Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.
(Onze heures trente-six minutes)
Le Président (M. Desbiens): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Je déclare la commission permanente des finances et des comptes
publics ouverte. Le mandat de la commission est l'étude des
crédits du ministère des Finances et du Conseil du
trésor.
Les membres de la commission sont: M. Blais (Terrebonne), M. Bourbeau
(Laporte), M. de Belleval (Charlesbourg), M. Forget (Saint-Laurent), M. French
(Westmount), M. Gagnon (Champlain), M. Grégoire (Frontenac), M. Guay
(Taschereau), M. Lincoln (Nelligan), M. Paquet (Rosemont), M. Parizeau
(L'Assomption).
Les intervenants sont: M. Assad (Papineau), M. Fallu (Groulx), M.
Lachance (Bellechasse), Mme Lachapelle (Dorion), M. Lafrenière (Ungava),
M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), M. Pagé (Portneuf),
M. Ryan (Argenteuil), M. Scowen (Notre-Dame-de-Grâce).
Ce serait peut-être mieux de l'inscrire à la place de M.
Lévesque (Kamouraska-Témiscouata)?
Une voix: M. Gagnon ne sera pas présent.
Le Président (M. Desbiens): M. Gagnon ne sera pas
là? M. Bérubé (Matane) remplace M. Gagnon (Champlain)
comme membre de la commission.
Il serait opportun de nommer un rapporteur. Est-ce qu'il y aurait une
suggestion?
Une voix: Le député de Frontenac.
M. Paquette: M. le Président, je propose le
député de Terrebonne.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Terrebonne est chargé de faire rapport à l'Assemblée
nationale.
M. Blais: Voulez-vous m'informer de ce que veut dire rapporter?
C'est la première de ma vie, monsieur.
Le Président (M. Desbiens): M. Blais (Terrebonne). Il
s'agit tout simplement de déposer le rapport à l'Assemblée
nationale; c'est commissionnaire, ensuite.
M. Blais: C'est un messager. Si c'est à cause de ma
télégénie, je vous remercie, messieurs, vous êtes
très aimables.
Le Président (M. Desbiens): II y a eu une entente pour
étudier d'abord les crédits du Conseil du trésor pendant
une période d'environ deux heures.
M. Bérubé: C'est cela, M. le Président.
Le Président (M. Desbiens): J'imagine que vous allez
commencer par des remarques préliminaires, des remarques
générales?
Conseil du trésor
Remarques préliminaires
M. Yves Bérubé
M. Bérubé: M. le Président, les remarques
préliminaires seront très brèves, pour ma part, et je
pense que je laisserai à l'Opposition le soin d'élaborer, suite
à une entente de le faire ainsi. Pourquoi ces remarques
préliminaires seront-elles brèves? C'est simplement parce que le
rôle du Conseil du trésor n'est pas un rôle
opérationnel et le Conseil du trésor, comme tel, n'a pas de
programme de transfert, n'a pas de programme de services à la
population.
C'est au contraire un secrétariat qui se voit confier trois
missions essentielles, d'une part, la préparation du livre des
crédits par les ministères, donc les discussions avec les
ministères quant à l'existence des programmes actuels, la
croissance de ces programmes, ce qui amène la préparation du
budget. C'est donc une responsabilité face à la
préparation de l'ensemble des dépenses gouvernementales. En cours
d'année, le Conseil du trésor se voit confier comme mandat le
contrôle de la progression des dépenses pour s'assurer que cette
progression cadre bien avec les objectifs budgétaires et, finalement, il
se voit confier un mandat extrêmement important qui est la
préparation des mandats de négociation dans les secteurs public
et parapublic. Ce sont là les trois missions premières du Conseil
du trésor et, par conséquent, nous ne trouverons pas, à
l'intérieur de notre budget, beaucoup d'autres choses, comme d'ailleurs
on pourra s'en rendre compte, que des salaires.
En effet, sur un budget de
6 566 000 $, il y a pour 6 080 000 $ de salaires. En d'autres termes, il
s'agit essentiellement de salaires d'analystes dont la tâche est
justement d'effectuer des études des divers programmes gouvernementaux,
d'en vérifier la performance et, également, de s'assurer qu'il y
a un bon contrôle financier à la fois au niveau des programmes
gouvernementaux de perception de revenus, comme de dépenses
générales. Pour autant que le Conseil du trésor est
concerné, j'ignore quel pourrait être l'intérêt de
l'Opposition et des membres de notre commission de notre côté
à dire plus, mais plutôt je les laisserai poser des questions plus
précises et on verra dans quelle mesure on doit élaborer d'un
côté ou de l'autre. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Desbiens: M. le député de
Saint-Laurent.
M. Claude Forget
M. Forget: Je serai également bref, M. le
Président. Nous avons des questions, bien sûr, mais ce sont des
questions qui, comme c'est souvent le cas lors de l'étude des
crédits, portent peut-être moins sur les aspects matériels
ou administratifs propres au ministère dont les crédits sont
débattus en commission aujourd'hui, mais portent davantage sur les plans
d'action, les méthodes d'opération et les objectifs
opérationnels ou les politiques, si l'on veut utiliser un grand mot, du
ministère dans l'accomplissement de ces tâches.
Je suis tout a fait d'accord avec le ministre quant à
l'énumération des tâches qui sont celles du Conseil du
trésor, mais, sous chacune des rubriques, je crois qu'il se pose des
questions soit nouvelles, soit des questions récurrentes d'année
en année. Nouvelles, parce que, bien sûr, on est
intéressé à obtenir la version du ministre relativement
à l'interprétation précise qu'il faut donner à la
situation, nouvelle malgré tout, du Conseil du trésor; puisqu'il
y a maintenant, d'une façon plus formelle, une relation plus distante
entre le Conseil du trésor et le ministère des Finances. Nous
voudrions bien comprendre les responsabilités de chacun dans
l'exécution du mandat global du gouvernement face à la
préparation du budget et à la surveillance des opérations
financières.
Il y a aussi, sous l'autre rubrique, celui de la préparation des
mandats de négociation, bien sûr, également des questions
qui se posent relativement à l'évaluation, de l'expérience
vécue en vertu des conventions collectives en vigueur;
l'évaluation de l'impact financier d'un certain nombre de dispositions
qui se retrouvent à l'intérieur des conventions collectives qui
sont des informations vitales pour le Conseil du trésor et l'ensemble du
gouvernement - et même du Parlement -dans le cheminement qui va nous
amener, au cours des prochains douze mois, vers une nouvelle ronde de
négociations. Si je comprends bien, elle va devoir commencer
officiellement vers le mois de juillet 1982. On a une année encore pour
s'y préparer, mais, déjà, il y a une expérience
d'accumulée. Il y a déjà certains chiffres au moins qui,
de l'extérieur, semblent indiquer qu'il y a peut-être une analyse
à faire des conséquences de la convention actuellement en
vigueur. (11 h 45)
Enfin, comme l'a indiqué le ministre, le Conseil du trésor
a un mandat de surveillance dans l'exécution des mandats financiers qui
sont donnés ou des autorisations financières qui sont
données par la voie de l'approbation des crédits aux
différents ministères. Nous serions intéressés
à avoir certains renseignements sur l'évolution de la situation
financière du gouvernement, côté dépenses, puisque
nous sommes maintenant au troisième mois d'exercice financier et qu'on a
une vue certainement beaucoup plus précise et réaliste de la
situation qu'on ne pouvait avoir lorsqu'il s'agissait de projection pour
l'avenir. Alors c'est dans ces trois domaines, le rôle du Conseil du
trésor, l'évaluation du régime de conventions collectives
et d'un certain nombre de questions que cela soulève, et une certaine
lumière sur la marche des opérations financières du
gouvernement, que nous allons faire porter nos questions. C'est tout pour ce
qui est des remarques préliminaires, M. le Président. C'est
très bref, pas de grande position de principe, on vient ici
essentiellement pour poser des questions et éclairer notre lanterne sur
la marche des opérations financières du gouvernement et ses
méthodes de travail.
Le Président (M. Desbiens): Alors, nous allons, est-ce
qu'il y a...
M. Forget: Maintenant, peut-être un point de
procédure. Je ne sais pas dans quelle mesure on veut aller avec un grand
formalisme en utilisant la ventilation par programmes et éléments
de programme. Je pense qu'on peut déjà noter, dans
l'éventail des questions qui nous intéressent, qu'il n'y a pas
une correspondance très serrée entre cela et, si vous voulez, les
programmes. Quant à moi, si le ministre est d'accord, je serais bien
disposé à la fin de la période de deux heures à
approuver, si vous voulez, globalement et très rapidement l'ensemble des
crédits, pourvu qu'on y aille de façon moins tatillonne
relativement à la procédure de l'approbation des crédits
et des éléments de programme parce que nos questions, comme je
l'ai indiqué, M. le Président, ne
portent pas véritablement sur ces aspects, disons matériel
ou administratif.
Le Président (M. Desbiens): De toute façon il n'y a
qu'un programme...
M. Forget: II y a quand même cinq éléments de
programme, M. le Président.
Le Président (M. Desbiens): Alors, on peut y aller.
M. Forget: On peut faire la discussion sur
l'élément et terminer à la fin avec une approbation
globale.
M. Bérubé: Est-ce qu'on ne pourrait pas
décider si on approuve le programme élément par
élément et, après cela, s'engager dans une discussion sur
le contenu comme tel et mettre de côté la partie
procédure?
M. Forget: Enfin. Je suis indifférent. M. le
Président, si je comprends bien, de toute façon, vous ne
déclarerez pas nos travaux terminés même si nous avons
approuvé tous les programmes à l'intérieur de la
période de deux heures.
M. Bérubé: Absolument d'accord que nous
poursuivions cette discussion; même en l'absence de questions pertinentes
nous prolongerons encore de deux heures...
M. Forget: ...de crédits.
M. Bérubé: ...mais pour s'en tenir à la
procédure, on pourrait peut-être régler le programme.
Gestion budgétaire et politigue
administrative
Le Président (M. Desbiens): Élément 1:
Programmation et contrôle budgétaire.
M. Forget: Adopté.
Le Président (M. Desbiens): Adopté.
Élément 2: Politique administrative. Est-ce que
l'élément 2 sera adopté?
M. Forget: Mes habitudes prudentes de parlementaire m'incitent
peut-être à utiliser cette fenêtre pour poser un certain
nombre de questions. N'en déplaise au ministre, mais cela n'a pas
d'importance quant à la durée de nos travaux. J'aimerais que le
ministre ou ses collaborateurs du ministère nous expliquent quel est,
selon eux, dans le fond, l'étendue de leur responsabilité dans la
préparation des crédits, dans la discussion avec les
ministères. Il y a là un certain nombre d'aspects qui sont
soulevés. Il y a d'abord le fait que, si je comprends bien, les
ministères, comme cela a toujours été le cas,
préparent des demandes budgétaires à partir du mois de
juin. C'est à peu près cela et il y a une discussion qui se fait
durant l'été ou au début de l'automne. On procède
à un certain nombre d'ajustements mécaniques en vertu de taux
d'accroissement de la masse salariale des fournitures, un certain nombre de
choses qui sont déterminées, si je comprends bien, par le Conseil
du trésor.
Est-il exact que les ajustements mécaniques qui sont faits dans
les budgets des différents ministères sont faits en vertu de
critères qui sont déterminés par le Conseil du
trésor et essentiellement par lui seul d'une part? Et est-ce que ce sont
subséquemment les analystes du Conseil du trésor qui vont
entreprendre la discussion avec les fonctionnaires des différents
ministères, de manière à déterminer quelles sont
les autres modifications qui s'imposent dans les crédits du
ministère, en fonction de tout ce qui peut s'appeler
développements ou dépenses non récurrentes d'une source ou
d'une autre? C'est bien là la nature: les critères sont
déterminés par le Conseil du trésor et ce sont les
analystes du Conseil du trésor qui entreprennent la discussion des
crédits avec chacun des ministères, toujours
M. Bérubé: Essentiellement, la première
ronde de discussions porte sur le niveau des revenus supposés pour
l'État au cours de l'année budgétaire qui vient et,
également, porte sur la capacité d'emprunt du gouvernement, ce
qui, normalement, devrait nous donner une balise générale nous
guidant dans cette opération de revue de programmes que vous avez bien
décrits.
Elle doit faire l'objet d'une discussion à ce moment-là au
comité des priorités, normalement en juin, de manière
à définir les principaux paramètres qui vont
présider à nos réflexions. Subséquemment, le
Conseil du trésor s'engage dans ce que nous appelons la revue de
programmes, ce que vous appeliez la revue de programmes, ce qui s'appelle
toujours la revue de programmes, si je ne m'abuse. Il s'engage dans une longue
discussion avec les ministères qui porte sur les activités que
l'on pourrait qualifier de récurrentes, les programmes
déjà approuvés, soit à l'Assemblée
nationale, soit par le Conseil des ministres, et pour lesquels des
crédits ont été votés depuis un certain nombre
d'années. Cela porte donc, à ce moment-là, sur la
croissance normale de ces programmes dans le cadre des priorités
définies antérieurement par le gouvernement.
C'est ce qui nous amène à définir, pour chaque
ministère, des enveloppes de base qui, essentiellement, portent sur ces
activités. Certaines activités sont non récurrentes. On
peut penser à certains investissements de certains ministères
qui, à ce moment-là, ne sont pas inclus dans l'enveloppe de
base,
mais qui peuvent faire l'objet d'une introduction au moment de la
discussion sur les nouvelles activités des ministères.
Également, on doit procéder à certains ajustements
mécaniques. Ce sont les ajustements en vertu de modifications à
l'inflation, ce qui amène une modification automatique des
échelles de salaires par exemple. C'est ce que nous appelons les
ajustements mécaniques. Ce sont des ajustements qui ne font pas appel
à une décision quant à l'importance d'un proqramme ou d'un
autre, mais il s'agit simplement, de façon automatique, de les ajuster
pour tenir compte de paramètres inflationnaires.
Également, il arrive parfois que le gouvernement ait pris des
engagements au cours d'une année antérieure et il a pu y avoir eu
oubli au moment de la préparation de l'enveloppe de base et au cours de
la période où on prépare les ajustements
mécaniques. On peut, à ce moment-là, corriger la
soumission.
Ceci nous amène à ce moment-là à une
proposition de budget et nous amène également à voir dans
quelle mesure cette proposition de budget est compatible avec la
disponibilité de revenus pour l'État et la capacité
d'emprunt également pour l'État. À partir de cela, il peut
y avoir une décision de compression, décision qui a
été prise, par exemple, l'année dernière, donc
généralement début d'automne ou fin d'automne. La date
exacte est décembre, je crois. À ce moment-là, vous pouvez
avoir une décision de compression ou même d'amplification si
effectivement le ministre des Finances devait découvrir que nous ne
voulons pas dépenser assez, compte tenu de ses revenus plantureux.
À ce moment-là, évidemment, on peut aller dans
l'opération inverse. Disons entre parenthèses que cela a dû
se produire assez rarement dans l'histoire de l'État. Finalement, on a
la présentation du budget final.
Donc, il y a responsabilité du Conseil du trésor, mais
absolument pas changée par rapport à ce qu'elle était
autrefois, en ce sens qu'à partir de paramètres un peu globaux
définis en juin et qui nous donnent une idée de l'esprit qui doit
prévaloir à la préparation du budget, le Conseil du
trésor prépare ce qu'on appelle cette revue de programmes, comme
cela se faisait dans les années passées. Donc, il n'y a rien de
changé à cet égard.
M. Forget: M. le Président, le ministre fait allusion
à un processus qui se déroule dans le temps. Il y a d'abord un
effort pour dégager le grand équilibre des finances publiques au
moment de commencer le processus de révision des programmes.
L'équilibre entre la projection des dépenses, une projection
assez grossière des dépenses, et aussi, une projection des
revenus, capacité d'emprunt, etc., si je comprends bien, ce n'est pas
une responsabilité comme telle du Conseil du trésor. C'est une
responsabilité première de formuler des propositions
là-dessus, du ministère des Finances, et qui est
entérinée par le comité des priorités. Il n'imagine
pas cela; il a lui-même une proposition qui vient du ministère des
Finances, si je comprends bien.
M. Bérubé: Maintenant, c'est que le trésor
doit soumettre comme proposition ce qu'il estime, je ne dirais pas
réaliste, mais envisageable, comme dépenses publiques dans le
cadre des programmes existants. En d'autres termes, le Conseil du trésor
doit avoir une certaine perception du niveau d'activité gouvernementale
actuel de manière à projeter à un niveau de
dépenses, qui ne serait pas un niveau de dépenses avec, disons,
de nouvelles activités, mais simplement une projection d'un niveau de
dépenses basé sur les activités existantes. Donc, c'est
l'input.
M. Forget: C'est le régime de croisière, le taux de
croisière, dans le fond, des dépenses publiques et la
responsabilité de cela, face au comité des priorités,
appartient au Conseil du trésor. Il doit faire une projection des
dépenses. Alors, si je comprends bien, c'est au ministère des
Finances qu'appartient de faire la projection des revenus et
l'équilibre, effectivement, se fait au Comité des
priorités.
M. Bérubé: C'est bien cela.
M. Forget: Si je comprends bien également cette projection
des dépenses...
M. Bérubé: II y a quand même un input en ce
sens que ce n'est pas totalement en dépit de l'effort de rationalisation
que le député de Saint-Laurent est en train d'effectuer.
M. Forget: Je vous laisse la rationalisation.
M. Bérubé: C'est cela. Ce n'est quand même
pas complètement fermé, en ce sens qu'il est bien évident
que nous-mêmes, en essayant de projeter nos dépenses, il y a un
certain nombre de dépenses plus ou moins compressibles. On peut tenir
compte également, dans cette préparation de la revue de
programme, de la quantité d'argent qui serait disponible. Cela veut
qu'il nous faut donc effectivement, de concert avec le ministère des
Finances, essayer d'évaluer quelles sont leurs projections, et eux,
également, doivent se renseigner, parce qu'il est extrêmement
difficile dans l'abstrait de décider quels seront les revenus sans
avoir
en même temps un input concernant les dépenses. Par
conséquent, ce que cela veut dire, c'est que M. Parizeau et
moi-même devons communiquer assez fréquemment,
particulièrement dans les semaines actuelles, de manière à
harmoniser le plus possible nos approches pour faire en sorte que le
comité des priorités ne se voit pas confronté avec des
objectifs tellement divergents qu'à ce moment-là, ce soit presque
impossible ou, du moins, beaucoup plus difficile de faire l'harmonisation.
Donc, effectivement, les responsabilités, vous les avez
décrites, je pense, avec beaucoup de justesse. Toutefois, il est
important de souligner que nous n'arrivons pas à une enveloppe de
dépenses basées sur une certaine pérennité de nos
programmes de façon totalement indépendante de 1'input revenus ou
disponibilité monétaire.
M. Forget: M. Parizeau a déjà eu l'occasion de nous
entretenir, à l'Assemblée nationale, de ses lunchs avec son
collègue. J'imagine que ce sont des repas très agréables.
Je reconnais sans peine que les deux ministères ne fonctionnent pas en
vase clos. Mais en définitive, la responsabilité doit
s'arrêter quelque part et devant le comité des priorités,
il faut donc comprendre qu'essentiellement la projection des dépenses
est la responsabilité du président du Conseil du trésor.
Il doit, évidemment, ne pas faire des projections qui soient
irréalistes ou irréalisables, mais en définitive, c'est
lui qui doit répondre des projections de dépenses qui sont
présentées au comité des priorités.
M. Bérubé: La responsabilité de la
préparation de ces enveloppes, oui, est effectivement du ressort du
Conseil du trésor.
M. Forget: Et non seulement de la préparation, mais si je
comprends bien, il y a un certain nombre d'arbitrages que le Conseil du
trésor fait en cours de route. C'est-à-dire, que selon que le
contexte économique et financier est propice ou non, les
hypothèses dont il fait usage pour faire ces projections-là
peuvent être, disons, pessimistes ou optimistes. Il y a une certaine
fourchette, il y a une certaine discrétion dans la préparation de
ces prévisions-là. (12 heures)
M. Bérubé: Pour s'assurer, à ce moment, que
le Conseil du trésor ne fonctionnerait pas en vase clos comme vous le
dites et n'assurerait pas une certaine harmonisation avec la
disponibilité financière, on a pris soin de faire en sorte que
chaque enveloppe à laquelle arrive le Conseil du trésor soit
soumise au ministre des Finances pour qu'il l'intègre lui-même
dans sa prévision budgétaire, de manière qu'il y ait
continuellement cette interaction entre les deux niveaux puisqu'il est bien
évident que la préparation du budget est l'interaction entre les
revenus et les dépenses.
M. Forget: Cela fait introduire un aspect un peu
différent. Si je comprends bien, on ne parle pas d'une enveloppe globale
pour entendre les dépenses de l'État, mais on parle d'enveloppe
qui déjà, au moment d'établir un premier équilibre
en juin ou juillet, est particularisée par ministère. C'est
ça. Ce n'est pas simplement un chiffre global. On n'essaie pas de dire:
Ce sera cette année 20 500 000 000 $ ou 19 500 000 000 $, je ne sais
plus trop bien où on en est rendu car ce sont des chiffres
astronomiques. Mais on se dit: Voici la liste d'une estimation ministère
par ministère, et on est déjà descendu dans un certain
niveau de détails.
M. Bérubé: En fait, ce que nous fournissons,
l'entente que nous avons, M. Parizeau et moi-même, et qui est
approuvée par le Conseil des ministres, indique que nous fournissons non
seulement une enveloppe globale, mais également une
désagrégation par ministère de cette enveloppe, de
manière à dire: Le ministère des Affaires sociales aura
une enveloppe de...
M. Forget: Donc, en définitive, si je comprends bien,
avant même d'en arriver à votre projection globale de
dépenses, vous avez déjà vérifié
auprès du ministère des Finances qu'il est d'accord non seulement
avec la façon dont ça s'en va dans le total, mais même dans
la façon dont certains choix ont pu être faits, déjà
à cette époque, dans les projections pour chacun des
ministères.
M. Bérubé: On ne peut pas dire qu'on en est encore
à ce niveau. La première ronde porte davantage sur les grands
équilibres, la première ronde, si vous voulez, d'interaction.
C'est-à-dire que, lors de la préparation du premier
mémoire au comité des priorités, qui va définir le
cadre financier général qui doit présider à la
revue des programmes, on ne discute essentiellement que de l'enveloppe globale
et également des revenus globaux. Toutefois, ultérieurement,
c'est-à-dire au cours de l'automne, lorsque nous aurons effectué
cette revue de programmes et qu'on commencera à entrer beaucoup plus
dans le détail, à ce moment, effectivement, il va y avoir une
discussion qui va porter sur les enveloppes de chaque ministère
également. C'est-à-dire qu'on va détailler un peu
plus.
M. Forget: Allons-y par étapes. Donc, si je comprends
bien, il y a un échange plus ou moins informel entre les deux
ministères et qui porte essentiellement sur le total de la projection
des dépenses que vous
effectuez, et la ventilation par département est donnée
pour mémoire, mais pas pour atteindre un consensus entre les deux
ministères sur les crédits de chacun des ministères. Il
s'agit de montrer que le chiffre global des dépenses publiques n'est pas
tiré du néant, mais qu'il est le fruit d'une somme dans le fond.
C'est pour mémoire, c'est pour information. Cela ne va pas
au-delà de ça dans la première étape.
M. Bérubé: Pour vous aider à fixer vos
idées, je vous donnerais, par exemple, le type de catégories de
dépenses sur lequel nous travaillons présentement de concert avec
les Finances. Il y a le budget global aux Affaires sociales du réseau,
le budget global à l'Éducation et le budget global des
ministères, donc, trois enveloppes. Il y a une discussion du niveau des
immobilisations: le service de la dette, le régime de retraite, les
dépenses de transfert. Il y a une autre enveloppe un peu globale, qui
était mystérieuse par son appellation: Dépense dont
l'évolution ne peut s'insérer à l'intérieur du
cadre budgétaire, c'est-à-dire les programmes qui ont des
règles internes de dépenses qui les rendent un peu
indépendantes du processus d'analyse, a moins de modifier comme telles
les règles. Je pense à l'aide financière aux
étudiants, l'aide sociale, les allocations familiales,
l'assistance-maladie, le régime d'assurance-maladie.
M. Forget: Plus ou moins, presque des crédits
statutaires.
M. Bérubé: Presque des crédits
statutaires.
M. Forget: Cela fait sept enveloppes?
M. Bérubé: Oui, en gros, sept ou huit
enveloppes.
M. Forget: Alors, cela concorde. C'est sur cette ventilation,
plutôt qu'une ventilation par ministère proprement dit, qu'on
s'entend parce qu'évidemment, les taux d'accroissement de chacune de ces
enveloppes ne sont pas nécessairement les mêmes. Donc, il y a
relativement, par exemple, au taux d'accroissement pour le budget global aux
affaires sociales, le budget global à l'éducation, si je
comprends bien, je ne veux pas placer des mots dans la bouche du ministre,
quelque chose qui va au-delà de l'enveloppe globale. On s'entend sur des
taux d'accroissement.
M. Bérubé: Toujours bien, M. le
député de Saint-Laurent.
M. Forget: Non, très mal, très mal, la plupart du
temps.
M. Bérubé: Non, vous comprenez toujours bien.
M. Forget: C'est pour cela qu'on questionne longtemps.
M. Bérubé: Mais votre façon de le
répéter ensuite, traduit parfois un hiatus entre votre
compréhension et ce que vous affirmez.
M. Forget: Je vais répéter ma question. Si je
comprends bien, entre le ministère des Finances et le Conseil du
trésor, il y aura donc, au début du processus de revue des
programmes, une entente qui vise non seulement la masse, mais également
les taux d'accroissement propres à chacune des enveloppes qui viennent
d'être énumérées, les six ou sept enveloppes.
M. Bérubé: Quant aux grandes
caractéristiques du budget, celles qui ont des dynamiques un peu
particulières, il est extrêmement difficile de faire un budget
sans avoir en même temps une sorte de vue à long terme. On a donc
un certain nombre d'enveloppes qui nous donnent une idée un peu plus
précise de la dynamique de l'enveloppe plutôt que simplement un
montant global, parce que ?0 000 000 000 $, c'est une chose, mais la
décomposition des 20 000 000 000 $ vous donne une idée beaucoup
plus claire de l'endroit où nous allons.
M. Forget: Cela, sans aucun doute. Ma question et le but de mes
questions, c'est de savoir... c'est bien sûr qu'il faut regarder en
détail et que, avec 20 000 000 000 $ personne n'est capable de savoir ce
qui va se passer, l'an prochain, a moins d'y regarder de plus près. Je
pense que c'est important, pour les fins de nos travaux, de faire ressortir que
le Conseil du trésor ne se porte donc pas garant d'une prévision
globale. La prévision globale qu'il fait n'est que la somme de sept
prévisions particulières, en quelque sorte, qui portent sur
autant d'enveloppes distinctes, ça peut être sept, ça peut
être huit, ça peut être six, mais je me fie à la
description que vous en avez donnée tout à l'heure. De ce
côté-là, il ne se permet même pas de faire ces
prévisions qu'après avoir obtenu l'assentiment du
ministère des Finances quant aux critères d'accroissement dont il
tiendra compte en faisant des prévisions.
M. Bérubé: Pour parler, on peut parler
d'assentiment, on peut parler de travail en collaboration.
M. Forget: M. le Président, je ne veux pas être
indûment tatillon, mais il reste que, dans la mesure où vous avez
deux
responsables, où vous avez deux organismes administratifs qui ont
chacun leur personnel administratif, je pense qu'il devient important,
puisqu'on a voulu justement faire une distinction dans les
responsabilités, qu'on sache où se trouve finalement la
responsabilité. J'ai un peu l'impression que, peut-être parce
qu'on n'a pas vécu de conflit, on ne s'est pas donné la peine
d'explorer la distribution des responsabilités. Mais il semble que le
Conseil du trésor arrive au comité des priorités et dit:
Voici, nous pensons que nous faisons face à des dépenses
publiques de X milliards de dollars l'an prochain. Bien sûr, nous avons
fait notre "homework". On a travaillé, on a des analystes, on a toutes
sortes d'hypothèses sur l'inflation, etc. Mais, finalement, en
dernière analyse, nous sommes responsables de dire à vous, le
Conseil des ministres, au comité des priorités, qu'il faut se
préparer à dépenser 20 800 000 000 $ ou un autre chiffre
quelque soit ce chiffre, et de ceci, nous nous portons, en quelque sorte,
garants. C'est une hypothèse, et parfois certaines des réponses
du ministre tendraient à indiquer que c'est cela. L'autre
hypothèse, c'est que le Conseil du trésor, le président du
Conseil du trésor arrive au comité des priorités et dit:
Bien, écoutez, on a fait nos sommes et, sur chacune des sommes, sur
chacune des enveloppes on a obtenu l'approbation du ministère des
Finances quant aux hypothèses à utiliser. Maintenant, nous avons
un personnel qui a fait les calculs et qui a mis tout cela ensemble et qui a
fait les additions. Maintenant nous vous présentons le fruit de ce
travail, mais c'est effectivement la traduction en chiffres des
hypothèses qui ont reçu l'approbation du ministère des
Finances; donc, il n'y a plus de responsabilité comme telle pour la
projection des dépenses. Je ne sais pas laquelle des deux
hypothèses est la plus près de la réalité parce
que, bien sûr, à un moment donné, il faut communiquer, il
faut échanger de l'information, mais...
M. Bérubé: Je comprends mal, M. le
Président. Peut-être le député de Saint-Laurent
pourrait-il expliciter davantage. L'opération analyse avec les
ministères, avec les régies, du fonctionnement des programmes,
des normes de fonctionnement des programmes, de manière à en
définir une enveloppe budgétaire, est une opération qui
est réalisée par le Conseil du trésor; il en a donc la
responsabilité totale.
Cependant, lorsqu'il s'agit de définir, à un niveau
inférieur ou supérieur, l'activité, à la suite
d'une disponibilité ou non de crédits additionnels, on voit
immédiatement qu'il y a là une responsabilité du ministre
des Finances.
Le ministre des Finances, pour décider si effectivement il doit
augmenter les impôts de manière à dégager les sommes
nécessaires, doit avoir une certaine conscience, une certaine
connaissance de la nature de ces dépenses. Alors on se rend bien compte
que l'opération en est une de coopération, chacun des deux ayant
entièrement sa responsabilité. Mais aucun des deux organismes ne
pouvant, à lui seul, prendre de décision, c'est le Conseil des
ministres qui prend la décision finale. Je pense que ceci doit
être très clair.
M. Forget: Oui, c'est clair, tout en ne l'étant pas, parce
qu'on saute plusieurs étapes dans l'analyse du ministre.
M. Bérubé: Le député de Frontenac a
l'air de trouver ça particulièrement lumineux. Enfin, je ne vois
vraiment pas ce que le député de Saint-Laurent y voit.
M. Forget: Je sais qu'il a beaucoup d'admiration pour son
ministre, mais, pour ceux d'entre nous qui ne partagent pas les mêmes
admirations béates, il est important de comprendre! Il est clair que,
à un moment donné, il faut que le Conseil des ministres soit
d'accord avec l'ensemble du tableau. Cependant, avant d'en venir à une
solution finale, qui se traduit par le livre des crédits et le discours
du budget - parce qu'on est à peu près un an avant ça dans
le calendrier, on n'a pas encore quitté le début du processus -
est-ce qu'on est rendu dans une situation où dès le moment
où on commence et où, dans le fond, on est en face d'un budget
qui est déjà coupé ou qui est déjà
équilibré... Je pense qu'avant d'équilibrer un budget, il
faut au moins lui donner la chance d'être, au moins théoriquement,
en déséquilibre. Ce que je veux dire par ça, c'est que,
si, dans la préparation même de vos prévisions de
dépenses, vous tenez compte des coupures qu'il faudra peut-être
faire parce qu'il n'y aura pas assez d'argent, ce ne sont plus des
prévisions, c'est un mélange de prévisions et de compromis
avec ce qui est possible.
Est-ce qu'il n'y a pas, au Conseil du trésor, un premier exercice
à faire, qui est le plus honnêtement possible, dans le sens
d'avoir l'honnêteté intellectuelle de dire: Si on n'avait aucune
contrainte financière, si on pouvait pour un moment - parce qu'il faut
le faire au moins conceptuellement - ignorer, mettre de côté les
contraintes de financement, qu'est-ce qu'il est réaliste de supposer
comme taux d'accroissement des budgets? Malgré tout, même en
voulant être réaliste, quand on parle de l'avenir, il faut faire
des hypothèses, il faut dire: On pense que l'inflation va être de
tant plutôt que de tant; là il faut qu'il y ait quelqu'un et c'est
le ministre président du Conseil du trésor qui prend sur lui de
dire: Moi, je pense que le
taux d'inflation va être de 6% ou de 14% l'an prochain, mais il
faut quand même choisir un taux.
On pense que l'accroissement du nombre des assistés sociaux va
être de X pour cent, personne ne le sait, personne ne le saura avant
qu'on soit rendu à préparer les comptes publics - mais ça,
c'est dans trois ans - il faut faire une supposition et la supposition la plus
honnête se fait évidemment en mettant en contact les analystes du
Conseil du trésor et ceux du nouveau ministère du Travail, de la
Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu qui vont dire: Nous,
nous prévoyons que... ou alors d'autres analystes...
M. Bérubé: ... en particulier, par exemple, il faut
essayer de s'entendre sur ce que devraient être les grands
paramètres économiques qui ont des incidences sur les programmes
gouvernementaux. Effectivement, vous avez raison. (12 h 15)
M. Forget: Alors, dans la préparation de ces estimations
qui doivent, j'ai l'impression, pour informer le comité des
priorités adéquatement, être déposées dans
une forme qui est le reflet le plus honnête possible de ce qu'on croit
vraiment qui peut arriver, qui devrait arriver compte non tenu des contraintes
financières, si je comprends bien, le président du Conseil du
trésor nous dit: C'est effectivement la responsabilité du Conseil
du trésor, et on prend l'avis là où on le trouve, qu'il
soit au ministère des Finances, etc. Mais ce n'est strictement, à
ce moment-là, qu'un avis, ce n'est qu'une information. On ne leur
demande pas du tout de partager la responsabilité. On dit: Voici ce
qu'on prévoit devoir faire face aux programmes du gouvernement. Est-ce
qu'on peut au moins affirmer cela avec une certaine sûreté?
M. Bérubé: Oui, cela semble...
Dans un temps zéro, ce qui se fait, compte tenu que le
ministère des Finances a l'instrumentation technique et la connaissance
concernant l'évolution de la conjoncture économique, c'est qu'on
s'entend de part et d'autre pour retenir les mêmes facteurs; facteurs qui
servent à la fois au calcul des projections de revenus et au calcul des
projections de dépenses.
Nous connaissons, au Conseil du trésor, les paramètres
particuliers qui s'appliquent aux masses salariales dues aux conventions
collectives qui sont signées. Nous connaissons aussi les facteurs
internes qui régissent la croissance des ressources nécessaires
sur un certain nombre de programmes qui ont été identifiés
comme ayant, à toutes fins utiles, un coût de système
particulier, plus précisément ceux qui sont de nature
pratiquement statutaire.
Alors, avec le même jeu de données sur la conjoncture, les
mêmes paramètres de conjoncture que le Revenu, le Conseil du
trésor procède à une projection des bases
budgétaires pour amener la détermination de ce qu'il en
coûterait pour maintenir le même niveau d'activité compte
tenu du même niveau de ressource d'une année à l'autre.
Alors, c'est la première phase de l'opération qui est faite.
M. Forget: Dans le cas des immobilisations, quel est le
critère qui est utilisé par le Conseil du trésor? Est-ce
qu'il s'agit de totaliser les demandes reçues des ministères
sectoriels, de prendre un certain pourcentage plus ou moins arbitraire ou
traditionnel des demandes reçues des différents ministères
ou si, dès la préparation des prévisions, on injecte dans
l'élément de décision conjoncturelle?
M. Bérubé: Dans le cas de l'éducation, on a
une méthode historique essentiellement qui est utilisée
présentement. C'est la seule méthode avec laquelle j'ai eu
à travailler.
Sur les immobilisations, nous connaissons le coût de
l'année budgétaire qui est sous observation, des
parachèvements qui donneront lieu à des déboursés.
Cela constitue un plancher irrémédiable. Là, il y a un
choix à prendre, à savoir si l'on va maintenir un niveau
égal d'immobilisations en dollars courants ou en dollars constants. Il y
a un choix qui doit se prendre à ce niveau-là qui, lui, est
référé par la suite au comité des priorités.
Il y a une marge de manoeuvre sur les immobilisations directes.
M. Forget: Du côté des immobilisations, on
réfère tout de suite la décision au comité des
priorités en ce sens qu'on n'essaie pas de faire de projections plus que
le plancher. On projettera le plancher et pour l'éventail des
possibilités, on réfère cela tout de suite.
M. Bérubé: C'est cela, c'est-à-dire qu'on a
le plancher et on a ensuite des marges. C'est-à-dire que si l'on veut
maintenir un niveau d'immobilisations constant en dollars constants, c'est le
temps, et si on veut un niveau d'immobilisations constant en dollars courants,
c'est le temps. Alors, il y a une fourchette décisionnelle qui
est...
M. Forget: Mais comme tel le Conseil du Trésor s'abstient
de faire même une recommandation ferme relativement à cela.
M. Bérubé: Non. Pour les nouveaux engagements, cela
relève du comité des priorités, essentiellement. Donc, ce
sur quoi nous travaillons, c'est sur l'évaluation des engagements
antérieurs pour lesquels il y a des dépenses de
parachèvement.
Deuxièmement, normalement, bien que dans certains
ministères on maintienne quand même un niveau d'activité
d'année en année qui...
C'est pris dans la phase 2, c'est-à-dire qu'il y a toujours un
choix décisionnel. Nous connaissons le plancher, c'est-à-dire les
parachèvements, les contrats qui sont déjà signés,
qui vont avoir un effet de déboursés sur l'année qui est
en préparation, soit 1982-1983, qui représentent pour les
déboursés budgétaires un niveau X. Là, il y a une
fourchette décisionnelle qui est présentée, à
savoir si nous voulons maintenir globalement, pour l'ensemble des
ministères, le même niveau d'immobilisations en dollars constants,
c'est tant; et en dollars courants, c'est tout.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Rosemont.
M. Paquette: Je pense exact de dire qu'au début de
l'automne le budget a pris, dans ses grandes lignes, une certaine configuration
quant à de grandes enveloppes, de grands paramètres qui vont
ensuite faire l'objet d'ajustements par confrontation avec la revue des
programmes qui se fait à l'automne dans chacun des
ministères.
Je pense qu'il est exact de dire que, dès le début de
l'automne, le budget a déjà pris ses grandes configurations en
termes de niveau de dépenses, de niveau de revenus, de niveau des
emprunts, jusqu'à quel point?
M. Bérubé: Non, à l'automne, à la
suite de la revue des programmes, nous avons une idée claire de ce que
devrait être le niveau de dépenses si nous voulons maintenir
l'activité existante. Toutefois, c'est là que doivent être
introduites les notions de revenu et de capacité d'emprunt qui peuvent
nous amener, à ce moment-là, à décider d'une
opération compression. C'est ce qui s'est produit l'année
dernière. Cette opération compression, à ce
moment-là, peut amener des réductions d'activités.
M. Paquette: C'est seulement après la revue des programmes
dans les ministères ou avant la revue?
M. Bérubé: II est possible qu'on fasse la
compression plus vite, cette année.
M. Paquette: C'est plus intéressant.
M. Bérubé: L'année dernière, la
compression s'est faite essentiellement autour du mois de décembre - je
vous donne l'expérience de l'année dernière - et c'est
généralement vers le mois de janvier ou février que le
gouvernement décide également des nouvelles priorités,
c'est-à-dire des ajouts aux programmes existants.
Il y a un ajustement nécessaire parce que, lorsqu'on travaille
sur le cadre financier préliminaire, c'est-à-dire pour le premier
équilibre du côté des revenus comme du côté
des dépenses, on ne dispose que d'une histoire de trois mois sur le
budget 1981-1982 qui sert de base. Il est normal que trois ou quatre mois plus
tard il y ait des révisions qui soient nécessaires compte tenu de
l'évolution à la fois des facteurs qui viennent infléchir
la dépense et des facteurs qui conditionnent aussi les entrées de
revenus. Là, il y a un deuxième ajustement qui doit se faire.
M. Paquette: Si je comprends bien, vous souhaiteriez cette
année arriver, avant la revue des programmes, avec déjà
une idée aussi précise que possible du niveau des
dépenses.
M. Bérubé: Oui.
M. Paquette: Ce serait souhaitable, compte tenu de la
conjoncture, compte tenu des revenus escomptés et ainsi de suite.
M. Bérubé: Ce que nous allons essayer de faire,
c'est éviter que trop tard dans le cycle de préparation
budgétaire on soit amené à décider, au
gouvernement, d'un ensemble de compressions qui, généralement,
demandent une certaine préparation dans les ministères. Si la
décision est prise de façon trop tardive, il est difficile pour
un ministère de se rajuster en fonction de ces compressions.
Donc, cela peut devenir intéressant, dès la revue de
programmes, de se fixer des paramètres qui impliqueraient
déjà une certaine compression d'activités. C'est pour
ça que c'est au niveau du comité des priorités qu'il va y
avoir cette décision de prise sur le choix des grands paramètres
qui vont présider à la revue de programmes, de manière
qu'au moment de cette revue de programmes - c'est d'ailleurs ce qui faisait
sursauter le député de Saint-Laurent tantôt qui avait de la
difficulté à voir où étaient les
responsabilités - nous allons essayer de tenter d'appliquer un frein, si
un frein doit être appliqué, de manière à ne pas
être déporté vers le mois de décembre avec une prise
de conscience d'un impossible équilibre.
Donc, au moment de la revue de programmes, on peut effectivement la
rendre très libérale, dans le mauvais sens du terme, ou au
contraire la rendre plus serrée dans le bon sens du terme.
M. Paquette: Donc, si je comprends bien, il y aura une
réunion, à un moment donné, du comité des
priorités où tant le Conseil du trésor que le
ministère des Finances, conjointement, proposeront des grands
paramètres où il pourrait y avoir certaines compressions.
J'imagine que cette
décision du comité des priorités sera
acheminée ensuite au Conseil des ministres. Vers quelle date
prévoyez-vous que cela va se faire?
M. Bérubé: À la fin du mois. M. Paquette:
À la fin de juin. M. Bérubé: Oui.
M. Forget: M. le Président, non seulement on arrive, soit
au début du processus - si je comprends bien, c'est ce qu'on essaie de
faire cette année ou plus tard - à la deuxième phase qui
est en fonction d'un essai d'équilibre qui a été
défini au moment de la revue de programme entre les dépenses et
les revenus, mais dans le contexte de la nouvelle répartition des
tâches, le Conseil des ministres ou le comité des priorités
décide d'une certaine coupure ou, du moins, d'une certaine affectation
de fonds au développement positif ou négatif des programmes.
Est-ce qu'on peut savoir si l'exécution de cette décision
est confiée au Conseil du trésor globalement? C'est-à-dire
qu'on dit: On rapportait 1 000 000 000 $ de trop au printemps dernier.
Supposons 1 000 000 000 $ de trop dans les projections de dépenses.
Est-ce qu'il faut qu'on coupe ou si vous vous attendez à recevoir une
commande ventilée par ministère?
M. Bérubé: Écoutez! C'est bien le Conseil
des ministres et le comité des priorités qui en
décideront. Il n'est pas impossible que le comité des
priorités décide lui-même de ventiler compte tenu d'une
volonté politique gouvernementale plus générale, de
favoriser certains secteurs ou en défavoriser certains autres. Donc, je
peux difficilement répondre à cette question.
