Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.
Commission permanente
de la Fonction publique
Sujet: Conflit relatif à la classification des
enseignants
Séance du mardi 9 mars 1971
(Seize heures trois minutes)
M. BOSSE (président de la commission permanente de la Fonction
publique): A l'ordre, messieurs! Je déclare ouverte la séance de
la commission parlementaire de la Fonction publique.
Organismes représentés
M. LE PRESIDENT: Le but de cette réunion d'aujourd'hui, tel que
vient de le déclarer le ministre de la Fonction publique à la
Chambre, est de vous saisir du conflit existant présentement chez les
professeurs. J'inviterai donc immédiatement le ministre de la Fonction
publique à nous résumer la situation. Par la suite, j'inviterai
les parties en cause à identifier leurs porte-parole ou peut-être
serait-il opportun qu'elles le fassent immédiatement. Les parties en
cause voudraient-elles identifier leurs porte-parole, que ce soit la partie
syndicale ou la partie patronale?
M. SIROIS: Pour la partie patronale, c'est moi qui ferai
l'exposé, Denis Sirois.
M. LE PRESIDENT: Denis Sirois, pour la partie patronale. Pour la partie
syndicale?
M. CHARBONNEAU: Yvon Charbonneau, de la CEQ.
M. LE PRESIDENT: Yvon Charbonneau, pour la CEQ.
M. SPARKES: Wendell Sparkes, pour la PAPT.
M. LE PRESIDENT: M. Wendell Sparkes, pour la PAPT.
M. DOBIE: Robert Dobie, pour la Provincial Association of Catholic
Teachers.
M. LE PRESIDENT: D'autres parties désirent-elles faire des
représentations?
M. PARENT: Raymond Parent, au nom de la CSN et de la FTQ.
M. LE PRESIDENT: Vous comprendrez qu'au tout début nous
entendrons les parties immédiatement mêlées au conflit et,
ultérieurement, les autres parties. Pour le moment, je demande le nom
des porte-parole des parties au conflit. J'inviterai donc
immédiatement...
UNE VOIX: La Fédération des unions de familles,
représentée ici aujourd'hui, a deux délégués
qui vont parler. Ils sont à remplir leur carte...
M. LE PRESIDENT: Très bien. Alors, je prendrai aussi les noms. M.
Raymond Parent de la CSN et de la FTQ.
M. BOUCHARD: Louis Bouchard, au nom de l'Association des parents
catholiques du Québec, section du diocèse de Montréal.
M. LE PRESIDENT: J'ai compris aussi Mme Gertrude Langlois et Mme Marie
Junger.
UNE VOIX: Oui.
M. LE PRESIDENT: D'autres personnes ou d'autres organismes entendent-ils
faire des représentations Je vous remercie et j'invite le ministre de la
Fonction publique à nous fournir un résumé de la
situation.
Situation du conflit
M. L'ALLIER: M. le Président, MM. les membres de la commission
parlementaire, mesdames, mesdemoiselles, messieurs, nous sommes réunis
en commission parlementaire pour prendre connaissance du litige qui oppose
actuellement la partie patronale et la partie syndicale dans le domaine de
l'enseignement. Il faut comprendre qu'une commission parlementaire n'a ni
mandat, ni pouvoir de négociation; ni mandat, ni pouvoir d'arbitrage; ni
mandat, ni pouvoir de conciliation. Le but d'une commission parlementaire,
c'est d'informer les parlementaires d'une situation précise et, par leur
entremise, d'informer la population de cette situation.
Je laisse, évidemment, aux parties en cause le soin de
décrire la situation actuelle, tant la partie syndicale que la partie
patronale. Je m'en tiendrai, pour ma part, à essayer de situer le
contexte de la séance de la commission parlementaire. Le conflit se
situe dans le cadre d'une entente signée par la partie patronale et par
la partie syndicale, entente qui a été suivie par la signature de
conventions collectives.
Quelques-uns des articles de ces conventions prévoyaient le
classement des enseignants. On avait même prévu dans les
conventions elles-mêmes et dans l'entente, certains brevets qui
étaient déjà catégorisés ou classés.
Les mécanismes prévus à l'entente pour continuer le
classement ont fonctionné et ont donné lieu, semble-t-il,
à des insatisfactions de la part des enseignants. De là, la
situation que nous avons connue depuis quelques semaines De là, la
volonté des parties malgré que l'entente et les
conventions collectives soient en vigueur jusqu'au 30 juin prochain de
discuter de l'application des mécanismes et des décisions prises
par le comité provincial de classification.
Malgré le désir des deux parties de discuter et de
négocier au sujet de cette question, il n'a pas été
possible pour elles d'en arriver à l'entente souhaitée. De
là la convocation de cette commission parlementaire. Je souhaite pour ma
part que cette commission parlementaire de la Fonction publique parce
qu'il s'agit essentiellement à ce stade-ci d'une question de relations
de travail ne serve pas de prétexte à des débats
qui n'ont rien à voir avec le litige ou le problème en cause et
de tribune pour des règlements de compte de quelque nature que ce soit.
Je souhaite que cette commission parlementaire travaille essentiellement et
positivement à identifier le problème, à en voir les
causes, à en voir les effets de sorte que les parties puissent
parce que c'est à elles qu'il appartient de le régler
trouver le plus rapidement possible un terrain d'entente et une solution au
problème qui se pose, dans l'intérêt des enfants, dans
l'intérêt des parents et dans l'intérêt du
Québec tout entier.
C'est donc dans cet esprit que nous devrons cet après-midi
entendre les parties. Je suggérerais que chacune d'elles fasse un
exposé de la situation, tant du côté patronal que du
côté syndical, et qu'à la suite de ces exposés les
membres de la commission puissent, par des questions, compléter leur
information.
M. LE PRESIDENT: Merci, M. le ministre. Le représentant de
Missisquoi.
Point de vue des partis
M. BERTRAND: M. le Président, je n'ai pas beaucoup à
ajouter aux propos qui viennent d'être tenus et qui résument assez
bien le problème. Quant à moi, il m'intéresse surtout
étant donné que le conflit porte, semble-t-il, principalement sur
le problème de la classification, problème extrêmement
important puisqu'il pose tout le principe de la scolarité qui est un des
facteurs importants et qui sert d'abord à déterminer la
qualification des martres. Deuxièmement, cette scolarité est
également très importante parce qu'elle est un des deux
éléments qui servent à établir le traitement de
l'enseignant.
A la dernière convention collective, on a prévu un
mécanisme. D'abord un comité local, puis un comité
provincial. Il semble que ce mécanisme n'ait pas donné
satisfaction. J'aimerais que les parties, dans leurs exposés... Elles
seront obligées d'admettre, sans aucun doute, que ce problème
existe, puisqu'il a fait l'objet, dans la convention collective qui a
été signée le 4 novembre 1969, d'un chapitre portant sur
ce problème...
J'aimerais que les parties nous suggèrent un meilleur moyen que
celui-ci, un moyen plus juste, plus raisonnable de procéder à une
telle classification. A ce moment-là, cela nous permettra sans aucun
doute, étant donné que c'est un des buts de la commission, celui
d'informer les gens; puis cela permettra au gouvernement d'énoncer sa
politique en cette matière.
Au sujet de ce problème de la classification,
l'établissement de la scolarité, l'Opposition est prête
à entendre les parties, à obtenir l'information que les parties
pourront nous transmettre, et à les interroger s'il y a lieu,
plutôt après que les parties auront eu l'occasion de
présenter leur point de vue.
M. LE PRESIDENT: Voici donc le député de
Saint-Jacques.
M. CHARRON: M. le Président, avant de commencer les travaux, j'ai
deux excuses à présenter. D'abord d'avoir une communication
sensiblement plus longue que celle que vient de faire le député
de Missisquoi, et d'autre part, d'avoir à employer dans mon
exposé le mot "classification" dont la légitimité
française est sérieusement remise en question, ce qui fera savoir
au ministre de l'Education et aux enseignants présents, l'importance de
l'enseignement de la langue française.
M. le Président, depuis le début de ce conflit, le Parti
québécois n'a fait connaître qu'une position officielle ou
surtout dogmatique en ce domaine. Cet aspect de notre vie collective est trop
important pour que nous y arrivions en coup de vent, ou trop changeant pour que
nous y maintenions une rigidité inutile.
Ce qui ne veut pas dire qu'il n'y ait pas en cette matière de
sérieux principes en cause, et qu'il soit permis de s'en
désintéresser. En fait, c'est la gravité même des
orientations en cause qui nous a incités à rechercher le plus
d'information possible avant de défendre en ce conflit particulier,
l'orientation précise de notre programme en cette matière et d'y
rechercher une solution.
Cela ne veut pas dire, non plus, que nous ayons été
inactifs. Au contraire, nous avons voulu jouer le plus adéquatement
possible notre rôle d'opposition en allant chercher l'information quand
elle ne venait pas jusqu'à nous. Je me suis moi-même rendu aux
quartiers généraux du syndicat de Montréal en
grève, à son assemblée générale même,
pour ensuite comparer la teneur de son argumentation aux informations que la
partie patronale nous a également fournies à travers des
conversations fort intéressantes. A l'une comme à l'autre parties
nous sommes reconnaissants de leur collaboration et nous espérons
qu'elles retrouveront dans nos positions une compensation aux longs moments
qu'elles nous ont accordés.
M. le Président, cette accumulation d'informations nous a fait
réaliser la complexité du problème, en même temps
que sa profondeur. Sa complexité technique aurait pu nous faire
préférer l'abstention ou le silence, mais sa profondeur,
dépassant de plusieurs coudées la surface d'une convention
collective trouée, nous a fait insister en faveur d'un débat
publia Chacune des deux parties s'était alors lancée
dans une chasse à l'opinion qu'il valait mieux, selon nous,
canaliser avant de la voir mourir dans un étang de propagande. Ce canal
que nous avons choisi, c'est la commission que vous présidez
actuellement, M. le Président. C'est pourquoi vous nous avez vus
insister, depuis l'ouverture de la session, pour que cette séance ait
lieu. Nous espérons que cette minivictoire de notre parti servira
l'intérêt des Québécois.
Qu'il me soit permis de faire ici une parenthèse importante. En
aucun temps, nous n'avons voulu compromettre, empêcher ou retarder la
tenue de négociations entre les deux parties. Au contraire, dans les
explications que nous avons fournies à la Chambre, nous disions
espérer faire de cette commission un baromètre des
négociations entre les deux parties. En insistant pour que ces
négociations aient lieu de façon parallèle à nos
travaux, nous ne créons pas un précédent. En effet,
d'autres conflits dans le secteur public je ne mentionnerai que celui
des hôpitaux ou celui de la Régie des alcools du Québec
ont déjà eu lieu pendant que des négociations se
poursuivaient en d'autres salles. Nous voulons répéter la
même expérience en ce cas et nous croyons désormais que les
deux parties ne devraient pas satisfaire leur besoin très
légitime de contact avec le public au détriment d'une solution
que nous attendons tous.
A ceux qui diront que la tenue de cette commission se trouve à
créer des pressions indues sur les négociations, nous opposons le
fait que cette commission parallèle aux négociations peut, en
fait, les aider énormément en indiquant rapidement aux
négociateurs le fond du problème.
Nous invitons donc le gouvernement et en particulier le ministre de la
Fonction publique à revenir en ce domaine sur sa décision, comme
il l'a d'ailleurs fait à notre demande sur celle visant la convocation
de cette commission.
Si le conflit tire en longueur, M. le Président, il faut aussi
admettre que, la fièvre s'éteignant, il nous sera possible
maintenant de mieux juger ce qui se passe.
La partie syndicale avait au départ une motivation fort valable
à la stratégie qu'elle a adoptée. Le caractère
draconien de certaines décisions du comité provincial de
classification et surtout leur application par certaines commissions scolaires
justifiaient, quant à nous, le bris de contrat que d'ailleurs même
l'opinion publique, pourtant si sévère d'habitude à
l'égard des enseignants, n'a pas su leur reprocher, chacun en
conviendra.
Quand la partie patronale accepta de reculer en cette matière,
d'aucuns clamèrent que la partie syndicale venait de perdre toute
justification à poursuivre l'option entreprise. Nous ne sommes pas de
cet avis. Les enseignants signalaient à bon droit que le fait d'abolir
des décisions discriminatoires ou de renoncer au remboursement
rétroactif n'apportait pas la justice, il effaçait tout
simplement une injustice plus criante que les autres.
Qu'il nous soit permis de signaler au syndicat de Montréal en
particulier l'appréciation que nous avons eue de le voir se lancer dans
une campagne d'information et d'explication de sa stratégie
auprès des parents de Montréal et de s'ouvrir volontairement
à la contestation de cette même stratégie par
ceux-là mêmes qui financent le système scolaire. J'ai
d'ailleurs eu l'occasion moi-même d'assister à l'une de ces
réunions. J'en suis sorti fort heureux de la qualité de nos
professeurs et en même temps, je dois le dire, du don de parole et de
l'intelligence de cette majorité qu'on voudrait trop souvent
silencieuse.
S'ils avaient raison de dire que les remboursements n'effacent pas le
problème de la classification, ils devaient quand même admettre
que le problème découvrait désormais son fond et que la
stratégie qu'ils avaient adoptée devait elle-même
être réévaluée.
C'est, M. le Président, ce à quoi l'alliance et la
centrale à laquelle elle appartient se sont honnêtement
lancées et je tiens à les féliciter de la trêve
normale et nécessaire qu'elles ont accepté de faire.
Sans vouloir m'immiscer dans les affaires syndicales, qu'il me soit
permis quand même de signaler, aux dirigeants syndicaux, au nom de mon
parti, que la stratégie qu'ils aborderont désormais, advenant un
échec toujours possible de cette commission et des négociations
en cours, devra être élaborée en fonction du fond du
problème qu'ils nous ont eux-mêmes fait découvrir. Si,
comme le signalait le président de l'Alliance des professeurs de
Montréal à la présidente de la CECM dans une lettre en
date du 5 janvier, et je cite Mathias Rioux: "C'est plus que des demi-mesures
qui sont nécessaires au-delà des cataplasmes et des
remèdes, c'est le coeur même du système scolaire qu'il
aurait fallu dénoncer", il est alors entendu pour nous que l'on ne
combat pas le coeur d'un système scolaire comme on combat une
déclassification discriminatoire.
L'Etat québécois poursuit aussi en cette matière
une politique qu'aucun citoyen ne saurait refuser dans ses principes. C'est, je
crois bien, la position qu'avait comprise la partie syndicale au moment de la
signature de la convention collective. L'Etat est en cette matière
à la recherche d'une cohérence qu'il met du temps à
trouver, mais qu'il doit rechercher. La cohérence dans la classification
des enseignants était et est toujours aux yeux de tout le monde et, je
crois bien, aux yeux de la partie syndicale elle-même, une
nécessité. Sans vouloir jouer sur les mots ou faire l'autruche,
il est entendu qu'une nouvelle classification implique la
déclassification pour certains professeurs.
Le débat doit porter sur l'ampleur, les normes et les correctifs
obligatoires que doit apporter l'Etat afin que cette déclassification en
vue d'une plus grande justice ne soit pas cause
d'injustices multiples, surtout d'un manque de respect inacceptable pour
certains droits acquis.
A cet effet, si nous acceptons le principe, à notre avis
essentiel, d'une reclassification, nous ne saurions accepter pour la même
raison que le gouvernement s'en empare de façon unilatérale en ne
laissant aux principaux intéressés qu'un pouvoir consultatif ou
un pouvoir de contestation en arbitrage d'une décision aussi importante.
C'est à notre avis l'endoit où le gouvernement, à son
tour, vient briser le contrat dont il est partie contractante et qui
était devenu consacré aux articles 62-03 et suivants de la
convention collective qui régit actuellement le monde scolaire. Le
gouvernement serait injustifié de reprendre à son compte la
classification des enseignants alors que l'actuelle convention consacrait aux
enseignants dans un droit désormais acquis, la possibilité de
participer à l'élaboration de ces normes.
Ce n'est pas parce que le mécanisme actuel, prévu à
la convention, n'a pas fonctionné que nous devons l'abolir; il s'agit de
le remplacer. Nous aurons à revenir, au cours des travaux de cette
commission, sur le non-fonctionnement du comité provincial de la
classification. Nous voyons quant à nous son échec dans les
clauses mécaniques inacceptables, dans le pouvoir discrétionnaire
du président et surtout dans l'absence de normes préalablement
fixées, autres que le règlement numéro 5 et le
règlement numéro 4 du ministère de l'Education. Si nous
donnons raison au gouvernement quant au principe d'une classification, nous ne
pouvons l'appuyer dans sa démarche actuelle à moins de le voir
accepter devant cette commission de rechercher un autre mécanisme
paritaire et d'élaborer immédiatement les normes qu'il entend
négocier avec la partie syndicale. Nous aurons d'ailleurs, au cours des
travaux de cette commission, d'autres suggestions à faire aux deux
parties quant aux amendements possibles que nous pouvons voir à la
convention collective et qui, selon nous, amélioreraient de façon
sensible les relations de travail dans le monde scolaire.
Les enseignants reprochent au gouvernement de ne rechercher une
cohérence administrative que dans le domaine précis et fort
étroit qui les concerne. Personne ne peut dire qu'ils aient
complètement tort. Le beau principe de la cohérence, qui est en
administration publique ce que la chasteté est dans la religion, n'est
guère le plus appliqué dans le monde de l'éducation. Les
enseignants sont bien placés pour en parler, eux qui vivent
quotidiennement dans ces innombrables petits fiefs que sont les commissions
scolaires et dans cette chasse gardée de la réaction qu'incarne
la fédération qui les protège.
Nous connaissons l'intention prochaine et si attendue du gouvernement de
légiférer contre ce féodalisme et nous pouvons dire que
dans ce domaine précis nous nous prenons à souhaiter presque une
déclassification massive.
Ils ont encore plus raison dans un autre domaine et
celui-là est intimement lié au problème qui occupe cette
commission celui du perfectionnement des maîtres. On ne nous
reprochera pas d'y voir le fond du problème. Les positions de notre
parti, en cette matière, sont très claires. Dès le premier
congrès, les membres inscrivaient, à un chapitre de notre
programme, ces mots: "Le rôle de l'enseignement dans une
société et la nécessité de revaloriser la
profession de l'enseignant font de la formation des maîtres une des
priorités du système d'enseignement. Cette formation doit
favoriser une compétence professionnelle complète et, surtout,
assurer des possibilités de recyclage permanent." C'était le
programme de notre parti.
Nous pourrions également rappeler avec raison de longs extraits
du rapport Parent où les commissaires soulignent avec une insistance et
une tenacité inégalables, que cet aspect de notre
révolution scolaire en est la pierre de base et que cette
priorité des priorités comme tout le monde allait
l'appeler allait déterminer, par l'importance que le gouvernement
allait y accorder, la qualité de la révolution
québécoise, dont la révolution scolaire en est à
son tour la pierre de base, tous en conviendront. A cette autorité en la
matière, combien de déclarations solennelles de chacun des
ministres de l'Education pourrions-nous ajouter? Pour tous, la formation des
maîtres devait être la priorité et pourtant!
Que l'on comprenne bien le sens de nos remarques et qu'on les situe
bien. Il ne s'agit pas de nier les efforts du ministère, en ce domaine.
Il s'agit clairement, devant cette commission, de les évaluer et de dire
honnêtement qu'aussi ardus qu'ils aient été on doit les
reconnaître comme encore insuffisants. Il ne s'agit pas de rechercher
chez un ministre et encore moins chez des fonctionnaires la faute qui en ferait
les boucs émissaires de l'embonpoint dont souffre actuellement notre
système d'éducation, mais il s'agit de décharger les
professeurs, dégoûtés d'être les boucs
émissaires de chaque crise et d'être encore les seuls à
faire quotidiennement les frais de cette entreprise on ne peut plus
collective.
Les professeurs ont là-dessus entièrement raison. A ceux
qui croient que traiter de ce sujet est s'éloigner du conflit actuel,
nous dirons qu'ils se trompent. Car, selon nous, c'est là que
réside le problème. Les enseignants et leur centrale syndicale,
de façon systématique depuis 1965, ont fait de leur
perfectionnement et de leur formation une question primordiale. Pour eux et
dans l'esprit du rapport Parent, c'était aussi la priorité des
priorités. Personne ne peut dire ici que les enseignants n'ont pas pris
leurs responsabilités devant l'ampleur du rôle où notre
société les consacrait. Portés au milieu de notre vie
collective, à l'endroit même où l'avenir est presque
présent, ils n'ont pas lésiné face aux obligations qui
leur incom-
baient. Dans une proportion de plus de 60 p. c, par exemple, à
Montréal, ils sont retournés sur les bancs de l'école
parfaire leur éducation selon les désirs de tous les
Québécois. Ils ont eu, en cette matière, la collaboration
de la CECM. Voilà qu'aujourd'hui cet effort de perfectionnement se voit
à toutes fins pratiques annulé ou sinon sérieusement
découragé par les décisions unilatérales du
président du comité provincial de classification. Voilà
donc que nous retrouvons le problème qui nous préoccupe.
C'est toute la politique de l'Etat à l'égard des
enseignants qui se retrouve analysée et contestée par des
personnes aussi importantes, par exemple, que la présidente de la CECM,
pour qui j'ai un extraordinaire respect. Dans sa déclaration du 28
janvier dernier, Mme Roux disait: "Les cours de perfectionnement
organisés par un organisme d'éducation responsable pour
répondre dans une période donnée à des besoins
particuliers du milieu devraient être reconnus et évalués
d'une façon définitive. La commission en parlant de la
CECM en collaboration avec les universités a pallié
pendant de nombreuses années une organisation déficiente de la
formation des maîtres en organisant elle-même des cours de
perfectionnement qui ont aidé directement les enseignants dans leur
travail professionnel. La commission a fortement encouragé ses
enseignants à s'inscrire à ces cours et la réponse des
maîtres a été enthousiaste.
Ces cours avaient une valeur pédagogique certaine que la
commission reconnaissait et reconnaît toujours."
C'est tout cela qui est en cause actuellement et c'est même plus.
Non seulement la priorité des priorités sera-t-elle
vérifiée dans les réponses gouvernementales, mais c'est
aussi dans le seul respect de cette priorité qu'on peut trouver une
solution au conflit actuel.
Les enseignants sont parfaitement justifiés, quant à nous,
d'exiger de l'Etat le respect de cette priorité, non seulement dans
leurs salaires ce que l'Etat semble prêt à
reconnaître pour le perfectionnement déjà acquis, soit la
scolarité garantie pour fins de traitement, dans le jargon du milieu
mais aussi dans leur statut professionnel ou, si vous voulez, dans leur
situation à la suite d'une reclassification qui est inévitable,
tout le monde s'accorde pour le dire. Autrement dit, cette commission ne
devrait pas seulement entendre de la partie gouvernementale la justification
d'une reclassification ce sur quoi les deux parties devraient être
d'accord, à condition que ces normes soient définies
conjointement mais aussi l'annonce par le même gouvernement d'une
politique de recyclage allant dans le plus grand sens de la sacrée
cohérence comme du respect des professeurs. A notre avis, c'est sur ce
champ extraordinairement important pour tout le Québec que réside
la possibilité d'entente.
Voilà pourquoi nous avons dit que le conflit a fait ressortir le
problème de fond; c'est, je crois, à cette commission d'y
apporter les réponses. Il ne s'agit pas d'élargir indûment
le problème ou d'éviter les problèmes techniques. Nous
avons la certitude que la solution du conflit y réside. Nous savons bien
que ce n'est pas là une question qui se règle en 24 heures. Nous
savons même que ce n'est pas en commission parlementaire que cela se
fait, mais bien autour d'une table de négociations et par les personnes
impliquées directement, mais c'est quand même ici que la politique
d'entente pourrait s'esquisser, que les principes de fond doivent
apparaître et, je l'espère, apparaîtront.
Les enseignants sont devenus exigeants, comme nous le sommes envers eux.
Si nous avons pris autant de temps à décrire ce qui nous
apparaît comme le fond du problème, c'était, bien
sûr, parce que nous y voyions notre responsabilité, mais aussi
parce que le but est presque démesuré. Non seulement nous
recherchons un calme scolaire qui ne couvrirait pas l'injustice, mais il s'agit
d'éviter une loi spéciale qui ferait entrer le volcan en
éruption et audacieusement aussi de déterrer les mines
déjà prévisibles enfouies dans le champ de la prochaine
négociation pour 1971-1974.
Voilà donc, M. le Président, de quelle façon la
formation politique que je représente aborde les travaux de la
présente commission.
M. LE PRESIDENT: Je remercie le député de Saint-Jacques de
ses brefs propos. J'inviterai le député de Frontenac.
M. CHARRON: Merci, M. le Président.
M. LATULIPPE: Qu'il me soit seulement permis de formuler le voeu que les
travaux de la présente commission aboutissent à une solution
acceptable pour toutes les parties. C'est le voeu que je formule au nom du
parti que je représente.
M. LE PRESIDENT: Très bien. J'invite M. Denis Sirois à
nous faire les représentations appropriées.
Partie patronale
M. SIROIS: M. le Président, MM. les membres de la
commission...
M. LE PRESIDENT: Si vous voulez d'abord nous donner vos titres et les
organismes que vous représentez, pour les fins du
procès-verbal.
M. SIROIS: Je suis le représentant de la Fédération
des commissions scolaires et du gouvernement à la table de
négociations. Je suis, comme certains le disent, le porte-parole
patronal.
J'aimerais, sans aucun préambule, essayer d'exposer ce que la
partie patronale voit dans la situation actuelle. Mon exposé sera en six
points. Sur le premier point, nous aimerions
traiter brièvement des bris de contrats survenus.
Le deuxième point: nous aimerions souligner ce qu'est pour nous
le problème actuel et les façons de le résoudre. Le
problème actuel pour nous serait les récupérations de
salaires et le fonctionnement trop lent du comité provincial de
classification.
Le troisième point serait une possibilité, d'après
nous, de régler les problèmes actuels à l'intérieur
même de l'entente provinciale.
Nous aimerions aussi traiter sommairement de l'offre patronale que nous
avons faite et commenter, en dernier lieu, les demandes syndicales quant
à la scolarité dite garantie.
M. le Président, comme vous le savez, dans le monde de
l'éducation il y a une situation un peu spéciale en ce qui
concerne, entre autres, les conventions collectives et les façons d'en
arriver là. En novembre 1969, nous avons signé avec la partie
syndicale une entente provinciale. Cette entente-là a été
signée par la CEQ, la PACT, la PAPT, le gouvernement et les deux
fédérations de commissions scolaires. Elle liait donc tous ces
organismes provinciaux mais, du même coup, elle liait aussi les syndicats
et les commissions scolaires qui appartiennent tous à ces organismes que
je viens de mentionner. C'est une première série de
signatures.
Par la suite, toutes les commissions scolaires et tous les syndicats
d'enseignants ont signé localement la même entente qui est devenue
une convention collective. Elles ont toutes signé et elles ont
déposé cette entente comme telle au ministère du Travail.
Cela devenait une convention collective. Cela liait tous les syndicats et
toutes les commissions scolaires.
