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(Dix heures quinze minutes)
Le Président (M. Vaugeois): À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. le Secrétaire, voulez-vous nous dire ce que nous faisons?
Le Secrétaire: Je vous rappelle que le mandat de cette
commission est d'entendre les représentations des personnes et des
groupes intéressés par le projet de loi 58, Loi portant
réforme au Code civil du Québec du droit des biens.
Les membres de la commission des institutions sont: M. Baril
(Rouyn-Noranda-Témiscamingue), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M. de
Bellefeuille (Deux-Montagnes), M. Dussault (Châteauguay), M. Léger
(Lafontaine), M. Levesque (Bonaventure), M. Mailloux (Charlevoix), M. Marx
(D'Arcy McGee), M. Payne (Vachon), M. Rivest (Jean-Talon), Mme Saint-Amand
(Jonquière), M. Vaugeois (Trois-Rivières), M. Johnson
(Anjou).
Je vous signale les remplacements suivants: M. Kehoe (Chapleau) remplace
M. Levesque (Bonaventure), M. Leduc (Saint-Laurent) remplace M. Mailloux
(Charlevoix).
L'ordre du jour appelle les intervenants suivants: à 10 heures,
le Barreau du Québec, à 16 heures, l'Ordre des
arpenteurs-géomètres du Québec et, à 17 heures, la
Chambre de commerce de la province de Québec.
Le Président (M. Vaugeois): Merci, M. le
Secrétaire. Me Lebel, pourriez-vous tout de suite présenter votre
groupe, s'il vous plaît?
Barreau du Québec
M. Lebel (Louis): M. le Président, M. le ministre, MM. les
membres de la commission, c'est toujours avec beaucoup d'intérêt
que le Barreau du Québec participe à ces études et
à ces consultations sur la révision du Code civil. Dans le cas du
projet de loi sur les biens, nous avions formé un groupe de travail,
soit une commission sur le droit des biens. Certains de ses membres
représentent le barreau ce matin.
Je voudrais d'abord vous présenter Me André
Prévost, président de la commission permanente du barreau sur la
révision du Code civil. Me Prévost est avocat à
Montréal et membre de l'étude Clarkson, Tétrault; Me
Suzanne Vadboncoeur, qui est avocate au service de la recherche au barreau et
qui est depuis quelques années déjà coordonnatrice des
travaux du barreau sur la révision du Code civil; le professeur
Madeleine Cantin-Cumyn, de la faculté de droit de l'Université
McGill; et Me Robert Godin, de l'étude Godin, Raymond &
Associés, et président de notre sous-comité sur le droit
des biens, membre de notre commission sur la révision du Code civil.
J'ajoute que Me Godin, avocat, est également un ancien notaire.
Une voix: C'est important.
M. Rivest: En voilà un qui a bien tourné.
M. Lebel: La présentation de notre mémoire sera
faite par Me Suzanne Vadboncoeur et les membres de la commission ajouteront
éventuellement certaines observations. Nous prévoyons,
évidemment, faire un exposé d'environ une demi-heure sur les
principes et les principales questions légales que pose ce projet de
loi.
Avant de céder la parole à Me Vadboncoeur, je voudrais,
cependant, répéter la préoccupation du Barreau du
Québec devant l'adoption éventuelle du projet sur le Code civil.
Nous avons souligné à différentes reprises que nous
étions fort préoccupés par le mode d'adoption du projet de
loi. Il est indéniable qu'il s'agit d'une oeuvre importante,
fondamentale, non seulement pour le système juridique du Québec,
mais aussi pour sa vie économique et sociale. C'est une oeuvre
entreprise depuis au-delà de 20 ans, si on se réfère,
entre autres, aux travaux de l'Office de révision du Code civil.
Législativement, c'est une oeuvre qui est en cours d'exécution
depuis quatre ou cinq ans. C'est aussi une oeuvre qui promet de durer encore
quelques années. Pour la pratique juridique, pour le droit
québécois, cela pose des problèmes fondamentaux
d'adaptation, de passage d'un régime juridique à l'autre.
Nous avons déjà fait aux prédécesseurs du
ministre de la Justice des observations sur les méthodes d'adoption du
projet de loi, sur notre inquiétude de le voir adopter pièce par
pièce, morceau par morceau, en multipliant ainsi les problèmes de
passage d'un système juridique à l'autre. Certaines indications
nous ont été données selon lesquelles la méthode
d'adoption retenue
supposerait la création de certains blocs assez cohérents.
Je souhaite que l'intention législative demeure telle.
Nous demeurons, cependant, préoccupés, inquiets de ce
problème du passage d'un régime juridique à l'autre, de
son effet et de l'effet de l'adoption de la nouvelle loi sur les actes
existants, sur les situations juridiques. Nous savons fort bien que la
préparation d'un projet de loi sur le droit transitoire est un acte
complexe, difficile, mais ce sera un élément essentiel de toute
la réforme que nous avons entreprise. Nous sommes aussi soucieux, si
cette réforme doit innover sur un certain nombre de sujets, qu'elle
s'insère quand même dans nos traditions juridiques et qu'elle
respecte certains acquis juridiques, entre autres au niveau des techniques, du
vocabulaire, qu'on soit quand même prudent dans ces changements. Parfois,
les interprétations judiciaires vis-à-vis des changements qui
semblent mineurs dans le vocabulaire peuvent être surprenantes.
Il y a aussi des prudences à exercer vis-à-vis de
certaines réformes envisagées. Nous y reviendrons à
l'occasion du droit des sûretés, qui posera de façon plus
directe ces problèmes: utilisation de l'acte authentique, suppression
d'un certain nombre de modes de prise de garanties telles que les
privilèges. Cela se rattache, évidemment, très
étroitement au droit des biens. Ce sont des domaines sur lesquels, nous
le pensons, une attention particulière devra être apportée
aux besoins concrets de la pratique juridique et à ce qui se fait et au
rôle, entre autres, des deux professions juridiques.
Sans entrer davantage dans le vif du sujet, en rappelant, tout
simplement, que ce projet de loi illustre les interrelations entre les
différentes parties du Code civil, et que ce que nous faisons ce matin,
nous aurons à le regarder lorsque nous traiterons des obligations, des
sûretés, des successions. Je passe la parole à Me
Vadboncoeur.
Mme Vadboncoeur (Suzanne): M. le Président, M. le
ministre, MM. les députés, mesdames, messieurs, le Barreau du
Québec s'est réjoui et se réjouit encore de pouvoir
intervenir dans un projet de loi important comme celui-là. Même
s'il a un petit peu moins - passez-moi l'expression - "d'appeal" que d'autres
projets de loi relatifs au Code civil, entre autres le droit de la famille, je
pense que c'est un projet de loi qui mérite qu'on s'y attache. Lorsque
les nouvelles versions des projets de loi 106 et 107 sur les personnes et les
successions seront déposées à nouveau, nous avons bien
l'intention de nous y pencher encore une fois.
Le projet de loi sur les biens, de façon générale,
le Barreau du Québec le trouve relativement satisfaisant. On a,
évidemment, certaines critiques à y apporter. On pourra entrer
dans les détails. On est satisfait, entre autres, de l'initiative de
légiférer sur l'indivision, sur le droit de superficie, sur la
fiducie; ce sont quand même des sujets qui n'étaient pas couverts
jusqu'à maintenant. Par contre, il y a des accrocs majeurs, entre autres
en ce qui concerne le droit de propriété proprement dit,
c'est-à-dire la définition qu'on en fait au titre
deuxième, qui limite énormément le droit de
propriété, droit pourtant reconnu comme étant fondamental
dans les diverses chartes. On limite, en effet, l'exercice du droit de
propriété en fonction de l'article 988, je pense.
L'article 988 définit la propriété comme
étant "le droit pour une personne d'user, de jouir et de disposer
librement et complètement d'un bien dans les limites établies par
la loi." Nous trouvons que c'est une limitation importante du droit de
propriété et nous recommandons que cette limite soit
élargie et que le droit de propriété puisse s'exercer sous
réserve des limitations et non pas dans les limites prévues par
la loi. Me Cantin-Cumyn pourra, tout à l'heure, parler davantage
là-dessus. Pour nous, c'est un accroc assez majeur.
Il y a également l'emphytéose qui est pas mal
changée comparativement au droit actuel. On n'en fait plus un droit
réel immobilier, on essaie d'en faire un droit de
propriété temporaire. On en enlève également la
redevance, la rente et, pour nous, l'emphytéose doit demeurer un droit
réel immobilier, doit demeurer dans l'état où on la trouve
actuellement.
Enfin, un accroc aussi spécial, en ce qui nous concerne, c'est
l'administration du bien d'autrui dans son application aux personnes morales,
aux compagnies, ce qu'on peut qualifier de compagnies maintenant, en vertu de
la Loi sur les compagnies, fédérale et provinciale. C'est un
chapitre où, d'ailleurs, nos commentaires sont assez éloquents,
au début du titre septième. C'est une chapitre qui pose
énormément de difficultés au niveau des compagnies. Cela
peut peut-être s'appliquer dans d'autres domaines, mais, au niveau des
compagnies, cela va être une paralysie constante du fonctionnement des
compagnies.
En matière de langage, on a soulevé quelques petites
difficultés; entre autres, on essaie de simplifier bien des fois le
langage juridique et, finalement, il n'y a aucune continuité dans le
langage et même des fois, il y a des contradictions. On ne semble pas se
soucier de l'interprétation jurisprudentielle de certains mots qui sont
employés depuis fort longtemps dans le langage juridique, mais il faut
quand même s'y attacher parce qu'un changement de terminologie pourrait
éventuellement entraîner un changement d'interprétation par
les tribunaux, ce qui n'est pas nécessairement souhaité par
le
législateur.
M. Johnson (Anjou): Comme par exemple?
Mme Vadboncoeur: Je pense que j'en avais mentionné.
Simplement le mot - il y en a un qui me vient à l'esprit - "syndicat",
qu'on emploie dans la copropriété. On désigne, par le mot
"syndicat", tantôt l'assemblée des copropriétaires et
tantôt le conseil d'administration. On ne sait pas toujours à quoi
se référer. On pourra peut-être tout à l'heure en
relever d'autres; je prends cela en note.
M. Lebel: Vous avez juste sur cette question, ce qui a
été, d'ailleurs, souligné dans le mémoire, à
l'occasion, des glissements de concept d'une notion à l'autre, "chose",
"bien", "droit", etc., qu'on utilise à un moment donné un peu
indifféremment l'un pour l'autre, alors que ce sont des
éléments différents du vocabulaire juridique. Sur ce
point, le mémoire suggère une unification du vocabulaire pour
qu'on sache toujours chaque fois si on parle d'un droit, d'une chose, d'un
bien, etc.
Le Président (M. Vaugeois): Si vous me le permettez, pour
peut-être comprendre la méthode que vous prenez pour nous
présenter votre mémoire, vous nous faites une présentation
générale; je comprends que vous évitez de vous
référer aux articles pour l'instant et, tout de suite
après, vous allez reprendre le tout en étant plus précise
et en vous référant aux articles. Est-ce que c'est ce que vous
entendez faire?
Mme Vadboncoeur: Oui, je pense que, pour le moment, les
commentaires généraux sont peut-être plus digestibles
et...
Le Président (M. Vaugeois): Faites-nous confiance, vous
allez voir qu'on est coriaces.
Mme Vadboncoeur: ...on ira ensuite dans le détail,
peut-être titre après titre. Pour le moment, ce seraient
plutôt des commentaires généraux.
Le Président (M. Vaugeois): II y a différentes
façons de faire son cours de droit. Nous, on a pris cette
méthode, du moins quelques-uns d'entre nous. Allez-y, madame! (10 h
30)
Mme Vadboncoeur: Alors, sur ce que le bâtonnier disait
justement sur la distinction entre bien, chose et droit, je n'y suis pas
entrée pour le moment parce que c'est un sujet qui fera l'objet de
commentaires un peu plus précis tout à l'heure. C'est plus un
problème de fond qu'un problème de forme.
On confond le droit de propriété et l'objet du droit de
propriété. On emploie "bien" tout le temps, alors que, pour nous,
un bien ce n'est pas une chose, c'est un droit. Un patrimoine est
composé de droits et non pas de choses. Les choses sont,
évidemment, les objets des droits.
J'aurais peut-être aussi un commentaire à faire sur les
démembrements du droit de propriété qui se retrouvent au
titre quatrième. C'est un commentaire de structure. Le barreau
considère que les démembrements du droit de
propriété se divisent normalement en servitudes réelles et
en servitudes personnelles. La structure de ce titre pourrait, justement,
être modifiée en ce sens. Les servitudes réelles sont les
servitudes qu'on connaît habituellement et qui sont effectivement
désignées sous le nom de servitudes dans le projet de loi, alors
que les servitudes personnelles seraient, justement, l'usufruit, l'usage et
l'emphytéose.
Au titre cinquième, le droit de préemption est
passablement modifié. Le projet de loi tente de donner au droit de
préemption toute la force d'un droit réel, alors que la
sous-commission du barreau a pris position pour maintenir le caractère
personnel du droit de préemption. Il y aurait peut-être des choses
à modifier à ce sujet. Dans le même titre, il y a un
chapitre qui porte sur les prohibitions d'aliéner qu'on a
appelées les "stipulations d'inaliénabilité". Nous sommes
défavorables aux prohibitions d'aliéner, sauf dans la mesure,
évidemment, où elles peuvent valoir comme substitution. On ne
sait pas trop ce que le projet de loi entend faire de ces prohibitions
d'aliéner. Je ne sais pas si nous pouvons nous-mêmes poser des
questions mais, enfin, si quelqu'un peut nous répondre sur ce sujet,
cela nous éclairerait.
Quant au titre troisième, qui porte sur l'indivision et la
copropriété divise, d'abord, la copropriété divise,
pour nous, c'est un contresens au plan des termes. On suggère que la
copropriété divise soit dorénavant appelée
condominium, qui correspond beaucoup plus dans l'esprit des gens à la
réalité qu'est le condominium et qui se développe de plus
en plus. Ce chapitre sur le condominium est intéressant. Cependant, nous
sommes d'avis que les dispositions ne vont pas assez loin compte tenu du fait
qu'il y a déjà eu un groupe sur la copropriété qui
a déposé un rapport il y a quelque temps et dont Me Godin faisait
partie, d'ailleurs. Nous trouvons que le chapitre a laissé de
côté beaucoup de points majeurs en matière de
copropriété ou de condominium, par exemple les
développements par phases, la protection de l'acheteur, le prospectus,
etc. Il y a différents sujets qui sont malheureusement effleurés
simplement. Nous avons été heureux de constater la volonté
du législateur de couvrir maintenant ce qu'on appelle le "time-
sharing", la multipropriété. Encore là, on se
réjouit de ce que le "time-sharing" soit éventuellement
réglementé, sauf que les dispositions du projet de loi sont,
évidemment, nettement insuffisantes. On ne sait pas à quel droit
substantif on a affaire, on ne connaît pas du tout le mécanisme du
"time-sharing". Il y aurait lieu encore là, je pense, d'approfondir
l'étude de la copropriété à ce niveau, de la
multipropriété pour couvrir le "time-sharing".
Dans les commentaires généraux, c'est à peu
près tout ce que je peux dire pour le moment, quitte à ce qu'on y
revienne en détail tout à l'heure. Me Cantin-Cumyn va insister
sur certains points, en particulier sur la distinction des biens et choses, je
pense. Aussi, Me Godin va insister sur quelques points qui ne doivent pas
être considérés comme étant nécessairement
les seuls sur lesquels on veut insister.
Mme Cantin-Cumyn (Madeleine): Je crois que je vais laisser le
soin de parler des droits, des biens et des choses à Me Godin. Je vais
moi-même ajouter quelques remarques au sujet de la définition qui
est faite du droit de propriété. J'estime que c'est une
définition qui est tout à fait centrale non seulement au droit
des biens en réalité, mais à la conception même
qu'on se fait de l'organisation politique et économique dans notre
société.
La définition, telle qu'on l'a en ce moment au Code civil,
à l'article 406, énonce un principe qui, en
réalité, nous vient de la Révolution française. La
définition de l'article 406 qu'on a incorporé à notre
droit est un acquis de la Révolution française. Il
reconnaît au droit de propriété un contenu tout à
fait maximal par rapport aux autres droits qu'un individu peut avoir, aux
autres droits qui font partie du patrimoine.
Contrairement aux autres droits, le propriétaire, par rapport
à la chose sur laquelle il a un droit de propriété, peut
faire absolument tout ce qu'il veut bien faire à l'égard de cette
chose, sauf les restrictions que la loi impose quant à l'exercice et
à la jouissance du droit de propriété. Vous voyez que
c'est un contenu maximal. On peut tout faire sauf si la loi dit: Non, vous ne
faites pas cette chose-ci ou vous la faites de cette façon. La
définition qui est proposée à l'article 988 inverse cette
situation. On donne un contenu limité au droit de
propriété, limité à ce que la loi permet.
Je crois qu'il faudrait qu'on nous explique pourquoi on veut faire un
changement qui est tout à fait radical. On a aussi mentionné tout
à l'heure le fait que le droit de propriété est
peut-être le seul droit patrimonial qui est spécifiquement
mentionné dans la Charte des droits et libertés de la personne.
Il y a une protection particulière qui est accordée dans la
charte. Donc, on en fait un droit de la personne. Beaucoup d'auteurs ont,
d'ailleurs, souligné le lien qu'il faut faire entre la présence
d'un droit de propriété fort et la protection des droits de la
personne. Il y a un lien direct qui s'établit là. Le barreau
aimerait insister sur cette question.
À ce moment-ci aussi, j'aimerais peut-être faire quelques
commentaires sur la partie du projet de loi qui traite des stipulations
d'inaliénabilité. Ce sont les articles 1245 et suivants dans le
projet de loi. Les dispositions qui sont comprises dans ce chapitre sur les
stipulations d'inaliénabilité paraissent modifier
substantiellement le droit actuel, mais ce qu'on veut faire exactement avec ces
dispositions n'est pas clair. Il n'y a peut-être pas d'objection. Enfin,
on ne sait pas si on a objection à modifier le droit actuel dans la
mesure où on ne sait pas jusqu'où la modification veut aller.
En droit actuel, il y a possibilité de faire des stipulations
d'inaliénabilité. Le code les prévoit dans un chapitre
spécifique, mais on limite la possibilité de faire ces clauses
dans les actes gratuits. Alors, donation, testament, on peut faire des clauses
d'inaliénabilité. En dehors de cela, cela ne vaut pas. Les
clauses sont sans effet. Le projet veut étendre la possibilité de
ces stipulations dans tous les actes. Là, on pourrait les faire dans la
mesure où c'est temporaire et justifié. Selon quels
critères va-t-on décider de la validité de ces clauses qui
envoient un petit peu plus loin et, lorsqu'elles portent sur des immeubles et
sont enregistrées affectent les tiers, sont opposables aux tiers?
Finalement aussi, dans l'article 1246, on introduit la possibilité de
demander au tribunal de mettre de côté la clause
d'inaliénabilité lorsqu'il y a un intérêt plus
important qui l'exige. Toutes ces dispositions introduisent des notions qui
sont, d'une part, assez vagues et qui, d'autre part sont susceptibles
d'affecter en permanence, peut-être, les titres.
M. Lebel: Me Robert Godin fera certains commentaires sur la
notion de biens, de choses et d'autres aspects du projet.
M. Godin (Robert): La distinction entre "bien" et "chose" est
surtout importante pour l'économie de la rédaction du projet. En
droit, on distingue nécessairement entre les droits et les choses sur
lesquelles portent les droits. Dans un patrimoine, ce qu'on retrouve, ce sont
des droits; ce ne sont pas des choses. Si je suis propriétaire d'une
automobile, dans mon patrimoine, ce que j'ai, c'est un droit de
propriété sur cette automobile; ce n'est pas l'automobile
elle-même. Au lieu d'être propriétaire, je pourrais
être locataire, disons, avoir un bail de deux ans. C'est la même
automobile. Rien n'est changé, sauf qu'au lieu d'être
propriétaire je suis locataire. Or, dans mon
patrimoine, au lieu d'avoir un droit de propriété, j'aurai
un droit de location, un droit d'utilisation. J'aurai aussi des obligations de
payer le loyer.
D'une façon générale, les auteurs de droit civil
font toujours la distinction entre le droit et la chose sur laquelle porte ce
droit. Dans le patrimoine, le mot "bien" désigne les droits et on
identifie la valeur d'un patrimoine ou l'on comptabilise un patrimoine en
analysant les droits qui sont dans ce patrimoine.
Dans le projet qui nous a été soumis, tantôt on
utilise "bien" pour désigner la chose, on utilise "droit", on utilise la
chose. Il n'y a vraiment pas du tout de constance dans le langage
utilisé et il serait important, selon nous, de faire cet effort. On a
tenté de le faire. On a sans doute oublié des endroits où
ces mots ont été utilisés indistinctement, mais on a
tenté dans notre mémoire de montrer à chaque endroit
où devait être utilisé le mot "bien", où le mot
"chose" devait être utilisé, en vue d'essayer de rendre cette
rédaction plus conforme à la théorie.
J'aimerais ajouter d'autres commentaires sur d'autres aspects du projet
de loi. En ce qui a trait à la copropriété, ceux qui sont
familiers avec le domaine connaissent les étapes fondamentales dans la
copropriété. Il y a sa mise en place, la transition du
développeur promoteur au vrai propriétaire ou au
propriétaire éventuel, la responsabilité du promoteur, la
protection de l'acheteur ou des acheteurs et la vie de la
copropriété.
