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Version finale

31st Legislature, 2nd Session
(March 8, 1977 au December 22, 1977)

Tuesday, December 6, 1977 - Vol. 19 N° 271

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude du projet de loi no 53 — Loi sur la fonction publique


Journal des débats

 

Etude du projet de loi no 53 Loi sur la fonction publique

(Vingt heures neuf minutes)

Le Président (Mme Cuerrier): A l'ordre, s'il vous plaît!

Nous avons maintenant quorum, je déclare donc ouverte cette nouvelle séance de la commission de la fonction publique.

Les membres de cette commission sont: M. Bellemare (Johnson) remplacé par M. Cordeau (Saint-Hyacinthe), M. Boucher (Rivière-du-Loup), M. Garneau (Jean-Talon) remplace M. Caron (Verdun), M. Chevrette (Joliette), M. de Belleval (Charlesbourg), M. Dussault (Châteauguay), M. Gendron (Abitibi-Ouest), M. Gravel (Limoilou), M. Grégoire (Frontenac), M. Jolivet (Laviolette), M. Lacoste (Sainte-Anne), M. Le Moignan (Gaspé), M. Marchand (Laurier) remplacé par M. Forget (Saint-Laurent), M. Marcoux (Rimouski), Mme Ouellette (Hull), M. Picotte (Maskinongé) remplacé par M. Pagé (Portneuf) et M. Vaillancourt (Orford).

Le rapporteur de cette commission est M. Jolivet du comté de Laviolette.

Fédération des travailleurs du Québec,

Centrale des enseignants du Québec

et Confédération des syndicats nationaux

Cette commission a le mandat d'entendre le mémoire de la Fédération des travailleurs du Québec (FTQ), de la Centrale des enseignants du Québec (CEQ) et de la Confédération des syndicats nationaux (CSN), sur le projet de loi no 53, Loi sur la fonction publique. Le porte-parole de l'association...

M. Gilbert (Marcel): Pour la présentation, cela va être Marcel Gilbert.

Le Président (Mme Cuerrier): Pour la présentation, M. Marcel Gilbert.

M. Gilbert: Et au moment des questions, les trois centrales répondront un peu suivant les circonstances.

Le Président (Mme Cuerrier): Pour le journal des Débats, M. Marcel Gilbert, voudriez-vous, s'il vous plaît, identifier ceux qui répondront au moment de leur intervention? D'accord? Vous pouvez les présenter tout de suite et nous les nommerons, à ce moment-là.

M. Gilbert: D'accord. Je les nomme maintenant?

Le Président (Mme Cuerrier): Si vous le voulez.

M. Gilbert: M. Réal Lafontaine (FTQ)...

Le Président (Mme Cuerrier): M. Lafontaine.

M. Gilbert: M. Louis Duval (FTQ), M. Fernand Daoust (FTQ), Mme Francine Lalonde (CSN), M. Marcel Gilbert (CSN), M. Yvon Charbonneau (CEQ), M. André Lavallée (CEQ), M. Jean-Claude Tardif (CEQ).

Le Président (Mme Cuerrier): M. Gilbert, est-ce que vous avez l'intention de lire le mémoire en entier ou bien de le résumer?

M. Gilbert: J'ai l'intention de le lire parce que vous avez reçu depuis plus d'un mois déjà un mémoire préliminaire que nous avons sensiblement amendé. Comme on vous a remis le nouveau mémoire seulement ce soir, je pense qu'il est utile pour en faciliter la lecture qu'on le lise et ce serait la présentation que j'en ferai.

Le Président (Mme Cuerrier): Allez, M. Gilbert.

M. Gilbert: Bien qu'elles ne représentent pas les travailleurs directement touchés par le projet de loi 53, les centrales syndicales FTQ, CEQ et CSN ont tenu à faire connaître leurs réactions à ce projet de loi et cela, pour deux raisons. Parce qu'ensemble les trois centrales représentent la très grande majorité des travailleurs québécois syndiqués, elles estiment qu'il est de leur devoir d'intervenir chaque fois qu'un projet de loi, en les mettant en question dans un secteur, est susceptible de porter atteinte au droit d'association et à la liberté de négociation de l'ensemble des travailleurs québécois.

C'est aussi parce que les centrales syndicales FTQ, CEQ et CSN, ensemble le plus important regroupement populaire, ont également jugé qu'il leur fallait dire à la commission parlementaire ce que les travailleurs québécois veulent dire quand ils réclament une fonction publique ouverte à la population et vouée à son service.

Le 26 juillet dernier, le ministre de la Fonction publique, M. Denis de Belleval, a déposé à l'Assemblée nationale un projet de loi destiné à remplacer à la fois l'actuelle Loi de la fonction publique et la Loi du ministère de la fonction publique.

Lors du dépôt du projet de loi 53, M. de Belleval a tenu à faire connaître les objectifs fondamentaux qui l'avaient guidé. Il en désigna deux principaux. D'une part, l'élimination de l'arbitraire et du favoritisme dans l'accès et la promotion aux emplois de la fonction publique. D'autre part, l'amélioration de l'efficacité administrative. Les centrales syndicales qui, dans le passé, ont grandement contribué à desserrer l'emprise du favoritisme et de l'arbitraire sur la fonction publique, qui ont toujours revendiqué la revalorisation de la fonction publique et qui se sont réjouies d'entendre le premier ministre clamer lors de la dernière campagne électorale la nécessité d'une fonction publique transparente et ouverte à la population ne

peuvent que se réjouir de ces intentions du ministre de la Fonction publique.

Cependant, la FTQ, la CEQ et la CSN s'étonnent et s'inquiètent des moyens que le projet de loi 53 propose pour assurer l'atteinte des objectifs mis de l'avant par le ministre.

Il semble clair, et c'est principalement là-dessus que les centrales syndicales souhaitent attirer l'attention de la commission parlementaire, que l'adoption de ce projet de loi ne ferait rien pour ouvrir la fonction publique à la population et conduirait, d'une part à la réduction de l'aire du négociable, sinon à l'abolition du régime de la négociation collective pour les salariés de l'Etat, d'autre part au maintien des vieilles entraves à la liberté d'association de ces derniers.

Déjà, les salariés de l'Etat ont moins de droits que l'ensemble des autres travailleurs syndiqués. Empêchés de négocier des conditions de travail aussi essentielles que leur système de classification, empêchés de contester efficacement des décisions primordiales comme leur classement, soumis à une réglementation envahissante qui étouffe le processus de la négociation collective, ils ont déjà un statut particulier qui est loin d'être un statut privilégié en ce qui a trait à la définition de leurs conditions de travail.

Que le projet de loi présenté par le ministre de la Fonction publique, loin d'atténuer les effets de la loi de 1965 et de la prolifération des règlements, accentue au contraire l'isolement et le statut particulier des salariés de l'Etat a de quoi étonner d'abord, inquiéter ensuite.

Il est en effet étonnant qu'en 1977, quand on veut accroître l'indépendance et l'impartialité de la fonction publique, l'ouvrir à la population et améliorer l'organisation de son travail, on se sente obligé de maintenir les vieux freins au développement de la syndicalisation des fonctionnaires et d'ajouter des entraves à la libre négociation de leurs conditions de travail. Car, enfin, l'expérience passée, celle des années cinquante, celle surtout des années soixante, a montré que la syndicalisation des fonctionnaires et la négociation collective de leurs conditions de travail, grâce à l'ouverture des débats qu'elles ont occasionnés, grâce aussi aux garanties fondamentales qu'elles ont fini par établir, ont fait plus pour assurer un minimum d'impartialité à la fonction publique et un minimum d'ouverture de l'appareil d'Etat à la population que toutes les institutions «non conflictuelles» et «objectives», comme la Commission de la fonction publique, que le parti au pouvoir a toujours pu contourner quand il ne pouvait les asservir.

La FTQ, la CEQ et la CSN ne peuvent voir sans inquiétude le gouvernement du Québec s'engager à son tour dans le sillon qui a conduit le gouvernement du Canada à jeter sur le régime des négociations collectives le carcan des contrôles anti-inflationnistes et le gouvernement de M. Bourassa à tenter de contrôler les négociations collectives avec ses employés à coups de lois d'exception.

C'est bien dans ce sillon que le ministre de la Fonction publique semble mettre le pied en dépo- sant le projet de loi no 53. Il nous semble en effet qu'à part une redistribution des responsabilités respectives des organismes centraux, Conseil du trésor, ministère de la Fonction publique, Commission de la fonction publique, redistribution dont nous aurons à signaler les dangers, le principal effet de la réforme proposée serait une réduction considérable du champ de ce que les employés de l'Etat auront le droit ou le pouvoir de négocier collectivement.

La loi qui régit actuellement la fonction publique québécoise comporte déjà, nous l'avons dit, un certain nombre de limites à la liberté de négociation des salariés de l'Etat; elle exclut même pour un grand nombre d'entre eux le droit d'appartenir à un syndicat. Nous ne croyons pas nous tromper beaucoup en affirmant que, dans l'esprit du législateur de 1965, ces restrictions étaient justifiées par des objectifs d'impartialité et d'efficacité. Ont-elles été efficaces à l'égard de l'atteinte de ces objectifs? Nous ne le pensons pas. Qu'on considère seulement celles qui tiennent aux différents pouvoirs confiés à la Commission de la fonction publique.

On espérait sans doute que cette commission, dont les membres sont choisis par le lieutenant-gouverneur en conseil, saurait échapper aux pressions patronales comme aux pressions syndicales et aurait suffisamment d'indépendance et d'objectivité pour éliminer le favoritisme, le népotisme et le patronage qui avaient sévi avant 1965. Faut-il dire que cet objectif n'a pas été atteint? S'il est clair aujourd'hui que la Commission de la fonction publique a su s'opposer aux pressions externes, on ne peut malheureusement pas dire qu'elle ait su échapper aux pressions patronales et gouvernementales.

La loi de 1965 retirait du champ de la négociation la sélection des candidats à l'engagement et à la promotion, ses critères et ses mécanismes, pour les confier à la commission. Graduellement, cependant, faute de moyens peut-être et de vouloir sans doute, la Commission de la fonction publique s'est dessaisie de la fonction que la loi lui avait confiée au profit des ministères. Ceux-ci purent ainsi juger en même temps de l'admissibilité et de l'admission en dehors de tout contrôle. Graduellement et sans doute par voie de conséquence, l'arbitraire et le favoritisme refirent surface, suffisamment en tout cas pour que le nouveau ministre de la Fonction publique fasse de leur élimination un des principaux objectifs de son projet de reforme.

L'établissement des classes d'emplois, leur modification au besoin et le classement des employés relèvent aussi, depuis 1965, de la Commission de la fonction publique. En principe, donc, les décisions relatives au classement des employés devaient échapper à l'arbitraire. Pourtant, des décisions importantes de la commission en cette matière ont eu, au contraire, pour effet d'ériger l'arbitraire en système. L'abolition par la commission des échelons fixes de la classification des cadres et des adjoints aux cadres et leur remplacement par des augmentations au mérite n'ont-ils pas placé ces employés en face de l'arbitraire

patronal le plus complet? Dans le même ordre d'idées, que faut-il penser des décisions de la commission relativement aux emplois ou fonctions dits occasionnels? La commission, on le sait, a le pouvoir de décréter occasionnels certains emplois, de soustraire leurs titulaires à l'application de la loi et de statuer sur leurs conditions de travail. On pouvait espérer que la commission serait parcimonieuse dans l'octroi de ces statuts particuliers. Peut-on, en effet, imaginer un instrument plus efficace entre les mains des hommes politiques pour échapper aux contraintes de la loi et se placer en dehors de tout contrôle? Or, la commission ne fut pas, c'est le moins qu'on puisse dire, très vigilante à cet égard.

Elle laissa les ministères recourir d'une manière systématique à des travailleurs ayant statut d'occasionnels, elle ne s'émeut pas de voir des occasionnels occuper, dans certains cas pendant vingt ans, des emplois permanents, elle s'opposa même à la syndicalisation de ces travailleurs garantissant ainsi l'arbitraire qu'elle avait mandat d'éliminer.

Le législateur de 1965 n'avait pas une grande préoccupation pour une fonction publique ouverte à la population. En tout cas, on ne retrouve rien dans la loi qui régit actuellement la fonction publique québécoise qui permette de le penser. Au contraire, tout indique que la confidentialité des recherches et des travaux confiés aux salariés de l'Etat lui paraissait primordiale. La syndicalisation lui semblant contraire à ce besoin de fermeture à la population, il interdisait l'association à de nombreux employés de l'Etat pour lesquels des dispositions générales du Code du travail ne prévoyaient aucun obstacle. Bien plus, il décrétait l'incompatibilité des droits normaux du citoyen québécois et des fonctions de l'employé de l'Etat en interdisant à ces derniers le plein exercice de leur droit de citoyen à l'association des campagnes électorales. Bien sûr, ces dispositions de la loi n'empêchent pas l'information de circuler. Elles ont seulement pour effet de réserver les fuites à ceux qui ont, comme on dit, «des amis au gouvernement». Telle est pour nous la situation actuelle, tels sont pour nous les résultats des limites imposées aux droits des travailleurs de la fonction publique.

Il fallait donc modifier en profondeur la Loi de la fonction publique, trouver des solutions nouvelles aux problèmes du favoritisme et de l'arbitraire, inventer des relations inédites entre l'appareil d'Etat et la population. Il faut reconnaître le mérite d'un projet de loi qui ouvre la discussion et amorce la recherche sur ces questions. Cependant nous constatons que les voies qu'emprunte en les élargissant le projet de loi 53 sont celles que le passé recommande d'abandonner, tandis qu'il encombre d'obstacles quand il ne les scelle pas tout à fait celles que l'étude du passé recommande d'emprunter et d'élargir.

Le projet de loi 53 prévoit une redistribution profonde des pouvoirs et des responsabilités entre les organismes centraux qui se partagent la gestion du personnel de la fonction publique. Sous la tutelle du Conseil du trésor, article 3, le ministre de la Fonction publique et un nouvel organisme, l'Office de recrutement du personnel de la fonction publique, se partageraient désormais la totalité de la responsabilité et des pouvoirs de gestion. Le premier, en vertu des articles 3, 4, 5, 6 et 7 du projet, aurait la responsabilité générale de la gestion du personnel et, à cette fin, se trouverait investi du pouvoir de réglementer sur toutes les matières reliées à la gestion du personnel de l'Etat à l'exception de l'admission aux emplois de la fonction publique. Le second, en vertu de l'article 45, aurait la responsabilité et le pouvoir réglementaire relatif au recrutement.

Il faut ajouter que le ministre, comme l'office auraient le pouvoir de se décharger de leurs responsabilités respectives sur les sous-ministres et les dirigeants d'organismes. La Commission de la fonction publique, qui en vertu de la loi actuelle a la responsabilité et les pouvoirs reliés à l'admission et la promotion dans des emplois de la fonction publique, n'aurait plus désormais qu'une responsabilité de surveillance générale à l'égard de l'application de la loi, le pouvoir de recommandation découlant de cette responsabilité générale et le pouvoir particulier d'un arbitre de griefs sur des questions de classement, de promotion, de rétrogradation, de révocation et de destitution.

Vu sous l'angle de l'élimination de l'arbitraire et du favoritisme, et c'est, rappelons-le, l'objectif énoncé par le ministre, la nouvelle structure de gestion apparaît comme un net recul. Les membres de la commission, indépendants en principe du parti au pouvoir, n'ont pu résister aux pressions du gouvernement, et voilà qu'on les remplace d'une part, en ce qui concerne les promotions, par le ministre de la Fonction publique, lui-même membre du parti au pouvoir et soumis à sa discipline, d'autre part, en ce qui a trait au recrutement, par un président d'office qu'on pourrait remplacer après chaque élection puisqu'il n'est nommé que pour cinq ans. Bien sûr, on dira qu'il y a la règle du mérite et que le ministre et l'office devront s'y soumettre. Malheureusement, nous ne pouvons croire à la valeur normative de cette fameuse notion de mérite. Elle ne se laisse pas, en effet, définir en dehors de la personne qui est chargée de l'appliquer. Cette personne peut fort bien, dirons-nous légitimement, estimer qu'il y a plus de mérite à penser comme elle qu'il n'y en a à penser autrement. En somme, la règle du mérite renvoie sans appel possible à l'arbitraire de celui qui l'applique.

On nous dira sans doute que nous négligeons le pouvoir de surveillance confié à la Commission de la fonction publique, en cette matière. Nous le négligeons, en effet. Le passé de la commission ne nous inspire aucune confiance et son avenir nous inquiète davantage puisque ses membres pourront désormais être choisis par le premier ministre après chaque élection.

Dans un mémoire soumis à la présente commission parlementaire, le Syndicat de professionnels du gouvernement du Québec affirme: "Les syndicats d'employés du secteur public ont

toujours traditionnellement été très actifs et ont toujours été une force positive pour s'opposer à toute ingérence politique ou discriminatoire dans le processus de recrutement. La raison en est très simple: Toute ingérence politique dans la carrière permet à des individus d'obtenir un traitement préférentiel par favoritisme, ce qui mine l'efficacité de toute action collective menée par le syndicat. C'est donc, en fin de compte, l'intérêt du syndicat de s'opposer au patronage." Nous souscrivons sans réserve à ce jugement du SPGQ et nous ne comprenons pas que le ministre de la Fonction publique, loin de s'être rendu à cette évidence et d'avoir cherché à en tirer les conséquences dans l'élaboration de son projet de réforme, ait tenu à exclure toute intervention syndicale du processus d'admission et de promotion dans les emplois de la fonction publique.

