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Version finale

32nd Legislature, 3rd Session
(November 9, 1981 au March 10, 1983)

Thursday, June 17, 1982 - Vol. 26 N° 165

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude du projet de loi no 70 - Loi concernant la rémunération dans le secteur public


Journal des débats

 

(Douze heures cinq minutes)

Le Président (M. Bordeleau): La commission des finances et des comptes publics reprend son étude article par article du projet de loi no 70, Loi concernant la rémunération dans le secteur public.

Les membres de la commission, ce matin, sont: MM. Blais (Terrebonne), Bourbeau (Laporte) remplacé par Rocheleau (Hull)...

M. Blais: Vous n'êtes pas sérieux!

Le Président (M. Bordeleau): S'il vous plaît! MM. de Belleval (Charlesbourg), Forget (Saint-Laurent) qui n'a plus raison d'être là, mais qu'on pourrait remplacer par M. Ryan...

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): M. Ryan est là, il n'y a pas de problème.

Le Président (M. Bordeleau): II est déjà intervenant.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Moi, je ne le suis pas, cependant.

Le Président (M. Bordeleau): Non, vous n'y êtes pas. Alors, Forget (Saint-Laurent) remplacé par Johnson (Vaudreuil-Soulanges)...

M. Ryan: M. Polak est-il inscrit?

M. Grégoire: Question de règlement. Comment pouvez-vous remplacer par un autre quelqu'un qui n'existe même plus comme député?

M. de Belleval: II est encore inscrit sur l'ordre sessionnel parce qu'on est toujours dans la même session.

Le Président (M. Bordeleau): Oui, ça ne change rien, parce que l'Opposition a droit à quatre membres sur la commission et que ce soit le nom de M. Forget...

M. Grégoire: Oui, mais alors vous ne remplacez pas M. Forget par M. Johnson, M. Forget n'est plus sur la commission, il n'est plus député. Alors vous ne pouvez pas le remplacer par un autre.

M. de Belleval: II est inscrit sur l'ordre sessionnel, c'est la même session.

Le Président (M. Bordeleau): Oui, mais c'est le poste qu'on remplace, ce n'est pas la personne.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): II y a eu conférence des leaders à ce sujet, mais cela n'a manifestement pas été transmis jusqu'au service d'impression.

M. Grégoire: Ce serait bon de demander au Parti libéral de faire parvenir ses changements le plus vite possible.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): On l'a fait.

M. de Belleval: De toute façon, on a commencé les préliminaires.

Le Président (M. Bordeleau): À l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Frontenac, cela va.

M. Ryan: II y a longtemps que cela a été fait.

Le Président (M. Bordeleau): Je continue donc, si je ne suis pas encore interrompu! MM. French (Westmount), Gagnon (Champlain), Grégoire (Frontenac), Guay (Taschereau) remplacé par Lachance (Bellechasse), Lincoln (Nelligan) remplacé par Polak (Sainte-Anne), Paquette (Rosemont), Parizeau (L'Assomption) remplacé par Bérubé (Matane).

Les intervenants sont: MM. Assad (Papineau), Fallu (Groulx), Mme Lachapelle (Dorion), MM. Lafrenière (Ungava), Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), Pagé (Portneuf)...

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): M. Sirros est-il inscrit?

Le Président (M. Bordeleau): Non, on pourrait l'inscrire comme intervenant à la place de M. Ryan.

Ryan (Argenteuil) remplacé par Sirros (Laurier).

Il y aurait lieu, à ce moment-ci, avant d'aller plus loin, de nommer un rapporteur de la commission. Il semble que la commission d'hier soir ait été ajournée sur ce point précis. Est-ce que j'aurais des suggestions?

M. de Belleval: Nous avions proposé, je pense...

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Charlesbourg.

M. de Belleval: ... M. Lachance (Bellechasse).

M. Grégoire: Adopté.

M. de Belleval: Si c'est agréable à l'Opposition, nous allons maintenir cette proposition et, si l'Opposition s'oppose à ce que le député de Bellechasse soit nommé, il nous fera plaisir de trouver quelqu'un d'autre de plus agréable à l'Opposition.

Le Président (M. Bordeleau): Merci. M. le député de Vaudreuil-Soulanges.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Le ministre vient de me signaler qu'il croit que je vais exprimer un changement d'opinion par rapport à hier soir. Je pense que, hier soir, nous avons, tous mes collègues et moi-même, fait état des qualités du député de Bellechasse, ce qui l'habilitait à remplir ce poste de rapporteur et je suis toujours du même avis.

Le Président (M. Bordeleau): Alors, ça va, c'est donc...

M. Bérubé: M. le Président.

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.

M. Bérubé: Je pense cependant qu'on a abusé, hier. Tout le monde connaît l'humilité légendaire du député de Bellechasse et je crois que l'Opposition a véritablement abusé en faisant tomber sur lui une pluie de louanges et d'appréciations qui, je pense, sont indéniablement méritées, mais je pense que ce dernier était malheureux et il ne faudrait pas en abuser.

Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. le ministre.

M. Ryan: Le député de Bellechasse n'a pas l'air malheureux.

Le Président (M. Bordeleau): Alors, ça ira, il n'y a pas de... C'est donc le député de Bellechasse qui sera rapporteur de la commission.

M. Blais: Adopté.

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre, vous avez des remarques préliminaires à faire aux membres de la commission?

Remarques préliminaires M. Yves Bérubé

M. Bérubé: M. le Président, au moment de la discussion sur le projet de loi no 68, on a longuement eu à discuter de l'esprit général des lois que nous abordons ici. Je me contenterai simplement de souligner un point qui, je pense, M. le Président, n'a pas été suffisamment mis en lumière; c'est le pourquoi du projet de loi no 70, dans le fond. Il était intéressant, ce matin, d'entendre Mme la députée de L'Acadie, dans sa question au ministre des Affaires sociales concernant le mandat salarial offert aux médecins: Est-ce que ce taux de 14% est final ou s'il s'agit simplement de leurrer les médecins sans leur dire véritablement que le mandat est final? C'est effectivement une des difficultés que nous allons traverser comme société dans les mois qui viennent et nous la traversons d'ailleurs depuis maintenant presque un an.

Dans une crise économique comme celle que nous traversons, il faut changer des comportements. Certes, traditionnellement, dans les régimes de négociation, il y a souvent, du côté du patron, ces barils à double fond, sinon triple ou quadruple, où on commence par expliquer que c'est le maximum que l'on peut offrir. Subséquemment, évidemment, dans le débat, on découvre qu'il y avait un deuxième plancher au baril et on peut en mettre un peu plus sur la table, etc., de telle sorte qu'évidemment, du côté des travailleurs également qui négocient, ceux-ci ont, très rapidement, appris à se méfier de toutes ces affirmations du patron lorsqu'il affirme que son mandat de négociation est véritablement la limite de ce qu'il peut offrir. On a donc souvent pris l'habitude de contester le caractère un peu définitif des mandats.

En période de crise, il est donc plus difficile de jouer à ce jeu classique de la négociation. Il faut, au contraire, peut-être, ouvrir ses livres davantage, tout mettre sur la table et bien faire comprendre les suites des décisions que l'on prend. Comme certains ont pu le faire ressortir, lors du débat de deuxième lecture, la même situation se produit dans le cas des patrons aux prises avec une entreprise en difficulté menacée de faillite et qui, face à un renouvellement des conventions collectives, viennent voir leurs employés - souvent, il s'agit même de patrons qui mènent une entreprise de type familial; ils n'ont jamais véritablement révélé en public l'état des finances de l'entreprise et, dans la conjoncture, ils doivent étaler tous les chiffres - pour bien leur faire comprendre que si, malheureusement, le passif à court terme excède l'actif à court terme, il y aura une faillite dite technique. L'entreprise devra fermer ses portes quitte à

être vendue, récupérée par la banque et, évidemment, avec un problème d'incertitude important pour les employés; donc, on met les cartes sur la table. Lorsque l'employé, après avoir bien étudié les chiffres et avoir fait le contrôle, est bien conscient que le patron ne lui a pas menti, s'il exige trop, il fera faire faillite à son entreprise. On assiste fréquemment à des règlements sur des bases très différentes de ce à quoi on aurait été habitué dans le passé.

Mais lorsque nous sommes élus par nos concitoyens, ce n'est pas pour fermer le gouvernement, pour couper des services à la population. Nous sommes élus pour offrir des services à la population. On ne pourrait pas, dans une argumentation avec nos employés, leur dire: Écoutez! Si vous demandez plus que cela, nous allons fermer trois hôpitaux, deux hôpitaux, cinq hôpitaux. Nous ne pourrions pas faire cela. La population ne nous élit pas pour sacrifier l'intérêt public dans des règlements de convention collective qui pourraient être abusifs. Nous sommes dans la situation où l'État ne peut pas fermer des services publics, par conséquent, le type de choix est différent de ce que l'on observe dans le secteur privé.

D'une façon générale, lorsque la conjoncture est relativement favorable, il s'agit de décider comment l'on partagera la richesse collective. Est-ce qu'on partagera en donnant plus de services à la population, en rémunérant davantage nos employés, en engageant plus de gens? Voilà des choix politiques. Le processus de négociation permet à l'employé de se ménager une position où il possède un peu plus de force.

Il peut donc procéder à des déplacements de priorités, de telle sorte qu'un État soit amené à mettre peut-être moins d'argent dans des constructions, par exemple, et plus d'argent dans la rémunération. (12 h 15)

Ce régime de négociation a permis aux employés du secteur public qui étaient fort mal rémunérés, dans le passé, de négocier des conditions de travail qui ont fini par joindre celles de leurs concitoyens effectuant des travaux semblables, dans le secteur privé. On pourra même s'entendre pour dire qu'ils sont, aujourd'hui, sans doute mieux rémunérés que dans le secteur privé. Les chiffres du gouvernement le démontrent, mais le chef de l'Opposition pourra cependant vouloir obtenir des analyses plus objectives, plus probantes où on serait plus certains de la véracité des chiffres, qui ne seraient pas entachés, au dire de l'Opposition, par le fait qu'ils ont été élaborés par la partie patronale. Je peux comprendre cela également. C'est certainement une critique de bon aloi. Il reste qu'on doit constater que dans un contexte économique normal, le jeu des négociations permet d'établir un mode de partage de la richesse collective.

Le problème est tout autre lorsqu'une société traverse une crise et lorsque des services essentiels à une population sont menacés. A ce moment-là, le gouvernement doit, de façon beaucoup plus claire que d'habitude, indiquer à quelle enseigne il se loge. Est-ce qu'il choisit d'augmenter les taxes? Est-ce qu'il choisit d'accroître le déficit? Est-ce qu'il choisit de couper les services? Là, il y a une problématique. Si après son analyse, il en arrive à conclure que l'intérêt public ne doit pas le conduire à accroître les taxes, à accroître le déficit et à couper les services essentiels à la population lorsque l'analyse de l'intérêt public le mène-là, il doit modifier son comportement. Il doit éviter, comme disait la députée de L'Acadie, ce matin, dans sa question au ministre des Affaires sociales, de leurrer la population, d'induire les employés du secteur public à croire qu'il existe peut-être un double fond, de laisser, comme beaucoup d'employeurs font, planer la menace. Mais comme on le sait, cette menace ne prend pas beaucoup et, finalement, peut amener les employés du secteur public à déclencher des grèves, à pénaliser la population pour découvrir, au bout d'une semaine, quinze jours, trois semaines, lorsque l'intérêt public est véritablement menacé, que des services essentiels à la population sont en cause.

Alors, le gouvernement revient à l'Assemblée nationale, et fait adopter une loi, les obligeant à reprendre le travail, sur la base des conditions gu'il avait énoncées dès le début en disant: Ecoutez, on vous l'a dit, c'est le maximum disponible. Nous n'irons pas dans le sens d'une augmentation de taxes, d'une augmentation du déficit ou d'une suppression de services essentiels à la population. Lorsqu'un gouvernement a fait son lit, il doit avoir l'honnêteté de le dire d'avance. Nous avons d'abord choisi la voie de la négociation; nous avons entrepris des tournées dans l'ensemble du Québec pour fournir à la presse, à l'ensemble de nos concitoyens, une collection d'information la plus complète possible, car se retrouver dans le livre des crédits ou les discours des budgets traditionnels n'est pas une mince affaire et fort peu de spécialistes sont en mesure de connaître véritablement la situation financière à partir de l'analyse du livre des crédits. On peut, par contre, à partir de l'information disponible - même souvent quand elle n'est pas disponible, il faut la retravailler pour la rendre disponible - en arriver à une problématique d'analyse des dépenses publiques qui permette véritablement de comprendre les choix qui s'offrent à nous. Nous avons choisi cette voie de rendre publiques ces analyses de telle sorte que l'ensemble de nos concitoyens

soit au courant. Je ne vous cache pas que lorsque je regarde les analyses financières budgétaires publiées dans la presse québécoise, je n'ai rien à redire, quant à la qualité de ces analyses. Nos journalistes ont toute l'information, ils l'ont bien comprise, ils l'ont bien maîtrisée, et l'ensemble de ce qu'on peut appeler les conseillers financiers de toutes sortes, qui ont eu l'occasion d'analyser les données gouvernementales, concordent avec l'État. En général, ils ont plutôt tendance à dire que le gouvernement est un peu trop optimiste, que la situation est peut-être même pire que ce que le gouvernement veut bien décrire. Nous ne le croyons pas, nous croyons que nos analyses sont réalistes; cependant, elles nous révèlent une situation délicate à laquelle il faut véritablement s'attaquer sans délai.

Nous avons vraiment fait comprendre la réalité de la situation financière et je n'ai rien à redire sur les traitements que la presse fait de la situation des finances publiques au Québec. Je n'ai rien à redire, c'est de première qualité, en ce qui concerne les faits. Quant aux opinions, on peut toujours avoir les opinions que l'on veut bien; là-dessus, je n'ai pas à m'en prendre aux opinions qui peuvent être émises ici ou là. Mais quant aux faits, il n'y a aucun problème.

Nous avons voulu aller plus loin, ce qui a conduit au sommet où nous avons étendu ce débat à l'ensemble de la population et à nos représentants syndicaux pour véritablement amener l'ensemble des intervenants à bien comprendre les choix. Je dois vous dire également, qu'à l'heure actuelle, du côté syndical, on comprend parfaitement la situation. Les rencontres que j'ai eues m'ont fait très clairement constater que la problématique est bien perçue et le type de choix est également bien perçu. On pourra différer d'opinions, penser qu'on devrait hausser le déficit, augmenter les emprunts; cela, je le concède. D'autres diront, au contraire, qu'on devrait mettre à pied 15 000 employés - le Conseil du patronat - position également parfaitement lucide.

En d'autres termes, ce sont des positions qui reposent sur une analyse fondamentale des mêmes données et qui diffèrent quant au choix de solutions. C'est là, je pense, le sens de l'action politique. Nous devons donc porter le débat au niveau du choix des solutions.

S'attaquer à la simple forme me paraît spécieux, car il faut d'abord commencer par dire quel est, sur le fond, le type de solution; après, on peut être en désaccord. Mais s'il n'y avait pas d'autres solutions que des réductions de salaire, si, après analyse, toutes les parties devaient dire: Effectivement, il n'y a pas d'autres solutions que de diminuer les salaires de 10%. Je pense qu'à ce moment-là, l'Assemblée nationale, le gouvernement, placés devant l'absence d'autres solutions que celle-là, n'auraient d'autre choix que de voter une loi à l'Assemblée nationale. L'intérêt public le dicterait.

Donc, il faut commencer par une analyse de fond et c'est pour cela qu'il y a eu une distinction fondamentale entre les interventions du gouvernement et les interventions de l'Opposition dans ce débat. L'ensemble des intervenants gouvernementaux ont parlé du fond, des choix et ont pris position face aux choix possibles. Du côté de l'Opposition, on a évité systématiquement d'indiquer quels seraient les choix que l'on privilégierait. On s'est contenté de discuter de la forme, c'est-à-dire de l'absence de négociations - ce que je conteste - du caractère unilatéral, du fait qu'on respecterait dans la forme les conventions collectives, mais qu'on n'en respecterait pas l'esprit, enfin, une série d'arguments qui portent sur la forme, mais qui ne portent pas sur les solutions pouvant être mises en opposition à celles retenues par le gouvernement.

Si d'abord on prétend que la solution doit être la réduction des salaires et que, deuxièmement, on prétend que l'intérêt public, devant cette unique solution, exige une réduction de 10% des salaires, dans la mesure où le Code du travail exige une négociation de bonne foi, on n'imagine pas un gouvernement, allant s'asseoir à une table de négociation, ayant fait son lit, ayant décidé que, au nom de l'intérêt public, il doit réduire les salaires et entreprendre un simulacre de négociation, jouer le jeu des négociations et faire ce que la députée de L'Acadie a très clairement qualifié comme de s'engager dans une leurre de négociation. Je pense que c'est clair: s'il n'y a pas d'autre choix, si on s'entend sur le choix, il n'y a qu'une seule approche possible, c'est celle de la franchise et de l'honnêteté, c'est celle de la loi no 70. La loi 70 ne dit pas qu'il n'y aura pas des négociations. Elle dit seulement: II y aura négociation, mais s'il n'y a pas entente, l'intérêt public dictera son comportement au gouvernement.

Toute négociation est possible. Elle peut conduire à toutes sortes d'accords. Mais s'il n'y a pas accord, l'intérêt public exigera une réduction de l'enveloppe salariale. La loi le prévoit. Donc, la loi 70 ne se substitue pas à la négociation des conventions collectives, elle définit un cadre, le cadre de l'intérêt public à l'intérieur duquel il peut y avoir négociation, mais à l'extérieur duquel il ne peut pas y avoir négociation. C'est le sens pur et simple de la loi 70. Cette loi définit clairement que le gouvernement n'a pas l'intention de déposer un soi-disant mandat sur lequel il peut revenir, mais qu'il existe des contraintes avec lesquelles nous

devrons vivre.

Lorsque nous abordons la loi 70, il faut toujours l'aborder en se posant d'abord la question: Existe-t-il d'autres choix? Et si on prétend qu'il y a d'autres choix, à ce moment, on peut effectivement débattre le projet de loi no 70, puisque devant ces autres choix compatibles avec l'intérêt public, il y a place pour négociation.

C'est lorsqu'il n'y a pas de choix face à l'intérêt public qu'il ne peut plus y avoir place à la négociation. Ce que le gouvernement a simplement dit, c'est qu'il fallait réduire la masse salariale de 521 000 000 $. Pourquoi? Parce que nous pensions que dans la crise que nous traversons, nous ne pouvons pas et nous ne devons pas augmenter les impôts. Nous ne pouvons pas et nous ne devons pas accroître le déficit, et la problématique a été très claire: nous ne devons pas sabrer de façon aussi dramatique dans les services à la population. La loi 70 est une loi pour la défense de l'intérêt public; le cadrage de la marge de manoeuvre dont un gouvernement pourrait disposer dans une négociation consiste en une loi qui a cet énorme avantage qu'elle amène les parties à prendre position face à une réalité indiscutable qui permet justement d'adopter des attitudes de négociation qui permettront de sauver l'intérêt public. Indéniablement, je pense que, par exemple, les grèves auxquelles nous risquons de faire face dans le domaine de la santé, avec nos médecins, indiquent très clairement que lorsqu'on n'est pas face à une réalité et qu'on ne veut pas en tenir compte, on peut amener la société à traverser une période extrêmement douloureuse et très délicate. Dans la mesure où il était clair, dans notre esprit, que l'on ne devait pas taxer, que l'on ne devait pas accroître le déficit, que l'on ne devait pas couper les services essentiels, nous devions avoir la franchise de le dire aux employés du secteur public tout en laissant toute la place nécessaire pour entreprendre une négociation sur l'ensemble des conventions collectives, sur toutes les clauses normatives, sur l'ensemble des conditions de travail sur les trois années qui viendront. Cependant, il faut que ce soit clair, en même temps, nous devons régler l'impasse budgétaire et traverser la crise. Merci, M. le Président. (12 h 30)

Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. le ministre. M. le chef de l'Opposition.

M. Claude Ryan

M. Ryan: M. le Président, nous avons entendu de nouveau, ce matin, l'aveu explicite par un membre du gouvernement que le gouvernement s'est placé dans une situation telle qu'il ne peut plus s'acquitter de ses obligations normales de bon employeur envers ses employés, qu'il ne peut plus faire face, de façon régulière, aux engagements qu'il avait légalement et solennellement contractés envers ses travailleurs syndiqués. Je pense que ce fait est établi d'une manière claire. On verra la rationalisation qu'en fait le gouvernement tout à l'heure. Je pense que c'est le fait de base qui doit nous retenir quand nous nous apprêtons à étudier en profondeur le projet de loi no 70.

Le président du Conseil du trésor, situe cet aveu d'impuissance du gouvernement dans la perspective de la crise économique générale que vit actuellement le Québec à l'instar de plusieurs autres sociétés industrialisées. Nous ne nions point, du côté de l'Opposition, qu'il y ait un impact de la crise économique que connaît le monde industrialisé sur l'activité économique du Québec. Nous savons, par les statistiques du chômage, les statistiques relatives à la fermeture d'établissements, par la hausse inquiétante du nombre des faillites au Québec, par le grand nombre de jeunes chômeurs sur le marché du travail, par bien d'autres indices, que le Québec n'est pas resté à l'abri des conséquences de la crise économique que nous subissons.

Comme je le disais, l'autre jour, les autres provinces du Canada sont également affectées par la crise économique, le gouvernement fédéral est également affecté par la crise économique. Tous ces autres gouvernements ont des relations contractuelles avec leurs employés syndiqués. Le gouvernement fédéral signe, à chaque période de renouvellement, au moins 250 à 300 conventions collectives avec des travailleurs de différents secteurs de l'administration. Le gouvernement de l'Ontario n'a pas un modèle de négociations patronales-syndicales aussi centralisé que celui que nous avons au Québec. Il négocie quand même un grand nombre de conventions. Il est aussi responsable de nombreuses conventions négociées par des institutions intermédiaires, comme les hôpitaux et les commissions scolaires, mais à l'intérieur de paramètres qu'il définit lui-même surtout au point de vue des politiques salariales.

On a vu dans les provinces de l'Ouest que les gouvernements négocient, dans des conditions générales qui ne sont pas substantiellement différentes de celles du Québec, des conventions avec leurs employés. On a vu, en Alberta par exemple, les infirmières se mettre en grève deux fois, ces dernières années, parce qu'elles ne pouvaient pas s'entendre avec le gouvernement. Par conséquent, vous avez un gouvernement qui se soumet quand même au régime de la négociation collective. La même chose s'est passée en Saskatchewan, au cours de la dernière année, alors que le gouvernement a été obligé de recourir à une loi spéciale pour

ramener au travail des fonctionnaires qui avaient été en grève pendant une longue période. Il a eu, par la suite, la sanction de son action, à l'occasion de l'élection générale gui a suivi.

Le gouvernement du Québec, de tous les gouvernements canadiens... Si vous avez une question à me poser, M. le ministre, je suis prêt à l'accueillir volontiers.

Le Président (M. Bordeleau): Oui, est-ce que vous l'acceptez, M. le ministre?

M. Bérubé: Le chef du Parti libéral a fait le lien direct entre le comportement du gouvernement de la Saskatchewan dans ses relations de travail avec le résultat de l'élection, alors que l'ensemble de la presse avait plutôt insisté sur le lien étroit ayant existé entre M. Trudeau et M. Blakeney et, finalement, son échec aux élections.

M. Ryan: C'est la presse québécoise, mais la presse de l'ensemble du pays a interprété le résultat de l'élection d'une manière très différente et plus on se rapproche du plan local, plus on constate qu'il y a des facteurs, comme celui que nous discutons aujourd'hui, qui ont de la signification pour les citoyens.

Revenons à mon sujet de préoccupation. Il n'y a aucun autre gouvernement qui a été placé, par la crise que nous connaissons tous, dans une situation telle qu'il aurait été obligé d'en venir à des mesures aussi extrêmes que celles qu'annonce le projet de loi no 70. C'est le point que je voulais établir bien clairement. Si la situation se présente différemment au Québec, je pense que nous devons convenir que c'est dans une très grande mesure parce que le gouvernement, de par sa propre et seule responsabilité, s'est placé dans une situation telle qu'il avait, sur le dos, des obligations auxquelles il n'était plus capable de faire face et dont il est obligé de chercher à s'exempter par un recours tout à fait extraordinaire comme celui que nous avons.

Par conséquent, ici, on le voit dans tous les sujets que nous discutons, c'est la même chose; la problématique que nous établissons conditionne énormément les solutions. Si vous établissez une problématique de crise économique pure et simple, vous êtes conduits à l'argumentation que nous connaissons: obligés de prendre des mesures d'urgence, obligés de faire appel à la solidarité nationale, obligés de faire ceci et cela; cela est bien connu, il y a d'autres gouvernements qui ont été obligés de faire la même chose au cours de l'histoire contemporaine et le cas que nous observons aujourd'hui est loin d'être le premier. C'est généralement l'argumentation d'un gouvernement réduit à la dernière extrémité, qui est obligé de s'accrocher à toutes les crises qui passent pour essayer de faire oublier ses propres erreurs, sa propre impéritie.

Dans ce cas-ci, nous soutenons, du côté de l'Opposition, qu'il y a une responsabilité majeure du gouvernement. Si la crise avait été telle que les revenus du gouvernement auraient baissé d'une manière dramatique par exemple, seraient tombés en deçà même de ce que peut être le produit de notre activité commune à chaque année, ou qui aurait été à un niveau bien inférieur aux prévisions. Mais, généralement, au cours des dernières années, l'augmentation des revenus a quand même été à un niveau supérieur à celui du produit intérieur brut au Québec. Ce sont vos dépenses qui ont augmenté plus vite que vos revenus, et cela ne date pas de la crise qui a commencé l'été dernier, ça date surtout de la deuxième et de la troisième année des conventions collectives que vous avez signées avant le référendum.

À ce moment-là, vous nagiez dans l'euphorie, vous étiez venus nous dire à l'Assemblée nationale: C'est magnifique cette nuit lumineuse où nous avons consommé je ne sais pas combien de verres d'eau avec la partie syndicale, nous avons trouvé des solutions à nos problèmes, puis nous avons agi en fidèles intendants des deniers publics du Québec, puis nous allons vers des années où le niveau moyen de l'inflation sera d'à peu près 8%, même pour la deuxième partie de la dernière année, ça sera 7,5%; si cela ne marche pas, il suffira de procéder à de petits ajustements. Vous vous rappelez cette parole historique, M. le ministre, il suffira d'ajustements et on s'arrangera. On nageait dans l'euphorie et dans la certitude anticipée. Puis, les événements se sont déroulés d'une manière très différente; on s'est aperçu que la signature du gouvernement comprenait des possibilités qui avaient été mal prévues, mal calculées, le coût des conventions s'est révélé infiniment supérieur à ce qu'on avait prévu.

Je crois que le coût additionnel par rapport aux prévisions annoncées par le ministre des Finances - c'est assez curieux, je pense que c'est 2 000 000 000 $ de plus; nous avons fait des calculs détaillés à ce sujet-là dont je pourrai vous donner la nature, un peu plus tard au cours de nos discussions. Le ministre des Finances aime souvent dire que s'il s'en était tenu à la lettre des conventions précédentes, ça aurait coûté 2 000 000 000 $ de plus. Or, avec les conventions qu'il a signées et les prévisions qu'il avait annoncées à ce moment-là, c'est 2 000 000 000 $ de plus auxquels vous devez faire face. Je crois que nous serons en mesure de vous en faire la démonstration un peu plus tard, mais pour le moment, je me limite à nos...

M. Bérubé: C'est contraire aux faits.

M. Ryan: En tout cas, on aura l'occasion d'en parler un peu plus tard au cours de la journée; c'est important que nous nettoyions cela comme il faut.

Par conséquent, au niveau de la problématique, nous soutenons que la responsabilité principale vient du gouvernement et que la manière dont un gouvernement doit rendre compte de ses erreurs n'est pas en s'en prenant à une classe de citoyens en particulier, ce n'est pas, non plus, en se soustrayant à ses obligations normales - en particulier à ses obligations d'employeur - mais c'est en prenant les moyens, les recours que l'autorisent à prendre notre pratique politique et la tradition de notre régime. Nous vous disons qu'il y a trois recours principaux: la taxation, l'emprunt, la réduction des dépenses; il y a aussi un quatrième recours que vous connaissez très bien et qui a été utilisé par d'autres gouvernements antérieurement: lorsqu'un gouvernement n'est plus capable de faire face à ses obligations et qu'il n'est plus capable de trouver les revenus dont il a besoin pour lui faire face, il va se présenter devant le peuple en disant: J'ai fait mon possible, maintenant j'ai besoin de faire des choses extraordinaires, c'est à vous de décider si vous voulez continuer avec ce genre d'intendance.

Le ministre est encore jeune, j'en suis bien content pour lui, mais il a sans doute entendu dire qu'en 1939 le gouvernement était placé un petit peu dans la même situation que le gouvernement actuel. Il s'était avancé le cou pas mal et avait pensé que la chance allait lui sourire, que tout s'annonçait très bien, qu'il pouvait, par conséquent, s'engager en haute mer en matière de budget sans trop d'inquiétudes. À un moment donné, dans des circonstances qu'il n'est pas nécessaire de rappeler, il a été ramené à l'ordre. Il s'est fait dire que c'était beaucoup plus difficile maintenant de lui faire confiance au point de vue emprunt qu'auparavant. Il a été obligé d'aller en élection et il s'est fait battre. Ce gouvernement...

M. Grégoire: C'était la guerre.

M. Ryan: ... était dirigé par un homme qui a appris sa leçon. Quand il est revenu au pouvoir en 1944, la première chose qu'il a dite à ses collègues, d'après ce que certains nous en ont rapporté, c'est qu'il ne fallait plus faire d'imprudences comme celles qu'ils avaient faites pendant les trois premières années. Le chef a dit qu'il faudrait toujours garder une avance solide en ce qui concerne les disponibilités du gouvernement, son pouvoir d'action, ses obligations, de manière à ne plus jamais être obligé de se faire dire par Wall Street ou la rue Saint-Jacques, comme on disait dans le temps, qu'il y avait des limites inscrites à tel et tel moment. Ce qui nous fatigue et nous peine énormément dans le comportement du gouvernement, c'est cette sensation que nous avons que vous êtes obligés d'agir avec cette précipitation, ce genre de mesure exceptionnelle parce que vous vous seriez fait dire quelque part que vous êtes rendus au maximum de votre pouvoir d'emprunt et que, maintenant, vous devez faire des preuves parce que autrement cela va être très difficile de continuer à fonctionner. Un gouvernement qui s'est amené, à ce point, au bord du précipice est un gouvernement qui n'a pas manifesté le sens des responsabilités qu'on est en droit d'attendre des élus du peuple.

L'autre jour, l'adjoint parlementaire au ministre des Finances a énoncé une théorie que je n'ai pas très bien comprise d'ailleurs - le président du Conseil du trésor voudrait peut-être l'expliciter - en essayant de nous faire croire que c'est absolument indispensable que nous adoptions le budget comme l'a conçu le gouvernement d'ici à une date X. Il n'y a pas de date à établir, à mon point de vue, dans nos statuts pour l'adoption du budget, si vous tenez compte de notre régime parlementaire. Au niveau fédéral, on a passé une année et demie ou deux sans qu'un budget ait été adopté. On l'a présenté, on l'a discuté, il y a eu un changement de gouvernement, un autre changement de gouvernement, on est revenu. D'après ce que me disait, tantôt, le député de Frontenac, le budget présenté en novembre dernier par le ministre fédéral des Finances n'a pas encore été adopté par la Chambre des communes. Je ne sais pas s'il y a des chances qu'il soit adopté avant l'ajournement d'été, mais je pense qu'ici il y a une marge. Lorsqu'on veut s'engager dans des voies aussi exceptionnelles que celles que nous propose le gouvernement, il faut être bien sûr de ce qu'on dit et j'aimerais que le président du Conseil du trésor nous donne des précisions à ce sujet, s'il en a.

Maintenant, j'entendais le ministre dire tantôt: C'est un problème de forme. Nous, nous prenons position sur le fond; ensuite, nous voyons au problème de forme. Je regrette profondément, mais je suis en désaccord total avec le ministre à propos de cette affirmation. Je crois que les questions qui se rattachent au droit d'association, de liberté des associations de travailleurs de négocier leurs conditions de travail dans des conditions conformes à ce que prescrit la loi ne sont pas des questions de forme, ce sont des questions fondamentales, tellement fondamentales que ces grands droits sont inscrits dans des chartes de droits humains partout où l'on juge à propos d'en avoir. Je voudrais dire au gouvernement que sans confondre le problème financier auquel il fait face avec le problème de la libre négociation des conditions de travail, nous refusons

totalement d'accepter le postulat suivant lequel il y aurait un problème qui se poserait au niveau de la substance, celui des conditions de rémunération, un autre qui serait un problème de forme. On pourrait très bien faire l'affirmation inverse, cela n'avancerait personne. Je pense que c'est comme les deux poumons d'une même entité. La rémunération est un facteur essentiel à la fois de la politique budgétaire d'un gouvernement et de sa politique de traitement de son personnel. C'est, en même temps, une dimension absolument essentielle. Tout le processus de libre négociation, dès qu'on soustrait un élément aussi important au processus de libre négociation, je pense qu'on ferme la porte à la libre négociation elle-même. (12 h 45)

Le projet de loi, évidemment, va tout à fait dans ce sens. Je pense qu'il n'est peut-être pas mauvais de rappeler quelques propos qu'on tenus, devant nous, l'autre jour, des dirigeants des trois grandes centrales syndicales. Dans un mémoire dont le ton tranchait singulièrement comparativement à d'autres interventions provenant de la même source que nous avons entendues dans le passé. Je ne sais pas ce qui est en train de se produire, mais j'ai l'impression - nous les avons entendues l'autre jour - que nous allons vers une plus grande sobriété dans les interventions, vers des interventions à caractère plus pratique, qui s'adressent plus au sujet lui-même que vers ce genre de tirade démagogique qui a trop longtemps caractérisé le langage syndical parfaitement brumeux et qui ne faisait rien avancer.

L'autre jour, le mémoire que nous avons lu était un mémoire rationnel, sobre, d'une brièveté exemplaire pour ce genre de comparution. Les affirmations qu'il contenait n'étaient d'ailleurs pas formulées dans des termes excessifs. À mon point de vue, loin de leur enlever de la force, cela leur en donne davantage. Je voudrais simplement en retenir quelques-unes. On disait, par exemple: Ce n'est pas la première fois qu'un gouvernement cherche à faire imposer, par l'autorité de l'Assemblée nationale, un décret contre des travailleurs et des travailleuses, mais c'est la première fois qu'un tel décret survient par anticipation, alors même qu'une convention collective est en vigueur.

Je pense que c'est très important de souligner que nous entrons dans un précédent historique qui n'a jamais connu son équivalent. C'est la première fois qu'avant même qu'une négociation ait lieu, au moment où une convention collective est encore en vigueur, qu'un gouvernement décide de régler, par décret anticipatoire, les conditions de travail de ses salariés pour les quinze ou dix-huit mois qui suivront.

Une autre affirmation, non moins importante qu'on trouve dans le texte des centrales syndicales, a trait à l'objectif de réduction des salaires. Ce n'est pas tout. Le gouvernement ne se borne pas à dire: On va fixer, d'une manière anticipatoire, vos conditions de rémunération à compter du début présumé de la prochaine convention collective. Il dit: On vous avait proposé de renoncer à des obligations auxquelles vous aviez droit. Comme vous n'avez pas voulu, nous allons le faire à votre place. En l'espace de trois mois, on va aller chercher ce qu'on a été obligé de vous donner en l'espace de six mois pour la deuxième moitié de 1982. On vous le dit, nous vous l'avons dit, les centrales syndicales vous le disent et je pense que tous les commentateurs impartiaux l'ont également dit, que ce soit ceux du Soleil, de la Gazette, du Devoir -évidemment, il n'y a jamais de problèmes avec le Devoir, il est généralement dans la bonne voie - même quand il nous critique, on l'accepte très bien, nous aussi.

M. Bérubé: Depuis le départ d'un certain directeur, c'est effectivement beaucoup mieux.

M. Ryan: Cela, c'est une remarque que vous regretterez parce qu'elle n'a aucune pertinence. La Presse, également, je pense qu'elle est allée dans le même sens. Ce n'est pas pour arriver et citer des autorités innombrables à l'appui de cette thèse qui s'impose par le simple fait qu'on la propose parce qu'elle est tellement évidente par elle-même. Le gouvernement va plus loin; il dit: On avait mal calculé cette affaire, on avait mal organisé notre affaire, on vous retire cela. C'est un point qui a fait l'objet de remarques très dures au cours des dialogues, vendredi dernier à cette commission. Je pense que nous devons le rappeler; nous ne pouvons que réprouver cette manière de procéder et je voyais, ce matin, par exemple, que Loto-Québec va chercher 550 000 000 $ dans la poche des contribuables. Combien d'argent revient au gouvernement là-dessus? Il n'y a que 150 000 000 $. Je pense que c'est 450 000 000 $. Sur 450 000 000 $ que vous allez chercher, il n'y a que 150 000 000 $ qui reviennent au gouvernement. C'est beaucoup d'argent pour encourager le jeu, beaucoup d'argent pour stimuler l'industrie de la publicité pour des fins qui restent quand même très artificielles. (12 h 50)

M. Bérubé: Est-ce que le chef de l'Opposition pourrait cependant indiquer quel est le montant retourné à ceux qui gagnent?

M. Ryan: Je crois que ce n'est pas plus que le tiers. Je pense que c'est à peu près le tiers. C'est que, tout de suite, il y a pas mal d'argent qui s'en vient là. C'est un gouvernement qui n'a pas eu le courage de

nettoyer cette affaire-là comme il le faut; mais de toute façon, c'est votre problème, c'est un problème politique et il y a bien d'autres choix que vous pourriez faire. Vous avez accordé une réduction des impôts, au début de l'année, d'à peu près 200 000 000 $ pour des frais de garde des enfants. C'était libre à vous de le faire, mais vous ne pouvez pas arriver et dire: On vous donne des choses d'une main et on va chercher cela dans la poche dans ceux à qui on l'a promis. Vous aviez pris l'engagement envers ces gens-là.

Je ne veux pas entrer là-dedans, ce matin, parce qu'on a eu l'occasion d'exprimer nos opinions lors du discours sur le budget à l'Assemblée nationale, et je suis convaincu que les avenues qui s'ouvraient au gouvernement pour la solution du problème de liquidité dans lequel il s'était enfermé par sa propre imprévoyance étaient multiples et n'étaient pas réduites, loin de là, à ce seul recours rétroactif. Je vous ai dit, tout à l'heure, ce que je pensais de la crise, c'est un problème qui, d'après moi, ne peut pas être présenté de manière aussi simple.

Maintenant, il y a un troisième point qui doit faire l'objet de précisions; il faut absolument que ce soit nettoyé. Les centrales syndicales nous disaient, l'autre jour: Nous vous avons fait une offre. Quand nous vous avons répondu, nous vous avons présenté quatre conditions.

M. Blais: Pas d'offre.

M. Ryan: Je ne les ai point à la portée de la main, mais je pense qu'on s'en souvient très bien: il y avait d'abord le respect intégral des conventions en vigueur; deuxièmement, début des négociations dès le début du mois de juin; troisièmement, ils demandaient le remboursement du salaire des permanents qui devraient être libérés pour les fins de la négociation; le quatrième point disait qu'il ne fallait pas toucher aux acquis en matières mécanique et normative, surtout. On ne voulait pas qu'on touche au régime de retraite.

Maintenant, ils disaient qu'on devait maintenir le statu quo en matière de salaires, ce qui n'excluait pas la possibilité que, dans l'éventualité d'une entente en vue de l'année 1983, on pourrait envisager la possibilité que la nouvelle convention entre en vigueur à une date plus rapprochée. Ce qui voulait dire, en termes à peine voilés, qu'on acceptait de négocier même l'augmentation due pour la deuxième partie de l'année. J'ai demandé, l'autre jour, aux représentants des centrales syndicales: Attachiez-vous la même importance arithmétique à chacune des quatre conditions que vous aviez définies? Et tout de suite, la réponse a été que les conditions n'avaient pas le même degré d'importance. Par conséquent, certaines auraient pu être sujettes à de la négociation, à de la discussion et auraient peut-être pu déboucher sur des arrangements importants. Peut-être se serait-on aperçu qu'il y avait moyen d'ouvrir des négociations véritables dans des conditions qui auraient été acceptables des deux côtés. Cela, c'est une chose que j'aimerais bien qu'on clarifie parce qu'il est resté de l'ambiguïté à ce sujet-là.

Ce sont les trois grands points que les représentants des travailleurs syndiqués, par l'entremise des dirigeants des trois centrales majeures du Québec, sont venus soumettre à l'attention de la commission parlementaire, l'autre jour. Maintenant, quand ils nous disent que des accrocs à des lois aussi fondamentales - et je vais y revenir avant de terminer cette introduction - touchent à l'essence même de notre régime démocratique, je pense qu'il faut écouter cela avec sérieux. Moi, je ne prête pas de mauvaises intentions au gouvernement. Pas du tout. Et je ne me nourris pas d'une espèce de manichéisme en ces choses qui feraient voir seulement du mal d'un côté et seulement du bien de l'autre, mais nous savons que les libertés syndicales sont au coeur du processus démocratique.

Au tout premier rang des libertés syndicales, il y a évidemment la liberté de négociation des conditions de travail. Et quand ils nous disent - cela peut sembler très ésotérique - que ceux qui ont à coeur le bien de la démocratie savent que, dans les pays où on a opprimé des libertés, on a très souvent commencé par des libertés syndicales. Je pense qu'on est tous d'accord pour reconnaître que c'est un fait historique incontestable. Je regarde même ce qui s'est produit en Pologne, ces derniers mois. Les gens qui dirigent le gouvernement de la Pologne ne sont pas de mauvaise foi, ce sont des gens qui ont été placés dans une situation économique et financière extrêmement serrée. Ils se sont dit: La première cible qu'on va viser, ça va être certains avantages que se sont appropriés les centrales syndicales. Je ne prétends pas qu'il faille les mettre sur les autels; je les ai moi-même critiqués souvent et j'entends continuer à le faire en toute liberté, à l'avenir. Mais ce que je vous dis...

M. Blais: Mais nous comparer à la Pologne; quand même!

M. Ryan: Non, je vous donne un exemple historique...

M. Blais: Quand même!

M. Ryan: Ce n'est pas ça que j'ai fait, j'ai le droit d'invoquer un exemple historique...

M. Blais: L'analogie!

M. Ryan: ... montrant combien les libertés syndicales sont au coeur du processus démocratique et combien la tentation peut être grande d'attaquer ces libertés au nom des raisons d'intérêt national les plus nobles et les plus défendables. C'est une mise en garde que je fais, ce n'est pas une accusation encore une fois, j'examine le développement des institutions et des sociétés contemporaines et je suis bien obligé de faire certaines constatations en toute liberté et en toute responsabilité, aussi. Je n'établis pas de lien d'identité absolu avec ce que fait le gouvernement et ce que nous pouvons faire d'ailleurs; je mentionne un fait tout simplement.

Je vous dis que, pour ces raisons, nous avons une extrême répugnance devant ce projet de loi et j'ajoute une dernière chose. C'est que j'ai encore un peu de mal à comprendre ce qui se passe. L'autre jour, quand les porte-parole syndicaux sont venus nous rencontrer et quand nous avons écouté, vendredi soir, la manifestation qui s'est déroulée devant l'édifice de l'Assemblée nationale, nous avons entendu un langage qui, généralement, a été correct, mais qui, à certains moments, a été très dur. Je me trompe peut-être dans ma citation et vous pourrez me corriger si j'amplifie injustement, mais je crois avoir entendu M. Laberge, président de la FTQ, dire que le projet de loi no 70 est, à son avis, le plus abject, le plus odieux et le plus dangereux qu'il ait vu en 30 ans de carrière syndicale.

M. Blais: C'est à peu près ça.

M. Ryan: II a dit une chose comme celle-là. Il a aussi employé d'autres expressions que je ne reprendrai pas ici parce qu'elles allaient peut-être en-dehors du cadre linguistique auquel nous essayons de nous astreindre. Ses collègues ont aussi employé des expressions très fortes. Au cours de la manifestation, on a entendu des choses très dures; les discours ont été brefs, mais quand on écoutait ce qui se disait sur la rue et tout... Je vous avertis tout de suite, M. le ministre, que nous ne sommes pas allés faire de discours; nous n'avons pas essayé d'aller nous pavaner pour chercher des votes; pas du tout. Au contraire, je pense qu'il y a une responsabilité de ce côté-là qu'on saura indiquer en temps utile, mais nous ne voulons pas faire le jeu de flirt qui, aujourd'hui, fait apparaître le gouvernement dans une lumière si ridicule. Ces gens, qui étaient sur les barricades, il y a quelques années, sont aujourd'hui les auteurs de projets de loi dont leurs amis d'hier et même encore d'aujourd'hui nous disent qu'ils sont les plus odieux, les plus abjects et les plus dangereux. Il faut quand même prendre les mots "at their face value" comme on dit, il faut bien les accueillir comme ils sont dits et essayer de les comprendre.

Ce sont autant de points qui me font dire au gouvernement que, s'il était possible de retarder l'adoption en bonne et due forme de ce projet de loi, jusqu'à ce que des négociations sérieuses aient lieu avec ses employés, la démocratie serait infiniment mieux servie et nous éviterions de mettre sur la conscience de l'Assemblée nationale et du processus démocratique québécois des agissements qui pourront servir de précédents très dangereux pour les gouvernements de l'avenir et même, éventuellement, pour celui-ci, si sa gestion des finances publiques devait continuer d'être aussi déplorable qu'elle l'a été au cours des dernières années. On aura l'occasion d'invoquer d'autres arguments à l'encontre du projet de loi, mais je pense que c'étaient les points essentiels que je voulais signaler, à ce moment-ci, avec le plus de calme possible, mais avec fermeté.

Le Président (M. Bordeleau): Je vous remercie, M. le chef de l'Opposition. Comme il est treize heures, je propose de suspendre jusqu'à quinze heures.

La commission suspend ses travaux jusqu'à cet après-midi, quinze heures.

(Suspension de la séance à 13 heures)

(Reprise de la séance à 15 h 25)

Le Président (M. Bordeleau): À l'ordre, s'il vous plaît!

On commence.

M. Bérubé: M. le Président, je n'ai aucune objection à ce que vous laissiez la presse siéger à notre table. Toutefois, je vous suggérerais de l'envoyer dans l'Opposition parce que je ne vois jamais un article de sa part qui nous est favorable.

Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. le ministre, mais j'ai des objections.

Des voix: Ah!

Le Président (M. Bordeleau): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission des finances et des comptes publics reprend donc l'étude article par article du projet de loi no 70. Je voudrais, avant d'aller plus loin, vous faire part d'une demande de remplacement des membres, M. le député de Charlesbourg, cela peut s'adresser à vous également parce que cela va me prendre votre consentement. Pour remplacer M. Assad (Papineau) comme intervenant, ce serait Mme Thérèse Lavoie-Roux (L'Acadie)?

M. Bérubé: M. le Président, est-ce qu'on commence la commission ou ne l'a-t-on pas commencée ce matin?

M. Grégoire: M. le Président, rendu là...

Le Président (M. Bordeleau): C'est pour cette raison que j'ai...

M. Bérubé: Est-ce qu'on renouvelle la commission?

M. Grégoire: M. le Président.

Le Président (M. Bordeleau): On peut procéder à certains changements. C'est pour cette raison que je demande à tout le monde d'écouter parce que cela va me prendre le consentement des membres. J'ai, comme demande de remplacement, Mme Thérèse Lavoie-Roux (L'Acadie) à la place de M. Assad (Papineau) comme intervenant. Comme membre - ce que j'ai oublié de faire ce matin - c'est de remplacer M. French (Westmount) par M. Ryan (Argenteuil). Mais comme aucun membre ne s'est opposé ce matin, tacitement, c'était déjà acquis. Est-ce que cela va?

M. Bérubé: M. le Président.

Le Président (M. Bordeleau): Du côté ministériel, est-ce qu'il y a d'autres remplacements?

M. Grégoire: M. le Président, soucieux de permettre à l'Opposition de s'exprimer librement et...

Le Président (M. Bordeleau): S'il vous plaît! Je veux savoir si vous consentez, oui ou non.

M. Grégoire: ... à sa guise, nous allons accepter de consentir aux changements.

Des voix: Oui.

Le Président (M. Bordeleau): Oui. D'accord.

M. Bérubé: Moi, j'aurais déporté

L'Acadie n'importe quand, parce que la dernière fois qu'on l'a acceptée ici, à cette commission, cela a été un désastre.

Le Président (M. Bordeleau): Ne serait-ce pas une revanche, M. le ministre, parce que Mme la députée de L'Acadie n'a pas voulu vous accepter comme membre d'une certaine commission la semaine dernière?

M. Bérubé: Non, M. le Président. Le Président (M. Bordeleau): Non.

M. Bérubé: M. le Président, il faut quand même avouer qu'hier soir, Mme la députée de L'Acadie est intervenue pendant ses 20 minutes réglementaires pour louanger le député de Bellechasse - reconnaissons-le, pour louanger le député de Bellechasse -mais fallait-il en mettre autant?

Le Président (M. Bordeleau): Je m'excuse. Je n'ai pu participer à ces ébats.

Ce matin, avant la suspension, nous en étions à une discussion préliminaire du projet de loi. M. le ministre avait fait certaines remarques. Le chef de l'Opposition en a fait.

M. Bérubé: J'ai fait certaines remarques et le chef de l'Opposition a répondu. Je n'ai pas utilisé mon droit de réplique encore.

Le Président (M. Bordeleau): Je vous rappelle qu'en commission, M. le ministre, comme vous êtes le parrain du projet de loi, vous avez un droit de parole illimité. M. le député de Vaudreuil-Soulanges.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Dans la mesure où les commentaires du chef de l'Opposition ont donné lieu, de la part du président du Conseil du trésor, à la prise copieuse de notes pour autant que j'aie pu en juger ce matin...

M. Bérubé: Oui, M. le Président, comme toujours.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): ... il est peut-être loisible à ce moment-ci de laisser une chance au président du Conseil du trésor de revenir, à son sens, sur des affirmations du chef de l'Opposition afin d'élargir ou de préciser le débat.

M. Yves Bérubé M. Bérubé: En fait, M. le Président...

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.