Au niveau de la mise en place, il nous semble encore que la technique
proposée est assez complexe entre la déclaration et le
règlement. On vous fait certaines suggestions assez précises sur
les votes qui doivent être requis à certaines fins pour
protéger le droit de propriété, pour protéger le
droit d'indépendance. Je pense qu'il y a du travail à faire de ce
côté. On prend la position que la copropriété et
l'emphytéose ne sont pas des notions compatibles. On n'est pas d'accord
qu'une copropriété puisse s'établir sur un titre
emphytéotique, d'abord parce que le titre emphytéoptique est
précaire et temporaire et, d'autre part, parce qu'il y a des obligations
dans un bail emphytéotique qui ne sont pas divisibles. Et surtout
à la lumière du texte proposé sur l'emphytéose, on
peut prendre exemple de l'obligation de reconstruire qui pèse sur
l'emphytéote. Si vous avez un titre emphytéotique avec 50, 60 ou
100 propriétaires dans une copropriété et qu'une
destruction survient, l'obligation de reconstruire n'est pas divisible si les
gens ne sont pas d'accord sur la possibilité ou pas de reconstruire. (10
h 45)
Le bail emphytéotique pourra être annulé par le
bailleur, étant donné qu'il y aura un défaut au terme du
bail. Pour les obligations pécuniaires, on peut toujours dire qu'elles
vont se diviser et que chaque individu ou chaque copropriétaire pourra
payer sa part de la rente comme on le fait pour les impôts fonciers et
qu'on peut le faire pour les hypothèques. Mais, dans un bail
emphytéotique, il y a des obligations qui ne sont pas divisibles. On
croit qu'il est possible d'arriver au même résultat en utilisant
le droit de superficie, qui peut être soit perpétuel, soit
temporaire au terme d'un bail.
Dans le cas du droit de superficie, les obligations sont très
restreintes. L'obligation principale, si c'est un bail, est de payer le loyer
et c'est une obligation qui est divisible. D'autre part, dans le droit de
superficie, s'il résulte d'un bail, lorsque le bail se termine, le
propriétaire du fonds doit en quelque sorte acquérir la
bâtisse, doit rembourser les propriétaires ou le
propriétaire de la bâtisse de sa valeur, tandis que, dans
l'emphytéose, le titre est simplement résolu à toutes fins
utiles. Les propriétaires des unités de copropriété
se trouveraient complètement dépossédés sans savoir
vraiment ce qui leur est arrivé. Je vous assure que, dans le public,
quand vous utilisez le mot emphytéose, cela ne sonne pas vraiment comme
une réalité. Quelle serait la position d'un acheteur à qui
on dirait que c'est un bail emphytéotique? Je vous assure qu'il ne
saurait pas vraiment ce qui se passe.
Toujours au sujet de la copropriété, la transition entre
l'époque du contrôle par le promoteur développeur au
propriétaire n'est pas d'après nous encore suffisamment bien
structurée. C'est en pratique le moment le plus difficile et le plus
dramatique dans le vie d'une copropriété, c'est le moment
où les acheteurs tout à coup réalisent vraiment qu'ils
sont en copropriété, qu'ils ont des responsabilités,
qu'ils doivent administrer une sorte de patrimoire commun et il faut leur
donner les outils au niveau physique. Il faut leur donner les plans et toute
l'information financière, et les outils pour faire cela.
Le projet est déjà certainement mieux que ce qu'on a dans
la loi actuelle, mais il ne va pas assez loin et on vous fait des suggestions
dans ce sens-là. À cet égard, la responsabilité du
promoteur est loin d'être claire. On vit quotidiennement des situations
où les promoteurs vendent de la copropriété, vendent des
unités sur des budgets très optimistes, avec des coûts
très bas et, à la première assemblée, on leur
arrive avec des déficits considérables, des montants à
payer, du rattrapage à faire pour le passé. Il n'y a aucune
protection dans le projet actuel sur ce point. Il n'y a aucune vraie
responsabilité qui engage le promoteur à cet égard.
Plus loin, dans la protection de l'acheteur, évidemment, on pense
que ces éléments font peut-être partie d'une
révision
sur la vente. Dans l'état actuel, l'acheteur n'est pas
protégé quand il achète une copropriété, un
condominium, dans le sens qu'il n'a pas l'information nécessaire. On
avait suggéré, dans le rapport sur la copropriété,
la préparation d'un prospectus bien détaillé, une
période de "cooling off" pour l'achat, pour prendre connaissance de
toute cette information, pour permettre à l'acheteur de vraiment savoir
dans quoi il s'embarque.
Sur le dernier élément de la copropriété,
c'est-à-dire sa vie quotidienne, je pense qu'il faut continuer
l'expérience, c'est encore trop jeune au Québec pour passer un
jugement. Je pense que le projet est intéressant et amène des
nouvelles idées. Je pense qu'on devra vivre avec cela. Je pourrai
peut-être remettre à la commission le texte d'un article que j'ai
vu récemment. Je faisais du ski en Europe. Il a paru une série
d'articles dans le Monde sur la copropriété. Le titre, c'est Le
patrimoine, malade de la copropriété. En France, on a des
problèmes sérieux au niveau administratif, au niveau de la vie
quotidienne. Je pense que, de notre côté, nous devrons continuer
à vivre l'expérience de la copropriété. On n'est
pas près de trouver toutes les solutions.
Enfin, en ce qui a trait au "timesharing" il en a été
question. Ce qui nous fait peur dans le texte actuel, c'est qu'on y fait
référence dans un ou deux articles, mais sans lui donner une base
juridique. Le "timesharing" aux États-Unis a causé des
problèmes; son articulation est complexe. Il nous semble dangereux de
simplement y faire référence sans dire comment cela fonctionnera.
On ne croit pas même avoir la base juridique du "time-sharing". Notre
droit de propriété, même avec le projet qui nous est
soumis, se prête mal à une propriété dans le temps.
Il nous semble qu'il serait bon ou bien d'en parler, mais d'en parler vraiment
et de bien développer le sujet ou bien de ne pas en parler du tout. Ce
qu'on fait actuellement, on fait des sortes d'usufruits, des sortes de baux,
des sortes de locations et personne ne sait vraiment si on est dans le domaine
des droits réels, des droits personnels et c'est vraiment un fouillis.
Il y aurait lieu, soit de légiférer clairement en cette
matière ou de ne pas en parler du tout.
Sur l'utilisation du mot "condominium", on vous suggère fortement
d'utiliser cette expression. Je crois que l'office de révision, dans un
rapport hors série sur la copropriété, avait
utilisé cette expression. Il me semble que Me Caron, à
l'époque, avait suggéré qu'on utilise l'expression
"condominium". Cela nous apparaît correspondre aux besoins de la
population. Si vous regardez la publicité dans les journaux, si vous
regardez les pancartes sur les chantiers, le mot que vous verrez est
"condominium". C'est une expression que les gens connaissent et cela permet de
bien identifier ce dont il s'agit. Ce n'est pas de l'indivision; c'est le
condominium et ce n'est pas un mot qui répugne autant que cela à
la langue française, je pense.
M. Johnson (Anjou): On me dit qu'il répugne à
l'office.
M. Godin (Robert): Vous pouvez dire à l'office que c'est
du latin; on peut trouver une autre expression.
Une voix: II faudrait trouver le mot grec.
M. Godin (Robert): Ce serait peut-être mieux; il y a
peut-être moins d'objections.
En matière d'emphytéose, quelques commentaires ont
déjà été faits. Il est certainement urgent de
légiférer en la matière; la Cour d'appel vient de rendre
un jugement qui remet en question l'efficacité de la plupart des baux
emphytéotiques qui sont en vigueur actuellement. Il est important de
légiférer; on n'a pas vraiment de bail immobilier créant
des droits réels, sauf le bail emphytéotique et, avec la
jurisprudence actuelle, c'est presque inutilisable. Les praticiens ont vraiment
besoin de ce type de bail. Dans l'ensemble, on est heureux de voir les
modifications, l'assouplissement qui est apporté par le projet à
l'emphytéose.
M. Lebel: Je voudrais inviter Me Prévost à faire
certains commentaires sur un autre chapitre fort important et fort
délicat, pour nous, dans ce projet.
M. Prévost (André): Je vais traiter de
l'administration du bien d'autrui mais, avant, j'aimerais vous faire part d'un
commentaire. On a réalisé que le législateur a
changé un principe qui existait au Code civil au niveau de la
propriété des rivières et des cours d'eau. Cela m'a
tellement frappé quand j'ai lu le projet de loi que je ne peux pas faire
autrement que de vous le souligner. Je ne suis pas en désaccord avec ce
qu'on propose à l'article 963 du projet de loi, mais cela constitue un
changement radical avec l'article 400 du Code civil du Bas-Canada et cela a
aussi une implication sur les intérêts du gouvernement
actuellement dans sa cause de Healy contre le Procureur général,
qui est actuellement pendante devant la Cour suprême, avec la
réserve des trois chaînes.
L'article 400 du Code civil disait que tous les cours d'eau non
navigables et non flottables, après 1918, appartiennent de plein droit
au domaine public. Et maintenant, à l'article 963, on vous dit que tous
les cours d'eau non navigables et non flottables sont propriété
privée ou appartiennent aux
propriétaires riverains, sauf ceux qui ont été
concédés entre le 9 février 1918 et le 17 mars 1919, soit
pendant une période de quatorze mois. Nous croyons important de vous le
souligner, pas qu'on soit contre le fait que les rivières et les cours
d'eau non navigables et non flottables redeviennent propriété
privée, mais il va peut-être falloir penser aux changements
radicaux que cela va apporter dans l'application de plusieurs lois actuelles.
Je voulais vous le souligner.
Le point que j'aimerais discuter avec vous maintenant, c'est
l'administration du bien d'autrui. On ne sous-estimera jamais l'importance de
ce chapitre parce que c'est l'un des chapitres qui débordent le plus sur
d'autres livres du Code civil. Cela a un effet direct sur l'administration
faite par les tuteurs, curateurs - je parle du projet de loi 106 - et cela a
aussi un effet sur les exécuteurs testamentaires, entre autres, le
projet de loi 107. On aimerait vous dire que, de façon
générale, sauf en ce qui concerne l'aspect de la personne morale
sur lequel je reviendrai, nous sommes satisfaits du travail qui a
été fait. On a, à une exception près, bien fait le
lien entre les dispositions qu'on avait déjà mises au projet de
loi 106 ou au projet de loi 107 et cela va bien. Ce que j'aimerais vous
souligner, par excemple, c'est de faire attention, parce que si vous
récrivez les projets de loi 106 et 107, il faudrait prendre bien garde
que le projet de loi 58 soit relié et concorde avec les modifications
qu'on y apportera.
Peut-être un commentaire au niveau de l'article 1368 dans
l'administration du bien d'autrui. L'article 1368, c'est cette litanie des
placements présumés sûrs. Évidemment, celui qui
administre pour autrui doit ne pas dilapider les biens et donc ne pas trop
investir...
Une voix: Dans les caisses d'entraide?
M. Prévost: ...oui, dans des institutions instables. En
passant, je note que les caisses d'entraide apparaissent dans la
définition de l'article 1368. Je n'ai rien contre les caisses
d'entraide, mais disons que ce n'est peut-être plus aussi sûr que
lorsque l'article 981, paragraphe o a été adopté dans le
Code civil actuel. L'article 1368 reprend à peu près mot à
mot l'article 981, paragraphe o du Code civil du Bas-Canada, qui a
été adopté en 1968. Cela fait déjà seize ans
et, évidemment, on n'a pas eu le temps de se pencher sur la question,
mais il y aurait lieu de s'asseoir et de penser comme il faut s'il n'y a pas
certains des placements mentionnés à l'article 1368 qui ne sont
plus présumés aussi sûrs qu'ils l'étaient et s'il
n'y en a pas d'autres qui pourraient s'y ajouter. Là-dessus, d'autres
intervenants, je ne sais pas, comme la Chambre de commerce du Québec ou
d'autres institutions, pourraient certainement apporter des commentaires qui
pourraient vous aider.
J'aimerais dire que le problème majeur qu'on retrouve avec cette
section de l'administration du bien d'autrui, c'est quand on essaie de
l'appliquer aux personnes morales. Quand je parle des personnes morales, je
parle des compagnies. Dans le projet de loi 106, qui était le livre sur
les personnes, le législateur avait incorporé un ensemble de
dispositions applicables aux compagnies. La position qu'avait prise le barreau
- et on est toujours logique avec nous ou on tente de l'être, on la
soutient toujours - c'est qu'on ne pouvait pas ou qu'il n'était pas
judicieux d'incorporer au Code civil tout le mécanisme et, il faut
prendre l'expression populaire, la plomberie du droit des compagnies. (11
heures)
Quand on essaie ensuite, dans le projet de loi 58, d'appliquer
l'administration du bien d'autrui aux personnes morales vraiment, la tour
s'effondre, parce qu'il y a des différences à la base. Si on
parle de la personne bénéficiaire, la personne pour qui on
administre, quand on regarde le livre sur l'administration du bien d'autrui, ce
serait en principe la personne morale qui serait la bénéficiaire,
alors qu'on sait qu'en droit des compagnies les administrateurs sont les
mandataires des actionnaires et non pas de la personne morale. Partant de ce
principe, qui, déjà, est écorché jusqu'à un
certain point, si on passe les dispositions l'une après l'autre, on
s'aperçoit qu'elles ne peuvent s'appliquer à des personnes
morales, à des compagnies. Dans les commentaires généraux
qui précèdent le chapitre - je vous réfère aux
pages 235 à 242 de notre mémoire - on vous a soumis les
principales dispositions, les principaux articles qui faisaient voir qu'on ne
pouvait pas l'appliquer aux personnes morales.
Un dernier point sur ce sujet, sur les personnes morales. Il faut faire
bien attention à ne pas compliquer la vie à nos compagnies
incorporées sous la loi québécoise. Ce qu'on va voir, si
cela devient trop compliqué, c'est que les gens d'affaires vont aller
s'incorporer au fédéral et ils joueront avec la Loi canadienne
sur les sociétés commerciales, qui a des règles qui sont
vraiment représentatives de ce que sont les affaires et de ce que sont
les compagnies en Amérique du Nord. On vous avait mentionné ce
fait dans le projet de loi 106. On vous le réitère aujourd'hui:
Faites bien attention à ne pas encourager nos gens à aller
s'incorporer plutôt au fédéral et finalement à
laisser tomber à peu près toute incorporation provinciale. Cela
deviendrait beaucoup trop compliqué. Grosso modo, ce sont les
commentaires que j'avais à vous faire sur l'administration du bien
d'autrui.
M. Lebel: On pourrait pousser très loin l'analyse
technique de ce projet de loi. Ce n'est pas notre intention de le faire. Ce
matin, je voudrais simplement me référer à un autre titre,
le titre cinquième, relativement à certaines restrictions
à la disposition de certains biens, entre autres, aux stipulations
d'inaliénabilité, aux prohibitions d'aliéner, au droit de
préemption pour noter que, lorsqu'on apporte trop d'entraves, en somme,
à la circulation des biens, au transfert du droit de
propriété, on introduit énormément d'incertitude
dans les relations juridiques, dans les droits des tiers. Je prends l'exemple
du droit de préemption, qui permet, en somme, à son titulaire,
dans la réglementation qui est proposée ici, non seulement
d'exercer un recours en dommages si ses droits n'ont pas été
respectés, mais aussi de reprendre en quelque sorte le bien
lui-même. Comme nos commentaires le soulignent, si ce type d'encadrement
législatif est maintenu, lorsqu'un tiers finance une
propriété, une transaction, il peut devenir fort difficile
d'apprécier si les conditions préalables à l'exercice du
droit de préemption ont été respectées ou pas,
d'où un doute sur les titres, d'où un doute sur la
validité des garanties, un délai pour réaliser certains
investissements. C'est la même chose si on facilite un peu trop les
prohibitions d'aliéner par exemple, comme à l'article 1248. En
quelque sorte, on favorise peut-être le débiteur, mais, d'une
certaine façon aussi, on agit au préjudice de l'ensemble des
créanciers.
Il faut regarder, en somme, l'ensemble des conséquences, la
portée que telle réforme, que telle disposition
législative va avoir non seulement sur la pratique juridique, mais aussi
sur la pratique commerciale, sur la pratique financière, parce que,
finalement, cela peut se répercuter sur une certaine efficacité
de notre économie. Cet aspect, non plus, n'est pas à
négliger dans l'établissement de l'encadrement législatif
d'un domaine qui porte en grande partie sur notre vie économique.
Je vous remercie de l'attention que vous nous avez apportée et
nous sommes à votre disposition si vous avez des explications à
nous demander sur certains éléments de ce mémoire et de
nos commentaires.
Le Président (M. Vaugeois): On vous remercie beaucoup, Me
Lebel. Votre mémoire est important et votre participation à cette
commission est absolument fondamentale. Je me permettrais de vous inviter
à développer une idée que vous avez amenée en
introduction et que Mme Vadboncoeur a reprise. Vous avez indiqué qu'il
fallait faire attention aux mots, vous avez dit qu'il fallait éviter de
changer des mots. En tout cas, je ne répéterai pas ce que vous
avez dit, mais vous n'avez pas donné beaucoup d'exemples.
Mme Cantin-Cumyn: Je peux vous en donner un, mais il y en a
plusieurs. Si on se reporte aux articles sur la fiducie, ce sont les articles
1288 et suivants, il y a plusieurs questions de vocabulaire qui se posent
à mon sens dans cette partie. C'est le titre sixième qui commence
par un chapitre sur la fondation et, ensuite, il y a un chapitre sur la
fiducie. On s'est interrogé à la sous-commission sur la
distinction que le législateur voulait faire entre la fondation, d'une
part, et la fiducie dite d'utilité sociale. On n'a pas vraiment
trouvé de différence de contenu.
La deuxième remarque: la notion de fiducie d'utilité
sociale. Le projet de loi l'oppose à la fiducie d'utilité
privée. La notion de fiducie d'utilité sociale, c'est nouveau. On
a vraiment l'impression que l'on veut viser ce qu'on connaît maintenant
comme utilité publique. Alors pourquoi changer le terme si on veut le
même contenu? Un autre exemple...
Le Président (M. Vaugeois): Madame, le ministre veut
réagir tout de suite.
M. Johnson (Anjou): Peut-être que, dans le fond, la
fondation qui est définie à l'article 1288 est une compagnie,
alors que la fiducie d'utilité sociale est un des modes d'arriver
à faire des activités du type de la fondation.
Mme Cantin-Cumyn: Enfin, M. le ministre, j'hésite un peu
à vous contredire, mais je doute fort que la fondation...
M. Johnson (Anjou); Non, non, je vous en prie, il ne faut pas
hésiter, on est ici pour cela. Sentez-vous à l'aise.
Le Président (M. Vaugeois): Vous vous adressez à
moi.
Mme Cantin-Cumyn: Ah bon! Je m'excuse de vous contredire, mais je
doute fort qu'on ait voulu viser une fondation incorporée ici, qui est
la personne morale. C'est une fondation qui n'est pas une personne morale et
qui est créée sous forme de fiducie, je crois. En tout cas, c'est
ambigu, c'est le moins que l'on puisse dire.
M. Johnson (Anjou): L'article 1288 est un concept de base qui
définit ce qu'est une fondation et qui se réalise par le
deuxième paragraphe de 1290, qui est la création d'une personne
morale ou d'une fiducie. Or, la fiducie d'utilité sociale est un mode
alors que la fondation peut être ou la fiducie d'utilité sociale
ou encore une personne morale.
Mme Cantin-Cumyn: Enfin...
M. Johnson (Anjou): Bref, je vous laisse continuer, mais on prend
acte de vos commentaires.
Le Président (M. Vaugeois): Nous laissons la question en
suspens. Avez-vous d'autres exemples à donner, madame?
Mme Cantin-Cumyn: À propos de l'appellation "fiducie
d'utilité sociale", il me semble qu'on aurait intérêt
à garder une formulation que l'on connaît, "fiducie
d'utilité publique", qui s'oppose à "utilité
privée". On connaît le contenu, en ce moment, de ce que veut dire
"sociale", mais un changement de terme de la part du législateur peut
entraîner un changement de contenu aussi lorsqu'on l'interprète.
Par exemple, on s'est posé la question: Lorsqu'on dit "publique"
actuellement, on inclut une fin d'utilité religieuse; si on dit
"sociale", est-ce que cela le comprend encore? On peut se poser la question.
Voilà pour cette question.
Le concept de patrimoine fiduciaire plutôt que de patrimoine de la
fiducie. On veut parler du patrimoine de la fiducie, quand on dit patrimoine
fiduciaire, mais j'ai un peu peur qu'on pense au patrimoine du fiduciaire. Je
ne trouve pas que ce soit très heureux comme expression. Alors, partout
nous avons suggéré de remplacer "patrimoine fiduciaire" par
"patrimoine de fiducie", surtout qu'il y a un article qui dit
expressément qu'il faut bien distinguer le patrimoine de la fiducie du
patrimoine du constituant - c'est à l'article 1293 - du fiduciaire et du
bénéficiaire. Pour moi, t;e n'est pas une expression heureuse que
"patrimoine fiduciaire".
En terminologie, en fait, il y a un autre exemple qui me vient à
l'esprit, et je passerai la parole ensuite à d'autres. La notion de
propriété superficiaire, c'est très ambigu. Il y a deux
choses dans un droit de superficie normalement: il y a un droit de
propriété sur la construction d'un bâtiment. C'est un droit
de propriété vraiment, et il y a le droit du superficiaire dans
le fonds de terre, qui ne lui appartient pas, lequel lui permet de maintenir un
bâtiment sur ce fonds qui n'est pas le sien. Il y a là deux droits
réels qui sont en cause. Propriété superficiaire? On ne
sait pas trop. Il vaut mieux parler de droit de superficie. On connaît
cela. C'est l'expression actuelle.