De fait, l'ensemble du projet de loi paraît s'inspirer du vieux préjugé patronal selon lequel l'association des travailleurs et le processus de la négociation collective sont contraires à la bonne gestion.

Nous ne nous expliquons pas autrement: —l'article 3 du projet de loi qui donne au ministre de la Fonction publique un pouvoir de réglementation sans limite en matière de définition des conditions de travail des salariés de l'Etat; —l'article 119, dans sa version amendée par la déclaration ministérielle du 19 octobre 1977, qui circonscrit le champ du négociable à sept sujets particuliers, exige l'adoption d'un règlement pour l'élargissement de l'aire des négociations et remet entre les mains de trois autorités différentes la possibilité d'édicter un tel règlement; —l'article 78 qui donne au ministre le pouvoir de fixer les classes d'emploi où la période de probation sera de plus de six mois, soit pour l'octroi du statut de fonctionnaire permanent, soit pour une promotion ou un reclassement; — l'article 28 qui retire potentiellement du champ de la négociation collective à peu près toutes les questions sur lesquelles la commission de la Fonction publique doit statuer dans son nouveau rôle de tribunal d'arbitrage.

Dans tous ces cas, en effet, le projet de loi, s'il n'exclut pas explicitement toute négociation, risque de créer à l'occasion de chaque négociation collective une situation de conflit entre la voie réglementaire imposée par la loi et la voie contractuelle exigée par les travailleurs syndiqués.

Faut-il rappeler que de telles situations ont été, dans le passé récent, à l'origine d'affrontements fort longs dans le secteur public?

Il y a des règlements qui régissent les conditions de travail dans le secteur parapublic en particulier. Il y a des règlements sur la classification des enseignants. Il y a eu des règlements édictés sur les modes de gestion et de participation dans les secteurs universitaires qui, dans un passé dont tout le monde peut se souvenir, ont provoqué des conflits très longs. Pourtant, il n'a jamais été interdit nulle part, strictement et en vertu d'une loi, de négocier la classification, mais il y avait un règlement. Cela modifie le rapport de force.

C'est aussi à ce vieux préjugé antisyndical que nous attribuons non seulement le maintien mais la multiplication des interdictions faites à certaines catégories de salariés de l'Etat de se syndiquer, en particulier dans l'article 114 et possiblement par l'article 68.

Il nous semble beaucoup plus sain, plutôt que d'augmenter ainsi le statut particulier des travailleurs de l'Etat, qu'au contraire le gouvernement choisisse de traiter ses employés comme il traite tous les autres travailleurs, c'est-à-dire qu'il laisse le soin au Tribunal du travail, après audition des parties, de déterminer aussi bien le domaine des emplois "confidentiels" non syndicables que celui des emplois de cadres à exclure des unités d'accréditation existantes, ou même celui des emplois "occasionnels" et "temporaires".

Les centrales syndicales se sont par ailleurs inquiétées de retrouver le même type de démarche vers la constitution d'un ghetto pour les travail-leursdel'Etatquand,parlesarticles117,118 et 119, le projet de loi 53 fabrique l'embryon d'un Code du travail parallèle à partir de débris de l'ancienne loi de la fonction publique qu'il coiffe du titre de «Loi sur le régime syndical dans la fonction publique».

Cette façon de bricoler un double fond à la loi 53 est inacceptable à plusieurs égards. En effet, dans l'hypothèse où le gouvernement voulait que la loi sur le régime syndical tienne debout par elle-même, cet exercice de collage apparaît nettement insuffisant. Par exemple, sans qu'il soit précisé si cette loi sur le régime syndical est subordonnée à la loi 53, le concept de fonctionnaire est défini dans la loi 53, tandis que dans la loi sur le régime syndical n'apparaît que la définition du terme ouvrier. Pourtant, le premier est aussi important que le second pour la compréhension de la loi sur le régime syndical.

Autre exemple: sans que soient précisés les rapports entre cette nouvelle loi et le Code du travail, on découvre que la loi sur le régime syndical parle de convention collective sans définir ce que c'est. Peut-on présumer qu'elle réfère alors au concept utilisé dans le Code du travail, comme c'est le cas actuellement — je suggérerais une modification — ou à celui qui est défini dans la loi actuelle? Il faut dire que, dans la loi actuelle ou dans la situation actuelle, convention collective pour les fonctionnaires et convention collective pour les autres, c'est la même définition. On pose la question.

Autre question encore: la nouvelle loi, dans son entreprise de récupération, abandonne pourtant, pour des raisons inconnues, certains articles de l'ancienne loi, par exemple l'article 28 qui consacrait la coutume de la négociation, non pas de la classification des fonctionnaires, mais du quantum des échelles de traitement des fonctionnaires. Cette procédure apparaît inacceptable aussi, parce qu'elle pourrait signifier que le gouvernement a l'intention de construire en douce un Code du travail spécifique pour ses fonctionnaires. Si la loi sur le régime syndical ne se voulait que la loi de reconnaissance syndicale, elle serait, en effet, inu-

tile et ne ferait que dédoubler l'action du Tribunal du travail.

A ce sujet, les trois centrales, CSN, CEQ, FTQ, estiment que, si l'intention du gouvernement est vraiment de fabriquer une cage, serait-elle dorée, pour les fonctionnaires, il vaut mieux le dire clairement et, alors, prendre conscience qu'une fois enclenché le processus de création d'un statut particulier, le gouvernement s'engage sur la pente de la multiplication des cas d'exception.

Cette façon de présenter une loi double est, enfin, inacceptable parce que la loi sur le régime syndical, peut-être plus encore que le projet de loi 53, porte sur des matières qui sont carrément au coeur du mandat de la commission Martin chargée d'enquêter sur le régime de négociations dans les secteurs public et parapublic, dont la fonction publique fait partie.

Par ailleurs, si une première lecture du projet de loi 53 peut laisser croire que cette révision de la Loi de la fonction publique a été concoctée au seul profit du ministre de la Fonction publique, une lecture plus attentive amène cependant à penser que le véritable parrain du projet de loi, c'est le Conseil du trésor dont est membre le ministre de la Fonction publique.

La simple enumeration des articles où le Conseil du trésor apparaît comme l'instance décisionnelle suprême (articles 68, 3, 6, 56, 57, 58, 70, 78, 91 et finalement 120) donne la mesure de ce cabinet restreint — devrait-on parler de cabinet parallèle— que devient le Conseil du trésor quand il s'agit des relations entre l'Etat et ses employés.

Tout se passe comme si le gouvernement a-vait décidé que les relations entre l'Etat et ses serviteurs devaient être définies selon la seule coordonnée des finances et du budget. Que fait-on, alors, des choix politiques et sociaux qui se cachent derrière les prétendues nécessités budgétaires? Que deviennent les ministres d'Etat du gouvernement qui doivent orienter les grandes politiques de l'Etat et qui se voient ainsi carrément é-cartés d'un secteur qui a pourtant occupé, depuis une quinzaine d'années, le devant de la scène dans les débats sur le type de société que souhaitent les travailleurs québécois?

Quelle influence le premier ministre, les ministres exclus du Conseil du trésor et l'Assemblée nationale dans sa majorité auront-ils sur les prochaines négociations entre l'Etat et ses employés s'ils acceptent aujourd'hui que se mette en branle une machine fermée à toute autre considération que d'étroits calculs comptables.

Parce que le projet de loi déposé par le ministre de la Fonction publique va puiser ses solutions au problème du favoritisme et de l'arbitraire aux mêmes sources que la loi de 1965, nous pensons que son adoption n'est pas plus susceptible que l'adoption de cette dernière de régler ce problème en permanence. Parce que, contrairement aux préjugés patronaux qui sous-tendent le projet élaboré par le ministre, le développement de la syndi-calisation et l'élargissement des enjeux de la négociation collective constituent les meilleures garanties d'élimination de l'arbitraire et du favoritisme, nous nous opposons fermement à l'adoption de ce projet tel que déposé parce qu'il entrave le développement des libertés syndicales. Nous demandons en particulier: 1. Que la loi sur la fonction publique ne contienne aucune restriction au droit d'association des salariés de l'Etat; que les seules dispositions qui s'appliquent à cet égard soient celles prévues généralement au Code du travail. 2. Que la loi de la fonction publique ne contienne aucune disposition qui puisse limiter ou faire obstacle à la libre négociation de toutes les conditions de travail des salariés de l'Etat; qu'à cet égard, en particulier: -l'article 3 du projet de loi qui définit la responsabilité du ministre de la Fonction publique en matière de gestion du personnel, soit amendé de manière à ce que le droit de gérance de ce dernier, s'arrête à la limite des ententes et des conventions signées avec les syndicats représentant les salariés de l'Etat. -l'article 28 du projet de loi qui définit les pouvoirs de la commission de la fonction publique soit modifié de manière à retirer à la commission le rôle d'arbitre qu'on lui confie; que soit reconnu le droit à un recours arbitral suivant des modalités convenues entre l'employeur et le syndicat. -l'article 45 du projet définissant les pouvoirs de l'Office du recrutement soit amendé de manière à ce que son droit de réglementation et son pouvoir d'exécution en matière d'accès à la fonction publique s'arrête à la limite des ententes et des conventions signées avec les syndicats représentant les salariés de l'Etat. -que l'article 119 (version de la déclaration ministérielle du 19 octobre 1977), plutôt que de consacrer le statu quo des frontières actuelles du négociable et d'installer de nouveaux verrous pour en empêcher l'élargissement, laisse à la libre négociation le soin d'établir ces frontières là où elles collent le mieux aux réalités et aux besoins du moment.

Par ailleurs, nous estimons qu'une fonction publique au service de la population québécoise, cela signifie une fonction publique qui rend accessible, sans discrimination, à la population québécoise, les résultats de ses recherches et de ses travaux, qui ne garde pas secrètes les données sur lesquelles le gouvernement prend plutôt que pense ses décisions et définit ses politiques, qui ne garde pas pour elle les informations dont elle dispose et qui pourraient grandement faciliter aux organisations populaires la poursuite de leurs objectifs. Pour tendre vers cet objectif d'ouverture, il est clair qu'il faudra commencer par débâillonner les employés de l'Etat, en s'assurant notamment que les serments d'allégeance et de discrétion ne puissent pas être invoqués abusivement pour restreindre la libre circulation de l'information nécessaire à la vie démocratique et le plein exercice par les employés de l'Etat de leurs droits de citoyens.

Mais, il faudrait aussi faire les études et les consultations nécessaires à l'établissement d'une relation étroite et non discriminatoire entre les travailleurs de l'Etat et la population. C'est dans cette perspective qu'il nous semble nécessaire: 3.Que soient retranchées de l'article 73 les li-

mites imposées au droit de libre affiliation des organisations syndicales librement mises sur pied par les employés de l'Etat. 4. Que les résultats des recherches et des travaux faits par les salariés de l'Etat soient accessibles aux différentes associations populaires (syndicats, centrales syndicales, associations d'étudiants et de parents, comités de citoyens, etc.) dans les domaines qui les concernent.

En ce qui concerne le texte actuellement à l'étude par la commission parlementaire, les centrales syndicales FTQ, CEQ et CSN se refusent à croire que le premier ministre, la majorité de ses ministres et la majorité des députés de l'Assemblée nationale appuient une politique de réglementation discrétionnaire de la fonction publique à rencontre de la négociation collective libre, pourtant déjà restreinte quant au nombre de sujets négociables. Les trois centrales sont d'avis qu'ils ont été mal renseignés et qu'ils se ressaisiront en étant alertés; c'est le but du présent mémoire.

Enfin, en accord avec les déclarations d'intention du gouvernement qui affirme vouloir augmenter la transparence de la fonction publique, et compte tenu, d'une part, que la commission Martin doit remettre son rapport en février et, d'autre part, que les pages qui précèdent ont établi la nécessité d'une révision fondamentale du projet de loi no 53, tant sous l'angle de l'aire des négociations que sous celui du droit à la syndicali-sation ou sous celui du régime des négociations, les centrales FTQ, CEQ et CSN ne peuvent consé-quemment qu'exiger que le projet de loi no 53 soit retiré et qu'un nouveau projet de refonte de la Loi de la fonction publique, plus cohérent avec les objectifs déclarés du gouvernement, soit préparé à la lumière des recommandations de la commission Martin.

C'est la lecture que je voulais faire. S'il y a des questions, comme je l'ai dit, les réponses pourront venir de l'un ou l'autre des représentants de l'une ou l'autre des trois centrales.

Le Président (Mme Cuerrier): M. le ministre de la Fonction publique.

M. de Belleval: Mme le Président, je ne puis m'empêcher de remarquer, depuis un an, que notre parti a beaucoup de difficulté à légiférer. Tantôt c'est la loi 101 que l'Opposition lui demande de retirer avant même qu'on puisse commencer à l'étudier. Tantôt c'est le projet de loi no 67 sur l'assurace automobile. Tantôt même c'est ce parangon de la législation.qui est censé refléter notre préjugé favorable envers les travailleurs, le projet de loi no 45, à qui on voue le même sort. Ce soir, c'est le projet de loi no 53. C'est à croire qu'il y a beaucoup de monde qui veut transformer ce gouvernement en gouvernement fainéant.

Malheureusement, nous avons beaucoup d'ambition et nous avons beaucoup de fer au feu. Nous entendons mener nos projets à bon port, tout en restant en cours de route à l'écoute des gens qui ont des choses à nous dire, des choses constructives, et il y en a quelques-unes dans vo- tre mémoire. Nous entendons modifier les premiers projets et, comme je l'ai dit, aller jusqu'au bout de notre démarche pour autant que nos objectifs principaux sont concernés.

Dans le projet de loi no 53, il est un premier objectif sur lequel vous vous penchez pesamment dans votre mémoire qui n'est pas apparent et qui n'est pas existant; c'est la réforme du régime syndical dans la fonction publique. Le projet de loi no 53 ne traite pas de la question du régime syndical dans la fonction publique. Bien au contraire, il a été conçu de façon à exclure totalement toute modification, du moins disons toute modification significative au régime syndical en vigueur. Et pour une simple et bonne raison, c'est que cette question fait l'objet d'une démarche séparée, celle de la commission Martin, et je pense que votre mémoire va s'adresser bien davantage à la commission Martin qu'à cette commission.

En particulier, tous les pouvoirs qui sont conférés au ministre ou à quelque organisme que ce soit dans le projet de loi no 53, en ce qui concerne les employés syndiqués, ne peuvent être appliqués que sous réserve du régime syndical en vigueur et sous réserve des conventions collectives en vigueur. Cette intention, qui a été exprimée dès le début, au mois de juillet, a été confirmée de nouveau dès le 18 octobre à cette même commission. J'ai même déposé deux projets d'amendements au projet de loi qui confirment, de la façon la plus claire possible, et sous réserve d'ailleurs d'une clarification supplémentaire à l'étape de l'étude article par article du projet de loi, ce principe que le projet de loi no 53, en ce qui concerne les employés salariés, s'applique sous réserve du régime syndical existant.

Je comprends, par ailleurs, ce que le régime syndical existant ne vous satisfait pas. J'ai écouté, à ce sujet, les nombreuses représentations qui m'ont été faites. C'est pour cette raison justement, parce que ce régime syndical n'est pas satisfaisant dans son ensemble, que nous avons créé la commission Martin et que nous lui avons demandé d'étudier cette question. Lorsque la commission aura remis son rapport, s'il faut faire des modifications en ce qui concerne la fonction publique au sens strict, ce ne sera même pas le projet de loi no 53, ou la loi 53 qu'il faudra amender, mais ce sera le régime syndical actuellement en vigueur, qui est maintenu tel quel et dont les composantes sont regroupées sous le titre de Loi sur le régime syndical dans la fonction publique. A la limite, si le gouvernement se rendait à ce moment-là à vos suggestions et à celles de la commission Martin, à savoir qu'il ne doit pas exister de loi sur le régime syndical dans la fonction publique mais que cela doit se trouver sous les dispositions générales du Code du travail, on n'aura qu'à abroger tout simplement la Loi sur le régime syndical dans la fonction publique. Mais il faut quand même être conscient de cet aspect: c'est que le projet de loi no 53 ne touche pas au régime syndical en vigueur. Il ne fait que le maintenir en attendant des amendements ultérieurs. Tous les pouvoirs qui sont concédés au ministre de la

Fonction publique, ou à l'Office de recrutement, ou à la commission, s'appliquent en ce qui concerne les employés syndiqués — je le répète peut-être pour la quinzième fois — sous réserve des dispositions de la Loi sur le régime syndical dans la fonction publique.

Quand vous dites, justement, dans vos recommandations, la deuxième: ... "l'article 3 du projet de loi qui définit la responsabilité du ministre de la Fonction publique en matière de gestion du personnel soit amendé de manière à ce que le droit de gérance de ce dernier s'arrête à la limite des ententes et des conventions signées avec les syndicats représentant les salariés de l'Etat", c'est exactement ce que fait l'article 91 de la Loi de la fonction publique qui dit: "Le pouvoir du ministre de fixer les conditions de travail de ses fonctionnaires s'arrête aux limites fixées par les conventions collectives.

A mon avis, sous réserve, comme je l'ai dit, d'une formulation plus satisfaisante que celle que j'ai déjà proposée à cet égard, ces précisions terminent, sur le plan des principes en tout cas, la discussion que vous avez soulevée et que soulève principalement votre mémoire en demandant, bien que le régime syndical en vigueur vous soit insatisfaisant, tout au moins qu'il ne soit Das modifié unilatéralement par le projet de loi 53.