M. Bérubé: ... j'ai écouté avec beaucoup d'attention le chef du Parti libéral. Ce qui m'a frappé, c'est qu'à nouveau, il a refusé de se prononcer sur le fond, c'est-à-dire les choix qui s'offrent à nous et, par conséquent, n'étant pas d'accord avec les choix gouvernementaux, qu'est-ce que nous proposons. Sur cette base, on aurait pu en arriver à un débat intéressant, mais ce n'est pas cela. Nous avons eu droit à une première intervention du chef de l'Opposition qui est la suivante. Bon! Il y a une crise; on n'est pas sot, on comprend qu'il y a une crise. Elle a nécessairement des incidences sur le budget gouvernemental, on en est conscient; concédons cette réalité. Mais si on se

retrouve avec l'obligation de procéder à des gestes aussi radicaux, c'est que le gouvernement a particulièrement mal géré et qu'il est responsable de l'aggravation particulière de la crise au Québec. Voilà, je dirais, le premier élément de l'intervention du chef du Parti libéral.

Là, je m'arrête et je suis bien obligé de dire que je ne partage pas la position du chef du Parti libéral. Mais plutôt que de me contenter d'une opinion, je peux l'étayer, M. le Président. Par exemple, lorsqu'on regarde la dernière décennie de 1971 à 1975 et de 1976 à 1980, il faut constater que la croissance des dépenses publiques par rapport à l'inflation est de 8,6% supérieure à l'inflation. Le député de Johnson qui ne pousse pas de hauts cris...

Une voix: Vaudreuil-Soulanges. (15 h 30)

M. Bérubé: - j'ai vraiment de la difficulté avec Mme Juneau - le député de Vaudreuil-Soulanges ne pousse pas et n'a pas poussé de hauts cris, que je sache. C'est 8,6% de croissance plus rapide que l'inflation sous l'administration libérale antérieure. Cela veut dire une augmentation substantielle de la part de la richesse collective utilisée dans le cadre des dépenses publiques. Lorsque je regarde notre administration, je constate que l'écart a baissé à 5,1%. Donc, la croissance de nos dépenses par rapport à l'inflation, ou la croissance réelle de nos dépenses, est beaucoup plus faible, nettement plus faible. Elle passe de 9% à 5%, voilà qui est intéressant. Donc, comme gouvernement, il faut reconnaître que, durant le premier mandat, nous avons administré de façon serrée, mais ce n'est pas tout. Le chef du Parti libéral, dans une affirmation que je qualifierais d'éhontée, accuse le gouvernement d'avoir signé des conventions collectives épouvantablement généreuses. On nous accuse également d'avoir engagé une pléthore de nouveaux fonctionnaires avec tous ces nouveaux programmes, ces multiples organismes, dont on parle dans les médias, évidemment parce qu'ils rapportent fidèlement les déclarations du Parti libéral, sans plus. Donc, on nous accuse d'avoir effectivement été responsables et des augmentations de salaire et des augmentations des effectifs. Or, M. le Président, j'ai quelques données qui sont intéressantes. Il vaut la peine de les citer. C'est dommage que le député de Vaudreuil-Soulanges ne prête pas attention aux débats.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges):

J'écoute avec beaucoup d'attention.

M. Bérubé: J'ai fait sortir l'historique des effectifs des secteurs public et parapublic depuis une dizaine d'années, pour notre intérêt personnel. Qu'est-ce que je découvre? 1970-1971, première année du régime Bourassa, il y a 239 559 fonctionnaires à la fonction publique, au ministère de l'Éducation et aux Affaires sociales. Là, je m'en vais à la première année de notre mandat, 1977-1978, pour voir combien il y en a au moment où nous prenons le pouvoir et commençons à exercer le pouvoir. À ma grande surprise, j'en trouve 339 663. Alors, j'ai fait vérifier le chiffre. Je me suis dit: 339 000, il y a certainement une erreur. Cela doit être 239 663, c'est-à-dire aucune augmentation du nombre d'employés au gouvernement sous l'administration libérale. Cela ne se peut pas, ce n'est pas possible qu'il y en ait 239 000 quand ils ont pris le pouvoir et 339 000 quand ils cèdent le pouvoir. Il y a quelque chose qui ne va pas.

M. de Belleval: Une augmentation de combien?

Une voix: 50%.

M. de Belleval: Vous n'êtes pas fort dans les pourcentages, M. le Président, je m'excuse.

Une voix: 40%.

M. Bérubé: Et là je fais le calcul et je dis: 100 000 emplois nouveaux. Ce n'est pas possible. Alors, j'ai demandé à l'administration publique s'ils étaient absolument certains de leurs chiffres. Ils ont dit: M. le ministre, on va aller vérifier, on va vraiment les compter un par un...

M. de Belleval: ... comme sur les Falkland.

M. Bérubé: Oui. Effectivement, ils les ont comptés un par un. Ils sont venus me voir, l'air absolument désolé, en disant: Écoutez, M. le ministre, indéniablement, que voulez-vous que l'on vous dise? Ce sont les chiffres. 100 000 emplois de plus créés par M. Bourassa. Les 100 000 emplois de M. Bourassa, c'étaient 100 000 fonctionnaires. Alors, aujourd'hui...

Une voix: C'est épouvantable.

M. Bérubé: ... c'est épouvantable, c'est le scandale le plus éhonté qu'on ait eu l'occasion... Évidemment, aujourd'hui, ils nous disent: II y a une sous-utilisation du personnel, il y a des effectifs pléthoriques, il y a un gaspillage éhonté des fonds publics; mais 100 000 fonctionnaires de plus sous le régime libéral! C'est le scandale le plus incroyable.

M. de Belleval: C'est plus que tous les fonctionnaires qui existaient avant la

Confédération.

M. Bérubé: Ah oui! nettement plus, M. le Président. Évidemment, je me suis posé la question: II faudrait peut-être vérifier notre administration, car tout d'un coup qu'on aurait réussi à créer 100 000 emplois nous aussi. Parce que les performances de création d'emplois du gouvernement, depuis que nous sommes là, sont relativement bonnes par rapport aux performances libérales...

M. de Belleval: Meilleures.

M. Bérubé: ... meilleures. Je me suis dit: Peut-être que nous avons fait comme les libéraux et que nous avons créé des emplois dans le secteur public.

M. de Belleval: M. le Président, je brûle de connaître la réponse...

M. Bérubé: Le député de Charlesbourg veut vous donner cette information.

Le Président (M. Bordeleau): Écoutez, écoutez!

M. Grégoire: Depuis que je sais que c'est 100 000 pendant les six ans des libéraux, j'ai hâte de savoir ce qu'on a fait, nous.

Le Président (M. Bordeleau): S'il vous plaît!

M. Bérubé: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Bordeleau): Si vous voulez avoir la réponse, laissez parler le ministre.

M. Bérubé: Donc, au début de notre mandat, je vous rappelle qu'il y avait 339 663 employés de l'État.

M. Grégoire: Des secteurs public et parapublic?

M. Bérubé: Oui, des secteurs public et parapublic.

M. Grégoire: Combien?

M. Bérubé: 339 663.

M. de Belleval: En 1976?

M. Bérubé: En 1977-1978, lors de notre première année de mandat. Je n'ai malheureusement pas de chiffres avant que les libéraux arrivent. Je prends la première année de leur mandat et la première année de notre mandat.

M. de Belleval: Avant le déluge fiscal.

M. Bérubé: C'est cela. En 1982-1983, j'ai voulu faire faire une analyse pour avoir une idée, quand même.

M. de Belleval: On est rendu à combien? 449 000, quoi? Non?

M. Bérubé: Je craignais que ce soit 449 000, qu'un gouvernement inconscient ait effectivement créé 100 000 emplois de fonctionnaires, surtout avec les nombreuses régies de toutes sortes, gouvernementales...

M. de Belleval; Un gouvernement qui a perdu les pédales.

M. Bérubé: Oui, c'est cela, un gouvernement qui a complètement perdu les pédales, qui gère mal.

M. Grégoire: Je veux savoir, moi, j'ai hâte de savoir.

M. Bérubé: Ah! M. le Président!

M. de Belleval: Je donne ma langue au chat!

M. Bérubé: D'abord, le chiffre qu'on m'a soumis, je vous le rappelle, était de 339 663 fonctionnaires. Là, je trouve 335 030 fonctionnaires.

M. de Belleval: On a abaissé le chiffre, mais on est des incompétents.

M. Bérubé: Là, je ne comprends plus rien.

M. Grégoire: M. le Président, je voudrais poser une question. Est-ce que cela comprend tous les nouveaux programmes?

M. Bérubé: Vous voulez dire qu'on a créé plus d'emplois sous notre administration que sous l'administration libérale, mais sans fonctionnaires de plus. Imaginons ce qui serait arrivé si nous avions gaspillé les deniers publics comme les libéraux, combien de fonctionnaires aurions-nous?

Le Président (M. Gagnon): Question de règlement, M. le député de Frontenac.

M. Grégoire: Non, je voudrais poser une question au ministre. Est-ce que le chiffre de 335 000 comprend tous les nouveaux et nombreux programmes que le gouvernement actuel a mis en place, comme la Régie de l'assurance automobile et le reste?

M. Bérubé: Oui, absolument tout. D'ailleurs, je ne le croyais pas moi-même.

M. Grégoire: Le zonage agricole?

M. Bérubé: Oui.

M. Grégoire: L'aide juridique? Tout?

Le Président (M. Gagnon): À l'ordre! On va lui laisser finir sa question, M. le ministre.

M. Bérubé: Oui.

M. Grégoire: Santé et sécurité du travail?

M. Bérubé: Oui, M. le député de Frontenac, absolument tout. Je ne le croyais pas, j'ai fait vérifier une fois, deux fois, six fois et je me retrouve toujours avec le même chiffre. Avec toute ces innovations, avec ces nombreux programmes additionnels, il y a 335 030 fonctionnaires.

Évidemment, là, je commence à comprendre d'où viennent les problèmes. Je commence, je ne fais que commencer, je n'ai pas vraiment regardé combien ils les payaient, quand ils étaient là, et combien nous les payons. Vous le savez, la rémunération globale - je vais vous expliquer, M. le député de Vaudreuil-Soulanges - est le produit des effectifs par la rémunération.

Une voix: Moyenne.

M. Bérubé: Oui. Étant donné la catastrophe libérale en termes d'effectifs, nous allons maintenant examiner la rémunération, pour voir.

M. de Belleval: Donc, M. le Président, 100 000 nouveaux emplois...

Le Président (M. Gagnon): À l'ordre! C'est M. le ministre qui a la parole, vous demanderez la parole après.

M. Bérubé: Je suis prêt à donner la parole au député de Charlesbourg pour qu'il pose sa question.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Charlesbourg.

M. de Belleval: Si j'ai bien compris, en six ans, le Parti libéral a augmenté la fonction publique de 100 000 personnes. Nous, en cinq ans, l'avons diminuée de 4000.

M. Bérubé: C'est bien cela. M. de Belleval: Parfait, merci.

M. Grégoire: M. le Président, moi aussi, j'aurais une question.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Frontenac.

M. Grégoire: Je sais que le ministre, président du Conseil du trésor, a une espèce de petite calculatrice. Si j'ai bien compris, en 1970, il y avait à peu près 239 000 personnes dans les secteurs de la fonction publique et parapublique.

M. Bérubé: Oui.

M. Grégoire: Cela a augmenté à 339 000 en 1976.

M. Bérubé: C'est bien cela.

M. Grégoire: Si on avait continué sous le même régime - et c'est pour cela que j'ai mentionné que le ministre avait une petite calculatrice électronique - si, de 1970 à 1976, cela a passé de 239 000 à 339 000, combien en aurions-nous en 1982, si on avait le même régime scandaleux qu'on avait avant?

M. Bérubé: Je ne réponds jamais aux questions hypothétiques, mais il faut comprendre cependant qu'elle n'est pas si hypothétique que cela car, si nous prenons la croissance exponentielle et la projetons dans l'espace, comme dans l'espace temps...

M. Sirros: À la place de projeter cela dans l'espace, ne pourriez-vous pas projeter le projet de loi no 70 dans l'espace?

M. Bérubé: ... comme le souligne le député de Rosemont, c'est sans doute 6 000 000 de fonctionnaires qu'on aurait présentement au Québec.

M. Grégoire: Et pas de chômeurs!

M. Bérubé: Absolument pas! On manquerait d'enfants, M. le député de Frontenac!

M. de Belleval: À la fin du siècle, cela?

M. Bérubé: Oui.

M. de Belleval: Avez-vous projeté cela dans le temps? Cela prendrait combien de temps pour que tous les Québécois soient fonctionnaires? En 1998, 1999?

Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.

M. Bérubé: Comme nous le disions tantôt, on s'est donc interrogé. Il ne suffit pas d'engager des fonctionnaires, il faut les payer. Là, on s'est dit, surtout après les nombreux discours nous venant de l'Opposition sur le caractère scandaleusement

généreux de nos dernières conventions collectives - évidemment, j'ai battu ma coulpe, comme membre de ce gouvernement qui a consenti des augmentations de salaire sans bon sens, qui ont permis l'enrichissement des employés du secteur public d'une manière absolument éhontée, au détriment du reste de la collectivité, comme nous en accuse le Parti libéral. J'ai commencé à examiner l'évolution de la rémunération sous l'administration libérale. M. le Président, ce qui est intéressant là-dedans, c'est qu'hier, le chef de l'Union Nationale... le chef du Parti libéral, je m'excuse, enfin, bientôt, j'ai l'impression que c'est là où il va être.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Cela me surprendrait beaucoup étant donné que le chef de l'Union Nationale est un donateur péquiste.

M. Bérubé: Donc, le chef du Parti libéral a émis, sorti un certain nombre de chiffres en commission démontrant que les augmentations de salaires avaient été plus fortes sous l'administration péquiste que sous l'administration libérale. Inquiet, j'ai fait vérifier et d'ailleurs cet après-midi, avec le chef du Parti libéral, nous avons pu examiner les chiffres un à un et il a avoué qu'il s'était trompé. J'avoue en toute franchise cependant qu'à sa décharge, il avait entre les mains un document qui s'appelle "Les mécanismes de fonctionnement des diverses composantes de la croissance des salaires" qui ne visait pas à faire une comparaison entre deux conventions collectives, mais qui visait à expliciter les mécanismes de fonctionnement des diverses composantes. Donc, il ne permettait pas une comparaison complète. Or, nous avons fait cette vérification, cette conciliation et, effectivement, on retrouve exactement les mêmes chiffres. À titre d'exemple, dans les chiffres du chef de l'Opposition libérale, il y avait 5,4% d'augmentation de salaire qu'il attribuait au présent gouvernement dans ses conventions ayant oublié qu'il s'agissait d'un redressement consenti dans les conventions précédentes.

Il n'y a rien de grave. C'est 5,4% à notre charge plutôt qu'à la sienne, mais enfin, en apportant les correctifs appropriés, voici ce que nous retrouvons. M. le Président, l'inflation dramatique de 1975 à 1979 a représenté 38% d'augmentation des prix. Alors là, on s'est dit que l'un des principes fondamentaux que les employés du secteur public défendent, c'est la protection du pouvoir d'achat. Donc, examinons l'augmentation des salaires durant la même période. À nouveau, à ma grande surprise, j'ai fait vérifier au moins trois fois les chiffres, je découvre que l'augmentation de salaire pour la période en question est de 62%, 38% d'inflation et 62% d'augmentation de salaire. Non seulement on crée 100 000 emplois, mais de plus, on leur permet de s'enrichir au rythme de 4% par année pendant toute la durée de la convention. Bien oui, M. le Président. Non seulement on en a créé 100 000, mais en plus de ça, on a décidé de les rendre millionnaires.

Intéressant. Là évidemment, après avoir écouté l'Opposition libérale accusant l'actuel gouvernement d'avoir signé des conventions généreuses, évidemment, ces arguments ont été repris par des éditorialistes de haut renom comme Mme Gagnon, ou autres de la presse, à plusieurs reprises, comme quoi nous avions signé des conventions éhontées. Évidemment, il ne faut pas leur attribuer cette opinion. Je pense qu'ils l'ont simplement prise chez les porte-parole du Parti libéral et se sont contentés de la transmettre. Mais à ma grande surprise, lorsque j'examine notre convention collective, alors là je m'attendais à un désastre. Qu'est-ce que je découvre? L'inflation durant la période qui nous concerne est de 43,48% sur la période. Un peu plus que sous les libéraux qui était de 38%, mais comparable. Là, je m'attendais à trouver au moins 75% d'augmentation de salaire, absolument inévitable. Qu'est-ce que je découvre? L'augmentation du salaire a été de 45,52%. Vous allez me dire que la convention que nous avons signée a permis essentiellement de protéger le pouvoir d'achat des employés du secteur public. 45,52% d'augmentation pour une inflation de 43,5%, c'est, somme toute, raisonnable. Aucune comparaison avec la véritable orgie à laquelle on a assisté, dans les fonds publics, dans les dépenses des fonds publics qu'on a observée sous l'administration libérale. Cette administration scandaleuse par la multiplication des effectifs, par une absence de recherche totale de l'efficacité administrative, je commence à comprendre d'où elle vient. Elle vient, essentiellement, d'une mauvaise administration libérale dont la société québécoise, hélas, a hérité; rien de plus. (15 h 45)

Le deuxième argument étoffé de la part du chef du Parti libéral porte essentiellement sur l'obligation pour un parti politique au pouvoir, lorsqu'il fait un constat d'échec économique, de retourner devant la population, de lui mettre les faits sur la table et d'aller en élection. Mais le chef du Parti libéral oublie que, juste avant la dernière élection, nous avons déposé un budget dans lequel nous avons indiqué pour 1 000 000 000 $ de compressions, où nous avons expliqué exactement le contexte économique qui allait sous-tendre le mandat qui venait. L'électorat a tranché, l'électorat a voté; sur la base exactement de l'information, il a voté. Il a tout simplement...

M. Sïrros: Question d'information, M. le Président.

Le Président (M. Bordeleau): Question de règlement, M. le député de...

M. Sirros: Est-ce que j'ai manqué cela, est-ce que la loi no 70 était aussi publiée avant l'élection?

M. Bérubé: Non, mais...

M. Sirros: Ah!.

M. Bérubé: Dommage que le député de Laurier n'ait pas été ici ce matin, dans la mesure où j'ai eu très longuement l'occasion d'expliquer le sens de la loi no 70 et, à votre question, je répondrais: Oui, elle y était.

M. Sirros: Vous aviez annoncé que vous alliez réduire les salaires de 521 000 000 $, la masse...

M. Bérubé: Non, elle y était de façon implicite.

M. Sirros: Ah! Je me demandais si j'avais manqué quelque chose.

Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.

M. Bérubé: Donc, M. le Président-Une voix: Vous n'avez rien manqué...

M. Bérubé: ... elle y était. Je prends en note votre question, M. le député de Laurier, et quand j'aurai terminé ma tirade, je compléterai...

M. Bérubé: Donc, nous avons, effectivement, expliqué clairement à la population la situation financière générale, les compressions budgétaires qu'il faudrait s'imposer, la situation économique générale et avons demandé un mandat à la population pour régler ces problèmes avec lesquels la société québécoise allait être confrontée dans les prochaines années. Ce mandat nous a été accordé et nous réglons les problèmes. Donc, le chef du Parti libéral oublie que nous avons eu l'honnêteté de déposer un budget. Je n'en dirais pas autant de nos collègues fédéraux qui, pendant des années, n'ont pas déposé de budget de peur d'avoir à faire face à l'opinion publique. Nous avons choisi de déposer un budget et d'affronter l'électorat sur la base du budget que nous avions eu l'honnêteté de déposer avec 1 000 000 000 $ de compressions.

Tertio. Grave critique du chef de l'Opposition libérale: le gouvernement doit se garder une marge de manoeuvre. C'est facile, mais quand, par l'administration précédente, on a enlevé au gouvernement toute marge de manoeuvre possible en engageant des centaines de milliers de fonctionnaires et en leur donnant des augmentations de salaires que notre société est incapable de payer, alors, doit-on véritablement s'étonner que le gouvernement n'ait pas tellement de marge de manoeuvre et que même il ait dû réduire les effectifs de 5000 employés dans le secteur public? Non pas les accroître, pour la simple raison qu'ils avaient mangé le pain blanc. Depuis 1976, on essaie de corriger le tir...

M. de Belleval: Et là, on mange le pain noir.

M. Bérubé: ... et là, maintenant, on peut parler d'un redressement quasi complété.

M. de Belleval: C'était même du pain au raisin qu'il y avait.

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.

M. Bérubé: Je termine, M. le Président, je...

M. de Belleval: Comme dirait Marie-Antoinette.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Marie-Antoinette a également dit, sur l'échafaud, qu'il fallait discuter de cela à tête reposée.

M. Bérubé: Si je comprends bien, c'est la sentence que vous répétez et réitérez régulièrement à votre chef de parti.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): La dernière fois que j'ai vu une guillotine, elle émanait du leader parlementaire du gouvernement.

M. Bérubé: M. le Président, je reprends uniquement quelques points du chef du Parti libéral concernant la loi no 70.

Le chef du Parti libéral ne s'est pas prononcé sur le fond, il n'a pas parlé de la crise, il n'a pas parlé des moyens qui s'offraient à la société pour les régler et de ceux qu'il proposait. Il a simplement dit: Le gouvernement est responsable de la crise et, deuxièmement, le moyen que vous prenez est mauvais. Je lui laisse bien ses opinions, mais tant et aussi longtemps que le Parti libéral n'aura pas dit ce que lui ferait dans la crise que nous traversons, son intervention n'a aucune crédibilité. Il n'en aura jamais parce que la population se posera toujours la question: Oui, c'est bien beau de dire que ce n'est pas bon ce que fait le gouvernement, mais qu'est-ce que l'Opposition ferait?

Comme on ne le sait pas, on n'a aucune raison de croire que ce serait mieux. Je vois que L'Acadie a été déportée d'une autre commission. Est-ce qu'on pourrait lui souhaiter la bienvenue?

Le chef du Parti libéral nous dit: Dans la réponse des syndicats, il y avait une ouverture à la négociation. Oui, il y avait une ouverture à la négociation, indéniablement. Et comme je l'ai expliqué, j'ai la ferme conviction, par les contacts que j'ai eus et d'ailleurs par les déclarations publiques des chefs syndicaux, que la perception de la crise est passablement identique à celle du gouvernement. Il peut y avoir des différences d'opinions quant à la façon de régler la crise, mais à nouveau j'estime que certaines des opinions sur lesquelles d'ailleurs les chefs syndicaux n'ont pas beaucoup insisté ne résistent pas véritablement à l'analyse.

De fait, lorsqu'on parcourt l'ensemble de la presse financière québécoise, on doit bien constater qu'il s'est fait un consensus très rapide sur l'analyse gouvernementale. Je n'ai, en fait, à ma connaissance, qu'une seule expression d'opinion claire, qui est distincte et divergente de celle du gouvernement, c'est celle du Conseil du patronat. Le Conseil du patronat propose simplement la mise à pied de 15 000 à 20 000 employés du secteur public comme étant la solution au problème. C'est à peu près le seul exemple où je suis prêt à reconnaître non pas la validité de l'opinion du Conseil du patronat, mais la validité de l'effort, en ce sens qu'ayant analysé la problématique, ayant étudié les choix qui s'offraient, le Conseil du patronat a choisi, parmi les moyens possibles, la mise à pied. Chacun a droit à ses opinions, et je pense que le Conseil du patronat peut défendre le point de vue qu'on doit mettre à pied 20 000 personnes en période de chômage. Avec un effondrement économique comme celui que nous connaissons, on crée 20 000 chômeurs difficilement recyclables et on ne s'occupe pas trop des problèmes familiaux que cela représentera, des problèmes sociaux, cela n'a pas d'importance. C'est la position du Conseil du patronat.

J'ai l'impression que l'affinité entre le Conseil du patronat et le Parti libéral fait peut-être que, sans que le Parti libéral le dise, le Conseil du patronat est finalement le haut-parleur du Parti libéral et que c'est peut-être la position libérale. C'est tout à fait plausible, mais enfin, je ne pourrai pas nécessairement...

Le Président (M. Bordeleau): Excusez, M. le ministre.

M. Bérubé: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Bordeleau): Mme la députée de L'Acadie pose une question.

Mme Lavoie-Roux: Est-ce que le ministre me permettrait une question?

M. Bérubé: ... parleur, si je comprends bien.

Le Président (M. Bordeleau): Est-ce que vous acceptez, M. le ministre, la question?

Mme Lavoie-Roux: Je ne parle pas de haut-parleur. Le ministre dit qu'il y a un consensus sur l'approche gouvernementale à toute cette question.

M. Bérubé: La problématique.

Mme Lavoie-Roux: Oui. Le seul consensus que j'ai pu observer, c'est celui de la faillite du gouvernement.

M. Bérubé: C'est dommage, Mme la députée de L'Acadie, vous avez manqué la première partie de l'exposé. Je suis convaincu qu'en lisant les comptes rendus des journalistes, qui sont ici présents, demain, dans les médias, ou encore en lisant le journal des Débats je vous épargnerai la dure épreuve de vous dire vos vérités, Mme la députée de L'Acadie, et par conséquent, je ne répéterai pas...

Mme Lavoie-Roux: ... le journal des Débats.

M. Bérubé: Oui, vous lirez le journal des Débats. Vous allez vous marrer. Vous allez plutôt pleurer parce que, si j'étais à votre place, je pleurerais.

M. Lachance: La population pleure, aussi.

Le Président (M. Bordeleau): ... à l'ordre!

M. Lachance: Alors, il n'y a pas de danger, ils sont d'accord avec nous. Voulez-vous un référendum sur cela?

Le Président (M. Bordeleau): S'il vous plaît:

Mme Lavoie-Roux: 29% de satisfaction.

M. Bérubé: M. le Président, si vous me redonnez la parole.

Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. le ministre, c'est à vous.

M. Bérubé: Donc, on nous a dit que, dans la réponse syndicale, il y avait une ouverture. Oui, M. le Président, il y avait une ouverture. Je suis convaincu qu'il y a

chez les représentants des travailleurs une réelle volonté de s'asseoir à une table de négociation et de négocier les prochaines conventions collectives, indéniablement. Je suis également convaincu que les représentants syndicaux dans leur tournée à travers le Québec n'ont pas obtenu le mandat de la part de leurs syndiqués d'accepter l'offre de réduction des salaires du mois de juillet.

Troisièmement, je sais que nous devrons verser les augmentations de salaires et que les délais normaux de négociation font que nous nous retrouverons sans doute quelque part à l'automne dans une position où, de toute façon, le gouvernement aura à agir. Étant devant cette réalité, nous n'avons pas nié qu'il y avait une ouverture dans la position syndicale, une ouverture à la négociation; mais nous avons dû prendre acte du refus syndical de la proposition d'avril, laquelle proposition permettait d'amorcer le virage plus tôt et de faire en sorte que l'on n'ait pas effectivement à intervenir plus brutalement à la fin du virage. Car, qu'on le veuille ou non, il y a 521 000 000 $ à aller chercher et nous n'irons pas taxer, nous n'irons pas emprunter et nous ne couperons pas de services. Donc, cela dit, je pense qu'il faut faire face à la réalité et, comme gouvernement, nous avons choisi la voie de la loi no 70.

La loi no 70, je le reprends parce que le chef du Parti libéral n'a pas semblé comprendre le sens de mon intervention, est très simple. La loi no 70 n'exclut pas la négociation, au contraire, elle prévoit la négociation. Elle dit même que la négociation prévaut sur la loi, que toute entente négociée l'emporte sur les stipulations de la loi. C'est tout de même important, que les négociations soient au-dessus de la loi. Premier élément.

Deuxième élément: Comme le disait d'ailleurs, ce matin, la députée de L'Acadie à sa question au ministre des Affaires sociales, il ne faut pas leurrer ceux avec qui nous négocions en leur faisant croire que nos mandats pourraient être beaucoup plus généreux, que nous avons deux, ou trois fonds de baril. À l'époque du Parti libéral, il y avait deux ou trois fonds, il n'y avait même pas de fond du tout. On l'a vu tantôt, ces gens donnaient notre chemise généreusement.

Mme Lavoie-Roux: Vous ne parlez pas de vos négociations avant le référendum vous?

M. Bérubé: Justement on en parlé Mme la députée de L'Acadie. C'est dommage que la députation libérale ne soit pas au grand complet quand nous commençons. Je pense qu'il y aurait lieu que je reprenne l'exposé de tantôt.

Des voix: Oui, oui.

M. Bérubé: ... consentement.

À l'intention de la députée de L'Acadie, je le reprendrai succinctement, quand j'aurai terminé mon exposé, quand j'aurai répondu à la question du député de Laurier et, subséquemment, je répondrai à votre question.

La loi no 70 pose très clairement quelles sont les contraintes à l'intérieur desquelles nous devons évoluer. Elle fait en sorte que les parties puissent prendre position en fonction de contraintes clairement perçues plutôt qu'en fonction d'une hypothétique menace qui pourrait, comme dit la députée de L'Acadie ce matin, représenter un leurre - c'est un mot sonore et très agréable, un leurre, c'est ce mot habituel que l'on trouve dans la bouche du Parti libéral - faire croire que nous sommes peut-être au bout de notre coton, qu'il n'y a pas de deuxième fond, alors qu'il y en aurait deux, trois, quatre et cinq que l'on pourrait ouvrir les uns après les autres dans un espoir de régler. Nous avons choisi une autre voie, elle est plus dangereuse, je le reconnais. Nous avons choisi de mettre tous les chiffres sur la table, absolument tous, de telle sorte que l'inconvénient, lorsque vous avez mis tous les chiffres sur la table, c'est qu'il n'y a plus de fond, il n'y a pas de double fond. Vous avez votre baril, il est là, et on dit: Voici ce qu'il y a dans le baril. Vous pouvez prendre tout ce qu'il y a dans le baril, mais pas plus. Si vous cherchez à prendre plus que ce qu'il y a dans le baril, au nom de l'intérêt public, on ne pourra pas l'accepter. Cela, c'est l'inconvénient de tout mettre sur la table. Nous y avons pensé, nous avons même hésité à mettre tous les chiffres sur la table, de manière à pouvoir en offrir moins et céder après. Non, ce n'est pas cela que nous avons fait. Nous avons dit: Nous mettons tout sur la table et nous négocierons carrément, dans la franchise la plus totale. La loi 70, cependant, est nécessaire dans la mesure où, ayant fait ce choix, il faut désormais couler ce choix dans le béton, faire en sorte qu'ayant choisi la voie de l'honnêteté et de la franchise, de cette absence de double-fond comme le pratiquait le Parti libéral, ceci nous oblige nécessairement à poser très clairement par loi les limites d'une négociation dans les secteurs public et parapublic. C'est le sens effectivement de notre intervention.

Mme Lavoie-Roux: ... votre tonneau à la négociation.

M. Bérubé: Je reviens maintenant à la question du député de Laurier. Il dit: La loi était-elle expliquée lors de l'élection? La loi 68 y était puisque le ministre des Finances avait annoncé un nouveau régime de retraite,

à la baisse, dans son budget, avant les élections. La loi 68 était inscrite dans le budget et expliquée publiquement, non pas dans toutes ses modalités, mais dans la volonté du gouvernement de modifier les régimes de retraite, premièrement.

Deuxièmement, quant à la loi 70, le jour où nous avons dit qu'il y avait une crise, que nous ne le cacherions pas à l'électorat comme l'a fait le Parti libéral... Je ne parle pas de la succursale, du club ferme du Parti libéral au Québec; je parle du grand Parti libéral, celui qui a écrasé le Québec de façon aussi dramatique lors des dernières rondes de négociations constitutionnelles. Je parle du grand Parti libéral.

M. Sirros: Est-ce que...

Mme Lavoie-Roux: C'est parce qu'on n'avait pas un gouvernement qui se respectait.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): On peut vous remercier pour cela.

M. Bérubé: Le jour où nous avons choisi la franchise, en déposant le budget avant les élections, d'indiquer clairement la crise et que nous étions prêts à prendre les moyens pour régler cette crise, oui, nous avions choisi la voie de la franchise; oui, nous avions choisi la voie de l'explication des finances publiques et, par conséquent, nous avions en même temps choisi les conséquences de ce geste; et oui, la loi 70 pouvait être implicitement incluse dans le mandat électoral. C'était le mandat d'un gouvernement qui demandait un mandat clair de la population pour régler la crise économique que l'ensemble des pays occidentaux allait connaître et que nous étions décidés, nous, à juguler au Québec.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Est-ce que le slogan du parti...

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Vaudreuil-Soulanges.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): ministériel lors de l'élection était: II faut rester fort ou il faut comprimer?

M. Bérubé: II faut comprimer pour rester fort.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Je me doutais de la réponse, mais je pensais que cela appelait peut-être un peu de détails.

M. Bérubé: M. le Président, maintenant, il faut que je réponde à la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: On y va. On va faire venir le député de...

M. Sirros: Votre plaisir, vous pouvez le trouver. Prématuré, sûrement.

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.

M. Bérubé: À de nombreuses reprises, j'ai écouté des représentants du Parti libéral qui, répétant des discours somme toute identiques préparés par le seul recherchiste du Parti libéral qui connaisse quoi que ce soit aux finances publiques, et je dois avouer que c'est plutôt catastrophique comme résultat, mais enfin, on prend ce qu'on a, donc, ayant écouté à de nombreuses reprises des discours libéraux, j'ai commencé à m'inquiéter. Même la députée de L'Acadie... Je ne peux pas m'adresser à vous, mais je m'adresse au président de manière qu'il vous parle à l'oreille.

M. le Président, lorsque la députée de L'Acadie, à plusieurs reprises, a parlé de ces pléthores de fonctionnaires engagés par le gouvernement dans ses multiples nouveaux organismes de toutes sortes, qui sont en train d'accabler l'État sous un nombre de fonctionnaires et d'employés de l'État qui sont sous-utilisés, M. le Président, j'avoue, j'avoue.

Mme Lavoie-Roux: ... sous-utilisés.

M. Bérubé: ... que la sincérité - parce que je pense qu'on ne peut pas douter de la sincérité de la députée de L'Acadie - que la sincérité de la députée de L'Acadie m'a ému, m'a inquiété, m'a bouleversé, M. le Président. J'ai dû demander à l'administration du secteur public de bien vouloir me faire l'analyse du nombre d'emplois, en 1970-1971 lors de la première année du régime bourrassiste, de le comparer avec la première année d'un régime péquiste et, finalement, avec cette année 1982-1983.

M. le Président, qu'est-ce que j'ai découvert comme chiffres? Je vous le donne en mille...

Une voix: En 100 000.

M. Bérubé: ... oui, je vous le donne en 100 000. Pour compléter quand même mon intervention, parce que je suis sûr que la presse maintenant va être ennuyée par cette répétition, cette redondance, qui n'est attribuable qu'au fait que les députés de l'Opposition sont arrivés en retard. Il y avait donc 45 000 fonctionnaires dans la fonction publique. 92 000 à l'Éducation et 102 000 aux Affaires sociales pour un grand total de 239 559 employés de l'État. Voilà donc le nombre d'employés.

Et à la fin du régime bourrassiste, au

moment où nous prenons le pouvoir, je me suis interrogé. Ce gouvernement qui a créé de nombreux emplois dans le secteur privé, qui a mis l'accent sur le développement de notre économie, a certainement dû contrôler les effectifs dans le secteur public. M. le Président, j'ai examiné les chiffres que l'on m'a fournis. J'ai été atterré: 70 994 fonctionnaires, au lieu de 45 000 environ; 126 000 employés de plus à l'Éducation; 142 000 personnes aux Affaires sociales, pour un total de 339 663 fonctionnaires.

Mme Lavoie-Roux: En quelle année, cela, M. le Président?

M. Bérubé: Cela, c'est la première année du régime Bourassa à la première année du régime péquiste, 1970-1971 à 1977-1978.

Mme Lavoie-Roux: Oui, sauf que les enfants augmentaient encore dans les écoles, M. le Président.

M. Bérubé: 100 000 fonctionnaires de plus, M. le Président.

Mme Lavoie-Roux: D'accord, allez-y.

M. Bérubé: Évidemment, avec la création des nombreux organismes sous notre administration, j'étais convaincu que j'allais en trouver au moins 300 000 de plus.

Mme Lavoie-Roux: On a jamais parlé de cela...

M. Bérubé: En fait, je dois vous avouer que j'ai même demandé à notre administration: Ne calculez pas les chiffres, je vous en prie. Mais l'administration, totalement apolitique, a dit: M. le ministre, si vous nous les faites compter sous le régime libéral, nous devons les comptabiliser sous le régime péquiste. C'est une question d'honneur. L'honneur, nous connaissons cela, au Parti québécois, nous avons dit, évidemment: Acceptons. Mais j'étais horrifié à la pensée des chiffres que j'allais lire, surtout après avoir entendu les discours épouvantablement catastrophés de la députée de L'Acadie. Je me suis dit: Combien y aura-t-il de fonctionnaires quand nous aurons fait le total?

Ainsi, je découvre 72 287 fonctionnaires, 118 616 à l'Éducation et 144 000 aux Affaires sociales, c'est-à-dire 335 030; 4 000 de moins. Ciel! M. le Président, qui est responsable du dégât? Qui a causé cette catastrophe avec laquelle nous devons vivre? Je me promène parfois avec une petite courbe qui intéressera la députée de L'Acadie, fort intéressée par l'Éducation. Nous avons le rapport maître-élèves au Québec, en fonction des années. Qu'est-ce que je découvre? Voici une convention libérale et voici l'évolution du rapport maître-élèves, à la suite de cette convention. Il passe de 19,6 à 16,8, et voici notre convention.

Voici le portrait d'une catastrophe libérale. J'ai tantôt analysé les salaires, mais je pense que le chef du Parti libéral, ayant maintenant en main toutes les données... il m'en a d'ailleurs remercié. Je pense que c'est un des rares hommes politiques du Parti libéral honnête. D'ailleurs, c'est l'inconvénient; j'ai l'impression, qu'il n'arrive pas à s'intégrer facilement au Parti libéral. Je crois effectivement qu'on le trouve insuffisamment partisan, on trouve ses jugements un peu trop pondérés. Il aime bien avoir l'ensemble des données en main avant de proférer une affirmation quelconque, ce qui évidemment est très opposé à l'esprit général qui prévaut dans ce parti...

Mme Lavoie-Roux: C'est très différent de votre chef, n'est-ce pas? Je comprends que ça vous étonne.

M. Bérubé: Mais enfin, M. le Président, je comprends que ce soit un problème propre au Parti libéral et, évidemment, je sympathise avec le chef du Parti libéral, chef pour peu de temps encore. Donc ce dernier a en main toutes les données sur l'évolution du coût des conventions collectives. Je dois vous avouer qu'il a pris un air atterré. Il a même dit, devant les gens qui étaient ici: Mais ce n'est pas possible! Je lui ai dit: Eh oui, M. Ryan, c'est possible, hélas! Et c'est la raison pour laquelle vous n'avez pas de place dans ce parti, vous ne pensiez pas qu'ils étaient comme ça. Et aujourd'hui, nous sommes encore en train de ramasser les morceaux causés par le dégât épouvantable, immonde, laissé par six années d'administration libérale. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. le ministre. M. le député de Vaudreuil-Soulanges, toujours sur les remarques préliminaires?

M. Daniel Johnson

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges):

Certainement, M. le Président, on a assisté à une performance semblable à celle que le ministre a l'habitude de nous donner en commission parlementaire.

M. Paquette: ... Deux performances...

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Oui, une performance répétée, j'allais le souligner et je remercie le député de Rosemont de le souligner de la même façon. Je ne sais pas véritablement quels progrès pour la

compréhension des raisons de la présentation du projet de loi no 70 peuvent paraître à la suite de cette démonstration, parce que je pense qu'on peut parler longuement. À titre d'exemple, je vais reprendre les points que le ministre a fait valoir.

On peut reprendre longuement les discussions sur les effectifs. On peut regarder comment, dans la fonction publique, d'une part, et, d'autre part dans le monde de l'enseignement et des affaires sociales, les effectifs auraient augmenté de 1970 à 1976. Mais je pense qu'on doit également décomposer, à l'intérieur de ces trois grandes classes, quelles ont été les véritables secteurs de croissance. Il me semble qu'il faudrait mesurer quels sont les facteurs de croissance qui tiennent à l'augmentation des clientèles, à la création de programmes que les Québécois avaient demandés, auxquels ils aspiraient et que, incidemment, ils avaient les moyens de se donner. Je reviendrai là-dessus.

Il faut quand même tenir compte - je suis sûr que ma collègue de L'Acadie en parlera plus longuement - de l'explosion du nombre des enfants d'âge scolaire, de la fréquentation scolaire, etc. On pourra revenir sur le ratio maître-élèves, mais je pense que la qualité des services, la gamme des services, l'éventail des services sont également en cause et sont, pour une grande part, une explication des augmentations qu'on a connues dans ce secteur.

Par ailleurs, il est évident que la croissance exponentielle, elle aussi dans certains secteurs, à la suite de la mise en place de tout un système d'assurances relatives au service de santé et aux services sociaux, n'est pas étrangère à l'augmentation du personnel dans ces réseaux.

De cette façon, je pense qu'il faut pondérer grandement les comparaisons qu'on peut faire entre 1970 et 1976, d'une part, et de 1976 à nos jours, d'autre part, étant donné qu'il est absolument élémentaire de tenir compte de l'augmentation des services que toutes ces nombreuses dizaines de milliers de personnes ont pu rendre à la population.

M. Bérubé: Patinage;

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Le ministre peut bien dire qu'on patine, mais, pour le moment, on a juste eu droit à un ensemble de chiffres dans trois catégories, pour l'année 1970, pour l'année 1976 et pour l'année courante ou à peu près, chiffres préliminaires qu'on ne met pas en doute, mais qui couvrent quand même une réalité. Ce n'est pas pour le plaisir de la chose qu'il y a 100 000 fonctionnaires de plus de 1970 à 1976 et je ne pense pas que qui que ce soit et certainement pas l'Opposition d'alors, les six ou sept péquistes qui siégaient à l'Assemblée nationale, ait dénoncé cet état de chose. Au contraire, en général, ils se sont plaints de l'insuffisance des services que le gouvernement pouvait donner à la population; de l'insuffisance, non seulement quant au nombre, mais quant à la qualité des effectifs qu'on mettait à la disposition des contribuables québécois. (16 h 15)

Dans ce sens-là, il faudrait quand même faire preuve d'un peu de cohérence ou, à tout le moins, en l'absence de cohérence dans le discours, mettre sur la table les chiffres qui démontrent que des créations de programmes dont les Québécois avaient, d'une part, besoin et, d'autre part, qu'ils avaient les moyens de se payer, expliquent très certainement - cela tombe sous le sens - l'augmentation des effectifs dont le ministre nous fait la description. Étant donné qu'il constate lui-même que, dans notre formation politique, le système veut que nous n'ayons, dit-il, qu'un seul recherchiste alors qu'il a à sa disposition, ne serait-ce que pour son seul cabinet, plus de 400 000 $ - je fais exception de toute la fonction publique...

M. Bérubé: J'ai à ma disposition, grâce à vous, 350 000 fonctionnaires maintenant.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Déjà, on voit le rapport dans la somme des données qui peuvent être disponibles au ministre pour avancer les choses qu'il a prétendues, mais on aimerait beaucoup une ventilation, le cas échéant, si ses dossiers le lui permettent, des raisons d'augmentation des effectifs, peut-être par secteurs, sans aller jusque dans les moindres détails, les moindres classes, les moindres pieds carrés d'espaces occupés, une justification à la lumière des programmes créés.

Le deuxième sujet qu'a soulevé le ministre dans sa réplique et qui n'avait pas été évoqué de ce côté-ci, ni d'ailleurs par lui-même, depuis le 14 avril 1981, c'est à savoir que le gouvernement est parfaitement légitimé de procéder de la façon qu'il le fait en présentant le projet de loi no 70, étant donné qu'il y a eu des élections générales, que le Parti québécois a été reporté au pouvoir et qu'à l'occasion de la campagne électorale qui a suivi la présentation d'un budget, l'électorat a été à même de voter positivement et affirmativement pour l'ensemble des projets à venir du gouvernement.

On a, en général, tendance à diviser les écoles de pensée politique qui ont trait au comportement de l'électorat entre l'école qui prétend que l'électorat vote pour dire merci ou alors que l'électorat vote étant donné les promesses qui lui sont faites. Donc, on vote soit pour le passé, soit pour l'avenir. Le ministre est en train d'accréditer la thèse que non seulement la gestion extraordinaire

dont il fait état explique, en partie, les résultats de l'élection, mais que les promesses qu'il faisait miroiter pour l'avenir, y compris les promesses extrêmement dures de compressions, ont été approuvées par les Québécois lors de l'élection de 1981. J'ai évoqué tout à l'heure la question de savoir si les Québécois ont perçu que le gouvernement se présentait en prétextant que le Québec pourrait rester fort avec le Parti québécois reconduit au pouvoir, alors que le ministre semble vouloir nous dire que les promesses électorales qu'il a fait valoir, que le programme d'action qui serait celui du gouvernement s'il était reporté au pouvoir, étaient non seulement de comprimer les dépenses, de couper dans certains services, mais également d'imposer à environ 300 000 Québécois, des employés de l'État, un nouveau régime de négociation de leur convention collective, à la lumière, manifestement, de circonstances environnantes et surtout économiques et financières qu'il imposerait.

On peut se souvenir, à l'occasion de ce débat, que le premier ministre lui-même avait indiqué que le budget avait été présenté en catastrophe. C'était un budget préélectoral. C'était un budget présenté tout de suite avant des élections. Les échéances électorales avaient manifestement obligé le ministre des Finances à agir très rapidement, à présenter quelque chose que le premier ministre lui-même, dans les semaines qui ont suivi l'élection, a qualifié de catastrophique ou de fait en catastrophe, parce qu'il y a une distinction que je vais respecter. Dans ce sens-là, je ne peux pas voir comment on peut s'inspirer d'un budget qui est dressé en catastrophe pour prétendre qu'on a mis sur la table les vrais chiffres, la vraie situation qui nous mène aujourd'hui à la présentation du projet de loi no 70 par le gouvernement.

La véritable et la seule catastrophe devant laquelle nous nous trouvons aujourd'hui - le chef de l'Opposition l'a fait remarquer ce matin et le président du Conseil du trésor a tenté de la réfuter tout à l'heure - c'est effectivement la perte de la marge de manoeuvre du gouvernement. Le président du Conseil du trésor nous a dit que, de 1970 à 1976, le taux d'augmentation des dépenses publiques avait largement excédé le taux d'inflation, ce qui est beaucoup plus considérable, dit-il - et les chiffres le démontrent, si on veut se limiter à ceux-là - que le rythme d'augmentation des dépenses, depuis six ans, comparé à l'inflation. Je cherche vainement la raison rationnelle qui permet de prétendre que c'est un assainissement des finances publiques que de limiter à un certain écart au-dessus du taux d'inflation la croissance des dépenses publiques. J'ai toujours pensé que la santé financière des programmes de dépenses, que la place que peuvent prendre, dans l'économie, les dépenses gouvernementales, ne peut être mesurée valablement, quant au rythme d'augmentation, qu'en comparaison de la croissance réelle de l'économie. C'est-à-dire que c'est plutôt, il me semble, l'écart entre le rythme d'augmentation des dépenses et le rythme d'augmentation de notre produit intérieur brut qui nous permettrait d'avoir une meilleure compréhension des progrès ou du recul que la santé des finances publiques aurait fait. Que le taux d'inflation soit de 20% ou de 0%, l'écart qui existe entre ce taux d'inflation et le taux d'augmentation des dépenses publiques n'est pas aussi pertinent, il me semble, il n'est même pas pertinent, si, sous-jacent, dans la même période, à la croissance des dépenses publiques, on peut constater des niveaux d'augmentation de produit intérieur brut, en dollars constants, qui permettent de supporter ces dépenses-là.

M. Bérubé: Nettement inférieur.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): C'est dans ce sens-là que le ministre, il me semble, s'est livré à un raccourci, dans le discours, pour les fins de sa démonstration, qu'il avait intérêt à emprunter mais qui ne supporte pas l'analyse. Nous avons déjà fait valoir, et mes collègues continueront à le faire - j'invite le ministre à traverser au salon bleu, un peu plus tard aujourd'hui, pour écouter certains de mes collègues répondre à son collègue du ministère des Finances, à l'égard du budget qui nous a été présenté le 25 mai - que les chiffres qui sont là pour que tout le monde les regarde démontrent que, de 1970 à 1976, le taux d'augmentation de dépenses du gouvernement pouvait largement être supporté par l'accroissement de la richesse véritable des Québécois pendant cette période, que l'activité économique en dollars constants - je n'ai pas les chiffres devant moi mais si le ministre insiste, on ira les chercher - a permis justement des programmes de dépenses qu'on a décrits comme étant somptuaires, il y a quelques instants, de la part du ministre. Depuis cinq ou six ans, il n'est aucunement question de connaître des croissances dans les niveaux de dépenses, alors que, de la même façon et au même rythme, étant donné l'affaissement relatif de la richesse collective, le produit intérieur brut n'a pas connu des progrès en dollars constants nets de l'inflation de la même ampleur que ceux qu'on a connus dans les années précédentes.

À mon sens, c'est beaucoup plus vers ces mesures de comparaison qu'il faut porter un peu plus d'attention, si on veut véritablement mesurer quels genres de services on s'est donnés. Est-ce que véritablement, depuis six ans, comparé à la période de six ans antérieurs, on a fait des ponctions dans la richesse collective qu'on

avait les moyens de supporter ou pas? Est-ce que, en attendant, les écarts fiscaux avec nos voisins se sont agrandis ou pas? On pourrait avoir une longue discussion sur les écarts. Est-ce que l'augmentation - et ce n'est pas négligeable - des déficits et de la dette nette du Québec, dans la même période de six ans, ne correspond pas à un effort fiscal virtuel, de la part des Québécois, à venir qui était largement inférieur dans les six années qui ont précédé l'accession du Parti québécois au pouvoir?

Dans ce sens-là, je pense que c'est un peu faire injure, de la part du président du Conseil du trésor, à des démonstrations qui appellent manifestement encore des répétitions de notre part, si on veut mettre tous les chiffres sur la table. Pendant que nous discutions, certains de nos adjoints se sont effectivement déplacés vers les lieux où on pouvait retrouver les chiffres que j'évoquais sans les donner spécifiquement tout à l'heure. On voit que, pour la période de 1970 à 1976, le produit provincial brut, le produit intérieur brut du Québec a connu un taux d'augmentation de 110%, les revenus personnels des Québécois ont connu une augmentation de 135% en dollars constants dans les deux cas. Les résultats démontrent une augmentation du produit intérieur brut du Québec de 27,5% et des revenus personnels des Québécois de l'ordre de 55% en dollars constants de 1971.