M. Forget: Mais comme le Conseil du trésor semble
être le seul organisme de contrôle du gouvernement qui a les
analystes familiers non seulement avec l'ensemble du tableau, mais
également avec chacune de ses parties au niveau de chague
ministère, comment est-il possible, devant la nécessité de
faire une coupure ou de limiter l'expansion à un chiffre X, que ce soit
autre chose que le Conseil du trésor qui fasse l'affectation
détaillée de l'enveloppe ou au moins qui suggère au
comité des priorités...
M. Bérubé: Je vais vous donner un exemple.
M. Forget: ...la fourchette des alternatives possibles?
M. Bérubé: Le choix entre les coupures... D'une
façon générale, c'est bien évident que c'est le
Conseil du trésor qui, ayant dans sa machine les contacts avec les
ministères, est le plus en mesure d'identifier les endroits où il
est possible de couper. Donc, on va demander des propositions au Conseil du
trésor. Mais il reste tout de même qu'un gouvernement peut
très bien choisir de ne pas s'attaguer à certains programmes
gouvernementaux. Prenons, par exemple, je ne sais pas, les prêts-bourses,
l'aide sociale ou la Régie d'assurance-maladie. Ils pourraient
très bien décider d'épargner sur certains programmes pour
des raisons politigues dictées par la volonté du Conseil des
ministres auquel cas, à ce moment-là, le Conseil des ministres
peut très bien décider que, le Conseil du trésor
n'essaiera pas d'examiner ce qui se passe dans tel secteur parce qu'il n'estime
pas approprié d'aller faire des coupures dans ce domaine. Donc, je ne
peux pas vous dire que le Conseil des ministres ne dictera pas au Conseil du
trésor certains secteurs où il doit couper ou ne pas couper
davantage. Mais il est bien évident que le Conseil du trésor va
continuer à avoir le problème de soumettre au Conseil des
ministres des hypothèses de coupures en identifiant les endroits
où il y a possibilité de couper.
Le Président (M. Desbiens): Messieurs, il y a un vote
à l'Assemblée. De toute façon, on devait suspendre nos
travaux à 12 h 30.
Alors, les travaux de la commission des finances sont suspendus
jusqu'à 15 heures.
(Suspension de la séance à 12 h 30)
(Reprise de la séance à 15 h 18)
Le Président (M. Desbiens): À l'ordre,
messieurs!
La commission permanente des finances reprend ses activités.
Avant de commencer, j'aimerais annoncer un changement. M. de Belleval
(Charlesbourg) sera remplacé par M. Lachance (Bellechasse) comme membre
de la commission. M. Lachance agissait ce matin comme intervenant. M. Guay
(Taschereau) sera remplacé par M. Marquis (Matapédia), comme
membre également. D'accord?
M. Forget: On pourrait peut-être aborder un autre sujet, M.
le Président.
Le Président (M. Desbiens): L'élément 1 a
été adopté. L'élément 2 du programme 1,
adopté?
M. Forget: Adopté.
Le Président (M. Desbiens): L'élément 3
sera-t-il adopté?
M. Forget: Adopté.
Le Président (M. Desbiens): Élément 4
M. Bérubé: Soutien administratif et technique.
M. Forget: M. le Président.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: Pour adopter...
M. Bérubé: J'aimerais attirer l'attention du
représentant de l'Opposition. Il y a un montant de 14 500 $ qui y est
inscrit.
M. Forget: Oui, on y viendra à son heure, M. le
Président. Mais comme il ne nous reste plus que 40 minutes, on va
aborder un autre sujet, puisque, ce matin, on a pu tenter au moins d'explorer
le sens à attribuer à la distribution des
responsabilités.
M. Bérubé: J'espère que c'est resté
suffisamment obscur!
M. Forget: Oui, c'est resté suffisamment obscur,
d'ailleurs, c'est ce que j'allais dire, M. le Président, j'ai
été frappé par le désir apparent du ministre, qui
est président du Conseil du trésor, de diminuer son rôle et
ses responsabilités, de s'effacer très modestement, d'ailleurs de
façon très peu caractéristique, devant l'ensemble de ses
collègues, devant le Conseil des ministres, devant le comité des
priorités. Il semble soucieux d'avoir l'air de prendre aucune
espèce de décision et de n'assumer aucune espèce de
responsabilité.
Je pense que le sens de ça n'échappe à personne. Je
crois qu'évidemment le gouvernement se trouve dans une période de
contraintes budgétaires, il y a beaucoup de décisions
impopulaires à prendre. On va se voir confronté par le spectacle
de ministres qui rivalisent de modestie en disant: Non, ce n'est pas moi, je ne
fais que prendre des notes aux réunions du Conseil des ministres;
j'écoute attentivement, je transcris tout ça. On nous a dit au
départ que le Conseil du trésor n'était qu'un
secrétariat. Évidemment, ça fait beaucoup rigoler tous
ceux qui connaissent le rôle du Conseil du trésor
traditionnellement et ceux qui occupent des fonctions au Conseil du
trésor, mais il est évident que si le ministre des Finances a, un
peu plus tard aujourd'hui, la même modestie, on va se retrouver devant
une politique financière qui n'a plus de père et qui n'a que des
gardiens.
Il est loisible, bien sûr, aux membres du Conseil des ministres de
diminuer leur rôle; à d'autres moments, ils choisissent de
l'amplifier. Il y a toujours une partie de ça qui est destinée
à la galerie. Il demeure que chacun sera libre de tirer ses conclusions,
mais je ne pense pas qu'on pourrait aller beaucoup plus loin devant la
détermination du ministre de laisser planer bien de la confusion dans
les esprits relativement au siège des responsabilités.
Probablement que les événements ultérieurs nous en diront
davantage.
Quoi qu'il en soit, il y a des conventions collectives qui sont dans le
paysage. Cela fait partie d'un autre volet des tâches, j'ose à
peine dire des responsabilités, du Conseil du trésor. De ce
côté-là, je pense qu'il serait peut-être un peu
futile d'essayer de percer le voile pour ce qui est des intentions de la
prochaine ronde de négociations. On est encore loin de cela. Mais
très certainement, parce que c'est la réalité avec
laquelle on vit tous les jours, du côté gouvernemental, je crois
qu'il est important de savoir quelle évaluation le Conseil du
trésor fait de l'application des conventions collectives. Quel est le
coût de ces conventions collectives? À quelles analyses s'est-il
livré pour que l'on puisse vraiment mesurer l'impact des
décisions qui ont été prises, il y a un an et demi ou deux
ans, et aussi pour amasser les matériaux qui lui sont nécessaires
pour établir une politique salariale d'ici le mois de juillet de l'an
prochain?
Résultats de l'application des conventions
collectives
J'inviterais tout simplement, le ministre à le faire quand
même assez brièvement, à dresser un tableau des conclusions
qui se dégagent de l'application des conventions collectives sur le plan
financier.
M. Bérubé: Essentiellement, si on se
réfère à la situation qui prévalait lorsque le
député de Saint-Laurent faisait partie du gouvernement, avant
1976, la rémunération globale dans le secteur public était
de l'ordre de 16% au-dessus de la rémunération prévalant
dans le secteur privé, syndiqué, et le mieux
rémunéré, c'est-à-dire basé sur une
comparaison avec les entreprises de 500 employés et plus,
syndiqués. En d'autres termes, le gouvernement avait pris comme
habitude, à l'époque de M. Bourassa et de son gouvernement, de
rémunérer le secteur public nettement plus que le secteur
privé. Lors de la dernière négociation, nous avons
commencé à corriger cette situation parce qu'elle amène,
à ce moment-là, l'ensemble des citoyens québécois
moins bien rémunérés, à devoir consacrer une part
grandissante de leurs revenus, à rémunérer une moindre
partie de la population à des salaires supérieurs à ce
qu'elle gagne elle-même. C'est pour cette raison que, si vous regardez ce
qui se passe, l'avance moyenne qui était
de 16,3% en 1978-1979, a été réduite, en 1980-1981,
à environ 10% à 11%. Donc, le coût des conventions
collectives a décru de façon très significative depuis
l'arrivée au pouvoir du gouvernement. Je pense que nous devons nous en
féliciter et nous devons souligner l'action énergique du
gouvernement lors des dernières négociations collectives.
Évidemment...
M. Forget: ...avec humour.
M. Bérubé: ...je dis que tout est relatif. Je me
compare au gouvernement dont faisait partie le député de
Saint-Laurent antérieurement et là vraiment, il y a une
très nette amélioration. Mais, si je fais abstraction de cela
parce que, évidemment, tout est relatif, et si j'essayais de juger dans
l'absolu, je pense que je devrais quand même constater que les salaires
dans le secteur public, la rémunération globale, dis-je, est
encore de l'ordre de 10% à 11% au-dessus de la
rémunération dans le secteur privé - je parle du secteur
privé fort bien rémunéré -et, par
conséquent, si un effort devrait être fait, il devrait
l'être de ce côté-là. Ce serait l'essentiel des
commentaires que j'avais à faire concernant la
rémunération dans les secteurs public et parapublic.
M. Forget: Le ministre vient de faire des affirmations et il
serait intéressant de savoir à quelle source il les puise. Je
fais cette demande de manière incidente. Si le Conseil du trésor
a effectivement des études, des analyses qui permettent de faire des
affirmations comme celles-là, il serait très intéressant
de pouvoir en prendre connaissance. Ces comparaisons entre le secteur public et
le secteur privé sont toujours basées sur certaines
méthodologies qui sont aussi intéressantes à lire que la
méthodologie qui accompagne la description des sondages.
C'est-à-dire qu'il y a autant de façons d'écorcher un
chat, de ce côté-là, qu'il y a de gens qui
l'écorchent. C'est toujours un sujet de controverse de savoir quels sont
les points que l'on retient, quels sont les emplois que l'on compare, etc.
Tout le monde sait que dans les secteurs public et parapublic -
j'imagine que ses propos ne valent pas simplement pour les fonctionnaires et
professionnels à l'emploi du gouvernement - si on regarde l'ensemble du
secteur public, il y a énormément de classes d'emploi pour
lesquelles il n'y a pas de comparaison possible. On doit se baser sur des
approximations. S'il y a eu un progrès de ce côté, on s'en
réjouirait. Mais on ne peut pas formuler cela autrement qu'au
conditionnel dans le moment parce qu'il y a aussi d'autres données qui
semblent indiquer que les coûts, au moins dans certains secteurs, dans le
secteur public québécois, loin d'afficher une convergence vers
les coûts comparables, peut-être pas avec le secteur privé,
mais avec les coûts, par exemple, dans le cas de l'éducation: Le
coût de l'éducation par personne ou par enfant dans notre
réseau scolaire vis-à-vis de celui de l'Ontario, on voit qu'il y
a un écart qui est loin de s'être amenuisé, il semble
s'être considérablement accru.
J'ai devant moi des chiffres de Statistique Canada pour les
dépenses en éducation relativement à la population des
deux provinces. On remarque que le différentiel ou le ratio entre le
Québec et l'Ontario, pour ce qui est des dépenses par personne de
5 à 20 ans, c'est-à-dire comparé à la population
d'âge scolaire dans les deux provinces, était d'environ de 4%
à 8%, pour être juste, entre 1976 et 1979, et, à partir de
1980, il aurait fait un saut brutal et serait maintenant de l'ordre de 30%. Il
y a peut-être des choses qui se sont améliorées, je ne peux
pas le nier catégoriquement en l'absence de données plus
complètes. Je n'ai que l'affirmation du ministre qui, comme je le dis,
est sujette à caution parce qu'elle repose sur des hypothèses et
des méthodologies de calcul qui sont discutables.
Il y a aussi d'autres aspects sur lesquels, au contraire, le niveau des
dépenses publiques, toute proportion gardée, au Québec, au
moins dans certains secteurs, semble avoir subi une détérioration
qui coïncide assez curieusement avec les récentes conventions
collectives.
Quoi qu'il en soit, de cette question-là, j'aimerais que le
ministre nous donne des précisions un peu plus détaillées
quant à ce qui se passe à deux titres: Premièrement,
est-ce que le Conseil du trésor a effectué un relevé des
personnes qui, dans les réseaux parapublics de même que dans le
secteur public au sens étroit du mot, les ministères et
organismes publics qui dépendent directement du gouvernement, sont
actuellement bénéficiaires des dispositions de leur convention
collective qui leur donne la sécurité du revenu. On ne peut pas
même parler de sécurité d'emploi parce que certains n'ont
plus d'emploi, mais ils ont toujours le revenu.
Combien y a-t-il de centaines de personnes ou de milliers de personnes
qui sont actuellement payées littéralement à ne rien
faire? Pas simplement celles qui sont effectivement mises en
disponibilité, mais celles qu'une analyse un tant soit peu rigoureuse
pourrait révéler être maintenues sur les listes de paie et
dans une soi-disant activité de convenance pour éviter que les
chiffres ne paraissent trop mal. J'imagine que le Conseil du trésor,
dans un contexte de contraction budgétaire, se pose cette question. (15
h 20)
On entend des rapports un peu partout révélant qu'il y a
effectivement des
centaines de personnes au niveau des cégeps au niveau des
commissions scolaires, au niveau même du secteur social, et certainement
au niveau du gouvernement qui sont payées à ne rien faire alors
que l'on coupe, par ailleurs, les services. Cela, d'une part. D'autre part, on
voudrait bien savoir, par rapport aux crédits de l'année en
cours, 1981-1982, on a, au moment des ajustements ou d'établissement des
enveloppes, au moment de l'établissement des crédits pour
l'année, fait certaines hypothèses quant au taux d'inflation et
le taux d'inflation est relié évidemment à l'augmentation
des salaires via les clauses d'indexation. Dans le fonds de suppléance,
on prévoit une somme qui, de mémoire, est d'environ 65 000 000 $
pour enrichir la masse salariale de l'ensemble des organismes publics et
parapublics. Étant donné l'expérience vécue depuis
quelques mois du côté de l'inflation, est-ce que cette somme de 65
000 000 $ au fonds de suppléance doit suffire pour honorer les
conventions collectives qui sont actuellement en vigueur pour l'année
1981-1982?
Sinon, à combien va s'élever la carence de ce
côté?
M. Bérubé: II y a eu de la part du
député de Saint-Laurent un certain nombre de commentaires
liminaires. Je pense qu'ils ne méritent pas de réponse puisqu'il
n'y a pas eu de question, mais ils mériteraient au moins des
commentaires de ma part. D'une part, lorsque le député de
Saint-Laurent regrette de ne pas avoir en main les comparaisons salariales
entre le secteur public et le secteur privé, il me ferait certainement
plaisir de les lui faire parvenir mais je suis convaincu que son service de
recherche doit les avoir puisque ces études ont été
rendues publiques lors des préliminaires à la négociation
du secteur public et parapublic au moment où le ministre des Finances
avait déposé un ensemble d'études. Je suis convaincu
qu'une très brève conversation avec son service de recherche,
évidemment, devrait lui permettre sans doute d'obtenir l'information
qu'il désire.
M. Forget: Juste pour un complément d'information. Est-ce
que ces études qui ont été déposées avant
que les conventions collectives ne soient même négociées
renferment aussi une évaluation du niveau de la
rémunération actuelle relativement au secteur privé en
prenant pour acquis que les offres déposées...
M. Bérubé: Non. Vous voulez dire pour
1980-1981?
M. Forget: Oui. C'est parce que vous avez fait une comparaison
avec 1981. Alors, cela ne doit pas se trouver dans les études qui ont
été déposées avant la négociation de
1979.
M. Bérubé: Les études que nous avons sont
remises à jour annuellement, si vous voulez. Mais, la toute
dernière étude, enfin, à une date...
M. Forget: Ce serait disponible aussi à la mise à
jour.
M. Bérubé: II n'y a pas de problème.
M. Forget: Cela vient du Bureau de recherche sur la
rémunération? Cela nous intéresserait beaucoup. Je pense
que c'est une des grandes questions de l'heure.
M. Bérubé: Je pense que vous avez raison. C'est un
élément essentiel, je pense, de toute politique salariale
d'arriver à faire certaines comparaisons. Toutefois, le
député de Saint-Laurent est allé plus avant en commentant
également le problème de la rémunération dans le
secteur public et parapublic au Québec par comparaison avec la
rémunération dans d'autres provinces. Il a fait état, par
exemple, du coût de l'enseignement au Québec par rapport au
coût de l'enseignement en Ontario. Je dois souligner que dans les autres
provinces il y a eu une loi fédérale de contrôle des prix
et des salaires qui a, en un certain sens, permis de maintenir la croissance
des prix et des salaires dans ces provinces à un niveau plus
raisonnable.
Toutefois, au Québec, le gouvernement de l'époque, je dis
bien de l'époque, avait décidé d'adopter sa propre loi et
de décider, c'était son droit j'imagine, de déposer
à la table de convention collective des propositions qui étaient
même supérieures à ce que la loi lui permettait de faire et
une des conséquences, évidemment, c'est que la croissance
salariale que le Québec a connue dans le secteur public et parapublic
dans ces années a fait qu'effectivement il s'est développé
un écart entre la rémunération au Québec et celle
des autres provinces.
Toutefois, je ne contesterai pas les assertions du député
de Saint-Laurent concernant, par exemple, le coût par élève
pour l'éducation des enfants. Effectivement, un certain nombre
d'études confirment que le coût de l'éducation au
Québec est plus élevé par enfant qu'il ne l'est, par
exemple, en Ontario. Toutefois, il y a peut-être un élément
de comparaison que le député de Saint-Laurent n'a pas, mais qui
est quand même intéressant. C'est lorsque l'on compare le
coût de l'éducation per capita. Il y a dans notre système
d'éducation des va-et-vient d'élèves qui peuvent affecter
différemment les clientèles, selon qu'on est en Ontario ou au
Québec, et si on regarde le per capita, c'est-à-dire combien les
Québécois dépensent,
le chiffre que j'ai sous les yeux vers la fin, vers les années
1976, indiquait que le coût per capita était sensiblement
égal pour l'élémentaire et le secondaire en Ontario et au
Québec. Donc, on n'est pas très loin per capita, mais par enfant,
je pense que le député de Saint-Laurent a raison, nous sommes
au-dessus par enfant.
M. Forget: II faut faire attention de ne pas jouer sur les mots
de ce côté-là non plus, M. le ministre. Tout le monde est
bien au courant qu'il y a un taux d'abandon scolaire au Québec ou de
non-poursuite des études, même au niveau secondaire qui est, je
pense, sensiblement plus élevé ici qu'ailleurs; c'est clair que
par habitant, on peut ne pas payer plus cher, mais c'est à peine
consolant, parce que tout ce que cela nous dit, c'est qu'on paie le même
prix pour éduquer moins d'enfants, toutes proportions gardées,
puisqu'il y en a plusieurs qui ne sont pas dans les écoles. Les
adolescents qui ne sont pas dans nos écoles ont de très bonnes
raisons de ne pas nous coûter très cher. Donc, ce n'est pas
consolant de savoir que le coût per capita n'est pas plus
élevé qu'ailleurs.
Ce qui est important, c'est de savoir combien nous coûtent ceux de
nos enfants qui sont dans les écoles. Parce que c'est effectivement
ceux-là seulement, malheureusement, qu'on éduque. À moins
que les chiffres que nous avons puisés à Statistique Canada ne
soient contestés, -mais il ne semble pas que ce soit le cas - il semble
que c'est en 1980, et non pas au moment de l'application des normes sur
l'augmentation des revenus et des salaires par le mécanisme auquel le
ministre a fait allusion tantôt, mécanisme devenu caduc il y a
déjà un bon moment, c'est en 1980 qu'il y a eu une hausse subite
dans le coût par élève; une différence entre
l'Ontario et le Québec dans le coût par une élève.
Alors que la différence était de l'ordre de 5% ou 6%, cela
devient tout à coup une différence de l'ordre de 30%. Encore une
fois, ces chiffres sont-ils bons ou non? Ils viennent éventuellement du
gouvernement du Québec lui-même qui les fournit à
Statistique Canada. Y a-t-il eu une erreur de transcription? On nous donne un
coût par personne de 5 à 20 ans, dans le fond, pour la population
d'âge scolaire. Il ne tient même pas compte, à ce
moment-là, du fait qu'il y a moins d'enfants, proportionnellement, qui
sont inscrits dans nos écoles. Ce coût est de 4 580 $
comparativement à 3 518 $ en Ontario, ce qui fait un rapport de 30%
supérieur dans le cas des coûts pour le Québec, alors que
le rapport n'a jamais été aussi élevé dans le
passé. Donc, il semble, à première vue du moins, et sous
bénéfice d'inventaire, qu'en 1980, il s'est passé quelque
chose du côté des coûts de l'éducation au
Québec. Comme il ne s'est rien passé de visible, sauf la nouvelle
convention collective, il était assez normal qu'on dise: Que s'est-il
passé au niveau de la nouvelle convention collective pour faire faire
cette hausse subite?
M. Bérubé: II n'y a pas, M. le député
de Saint-Laurent, de changement significatif, sauf peut-être dans la
façon de comptabiliser les sommes puisque, comme vous le savez, lorsque
vous avez des négociations, vous avez des versements globaux qui sont
faits, lors du règlement de la convention, pour couvrir des
périodes passées et qui peuvent, à un moment donné,
amener un changement brutal dans l'allure des courbes, mais ce n'est pas
nécessairement significatif.
M. Forget: Vous avez raison là-dessus et cela s'est
toujours produit à la suite de la conclusion des conventions
collectives. Ce qui est surprenant, c'est qu'on observe qu'en 1977, ce ne se
serait pas produit.
M. Bérubé: La réforme de la fiscalité
municipale, s'ils prennent des dépenses qui apparaissent aux
crédits pour faire la comparaison, à ce moment-là, c'est
clair que le fait qu'il y a eu une disparition de l'impôt foncier qui
donnait une partie des revenus...
M. Forget: Non, les chiffres qu'on vous donne sont
compilés par Statistique Canada et j'ai ici une note qu'ils comprennent
l'ensemble des dépenses en éducation au Québec, qu'elles
soient supportées par les particuliers, la province, les commissions
scolaires, le gouvernement fédéral - dans le cas où cela
peut s'appliquer aux Indiens et aux Esquimaux - et donc, ne sont pas les
dépenses du gouvernement du Québec comme telles. Ce sont des
dépenses globales au titre de l'éducation, même les frais
de scolarité payés par les individus.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Rosemont m'a demandé la parole.
M. Raquette: M. le Président, c'était justement
cette remargue que je voulais faire. En fait, il faudrait avoir les chiffres.
On écoute de façon très intéressée ce
dialogue, mais...
M. Forget: Nous, on peut vous citer nos sources. C'est
Statistique Canada 81220.
M. Bérubé: C'est le mot "Canada" sur lequel il faut
insister puisque c'est le symbole de qualité.
M. Forget: Je m'attendais bien que vous essayiez de trouver une
diversion quelconque, il reste que c'est 81 220 $ pour les dépenses en
éducation; évidemment, les
données sur la population, je pense que tout le monde sait
où les trouver.
M. Bérubé: M. le Président, je pense qu'on
peut toujours avancer un certain nombre de chiffres, et un des problèmes
de l'utilisation de statistiques, c'est généralement de trouver
une base de comparaison absolument exacte. Je pense que le député
de Saint-Laurent a fait appel à un certain nombre de réserves
d'ordre oratoire dans sa présentation en disant qu'il n'assumait pas
nécessairement de responsabilité quant à la valeur des
chiffres, et je pense qu'il a parfaitement raison. Les chiffres qu'il souligne,
je suis incapable de les commenter dans la mesure où je n'ai pas
véritablement les données sous les yeux, et surtout la base de
comparaison. Il ne me semble pas qu'au niveau d'éducation au
Québec, si on regarde les budgets qui y sont consacrés - c'est
très facile à vérifier puisque nous avons les chiffres
sous les yeux - qu'il y a eu une hausse spectaculaire du coût de
l'éducation au Québec non plus qu'il y a eu une baisse subite du
nombre d'élèves dans les écoles nous conduisant à
une hausse par élève le moindrement significative.
Par conséquent, dans la mesure où nous sommes
parfaitements conscients, comme membres élus de cette Assemblée
qui approuvons les budgets année après année, qu'il n'y a
pas eu de hausse spectaculaire dans les budgets alloués à
l'éducation, et que, d'autre part, il n'y a pas eu, que l'on sache,
d'élimination massive d'enfants dans le système, il faut donc en
conclure que les chiffres de Statistique Canada sont peut-être
discutables dans la mesure où la base de comparaison est
différente.
M. Forget: M. le Président, je pense que les
réserves qu'on peut apporter sur les statistiques comme, curieusement,
le ministre vient de le découvrir quand ça ne fait pas son
affaire d'être confronté par des chiffres, tout à l'heure,
il nous a cité des chiffres qui sont encore plus difficiles à
vérifier puisque ce sont des documents...
M. Bérubé: ... les libéraux utilisent
toujours Statistique Canada.
M. Forget: Ce sont des documents qui ne sont même pas
publics, et qu'on nous a promis, d'ailleurs fort gracieusement, de nous
communiquer, pour ce qui est des mises à jour, il reste que,
jusqu'à nouvel avis, on peut faire plus confiance à des chiffres
qui sont publiés qu'à des chiffres qui ne le sont pas. Elles ont
au moins les mêmes validités que les comparaisons que le ministre
faisait tout à l'heure quant à la rigueur avec laquelle les
conventions collectives ont été négociées par le
gouvernement actuel.
N'est-il pas surprenant que le Conseil du trésor, dont c'est la
mission d'analyser le coût de fonctionnement, soit, semble-t-il, surpris
lorsqu'on lui avance des chiffres qu'il devrait connaître
déjà lui-même beaucoup mieux que nous? Je pense que cela
démontre, en quelque sorte, qu'on se laisse probablement vendre par le
ministère de l'Éducation une certaine salade sans vraiment aller
au-delà de cela. J'aimerais demander au ministre s'il peut nous dire,
puisqu'il a présumément ces chiffres, quel est le coût de
la libéralisation, si le mot est approprié, de la clause qui a
été insérée dans la convention des enseignants
relativement à la sécurité d'emploi dans le rayon de 30
kilomètres. Est-ce qu'on a le nombre de personnes qui
bénéficient de cette clause et le coût pour le
trésor public?
M. Bérubé: En fait, M. le Président, je n'ai
absolument pas été surpris par les chiffres comme tels, mais j'ai
été surtout surpris par la crédulité du
député de Saint-Laurent qui les manipule avec une aisance comme
s'ils avaient force de loi. Je pense qu'il faudrait les vérifier
vraiment en profondeur pour avoir une base de comparaison.
M. Forget: ... quand vous serez retourné dans votre
ministère. En attendant, pouvez-vous répondre à notre
question?
M. Bérubé: Oui, certainement, ça me fait
plaisir. Lorsque l'on parle . de compression, il y a d'abord, au niveau du
gouvernement, dans la fonction publique comme telle, une compression
d'effectifs de l'ordre de 2%.
M. Forget: Je ne parle pas de compression, ma question porte sur
le coût, une analyse que, présumément, le Conseil du
trésor a faite avec un grand soin pour mesurer le coût de la
concession qui a été faite l'an dernier lors de la
négociation en dernière minute de la convention collective des
enseignants où on a modifié la clause de sécurité
d'emploi. Cela doit bien coûter quelque chose parce que les syndicats ne
l'auraient pas demandé si ça ne donnait rien à
personne.
M. Bérubé: Si vous permettez, je vais terminer ma
réponse et, à ce moment-là, vous aurez le portrait global.
Comme je le disais tantôt, il y a effectivement, au niveau de la fonction
publique, une compression de l'effectif de l'ordre de 2%. L'attrition est
plutôt de l'ordre de 4% à 5%, ça dépend un peu des
ministères, et, par conséquent, il est relativement aisé
d'absorber la compression de l'effectif au niveau de la fonction publique
à l'intérieur de l'attrition normale qui se produit au cours
d'une année. Donc, la sécurité d'emploi au niveau du
ministère ne
doit pas nous coûter très cher. Là où elle
pourrait nous coûter plus cher, c'est au niveau de l'éducation.
(15 h 45)
II y aurait peut-être une remarque à faire
là-dessus. On connaît avec assez de précision quelles sont
les personnes qui ont été mises en disponibilité qui
tombent sous le chapitre de la sécurité d'emploi. On
connaît aussi des taux, parce que les taux de résorption de ces
personnels dans une année donnée, on peut appliquer les
facteurs...
La réponse précise à votre question, nous ne
pouvons pas la donner parce que la sécurité d'emploi existait
après deux ans dans l'ancien système. C'est seulement
après l'exercice complet d'une année que nous pourrons
déterminer ceux qui sont restés sur le carreau à
l'intérieur d'un rayon de 50 kilomètres, qui auraient pu
être réengagés dans une commission scolaire à
l'extérieur de ce rayon. Pour le moment, nous n'en sommes pas capables.
Là nous référons au système d'éducation.
En fait, ce qui s'est produit...
M. Forget: Oui, mais cela s'applique depuis l'an dernier,
n'est-ce pas?
M. Bérubé: Oui.
M. Forget: Donc, les mises en disponibilité qui ont
été faites en mai et juin 1980 et qui n'ont pas été
réabsorbés en septembre-octobre par les commissions scolaires,
sont depuis septembre-octobre derniers en disponibilité. Un certain
nombre de ces personnes sont demeurées en disponibilité parce que
la clause du 50 kilomètres s'appliquait à elles. Donc, on est
actuellement à la fin de la première année d'application
du régime, n'est-il pas plausible de croire qu'on sait combien de gens
et donc quel est le coût de cette modification à la clause de
sécurité d'emploi.
M. Bérubé: Nous avons quand même une
idée, c'est-à-dire nous savons quel sera le maximum possible du
coût de la sécurité d'emploi mais nous ne savons pas le
montant exact. Je m'explique: Au 1er mai 1980, avaient été mis en
disponibilité, dans le secteur public de l'éducation, 3436
personnes. Nous constatons que, en cours d'année, un taux de
résorption au niveau des enseignants atteint 70%, au niveau des
professionnels de l'enseignement, 62% ou 63%. Donc, nous connaissons les taux
de réabsorption par le système des enseignants mis en
disponibilité. Donc cela est clair.
Le problème est de savoir si la capacité du système
cette année à réabsorber ces enseignants ou ces
professionnels de l'enseignement est aussi élevée. Cette question
mérite d'être posée parce que dans la mesure où au
1er mai 1981 ce n'est plus 3500 enseignants mis en disponibilité mais
plutôt 7200 maximum, à ce moment-là on peut se demander:
Est-ce que le taux de réabsorption des enseignants par le système
sera aussi élevé. Là-dessus nous n'avons pas de garantie
parce qu'il se produit un certain nombre de phénomènes
simultanés. Vous avez les compressions de personnel, qui
équivalent à peu près au tiers, qui proviennent de la
diminution du nombre d'enfants inscrits dans les écoles. C'est donc une
compression en vertu même de l'application de la convention collective
qui vaut le tiers.
M. Forget: Étant donné qu'il ne reste que dix
minutes...
M. Bérubé: Je m'aperçois que le
député de Saint-Laurent n'est pas vraiment
intéressé aux réponses alors je vais le laisser continuer
à poser des questions, M. le Président.
M. Forget: Non, je ne suis pas intéressé aux
spéculations sur l'avenir. Ce que je vous demande, et ce que je n'ai pas
encore obtenu et que j'espère obtenir dans les minutes qui viennent,
c'est pour l'année écoulée. On ne fait plus de
spéculation, on n'a pas besoin de s'interroger sur ce qui va se produire
et l'influence des cycles de la lune sur l'évolution du nombre de
professeurs dans les écoles l'an prochain. Je vous demande, ceci: Dans
l'année qui s'est écoulée - ce sont des faits maintenant,
ce n'est plus de la spéculation et le ministre ne peut pas maintenant
dire autre chose que, soit qu'il connaît le chiffre ou qu'il ne le
connaît pas. Les deux réponses sont valables quant à nos
propos ici - combien...
M. Bérubé: Qu'est-ce que vous voulez savoir?
M. Forget: ... y a-t-il de gens qui ont effectivement
bénéficié de la clause élargie de
sécurité d'emploi.
M. Bérubé: Je vous l'ai donné. M. le
Président, je suis obligé de reconnaître...
M. Forget: Bien, cela dû être fait très vite.
Il y a eu plus de 3500 persones mises en disponibilité et environ,
a-t-on dit, 70 personnes qui ont été résorbées.
Donc, les autres...
M. Bérubé: Le député de Saint-Laurent
ne peut pas prendre la différence entre 100 et 70 pour conclure que
c'est 30%.
M. Forget: Donc, les autres c'est environ 800 en chiffres
absolus; combien ce nombre représente-t-il comme impact
budgétaire?
M. Bérubé: Voilà une question plus
précise. Nous savons qu'il en est resté 709 sur le carreau. Sur
ces 709, quels sont ceux qui, si les anciennes dispositions s'étaient
appliquées, auraient pu être relocalisées, nous ne le
savons pas.
M. Forget: Oui, mais il reste que ce n'est pas non plus ma
question. Je ne vous demande pas une analyse comparative sur l'histoire
passée par rapport à ce qu'elle aurait pu être. Cela aussi,
c'est de la spéculation. Je vous demande, de façon très
claire, combien il y a de gens qui bénéficient des clauses de
sécurité d'emploi dans l'éducation. Vous pouvez bien, si
le coeur vous en dit, faire une distinction parmi ceux qui en
bénéficient et qui, effectivement, reçoivent un salaire
pour rester chez eux, et me dire qu'il y en a 775 qui le font parce qu'ils
l'auraient fait de toute façon en vertu d'une convention collective non
modifiée et qu'il y en a encore 50 qui le font en vertu de la nouvelle
addition à la convention collective. C'est une analyse
supplémentaire, mais de combien de dollars et de personnes parlons-nous,
en fait?
M. Bérubé: M. le Président, on fait
référence, au budget de l'année dernière, parce
qu'il s'agit de savoir quel est le montant, dans le budget de l'année
dernière, qui est allé à la sécurité
d'emploi. N'ayant pas présidé à la préparation du
budget de l'année dernière comme tel et n'étant pas
ministre de l'Éducation, c'est un peu difficile pour moi d'y
répondre. Ce serait plus facile d'y répondre cette année.
40 000 000 $ l'année dernière.
M. Forget: 40 000 000 $, cela représente le coût de
la sécurité d'emploi dans le secteur de l'éducation.
M. Bérubé: L'année dernière.
Je réitère ce que je vous disais, ce n'est pas un
coût net par rapport aux nouvelles clauses. De ces 40 000 000 $, quel
serait le coût net du fait qu'il y a maintenant une limite de 50
kilomètres? L'analyse n'est pas faite.
M. Forget: L'analyse n'est pas faite. Je vois.
M. Bérubé: Nous ne pouvons pas savoir, des 40 000
000 $, quel pourcentage est lié aux conventions collectives
signées par l'ancien gouvernement libéral et quel pourcentage est
lié aux conventions signées par le gouvernement du Parti
québécois.
M. Forget: Au cas où le ministre, comme président
du Conseil du trésor, l'oublierait, les anciennes conventions
collectives de 1976 ne sont plus valables.
Tout ça a été repris dans les nouvelles conventions
collectives qui ont été signées en 1979 ou en 1980. Dans
une négociation, tout se négocie, en plus ou en moins, dans les
deux cas. Il peut dire, qu'historiquement, c'était fait ainsi, mais il
reste que le tout a été signé, pas seulement les
modifications. Il est d'un intérêt historique seulement de savoir
d'où ça vient. Cela vient de très loin, mais il reste que
la responsabilité...
M. Bérubé: Pour le Parti libéral, l'histoire
a cessé en 1976.
M. Forget: ...est reprise et assumée en totalité au
moment de chaque convention collective.
Dans le même ordre d'idées, M. le Président, quel
est le coût des modifications qui sont intervenues du côté
des ratios, dans le secteur de l'éducation? Est-ce que le Conseil du
trésor possède cette donnée?
M. Bérubé: Vous pourriez poser les questions a
l'éducation là-dessus, sur le coût détaillé
de l'utilisation des ratios.
M. Forget: Vraiment, vous m'étonnez, messieurs du Conseil
du trésor, parce que vous êtes les analystes financiers des
dépenses gouvernementales. En fonction de cette analyse, vous allez
effectuer des coupures, plus ou moins considérables; j'aurais
plutôt dû dire, que vous allez recommander à vos
collègues du conseil des priorités, un certain nombre de
coupures. Vous avez à préparer des mandats de négociation.
Il me paraît inconcevable que vous puissiez vous acquitter de ces deux
tâches sans savoir quel est le coût des décisions que vous
avez prises, des décisions qui sont analogues à celles que vous
devrez prendre d'ici un an.
Est-il possible qu'on s'engage dans une négociation d'ici douze
mois, sans qu'on ait la moindre idée de ce que coûtent les
concessions qui ont été faites dans la convention collective qui
est en train de s'appliquer et qui s'applique, rétroactivement, depuis
effectivement deux ans.
M. Bérubé: M. le Président, c'est bien
certain que le Conseil du trésor contrôle les dépenses de
l'ensemble des ministères pour un montant de 20 000 000 000 $
M. Forget: Je ne suis plus aussi certain que j'en
étais.
M. Forget: Évidemment, à l'intérieur de ce
montant, il y a un nombre de facteurs concourants au coût final que le
député de Saint-Laurent pense que le Conseil du trésor
devrait avoir à l'esprit continuellement, mais dans la pratique, nous
n'avons pas à l'esprit les détails sur absolument toutes
les questions que le député de Saint-Laurent peut vouloir
poser.
M. Forget: Non, mais des bagatelles comme les ratios en
éducation et la sécurité d'emploi, on s'excuse de vous
poser ces questions-là, M. le Président, mais on penseait que
vous connaîtriez les réponses.
M. Bérubé: M. le Président, nous sommes
conscients du coût global des conventions collectives, puisque nous avons
l'ensemble. Nous pouvons également répondre à ces
questions par des analyses plus fouillées pour aller chercher les
données, mais c'est bien évident qu'on pourrait également
me poser un paquet de questions sur le détail du fonctionnement du
système hospitalier. Si vous me posez des questions sur le coût du
fonctionnement du ministère de l'Énergie et des Ressources, je
serais peut-être mieux placé pour répondre, mais il reste
quand même qu'il y a beaucoup de questions que vous pouvez poser
auxquelles nous n'avons pas la réponse au bout des doigts. Nous
connaissons en général le fonctionnement du système, donc
nous sommes en mesure d'attribuer des coûts à chaque article en
particulier, mais de là à pouvoir répondre
immédiatement, non, je n'ai pas vu ce chiffre personnellement. Cela
demanderait une recherche. Le meilleur endroit pour poser la question, cela va
être véritablement au ministère de l'Éducation qui
est chargé d'administrer le système.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Rosemont.
M. Paquette: J'allais faire une proposition au ministre. Comme le
temps achève, s'il était possible d'avoir certaines des
données concernant le coût des conventions collectives, notamment,
et de nous les faire parvenir par la suite après cette commission.
M. Forget: Je pense qu'on nous a dit qu'au niveau des analyses du
bureau de recheches sur la rémunération, on nous communiquait les
analyses.
M. Bérubé: Une mise à jour.
M. Forget: II y a une question que j'ai posée tout
à l'heure et qui a été peut-être perdue en cours de
route, c'était la suffisance du fonds de suppléance relativement
aux hypothèses qui ont servi à la préparation des
crédits pour l'année 1981-1982, et l'expérience des
derniers mois au niveau de l'inflation. Est-ce que les 65 000 000 $
prévus seront suffisants? Quel est le taux d'inflation qu'on a
utilisé dans la préparation de l'estimation de la masse
monétaire nécessaire pour défrayer le coût de la
masse salariale? Est-ce que ce taux est différent du taux qu'on peut
maintenant aujourd'hui projeter pour l'ensemble de l'année? Sinon,
quelles sont les implications financières de cet écart?
M. Bérubé: Actuellement, l'inflation qui est
postulée est de 12,2% dans la préparation du budget. Nous ne
savons pas encore véritablement quel sera le taux d'inflation
réel que nous connaîtrons. Il est possible que ce soit
supérieur à 12,2%, on me dit ici peut-être 12,7%,
possiblement.
M. Forget: Donc, ce qu'on nous dit, c'est que les crédits
de 1981-1982 ont été préparés dans
l'hypothèse où l'inflation qui s'appliquerait à la
période pour les fins d'ajustement de la masse salariale et de
l'application des clauses d'indexation des conventions collectives serait de
12,2%. Tout ce qui va dépasser 12,2% va entraîner un ajustement
à la masse salariale. Cela correspond à un point de pourcentage
sur l'indice des prix à la consommation. Cela va se traduire par combien
de millions dans le budget total du gouvernement?
M. Bérubé: 60 000 000 $ du point. M. Forget:
60 000 000 $ du point.
M. Bérubé: II est important quand même de
souligner que les revenus également suivent en gros l'inflation et, par
conséquent, il y a une compensation naturelle.
M. Forget: Oui, même un peu mieux.
M. Bérubé: Même un peu mieux. Par
conséquent, il y a une certaine compensation naturelle. Cela ne veut pas
dire pour autant qu'il y a un accroissement du déficit à la suite
d'une prévision un peu pessimiste ou optimiste, suivant le point de
vue.
M. Forget: Toute chose étant égale d'ailleurs,
comme dit le philosophe!
M. Bérubé: Parfait.
Le Président (M. Desbiens): Est-ce que
l'élément 4, soutien administratif et technique est
adopté? Vous avez une question, M. le député de
Westmount?
M. French: J'ai quelques questions d'ordre général.
Je ne sais pas si elles se rattachent à un élément ou
à un autre.
M. Bérubé: Cela n'a aucune espèce
d'importance, M. le député de Westmount.
M. French: Je savais que le ministre me pardonnerait mes
questions innocentes. Est-ce que le ministre est membre du comité
des priorités?
M. Bérubé: Oui.
M. French: C'est une nouvelle nomination, parce que
évidemment le poste n'était pas là avant. On a entendu
parler beaucoup ce matin du cycle budgétaire. C'est très
intéressant comme toujours, mais finalement l'expérience ici
comme ailleurs nous dit que le cycle budgétaire comme tel est un
instrument très imparfait pour faire ce genre de compression, de
coupures, ce dont toutes les économies publiques ont besoin
actuellement. Je me demande s'il y a un mandat d'évaluation exceptionnel
en dehors du cycle budgétaire qui réside quelque part dans
l'appareil du gouvernement du Québec, et si d'ailleurs ce serait au
vôtre, M. le ministre, de faire fonctionner un certain nombre
d'évaluations de programmes ou de secteurs d'activités du
gouvernement. Cela peut même impliquer des budgets horizontaux
plutôt que verticaux, comme on voit ici, et si oui, avez-vous des sujets
prioritaires pour l'évaluation? (16 heures)
M. Bérubé: Oui, effectivement, c'est le rôle
du Conseil du trésor de choisir comme cible un ensemble de programmes
gouvernementaux de manière à en évaluer la performance,
l'efficience et s'assurer qu'il n'y a pas lieu, lors de la revue de programmes,
de réduire ou d'accroître l'importance attribuée à
ces programmes. Je ne sais pas si on pourrait me donner la liste de ceux qui
sont sous surveillance?...