Alors, Mme le Président, comme cet aspect est vraiment le plus important du projet de loi, je voudrais m'y arrêter pour l'instant, laissant à ces experts en transparence gouvernementale, les députés de l'Opposition, le soin de poser des questions sur les pages très intéressantes du mémoire qui nous est soumis et de demander des é-claircissements à ce sujet. Juste une dernière précision, avant de terminer: Les ouvriers, bien sûr, en vertu du projet de loi 53, sont assujettis définitivement au régime syndical sans aucune restriction et sans qu'il soit besoin de modifier en quoi que ce soit les définitions. Finalement, les employés occasionnels, en vertu du projet de loi 53...

M. Forget: Est-ce que je pourrais interrompre le ministre pendant un instant?

M. de Belleval: Est-ce que je peux terminer, M. le député? J'ai presque terminé.

Une Voix: II veut vous interrompre.

M. Forget: Je vous poserai une question à la fin.

M. de Belleval: Oui. Je m'excuse, je vous en prie.

M. Pagé: Laissez-moi aller, il et très nerveux.

M. de Belleval: Quant aux employés occasionnels, qui jusqu'à maintenant pouvaient être, par voie réglementaire, exclus du régime syndical, une fois le projet de loi 53 adopté, seront assujettis définitivement au régime syndical sans qu'il soit possible au ministre, par voie réglementaire, de les retirer. Cela veut dire que, même aussi en ce qui concerne les exclusions du régime syndical, le projet de loi, comme je l'ai dit, maintient le statu quo.

Alors, merci, Mme le Président. Je m'excuse d'avoir été peut-être un peu long.

Le Président (Mme Cuerrier): Non, c'était une question que M. le député de Saint-Laurent voulait vous poser. Est-ce que vous acceptez la question?

M. Forget: Je voulais poser une question au ministre, parce qu'il nous a offert fort aimablement...

Le Président (Mme Cuerrier): Est-ce une question ou une mise au point, M. le député de Saint-Laurent?

M. Forget: Non, ce n'est pas une mise au point; c'est une question. Je voudrais au moins savoir l'usage de ces deux mots.

Le Président (Mme Cuerrier): Je voudrais simplement vérifier et faire la mise au point. Actuellement, le mandat de la commission est d'entendre les intervenants qui viennent proposer leur mémoire et le discuter. Alors, je vous demanderais de faire rapidement.

M. Forget: C'est mon intention, Mme le Président, mais, comme le ministre nous a invités, nous députés de l'Opposition, à poser des questions à nos invités, je me demandais si dans son intention il cherchait à exclure les députés de sa propre formation politique. On aimerait bien entendre les questions qu'eux-mêmes auraient à formuler sur le sujet. Est-ce qu'il avait l'intention de leur retirer ce droit de parole, Mme le Président?

M. Chevrette: Soyez sans crainte.

Le Président (Mme Cuerrier): Après cette boutade de M. le député de Saint-Laurent, M. le député de Jean-Talon. Je verrai à accorder le droit de parole aux députés ministériels s'ils en font la demande.

M. Garneau: Mme le Président, mon intervention à l'occasion de la présentation de ce mémoire sera relativement brève, puisque nous avons entendu ces remarques presque à chacun des mémoires qu'il m'a été donné d'entendre, mon collègue de Portneuf ayant assisté, pour l'Opposition officielle à la présentation des autres mémoires. Je me réfère surtout aux débats qui ont eu cours lors des premières séances de la commission. Nous reprenons en fait le contenu de la plupart des discussions avec la présentation du mémoire des trois centrales syndicales.

Je ne sais pas si c'est un bon signe pour l'Opposition officielle ou un mauvais pour les centrales syndicales qui sont les invités aujourd'hui. Parfois, c'est inquiétant quand il y a des gens qui se retrouvent sur le même plan. Je ne sais pas si c'est

de votre côté ou du mien que l'inquiétude doit régner, mais nous avons été d'accord avec la plupart des points de vue que vous avez exprimés et cela, dès la première séance de la commission qui a étudié le projet de loi 53.

Ce qui est agaçant dans l'étude de ces mémoires, et surtout ce qui est agaçant d'entendre de la part du ministre, c'est qu'il m'apparaît y avoir une nette distinction entre le contenu juridique de ce projet de loi et les intentions qu'exprime publiquement le ministre.

Les règlements de cette commission et la façon dont ils étaient appliqués nous empêchaient d'interroger le ministre, mais j'ai eu beaucoup de peine à comprendre et à saisir les intentions par rapport aux articles de loi. Je voudrais donner comme exemple les propos que vient de tenir le ministre à la toute fin de son intervention, en parlant des occasionnels. Je relis l'article 68, parce qu'en l'entendant je me rappelais que cet article existait dans la loi, lorsqu'on parle des occasionnels. On peut faire des exclusions d'une façon assez rapide. J'ai de la misère à comprendre ces rattachements ou ces propos d'intention avec la réalité du texte juridique.

J'ai retenu de votre mémoire l'intention ou le point de vue que vous avez émis voulant que vous suggériez le retrait du projet de loi 53. Même si nous sommes dans l'Opposition, nous ne sommes pas allés aussi loin, même si nous l'avions espéré, mais nous avons simplement recommandé avec l'Union Nationale, de retarder au moins l'étude en deuxième lecture, d'avoir d'abord le dépôt du rapport Martin avant d'en aborder l'étude détaillée.

Nous aurions préféré que même la deuxième lecture ne soit pas abordée, parce que nous croyons que les principes qui sont contenus dans ce projet de loi pourraient être affectés profondément par les recommandations du rapport Martin. En termes d'aire des négociations. Même si on a reçu l'indication que l'article 119 pourrait être amendé pour revenir à l'ancienne loi, il reste que l'esprit du projet de loi dans sa tenue réglementaire et aussi dans l'interprétation et l'explication juridique des articles de loi, les articles de ce projet de loi pourraient très largement influencer l'aire des négociations.

Nous croyons qu'il serait préférable avant d'aller plus loin, j'espère que le ministre se rendra à notre suggestion lorsque nous aborderons tout à l'heure l'adoption ou le rejet de la motion que nous avons présentée lors de l'ouverture, de cette commission, qu'il veuille agréer les suggestions de l'Opposition de ne pas aller plus loin maintenant dans l'étude de ce projet de loi.

Pour ce qui est des recommandations précises que vous faites, plusieurs d'entre elles ont été exprimées par nous ou par d'autres intervenants. Je n'ai pas l'intention d'entrer dans ces détails puisque la discussion a déjà eu lieu. Tout simplement je voudrais reconfirmer notre opposition concernant le fait que ce projet de loi ne devrait pas être étudié avant le dépôt du rapport Martin. La séparation dont le ministre parle entre la partie qui est censée définir le champ des négociations et ce qui est contenu dans le projet de loi 53, pour moi, n'est pas aussi précise que semble indiquer le ministre, loin de là.

En guise de conclusion, je mentionnerai que la plupart de ces points, comme je l'ai dit, ont été soulevés dans le passé, au cours des autres séances, et que sous plusieurs des aspects, il s'agit dans votre mémoire de représentations que nous avons déjà faites. Pour ma part, je n'ai pas de question puisque ce serait une redite, à moins que mes collègues aient d'autres interventions.

Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de Gaspé.

M. Le Moignan: Merci, Mme le Président. Comme vient de le dire le député de Jean-Talon, les groupes que nous avons entendus jusqu'à présent sont à peu près tous unanimes. Tous y voient une menace à l'intérêt public, parce que je crois que si on regarde un peu l'ensemble de ces mémoires, la fonction publique deviendra plus partisane, plus politisée, donc moins compétente. M. le ministre sourit, M. le ministre comprend très bien.

Comme on l'a mentionné à différentes reprises, je crois qu'on aurait eu intérêt à attendre le rapport de la commission Martin.

Ce qui est peut-être une faiblesse de ce projet, cela a été fait par des spécialistes, des techniciens, mais je me demande si les représentants syndicaux ont été consultés, si on leur a demandé des consels, s'il y a eu une certaine consultation faite en dehors du ministère. On sent très bien que cela a été fait par le ministre avec ses adjoints. La chose est tout à fait normale. Mais cela est un projet de loi très important. D'autres organismes ont reconnu une menace pour le syndicalisme. Ils ont vu qu'ils étaient placés dans une espèce de carcan. A ce moment, je crois qu'on a le droit de s'interroger et surtout vous avez le droit de poser des questions au ministre. On peut toujours vous refiler nos questions. Vous pouvez les reposer. Je sais que le ministre est prêt à y répondre. Le ministre a dit tout à l'heure qu'il n'y avait pas de recul sur le plan des principes. Cela semblait assez clair. Il me semble que c'est là surtout qu'il se pose des points d'interrogation. On n'a pas tellement parlé de mérite ce soir. On a eu l'occasion d'en parler. Vous vous en doutez un peu. Le nouvel organisme, l'office de recrutement, les membres sont nommés seulement pour cinq ans. Ensuite la constitution des membres du jury. Ce sont autant de questions qui frisent trop la partisanerie politique, et surtout les pouvoirs tellement étendus qui sont dévolus au ministre ou encore au sous-ministre. Toutes ces délégations de pouvoir sont inquiétantes.

Vous avez parlé des occasionnels. Peut-être quelqu'un pourra me réponre tout à l'heure. Dans la loi 45 on fait référence à la loi antiscab et dans le projet de loi 53 on parle des occasionnels en cas de besoin. C'est donc dire que s'il y avait une grève, s'il y avait quelque chose on pourrait simplement utiliser les occasionnels. Personnellement c'est un point d'interrogation. Je la pose, M. le ministre...

M. Chevrette: Posez-le sous forme de question. C'est préférable.

M. Le Moignan: Je m'adresse à nos témoins là-bas. C'est un doute que j'ai et ils sont mieux placés que vous pour répondre parce que la loi 45 et la loi 53... Alors si c'est antiscab d'un côté et de l'autre on prend des occasionnels, ceci fait qu'on remplace, tout le monde par des occasionnels. C'est votre point de vue que j'aimerais avoir. C'est leur point de vue, M. le ministre.

M. Pagé: A l'ordre, Mme le Président.

M. Le Moignan: J'ai plus confiance aux lumières qui vont venir d'en face que de là-bas à gauche. C'est le point qui me tracasse. Je ne veux pas trop entrer dans d'autres questions qu'on a déjà posées antérieurement. J'aimerais que vous me répondiez à cette dernière question. Comment voyez-vous les projts de loi 45 et 53 avec le petit jeu que le ministre ne semble pas trop approuver, surtout qu'il ne tient pas à recevoir de réponse?

Le Président (Mme Cuerrier): M. Charbon- neau, vous avez demandé la parole.

M. Charbonneau (Yvon): Oui, quand je l'ai demandée ce n'était pas en prévision de répondre à la dernière question. Quelqu'un d'autre de la délégation y répondra. C'était pour dire à la commission parlementaire et au ministre en particulier ce qui nous avait frappés, nous à la CEQ, lorsque nous avons abordé l'étude de ce projet de loi 53 vers la fin du mois d'août, début de septembre. C'est bien sûr, certains drois syndicaux et certaines dispositions traitant du régime syndical. On ne voudrait surtout pas que le ministre retienne de notre mémoire seulement cela et dise: Vous avez parlé de cela dans votre mémoire; on en parlera plus tard au printemps, suite au rapport de la commission Martin. Affaire classée, chose jugée. On trouve cela un peu vite comme appréciation d'un mémoire qui traite pourtant pas mal d'autres choses. C'est un effort qui n'est pas passé sans être remarqué, d'évacuer le mémoire et de mettre cela à côté de la table. Il y a d'autres choses là-dedans. Je voudrais bien qu'on en parle un peu aussi. On pourrait certainement discuter aussi "au finish" des confidentiels, des occasionnels et quatre ou cinq questions techniques. C'est le terrain où le ministre est très à l'aise. Comme centrale syndicale qui n'avons pas de membre affilié directement concerné; nous voulons quand même a-border le débat sous un angle un peu plus large sans que nous évitions de répondre à des questions plus techniques.

Ce que je voudrais souligner, ce qui nous a frappés, ce sont deux choses, essentiellement. Vous savez, il y a des gens qui reprochent à certains ministres et au gouvernement de publier trop de livres verts, de livres blancs, de déclarations d'intentions. Nous ne sommes pas de ces gens, nous. Au contraire, nous pensons que, dans plusieurs domaines, il y a des révisions d'ensemble à faire, suffisamment profondes pour s'appuyer sur une discussion politique avant d'en arriver à des articles d'un projet de loi très précis, avant de s'enfermer, en quelque sorte, dans un projet de loi. C'est ce que nous déplorons, en quelque sorte, dans l'approche du projet de loi 53. Nous déplorons que le projet de loi 53 ne soit pas précédé ou accompagné d'une possibilité de discussion sur la vision d'ensemble du gouvernement en cette matière.

Il ne semble pas y avoir de perspective. On est pris, au mois d'août, il arrive un projet de loi; il n'y a pas eu, semble-t-il, de consultations. C'est un projet de loi dont M. L'Allier, l'ex-ministre, a dit qu'il faisait rêver n'importe quel ministre de la Fonction publique. Probablement qu'il en avait vu quelques ébauches, quelques épures dans les éditions antérieures du gouvernement. En tout cas, cela ne vient certainement pas d'une discussion large. Cela nous semble vraiment une pierre d'achoppement. Le ministre, je crois, devrait répondre à la population et nous répondre sur cette question.

On ne voit pas, par exemple, quelle idée le ministre se fait de la nécessité de l'indépendance de la fonction publique par rapport au gouvernement, quelle idée il se fait du statut de la fonction publique, fonctionnaires et professionnels. Quel degré d'ouverture ces gens peuvent-ils avoir face au gouvernement, eux qui sont d'abord et avant tout serviteurs de l'Etat et non pas d'un gouvernement qui, lui, peut être passager pendant un certain nombre d'années, mais l'Etat, lui, est là?

On ne voit pas beaucoup son idée quant à la perspective de plans de carrière, par exemple. On a entendu, nous, on a été témoins de discussions dans ces milieux de fonctionnaires et de professionnels qui sont touchés: plans de carrière contre toute la question de l'emploi ou des systèmes d'opposition. Nous ne saisissons pas, non plus, le principe de fond qui anime le ministre quand il rapatrie autant de pouvoirs qui étaient auparavant à la Commission de la fonction publique, ni pourquoi il crée, de plus, un office de recrutement. Tout cela n'est pas expliqué. On dirait que cela presse d'adopter un projet de loi, d'adopter une réforme qui est, quand même, passablement profonde. On trouve qu'il y a une conclusion très importante entre les fonctions étatiques du ministre de la Fonction publique, de son ministère, et ses fonctions patronales. On s'aperçoit que de l'article 3 à l'article 6, il y a une foule de pouvoirs qui sont rapatriés au ministre, plus le pouvoir de négocier; un pouvoir de gestion, un pouvoir d'avis, un pouvoir d'enquête, un pouvoir de contrôle, un pouvoir de détailler et de proposer au gouvernement des mesures visant à accroître l'efficacité, un pouvoir de négocier, etc. Nous avons été témoins, dans le passé, de suffisamment de problèmes qu'ont vécus les gouvernements antérieurs à cause de la confusion des gens en la matière, et ce que nous trouvons, à tout le moins, ici, c'est un accroissement de la confusion des rôles et des responsabilités.

Le deuxième aspect qui nous a frappés et sur lequel je voudrais conclure, c'est que nous avons l'impression que ce gouvernement est en train de

confirmer l'emprise du Conseil du trésor sur la gestion des personnels de la fonction publique ainsi que sur la négociation des conventions collectives. Sur cela, nous ne pouvons pas être d'accord d'emblée. Nous savons que la Loi de l'administration financière de 1970 a déjà créé un certain moule, un certain modèle depuis quelques années, mais nous voulons vraiment dire ici que c'est justement ce modèle qui, à notre avis, a créé un climat absolument abominable durant les deux dernières rondes de négociations dans le secteur public.

A notre avis, ce n'est pas normal qu'un minicabinet, qui est en quelque sorte un supercabinet, vienne s'emparer de tous les éléments importants en ce qui concerne la négociation dans le secteur public et tout ce qui l'entoure. Lorsque nous arrivons comme centrales syndicales avec des revendications aux tables de négociation dans le secteur public, éducation, santé, et que tout est mesuré à l'aune du Conseil du trésor — cela a du bon sens ou cela n'a pas de bon sens parce que le Conseil du trésor est d'accord ou pas d'accord — et qu'on s'aperçoit que le ministre de la Fonction publique est en même temps vice-président du Conseil du trésor, nous trouvons qu'il y a quelque chose d'anormal là-dedans.

Il y a quelque chose d'anormal en ce sens que cela nous apparaît difficile de faire les débats qu'il faut sur le fond. Quand on fait une revendication qui touche l'éducation ou la santé, quand on veut défendre au mérite le besoin, dans tel ou tel secteur, d'effectifs, etc., on fait toujours face au Conseil du trésor. C'est peut-être très intelligent du point de vue du gouvernement, pensez-vous, mais je vous rappellerai qu'il y a des gouvernements qui se sont essayés à administrer comme cela les négociations une couple de fois et je ne crois pas qu'il y ait lieu de se vanter tellement des résultats. C'est ce que nous voulons souligner ici. Il nous semble que, par le biais de cette loi ici, il y a une espèce de pied dans la porte, une espèce d'annonce, de signe avant-coureur de la manière autoritaire — la technique du précédent, le pied dans la porte — dont le gouvernement prépare son schéma pour la prochaine ronde de négociations. C'est bien loin des technicités de n'importe quel article en particulier.