Deuxièmement, pour la période de six ans...

M. Bérubé: Des dépenses publiques? M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Oui.

M. Bérubé: Pourriez-vous nous donner maintenant le taux réel, en dollars constants, des dépenses publiques. Ce serait intéressant d'avoir les chiffres complets.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Oui, sûrement.

M. Bérubé: Ah!

Une voix: Ce n'est pas en dollars constants.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Ce n'est pas en dollars constants.

M. Bérubé: Ah! Ce n'est pas en dollars constants?

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Une seconde, on y revient. On va tout vous donner.

M. Bérubé: Ce serait intéressant, cela. M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): On a les deux mesures, en dollars courants et en dollars constants...

M. Bérubé: Oui, ce serait intéressant, M. le Président, je trouve très intéressant qu'on nous fournisse...

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): ... M. le président du Conseil du trésor.

M. Bérubé: ... l'augmentation réelle de la richesse, l'augmentation du pouvoir d'achat des citoyens.

Le Président (M. Blais): S'il vous plaît, M. le ministre!

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): M. le Président, j'en appelle à vous.

Le Président (M. Blais): S'il vous plaît, M. le ministre!

M. Bérubé: Ce serait très intéressant, M. le Président. J'aimerais bien cela car cela permettrait à la presse, en même temps qu'à nos concitoyens qui nous écoutent ou qui nous lisent...

Le Président (M. Blais): M. le ministre, s'il vous plaît!

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): M. le Président, si vous me le permettez...

M. Doyon: Qui a la parole, M. le Président?

Le Président (M. Blais): S'il vous plaît, M. le ministre, je m'excuse, la parole est au député de Vaudreuil-Soulanges.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Le ministre aura amplement le temps de revenir sur le sujet.

Le Président (M. Blais): Elle n'est pas au député de Louis-Hébert non plus.

M. Doyon: Je m'interrogeais.

Le Président (M. Blais): M. le député de Vaudreuil-Soulanges.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): M. le Président, votre fermeté est de bon aloi. Pour les dernières six années, de 1976-1977 à 1981-1982, l'augmentation du produit intérieur brut du Québec, en dollars courants, était de 83,2%; les revenus personnels, 92,8%, en dollars constants, 10,4 dans le cas du produit intérieur brut et 9,4 pour les revenus personnels.

Nous en arrivons aux dépenses budgétaires. Mettons les chiffres pertinents en regard. Je ne veux pas vous induire en

erreur.

M. Bérubé: Ah! Voilà! C'est un sentiment qui vous honore, vous devriez quitter, vous aussi, le Parti libéral.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Je ne veux pas vous induire en erreur. Alors que le produit intérieur brut augmentait, en dollars courants, de 110%, il y avait augmentation de 160% dans les dépenses budgétaires de 1970-1976, écart manifeste, alors que pour les dernières six années l'augmentation du produit intérieur brut du Québec est de 83,2 et de 112,8 pour les dépenses budgétaires.

On voit qu'il y a quand même là des différences importantes. On voit que malgré une augmentation en dollars courants de la richesse des Québécois depuis quelques années, au niveau des dépenses budgétaires qui ne sont financées que par emprunt, les dépenses budgétaires totales ont connu un rythme d'augmentation qui n'était pas aussi bien supporté par le rythme d'enrichissement des Québécois que dans les années précédentes. C'est là que se trouve la difficulté. C'est là qu'on est obligé de constater qu'il y a crise budgétaire. Ce que le ministre invoque, à l'appui de la présentation du projet de loi no 70, c'est la crise budgétaire. On se serait attendu que ce soit une crise sociale ou une crise politique qui amène le gouvernement à présenter un projet de loi qui aurait des répercussions à caractère éminemment social et politique, dans la mesure où ce qu'on fait est de modifier, comme nous l'avons précisé, le régime connu jusqu'ici des négociations dans le secteur public. (16 h 30)

II me semble que cela tient à une conception de la politique, à une conception du rôle du gouvernement que ne partagent pas l'Opposition et le parti gouvernemental. Lorsque le président du Conseil du trésor accuse le chef de l'Opposition de ne pas s'être adressé au fond même de la question, je pense que, au contraire, ce que le parti de l'Opposition fait depuis le début, depuis les premières velléités exprimées de la part du gouvernement lorsqu'il a présenté ce projet de loi, c'est de faire valoir que, crise budgétaire ou non, crise des finances publiques ou non il n'y a pas, à ce moment-ci, de raison qui porterait le gouvernement à renier la signature qu'il a opposée et que d'autres ont apposée de bonne foi, dans leur cas, sur des conventions collectives. C'est exprimer, je pense, malgré tout, un sens des responsabilités de la part de l'Opposition d'avoir toujours, dans ses interventions, fait remarquer à tous les interlocuteurs qu'une fois la convention collective présentement en cours venue à expiration, il s'agissait de négocier une nouvelle entente, à partir du 1er janvier, qui tenait compte des circonstances économiques que nous connaissons. Ce n'est pas ce que le gouvernement fait. Nous avons dit, nous avons toujours redit et répété que le gouvernement doit, d'abord et avant tout, donner le bon exemple du respect de sa signature, de valable gardien de la crédibilité publique, pour paraphraser un discours récent du ministre des Finances.

Il me semble que le gouvernement manque à ce devoir premier de tout gouvernement qui veut prétendre d'abord s'assurer que le gouvernement du Québec reste fort et ensuite s'assurer que le niveau, le climat social dont il est un des éléments déterminants puisse demeurer acceptable.

Le Président (M. Blais): Merci, M. le député de Vaudreuil-Soulanges.

M. Réjean Doyon

M. Doyon: Lors de l'exposé du ministre, j'ai cru comprendre qu'il affirmait - si j'ai mal compris, il va sûrement me corriger - il n'a pas l'habitude d'être gêné...

Le Président (M. Blais): Nous en sommes encore aux remarques préliminaires.

M. Doyon: Simplement une question en passant, simplement pour clarifier la situation, avec la permission du ministre, bien sûr. Si j'ai bien compris le ministre, pour la période qui s'est échelonnée à partir de 1976 jusqu'à maintenant, 1979-1980, il n'y a pas eu d'augmentation d'effectifs, à toutes fins utiles. C'est qu'il y a eu un gel, le nombre de fonctionnaires a été constant ou à peu près.

M. Bérubé: Pour être honnête avec vous, je devrais... Je dois avoir cette note-là, parce que, d'habitude, je la traîne. Voilà! La petite courbe fait une espèce de creux comme ceci en 1977 à la suite du gel quand nous sommes arrivés; après ça, elle passe par un maximum et elle décroît. Il s'agit uniquement de la fonction publique. En d'autres termes, on a eu une décroissance la première année, une remontée les deux années suivantes et, après ça, on a enclenché le processus de décroissance des effectifs, ce qui fait qu'en fin de période, on se retrouve avec les chiffres que je vous ai mentionnés tantôt.

M. Doyon: Là-dessus, M. le Président, j'aimerais que le ministre me concilie les chiffres que j'ai ici et qui proviennent du sixième rapport annuel de la CARR, 1979. Dans ce rapport officiel qui a été déposé, je pense, au nom du ministre, en tant que ministre responsable de la CARR, il est indiqué qu'en 1975, il y avait, dans la totalité, le nombre total des cotisants aussi

bien au RRE, au RRF qu'au RREGOP, il y avait la sûreté, la Législature, les juges là-dedans, les particuliers qui sont inexistants...

M. Bérubé: Les chiffres que je vous ai donnés, ce sont des personnes-année alors que ce que vous avez à la CARR, ce sont des dossiers, quoi, des personnes inscrites.

M. Doyon: On parle du nombre de participants ici et cela passe de 329 000 en 1975 à 348 600 en 1979.

M. Bérubé: Ce que je vous ai donné, ce sont des personnes-année. Ce que vous avez là, ce sont des personnes qui ont des dossiers à la CARR. Ce n'est pas du tout le même concept.

M. Doyon: Le ministre est en train de nous dire que... Moi, j'ai un tableau qui s'appelle nombre de participants, parce que je veux bien comprendre la situation. Nombre de participants, cela veut dire des cotisants, des gens qui versent des montants. Est-ce qu'il y a des dossiers sans des personnes derrière ces dossiers? Est-ce qu'il y a des fantômes qui cotisent quelque part?

Le Président (M. Blais): M. le ministre.

M. Bérubé: II y a des quarts de dossier, des dixièmes de dossier, des vingtièmes de dossier dont la somme finit par former un dossier; à ce moment, cela fait beaucoup plus de participants que l'équivalent en personnes-année. C'est dommage que le député de Louis-Hébert ne comprenne pas la différence entre une personne-année et une personne inscrite, mais enfin, je n'y puis absolument rien.

M. Doyon: Je comprends très bien la différence, sauf que j'ai un tableau sous les yeux qui s'appelle nombre de participants et les participants, c'est du monde. Des dossiers, ça ne participe pas. Les participants, c'est du monde et ça passe de 329 000 en 1975 à 348 600 en 1979. J'ai de la difficulté à concilier cela et le ministre vient nous dire que ce sont des personnes-année, soit, mais cela n'explique pas la différence qui existe entre ces affirmations et...

M. Bérubé: ... des collèges privés qui s'inscrivent à la CARR, est-ce que cela inclut les organismes non budgétaires?

M. Doyon: Cela inclut les participants, comme j'ai indiqué au ministre au tout début de ma question. Cela inclut les participants au RRE, au RRF, au RREGOP, les cotisants à la sûreté, les cotisants à la Législature, les juges et coroners qui ont été, à toutes fins utiles, constants, les maires et conseillers qui, en toute honnêteté pour le ministre, sont passés de 337 participants à 500, donc, une différence là de 263. À part cela, on ne trouve pas la justification de la différence de 329 000 à 348 000.

M. Bérubé: Alors, je vais vous expliquer la différence, c'est très facile. Il faut deux députés libéraux pour faire un député péquiste.

M. Doyon: Au-delà des boutades, M....

Le Président (M. Bordeleau): S'il vous plaît!

M. Bérubé: Cela fait deux fois plus de participants, mais cela fait une personne...

M. Blais: ... des confrères en Chambre.

Le Président (M. Bordeleau): S'il vous plaît; M. le ministre.

M. Bérubé: Non, cela vient tout simplement de ce que je vous ai donné, ce sont des personnes-année, c'est-à-dire que vous additionnez les occasionnels et les permanents pour calculer les équivalents personnes-année. Autrefois, avant la venue de la députée de L'Acadie et de la ministre de la Fonction publique, on parlait d'hommes-année, mais aujourd'hui, ce n'est plus de mise, alors il faut parler de personnes-année. Il s'agit donc d'équivalents, de personnes-année, à l'emploi du gouvernement. D'accord? Ce sont les chiffres que je vous ai donnés. Donc, c'est basé sur les feuilles de paie, c'est donc basé sur les déboursés. Qu'il y ait des gens, par exemple, qui travaillent à l'extérieur du gouvernement et qui soient inscrits à la CARR, c'est indéniable, on l'a vu d'ailleurs, puisque dans le projet de loi que nous avons adopté, la loi no 68, je vous rappellerai que nous avons passé des articles spécifiques qui référaient à des organismes extérieurs qui contribuaient directement à la CARR. Donc, les chiffres que vous avez sont des chiffres globaux de la CARR qui n'ont rien à voir avec ceux que je vous ai donnés.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Est-ce que cela comprend les contractuels?

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Vaudreuil-Soulanges.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): On a eu droit à un inventaire, mais est-ce que les contractuels, les gens à contrat, temporaires et de toute nature, qui entrent et qui sortent...?

M. Bérubé: Non, non, cela n'inclut pas les contractuels.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Ah bon! c'est intéressant,

Mme Lavoie-Roux: Est-ce que cela comprend tous les gens des régies, qui ne sont pas sur la paie du...

M. Bérubé: ... ministères et organismes. Alors, cela inclut les organismes.

M. Doyon: Est-ce que le ministre a des chiffres concernant l'augmentation de la participation des membres des cabinets politiques entre 1976 et 1982? Est-ce que le ministre pourrait nous éclairer là-dessus? Qu'est-ce que c'était? Étant donné qu'on accepte les chiffres du ministre à l'effet qu'il y a eu constance dans le nombre global de fonctionnaires, il y a peut-être des gens qui ne sont pas considérés, à proprement parler, comme des fonctionnaires. Je ne sais pas quel est le statut exact là-dedans des membres des cabinets politiques des ministres etc. Est-ce que le ministre pourrait nous éclairer là-dessus, si c'était un effet de sa bonté?

Discussion générale M. Lachance: M. le Président...

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Bellechasse.

M. Lachance: ... sans connaître l'ampleur exacte des chiffres, il est quand même un élément essentiel dans ce que vient de toucher le député de Louis-Hébert. Alors qu'auparavant les membres d'un cabinet étaient automatiquement versés à la fonction publique lorsque le gouvernement était défait, le gouvernement du Parti québécois a adopté une mesure qui fait que, maintenant, ces gens ne sont plus versés automatiquement, donc, c'est déjà une mesure, je pense, pour assainir considérablement ce qui existait auparavant.

Mme Lavoie-Roux: ...

M. Lachance: Je pense que la date que vous donnez est antérieure à cela.

M. Blais: Cela ne change rien.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): M. le Président.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Johnson.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Est-ce que... De Vaudreuil-Soulanges, toujours.

Le Président (M. Bordeleau): Pardon, excusez-moi.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges):Il a déjà été question que ce soit Johnson, au commencement de 1978 ou je ne sais trop, d'après les journaux, mais...

M. Bérubé: Mais vous aviez compris hein, vous vous êtes cherché un comté anglophone pour pouvoir entrer. Je comprends.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): c'est particulièrement député de Vaudreuil-Soulanges.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Vaudreuil-Soulanges, oui.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Je me suis douté que le député de Bellechasse aurait la réponse, quoique le ministre soit beaucoup plus habilité, en l'occurrence. Est-ce que le nombre de personnes participant aux différents régimes comprend les 570 attachés politiques et de presse qui ne comptaient que 104 personnes en 1976?

M. Bérubé: Tous ceux qui ont été engagés sous l'ancienne loi sont inclus, mais ceux qui sont engagés sous la nouvelle loi ne sont pas inclus.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Cela représente combien de personnes, M. le ministre?

M. Bérubé: Je ne sais pas. Ce n'est pas un gros pourcentage parce que la plupart de nos cabinets ont été maintenus. Dans la mesure, comme vous le savez, où nous avons été reconduits au pouvoir, nos cabinets sont restés, ce qui fait qu'un bon nombre de nos membres des cabinets sont inscrits à la fonction publique. D'ailleurs, je dois souligner aussi que beaucoup...

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): II y a des membres du cabinet du ministre du Revenu qui mettraient cela en doute.

M. Bérubé: Je souligne également que nous avons souvent pris des fonctionnaires quand il s'agit de dossiers techniques, par exemple... Je sais qu'aux Terres et Forêts, il m'est arrivé d'aller chercher directement dans la fonction publique des fonctionnaires pour les amener au cabinet politique dans la mesure où ils se voyaient chargés de dossiers plutôt techniques que politiques. De fait, c'est assez difficile de répondre spécifiquement à votre question, mais ce n'est pas un gros nombre, c'est le petit nombre.

M. Doyon: Un chiffre que le ministre peut peut-être nous donner. Est-ce qu'il est exact que ça se situait dans la centaine de

personnes qui étaient dans les cabinets politiques lors de votre arrivée au pouvoir, pendant que les libéraux étaient au pouvoir, et que ça se situerait actuellement dans les 570? Est-ce que le ministre serait en mesure de dire si c'est juste ou non?

M. Bérubé: C'est difficile à dire, mais sur le total, je peux vous donner la réponse. Les libéraux ont engagé 100 000 fonctionnaires de plus et nous avons réduit de 5000 le nombre de fonctionnaires.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président...

M. Bérubé: Maintenant, la place qu'occupent les membres des cabinets là-dedans, c'est difficile, mais dans l'ensemble, vous en avez engagé 100 000 de plus, puis nous, 5000 de moins.

M. Doyon: M. le Président, ce que je veux savoir du ministre, c'est très simple. Quand vous avez pris le pouvoir, étant donné qu'il est en mesure d'affirmer que ces personnes-là ont été versées dans la fonction publique, le ministre doit savoir combien il y en a. Cela représentait combien de personnes? Vous ne le savez pas. Alors, comment pouvez-vous critiquer une situation que vous ne connaissez pas?

M. Bérubé: Non, c'est parce que je n'ai pas le total. Quand je constate que vous avez créé 100 000 postes de fonctionnaires et que nous, on a réduit de 5000 le nombre total de fonctionnaires depuis que nous sommes là, il peut y en avoir un de plus ici un de moins là, mais comme résultat net, on en a créé 5000 de moins, vous, vous en avez créé 100 000 de plus; c'est cela qui est important.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, question de règlement.

Le Président (M. Bordeleau): Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: C'est la première fois que je me trouve à une commission parlementaire avec le ministre, je le trouve amusant pendant un bout de temps, et après cela, je trouve, pour utiliser le langage parlementaire, qu'il charrie un peu. Quand il dit: Vous avez ajouté 100 000 fonctionnaires et qu'il fait les comparaisons entre 1970 et 1980, pour arrondir cela, il sait fort bien que notre système d'éducation a connu son développement le plus fort au début des années soixante-dix, c'est là qu'on a permis aux étudiants d'aller...

M. Bérubé: Laisse Mme la députée, on plantera notre clou après.

M. Lachance: On va vous laisser continuer, on est gentil.

Mme Lavoie-Roux: Je ne veux pas de condescendance.

M. Bérubé: Je regrette, le député de Bellechasse est nouveau et je pense qu'il n'est pas encore habitué aux droits parlementaires. La vraie bonne façon aurait consisté à vous laisser mettre les pieds dans les plats comme il faut, puis après, vous corriger; mais là, malheureusement, le député de Bellechasse voulait vous empêcher de commettre l'erreur et c'est la seule erreur qu'il a faite, il aurait dû d'abord vous laisser faire votre intervention.

Le Président (M. Bordeleau): S'il vous plaît! Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Je ne me mettrai pas les pieds dans les plats comme on le souhaite.

Le Président (M. Bordeleau): Un instant, s'il vous plaît! Je veux simplement vous faire remarquer qu'effectivement je suis obligé d'entériner un peu ce que le député de Bellechasse disait...

Mme Lavoie-Roux: Oui, il a raison.

Le Président (M. Bordeleau): Ce n'était pas une question de règlement, mais c'était une question, et je vous donne le droit de parole de toute façon.

Mme Lavoie-Roux: Je parlais du développement scolaire et particulièrement des cégeps qui ont été créés en 1968-1969, pour la première fois on généralisait l'enseignement postsecondaire, et on a maintenant quoi? 100 000 étudiants au collégial ou même 120 000, vous pourrez corriger mon chiffre, on est allé le chercher. J'en ai appris d'autres aux affaires sociales, j'ai un peu oublié ceux-là. La même chose au niveau universitaire, je pense qu'on retrouve 100 000 fonctionnaires d'abord du côté de l'éducation. Le niveau d'éducation des Québécois, avant 1970, c'était septième année en moyenne; maintenant, on éduque nos gens, tout le monde est content de cela et on ne voudrait pas revenir en arrière...

M. Lachance: On les instruit. (16 h 45)

Mme Lavoie-Roux: Vous les intruisez, moi, je pensais qu'on les éduquait aussi un peu.

Du côté des affaires sociales, on a assisté exactement, au début des années soixante-dix, à la réorganisation du réseau des affaires sociales, alors que les institutions qui étaient surtout entre les

mains des groupes religieux sont passées entre les mains des groupes laïques, les travailleurs ont commencé à s'organiser. Qu'on ait mis à la disposition des régions éloignées des équipements, tant en centres d'accueil pour les jeunes que dans le milieu hospitalier, etc., ceci aussi explique... Quand vous comparez les 100 000 et que vous dites que cela ne se produit pas en 1980, ce serait bien décourageant quand on a 400 000 enfants de moins maintenant, en 1982... Cela s'est échelonné, mais c'est tout près de 400 000 enfants de moins.

M. Blais: On ne peut les sauvegarder. On ne peut pas renvoyer les professeurs.

Mme Lavoie-Roux: Non, non, je ne dis pas cela. Ce que je veux dire, ce n'est pas le raisonnement que je fais, mais cela n'augmente plus et ce que vous dites...

M. Doyon: II n'y a pas de mérite là.

Mme Lavoie-Roux: ... il n'y a pas de mérite là puisqu'il y a cette diminution. On réussit à peine à équilibrer tout cela. Mais je pense que les 100 000 envoyés en l'air comme cela par le président du Conseil du trésor... À moins qu'il ne veuille retourner aux années cinquante, on peut toujours le faire. Mais je pense que lui-même est probablement un de ceux qui ont profité de la réforme de l'éducation.

M. Bérubé: ... j'ai été éduqué aux États-Unis.

Mme Lavoie-Roux: Oui, mais avant cela. Avant cela, vous avez dû aller à l'école à Matane? Vous ne venez pas de Matane, vous?

Le Président (M. Bordeleau): Mme la députée de L'Acadie, est-ce que votre...

M. Bérubé: Boston.

Mme Lavoie-Roux: Cela, c'est quand vous étiez devenu bien fin, mais avant cela, au début?

Le Président (M. Bordeleau): ... Mme la députée de L'Acadie? Non.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, quand je parle de l'augmentation des fonctionnaires, je n'ai jamais fait allusion aux fonctionnaires au niveau de l'éducation ou au niveau des affaires sociales. Je pense que personne ne pourrait se rappeler cela. Cela a été des fonctionnaires dans la fonction publique. L'autre argument, évidemment... Il faut tenir compte des revenus bien relatifs que la province avait entre 1970 et 1976 et des difficultés que la province connaît depuis trois ou quatre ans, mais d'une façon plus aiguë cette année. Mais nous lancer les 100 000 et les opposer aux 5000, je pense que c'est une façon pour le ministre de dire: On n'aurait jamais dû faire la réforme de l'éducation et on n'aurait jamais dû faire la réforme des affaires sociales. C'est ce que cela veut dire.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Bellechasse. (16 h 45)

M. Lachance: Merci, M. le Président. Je n'ai pas l'intention de parler à travers mon chapeau puisque j'ai présentement devant les yeux les chiffres du ministère de l'Éducation. Deuxièmement, je pense avoir une expérience pratique dans le domaine de l'éducation pour avoir été directeur d'école de 1974 à 1981 et avoir été enseignant de 1970 à 1974. C'est un milieu que je connais assez bien. Je pourrais même vous dire, Mme la députée de L'Acadie, cela vous intéressera sûrement, que j'ai été président du conseil d'administration du CLSC Lac-Etchemin, un de ceux qui fonctionnent bien...

Mme Lavoie-Roux: Si on avait su tout cela hier soir.

M. Lachance: ... durant un an et demi. Ce n'est pas l'effet du hasard...

Une voix: ...

Mme Lavoie-Roux: C'est lui qui est le rapporteur.

M. Lachance: J'ai ici des chiffres qui illustrent que... Évidemment, on ne peut pas dire qu'on est contre ce qui s'est fait, mais de là à nous mettre comme responsabilité et sur le dos tous les malheurs qui nous confrontent présentement à cause de la situation économique, il y a toute une marge. C'est dans l'optique de l'héritage que nous avons.

En 1976, si on regarde le ratio maître-élèves, il était à 1 sur 19,45, pour 1975-1976. Avec l'entrée en vigueur des nouvelles dispositions des conventions collectives des enseignants, je parle du niveau primaire et secondaire... Cela est arrivé, je le souligne, à la veille des élections de 1976; je le mets en opposition parce que souvent on nous reproche d'avoir négocié de grandes largesses à la veille du référendum de 1980. Je reviens en 1976. Lors des négociations, le ratio a chuté de 1 sur 19,45 à 1 sur 17,73. Cela a eu pour effet d'injecter environ 3700 nouveaux enseignants dans le système scolaire. Bien sûr, cela a créé des emplois; bien sûr, c'est intéressant. Cela ne tient pas compte, Mme la députée de L'Acadie, des nombreuses personnes qui ont été engagées en même temps au niveau du personnel de

soutien, au niveau des spécialistes, les psychologues, les conseillers en information, les conseillers en orientation et tout le bataclan, mais il...

Mme Lavoie-Roux: ... vous n'en voulez plus dans les écoles de cela? Vous n'en voulez plus.

M. Lachance: ... ce n'est pas cela que j'ai dit, Mme la députée de L'Acadie. C'est bien intéressant, mais cela implique des coûts.

Mme Lavoie-Roux: Vous revenez à l'ère de Duplessis.

Le Président (M. Bordeleau): S'il vous plaît!

Une voix: Avant cela.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Bellechasse, c'est à vous la parole.

M. Lachance: Mme la députée de L'Acadie, vous me prêtez des intentions que je n'ai absolument pas.

M. Blais: Dans des cas comme cela, Duplessis disait: "Toi, tais-toi".

M. Lachance: Non, je ne vous dirai pas comme disait Duplessis: "Toi, tais-toi". En tout cas, laissez-moi terminer. Le ratio, donc, est passé de 19,45 à 17,73, et cela a eu pour effet d'injecter, comme je le disais tantôt, 3700 nouveaux enseignants dans le système, alors que si on avait maintenu le même ratio, en 1976-1977, que lors de la convention antérieure, cela aurait signifié une baisse, une mise à pied de 2900 enseignants. Au lieu d'en renvoyer chez eux 2900, on en a engagé 3700, parce qu'il y a eu une diminution de clientèle de 56 300 élèves, lors de l'entrée en vigueur de la nouvelle convention collective.

Mme Lavoie-Roux: 300 000 de moins aujourd'hui.

M. Lachance: Cela veut dire que, finalement, cette convention collective, en 1976-1977, a eu pour effet d'avoir 6600 enseignants de plus que ce qui existait auparavant. Tant mieux pour les élèves, tant mieux pour tout le monde. Mais cela implique des coûts. Si je regarde maintenant ce que vous montrait tantôt de ministre, le tableau des ratios, lors de la dernière année de la convention 1975-1976, on avait un ratio de 19,6; à la convention de 1979-1980, on était rendu à 16,8, et aujourd'hui, on parle de 16,4. Depuis la convention qui a été signée sous le régime péquiste, on constate que le ratio s'est à peu près maintenu, donc, on ne peut pas nous imputer tous les malheurs économiques qui découlent de cette situation. Et encore une fois, j'insiste pour dire qu'on est heureux d'avoir pu contribuer à la qualité de l'enseignement au Québec, mais il y a des coûts qu'il faut payer et, aujourd'hui, on est pris avec cela. Il faut payer la note, et c'est très cher.

Le Président (M. Bordeleau): Vous avez terminé, M. le député de Bellechasse? J'avais reconnu d'abord le député de Sainte-Anne.

M. Polak: Je suis avant vous, là. M. Grégoire: Question de règlement.

Le Président (M. Bordeleau): On est aux remarques préliminaires. Je suis prêt à passer à l'article 1, mais les membres ont le droit de s'exprimer au début du projet de loi avant de passer à l'article 1.

M. le député de Frontenac.

M. Grégoire: S'il n'y a eu aucune motion préliminaire, tout le monde a pu émettre...

Mme Lavoie-Roux: Non, non. On n'a pas eu le droit d'émettre...

M. Grégoire: Tout cela peut se faire sur l'article 1 quand même. À ce moment, on régularisera la situation. Vous pourrez faire vos interventions sur l'article 1.

De quoi parlons-nous?

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Frontenac, je vais vous rappeler un article de notre règlement qui dit qu'au début de l'étude d'un projet de loi, avant que la commission entreprenne l'étude article par article d'un projet de loi dont la deuxième lecture a été adoptée en vertu de l'article 119, chacun de ses membres peut s'exprimer sur le principe et la teneur générale du projet de loi. Et nous en sommes là, ce qui veut dire qu'il y a un droit de parole de vingt minutes pour chacun des membres de la commission et des intervenants également.

M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: M. le Président.

Le Président (M. Bordeleau): Dans les remarques préliminaires, votre droit de parole...

M. Polak: Oui, je n'étais pas ici. Je m'excuse, j'étais à une autre commission. Je voudrais poser une question au ministre. On cherche, avec ce projet de loi, à couvrir un petit trou de 700 000 000 $ mais, apparemment, on a établi une sorte de déductible, comme on dit dans les

assurances, de 3 000 000 000 $. On ne parle pas de cela, c'est correct. On accepte 3 000 000 000 $. Mais juste au-dessus de 3 000 000 000 $, si on avait excédé 3 000 000 000 $ de 100 000 000 $, est-ce que cela aurait affecté immédiatement la cote financière de la province de Québec? Pourquoi a-t-on établi ce déductible à 3 000 000 000 $? Pourquoi ce chiffre magique de 3? Pourquoi pas 2,8, 2,9, 3,1? On coupe de 100 000 000 $. Pour vous, vous allez vite avec les chiffres, pour quelle raison?

M. Bérubé: II n'y a pas de règle absolue mais un certain nombre de guides. D'abord, rappelons que, l'année dernière, si on totalise le financement à long terme des commissions scolaires, municipalités, organismes de toutes sortes qui n'a pu se faire, on s'est retrouvé en fin d'année avec presque 700 000 000 $ d'emprunts non effectués parce que le marché des emprunts à long terme s'est rétréci à un point tel que c'est impossible de le financer. Donc, déjà l'année dernière, le financement à long terme a été extrêmement difficile sur la base de nos propres besoins financiers de 2 000 000 000 $. Donc, il faut bien se rendre compte que des emprunts comme ceux que nous avons faits l'année dernière ont été tels que si on essaie d'ajouter à cela ceux des autres organismes publics, on s'aperçoit que ces derniers n'ont pas été capables d'aller sur le marché. Donc il y a un problème de disponibilité de capitaux.

Ce problème évidemment est amplifié du fait qu'aux États-Unis, le déficit a des chances de dépasser le 100 000 000 000 $ et que le déficit canadien qui doit être autour de 10 000 000 000 $ est maintenant à 16 000 000 000 $ et on le projette possiblement à 20 000 000 000 $.

Évidemment, vous me direz que les gouvernements nationaux ont l'avantage de pouvoir imprimer de l'argent, et de fait, c'est ce que fait le gouvernement fédéral, il imprime de l'argent, d'ailleurs vous connaissez le nouveau dollar. D'ailleurs, moi, ce matin, j'en avais un. Est-ce qu'on a encore l'exemplaire...

Mme Lavoie-Roux: J'aimerais avoir toute la collection, en auriez-vous un à me donner?

M. Bérubé: Je vais vous en fournir un pour la collection, mais je vais en avoir un autre aussi qui va vous intéresser tantôt. Donc, évidemment...

Mme Lavoie-Roux: ...

M. Bérubé: ... l'inconvénient d'imprimer trop d'argent, c'est l'effondrement des valeurs des monnaies et de fait...

M. Lachance: C'est le fait.

M. Bérubé: ... c'est le fait, oui. De toute façon, je vais vous le montrer tout à l'heure, il est intéressant d'ailleurs.

Une voix: II ne vaut pas cher.

M. Bérubé: Non, il ne vaut pas cher.

Mme Lavoie-Roux: ... votre banque.

M. Bérubé: Alors, voyez-vous, celui-là s'appelait le PQ. Le PQ valait 0,85 $ en 1970.

Mme Lavoie-Roux: ...

M. Doyon: En dollar américain ou en dollar canadien?

M. Bérubé: Ce n'était rien. Cela s'appelait le prix de la séparation...

M. Doyon: En dollar américain ou en dollar canadien?

M. Bérubé: ... alors, maintenant, on a le prix du fédéralisme à 0,78 $, cela s'appelle le PET. Alors, ce sont deux monnaies et elles ont exactement la même valeur d'après ce qu'on peut voir.

Mme Lavoie-Roux: ... élection. J'aimerais les avoir comme pièces de collection.

M. Bérubé: Le PQ est un peu plus fort par contre.

Le Président (M. Bordeleau): Une question de règlement?

M. Polak: M. le Président, je veux attirer l'attention au sujet d'un touriste américain ici, il commence à avoir peur...

M. Bérubé: Je vais vous offrir par contre un PET avec plaisir.

M. Grégoire: Si vous en voulez une dans votre collection, il y a la piastre à

Caouette autrefois qui était à 0,85 $ elle aussi.

Mme Lavoie-Roux: Je ne me souviens pas de la piastre à Caouette.

Le Président (M. Bordeleau): Vous en avez des exemplaires encore, M. le député de Frontenac?

M. Grégoire: Ah oui. On ne veut pas les perdre.

Le Président (M. Bordeleau): Bon, alors

cela va, M. le député de Sainte-Anne, c'est vous qui aviez la parole.

M. Polak: Non, non, je commence mon débat. Est-ce que le ministre a terminé? J'ai une autre question pour lui. M. le ministre après votre... Ah, bon, il n'a pas fini.

Le Président (M. Bordeleau): C'est à vous que j'ai donné la parole.

M. Bérubé: Donc, pour en revenir...

Le Président (M. Bordeleau): Non, M. le ministre, d'accord.

M. Bérubé: ... à la question plus précisément, le deuxième paramètre à part la disponibilité des capitaux, c'est évidemment l'équilibre qui doit exister entre les immobilisations publiques et les emprunts publics. Si on regarde le document qui a été déposé par le ministre des Finances lors du sommet, on s'aperçoit qu'effectivement lorsqu'on fait le ratio, on divise les emprunts par les investissements. On devrait avoir au moins 1. On constate en 1976, année libérale et...

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): S'il vous plaît!

M. Bérubé: ... non, inférieur à 1, si vous voulez des emprunts inférieurs aux investissements.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Vous dites: Au moins 1. M. le ministre...

M. Bérubé: Ah, au plus 1, vous avez raison. Je m'excuse, M. le député de Vaudreuil-Soulanges, vous avez parfaitement raison - c'est faux - au plus 1. Je le divisais dans l'autre sens. Donc, il faut au plus 1. Alors, de fait en 1976, le ratio est de 1,05, bon, cela peut aller, en 1977 il est de 0,75, en 1978 de 0,72, en 1979 de 0,69, en 1980 il remonte à 1,06, en 1981 à 1,02, oui, c'est aussi grave que sous la fin du régime libéral. Ce que nous faisons, c'est que nous essayons de le maintenir en équilibre et même éventuellement de le baisser en laissant l'inflation gruger dans ce ratio.

Donc, c'est l'équilibre entre les emprunts et les investissements qui est le deuxième paramètre à surveiller. Il est en équilibre à l'heure actuelle mais nous n'avons aucune marge à cet égard. Donc, premier facteur, disponibilité sur les marchés financiers. Je vous ai expliqué à quel point c'est difficile présentement. Deuxième facteur, l'équilibre entre investissements publics et emprunts publics, cet équilibre est maintenu mais il est fragile puisque nous sommes à la limite supérieure. Le troisième argument, évidemment, c'est en général le ratio des besoins financiers nets par rapport aux revenus de l'État. À cet égard, j'ai eu l'occasion, à l'Assemblée nationale déjà, de faire une comparaison avec d'autres provinces. On s'aperçoit que le Québec par rapport aux Maritimes, par exemple, cette année, n'est pas en mauvaise posture, dans ce sens que nos emprunts représentent environ 10%...

M. Doyon: Cela nous rassure.

Mme Lavoie-Roux: ... île-du-Prince-Édouard...

M. Bérubé: Non, non, nos emprunts représentent environ 10% de nos revenus, alors que lorsqu'on regarde le Nouveau-Brunswick, l'Île-du-Prince-Édouard, le

Manitoba, c'est plutôt autour de 25%.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Pour cette année, pas depuis cinq ans.

M. Bérubé: Je n'ai pas dit depuis cinq ans, mais j'ai...

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Bien, c'est là l'histoire, c'est là tout le problème. (17 heures)

M. Bérubé: Non, la question du député de Sainte-Anne est précisément: Est-ce qu'à l'heure actuelle, la situation est catastrophique? Quand je la compare avec les autres provinces, en termes de l'importance de nos emprunts par rapport à nos revenus...

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Pour un an.

M. Bérubé: ... c'est effectivement élevé. Je ne dis pas que ce n'est pas élevé, c'est élevé, mais on se rend compte qu'il y a indéniablement d'autres gouvernements en plus mauvaise posture que nous. Cependant, le vrai critère qui finalement détermine le volume des emprunts à l'heure actuelle, c'est l'équilibre à maintenir entre emprunts et investissements qu'il faut maintenir à un rapport de un.

M. Polak: M. le Président.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: C'est pour revenir aux éléments mentionnés par le ministre. D'abord, l'élément de disponibilité. Il y a toujours de l'argent disponible, ça dépend du prix qu'on veut payer pour obtenir l'argent. Alors, quand vous parlez du facteur de la disponibilité, est-ce qu'il faut voir ça un peu sur le plan psychologique? C'est que j'ai une certaine cote, j'obtiens certains taux et je

ne veux pas perdre ma cote, parce que je peux devenir un État de troisième rang ou ce qu'on appelle une république de bananes. Évidemment, elles aussi font des emprunts, elles cherchent d'autres marchés, mais elles obtiennent de l'argent. Que voulez-vous dire par le terme "disponibilité"? Est-ce qu'il faut comprendre ça comme une disponibilité dans la haute classe, parce qu'on est tout de même vu comme étant un État responsable, et vous avez peur qu'il tombe dans une classe à laquelle votre gouvernement appartient peut-être, ça veut dire une classe un peu inférieure au point de vue de la responsabilité financière? Ou est-ce que l'argent n'est simplement pas disponible?

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.

M. Bérubé: L'argent n'est tout simplement pas disponible.

M. Polak: Là, je ne comprends pas. Comment se fait-il que le Ghâna a fait un emprunt de quelques centaines de millions de dollars? Il l'a obtenu, sauf qu'il a été obligé de payer 2% de plus que le taux payé par un autre pays beaucoup plus riche. Il y a des pays arabes qui sont bien prêts à accorder des emprunts, mais ça dépend du taux qu'on est prêt à payer.

Mme Lavoie-Roux: Pour que les gens continuent à vous prêter, vous avez des difficultés. C'est ça?

M. Bérubé: C'est ça.

Mme Lavoie-Roux: Les gens ne vous prêteraient plus si vous n'équilibriez pas...

M. Bérubé: C'est-à-dire que, pour maintenir...

Mme Lavoie-Roux: ... vos dépenses publiques avec les revenus.

M. Bérubé: Pour maintenir un niveau d'emprunt à un niveau où les épargnants considèrent que le placement est sécuritaire, il faut maintenir un ensemble de cotes, de critères qui sont le rapport entre les emprunts et les revenus...

Mme Lavoie-Roux: C'est ça.

M. Bérubé: ... qui sont l'équilibre entre les emprunts et les investissements...

Mme Lavoie-Roux: Les investissements publics.

M. Bérubé: ... qui sont la dette publique par rapport au produit intérieur brut. C'est l'ensemble de ces critères que vous devez respecter.

Mme Lavoie-Roux: Et là, vous êtes rendus au bout de la corde!

M. Bérubé: C'est-à-dire que, oui, effectivement, nous reconnaissons que nous ne devrions pas emprunter plus, sous peine de mettre en cause la sécurité financière de l'État.

Mme Lavoie-Roux: C'est-à-dire qu'on refuserait de vous prêter au même taux que celui auquel on vous prête présentement.

M. Bérubé: Comme le dit le député de Sainte-Anne, le problème d'un déséquilibre financier qui affecterait la cote de l'État, ce serait, d'une part, la très grande difficulté à obtenir les capitaux et, advenant le cas où on obtiendrait les capitaux en question, possiblement, d'autre part, des coûts beaucoup plus élevés. Mais il n'y a pas que le gouvernement qui soit en cause, il y a également toutes les municipalités, parce que la cote des municipalités...

Mme Lavoie-Roux: Oui, municipalités, sociétés d'État, etc.

M. Bérubé: ... des organismes publics et d'Hydro-Québec est accrochée à celle du gouvernement. Alors, l'impact économique sur l'ensemble des organismes publics, advenant une baisse de confiance des épargnants envers la collectivité québécoise, serait considérable; et c'est le genre de chose que vous ne voulez pas faire. D'où l'objectif de maintenir l'équilibre entre les emprunts et les investissements autour de un, comme d'ailleurs cela était en 1976, sous l'administration libérale, à 1,05.

M. Polak: Maintenant, M. le Président, pour revenir...

Le Président (M. Bordeleau): Excusez-moi, M. le député de Sainte-Anne, mais M. le député de Louis-Hébert me demande la parole.

M. Doyon: Juste une très brève question.

Le Président (M. Bordeleau): Avant de vous l'accorder, M. le député de Louis-Hébert, je voudrais vous mentionner que vous n'êtes pas membre; j'ai vérifié et vous n'êtes pas membre de la commission.

M. Doyon: Ah, mon Dieu, quelle erreur!

Le Président (M. Bordeleau): Là, remarquez que...

Mme Lavoie-Roux: Pourrait-on le

mettre comme intervenant, M. le Président?

M. Bérubé: Non, pas vraiment, M. le Président.

Le Président (M. Bordeleau): Cela dépend des membres de la commission.

M. Bérubé: Cette fois-ci, je ne jouerai pas le jeu; ça fait trois fois que je me fais rouler avec ça.

Mme Lavoie-Roux: Mais hier, j'ai bien voulu, moi.

M. Grégoire: M. le Président, je pense que nous avons accepté...

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Frontenac, sur...

M. Grégoire: Sur la question de règlement que vous demandez d'inscrire. Je pense qu'on a accepté quand Mme la député de L'Acadie est venue, mais ce qui se produit, c'est que, comme le dit le règlement, chacun peut s'exprimer pendant 20 minutes. L'Opposition compte 43 membres à l'Assemblée nationale et elle a le droit d'avoir 8 représentants ici. Si, à tour de rôle, les 43 viennent remplacer les 8 qui sont déjà sur la liste, ça veut dire qu'on aura 43 interventions de 20 minutes. Et s'il se produit ce qu'il s'est produit sur la loi 37, alors qu'on n'a même pas eu le temps d'atteindre l'article 1, après huit ou neuf jours de séance de la commission, on voit dans quel piège nous nous trouverons. Qu'il y ait huit interventions de 20 minutes, c'est parfait, mais s'ils viennent se faire remplacer à tour de rôle par les autres, c'est ce qu'on appelle un "filibuster" et on voudrait l'éviter.

Mme Lavoie-Roux: II y en a à peine deux qui ont eu une intervention de 20 minutes.

Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. le député de Frontenac. Effectivement, cela peut être très long, si vous acceptez.

Mme Lavoie-Roux: II n'y en aura pas 43. Je peux vous garantir cela, M. le Président.

Le Président (M. Bordeleau): Mais comme je n'ai pas le consentement...

M. Doyon: Simplement pour éclairer ma lanterne, et je suis sûr que le ministre va accepter cela parce que...

Le Président (M. Bordeleau): Je voudrais d'abord que les membres ne s'opposent pas.

M. Doyon: C'est simplement pour éclairer ma lanterne.

M. Grégoire: Si c'est simplement une question du député de Louis-Hébert, on va faire cela.

Le Président (M. Bordeleau): Pour une question précise, disons que...

M. Doyon: Oui, une question en passant. Dans les secteurs que le ministre a énumérés comme affectant la cote de crédit de la province, je reconnais que ces secteurs sont réels. Je ne suis pas un expert, mais je reconnais qu'ils sont réels. N'y a-t-il pas un autre facteur qu'il a oublié? Je lui demande s'il n'y a pas le facteur qualité des administrateurs comme dans toute compagnie. Quand une compagnie, une corporation quelconque va chercher des fonds, elle nous fait valoir, dans le prospectus, le passé du président, le passé du vice-président, leur expérience. En tant que prêteurs, je pense que les gens qui ont de l'argent à disposer évaluent un des éléments importants dont ils doivent tenir compte et c'est la qualité des administrateurs qui leur demandent de leur prêter de l'argent. N'y a-t-il pas là un sérieux problème pour le gouvernement actuel qui n'est pas perçu comme étant un bon administrateur? Cela n'est-il pas un facteur? En tout cas, sans poser de question de jugement, le ministre ne reconnaîtra-t-il pas que c'est là un facteur qu'il a omis? Sans vouloir l'accuser d'être un bon ou un mauvais administrateur, cela n'est-il pas un facteur qui peut jouer?

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.

M. Bérubé: Je pense, M. le Président, que le député de Louis-Hébert a certainement raison. C'est, somme toute, un facteur qui n'est pas quantifié, mais un facteur, et cela explique largement pourquoi le Québec a une bonne cote. C'est relié à sa bonne administration.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: M. le Président, le ministre vient de dire, en réponse à une de mes questions, que l'idée d'avoir ce que j'appelle ce "déductible" de 3 000 000 000 $, c'est pour retenir la cote. Je comprends son raisonnement. Supposons qu'en cours de route - prenons l'exercice 1982-1983 - cela va mal dans la province de Québec, que les revenus qui vont entrer vont être moindres que ceux anticipés, que les dépenses vont être plus élevées que celles prévues, qu'il y a un autre trou qui va se former de 500 000 000 $, par le fait même, en respectant ce principe de

retenir la cote et vu qu'on est arrivé au bout de la ligne, est-ce que le gouvernement sera obligé, à ce moment-là, de chercher ces fonds additionnels chez les contribuables par l'imposition d'autres taxes directes ou indirectes?

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.

M. Bérubé: Non, M. le Président. D'ailleurs, je pense que votre question, à un moment donné, avait porté sur le fait que, possiblement, 2 000 000 000 $ n'étaient pas un absolu pour ce qui touche les emprunts du gouvernement; là-dessus je suis absolument d'accord avec vous. Je ne veux pas dire que le déficit du gouvernement doit être de 3 010 000 692,22 $. Il y a une limite. Ce n'est pas comme cela. C'est bien sûr qu'il y a une marge. C'est bien sûr que, dans la mesure où, à la suite des accords fiscaux en particulier, il y a un effondrement des équilibres financiers de toutes les provinces -les provinces maritimes, le Manitoba en particulier, et même l'Ontario, on l'a vu avec les paiements de transfert dans les secteurs de la santé et de l'éducation - dans la mesure où toutes les provinces canadiennes ont pris la claque par suite de la décision fédérale de pelleter son déficit dans celui des provinces, les prêteurs sont peut-être plus conciliants. Toutefois, dans la mesure où les projections économiques ne sont pas très rassurantes pour l'avenir, il ne faut pas hypothéquer cette marge-là. Il faut se garder une marge de manoeuvre advenant un coup dur, comme cela est possible. C'est pour cette raison qu'il ne faut pas non plus aller à cette limite absolue des emprunts telle que, s'il y avait un pépin, on n'ait plus aucune marge de manoeuvre.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: Maintenant, quel est le chiffre total de cette marge de manoeuvre? Sans doute devez-vous avoir regardé cela pour retenir une certaine marge de manoeuvre. De quel montant approximatif parle-t-on?

M. Bérubé: C'est subjectif. C'est de l'ordre de 100 000 000 $. C'est de cet ordre-là. Il ne s'agit pas de milliards.

M. Polak: Ce peut être 500 000 000 $ ou 750 000 000 $.

M. Bérubé: Non, cela nous apparaît nettement trop élevé.

M. Polak: On peut donc dire que, certainement, comme il s'agit d'une somme de 100 000 000 $, sans renoncer au principe de retenir la cote, il n'y aurait pas de problème.

M. Bérubé: Ce n'est pas zéro. Ce n'est pas 500. C'est quelque part entre les deux. Là, je laisse cela à l'appréciation du député de Sainte-Anne, qui connaît très bien les milieux financiers, puisqu'il se vante d'être régulièrement plongé dans ces milieux, de déterminer lui-même le niveau.

M. Polak: La raison pour laquelle je pose la question, M. le ministre, c'est que je pense à l'intérêt de la population, par exemple, de ceux qui sont touchés par ce projet de loi et qui se posent la question. Pendant l'exercice financier 1982-1983, est-ce qu'on peut nous arriver encore avec d'autres pilules? D'abord, vous avez dit une marge de 100 000 000 $. Maintenant vous dites que ce n'est pas zéro, que c'est quelque part entre zéro et 500 000 000 $. J'aimerais avoir un chiffre un peu plus précis.

M. Bérubé: Je laisse le soin au député de Sainte-Anne de faire sa propre...

M. Polak: Ce n'est pas à moi. Vous êtes le président du Conseil du trésor et vous devez sans doute avoir beaucoup plus de détails sur les chiffres que moi.

M. Bérubé: Non, M. le Président. Je suis responsable des dépenses.

M. Polak: J'aimerais bien être capable de répondre à mes commettants si au cours de l'exercice financier on trouve un autre trou, parce que les dépenses vont augmenter et les revenus vont être moindres que prévus, est-ce que, automatiquement, le gouvernement est obligé de revenir chercher cela ou s'il reste une marge de manoeuvre? Sur le plan politique, vous donnez une bonne réponse, vous dites: On s'est gardé une marge de manoeuvre, mais j'ai demandé quels sont les chiffres, et votre réponse est: Je laisse cela au député de Sainte-Anne. S'il vous plaît, M. le ministre, je demande une réponse un peu plus objective et ministérielle, parce que, quant à moi, la réponse est zéro pour la marge de manoeuvre. C'est probablement la vraie réponse, mais j'aimerais savoir et le public a le droit de savoir ce que vous avez prévu comme marge de manoeuvre sans toucher ce fameux principe de retenir le...

M. Bérubé: Je suis assez d'accord avec vous que la marge de manoeuvre est plutôt minime, c'est la raison pour laquelle on présente la loi 70.

Mme Lavoie-Roux: Oui, M. le Président, est-ce que...

Le Président (M. Bordeleau): Oui, mais à moins que le député de Sainte-Anne ait terminé.

M. Polak: J'ai juste une question additionnelle. Quand on regarde les frais de service de la dette de l'État, peut-être suis-je un peu conservateur, sur le plan financier, mais je me demande si on n'est jamais capable...

M. Bérubé: M. le député de Sainte-Anne, non, vous n'êtes pas un peu conservateur, vous êtes très conservateur.

M. Polak: Je vous remercie, parce que de nos jours, c'est un compliment. Sachant quel est le montant que l'État est obligé de payer au service de la dette par année, est-ce que vous prévoyez qu'on sera capable un jour de sortir du trou ou si on se touve dans une situation où tout ce qu'on peut faire, au mieux, c'est de payer les intérêts? Et même cela, ce n'est pas certain.