A un autre moment, vous savez, M. le Président, que les
enseignants au Québec ont tous des engagements annuels. C'est une
troisième série de signatures. Alors qu'en droit du travail,
normalement, une seule signature, soit celle de la convention collective,
suffit pour lier les personnes, voilà, que pour nous, trois signatures
ne lient personne. Nous avons découvert cela au mois de janvier. Devant
ces grèves illégales, nous pouvons appeler cela des bris de
contrats, la partie patronale se pose de sérieuses questions sur la
valeur des signatures qui ne lient qu'un seul côté. D'autant plus
que toutes ces choses arrivent dans le monde de l'éducation. Je ferai
remarquer aux membres de la commission que cela fait sept ans, au
Québec, que nous n'avons pas eu la paix dans le monde de
l'éducation.
Cette fois-ci, nous avions une convention collective qui était
censée durer 18 mois ouvrables. Cela n'a pas duré. Il y en a eu
des bris de contrats cette année.
Ce qui est plus grave, c'est que l'an passé il y en a eu aussi.
Mais l'an passé, ce n'était pas la clause relative au
fonctionnement du comité qu'on n'aimait pas; c'était une clause
de présence à l'école, une clause voulant que les
professeurs soient présents à l'école en même temps
que les élèves.
On n'aimait pas cette clause; donc, on est sorti dans la rue. Cette
année, le fonctionnement du comité, on n'aime pas cela; on sort
dans la rue. Nous nous demandons maintenant quelle sera la clause l'an
prochain. Nous essayons de regarder cela tout de suite pour essayer de le
prévenir.
Le problème, M. le Président, d'après nous se
rattache aux deux points suivants. Premièrement, des
récupérations de salaire qui ont été faites. II est
vrai qu'il y a eu des récupérations de salaire. Il n'y en a pas
eu une tonne, mais il y en a eu. Je veux faire remarquer cependant que ces
récupérations de salaire ont été faites dans le
cadre de la convention collective actuelle.
D'autre part, j'aimerais apporter tout de suite une précision ou
une correction, en ce qui concerne les récupérations de salaire
faites à la CECM. On a fait grand état du problème actuel,
au début, en ce qui concerne la CECM. Les récupérations
à la CECM sont de trois ordres.
Les premières, ce sont les récupérations qui ont
été faites pour des enseignants qui auraient épuisé
leur caisse de congés de maladie. La caisse étant
épuisée, il est évident que lorsqu'il n'y a plus de
congés de maladie, on coupe le salaire. C'est une première
catégorie. Il faut remarquer que cela n'a aucun rapport avec la
classification. A un moment donné, les gens ont tout mis dans le
même tas.
Les deuxièmes, M. le Président, sont les
récupérations qui ont été faites pour des avances.
Il y a eu des avances faites à la CECM avant la signature de la
convention actuelle et il y a eu, dans ces avances, des salaires versés
à des personnes qui n'y avaient pas droit. Tout le monde était
d'accord que s'il y avait des erreurs, la CECM reprenait ces avances. Cela n'a
donc encore une fois, M. le Président, aucun rapport avec la
classification.
Les troisièmes, ce sont les récupérations pour
traitements payés en trop, à des enseignants dont les
diplômes et brevets avaient été inscrits à l'entente
provinciale. Cela peut avoir un rapport indirect. Ce ne sont pas des avances,
c'est par rapport à la classification comme telle de l'entente.
Je ferais remarquer qu'à ce point de l'entente il y a eu $60,871
de récupérations à la CECM. Mais la clause en vertu de
laquelle on récupérait a donné aux enseignants, à
la même époque, $700,000. On n'a pas parlé des $700,000,
j'aime le souligner.
Le deuxième point du problème actuel est, d'après
nous, un fonctionnement que nous pourrions qualifier de trop lent du
comité provincial de classification.
Avant d'exposer ce que j'ai à dire sur ce point, j'aimerais
expliquer sommairement ce qu'est le comité provincial, tel qu'il
était prévu dans l'entente. Sa composition était la
suivante: trois représentants des organismes syndicaux, trois
représentants des organismes patronaux et, de plus, un président.
Ce qui faisait sept membres. Quelles étaient les fonctions de ce
comité? En résumé, ce comité devait
décider de la classification des instituteurs. Pour ce faire, il devait
appliquer deux choses: premièrement, la convention collective comme
telle, à l'article 6-1, dans les cas où les catégories des
diplômes et brevets étaient inscrites comme telles. Prenons, par
exemple, un brevet C dans la convention collective, sa catégorie de
salaire était inscrite comme telle à douze ans; pour un brevet B,
c'était treize ans; pour un brevet supérieur, garçons,
après la page 40, c'était quatroze ans; pour un brevet A,
c'était quinze ans; pour un BA, c'était quinze ans, et pour un BA
accompagné d'un brevet A, c'était seize ans. A ce sujet, M. le
Président, le comité provincial de classification n'avait aucun
pouvoir de changer ces catégories. D'ailleurs, il ne l'a pas fait, parce
que cela avait été négocié et accepté comme
tel.
Deuxièmement, il devait classifier, en vertu du règlement
numéro 5, uniquement. Certaines gens parlent du règlement
numéro 4, j'aimerais dire immédiatement que le règlement
numéro 4 n'a strictement rien à voir dans les discussions
actuelles.
Le comité devait classifier ceux qui ne l'étaient pas
déjà par la convention et uniquement ceux-là. Il devait
faire cela en vertu du règlement numéro 5. Ce règlement
lui donnait des critères généraux si on peut
appeler cela ainsi pour en arriver à une classification uniforme
au niveau du Québec.
Quels étaient les pouvoirs des membres du comité
provincial? M. le Président, si les six membres représentant les
organismes arrivaient à une décision unanime je dis bien
unanime, cela suppose six à ce moment-là, cette
décision était finale. Cependant, dès qu'il y avait
dissension ou non-unanimité, c'est le président qui
décidait. Des malins ont dit que c'était un comité plus ou
moins consultatif, parce qu'il décidait en cas d'unanimité; dans
les autres cas, le président décidait après avoir
consulté les membres du comité.
Après ce court exposé sur le comité lui-même,
j'aimerais expliquer ce qu'on entend par un fonctionnement trop lent du
comité. Cela dépend, disons, de plusieurs facteurs. Tout d'abord,
les parties là, ce n'est pas le comité qui est en cause,
mais les six parties ont eu de la difficulté à s'entendre
au sujet du président du comité. Elles se sont entendues sur les
noms de cinq personnes, à des époques différentes.
Malheureusement, chaque fois qu'il y avait entente sur une personne, la
personne en question nous disait, deux, trois semaines ou une semaine plus
tard, qu'elle n'acceptait pas. Tout cela donnait des délais.
Résultat: le 7 mai 1970, M. Rossignol a été nommé
par le premier président du tribunal d'arbitrage comme président
du comité de classification. Ce fonctionnement était
prévu, M. le Président, à l'intérieur même de
la convention.
La convention disait que, si les parties ne s'entendaient pas, un
arbitrage désignerait qui est président. Les parties ont donc
fait un effort cinq fois et, à un moment donné, comme ça
ne marchait plus, elles sont allées à l'arbitrage et M. Rossignol
a été désigné.
Je note immédiatement que le comité avait comme
tâche d'appliquer la convention et le règlement numéro 5
pour classifier les enseignants. Il semble qu'il ait perdu un temps
précieux en tentant de négocier le règlement numéro
5 au lieu de l'appliquer. Ce sont deux philosophies très
différentes. Si j'ai des normes que j'accepte comme bonnes et que je les
applique, cela va relativement bien. Mais si je dis, avant de partir: Les
normes ne sont pas bonnes, il faut donc que je négocie le
règlement; je ne l'applique pas. C'est plus difficile et c'est plus
long.
Pour nous, le problème qui se pose est de savoir qui va faire le
travail que faisait auparavant le comité provincial de classification,
parce qu'il y a quelqu'un qui doit le faire, ce travail, cela, dans un temps
relativement court. En effet, il est très important, M. le
Président, que les enseignants soient classifiés rapidement et
d'une façon définitive. C'est un problème qui date
déjà de quelques années. Il est important qu'on ait des
décisions finales et rapides pour les 70,000 enseignants du
Québec.
Nous voulons faire cette classification d'après des règles
déjà convenues. Or, ces règles sont la classification
comme telle à l'entente et le règlement numéro 5, parce
que, lui aussi, il fait partie de l'entente. C'est inscrit comme tel. Il nous
faut des règles de base. Il ne s'agit pas de changer les règles
du jeu et d'obtenir ainsi des salaires supérieurs d'une façon
déguisée. Les principes de la classification sont inscrits. Il
s'agit de savoir qui va faire le travail du comité. Il devra le faire
rapidement, mais en suivant des règles déjà
établies.
M. le Président, nous pensons que l'entente provinciale
elle-même permet de régler ce problème, à l'article
9.04, entre autres; elle permet de le régler sans heurts et sans
grèves. Nous sommes disposés à régler le
problème dans le cadre de la convention actuelle. Là-dessus, je
ferai remarquer que la convention actuelle ne donne aucune ouverture au droit
de grève. Il s'agit pour nous d'un problème d'application de
convention collective, ce qui est fort différent d'un problème de
renouvellement de convention. La partie patronale n'a pas l'intention, alors
que la convention est terminée, de la négocier
rétroactivement à trois ans. Il s'agit de faire des ajustements
à des clauses qui fonctionnent plus ou moins bien. J'en ai parlé
tantôt. Nous sommes prêts à essayer de trouver des
mécanismes qui vont ajuster cela.
La partie patronale, par l'entente, a engagé une masse
monétaire. Elle s'est engagée à verser des salaires selon
des règles de scolarité réelles et non pas selon une
scolarité surévaluée artificiellement. Il ne s'agit pas
pour nous d'accroître cette masse déjà impressionnante, ni
d'accroître les salaires par n'importe quel étalon de mesure.
Maintenant que j'ai situé ce qui était pour nous le
problème, j'aimerais parler des offres que nous avons faites jusqu'ici
pour le régler. Nous avons fait des offres les 12, 13 et 16
février 1971.
Premièrement, nous avons offert un remboursement intégral
des réclamations de salaire faites en 1969-1970 et 1970-1971 comme suite
à l'évaluation provisoire de la scolarité.
Deuxièmement, la partie patronale a offert le traitement garanti,
quelle que soit la scolarité réelle de l'enseignant;
indépendamment de toute classification, nous avons offert le traitement
garanti. Il s'agit du traitement au 30 juin 1970, ou postérieurement
s'il y a eu augmentation de salaire depuis cette date.
La partie patronale s'est engagée à ne faire aucune
réclamation de salaire, par suite de l'évaluation provisoire de
la scolarité, quelle que soit la scolarité réelle de
l'enseignant, encore une fois.
Quatrièmement, nous avons offert un mécanisme permettant
une classification définitive de tous les enseignants d'ici le 1er
septembre 1971. Ceci a été fait, justement, en vue de corriger
les lenteurs du comité provincial de classification.
De plus, nous avons offert la rétroactivité
complète. Ceci veut dire, M. le Président, que si la
classification définitive donne droit à un salaire
supérieur, l'enseignant recevra son salaire rétroactivement au
1er juillet 1968, s'il y a lieu. D'autre part, si cette classification
définitive donne droit à un salaire inférieur à
celui qu'il a reçu, nous lui disons qu'aucune somme ne lui sera
réclamée.
Nous avons aussi offert, M. le Président, tel qu'on nous l'a
demandé à la table et devant les tribunaux de droit commun,
d'annuler toutes les décisions du comité provincial de
classification. Nous sommes prêts à les annuler toutes, de la
première à la dernière, pour, justement, faire effectuer
le travail par l'organisme dont j'ai parlé tantôt.
Finalement, la partie patronale est prête à négocier
immédiatement la prochaine entente, dès le règlement du
présent litige.
J'aimerais, M. le Président, vous exposer un peu ce qui s'est
produit en ce qui concerne les demandes syndicales, il appartiendra au
syndicat de les formuler commes telles j'aimerais exposer sommairement
certains points de leurs demandes.
Le 26 janvier 1971, nous avions une demande de scolarité dite
garantie. On nous demandait, M. le Président, de payer les instituteurs
selon la plus avantageuse des catégories suivantes, pour la durée
de la convention, c'est-à- dire, en retournant trois ans en
arrière: soit la catégorie des articles 5 et 6 du bill 25; soit
la catégorie de l'article 7 du bill 25; soit la catégorie de
l'article 9 du bill 25; soit la catégorie de la convention collective
1966-1967; soit la catégorie de la convention collective 1967-1968; soit
celle de la conven- tion collective 1968-1969; soit la catégorie de la
classification provisoire effectuée selon les articles 6-2.09, 6-2.10 et
6-2.11; soit la catégorie de classification provisoire effectuée
selon l'article 10-5.02 d); soit la catégorie inscrite à
l'article 6-1; soit, M. le Président, pour le nouvel instituteur
engagé, la catégorie qu'il avait dans son ancienne convention.
Seulement, cet article représente, pour la CECM, le besoin d'avoir
quelque chose comme 300 à 400 conventions pour administrer son affaire.
Des gens ont parlé de la meilleure catégorie depuis la
Confédération, M. le Président.
A la fin de tout cela, on nous a précisé que ces demandes
pouvaient être modifiées, qu'elles n'étaient pas toutes
approuvées par les corporations et que l'on n'était pas sûr
s'il n'y avait pas autre chose.
C'est vrai, mais de toute façon, ce n'était pas certain.
Tout de suite après, M. le Président, il y a eu des grèves
illégales jusqu'au 12 février. Les 12 et 13, nous avons fait les
offres que je vous ai mentionnées et, le 13, dans l'après-midi,
nous avons reçu des demandes différentes de scolarité dite
garantie. Je ne reprendrai pas tout. Je les ai, mais ce serait trop long. En
tout cas, la demande de scolarité garantie était modifiée
une autre fois. On nous demandait, entre autres, soit la scolarité des
décisions du comité provincial, soit plusieurs autres
classifications. Mais, en même temps, on nous demandait d'annuler les
décisions. Alors, nous annulons les décisions. Mais si elles sont
plus avantageuses, elles restent là. Elles partent, mais elles ne
partent pas. Le 16 février, nous avons fait de nouvelles offres puis, il
y a eu des grèves jusqu'au 25 février 1971.
Mercredi, le 25 février, M. le Président, la CEQ s'est
opposée à la commission parlementaire proposée par le
gouvernement et elle a enjoint ses membres de demeurer au travail dans le but
de permettre la reprise immédiate des discussions. Nous avons repris ces
discussions devant cet effort valable et louable. Nous avons entrepris les
discussions dès le lendemain matin. A ce moment-là, nous avons
reçu des demandes nouvelles des corporations d'enseignants. Mais ces
demandes-là, au dire même des négociateurs syndicaux,
n'étaient pas complètes, surtout en ce qui concerne l'aspect
monétaire, à savoir les salaires et la classification.
Vendredi midi, le 26, nous apprenons par la radio que l'une des
corporations, à savoir la CEQ, fait de nouvelles demandes plus
exigeantes et nouvelles par rapport à celles que nous avions
reçues la veille. Nous nous rendons à la table dans
l'après-midi même. On répond aux demandes que nous avons
reçues par la radio et par une seule des trois corporations; mais cette
fois, nous demandons une position écrite, conjointe et complète
des trois corporations. La partie syndicale accepte cela. Elle trouve cela
normal. On nous dit qu'on va communiquer avec nous dès qu'on aura cela
en main.
M. le Président, lundi j'étais à vendredi
nous apprenons toujours par la voie des media d'information que l'une
des corporations d'enseignants, à savoir la CEQ, nous fait d'autres
demandes plus exigeantes que celles qu'elle avait demandées par la
radio, le vendredi. Lundi, nous n'avions pas reçu la communication que
nous attendions de la part de la partie syndicale et en vertu de ladite
communication on était censé nous communiquer les demandes
communes des trois corporations. Nous leur avons écrit, leur demandant
si, effectivement, on avait une position commune et quand on nous la
soumettrait; deuxièmement, si les corporations d'enseignants
étaient toujours disposées à enjoindre leurs membres de
demeurer au travail. Nous n'avons jamais reçu de réponse. Devant
toutes ces demandes qui, jusqu'à certaines époques ont
varié même de jour en jour, nous nous sommes formé une
certaine idée sur la scolarité garantie. Mais nous ne sommes pas
sûrs. Nous ne savons pas exactement ce qu'elles veulent.
Mais si c'est la scolarité garantie, tel que je l'ai
mentionné au début, la partie patronale n'est aucunement
disposée à l'accorder, pour les motifs suivants:
Premièrement, elle remet en cause ce qu'on convient d'appeler la
circulaire du 14 octobre 1966; elle remet en cause le bill 25 lui-même;
elle remet en cause toute l'entente provinciale.
Deuxième motif: elle empêche la parité de salaire.
On a entendu dire que des syndicats voulaient la parité de salaire. Mais
la demande que nous avons, nous, dans l'éducation empêche la
parité de salaire et de ce fait recrée rétroactivement
à juin 1966 des disparités jugées inacceptables par tout
le monde, y compris les corporations d'enseignants, à cette
époque-là. Tout le monde, en 1966, trouvait devant la
situation que ça n'avait pas de bon sens, les disparités
qui existaient dans les salaires. La demande que nous avons nous reporte
à cette époque-là. Elle recrée de ce fait des
injustices à l'égard des enseignants.
Dorénavant, si cette demande était acceptée,
à brevets identiques, les salaires ne seraient plus identiques. Tous ont
dénoncé ces injustices qui, une fois pour toutes, avaient
été réglées par le bill 25 et la convention
provinciale. Depuis juillet 1970, c'est la première fois au
Québec que la parité de salaire est atteinte. Le rattrapage a
fini en juillet 1970. Là nous l'avons, la parité de salaire.
Autre motif pour lequel nous ne pouvons accéder à cette
demande, c'est que c'est une planification vers le passé. D'habitude
c'est vers le futur, mais là c'est vers le passé. Cela implique
des sommes impressionnantes et difficiles à évaluer.
Un autre motif, c'est une demande à peu près impossible
à réaliser sur le plan administratif. Même si les gens
voulaient le faire, ce n'est à peu près pas possible sur le plan
administratif. Il faudrait remonter à juin 1966 et recréer de
toutes pièces les désordres qui existaient alors dans la
rémunération des enseignants. Il faudrait prendre tout ce qui
s'est fait depuis 1966, examiner ça, papier par papier, et essayer de
trouver le plus avantageux.
En résumé, nous disons que c'est une demande, non pas de
scolarité garantie, mais plutôt de disparité garantie. Avec
votre permission, nous aimerions distribuer tout à l'heure aux membres
de la commission certains documents que nous avons préparés.
Je vais vous faire un court exposé maintenant, en égard
aux demandes de scolarité garantie, pour essayer d'expliquer aux membres
de la commission pourquoi nous refusons. J'ai donné des motifs
généraux et je vais essayer d'expliquer ça au moyen de
tableaux, dans les faits. Ces tableaux seront dans le paquet qu'on distribuera
tout à l'heure.
Seulement à titre d'exemple. Autrefois, il existait quand
je dis autrefois, je parle de l'année scolaire 1965-1966 il y a
des gens qui, à ce moment-là, se sont aperçus que les
enseignants ne recevaient pas le même salaire, même s'ils avaient
les mêmes qualifications et même s'ils fournissaient le même
travail.
En 1965-1966, certains ont fait des tableaux, et cela n'avait pas
d'allure au point de vue des traitements. C'était la disparité
totale. Nous l'avons constaté, à cette époque, en prenant
l'exemple d'un instituteur de troisième année qui avait les
mêmes qualifications, le même brevet et il n'avait pas le
même salaire qu'un autre instituteur de troisième année qui
enseignait aux mêmes enfants les mêmes matières. Cet
enseignant avait les mêmes qualifications et les mêmes brevets. Les
gars avaient tous la même chose, sauf le salaire. Ils faisaient tous le
même travail, tous avaient les mêmes qualifications mais ils
n'avaient pas les mêmes salaires.
Cet état de choses était dû à des
critères disparates de rémunération des enseignants. Un de
ces critères était le sexe. Les femmes, en règle
générale, recevaient beaucoup moins que les hommes. Je donne un
exemple vous pourrez en prendre d'autres dans les tableaux
à Magog une femme recevait $4,350; un homme $5,700. Il y avait $1,300 de
différence avec les mêmes brevets, les mêmes qualifications,
le même travail. Le sexe valait cela comme différence.
Un autre critère de paiement était le fait d'enseigner
dans une locale plutôt que dans une régionale. Même si cela
était dans le même territoire, les gars pouvaient enseigner dans
la même ville mais ils n'avaient pas le même salaire; un
était engagé par des commissaires régionaux et l'autre par
des commissaires locaux. Cela n'avait pas d'allure non plus. Je donne un
exemple qui a rapport à ce cas. Une institutrice engagée par la
locale de Rimouski recevait $3,000, en 1965-1966. Comparons-la à une
institutrice engagée par la Régionale du Bas-Saint-Laurent, dont
le siège social est à Rimouski. Elles enseignaient toutes les
deux à Rimouski, mais l'institutrice de la régionale
avait $4,100. Il y avait une différence de $1,100 entre les deux.
Ce sont deux institutrices. L'écart est beaucoup plus grand entre
instituteurs et institutrices. Les $1,100 sont dus aux liens d'emploi.
C'était la régionale plutôt que la locale.
Un autre critère qui jouait énormément était
le territoire, le fait d'enseigner dans des locales d'un territoire
différent. Par exemple, l'institutrice de Rimouski, à sa
cinquième année d'expérience, recevait $3,000. Celle de
Jacques-Cartier, ayant les mêmes années d'expérience,
recevait $5,300. Il y avait $2,300 de différence, pour enseigner toutes
les deux en troisième année avec le même brevet et le
même diplôme. 0 y avait aussi des disparités dues aux
catégories de salaires comme telles. Ainsi, par exemple là
on s'approche de la scolarité garantie prenons la CECM, à
Verdun. J'ai pris Verdun, c'est volontaire parce que c'est une ville dans le
centre de Montréal. Un instituteur ayant un brevet et travaillant
à Verdun gagnait $250 de plus que celui de Montréal. Ils avaient
tous les deux le même brevet. A Verdun, ce brevet rapportait $250 de
plus. Cependant, même si cela rapportait $250 de plus, il reste
qu'à Verdun l'instituteur était classifié un an plus bas
qu'à Montréal.
Parce qu'à Montréal, un brevet académique
était dans la catégorie 13, et à Verdun, il était
dans la catégorie 12. Mais la catégorie 12 de Verdun avait $250
de plus que celle de la catégorie 13 de Montréal. Alors, quand on
nous parle de droits acquis, M. le Président, je pense bien que...
Comparons maintenant le même brevet entre Verdun et Mont-Joli. A
Verdun, on trouvait la catégorie 12, tandis qu'à Mont-Joli, on
était dans la catégorie 14, c'est un beau chiffre, excepté
qu'on n'avait pas de salaire à 14.
L'institutrice de Mont-Joli gagnait $4,600, et celle de Verdun gagnait
$5,750. Il y avait une différence de $1,150 en faveur de Verdun.
Pourtant à Mont-Joli on était classifié 2 ans plus haut.
Il reste que ça donnait $1,150 de moins.
Devant cet état de fait que tout le monde avait constaté
à l'époque de 1965-1966, des mesures ont été
adoptées pour faire disparaître ces inégalités de
salaire. Les trois principales mesures sont: la circulaire du 14 octobre 1966,
la loi 25 de février 1967 et la convention provinciale de novembre
1969.
Ces trois mesures ont un même objectif: la parité de
salaire. C'est ça l'objectif des trois. Nous avions
décidé, et c'est l'esprit qui procède de ces trois
mesures, de payer tous les professeurs selon leur scolarité et leur
expérience. L'objectif était: à scolarité et
expérience égales, salaire égal.
En ce qui concerne l'expérience, il était prévu
qu'un enseignant peut augmenter son salaire pendant 15 ans en raison,
uniquement, de l'acquisition de l'expérience. Nous soulignons que, dans
l'établissement des salaires, c'est peut-être la seule profession
où l'expérience peut être monnayée aussi
longtemps.
Quant à la scolarité, M. le Président, le
deuxième facteur servant à établir le salaire, c'est une
unité de mesure basée sur un postulat bien simple: il faut
connaître pour transmettre. Les gens ont cru, à un moment
donné, que ce serait peut-être mieux de payer les gens
d'après leurs connaissances, puisque s'ils en connaissent plus, ils ont
plus de chances d'en transmettre davantage ou de mieux transmettre.
Dans ce but-là, les parties ont convenu par l'entente provinciale
un système provincial de classification des instituteurs. Elles ont
convenu que la classification se ferait à partir du règlement no
5, qui comporte des critères objectifs de classification, à
savoir les années de scolarité normales requises pour l'obtention
au Québec d'un diplôme ou d'un brevet d'enseignement.
C'est la base du système uniforme, tous les critères y
sont mentionnés; il ne reste, M. le Président, qu'à les
appliquer. Il reste à trouver quelqu'un qui va les appliquer une fois
pour toutes. Deuxièmement, elles ont aussi convenu par convention, de la
classification définitive de certains diplômes ou de certains
brevets. C'est la liste à laquelle j'ai fait allusion tantôt. M.
le Président, dans ces classifications de diplômes et de brevets,
on nous dit qu'il est possible qu'il y ait de 20,000 à 25,000 cas
déjà réglés dans les classifications
déjà faites par la convention.
Les trois mesures dont j'ai parlé tantôt, à savoir
la circulaire, le bill 25 et la convention, permettaient, M. le
Président toujours avec comme objectif la parité de
salaires à plus de 40,000 professeurs et à la plupart des
institutrices d'effectuer un rattrapage salarial en touchant des hausses de
$1000 à $1400. C'était le bill 25 que je prenais comme
exemple.
La convention provinciale permet aussi ce rattrapage qui est
terminé maintenant depuis le 1er juillet 1970. Depuis cette date, tous
les instituteurs du Québec ont le même salaire, sauf ceux qui ont
des privilèges, ce que nous pouvons appeler des droits acquis, ou ceux
qui en avaient plus avant qui continuent à en garder plus avec un
forfaitaire qui s'ajoute à cela.
Alors, la parité par la base est faite; le rattrapage est
terminé. Tout ce qui reste de disparité maintenant, M. le
Président, ce sont des enseignants qui gagnent plus à cause de
protections individuelles permises par la convention.
Les objectifs dont j'ai parlé tantôt, à savoir la
parité M. le Président, j'aimerais le souligner avant de
terminer tout le monde à l'époque était d'accord
sur cela; c'était urgent que cela se fasse. Le Conseil supérieur
en a parlé. Je vais tout simplement citer l'extrait, à la page
299, Conseil supérieur 1965/66 et 1966/67. La CEQ, alors qu'elle a
été consultée en vertu de l'article 13 du bill 25,
était d'accord. Elle a recommandé au gouvernement que la
négociation se fasse au niveau provincial et cela pour toutes les
clauses de la convention. Elle était nécessairement d'accord sur
les objectifs de parité salariale. D'ailleurs, le président de la
CEQ à
l'époque l'a répété à maintes
reprises; c'est une position connue de cette centrale à venir jusqu'aux
demandes de scolarité garantie. On était d'accord M. le
Président, sur la parité jusqu'à ce qu'on l'atteigne. Le
jour où on l'a obtenue, on a dit: Ce n'est plus cela qu'on veut. On veut
la disparité. Je m'en vais là, mais probablement que, lorsqu'on
aura eu la disparité, on fera d'autres tableaux et on dira: Voyez, cela
n'a pas d'allure, donnez-nous la parité!