M. de Belleval: Que voulez-vous dire, M. Charbonneau?

M. Charbonneau (Yvon): L'inféodation de ce projet de loi, de plusieurs de ses articles au Conseil du trésor. Les règlements doivent être approuvés, etc. On pourrait en prendre. Prenez le point 6, si vous voulez.

M. de Belleval: Je veux juste poser une petite question supplémentaire. En quoi le fait que ce soit le Conseil du trésor vous fait-il dire que cela prépare fort mal les prochaines négociations?

M. Charbonneau (Yvon): A notre avis, c'est parce que cela élimine ou cela rend difficiles des discussions à d'autres niveaux politiques, tels le cabinet ou l'Assemblée nationale parce que le schéma de base est fait en quelque sorte du côté de ceux qui prennent des décisions budgétaires, financières, administratives. Nous n'avons pas envie de dire qu'automatiquement ces décisions sont mauvaises. Mais ce que nous voulons dire, c'est que cela resserre le champ de discussions à certaines considérations et cela en élimine d'autres. Comment pouvons-nous, par exemple, amener ici ou en négociation un dossier — je vais en prendre un au hasard, mais que connaît bien la présidente de la commission — comme celui de l'enfance inadaptée, à un moment donné? On dit: Voici les besoins là-dedans et on a affaire au vice-président du Conseil du trésor ou bien au ministre des Finances pour discuter de cela.

M. de Belleval: Vous pensez qu'au Conseil du trésor on ne discute pas de l'enfance inadaptée sous tous ses aspects?

M. Charbonneau (Yvon): Je pense qu'il y a des instances qui pourraient en discuter aussi et qu'on pourrait avoir un débat plus large qu'avec ceux qui sont là pour gérer le budget. En tout cas, nous vous soumettons cette inquiétude et, si vous êtes capable de nous assurer que le Conseil du trésor a absolument toutes les qualités politiques du cabinet au complet, nous, on n'a pas de problèmes, avec cela. Mais je crois que c'est une question quand même que nous devons soumettre.

M. de Belleval: C'est indépendamment des gens qui sont actuellement au Conseil du trésor que vous faites cette remarque.

M. Charbonneau (Yvon): Indépendamment. C'est l'institution du Conseil du trésor qui devient un genre de supercabinet et qui crée un modèle où la discussion devient très étroite entre des jalons très précis, à ce moment.

M. de Belleval: C'est une vision rousseauiste de l'administration politique. Les ministres sont nommés bons, mais ils deviennent mauvais au Conseil du trésor?

M. Charbonneau (Yvon): Non, en tout cas. Vous pouvez vous amuser avec nos questions, mais il y a deux questions très précises que j'ai formulées. Si vous voulez y répondre, allez-y.

M. de Belleval: Je vais laisser au député de Jean-Talon le soin de commencer le bal sur le Conseil du trésor.

Le Président (Mme Cuerrier): Je m'excuse, M. le ministre; c'est M. Gilbert qui a demandé la parole et, après cela, il y a deux députés ministériels.

M. Gilbert: M. le ministre, vous avez dit que le projet de loi 53 ne touche pas le régime syndical parce que les clauses relatives à l'accréditation et à la reconnaissance des associations syndicales

étaient intégralement reportées de l'ancienne Loi de la fonction publique vers la Loi du régime syndical dans la fonction publique, et que vous l'aviez fait volontairement de façon à laisser ce champ à l'étude de la commission Martin. Pour l'essentiel, ce qu'on a à vous dire là-dessus, ce n'est pas juridique.

On ne dit pas qu'on peut démontrer que juridiquement, votre projet de loi limite, restreint le champ du négociale, sauf quelques exceptions sur lesquelles je reviendrai peut-être. Ce n'est pas là l'essentiel de l'argumentation. L'essentiel de l'argumentation, c'est qu'on est devant un projet de loi qui définit la manière dont on va gérer la fonction publique et dont l'esprit principal ne fait absolument aucune place pour le contrôle des travailleurs, pour la participation aux décisions. Pourtant sur des lois qui ont été faites dans le secteur parapublic, dans les années soixante, qui ne touchaient pas le régime syndical, qui ne touchaient pas la négociation collective, il y avait une conception qui nous permettait de dire que ceux qui avaient fait la loi n'avaient pas l'impression que l'existence d'associations de travailleurs était contraire à la bonne gestion. On a tellement ce sentiment qu'on est à peu près certain que l'existence de cette loi, avec la voie réglementaire qu'elle dégage pour prendre des décisions en matière de gestion, va très rapidement nous amener à des conflits avec la voie contractuelle.

On ne vous parle pas d'une manière légale quand on vous parle de grèves qui ont duré trois mois, simplement parce qu'un directeur d'un secteur parapublic — pour ne pas le nommer, le secteur universitaire — avait édicté un règlement. Il a estimé que le règlement devait primer toute négociation et qu'on ne pouvait pas trouver dans une convention collective la même chose que ce qu'il y avait dans des règlements. On a eu des conflits qui ont duré longtemps. On a eu des conflits dans le secteur de l'éducation, parce qu'il y a des règlements de classification.

Je comprends facilement qu'un gouvernement qui a fait des règlements pense qu'ils sont très bons, puis il ajoute le poids de l'existence du règlement de sa quasi-légitimité, de sa quasi-légalité pour contrebalancer, pour déséquilibrer le rapport de force en négociation. Quand on vous dit que la négociation, le champ de la négociation va être restreint, on vous dit que vous vous donnez les armes pour rendre infiniment plus difficile la négociation. Ce n'est pas légal. C'est un esprit qu'on croit trouver, puisqu'on a essayé de décrire dans le projet de loi no 53, qu'on a décrit en une certaine mesure par une question: Comment se fait-il qu'on recoure à des méthodes qui ont démontré leur inefficacité, par exemple, relativement à l'arbitraire pour favoritisme, qu'on ne songe pas une seconde quand des éléments de la gestion, c'est-à-dire les travailleurs eux-mêmes pourraient être un élément utile pour régler ce problème? Non, on continue d'exclure cette possibilité C'est cela essentiellement qu'on vous dit.

Quand on demande le retrait, on le demande parce que, précisément, cet esprit, on ne sait pas à partir de modifications, d'amendements sur un projet déjà écrit, comment on peut l'introduire; quand on vous parle aussi de la nécessité d'ouvrir une nouvelle frontière, un nouvel horizon, sur la relation entre les travailleurs de l'Etat et la population, on ne vous dit pas qu'on a la solution et qu'on a écrit, dans nos bureaux, le projet de loi qu'on devrait faire, mais on vous dit: Allez parler aux membres qui pourraient utiliser les informations dont l'Etat dispose et dont ils pourraient avoir besoin. Allez avec eux chercher ce que serait le lien organique entre la fonction publique et les associations populaires. C'est tout ce qu'on vous dit, M. le ministre.

Le Président (Mme Cuerrier): M. le ministre.

M. de Belleval: Mme le Président, je vais répondre d'une certaine façon aux questions pertinentes qui ont été posées et que je ne désire pas éluder quand même en essayant de mettre un peu d'humour dans notre débat.

Le Conseil du trésor peut être facilement perçu comme le père fouettard du système dont les ministres n'ont que les chiffres en tête et dans les yeux et dont l'horizon se termine au PPBS et aux contraintes budgétaires. Mais je pense que c'est une façon un peu étroite de voir le rôle du Conseil du trésor dans un organisme étatique. Presque tous les organismes gouvernementaux et presque tous les Etats n'échappent pas à la nécessité d'avoir, entre autres, un comité de ministres, un comité du cabinet qui est particulièrement responsable de la gestion courante des affaires de l'Etat, en termes administratifs et en termes budgétaires.

Ce rôle n'exclut pas des visions plus larges sur des questions de principe, sur des questions de fond. A vrai dire, à l'exception même du Conseil des ministres, c'est le Conseil du trésor certainement, plus encore que les comités ministériels sectoriels, qui a, par la force des choses, la vision la plus vaste et.la plus large de l'ensemble des problèmes de l'Etat. Il ne voit pas ces problèmes sous l'aspect purement budgétaire; il les voit sous des aspects très larges, des aspects d'opportunité.

Vous dites: On ne voit pas très bien la philosophie qui se dégage de votre projet de gestion de la fonction publique à partir de la loi. Vous avez peut-être raison de le mentionner quoique, à mon avis, il se dégage, à partir même du projet de loi, un certain nombre d'indications. J'en donnerai une très terre à terre, qui rejoint l'intervention de M. Gilbert quand il parle, entre autres, de notre façon de voir si oui ou non, pour nous, le syndicalisme dans la fonction publique est un partenaire valable qui, même, est un élément important pour améliorer l'efficacité administrative, l'efficacité de la gestion du personnel. Prenez la décision que nous avons prise, dès cet été, après de multiples années de revendications de votre part, ou de vos collègues, en ce qui concerne la syndicalisation des occasionnels. Personnellement, j'ai toujours été convaincu qu'une des raisons pour lesquelles notre système d'employés occasionnels, d'emplois occasionnels, était mal géré c'est qu'effectivement il échappait au processus de syndicalisation et à cette espèce de rigueur à laquelle oblige, jusqu'à un certain point, la syndicalisation. Ce qu'on a fait, c'est que sous ma propre re-

commandation, comme ministre de la Fonction publique, je suis allé demander à la Commission de la fonction publique — parce qu'en vertu de la loi en vigueur je suis obligé d'aller quémander un règlement à la Commission de la fonction publique — si elle voulait bien adopter un règlement assujettissant les occasionnels au régime syndical. Cela m'apparaissait de nature à améliorer notre système de gestion des employés occasionnels.

En vertu du projet de loi no 53, maintenant, il ne sera même plus possible, par voie réglementaire, de sortir les occasionnels du régime d'accréditation ordinaire et du régime syndical ordinaire. J'écoutais le député de Jean-Talon revenir avec l'article 68; je comprends qu'il n'est pas juriste de profession, moi non plus, personne n'est parfait. Mais l'article 68 permet d'exclure, de certains aspects de la Loi sur la fonction publique — et non pas de la Loi sur le régime syndical — l'engagement d'occasionnels. C'est bien évident qu'un employé occasionnel, on ne lui fait pas passer le même type de concours, on ne le soumet pas à la règle du mérite, par exemple, au sens strict, de la même façon qu'un employé permanent. Donc, il faut prévoir pour lui, il faut avoir la possibilité de prévoir pour ce type d'emplois des arragements particuliers. Mais cela ne soustrait pas du tout, cet article, l'assujettissement de ces employés au régime syndical et à l'accréditation normale, soit du Syndicat de professionnels pour les occasionnels qui relèvent de ce syndicat, soit celui des fonctionnaires.

Je donne simplement cet exemple pour démontrer qu'il y a effectivement des questions de principe, des questions d'ouverture générale dans le projet de loi, si on veut bien prendre la peine de les voir. Entre autres, j'ai insisté longuement sur le renforcement des mesures qui protègent le fonctionnarisme contre le favoritisme et l'arbitraire en vertu du projet de loi no 53. Le projet de loi no 53, de ce point de vue, ouvre largement la gestion de la fonction publique à un système de transparence politique, au sens strict, au sens le plus élevé du terme, jusqu'au contrôle parlementaire de la réglementation, plus que ce que l'on retrouve dans la loi actuelle où les instruments de gestion du personnel tournent sur eux-mêmes, sans jamais ouvrir sur l'extérieur: Le fait que, maintenant, les commissaires de la Commission de la fonction publique seront nommés par le Parlement et non plus par le gouvernement, qu'ils auront un pouvoir d'enquête général et qu'ils ne seront plus juge et partie de la régularité du fonctionnement de la fonction publique...

On sort de ce système qui n'est pas conforme au "due process" où, en vertu du système actuel, la commission est à la fois juge et partie dans sa propre cause; où, enfin, on rétablit les choses en matière de droit administratif. Un ministre responsable devant l'Assemblée nationale, devant le processus politique au sens strict, a aussi les pouvoirs de sa responsabilité mais en même temps il est surveillé par toute une batterie d'instruments qui visent à rendre son fonctionnement plus transparent et davantage dépolitisé, grâce au resserrement de l'application de la règle du mérite aussi.

Evidemment, on aurait pu procéder autrement, on aurait pu, nous aussi, faire des livres verts, des livres blancs. Le Conseil des ministres a cru, à tort ou à raison — c'est son jugement — qu'il était préférable de procéder par la voie d'un projet de loi, d'autant plus que ces questions ont été débattues depuis de nombreuses années. Ce n'est pas un projet de loi qui tombe dans la marre comme cela, sans avertissement. Loin de là. Toutes ces questions ont été largement discutées, la nécessité de renforcer le principe du mérite a été largement discutée durant les dernières années. Les critiques contre la Commission de la fonction publique, contre le fait qu'elle est à la fois juge et partie, contre le fait qu'il n'y a pas de transparence dans le système de concours actuel de formation de jury, etc., tout cela a été largement discuté.

M. Forget: ... Mme le Président.

M. de Belleval: Je réponds à une question qui réapparaissait extrêmement importante de la part du président de la CEQ...

M. Forget: C'est plus un plaidoyer qu'une réponse.

M. de Belleval: ... qui ouvre le débat.

Le Président (Mme Cuerrier): Plusieurs personnes m'ont demandé la parole, M. le député d'Abitibi-Ouest, M. le député de Joliette-Montcalm, M. le député de Saint-Laurent et Mme Lalonde. M. le député d'Abitibi-Ouest.

M. Gendron: Merci, Mme le Président. Personnellement, je suis passablement d'accord avec les auteurs pour mentionner qu'il y a à l'intérieur du mémoire que vous nous avez présenté ce soir de nombreux éléments qui permettraient éventuellement d'aborder une discussion plus large que sur des points bien particuliers en se référant, entre autres, à des articles spécifiques du projet de loi 53. Vous avez décrit passablement longuement, à la page 5 et aux suivantes, la situation actuelle de la fonction publique. Sans reprendre l'ensemble des éléments que vous mentionnez, j'endosse la description que vous faites du fonctionnement antérieur de la Commission de la fonction publique. Vous arrivez à la page 9 du mémoire en mentionnant que dorénavant, pour vous, le fait que plusieurs pouvoirs soient remis entre les mains du ministre vous apparaît comme une situation de pis-aller. A part de porter un jugement, à part de dire qu'avant cela marchait comme cela, pendant de longues pages vous décrivez que vous n'êtes pas satisfait de cette situation et vous portez le jugement qu'à l'avenir si c'est le ministre qui s'arroge tel et tel pouvoir, cela devient une situation plus abusive, plus arbitraire. J'aimerais que vous me mentionniez ou que vous nous donniez des éléments peut-être plus détaillés sur ce qui fait que d'après vous c'est davantage

recourir à l'arbitraire et à des situations d'injustice le fait que plusieurs pouvoirs soient remis entre les mains du ministre de la Fonction publique. Pour parler simplement, comme à ma connaissance le ministre de l'Agriculture est responsable du ministère de l'Agriculture en gros, parce que je veux justement aborder cela d'une façon passablement large, je pense qu'on peut conclure qu'à certains égards la fonction publique va être remise dans les mains du ministre de la Fonction publique.

Alors, je voudrais que vous précisiez davantage en me mentionnant plus d'éléments que vous ne l'avez fait dans votre mémoire pour porter le jugement que c'est une situation de pis-aller.

Le Président (Mme Cuerrier): Je ferai remarquer à nos invités que, quelle que soit la personne qui a l'intention de répondre à la question sur le temps de parole de M. le député d'Abitibi-Ouest, vous n'avez qu'à me faire signe. M. Charbonneau.

M. Charbonneau (Yvon): Je crois que ce qu'il faut souligner à ce stade-ci c'est que le ministre de la Fonction publique ne fait pas que gérer le personnel de son ministère. Si le député d'Abitibi-Ouest prend comme comparaison que le ministre de l'Agriculture gère ce qui est dans son ministère, s'il ne s'agissait pour le ministre de la Fonction publique que de gérer les employés — je ne sais pas combien il y a d'employés dans son propre ministère, si c'est 1000 ou si c'est 300 — s'il ne s'agissait que de cette responsabilité, là on serait dans des choses comparables.

M. Gendron: Vous savez que ce n'est pas ce dont je parlais.

M. Charbonneau (Yvon): Non, mais c'est dans cette dimension que la comparaison aurait du sens. Je crois qu'il a les mêmes responsabilités probablement que n'importe quel ministre par rapport aux employés qui sont sous sa juridiction, mais ici c'est une juridiction qu'on pourrait dire horizontale, en ce sens qu'il a des responsabilités sur le personnel de tous les ministères au service de l'Etat. Je crois que c'est à voir de façon beaucoup plus large.

Ce qui attire notre attention ici, c'est que le ministre a des pouvoirs de faire des règlements sur un certain nombre de conditions de travail. Il y en a un certain nombre qui sont énumérées à l'article 3. A cet égard, il peut lui-même édicter les conditions de travail comme telles. Sur d'autres questions, par exemple, au paragraphe c), il peut prévoir la délégation à d'autres, sous-ministre, dirigeant d'organisme, etc.