M. Bérubé: Non.

M. Polak: Est-ce que cela ne devient pas un peu comme cette fameuse formule de Réal Caouette et le pont - je ne sais pas quel pont, Jacques-Cartier, je pense - alors qu'il disait qu'on ne pourrait jamais rembourser le capital, parce qu'on est condamné à payer seulement les intérêts.

M. Bérubé: Non. Le service de la dette croît à l'heure actuelle, indéniablement, plus rapidement que l'inflation en bonne partie, non pas entièrement, parce qu'on refinance de la vieille dette à des taux d'intérêt supérieurs. Donc, il y a un accroissement du fardeau à cet égard auquel s'ajoute le financement d'un niveau de déficit qui est supérieur à ce qui existait antérieurement et, par conséquent, nous oblige également à augmenter nos dépenses à ce chapitre-là. Toutefois, je souligne que notre déficit est bloqué à 3 000 000 000 $ depuis trois ans. C'est simple, quand on dit que le déficit est trop élevé, il y a deux façons de le régler, c'est de couper les dépenses ou augmenter les revenus, alors taxer ou couper les services. Ce que nous faisons présentement, c'est essentiellement ceci: nous bloquons la croissance de nos dépenses, bloquons le niveau de déficit à 3 000 000 0000 $ et faisons en sorte que l'inflation graduellement vient gruger... En d'autres termes, autrefois, on dit que la livre de beurre - je n'ose même plus citer d'ailleurs le prix d'une livre de beurre aujourd'hui, étant donné la vitesse avec laquelle le prix monte - coûtait dix cents. C'est toujours la même livre de beurre et, aujourd'hui, elle se vend peut-être 2 $ 2,50 $. La livre est toujours là, c'est toujours la même, sauf que le montant qui y est attaché varie dans le temps. Alors, si on garde le même 3 000 000 000 $ et qu'on laisse l'inflation faire croître les revenus de l'ensemble de la société, tranquillement le 3 000 000 000 $ baisse. Un bel exemple de cela, et c'était amusant d'ailleurs dans l'intervention du chef du Parti libéral à Radio-Québec il y a deux semaines, on faisait dire au chef du Parti libéral que la dette par famille était d'environ 1000 $ au début du régime de M. Bourassa, ensuite, à la fin du régime, elle était d'environ 3000 $ et, sous le régime péquiste, elle monte à 11 000 $. Deux périodes de six ans. C'était amusant, parce que si on soustrait les contributions au régime de retraite qui n'étaient pas faites à l'époque du régime Bourassa, donc, on soustrait cela parce que nous, on le met dans notre déficit, alors que eux, ils ne le mettaient pas, mais il était là, quand même. Quand on fait des comparaisons sur une base comparable, on s'aperçoit que, sous le régime Bourassa, la dette a presque triplé. De fait, le montant a l'air plus petit, mais c'est en partie à cause de l'inflation. Donc, c'est vrai que le déficit a augmenté moins vite, à l'époque, sous le régime libéral que sous notre régime, mais pas beaucoup moins vite. Ce n'est pas sensible. J'ai déjà fait le calcul, c'est minime. Il me semble que c'est 1% de différence dans les taux de croissance, si on fait la moyenne. (17 h 15)

Le Président (M. Bordeleau): Est-ce que cela va, M. le député de Sainte-Anne?

M. Polak: Dans vos prévisions, au point de vue des taux d'intérêt, avez-vous prévu une baisse des taux, les taux vont-ils demeurer stationnaires pour la prochaine année ou vont-ils augmenter? On a eu une discussion avec M. Saulnier quand la RIO parlait de prévisions. Quelques prévisions, sans doute, vous ont influencé au point de vue du service de la dette, c'est un facteur important.

M. Bérubé: Je n'ai pas ici les projections sur trois ans. On prévoit une baisse des taux d'intérêt, mais je pense que, dans trois ans, de mémoire, on prévoit une inflation de 7% et des taux d'intérêt de 12%, si je ne me trompe pas.

M. le député de Jean-Talon, nos salutations.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: Je veux juste regarder ma feuille. Maintenant, M. le Président, j'ai une autre question pour le ministre. Dans vos prévisions de revenus, en préparant le budget, si on avait la même expérience que celle des deux années précédentes, combien serait la différence sur le budget prévu? Si

la même ligne de conduite était suivie ou si le même phénomène continue de se révéler, combien y aura-t-il de millions de dollars de moins, au point de vue des recettes?

M. Bérubé: ... de vous donner cette réponse. Par exemple, entre la préparation du budget d'il y a une année et là où nous sommes, si je ne m'abuse, nous avions prévu une croissance de 1% qu'on a ensuite révisée à zéro et, finalement, qu'on a révisée à la baisse, à moins 1% de croissance réelle de l'économie.

Il semble, en ce moment, que les organismes économiques qui font de la prévision dans ce domaine - je pense au Conference Board en particulier maintiennent ces prévisions pour le Québec d'une réduction à peu près de 1% du produit national brut. Donc, à l'heure actuelle, il n'y a pas d'indication selon laquelle il faudrait réviser à la baisse à la suite du prolongement de la récession au-delà de la période prévue. Mais cela suppose cependant une stabilisation des taux d'intérêt à l'automne, et pas de remontée, et cela suppose que l'économie commence à se replacer vers la fin de l'année.

Maintenant, à nouveau, je n'ai aucune boule de cristal et nous n'avons personne avec des boules de cristal qui nous permettraient de dire ce que sera l'économie dans un an ou deux. Cela dépend largement, d'une part - reconnaissons-le - des décisions américaines. Tant et aussi longtemps que le gouvernement américain maintiendra un déficit aussi considérable, un déséquilibre aussi important entre ses revenus et ses dépenses, en maintenant ses dépenses, au niveau de la défense, aussi élevées qu'elles le sont présentement, les besoins en financement seront à ce point élevés sur le marché qu'on ne prévoit pas de baisse des taux d'intérêts.

Comme vous le savez, il y a présentement querelle entre le président de la Federal Reserve Bank et le président Reagan quant aux taux d'intérêt qui devraient être pratiqués. La position de la Federal Reserve Bank, aux États-Unis, est que, tant et aussi longtemps que l'on maintiendra des déficits aussi élevés, la banque américaine croit qu'il faut maintenir des taux d'intérêts élevés pour réduire la masse monétaire en circulation, en dépit du fait que l'inflation a baissé de façon considérable. Comment se résoudra cette querelle? Il est extrêmement difficile d'en juger. Vous savez que le budget de M. Reagan a été rejeté par le Congrès et le sénat et, par conséquent, tout est en l'air à l'heure actuelle quant au budget américain. Donc, indéniablement, il y a un inconnu important au niveau du pays, le plus important pour ce qui est de définir l'évolution de l'économie mondiale.

Également, cela pose la question: Quelle sera l'attitude de la Banque du Canada en ce qui a trait au soutien du dollar et au maintien des taux d'intérêt au Canada encore plus élevés que les taux américains, dans le but d'atteindre deux objectifs, c'est-à-dire la lutte à l'inflation et le maintien du dollar? Donc, à nouveau, l'inconnu. On nous dit que le premier ministre du Canada est à réviser ses politiques qui ont été qualifiées de véritable désastre par l'ex-ministre des Finances du gouvernement Pearson, M. Walter Gordon, qui est une autorité en matière de financements nationaux. Par conséquent, il m'est assez difficile de juger quand, par exemple, le Parti libéral à Ottawa acceptera de déclencher des élections pour se faire battre afin que l'on puisse élire un autre type de gouvernement qui, lui, aura plus la volonté de rétablir l'équilibre des finances publiques.

À cet égard, je n'ai pas vraiment de réponse, je suis partisan d'essayer de renverser ce gouvernement à Ottawa le plus vite possible. Enfin, ça, évidemment, je ne peux pas en décider. Il faudra que l'électorat en décide.

M. Polak: Maintenant, dans votre...

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: Quand on prend, par exemple, le taux de chômage, dans vos prévisions, avez-vous prévu que le taux de chômage resterait au même niveau ou augmenterait? Disons que le taux de chômage, dans la province de Québec, a augmenté de 2% ou même 3%, disons quelque chose de très sérieux. Est-ce que ce serait un petit choc qui, tout de suite, affecterait, disons, notre position financière parce qu'il y a tant de revenus de moins qui entreraient? Ou avez-vous encore, dans cette marge de manoeuvre, une prévision pour dire: Si cela nous arrive, on est encore au moins capable de faire face à cela.

M. Bérubé: Très faible marge de manoeuvre. Elle est, pour ainsi dire, comme vous l'avez dit tantôt, inexistante, c'est-à-dire qu'un effondrement de l'économie nous amènerait soit à supprimer des services, soit à hausser les impôts. Je crois qu'ayant demandé l'effort que nous demandons présentement aux employés du secteur public, il faudrait regarder ailleurs et, indéniablement, s'il y avait un effondrement plus accentué de l'économie, il faudrait alors procéder à des mesures encore plus draconiennes, mais c'est inévitable.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Que le gouvernement en appelle au peuple.

M. Bérubé: Non, parce qu'un changement de gouvernement ne changera pas la situation économique, d'une part, et d'autre part, ne modifiera pas l'état des finances publiques. Par conséquent, on aura encore les mêmes choix à faire. Dans la mesure où, au moins, vous aurez un gouvernement avec une échine, vous avez des chances de résoudre un problème. Mais je ne vois absolument pas ce qu'on pourrait faire avec un Parti libéral qui se perd en querelles internes et qui n'est même pas capable de suggérer des solutions à la crise que nous vivons.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): M. le Président...

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Vaudreuil-Soulanges, je m'excuse, sur les remarques préliminaires, selon le calcul du temps, il semble que votre droit de parole soit écoulé.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Conformément à la suggestion du député de Frontenac, je ferai des remarques préliminaires à l'étude de l'article 1.

M. Polak: M. le Président...

Le Président (M. Bordeleau): Vous pourrez. M. le député de Sainte-Anne, une autre question?

Une voix: II achève, lui...

Une voix: Mais non, le ministre répond plus longtemps que lui.

M. Polak: M. le ministre, quand je lisais hier...

Le Président (M. Bordeleau): II pose la question, oui, le temps que tu réponds, non.

M. Blais: II lui reste une minute. Il a le droit.

M. Polak: M. le Président, je lisais, par exemple, hier, la déclaration de M. Lévesque: L'indépendance s'impose plus que jamais. Je peux vous dire que dans certains quartiers ou dans certains secteurs de la population, qui paie tout de même une partie assez importante des impôts, c'est justement le petit choc qui peut influencer votre marge de manoeuvre. Est-ce que vous êtes d'accord avec cela? Disons que les gens qui voient une déclaration comme ça, qui étaient peut-être sur le point d'investir, disent: Je ne fais plus d'entente, je ne fais plus rien, ou je pars. Peut-être que vous pouvez appeler cela une réaction d'hystérie ou de panique, c'est à définir comme vous le voulez, mais sur le plan de l'argent, de sous, je demande si un petit choc comme ça peut être juste assez pour déséquilibrer la marge de manoeuvre que vous n'avez pas de toute façon?

M. Bérubé: Juste assez pour améliorer la situation. Dans la mesure où le gouvernement du Québec, disposant à ce moment d'outils, dans le domaine constitutionnel, pour intervenir dans le secteur du commerce international, dans le secteur du financement, le gouvernement du Québec, disposant d'instruments dont nous ne disposons pas présentement, pourrait introduire un certain nombre de politiques en ce qui a trait, par exemple, au financement de nos entreprises qui seraient de nature à permettre au Québec de se tirer beaucoup mieux d'affaire. Donc, c'est plutôt l'inverse. D'ailleurs, une intéressante étude de chercheurs de l'Université de Kingston, lors de la campagne référendaire, avait démontré qu'en termes de facteurs statiques, l'indépendance du Québec n'influençait en aucune façon la situation économique au Québec, mais qu'en termes de facteurs dynamiques, c'était l'inverse, c'est-à-dire que les Québécois seraient avantagés par l'indépendance.

M. Polak: Et au point de vue de la confiance du public, pas seulement le public de la province de Québec, mais celui de l'extérieur qui fait affaires avec nous.

M. Bérubé: Non, c'est le facteur confiance qui est très important. Les Québécois, ayant enfin confiance en eux, ont plus de chance de tirer leur épingle du jeu qu'en n'ayant pas confiance en eux et en confiant au gouvernement fédéral le soin de résoudre leurs problèmes ce qui, de toute évidence - on voit le résultat - ne fonctionne pas.

M. Polak: Si j'ai bien compris, vous croyez que...

M. Blais: M. le Président, question de règlement.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Terrebonne.

M. Blais: II me semble que le député de l'autre côté, que j'adore, parle depuis au moins 20 minutes, pourriez-vous me dire combien de temps il lui reste?

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Terrebonne, effectivement, M. le député de Sainte-Anne arrive à peu près au terme de ses 20 minutes. Je suis obligé de le calculer en secondes et en minutes, disons que j'ai laissé un peu de marge.

M. Polak: M. le Président, après cet

échange intéressant...

Le Président (M. Bordeleau): Mais vous m'avez dit tantôt que c'était la dernière question.

M. Polak: ... je suis prêt à renoncer à la dernière minute qu'il me reste.

M. Blais: Bravo!

Le Président (M. Bordeleau): Alors, est-ce que cela va? Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, on se trouve...

Une voix: II lui reste combien de temps, M. le Président?

Le Président (M. Bordeleau): Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Je n'ai pas encore utilisé mon droit de parole, M. le Président.

M. Blais: Ah! oui, vous avez parlé tantôt au moins sept minutes.

Le Président (M. Bordeleau): Oui, en certaines occasions. J'ai calculé environ six à sept minutes que vous avez prises jusqu'à maintenant.

Mme Lavoie-Roux: Oh! à peine, M. le Président. Non, honnêtement, c'est vrai.

M. Blais: Ah! oui.

Le Président (M. Bordeleau): Vous avez posé un certain nombre de questions. J'ai calculé à la minute près.

Mme Lavoie-Roux: Non, mais c'est surtout le ministre qui m'a répondu longuement.

Le Président (M. Bordeleau): Non, mais ce n'est pas déduit de votre temps, madame.

Mme Lavoie-Roux: Oui, mais M. le ministre, plus...

Le Président (M. Bordeleau): Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: ... sérieusement, on se trouve devant un projet de loi qui est un événement assez, non pas assez, mais très anormal, le type de projet de loi qu'on a devant nous qui a pour objet, à toutes fins utiles, de rouvrir des conventions collectives qu'on avait signées supposément de bonne foi de part et d'autre. On ne les ouvre pas au sens strict du mot puisqu'elles seront échues au mois de décembre, mais on sait que le Code du travail prévoit qu'elles restent en vigueur jusqu'au moment où elles sont renouvelées, c'est-à-dire où on arrive à une nouvelle convention ou à s'entendre pour une nouvelle convention. D'autant plus qu'on ira récupérer par ce projet de loi une partie des montants qui ont été versés en fonction des conventions collectives qu'on a signées. Alors, cela semble clair. Quand on dit que le gouvernement, par ce projet de loi, bafoue les règles habituelles de négociation et nos règles habituelles du Code du travail, je pense que, si l'on peut parler de consensus, il y en a vraiment un là-dessus.

M. Bérubé: Non, sur le mot "bafoue"...

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.

M. Bérubé: Si vous utilisez un autre verbe que "bafouer", oui, on peut s'entendre. "Modifier" les règles habituelles de négociation, oui, c'est d'accord.

Mme Lavoie-Roux: Bon, écoutez, "renie", si le ministre trouve que c'est plus élégant que "bafoue", je n'ai aucune espèce d'objection, mais c'est du pareil au même. Quand on renie la signature qu'on a apposée en bas d'un contrat, signé de bonne foi de part et d'autre, et puis que l'on fait comme s'il n'existait plus, si le mot "bafoue" offense les oreilles du ministre, je vous dis: heureusement que nous n'étions pas susceptibles quand j'ai entendu toutes les turpitudes qu'il nous a servies depuis le commencement de cet après-midi...

C'est grave, ce type de projet de loi. C'est grave sur le plan du climat social. Cette mesure exceptionnelle, extraordinaire, arrive à la toute veille du renouvellement des conventions collectives. On sait fort bien, à cause de notre système de négociation qui est un système centralisé, qui est un rapport de forces entre, d'un côté, la force syndicale, de l'autre, le pouvoir gouvernemental et, entre les deux, les citoyens qui, quelquefois, sont plus fragiles que d'autres, particulièrement dans le domaine des affaires sociales et j'ajouterais aussi dans le domaine de l'éducation, mais à un dégré moindre, c'est-à-dire avec une urgence peut-être un peu moindre, que c'est là qu'est le danger. Même dans des conditions ordinaires où toujours on a respecté... où on n'a jamais agi de la façon dont on va agir aujourd'hui, cela a été des affrontements sous quelque gouvernement que ce soit. Là-dessus, je pense qu'on ne se lancera pas de pierres de part et d'autre. (17 h 30)

Cela a été ainsi sous des gouvernements libéraux, unionistes ou péquistes. Malheureusement, c'est comme

cela. Là, on vient rendre cette phase des négociations extrêmement pénible et extrêmement difficile en prévoyant une mesure qui n'a jamais été vue auparavant. Et le ministre pourra et même mes savants collègues qui ont tous des chiffres en tête sur l'économie, le taux d'investissement, la progression ou la régression du revenu intérieur brut, etc., et je respecte tous les chiffres qu'on veut bien me donner...

Il reste qu'il y a une chose qui est tout à fait unique pour le Québec. Je ne connais pas d'autres provinces au Canada et je voudrais bien qu'on me nomme même un État en Amérique du Nord, c'est-à-dire aux États-Unis, qui ait dû trouver une semblable formule pour se sortir du pétrin. On a beau dire que nos problèmes économiques sont causés par la hausse des taux d'intérêt, sont causés par tous les gouvernements qui nous ont précédés sauf nous, parce que nous, on est tellement vertueux et on a tellement bien administré, toutes les excuses qu'on peut trouver ne tiennent pas devant le fait que c'est, à ma connaissance - et si on veut le corriger par la suite, si je me trompais -la première fois qu'un gouvernement non seulement du Québec, mais un gouvernement du pays et probablement de l'Amérique du Nord doit recourir à une mesure aussi extraordinaire, aussi exceptionnelle, avec tous les risques qu'elle comporte à la veille d'une nouvelle ronde de négociations.

M. Lachance: Est-ce que vous me permettriez une question, Mme la députée de L'Acadie, avec la permission du président?

Mme Lavoie-Roux: Oui, parce que le député est toujours très gentil.

Le Président (M. Bordeleau): Alors, allez-y.

Mme Lavoie-Roux: Si je peux y répondre, remarquez bien.

M. Lachance: Merci, Mme la députée de L'Acadie. Écoutez, la politique, pour moi, ce n'est pas un jeu et je constate avec grand plaisir que, pour vous, ça ne semble pas être un jeu non plus. Vous êtes une personne - je voulais vous rendre un petit peu la monnaie de la pièce d'hier - qui m'apparaît très sincère, honnête; vous vous êtes fait remarquer dans la défense des plus démunis de la société, je continue à penser que vous êtes toujours dans cette optique-là. Est-ce que vous pensez que, dans la situation économique difficile que nous traversons, personne ne le conteste, il appartient seulement à ceux qui ne sont pas bien organisés ou qui ne sont pas organisés du tout, aux plus démunis de faire les frais seuls de la situation économique difficile dans laquelle nous vivons, et qu'on laisserait de côté ceux qui sont les mieux organisés, c'est-à-dire en partie les 300 000 personnes et ceux qui sont les plus hauts salariés?

Mme Lavoie-Roux: Ce n'est pas de ce point-là que je discute à ce moment-ci. Je vais répondre à la question du député. Je pense que notre parti ou notre formation politique n'a jamais nié qu'il y ait nécessité de mesures rigoureuses pour assainir les finances publiques. Le chef de notre parti, et ceci a été repris, je pense, par d'autres de mes collègues, a quand même dit: II faut que vous présentiez, enfin, appelons-le un plan budgétaire réparti sur une période d'au moins trois ans où justement on aura des objectifs très précis. Et si on se situe uniquement sur les négociations ou même sur les prochaines conventions que l'on doit signer, qui vont s'étendre sur une période de trois ans, normalement, il faut qu'on ait des objectifs très précis. On a parlé, par exemple, d'une parité, enfin d'une recherche de la parité la plus comparable possible, avec toutes les variables qui peuvent exister, du secteur public avec le secteur privé, d'un ralentissement dans le taux de croissance, par exemple, des augmentations. Est-ce qu'on peut désormais parler, du moins à l'époque que l'on vit présentement, en 1982-1983, d'enrichissement collectif quand il n'y a pas d'enrichissement collectif?

Sur tout cela, nous n'avons aucune espèce d'objection; ce contre quoi on a mis le gouvernement en garde, c'est de procéder d'une façon qui mette en péril justement ces objectifs qui, de part et d'autre, on le pense, on le reconnaît, doivent être atteints au moment des prochaines négociations. Alors, là-dessus, je pense qu'il n'y a pas de difficulté.

C'est évident que vous ne pouvez pas aller chercher l'argent chez les bénéficiaires de l'aide sociale. Je ne veux surtout pas faire de démagogie sur leur dos. On sait qu'ils vivent en bas du seuil de la pauvreté. Ni même chez des gens qui travaillent au salaire minimum et qui, eux aussi, ont du mal à joindre les deux bouts; ils sont tout juste au seuil de la pauvreté. Alors, c'est évident qu'on n'ira pas le chercher là. Ce sur quoi je reviens, c'est qu'aujourd'hui on est obligé de recourir à une mesure extraordinaire à laquelle d'autres n'ont pas besoin d'avoir recours, parce que, quelque part - je sais que le gouvernement n'aime pas quand on lui dit cela - le gouvernement a manqué de prévoyance. Quand on dit que l'Ontario, depuis déjà quelques années déjà, annonçait des moments difficiles; peut-être sentait-on un ralentissement - là, mes savants collègues économistes me diront un ralentissement économique à l'horizon - dès 1976-1977, on a senti la crise aller en progressant. Au lieu de couper, on a continué

d'augmenter, de dépenser. Je ne veux pas revenir sur toutes les choses qu'on vous dit tout le temps: Vous avez trop dépensé dans le domaine des communications, est-ce qu'il faudrait couper ici, est-ce qu'il faudrait couper là? C'est une autre chose.

Je vais vous donner un autre exemple très concret. Je crois que cela doit être la quatrième fois que je l'apporte. C'est celui qui comporte des sommes importantes. Je ne vous parle pas de couper dans ce que vous appelez des "peanuts" quelque part, quoique vous sachiez que lorsqu'un budget va mal dans votre propre famille, chaque chose qui aide à équilibrer un budget familial, ce n'est pas une "peanut", même si, en termes absolus, le montant peut être assez modeste. Avant le dernier budget du ministre des Finances, en mars, deux jours avant le déclenchement des élections, le budget a été présenté le 10, les élections ont été annoncées le 12, on a promis un crédit d'impôt aux familles qui avaient des enfants de moins de six ans; appelons cela une allocation de disponibilité parce que cela vous rend plus ou moins disponible, mais, en tout cas, avec le montant que cela comporte était de 180 000 000 $. Le ministre des Finances a annoncé cela au même moment où il coupait 1 000 000 000 $ dans des services, peut-être une partie des services était superflue, mais il savait fort bien qu'il coupait aussi dans des services extrêmement importants pour la population. Là vous l'avez diminué d'environ 30 000 000 $ à 40 000 000 $ parce que vous avez réduit les indemnités, vous avez réduit les crédits d'impôt. Cela n'était pas de la responsabilité, à la veille d'une élection, et vous avez maintenu cette promesse.

Si, encore, une partie de ces montants avait servi à augmenter la sécurité des personnes touchant des revenus 15 000 $, et moins. Au contraire, vous l'avez donné et cela ne m'étonnerait pas - non je pense que ses enfants ont vieilli - je ne lui en fait pas le reproche, ce n'est pas par mesquinerie, cela s'applique à certains de mes collègues -non, pas à lui, lui non plus, n'en a pas. Il y a des gens à l'Assemblée nationale qui bénéficient de ce crédit d'impôt - bon, vous en êtes un - qui n'est même pas imposable. Cela est un exemple et c'est une somme importante. Je pourrais en ajouter du côté des soins dentaires des choses qui ont été faites et cela représente des millions, du côté des médicaments gratuits, cela représente aussi des millions. Est-ce que le député sait, par exemple, que lorsqu'on a donné des médicaments gratuits à la totalité des personnes âgées, et non pas aux deux tiers qui n'avaient que la pension de vieillesse et la sécurité du revenu, que ce troisième tiers a consommé plus de médicaments que les deux autres tiers, ce dont il ne faut pas se surprendre parce que c'étaient probablement des gens généralement plus préoccupés de leur santé, etc. Maintenant, peut-être ne faudrait-il pas l'enlever d'une façon complète au troisième tiers parce que compte tenu de l'inflation, etc. Il y aurait peut-être aussi moyen de voir à ce que ceux qui sont capables de payer leurs médicaments sans se priver - je ne parle pas uniquement de choses essentielles - d'une vie tout de même un peu agréable, qui sont capables de les payer, car cela coûte des millions.

Le Président (M. Bordeleau): Je veux seulement vous signaler que vos vingt minutes sont écoulées.

Elles sont vraiment écoulées.

M. Bérubé: Dommage et intérêts.

M. Grégoire: On peut laisser la députée de L'Acadie conclure et terminer une minute.

Mme Lavoie-Roux: Je pourrais conclure parce que cela va finir par une question.

M. Grégoire: Oui, oui.

Mme Lavoie-Roux: Je m'éloigne de ce... Vous savez que je réponds toujours à la question du député de...

Le Président (M. Bordeleau): ... aux questions que vous voulez, Mme la députée de L'Acadie, sauf que cela fait partie des remarques préliminaires qui sont prévues dans nos règlements.

Mme Lavoie-Roux: Oui.

M. Grégoire: Vous allez avoir l'occasion bien des fois de reparler.

Mme Lavoie-Roux: Mais sa question c'est qu'on a ces préoccupations; c'est la façon dont il procède et aussi la responsabilité qu'à ce moment, ils doivent assumer et qu'ils n'ont pas à imputer aux autres; c'est vraiment ce point.

M. le Président, dans un document qui apparemment émane - cela va être ma conclusion, cela va être une question - du président du Conseil du trésor, qui a été à ma connaissance envoyé aux organisations locales du Parti québécois, accompagné d'une lettre du président du Conseil du trésor et qui s'appelle la problématique des finances publiques, synthèse, démarches, choix et propositions gouvernementales, on a véritablement un bon résumé de la problématique, des mesures que le gouvernement a prises. Mais...

M. Bérubé: ... ce compliment qui

s'adresse à elle en pratique.

Mme Lavoie-Roux: C'est vous qui avez préparé cela, mais je trouve que c'est bien fait. Je ne sais pas si mes collègues l'ont vu. En tout cas, moi, j'ai trouvé que c'était clair. Il y a une question quand même qui m'intéresse; on explique comment la répartition de l'effort s'est fait pour justement faire accepter cette hypothèse d'aller récupérer dans la fonction publique un montant de 521 000 000 $.

Il semblerait qu'en dépit de tous les calculs qu'on a faits, compressions, taxes imposées, etc., je peux lire à la fin que la contribution du secteur public, si la proposition déposée était acceptée, serait de 521 000 000 $. À ce moment, ils ne l'ont pas accepté. C'était au moment où on en discutait, j'imagine. Le solde à comprimer le serait soit par réduction de services ou par mesures fiscales, parce qu'on avait parlé de 700 000 000 $, de 640 000 000 $, c'est de cela que vous aviez parlé au début. Là, vous allez en chercher 521 000 000 $. Est-ce que c'est cette différence que vous iriez chercher, selon vos propres termes, dans un autre effort collectif qui serait requis de la part de nos concitoyens? Où est-ce que vos 521 000 000 $ ferment la boucle?

M. Bérubé: L'écart entre les 641 000 000 $ et les 521 000 000 $ vient de ce que, dans les 641 000 000 $, il faut inclure les cadres, les médecins qui ne faisaient pas partie du personnel syndiqué, mais qui sont couverts cependant par le gel au 1er juillet.

Mme Lavoie-Roux: Et tous les ministres.

M. Bérubé: Oui, c'est bien cela.

Mme Lavoie-Roux: Cela ne veut pas dire qu'il y aurait d'autres taxes supplémentaires, pour autant que les chiffres sont connus présentement. Cela pourrait arriver, ce n'est pas impossible. On a vu cela à l'automne.

M. Bérubé: À l'exception des mesures annoncées par le ministre des Finances telles que la taxe de vente qui a augmenté de 1%.

Mme Lavoie-Roux: Cela, c'est les 250 000 000 $ qu'il a annoncés au mois de mars. D'accord. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Bordeleau): Merci, Mme la députée de L'Acadie. Est-ce qu'on peut appeler l'article 1?

Autre intervention M. Gilles Rocheleau

M. Rocheleau: M. le Président, si vous permettez, j'aurais quelques mots à dire...

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Hull. Sur des remarques préliminaires?

M. Rocheleau: ... sur des remarques préliminaires, bien entendu, pour ne pas dire plus.

Je suis particulièrement intéressé au projet de loi 70 parce que j'ai vécu, dans le domaine municipal, des expériences assez intéressantes de négociation, mais, comme ex-maire d'une municipalité, moi et mes collègues du temps, on n'aurait jamais eu l'occasion d'adopter un règlement municipal ou d'adopter une loi qui disait tout simplement que les fonds prévus pour les salaires de nos employés étaient limités à tant de millions. Jamais. C'est vrai qu'on était une créature de la province et, comme créature, il fallait se limiter un peu au rôle que joue l'Opposition à cette Assemblée nationale: parler quand c'est le temps, accepter même quand ce n'est pas le temps et la seule décision, à toutes fins utiles, qu'il nous reste, c'est de donner notre consentement pour dépasser les heures. Cela, c'est d'une importance capitale pour l'Opposition.

Mais je comprends mal le président du Conseil du trésor qui a pris une partie du travail du ministre des Finances qui semblait, à toutes fins utiles, perdre les pédales, et qui nous annonce, dans un projet de loi qui fait frémir les fonctionnaires du gouvernement, non seulement les fonctionnaires du gouvernement mais l'ensemble du Québec, des modifications radicales. C'est ainsi que ce gouvernement soi-disant social-démocrate semble vouloir traiter les concitoyens et concitoyennes du Québec à compter de maintenant. (17 h 45)

Sans pour autant, M. le Président, faire allusion à la loi no 37 qui est un projet de loi anti démocratique, je tiens à souligner que le projet de loi no 70 est aussi anti démocratique à l'égard de nos travailleurs, et plus particulièrement les travailleurs de la fonction publique.

Une voix: Et les travailleuses.

M. Rocheleau: Et les travailleuses, bien entendu. M. le Président, à moins que vous soyez tellement occupé que cela ne vous permet pas de vous en apercevoir, il y a du gaspillage qui se fait par la volonté de ce

gouvernement. J'aimerais simplement vous énumérer quelques cas. Sans pour autant faire de l'extrapolation dans les différents comtés du Québec, dans l'Outaouais et plus particulièrement dans le comté de Hull, on a, depuis les quelques derniers mois, fait des nominations politiques. On a créé des postes. On a remis en usage un poste d'espionnage, de l'autre côté de la rivière des Outaouais, à Ottawa. On a nommé l'ex-député et ministre des Travaux publics, Mme Ouellet, au ministère des Affaires intergouvernementales. Je ne sais pas si c'est pour décacheter le courrier le matin, pour ramasser les timbres rares qui viennent de pays étrangers ou simplement pour faire le découpage des journaux et envoyer cela par Purolator à Québec, mais c'est quand même une rémunération qui frise les 40 000 $ par année.

Ce n'était pas assez, M. le Président, on vient, il y a à peine quelque temps, de créer un nouveau poste dans l'Outaouais, un poste de conseiller politique au ministre des mirages économiques, de l'expansion économique, M. Landry, Mme Manon Vitare, l'organisatrice du Parti québécois aux dernières élections - profondément convaincue, le 20 mai 1980, pour le comité du oui - à qui on a donné "une job" sûrement dans un bureau fort acceptable, avec les services d'une secrétaire, dactylo, papeterie si elle en a besoin, mais plus particulièrement un téléphone. Ces postes-là, M. le Président, sont créés pourquoi? C'est du gaspillage. Il y a cinq députés libéraux dans l'Outaouais québécois. Tantôt, au Québec, cela va être tous des députés libéraux parce que, dans l'Outaouais, on est un peu plus près des frontières et on a appris à parler au fédéral sans toujours se chicaner pour autant. On a appris à négocier, on a appris à en prendre et à en laisser. Mais la gourmandise, cela ne paie pas toujours. Vous l'apprendrez sûrement un jour. M. le Président, je vous prie de transmettre cela, éventuellement.

M. Polak: Au ministre, quand il sera là.

M. Rocheleau: Mais, M. le Président, un cas encore plus particulier qui me préoccupe sûrement, c'est la nomination de Mme Cuerrier, ex-vice-présidente de l'Assemblée nationale, ex-députée du comté de Vaudreuil-Soulanges. C'est bien évident que, depuis la dernière année, on s'aperçoit que Mme Cuerrier ne reprendra jamais son comté, alors on lui a donné "une job" aux Affaires municipales, à la Commission municipale.

M. le Président, je suis convaincu que cette personne, qui a sûrement énormément de qualités, n'a jamais vu de près la clé qui ouvre un hôtel de ville. On l'implique dans le domaine des affaires municipales alors que l'on connaît la complexité de ce travail. Je trouve malheureux qu'on n'ait pas pu, en l'occurrence, la faire bénéficier d'une largesse politique, d'une récompense politique, pour des services rendus antérieurement. On aurait pu, dans le contexte actuel, M. le Président, même s'il y avait certaines vacances à la Commission municipale, reporter certaines nominations parce qu'actuellement, je pense qu'ils sont dix commissaires, ou ils devraient être dix commissaires, et il y en a déjà quelques-uns de trop. On aurait pu profiter de l'attrition, c'est-à-dire de postes qui étaient déjà éliminés, pour ne pas les combler de nouveau.

Non, M. le Président. Je pense que le président du Conseil du trésor, qui devrait profiter de la nuit pour sommeiller, sommeille aussi le jour, comme il le fait actuellement, à moins qu'il ne soit simplement parti pour quelques instants. Ah! Il fait signe que oui.

M. Grégoire: Permettez, M. le Président, sur une question de règlement.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Frontenac.

M. Grégoire: Jusqu'ici, à la commission, cela a bien été. Nous laissons dire tout ce qu'il veut au député de Hull, mais je pense bien qu'il y a des remarques que, même au sein... Moi aussi, j'avais peut-être les yeux fermés. Quand j'écoute un prédicateur, je me ferme les yeux pour mieux comprendre. Si le ministre veut faire la même chose... Mais je pense bien que prêter de telles intentions, ce n'est pas gentil; on vous a laissé faire, mais il y a quand même des limites.

M. Rocheleau: M. le Président, je ne voudrais pas laisser un sujet aussi intéressant pour simplement commenter ce que le député de Frontenac vient de me dire. On a eu sa présence à la commission municipale, hier soir, et je dois vous avouer que ça ne m'a pas impressionné, les quelques instants pendant lesquels il nous a parlé de son amiante.

Alors, M. le Président, je n'ai sûrement pas l'impression de vous impressionner vous non plus et je n'ai pas l'impression, M. le Président, de pouvoir impressionner un péquiste parce qu'actuellement, la composition de votre cerveau pourrait se limiter à peu près à ce qu'un serin pourrait avoir comme cervelle. Alors, je n'ai pas l'intention de vous impressionner. Loin de là, messieurs.

M. Gagnon: C'est encore trop fort comme évaluation pour la vôtre.

Le Président (M. Bordeleau): S'il vous plaît, s'il vous plaît: C'est le député de Hull qui a la parole.

M. Rocheleau: M. le Président, quand on se pète les bretelles d'administrer le Québec de la façon qu'on le fait actuellement, on n'a qu'a retouner en 1979, quand votre gouvernement, M. le président du Conseil du Trésor, a acheté les conventions collectives des fonctionnaires du gouvernement du Québec afin de minimiser les complications que le référendum du 20 mai 1980 allait vous apporter; vous avez tenté par tous les moyens d'acheter ce référendum. Vous avez tenté par tous les moyens de donner des cadeaux et aujourd'hui, en 1982, vous êtes obligés de refaire vos comptes. Vous êtes obligés de réexaminer les capacités des Québécois et des Québécoises de payer et, malheureusement, vous vous voyez obligés de couper, non pas dans le gras, M. le Président, mais maintenant dans le maigre, parce que vous dites aux fonctionnaires du Québec: "On vous coupe 521 000 000 $, mais on va négocier quand même." Mais, ce que les fonctionnaires savent, c'est que les 521 000 000 $ sont partis du budget et que, même s'il y avait des négociations, le gouvernement ne remettra pas 521 000 000 $, alors qu'il prévoit déjà, pour l'année courante, un déficit d'au-delà de trois milliards.

Je pense, M. le Président, que c'est une façon malheureuse d'aborder les prochaines négociations avec ses employés et je trouve d'autant plus malheureux, M. le Président, que ce gouvernement, qui s'est toujours dit un gouvernement social-démocrate, coupe partout. J'ai pu me rendre compte qu'aux Affaires sociales, entre autres, et sûrement que ma collègue de L'Acadie a eu l'occasion, au cours de la commission parlementaire, de le mentionner au ministre des Affaires sociales. Chez nous, entre autres, dans les foyers d'hébergement et les foyers d'accueil, on a coupé les budgets, on a diminué les services, et on a, du même coup, diminué la qualité. Ce bon gouvernement, de 1976 à 1981, qui s'était caché derrière toutes sortes de paravents, depuis 1981, on voit maintenant son vrai visage. M. le Président, je trouve cela malheureux, parce que nos personnes âgées, au Québec, ne méritent sûrement pas le traitement que nous leur réservons actuellement. C'est vous, le gouvernement actuel, qui faites en sorte de priver des services nécessaires ces personnes âgées dans ces foyers d'accueil ou ces foyers d'hébergement. On pourrait continuer et en parler longuement.

Nous avons déposé à l'Assemblée nationale, au cours des dernières semaines, des pétitions de fonctionnaires du gouvernement du Québec qui s'opposent à l'adoption des projets de loi 68 et 70. Comme je l'expliquais ce matin, M. le Président, dans l'Outaouais, plus particulièrement dans le comté de Hull, nous comptons quelques milliers de travailleurs de la fonction publique provinciale, mais nous comptons aussi à peu près 25 000 travailleurs du gouvernement fédéral, qui, jamais, ne se verraient offrir un projet de loi semblable. Jamais, M. le Président. Dans le contexte actuel, je comprends très bien les fonctionnaires du gouvernement du Québec de se ramasser en avant du parlement, ici, la semaine dernière, et venir contester. On me dit qu'il y avait plus de 18 000 fonctionnaires qui étaient ici.

Pendant ce temps-là, on vous retrouvait dans mon comté, à Hull, en train d'essayer d'organiser une élection fédérale, alors qu'il y a des problèmes ici à Québec. Alors que ce gouvernement est en train de ruiner l'économie du Québec, on pense à aller représenter le Québec au gouvernement fédéral pour tenter de ruiner ce qui reste du Canada. M. le Président, je pense que vous avez du culot. Au lieu de penser à vous sauver tour à tour de vos comtés et vous présenter au fédéral, vous feriez bien mieux, M. le Président du Conseil du trésor, de demander à votre chef, le premier ministre du Québec, d'aller au peuple. C'est peut-être le temps d'aller au peuple, quand on accepte de passer des projets de loi matraques comme le projet de loi 37 sur une fusion forcée de deux municipalités, quand on oublie la base même de la démocratie, vous qui aviez cette mission, avant les années 1976 et plus particulièrement avant les années 1981, de la transparence, de la participation, de la collaboration. Vous disiez, à ce moment-là, aux Québécois et aux Québécoises qu'il fallait qu'ils se prennent en main. Bien oui, ces gens-là ont tenté de se prendre en main, ont voulu être consultés; mais non, projet de loi matraque. La même chose, M. le Président, avec le projet de loi 70, avec le projet de loi 68, et on pourrait continuer.

En terminant, M. le Président, j'ose espérer que ce gouvernement sera conscient qu'il ne corrige pas une situation en imposant des lois semblables. Il serait davantage responsable en allant s'asseoir à une table de négociation et de comprendre, avec les syndicats, les problèmes auxquels nous faisons face actuellement, Merci.

Le Président (M. Bordeleau): Merci. Comme il est dix-huit heures, à moins d'un consentement des membres pour continuer, je vais suspendre la séance jusqu'à ce soir, vingt heures.

M. Bérubé: C'est un des plus beaux discours que j'aie entendus depuis longtemps.

Le Président (M. Bordeleau): La commission suspend ses travaux jusqu'à ce soir, vingt heures.

(Suspension de la séance à 18 h 01)

(Reprise de la séance à 20 h 23)

Le Président (M. Bordeleau): Nous reprenons donc l'étude article par article du projet de loi no 70. Nous en étions, à la suspension, aux remarques préliminaires, mais je pense que c'était terminé, en tout cas selon les droits de parole que j'avais déjà retenus.

Mme Lavoie-Roux: ... son temps de parole?

Le Président (M. Borde leau): Selon mes calculs, oui, Madame.

J'appellerai donc l'article 1.

M. Bérubé: Adopté, M. le Président.

Le Président (M. Bordeleau): Est-ce que l'article 1 sera adopté?

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Un instant. On ne calcule pas de la même façon.

Mme Lavoie-Roux: On les a contestés un peu, c'est-à-dire la façon dont on les présente.

M. Bérubé: Si peu. Enfin, j'admets que j'ai une façon de les présenter que je ne dirais pas discutable...

Mme Lavoie-Roux: Qui n'est pas partisane du tout.

M. Blais: Ça fait plaisir de vous l'entendre dire, Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: C'est vrai que ça va être enregistré.

M. Blais: Non, ce n'est pas enregistré encore. Laissez-la parler, laissez-la parler!

Le Président (M. Bordeleau): C'est enregistré, mais, quand tout le monde parle en même temps, c'est difficilement enregistrable.

M. Lachance: Heureusement qu'il n'enregistre pas nos rires!

M. Bérubé: Non, je ne parle plus. Je n'ai pas parlé de l'après-midi, j'ai dormi.

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre, c'est enregistré.

M. Bérubé: Oui, oui, c'est vrai.

Le Président (M. Bordeleau): S'il vous plaît!

M. Bérubé: Ce sont des choses intéressantes.

Mme Lavoie-Roux: Ah oui, ah oui!

Étude article par article

Interprétation

Le Président (M. Bordeleau): Alors, sur l'article 1.

M. Grégoire: Article 1, adopté, M. le Président. C'est un article d'interprétation. Il n'y a rien à dire là-dessus.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Oui, à moins que...

M. Bérubé: II porte essentiellement sur Sa Majesté.

Une voix: Sur les définitions?

M. Bérubé: Oui, sur les définitions. Attendez un peu, M. le Président, je veux être certain.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): II y a une note dont il veut nous faire partager la teneur.

M. Bérubé: Non, j'ai des amendements.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Bon, déjà!

M. Bérubé: Peut-être qu'il serait approprié de distribuer une série d'amendements, parce que j'avais préparé des amendements dès le début de la loi, mais je n'aurai pas ma copie.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, est-ce que le ministre a l'intention de les déposer tous en même temps?

M. Bérubé: Oui.

Mme Lavoie-Roux: Pour qu'on puisse les examiner.

M. Bérubé: Oui, oui. Pour faciliter le travail.

M. Blais: Une suspension de quelques minutes.

M. Bérubé: On supend la séance pendant quelques minutes?

Mme Lavoie-Roux: Parfait.

M. Bérubé: Normalement, les gens qui m'accompagnent, comme il y avait une réception en l'honneur d'un sous-ministre qui partait, se sont tous retrouvés à la réception

et je me retrouve sans appui technique, ce qui est très désagréable; et malheureusement, j'avais des copies à votre intention.

Mme Lavoie-Roux: Vous allez être en danger!

Le Président (M. Bordeleau): Nous allons suspendre la séance pendant quelques minutes.

(Suspension de la séance à 20 h 26)

(Reprise de la séance à 20 h 35)

Le Président (M. Bordeleau): La commission reprend donc ses travaux. S'il vous plaît! M. le ministre, vous étiez en train de nous dire que vous aviez des amendements et que vous étiez prêt à les distribuer aux membres de la commission.

M. Bérubé: M. le Président, si vous me donnez les copies, cela va me rendre service.

Le Président (M. Bordeleau): Les copies sont déjà distribuées aux membres.

M. Bérubé: Madame va me passer une copie.

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre, est-ce que vous voulez nous faire part, d'abord, de l'amendement à l'article no 1.

M. Bérubé: Oui, M. le Président. Il s'agit ici de définitions. À l'article 1, premier alinéa, il faudrait ajouter une virgule après le mot "accréditation". "... l'association reconnue par décision de l'agent d'accréditation, du commissaire du travail ou du tribunal...", alors il y a une virgule. Aussi, il faudrait ajouter, après le mot "tribunal", les mots "du travail", pour identifier de quel tribunal il s'agit.

Il y a un deuxième amendement qui se lirait ainsi: par le remplacement, dans la quatrième ligne de l'alinéa 1; des mots "par l'effet de l'article 110", par les mots "en vertu de l'article 110 ou de l'article 112". Si je ne me trompe, c'est pour couvrir les professionnels et les fonctionnaires. Si vous avez des questions techniques, nous pourrons vous répondre.

Une voix: Adopté, M. le Président.

M. Bérubé: À l'article 112, je crois que ce sont les professionnels, c'est cela. On avait oublié que, effectivement, les professionnels n'étaient pas couverts par le même article de la Loi sur la fonction publique.

M. Grégoire: Adopté, M. le Président.

Le Président (M. Bordeleau): L'amendement...

M. Grégoire: L'amendement, l'amendement...

Le Président (M. Bordeleau): Est-ce qu'on...

M. Grégoire: L'amendement à l'article.

Le Président (M. Bordeleau): S'il vous plaît, M. le député de Frontenac, quand même.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Du calme.

Le Président (M. Bordeleau): Est-ce que l'amendement sera adopté?

Mme Lavoie-Roux: Évidemment, vous avez voulu couvrir tous les groupes à qui les mesures prévues dans la loi s'appliqueraient. Pour la question des juges, retournez-vous chercher de la rémunération, là?

M. Bérubé: Non. Là, il s'agit des définitions...

Mme Lavoie-Roux: C'est du monde gelé, cela.

M. Bérubé: C'est du monde gelé par le biais de leur alignement sur les cadres.

Mme Lavoie-Roux: Ah! oui, c'est cela; alors cela ne s'applique pas à eux.

M. Bérubé: Non.

Mme Lavoie-Roux: Évidemment, quand arrivera le tour des députés, cela va être aussi par une loi spéciale, parce qu'ils n'entrent pas là-dedans.

M. Bérubé: Ce sera la Loi sur l'Assemblée nationale.

Mme Lavoie-Roux: La Loi sur l'Assemblée nationale. Bon, d'accord.

Le Président (M. Bordeleau): Cela va? Alors l'amendement à l'article 1 est adopté. L'article 1 tel qu'amendé est-il adopté?

M. Blais: Adopté.

Le Président (M. Bordeleau): Adopté.

Mme Lavoie-Roux: Adopté.

Le Président (M. Bordeleau): Article 2.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): M. le Président, comme à l'article 68. Toutes ces choses-là.

Le Président (M. Bordeleau): Oui, sur division. Alors l'article 1 est adopté tel qu'amendé sur division. Cela va?

Application

L'article 2. M. le ministre, sur l'article 2, vous avez des changements ou des explications à fournir?

M. Bérubé: Oui, M. le Président, nous avons également un changement à apporter. Nous avons précisé les définitions, maintenant nous allons couvrir les employeurs. Je vous présente immédiatement les amendements: le remplacement du premier alinéa par les suivants: "1 le gouvernement et ses ministères; 2 tout organisme dont le personnel est nommé ou rémunéré suivant la Loi sur la fonction publique, y compris les services de l'Assemblée nationale du Québec et toute personne désignée par celle-ci en vertu de la loi."

Je vous explique rapidement l'amendement. C'est pour être bien certain que, par l'identification des organismes, on pouvait également étendre ce concept d'organisme au Vérificateur général, à ses bureaux, au président des élections, si je ne m'abuse, enfin il y en a quelques-uns. C'est cela. Le président du financement des partis politiques ou le directeur du financement des partis politiques. À ce moment-là, on m'a laissé comprendre que les organismes n'étaient peut-être pas suffisamment clairs au sens de la loi et, dans le cas présent, ce que nous faisons, c'est que nous précisons très clairement le sens "d'organismes" pour être bien certain que ça s'applique à tous les employés du secteur public.

Le Président (M. Bordeleau): Premier amendement, ça va?

M. Bérubé: Premier alinéa, est-ce que c'est plus clair?

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Oui. Bien, fondamentalement, il y a un ajout des mots "y compris les services". Vous avez réaménagé en même temps la numérotation.

M. Bérubé: C'est ça.

Mme Lavoie-Roux: L'article 2.

M. Bérubé: Alors, il s'agit de tout organisme qui relève du gouvernement, de la Loi sur la fonction publique, d'une part, mais, d'autre part, il s'agit de s'assurer que l'Assemblée nationale est bel et bien couverte également ainsi que les organismes qui en dépendent, ce qui n'était pas nécessairement clair en vertu de la loi spéciale sur l'Assemblée nationale.

Le deuxième alinéa de l'article... Oui.

Mme Lavoie-Roux: Excusez-moi. C'est simplement une question. Les universités, évidemment, négocient indépendamment de la fonction publique et parapublique. Il n'y a rien qui s'applique à elles, sauf le gel? Ah, dans une autre partie.

M. Bérubé: II y a une autre partie, au chapitre III, qui porte sur les universités et les institutions d'enseignement privé.

Mme Lavoie-Roux: Je m'excuse.

M. Bérubé: De rien, Mme la députée de L'Acadie.

Le Président (M. Bordeleau): Alors, est-ce qu'on pourrait adopter le premier amendement?

Mme Lavoie-Roux: Oui.

Le Président (M. Bordeleau): Premier amendement, adopté.

Le deuxième, M. le ministre.

M. Bérubé: Alors, c'est le deuxième amendement...

Le Président (M. Bordeleau): ... de l'article 2.

