ne devrait pas aller chercher. La troisième année, quand cela commence vraiment à râler comme ça râle à l'heure actuelle, la banque devient le sauveur de l'humanité éplorée. Et au lieu d'être en face de 950 organismes de réseau des affaires sociales et 250 commissions scolaires, je suis en face de huit banques. Mais ce sont toujours les mêmes dépenses.

Alors cela, il est évident que, compte tenu de l'ampleur et de la persistance que l'on met dans les compressions, il faut établir avec les banques des conventions un peu plus serrées que cela n'existait jusqu'à maintenant. Il faut reconnaître qu'à l'heure actuelle, quand une institution de réseau -c'est fondamental pour comprendre le contrôle des dépenses au Québec - veut emprunter à la banque, elle va à un service du ministère de l'Éducation, si cela relève de là, ou à un autre service aux Affaires sociales, si cela relève de là, ou à un autre service à la Commision municipale de Québec en disant: Est-ce que vous pourriez monter mon autorisation de ligne de crédit à la banque de 1 000 000 $ à 3 000 000 $? Il faut reconnaître que ces organismes qui font leur possible ne sont pas cependant très hauts dans la hiérarchie et qu'à un certain moment, on peut avoir - je dis on peut, c'est une hypothèse que je pose l'impression qu'une sorte de tampon se fait mettre sur la demande et la demande part. C'est dangereux. On a eu largement un trou de 500 000 000 $ à l'Éducation à cause de cela, nous, et M. Garneau avant moi. Son trou était moins élevé que le mien dans les commissions scolaires, le sien était de 485 000 000 $, le mien de 500 000 000 $. Il faut dire que l'inflation avait joué dans l'intervalle, si bien que je pense qu'on se valait. Mais il reste que c'était par l'accès aux banques que cela se faisait. Maintenant que les compressions sont en train de se faire un peu partout, là il va falloir, à l'égard du contrôle des emprunts bancaires, faire en sorte que tout ce que l'on essaie de faire à un bout ne se répercute pas dans les banques. Je ne veux pas être dans la situation où je mets le pied sur un bout de tuyau pour que l'eau fasse une balloune un peu plus loin, je n'ai rien gagné. Il va y avoir un certain nombre de directives, de discussions quant aux déficits bancaires autorisés qui me paraissent être nécessaires, parce que la défense de la caisse reste une oeuvre pie.

M. Forget: M. le Président, je vais prendre les mêmes sujets dans le même ordre, parce que je pense que nous avons des indications et des explications qui pour le profane sont intéressantes mais qui, dans le fond, dans certains cas, ne nous apprenaient pas exactement ce que nous cherchions.

Relativement à l'aide sociale, le ministre des Finances a fait montre qu'il a le coeur à la bonne place à la fois si on utilise pour en juger les sentiments généreux de ceux qui veulent lutter contre la pauvreté et à la fois de ceux qui veulent s'assurer que le gouvernement est à la hauteur de ses obligations financières et qu'il exerce, dans des dépenses comme celles-là, la rigueur qui s'impose. Il reste qu'une fois qu'on a fait étalage de ses bons sentiments on se retrouve malgré tout devant des chiffres et devant un budget. Lors des discussions antérieures - il en a été fait allusion encore

ce soir - on a parlé d'abus. Je veux bien qu'on parle d'abus dans le domaine des dépenses gouvernementales. D'ailleurs elles ne sont pas limitées au programme de l'aide sociale. Hélas! ce programme a seulement le désavantage d'être plus visible que d'autres, mais il demeure qu'il faut établir une équation entre les abus présumés et leur coût probable dans le système. Je pense qu'il est difficile de relier les deux dans le moment. Par exemple, on a fait grand état, dans un avenir pas tellement lointain, de la possibilité que la récupération des pensions alimentaires puisse se faire plus facilement via la législation que le ministre de la Justice a fait adopter. Il semble que de ce côté les réalisations sont décevantes par rapport aux espoirs exprimés à l'origine puisqu'on a encore dans nos bureaux de comté et même je recevais un peu par erreur - je crois qu'il ne faut pas en faire querelle aux membres de la magistrature ou aux membres du Barreau - une lettre d'un avocat il y a encore quelques jours qui disait: Comment se fait-il qu'il faut encore aller devant les tribunaux pour obtenir par voie d'injonction le versement d'une allocation sociale puisque les fonctionnaires de l'aide sociale s'entêtent à ce que ma cliente intente une poursuite en séparation à son ex-mari pour refus de pourvoir avant de lui verser une allocation?

On se rend donc compte que certaines clauses du nouveau Code civil, relativement à cette question, ne sont pas comprises de la même façon par tout le monde et que la perspective d'effectuer des économies est encore assez aléatoire de ce côté, certainement pas à l'ordre de grandeur du manque à pourvoir dont on parle, c'est-à-dire une centaine de millions. Lorsqu'on pense également à la possibilité de récupérer les trop-perçus, là on a une autre histoire un peu pénible parce que, me semble-t-il, la leçon qu'il faut tirer de tout cela c'est que l'effort a été, dans une large mesure comme il devait l'être d'ailleurs, abandonné comme sans espoir. Aller tirer d'assistés sociaux qui ont droit à ce qu'on appelle un minimum vital des sommes de 25 $ par mois pour rembourser des dettes qui sont dans la plupart des cas dues à des erreurs administratives des fonctionnaires du gouvernement est une aventure assez aléatoire.

Pour ce qui est des faux inaptes temporaires au travail du côté de l'aide sociale, je ne sais pas si on peut chiffrer leur fausse maladie à 100 00 00 $ par année ou encore, de façon plus réaliste, la possibilité de récupérer, même si le total théoriquement était là, une somme qui se compare à celle-là. Donc, je pense qu'on est en face - et c'est cela qu'il faut bien établir - non seulement d'un montant théorique de 100 000 000 $ d'économies possibles dans un monde idéal. Mais on est aussi en face d'un budget qui doit s'équilibrer et non pas avec des espoirs, mais avec des probabilités plus grandes que zéro.

Je pense que, dans ce cas-là, il serait intéressant de savoir si, à la lumière de l'expérience vécue, on tient encore au chiffre qui est inscrit dans les crédits et, sinon, à quel chiffre. Nous avons évalué à 100 000 000 $ et à 110 000 000 $ le manque à pourvoir de ce côté-là. On n'a pas été contredit de façon catégorique, de façon formelle. On nous dit: On veut maintenir une pression. Je pense bien, mais, à ce moment-là, le budget cesse d'être un instrument de financement et il devient une espèce d'arme psychologique. On peut bien vouloir utiliser le budget comme arme psychologique, mais, de toute façon, ce n'est pas son but premier.

Je me demande aussi, à la lumière de la discussion qu'on avait tantôt, si cela fait du sens que ce soit le ministre qui dise: Je veux que la pression continue de se manifester à l'aide sociale. Je peux me tromper. Cela était très personnalisé. Il me semble que celui qui devrait se poser ce genre de question, c'est le président du Conseil du trésor, car il me semble qu'à ce moment-ci, on est en face du ministre des Finances qui vient, dans le fond, porter des jugements sur le fonctionnement interne d'un programme. Avec qui va-t-il l'analyser? Cela fait-il aussi partie du menu des lunches interministériels? ou est-ce qu'on est en face du ministre des Finances qui est finalement l'administrateur ultime de l'aide sociale? Entre parenthèses, cela semble de plus en plus être le cas, mais il me semble que cela illustre la confusion dans laquelle on tombe de vouloir mélanger la finance et la psychologie ou je ne sais quoi. Mais ce n'est pas très clair.

Je laisse cela de côté, c'est une parenthèse, mais il reste qu'en termes de dollars qui manquent dans les crédits pour financer l'aide sociale jusqu'au 31 mars 1982, on n'est pas plus avancé qu'avant, on a l'impression qu'il en manque. On nous dit qu'effectivement, on a probablement raison de le dire. On ne sait pas combien. On aimerait bien le savoir. Quel est le meilleur jugement, en termes de probabilité, que le ministère des Finances peut poser là-dessus, à ce moment-ci?

L'indexation, on nous dit: Pas de problème. Je peux peut-être faire la liste, comme l'a fait le ministre des Finances, et il pourra reprendre.

M. Parizeau: Je pensais simplement à ceci. Comme le député de Saint-Laurent m'a mentionné quatre sujets, je vais d'abord essayer de faire des commentaires sur les quatre sujets, plutôt que de m'attendre à avoir de longs monologues. À partir de là, on pourrait peut-être prendre un sujet, le traiter

et passer au suivant. C'est comme il le voudra.

M. Forget: Si vous y tenez, je n'ai pas d'objection.

M. Parizeau: On pourrait peut-être juste les passer l'un après l'autre? Ce sera peut-être ce qui conviendra le mieux.

M. Forget: Je suis magnanime. Cela m'est égal.

M. Parizeau: Ou bien c'est magnanime, ou c'est éviter d'avoir à remplir des pages sans interruption dans le journal des Débats.

M. Forget: Ce n'est pas moi qui ai parlé le plus longtemps, entre parenthèses, M. le Président.

M. Parizeau: Je n'en faisais un reproche d'aucune espèce de façon.

M. Forget: Moi non plus d'ailleurs.

M. Parizeau: C'était seulement pour mettre un peu de vie dans nos débats.

Commençons par la fin. Nous discutons des crédits de 1981-1982. Pour la préparation des crédits de 1981-1982, j'étais président du Conseil du trésor. J'ai donc imaginé que le député de Saint-Laurent me demandait comment ces crédits avaient été établis au moment où je les établissais. S'il juge que le fait que je ne sois plus président du Conseil du trésor m'interdit vraiment de parler des crédits de 1981-1982, j'ai l'impression que, pour plusieurs des points que nous avons a l'ordre du jour cet après-midi, cela va être très vite fait, et je pensais qu'effectivement c'était sur les fonctions que j'occupais à ce moment-là qu'il m'interrogeait.

Dans ce sens-là, je n'ai pas d'hésitation à dire "je" quand il s'agit de "je", faisant la revue de programmes en décembre ou janvier derniers, parce que c'est effectivement à partir des revues de programmes de décembre et janvier derniers que les crédits ont été établis.

Cela peut peut-être le gêner, moi, cela ne me gêne pas du tout. Si on suit l'ordre chronologique, c'est parfaitement défendable. (17 h 30)

Passons maintenant à la question du fonds. Il n'y a pas vraiment de discussion majeure sur certaines de ces choses. Par exemple, la récupération des pensions alimentaires, c'est vrai que cela n'a pas donné encore de résultats très brillants, mais la loi date de décembre, les premiers bureaux ont été ouverts en janvier, les 57 personnes qui ont été embauchées aux fins de l'opération de récupération ont été embauchées dans le courant de janvier et février et nous sommes au début de juin. Il serait tout à fait étonnant - on opère dans l'humain - que cela ait démarré de façon foudroyante. Le problème consiste à savoir, au bout de quelques mois quand c'est rodé, qu'est-ce que, effectivement, sur un rythme de croisière cela récupère. Si on prend les trois, quatre derniers mois, c'est évident, tout le monde sait comment cela s'est passé. Les premiers bureaux qui se sont ouverts ont été inondés d'appels téléphoniques à un point tel que personne ne pouvait avoir les lignes pendant une semaine. Mais cela ne dure pas comme cela pendant des années. La première des phases, si je comprends bien, janvier, février début de mars, cela a essentiellement constitué à prendre des noms, des adresses, des coordonnées et à accumuler des dossiers; cela rentrait en avalanche. Il y a des dizaines de milliers de femmes divorcées ou séparées au Québec qui se sont fait promettre ou concéder par des tribunaux des pensions alimentaires que jamais le mari n'a payées. Qu'est-ce qui est arrivé dans les premières six semaines ou premières huit semaines? Une avalanche d'appels téléphoniques absolument incroyable. Dire que maintenant au début de juin, c'est décevant; Ce n'est pas décevant; cela commence. Forcément, on a à se dire combien cela peut rapporter quand on sera sur un rythme de croisière; cela ne me dérange pas d'en discuter dans des termes comme cela.

Les trop-perçus, le député de Saint-Laurent a raison. Parmi les quatorze, quinze, seize mesures de caractère administratif pour resserrer un peu l'administration de cela, on a commencé probablement par celle qui était la plus dure, la plus difficile, la plus compliquée, celle qui sur le plan humain posait le plus de problèmes. Dans ce sens, s'il veut me dire: Vous auriez dû commencer par d'autres mesures un peu moins malaisées à appliquer, je lui dirais: oui, il a parfaitement raison, on aurait dû commencer par d'autres mesures que celle-là, mais il faut toujours commencer par quelque part; c'est ceux qui n'essaient pas qui sont condamnables, ce n'est pas ceux qui essaient. Je crois qu'on peut remplir toutes les tâches fondamentales qu'on a assurées à l'égard des plus démunis dans la société, qu'on peut aussi payer le bien-être social à tous ceux qui ne reçoivent plus d'assurance-chômage à cause du resserrement des règles d'assurance-chômage, et néanmoins en arriver à quelque chose de plus serré sur le plan administratif.

Cela dit, je voudrais avoir une directive à la fois de vous, M. le Président - ce n'est pas une directive de vous que je demande, mais c'est simplement une déclaration d'intention que je demande au député de Saint-Laurent - à savoir si on doit aborder le secteur scolaire ou le secteur social ou l'indexation, cela m'est égal; n'importe quel sujet comme celui-là et qu'il me dise chaque fois: Vous ne devez pas en parler parce que

vous n'êtes plus président du Conseil du trésor, j'aimerais le savoir parce qu'à ce moment, je dirai: C'est très bien, si cela ne relève plus de moi, pourquoi je commenterais. Il s'agit de savoir quel est le sens de son argumentation parce que je comprends qu'on a encore trois autres points à discuter.

M. Forget: Nous en avons encore quatre, effectivement, parce qu'au premier, nous n'en sommes encore qu'au préambule. Je comprends tout ce que le ministre des Finances a dit. C'est très joli, mais il reste que la question - il feint peut-être de ne pas l'avoir comprise, ou peut-être ne l'a-t-il pas comprise - il s'agit de savoir combien d'argent il manque. Le "bottom line", si vous voulez, dans tout cela, c'est l'exactitude des prévisions faites en janvier ou février relativement à l'aide sociale. Nous prétendons qu'il manque de l'argent, vous dites: Oui, peut-être, mais moins que vous ne prétendez. Selon vous, combien manque t-il d'argent à ce poste des crédits?

M. Parizeau: Suis-je hors d'ordre, M. le Président? Le député de Saint-Laurent avait l'air de dire que j'étais hors d'ordre, que je n'avais pas le droit de parler de ces choses. Je ne suis pas président du Conseil du trésor. Suis-je hors d'ordre dans ses vues ou si je ne suis pas hors d'ordre?

M. Forget: C'est une belle feinte, il ne s'agit pas de dire qu'il soit hors d'ordre.

M. Parizeau: Ce n'est pas une feinte. Ce n'est pas moi qui ai soulevé cela.

M. Forget: C'est une très belle feinte, mais il reste que ma question est simple. Elle est formulée en français. Elle peut se répondre par une seule phrase de quelques mots à la condition, bien sûr, que le ministre possède l'information.

M. Parizeau: Donc, on m'autorise à répondre. Le député de Saint-Laurent accepte...

M. Forget: On ne demande que cela.

M. Parizeau: ... que je n'outrepasse pas mes attributions en répondant.

M. Forget: On verra d'après la réponse.

M. Parizeau: Bien là, M. le Président.

M. Forget: S'il répond à la question telle que posée, il ne peut certainement pas outrepasser ses attributions puisqu'il aura la responsabilité de rencontrer cette facture en bout de compte.

M. Parizeau: Oui, mais si le fait que je ne suis plus président du Conseil du trésor m'empêche de parler d'un programme en particulier nous discuterons des factures quand elles seront présentées. Je tiens pour acquis que je ne suis pas défranchisé par le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Ce n'est pas en mon pouvoir, M. le Président.

M. Parizeau: Alors là, je vais répondre. C'est bien ce qu'il esssayait tout à l'heure. Ceci étant dit, je pense que l'objectif des crédits qui sont impliqués là-dedans, est atteignable. Je ne dis pas que c'est facile. Je dis qu'il sera très facile si on ne l'atteint pas de dire: Vous voyez vous ne l'avez pas atteint. Je pense que la majeure partie de cet objectif est effectivement atteignable. Ce ne sera pas facile. Il est possible - on verra davantage quand l'examen des mesures sera terminé - il n'est pas impossible qu'on puisse en conclure, je pense que ce sera vraiment au début de l'été qu'on verra. Ce sera quelque part en juillet-août qu'on verra si, effectivement, c'est atteignable complètement ou à 20 000 000 $ ou à 25 000 000 $ près. Mais probablement, c'est trop tôt. C'est essentiellement une question de savoir, parmi toutes les mesures correctives - il y en a plusieurs, on en a abordé trois ou quatre, mais il y en a toute une série d'autres - dans quelle mesure elles peuvent être mises en place rapidement, efficacement, avec une période de rodage et combien elles donnent sur une année entière une fois qu'elles sont en place. Je pense que l'objectif qu'on s'est fixé n'est pas déraisonnable. Disons ça comme cela.

M. Forget: Si je comprends bien le ministre, il affirme de façon assez catégorique qu'il ne manque pas 100 000 000 $ dans ses crédits. Le plus qu'il pourra jamais manquer pour l'exercice 1981-1982, c'est 25 000 000 $ s'il est vraiment malchanceux.

M. Parizeau: Je n'ai pas parlé de malchance, j'ai parlé de persistance, M. le Président.

M. Forget: Bon, on lui fait le crédit de la persistance.

M. Parizeau: Je pense qu'effectivement, on peut conclure de cette façon, c'est-à-dire qu'il n'y a pas de raison, je ne vois pas de raison particulière pour laquelle on devrait confirmer le chiffre de 100 000 000 $ avancé par le député de Saint-Laurent. Je ne vois pas pourquoi on devrait le faire. Effectivement, si cela ne s'enclenche pas comme on le voudrait ou si les décisions ne sont pas prises dans l'ordre où elles devraient être prises, et suffisamment

rapidement, ou effectivement il peut y avoir un décalaqe de cet ordre-là.

M. Forget: 25 000 000 $ au maximum.

M. Parizeau: J'ai dit un décalage de cet ordre-là.

M. Forget: De 100 000 000 $ ?

M. Parizeau: Non, de cet ordre-là. Je n'ai pas dit un maximum de 25 000 000 $, j'ai dit de cet ordre-là, de l'ordre de 25 000 000 $.

M. Forget: Plus ou moins 25 000 000 $.

M. Parizeau: Plus ou moins, mesurons-le.

M. Forget: M. le Président, sur l'indexation, je ne reviendrai pas très longuement sur ce sujet puisque nous avons eu un message très rassurant. On nous a dit, on a escompté 12,2%. Ce qu'on peut peut-être dire aujourd'hui - je cite plutôt le collègue du ministre que le ministre des Finances lui-même - sera peut-être 12,7% donc, un demi pour cent. C'est bien à l'intérieur de la somme de 65 000 000 $ qui apparaît aux crédits de suppléance pour enrichir les budgets des différents ministères, à supposer - et c'est là le but de ma question - que les crédits qui apparaisssent déjà au chef de chacun des ministères impliquent tous les fonds nécessaires pour assurer l'indexation à 12,2%. À ce moment-là, les 65 000 000 $ qui sont dans le fonds de suppléance n'auraient à être utilisés que dans la mesure ou l'inflation dépasserait 12,2%. Est-ce qu'on se comprend bien là-dessus? Il y a actuellement dans les crédits pour chacun des ministères les sommes nécessaires pour assurer l'indexation en fonction de l'augmentation de l'indice des prix à la consommation de 12,2%.

M. Parizeau: Toutes les estimations sont faites sur une base de 12.2%.

M. Forget: Tous les ministères disposent du montant nécessaire pour faire face à une augmentation des coûts de la vie.

M. Parizeau: Non, il y a une réserve de 4,2% dans le fonds de suppléance, mais qui est toujours basée sur 12,2%.

M. Forget: Alors, là, il y a guelque chose que je ne comprends pas. Pourquoi a-t-on besoin d'un fonds de suppléance de 65 000 000 $ si la masse financière de chaque ministère contient déjà des sommes suffisantes pour faire face à une indexation qui découle d'une inflation de 12,2%?

M. Parizeau: Parce que nous avons constamment des négociations en cours. Par exemple, on ne pouvait pas mettre le coût de la convention des policiers qu'on est en train de négocier dans les crédits de 1981-1982 ailleurs que dans ces 4,2%, parce qu'on n'avait pas idée combien cela pouvait coûter. Il faut bien comprendre que 4,2%, c'est la réserve, c'est le fonds de suppléance pour les salaires. Alors, cela peut être pour les salaires dans le sens des effectifs, des conventions collectives à signer, des ajustements pour l'inflation; 4,2%, c'est la réserve pour les salaires. Tout ce que je dis, c'est que sur le plan de la préparation de nos chiffres dans les crédits de 1981-1982 cela est basé sur 12,2%. Et pour les conventions à venir - parce qu'il y avait des conventions qui n'étaient pas signées à ce moment-là - c'est une sorte de réserve que l'on se qarde. Les négociations, on sait bien comment cela tourne. Des fois cela tombe moins que ce qu'on pensait, des fois cela tombe plus que ce qu'on pensait. Et une des raisons pour lesquelles je mets cela utilement dans les 4,2%, c'est qu'en mettant une espèce de macédoine de toute espèce de choses reliées au salaire dans les 4,2%, je ne donne aucun signal à guelque table de négociations que ce soit des montants qu'on va offrir. Bien sûr.

M. Forget: D'accord. Alors, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Sur le plan de l'indexation, tout est prévu.

M. Parizeau: Ah! non. Si le gouvernement...

M. Forget: Pour les négociations qui ne seront pas ouvertes avant le 31 mars 1982.

M. Parizeau: Mais tout ne va pas pour le mieux dans le meilleur des mondes. L'OPEP... grâce au ciel, les négociations de l'OPEP la semaine dernière n'ont pas trop mal tombées.

M. Forget: Nous parlons toujours des 12,2%.

M. Parizeau: Oui, mais si c'étaient 12,5% ou 12,7%, il est évident que cela me coûterait plus cher.

M. Forget: Dans l'hypothèse où tout se maintient...

M. Parizeau: Si le fédéral décide de nationaliser Esso et impose une taxe particulière sur l'essence, ce n'est plus 12,2%, c'est 12.5%.

M. Forget: Oui, je comprends. Je ne vous demandais pas une assurance tous risques, M. le ministre. Je vous demandais

tout simplement si les prévisions budgétaires étaient consistantes par rapport à l'hypothèse des 12,2% et si, dans la mesure où cela se maintient à 12,2%, il n'est pas question de dépassement budgétaire où que ce soit.

M. Parizeau: Non. Les seuls dépassements budgétaires pourraient venir, encore une fois, de conventions collectives qui auraient coûté plus cher que la provision qu'on s'était mise là.

M. Forget: Mais la plupart viennent à échéance bien après la fin de l'exercice financier.

M. Parizeau: II n'y en a pas de grosses qui viennent à échéance en 1981-1982. Les conventions collectives... il y a évidemment les ententes avec les médecins qui, elles, au contraire, sont négociables à partir de juin cette année.

M. Forget: Relativement aux deux secteurs, Affaires sociales et Éducation, les réseaux parapublics, là aussi on a eu un message extrêmement rassurant selon lequel tout est sous contrôle, que dans le fond tout va bien, sous réserve des Affaires sociales seulement, semble-t-il, à moins que cela ne s'applique aux deux. Des incartades prendraient la forme d'emprunts non autorisés de ces institutions-là auprès d'institutions bancaires.