A un moment donné, à l'article 5 ou à l'article 4, il peut faire des règlements, élaborer des politiques de développement. A l'article 6, il a même le pouvoir de négocier dans le cadre des mandats qu'il reçoit non pas du Conseil des ministres, mais du Conseil du trésor. Ce n'est pas un vulgaire petit comité ou sous-comité de travail. C'est très clair ici que le Conseil du trésor édicte les mandats. Il nous semble que cela fait beaucoup de dimensions. On ne doute pas de la polyvalence de tel ou tel homme, mais cela fait beaucoup de dimensions qui, à notre avis, entrent en collision, jusqu'à un certain point. Il y a beaucoup de champs de responsabilités qui, à un moment donné, sont de l'ordre de l'avis, de la recommandation, à un autre moment de l'ordre pratiquement de la décision, subordonnément à quelque autre comité, et parfois de l'ordre de la négociation. Nous trouvons que cela fait pas mal de chapeaux différents.

Quand vous dites: Qu'est-ce que vous voyez, on aurait plutôt pensé que le gouvernement aurait pu reprendre le problème, les critiques étant là, et revaloriser la Commission de la fonction publique, peut-être lui adjoindre un mécanisme, une espèce de chien de garde encore plus public, une commission de l'Assemblée nationale ou quelque mécanisme à inventer ou dont on pourrait parler, plutôt que de dire: Cela va mal à la Commission de la fonction publique; il y a beaucoup de critiques, je vais prendre cela et je vais régler cela. On dirait que c'est un peu le réflexe ici, tandis qu'il aurait pu y avoir une approche qui aurait revalorisé le commission. Je sais que des groupes vous ont proposé un conseil supérieur de la fonction publique. Il y a différentes solutions. Il me semble que le contrôle démocratique est plutôt de cet ordre que du côté du rapatriement vers le ministre qui dit: S'il y a des problèmes, je vais les prendre. Je crois que ce serait plutôt l'approche à préconiser.

M. Gendron: Juste pour terminer si vous le permettez. Je comprends très bien votre argumentation. Prenez un exemple précis à la page 12; vous dites que l'article 3 du projet de loi «donne au ministre de la Fonction publique un pouvoir de réglementation sans limite en matière de définition des conditions de travail des salariés de l'Etat.»

Je les ai lus, les articles 3, 4, 5 et 6. Entre autres, quand vous faites référence à l'article 6, on dit tout simplement: Le Conseil du trésor peut dire: C'est toi qui est négociateur, c'est toi qui es responsable d'aller négocier.

M. Charbonneau (Yvon): Et il détermine les mandats. «Dans le cadre des mandats qu'il reçoit.» On a quelque peu d'expérience, vous et nous, de ce que sont les mandats du Conseil du trésor.

M. Gendron: Si je reviens quand même à l'article 3, il faut se rendre compte que l'article 3 est sous réserve de l'article 91. Tous les pouvoirs qu'on mentionne à l'article 3, c'est dans le cas où il n'y a pas de convention collective qui détermine ces prérogatives. A ce moment-là, dans les secteurs où il y a des conventions collectives, tous les sujets seront négociables. Ce n'est pas le ministre qui a le pouvoir de déterminer les conditions de travail dans les secteurs où ils sont régis par des conventions collectives. C'est pour cela que, quand vous dites que le ministre s'arroge le pouvoir de réglementer sans limite en matière de définition

des conditions de travail, je ne peux pas être d'accord.

M. Charbonneau (Yvon): Si on prend tel article, vous avez raison, mais, à tel autre article, il doit les négocier, etc. Cela dépend de l'article qu'on prend pour établir son argumentation. Toutes les réalités sont juxtaposées — c'était le sens de mon argumentation — selon les articles et, finalement, il couvre de plus en plus. Est-ce que vous n'auriez pas pu imaginer un mécanisme où on aurait plutôt revalorisé la commission en lui adjoignant un mécanisme de surveillance plus large, plus démoratique encore? Il me semble que, jusqu'à un certain degré, du point de vue de l'aisance politique du ministre, ce serait même un avantage, jusqu'à un certain point.

Il ne serait pas toujours pris à se faire lancer des accusations ou quelques questions embarrassantes sur telle ou telle nomination, etc. Du point de vue même d'un certain calcul politique, c'est une impasse assez caractérisée qui peut s'en venir ici. Ce sont des dizaines et des dizaines de questions sur des nominations, puisque c'est marqué "au mérite" et qu'il y a un certain caractère arbitraire là-dedans. Le mérite n'est défini nulle part. Le ministre peut choisir entre un certain nombre qui sont en tête de liste.

Imaginez les douzaines de questions qui vont surgir à propos des nominations un peu stratégiques de la part des partis d'en face. On trouve que du point de vue propre de l'intérêt du gouvernement et du point de vue des travailleurs qui sont impliqués là-dedans, le système aurait beaucoup plus de limpidité s'il était administré par une commission de la fonction publique revalorisée quitte à ce qu'elle s'adjoigne un office de recrutement, à condition que les liens soient explicites entre les deux. Il n'y a rien de marqué à savoir quels sont les liens entre les deux, soit l'office et la commission. On souligne qu'il y a là-dedans des embûches de premier ordre.

Le Président (Mme Cuerrier): M. le ministre.

M. de Belleval: Juste un petit mot très court. Tout d'abord je vais faire une remarque très précise sur le système de concours. Ce que vous venez de décrire, c'est le système actuel selon lequel c'est le ministre qui a la discrétion de nommer. Ce que fait la loi justement à ce point de vue, c'est qu'elle crée un processus de nomination non discrétionnaire. De ce point le ministre se débarrasse d'un certain odieux par rapport à la situation présente.

Pour le reste, vous avez tout à fait raison de déterminer qu'un gouvernement un peu "pépère " aurait conservé la situation actuelle, c'est-à-dire ne pas donner les responsabilités, les pouvoirs de gestion efficace de sa fonction publique et faire comme les gouvernements ont pu faire depuis quelques années à chaque fois qu'il y avait des critiques. Ils pouvaient toujours dire: Excusez-nous, ce n'est pas notre faute, c'est la faute de la commission ou, c'est la faute de tel organisme, mais nous, vous le savez, on ne peut pas se mêler de cela.

C'est justement le principe fondamental de la loi. A l'avenir, il y aura une autorité politique qui sera non seulement responsable devant l'opinion publique, mais elle aura aussi les pouvoirs de prendre les dispositions pour faire en sorte que les situations qui sont jugées abusives soient redressées. En même temps, ce pouvoir sera surveillé par une commission qui a les pouvoirs adéquats pour le faire.

Là-dessus, la réforme que nous faisons n'est pas exorbitante. C'est celle de tous les Etats modernes qui ont justement commencé à faire une réforme, depuis quelques années, dans le domaine de la gestion de la fonction publique. C'est la voie qu'ils ont prise, à savoir donner la responsabilité politique là où elle doit être et l'encadrer d'une façon explicite. L'argumentation que vous me faites actuellement est celle que nous servaient nos évêques et nos curés il n'y a pas tellement de dizaines d'années alors que l'éducation était trop importante pour la confier à un homme politique. Il fallait la confier à d'autres évêques, d'autres curés, d'autres gens bien pensants. C'est exactement le même raisonnement à l'instar de la fonction publique du Québec. C'est trop important. C'est trop "touchez". Il faudrait encore laisser cela à des commissions indépendantes et encore il ne faut surtout pas qu'un homme politique soit responsable de répondre de la gestion efficace du gouvernement devant la population.

Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de Joliette-Montcalm.

M. Chevrette: J'aurais tout d'abord une question à la page trois. Vous dites ceci: "... la fonction publique à la population et conduirait, d'une part à la réduction de l'aire des négociations sinon à l'abolition du régime de négociation collective pour les salariés de l'Etat, d'autre part au maintien de vieilles entraves à la liberté d'association de ces derniers".

Vous interprétez donc ainsi le projet de loi 53, il limite et diminue même le champ ou le régime de négociation. Vous basez-vous uniquement sur l'article 3 du projet de loi? Si oui, quelle serait votre réaction en regard de l'article 91 qui conditionne l'article 3 ou les pouvoirs du ministre? C'est la première question.

Une sous-question. Quand vous dites "l'abolition du régime de négociation", j'aimerais que vous me citiez les articles, parce que depuis le début, il y a eu des déclarations. C'est vrai qu'il y a eu des déclarations. Pour nous, l'interprétation qu'on en fait, c'est le statu quo jusqu'à la parution du rapport de la commission Martin.

Quant au troisième élément de votre phrase dans lequel vous parlez de liberté d'association, faites-vous référence à la syndicalisation de tous les groupes de salariés de la fonction publique?

Et, si oui, croyez-vous que c'est par le projet de loi no 53 ou si ce n'est pas par le Code du travail puisque les gens sont accrédités en fonction du Code du travail?

Le Président (Mme Cuerrier): M. Gilbert.

M. Gilbert: Je peux répondre à cela. D'abord, si non, cela veut dire non. Alors, on ne dit pas que c'est l'abolition du régime de la négociation, ce n'est pas cela, mais cela a une restriction considérable, crainte du champ négociable; je me suis expliqué là-dessus plus tôt, je n'ai pas dit que c'était sur une base légale. Je ne m'amuserai pas à prendre les articles en question, je l'ai fait. Sur une base légale, je n'argumenterai pas, je ne suis pas un avocat et, en un sens, cela ne m'intéresse pas. J'ai dit clairement ce qui nous inquiétait là-dedans. Ce qui nous inquiétait, ce ne sont pas des choses en l'air, ce ne sont pas des rêves, on vous l'a dit, c'est que, chaque fois qu'on a vu se développer des modes de gestion fondés sur une prolifération de réglementation, on a constaté, quand on commençait à négocier et en cours de négociation, que non seulement on affrontait la partie patronale sur le fond de la question, sur la valeur d'une proposition, ou sur la valeur de l'autre proposition, celle de la partie patronale ou celle de la partie syndicale, mais qu'on l'affrontait aussi sur la base de la légitimité d'une voie ou de l'autre. Des batailles comme cela, on n'a pas le goût d'en faire plus qu'il n'en faut, parce qu'on sait que cela ne se discute pas, la légitimité, cela se prétend. Alors, c'est sur cette base.

En ce qui concerne les vieilles entraves à la liberté d'association, dans le texte, on est assez clair là-dessus. On n'a pas dit que c'était élargi, on n'a même pas utilisé le fait que la liste des exclusions explicites, sur des exemples de confidentialité, est allongée d'un pouce; non, on n'a pas insisté là-dessus particulièrement. Ce qu'il nous semble, c'est que cette liste est déjà trop longue dès qu'elle existe. Pourquoi ne laisserait-on pas le soin de faire définir les exemples — si tant est qu'il faut en donner dans la loi— d'emplois confidentiels par le Tribunal du travail après avoir entendu les parties, comme cela se fait pour tous les autres types d'emplois? Le Tribunal du travail s'inspirera des clauses générales du Code du travail et définira ce que sont, quant à lui, les emplois confidentiels; c'est tout ce qu'on demande.

Quand on parle des occasionnels, on n'a pas prétendu qu'on serait prêt, à titre d'hypothèse de travail, à admettre qu'il n'y a pas d'entraves à leur droit d'association; puisqu'ils ne sont pas exclus de la nouvelle Loi du régime syndical de la fonction publique, admettons qu'ils ne sont pas exclus, sauf qu'il est dit, à l'article 68, que le ministre, sur avis de la commission, je pense, détermine les emplois qui vont avoir un caractère occasionnel. Pour ces emplois, il va déterminer, par règlement, la manière dont seront régis ces emplois et leurs titulaires.

Dans le fond, c'est intéressant d'avoir le droit de s'associer, mais c'est intéressant que cela signifie quelque chose, aussi, pour les gens qui sont associés. S'il est dit, dans la loi 53, que le ministre détermine la manière dont ils vont être régis, on peut craindre que cela soit un droit d'association bidon; c'est pour cela que je ne veux pas faire de légalisme. On en connaît des gens qui ont le droit de s'associer, des travailleurs occasionnels dans le parapublic qui sont exclus des conventions collectives dans le secteur de l'éducation, par exemple, l'éducation permanente, vous le savez; et il y en a d'autres. Ils ont le droit de s'associer, ils paient leurs cotisations syndicales. Ce n'est pas cela, notre préoccupation, c'est de savoir s'ils vont avoir le droit de négocier une convention collective, compte tenu du fait qu'il est écrit dans une loi que le ministre détermine, par voie de règlement, la manière dont leur emploi va être régi; c'est le sens de la question.

M. Chevrette: J'ajouterai juste un commentaire. Pour ce qui est de l'esprit, vous parlez de l'esprit même pour aborder la loi, mais concrètement, dans une structure normale de gestion, par exemple, la CSN, on va prendre l'exemple de la CSN puisque vous voulez une réponse, vous avez à négocier avec des employés...

M. de Belleval: ... même parfois.

M. Chevrette: ... est-ce que vous confiez un mandat complet d'administration à une commission neutre pour négocier avec des employés? Ou si ce ne sont pas les élus politiques de la CSN qui ont le pouvoir d'élaborer le mandat, et je ferais peut-être la nuance avec le Conseil du trésor?

M. Charbonneau: Non, mais...

M. Chevrette: C'est pour cela que j'ai pris mes précautions M. Charbonneau, vous connaissant. Il reste que le BN ou le Bureau national de la CEQ, par exemple, peut confier des mandats à son comité de négociations qui en l'occurrence peut être votre Conseil du trésor. Ecoutez, sur le plan de la logique, est-ce que ce n'est pas le pouvoir politique qui a à administrer, à établir ses règles de gestion, de fonctionnement, sa négociation? Et l'Etat, lui, vu que c'est une structure un peu plus vaste, crée même une commission de surveillance pour éviter, justement, que l'arbitraire entre en ligne de compte un peu trop largement. Vous donniez l'exemple tantôt, de la sélection du personnel.

Il se passait des concours pour se qualifier. Il pouvait y en avoir 50 qui se qualifiaient, tu pouvais aller chercher le trentième, le vingtième et le dixième. Là, tu vas définir clairement qui est le premier et le plus compétent, le plus valable. Ce n'est pas cela qui est désiré par toute structure syndicale? Je pense que c'est une façon de concevoir, aussi, une approche. L'article 91, en tout cas, peut-être qu'on ne l'interprète pas de la même façon, mais pour moi, l'article 91, indépendamment de l'article 3 qui définit des thèmes, enlève au ministre le pouvoir de s'ingérer là où il y a des conventions collectives lorsqu'il y a eu une négociation. C'est pour les catégories de personnel qui ne sont pas couvertes ou pour des sujets non négociés.

Il me semble que l'article 91 est assez clair. Comme esprit — vous parliez d'esprit tantôt —

actuellement, il n'y a pas de diminution du régime syndical. Il n'y a pas d'abolition du régime de la négociation collective. Mais on peut admettre, et cela je suis prêt à l'admettre, qu'il y a un statu quo par rapport à la situation actuelle, et le tout, le statu quo est en fonction précisément de l'attente du rapport de la commission Martin.

Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de Saint-Laurent et ensuite Mme Lalonde.

M. Forget: J'ai trois points très brefs, Mme le Président. Le premier, c'est pour féliciter les centrales pour un mémoire conjoint qui exprime, je pense, assez clairement une façon de présenter une synthèse de leurs objections relativement à ce projet de loi très controversé. Si on me le permet, j'aimerais même féliciter particulièrement M. Gilbert qui a fait verbalement une présentation très concise et même très éloquente du point de vue des trois centrales sur ce projet.

J'ai deux questions. La première s'adresse peut-être plus particulièrement à M. Daoust, pour essayer de situer le point de vue où se placent les centrales et particulièrement, peut-être, une centrale qui compte parmi ses rangs un grand nombre de salariés du secteur privé vis-à-vis du principe de parité de traitement entre le secteur public et le secteur privé. Est-ce qu'il faut comprendre dans votre mémoire que le principe qui devrait inspirer une loi idéale de la fonction publique est un principe selon lequel tout est négociable dans le secteur public tel que c'est le cas dans le secteur privé et qu'effectivement on ne doit pas envisager d'exceptions à cela?

Je pense que, comme principe général, ce serait assez clair. Pour être plus spécifique, les objections qu'on entend parfois, même auprès de certains groupes syndicaux, à savoir qu'il y a dans le secteur public quand même un régime assez différent sur le plan de la sécurité d'emploi, est-ce que cela en soi pourrait justifier certaines exceptions? Si oui, quel genre d'exceptions cela pourrait-il justifier? Je pense que cela n'en justifierait pas nécessairement sur le plan de ce qui est négociable et de ce qui ne l'est pas, tel que le prévoit l'article 53, mais est-ce qu'il y a d'autres exceptions qui ne susciteraient pas une opposition de votre part?

Le Président (Mme Cuerrier): M. Daoust.

M. Daoust: Je pense qu'il n'y a pas un syndicaliste qui va vous répondre autre chose que ceci: Sur le plan des négociations, tout est négociable et tout doit être négociable. Il appartient, par ailleurs, aux parties de faire les concessions qu'elles jugeront à propos, selon le rapport de forces, au moment des négociations, sur tel ou tel aspect de la négociation. Mais il est vrai, et vous l'avez mentionné, que dans le secteur privé il n'y a aucune limite à la négociation. Cela dépend essentiellement des parties en présence et de tous les facteurs que vous connaissez et que nous connaissons fort bien. Et nous estimons qu'il devrait en être exactement de même dans le secteur public.