Le Président (M. Vaugeois): Vous avez d'autres exemples,
M. Lebel?
M. Lebel: On peut vous en donner un, par exemple, dans un titre
totalement différent, celui de l'emphytéose, sur laquelle on
revient, sujet qui n'est peut-être pas très populaire mais
d'importance très pratique à l'heure actuelle pour les praticiens
du droit. C'est à 1222.
À l'article 1222, évidemment, on modifie la
définition de l'emphytéose que l'on retrouve à l'article
567 du Code civil. On nous dit: "L'emphytéose est un droit par lequel
une personne acquiert temporairement toute l'utilité d'un immeuble
appartenant à autrui." L'utilité de l'immeuble est un concept
nouveau qu'on voit arriver sans définition. On ne sait pas exactement
quel contenu les tribunaux et la doctrine lui donneraient et on s'interroge sur
l'utilité même d'une telle référence. En
définitive, il nous paraîtrait plus sage de consacrer une
définition de type plus traditionnel correspondant à ce que la
doctrine voit habituellement dans l'emphytéose, comme nous le proposons,
d'ailleurs, à la page 175 de notre mémoire, en disant que
"l'emphytéose est un droit réel immobilier résultant d'un
contrat par lequel le propriétaire d'un immeuble le cède, pour un
temps, à une autre personne, appelée emphytéote, à
la charge de le mettre en valeur et d'y faire des améliorations, et de
lui payer une redevance annuelle." C'est une définition plus classique,
plus conforme peut-être aussi également à la pratique
juridique actuelle et qui nous évite d'introduire un concept nouveau non
défini dans le code.
C'est peut-être du conservatisme juridique, mais notre
expérience de la vie juridique et surtout de la vie judiciaire nous
enseigne assez bien les incertitudes de ces concepts, de ces notions nouvelles
et des surprises que nous avons parfois de leur usage devant les tribunaux dans
le cadre de certaines contestations. Il faut se rappeler ici que les notions
juridiques ont une importance particulière.
Ici, nous sommes devant des concepts, des notions qui seront
utilisées dans des actes qui servent fréquemment au financement
d'entreprises, de commerces, d'industries et qui doivent représenter la
base d'engagements permanents ou, du moins, d'engagements à long terme
et qu'on ne peut pas se permettre de recorriger et de modifier constamment et
dans lesquels on doit minimiser autant que possible les possibilités de
contestation juridique. C'est un domaine où la certitude, quant à
l'état et à l'interprétation du droit, est un
élément essentiel de l'activité juridique elle-même
et des activités économiques et financières auxquelles
elle se rattache.
Le Président (M. Vaugeois): Je vous remercie, Me Lebel. Je
suis certain que le ministre a plein de commentaires et de questions. Je vais
lui passer la parole. S'il n'avait pas prévu le faire, je vais l'inviter
à réagir sur une remarque que Mme Cantin-Cumyn a faite et qui m'a
beaucoup frappé, sur l'article 988: le droit de propriété.
Je
vous laisse la parole, M. le ministre.
M. Johnson (Anjou): Effectivement, j'allais commencer par cela.
Je pense que cela a été évoqué par tous et chacun
de ceux qui accompagnent M. le bâtonnier ce matin.
Dans le fond, on va un peu dans le sens de ce que suggérait
l'office de révision, qui proposait qu'on introduise la
propriété et le droit d'user, de jouir et de disposer des choses
de la manière la plus complète, dans les limites et aux
conditions établies par la loi. Je pense que Me Cantin a bien
démontré qu'on renverse la notion actuelle, que le droit de
propriété est en soi illimité; qu'il a un caractère
absolu et opposable et que ses limites sont celles qui découlent de la
loi plutôt que de dire que, par définition, il n'est que ce qui
est permis par la loi ou il n'est que ce qui n'est pas... En fait, ce n'est pas
tout à fait ce qu'on dit. Je le prends dans le vocabulaire du profane.
Effectivement, je pense que l'article 988 du projet de loi introduit une vision
plus limitée de ce qu'est la propriété. Je pense qu'il
faudra se pencher sur ça. Cela ne doit pas se faire par accident. Je
pense qu'il faut être sûr que c'est ce qu'on veut, si c'est ce
qu'on veut.
Mme Cantin-Cumyn: Oui. Avec respect, M. le ministre, je pense que
l'office se trompait là-dessus. Vous avez raison de dire que cela vient
assez substantiellement de l'office. À mon sens, l'office se trompait
ici.
M. Johnson (Anjou): Pardon?
Mme Cantin-Cumyn: Je crois que l'office de révision se
trompait dans la définition qu'il donnait. (11 h 15)
M. Johnson (Anjou): Oui, oui, c'est ce que j'ai cru comprendre de
certains de vos commentaires. Tantôt, vous utilisez l'office ou... Enfin,
c'est cela le but de l'exercice. On n'est pas là pour sauver des images,
on est là pour essayer de voir ce que le texte de loi va dire.
Le Président (M. Vaugeois): M. Lebel, vous voulez
réagir à cela?
M. Lebel: Oui j'aurais seulement une remarque additionnelle.
Cette conception du droit de propriété et de l'activité
des citoyens qui semble ressortir de l'article 988 est assez peu compatible
avec une approche législative et réglementaire qui paraît
être celle du gouvernement et de l'Opposition depuis quelque temps,
c'est-à-dire de chercher à alléger la
réglementation, l'encadrement législatif. Dans la mesure
où l'on irait affirmer dans une loi aussi fondamentale que le Code civil
que le droit de propriété ne peut être exercé, en
somme, que s'il y a un encadrement législatif ou réglementaire,
il me semble qu'on va carrément à l'encontre de cette
volonté nouvelle de déréglementer ou, au moins, de
rationaliser la réglementation. En somme, pour que le citoyen agisse et
exerce son droit de propriété, il faudrait qu'il y ait
préalablement une loi, un règlement.
M. Johnson (Anjou): Je prends bonne note de vos remarques sur
l'article 988.
Le Président (M. Vaugeois): En passant, je m'excuse, M. le
ministre, quelqu'un a dit dans votre groupe tout à l'heure que le
législateur... En fait, le législateur ne s'est pas encore
prononcé sur cela. Nous en avons tout simplement pris acte en
première lecture.
M. Lebel: Nous l'employons au sens très large. Il est
quand même devant nous. Nous savons que vous serez associés
d'assez près à cette oeuvre.
Le Président (M. Vaugeois): M. le ministre.
M. Johnson (Anjou): Oui, il est à
copropriété multiple.
M. Marx: M. le ministre, j'aurais un mot à ajouter sur ce
point.
M. Johnson (Anjou): Oui, je vous en prie.
Le Président (M. Vaugeois): D'accord, allez-y!
M. Marx: Hier, quelqu'un nous a présenté un
mémoire dans lequel il demandait que le bail commercial soit
réglementé. C'est exactement ce que vous avez souligné et
je pense que nous sommes d'accord pour qu'on ne fasse pas trop de
réglementation. Le code va, finalement, devenir un autre
règlement.
Le Président (M. Vaugeois): M. le ministre.
M. Johnson (Anjou): Ceci dit, M. le Président, je suis
également en faveur de la vertu.
M. Marx: II ne faudrait pas seulement le dire. C'est vous qui
avez le pouvoir de faire quelque chose.
M. Johnson (Anjou): C'est bien connu, mais il n'y a rien comme le
libre arbitre.
Chose, droit et bien, débat cosmique, s'il en est un en droit. Je
ne prétendrais pas ici rivaliser avec la quantité
considérable d'expertise que j'ai devant moi, mais je dirai
simplement: N'est-il pas exact qu'en doctrine classique et suivant le
droit actuel le bien est la chose appropriée ou susceptible
d'appropriation? C'est donc l'objet de droit. Au fond, je pense que le projet
vise à ne pas nous soumettre à un niveau de gymnastique, à
un niveau quaternaire sur le plan intellectuel, à ne pas mettre le
législateur ou le juge dans la situation où il va expliquer
à quelqu'un qu'il n'est pas propriétaire d'une maison, mais
propriétaire d'un lien entre lui et sa maison. Il y a une espèce
de bon sens et de tradition qui ont amené les gens à
établir un peu cette confusion entre les droits et les choses, mais je
pense qu'il n'en demeure pas moins que le projet est quand même
cohérent dans la mesure où la chose, c'est l'objet qui n'est pas
approprié ou pas appropriable. Le bien, c'est la chose corporelle ou le
droit, qui est une chose incorporelle, vu sous le rapport juridique et le
droit, lorsqu'on ne visait que ce droit; la notion de bien comme strictement
limitée au droit serait unique premièrement, par rapport au droit
étranger, deuxièmement, à la doctrine et,
troisièmement, au langage commun, ce qui m'apparaît une chose
assez importante, même si le langage commun ne se retrouvera jamais dans
le Code civil de façon générale et extensive.
Je ne pense pas que cela pose de problème. Je comprends que les
juristes voudraient une clarification ultime sur cette question qui a fait
depuis des siècles l'objet de débats cosmiques...
M. Lebel: Et qu'on entretiendra quelque temps encore.
M. Johnson (Anjou): ...et que nous entretiendrons peut-être
encore cent ans ou jusqu'à ce qu'on refasse la deuxième
révision ou, en tout cas, jusqu'après réforme.
La question que je pose autour de cela, pour être pratique.
Croyez-vous que, même si on maintient cette espèce de confusion,
ce sera susceptible de générer beaucoup de problèmes ou
qu'on rate tous une belle occasion de satisfaire nos esprits?
M. Godin (Robert): Je pense qu'on rate une belle occasion de
faire un beau projet de loi. Si vous regardez la littérature moderne, en
droit civil, les auteurs sont unanimes sur ce point. C'est une distinction qui
est faite -regardez Savatier et tous les auteurs récents - qui est
simple à faire et qui permet une cohérence dans la
rédaction, si on le fait avec soin, qui correspond à la
réalité juridique des choses. C'est dans ce sens-là. C'est
évident que ce n'est pas obligatoire, que les gens ne seront
probablement pas lésés, que des décisions ne seront pas
rendues différemment, mais disons qu'on aura une loi qui sera moins bien
faite. Si on se donne la peine - je pense qu'on a l'occasion de le faire,
puisqu'on est en train de le faire - pourquoi ne pas faire cet effort
additionnel et reconnaître cette distinction qui est facile à
faire et à exprimer? C'est tout.
M. Johnson (Anjou): J'en prends bonne note. Est-ce que ça
va pour cela? On peut passer à autre chose?
Sur l'emphytéose, j'aimerais peut-être vous entendre
encore. Je pense que c'est vous, Me Godin, qui avez évoqué tout
à l'heure les difficultés de l'emphytéose en cas de
copropriété ou si c'est Me Lebel?
M. Lebel: C'est Me Godin.
M. Godin (Robert): Oui, c'est moi.
M. Johnson (Anjou): Est-ce que vous pourriez me les
reformuler?
Le Président (M. Vaugeois): Vous avez, d'ailleurs,
été catégorique là-dessus.
M. Godin (Robert): Oui, il y a longtemps que je suis
catégorique sur cela. C'est un peu une de mes marottes.
Le Président (M. Vaugeois): C'est un de ses dada, M. le
ministre.
M. Godin (Robert): Peut-être que je peux vous expliquer un
peu le contexte, vous dire pourquoi cela se présente.
M. Lebel: Je dois dire qu'il y a peu d'immeubles importants
à l'heure actuelle à Montréal sur lesquels Me Godin ne
s'est pas prononcé à un moment ou l'autre.
M. Godin (Robert): La question se pose, évidemment, parce
que l'emphytéose a été utilisée dans les
dernières années surtout par les corps publics, soit le
gouvernement, soit les municipalités et certains autres organismes
publics. Je pense à la Caisse de dépôt et placement du
Québec en particulier. Les municipalités, ayant souvent acquis
ces terrains par expropriation, sont impatientes de les voir se
développer, de les voir utilisés, mais en même temps elles
ne veulent pas les aliéner d'une façon définitive. Les
deniers publics ayant été utilisés pour leur acquisition,
on ne veut pas que la plus-value ultime, l'inflation, s'en aille. On veut
plutôt qu'à l'expiration du bail ce bien revienne à la
collectivité, ce qui est tout à fait louable.
Une des formes d'utilisation de ces terrains ou de ces biens publics
serait la copropriété. On a cherché à voir si on
pouvait mettre des condominiums, de la copropriété sur des titres
emphytéotiques. Il y a, si vous le voulez, des problèmes
abstraits de droit qu'il n'est peut-être pas
utile à ce moment-ci de considérer, mais il y a aussi des
problèmes pratiques qui répugnent à cette utilisation
d'après moi. Au point de vue de l'équité, comme je le
disais tout à l'heure, quand un acheteur va se présenter pour
acheter sa petite unité de copropriété, le
développeur va lui dire -peut-être qu'il ne le lui dira pas, mais,
s'il le lui dit, il ne le dira pas fort - que c'est de l'emphytéose.
L'acheteur ne saura pas vraiment ce que cela veut dire. Il va acheter son
unité. Au fil des années, il va payer son hypothèque. Il
va vendre et avoir des titres successifs. À l'expiration du bail, tout
à coup, le titre disparaît. Le propriétaire de
l'unité n'est plus propriétaire. Le bailleur, par
définition, dans l'emphytéose, reprend toutes les
améliorations et tout le monde s'en va. Seulement à ce point de
vue, cela me paraît inique. Il n'y a pas d'autre situation où cela
se présente. Où on a utilisé l'emphytéose dans les
dernières années; c'est surtout dans le domaine commercial,
où cela est facile. Le propriétaire sait qu'il peut amortir son
placement sur un certain nombre d'années. C'est uniquement une question
financière. Pour l'acheteur d'unités de
copropriété, c'est la question de son patrimoine personnel et de
ses économies et cela m'apparaît inique.
D'un point de vue plus juridique, il y a des éléments d'un
bail emphytéotique qui se prêtent mal à la
copropriété. Idéalement, en copropriété, on
cherche à diviser les obligations pour que le défaut d'un des
copropriétaires n'affecte pas le droit de propriété des
autres. De la même façon, au point de vue hypothécaire,
chaque unité est hypothéquée séparément et,
si le propriétaire du 301 ne paie pas son hypothèque, le
propriétaire du 302 ne se fera pas prendre en justice; chaque
unité est séparée, c'est là qu'est l'avantage. Au
point de vue des taxes foncières, de l'impôt foncier, c'est la
même chose, on impose chaque unité. Dans le bail
emphytéotique, il y a des obligations qui ne se prêtent pas
à la division; je donnais comme exemple l'obligation de reconstruire en
cas de perte. Si les copropriétaires ne peuvent pas s'entendre sur la
reconstruction, cela devient un défaut aux termes du bail
emphytéotique; le bailleur va probablement garder les indemnités
des assurances et les gens se feront mettre dehors. Il y a quelque chose de
contradictoire; ce sont des droits qui ne se marient pas bien, ce sont des
droits qui ne vont pas bien ensemble. Je peux vous dire qu'en Ontario, par
exemple, le "leasehold" n'est plus utilisé; à l'origine de la
copropriété en Ontario, on permettait la
copropriété sur le "leasehold" et, lors de la dernière
révision, en 1978, on a éliminé le "leasehold" comme
étant une situation trop complexe. C'est dans ce sens-là, je
pense, que c'est une chose qu'on ne devrait pas permettre.
M. Johnson (Anjou): Vous proposez carrément qu'on ne
permette pas la copropriété sur une propriété
emphytéotique.
M. Godin (Robert): Par contre, avec le droit de superficie, je
crois qu'on peut arriver au même objectif. Dans le cas du droit de
superficie, il y a la propriété de la bâtisse qui est
distincte et la seule obligation dans un bail, si c'est un bail, sera de payer
le loyer. L'obligation de payer la rente ou le loyer peut se diviser
facilement; c'est une obligation de payer. Les obligations de faire ne se
divisent pas normalement, mais l'obligation de payer se divise. Dans un droit
de superficie qui résulterait d'un bail, on pourrait prévoir que
la rente se divise. Le premier problème, l'iniquité due aux
termes subsiste.
M. Johnson (Anjou): Sur la préemption et les stipulations
d'inaliénabilité, aux articles 1245 et suivants, pour vous, il
n'est pas suffisant d'introduire la notion d'intérêt
sérieux et légitime et la notion de temporaire, qui seront
évidemment interprétées par les tribunaux. Pour vous, ce
ne sont pas des limites suffisantes pour empêcher ce que vous croyez
être, Me Lebel, des conséquences importantes, notamment sur le
commerce, à cause de l'incertitude des titres face aux tiers, etc. Il y
a des limites finalement à la circulation et à la dynamique des
transactions. Verriez-vous, dans ce contexte, qu'on introduise une limite dans
le temps? Je pense que cela a été suggéré hier par
les caisses populaires, l'association de planification successorale ou les
banquiers. Je voudrais vous entendre sur les stipulations
d'inaliénabilité.
Mme Cantin-Cumyn: Je peux dire quelque chose et, ensuite, le
bâtonnier pourra compléter. La première question qui se
pose, c'est pourquoi veut-on introduire les clauses
d'inaliénabilité dans les actes onéreux? Quelqu'un
achèterait une maison avec la clause qu'il ne peut pas la vendre.
Pourquoi? Quel est l'intérêt qu'on veut protéger en faisant
cela? Le droit actuel ne le permet pas; cela est permis seulement dans les
actes gratuits. Il y a une limite dans le temps, en ce sens que, si la
prohibition doit s'étendre à plus que la première
personne, c'est une substitution à deux degrés qui s'applique. Si
c'est seulement l'intérêt du premier acquéreur de l'objet
avec clause d'inaliénabilité, cela s'éteindra avec
lui.
M. Johnson (Anjou): Permettez-moi de tenter de répondre
à votre interrogation par une analogie. C'est un peu comme les clauses
de non-concurrence en matière commerciale. Vous ne voyez pas que c'est
un instrument dont on puisse doter les citoyens? (11 h 30)
Mme Cantin-Cumyn: Les clauses de non-concurrence sont fort mal
vues par les tribunaux. Ceux-ci tentent d'en limiter l'application le plus
possible, dans le temps et dans le territoire où cela va s'appliquer.
C'est une analogie qu'on veut faire et je l'aurais, justement, faite pour
militer en faveur de notre point de vue. On ne les aime pas; on les
tolère en ce moment, les clauses de non-concurrence. On veut
étendre ici ce type de stipulation presque sans y mettre aucune limite.
Quel est l'intérêt qu'on veut favoriser en faisant cela?
M. Johnson (Anjou): L'intérêt, c'est la
liberté des individus de stipuler pour restreindre leur propre
liberté à l'égard de la disposition d'un bien.
Mme Cantin-Cumyn: Cela va très bien dans la mesure
où on ne lie que soi et la personne avec laquelle on fait le contrat.
Lorsque ici on parle de clauses d'inaliénabili-té, si elles
affectent l'immeuble et sont enregistrées et sont opposables aux tiers,
on transforme la stipulation de ce qui était purement une relation de
droit personnel en une relation de droit réel. On risque d'affecter de
façon permanente les titres. C'est une chose qui est très
sérieuse. Encore une fois, pourquoi veut-on faire cela? Si jamais on
veut restreindre d'une certaine façon l'usage des choses, on peut
créer une servitude. Il y a des mécanismes, il y a des droits
réels qui sont prévus dans le code et qu'on peut utiliser pour
cela.
M. Johnson (Anjou): Je comprends que, si je vous affirme que
l'objectif visé par l'article 1245 est de permettre la liberté
des individus de stipuler des restrictions sur une base consensuelle à
des biens dont ils sont propriétaires pour un certain temps et pour un
intérêt sérieux, vous me répondez que les tribunaux
n'aiment pas cela. Je n'en disconviens pas. Par ailleurs, vous me
répondez que cette relation est de la nature de droit personnel qu'on
transforme dans la mesure où on l'oppose aux tiers par l'enregistrement
au niveau du droit réel. Je pourrais vous retourner la question:
Pourquoi pas? Quel est l'inconvénient majeur que vous y voyez?
Mme Cantin-Cumyn: On affecte les tiers.
M. Johnson (Anjou): Mais il y a un mécanisme de
publicisation, il y a un mécanisme de protection.
Mme Cantin-Cumyn: Comment le tiers peut-il savoir si vraiment
cela le lie, parce que cela est justifié par un intérêt
sérieux et légitime? Comment le tiers appréciera-t-il la
validité de la clause? Ce n'est même pas sûr qu'elle soit
valide. C'est seulement si elle est fondée sur un intérêt
sérieux et légitime. Le tiers subséquent n'a aucun moyen
de vérifier cela. Autre remarque, c'est l'insaisissabilité qui en
découle. Quand l'insaisissabilité en découlera-t-elle?
Lorsque ce sera une interdiction complète d'aliéner ou si c'est
seulement partiel, est-ce que cela rend aussi insaisissable? On ouvre un
débat et le prix à payer est selon moi trop important. Cela ne
vaut pas la peine d'introduire cela à cause des difficultés qui
vont en résulter.
M. Lebel: Cela rend, en quelque sorte, le bien inapte à
être introduit dans le circuit des affaires, des activités
commerciales. Sa valeur patrimoniale propre est gravement affectée.