M. Forget: C'est en probation, pour ainsi dire?
M. Bérubé: C'est cela.
En fait, de façon générale, on met sous examen
particulier les programmes dont le rythme d'augmentation est supérieur
à celui du PIB. Nous graduons, je veux dire qu'il y a des examens qui
durent plusieurs années, lorsque l'on entre dans des
phénomènes fort complexes comme, par exemple, le progamme de
l'aide sociale qui fait déjà l'objet d'un examen particulier par
le Conseil du trésor depuis au moins deux ans. C'est la même chose
pour les programmes de santé. Vous avez aussi l'hébergement qui
fait l'objet d'une étude particulière. Les grands programmes de
transfert d'aide aux entreprises agricoles ou d'aide aux entreprises
industrielles font aussi l'objet d'un examen d'évaluation, etc. Dans des
gros programmes de fonctionnement, vous avez l'administration des greffes et
des bureaux d'enregistrement de la justice. On fait actuellement une analyse
administrative du programme de perception des revenus des contribuables au
ministère du Revenu. On en a terminé une, il y a un an, sur le
Bureau des véhicules automobiles qui a donné lieu à un
certain nombre de décisions dont la liste est assez longue. Chaque
direction a des cibles particulières avec d'autant plus de personnel et
de temps consacrés que l'impact est majeur et le rythme de croissance
important.
M. French: C'est le personnel du Conseil du trésor qui est
responsable et non le personnel des ministères, des régies ou des
agences qui s'occupent des programmes, ou est-ce un exercice conjoint?
M. Bérubé: Les deux, c'est-à-dire qu'il y a
toujours une vérification interne dans les ministères qui peut
les amener à remettre en cause le fonctionnement de leur
ministère. C'est certainement le cas de certains programmes, par exemple
celui de perception d'impôt du ministère du Revenu, qui font
l'objet d'un contrôle interne au ministère, mais qui peuvent
également faire l'objet d'un contrôle externe de la part du
Conseil du trésor.
M. French: Les études qui en découlent sont-elles
disponibles? N'avez-vous jamais publié d'études
d'évaluation?
M. Bérubé: Non.
M. French: Auriez-vous l'intention de le faire?
M. Bérubé: Non.
M. Forget: Est-ce qu'avec la nouvelle loi sur l'information
gouvernementale, ce ne sera pas obligatoire de le faire?
M. Bérubé: Plus tard, je crois.
M. Forget: II n'y a pas de loi sur les secrets officiels, M. le
ministre, au Québec, pas encore du moins.
Une voix: Adopté.
Le Président (M. Desbiens): L'élément 4,
est-il adopté?
M. Forget: Oui.
Le Président (M. Desbiens): L'élément 5,
est-il adopté?
M. Forget: Adopté.
Le Président (M. Desbiens): Les crédits du Conseil
du trésor sont-ils adoptés?
M. Forget: Adopté.
Le Président (M. Desbiens): Adopté. Je vais
suspendre quelques minutes pour
permettre peut-être le changement d'équipe. (Suspension de
la séance à 16 heures)
(Reprise de la séance à 16 h 7)
Ministère des Finances
Le Président (M. Desbiens): ...pour l'étude des
crédits 1981-1982 du ministère des Finances. M. le ministre, vous
avez la parole.
M. Parizeau: M. le Président, nous examinons les
crédits du ministère des Finances et, selon une coutume
consacrée, on discute aussi des sociétés d'État qui
répondent à l'Assemblée nationale par le truchement du
ministre des Finances, c'est-à-dire la Caisse de dépôt,
d'une part, et Loto-Québec d'autre part.
Nous en sommes venus à une entente avec le critique financier de
l'Opposition officielle pour discuter d'abord de la Caisse de
dépôt de façon à libérer M. Campeau, son
président, qui est avec nous cet après-midi, le plus rapidement
possible, et qu'il puisse retourner à Montréal. Ensuite, on
aborderait à la fois les crédits du ministère des Finances
et de Loto-Québec, si tant est qu'on va en parler, dans l'ordre qui
viendrait par la suite.
Le Président (M. Oesbiens): M. le député de
Saint-Laurent. Programme 1. Est-ce qu'il est adopté?
Élément 1. Est-ce qu'il est adopté?
M. Forget: Cela, c'est la Caisse de dépôt.
Le Président (M. Desbiens): Excusez, alors, on laisse
aller les programmes.
M. Parizeau: La Caisse de dépôt apparaît pas
dans les crédits, c'est pour cela qu'il fallait une entente entre nous
avant d'aborder les programmes...
M. Forget: ...pour suspendre l'étude des crédits du
ministère comme tels.
Le Président (M. Desbiens): On laisse aller les programmes
et les crédits comme tels. M. le député de Saint-Laurent,
sur la Caisse de dépôt.
Caisse de dépôt et placement
M. Forget: Pour ce qui est de la Caisse de dépôt,
nous ne reviendrons pas sur le terrain qui a été couvert l'an
passé, mais j'aimerais profiter de la présence de M. Campeau ici
pour avoir une indication de ce qu'il entrevoit comme les perspectives à
moyen terme, enfin disons un horizon de trois à cinq ans quant aux
disponibilités, aux fonds à investir, de la Caisse de
dépôt, étant donné les tendances observées
dans le passé dont semble se dégager un certain plafonnement des
contributions de la plupart des déposants actuels. Il ne semble pas y
avoir des sources nouvelles en perspective, du moins, pas de sources
véritablement importantes en perspective, qui s'ajouteraient à
celles qui sont déjà connues. Il y a une maturation très
évidente du régime de rentes qui fait que les contributions sont
plutôt en déclin et vont continuer de l'être.
Pour ce qui est des autres régimes, le mieux qu'on peut en dire,
est que ça plafonne. À l'exception de la Commission
administrative des régimes de retraite du secteur public qui, elle,
continue de croître, mais à un rythme quand même
modéré.
D'un autre côté, depuis quelques années, il y a eu
une progression remarquable du rendement des placements effectués,
conséquente à l'augmentation des taux d'intérêt
observée en général. Mais à moins de supposer que
les taux d'intérêt, après être passés
d'environ 10% à environ 20%, vont continuer à augmenter pour
atteindre 30% et 35%, je pense qu'il faut aussi s'attendre à un
plafonnement et peut-être même à un déclin, sait-on,
sur trois ou cinq ans, de cette source de financement.
Ceci tendrait à dire - mais c'est une question que je pose, c'est
une hypothèse que je formule sous forme interrogative - que les
perspectives à moyen terme de la Caisse de dépôt, sont de
maintenir, plus ou moins, un rythme de croisière et peut-être
même de faire face à un plafonnement? J'aimerais bien avoir les
commentaires de M. Campeau ou du ministre.
M. Parizeau: M. le Président, avant que je passe la parole
à M. Campeau pour qu'il réponde à la question posée
par le député de Saint-Laurent, est-ce que le
député de Saint-Laurent aurait objection à ce que nous
fonctionnions dans le cadre suivant; c'est-à-dire que M. Campeau prend
les lois qui existent à l'heure actuelle comme des données et
répond dans ce cadre-là aux questions posées par le
député de Saint-Laurent? Et quant aux possibilités de
modifier certaines des lois existantes, c'est moi qui répondrai.
M. Forget: C'est tout à fait régulier, M. le
Président.
Le Président (M. Desbiens): M.
Campeau, au nom du ministre.
M. Parizeau: D'abord, disons qu'on a complète
discrétion - complète discrétion, c'est un grand mot - sur
la Régie des rentes et la Régie de l'assurance automobile.
Mais
sur les autres déposants, on est en contact continuellement avec
eux pour décider dans quel genre de placement leurs dépôts
seront investis, soit en obligations, en actions, en hypothèques ou
encore en immeubles.
Nous ne sommes pas complètement libres d'investir l'argent
exactement où on veut. C'est une concertation entre deux parties et on
doit suivre leurs directives. Remarquez qu'ils ne nous diront pas: investissez
dans telle action. Ils vont juste dire: investissez dans le domaine des
actions. C'est à nous de faire l'administration en ce sens.
Pour ce qui est de la Régie des rentes et de la Régie de
l'assurance automobile, pour autant que les échéanciers de la
Régie des rentes nous le permettront, il y aura peut-être un
effort d'investir davantage dans de l'équité au cours des
prochaines années, plutôt que dans de la dette.
La proportion du fonds général de la Régie des
rentes et de la Régie de l'assurance automobile est à peu
près 87% dettes et 13% titres de propriété, actions,
immeubles. Certains fonds de retraite, certaines caisses de retraite, vont
même jusqu'à 30% d'équité et 70% de dette. Je ne
sais pas si la Caisse de dépôt se rendra jusque-là. En
temps et lieu, il faudra y voir. Mais il est évident que nous ferons un
pas dans cette direction et que nous tâcherons, au cours des
années qui viennent, d'augmenter le pourcentage d'équité,
c'est-à-dire de titres de propriété, plus haut que 13% et
réduire le portefeuille d'obligations.
À quel rythme cela se fera-t-il? Cela se fera dépendant
des conditions économiques. Il est évident qu'aujourd'hui, quand
on voit des taux d'hypothèque à 18% et des taux de bons
emprunteurs à 16%, on hésite à aller trop lourdement dans
les achats de titres de propriété. C'est intéressant
d'être dans la dette, parce que c'est payant, à ce moment-ci.
On se souviendra aussi que la Caisse de dépôt et tous les
fonds de retraite, à cause de leur statut qu'ils ne paient pas
d'impôt, ne regardent pas les titres de dettes comme les autres. (16 h
15)
M. Forget: Ce qui nous amènerait à conclure que
dans la mesure où la caisse suit l'orientation hypothétique
à laquelle vous avez fait allusion d'investir davantage dans
l'équité plutôt que dans la dette, si l'on projette cela
sur une période de trois à cinq ans, on doit conclure donc face
au plafonnement de l'addition annuelle aux sommes à investir qui
proviennent des deux sources que je mentionnais tout à l'heure, et face
à une orientation comme celle qu'on vient de nous décrire que les
sommes disponibles pour les fins de la dette iraient en diminuant plutôt
qu'en augmentant.
M. Parizeau: Toute proportion gardée, oui, pas en absolu,
parce que vous imaginez bien que les profits ont été l'an
passé de 1 100 000 000 $ ils vont continuer à augmenter, alors
même si les contributions devaient décroître un peu, les
sommes disponibles ne sont pas moindres que par les années
passées.
M. Forget: Vous avez raison, mais les revenus des fonds
administrés par la caisse ont effectivement affiché une hausse
remarquable si l'on pense aux cinq dernières années, passant de
400 000 000 $ à 500 000 000 $ à 630 000 000 $ à 830 000
000 $ à 1 042 000 000 $ il y a là-dessus le reflet de deux
influences. Il y a l'influence du fait que les fonds sur lesquels on fait des
revenus s'accroissent à tous les ans, mais il y a aussi une influence
qui est peut-être plus importante dans le court terme qui a
été la hausse du rendement.
Est-ce qu'il est sage de miser la politique d'investissement à
moyen terme sur la perspective que ce deuxième facteur va continuer
à jouer? Je pense que non, puisque cela nous amènerait à
des taux d'intérêt...enfin, tout est possible sur cette terre; on
nous aurait dit il y a une dizaine d'années que les taux iraient
au-delà de 20% que personne ne l'aurait cru, mais peut-être qu'ils
peuvent monter à 30%; disons que cela rencontre un certain degré,
une certaine barrière d'incrédibilité à ce
moment-ci au moins. Les perspectives à moyen terme sont plutôt
d'un déclin, on ne sait pas ce qui est la prévision, ce qui est
l'espoir là-dedans, il reste qu'on ne peut pas anticiper que ce milliard
va continuer à progresser.
M. Parizeau: À ce point, je pense que je pourrais
peut-être poursuivre parce que cela implique des choix et des
perspectives dans les années qui viennent. Il y a un contraste frappant
entre deux fonds principaux qui alimentent la caisse de dépôt: la
Régie des rentes, l'assurance automobile. Les contributions de
l'assurance automobile vont continuer à augmenter assez rapidement, mais
ce qui est en cause à l'heure actuelle, compte tenu des taux de
contribution au régime des rentes, c'est ce qui va arriver au fonds de
la Régie des rentes proprement dite, dans les années qui
viennent. Tous ceux qui ont touché à cela depuis quinze ans,
savent très bien que toutes nos projections étaient exactes, des
deux côtés, sauf que l'on s'était trompé sur les
taux d'intérêt; enfin, à tout péché
miséricorde, tout le monde s'était trompé sur les taux
d'intérêt. On sait bien que le fonds de la Régie des
rentes, telle qu'elle existe au Québec et au Canada n'a jamais
été complètement capitalisé. Je reviens à ce
qui s'est passé il y a déjà une quinzaine d'années
où le gouvernement fédéral voulait avoir un
"pay as you go" comme système. M. Lesage tenait, à cette
époque, à un système complètement
capitalisé. On a fait un compromis à la canadienne habituel,
c'est-à-dire, que cela n'a pas été tout à fait "pay
as you go" et cela n'a pas été tout à fait
capitalisé. Donc, nous savons tous que le Canada Pension Plan et la
Régie des rentes, quelque part dans les années quatre-vingt,
commencent à perdre de l'argent. Les contributions sont insuffisantes
pour assurer, non pas seulement la progression des fonds dans le sens où
en parlait le député de Saint-Laurent, mais même simplement
une entrée constante de fonds; l'entrée nette va devenir
négative. Cela dépendra du niveau des taux
d'intérêt. On se disait il y a quinze ans: Ce sera au début
des années quatre-vingt. Maintenant, parce que les taux
d'intérêt ont été plus élevés, on sait
que ce ne sera pas au début des années quatre-vingt, mais cela va
être dans les années quatre-vingt.
On n'a pas le choix, il va falloir à un moment donné que
le Canada Pension Plan et la Régie des rentes du Québec
augmentent leurs taux de contribution. Actuellement, c'est 1,8% pour les
employés, 1,8% pour les employeurs, c'est insuffisant, et nous savons
que cela est insuffisant. A la limite, si cela continuait comme cela pendant un
certain nombre d'années, les rentrées nettes de fonds au titre de
la Régie des rentes à la caisse de dépôt deviendrait
négative et la caisse de dépôt commencerait à
rembourser de l'argent à la Régie des rentes. C'est vrai aussi du
Canada Pension Plan exactement de la même façon. Il s'agit
maintenant de savoir quand on augmente les taux de contribution. On a bien
failli y arriver en 1977-1978, parce qu'à ce moment le ministre des
Finances de l'Ontario, le ministre des Finances du Québec et le ministre
des Finances du gouvernement fédéral avaient une vue très
voisine des choses. Il est clair qu'il faudra qu'on fonctionne ensemble. On ne
peut pas, dans l'état actuel des choses, se permettre des divergences
majeures entre le Canada Pension Plan et la Régie des rentes, quand
même que ce ne serait qu'à cause de la mobilité de la
main-d'oeuvre. Donc, il faut qu'on bouge ensemble.
Il est indiscutable que depuis quelques années, pour des raisons
peut-être de manque de stabilité du personnel politique - je ne
sais pas - la résolution d'il y a quatre ou cinq ans s'est un peu
effilochée. Je ne sais pas quand et à Ottawa, et à
Toronto, et à Québec, il y aura cette espèce de symbiose
des esprits qui fera qu'on se dira: II faut y aller. Mais, il va falloir y
aller. Alors, est-ce que ce sera dans un an, dans trois ans, j'espère
que ce ne sera pas dans cinq ans. Parce que si c'était dans cinq ans, on
commencerait tous à dire: II est trop tard.
Mais, il y a un moment donné - puisque M. le député
de Saint-Laurent parlait de perspectives à moyen terme - dans les
quelques années qui viennent où il va falloir que les
gouvernements se mettent d'accord pour dire effectivement qu'il faut augmenter
les taux de contribution des employés et des employeurs. C'est
inévitable.
M. Forget: Bon, on peut donc déduire de cette incursion
sur le domaine voisin du financement du régime de rentes qu'à
défaut de voir les contributions au régime de rentes
s'accroître dans un horizon de trois à cinq ans, on assistera
effectivement à un plafonnement des fonds à investir au niveau de
la caisse de dépôt, si ce n'est déjà fait, à
cause de la diminution qui est déjà observée, enfin, il y
a un certain vacillement dans les chiffres, mais c'est certainement vrai que le
régime de rentes du Québec ne s'accroît plus,
n'accroît plus ses contributions nettes à la caisse. La
probabilité est que si les taux d'intérêt déclinent
un tant soit peu, cela va rapidement décroître.
Du côté de l'assurance automobile, en dépit de
l'indication qu'a donnée le ministre des Finances à l'effet que
cela croissait encore, cela aussi c'est une projection qui ne semble pas
appuyée sur les chiffres des trois premières années du
régime puisque les contributions nettes de l'assurance automobile ont,
au contraire, été assez stables, 262 000 000 $, 233 000 000 $,
241 000 000 $ pour les trois dernières années. Donc, on peut
à peine parler d'un accroissement. Peut-être pas non plus d'une
diminution, à moins évidemment que les taux de contributions au
régime d'assurance automobile eux aussi augmentent.
Ceci mis à part, ces deux possibilités d'augmentation des
contributions aux deux régimes précités étant mises
de côté, pour l'instant, à défaut de cela, on est en
face d'un plafonnement qui ne sera que légèrement
atténué par le fait que, comme les fonds malgré tout
augmentent, comme les taux d'intérêt se maintiendront quand
même à un niveau assez élevé, les revenus, eux,
compenseront en partie la stabilisation des dépôts nets et il y
aura une petite augmentation, une augmentation qui, en termes relatifs, sera
quand même extrêmement modeste en pourcentage.
Ce que j'aimerais savoir c'est... Effectivement, on se trouve donc
dès maintenant et pour une perspective de trois à cinq ans, sous
réserve qu'il n'y ait pas de changement majeur dans les taux de
cotisation à l'assurance automobile ou au réqime de rentes,
devant la situation où essentiellement on se retrouvera l'an prochain,
et l'année après, et l'année après sur le plan
total des fonds dont dispose la caisse de dépôt pour le
gouvernement du
Québec.
M. Parizeau: J'établirai quand même une nuance
là-dessus, M. le Président, dans le sens suivant. C'est que les
taux de contribution à l'assurance automobile sont des taux en dollars
qui, jusqu'à maintenant, sont restés fixes. Il y aura, bien
sûr, des décisions à prendre quant à savoir à
quel niveau, dans cette perspective de trois à cinq ans, les taux en
dollars de l'assurance automobile doivent être rétablis. Est-ce
que cela montera plus vite que le prix du beurre? moins vite que le prix du
beurre? pas du tout? Bon. Mais, il faut bien comprendre que là il s'agit
d'un taux en dollars alors que dans le cas de la Réqie des rentes c'est
tout à fait différent. C'est un pourcentage de la feuille de
paie. Les contributions au Régime de rentes reflètent
l'inflation. Cela le reflète parfaitement. Mais, comme ce n'était
pas intégralement capitalisé au départ, il y a,
indépendamment de l'ajustement à l'inflation par la Régie
des rentes, un phénomène de trop peu perçu qui se produit
dans les années qui viennent. Dans ce sens-là... Ce n'est pas une
hypothèse de dire qu'on devra bouger ces taux, c'est une certitude. Le
problème c'est de savoir quand, parce que la Régie de
l'assurance-automobile ne se trouverait pas placée à court ou
à moyen terme, comme la Régie des rentes où, à un
moment donné, ça va se mettre à tomber. Il va falloir que
le Canada Pension Plan et la Régie des rentes paient en pensions plus
qu'elles ne ramassent, y compris le taux de rendement sur les placements
déjà faits. À un moment donné, ça va se
mettre à tomber et - le député de Saint-Laurent
connaît tout aussi bien les projections qui ont été
établies par un de ses ex-collègues, à l'époque
où il était ministre des Affaires sociales et bien avant qu'il le
soit - on sait très bien que quand les fonds de la Régie des
rentes et du Canada Pension Plan vont tomber, ils vont tomber bien plus vite
qu'ils n'ont augmenté. Le rythme de décroissance n'est pas un
rythme de décroissance lente, ça tombe comme une roche.
Nous n'avons qu'une seule certitude dans le système. C'est qu'il
va falloir augmenter les taux. Le problème encore une fois consiste a
savoir quand Toronto, Ottawa et Québec se mettront d'accord sur la
date.
M. Forget: M. le Président, je crois que le débat
est un peu en porte-à-faux. Le ministre des Finances me donne
l'impression d'avoir compris dans mon interrogation que je mettais en doute la
nécessité d'augmenter éventuellement la contribution au
Régime de rentes. Je l'ignore tellement peu que c'est moi qui ai
proposé au Conseil des ministres, il y a quelques années, de
créer le comité d'études COFIRENTES qui avait
précisément pour but de regarder ce problème et un certain
nombre d'autres problèmes qui y sont reliés. Donc, j'en suis
parfaitement conscient. Mais, comme il le dit lui-même, le moment de
cette hausse, puisqu'il s'agit d'une conjonction des bonnes volontés
dans trois gouvernements, pose un certain problème parce qu'on ne sait
pas à quel moment, justement, les gens vont avoir le bon goût de
tomber d'accord sur une hausse de contribution.
Donc, comme ceci demeure hypothétique, au moins quant au moment
et non pas quant au fait de savoir si oui ou non ce devrait être fait, si
on regarde les projections financières du gouvernement et de la Caisse
de dépôt, il faut donc bien mettre cette possibilité entre
parenthèses en disant: oui, peut-être, mais à défaut
de, quelle est la situation? Il semble bien que c'est là qu'on revient
à la situation de départ. C'est que nous sommes effectivement...
et ça, je pense que c'est important, on m'a donné une
confirmation implicite, mais je pense qu'on comprend bien que j'aimerais bien
avoir une confirmation un peu plus explicite de cette conclusion à
laquelle on arrive: c'est qu'on a un plafonnement des fonds à investir,
on a une velléité, je n'irai pas plus loin que ça,
à laquelle a fait allusion le président-directeur
général de la Caisse de dépôt, selon laguelle on
aimerait probablement, sur une période de trois à cinq ans,
redresser un peu l'équilibre en faveur de l'équité aux
dépens de la date. Donc, sur le plan des finances gouvernementales, qui
est notre principal centre d'intérêts ici, aujourd'hui, on doit se
rendre compte que si on regarde la Caisse de dépôt comme client,
en quelque sorte, de la dette à long terme du gouvernement, on doit se
dire que c'est un client qui n'aura pas les moyens ou le goût, ou les
deux combinés, de se porter acquéreur du montant, en chiffres
absolus, croissant de la dette que le gouvernement émet chaque
année. II y a donc un "pool" de fonds à investir que la Caisse de
dépôt destine à des achats d'obligations nouvellement
émises qui ne croîtra pas, qui est à peu près
plafonné. On peut donc dire qu'à partir de maintenant, l'ordre de
grandeur que représente le chiffre des ventes d'obligations à la
Caisse de dépôt cette année, c'est à peu près
ça, et ça restera à peu près ça, dans le
moyen terme. Évidemment, sous réserve que si...
M. Parizeau: ...sous réserve! (16 h 30)
M. Forget: Sous réserve, bien oui. C'est une
réserve qui est importante. Sous réserve que si on s'adonne
à tomber d'accord avec le ministre des Finances fédéral et
celui de l'Ontario sur l'augmentation des cotisations aux régimes de
rentes, il se pourrait que la situation soit améliorée, toutes
choses étant
égales par ailleurs, puisque, bien sûr, le désir de
la Caisse de dépôt d'investir davantage dans
l'équité pourrait se manifester au même moment et
là, évidemment, il y a toutes sortes de possibilités, mais
n'entrons pas là-dedans. Il reste que ça demeure
hypothétique des deux côtés.
Je crois que ce qu'il est important pour nous de savoir à ce
moment-ci, c'est que la perspective est qu'il n'y aura pas de fonds plus
considérables dans l'état actuel des choses et des
décisions à aller chercher du côté de la Caisse de
dépôt.
M. Parizeau: Je suis tout à fait d'accord avec cette
conclusion, cela me paraît être une expression même de
l'arithmétique. Compte tenu des hypothèses qu'on soulève,
si on se dit, au cours des trois ou cinq prochaines années, qu'il n'y
aura pas de décision quant à la transformation, dans
l'alimentation des régimes, il est évident qu'une Caisse de
dépôt qui, comme à peu près tous les fonds de
retraite du même genre, s'oriente davantage du côté de
l'équité, a donc proportionnellement moins de fonds à
mettre du côté de la dette. D'autre part, dans la mesure où
il y a un certain plafonnement dans ses ressources, ça peut vouloir dire
aussi un plafonnement dans les montants absolus qui y sont mis. Cela, c'est de
l'arithmétique, on s'entend bien là-dessus, il n'y a pas de
débat là-dessus.
Là où il pourrait y avoir à nuancer, cela c'est
dans le sens suivant. Il est possible que le gouvernement ait même
à réduire jusqu'à un certain point la proportion de ces
fonds qu'il va chercher à la Caisse de dépôt, si tant est
que les grands projets d'immobilisation qui viennent, d'ici quelques
années, dans l'épuration des eaux et le transport en commun,
exigeaient de faire de la place et davantage de place à la Caisse de
dépôt pour les emprunts municipaux.
Je rappellerais à cet égard qu'en 1975, 1976 et 1977, les
municipalités et les communautés urbaines au Québec
empruntaient au-delà de 1 000 000 000 45, qu'au moment de la
réforme fiscale municipale, elles étaient rendues à 700
000 000 $, ce qui représente, en volume, une grosse diminution, si on
tient compte de 30% ou 40% d'inflation, car passer de 1 000 000 000 $ à
700 000 000 $, c'est une très forte réduction.
Or, on s'engage dans la voie inverse. Avec les programmes
d'épuration des eaux et le transport en commun, les emprunts municipaux
vont devenir beaucoup plus importants qu'ils l'étaient. Il serait tout
à fait normal, il n'y aurait rien d'aberrant, compte tenu de son mandat,
que la Caisse de dépôt, en plus des sommes qu'elle veut affecter
de façon croissante du côté de l'équité,
affecte une partie un peu plus importante de ses fonds du côté des
emprunts municipaux. Qu'est-ce que ça voudrait dire? Cela voudrait dire
que le gouvernement se tasse. Je dirais au député de
Saint-Laurent que ça ne présenterait aucune espèce de
caractère ni dramatique, ni anormal que le gouvernement, si tant est que
c'était la décision des gouvernements au Canada, dise: On ne veut
pas toucher aux taux de contribution pendant quelques années encore et
dise aussi: Bon! dans ces conditions, c'est le secteur privé sur lequel
le gouvernement du Québec comptera davantage et un peu moins sur la
Caisse de dépôt.
Or, si les gouvernements au Canada disent: On va augmenter les taux de
contribution, on n'aura pas à compter à ce point sur le secteur
privé et, à ce moment-là, il y aura davantage d'argent du
côté de la caisse.
Ce sont des vases communicants. L'augmentation des taux de contribution
à la Régie des rentes, cela fera ça de moins d'argent,
mutatis mutandis, je veux bien, du côté des compagnies
d'assurances, des compagnies de fiducie, enfin, des fonds qui sont disponibles
dans le secteur privé. En soi, ca ne me paraît pas absolument
anormal qu'on puisse en arriver à une situation où la Caisse de
dépôt dirait: Je veux davantage d'équité, parce que,
compte tenu du climat inflationniste, c'est vraiment de cette façon
qu'on se protège le mieux; compte tenu, d'autre part, des programmes
d'investissements municipaux, je vais mettre davantage l'action sur les
emprunts municipaux. Donc, dans ces conditions, j'ai moins d'argent pour le
gouvernement. Il n'y a rien d'anormal là-dedans.
M. Forget: M. le Président, jusque là, tout va
bien, mais il demeure que cette possibilité à laquelle fait
allusion le ministre des Finances que le gouvernement se tasse, pour employer
son expression, suppose l'une de deux choses, soit qu'il réduise ses
besoins de financement net, soit qu'il ait véritablement des choix
à faire pour sa dette à long terme. Or, il semble que, dans la
situation actuelle et depuis un certain temps, la Caisse de dépôt
a vraiment été un très bon client du gouvernement pour sa
dette à long terme, au point d'en absorber, semble-t-il, près de
80% dans la dernière année. Je parle de la dette à long
terme, je ne parle pas de toute la dette.
M. Parizeau: D'accord. Vous enlevez le 1 000 000 000 $
d'obligations d'épargne.
M. Forget: Oui, on y reviendra. Je ne sais pas si la Caisse de
dépôt peut acheter des obligations d'épargne. On s'entend
là-dessus, mais du côté de la dette à long
terme, il semble que la Caisse de dépôt soit vraiment un
recours tout à fait singulier du gouvernement. Faut-il supposer qu'il y
a un appétit insatisfait du côté des institutions
privées qui donnerait véritablement une marge de manoeuvre au
gouvernement de ce côté, s'il le souhaitait?
M. Parizeau: En fait, il n'y a pas de problème
particulier. Au fond, c'est une question de stratégie de placements
à l'égard de l'ensemble du secteur public. Le gouvernement,
depuis quelques années, a comme attitude générale à
l'égard de ses placements, d'aller chercher une bonne partie de ce qu'il
lui faut à la Caisse de dépôt et de dégager dans
l'ensemble le marché privé aux fins de laisser
Hydro-Québec y emprunter. Dans la mesure où la Baie-James a
impliqué des besoins de financement considérables, cela a
très bien fonctionné. On s'est entendu d'ailleurs pour une sorte
de partage des marchés étrangers. Le gouvernement du
Québec n'est pas allé depuis fort longtemps sur le marché
de New York, par exemple, c'est Hydro qui y va. Le gouvernement du
Québec, de temps à autre, va dans des marchés exotiques
avec Hydro-Québec. Quand on fait des emprunts en yens ou en deutsche
marks, ou des trucs comme cela, on se partage agréablement le
marché au hasard des circonstances. Dans l'ensemble, depuis quelques
années, New York, c'est Hydro-Québec. Une bonne partie du
marché privé canadien ou conventionnel, c'est HydroQuébec.
Le gouvernement s'appuie surtout sur la caisse. Ces choses correspondent
simplement à une stratégie de financement de l'ensemble du
secteur public. Il faut bien comprendre à cet égard que je ne
peux pas considérer un segment du secteur public comme étant en
lui-même particulièrement significatif. Je pourrais donner moins
d'argent aux municipalités, comme le gouvernement fédéral
veut le faire à l'égard des provinces, dit-il, et forcer les
municipalités à emprunter à ma place. Cela se ferait. Cela
ne causerait aucune espèce de problème. Les municipalités
emprunteraient; elles pourraient, sur la base de ce qu'elles empruntaient en
1976, emprunter presque 2 000 000 000 $ aujourd'hui. Elles n'empruntent pas 2
000 000 000 $, elles empruntent 700 000 000 $.
Nous déterminons les tarifs d'électricité en vertu
de nos lois au Québec. On pourrait bien déterminer qu'on augmente
les taux d'électricité, puisqu'on l'a fait; Hydro-Québec
emprunterait moins. Ce sont des vases communicants. Hydro, le gouvernement, les
municipalités, les commissions scolaires, sont tous des vases
communicants. L'important, c'est de savoir quel est le stock d'emprunt
nécessaire pour l'ensemble du secteur public. Comment, jusqu'à un
certain point, on spécialise chacun des emprunteurs dans certains types
de marché? Il n'y a pas de dogme, il n'y a pas de religion
là-dedans. C'est ce qu'il y a de plus commode pendant un certain nombre
d'années. Les circonstances chanqent et deviennent différentes et
on change de stratégie. La seule chose qu'on ne peut pas vraiment
changer, c'est combien le secteur public québécois doit-il
emprunter? C'est la donnée fondamentale.
Une fois qu'on a déterminé dans l'année combien le
secteur public québécois doit emprunter, après cela, la
répartition entre les différents acheteurs et les
différents marchés, cela devient des questions commodes, utiles.
C'est tout.
M. Forget: Dans l'hypothèse où le gouvernement du
Québec choisirait de se tasser au profit des municipalités,
relativement à la Caisse de dépôt, quelles en seraient les
implications pour le coût du service de la dette du Québec? Est-ce
qu'il serait possible au gouvernement du Québec d'aller chercher sur les
marchés privés l'autre de ces vases communicants, les mêmes
sommes au taux que pratique à son égard la Caisse de
dépôt? En revanche, est-ce que la Caisse de dépôt
ferait les mêmes conditions aux municipalités? Je pense, par
exemple, aux nouveaux taux, à la nouvelle politique qui a
été adoptée l'an dernier relativement à la
décision de faire concurrence en quelque sorte au Heritage Fund. Est-ce
qu'on adopterait la même attitude face aux municipalités ou est-ce
qu'on adopterait une attitude différente?
M. Parizeau: À partir du moment où le Heritage Fund
ne prête vraiment qu'aux institutions qui produisent de l'énergie
au Canada et à certains gouvernements de provinces, mais jamais au
municipal, enfin à ma connaissance - vous n'avez pas entendu parler de
cela? - comme le Heritage Fund ne prête pas aux municipalités, il
n'y a aucune espèce de raison qu'on s'aligne, qu'on étende les
conditions du Heritage Fund aux municipalités nous-mêmes. Nous
avons eu à répondre à une politique adoptée par le
Heritage Fund, mais cette politique n'était adoptée qu'à
l'égard des compagnies d'Hydro ou à l'égard des
gouvernements provinciaux; elle n'était pas appliquée aux
municipalités. Il n'y a pas de raison de suivre le Heritage Fund sur un
terrain où il ne s'est pas engagé.
M. Forget: Oui, c'est une façon de dire qu'on ne le suit
pas en s'en inspirant pour ne pas y aller. Il reste que...
M. Parizeau: La concurrence a des vertus.
M. Forget: ... le Heritage Fund... Oui, la concurrence a des
vertus, mais il reste que, lorsqu'un orqanisme public comme la Caisse de
dépôt et placement du Québec pratique certains taux face au
gouvernement et qu'elle n'a comme toute excuse pour partiquer d'autres taux
face à des institutions comme les municipalités, ou la ville de
Montréal, ou la communauté urbaine de Montréal ou de
Québec, etc., de dire: Comme le Heritage Fund en Alberta, qui est dans
une situation financière sensiblement différente de la caisse,
comme le Heritage Fund ne prête pas à la ville de Montréal,
nous allons peut-être lui prêter, mais en se basant sur des
considérations différentes. Il me semble qu'on prend
peut-être là un prétexte d'une analogie qui n'en est pas
une.
M. Parizeau: Non, M. le Président, je m'excuse, mais
là, il y a une erreur quant à la Loi de la Caisse de
dépôt et placement du Québec, il y a une différence
fondamentale. C'est que la Caisse de dépôt et placement du
Québec peut, en vertu de sa loi, depuis le début d'ailleurs, cela
n'a jamais été changé, prendre à la limite une
émission entière d'Hydro ou une émission entière du
gouvernement du Québec, alors qu'à l'égard des
municipalités, c'est très différent, elle ne peut prendre
qu'une proportion définie de 20% d'une émission municipale. Il
faut que l'émission municipale se soit d'abord placée à un
certain taux. Là, la Caisse de dépôt et placement du
Québec en vertu de sa loi peut dire: Je prends 10% de cette
émission au taux qui a été établi ou 20% au taux
qui a été établi, mais elle ne peut pas dépasser
20%. Dans ce sens, par exemple, une municipalité ne pourrait pas faire
un placement privé à la Caisse de dépôt et placement
du Québec, comme le gouvernement peut faire un placement privé ou
Hydro peut faire un placement privé. C'est une différence
fondamentale, mais elle découle de la Loi de la caisse depuis qu'elle
existe.
M. Forget: Et pour ce qui est des conséquences sur le
coût du service de la dette pour le gouvernement du Québec d'une
décision de laisser à la Caisse de dépôt et
placement des disponibilités suffisantes pour absorber un certain nombre
d'émissions municipales, par exemple, ou de communautés urbaines,
ne peut-on pas prévoir qu'il y aura un impact de ce
côté?
M. Parizeau: Mais il y a sûrement un impact en ce sens que,
si la caisse est très active, comme client, jusqu'à concurrence
de 20% sur des obligations municipales, il est évident que l'obligation
municipale se place mieux, dans des conditions meilleures.
M. Forget: Je m'excuse, le ministre n'a pas compris le sens de ma
question. M. Parizeau: À l'opposé.
M. Forget: À l'opposé, les émissions du
gouvernement du Québec, qui seraient achetées ou offertes au
secteur privé et peut-être même qui seraient offertes sur le
marché de New York, ne seraient pas absorbées au même taux,
aux mêmes conditions que le Heritage Fund présumément ou
que celles de la Caisse de dépôt et placement.
M. Parizeau: Sûrement pas aux conditions du Heritage Fund,
mais il faudrait savoir exactement jusqu'où le Heritage Fund est
prêt à aller. Je vais chercher mon bien où il se trouve.
Cela ne m'a jamais dérangé d'aller chercher de l'argent au
Heritage Fund.
M. Forget: On n'en fait pas le procès au ministre des
Finances; on veut tout simplement savoir comment il mesure son profit.
M. Parizeau: S'il y a quelque part de l'argent solide et bon
marché, s'il y a de l'argent disponible bon marché, pourquoi
n'irais-je pas le chercher, d'autant plus qu'au fond il y a des choses
amusantes, enfin intéressantes qui se passent? On connaît bien le
débat à l'heure actuelle qui consiste, pour le gouvernement
fédéral, à dire: Je ne veux pas donner trop d'argent aux
provinces; je veux même réduire l'argent que je donne aux
provinces, mais serait-il intéressant que les provinces entre elles
établissent une forme de péréquation? Je comprends
très bien que l'Alberta, étant la province désignée
pour une opération comme celle-là, cherche plutôt à
accélérer les prêts à partir du Heritage Fund
plutôt que de se faire prendre dans un programme de
péréquation individuelle dans le genre initiatives locales
à l'égard des autres provinces. Il est évident que le
Heritage Fund s'ouvre davantage. C'est pour cela que je ne peux pas
répondre à ce que dit le député de Saint-Laurent
vraiment. On peut fort bien en arriver à une situation où la
Caisse de dépôt et placement passe davantage d'argent aux
municipalités à l'intérieur du 20% où cela tasse un
peu le gouvernement, mais le gouvernement profite du fait que le Heritage Fund
serait particulièrement sympathique pendant quelques années. Ce
n'est pas de la religion, on va chercher le pognon où il est. (16 h
45)
M. Forget: Alors je pense que cela fait le sommaire de la
situation. Nous avons donc une perspective sur une certaine période
d'années où les fonds dont dispose la Caisse de
dépôt, à moins de décisions majeures dans des
domaines que nous avons discutés tout à
l'heure, sont essentiellement ceux que nous connaissons actuellement
comme ordre de grandeur. Il est possible que le gouvernement continue à
s'en prévaloir au même rythme et il est possible également
qu'il veuille permettre aux municipalités d'y avoir recours et à
ce moment-là l'alternative sur lequel il mise est soit d'avoir recours
aux marchés étrangers ou au marché canadien tel que le
Heritage Fund.
M. Parizeau: Au marché canadien conventionnel ou Heritage
Fund ou aux marchés étrangers dépendant du risque de
change, M. Forget.
M. Forget: Dépendant des possibilités, à ce
moment-ci les implications sur le service de la dette sont
différentes.
M. Parizeau: Non ce n'est pas tellement une question de
croisière de possibilités, c'est une question de, comment dire,
il y a un lot de facteurs nombreux qui interviennent là-dedans. Prenez,
par exemple, l'argent est encore diponible dans les pays comme la Suisse ou
l'Allemagne, à des taux relativement bon marché. Ils sont bon
marché parce que le taux d'inflation est faible dans ces pays, mais
aussi parce qu'il reste encore un certain nombre d'emprunteurs qui se disent
que le taux de change du franc suisse avec le dollar américain ou que le
taux du deutsche mark par rapport au dollar américain va continuer de
s'affaisser.
Ce ne sera pas évident, indéfiniment. On sent très
bien par des choses qui se passent actuellement en Allemagne en particulier que
ces perspectives vont s'atténuer, seulement, ceux qui seront les
derniers à aller emprunter en Allemagne ou en Suisse à des taux
qui reflètent encore ce genre de préoccupation, quand la
réalité des choses sera changée, eux vont faire un coup
d'argent extraordinaire. Dans ce sens, on ne peut pas empêcher
l'habileté; il y aura des gens qui auront du pif là-dessus et des
gens qui n'en auront pas. Des gens qui seront bien conseillés et des
gens qui seront mal conseillés. Si l'avenir était parfaitement
connu, toute chose serait tellement simple!...
M. Forget: D'après ce que le ministre des Finances nous en
dit, on a un peu l'impression qu'il se croit bien conseillé ou qu'il se
donne le mérite d'avoir du pif et qu'il a peut-être l'intention de
spéculer un peu sur les possibilités de dévaluation du
mark allemand au cours des prochains mois.
M. Parizeau: Mais nous l'avons tous fait, M. le
Président.
M. Forget: Avec des résultats variables.
M. Parizeau: Nous l'avons tous fait, tous les emprunteurs en
franc suisse depuis quinze ans, il y en a quelques-uns au Québec et un
peu partout dans le monde même chez les gens très
sérieux.
M. Forget: Moi, je n'ai pas d'autres questions au sujet de la
Caisse de dépôt, je pense que nous devons féliciter son
président pour un rapport annuel qui est d'une très belle tenue
et qui contient beaucoup d'informations. Je crois qu'il y a eu du
progrès de ce côté-là et je pense qu'on doit le
souligner. Je n'ai pas d'autres commentaires.
Études des politiques économiques et
fiscales
Le Président (M. Desbiens): Alors est-ce que nous revenons
à l'étude programme par programme? Oui. Le programme 1 sur les
études des politiques économiques et fiscales
élément 1 politiques fiscales est-ce que l'élément
1 sera adopté? Programme 1 élément 1?
M. Forget: Un instant, M. le Président. Oui, j'aimerais
aborder avec le ministre des Finances la question de la nouvelle division des
responsabilités entre le ministère des Finances et le Conseil du
trésor. Nous ferons cela aussi rapidement que possible, mais je pense
qu'il est intéressant, voir rassurant le tableau qui se dégage de
la situation nouvelle, d'après les témoignages des deux ministres
impliqués, soit le plus concordant possible. Je peux dire que
l'impression qui se dégage de notre échange, ce matin et au
début de l'après-midi, avec le président du Conseil du
trésor, c'est une image d'une très grande
collégialité. C'est le moins qu'on puisse dire.
Le président du Conseil du trésor a pris beaucoup de soin
pour minimiser ses responsabilités, mais comme il demeure un homme
politique, M. le Président, il a aussi, de la même façon,
minimisé les responsabilités du ministre des Finances et il nous
a laissé croire que finalement, toutes les décisions ne se
prennent plus que collégialement, au Conseil des ministres ou du moins
au comité des priorités du gouvernement. Je crois que c'est assez
habile de la part du président du Conseil du trésor qui devra
avoir à défendre un grand nombre de décisions
impopulaires, que de minimiser son propre rôle, dans tout cela.
Mais, il reste qu'on s'interroge un peu sur ceux qui, effectivement,
doivent assumer la responsabilité de présenter des
recommandations au Conseil des ministres et au comité des
priorités.
J'aimerais que le ministre des Finances nous éclaire un peu
là-dessus, selon sa façon à lui de voir les choses, parce
qu'il semble
bien - et je terminerai là-dessus - que selon son collègue
du Conseil du trésor, il y a une concertation étroite entre les
deux ministères, mais qui se bornerait surtout à se mettre
d'accord sur les éléments techniques qui doivent être
utilisés, les hypothèses techniques d'accroissement de la masse
salariale, du taux d'inflation, etc. Et une fois qu'on s'est mis d'accord sur
les choses techniques, les vraies décisions sur les priorités
gouvernementales, sur les coupures à effectuer, sur leur importance et
leur orientation, que tout cela, c'est plutôt le fruit d'efforts
collectifs de l'ensemble des ministres qui sont membres du comité des
priorités. Il n'y a pas vraiment de leadership qui soit assumé
à un endroit bien identifiable.