M. le Président, il y a aussi un autre document dans ce que nous
distribuerons tantôt que j'aimerais commenter un peu. Je prends l'exemple
de la CECM par rapport à Verdun. Comme je l'ai dit tantôt, un
brevet, autrefois, à la CECM, était classé à treize
ans. Le même brevet était classé à douze ans
à Verdun. Et pourtant, l'enseignant de Verdun, même s'il
était classé à douze ans, recevait $250 de plus. M. le
Président, ce qu'on nous demande aujourd'hui cela apparaît
dans les chiffres que nous avons produits c'est la scolarité dite
garantie. On veut les treize ans de Montréal, mais avec les salaires de
la convention; pas le vieux salaire, mais le nouveau salaire. La vieille
classification, mais le nouveau salaire.
On nous demande de donner au professeur qui a un brevet $530 de plus
à Montréal qu'à Verdun. C'est l'inverse. En 1965-1966
Verdun avait plus et tout le monde a dit que cela n'avait pas d'allure, mais
aujourd'hui on nous demande l'inverse. Il faut que Montréal ait plus que
Verdun. Si ce n'était pas justifiable, M. le Président, que
Verdun ait plus que Montréal pourquoi Montréal aurait-elle plus
que Verdun aujourd'hui?
J'ai un autre exemple, encore plus frappant, quand je compare Verdun
avec Mont-Joli. Toujours pour le même brevet, à Mont-Joli un
enseignant était dans la catégorie 14. La femme de Mont-Joli
recevait, dans cette catégorie, $4,600 tandis qu'à Verdun elle
était dans la catégorie 12, mais recevait $5,750,
c'est-à-dire $1,150 de plus qu'à Mont-Joli. Aujourd'hui, avec la
demande que nous avons, on nous dit: La scolarité garantie, le petit
chef qui avait 14 à Mont-Joli, c'est cela qu'on veut. Mais avec le
nouveau salaire, ce qui est exactement l'inverse, M. le Président,
à Mont-Joli on aurait $1,150 de plus qu'à Verdun. La partie
patronale ne voit vraiment pas comment elle pourrait accepter des choses
semblables.
En terminant, j'aimerais souligner que nous sommes prêts à
régler les problèmes actuels dans le cadre de la convention
collective.
M. LE PRESIDENT: Je vous remercie, M. Denis Sirois. Si M. Sirois et les
autres intervenants veulent demeurer disponibles, nous allons d'abord entendre,
chacun son tour, les opinants et par la suite les membres de la commission
poseront les questions opportunes. J'invite M. Charbonneau à nous faire
ses représentations.
Un peu de silence, s'il vous plaît, afin de permettre à M.
Charbonneau de nous dire d'abord ses fonctions.
Corporation des enseignants Partie syndicale
M. CHARBONNEAU: Depuis le mois d'août, je suis le président
de la CEQ. Et depuis dix ans que je suis dans l'enseignement, j'ai la
catégorie 18. Je ne suis pas personnellement menacé de
déclassification.
Je voudrais, M. le Président, qu'on nous accorde quelques
instants pour permettre aux membres de la commission parlementaire de prendre
connaissance de l'ensemble des pièces que nous leur avons
déposées dans un dossier. Je vais énumérer ces
pièces. Nous avons inclus dans cette chemise un dossier
"classification", qui est exactement le même que celui que nous avons
produit pour nos officiers, nos membres et la presse.
Ce dossier contient les principales pièces, les principaux
documents qui font étape dans toute cette histoire de la classification.
Vous serez à même de voir jusqu'à quel point nous avons
tronqué ou biaisé l'information, n'est-ce pas? De plus, nous
avons inclus un dossier spécial d'information que nous avons
imprimé pour chacun de nos membres. Vous pourrez, en le feuilletant,
voir quel soin nous avons pris à décrire avec précision
tout le fonctionnement du mécanisme de classification et ses
répercussions éventuelles. Nous avons trouvé que le
meilleur argument, quant à nous, était de décrire les
offres patronales avec beaucoup de soin dans la page 8, l'avant-dernière
page. Nous avons d'ailleurs accordé plus d'espace aux offres patronales
qu'à nos propres propositions, étant donné que, pour nous,
ceci faisait mieux la preuve que la situation était inacceptable.
M. LE PRESIDENT: Page des décès. M. CHARBONNEAU: Page des
décès?
M. LE PRESIDENT: C'est-à-dire, à la page 8, la
dernière.
M. CHARBONNEAU: Oui, vous avez raison; M. le Président, je ne
peux faire autrement que de vous donner raison en ce préambule. Vous
avez aussi d'autres documents, qui sont nos plus récents
communiqués sur la situation; nous donnons notre conception sur le
gouvernement en tant qu'employeur et aussi la raison pour laquelle nous avons
été forcés de réclamer la réunion de la
commission parlementaire pour faire plus de lumière dans cette
affaire.
Nous avons aussi inclus toutes les décisions du comité
provincial de classification, document très technique que vous allez
retrouver. Nous avons joint un dossier qui nous vient de l'Alliance de
Montréal et qui décrit exactement quels sont les effets de la
classification ou reclassification pour les enseignants de ce syndicat. Enfin,
nous avons joint de nouveau à cet envoi la lettre que j'adressais
moi-même aux membres de l'Assemblée nationale, en date du
23 Janvier, qui, d'après nous, résume à grands
traits ce débat. Puisque nous sommes devant une commission
parlementaire, M. le Président, je vais commencer par vous dire en
quelques mots ce que nous espérons de notre venue ici.
Le conflit sur la classification des enseignants, qui, aux yeux de
certains, a dégénéré en une crise scolaire grave,
en est arrivé, à notre point de vue, à une
véritable impasse. Sans croire aux miracles d'une commission
parlementaire, la Corporation des enseignants est tout de même d'avis
que, dans les circonstances, un tel recours peut nous permettre de formuler les
questions de fond, de situer le débat au-delà de la technique,
là où il se doit d'être maintenant.
Disons qu'au point de départ, tout de même, il nous aurait
semblé plus normal que le gouvernement convoque la commission
parlementaire de l'Education plutôt que celle de la Fonction publique. En
effet, le ministre de la Fonction publique, qui est un des signataires de notre
entente provinciale, en convoquant sa propre commission parlementaire, se place
dans une situation quelque peu délicate, puisqu'il est appelé par
la force des choses à être témoin de ce que les parties ont
à dire, tout en étant lui-même une partie qui a quelque
chose à dire ou, en tout cas, qui a eu quelque chose à dire en
février. La commission parlementaire de l'Education aurait
été une instance plus appropriée pour toucher le fond du
débat, puisque toute cette question est reliée de très
près à l'évolution du contexte scolaire depuis 1966, comme
l'a dit M. Sirois. Il va sans dire, tout de même que nous constatons avec
satisfaction l'addition récente ou la venue du ministre de l'Education
aux travaux de cette commission parlementaire, qui rassemble, en outre, deux
anciens ministres de l'Education et qui fait place aux représentants de
deux formations politiques que nous n'avions pas eu l'occasion de rencontrer
lors de nos comparutions antérieures devant d'autres commissions
parlementaires.
M. CARDINAL: C'est presqu'un conventum.
M. CHARBONNEAU: Nul doute qu'ainsi constituée, la commission
parlementaire nous permettrait tout de même d'aller au fond des choses et
ne se contenterait pas de nous faire parler de mécanismes ou de
techniques de relations de travail.
Ici, nous devons marquer une certaine inquiétude devant les
propos ou l'orientation que le ministre L'Allier a semblé vouloir donner
à la commission parlementaire de la Fonction publique dans son
allocution du mardi 2 mars, devant l'Assemblée nationale. Tout en
convoquant la commission parlementaire et en recevant l'appui des partis de
l'Opposition, M. L'Allier a tenu à encadrer de la façon suivante
le travail de cette commission. Je cite ses propos: "A l'occasion de la
commission parlementaire, dit-il, sera sûrement abordé le fond
d'un certain nombre de questions,mais ce n'est pas le but premier de cette
commission." Et ensuite, le ministre parle de grève illégale, de
difficulté de rencontre entre les parties, de difficulté
intersyndicale, et il dit souhaiter que la commission parlementaire fasse la
lumière sur toutes ces questions. "Tout au plus, poursuit-il, la
commission pourra-t-elle, à mon avis, suggérer des
mécanismes pour que les parties puissent continuer à
s'intéresser davantage au classement, aux élèves,
plutôt qu'à des problèmes qui seraient propres à
l'une ou l'autre des parties et qui n'auraient rien à voir avec les
problèmes réels".
Quant à la partie syndicale, M. le Président, elle
espère vraiment que le débat que nous aurons devant cette
commission parlementaire permettra non seulement d'échanger de
l'information, objectif que nous partageons avec le ministre L'Allier, mais
permettra à tous de se faire une idée réelle des
intentions profondes de la partie patronale et du gouvernement dans toute cette
affaire. Nous sommes venus ici parce que ce litige, qui était à
l'origine un problème de relations de travail, une question technique,
est devenu, depuis les deux derniers mois, un problème majeur qui touche
toute notre société. A la suite des événements
survenus depuis deux mois au sujet de la classification des enseignants, nous
pouvons affirmer que ce problème a fait surgir un malaise psychologique
profond chez plusieurs groupes de notre société: enseignants,
parents, étudiants et autres groupes de travailleurs, même. Et
l'attitude globale de la partie patronale, tout au long de cette affaire, n'a
pas été sans nous rappeler le bon temps où un premier
ministre disait que la reine ne négocie pas avec ses sujets.
Actuellement, la partie syndicale estime que la négociation ne
lui a pas fourni et ne peut plus lui fournir par elle seule de réponses
satisfaisantes aux questions de fond qui sont en cause, et la CEQ s'attend que,
dans les prochaines heures, devant cette commission parlementaire, le
gouvernement dise clairement comment, en tant qu'employeur, il entend jouer son
rôle sur la classification ou quant à la classification des
enseignants.
C'est pourquoi, pour notre part, nous nous opposerons à ce que le
débat ne s'en tienne qu'au niveau des mécanismes de relations de
travail, des querelles de juridiction ou des analyses subtiles ou
stériles de textes des offres patronales ou syndicales seulement. Pour
nous, même si nous admettons, avec le ministre de la Fonction publique,
qu'une commission parlementaire n'est pas un lieu de négociations en
soi, nous ne pouvons accepter cette orientation qui consiste à minimiser
le travail de la commission et en restreindre la portée au niveau des
recettes et des bons conseils.
Le gouvernement a-t-il, oui ou non, une pensée précise en
matière de relations de travail avec ses enseignants? Comment
entend-t-il prendre ses responsabilités comme employeur et comme partie
à la convention collective?
Comment entend-t-il donner suite à l'insatisfaction que ses
représentants ou que ses dirigeants ont exprimée quant au
fonctionnement du comité de classification? Comment entend-t-il
remédier à cette insatisfaction qui n'était pas que celle
des enseignants, comme l'a noté tout de même M. L'Allier dans son
introduction? La partie patronale a-t-elle des orientations de fond quant
à la négociabilité du classement des enseignants? Et les
deux ministres de l'Education et de la Fonction publique veulent-ils vraiment
donner le mandat à leurs porte-parole de régler cette question
par la libre voie de la négociation?
Quand la partie patronale ou le gouvernement auront répondu de
façon satisfaisante à ces questions devant la commission
parlementaire, il n'y a pas de doute que les négociations sur le plan
technique pourront se poursuivre avec de meilleures chances de
succès.
Mais nous voulons que ce soit bien clair au départ : il ne
saurait être question pour nous de retourner à une table de
pseudo-négociations, pour nous faire offrir des mécanismes de
consultation et nous faire dire que nos demandes seront étudiées
dans les meilleurs délais.
Nous aussi, nous avons une certaine partie d'information à
donner. C'est, évidemment, l'autre face de la lune, la face
cachée par M. Sirois, que je vais être obligé de vous
révéler.
Nous allons vous expliquer, MM. les membres de la commission
parlementaire, comment se crée une impasse en relations de travail au
gouvernement du Québec.
Le 4 novembre 1969, au terme d'une négociation qui avait
duré 28 mois, nous avons signé une première entente
provinciale pour le secteur scolaire. Au chapitre 6, qui traite de la
rémunération des enseignants, certains articles prévoient
le classement des enseignants pour fins de traitement, sur la base de deux
facteurs: scolarité et expérience. L'article 6-1 classe les
instituteurs sous neuf catégories, correspondant à des
diplômes ou à des études valant de douze à vingt ans
de scolarité pour fins de rémunération.
Cependant, c'est ici qu'intervient le rôle du comité de
classification, l'évaluation en années de scolarité de
certains brevets et de certaines qualifications. Je prends ces expressions
parce que ce sont celles de la convention. Naturellement certains et certaines,
ça veut dire toute une quantité de titres qui sont
énumérés à l'entente comme le bachelor's
degree et certaines autres qualifications additionnelles, ainsi que
l'évaluation en scolarité des cours de méthode, fut
confiée en priorité au comité provincial de
classification. Ce mécanisme est décrit et nous n'avons rien
à redire sur la description qu'en a faite M. Sirois et qui vous est,
d'ailleurs, présentée dans notre dossier spécial. Le
fonctionnement était celui-là.
Comme le précise un autre paragraphe de l'entente, les
décisions du comité provincial sont en principe finales, lient
l'instituteur, le syndicat, la commission et le ministère et elles
doivent être attestées par un écrit officiel, signé
par le ministre ou par son représentant. C'est ce qui m'oblige à
réfuter tout de suite l'affirmation qui a été faite,
à savoir que 25,000 enseignants étaient classés
actuellement. Cela n'est pas possible étant donné que le ministre
n'a émis aucune attestation de ce genre à 25,000 enseignants.
Pour plus de renseignements, on s'en rapportera au dossier.
Ce mécanisme de classification est donc confié à
une clause ouverte en langage de convention collective
c'est-à-dire à un comité qui, sur la base d'études
à conduire, prendra des décisions affectant le classement des
enseignants, décisions dont la nature est, pour une certaine part,
imprévisible au moment de la signature de l'entente.
La nomination du président fut très difficile on
vous l'a dit mais, finalement, c'est par une décision du
président du conseil d'arbitrage provincial que M. Rossignol,
fonctionnaire du ministère de l'Education, fut nommé au poste de
président du comité provincial et, en quelque sorte,
imposé à la partie syndicale.
Le 14 mai 1970, plus de six mois après la signature de l'entente,
se tient la première réunion du comité provincial de
classification. Ce comité eut, dès le départ, la
tâche pénible. Le fonctionnement et l'appui technique à ce
comité devaient être fournis par le gouvernement aux termes de
l'entente. Sans secrétariat entrafné, sans personnel de recherche
pour l'appuyer, ce comité dut mettre les bouchées doubles pour
tenter d'établir les normes de classement des catégories de
brevets et de titres, que j'ai mentionnés tout à l'heure. En
effet, ce travail était déclaré prioritaire et devait
être fait avant le 30 novembre 1969. Première réunion du
comité, le 14 mai 1970.
Le 19 août 1970, à la suite des décisions prises par
le président du comité provincial de classification concernant
certains brevets supplémentaires, complémentaires,
supérieurs, etc., le représentant de la CEQ au comité
provincial de la classification souligne au président du comité
que certaines de ses décisions maintiennent ou établissent une
discrimination entre les hommes et les femmes qui ont obtenu, par exemple, un
brevet supérieur ou complémentaire en 1939 et 1940, puisque l'on
reconnaît aux hommes, pour ces mêmes années, une ou deux
années de scolarité de plus qu'aux femmes pour des brevets de
même validité.
Voilà un genre de décisions qu'a prises le
président du comité. Le 20 août 1970, le
représentant de la CEQ au comité provincial proteste
également contre la manière dont le président du
comité prend ses décisions. Il tire ses pouvoirs nous nous
en souvenons du défaut d'unanimité des six autres.
D'après la CEQ, le président ne peut pas et ne doit pas statuer
sur des questions qui n'ont pas été soumises pour fins de
débats au comité ou qui n'ont pas fait l'objet d'un vote. Si on
veut
constater le défaut d'unanimité, il faut
premièrement discuter de la chose et deuxièmement faire voter les
gens sur la chose. Cela n'a pas été fait dans au moins douze
décisions prises par le président du comité.
D'après nous, le président a fait un usage abusif de ses
prérogatives dans une douzaine de décisions, et d'autres
décisions sont en contravention avec le règlement no 5 que l'on a
décelé ou proposé comme norme définitive de
classement. Ainsi, la décision 27, que vous trouverez au verso de notre
document, se lit comme suit: "Le diplôme d'études
collégiales obtenu après deux années d'études dans
un CEGEP est évalué à treize ans de scolarité". Or,
80 p. c. à 90 p. c. des étudiants de CEGEP font d'abord douze ans
de secondaire et deux ans de collégial, ce qui fait quatorze ans aux
termes du règlement 5. On peut le vanter, encore faudrait-il respecter
ce document.
Devant cette manière d'agir du président du comité,
le représentant de la CEQ conteste officiellement ces décisions
le 21 août et se retire du comité devant le refus du
président d'amender les décisions et de reconnaître qu'il a
abusé de ses prérogatives. Le 25 août, les trois
représentants syndicaux de la CEQ et des organismes anglophones, devant
l'imbroglio qui était en train de se créer au comité
provincial, demandent un ajournement sine die des travaux du comité pour
aller vérifier leur mandat auprès de leurs organismes. Le 8
septembre, ils reviennent et déposent une requête au
président du comité provincial afin de l'amener à corriger
un certain nombre de décisions.
Nous soutenons qu'il a excédé sa juridiction, qu'il n'a
pas respecté le fonctionnement prévu et qu'il a
dérogé au règlement 5. La réponse du
président du comité est qu'il n'y a pas lieu de revenir
là-dessus et que ce serait retarder l'évaluation de la
scolarité des professeurs au Québec. Pour le président
Rossignol, pas de problème. Le comité, par ailleurs, a
continué son travail sur d'autres titres qu'il avait à
évaluer. En octobre, nous avons cherché à utiliser
certaines mesures de recours internes à la convention: procédures
de grief, encadrement du président du comité provincial par le
président du conseil d'arbitrage provincial. Chaque fois, ce fut peine
perdue, ce qui nous confirma d'ailleurs l'à-propos de notre
démarche suivante: le 16 novembre 1970, la CEQ obtient une rencontre
avec le sous-ministre de l'Education, qui s'était fait accompagner du
responsable des relations de travail de ce ministère, M. Huot. Nous leur
faisons part des orientations déplorables prises par le président
du comité provincial.
M. le sous-ministre nous fait remarquer que si l'on entrevoyait qu'il
puisse y avoir quelque chose à faire clarifier, le mécanisme
approprié résidait dans l'utilisation de l'article 9.4 de la
convention qui nous permet de convoquer les autres parties à l'entente
pour discuter d'un problème. Et de plus, nous suggère-t-il,
advenant le cas où il n'y aurait pas de terrain d'entente à cette
table, il dit qu'il existe des tribunaux de haute instance à qui nous
pourrions nous adresser si nous le jugions opportun, ce qui a d'ailleurs
scandalisé les sous-ministres d'autres ministères quand on l'a
fait.
Le 2 décembre 1970, toujours dans le but de faire comprendre aux
autorités que le problème de la classification des enseignants
menace de prendre de l'envergure à très court terme, la CEQ et
l'Alliance des professeurs de Montréal rencontrent le ministre de
l'Education. La CEQ dépose alors un dossier essentiellement celui
qu'on vous a remis dans notre dossier aujourd'hui et ce dossier fait
état des effets néfastes de la déclassification de
certains de ses membres, et demande au ministre une intervention rapide et
rigoureuse, ce que nous promet le ministre en une réponse claire et
rapide à cette question.
Entre-temps, le 15 décembre, les représentants syndicaux,
pour donner suite à la suggestion du sous-ministre de l'Education,
invitent les représentants de la partie patronale à venir
discuter de la question en vertu de l'article 9.4 qui dit que l'on peut se
rencontrer de temps en temps pour discuter de tout problème et trouver
les solutions. Dans cette convocation, nous mentionnons justement que nous
serions intéressés à discuter des problèmes de
classification.
Cette lettre fut laissée sans réponse jusqu'au 26 janvier
1971. Je prends le temps de démonter minutieusement ici cette machine
à impasses qui se trouve quelque part entre le ministère de
l'Education et le ministère de la Fonction publique.
Devant une telle accumulation de négligences de la part de notre
employeur, le 19 décembre, le conseil provincial de la CEQ
dénonce les lenteurs du comité provincial de classification,
autorise le dépôt à la cour Supérieure d'actions en
nullité, toujours pour donner suite à la suggestion du
sous-ministre de l'Education, en nullité contre certaines
décisions du comité provincial, et nous demandons la
démission du président du comité provincial, M.
Rossignol.
Ces demandes sont acheminées en bonne et due forme au responsable
des relations de travail du ministère dès le 23 décembre.
Le 11 janvier, M. Huot, le responsable des relations de travail au
ministère de l'Education, avise la CEQ de la démission de M.
Rossignol de son poste de président du comité provincial en ces
termes: "C'est à regret que le sous-ministre de l'Education doit
accepter la démission de M. Rossignol, écrit M. Huot, et il se
doit de le relever de la tâche que les parties lui avaient
confiée." Le travail du comité est alors suspendu jusqu'à
nouvel ordre.
Notons en passant que le seul fait que le Président du
comité provincial, M. Rossignol, ait cru bon d'adresser sa demande de
démission au sous-ministre de l'Education plutôt que de l'adresser
aux six parties à l'entente dont il
relevait dans son mandat indique passablement bien l'idée que M.
Rossignol se faisait personnellement de son mandat et de son statut.
Nous nous posons carrément la question: le président du
comité provincial a-t-il jamais cessé d'être un
fonctionnaire du ministère de l'Education?
Vers le 20 janvier, la CEQ conteste officiellement devant la cour
Supérieure quinze des quarante décisions du Comité
provincial pour les raisons que je vous ai expliquées tout à
l'heure.
Le 25 janvier, les enseignants de la région de Montréal
passent à l'action directe et, le 26 janvier, à la suite
d'invitations répétées et pressantes lancées par
les parties syndicales, le gouvernement et la Fédération des
commissions scolaires acceptent de nous rencontrer sur la question de la
classification, entre autres. Cette première rencontre de
négociations, qui fut en réalité une séance
d'information à l'adresse de la partie patronale, a permis aux
représentants des enseignants d'expliquer toute l'ampleur de la question
et de relater les démarches qu'ils avaient menées dans le but
d'obtenir une discussion de fond sur la classification.
Notons bien que le 26 janvier les représentants syndicaux sont
les seuls à avoir préparé un dossier sur la question,
comme ils étaient les seuls d'ailleurs à vouloir discuter de
certaines formules de remplacement du Comité provincial de
classification actuel, comme ils étaient aussi les seuls à
vouloir aborder les problèmes de fond et les critères de
classement des enseignants. La partie syndicale a été
renversée, le 26 janvier, de constater l'ignorance, affectée ou
non, des représentants patronaux qui manifestaient de la
naïveté et qui disaient venir voir quel était le
problème des enseignants ou le problème du syndicat alors qu'ils
étaient accompagnés des représentants de la CECM pour qui
le problème n'était sûrement pas un bobard syndical, depuis
le début de décembre au moins.
La rencontre suivante, prévue pour le 29 janvier, n'a pas eu lieu
parce que la partie patronale s'est mise à exiger des enseignants le
retour au travail.
Dès le lundi suivant, le 1er février, il n'y avait aucun
débrayage à la CECM. Cependant, les divers membres de la partie
patronale n'ont apparemment pu s'entendre pour rencontrer la partie syndicale
qui les avait évidemment convoqués pour le lundi suivant.
A compter du 2 février, les débrayages ont
recommencé et la partie patronale a toujours posé les mêmes
conditions.
Le 12 février, la CEQ obtient de ses syndicats une suspension de
l'action pour permettre une séance de négociations intensives qui
aurait pu durer trois jours, le 12 février étant un vendredi. Au
lieu de nous donner sa conception du problème, la partie patronale se
contente encore une fois de poser des questions à la partie syndicale,
lui demande de préciser ses revendications et fait semblant de
s'étonner de la complexité de la situation.
Le samedi 13 février, après moins de sept heures
d'échanges avec la partie syndicale, la partie patronale demande
l'ajournement des négociations au mardi 16 février pour
étudier la demande syndicale.
Le mardi 16 février, la partie patronale dépose son offre
à la partie syndicale mais refuse toute discussion sous prétexte
que nous avons brisé la trêve que nous n'avions d'ailleurs
annoncée que pour une journée et non pas pour une durée
indéterminée. En même temps que cette occasion perdue de
négocier pendant trois jours d'une façon intensive, plusieurs
groupes d'enseignants ont également perdu tout espoir qu'un
règlement satisfaisant puisse être atteint par la voie des
négociations directes entre les intéressés, la partie
patronale ayant laissé entendre ou ayant laissé l'impression,
à chaque fois, de semaine en semaine, qu'elle découvrait le
problème et ayant bien laissé voir qu'elle tenait à
utiliser les trêves d'enseignants pour d'autres fins que pour
négocier vraiment.
Le 23 février, dans un effort ultime de négociation et
dans le but de s'assurer en toute bonne foi de l'intention réelle de la
partie patronale de négocier la classification des enseignants, la CEQ
demande à ses syndicats de suspendre une nouvelle fois l'action et
reprendre les négociations.
Le 25 février, il y a une rencontre de trois heures entre les
parties. Cette rencontre consiste, une fois de plus, en une série de
questions posées par la partie patronale à la partie syndicale.
Sous l'apparence de gens bien intentionnés, nous avons encore eu
l'impression que les représentants patronaux ont cherché à
utiliser une trêve, décrétée dans les circonstances
que vous savez, pour faire traîner les discussions.
Evidemment, les prétextes ou les raisons sont nombreux. Etudes,
consultations, calculs, mais pas toujours calculs financiers, à notre
avis. Il nous est, cependant, apparu clairement, pendant ces journées,
que la partie patronale en dehors de la table de négociations s'occupait
beaucoup plus de stratégie que d'étude pendant ces heures
où elle s'est mise, comme par hasard, à exploiter des
thèmes du genre possibilité de sanctions contre des petits
groupes d'agitateurs, rivalités intersyndicales, etc.
Le 26 février, devant ce genre de manoeuvres, nous avons
demandé à la partie patronale, par la voie de nos
représentants et par la voie de la radio deux heures après, de
nous dire si, oui ou non, elle était disposée à
négocier le classement des enseignants et à enrayer tous les
désavantages financiers consécutifs au reclassement de certains
enseignants. Ces deux questions n'étaient pas un durcissement de la
position syndicale; elles n'étaient que la reprise, en termes
simplifiés, de la position syndicale exprimée depuis les vagues
rencontres que nous avions eues.