M. Parizeau: Je corrige une question de fait. Cela pourrait aussi être le cas, compte tenu de la structure en place à l'heure actuelle des commissions scolaires. Cela n'a pas été le cas l'an dernier.

M. Forget: D'accord.

M. Parizeau: Cela peut être le cas des universités. Cela a une portée plus générale. Je m'excuse, ce n'est pas pour vous contredire...

M. Forget: Bon, plus générale. La façon hypothétique dont cette déclaration-là est faite ne nous donne pas beaucoup d'information à ce moment-ci. C'est-à-dire que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, à supposer qu'on sache tout ce qu'il y aurait à savoir mais qu'on ne sait pas. Est-ce qu'il n'y a pas un financement parallèle qui se fait par le biais des institutions bancaires dont on ne connaît pas l'importance et qui pourrait être considérable. Est-ce qu'effectivement le gouvernement, à ce moment-ci... Le ministre des Finances nous dit qu'il n'a pas d'indication - plus que des intuitions, je ne parle pas des intuitions - qu'il n'a pas d'indication raisonnablement ferme de l'état de l'endettement ou de la progression de l'endettement des réseaux parapublics au fur et à mesure que l'année se déroule. Est-ce qu'il est voué a prendre acte de ce qui s'est passé au moment où, dans l'exercice financier, on ferme les livres en quelque sorte? Est-ce qu'il n'y a pas un signalement qui est fait de ces emprunts au fur et à mesure? Est-ce qu'il n'y a pas des lignes de communication qu'il aurait ouvertes avec ne serait-ce que les institutions financières ou les réseaux eux-mêmes de manière à être tenu au courant de ce qui se passe de ce côté?

M. Parizeau: Sur le plan du renseignement, il circule. Mais c'est le plan du contrôle que je trouve beaucoup plus préoccupant. C'est-à-dire que telle autorisation d'emprunter qui a été tamponnée, dans le genre "vu et approuvé", puis qui est partie à la fois à l'organisme emprunteur et à la banque, bien sûr, cela finit toujours par apparaître, mais c'est le contrôle à la fois au moment de l'autorisation et l'administration par les banques elles-mêmes qui pose des problèmes. Je vais essayer d'être un peu explicite là-dessus.

Il est normal qu'une institution de réseau emprunte pour une construction en attendant que les obligations soient émises. Cela, c'est du "bridging" normal. Un arrêté en conseil autorise tel hôpital ou tel cégep à faire une construction de 3 000 000 $ et les travaux commencent. Tant que les obligations ne seront pas émises sur le marché, au fur et à mesure des travaux, l'institution en question doit emprunter à la banque. C'est parfaitement normal, c'est raisonnable et cela ne cause pas de difficulté.

Deuxièmement, il est normal que l'institution en question fasse aussi un "bridging" entre les subventions, payant des subventions à certains organismes de réseau tous les mois ou tous les quinze jours. Il est évident qu'entre les deux ils peuvent avoir des besoins de caisse et doivent être en mesure de tirer sur une marge de crédit bancaire pour assurer le "hiding". Mais là où cela devient beaucoup plus délicat, c'est, au-dessus de ces deux modes d'emprunt parfaitement légitimes, qu'est-ce qui se passe quand une institution obtient de la banque, sujet bien sûr, à une autorisation de l'autorité compétente où qu'elle se trouve, la possibilité de dépassement? Il arrive que ce dépassement, s'il a été autorisé par l'institution bancaire, doit être confirmé quelque part. Je ne blâme personne à l'intérieur de la machine gouvernementale qui, tout à coup, sachant qu'il faut faire passer la marge de crédit bancaire de telle institution de 1 000 000 $ à 2 000 000 $, parce que c'est cela le montant qui est effectivement emprunté... Beaucoup d'autorisations dans ce sens se donnent

parfois ex post. Dans d'autres cas, cela se donne avant l'emprunt véritable auprès de la banque, mais avec un manque de liaison évident entre le budqet et le montant qui est nécessaire pour assurer les deux premières fonctions dont je parlais tout à l'heure.

Donc le problème que je soulève ici en est un essentiellement de contrôle, non pas simplement d'avoir le papier. Aucun papier ne se perd jamais dans un gouvernement. Il peut s'égarer, mais il ne se perd pas de façon définitive. Et comme chacun le sait, la loi de la gravitation universelle dans le secteur public, ce n'est pas comme les pommes de Newton; cela ne descend pas, cela remonte. Tôt ou tard, le papier apparaît. Seulement, cela peut être trois ans après. Alors, j'essaie de faire en sorte qu'au lieu d'assister à la montée de papiers qui surnagent graduellement on puisse saisir les emprunts un peu comme un steak dans la poêle au moment de la cuisson. Il reste, je pense, pas mal de travail à faire de ce côté.

M. Forget: Mais j'aimerais poursuivre sur cette question parce que...

M. Parizeau: C'est intéressant. C'est la clef du contrôle dans le système.

M. Forget: C'est une clef, effectivement, qui est évidente et qui doit se retrouver dans le système. Je m'étonne un peu, mais peut-être que je ne devrais pas m'en étonner, des difficultés de fonctionnement de ce système parce que, pour tout dire, je pense avoir été le premier dans l'administration provinciale à instaurer un début de contrôle de l'utilisation de capacités d'emprunt par les établissements des Affaires sociales. À l'époque, cela ne se faisait pas, et plusieurs années après, cela ne se faisait toujours pas à l'Éducation. D'ailleurs, c'est assez amusant parce que j'avais eu l'occasion de visiter des institutions bancaires avec la personne qui occupait le siège à côté du ministre tout à l'heure, M. Campeau, alors qu'il était sous-ministre adjoint aux Finances.

Il me semble que nous avions obtenu un "gentleman's agreement" avec les sièges sociaux des institutions bancaires qui font affaires au Québec pour que leurs propres autorisations de lignes de crédit, pour des établissements qui dépendaient du gouvernement quant à leur financement, ne soient émises que selon des modalités bien précises et en fonction d'une ventilation des prêts en quatre catégories. Je me souviens qu'il y avait quatre catégories. Il y avait, bien sûr, les deux catégories que le ministre a mentionnées et pour lesquelles, d'ailleurs, il y avait des modalités de remboursement bien définies, bien connues: le "bridging" dans le cas des projets d'immobilisation. De toute façon, c'est une autorisation qui a toujours été faite il y a peut-être vingt ans. Et cela était antérieur à tout effort de rationalisation. Un sous-ministre à la Santé ou ailleurs écrivait une lettre disant, par exemple: On vous prie d'octroyer une marge de crédit; il y a tel arrêté en conseil, dont on envoyait la copie etc.

Pour ce qui est des autres prêts, il y avait des modalités d'autorisation aux ministères auxquelles la banque était astreinte dans la mesure, au moins, où elle voulait avoir l'assurance de bénéficier de l'assurance qu'elle prêtait, dans le fond, au gouvernement et non pas à l'institution comme telle. Il y avait donc une incitation assez forte de la part des banques à s'y conformer. Ce que j'ai peine à croire, c'est que le gouvernement ne se soit pas assuré que, dans tous les cas, les remboursements ne s'effectuaient que dans la mesure ou les autorisations avaient été dûment données. Et aucune autorisation n'était donnée, à cette époque au moins, à moins de correspondre à un jugement porté sur le budget d'établissements et la façon de le respecter. Où est la faille dans ce système, si ce n'est dans la volonté du ministère de vivre avec ce système et de s'imposer à lui-même la même discipline qu'il impose aux institutions? Est-ce qu'il y a, de la part des institutions bancaires, tout à coup, le désir d'être d'un plus grand secours aux établissements, quitte à ce qu'on prenne des risques avec les possibilités de remboursement ou est-ce que, du côté des ministères, on a été tout à coup impatient devant les contraintes budgétaires imposées par le Conseil du trésor et qu'on a décidé d'être les complices, en quelque sorte, des établissements pour faire échec aux contraintes?

M. Parizeau: II y a deux failles dans le système. Il y en a une du côté gouvernemental, en ce sens que, effectivement, les autorisations sont toujours données. Il n'y a rien qui se fait sans autorisation. Le problème n'est pas là. C'est de savoir quand l'autorisation est donnée et qui contrôle l'autorisation.

M. French: Est-ce qu'on parle de ministères sectoriels ou du ministère des Finances?

M. Parizeau: Non. Les autorisations sont données par les ministères sectoriels sauf un certain nombre d'autorisations données qui relèvent de la Commission municipale de Québec.

M. French: Non, mais on ne parle pas des municipalités.

M. Parizeau: Non, pas seulement pour les municipalités, mais les commissions

scolaires aussi. Je vais y revenir pour les commissions scolaires, tout à l'heure, parce que ce sont des gouvernements sur le plan juridique. Il faut faire attention, ce sont des gouvernements locaux. Alors, bien sûr, comme je le disais tout à l'heure, dans une grosse machine, il y a toujours du papier sur tout. Pour toutes les autorisations, vous en trouvez. Le problème est de savoir et de saisir cela au bon moment, et, là, il faut dire qu'il n'est pas très facile pour les ministères sectoriels de savoir exactement quels genres de "bridging" doivent être faits pour les dépenses courantes entre deux subventions en raison en particulier de mouvements très saisonniers. Dans les sorties de fonds de l'institution en question, ses dépenses réelles, c'est beaucoup plus compliqué qu'on ne le pense.

Deuxièmement, il y a une faille, évidente et inévitable, je pense, ce n'est pas du tout un blâme que je porte, entre le siège social avec lequel on peut s'entendre, les intentions dans une banque, à un certain niveau, et, d'autre part, les pressions qui s'exercent au niveau de chacun des gérants de banque, localement. Il est clair qu'il y a des précisions à apporter là aussi, quant à la façon dont les autorisations arrivent jusqu'en bas, au niveau. La chose que je commence à examiner ne peut être opérationelle que si tout gérant de banque la comprend bien et sait exactement comment cela va fonctionner. Toute entente, en haut, ne donne pas grand-chose, si chaque gérant de banque ne sait pas de façon très précise jusqu'où il peut aller. Et cela, c'est la deuxième faille.

Maintenant, il y a un problème général d'application qui est d'un autre ordre. Il y a une différence fondamentale entre les commissions scolaires et certains autres types d'organismes. Les commissions scolaires sont, comment dire, des sortes de gouvernements locaux qui ont une marge d'autonomie qui leur permet de faire certaines choses qu'un organisme de réseaux de santé ne pourrait pas faire. À l'occasion de l'examen très systématique de ce qui s'est passé dans ce qu'on appelle le trou de 500 000 000 $, j'ai été un peu estomaqué de voir, par exemple, une commission scolaire avoir six comptes en banque, six. On imagine tout de suite les combinaisons possibles. Je ne suis pas du tout certain que les sièges sociaux savaient ça. Je ne suis pas du tout certain.

M. Forget: Dans six banques différentes.

M. Parizeau: Dans six banques; pas six succursales de la même banque, six banques différentes. Il ne faut pas s'imaginer que le secteur public est chargé de tous les vices et que l'entreprise privée n'en a pas du tout.

Les grosses machines... M. Daniel Johnson avait l'habitude de dire que la chose difficile à notre époque était d'administrer 100 000 hommes. Une grosse institution privée a le même genre de problèmes qu'on peut avoir sur le plan des communications et des autorisations. Je ne suis pas du tout persuadé que les six banques savaient que la commission scolaire allait faire du shoping.

Il faut resserrer ça. Je ne disconviendrai pas du tout avec le député de Saint-Laurent qu'effectivement, aux Affaires sociales, il a introduit une première démarche dans ce sens. Il n'est peut-être pas tout à fait gentil à l'égard de son collègue de l'Éducation, à la même époque, parce que cela a été introduit à l'Éducation presque en même temps. Je ne jugerai pas. Mais il reste que ces sytèmes fonctionnent d'autant plus facilement que les budgets ne sont pas trop serrés. Tant qu'il y a beaucoup d'argent au fonds, cela s'administre assez facilement, c'est quand on commence à gérer avec une certaine rigueur qu'il faut y faire attention, c'est presque une différence de nature. L'échappatoire vers le crédit bancaire peut devenir embêtant et, plus les budgets sont serrés, plus ce sera le cas. Dans ce sens-là, il faut, en collaboration avec les banques -j'ai déjà commencé à discuter de ces questions avec les banques à charte et ça va demander passablement de travail - s'orienter de ce côté et en arriver, encore une fois, à des formules à ce point précises, non pas que le président de la banque soit d'accord, tous les présidents de banque sont toujours d'accord avec tout ce qui a l'air d'être intelligent, sérieux et efficace et que ça puisse être géré par le gérant de banque de la succursale, à l'endroit où se trouve le CLSC, l'hôpital, l'école ou le bureau de la commission scolaire. C'est à ce niveau que c'est efficace, autrement, on bavarde pour rien.

Le Président (M. Desbiens): Le député de Westmount.

M. French: M. le Président, est-ce que le ministre a une idée de l'ampleur du déficit connu dans le réseau des institutions parapubliques dont on parle actuellement?

M. Parizeau: Oui, nous avons habituellement une idée assez précise de ça, décalée dans le temps cependant, c'est un peu toujours ex-post. Mais ça, c'est relativement facile à... si ça intéresse les gens de la commission, on pourrait lui donner une sorte d'estimation ou de répartition. Cela ne pose pas de difficultés, mais vous comprendrez cependant que cela ne répond pas à la préoccupation que j'ai, c'est un portrait.

M. French: C'est une photo.

M. Parizeau: C'est une photo, c'est ça.

M. French: Comme vous avez si bien dit tantôt, c'est quand les budgets se resserrent que ça devient vraiment plus important et on passe actuellement par ce phénomène. Je pense qu'il incombe vraiment au ministère, dans les plus brefs délais, je crois, pour certaines institutions avec lesquelles j'ai eu des entretiens récents, de concevoir non seulement comment contrôler, je comprends que ça peut être très difficile, mais comment régler le problème des déficits chroniques, de façon, je le souligne, à ne pas donner une espèce d'incitation à ceux qui ont déjà péché à pécher plus et ne pas avoir un système de "reward" à l'inverse.

M. Parizeau: Exactement.

M. French: Je pense qu'on peut entrer dans une longue discussion, probablement très intéressante, on n'a peut-être pas le temps de le faire, mais je veux tout simplement demander quel échéancier vous envisagez pour mettre en vigueur cette espèce de contrôle et est-ce que vous allez consulter les institutions elles-mêmes ainsi que les banques à charte? (18 heures)

M. Parizeau: Un horizon raisonnable me paraît être au début de l'automne. D'autre part oui, c'est évident qu'il faut consulter. Si on veut avoir une formule opérationnelle, il faut que pas mal de consultations aient eu lieu.

Il est presque 18 heures, M. le Président, je pourrais finir juste par une phrase et on pourra reprendre plus tard. Je voudrais seulement donner un exemple de la complexité d'une formule qu'encore un fois tout gérant de banque peut appliquer.

Imaginons qu'une institution accepte de faire un emprunt bancaire au-delà de celui qui découlerait des formules dont je viens de parler, mais s'engagerait ou aurait déjà pris des dispositions pour faire une campagne de souscription dans le public pour couvrir cela. Il ne faut quand même pas la bloquer. Elle a parfaitement le droit. C'est parfaitement légitime. Il faut faire intervenir cela dans la formule, autrement - je reprends toujours mon exemple du gérant de banque - il va falloir qu'il sache. Comment introduit-on l'usage de ressources propres de l'institution, par opposition aux subventions du gouvernement et à la décomposition des autorisations d'emprunt? Ce n'est pas une formule facile à établir et je ne vois pas comment on peut l'établir autrement qu'avec une consultation assez continue entre les institutions d'une part et les institutions bancaires ou les caisses populaires, d'autre part. Il y a une seule chose qui me paraît évidente, c'est qu'il faut le faire.

Le Président (M. Desbiens): II est 18 heures. Les travaux de la commission permanente des finances et des comptes publics sont suspendus jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 h 02)

(Reprise de la séance à 20 h 07)

Le Président (M. Desbiens): La commission permanente des finances et des comptes publics reprend l'étude des crédits de l'année 1981-1982.

Nous en étions toujours au programme 1, élément 1.

M. Forget: M. le Président, comme vous l'avez indiqué au début, il y a deux volets à notre exploration de l'état de réalisation des prévisions que constituent effectivement les crédits. Nous sommes maintenant dans le troisième mois de l'année 1981-1982; donc, nous avons posé, à la fin de l'après-midi, quelques questions relativement au déroulement des dépenses et nous avons eu le plaisir d'entendre le ministre des Finances nous donner un message très rassurant suivant lequel tout se déroulait, à très peu de choses près, tel que prévu et que, dans le fond, pourvu que l'inflation ne dépasse pas 12,2%, pourvu qu'il ait le moindre succès à faire comprendre la raison aux administrateurs de l'aide sociale, pourvu qu'il réussisse à éviter un débordement du pouvoir d'emprunt des établissements du réseau parapublic, nous étions sur la voie d'une réalisation presque parfaite des prévisions budgétaires du côté des dépenses.

J'aimerais tourner mon attention du côté des revenus et poser, en premier lieu, la question suivante au ministre, parce qu'une lecture attentive du discours sur le budget ne nous a pas permis de trouver la réponse à cette question. Peut-être l'avons nous mal lu, mais il est évident qu'on fait une projection des revenus, des recettes fiscales en particulier, en s'aidant d'une hypothèse quant à l'accroissement du produit intérieur brut du Québec. C'est un chiffre que certains ministres des Finances ont déjà exposé publiquement dans le passé comme base de leurs calculs, cette fois-ci, au meilleur de notre connaissance, encore une fois, nous n'avons pas découvert quel est le taux que le ministère des Finances et le gouvernement ont utilisé pour projeter ces revenus. Nous aimerions bien le connaître et savoir si, à la lumière de l'expérience acquise au début de juin, il semble que cette précision aussi aura le bonheur de se réaliser.

M. Parizeau: Là, M. le Président, je m'excuse, mais je ne comprends pas très bien de quoi on parle. Il n'y a pas de

prévisions qui auraient le bonheur de se réaliser puisque, justement, j'ai été d'une prudence de serpent dans le discours sur le budget à cet égard pour la raison suivante: la plupart des gouvernements étaient, à ce moment-là, placés, dans une situation où on ne savait pas très bien si nos économies allaient progresser de 1%, régresser de 1% ou étaler à 0. Une chose était claire, c'est que les perspectives ne donnaient guère autre chose qu'une sorte d'étalement. Quand, dans un rythme de croissance, on a le choix entre plus 1%, moins 1% ou 0, il est parfois utile de se taire; ce que j'ai fait. On peut donc, comme c'était facile de le voir dans le discours sur le budget, considérer que j'envisageais la progression des revenus à partir d'une base de croissance médiocre ou insignifiante du produit national brut; je pense que cela ressortait assez clairement.

Depuis ce temps, les choses se sont apparemment clarifiées. Je dis "appa-ramment" parce que tous les chiffres ont l'air d'indiquer quelque chose, mais ayant été dans ce métier pendant plusieurs années je suis moins sûr de ce que les chiffres semblent laisser transparaître. Sur la base du dernier trimestre de 1980 et du premier trimestre de 1981, en Amérique du Nord, en dépit des taux d'intérêt, en dépit des restrictions de crédit du Federal Reserve Board aux États-Unis transposées chez nous, en dépit des incertitudes graves qui existent quant à certains types d'investissements et, en particulier, quant à l'avenir de l'industrie automobile en Amérique du Nord - Dieu sait si on sait que c'est important - en dépit de tout cela, la croissance en 1981 semblerait beaucoup plus rapide qu'on ne l'envisageait il y a quatre ou cinq ans. C'est vrai pour les États-Unis, c'est vrai pour le Canada et c'est vrai pour le Québec.

On pensait, au moment où le discours sur le budget a été fait, que si, en 1981, on tapait 1/2% de progression dans le produit national brut, on serait vraiment remarquables et qu'à 1% on serait miraculés. Mais ce n'est pas de cela dont on parle. Il semblerait que des taux de progression de 2 1/2%, 3% en Amérique du Nord, en 1981 deviendraient possible. Quant on veut raffiner cela de notre côté, chez nous, on a l'impression que cela pourrait être supérieur à 2% au Québec.

Évidemment, si c'était cela, la première conséquence, c'est que nos revenus s'accroîtraient plus que prévu, mais pas dans des proportions considérables, comme j'ai eu l'occasion de le dire lors du discours sur le budget, une progression un peu plus rapide que prévu au Québec et surtout plus rapide qu'ailleurs au Canada. À toutes fins utiles, pour l'essentiel, on réduit le déficit fédéral; cela ne veut pas dire qu'il n'y a aucun impact chez nous, il y en a un, et si c'était vrai qu'on avait une progression du volume de la production de l'ordre de 2% ou de 2 1/2%, il n'y a pas de doute que cela aurait un effet favorable indiscutable sur les revenus du gouvernement du Québec.

Le problème, M. le Président, c'est qu'une fois qu'on a dit tout cela - là encore, on s'étonnera peut-être que je mette des éléments de romantisme dans les calculs - je n'y crois pas beaucoup. Là, je sens tout de suite des sueurs froides me couler dans le dos en pensant à tous les fonctionnaires derrière moi qui font des calculs comme ceux-là. Ils auront peut-être raison de dire que cela va monter plus vite, mais mon nez ne me laisse pas aussi confiant. J'admets que c'est purement impressionniste. J'ai de la difficulté à voir que le genre de taux d'intérêt qu'on connaisse à l'heure actuelle n'ait pas un impact bien plus grand qu'on pense sur les décisions d'investir, sur les niveaux des inventaires, sur les commandes des industriels. (20 h 15)

Maintenant, c'est vrai qu'il y a une autre thèse qui dit: avec des mouvements aussi forts dans les taux d'intérêt, les hommes d'affaires n'ont pas le temps de s'adapter véritablement et prennent cela un peu comme la grêle et répercutent cela sur les clients. En somme, c'est le public qui paie. Les entreprises ne sont pas tellement gênées par des taux d'intérêt aussi élevés. C'est possible. Il faut dire que là, jusqu'à un certain point, indépendamment de ce que les ordinateurs et les chiffres peuvent sortir, il faut comprendre que nous sommes entrés, depuis un an et demi, dans des variations de taux d'intérêt que jamais on a connues auparavant. Personne n'a jamais vu cela.

Quel est l'impact sur les affaires, sur la progression des affaires, de pareils mouvements dans les taux d'intérêt? Est-ce que vraiment les techniques habituelles de projection donneront une accélération de la croissance? C'est bien possible. Peut-être que je me tromperai complètement, et peut-être que je serai obligé de dire, qu'après bien des années d'utilisation, mon nez doit être mis au rancart. Mais pour le moment, je garde mes doutes qu'on puisse accélérer la progression de l'économie du Québec autant que les chiffres sembleraient l'indiquer, c'est-à-dire, pour être tout à fait précis, pour le député de Saint-Laurent, une prévision - et là, je suis d'une précision foudroyante des ordinateurs - qui était en janvier de 0,7 et qui passerait maintenant à 2,1.

M. Forget: M. le Président, je ne peux pas faire autrement que constater que sur ce sujet comme sur bien d'autres, le ministre des Finances prend une situation imbattable, en quelque sorte, qu'il arrive n'importe quoi, il va pouvoir nous dire qu'il a gagné.