M. Bérubé: ... de l'article 2, paragraphe 2, par l'insertion, à la fin du deuxième paragraphe du premier alinéa, des mots "ainsi que les commissions scolaires Crie et Kativik". Nous avons oublié la convention de la Baie-James et les lois que nous avons adoptées ici créant ces commissions scolaires et, dans le cas présent, il faut les intégrer.

Le Président (M. Bordeleau): Est-ce que ça va pour l'amendement no 2?

M. Polak: C'est mon chef qui décide. Oui, oui, c'est technique.

M. Bérubé: Et le troisième amendement...

Le Président (M. Bordeleau): Adopté, donc.

M. Bérubé: ... est simplement un amendement de renumérotation des articles, compte tenu des changements que nous venons d'y apporter.

Le Président (M. Bordeleau): Alors, ça va aussi pour l'amendement no 3?

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges):

Renumérotation. Ça va.

Le Président (M. Bordeleau): Adopté. Est-ce que l'article 2 sera adopté tel qu'amendé?

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Quant à l'article 2 tel qu'amendé, je me reporte...

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Vaudreuil-Soulanges.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): ... à vendredi dernier alors que nous avions ici, en commission parlementaire, les chefs syndicaux du front commun et je me souviens qu'ils ont soulevé le problème de savoir comment il se fait que ce n'est pas tout le monde dans la fonction publique. Il y avait quelques exceptions qui sont dans le dernier paragraphe de l'article 2 qu'ils ont, eux aussi, évoquées, et le ministre avait eu une réponse, ma foi, assez intéressante dans le cas des membres de la Sûreté du Québec. Lorsqu'on lui a demandé pourquoi ils n'étaient pas couverts par l'application de la loi 70, le ministre a répondu, et je cite de mémoire, sujet à vérifier cela: "II faut comprendre que les agents de la Sûreté du Québec bénéficient de conditions de travail régies par une convention collective en cours." J'aimerais beaucoup qu'on m'explique la différence entre la convention collective en cours à l'égard des gens frappés par les premier, deuxième, troisième, quatrième et cinquièmement de l'article 2 et les agents de la Sûreté du Québec.

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Parce que, à ma connaissance, la convention collective est en cours jusqu'au 31 décembre.

M. Bérubé: L'esprit de la loi, la lettre de la loi est ainsi conçue qu'elle prolonge de trois mois les conventions collectives qui arrivent à échéance le 31 décembre 1982. Comme la convention collective de la Sûreté du Québec n'est pas échue le 31 décembre, quand bien même je prolongerais les termes de la convention collective, il faudrait que je rouvre celle-ci, ce que nous ne faisons pas par la présente loi. Donc, c'est la raison pour laquelle vous ne pouvez pas, dans cette loi, prévoir le problème des agents de la Sûreté du Québec qui est un problème qui ne se posera que le 1er janvier 1983, si je ne me trompe... 1984.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Plutôt que le 31 décembre... 1984, un an plus tard. Et quant aux agents de la paix, pour autant que je me souvienne, ceux qui sont en négociation...

M. Bérubé: Ils n'ont même pas de convention à l'heure actuelle, compte tenu, d'ailleurs, du débat que nous avons eu à l'Assemblée nationale où nous avons, effectivement, permis aux agents de la paix, premièrement, de se désaccréditer du syndicat unique dont ils faisaient tous partie pour se reformer dans de nouvelles unités d'accréditation qui, si je ne m'abuse, sont maintenant approuvées par le commissaire du travail, mais pour lesquelles il n'y a pas encore de convention collective. Donc, ils n'ont pas encore de convention collective à l'heure actuelle. N'ayant pas de convention collective, on va régler notre problème dans les conventions collectives.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Je crois me souvenir que, dans l'énumération des corps d'emplois qui ne sont pas touchés, il y avait des employés de la Société des alcools. Est-ce que c'est possible cela? De mémoire?

M. Bérubé: C'est exact.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Parce que la convention ne se termine pas le 31?

M. Bérubé: Ce n'est pas un organisme budgétaire. La Société des alcools n'émarge pas au budget du gouvernement.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Et pour mémoire, quels sont les autres qui ne sont pas touchés? Il y a l'Hydro, évidemment.

M. Bérubé: Ils n'émargent pas au budget du gouvernement du Québec.

M. de Belleval: La SAQ.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Oui, cela on vient de le dire.

M. Bérubé: Seuls les organismes qui émargent au budget du Québec, soit par le biais de subventions, soit par le biais d'un recours direct au fonds consolidé, sont couverts dans la présente loi.

M. Grégoire: La SNA?

M. Bérubé: Non, elle n'émarge pas, non plus, au budget du Québec.

Mme Lavoie-Roux: Est-ce que la majorité des sociétés d'État...

M. Bérubé: Ne sont pas touchées.

Mme Lavoie-Roux: ... ne serait pas touchée, comme la SGF et tout cela?

M. Bérubé: Non.

Mme Lavoie-Roux: Quand vous allez toucher aux cadres relativement au gel, elles ne seront pas touchées là non plus?

M. Bérubé: Non, dans la mesure où les sociétés d'État sont, en général je dis bien, des sociétés commerciales qui ont un marché qui leur est propre. D'une façon générale, d'ailleurs, on constate que la rémunération dans nos sociétés d'État est mieux alignée sur le marché, sauf pour l'Hydro-Québec.

Mme Lavoie-Roux: Mais, M. le Président...

Le Président (M. Bordeleau): Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Si l'on pense à SIDBEC, par exemple, qui, je comprends, a son propre marché, dans le sens où le ministre le dit, mais qui est subventionnée quand même à peu près chaque année pour x millions, qui sont assumés par les contribuables du Québec, je ne vois pas pourquoi eux, du moins au niveau des cadres, ne sont pas l'objet d'une même mesure.

M. Bérubé: SIDBEC ne reçoit aucune subvention du gouvernement du Québec.

Mme Lavoie-Roux: C'est par emprunts?

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Le gouvernement du Québec souscrit au capital-actions...

M. Bérubé: II est actionnaire.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): additionnel et SIDBEC émet des actions.

M. Bérubé: Actionnaire presqu'au même titre que nous sommes actionnaires dans la Domtar.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Ce qui fait penser à la Caisse de dépôt qui, évidemment, n'est pas couverte, elle est exclue.

M. de Belleval: Elle est exclue de la Loi sur la fonction publique.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Cela m'amène à une question d'ordre général à l'égard des régimes de rémunération dans toutes ces sociétés-là. Je me demandais si le gouvernement, à titre d'actionnaire...

M. Bérubé: Je m'excuse.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Je vous en prie.

M. Bérubé: On me dit que SIDBEC a annoncé qu'elle gelait ses cadres, suivant la proposition gouvernementale.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges):

C'était le sens de ma question à l'égard de SIDBEC, je m'en souviens, je me demande même s'ils n'ont pas accepté des baisses? Il y a eu 75 mises à pied de cadres, ils ont allégé considérablement les frais généraux et il y a gel quant aux autres. Je me demande si on assiste à un précédent qui sera suivi dans tous les autres organismes qui n'émargent pas au budget.

M. Bérubé: Les lois du Québec sont maintenant rédigées de manière, à donner un pouvoir de directive au gouvernement quant aux objectifs et orientations de la société. Mais l'action gouvernementale se limite à ce nouveau niveau, d'autant plus que l'Opposition libérale a signalé à plusieurs reprises le danger de l'ingérence gouvernementale dans le fonctionnement des sociétés d'État.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Vous ne vous souvenez pas que j'ai posé une question qui touchait la nature des directives qui pouvaient être émises par le gouvernement. Je voulais savoir, étant donné sa qualité d'actionnaire et, évidemment, de récipiendaire des décisions et des orientations qui peuvent venir de l'initiative même de ces sociétés-là, si le gouvernement était en mesure de faire partager aux membres de la commission parlementaire son impression de la direction qu'entendent prendre ces sociétés-là. Est-ce que le gouvernement a senti que l'on répond, dans les sociétés d'État non couverte par la loi 70, d'une façon qui est conforme aux objectifs que le gouvernement veut imposer à ses employés?

M. Bérubé: Je pense qu'il faut distinguer entre, d'abord, les sociétés d'État qui, en vertu de la loi 55, doivent faire approuver leur mandat de négociation par le gouvernement, par le Conseil du trésor, et les sociétés d'État qui n'ont pas à faire approuver leur mandat de négociation par le gouvernement. Je pense que l'attitude devrait être tout autre, suivant le cas.

Indéniablement, dans le cas des sociétés qui vont faire approuver leur mandat de négociation par le gouvernement, ce sont généralement des sociétés d'État qui offrent beaucoup plus de services à la population que des sociétés de types commercial et, de fait, notre intention est de sortir de la loi 55 les sociétés d'État de type commercial en disant: ce sont des sociétés commerciales, elles sont en concurrence et le gouvernement interfère moins dans leur gestion...

Le Président (M. Bordeleau): S'il vous

plaît, je m'excuse, M. le ministre. M. le député de Charlesbourg, est-ce que vous pouvez parler moins fort ou faire votre caucus un peu plus loin? Il semblerait que ça dérange les membres de la commission. M. le ministre, vous pouvez continuer.

M. Bérubé: Donc, dans le cas des sociétés à vocation commerciale, moins il y a d'ingérence de l'État dans le fonctionnement de ces sociétés, plus l'imputabilité des gestes de la société aux administrateurs est facile et grande. Par conséquent, je pense que les politiques salariales des sociétés d'État de type commercial qui n'ont pas à faire approuver leur mandat de négociation devraient rester de leur strict ressort. Il n'appartient qu'à elles de montrer des bilans favorables et, pour autant qu'une société a des bilans favorables, je pense qu'on devrait éviter d'avoir à intervenir. Ce n'est que lorsqu'une société est effectivement déficitaire qu'un gouvernement a à intervenir dans le fonctionnement de l'entreprise en prenant les moyens, comme actionnaire, de corriger le tir si besoin est. C'est la première partie de ma réponse.

Quant aux organismes ou sociétés d'État qui doivent faire approuver leur mandat de négociation par le gouvernement, par le Conseil du trésor, il est bien évident que nous tenons compte, dans les mandats approuvés, de la politique salariale gouvernementale.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): II est intéressant de voir que, dans les sociétés à caractère un peu commercial, le degré d'imputabilité est plus élevé, c'est évident, et qu'à ce moment-là, le degré d'autonomie est plus directement relié à la performance. Le degré d'autonomie à fixer des rémunérations devient presque automatiquement relié à des appréciations de la performance de la société. Je me demandais si - peut-être qu'on déborde trop - à l'intérieur de la fonction publique comme telle, on est déjà en mesure, au Conseil du trésor, de suivre cet exemple. Non pas que les activités de certains services gouvernementaux sont à caractère commercial nécessairement, ou même assimilables, mais je me demandais si la discipline qu'une mesure de performance peut imposer ne pourrait pas être utilisée afin de ne pas geler, comme s'ils étaient tous exactement des pions identiques, tous les employés de la fonction publique, de sorte que les services qui ont une bonne performance, par opposition à ceux qui n'en ont pas, les employés donc qui réussissent à l'intérieur de ce service-là, par opposition à ceux qui ne le font pas, ne seraient pas tous traités de la même façon. On peut dire, dans les circonstances actuelles, que les gens qui ont la chance d'être à l'emploi d'une société d'État, donc qui ne sont pas obligés de faire approuver leur mandat de négocier, s'en tirent bien s'ils ont une bonne performance.

M. Bérubé: La ministre de la Fonction publique et le député de Charlesbourg qui nous font l'honneur de s'asseoir à notre table et de suivre l'évolution de nos travaux, s'ils avaient le droit de parole...

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges):

Question de règlement. Je ne pense pas que les deux députés en cause suivent nos travaux. Je pense que nous sommes astreints à suivre leurs discussions à ce moment-ci, à tel point qu'ils n'ont même pas remarqué vos interventions, M. le ministre.

Mme Lavoie-Roux: Sont-ils membres de la commission?

M. Bérubé: M. le député de Vaudreuil-Soulanges, ce que j'allais dire devrait, je pense, les amener à tendre l'oreille, dans la mesure où ils seront directement concernés par mes propos.

En effet, ces deux aimables confrère et consoeur vous parleraient de la rémunération au mérite mise en place dans la fonction publique en vertu de laquelle les cadres gouvernementaux font maintenant l'objet d'une rémunération forfaitaire au mérite. Je signalerais, par exemple, que, dans le gel de la masse salariale aux cadres cette année, nous avons reconduit l'enveloppe forfaitaire attribuable au mérite et cela pourrait vouloir dire, dans le cas de cadres performants, que certains d'entre eux auraient droit à une rémunération. En d'autres termes, dans l'augmentation de salaire de l'année dernière, il y avait une augmentation de salaire sur échelle et une augmentation forfaitaire reliée au mérite. Comme nous reconduisons cette masse monétaire l'année prochaine, à la suite du gel, il continuera à y avoir un forfaitaire et, indéniablement, un sous-ministre pourrait très bien décider de donner l'essentiel de sa masse forfaitaire à deux, trois ou dix fonctionnaires-cadres qui fonctionnent bien. Par conséquent, ceux-ci pourraient se voir attribuer une augmentation de salaire qui dépasse le gel. Mais globalement, en masse, ils ne dépasseraient pas.

La raison pour laquelle nous avons tenu à maintenir cette politique, c'est exactement pour poursuivre l'idée du député de Vaudreuil-Soulanges, qui nous l'a transmise sans doute par télépathie, et nous l'avons trouvée très bonne.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Je remercie le ministre...

M. Grégoire: M. le Président, j'aurais juste...

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): ... de cette dernière remarque. Ce n'était pas de la télépathie autant qu'un souci de voir si la loi 70, si jamais le gouvernement décide de l'adopter, va conserver cet excellent principe dont j'ai été témoin moi aussi. J'ai déjà été dans le réseau, à des conseils d'administration de centres d'accueil ou choses du genre, et j'étais au courant de cela. Mais il n'y a rien qui me permettait de croire, à la face même du projet de loi no 70, que cela avait été reconduit. Je dois avouer que je n'ai pas pris connaissance du bottin, connu sous le nom de Document sessionnel no 350, et je me demandais, quand on aura une chance de le voir tout à l'heure, si ça se dégage que la reconduction de la masse comprend également le forfaitaire ou si ça peut être un objet de litige.

M. Bérubé: Non, la loi 70 ne s'applique qu'aux employés syndiqués, donc couverts par une convention collective. Or, nos cadres ne sont pas syndiqués et leurs conditions de travail font l'objet d'une discussion avec les associations de cadres et d'un décret gouvernemental. Ils ne sont donc pas couverts dans la présente loi.

Le Président (M. Bordeleau): Cela va? M. Grégoire: M. le Président, j'aurais...

Le Président (M. Bordeleau): Sur le même sujet, M. le député de Frontenac?

M. Grégoire: Oui, sur le même sujet, sur les sociétés d'État. On parlait tantôt de sociétés d'État et on les classait selon qu'elles émargeaient ou qu'elles n'émargeaient pas au budget du Québec. Or, elles peuvent émarger de deux façons au budget du Québec: dans la colonne des dépenses et dans la colonne des rentrées de fonds. Comme, par exemple, la Société des alcools et Loto-Québec sont des sociétés d'État qui émargent au budget du Québec non pas en sorties de fonds, mais en rentrées de fonds, elles remettent leurs profits au fonds consolidé pour venir augmenter le montant total des revenus.

Si le gel des salaires s'applique à ces sociétés, où il n'y a pas de concurrence dans le domaine commercial, qui sont exclusives dans leur domaine, que ce soit Loto-Québec ou que ce soit la Société des alcools, si elle sont assujetties au même projet de loi, les rentrées de fonds augmenteront, elles émargeront donc non pas aux dépenses du budget, mais aux rentrées de fonds.

M. Bérubé: Exactement.

M. Grégoire: Par le fait même, comme tous leurs profits viennent émarger au budget du Québec, mais dans la colonne des revenus, est-ce qu'il n'y aurait pas lieu d'inclure ces deux sociétés d'État - et peut-être d'autres qui ne me viennent pas à la mémoire ou qui n'existent que parce qu'elles constituent des rentrées de fonds... Hydro-Québec n'existe pas que parce qu'elle constitue une rentrée de fonds, Hydro-Québec peut avoir à prendre de ses revenus pour des investissements autres, alors que la Société des alcools et Loto-Québec n'ont pas d'investissements de barrages ou de construction, sauf pour les activités courantes, j'entends.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Elles peuvent bâtir des entrepôts, elles peuvent mettre sur pied un système de distribution...

M. Grégoire: Oui, pour les activités courantes, mais non pour des investissements de développement de services à la...

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Oui, embouteillage, fabrique de verre, de bouteilles, à la limite, si on s'intégre verticalement, horizontalement, de tous bords de tous côtés.

M. Grégoire: Oui, mais elles n'ont pas encore ce mandat-là. Alors, je me demande si ces sociétés d'État, qui émargent au budget du Québec dans la colonne des revenus, pour lesquelles les rentrées de fonds pourraient être accrues, parce que tous leurs profits vont au fonds consolidé, étant donné également que c'est leur but premier et exclusif de voir à fournir des rentrées de fonds, et également parce qu'elles sont dans un domaine où il n'y a pas de concurrence, où il n'y a pas de comparaison possible avec l'entreprise privée, n'y aurait-il pas lieu d'inclure ces deux sociétés d'État dans le projet de loi?

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Avec la permission du député de Frontenac et du ministre...

Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. le député de Vaudreuil-Soulanges. (21 heures)

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): ... je voudrais compléter l'argumentation du député, dans la mesure où, entre autres, en vertu de la loi 16, Hydro-Québec est tenue de verser un dividende, elle est tenue de payer au gouvernement une prestation qui va entrer elle aussi dans la colonne des revenus. Les autres sociétés d'État sont également tenues de verser des dividendes, qu'il s'agisse de la SGF, etc., si on se réfère au discours sur le budget de mars 1981. Il me semble, et, en vertu du même argument, que chaque fois qu'une société d'État aura des revenus qui lui permettraient de verser un dividende conformément à la loi ou au désir exprimé par le ministre des Finances, par extension,

elle devrait être couverte par le projet de loi no 70, selon l'argumentation du député de Frontenac. Mais je ne pense pas que cela justifie l'inclusion, incidemment, de ces sociétés comme étant assimilables à celles qui émargent au budget du Québec. Je pense qu'il y a une grande différence entre émarger au budget du Québec tant dans la colonne crédit et dans la colonne débit que simplement pour le crédit.

M. Bérubé: Là-dessus, je dois dire... M. Grégoire: Juste pour compléter.

M. Bérubé: M. le Président, j'ai demandé la parole...

M. Grégoire: Si vous me le permettez, je demanderais au député...

Le Président (M. Bordeleau): Pour compléter la question, si le député de Frontenac veut compléter la question.

M. Bérubé: Je voulais simplement souligner, M. le Président...

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Interrompez-le.

M. Bérubé: ...que j'étais entièrement d'accord avec le député de Vaudreuil-Soulanges et je trouvais également que la suggestion du député de Frontenac, en fait, était certainement difficile à accepter, dans la mesure où on ne faisait pas les distinctions adéquates, mais je partage entièrement le point de vue du député de Vaudreuil-Soulanges.

M. Grégoire: Je faisais les distinctions adéquates en ce sens que je parlais...

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Frontenac.

M. Grégoire: ...des sociétés d'État qui étaient là pour procurer des revenus au Québec. Je parlais également des sociétés d'État qui étaient exclusives et dont le rôle n'était pas de faire des investissements, mais simplement de fournir des revenus au gouvernement. Je me demandais pourquoi...

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges):

J'aimerais qu'on puisse, entre autres, si je peux répondre pour le ministre, décider si...

M. Bérubé: Vous pouvez tenter.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): ...c'est une vocation de faire des investissements et une autre vocation de procurer des revenus.

M. Bérubé: Je peux suggérer que je me déplace. Je vais m'installer de l'autre côté. J'ai l'impression qu'il y a une compréhension beaucoup plus grande du projet de loi...

M. Grégoire: Je crois que j'ai posé une question sérieuse.

Le Président (M. Bordeleau): Est-ce que le ministre veut répondre?

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Je pensais que j'y avais répondu.

Des voix: Ah!

M. Grégoire: En fin de compte, la Société des alcools est tout de même une société gouvernementale qui n'est pas une société d'investissement ou une société commerciale comme la Société nationale de l'amiante. C'est une société d'État beaucoup plus reliée à la fonction publique. Alors, j'aimerais avoir la réponse.

M. Bérubé: J'aimerais que vous posiez les questions au ministre de Vaudreuil-Soulanges.

Une voix: Une autre prévision!

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.

M. Grégoire: La réponse, c'est non, je suppose.

Le Président (M. Bordeleau): Une réponse.

M. Bérubé: Non, c'est extra-budgétaire, en ce sens qu'il ne s'agit pas d'organismes budgétaires pour lesquels, à l'intérieur d'un équilibre financier d'une année, il y aurait des déboursés budgétaires prévus dans les livres des crédits. Je vais vous répondre simplement également parce que la question que vous soulevez est quand même une question passablement complexe. Prenons, par exemple, la Société des alcools. Vous avez des employés qui ont des conventions collectives qui vont jusqu'en 1984.

M. Grégoire: Je parle de conventions collectives qui viennent à échéance le 31 décembre.

M. Bérubé: Oui, mais on se retrouve avec des traitements distincts en fonction des syndicats à l'intérieur d'une entreprise et on s'engage dans une solution qui ne m'apparaît pas équitable pour l'ensemble des employés de l'entreprise. Je comprends que le député de Frontenac a une idée lumineuse. Mais le problème, c'est la variété. Vous avez, par exemple, les caissiers, les employés

de bureau de la Société des alcools qui ont leur convention collective qui arrivent à échéance le 30 juin de cette année. Évidemment, comme ils doivent faire approuver leur mandat par le Conseil du trésor, le gouvernement va tenir compte, dans la négociation, des mandats. Le projet de loi no 70 - il faudrait peut-être revenir au sens du projet de loi no 70 - vise à faire en sorte que le déboursé en salaires du gouvernement soit réduit de 521 000 000 $. Mais quand bien même je modifierais des conventions collectives à Hydro-Québec ou à quelque endroit que ce soit, cela ne modifie en rien, pour l'année courante, les entrées de fonds. Cela va les modifier l'année suivante. Or, l'année suivante, c'est une autre année budgétaire et, à ce moment-là, cela doit faire l'objet d'une négociation normale comme pour le reste des employés du secteur public.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Et c'est l'admission par le ministre, évidemment, que le projet de loi no 70 est un exercice d'équilibre financier pour l'année budgétaire se terminant le 31 mars 1983.

M. Blais: On l'a toujours dit.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): On l'a toujours dit, oui.

M. Bérubé: C'est un projet de loi qui vise à assurer la réalisation des équilibres budgétaires prévus dans le discours sur le budget.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): C'est bien marqué.

M. Bérubé: Indéniablement, je pense que c'est une loi franche.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Transparente dans son objectif.

Le Président (M. Bordeleau): Mme la députée de L'Acadie et, ensuite, M. le député de Sainte-Anne.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je voudrais revenir sur la question de la Sûreté du Québec qui a été exclue du projet de loi. J'aimerais demander au ministre ce que la Sûreté du Québec représente comme masse salariale. Ensuite, quel est le pourcentage d'augmentation, cette année, au plan salarial, à la Sûreté du Québec.

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.

M. Bérubé: De mémoire, je ne saurais dire, mais je peux cependant vous faire part du principe que nous avons suggéré pour la rémunération, l'alignement sur une trentaine de corps policiers du Québec, en ce sens que la CTCUM et son corps de police jouent presque un rôle de leader dans le domaine des salaires de la police au Québec. La conséquence est qu'il y a au moins une trentaine de municipalités - 32, je crois - au Québec, qui ont de gros corps de police, qui, finalement, sont tous à parité.

Le problème, dans le cas de la Sûreté du Québec, au moment où nous avons entrepris la négociation, c'est qu'on se retrouvait avec le corps d'élite de police du Québec, appelé à intervenir dans toutes ces municipalités comme expert, mais moins bien rémunéré que les policiers de la CTCUM. Si on doit aborder la question de la rémunération de la police, il faudrait le faire un peu globalement d'un commun accord avec la CTCUM, la Communauté urbaine de Québec et autres, pour en arriver à une stratégie et à une politique salariale uniformes pour les corps de police au Québec.

Le Président (M. Bordeleau): Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Le sens de ma question - ce n'était peut-être pas très clair - était de savoir si l'augmentation qu'ils auront, en 1982-1983, se compare à celle que les fonctionnaires, à qui on va reprendre de l'argent, auront pour l'année 1982-1983, alors qu'ils allaient chercher une augmentation de l'ordre d'à peu près 16%, globalement. Je pense que c'est cela, 14% ou 16%.

M. Bérubé: Comme c'est une augmentation de six mois, en 1982-1983, c'est un peu plus difficile. Pour 1981-1982, c'était 14,04%.

Mme Lavoie-Roux: Oui, évidemment, c'est six mois. Comparativement à la Sûreté du Québec, est-ce que leurs augmentations étaient à peu près du même ordre de grandeur? Si je pose la question, c'est que j'aimerais savoir, étant donné qu'eux ne seront pas touchés par cette loi, ce que...

M. Bérubé: Les pourcentages de l'augmentation: pour le 1er janvier 1982 à la Sûreté du Québec, c'est 9%; pour le 1er janvier 1983, c'est 8% comme taux d'augmentation temporaire.

Mme Lavoie-Roux: Oui, quand vous dites "temporaire"...

M. Bérubé: II est à renégocier à la fin de 1983.

Mme Lavoie-Roux: À la fin de 1983. De toute façon, leur augmentation était moindre que celle de la fonction publique en

général.

M. Bérubé: Oui, mais il faudrait faire attention, car il y a eu un rajustement du taux de base.

M. Blais: Les policiers? M. Bérubé: Oui.

M. Blais: Ils ne sont pas là-dedans, c'est hors sujet.

M. Bérubé: Non, ils ne sont pas dedans, mais au 1er janvier 1982, on a donné une augmentation de 9% avec une clause d'indexation. Quand on va connaître le résultat de l'IPC de 1982, on va corriger les 9%. Pour 1983, on a donné une augmentation de 8%. Mais on a convenu que ces 8%, en septembre, pourraient être renégociés. Ils se disaient: On ne sait pas ce qui va être donné à la fonction publique. Alors, il y a une clause de réouverture en septembre 1983 pour savoir quel taux sera applicable au 1er janvier.

C'est une clause remorque sur la fonction publique.

Comme le gouvernement fait une disposition spéciale le 1er janvier 1983...

Le Président (M. Bordeleau): Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: À ce moment, est-ce que vous utiliserez la même disposition que vous utilisez à l'égard de ceux qui sont couverts par la présente loi?

M. Bérubé: Non, c'est encore difficile à dire. En ce qui concerne le mandat de négociation avec la Sûreté du Québec, il n'a pas encore fait l'objet de décisions gouvernementales. Cela va dépendre du mandat de négociation que nous aurons adopté pour l'ensemble du front commun et des règlements qui s'ensuivront.

Mme Lavoie-Roux: II y a quand même une question d'équité. C'est pour cela que je m'informais un peu de l'ordre de grandeur ou de la moyenne des salaires à la Sûreté du Québec, ce que vous n'êtes pas capable de me donner ce soir, je le comprends bien. Vous allez quand même aller chercher de l'argent chez des gens qui sont de très bas salariés dans la fonction publique, du moins si les choses restent telles quelles, alors que pour une question d'accident, une question presque fortuite - leur convention finit en 1983 et celle des autres finit en 1982 - ils vont échapper à cette règle de restitution d'une partie du salaire. Il se peut qu'à la Sûreté du Québec, même si on regarde la moyenne des salaires, ce soit passablement plus élevé que la moyenne dans la fonction publique ou dans certains corps d'emploi ou certaines catégories d'employés.

M. Bérubé: II faut comprendre, cependant, que dans la mesure où ils ont une convention collective en cours, ce qui sera négocié, à la fin de 1983, n'a pas d'incidence budgétaire pour l'année en cours. Par conséquent, le seul point en cause est un point d'équité de traitement, comme vous le soulignez par rapport aux autres employés du secteur public. Je pense que cette équité de traitement peut faire l'objet, à ce moment, de mandat de négociation donné aux négociateurs gouvernementaux, de manière à assurer un traitement comparable à l'ensemble des employés du secteur public. Comme je Vous disais, il dépendra sans doute du type de règlement qu'on aura avec le front commun pour l'ensemble des trois années, pour décider du genre de mandat qu'on accordera dans le cas de la Sûreté, à la fin de cette année.

Mme Lavoie-Roux: En tenant compte de la récupération de salaire que vous seriez allés chercher dans la fonction publique?

M. Bérubé: Indéniablement, je pense que nous tiendrons compte du traitement accordé à l'ensemble des employés du secteur public, de manière à nous assurer que le fardeau soit équitablement réparti. Ce n'est pas un fardeau agréable, loin de là. La loi 70 n'est pas une loi douce et dont je suis, disons, fier de défendre comme telle, si ce n'est qu'elle permet d'épargner à nos concitoyens aux prises avec la pire crise que l'on connaisse, que moi je n'aie jamais connue...

Une voix: Vous êtes jeune.

M. Bérubé: Oui, c'est ça, je suis jeune encore, à 40 ans, je n'ai peut-être pas vu grand-chose. Mais c'est la pire crise que j'ai pu connaître dans mon existence. Cette loi vise donc à essayer de faire porter le poids par un peu tout le monde. Mais, d'un autre côté, je pense que, dans une société, personne n'acceptera de faire les frais d'une crise à eux seuls. Il faut - vous avez parfaitement raison, Mme la députée de L'Acadie - répartir équitablement le fardeau et c'est uniquement à cette condition qu'on peut obtenir un consensus social. Je pense que vous avez parfaitement raison là-dessus.

Le Québec peut traverser la crise, non seulement peut la traverser, mais je suis convaincu que nous pouvons très bien traverser la crise actuelle d'après ce que je peux voir. Mais ce n'est possible que si nous obtenons ce consensus social. Or, je ne vous cache pas que la maturité des Québécois me surprend continuellement avec les années. Les Québécois montrent un niveau de maturité sociale collective qui dépasse de

beaucoup ce que l'on observe partout ailleurs dans le monde. C'est dans ce sens, je crois, que non seulement le Québec va tirer son épingle du jeu de la crise, mais, à mon point de vue, va beaucoup mieux s'en tirer que la plupart des pays dans le monde.

Mme Lavoie-Roux: Merci. Vous avez bien saisi ma préoccupation, M. le ministre.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: Je n'ai que quelques questions. À l'article 2, on parle des organismes dont le personnel est nommé suivant la Loi sur la fonction publique. Est-ce qu'il y a des organismes où ce n'est pas tout le personnel qui est nommé suivant la Loi sur la fonction publique, où quelques-uns sont nommés suivant cette loi, mais où la grande majorité ne l'est pas?

M. Bérubé: On me dit qu'il y en a.

M. de Belleval: Des organismes, moitié, moitié?

M. Polak: C'est justement ça, M. le Président. Je pensais à ce qui arrive dans un cas où, par exemple, le président d'une commission et quelques autres fonctionnaires sont nommés suivant la Loi sur la fonction publique, mais le reste du personnel... Je pense, par exemple, à la CSST. Je pense qu'on a un cas...

M. de Belleval: Ils sont nommés suivant la Loi sur la fonction publique.

M. Polak: Oui, mais pas tous les employés, pas tout le personnel.

M. de Belleval: Oui, sauf certains cadres.

M. Bérubé: C'est l'organisme, à ce moment, qui est couvert.

M. Polak: Les organismes dont le personnel est nommé. Je voudrais dire, tout de même, que s'il y a des cas où quelques-uns sont nommés suivant cette loi, mais le reste ne l'est pas, est-ce que tout le monde tombe là-dessus, oui ou non? Lorsque vous dites "dont le personnel est nommé", peut-être devrait-on être un peu plus clair parce que, autrement, il peut y avoir du monde qui dit: Moi, je suis engagé, j'ai un contrat direct avec l'organisme. Je ne suis pas nommé suivant la Loi sur la fonction publique. (21 h 15)

M. Bérubé: Cela n'a pas d'importance, cela ne s'applique qu'aux employeurs. Cela ne s'applique pas à l'individu qui travaille pour l'employeur. Cela s'applique à l'employeur.

M. Polak: Quand on dit: "dont le personnel", il faut bien comprendre que ce n'est pas la grande majorité du personnel, mais seulement quelques personnes. Tout l'organisme est couvert, selon vous.

M. Bérubé: Oui.

M. Polak: Bon! Je suis d'accord avec cela, mais vous seriez mieux de l'écrire un peu plus clairement dans le projet de loi, si telle est votre intention.

Je voudrais maintenant revenir à l'autre élément du paragraphe 4, les organismes qui sont mentionnés en annexe. M. le Président, il y a tout de même, quelque part, de l'arbitraire là-dedans. La meilleure preuve qu'il y a de l'arbitraire, c'est que vous êtes obligé d'avoir une annexe qui décrit ceux qui sont là-dedans, qui pensaient ne pas y être. On va prendre les catégories. Ces gens, ces fonctionnaires ont lu la loi. Ils se sont dit: Où suis-je? Suis-je là-dedans, oui ou non? Ils y trouvent la Commission des droits de la personne, la Commission de formation professionnelle de la main-d'oeuvre, la Commission des services juridiques - on a parlé des policiers - et la Société des traversiers du Québec. Ils sont là-dedans. La Régie des installations olympiques y est aussi, mais ce que je trouve difficile à accepter, c'est que le public ou la population voit le gars qui travaille à la Société des alcools du Québec comme autant un fonctionnaire public, par exemple, que quelqu'un de la Régie des installations olympiques. Donc, le fait que vous soyez obligé d'avoir une annexe démontre que vous avez de l'arbitraire. Vous devez vous expliquer parce que vous n'êtes pas capable de définir.

M. Blais: Bonjour, M. le chef de l'Opposition.

M. Polak: De plus, il y a un autre élément arbitraire. Le ministre a donné la réponse quand on a parlé des policiers. Le ministre a dit: La Sûreté du Québec n'est pas là-dedans, parce que sa convention prend fin seulement le 31 décembre 1983, mais, même là, il y a de l'arbitraire, parce que le pauvre gars qui a une convention qui prend fin le 31 décembre 1982 est pris là-dedans, tandis que celui qui est dans une unité de négociation dont la convention prend fin après le 1er janvier 1983 y échappe. Évidemment, je comprends le raisonnement du ministre, parce qu'il se dit: Je ne veux pas toucher le salaire de ceux qui ont une convention. C'est une formule que j'ai appelée le "truc Bérubé". Vous essayez de faire indirectement ce que vous n'avez pas

osé faire directement, mais c'est le même résultat. Vous allez dire: On attend le 31 décembre. Ensuite, on va renouveler la convention, prolonger la convention, sauf la clause la plus importante - ou une des plus importantes - celle du salaire. Voici ce que je fais. Ce n'est pas un renouvellement de ce qui existait, mais, quand on parle de la Sûreté du Québec, par exemple, où la convention prend fin au plus tard en 1983, vous n'y touchez pas. Il y a tout de même quelque chose d'arbitraire. Mme la députée l'a mentionné, qu'est-ce qui arrive pour ces policiers qui vont avoir pleine augmentation, aucune coupure? On n'a même pas ajouté un article disant que, quand leur convention prendra fin, on va prendre en considération ce qui est arrivé dans d'autres secteurs, au moins pour indiquer à la population qu'on ne traite pas quelqu'un qui travaille dans un domaine relevant des deniers publics d'une manière différente de celui qui travaille dans un autre domaine. Un gars qui travaille, par exemple, pour Hydro-Québec, rue Dorchester, y échappe et l'autre qui travaille rue Berri pour un ministère n'y échappe pas. C'est difficile pour la population d'accepter cette distinction; on considère qu'il y a quelque part de l'arbitraire. Au moins, si vous disiez, M. le ministre: Je ne veux pas toucher ceux dont la convention prend fin après le 1er janvier 1983, mais il faudra au moins les toucher de quelque manière pour montrer qu'on va prendre soin de ce cas-là plus tard et qu'au moins la population sache qu'on demande aussi un sacrifice à ces employés des secteurs public et parapublic. Tout le monde doit faire des sacrifices à un moment donné. Il y a toute une grande catégorie qui échappe à cela et d'autres n'y échappent pas.

Prenons, d'ailleurs, les corporations d'aide juridique. Il y a des fonds qui entrent aux corporations d'aide juridique. Il y a des frais reliés à des causes qui entrent. À la Société des traversiers du Québec, il y a des fonds qui entrent. À la Régie des installations olympiques, il y a des fonds qui entrent. À la Commission des droits de la personne - c'est vrai - il n'y a pas de fonds publics qui entrent. Le fait que vous êtes obligé d'avoir une annexe explique votre dilemme.

Donc, j'ai un peu l'impression que vous n'avez pas résolu ce que la population perçoit comme étant, quelque part, de l'arbitraire. Évidemment, selon votre thèse, je comprends bien que vous essayez de trouver une belle formule qui dise: On va tout respecter jusqu'au 31 décembre. Jusqu'à minuit, vous êtes corrects. Une minute après minuit, le 1er janvier, là, je vous coupe. C'est la belle formule que vous avez trouvée, mais il y en a beaucoup qui échappent à cela seulement parce qu'ils ont la chance d'avoir une convention collective qui, par hasard, prend fin une couple de mois plus tard, six mois ou un an plus tard. Il y a quelque chose d'arbitraire. D'ailleurs, les chefs syndicaux qui sont venus ici ont fait valoir exactement ce point. Ils ont dit qu'il fallait que tout le monde soit puni de la même manière. Ils ne voulaient pas être punis du tout, mais ils ont au moins fait la remarque qu'il y avait de l'arbitraire là dedans. Je suis d'accord avec cela. Si l'on est obligé de faire des sacrifices sur toute la ligne et qu'on a le courage de le faire, mais il y a de l'arbitraire très difficile à expliquer.

Le Président (M. Bordeleau): Merci. M. le député de Charlesbourg.

M. de Belleval: Je peux peut-être répondre rapidement au député de Sainte-Anne. Il y a deux principes qui ont guidé le choix du gouvernement. Le premier principe, c'est le respect de la convention collective jusqu'à sa date d'expiration. J'admets les arguments du député de Sainte-Anne quand il dit: Cependant, le lendemain de la journée de l'expiration de la convention, vous agissez. Mais quand même, c'est le principe. Peu importe que vous le trouviez boiteux ou pas, on ne s'entendra pas là-dessus, mais c'est quand même le premier principe qu'on a suivi. On respecte la convention jusqu'à la date d'expiration.

Le Président (M. Bordeleau): Non, non, mais sur le premier principe...

M. de Belleval: Le premier principe...

Le Président (M. Bordeleau): L'un des membres n'a pas compris votre première partie et me demandait...

M. de Belleval: Le premier principe, c'est qu'on respecte les échelles salariales jusqu'à la date d'expiration de la convention. Le deuxième principe, c'est qu'on ne touche que les organismes qui émargent au budget. On ne touche à aucun organisme dont les dépenses sont extra-budgétaires. Comme le disent les notes explicatives du projet de loi, le but du projet de loi est de réaliser l'équilibre budgétaire pour l'exercice 1982-1983. Alors, pourquoi trouve-t-on les organismes en question à l'annexe? C'est parce que ce sont tous des organismes budgétaires. Cependant, on ne retrouve pas la SAQ parce que ce n'est pas un organisme budgétaire. Donc, comme cela ne rencontre pas les objectifs du projet de loi qui sont d'abord des objectifs budgétaires. Quand je parle du principe budgétaire, c'est le principe budgétaire de l'année budgétaire en cours: 1982-1983.

Ce qui va se passer sur l'exercice budgétaire 1983-1984, c'est une autre paire

de manches. On traversera la rivière quand on y arrivera. Il n'est pas nécessaire de rappeler, de toute façon, les réponses du ministre aux questions de la députée de L'Acadie, qui étaient très pertinentes et je pense que les réponses étaient tout aussi pertinentes. Je pense que cela répond à votre question. Il n'y a pas d'arbitraire à l'intérieur des deux principes mentionnés. Vous, vous critiquez les deux principes...

Mme Lavoie-Roux: On se fait des compliments.

M. Polak: M. le Président, une dernière question.

M. de Belleval: ... mais à l'intérieur des deux principes mentionnés, je pense qu'il n'y a pas d'arbitraire. Si vous trouvez que dans l'application de ces deux principes il y a de l'arbitraire ou si vous avez un exemple, vous nous le direz, on pourra regarder...

M. Polak: Je vais justement vous donner un exemple.

M. de Belleval: ... mais à l'intérieur des deux principes, il n'y a pas d'arbitraire.

M. Polak: J'ai un exemple, M. le Président.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: Oui. Le député de Charlesbourg vient d'expliquer ce qu'il en est des organismes budgétaires. Mais quelle est la définition des organismes budgétaires? Je vais vous donner un exemple. Le CSST est censée s'autofinancer parce que les employeurs paient leur contribution. Il y a tout de même une grande contribution de la part du gouvernement. Pour faire des inspections, il y a 40 000 000 $ des fonds publics qui vont là-dedans. Est-ce que c'est un organisme budgétaire, oui ou non? Selon le raisonnement du député de Charlesbourg, peut-être pas; selon mon raisonnement, peut-être que oui. Donc, est-ce que "organisme budgétaire" veut dire qu'il est considéré comme tel dès qu'il reçoit quelque chose du budget de la province et jusqu'à quel point?

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Charlesbourg.

M. de Belleval: Ce sont des organismes dont les dépenses sont assumées à même les crédits votés par l'Assemblée nationale.

M. Polak: Mais qu'est-ce qui arrive à un organisme qui reçoit dans son enveloppe totale pour son fonctionnement financier, disons 10%, pour un aspect particulier du gouvernement? Est-ce que c'est considéré comme un organisme public? Pas selon le député de Charlesbourg. Si le ministre n'est pas d'accord avec cela, qu'il s'explique parce que je veux le comprendre.

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre, si vous voulez ajouter quelque chose.

M. de Belleval: Les organismes en question...

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Charlesbourg.

Une voix: Non, non.

M. de Belleval: Enfin, je peux juste compléter ma réponse. Ces organismes en question sont nommés et rémunérés selon la Loi sur la fonction publique. Les salaires, dans ces organismes, sont établis sur la même structure salariale que celle de la fonction publique. Par exemple, un employé de la CSST est nommé et rémunéré selon la Loi sur la fonction publique. Il appartient d'ailleurs au même syndicat que le Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec. Par conséquent, on ne peut avoir deux politiques salariales à l'intérieur du même syndicat nommé en vertu de la même loi. Est-ce que c'est compris?

M. Polak: Je comprends, mais le ministre, je ne veux pas tirer de conclusion, mais par ses réactions j'ai eu l'impression qu'il n'était pas tout à fait du même avis. Il peut vérifier auprès de son fonctionnaire parce qu'il peut y avoir des cas où c'est nébuleux.

M. Bérubé: Ce n'est pas nébuleux. La définition ici est absolument limpide. C'est le gouvernement et ses ministères ainsi que les organismes couverts par la Loi sur la fonction publique. Chaque fois que la Loi sur la fonction publique concerne les classifications, rémunérations... D'ailleurs, chaque organisme dans sa loi constitutive prévoit que la Loi sur la fonction publique s'applique. Donc, chaque organisme où la Loi sur la fonction publique prévoit les patrons de rémunérations et d'encadrement, les échelles, les changements de classe et autres, donc, prévoit les conditions de travail des employés, à ce moment-là, ils sont couverts par la présente loi. Tous les salariés des organismes où la Loi sur la fonction publique s'applique sont automatiquement couverts.

De plus, il y a également des organismes pour lesquels la Loi sur la fonction publique ne s'applique pas mais que nous voulons couvrir, et ce sont les organismes qui émargent directement au

budget. Vous les avez ici: Commission des droits de la personne, commissions de formation professionnelle, Commission des services juridiques, corporations d'aide juridique, Société des traversiers et Régie des installations olympiques. Ce sont des organismes dont les employés ne sont pas couverts par la Loi sur la fonction publique, mais qui néanmoins émargent directement au budget du Québec sur une base annuelle et, par conséquent, nous voulons les couvrir.

M. Polak: Est-ce que...

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: ... tous les organismes qui tombent dans cette catégorie sont mentionnés dans l'annexe? On ne peut pas trouver une exception? Avez-vous bien regardé votre liste?

M. Bérubé: Évidemment, ceux dont les conventions collectives venaient à échéance...

M. Polak: Après le 1er janvier. M. Bérubé: Suivant le principe... M. Polak: L'autre principe. M. Bérubé: Suivant le deuxième...

M. Polak: C'est difficile à expliquer, M. le ministre, à la population, cet arbitraire. Parce qu'il y a de l'arbitraire là-dedans.

M. Bérubé: II n'y a pas d'arbitraire.

M. Polak: Quelqu'un est chanceux si sa convention expire après janvier. Le 1er janvier, il est correct, mais quelqu'un dont la convention expire le 31 décembre devient victime. Cela est difficile à accepter.

M. Bérubé: Ce n'est pas du tout difficile à accepter. Il faut comprendre que cette personne dont la convention collective arrive à échéance après va devoir négocier de nouvelles conditions de travail et, par conséquent, c'est dans le mandat de négociation que l'on incorporera... J'ai de la difficulté à comprendre le raisonnement du député de Sainte-Anne parce qu'une journée il nous dit: C'est épouvantable de substituer au régime de négociation l'arbitraire de la loi no 70 et, d'un autre côté, il me demande de me substituer au processus normal de négociation. Ce que nous faisons ici, c'est que nous disons tout simplement, pour les organismes qui émargent au budget du Québec, d'ici à la fin de l'année budgétaire, nous voulons réduire vos budgets d'opération. Par conséquent, nous devrons, quand vos conventions collectives arriveront à échéance le 31 décembre, prolonger votre convention collective. Donc, principe tout à fait clair, limpide.

Mais pour les employés du secteur public, après le 1er avril... Vous allez me dire, mais quel va être le salaire? Cela dépendra du salaire qui aura été négocié. Le salaire après le 1er avril n'est pas fixé dans la loi. Il est établi temporairement en attendant qu'un accord, si l'accord est réalisé après le 1er avril, il est établi temporairement à ce niveau-là en attendant l'accord. Si l'accord était signé à l'automne, le salaire le 1er avril serait différent de celui qui est prévu dans la loi. Donc tout renouvellement de convention collective qui se produit après le 1er janvier va faire l'objet d'une négociation et c'est dans le mandat de négociation que nous définirons les niveaux de rémunération. Là, on respecte les processus normaux de négociation dans tout ce qui n'affecte pas le budget de 1982-1983. (21 h 30)

Le Président (M. Bordeleau): Le député de Sainte-Anne.

M. Polak: M. le Président, je n'ai pas d'autres questions. J'ai travaillé souvent avec le ministre à la commission des engagements financiers et je sais que si lui interprète les paroles d'un député, il faut toujours répondre parce qu'il va nous citer la prochaine fois. Donc, je ne veux pas que le ministre interprète mes paroles d'une manière erronée. L'opinion de notre parti politique, c'est qu'on est contre ce projet de loi pour des raisons biens expliquées: la manière unilatérale ou indirecte de faire quelque chose que vous n'auriez pu faire directement. Vu que nous sommes dans la misère et que nous sommes des gens responsables, on regarde à l'intérieur de votre misère ce que vous essayez de faire. On veut même, à l'intérieur de votre misère, essayer d'éviter l'arbitraire et indiquer qu'il y a tout de même, dans ce que vous avez fait - ce que nous n'acceptons pas du tout comme étant correct - des points de distinction à faire. Il faut donc comprendre ces deux points de vue en même temps.

Le Président (M. Bordeleau): Alors, cela va? L'article 2, est-ce que c'est adopté?

M. Bérubé: Adopté.

Le Président (M. Bordeleau): Sur l'article 2, M. le chef de l'Opposition.

M. Ryan: Est-ce que vous seriez en mesure de déposer une liste de tous les organismes non budgétaires qui échappent à cette loi?

M. Bérubé: Oui. Il faudrait voir M.

Brière; c'est une opération...

M. de Belleval: La liste des organismes non budgétaires?

M. Bérubé: La liste complète de tous les organismes non budgétaires relevant...

M. Ryan: Tous les organismes qui ne sont pas atteints par cette loi.

M. de Belleval: Ce sont surtout les sociétés d'État.

M. Bérubé: Oui, oui. Il faudrait relever la liste de toutes les sociétés d'État, de tous les organismes. On peut faire dresser - il y en a une collection assez complète, cela peut être un processus assez long effectivement, on peut faire dresser la liste de toutes les sociétés d'État et de tous les organismes relevant d'une loi quelconque.

M. Ryan: Avec le nombre d'employés de chacune.

M. Bérubé: Oui.

M. Ryan: Cela va?

Juste une question. Les juges, il me semble que vous avez répondu à cela l'autre jour.

M. Bérubé: Les juges...

M. Ryan: Si cela a été demandé, je ne ferai pas répéter.

M. Bérubé: Les juges voient leurs rémunérations décrétées par le gouvernement et la politique suivie est l'alignement à un niveau d'administrateur qui est celui de cadre en général. À ce moment, on applique exactement les mêmes paramètres que les paramètres suivis pour les cadres.

M. Ryan: Les paramètres suivis pour les cadres, on n'y reviendra pas. Ce n'est pas dans la loi, les cadres.

M. Bérubé: Ils sont gelés.

M. Ryan: Ils sont gelés à partir du 30 juin.

M. Bérubé: C'est-à-dire qu'ils sont gelés sur la base de la proposition de juillet. Les cadres inférieurs vont recevoir une augmentation. C'est cela. Il y a beaucoup de petits cadres, il faut tout de même se dire cela. Il y a les cadres pour les tableaux de 1 m et 1 m 50 et il y a les petits cadres. Je pense aux contremaîtres, aux employés d'hôpitaux travaillant, par exemple, à l'entretien. Contrairement à ce que beaucoup de gens pensent, ce sont souvent des employés qui ne sont pas rémunérés à des salaires faramineux. On trouve les cadres de niveau inférieur qui vont se voir accorder une augmentation le 1er juillet qui ne sera pas nulle mais qui sera celle proposée dans la proposition de juillet avec un gel modulé, donc, une augmentation qui part d'une pleine protection du pouvoir d'achat pour le salarié de 13 000 $ à 0, lorsqu'on atteint à peu près 40 000 $.