Qu'un employeur dise: Sur tel ou tel aspect de la négociation, à partir de l'embauche jusqu'au congédiement, en passant par toutes les conditions de travail quelles qu'elles soient, il existe telle réalité, telles conditions de travail qui découlent d'un fonctionnement de tel ou tel type d'entreprise qui exige de la part de ceux qui négocient avec nous, de la part des syndiqués telle ou telle concession, il le fera et s'établiront entre les deux parties les dialogues essentiels. Les résultats se concrétiseront dans la signature de conventions collectives de travail. C'est un peu dans ce sens que quelque part dans le document on parle de contraintes à la négociation et je pense qu'on parle de l'embauche. Il appartiendra au syndicat en cause de céder tel ou tel droit.

Vous le savez, dans le secteur privé, il y a bien des choses qu'on aimerait négocier et qu'on peut difficilement négocier parce que les compagnies nous disent: Ecoutez, ne touchez pas à cet aspect, cela fait partie des droits de la gérance ou des droits de la direction. Bon, c'est de l'intouchable. Ils ont beau, ils peuvent le dire et, dans la plupart des cas, il faut s'incliner à cause de la réalité, la négociation. Mais il n'y a aucun texte que je connaisse qui puisse empêcher un syndicat de négocier même ces aspects.

M. Forget: Mon dernier point...

M. Daoust: Je vais poursuivre, puisque vous avez parlé un peu du secteur privé. Devant le projet de loi qui a été déposé au mois de juillet, on a eu une réaction qui ne s'est peut-être pas exprimée publiquement, mais une réaction de protestation qu'on veut, à ce moment-ci, exprimer. D'ailleurs, elle s'exprime tout au long du document. On s'est dit: La fonction publique, ce n'est pas le propriété privée du ministre, ni du gouvernement, ni des syndicats. C'est une propriété collective de la société québécoise. Là, on s'est dit: II existe une loi depuis 1965 — Dieu sait qu'il n'a pas été facile, à ce moment-là, d'obtenir cette loi — et elle a vécu dix ou douze ans; il est peut-être temps, non seulement il est peut-être temps, mais tout au long de ces années, on en voyait les faiblesses, on n'employait pas le mot qui est devenu à la mode, le mot transparence, mais le manque de transparence, les limites, tout cela. On disait: Un de ces jours, il va pourtant s'amener quelqu'un au pouvoir qui va se pencher là-dessus et qui va dire: Bien là, il est peut-être temps de mettre de l'ordre là-dedans. On sait ce qui est arrivé. Au mois de juillet, on a eu un projet de loi dans lequel le ministre fige ses positions et le gouvernement aussi, sans aucune espèce — selon les renseignements qu'on a — de consultation avec les plus directement touchés, intéressés, les syndicats en cause, que ce soit le SFPQ ou le syndicat des professionnels et cadres, le SPGQ. Cela nous a fait mal.

Je reviens un peu à ce que Yvon Charbonneau mentionnait. Cela ne nous aurait pas déplu qu'il y

ait un livre, quelle qu'en soit la couleur, ou qu'il y ait des mécanismes quelconques de consultation préalablement au dépôt d'un projet de loi. Vous savez, on a été habitué tout de même au Québec, depuis quelque temps, à discuter abondamment de certains grands projets de loi qui sont devenus des lois, comme la loi 101. Dans le domaine des référendums, le ministre a déposé un livre blanc qui a fait l'objet d'une commission parlementaire et il y a un débat largement engagé. Je ne veux pas donner tous les exemples. C'est entendu que, dans le domaine de la fonction publique, cela ne peut pas remuer la population comme le projet de loi no 101. Mais nous aurions aimé que ceux qui sont directement touchés, les centrales syndicales, l'ensemble de la société québécoise, puissent réfléchir abondamment sur ce qu'on mentionne dans le document, la fonction publique, tout ce qui a trait à la fonction publique, le danger de favoritisme, le danger des décisions arbitraires, en fait, toutes les conceptions philosophiques qu'une société a, à un moment donné, sur le fonctionnement de sa fonction publique. Cela ne s'est pas fait et cela nous inquiète et cela nous désole.

Si j'étais membre du gouvernement, si j'étais membre du parti qui est au pouvoir, je me sentirais drôlement mal à l'aise dans mes souliers, pour être bien franc. Je me sentirais contradictoire avec ce que je ne cessais de clamer sur toutes les tribunes avant le 15 novembre 1976. Et je me sentirais contradictoire. Il y a des contraintes quand on assume le pouvoir sans aucun doute, mais il me semble que là c'est le genre d'impairs qu'on ne peut pas se permettre trop trop souvent.

Alors, c'est la réaction de la FTQ. Ce débat, je le répète... Le ministre s'est enferré quelque peu dans un projet de loi. Il nous semble qu'il y a une approche technocratique; je ne veux pas accuser M. le ministre d'être un technocrate, peut-être qu'il serait content dans le fond, mais, enfin, je ne veux pas me lancer là-dedans. Mais il me semble qu'à ce moment-ci cela peut être difficile d'en sortir, mais c'est peut-être là que ma réponse à votre question devient un peu longue. Il y a la commission Martin. Les gens dans le secteur privé se disent: II y a une commission Martin, il y a des gens compétents, sans aucun doute, ils se penchent sur des problèmes qui peuvent avoir des répercussions. Alors, pourquoi ne pas attendre la fin des travaux de la commission Martin? C'est quoi cette histoire? Là on comprend mal, pour être bien franc.

Et puis on se dit que cela ne tient pas debout. C'est pour cela évidemment que le mémoire dans son ensemble on l'appuie, on y a participé dans sa rédaction. On se dit: La meilleure façon c'est de retirer ce projet de loi, de provoquer le débat un peu partout. Si le ministre a cette conviction profonde que tout est parfait dans son projet de loi, qu'il le défende; qu'il ne le défende pas seulement à l'Assemblée nationale, où il est sûr d'une majorité qui risque d'être un peu docile là-dessus et de voter dans le sens que le ministre l'aura bien souhaité. Je ne dis pas cela méchamment à l'égard de plusieurs amis qu'on peut avoir du côté du parti au pouvoir. Mais qu'il le défende, qu'il aille partout, qu'il rencontre les associations, les centrales syndicales et d'autres personnes et qu'il fasse la preuve de son point de vue. Surtout qu'il suscite au Québec, cela me semblerait beaucoup plus important, un débat fondamental sur la fonction publique et son rôle à l'intérieur de la société du Québec d'aujourd'hui.

M. Forget: J'ai un dernier point, Mme le Président. C'est un point relativement de détail, quoiqu'il ait son importance. A la page 20 du mémoire, relativement à l'article 28, les 3 centrales suggèrent qu'on retire à la commission le rôle d'arbitre que ia loi 53 lui confie. Est-ce qu'il faut comprendre le sens de cette recommandation comme découlant des autres dispositions de la loi 53, en particulier celles relatives à la formation et à la nomination des membres de la commission de la fonction publique? Ce que je veux dire, c'est, s'il était possible d'envisager une commission de la fonction publique qui soit au-dessus de tout reproche sur le plan de son indépendance et de son impartialité par rapport à ce qui est envisagé avec les nominations très brèves et renouvelables après toutes les élections, selon les termes de votre mémoire, est-ce que la même objection tiendrait? Il me semble que M. Charbonneau en particulier a fait allusion à la confusion des genres, la fameuse confusion des genres dans les domaines public et parapublic, qui est un peu inévitable à la limite. Mais est-ce que justement une commission de la fonction publique qui offrirait des garanties réelles d'indépendance, par des mécanismes qu'il faudrait sans aucun doute définir et découvrir, ne permettrait pas d'exercer justement un rôle d'arbitrage, une fonction qui ne peut pas être remplie autrement quand c'est le gouvernement qui est à la fois, dans des cas d'arbitrage, par exemple, juge et partie?

Mme Lalonde (Francine): Je vais essayer, il me semble que la dernière phrase répond...

Le Président (Mme Cuerrier): Mme Lalonde, je veux simplement vous identifier pour le journal des Débats.

Mme Lalonde: ... que soit reconnu le droit du recours à l'arbitrage suivant des modalités convenues entre l'employeur et le syndicat. Il nous semble que les fonctions et pouvoirs de la commission sont ceux d'un tribunal d'arbitrage, et l'habitude c'est de convenir de la façon dont il sera formé, non pas que les cinq ou trois membres soient nommés ou par le gouvernement ou recommandés par un membre du gouvernement, par l'Assemblée nationale.

C'est une Commission de la fonction publique qui n'a plus les mêmes pouvoirs qu'antérieurement et qui devrait être l'objet de négociations.

M. Forget: II reste que dans un arbitrage ordinaire il y a toujours la possibilité, disons dans le secteur privé, de l'intervention du ministre pour

désigner le président d'un tribunal d'arbitrage, d'une troisième partie. S'il y a deux parties qui s'entendent sur une personne, tant mieux, mais à défaut de s'entendre on peut imaginer un système à trois où il y a une partie «neutre» qui est désignée par le ministre. Ce n'est évidemment pas possible littéralement dans la fonction publique et à ce moment-là il faut peut-être institutionnaliser d'une certaine manière un organisme qui joue ce rôle.

Mme Lalonde: On a recherché une liste de personnes sur lesquelles les parties se seraient entendues pour qu'elles jouent ce rôle et à même laquelle le ministre choisit.

M. de Belleval: Quoi qu'il en soit, en ce qui concerne les employés syndiqués, la commission n'a pas de pouvoir d'arbitrage. Alors, l'objection tombe d'elle-même. La commission n'a que un pouvoir d'arbitrage et d'appel que pour les employés non syndiqués.

Mme Lalonde: Puis-je faire mon intervention, Mme le Président?

Le Président (Mme Cuerrier): Madame Lalonde.

Mme Lalonde: Je voudrais commencer par la première question qui nous a été posée et qui cherchait à établir un certain lien entre le bill 45 et le bill 53. La seule chose que je veux dire là-dessus, c'est qu'il nous semble que, dans les deux cas, ils sont censés représenter les intentions du gouvernement. J'ai saisi au vol les paroles du ministre, au début de son intervention. Il disait que le bill 45 était censé refléter le préjugé favorable du parti à l'endroit des travailleurs. Si on l'écoute bien également, le bill 53 est censé représenter la pensée du parti quant à l'élimination de l'arbitraire et du favoritisme, et à l'amélioration de l'efficacité dans la fonction publique. Au niveau des intentions, il ne semble pas qu'on ait des problèmes. C'est au niveau de l'écriture qu'on semble en avoir.

Les écrits vivent. Les paroles demeurent lettre morte, sauf la vie qu'ils ont dans le journal des Débats. On peut les rappeler de temps en temps, sauf que, dans la vie quotidienne, on est régi par des textes, si bien que ce sont des textes qu'on a étudiés et sur lesquels on essaie de discuter ce soir et non pas sur les intentions qui ont l'air excellentes. En négociation collective, on est habitué à se mettre, très souvent, rapidement d'accord sur les intentions et les objectifs. On peut faire une grève fort longue sur la manière de les traduire.

Si je prends, par exemple, l'article 119 qui est supposé manifester l'intention du ministre de respecter le fait que les dispositions principales sont négociables, on lit, comme cela, que «les fonctionnaires et ouvriers sont régis par les dispositions de la convention collective qui leur sont applicables ou, à défaut de telles dispositions dans une telle convention collective, par les dispositions de la loi, etc.» Les dispositions auxquelles on fait référence et qui ne pourraient ne pas apparaître dans une convention collective sont le traitement, les heures de travail, les congés, les règlements de griefs, les suspensions et congédiements et l'appel d'un employé qui se croit lésé.

Il me semble que ce sont généralement des points sur lesquels il y a négociation à moins que la partie patronale s'y refuse pouvant ensuite réglementer, attendu que ces pouvoirs lui sont abondamment reconnus dans la loi. A force de lire des textes, il y a une habitude qui s'est prise de les regarder attenti-vement.

Nous avons aussi répété — je vais le f ai re à mon tour — qu'il y a une différence importante entre le droit théorique de s'associer et le pouvoir réel de négocier. Encore une fois, il nous semble que le projet de loi, tel qu'il est écrit, fait beaucoup de place aux droits réels du ministre de réglementer et tasse d'autant le pouvoir réel des syndiqués de négocier. Il nous semble bien qu'au delà même du pouvoir de réglementation, il y a telle chose que le droit de gérance de toute façon, et il y a telle chose que la nécessité pour les employés syndiquésde l'Etat de négocier des dispositions qui feraient partie de leur convention collective.

Alors, en plus de ce fardeau qui est de convaincre l'Etat et de convaincre avec un rapport de force suffisant que telle disposition est nécessaire, on y trouve, dans le même article 119, par exemple, qu'aucune disposition d'une convention collective ne peut porter sur un autre sujet qui, en vertu de la Loi sur la fonction publique, relevait de la commission, etc., ou d'autres, à moins que selon que le sujet serait attribué par la loi à tel ou tel, que l'office ou le ministre n'y concoure par règlement, et qu'un tel règlement ne soit approuvé par le gouvernement...

Or, c'est un deuxième cadenas par-dessus une barrure alors que, de toute façon, on a déjà l'obligation de convaincre encore une fois, quand on est syndiqué, le représentant patronal de la justesse de nos revendications avec les moyens du bord. Alors, il va falloir faire une première négociation qui est de convaincre le gouvernement de faire un règlement qui permettra de négocier tel sujet.

On a vu, de notre côté, abondamment, donc, les enfarges qu'on voyait à l'expression réelle et libre du droit de négocier, encore unefois, qui n'équivaut pas à celui de s'associer.

J'aimerais également insistersurdes revendications davantage précises sur ce qu'on entend par transparence, les fonctionnaires et professionnels de l'Etat.

En passant, le régime dans lequel nous vivons est un régime de démocratie parlementaire. Ce n'est pas le régime de démocratie qui est pratiqué par les syndicats. Il n'y a pas d'Opposition officielle bien que certains, peut-être, aimeraient cela dans nos rangs, mais ce n'est pas la façon de fonctionner. M. Chevrette devrait bien le savoir. Il y a des fonctionnaires, des professionnels de l'Etat; l'Etat, Fernand Daoust l'a désigné comme les ressources collectives qui sont gérées, bien sûr, par le gouvernement, mais qui vont demeurer quand le gouvernement passera.

Ces fonctionnaires sont responsables également à la population. On a constaté depuis des années, notamment dans un secteur dans lequel je travaille plus particulièrement, en ce moment, celui de la santé et de la sécurité au travail, qu'il y a des sommes importantes d'information qui dorment dans les différents ministères relativement aux con-ditionsdans les usines, dans les entreprises, relativement à la pollution, relativement, également, aux accidents du travail et le reste. Il y a des sommes importantes d'information dont on nous dit qu'elles existent et qui ne sont pas disponibles. J'ai même eu con-naissance d'un cas où un coordonnateur d'un département de santé communautaire, donc un cadre, responsable de la santé et sécurité au travail, a été dans l'impossibilité de prendre connaissance de dossiers sur les entreprises dont i I est responsable au ministère du Travail.

Comme la confiance règne entre ministères, on peut penser au degré d'accessibilité de ces documents pour la population. Pourtant, le droit de savoir l'état de danger dans lequel nous vivons est, on pourrait le penser, un droit fondamental. Qu'il y ait une certaine partie de secret relativement à la composition des produits, on essaiera de faire des recommandations par rapport à un projet de loi qui est censé venir et qui, j'espère, reflétera aussi les intentions du gouvernement relativement à la santé, à la sécurité au travail. Mais il y a quand même une série d'informations qui sont loin d'avoir un caractère secret et dont on devrait pouvoir bénéficier et auxquelles on devrait pouvoir avoir accès.

Alors, quand on parle de transparence, pour moi, en ce moment, cela signifie, entre autres, une possibilité d'accès à cette information.

Le Président (Mme Cuerrier): Vous faites une pause, Mme Lalonde. J'aimerais rappeler à cette commission que nous devrions ajourner à ce moment-ci à cause des règlements de l'Assemblée nationale. Je voudrais à tout le moins vérifier s'il y aurait consentement unanime à poursuivre les travaux...

M. Chevrette: Etant donné qu'il est dix heures moins une, il y a consentement.

M. Pagé: II est dix heures moins une, on donne notre consentement.

Le Président (Mme Cuerrier): J'ai le consentement unanime, voilà.

M. Pagé: On peut poursuivre après dix heures.

Le Président (Mme Cuerrier): Très bien. Vous aviez terminé votre intervention, madame?

Mme Lalonde: Ma pause était la dernière.

Le Président (Mme Cuerrier): J'avais maintenant le nom du député de Châteauguay.

M. Dussault: Merci, Mme le Président. Je voudrais faire un court préambule d'abord pour dire mon appréciation à cette présence de groupes, de représentants de syndiqués qui sont venus nous parler ici, non pas comme personnes directement impliquées dans cette questin du projet de loi no 53, mais parce qu'engagées syndicalement. J'ai pensé au départ que cela pourrait donner des résultats intéressants en ce sens que cela devrait peut-être être plus objectif comme jugement que ce que les groupes nous ont apporté jusqu'à maintenant.

Effectivement, j'ai apprécié ce qui a été dit. Je voudrais quand même revenir sur un point particulier, c'est celui de la règle du mérite, qui n'a pas é-té discutée comme telle depuis le début de la séance.