M. Parizeau: Non, mais je n'avais pas tort.

M. Forget: Si l'économie progresse, en dépit de son intuition, plus rapidement qu'il ne l'a calculé, il se réjouira, comme responsable du financement en disant: Voyez, finalement, combien ma prudence a payé. Nous avons ce bienfait de dernière minute, inopiné, contre toute attente, et c'est le fruit de notre prudence, de notre retenue. Si jamais les prévisions moins optimistes s'avèrent les bonnes, il dira: Voyez combien nous avons prévu avec justesse. Alors, il ne risque rien. C'est une position très confortable. On reconnaît un peu son style évidemment de parier sur tous les chevaux à la fois. Mais, évidemment que j'aimerais être bien sûr que nous avons compris ce qu'il nous a dit: J'espérais avoir été assez prudent dans le discours sur le budqet pour ne pas être associé à une prévision précise de l'accroissement du produit intérieur brut. Effectivement, il a été très prudent. On n'a pu trouver aucune allusion à cela. Mais, il en est de ces prévisions comme de bien d'autres choses dans la vie, comme il a de toute façon été obligé de faire des prévisions de revenus, il a été obligé, implicitement au moins de choisir une hypothèse comme étant la plus probable. Si je comprends bien, la plus probable, c'est celle de 0,5% d'accroissement du produit intérieur brut comme base.

M. Parizeau: Celle qui, manifestement, sortait des ordinateurs en janvier, c'est-à-dire 0,5%.

M. Forget: Et qui a été utilisée comme base de calcul du budget. Ce qui veut dire que si c'est plus que 0,5%, on peut s'attendre que les impôts entrent un peu plus et si c'est en deçà de 0,5%, on peut s'attendre que les impôts entrent un peu moins. Alors, je crois qu'on est fixé là-dessus. On voulait savoir quel était le point de référence qu'il fallait surveiller pour l'avenir. C'est essentiellement un instrument de travail pour nous aider à comprendre ce qui va arriver plus tard durant l'année. Je pense que ce n'est pas la place, et ce n'est pas l'occasion pour se quereller sur ce que devrait être le taux. De toute façon, il sera ce qu'il sera, M. le Président, comme bien d'autres choses. On va se borner à en constater l'existence.

Mais, il y a au moins un autre élément dans les prévisions de revenus qui attire singulièrement notre attention. J'y ai fait allusion d'ailleurs, hier, à l'Assemblée nationale. C'est la contradiction apparente quant aux chiffres qu'utilise le ministre des Finances dans sa projection des revenus au titre des transferts du gouvernement du Canada. Je prends, comme exemple - ce n'est peut-être pas le seul, mais il suffira pour les fins de la discussion de ce soir - la somme qui est prévue au titre de la péréquation.

La péréquation, M. le Président, je crois qu'il est peut-être utile de le rappeler pour ceux qui ne sauraient pas ce que c'est en détail, c'est effectivement une formule presque mathématique ou arithmétique qui permet de déduire les versements que doit faire le trésor fédéral à un certain nombre de provinces compte tenu du rendement des impôts, compte tenu de la population des différentes provinces, compte tenu de leur part dans l'assiette fiscale totale, d'une série d'impôts, effectivement, de sources de financement au nombre de 29, et la formule est connue depuis longtemps. Elle est contenue dans des textes de loi qui ont été adoptés en 1977, qui ont été révisés depuis pour des raisons dans lesquelles on n'a pas besoin d'entrer, le problème de l'énergie, le coût de la péréquation. Si on n'avait rien fait pour limiter l'impact de la formule...

De toute façon, tout cela est dans des textes, c'est bien connu. Ce n'est pas sujet à arbitraire, ce qui ne veut pas dire que ce ne serait pas renégocié éventuellement pour lui faire rendre un produit différent. Mais ce qu'on sait, c'est que, pour l'exercice 1981-1982, la formule est déjà connue depuis longtemps et il s'agit simplement d'entrer dans la formule les chiffres pertinents qui sont les prévisions de recettes des différentes provinces pour un certain nombre d'impôts et de recettes non fiscales et on a le chiffre des versements. De ce côté-là, on pourrait s'attendre que les prévisions de tout le monde concordent puisque, présumément, tout le monde utilise à peu près les mêmes sources de prévisions, c'est-à-dire les prévisions que font les trésoreries de chacune des provinces et du gouvernement fédéral.

Quand on compare la prévision du gouvernement du Québec dans le budget présenté le 10 mars avec les chiffres qui émanent du ministère fédéral des Finances et qui sont contenus dans le document de M. MacEachen déposé devant le Parlement fédéral le 23 avril à je ne sais plus trop quelle page, mais on peut facilement le trouver si on cherche un peu, à tout événement, on trouve des chiffres différents et pas un peu différents, assez, beaucoup différents. Effectivement, pour l'année 1981-1982 - dans les deux cas il s'agit d'estimer, puisqu'il faudra attendre la fin de l'exercice et même un peu après la fin de l'exercice 1981-1982 pour savoir exactement ce que la formule donnera - le chiffre du ministère fédéral des Finances est de 1 779 700 000 $ et le chiffre utilisé par le ministre des Finances du Québec, pour 1981-1982, c'est 1 923 000 000 $. La différence entre les deux est de l'ordre de 140 000 000 $ ou 141 000 000 $, mentalement, je ne me

souviens plus du chiffre que j'ai calculé précisément avant-hier, mais c'est de 140 000 000 $ et on se demande un peu comment il se fait qu'on a une différence de cette enverqure dans le budget du Québec.

M. Parizeau: M. le Président, pour faire comprendre cela, nous allons revenir au trou de 500 000 000 $ dans l'Éducation qu'affectionnent nos amis d'en face.

M. Forget: Je ne pensais pas y retomber si rapidement.

M. Parizeau: J'y retournerai plus souvent que vous. Il y a deux façons d'établir des projections quant à la péréquation. La première a trait à ces différences de ce que rapporterait une structure d'impôt en vertu du mode de calcul dont parlait le député de Saint-Laurent pour une année donnée. Là, forcément, comme il le disait si bien d'ailleurs, tout ce qu'on fait, c'est d'établir une estimation. Voilà qu'au cours de l'année 1980-1981, 1981-1982 on prend une photographie de ce qu'on pense que la formule de péréquation va donner. D'autre part, comme il le disait aussi, ce n'est que plus tard, et beaucoup plus tard - c'est pour cela que je reviens à l'analogie des 500 000 000 $, un an, deux ans, trois ans après - qu'on détermine quel a été le rendement de ces structures d'impôt dans chacune des provinces canadiennes de façon précise, une fois que tous les ajustements sont établis. Ce qui veut dire qu'année après année on traîne des ajustements. Il faut donc faire deux estimations: d'une part, ce que la péréquation rapporterait pour l'année où elle doit être calculée et, d'autre part, pour les ajustements des années antérieures. Ces ajustements des années antérieures peuvent représenter des montants considérables, et je vais vous en donner un exemple.

En 1980-1981, l'année qui vient de se terminer, le gouvernement fédéral évaluait qu'il paierait au Québec, en péréquation, 1 764 000 000 $. Parfait. Mais par rapport à plusieurs années antérieures, d'ajustements qui ont dû être faits, ils ont ajouté 73 800 000 $ si bien qu'en fait, c'est 1 838 000 000 $ que nous avons reçus. Là-dessus, on peut se tromper énormément, on se trompe chaque année. Quand je dis qu'on se trompe chaque année, c'est des deux côtés quant aux ajustements. Il y a eu des erreurs des deux côtés quant à savoir non pas seulement ce qu'on doit ramasser dans l'année en péréquation par rapport à ce qui s'est passé dans toutes les autres provinces, mais par rapport à ce que valent tous les ajustements des années antérieures.

Les chiffres dont parle le député de Saint-Laurent sont ce qu'on appelle ces estimations fédérales sans ajustement. Les chiffres que nous avons ici sont une sorte d'idée que l'on se fait de la péréquation qui nous serait redevable, qui nous serait payable pour l'année 1981-1982 plus un certain nombre d'ajustements qui ont ou n'ont pas été faits dans les années antérieures. Je dois dire là-dessus que, dans l'ensemble, si on revient sur les années passées, il n'y a pas eu tellement d'erreurs dans ce sens.

Il y a une dizaine de personnes au Canada qui savent vraiment comment calculer la péréquation. Il y en a deux en Ontario, trois à Ottawa, trois au Québec, dont deux sont derrière moi. Je crains toujours ce qui se produirait si ces dix personnes étaient dans le même avion et que l'avion s'écroulait; le Canada cesserait de fonctionner comme fédération. C'est devenu tellement tordu, tellement complexe, et il n'y a vraiment qu'une dizaine de personnes qui savent de quoi elles parlent. La beauté de l'opération, c'est que si on tient compte de leurs estimations quant aux ajustements des années antérieures et leurs estimations quant à l'année courante, les dix arrivent habituellement à une sorte de consensus sans beaucoup de difficulté. Le problème, c'est qu'ils ne sont que dix à comprendre vraiment de quoi il s'aqit.

Mais on ne se trompe pas tellement sur les prévisions, ni d'un côté ni de l'autre. Ce n'est pas une critique que je fais du fédéral, c'est simplement que l'estimation du fédéral que vous avez, c'est l'estimation des paiements du fédéral imputables à une année définie sans tenir compte des ajustements antérieurs.

M. Forget: M. le Président, ce qui est troublant dans tout cela, c'est que, à la rigueur, on pourrait accepter sans sourciller l'explication qui vient de nous être fournie dans la mesure où elle s'applique aux années futures, dans le sens comptable du mot, et même des années passées pour lesquelles les chiffres ne sont complétés. À ce moment-là, quand on parle de 1980-1981, on est encore dans les années futures parce que...

M. Parizeau: Oui, bien sûr.

M. Forget: ... même si c'est terminé, on ne sait pas plus, en fait et dans les détails, que si ce n'était pas encore arrivé. Quand on voit que ces différences s'étendent aussi loin dans le passé que l'année 1977-1978, et qu'elles sont rapportées dans les deux séries de chiffres où ils diffèrent pour il y a quatre ans, cela crée déjà un certain doute. Cela fait un peu penser aux statistiques sur le commerce international où les exportations d'un pays sont les importations de l'autre et où, comme par hasard, dans certains cas - on l'a vu dans le cas du commerce canado-américain - il y a tout à coup un éventail qui s'élargit à n'en

plus finir. Par exemple, dans le commerce de l'automobile, cela a été un cas célèbre où il a fallu des négociations entre les deux gouvernements pour tenter de concilier leurs chiffres. (20 h 30)

Dans le cas de la péréquation, on est probablement en face d'un phénomène un peu semblable parce que, pour 1977-1978, on a encore aujourd'hui une différence de 50 000 000 $; pour 1978-1979, il faut bien se rendre compte qu'on parle d'une période d'il y a trois ans, on est devant une différence de 140 000 000 $. Évidemment, plus on s'approche du présent, dans un certain sens, pire est la différence. Étant donné que nous approchons d'une période d'intenses négociations, il y aura probablement un certain intérêt, au moins, à ce qu'on sache de quels chiffres on parle quand on parle des versements intergouvernementaux, surtout qu'il s'agit là de versements en espèces. On ne parle même pas des transferts fiscaux où les complications sont encore plus considérables, parce que ce que coûtent, au fédéral, les points d'impôt qu'il cède aux provinces, ce n'est pas équivalant à ce qu'ils valent pour le Québec, étant donné, en particulier, le problème de l'indexation qui s'applique différemment.

Même en tenant compte des versements en espèces, on a cette disparité pour les années passées, depuis longtemps, ce qui semble indiquer qu'on parle peut-être de deux choses différentes. L'explication qu'a donnée le ministre des Finances me porte à croire que dans ce domaine, comme malheureusement dans trop de cas, lorsqu'il est question de finances publiques, on ne sait jamais exactement si on parle d'une comptabilité d'exercice ou d'une comptabilité de caisse. Cela complique un peu les choses. Je me serais attendu qu'on parle d'une comptabilité d'exercice dans ce tableau sur les opérations financières du gouvernement, et je vais vous dire pourquoi. Lorsqu'on regarde les états financiers des années antérieures, on se rend compte qu'ils continuent à bouger littéralement pendant des années, comme si on tenait absolument à apporter rétroactivement des corrections aux états financiers pour les faire correspondre plus exactement à une comptabilité d'exercice, alors qu'il semble que dès qu'on parle de budget, on tient à une comptabilité de caisse où on dit essentiellement: Chaque année, on recommence à neuf, on ne s'occupe pas de savoir si ce qu'on nous verse cette année, c'est au titre de cette année ou au titre d'il y a trois ans. Ce sont les revenus, ce ne sont pas seulement les encaisses de cette année, on les considère, à toutes fins utiles, comme les revenus de l'année courante. Je pense que là, il y a une certaine ambiguïté. Ce que le ministre des

Finances nous dit, c'est que, dans le fond, c'est une comptabilité de caisse et qu'il tient pour acquis que, en plus de ce qui est prévu comme versement au titre de 1981-1982, il fait figurer des versements au titre des années antérieures.

M. Parizeau: M. le Président, effectivement, pour ce qui a trait à la péréquation, nous fonctionnons sur une comptabilité de caisse. Il n'y a pas de mystère là-dedans, le plan comptable détermine très bien ce qui est établi sur une comptabilité d'exercice et ce qui l'est sur une comptabilité de caisse, comme d'ailleurs la comptabilité fédérale est assez claire à ce sujet. Justement, lorsque nous fonctionnons, pour un poste comme celui-là, sur une comptabilité de caisse, ce n'est pas vrai pour tous les autres postes selon le plan comptable. Le plan comptable établit bien ce qui est sur une comptabilité d'exercice et ce qui est sur une comptabilité de caisse. Il y a des choses qui sont absolument étonnantes à certains moments.

Par exemple, à un moment donné, comme séquelle de bagarre, j'admets, un peu vive, autour de la taxe de vente, un chèque qui devait être envoyé dans les derniers jours de mars par le fédéral, à nous, ne le fut pas. Il fut envoyé quelques jours plus tard, en avril, pour que ce soit dans l'année suivante et que ça révèle un trou un peu plus gros dans la comptabilité de caisse du gouvernement du Québec. Ce report de quatre ou cinq jours a déplacé simplement 65 000 000 $, sur une mauvaise humeur. Que voulez-vous? On est exposé à des choses comme cela. Un report de quatre ou cinq jours sur un chèque d'un monsieur qui n'était pas content.

M. Forget: Les résultats de l'année suivante n'en paraîtront que d'autant mieux.

M. Parizeau: Mais oui, bien sûr, ce n'est pas grave. Les enfantillages ne sont jamais graves, sauf qu'il faut comprendre comment cela affecte la comptabilité.

M. Forget: Faut-il donc comprendre que les statistiques du ministère fédéral des Finances sont, elles aussi, sur une comptabilité de caisse ou sur une comptabilité d'exercice?

M. Parizeau: Les comptes publics du gouvernement fédéral sont aussi sur une comptabilité de caisse à cet égard, mais le document que le député de Saint-Laurent a entre les mains n'est pas nécessairement sur une comptabilité de caisse. À cet égard, pour ce qui a trait à nous, je le renverrais aux états financiers de 1979-1980 pour la détermination du plan, de la base sur laquelle nous faisons nos calculs à la page

12: transferts du gouvernement du Canada, ces revenus sont comptabilisés sur la base de la caisse, y compris ceux relatifs aux accords, etc.

Donc, pour nous, c'est très clair; je pense qu'on peut dire aussi que, pour le gouvernement fédéral, quant à ses comptes publics, c'est sur une comptabilité de caisse; quant aux estimations présentées par le ministre des Finances, ça peut ne pas l'être.

M. Forget: Là où ça se complique, c'est que, d'après les mêmes chiffres que nous avons, la différence qu'on observe pour 1981-1982, 940 000 000 $, se répète, quoiqu'un peu moins importante, pour 1980-1981. Il y a aussi une différence d'un peu plus de 117 000 000 $ entre ce que le fédéral prévoit verser au Québec et ce que le Québec escompte tirer de la péréquation. Dans les deux cas, en 1980-1981 comme en 1981-1982, c'est le Québec qui est plus optimiste que le Trésor fédéral.

M. Parizeau: Pour des années écoulées, sur une comptabilité de caisse, on ne peut pas être pessimiste ou optimiste. La comptabilité du Québec...

M. Forget: C'est une façon de parler.

M. Parizeau: ...est ce qu'elle est. Si nous avons perçu ça, si le contrôleur des finances établit que c'est ça que nous avons perçu et que le Vérificateur général dit que c'est ça que nous avons perçu, c'est ça que nous avons perçu, à moins qu'on ne remette en doute l'intégrité de la mécanique comptable. Le contrôleur des finances...

M. Forget: II semblerait aussi...

M. Parizeau: ... établit ce qui est entré et le Vérificateur général dit, effectivement: C'est ça qui est entré. Si le fédéral dit: J'aurais dû vous payer moins que, c'est une opinion. L'entrée de la caisse, ce n'est pas une opinion, c'est un certificat comptable.

M. Forget: Exactement. C'est la raison pour laquelle je disais que l'explication du ministre me complique un peu la vie, parce que, si ce sont des comptabilités de caisse aux deux niveaux, je ne m'explique pas que, pour 1980-1981, il y ait 117 000 000 $ de différence.

M. Parizeau: Oui, mais, encore une fois, comme je le disais, le document...

M. Forget: À moins que ce ne soit un chèque qui a été envoyé en mars et qui ne soit pas encore arrivé à Québec.

M. Parizeau: Cela arrive...

M. Forget: Ou quelque chose du genre.

M. Parizeau: ...constamment. Il reste néanmoins que le document que le député de Saint-Laurent a entre les mains peut ne pas être établi sur une comptabilité de caisse, c'est tout à fait autre chose. La comptabilité publique et les documents explicatifs comme celui qui concerne la péréquation peuvent fort bien ne pas être établis sur la même base. Il y a une chose qui est évidente, c'est que je ne peux pas, d'opinion, changer le montant qui est entré dans notre caisse au titre de la péréquation en 1980-1981. Cela m'échappe complètement. C'est le contrôleur des finances qui dit: Voici ce qui est entré et le Vérificateur général dit: Le contrôleur des finances, effectivement, a le bon chiffre. Je n'interviens pas là-dedans, ça va de soi.

M. Forget: M. le Président, ça demeure une énigme et, dans le fond, on nous renvoie la balle en disant: Écoutez, fournissez-nous la réponse. Je m'excuse, mais nous avons une contradiction apparente dans les documents officiels; le ministre des Finances, je ne sais pas s'il en prend connaissance pour la première fois, j'en doute plutôt, parce qu'il s'agit d'un document qu'il a sûrement eu sur sa table de chevet au cours des dernières semaines... On ne peut pas faire autrement que d'être frappé par une différence cumulative dans les chiffres officiels entre deux ministères des Finances qui se font des paiements l'un à l'autre et qui, sur une période de deux ans, en supposant qu'il s'agit de comptabilité de caisse dans les deux cas ou qu'il s'agit de n'importe quoi, de toute façon, révèle un écart cumulatif de 250 000 000 $. Il s'agit quand même d'un quart de milliard de dollars de différence dans des versements en vertu d'une formule établie dont toutes les dimensions sont connues, sauf, bien sûr, le fait que c'est basé sur des estimations. Mais les estimations doivent être communes. J'imagine que les deux ministères des Finances se parlent quant aux montants que l'on estime devoir utiliser comme entrée fiscale au titre de l'impôt sur le revenu ou de la taxe de vente au détail, des choses dans ce genre-là. Ce ne sont pas des bagatelles. Je ne m'explique pas une différence d'un quart de milliard de dollars entre deux ministères des Finances situés à moins de 500 milles l'un de l'autre.

M. Parizeau: M. le Président, si le député de Saint-Laurent a des doutes quant aux chiffres du fédéral, il ira les demander au fédéral. Tout ce dont je l'assure, c'est que, quand on dit qu'en 1980-1981, il est entré tel montant de péréquation, c'est entré. Je comprends que je surveille ma caisse tous les vendredis soirs, mais je ne

fais pas les comptes. Il y a des gens pour ca. Si on me dit que ce qui est entré, c'est ça et que le député de Saint-Laurent trouve que les chiffres du fédéral sont mal faits, il ira en parler à ces gens. Je sais très bien ce qui entre.

M. Forget: Ne montons pas sur nos grands chevaux, M. le Président, souvenons-nous, pour un instant, que les chiffres dont on parle... Et je parle, à ce moment-ci, des chiffres du Québec; quand ils ont été imprimés, ils ne se voulaient pas autre chose qu'une prévision.

M. Parizeau: En effet.

M. Forget: Et c'était une prévision dans le sens strict, ce n'était pas une prévision de choses déjà passées. C'était aussi une prévision de choses à venir, même pour 1980-1981. Dans le fond, le véritable sens de ma question, c'est de dire: Par rapport à 1980-1981, dans la mesure où on a écrit ces chiffres probablement en janvier ou peut-être même en décembre, on escomptait des rentrées de caisse de 1 838 000 000 $. Le ministre fédéral des Finances qui, lui, avait l'avantage de parler en avril, plutôt que d'envoyer à l'imprimerie un texte en février, a dit: Effectivement, j'ai versé au Québec 1 720 000 000 $. Il y a une différence de 118 000 000 $. Le sens de ma question, c'est de savoir si vous avez prévu 118 000 000 $ qui ne sont pas venus et dont vous savez maintenant qu'ils ne sont pas venus?

M. Parizeau: M. le Président, la même prévision fédérale pour 1980-1981 était, comme je l'ai dit tout à l'heure, de 1 764 000 000 t. Nous, compte tenu des ajustements, avons ajouté 73 800 000 $ pour les années antérieures. Il est rentré au dernier compte - je n'imaqine pas que le chiffre pourrait beaucoup varier maintenant, parce que cela ne vient pas sur une multitude de chèques, c'est sur une base de caisse - 1 838 000 000 $, c'est-à-dire 73 800 000 $ de plus que ce que le fédéral avait prévu. On vient de me dire d'ailleurs que cela va plus loin. Il y a 9 000 000 $ de plus. Sur une base de caisse, ce n'est donc pas 73 800 000 $, comme on l'avait estimé pour les années antérieures, de plus que l'estimation fédérale; c'est 9 000 000 $ de plus. Je n'y peux rien. Si le fédéral me dit: Mon estimation, c'est que vous recevrez 1 764 000 000 $ et que nous estimons qu'ils vont nous payer pour les années antérieures 74 000 000 $, ce qui finalement aboutit à 83 000 000 $ de plus et qu'effectivement, il rentre dans ma caisse 1 838 000 000 $, plus 9 000 000 $, cela fait 1 847 000 000 $, et qu'on constate que dans la caisse il est entré 1 847 000 000 $, je ne me suis pas signé des chèques à moi-même! J'imagine que quelqu'un les a signés, ces chèques. Le fédéral peut se tromper. Je comprends qu'il parle en anglais, mais enfin, néanmoins, il peut se tromper! Il s'agit essentiellement de savoir si les techniciens de part et d'autre, peu nombreux, comme je vous le disais, dont nous avons conscience nous au Québec de ne pas avoir les moins bons, estiment à peu près correctement ce qu'on aura. Tout simplement sur la base de la performance passée, j'ai l'assurance que nous n'avons pas les moins bons de ces dix. Effectivement, c'est ce que cela donne.

Si on voulait pousser cela plus loin, je pourrais aller plus loin aussi. Il est évident que le système des paiements fédéraux au Québec depuis quelques années ne nous avantage pas. Les paiements fédéraux au Québec augmentent au tiers du rythme de l'inflation.

Le député de Saint-Laurent est en train de me dire que si Ottawa avait raison, les paiements fédéraux au Québec augmenteraient à un rythme inférieur au tiers de l'inflation. Je continue d'espérer que le fédéral ait tort, parce que des paiements qui représentent 30% de nos ressources totales au Québec et qui augmentent au tiers de l'inflation nous mettent déjà dans une situation financière qui n'est pas facile. D'autre part, le gouvernement fédéral veut couper, dans ce qu'il a annoncé, 1 500 000 000 % de transferts à l'égard des provinces, dont 600 000 000 $ la première année. Quelle est notre part là-dedans? Cela peut difficilement être inférieur à un quart, probablement plus que cela, donc ce n'est pas loin de 400 000 000 $ qu'on veut nous raser. Déjà, nous avons des paiements fédéraux qui augmentent au tiers de l'inflation et qui nous mettent dans une situation difficile. Le député de Saint-Laurent dit: Sur la base de ce qui est écrit dans des documents fédéraux, cela va être pire que cela! Le ministre fédéral des Finances va encore nous descendre. À un moment donné, il faudrait se poser des questions sur la saveur du régime.