Ensuite, il devient à peu près impossible de donner une
sûreté valable sur un bien dans ces conditions-là et on
expose l'acquéreur qui a consenti à cette clause-là
à un chantage perpétuel de la part du titulaire original. Sur le
plan de la stricte politique législative, je ne peux qu'avoir beaucoup
de réserves sur la multiplication, sur la faveur qui semble être
donnée à ces clauses.
M. Johnson (Anjou): Vous suggériez, cependant, le maintien
du droit actuel à titre gratuit, à la condition que cela donne
lieu, si cela touche à un deuxième, au processus de substitution.
Encore faudrait-il ne pas abolir la substitution, comme le suggérait la
chambre des notaires.
Mme Cantin-Cumyn: Vous avez devant vous la suggestion qu'on fait,
que le barreau fait quant aux clauses d'inaliénabilité. On le dit
bien, c'est seulement dans la mesure où cela peut valoir comme
substitution. Si on se reporte aux articles sur la substitution, on voit que,
même en substitution, le grevé peut aliéner, mais
aliéner à charge de faire remploi du prix. Selon notre
proposition, même dans la substitution, l'effet de la clause est
très limité. Ce que cela oblige le grevé à faire,
c'est utiliser les fonds et faire remploi du prix de vente; cela exclut aussi
l'aliénation gratuite de la part du grevé, parce que là,
il ne peut pas faire remploi. Au fond, on restreindrait même le remploi
par rapport au droit actuel. À mon sens, c'est la direction où il
faut aller.
M. Godin (Robert): M. le Président, je voudrais ajouter
quelque chose au sujet du droit de préemption.
M. Johnson (Anjou): On va en faire un morceau de deux à la
fois?
M. Godin (Robert): C'est un peu le même commentaire en ce
qui a trait au droit de préemption. Si vous regardez notre
recommandation, on veut en faire un droit
personnel, de façon générale, sauf dans les cas
d'indivision où on suggérerait possiblement un droit de retrait.
Mais c'est le même souci d'éviter de grever les biens d'une
façon qui pourrait être très nocive. Regardez l'article
1259: "Le propriétaire du bien doit, lorsqu'il projette de le
céder, notifier son intention par écrit au titulaire du droit de
préemption à la dernière adresse connue de son domicile ou
de sa place d'affaires. La notification porte aussi sur le prix et les
modalités etc." La question de preuve en matière d'immeuble,
comment est-ce qu'on va établir que cela a été fait? Si on
ne peut pas retrouver le bénéficiaire, comment est-ce qu'on va
procéder? Est-ce qu'il va falloir aller chercher des jugements?
Même je ne pense pas qu'un jugement serait suffisant. Les titres risquent
d'être vraiment affectés d'une façon très nocive.
Où on le verrait, et on en parlait dans une des suggestions qu'on fait
au niveau de l'indivision, c'est que le contrat d'indivision soit susceptible
d'enregistrement et ses dispositions lieraient les tiers. C'est un cas bien
particulier d'indivision, et je pense que c'est important qu'il y ait un droit
entre les indivisaires d'acquérir la part des autres. Mais, d'une
façon générale, légiférer sur un droit comme
celui-là, le droit de préemption, cela va certainement
créer de sérieux problèmes et la solution n'est
certainement pas apparente dans la rédaction actuelle. Les titres vont
être grevés d'un droit réel dont la sanction, comme le
disait le bâtonnier tout à l'heure, c'est qu'il y a quelqu'un qui
peut sortir de je ne sais pas où et dire: Mon droit n'a pas
été respecté, et faire annuler la vente. C'est très
grave.
M. Johnson (Anjou): Pour vous, cela ne répond pas à
vos préoccupations si je vous dis que l'article 1055, qui porte sur les
droits des indivisaires ou qui crée un droit de préemption, c'est
le seul endroit où on crée un tel droit et l'article 1238 et le
suivant deviennent du droit supplétif. Dans l'article 1055, on
prévoit la création de ce droit de préemption; on
prévoit, cependant, qu'il peut être conventionnel et que les modes
d'exercice seront conventionnels. Je pense qu'on pourrait dire qu'étant
donné que l'article 1055 n'est pas d'ordre public l'indivisaire pourrait
même en vertu de 1055 renoncer à son droit de préemption.
L'article 1238 ne s'applique alors que dans la mesure où c'est
substitutif.
M. Godin (Robert): II pourrait s'appliquer pas uniquement
à des cas d'indivision. De la façon dont on a lu le chapitre, il
pourrait s'appliquer en général. Je pourrais accorder un droit de
préemption à n'importe qui sur mon immeuble même si on
n'est pas en indivision, de la façon dont il est rédigé
là. C'est un nouveau droit qui est donné et qui est d'application
générale. Je crois que, dans le domaine de l'indivision, c'est
très important et c'est certainement un problème qu'on a
actuellement en pratique.
M. Johnson (Anjou): Est-ce que je dois comprendre, Me Godin,
selon ce que vous me dites, que vous assimilez cela un peu aux
préoccupations que vous avez sur les stipulations
d'inaliénabilité qu'il ne faut pas créer à
l'article 1238 et aux suivants les bases de ce que constitue un droit que vous
pouvez consentir à un autre, à savoir le droit de
préemption?
M. Godin (Robert): Ce n'est pas tellement le droit... C'est
intéressant de donner le droit de préemption, mais, en pratique,
pour vivre avec cela dans la pratique, on va avoir des problèmes dont je
ne vois pas la solution. Par exemple, si on ne peut pas retrouver le
bénéficiaire du droit, si on ne peut pas établir qu'on a
rempli les conditions mentionnées à l'article 1239 d'une
façon satisfaisante, le titre va être entaché. Vous allez
entacher vos titres, parce que ce sont des droits réels immobiliers que
vous créez. Ce bénéficiaire, vous lui avez quasiment
donné un droit de propriété conditionnel dans l'immeuble
et il peut revenir n'importe quand l'exercer. Les tiers vont aller au bureau
d'enregistrement et vont dire: A-t-il été avisé, n'a-t-il
pas été avisé? Ou celui qui veut vendre et qui ne peut pas
retracer le bénéficiaire du droit pour une raison ou pour une
autre, comment va-t-il se libérer de cette obligation? Comment est-ce
qu'il va libérer son immeuble de cela? C'est dans cet esprit que nous
disions que ce droit devrait demeurer ce qu'il est actuellement, un droit
personnel. Dans le cas de l'indivision on pourrait peut-être avoir un
droit de retrait, ce qui est possible, aussi, mais il ne faudrait pas en faire
un régime général sur ce droit de préemption.
C'était notre attitude.
M. Johnson (Anjou): Une dernière chose. Je suis sûr
que mes collègues ont toutes sortes de questions intéressantes,
notamment sur la copropriété, à vous poser. Je vois le
député de Saint-Laurent qui est là. Sur la notion des
servitudes personnelles, je dois vous dire que cela a fait tiquer un peu
déjà mon entourage. Je ne dirais pas que cela m'étonne que
cela vienne du barreau.
Une voix: Cela remonte à 1789.
M. Johnson (Anjou): Voilà, c'est pour le moins
archaïque comme expression. Est-ce que je pourrais vous entendre un peu
sur l'utilité de ranger dans les servitudes personnelles l'usufruit,
l'usage et l'emphytéose, car nos épidermes sont sensibles
à cette notion des servitudes
personnelles?
Mme Cantin-Cumyn: Les codificateurs ont eu un peu peur aussi des
mots; les anciens codificateurs n'ont pas employé l'expression
"servitudes personnelles" dans le cas du code actuel.
M. Johnson (Anjou): II faut dire que Lincoln les avait
impressionnés un peu.
Une voix: La Révolution française aussi.
Mme Cantin-Cumyn: Oui, c'est un relent de la Révolution
française. Il y avait des susceptibilités qui se sont fait sentir
en France auprès des rédacteurs du Code Napoléon et, pour
nous, cela s'est transposé ici même sans révolution. Les
codificateurs ont rédigé l'article 405 comme suit: "On peut avoir
sur les biens - parce que les codificateurs faisaient la même erreur pour
le mot "biens"; j'aurais dit sur les choses -ou un droit de
propriété, ou un simple droit de jouissance ou seulement des
servitudes à prétendre." La catégorie
intermédiaire, à côté de droit de
propriété et des servitudes à prétendre, simple
droit de jouissance, recouvre la notion de servitudes personnelles. Alors, le
code ne le dit pas, mais c'est l'interprétation que la doctrine de la
jurisprudence en fait. On reconnaît que des servitudes personnelles, cela
existe en droit actuel. On les définit comme étant le droit
réel qu'une personne a dans une chose qui appartient à quelqu'un
d'autre. L'usufruit est un exemple de cela et l'emphytéose aussi. Cela
nous permet de les opposer aux servitudes réelles, une charge qui
grève un immeuble au profit d'un autre immeuble. Peut-être qu'on
n'aime pas l'expression, mais elle est drôlement utile et elle existe en
droit actuel.
M. Lebel: Elle n'est peut-être pas très politique,
mais elle est très juridique.
M. Johnson (Anjou): Ce n'est pas toujours incompatible.
Le Président (M. Vaugeois): Nous allons passer la parole
maintenant au député de Chapleau. Vous parlerez au nom de
l'Opposition, mais je comprends que d'autres députés auront
à intervenir, des trois côtés d'ailleurs.
M. Kehoe: Merci, M. le Président. Au nom de l'Opposition,
il me fait plaisir de souhaiter la bienvenue aux membres du barreau. Je les
remercie pour le mémoire qu'ils ont présenté, un
mémoire extrêmement détaillé, étoffé
de quelque 300 pages. C'est plus qu'un cours de droit. Je pense que, pour
apprendre ce qu'il y a dedans, cela prendrait quasiment une année
d'études. Je félicite les experts qui ont travaillé
à ce mémoire. Pour ma part, avant de lire le mémoire du
barreau et le mémoire de la chambre des notaires, j'avais lu et
étudié la loi elle-même. Je pensais comprendre un peu
l'affaire, mais, après avoir lu votre mémoire, je commence
à voir combien il y a des problèmes importants et comment la
chose est compliquée.
M. le bâtonnier Lebel, vous avez mentionné dans vos
remarques d'ouverture que, nécessairement, il s'agit d'un ouvrage
fondamental qui est commencé depuis 20 ans et que c'est une chose
extrêmement compliquée. Pour les membres du barreau, il s'agit
d'un problème majeur d'adaptation, lorsqu'il s'agit de changements, de
reforme pièce par pièce. Je me pose des questions. Quelle autre
alternative suggérez-vous pour rectifier le problème? Comme je
l'ai mentionné, j'imagine que les membres du barreau, les avocats
pratiquants vont comprendre l'envergure du problème, les détails
et la complexité de l'affaire. (11 h 45)
Effectivement, j'ai bien l'impression qu'il faut absolument retourner
à la classe. Il faut absolument avoir des experts comme ceux qu'on a
entendus ce matin. Mais de quelle autre manière suggérez-vous au
ministre de la Justice de procéder pour qu'il puisse intégrer
à la fois la réforme qui s'impose et la possibilité des
membres pratiquants du barreau de comprendre, de saisir et d'être au
courant des changements?
M. Lebel: Nos observations dans le passé ont porté
non pas tellement sur les conséquences des changements pour les membres
du barreau, qui devront de toute façon se recycler à bien des
égards une fois que cette réforme sera accomplie, que sur la
procédure d'adoption qui semble être celle qui a été
adoptée depuis quelques années. J'ai eu l'occasion à
différentes reprises, comme mes prédécesseurs d'ailleurs,
de faire des observations au ministre de la Justice et aussi à certains
membres de l'Opposition sur le sujet. Quant à moi, j'ai toujours
pensé -j'ai peut-être tort - que la méthode suivie
compliquait appréciablement l'adaptation de la pratique et des usagers
de ce système parce que, à l'heure actuelle, la méthode
suivie a été une méthode essentiellement d'adoption du
Code civil par chapitre ou par titre.
À l'heure actuelle, nous avons en vigueur une partie du nouveau
droit de la famille et ce système nous oblige en réalité
à vivre presque trois systèmes de droit différents:
l'ancien système du code, le système existant tel qu'il est
modifié par de nouvelles parties du Code civil, parties qui sont
elles-mêmes affectées par l'entrée en vigueur de nouvelles
dispositions et, finalement, le système nouveau. Cela
démultiplie, évidemment, le problème de ce que l'on
appelle en droit le droit transitoire, c'est-à-dire l'adaptation des
actes existants, des situations juridiques et aussi, ce qui est important, des
formules, des types d'actes et des types de documents qui sont en usage dans la
pratique juridique. On se voit obligé de passer en un certain nombre
d'années à travers trois, sinon quatre systèmes
différents.
Le barreau avait déjà suggéré que
l'Assemblée nationale pourrait étudier et adopter successivement
l'ensemble des livres, mais ne les mette en vigueur que comme un tout, une fois
l'ensemble de la réforme connu, en donnant un délai qui pourrait
être d'un an, de deux ans, etc., pour que les praticiens, les
professeurs, en somme tous ceux qui ont eu à utiliser ce code, ce qui
est en réalité l'ensemble des citoyens, puissent quand même
se familiariser et aussi qu'on puisse dégager certaines études,
certaines interprétations et que la pratique juridique soit prête
à l'accepter et à la vivre.
À l'heure actuelle, le ministère de la Justice semble
avoir retenu la solution de deux blocs d'adoption, c'est-à-dire un bloc
qui comprendrait les personnes, les successions et les biens. Par la suite,
nous verrions un autre bloc comprenant, je présume, les obligations, les
contrats nommés, le droit des sûretés possiblement et
l'enregistrement des droits. Ce sont des blocs relativement cohérents;
cependant, tout ce que nous faisons, par exemple, sur le droit des biens a
quand même des incidences immédiates, d'une part, sur certains
aspects du droit des contrats et aussi sur tout le droit des
sûretés, du financement commercial ou immobilier. C'est clair que,
même si le droit des sûretés n'est pas formellement
changé, dès que le nouveau droit des biens est en vigueur, c'est
pour la pratique juridique, c'est pour les emprunteurs et pour les
prêteurs un nouveau système juridique et un système qui
devra être lui-même modifié à nouveau une fois que le
nouveau droit des sûretés sera en vigueur. Cela veut dire que,
pour certaines institutions, par exemple pour les études d'avocats ou de
notaires, etc., ce sera l'obligation de développer en peu
d'années trois ensembles de formules ou de types d'actes
différents. Cela alourdit considérablement l'adaptation au
système pour la pratique juridique et aussi sur le strict plan
législatif et je pense que cela complique de façon assez grave le
problème de la rédaction de la loi sur le droit transitoire.
Je ne sais pas quel sera le projet de loi gouvernemental, mais on peut
se douter assez bien qu'il y a quand même beaucoup de textes à
rédiger, beaucoup de situations juridiques à vérifier et
qu'on devra, avec ce mode d'adoption, refaire l'exercice deux ou trois fois
avec des risques accrus d'erreurs, l'obligation de reprendre certains concepts,
de faire de nouvelles vérifications. À mon sens, cela risque de
retarder d'autant l'adoption de la réforme globale ou, au moins, de
rendre beaucoup plus difficile à ceux qui auront à la vivre
l'adaptation au nouveau système.
Finalement, je vous dirais que ce ne seront pas seulement les avocats,
les notaires ou les juges mais les citoyens qui supporteront cela parce que,
par exemple, lorsqu'on parle de modifications de formulaires, des textes, des
pratiques, cela se reflète dans des coûts juridiques, dans des
coûts de préparation d'actes qui seront quand même
augmentés par la multiplication des changements législatifs.
De ce côté, je pense que peut-être un des
éléments les plus critiques de toute la réforme du Code
civil, c'est le règlement de ce problème du droit transitoire, du
changement d'un système juridique à l'autre.
M. Kehoe: Pour aider à la transition, je pense que le
barreau met à la disposition de ses membres des cours de formation dans
chaque domaine, que ce soit la succession, les personnes ou les biens.
Dès que les lois sont adoptées, et à mesure qu'il y a des
changements à la loi, si je ne me trompe, l'école du barreau met
immédiatement ces cours à la disposition des membres.
M. Marx: Mais les professeurs sont mêlés. C'est
là aussi un problème.
M. Lebel: Évidemment, c'est quelque chose que nous
essayons de faire. Lorsque le gouvernement a mis en vigueur le nouveau droit de
la famille, le barreau avait organisé immédiatement une
série de cours qui ont été donnés un peu partout
dans la province et intégrés à sa formation
professionnelle. Je n'ai pas de doute que, quelle que soit la méthode
qui sera retenue pour l'adoption du Code civil, comme barreau, nous aurons une
obligation sociale, aussi bien vis-à-vis de nos membres que de leurs
clients, de faire en sorte qu'une formation soit disponible aussi bien pour les
avocats en exercice que pour ceux qui se destinent à la profession.
M. Kehoe: D'accord, M. le Président.
Le Président (M. Rivest): Oui.
M. Kehoe: Comme mon collègue de Saint-Laurent a dit hier
que, sur sur chaque article, il y a des questions, des clarifications des
problèmes qui s'imposent, je ne pense pas qu'on aura le temps ici de
poser des questions sur chacun des articles que nous avons à
étudier. Je pense qu'il y a plusieurs intervenants qui ont
mentionné ce
matin l'article 998, qui est la définition du mot
"propriété". J'adresse ma question à M. le ministre.
Tantôt, il a répondu en partie, mais je n'ai pas saisi
complètement sa réponse. Je veux savoir pour quelle raison le
gouvernement ou le ministère décide de renverser
complètement le fardeau de la preuve, de changer la philosophie de la
loi en ce qui concerne la définition du mot "propriété"?
Auparavant, dans la loi, comme on le sait, la personne avait la jouissance de
disposer librement et complètement de ses biens. Maintenant, le fardeau
est changé complètement. Pour quelle raison ce changement
fondamental dans la loi? Je pense qu'ici, dans le projet de loi 58, c'est
probablement le changement le plus profond qu'il y ait dans la loi
jusqu'à maintenant. Je pense que les intervenants ont mentionné
ce fait ce matin. Je me demande s'il y a eu des études pour amener le
ministère à adopter un changement aussi radical et aussi
bouleversant avec le passé.
M. Johnson (Anjou): D'une part, c'est parce qu'on a suivi
là-dessus les recommandations de l'office. Peut-être qu'on
n'aurait pas dû. On est ici pour en discuter. L'office, cela faisait
environ vingt ans, à toutes fins utiles, soyons plus réalistes,
cela faisait environ douze ans, et théoriquement une vingtaine
d'années, qu'il était en train de voir la révision.
Il faut se rappeler, à la fin des années soixante, au
début des années soixante-dix, la prolifération des
domaines de droit nouveau intéressant l'État, soit dans le
secteur de l'environnement, soit dans le secteur des richesses naturelles, soit
dans des activités touchant les loisirs. On a assisté à
une espèce de foisonnement, à la fin des années soixante
et au début des années soixante-dix, dans le cadre d'une
croissance économique qui facilitait les choses aux visions
étatistes d'une collectivisation des problématiques. Je pense
qu'un peu dans ce contexte, l'office, composé de juristes
éminents qui ont véhiculé le conservatisme qu'on reproche
à l'occasion à la profession, mais qui n'est pas toujours un
défaut, croyait peut-être - non pas pour des raisons
idéologiques; je pense que vouloir faire des gens de l'office des
marxistes à tout crin, cela serait un peu étonnant; des
marxistes, je n'ai pas dit des marxiens - au moment où il a fait son
rapport, traduire une espèce d'approche nouvelle qui faisait un peu le
sens commun. D'ailleurs, certains des gens que je vois assis en face de moi y
ont été sous d'autres gouvernements. On avait l'impression que
les problématiques collectives l'emportaient sur les
problématiques individuelles par la présence et l'intervention de
l'État. Je pense qu'ils ont voulu un peu s'ajuster à cela en se
disant que le rôle du droit, c'est aussi de refléter un peu
l'état de la sociologie.
D'ailleurs, je prends comme exemple cette notion où l'on dit que,
comme l'eau devient une chose rare, est considérée comme une
chose rare, elle doit donc être considérée comme un bien
d'État et que l'État doit entourer cela de sa présence
pour donner des autorisations d'utilisation, etc. Cela provient de ce type de
problématiques. Je pense que, dans le cas de l'eau, on a raison. Tout le
monde nous dit qu'on a raison partout sur le continent. Il faut faire attention
à l'eau et il n'est pas vrai qu'il faut tenir pour acquis que, parce
qu'on a un million de rivières et de lacs au Québec, cela veut
dire que nous n'aurons pas de problème de gestion de l'eau dans les
vingt-cinq prochaines années. Dans le fond, on traduit cela par une
limitation de ce qui était classiquement le droit de
propriété des individus à l'égard de ces choses qui
font partie du bien-fonds.
L'article 988 est intervenu comme voulant un peu coiffer cette approche,
mais, je dois vous le dire, que nous aurons sans doute à remettre
l'article 988 en question à la lumière des commentaires qui nous
ont été faits par les membres du barreau et d'autres. Cela ne
correspond pas tout à fait à ce qui était l'objectif ou,
enfin, je ne suis pas sûr que l'office referait le même genre de
suggestion à la lumière du genre de débats qu'on a eus. De
toute façon, cela ne lui appartient plus; cela appartient au
législateur de décider.
Je ne sais pas si cela répond à la question du
député, s'il voulait entendre de ma bouche des
déclarations de "Das Kapital" ou du grand manifeste...
M. Kehoe: Mais on a l'assurance, d'après le ministre,
qu'une décision définitive n'est pas prise en ce sens. Vous allez
entendre les revendications du barreau et des autres intervenants.
M. Johnson (Anjou): Non non, vous avez remarqué qu'on a
écouté très attentivement et on va lire leur
mémoire et les débats de la commission. On est sensible à
cela.