J'ai deux questions. La première, porte sur le mérite, sur lequel d'ailleurs vous avez passé très rapidement dans votre mémoire. Cela a fait l'objet d'un paragraphe très concentré. Compte tenu du fait que dans notre projet de loi c'est quand même un des moyens avec lesquels nous voulions assurer un résultat au point de vue du favoritisme, je voudrais savoir la compréhension que vous avez eue de l'expression mérite; si vous avez compris par là que c'est un jugement porté sur le rendement d'un fonctionnaire ou si c'est l'évaluation de la capacité ou de l'aptitude à remplir un poste. Je poserai une deuxième question ensuite.

M. Gilbert: Je peux bien répondre. Effectivement, ce qu'on dit sur la question du mérite dans le mémoire qu'on a présenté est condensé un peu.

Mais ce qu'on en dit indique assez clairement l'objection qu'on peut avoir, peut-être pas à ce qu'on prenne en considération le mérite — nous aurions préféré les aptitudes — parce que des objets comme le mérite, ont une forte coloration subjective, c'est ce qu'on dit dans le mémoire. Il y a tout intérêt à bien prévoir les moyens qu'on va mettre en oeuvre pour l'apprécier, pour s'assurer que celui qui va décider des aptitudes, du mérite, de la compétence ne sera pas une instance unilatérale, qu'il y ait des éléments de décentralisation dans l'instance qu'on va créer. On ne retrouve pas cela.

Donc, le mérite en soi, étant donné que cela fait directement référence à celui qui en décide ou qui le détermine, implique des instances pour en décider qui soient, jusqu'à un certain point, contradictoires. D'autre part, dans tous les autres secteurs, les promotions, les changements de poste se font suivant des critères qui sont l'objet de négociations entre les parties. A la fois les critères et à la fois les comités qui sont formés pour les apprécier ont fait l'objet de négociations. On ne retrouve pas cela dans le projet de loi. Je ne sais pas si cela répond.

M. Dussault: Est-ce que vous voulez dire qu'il serait impossible de trouver des modalités qui puissent permettre d'appliquer ce principe du mérite d'une façon passablement objective qui con-

tredise, en fin de compte, le jugement que vous portez sur cette règle? Est-ce que vous vous êtes penché, est-ce que vous avez fait une analyse des modalités qui pourraient permettre d'appliquer ce principe plutôt que de le rejeter passablement globalement, comme on le retrouve dans le paragraphe en question?

M. Gilbert: On vous dit qu'ailleurs, dans d'autres secteurs, dans des secteurs parapublics où le gouvernement est tout aussi impliqué, il est arrivé que, pour les promotions, pour les changements de poste, on ait pu trouver, employeur et syndicat, dans le cours des négociations, à la fois des mécanismes et des méthodes de génération de critères qui ont satisfait les parties.

Dans le projet de loi 53 il est prévu que l'employeur va décider à la fois des mécanismes et de ses référants en matière de mérite ou d'aptitude. Pour l'essentiel on vous dit la même chose que sur le reste, soumettez cela à la négociation.

Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de Laviolette.

M. Jolivet: J'aurais une couple de questions, la première se situant à la page 10, en rapport à la nomination du président de l'office qu'on pourra remplacer après chaque élection puisqu'il est nommé pour cinq ans. J'aimerais savoir de votre part, sur cette question, ce que vous proposez quant à la nomination du personnage comme il est prévu dans la loi.

A la page 11, en référant à l'article 16 du projet de loi, vous dites que d'une façon ou d'une autre la commission qui s'appelle la Commission de la fonction publique est nommée — et cela vous inquiète — puis on dit même choisie par le premier ministre après chaque élection. Donc, j'aimerais une réponse en regard de la façon dont on se comporte au niveau de l'Assemblée nationale, puisque l'article 16 dit: «Sur proposition du premier ministre, l'Assemblée nationale nomme les membres de la commission et fixe leurs traitement et allocations, par résolution approuvée par les deux tiers de ses membres.»

Dans des fonctions comme celles-là, de plus en plus on en revient à la nomination par l'Assemblée nationale en tenant compte que l'on ne nomme pas... je prends l'exemple de l'Ombudsman, même si on dit qu'il est nommé par les deux tiers. Je pense qu'une personne qui serait à un poste élevé comme celui-là, nommée par les deux tiers, se sentirait moins solide sur ses pieds, qu'une personne qui le serait par la formule de consensus qui est normalement une formule adoptée par l'Assemblée nationale. Donc, j'aimerais avoir vos commentaires sur ces deux articles. J'aurais une autre question ensuite.

Le Président (Mme Cuerrier): M. Charbon-neau.

M. Charbonneau (Yvon): Oui, pour ce qui est du président de l'office de recrutement, bien sûr, on a souligné qu'il était sujet à être nommé tous les cinq ans, ou pour une période de cinq ans, ce qui coïncide, comme le dit celui qui a lu le mémoire, avec les élections, les périodes, les mandats normaux; en réalité on ne peut pas vous dire que dix ans ou sept ans, ce serait mieux, ou cela devrait être aux trois ans. Le problème que nous y voyons, c'est l'articulation, la relation entre l'office de recrutement et la commission et les mandats du ministre. C'est ainsi qu'on a posé le problème. Alors, même si j'essayais ici de faire un caucus pour savoir si c'est sept ans, huit ans ou trois ans qu'il faut, je pense que je ne répondrais pas, je ne serais pas dans la ligne des préoccupations que nous vous soumettons, le problème n'est pas exactement là.

C'est cette dispersion, c'est cette hiérarchisation; on a l'impression, finalement, que la commission est vidée, jusqu'à un certain point, de son sens véritable. On maintient une espèce de coquille. On reconduit les gens qui étaient là par une espèce d'article à la fin et on lui enlève beaucoup de ses responsabilités. En réalité, c'est la même réponse que je pourrais faire, la même approche générale à votre deuxième question aussi. On pense qu'on devrait avoir une discussion pour remodeler cette approche générale, plutôt que de procéder comme cela. Il y a un problème. Voici, il y a une solution. La commission fonctionnait mal, le ministre a dit: Je vais prendre cela. Nous demandons, par exemple, au ministre, vous voyez l'article 3a, petit x: "la rétrogradation, la révocation ou destitution pour insuffisance professionnelle ". Le ministre a le droit, le devoir de faire des règlements là-dessus.

Si je comprends bien, quand on lit l'article 119, dans votre déclaration ministérielle, vous avez ajouté trois points: II faut revenir au statu quo, mais on ne voit pas beaucoup la notion de rétrogradation, de révocation ou destitution pour insuffisance professionnelle.

M. de Belleval: Techniquement, comme la rétrogradation en vertu de la loi en vigueur ne relève pas de la commission, ce n'est pas une matière qui est retirée du champ de négociation. Donc, par définition, c'est dans le champ de négociation, et ce l'est déjà d'ailleurs. Même là-dessus, pour faire une précision pédagogique, j'ai déjà indiqué qu'on mettrait aussi le mot "rétrogradation ", mais, légalement parlant, ce n'est pas nécessaire.

M. Charbonneau (Yvon): La notion d'insuffisance professionnelle, où s'assoit-on pour définir cela, de la part du ministre, pour le personnel qui n'est pas syndiqué?

M. de Belleval: C'est aussi général que cela dans les conventions collectives en vigueur, M. Charbonneau.

M. Charbonneau (Yvon): Oui, je comprends, mais le pouvoir de négociation là-dessus a toujours été drôlement encerclé aussi.

M. de Belleval: Oui, mais l'article de la convention collective en vigueur ne le définit pas plus que cela. Il y a un système d'arbitrage et de grief. Il y a une jurisprudence qui définit exactement le "due process" dans ce domaine. La même chose pour le congédiement. Remarquez que le congédiement est une mesure encore plus draconienne. Il n'est pas défini non plus. Le congédiement doit être motivé effectivement et c'est au patron d'ailleurs de faire la preuve d'un motif de congédiement.

M. Charbonneau (Yvon): Mais sans trop s'écarter de la question de M. Jolivet, tout de même, je voulais vérifier ce point, en relation avec la nouvelle version de l'article 119. On pourrait regarder le paragraphe c) de l'article 3 aussi, qui prévoit la délégation à tout sous-ministre, dirigeant d'organisme, etc., une délégation de certaines responsabilités; jusqu'où cela va-t-il? D'une part, le ministre semble vouloir se les réapproprier et, d'un autre côté, il y a une ouverture à des délégations. Je crois qu'il y a d'autres syndicats qui vous ont apporté des exemples ici.

M. de Belleval: Elle existe déjà dans le cadre actuel. Vous savez bien qu'il n'y a aucune commission de la fonction publique qui peut tout gérer directement sans délégation. Effectivement, la délégation se fait, actuellement, mais elle se fait de façon larvée; elle se fait de façon souterraine sans cadre réglementaire et sans organisme de surveillance, tandis qu'en vertu de la loi, la délégation devra être réglementée. Elle devra faire l'objet d'un règlement officiel soumis au pouvoir parlementaire et soumis au pouvoir d'enquête général d'une commission indépendante. Ce sont tous ces aspects qui m'ont fait dire tantôt que le projet de loi améliore beaucoup les choses du point de vue de la gestion transparente de la fonction publique. Toutes ces choses existent déjà plus ou moins, sauf qu'elles se font en circuit fermé.

M. Charbonneau (Yvon): A ce moment cela nous ramène vraiment — je vais retomber à la question du député Jolivet — à cette approche-ci. Vous dites qu'il y a des problèmes avec la commission telle qu'elle existait. C'est flou là-dedans. On a, comme homme politique, des responsabilités pour régler le problème, on va les assumer plus directement, quitte à déléguer par la suite. C'est une manière d'exercer ses responsabilités politiques, mais est-ce que vous ne trouvez pas qu'il y aurait matière à discussion face à une autre approche d'exercer ses responsabilités politiques qui serait du côté de la revalorisation de la commission, quitte à lui adjoindre un mécanisme de surveillance élargie au niveau de l'Assemblée nationale.

Il y a deux manières de politiser ou de prendre ses responsabilités politiques. Ou bien en disant: Je les prends comme ministre et s'ils ne sont pas contents, ils nous régleront notre compte au bout de cinq ans, ou bien on peut les politiser en déférant la gestion ou la supervision générale à des mécanismes démocratiques plus larges. C'est aussi politiser, mais il me semble que c'est beaucoup plus imprudent de le faire d'une manière que de l'autre. Ce n'est pas fuir ses responsabilités que de les exercer plus largement sur le plan démocratique. S'il y avait une commission permanente mixte, où il y aurait des représentants de l'Opposition, un jour ce serait l'un qui serait dans l'Opposition, le lendemain, ce serait l'autre. Tout cela est à voir à long terme. Le contrôle, la supervision générale de toutes ces réglementations, il me semble qu'il y aurait un principe sain à ne pas tout référer cela toujours entre des mains plus restreintes, quitte à dire: Ils me régleront mon sort. Cela me semble un peu autoritaire ou autocratique, je ne sais pas. Je ne veux pas être blessant, mais il y a des mots qui décrivent des réalités dans ce sens qu'on dit: Voici, je vais prendre cela en main, alors qu'il y a une autre manière d'exercer ses responsabilités politiques. Ne trouvez-vous pas qu'il y a matière à débat et que vous avez tranché avant d'en débattre?

M. Jolivet: Justement, je ne voudrais pas empêcher le ministre de répondre, mais je n'ai pas \ eu de réponse au deuxième volet de ma question. En faisant référence à la forme de nomination prévue par l'article 16, je pourrais, en même temps, selon la loi actuelle, me référer à l'article 4, quand on dit: "L'organisme est formé de trois membres nommés par le lieutenant-gouverneur en conseil". Quand vous dites que vous avez une inquiétude parce qu'il va être nommé par l'Assemblée nationale et qu'on sait que le processus de nomination au niveau de l'Assemblée nationale demande presque un consensus des partis politiques qui représentent le gouvernement, n'est-il pas mieux d'avoir cette formule, si elle restait comme cela, que la formule actuelle où c'est le parti au pouvoir, par le lieutenant-gouverneur en conseil, qui les nomme? C'est l'inquiétude que vous manifestez dans le texte quand vous dites: C'est parce qu'il est choisi par le premier ministre.

M. Charbonneau (Yvon): Le principe de l'Assemblée nationale, c'est bien préférable au fait que ce soit le lieutenant-gouverneur en conseil. Mais les pouvoirs, c'est de cela qu'il faut discuter en même temps. Les modalités de nomination de la commission, on peut toujours regarder cela, mais qui est-ce qu'on nomme et que lui donne-ton comme attributions? Je crois que c'est là un débat fondamental. Quant à dire que c'est nommé par l'Assemblée nationale, que ce soit sur la proposition du premier ministre ou autrement... Ce qui est important, ce sont les pouvoirs en dessous.

M. Jolivet: Ma deuxième question est en rapport avec ce que vous dites à la page 21 au niveau des renseignements pouvant être donnés en enlevant notamment le serment d'allégeance et de discrétion, de façon à pouvoir non pas restreindre, mais permettre une libre circulation de l'information nécessaire à la vie démocratique. Comment alliez-vous cela avec les difficultés qui pourraient

exister si la libre circulation de l'information amenait une personne de la fonction publique, quelle qu'elle soit, à s'en servir contre quelque personne haut gradée par rapport à elle, en termes de hiérarchie, ou en bas de lui, ou même le ministre ou même le gouvernement en place. Vous voyez les difficultés que cela pourrait occasionner si la personne s'en servait à ses fins personnelles plutôt, parce que vous n'en parlez qu'aux fins communautaires, aux fins de la population.

Le Président (Mme Cuerrier): M. Gilbert.

M. Gilbert: Ce qu'on demande, essentiellement, au premier paragraphe de la page 21, c'est qu'on n'utilise pas le prétexte des serments d'allégeance et de discrétion à des fins pour lesquelles ces serments n'ont pas été prévus. Cela ne va pas plus loin que cela et, d'ailleurs, on voit mal comment cela peut être rédigé. On pourrait penser à des recours. Mais, dans le texte, tout simplement, on vous signale qu'il peut y avoir une tendance à utiliser cela à des fins autres que celles pour lesquelles la loi a été prévue. Pour l'essentiel, relativement à l'information, c'est ce qu'on dit. On ne parle pas de faire circuler les rapports d'impôt. Il y en d'autres qui se chargent de regarder cela etc. Ce n'est pas cela, le problème.

Le problème, c'est qu'il nous semble qu'il y a, sur les tablettes des ministères, des travaux, des recherches qui ont été faites qui pourraient être extrêmement utiles à des groupes qui poursuivent des objectifs d'intérêt collectif. Des travaux, des recherches, des enquêtes dont les résultats pourraient être extrêmement utiles, par exemple, à ceux qui se préoccupent des problèmes de sécurité et de santé. Je pense qu'il y en a eu du travail qui s'est fait à la Commission des accidents du travail par les fonctionnaires. Je pense qu'il y en a beaucoup de travaux qui sont faits au ministère du Travail. J'imagine qu'il y a eu des travaux qui ont été faits par tout un tas de ministères, qui pourraient être utiles. J'imagine, par exemple, à une association de citoyens qui s'intéresse particulièrement à la mise sur pied de garderies. Il y a peut-être des études qui ont été faites au ministère sur ces affaires qui pourraient être extrêmement utiles à ceux qui travaillent là-dedans. Cela pourrait être également utile, mais je pense qu'il y en a beaucoup qui pourraient citer d'autres exemples d'information, de recherche. Il ne s'agit pas de choses confidentielles. On a l'impression, des fois, que tous ces travaux, il n'y a personne qui met un blocus là-dessus. Il n'y a tout simplement pas de mécanisme prévu de contact entre la fonction publique et ces groupes populaires et la population, pour faire profiter tout le monde de ces travaux.

C'est le sens principal. Il ne faut pas y voir là-dedans des volontés de faire cela sous les tapis.

Le Président (Mme Cuerrier): M. Charbonneau.

M. Charbonneau (Yvon): Est-ce qu'on pour- rait profiter de cet exposé... — je ne sais pas si M. Jolivet avait terminé sur la question.

M. Jolivet: Oui.

M. Charbonneau (Yvon):... pour demander au ministre, dans le cadre de notre recommandation 4, s'il compte nous donner des nouvelles bientôt du projet sur lequel il s'était montré particulièrement ouvert d'une banque conjointe de données dans le secteur public. Mon confrère vient justement de faire allusion au manque de mécanismes qui permettent l'accès, de la part des syndiqués ou des centrales, à des données qui sont pourtant pertinentes à de grands débats dans le Québec. Il dit: Manque, faute de mécanismes. A un moment donné, on ne sait pas trop où s'adresser. Il en est un domaine où les données sont assez fondamentales, constituent un élément fondamental de point de départ et je sais que très tôt après votre nomination comme ministre, vous aviez fait des contacts, vous aviez établi des communications avec les organisations syndicales pour nous parler de l'importance qu'il y aurait à y avoir une banque de données. Ce qu'on a vu, suite au sommet, c'est le projet du gouvernement récemment de créer un office d'information et de recherche. Mais c'est toute une différence. Il nous apparaît qu'il y a eu un cheminement dont les détours nous ont échappé à partir d'une banque conjointe de données, passer à la création d'un office de recherche et d'information dans les mains du gouvernement, il y a des sauts inexpliqués à ce jour là-dedans.