M. Forget: J'ai l'intention de revenir là-dessus un peu plus tard, mais pour ne pas mélanger ces questions, j'aimerais poser une dernière question.

M. Parizeau: C'est un prolongement.

M. Forget: C'est un prolongement, mais avant de laisser le premier prolongement pour en prendre un deuxième, s'il est donc exact que le ministre des Finances tient à sa prévision de 1 923 000 000 $ pour 1981-1982 au titre de la péréquation, peut-il nous indiquer quelle est la partie de cette somme qui devrait être versée en 1981-1982 au titre des années antérieures, parce que vous avez

certainement fait vos calculs?

M. Parizeau: Oui, il s'agit de sortir les chiffres. Un instant, on va fournir l'estimation. (20 h 45)

Je cite les chiffres, M. le Président, parce qu'il y en a passablement. Pour la péréquation, l'estimation fédérale en 1981-1982 est de 326 000 000 % pour l'impôt sur le revenu des particuliers.

M. Forget: Vous voulez le faire pour les 29 sources?

M. Parizeau: Non, je n'aurais pas cette coquetterie, M. le Président.

M. Forget: Vous me rassurez, je n'ai pas assez d'encre.

M. Parizeau: Mais, comme les mouvements sont énormes, il est important de comprendre dans quel genre de calcul cela nous amène.

M. Forget: D'accord.

M. Parizeau: L'ajustement pour l'année courante nous amène à réduire la projection fédérale - vous voyez, on n'est pas exubérant, on la réduit la projection fédérale, parce qu'on trouve que c'est le fédéral qui exubère - de 27 400 000 $. Pour les années antérieures, on calcule qu'il va nous enlever, en nous avertissant quelque part dans le courant de l'année, ce qu'il n'a pas fait jusqu'à maintenant, 99 700 000 $. Nous calculons qu'il va nous avertir quelque part dans le courant de l'année pour l'impôt sur le revenu des particuliers, que la péréquation applicable à... Il va nous raser pas moins de 100 000 000 $ pour les années antérieures. On sait que cela vient, si bien que notre estimation est de l'ordre de 199 100 000 $ sur ce qu'on aura comme péréquation au titre d'impôt sur le revenu des particuliers, mais vous vous rendez compte, on part de 326 200 000 $, l'estimation du fédéral, ajustement à la baisse déterminé par nous de 27 400 000 $ pour l'année courante, ajustement à la baisse de 99 700 000 $ pour toutes les années antérieures.

L'impôt sur le revenu des sociétés, cela va à l'envers. Le fédéral évalue les paiements qu'il nous ferait au titre de la péréquation pour cet impôt à 172 600 000 $. Nous pensons qu'il a tort. Dans ce cas, il va nous devoir pour l'année courante un peu plus. On ajoute 17 000 000 $. Pour les années antérieures, on pense qu'il nous doit de l'argent, on ajoute 27 100 000 $, si bien qu'au lieu de ses 172 600 000 $ on révise à 216 700 000 $ et on descend cela, source de taxation, à source de taxation.

Je vais vous donner un autre exemple. Pour les spiritueux, l'estimation fédérale de ce qu'il nous doit au titre de la péréquation, c'est 90 500 000 $. Nous pensons que, pour l'année courante, il va nous ajouter 30 200 000 $, pour les années antérieures, 53 900 000 $ et qu'on s'en va se chercher quelque chose comme 174 000 000 $. On fait cela source de taxation par source de taxation. Alors que son estimation est de 1 779 000 000 $, on pense qu'effectivement, on va avoir un peu plus que 1 900 000 000 $, tel qu'indiqué dans le discours sur le budget.

M. Forget: Vous conciliez donc ces sommes?

M. Parizeau: Mais oui, forcément, comme chaque année.

Regardons notre performance. Vous allez voir qu'on n'est peut-être pas les moins bons du groupe. En 1978-1979, dans le discours sur le budget, j'annonçais, non pas de mon plein mérite propre, mais à partir des calculs qu'on faisait pour moi, qu'on aurait 1 340 000 000 $ au titre de la péréquation, dans les états financiers vérifiés, déposés, 1 340 300 000 $. Ce n'est pas mal, c'est même bon. Quand même! 300 000 $, ce n'est pas aussi bon chaque année. Ce n'est qu'un élément de hasard, mais enfin c'est pas mal. En 1979-1980, on évaluait à 1 595 000 000 $ les rentrées. On s'est royalement trompé, ce n'est pas 1 595 000 000 $ qui sont rentrés, c'est 1 708 000 000 $. On n'avait pas été assez exubérant. En 1980-1981, on avait prévu 1 805 000 000 $ et, chiffre non officiel, ce n'est pas confirmé, on attend les dernières vérifications du contrôleur des finances et le Vérificateur général aura à nous passer sur le corps par-dessus tout cela, mais on calcule 1 847 000 000 $ au lieu de 1 805 000 000 $. On n'est toujours pas très exubérant dans nos projections. Sur cette base, M. le Président, l'autorité morale quant à prévoir 1 923 000 000 $... Je pense que sur la base des performances passées on n'est peut-être pas si mal que cela.

M. Forget: Tant mieux.

M. Parizeau: Je l'espère parce que comme cela je démontre, en dépit du député de Saint-Laurent, que le fédéralisme peut être rentable, moins que je le souhaiterais, mais plus qu'il ne l'imaginait.

M. Forget: Je sais que vous en avez fait votre théorie.

M. le Président, peut-être pouvons-nous passer à un autre article du budget, à moins que nos collègues aient d'autres questions sur celui-là.

Le Président (M. Desbiens): Le programme 1, élément 1 est-il adopté?

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Desbiens): Adopté. Programme 1, élément 2 est-il adopté? Adopté.

Programme 1 adopté,

M. Forget: Adopté.

Gestion de la caisse de la dette publique

Le Président (M. Desbiens): Programme 2, élément 1, Gestion de la caisse de la dette publique. Élément 1.

M. Forget: M. le Président, justement sur cette question, nous avons eu l'occasion cet après-midi de nous entretenir un peu avec les gens de la caisse de dépôt, mais il y a d'autres éléments de la gestion de la dette sur lesquels nous aimerions poser quelques questions au ministre des Finances pour éclairer quand même le contexte général dans lequel la gestion de la dette se fait.

On a eu recours, depuis un certain temps à des bons du trésor pour ce qui est de la partie court terme de la dette. Le recours à ce nouvel instrument a subi une hausse considérable au cours du dernier exercice. À quel montant, compte tenu de l'inflation, c'est destiné à augmenter sans cesse, mais en dollars constants en quelque sorte si on avait à établir ce chiffre aujourd'hui, le ministère des Finances établit-il le potentiel de ce marché à court terme pour le bon du trésor?

M. Parizeau: C'est une question embarrassante, M. le Président, parce qu'on teste le marché, on augmente de temps à autre de 5 000 000 $ d'une semaine à l'autre à l'occasion des enchères pour voir s'il peut le prendre. Jusqu'à maintenant, il l'a très bien pris. On a l'impression au fond qu'on pourrait en placer beaucoup plus qu'on n'en a placé jusqu'à maintenant. Mais d'un autre côté, cela peut n'être que temporaire.

Il est évident qu'au taux à court terme que nous connaissons à l'heure actuelle, ce type de véhicule rapporte tellement qu'une bonne partie de l'argent investissable s'oriente vers le très court terme. L'une des raisons pour lesquelles la plupart des emprunteurs, à l'heure actuelle, vont vers le marché à court terme, c'est que l'argent est là, il est sur le marché à court terme.

Donc, tout en augmentant de temps à autre de 5 000 000 $ à la fois, et seulement de temps à autre, le montant des bons du trésor, je ne veux pas aller trop vite dans cette voie, parce que j'ai l'impression qu'il y a, pour une part, une sorte d'emballement temporaire. Si les taux d'intérêt fléchissaient comme cela a été le cas de façon assez substantielle, l'été dernier, ou si on revenait simplement à des taux un peu plus analogues à ceux qu'on connaissait, il y a trois ans, je ne suis pas du tout certain que le marché serait aussi ouvert qu'il l'est à l'heure actuelle.

Je noterai cependant une chose. C'est que je pense que nous n'avons pas très bien géré, ou pas très bien occupé ce marché des bons du trésor sur le plan des institutions publiques au Québec, depuis une quinzaine d'années. Je rappellerai, par exemple, qu'au milieu des années soixante, Hydro-Québec avait jusqu'à 250 000 000 $ de bons du trésor en circulation. Il y avait un marché vif à Montréal pour ce genre de titres.

À peu près à la même époque, la CECM à Montréal - ça se sait très peu -avait des bons du trésor en circulation et, petit à petit, dans le courant des années soixante-dix, ce marché des bons du trésor de certains organismes publics est à peu près complètement disparu et c'est depuis quelques années que le gouvernement du Québec a pris la place de ces organismes publics qui émettaient des bons du trésor. On était à peu près complètement disparu et ça avait laissé une espèce de trou dans le marché. 200 000 000 $ ou 225 000 000 $ en 1965; il faut bien se rendre compte qu'à notre époque c'est 450 000 000 $.

Alors, nous, nous n'avons pas l'impression, à l'heure actuelle, d'occuper le marché de bons du trésor potentiels de façon imprudente, au contraire; on y a été petit à petit, tranquillement. Il reste certaines opérations qui seraient susceptibles d'approfondir ce genre de marché, comme le développement d'un marché secondaire un peu plus actif sur les bons du trésor, mais il faut y mettre le temps; ça ne se fait pas en un an ou deux.

Mais mon impression, à l'heure actuelle est que, premièrement, on ne taxe pas ce marché plus qu'il faut, deuxièmement, on y va avec une certaine prudence, troisièmement, qu'on pourrait en mettre davantaqe et pas mal davantage, mais que ça pourrait n'être que temporaire à cause des circonstances particulières du marché. Donc, il ne faut pas chercher à occuper toute la place potentielle qu'il y a actuellement pour des raisons possiblement très circonstantielles.

On me signale une chose que nous allons commencer; là aussi c'est une sorte de test que je fais sur le marché. Il n'y a pas de bons du trésor à six mois dans le secteur public québécois, il y en a dans le secteur public fédéral. Là, nous allons commencer à ouvrir un marché à six mois, là encore pour le tester et voir ce qu'il y a comme demande sur notre marché là-dessus.

M. Forget: C'est une décision ferme pour laquelle il y a une date d'application de prévue?

M. Parizeau: La décision est prise, on commencera la première émission... On pense que la première émission pourra avoir lieu d'ici la fin du mois de juin.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Rosemont.

M. Paquette: Concernant la répartition des emprunts gouvernementaux, est-ce que le ministre aurait à sa disposition les chiffres concernant la provenance des emprunts, c'est-à-dire de sources québécoises, Canada hors Québec, États-Unis...

M. Parizeau: Oui, j'ai la distribution de ces emprunts et nous allons vous fournir ça.

On va prendre ça au 31 mars 1981, qui marque la fin d'une année financière. Sur le marché canadien, en obligations conventionnelles - ce qu'on veut dire par des obligations conventionnelles, ce sont des obligations à terme plus long qu'un bon du trésor ou qu'un emprunt temporaire en banque et qui n'est pas une obligation d'épargne non plus. Cela va? Or, quand on parle d'une obligation conventionnelle, c'est le genre d'obligations qu'on vend, d'ailleurs surtout dans des institutions financières - il y en a pour 64% de toute la dette du Québec, 7 600 000 000 $. J'arrondis les chiffres un peu.

M. Paquette: Sur le marché canadien?

M. Parizeau: Non, excusez-moi, pas sur le marché canadien, payables en dollars canadiens. Il est bien possible qu'ensuite une compagnie d'assurances revende les obligations en dollars canadiens à une institution qui se trouverait à l'extérieur; ça, on ne sait pas; mais elles sont payables en dollars canadiens.

Les obligations d'épargne, vous en avez pour 1 300 000 000 $, c'est-à-dire 10% de la dette totale. Vous savez que, de toute façon, ce sont des obligations en dollars canadiens, donc représentant 74%.

Les bons du trésor et les emprunts temporaires, il y en avait pour 390 000 000 $, c'est-à-dire 3%. Alors additionnez 64% plus 10% plus 3%, il y a donc 77% de la dette du Québec qui est placé en dollars canadiens.

Payables en dollars américains, là, c'est la même chose, ce fut émis aux États-Unis, à une époque ou à une autre, mais ça ne veut pas dire que c'est encore possédé aux États-Unis. Cela a bien pu être vendu à une institution canadienne qui les détient. Mais c'est payable en dollars américains, 18% de la dette.

(21 heures)

M. Paquette: Pour les trois catégories.

M. Parizeau: Pour tout, oui. Tout ce qui est payable en dollars américains. Payable en yens japonais - on entre dans les exotiques - 2%, 266 000 000 $; en deutsche marks, 2%; en unités de compte européen -on a commencé cela l'an dernier, c'est une curieuse histoire, cela marche très bien d'ailleurs et on pourra y revenir, si on veut - c'est la petite variante de l'exotique, 0,7%; et payable en francs français, 0,3%. Vous me direz, payable en dollars américains - si on reprend tout cela - cela fait 18%, cela semble contredire l'idée que j'émettais un peu plus tôt dans l'après-midi que nous n'allons pas souvent sur le marché américain; en fait, on n'y va presque jamais. Seulement cela se concilie de la façon suivante. Il ne faut pas oublier que les dollars américains maintenant s'empruntent sur toute espèce de marché. On fait des emprunts en dollars américains en Europe. On en fait en Asie. On a emprunté des dollars américains au Japon. Évidemment, il faut seulement ajuster cela pour tenir compte du fait que les emprunts payables en monnaie américaine n'ont pas nécessairement été contractés à New York. Ils sont contractés un peu partout dans le monde.

Voilà. Est-ce que cela répond à votre question?

M. Paquette: Oui. Est-il possible d'obtenir des données, dans la portion qui est payable en dollars canadiens, de la proportion qui provient, qui est placée au Québec et qui est détenue par des Québécois?

M. Parizeau: Non.

M. Paquette: C'est impossible. Parce qu'il y a trop de...

M. Parizeau: C'est indéterminable pour la raison suivante. C'est qu'un très grand nombre de compagnies qui achètent ces obligations d'institutions financières n'ont pas de situs particulier quant à la détention des titres, à moins vraiment qu'on prenne comme situs des obligations, le siège social. Mais même cela n'aurait pas beaucoup de signification parce qu'une compagnie d'assurances peut avoir son siège social à Toronto et acheter des obligations du Québec parce qu'elle fait pas mal d'affaires au Québec. Ou alors à l'inverse, nous avons un bon nombre de sociétés américaines dont le siège social est aux États-Unis, qui font beaucoup d'affaires au Canada et au Québec et qui, à cause de cela, achètent nos obligations. Alors là, je ne saurais pas très bien où les imputer. D'ailleurs, cela n'a pas de signification profonde parce que l'endroit où ces titres seraient gardés dans une voûte

n'a pas de signification particulière.

M. Paquette: Maintenant, en termes...

M. Parizeau: Même si, à l'occasion de campagnes électorales, on utilise des Brink's pour les déplacer.

M. Paquette: ...d'évolution de la répartition des emprunts, est-ce qu'il y a une certaine stabilité si on avait des chiffres d'il y a quelques années? De quelle façon cela a-t-il évolué?

M. Parizeau: En pratique, je pense qu'on peut dire ceci. Pour l'essentiel, les obligations du gouvernement du Québec se vendent maintenant au Québec. En somme, quand on achète des obligations du gouvernement du Québec, quand des institutions financières achètent des obligations du gouvernement du Québec, cela part de leurs activités financières au Québec. On ne peut pas dire que le marché des autres provinces canadiennes pour des compagnies qui ne font pas affaires ici habituellement, est un marché très substantiel. Cela veut dire que cela n'est pas fréquent ou cela n'est pas très très fréquent ou, en tout cas, cela ne représente pas un volume considérable de vendre des obligations du gouvernement du Québec à une société financière qui ferait affaires surtout dans l'Ouest du Canada, par exemple. Cela n'est pas fréquent. L'essentiel maintenant se vend à des institutions financières qui font affaires au Québec même si leur siège social n'y est pas nécessairement. C'est un fait qu'on voit se développer graduellement depuis, je pense, l'Union Nationale, depuis Daniel Johnson. Cela s'est fait petit à petit. Il y a eu, à certains moments, des tentatives pour réactiver des marchés pour des obligations de Québec au Canada, tout à fait en dehors du Québec, et ça n'a pas été très loin.

Encore une fois, je tiens à la nuance suivante: Ceux qui achètent nos obligations ne sont pas nécessairement des compagnies qui ont leur siège social ici, mais elles font des affaires ici, passablement.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Saint-Laurent.

Obligations d'épargne

M. Forget: Si nous passions maintenant aux obligations d'épargne. Il y a une campagne qui bat son plein, celle de l'an dernier a été un remarquable succès, au moins sur le plan des entrées de fonds. Nous ne ferons pas de commentaires sur la détermination du rendement, mais l'un est évidemment en relation assez étroite avec l'autre.

M. Parizeau: Bien sûr.

M. Forget: Cette année, en cours de campagne, le gouvernement a annoncé une majoration du taux d'intérêt applicable à l'échéance la plus lointaine. Si c'est possible de le dire sans grands dommages - je ne vois pas quels dommages ça pourrait faire - quel est l'ordre de grandeur de l'entrée brute et de l'entrée nette de fonds que le gouvernement s'assure par la campagne actuellement en cours?

M. Parizeau: Si je l'avais annoncé dans le discours sur le budget, je ne détesterais pas... Je ne veux pas avoir les mêmes sommes que l'an dernier. Comprenons-nous bien. L'an dernier, on a fourni des obligations d'épargne au gouvernement du Québec bien plus que le client - c'est-à-dire moi - en demandait, à 14%. À 14%, à ce moment-là, c'était un taux qui, surtout à la fin ou au cours des derniers jours, était extrêmement favorable parce qu'on a assisté à une espèce d'écrasement des taux à court terme sur le marché. Donc, on en a eu tant et plus, pour les fous et pour les sages; c'était quand même beaucoup parce qu'en somme pour un gouvernement de province qui n'a pas de banque centrale, c'est de l'eau dans la cave, les obligations d'épargne, c'est du capital à demande et Dieu sait, de ce temps-ci, qu'on voit ce que le capital à demande peut faire quand il "effervesce" un peu.

N'ayant pas de banque centrale, je ne tiens pas plus que ça à accumuler des sommes énormes, mais on avait fixé un taux et, comme chacun le sait, on ne peut pas baisser le taux en temps de campagne; on peut l'augmenter, mais le baisser, non. Alors, on en a reçu beaucoup. Il est ironique de penser que compte-tenu de l'augmentation des taux d'intérêt depuis, cette énorme émission d'obligations d'épargne du gouvernement passe maintenant, et à juste titre, comme une excellente affaire. Il est évident qu'à 14% pour deux ans, je ne pourrais trouver cela où que ce soit; si je cherchais à emprunter aujourd'hui 950 000 000 $ à 14%, je ne sais pas exactement où je le trouverais. On ne pourrait même pas le trouver dans ces fonds que la pègre nous offre de temps à autre, comme à n'importe quel gouvernement, à des taux extraordinaires parce qu'elle n'a pas réussi à le laver quelque part, leur fric, parce qu'il ne sort jamais des sommes pareilles. Finalement, cela s'est révélé être une très bonne affaire, mais il reste que cette année il faut que j'aille en chercher plus que normalement j'irais en chercher à cause de la grosse émission de l'an dernier pour assurer les remboursements périodiques et puis, néanmoins, beaucoup moins que l'an dernier.

II se passe exactement le phénomène inverse de ce qui s'est passé l'an dernier. Les taux d'intérêt à court terme ont augmenté assez rapidement en plein milieu de notre campagne. Les dépôts à terme, en particulier, des institutions financières ont augmenté d'un demi-point pendant que notre campagne était lancée. C'est embêtant, c'est un peu idiot parce qu'on sent très bien que la partie à long terme du marché, les taux d'intérêt commencent à fléchir et on sait qu'il est tout à fait possible que les taux d'intérêt baissent à court terme dans quelques semaines. Pour le moment, alors que nous vendons nos émissions, il reste que les taux à court terme se sont élevés.

D'autre part, le gouvernement fédéral a décidé d'augmenter sa propre émission à 16,25% pour cinq mois; pour l'émission fédérale en cours depuis plusieurs mois, c'est le deuxième relèvement. Il était parti à 11,50% pour passer à 13,75% et 16,25%. Évidemment, augmentant à 16,25% en plein milieu de notre émission annoncée à 15,50%, cela nous laisse dans une situation un peu bizarre. Comme leurs 16.25% ne s'appliquent qu'à cinq mois, comme ils ont fermé leur émission le lendemain de l'annonce des 16.25%, comme, d'autre part, cependant, les taux pour les dépôts à terme dans les institutions financières ont augmenté de 0,5%, j'ai fait une sorte de compromis de l'augmenter de 15.50% à 16% pour essayer d'avoir quelque part autour de 300 000 000 $, 400 000 000 $. Si on pouvait obtenir cela, ce serait bien. Si on ne l'obtient pas, ce n'est pas dramatique. Si on obtient plus, ce n'est pas dramatique non plus. Mais enfin, si on pouvait s'orienter de ce côté, cela ne me déplairait pas, compte tenu de la taille de l'émission de l'an dernier.

M. Forget: Compte tenu des remboursements.

M. Parizeau: C'est cela. Quand je dis 300 000 000 $, 400 000 000 $, c'est brut. Je n'en demande pas tant que cela moi. Je n'aime pas beaucoup les obligations d'épargne. Brut, cela me suffirait largement. Ah non, net, pas 400 000 000 $ nets. 400 000 000 $ bruts, cela suffirait.

De quoi assurer les remboursements et ajouter un petit quelque chose, mais enfin pas trop. Dans ce domaine, la modération.

M. Forget: En net, cela se traduit comment? Si l'objectif est réalisé, en net, d'après les indications que vous avez à l'heure actuelle, cela se traduit par combien?

M. Parizeau: Cela dépend. C'est toujours très approximatif parce que cela dépend des encaissements qui auront lieu compte tenu des taux d'intérêt sur le marché et Dieu sait s'ils se balladent à l'heure actuelle. Moi j'irais chercher en net 150 000 000 $, je serais ravi.

M. Forget: Un dernier élément, M. le Président. C'est l'utilisation de la ligne de crédit. Le ministre nous avait dit tantôt qu'il aimerait bien nous en parler. Il s'est réjoui du fonctionnement de cette ligne de crédit. Je voudrais savoir quel recours effectivement on en a fait et d'une façon générale, quel tableau d'ensemble se dégage de la dernière année d'opération de cette facilité de crédit.

M. Parizeau: Quelles sont les lignes de crédit bancaires? Ah oui, il y en a plusieurs. Je vais faire sortir le tableau. Nous en avons pour 855 000 000 $ - je donne les chiffres au 4 juin, donc, c'est tout de suite. C'est le chiffre le plus récent qu'on puisse avoir -dont 300 000 000 $ US négociés par un syndicat dirigé par la Banque de la Nouvelle-Ecosse, c'est-à-dire 355 000 000 $ canadiens, au taux de change actuel. Je signale, soit dit en passant, que cet emprunt a été le premier qui se soit vendu, signé et conclu en langue française d'un bout à l'autre. Vous me direz, cela n'a pas grand-chose avec les finances. Cela a marqué une date. Cela a été signé au salon rouge pour célébrer l'événement. Cela s'est vendu en 20 minutes pour ce qui a trait au montant et en quelques jours pour ce qui a trait à la langue française. Il faut toujours un commencement, quelque part.