Le même jour, la partie patronale nous rencontre pour nous
affirmer que nous avons durci nos positions et qu'elle est disposée
à négocier pourvu qu'elle sache ce qu'on lui demande. Pour nous,
c'était bien clair: c'étaient deux questions de dix lignes.
Devant autant de manoeuvres et de calculs stratégiques de la part de la
partie patronale, le conseil provincial de la CEQ le dimanche 28
février, a réaffirmé en séance spéciale son
objectif de scolarité garantie et en a conclu que, par la seule voie de
la négociation, il n'y avait plus guère de possibilité de
faire avancer le débat quant au fond. C'est pourquoi la CEQ a
réclamé la convocation d'une commission parlementaire, recours
ultime devant permettre, par la suite, à une négociation
d'aboutir à de meilleurs résultats, à condition,
cependant, que cette commission parlementaire permette à la partie
gouvernementale de nous dire comment elle compte s'orienter dorénavant
devant les questions de fond que nous avons posées et desquelles nous ne
démordrons pas dans le présent débat.
Nous avons maintenant la certitude que le porte-parole patronal,
à la table de négociations, ne peut en négocier davantage
que ce que lui permettent les orientations générales des
autorités dont il dépend. C'est devant une instance politique
comme celle-ci que nous espérons obtenir une réponse claire
à des questions que nous estimons fort claires. C'est dans cette
perspective également que nous souhaitons la contribution des autres
membres de la commission parlementaire. Cette chronologie est peut-être
un peu fastidieuse. Les événements et les interventions de la CEQ
depuis le début de ce litige montrent tout de même jusqu'à
quel point la partie , syndicale a été polie et patiente envers
la partie patronale depuis le mois d'août dernier; politesse et patience
dont nous nous mordons les pouces chèrement aujourd'hui. Nous avons
utilisé et épuisé progressivement tous les recours
imagina- bles. Nous avons franchi graduellement toutes les étapes, nous
avons frappé à toutes les portes; toujours et partout
surdité et (ou) mutisme.
Nous pouvons affirmer, pour clore ce bilan, que le gouvernement a fait
preuve de négligence devant ce problème, lui qui en a
été saisi au niveau du ministre de l'Education, au début
de décembre; au niveau du sous-ministre, en novembre et au niveau
officiel de la table patronale, dès la mi-décembre. Il ne lui
servirait à rien aujourd'hui, d'esquiver les conséquences de ce
bébé non désiré qu'est le problème de la
classification actuellement.
M. CHARRON: M. Charbonneau, serait-il possible, avant que vous
n'entamiez une autre partie de votre exposé, d'ajourner
immédiatement. Il faut considérer qu'il est 18 heures. Ou, si
vous voulez commencer tout de suite. De toute façon, avant que vous ne
preniez un autre cheval de bataille...
M. BERTRAND: Nous aurons terminé d'ailleurs d'ici cinq minutes.
Vous êtes obligé de continuer?
M. CHARBONNEAU: Si je veux donner une autre face de la lune, car il faut
pouvoir au moins en faire le tour. Nous pouvons revenir.
M. BERTRAND : 8 h 15.
M. LE PRESIDENT: Je n'ai pas d'inconvénient à voir l'autre
face de la lune, mais pouvez-vous nous la faire voir à
l'intérieur de quatre minutes?
M. CHARBONNEAU: Difficilement, M. le Président.
M. LE PRESIDENT: Dans ce cas, nous ajournons à 8 h 15 et vous
nous montrerez alors l'autre face. Merci.
Reprise de la séance à 20 h 25
M. BOSSE (président de la commission permanente de la Fonction
publique): A l'ordre, messieurs! Je déclare la séance ouverte et
j'invite M. Charbonneau à terminer son exposé et à nous
présenter, comme il le disait, l'autre face de la lune.
M. CHARBONNEAU: M. le Président, cet après-midi, j'ai
essayé de montrer toutes les étapes par lesquelles la partie
syndicale avait passé avant d'en arriver à déclarer que,
dans toute cette affaire, nous étions face à une impasse par le
recours à la négociation elle-même. J'ai essayé
d'être le plus précis possible et de faire état de toutes
les démarches que nous avons faites, mais qui sont toujours
restées sans réponse valable de celui qui est notre partenaire et
qui est coresponsable du bon fonctionnement de cette convention collective au
même titre que nous.
J'ai essayé de montrer que, finalement, ce qui pouvait demeurer
comme ligne de fond à tout cela, c'est que toute cette affaire de la
classification, aux yeux de notre employeur, était un problème de
syndicat, un problème d'enseignants et qu'il refusait jusqu'à
maintenant d'admettre que lui aussi avait une responsabilité, un devoir
quant à la bonne administration de cette convention collective et quant
au maintien d'un climat sain de relations de travail avec notre groupe
d'employés.
Nous poumons, nous aussi, faire notre revue historique à partir
de 1966, comme l'a fait le porte-parole de la partie patronale. Ce serait
à partir des mêmes événements, mais,
évidemment, pour en tirer d'autres conclusions. J'ai déjà
parlé assez longuement sur l'ensemble de cette question. Je voudrais
tout simplement dire que, si on veut aller rapidement, depuis 1966, ce qu'on
trouve dans notre histoire de relations de travail, c'est une série de
normes et de lois. M. Sirois l'a amplement prouvé quand il s'est
référé aux normes de 1966, puis au bill 25. Des normes et
des lois, c'est peut-être une manière d'établir des
relations de travail, mais c'est une manière bien spéciale, il
faut l'admettre également. Il a dit que tout cela avait
été dans le cadre d'une planification.
Nous pourrions démontrer, nous aussi, que les normes de 1966, le
bill 25 de 1967 et la présente convention collective sont
parsemés de crans d'arrêt. Quand il dit que toutes ces mesures
tendaient à la cohérence du système, nous pourrions
montrer qu'au contraire elles ont figé l'évolution normale du
système et l'évolution normale d'une politique de main-d'oeuvre
dans le secteur scolaire. On les a figées par des normes et des lois, au
lieu de les laisser aller selon une évolution qui aurait
été plus naturelle, celle du libre jeu de la concurrence et de la
mobilité de la main-d'oeuvre dans le secteur scolaire.
C'est bien beau de vanter la cohérence du bill 25! C'était
une cohérence de papier premièrement, et ce nivellement des
salaires a tout simplement engendré un drainage. Il a fait que les
régions éloignées, les régions qui avaient eu de la
difficulté à s'attirer un personnel de qualité l'ont perdu
au lendemain du bill 25 également.
Parler de cohérence et de nivellement, ce n'est qu'une face du
problème. L'autre aspect est que les régions
éloignées qui, par le jeu de l'offre et de la demande, pouvaient
s'attirer du personnel de qualité comparable à ceux des villes
l'ont perdu par la suite, justement par le nivellement qui n'est pas, à
notre avis, une véritable planification au service de toutes les
régions telles qu'elles sont dans le Québec.
Nous pourrions nous aussi faire cette lecture historique. Tout ce que
cela prouverait est que et M. Sirois l'a fort brillamment fait
les incohérences du passé dans le domaine scolaire sont
affreuses, sont multiples et prennent toutes sortes de dimensions. Il a
multiplié les exemples évidemment, avec les données
que la Fédération des commissions scolaires peut lui fournir, il
est en mesure de le faire bien mieux que nous des incohérences du
passé en nous lançant une demi-douzaine d'exemples que je
pourrais reprendre à mon compte, tout simplement en les appelant non des
disparités, mais des incohérences subventionnées par
l'Etat du Québec.
Ce n'est pas la première fois que la corporation et les syndicats
d'enseignants soulignent la lenteur de notre gouvernement à
établir sa cohérence dans les administrations scolaires et par
contre une certaine hâte inopportune à notre avis
d'établir cette même cohérence du côté de la
main-d'oeuvre. Ce double jeu tantôt rapide, tantôt lent
est peut-être dû à d'autres considérations que
celles auxquelles je veux m'en tenir pour le moment. Cependant, je tiens
à souligner et à rappeler que le groupe de travailleurs que nous
représentons ne tient pas à payer les dettes et les pots
cassés des négligences accumulées au niveau
ministériel et gouvernemental du Québec.
La partie patronale s'est chargée de présenter la position
syndicale beaucoup mieux d'ailleurs que la position patronale et d'une
manière, à mon avis, caricaturale. Je vais essayer de le
démontrer.
Premièrement, ce qui a caractérisé, à mon
avis, le premier exposé, c'est l'attitude légaliste à
laquelle ce porte-parole ou ceux qu'il représente semblent vouloir s'en
tenir. Il a parlé avec beaucoup de verve du bris de contrat des
enseignants, bris de contrat à trois dimensions, dit-il, au niveau de
l'entente, au niveau de la convention, au niveau du contrat individuel. Si nous
voulions parler du bris de contrat, nous en aurions une longue liste nous
aussi. Je vais, tout simplement, donner deux ou trois exemples. Je pense que
nous aurons l'occasion d'en énumérer d'autres, le cas
échéant.
Cette convention prévoit également, par une autre clause
ouverte, que, sur convocation de la partie syndicale, la partie patronale doit
venir continuer à négocier les conditions de travail relatives
aux bibliothécaires scolaires et aux professeurs en orientation. Or,
après deux convocations dont nous pourrions vous donner les dates, deux
convocations laissées sans accusé de réception, cette
négociation n'est toujours pas possible. C'est un bris de contrat de la
part de la partie patronale.
En vertu de l'annexe 10 de l'entente, un comité provincial doit
s'occuper des problèmes relatifs à l'enfance inadaptée. Le
président de ce comité est un fonctionnaire du ministère
de l'Education, je pense. Pour la première fois, la semaine
dernière, ce fonctionnaire a convoqué le comité. Cela
aussi, à notre avis, est un bris de contrat, une négligence qui
équivaut à un bris de contrat. Ce problème de l'enfance
inadaptée ne pourra pas être traité avec tout
l'éclairage nécessaire lors de la prochaine négociation
parce que ce comité n'a pas travaillé.
Il y a un autre comité provincial qui doit s'occuper
d'étudier les modes de consultation à établir au niveau
provincial entre les corporations d'enseignants et le ministère de
l'Education. Ce comité n'a encore rien produit. Je pense que nous avons
toujours montré notre disponibilité à y travailler, mais
échafauder un système de consultation à travers les
dédales des quelque 400 comités consultatifs que le
ministère de l'Education a déjà eus en marche, je pense
que c'est un défi, pour le moment, que le ministère de
l'Education semble avoir quelque objection à relever.
Cela aussi, à notre avis, c'est une négligence qui
équivaut à un bris de contrat.
La classification des enseignants pourra se faire quand les commissions
scolaires auront envoyé les dossiers des enseignants au gouvernement.
Or, à la fin de décembre, les chiffres officiels au niveau du
comité étaient qu'il y avait au maximum 450 commissions scolaires
qui avaient envoyé des pièces concernant leurs enseignants au
gouvernement.
Donc, 450 sur ça varie un peu environ 1,000, je
pense que c'est un pourcentage assez faible. De ces 450, à peu
près 250 avaient envoyé des dossiers majoritairement complets.
Donc, environ 25 p. c. C'était impossible, même si le
mécanisme avait bien fonctionné, de réaliser la
classification des enseignants comme prévu à l'entente. C'est
aussi un bris de contrat, à notre avis.
J'ai commencé ma liste par la fin et je suis rendu à la
moitié. Si on veut aborder l'affaire sous l'aspect légaliste,
nous pourrions aller loin, nous aussi, dans le portrait que nous pouvons faire
de notre employeur.
Quand nous avons entrepris cette discussion sur la classification,
après le vide que nous avons rencontré le 26 janvier, nous nous
sommes aperçus, quand le ministre de l'Education en particulier est
entré dans la ronde, que ce qui intéressait à un
très haut point la partie patronale dans son ensemble, c'était
d'utiliser les difficultés rencontrées au niveau d'un
mécanisme pour se rapproprier d'une façon exclusive le pouvoir
d'évaluer la scolarité des enseignants pour fins de
traitement.
M. SAINT-PIERRE: M. le Président...
M. CHARBONNEAU: Cela peut équivaloir à un bris de
contrat.
M. LE PRESIDENT: Un instant, s'il vous plaît, M. Charbonneau.
M. SAINT-PIERRE: M. le Président, est-ce qu'on me permettrait
d'entrer dans la ronde de nouveau? Nous avons fait preuve de beaucoup de
patience en écoutant l'exposé de M. Charbonneau. Jusqu'ici, j'ai
l'impression qu'on a ouvert bien des portes qui étaient
déjà ouvertes, en nous faisant un relevé assez
chronologique de tous les événements. M. Charbonneau pourrait-il
nous dire précisément quelle solution il entrevoit au
problème sans, pour autant, rebrasser tout le passé?
M. CHARBONNEAU: C'est un passé tout à fait récent
que j'étais à rebrasser, celui qui n'est pas encore
terminé, donc qui s'appele le présent.
M. SAINT-PIERRE: On a un problème. On pourrait en parler pendant
cinq ans, mais on veut le résoudre le plus rapidement possible.
Pouvez-vous nous dire exactement ce que vous entrevoyez comme
possibilités pour résoudre le conflit? Quelle est la position de
votre centrale syndicale face au conflit et face à certains de ses
éléments? Qu'avez-vous à suggérer?
M. CHARBONNEAU: Si c'est le temps de passer aux choses positives, je
vous renverrai puisque c'est ça que vous appelez du texte positif
aux positions que nous avons transmises à l'avant-dernière
page de notre dossier spécial qui s'appelle "Le résumé
d'un compromis syndical", présenté le 13 février à
4 heures.
Evidemment, on a fait état tout à l'heure que les demandes
syndicales avaient quelque peu été modifiées en cours de
route. Ce que n'a pas dit la partie patronale à ce moment-là,
c'est qu'elles avaient été modifiées en diminuant. C'est
facile de dire que la partie syndicale a changé d'idée, a
modifié son texte, mais c'est en retirant des aspects. La
dernière position syndicale est celle qui est dans le rectangle de
droite sur cette page et le fil de soie qu'a énuméré M.
Sirois est pas mal moins long dans cette demande que dans celle qu'il a
citée tout à l'heure.
Quand nous parlons de l'obtention d'une scolarité garantie, nous
voulons dire que les conditions d'emploi qui ont été reconnues
à tel enseignant au moment où il a été
engagé par
son employeur ne seront pas changées sans que cela passe par un
processus de négociations. Si je veux me résumer le plus
simplement, c'est rien que ça et tout ça que cela veut dire.
Ceux qui caricaturent notre pensée en disant que nous sommes
contre la planification, que nous sommes pour le retour aux incohérences
de 1966, je pense qu'ils devraient plutôt prendre notre position
syndicale et l'examiner. Et quand ils disent que nous avons durci
progressivement nos positions, c'est sans doute qu'ils font allusion à
ce texte du Conseil provincial de la CEQ, du 28 février 1971, que je
vous lis, texte qui d'ailleurs n'a pas encore été
présenté à la partie patronale, à la table des
négociations, puisqu'il n'y a pas eu de séance depuis. "Le
Conseil provincial de la CEQ réaffirme son objectif de scolarité
garantie et réclame essentiellement, par voie de négociations,
que la classification des brevets, diplômes et études soit
confirmée dans l'entente provinciale elle-même, sous forme d'une
liste applicable uniformément à tous les enseignants de la
province."
Ceci est la meilleure réponse que je puisse donner à ceux
qui veulent ne voir que des objectifs inaccessibles dans l'expression
"scolarité garantie". Il ne faut pas partir en peur avec cette
expression; il faut y voir des modalités de la réaliser.
Et, comme l'exprime notre proposition, nous sommes en mesure de discuter
de la possibilité de réaliser dans le cadre d'un objectif de
scolarité garantie, quelques pas en avant vers l'uniformisation, vers la
standardisation provinciale du classement des enseignants. Ce qu'il faut bien
voir, c'est que nous sommes à trois mois et demi de
l'échéance de cette convention. Ce qu'on n'a pas pu
réaliser en termes de planification au niveau des principes avec
lesquels nous étions d'accord, ce qu'on n'a pas pu réaliser
depuis 1968, nous ne voyons guère comment on pourrait le faire, on
pourrait vouloir s'arroger l'autorité de le faire, de la part du
gouvernement, en trois mois et demi.
Bien loin d'être pour le retour au passé, aux
incohérences du passé, ce que nous voulons, c'est une
modification négociée de ces incohérences. Ce à
quoi nous nous opposons, c'est la réappropriation exclusive par la
partie patronale de l'évaluation de la scolarité des enseignants
qui a toujours été un facteur négocié de la
rémunération des enseignants. Quand la partie patronale aura dit
clairement son intention profonde quant à cette question, il sera
possible, sans doute, d'envisager la reprise des négociations un peu
plus tard.
Cependant, depuis le début du conflit actuel de la classification
des enseignants, il faut bien voir que du côté syndical comme du
côté du public, il est extrêmement difficile de percevoir
l'intention de la partie patronale. Le problème a peut-être saisi
le gouvernement à l'improviste. Cependant, son partenaire, la
Fédération des commissions scolaires, veillait au grain. Se
faufilant entre les deux ministres, le président de la
Fédération des commissions scolaires en janvier et au
début de février, s'est comporté en gérant du
système. Il a réussi, à notre avis, à bloquer le
débat à la fin de janvier et au début de février.
Depuis, nous avons été en face d'une espèce de feu
d'artifice de déclarations en dehors de la table des négociations
pendant que le président de la Fédération des commissions
scolaires, vers la mi-février, répétait à
Trois-Rivières qu'il était contre toute concession aux syndicats
d'enseignants et que, quant à lui, il continuait de préconiser
les coupures rétroactives des traitements. Cela après avoir
accepté quand même que la partie patronale dépose la
position que M. Sirois a décrite. D'une part, le président de la
fédération est donc contre toute négociation et contre
toute concession.
Pendant ce temps, le ministre de la Fonction publique nous dit
d'arrêter nos moyens de pression parce qu'il est prêt à
négocier. D'après ce que les journaux nous rapportent, le
ministre de l'Education, pour son compte, aurait déclaré que le
classement des enseignants n'est pas matière à
négociations. Alors, devant un tel chassé-croisé de
déclarations quelque peu contradictoires, comment peut-on, du
côté syndical, quand on veut négocier, en arriver à
une entente, marcher sur du terrain valable et ouvrir des positions, avancer
des propositions concrètes d'une façon unilatérale? C'est
impensable. Nous sommes disposés à négocier, mais nous
voulons bien savoir dans quelle orientation générale la partie
patronale est prête à aborder cette négociation. Ce n'est
pas par un barrage de stratégie et de propagande, à notre avis,
que l'on pourra faire avancer le débat à la table de
négociations. Nous nous demandons sérieusement si le gouvernement
a vraiment l'intention de régler ce problème de la classification
avec l'efficacité et la rentabilité dont il aime étiqueter
la plupart de ses opérations.
Les questions pour lesquelles nous aimerions obtenir une réponse
dans ce débat je le répète, cela se situe nettement
au-delà des mécanismes des recettes sont: Comment se
fait-il que le ministère de l'Education, informé en novembre et
en décembre et, que la partie patronale informée depuis le 15
décembre de la situation, n'aient pas encore formulé de solution
valable à tout le problème de la classification et non pas
seulement à sa dimension monétaire, et financière à
laquelle l'a réduit le porte-parole patronal tout à l'heure?
Comment se fait-il que, profitant de difficulté de fonctionnement d'un
mécanisme, la partie patronale en profite, au moyen d'un saupoudrage de
quelques dizaines de milliers de dollars, pour se réapproprier une
partie de convention collective qui avait été l'objet de
négociations? Est-ce que le ministère de l'Education et le
ministère de la Fonction publique peuvent dire publiquement qu'ils ont
été satisfaits du système de classification prévu
à l'entente proinciale? Peuvent-ils vraiment affirmer, comme l'a fait le
ministre de
la Fonction publique, que ce système n'a indisposé que les
enseignants?
Alors, les questions pour lesquelles nous attendons des
précisions, dans ce débat, sont: Est-ce que le gouvernement, oui
ou non, accepte de négocier, de régler par voie de
négociations ce problème de l'établissement des normes
d'évaluation de la scolarité des enseignants?
Est-ce que le classement des enseignants est négociable, oui ou
non?
Et l'autre question: Est-ce que le gouvernement et les commissions
scolaires sont réellement disposés à faire
disparaître tous les désavantages financiers coupures
rétroactives, demandes de remboursement, manque à gagner, baisses
de traitement au cours de l'année, etc., toutes les formes que cela peut
prendre occasionnés par le déclassement de certains
enseignants?
L'offre financière de la partie patronale, nous pourrions
démontrer cela irait mieux avec un tableau parce que c'est assez
techniquequ'elle comporte de sérieuses lacunes sur le plan
financier. Ce n'est pas tout de dire à quelqu'un qu'on ne lui
réclamera pas un certain montant. Il faut encore voir si cette personne
ne subit pas, à la suite d'une déclassification, un manque
à gagner pendant le reste de sa carrière ou pendant un ou deux
ans, si on veut regarder rien que cette entente. On pourra revenir
là-dessus s'il y a des questions.
Pour nous, ces questions sont fondamentales. Nous désirons avoir
des orientations claires là-dessus, sans quoi il serait difficile de
retourner au niveau d'une table de négociation qui,
forcément, plonge dans la technique s'il n'y a pas d'abord cet
éclairage général. Le porte-parole de la partie patronale
nous a sommés ces jours-ci de nous brancher. Nous, c'est peut-être
dans les branches que nous hésitons, mais lui, c'est dans la
forêt. Il devrait choisir la forêt de la négociation ou le
fouillis des mesures imposées unilatéralement. C'est facile de
dire que la partie syndicale a des demandes confuses. Nous avons essayé
de négocier. Nous avons essayé de reformuler nos demandes d'une
façon de plus en plus acceptable pour fins de discussion. C'est facile
de dire ça quand, de son côté, on n'a qu'une position et
que c'est à prendre ou à laisser. On n'en déroge pas.
C'est entendu qu'à ce moment on ne peut pas se faire accuser de
grand-chose, sauf de ne pas vouloir négocier, sauf de
préférer faire des déclarations en dehors de la table
qu'à la table. Nous tenons à affirmer que nos récentes
demandes ou la récente formulation de nos demandes n'a jamais
dérogé au principe de fond que nous avons exprimé le 13
février. Les enseignants sont assez exaspérés de la
situation. Vous l'avez vu en février. Ils ne nous autoriseront pas
à retourner à une table de pseudo-négociations tant que
nous ne saurons pas exactement l'intention réelle et profonde de la
partie patronale.
Pour terminer, la CEQ tient tout de même à souligner
l'aspect positif de certaines déclara- tions faites par certains
éléments de la partie patronale qui ne désirent pas s'en
tenir seulement à une attitude légaliste, comme nous en avons eu
l'impression, je crois, dans l'exposé du porte-parole patronal. Il y en
a dans la partie patronale qui cherchent à affronter le problème
en véritables administrateurs. Je pense que c'est dans cette perspective
que la CEQ, quant à elle, voudrait que ce débat se poursuive pour
en arriver à voir des orientations de fond et non pas nous en
restreindre tout simplement à la dimension des bons conseils, des
mécanismes et des recettes. Si ce n'était que cela, le travail de
la commission parlementaire, nous aurions tourné autour du pot; nous
n'aurions rien réglé. Mais nous espérons pouvoir aller
plus loin que cela avec vous. Merci.
M. LE PRESIDENT: Merci M. Charbonneau. J'inviterais maintenant M.
Sparkes à nous faire son exposé.
Provincial Association of Protestant Teachers
M. Sparkes: M. le Président, membres de la commission, mesdames
et messieurs...
M. LE PRESIDENT: M. Sparkes voudrait-il identifier le groupe qu'il
représente pour le journal des Débats?
M. SPARKES: Je suis le président de la Provincial Association of
Protestant Teachers, et je représente 7,000 enseignants dans le secteur
protestant.
Tout d'abord, M. le Président, je crois qu'il y a lieu de
constater que nos enseignants ne sont nullement opposés à la
formulation d'un système de classement uniforme et cohérent au
niveau provincial. Ce qui nous préoccupe, c'est que ce nouveau
système ne soit pas imposé d'une manière brutale qui ne
respecte pas les droits acquis d'un enseignant à la
sécurité professionnelle.
Afin que vous puissiez comprendre plus clairement la position de la
Provincial Association of Protestant Teachers dans le présent conflit du
classement des enseignants, il est nécessaire que le problème
entier soit envisagé dans son ensemble.
Nous avons donné des copies de notre mémoire qui est
rédigé dans les deux langues.
Avant l'adoption du bill 60, en 1964, et la nomination d'un ministre de
l'Education ainsi que l'établissement d'un ministère
unifié de l'Education, il existait dans cette province deux
systèmes d'éducation qui étaient presque autonomes: le
système scolaire protestant et le système scolaire catholique,
chacun étant responsable à son comité respectif selon la
confes-sionnalité.
De plusieurs façons, le système protestant était
semblable d'aspect à ceux des autres provinces du Canada et à
ceux des Etats-Unis. Après 11 ans de scolarité aux niveaux
élémen-
taire et secondaire, les étudiants obtenaient un certificat de
fin d'études secondaires, et s'ils atteignaient les normes minimales
établies par les universités (immatriculation junior,
généralement une moyenne de 65 p. c. à 75 p. c. de 10
crédits) ils étaient acceptés en première
année des programmes universitaires et, généralement,
après quatre ans, ils obtenaient un diplôme appelé
"Bachelor's degree". Toutefois, plusieurs écoles du système
protestant offraient le programme de douzième année, lequel
était reconnu comme équivalant à la première
année d'université partout au Canada et les étudiants
diplômés de ce programme étaient acceptés
directement en deuxième année universitaire.
Ces personnes, généralement, recevaient un "Bachelor's
degree" après trois autres années d'études
complétées avec succès. Celles qui se dirigeaient vers
l'enseignement devaient poursuivre une autre année de formation à
l'enseignement, soit à McGill ou à Bishop's dans cette
province.
Conséquemment, plusieurs enseignants présentement à
l'emploi de commissions scolaires protestantes ont obtenu leur brevet
d'enseignement classe 1, après quinze, seize ou dix-sept ans de
scolarité, selon l'université qu'ils ont
fréquentée, la durée de l'année scolaire et le
nombre de matières étudiées par année. Evidemment,
certains programmes étaient plus concentrés et
accélérés que d'autres, et comme résultat, le
système de classement et les échelles de salaire qui en ont
résulté durant les négociations entre les syndicats et la
PAPT et les commissions scolaires affiliées à la Quebec
Association of Protestant School Board réflétaient non seulement
les années de scolarité mais également le facteur
qualitatif.
En 1953, la faculté d'éducation de McGill, après
consultation avec la QAPSB et la PAPT, a introduit un programme
concentré de quatre années menant au "Bachelor of Education",
lequel programme avait pour but de donner aux futurs enseignants une bonne
formation générale ainsi que des méthodes d'enseignement
et d'expérience pratique, pour les mieux préparer à la
profession d'enseignants.