M. Kehoe: Oui j'ai remarqué cela et j'espère que
vous ne ferez pas seulement écouter, mais que vous verrez aussi à
mettre en action ces recommandations.
M. Johnson (Anjou): C'est cela. Mais on verra cela. Je suis
sûr qu'on verra le député à l'étude
détaillée du projet de loi, M. le Président.
M. Kehoe: Une dernière question. En ce qui concerne les
condominiums et le "time-sharing", la législation actuelle ou les
projets de législation, je me demande si le barreau a eu l'occasion
d'étudier les lois des autres provinces ou des États-Unis et de
voir
si la loi du Québec ou les propositions que nous avons devant
nous sont basées sur l'expérience vécue aux
États-Unis ou ailleurs. C'est un concept nouveau, que ce soit le
"time-sharing", les condominiums ou la copropriété. Est-ce
similaire à des lois adoptées dans d'autres provinces ou à
des lois des États-Unis? (12 heures)
M. Godin (Robert): Je pense que vous devez savoir qu'il y a eu un
comité de travail qui a été formé au
ministère de la Justice sur la copropriété auquel ont
participé des représentants des propriétaires de
condominiums, le ministère, le barreau, la chambre des notaires. Je ne
sais pas s'il y avait d'autres groupes. J'ai participé aux travaux de ce
comité. Certainement - à ma connaissance - les rédacteurs
se sont inspirés des lois américaines et les ont adaptées.
Sur le "time-sharing", évidemment, comme je le disais tout à
l'heure, il n'y a rien dans le moment dans le projet de loi. Il y a seulement
une référence un petit peu oblique au "time-sharing". On y fait
référence en passant. Il n'y a rien qui organise le
"timesharing". Il n'y a rien qui traite vraiment du "time-sharing". Mon
commentaire de tout à l'heure, c'était que c'est dangereux de
faire cela étant donné qu'on ne sait pas vraiment ce que c'est le
"time-sharing". Dans l'économie de notre droit actuel, cela ne
s'insère pas vraiment. Il faudrait vraiment avoir des dispositions bien
précises. Il y en a. On peut certainement s'inspirer, cela s'est fait
et, comme vous le savez, l'expérience est bien connue aux
États-Unis. Il y a des problèmes particuliers avec le
"time-sharing". Il y a de nombreux États américains qui l'ont
développé et on peut s'inspirer de cela.
Le Président (M. Rivest): Merci, M. le
député de Chapleau. M. le député de Deux-Montagnes
et, par la suite, M. le député de Saint-Laurent, s'il y a
consentement de la commission pour qu'un invité, le député
de Saint-Louis, puisse également poser une question.
M. de Bellefeuille: Merci, M. le Président. Vous nous avez
fait un certain nombre d'observations sur l'emphytéose. J'ai dû
m'absenter quelques minutes tout à l'heure. Je ne sais pas si, pendant
ce temps-là, vous avez parlé d'emphytéose. De toute
façon, ce n'est pas tellement sur vos observations que je voulais
revenir, mais plutôt pour chercher à comprendre dans quelle mesure
et de quelle façon le projet de loi modifie les conditions de
l'emphytéose par rapport au Code civil antérieur.
Ma question est plus particulièrement celle-ci: L'idée est
assez généralement répandue que l'emphytéose permet
au locataire de conserver à la fin du bail la propriété de
ses améliorations. Je voudrais vous demander dans quelle mesure cette
idée est fondée en vertu du code actuel et dans quelle mesure
elle serait fondée advenant l'adoption du projet de loi.
M. Godin (Robert): Je pense que, dans le droit actuel de
l'emphytéose, le locataire ne conserve pas la propriété
des améliorations. Il est de l'essence même de l'emphytéose
qu'à l'expiration du terme le propriétaire du fonds, le bailleur,
reprend la propriété avec les améliorations, sans
indemnité. C'est, d'ailleurs, une des considérations essentielles
de l'emphytéose. C'est une des raisons de base historiquement de
l'emphytéose, qui prévoyait que le preneur ou le locataire devait
faire des améliorations. La rente en général était
très basse, sinon minime, justement à cause de cet
élément.
M. de Bellefeuille: Pour tenir compte de cet
élément-là, le projet de loi ne modifie pas cet aspect de
l'emphytéose.
M. Godin (Robert): Cet aspect n'est pas modifié. Le projet
de loi - on ne parlera pas vraiment des questions de rédaction - dans
l'ensemble rend beaucoup plus flexible, beaucoup plus articulée au point
de vue pratique l'utilisation de l'emphytéose. On a des problèmes
pratiques en ce moment. Nos tribunaux interprètent d'une façon
très restrictive l'emphytéose. Des clauses qui étaient
considérées par tout le monde comme étant compatibles avec
l'emphytéose sont aujourd'hui catégorisées comme
étant des clauses qui détruisent la nature emphytéotique
des baux. La Cour d'appel, comme je le disais tout à l'heure, vient de
rendre un jugement très récemment dans la question de l'île
des Soeurs, qui va rendre l'utilisation de l'emphytéose presque
impossible à toutes fins utiles. Le projet de loi assouplit certainement
l'utilisation de l'emphytéose.
Il y a un point qui nous a frappés. On a laissé tomber la
notion de rente. Il nous apparaît essentiel qu'il y ait une rente
emphytéotique. C'est de l'essence du bail qu'il y ait une rente. On ne
comprend pas pourquoi on a laissé tomber la notion de rente. La
définition de l'article 1222, on l'a retravaillée, on a des
suggestions. La définition donnée par le projet dit:
"L'emphytéose est un droit par lequel une personne acquiert..." On croit
que ce serait plus exact de dire: L'emphytéose est un droit réel
immobilier résultant, etc. Il y a des efforts de rédaction qui
ont été faits de ce côté. Également, il y a
un point qui nous a frappés en matière d'emphytéose, c'est
celui qui prévoit que, si le bail est terminé, les droits
réels en faveur des tiers ne sont pas nécessairement
annulés. Cela peut créer d'épouvantables problèmes.
Vous avez le cas
de votre preneur qui est en défaut au terme de son bail, qui a
hypothéqué la propriété et le bailleur reprend
l'immeuble grevé d'hypothèques par le preneur. Cela nous
apparaît inique, on ne comprend pas pourquoi cela a été
introduit. Il y a différentes choses comme celles-là qui ont
été mentionnées dans notre mémoire, mais, dans
l'ensemble, nous sommes favorables à l'assouplissement de
l'institution.
M. de Beliefeuille: Quel est l'article auquel vous venez de faire
allusion? L'article 1235?
M. Godin (Robert): L'article 1235: "À la fin de
l'emphytéose, le propriétaire reprend l'immeuble libre de tous
droits et charges nés pendant l'emphytéose, sauf si la fin de
l'emphytéose résulte de la résiliation du contrat". Cela
nous apparaît inique. Si le preneur fait défaut à ses
obligations ne les remplit pas et que le bail est résilié, le
bailleur va reprendre l'immeuble grevé de toutes les hypothèques;
cela n'a pas de sens. Par exemple, le preneur devait faire des
améliorations, il ne les a pas faites ou il fait faillite, il fait
défaut en cours de route, l'immeuble est hypothéqué
à 100% ou 150% de sa valeur. S'il y a résiliation, d'après
l'article 1235, le bailleur va reprendre l'immeuble complètement
grevé d'hypothèques. On ne voit pas la raison; alors, on a une
suggestion: si la résiliation est à l'amiable, s'il y a collusion
en quelque sorte entre le bailleur et le preneur, les tiers ne devraient pas
être affectés. Il y a toutes sortes de petits détails comme
cela. Merci.
Le Président (M. Vaugeois): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Leduc (Saint-Laurent): Je voudrais m'adresser à Me
Lebel. Je voudrais revenir sur la notion du droit de propriété.
Le ministre nous a dit qu'il pourrait revoir l'article 988; j'en suis bien
heureux. Personnellement, je ne suis pas tellement d'accord avec la
définition du droit de propriété de l'article 988.
Maintenant, je voudrais également connaître vos
réactions aux articles qui briment le droit de propriété,
qui sont pratiquement ou presque des expropriations. J'en ai relevé
certains, mais il y en a peut-être plus que cela. Les articles 1031, 1032
et également 1033, si vous voulez les prendre en note, l'article 1045,
qui parle des semelles, ce qui me semble... ensuite, l'article 1066: On peut
satisfaire un indivisaire au moyen d'un bien en nature ou en espèces, en
numéraire; l'article 1110: Si le copropriétaire transgresse, on
lui enlève son... en fait, on peut même le forcer, l'exproprier,
c'est une véritable expropriation, on peut disposer de son appartement;
les articles 1121, 1122 et 1124, les quotes-parts, la question des droits,
celle des voix attribuées à chacun des
copropriétaires...
Mme Vadboncoeun Quelle est votre question?
M. Lebel: Vous voulez nos commentaires sur l'ensemble de ces
dispositions?
M. Leduc (Saint-Laurent): Vos réactions sur ces articles
qui, à mon sens, empiètent d'une façon considérable
sur le droit de propriété.
M. Lebel: Un certain nombre de ces dispositions ont fait l'objet
de commentaires spécifiques dans notre mémoire. Vous mentionniez,
par exemple, les articles 1110 à 1132, qui portent... Je pense que
c'était le cas des semelles...
M. Leduc (Saint-Laurent): Non, c'était
l'empiétement.
M. Lebel: L'empiétement?
M. Leduc (Saint-Laurent): Ne croyez-vous pas qu'à un
moment donné il pourrait y avoir une exagération si un
empiétement assez considérable avait lieu et qu'à la suite
de cet empiétement le propriétaire ou le voisin perdait le droit
d'ériger une propriété parce qu'il n'aurait pas la
superficie de terrain suffisante pour répondre aux exigences d'un
règlement municipal?
M. Lebel: Dans notre texte, nous avons suggéré
certaines options, entre autres, que l'on retrouve ici, c'est-à-dire
l'obligation de payer aussi bien la valeur actuelle du droit acquis que les
dommages. En somme, pour nous, dans une telle situation d'empiétement
consacré par la législation, il n'y aurait pas seulement, si vous
voulez, une espèce de pouvoir d'expropriation privée, mais il y
aurait aussi une obligation d'acquitter les dommages effectivement subis et
démontrables. L'idée d'une disposition comme celle-ci me semble
être d'éviter autant que possible la démolition
d'édifices, de constructions qui existent déjà à un
moment où le préjudice serait peut-être, finalement, plus
grand pour celui qui a érigé la construction en question que pour
celui qui se voit parfois privé de quelques pouces ou de quelques pieds
de sa propriété. C'est parfois une méthode pour
régler des problèmes secondaires de titres. Je ne pense pas qu'il
y ait un substrat idéologique dans une disposition comme celle-ci.
M. Leduc (Saint-Laurent): Vous voulez absolument que la notion
d'indemnité soit
insérée à l'article et non pas seulement que ce
soit la valeur actuelle de la parcelle?
M. Prévost: C'est peut-être pour cela qu'entre
autres à l'article 1032, deuxième paragraphe, on a parlé
du préjudice sérieux. On parlait seulement d'empiétement
important. Je me souviens, entre autres, qu'on en a discuté en
commission. On a dit: Le problème de celui qui a un terrain d'une
grandeur assez limitée et qui veut y construire une piscine, c'est qu'il
est obligé -je pense que c'est un peu ce à quoi vous vous
référiez - de respecter des distances qui sont établies
par un règlement municipal et, parce que le voisin a
empiété chez lui, il ne peut plus se construire une piscine.
Évidemment, on aura toujours à évaluer ce qui est le
préjudice sérieux, mais c'est la raison pour laquelle on a
insisté pour insérer au deuxième paragraphe la question du
préjudice du propriétaire. Peut-être que
l'empiétement ne sera pas important en soi, mais, pour le
propriétaire qui a acheté une maison avec cette superficie de
terrain exprès pour y mettre une piscine, cela lui cause un
préjudice sérieux. À ce moment, il peut obliger celui qui
a empiété chez lui à racheter sa propriété
en entier et à lui payer des dommages. C'est peut-être pour,
justement, limiter un peu la portée de ces empiétements ou de la
reconnaissance d'empiétement qu'on a inscrit cette notion de
préjudice.
M. Lebel: En fait, on est aussi, et on le sait depuis longtemps,
une société qui est assez fortement urbanisée dans des
villes, dans des centres comme Montréal, Québec, etc., et il peut
y avoir bien des petits problèmes de voisinage, etc. Il faut autant que
possible trouver et dégager des solutions législatives qui
permettent le règlement pratique par voie de paiement
d'indemnités, etc., plutôt que par la multiplication des
procédures en démolition ou toute autre solution.
M. Prévost: D'ailleurs, c'est encore dans cette optique
que vous aviez cité l'article 1045, entre autres. Sur les semelles des
murs; on a ajouté dans l'amendement qu'on propose "moyennant
compensation préalable". Évidemment, si quelqu'un vient
empiéter sur ma propriété en y mettant la semelle de sa
fondation ou de son édifice, je veux au moins être
compensé. C'est dans cet esprit et peut-être pour éviter
cette multiplication d'injonctions qui ont existé dans le passé
pour empêcher des gens de faire certains travaux ou des choses comme
cela.
M. Lebel: Maintenant, il y a d'autres règles qui sont
peut-être plus critiquables sur le plan des principes. Je pensais, par
exemple, en matière de copropriété, à une question
que vous avez soulevée tout à l'heure quant au droit de vote des
copropriétaires à l'article 1121, interdisant à un
copropriétaire de disposer de plus de 10% de l'ensemble des voix des
copropriétaires. Cela serait vraiment une espèce d'expropriation
privée ou de dépossession du propriétaire d'un certain
nombre de droits qui sont normalement attachés à la
détention d'une unité dans une copropriété. (12 h
15)
M. Leduc (Saint-Laurent): Sur cet article, il me semble qu'il n'y
a pas tellement de cohérence entre le principe émis à
l'article 1121 et celui de l'article 1122. Vous dites à l'article 1121
que cet alinéa est antidémocratique. Je serais d'accord.
À l'article 1122, où on établit également un
certain mécanisme pour établir la quote-part, vous ne dites rien
et pourtant le principe est exactement le même. Me Godin, je
réalise que, pour être un bon avocat, il faut peut-être
avoir été notaire d'abord.
M. Lebel: Cela ne fait pas de tort.
M. Leduc (Saint-Laurent): Ce n'est peut-être pas un
prérequis, mais cela peut aider.
M. Godin (Robert): Cela s'inscrit dans tout le problème de
la transition entre le moment où le développeur contrôle la
copropriété et vend les unités aux acheteurs. On essaie de
régler un problème: on a eu des cas où les promoteurs
demeuraient propriétaires d'unités et, au lieu de les vendre, ils
les louaient. Dans une même copropriété, vous avez le
propriétaire, le développeur avec ses locataires, et vous avez un
petit nombre de vrais copropriétaires, de vrais habitants qui ont
acheté des unités. Il y a tellement de différence dans la
force du vote que le promoteur conserve le contrôle indéfiniment
et que les vrais acheteurs n'ont pas un mot à dire. On a essayé
de trouver une façon de régler cette question dans le
comité dont je faisais partie et c'est une solution qui a
été suggérée de diminuer les voix progressivement.
C'est uniquement pour donner une chance aux acheteurs de graduellement prendre
le contrôle de l'immeuble qu'ils habitent.
M. Leduc (Saint-Laurent): Avez-vous pris connaissance de la
recommandation de la chambre des notaires, qui utilise la règle
française?
M. Godin (Robert): Non, je n'en ai pas pris connaissance.
M. Leduc (Saint-Laurent): Si vous
détenez plus de 50% des voix, on ramène votre pourcentage
à 50%.
M. Godin (Robert): On l'avait regardé en
comité...
M. Leduc (Saint-Laurent): Vous n'y êtes pas favorables?
M. Godin (Robert): ...et on est plus favorables à celle
d'ici.
M. Leduc (Saint-Laurent): En ce qui concerne le promoteur, vous
êtes d'accord à limiter sa quote-part et à la
réduire progressivement sur une période de trois ans?
M. Lebel: Son droit de vote?
M. Leduc (Saint-Laurent): Mais, à l'article 1121, vous
recommandez de retrancher le deuxième paragraphe purement et
simplement.
M. Godin (Robert): Ce n'est pas pareil. C'est pour empêcher
que quelqu'un mobilise toutes les voix par procuration, sauf qu'on a voulu
faire, si on conservait cette règle-là, l'exclusion pour le
créancier hypothécaire qui se fait céder les droits de
vote en garantie de sa créance, soit qu'on l'enlève ou qu'on la
tempère pour le créancier hypothécaire.
M. Leduc (Saint-Laurent): Me Godin, on a parlé de
l'emphytéose au chapitre de la copropriété. Croyez-vous
que ce projet de loi permet d'établir une copropriété sur
un terrain vacant?
M. Godin (Robert): Dans le moment? Je ne pense pas que cela le
dise clairement.
M. Leduc (Saint-Laurent): C'est ce que j'ai cherché et
recherché. Ne croyez-vous pas que le projet de loi devrait
prévoir...
M. Godin (Robert): Que c'est possible?
M. Leduc (Saint-Laurent): ...que la copropriété sur
un terrain vacant serait possible?
M. Godin (Robert): Je sais que le cadastre a traditionnement pris
la position qu'il ne voulait pas que cela se fasse, mais je pense
qu'actuellement le cadastre est en train de reconsidérer cette position.
Il y a un problème pratique de savoir comment déposer un plan de
sous-division en trois dimensions quand les éléments qu'on
crée ne sont pas là. Je comprends ce que vous voulez dire, mais
il y a quelque chose de difficile à concevoir que vous créez une
subdivision de quelque chose de purement abstrait. Vous subdivisez...
M. Leduc (Saint-Laurent): On l'a subdivisé à
l'horizontale.
M. Godin (Robert): Quand vous créez une
copropriété, c'est pour subdiviser, mais il n'y a rien
là.
M. Leduc (Saint-Laurent): Cela permettrait peut-être le
développement des phases si on adoptait le principe de la
copropriété à l'horizontale.
M. Godin (Robert): Je ne comprends pas ce que vous voulez dire
par copropriété à l'horizontale.
M. Leduc (Saint-Laurent): En tout cas, le gros problème du
"time-sharing" et des développements par phases, c'est qu'on ne peut
établir à l'avance la quote-part. Il y a un élément
qui manque complètement. On parle beaucoup du "time-sharing",
copropriété partagée, mais je ne pense pas qu'avec la loi,
telle qu'on la connaît aujourd'hui on puisse procéder à un
"time-sharing".
M. Godin (Robert): Je suis d'accord avec vous, sauf que...
M. Leduc (Saint-Laurent): Puis, pour les phases, c'est la
même chose. Vous en parlez dans votre mémoire. Vous parlez des
développements de la propriété par phases, mais je ne
pense pas qu'on puisse y arriver. Il faudra connaître les quotes-parts et
être bien certain que les développements vont se faire, que la
phase 2 va se faire. À ce moment, on répartirait donc les
quotes-parts entre les deux phases. C'est purement aléatoire, n'est-ce
pas?
M. Godin (Robert): Si vous regardez la législation de la
Virginie, je pense, il y a des dispositions particulières sur le
développement par phases, s'il y a des phases prévues, surtout
dans le domaine des équipements communautaires, par exemple. Vous
achetez une copropriété et on vous dit: II va y avoir une belle
piscine, des tennis, ceci et cela. Comment obliger le développeur
à cela, quel genre de protection est-ce que le propriétaire va
avoir? Il y a des dispositions particulières en vertu de la loi de la
Virginie qui créent une obligation de décrire ces
améliorations, ce que cela va être, et de donner des garanties
à certains égards qui peuvent être des garanties
financières, des cautionnements, des choses comme cela.
En tout cas, on n'a pas vraiment traité dans le projet de cet
aspect. Je suis d'accord avec vous, ce qui nous inquiétait le plus dans
le "time-sharing", c'est qu'on y fait référence. Étant
donné qu'on y fait référence dans le Code civil, cela
semble vouloir dire que c'est possible. Par ailleurs, on n'en parle plus jamais
et, du point de vue concept de
droit, comment cela peut-il se faire? Qu'est-ce que c'est, dans notre
notion du droit de propriété, que la propriété
successive? Je ne le sais pas. Peut-être le savez-vous, mais moi, je ne
le sais pas. Puis, il n'y a rien dans le projet qui traite de cela. Je pense
qu'il y a vraiment une lacune. Ou bien on en parle ou bien on n'en parle
pas.
M. Leduc (Saint-Laurent): Je voudrais maintenant toucher le
chapitre des vues. Vous constatez dans votre mémoire que les vues
obliques ont disparu. J'ai suggéré de peut-être aller plus
loin et de faire disparaître également les vues directes. Vu
aujourd'hui peut-être les dimensions très restreintes des
terrains, la promiscuité des voisins, je me demandais si cela brimerait
tellement le droit de propriété que d'enlever les vues
illégales.
Ce qu'on fait aujourd'hui, on prépare des servitudes et on
légalise cela. Puis, on est heureux, tout le monde est heureux. C'est
tout un problème, si on n'a pas pu les obtenir. Mais je ne pense pas que
cela nuise tellement au voisin, que cela brime son droit de
propriété, même les vues directes.
D'ailleurs, on a aménagé un petit peu l'ancien code au
paragraphe 3 de 1034. On semble maintenant permettre des vues directes pour
autant que cela donne sur un terrain vacant. C'est ce que j'ai pu comprendre.