Est-ce qu'il y a moyen de savoir quelles sont vos intentions — et cela est bien conciliable avec notre préoccupation du paragraphe 4 — allez-vous nous donner bientôt des nouvelles concernant cette banque conjointe? La négociation, ce n'est pas pour l'an 2000, c'est pour assez bientôt. Vous nous aviez exliqué combien c'était long mettre cela en marche etc., etc. Cela fait au-dessus d'un an — oui cela fait un an bientôt, au début de décembre l'année dernière, vous nous parliez de cela — et on n'en a pas entendu parler une minute.

M. de Belleval: D'accord, les deux démarches sont plutôt complémentaires. Elles ne sont pas mutuellement exclusives. Nous avons effectivement annoncé la mise sur pied d'un office de recherche sur les conditions de travail tant dans le secteur privé que dans le secteur public. Ce ne sera pas un organisme gouvernemental, ce sera un organisme autonome qui aura sa propre crédibilité pour faire un certain nombre de dossiers semblables peut-être à ceux dont vous parlez à l'article 4 et qui seront à la disposition de toutes les parties. Toutefois, en plus de cette question ou de cette façon d'aborder cette question, il est toujours entendu que nous sommes disposés à vous rencontrer pour établir aussi des banques de données beaucoup plus pertinentes, au sens strict, aux négociations collectives à venir, des statistiques de base sur les salariés et les conditions de travail dans les secteurs public et parapublic proprement dits.

Très bientôt d'ailleurs, j'en ai reparlé encore ces jours-ci au Conseil du trésor, vous aurez des nouvelles là-dessus pour des rencontres.

Le Président (Mme Cuerrier): M. le ministre, je vais devoir vous rappeler que nous sommes ici pour entendre le mémoire et pour en discuter, à moins que cela me paraisse évident que vous fassiez vraiment référence au mémoire.

M. de Belleval: Je pense que j'ai répondu. On fait référence au point 4, Mme le Président. Est-ce que vous croyez que je viole le règlement ou si je peux terminer?

Le Président (Mme Cuerrier): Allez. Si tout le monde est d'accord...

Une Voix: Essayez de vous entendre.

Le Président (Mme Cuerrier): ... à croire que c'est bien pertinent, je vous laisserai encore quelques secondes, M. le ministre.

M. de Belleval: Très bientôt, vous serez convoqués et on vous donnera des nouvelles à ce sujet. Je dois dire d'ailleurs que, si de ce point de vue on n'a pas progressé plus vite, c'est que les choses que nous avons trouvées en arrivant étaient dans un état tel qu'il a fallu de ce point de vue faire un certain travail de réorganisation.

M. Pagé: Tantôt cela va être la faute du fédéral. Vous allez entendre cela tantôt.

Le Président (Mme Cuerrier): M. Gilbert, vous aviez... A l'ordre, messieurs!

M. Pagé: ... depuis six mois, c'est la faute du fédéral.

Le Président (Mme Cuerrier): A l'ordre, M. le député. M. Gilbert avait demandé la parole.

M. Gilbert: C'est seulement pour signaler qu'il y a des glissements qui se font. Il a été question de banque de données utiles à la négociation. Je voudrais rappeler au ministre qu'il n'a pas été question de l'intervention d'un tiers dans les négociations du secteur public. Cette question, nous allons la débattre à un autre moment parce que l'office de recherches, qui ne serait pas le gouvernement, c'est plus que des données, c'est plus que des informations. Il me semble qu'on va avoir un de ces jours, j'imagine, une commission parlementaire là-dessus.

M. de Belleval: On pourra vous écrire un livre blanc là-dessus.

M. Charbonneau: Un office de recherches et d'informations.

Le Président (Mme Cuerrier): Est-ce que les interventions sont terminées? Il me reste à remercier...

M. de Belleval: Est-ce que je peux dire quelque chose, Mme le Président, avant de terminer?

Le Président (Mme Cuerrier): M. le ministre.

M. de Belleval: Je voudrais d'abord, avant que vous demandiez à nos invités de disposer, les remercier pour leur participation ce soir. J'aimerais faire quand même allusion à certaines remarques de M. Daoust sur la façon que nous avons eue d'envisager les choses et sur la façon dont nous nous y sommes pris. Je dois dire là-dessus, évidemment, qu'il y a différentes façons de procéder mais il a lui-même souligné aussi que le sujet qui nous concerne était assez aride et qu'il se prêtait mal à une discussion intéressante sur la place publique. Il n'en reste pas moins que le débat a eu lieu à plusieurs reprises, depuis plusieurs années, entre les intéressés. J'écoutais M. Charbonneau, entre autres, nous souligner une possibilité d'envisager la réforme. Je dois dire que cette possibilité même a été discutée à plusieurs reprises. En particulier, les syndicats les plus directement intéressés, les associations syndicales les plus directement intéressées à la réforme de la Loi de la fonction publique ont déjà donné leur avis très précis là-dessus et ils sont plutôt en faveur de la direction générale que nous avons prise de ce côté en vue, entre autres, de rapatrier entre les mains du ministre de la Fonction publique l'autorité générale en matière de gestion du personnel.

Ces points ont été discutés assez profondément depuis de nombreuses années. La méthode que nous avons suivie ou la proposition que nous avons faite s'inspire largement de réformes similaires qui ont été faites dans des pays nord-américains ou européens dans ce domaine depuis une quinzaine ou une vingtaine d'années. Je ne vous en fais pas grief, parce qu'il reste que ce n'est pas quand même, de votre point de vue, compte tenu de votre propre secteur d'activité, des questions avec lesquelles vous avez été mis en contact de façon très intime depuis plusieurs années.

Il reste que le débat a quand même eu lieu aussi et que le débat via la présentation du projet de loi a aussi eu lieu. Nous avons tenu ici de multiples réunions, de multiples séances, personnellement et avec aussi des représentants d'associations syndicales. Depuis deux mois en particulier, nous avons tenu de nombreuses réunions, de nombreux forums radiodiffusés, télédiffusés, sur cette question et je pense qu'à cette occasion, nous avons fait le tour de la question. Il ne faudrait quand même pas laisser supposer que, jusqu'à un certain point, compte tenu de l'aridité du sujet, il n'y a pas eu un débat assez ouvert là-dessus. La loi n'est pas considérée par le ministre ou par le gouvernement comme un objet parfait. Au contraire, déjà nous avons annoncé, à l'occasion des réunions de la commission ici, des amendements. Il y en aura d'autres. Nous avons aussi pris un certain temps pour la discussion du projet de loi, quand on sait qu'il a été déposé au mois de juillet et que, de toute façon il ne sera pas adopté avant

le mois de février ou le mois de mars. Donc, il se sera écoulé presque un an entre la présentation du projet de loi et son adoption.

Alors, je pense que ce sont aussi des éléments qui démontrent que, peu importe la façon dont nous avons procédé, ce n'est pas un sujet neuf; c'est un sujet difficile. Malgré tout, c'est un sujet qui aura permis, je pense, une discussion largement démocratique avec les principaux intéressés.

Le Président (Mme Cuerrier): II me reste à me faire l'interprète des membres de cette commission pour remercier la Fédération des travailleurs du Québec, la Centrale de l'enseignement du Québec et la Confédération des syndicats nationaux d'avoir bien voulu présenter leur mémoire et d'avoir accepté de le discuter avec la commission. Nous vous remercions.

Vote sur la motion exprimant l'avis que le projet de loi no 53 ne devrait pas être

adopté en 2e lecture avant que la commission Martin n'ait déposé son rapport

J'ai autre chose à faire avant que nous ne terminions les travaux de cette commission. Le 13 octobre dernier, M. le député de Johnson avait fait une motion pour que la commission propose à l'Assemblée nationale de ne pas adopter le projet de loi no 53 en deuxième lecture avant que ne soit déposé le rapport de la commission Martin. Je dois faire une mise au point. J'avais fait, à ce moment, une mise au point. Le mandat de la commission qui provient de l'Assemblée nationale, bien sûr, avait pour but d'entendre les mémoires et de les discuter. C'était son mandat. Il y a eu consentement unanime pour que la commission puisse émettre un voeu, parce qu'elle ne peut pas lier l'Assemblée nationale par une proposition, alors que ce n'est pas dans son mandat...

M. Pagé: M. Daoust se rappelle très bien des voeux, Mme le Président, la commission parlementaire des terres et forêts, entre autres...

Le Président (Mme Cuerrier): II y a eu consentement unanime pour qu'un voeu soit émis et c'est M. le député de Jean-Talon qui a repris en d'autres termes la motion suivante. Cette motion dit: "Que la commission est d'avis que le projet de loi 53 ne devrait pas être adopté en deuxième lecture avant que la commission Martin nonsti-tuée par l'arrêté en conseil No 2412 du 27 juillet 1977, n'ait déposé son rapport".

Une Voix: Vote enregistré.

M. Pagé: Non, le débat était clos.

M. Chevrette: Est-ce qu'on peut poser une question? Est-ce que je peux demander une directive?

M. Pagé: Oui.

Le Président (Mme Cuerrier): D'accord, M. le député de Joliette-Montcalm, vous pouvez toujours me demander une directive.

M. Chevrette: La directive est la suivante: Est-ce que, par votre intermédiaire, on peut parler à l'Opposition, et lui demander d'exercer...

M. Pagé: II faudra le consentement unanime pour qu'on parle.

M. Chevrette: Bien sûr, je sais que vous allez me le donner.

M. Pagé: Ce serait à vous de le donner. Elle vous l'a demandé.

Le Président (Mme Cuerrier): Ne présumez pas, M. le député de Joliette-Montcalm. Allez-y, de votre demande de directive.

M. Chevrette: Par votre intermédiaire, j'aimerais demander à l'Opposition si elle accepterait un amendement qui deviendrait une position unanime de la commission, advenant que l'amendement soit retenu? On peut lui faire part de l'amendement, de sorte qu'elle pourra répondre oui ou non. Si elle répond non à l'amendement, alors nous ferons le vote enregistré. Je sais que les règlements sont serrés. Je passe par vous, mais je pense qu'il y a moyen de se parler, à cette heure-ci. J'ai l'impression que si on lui faisait part de notre amendement, l'Opposition nous dirait oui ou non. Si elle dit oui, cela devient un vote unanime de la commission, c'est fantastique. Sinon, on votera contre, et on en proposera une. Je pense qu'on peut faire un seul vote si on peut se parler.

M. Garneau: Mme le Président...

Le Président (Mme Cuerrier): Est-ce que... Alors...

M. Garneau: ... vous devez être embêtée pour répondre à la demande de directive.

Le Président (Mme Cuerrier): J'ai l'impression que la demande de directive prend une autre couleur. Je me verrai réduite ou bien à demander le consentement de l'Opposition à ce qu'un amendement soit proposé ou bien à dire qu'on ne peut pas proposer un amendement, parce que nous sommes au moment du vote sur cette motion. Je vais vous demander si vous acceptez un amendement ou bien si vous préférez que nous nous en tenions au règlement et que nous prenions le vote immédiatement.

M. Garneau: Mme le Président, il y aurait évidemment une question de précédent qui pourrait être créé. Deuxièmement, le débat a eu lieu; les membres du parti ministériel auraient pu proposer un amendement s'ils avaient voulu le faire â ce moment-là; ils auraient eu tout le loisir

de le faire. Je préférerais que le vote soit pris sur cette motion, étant donné que le débat a eu lieu, que j'avais exercé mon droit de réplique.

M. Pagé: Vote enregistré, Mme le Président.

Le Président (Mme Cuerrier): Je vous ferais remarquer, M. le député de Portneuf, qu'en commission parlementaire les votes se prennent à main levée.

M. Pagé: Non, si quelqu'un le demande, il y a un vote enregistré, Mme le Président; c'est une coutume, le vote à main levée.

M. Chevrette: Un vote nominal. Demandez les noms. Allons-y. Le vote est ouvert.

Le Président (Mme Cuerrier): Que je retrouve les noms des membres. Vous m'excuserez un instant.

M. Chevrette: Je comprends.

M. Pagé: Mme le Président.

M. Chevrette: Une question de règlement...

M. Pagé: Sur la question de règlement, Mme le Président, pendant que le vote est appelé, on ne peut ni entrer, ni sortir, ni parler, ni soulever de questions de règlement.

Le Président (Mme Cuerrier): Sur une question de règlement, M. le député.

M. Chevrette: Oui, j'ai une question à vous poser qui est la suivante:

M. Pagé: ...

M. Chevrette: Non, non, cela s'en vient. Ce n'est pas pire que vous autres...

Le Président (Mme Cuerrier): M. le député, sur la question de règlement, s'il vous plaît!

M. Chevrette: Merci, Mme le Président...

Une Voix: II n'y a pas de discussion pendant un vote.

Le Président (Mme Cuerrier): Je n'ai pas appelé le vote encore, je le fais.

M. Garneau: Vous l'avez demandé. M. Pagé: Vous avez demandé le vote.

Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de Joliette-Montcalm.

M. Chevrette: C'est une information très précise. En cas d'égalité des votes, qu'arrive-t-il en commission parlementaire? Première question d'in-formation;aprèscela,jeferai unappelau règlement.

Le Président (Mme Cuerrier): En cas d'égalité des votes, le président vote, M. le député.

M. Chevrette: Donc, n'étant plus inquiet, Mme le Président, vous pouvez faire l'appel nominal.

M. Pagé: Pourquoi plus inquiet? Mme le Président a participé au débat, et vous ne pouvez pas présumer de son vote comme cela.

M. Cordeau: Vous présumez de la décision du président.

M. Chevrette: J'ai dit que je suis satisfait de l'information qu'elle me donne.

Le Président (Mme Cuerrier): A l'ordre!

M. Pagé: C'est la docilité dont parlait M. Char-bonneau tout à l'heure, si ma mémoire est fidèle.

Le Président (Mme Cuerrier): Le député de Jean-Talon émet le voeu suivant: "Que la commission est d'avis que le projet de loi no 53 ne devrait pas être adopté en deuxième lecture avant que la commission Martin constituée par l'arrêté en conseil no 2412 du 27 juillet 1977 n'ait déposé son rapport". M. Cordeau.

M. Cordeau: Pour.

Le Président (Mme Cuerrier): M. Garneau.

M. Garneau: Pour.

Le Président (Mme Cuerrier): M. Chevrette.

M. Chevrette: Contre.

Le Président (Mme Cuerrier): M. de Belleval.

M. de Belleval: Contre.

Le Président (Mme Cuerrier): M. Dussault.

M. Dussault: Contre.

Le Président (Mme Cuerrier): M. Gendron.

M. Gendron: Contre.

Le Président (Mme Cuerrier): M. Gravel.

M. Gravel: Contre.

Le Président (Mme Cuerrier): M. Jolivet.

M. Jolivet: Contre.

Le Président (Mme Cuerrier): M. Le Moignan.

M. Le Moignan: Pour.

Le Président (Mme Cuerrier): M. Forget.

M. Forget: Pour.

Le Président (Mme Cuerrier): M. Pagé.

M. Pagé: Pour. On vous a fait peur, on vous a fait trembler.

M. Chevrette: J'ai eu peur un bout de temps.

Le Président (Mme Cuerrier): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Cordeau: Si ma mémoire est bonne j'ai déjà vu le ministre s'abstenir de voter dans des conditions semblables.

Le Président (Mme Cuerrier): II me reste à remercier tous les membres de cette commission. Je devrais dire que ce voeu est rejeté. M. le député de Châteauguay.

M. Dussault: Ne serait-il pas utile de faire remarquer que ce qui vient de se passer ne devrait jamais être considéré comme un précédent, puisque ce n'est pas selon nos règlements que nous avons pris un vote ce soir, mais à cause seulement de la générosité que vous avez démontrée à vouloir satisfaire certains membres de la commission. En réalité, le mandat de cette commission...

M. Pagé: Mme le Président, question de réeglement.

Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de Portneuf.

M. Pagé: II est clairement indiqué, Mme le Président, dans notre règlement...

Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de Portneuf, je vais vous demander d'invoquer l'article du règlement qui nous concerne actuellement.

M. Pagé: Mme le Président, vous êtes comme un juge, vous êtes présumée connaître votre règlement et connaître la loi. Un député ne peut remettre en cause une décision de la présidence ou du président, sauf par une motion qu'il peut exercer, si ma mémoire est fidèle, en vertu de l'article 80. Si vous aviez plus d'expérience en commission parlementaire, vous auriez été à même de constater que les votes se prennent par vote enregistré, par appel nominal. Vous n'avez aucune critique à faire à la présidence.

M. Dussault: Mme le Président...

Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de Portneuf, ce que je disais tantôt, c'est qu'habituellement, en commission parlementaire, les votes se prennent à main levée. M. le député de Châteauguay.

M. Pagé: Si tout est requis, on parlera d'un vote nominal.

Le Président (Mme Cuerrier): M. le député de Châteauguay, sur la question de règlement.

M. Dussault: Mme le Président, c'est une expérience suffisamment acquise qui me faisait parler ce langage et je pense que c'était important de le faire remarquer. C'est ce que j'ai fait, Mme le Président.

M. Pagé: C'est complètement faux, ce que vous avez dit.

Le Président (Mme Cuerrier): Vous avez émis ce voeu, M. le député de Châteauguay. Il me reste à remercier les membres de la commission. A ceux qui ont soutenu les membres de la commission, à ceux qui font le travail qui est moins apparent, le travail d'enregistrement et de transcription, merci. Cette commission de la fonction publique ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 22 h 47)

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