Il avait alors été convenu par les trois parties que les
diplômés de ce programme seraient acceptés à la
profession d'enseignants sur la même base que ceux qui possèdent
un "Bachelor's degree" plus une formation d'enseignement, et cette entente a
été respectée au cours des années jusqu'à ce
que le bill 25 soit adopté en février 1967. Jusqu'à ce
temps, nos enseignants étaient classés selon les
catégories I à VII, lesquelles ne représentaient pas
nécessairement les années de scolarité, en plus de la
formation secondaire. Conséquemment, ceci représentait un
système logique et cohérent de classement pour tous les
enseignants à l'emploi des commissions scolaires protestantes.
Le système de classement adopté à la suite du bill
25 était basé strictement sur les années de
scolarité et a pris comme base le système d'éducation de
langue française ou catholique.
Conséquemment, il fut nécessaire en avril 1967, pour la
PAPT et la QAPSB, avec l'approbation du gouvernement, d'accepter un
système de classement basé sur les équivalences qui
s'appliquerait à l'échelle des salaires à travers la
province.
Dans un effort en vue de rendre notre classement équivalent
à celui du système catholique, il a été convenu que
les enseignants possédant des "Bachelor degrees" avec "majeurs" et
"honneurs" décernés par des universités reconnues seraient
placés dans la catégorie 16, avec une année de formation
pédagogique, dans la 17.
Les détenteurs de "Bachelor degrees" général ou
"pass" furent placés dans les catégories 15 ou 16 respectivement.
Toutefois, vu que la plupart des universités exigeaient que les
étudiants prennent plusieurs cours dans la même discipline,
très peu de nos enseignants, en fait, ont été
placés dans les catégories 15 ou 16. Cette méthode de
classement a été continuée jusqu'à ce que la
présente entente entre en vigueur. Après une session de
négociations longue et infructueuse sur le problème du classement
à la table provinciale en 1968, le sujet a été remis entre
les mains d'un comité paritaire le comité provincial de
classification dont le mandat et les règles de fonctionnement
étaient clairement indiqués dans l'entente. D'ailleurs, M.
Charbonneau s'y est déjà référé.
Nous croyons fermement que tout système de classement sur le
point d'être adopté par le ministère de l'Education doit
respecter le principe des droits acquis. Le nouveau système de
classification devrait prendre en considération le nouveau mode
d'éducation au Québec et s'appliquer à ceux qui entreront
dans la profession à l'avenir. Les règles du jeu ne devraient pas
être changées sans que les droits acquis, par ceux exerçant
présentement la profession d'enseignants, ne soient respectés.
Permettez-moi de citer un exemple. A partir de maintenant, un enseignant
débutant dans la profession avec un grade universitaire aura au moins 17
ans de scolarité (onze ans aux niveaux élémentaire et
secondaire, deux ans de CEGEP, trois ans d'université, plus un an de
formation à l'enseignement). Ceci fait 17 ans. Pourquoi un enseignant
présentement employé devrait-il subir un déclassement,
parce qu'il pouvait, en vertu du système précédent,
atteindre le même niveau d'accomplissement en moins d'années, soit
l'obtention de son premier diplôme universitaire?
Nous croyons que tout nouveau système de classement doit prendre
en considération non seulement les années de scolarité
mais également le niveau de connaissances.
Le présent conflit de classification sera résolu seulement
lorsque le respect approprié sera accordé aux droits acquis et
qu'une reconnaissance complète des équivalences sera
établie pour ceux qui font partie du système protestant. Merci,
messieurs.
M. LE PRESIDENT: Merci, M. Sparkes. J'inviterais maintenant M. Robert
Dobie, président de l'Association provinciale des enseignants
catholiques.
Provincial Association of Catholic Teachers
M. DOBIE: Je suis M. Robert Dobie, je représente la Provincial
Association of Catholic Teachers, les 5,700 membres enseignants
anglo-catholiques de la province.
La position de la Provincial Association of Catholic Teachers est la
suivante: les décisions du comité provincial de classification
qui ont été établies par l'entente provinciale
signée le 4 novembre sont contractuelles et lient les parties.
Cependant, il y a un conflit et le conflit est le résultat de plusieurs
causes. 1 ) Un certain nombre de décisions du comité provincial
de classification ne sont pas satisfaisantes. Par exemple, au comité il
n'avait pas été question de certains diplômes, et on a vu
dans notre association des gens de l'Inde et du Pakistan qui ont
été déclassifiés. Il n'a jamais été
question de ces gens-là. 2) Le secrétariat du comité
provincial et les moyens de recherche étaient inadéquats. Nous
avons présenté un mémoire à ce sujet à la
mi-décembre. 3) Les 40 décisions qui ont été
rendues ne sont pas complètes. Il y a beaucoup d'autres décisions
qui doivent être rendues. Le comité provincial de classification a
essayé de classifier des brevets et des diplômes en tenant compte
de deux choses: les années réelles de scolarité et le
niveau de scolarité.
Nous avons vu qu'il était à peu près impossible que
le comité fasse cela. Les décisions du comité sont
devenues publiques trop tard. M. Charbonneau a fait allusion tout à
l'heure à un ensemble de décisions qui devaient être
rendues le 30 novembre 1969. Nous venons juste d'avoir ces
décisions.
Si vous me le permettez, M. le Président, je vais continuer en
anglais.
However, unsatisfactory we find these decisions, article 9-4.02 of the
collective agreement provides for the contractual parties to meet in an effort
to resolve these difficulties. Mr. Charbonneau stated that, on a number of
occasions, the syndical party sent requests to the government and the "partie
patronnale" asking for meetings. In addition, in a letter dated September 28
the Provincial Association of Catholic Teachers requested a meeting for the six
parties to discuss the application of the PCC decisions and the problems they
had created. That was last September.
Furthermore, on a telegram dated October 9 again our Association invited
the "partie patronale" to avail itself of the stipulations of the collective
agreement and to meet at the negociating table to iron out some of the problems
resulting from the PCC.
Le 18 décembre une demande a été faite à
M. Paul Huot, du service des relations de travail, afin qu'on puisse
prendre des mesures pour améliorer le fonctionnement du
secrétariat du comité provincial de classification.
Il n'y a aucun doute dans notre esprit qu'une des raisons pour
lesquelles le comité provincial n'a pu rendre de décision est que
le règlement numéro 5 est assez ambigu.
Pour essayer de résoudre ce problème, nous avons soumis au
ministère une liste de recommandations concernant ce règlement.
Si on regarde la convention collective, selon la clause 6-2.03 (B) le
comité provincial de classification pouvait faire des recommandations
pour changer le règlement numéro 5.
Dans notre mémoire, j'ai fait une liste de ces recommandations.
Dans ces recommandations nous disons que le règlement numéro 5
doit être révisé. "Scholastics status should be
differentiated from classification. A classification system should be
established which will clearly differentiate between, on one hand, the years of
study and disciplines under the control of institutions of higher, and crowned
by degrees, diplomas, etc. and, on the other hand, those unrelated studies
which do not culminate in degrees and diplomas."
Une autre recommandation: "A classification system needs to be provided
that will diverge from a simple "scholarity principle" that counts only years;
we need provisions that will make attractive the earlier choice of studies
towards a professional degree or license."
Une autre recommandation: "Now that we have a common educational system,
we strongly recommend that a common policy be adopted by Quebec Universities
for granting equivalences for qualifications obtained outside this province.
This policy might then be invoked for the assigning of classifications."
Ensuite: "That the association, the Provincial Association of Catholic
Teachers, participate in any reformulation of guidelines or Regulations
governing classifications, so that we might share with the ministry the burden
and the responsibility for any new regulation."
Pour résoudre la présente impasse, notre association est
prête à considérer toute autre méthode de classifier
les enseignants et ceci en négociation avec les cinq autres parties
à la table des négociations. Nous insistons cependant pour que,
quel que soit le système de classification, on soit d'accord et qu'il y
ait égalité entre le secteur urbain et le secteur rural, entre
les francophones et les anglophones, entre les protestants et les catholiques
et entre ceux qui viennent des sections défavorisées et ceux des
sections plus prévilégiées.
Merci, M. le Président.
M. LE PRESIDENT: Je tiens à remercier, avec la permission de la
commission, M. Sparkes et M. Dobie du respect dont ils ont fait preuve envers
la population du Québec en s'exprimant dans la langue de cette
population. J'inviterai
maintenant la Fédération des unions de familles, Mme
Gertrude Langlois ou Mme Marie Junger à présenter leur
exposé.
Autres organismes Fédération des unions
de familles
MME JUNGER: M. le Président mon nom est Marie Junger, responsable
du Comité famille-école de la Fédération des unions
de familles de la Région de Montréal.
Est-il besoin de vous dire que les parents en ont assez! Pour la
première fois dans un conflit scolaire, ils ont réagi en masse.
Les assemblées d'information se sont faites de plus en plus nombreuses
et la présence des parents de plus en plus assidue. Sans que ce soit
devenu un mouvement concerté, ce que nous aurions souhaité,
plusieurs parents ont affirmé leur désaccord total face à
la situation.
Par exemple, sur l'initiative des associations de parents, dans les
écoles primaires suivantes, la première journée, à
Saint-Pascal-Baylon, 456 enfants sont gardés à la maison sur un
total de 590. A Saint-Antonin, 220 sur un total de 346. A Saint-Clément,
Sainte-Emilie et Saint-Paul-de-Viauville, 835 sur 1,988. Au niveau secondaire,
à l'école Jean-Baptiste-Meilleur, 500 enfants sont gardés
à la maison sur 600 inscrits.
Plusieurs autres écoles où les parents ont agi de
façon analogue, ont vu le nombre d'enfants présents à
l'école diminuer considérablement pendant plusieurs jours. Les
parents ayant travaillé à différents niveaux ont
communiqué avec nous et nous ont demandé de travailler avec la
fédération afin d'entreprendre une action plus concertée.
Dans ces circonstances, la Fédération des unions de familles a
voulu servir de carrefour pour permettre à ces parents de
s'exprimer.
Nous savons aussi que de nombreux parents ont envoyé des
télégrammes, soit à leur député, soit au
gouvernement en vue de hâter le règlement du conflit. Vous devez
en savoir quelque chose. Chaque année depuis 1967, le secteur public de
l'enseignement semble affligé de formes de contestation chroniques qui
paralysent le service auquel les enfants ont pleinement droit, sans oublier le
droit des parents de compter sur l'efficacité du système scolaire
à instruire leurs enfants et pour lequel ils n'ont pas refusé
jusqu'ici de payer largement leurs taxes.
L'objectif du bill 25, reprenant l'objectif de la réforme
scolaire à l'effet de garantir le droit de l'enfant à
l'éducation, a-t-il été atteint? Au contraire, le climat
qui règne met en évidence une forme de contestation entre les
parties en cause devant laquelle l'enfant au primaire est totalement
impuissant. Par ailleurs, l'étudiant au secondaire manifeste sa
réaction par des actes qui ne sont pas à sa mesure. On ne peut
trop souligner les conséquences néfastes qu'un tel climat peut
engendrer dans le milieu étu- diant. Nous sommes particulièrement
alarmés du fait que les étudiants du niveau secondaire,
malgré une bonne volonté évidente, se retrouvent
dangereusement insécurisés devant l'incohérence des
politiques scolaires.
Pourquoi le secteur public a-t-il à faire face à des
problèmes de cette envergure? Les enseignants peuvent-ils remplir leur
tâche avec satisfaction en vivant l'évolution nécessaire de
l'enseignement public et ce, depuis les dix dernières années?
L'absence de relations humaines causée par le gigantisme des
écoles, le contexte social dans lequel les enseignants doivent
travailler, la frustration de nombreux enseignants de ne pouvoir exercer leur
profession dans le domaine pour lequel ils se sont spécialisés
sont, à notre avis, quelques-unes des causes du désordre scolaire
que nous vivons depuis de trop nombreuses années.
Sans nullement remettre en cause le principe de la polyvalence ou des
équipements scolaires, nous serions enclins à appuyer une
récente recommandation du Conseil supérieur de l'éducation
à l'effet de regrouper les deux premiers cycles du secondaire. Le choix
des options étant plus diversifié, il est naturel de
prévoir un regroupement des activités scolaires et parascolaires
mieux adapté au développement des adolescents.
Tant pour les professeurs que pour les jeunes, il est indispensable de
favoriser le développement d'un sentiment d'appartenance à leur
école. Pour ce faire, nous favorisons la décentralisation
pédagogique et administrative. Nous croyons qu'il faut repenser la
politique de rémunération des enseignants, compte tenu des droits
acquis et en envisageant une rémunération qui tienne compte de la
formation et des responsabilités des enseignants, quitte à rogner
sur les budgets des politiques d'équipement scolaire ou de construction
d'écoles.
Dans la conjoncture actuelle, les institutions privées ne
semblent pas affectées. C'est, du moins, un secteur où les
étudiants ne sont pas perturbés. Nous en sommes satisfaits. Nous
nous demandons pourquoi la même situation n'existe pas dans le
système public qui, lui, est paralysé. Cet état de choses
est pour nous injustifiable et inacceptable, d'autant plus que les institutions
privées existent parce qu'elles sont financées à 80 p. c.
par les fonds publics. Nous sommes d'accord sur le développement d'un
réseau d'institutions privées à condition qu'il
s'intègre à une politique de droit à l'éducation
pour tous les enfants.
Aujourd'hui, nous sommes de plus en plus inquiets. Nous nous demandons
si le secteur public de l'enseignement ne deviendra pas le parent pauvre de la
réforme scolaire. Voilà autant de problèmes auxquels on
devra trouver des solutions dans les plus brefs délais.
Nous avons quelques recommandations. La réaction des parents dans
la crise actuelle prouve qu'ils sont hautement sensibilisés. Ils
intensifieront leur action si une solution juste et
équitable ne vient pas mettre un terme, rapidement, à ce
conflit qui dure depuis déjà trop longtemps. Il est bon que les
autorités en place, tant du côté du gouvernement, des
administrations scolaires que des syndicats, réalisent que les parents
ne sont pas dupes des jeux politiques et qu'il faille pour cette raison
repenser complètement le jeu des négociations dans le secteur
public. Par exemple, la décision de convoquer la commission
parlementaire de la Fonction publique nous semble être un des
mécanismes nouveaux en termes de négociations dans le secteur
public. A l'appui de notre demande, nous réitérons ici deux
recommandations que nous avons déjà adressées à
monsieur le premier ministre, en date du 22 septembre 1970. Des copies avaient
été envoyées à l'honorable Raymond Garneau, alors
ministre de la Fonction publique, et à l'honorable Guy Saint-Pierre,
ministre de l'Education. Voici la teneur de la lettre. "Monsieur le premier
ministre, "Nous sommes informés qu'en décembre prochain
commenceront de nouvelles négociations dans le secteur de
l'enseignement. "Compte tenu des expériences passées où
les parents ont dû entrer dans le jeu des pressions politiques; "Compte
tenu de notre préoccupation de représenter le droit des enfants
dans nos écoles primaires et secondaires; "Conscients que les
commissaires représentent en priorité le droit des
administrateurs; "Par résolution du conseil d'administration, nous
demandons que, dès le début des prochaines négociations
entre la CEQ et la FCSCQ, la Fédération des unions de familles
soit invitée à déléguer un ou deux observateurs
à la table des négociations, tout aussi bien
qu'éventuellement une invitation pourrait être adressée aux
journalistes. "Conscients qu'une réforme dans les mécanismes de
négociations du secteur public ne peut être adoptée en un
si court laps de temps; "Nous considérons que notre demande peut
créer l'occasion d'une procédure de réforme par
étapes. "Compte tenu de nos préoccupations d'établir de
nouveaux mécanismes de négociations dans le secteur public;
"Attendu qu'en définitive ce sont les corps intermédiaires et
l'opinion publique qui influencent le jeu politique qui s'introduit dans les
négociations du secteur public; "Attendu que, malheureusement, les
négociations du secteur public se déroulent encore de la
même façon que dans le secteur privé ; "Nous vous
présentons le texte d'une résolution adoptée à cet
effet à notre assemblée générale de 1968;
"Considérant l'interdépendance des divers secteurs de
l'économie secteur public et secteur privé entre
eux et, partant, les répercussions des conflits du monde du travail sur
le bien-être des familles; "Considérant la nécessité
d'introduire plus de rationalité dans les mécanismes de
négociations, en sorte qu'ils permettent une meilleure vision d'ensemble
et de la prévision; "La Fédération des unions de familles
propose que soit mise sur pied une commission de médiation polyvalente
et permanente, composée de techniciens économistes,
sociologues et autres et de membres venant des corps consultatifs qui
représentent la population auprès des divers ministères;
que ladite commission, une fois sa mission terminée et quelle que soit
l'issue de son intervention, adresse un rapport aux ministères
intéressés et aux parties en cause, rapport qui sera
également porté à la connaissance du public. "Nous
comptons que vous serez attentif à notre demande et veuillez croire
à notre souci sincère de saine collaboration. "Veuillez
agréer, monsieur le premier ministre, l'expression de nos sentiments
très distingués. "
(signé) "Le conseil d'administration, par: Gertrude Langlois,
présidente."
Cette lettre n'a jamais eu de réponse. Merci.
M. LE PRESIDENT: Merci, Mme Junger. J'inviterai maintenant M. Louis
Bouchard à nous faire son exposé. M. Bouchard, votre texte ayant
été mis à la disposition des membres de la commission,
pourriez-vous nous faire un résumé ou indiquer des conclusions
succinctes, étant donné l'heure qui s'envole?
Association des parents catholiques
M. BOUCHARD: Etant donné l'heure qui s'envole, M. le
Président, étant donné que le problème s'est
posé à Montréal, je vais essayer de me limiter à
moins d'une vingtaine de minutes; mais je tiens à donner le texte que
nous avons préparé, s'il vous plaît, en pensant, en somme,
à ces 100,000 enfants qui depuis un mois et demi ont écopé
du conflit qui est passé sur leur dos. J'insisterais beaucoup pour
donner mon texte, si vous me le permettez. Je vais le limiter et cela va
être très bref.
M. LE PRESIDENT: L'indentification d'abord.
M. BOUCHARD: Je représente la section de Montréal, le
diocèse de Montréal, de l'Associa-
tion des parents catholiques du Québec. Je tiens cependant
à signaler la présence ici d'organismes de contribuables comme la
Ligue des propriétaires de Montréal, représentée
par M. Loyola Perras et l'Union des ligues de propriétaires de la
province de Québec, représentée par M. Paul Bertrand. De
même aussi, il y a des parents de Québec qui ont bien voulu faire
acte de présence ici avec nous par esprit de solidarité. Je
mentionne M. Vincent Brousseau, directeur des relations de parents à la
Commission des écoles catholiques de Québec, M. René
Mainguy, président de notre section diocésaine de Québec,
M. Rodrigue Garon, président des comités de parents de la ville
de Québec qui sont sous la juridiction de la Commission scolaire de
Québec, Mme Bélanger et d'autres. Je les remercie de leur
présence. Ils sont venus ici après avoir lu notre
mémoire.
On a beaucoup entendu les expressions "partie patronale" et "partie
syndicale" au cours des dernières heures devant cette commission. Nous
venons un peu représenter la partie de l'enfant...
M. CHARRON: ... parentale...
M. BOUCHARD: ... de ceux qui sont encore perçus par la population
comme les premiers gardiens des droits de l'enfant, les parents. Je remercie
particulièrement le ministre de l'Education et le ministre de la
Fonction publique d'avoir fait une place sur cette tribune à des voix de
parents. J'ai rencontré récemment un père de famille qui
habite le même quartier que moi à Montréal et qui voulait
me donner son point de vue sur ce problème de la classification des
enseignants. Il était révolté à la pensée du
traitement qu'on a infligé à ces professeurs qui ont
été déclassifiés, appelés à
rembourser en vertu d'une décision rétroactive de leur employeur,
une partie du salaire qui leur avait été de fait versé. Il
était aussi révolté parce que n'importe quel travailleur
et non plus seulement des professeurs, ce précédent étant
une fois posé, pourrait voir son salaire réduit par le patron par
l'effet d'une décision d'une dépréciation de ses
diplômes, de ses qualifications ou de ses titres de compétence. Ce
père de famille d'un excellent jugement et d'une grande bonne foi fut
pour moi un cas exemplaire des effets d'une information de masse globale dans
laquelle on met l'accent sur un seul aspect d'un problème. Il ignorait
en effet qu'il y avait un comité provincial de négociations qui
avait étudié ces questions et qu'il était
représentatif des deux côtés, des deux parties. Il ignorait
aussi que les années de scolarité étaient
déjà établies dans une convention collective, pour la
plupart des diplômes, entre autres, par exemple, le baccalauréat
ès arts, quinze ans; le brevet A, quinze ans. Il ignorait que cette
odieuse rétroactivité qui obligeait des professeurs à
rembourser du salaire gagné depuis un an ou deux était due
à un double retard: le retard d'abord à signer une convention,
on a mis 28 mois pour la négociation le retard du
comité provincial à se mettre en marche et à rendre des
décisions. Il ignorait aussi que cette rétroactivité avait
été prévue et agréée par les deux
côtés, les syndicats et les patrons. Il ignorait même que
les parties avaient signé une convention collective et il ignorait que
cette convention provinciale avait eu pour but d'effacer les
inégalités d'une commission scolaire à l'autre dans toute
la province et que c'était la première fois qu'on tentait
d'atteindre cet objectif.
Bref, ce bon père de famille avait gobé dans une
information de masse tout juste ce qu'il fallait pour créer chez lui ce
sentiment de révolte contre ces injustes et méchants patrons
exploiteurs que sont les commissions scolaires et le gouvernement et pour
motiver son approbation à peu près totale aux grèves qui
ont paralysé les écoles dans la métropole pendant un mois
et demi.
Je m'empresse d'ajouter ici deux observations. La première, c'est
que la grande majorité des parents que nous avons consultés dans
Montréal même lorsqu'ils connaissent les données du
problème que je viens d'exposer demeurent quand même
sympathiques à la cause de ces enseignants qui ont été
déclassifiés, parce qu'ils rejettent le principe même d'une
décision ayant comme effet rétroactif d'obliger des professeurs
à rembourser une partip du salaire qui leur a été
versé. Les parents s'étonnent même qu'une telle clause ait
été consignée et agréée par les deux parties
dans un contrat de travail.
Donc, nous nous sommes réjouis d'apprendre que les deux parties
avaient convenu de remettre en question tout ce mécanisme du
comité provincial et ses décisions, après les avoir
annulées.
Ma deuxième observation est que, mis à part les
remboursements de salaire réclamés en vertu de ces
décisions rétroactives, les parents ont constaté, comme
vous messieurs, que les problèmes du classement que devait
résoudre le conseil provincial de classification pour arriver à
des normes justes et uniformes dans toute la province sont très
complexes et sont compliqués par des droits acquis locaux, vous le
savez. Les parents n'ayant pas, eux, des informations suffisantes pour
étudier ces cas et rendre un jugement prudent, ils renonçaient
évidemment à essayer de proposer des solutions
concrètes.
Je ne viens pas ici proposer des solutions concrètes au fond du
problème du classement ou de la qualification, au problème
concret des cas de professeurs qui ont été
déclassifiés. Je résumerai à deux propositions
essentielles la position des parents que je représente ici, qui est
celle de la section diocésaine de Montréal de l'Association des
parents catholiques du Québec.
Premièrement, les parents sont, par rapport aux professeurs, des
alliés si on peut dire naturels non seulement sympathiques
à la cause
de leurs intérêts professionnels, mais disposés en
tout temps à entrer en action pour appuyer leurs justes revendications
même si, le cas échéant, il peut leur en coûter
quelque chose de plus à titre de contribuables.
La deuxième position, c'est que les parents considèrent
comme injustes, intolérables, néfastes sous tous les aspects et
pour tous, y compris les enseignants, ces grèves, la suppression ou le
ralentissement des services d'enseignement systématiquement
organisés par lesquels des syndicats d'enseignement, des chefs syndicaux
ou des militants syndicaux plus ou moins responsables ou irresponsables
prétendent faussement promouvoir les intérêts de la
profession enseignante et la justice dans la société.
La justice pour un groupe peut-elle résulter d'injustices
flagrantes commises sciemment contre d'autres groupes, d'injustices plus
grandes que celles-là même qu'on prétend corriger?
Je veux signaler en passant quelques-uns des effets néfastes de
ces grèves, d'abord pour les enseignants. Ayant moi-même fait
carrière dans l'enseignement, je ne crois pas me tromper en affirmant
que pour l'immense majorité ces grèves placent le professeur dans
un dilemme qu'il faut éviter. D'un côté, sa conscience
professionnelle, une notion de l'éthique et de la justice face à
l'élève qui a droit à ses services et à un contrat
de travail qui le lie individuellement; de l'autre, la pression d'un groupe
syndical qui lui fait une quasi-obligation contraire de refuser ses services,
pressions appuyées, je le veux bien, par des votes d'assemblées
syndicales parfois plus ou moins représentatives, parfois
survoltées, parfois même cuisinées.
Le deuxième effet négatif pour les enseignants est la
perte de salaire pour chacun de ces jours d'absence qu'il encourt alors que ces
grèves n'apportent aucun élément de solution.
Un troisième effet négatif pour l'enseignant, est le
discrédit que lui vaut à lui et à sa profession un refus
de services qui apparaît à une grande partie du public et des
parents bien informés comme un acte déloyal et socialement
injuste.
Un autre effet négatif, c'est le dilemme où le placent ces
grèves face à l'étudiant qui est devant lui et qui
l'interroge sur leur bien-fondé.
Rien, en effet, n'est plus contraire à l'acte éducatif,
rien n'est plus dérogatoire à l'éthique de sa profession
que de provoquer chez ses élèves, par l'information qui leur
donne lui-même, un engagement, une action collective ou individuelle qui
servira ses propres intérêts.
Quand cette information est partiale, lorsqu'elle est donnée pour
provoquer une couverture d'étudiants aux pressions de son propre
syndicat, cela peut s'appeler de l'endoctrinement ou autre chose mais non pas
de l'éducation. Or, le professeur qui est directement impliqué
dans un conflit entre lui-même et son employeur, qui doit expliquer
pourquoi lui-même et ses collègues agissent en contravention des
lois et de son propre contrat signé peut-il facilement donner à
ses élèves une information objective et impartiale? Est-ce bien
son rôle de le faire? J'ai été témoin d'une
assemblée de parents, où le principal de l'école a
été vivement blâmé par des parents. Il avait
lui-même invité les élèves de l'école
à décider par leur vote si les cours seraient donnés et
suivis par les élèves ou s'ils occuperaient les locaux pour
appuyer la cause de leurs professeurs. Vous devinez facilement quelle avait
été la décision de ces étudiants. Il s'agissait
d'étudiants de niveau secondaire informés par les professeurs,
poussés par l'attrait du congé de cours et de la contestation, ce
qui est bien de leur âge. Ces grèves ont créé dans
un très grand nombre d'écoles de Montréal une situation
d'inévitables conflits entre les parents et le personnel enseignant. On
ne s'est pas privé d'ailleurs d'utiliser les comités consultatifs
d'écoles où siègent des professeurs et des parents pour
favoriser la stratégie des syndicats en prolongeant le blocage des
services. Les parents étaient informés des décisions du
comité et, en certains cas, des décisions d'un conseil
d'étudiants: Gardez vos enfants à la maison aussi longtemps que
le conflit ne sera pas réglé.