Si tel est le cas, on est en face d'un gouvernement qui a
peut-être une politique financière, mais il sera impossible,
à jamais, de savoir exactement qui en est vraiment responsable. Et c'est
un peu avec incrédulité qu'on a écouté le
président du Conseil du trésor, ce matin. Mais, peut-être
que finalement, il a raison; on a peut-être réalisé la
symbiose idéale de tout gouvernement, qui est d'avoir vraiment un
collectif, de devenir un collectif absolument sans failles.
Mais malgré tout, cela taxe un peu l'imagination et nous serions
intéressés à entendre les commentaires du ministre des
Finances à ce sujet.
Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.
M. Parizeau: M. le Président, le ministre des Finances n'a
pas de commentaires à faire à ce sujet. Appartenant au même
gouvernement que celui du président du Conseil du trésor, j'ai,
par définition, les mêmes buts que lui. Je n'ai pas entendu ce
qu'il a dit ce matin, mais je suis persuadé que ce qu'il a dit a
été bien dit.
M. Forget: Vous avez un "A" pour la solidarité. Il
demeure, pour préciser un peu les choses, que le Conseil du
trésor est le seul qui dispose d'une équipe d'analystes qui est
en relation directe avec chacun des ministères. Le Conseil du
trésor est le seul qui puisse vraiment mesurer le bien-fondé, la
force de persuasion - si on peut la désigner ainsi - de chacun des
ministères pour défendre sa cause, pour résister à
des coupures, ou même pour arracher des programmes de
développement.
Même si la lettre du fameux arrêté en conseil dit
bien que les enveloppes sont approuvées par le ministre des Finances, on
s'interroge un peu sur la substance de cette opération d'approbation.
Est-ce qu'il s'agit d'un visa de conformité du total avec le total qui
doit être atteint pour que l'équilibre budgétaire
prévu par le ministre des Finances soit satisfait? Autrement dit, on
s'assure que les sommes soient bien faites, ou s'agit-il de passer un jugement
sur la validité de ce qui est derrière ces sommes? S'il s'agit de
porter un jugement sur la validité, on s'attendrait que le
ministère des Finances s'équipe désormais non pas
seulement d'un bureau d'études sur la conjoncture et les politiques
fiscales générales mais d'une espèce de second regard, de
la capacité d'un deuxième regard sur les arbitrages qui sont
faits au niveau du Conseil du Trésor, entre les ministères,
à savoir si vraiment il faut des effectifs additionnels dans tel et tel
endroit, est-ce que vraiment tel programme ne tient pas debout à moins
qu'on y ajoute un petit supplément ou est-ce que vraiment les coupures
sont intolérables à tel ou tel endroit pour telle ou telle
raison? Le ministre ne peut pas faire ça tout seul et s'il n'en est
qu'informé par son collègue, je pense bien que, encore une fois,
il s'agit de vérifier des sommes et non pas de porter un jugement sur
les éléments qui constituent la somme. De ce
côté-là on peut peut-être nous annoncer qu'on va
faire un effort de recrutement pour que l'équipe du ministère des
Finances se développe dans le sens nécessaire pour faire des
analyses comme celle-là.
M. Parizeau: M. le Président, je ne vois pas où est
l'ambiguïté. Il me semblait que l'arrêté en conseil
qui a été passé est quand même très clair.
Pour être clair il faut habituellement être succinct et il est
très succinct. Les enveloppes budgétaires totales de chacun des
ministères et le coût des mandats monétaires aux tables de
négociations collectives doivent être approuvés par le
ministre des Finances. C'est tout. C'est clair. Qu'est-ce qu'on veut qu'on
ajoute? Quatre pages d'explications?
M. Forget: Oui, ça pourrait aider.
M. Parizeau: Si jamais ça causait une
ambiguïté comme j'ai eu l'occasion et l'honneur de le dire à
l'Assemblée nationale, je déjeunerais avec mon
collègue.
M. Forget: Oui, mais comme nous ne sommes pas invités
à ces déjeuners, M. le Président, nous n'en connaissons
même pas le menu. On voudrait, en particulier, savoir si on y mange froid
ou si on y mange chaud.
M. Parizeau: On y mange chaud, M. le Président, mais on
discute à froid.
M. Forget: Bon, alors, M. le Président, si c'est tout ce
que le ministre des Finances peut nous dire sur le sujet, je n'ai pas
l'intention de prolonger le supplice.
M. Parizeau: Oh, il n'y a pas de supplice, M. le
Président; Un lunch au Parlementaire n'est jamais un supplice.
M. Forget: Surtout si c'est un prix de consolation.
M. Parizeau: Ah non! Je paie mes repas, M. le
Président.
M. Forget: Je pense qu'il demeure assez clair, d'après les
réponse que nous avons reçues à la fois ce matin et cet
après-midi, qu'on a convenu, et c'est peut-être la première
entente et j'espère que ce ne sera pas la seule entre les deux
ministres, qu'il valait mieux ne pas aller dans les détails sur un sujet
comme celui-là. Je leur souhaite bonne chance, mais de toute
façon nous pourrons nous livrer aux conjectures qui nous plairont. Il
demeure qu'il doit bien y avoir quelque part une clé à ce
problème.
M. le Président, j'aimerais passer à des choses non pas
plus sérieuses mais peut-être plus concrètes et demander au
ministre s'il serait possible d'examiner, puisqu'on en est à la partie
du budget qui traite des études, jusqu'à quel point des
études sont faites qui nous permettraient de déterminer, de faire
une mise à jour si l'on veut, des prévisions de revenus et de
dépenses, d'abord pour l'exercice qui s'est terminé le 31 mars
1981. Nous attendons, j'imagine, de façon imminente la dernière
tranche des rapports trimestriels qui pourrait nous informer sur l'état
final non encore vérifié, bien sûr, des comptes publics
pour cette année-là mais surtout en tenant compte du fait que
nous sommes maintenant au début de juin, donc nous nous situons environ
quatre ou cinq mois après la date à laquelle ont
été arrêtées les prévisions de revenus et de
dépenses - on en sait quand même plus long maintenant qu'on en
savait en janvier ou février - quelles sont, de façon un peu plus
précises, les perspectives que les prévisions budgétaires
se concrétisent conformément à ce qui avait
été prévu? (17 heures)
II y a un certain nombre de points auxquels on peut faire allusion. Je
crois qu'il en a déjà été question en dehors de
l'Assemblée nationale et, si je comprends bien, pour un de ces points,
on a admis que le calcul des dépenses prévues aux crédits
était très optimiste; il s'agit de l'aide sociale. Une estimation
sommaire à laquelle je me suis livré m'a permis de juger qu'il y
avait un défaut, pas un manque à gagner, mais c'est un manque
à dépenser d'à peu près 100 000 000 $ à 110
000 000 $, si ce n'est pas davantage.
Je pense que le ministre des Finances a confessé qu'effectivement
les renseignements les plus récents qu'il avait ne lui permettaient pas
de contredire un chiffre comme celui-là. Il y a la question de
l'indexation des salaires, sur laquelle on a eu un bref échange avec son
collègue, le président du Conseil du trésor. Il semble
que, de ce côté, il n'y a aucun problème. On aimerait en
entendre la confirmation de la part du ministre des Finances. Enfin, il y a les
prévisions relativement au secteur scolaire et au secteur hospitalier.
Est-ce que, à la suite de tous les débats, de tout ce qui s'est
déroulé depuis, à l'expérience, on est toujours
confiant que les budgets tels que prévus au livre des crédits
pourront se réaliser? Voilà pour les dépenses. Je
reviendrai plus tard aux revenus.
M. Parizeau: M. le Président, d'abord, un mot sur notre
précédent échange. Quand le député de
Saint-Laurent dit que je ne veux pas donner, avec mon collègue du
Conseil du trésor, des détails sur notre façon de
procéder, cela n'est pas exact. Sauf erreur, selon les échos que
j'en ai eus, le président du Conseil du trésor a donné
beaucoup de détails. Je suis heureux de voir, comme il dit, qu'il est
disposé à revenir à des choses plus concrètes. Moi
aussi.
Donc, passons aux projections, c'est-à-dire aux états
financiers - parce qu'on n'en est plus à des projections au 31 mars 1981
-et aux projections pour l'année qui vient. La première
synthèse trimestrielle est préparée, comme on le sait,
pour la fin de juin et sera publiée dans le courant du mois de juillet.
Elle devrait comporter, à ce moment-là, ce qui serait une
estimation préliminaire mais quand même assez exacte des
données financières 1980-1981. Les livres, à ce
moment-là, sont fermés et ont été
vérifiés de façon interne par le contrôleur des
finances. Nous en sommes à l'étape actuelle suivante,
c'est-à-dire que les compilations sont faites, mais le contrôleur
des finances doit maintenant passer à travers tout ça.
La première impression que nous avons, c'est que ce qui avait
été annoncé dans le discours sur le budget quant à
l'année 1980-1981 est à peu près réalisé;
peut-être un peu mieux, en ce sens que les dépenses sont
peut-être un peu moins fortes, les revenus sont peut-être un peu
plus forts, mais alors là, c'est vraiment peu de choses. Donc, ce qui
avait été annoncé dans le discours sur le budget pour
1980-1981, dans l'ensemble, tient, mais, encore une fois, c'est une vue
très préliminaire des choses et il faut que le contrôleur
des finances passe à travers tout ça, nous fasse un rapport
à temps pour qu'on puisse le sortir dans la synthèse d'avril
à juin publiable dans le mois de juillet.
Dans ce sens, je pense qu'il n'y aura pas de surprise. S'il y en avait,
ce serait plutôt dans le sens un peu plus favorable que ce qui avait
été indiqué là. Je n'y compte pas
nécessairement, ça peut être assez petit.
En ce qui a trait aux projections de
1981-1982, il y a une série de questions qui ont
été posées par le député de de
Saint-Laurent, il faudrait les reprendre une à une. Il a
mentionné un certain nombre de très grands programmes,
d'éléments majeurs des dépenses du gouvernement, l'aide
sociale, l'indexation, les secteurs scolaires et sociaux. On va prendre ces
quatre questions une après l'autre. En ce qui a trait a l'aide sociale,
je comprends très bien que le député de Saint-Laurent ait
l'impression - même plus qu'une impression - que si les choses
évoluent sans être modifiées, on peut se trouver dans une
situation où, d'année en année, une sorte de manque
à pourvoir apparaîtrait dans les crédits. Je suis
très conscient de cela. J'ai eu l'occasion d'ailleurs de le dire
à plusieurs reprises publiquement. Nous devons assurer, au titre de
l'aide sociale, à ceux qui sont les plus démunis et les plus mal
pris dans notre société, une sorte de plancher de revenu minimum.
On n'en disconvient pas, il faut le faire. C'est une responsabilité
élémentaire de la société. Néanmoins, il
faut aussi reconnaître - j'ai eu l'occasion de le dire, sauf erreur, dans
deux discours sur le budget successifs - que, comme une bonne partie de la
population, on est conscient qu'il y a une sorte de resserrement administratif
à faire parce qu'il y a des abus, parce qu'il y a des contrôles un
peu plus efficaces à établir et qu'il faut donc faire une sorte
de pression sur la machine de façon assez systématique pour que
ce programme qui, encore une fois, est essentiel au fonctionnement de la
société, soit administré de façon aussi
rationnelle, aussi correcte que possible.
Je vais donner un exemple que, je pense, tout le monde comprendra. Cela
fait déjà un certain temps que je suis préoccupé
par le fait qu'il y a une différence énorme dans les prestations
mensuelles entre ce que l'on accorde à un célibataire apte au
travail de moins de trente ans et ce qu'on accorde au même
célibataire de moins de trente ans, s'il est déclaré
inapte temporairement. Je ne parle pas des inaptes permanents, je ne parle pas
des handicapés, je parle d'une inadaptation temporaire. Ce n'est un
secret pour personne, que quand la différence de revenu mensuel est
tellement forte, il y a une sorte d'incitation perpétuelle et permanente
à chercher à être inapte temporaire et qu'un resserrement
élémentaire ferait du bien à tout le monde, parce que
peut-être tout le monde aura l'impression que les fonds publics sont un
peu mieux gérés.
Des opérations qui sont de cet ordre et qui sont essentiellement
administratives, le député de Saint-Laurent le sait pour avoir
lui-même été préoccupé par le même
genre de problèmes pendant des années, ce n'est pas facile
à faire. Cela représente une sorte de travail persistant,
constant, pour chercher à améliorer les modes administratifs.
Cela ne fait qu'un an et demi que je suis là-dedans et il l'a
été beaucoup plus lonqtemps que moi, il sait exactement ce que je
veux dire par là, cela demande une persistance de tous les diables.
Peut-être qu'effectivement, en mettant, comme je l'ai fait depuis deux
ans, une sorte de pression constante sur la machine, je me tromperai? Je me
suis déjà trompé, mais la pression reste là
cependant. J'aime mieux faire cela comme cela, en ayant cet espoir qu'un
système essentiel au fonctionnement de la société sera
graduellement mieux administré que de simplement faire des projections
mécaniques en disant: Cela a coûté tant historiquement
telle année, on ajoute un coefficient d'indexation, on projette des
augmentations de clientèle et on regarde simplement ce que cela
donne.
Au fond, il n'y a pas de débat véritable entre le
député de Saint-Laurent et moi, il sait très bien de ce
dont je parle. Si on fonctionne de façon purement mécanique,
évidemment, on arrive à des taux de progression absolument
invraisemblables. D'un autre côté, il y a cette
préoccupation constante de faire en sorte que ce programme soit
administré de façon serrée, c'est plus qu'une
préoccupation constante, c'est une responsabilité
élémentaire. Il y aura chaque année une sorte de
débat des incroyants un peu sceptiques qui se disent: Vous allez en
chercher bien trop, vous n'y arriverez pas, et ceux qui disent: Vous avez
peut-être raison, mais il faut essayer.
Pour ce qui a trait à l'indexation des salaires, c'est une
opération effectivement assez mécanique. Sur ce que nous
coûte en termes de taux, un taux d'inflation défini, à
partir de la convention collective, cela se projette sans difficulté
particulière. Comme l'indexation se fait de juin à juin, il va
falloir attendre le taux de juin pour savoir exactement à combien on se
situera. J'ai attrapé, simplement en arrivant un peu plus tôt que
l'heure indiquée, les réflexions de M. Bérubé sur
le taux d'inflation. On a fonctionné effectivement à 12,2%. Cela
peut être différent de quelques dixièmes de points, mais il
faut reconnaître qu'on est à la merci, en termes de quelques
dixièmes de points, d'un achat de Pétrofina ou de n'importe quoi
et des conséquences que cela a sur le prix de l'énergie. Je pense
que les 12,2% ne sont pas totalement incorrects. Il est évident que cela
peut varier, une fois les livres fermés pour un an - on saura cela
à la fin du mois - de quelques dixièmes de points. Mais si vous
mettez 60 000 000 $ par un point de différence sur l'indexation et qu'on
parle effectivement de quelques dizaines de points, il n'y a pas là,
compte tenu des masses énormes dont il s'agit, à s'étonner
des différences qu'il pourrait y avoir dans les projections. Dans ce
sens, cela ne m'inquiète pas particulièrement.
Je ferais remarquer cependant, parce que c'est un débat important
depuis quelques mois et cela va l'être encore pendant quelques semaines,
que le coût de l'indexation des salaires et l'application des conventions
collectives et des taux que comportent les conventions collectives, ce n'est
pas le budget de salaires. Le budget de salaires implique qu'on multiplie cela
par un certain quantum, le nombre de gens embauchés. Il n'y a qu'une
seule de nos conventions collectives qui comporte un quantum, c'est la
convention des enseignants. Une fois qu'on a compté les
élèves et qu'on applique la tâche de l'enseignant telle que
définie par la convention collective, on détermine le nombre
d'enseignants au bout. C'est la seule convention collective qui est de cette
nature, toutes les autres conventions collectives ne précisent pas de
quantum.
Quand il s'agit d'établir le coût de la feuille de paie, ce
n'est pas seulement du facteur d'indexation qu'on ajoute à la convention
collective qu'il faut tenir compte, c'est du nombre de gens qu'on embauche au
bout. Un budget, ce n'est pas le reflet de la convention collective, c'est la
convention collective multipliée par les quanta établis.
À supposer que, par exemple, le taux d'inflation soit plus fort
que prévu, que le coût des salaires soit plus fort que
prévu, on peut toujours se rattraper sur le plan des quanta, parce
qu'ils ne sont pas prévus par la convention collective. Cette nuance, je
pense, est importante.
Quant au secteur scolaire et au secteur social, c'est un monde! Je ne
veux pas traîner ma réponse pendant des heures, quitte à ce
que le député de Saint-Laurent intervienne à nouveau sur
les mêmes questions tout à l'heure, mais je dirais à peu
près ceci: Les instructions quant au secteur scolaire sont à peu
près toutes expédiées et déjà depuis fort
longtemps. Dans l'ensemble, les commissions scolaires savent exactement
à quoi s'en tenir. Il y a eu évidemment des ajustements faits sur
l'éducation des adultes qui vont avoir certaines répercussions
sur leurs budgets, mais c'est relativement marginal par rapport à
l'ensemble de leurs enveloppes. Elles savent à quoi s'en tenir. Je ne
crois pas, en tenant compte de ce que je dirai tout à l'heure - je
demanderai ici l'indulgence du député de Saint-Laurent, parce
qu'il va falloir que je parle de quelque chose d'un peu nouveau sur ce plan -
qu'on ait de grosses surprises de ce côté. Pas plus qu'on en a eu
d'ailleurs pour 1980-1981 où, en fait, pour la première fois, le
coût des commissions scolaires dans les crédits et dans le budget
du Québec tombe exactement pile, à 12 000 000 $ près, au
montant qui avait été prévu. C'est la première fois
que cela se produit; avec 12 000 000 $ non pas en plus, mais en moins.
Les affaires sociales, c'est autre chose. Dans la mesure où les
réseaux de santé n'ont pas encore tous reçu leurs cadres
budgétaires, il reste des ajustements possibles. Il faut dire que les
organisations de santé sont beaucoup plus diversifiées que
peuvent l'être les commissions scolaires. Les commissions scolaires, cela
fait assez longtemps qu'elles sont normées, alors que, par exemple, les
hôpitaux ne le sont pas vraiment, en ce sens qu'il y a des hôpitaux
qui sont, selon le jargon que connaît bien le député de
Saint-Laurent, en excédant de ressources depuis fort longtemps et
d'autres qui, au contraire, entrent à peu près dans leurs
budgets. Certains hôpitaux et, en particulier, certains gros
hôpitaux de Montréal et de Québec, ont eu dans le
passé des dépassements considérables par rapport aux
budgets qui leur étaient normalement affectés, habituellement
parce qu'ils embauchaient trop de monde. Donc, les programmes, les budgets
qu'on affecte aux hôpitaux doivent être beaucoup plus
spécifiques à la situation de chaque hôpital. (17 h 15)
Depuis trois ans, nous fonctionnons sur des courbes de redressement
budgétaire qui sont littéralement déterminées par
la situation de chaque hôpital. Par exemple, il y a des hôpitaux
qui ne nous posent aucune espèce de problème. C'est la
majorité, d'ailleurs, qui est administrée depuis plusieurs
années à l'intérieur de son budget et qui ne nous cause
pas de problème. Donc, qu'est-ce qu'on applique sur le plan
budgétaire à ces hôpitaux? Essentiellement, les
hypothèses qu'on fait quant au coefficient d'indexation à
appliquer ou à ne pas appliquer à ce qui n'est pas masse
salariale, les applications des conventions collectives aux salaires des
employés, certains jugements à apporter quant aux compressions
qu'ils peuvent apporter sur certains postes. Mais cela pour 150 ou 170
hôpitaux, ce sont des règles relativement mécaniques qui
permettent de déterminer les enveloppes. Pour 60 ou 70 hôpitaux,
au contraire, ils sont sur une courbe de redressement budgétaire qui est
très spécifique à chacun d'eux. C'est une des raisons,
d'ailleurs, pour lesquelles il y a cette espèce de décalage dans
le temps en ce qui a été fait à l'égard du
réseau de l'enseignement et ce qui a été fait dans les
affaires sociales. C'est beaucoup plus compliqué. Parce que là,
c'est chaque hôpital. On dit à un hôpital: Vous avez, par
rapport à toutes les normes connues, 600 employés de trop. Vous
allez suivre tel cheminement pour revenir pendant un an, cela n'aurait pas de
bon sens, mais graduellement, aux normes reconnues. Vous n'avez que 100
personnes de trop sur le même nombre de lits. Bien vous, vous pouvez y
aller plus rapidement, mais cela va représenter une compression moins
grande.
Or, c'est beaucoup plus humain, dans ce domaine.
Est-ce qu'on va arriver, dans le domaine des réseaux des affaires
sociales, aux genres d'objectifs en termes de crédits
généraux auxquels on pense? Oui, je le crois. Mais
peut-être avec des ajustements entre les postes plus nombreux, plus
diversifiés que dans le cas de l'enseignement avec des échanges
entre les différents postes. Mais cela, je pense que c'est dans la
nature des choses. En soi, ce n'est pas particulièrement surprenant.
Mais encore une fois, dans un cas comme dans l'autre, je pense que l'objectif
de compression est clair et que, sujettes à ces ajustements dont je
parlais tout à l'heure, les enveloppes essentielles, elles, vont
être maintenues. Je ne verrais pas pourquoi elles ne le seraient pas,
sauf, une échappatoire qui commence à devenir gênante.
C'est normal que cela devienne gênant maintenant. Seulement, il faut
prendre ce taureau par les cornes. Il y a une façon, pour tout organisme
de réseau, d'échapper au contrôle des dépenses que
le gouvernement voudrait exercer. C'est d'emprunter à la banque. Je suis
persuadé que, si les 26 ou 28 sous-ministres du gouvernement sur
lesquels on fait toutes sortes de pressions depuis deux ou trois ans, avaient
la possibilité d'emprunter à la banque, ce serait le même
phénomène. Mais malheureusement, eux, n'ont pas de chance, ils ne
peuvent pas emprunter à la banque. Une commission scolaire peut
emprunter à la banque, un hôpital peut emprunter à la
banque. Le danger là-dedans, on en sait quelque chose, ce trou
maintenant mythique dans notre société des 500 000 000 $ nous
montre clairement qu'il est tout à fait possible pour des organismes
d'aller emprunter à la banque, surtout quand ils ont des banquiers au
conseil d'administration. Il y a une sorte d'osmose à cet
égard.
Il est évident que quand vous établissez une certaine
compression, disons celle d'il y a trois ans, sur certains
établissements, la compression, ils peuvent la prendre. La
première année de compression, ce n'est jamais bien
sérieux. On s'adapte. La deuxième année, c'est plus dur.
On commence a avoir la tentation d'aller chercher à la banque des choses
qu'on ne devrait pas aller chercher. La troisième année, quand
cela commence vraiment à râler comme ça râle à
l'heure actuelle, la banque devient le sauveur de l'humanité
éplorée. Et au lieu d'être en face de 950 organismes de
réseau des affaires sociales et 250 commissions scolaires, je suis en
face de huit banques. Mais ce sont toujours les mêmes
dépenses.
Alors cela, il est évident que, compte tenu de l'ampleur et de la
persistance que l'on met dans les compressions, il faut établir avec les
banques des conventions un peu plus serrées que cela n'existait
jusqu'à maintenant. Il faut reconnaître qu'à l'heure
actuelle, quand une institution de réseau -c'est fondamental pour
comprendre le contrôle des dépenses au Québec - veut
emprunter à la banque, elle va à un service du ministère
de l'Éducation, si cela relève de là, ou à un autre
service aux Affaires sociales, si cela relève de là, ou à
un autre service à la Commision municipale de Québec en disant:
Est-ce que vous pourriez monter mon autorisation de ligne de crédit
à la banque de 1 000 000 $ à 3 000 000 $? Il faut
reconnaître que ces organismes qui font leur possible ne sont pas
cependant très hauts dans la hiérarchie et qu'à un certain
moment, on peut avoir - je dis on peut, c'est une hypothèse que je pose
l'impression qu'une sorte de tampon se fait mettre sur la demande et la demande
part. C'est dangereux. On a eu largement un trou de 500 000 000 $ à
l'Éducation à cause de cela, nous, et M. Garneau avant moi. Son
trou était moins élevé que le mien dans les commissions
scolaires, le sien était de 485 000 000 $, le mien de 500 000 000 $. Il
faut dire que l'inflation avait joué dans l'intervalle, si bien que je
pense qu'on se valait. Mais il reste que c'était par l'accès aux
banques que cela se faisait. Maintenant que les compressions sont en train de
se faire un peu partout, là il va falloir, à l'égard du
contrôle des emprunts bancaires, faire en sorte que tout ce que l'on
essaie de faire à un bout ne se répercute pas dans les banques.
Je ne veux pas être dans la situation où je mets le pied sur un
bout de tuyau pour que l'eau fasse une balloune un peu plus loin, je n'ai rien
gagné. Il va y avoir un certain nombre de directives, de discussions
quant aux déficits bancaires autorisés qui me paraissent
être nécessaires, parce que la défense de la caisse reste
une oeuvre pie.
M. Forget: M. le Président, je vais prendre les
mêmes sujets dans le même ordre, parce que je pense que nous avons
des indications et des explications qui pour le profane sont
intéressantes mais qui, dans le fond, dans certains cas, ne nous
apprenaient pas exactement ce que nous cherchions.
Relativement à l'aide sociale, le ministre des Finances a fait
montre qu'il a le coeur à la bonne place à la fois si on utilise
pour en juger les sentiments généreux de ceux qui veulent lutter
contre la pauvreté et à la fois de ceux qui veulent s'assurer que
le gouvernement est à la hauteur de ses obligations financières
et qu'il exerce, dans des dépenses comme celles-là, la rigueur
qui s'impose. Il reste qu'une fois qu'on a fait étalage de ses bons
sentiments on se retrouve malgré tout devant des chiffres et devant un
budget. Lors des discussions antérieures - il en a été
fait allusion encore
ce soir - on a parlé d'abus. Je veux bien qu'on parle d'abus dans
le domaine des dépenses gouvernementales. D'ailleurs elles ne sont pas
limitées au programme de l'aide sociale. Hélas! ce programme a
seulement le désavantage d'être plus visible que d'autres, mais il
demeure qu'il faut établir une équation entre les abus
présumés et leur coût probable dans le système. Je
pense qu'il est difficile de relier les deux dans le moment. Par exemple, on a
fait grand état, dans un avenir pas tellement lointain, de la
possibilité que la récupération des pensions alimentaires
puisse se faire plus facilement via la législation que le ministre de la
Justice a fait adopter. Il semble que de ce côté les
réalisations sont décevantes par rapport aux espoirs
exprimés à l'origine puisqu'on a encore dans nos bureaux de
comté et même je recevais un peu par erreur - je crois qu'il ne
faut pas en faire querelle aux membres de la magistrature ou aux membres du
Barreau - une lettre d'un avocat il y a encore quelques jours qui disait:
Comment se fait-il qu'il faut encore aller devant les tribunaux pour obtenir
par voie d'injonction le versement d'une allocation sociale puisque les
fonctionnaires de l'aide sociale s'entêtent à ce que ma cliente
intente une poursuite en séparation à son ex-mari pour refus de
pourvoir avant de lui verser une allocation?
On se rend donc compte que certaines clauses du nouveau Code civil,
relativement à cette question, ne sont pas comprises de la même
façon par tout le monde et que la perspective d'effectuer des
économies est encore assez aléatoire de ce côté,
certainement pas à l'ordre de grandeur du manque à pourvoir dont
on parle, c'est-à-dire une centaine de millions. Lorsqu'on pense
également à la possibilité de récupérer les
trop-perçus, là on a une autre histoire un peu pénible
parce que, me semble-t-il, la leçon qu'il faut tirer de tout cela c'est
que l'effort a été, dans une large mesure comme il devait
l'être d'ailleurs, abandonné comme sans espoir. Aller tirer
d'assistés sociaux qui ont droit à ce qu'on appelle un minimum
vital des sommes de 25 $ par mois pour rembourser des dettes qui sont dans la
plupart des cas dues à des erreurs administratives des fonctionnaires du
gouvernement est une aventure assez aléatoire.
Pour ce qui est des faux inaptes temporaires au travail du
côté de l'aide sociale, je ne sais pas si on peut chiffrer leur
fausse maladie à 100 00 00 $ par année ou encore, de façon
plus réaliste, la possibilité de récupérer,
même si le total théoriquement était là, une somme
qui se compare à celle-là. Donc, je pense qu'on est en face - et
c'est cela qu'il faut bien établir - non seulement d'un montant
théorique de 100 000 000 $ d'économies possibles dans un monde
idéal. Mais on est aussi en face d'un budget qui doit
s'équilibrer et non pas avec des espoirs, mais avec des
probabilités plus grandes que zéro.
Je pense que, dans ce cas-là, il serait intéressant de
savoir si, à la lumière de l'expérience vécue, on
tient encore au chiffre qui est inscrit dans les crédits et, sinon,
à quel chiffre. Nous avons évalué à 100 000 000 $
et à 110 000 000 $ le manque à pourvoir de ce
côté-là. On n'a pas été contredit de
façon catégorique, de façon formelle. On nous dit: On veut
maintenir une pression. Je pense bien, mais, à ce moment-là, le
budget cesse d'être un instrument de financement et il devient une
espèce d'arme psychologique. On peut bien vouloir utiliser le budget
comme arme psychologique, mais, de toute façon, ce n'est pas son but
premier.
Je me demande aussi, à la lumière de la discussion qu'on
avait tantôt, si cela fait du sens que ce soit le ministre qui dise: Je
veux que la pression continue de se manifester à l'aide sociale. Je peux
me tromper. Cela était très personnalisé. Il me semble que
celui qui devrait se poser ce genre de question, c'est le président du
Conseil du trésor, car il me semble qu'à ce moment-ci, on est en
face du ministre des Finances qui vient, dans le fond, porter des jugements sur
le fonctionnement interne d'un programme. Avec qui va-t-il l'analyser? Cela
fait-il aussi partie du menu des lunches interministériels? ou est-ce
qu'on est en face du ministre des Finances qui est finalement l'administrateur
ultime de l'aide sociale? Entre parenthèses, cela semble de plus en plus
être le cas, mais il me semble que cela illustre la confusion dans
laquelle on tombe de vouloir mélanger la finance et la psychologie ou je
ne sais quoi. Mais ce n'est pas très clair.
Je laisse cela de côté, c'est une parenthèse, mais
il reste qu'en termes de dollars qui manquent dans les crédits pour
financer l'aide sociale jusqu'au 31 mars 1982, on n'est pas plus avancé
qu'avant, on a l'impression qu'il en manque. On nous dit qu'effectivement, on a
probablement raison de le dire. On ne sait pas combien. On aimerait bien le
savoir. Quel est le meilleur jugement, en termes de probabilité, que le
ministère des Finances peut poser là-dessus, à ce
moment-ci?
L'indexation, on nous dit: Pas de problème. Je peux
peut-être faire la liste, comme l'a fait le ministre des Finances, et il
pourra reprendre.
M. Parizeau: Je pensais simplement à ceci. Comme le
député de Saint-Laurent m'a mentionné quatre sujets, je
vais d'abord essayer de faire des commentaires sur les quatre sujets,
plutôt que de m'attendre à avoir de longs monologues. À
partir de là, on pourrait peut-être prendre un sujet, le
traiter
et passer au suivant. C'est comme il le voudra.
M. Forget: Si vous y tenez, je n'ai pas d'objection.
M. Parizeau: On pourrait peut-être juste les passer l'un
après l'autre? Ce sera peut-être ce qui conviendra le mieux.
M. Forget: Je suis magnanime. Cela m'est égal.
M. Parizeau: Ou bien c'est magnanime, ou c'est éviter
d'avoir à remplir des pages sans interruption dans le journal des
Débats.
M. Forget: Ce n'est pas moi qui ai parlé le plus
longtemps, entre parenthèses, M. le Président.
M. Parizeau: Je n'en faisais un reproche d'aucune espèce
de façon.
M. Forget: Moi non plus d'ailleurs.
M. Parizeau: C'était seulement pour mettre un peu de vie
dans nos débats.
Commençons par la fin. Nous discutons des crédits de
1981-1982. Pour la préparation des crédits de 1981-1982,
j'étais président du Conseil du trésor. J'ai donc
imaginé que le député de Saint-Laurent me demandait
comment ces crédits avaient été établis au moment
où je les établissais. S'il juge que le fait que je ne sois plus
président du Conseil du trésor m'interdit vraiment de parler des
crédits de 1981-1982, j'ai l'impression que, pour plusieurs des points
que nous avons a l'ordre du jour cet après-midi, cela va être
très vite fait, et je pensais qu'effectivement c'était sur les
fonctions que j'occupais à ce moment-là qu'il m'interrogeait.
Dans ce sens-là, je n'ai pas d'hésitation à dire
"je" quand il s'agit de "je", faisant la revue de programmes en décembre
ou janvier derniers, parce que c'est effectivement à partir des revues
de programmes de décembre et janvier derniers que les crédits ont
été établis.
Cela peut peut-être le gêner, moi, cela ne me gêne pas
du tout. Si on suit l'ordre chronologique, c'est parfaitement
défendable. (17 h 30)
Passons maintenant à la question du fonds. Il n'y a pas vraiment
de discussion majeure sur certaines de ces choses. Par exemple, la
récupération des pensions alimentaires, c'est vrai que cela n'a
pas donné encore de résultats très brillants, mais la loi
date de décembre, les premiers bureaux ont été ouverts en
janvier, les 57 personnes qui ont été embauchées aux fins
de l'opération de récupération ont été
embauchées dans le courant de janvier et février et nous sommes
au début de juin. Il serait tout à fait étonnant - on
opère dans l'humain - que cela ait démarré de façon
foudroyante. Le problème consiste à savoir, au bout de quelques
mois quand c'est rodé, qu'est-ce que, effectivement, sur un rythme de
croisière cela récupère. Si on prend les trois, quatre
derniers mois, c'est évident, tout le monde sait comment cela s'est
passé. Les premiers bureaux qui se sont ouverts ont été
inondés d'appels téléphoniques à un point tel que
personne ne pouvait avoir les lignes pendant une semaine. Mais cela ne dure pas
comme cela pendant des années. La première des phases, si je
comprends bien, janvier, février début de mars, cela a
essentiellement constitué à prendre des noms, des adresses, des
coordonnées et à accumuler des dossiers; cela rentrait en
avalanche. Il y a des dizaines de milliers de femmes divorcées ou
séparées au Québec qui se sont fait promettre ou
concéder par des tribunaux des pensions alimentaires que jamais le mari
n'a payées. Qu'est-ce qui est arrivé dans les premières
six semaines ou premières huit semaines? Une avalanche d'appels
téléphoniques absolument incroyable. Dire que maintenant au
début de juin, c'est décevant; Ce n'est pas décevant; cela
commence. Forcément, on a à se dire combien cela peut rapporter
quand on sera sur un rythme de croisière; cela ne me dérange pas
d'en discuter dans des termes comme cela.
Les trop-perçus, le député de Saint-Laurent a
raison. Parmi les quatorze, quinze, seize mesures de caractère
administratif pour resserrer un peu l'administration de cela, on a
commencé probablement par celle qui était la plus dure, la plus
difficile, la plus compliquée, celle qui sur le plan humain posait le
plus de problèmes. Dans ce sens, s'il veut me dire: Vous auriez dû
commencer par d'autres mesures un peu moins malaisées à
appliquer, je lui dirais: oui, il a parfaitement raison, on aurait dû
commencer par d'autres mesures que celle-là, mais il faut toujours
commencer par quelque part; c'est ceux qui n'essaient pas qui sont
condamnables, ce n'est pas ceux qui essaient. Je crois qu'on peut remplir
toutes les tâches fondamentales qu'on a assurées à
l'égard des plus démunis dans la société, qu'on
peut aussi payer le bien-être social à tous ceux qui ne
reçoivent plus d'assurance-chômage à cause du resserrement
des règles d'assurance-chômage, et néanmoins en arriver
à quelque chose de plus serré sur le plan administratif.
Cela dit, je voudrais avoir une directive à la fois de vous, M.
le Président - ce n'est pas une directive de vous que je demande, mais
c'est simplement une déclaration d'intention que je demande au
député de Saint-Laurent - à savoir si on doit aborder le
secteur scolaire ou le secteur social ou l'indexation, cela m'est égal;
n'importe quel sujet comme celui-là et qu'il me dise chaque fois: Vous
ne devez pas en parler parce que
vous n'êtes plus président du Conseil du trésor,
j'aimerais le savoir parce qu'à ce moment, je dirai: C'est très
bien, si cela ne relève plus de moi, pourquoi je commenterais. Il s'agit
de savoir quel est le sens de son argumentation parce que je comprends qu'on a
encore trois autres points à discuter.
M. Forget: Nous en avons encore quatre, effectivement, parce
qu'au premier, nous n'en sommes encore qu'au préambule. Je comprends
tout ce que le ministre des Finances a dit. C'est très joli, mais il
reste que la question - il feint peut-être de ne pas l'avoir comprise, ou
peut-être ne l'a-t-il pas comprise - il s'agit de savoir combien d'argent
il manque. Le "bottom line", si vous voulez, dans tout cela, c'est l'exactitude
des prévisions faites en janvier ou février relativement à
l'aide sociale. Nous prétendons qu'il manque de l'argent, vous dites:
Oui, peut-être, mais moins que vous ne prétendez. Selon vous,
combien manque t-il d'argent à ce poste des crédits?
M. Parizeau: Suis-je hors d'ordre, M. le Président? Le
député de Saint-Laurent avait l'air de dire que j'étais
hors d'ordre, que je n'avais pas le droit de parler de ces choses. Je ne suis
pas président du Conseil du trésor. Suis-je hors d'ordre dans ses
vues ou si je ne suis pas hors d'ordre?
M. Forget: C'est une belle feinte, il ne s'agit pas de dire qu'il
soit hors d'ordre.
M. Parizeau: Ce n'est pas une feinte. Ce n'est pas moi qui ai
soulevé cela.
M. Forget: C'est une très belle feinte, mais il reste que
ma question est simple. Elle est formulée en français. Elle peut
se répondre par une seule phrase de quelques mots à la condition,
bien sûr, que le ministre possède l'information.
M. Parizeau: Donc, on m'autorise à répondre. Le
député de Saint-Laurent accepte...
M. Forget: On ne demande que cela.
M. Parizeau: ... que je n'outrepasse pas mes attributions en
répondant.
M. Forget: On verra d'après la réponse.
M. Parizeau: Bien là, M. le Président.
M. Forget: S'il répond à la question telle que
posée, il ne peut certainement pas outrepasser ses attributions
puisqu'il aura la responsabilité de rencontrer cette facture en bout de
compte.
M. Parizeau: Oui, mais si le fait que je ne suis plus
président du Conseil du trésor m'empêche de parler d'un
programme en particulier nous discuterons des factures quand elles seront
présentées. Je tiens pour acquis que je ne suis pas
défranchisé par le député de Saint-Laurent.
M. Forget: Ce n'est pas en mon pouvoir, M. le
Président.
M. Parizeau: Alors là, je vais répondre. C'est bien
ce qu'il esssayait tout à l'heure. Ceci étant dit, je pense que
l'objectif des crédits qui sont impliqués là-dedans, est
atteignable. Je ne dis pas que c'est facile. Je dis qu'il sera très
facile si on ne l'atteint pas de dire: Vous voyez vous ne l'avez pas atteint.
Je pense que la majeure partie de cet objectif est effectivement atteignable.
Ce ne sera pas facile. Il est possible - on verra davantage quand l'examen des
mesures sera terminé - il n'est pas impossible qu'on puisse en conclure,
je pense que ce sera vraiment au début de l'été qu'on
verra. Ce sera quelque part en juillet-août qu'on verra si,
effectivement, c'est atteignable complètement ou à 20 000 000 $
ou à 25 000 000 $ près. Mais probablement, c'est trop tôt.
C'est essentiellement une question de savoir, parmi toutes les mesures
correctives - il y en a plusieurs, on en a abordé trois ou quatre, mais
il y en a toute une série d'autres - dans quelle mesure elles peuvent
être mises en place rapidement, efficacement, avec une période de
rodage et combien elles donnent sur une année entière une fois
qu'elles sont en place. Je pense que l'objectif qu'on s'est fixé n'est
pas déraisonnable. Disons ça comme cela.
M. Forget: Si je comprends bien le ministre, il affirme de
façon assez catégorique qu'il ne manque pas 100 000 000 $ dans
ses crédits. Le plus qu'il pourra jamais manquer pour l'exercice
1981-1982, c'est 25 000 000 $ s'il est vraiment malchanceux.
M. Parizeau: Je n'ai pas parlé de malchance, j'ai
parlé de persistance, M. le Président.
M. Forget: Bon, on lui fait le crédit de la
persistance.
M. Parizeau: Je pense qu'effectivement, on peut conclure de cette
façon, c'est-à-dire qu'il n'y a pas de raison, je ne vois pas de
raison particulière pour laquelle on devrait confirmer le chiffre de 100
000 000 $ avancé par le député de Saint-Laurent. Je ne
vois pas pourquoi on devrait le faire. Effectivement, si cela ne s'enclenche
pas comme on le voudrait ou si les décisions ne sont pas prises dans
l'ordre où elles devraient être prises, et suffisamment
rapidement, ou effectivement il peut y avoir un décalaqe de cet
ordre-là.
M. Forget: 25 000 000 $ au maximum.
M. Parizeau: J'ai dit un décalage de cet
ordre-là.
M. Forget: De 100 000 000 $ ?
M. Parizeau: Non, de cet ordre-là. Je n'ai pas dit un
maximum de 25 000 000 $, j'ai dit de cet ordre-là, de l'ordre de 25 000
000 $.
M. Forget: Plus ou moins 25 000 000 $.
M. Parizeau: Plus ou moins, mesurons-le.
M. Forget: M. le Président, sur l'indexation, je ne
reviendrai pas très longuement sur ce sujet puisque nous avons eu un
message très rassurant. On nous a dit, on a escompté 12,2%. Ce
qu'on peut peut-être dire aujourd'hui - je cite plutôt le
collègue du ministre que le ministre des Finances lui-même - sera
peut-être 12,7% donc, un demi pour cent. C'est bien à
l'intérieur de la somme de 65 000 000 $ qui apparaît aux
crédits de suppléance pour enrichir les budgets des
différents ministères, à supposer - et c'est là le
but de ma question - que les crédits qui apparaisssent
déjà au chef de chacun des ministères impliquent tous les
fonds nécessaires pour assurer l'indexation à 12,2%. À ce
moment-là, les 65 000 000 $ qui sont dans le fonds de suppléance
n'auraient à être utilisés que dans la mesure ou
l'inflation dépasserait 12,2%. Est-ce qu'on se comprend bien
là-dessus? Il y a actuellement dans les crédits pour chacun des
ministères les sommes nécessaires pour assurer l'indexation en
fonction de l'augmentation de l'indice des prix à la consommation de
12,2%.
M. Parizeau: Toutes les estimations sont faites sur une base de
12.2%.
M. Forget: Tous les ministères disposent du montant
nécessaire pour faire face à une augmentation des coûts de
la vie.
M. Parizeau: Non, il y a une réserve de 4,2% dans le fonds
de suppléance, mais qui est toujours basée sur 12,2%.
M. Forget: Alors, là, il y a guelque chose que je ne
comprends pas. Pourquoi a-t-on besoin d'un fonds de suppléance de 65 000
000 $ si la masse financière de chaque ministère contient
déjà des sommes suffisantes pour faire face à une
indexation qui découle d'une inflation de 12,2%?