M. Ryan: La liste, quand pourra-t-on l'avoir?

M. Bérubé: Demain, on s'amusera au Conseil du trésor. On essaiera de ne pas en oublier parce qu'il y en a une telle collection que je me demande même si une telle liste existe.

M. Polak: Mettez une "tablette" sur cela.

M. de Belleval: Elle existe au Conseil exécutif.

M. Grégoire: C'est clair que le Conseil du trésor sait tout ce que comporte le gouvernement.

M. Bérubé: Vous savez, à force d'adopter des lois créant tel ou tel organisme à un moment donné, il y en a qui nous échappent. Il doit bien exister quelque part un organisme... Par exemple, je me souviens d'une commission créée à l'époque de Duplessis...

Une voix: Pour inventorier les commissions.

M. Bérubé: Oui, un comité de surveillance des... Il y en a une quantité invraisemblable. En tout cas, cela va être amusant de voir.

M. de Belleval: II y a la Commission de l'électrification rurale.

M. Bérubé: C'est cela, la Commission de l'électrification rurale; celle-là m'avait épaté. Effectivement, j'ai découvert qu'il y avait toujours cette Commission de l'électrification rurale au gouvernement. Paraît-il que chaque ministre responsable qui est passé là a voulu abolir cette commission et, quand il s'est enfoncé dans les dédales juridiques, pour abolir la commission, après un certain temps, il a décidé que cela ne valait pas la peine.

Le Président (M. Bordeleau): M. le chef de l'Opposition.

M. Ryan: Dans le cas des membres de la Sûreté du Québec, quand la convention

présentement en vigueur a-t-elle commencé et quand se termine-t-elle?

M. Bérubé: Elle a commencé le 1er janvier 1980, et elle se termine le 31 décembre 1983.

M. Ryan: Est-ce que vous avez les pourcentages d'augmentation des salaires dans ce cas?

M. Bérubé: Nous vous les avons donnés tantôt.

M. Ryan: Oui, d'accord. Excusez-moi.

M. Bérubé: Ce qu'on a donné, c'est l'indice des prix à la consommation. C'est un pourcentage de base de 9% au 1er janvier 1982 et corrigé pour l'inflation après le contrôle des pourcentages.

M. Ryan: Vous avez signé vers le milieu de 1981, je suppose?

M. Bérubé: Oui.

M. Ryan: En juin 1981. À ce moment, vous en étiez encore à la politique de pleine indexation.

M. Bérubé: Oui.

Le Président (M. Bordeleau): M. le chef de l'Opposition.

M. Ryan: C.Q.F.D.

M. de Belleval: Adopté M. le Président.

M. Ryan: Sur division.

Le Président (M. Bordeleau): L'article 2 est adopté sur division.

M. Bérubé: La Sûreté du Québec a eu l'avantage d'entrer en négociation trop tôt.

Le Président (M. Bordeleau): Sur division, mais tel qu'amendé.

M. Ryan: Le réveil est tardif, c'est ce que je voulais dire.

Conditions de travail en 1983

Le Président (M. Bordeleau): Alors, l'article 3.

M. de Belleval: C'est l'extension de la convention collective.

Le Président (M. Bordeleau): Oui, il y a également un amendement, M. le ministre, à l'article 3.

M. Bérubé: Oui, M. le Président, à l'article 3.

Le Président (M. Bordeleau): Voyons d'abord l'amendement.

M. Bérubé: Oui. Il s'agit, d'abord, de modifier le premier, je peux vous lire l'amendement. "Cet article est modifié par le remplacement, dans la première ligne, du mot "termes" par le mot "stipulations". C'est pour éviter qu'il y ait une confusion avec le terme de la convention collective qui est l'échéance. Deuxièmement: "Par l'addition de l'alinéa suivant: Dans les cas où un employeur ou une association de salariés ne sont pas liés par une convention collective le 26 mai 1982, les stipulations négociées et agrées à l'échelle nationale en vertu du chapitre 0-7.1 des lois refondues du Québec constituent, aux fins du présent chapitre, une convention collective en vigueur le 26 mai 1982 et prévoyant la date d'expiration du 31 décembre 1982."

Nous avons constaté, après avoir fouillé très soigneusement, que l'hôpital Notre-Dame n'a toujours pas de convention collective et que quelques commissions scolaires n'ont toujours pas de convention. On se serait retrouvés dans la situation où on appliquait la loi à tous ceux qui avaient effectivement signé une convention et ceux qui avaient carrément refusé de signer une convention n'auraient pas été couverts par la loi. C'est une précision pour s'assurer que tout le monde est couvert.

Mme Lavoie-Roux: Au plan scolaire, c'est uniquement au niveau local qu'il n'y a pas de convention.

M. Bérubé: C'est cela.

Mme Lavoie-Roux: Mais cela n'a pas d'implication salariale, les conventions locales.

M. Bérubé: Mais tant qu'il n'y a pas de convention locale à l'éducation, la convention nationale...

Le Président (M. Bordeleau): Est-ce que les deux amendements seraient adoptés?

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Un instant, j'aurais - je ne sais pas si c'est à titre de sous-amendement - une suggestion à formuler, à moins que cela ait déjà été fait. Je pensais que le mot "agréé" prenait deux "é" et un "es" à la fin, à la quatrième ligne de...

M. Bérubé: Vous avez parfaitement raison. On me souligne, de nouveau, que vous avez raison.

Mme Lavoie-Roux: C'est la façon dont il traite la langue française.

M. Bérubé: Sur les virgules et les accents aigus, vous vous trompez rarement.

Le Président (M. Bordeleau): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, il faudrait ajouter à l'amendement un "e" finalement.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Un "e" accent aigu. Entre le "e" accent aigu et le "e" sans accent.

M. Bérubé: C'est vraiment une subtilité de la langue française avec trois "e" de suite;, il faut le voir. Mes félicitations au député de Vaudreuil-Soulanges dont la sagacité et l'oeil vif...

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges):

Surtout.

Le Président (M. Bordeleau): Cela pourrait faire partie du deuxième amendement.

Est-ce que les amendements seront adoptés?

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Je regarde la formulation et j'aurais un commentaire d'ordre général à faire qui a trait peut-être à l'interprétation des lois de façon stricte dans l'utilisation de certains termes et au-delà de cela, des choix politiques que le gouvernement a faits. Lorsque je vois "échelle nationale", je me demande si l'emploi du mot "nationale" dans un texte de loi, hormis l'indignation de l'Assemblée nationale du Québec avec lequel on est tous d'accord...

M. de Belleval: C'est le terme utilisé dans les conventions collectives.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): C'est ce que je cherche comme précédent, au point de vue interprétation, ce que cela signifie.

M. de Belleval: C'est que dans les conventions collectives...

Une voix: ... n'applique pas sur...

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Un à la fois.

Le Président (M. Bordeleau): Oui, s'il vous plaît! Exactement. M. le député de Charlesbourg.

M. de Belleval: Oui, en vertu de la loi, on a ce qu'on appelle les stipulations agréées à l'échelle nationale et les stipulations agréées à l'échelle locale et la convention collective fait la distinction entre les deux types de dispositions.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Vaudreuil-Soulanges.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Par voie de définition, je présume que le terme "nationale" est décrit quelque part.

M. Bérubé: Dans la loi 55, la loi... Une voix: Au chapitre O-7.1. M. Bérubé: Au chapitre 0-7.1.

M. de Belleval: Les négociations dans les secteurs public et parapublic.

M. Bérubé: C'est cela. Une voix: La loi no 55.

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.

M. Bérubé: En fait, on ne réfère pas... Moi, je n'aime pas beaucoup lorsqu'on identifie des lois par chapitre 0 ou O ou -7.1, j'ai beaucoup de difficulté à savoir, sauf que je vais vous lire le titre, c'est la Loi sur l'organisation des parties patronales et syndicales aux fins des négociations collectives dans les secteurs de l'éducation, des affaires sociales et des organismes gouvernementaux.

Mme Lavoie-Roux: ... 59, cela a été passé.

M. Bérubé: Alors, cela devient terriblement lourd à manipuler, finalement.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Là où je veux en venir au point de vue de l'interprétation, purement et simplement, c'est que je présume que "nationale", dans le contexte, réfère au territoire connu et désigné sous le nom de Québec.

M. Bérubé: Comme l'Assemblée nationale, comme l'Union Nationale.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Oui, comme je l'ai évoqué.

M. de Belleval: Ce n'est pas territorial cela.

Une voix: Y compris les îles au grand large.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Le

Parti national populaire.

M. Grégoire: Comme la ligue Nationale

de hockey.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): La ligue Nationale... Ah, non! ah bon voilà!

Mme Lavoie-Roux: Ah! voilà le clou!

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Le député de Frontenac a parlé de la ligue Nationale de hockey et je me permets...

M. Grégoire: Je retire mes paroles, M. le Président.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): ... de prétendre, c'est pas dans la même...

M. Grégoire: Je retire mes paroles.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): acception du terme "national" qu'il a employé dans son intervention le mot "national" et, évidemment, il ne référait pas au même mot "national" qu'on retrouve ici. C'est que je veux voir, au point de vue juridique, où se trouve le lien, l'équation entre l'utilisation du mot "national" et la désignation du territoire du Québec.

Mme Lavoie-Roux: C'est une réponse politique.

M. de Belleval: Alors, cela va.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Non.

Mme Lavoie-Roux: C'est parce que je...

M. de Belleval: La règle d'interprétation...

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): C'est marqué ou ce n'est pas marqué!

M. de Belleval: La règle d'interprétation, c'est que les lois...

Mme Lavoie-Roux: Je vois le conseiller du ministre qui se retire.

M. de Belleval: ... n'ont pas de nature extra-territoriale.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Parce qu'il y a la ligue Nationale de hockey, comme le fait remarquer le député de Frontenac.

M. Bérubé: Non, non, mais la Loi sur l'organisation des partis...

Mme Lavoie-Roux: II y a aussi la Société nationale de l'Amiante.

M. Bérubé: ... patronale et syndicale, aux fins des négociations, prévoit une définition pour les stipulations négociées à l'échelle nationale de celles négociées à l'échelle locale, et nous nous en tiendrons à cette définition de la loi.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges):

L'article?

M. Bérubé: C'est le chapitre O.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Oui, cela ça va.

M. Bérubé: -7.1.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): 0-7.1, oui.

M. Bérubé: Des lois refondues du Québec.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges):

Article?

M. Bérubé: Article 2.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Qui se lit?

M. Bérubé: Vous voulez lire la loi?

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Non, pas toute la loi simplement...

M. Bérubé: Bien, c'est parce que je vous suggérerais.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): ... l'extrait pertinent à moins que vous vouliez faire un "filibuster" absolument.

M. Bérubé: Non, non. Je vais juste vous donner l'exemple d'un article: "Le présent chapitre s'applique à toute convention collective liant une association de salariés et une commission scolaire, un collège ou un établissement. "Les stipulations d'une telle convention collective sont négociables et agréées à l'échelle nationale ou à l'échelle locale ou régionale conformément aux dispositions qui suivent." Et suit à ce moment-là des dispositions indiquant quel type d'article est négocié à l'échelle nationale et quel type est négocié à l'échelle locale.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): D'accord.

Le Président (M. Bordeleau): Est-ce que cela va?

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, question d'information.

Le Président (M. Bordeleau): Oui, c'est

toujours sur le "national"?

Mme Lavoie-Roux: Oui, sur le "national".

Le Président (M. Bordeleau): Oui, allez-y, Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: C'est strictement une information qu'un conseiller juridique pourrait nous donner, c'est que cette utilisation du terme "national" en dehors de l'Assemblée nationale est survenue à partir de 1977.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): II y avait l'Union Nationale.

M. Bérubé: Si je ne me trompe, enfin j'avais cru entendre dire qu'au sein de la famille qui a donné naissance au député de Vaudreuil-Soulanges, il y a eu des gens qui, à ma connaissance, ont milité longtemps, de façon assez active, d'ailleurs, au sein d'un autre parti politique qui, je crois, s'appelait l'Union Nationale.

Mme Lavoie-Roux: Ah, oui, oui. Dans ce sens-là, il y avait la Palestre nationale aussi. Non, ce que je voulais dire, est-ce que toutes les lois antérieures ont conservé le terme provincial ou si vous les avez toutes modifiées?

M. Bérubé: Je dois vous avouer que, en général, dans nos lois, nous, on n'aime pas tellement le terme "provincial".

M. Lachance: C'est péjoratif.

M. Bérubé: C'est péjoratif le terme "provincial".

Mme Lavoie-Roux: Non, mais je parle des lois antérieures à votre arrivée.

M. de Belleval: Non, non, mais, Mme la députée, il y a des lois antérieures à 1976 où on utilise couramment le mot "national" au lieu du mot "provincial". (21 h 45)

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.

M. Bérubé: On me dit - c'est un commentaire qui est intéressant, je ne vous en dirai pas la source - mais on me dit qu'effectivement, à l'époque de l'Union Nationale, on évitait d'avoir à mentionner "provincial" qui, effectivement, en français, a une connotation un peu péjorative, du moins si vous êtes parisien. À ce moment-là, on parlait du Québec, on évitait tout le problème en parlant du Québec.

Mme Lavoie-Roux: C'était des...

M. Bérubé: Maintenant, disons que cette pudicité n'a plus sa place et il est approprié de parler de la nation québécoise et du territoire national de cette nation. Par conséquent, je pense que l'on peut parler effectivement de l'échelle nationale. Il faut parfois prendre ses distances au sein d'une famille et se démarquer par rapport à l'influence parentale. Je peux comprendre que le mot "national" perde son attrait, mais il ne faudrait pas généraliser.

Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. le chef de l'Opposition.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): II ne faudrait surtout pas présumer...

Le Président (M. Bordeleau): S'il vous plaît:

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): II n'y a pas de question de privilège en commission parlementaire.

Mme Lavoie-Roux: C'est toujours une question de règlement.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): C'est une question de règlement qui permet...

Le Président (M. Bordeleau): Je ne voudrais pas que vous parliez tous les trois en même temps non plus. J'avais d'abord reconnu le chef de l'Opposition, à moins que vous ne vouliez continuer sur le "national" ou sur autre chose.

M. Ryan: Je ne suis pas pressé.

Le Président (M. Bordeleau): D'accord.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges):

J'essayais de voir la nature...

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Vaudreuil-Soulanges.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Oui, j'essayais de voir la nature des propos du président du Conseil du trésor dans ses dernières remarques. Peut-être veut-il jeter un éclairage additionnel, mais je n'ai jamais saisi que, depuis mon entrée en politique, j'ai pu être soupçonné de façon directe ou indirecte, visible ou invisible, de ne pas tenter de représenter au mieux de ma connaissance les intérêts des Québécois.

M. Bérubé: Je remarque que vous utilisez l'intérêt des Québécois.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Plutôt que l'intérêt des indigènes du Québec...

M. Bérubé: L'intérêt national.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): ... ou l'intérêt national?

M. de Belleval: Est-ce que l'article 3 serait adopté, M. le Président?

M. Ryan: M. le Président, j'aurais une remarque sur ce sujet-là.

Le Président (M. Bordeleau): II faudrait d'abord adopter les amendements avant d'adopter l'article tel qu'amendé.

M. Ryan: J'avais une remarque à l'intention du ministre à propos du mot "national".

Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. le chef de l'Opposition.

M. Ryan: II me semble que cela aurait été plus efficace si le gouvernement, dans les dernières négociations constitutionnelles, avait essayé de faire insérer dans la nouvelle constitution du pays la reconnaissance de la communauté nationale québécoise, comme il s'était engagé à le faire et comme il a omis de le faire. Il se l'est rappelé à la toute fin de la conférence. Je comprends qu'aujourd'hui on cherche refuge dans des formules verbales à défaut d'avoir pu affirmer là où c'était la place les réalités que l'on prétend servir.

M. Bérubé: Je suis d'accord avec le chef de l'Opposition.

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.

M. Bérubé: Je pense que les dernières rondes de négociations ont véritablement marqué l'échec du fédéralisme et la très grande difficulté qu'il y avait à incorporer le concept d'une nation québécoise au sein de l'univers pancanadien et je reconnais avec le chef de l'Opposition... Je sais d'ailleurs que ce n'était pas son point de vue... Son point de vue de véritable fédéraliste se défend, mais malheureusement les véritables fédéralistes se meurent à l'heure actuelle.

M. Ryan: Je voudrais simplement rappeler au ministre...

Le Président (M. Bordeleau): M. le chef de l'Opposition.

M. Ryan: ... que jamais la délégation de son gouvernement aux conférences constitutionnelles n'a déposé de texte précis d'amendement constitutionnel qui aurait traduit ses velléités dans des actions véritables à la table des négociations. C'est malheureux, c'est malheureux!

M. Grégoire: Peut-être qu'on est un peu en dehors du projet de loi.

M. Ryan: Oui, c'est vrai, mais on a été entraîné de ce côté-là par des remarques du ministre qui allaient pas mal loin de la question posée.

M. de Belleval: Revenons aux amendements.

M. Grégoire: C'est pourquoi je vous ai laissé terminer.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, question de règlement.

Le Président (M. Bordeleau): C'est une question de règlement?

Mme Lavoie-Roux: C'est à vous de nous rappeler à l'ordre et non au député de Frontenac.

Le Président (M. Bordeleau): N'importe quel membre peut soulever une question de règlement pour ramener d'autres membres à l'ordre.

Mme Lavoie-Roux: II n'a pas soulevé de question de règlement.

Le Président (M. Bordeleau): II a voulu rappeler un autre membre à l'ordre; je pense que c'est permis assez couramment dans nos commissions.

M. Grégoire: Cela allait tellement bien que je ne voulais pas invoquer le règlement inutilement.

Le Président (M. Bordeleau): De toute façon, c'était assez vrai que l'on débordait largement du cadre de la loi 70, de l'étude article par article.

Mme Lavoie-Roux: Mais ce projet de loi aura des répercussions sur notre vie nationale dans le sens où vous l'entendez.

M. Bérubé: Indéniablement.

Le Président (M. Bordeleau): Je n'ai pas dit le contraire non plus.

Mme Lavoie-Roux: Alors, on n'enfreint pas le règlement.

Le Président (M. Bordeleau): Mais je vous rappelle que l'étude article par article du projet de loi, si nous voulons la suivre à la lettre, c'est vraiment le mot à mot du projet de loi.

M. Bérubé: Je voudrais me porter quand même à la défense du chef de l'Opposition,

non pas qu'il ait besoin de quelque défense contre le député de Frontenac, mais j'admets que parfois le député de Frontenac charrie.

M. de Belleval: II a plus de difficultés avec le député de Richmond.

Le Président (M. Bordeleau): Est-ce que cela va pour les amendements à l'article 3? Les trois amendements? On peut les adopter et ensuite on pourra continuer sur...

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Les amendements, ensuite, on peut revenir au cadre.

Le Président (M. Bordeleau): Oui, on peut revenir au cadre de l'article 3 amendé. Cela va? Les trois amendements?

M. Bérubé: II y a deux amendements... non, il y en a trois.

Le Président (M. Bordeleau): Non, il y en a deux, je m'excuse.

M. Bérubé: II y a deux amendements et un sous-amendement.

M. Grégoire: Adopté.

Le Président (M. Bordeleau): Les amendements, d'habitude, ça ne pose pas de problème. Alors, les deux amendements sont adoptés et l'article 3, tel qu'amendé...

M. Ryan: Évidemment, l'article 3...

Le Président (M. Bordeleau): M. le chef de l'Opposition.

M. Claude Ryan

M. Ryan: L'article 3 soulève des objections fondamentales de notre part parce que c'est vraiment la première disposition du projet de loi qui définit les intentions véritables du gouvernement. On dit dans cet article que toute convention collective dont les stipulations en vigueur le 26 mai 1982 prévoient la date d'expiration du 31 décembre 1982 demeure en vigueur jusqu'au 1er avril 1983 malgré le terme qui y est stipulé. Il est bien clair ici que le gouvernement nous demande d'entériner un dessein par lequel il voudrait que soient prolongées unilatéralement sans qu'on passe par le processus de la négociation les conventions collectives qui devaient expirer le 31 décembre 1982.

Ainsi que nous l'avons dit à plusieurs reprises jusqu'à maintenant, nous croyons qu'une convention collective qui a été signée par deux parties doit demeurer en vigueur tant qu'on n'a pas décidé, de consentement réciproque, d'y apporter quelque modification que ce soit. Dans ce cas-ci, comme l'indique la suite du texte, on maintient cette convention en vigueur jusqu'au 1er avril pour ensuite la modifier unilatéralement. Par conséquent, comme nous ne sommes pas favorables au deuxième bout de la chaîne, nous ne pouvons être en faveur du premier bout de la chaîne. Si le gouvernement voulait simplement garder en vigueur la convention collective, il n'est pas nécessaire de le dire dans un texte de loi, il n'a qu'à observer un article des conventions qui sont actuellement en vigueur et l'article 59 du Code du travail, et ça ira très bien. S'il prend le soin de le dire de nouveau ici, c'est parce qu'il y a d'autres intentions qui s'en viennent. Comme nous ne sommes pas favorables à l'ensemble de l'opération, inutile de dire que nous ne pouvons pas souscrire au début.

M. Bérubé; J'aimerais...

Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. le ministre.

M. Bérubé: ... souligner au chef de l'Opposition, parce qu'il va trouver quand même le fait intéressant, qu'on me confirme que, effectivement, dans l'ensemble des conventions collectives signées par le gouvernement, il y a des conventions avec les fonctionnaires et certaines clauses dans le réseau des Affaires sociales où il n'y a pas de clause de reconduction automatique, car le Code du travail permet d'insérer des clauses de reconduction dans les conventions collectives mais n'en fait pas une obligation. Donc, ce n'est pas en vertu du Code du travail qu'une telle clause pourrait être insérée mais bien en vertu de la convention même. Or, j'ai ici sous les yeux une liste des conventions collectives qui ne prévoient pas le maintien des conditions de travail jusqu'à la signature d'une prochaine convention. Dans la fonction publique, par exemple, les professionnels, fonctionnaires, ouvriers, chirurgiens-dentistes, médecins, professeurs. À l'Éducation, nous avons le soutien de la CEQ pour les collèges; la FNEQ pour les collèges; au secteur des Affaires sociales, le Cartel des organismes professionnels de la santé, le COPS, la FIIQ; l'Union des employés du service, local 298; le Syndicat canadien de la fonction publique, toutes catégories; la CEQ, toutes catégories.

Donc, je pense qu'il est important de souligner que beaucoup de nos conventions collectives ne contiennent pas de clause de reconduction automatique de la convention collective et l'argumentation du député d'Argenteuil et chef du Parti libéral ne s'applique véritablement qu'aux conventions où de telles clauses existeraient.

Le Président (M. Bordeleau): M. le chef

de l'Opposition.

M. Ryan: Est-ce que le ministre disposerait de l'article 59 du Code du travail? Ses conseillers l'ont sûrement à leur disposition.

M. Bérubé: C'est une clause habilitante en vertu de laquelle il n'y a pas de prescription.

M. Ryan: Maintenant, vous savez comme moi que, indépendamment, du fait que ce soit inscrit ou non dans la convention, il y a une convention à laquelle vous tenez tellement dans d'autres domaines. Quand c'est le gouvernement fédéral qui est impliqué surtout, vous montez sur les escaliers chaque fois...

M. de Belleval: Vous avez raison.

M. Bérubé: On ne se réfugiera pas derrière cet argument-là.

M. Ryan: Pardon?

M. Bérubé: On ne se réfugiera pas derrière cet argument-là.

M. Ryan: Très bien. Je pense que nous nous entendons très bien pour dire que, surtout dans le domaine constitutionnel et dans le domaine des relations du travail, qui présentent un certain nombre d'affinités, les conventions, les habitudes, les précédents ont une valeur très importante et, comme vous reconnaissez que dans le cas dont nous parlons, la convention que j'évoque, très importante, vous comprendrez pourquoi nous ne voulons pas être partie à une mise en activité qui viserait à la fouler au pied ou à la mettre de côté purement et simplement, comme c'est le cas dans ce projet de loi.

M. de Belleval: Vous comprendrez aussi que, comme nous nous sommes au pouvoir et que nous avons des responsabilités que vous n'avez pas, nous sommes obligés de faire ça.

Le Président (M. Bordeleau): Cela va? M. Ryan: Je pensais que...

Le Président (M. Bordeleau): M. le chef de l'Opposition.

M. Ryan: ... être au pouvoir, c'était accepter, encore plus que les sujets, d'être soumis à la règle objective de la loi et des grandes conventions qui règlent les rapports humains. Cela m'étonne beaucoup d'entendre ce raisonnement, mais il me semblait...

Une voix: Pas moi!

M. Ryan: Pas vous?

M. de Belleval: M. le Président, quand vous assumez les responsabilités du pouvoir, vous avez une règle ultime qui doit vous gouverner, c'est que vous gouvernez pour le bien commun et cela impose des responsabilités qui, parfois, sont douloureuses à assumer, mais que nous avons décidé d'assumer.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Avec le sourire que nous fait le député de Charlesbourg.

M. de Belleval: M. le Président, je ne souris pas et j'interdis au député de Vaudreuil-Soulanges de dire que je souris.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): II m'interdit de constater la réalité, c'est invraisemblable.

M. Paquette: Non, le député n'a jamais eu l'air aussi bête!

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Évidemment, je ris de lui!

M. de Belleval: Le député de Rosemont vient de confirmer que je n'avais jamais eu l'air aussi bête que maintenant, M. le Président.

Mme Lavoie-Roux: C'est parce que vous avez mis en péril le bien commun que vous êtes obligé de recourir à des moyens comme ceux-là.

Le Président (M. Bordeleau): M. le chef de l'Opposition, vous voulez continuer?

M. Ryan: Oui, mais il y avait M. le ministre qui voulait parler.

Le Président (M. Bordeleau): Vous attendez une réponse du ministre?

M. Bérubé: M. le Président, je vais attendre, je voulais simplement indiquer mon intention de répondre.

M. Paquette: C'est votre thèse, elle n'est supportée par aucun fait.

M. Ryan: Très bien.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): ...

M. Ryan: Ici, le gouvernement reconnaît clairement, j'espère, que, dans cet article 3, il décide de prolonger d'une période de trois mois des conventions qui devaient expirer le 31 décembre 1982 et admet au moins qu'une telle décision, dans le cours normal des choses, doit être le fruit

d'un accord entre les deux parties, la partie syndicale et la partie patronale. Ou s'il veut dire que, parce que les conventions étaient expirées - je tiens bien à ce qu'on précise, parce que j'ai entendu des affirmations de principe qui peuvent aller assez loin - on pouvait décider, après coup, que cela se prolonge de trois mois.

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.

M. Yves Bérubé

M. Bérubé: Non, M. le Président, le Parlement est souverain et a toujours le pouvoir de légiférer des conditions de travail dans l'ensemble des secteurs public et parapublic et même du secteur privé, dans la mesure de ses pouvoirs constitutionnels, en ce sens que nous ne pourrions pas imposer des conditions de travail au secteur privé, puisque c'est un pouvoir qui, à ma connaissance, relève du pouvoir fédéral. Je pense que pour ce qui est des prix et des salaires, c'est Ottawa, si je comprends bien.

Une voix: À propos des prix et des salaires, c'est nous.

M. Bérubé: Dans le secteur privé?

M. de Belleval: Disons les meuneries, on ne pourrait pas décréter pour certains types d'entreprises...

M. Ryan: C'est bon à noter, M. le président du Conseil du trésor.

M. Bérubé: C'est cela. C'est que l'entreprise...

M. Paquette: II n'a pas eu le temps de s'occuper de constitution...

M. de Belleval: On peut le faire dans le secteur privé.

M. Ryan: Ce n'est pas encore son domaine, on voit qu'il commence!

M. Paquette: Vous trouvez qu'il ne s'occupe pas assez de constitution?

M. Ryan: C'est un gros morceau, c'est plus que le Labrador!

M. de Belleval: On ne pourrait pas, dans les meuneries, par exemple...

M. Bérubé: Vous savez, dès qu'on s'embarque dans cette jungle constitutionnelle où il s'agit de définir le pouvoir d'une province, le pouvoir de l'État fédéral, c'est extrêmement difficile. Je reconnais être un laïc en la matière, mais ce qui me désole, c'est que, par rapport à l'ensemble de mes concitoyens, je suis considéré comme un expert, et tout ce que ça prouve, c'est que le système n'est pas très bon, parce que évidemment il n'y a à peu près personne qui peut se retrouver. Mais je sais que le conseiller du gouvernement pourra sans doute nous détailler quels sont les pouvoirs dont dispose le gouvernement et je suis sûr que le chef du Parti libéral, qui a une longue connaissance du droit constitutionnel, pourra sans doute, lui aussi, faire le partage de toutes les juridictions des provinces et des juridictions fédérales. Mais j'avouerai qu'ils ne doivent pas être très nombreux ces experts en la matière et je ne veux pas m'embarquer dans les pouvoirs constitutionnels des provinces. Je veux simplement revenir aux arguments du chef du Parti libéral. (22 heures)

Essentiellement, à l'article 3, le gouvernement prolonge des conventions collectives. Suivant l'usage normal des négociations dans les secteurs public et parapublic, le gouvernement a accepté de se soumettre au Code du travail et au régime des négociations conventionnelles. Toutefois, à de nombreuses reprises, dans le passé, à un moment ou à un autre, l'État a abandonné son chapeau d'employeur soumis au Code du travail et a suspendu l'application du Code du travail et même des conventions avec des clauses de reconduction valides, pour dicter de nouvelles conditions de travail. Je pense qu'il ne l'a fait, en général, que dans les occasions où il estimait qu'il y avait crise. Évidemment, je dirais que, chaque fois qu'il l'a fait, il s'est toujours trouvé des catégories de citoyens pour penser qu'il n'y avait pas crise. Toutes ces lois, dites spéciales, qu'elles aient été adoptées par le gouvernement actuel, par le gouvernement précédent ou par l'autre avant, ont été, en général, décriées par la partie syndicale comme étant un abus de pouvoir, un refus de se soumettre au Code du travail et à la libre négociation, et elles ont été violemment condamnées, prétextant que toutes les étapes de la négociation n'avaient pas été complètement respectées.

Donc, on a vu, dans le passé, des gouvernements légiférer des conditions de travail sans que les conventions collectives, qui prévoyaient une clause de reconduction, n'aient été négociées et modifiées à la suite de ces négociations avec le libre consentement des deux parties, et le gouvernement est intervenu. Il l'a fait, chaque fois, dans une situation qu'il estimait de crise suffisamment grave pour intervenir. Je concède cependant que l'ensemble de la société pouvait ne pas être d'accord sur l'urgence. Dans certains cas, on a peut-être pensé que le gouvernement était intervenu trop vite. Dans d'autres cas, on a pensé qu'il

avait pris trop de temps à intervenir. Enfin, le jugement de l'état d'une crise est un jugement très subjectif.

Ce qui se passe ici, c'est que le gouvernement analyse la situation budgétaire, analyse les solutions qui s'offrent à lui et fait des choix. Ayant fait un choix, il décide d'indiquer très clairement qu'à moins qu'il y ait une entente négociée pour rajuster la masse de salaire, au cours de cette année-ci, il devra dicter des conditions salariales de manière à diminuer cette masse. On pourra ne pas partager l'analyse que le gouvernement fait de la crise. On pourra ne pas partager l'analyse que le gouvernement fait des choix. On pourra ne pas partager également les origines de la crise. Mais, entre nous, même si on ne partage pas l'analyse quant à l'origine de la crise, je pense que c'est ce genre de débat stérile en ce sens que je pourrai, pendant des heures, m'attaquer au fédéralisme comme étant responsable de la crise, et l'Opposition, avec raison, dira: Cessez de critiquer; peut-être que vous avez parfaitement raison, mais la question n'est pas de savoir qui est coupable, qui est le bouc émissaire, qui est la cause; la question, c'est de savoir: Étant donné la situation, que faisons-nous?

Donc, que vous ayez raison ou tort quant à la cause de la crise, que nous ayons raison ou tort quant aux causes de la crise, il y a une crise. Tout le débat que l'Opposition a cherché à mener sur le gouvernement comme étant la cause de la crise, pour moi, cela n'a absolument aucune valeur dans la mesure où il nous faut, à un moment donné, dire ce que nous faisons.

M. Polak: ... pas là, on n'aurait pas de crise comme celle-là.

Le Président (M. Blais): S'il vous plaît, M. le député de Sainte-Anne.

Mme Lavoie-Roux: II va falloir passer une loi spéciale pour vous mettre au pas.

M. Bérubé: Si le député de Sainte-Anne veut finir sa crise, on pourra peut-être continuer, M. le Président.

Le Président (M. Blais): Merci beaucoup, M. le ministre.

Une voix: M. le député de Sainte-Anne a raison. Si on n'était pas là, il n'y aurait pas de crise.

M. Bérubé: M. le Président.

M. de Belleval: Cela n'a pas de bon sens, mais disons qu'on va accepter cela.

M. Bérubé: Partant de cette analyse, on dit: II y a une crise; il y a un choix de solutions. Nous faisons l'analyse et tirons un certain nombre de conclusions que nous estimons, à notre connaissance - nous n'avons jamais eu, même pas d'argumentation de la part de l'Opposition - inévitables qui nous amènent à des choix et, dans l'éventail de choix que nous avons devant nous, nous en éliminons une série en disant: Non, ils sont à rejeter; retenons le dernier. Ayant retenu le dernier, il ne faut pas induire en erreur les travailleurs de l'État qui pourraient croire qu'ils vont pouvoir s'asseoir à une table de négociation avec un partenaire ou un adversaire qui va négocier de bonne foi, alors que cet employeur a, au contraire, fait son lit, pris une décision quant au contenu des conditions de travail qui devront prévaloir et, par conséquent, va s'asseoir mais ne négociera pas de bonne foi, tel que le prescrit le Code du travail.

Ayant fait son lit, la conséquence logique est la loi 70. Elle est logique, mais il faut faire son lit. Je comprends pourquoi l'Opposition libérale ne peut pas effectivement approuver la loi no 70, c'est parce qu'elle ne sait pas quels choix elle aurait fait au milieu de la crise. Ne sachant pas quels choix elle aurait fait, je comprends que la loi 70 ne soit pas agréable à ses yeux. Le drame, c'est que nous sommes au beau milieu d'une crise et, fort heureusement, le Parti libéral est dans l'Opposition. Si le Parti libéral était au pouvoir et qu'il ne savait que faire au milieu de la crise, là, nous serions véritablement mal pris. Fort heureusement, il y a un gouvernement à Québec et c'est grâce à cela qu'on pourra sortir de la crise.

Le Président (M. Blais): Merci, M. le ministre.

Mme Lavoie-Roux: Ce n'était plus sérieux votre affaire, M. le ministre, n'est-ce pas?

M. Claude Ryan

M. Ryan: Je tiens à rappeler au président du Conseil du trésor que depuis plusieurs années le Parti libéral du Québec enjoignait le gouvernement d'avoir plus de discipline dans la gestion des finances publiques. Jusqu'au 13 avril 1981, vous vous êtes moqués de ces propos, vous les avez tournés en dérision, laissant entendre qu'un miracle économique était en marche au Québec et qu'il y avait des prophètes de malheur qui voulaient nous ramener au Moyen Âge. Vous allez infiniment plus loin que nous ne l'avons jamais demandé quand nous vous proposions, à temps, d'appliquer les freins là où il fallait les mettre. Vous n'avez qu'à relever les propos de votre premier ministre, en particulier, et de beaucoup d'autres membres du Parti québécois. Vous

allez voir que vous vous êtes réveillés après le 13 avril, quand vous êtes allés chercher une victoire sous de fausses représentations.

Mme Lavoie-Roux: C'est exact.

M. Ryan: C'est un premier point que je voudrais rappeler à la mémoire du ministre car c'est tellement évident et tellement facile à vérifier par les comptes rendus des journaux des trois années qui ont précédé l'élection.

En second lieu, j'entendais le président du Conseil du trésor dire qu'il est arrivé souvent dans le passé que la Législature, l'Assemblée nationale est intervenue, contrairement aux règles ordinaires que définit le Code du travail à l'intention des employeurs. C'est vrai. Je ne sais pas combien de fois c'est arrivé sous le gouvernement actuel; je pense que c'est arrivé une dizaine de fois, à peu près autant de fois que sous le gouvernement précédent alors que c'était censé être la fin des lois d'exception quand vous vous êtes amenés au pouvoir en 1976. Vous aviez, vous autres, une intelligence supérieure des problèmes de relations du travail et il n'était plus censé être question de lois d'exception sous un gouvernement péquiste. En l'espace de six ans, il y en a eu au moins une dizaine.

Je voudrais vous rappeler ceci, contrairement à ce que le ministre a laissé entendre tantôt: D'abord, les lois d'exception, même sous le gouvernement péquiste, n'ont été introduites à l'Assemblée nationale qu'après que toutes les étapes définies dans nos lois du travail eurent été respectées. C'est la première fois, de mémoire d'homme, que le gouvernement soumet à l'Assemblée nationale un projet de loi avant même que se soient écoulés les délais normaux de négociation. Même dans la très grande majorité des cas - je pense qu'il y a eu une ou deux exceptions tout au plus - où des lois d'exception ont été requises, ces lois sont venues après que le droit de grève se fut exercé pendant un certain temps. Des fois, cela a été quelques jours, d'autres fois quelques semaines et parfois même quelques mois. Je pense que c'est un premier point qu'il faut établir très clairement, qui montre une différence radicale entre la situation devant laquelle vous placez les législateurs québécois et celle que nous avons connue dans les cas précédents de lois d'exception en matière de relations de travail affectant les rapports entre le gouvernement et les employés des secteurs public et parapublic.

Une deuxième différence majeure, et si je me trompe je serai très heureux de recevoir la correction qui s'impose...

M. Bérubé: Juste une précision à la suite d'une de vos questions. Le présent gouvernement est responsable, jusqu'à maintenant, de 5 lois spéciales sur 18 qui ont été adoptées par ce Parlement.

Le Président (M. Blais): Ce n'est pas une question de règlement.

M. Bérubé: Non, ce n'est pas une question de règlement, c'est une précision.

M. Ryan: C'est un bon procédé, je suis de bonne composition dans ces choses.

Mme Lavoie-Roux: Plus quelques mises en tutelle.

M. Ryan: Vous voulez dire que vous avez adopté 18 lois spéciales et pas seulement 5?

M. Bérubé: Non, dans l'histoire de la Législature québécoise, si je comprends bien, il y en a eu 18 depuis 1967.

M. Ryan: Depuis 1976, combien? M. Bérubé: Cinq.

M. Ryan: Ah non! Il y en a plus que cinq. Franchement, je regrette, mais vous allez refaire vos calculs. C'est déjà énorme, mais il me semble qu'il y en a plus que ça.

Mme Lavoie-Roux: Ils ont fait quelques tutelles un peu barbares.

M. Ryan: Je suis prêt à accepter la vérification.

M. Bérubé: On pourra vérifier la liste exacte, mais c'est ce que j'avais comme chiffre, et, d'après la liste des lois, il y en a 5 sur 18.

Mme Lavoie-Roux: La tutelle de la CECM est une loi spéciale, à toutes fins utiles.

Le Président (M. Blais): S'il vous plaît, M. le chef de l'Opposition. Mme la députée de L'Acadie, la parole est au chef de l'Opposition, si vous permettez.

Mme Lavoie-Roux: De la façon dont ça s'est passé, c'est la même chose qu'une loi spéciale.

M. Ryan: Je mentionnais d'abord un fait; ces lois spéciales n'ont été soumises à l'Assemblée nationale qu'après que cela ait été dûment mis à l'épreuve. Tous les processus définis dans nos lois du travail y compris dans à peu près tous les cas, sauf, peut-être, la fameuse loi que nous avions adoptée en novembre 1980, loi qui essayait de prévenir la grève en imposant temporairement - la loi 62, je pense. Sauf ce

cas, je pense que tous les autres cas de lois spéciales ont été instaurés à l'Assemblée nationale après qu'eussent été exercés tous les recours prévus par nos lois du travail. Deuxièmement, dans les cas où le gouvernement s'est senti obligé de soumettre des lois d'exception à l'Assemblée nationale en matière de relations du travail entre lui et les employés du secteur public et parapublic, la raison motivant l'intervention extraordinaire du législateur était toujours reliée, jusqu'à ce jour, à la santé publique ou à la sécurité publique, sauf dans le cas du transport en commun à Montréal. Nous avons eu au moins deux lois d'exception. Il y en a eu au moins quatre ou cinq depuis 1967.

Dans ce cas, puisqu'il s'agissait de la sécurité publique, on peut dire oui dans un sens parce que la circulation étant complètement déboussolée à Montréal, cela met en danger la sécurité publique de toute évidence. Cela augmente le risque d'accidents considérablement. On peut faire une thèse là-dessus. Je pense que le gros argument qu'on invoquait était la disruption presque totale de l'économie de la région montréalaise, à ce moment. En tout cas, dans tous les cas, les deux seules considérations qui ont prévalu, et ce sont d'ailleurs les deux seules mentionnées au Code du travail, sont la santé publique et la sécurité publique. Il est arrivé un cas, la loi no 23, je pense, en 1976, où on a rappelé au travail les enseignants parce que l'arrêt de travail se poursuivait depuis tellement longtemps que l'année scolaire des enfants était devenue gravement menacée. Encore là, c'était l'intérêt manifeste d'une partie du public, c'est-à-dire d'un groupe de citoyens qui avaient un droit essentiel à un service dont ils étaient privés depuis trop longtemps ou allaient être privés de manière injustifiée. C'était la première fois.

On a toujours été extrêmement soucieux d'éviter des lois spéciales qui procéderaient de considérations purement économiques. Il y avait des lois qui entraînaient les dommages considérables pour des secteurs vitaux de l'entreprise, des grèves, des arrêts de travail ou des conflits de travail. On se disait: II est très important d'éviter que le gouvernement intervienne là-dedans et je pense qu'au Canada les seuls cas où le gouvernement est intervenu dans les conflits de travail, autant à Québec qu'à Ottawa, ce sont des cas qui affectaient le transport, les services de transport, Air Canada, les chemins de fer et le transport en commun à Montréal. On peut le comprendre parce que c'est vraiment comme tout le système vital d'une société qui est paralysé par une grève de transport depuis très longtemps. Dans ce cas-ci, on n'a aucun de ces facteurs. Pardon?

M. Bérubé: L'éducation.

M. Ryan: Oui, la même chose. Cela va là-dedans aussi. Dans le domaine de l'éducation, c'est arrivé seulement une fois, je pense, qu'il y ait arrêt de travail, deux fois, en 1967, si mes souvenirs sont bons, la loi 25, et en 1976, avec la loi 23. Mais là, c'est parce que l'année scolaire des enfants était menacée. On avait laissé courir le conflit longtemps, dans certains cas, jusqu'à deux, trois mois.

Mme Lavoie-Roux: Pour la région des Vieilles-Forges, une loi spéciale. Avant 1976, oui, excusez-moi.

M. Ryan: Dans tous les cas dont nous avons connaissance, jusqu'à ce jour, ce sont des raisons d'urgence publique reliées à la santé publique, reliées au fonctionnement du système économico-social, les transports, reliées à l'intérêt des écoliers qui étaient menacés de perdre une année complète, reliées à la sécurité publique, une grève des policiers, par exemple, à laquelle l'Assemblée nationale a été obligée de mettre fin au moins une fois, en 1969, si mes souvenirs sont bons. (22 h 15)

Cette fois-ci, la raison est entièrement différente, ce sont les finances publiques du gouvernement, un gouvernement qui est là depuis cinq ans, qui nous avait continuellement dit qu'il avait une très bonne gestion. Il était censé y avoir des magiciens à la tête de l'appareil financier de l'État. Tout à coup, il nous arrive en catastrophe et nous dit: II y a une crise quelque part dans le monde. Apparemment, c'est large, c'est dans le monde en général. Au gouvernement, tout marche très bien. Il y a une crise dans le monde, mais on est le seul gouvernement au Canada qui ait le problème de cette manière, par exemple, mais, nous, on vous dit: On s'est trop avancé le cou. On a des contrats qui ne marchent plus. On les avait signés, mais, que veux-tu, ils ne marchent plus et on vous dit: On s'en vient avec des choses d'exception.

Je voudrais que vous réalisiez bien clairement que, nonobstant le raisonnement que le ministre essayait de nous servir tantôt, les circonstances qui caractérisent cette intervention particulière que le gouvernement requiert du législateur sont radicalement différentes de celles que nous avons connues jusqu'à maintenant et ne sont pas de nature à emporter l'adhésion autant que d'autres cas dont il a été question ou dont il pourrait être question dans un avenir rapproché en relation avec la santé ou la sécurité publique. C'est pour cette raison que nous avons tant de réticence et que nous veillons de manière tout à fait spéciale à ne point nous laisser induire en erreur par des raisonnements spécieux comme celui que nous venons d'entendre des lèvres du ministre.

Le Président (M. Blais): Merci beaucoup. M. le député de Charlesbourg.

M. Denis de Belleval

M. de Belleval: Je ne veux pas m'étendre là-dessus, parce que je pense que le chef de l'Opposition a fait son point. Je voudrais seulement mentionner un exemple ou relever une des affirmations qu'il a faites quand il a dit que nous étions allés en élection le 13 avril 1981 et que c'est seulement après le 13 avril 1981 qu'on aurait mis la population devant les réalités qu'on affronte. Je veux seulement lui rappeler - il l'admettra quand même et, de ce point de vue, je pense que son sens inné de l'analyse exacte va le servir - que nous avons présenté un budget avant d'aller en élection le 13 avril 1981, qui comprenait non seulement le budget des revenus, mais aussi le budget des dépenses - les crédits détaillés et que ce budget comprenait des compressions budgétaires de 1 000 000 000 $ dont on sait que, par la suite, 800 000 000 $ ont été réalisés à la fin de l'exercice. Nous n'avons pas caché à la population la précarité des finances publiques avant le 13 avril. Quand vous êtes rendus à faire des compressions budgétaires de 1 000 000 000 $ - c'est sans précédent -sur un budget d'environ 20 000 000 000 $ de dépenses, c'est-à-dire un vingtième de vos dépenses dans lesquelles vous sabrez tout d'un coup, vous admettrez avec moi que c'est plus qu'une clochette d'alarme, c'est certainement un signal d'alarme très important. Durant toute la campagne électorale, vous aviez tout le loisir d'en parler et vous ne vous êtes pas fait faute, d'ailleurs, d'en parler. Le ministre a aussi souligné tantôt, durant votre absence, l'évolution des finances publiques depuis cinq ans en ce qui concerne l'augmentation des effectifs de la fonction publique, qui s'étaient accrus de 100 000 personnes pendant les cinq années précédentes et dont l'augmentation a été nulle; on constate maintenant une diminution, en chiffres absolus, de 4000 fonctionnaires. Le rythme d'augmentation des dépenses publiques est aussi passé de 17% le 1er avril 1981 et a été réduit à 13% en moyenne.

Je pense que ce sont tous des éléments qui indiquent bien que nous avions agi avant le 13 avril 1981. Il est vrai, cependant, que depuis ce temps, la crise s'est accentuée et qu'on est obligé d'en arriver maintenant, pour des motifs qui, je l'admets, n'emportent pas l'adhésion de la même façon qu'à la suite d'une longue grève dans un secteur donné quand, de toute évidence, la sécurité ou la santé publique est en cause. Évidemment, là, on agit de façon préventive pour des raisons d'intérêt public et de justice sociale beaucoup plus larges. J'admets avec le chef de l'Opposition que cela n'attire pas nécessairement le même genre d'adhésion, mais je reviens quand même sur l'argument de tout à l'heure selon lequel quand vous avez les responsabilités d'un gouvernement, vous avez des décisions de ce type à prendre dans un contexte, bien sûr, controversé. On ne peut pas s'attendre que dans un cas semblable l'Opposition accepte d'emblée les raisons gouvernementales. C'est son rôle de les critiquer, mais c'est en même temps notre rôle de prendre nos responsabilités. Je pense que là-dessus au moins on sera d'accord pour être en désaccord, mais on sera d'accord que l'on prend nos responsabilités.

Le Président (M. Blais): Merci beaucoup, M. le député de Charlesbourg. M. le président du Conseil du trésor.

M. Yves Bérubé

M. Bérubé: Oui, M. le Président. Je voudrais simplement souligner un article paru dans la Presse le 22 février 1982, intitulé... Oui, M. le Président, c'est que je voulais souligner quelque chose en réponse à l'intervention du chef du Parti libéral. Donc, cet article de la Presse du lundi 22 février 1982 était intitulé: "La Belgique sous la loi des pouvoirs spéciaux." Face à la crise économique qui, comme on le sait, afflige douloureusement de nombreux pays européens, dont la Belgique, qui connaît un niveau d'endettement deux fois supérieur à celui des pays de la communauté européenne, celle-ci a donc dû introduire un certain nombre de lois. En particulier, elle suspend temporairement - je l'entends, je le conçois - l'indexation des prix et des salaires dans les conventions collectives. En Belgique, comme on le sait, la loi prévoit une telle indexation. Dans le cas présent, on suspend cette indexation temporairement, justement à cause de la crise, avec une protection des bas revenus qui, eux, jouiront d'une pleine indexation, un peu dans le sens de la proposition que nous avons déposée en juillet.

En d'autres termes, je pense que ce n'est pas exact de dire que l'action gouvernementale est absolument exceptionnelle. Je pense que la situation de crise est elle-même exceptionnelle. La nécessité de partager et de répartir l'effort au sein de l'ensemble de la société est également un devoir de l'État. Il est d'ailleurs à la base d'un véritable consensus dans la mesure où l'ensemble des citoyens ont la conviction que tout le monde a fait un effort. Il est alors beaucoup plus facile d'amener, je pense, une société à traverser une crise que si, par exemple, on s'engage dans une série de troubles sociaux où, à un moment donné, un groupe peut citer un autre groupe qui, lui, n'aurait pas été touché par

la crise et invoquer cet aspect pour justifier des arrêts de travail ou des troubles sociaux de première envergure.