Le résultat est que les professeurs pouvaient être
présents à l'école, évidemment, et éviter
les pénalités pour absence, mais la paralysie des services
devenait imputable à la décision des parents ou des
étudiants.
J'affirme que de tels procédés donnent de notre
profession, de la mienne, de toute la profession enseignante à laquelle
j'appartiens encore, une image déformée, défavorable qui
ne convient pas à l'ensemble des professeurs de la province.
Je dirais aussi un mot des effets négatifs pour les enfants et
les parents. Cela ne sera pas long. Six semaines de cours perdues pour plus de
100,000 enfants et étudiants. On peut en effet compter comme à
peu près perdus les jours de classe intermittents qui se sont
intercalés pendant cette période. Car le manque
d'intérêt, l'attente, l'incertitude, l'énervement, les
absences plus nombreuses d'élèves ont pratiquement annulé
le rendement pendant toute la période.
Ces grèves tournantes ont créé un effet de fatigue
nerveuse, un dégoût peut-être plus néfaste chez les
enfants qu'une grève annoncée, suivie et générale.
Les grèves, les contestations et les occupations qui se multiplient dans
nos écoles secondaires, dans les CEGEP et dans les universités
depuis le début de la réforme de l'éducation ne sont
peut-être pas étrangères au phénomène de la
démission d'étudiants de plus en plus nombreux qui abandonnent
les études, à leur écoeurement et aussi à la
démission, peut-être, d'excellents éducateurs qui croient
que l'école ne devrait pas être le champ privilégié
des batailles syndicales ou politiques.
Comment les syndicats peuvent-ils prétendre promouvoir la justice
en agissant ainsi à l'endroit de personnes innocentes, les parents et
les enfants qu'ils n'ont même pas informés des
données majeures du conflit avant cette décision? Comment
peuvent-ils prétendre régler des problèmes par de telles
injustices?
J'ajoute un mot en ce qui concerne les contribuables. L'enseignement est
un service public payé par les contribuables. Les propriétaires
fonciers, pour leur part, fournissent 50 p. c. du budget de la Commission des
écoles catholiques de Montréal. Est-il juste de leur faire payer
des services qui n'ont pas été rendus? Les dommages causés
par les grèves tournantes peuvent s'évaluer en millions de
dollars. Les contribuables n'auraient-ils pas le droit moral au moins, sinon
légal, de réclamer un dégrèvement de taxe
équivalent et d'en faire bénéficier les parents dans des
institutions où le service normal sera assuré?
Le plus grand dommage cependant, c'est toute la société
québécoise qui le subit. Ce n'est peut-être pas la perte
d'argent, la perte d'un mois et demi de cours avec le bilan négatif
simplement au plan scolaire.
Le plus grand mal est de convaincre toute notre jeunesse, ou du moins
une grande partie de la jeunesse. C'est de convaincre une marge d'adultes mal
informés que la société du Québec est devenue une
jungle, que seule la force ou certaines formes de violence peuvent créer
la société juste, et qu'il est normal d'enfreindre les lois, de
prendre comme otages des victimes innocentes, dans le cas présent, les
enfants et les parents, et de leur causer des préjudices pour forcer les
employeurs et les gouvernants à donner justice aux employés
salariés.
J'ajoute que le syndicalisme est dévié. Nous croyons,
nous, les parents, qu'une telle mentalité est malsaine, et que, de fait,
elle est fausse. Ces grèves n'étaient nullement
nécessaires pour gagner la sympathie et l'appui des parents et du public
à de légitimes revendications des enseignants. Les syndicats
n'ont pas commencé par informer les associations de parents avant de
paralyser les services.
Pourquoi n'admet-on pas d'ailleurs des représentants
d'associations de parents comme observateurs à la table des
négociations? Pourquoi ce huis clos pendant les interminables
négociations quand il s'agit de services publics? La sympathie des
parents et du public, l'appui dont les enseignants pourraient avoir besoin
sont-ils plus facilement gagnés quand on a d'abord commencé par
leur créer d'injustes préjudices?
Le problème est profond, on l'a dit tantôt et c'est
parfaitement vrai. Il ne tient pas simplement à une mécanique de
la convention collective qui aurait mal tourné. J'ajoute que c'est
l'instrument essentiel du syndicalisme, la négociation et la signature
de contrats de travail qui sont présentement mis en cause, et auxquels
on semble préférer parfois des débats ou des conflits de
caractère politique avec un entraînement des syndiqués
à certaines formes de violence et de mépris des lois.
Mais la profession de l'enseignement est très mal servie par ces
techniques. Les grèves dans l'enseignement deviennent plus que jamais
une technique dépassée, qui ne peut guère promouvoir ni
les intérêts des enseignants, ni ceux de la société,
d'une société qui se veut civilisée, et qui
reconnaît le droit de l'enfant à l'éducation, et surtout
qui entend favoriser la coopération constante des parents et des
maîtres dans la poursuite de cet objectif.
J'ajoute un mot sur les autorités responsables, et je dis ici
"responsables" dans le sens de ceux qui ont mandat de la société
d'assurer des services permanents. Les parents ont l'impression que les
autorités responsables sont parfois dépassées. Leur
tolérance face à cette déviation de l'action syndicale
apparaît comme de la faiblesse, et l'on se demande je traduis ici
une impression qui n'est pas nécessairement la mienne, mais qui
s'exprime très souvent dans les conversations privées on
se demande, dis-je, si un pouvoir parallèle n'est pas en fait
déjà en place, et en concurrence avec le pouvoir légal et
officiel.
Le gouvernement provincial, d'autre part, devrait renoncer à
être ou à vouloir être l'employeur commun de tous les
professeurs de la province. Il est malsain que tant de salariés, de
professionnels relèvent du gouvernement central plutôt que des
gouvernements locaux. Comment l'Etat peut-il se donner comme l'arbitre
impartial chargé du bien commun dans les conflits entre employeurs et
employés lorsqu'il est lui-même l'employeur de tous?
J'oserais signaler de plus deux défauts de la Commission des
écoles catholiques de Montréal. J'ai vu tout à l'heure M.
Pagé, je tiens à lui dire qu'il ne s'agit pas des défauts
des commissaires, je ne leur en connais pas, je parle de la structure.
Premièrement, elle est trop grosse, et, deuxièmement, ses
membres sont nommés et non pas élus par les parents et
contribuables du milieu. La démocratie vit de gouvernements locaux. Ce
n'est pas moi qui l'invente, je le trouve dans les premières pages de
l'annexe juridique de la commission Parent.
Des gouvernements élus et responsables devant leur milieu, les
administrations monstres d'autre part restent très difficilement en
contact constant avec leur milieu. Il est urgent que les parents aient un
rôle efficace dans les structures du système. A Montréal,
il n'ont aucune voix délibérante. Les écoles sont
livrées au pouvoir conjoint de commissaires nommés et de
syndicats qui, légalement, n'ont aucune responsabilité
vis-à-vis du maintien du service et de la population.
C'est parce que les parents à Montréal n'ont aucune
structure efficace, et j'entends par efficace une structure dans les
niveaux décisionnels c'est peut-être surtout pour ça
que la personne humaine de l'enfant et son droit à l'éducation
sont publiquement bafoués.
J'ai dit que le bilan des grèves tournantes, qui ont
paralysé l'enseignement pendant six semaines, est entièrement
négatif. Il est possi-
ble, cependant, qu'un mouvement très positif naisse de ces
excès dans les deux groupes concernés: d'abord, chez les
enseignants qui pourraient, s'ils le veulent, redresser eux-mêmes les
déviations et les déficiences de leur organisation
professionnelle en formulant une éthique de la profession enseignante et
en mettant sur pied un mécanisme d'autodiscipline qui ne soit pas
imposé de l'extérieur. Et aussi chez la masse des parents qui
commencent à se rendre compte qu'ils ne peuvent guère attendre
que d'eux-mêmes, par leur union et leur engagement dans des associations,
le salut de l'école, le progrès de l'éducation et la
promotion des vrais intérêts de la jeunesse.
Je termine en résumant quelques recommandations.
Premièrement, que les associations de parents aient la liberté de
déléguer des observateurs à la table provinciale de
négociations des enseignants et des commissions scolaires et aussi dans
les négociations locales.
Deuxièmement, que le gouvernement, comme gardien du bien commun
et arbitre des conflits entre employeurs et employés, évite
d'assumer le double rôle de juge et de partie dans ces conflits et laisse
aux gouvernements locaux leur pleine responsabilité d'employeurs.
Troisièmement, que le gouvernement montre plus de fermeté
et de confiance dans le bon jugement de la masse des gouvernés en
faisant respecter les lois même par les syndicats et en protégeant
les droits de l'enfant et des parents injustement lésés par les
grèves d'enseignants et par les occupations d'immeubles scolaires, qui
se multiplient depuis la réforme de l'éducation à tous les
niveaux: élémentaire, secondaire, collégial et
supérieur.
Quatrièmement, que, dans la restructuration scolaire de
l'île de Montréal, le gouvernement évite de créer
une commission scolaire monstre à l'échelle de l'île et
qu'il donne à des commissions scolaires moyennes, dont les membres
seront élus par les parents et par les contribuables, l'autonomie
pédagogique, administrative et la responsabilité, comme
employeurs, des professeurs, conformément à la Loi actuelle de
l'instruction publique.
Cinquièmement, que les enseignants de tous les niveaux, et les
éducateurs de différentes fonctions repensent leur organisation
professionnelle en fonction non seulement de certains intérêts de
groupe, mais également d'une responsabilité sociale de la
profession enseignante et qu'elle se donne des mécanismes internes
d'autodiscipline.
Nous avons des motifs de penser que ce mémoire traduit assez
fidèlement les désirs non seulement des quelque 35,000 parents
qui ont adhéré par des signatures données à
l'Association des parents catholiques du Québec, mais d'un nombre
peut-être cinq ou dix fois plus grand de parents qui pensent aussi comme
nous, mais que nos ressources financières et humaines ne nous ont pas
permis encore de rejoindre.
Merci beaucoup, mesdames et messieurs.
M. LE PRESIDENT: Merci, M. Bouchard. J'inviterai maintenant le
représentant de la
CSN.
Confédération des syndicats
nationaux
M. PARENT: M. le Président, mon nom est Raymond Parent,
secrétaire général de la CSN.
M. le Président, messieurs les membres de la commission, je
voudrais d'abord préciser que cet après-midi, quand j'ai
demandé d'intervenir, j'avais indiqué que je voulais le faire au
nom de la CSN et de la FTQ. C'est qu'il est arrivé, cet
après-midi, qu'un ministre anglais de l'actuel gouvernement avait
réalisé que nous nous échangions tous les deux des
mandats, M. Louis Laberge et moi-même. Nous avions une rencontre avec M.
le ministre Kevin Drummond, qui était en retard à cause de
l'état des routes et nous avions dû nous partager. La situation
est rétablie et je n'ai maintenant que mon mandat d'élu, celui de
secrétaire de la CSN, M. Laberge étant ici et parlant pour sa
centrale. Je me rends compte comme vous que le mandat d'élu est plus
ferme que le mandat de nommé.
J'ai écouté l'intervention des deux parties qui sont
impliquées de façon plus particulière dans le litige cet
après-midi et ce soir. La première chose qui m'a frappé,
au nom de la centrale que je représente, c'est le fait qu'on a
abordé, surtout du côté patronal, le conflit strictement
sous un aspect juridique, légaliste et très restrictif.
Il m'apparaît que c'est un des problèmes concrets que l'on
retrouve très souvent dans les conflits de relations patronales et
ouvrières, mais qui s'est manifesté, ici, de façon
très claire et très nette. La partie patronale a essayé de
se justifier très longuement cet après-midi en invoquant des
arguments juridiques. La partie syndicale a fait de même sur certains
points, mais a quand même essayé d'élargir le débat
pour le replacer dans un contexte plus élargi. Quant à moi, c'est
un des problèmes qui devraient être considérés
à l'heure actuelle par la commission, et la commission doit faire un
effort pour dégager tout ce normalisme qu'on essaie d'introduire dans le
conflit actuel.
On a beau invoquer que la convention a été
négociée et signée, une convention négociée
et signée entre des parties, quand les parties sont de bonne foi,
ça peut être modifié, ça peut être
changé en cours de route par les parties, cela se fait continuellement
dans le secteur privé, et pour le gouvernement cela ne serait pas un
précédent. Cela se fait continuellement. Nous l'avons fait
maintes fois, en particulier dans la première convention avec les
fonctionnaires provinciaux quand nous nous sommes rendu compte que certaines
dispositions ne s'appliquaient pas ou étaient difficiles d'application.
Nous en avons découvert de toutes sortes, ceux qui étaient
là s'en souviennent. Les parties se sont assises à la table, et
parfois avec difficulté. Certains avaient les jambes plus raides que
d'autres, mais on réussissait quand même ou on a
réussi à aborder certains problèmes et à les
résoudre en y aportant les modifications qui devaient être
apportées.
Je crois que c'est un premier point. Se figer strictement dans le
juridisme de la convention existante pour dire que c'est cela qui a
été établi et qu'on doit l'appliquer, ce n'est pas
satisfaisant devant l'ampleur du problème actuel. Les parties devraient
se rasseoir à la table des négociations et reprendre la
discussion de bonne foi dans un véritable cadre de
négociations.
On a invoqué également le règlement numéro
5. Si je comprends bien, le règlement numéro 5 ce n'est pas une
loi, c'est un arrêté ministériel. C'est la loi d'une des
parties. Je me rappelle déjà qu'un premier ministre avait dit que
la loi de deux parties c'était plus fort que la loi d'une partie. Par
conséquent, je pense que même le règlement numéro 5,
puisqu'il a été intégré à la convention
collective par la volonté des parties, devrait être repris aussi,
et s'il doit être assoupli ou corrigé, il devrait l'être
conjointement. D'ailleurs, j'indiquerai au ministre de l'Education et au
ministre de la Fonction publique que, s'ils ont des scrupules du
côté de la possibilité de modifier des règlements,
le ministre du Travail connaît cela, lui, l'assouplissement des
décrets. Il pourrait les aider. Il pourrait sûrement les
aider.
Sur cette première partie-là, par conséquent, il
m'apparaît que les choses devraient être reprises avec moins de
rigidité. Quant au deuxième point, ce que je comprends, c'est que
la loi qui régit à l'heure actuelle les relations de travail chez
les enseignants est une législation qui s'appelle le code du travail.
Or, la définition de la convention collective dans le code du travail
c'est qu'elle permet de négocier tout ce qui concerne les conditions de
travail et d'emploi. La classification est une condition de travail. Le
classement des employés en est une autre. Egalement, je trouve un peu
que la position pas un peu mais beaucoup connue du gouvernement
et de la Fédération des commissions scolaires est rigide et un
peu anachronique.
Je me rappelle avoir négocié, dès 1952, je donnerai
deux exemples, dans le secteur privé avec quelqu'un qui
représentait une association de patrons à ce moment-là, il
est maintenant un des sous-ministres de la Fonction publique selon la
loi qui existait dans le temps, la loi des relations ouvrières et la Loi
de la convention collective, des régimes de classification où les
parties établissaient les normes et les critères de
classification et établissaient conjointement le classement des
employés. Cela se faisait en vertu d'un décret sanctionné
par le cabinet sous l'égide du ministre du ministre du Travail du temps.
C'était en 1952, cela a duré 15 ans. Cela dure encore.
Un autre cas de problème de classification très
sérieux qui a existé dans le secteur privé.
C'était en 1957 dans le secteur de l'industrie de l'aluminium.
Vous vous rappelez qu'en 1957, il y a eu une grève dans l'aluminium,
particulièrement à Arvida. Une des raisons de la grève
c'était que les employés ne voulaient plus que le patron seul, en
vertu de son droit de gérance, classifie et classe les employés
comme il l'entendait. C'était la grève pour le CWS, un
système d'évaluation des emplois. La grève a duré
quatre mois. Les employés se sont promenés, et les patrons,
pendant six semaines, se sont promenés, comme ce soir, du parlement au
bureau du ministre du Travail qui agissait comme médiateur.
Finalement ils en sont arrivés à un accord. Il y a eu une
convention collective qui a fait que, dans l'industrie de l'aluminium,
et ce n'est pas la seule, je la donne à titre d'exemple on a
établi un système de classification des emplois, de classement
des employés.
Quand la classification a été faite, sans
déclassement par rapport à l'ancien système parce
qu'il faut bien parler français dans les relations de travail, on
connaît le système des "red circles", ça existe, ça
existera, même si nous cherchons une parité générale
cela s'est réglé après quatre mois de grève,
bien entendu, mais c'était en 1957. Or, en ce qui concerne le secteur
public, ou le secteur parapublic, les structures scolaires, les
employés, les enseignants sont obligés de reprendre des
débats qui ont été conquis dans le secteur privé,
avec les employeurs qui avaient quand même des intérêts bien
précis; non pas de faire des adultes avec des enfants, mais de fabriquer
simplement de l'aluminium ou autres produits. Les employeurs ont reconnu que
c'était un mode normal de relations de travail en 1957, que les
travailleurs participent eux aussi, comme étant dans l'entreprise,
à la détermination de leurs critères de classification et
de classement d'emploi. J'ai l'impression que nous observons, un peu, de la
part d'un gouvernement qui se veut jeune et dynamique, une position qui a
quelque vingt ou vingt-cinq ans de retard. Cela veut dire quelques
générations d'enseignants. Il est bien clair que, devant cette
situation, comme centrale syndicale, nous appuyons la position des enseignants
et nous disons qu'il ne peut y avoir qu'une solution, celle de la reprise des
négociations, mais de véritables négociations; non plus
avec des pouvoirs discrétionnaires laissés ici et là, mais
la véritable négociation pour chercher une solution valable.
Je ne ferai pas de recommandations sur les mécanismes il
appartient aux parties en cause de les trouver ce serait moraliser que
de vouloir porter des jugements et, quant à nous, nous avons
dépassé cette période de donner des leçons aux
autres. Il y a quand même un point que je voudrais énoncer, c'est
un des mécanismes qui existent. Quand j'entendais cet après-midi,
le représentant du gouvernement et celui de la Fédération
des commissions scolaires, j'avais l'impression de quelqu'un qui avait un
mandat conçu de "Gabriel et Joseph", je comprends qu'à ce
moment-là, il pouvait avoir l'allure d'une vierge offensée. J'ai
l'impression que le gouvernement devrait clarifier ses mandats de
négociations à ce sujet et ne pas avoir de mandat là
où il y a de l'ambiguïté comme dans le cas présent,
où on ne sait qui représente qui. Il représente la
Fédération des commissions scolaires qui a des
intérêts différents du gouvernement à certains
moments, qui a des intérêts conjoints avec le gouvernement, mais
c'est la même personne qui n'a même pas de mandat, autre qu'un
mandat spécifique nommé, gouvernemental, qui ne répond
même pas à l'obligation qu'on les fonctionnaires publics
normalement.
Cela est un des problèmes et je n'attaque pas la personne en
cause, mais je crois que c'est un des mécanismes sérieux qui,
à l'heure actuelle, fait qu'à la table des négociations,
on a toujours le troisième mandataire du deuxième mandataire du
premier mandataire de celui qui a le mandat. Cela nous parait être une
source de délais, de frictions et de problèmes majeurs. Je pense
qu'il y a à l'intérieur de la Fonction publique assez de gens
qualifiés pour que le gouvernement clarifie ses mandats, les donne
clairement et en porte toute la responsabilité. En conclusion, je ne
ferai qu'une remarque plus personnelle, mais qui m'apparaît être la
préoccupation de beaucoup de gens à l'heure actuelle: j'ai neuf
enfants à l'école et je préférerais que le
ministère de l'Education fasse des efforts beaucoup plus poussés
pour que mes enfants se classent et se classifient plutôt que de
déclassi-fier les enseignants.
M. LE PRESIDENT: Merci, M. Parent. Je pense que nous aurons le temps
d'entendre M. Laberge et ceci terminera les représentations des
parties.
M. Laberge vous êtes invité à parler.
Fédération des travailleurs du
Québec
M. LABERGE: M. le Président, vous bûchez toujours sur moi.
Par pur hasard, nous sommes toujours les derniers et vous nous coupez
toujours.
M. LE PRESIDENT: On vous garde comme dessert.
M. LABERGE: C'est bien dit, n'est-ce pas?
M. le Président, dans la FTQ, nous représentons quelque
335,000 travailleurs au Québec je pourrais probablement dire sans
exagération quelque 400,000 parents qui sont groupés,
formés. Nous ne sommes pas nommés leurs représentants,
mais nous avons été dûment élus. D'ailleurs, j'ai
une élection qui s'en vient bientôt où j'aurai à
répondre de mon mandat.
Je pense qu'un peu tout le monde au Québec trouve
épouvantable la situation qui existe actuellement. Les parents, bien
sûr, les enfants aussi et certainement, les enseignants.
Personne ne peut comprendre qu'un conflit qui semble, dans le fond,
aussi simple que celui-là puisse durer aussi longtemps. Le
problème de classification et de reclassification, nous le connaissons
depuis toujours. C'est arrivé partout dans l'industrie et cela arrive
encore présentement. Il y a, par exemple, le bill 49 pour la
qualification professionnelle, qui va s'appliquer d'abord aux travailleurs de
la construction. On a regroupé des familles de métiers et on va
exiger des travailleurs de la construction de demain des connaissances plus
poussées, une formation plus avancée et tout cela. Nous sommes
tous d'accord avec cela. Il n'y a jamais un maudit gars qui a pensé
à aller voir un plombier ayant quinze ans d'expérience et
à lui dire: Toi, tu vas passer un examen, mon gars, parce qu'on pense
que tu n'es plus aussi bon plombier que tu ne l'étais quand on t'a
engagé. On aurait le "wrench" dans le front assez raide... Il ne serait
pas question de voter ou de choses semblables, je tiens à vous le
dire.
Les enseignants, ce n'est quand même pas la CEQ ou l'Alliance qui
les ont engagés. Ils ont été engagés par les
commissions scolaires contre lesquelles on a récriminé pendant
des années parce qu'elles étaient inadéquates, inefficaces
et formées de... Franchement, s'il fallait faire passer un examen aux
commissaires, on serait surpris en maudit.
M. CHARRON: II y en aurait une bonne "gang" de
déclassifiés.
M. LABERGE: II y aurait des ouvertures. Ce serait peut-être une
bonne source pour commencer le décompte des 100,000. Ce n'est que par
pur hasard. Je n'avais pas été avisé qu'il allait
entrer.
M. SAINT-PIERRE : Vous ne parlez pas de M. Daoust?
M. LABERGE: Non. M. Daoust vient de passer son examen. Il est sauf, lui.
Pour votre information, si M. Daoust devait partir, il partirait avec
énormément de plaisir. Puis-je vous dire que la situation
actuelle l'embarrasse quelque peu?
M. SAINT-PIERRE: Vous parlez de son examen comme commissaire?
M. LABERGE: Oui, surtout comme commissaire. Comme syndicaliste,
ça l'embarrasse moins. Enfin, pour nous, c'est impensable le conflit qui
existe actuellement. Encore une fois, qu'on exige que, demain, les enseignants
soient mieux formés et qu'ils soient encore plus compétents
qu'ils ne le sont, même les enseignants ne s'opposent pas à cela,
au contraire. Mais qu'on dise à des gars: On vous a engagés, on
vous a reconnu tant d'années de scolarité cela veut dire
tel salaire, parce que le salaire est rattaché aux années de
scolarité et aujourd'hui, ce n'est plus cela, encore une fois, c'est
quelque chose d'impensable. Que la Fédération des
commissions scolaires exige que, demain, elle va être la seule à
décider de la classification des enseignants, l'employeur le plus
rétrograde chez nous ne penserait même pas une chose
semblable.
M. SAINT-PIERRE: Ce n'est pas cela.
M. LABERGE: Ce n'est pas cela. J'en ai manqué un bout parce que
j'étais avec le ministre des Terres et Forêts. Apparemment, il
s'était égaré quelque part, parce qu'il est arrivé
en retard au rendez-vous. On ne lui en veut pas, parce qu'il est très
agréable.
M. LE PRESIDENT: C'est ce bout-là que vous avez
manqué.
M. LABERGE: Informez-moi, mon cher Président.
M. LE PRESIDENT: Les documents ont été
déposés. Vous pourriez peut-être les consulter.
M. LABERGE: Je les lirai avec énormément de plaisir.
M. LE PRESIDENT: Vous pouvez continuer.
M. LABERGE: Sans interruption? De toute façon, c'est un
problème de classification du moins, c'est ce que la population
comprend qui, à mon sens, aurait dû être
réglé depuis belle lurette! On reproche aux enseignants d'avoir
fait des journées d'étude, pour ne pas les appeler des
grèves tournantes ou des actions dont la légalité pourrait
être mise en doute. Je pense que c'est une réaction fort normale.
On ne peut pas, en 1970, dire à des travailleurs comme les enseignants
que les principes consacrés depuis toujours dans les relations
industrielles ne sont plus reconnus pour ces gens-là. C'est bien assez
pour que le vase déborde. Encore une fois, je vous le dis très
sincèrement: S'il avait fallu que cela arrive dans l'industrie, il
n'aurait même pas été question d'avoir le temps de voter
à savoir: Est-ce qu'on fait des journées d'étude ou autre
chose? Cela aurait éclaté bien avant cela. Je pense que la
commission parlementaire se doit de mettre un terme immédiatement
à toute cette discussion. Il va y avoir d'autres négociations
prochainement.
S'il y a des problèmes qui ne sont pas réglés, il
me semble qu'ils pourraient à un moment donné être
réglés lors des prochaines négociations, mais il faut que
cesse ce qui se passe actuellement chez les enseignants. Ils demandent ce que
tous les autres travailleurs syndiqués ont depuis toujours. Ils
demandent que leurs années de scolarité reconnues soient
garanties. Toutes les classifications de tous les travailleurs ont toujours
été garanties lorsqu'on a établi de nouveaux
systèmes de classification. On établit de nouveaux
systèmes de classification pour les nouveaux travailleurs qui arrivent
dans l'industrie.
Encore une fois dans l'industrie de la construction, il va y avoir
demain un nouveau programme de formation et les travailleurs de la construction
d'après-demain vont être obligés de répondre
à des normes auxquelles les travailleurs d'hier et d'aujourd'hui n'ont
pas eu à répondre. Nous sommes d'accord avec ça. Mais il
est évident cela n'a même jamais été
soulevé et je suis convaincu que cela n'a même jamais
été pensé par la partie patronale que pour les gars
qui étaient en place et qui avaient des droits acquis ces droits ne
pouvaient être mis en question. C'est quelque chose d'impensable. Je peux
vous dire qu'à la FTQ on a compris, on a sympathisé et on a
appuyé d'emblée la réaction normale des enseignants. Ce
n'est certainement pas dans l'intérêt de personne que cette
situation continue. Je pense que la commission parlementaire doit se placer
dans le contexte où les enseignants ont réagi de façon
draconienne à une idée réactionnaire qui avait
été lancée.