M. Parizeau: Parce que nous avons constamment des
négociations en cours. Par exemple, on ne pouvait pas mettre le
coût de la convention des policiers qu'on est en train de négocier
dans les crédits de 1981-1982 ailleurs que dans ces 4,2%, parce qu'on
n'avait pas idée combien cela pouvait coûter. Il faut bien
comprendre que 4,2%, c'est la réserve, c'est le fonds de
suppléance pour les salaires. Alors, cela peut être pour les
salaires dans le sens des effectifs, des conventions collectives à
signer, des ajustements pour l'inflation; 4,2%, c'est la réserve pour
les salaires. Tout ce que je dis, c'est que sur le plan de la
préparation de nos chiffres dans les crédits de 1981-1982 cela
est basé sur 12,2%. Et pour les conventions à venir - parce qu'il
y avait des conventions qui n'étaient pas signées à ce
moment-là - c'est une sorte de réserve que l'on se qarde. Les
négociations, on sait bien comment cela tourne. Des fois cela tombe
moins que ce qu'on pensait, des fois cela tombe plus que ce qu'on pensait. Et
une des raisons pour lesquelles je mets cela utilement dans les 4,2%, c'est
qu'en mettant une espèce de macédoine de toute espèce de
choses reliées au salaire dans les 4,2%, je ne donne aucun signal
à guelque table de négociations que ce soit des montants qu'on va
offrir. Bien sûr.
M. Forget: D'accord. Alors, tout va pour le mieux dans le
meilleur des mondes. Sur le plan de l'indexation, tout est prévu.
M. Parizeau: Ah! non. Si le gouvernement...
M. Forget: Pour les négociations qui ne seront pas
ouvertes avant le 31 mars 1982.
M. Parizeau: Mais tout ne va pas pour le mieux dans le meilleur
des mondes. L'OPEP... grâce au ciel, les négociations de l'OPEP la
semaine dernière n'ont pas trop mal tombées.
M. Forget: Nous parlons toujours des 12,2%.
M. Parizeau: Oui, mais si c'étaient 12,5% ou 12,7%, il est
évident que cela me coûterait plus cher.
M. Forget: Dans l'hypothèse où tout se
maintient...
M. Parizeau: Si le fédéral décide de
nationaliser Esso et impose une taxe particulière sur l'essence, ce
n'est plus 12,2%, c'est 12.5%.
M. Forget: Oui, je comprends. Je ne vous demandais pas une
assurance tous risques, M. le ministre. Je vous demandais
tout simplement si les prévisions budgétaires
étaient consistantes par rapport à l'hypothèse des 12,2%
et si, dans la mesure où cela se maintient à 12,2%, il n'est pas
question de dépassement budgétaire où que ce soit.
M. Parizeau: Non. Les seuls dépassements
budgétaires pourraient venir, encore une fois, de conventions
collectives qui auraient coûté plus cher que la provision qu'on
s'était mise là.
M. Forget: Mais la plupart viennent à
échéance bien après la fin de l'exercice financier.
M. Parizeau: II n'y en a pas de grosses qui viennent à
échéance en 1981-1982. Les conventions collectives... il y a
évidemment les ententes avec les médecins qui, elles, au
contraire, sont négociables à partir de juin cette
année.
M. Forget: Relativement aux deux secteurs, Affaires sociales et
Éducation, les réseaux parapublics, là aussi on a eu un
message extrêmement rassurant selon lequel tout est sous contrôle,
que dans le fond tout va bien, sous réserve des Affaires sociales
seulement, semble-t-il, à moins que cela ne s'applique aux deux. Des
incartades prendraient la forme d'emprunts non autorisés de ces
institutions-là auprès d'institutions bancaires.
M. Parizeau: Je corrige une question de fait. Cela pourrait aussi
être le cas, compte tenu de la structure en place à l'heure
actuelle des commissions scolaires. Cela n'a pas été le cas l'an
dernier.
M. Forget: D'accord.
M. Parizeau: Cela peut être le cas des universités.
Cela a une portée plus générale. Je m'excuse, ce n'est pas
pour vous contredire...
M. Forget: Bon, plus générale. La façon
hypothétique dont cette déclaration-là est faite ne nous
donne pas beaucoup d'information à ce moment-ci. C'est-à-dire que
tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, à supposer qu'on
sache tout ce qu'il y aurait à savoir mais qu'on ne sait pas. Est-ce
qu'il n'y a pas un financement parallèle qui se fait par le biais des
institutions bancaires dont on ne connaît pas l'importance et qui
pourrait être considérable. Est-ce qu'effectivement le
gouvernement, à ce moment-ci... Le ministre des Finances nous dit qu'il
n'a pas d'indication - plus que des intuitions, je ne parle pas des intuitions
- qu'il n'a pas d'indication raisonnablement ferme de l'état de
l'endettement ou de la progression de l'endettement des réseaux
parapublics au fur et à mesure que l'année se déroule.
Est-ce qu'il est voué a prendre acte de ce qui s'est passé au
moment où, dans l'exercice financier, on ferme les livres en quelque
sorte? Est-ce qu'il n'y a pas un signalement qui est fait de ces emprunts au
fur et à mesure? Est-ce qu'il n'y a pas des lignes de communication
qu'il aurait ouvertes avec ne serait-ce que les institutions financières
ou les réseaux eux-mêmes de manière à être
tenu au courant de ce qui se passe de ce côté?
M. Parizeau: Sur le plan du renseignement, il circule. Mais c'est
le plan du contrôle que je trouve beaucoup plus préoccupant.
C'est-à-dire que telle autorisation d'emprunter qui a été
tamponnée, dans le genre "vu et approuvé", puis qui est partie
à la fois à l'organisme emprunteur et à la banque, bien
sûr, cela finit toujours par apparaître, mais c'est le
contrôle à la fois au moment de l'autorisation et l'administration
par les banques elles-mêmes qui pose des problèmes. Je vais
essayer d'être un peu explicite là-dessus.
Il est normal qu'une institution de réseau emprunte pour une
construction en attendant que les obligations soient émises. Cela, c'est
du "bridging" normal. Un arrêté en conseil autorise tel
hôpital ou tel cégep à faire une construction de 3 000 000
$ et les travaux commencent. Tant que les obligations ne seront pas
émises sur le marché, au fur et à mesure des travaux,
l'institution en question doit emprunter à la banque. C'est parfaitement
normal, c'est raisonnable et cela ne cause pas de difficulté.
Deuxièmement, il est normal que l'institution en question fasse
aussi un "bridging" entre les subventions, payant des subventions à
certains organismes de réseau tous les mois ou tous les quinze jours. Il
est évident qu'entre les deux ils peuvent avoir des besoins de caisse et
doivent être en mesure de tirer sur une marge de crédit bancaire
pour assurer le "hiding". Mais là où cela devient beaucoup plus
délicat, c'est, au-dessus de ces deux modes d'emprunt parfaitement
légitimes, qu'est-ce qui se passe quand une institution obtient de la
banque, sujet bien sûr, à une autorisation de l'autorité
compétente où qu'elle se trouve, la possibilité de
dépassement? Il arrive que ce dépassement, s'il a
été autorisé par l'institution bancaire, doit être
confirmé quelque part. Je ne blâme personne à
l'intérieur de la machine gouvernementale qui, tout à coup,
sachant qu'il faut faire passer la marge de crédit bancaire de telle
institution de 1 000 000 $ à 2 000 000 $, parce que c'est cela le
montant qui est effectivement emprunté... Beaucoup d'autorisations dans
ce sens se donnent
parfois ex post. Dans d'autres cas, cela se donne avant l'emprunt
véritable auprès de la banque, mais avec un manque de liaison
évident entre le budqet et le montant qui est nécessaire pour
assurer les deux premières fonctions dont je parlais tout à
l'heure.
Donc le problème que je soulève ici en est un
essentiellement de contrôle, non pas simplement d'avoir le papier. Aucun
papier ne se perd jamais dans un gouvernement. Il peut s'égarer, mais il
ne se perd pas de façon définitive. Et comme chacun le sait, la
loi de la gravitation universelle dans le secteur public, ce n'est pas comme
les pommes de Newton; cela ne descend pas, cela remonte. Tôt ou tard, le
papier apparaît. Seulement, cela peut être trois ans après.
Alors, j'essaie de faire en sorte qu'au lieu d'assister à la
montée de papiers qui surnagent graduellement on puisse saisir les
emprunts un peu comme un steak dans la poêle au moment de la cuisson. Il
reste, je pense, pas mal de travail à faire de ce côté.
M. Forget: Mais j'aimerais poursuivre sur cette question parce
que...
M. Parizeau: C'est intéressant. C'est la clef du
contrôle dans le système.
M. Forget: C'est une clef, effectivement, qui est évidente
et qui doit se retrouver dans le système. Je m'étonne un peu,
mais peut-être que je ne devrais pas m'en étonner, des
difficultés de fonctionnement de ce système parce que, pour tout
dire, je pense avoir été le premier dans l'administration
provinciale à instaurer un début de contrôle de
l'utilisation de capacités d'emprunt par les établissements des
Affaires sociales. À l'époque, cela ne se faisait pas, et
plusieurs années après, cela ne se faisait toujours pas à
l'Éducation. D'ailleurs, c'est assez amusant parce que j'avais eu
l'occasion de visiter des institutions bancaires avec la personne qui occupait
le siège à côté du ministre tout à l'heure,
M. Campeau, alors qu'il était sous-ministre adjoint aux Finances.
Il me semble que nous avions obtenu un "gentleman's agreement" avec les
sièges sociaux des institutions bancaires qui font affaires au
Québec pour que leurs propres autorisations de lignes de crédit,
pour des établissements qui dépendaient du gouvernement quant
à leur financement, ne soient émises que selon des
modalités bien précises et en fonction d'une ventilation des
prêts en quatre catégories. Je me souviens qu'il y avait quatre
catégories. Il y avait, bien sûr, les deux catégories que
le ministre a mentionnées et pour lesquelles, d'ailleurs, il y avait des
modalités de remboursement bien définies, bien connues: le
"bridging" dans le cas des projets d'immobilisation. De toute façon,
c'est une autorisation qui a toujours été faite il y a
peut-être vingt ans. Et cela était antérieur à tout
effort de rationalisation. Un sous-ministre à la Santé ou
ailleurs écrivait une lettre disant, par exemple: On vous prie
d'octroyer une marge de crédit; il y a tel arrêté en
conseil, dont on envoyait la copie etc.
Pour ce qui est des autres prêts, il y avait des modalités
d'autorisation aux ministères auxquelles la banque était
astreinte dans la mesure, au moins, où elle voulait avoir l'assurance de
bénéficier de l'assurance qu'elle prêtait, dans le fond, au
gouvernement et non pas à l'institution comme telle. Il y avait donc une
incitation assez forte de la part des banques à s'y conformer. Ce que
j'ai peine à croire, c'est que le gouvernement ne se soit pas
assuré que, dans tous les cas, les remboursements ne s'effectuaient que
dans la mesure ou les autorisations avaient été dûment
données. Et aucune autorisation n'était donnée, à
cette époque au moins, à moins de correspondre à un
jugement porté sur le budget d'établissements et la façon
de le respecter. Où est la faille dans ce système, si ce n'est
dans la volonté du ministère de vivre avec ce système et
de s'imposer à lui-même la même discipline qu'il impose aux
institutions? Est-ce qu'il y a, de la part des institutions bancaires, tout
à coup, le désir d'être d'un plus grand secours aux
établissements, quitte à ce qu'on prenne des risques avec les
possibilités de remboursement ou est-ce que, du côté des
ministères, on a été tout à coup impatient devant
les contraintes budgétaires imposées par le Conseil du
trésor et qu'on a décidé d'être les complices, en
quelque sorte, des établissements pour faire échec aux
contraintes?
M. Parizeau: II y a deux failles dans le système. Il y en
a une du côté gouvernemental, en ce sens que, effectivement, les
autorisations sont toujours données. Il n'y a rien qui se fait sans
autorisation. Le problème n'est pas là. C'est de savoir quand
l'autorisation est donnée et qui contrôle l'autorisation.
M. French: Est-ce qu'on parle de ministères sectoriels ou
du ministère des Finances?
M. Parizeau: Non. Les autorisations sont données par les
ministères sectoriels sauf un certain nombre d'autorisations
données qui relèvent de la Commission municipale de
Québec.
M. French: Non, mais on ne parle pas des
municipalités.
M. Parizeau: Non, pas seulement pour les municipalités,
mais les commissions
scolaires aussi. Je vais y revenir pour les commissions scolaires, tout
à l'heure, parce que ce sont des gouvernements sur le plan juridique. Il
faut faire attention, ce sont des gouvernements locaux. Alors, bien sûr,
comme je le disais tout à l'heure, dans une grosse machine, il y a
toujours du papier sur tout. Pour toutes les autorisations, vous en trouvez. Le
problème est de savoir et de saisir cela au bon moment, et, là,
il faut dire qu'il n'est pas très facile pour les ministères
sectoriels de savoir exactement quels genres de "bridging" doivent être
faits pour les dépenses courantes entre deux subventions en raison en
particulier de mouvements très saisonniers. Dans les sorties de fonds de
l'institution en question, ses dépenses réelles, c'est beaucoup
plus compliqué qu'on ne le pense.
Deuxièmement, il y a une faille, évidente et
inévitable, je pense, ce n'est pas du tout un blâme que je porte,
entre le siège social avec lequel on peut s'entendre, les intentions
dans une banque, à un certain niveau, et, d'autre part, les pressions
qui s'exercent au niveau de chacun des gérants de banque, localement. Il
est clair qu'il y a des précisions à apporter là aussi,
quant à la façon dont les autorisations arrivent jusqu'en bas, au
niveau. La chose que je commence à examiner ne peut être
opérationelle que si tout gérant de banque la comprend bien et
sait exactement comment cela va fonctionner. Toute entente, en haut, ne donne
pas grand-chose, si chaque gérant de banque ne sait pas de façon
très précise jusqu'où il peut aller. Et cela, c'est la
deuxième faille.
Maintenant, il y a un problème général
d'application qui est d'un autre ordre. Il y a une différence
fondamentale entre les commissions scolaires et certains autres types
d'organismes. Les commissions scolaires sont, comment dire, des sortes de
gouvernements locaux qui ont une marge d'autonomie qui leur permet de faire
certaines choses qu'un organisme de réseaux de santé ne pourrait
pas faire. À l'occasion de l'examen très systématique de
ce qui s'est passé dans ce qu'on appelle le trou de 500 000 000 $, j'ai
été un peu estomaqué de voir, par exemple, une commission
scolaire avoir six comptes en banque, six. On imagine tout de suite les
combinaisons possibles. Je ne suis pas du tout certain que les sièges
sociaux savaient ça. Je ne suis pas du tout certain.
M. Forget: Dans six banques différentes.
M. Parizeau: Dans six banques; pas six succursales de la
même banque, six banques différentes. Il ne faut pas s'imaginer
que le secteur public est chargé de tous les vices et que l'entreprise
privée n'en a pas du tout.
Les grosses machines... M. Daniel Johnson avait l'habitude de dire que
la chose difficile à notre époque était d'administrer 100
000 hommes. Une grosse institution privée a le même genre de
problèmes qu'on peut avoir sur le plan des communications et des
autorisations. Je ne suis pas du tout persuadé que les six banques
savaient que la commission scolaire allait faire du shoping.
Il faut resserrer ça. Je ne disconviendrai pas du tout avec le
député de Saint-Laurent qu'effectivement, aux Affaires sociales,
il a introduit une première démarche dans ce sens. Il n'est
peut-être pas tout à fait gentil à l'égard de son
collègue de l'Éducation, à la même époque,
parce que cela a été introduit à l'Éducation
presque en même temps. Je ne jugerai pas. Mais il reste que ces
sytèmes fonctionnent d'autant plus facilement que les budgets ne sont
pas trop serrés. Tant qu'il y a beaucoup d'argent au fonds, cela
s'administre assez facilement, c'est quand on commence à gérer
avec une certaine rigueur qu'il faut y faire attention, c'est presque une
différence de nature. L'échappatoire vers le crédit
bancaire peut devenir embêtant et, plus les budgets sont serrés,
plus ce sera le cas. Dans ce sens-là, il faut, en collaboration avec les
banques -j'ai déjà commencé à discuter de ces
questions avec les banques à charte et ça va demander
passablement de travail - s'orienter de ce côté et en arriver,
encore une fois, à des formules à ce point précises, non
pas que le président de la banque soit d'accord, tous les
présidents de banque sont toujours d'accord avec tout ce qui a l'air
d'être intelligent, sérieux et efficace et que ça puisse
être géré par le gérant de banque de la succursale,
à l'endroit où se trouve le CLSC, l'hôpital, l'école
ou le bureau de la commission scolaire. C'est à ce niveau que c'est
efficace, autrement, on bavarde pour rien.
Le Président (M. Desbiens): Le député de
Westmount.
M. French: M. le Président, est-ce que le ministre a une
idée de l'ampleur du déficit connu dans le réseau des
institutions parapubliques dont on parle actuellement?
M. Parizeau: Oui, nous avons habituellement une idée assez
précise de ça, décalée dans le temps cependant,
c'est un peu toujours ex-post. Mais ça, c'est relativement facile
à... si ça intéresse les gens de la commission, on
pourrait lui donner une sorte d'estimation ou de répartition. Cela ne
pose pas de difficultés, mais vous comprendrez cependant que cela ne
répond pas à la préoccupation que j'ai, c'est un
portrait.
M. French: C'est une photo.
M. Parizeau: C'est une photo, c'est ça.
M. French: Comme vous avez si bien dit tantôt, c'est quand
les budgets se resserrent que ça devient vraiment plus important et on
passe actuellement par ce phénomène. Je pense qu'il incombe
vraiment au ministère, dans les plus brefs délais, je crois, pour
certaines institutions avec lesquelles j'ai eu des entretiens récents,
de concevoir non seulement comment contrôler, je comprends que ça
peut être très difficile, mais comment régler le
problème des déficits chroniques, de façon, je le
souligne, à ne pas donner une espèce d'incitation à ceux
qui ont déjà péché à pécher plus et
ne pas avoir un système de "reward" à l'inverse.
M. Parizeau: Exactement.
M. French: Je pense qu'on peut entrer dans une longue discussion,
probablement très intéressante, on n'a peut-être pas le
temps de le faire, mais je veux tout simplement demander quel
échéancier vous envisagez pour mettre en vigueur cette
espèce de contrôle et est-ce que vous allez consulter les
institutions elles-mêmes ainsi que les banques à charte? (18
heures)
M. Parizeau: Un horizon raisonnable me paraît être au
début de l'automne. D'autre part oui, c'est évident qu'il faut
consulter. Si on veut avoir une formule opérationnelle, il faut que pas
mal de consultations aient eu lieu.
Il est presque 18 heures, M. le Président, je pourrais finir
juste par une phrase et on pourra reprendre plus tard. Je voudrais seulement
donner un exemple de la complexité d'une formule qu'encore un fois tout
gérant de banque peut appliquer.
Imaginons qu'une institution accepte de faire un emprunt bancaire
au-delà de celui qui découlerait des formules dont je viens de
parler, mais s'engagerait ou aurait déjà pris des dispositions
pour faire une campagne de souscription dans le public pour couvrir cela. Il ne
faut quand même pas la bloquer. Elle a parfaitement le droit. C'est
parfaitement légitime. Il faut faire intervenir cela dans la formule,
autrement - je reprends toujours mon exemple du gérant de banque - il va
falloir qu'il sache. Comment introduit-on l'usage de ressources propres de
l'institution, par opposition aux subventions du gouvernement et à la
décomposition des autorisations d'emprunt? Ce n'est pas une formule
facile à établir et je ne vois pas comment on peut
l'établir autrement qu'avec une consultation assez continue entre les
institutions d'une part et les institutions bancaires ou les caisses
populaires, d'autre part. Il y a une seule chose qui me paraît
évidente, c'est qu'il faut le faire.
Le Président (M. Desbiens): II est 18 heures. Les travaux
de la commission permanente des finances et des comptes publics sont suspendus
jusqu'à 20 heures.
(Suspension de la séance à 18 h 02)
(Reprise de la séance à 20 h 07)
Le Président (M. Desbiens): La commission permanente des
finances et des comptes publics reprend l'étude des crédits de
l'année 1981-1982.
Nous en étions toujours au programme 1, élément
1.
M. Forget: M. le Président, comme vous l'avez
indiqué au début, il y a deux volets à notre exploration
de l'état de réalisation des prévisions que constituent
effectivement les crédits. Nous sommes maintenant dans le
troisième mois de l'année 1981-1982; donc, nous avons
posé, à la fin de l'après-midi, quelques questions
relativement au déroulement des dépenses et nous avons eu le
plaisir d'entendre le ministre des Finances nous donner un message très
rassurant suivant lequel tout se déroulait, à très peu de
choses près, tel que prévu et que, dans le fond, pourvu que
l'inflation ne dépasse pas 12,2%, pourvu qu'il ait le moindre
succès à faire comprendre la raison aux administrateurs de l'aide
sociale, pourvu qu'il réussisse à éviter un
débordement du pouvoir d'emprunt des établissements du
réseau parapublic, nous étions sur la voie d'une
réalisation presque parfaite des prévisions budgétaires du
côté des dépenses.
J'aimerais tourner mon attention du côté des revenus et
poser, en premier lieu, la question suivante au ministre, parce qu'une lecture
attentive du discours sur le budget ne nous a pas permis de trouver la
réponse à cette question. Peut-être l'avons nous mal lu,
mais il est évident qu'on fait une projection des revenus, des recettes
fiscales en particulier, en s'aidant d'une hypothèse quant à
l'accroissement du produit intérieur brut du Québec. C'est un
chiffre que certains ministres des Finances ont déjà
exposé publiquement dans le passé comme base de leurs calculs,
cette fois-ci, au meilleur de notre connaissance, encore une fois, nous n'avons
pas découvert quel est le taux que le ministère des Finances et
le gouvernement ont utilisé pour projeter ces revenus. Nous aimerions
bien le connaître et savoir si, à la lumière de
l'expérience acquise au début de juin, il semble que cette
précision aussi aura le bonheur de se réaliser.
M. Parizeau: Là, M. le Président, je m'excuse, mais
je ne comprends pas très bien de quoi on parle. Il n'y a pas de
prévisions qui auraient le bonheur de se réaliser puisque,
justement, j'ai été d'une prudence de serpent dans le discours
sur le budget à cet égard pour la raison suivante: la plupart des
gouvernements étaient, à ce moment-là, placés, dans
une situation où on ne savait pas très bien si nos
économies allaient progresser de 1%, régresser de 1% ou
étaler à 0. Une chose était claire, c'est que les
perspectives ne donnaient guère autre chose qu'une sorte
d'étalement. Quand, dans un rythme de croissance, on a le choix entre
plus 1%, moins 1% ou 0, il est parfois utile de se taire; ce que j'ai fait. On
peut donc, comme c'était facile de le voir dans le discours sur le
budget, considérer que j'envisageais la progression des revenus à
partir d'une base de croissance médiocre ou insignifiante du produit
national brut; je pense que cela ressortait assez clairement.
Depuis ce temps, les choses se sont apparemment clarifiées. Je
dis "appa-ramment" parce que tous les chiffres ont l'air d'indiquer quelque
chose, mais ayant été dans ce métier pendant plusieurs
années je suis moins sûr de ce que les chiffres semblent laisser
transparaître. Sur la base du dernier trimestre de 1980 et du premier
trimestre de 1981, en Amérique du Nord, en dépit des taux
d'intérêt, en dépit des restrictions de crédit du
Federal Reserve Board aux États-Unis transposées chez nous, en
dépit des incertitudes graves qui existent quant à certains types
d'investissements et, en particulier, quant à l'avenir de l'industrie
automobile en Amérique du Nord - Dieu sait si on sait que c'est
important - en dépit de tout cela, la croissance en 1981 semblerait
beaucoup plus rapide qu'on ne l'envisageait il y a quatre ou cinq ans. C'est
vrai pour les États-Unis, c'est vrai pour le Canada et c'est vrai pour
le Québec.
On pensait, au moment où le discours sur le budget a
été fait, que si, en 1981, on tapait 1/2% de progression dans le
produit national brut, on serait vraiment remarquables et qu'à 1% on
serait miraculés. Mais ce n'est pas de cela dont on parle. Il semblerait
que des taux de progression de 2 1/2%, 3% en Amérique du Nord, en 1981
deviendraient possible. Quant on veut raffiner cela de notre côté,
chez nous, on a l'impression que cela pourrait être supérieur
à 2% au Québec.
Évidemment, si c'était cela, la première
conséquence, c'est que nos revenus s'accroîtraient plus que
prévu, mais pas dans des proportions considérables, comme j'ai eu
l'occasion de le dire lors du discours sur le budget, une progression un peu
plus rapide que prévu au Québec et surtout plus rapide
qu'ailleurs au Canada. À toutes fins utiles, pour l'essentiel, on
réduit le déficit fédéral; cela ne veut pas dire
qu'il n'y a aucun impact chez nous, il y en a un, et si c'était vrai
qu'on avait une progression du volume de la production de l'ordre de 2% ou de 2
1/2%, il n'y a pas de doute que cela aurait un effet favorable indiscutable sur
les revenus du gouvernement du Québec.
Le problème, M. le Président, c'est qu'une fois qu'on a
dit tout cela - là encore, on s'étonnera peut-être que je
mette des éléments de romantisme dans les calculs - je n'y crois
pas beaucoup. Là, je sens tout de suite des sueurs froides me couler
dans le dos en pensant à tous les fonctionnaires derrière moi qui
font des calculs comme ceux-là. Ils auront peut-être raison de
dire que cela va monter plus vite, mais mon nez ne me laisse pas aussi
confiant. J'admets que c'est purement impressionniste. J'ai de la
difficulté à voir que le genre de taux d'intérêt
qu'on connaisse à l'heure actuelle n'ait pas un impact bien plus grand
qu'on pense sur les décisions d'investir, sur les niveaux des
inventaires, sur les commandes des industriels. (20 h 15)
Maintenant, c'est vrai qu'il y a une autre thèse qui dit: avec
des mouvements aussi forts dans les taux d'intérêt, les hommes
d'affaires n'ont pas le temps de s'adapter véritablement et prennent
cela un peu comme la grêle et répercutent cela sur les clients. En
somme, c'est le public qui paie. Les entreprises ne sont pas tellement
gênées par des taux d'intérêt aussi
élevés. C'est possible. Il faut dire que là,
jusqu'à un certain point, indépendamment de ce que les
ordinateurs et les chiffres peuvent sortir, il faut comprendre que nous sommes
entrés, depuis un an et demi, dans des variations de taux
d'intérêt que jamais on a connues auparavant. Personne n'a jamais
vu cela.
Quel est l'impact sur les affaires, sur la progression des affaires, de
pareils mouvements dans les taux d'intérêt? Est-ce que vraiment
les techniques habituelles de projection donneront une
accélération de la croissance? C'est bien possible.
Peut-être que je me tromperai complètement, et peut-être que
je serai obligé de dire, qu'après bien des années
d'utilisation, mon nez doit être mis au rancart. Mais pour le moment, je
garde mes doutes qu'on puisse accélérer la progression de
l'économie du Québec autant que les chiffres sembleraient
l'indiquer, c'est-à-dire, pour être tout à fait
précis, pour le député de Saint-Laurent, une
prévision - et là, je suis d'une précision foudroyante des
ordinateurs - qui était en janvier de 0,7 et qui passerait maintenant
à 2,1.
M. Forget: M. le Président, je ne peux pas faire autrement
que constater que sur ce sujet comme sur bien d'autres, le ministre des
Finances prend une situation imbattable, en quelque sorte, qu'il arrive
n'importe quoi, il va pouvoir nous dire qu'il a gagné.
M. Parizeau: Non, mais je n'avais pas tort.
M. Forget: Si l'économie progresse, en dépit de son
intuition, plus rapidement qu'il ne l'a calculé, il se réjouira,
comme responsable du financement en disant: Voyez, finalement, combien ma
prudence a payé. Nous avons ce bienfait de dernière minute,
inopiné, contre toute attente, et c'est le fruit de notre prudence, de
notre retenue. Si jamais les prévisions moins optimistes
s'avèrent les bonnes, il dira: Voyez combien nous avons prévu
avec justesse. Alors, il ne risque rien. C'est une position très
confortable. On reconnaît un peu son style évidemment de parier
sur tous les chevaux à la fois. Mais, évidemment que j'aimerais
être bien sûr que nous avons compris ce qu'il nous a dit:
J'espérais avoir été assez prudent dans le discours sur le
budqet pour ne pas être associé à une prévision
précise de l'accroissement du produit intérieur brut.
Effectivement, il a été très prudent. On n'a pu trouver
aucune allusion à cela. Mais, il en est de ces prévisions comme
de bien d'autres choses dans la vie, comme il a de toute façon
été obligé de faire des prévisions de revenus, il a
été obligé, implicitement au moins de choisir une
hypothèse comme étant la plus probable. Si je comprends bien, la
plus probable, c'est celle de 0,5% d'accroissement du produit intérieur
brut comme base.
M. Parizeau: Celle qui, manifestement, sortait des ordinateurs en
janvier, c'est-à-dire 0,5%.
M. Forget: Et qui a été utilisée comme base
de calcul du budget. Ce qui veut dire que si c'est plus que 0,5%, on peut
s'attendre que les impôts entrent un peu plus et si c'est en
deçà de 0,5%, on peut s'attendre que les impôts entrent un
peu moins. Alors, je crois qu'on est fixé là-dessus. On voulait
savoir quel était le point de référence qu'il fallait
surveiller pour l'avenir. C'est essentiellement un instrument de travail pour
nous aider à comprendre ce qui va arriver plus tard durant
l'année. Je pense que ce n'est pas la place, et ce n'est pas l'occasion
pour se quereller sur ce que devrait être le taux. De toute façon,
il sera ce qu'il sera, M. le Président, comme bien d'autres choses. On
va se borner à en constater l'existence.
Mais, il y a au moins un autre élément dans les
prévisions de revenus qui attire singulièrement notre attention.
J'y ai fait allusion d'ailleurs, hier, à l'Assemblée nationale.
C'est la contradiction apparente quant aux chiffres qu'utilise le ministre des
Finances dans sa projection des revenus au titre des transferts du gouvernement
du Canada. Je prends, comme exemple - ce n'est peut-être pas le seul,
mais il suffira pour les fins de la discussion de ce soir - la somme qui est
prévue au titre de la péréquation.
La péréquation, M. le Président, je crois qu'il est
peut-être utile de le rappeler pour ceux qui ne sauraient pas ce que
c'est en détail, c'est effectivement une formule presque
mathématique ou arithmétique qui permet de déduire les
versements que doit faire le trésor fédéral à un
certain nombre de provinces compte tenu du rendement des impôts, compte
tenu de la population des différentes provinces, compte tenu de leur
part dans l'assiette fiscale totale, d'une série d'impôts,
effectivement, de sources de financement au nombre de 29, et la formule est
connue depuis longtemps. Elle est contenue dans des textes de loi qui ont
été adoptés en 1977, qui ont été
révisés depuis pour des raisons dans lesquelles on n'a pas besoin
d'entrer, le problème de l'énergie, le coût de la
péréquation. Si on n'avait rien fait pour limiter l'impact de la
formule...
De toute façon, tout cela est dans des textes, c'est bien connu.
Ce n'est pas sujet à arbitraire, ce qui ne veut pas dire que ce ne
serait pas renégocié éventuellement pour lui faire rendre
un produit différent. Mais ce qu'on sait, c'est que, pour l'exercice
1981-1982, la formule est déjà connue depuis longtemps et il
s'agit simplement d'entrer dans la formule les chiffres pertinents qui sont les
prévisions de recettes des différentes provinces pour un certain
nombre d'impôts et de recettes non fiscales et on a le chiffre des
versements. De ce côté-là, on pourrait s'attendre que les
prévisions de tout le monde concordent puisque,
présumément, tout le monde utilise à peu près les
mêmes sources de prévisions, c'est-à-dire les
prévisions que font les trésoreries de chacune des provinces et
du gouvernement fédéral.
Quand on compare la prévision du gouvernement du Québec
dans le budget présenté le 10 mars avec les chiffres qui
émanent du ministère fédéral des Finances et qui
sont contenus dans le document de M. MacEachen déposé devant le
Parlement fédéral le 23 avril à je ne sais plus trop
quelle page, mais on peut facilement le trouver si on cherche un peu, à
tout événement, on trouve des chiffres différents et pas
un peu différents, assez, beaucoup différents. Effectivement,
pour l'année 1981-1982 - dans les deux cas il s'agit d'estimer,
puisqu'il faudra attendre la fin de l'exercice et même un peu
après la fin de l'exercice 1981-1982 pour savoir exactement ce que la
formule donnera - le chiffre du ministère fédéral des
Finances est de 1 779 700 000 $ et le chiffre utilisé par le ministre
des Finances du Québec, pour 1981-1982, c'est 1 923 000 000 $. La
différence entre les deux est de l'ordre de 140 000 000 $ ou 141 000 000
$, mentalement, je ne me
souviens plus du chiffre que j'ai calculé
précisément avant-hier, mais c'est de 140 000 000 $ et on se
demande un peu comment il se fait qu'on a une différence de cette
enverqure dans le budget du Québec.
M. Parizeau: M. le Président, pour faire comprendre cela,
nous allons revenir au trou de 500 000 000 $ dans l'Éducation
qu'affectionnent nos amis d'en face.
M. Forget: Je ne pensais pas y retomber si rapidement.
M. Parizeau: J'y retournerai plus souvent que vous. Il y a deux
façons d'établir des projections quant à la
péréquation. La première a trait à ces
différences de ce que rapporterait une structure d'impôt en vertu
du mode de calcul dont parlait le député de Saint-Laurent pour
une année donnée. Là, forcément, comme il le disait
si bien d'ailleurs, tout ce qu'on fait, c'est d'établir une estimation.
Voilà qu'au cours de l'année 1980-1981, 1981-1982 on prend une
photographie de ce qu'on pense que la formule de péréquation va
donner. D'autre part, comme il le disait aussi, ce n'est que plus tard, et
beaucoup plus tard - c'est pour cela que je reviens à l'analogie des 500
000 000 $, un an, deux ans, trois ans après - qu'on détermine
quel a été le rendement de ces structures d'impôt dans
chacune des provinces canadiennes de façon précise, une fois que
tous les ajustements sont établis. Ce qui veut dire qu'année
après année on traîne des ajustements. Il faut donc faire
deux estimations: d'une part, ce que la péréquation rapporterait
pour l'année où elle doit être calculée et, d'autre
part, pour les ajustements des années antérieures. Ces
ajustements des années antérieures peuvent représenter des
montants considérables, et je vais vous en donner un exemple.
En 1980-1981, l'année qui vient de se terminer, le gouvernement
fédéral évaluait qu'il paierait au Québec, en
péréquation, 1 764 000 000 $. Parfait. Mais par rapport à
plusieurs années antérieures, d'ajustements qui ont dû
être faits, ils ont ajouté 73 800 000 $ si bien qu'en fait, c'est
1 838 000 000 $ que nous avons reçus. Là-dessus, on peut se
tromper énormément, on se trompe chaque année. Quand je
dis qu'on se trompe chaque année, c'est des deux côtés
quant aux ajustements. Il y a eu des erreurs des deux côtés quant
à savoir non pas seulement ce qu'on doit ramasser dans l'année en
péréquation par rapport à ce qui s'est passé dans
toutes les autres provinces, mais par rapport à ce que valent tous les
ajustements des années antérieures.
Les chiffres dont parle le député de Saint-Laurent sont ce
qu'on appelle ces estimations fédérales sans ajustement. Les
chiffres que nous avons ici sont une sorte d'idée que l'on se fait de la
péréquation qui nous serait redevable, qui nous serait payable
pour l'année 1981-1982 plus un certain nombre d'ajustements qui ont ou
n'ont pas été faits dans les années antérieures. Je
dois dire là-dessus que, dans l'ensemble, si on revient sur les
années passées, il n'y a pas eu tellement d'erreurs dans ce
sens.
Il y a une dizaine de personnes au Canada qui savent vraiment comment
calculer la péréquation. Il y en a deux en Ontario, trois
à Ottawa, trois au Québec, dont deux sont derrière moi. Je
crains toujours ce qui se produirait si ces dix personnes étaient dans
le même avion et que l'avion s'écroulait; le Canada cesserait de
fonctionner comme fédération. C'est devenu tellement tordu,
tellement complexe, et il n'y a vraiment qu'une dizaine de personnes qui savent
de quoi elles parlent. La beauté de l'opération, c'est que si on
tient compte de leurs estimations quant aux ajustements des années
antérieures et leurs estimations quant à l'année courante,
les dix arrivent habituellement à une sorte de consensus sans beaucoup
de difficulté. Le problème, c'est qu'ils ne sont que dix à
comprendre vraiment de quoi il s'aqit.
Mais on ne se trompe pas tellement sur les prévisions, ni d'un
côté ni de l'autre. Ce n'est pas une critique que je fais du
fédéral, c'est simplement que l'estimation du
fédéral que vous avez, c'est l'estimation des paiements du
fédéral imputables à une année définie sans
tenir compte des ajustements antérieurs.
M. Forget: M. le Président, ce qui est troublant dans tout
cela, c'est que, à la rigueur, on pourrait accepter sans sourciller
l'explication qui vient de nous être fournie dans la mesure où
elle s'applique aux années futures, dans le sens comptable du mot, et
même des années passées pour lesquelles les chiffres ne
sont complétés. À ce moment-là, quand on parle de
1980-1981, on est encore dans les années futures parce que...
M. Parizeau: Oui, bien sûr.
M. Forget: ... même si c'est terminé, on ne sait pas
plus, en fait et dans les détails, que si ce n'était pas encore
arrivé. Quand on voit que ces différences s'étendent aussi
loin dans le passé que l'année 1977-1978, et qu'elles sont
rapportées dans les deux séries de chiffres où ils
diffèrent pour il y a quatre ans, cela crée déjà un
certain doute. Cela fait un peu penser aux statistiques sur le commerce
international où les exportations d'un pays sont les importations de
l'autre et où, comme par hasard, dans certains cas - on l'a vu dans le
cas du commerce canado-américain - il y a tout à coup un
éventail qui s'élargit à n'en
plus finir. Par exemple, dans le commerce de l'automobile, cela a
été un cas célèbre où il a fallu des
négociations entre les deux gouvernements pour tenter de concilier leurs
chiffres. (20 h 30)
Dans le cas de la péréquation, on est probablement en face
d'un phénomène un peu semblable parce que, pour 1977-1978, on a
encore aujourd'hui une différence de 50 000 000 $; pour 1978-1979, il
faut bien se rendre compte qu'on parle d'une période d'il y a trois ans,
on est devant une différence de 140 000 000 $. Évidemment, plus
on s'approche du présent, dans un certain sens, pire est la
différence. Étant donné que nous approchons d'une
période d'intenses négociations, il y aura probablement un
certain intérêt, au moins, à ce qu'on sache de quels
chiffres on parle quand on parle des versements intergouvernementaux, surtout
qu'il s'agit là de versements en espèces. On ne parle même
pas des transferts fiscaux où les complications sont encore plus
considérables, parce que ce que coûtent, au fédéral,
les points d'impôt qu'il cède aux provinces, ce n'est pas
équivalant à ce qu'ils valent pour le Québec, étant
donné, en particulier, le problème de l'indexation qui s'applique
différemment.
Même en tenant compte des versements en espèces, on a cette
disparité pour les années passées, depuis longtemps, ce
qui semble indiquer qu'on parle peut-être de deux choses
différentes. L'explication qu'a donnée le ministre des Finances
me porte à croire que dans ce domaine, comme malheureusement dans trop
de cas, lorsqu'il est question de finances publiques, on ne sait jamais
exactement si on parle d'une comptabilité d'exercice ou d'une
comptabilité de caisse. Cela complique un peu les choses. Je me serais
attendu qu'on parle d'une comptabilité d'exercice dans ce tableau sur
les opérations financières du gouvernement, et je vais vous dire
pourquoi. Lorsqu'on regarde les états financiers des années
antérieures, on se rend compte qu'ils continuent à bouger
littéralement pendant des années, comme si on tenait absolument
à apporter rétroactivement des corrections aux états
financiers pour les faire correspondre plus exactement à une
comptabilité d'exercice, alors qu'il semble que dès qu'on parle
de budget, on tient à une comptabilité de caisse où on dit
essentiellement: Chaque année, on recommence à neuf, on ne
s'occupe pas de savoir si ce qu'on nous verse cette année, c'est au
titre de cette année ou au titre d'il y a trois ans. Ce sont les
revenus, ce ne sont pas seulement les encaisses de cette année, on les
considère, à toutes fins utiles, comme les revenus de
l'année courante. Je pense que là, il y a une certaine
ambiguïté. Ce que le ministre des
Finances nous dit, c'est que, dans le fond, c'est une
comptabilité de caisse et qu'il tient pour acquis que, en plus de ce qui
est prévu comme versement au titre de 1981-1982, il fait figurer des
versements au titre des années antérieures.
M. Parizeau: M. le Président, effectivement, pour ce qui a
trait à la péréquation, nous fonctionnons sur une
comptabilité de caisse. Il n'y a pas de mystère là-dedans,
le plan comptable détermine très bien ce qui est établi
sur une comptabilité d'exercice et ce qui l'est sur une
comptabilité de caisse, comme d'ailleurs la comptabilité
fédérale est assez claire à ce sujet. Justement, lorsque
nous fonctionnons, pour un poste comme celui-là, sur une
comptabilité de caisse, ce n'est pas vrai pour tous les autres postes
selon le plan comptable. Le plan comptable établit bien ce qui est sur
une comptabilité d'exercice et ce qui est sur une comptabilité de
caisse. Il y a des choses qui sont absolument étonnantes à
certains moments.
Par exemple, à un moment donné, comme séquelle de
bagarre, j'admets, un peu vive, autour de la taxe de vente, un chèque
qui devait être envoyé dans les derniers jours de mars par le
fédéral, à nous, ne le fut pas. Il fut envoyé
quelques jours plus tard, en avril, pour que ce soit dans l'année
suivante et que ça révèle un trou un peu plus gros dans la
comptabilité de caisse du gouvernement du Québec. Ce report de
quatre ou cinq jours a déplacé simplement 65 000 000 $, sur une
mauvaise humeur. Que voulez-vous? On est exposé à des choses
comme cela. Un report de quatre ou cinq jours sur un chèque d'un
monsieur qui n'était pas content.
M. Forget: Les résultats de l'année suivante n'en
paraîtront que d'autant mieux.
M. Parizeau: Mais oui, bien sûr, ce n'est pas grave. Les
enfantillages ne sont jamais graves, sauf qu'il faut comprendre comment cela
affecte la comptabilité.
M. Forget: Faut-il donc comprendre que les statistiques du
ministère fédéral des Finances sont, elles aussi, sur une
comptabilité de caisse ou sur une comptabilité d'exercice?
M. Parizeau: Les comptes publics du gouvernement
fédéral sont aussi sur une comptabilité de caisse à
cet égard, mais le document que le député de Saint-Laurent
a entre les mains n'est pas nécessairement sur une comptabilité
de caisse. À cet égard, pour ce qui a trait à nous, je le
renverrais aux états financiers de 1979-1980 pour la
détermination du plan, de la base sur laquelle nous faisons nos calculs
à la page
12: transferts du gouvernement du Canada, ces revenus sont
comptabilisés sur la base de la caisse, y compris ceux relatifs aux
accords, etc.
Donc, pour nous, c'est très clair; je pense qu'on peut dire aussi
que, pour le gouvernement fédéral, quant à ses comptes
publics, c'est sur une comptabilité de caisse; quant aux estimations
présentées par le ministre des Finances, ça peut ne pas
l'être.
M. Forget: Là où ça se complique, c'est que,
d'après les mêmes chiffres que nous avons, la différence
qu'on observe pour 1981-1982, 940 000 000 $, se répète, quoiqu'un
peu moins importante, pour 1980-1981. Il y a aussi une différence d'un
peu plus de 117 000 000 $ entre ce que le fédéral prévoit
verser au Québec et ce que le Québec escompte tirer de la
péréquation. Dans les deux cas, en 1980-1981 comme en 1981-1982,
c'est le Québec qui est plus optimiste que le Trésor
fédéral.