Je pense que, face à une crise bien réelle, perçue de tous, pour laquelle chacun a ses interprétations quant aux causes, il aurait été de mauvais aloi, de mauvaise foi, de laisser croire que l'État négocierait de bonne foi des niveaux de rémunération alors qu'il avait au contraire pris une décision très claire quant à l'intérêt public à défendre. Je souligne également que reporter les négociations dans le cadre normal, avec droit de grève le 1er janvier dans l'éventualité d'une absence d'accord, aurait soumis la société québécoise au moyen habituel de pression dans le domaine des relations de travail, c'est-à-dire des grèves. Donc, cela aurait amené la population du Québec à connaître des désavantages importants. Indéniablement, si l'intérêt public est en cause, le gouvernement n'aurait pu céder. Par conséquent, on aurait pu s'engager dans une kyrielle de grèves, pénalisant l'ensemble de la société et cela, en pure perte, puisque le gouvernement aurait été assis à une table de négociation mais n'aurait pas négocié de bonne foi, ayant pris la décision qu'il devait épargner 80% de nos concitoyens aux prises avec la crise et qui n'ont pas les avantages des employés du secteur public. C'est cet aspect que le chef de l'Opposition évite d'aborder, mais qui, je pense, est fondamental. Je peux comprendre son point de vue, mais je trouve que son point de vue reste un peu formel. Il s'accroche évidemment aux mécanismes de la négociation. Il reconnaît que dans le passé il y a eu des lois spéciales, donc, que celle-ci est également une loi spéciale. Toutefois, elle est un peu spéciale dans son caractère spécial, dans la mesure où elle anticipe une situation plutôt que d'attendre de constater un échec complet. Or, je pense que, dans la mesure où l'État employeur a pris une décision, je pense qu'il ne serait pas de bonne foi qu'il aille s'asseoir à une table de négociation donnant à croire qu'il pourra effectuer des compromis à propos de points sur lesquels il n'en fera pas au nom de l'intérêt public, car la conséquence, c'est que la société aurait eu à supporter des problèmes de relations du travail, une période difficile en pure perte puisque, finalement, une fois l'ensemble d'une population ulcérée, exacerbée, avec des services à la population menacés, le gouvernement aurait dû, comme dans le passé, invoquer une législation et forcer les employés du secteur public, après avoir fait la grève en pure perte, à rentrer au travail dans les conditions qu'il avait définies.

Ceci aurait été une attitude de mauvaise foi dans nos négociations, et la loi no 70, dans ce sens-là, est beaucoup plus ouverte, plus franche. Elle évite de s'engager inutilement dans un débat stérile puisqu'il ne pourra pas donner de résultat. Alors, elle définit clairement les objets de la négociation avant, mais elle ne se substitue pas à la négociation en ce sens qu'elle dit: Nonobstant cette volonté gouvernementale de s'assurer que nous épargnerons l'ensemble de nos concitoyens dans la crise, nous devons nous asseoir à la table de négociation et chercher ensemble comment, en renégociant l'ensemble des trois années suivantes, l'ensemble des clauses normatives, l'ensemble des clauses salariales, nous ne pourrions pas en arriver à un accord global qui pourrait permettre de ne pas avoir à appliquer ce projet de loi.

Donc, ce projet de loi n'élimine pas le besoin de négociation. Au contraire, il dit que la négociation prévaudra sur le texte de la loi; cela, je pense que c'est dommage que le chef du Parti libéral, qui est, dans ses analyses, extrêmement objectif, pesant bien le pour et le contre, esquisse toujours trop rapidement cet aspect fondamental qui demande qu'on porte d'abord un jugement sur les moyens à prendre. Si le chef de l'Opposition devait dire au nom de son parti: Nous, dans ces conditions, nous aurions taxé. Je pense que, là, nous aurions une discussion objective. Nous pourrions choisir entre taxer ou s'engager dans l'action entreprise par le gouvernement, et, là, évidemment, il y a possibilité de débat, mais dans la mesure où on rejette comme l'Opposition toutes les autres options, que ce soit taxes, déficits parce qu'il faut quand même que j'écoute les discours de l'Opposition.

L'Opposition me dit: Nous sommes opposés aux compressions; deuxièmement, nous sommes opposés à vos déficits faramineux, et nous sommes opposés à ces niveaux de taxation trop élevés. À partir du moment où l'Opposition s'est compromise quant au choix possible et à rejeter d'emblée un ensemble de choix, je ne peux plus comprendre, à ce moment-là, l'attitude de l'Opposition, si ce n'est que la comprendre par une sorte d'attitude un peu formaliste qui est à peu près la suivante: Nous, nous sommes dans l'Opposition; dans le fond, on est d'accord avec vous, mais - vous savez que lorsqu'on est dans l'Opposition, il faut bien critiquer - on va essayer de s'accrocher sur le seul point qui nous semble effectivement possible d'attaquer, c'est le fait que vous adoptiez une loi spéciale avant d'avoir commencé à négocier, mais sans traiter du problème... Si nous avions commencé à négocier, évidemment de mauvaise foi, puisque nous nous serions, à l'avance, fait une idée quant à l'issue compatible avec l'intérêt public et que nous nous serions retrouvés en janvier sans accord et sans avoir aucune possibilité. C'est-à-dire que, à ce moment-là, il aurait fallu soit adopter une loi en décembre ou soit

l'adopter en janvier ou février au milieu des grèves. Je ne peux pas comprendre la position du chef de l'Opposition parce qu'elle m'apparaît incompatible avec l'intérêt public, incompatible avec l'obligation de négocier de bonne foi et, de plus, incohérente dans la mesure où elle ne dit pas à quelle enseigne se loge le Parti libéral. Quel est le choix de moyens privilégiés par le Parti libéral pour que le Québec puisse traverser la crise.

Le Président (M. Blais): M. le chef de l'Opposition, il vous reste trois minutes.

M. Claude Ryan

M. Ryan: Trois minutes, merci, cela va être suffisant.

Tout d'abord, je rappelle au ministre que si le gouvernement est placé dans cette situation, c'est sa faute à lui. C'est notre rôle de vous le rappeler parce qu'il faut que ce soit bien clairement établi, je suis content de voir que vous l'admettez.

M. Bérubé: Non, nous ne l'admettons pas. (22 h 30)

M. Ryan: Non, vous n'avez pas compris, il va falloir l'expliquer à nouveau.

M. Bérubé: J'admettrais n'importe quoi pour ne pas l'entendre pour la nième fois.

Le Président (M. Blais): M. le député de Rosemont.

M. Paquette: M. le Président, c'est votre opinion mais la question n'est pas là.

M. de Belleval: En tout cas, c'est correct, c'est votre opinion. On est d'accord.

M. Ryan: La question n'est pas là. Très bien.

M. de Belleval: D'accord?

M. Ryan: Alors, nous vous rappelons que c'est votre responsabilité. C'est vous qui avez géré les finances publiques de l'État québécois depuis six ans, c'est vous qui avez signé ces conventions collectives devant expirer le 31 décembre 1982, c'est vous qui êtes responsables d'honorer la signature des citoyens du Québec donnée par votre intermédiaire. Ce n'est pas seulement la vôtre, vous nous dites souvent: Nous sommes au pouvoir, c'est nous qui devons décider et tout, vous êtes les serviteurs du peuple du Québec. Quand vous avez signé des conventions, vous les avez signées en notre nom autant qu'en votre nom à vous. Nous, comme citoyens du Québec, nous vous disons que nous n'aimons pas que la signature que vous avez donnée en notre nom soit reniée et altérée en cours de route. Cela, c'est clair.

M. Bérubé: Non, ce n'est pas exact, M. le chef de l'Opposition.

M. Ryan: Est-ce que je peux terminer? M. Bérubé: Oui, je m'excuse.

M. Ryan: Deuxièmement, le ministre nous dit: Vous ne nous offrez pas d'autres solutions. Il dit: Vous refusez qu'on augmente les taxes, vous refusez qu'on augmente les emprunts, vous refusez qu'on accentue les compressions budgétaires. On n'a dit un non catégorique à aucune de ces avenues et la meilleure preuve que je puisse vous en donner... Il faut tout de même que vous soyez logiques et sérieux de votre côté, parce que, lorsque cela fait votre affaire, vous me faites dire que j'ai déjà dit qu'il faudrait augmenter les taxes, et vous l'avez fait dire combien de fois à notre ancien critique financier? J'ai dit souvent: Si vous allez jusqu'à tel niveau de dépenses, il faut que vous ayez le courage de vos décisions et que vous acceptiez les corollaires qui se rattachent à cela. C'est à vous d'établir le niveau de vos dépenses à un niveau qui corresponde à celui de vos revenus possibles. C'est toujours la thèse que nous avons soutenue. Le pouvoir d'emprunt, c'est la même chose. Nous n'avons jamais dit qu'il était mathématiquement, arithmétiquement épuisé à tel niveau. Cette année, vous avez établi à 3 000 000 000 $ la capacité de déficit que peut porter l'État québécois actuellement. Cela aurait pu être 3,1 milliards, 3,2 milliards, 2,9 milliards. Je pense qu'il n'y a personne qui va soutenir sérieusement que c'est une affaire mathématique au sujet de laquelle on ne peut absolument rien faire. Cela, c'est un point.

J'ai donné un exemple ce matin d'une taxe qui coûte très, très cher de perception. J'ai au moins donné cet exemple, la taxe de Loto-Québec, une taxe qui rapporte 150 000 000 $ au gouvernement et qui en coûte 450 000 000 $; c'est une taxe qui coûte bien cher celle-là. Cela va bien, ce sont des taxes sans douleur mais il y a tout de suite une marge importante de ce côté. Je suis sûr que si vous exerciez votre imagination à plein dans ce domaine, comme vous êtes capables de l'exercer dans d'autres, il y a bien des avenues de solution qui se présenteraient pour ce problème. Comme l'a déjà laissé entendre le chef du gouvernement lui-même d'ailleurs, les avenues de solution peuvent être à plusieurs volets ou compartiments. Il n'est pas nécessaire qu'on trouve une solution seulement dans une voie.

Le ministre dit: Nous respectons le principe de la libre négociation. Nous leur

disons: Mais c'est écrit dans le projet de loi. Il s'étonne qu'on ne l'ait pas trouvé dans le projet de loi. Je le trouve dans le projet de loi, je le trouve très bien. Ce que je trouve dans le projet de loi, c'est une inversion indéniable de l'ordre dans lequel les choses doivent se faire normalement. D'ordinaire, vous négociez; ensuite, vous établissez vos conclusions après que les deux parties se sont exprimées. Là, le gouvernement dit: J'établis le cadre à l'intérieur duquel des conversations peuvent avoir lieu, je laisse la porte ouverte à des ententes, mais la loi c'est celle que je définis avant de partir. Ce n'est pas la vraie négociation comme on l'entend. La vraie négociation comme on l'entend, c'est une négociation au départ de laquelle chacune des deux parties se fixe des paramètres...

Le Président (M. Blais): Si vous voulez conclure, M. le chef de l'Opposition.

M. Ryan: ... des points au-delà desquels elle ne voudrait pas aller. Il n'y a aucune des parties - c'est la première fois que je vois cela - qui va dire de manière absolument catégorique, légale: C'est ceci, maintenant, venez-vous-en les jeunes, si vous voulez négocier, on va regarder cela ensemble. Si vous aimez mieux qu'on donne 3% à un plutôt que 4%, 2% à l'autre plutôt que 3%, c'est très bien, on est prêts à négocier cela, vous organisez un petit jeu pour que vous vous déchiriez un petit peu les uns les autres, cela peut aller. Mais vous restreignez singulièrement le cadre de la négociation! Encore là, c'est de l'innovation, nous n'avons jamais vu un comportement comme celui-là de la part d'un gouvernement. C'est cela que je voulais établir clairement et je voulais rappeler au ministre que cette ère de négociations, qui est laissée par le projet de loi, est tellement inusitée et différente de ce que les saines coutumes nous apprennent qu'il vaut de le souligner par un vote négatif de notre côté et c'est plus que du formalisme, beaucoup plus que du formalisme. C'est toute une conception de la société et des rapports entre les groupes sociaux qui est mise en cause par cette mesure.

Le Président (M. Blais): Merci beaucoup, M. le chef de l'Opposition. Article no 3, adopté?

M. Paquette: M. le Président...

Le Président (M. Blais): Pardon, un instant.

M. Paquette: Ce ne sera pas très long.

Le Président (M. Blais): Je ne sais pas lequel des deux a demandé la parole le premier.

Mme Lavoie-Roux: Allez-y.

Le Président (M. Blais): M. le député de Rosemont.

M. Gilbert Paquette

M. Paquette: M. le Président, je comprends les réserves du chef de l'Opposition sur le projet de loi. Effectivement, c'est une question délicate. Là où je le comprends moins, c'est quand il affirme: - il vient juste de le dire d'ailleurs - Nous n'avons jamais dit que nous ne pouvions pas augmenter les taxes. Nous n'avons jamais dit que nous ne pouvons pas augmenter les emprunts. Nous n'avons jamais dit qu'on ne pouvait pas accentuer les compressions budgétaires. J'ai ici son discours en Chambre. J'ai écouté les discours de son collègue de Vaudreuil-Soulanges et de plusieurs représentants de son parti. Dans le discours de deuxième lecture sur le projet de loi 70 le chef de l'Opposition - et c'est dans le journal des Débats - explique que, selon lui, les déficits ont augmenté de manière faramineuse. Il porte donc un jugement de valeur signifiant qu'il ne faudrait pas les augmenter davantage. Un peu plus loin, il nous dit: La hausse du fardeau fiscal qui s'est accrue - là, il donne des chiffres quant au pourcentage; - donc, cela devrait nécessiter qu'on ne doit pas les augmenter davantage.

Un peu plus loin, il nous dit: II y a détérioration continue de la qualité des services offerts au public, ce qui signifie qu'on ne devrait pas augmenter les compressions. Sur le fond, je pense qu'il faut distinguer le fond de la forme, ici. Sur le fond, on peut toujours prétendre qu'il y aurait moyen de laisser augmenter le déficit de 200 000 000 $ ou 300 000 000 $. On pourrait prétendre cela, à la limite. On pourrait prétendre qu'il y aurait moyen d'éliminer, par exemple, l'universalité de certains programmes et d'aller chercher quelques millions de ce côté. On pourrait prétendre que certaines possibilités de revenus additionnels sont possibles. Cependant, le chef de l'Opposition doit être conscient que la situation économique se détériore à un rythme tel - on voit le dollar qui est rendu à 77 cents et le taux d'intérêt continue d'augmenter. En somme, un gouvernement central dépassé par sa propre politique monétaire. Cela, je veux le faire en dehors de toute partisanerie. C'est une chose reconnue par tous les observateurs. Il y a plusieurs conseils au niveau fédéral qui ont émis de tels jugements, des regroupements d'hommes d'affaires, des partis de l'Opposition dans la Chambre des communes, des gouvernements provinciaux.

M. de Belleval: Les libéraux.

M. Paquette: La situation, donc, se détériore. Au mois de mars, il fallait trouver 700 000 000 $; au mois de mai, il fallait trouver 900 000 000 $. J'imagine que le chef de l'Opposition trouverait irresponsable qu'on ne prévoie pas le cas où peut-être, espérons que non mais peut-être, dans deux ou trois mois, cela aurait été 1 000 000 000 $ ou 1 200 000 000 $ qu'il faudrait aller chercher. Et si jamais ce n'était pas le cas, je pense qu'il serait d'accord avec nous que tous les fonds supplémentaires qui pourraient être dégagés par la petite marge de manoeuvre qui reste devraient être investis dans la création d'emplois, dans l'économie avec le chômage que l'on connaît actuellement.

Quand on a reçu les centrales syndicales, le chef de l'Opposition disait à peu près ceci: Nous, nous sommes partisans, au Parti libéral, d'une réduction non pas mathématique, arithmétique, mais d'une réduction raisonnable de l'écart entre les travailleurs du secteur public et du secteur privé. Et je vais interpréter, et là je ne voudrais pas dénaturer, mais il y a une image qui m'est venue à l'esprit. Le chef de l'Opposition semblait dire aux syndiqués du secteur public: Si nous étions au gouvernement, nous irions vous en chercher plus mais plus tard. Je pense que c'est cela qui nous sépare, dans le fond. Nous, on n'érige pas en principe la réduction des écarts de salaires entre le privé et le public parce que ce sont des emplois largement non comparables. Il n'y a pas beaucoup d'équivalent aux infirmières dans le secteur privé de même que les enseignants. On ne dit pas c'est un principe, on dit dans le cadre de la crise économique actuelle, peu importe qu'on diffère d'opinion sur les causes de cette crise, dans ce cadre-là, il faut réduire l'écart. C'est plutôt un moyen, ce n'est pas un principe. Le chef de l'Opposition semble nous dire que c'est un principe, mais il dit qu'il ne faudrait pas le faire tout de suite.

M. le Président, je pense que sur le fond c'est une attitude qui n'est pas très responsable. La société québécoise ne peut pas se permettre actuellement de telles incertitudes compte tenu de la détérioration accélérée de la situation économique. C'est aussi simple que cela. À ce compte-là, je pense qu'il vaut mieux le faire savoir clairement à l'ensemble de la société. C'est le but de ce projet de loi. On va dire que cela renie la signature que vous avez donnée. Je pense que je n'apprendrai rien à personne en disant que nous avons eu des débats très intenses au sein de notre formation politique, à savoir si on devait rouvrir les conventions et protéger davantage les bas salariés dès le 1er juillet ou attendre le 1er janvier en espérant que d'ici là il y aurait une négociation et qu'on pourrait en arriver au même résultat mais par la négociation. On a opté pour la deuxième hypothèse parce que la première aurait signifié rompre un contrat en cours de signature. Je vous signale que ce contrat, M. le Président, ce n'est pas que nous le considérons trop généreux, que nous regrettons la signature que nous avons donnée en 1979, puisque sur le plan des salaires c'était nettement moins avantageux pour les syndiqués que les conventions de 1976. On donnait l'exemple encore ce matin de la charge de travail des enseignants qui a décru; le ratio maître-élèves était de 1 pour 19,6 au début de la convention collective, en 1976, convention qui a été signée par l'ancien gouvernement, et il était rendu à 1 pour 16,8 au moment des dernières conventions collectives, et ce ratio s'est stabilité depuis.

Alors, on ne peut pas dire que la convention collective de 1979 était trop généreuse. C'est la situation économique qui a changé et les syndiqués ont signé cette convention en toute bonne foi, le gouvernement également. Nous ne regrettons pas le geste que nous avons posé, nous disons simplement que dans la situation actuelle, si on veut poursuivre un certain nombre d'idéaux de justice sociale et protéger les plus vulnérables de la société, il faut non pas comme objectif mais comme moyen réduire les écarts. On a choisi de le faire non pas en reniant la signature puisque c'est seulement à l'expiration des conventions collectives que va s'appliquer la loi no 70.

Finalement, il reste le jugement sur l'opportunité. Est-ce que ce projet de loi va permettre d'arriver par la négociation à une entente pour le 1er janvier, ce que tout le monde souhaite, ou est-ce qu'il va l'en empêcher? C'est un pari, chacun peut faire le sien. Nous, on pense que c'est plus honnête de dire que dans le cadre économique actuel, quand on poursuit certains idéaux de justice sociale, la masse salariale est fixée et elle est environ celle-là. Venez négocier et on va voir comment la répartir.

Si le chef de l'Opposition préfère dire: Nous, nous aurions été en chercher plus, comme le disait son ancien collègue de Saint-Laurent, d'ailleurs, nous, on irait en chercher plus en éliminant complètement ou presque les écarts entre le public et le privé, donc, on irait en chercher plus mais plus tard, nous, on pense qu'il faut aller en chercher moins mais tout de suite.

Le Président (M. Blais): Merci, M. le député de Rosemont. Mme la députée de L'Acadie. (22 h 45)

Mme Thérèse Lavoie-Roux

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Tout à l'heure, j'entendais le ministre dire, pour justifier ce projet de loi, que ce n'était pas la première fois que le gouvernement intervenait pour suspendre des dispositions de notre Code du travail et qu'il était intervenu à plusieurs reprises d'ailleurs les chiffres ont été donnés tout à l'heure - et que, généralement, c'est parce qu'il y avait crise. Il y avait crise dans le domaine de la santé, dans le domaine de l'éducation, du transport public, etc. et je pense que, là-dessus, on est d'accord.

Mais il y a une différence fondamentale, c'est que, dans ces situations-là, c'était l'exercice du droit de grève ou peut-être l'exagération des circonstances dans lesquelles le droit de grève s'exerçait et que la santé ou la sécurité du public, prise dans un sens large, était mise en danger. Et cette crise était créée par l'action des forces syndicales, dans un contexte qui était quand même légitime, mais qui allait trop loin, selon le jugement du gouvernement. Dans ce cas-ci, c'est tout à fait différent, parce que la crise n'est pas créée par l'action syndicale, elle est créée par le gouvernement du Québec.

M. Paquette: ...

Mme Lavoie-Roux: Je n'ai pas interrompu le député de Rosemont, M. le Président, vous remarquerez que je l'ai laissé aller.

M. Bérubé: C'est vrai.

Mme Lavoie-Roux: La crise a été créée par le gouvernement. Au même moment où vous essayez de justifier votre intervention pour modifier les règles du jeu en invoquant la question de crise, je pense qu'il faut bien situer que dans les premières crises qu'on voulait régler, c'était comme un exercice exagéré ou que le législateur jugeait exagéré le droit de grève des forces syndicales, tandis que, dans ce cas-ci, la crise est créée par le gouvernement; il ne faut pas l'oublier.

Évidemment, le gouvernement voudrait qu'on oublie tous les gestes qu'il a posés et qui ont créé la situation dans laquelle on se trouve. Il voudrait qu'on prenne un problème tout à fait dans l'abstrait, c'est-à-dire qu'il manque 500 000 000 $ ou 700 000 000 $...

M. Paquette: ...

Mme Lavoie-Roux: II est vrai que parfois, moi, je me permets des réflexions.

M. Bérubé: Ce n'est pas facile quand on est interrompu lors d'une intervention, mais disons que nous avons tous cette mauvaise habitude.

M. Paquette: ... Mme la députée.

Mme Lavoie-Roux: Oui, c'est pour ça que je n'ai pas fait de remarques.

Le gouvernement voudrait qu'on considère dans l'abstrait que la seule chose qui existe, c'est que, tout à coup, il y a ce trou - appelons-le un trou pour les fins de la discussion - de 700 000 000 $ dans le budget du Québec. Là, il nous dit: Écoutez, si vous avez un trou de 700 000 000 $, qu'est-ce que vous faites? Vous n'avez pas de proposition à nous faire? C'est bien facile de nous blâmer et de dire qu'on modifie les règles habituelles du Code du travail. Ce serait trop facile pour le gouvernement qu'on puisse simplement évoquer qu'il est arrivé un cataclysme et que, tout à coup, on s'est trouvé privé de 500 000 000 $ ou 700 000 000 $. Mais je pense qu'il faut que la population se rende compte - je pense que les syndiqués s'en aperçoivent fort bien - que ceci est l'aboutissement d'un grand nombre de gestes qui ont été posés par le gouvernement.

Et je reviendrai sur la question des solutions, quand le ministre nous dit tout le temps: Si on le prenait dans l'abstrait, ce cataclysme, ce déficit de 500 000 000 $ qui nous tombe du ciel. Cela a été un enchaînement de circonstances que l'on jugeait dangereuses durant les dernières années, à cause des gestes que le gouvernement a posés ou n'a pas posés et qui ont fait que nous sommes arrivés devant ce problème considérable.

Je ne vous en mentionnerai qu'un en passant; ce n'était pas une solution, mais pour vous dire que, souvent, on a attiré votre attention. Je me souviens très bien - à ce moment, j'étais critique en éducation -quand nous avons étudié les crédits du ministère de l'Éducation, en 1979. C'était au moment où le gouvernement commençait à dire: II faut couper dans le personnel de la fonction publique, ça coûte trop cher, etc. Et, au même moment où on nous servait ce discours, aux crédits de l'Éducation, on pouvait voir que le nombre de fonctionnaires continuait d'augmenter. Cette année-là, je me souviens en particulier du nombre de 84 fonctionnaires. Durant une fin de semaine, il avait paru une page entière d'offres d'emplois dans la Presse, que j'avais vue bien occasionnellement parce que je ne cherchais pas d'emploi, comme je le disais, mais je l'avais vue. II y avait une offre d'emploi pour dix fonctionnaires cadres à une moyenne de salaire de 40 000 $. Dans cette seule page, vous aviez des offres d'emplois pour 500 000 $ - j'allais dire 500 000 000 $; n'exagérons rien - uniquement dans le secteur de l'éducation alors que la population baissait, et le ministre le savait depuis longtemps. Pourtant, je me souviens que le ministre des Finances disait: Cette année, on

coupe de 1%. On avait commencé à dire: On coupe de 1%. Et vous aviez une augmentation au ministère de l'Éducation de 85 personnes. C'est tout au long des années qu'on a attiré votre attention là-dessus. Je me le rappelle parce que j'avais trouvé cela tellement contradictoire, le discours et la réalité.

Le ministre nous disait tout à l'heure: Nous n'empêchons pas la négociation parce que de fait il y a une clause qui prévoit que, si on réussit à s'entendre sur un réaménagement quelconque, la loi ne s'appliquera pas. Je ne voudrais pas reprendre l'expression très colorée du président de la FTQ qui a appelé cela le revolver sur la table, mais j'appellerai cela l'épée de Damoclès.

M. Bérubé: II nous suggérait de mettre le revolver dans notre poche et de l'ouvrir de temps en temps. C'était pas mal la même chose.

Mme Lavoie-Roux: Ce n'était pas tout à fait dans ce contexte-là, de la façon dont il... En tout cas, j'oublie. C'est simplement l'expression que...

M. de Belleval: C'est le Parti libéral qui proposait cela.

Mme Lavoie-Roux: C'est simplement l'expression de M. Laberge que je voulais rappeler. C'est véritablement une épée de Damoclès. Ce n'est pas une négociation libre parce que, d'un côté, vous acceptez les conditions à l'intérieur... Il faut que vous alliez récupérer les 521 000 000 $. Vous nous l'avez dit constamment. Vous n'avez pas le choix. D'une façon ou d'une autre, ce que cela permettrait...

M. Bérubé: Nous sommes conséquents.

Mme Lavoie-Roux: II serait souhaitable qu'il y ait une meilleure répartition des coupures pour chacune des catégories d'employés. Cela serait souhaitable. Je pense qu'on le souhaite de part et d'autre. Mais il reste que cela ne changera rien au fait que la loi est là comme une épée de Damoclès et c'est cela. Enfin, c'est la loi. Si on ne se soumet pas aux conditions que le gouvernement exige de nous, c'est la loi.

Il y a aussi l'autre aspect, à savoir qu'on demande aux syndiqués de reverser au gouvernement les montants qui leur auront été versés en vertu de conventions collectives dûment signées et négociées de bonne foi. Essayer de me convaincre qu'il n'y a pas là une anomalie dans le libre processus des négociations ou dans le cours normal des négociations, écoutez, je regrette de différer...

M. Bérubé: Nous sommes d'accord avec vous. On ne diffère pas d'opinions. Nous sommes intégralement d'accord avec vous.

Mme Lavoie-Roux: Bon! Vous savez, ces lois qui sont sur la table... Si cela ne fonctionne pas, on agit. Il y a un exemple qui se présente et qui, je pense, est une assez bonne analogie, dans le domaine des affaires sociales relativement aux négociations touchant le régime qui affectera les nouveaux diplômés en médecine, qu'on aille ou qu'on n'aille pas en régions éloignées. Là aussi le gouvernement s'est donné son pistolet, si on veut utiliser la même expression. Il a fait adopter une loi. Il a mis dedans un pouvoir de décret, à savoir qu'il pourrait négocier à la baisse la rémunération des médecins qui n'accepteraient pas d'aller en régions éloignées. Je ne veux pas me prononcer sur le bien-fondé, sur le fond du problème, à savoir s'il y a des problèmes en régions éloignées ou pas, là-dessus, je pense qu'on s'entend également.

M. Bérubé: On s'entend tout le temps.

Mme Lavoie-Roux: Non, on ne s'entend pas tout le temps. Il met son décret. Si on ne réussit pas à négocier ou à arriver à une entente avec les fédérations là-dessus, c'est le décret. Le 13 mai, le gouvernement, finalement, aboutit à des propositions touchant la baisse de la rémunération, à la table des négociations, avec les fédérations syndicales. Et c'est le 13 mai qu'il a déjà son décret en poche. Le décret qui a été préparé par le gouvernement, est daté du 13 mai, sauf qu'il l'a toujours dans sa poche. C'est un peu comme un pistolet, mais, cette fois, c'est un décret.

M. Bérubé: Dans la poche.

Mme Lavoie-Roux: Dans la poche. Le gouvernement, coincé par la date du 1er juin selon la Gazette officielle - parce que c'est le 1er juillet que les gens commenceront leur pratique - c'est entre le 13 mai et le 1er juin qu'on n'a pas réussi à s'entendre. Pas de problème! Il n'y a pas de problème du tout. Décret! Le temps de négociation, en supposant qu'on ait négocié tous les jours, a été de 17 jours.

M. Bérubé: J'invoquerais une question de règlement.

Mme Lavoie-Roux: D'accord, si vous voulez rectifier cela, je n'ai pas d'objection.

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre, sur une question de règlement.

M. Bérubé: Je pense que le ministre

des Affaires sociales a rectifié. Les associations de médecins avaient été avisées il y a plusieurs mois et elles en ont discuté à plusieurs reprises bien avant le 13 mai, date à laquelle réfère la députée de L'Acadie. D'ailleurs, cela a été confirmé par le ministre des Affaires sociales en Chambre.

Mme Lavoie-Roux: Je regrette, les négociations n'ont débuté que le 13 mai avec les fédérations. Évidemment, elles avaient entendu, au moment de la loi 27, qu'il y avait une possibilité de rémunération à la baisse, mais les négociations avec les fédérations n'ont commencé que le 13 mai. Je regrette, c'est entre le 13 mai et le 1er juin.

M. Lachance: M. le Président, question de règlement.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Bellechasse.

M. Lachance: Est-on bien certain, M. le Président, qu'on respecte la pertinence du débat à propos de l'article à l'étude?

Le Président (M. Bordeleau): C'est sûr qu'on s'écarte, à l'occasion, de la pertinence de l'étude de la loi no 70 comme telle.

M. Bérubé: Nous en sommes même très loin.

M. Lachance: J'aurais une information à ajouter, quant à y être, M. le Président. Semble-t-il que le "PET" vaut maintenant 0,7745 $.

Le Président (M. Bordeleau): Ce n'est pas tellement pertinent, cela non plus, avec l'étude du projet de loi 70.

Une voix: Ce n'est même pas drôle!

Le Président (M. Bordeleau): Mme la députée de L'Acadie, vous pouvez continuer.

Mme Lavoie-Roux: Je pense, M. le Président - évidemment, cela demeure toujours un jugement subjectif - que j'étais tout à fait dans la pertinence du débat. Je signalais au ministre comment les dispositions de la loi créaient une entrave à la négociation libre, avec une loi dans sa poche pour aller négocier, de la même façon que le gouvernement s'était comporté dans le cas du décret pour l'affectation des médecins en régions éloignées. Je ne pense pas que je m'étais éloignée du sujet. Si on ne peut plus se servir d'exemples, c'est autre chose.

Le Président (M. Bordeleau): Mme la députée de L'Acadie, je ne veux pas être trop restrictif, mais nous sommes en commission parlementaire pour étudier un projet de loi article par article et c'est l'article no 3 qu'il nous faut étudier et sur lequel on peut discourir pendant vingt minutes. Remarquez que, à l'occasion, il est très difficile de garder une pertinence tout à fait complète, mais l'article 3 est quand même très précis. Tout à fait aimablement, je vous demanderais, comme l'a souligné l'un des membres, de vous rapprocher le plus possible de la pertinence du débat.

M. Bérubé: Aimablement, d'ailleurs. Qui ne peut vous aimer?

M. Ryan: Elle s'en passerait.

Mme Lavoie-Roux: Oui, je n'ai que faire de votre amabilité.

M. de Belleval: Oh! Cela n'est pas gentil!

Mme Lavoie-Roux: Dans les circonstances, j'entends.

M. de Belleval: Ce n'est pas gentil.

M. Ryan: C'est cela.

M. Lachance: La fraternité humaine.

Mme Lavoie-Roux: Ce qu'il faut essayer de faire, c'est de prouver au gouvernement que l'attitude qu'il a prise pour résoudre ses problèmes de finances publiques est une solution qui - le ministre, avant le souper, m'a dit qu'il n'aime pas le terme "bafouer" -met de côté - il aime mieux cela - met à l'écart les règles habituelles de la négociation. Il faut en faire la démonstration et je ne crois vraiment pas être hors sujet, M. le Président. Le député de Rosemont - nous avons aussi entendu cet argument de la part du ministre avant le souper - est revenu là-dessus et on ne les a pas rappelés à l'ordre; alors, j'espère que je ne le serai pas moi non plus.

Sur la question de l'augmentation des effectifs à 100 000 personnes dans les services publics, de 1970 à 1980, on a fait la démonstration avant le souper, hors de tout doute, que cela a coïncidé avec le développement de l'éducation et le développement du réseau des affaires sociales.

M. Paquette: Oui, d'ailleurs, on pouvait se le permettre, dans le temps.

Mme Lavoie-Roux: Et on pouvait se le permettre, en plus. Je suis contente que cela vienne du député de Rosemont.

M. Paquette: Certainement.

Mme Lavoie-Roux: Quand on parle du...

M. Raquette: Donc, cela coûte cher. (23 heures)

Mme Lavoie-Roux: ... ratio, qui a baissé de 19 à 16 ou de 19 à 16,8 et quand on dit que cela a été accordé par un gouvernement libéral, lors d'une négociation, peut-être, à ce moment-là, pouvions-nous nous le permettre. Je ne nierai pas qu'il y ait eu des exagérations depuis longtemps dans les avantages de tous ordres qui ont été accordés à la fonction publique - quand je dis fonction publique, je veux dire publique et parapublique - c'est fort possible, et dont les coûts se sont avérés extrêmement coûteux au fur et à mesure des années, là-dessus, je pense qu'on s'entend. Il faudrait peut-être rappeler aussi que cette baisse de ratio s'est faite à l'avantage des enfants. Et peut-être a-t-on oublié, du côté ministériel -moi, je n'étais pas en politique, M. le Président, j'étais dans un milieu d'éducation - l'exagération et le charriage que les gens du Parti québécois, qui étaient dans l'Opposition, à ce moment, faisaient; ce n'était jamais suffisant. Vous étiez combien moins responsables que nous aujourd'hui, même à l'égard des lois spéciales, auxquelles on a fait allusion tout à l'heure, qui ont été adoptées sous votre gouvernement, d'appuyer le gouvernement d'une façon responsable dans des problèmes qui mettent en jeu la vie publique ou le bien commun, ce que vous n'avez pas fait quand vous étiez dans l'Opposition, et vous le savez fort bien.

C'est dommage, je ne les ai pas devant moi, mais je me souviens - je sais exactement où ils sont dans mon bureau, si je pouvais aller les chercher - des propos non pas d'un modeste député d'arrière-ban comme moi, mais du chef de l'Opposition du temps à l'égard des propositions gouvernementales dans le domaine de l'éducation. C'est incroyable. D'après lui, il aurait dû y avoir un professeur par dix-sept élèves. Et là, on ne parle plus de ratio. Je vous assure que votre ratio, si vous tenez compte de tous les groupes spéciaux d'enfants, ce n'était jamais suffisant, ce que le gouvernement du temps accordait. Vous alliez sur les lignes de piquetage pour dire: Allez-y, les gars et les femmes, parce que ce gouvernement, il faut le battre à tout prix, il faut le mettre dans le trou, etc. Vous avez charrié d'une façon absolument irresponsable. Je n'ai aucune hésitation à le dire parce que je l'ai vécu non pas d'une façon partisane, mais de l'autre côté. Je me souviens d'avoir entendu le chef de l'Opposition - il était député de Sauvé, je prends bien garde de le dire, le chef de l'Opposition du temps - à une émission de télévision. Je me disais: Mais, ce n'est pas possible. Il disait: Pour l'éducation, il n'y a pas de limite, c'est notre richesse la plus importante ce qu'on donne à l'éducation; c'est la richesse de demain. Jamais une offre n'était suffisante pour vous, à l'endroit des syndicats. Je reconnais qu'il y a eu des exagérations dans le passé, peut-être, qu'on paie aujourd'hui. C'étaient, jusqu'à un certain point, des exagérations parce qu'on a à peine fini le rattrapage dans le domaine de l'éducation, de toute façon. Il faut quand même se le dire. Mais venir rapporter des choses comme ça, comme exemple de votre bonne administration, que le ratio maitre-élèves est tombé de 16,9 à 16,6 au lieu d'être tombé de 19 à 16, je ne trouve pas que c'est un argument très fort, M. le Président.

Je disais tout à l'heure que le ministre veut envisager absolument dans l'abstrait le trou qui nous est arrivé comme un cataclysme. On ne l'attendait pas du tout. Il nous est tombé du ciel. Oublions toutes les autres circonstances, tous les autres gestes que les gouvernements ont faits. Le ministre nous dit: Vous autres, vous n'avez pas de solutions. J'ai déjà indiqué certaines pistes, je pense, au cours des propos que je viens de tenir. Nous avons constamment donné au gouvernement des signaux d'alarme, des suggestions, que nous lui avons faites de bonne foi, que ce soit à l'égard de l'expansion, par exemple, de Radio-Québec, que ce soit à l'égard de régies et d'offices qui ont été créés. Certains et certaines étaient nécessaires, d'autres ne l'étaient pas. Ils n'étaient créés que pour une glorification quelconque d'intérêts souvent très partisants.

J'ai encore dit qu'il était irresponsable pour le gouvernement, dans le budget qui a précédé de deux jours le déclenchement des élections, des dépenses prévues au montant de 180 000 000 $ pour une allocation de disponibilité universelle. Je me souviens que mon collègue de Saint-Laurent vous l'a dit dans le temps, quand, par exemple, parce que vous aviez une promesse électorale de donner les soins dentaires jusqu'à 18 ans, ce qui est d'ailleurs encore dans votre programme... Évidemment, maintenant, c'est devenu un idéal à réaliser. Vous faisiez l'ascension de deux années à la fois. Quand vous êtes arrivés au pouvoir, vous étiez rendus à dix ans. Vous avez commencé à onze, douze, treize et quatorze ans, etc. Rendus à quinze ans, vous avez réalisé que cela coûtait très cher et que vous rattrapiez des enfants qui n'avaient jamais été dans le système, qui n'avaient jamais eu de soins dentaires. Là, les coûts sont montés en flèche. Il disait: Allez-y prudemment. Cela coûte très cher. Aujourd'hui, on est obligé de couper partout dans les soins dentaires. Là, je ne remets pas en question votre solution des hygiénistes dentaires. C'est un autre point de vue. Non, c'est le ministre qui dit qu'on n'a pas de solution et qu'on n'en a jamais eu. Je pourrais continuer avec une

longue série de suggestions que nous avons faites au gouvernement! de mises en garde et le gouvernement... Non, ses fins électoralistes étaient plus importantes que l'équilibre budgétaire et les saines finances du gouvernement du Québec. Je comprends que le ministre souhaite qu'on traite de cela dans l'abstrait, mais ce n'est pas un problème qui est né dans l'abstrait. C'est un problème qui a été engendré par une série de gestes, que je n'appellerai pas irresponsables, mais imprévoyants, en tout cas, pour être très polis avec vous, de la part du gouvernement.

Le Président (M. Bordeleau): Merci. L'article 3 tel qu'amendé sera-t-il adopté?

M. Polak: Non, M. le Président.

Le Président (M Bordeleau): Non? M. le député de Sainte-Anne.

M. Maximilien Polak

M. Polak: M. le Président, tout à l'heure, le ministre a dit que le Parti libéral n'a vraiment pas de solution. Il a dit qu'il a écouté le discours du chef de l'Opposition, mais je ne sais pas s'il a écouté le discours du chef de l'Opposition ou s'il n'a cité que quelques portions de ce discours. M. le ministre, dans notre formation, on a justement parlé de cela, d'avoir des solutions, des alternatives. Il y a eu des discussions là-dessus et je suis fier de dire que le chef de l'Opposition a parlé longuement des différentes alternatives qui seraient possibles à cet article 3, d'une tout autre manière de traiter le problème. Il est malheureux que vos députés ne soient pas en Chambre pour écouter ces discours, parce qu'il y en a toujours trois, quatre ou cinq, et on est obligé, en commission parlementaire, de reprendre le débat. Je pense qu'il est très injuste de dire: Vous ne faites que des critiques et vous n'avez pas de solutions, parce qu'on en a, et je vais en identifier quelques-unes.

Quand M. Laberge est venu ici, la semaine dernière, devant nous, il a employé l'expression "le pistolet". Le ministre a dit tout à l'heure: La seule différence entre notre opinion et la position du Parti libéral, c'est que nous, on met peut-être le pistolet sur la table, tandis que l'Opposition libérale a le pistolet dans sa poche et le montre de temps en temps. Ce n'est pas du tout notre position. Notre position, c'est qu'on n'a pas de pistolet. On a une plume dans notre poche. Cela veut dire qu'on a une plume pour négocier, pour signer une entente. Notre solution était de ne pas commencer à parler de ce problème au mois de mars ou au mois d'avril, aux grands sommets. Vous auriez dû prévoir cela au moins à l'automne. Le problème était connu. Je me rappelle très bien qu'on en a parlé après le dépôt du budget, il y a un an, au mois de juin 1981. À ce moment-là, il y a eu des discours sur des problèmes de nature financière. On avait déjà informé le gouvernement qu'on était au bord de la faillite et qu'on devait penser à prendre des mesures spéciales.

On n'a jamais eu, de la part du gouvernement, de politique salariale. On n'a jamais pensé d'avance aux problèmes qui existaient et que nous avions indiqués. Quand le chef de l'Opposition a préparé... Cest vrai, c'est lui qui a eu beaucoup d'influence sur la position prise par le parti. J'ai été fier d'adopter cela et je n'ai eu aucun problème à prononcer un discours après sur l'ensemble de ce projet de loi, parce qu'il y avait beaucoup de solutions de rechange là-dedans. On a dit, par exemple: En regard de la politique salariale, on ne doit pas venir à la dernière minute avec un projet de loi comme un marteau sur la tête et ensuite espérer négocier. Vous auriez dû faire cela déjà à l'automne. Il y avait un problème. Vous auriez dû commencer à en parler à ce moment-là. On a eu, par exemple - j'y ai fait allusion - le facteur de productivité de la fonction publique. C'est seulement il y a une ou deux semaines qu'on a sorti le rapport Bisaillon. C'est un rapport très intéressant, mais ce problème était connu. C'était connu déjà depuis des années. Vous n'avez rien fait pour le corriger. Tout ce qu'on a, c'est un rapport sur la table et je me demande ce qu'on va faire avec les recommandations qui sont tout de même très intéressantes; elles auraient pu épargner énormément d'argent à l'État si on avait pris la peine de penser un peu plus à l'avance et de ne pas gouverner par périodes de six mois en six mois.

Quand on a eu le budget, l'année dernière, tout de suite après l'élection, au mois d'avril, au lieu de présenter un budget à la province pour un an, comme cela se fait dans un pays normal qui a le contrôle de ses finances publiques, on nous présente encore un deuxième budget à l'automne. Et peut-être que cette année, en 1983, on va avoir trois budgets parce qu'avec vous, tout est possible.

Nous avons parlé de relance économique, mais aussi longtemps que vous serez au pouvoir, il n'y aura jamais de relance économique possible, jamais, jamais. Les gens ont perdu confiance en vous. Tout le monde a perdu confiance. Les gens ne croient plus en tous ces programmes de relance économique. Vous venez avec des petits programmes, ici et là, programmes pour les assistés sociaux, pour les faire travailler dans les champs, pour nettoyer les rivières et les eaux, mais ce ne sont pas les programmes de relance économique dont on parle. Un programme de relance économique,

cela veut dire avoir une base de confiance de la population pour bâtir une province plus forte, pour éviter que tous ces gens et toutes ces compagnies ne quittent le pays. Par exemple, la semaine dernière, les péquistes ont ri quand nous avons parlé de la Prudentielle: Ah! C'est une compagnie anglophone, ils sont mieux de partir. On ne veut rien savoir de cela. Mais cela coûte de l'argent à la province parce que chaque fois qu'il y a 50 ou 100 employés qui s'en vont -on appelle cela, en anglais, le "ripple effect" - ce n'est pas juste un individu qui s'en va, c'est sa famille aussi. Ils n'achètent plus le pain, le lait, les souliers, les automobiles, l'appartement et la maison ici au Québec, ils vont ailleurs.

Vous ne pouvez pas penser à cela parce que vous êtes possédés par une idée fixe. Ce que vous voulez, et vous êtes guidés par cette idée fixe, c'est la séparation. Vous dites: On veut se débarrasser de tout cela. Même cet après-midi, le ministre, lorsque je lui ai posé la question à savoir si cela peut influencer la marge de manoeuvre, a admis qu'il n'y a pas de marge de manoeuvre maintenant. J'ai dit: Qu'est-ce qui arrive si le taux de chômage augmente de 2%, par exemple? Ou s'il y a encore un exode de personnes, à cause de déclarations comme celle qu'a faite, cette semaine, M. le premier ministre Lévesque, quand il a dit: La seule solution, c'est la séparation. Il l'a dit, mais vous ne savez pas que cela a un effet immédiat. Je lui ai demandé: Est-ce que cela peut laisser entrevoir un effet négatif? Il a commencé à rire et il a dit: C'est cela qu'il faut, parce que quand nous serons séparés, nous serons dans notre pays et on pourra régler tous les problèmes. Je ne crois pas cela du tout.

Je crois qu'on aurait dû prévenir et qu'on aurait dû prévoir ces problèmes. On aurait dû agir. Par exemple, dans la province de l'Ontario, on a commencé à attaquer ce problème il y a un an ou deux, déjà. On a commencé lentement et, eux, maintenant, ont une marge de manoeuvre. Et vous, vous avez refusé de faire face à ce problème qui était connu, peut-être pas jusqu'à un degré où l'on se trouve maintenant, mais le problème de base était là. On a refusé de s'y attaquer. On n'a rien fait du tout pour essayer de trouver une solution, d'abord. Si on avait commencé, il y a six, sept ou huit mois, à négocier avec les secteurs public et parapublic, avec une plume sur la table au lieu d'un pistolet, le résultat aurait peut-être été beaucoup différent.

Maintenant, les facteurs de confiance. Je veux revenir là-dessus parce que le ministre vient de dire: Mais qu'est-ce que vous auriez, vous autres, comme solution? Vous ne semblez pas comprendre comment le facteur de confiance est important, sur le plan psychologique, pour ceux qui veulent investir ici. Je vais vous donner un exemple. J'étais, jusqu'à il y a quelques mois, président d'une petite chambre de commerce du Canada et des Pays-Bas. On avait reçu deux enquêtes de la part de compagnies des Pays-Bas qui voulaient investir au Canada. L'une - je me rappelle très bien - était une compagnie de tapis, qui pouvait avoir 50 employés. Elle a fait une analyse de la situation en Ontario et au Québec. Vu que j'étais au dossier, j'ai fait tout mon possible pour la convaincre d'investir ici dans la province de Québec et pas en Ontario. Mais quand elle a fait l'analyse de ce qu'était le système en Ontario et de ce qu'était le système dans la province de Québec, elle a dit: Ici, au Québec, il y a un problème. Il y a un facteur d'incertitude; il y a, quelque part, un facteur de manque de confiance; il y a quelque chose dans l'air qui ne va pas bien, on a peur. On ne sait pas ce qui va arriver avec la politique du gouvernement. Finalement, elle s'est décidée et elle est maintenant établie en Ontario; 50 emplois de plus en Ontario, 50 emplois qu'on aurait pu avoir. Je peux vous assurer que si l'on avait eu un gouvernement qui avait voulu travailler dans l'ensemble de la fédération canadienne, cette compagnie serait établie ici dans la province de Québec et pas en Ontario. (23 h 15)

C'est cela que je veux dire par facteur de confiance et facteur de relance économique, mais une vraie relance économique. Pas de petits programmes, ici et là, de quelque 20 000 000 $ ou 30 000 000 $, mais vraiment des investissements de la part des individus, pas toujours de l'État, qui veulent le faire avec plaisir, avec fierté parce qu'ils se sentent bien chez eux et les gens sont plus à l'aise, même les francophones sont plus à l'aise. Et vous n'avez qu'à regarder, pas juste vendredi dernier quand il y avait 15 000 de ces employés qui marchaient dans la rue, mais vous n'avez qu'à communiquer avec n'importe qui ici à Québec, avec les simples travailleurs, les travailleuses, les serveuses, les chauffeurs de taxi. Demandez-leur s'ils ont confiance. Est-ce que cela va bien? Ils ont totalement perdu confiance et vous le savez. Vous n'avez qu'à regarder les sondages, par exemple, c'est bien connu. Où est rendue votre popularité maintenant? Vous avez certaines réponses. Donc, demandez.

Vous allez me dire: Les libéraux n'ont pas de solution. On a bien des solutions, mais vous ne serez jamais capables d'implanter ces solutions-là, parce que ça prend quelque chose de plus que d'être possédés par une idée fixe. Nous ne sommes pas possédés par une idée fixe, nous sommes calmes, nous sommes prêts à coopérer, à vivre en harmonie, à rebâtir cet élément de base. Vous perdez de plus en plus, chaque jour, cette base d'où le revenu vient, le

revenu des impôts, la taxation, parce que, chaque fois qu'il y a encore une autre famille qui s'en va, on perd ici. Vous ne l'avez jamais compris parce que je pense même, secrètement, que vous êtes heureux que les gens s'en aillent parce que vous pensez: À ce moment-là, on va être encore plus dans votre petite enclave; finalement, on va être seul et bienheureux. Mais cela n'est pas une solution.

C'est le chef de l'Opposition qui a écrit le document parce que, très souvent, dans les dossiers de grande importance, c'est lui qui nous donne les grandes lignes de conduite. On est fier de le suivre, il n'y aucun problème du tout, c'est bien pensé. Il ne faut jamais dire: Vous êtes négatifs, vous critiquez tout, vous êtes contre les augmentations d'impôt, contre ce projet de loi. Qu'est-ce que vous présentez comme solution? Vous refusez de nous écouter quand on vient avec une solution positive. Quand on a fait des suggestions, je n'ai jamais vu le gouvernement accepter une de nos solutions, jamais encore.