Il ne s'agit pas de jeter de l'huile sur le feu; il s'agit de
l'éteindre. Les enseignants doivent savoir que leurs droits, leur
scolarité sont garantis. A ce moment si on leur fichait la paix,
peut-être bien qu'ils pourraient mieux former nos enfants.
C'est simplement le message que la FTQ voulait vous laisser. Je vous dis
tout de suite que je n'ai pas eu le temps de consulter les quelque 400,000
parents que nous représentons. Il est possible que quelques parents ne
soient pas tout à fait d'accord avec la position de la FTQ. Je pense que
je serais probablement au même niveau que les autres représentants
de parents qui n'ont certainement pas eu l'occasion de consulter tous les
parents. Merci, M. le Président.
M. LE PRESIDENT: Merci, M. Laberge. Nous ajournons à demain,
quatre heures.
(Fin de la séance: 22 h 3)
Séance du mercredi 10 mars 1971
(Dix-sept heures huit minutes)
M. BOSSE (président de a commission permanente de la Fonction
publique): A l'ordre, messieurs! Messieurs, mesdames, je déclare la
séance ouverte.
Avec l'accord des membres de la commission, je permettrai à M.
Pagé, vice-président de la fédération des
commissions scolaires de s'exprimer durant une dizaine de minutes au plus. Par
la suite, nous procéderons aux questions des membres de la commission et
nous ajournerons à six heures pour reprendre demain après-midi
à quatre heures.
Silence, s'il vous plaît! M. Pagé est-il présent?
Voudrait-il s'approcher du micro, s'identifier d'abord et nous faire son
exposé.
Fédération des commissions scolaires
catholiques du Québec
M. PAGE: Je suis Joseph-L. Pagé, vice-président de la
Fédération des commissions scolaires catholiques du
Québec.
M. le Président, en l'absence du président
général, je représente ici cette fédération
qui est l'un des trois partenaires de la table patronale. La
fédération regroupe environ 4,500 commissaires d'écoles de
la province. Elle est constituée de 20 sections dont chacune a son
bureau de direction élu par ses membres. Chaque section
délègue deux conseillers au conseil d'administration de la
fédération. Les commissaires d'écoles du Québec
sont les mandataires des parents et des contribuables de leur milieu. Ils
forment au point de vue scolaire le gouvernement local qui, dans un
régime démocratique, est toujours très important et est,
par définition, le plus près de ses administrés.
Les commissaires d'écoles sont, à l'exception de ceux de
Montréal et de Québec, élus démocraitquement par
les parents et les contribuables. Ils viennent de toutes les classes de la
société. On compte parmi eux des cultivateurs, des travailleurs
syndiqués, des professionnels, des commerçants et d'autres. Ils
sont si j'ose le dire comme nos députés, issus des
différentes couches sociales de notre population.
On ne peut les déprécier sans du même coup
déprécier une grande partie de nos concitoyens. Faut-il ajouter
que depuis quelques années des femmes et mères de famille de plus
en plus nombreuses deviennent commissaires d'écoles. Pour avoir
personnellement travaillé pendant plus de 20 ans avec ces
représentants de notre population, je puis vous assurer que j'ai
rencontré parmi eux beaucoup de gens qui, à défaut d'une
haute scolarité, ont toujours fait preuve d'un jugement sûr.
On peut peut-être dire, à juste raison, qu'il y a trop de
commissions scolaires, mais je ne pense pas qu'on puisse dire qu'il y a trop de
commissaires pour s'occuper de l'administration de l'éducation de notre
jeunesse.
De plus, on doit à la vérité d'indiquer ici que les
commissions scolaires sont les véritables employeurs et patrons des
enseignants au sens du code du travail et de la Loi de l'instruction publique.
A titre de représentant des commissaires d'écoles catholiques du
Québec, j'endosse les énoncés du porte-parole patronal qui
s'est exprimé hier devant cette commission.
Nous reconnaissons que le classement des enseignants constitue
actuellement l'objet d'un certain litige, mais nous croyons que ce litige peut
être résolu par des discussions telles que prévues à
l'article 9-4.01 de l'entente provinciale, sans qu'il y ait
nécessité de recourir à des moyens qui dépassent
l'ampleur du problème, qui ne concerne qu'un nombre restreint
d'enseignants.
Sans reprendre la preuve faite hier par le porte-parole patronal
à l'effet que la scolarité garantie équivaut à des
disparités garanties, je voudrais parler des droits et des
prérogatives relatifs au classement des enseignants. Il importe ici de
distinguer clairement deux choses. Premièrement, le classement et la
reconnaissance des brevets d'enseignement, et ensuite, la classification des
emplois ou fonctions.
Dans le monde de l'enseignement, il y a, en plus du classement par
catégories, des brevets et des diplômes accordant des
qualifications personnelles permettant d'enseigner. Il y a une classification
des emplois ou des fonctions. Qu'il me suffise d'énumérer
quelques exemples: instituteurs, chefs de groupe, animateurs, coor-donnateurs,
sous-directeurs, directeurs.
La classification que l'on connaît dans l'industrie est une
classification des emplois. Toujours sur le classement des brevets, je voudrais
faire miennes les remarques formulées par M. Claude Ryan dans son
premier Montréal du 18 février dernier, et je cite: "Les
syndicats réclament la scolarité garantie suivant la plus
avantageuse des trois formules suivantes: soit la scolarité reconnue par
la convention 1966-1968, le bill 25 ou l'entente provinciale 1968-1971."
Il demande aussi que le classement des enseignants soit soumis à
la négociation. La première demande et je continue
à citer dans les termes où elle est formulée est
inacceptable. Elle équivaut à nier en pratique l'objectif premier
de la politique qui a conduit à une entente provinciale, et qui
était de réaliser une égalité raisonnable mais
réelle entre tous les enseignants du Québec.
Accepter cette norme serait entériner sans examen toutes les
classifications plus ou moins fantaisistes qui ont pu être faites il y a
cinq ans et plus par des centaines de commissions scolaires et de syndicats
différents. Le gouvernement qui accepterait une démarche
semblable se condamnerait à niveler toute chose suivant des normes qui
rendraient impossible la rationalité recherchée.
La deuxième demande est, elle aussi, à l'état pur,
inacceptable. Tous les gouvernements qui ont légiféré au
Canada sur les relations de
travail dans la fonction publique ont soigneusement veillé
à exclure du champ de la négociation syndicale le classement des
fonctionnaires estimant que celui-ci doit être confié à la
seule autorité d'une commission autonome de la fonction publique. Ainsi,
la Loi québécoise de la fonction publique, adoptée en
1965, reconnaît clairement le droit des fonctionnaires à la
négociation, voire à la grève. Elle établit
toutefois, à l'article 21, que le classement du personnel de la fonction
publique relève exclusivement de la Commission de la fonction publique
et du lieutenant-gouverneur en conseil. Le Parlement fédéral fut
appelé deux ans plus tard à prendre position sur le même
problème; il le trancha suivant des normes identiques dans le bill C-170
traitant des relations entre employeurs et employés dans la fonction
publique du Canada.
Si l'on refusait ce principe, il faudrait accepter, en cas de conflit,
la possibilité que celui-ci soit renvoyé à un arbitre
extérieur. Or, en agissant ainsi, le ministre de l'Education abdiquerait
tout simplement l'une de ses responsabilités essentielles et
inaliénables. Il importe aussi de faire connaître aux membres de
la commission parlementaire la teneur de l'article 28 de la Loi du Conseil
supérieur de l'éducation qui, en bref, se lit comme suit: "Le
ministre de l'Education est tenu de préparer les règlements qui
doivent: A) régir la classification et la nomenclature des écoles
et autres institutions d'enseignement et des diplômes
décernés par elles; B) régir les programmes
d'étude, les examens, les diplômes, les brevets d'enseignement et
la classification du personnel pédagogique pour tous les enseignements
sauf les enseignements qui conduisent à un diplôme
universitaire".
Vu les dispositions législatives auxquelles je viens de
référer, nous croyons logique et endossons la troisième
partie des offres patronales qui se lit comme suit: a) Le ministre de
l'Education élabore des projets de règles d'application du
règlement numéro 5, critère d'évaluation de la
scolarité. Ces règles sont soumises à un comité
paritaire consultatif composé de représentants de toutes les
parties à l'entente; e) De plus à la suite de la classification
effectuée par le ministre, l'instituteur peut, dans un délai de
deux mois, soumettre son cas à un comité provincial de
révision de classification, composé d'un représentant
syndical, d'un représentant patronal et d'un président
nommé par ces derniers. Ce comité de révision analysera si
la décision du ministre est conforme aux règles d'application que
le ministre a établies et aux dispositions de l'entente provinciale.
En terminant, nous remercions les membres de la commission parlementaire
de nous avoir entendus. Si nous avons une recommandation à leur
formuler, c'est d'exiger que les deux parties entreprennent incessamment et
diligemment des discussions de bonne foi en vertu de la convention en vigueur
et ce pour établir au plus tôt dans toutes les écoles un
climat de paix, seul propice à l'oeuvre sociale par éminence que
constitue l'éducation de nos enfants et de nos petits-enfants. Merci, M.
le Président.
M. LE PRESIDENT: Merci, M. Pagé. J'inviterai maintenant le
ministre de l'Education à nous donner son opinion.
Point de vue du ministre de l'Education
M. SAINT-PIERRE: M. le Président, il me semble opportun à
ce moment-ci, avant peut-être d'engager un dialogue plus serré
avec certains participants sur certains points de vue qui ont été
exprimés hier soir, de tenter de répondre à des questions
assez directes, et dans un langage particulier, que le président de la
Corporation des enseignants du Québec nous a soulevées hier.
Le président de la corporation demande ce que sont les intentions
profondes du gouvernement au sujet du classement des enseignants. Il me semble
que ses intentions sont claires. Elles sont explicites. Le gouvernement n'a pas
de jeu caché ou de visée machiavélique. Ses intentions ont
été exprimées conjointement avec celles des
fédérations des commissions scolaires lors des discussions entre
la partie patronale et la partie syndicale, en vertu justement de tous les
mécanismes de négociations que nous nous sommes donnés, en
vertu de l'article 9-04 de l'entente provinciale. Le gouvernement et les
fédérations de commissions scolaires ont offert toute garantie
quant au maintien du traitement des instituteurs et quant à
l'élimination de toute rétroactivité résultant du
classement des instituteurs.
Deuxièmement, le gouvernement et les fédérations de
commissions scolaires reconnaissent que le mécanisme prévu
à l'entente, quant au classement, est inadéquat et ils sont
prêts à considérer nulles et non avenues les
décisions du comité provincial de classification. Aussi,
m'apparaît-il opportun de laisser de côté, pour la
discussion, toute référence aux décisions, aux
mécanismes et à l'opération de ce comité provincial
de négociations, puisque, de l'aveu même des parties, nous avons
essayé, dans un effort qui a duré plusieurs mois, ce
mécanisme de négociations et je pense que la partie syndicale est
la première à reconnaître que ce mécanisme n'a pas
donné les résultats escomptés. La partie patronale est
prête à l'accepter, compte tenu des revendications données;
nous sommes prêts à considérer comme nulles et non avenues
toutes les décisions. Aussi, faudrait-il considérer que, dans
toute argumentation, le fait de citer l'une ou l'autre des décisions
portées par M. Rossignol ou le comité ne me semble pas pertinent
à tenter de régler le problème actuellement et ne devrait
pas être interprété comme une ligne de conduite que le
gouvernement, ou que tout autre mécanisme que nous pourrions nous
donner, utiliserait pour juger des cas futurs.
Troisièmement, le gouvernement propose de
maintenir le principe reconnu dans l'entente et que les deux parties ont
accepté, selon lequel, le règlement numéro 5 du ministre
de l'Education doit servir de base, conformément à ce qu'indique
son titre, à la détermination de la scolarité des
instituteurs pour l'évaluation de leurs qualifications.
Quatrièmement, le gouvernement s'engage, en conséquence,
à consacrer la qualification des instituteurs telle qu'établie
à partir des critères du règlement numéro 5,
règlement, qui pour tous ceux qui l'on lu, est suffisamment
précis pour donner un cadre très bien aligné sur le
problème que pose la classification des enseignants. Il ne peut donc
être question, en aucune manière, de dévaluation de quelque
brevet que ce soit, ou de ne pas reconnaître une scolarité faite
conformément aux critères établis par le règlement
numéro 5.
Cinquièmement, il propose de confier au ministre de l'Education
la responsabilité d'appliquer le règlement numéro 5, aux
fins d'établir pour chaque institueur la qualification en années
de scolarité, conformément à ce règlement. C'est
une proposition de la table patronale et je pense que, dans le jeu de la
négociation, nous pourrions mais il semble que la partie
syndicale s'est même refusée à étudier avec soin
cette proposition suggérer, par un processus de
négociations, d'autres modalités de participation, sauf la
dernière contre-offre qui a été faite assez à la
hâte dans les derniers jours et par laquelle on a, par après,
refusé de jouer le véritable jeu de la négociation, ce
même jeu que l'on voudrait reprendre actuellement pour régler
l'ensemble du conflit.
Le système proposé a pour résultat que le ministre
exerce une responsabilité qui lui appartient selon la loi, celle
d'établir une classification des brevets et diplômes, de donner
une valeur déterminée à des études faites au
Québec ou ailleurs en fonction de la qualification des instituteurs
enseignant dans les institutions du Québec visées par l'article
28 de la Loi du Conseil supérieur de l'éducation. Les
règles de classification sont soumises pour avis et recommandations
à un comité paritaire. Deuxièmement, le classement des
instituteurs, en fonction de cette échelle de classification, peut
être sujet à un appel ou à un droit de révision
où la partie syndicale serait représentée. Ce
système, M. le Président, implique premièrement que la
qualification est du ressort exclusif du ministre de l'Education qui pourra
évidemment faire appel aux spécialistes ou experts en la
matière pour l'assister et assurer la plus stricte objectivité
à ses décisions.
Il s'agit pour une question d'équivalence de diplômes, de
reconnaissance d'années de scolarité, de dégager ce
contexte d'une table de relations de travail, contexte dans lequel, au cours de
plusieurs des mois passés, nous en sommes arrivés à une
impasse, pour confier cela à des spécialistes qui, en dehors de
ce contexte des relations de travail, tenteront avec un règlement
numéro 5, avec des normes qu'ils auront soumis à une
consultation, d'établir exactement cette équivalence,
d'établir avec équité et justice pour tous cette
première classification des 70,000 enseignants au Québec.
Deuxièmement, que la classification des brevets, diplômes
ou des études pertinentes déterminant la qualification des
enseignants constitue la traduction en des catégories distinctes de la
qualification objectivement déterminée.
Troisièmement, que le classement des enseignants en fonction des
catégories ainsi établies est sujet à un droit d'appel ou
de révision pour éviter que des erreurs techniques ne causent
préjudice à des individus.
Quatrièmement, que les échelles de traitement sont
négociées en référence au système de
classement des enseignants dans les catégories ainsi
déterminées. Les offres patronales qui ont été
explicitées indiquent clairement pour la durée de la convention
collective actuelle qu'il ne peut être question de perte de salaire sur
le plan de la rétroactivité ou sur le plan de perte de salaire
vis-à-vis des salaires versés au début de l'entente
provinciale. Déjà, le gouvernement est prêt à
s'engager immédiatement dans ce processus de négociations pour la
prochaine entente collective, processus de négociations qui, comme
toutes les négociations, implique dès le départ qu'on peut
rouvrir toutes les questions, y compris la détermination de
l'opportunité de conserver tel ou tel critère pour établir
la rémunération des enseignants.
Pour l'année en cours, dernière année de l'entente,
les échelles de traitement sont établies; les traitements
versés au 26 janvier 1971 sont garantis. Il reste à classer
définitivement les enseignants conformément au règlement
no 5, classement correspondant à des catégories de qualification
objectives, selon le principe admis par toutes les parties à l'entente
provinciale.
Pour l'avenir, le gouvernement et les commissions scolaires entendent
respecter le principe admis, selon lequel tous et je
répète tous les enseignants seront classés selon
les mêmes critères dans des catégories
déterminées objectivement et avec équité. Il laisse
par ailleurs à la négociation entre les parties la question de la
rémunération devant s'attacher à chacune de ces
catégories. On a fait au cours des discussions référence
à l'entreprise privée ou d'autres secteurs d'activités. En
aucun cas, on accepterait de négocier une question comme celle de savoir
si un individu est qualifié comme plombier ou mécanicien ou
comptable, ou ingénieur. On a telle qualification ou on ne l'a pas, en
vertu de lois, de règlements ou simplement d'une qualification reconnue
par l'entreprise ou même par le syndicat, s'il y a lieu.
Mais, de façon analogue, il faut en arriver à un
système où, dans le domaine de l'enseignement, la qualification
est établie objectivement, donc soustraite à toute forme de
négociation, de marchandage, tout en laissant ouverte à la
négociation et au plein jeu de la négociation, bien
entendu, la détermination des traitements s'attachant à tel ou
tel niveau de qualification.
C'est, il me semble, une question de logique, d'équité et
de gros bon sens. Dans les points soulevés par la partie syndicale, il
me vient à l'esprit deux questions que j'aimerais peut-être
soulever: A-t-on réellement l'impression, après avoir
essayé et je l'admets très objectivement de bonne
foi de la part des deux parties ce processus de la négociation qui a
donné les résultats escomptés? Est-ce qu'on croit
réellement qu'on peut de nouveau s'engager dans ce même processus
de négociation et arriver à des résultats qui seront
autres? Il faut bien admettre que si, dès le départ on
l'admet aujourd'hui tout l'ensemble de cette question, la qualification
de tous les cas des 70,000 professeurs est laissée au jeu de la
négociation, on recommencera de nouveau les mêmes schèmes
que nous avons développés antérieurement, à savoir
un comité conjoint où la partie patronale nommera trois ou quatre
représentants; la partie syndicale nommera aussi trois ou quatre
représentants; on trouvera de nouveau un président, homme
honnête, intègre, compétent, qui aura pour nom M. Rossignol
II et qui tentera le plus objectivement possible de poser des questions, mais
qui fort probablement, au bout de 24 mois, donnera les mêmes
résultats que nous avons escomptés.
Je pose la question. Est-ce que, suite à l'expérience de
la négociation, la partie syndicale n'a pas l'impression que recommencer
cette même expérience qui, somme toute, se fera toujours dans les
mêmes conditions c'est s'engager dans un cul-de-sac, dans une voie sans
issue? Une deuxième question me vient à l'esprit: Si nous
acceptons intégralement le jeu de la scolarité garantie,
n'aurons-nous pas encore au Québec des cas où des professeurs,
avec les mêmes diplômes obtenus dans les mêmes années
et enseignant les mêmes matières, auront à
l'intérieur d'une échelle provinciale des salaires
différents? Si on recherche une justice sociale, si on recherche une
justice distributive, il me semble que de tels cas et il y en aurait
seraient une anomalie grave qu'il faudrait de nouveau corriger.
On en vient à la conclusion que la scolarité garantie ne
veut pas dire la solution la plus avantageuse pour un professeur mais qu'en
toute justice sociale la solution la plus avantageuse obtenue par un de ces
professeurs devrait être la solution avantageuse pour tous les
professeurs. De telle sorte que, si un professeur avait obtenu, dans une
convention collective antérieure, un diplôme correspondant
à quinze années de scolarité, même si ceci ne
répond nullement, suivant les critères les plus objectifs,
à la réalité des faits, il faudrait si on donne
à ce professeur cette scolarité garantie l'assurer
à tous les autres qui ont le même diplôme. On voit dans
quelle impasse on s'engage.
Une autre question qui me vient à l'esprit et j'en laisserai aux
autres membres de la commission. On a esquissé très
brièvement ce bris très grave de contrat. J'ai un respect
profond, même si mes responsabilités sont en éducation et
non au travail, envers toutes nos lois du travail. Or, il devient
évident que, si les conventions collectives signées entre les
parties ne signifient plus rien, si les parties peuvent s'engager, soit dans
des grèves illégales, soit dans des lock-out illégaux,
mieux vaut détruire immédiatement le code du travail et dire que
nous revenons, dans tout ce secteur des relations de travail, à un
règlement de la jungle.
Si nous admettons la légitimité de l'action posée
par les enseignants je ne l'admets pas de même que la
légalité si nous l'admettons pour une seconde et que nous
donnons suite aux revendications données, peut-on me donner une raison
valable de la part des enseignants pour laquelle, dans deux semaines, on ne
recommencera pas des grèves rotatives pour demander la charge de travail
garantie? Le fait qu'un professeur, il y a six ans, dans les anciennes
conventions collectives, pouvait enseigner seulement quinze heures et
actuellement, suivant une entente de quinze heures de cours par semaine, on lui
en demande plus que quinze, pourquoi ne ferait-on pas des grèves
rotatives pour obtenir la charge de travail garantie et reprendre, ainsi de
suite, pour toutes les questions qui ont pu être
réglementées?
Dans le secteur de l'éducation, il y a eu beaucoup
d'évolution. Je pense que cela demande de la part de toutes les parties
beaucoup de maturité; soit par négociation, soit par discussion,
il est essentiel de tenter de trouver des solutions équitables. Je pense
qu'il est aussi essentiel de garder ce minimum de bon sens et, sur le point des
droits des individus, sur le point des droits du salaire des individus, de
tenter de ne pas appliquer des critères de rétroactivité.
C'est de bonne foi que nous avons discuté, en décembre ou en
janvier; en aucun temps ni le ministre, ni le sous-ministre de l'Education, ni
un autre membre de la partie syndicale n'ont indiqué que nous voulions
nous asseoir sur la convention collective, ou laissé entendre que nous
disions: Vous avez signé la convention, payez pour maintenant.
En tout temps, nous étions prêts à négocier
ce problème. En tout temps nous l'avons indiqué dans notre
lettre du 22 janvier, et pour réponse nous avons eu en cour
Supérieure une action de la Corporation des enseignants du Québec
sur la juridiction de M. Rossignol nous étions prêts,
suivant justement l'esprit de l'entente à nous asseoir autour de ce
problème, à l'examiner avec maturité et de lui trouver des
solutions.
Qu'a-t-on obtenu? Grèves illégales, recours devant les
cours de justice sur la juridiction de ce comité de négociation.
Je trouve une certaine anomalie de la part de ceux qui réclament
aujourd'hui ce mot "négociation". Je les respecte pour leur jugement,
mais il me semble qu'ils
ont faussé au cours des derniers mois l'esprit même de la
négociation qui indique que des parties se rencontrent autour d'une
table, abordent un problème avec maturité, sans tenter de
perpétuer les erreurs du passé, mais qui essaient de les
corriger, de trouver une solution équitable et juste à un
problème que l'on avait souligné et que nous reconnaissons de
bonne foi.
M. LE PRESIDENT: Des questions étant posées, les parties
impliquées désirent-elles répondre immédiatement,
ou attendre d'autres questions de la part d'autres membres de la
commission?
M. CHARBONNEAU: Nous sommes en train de prendre des notes.
M. LE PRESIDENT: Vous êtes en train de prendre des notes. Je
permettrai donc à d'autres membres de la commission de poser des
questions. Le représentant de Missisquoi.
Echange de vues
M. BERTRAND: J'ai écouté la lecture des mémoires et
les propos qui ont été tenus. Je crois réellement qu'il y
a une impasse. Je pense que tous l'admettent. Cette impasse provient de deux
problèmes. M. Charbonneau a dit qu'il y avait une question de fond et
une question de forme.
A première vue, même sans être légaliste, M.
Charbonneau, il faut convenir qu'il y a des lois qui existent. Il y a la loi du
ministère et il y a les pouvoirs de réglementation. A la lecture
du préambule du règlement no 5, on note que ce règlement a
été adopté à la suite de quelques attendus. De
là sont venues l'autre jour les réflexions que j'ai faites en
Chambre, en me demandant si ce n'était pas la commission parlementaire
de l'Education plutôt que la commission de la Fonction publique qui
devait s'occuper du problème, mais ça n'a pas d'importance
puisque les deux ministres sont ici.
Voici les attendus: "Attendu que la scolarité est un des facteurs
servant à déterminer la qualification des maîtres" ce qui
veut dire la valeur des maîtres suivant leur formation et leurs aptitudes
professionnelles; "Attendu qu'il est nécessaire de définir ce
facteur de manière qu'on puisse en faire l'appréciation pratique"
là, on touchera la question de forme; "Attendu que cette
définition de la scolarité et son évaluation sont
essentielles, d'une part" et là, je rejoins un autre
règlement, soit le règlement numéro 4 qui est relatif au
permis, au brevet d'enseignement, tout le domaine de la formation des
maîtres "Un règlement sur les critères
d'évaluation de la scolarité comme facteur servant à
déterminer la qualification du personnel enseignant est
adopté".
Donc, premièrement, le règlement numéro 5: la
scolarité est donc un facteur déterminant de la qualification. Ce
n'est pas le seul, j'en conviens, mais c'est l'élément,
certainement, fondamental. Cette scolarité est également un des
facteurs déterminants de la rémunération qui elle
et votre convention intervenue en novembre 1969 l'indique clairement est
une matière négociable. Il n'y a aucun doute. De là vient
que, lorsque vous parlez de négociation, tous ces éléments
sont reliés ou directement ou indirectement.
J'ai entendu le ministre qui vient d'adopter une position de principe.
Sa position de principe, à première vue quant à moi
si on examine la question de forme, le comité provincial qui a
été chargé d'effectuer le classement, la proposition qu'il
vient de faire, à première vue, me semble moins avantageuse pour
les syndicats que ne l'est le comité provincial, parce que ce conseil
provincial de classement était établi sur une base conjointe et
paritaire et ses décisions étaient finales alors que, par la
proposition qui vient d'être faite par le ministre, c'est sa
décision qui sera finale. Le ministre me répondra
là-dessus s'il y a lieu, mais, première chose, le conseil
provincial de classement était à première vue, au niveau
des principes, un organisme de classement meilleur que celui qui est
suggéré par le ministre.
Je voudrais, avant d'élaborer là-dessus on y
reviendra, sans doute continuerons-nous demain, nous aurons davantage le temps
d'examiner le texte du ministre, sur la question de forme tous
conviennent qu'il faut établir des bases. Si on dit que la
rémunération est sujette à la scolarité et aux
années d'expérience, je pense que c'est admis. Vous le dites dans
vos documents, c'est admis par toutes les parties. Deux éléments:
scolarité et années d'expérience. Il faut qu'on
l'établisse, qu'il y ait des catégories.
Une question d'abord pour vous, M. Charbonneau, les catégories
que l'on retrouve à la page 41 du chapitre 6 de votre convention
collective, catégorie douze ans, par exemple, a) un brevet "C", est-ce
que cela est remis en question ou si c'est admis? Ma première question,
M. Charbonneau, toutes les catégories que l'on retrouve au chapitre de
la rémunération des instituteurs, catégorie douze ans,
avec la nomenclature de brevets, de diplômes, catégorie treize ans
et ainsi de suite, est-ce que c'est encore admis ou si c'est remis en
question?