Si cela donne sur un terrain vacant, cela ne serait pas une vue
illégale. Je voudrais connaître ce que vous pensez de cette
proposition de faire disparaître complètement les vues
illégales.
M. Godin (Robert): Oui, je suis d'accord avec vous. Je sais qu'en
pratique, quand il y en a, on fait des servitudes. Je ne pense pas que cela
change grand-chose. Quand on se promène en Ontario, ils n'ont pas cette
notion et je pense que cela n'a jamais changé grand-chose.
Je suis d'accord avec vous. C'est une tradition. On a cette notion de
vue directe. On était heureux de voir la disparition des vues obliques.
Cela semblait vraiment créer des maux de tête pour rien.
Personnellement, je n'aurais pas d'objection et je ne pense pas que le barreau
aurait d'objection à ce que toute cette notion de vues...
M. Leduc (Saint-Laurent): Est-ce que le comité est
d'accord ensemble pour que le...
M. Godin (Robert): ...disparaisse. Je crois que la
réglementation municipale sur les lignes de retrait couvre ces notions
bien adéquatement.
M. Leduc (Saint-Laurent): II faudrait s'en remettre, c'est
sûr, à la réglementation municipale.
M. Godin (Robert): À la réglementation
municipale.
M. Leduc (Saint-Laurent): Maintenant, en ce qui concerne
l'usufruit, je voudrais qu'on regarde les articles 1176, 1177 et 1178. Je pense
qu'on a corrigé une situation qui était inacceptable. C'est que
l'usufruit cessait dès que l'objet disparaissait. Donc, si on avait un
usufruit sur une propriété et qu'il y avait un feu, l'usufruitier
perdait son droit d'usufruit sans aucune compensation, sans aucune
indemnité. Je pense que c'était absolument inacceptable, d'autant
plus qu'il avait, à mon sens, un droit, un intérêt
assurable.
En lisant les articles 1176, 1177 et 1178, si je comprends bien,
l'usufruitier aurait l'obligation d'assurer et, en plus, le propriétaire
et l'usufruitier auraient le droit d'assurer leur intérêt en sus,
et l'indemnité en résultant leur appartiendrait respectivement.
Est-ce que j'ai bien saisi, bien compris, et est-ce bien ce que cela veut
dire?
Mme Cantin-Cumyn: La question de l'assurance de l'objet de
l'usufruit pose des problèmes. Lorsqu'on a un usufruit sur une chose, on
a deux personnes qui ont un droit réel sur la chose. On
interprète cela comme un démembrement du droit de
propriété, avec le résultat qu'il y a deux personnes qui
ont un intérêt assurable sur cette chose. Le
nu-propriétaire peut assurer son propre intérêt en droit
actuel et l'usufruitier aussi. Chacun s'assure pour ses risques à lui.
C'est vrai que le code dit en droit actuel: Si l'usufruit porte sur un
bâtiment seulement et que le bâtiment est complètement
détruit, l'usufruit est éteint. Mais, évidemment,
l'usufruitier avait tout le temps la possibilité de s'assurer.
M. Leduc (Saint-Laurent): Non, il ne pouvait pas.
Mme Cantin-Cumyn: Oui, absolument.
M. Leduc (Saint-Laurent): II n'avait pas un intérêt
assurable.
Mme Cantin-Cumyn: Alors, je regrette, je diverge d'opinion avec
vous.
M. Leduc (Saint-Laurent): J'ai vérifié avec presque
toutes les compagnies d'assurances et je n'ai jamais été capable
de trouver une compagnie d'assurances qui voulait assurer
l'intérêt de l'usufruitier.
Mme Cantin-Cumyn: Ce n'est pas parce que le droit
défendait à l'usufruitier de le faire, c'était
peut-être la pratique qui ne voulait pas donner suite au droit. Je pense
que c'est très différent.
M. Leduc (Saint-Laurent): Mais c'est arrivé quand
même, c'était absolument impossible.
Mme Cantin-Cumyn: La suggestion du barreau de dire que
l'usufruitier peut assurer et ensuite l'article qui parle à la fois de
l'usufruitier et du propriétaire empêcheraient désormais
l'assureur de refuser l'assurance. Pour moi, le problème en est un de
pratique. Ce n'était pas le droit qui empêchait l'usufruitier de
s'assurer. Il a un intérêt assurable dans la chose.
M. Leduc (Saint-Laurent): Moi aussi, je disais cela, mais cela ne
changeait rien aux résultats. C'est qu'on était incapable de
l'assurer.
Mme Cantin-Cumyn: Oui, mais, à partir du moment où
le code dit expressément qu'il peut, alors là l'assureur n'aura
plus le même argument et on n'est pas contre cela.
M. Leduc (Saint-Laurent): L'article 1178 dit: "L'usufruitier ou".
Cela veut donc dire "et"; "ou" veut donc dire "et" le
nu-propriétaire.
Mme Cantin-Cumyn: Oui, pour son compte, j'imagine. On l'a compris
comme cela.
M. Leduc (Saint-Laurent): Vous êtes d'accord avec cela, M.
le ministre?
Mme Cantin-Cumyn: C'est "ou" pour un "et". L'un et l'autre, l'un
ou l'autre.
M. Leduc (Saint-Laurent): Parce que le deuxième paragraphe
dit: "L'indemnité leur appartient respectivement."
M. Johnson (Anjou): On comprend que c'est l'un et l'autre l'un ou
l'autre, peut ou peuvent.
Mme Cantin-Cumyn: C'est cela.
M. Johnson (Anjou): Ce n'est pas un "ou" disjonctif.
M. Leduc (Saint-Laurent): Je veux simplement que cela soit bien
clair.
M. Marx: Ce sera bien clair dans les notes explicatives qu'il va
sûrement nous donner.
M. Johnson (Anjou): Pas nécessairement. Il va falloir que
vous travailliez un peu dans l'étude article par article.
M. Leduc (Saint-Laurent): Vous n'êtes pas président,
vous êtes vice-président.
Mme Cantin-Cumyn: Si vous me le permettez, je vais revenir
à l'article 1176. Le projet dit: "L'usufruitier est tenu d'assurer..."
Et je pense que la suite de l'article nous dit qu'il pourrait assurer pour la
valeur totale de la chose, n'est-ce pas? L'article 1176.
M. Leduc (Saint-Laurent): À ce moment, vous dites:
D'accord...
Mme Cantin-Cumyn: II assure donc plus que son droit.
M. Leduc (Saint-Laurent): ...l'usufruitier est tenu d'assurer.
Donc, cela serait à l'avantage du propriétaire.
Mme Cantin-Cumyn: II assurerait plus que la valeur de son droit.
Vous réalisez cela, n'est-ce pas?
M. Leduc (Saint-Laurent): II devrait donc prendre une assurance
et ensuite il aurait le droit, en vertu de l'article 1178, de s'assurer
lui-même et le propriétaire a le droit de s'assurer. Cela voudrait
peut-être dire trois assurances. Est-ce que c'est possible?
Mme Cantin-Cumyn: Oui, est-ce que c'est possible? On s'est
posé la question.
M. Leduc (Saint-Laurent): Je pense qu'il faudra revoir ces
articles.
Mme Cantin-Cumyn: Oui.
M. de Bellefeuille: Y aurait-il quelque chose à changer au
libellé que vous proposez pour l'article 1176: Peut assurer... et il est
tenu de payer...
Mme Cantin-Cumyn: Peut-être, oui.
Le Président (M. Vaugeois): M. Dussault.
M. Leduc (Saint-Laurent): Si vous le permettez, j'ai encore une
question.
Le Président (M. Vaugeois): Oui, bien sûr. (12 h
30)
M. Leduc (Saint-Laurent): En ce qui concerne la prohibition
d'aliéner, on en a beaucoup parlé. Le ministre en a parlé
tantôt. Je serais tenté d'être d'accord avec le ministre
pour dire qu'on devrait peut-être ajouter cette notion à titre
onéreux et à titre gratuit. Pourquoi ne pas maintenir les anciens
articles du code, qui établissaient certaines règles, un certain
modus vivendi là-dedans? En ce qui concerne le principe de
l'inaliénabilité; il fallait que ce soit à titre gratuit.
Je pense que cela devrait être
maintenu. Si ensuite on touche à la prohibition d'aliéner
à titre onéreux, pourquoi ne pas s'en remettre aux deux articles,
les maintenir je pense qu'ils sont assez souples? Je prétends que les
gens ont le droit de convenir de certaines ententes. Ils conviennent que la
propriété ne pourra pas être aliénée suivant
certaines conditions. Pourquoi ne pas leur laisser ce privilège? Vous
voulez absolument leur enlever ce droit. Si les parties ont convenu ou
conviennent de cette stipulation, je serais d'accord, d'autant plus que
l'article qui suit, soit le deuxième paragraphe, dit que le tribunal
pourrait modifier... Il pourrait être autorisé par le tribunal
à disposer du bien si l'intérêt qui avait justifié
la stipulation d'inaliénabilité a disparu, s'il advient qu'un
intérêt plus important l'exige. Il me semble que c'est très
souple.
Ici, ce qu'on enlève complètement dans ce chapitre, c'est
la notion de prohibition d'aliéner à titre gratuit. Je pense
qu'on devrait maintenir les anciennes règles. Je ne verrais pas
d'objection à ce qu'on ajoute ces nouvelles règles en ce qui
concerne la prohibition d'aliéner à titre onéreux.
Mme Cantin-Cumyn: Je pense que, de façon
générale, le barreau - si je peux parler pour l'ensemble - n'est
pas favorable aux clauses qui limitent la circulation des biens.
M. Leduc (Saint-Laurent): Est-ce que les parties sont bien
conscientes? On a affaire à des adultes, des majeurs, qui stipulent une
prohibition d'aliéner. Pour certaines raisons - je ne vois pas pourquoi
on s'opposerait à cela, ils sont conscients et ils le savent - ils vont
définitivement avoir recours à un rédacteur
compétent comme un notaire ou un avocat, et ils vont savoir de quoi il
s'agit.
Mme Cantin-Cumyn: Cela va peut-être très bien pour
les parties. Cela va peut-être se tolérer à l'égard
des parties qui consentent à cela, n'est-ce pas? Les tiers vont
nécessairement finir par être en cause et c'est là
où cela ne marche plus.
M. Leduc (Saint-Laurent): Comment, les tiers?
Mme Cantin-Cumyn: Si on donne effet...
M. Leduc (Saint-Laurent): Je ne comprends pas quand vous dites
les tiers. Qui sont les tiers?
Mme Cantin-Cumyn: Le tiers acquéreur subséquent,
celui qui achète malgré la prohibition.
M. Leduc (Saint-Laurent): II sait à quoi s'attendre et
à quoi s'en tenir. Il le sait, puisque c'est enregistré.
Définitivement, il pourra vérifier, constater qu'il y a une
prohibition d'aliéner. Il devra la respecter. Je pense que c'est une
stipulation qui, évidemment, peut créer certains
problèmes, mais elle va être voulue.
Mme Cantin-Cumyn: On est quand même d'accord au point de
départ que ce serait du nouveau par rapport au droit actuel, les
prohibitions d'aliéner dans les actes onéreux.
M. Leduc (Saint-Laurent): Bien sûr.
Mme Cantin-Cumyn: Les tiers, je ne suis pas certaine qu'ils ont
autant de moyens d'être absolument certains de l'effet de la
validité même de la clause, en tout cas de la façon dont
c'est rédigé ici. Il faut qu'il y ait un intérêt
sérieux et légitime.
M. Lebel: Imaginez - puisqu'on est des fois en matière
commerciale - les problèmes que pourrait causer, par exemple, la
question de l'obtention du consentement de celui auquel il a été
accordé à un moment donné, de celui qui a fait stipuler en
sa faveur à l'origine une prohibition d'aliéner, s'il s'agit
d'une compagnie qui a fermé ses portes, qui a disparu, qui est en
faillite, etc. Vous n'en sortez à peu près pas. Dans la mesure
où vous incorporez dans le droit la notion de stipulation de
non-inaliénabilité dans des actes à titre onéreux,
vous n'avez pas seulement un problème de retracer éventuellement
des personnes physiques, leurs successeurs, leurs ayants cause, etc., mais vous
vous retrouvez devant des personnes morales, des corporations qui ont obtenu de
telles clauses qui souvent disparaissent, changent, et il pourra devenir
presque impossible, à un moment donné, d'obtenir cet accord
à une modification à la prohibition d'aliéner. Il se
produira des situations où cela donnera lieu précisément
à un chantage et un chantage qui peut être épouvantable. On
peut imaginer un cas où, par exemple, celui qui a accordé la
propriété du bien, celui qui a retenu une stipulation
d'inaliénabilité et qui a, par la suite, fait faillite, ne sera
pas en position de donner le consentement, mais le syndic, les
créanciers de la faillite, voyant une situation où il serait
nécessaire d'accorder une renonciation à cette stipulation, vont
être en position d'exercer une pression sur l'acquéreur
ultérieur en dehors de tout ce qui avait pu être discuté,
négocié entre les parties.
Je pense qu'il ne faut pas seulement voir le principe de la chose, mais
aussi les conséquences de cela dans la pratique juridique et
commerciale, parce que, si on parle de stipulation
d'inaliénabilité dans des contrats à titre onéreux,
ce seront des
stipulations introduites dans des contrats souvent entre personnes
morales.
Le Président (M. Vaugeois): M. le ministre.
M. Johnson (Anjou): Là-dessus, je comprends qu'il y ait
des difficultés de trois ordres pour les représentants du
barreau. D'abord, il y a une question de principe qui a été
évoquée assez largement par Me Cantin-Cumyn. Deuxièmement,
il y a la dimension de l'application dans le secteur commercial à cause
des personnes morales. Troisièmement, il y a des raisons de nature plus
technique, par exemple comment on sait si l'avis a été
donné, s'il y a eu renonciation et comment, au-delà de
l'enregistrement de la clause d'inaliénation, on sait si les avis
auxquels cela devait donner lieu, les consentements auxquels cela avait
donné lieu, etc., s'appliquent. Je comprends que ce sont trois ordres de
difficultés différents, mais qui, mis ensemble, je pense,
expliquent peut-être un peu la position des gens du barreau. Je ne dis
pas que je me suis encore réconcilié avec cela, mais disons que
c'est cohérent comme discours.
M. Lebel: On a déjà, M, le ministre, et le
député de Saint-Laurent le sait bien également, des
problèmes de plus en plus importants, à l'heure actuelle, avec le
fonctionnement de notre système d'enregistrement des droits
réels. On a de plus en plus de difficulté, lorsqu'on est
appelé à le faire, à donner des opinions valides et
solides sur des titres de propriété. Avec des dispositions comme
celles que l'on retrouve sur la préemption, les clauses d'interdiction
d'aliéner, on va aggraver encore cette instabilité des titres
qui, je pense, est un problème qui est à l'heure actuelle
examiné sous différents aspects par votre ministère.
Le Président (M. Vaugeois): M.
Dussault.
M. Dussault: Une courte question qui s'adresserait à Me
Godin. Tout à l'heure, quand il a été question de la
relation entre le promoteur et l'acheteur en copropriété, vous
avez évoqué la possibilité d'une forme d'exploitation du
promoteur sur l'acheteur par non-conformité entre les avantages offerts
et ceux qui seraient réels. Vous avez apporté comme solution
possible le prospectus. Est-ce que, pour vous, le prospectus devrait être
directement avec tous les éléments que cela implique dans le Code
civil ou si cela devrait être dans une loi afférente?
M. Godin (Robert): C'est difficile à dire. Cela
dépend de la philosophie qu'on adopte face au Code civil. C'est qu'on
aurait aimé qu'on le retrouve n'importe où -j'aimerais bien y
penser, à savoir si cela va dans le Code civil ou non - c'est que tout
l'aspect de la copropriété soit réglé à ce
moment, parce que c'est une situation qui est assez nouvelle et qui est
très problématique. À mesure que cela se développe,
cela va continuer à être problématique. Comme je disais
tout à l'heure, en France, où on a une expérience
peut-être un peu plus approfondie que la nôtre, on a des
problèmes aujourd'hui, on s'aperçoit que ce n'est pas facile, la
copropriété. On va se rendre compte nous-mêmes, à
mesure qu'on va vivre avec la copropriété, que c'est
difficile.
Un des aspects où il y a eu le plus de difficulté, c'est
au moment de l'acquisition. Certainement, les gens ne comprennent pas ce qu'ils
achètent; ils ne comprennent pas exactement dans quoi ils s'embarquent;
ils ne comprennent pas, non plus, quels engagements financiers ils prennent
face à cela, ce que cela va coûter. Il n'y a aucune forme de
représentation, il n'y a aucune forme de garantie en ce moment qui
touche à cela. Ils ne connaissent pas vraiment la situation des titres.
Je veux dire qu'ils achètent vraiment sans trop savoir dans quoi ils
s'embarquent. Dans la notion du prospectus, dans le rapport qui avait
été préparé, cela avait été
développé, il y avait toute une section qui avait touché
vraiment en détail toute cette question de l'achat, la protection de
l'acheteur, les obligations du développeur. Vraiment, on est malheureux
de voir qu'on est en train de faire notre révision et que cet aspect
n'est pas touché. On nous dit que cela va se faire quand on va toucher
aux articles de la vente. Je pense que c'est cela qui avait été
suggéré, mais cela m'apparaît malheureux d'attendre si
longtemps, parce que le problème est là en ce moment. En traitant
de la copropriété, il me semble qu'on doit traiter de cet aspect.
Qu'on le mette dans le Code civil, qu'on le mette dans une loi connexe,
écoutez, c'est une question de philosophie de votre ministère, je
ne le sais pas. Personnellement, pour autant qu'on va le retrouver et qu'on va
avoir ces dispositions et qu'on va harmoniser, si vous voulez, cette relation,
c'est vraiment cela qu'il faut faire.
Le Président (M. Vaugeois): Si vous le permettez, hier, il
a été beaucoup question de cette matière. D'ailleurs, le
ministre constatait que cela en était presque à l'état
d'idéologie maintenant. Pour plusieurs députés, les
questions que vous vous posez dans votre intervention existent
déjà. Pour plusieurs et pour moi, notre réflexe, ce n'est
pas de réagir comme un homme de loi et de les mettre en garde contre ce
que vous suggérez, mais c'est plutôt de reconnaître
qu'il y a une évolution des mentalités et que cela
correspond peut-être à des besoins de société et
à des besoins d'individus. Ces changements de mentalités sont
extrêmement profonds. À la limite, on passe d'une mentalité
de locataire à une mentalité de propriétaire. Je crois que
nous mettre en garde comme d'autres le font, c'est bien, mais, à mon
avis, notre défi ne sera pas de retraiter ou de freiner; cela va
être de s'ajuster et de proposer des solutions juridiques à une
évolution qu'on constate. Je comprends que la France soit malade de la
copropriété, mais je constate que vous, vous n'aimez pas beaucoup
la copropriété et vous ne l'aimez pas sur titre
emphytéotique. C'est ce que j'avais compris, en tout cas,
précédemment. Sur cet aspect, je vous donne bien raison; vous
avez été très éloquents tout à l'heure.
Mais, sur la question des ajustements auxquels on devrait procéder pour
faciliter la copropriété indivise ou divise, il me semble que
cela va être un de nos défis maintenant.
M. Godin (Robert): Je suis tout à fait d'accord sur cela.
Comprenez-moi bien, ce qui nous rend malheureux, c'est l'absence de traitement
de ces points. On n'est pas contre la copropriété, au contraire,
mais ce qui nous désole, c'est que, dans l'état actuel du droit,
il y a tout un secteur qui n'est pas traité et où les
consommateurs vraiment se font avoir, ils ont des problèmes
sérieux pour lesquels ils ne sont pas préparés. Justement,
dans le document de travail qui a été fait au ministère de
la Justice, on avait traité de ces points. Il y a vraiment
déjà des solutions qui ont été
suggérées et qui pourraient être retenues, même
à ce moment. Ce qu'on déplore, c'est que ces solutions ne sont
pas apparentes maintenant. Il semble qu'elles devraient l'être pour
vraiment organiser tout le domaine de la copropriété, qui est de
plus en plus important. On n'est pas du tout négatif. Si l'on donne
l'impression d'être négatif, ce n'est pas du tout cela. Où
on est négatif, c'est justement qu'on contaste que, dans la pratique, il
y a de gros problèmes et les gens veulent avoir la
copropriété, veulent vivre cette expérience collective,
mais ils n'ont pas les moyens. On ne les leur donne pas, même avec la
révision.
Le Président (M. Vaugeois): D'accord. Vous avez
souligné, par exemple, pour le temps partagé - il y a deux
articles qui y font référence, les articles 1090 et 1128 -c'est
une formule qui ne se répandra peut-être pas beaucoup au
Québec. Mais la copropriété comme telle divise ou
indivise, on n'a pas tellement le choix maintenant, parce qu'autrement il n'y a
plus grand-chose qui nous appartient et nous, on est locataires partout. On est
propriétaires de petits immeubles qui coûtent tellement cher en
taxes que finalement on en perdra quand même la propriété.
Il y a M. Blank qui a encore une question.
M. Blank: C'est seulement une constatation et je veux que le
ministre m'entende.
Le Président (M. Vaugeois): Ah!