M. Parizeau: Pour des années écoulées, sur
une comptabilité de caisse, on ne peut pas être pessimiste ou
optimiste. La comptabilité du Québec...
M. Forget: C'est une façon de parler.
M. Parizeau: ...est ce qu'elle est. Si nous avons perçu
ça, si le contrôleur des finances établit que c'est
ça que nous avons perçu et que le Vérificateur
général dit que c'est ça que nous avons perçu,
c'est ça que nous avons perçu, à moins qu'on ne remette en
doute l'intégrité de la mécanique comptable. Le
contrôleur des finances...
M. Forget: II semblerait aussi...
M. Parizeau: ... établit ce qui est entré et le
Vérificateur général dit, effectivement: C'est ça
qui est entré. Si le fédéral dit: J'aurais dû vous
payer moins que, c'est une opinion. L'entrée de la caisse, ce n'est pas
une opinion, c'est un certificat comptable.
M. Forget: Exactement. C'est la raison pour laquelle je disais
que l'explication du ministre me complique un peu la vie, parce que, si ce sont
des comptabilités de caisse aux deux niveaux, je ne m'explique pas que,
pour 1980-1981, il y ait 117 000 000 $ de différence.
M. Parizeau: Oui, mais, encore une fois, comme je le disais, le
document...
M. Forget: À moins que ce ne soit un chèque qui a
été envoyé en mars et qui ne soit pas encore arrivé
à Québec.
M. Parizeau: Cela arrive...
M. Forget: Ou quelque chose du genre.
M. Parizeau: ...constamment. Il reste néanmoins que le
document que le député de Saint-Laurent a entre les mains peut ne
pas être établi sur une comptabilité de caisse, c'est tout
à fait autre chose. La comptabilité publique et les documents
explicatifs comme celui qui concerne la péréquation peuvent fort
bien ne pas être établis sur la même base. Il y a une chose
qui est évidente, c'est que je ne peux pas, d'opinion, changer le
montant qui est entré dans notre caisse au titre de la
péréquation en 1980-1981. Cela m'échappe
complètement. C'est le contrôleur des finances qui dit: Voici ce
qui est entré et le Vérificateur général dit: Le
contrôleur des finances, effectivement, a le bon chiffre. Je n'interviens
pas là-dedans, ça va de soi.
M. Forget: M. le Président, ça demeure une
énigme et, dans le fond, on nous renvoie la balle en disant:
Écoutez, fournissez-nous la réponse. Je m'excuse, mais nous avons
une contradiction apparente dans les documents officiels; le ministre des
Finances, je ne sais pas s'il en prend connaissance pour la première
fois, j'en doute plutôt, parce qu'il s'agit d'un document qu'il a
sûrement eu sur sa table de chevet au cours des dernières
semaines... On ne peut pas faire autrement que d'être frappé par
une différence cumulative dans les chiffres officiels entre deux
ministères des Finances qui se font des paiements l'un à l'autre
et qui, sur une période de deux ans, en supposant qu'il s'agit de
comptabilité de caisse dans les deux cas ou qu'il s'agit de n'importe
quoi, de toute façon, révèle un écart cumulatif de
250 000 000 $. Il s'agit quand même d'un quart de milliard de dollars de
différence dans des versements en vertu d'une formule établie
dont toutes les dimensions sont connues, sauf, bien sûr, le fait que
c'est basé sur des estimations. Mais les estimations doivent être
communes. J'imagine que les deux ministères des Finances se parlent
quant aux montants que l'on estime devoir utiliser comme entrée fiscale
au titre de l'impôt sur le revenu ou de la taxe de vente au
détail, des choses dans ce genre-là. Ce ne sont pas des
bagatelles. Je ne m'explique pas une différence d'un quart de milliard
de dollars entre deux ministères des Finances situés à
moins de 500 milles l'un de l'autre.
M. Parizeau: M. le Président, si le député
de Saint-Laurent a des doutes quant aux chiffres du fédéral, il
ira les demander au fédéral. Tout ce dont je l'assure, c'est que,
quand on dit qu'en 1980-1981, il est entré tel montant de
péréquation, c'est entré. Je comprends que je surveille ma
caisse tous les vendredis soirs, mais je ne
fais pas les comptes. Il y a des gens pour ca. Si on me dit que ce qui
est entré, c'est ça et que le député de
Saint-Laurent trouve que les chiffres du fédéral sont mal faits,
il ira en parler à ces gens. Je sais très bien ce qui entre.
M. Forget: Ne montons pas sur nos grands chevaux, M. le
Président, souvenons-nous, pour un instant, que les chiffres dont on
parle... Et je parle, à ce moment-ci, des chiffres du Québec;
quand ils ont été imprimés, ils ne se voulaient pas autre
chose qu'une prévision.
M. Parizeau: En effet.
M. Forget: Et c'était une prévision dans le sens
strict, ce n'était pas une prévision de choses déjà
passées. C'était aussi une prévision de choses à
venir, même pour 1980-1981. Dans le fond, le véritable sens de ma
question, c'est de dire: Par rapport à 1980-1981, dans la mesure
où on a écrit ces chiffres probablement en janvier ou
peut-être même en décembre, on escomptait des
rentrées de caisse de 1 838 000 000 $. Le ministre fédéral
des Finances qui, lui, avait l'avantage de parler en avril, plutôt que
d'envoyer à l'imprimerie un texte en février, a dit:
Effectivement, j'ai versé au Québec 1 720 000 000 $. Il y a une
différence de 118 000 000 $. Le sens de ma question, c'est de savoir si
vous avez prévu 118 000 000 $ qui ne sont pas venus et dont vous savez
maintenant qu'ils ne sont pas venus?
M. Parizeau: M. le Président, la même
prévision fédérale pour 1980-1981 était, comme je
l'ai dit tout à l'heure, de 1 764 000 000 t. Nous, compte tenu des
ajustements, avons ajouté 73 800 000 $ pour les années
antérieures. Il est rentré au dernier compte - je n'imaqine pas
que le chiffre pourrait beaucoup varier maintenant, parce que cela ne vient pas
sur une multitude de chèques, c'est sur une base de caisse - 1 838 000
000 $, c'est-à-dire 73 800 000 $ de plus que ce que le
fédéral avait prévu. On vient de me dire d'ailleurs que
cela va plus loin. Il y a 9 000 000 $ de plus. Sur une base de caisse, ce n'est
donc pas 73 800 000 $, comme on l'avait estimé pour les années
antérieures, de plus que l'estimation fédérale; c'est 9
000 000 $ de plus. Je n'y peux rien. Si le fédéral me dit: Mon
estimation, c'est que vous recevrez 1 764 000 000 $ et que nous estimons qu'ils
vont nous payer pour les années antérieures 74 000 000 $, ce qui
finalement aboutit à 83 000 000 $ de plus et qu'effectivement, il rentre
dans ma caisse 1 838 000 000 $, plus 9 000 000 $, cela fait 1 847 000 000 $, et
qu'on constate que dans la caisse il est entré 1 847 000 000 $, je ne me
suis pas signé des chèques à moi-même! J'imagine que
quelqu'un les a signés, ces chèques. Le fédéral
peut se tromper. Je comprends qu'il parle en anglais, mais enfin,
néanmoins, il peut se tromper! Il s'agit essentiellement de savoir si
les techniciens de part et d'autre, peu nombreux, comme je vous le disais, dont
nous avons conscience nous au Québec de ne pas avoir les moins bons,
estiment à peu près correctement ce qu'on aura. Tout simplement
sur la base de la performance passée, j'ai l'assurance que nous n'avons
pas les moins bons de ces dix. Effectivement, c'est ce que cela donne.
Si on voulait pousser cela plus loin, je pourrais aller plus loin aussi.
Il est évident que le système des paiements
fédéraux au Québec depuis quelques années ne nous
avantage pas. Les paiements fédéraux au Québec augmentent
au tiers du rythme de l'inflation.
Le député de Saint-Laurent est en train de me dire que si
Ottawa avait raison, les paiements fédéraux au Québec
augmenteraient à un rythme inférieur au tiers de l'inflation. Je
continue d'espérer que le fédéral ait tort, parce que des
paiements qui représentent 30% de nos ressources totales au
Québec et qui augmentent au tiers de l'inflation nous mettent
déjà dans une situation financière qui n'est pas facile.
D'autre part, le gouvernement fédéral veut couper, dans ce qu'il
a annoncé, 1 500 000 000 % de transferts à l'égard des
provinces, dont 600 000 000 $ la première année. Quelle est notre
part là-dedans? Cela peut difficilement être inférieur
à un quart, probablement plus que cela, donc ce n'est pas loin de 400
000 000 $ qu'on veut nous raser. Déjà, nous avons des paiements
fédéraux qui augmentent au tiers de l'inflation et qui nous
mettent dans une situation difficile. Le député de Saint-Laurent
dit: Sur la base de ce qui est écrit dans des documents
fédéraux, cela va être pire que cela! Le ministre
fédéral des Finances va encore nous descendre. À un moment
donné, il faudrait se poser des questions sur la saveur du
régime.
M. Forget: J'ai l'intention de revenir là-dessus un peu
plus tard, mais pour ne pas mélanger ces questions, j'aimerais poser une
dernière question.
M. Parizeau: C'est un prolongement.
M. Forget: C'est un prolongement, mais avant de laisser le
premier prolongement pour en prendre un deuxième, s'il est donc exact
que le ministre des Finances tient à sa prévision de 1 923 000
000 $ pour 1981-1982 au titre de la péréquation, peut-il nous
indiquer quelle est la partie de cette somme qui devrait être
versée en 1981-1982 au titre des années antérieures, parce
que vous avez
certainement fait vos calculs?
M. Parizeau: Oui, il s'agit de sortir les chiffres. Un instant,
on va fournir l'estimation. (20 h 45)
Je cite les chiffres, M. le Président, parce qu'il y en a
passablement. Pour la péréquation, l'estimation
fédérale en 1981-1982 est de 326 000 000 % pour l'impôt sur
le revenu des particuliers.
M. Forget: Vous voulez le faire pour les 29 sources?
M. Parizeau: Non, je n'aurais pas cette coquetterie, M. le
Président.
M. Forget: Vous me rassurez, je n'ai pas assez d'encre.
M. Parizeau: Mais, comme les mouvements sont énormes, il
est important de comprendre dans quel genre de calcul cela nous
amène.
M. Forget: D'accord.
M. Parizeau: L'ajustement pour l'année courante nous
amène à réduire la projection fédérale -
vous voyez, on n'est pas exubérant, on la réduit la projection
fédérale, parce qu'on trouve que c'est le fédéral
qui exubère - de 27 400 000 $. Pour les années
antérieures, on calcule qu'il va nous enlever, en nous avertissant
quelque part dans le courant de l'année, ce qu'il n'a pas fait
jusqu'à maintenant, 99 700 000 $. Nous calculons qu'il va nous avertir
quelque part dans le courant de l'année pour l'impôt sur le revenu
des particuliers, que la péréquation applicable à... Il va
nous raser pas moins de 100 000 000 $ pour les années
antérieures. On sait que cela vient, si bien que notre estimation est de
l'ordre de 199 100 000 $ sur ce qu'on aura comme péréquation au
titre d'impôt sur le revenu des particuliers, mais vous vous rendez
compte, on part de 326 200 000 $, l'estimation du fédéral,
ajustement à la baisse déterminé par nous de 27 400 000 $
pour l'année courante, ajustement à la baisse de 99 700 000 $
pour toutes les années antérieures.
L'impôt sur le revenu des sociétés, cela va à
l'envers. Le fédéral évalue les paiements qu'il nous
ferait au titre de la péréquation pour cet impôt à
172 600 000 $. Nous pensons qu'il a tort. Dans ce cas, il va nous devoir pour
l'année courante un peu plus. On ajoute 17 000 000 $. Pour les
années antérieures, on pense qu'il nous doit de l'argent, on
ajoute 27 100 000 $, si bien qu'au lieu de ses 172 600 000 $ on révise
à 216 700 000 $ et on descend cela, source de taxation, à source
de taxation.
Je vais vous donner un autre exemple. Pour les spiritueux, l'estimation
fédérale de ce qu'il nous doit au titre de la
péréquation, c'est 90 500 000 $. Nous pensons que, pour
l'année courante, il va nous ajouter 30 200 000 $, pour les
années antérieures, 53 900 000 $ et qu'on s'en va se chercher
quelque chose comme 174 000 000 $. On fait cela source de taxation par source
de taxation. Alors que son estimation est de 1 779 000 000 $, on pense
qu'effectivement, on va avoir un peu plus que 1 900 000 000 $, tel
qu'indiqué dans le discours sur le budget.
M. Forget: Vous conciliez donc ces sommes?
M. Parizeau: Mais oui, forcément, comme chaque
année.
Regardons notre performance. Vous allez voir qu'on n'est peut-être
pas les moins bons du groupe. En 1978-1979, dans le discours sur le budget,
j'annonçais, non pas de mon plein mérite propre, mais à
partir des calculs qu'on faisait pour moi, qu'on aurait 1 340 000 000 $ au
titre de la péréquation, dans les états financiers
vérifiés, déposés, 1 340 300 000 $. Ce n'est pas
mal, c'est même bon. Quand même! 300 000 $, ce n'est pas aussi bon
chaque année. Ce n'est qu'un élément de hasard, mais enfin
c'est pas mal. En 1979-1980, on évaluait à 1 595 000 000 $ les
rentrées. On s'est royalement trompé, ce n'est pas 1 595 000 000
$ qui sont rentrés, c'est 1 708 000 000 $. On n'avait pas
été assez exubérant. En 1980-1981, on avait prévu 1
805 000 000 $ et, chiffre non officiel, ce n'est pas confirmé, on attend
les dernières vérifications du contrôleur des finances et
le Vérificateur général aura à nous passer sur le
corps par-dessus tout cela, mais on calcule 1 847 000 000 $ au lieu de 1 805
000 000 $. On n'est toujours pas très exubérant dans nos
projections. Sur cette base, M. le Président, l'autorité morale
quant à prévoir 1 923 000 000 $... Je pense que sur la base des
performances passées on n'est peut-être pas si mal que cela.
M. Forget: Tant mieux.
M. Parizeau: Je l'espère parce que comme cela je
démontre, en dépit du député de Saint-Laurent, que
le fédéralisme peut être rentable, moins que je le
souhaiterais, mais plus qu'il ne l'imaginait.
M. Forget: Je sais que vous en avez fait votre
théorie.
M. le Président, peut-être pouvons-nous passer à un
autre article du budget, à moins que nos collègues aient d'autres
questions sur celui-là.
Le Président (M. Desbiens): Le programme 1,
élément 1 est-il adopté?
M. Forget: Adopté.
Le Président (M. Desbiens): Adopté. Programme 1,
élément 2 est-il adopté? Adopté.
Programme 1 adopté,
M. Forget: Adopté.
Gestion de la caisse de la dette
publique
Le Président (M. Desbiens): Programme 2,
élément 1, Gestion de la caisse de la dette publique.
Élément 1.
M. Forget: M. le Président, justement sur cette question,
nous avons eu l'occasion cet après-midi de nous entretenir un peu avec
les gens de la caisse de dépôt, mais il y a d'autres
éléments de la gestion de la dette sur lesquels nous aimerions
poser quelques questions au ministre des Finances pour éclairer quand
même le contexte général dans lequel la gestion de la dette
se fait.
On a eu recours, depuis un certain temps à des bons du
trésor pour ce qui est de la partie court terme de la dette. Le recours
à ce nouvel instrument a subi une hausse considérable au cours du
dernier exercice. À quel montant, compte tenu de l'inflation, c'est
destiné à augmenter sans cesse, mais en dollars constants en
quelque sorte si on avait à établir ce chiffre aujourd'hui, le
ministère des Finances établit-il le potentiel de ce
marché à court terme pour le bon du trésor?
M. Parizeau: C'est une question embarrassante, M. le
Président, parce qu'on teste le marché, on augmente de temps
à autre de 5 000 000 $ d'une semaine à l'autre à
l'occasion des enchères pour voir s'il peut le prendre. Jusqu'à
maintenant, il l'a très bien pris. On a l'impression au fond qu'on
pourrait en placer beaucoup plus qu'on n'en a placé jusqu'à
maintenant. Mais d'un autre côté, cela peut n'être que
temporaire.
Il est évident qu'au taux à court terme que nous
connaissons à l'heure actuelle, ce type de véhicule rapporte
tellement qu'une bonne partie de l'argent investissable s'oriente vers le
très court terme. L'une des raisons pour lesquelles la plupart des
emprunteurs, à l'heure actuelle, vont vers le marché à
court terme, c'est que l'argent est là, il est sur le marché
à court terme.
Donc, tout en augmentant de temps à autre de 5 000 000 $ à
la fois, et seulement de temps à autre, le montant des bons du
trésor, je ne veux pas aller trop vite dans cette voie, parce que j'ai
l'impression qu'il y a, pour une part, une sorte d'emballement temporaire. Si
les taux d'intérêt fléchissaient comme cela a
été le cas de façon assez substantielle,
l'été dernier, ou si on revenait simplement à des taux un
peu plus analogues à ceux qu'on connaissait, il y a trois ans, je ne
suis pas du tout certain que le marché serait aussi ouvert qu'il l'est
à l'heure actuelle.
Je noterai cependant une chose. C'est que je pense que nous n'avons pas
très bien géré, ou pas très bien occupé ce
marché des bons du trésor sur le plan des institutions publiques
au Québec, depuis une quinzaine d'années. Je rappellerai, par
exemple, qu'au milieu des années soixante, Hydro-Québec avait
jusqu'à 250 000 000 $ de bons du trésor en circulation. Il y
avait un marché vif à Montréal pour ce genre de
titres.
À peu près à la même époque, la CECM
à Montréal - ça se sait très peu -avait des bons du
trésor en circulation et, petit à petit, dans le courant des
années soixante-dix, ce marché des bons du trésor de
certains organismes publics est à peu près complètement
disparu et c'est depuis quelques années que le gouvernement du
Québec a pris la place de ces organismes publics qui émettaient
des bons du trésor. On était à peu près
complètement disparu et ça avait laissé une espèce
de trou dans le marché. 200 000 000 $ ou 225 000 000 $ en 1965; il faut
bien se rendre compte qu'à notre époque c'est 450 000 000 $.
Alors, nous, nous n'avons pas l'impression, à l'heure actuelle,
d'occuper le marché de bons du trésor potentiels de façon
imprudente, au contraire; on y a été petit à petit,
tranquillement. Il reste certaines opérations qui seraient susceptibles
d'approfondir ce genre de marché, comme le développement d'un
marché secondaire un peu plus actif sur les bons du trésor, mais
il faut y mettre le temps; ça ne se fait pas en un an ou deux.
Mais mon impression, à l'heure actuelle est que,
premièrement, on ne taxe pas ce marché plus qu'il faut,
deuxièmement, on y va avec une certaine prudence, troisièmement,
qu'on pourrait en mettre davantaqe et pas mal davantage, mais que ça
pourrait n'être que temporaire à cause des circonstances
particulières du marché. Donc, il ne faut pas chercher à
occuper toute la place potentielle qu'il y a actuellement pour des raisons
possiblement très circonstantielles.
On me signale une chose que nous allons commencer; là aussi c'est
une sorte de test que je fais sur le marché. Il n'y a pas de bons du
trésor à six mois dans le secteur public québécois,
il y en a dans le secteur public fédéral. Là, nous allons
commencer à ouvrir un marché à six mois, là encore
pour le tester et voir ce qu'il y a comme demande sur notre marché
là-dessus.
M. Forget: C'est une décision ferme pour laquelle il y a
une date d'application de prévue?
M. Parizeau: La décision est prise, on commencera la
première émission... On pense que la première
émission pourra avoir lieu d'ici la fin du mois de juin.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Rosemont.
M. Paquette: Concernant la répartition des emprunts
gouvernementaux, est-ce que le ministre aurait à sa disposition les
chiffres concernant la provenance des emprunts, c'est-à-dire de sources
québécoises, Canada hors Québec, États-Unis...
M. Parizeau: Oui, j'ai la distribution de ces emprunts et nous
allons vous fournir ça.
On va prendre ça au 31 mars 1981, qui marque la fin d'une
année financière. Sur le marché canadien, en obligations
conventionnelles - ce qu'on veut dire par des obligations conventionnelles, ce
sont des obligations à terme plus long qu'un bon du trésor ou
qu'un emprunt temporaire en banque et qui n'est pas une obligation
d'épargne non plus. Cela va? Or, quand on parle d'une obligation
conventionnelle, c'est le genre d'obligations qu'on vend, d'ailleurs surtout
dans des institutions financières - il y en a pour 64% de toute la dette
du Québec, 7 600 000 000 $. J'arrondis les chiffres un peu.
M. Paquette: Sur le marché canadien?
M. Parizeau: Non, excusez-moi, pas sur le marché canadien,
payables en dollars canadiens. Il est bien possible qu'ensuite une compagnie
d'assurances revende les obligations en dollars canadiens à une
institution qui se trouverait à l'extérieur; ça, on ne
sait pas; mais elles sont payables en dollars canadiens.
Les obligations d'épargne, vous en avez pour 1 300 000 000 $,
c'est-à-dire 10% de la dette totale. Vous savez que, de toute
façon, ce sont des obligations en dollars canadiens, donc
représentant 74%.
Les bons du trésor et les emprunts temporaires, il y en avait
pour 390 000 000 $, c'est-à-dire 3%. Alors additionnez 64% plus 10% plus
3%, il y a donc 77% de la dette du Québec qui est placé en
dollars canadiens.
Payables en dollars américains, là, c'est la même
chose, ce fut émis aux États-Unis, à une époque ou
à une autre, mais ça ne veut pas dire que c'est encore
possédé aux États-Unis. Cela a bien pu être vendu
à une institution canadienne qui les détient. Mais c'est payable
en dollars américains, 18% de la dette.
(21 heures)
M. Paquette: Pour les trois catégories.
M. Parizeau: Pour tout, oui. Tout ce qui est payable en dollars
américains. Payable en yens japonais - on entre dans les exotiques - 2%,
266 000 000 $; en deutsche marks, 2%; en unités de compte
européen -on a commencé cela l'an dernier, c'est une curieuse
histoire, cela marche très bien d'ailleurs et on pourra y revenir, si on
veut - c'est la petite variante de l'exotique, 0,7%; et payable en francs
français, 0,3%. Vous me direz, payable en dollars américains - si
on reprend tout cela - cela fait 18%, cela semble contredire l'idée que
j'émettais un peu plus tôt dans l'après-midi que nous
n'allons pas souvent sur le marché américain; en fait, on n'y va
presque jamais. Seulement cela se concilie de la façon suivante. Il ne
faut pas oublier que les dollars américains maintenant s'empruntent sur
toute espèce de marché. On fait des emprunts en dollars
américains en Europe. On en fait en Asie. On a emprunté des
dollars américains au Japon. Évidemment, il faut seulement
ajuster cela pour tenir compte du fait que les emprunts payables en monnaie
américaine n'ont pas nécessairement été
contractés à New York. Ils sont contractés un peu partout
dans le monde.
Voilà. Est-ce que cela répond à votre question?
M. Paquette: Oui. Est-il possible d'obtenir des données,
dans la portion qui est payable en dollars canadiens, de la proportion qui
provient, qui est placée au Québec et qui est détenue par
des Québécois?
M. Parizeau: Non.
M. Paquette: C'est impossible. Parce qu'il y a trop de...
M. Parizeau: C'est indéterminable pour la raison suivante.
C'est qu'un très grand nombre de compagnies qui achètent ces
obligations d'institutions financières n'ont pas de situs particulier
quant à la détention des titres, à moins vraiment qu'on
prenne comme situs des obligations, le siège social. Mais même
cela n'aurait pas beaucoup de signification parce qu'une compagnie d'assurances
peut avoir son siège social à Toronto et acheter des obligations
du Québec parce qu'elle fait pas mal d'affaires au Québec. Ou
alors à l'inverse, nous avons un bon nombre de sociétés
américaines dont le siège social est aux États-Unis, qui
font beaucoup d'affaires au Canada et au Québec et qui, à cause
de cela, achètent nos obligations. Alors là, je ne saurais pas
très bien où les imputer. D'ailleurs, cela n'a pas de
signification profonde parce que l'endroit où ces titres seraient
gardés dans une voûte
n'a pas de signification particulière.
M. Paquette: Maintenant, en termes...
M. Parizeau: Même si, à l'occasion de campagnes
électorales, on utilise des Brink's pour les déplacer.
M. Paquette: ...d'évolution de la répartition des
emprunts, est-ce qu'il y a une certaine stabilité si on avait des
chiffres d'il y a quelques années? De quelle façon cela a-t-il
évolué?
M. Parizeau: En pratique, je pense qu'on peut dire ceci. Pour
l'essentiel, les obligations du gouvernement du Québec se vendent
maintenant au Québec. En somme, quand on achète des obligations
du gouvernement du Québec, quand des institutions financières
achètent des obligations du gouvernement du Québec, cela part de
leurs activités financières au Québec. On ne peut pas dire
que le marché des autres provinces canadiennes pour des compagnies qui
ne font pas affaires ici habituellement, est un marché très
substantiel. Cela veut dire que cela n'est pas fréquent ou cela n'est
pas très très fréquent ou, en tout cas, cela ne
représente pas un volume considérable de vendre des obligations
du gouvernement du Québec à une société
financière qui ferait affaires surtout dans l'Ouest du Canada, par
exemple. Cela n'est pas fréquent. L'essentiel maintenant se vend
à des institutions financières qui font affaires au Québec
même si leur siège social n'y est pas nécessairement. C'est
un fait qu'on voit se développer graduellement depuis, je pense, l'Union
Nationale, depuis Daniel Johnson. Cela s'est fait petit à petit. Il y a
eu, à certains moments, des tentatives pour réactiver des
marchés pour des obligations de Québec au Canada, tout à
fait en dehors du Québec, et ça n'a pas été
très loin.
Encore une fois, je tiens à la nuance suivante: Ceux qui
achètent nos obligations ne sont pas nécessairement des
compagnies qui ont leur siège social ici, mais elles font des affaires
ici, passablement.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Saint-Laurent.
Obligations d'épargne
M. Forget: Si nous passions maintenant aux obligations
d'épargne. Il y a une campagne qui bat son plein, celle de l'an dernier
a été un remarquable succès, au moins sur le plan des
entrées de fonds. Nous ne ferons pas de commentaires sur la
détermination du rendement, mais l'un est évidemment en relation
assez étroite avec l'autre.
M. Parizeau: Bien sûr.
M. Forget: Cette année, en cours de campagne, le
gouvernement a annoncé une majoration du taux d'intérêt
applicable à l'échéance la plus lointaine. Si c'est
possible de le dire sans grands dommages - je ne vois pas quels dommages
ça pourrait faire - quel est l'ordre de grandeur de l'entrée
brute et de l'entrée nette de fonds que le gouvernement s'assure par la
campagne actuellement en cours?
M. Parizeau: Si je l'avais annoncé dans le discours sur le
budget, je ne détesterais pas... Je ne veux pas avoir les mêmes
sommes que l'an dernier. Comprenons-nous bien. L'an dernier, on a fourni des
obligations d'épargne au gouvernement du Québec bien plus que le
client - c'est-à-dire moi - en demandait, à 14%. À 14%,
à ce moment-là, c'était un taux qui, surtout à la
fin ou au cours des derniers jours, était extrêmement favorable
parce qu'on a assisté à une espèce d'écrasement des
taux à court terme sur le marché. Donc, on en a eu tant et plus,
pour les fous et pour les sages; c'était quand même beaucoup parce
qu'en somme pour un gouvernement de province qui n'a pas de banque centrale,
c'est de l'eau dans la cave, les obligations d'épargne, c'est du capital
à demande et Dieu sait, de ce temps-ci, qu'on voit ce que le capital
à demande peut faire quand il "effervesce" un peu.
N'ayant pas de banque centrale, je ne tiens pas plus que ça
à accumuler des sommes énormes, mais on avait fixé un taux
et, comme chacun le sait, on ne peut pas baisser le taux en temps de campagne;
on peut l'augmenter, mais le baisser, non. Alors, on en a reçu beaucoup.
Il est ironique de penser que compte-tenu de l'augmentation des taux
d'intérêt depuis, cette énorme émission
d'obligations d'épargne du gouvernement passe maintenant, et à
juste titre, comme une excellente affaire. Il est évident qu'à
14% pour deux ans, je ne pourrais trouver cela où que ce soit; si je
cherchais à emprunter aujourd'hui 950 000 000 $ à 14%, je ne sais
pas exactement où je le trouverais. On ne pourrait même pas le
trouver dans ces fonds que la pègre nous offre de temps à autre,
comme à n'importe quel gouvernement, à des taux extraordinaires
parce qu'elle n'a pas réussi à le laver quelque part, leur fric,
parce qu'il ne sort jamais des sommes pareilles. Finalement, cela s'est
révélé être une très bonne affaire, mais il
reste que cette année il faut que j'aille en chercher plus que
normalement j'irais en chercher à cause de la grosse émission de
l'an dernier pour assurer les remboursements périodiques et puis,
néanmoins, beaucoup moins que l'an dernier.
II se passe exactement le phénomène inverse de ce qui
s'est passé l'an dernier. Les taux d'intérêt à court
terme ont augmenté assez rapidement en plein milieu de notre campagne.
Les dépôts à terme, en particulier, des institutions
financières ont augmenté d'un demi-point pendant que notre
campagne était lancée. C'est embêtant, c'est un peu idiot
parce qu'on sent très bien que la partie à long terme du
marché, les taux d'intérêt commencent à
fléchir et on sait qu'il est tout à fait possible que les taux
d'intérêt baissent à court terme dans quelques semaines.
Pour le moment, alors que nous vendons nos émissions, il reste que les
taux à court terme se sont élevés.
D'autre part, le gouvernement fédéral a
décidé d'augmenter sa propre émission à 16,25% pour
cinq mois; pour l'émission fédérale en cours depuis
plusieurs mois, c'est le deuxième relèvement. Il était
parti à 11,50% pour passer à 13,75% et 16,25%. Évidemment,
augmentant à 16,25% en plein milieu de notre émission
annoncée à 15,50%, cela nous laisse dans une situation un peu
bizarre. Comme leurs 16.25% ne s'appliquent qu'à cinq mois, comme ils
ont fermé leur émission le lendemain de l'annonce des 16.25%,
comme, d'autre part, cependant, les taux pour les dépôts à
terme dans les institutions financières ont augmenté de 0,5%,
j'ai fait une sorte de compromis de l'augmenter de 15.50% à 16% pour
essayer d'avoir quelque part autour de 300 000 000 $, 400 000 000 $. Si on
pouvait obtenir cela, ce serait bien. Si on ne l'obtient pas, ce n'est pas
dramatique. Si on obtient plus, ce n'est pas dramatique non plus. Mais enfin,
si on pouvait s'orienter de ce côté, cela ne me déplairait
pas, compte tenu de la taille de l'émission de l'an dernier.
M. Forget: Compte tenu des remboursements.
M. Parizeau: C'est cela. Quand je dis 300 000 000 $, 400 000 000
$, c'est brut. Je n'en demande pas tant que cela moi. Je n'aime pas beaucoup
les obligations d'épargne. Brut, cela me suffirait largement. Ah non,
net, pas 400 000 000 $ nets. 400 000 000 $ bruts, cela suffirait.
De quoi assurer les remboursements et ajouter un petit quelque chose,
mais enfin pas trop. Dans ce domaine, la modération.
M. Forget: En net, cela se traduit comment? Si l'objectif est
réalisé, en net, d'après les indications que vous avez
à l'heure actuelle, cela se traduit par combien?
M. Parizeau: Cela dépend. C'est toujours très
approximatif parce que cela dépend des encaissements qui auront lieu
compte tenu des taux d'intérêt sur le marché et Dieu sait
s'ils se balladent à l'heure actuelle. Moi j'irais chercher en net 150
000 000 $, je serais ravi.
M. Forget: Un dernier élément, M. le
Président. C'est l'utilisation de la ligne de crédit. Le ministre
nous avait dit tantôt qu'il aimerait bien nous en parler. Il s'est
réjoui du fonctionnement de cette ligne de crédit. Je voudrais
savoir quel recours effectivement on en a fait et d'une façon
générale, quel tableau d'ensemble se dégage de la
dernière année d'opération de cette facilité de
crédit.
M. Parizeau: Quelles sont les lignes de crédit bancaires?
Ah oui, il y en a plusieurs. Je vais faire sortir le tableau. Nous en avons
pour 855 000 000 $ - je donne les chiffres au 4 juin, donc, c'est tout de
suite. C'est le chiffre le plus récent qu'on puisse avoir -dont 300 000
000 $ US négociés par un syndicat dirigé par la Banque de
la Nouvelle-Ecosse, c'est-à-dire 355 000 000 $ canadiens, au taux de
change actuel. Je signale, soit dit en passant, que cet emprunt a
été le premier qui se soit vendu, signé et conclu en
langue française d'un bout à l'autre. Vous me direz, cela n'a pas
grand-chose avec les finances. Cela a marqué une date. Cela a
été signé au salon rouge pour célébrer
l'événement. Cela s'est vendu en 20 minutes pour ce qui a trait
au montant et en quelques jours pour ce qui a trait à la langue
française. Il faut toujours un commencement, quelque part.
Un groupe dirigé par J. P. Morgan, 400 000 000 $ et la Banque de
Commerce, 100 000 000 $. En date d'aujourd'hui, nous tirons et nous remboursons
sur ces lignes. C'est fait pour cela, d'ailleurs. Alors, en date d'aujourd'hui,
nous avons 100 000 000 $ de tirés et il y a donc 755 000 000 $ non
utilisés. Vous savez, M. le Président, ce sera toujours en un
certain sens la poire pour la soif. Ce qui équilibre l'ensemble de la
machine, c'est une marge de crédit comme celle-là.
Idéalement, il faut l'utiliser le moins souvent possible, mais quand on
en a besoin, c'est toujours commode de savoir que le petit écureuil a
ramassé son tas de noix quelque part. C'est le tas de noix de
l'écureuil.
M. Forget: C'est un bel écureuil.
M. Parizeau: Mais bien sûr. L'inflation joue sur les
écureuils comme sur tout le monde.
M. Forget: Est-ce que ce tirage de 100 000 000 $
représente le montant maximum qui, à un moment ou l'autre, depuis
l'inauguration de ces lignes de crédit, a été tiré
ou est-ce que cela a dépassé ce montant? (21 h 15)
M. Parizeau: Cela a dépassé, oh oui, bien
sûr. On dépasse et on va... L'important, c'est de toujours en
garder. C'est de l'utiliser, comme je le disais, le moins possible et le moins
longtemps possible. Compte tenu de la situation du marché obligataire
conventionnel, à un certain moment, on peut guand même prendre
guinze jours de plus pour faire une émission d'obligations en disant: Le
marché n'est pas particulièrement favorable. On va tirer sur la
ligne de crédit et on fait l'émission quinze jours plus tard
qu'on le prévoyait et on rembourse.
M. Forget: On a tiré jusqu'à combien à un
moment donné?
M. Parizeau: Plusieurs centaines de millions sur les 855 000 000
$, mais le montant exact, je ne sais pas. On va trouver cela. Comme c'est
quelque chose d'automatique et qui parfois n'est fait que pour quelques
jours...
M. Forget: Les tirages sont-ils faits au prorata ou...
M. Parizeau: Non, non, pas du tout.
M. Forget: Ils sont faits à l'un ou à l'autre des
sources.
M. Parizeau: Ah oui, pour une raison très simple. C'est
que la première ligne est calculée au LIBOR plus 3-8 et la
deuxième, par exemple, est au taux préférentiel. Bien
sûr, le LIBOR plus 3-8 à certains moments coûte moins cher
que le taux préférentiel ou le contraire, mais on n'est pas
lié à aller le chercher. Cela dépend du taux du jour.
M. Forget: Pendant qu'on cherche le chiffre du tirage maximum,
est-ce qu'on a également une évaluation du coût moyen,
pondéré, de l'ensemble de ces tirages? Je comprends qu'on nous
donne les taux, mais effectivement, en pratique, cela s'est traduit par combien
en termes de coûts de recours... Quel a été le coût
de ce recours, compte tenu à la fois des montants qu'on a
empruntés et du taux d'intérêt qu'il a fallu payer à
ces moments-là? Évidemment, tout dépend du profil...
M, Parizeau: Mais cela, M. le Président, il faudrait
faire... Je n'ai pas d'objection à faire faire les calculs, mais comme
ce sont des taux pondérés par jour et qu'il peut y avoir des
périodes de mois où c'est rien, donc, simplement le "stand-by
fee", et là, il faudrait faire la moyenne pondérée sur
toute la période depuis le début, parce qu'on peut emprunter
pendant quelque temps à un taux très élevé, rien
pendant trois mois, à un taux très bas pendant quelque temps
encore. Je ne m'oppose pas à ce qu'on fasse le calcul, mais il faudrait
nous donner le temps de le faire. Ce sont des moyennes de zéro pour des
jours. Moi, je n'ai pas d'objection. On peut demander aux gens du
ministère des Finances de faire les calculs et de les fournir à
M. le député de Saint-Laurent, bien sûr. Mais sur quelle
base on ferait cela, pour les jours où on a emprunté plutôt
que...
M. Forget: Oui, il me semble que oui, parce que...
M. Parizeau: ...par période, y compris les jours où
on n'a pas emprunté.
M. Forget: ...la moyenne pondérée y compris les
périodes où c'est zéro, ce n'est pas très...
M. Parizeau: II faudrait fournir le "stand-by fee"...
M. Forget: Oui, je pense.
M. Parizeau: ...parce que quand même, il n'y a jamais de
zéro qui ne coûte rien, n'est-ce pas.
M. Forget: C'est quoi, le "stand-by fee"?
M. Parizeau: Le "stand-by fee", c'est un quart de un pour
cent.
M. Forget: Sur le total de la marge.
M. Parizeau: Une ligne de crédit comme
celle-là...
M. French: On a...
M. Parizeau: ...ne nous est pas offerte pour notre bonne
mine.
M. French: Oui, oui. C'était ce que je demandais,
exactement combien c'était.
M. Parizeau: II faut réserver le fric. Le droit de
réserver le fric coûte un quart de un pour cent, par année.
On sortirait, si on fait le calcul tel qu'on vient de l'établir avec le
député de Saint-Laurent, on enlèverait les jours où
il n'y a rien eu d'emprunté et on enlèverait le "stand-by fee",
parce que autrement...
M. Forget: M. le Président... Oui, je vais laisser...
M. Parizeau: Oui, le maximum - je reviens à une question
qui m'était posée -sur les 855 000 000 $ des trois lignes de
crédit dont je viens de parler, le maximum atteint, à un moment
donné, a été de
500 000 000 $.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Bellechasse.
M. L.achance: M. le Président, le gouvernement du
Québec émet chaque année des centaines de milliers de
chèques, et c'est normal de par ses opérations. Il y a une
question que la population se pose et je me la pose moi aussi, personnellement.
Le ministre des Finances pourrait nous éclairer là-dessus. Pour
quelle raison, par exemple, le gouvernement n'émet-il jamais de
chèques à partir d'institutions financières
coopératives comme les caisses populaires?
M. Parizeau: C'est un problème que nous traînons
depuis fort longtemps. Il faut que des institutions comme celles-là
aient un système de compensation suffisamment efficace pour être
capable de fonctionner à l'échelle où nous opérons.
Il y a des tas d'opérations qu'on peut envisager avec les caisses
populaires sur le plan des services à rendre à la population, une
fois que leur structure financière aurait été
complétée, sauf qu'elle est en train de se compléter.
Je voudrais donner un exemple qui n'est peut-être pas tout
à fait celui que le député de Bellechasse soulève,
mais qui est très révélateur et qui, je pense, fera
comprendre le reste. Depuis des années, quand nous passons des emprunts
en Allemagne, nous avons, parmi les groupes qui souscrivent aux obligations du
gouvernement du Québec, des organismes coopératifs
d'épargne et de crédit au centre même de nos
opérations. Pourquoi? Parce qu'ils ont une chose que les caisses
populaires viennent seulement d'établir: une caisse centrale. La caisse
centrale, c'est une loi que nous avons adoptée il y a un an et demi,
quelque chose comme ça, et c'est en train de démarrer.
Il est évident que le jour où il y a une caisse centrale
des opérations avec des caisses populaires individuelles deviennent
possibles alors qu'elles ne l'étaient pas avant. Par exemple, nous
avons, en plus des lignes de crédit dont nous parlions tout à
l'heure, des marges d'emprunt dans chacune des banques à charte. On n'en
avait jamais eu dans le mouvement des caisses populaires. Le mouvement des
caisses populaires ne prêtait pas d'argent comme la Banque de
Montréal, la Banque nationale, la Banque royale, la Banque
Toronto-Dominion, la Banque mercantile, même. On a des marges de
crédit dans chacune de ces banques. Elles pouvaient nous prêter.
Les caisses populaires ne pouvaient pas nous prêter, elles n'avaient pas
de caisse centrale. Les caisses populaires sont inscrites comme mouvement
susceptible de prêter de l'argent au gouvernement du Québec
seulement depuis que la caisse centrale existe. Elles sont sur notre liste
depuis un an, en gros, c'est tout récent.
La façon de compenser les chèques à
l'intérieur du système des caisses populaires sera
déterminante quant à la façon pour nous d'utiliser leurs
services. Ce n'est pas qu'on ne veut pas, mais il faut collaborer avec elles
pour mettre sur pied ce genre de service. Il faut dire que, depuis trois ou
quatre ans, on a fait un bon bout de chemin, en particulier quant à la
caisse centrale. C'est quelque chose de majeur, de fantastique même,
comme pierre d'angle de tout l'édifice, mais seulement ça
commence. C'est créé depuis un an et demi et je pense que,
vraiment, il faut les considérer comme opérationnelles depuis
trois ou quatre mois.
M. Lachance: On peut penser que, d'ici quelque temps, les
contribuables du Québec pourront recevoir des chèques du
gouvernement tirés sur la caisse centrale Desjardins, par exemple?
M. Parizeau: Nous sommes en train d'établir des rapports
avec elle. D'ailleurs, une chose que j'ai oublié de mentionner et qui
est tout à fait exacte, c'est que même avant que la caisse
centrale ne démarre, on avait commencé à faire des accords
avec des fédérations, des unions régionales. On a toujours
cherché, depuis trois ou quatre ans, non pas à les suivre, mais
à ouvrir des possibilités, pour ces mouvements, d'entrer dans les
circuits financiers du gouvernement. On essaie de les attirer dans le
système; on les aide autant qu'on le peut, on fonctionne très
bien avec eux. Mais seulement il faut qu'ils nous poussent autant qu'on les
tire, et les organismes dont on parle, encore une fois, sont tout à fait
récents.
La caisse centrale a à peine commencé à balbutier
et elle est déjà entrée dans le syndicat financier du
gouvernement du Québec; elle y est entrée tout de suite,
dès qu'elle est apparue. Mais ne nous faisons pas d'illusions, avant que
la caisse centrale se soit fait un peu les muscles, il faudra attendre un an ou
deux. Même si elle ne peut pas encore être un élément
massif dans le syndicat financier de la province, on l'y a inscrite, elle est
là. Sur ce plan, il n'y a rien que le gouvernement actuel ne ferait pas
pour amener les caisses dans les circuits financiers traditionnels du
gouvernement du Québec. Il faut comprendre, évidemment, que
ça représente pour elles des transformations, à la fois de
la perception de leur rôle et de leur fonctionnement financier, qui sont
importantes, qui sont très exigeantes pour elles. Mais elles le font, et
elles le font bien.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: M. le Président, si on essaie
de tracer un tableau d'ensemble de tout ce que nous avons appris
relativement à la gestion de la dette du gouvernement, et si on observe
aussi, en dehors de ce qui a été discuté ici, les
tendances récentes, on se rend compte que, d'une part, comme on l'a vu
cet après-midi, du côté de la Caisse de dépôt
il y a des perspectives plutôt limitées de croissance des montants
à aller y chercher.