Etes-vous en état de me répondre immédiatement, M.
Charbonneau?
M. LE PRESIDENT: M. Charbonneau, si vous préférez ne pas
répondre tout de suite, libre à vous de prendre note de la
question et de répondre plus tard.
M. BERTRAND: Voici comment je conçois le problème.
Premièrement, les catégories qui
sont là sont des critères sur lesquels le conseil
provincial de classement devait se baser et ils étaient admis par les
deux parties. Mais au-delà de cela, comme principe fondamental,
même s'il est en certains cas ambigu on incomplet, le règlement
numéro 5 est-il remis en question, parce que je le considère
comme élément fondamental? Le remettez-vous en question?
Troisième question: Est-ce qu'au conseil provincial, on a fait, comme le
conseil provincial était autorisé à le faire, des
recommandations? Ce détail, je le puise à l'article 6-2.03,
paragraphe b, sous-alinéa 2, précise que le conseil peut
recommander au ministre toute modification audit règlement numéro
5 qui serait d'intérêt général. Ma question est
celle-ci. Y a-t-il du des modifications qui ont été
demandées au ministre et, si oui, quelle a été la
réponse du ministre?
M. LE PRESIDENT: Un instant s'il vous plaît, M. Bertrand. Le
représentant de Verchères.
M. SAINT-PIERRE: II me semble que ce sont des questions assez
fondamentales et qu'une fois qu'on les a bien comprises, il serait
intéressant d'avoir immédiatement peut-être le point de vue
de la partie syndicale.
M. BERTRAND: Je voudrais continuer. M. SAINT-PIERRE: Oui.
M. BERTRAND: Parce ce que je tente de faire, M. Charbonneau, et vous me
le direz, de même que le représentant patronal, c'est de savoir si
l'examen que je fais du problème est conforme à ce qu'il existe.
D'abord, je tiens pour acquis qu'il faut des principes pour un classement. Je
tiens pour acquis que le règlement numéro 5 en est un.
Deuxièmement, il y a des critères également qui auraient
été du moins, à première vue, c'est ce que
je constate, des catégories dont on se sert également pour faire
le classement. Troisièmement, il y avait possibilité de demander
des modifications au règlement numéro 5; je veux savoir s'il y en
a eu. Si oui, quelles sont-elles?
Je voudrais à la suite de cela savoir s'il y avait d'autres
éléments qui pouvaient servir au comité provincial. Je ne
parle pas de M. Rossignol ou des membres au conseil, qui était le
mécanisme chargé de concrétiser cette valeur de
scolarité de manière à pouvoir établir le
traitement qui, lui je le répète et je pense qu'il n'y a
pas de contestation là-dessus est négociable.
Voilà pour le moment quelques-unes des questions auxquelles
j'aimerais obtenir des réponses. J'en aurai d'autres. Celles-là,
quant à moi, je les trouve fondamentales.
M. LESSARD: M. le Président, étant donné que nous
traitons justement de problèmes extrêmement importants, à
savoir le règlement numéro 5, et que j'ai l'impression qu'il va y
avoir plusieurs opinants qui vont avoir l'intention de poser des questions sur
ce règlement, ne pourrions-nous pas parce que c'est quand
même le fond, c'est extrêmement important dans la discussion
étant donné qu'il y a des questions subsidiaires, poser
nous-mêmes les questions que nous voudrions poser au sujet de ce
règlement? J'aurais deux petites questions au sujet du règlement
numéro 5.
M. LE PRESIDENT: Le député de Saguenay avait
demandé la parole. Préalablement, je demanderais à MM.
Charbonneau et Sirois de répondre aux questions qu'ont posées le
député de Verchères et le député de
Missisquoi.
M.BERTRAND: M. Charbonneau, pensez donc à une autre question
également. La rétroactivité ne s'applique pas, on nous l'a
dit je pense que les gens l'acceptent mais il y a le
problème des droits acquis, quant à l'avenir. J'aimerais que vous
nous expliquiez votre position là-dessus. Pour ce qui est de la
rétroactivité, nous prenons la parole du ministre et c'est public
d'ailleurs, c'est dans des documents, il n'y en aura pas. Mais les droits
acquis, sur le principe des droits acquis.
M. LE PRESIDENT: M. Charbonneau.
M. CHARBONNEAU: Je pense qu'à ce moment-ci, M. le
Président, ce qui s'impose c'est de livrer notre pensée
principalement quant au règlement numéro 5. Je crois que
ça recoupe un certain nombre de questions et nous pourrons sans doute y
revenir, mais je vois que nous ajournons dans 15 minutes; à mon avis,
j'ai le temps d'exprimer notre pensée sur le règlement
numéro 5 pour ce soir.
M. LE PRESIDENT: C'est déjà énorme, je crois.
M. CHARBONNEAU: Pour nous, le règlement no 5 est une mesure
administrative, un règlement qui a été adopté au
mois de mars 1968 par le ministère de l'Education, au moment où
nous venions d'accepter les échelles de traitement proposées ou
offertes par la partie patronale en négociations. Je pense que ceci, en
termes de chronologie ou de synchronisation des opérations, ne doit pas
échapper en tant qu'élément important dans l'histoire de
notre dernière négociation. Le règlement no 5 a
été adopté un peu après que nous avons
accepté les offres patronales en matière de traitement lors de la
dernière négociation. Le règlement no 5 porte sur les
critères d'évaluation de la scolarité comme facteur
servant à déterminer la qualification du personnel enseignant. On
vient de le dire et on a même risqué quelques définitions
de ce qu'on appelle la qualification du personnel enseignant. Nous allons
revenir là-dessus tout à l'heure pour faire des distinctions.
De plus, un élément qui n'a pas été
souligné
par les interventions du début, c'est que ce document, ce
règlement est devenu une partie intégrante de l'entente
provinciale au terme de l'article 6-2.17...
UNE VOIX: II a été intégré...
M. CHARBONNEAU: ...et il est reproduit comme texte officiel à
l'annexe 17. On y réfère souvent en disant que c'est un filtre
qui doit servir au jugement à porter dans plusieurs cas. Si c'est un
élément qui est partie de la convention, c'est devenu la
propriété des six parties à l'entente et ce n'est plus,
pour la durée de cette convention, propriété exclusive du
ministère de l'Education.
En acceptant, lui et nous, le ministère et la CEQ, de
considérer ce règlement comme partie intégrante de
l'entente, nous avons accepté d'en devenir coresponsables,
coadministrateurs, copropriétaires. Il est donc carrément
inapproprié, inopportun en cours de convention, quant à nous, de
voir tout à coup la partie patronale qui prétend se
réapproprier exclusivement,l'administration, l'évolution ou
l'avis du règlement no 5. Pour nous, c'est très grave.
Le règlement no 5 est un cadre général qui permet
d'évaluer la scolarité des enseignants et j'insiste sur
l'expression "cadre général". Le principe du règlement no
5 est d'évaluer comment peuvent s'accumuler des années de
scolarité, comment elles peuvent s'additionner. On prévoit aussi
de quel type d'années d'études suivies dans des
établissements reconnus on va tenir compte, etc., et on prévoit
comment va se faire l'addition des années de scolarité
générales et des années de scolarité de formation
professionnelle. Par exemple, on dit qu'on va compter jusqu'à quinze ans
en termes de formation générale, puis on additionne la formation
professionnelle. Ce sont des choses comme cela dont il est question dans le
règlement numéro 5. Ce cadre général qui
prévoit une quantification ou une addition des années, ou une
manière d'additionner des années de scolarité, a besoin
pour être applicable et pratique, aux termes mêmes du
préambule, déjà on le soupçonne, d'être
complété de règles d'application. Je me
réfère ici à l'article 623 de la convention.
Déjà on voit que, dans l'esprit de ceux qui ont
signé ce texte...
M. LE PRESIDENT: Avant de continuer, pour mettre un terme au suspense,
seriez-vous assez gentil de nous dire si vous le contestez ou non, si vous
remettez en question le règlement numéro 5?
M. CHARBONNEAU: Je peux bien vous dire tout de suite que nous le
remettons en question, mais s'il vous plaît, je veux expliquer
pourquoi.
M. LE PRESIDENT: Oui, oui. Allez-y, mais pour mettre un terme au
suspense...
M. CHARBONNEAU: Si cela met un terme au suspense, tant mieux, mais ce
n'est pas fini. Dans l'esprit des signataires de l'entente, déjà
on s'aperçoit que le comité provincial est autorisé
à faire des règles d'application de ce règlement en cours
de route. Un règlement, c'est probablement comme une loi, mais vous
êtes mieux placés que moi pour le dire, ça évolue,
ça se modifie, ça se transforme, ça s'adapte. Sinon,
ça ne favorise guère l'administration. Pour être pratique
et utilisable, le règlement no 5 a besoin d'être accompagné
d'un ensemble d'autres considérations pour être applicable en
termes d'évaluation de la scolarité pour fins de traitement. Le
titre du règlement no 5 est "L'évaluation de la scolarité
pour fins de qualification". Mais pour fins de traitement, nous avons besoin
d'autres considérants que le seul règlement no 5 et, d'ailleurs,
les parties à l'entente ont reconnu elles-mêmes l'insuffisance du
règlement no 5 si on veut le considérer d'une façon
stricte et l'appliquer d'une façon arithmétique à la
scolarité des enseignants.
Cette insuffisance du règlement no 5, j'en veux pour exemple
l'article 6-1.01 de la convention à la catégorie douze (12) ans
de scolarité; il y a des brevets mentionnés dans certains
paragraphes qui n'ont pas requis douze ans de scolarité, aux termes du
règlement no 5, mais neuf, dix ou onze ans, et pourtant, par entente,
dans le cadre d'un respect, d'une considération au sens large du
règlement no 5, nous avons quand même mis "catégorie douze
ans" sur ces brevets.
J'en veux pour autre exemple, l'article 6-1.08 dans la catégorie
19 ans, pour fins de traitement. Il y a là des gens qui ont des
scolarités dépassant 19 ans aux termes du règlement no 5.
C'est en particulier le cas de personnes qui ont vingt ou vingt-deux ans de
scolarité, sans doctorat. Le règlement no 5 ne mentionne pas la
question de doctorat. Aux termes de ce règlement, ces personnes ont
donc, peut-être, jusqu'à vingt-deux et vingt-trois ans. Aux termes
de la convention 19 ans.
M. LE PRESIDENT: Un instant s'il vous plaît, le
député de Bagot.
M. CARDINAL: Je peux vous interrompre? Il y a une chose que je voudrais
comprendre. Disons que je réserve pour plus tard mes remarques, je suis
dans la période d'exploration pour informer les membres de la
commission. Vous parlez à la fois du texte de la convention et des
articles 6 avec leurs décimales et vous donnez des exemples que vous
comparez à des règles établies par le règlement no
5. Vous nous avez dit que vous contestez le règlement no 5 je
parle d'une façon assez claire mais dans l'hypothèse
où vous contestez les deux, évidemment là on recommence,
il va falloir trouver un nouveau mécanisme, vous accepteriez les deux,
si vous trouvez des différences importantes entre le règlement no
5 et le texte de la
convention, lequel des deux textes, d'après vous, devrait
l'emporter sur l'autre?
M. LE PRESIDENT: L'emporter dans quel sens?
M. CARDINAL: Si le règlement no 5 fait partie de la convention,
il en fait partie juridiquement, et comme déjà il y a une
convention qui a des articles qui définissent les années de
scolarité, s'il y a ce qu'on appelle en anglais des "discrepancies", des
manques d'équivalence entre le règlement no 5 et les articles de
la convention, lesquels devraient l'emporter?
M. LE PRESIDENT: Avez-vous saisi la question M. Charbonneau?
M. CHARBONNEAU: J'ai saisi la question. Mais la question est une
manière propre à M. Cardinal de dire ce que M. Bertrand a
appelé une impasse.
Je veux dire qu'il y a des difficultés à faire
correspondre un faisceau de critères qui, à la lumière des
explications que j'étais en train de donner, ne condordent pas aussi
bien qu'on ne le prétend. C'est en même temps une réponse
aux questions de M. Bertrand et à la proposition de M. Saint-Pierre, qui
dit: II faut effectuer le classement en se servant du règlement no 5. Il
a eu des paroles fort louangeuses à l'égard du règlement
no 5 comme possibilité de régler la question.
Je suis en train de dire que, même en 1968-1969, nous avons
déjà encadré le règlement 5, de beaucoup d'autres
considérants et nous avons fixé cela dans des clauses de
convention.
Je montre qu'en effet il y a des "discrepancies", comme vous le
dites?
M. CARDINAL: II m'arrive parfois d'employer des termes anglais.
M. CHARBONNEAU: Cela a traversé le barrage qu'il y a entre vous
et moi.
M. CARDINAL: C'est à cause des difficultés de
l'enseignement de la langue française, même dans mon temps.
M. CHARRON: II est le parrain du bill 63.
M. BERTRAND: M. Charbonneau, pendant que vous êtes à
détailler certaines catégories et les interprétant en
rapport avec le règlement no 5, pouvez-vous en même temps
répondre à ma question? Les catégories indiquées
dans deux ou trois pages de cette convention, avec les détails que je
n'ai pas besoin d'énumérer, est-ce que le syndicat les accepte
encore, de même que la nomenclature des brevets et des diplômes qui
auraient été reconnus comme représentant une
scolarité de douze ans ou si vous remettez également en question
ces catégories?
M. CHARBONNEAU: Si je semble hésiter un peu à
répondre, ce n'est vraiment pas quant au fond. Je crains que l'on fasse
référence à certains textes ou certains avancés que
nous avons faits auparavant.
M. BERTRAND: Globalement.
M. CHARBONNEAU: Quant au fond et quant à une nomenclature qui va
de douze à vingt en ces termes, avec ce qu'elles contiennent, nous
n'essayons pas de remettre cela en question. Tout de suite, je sens que
peut-être certaines personnes dans la salle vont faire le lien avec ce
que nous avons fait comme proposition en parlant des catégories 1
à 9. Vous allez retrouver cela dans certains de nos textes. Nous avons
demandé de reprendre le classement en parlant de 1 à 9 au lieu de
12 à 20. Ma réponse, quant au fond, c'est que nous ne remettons
pas en question cette nomenclature. Si nous pouvions vous prouver qu'avec un
classement par catégorie, sans mention à tout coup du terme
"années de scolarité", on arriverait à faire un classement
plus clair pour tout le monde, sans lier toujours la notion de
scolarité, alors que cette notion, dans les faits, n'est pas toujours
liée; si on arrivait à faire un classement seulement avec la
notion de catégories de 1 à 9 qui correspondraient de 12 à
20, en greffant tous les autres diplômes non classés
jusqu'à maintenant, si nous arrivions à faire cette preuve, bien
sûr, quant aux termes eux-mêmes, que l'on n'appellerait plus cela
des classes 12 à 20, mais 1 à 9, avec une conception non
liée à la scolarité.
M. BERTRAND: C'est pour cela que je vous l'ai demandé; j'avais vu
dans vos documents que vous parliez de nouvelles catégories.
M. CHARBONNEAU: Vous comprenez maintenant qu'il ne s'agit pas de
nouvelles dans le sens qu'on démolit ce qui est là, mais qu'on
regroupe, qu'on prend cette espèce de grille et qu'on la détache
du lien de scolarité à tout prix lien qui ne résiste pas
d'ailleurs à l'analyse, ce que j'étais en train de
démontrer.
M. LE PRESIDENT: Un instant s'il vous plaît, une sous-question
d'abord au député de Bagot, et par la suite au
député de Verchères.
M. CARDINAL: Comme j'ai dit tantôt, je me réserve des
remarques pour plus tard, seulement c'est vraiment pour se comprendre. Vous
avez répondu fort bien, je pense, à la question que je vous ai
posée, et je pense que j'ai fort bien compris ce que vous avez voulu
dire en distinguant le fond de certaines technicités. Est-ce que, quand
même, pour aller plus loin, il s'agirait, dans une hypothèse de
travail, d'en venir plutôt à des catégories que
j'appellerais d'équivalence plutôt qu'à des
catégories
d'années de scolarité qui contiennent une certaine part de
fiction?
M. CHARBONNEAU: J'ai l'impression que l'expression que vous employez
"catégories d'équivalence" correspond en réalité
aux besoins qu'on a pour classer les anciens brevets et les accumulations avec
études de perfectionnement et tout ça. Cela rejoindrait
plutôt la notion, mais il faudrait bien voir ce qu'il y a sous de telles
appellations.
M. CARDINAL: Je préfère vous laisser continuer, j'y
reviendrai en temps et lieu, quand les parties se seront exprimées.
M. LE PRESIDENT: Avant que vous continuiez, si vous permettez, le
député de Verchères.
M. SAINT-PIERRE: Pour la bonne compréhension, des membres et de
toutes les parties, il me semble qu'il y a une distinction très
importante à faire entre le contenu de la convention collective et
certains documents qui ont pu être ajoutés à la convention
collective. Il m'apparaft, par exemple, que le chapitre six est le
résultat d'une négociation entre deux parties, une partie
syndicale et une partie patronale, dans laquelle, à la suite du
règlement no 5 qui est en annexe, on tente et on a tenté d'aller
le plus loin possible à la table des négociations, pour indiquer
exactement la valeur de certains diplômes en fonction du règlement
no 5.
Mais du fait que le règlement no 5 soit dans la convention
collective, le texte du règlement no 5 n'est pas le résultat
d'une négociation entre les parties, c'est un document qui a
été ajouté. Je pense que, si nous suivons votre
argumentation, c'est aussi bien dire que c'est le ministère de
l'Education qui est sujet aux négociations, et que ce sont toutes les
lois de l'éducation qui sont sujettes à la négociation
entre les parties.
Il me semble que, pour la bonne compréhension, il faut
établir cette distinction entre la responsabilité confiée
par la loi à un ministère donné: édicter certains
règlements et appliquer ces règlements entrent dans les
négociations collectives.
Il me semble que la lettre numéro 6, à la page 164, de M.
Cardinal, n'est pas le résultat de la classification. L'ancien ministre
de l'Education, à l'époque, pour rendre complètement ce
problème au champ de la négociation avait accepté de
déléguer, d'abdiquer un droit et j'insiste une
responsabilité que la loi lui confiait, en confiant, en particulier, les
paragraphes 7-2 et 7-5 au comité provincial de négociations,
puisque, à l'époque, toutes les parties pensaient qu'autour de la
table des négociations, en partant du règlement no 5 qui tentait
de mettre de l'ordre dans l'équivalence de nos diplômes, on
voulait trouver une classification pour 70,000 enseignants. Depuis, 28 mois se
sont écoulés. Est-ce que vous saisissez comme moi cette
distinction? Si on se réfère à la Loi du Conseil
supérieur de l'Education, est-ce que vous entendez qu'on a
accepté de partager en six parties les dispositions de la Loi du Conseil
supérieur de l'Education?
M. CARDINAL: Si vous permettez, sans vouloir chicaner le ministre, par
ma lettre du 19 juillet 1968, je n'ai pas abdiqué mes
responsabilités, j'ai donné un mandat à un
comité.
M. CHARBONNEAU: La conclusion que j'apporte aux arguments de M.
Saint-Pierre c'est que le ministre, maintenant, veut retirer ce mandat
confié à un comité en cours de route par certains aspects,
et...
M. SAINT-PIERRE: Je m'excuse, là vous ne me ferez pas dire ce que
je n'ai pas voulu dire. Ce que je vous dis c'est que le règlement no 5,
quant à moi, c'est comme les règlements nos 1, 2, 3 et 4, c'est
comme tous les règlements d'ordre administratif du ministère,
c'est un texte de référence qui était dans une convention.
Pour ma part, je suis toujours prêt à recevoir des suggestions si
on me signale qu'il y a des injustices, des iniquités. Il ne me semble
pas que ce soit le fruit de la négociation. Quant à cela, aussi
bien dire qu'à la négociation on va discuter de tous les
règlements nos 1 et 2, et même la responsabilité.
M. CHARBONNEAU: Je suis d'accord avec vous pour dire que le
règlement no 5 n'est pas le fruit d'une négociation, mais cela a
été inclus dans une convention comme propriété des
six parties et cela en a fait un règlement assez différent, pour
le temps de cette convention collective, des autres règlements qui n'ont
pas été insérés dans des conventions.
M. SAINT-PIERRE: Parce qu'on n'en avait pas besoin pour les fins de la
convention collective. La lettre de M. Cardinal, encore une fois, était
simplement pour le bénéfice des six parties, on voulait prouver
justement que le ministre de l'Education, comme vous l'avez bien
souligné, confiait un mandat, qui lui revenait par la loi, à un
comité. Les règlements nos 1 et 2 n'avaient aucune relation avec
le problème de la convention collective. Je ne vois pas pourquoi on les
aurait mis en annexe.
M. CHARBONNEAU: Ce qui ressort le plus d'une telle distinction sur
laquelle vous nous amenez, la distinction si j'ai bien compris
entre la manière avec laquelle on est arrivé à classer les
brevets dans la liste de 6-1 et la manière avec laquelle on veut arriver
à faire le reste de la classification, la conclusion qui ressort, c'est
que vous voulez employer deux manières différentes.
Vous admettez que, dans 6.01 par négociation, on a classé
un grand nombre de brevets et
de titres de scolarité d'enseignants. Tout à coup, on dit:
CVst assez, la négociation; le reste, on va le faire tout seul. Moi,
c'est la conclusion que je tire des arguments que vous nous fournissez, des
explications et des distinctions fort claires que vous apportez.
Ce qui est dans 6-5.08: l'évaluation, en termes d'années
de scolarité, des cours de méthode, des cours de
perfectionnement, le classement des anciens brevets et les titres anglais, vous
dites que, maintenant, ce ne sera plus matière à
négociation. Si le règlement no 5 n'était là que
pour référence, il m'appartient, semblez-vous dire, et je peux
m'autoriser maintenant à terminer ce que la négociation n'a pas
terminé.
Si le travail par négociation était admissible par rapport
aux responsabilités que vous détenez en tant que ministre de
l'Education par la Loi du Conseil supérieur de l'éducation et par
les autres lois, si c'était admissible de négocier tout ce qu'il
y a dans 6.01 pour en arriver à établir toute cette base de
classement par négociation, pourquoi, lorsqu'arrive le temps de terminer
le travail, avec ce qu'il y a dans 6-5.08, tout à coup, cela devient-il
un assaut grave contre les prérogatives du ministre? Je dis que c'est
une négociation qui n'a pas été terminée. Il y
avait un mécanisme pour voir à administrer cette fin de
négociation. Il n'a pas fonctionné. Nous revenons à
l'esprit de base qui est de négocier la classification des enseignants,
mais cela n'est pas une infraction à la convention; au contraire, on
essaie de terminer cette négociation.
M. LESSARD: M. le Président, au sujet des relations...
M. LE PRESIDENT: Un instant. Devant l'insistance du député
de Saguenay, évidemment, je permettrai immédiatement la
question.
M. LESSARD: M. le Président, c'est qu'on s'aperçoit, tout
simplement, que d'autres participants ici peuvent poser des questions en
relation avec le règlement numéro 5. Il me semble que, nous
aussi, nous pouvons avoir des questions importantes et que nous devrions avoir
la possibilité de les poser. C'est justement en relation avec la
question du ministre...
M. LE PRESIDENT: Si vous me le permettez, auparavant. Il ne m'est jamais
venu à l'esprit d'empêcher un député de s'exprimer,
mais je pense qu'il était important que le ministre de l'Education
s'exprimât d'abord. Je vous donne maintenant la parole.
M. LESSARD: Je suis bien d'accord, M. le Président. Il ne s'agit
pas de faire des remarques générales sur toute la
négociation; il s'agit de parler d'un point particulier, le
règlement no 5. On s'aperçoit actuellement qu'en vertu de
l'article de la convention collective le règlement no 5 devient partie
de la convention.
La question que je veux poser je pense que cela tourne autour de
cette discussion c'est que d'abord il n'y a pas eu de négociation
au sujet du règlement no 5, alors que c'est un article fondamental
à l'intérieur de la convention collective. Une autre question:
Est-ce qu'il y a eu au moins une consultation au sujet de la
concrétisation de ce règlement no 5 auprès des
enseignants? Ou est-ce venu tout simplement unilatéralement d'un
côté, à savoir le ministère de l'Education? Il reste
quand même que le règlement no 5 tourne autour de cela. C'est
fondamental. Lorsque nous arrivons, par exemple, à l'application des 15
ans, des 16 ans ou des 17 ans, eh bien, le comité de classification doit
juger continuellement, à partir du règlement no 5. En ce qui me
concerne, je m'interroge énormément sur le fait que le
règlement no 5 ne devrait pas être une partie de la
négociation collective parce qu'il est la base même de toutes les
catégories de traitement.
M. LE PRESIDENT: Pour l'information des membres de cette commission,
à la page 92 de la convention collective, article 10-6.01, où on
fait référence aux annexes qui font partie de la convention, nous
retrouvons uniquement l'annexe 16, qui fait partie de la convention.
Conséquemment, le règlement numéro 11, qui est
annexé, ne fait pas partie de la convention. Le règlement no 5 du
journal.
M. CARDINAL: Est-ce que je pourrais ajouter un détail?
Pourrait-on lire l'article 6-2.17 pour faire la lumière une fois pour
toutes là-dessus?
M. CHARBONNEAU: Est-ce que nous pourrions voir...
M. CARDINAL: M. Charbonneau, nous pourrions simplement mentionner un
fait qui est la filière normale de la loi on a demandé
s'il y avait eu consultation et ici ce n'est pas une défense que je
fais, c'est purement une clarification la loi actuelle oblige le
ministre, quel qu'il soit enfin dans son sens le plus large, hors toute
partisanerie à consulter le Conseil supérieur de
l'Education, lorsqu'il prépare un règlement. Cette consultation a
été faite auprès du Conseil supérieur de
l'Education qui, dans l'esprit du bill 60 et du bill créant le Conseil
supérieur de l'Education, devait représenter les diverses couches
de la population. Il faut se replacer en 1968 et non pas en 1970, pour analyser
la consultation d'alors.
M. CHARBONNEAU: Elle est bonne, nous n'avons pas été
consultés là-dessus.
M. LE PRESIDENT: Je crois que cela répond à la question du
député de Saguenay.
M. CHARBONNEAU: Mais, au Conseil supérieur de l'Education, comme
il fonctionne, les gens qui sont délégués au Conseil
supérieur, qui
y sont présents, ne sont pas des délégués
des organismes, mais sont choisis par le ministre de l'Education.
Alors, il est difficile de dire qu'une consultation du Conseil
supérieur équivaut à une consultation de la CEQ.
M. CARDINAL: Je n'ai jamais dit cela, M. Charbonneau.
M. CHARBONNEAU: C'est clair. M. Cardi- nal vient de dire avec moi que la
CEQ n'a pas été consultée, en réponse à M.
Lessard, sur ce règlement.
M. LE PRESIDENT: Un instant s'il vous plaît, des membres de cette
commission m'ayant fait remarquer qu'il était six heures passées,
j'ajournerais donc à demain, 4 heures.
(Fin de la séance: 18 h 11)