M. Blank: Sur la procédure pour adopter ces lois, je suis
un peu d'accord avec le bâtonnier qu'on doive les adopter toutes
ensemble, mais j'ai été heureux et je suis peut-être le
seul à avoir été ici, je pense, quand on a fait la refonte
du Code de procédure civile et, je dois dire franchement que je ne me
souviens même pas si j'étais du côté
ministériel ou du côté de l'Opposition à ce moment,
car on a fonctionné dans un groupe de consensus, c'est-à-dire que
les choses qu'on a faites à ce moment, c'est qu'on a entendu les gens
sur les grands principes et aussi tous les mémoires. (12 h 45)
Au lieu de faire le gros du travail, comme le ministre l'a dit, article
par article, quand la loi est réimprimée, d'un côté
et de l'autre de la table, on se réunit pour discuter de l'article
ensemble et on fait des changements si nécessaire au bout de la table
dans une attitude partisane: le gouvernement est là. L'Opposition est
là.
Pour le Code de procédure civile, on avait nommé un
comité ad hoc. Il y avait deux membres de l'Opposition et deux membres
du gouvernement. Il y avait feu Jean-Jacques Bertrand, le juge Majeau,
moi-même, M. Wagner, le sous-ministre du temps, M. Julien Chouinard et
une autre personne. On s'est rencontré pendant six à huit mois,
deux ou trois fois par semaine, en privé, de façon informelle; on
a discuté article par article et on en est arrivé à un
consensus. On avait tous les mémoires et on a même fait des appels
téléphoniques, quand c'était nécessaire, pour avoir
des opinions.
Là, ce qui va arriver c'est que vos fonctionnaires vont
préparer une nouvelle loi; nous la verrons et nous préparerons
notre réponse à cela. On viendra ensuite en commission
parlementaire, où il y aura encore de la partisanerie. Le ministre doit
donc trouver une autre façon de procéder, parce qu'ici c'est
même encore plus considérable et plus compliqué qu'un Code
de procédure. En toute déférence pour notre
président, je pense que la méthode, ce n'est pas un
système parlementaire qui va nous aider à avoir un nouveau code.
Cela prend un autre système...
M. Johnson (Anjou): Un système républicain,
présidentiel?
M. Blank: Peut-être, mais, même là,
dans le système républicain, vous trouvez que presque
toutes ces choses sont faites à l'arrière, avant que cela vienne
en commission.
M. Marx: Ici aussi, cela se fait à l'arrière, cela
ne se fait pas en commission non plus, mais...
Le Président (M. Vaugeois): À vous écouter,
vous voulez réformer le Parlement'.
M. Blank: Quoi?
Le Président (M; Vaugeois): Vous voulez réformer le
Parlement?
M. Blank: Non, je ne veux pas réformer le Parlement. On
peut utiliser le parapluie du Parlement pour trouver une autre façon
pour adopter des lois comme un Code civil ou un Code de procédure civile
qui ne soit pas partisane et qui ne soit pas politique. Il n'y a rien de
politique dans cette affaire.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, est-ce que je
peux...
Le Président (M. Vaugeois): M. le ministre.
M. Johnson (Anjou): Je pense qu'il y a beaucoup de choses
évoquées par le député. D'ailleurs, je pense que
l'exposé du bâtonnier était intéressant. D'abord, il
faut connaître une partie du carré de sable avant de
décrire ce qu'il va y avoir dedans. Le carré de sable, c'est le
reste de la réforme et cela, en termes de propositions
législatives, c'est au moins deux ou trois ans. Il ne faut pas
rêver. Ce n'est pas vrai qu'on va refaire le reste du Code civil,
même pas en deux ou trois mois. Il y a encore des consultations qui
doivent avoir lieu. Il y a de l'harmonisation entre des principes très
importants introduits dans le droit statutaire depuis une dizaine
d'années, etc. Or, dans le fond, il y a deux voies possibles. On dit: Le
Parlement devrait se prononcer une fois que le paquet est sur la table. Bon,
parfait, on va se revoir dans deux ou trois ans. Herbert pourra toujours
continuer à souhaiter que ce soit lui qui va faire cela, mais cela veut
dire deux ou trois ans.
L'autre approche consiste à dire: On peut y aller bloc par bloc.
Ce qu'on dit, c'est que pour le bloc des biens, des successions, des personnes,
dans la mesure où on considère que c'est un bloc ayant une
certaine cohérence, on devrait y arriver avec des
réécritures. Laissons faire ce qui va arriver après et je
reviendrai sur cette partie. On va arriver avec l'ensemble des
réécritures, s'il doit y avoir réécriture; on va
donner des instruments, des choses à noter et tout cela, sauf que la
question que pose le bâtonnier à ce sujet, c'est de dire que la
loi de transition va être bien importante. Il nous rappelle que, si on
fait une loi de transition après avoir fait ce bloc, on met les
justiciables, lès praticiens du droit et tous les autres dans une
position où ils vivent avec trois régimes juridiques et qu'ils
ont la certitude absolue qu'ils vont vivre avec trois autres régimes
juridiques dans les trois années qui suivent à cause des autres
blocs. Ce n'est pas exactement un petit problème.
Une autre partie de l'alternative consisterait à dire: On
pourrait envisager de passer à l'adoption - encore une fois, je
reviendrai sur les formes - de ce bloc-là, mais cette mise en vigueur
serait retardée au moment où les autres blocs sont
envisagés par le législateur. Cela m'étonnerait que l'on
puisse refaire le Code civil. Je comprends que l'on puisse citer 1866, mais
cela m'étonnerait qu'on refasse l'opération du Bas-Canada en 1984
ou en 1988 ou en 1989 parce que c'est plus large, plus compliqué. C'est
évident, ce sont des monuments. Cela ne ressemble plus à ce
qu'était la réalité de 1866. À l'époque,
d'ailleurs, les législateurs devaient trouver cela très difficle.
Je pense qu'on a encore plus de raisons de trouver cela plus complexe.
On évoquait seulement la notion de copropriété.
J'écoutais Me Godin, qui est un des spécialistes de ces
questions, et il nous a allumé des lumières rouges et jaune
orange sur d'autres questions. Il y a des philosophies, des approches nouvelles
et la réalité est tellement vaste que je pense que c'est
illusoire de s'imaginer que le législateur va adopter cela avec un
comité informel qui va voir l'ensemble du Code civil. Je ne le pense
pas. C'est trop compliqué, trop vaste. C'est, d'ailleurs, ce que la
commission de révision faisait. Ce n'était pas le
législateur, c'étaient des gens qui étaient
mandatés pour le faire.
Quant au processus, selon les éléments de l'alternative
qu'on retiendra, il reste donc l'assurance que nos collègues doivent
avoir qu'on envisagera les modifications au Code civil sur une base qui ne sera
pas classiquement partisane. Je pense que c'est le genre de loi qui se
prête mal à cela et pour toutes sortes de raisons. C'est
très complexe. Cela présuppose une implication des membres de la
commission et beaucoup, beaucoup de travail, si on veut faire quelque chose de
sérieux. Quand on a des mémoires de la qualité de ceux qui
nous ont été présentés aujourd'hui et les autres
journées, ce n'est pas vrai qu'on va rivaliser avec cela sur un coin de
table. Cela présuppose qu'on va approfondir des choses. Cela
n'empêche pas que le législateur ait des idées, qu'il
considère que le barreau se trompe, erre ou a fait un choix
"idéologique", entre guillemets, sur quelque chose et que le
législateur veut autre chose. Mais il reste qu'on a là une
somme d'expertise et qu'on ne peut pas faire autrement qu'en tenir compte
fondamentalement dans tout le processus. Cela m'apparaît
évident.
Je pense que cela présuppose un climat des deux
côtés de la Chambre et de la commission, parce qu'on travaille en
groupe. Encore une fois, je ne suis pas sûr que c'est le comité
informel, avec le secrétaire du Conseil exécutif, etc., comme
à l'époque de M. Chouinard, qui soit la solution, mais il y a
sûrement bien des façons de le faire. En tout cas, nous pouvons
nous engager à fournir aux membres de la commission toute la
documentation qu'ils jugeront pertinente et qui sera disponible raisonnablement
pour leur donner des instruments de travail. Cela deviendra une question de
programme de travail. Il faudra que le gouvernement - je ne dis pas la
commission - M. le Président, en toute déférence,
décide de son échéancier, notamment à
l'égard des problèmes du droit transitoire qui sont
soulevés. Ceci dit, je pense qu'il faut continuer d'avancer sur le fond,
parce qu'on peut s'arrêter à des problèmes
méthodologiques, mais on va être encore ici à se le
demander dans deux ans et je ne suis pas sûr qu'on aura fait progresser
les choses.
Le Président (M. Vaugeois): Merci, M. le ministre. M. le
député de Saint-Louis, vous avez quand même soulevé
des questions pertinentes et le ministre a bien raison de dire: Le gouvernement
décidera; on l'a élu pour cela. Il reste que la commission, elle
aussi, existe et elle a aussi des décisions à prendre. S'il
arrivait que nous souhaitions, comme commission, nous transformer en
sous-commission et avoir des séances de travail, nous pouvons aller
chercher l'expertise que nous offre le ministère de la Justice, mais
nous pouvons aussi aller chercher notre propre expertise. Nous avons ce genre
de responsabilité. Ce sera à nous d'en décider et d'en
convenir.
Avant de terminer avec nos invités, j'aurais une question
à poser à M. Lebel ou à ses collègues. Hier, si
j'ai bien compris, des gens nous faisaient valoir qu'on pourrait
peut-être faire disparaître de cette section du Code civil la
question de la substitution et s'en remettre plutôt à une formule
plus moderne et plus facile à comprendre et à administrer, la
fiducie. À aucun moment vous n'en avez parlé. Comme vous avez
souhaité qu'on respecte un peu certaines traditions -je comprends que la
substitution, c'est dans nos traditions - quelle est votre position
là-dessus?
Mme Cantin-Cumyn: On me donne le mandat de parler pour le barreau
sur la question de la substitution. D'abord, je pense que ce n'est pas correct,
M. le Président, d'assimiler substitution et fiducie. II y a une
différence très importante entre les deux. Il s'agit ici de
comparer, d'une part, le grevé, la première personne qui
reçoit les biens et qui est chargée de la substitution, de les
rendre éventuellement à l'appelé, d'une part et, d'autre
part, dans la fiducie, fiduciaire et bénéficiaire. Dans un cas de
substitution, le grevé reçoit les biens comme
propriétaire. II en profite, il en tire les fruits, il en jouit comme
s'il en était propriétaire, sous réserve, bien sûr,
du moment où, la substitution se terminant, il doit remettre la chose
à l'appelé. Il y a possibilité pour ce grevé de
garder les biens définitivement s'il n'y a pas d'appelé à
l'ouverture. C'est la situation du grevé.
En fiducie, les biens sont administrés par le fiduciaire, qui ne
tire aucun avantage personnel des biens en fiducie; il les gère dans
l'intérêt du bénéficiaire du revenu d'abord;
normalement, c'est cela. Le bénéficiaire du revenu, lui, est dans
une situation simplement de créancier de la fiducie. Il n'a absolument
aucun droit dans les biens de la fiducie. Alors, juridiquement parlant, le
grevé, d'une part, et le bénéficiaire du revenu, d'autre
part, sont dans une situation vraiment différente et on peut vouloir
choisir l'un ou l'autre. Je pense qu'il serait dommage de nous priver d'une
possibilité qui existe dans notre droit. C'est la première
remarque que j'aimerais faire.
La deuxième remarque, le barreau ne recommande pas d'abolir la
substitution. Il y a toutes sortes de raisons qu'on peut faire valoir, mais il
y a peut-être une qui est assez frappante et qui est pratique. Qu'est-ce
qui va arriver si on fait des substitutions? On peut le faire très
facilement. Il s'agit pour un bon père de famille de dire: À mon
décès, je veux que tous mes biens aillent à mon
épouse et après à mes enfants. Qu'est-ce qu'il a fait? Il
a fait une substitution. Si vous dites qu'il n'y a plus de substitution,
comment alors donnerons-nous effet à cette disposition? On dira que
c'est nul. Que dira-t-on?
Le Président (M. Vaugeois): Merci beaucoup, c'est
clair.
M. le ministre, auriez-vous quelque chose à ajouter?
M. Johnson (Anjou): M. le Président, en terminant, je veux
remercier le bâtonnier et ses collaborateurs pour leur remarquable
mémoire et leur présentation. Au niveau des principes, ce qui
n'est pas facile avec un projet comme celui-là qui touche tant de
choses, ils ont réussi, je pense, à identifier un certain nombre
d'enjeux fondamentaux et cela nous a éclairés quant à leur
approche.
Encore une fois, je les remercie et je leur donne l'assurance que nous
allons, au ministère, dépouiller de façon très
articulée,
souhaitons-le autant que vous, votre mémoire et nous assurons
évidemment nos collègues qu'on partagera le fruit de nos
réflexions avec les autres parlementaires. Merci.
Le Président (M. Vaugeois): Nous vous remercions bien
sincèrement. Je parle au nom de tous les parlementaires ici. Comme vient
de le dire M. le ministre, vous avez réussi à nous rendre tout
cela fort intéressant. On vient de passer trois heures très
enrichissantes. Merci.
Nous suspendons les travaux de la commission jusqu'après la
période des affaires courantes.
(Suspension de la séance à 12 h 58)
(Reprise de la séance à 16 h 12)
Le Président (M. Vaugeois): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Nous reprenons nos travaux. Nous sommes réunis pour entendre les
représentations des personnes et des groupes intéressés
par le projet de loi 58, Loi portant réforme au Code civil du
Québec du droit des biens. Nous avons le plaisir d'avoir devant nous
l'Ordre des arpenteurs-géomètres du Québec. M. Beausoleil,
le président, est accompagné de quelques collaborateurs. Je vais
lui demander de présenter ses collègues.
Je vais demander au secrétaire de faire lecture des membres de
cette commission. Vous comprendrez que quelques-uns des membres sont encore
retenus à la Chambre. Je sais que notre collègue de
Deux-Montagnes doit intervenir dans le débat qui se poursuit
actuellement. Le ministre nous a déjà priés de l'excuser
pour quelques minutes. Cependant, votre mémoire aura toute l'attention
qu'il mérite. Je suis convaincu que l'échange sera fructueux.
Voulez-vous donner lecture des membres de la commission, s'il vous
plaît?
Le Secrétaire: Les membres de la commission des
institutions sont: M. Baril (Rouyn-Noranda-Témiscamingue), M. Brassard
(Lac-Saint-Jean), M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes), M. Dussault
(Châteauguay), M. Léger (Lafontaine), M. Levesque (Bonaventure),
M. Mailloux (Charlevoix), M. Marx (D'Arcy McGee), M. Payne (Vachon), M. Rivest
(Jean-Talon), Mme Saint-Amand (Jonquière), M. Vaugeois
(Trois-Rivières), M. Johnson (Anjou).
Le Président (M. Vaugeois): Est-ce que vous souhaitez
remplacer l'un ou l'autre de vos collègues?
M. O'Gallagher: M. Mailloux.
Le Président (M. Vaugeois): M.
Mailloux, si vous voulez. M. Mathieu, vous pouvez peut-être
remplacer M. Levesque. Est-ce que cela vous va?
M. Mathieu: Très bien.
Le Président (M. Vaugeois): Comme cela, tout cela sera
fait dans l'ordre. Vous pourrez intervenir, voter, faire des motions.
M. Mathieu: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Vaugeois): M. Beausoleil, s'il vous
plaît!
M. Beausoleil (Roger): Est-ce que cela fonctionne?
Le Président (M. Vaugeois): Oui. Vous pouvez le rapprocher
de vous, si vous voulez.
Ordre des arpenteurs-géomètres du
Québec
M. Beausoleil: M. le Président, je veux d'abord vous
remercier pour et au nom de l'Ordre des arpenteurs-géomètres de
la chance que vous nous donnez de faire valoir notre point de vue sur le projet
de loi 58. Sans tarder, j'aimerais vous présenter M. Gilbert Sasseville,
professeur à l'Université Laval; M. Grégoire Girard, de
Saint-Hyacinthe, qui est président de notre comité d'étude
des lois, ainsi que M. Jocelyn Fortin, qui est secrétaire
général et syndic de l'Ordre des
arpenteurs-géomètres du Québec. On va surseoir à la
lecture intégrale du mémoire qu'on a déjà
présenté en une centaine de copies. Je vais immédiatement
céder la parole à M. Girard qui va nous résumer cela en
diagonale. Alors, M. Girard.
M. Girard (Grégoire): M. le Président, notre
profession d'arpenteur-géomètre participe à
l'administration du droit de propriété. Notre intervention,
aujourd'hui, ne vise pas à critiquer le projet de loi comme tel ou les
articles, mais de voir de quelle façon ces articles peuvent
s'intégrer ou peuvent participer à l'administration du droit de
propriété. On a passé par-dessus plusieurs articles du
projet de loi; nous nous sommes arrêtés seulement aux articles qui
concernent notre profession, en commençant par l'article 1017, qui est
au coeur même de notre pratique, le bornage.
L'article 1017, tel qu'il se lit actuellement dans le projet de loi,
dit: "Les limites d'un fonds sont déterminées par les titres, le
plan et le livre de renvoi et la démarcation du terrain." Dans le
deuxième alinéa, on dit: S'il y a contradiction entre ces
éléments, ce sont les titres qui prévalent. Nous nous
opposons à une telle rédaction pour plusieurs raisons. D'abord,
il s'agit de donner plus de poids à un élément
qu'à un autre, alors que dans la pratique ce n'est pas ce qui se
passe. Il peut fort bien arriver, par exemple, que le cadastre et l'occupation
sur le terrain soient concordants et que le titre soit erroné. Dire que
les titres prévalent risque immédiatement de créer un
préjudice grave à un propriétaire. Pour vous donner un
exemple, supposons le cas d'un terrain de 60 sur 100, enregistré au
cadastre, qui est occupé, sur place, par des clôtures de 60 pieds
de largeur et qui, par erreur, serait inscrit dans un titre au chiffre de 62
pieds. On sait fort bien, en vérifiant les alentours, que c'est 60
pieds, la largeur du terrain. Alors, dire que les titres prévalent,
puisqu'il n'y a pas concordance entre les trois éléments, ce
serait créer une injustice grave vis-à-vis d'un
propriétaire.
C'est pour cela que la formulation, que nous voudrions voir à
l'article 1017 - vous la retrouvez à la page 4 du mémoire,
écrite en exergue - se lirait comme suit, tout simplement: Les limites
d'un fonds sont déterminées par les titres, les documents
cadastraux, la démarcation du terrain et autres indices et documents
utiles. L'interprétation ou le poids qu'il faut donner à chacun
de ces éléments viendrait soit des tribunaux, soit de
l'interprétation qui en est donnée par les
arpenteurs-géomètres qui sont assez familiers avec la valeur de
chacun de ces éléments.
Quant à l'article 1018, c'est sa formulation qui, à notre
avis, ne donne pas justice à l'idée que l'on veut rendre à
cet article. Si on se réfère au Code de procédure civile,
à l'article 762, on aurait vraiment la rédaction qu'il faudrait
avoir à l'article 1018. À notre avis, en employant le mot
"notamment", c'est comme si l'importance du bornage se limitait simplement
à la rectification des bornes, au rétablissement de bornes
disparues ou de choses semblables, alors que l'élément principal
du bornage est d'établir une limite entre deux propriétés.
On l'escamote selon la façon dont il est rédigé
actuellement, en disant tout simplement, dans l'article 1018, que tout
propriétaire peut obliger son voisin au bornage de leurs
propriétés contiguës, notamment pour rétablir des
bornes déplacées, à reconnaître d'anciennes bornes
ou à rectifier la ligne séparative de leurs fonds. Le "notamment"
vient, en quelque sorte, escamoter la partie principale. C'est pour cela qu'on
propose la rédaction - à la page 5 - de l'article 1018, premier
alinéa, comme suit: Tout propriétaire peut obliger son voisin au
bornage de leur propriétés contiguës, au
rétablissement des bornes déplacées ou disparues, à
la reconnaissance d'anciennes bornes, à la rectification de la ligne
séparative de leurs fonds. C'est à peu près la
rédaction, je dirais mot pour mot, du Code de procédure civile
actuel. C'est parfait dans ce sens-là; si on voulait le laisser, on
serait tout à fait d'accord.
L'article 1026. On dit - il y a seulement trois ou quatre mots sur
lesquels on voudrait intervenir - qu'il s'agit, pour les cultivateurs ou les
propriétaires, de pouvoir obliger un voisin à abattre les arbres
qui sont le long d'une ligne séparative de leurs
propriétés sur une largeur de cinq mètres. On sait que
c'est un article qui existe actuellement dans le code et qui prévoit le
découvert le long des limites de terres en culture. Si on laisse, par
exemple, les arbres croître le long de la limite, on sait que l'ombre de
ces arbres empêche les céréales ou la culture de se faire
sur une certaine bande de terrain, qui est d'environ quinze pieds. Le projet de
loi reconduit l'ancien article du code, mais on dit ici, à la fin,
qu'à l'exception des arbres fruitiers et des érables tout doit
être coupé. Il y a, dans les arbres fruitiers, des cenelliers et,
dans les érables, il y a ce qu'on appelle du bois d'orignal. Si on
laisse l'expression "arbres fruitiers et érables", cela veut dire qu'on
ne pourra pas couper, par exemple, les cenelliers qui font de l'ombre et qui
n'ont aucune valeur sur le plan des arbres fruitiers. On proposerait
plutôt - à la fin de la page 6 - de remplacer la dernière
ligne par: sauf dans les vergers et les érablières. Là, on
a des arbres de la qualité qui est prévue à l'article du
Code civil, c'est-à-dire que les vergers, ce sont des pommiers, des
poiriers ou des fruits de ce genre, mais pas des arbres fruitiers qui n'ont
aucune valeur. La même chose s'applique pour les érables: ce sont
les érables à sucre, les plaines, les "acer saccharum" qui sont
des érables de valeur; mais, dans une érablière, le
cultivateur va couper ce qu'il appelle le bois d'orignal ou érable de
Pennsylvanie. Il les coupe simplement parce que c'est plus de l'embarras
qu'autre chose. On voudrait préciser que c'est sauf les vergers et les
érablières et, à la fin de la page 6, on l'a
rédigé de cette façon.