M. Parizeau: Sujet.
M. Forget: Sujet, bien sûr. Mais je crois que c'est
l'hypothèse la plus sûre dans l'immédiat, celle sur
laquelle on peut compter avec le plus de certitude. Du côté des
obligations d'épargne, le ministre a indiqué qu'il avait un
objectif somme toute assez limité: 150 000 000 $ pour la campagne
actuelle, de 1981. Du côté des bons du Trésor, il y a
également un potentiel important, mais dont on ne veut pas abuser dans
l'immédiat étant donné son caractère un peu
aléatoire. Il reste donc, comme soupape de sûreté sur le
plan du financement, les lignes de crédit, mais c'est un peu un
instrument de dernier recours. Cela, d'une part, qu'on ne voit pas très
bien, à moins que ne se découvre tout à coup une nouvelle
source de financement, quelles seraient les possibilités
d'accéder véritablement à un palier supérieur
à celui qu'on connaît déjà sur le plan du
financement?
D'autre part, si on regarde la composition de la dette nouvelle, on se
rend compte qu'il y a - et cela est normal à l'époque actuelle -
une dépendance de plus en plus marquée vers des instruments de
court terme. Là où il semble y avoir le problème le plus
aigu, étant donné le plafonnement probable, pour l'instant du
moins, de la Caisse de dépôt et même s'il y avait une hausse
de cotisations avec les demandes des municipalités, par exemple, qui
entreraient en concurrence avec celles du gouvernement, même dans cette
hypothèse, au niveau des titres à long terme, où la Caisse
de dépôt a joué un rôle clé depuis un certain
nombre d'années, et en particulier tout récemment en prenant
à peu près 80% de ce qui était offert, il ne semble pas y
avoir, du moins de façon très claire, de solution de rechange, on
semble être dans une situation où, effectivement, il faut y aller
très prudemment. À moins, bien sûr, de vouloir utiliser de
façon coutumière les marges de crédit pour un financement
à court terme et qui se renouvellerait d'année en année et
qu'on reporterait d'une année à l'autre à des coûts
présumément exorbitants.
J'aimerais demander au ministre s'il faut donner foi à des
rumeurs qui circulent depuis un certain nombre de semaines à savoir que
si, non du côté du gouvernement mais, en partie peut-être,
du côté de certains syndicats qui ont été
utilisés dans le passé pour négocier les choses les plus
exotiques, dont le ministre parlait, vis-à-vis le gouvernement du
Québec et vis-à-vis des emprunts mêmes
d'Hydro-Québec qui, évidemment, affectent de façon directe
le gouvernement, est-ce qu'il y a quelque chose de fondé dans le fait
que les bailleurs de fonds traditionnels sont peut-être un peu inquiets
et demandent à être rassurés?
Pour être plus précis, est-ce que le ministre des Finances
a l'intention ou s'est déjà livré à des
opérations de "fence mending" avec ses milieux financiers? Est-ce qu'il
en voit la nécessité? Est-ce qu'il projette des rencontres au
cours des prochaines semaines ou des prochains mois?
M. Parizeau: C'est toute une question, M. le Président. Je
vais demander l'indulqence pour parler assez longuement là-dessus parce
qu'on revient à des questions de stratégie de placement dont nous
parlions un peu plus tôt, avant 18 heures ce soir.
Établissons d'abord une distinction très nette entre le
gouvernement et Hydro-Québec. Ce sont deux choses complètement
distinctes sur le plan, justement, des stratégies de placement. On va
parler de l'un et, ensuite, on parlera de l'autre.
Pour le gouvernement de Québec, je pense que le
député de Saint-Laurent oublie simplement une chose majeure,
c'est que les marchés conventionnels, non seulement ça existe,
mais il y a beaucoup d'argent sur les marchés conventionnels, il y en a
autant qu'on en veut. (21 h 30)
On ne court pas après les prêteurs de fonds sur ces
marchés, il y a de l'argent et en quantité. Évidemment, de
temps à autre, il y a des réactions de mauvaise humeur. Quand le
Parti québécois est arrivé au pouvoir en 1976, cela n'a
pas eu sur les marchés financiers le même genre de
répercussion que l'arrivée du précédent
gouvernement. La plus forte commotion qu'on ait jamais vue sur les
marchés financiers du gouvernement du Québec a été
l'arrivée au pouvoir du gouvernement qui nous a
précédés. C'est curieux, c'est paradoxal, mais c'est comme
ça. Il s'est ouvert des écarts absolument faramineux entre les
obligations du gouvernement du Québec et celles de l'Ontario dès
la fin de 1969 et singulièrement, à partir de 1970,
c'était exubérant. Je n'ai jamais très bien compris
pourquoi, d'ailleurs.
Mais, enfin, nous avons connu cela aussi un peu. On arrivait comme
gouvernement, je dois dire, dans le complexe ou dans un firmament
nord-américain un peu exotique. Il est évident qu'il y a des
marchés financiers en Amérique du Nord qui, à cette
époque, je parle de fin 1976, début 1977, ont manifesté
une mauvaise humeur certaine. Alors, on a
emprunté pendant un certain temps loin de l'épicentre du
séisme, en Europe, en Angleterre, en Suisse, au Japon, partout où
on connaît les évolutions politiques avec un certain calme et
où on en a vu d'autres. Cela a très bien marché.
Lorsque ces marchés un peu agités d'Amérique du
Nord ont compris que leur seule mauvaise humeur leur faisait perdre des
commissions, ils sont revenus avec alacrité. Depuis ce temps, ça
va très bien. La confirmation du nouveau gouvernement au pouvoir fait
qu'on est certain, dans beaucoup de milieux, que le gouvernement actuel n'est
pas comme on le voyait un peu dans certains milieux en 1976, comme le veau
à cinq pattes ou la femme à barbe. Il est confirmé, donc
il est respectable. Cela va très bien, il n'y a pas de problème,
pas de difficultés particulières.
Est-ce que j'ai des réunions prévues? Bien sûr que
j'ai des réunions prévues à ce sujet. Tous les deux ans ou
deux ans et demi, je fais, dans ce genre de milieu, ce que j'appelle ma
tournée paroissiale. Il est toujours bon de rencontrer les gens, de
discuter, de faire le point. Alors, oui, effectivement, j'envisage de faire une
longue tournée paroissiale dès que nous aurons ajourné nos
travaux. C'est déjà prévu depuis un certain nombre de mois
et, encore une fois, c'est très bon. Il faut que les emprunteurs et les
prêteurs mangent ensemble de temps à autre. C'est un peu la
même question avec le président du Conseil du trésor, dont
on me parlait; je crois beaucoup dans les vertus des lunchs. Je fais cela
régulièrement, périodiquement, il faut le faire
périodiquement.
En ce qui a trait à Hydro-Québec, c'est autre chose. Le
gouvernement a décidé que ces 300 000 000 $ qui ont
été investis par les Québécois dans les compagnies
d'électricité, il y a maintenant 18 ans, il était temps
que cela rapporte un peu, compte tenu du fait que Hydro-Québec doit
faire quelque chose comme le quart de tous les profits de toutes les compagnies
productives au Québec. Ce sont des profits considérables. Pour 6
000 000 d'habitants, des profits de 800 000 000 $ par année, c'est
considérable, c'est énorme. Il faut bien se rendre compte de ce
que cela veut dire.
Alors, on a décidé que les sociétés
d'État, d'une façon générale, quand elles font de
l'argent... Elles commencent à faire de l'argent; pas toutes: SIDBEC,
ça n'a pas été aussi bien. Dans l'ensemble, elles
commencent à faire de l'argent. Donc, une politique de dividendes
s'établit. Une politique de dividendes applicable à
Hydro-Québec, évidemment, cela provoque des mouvements de
sourcils divers. L'important dans ce cas-là, c'est que les
prêteurs n'aient pas l'impression que le gouvernement s'en va faire une
razzia dans la caisse d'Hydro-
Québec. Il y a quand même des règles
civilisées d'opération, des garanties raisonnables. Deux de ces
garanties dont j'ai parlé dans le discours sur le budget - il y a un
projet de loi qui va être déposé incessamment à ce
sujet - sont les suivantes: il y a, d'une part, un coefficient qui couvre les
revenus après redevances par rapport aux intérêts
payés. Je simplifie un peu, mais à toutes fins utiles cela
assurera un coefficient de un.
D'autre part, on garantit une sorte d'autofinancement des
immobilisations d'Hydro-Québec à 0,25%, c'est-à-dire
à 1/4, qui doit représenter l'autofinancement du système.
Ces garanties que nous allons déposer sur la table sont tout à
fait remarquables si on les compare à celles qu'on retrouve dans les
autres compagnies d'Hydroélectricité ailleurs au Canada et
possédées par des gouvernements. Des garanties aussi fortes que
cela n'existent pas ailleurs. Hydro-Ontario, par exemple, qui, à cause
du rôle que l'Ontario occupe dans notre pays depuis déjà
passablement d'années, est une sorte de parangon de la sagesse
financière, quoi qu'il arrive et quoi qu'elle fasse, arrive à se
débrouiller et à vendre des obligations moins cher que celles
d'Hydro-Québec en ayant, par exemple, des pourcentages de couverture
d'intérêt, pas de 1,25%, pas de 1%, mais de 0,70% et elle s'en
tire. Tout le monde ne peut pas être un parangon. Beaucoup d'autres
sociétés d'hydroélectricité au Canada n'ont pas du
tout l'équivalent de ce que nous allons maintenant inscrire dans la loi
d'Hydro. Dans ce sens, on en arrive à une situation où,
finalement, le dividence payé par Hydro serait une sorte de
résidu. On assure une série de garanties financières et on
a un résidu qui est le dividende à payer. Il reste que c'est un
changement majeur dans nos habitudes. On avait pris depuis fort longtemps au
Québec l'habitude de considérer que tout ce qu'Hydro pouvait
faire comme argent restait dans Hydro et allait dans la construction de
barrages. On s'en allait vers une situation baroque qui fait que, dans quelques
années, Hydro autofinancerait ses constructions à pas loin de
60%, c'est-à-dire qu'on paierait "cash" les barrages. Payer "cash" les
barrages, il faut reconnaître que c'est un peu abusif. Dans ces
conditions, à partir d'un principe de vases communicants
élémentaire et compte tenu des garanties dont j'ai parlé
tout à l'heure, on veut utiliser une heureuse circulation de
façon que les barrages ne soient pas payés "cash". Il est normal,
quand un barrage est construit pour 75 ou 100 ans, qu'il se finance selon une
formule un peu moins autofinancée que cela pourrait-on dire.
Dire que cela ne crée pas de remous serait exagéré,
bien sûr. Chaque fois qu'on change quoi que ce soit, cela crée
toujours
un peu de remous. Moyennant quoi, parce que ce n'est pas
déraisonnable, parce que cela comporte des garanties financières
beaucoup plus solides que tout ce qu'on trouve ailleurs au Canada, cela n'a pas
de conséquences fondamentales. Il y a des gens qui parlent, il y a des
gens qui s'agitent. On en a une longue habitude. Je trouve extraordinaire de
penser, par exemple, qu'Hydro-Québec a émis un emprunt à
Londres il y a dix jours, pour trente ans, à "bullet", cela veut dire
sans fonds d'amortissement, à 15,5%. Cela démontre le calme
habituel, loin de l'épicentre du séisme.
M. Forget: Est-ce que la garantie essentielle que le gouvernement
donne dans le fond d'abord et avant tout à ces milieux qui
s'énervent, c'est l'engagement qu'il prend d'autoriser toute
tarification qui permettra effectivement à la fois de respecter ces
ratios et de verser des dividendes à un niveau quelconque qui pourrait
être déterminé de temps à autre selon la bonne
expression, par le gouvernement? Il est évident que, si j'avais à
prêter de l'argent à une entreprise dont les prix sont
déterminés par le gouvernement, qui, en plus, est un monopole
dans son secteur, et qu'on me disait quelles que soient les charges fiscales ou
quasi fiscales que l'on imposera à cette entreprise, que, de toute
façon, les revenus suivront, je serais tout à fait disposé
à me rassurer. De toute façon, ce qui fait le bonheur des uns
fait le malheur des autres. Ce qu'il serait intéressant de savoir, c'est
si, essentiellement... On a à peine besoin d'une confirmation.
L'hésitation qu'on a pu ressentir dans certains milieux financiers,
c'est qu'on ne savait pas les intentions du gouvernement relativement à
la tarification. Maintenant qu'on a été éclairé
là-dessus, on a toutes les raisons d'être rassurés,
effectivement; il n'y a rien de mystérieux là-dedans.
M. Parizeau: Je pense qu'effectivement le député de
Saint-Laurent, M. le Président, a parfaitement raison, les tarifs
d'Hydro-Québec ont toujours été déterminés
par arrêté en conseil. C'est dans la loi. C'est le gouvernement du
Québec qui établit les tarifs.
Nous sommes placés, sur le plan de la tarification, dans une
sorte de dilemme assez répandu dans le monde d'aujourd'hui et qui est le
suivant: si les prix du pétrole augmentent de 25% ou 30% par an - cette
année, ce sera pas loin de 30% au Canada -on peut difficilement dire,
pour éviter que les barrages se paient comptant et simplement pour
maintenir le niveau des profits d'Hydro-Québec à un niveau
raisonnable, qu'on va baisser les tarifs d'électricité ou bien
qu'on va les tenir constants pendant des années, alors que le prix du
substitut, c'est-à-dire du pétrole, augmente de 20%, 25% ou 30%
par an. Cela provoquerait des distorsions sans nom à la fois sur le plan
des particuliers et des entreprises, quant à la forme d'énergie
dont ils ont besoin.
D'autre part, il serait absurde comment voulez-vous convaincre des gens
d'économiser l'énergie, si c'est le seul prix qui n'augmente pas
ou, à plus forte raison, qui baisse? - ce serait le bout du monde qu'on
paierait des subventions aux gens pour dire: Faites isoler vos maisons, mais on
vous garantit que le prix de l'électricité dont vous vous servez
pour le chauffage, ce sera le seul prix qui n'augmentera pas. Le beurre va
augmenter, les oeufs vont augmenter, tout va augmenter, mais on vous garantit
que l'énergie n'augmentera pas et qu'on va payer les subventions pour
faire isoler vos maisons. Les gens diraient: Vous êtes tombé sur
le crâne. Ils auraient parfaitement raison. On ne peut pas
économiser de l'énergie si on rend un prix de moins en moins
élevé par rapport à tous les autres prix dans
l'échelle. Il faut donc trouver le moyen d'établir une
tarification qui, bien sûr, n'augmente pas le prix de
l'électricité autant que le pétrole. Il n'y a pas de
raison. Nous avons un avantage sur ce plan, il n'y a pas raison d'y renoncer.
Mais d'un autre côté, il ne faut pas, non plus, provoquer un
gaspillage des ressources dont on dispose. Cela coûte toujours cher
d'établir des barrages et plus on ira loin, plus cela coûtera cher
d'établir des barrages. On ne va pas gaspiller de l'argent simplement
parce qu'on maintiendrait un prix trop bas de ce côté. Il faut
donc avoir une tarification qui augmente nettement moins que le prix du
pétrole, mais, d'autre part, quand même pas à un niveau
trop différent du rythme général d'inflation.
C'est dans cette optique que les choses ont été
discutées. C'est ce qui fait, je pense, que beaucoup de gens
sérieux se sont dit, comprenant ce type d'argumentation: C'est vrai que,
dans ces conditions, il n'y a aucun problème pour Hydro-Québec
pour les années à venir et c'est probablement pour cela que,
quand on fait les tests du marché, comme l'émission que nous
avons faite récemment, ses obligations à trente ans se vendent
sans problème aucun. Bien sûr, dans ce sens-là, je suis
d'accord. J'ai été un peu long, mais je n'ai fait qu'expliciter
ce que disait le député de Saint-Laurent.
M. Forget: Merci, merci. M. le Président, il y a quand
même un certain nombre de choses étonnantes que vient de dire le
ministre des Finances. Il a commencé sa démonstration en nous
disant: Vous voyez, ces surplus. On fait des profits à
HydroQuébec, allons chercher ces profits par une distribution de
dividendes, mais la démonstration se termine en disant: Comme
on veut aller chercher de l'argent d'Hydro-Québec, il faudra bien
augmenter les tarifs pour produire les surplus dont on pensait, au début
du raisonnement, qu'ils existaient déjà. Ce que je veux dire - le
ministre des Finances le comprend très bien - c'est qu'effectivement ce
ne sont pas les profits qui sont là qu'on va aller chercher par la
distribution des dividendes; ce sont les profits qu'on va créer pour
Hydro-Québec en autorisant Hydro-Québec à majorer ses
tarifs suffisamment pour que tous les investisseurs soient convenablement
rassurés quant à la sécurité de leurs
investissements et qu'en plus, au-delà de cela qui est
déjà assuré, on aille chercher un surplus dont on va
s'emparer pour financer le gouvernement pour ses besoins
généraux, quoique là, il y a un ordre, on a inversé
la logique, on aurait d'abord dû nous dire: On veut adopter une politique
de tarification qui va produire sur la base de l'équivalent thermique ou
Dieu sait quoi, une parité avec le pétrole et le gaz naturel de
manière... Je n'ai pas besoin de répéter le raisonnement
auquel on vient d'assister. Cela, c'est la première orientation et,
parce qu'on fait cela, on va produire un surplus qu'il serait convenable
d'aller chercher, puisque, autrement, cela va produire un résultat comme
payer "cash" les investissements que fait Hydro-Québec. Mais notons bien
que les profits qu'on va prélever, ce ne sont pas les profits
d'aujourd'hui; ce sont les profits qu'on va y mettre, qu'on va produire pour
Hydro-Québec par une politique de tarification qui est logiquement
antérieure à tout ce qu'on veut faire au niveau des dividendes.
(21 h 45)
Dans cette mesure, ne nous illusionnons pas. Ce que l'on devrait dire
d'abord aux contribuables, c'est que nous avons décidé
d'augmenter les tarifs et, bien évidemment, cela va produire des surplus
dont on va s'emparer par la suite. Ce à quoi on va assister pour le
contribuable, ce n'est pas tout à coup à la
récupération d'un surplus qu'autrement on lui aurait nié,
dont autrement on l'aurait privé. Mais ce qu'on va lui retourner sous
une autre forme, c'est l'argent qu'on sera d'abord allé chercher dans
ses poches par une augmentation des tarifs. Que l'augmentation des tarifs
puisse être justifiée en vertu d'une philosophie ou d'une autre
sur l'affectation des ressources dans le domaine énergétique,
cela est un autre débat.
Mais il reste que l'impact principal des décisions, c'est qu'on
finance les dépenses du gouvernement via une augmentation des tarifs
d'Hydro. Que ce soit justifié ou non, encore une fois, sur un plan
philosophique, cela n'enlève rien à l'effet principal sur le
contribuable que ce que son gouvernement retire comme dividende, c'est autant
d'argent qu'il paie maintenant, plutôt que par sa formule d'impôt,
par son compte bimestriel d'électricité. Je pense que cela est
l'élément principal.
Qu'on ait rassuré, dans le processus, les milieux financiers,
tant mieux pour eux. Que ce soient les milieux financiers qui aient eu la
primeur des intentions du gouvernement là-dessus, cela m'étonne
un peu. Ce qu'on a d'abord annoncé aux contribuables, c'est qu'on allait
chercher un surplus. On a oublié de leur dire que le surplus, au moment
où on prenait la décision d'aller le chercher, il n'existait pas
encore mais qu'on allait prendre les mesures nécessaires pour qu'il se
produise un jour, de façon à ce que, quand on irait le chercher,
il soit effectivement là. Comme les deux décisions
dépendent du gouvernement, c'est une opération qui est assez
facile, en effet. Il s'agissait, comme l'oeuf de Christophe Colomb, d'y avoir
pensé pour le faire. Mais il reste que ce n'est pas tout à fait
aussi simple que d'aller chercher un surplus qui serait déjà
là. Le surplus n'est pas là, il est nécessaire pour le
financement actuel, pour honorer les ratios qui sont les ratios
traditionnellement observés par HydroQuébec. On veut y substituer
de nouveaux ratios, de nouveaux objectifs. Fort bien, mais encore faut-il voir
que c'est une nouvelle situation qui est d'abord et avant tout le fruit d'une
décision gouvernementale de majorer les tarifs
d'électricité. Cela, c'est la décision de base.
M. Parizeau: Autant j'étais d'accord tout à l'heure
avec ce que disait le député de Saint-Laurent, autant là
je ne suis plus d'accord du tout.
Sauf erreur, la discussion du programme d'investissement d'Hydro, de la
politique tarifaire, des substituts entre formes d'énergie a
été faite en commission parlementaire avant le discours sur le
budget, il y a une semaine ou quinze jours.
M. Forget: Et c'est très curieux ce qu'on y a dit aussi,
quand on l'examine à la lumière de ce qu'on trouve dans le budget
et de ce que vient de dire le ministre des Finances.
M. Parizeau: Encore une fois, l'un a précédé
l'autre. L'espèce d'ordonnancement logique dont parlait le
député de Saint-Laurent a été tout à fait
logique. On l'a suivi dans un ordre chronologique parfait.
Deuxièmement, ce n'est pas vrai qu'on va chercher des dividendes
futurs sur des revenus futurs. Cela commence dans l'année fiscale
1981-1982, et pour le plus clair de l'année fiscale 1981-1982,
l'augmentation de tarif est de 10,6%. Cette augmentation de tarif, quand est-ce
qu'elle a été décidée? Pas cette année. Il y
a trois ans. Il y a trois ans que cela a été
déterminé.
Donc, on ne dit pas: On vous annonce
des augmentations mirobolantes des prix de l'électricité,
à même cela on va faire des profits extraordinaires et avec cela
on va aller chercher un dividende. On dit: La situation actuelle est la
suivante: Hydro fait au-delà de 700 000 000 $ de profits. Nommez-moi une
compagnie de cette taille, où que ce soit, qui, faisant 700 000 000 $ de
profits et devant augmenter ses profits considérablement dans les trois
ou quatre prochaines années, même avec des augmentations
modérées et très modérées de prix, s'en va
vers beaucoup plus que cela en termes de profits et ne paie un sou de dividende
à ses actionnaires. Curieux!
Normalement, une compagnie qui fait des profits pareils et, encore une
fois, des profits pareils appuyés sur un marché de 6 000 000
d'habitants, c'est énorme. Qu'on traduise cela aux États-Unis
pour un marché de 240 000 000 d'habitants, on arriverait à une
des plus grandes sociétés du monde en termes de
profitabilité actuelle, pas à venir, pas rêvée,
maintenant. On dit: 6 000 000 d'habitants arrivent à se sortir, dans une
de leurs sociétés, 700 000 000 $ de profits nets. Dieu, que ce
serait bizarre de se payer un dividende! Il n'y a rien de bizarre
là-dedans, c'est dans l'ordre normal des choses. Les entreprises
fonctionnent comme cela. Donc, nous commençons une formule de paiement
de dividendes au cours d'une année, ou pour neuf mois sur douze,
c'est-à-dire jusqu'au 1er janvier prochain; le tarif a été
établi, il y a trois ans. On ne projette pas sur l'avenir d'aucune
espèce de façon. Là où il faut projeter sur
l'avenir, c'est en termes de quel genre de tarif il faut pour éviter de
gaspiller l'énergie. Encore une fois, ce débat a eu lieu, pas
après le discours sur le budget, pas pendant le discours sur le budget,
avant le discours sur le budget en commission parlementaire. Ce n'est pas
quelque chose que le gouvernement a cherché à cacher. D'ailleurs,
ce serait ridicule de cacher cela.
On n'a effectivement, à l'heure actuelle, qu'à avoir une
politique de prix énergétiques pour faire en sorte qu'on ne
gaspille pas l'énergie. Dans ce sens, l'espèce de contradiction
logique que voit le député de Saint-Laurent, je ne la vois pas du
tout.
Le Président (M. Desbiens); M. le député de
Rosemont.
M. Paquette: C'est sur le même sujet. M. Forget: Ce
ne sera pas long.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: Est-ce à dire que le ministre nous affirme que,
compte tenu des mesures qui se trouvent dans son budget de mars dernier, compte
tenu non seulement de cette politique relative aux dividendes que devra payer
Hydro-Québec, mais compte tenu également des autres
éléments et en particulier de la taxe sur la liste de paie, qui
est majorée et qui a une certaine implication pour une entreprise qui a
une quinzaine de milliers d'employés, il serait suffisant de maintenir
la tarification actuelle pour permettre de satisfaire à la fois les
préoccupations des investisseurs et les obligations nouvelles qui sont
ainsi créées à Hydro-Québec?
Je pense que la réponse à cette question, enfin cela
m'étonnerait beaucoup qu'elle soit dans l'affirmative, quoiqu'il faudra,
dans les meilleurs délais, envisager une révision des tarifs pour
faire face à ces modifications.
M. Parizeau: Si l'on prend les tarifs des trois dernières
années, je ne sais pas si le Conseil des ministres, car à la fin
de 1981, il a une décision à prendre, décidera
d'établir les tarifs pour trois ans ou pour deux ans ou pour un an.
Enfin, la dernière fois où nous avons pris une décision,
c'était pour trois ans. Donc, cela a été pour 1981, 1980
et 1979.
Les augmentations de tarifs, qui ont été établies
pour ces trois années, ne sont pas du tout incompatibles ou d'un ordre
absolument différent de ce qu'on peut imaginer comme étant
raisonnable ou réaliste pour les trois années qui viennent. S'il
y a un ajustement...
M. Forget: 70% sur trois ans.
M. Parizeau: Bien non, ce n'est pas 70% sur trois ans.
M. Forget: Cumulativement, c'est à peu près
cela.
M. Parizeau: Non, non. Une voix: 10%.
M. Parizeau: Cela a été plus que cela la
première année, cela a été - je parle vraiment de
mémoire - 13,6%, 13,3% et 10,6%. Aucune méthode
d'intérêts composés ne peut donner 70%. Je m'excuse, mais
les tables d'intérêts composés ne donnent pas cela.
M. Paquette: M. le Président.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Rosemont.
M. Paquette: ... je voudrais poser un peu la même question
d'une autre façon. C'est bien sûr que les préoccupations du
coût de l'énergie doivent entrer en ligne de
compte. Cela ne m'intéresse pas tellement de savoir lequel est
venu avant l'autre. Je trouve tout à fait justifié que les
profits d'Hydro-Québec servent maintenant à l'ensemble des
Québécois et puissent être intégrés dans le
budget du Québec. Ma préoccupation, c'est que le gouvernement du
Québec ait des ressources financières suffisantes pour jouer son
rôle de redistribution des richesses dans la société, enfin
toutes les responsabilités qu'un État comme le Québec doit
assumer. Et si une partie de ces ressources financières doivent venir
des profits d'Hydro-Québec dans laquelle les Québécois ont
tellement investi, tant mieux!
Ma question: Cette année, je pense, dans le budget, on est
allé tirer à peu près 700 000 000 $ à 800 000 000 $
des profits d'Hydro-Québec?
M. Parizeau: Le montant des profits d'Hydro-Québec est un
peu supérieur à ceci.
M. Paquette: Ah bon! Et ce qui sera utilisé dans les
revenus du gouvernement?
M. Parizeau: De l'ordre de 150 000 000$.
M. Paquette: 150 000 000 $ cette année. Compte tenu des
contraintes qui sont posées ou proposées dans le projet de loi
qui est devant l'Assemblée nationale et en supposant une augmentation
normale des tarifs qui serait inférieure ou autour du taux d'inflation,
quelle serait la marge prévisible de manoeuvre l'an prochain, en
supposant que le gouvernement veuille aller chercher tous les surplus
d'Hydro-Québec qui seraient disponibles? Je ne dis pas que le
gouvernement le fera, je ne vous demande pas de dire s'il le fera, mais quelles
seraient les possibilités, combien d'argent pourrait-on aller chercher
dans les surplus d'Hydro-Québec?
M. Parizeau: Pour l'an prochain, ce n'est pas un montant
très différent de celui de cette année, 1981-1982. Donc,
pour 1982-1983, c'est probablement d'un ordre similaire, d'après ce que
je peux voir. C'est vraiment au bout de trois ou quatre ans, la
quatrième année en particulier que là ça commence
à rapporter davantage. Cela pourrait être à ce moment
absolument déterminant sur le plan de nos marges de manoeuvre, dans
l'hypothèse où le gouvernement fédéral
confirmerait, indépendamment des discussions qui auront lieu, que les
réductions des paiements aux provinces qu'il a annoncées, il a
l'intention de les transformer en législation. Le problème majeur
peut se poser, pas tout de suite, mais au moment où le gouvernement
fédéral chercherait à récupérer ou à
atténuer une partie de son déficit, à même des
coupures radicales de fonds à l'égard de ces provinces qui
participent le plus aux programmes d'aide fédérale; là,
ça peut jouer un rôle.
À l'heure actuelle, par rapport à l'ensemble de nos
ressources, cette année ou l'année prochaine, ça va
être relativement marginal; quand je dis l'année prochaine, je
veux dire 1982-1983. Évidemment il faut faire une espèce de
projection quant aux revenus d'Hydro-Québec dans un an, mais,
d'après ce qu'on peut voir, ce n'est pas un montant d'une nature
très différente, c'est après ça que ça
monte. Et, remarquez, ça redescend, en dollars constants, lorsqu'il y a
une accélération des investissements d'Hydro-Québec -
c'est normal, d'ailleurs - passé 1985. Entre 1985 et 1991, les
investissements d'Hydro-Québec redémarrent - parce que là
ça va rester constant pour quelques années -très
rapidement et là le poids de ce dividende pour Hydro-Québec
baisse, ce qui est tout à fait loqique et tout à fait normal.
C'est-à-dire qu'il arriverait au bon moment pour le gouvernement et il
baisserait au bon moment pour Hydro-Québec. Ce n'est pas la quadrature
du cercle, mais pas loin!
M. Forget: M. le Président.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: ... en parlant de quadrature du cercle, on voit,
d'après la description que vient de donner le ministre de ce qu'il peut
attendre d'un tel prélèvement sur les surplus
d'Hydro-Québec, que ce ne sont pas tout à fait les surplus
actuels, mais ce sont bien les surplus futurs sur lesquels il mise. Donc, ce
n'est pas tout à fait différent, au contraire, ça
coïncide bien avec ce que nous disions nous-mêmes que c'est en
fonction des projections de revenus, donc en fonction des hypothèses
qu'on peut faire sur la tarification future d'Hydro-Québec. Le ministre
a dit: La tarification va augmenter à peu près dans la ligne de
ce qu'elle a augmenté dans le passé. Ce n'est pas de ce
côté-ci qu'il faut nous rappeler que la tarification
d'Hydro-Québec a passablement augmenté depuis quelques
années.
Il nous a cité des chiffres pour les trois dernières
années, mais il faut bien voir que ça, ça se situe
à la suite d'augmentations dans les deux années
précédentes également. Quand je parlais de 70%, je pense
que ce n'est pas un chiffre qui est faux, si on considère l'ensemble des
années qui sont étalées depuis 1976. Je pense que c'est un
ordre de grandeur en taux composés qui est supérieur aux quelque
25% ou 30% que nous mentionnions tout à l'heure.
Il y a donc une augmentation qui s'est déjà
opérée et qui est forte et on nous annonce que c'est seulement
dans la mesure
où cette augmentation se poursuit et même
s'accélère qu'on aura des revenus.
D'un côté, ça tend à confirmer que c'est
véritablement une forme de taxation déguisée; on va taxer
les gens en fonction de leur consommation d'électricité pour
assurer le financement des programmes généraux du gouvernement.
Je veux bien qu'on croie que c'est là la seule possibilité, mais
il demeure que c'est une forme d'imposition un peu régressive, c'est un
peu différent de la philosophie qui avait présidé, au
début, à l'acquisition par l'État du réseau
d'électricité. Enfin, je veux bien qu'on change de philosophie
pourvu qu'on l'admette. (22 heures)
D'autre part, puisque le ministre lui-même a fait allusion
à la commission parlementaire de l'automne dernier, c'est-à-dire
d'il y a quelgues mois, relativement au programme d'investissement
d'Hydro-Québec, je trouve un peu ironique qu'il parle d'une situation
où Hydro-Québec aurait tellement de fonds qu'elle pourrait payer
"cash" ses investissements puisqu'il me semble bien avoir entendu les
représentants d'Hydro-Québec nous dire qu'au contraire il y
aurait un goulot d'étranglement au cours des années quatre-vingt
qui les forcerait, je dis bien -ils ne le choisissaient pas - à ralentir
justement à partir de 1985 jusqu'à la fin des années
quatre-vingt dans leur programme d'investissement.
Une chose que, par exemple, la FTQ a déplorée parce
qu'elle dit que sur le plan humain, sur le plan des emplois qui sont ainsi
abolis après avoir été créés et qui seront
recréés quelques années plus tard, c'est une dislocation
considérable de tout un secteur industriel pour lequel la seule raison
semble être une difficulté qu'anticipe HydroQuébec de
financer un programme d'investissement qui serait plus stable, qui serait mieux
planifié, dans le fond, qui serait moins sujet à des variations
en moins et en plus et qui, probablement, à long terme, assurerait des
investissements à meilleur coût.
Alors, comment se fait-il que ce dont Hydro-Québec parlait il y a
quelques mois, qui était un goulot d'étranglement sur le plan
financier, devient maintenant une espèce de pléthore de
financement, une espèce d'indécence qui ferait
qu'Hydro-Québec pourrait payer "cash" ses investissements dans quelques
années? Est-ce qu'on s'est parlé pour nous tenir des propos comme
ceux-là? J'en doute. J'aimerais bien voir les projections qui permettent
d'affirmer qu'on paierait, d'ici quelques années, à 60% le
coût d'investissement des barrages à même les profits ou les
surplus réalisés dans l'année. Cela me paraît
difficile à croire, étant donné l'envergure des
investissements récents et prévisibles pour Hydro-Québec.
Est-ce qu'on est en face d'un goulot d'étranglement ou si on est en face
d'un surplus pléthorique de fonds qui fait qu'on serait un peu
déjà, sans le savoir, presque dans la situation de l'Alberta? On
aurait Hydro-Québec qui produit tellement d'argent qu'on ne sait
littéralement plus où le mettre. Il faut se trouver des
façons d'aller siphonner ce réservoir qui risque de
déborder à tous les instants. Mais ce n'est pas le tableau que
j'ai eu d'Hydro-Québec depuis quelque temps. Je pense qu'ils sont sur
les marchés financiers. Ils accrochent tout ce qu'ils peuvent accrocher.
Ils sont bien fiers de pouvoir emprunter d'avance parfois en disant: Ouf! On a
passé ce cap-là; au moins on va pouvoir respirer un peu et
maintenir notre programme de construction. Comment se fait-il que la situation
se transformerait si rapidement? Ce sont des nouvelles, ce sont de grandes
nouvelles.
M. Parizeau: M. le Président, avant que je réponde
à cette question, est-ce qu'on pourrait établir, de part et
d'autre, une sorte d'entente sur la façon dont on veut procéder
à l'égard de deux groupes? Je comprends que nous avons une
entente entre nous qu'on finirait vers minuit. C'est cela? Alors, j'ai avec
moi... On me dit que les gens de Loto-Québec étaient ici... On ne
désire pas...
M. Forget: On leur a expliqué que nous n'avions pas de
questions à leur poser.
M. Parizeau: Qu'ils pouvaient repartir. Quant au curateur public,
est-ce qu'il y a des questions? Lui aussi, c'est un problème de...
M. Forget: Le curateur public...
M. Parizeau: II n'y aurait pas de questions?
M. Forget: Non. Nous le saluons avec plaisir, mais nous n'aurons
pas de questions à lui poser.
M. Parizeau: Je pense, Me Lussier, que dans ces conditions on
pourrait peut-être vous libérer plutôt que de vous faire
attendre jusqu'à minuit.
Une voix: ...conditionnel.
M. Parizeau: Je m'excuse de cette interruption, mais c'est
seulement pour qu'on puisse...
M. Forget: On s'excuse. On aurait dû penser au curateur
public. D'ailleurs, au moment où le ministre parlait, tout à
l'heure, je l'ai aperçu du coin de l'oeil et j'ai dit: Mon Dieu,
celui-là, on l'a oublié!
Fort heureusement, votre ministre se souvient de vous.
Une voix: On est privé d'une belle discussion.
M. Parizeau: Merci, Me Lussier. Passons maintenant aux
commentaires sur les commentaires du député de Saint-Laurent.
Je vous avouerai que puisqu'il trouvait cela ironique, moi, je dois
avoir l'ironie un peu noire. Lorsque le gouvernement précédent
s'est engagé dans la Baie-James, une chose était claire,
évidente et soulignée de partout. Je me souviens, à cet
égard, il y a plusieurs années, d'un éditorial
particulièrement percutant du Wall Street Journal à ce sujet qui
disait: Ce n'est pas grave que ça coûte 8 000 000 000 $ au lieu de
4 000 000 000 $ comme prévu, ou 12 000 000 000 $ au lieu de 8 000 000
000 $, ou 16 000 000 000 $ au lieu de 12 000 000 000 $ parce que ce
qu'Hydro-Québec ne pourra pas aller chercher sur les marchés
financiers le gouvernement du Québec ira le chercher dans la poche des
consommateurs d'électricité. Donc, que ça coûte 8
000 000 000 $, 12 000 000 000 $ ou 16 000 000 000 $ ou 32 000 000 000 $, le
consommateur paiera. Effectivement, on a assisté à une vague
d'investissement considérable de la part d'Hydro-Québec, qui a
été financée, pour une bonne part, par des augmentations
de tarif même à l'époque où personne ne s'attendait
à ce que le prix du pétrole augmente aussi vite.
Il faut bien comprendre que les premières décisions qui
ont été prises avant nous, quant aux augmentations rapides du
prix de l'électricité, étaient causées par le
programme d'investissement d'Hydro-Québec. II n'était pas
question, à ce moment-là, de dire: Nous cherchons à
économiser de l'énergie, la crise arabe commençait
à peine, et le divorce entre les prix des diverses sources
d'électricité n'était jamais aussi apparent qu'il l'est
à notre époque.
Là, les investissements d'Hydro-Québec ralentissent non
pas à cause d'une planification, mais simplement à cause de
l'ordre des choses. Les barrages, le gros oeuvre sont terminés. Il reste
de la machinerie à entrer. En termes de montants à
dépenser, c'est moindre, c'est pas mal moindre. En fait, au moins pour
les trois, sinon les quatre prochaines années, le volume - si on
enlève l'effet de l'inflation - des investissements
d'Hydro-Québec, y compris la Société d'énergie de
la Baie-James, va baisser. Le volume des investissements d'Hydro-Québec
baisse. Il ne baisse pas, encore une fois, à cause d'une sorte de
dislocation avec des goulots d'étranglement qu'on envisage ou qu'on
n'envisage pas, cela vient simplement de l'ordre des choses. Après les
barrages vient la machinerie et la machinerie coûtant moins cher que le
gros oeuvre, forcément, le montant total des investissements baisse.
Cela a, d'ailleurs, un impact sur l'économie du Québec qui n'est
pas négligeable. Il faut quand même comprendre
qu'Hydro-Québec représente à peu près 25% de tous
les investissements productifs au Québec; c'est énorme, mais
c'est inévitable.
La prochaine phase d'immobilisation d'Hydro-Québec va se produire
entre 1985 et 1990. Et là, parce qu'il faudra donner un autre coup
analogue à celui qu'on a vu passer à l'occasion de la Baie-
James, il va y avoir une accélération extraordinairement rapide
des investissements et d'après les programmes que j'ai vus, cela se
situe davantage entre 1988 et 1990. En 1985, ça part, mais c'est
vraiment entre 1988 et 1990 qu'on arrive à des montants
d'investissements considérables. Il va y avoir une autre pointe. Bien
sûr, tout le monde aimerait que les investissements, de quelque chose
d'aussi lourd et d'aussi pesant dans notre économie
qu'Hydro-Québec, puissent s'égaliser d'année en
année, seulement, ce n'est pas faisable. On ne construit pas un
demi-barrage et trois turbines pour finir, trois ans plus tard, l'autre
moitié du barrage et trois autres turbines. On commence par le gros
oeuvre et, ensuite, on passe aux turbines. Donc, c'est cyclique, c'est
inévitable, ça vient par vagues. La prochaine vague sera dans
quatre ou cinq ans, on n'a pas le choix.
Quand bien même on dirait, à l'heure actuelle, on
accélère les travaux... Parfois, on voit comme cela des gens -
dont nos amis d'en face connaissent d'ailleurs un représentant
particulièrement autorisé - qui disent: Accélérez
les travaux. Mais accélérer les travaux, cela ne se fait pas
parce qu'avant le gros oeuvre il y a les plans et devis. Le temps que cela va
prendre pour aller dans d'autres rivières, pour les plans et devis,
ça ne se raccourcit pas beaucoup. Donc, il y a une phase de
préparation de plans et devis qui va durer deux ans, deux ans et demi,
trois ans, et quand bien même on "s'effervescerait" et on se tapait les
flancs en se disant qu'il faut accélérer, cela ne mettrait pas
une tonne de béton dans le champ tant que les plans ne seront pas finis.
Donc, il faut reconnaître que de 1981 à 1985 les immobilisations
d'Hydro-Québec vont plafonner et baisser en volume.
Qu'est-ce que cela veut dire? C'est là où on trouve, au
fond, l'expression du paradoxe apparent du député de
Saint-Laurent. Qu'est-ce qui se passe pendant ces trois ou quatre
années? On revient à la politique de tarification. Est-ce qu'on
peut annoncer, pendant ces trois ou quatre ans, que les tarifs ne bougeront
pas? Tout le reste augmenterait avec un taux d'inflation de 10%, 12%, 13% par
année, sauf les tarifs d'électricité au Québec qui
plafonneraient. C'est ridicule. Encore une fois, tout ce que cela
entraînerait, ce serait une consommation anormale
d'électricité et un
gaspillage de ressources, en ce sens que certains mouvements de
substitution iraient beaucoup trop loin.
Si, au contraire, on a une politigue de tarification qui se situe
guelgue part entre les substituts énergétiques comme le
pétrole ou le gaz et d'autre part, rien, pas d'augmentation du tout, ce
n'est pas déraisonnable, cela correspond, je pense, à une vue
parfaitement évidente du genre de politique énergétique
qu'on doit suivre, sauf que les profits d'Hydro-Québec aujourd'hui entre
700 000 000 $ et 800 000 000 $, qui, de toute façon, sans augmentation
de tarif ou avec des augmentations tout à fait mineures, augmenteraient
d'ici 1985, vont augmenter considérablement alors qu'Hydro-Québec
pendant cette phase-là n'en a pas fondamentalement besoin.
Là où elle aura besoin d'un autofinancement important, ce
sera quand ses investissements vont s'accélérer après 1985
et en particulier entre 1988 et 1990. Qu'est-ce qui arrive à notre
formule de dividendes pendant ces années où Hydro-Québec a
besoin de bien davantage d'argent? Justement, notre dividende, son poids
relatif sur les profits, va diminuer juste à ce moment-là. Je ne
revois rien d'anormal dans cela, rien d'antisocial et c'est exactement le genre
de choses, à mon sens, qu'il faut faire.
M. Forget: M. le Président, c'est loin d'être
convaincant, cette diatribe du ministre.
M. Parizeau: Une diatribe est contre quelqu'un, contre qui
c'était?
Une voix: Contre le consommateur.