Depuis un an qu'on a des commissions parlementaires, on a tout de même eu de bonnes idées; si c'est une idée qui vient de nous, cela est un peu comme une idée du fédéral, on est contaminé, ce n'est pas bon. Vous n'êtes même pas capables d'essayer de travailler ensemble parce qu'on en est venu à un point où on cherche les solutions. Donc, ne venez jamais dire, M. le ministre, que l'Opposition n'est que négative; soit que vous n'ayez pas écouté les débats, soit que vous n'ayez pas étudié la teneur de ce que le chef de l'Opposition a dit, pas seulement sur ce projet de loi mais sur le budget aussi. Notre formation a toujours dit: Le rôle de l'Opposition, c'est de critiquer, mais aussi de manière positive, parce qu'on sait très bien ce que la population veut entendre. Qu'est-ce que vous auriez fait si vous aviez été à notre place? On a parlé, on a suggéré, mais on n'aurait jamais présenté deux budgets, on n'aurait jamais essayé de gouverner par périodes de six mois en six mois jusqu'au 31 décembre. Ensuite, le 1er janvier, on se réveille avec un autre système jusqu'au 31 mars; ensuite, le 1er avril, un autre système. Cela ne donne pas beaucoup de sécurité à la population, de la manière que vos projets de loi sont faits. On a discuté de cela tout à l'heure, l'arbitraire qu'il y a là-dedans. On demande aux gens de faire des sacrifices et même là, il y a de l'arbitraire. Celui qui est assez chanceux parce que sa convention expire dans le courant de l'année 1983 y échappe et celui dont la convention expire le 31 décembre, c'est la victime. La population ne comprend pas. On parle avec des gens ici. Il ne faut pas penser que nous, on est le parti dont on a toujours dit: Les employeurs ne comprennent rien à la population; on a le contact, vous seriez surpris, on parle avec les gens et ils comprennent bien. Ils comprennent très bien qu'il n'y a rien, il n'y a pas de ligne de conduite dans votre pensée, il n'y a rien de définitif, de permanent. J'ai l'impression que vous gouvernez par périodes de trois mois, de six mois en six mois, et cela est grave.

Quand on compare tout cela aux provinces... On a pris l'exemple de la Nouvelle-Écosse, savez-vous qu'en Nouvelle-Écosse, on a augmenté les impôts d'une manière assez substantielle? Vous auriez dû dire en même temps qu'avant, ils étaient beaucoup moins élevés. Ils ont gardé, même avec l'augmentation, une marge de manoeuvre. Nous n'avons plus de marge de manoeuvre. Le ministre l'a admis quand je lui ai demandé cet après-midi: Pourquoi 3 000 000 000 $ de ce qu'on appelle déductible? 3 000 000 000 $, c'est acceptable; on ne peut pas aller au-delà de 3 000 000 000 $. Il a répondu: Parce qu'après 3 000 000 000 $, on n'est plus capable de faire des emprunts sur le marché financier où nous sommes des clients, la cote pourrait être affectée.

Je lui ai demandé: Qu'est-ce qui arrivera s'il y encore plus de gens, si les compagnies partent de la province de Québec, si on a des revenus moindres et si, en même temps, on a une hausse imprévue de dépenses, s'il y a un autre trou de 400 000 000 $, 500 000 000 $? Que serez-vous obligé de faire dans trois mois? Encore revenir avec un autre budget partiel, encore augmenter la taxe de l'essence ou je ne sais pas quoi? C'est pour cela que les gens ont perdu confiance. Donc, cela est votre solution. Notre solution était, je pense, qu'au point de vue des administrateurs, nous sommes beaucoup mieux équipés pour être de bons administrateurs responsables de la bourse publique et de la situation financière publique de la province de Québec. Vous, vous commencez à rire de cela. Mais vraiment, je note, depuis plus d'un an que je suis ici - je n'ai rien contre les gars qui ont travaillé pour les syndicats, je les respecte beaucoup, de même que les professeurs -qu'il n'y a pas un homme d'affaires dans votre équipe. C'est cela le problème. Quand vous avez eu un homme d'affaire, vous l'avez perdu. Je pense que c'est le ministre Joron, j'oublie son nom. C'est un homme d'affaires, il n'est pas resté, ou M. Tremblay. C'est cela le problème. On note que vous êtes très bien sur le plan théorique, vous avez de grandes théories, mais il n'y a pas un homme d'affaires dans l'équipe. Il n'y a pas un homme d'affaires qui soit capable de dire comment cela marche. J'ai dit, hier, au président du Conseil du trésor...

M. Bérubé: Le député de Frontenac pourrait acheter le député de Sainte-Anne bien des fois.

M. Polak: Oui. J'ai dit au président du Conseil du trésor que la semaine prochaine, je serai à Montréal. Venez donc à mon bureau d'avocat passer deux ou trois jours, pour savoir ce qui se passe dans le monde du commerce, les appels qu'on reçoit des gens qui veulent s'incorporer. Ils ne veulent plus avoir une charte provinciale, ils demandent tous une charte fédérale. Il y a une raison à cela, parce qu'on n'a plus de confiance.

M. Bérubé: ... au sein du Parti québécois.

M. Polak: Cela, c'est grave. Le ministre commence à parler, à rigoler parce qu'il n'aime pas cela et il n'écoute plus. C'est cela qui arrive. Il faut voir dans le monde actuel ce qui se passe au point de vue de la confiance. Il aurait fallu gouverner d'une manière responsable en contrôlant la situation, penser pour une période d'un an, par exemple pour la politique salariale, penser et chercher une solution pour une période de deux ou trois ans, non pas avec le pistolet sur la table mais avec une plume et dire: On veut arriver honnêtement à une entente. C'est nécessaire, il faut mettre de l'eau dans son vin. Tout le monde l'aurait compris. Le ministre a dit tout à l'heure que la population québécoise est très responsable, qu'il est très content de sa réaction, qu'elle commence, comme collectivité, à accepter cela. Je suis convaincu de cela, vous avez raison, mais pas avec ce projet de loi. Si on avait présenté un plan collectif d'une manière responsable et négocié avec les gens, oui mais pas après que le projet de loi aura été adopté. L'article 3 dit clairement: On va étendre votre convention du 31 décembre jusqu'au 1er avril 1983. Plus tard, quand on aura la loi dans notre poche, là on va parler. Ce n'est pas la manière d'agir.

C'est pour cela qu'on a eu tous ces gens ici, qu'il y en a 15 000 qui sont venus faire une grande démonstration. De ces 15 000, je suis convaincu qu'il y a eu peut-être 10 000 ou 12 000 qui avaient voté PQ la dernière fois, dans ce groupe. Le plus drôle, c'est que j'étais le bienvenu dans ce groupe et j'y suis allé. J'ai demandé au ministre de m'accompagner et de rencontrer ces gens du syndicat. Je n'ai eu aucun problème et j'ai parlé avec eux. Vous auriez dû voir leurs réactions. Le monde est rendu à un point qu'il n'est plus prêt à accepter votre solution et votre manière d'administrer la bourse publique comme une épicerie du coin. C'est cela le problème. Vous faites même des emprunts pour payer l'épicerie. On dit que le Parti libéral, l'Opposition officielle, n'a aucune solution, qu'il est là pour critiquer d'une manière négative. En fait..

M. Paquette: Comme vous venez de faire là.

M. Polak: Pas du tout. C'est cela votre problème. On n'est pas capable de pénétrer dans votre cerveau, et c'est malheureux. Vous n'êtes même pas capables d'accepter une solution positive, même pas. C'est malheureux. Je suis ici à cette commission jusqu'à minuit. De temps en temps, j'appelle ma femme et elle me dit: " Bon, as-tu réussi à faire quelque chose?" Oui, on a changé une virgule, ils ont accepté cela. Hier, un amendement que j'ai fait sur un point, ils l'ont accepté. Je suis tout surpris, mais c'est un point tellement mineur. Tout le monde a ri. C'est triste et malheureux parce qu'il y a tout de même plusieurs domaines où nous présentons des solutions positives. Et même, on vous donne une chance de voler notre formule. Allez-y, pour le bénéfice de la population. Vous ne le faites pas. La porte est ouverte, on refuse, on dit: Mais il n'y a rien là, il y a juste la critique. Ce n'est pas vrai. Lisez donc les documents que M. Ryan a préparés sur le budget. M. Ryan a écrit un document sur le budget d'à peu près 25 pages. Vous devriez le passer dans votre formation politique. Demandez à ces gens - oui, vous allez comprendre quelque chose.

M. Paquette: Allez le chercher. M. Blais: II n'y a rien dedans.

M. Polak: II n'y a rien là parce que vous n'êtes même pas capables de suivre ce qui se trouve dans le texte, c'est trop compliqué peut-être pour vos petits cerveaux. Mais quand il s'agit de problèmes constitutionnels, là vous voyez rouge. Mon ami, tout le monde est prêt à parler

Mme Lavoie-Roux: Ils voient bleu.

M. Polak: À la commission, je ne sais, d'Hydro-Québec, tout le groupe était prêt. Il y en a 30 ou 35 qui ont parlé sur cela. Dix minutes chacun, je m'en souviens. De beaux discours. Quand on a parlé de la constitution canadienne, au mois d'avril, en deux semaines on avait un projet de loi sur notre bureau, tout fait et tout prêt pour dire: On n'accepte pas. Là tout le monde parlait. Quand on parle de SDI, c'était, cet après-midi, la commission de la SDI, c'est important, 100 000 000 $ de subventions, avec de grands problèmes de vérification. Personne n'est là, personne n'a parlé là-dessus sauf le ministre. C'est triste et, quand on parle des affaires sur le plan financier, il n'y en a pas. Quand on parle du budget, la moitié d'entre vous pense que c'est une affaire constitutionnelle, vous n'êtes même pas capables de répondre. C'est triste, c'est malheureux.

Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. le député de Sainte-Anne. Est-ce que l'article 3 tel qu'amendé sera adopté?

Mme Lavoie-Roux: J'aurais une toute petite question.

Le Président (M. Bordeleau): Est-ce que cela a rapport à l'article 3, parce que vous pourriez la poser à l'article 4?

Mme Lavoie-Roux: Oui, absolument. Est-ce qu'une telle éventualité pourrait se présenter? Je ne crois pas que ceci arrive dans le monde de l'éducation, mais peut-être aux affaires sociales ou dans d'autres services. Quelqu'un prend sa retraite le 31 décembre ou le 1er janvier. Évidemment, il aurait eu les augmentations de juin et de décembre. À ce moment, il n'est plus soumis à la convention puisqu'il est rendu à sa retraite. Est-ce qu'il est soumis à la récupération de l'argent et de quelle façon le serait-il?

M. Bérubé: II n'est pas soumis à la récupération de l'argent.

Mme Lavoie-Roux: II n'est pas soumis à la récupération de l'argent.

Le Président (M. Bordeleau): Est-ce que l'article 3 tel qu'amendé sera adopté?

M. Bérubé: Avant de l'accepter...

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.

Mme Lavoie-Roux: Non, non. Vote enregistré, vote nominal, M. le Président, sur l'article 3.

M. Bérubé: Avant de l'accepter...

Le Président (M. Bordeleau): Vous m'avez demandé la parole et, comme vous l'avez dit tantôt, vous avez toujours un droit de parole illimité.

M. Bérubé: II y a eu une intervention. Je pense que cela vaut la peine de relever rapidement une intervention qui m'a frappé parce que je pense qu'elle avait des éléments de vérité. C'est lorsque la députée de L'Acadie a souligné, par exemple, l'attitude que certains péquistes ont pu avoir au cours des négociations en 1972, en 1976; à plusieurs reprises, l'Opposition a souligné certaines déclarations de l'époque. Et j'aurais peut-être tendance à être d'accord avec elle. Je pense qu'il faut savoir reconnaître ses erreurs quand on en a eu, mais je pense qu'il faut également les remettre dans le contexte.

Je sais que la députée de L'Acadie aura beaucoup de difficulté à comprendre cet état d'âme qui a pu prévaloir à l'époque, mais c'est également celui-là qui m'a amené en politique. Et je pense qu'il faut également insister. Beaucoup de nos concitoyens au Québec voudraient voir la société québécoise s'affirmer en tant que société. Ils ont eu la très nette impression, sous le gouvernement libéral de 1970 à 1976, que cette espèce d'éveil de la société québécoise, qui faisait de cette société une société de plus en plus fière et désireuse d'assumer ses destinées, était un peu mise en cause par un régime libéral qui avait perdu cette foi dans le Québec et qui mettait l'accent sur notre caractère provincial. Je reconnais que peut-être, particulièrement de 1973 à 1976, notre société a perdu ce consensus social. Il est également très important. Lorsque vous parlez du consensus social que l'on peut perdre par le présent projet de loi, je peux vous dire qu'il n'est pas impossible également que ce projet de loi soit accepté par les travailleurs, justement à cause de cette idée d'une société québécoise qui, en même temps qu'elle s'arrache à sa dépendance, réalise aussi qu'elle doit assumer ses responsabilités. Et la notion d'indépendance pour une société, que dénigre continuellement le député de Sainte-Anne au point de la ridiculiser, ce que je ne peux pas accepter parce que c'est un des biens les plus précieux, ce désir d'indépendance d'une société, et également un moteur d'élévation et de croissance, et de développement intellectuel... Je pense que c'est un élément. Chaque fois que j'écoute le député de Sainte-Anne qui dénigre le nationalisme au Québec, je ne peux pas l'accepter.

Que vous nous reprochiez...

M. Polak: Question de règlement parce que le ministre...

Le Président (M. Bordeleau): Question de règlement à condition que cela en soit une.

M. Polak: Tout de même, ce n'est pas à lui à interpréter mes paroles. Je ne dénigre jamais personne. Vous connaissez très bien ma théorie. Je suis aussi nationaliste que vous...

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Sainte-Anne, s'il vous plaît.

M. Polak: ... sauf dans un contexte plus large. Et mes fenêtres ne sont pas fermées, elles sont ouvertes.

Le Président (M. Bordeleau): S'il vous plaît! M. le député de Sainte-Anne, ce n'est pas une question de règlement.

M. Polak: C'est toute la différence.

M. Blais: C'est faux, c'est faux.

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.

M. Bérubé: Le seul point, Mme la députée de L'Acadie, que je tiens à souligner, c'est que c'est vrai qu'à un moment donné, dans notre société, on a perdu ce consensus social. Je peux vous garantir que revenir à une ère libérale nous ramènerait rapidement à cette situation. Nous avons une chance collectivement de nous en sortir, c'est en prenant conscience de notre force de nation.

Le Président (M. Bordeleau): Merci. Alors, comme l'appel nominal est demandé... Est-ce toujours demandé, Mme la députée de L'Acadie?

Mme Lavoie-Roux: Oui. Parce que c'est l'article le plus important.

Le Président (M. Bordeleau): J'appelle le vote sur l'article 3 tel qu'amendé. M. Blais (Terrebonne) pour ou contre? (23 h 30)

M. Blais: Pour.

Le Président (M. Bordeleau): M. Rocheleau (Hull) absent, M. de Belleval (Charlesbourg)?

M. de Belleval: Pour.

Le Président (M. Bordeleau): M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges), M. Ryan (Argenteuil)?

M. Ryan: Contre.

Le Président (M. Bordeleau): M. Gagnon (Champlain), M. Grégoire (Frontenac)?

M. Grégoire: Pour.

Le Président (M. Bordeleau): M. Lachance (Bellechasse)?

M. Lachance: Pour.

Le Président (M. Bordeleau): M. Polak (Sainte-Anne)?

M. Polak: Contre.

Le Président (M. Bordeleau): M. Paquette (Rosemont)?

M. Paquette: Pour.

Le Président (M. Bordeleau): M. Bérubé (Matane)?

M. Bérubé: Pour.

Le Président (M. Bordeleau): Alors, cela fait six pour, deux contre. L'article 3 tel qu'amendé est donc adopté tel qu'amendé.

Mme Lavoie-Roux: ... droit de vote. On m'a mise comme intervenante.

Le Président (M. Bordeleau): Oui, vous avez raison, Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Je ne sais pas si j'avais le droit de demander le droit de vote.

Le Président (M. Bordeleau): En vertu du règlement, j'aurais pu ne pas accepter votre demande mais, de toute façon, je pense que le climat est assez détendu. Alors, l'article 4. M. le ministre.

M. Bérubé: M. le Président, avant d'aborder l'article 4 comme tel, je voudrais y apporter un amendement...

Le Président (M. Bordeleau): Oui.

M. Bérubé: ... qui vient au troisième alinéa, je pense que vous l'avez sous les yeux. Le troisième alinéa de l'article 4 se lisait: "Elles peuvent être modifiées par entente entre les parties." L'inconvénient de cette rédaction, c'est que l'on se référait aux parties telles que les définit la loi no 55, et il pouvait y avoir, par exemple, confusion entre la partie locale et la partie nationale où, normalement, se négocient les matières salariales. Aussi, pour être certains qu'il n'y a pas confusion, nous amenderions le troisième alinéa pour lui faire dire ceci: Cet article est modifié par le remplacement du troisième alinéa par le suivant: "Elles peuvent être modifiées, à l'égard de salariés représentés par une association accréditée, par entente entre le gouvernement et l'agent négociateur habilité à négocier au nom de cette association accréditée suivant l'article 7 ou l'article 8 du chapitre O-7.1 des Lois refondues du Québec." Il s'agit de clairement définir qu'il ne s'agit pas d'une clause de négociation locale.

Le Président (M. Bordeleau): Est-ce que l'amendement sera adopté?

M. Polak: Je veux juste parler sur l'amendement.

Le Président (M. Bordeleau): Sur l'amendement. M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: Est-ce que j'ai bien compris M. le ministre, pour l'amendement, que cela vous donne plus de latitude pour le conquérir un par un? Qu'est-ce qui arrive si, dans un secteur, on accepte, tandis que dans d'autres, on ne veut pas? C'est comme cela que je lis l'article.

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.

M. Bérubé: Non, il s'agit de la partie syndicale telle que définie par la loi no 55. Ce chapitre O-7.1, c'est la loi no 55 qui définit l'organisation de la table de négociation. Par conséquent, cela ne modifie pas la table de négociation pour les conventions collectives, elle définit cependant clairement ce que le mot "parties" voulait dire.

M. Polak: Si, par exemple, comme la semaine dernière, on avait le front commun, qui est assez négatif, mais il y a un autre groupe, et je pense que les fonctionnaires provinciaux semblaient avoir l'oreille un peu plus ouverte. Disons que le gouvernement négocie avec eux ou dans leur groupe et eux acceptent une certaine entente.

M. Bérubé: Oui.

M. Polak: Donc, cela peut couvrir ce secteur-là.

M. Bérubé: Exactement, oui.

M. Polak: Et peut-être d'autres secteurs.

M. Bérubé: Oui, oui. M. Polak: D'accord.

Le Président (M. Bordeleau): Cela va? Est-ce que l'amendement est adopté?

M. Bérubé: Adopté.

Le Président (M. Bordeleau): L'amendement, oui? Adopté. Alors, sur l'article 4 tel qu'amendé...

M. Blais: Adopté.

M. Polak: Est-ce que vous parlez, M. Ryan, sur l'article 4?

Le Président (M. Bordeleau): Est-ce que cela va?

M. Ryan: Pardon?

Le Président (M. Bordeleau): Sur l'article 4, est-ce que cela va?

M. Ryan: L'article 4 adopté comme cela?

Le Président (M. Bordeleau): Tel qu'amendé, oui?

M. Ryan: Non, non jamais.

Mme Lavoie-Roux: Non, non.

Le Président (M. Bordeleau): Non? D'accord. Vous avez le droit de parole..

M. Bérubé: Sur division? On a pas objection à l'adopter sur division.

M. Ryan: Non, non il n'y a pas de danger. Non, non, non, on veut vous faire clarifier votre affaire parce qu'il y a des petites cachettes ici.

M. Bérubé: Ah!

Le Président (M. Bordeleau): Alors, M. le chef de l'Opposition, sur l'article 4.

M. Ryan: D'abord, il y a un premier point, M. le Président, question d'information, avant que j'émette des opinions. Pardon?

M. Paquette: Vous en avez déjà émis une, vous avez dit qu'il y avait des cachettes.

M. Ryan: Je reviens justement là-dessus, puis j'espère bien que, comme il l'a fait à quelques reprises depuis le début de la discussion, le ministre confirmera mes appréhensions ou mes constatations. Je regrette une chose, M. le ministre, d'un grand tableau que vous avez distribué, de toute cette série de tableaux que vous nous avez donnés, document sessionnel no 350, vous nous auriez facilité les choses énormément si vous aviez donné le tableau intégral qui était nécessaire pour comprendre ce que vous faites. Là, vous nous donnez les rémunérations à compter du 1er janvier 1983 et ensuite au 1er avril 1983, et comme on n'a pas les points de repère, c'est bien embarrassant pour nous, il faut fouiller partout.

M. Bérubé: Ah! oui.

M. Ryan: Et vous comprendrez que vous nous mettez dans une situation extrêmement difficile. Heureusement, quand les...

M. Blais: C'est une question de temps.

M. Ryan: Ah! c'est une question de temps!

M. Blais: On n'a pas eu le temps de taper l'autre colonne.

Le Président (M. Bordeleau): S'il vous plaît!

M. Ryan: Je sais bien que vous autres, vous êtes dans la même position que nous et je ne vous blâme pas.

M. Blais: On ne l'a même pas, nous autres.

M. Ryan: Je parle des députés! Il n'y a pas un gars sérieux qui peut travailler avec un document comme ça, sauf celui qui a toutes les réponses à côté. Mais, dans la comparution qu'ils ont faite ici, vendredi dernier, les dirigeants des centrales syndicales nous ont apporté des tableaux qui nous fournissent des renseignements plus précis et qui contenaient vraiment les données que ça nous prenait pour comprendre ce que vous vouliez dire. Ils vous donnent le taux actuel pour différentes catégories d'emplois au 30 juin 1982; ensuite ils vous donnent le taux qui devrait être en vigueur le 1er juillet 1982, en vertu des conventions signées par le gouvernement et les syndicats; ensuite les taux qui devraient être en vigueur le 31 décembre; ensuite ce que vous voulez instituer le 1er janvier et ensuite ce qui serait imposé le 1er avril, à défaut d'ententes négociées.

M. Bérubé: S'agit-il du document des fonctionnaires ou de la CSN?

M. Ryan: Le document de la CSN. Maintenant, je peux vous donner une série de chiffres, si vous voulez. En tout cas, on va voir. La question que je veux vous poser est bien simple. Je vais vous lire ce qu'ils disent dans ce document. J'ai fait des calculs et ça confirme leurs prétentions. Peut-être les calculs ne sont-ils pas bons, mais vous me corrigerez s'il y a lieu.

M. Bérubé: Je crois que, dans le document de la CSN, cela me semblait correct.

M. Ryan: Oui. Alors, on va prendre un exemple, si vous le voulez bien, M. le ministre. D'accord? Un commis, classe I, échelon 1, salaire au 30 juin 1982: 252 $. Cela va?

M. Bérubé: Oui.

M. Ryan: Ensuite, au 1er juillet 1982, 8,65%, plus 347 $, ce qui est un montant forfaitaire d'indexation, je suppose.

M. Blais: II y la prime d'enrichissement de 2,2%.

M. Bérubé: Non, 8,65%, c'est l'augmentation... Je vais vous la calculer...

M. Ryan: Là, il y a la prime d'enrichissement, plus un certain montant, n'est-ce pas?

M. Bérubé: Je vais vous le calculer.

M. Ryan: En tout cas, disons que ça fait 280,35 $...

M. Bérubé: Oui, c'est ça, la formule qui a été...

M. de Belleval: On va laisser le chef de l'Opposition faire sa démonstration et on verra après. Allez-y, faites-la au complet, je pense que ça va être mieux.

M. Ryan: M. le Président, Mme la députée de L'Acadie aurait une question d'information, si vous permettez?

Le Président (M. Bordeleau): Oui, Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Pourrait-on avoir le tableau des échelles actuelles? Parce que, quand bien même vous nous remettriez le document sessionnel de 365 pages, on n'a pas le temps de faire les calculs. Qu'est-ce que c'est que vous...

M. Bérubé: Ce sera un autre document de 365 pages, parce que ça va être toutes les échelles prévues dans les conventions collectives. Vous allez donc avoir un document de 365 pages avec les anciennes... Parce que, dans le document sessionnel, ce que l'on peut dire, c'est que peut-être on aurait dû avoir la colonne pour le 30 juin.

Mme Lavoie-Roux: Ah! C'est ça?

M. Bérubé: C'est ça. Mais la mécanique est simple...

M. Ryan: Est-ce que vous avez vos sources, M. le ministre?

M. Bérubé: Oui. La mécanique est simple. Pour l'augmentation, évidemment, nous devons postuler une inflation qui est de 10,4%. Il va de soi que cette inflation, nous la connaîtrons véritablement à la fin, de juin à juin, et donc nous ne la connaîtrons véritablement qu'en juillet ou en août.

M. Ryan: Mais je m'excuse, M. le Président, on est rendu trop loin. Pour le moment, on n'interprétera pas tout de suite la convention collective en vigueur, on va juste prendre les montants. Si vous acceptez les montants, moi, ça fait mon affaire.

M. Bérubé: D'accord, alors vous me dites que le premier...

M. Ryan: La somme de 280,35 $ au 1er juillet 1982.

M. Bérubé: Là, vous interprétez la convention collective en disant ça.

M. Ryan: Je prends le document que vous sembliez trouver exact tantôt.

M. Bérubé: Oui, mais vous interprétez la convention collective. C'est-à-dire...

M. Ryan: C'est évident.

M. Bérubé: ... que le calcul est que vous avez une inflation de 10,4%, qui était l'inflation postulée. Toutefois, nous ne la connaîtrons véritablement que quelque part en août et, par conséquent, il n'est pas impossible que ces chiffres doivent être corrigés. Mais ils nous semblent à peu près corrects, n'est-ce pas?

M. Ryan: Oui, c'est ça. Une voix: ...

M. Bérubé: Ils sont corrects. Donc le document de la CSN...

M. Ryan: Alors, pour faire vos calculs, vous avez postulé 10,24%...

M. Bérubé: Non, 10,4%.

M. Blais: Comme la CSN, d'ailleurs.

M. Bérubé: Comme la CSN.

M. Ryan: La CSN, la même chose?

M. Bérubé: Oui.

M. Ryan: Alors, il n'y a pas de problème de ce côté-là.

On continue: au 31 décembre 1982: 288,20 $. Cela va aussi? 2,8% de forfaitaire, je pense, n'est-ce pas?

M. Bérubé: Oui, vous passez du 1er juillet au...

M. Ryan: Oui, c'est cela. D'accord?

M. Bérubé: Oui, c'est tout à fait conforme à nos chiffres.

M. Ryan: 288,20 $. Ensuite, on tombe sous le régime d'austérité Spartiate, après les années d'imprévoyance: 227,50 $ au 1er janvier 1983.

M. Bérubé: C'est exactement cela.

M. Ryan: Ensuite, au 1er avril 1983, 281,40 $.

M. Bérubé: En se disant bien qu'il ne s'agit pas d'un salaire définitif, mais bien d'un salaire qui peut être modifié par le contenu des conventions collectives.

M. Ryan: Sujet à la négociation.

M. Bérubé: Oui.

M. Ryan: Dans le carcan très étroit...

M. Bérubé: Non.

M. Ryan: ... que définit la loi.

M. Bérubé: Non, c'est contrairement à... Effectivement, M. le chef de l'Opposition, à quelques reprises, j'ai eu l'occasion de vous entendre réaffirmer cela et ce n'est malheureusement pas correct. C'est contraire aux faits. Le salaire du 1er avril, nous aurions pu, évidemment, nous engager dans la négociation en laissant les salaires au niveau où ils étaient entre le 1er janvier et le 1er avril. Mais, évidemment, c'était mettre les employés de l'État dans une position de négociations extrêmement difficile. Il fallait donc rehausser le salaire à un niveau quelconque, niveau absolument temporaire, qui, dès qu'il y aura conclusion de la convention collective des trois années suivantes, va être automatiquement ajusté. Si l'accord est conclu avant le 1er janvier, forcément, ce chiffre du 1er avril ne se réalisera jamais, c'est-à-dire qu'il va se réaliser. À minuit moins une seconde, ce sera tel salaire et, à minuit plus une seconde, le salaire sera automatiquement changé au niveau fixé par les conventions. Donc, il s'agit uniquement d'un salaire temporaire jusqu'à la conclusion de la convention collective puisque, lors du renouvellement de la convention collective, comme la convention collective inclut cette période, automatiquement, ce salaire doit être ajusté.

M. Ryan: Voulez-vous dire qu'à partir du 1er avril 1983, le plan d'augmentation en trois catégories, que vous aviez soumis il y a deux mois, cela tombe?

M. Bérubé: Oui.

M. Ryan: Cela tombe.

M. Bérubé: C'est-à-dire...

M. Ryan: Vous n'avez aucune limite de fixée à partir du 1er avril 1983?

M. Bérubé: Aucune. Cela fait l'objet de la négociation.

M. Ryan: On va regarder le texte tantôt - j'ai le texte de l'article - pour s'assurer qu'il dit bien cela. Si c'est cela, c'est tant mieux. Cela fait un aspect du problème qui est simplifié.

Le Président (M. Bordeleau): Je

m'excuse, M. le chef de l'Opposition. M. Ryan: J'en viens avant cela.

Le Président (M. Bordeleau): Avant que vous ne changiez de sujet, M. le député de Rosemont.

M. Paquette: Là-dessus, si le chef de l'Opposition me le permet. Ces salaires qui sont prévus par projections, sans présupposer des négociations qui pourraient les modifier et qui ne sont pas sujettes au projet de loi -c'est ce que vous dites, M. le ministre - est-ce que ce sont ces chiffres-là qui ont servi de base aux projections que vous avez faites pour les années budgétaires 1983-1984 et 1984-1985 dans le discours sur le budget? Est-ce que le niveau des dépenses qui apparaissent à ce tableau est basé sur ces salaires ou sur d'autres?

M. Bérubé: Effectivement, les chiffres utilisés par le ministre des Finances présumaient une protection pleine et entière du pouvoir d'achat. Donc, la masse salariale servant à des fins de rémunération était indexée au coût de la vie, et s'y ajoutait également un coût de système inhérent. En d'autres termes, ce que...

M. Paquette: Et en tenant compte du projet de loi no 70.

M. Bérubé: Oui, pour la base. M. Paquette: Pour la base.

M. Bérubé: Et non pour la projection dans le temps.

M. Paquette: D'accord. Très bien.

Le Préaident (M. Bordeleau): M. le chef de l'Opposition.

M. Ryan: Je n'ai pas eu le temps de faire ma démonstration encore. On va y revenir. Nous admettons tous les chiffres que j'ai mentionnés. Le dernier, vous dites que c'est sujet à modification par le canal de la négociation. On va y revenir tantôt parce que j'ai de la misère à comprendre l'article 4 à la lumière de ce que vous avez dit. Mon point, pour l'instant, est le suivant. Vous nous dites que le projet de loi réduit les salaires pour trois mois de 18,8%.

M. Bérubé: Oui.

M. Ryan: N'est-ce pas? (23 h 45)

M. Bérubé: Hum!

M. Ryan: Le salaire de votre commis de classe I, au 31 décembre 1982, est rendu à 288,20 $.

M. Bérubé: Oui.

M. Ryan: Au 1er janvier, il tombe à 227,50 $.

M. Bérubé: Oui.

M. Ryan: Si je sais compter, cela fait une différence de 21% et non pas de 18,8%.

M. Bérubé: Cela dépend du point de départ.

M. Ryan: Ouais, cela revient.

M. Polak: II est pauvre, donc, on frappe plus durement.

M. Ryan: C'est 21,1%.

M. Bérubé: C'est très simple. Je ne veux pas faire de mauvaise blague, mais ce que cela veut dire, c'est que l'augmentation de salaire du 31 décembre à minuit moins une seconde, il l'a jusqu'au 1er janvier à minuit plus une seconde. En d'autres termes, cette augmentation de salaire qu'il devait recevoir, il ne l'a strictement pas, c'est-à-dire qu'il la voit passer.

M. Ryan: C'est vraiment...

Mme Lavoie-Roux: II ne la voit même pas passer.

M. Ryan: ... de la chimie avancée.

Mme Lavoie-Roux: Cela se passe dans la nuit, à part cela.

M. Ryan: Franchement, il avait droit à cette augmentation du 31 décembre. Donc, il y a un point X dans le temps, fût-il infinitésimal, où il a eut droit au salaire de 288,20 $. Très bien. À partir de ce moment jusqu'au matin du lendemain, il est coupé de 21% et non pas de 18,8%.

M. Bérubé: Oui, mais c'est clair... M. Ryan: Ce n'est pas clair d'après...

M. Bérubé: ... nous avons dit par rapport au salaire du 1er juillet, c'est-à-dire que, par rapport au salaire que la personne a amené chez elle hebdomadairement pendant six mois, par rapport à ce salaire auquel la personne est habituée, il y a une réduction de 18,85%. Par rapport au salaire auquel elle aurait eu droit le 1er janvier, le taux est évidemment différent.

M. Paquette: Et c'est comme cela pour tous les employés.

M. Bérubé: Oui.

M. Polak: Cela me fait de la peine, M. le ministre.

M. Paquette: Donc, le député de Sainte-Anne est dans les patates.

M. Ryan: Je vois le député de Rosemont et le député de Charlesbourg - et je pense aussi le président du Conseil du trésor - qui reconnaissent que, par rapport au salaire auquel les employés salariés des secteurs public et parapublic avaient droit en vertu de la convention, dûment signée par le gouvernement...

M. de Belleval: C'est sûr.

M. Ryan: ... il interviendra le 1er janvier une réduction de 21,1%.

M. de Belleval: Oui. M. Paquette: C'est vrai. M. Ryan: Très bien.

M. Paquette: Mais on peut regarder les choses de façon optimiste aussi.

M. Bérubé: On ne peut rien vous cacher.

M. Paquette: On peut regarder les choses d'une façon optimiste aussi.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Rosemont.

M. Paquette: M. le chef de l'Opposition, on peut regarder les choses de façon optimiste aussi si on compare le salaire au 31 juin 1982 avec celui du 1er avril 1983, neuf mois plus tard. Il va constater que, pour les bas salariés, malgré ces hauts et ces bas au cours de la période, il y a quand même une augmentation de 11,7%.

M. Ryan: Le 1er octobre, comment calculez-vous cela? Il vient de nous dire que c'est négociable à partir du 1er avril et vous êtes rendu au 1er octobre 1983.

M. Paquette: À moins que la négociation ne vienne changer le taux de salaire le 1er avril 1983.

M. Ryan: Vous n'avez pas l'air d'y tenir.

M. Paquette: Cela peut être à la hausse.

M. Lachance: C'est au moins garanti.

M. de Belleval: Ce ne sera pas à la baisse.

M. Bérubé: Disons que c'est au moins garanti.

M. Ryan: Très bien. C'est un point que je voulais établir clairement.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Bellechasse.

M. Lachance: Vous semblez - c'est votre droit, d'ailleurs - vous réjouir d'avoir découvert cet élément. Sans doute, allez-vous vouloir l'exploiter; d'autre part, on ne peut pas perdre ce qu'on n'a pas. La personne qui, théoriquement, pouvait jouir durant deux secondes de cet argent, ne l'a jamais eu, en fait. Donc, on ne peut pas le calculer dans la diminution.

M. de Belleval: Le chef de l'Opposition a terminé son point. Cela va.

M. Ryan: Très bien. Il y a un autre point que je voudrais clarifier tout de suite, vu que vous l'avez évoqué tantôt, M. le ministre. Vous m'avez dit qu'à compter du 1er avril, tout était négociable. Tout. Je lis l'article 4 et vous allez me l'expliquer: "Malgré l'article 3, pour la période du 1er janvier 1983 au 31 mars 1983 et à compter du 1er avril 1983, les traitements, suppléments de traitement, primes et montants forfaitaires que peuvent toucher les salariés liés par une convention collective sont fixés par le document sessionnel no 350 déposé à l'Assemblée nationale du Québec le 26 mai. "Les dispositions de ce document font partie des conventions collectives qu'elles concernent et lient les employeurs, les salariés et les associations accréditées comme si elles y étaient stipulées. "Elles peuvent être modifiées par entente entre les parties. Toutefois, une telle modification n'a d'effet que si elle est approuvée par le gouvernement."

M. Paquette: Jusqu'à conclusion d'une nouvelle convention collective.

M. Bérubé: M. le Président...

Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. le ministre.

M. Bérubé: ... je sais que c'est contraire au règlement de se référer à un article subséquent, mais, dans la mesure où je pense que cela pourrait répondre à la question du chef de l'Opposition, je le référerais à l'article 15 du présent projet de loi. Je lis: "Les conditions de travail qui, en vertu de la présente loi, sont applicables aux

salariés à l'expiration de la période de prolongation de la convention collective sont maintenues jusqu'à la signature de nouvelles conventions collectives comme si le maintien des conditions de travail applicables à cette date était stipulé dans les conventions collectives dont la durée est prolongée en vertu de la présente loi." En d'autres termes, cet article vient dire que les conditions, à la fin de la période de gel ou de récupération, du 1er avril après le réajustement d'avril, sont prolongées dans le temps exactement comme elles le sont normalement dans beaucoup de nos conventions collectives. Et là, même, on va plus loin puisqu'un bon nombre de nos conventions collectives, comme nous avons pu le souligner cet après-midi, ne prévoient pas cette clause de prolongation de convention collective à l'échéance de la convention. Nous allons plus loin que ça, par loi, nous prévoyons automatiquement la prolongation de cette convention collective que nous imposons pour l'ensemble des employés, de sorte que les conditions de travail qui vont prévaloir, si jamais nous sommes encore en négociations, j'espère que nous ne le serons plus à ce moment, mais les conditions de travail qui devraient prévaloir, s'il n'y avait pas encore de conclusion d'entente, seraient celles du 1er avril, c'est-à-dire incluant les salaires définis au 1er avril.

M. Ryan: Alors, on va retenir la discussion sur cet article. Je tiens compte de la remarque que vous faites. On va suspendre la discussion sur ce point précis. Nos objections demeurent pour d'autres aspects très importants de cet article. Cela ne changera rien quant à notre attitude. Je voudrais comprendre bien clairement ce que ça signifie, pour les travailleurs, les dispositions qui sont annoncées. On va reprendre notre exemple de tantôt. Vous avez une personne qui travaille à l'Assemblée nationale ici, comme personne d'entretien, qui gagnait disons 252 $ par semaine depuis le 1er janvier 1982. D'accord? Cela va? C'est à peu près 13 000 $ par année.

M. Bérubé: Depuis le 1er juillet 1981.

M. Ryan: Depuis le 1er juillet 1981, c'est encore mieux. Elle gagnait 252 $. Là, le 1er janvier 1983, c'est-à-dire un an et demi plus tard, elle va se trouver avec 227,50 $, sauf si des négociations intervenaient et changeaient la répartition des montants. Pendant ce temps, il est intervenu une inflation d'au moins 15%. Le coût de la vie a augmenté d'au moins 15%.

Une voix: Si on veut.

M. Ryan: Alors, 252 $ plus 15% ça fait au moins 37 $ de plus que ça lui coûte pour vivre que, normalement, elle aurait dû toucher. Vous autres, vous lui réduisez son salaire de 25 $, alors que ça lui en aurait pris...

M. Bérubé: Pendant la période de trois mois.

M. Ryan: Oui, c'est correct. Pendant cette période de trois mois, son salaire va être réduit de 27 $, alors que, normalement, seulement pour maintenir son pouvoir d'achat, elle aurait besoin de 37 $ de plus. Une personne à 13 000 $ par année, ce n'est pas des farces. Vous vous rendez compte que ça n'a pas de bon sens. Très bien, je suis content d'entendre le député de Bellechasse reconnaître que, franchement, ça n'a pas de bon sens. N'importe qui qui regarde cela va se rendre compte que ça ne tient pas debout.

M. de Belleval: On ne dit pas que cela a du bon sens.

M. Ryan: Vous trouvez que cela a du bon sens?

M. de Belleval: Non, ce n'est pas ça qu'on dit non plus.

M. Ryan: Non, franchement c'est pénible.

M. Bérubé: ... du Parti libéral national. Est-ce que le chef du Parti libéral veut que je lui réponde?

M. Ryan: Oui, certainement, je l'apprécierais énormément.

M. Bérubé: Si je prenais le plus bas salaire, et je pense que son salaire de 252 $ doit correspondre à peu près à 13 150 $, si je ne m'abuse, ou à peu près, parce que c'est le plus bas salaire, c'est un des plus bas. Je voudrais prendre ce qui nous apparaît le plus bas salaire, présentement dans la convention ou à peu près. Ces 13 150 $. C'est bien 252 $. Il me semblait, de mémoire, que c'était ça, 252 $, oui, parce que c'est 504 $ sur deux semaines. Donc, c'est 13 150 $. Cet employé aurait dû recevoir, pour la période de neuf mois, soyons clairs, du 1er juillet au 1er avril, 1209 $ d'augmentation de revenu, dans la convention collective.

M. Ryan: Voulez-vous m'excuser? Vous avez dit du 1er juillet au 1er avril?

M. Bérubé: Du 1er juillet 1982 au 1er avril 1983.

M. Ryan: Vous ne pouvez pas le dire puisque la convention expire le 31 décembre.

Mé Bérubé: Je projette tout simplement son salaire du 1er janvier et je suppose qu'il n'y a pas d'augmentation. D'accord?

M. Ryan: Ah! Vous supposez qu'il n'a pas d'augmentation?

M. Bérubé: Pour l'instant, jusqu'au 1er avril.

M. Ryan: D'accord. C'est ce que je voulais savoir.

M. Bérubé: Je dis qu'à tout le moins, on n'aurait peut-être pas dû donner l'augmentation si on ne gèle pas. Donc...

M. Ryan: Très bien. Vous vous en venez vers le gel plutôt que vers les réductions.

M. Bérubé: C'est cela, en présumant...

M. Ryan: Très bien. C'est déjà un progrès! Vous vous rapprochez de nous.

M. Bérubé: ... que nous avons au moins convenu d'un gel des salaires.

M. Ryan: C'est cela. Cela se rapproche de notre position.

M. Bérubé: Cette personne aurait donc dû recevoir 1209 $ sur la base d'un gel au 1er janvier. Avec la proposition du 15 avril de ce gel modulé, elle aurait reçu 942,50 $ et, avec la loi, elle recevra 422,50 $. Cela vous donne une idée de l'impact du projet de loi.

M. Ryan: Mais, en supposant qu'elle aurait eu une augmentation raisonnable de 8% pendant les trois premiers mois de 1983, comme on pourrait le supposer en temps ordinaire, comme cela va se produire un peu partout, cela veut dire qu'au lieu de 1209 $, cela aurait été quelque chose comme...

M. Bérubé: C'est un peu plus élevé sur trois mois. Il faudrait calculer 8% sur trois mois du salaire. Cela veut dire l'équivalent de 2%.

M. Ryan: C'est environ 250 $ à 300 $ de plus.

M. Bérubé: Oui, à peu près.

M. Ryan: D'accord. Elle aurait eu quelque chose comme 1500 $. En vertu de votre proposition d'avril, 942 $. En vertu de la loi, 422 $.

M. Bérubé: Attention! Non, si vous me dites qu'elle a droit à trois mois, j'espère que, dans 942 $, vous allez lui donner trois mois aussi. Vous ne pouvez pas ajouter trois mois d'un côté. Cela me fait penser à l'argumentation du type de la CEQ. Je voudrais...

M. Ryan: Non, mais écoutez mon raisonnement. Je pars de ce à quoi elle aurait eu droit normalement si son contrat avait été exécuté jusqu'au bout, si elle avait eu l'augmentation réduite, seulement pour maintenir son pouvoir d'achat, un peu en deçà. C'est ce qui serait objectivement désirable, je mets 8%. Mais c'est seulement pour les fins de la discussion. Ensuite, je prends votre proposition gouvernementale...

M. Bérubé: II va falloir supposer qu'on accepte les mêmes principes.

M. Ryan: ... qui, elle, allait seulement jusqu'au 31 décembre. C'est ce que vous voulez dire...

M. Bérubé: Oui, exactement.

M. Ryan: ... et là, vous ajoutez, pour les fins de la discussion, 8% qui est maintenant...

M. Bérubé: Ce qu'on aurait convenu si vous décidez que 8% vous apparaît convenable. Il faudrait l'appliquer partout.

M. Ryan: Oui, mais voulez-vous dire que, si votre proposition avait été acceptée, vous auriez été prêt à envisager une certaine augmentation pour l'année prochaine?

M. Bérubé: Tout aurait dépendu de la négociation. On aurait pu effectivement poser comme principe qu'on favorise les bas salariés au détriment des plus hauts salariés et se retrouver avec une formule comme celle-là.

M. Ryan: Là, on se ramasse - parce que personne n'a voulu comprendre le bon sens gouvernemental - à 422 $ pour la personne d'entretien.

M. Bérubé: Oui.

M. Ryan: Je trouve que c'est... Maintenant, 422 $... Il y a seulement une chose que je voudrais vous demander pour compléter mon intelligence de ceci: Quand vous la faites passer ensuite à 281,40 $ au 1er avril 1983, hypothétiquement, dans ces cas-là, c'est 8,65% que vous avez proposé pour cette catégorie de salariés.

M. Bérubé: Plus 2,8%. M. Ryan: Plus 2,8%...

M. Bérubé: Oui, au 31 décembre. C'est ce que cela prenait pour maintenir son

pouvoir d'achat.

M. Ryan: ... et cela revenait à quelque chose comme 11%?

M. Bérubé: 11%.

M. Ryan: 11% par rapport à ce qu'elle avait au 30 juin...

M. Bérubé: C'est cela.

M. Ryan: ... c'est-à-dire au 1er juillet 1981.

M. Bérubé: C'est cela.

M. de Belleval: Au 1er juillet 1982.

M. Ryan: 1981.

M. de Belleval: Ah!

M. Ryan: 1981. N'oubliez pas. Il ne faut pas se tromper.

M. Bérubé: Oui, oui.

M. Ryan: Vous lui donnez 11% pour une affaire... Comment cela fait-il, de juillet 1981 jusqu'à un an et demi? 11%. L'inflation ne monte pas vite pour les employés à faible revenu.

M. de Belleval: Par rapport au 1er juillet 1982, 11%.

M. Ryan: Mais non! Au 1er juillet 1982, elle avait déjà droit à 280 $.

M. Bérubé: Par rapport au 30 juin 1982. M. de Belleval: Par rapport au 30 juin.

M. Ryan: Par rapport au 1er juillet 1981. Elle est restée à ce salaire depuis le 1er juillet 1981. Do not forget.

M. Bérubé: Oui, mais je pense qu'il faut voir comment fonctionne... J'ai l'impression que...

M. Ryan: Ah! Ah! C'est vrai.

M. Bérubé: Voyez-vous? Je vais vous expliquer la mécanique à partir, d'ailleurs, de la petite équation que l'on utilise. L'inflation est de 10,4%. Or, au début de l'année, cet employé a reçu 3,5% comme avance à l'inflation. Je m'explique. Le coût de la vie suit un processus un peu graduel. Ce que nous faisons, c'est prendre une avance sur l'inflation, au début de l'année, de 3,5%. et, subséquemment, le salaire est constant. À la fin de l'année, on calcule l'écart entre l'inflation réelle et l'avance et on complète.

Donc, la personne a déjà reçu 3,5% pour la prémunir contre l'inflation. Même lorsque l'inflation dépasse un certain seuil, il y a une protection du revenu qui s'applique sous forme de forfaitaire, pour compenser les 3,5%. On présume que 3,5%, c'est la moitié de l'inflation, si je ne m'abuse, alors, on a donc présumé une inflation de 7%. (minuit)

M. Ryan: Voulez-vous m'excuser, juste une seconde. Voulez-vous dire en début d'année contractuelle ou en début d'année civile?

M. Bérubé: Ah! En début d'année contractuelle, c'est-à-dire le 1er juillet 1981

M. Ryan: 1er juillet 1981. Très bien.

M. Bérubé: On lui a donné 3,5% parce qu'on a présumé que l'inflation serait de 7%. A la fin de l'année, on compare et l'on constate que ce sont 10,4%, on lui donne la différence. D'ailleurs, lorsque l'écart est trop grand, il a droit à un forfaitaire additionnel parce qu'il a eu effectivement un pouvoir d'achat insuffisamment protégé en début d'année. Donc, vous avez couvert, en payant plus que l'inflation, pendant six mois. Il faut quand même vous dire cela. Vous l'avez fait progresser en avance de l'inflation, maintenu son salaire pendant six mois. Là, l'inflation vous rejoint. Les six mois subséquents, vous êtes en dessous de l'inflation. Là, vous devez revenir évidemment à votre point de départ, c'est-à-dire qu'on vous donne 10,4% d'inflation moins les 3,5% qui vous ont été accordés en début d'année, et voilà votre augmentation de salaire qui vous ramène exactement avec la pleine protection de votre pouvoir d'achat. Et là, je continue. Je vous donne 1,75% qui est l'inflation anticipée pour les six mois qui viennent. Donc, je vous fais prendre une avance par rapport à l'inflation.

M. Ryan: À quelle date sommes-nous, là?

M. Bérubé: Là, nous sommes au 1er juillet 1982. Je vous donne 1,75% pour vous donner une avance par rapport à l'inflation et évidemment, au bout de trois mois, l'inflation vous a rejoint. Et là, vous continuez avec un salaire inférieur à ce qu'il devrait être à cause de l'inflation, et le 31 décembre, on vous donne 2,8%, pour effacer complètement l'effet de l'inflation, pour vous ramener exactement en ligne, là où vous auriez dû être. On ajoute à cela 1,6% d'enrichissement. C'est assez généreux.

Une voix: Même s'il n'y a pas eu de...

Le Président (M. Bordeleau): S'il vous plaît, messieurs les membres de la

commission, je constate qu'il est minuit, même passé une minute ou deux. Il est minuit.

M. Bérubé: Dr Schweitzer.

Le Président (M. Bordeleau): On reprendra...

M. de Belleval: Avant de terminer, M. le Président, ce qui veut dire, pour préciser la démonstration du chef de l'Opposition, qu'il faut bien prendre la date du 1er juillet 1982 et non pas du 1er juillet 1981.

M. Ryan: Juste une chose, avant que nous terminions. Quand le document syndical parle du taux actuel, au 30 juin 1982, de 252 $, est-ce que cela comprend les 3,5% qui ont été donnés...

M. de Belleval: ... d'avance...

M. Ryan: ... en avance au début de l'année contractuelle?

M. Bérubé: II y a 3,5% et il y a 1,22% de richesse, ce qui fait 4,72%.

M. Ryan: 1,22% de richesse.

M. de Belleval: Plus 1,22% d'enrichissement collectif qui a été donné le 1er juillet 1981.

M. Ryan: Très bien. On pourra repartir de là demain.

Le Président (M. Bordeleau): C'est cela, nous continuerons demain. Alors, la commission ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 0 h 04)

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