Un groupe dirigé par J. P. Morgan, 400 000 000 $ et la Banque de Commerce, 100 000 000 $. En date d'aujourd'hui, nous tirons et nous remboursons sur ces lignes. C'est fait pour cela, d'ailleurs. Alors, en date d'aujourd'hui, nous avons 100 000 000 $ de tirés et il y a donc 755 000 000 $ non utilisés. Vous savez, M. le Président, ce sera toujours en un certain sens la poire pour la soif. Ce qui équilibre l'ensemble de la machine, c'est une marge de crédit comme celle-là. Idéalement, il faut l'utiliser le moins souvent possible, mais quand on en a besoin, c'est toujours commode de savoir que le petit écureuil a ramassé son tas de noix quelque part. C'est le tas de noix de l'écureuil.

M. Forget: C'est un bel écureuil.

M. Parizeau: Mais bien sûr. L'inflation joue sur les écureuils comme sur tout le monde.

M. Forget: Est-ce que ce tirage de 100 000 000 $ représente le montant maximum qui, à un moment ou l'autre, depuis l'inauguration de ces lignes de crédit, a été tiré ou est-ce que cela a dépassé ce montant? (21 h 15)

M. Parizeau: Cela a dépassé, oh oui, bien sûr. On dépasse et on va... L'important, c'est de toujours en garder. C'est de l'utiliser, comme je le disais, le moins possible et le moins longtemps possible. Compte tenu de la situation du marché obligataire conventionnel, à un certain moment, on peut guand même prendre guinze jours de plus pour faire une émission d'obligations en disant: Le marché n'est pas particulièrement favorable. On va tirer sur la ligne de crédit et on fait l'émission quinze jours plus tard qu'on le prévoyait et on rembourse.

M. Forget: On a tiré jusqu'à combien à un moment donné?

M. Parizeau: Plusieurs centaines de millions sur les 855 000 000 $, mais le montant exact, je ne sais pas. On va trouver cela. Comme c'est quelque chose d'automatique et qui parfois n'est fait que pour quelques jours...

M. Forget: Les tirages sont-ils faits au prorata ou...

M. Parizeau: Non, non, pas du tout.

M. Forget: Ils sont faits à l'un ou à l'autre des sources.

M. Parizeau: Ah oui, pour une raison très simple. C'est que la première ligne est calculée au LIBOR plus 3-8 et la deuxième, par exemple, est au taux préférentiel. Bien sûr, le LIBOR plus 3-8 à certains moments coûte moins cher que le taux préférentiel ou le contraire, mais on n'est pas lié à aller le chercher. Cela dépend du taux du jour.

M. Forget: Pendant qu'on cherche le chiffre du tirage maximum, est-ce qu'on a également une évaluation du coût moyen, pondéré, de l'ensemble de ces tirages? Je comprends qu'on nous donne les taux, mais effectivement, en pratique, cela s'est traduit par combien en termes de coûts de recours... Quel a été le coût de ce recours, compte tenu à la fois des montants qu'on a empruntés et du taux d'intérêt qu'il a fallu payer à ces moments-là? Évidemment, tout dépend du profil...

M, Parizeau: Mais cela, M. le Président, il faudrait faire... Je n'ai pas d'objection à faire faire les calculs, mais comme ce sont des taux pondérés par jour et qu'il peut y avoir des périodes de mois où c'est rien, donc, simplement le "stand-by fee", et là, il faudrait faire la moyenne pondérée sur toute la période depuis le début, parce qu'on peut emprunter pendant quelque temps à un taux très élevé, rien pendant trois mois, à un taux très bas pendant quelque temps encore. Je ne m'oppose pas à ce qu'on fasse le calcul, mais il faudrait nous donner le temps de le faire. Ce sont des moyennes de zéro pour des jours. Moi, je n'ai pas d'objection. On peut demander aux gens du ministère des Finances de faire les calculs et de les fournir à M. le député de Saint-Laurent, bien sûr. Mais sur quelle base on ferait cela, pour les jours où on a emprunté plutôt que...

M. Forget: Oui, il me semble que oui, parce que...

M. Parizeau: ...par période, y compris les jours où on n'a pas emprunté.

M. Forget: ...la moyenne pondérée y compris les périodes où c'est zéro, ce n'est pas très...

M. Parizeau: II faudrait fournir le "stand-by fee"...

M. Forget: Oui, je pense.

M. Parizeau: ...parce que quand même, il n'y a jamais de zéro qui ne coûte rien, n'est-ce pas.

M. Forget: C'est quoi, le "stand-by fee"?

M. Parizeau: Le "stand-by fee", c'est un quart de un pour cent.

M. Forget: Sur le total de la marge.

M. Parizeau: Une ligne de crédit comme celle-là...

M. French: On a...

M. Parizeau: ...ne nous est pas offerte pour notre bonne mine.

M. French: Oui, oui. C'était ce que je demandais, exactement combien c'était.

M. Parizeau: II faut réserver le fric. Le droit de réserver le fric coûte un quart de un pour cent, par année. On sortirait, si on fait le calcul tel qu'on vient de l'établir avec le député de Saint-Laurent, on enlèverait les jours où il n'y a rien eu d'emprunté et on enlèverait le "stand-by fee", parce que autrement...

M. Forget: M. le Président... Oui, je vais laisser...

M. Parizeau: Oui, le maximum - je reviens à une question qui m'était posée -sur les 855 000 000 $ des trois lignes de crédit dont je viens de parler, le maximum atteint, à un moment donné, a été de

500 000 000 $.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Bellechasse.

M. L.achance: M. le Président, le gouvernement du Québec émet chaque année des centaines de milliers de chèques, et c'est normal de par ses opérations. Il y a une question que la population se pose et je me la pose moi aussi, personnellement. Le ministre des Finances pourrait nous éclairer là-dessus. Pour quelle raison, par exemple, le gouvernement n'émet-il jamais de chèques à partir d'institutions financières coopératives comme les caisses populaires?

M. Parizeau: C'est un problème que nous traînons depuis fort longtemps. Il faut que des institutions comme celles-là aient un système de compensation suffisamment efficace pour être capable de fonctionner à l'échelle où nous opérons. Il y a des tas d'opérations qu'on peut envisager avec les caisses populaires sur le plan des services à rendre à la population, une fois que leur structure financière aurait été complétée, sauf qu'elle est en train de se compléter.

Je voudrais donner un exemple qui n'est peut-être pas tout à fait celui que le député de Bellechasse soulève, mais qui est très révélateur et qui, je pense, fera comprendre le reste. Depuis des années, quand nous passons des emprunts en Allemagne, nous avons, parmi les groupes qui souscrivent aux obligations du gouvernement du Québec, des organismes coopératifs d'épargne et de crédit au centre même de nos opérations. Pourquoi? Parce qu'ils ont une chose que les caisses populaires viennent seulement d'établir: une caisse centrale. La caisse centrale, c'est une loi que nous avons adoptée il y a un an et demi, quelque chose comme ça, et c'est en train de démarrer.

Il est évident que le jour où il y a une caisse centrale des opérations avec des caisses populaires individuelles deviennent possibles alors qu'elles ne l'étaient pas avant. Par exemple, nous avons, en plus des lignes de crédit dont nous parlions tout à l'heure, des marges d'emprunt dans chacune des banques à charte. On n'en avait jamais eu dans le mouvement des caisses populaires. Le mouvement des caisses populaires ne prêtait pas d'argent comme la Banque de Montréal, la Banque nationale, la Banque royale, la Banque Toronto-Dominion, la Banque mercantile, même. On a des marges de crédit dans chacune de ces banques. Elles pouvaient nous prêter. Les caisses populaires ne pouvaient pas nous prêter, elles n'avaient pas de caisse centrale. Les caisses populaires sont inscrites comme mouvement susceptible de prêter de l'argent au gouvernement du Québec seulement depuis que la caisse centrale existe. Elles sont sur notre liste depuis un an, en gros, c'est tout récent.

La façon de compenser les chèques à l'intérieur du système des caisses populaires sera déterminante quant à la façon pour nous d'utiliser leurs services. Ce n'est pas qu'on ne veut pas, mais il faut collaborer avec elles pour mettre sur pied ce genre de service. Il faut dire que, depuis trois ou quatre ans, on a fait un bon bout de chemin, en particulier quant à la caisse centrale. C'est quelque chose de majeur, de fantastique même, comme pierre d'angle de tout l'édifice, mais seulement ça commence. C'est créé depuis un an et demi et je pense que, vraiment, il faut les considérer comme opérationnelles depuis trois ou quatre mois.

M. Lachance: On peut penser que, d'ici quelque temps, les contribuables du Québec pourront recevoir des chèques du gouvernement tirés sur la caisse centrale Desjardins, par exemple?

M. Parizeau: Nous sommes en train d'établir des rapports avec elle. D'ailleurs, une chose que j'ai oublié de mentionner et qui est tout à fait exacte, c'est que même avant que la caisse centrale ne démarre, on avait commencé à faire des accords avec des fédérations, des unions régionales. On a toujours cherché, depuis trois ou quatre ans, non pas à les suivre, mais à ouvrir des possibilités, pour ces mouvements, d'entrer dans les circuits financiers du gouvernement. On essaie de les attirer dans le système; on les aide autant qu'on le peut, on fonctionne très bien avec eux. Mais seulement il faut qu'ils nous poussent autant qu'on les tire, et les organismes dont on parle, encore une fois, sont tout à fait récents.

La caisse centrale a à peine commencé à balbutier et elle est déjà entrée dans le syndicat financier du gouvernement du Québec; elle y est entrée tout de suite, dès qu'elle est apparue. Mais ne nous faisons pas d'illusions, avant que la caisse centrale se soit fait un peu les muscles, il faudra attendre un an ou deux. Même si elle ne peut pas encore être un élément massif dans le syndicat financier de la province, on l'y a inscrite, elle est là. Sur ce plan, il n'y a rien que le gouvernement actuel ne ferait pas pour amener les caisses dans les circuits financiers traditionnels du gouvernement du Québec. Il faut comprendre, évidemment, que ça représente pour elles des transformations, à la fois de la perception de leur rôle et de leur fonctionnement financier, qui sont importantes, qui sont très exigeantes pour elles. Mais elles le font, et elles le font bien.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: M. le Président, si on essaie

de tracer un tableau d'ensemble de tout ce que nous avons appris relativement à la gestion de la dette du gouvernement, et si on observe aussi, en dehors de ce qui a été discuté ici, les tendances récentes, on se rend compte que, d'une part, comme on l'a vu cet après-midi, du côté de la Caisse de dépôt il y a des perspectives plutôt limitées de croissance des montants à aller y chercher.

M. Parizeau: Sujet.

M. Forget: Sujet, bien sûr. Mais je crois que c'est l'hypothèse la plus sûre dans l'immédiat, celle sur laquelle on peut compter avec le plus de certitude. Du côté des obligations d'épargne, le ministre a indiqué qu'il avait un objectif somme toute assez limité: 150 000 000 $ pour la campagne actuelle, de 1981. Du côté des bons du Trésor, il y a également un potentiel important, mais dont on ne veut pas abuser dans l'immédiat étant donné son caractère un peu aléatoire. Il reste donc, comme soupape de sûreté sur le plan du financement, les lignes de crédit, mais c'est un peu un instrument de dernier recours. Cela, d'une part, qu'on ne voit pas très bien, à moins que ne se découvre tout à coup une nouvelle source de financement, quelles seraient les possibilités d'accéder véritablement à un palier supérieur à celui qu'on connaît déjà sur le plan du financement?

D'autre part, si on regarde la composition de la dette nouvelle, on se rend compte qu'il y a - et cela est normal à l'époque actuelle - une dépendance de plus en plus marquée vers des instruments de court terme. Là où il semble y avoir le problème le plus aigu, étant donné le plafonnement probable, pour l'instant du moins, de la Caisse de dépôt et même s'il y avait une hausse de cotisations avec les demandes des municipalités, par exemple, qui entreraient en concurrence avec celles du gouvernement, même dans cette hypothèse, au niveau des titres à long terme, où la Caisse de dépôt a joué un rôle clé depuis un certain nombre d'années, et en particulier tout récemment en prenant à peu près 80% de ce qui était offert, il ne semble pas y avoir, du moins de façon très claire, de solution de rechange, on semble être dans une situation où, effectivement, il faut y aller très prudemment. À moins, bien sûr, de vouloir utiliser de façon coutumière les marges de crédit pour un financement à court terme et qui se renouvellerait d'année en année et qu'on reporterait d'une année à l'autre à des coûts présumément exorbitants.

J'aimerais demander au ministre s'il faut donner foi à des rumeurs qui circulent depuis un certain nombre de semaines à savoir que si, non du côté du gouvernement mais, en partie peut-être, du côté de certains syndicats qui ont été utilisés dans le passé pour négocier les choses les plus exotiques, dont le ministre parlait, vis-à-vis le gouvernement du Québec et vis-à-vis des emprunts mêmes d'Hydro-Québec qui, évidemment, affectent de façon directe le gouvernement, est-ce qu'il y a quelque chose de fondé dans le fait que les bailleurs de fonds traditionnels sont peut-être un peu inquiets et demandent à être rassurés?

Pour être plus précis, est-ce que le ministre des Finances a l'intention ou s'est déjà livré à des opérations de "fence mending" avec ses milieux financiers? Est-ce qu'il en voit la nécessité? Est-ce qu'il projette des rencontres au cours des prochaines semaines ou des prochains mois?

M. Parizeau: C'est toute une question, M. le Président. Je vais demander l'indulqence pour parler assez longuement là-dessus parce qu'on revient à des questions de stratégie de placement dont nous parlions un peu plus tôt, avant 18 heures ce soir.

Établissons d'abord une distinction très nette entre le gouvernement et Hydro-Québec. Ce sont deux choses complètement distinctes sur le plan, justement, des stratégies de placement. On va parler de l'un et, ensuite, on parlera de l'autre.

Pour le gouvernement de Québec, je pense que le député de Saint-Laurent oublie simplement une chose majeure, c'est que les marchés conventionnels, non seulement ça existe, mais il y a beaucoup d'argent sur les marchés conventionnels, il y en a autant qu'on en veut. (21 h 30)

On ne court pas après les prêteurs de fonds sur ces marchés, il y a de l'argent et en quantité. Évidemment, de temps à autre, il y a des réactions de mauvaise humeur. Quand le Parti québécois est arrivé au pouvoir en 1976, cela n'a pas eu sur les marchés financiers le même genre de répercussion que l'arrivée du précédent gouvernement. La plus forte commotion qu'on ait jamais vue sur les marchés financiers du gouvernement du Québec a été l'arrivée au pouvoir du gouvernement qui nous a précédés. C'est curieux, c'est paradoxal, mais c'est comme ça. Il s'est ouvert des écarts absolument faramineux entre les obligations du gouvernement du Québec et celles de l'Ontario dès la fin de 1969 et singulièrement, à partir de 1970, c'était exubérant. Je n'ai jamais très bien compris pourquoi, d'ailleurs.

Mais, enfin, nous avons connu cela aussi un peu. On arrivait comme gouvernement, je dois dire, dans le complexe ou dans un firmament nord-américain un peu exotique. Il est évident qu'il y a des marchés financiers en Amérique du Nord qui, à cette époque, je parle de fin 1976, début 1977, ont manifesté une mauvaise humeur certaine. Alors, on a

emprunté pendant un certain temps loin de l'épicentre du séisme, en Europe, en Angleterre, en Suisse, au Japon, partout où on connaît les évolutions politiques avec un certain calme et où on en a vu d'autres. Cela a très bien marché.

Lorsque ces marchés un peu agités d'Amérique du Nord ont compris que leur seule mauvaise humeur leur faisait perdre des commissions, ils sont revenus avec alacrité. Depuis ce temps, ça va très bien. La confirmation du nouveau gouvernement au pouvoir fait qu'on est certain, dans beaucoup de milieux, que le gouvernement actuel n'est pas comme on le voyait un peu dans certains milieux en 1976, comme le veau à cinq pattes ou la femme à barbe. Il est confirmé, donc il est respectable. Cela va très bien, il n'y a pas de problème, pas de difficultés particulières.

Est-ce que j'ai des réunions prévues? Bien sûr que j'ai des réunions prévues à ce sujet. Tous les deux ans ou deux ans et demi, je fais, dans ce genre de milieu, ce que j'appelle ma tournée paroissiale. Il est toujours bon de rencontrer les gens, de discuter, de faire le point. Alors, oui, effectivement, j'envisage de faire une longue tournée paroissiale dès que nous aurons ajourné nos travaux. C'est déjà prévu depuis un certain nombre de mois et, encore une fois, c'est très bon. Il faut que les emprunteurs et les prêteurs mangent ensemble de temps à autre. C'est un peu la même question avec le président du Conseil du trésor, dont on me parlait; je crois beaucoup dans les vertus des lunchs. Je fais cela régulièrement, périodiquement, il faut le faire périodiquement.

En ce qui a trait à Hydro-Québec, c'est autre chose. Le gouvernement a décidé que ces 300 000 000 $ qui ont été investis par les Québécois dans les compagnies d'électricité, il y a maintenant 18 ans, il était temps que cela rapporte un peu, compte tenu du fait que Hydro-Québec doit faire quelque chose comme le quart de tous les profits de toutes les compagnies productives au Québec. Ce sont des profits considérables. Pour 6 000 000 d'habitants, des profits de 800 000 000 $ par année, c'est considérable, c'est énorme. Il faut bien se rendre compte de ce que cela veut dire.

Alors, on a décidé que les sociétés d'État, d'une façon générale, quand elles font de l'argent... Elles commencent à faire de l'argent; pas toutes: SIDBEC, ça n'a pas été aussi bien. Dans l'ensemble, elles commencent à faire de l'argent. Donc, une politique de dividendes s'établit. Une politique de dividendes applicable à Hydro-Québec, évidemment, cela provoque des mouvements de sourcils divers. L'important dans ce cas-là, c'est que les prêteurs n'aient pas l'impression que le gouvernement s'en va faire une razzia dans la caisse d'Hydro-

Québec. Il y a quand même des règles civilisées d'opération, des garanties raisonnables. Deux de ces garanties dont j'ai parlé dans le discours sur le budget - il y a un projet de loi qui va être déposé incessamment à ce sujet - sont les suivantes: il y a, d'une part, un coefficient qui couvre les revenus après redevances par rapport aux intérêts payés. Je simplifie un peu, mais à toutes fins utiles cela assurera un coefficient de un.

D'autre part, on garantit une sorte d'autofinancement des immobilisations d'Hydro-Québec à 0,25%, c'est-à-dire à 1/4, qui doit représenter l'autofinancement du système. Ces garanties que nous allons déposer sur la table sont tout à fait remarquables si on les compare à celles qu'on retrouve dans les autres compagnies d'Hydroélectricité ailleurs au Canada et possédées par des gouvernements. Des garanties aussi fortes que cela n'existent pas ailleurs. Hydro-Ontario, par exemple, qui, à cause du rôle que l'Ontario occupe dans notre pays depuis déjà passablement d'années, est une sorte de parangon de la sagesse financière, quoi qu'il arrive et quoi qu'elle fasse, arrive à se débrouiller et à vendre des obligations moins cher que celles d'Hydro-Québec en ayant, par exemple, des pourcentages de couverture d'intérêt, pas de 1,25%, pas de 1%, mais de 0,70% et elle s'en tire. Tout le monde ne peut pas être un parangon. Beaucoup d'autres sociétés d'hydroélectricité au Canada n'ont pas du tout l'équivalent de ce que nous allons maintenant inscrire dans la loi d'Hydro. Dans ce sens, on en arrive à une situation où, finalement, le dividence payé par Hydro serait une sorte de résidu. On assure une série de garanties financières et on a un résidu qui est le dividende à payer. Il reste que c'est un changement majeur dans nos habitudes. On avait pris depuis fort longtemps au Québec l'habitude de considérer que tout ce qu'Hydro pouvait faire comme argent restait dans Hydro et allait dans la construction de barrages. On s'en allait vers une situation baroque qui fait que, dans quelques années, Hydro autofinancerait ses constructions à pas loin de 60%, c'est-à-dire qu'on paierait "cash" les barrages. Payer "cash" les barrages, il faut reconnaître que c'est un peu abusif. Dans ces conditions, à partir d'un principe de vases communicants élémentaire et compte tenu des garanties dont j'ai parlé tout à l'heure, on veut utiliser une heureuse circulation de façon que les barrages ne soient pas payés "cash". Il est normal, quand un barrage est construit pour 75 ou 100 ans, qu'il se finance selon une formule un peu moins autofinancée que cela pourrait-on dire.

Dire que cela ne crée pas de remous serait exagéré, bien sûr. Chaque fois qu'on change quoi que ce soit, cela crée toujours

un peu de remous. Moyennant quoi, parce que ce n'est pas déraisonnable, parce que cela comporte des garanties financières beaucoup plus solides que tout ce qu'on trouve ailleurs au Canada, cela n'a pas de conséquences fondamentales. Il y a des gens qui parlent, il y a des gens qui s'agitent. On en a une longue habitude. Je trouve extraordinaire de penser, par exemple, qu'Hydro-Québec a émis un emprunt à Londres il y a dix jours, pour trente ans, à "bullet", cela veut dire sans fonds d'amortissement, à 15,5%. Cela démontre le calme habituel, loin de l'épicentre du séisme.

M. Forget: Est-ce que la garantie essentielle que le gouvernement donne dans le fond d'abord et avant tout à ces milieux qui s'énervent, c'est l'engagement qu'il prend d'autoriser toute tarification qui permettra effectivement à la fois de respecter ces ratios et de verser des dividendes à un niveau quelconque qui pourrait être déterminé de temps à autre selon la bonne expression, par le gouvernement? Il est évident que, si j'avais à prêter de l'argent à une entreprise dont les prix sont déterminés par le gouvernement, qui, en plus, est un monopole dans son secteur, et qu'on me disait quelles que soient les charges fiscales ou quasi fiscales que l'on imposera à cette entreprise, que, de toute façon, les revenus suivront, je serais tout à fait disposé à me rassurer. De toute façon, ce qui fait le bonheur des uns fait le malheur des autres. Ce qu'il serait intéressant de savoir, c'est si, essentiellement... On a à peine besoin d'une confirmation. L'hésitation qu'on a pu ressentir dans certains milieux financiers, c'est qu'on ne savait pas les intentions du gouvernement relativement à la tarification. Maintenant qu'on a été éclairé là-dessus, on a toutes les raisons d'être rassurés, effectivement; il n'y a rien de mystérieux là-dedans.

M. Parizeau: Je pense qu'effectivement le député de Saint-Laurent, M. le Président, a parfaitement raison, les tarifs d'Hydro-Québec ont toujours été déterminés par arrêté en conseil. C'est dans la loi. C'est le gouvernement du Québec qui établit les tarifs.

Nous sommes placés, sur le plan de la tarification, dans une sorte de dilemme assez répandu dans le monde d'aujourd'hui et qui est le suivant: si les prix du pétrole augmentent de 25% ou 30% par an - cette année, ce sera pas loin de 30% au Canada -on peut difficilement dire, pour éviter que les barrages se paient comptant et simplement pour maintenir le niveau des profits d'Hydro-Québec à un niveau raisonnable, qu'on va baisser les tarifs d'électricité ou bien qu'on va les tenir constants pendant des années, alors que le prix du substitut, c'est-à-dire du pétrole, augmente de 20%, 25% ou 30% par an. Cela provoquerait des distorsions sans nom à la fois sur le plan des particuliers et des entreprises, quant à la forme d'énergie dont ils ont besoin.