M. Forget: La diatribe, dans ce cas-ci, est contre le
consommateur, effectivement. Essayer de nous faire croire que la programmation
des travaux d'Hydro-Québec, c'est le fruit de la
nécessité, qu'il n'y a aucune décision qui ait jamais
été prise relativement à la mise en route des projets,
à leur rythme d'exécution, que tout est décidé par
les ingénieurs qui construisent tantôt le barrage et qui,
l'année suivante, mettent les turbines dans le barrage, que cela, c'est
voulu par la Providence en quelque sorte et qu'il n'y a rien à y faire,
rien à y changer, c'est taxer un peu notre imagination. N'importe qui,
qui a deux sous de bon sens, ne peut pas ajouter foi à un tableau comme
celui-là. Il faut quand même respecter les limites du bon sens et
de la vraisemblance. Le projet de la Baie-James, ce n'est pas un barrage avec
de la place pour une turbine, et on ne peut évidemment pas mettre la
turbine avant que le barrage soit construit; cela, je suis capable de
comprendre cela...
M. Parizeau: Pas davantage!
M. Forget: ... mais, quand il y a une centaine de barrages dont
les uns sont pour la retenue des eaux et les autres pour la production
d'énergie électrique, où vous avez plusieurs unités
de production qu'on peut mettre en service à des rythmes
différents, où il y a plusieurs rivières qu'on peut
choisir endiguées ou pas endiguées selon une programmation qu'on
a établie pour d'autres raisons que des raisons de génie, qu'on
ne vienne pas nous dire que tout cela est décidé par Dieu quand
il a décidé du relief topographique du Nouveau-Québec et
que, dès qu'on y met les pieds, on est pris dans un engrenage
d'où on ne peut pas sortir.
Il y a des choix nombreux qui ont été pris, à la
fois par Hydro-Québec et par le gouvernement, pour étaler dans le
temps ses travaux, et, si les travaux, à un moment donné,
déclinent, c'est parce qu'on a bien voulu qu'ils déclinent ou
parce qu'on ne pouvait pas faire autrement, pas parce que les ingénieurs
ne voulaient pas ou n'étaient pas capables, mais parce qu'il y avait un
tas de considérations, y compris celles relatives au financement dont
Hydro-Québec a fait état elle-même quand elle a comparue en
commission parlementaire. Alors, qu'on ne vienne pas nous dire qu'il n'y avait
aucun choix, c'est la responsabilité de personne et qu'on va justement
chercher l'argent quand il y en a trop, par hasard, et que par hasard aussi,
quand il n'y en aura pas assez, on va arrêter d'aller en chercher. Tout
cela n'est pas voulu par la Providence, la main de l'homme est là de
façon très claire, et la main de l'homme en question elle est
probablement en face de nous.
M. le Président, je pense qu'on a assez exploré cette
question pour, peut-être dans l'heure et demie qui nous reste, aborder un
autre sujet. Quant à moi, je n'ai plus rien à ajouter de ce
côté-là.
M. Parizeau: Je devrais quand même, M. le Président,
dire quelques mots à ce sujet-là. La main de l'homme, j'imagine,
on la trouve dans, justement, ces scénarios de développement
présenté par Hydro-Québec en commission parlementaire
auxquels le député de Saint-Laurent faisait allusion. Alors,
voyons voir un peu. Les investissements prévus par Hydro-Québec
pour 1981 sont 2 800 000 000 $; pour 1985, quatre ans plus tard, c'est de 3 200
000 000 $. Cela fait 400 000 000 $ d'augmentation sauf qu'avec un rythme
d'inflation, mettons de 10% par année, c'est à peu près
50% d'augmentation dans les prix. Donc, si Hydro-Québec maintenait son
volume d'investissement constant, il ne serait pas à 3,2, mais à
4,2 l'investissement, ce qui veut donc dire que le volume des investissements
d'Hydro-Québec baisse de 25%.
(22 h 15)
Bon, moi, je veux bien que, découvrant cela, on se dise: il faut
s'agiter, cela n'a pas de bon sens, pas de dislocation. Il n'est pas trop tard
en ce sens que la baie James fournit une certaine quantité de courant.
On ne peut pas absorber plus de courant que le marché domestique ne peut
en prendre, plus nos contrats d'exportation aux États-Unis. Le reste,
c'est de l'eau qui coule à travers des turbines immobiles. On ne va tout
de même pas se taper un paquet de turbines immobiles simplement pour
éviter de la dislocation. Mais Hydro-Québec, compte tenu de la
projection qu'on a de la consommation de l'électricité, en arrive
de toute façon à avoir des surplus, on en exporte une partie aux
États-Unis et on ne sait pas quoi faire avec le reste. Je n'ai jamais vu
encore de pays qui se monte des turbines en disant: Je sais qu'elles ne feront
rien pendant des années, mais cela me plaît. Personne ne fait
ça.
Le financement, maintenant, ce problème majeur de financement
d'Hydro, apparent, que soulevait le député de Saint-Laurent; Le
financement externe d'Hydro pour ses investissements est prévu comme
étant de 2 200 000 000 $ en 1981, et, en 1985, de 2 034 000 000 $. Donc,
une réduction du montant du financement externe de 200 000 000 $. Si
vous tenez compte de mon petit calcul quant à l'inflation, le
financement externe aurait un volume constant, s'il se retrouvait à 3
300 000 000 $ en 1985. Mais ce ne sera pas 3 300 000 000 $, cela va être
2 000 000 000 $. En fait, c'est de 60% que baisse le financement externe
d'Hydro. Donc, des investissements en volume qui se réduisent, un
financement externe pour ces investissements qui tombe en chute libre et des
profits exubérants. La conclusion du gouvernement, c'est qu'il n'y a pas
de raison que les 300 000 000 $ qu'on avait investis en 1962 là-dedans
ne commencent pas à rapporter un peu. Quand, après 1985, la
situation changera, le dividende aussi automatiquement changera. Voilà,
M. le Président, ce que j'avais à dire.
Le Président (M. Desbiens): Programme 2,
élément 1, adopté?
M. Forget: Adopté.
Le Président (M. Desbiens): Programme 2,
élément 2, adopté?
M. Forget: Adopté.
Le Président (M. Desbiens): Programme 2, adopté.
Programme 3?
M. Forget: Adopté, M. le Président.
Le Président (M. Desbiens): Programme 3, adopté.
Programme 4, élément 1: fonds de suppléance?
M. Forget: La discussion a déjà eu lieu
là-dessus, M. le Président.
Le Président (M. Desbiens): Programme 4, adopté,
éléments 1 et 2?
M. Forget: Adopté.
Le Président (M. Desbiens): Programme 5, gestion interne
et soutien.
Renégociation des arrangements fiscaux
M. Forget: M. le Président, je pense qu'on procède
assez rapidement, mais j'ai une question. Je ne sais pas où
l'insérer dans le cadre de la ventilation par programme. Peut-être
qu'on a déjà, dans le fond, dépassé le moment
où on devrait l'insérer. J'aimerais donner l'occasion au ministre
des Finances de nous faire part de ses réflexions ou de ses
orientations, à ce moment-ci. D'ailleurs, il a indirectement, et
même assez directement, fait allusion à ce problème
déjà dans certaines de ses remarques sur la question des ententes
fiscales et de leur renégociation. C'est un sujet qui va être
abordé carrément au niveau ministériel à l'automne.
C'est, évidemment, un sujet sur lequel le ministre fédéral
des Finances a déjà fait entendre des grondements sourds et
même moins que sourds dans certains cas et il a clairement indiqué
son intention d'aller récupérer un certain nombre de millions qui
sont actuellement versés aux provinces parce qu'il a un problème
financier et que, j'imagine, il juge que cette renégociation des
ententes fiscales est une occasion aussi bonne qu'une autre de contribuer
à la solution de son problème à lui.
Cependant, il risque, en réglant son problème à
lui, d'en causer un tout aussi sérieux pour ses homologues des
différentes provinces et singulièrement du Québec. Ce sera
là une discussion qui se déroulera dans un contexte, bien
sûr, imprégné des déroulements de la discussion
constitutionnelle, donc, probablement pour la première fois depuis assez
longtemps, le renouvellement de ces ententes revêtira-t-il
peut-être un caractère un peu plus aigu que cela n'a
été le cas dans le passé où on se bornait, dans le
fond, à faire évoluer des formules de financement sans
modification très grande, quoiqu'il faut dire qu'en 1976-1977 la mise
sur pied de la formule des programmes établis a provoqué une
modification très sensible, mais, dans le fond, c'était la
poursuite, la continuation logique de ce qui se faisait depuis un très
grand nombre d'années. Cette fois-ci, on semble déceler une
intention nouvelle et
différente de la part du gouvernement fédéral. Cela
fait courir aux trésors provinciaux un risque appréciable. S'il
est possible de préciser un peu les orientations et les objectifs
à ce moment-ci, de quelle façon le gouvernement du Québec
ou au moins le ministre des Finances envisage-t-il d'aborder cette
négociation?
M. Parizeau: M. le Président, c'est un peu difficile de
répondre à cette question, parce que, dans une espèce de
phase préparatoire, il y a quand même un assez grand nombre de
réunions au niveau des fonctionnaires pour explorer à la fois la
signification exacte de certaines des intentions du gouvernement
fédéral et, d'autre part, examiner les possibilités de
modifications dans les formules existantes, dans leurs calculs, dans leurs
effets. Je pense qu'il faudra probablement encore un peu de temps dans le
courant de l'été pour qu'on ait suffisamment de pièces sur
la table pour y voir un peu plus clair. L'essentiel des négociations va
avoir lieu cet automne, puisque la loi fédérale des arrangements
fiscaux vient à échéance le 31 mars 1982 et la nouvelle
loi doit donc être votée avant. On peut donc s'imaginer que tout
cela va être discuté normalement entre la fête du travail et
Noël.
On comprend que le gouvernement fédéral a un
déficit difficilement supportable, parce que 14 000 000 000 $, cela l'a
gêné; cela fait trois ans que le gouvernement
fédéral est qêné dans l'aide qu'il voudrait apporter
au développement économique par l'ampleur de son déficit.
Dans un certain sens, cela le gèle dans son action, dans la
flexibilité qu'il pourrait apporter à ses politiques. Je
comprends cela, n'importe qui de raisonnable peut comprendre cela. Il n'en
reste pas moins que l'idée de chercher à réduire le
déficit en refoulant vers les provinces une partie de ce déficit,
c'est facile en un certain sens, et quand on parle d'arrangements fiscaux, ce
n'est pas vraiment une entente, ce n'est pas un arrangement, ce n'est pas une
convention collective qu'on signe. Le gouvernement fédéral nous
laisse parler jusqu'à ce qu'il décide d'arrêter les
discussions et il dit: Je prépare mon projet de loi et je vais le faire
adopter. Il faut bien s'entendre, le terme "arrangements fiscaux" est
très ambigu. Nous conversons agréablement ou moins
agréablement jusqu'à ce que le fédéral
décide que cela va faire.
Il n'en reste pas moins que, sur la même base, nous pourrions
montrer, nous, au Québec, une grosse réduction de notre
déficit seulement en n'ayant pas fait la réforme fiscale
municipale. Si on n'avait pas fait la réforme fiscale municipale, on
annoncerait un déficit de 2 500 000 000 $ cette année au lieu de
3 000 000 000 $, et à la rigueur, s'arrêter en aussi bon chemin?
On pourrait remettre des dépenses aux municipalités et ne pas
leur donner l'argent. Ces dépenses ne seraient pas imputées
à nos crédits et on dirait aux municipalités: Allez
emprunter à notre place, débrouillez-vous, faites ce que vous
voudrez, montez le taux de la taxe foncière, mais on vous rend des
champs de dépense. On ne vous donne pas l'argent. Vous aurez de plus
gros déficits et, si vous voulez avoir de plus petits déficits,
taxez-vous, mais, si vous voulez garder les déficits comme cela, allez
emprunter où vous voudrez. On aurait pu faire cela. Je pourrais avoir un
déficit largement réduit, jusque d'un tiers, seulement comme
cela, sans histoire. On n'a jamais voulu faire cela parce que je pense que
c'est irresponsable. Il va y avoir sur ce plan une discussion très dure,
je ne me fais aucune espèce d'illusion là-dessus.
Sur un deuxième plan, je pense qu'il est important de
réexaminer le fonctionnement de certaines formules d'arrangements
fiscaux, en particulier la formule de péréquation. Je suis
très frappé, au fond, par le caractère
d'automaticité qu'on a donné à la formule de
péréquation depuis un certain nombre d'années. Je le dis
d'autant plus volontiers que j'ai été associé très
étroitement, mis, en 1966 et en 1967, en face de cette formule qui est
restée substantiellement la même; II y a eu un certain nombre
d'ajustements, mais, l'automaticité même de la formule fait que
les provinces qui sont engagées dans des efforts de développement
économique - et Dieu sait maintenant qu'il y en a plusieurs que
plusieurs provinces se sont engagées dans cette voie - travaillent en
pratique pour réduire le déficit du gouvernement
fédéral. Plus vous essayez d'amener de ressources dans le
développement économique, de créer de l'emploi, c'est sans
doute important pour l'économie de la province en question, mais sur le
plan de son trésor, par rapport au trésor public
fédéral - j'ai essayé, d'ailleurs, d'en parler dans le
discours sur le budget à cet égard avec un petit tableau et je
pense que c'est assez révélateur - les efforts sont bien plus
rémunérateurs pour le trésor fédéral que
pour le trésor de la province. Il me semble qu'on peut imaginer des
changements à des formules un peu différentes qui rendent un peu
plus incitatif pour les provinces - pas incitatif indéfiniment, parce
qu'on fausserait le sens même de l'expression "péréquation"
- mais au moins incitatif sur une courte ou sur une moyenne période, le
financement des sommes affectées au développement
économique. Il y a des formules ici qu'on peut envisager et qu'il va
falloir tester avec le fédéral si tant est que ce genre de choses
l'intéresse.
Troisièmement, guant aux formules de financement des programmes
établis, je comprends très bien la démarche du
fédérai de 1976-1977. Oui? Ah, excusez-moi! Je comprends
très bien la formule de 1976-1977
qui consistait essentiellement à dire de la part du
fédéral: Nous voulons avoir des contributions aux programmes
établis de santé, de bien-être social, etc., qui ne nous
engagent pas dans n'importe quelles négociations de salaires ou
n'importe quelles augmentations de dépenses
décrétées par une province seulement et dont on serait
forcé de payer 50%. Ce que le fédéral a dit en 1976-1977 -
et je pense que c'était raisonnable - c'était: Si vous
décidez d'augmenter de 40% les salaires de vos enseignants et de vos
infirmières, faites-le, cela ne nous regarde pas, mais on ne veut pas en
payer la moitié. On va avoir des formules de subventions aux programmes
établis qui augmentent en fonction d'un certain rythme, mais pas
à n'importe quel rythme que vous déciderez vous-mêmes,
vous, chacune des provinces. Ce n'était pas déraisonnable, mais
là, il ne faut pas descendre beaucoup plus bas. À partir du
moment où la combinaison des formules actuelles de
péréquation et des formules des programmes établis nous
donne une progression des paiements fédéraux au Québec,
comme je le disais tout à l'heure, de l'ordre du tiers de l'inflation,
cela veut dire que le poids des paiements fédéraux au
Québec tombe en volume chaque année et là, ce que le
ministre des Finances nous annonce, c'est qu'il va aller plus loin que cela
encore. Cela ne tombe pas, en volume, suffisamment vite. Cela va être, je
pense, une bataille inévitable, mais encore une fois, sur deux plans:
celui essentiellement de la résistance à cette chute du poids
effectif des subventions fédérales dans le budget des provinces
et, d'autre part, la découverte, si l'on peut ou, en tout cas,
l'exploration de nouvelles formules qui seraient peut-être un peu plus
intéressantes, pas nécessairement plus coûteuses, mais un
peu plus intéressantes dans le fonctionnement particulier des formules
de péréquation. La deuxième opération est plus
intéressante que la première, mais la première
était inévitable et il est possible que sur le plan de l'opinion
publique, ce soit la première opération, c'est-à-dire
littéralement une bataille de rue, qui soit la plus spectaculaire. Dans
un certain sens, c'est dommage, parce qu'il y a des possibilités de
reprendre la formule de péréquation, de lui faire donner
davantage, mais cela impliquerait un climat relativement serein et je commence
à douter qu'on puisse l'avoir.
M. Forget: M. le Président, en général, je
ne suis pas en désaccord avec ce que vient de dire le ministre, sauf sur
un point et je n'y reviendrais pas si ce n'était pas la deuxième
fois qu'il le mentionne. Je pense qu'il y a des raisons réelles
d'envisager que la discussion sera dure et difficile l'automne prochain, mais
il me semble que le dossier est suffisamment sérieux pour qu'on le
débatte au mérite sans introduire un élément qui
m'apparaît à la limite un peu de l'ordre du sophisme, lorsque le
ministre dit: Les transferts qui nous viennent du fédéral
croissent à un rythme qui est du tiers de celui de l'inflation, je pense
qu'il fait un peu de casuistique parce qu'il adresse ses remarques
essentiellement à une partie, à ce que le fédéral,
du moins, considère comme étant une partie de ses transferts aux
provinces, les transferts en espèces. Dans le cadre des programmes
établis, cependant, il faut se souvenir qu'environ la moitié des
transferts prennent la forme d'un transfert de points d'impôt, d'un
transfert fiscal. (22 h 30)
Pour juger du taux de progression global de l'espèce d'enveloppe
financière qui a fait l'objet d'une entente entre les niveaux de
gouvernement, au moment où on a changé la formule de partage des
coûts pour la formule des programmes établis, il faut voir non
seulement la progression des montants en espèces, qui, effectivement,
n'est pas entièrement susceptible de varier totalement en fonction de
l'inflation, quoiqu'il y ait là-dessus des réserves à
formuler, mais il faut prendre l'ensemble du tableau. N'est-il pas vrai que, si
on prend l'ensemble du tableau, particulièrement l'utilisation qu'en
fait le Québec - je pense en particulier au transfert des points
d'impôt sur le revenu des particuliers - le fédéral calcule
sa perte, en quelque sorte, en termes des revenus qu'il aurait tirés de
ces points d'impôt, compte tenu qu'il indexait pleinement, dès le
départ, les exemptions personnelles et même les tables
d'impôt, mais qu'il transfère ses points d'impôt au
Québec qui, lui, en fait un usage encore plus rentable, si l'on peut
dire, au moins pour le trésor public puisque, pendant une partie des
années couvertes, et même jusqu'à maintenant, de
façon partielle du moins, l'indexation ne se faisait pas? Si l'on tient
compte de ces points d'impôt transférés, que l'on
considère le taux d'accroissement de ce qu'en a tiré le
trésor public du Québec et qu'on l'ajoute à
l'accroissement des transferts en espèces, l'affirmation qu'il a faite
n'est plus aussi exacte.
Quoi qu'il en soit, c'est un point de détail, mais je pense qu'il
est peut-être bon de ne pas se perdre dans une question d'importance
secondaire, de détail technique secondaire qui, essentiellement, n'a
rien à voir avec le fond du problème qui est le désir
d'Ottawa, indépendamment de cette question, non seulement de
réduire son taux de progression, mais de réduire même
l'assiette sur laquelle on doit calculer le taux de progression de ses
contributions à l'avenir. C'est donc quelque chose de beaucoup plus
sensible et de beaucoup plus important que, simplement des modifications
dans le taux de progression.
M. Parizeau: M. le Président, je ne disconviens pas un
instant que ies points d'impôt récupérés, si on peut
dire, d'Ottawa dans les années soixante, 1964 ou 1965, à
l'occasion de l'"opting out" d'un certain nombre de programmes, étant
incorporés dans notre base d'impôt sur le revenu au Québec,
doivent entrer dans le portrait complet des transferts. Mais il faut noter que
pendant plusieurs années les transferts financiers ont augmenté
à un rythme qui était voisin ou analogue soit au taux
d'inflation, soit même à mieux que cela. Donc, les transferts
financiers du gouvernement fédéral ont maintenu une sorte de
place constante dans le système, ce qui n'est plus le cas depuis trois
ou quatre ans. Non pas parce qu'il y a un sombre dessein - ce n'est pas une
conspiration pour faire baisser les transferts financiers - mais il reste que
des transferts financiers qui augmentaient à un certain rythme
augmentent maintenant à un rythme qui est la moitié ou en bas de
la moitié du pourcentage qu'on a connu pendant un certain nombre
d'années.
Si on veut rendre le portrait complet, cela se combine à un
certain nombre d'initiatives du gouvernement fédéral, depuis deux
ans, de ne plus contribuer à un certain nombre de programmes de
dépenses, en plus de tout ce qu'on vient de dire. Cela n'apparaît
pas, non plus, dans les transferts financiers. Le gouvernement
fédéral enlève ses contributions à un certain
nombre de programmes ou les réduit considérablement et nous dit:
Si vous voulez les continuer, allez-y, mais payez tout. Je pense à une
foule de choses qui vont tout aussi bien du resserrement de certaines normes
dans le cas de l'assurance-chômage, avec l'impact que cela a eu sur le
bien-être social, à la réduction de ses contributions aux
programmes d'inondation dans la région de Montréal, à
l'arrêt à peu près complet pendant un bon bout de temps de
sa contribution sur le renouvellement de la flotte de pêche. On pourrait
donner des exemples autant qu'on en veut.
On se souviendra qu'il y a un an et demi, peut-être deux ans, le
prédécesseur de l'actuel ministre des Finances à Ottawa
avait procédé ainsi à une série de coupures de
dépenses portant essentiellement sur les contributions aux provinces. Si
on veut prendre le portrait complet, je ne disconviens pas qu'il faut utiliser
les points d'impôt dont parlait le député de Saint-Laurent.
Il faut utiliser les transferts financiers tels qu'ils apparaissent dans nos
livres. Il faut ajouter, cependant, si on veut prendre le portrait complet, les
dépenses que nous devons porter à la place du
fédéral parce qu'il s'en est retiré.
J'oubliais un exemple assez significatif à cet égard et
qu'on a dû maintenir, celui-là, les COFI. Les COFI, on paie tout.
Jusqu'à il y a deux ans, le fédéral payait la
moitié pour les COFI ou 60%, je ne me souviens plus très bien.
Maintenant, c'est zéro. Nous, on avait le choix ou bien de fermer tous
les COFI ou bien de les payer au complet. Si on veut prendre le portrait
complet selon ces trois éléments - encore une fois, je reviens
sur ce que je disais tout à l'heure: les transferts financiers
proprement dits, le deuxième morceau de ces trois volets, augmentaient
à un certain rythme qui s'est réduit d'à peu près
la moitié depuis quelques années - forcément le poids est
inévitable.
On peut se rendre compte de l'ampleur de ce que cela représente
par les deux chiffres suivants: de 1972 à 1977, les transferts
financiers du gouvernement du Canada au Québec ont augmenté en
moyenne par année de 18,8%, donc, de près de 19%. De 1977
à 1981, ils ont augmenté de 8,2% et là, nous sommes en bas
de 5%. C'est-à-dire que, pendant cinq ou six ans, cela augmentait de
19%. Au cours des quatre dernières années, en moyenne, cela a
augmenté de 8% et là on est en bas de 5%. Là, le ministre
fédéral des Finances dit: C'est encore trop. Cela va être
un automne très chaud inévitablement. Encore une fois, ce que je
regrette un peu, c'est que dans la mesure où ça se fait dans un
climat extrêmement tendu, les aménagements, les modifications
intéressantes aux formules actuelles qui auraient pu être
discutées sérieusement risquent, évidemment, d'être
ratiboisées par l'atmosphère de hurlements généraux
qui vont se produire.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Bellechasse
L'usine d'eau lourde de LaPrade
M. Lachance: Un peu comme le député de
Saint-Laurent, je me demande si c'est le moment de poser la question, mais je
pense bien que c'est un peu en relation avec les sommes versées par le
fédéral au Québec. Depuis quelque temps, quelques mois ou
même quelques années, il y a 200 000 000 $ qui traînent dans
le décor à la suite de l'arrêt des travaux de l'usine d'eau
lourde de LaPrade. J'aimerais savoir de la part du ministre des Finances si le
dossier est toujours ouvert, s'il y a de l'évolution qui est
prévisible là-dedans ou bien si, au contraire, le Québec
doit se préparer à en faire son deuil. Également, est-ce
qu'il est pensable que cela puisse faire partie des discussions de
l'automne?
M. Parizeau: Sur le plan de l'état du dossier aujourd'hui,
ce sont d'autres collègues
que moi qui le font cheminer. Ce n'est pas un dossier fermé, mais
un dossier qui est très mal en point, en ce sens que, quand cela a
été fermé, c'était le deuxième plus qros
chantier au Québec après la Baie-James. C'était un
énorme investissement.
Effectivement, une sorte de compensation de 200 000 000 $ avait
été mentionnée par le gouvernement fédéral
utilisable surtout - pas exclusivement, semble-t-il, encore qu'il est difficile
de savoir ce qui s'est dit, ce qui a été confirmé - dans
des programmes d'énergie et en particulier d'énergies nouvelles.
Cela n'a pas marché du tout. Je n'ai eu aucun moyen jusqu'à
maintenant de faire débloquer ces sommes. C'est d'autant plus
embêtant que cela tombe à un moment où nous avons toute une
série d'expériences, assez coûteuses dans certains cas,
dans le domaine effectivement des nouvelles énergies. Par exemple, le
projet d'une usine de méthanol pour l'avenir du Québec et pour
longtemps est quelque chose de très important. Il faudrait, au fond,
être capable d'aller le plus vite possible pour savoir jusqu'où ce
procédé ou les procédés auxquels on pense à
l'heure actuelle sont utilisables, quel genre de coût de production
réel on obtient, comment cela se compare à d'autres coûts.
Vous voyez, c'est justement une des choses qu'il va probablement falloir faire
seul, parce que ce fonds de 200 000 000 $ était normalement disponible
dans l'esprit de la proposition du temps pour du financement de ce genre
d'activité. La société Nouveler -je confonds toujours, il
y a une troupe de ballet qui porte le même nom, mais ce n'est pas
ça - a toute une série d'expérimentations à faire
et il est évident qu'ils ne pourront pas avoir autant d'argent qu'il en
faudrait parce qu'une somme comme celle-là n'est pas disponible. Dans ce
sens-là, c'est terriblement gênant; c'est plus que gênant,
en un certain sens, ce n'est pas correct. Tous les pays, à l'heure
actuelle, cherchent à avoir des "pools" d'argent disponibles pour faire
des expériences dans le domaine des énergies nouvelles. C'est un
peu aberrant de penser que ce dossier des 200 000 000 $ qui, prioritairement,
auraient pu servir à cela, est encore dans les limbes. Bien sûr,
il va revenir à l'automne, on ne peut pas éviter de revenir
dessus.
Il y a des dossiers comme ça qui sont constamment ouverts avec le
fédéral, qu'on n'est pas certain d'être capable de faire
aboutir, mais qu'il ne faut pas lâcher. Le dossier le plus rigolo que
nous ayons à l'égard du fédéral - il est rigolo,
mais il vaut 60 000 000 $ ou 65 000 000 $ par année - c'est le chiffre
de la population des Québécois. Cela fait deux ans qu'on ne
s'entend pas sur le nombre de Québécois au Québec. Cela a
une implication directe dans le calcul du montant de la
péréquation. Selon une estimation, on aurait 65 000 000 $ de plus
que ce qu'on a. Le problème consiste à déterminer combien
il y a de Québécois au Québec; même
là-dessus, on ne s'entend pas. Je ne veux pas dire que je ferme le
dossier de la population, il y a un recensement qui s'en vient, le 3 juin, on
va peut-être finir par être capable de les compter. Il y avait
autrefois des techniques de recensement à la romaine, à
l'époque de Jésus-Christ, qui semblaient plus efficaces que les
nôtres. On n'arrive même pas à s'entendre sur le nombre de
Québécois. C'est quand même le bout du monde!
M. Lachance: Concernant le montant litigieux de 200 000 000 $,
est-ce qu'il y a déjà eu des documents écrits de la part
des autorités fédérales à ce sujet?
M. Parizeau: Écoutez, je pourrais faire sortir ce que nous
avons. Mon impression, c'est qu'il y a eu des déclarations, il y a eu
des échanges de lettres, mais, à ma connaissance, il n'y a
sûrement pas d'ententes signées. Je ne sais pas si je me trompe,
je ne pense pas, je n'ai jamais entendu parler d'ententes signées entre
les deux gouvernements. Ce qu'on pourrait peut-être faire cependant, si
cela intéresse le député de Bellechasse, c'est essayer de
trouver dans les dossiers le genre de pièces dont on dispose sur le plan
des échanges de lettres...
M. Paquette: À propos des 200 000 000 $, il n'y a
peut-être pas d'entente, mais auparavant, lorsque le projet d'usine d'eau
lourde avait été annoncé, en échange de quoi il
fallait bâtir une centrale... On avait autorisé, je pense, la
construction d'une deuxième centrale nucléaire?
M. Parizeau: Oui.
M. Paquette: À ce moment-là, est-ce qu'il n'y avait
pas eu une entente signée par le fédéral?
M. Parizeau: Oui, une entente avait été
signée pas par le gouvernement fédéral - je pense que
c'était Atomic Energy - mais par Atomic Energy et qui comportait
justement les conditions. C'était assez précis comme document,
d'ailleurs. Pour la construction d'une usine d'eau lourde, il faut construire
une centrale de plus. Il y avait des questions de livraison de vapeur, enfin,
il y a toute une série de conditions. C'était vraiment un
document d'entente, mais avec Atomic Energy.
Quand le projet d'usine d'eau lourde a été
arrêté par le gouvernement fédéral, je ne pense pas
me tromper en disant qu'il n'y a jamais eu d'entente signée entre les
deux gouvernements quant aux 200 000 000 $ de
remplacement. Il y a eu des déclarations, des échanges de
lettres, mais pas...
M. Paquette: II n'y a aucun recours juridique possible sur
l'entente signée par Atomic Energy?
M. Parizeau: Non. Je pense que, sur le plan des recours
juridiques, compte tenu de la façon dont le contrat a été
fait, ce n'est pas une chose qu'on gagnerait facilement devant une cour de
justice. On pourrait peut-être imaginer des poursuites en disant: On va
vous forcer à construire l'usine d'eau lourde, mais même sur ce
plan, j'en doute. (22 h 45)
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Westmount.
M. French: L'histoire du recensement m'a toujours chicoté
un peu. J'ai fait sortir les chiffres la semaine dernière, il
paraît, d'après Statistique Canada toujours, avec lequel on peut
être en désaccord, naturellement, que le taux de sous-estimation
des Québécois est d'environ 3%, 2,95% ou quelque chose comme
cela. La moyenne au Canada se situe autour de 2%. La Colombie britannique est
la plus grande perdante, d'après ces statistiques, à 3,13%
à peu près. C'est, en effet, le Québec et la Colombie
britannique qui sont les plus grands perdants. Je me demande pourquoi, du
côté du Québec - il y a un fait autour du recensement - on
n'a pas essayé avec tous nos budgets de communications - je ne veux pas
entrer dans un autre dossier controversé - de stimuler un petit peu les
Québécois à participer au recensement. Combien perd-on par
année? Cela doit être cela.
M. Parizeau: Quand vous dites que la Colombie britannique est
perdante, elle n'est pas perdante parce qu'elle ne reçoit pas de
péréquation.
M. French: D'accord. Je m'excuse, j'avais...
M. Parizeau: Je ne dis pas que ce n'est pas important pour la
Colombie britannique, mais c'est académique dans ce cas, cela n'a pas de
conséquences financières.
M. French: Cela m'a échappé de l'esprit totalement,
je m'excuse.
M. Parizeau: Notre problème est d'une nature juridique
jusqu'à un certain point. Si je dis des bêtises, on me corrigera
derrière. Si je comprends bien, la loi des arrangements fiscaux indique
que l'estimation de population est celui du statisticien du Canada. Or, le
statisticien du Canada en sort deux: celle du recensement et celle qui est
corrigée pour la sous-estimation. Laquelle des deux est la bonne? Je
pense qu'au fond l'ambiguïté au départ est venue de ce que
le chiffre du recensement était considéré comme
étant le bon et que ou bien Statistique Canada ne faisait pas de
sous-estimation de la population ou bien commençait à peine ses
travaux et qu'on ne les considérait pas comme étant
nécessairement très crédibles. Là, nous nous
trouvons après plusieurs années d'évolution du
système avec deux, selon l'interprétation de la loi, estimations
de la population du Québec par le même statisticien du Canada. Le
fédéral dit: Laquelle des deux me coûte moins cher?
Voilà, c'est celle-là que je choisis.
M. French: On n'a pas fait d'effort, par exemple, de notre
côté.
M. Parizeau: Pour?
M. French: Pour sensibiliser les individus à y participer
un peu plus. Finalement, il y a une certaine motivation. Les gens ne savent pas
si c'est le revenu ou si c'est...
M. Parizeau: Vous savez, établir le rapport qu'il y a
entre remplir la feuille de rencensement du fédéral et 100 000
000 $, ce n'est pas très direct et j'imagine que la sous-estimation ne
porte pas nécessairement sur la partie de la population qui est la plus
intéressée par ces discussions politiques. À un moment
donné, cela devient un petit peu illusoire.
M. French: Je ne voulais pas, bien sûr, essayer de
convaincre les Québécois des subtilités des formules de
péréquation, pas du tout...
M. Parizeau: Cela vous serait difficile.
M. French: ... mais plutôt les motiver, en tant
qu'individus, à se faire recenser. En tout cas, il y en a un qui a
été fait...
M. Parizeau: Je ne dis pas non. Je ne dis pas que c'est une
mauvaise idée, au contraire, mais seulement, je vous demande un peu
comment on pourrait procéder pour rejoindre ceux qui ne participent
pas.
M. French: C'est un marché qui est difficile à
atteindre!
M. Parizeau: C'est cela. C'est le problème. Ce doit
être une catégorie de population assez spéciale, ces
gens.
M. French: Assez spéciale, d'accord, sûrement. Pour
toucher un autre contentieux fédéral-provincial, la GRC et le
manque de rémunération ou le manque de compensation dans le
dossier policier qu'on partage avec
l'Ontario, est-ce que cela continue toujours, est-ce qu'il y a du
progrès? Est-ce que c'est à peu près aussi mort que
l'usine d'eau lourde?
M. Parizeau: Non, il y a un développement important dans
ce dossier. Inutile de vous dire que le gouvernement fédéral,
comme l'Ontario d'ailleurs, nous dit, avec une régularité de
métronome depuis je ne sais pas combien d'années, d'aller nous
faire cuire une douzaine d'oeufs durs.
M. French: Le gouvernement de l'Ontario, est-il aussi
motivé que le Québec là-dedans?
M. Parizeau: Ah! certainement, c'est plus cyclique chez eux. Cela
vient par vague.
M. French: Oui.
M. Parizeau: Chez nous, tous les gouvernements, les uns
après les autres, reviennent toujours à la charge. Chez eux, cela
va et cela vient. Mais ils arrivent, en termes de décibels, à
certaines époques, à être presque aussi forts que nous.
Il y a un développement intéressant là-dedans qui
est le suivant: c'est que la police de la CUM commence à
représenter pour les villes de la CUM une charge financière
très élevée et, avec une certaine justification, on dit au
gouvernement: Une partie de ces dépenses de police à
Montréal relève d'une police judiciaire davantage que de la
maréchaussée, comme on le disait autrefois. Les dépenses
de police judiciaire devraient être à la charge de l'État.
Ce n'est pas aberrant comme raisonnement et c'est vrai que cela soulagerait la
CUM d'une partie assez importante de ses dépenses de police. J'ai
essayé de m'en faire des alliés. Je lui réglerai cela
quand elle m'aura donné un coup de main pour régler l'affaire
avec Ottawa. Je ne veux pas être pris en sandwich entre les deux ordres
de gouvernement. Je ne veux pas, d'une part, avec les taxes des
Québécois, payer toute la Sûreté du Québec
sans contribution d'Ottawa et, d'autre part, payer une partie de la police de
la CUM. Ce qu'il y a d'intéressant, c'est de voir quand même un
certain nombre de maires, de conseillers municipaux de la région de la
CUM travailler d'autant plus fort avec le gouvernement pour essayer de faire
débloquer la chose à Ottawa qu'ils savent qu'il y a un
intérêt financier direct pour eux, "money talks". Le
développement principal qu'il y a dans ce dossier à l'heure
actuelle, c'est que nous avons des alliés à la CUM qu'on n'avait
pas il y a encore très peu de temps. Néanmoins, la position du
fédéral sur le fond n'a toujours pas changé, c'est d'aller
nous faire cuire une douzaine d'oeufs.
Le Président (M. Desbiens): Le programme 5 est-il
adopté?
M. Forget: M. le Président, j'aurais une dernière
question, quant à moi. Je pense que peut-être, quant à
notre côté, ce sera la dernière chose. C'est une question
peut-être un peu plus philosophique, non pas vraiment philosophique.
Malgré tout, on constate, dans l'étude des documents
budqétaires et en général d'après les
réponses qui nous sont données, que la planification
financière du gouvernement semble porter presque exclusivement sur
l'année en cours, au maximum, quand on approche de la fin de
l'année, sur l'année qui vient. Il semble assez difficile de
dégager, du moins dans les textes qui nous sont accessibles, une
projection à moyen terme où on s'en va, sur le plan des revenus,
sur le plan des dépenses publiques et quel est le tableau, sur trois ou
cinq ans, des finances publiques du Québec. Il est très difficile
d'évaluer correctement une année en particulier sans la situer
dans un contexte un peu plus long. Il y a beaucoup de décisions qui,
même si elles étaient prises avec la dernière des vigueurs
aujourd'hui même, n'auraient pratiquement aucun impact sur le budget
1981-1982. À ce moment-là, si tout ce qui nous intéresse,
c'est le court terme, bien sûr, ces décisions, on ne les
considère même pas puisqu'elles ne peuvent pas aider dans le court
terme.
Cependant, si on se préoccupe d'un horizon un peu plus lointain,
il y a un tas d'options qui deviennent pertinentes. Y a-t-il des efforts qui
sont faits au ministère des Finances pour peut-être fournir,
à l'occasion du prochain budget, parce que cela pourrait être un
cadre approprié, ou autrement, une perspective un peu plus large, dans
les temps des orientations du gouvernement et du genre de situation à
laquelle il faut s'attendre?
M. Parizeau: M. le Président, je pense qu'on est tout
à fait à redevable, comme tous les gouvernements au Canada
d'ailleurs, à l'effort qui a été fait par M. Crosbie
à l'occasion de son budget - d'autre part, il a peut-être fait
rire de lui pour d'autres raisons - d'avoir été, je crois, le
premier à introduire cette dimension d'une projection de trois ans
d'avance des recettes, des dépenses, des besoins financiers nets,
etc.
C'était la première fois que cela se faisait
officiellement - je reviendrai tout à l'heure sur l'interne -
publiquement, dans un document budgétaire. On n'en a pas trop ri par la
suite. Seulement parce que le gouvernement conservateur a été
battu, l'histoire du 0,18 $ a occupé tout le terrain, mais il reste
qu'il y avait des erreurs, on le voit maintenant. Ce n'étaient pas des
erreurs. Mais les choses ont tellement changé que ces chiffres ont l'air
un peu ridicules actuellement.
Ils sont ridicules non pas à l'égard de l'intention et ils
ne sont pas ridicules à cause de la façon dont ils ont
été fabriqués. Ils sont ridicules parce que les taux
d'intérêt ont tellement monté, parce que le prix du
pétrole a augmenté, parce que les subventions aux consommateurs
de pétrole ont été forcément beaucoup
modifiées.
Un document comme celui-là est à la fois très
courageux, mais comporte des possibilités littéralement de faire
rire de soi au bout de deux ans, les circonstances ayant tellement
changé - et je ne parle pas ici de la qualité du travail de
projection mécanique, mais simplement parce que le monde a changé
dans l'intervalle - que cela nous place tous devant une situation qui est
très difficile. Bien sûr, à l'interne, on fait ce genre de
production. Il est clair qu'au ministère des Finances, ici, depuis un an
à peu près, c'est une préoccupation constante qu'on voit
apparaître dans des tas de documents internes sur lesquels nous
travaillons.
La vie d'un ministre des Finances est déjà en
elle-même aléatoire. Le renouvellement du personnel politique dans
ce genre de poste est absolument prodigieux. Quand je pense que je suis
maintenant, depuis un an et demi, le doyen de tous les ministres des Finances
du Canada, cela m'effraie quand même un peu. Cela roule très vite.
Il faut s'habituer, quand on est ministre des Finances, à vivre
dangereusement.
Mais mettre des projections à deux ou trois ans, publiques, dans
un discours sur le budqet, c'est littéralement parler de corde dans la
maison du pendu. C'est faire exprès.
Il va bien falloir un jour faire cela, avec toutes les
précautions d'usage. Et j'imagine que les premiers qui le feront, de
toute façon, feront rire d'eux. Mais c'est vrai que cela
améliorerait la qualité du débat public,
considérablement, si on pouvait avoir une idée à l'avance
des perspectives... Des perspectives d'un an de plus seraient
déjà énormes. Ce serait déjà beaucoup, pour
améliorer la qualité du débat. Mais encore une fois, dans
un monde aussi changeant que celui que nous connaissons, c'est un
véritable appel au suicide. Mais c'est vrai que cela améliorerait
considérablement la qualité du débat et c'est vrai que,
d'autre part, à l'interne, il faut le faire.
J'admets qu'on ne l'a peut-être pas toujours fait au
Québec, pas moi plus que les autres d'ailleurs, pendant plusieurs
années. Cela a été une assez longue habitude de ne pas
faire ce type de projection. Je suis assez content maintenant qu'on s'oriente
vers cette voie-là et qu'on ait de plus en plus de documents qui ont une
perspective un peu plus longue qu'une année de cadre budgétaire.
Mais pour le moment, cela reste à l'interne.
M. Forget: Est-ce que, de ces propos, on peut déduire
qu'on se dirige vers quelque chose qui soit plus qu'interne, pour le prochain
budget, par exemple?
M. Parizeau: Je ne sais pas si j'aurai le courage de faire cela,
ou suffisamment d'assurance dans les chiffres que j'aurais devant moi, ou
suffisamment d'assurance dans le monde extérieur. On m'en demande
beaucoup. Mais je ne nie pas que cela améliorerait nettement la
qualité du débat.
Entendons-nous. Oui, cela améliorerait nettement la
qualité du débat sérieux. Cela pourrait donner lieu
à toutes espèces d'autres débats aussi loufoques les uns
que les autres.
M. Forget: Alors le ministre est en faveur de la vertu, mais
n'est pas sûr d'être vertueux à ce point-là, du
moins, pas dans un avenir prévisible?
M. Parizeau: J'ai toujours pensé que la vertu, comme bien
d'autres choses, est quelque chose d'un peu relatif. Il ne faut pas abuser des
bonnes choses.
Mais on ne sait pas. Peut-être qu'un jour, il faudra prendre le
risque.
M. Forget: M. le Président, nous n'avons plus d'autres
questions. Les crédits restants, quant à nous, sont
approuvés.
Le Président (M. Desbiens): Programme 5, adopté.
Programme 6, adopté. Les crédits du ministère des Finances
et des Comptes publics sont-ils adoptés?
M. Forget: Adopté. Des voix: Adopté.
Le Président (M. Desbiens): Adopté.
Je demanderais au rapporteur officiel de faire son rapport à
l'Assemblée nationale dans les plus brefs délais. Avez-vous
l'intention d'ajouter autre chose?
M. Parizeau: II nous reste à vous remercier, M. le
Président.
Le Président (M. Desbiens): J'ajourne sine die les travaux
de cette commission en remerciant tous les participants.
(Fin de la séance à 23 h 02)