D'autre part, il serait absurde comment voulez-vous convaincre des gens d'économiser l'énergie, si c'est le seul prix qui n'augmente pas ou, à plus forte raison, qui baisse? - ce serait le bout du monde qu'on paierait des subventions aux gens pour dire: Faites isoler vos maisons, mais on vous garantit que le prix de l'électricité dont vous vous servez pour le chauffage, ce sera le seul prix qui n'augmentera pas. Le beurre va augmenter, les oeufs vont augmenter, tout va augmenter, mais on vous garantit que l'énergie n'augmentera pas et qu'on va payer les subventions pour faire isoler vos maisons. Les gens diraient: Vous êtes tombé sur le crâne. Ils auraient parfaitement raison. On ne peut pas économiser de l'énergie si on rend un prix de moins en moins élevé par rapport à tous les autres prix dans l'échelle. Il faut donc trouver le moyen d'établir une tarification qui, bien sûr, n'augmente pas le prix de l'électricité autant que le pétrole. Il n'y a pas de raison. Nous avons un avantage sur ce plan, il n'y a pas raison d'y renoncer. Mais d'un autre côté, il ne faut pas, non plus, provoquer un gaspillage des ressources dont on dispose. Cela coûte toujours cher d'établir des barrages et plus on ira loin, plus cela coûtera cher d'établir des barrages. On ne va pas gaspiller de l'argent simplement parce qu'on maintiendrait un prix trop bas de ce côté. Il faut donc avoir une tarification qui augmente nettement moins que le prix du pétrole, mais, d'autre part, quand même pas à un niveau trop différent du rythme général d'inflation.

C'est dans cette optique que les choses ont été discutées. C'est ce qui fait, je pense, que beaucoup de gens sérieux se sont dit, comprenant ce type d'argumentation: C'est vrai que, dans ces conditions, il n'y a aucun problème pour Hydro-Québec pour les années à venir et c'est probablement pour cela que, quand on fait les tests du marché, comme l'émission que nous avons faite récemment, ses obligations à trente ans se vendent sans problème aucun. Bien sûr, dans ce sens-là, je suis d'accord. J'ai été un peu long, mais je n'ai fait qu'expliciter ce que disait le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Merci, merci. M. le Président, il y a quand même un certain nombre de choses étonnantes que vient de dire le ministre des Finances. Il a commencé sa démonstration en nous disant: Vous voyez, ces surplus. On fait des profits à HydroQuébec, allons chercher ces profits par une distribution de dividendes, mais la démonstration se termine en disant: Comme

on veut aller chercher de l'argent d'Hydro-Québec, il faudra bien augmenter les tarifs pour produire les surplus dont on pensait, au début du raisonnement, qu'ils existaient déjà. Ce que je veux dire - le ministre des Finances le comprend très bien - c'est qu'effectivement ce ne sont pas les profits qui sont là qu'on va aller chercher par la distribution des dividendes; ce sont les profits qu'on va créer pour Hydro-Québec en autorisant Hydro-Québec à majorer ses tarifs suffisamment pour que tous les investisseurs soient convenablement rassurés quant à la sécurité de leurs investissements et qu'en plus, au-delà de cela qui est déjà assuré, on aille chercher un surplus dont on va s'emparer pour financer le gouvernement pour ses besoins généraux, quoique là, il y a un ordre, on a inversé la logique, on aurait d'abord dû nous dire: On veut adopter une politique de tarification qui va produire sur la base de l'équivalent thermique ou Dieu sait quoi, une parité avec le pétrole et le gaz naturel de manière... Je n'ai pas besoin de répéter le raisonnement auquel on vient d'assister. Cela, c'est la première orientation et, parce qu'on fait cela, on va produire un surplus qu'il serait convenable d'aller chercher, puisque, autrement, cela va produire un résultat comme payer "cash" les investissements que fait Hydro-Québec. Mais notons bien que les profits qu'on va prélever, ce ne sont pas les profits d'aujourd'hui; ce sont les profits qu'on va y mettre, qu'on va produire pour Hydro-Québec par une politique de tarification qui est logiquement antérieure à tout ce qu'on veut faire au niveau des dividendes. (21 h 45)

Dans cette mesure, ne nous illusionnons pas. Ce que l'on devrait dire d'abord aux contribuables, c'est que nous avons décidé d'augmenter les tarifs et, bien évidemment, cela va produire des surplus dont on va s'emparer par la suite. Ce à quoi on va assister pour le contribuable, ce n'est pas tout à coup à la récupération d'un surplus qu'autrement on lui aurait nié, dont autrement on l'aurait privé. Mais ce qu'on va lui retourner sous une autre forme, c'est l'argent qu'on sera d'abord allé chercher dans ses poches par une augmentation des tarifs. Que l'augmentation des tarifs puisse être justifiée en vertu d'une philosophie ou d'une autre sur l'affectation des ressources dans le domaine énergétique, cela est un autre débat.

Mais il reste que l'impact principal des décisions, c'est qu'on finance les dépenses du gouvernement via une augmentation des tarifs d'Hydro. Que ce soit justifié ou non, encore une fois, sur un plan philosophique, cela n'enlève rien à l'effet principal sur le contribuable que ce que son gouvernement retire comme dividende, c'est autant d'argent qu'il paie maintenant, plutôt que par sa formule d'impôt, par son compte bimestriel d'électricité. Je pense que cela est l'élément principal.

Qu'on ait rassuré, dans le processus, les milieux financiers, tant mieux pour eux. Que ce soient les milieux financiers qui aient eu la primeur des intentions du gouvernement là-dessus, cela m'étonne un peu. Ce qu'on a d'abord annoncé aux contribuables, c'est qu'on allait chercher un surplus. On a oublié de leur dire que le surplus, au moment où on prenait la décision d'aller le chercher, il n'existait pas encore mais qu'on allait prendre les mesures nécessaires pour qu'il se produise un jour, de façon à ce que, quand on irait le chercher, il soit effectivement là. Comme les deux décisions dépendent du gouvernement, c'est une opération qui est assez facile, en effet. Il s'agissait, comme l'oeuf de Christophe Colomb, d'y avoir pensé pour le faire. Mais il reste que ce n'est pas tout à fait aussi simple que d'aller chercher un surplus qui serait déjà là. Le surplus n'est pas là, il est nécessaire pour le financement actuel, pour honorer les ratios qui sont les ratios traditionnellement observés par HydroQuébec. On veut y substituer de nouveaux ratios, de nouveaux objectifs. Fort bien, mais encore faut-il voir que c'est une nouvelle situation qui est d'abord et avant tout le fruit d'une décision gouvernementale de majorer les tarifs d'électricité. Cela, c'est la décision de base.

M. Parizeau: Autant j'étais d'accord tout à l'heure avec ce que disait le député de Saint-Laurent, autant là je ne suis plus d'accord du tout.

Sauf erreur, la discussion du programme d'investissement d'Hydro, de la politique tarifaire, des substituts entre formes d'énergie a été faite en commission parlementaire avant le discours sur le budget, il y a une semaine ou quinze jours.

M. Forget: Et c'est très curieux ce qu'on y a dit aussi, quand on l'examine à la lumière de ce qu'on trouve dans le budget et de ce que vient de dire le ministre des Finances.

M. Parizeau: Encore une fois, l'un a précédé l'autre. L'espèce d'ordonnancement logique dont parlait le député de Saint-Laurent a été tout à fait logique. On l'a suivi dans un ordre chronologique parfait.

Deuxièmement, ce n'est pas vrai qu'on va chercher des dividendes futurs sur des revenus futurs. Cela commence dans l'année fiscale 1981-1982, et pour le plus clair de l'année fiscale 1981-1982, l'augmentation de tarif est de 10,6%. Cette augmentation de tarif, quand est-ce qu'elle a été décidée? Pas cette année. Il y a trois ans. Il y a trois ans que cela a été déterminé.

Donc, on ne dit pas: On vous annonce

des augmentations mirobolantes des prix de l'électricité, à même cela on va faire des profits extraordinaires et avec cela on va aller chercher un dividende. On dit: La situation actuelle est la suivante: Hydro fait au-delà de 700 000 000 $ de profits. Nommez-moi une compagnie de cette taille, où que ce soit, qui, faisant 700 000 000 $ de profits et devant augmenter ses profits considérablement dans les trois ou quatre prochaines années, même avec des augmentations modérées et très modérées de prix, s'en va vers beaucoup plus que cela en termes de profits et ne paie un sou de dividende à ses actionnaires. Curieux!

Normalement, une compagnie qui fait des profits pareils et, encore une fois, des profits pareils appuyés sur un marché de 6 000 000 d'habitants, c'est énorme. Qu'on traduise cela aux États-Unis pour un marché de 240 000 000 d'habitants, on arriverait à une des plus grandes sociétés du monde en termes de profitabilité actuelle, pas à venir, pas rêvée, maintenant. On dit: 6 000 000 d'habitants arrivent à se sortir, dans une de leurs sociétés, 700 000 000 $ de profits nets. Dieu, que ce serait bizarre de se payer un dividende! Il n'y a rien de bizarre là-dedans, c'est dans l'ordre normal des choses. Les entreprises fonctionnent comme cela. Donc, nous commençons une formule de paiement de dividendes au cours d'une année, ou pour neuf mois sur douze, c'est-à-dire jusqu'au 1er janvier prochain; le tarif a été établi, il y a trois ans. On ne projette pas sur l'avenir d'aucune espèce de façon. Là où il faut projeter sur l'avenir, c'est en termes de quel genre de tarif il faut pour éviter de gaspiller l'énergie. Encore une fois, ce débat a eu lieu, pas après le discours sur le budget, pas pendant le discours sur le budget, avant le discours sur le budget en commission parlementaire. Ce n'est pas quelque chose que le gouvernement a cherché à cacher. D'ailleurs, ce serait ridicule de cacher cela.

On n'a effectivement, à l'heure actuelle, qu'à avoir une politique de prix énergétiques pour faire en sorte qu'on ne gaspille pas l'énergie. Dans ce sens, l'espèce de contradiction logique que voit le député de Saint-Laurent, je ne la vois pas du tout.

Le Président (M. Desbiens); M. le député de Rosemont.

M. Paquette: C'est sur le même sujet. M. Forget: Ce ne sera pas long.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Est-ce à dire que le ministre nous affirme que, compte tenu des mesures qui se trouvent dans son budget de mars dernier, compte tenu non seulement de cette politique relative aux dividendes que devra payer Hydro-Québec, mais compte tenu également des autres éléments et en particulier de la taxe sur la liste de paie, qui est majorée et qui a une certaine implication pour une entreprise qui a une quinzaine de milliers d'employés, il serait suffisant de maintenir la tarification actuelle pour permettre de satisfaire à la fois les préoccupations des investisseurs et les obligations nouvelles qui sont ainsi créées à Hydro-Québec?

Je pense que la réponse à cette question, enfin cela m'étonnerait beaucoup qu'elle soit dans l'affirmative, quoiqu'il faudra, dans les meilleurs délais, envisager une révision des tarifs pour faire face à ces modifications.

M. Parizeau: Si l'on prend les tarifs des trois dernières années, je ne sais pas si le Conseil des ministres, car à la fin de 1981, il a une décision à prendre, décidera d'établir les tarifs pour trois ans ou pour deux ans ou pour un an. Enfin, la dernière fois où nous avons pris une décision, c'était pour trois ans. Donc, cela a été pour 1981, 1980 et 1979.

Les augmentations de tarifs, qui ont été établies pour ces trois années, ne sont pas du tout incompatibles ou d'un ordre absolument différent de ce qu'on peut imaginer comme étant raisonnable ou réaliste pour les trois années qui viennent. S'il y a un ajustement...

M. Forget: 70% sur trois ans.

M. Parizeau: Bien non, ce n'est pas 70% sur trois ans.

M. Forget: Cumulativement, c'est à peu près cela.

M. Parizeau: Non, non. Une voix: 10%.

M. Parizeau: Cela a été plus que cela la première année, cela a été - je parle vraiment de mémoire - 13,6%, 13,3% et 10,6%. Aucune méthode d'intérêts composés ne peut donner 70%. Je m'excuse, mais les tables d'intérêts composés ne donnent pas cela.

M. Paquette: M. le Président.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Rosemont.

M. Paquette: ... je voudrais poser un peu la même question d'une autre façon. C'est bien sûr que les préoccupations du coût de l'énergie doivent entrer en ligne de

compte. Cela ne m'intéresse pas tellement de savoir lequel est venu avant l'autre. Je trouve tout à fait justifié que les profits d'Hydro-Québec servent maintenant à l'ensemble des Québécois et puissent être intégrés dans le budget du Québec. Ma préoccupation, c'est que le gouvernement du Québec ait des ressources financières suffisantes pour jouer son rôle de redistribution des richesses dans la société, enfin toutes les responsabilités qu'un État comme le Québec doit assumer. Et si une partie de ces ressources financières doivent venir des profits d'Hydro-Québec dans laquelle les Québécois ont tellement investi, tant mieux!

Ma question: Cette année, je pense, dans le budget, on est allé tirer à peu près 700 000 000 $ à 800 000 000 $ des profits d'Hydro-Québec?

M. Parizeau: Le montant des profits d'Hydro-Québec est un peu supérieur à ceci.

M. Paquette: Ah bon! Et ce qui sera utilisé dans les revenus du gouvernement?

M. Parizeau: De l'ordre de 150 000 000$.

M. Paquette: 150 000 000 $ cette année. Compte tenu des contraintes qui sont posées ou proposées dans le projet de loi qui est devant l'Assemblée nationale et en supposant une augmentation normale des tarifs qui serait inférieure ou autour du taux d'inflation, quelle serait la marge prévisible de manoeuvre l'an prochain, en supposant que le gouvernement veuille aller chercher tous les surplus d'Hydro-Québec qui seraient disponibles? Je ne dis pas que le gouvernement le fera, je ne vous demande pas de dire s'il le fera, mais quelles seraient les possibilités, combien d'argent pourrait-on aller chercher dans les surplus d'Hydro-Québec?

M. Parizeau: Pour l'an prochain, ce n'est pas un montant très différent de celui de cette année, 1981-1982. Donc, pour 1982-1983, c'est probablement d'un ordre similaire, d'après ce que je peux voir. C'est vraiment au bout de trois ou quatre ans, la quatrième année en particulier que là ça commence à rapporter davantage. Cela pourrait être à ce moment absolument déterminant sur le plan de nos marges de manoeuvre, dans l'hypothèse où le gouvernement fédéral confirmerait, indépendamment des discussions qui auront lieu, que les réductions des paiements aux provinces qu'il a annoncées, il a l'intention de les transformer en législation. Le problème majeur peut se poser, pas tout de suite, mais au moment où le gouvernement fédéral chercherait à récupérer ou à atténuer une partie de son déficit, à même des coupures radicales de fonds à l'égard de ces provinces qui participent le plus aux programmes d'aide fédérale; là, ça peut jouer un rôle.

À l'heure actuelle, par rapport à l'ensemble de nos ressources, cette année ou l'année prochaine, ça va être relativement marginal; quand je dis l'année prochaine, je veux dire 1982-1983. Évidemment il faut faire une espèce de projection quant aux revenus d'Hydro-Québec dans un an, mais, d'après ce qu'on peut voir, ce n'est pas un montant d'une nature très différente, c'est après ça que ça monte. Et, remarquez, ça redescend, en dollars constants, lorsqu'il y a une accélération des investissements d'Hydro-Québec - c'est normal, d'ailleurs - passé 1985. Entre 1985 et 1991, les investissements d'Hydro-Québec redémarrent - parce que là ça va rester constant pour quelques années -très rapidement et là le poids de ce dividende pour Hydro-Québec baisse, ce qui est tout à fait loqique et tout à fait normal. C'est-à-dire qu'il arriverait au bon moment pour le gouvernement et il baisserait au bon moment pour Hydro-Québec. Ce n'est pas la quadrature du cercle, mais pas loin!

M. Forget: M. le Président.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: ... en parlant de quadrature du cercle, on voit, d'après la description que vient de donner le ministre de ce qu'il peut attendre d'un tel prélèvement sur les surplus d'Hydro-Québec, que ce ne sont pas tout à fait les surplus actuels, mais ce sont bien les surplus futurs sur lesquels il mise. Donc, ce n'est pas tout à fait différent, au contraire, ça coïncide bien avec ce que nous disions nous-mêmes que c'est en fonction des projections de revenus, donc en fonction des hypothèses qu'on peut faire sur la tarification future d'Hydro-Québec. Le ministre a dit: La tarification va augmenter à peu près dans la ligne de ce qu'elle a augmenté dans le passé. Ce n'est pas de ce côté-ci qu'il faut nous rappeler que la tarification d'Hydro-Québec a passablement augmenté depuis quelques années.

Il nous a cité des chiffres pour les trois dernières années, mais il faut bien voir que ça, ça se situe à la suite d'augmentations dans les deux années précédentes également. Quand je parlais de 70%, je pense que ce n'est pas un chiffre qui est faux, si on considère l'ensemble des années qui sont étalées depuis 1976. Je pense que c'est un ordre de grandeur en taux composés qui est supérieur aux quelque 25% ou 30% que nous mentionnions tout à l'heure.

Il y a donc une augmentation qui s'est déjà opérée et qui est forte et on nous annonce que c'est seulement dans la mesure

où cette augmentation se poursuit et même s'accélère qu'on aura des revenus.

D'un côté, ça tend à confirmer que c'est véritablement une forme de taxation déguisée; on va taxer les gens en fonction de leur consommation d'électricité pour assurer le financement des programmes généraux du gouvernement. Je veux bien qu'on croie que c'est là la seule possibilité, mais il demeure que c'est une forme d'imposition un peu régressive, c'est un peu différent de la philosophie qui avait présidé, au début, à l'acquisition par l'État du réseau d'électricité. Enfin, je veux bien qu'on change de philosophie pourvu qu'on l'admette. (22 heures)

D'autre part, puisque le ministre lui-même a fait allusion à la commission parlementaire de l'automne dernier, c'est-à-dire d'il y a quelgues mois, relativement au programme d'investissement d'Hydro-Québec, je trouve un peu ironique qu'il parle d'une situation où Hydro-Québec aurait tellement de fonds qu'elle pourrait payer "cash" ses investissements puisqu'il me semble bien avoir entendu les représentants d'Hydro-Québec nous dire qu'au contraire il y aurait un goulot d'étranglement au cours des années quatre-vingt qui les forcerait, je dis bien -ils ne le choisissaient pas - à ralentir justement à partir de 1985 jusqu'à la fin des années quatre-vingt dans leur programme d'investissement.

Une chose que, par exemple, la FTQ a déplorée parce qu'elle dit que sur le plan humain, sur le plan des emplois qui sont ainsi abolis après avoir été créés et qui seront recréés quelques années plus tard, c'est une dislocation considérable de tout un secteur industriel pour lequel la seule raison semble être une difficulté qu'anticipe HydroQuébec de financer un programme d'investissement qui serait plus stable, qui serait mieux planifié, dans le fond, qui serait moins sujet à des variations en moins et en plus et qui, probablement, à long terme, assurerait des investissements à meilleur coût.

Alors, comment se fait-il que ce dont Hydro-Québec parlait il y a quelques mois, qui était un goulot d'étranglement sur le plan financier, devient maintenant une espèce de pléthore de financement, une espèce d'indécence qui ferait qu'Hydro-Québec pourrait payer "cash" ses investissements dans quelques années? Est-ce qu'on s'est parlé pour nous tenir des propos comme ceux-là? J'en doute. J'aimerais bien voir les projections qui permettent d'affirmer qu'on paierait, d'ici quelques années, à 60% le coût d'investissement des barrages à même les profits ou les surplus réalisés dans l'année. Cela me paraît difficile à croire, étant donné l'envergure des investissements récents et prévisibles pour Hydro-Québec. Est-ce qu'on est en face d'un goulot d'étranglement ou si on est en face d'un surplus pléthorique de fonds qui fait qu'on serait un peu déjà, sans le savoir, presque dans la situation de l'Alberta? On aurait Hydro-Québec qui produit tellement d'argent qu'on ne sait littéralement plus où le mettre. Il faut se trouver des façons d'aller siphonner ce réservoir qui risque de déborder à tous les instants. Mais ce n'est pas le tableau que j'ai eu d'Hydro-Québec depuis quelque temps. Je pense qu'ils sont sur les marchés financiers. Ils accrochent tout ce qu'ils peuvent accrocher. Ils sont bien fiers de pouvoir emprunter d'avance parfois en disant: Ouf! On a passé ce cap-là; au moins on va pouvoir respirer un peu et maintenir notre programme de construction. Comment se fait-il que la situation se transformerait si rapidement? Ce sont des nouvelles, ce sont de grandes nouvelles.

M. Parizeau: M. le Président, avant que je réponde à cette question, est-ce qu'on pourrait établir, de part et d'autre, une sorte d'entente sur la façon dont on veut procéder à l'égard de deux groupes? Je comprends que nous avons une entente entre nous qu'on finirait vers minuit. C'est cela? Alors, j'ai avec moi... On me dit que les gens de Loto-Québec étaient ici... On ne désire pas...

M. Forget: On leur a expliqué que nous n'avions pas de questions à leur poser.

M. Parizeau: Qu'ils pouvaient repartir. Quant au curateur public, est-ce qu'il y a des questions? Lui aussi, c'est un problème de...

M. Forget: Le curateur public...

M. Parizeau: II n'y aurait pas de questions?

M. Forget: Non. Nous le saluons avec plaisir, mais nous n'aurons pas de questions à lui poser.

M. Parizeau: Je pense, Me Lussier, que dans ces conditions on pourrait peut-être vous libérer plutôt que de vous faire attendre jusqu'à minuit.

Une voix: ...conditionnel.

M. Parizeau: Je m'excuse de cette interruption, mais c'est seulement pour qu'on puisse...

M. Forget: On s'excuse. On aurait dû penser au curateur public. D'ailleurs, au moment où le ministre parlait, tout à l'heure, je l'ai aperçu du coin de l'oeil et j'ai dit: Mon Dieu, celui-là, on l'a oublié!

Fort heureusement, votre ministre se souvient de vous.

Une voix: On est privé d'une belle discussion.

M. Parizeau: Merci, Me Lussier. Passons maintenant aux commentaires sur les commentaires du député de Saint-Laurent.

Je vous avouerai que puisqu'il trouvait cela ironique, moi, je dois avoir l'ironie un peu noire. Lorsque le gouvernement précédent s'est engagé dans la Baie-James, une chose était claire, évidente et soulignée de partout. Je me souviens, à cet égard, il y a plusieurs années, d'un éditorial particulièrement percutant du Wall Street Journal à ce sujet qui disait: Ce n'est pas grave que ça coûte 8 000 000 000 $ au lieu de 4 000 000 000 $ comme prévu, ou 12 000 000 000 $ au lieu de 8 000 000 000 $, ou 16 000 000 000 $ au lieu de 12 000 000 000 $ parce que ce qu'Hydro-Québec ne pourra pas aller chercher sur les marchés financiers le gouvernement du Québec ira le chercher dans la poche des consommateurs d'électricité. Donc, que ça coûte 8 000 000 000 $, 12 000 000 000 $ ou 16 000 000 000 $ ou 32 000 000 000 $, le consommateur paiera. Effectivement, on a assisté à une vague d'investissement considérable de la part d'Hydro-Québec, qui a été financée, pour une bonne part, par des augmentations de tarif même à l'époque où personne ne s'attendait à ce que le prix du pétrole augmente aussi vite.

Il faut bien comprendre que les premières décisions qui ont été prises avant nous, quant aux augmentations rapides du prix de l'électricité, étaient causées par le programme d'investissement d'Hydro-Québec. II n'était pas question, à ce moment-là, de dire: Nous cherchons à économiser de l'énergie, la crise arabe commençait à peine, et le divorce entre les prix des diverses sources d'électricité n'était jamais aussi apparent qu'il l'est à notre époque.

Là, les investissements d'Hydro-Québec ralentissent non pas à cause d'une planification, mais simplement à cause de l'ordre des choses. Les barrages, le gros oeuvre sont terminés. Il reste de la machinerie à entrer. En termes de montants à dépenser, c'est moindre, c'est pas mal moindre. En fait, au moins pour les trois, sinon les quatre prochaines années, le volume - si on enlève l'effet de l'inflation - des investissements d'Hydro-Québec, y compris la Société d'énergie de la Baie-James, va baisser. Le volume des investissements d'Hydro-Québec baisse. Il ne baisse pas, encore une fois, à cause d'une sorte de dislocation avec des goulots d'étranglement qu'on envisage ou qu'on n'envisage pas, cela vient simplement de l'ordre des choses. Après les barrages vient la machinerie et la machinerie coûtant moins cher que le gros oeuvre, forcément, le montant total des investissements baisse. Cela a, d'ailleurs, un impact sur l'économie du Québec qui n'est pas négligeable. Il faut quand même comprendre qu'Hydro-Québec représente à peu près 25% de tous les investissements productifs au Québec; c'est énorme, mais c'est inévitable.

La prochaine phase d'immobilisation d'Hydro-Québec va se produire entre 1985 et 1990. Et là, parce qu'il faudra donner un autre coup analogue à celui qu'on a vu passer à l'occasion de la Baie- James, il va y avoir une accélération extraordinairement rapide des investissements et d'après les programmes que j'ai vus, cela se situe davantage entre 1988 et 1990. En 1985, ça part, mais c'est vraiment entre 1988 et 1990 qu'on arrive à des montants d'investissements considérables. Il va y avoir une autre pointe. Bien sûr, tout le monde aimerait que les investissements, de quelque chose d'aussi lourd et d'aussi pesant dans notre économie qu'Hydro-Québec, puissent s'égaliser d'année en année, seulement, ce n'est pas faisable. On ne construit pas un demi-barrage et trois turbines pour finir, trois ans plus tard, l'autre moitié du barrage et trois autres turbines. On commence par le gros oeuvre et, ensuite, on passe aux turbines. Donc, c'est cyclique, c'est inévitable, ça vient par vagues. La prochaine vague sera dans quatre ou cinq ans, on n'a pas le choix.

Quand bien même on dirait, à l'heure actuelle, on accélère les travaux... Parfois, on voit comme cela des gens - dont nos amis d'en face connaissent d'ailleurs un représentant particulièrement autorisé - qui disent: Accélérez les travaux. Mais accélérer les travaux, cela ne se fait pas parce qu'avant le gros oeuvre il y a les plans et devis. Le temps que cela va prendre pour aller dans d'autres rivières, pour les plans et devis, ça ne se raccourcit pas beaucoup. Donc, il y a une phase de préparation de plans et devis qui va durer deux ans, deux ans et demi, trois ans, et quand bien même on "s'effervescerait" et on se tapait les flancs en se disant qu'il faut accélérer, cela ne mettrait pas une tonne de béton dans le champ tant que les plans ne seront pas finis. Donc, il faut reconnaître que de 1981 à 1985 les immobilisations d'Hydro-Québec vont plafonner et baisser en volume.

Qu'est-ce que cela veut dire? C'est là où on trouve, au fond, l'expression du paradoxe apparent du député de Saint-Laurent. Qu'est-ce qui se passe pendant ces trois ou quatre années? On revient à la politique de tarification. Est-ce qu'on peut annoncer, pendant ces trois ou quatre ans, que les tarifs ne bougeront pas? Tout le reste augmenterait avec un taux d'inflation de 10%, 12%, 13% par année, sauf les tarifs d'électricité au Québec qui plafonneraient. C'est ridicule. Encore une fois, tout ce que cela entraînerait, ce serait une consommation anormale d'électricité et un

gaspillage de ressources, en ce sens que certains mouvements de substitution iraient beaucoup trop loin.

Si, au contraire, on a une politigue de tarification qui se situe guelgue part entre les substituts énergétiques comme le pétrole ou le gaz et d'autre part, rien, pas d'augmentation du tout, ce n'est pas déraisonnable, cela correspond, je pense, à une vue parfaitement évidente du genre de politique énergétique qu'on doit suivre, sauf que les profits d'Hydro-Québec aujourd'hui entre 700 000 000 $ et 800 000 000 $, qui, de toute façon, sans augmentation de tarif ou avec des augmentations tout à fait mineures, augmenteraient d'ici 1985, vont augmenter considérablement alors qu'Hydro-Québec pendant cette phase-là n'en a pas fondamentalement besoin.

Là où elle aura besoin d'un autofinancement important, ce sera quand ses investissements vont s'accélérer après 1985 et en particulier entre 1988 et 1990. Qu'est-ce qui arrive à notre formule de dividendes pendant ces années où Hydro-Québec a besoin de bien davantage d'argent? Justement, notre dividende, son poids relatif sur les profits, va diminuer juste à ce moment-là. Je ne revois rien d'anormal dans cela, rien d'antisocial et c'est exactement le genre de choses, à mon sens, qu'il faut faire.

M. Forget: M. le Président, c'est loin d'être convaincant, cette diatribe du ministre.

M. Parizeau: Une diatribe est contre quelqu'un, contre qui c'était?

Une voix: Contre le consommateur.

M. Forget: La diatribe, dans ce cas-ci, est contre le consommateur, effectivement. Essayer de nous faire croire que la programmation des travaux d'Hydro-Québec, c'est le fruit de la nécessité, qu'il n'y a aucune décision qui ait jamais été prise relativement à la mise en route des projets, à leur rythme d'exécution, que tout est décidé par les ingénieurs qui construisent tantôt le barrage et qui, l'année suivante, mettent les turbines dans le barrage, que cela, c'est voulu par la Providence en quelque sorte et qu'il n'y a rien à y faire, rien à y changer, c'est taxer un peu notre imagination. N'importe qui, qui a deux sous de bon sens, ne peut pas ajouter foi à un tableau comme celui-là. Il faut quand même respecter les limites du bon sens et de la vraisemblance. Le projet de la Baie-James, ce n'est pas un barrage avec de la place pour une turbine, et on ne peut évidemment pas mettre la turbine avant que le barrage soit construit; cela, je suis capable de comprendre cela...

M. Parizeau: Pas davantage!

M. Forget: ... mais, quand il y a une centaine de barrages dont les uns sont pour la retenue des eaux et les autres pour la production d'énergie électrique, où vous avez plusieurs unités de production qu'on peut mettre en service à des rythmes différents, où il y a plusieurs rivières qu'on peut choisir endiguées ou pas endiguées selon une programmation qu'on a établie pour d'autres raisons que des raisons de génie, qu'on ne vienne pas nous dire que tout cela est décidé par Dieu quand il a décidé du relief topographique du Nouveau-Québec et que, dès qu'on y met les pieds, on est pris dans un engrenage d'où on ne peut pas sortir.

Il y a des choix nombreux qui ont été pris, à la fois par Hydro-Québec et par le gouvernement, pour étaler dans le temps ses travaux, et, si les travaux, à un moment donné, déclinent, c'est parce qu'on a bien voulu qu'ils déclinent ou parce qu'on ne pouvait pas faire autrement, pas parce que les ingénieurs ne voulaient pas ou n'étaient pas capables, mais parce qu'il y avait un tas de considérations, y compris celles relatives au financement dont Hydro-Québec a fait état elle-même quand elle a comparue en commission parlementaire. Alors, qu'on ne vienne pas nous dire qu'il n'y avait aucun choix, c'est la responsabilité de personne et qu'on va justement chercher l'argent quand il y en a trop, par hasard, et que par hasard aussi, quand il n'y en aura pas assez, on va arrêter d'aller en chercher. Tout cela n'est pas voulu par la Providence, la main de l'homme est là de façon très claire, et la main de l'homme en question elle est probablement en face de nous.

M. le Président, je pense qu'on a assez exploré cette question pour, peut-être dans l'heure et demie qui nous reste, aborder un autre sujet. Quant à moi, je n'ai plus rien à ajouter de ce côté-là.

M. Parizeau: Je devrais quand même, M. le Président, dire quelques mots à ce sujet-là. La main de l'homme, j'imagine, on la trouve dans, justement, ces scénarios de développement présenté par Hydro-Québec en commission parlementaire auxquels le député de Saint-Laurent faisait allusion. Alors, voyons voir un peu. Les investissements prévus par Hydro-Québec pour 1981 sont 2 800 000 000 $; pour 1985, quatre ans plus tard, c'est de 3 200 000 000 $. Cela fait 400 000 000 $ d'augmentation sauf qu'avec un rythme d'inflation, mettons de 10% par année, c'est à peu près 50% d'augmentation dans les prix. Donc, si Hydro-Québec maintenait son volume d'investissement constant, il ne serait pas à 3,2, mais à 4,2 l'investissement, ce qui veut donc dire que le volume des investissements d'Hydro-Québec baisse de 25%.

(22 h 15)

Bon, moi, je veux bien que, découvrant cela, on se dise: il faut s'agiter, cela n'a pas de bon sens, pas de dislocation. Il n'est pas trop tard en ce sens que la baie James fournit une certaine quantité de courant. On ne peut pas absorber plus de courant que le marché domestique ne peut en prendre, plus nos contrats d'exportation aux États-Unis. Le reste, c'est de l'eau qui coule à travers des turbines immobiles. On ne va tout de même pas se taper un paquet de turbines immobiles simplement pour éviter de la dislocation. Mais Hydro-Québec, compte tenu de la projection qu'on a de la consommation de l'électricité, en arrive de toute façon à avoir des surplus, on en exporte une partie aux États-Unis et on ne sait pas quoi faire avec le reste. Je n'ai jamais vu encore de pays qui se monte des turbines en disant: Je sais qu'elles ne feront rien pendant des années, mais cela me plaît. Personne ne fait ça.

Le financement, maintenant, ce problème majeur de financement d'Hydro, apparent, que soulevait le député de Saint-Laurent; Le financement externe d'Hydro pour ses investissements est prévu comme étant de 2 200 000 000 $ en 1981, et, en 1985, de 2 034 000 000 $. Donc, une réduction du montant du financement externe de 200 000 000 $. Si vous tenez compte de mon petit calcul quant à l'inflation, le financement externe aurait un volume constant, s'il se retrouvait à 3 300 000 000 $ en 1985. Mais ce ne sera pas 3 300 000 000 $, cela va être 2 000 000 000 $. En fait, c'est de 60% que baisse le financement externe d'Hydro. Donc, des investissements en volume qui se réduisent, un financement externe pour ces investissements qui tombe en chute libre et des profits exubérants. La conclusion du gouvernement, c'est qu'il n'y a pas de raison que les 300 000 000 $ qu'on avait investis en 1962 là-dedans ne commencent pas à rapporter un peu. Quand, après 1985, la situation changera, le dividende aussi automatiquement changera. Voilà, M. le Président, ce que j'avais à dire.

Le Président (M. Desbiens): Programme 2, élément 1, adopté?

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Desbiens): Programme 2, élément 2, adopté?

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Desbiens): Programme 2, adopté. Programme 3?

M. Forget: Adopté, M. le Président.

Le Président (M. Desbiens): Programme 3, adopté. Programme 4, élément 1: fonds de suppléance?

M. Forget: La discussion a déjà eu lieu là-dessus, M. le Président.

Le Président (M. Desbiens): Programme 4, adopté, éléments 1 et 2?

M. Forget: Adopté.

Le Président (M. Desbiens): Programme 5, gestion interne et soutien.

Renégociation des arrangements fiscaux

M. Forget: M. le Président, je pense qu'on procède assez rapidement, mais j'ai une question. Je ne sais pas où l'insérer dans le cadre de la ventilation par programme. Peut-être qu'on a déjà, dans le fond, dépassé le moment où on devrait l'insérer. J'aimerais donner l'occasion au ministre des Finances de nous faire part de ses réflexions ou de ses orientations, à ce moment-ci. D'ailleurs, il a indirectement, et même assez directement, fait allusion à ce problème déjà dans certaines de ses remarques sur la question des ententes fiscales et de leur renégociation. C'est un sujet qui va être abordé carrément au niveau ministériel à l'automne. C'est, évidemment, un sujet sur lequel le ministre fédéral des Finances a déjà fait entendre des grondements sourds et même moins que sourds dans certains cas et il a clairement indiqué son intention d'aller récupérer un certain nombre de millions qui sont actuellement versés aux provinces parce qu'il a un problème financier et que, j'imagine, il juge que cette renégociation des ententes fiscales est une occasion aussi bonne qu'une autre de contribuer à la solution de son problème à lui.

Cependant, il risque, en réglant son problème à lui, d'en causer un tout aussi sérieux pour ses homologues des différentes provinces et singulièrement du Québec. Ce sera là une discussion qui se déroulera dans un contexte, bien sûr, imprégné des déroulements de la discussion constitutionnelle, donc, probablement pour la première fois depuis assez longtemps, le renouvellement de ces ententes revêtira-t-il peut-être un caractère un peu plus aigu que cela n'a été le cas dans le passé où on se bornait, dans le fond, à faire évoluer des formules de financement sans modification très grande, quoiqu'il faut dire qu'en 1976-1977 la mise sur pied de la formule des programmes établis a provoqué une modification très sensible, mais, dans le fond, c'était la poursuite, la continuation logique de ce qui se faisait depuis un très grand nombre d'années. Cette fois-ci, on semble déceler une intention nouvelle et

différente de la part du gouvernement fédéral. Cela fait courir aux trésors provinciaux un risque appréciable. S'il est possible de préciser un peu les orientations et les objectifs à ce moment-ci, de quelle façon le gouvernement du Québec ou au moins le ministre des Finances envisage-t-il d'aborder cette négociation?

M. Parizeau: M. le Président, c'est un peu difficile de répondre à cette question, parce que, dans une espèce de phase préparatoire, il y a quand même un assez grand nombre de réunions au niveau des fonctionnaires pour explorer à la fois la signification exacte de certaines des intentions du gouvernement fédéral et, d'autre part, examiner les possibilités de modifications dans les formules existantes, dans leurs calculs, dans leurs effets. Je pense qu'il faudra probablement encore un peu de temps dans le courant de l'été pour qu'on ait suffisamment de pièces sur la table pour y voir un peu plus clair. L'essentiel des négociations va avoir lieu cet automne, puisque la loi fédérale des arrangements fiscaux vient à échéance le 31 mars 1982 et la nouvelle loi doit donc être votée avant. On peut donc s'imaginer que tout cela va être discuté normalement entre la fête du travail et Noël.

On comprend que le gouvernement fédéral a un déficit difficilement supportable, parce que 14 000 000 000 $, cela l'a gêné; cela fait trois ans que le gouvernement fédéral est qêné dans l'aide qu'il voudrait apporter au développement économique par l'ampleur de son déficit. Dans un certain sens, cela le gèle dans son action, dans la flexibilité qu'il pourrait apporter à ses politiques. Je comprends cela, n'importe qui de raisonnable peut comprendre cela. Il n'en reste pas moins que l'idée de chercher à réduire le déficit en refoulant vers les provinces une partie de ce déficit, c'est facile en un certain sens, et quand on parle d'arrangements fiscaux, ce n'est pas vraiment une entente, ce n'est pas un arrangement, ce n'est pas une convention collective qu'on signe. Le gouvernement fédéral nous laisse parler jusqu'à ce qu'il décide d'arrêter les discussions et il dit: Je prépare mon projet de loi et je vais le faire adopter. Il faut bien s'entendre, le terme "arrangements fiscaux" est très ambigu. Nous conversons agréablement ou moins agréablement jusqu'à ce que le fédéral décide que cela va faire.

Il n'en reste pas moins que, sur la même base, nous pourrions montrer, nous, au Québec, une grosse réduction de notre déficit seulement en n'ayant pas fait la réforme fiscale municipale. Si on n'avait pas fait la réforme fiscale municipale, on annoncerait un déficit de 2 500 000 000 $ cette année au lieu de 3 000 000 000 $, et à la rigueur, s'arrêter en aussi bon chemin? On pourrait remettre des dépenses aux municipalités et ne pas leur donner l'argent. Ces dépenses ne seraient pas imputées à nos crédits et on dirait aux municipalités: Allez emprunter à notre place, débrouillez-vous, faites ce que vous voudrez, montez le taux de la taxe foncière, mais on vous rend des champs de dépense. On ne vous donne pas l'argent. Vous aurez de plus gros déficits et, si vous voulez avoir de plus petits déficits, taxez-vous, mais, si vous voulez garder les déficits comme cela, allez emprunter où vous voudrez. On aurait pu faire cela. Je pourrais avoir un déficit largement réduit, jusque d'un tiers, seulement comme cela, sans histoire. On n'a jamais voulu faire cela parce que je pense que c'est irresponsable. Il va y avoir sur ce plan une discussion très dure, je ne me fais aucune espèce d'illusion là-dessus.

Sur un deuxième plan, je pense qu'il est important de réexaminer le fonctionnement de certaines formules d'arrangements fiscaux, en particulier la formule de péréquation. Je suis très frappé, au fond, par le caractère d'automaticité qu'on a donné à la formule de péréquation depuis un certain nombre d'années. Je le dis d'autant plus volontiers que j'ai été associé très étroitement, mis, en 1966 et en 1967, en face de cette formule qui est restée substantiellement la même; II y a eu un certain nombre d'ajustements, mais, l'automaticité même de la formule fait que les provinces qui sont engagées dans des efforts de développement économique - et Dieu sait maintenant qu'il y en a plusieurs que plusieurs provinces se sont engagées dans cette voie - travaillent en pratique pour réduire le déficit du gouvernement fédéral. Plus vous essayez d'amener de ressources dans le développement économique, de créer de l'emploi, c'est sans doute important pour l'économie de la province en question, mais sur le plan de son trésor, par rapport au trésor public fédéral - j'ai essayé, d'ailleurs, d'en parler dans le discours sur le budget à cet égard avec un petit tableau et je pense que c'est assez révélateur - les efforts sont bien plus rémunérateurs pour le trésor fédéral que pour le trésor de la province. Il me semble qu'on peut imaginer des changements à des formules un peu différentes qui rendent un peu plus incitatif pour les provinces - pas incitatif indéfiniment, parce qu'on fausserait le sens même de l'expression "péréquation" - mais au moins incitatif sur une courte ou sur une moyenne période, le financement des sommes affectées au développement économique. Il y a des formules ici qu'on peut envisager et qu'il va falloir tester avec le fédéral si tant est que ce genre de choses l'intéresse.

Troisièmement, guant aux formules de financement des programmes établis, je comprends très bien la démarche du fédérai de 1976-1977. Oui? Ah, excusez-moi! Je comprends très bien la formule de 1976-1977

qui consistait essentiellement à dire de la part du fédéral: Nous voulons avoir des contributions aux programmes établis de santé, de bien-être social, etc., qui ne nous engagent pas dans n'importe quelles négociations de salaires ou n'importe quelles augmentations de dépenses décrétées par une province seulement et dont on serait forcé de payer 50%. Ce que le fédéral a dit en 1976-1977 - et je pense que c'était raisonnable - c'était: Si vous décidez d'augmenter de 40% les salaires de vos enseignants et de vos infirmières, faites-le, cela ne nous regarde pas, mais on ne veut pas en payer la moitié. On va avoir des formules de subventions aux programmes établis qui augmentent en fonction d'un certain rythme, mais pas à n'importe quel rythme que vous déciderez vous-mêmes, vous, chacune des provinces. Ce n'était pas déraisonnable, mais là, il ne faut pas descendre beaucoup plus bas. À partir du moment où la combinaison des formules actuelles de péréquation et des formules des programmes établis nous donne une progression des paiements fédéraux au Québec, comme je le disais tout à l'heure, de l'ordre du tiers de l'inflation, cela veut dire que le poids des paiements fédéraux au Québec tombe en volume chaque année et là, ce que le ministre des Finances nous annonce, c'est qu'il va aller plus loin que cela encore. Cela ne tombe pas, en volume, suffisamment vite. Cela va être, je pense, une bataille inévitable, mais encore une fois, sur deux plans: celui essentiellement de la résistance à cette chute du poids effectif des subventions fédérales dans le budget des provinces et, d'autre part, la découverte, si l'on peut ou, en tout cas, l'exploration de nouvelles formules qui seraient peut-être un peu plus intéressantes, pas nécessairement plus coûteuses, mais un peu plus intéressantes dans le fonctionnement particulier des formules de péréquation. La deuxième opération est plus intéressante que la première, mais la première était inévitable et il est possible que sur le plan de l'opinion publique, ce soit la première opération, c'est-à-dire littéralement une bataille de rue, qui soit la plus spectaculaire. Dans un certain sens, c'est dommage, parce qu'il y a des possibilités de reprendre la formule de péréquation, de lui faire donner davantage, mais cela impliquerait un climat relativement serein et je commence à douter qu'on puisse l'avoir.

M. Forget: M. le Président, en général, je ne suis pas en désaccord avec ce que vient de dire le ministre, sauf sur un point et je n'y reviendrais pas si ce n'était pas la deuxième fois qu'il le mentionne. Je pense qu'il y a des raisons réelles d'envisager que la discussion sera dure et difficile l'automne prochain, mais il me semble que le dossier est suffisamment sérieux pour qu'on le débatte au mérite sans introduire un élément qui m'apparaît à la limite un peu de l'ordre du sophisme, lorsque le ministre dit: Les transferts qui nous viennent du fédéral croissent à un rythme qui est du tiers de celui de l'inflation, je pense qu'il fait un peu de casuistique parce qu'il adresse ses remarques essentiellement à une partie, à ce que le fédéral, du moins, considère comme étant une partie de ses transferts aux provinces, les transferts en espèces. Dans le cadre des programmes établis, cependant, il faut se souvenir qu'environ la moitié des transferts prennent la forme d'un transfert de points d'impôt, d'un transfert fiscal. (22 h 30)

Pour juger du taux de progression global de l'espèce d'enveloppe financière qui a fait l'objet d'une entente entre les niveaux de gouvernement, au moment où on a changé la formule de partage des coûts pour la formule des programmes établis, il faut voir non seulement la progression des montants en espèces, qui, effectivement, n'est pas entièrement susceptible de varier totalement en fonction de l'inflation, quoiqu'il y ait là-dessus des réserves à formuler, mais il faut prendre l'ensemble du tableau. N'est-il pas vrai que, si on prend l'ensemble du tableau, particulièrement l'utilisation qu'en fait le Québec - je pense en particulier au transfert des points d'impôt sur le revenu des particuliers - le fédéral calcule sa perte, en quelque sorte, en termes des revenus qu'il aurait tirés de ces points d'impôt, compte tenu qu'il indexait pleinement, dès le départ, les exemptions personnelles et même les tables d'impôt, mais qu'il transfère ses points d'impôt au Québec qui, lui, en fait un usage encore plus rentable, si l'on peut dire, au moins pour le trésor public puisque, pendant une partie des années couvertes, et même jusqu'à maintenant, de façon partielle du moins, l'indexation ne se faisait pas? Si l'on tient compte de ces points d'impôt transférés, que l'on considère le taux d'accroissement de ce qu'en a tiré le trésor public du Québec et qu'on l'ajoute à l'accroissement des transferts en espèces, l'affirmation qu'il a faite n'est plus aussi exacte.

Quoi qu'il en soit, c'est un point de détail, mais je pense qu'il est peut-être bon de ne pas se perdre dans une question d'importance secondaire, de détail technique secondaire qui, essentiellement, n'a rien à voir avec le fond du problème qui est le désir d'Ottawa, indépendamment de cette question, non seulement de réduire son taux de progression, mais de réduire même l'assiette sur laquelle on doit calculer le taux de progression de ses contributions à l'avenir. C'est donc quelque chose de beaucoup plus sensible et de beaucoup plus important que, simplement des modifications

dans le taux de progression.

M. Parizeau: M. le Président, je ne disconviens pas un instant que ies points d'impôt récupérés, si on peut dire, d'Ottawa dans les années soixante, 1964 ou 1965, à l'occasion de l'"opting out" d'un certain nombre de programmes, étant incorporés dans notre base d'impôt sur le revenu au Québec, doivent entrer dans le portrait complet des transferts. Mais il faut noter que pendant plusieurs années les transferts financiers ont augmenté à un rythme qui était voisin ou analogue soit au taux d'inflation, soit même à mieux que cela. Donc, les transferts financiers du gouvernement fédéral ont maintenu une sorte de place constante dans le système, ce qui n'est plus le cas depuis trois ou quatre ans. Non pas parce qu'il y a un sombre dessein - ce n'est pas une conspiration pour faire baisser les transferts financiers - mais il reste que des transferts financiers qui augmentaient à un certain rythme augmentent maintenant à un rythme qui est la moitié ou en bas de la moitié du pourcentage qu'on a connu pendant un certain nombre d'années.

Si on veut rendre le portrait complet, cela se combine à un certain nombre d'initiatives du gouvernement fédéral, depuis deux ans, de ne plus contribuer à un certain nombre de programmes de dépenses, en plus de tout ce qu'on vient de dire. Cela n'apparaît pas, non plus, dans les transferts financiers. Le gouvernement fédéral enlève ses contributions à un certain nombre de programmes ou les réduit considérablement et nous dit: Si vous voulez les continuer, allez-y, mais payez tout. Je pense à une foule de choses qui vont tout aussi bien du resserrement de certaines normes dans le cas de l'assurance-chômage, avec l'impact que cela a eu sur le bien-être social, à la réduction de ses contributions aux programmes d'inondation dans la région de Montréal, à l'arrêt à peu près complet pendant un bon bout de temps de sa contribution sur le renouvellement de la flotte de pêche. On pourrait donner des exemples autant qu'on en veut.

On se souviendra qu'il y a un an et demi, peut-être deux ans, le prédécesseur de l'actuel ministre des Finances à Ottawa avait procédé ainsi à une série de coupures de dépenses portant essentiellement sur les contributions aux provinces. Si on veut prendre le portrait complet, je ne disconviens pas qu'il faut utiliser les points d'impôt dont parlait le député de Saint-Laurent. Il faut utiliser les transferts financiers tels qu'ils apparaissent dans nos livres. Il faut ajouter, cependant, si on veut prendre le portrait complet, les dépenses que nous devons porter à la place du fédéral parce qu'il s'en est retiré.

J'oubliais un exemple assez significatif à cet égard et qu'on a dû maintenir, celui-là, les COFI. Les COFI, on paie tout. Jusqu'à il y a deux ans, le fédéral payait la moitié pour les COFI ou 60%, je ne me souviens plus très bien. Maintenant, c'est zéro. Nous, on avait le choix ou bien de fermer tous les COFI ou bien de les payer au complet. Si on veut prendre le portrait complet selon ces trois éléments - encore une fois, je reviens sur ce que je disais tout à l'heure: les transferts financiers proprement dits, le deuxième morceau de ces trois volets, augmentaient à un certain rythme qui s'est réduit d'à peu près la moitié depuis quelques années - forcément le poids est inévitable.

On peut se rendre compte de l'ampleur de ce que cela représente par les deux chiffres suivants: de 1972 à 1977, les transferts financiers du gouvernement du Canada au Québec ont augmenté en moyenne par année de 18,8%, donc, de près de 19%. De 1977 à 1981, ils ont augmenté de 8,2% et là, nous sommes en bas de 5%. C'est-à-dire que, pendant cinq ou six ans, cela augmentait de 19%. Au cours des quatre dernières années, en moyenne, cela a augmenté de 8% et là on est en bas de 5%. Là, le ministre fédéral des Finances dit: C'est encore trop. Cela va être un automne très chaud inévitablement. Encore une fois, ce que je regrette un peu, c'est que dans la mesure où ça se fait dans un climat extrêmement tendu, les aménagements, les modifications intéressantes aux formules actuelles qui auraient pu être discutées sérieusement risquent, évidemment, d'être ratiboisées par l'atmosphère de hurlements généraux qui vont se produire.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Bellechasse

L'usine d'eau lourde de LaPrade

M. Lachance: Un peu comme le député de Saint-Laurent, je me demande si c'est le moment de poser la question, mais je pense bien que c'est un peu en relation avec les sommes versées par le fédéral au Québec. Depuis quelque temps, quelques mois ou même quelques années, il y a 200 000 000 $ qui traînent dans le décor à la suite de l'arrêt des travaux de l'usine d'eau lourde de LaPrade. J'aimerais savoir de la part du ministre des Finances si le dossier est toujours ouvert, s'il y a de l'évolution qui est prévisible là-dedans ou bien si, au contraire, le Québec doit se préparer à en faire son deuil. Également, est-ce qu'il est pensable que cela puisse faire partie des discussions de l'automne?

M. Parizeau: Sur le plan de l'état du dossier aujourd'hui, ce sont d'autres collègues

que moi qui le font cheminer. Ce n'est pas un dossier fermé, mais un dossier qui est très mal en point, en ce sens que, quand cela a été fermé, c'était le deuxième plus qros chantier au Québec après la Baie-James. C'était un énorme investissement.

Effectivement, une sorte de compensation de 200 000 000 $ avait été mentionnée par le gouvernement fédéral utilisable surtout - pas exclusivement, semble-t-il, encore qu'il est difficile de savoir ce qui s'est dit, ce qui a été confirmé - dans des programmes d'énergie et en particulier d'énergies nouvelles. Cela n'a pas marché du tout. Je n'ai eu aucun moyen jusqu'à maintenant de faire débloquer ces sommes. C'est d'autant plus embêtant que cela tombe à un moment où nous avons toute une série d'expériences, assez coûteuses dans certains cas, dans le domaine effectivement des nouvelles énergies. Par exemple, le projet d'une usine de méthanol pour l'avenir du Québec et pour longtemps est quelque chose de très important. Il faudrait, au fond, être capable d'aller le plus vite possible pour savoir jusqu'où ce procédé ou les procédés auxquels on pense à l'heure actuelle sont utilisables, quel genre de coût de production réel on obtient, comment cela se compare à d'autres coûts. Vous voyez, c'est justement une des choses qu'il va probablement falloir faire seul, parce que ce fonds de 200 000 000 $ était normalement disponible dans l'esprit de la proposition du temps pour du financement de ce genre d'activité. La société Nouveler -je confonds toujours, il y a une troupe de ballet qui porte le même nom, mais ce n'est pas ça - a toute une série d'expérimentations à faire et il est évident qu'ils ne pourront pas avoir autant d'argent qu'il en faudrait parce qu'une somme comme celle-là n'est pas disponible. Dans ce sens-là, c'est terriblement gênant; c'est plus que gênant, en un certain sens, ce n'est pas correct. Tous les pays, à l'heure actuelle, cherchent à avoir des "pools" d'argent disponibles pour faire des expériences dans le domaine des énergies nouvelles. C'est un peu aberrant de penser que ce dossier des 200 000 000 $ qui, prioritairement, auraient pu servir à cela, est encore dans les limbes. Bien sûr, il va revenir à l'automne, on ne peut pas éviter de revenir dessus.

Il y a des dossiers comme ça qui sont constamment ouverts avec le fédéral, qu'on n'est pas certain d'être capable de faire aboutir, mais qu'il ne faut pas lâcher. Le dossier le plus rigolo que nous ayons à l'égard du fédéral - il est rigolo, mais il vaut 60 000 000 $ ou 65 000 000 $ par année - c'est le chiffre de la population des Québécois. Cela fait deux ans qu'on ne s'entend pas sur le nombre de Québécois au Québec. Cela a une implication directe dans le calcul du montant de la péréquation. Selon une estimation, on aurait 65 000 000 $ de plus que ce qu'on a. Le problème consiste à déterminer combien il y a de Québécois au Québec; même là-dessus, on ne s'entend pas. Je ne veux pas dire que je ferme le dossier de la population, il y a un recensement qui s'en vient, le 3 juin, on va peut-être finir par être capable de les compter. Il y avait autrefois des techniques de recensement à la romaine, à l'époque de Jésus-Christ, qui semblaient plus efficaces que les nôtres. On n'arrive même pas à s'entendre sur le nombre de Québécois. C'est quand même le bout du monde!

M. Lachance: Concernant le montant litigieux de 200 000 000 $, est-ce qu'il y a déjà eu des documents écrits de la part des autorités fédérales à ce sujet?

M. Parizeau: Écoutez, je pourrais faire sortir ce que nous avons. Mon impression, c'est qu'il y a eu des déclarations, il y a eu des échanges de lettres, mais, à ma connaissance, il n'y a sûrement pas d'ententes signées. Je ne sais pas si je me trompe, je ne pense pas, je n'ai jamais entendu parler d'ententes signées entre les deux gouvernements. Ce qu'on pourrait peut-être faire cependant, si cela intéresse le député de Bellechasse, c'est essayer de trouver dans les dossiers le genre de pièces dont on dispose sur le plan des échanges de lettres...

M. Paquette: À propos des 200 000 000 $, il n'y a peut-être pas d'entente, mais auparavant, lorsque le projet d'usine d'eau lourde avait été annoncé, en échange de quoi il fallait bâtir une centrale... On avait autorisé, je pense, la construction d'une deuxième centrale nucléaire?

M. Parizeau: Oui.

M. Paquette: À ce moment-là, est-ce qu'il n'y avait pas eu une entente signée par le fédéral?

M. Parizeau: Oui, une entente avait été signée pas par le gouvernement fédéral - je pense que c'était Atomic Energy - mais par Atomic Energy et qui comportait justement les conditions. C'était assez précis comme document, d'ailleurs. Pour la construction d'une usine d'eau lourde, il faut construire une centrale de plus. Il y avait des questions de livraison de vapeur, enfin, il y a toute une série de conditions. C'était vraiment un document d'entente, mais avec Atomic Energy.

Quand le projet d'usine d'eau lourde a été arrêté par le gouvernement fédéral, je ne pense pas me tromper en disant qu'il n'y a jamais eu d'entente signée entre les deux gouvernements quant aux 200 000 000 $ de

remplacement. Il y a eu des déclarations, des échanges de lettres, mais pas...

M. Paquette: II n'y a aucun recours juridique possible sur l'entente signée par Atomic Energy?

M. Parizeau: Non. Je pense que, sur le plan des recours juridiques, compte tenu de la façon dont le contrat a été fait, ce n'est pas une chose qu'on gagnerait facilement devant une cour de justice. On pourrait peut-être imaginer des poursuites en disant: On va vous forcer à construire l'usine d'eau lourde, mais même sur ce plan, j'en doute. (22 h 45)

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Westmount.

M. French: L'histoire du recensement m'a toujours chicoté un peu. J'ai fait sortir les chiffres la semaine dernière, il paraît, d'après Statistique Canada toujours, avec lequel on peut être en désaccord, naturellement, que le taux de sous-estimation des Québécois est d'environ 3%, 2,95% ou quelque chose comme cela. La moyenne au Canada se situe autour de 2%. La Colombie britannique est la plus grande perdante, d'après ces statistiques, à 3,13% à peu près. C'est, en effet, le Québec et la Colombie britannique qui sont les plus grands perdants. Je me demande pourquoi, du côté du Québec - il y a un fait autour du recensement - on n'a pas essayé avec tous nos budgets de communications - je ne veux pas entrer dans un autre dossier controversé - de stimuler un petit peu les Québécois à participer au recensement. Combien perd-on par année? Cela doit être cela.

M. Parizeau: Quand vous dites que la Colombie britannique est perdante, elle n'est pas perdante parce qu'elle ne reçoit pas de péréquation.

M. French: D'accord. Je m'excuse, j'avais...

M. Parizeau: Je ne dis pas que ce n'est pas important pour la Colombie britannique, mais c'est académique dans ce cas, cela n'a pas de conséquences financières.

M. French: Cela m'a échappé de l'esprit totalement, je m'excuse.

M. Parizeau: Notre problème est d'une nature juridique jusqu'à un certain point. Si je dis des bêtises, on me corrigera derrière. Si je comprends bien, la loi des arrangements fiscaux indique que l'estimation de population est celui du statisticien du Canada. Or, le statisticien du Canada en sort deux: celle du recensement et celle qui est corrigée pour la sous-estimation. Laquelle des deux est la bonne? Je pense qu'au fond l'ambiguïté au départ est venue de ce que le chiffre du recensement était considéré comme étant le bon et que ou bien Statistique Canada ne faisait pas de sous-estimation de la population ou bien commençait à peine ses travaux et qu'on ne les considérait pas comme étant nécessairement très crédibles. Là, nous nous trouvons après plusieurs années d'évolution du système avec deux, selon l'interprétation de la loi, estimations de la population du Québec par le même statisticien du Canada. Le fédéral dit: Laquelle des deux me coûte moins cher? Voilà, c'est celle-là que je choisis.

M. French: On n'a pas fait d'effort, par exemple, de notre côté.

M. Parizeau: Pour?

M. French: Pour sensibiliser les individus à y participer un peu plus. Finalement, il y a une certaine motivation. Les gens ne savent pas si c'est le revenu ou si c'est...

M. Parizeau: Vous savez, établir le rapport qu'il y a entre remplir la feuille de rencensement du fédéral et 100 000 000 $, ce n'est pas très direct et j'imagine que la sous-estimation ne porte pas nécessairement sur la partie de la population qui est la plus intéressée par ces discussions politiques. À un moment donné, cela devient un petit peu illusoire.

M. French: Je ne voulais pas, bien sûr, essayer de convaincre les Québécois des subtilités des formules de péréquation, pas du tout...

M. Parizeau: Cela vous serait difficile.

M. French: ... mais plutôt les motiver, en tant qu'individus, à se faire recenser. En tout cas, il y en a un qui a été fait...

M. Parizeau: Je ne dis pas non. Je ne dis pas que c'est une mauvaise idée, au contraire, mais seulement, je vous demande un peu comment on pourrait procéder pour rejoindre ceux qui ne participent pas.

M. French: C'est un marché qui est difficile à atteindre!

M. Parizeau: C'est cela. C'est le problème. Ce doit être une catégorie de population assez spéciale, ces gens.

M. French: Assez spéciale, d'accord, sûrement. Pour toucher un autre contentieux fédéral-provincial, la GRC et le manque de rémunération ou le manque de compensation dans le dossier policier qu'on partage avec

l'Ontario, est-ce que cela continue toujours, est-ce qu'il y a du progrès? Est-ce que c'est à peu près aussi mort que l'usine d'eau lourde?

M. Parizeau: Non, il y a un développement important dans ce dossier. Inutile de vous dire que le gouvernement fédéral, comme l'Ontario d'ailleurs, nous dit, avec une régularité de métronome depuis je ne sais pas combien d'années, d'aller nous faire cuire une douzaine d'oeufs durs.

M. French: Le gouvernement de l'Ontario, est-il aussi motivé que le Québec là-dedans?

M. Parizeau: Ah! certainement, c'est plus cyclique chez eux. Cela vient par vague.

M. French: Oui.

M. Parizeau: Chez nous, tous les gouvernements, les uns après les autres, reviennent toujours à la charge. Chez eux, cela va et cela vient. Mais ils arrivent, en termes de décibels, à certaines époques, à être presque aussi forts que nous.

Il y a un développement intéressant là-dedans qui est le suivant: c'est que la police de la CUM commence à représenter pour les villes de la CUM une charge financière très élevée et, avec une certaine justification, on dit au gouvernement: Une partie de ces dépenses de police à Montréal relève d'une police judiciaire davantage que de la maréchaussée, comme on le disait autrefois. Les dépenses de police judiciaire devraient être à la charge de l'État. Ce n'est pas aberrant comme raisonnement et c'est vrai que cela soulagerait la CUM d'une partie assez importante de ses dépenses de police. J'ai essayé de m'en faire des alliés. Je lui réglerai cela quand elle m'aura donné un coup de main pour régler l'affaire avec Ottawa. Je ne veux pas être pris en sandwich entre les deux ordres de gouvernement. Je ne veux pas, d'une part, avec les taxes des Québécois, payer toute la Sûreté du Québec sans contribution d'Ottawa et, d'autre part, payer une partie de la police de la CUM. Ce qu'il y a d'intéressant, c'est de voir quand même un certain nombre de maires, de conseillers municipaux de la région de la CUM travailler d'autant plus fort avec le gouvernement pour essayer de faire débloquer la chose à Ottawa qu'ils savent qu'il y a un intérêt financier direct pour eux, "money talks". Le développement principal qu'il y a dans ce dossier à l'heure actuelle, c'est que nous avons des alliés à la CUM qu'on n'avait pas il y a encore très peu de temps. Néanmoins, la position du fédéral sur le fond n'a toujours pas changé, c'est d'aller nous faire cuire une douzaine d'oeufs.

Le Président (M. Desbiens): Le programme 5 est-il adopté?

M. Forget: M. le Président, j'aurais une dernière question, quant à moi. Je pense que peut-être, quant à notre côté, ce sera la dernière chose. C'est une question peut-être un peu plus philosophique, non pas vraiment philosophique. Malgré tout, on constate, dans l'étude des documents budqétaires et en général d'après les réponses qui nous sont données, que la planification financière du gouvernement semble porter presque exclusivement sur l'année en cours, au maximum, quand on approche de la fin de l'année, sur l'année qui vient. Il semble assez difficile de dégager, du moins dans les textes qui nous sont accessibles, une projection à moyen terme où on s'en va, sur le plan des revenus, sur le plan des dépenses publiques et quel est le tableau, sur trois ou cinq ans, des finances publiques du Québec. Il est très difficile d'évaluer correctement une année en particulier sans la situer dans un contexte un peu plus long. Il y a beaucoup de décisions qui, même si elles étaient prises avec la dernière des vigueurs aujourd'hui même, n'auraient pratiquement aucun impact sur le budget 1981-1982. À ce moment-là, si tout ce qui nous intéresse, c'est le court terme, bien sûr, ces décisions, on ne les considère même pas puisqu'elles ne peuvent pas aider dans le court terme.

Cependant, si on se préoccupe d'un horizon un peu plus lointain, il y a un tas d'options qui deviennent pertinentes. Y a-t-il des efforts qui sont faits au ministère des Finances pour peut-être fournir, à l'occasion du prochain budget, parce que cela pourrait être un cadre approprié, ou autrement, une perspective un peu plus large, dans les temps des orientations du gouvernement et du genre de situation à laquelle il faut s'attendre?

M. Parizeau: M. le Président, je pense qu'on est tout à fait à redevable, comme tous les gouvernements au Canada d'ailleurs, à l'effort qui a été fait par M. Crosbie à l'occasion de son budget - d'autre part, il a peut-être fait rire de lui pour d'autres raisons - d'avoir été, je crois, le premier à introduire cette dimension d'une projection de trois ans d'avance des recettes, des dépenses, des besoins financiers nets, etc.

C'était la première fois que cela se faisait officiellement - je reviendrai tout à l'heure sur l'interne - publiquement, dans un document budgétaire. On n'en a pas trop ri par la suite. Seulement parce que le gouvernement conservateur a été battu, l'histoire du 0,18 $ a occupé tout le terrain, mais il reste qu'il y avait des erreurs, on le voit maintenant. Ce n'étaient pas des erreurs. Mais les choses ont tellement changé que ces chiffres ont l'air un peu ridicules actuellement.

Ils sont ridicules non pas à l'égard de l'intention et ils ne sont pas ridicules à cause de la façon dont ils ont été fabriqués. Ils sont ridicules parce que les taux d'intérêt ont tellement monté, parce que le prix du pétrole a augmenté, parce que les subventions aux consommateurs de pétrole ont été forcément beaucoup modifiées.

Un document comme celui-là est à la fois très courageux, mais comporte des possibilités littéralement de faire rire de soi au bout de deux ans, les circonstances ayant tellement changé - et je ne parle pas ici de la qualité du travail de projection mécanique, mais simplement parce que le monde a changé dans l'intervalle - que cela nous place tous devant une situation qui est très difficile. Bien sûr, à l'interne, on fait ce genre de production. Il est clair qu'au ministère des Finances, ici, depuis un an à peu près, c'est une préoccupation constante qu'on voit apparaître dans des tas de documents internes sur lesquels nous travaillons.

La vie d'un ministre des Finances est déjà en elle-même aléatoire. Le renouvellement du personnel politique dans ce genre de poste est absolument prodigieux. Quand je pense que je suis maintenant, depuis un an et demi, le doyen de tous les ministres des Finances du Canada, cela m'effraie quand même un peu. Cela roule très vite. Il faut s'habituer, quand on est ministre des Finances, à vivre dangereusement.

Mais mettre des projections à deux ou trois ans, publiques, dans un discours sur le budqet, c'est littéralement parler de corde dans la maison du pendu. C'est faire exprès.

Il va bien falloir un jour faire cela, avec toutes les précautions d'usage. Et j'imagine que les premiers qui le feront, de toute façon, feront rire d'eux. Mais c'est vrai que cela améliorerait la qualité du débat public, considérablement, si on pouvait avoir une idée à l'avance des perspectives... Des perspectives d'un an de plus seraient déjà énormes. Ce serait déjà beaucoup, pour améliorer la qualité du débat. Mais encore une fois, dans un monde aussi changeant que celui que nous connaissons, c'est un véritable appel au suicide. Mais c'est vrai que cela améliorerait considérablement la qualité du débat et c'est vrai que, d'autre part, à l'interne, il faut le faire.

J'admets qu'on ne l'a peut-être pas toujours fait au Québec, pas moi plus que les autres d'ailleurs, pendant plusieurs années. Cela a été une assez longue habitude de ne pas faire ce type de projection. Je suis assez content maintenant qu'on s'oriente vers cette voie-là et qu'on ait de plus en plus de documents qui ont une perspective un peu plus longue qu'une année de cadre budgétaire. Mais pour le moment, cela reste à l'interne.

M. Forget: Est-ce que, de ces propos, on peut déduire qu'on se dirige vers quelque chose qui soit plus qu'interne, pour le prochain budget, par exemple?

M. Parizeau: Je ne sais pas si j'aurai le courage de faire cela, ou suffisamment d'assurance dans les chiffres que j'aurais devant moi, ou suffisamment d'assurance dans le monde extérieur. On m'en demande beaucoup. Mais je ne nie pas que cela améliorerait nettement la qualité du débat.

Entendons-nous. Oui, cela améliorerait nettement la qualité du débat sérieux. Cela pourrait donner lieu à toutes espèces d'autres débats aussi loufoques les uns que les autres.

M. Forget: Alors le ministre est en faveur de la vertu, mais n'est pas sûr d'être vertueux à ce point-là, du moins, pas dans un avenir prévisible?

M. Parizeau: J'ai toujours pensé que la vertu, comme bien d'autres choses, est quelque chose d'un peu relatif. Il ne faut pas abuser des bonnes choses.

Mais on ne sait pas. Peut-être qu'un jour, il faudra prendre le risque.

M. Forget: M. le Président, nous n'avons plus d'autres questions. Les crédits restants, quant à nous, sont approuvés.

Le Président (M. Desbiens): Programme 5, adopté. Programme 6, adopté. Les crédits du ministère des Finances et des Comptes publics sont-ils adoptés?

M. Forget: Adopté. Des voix: Adopté.

Le Président (M. Desbiens): Adopté.

Je demanderais au rapporteur officiel de faire son rapport à l'Assemblée nationale dans les plus brefs délais. Avez-vous l'intention d'ajouter autre chose?

M. Parizeau: II nous reste à vous remercier, M. le Président.

Le Président (M. Desbiens): J'ajourne sine die les travaux de cette commission en remerciant tous les participants.

(Fin de la séance à 23 h 02)

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