Le Président (M. Vaugeois): Est-ce que je peux vous
interrompre?
M. Girard: Allez-y.
Le Président (M. Vaugeois): Seulement pour une question
d'information. Si on est sur une ligne séparative qui n'est pas à
l'intérieur d'un verger ou d'une érablière -admettons que
c'est un jardin, un potager -et qu'il y a quelques pommiers, et ainsi de suite,
à ce moment, ce n'est pas dans un verger, parce qu'un verger, c'est un
ensemble. Je ne sais pas si, à ce moment...
M. Girard: Bon...
Le Président (M. Vaugeois}: C'est la même chose pour
une érablière. Quelqu'un
qui garde quelques érables dans un quartier de banlieue et qui
les entaille, si ses érables sont sur la ligne, il ne peut pas
prétendre que c'est une érablière, mais ce sont quand
même des érables.
M. Girard: II s'agit quand même de préciser que le
but de l'article est de protéger les grandes cultures des cultivateurs.
C'est cela le but de l'article. Si on veut préciser, aller jusque dans
les jardins en ville ou dans les villages, il faudrait évidemment avoir
de plus grandes précisions dans l'article que celles qu'on a
actuellement.
On s'est limité à l'article tel qu'il était
rédigé et on y voit la protection de la culture elle-même
et non d'autres fins. Il est évident qu'il y aurait une protection
à assurer aux arbres voisins des jardins. Il peut y avoir des
érables. Peut-être que certains propriétaires auront une
belle épinette bleue qui sera juste à côté d'un
jardin, qui fera un peu d'ombre et qu'un voisin haïssable demandera de
couper. C'est déjà arrivé.
À un certain moment, j'ai eu le cas d'un propriétaire dans
un village qui accusait son voisin de laisser une épinette qui faisait
surir son tabac. C'était un petit coin de jardin qui recevait de l'ombre
et son tabac était là; il prétendait que l'ombre lui
nuisait. Il faudrait beaucoup plus de précisions dans un article
semblable. Je pense qu'on va laisser au législateur le soin de le
préciser. Quant à nous, on est resté avec l'article tel
qu'il existait. Oui?
M. Leduc (Saint-Laurent): On parle d'érables et pas
d'érablière. Je pense que tout érable est
protégé dans un espace de quinze pieds.
M. Girard: Oui.
Le Président (M. Vaugeois): Pas dans la nouvelle
formulation qu'ils proposent.
M. Girard: Dans la formulation qu'on propose, on parle
d'érablière.
M. Leduc (Saint-Laurent): Mais le projet?
Le Président (M. Vaugeois): Oui, mais ils changent la
formulation. Avez-vous le mémoire, à la page 6?
M. Leduc (Saint-Laurent): Oui, oui. Ahl vous parlez du
mémoire?
Le Président (M. Vaugeois): Oui, de leurs propositions
à eux.
M. Leduc (Saint-Laurent): Mais le projet de loi, lui, parle
d'érables.
Le Président (M. Vaugeois): Oui.
M. Girard: Arbres fruitiers et érables.
Le Président (M. Vaugeois): Mais pas eux. Ils parlent
d'érablière.
M. Leduc (Saint-Laurent): II faudrait qu'on revienne au projet de
loi, en somme.
M. Girard: On est rendu maintenant à la page 7. Est-ce
qu'on doit continuer?
Le Président (M. Vaugeois): Oui.
M. Girard: À la page 7, il est question des droits de vue.
Dans la proposition actuelle, les articles 1034 et 1035 concernent les vues
illégales sur le fonds voisin. On a trouvé que la
rédaction était passablement compliquée à suivre et
qu'il y avait peut-être des constructions qui sont actuellement
illégales, comme des balcons, des galeries, et autres saillies. Il
s'agit de constructions qui sont considérées comme
illégales dans le code actuel. Nous proposerions de les enlever et de ne
garder que les fenêtres. Pourquoi enlever les galeries et les balcons,
par exemple, ou les autres saillies? C'est qu'il s'agit beaucoup plus, en
l'occurrence, de moyens de négociation avec des voisins pour obtenir
d'autres avantages que d'assurer la discrétion entre deux voisins. En
hiver, il n'y a pas beaucoup de gens qui vont s'asseoir sur une galerie pour
reluquer ce qui se passe chez le voisin. Le but de l'article est, bien
sûr, de garder une certaine discrétion d'un voisin à
l'autre. On pense qu'en assurant la vue pour la fenêtre seulement cela
sera suffisant. Dans le texte actuel, on dit qu'un perron d'entrée n'est
pas considéré comme une vue illégale chez le voisin, mais
à quel moment une galerie devient-elle un perron, et vice versa? Vous
pouvez avoir une galerie qui est de la même largeur qu'une maison, avec
un escalier. Alors, si on conserve le texte tel qu'il est là, on la
considérerait comme un perron et on pourrait avoir, à partir du
bout de la galerie, vue sur la propriété voisine à moins
de six pieds. Cela va créer de la confusion. Alors, en éliminant
tout ce qui s'appelle galeries, balcons, escaliers et autres saillies
semblables et en ne conservant que les fenêtres, on pense que cette
partie du Code civil sera beaucoup plus facile d'administration. Cela serait
suffisant, à notre sens, pour protéger la discrétion entre
voisins.
On ramènerait également la distance. Au lieu de la laisser
à 1,90 mètre, comme elle était dans le premier projet de
1977, ou 1,80 mètre dans le projet actuel, on proposerait de la ramener
à 1,50 mètre pour les raisons suivantes: d'abord, en ce qui
concerne la discrétion, entre 1,50 mètre et 1,80 mètre, il
n'y a pas beaucoup de
différence; deuxièmement, c'est une mesure facile à
se rappeler: 1,50 mètre, c'est cinq pieds, et, en ce qui concerne la
distance comme telle sur la propriété voisine, cela laisse quand
même assez de distance entre deux maisons qui ont des fenêtres pour
assurer une certaine discrétion. Alors, cela serait un peu l'idée
qu'il y a derrière la proposition qu'on apporte, c'est-à-dire de
ramener les vues à 1,50 mètre et éliminer tout ce qui
n'est pas fenêtres ou portes pleines, des choses semblables.
Alors, à la page 10, l'article 1034 se lirait maintenant comme
suit: On ne peut avoir sur le fonds voisin de vues droites à moins d'un
mètre cinquante de la ligne séparative. Cette règle ne
s'applique pas lorsqu'il s'agit de vues sur la voie publique, de portes
à panneau plein, de fenêtres ou de portes à verre
translucide. La distance d'un mètre cinquante se mesure depuis le
parement extérieur du mur où l'ouverture est faite et
perpendiculairement à celui-ci jusqu'à la ligne
séparative.
On remarque que les notaires sont intervenus pour changer un mot qui
était "se calcule" pour le remplacer par "se mesure". C'est exact. Nous
avons pris le même terme. On autoriserait dans notre proposition les
portes, par exemple, à panneau plein, c'est-à-dire qu'on ne peut
pas voir quand la porte est fermée, ou à verre translucide pour
les portes et fenêtres: on ne peut pas voir non plus à travers
lorsque la porte est fermée, mais on peut avoir quand même un jour
à l'intérieur. Ce seraient les seules ouvertures acceptables sur
la propriété voisine, à une distance inférieure
à 1,50 mètre.
Pourquoi perpendiculairement? Si vous avez une maison qui est
peut-être un peu en biais avec la limite, la vue se fait quand même
perpendiculairement à la maison et non pas perpendiculairement à
la limite voisine du terrain. Pour illustrer un peu plus, si vous avez une
fenêtre qui est encavée, mettons, à un pied, un pied et
demi à l'intérieur de la maison, la vue ne pourra se faire que
dans le sens de la fenêtre, et non dans le sens de la
perpendicularité avec la ligne voisine, parce que les maisons ne sont
pas toutes exactement parallèles à une ligne voisine. Si la
maison est un peu en biais par rapport à la limite, cela peut changer la
distance entre la limite elle-même et le coin de la fenêtre. Il y a
une nuance ici qui est importante.
À la page 11, on parle des ouvrages mitoyens, clôtures et
murs mitoyens. C'est plutôt un réaménagement ici des
articles pour grouper ouvrage mitoyen qui s'appelle clôture et grouper ce
qui s'appelle mur de construction qui sert de division entre deux
bâtisses voisines.
On propose aussi d'éliminer un article qui apparaît dans le
code actuel concernant la levée des fossés. On dit: Cependant,
lorsque la levée ou le rejet de la terre d'un fossé se trouve
d'un côté seulement, ce fossé est présumé
appartenir exclusivement à celui du côté duquel le rejet se
trouve. Au début, dans les années 1860 à 1880,
peut-être que les cultivateurs faisaient leurs fossés à la
petite pelle et qu'ils rejetaient la terre toujours sur le même
côté si le fossé leur appartenait, mais, aujourd'hui, ce
n'est plus une pratique; les fossés se font avec de la grosse
machinerie, des bulldozers et des levées de terre, il n'y en a plus
nulle part. Il est inutile de conserver cela dans le code actuel, ce n'est plus
un indice pour trouver un fossé mitoyen. Le seul indice qui reste, c'est
la clôture qui traverse le fossé au changement des parts de
clôture. (16 h 30)
Les changements proposés sont un réaménagement des
articles, de telle sorte que les clôtures soient groupées et que
les murs soient groupés. Il y a une partie, par exemple, sur laquelle on
voudrait insister. À l'article 1047, en haut de la page 13, il faudrait
remplacer le mot "ouvrage" par le mot "mur", afin d'exclure les ouvrages de
clôture et éviter ainsi la contradiction avec l'article 1043
où il est dit que tout propriétaire peut obliger son voisin
à ériger pour moitié et à frais communs un ouvrage
de clôture servant à séparer leur fonds. Le voisin ne peut
donc se soustraire à son obligation de contribuer à une telle
charge.
Le deuxième alinéa mentionne qu'un propriétaire
peut se soustraire à son obligation de contribuer aux charges en donnant
un avis écrit de son intention aux autres propriétaires. Cela
veut dire qu'un bon matin un propriétaire décide qu'il ne veut
pas de la clôture et qu'ainsi il ne participera pas aux frais de la
clôture, alors que, dans la première partie de l'article 1043, on
dit qu'il s'agit d'une obligation pour les voisins, si un des deux veut avoir
une clôture, l'autre est obligé de suivre et d'accepter de faire
sa part de clôture.
Pour ce qui est du mur, c'est différent. En ce qui concerne le
mur, l'avis écrit ne paraît pas suffisant. Il nous semble qu'un
tel avis devrait faire l'objet d'un acte notarié et être
enregistré pour valoir contre les tiers. Un tel acte devrait aussi faire
mention, le cas échéant, de l'abandon ou de la cession du sol sur
lequel le mur est construit. Ainsi, si vous avez un mur entre deux
propriétés et qu'un des deux voisins décide qu'il n'en a
pas besoin et qu'il ne veut pas le construire, il aurait droit par acte
notarié d'abandonner sa mitoyenneté et, en même temps,
céder sa partie du sol où se trouve la moitié du mur,
créant ainsi une limite de propriété qui va être
claire, nette et précise, et le terrain appartiendra ainsi au même
propriétaire. Quant au reste, je pense qu'il n'y a pas tellement
d'ambiguïté.
On en vient maintenant à l'article
1087. Il s'agit de l'état descriptif de l'immeuble qui
apparaît dans un acte de copropriété. On dit:
"L'état descriptif contient, soit la désignation cadastrale de
l'immeuble, des parties exclusives et des parties communes, soit un plan de
l'immeuble qui indique l'ensemble du terrain et des bâtiments, la forme
et les dimensions de toutes les parties exclusives et communes et leur
localisation dans l'immeuble."
On dit que le plan de l'immeuble n'est pas assez précis, il
faudrait prévoir que ce soit le plan cadastral. Dans le mémoire
de la chambre des notaires, on mentionnait un plan donnant les numéros
de cadastre; cela revient au môme. Là-dessus, je pense que nos
deux mémoires concordent. On voudrait que soit précisé
quel genre de plan doit apparaître dans l'acte de
copropriété, que ce ne soit pas seulement un plan de
construction. Il faut un plan sur lequel apparaissent les numéros de
cadastre ou le plan cadastral lui-même au moment de la création de
l'acte de copropriété.
Finalement, partout où on marque "plan et livre de renvoi", on
suggérerait d'inscrire à la place "documents cadastraux" pour
prévenir les changements qu'on peut déjà prévoir
dans la Loi sur le cadastre et en vertu desquels le livre de renvoi
disparaîtra peut-être. Ce ne sera peut-être qu'un plan ou
tout autre document qui servira de transmission rapide par bureautique ou par
ordinateur entre les bureaux d'arpenteurs-géomètres et les
bureaux d'enregistrement.
Cela complète notre mémoire. Nous sommes à votre
disposition pour les questions.
Le Président (M. Vaugeois): J'en aurais tout de suite sur
le dernier point que vous venez d'évoquer; c'est vraiment une question
générale. Est-ce qu'historiquement vous avez eu l'occasion
d'établir des cadastres pour des étages supérieurs? Je
pense au cas de la copropriété. Est-ce qu'autrefois il y a eu des
cas où cela pouvait se présenter et où vous étiez
obligés d'établir un cadastre au niveau du sol et
d'établir un cadastre pour des étages supérieurs qui
auraient pu appartenir à un autre propriétaire?
M. Girard: Pas avant les amendements au Code civil qui ont
été faits au début des années quatre-vingt. Ce sont
les articles 441 et suivants qui ont créé la
copropriété et qui permettaient de faire du cadastre vertical, en
hauteur. Avant cela, il ne s'en faisait pas.
Le Président (M. Vaugeois): Vous avez des rencontres avec
les professionnels des autres pays. Historiquement, quand voyez-vous
apparaître ce genre de cadastre?
M. Girard: Je serais embêté de vous le dire d'une
façon assez précise, mais je sais qu'en 1968...
Le Président (M. Vaugeois): Mais en Ontario, par
exemple.
M. Girard: En Ontario?
Le Président (M. Vaugeois): Oui.
M. Girard: En France, en 1968, il y en avait déjà,
en Angleterre, également.
Le Président (M. Vaugeois): Cela fait longtemps.
M. Girard: Mais dans les autres pays, je ne pourrais pas vous le
dire.
Le Président (M. Vaugeois): Bon. Alors, chez vous, quand
vous avez commencé à faire ce genre de cadastre...
M. Girard: Oui.
Le Président (M. Vaugeois): ...vous vous êtes
inspirés de quelle méthode de fabrication de cadastre? Avez-vous
observé ce que d'autres faisaient ailleurs ou avez-vous imaginé
une méthode de présentation?
M. Girard: Les officiers du service du cadastre se sont
inspirés de la méthode de la France, de la
copropriété française, au départ. Je pense bien
qu'il y a eu des aménagements avec ce qui se faisait ailleurs aussi,
mais il semblerait que cela est parti... Nos instructions sont arrivées,
pour les arpenteurs-géomètres, du service du cadastre: Vous
faites cela de cette façon et on procède de même.
Le Président (M. Vaugeois): Est-ce que cela pose des
problèmes techniques de présentation?
M. Girard: Non.
Le Président (M. Vaugeois): Non?
M. Girard: C'est correct. C'est déjà dans les
moeurs maintenant.
Le Président (M. Vaugeois): Est-ce que l'on peut faire un
plan de localisation d'un appartement, qui est au cinquième
étage, dans un édifice en copropriété?
M. Girard: Oui, on peut le faire. Évidemment, c'est
différent d'un plan de localisation au sol. Il faut tenir compte de
l'édifice lui-même et de la situation de l'appartement dans la
bâtisse, montrer ses tenants et aboutissants, quel est son numéro,
sa correspondance entre le numéro d'appartement et le numéro de
cadastre;
c'est très important parce qu'il arrive souvent des erreurs
là-dessus. Cela se fait.
Le Président (M. Vaugeois): Alors, vous pouvez
représenter le tout sur un même dessin...
M. Girard: Oui.
Le Président (M. Vaugeois): ...avec des signes graphiques
variables?
M. Girard: C'est cela.
Le Président (M. Vaugeois): Est-ce que cela est
standardisé?
M. Girard: Oui.
Le Président (M. Vaugeois): D'accord. J'avais une autre
question sur la formulation de la page 5, pour l'article 1018: Tout
propriétaire peut obliger son voisin au bornage de leurs
propriétés contiguës. Donc, il peut obliger son voisin,
premièrement, au bornage, deuxièmement, au rétablissement,
troisièmement, à la reconnaissance. Est-ce cela que vous voulez
dire?
M. Girard: C'est cela.
Le Président (M. Vaugeois): C'est sur le même
pied.
M. Girard: Oui, sur le même pied.
Le Président (M. Vaugeois): D'accord. C'est bon, je pense
que la formulation est bonne. Pour la page 6, je vous ai posé la
question au passage. Je serais curieux de voir comment le ministre
réagira tout à l'heure. Mais, comme il est absent, nous allons
donner une préséance de bon ton à l'Opposition.
Je signale que le député de Saint-Laurent s'est joint
à nous. Je tiens pour acquis qu'on lui souhaite la bienvenue, qu'il n'y
a pas de... Parce que vous remplaciez M. Levesque ce matin et qu'un de vos
collègues le remplace cet après-midi... Mais vous êtes le
bienvenu. Si vous aviez à proposer une motion ou à demander le
vote, là, il y aurait un petit problème.
M. Leduc (Saint-Laurent): Cela va, M. le Président.
Le Président (M. Vaugeois): Alors, qui est-ce qui va
prendre la parole, d'abord?
M. Marx: On ne demande pas de vote parce que toutes nos
suggestions sont acceptées par le ministre.
Le Président (M. Vaugeois): Je pense qu'elles sont
toujours très intéressantes.
Alors, est-ce que vous parlez le premier?
M. O'GalIagher: Oui. Bien, veux-tu parler?
Le Président (M. Vaugeois): M. Mathieu est arrivé
le premier. Alors, allez-y.
M. Mathieu: Merci, M. le Président. Je voudrais d'abord,
au nom de notre groupe, souhaiter la bienvenue aux représentants de
l'important Ordre des arpenteurs-géomètres du Québec. Je
voudrais mentionner, comme on l'a tous constaté, que leur mémoire
est d'un réalisme et d'une sagesse peu commune, demandant de la
clarté. Ils ont apporté des suggestions très valables.
Le Président (M. Vaugeois): Ils ont dit des choses comme
ça, vous savez.
M. Mathieu: On devrait avoir des contacts plus fréquents
avec eux, M. le Président. Je me pose seulement quelques questions. Si
je reviens à l'article 1026, M. le Président, vous avez
demandé un détail, mais je crois que le début de l'article
dit: Le propriétaire d'un fonds exploité à des fins
agricoles peut contraindre son voisin à faire abattre des arbres. Donc,
cela n'a pas de conséquence pour les jardins, les potagers en ville.
Maintenant, à l'article 1034 - à la page 10 - article que
vous avez modifié, on dit, selon votre formulation: On ne peut avoir sur
le fonds voisin de vues droites à moins de 1,50 mètre de la ligne
séparative. Cette règle ne s'applique pas lorsqu'il s'agit de
vues sur la voie publique, de portes à panneau plein, de fenêtres
ou portes à verre translucide. Si je comprends bien, toutes les vues
dont il est question, qu'il s'agisse d'escaliers, d'abris d'autos, de galeries,
de perrons, j'aimerais vous entendre pour savoir si tout cela est compris, en
plus des choses qu'on pourrait inventer dans l'avenir.
M. Girard: C'est-à-dire qu'on élimine tout cela
dans la proposition, puisqu'on ne les mentionne pas. Les seules vues qui sont
mentionnées le sont au deuxième alinéa du même
article. On dit que la règle ne s'applique pas lorsqu'il s'agit de vues
sur la voie publique, de portes à panneau plein, de fenêtres ou
portes à verre translucide. Si ce ne sont pas des portes ou des
fenêtres, à ce moment-là, on constate qu'il n'y a pas de
vue.
M. Mathieu: Tout le reste est prohibé? Quand vous dites
qu'il n'y a pas de vue, vous voulez dire que les galeries sont
défendues, interdites.
M. Girard: Non, pas du tout.
M. Mathieu: Non?
M. Girard: Peut-être qu'on a mal...
M. Mathieu: II n'y a pas de...
M. Girard: Je ne sais si on s'est mal exprimé. Est-ce que
la formulation est...
M. Mathieu: Ah! c'est le contraire.
M. Beausoleil: Vous avez peut-être raison. Je ne veux pas
dénigrer le rapport qu'on vous a fait, mais je me pose la question
moi-même, à savoir si la formulation du paragraphe 2 de l'article
1034, comme on le propose... Finalement, le but qu'on voulait atteindre
était justement de ne pas imposer de droits de vue à des balcons,
des galeries, etc. Je me demande, en appliquant le paragraphe 2 de l'article
1034 comme on l'a refait, si ce n'est pas cela qu'on vient faire. Je me pose la
question, je ne suis pas sûr.
M. Mathieu: Vous ne voulez pas, autrement dit...
M. Beausoleil: ...que le balcon soit affecté de droits de
vue. On ne voudrait pas que cela touche à un balcon, mais je me demande
si on n'a pas passé à côté en reformulant l'article
1034, en y insérant le paragraphe 2 tel qu'il est formulé
actuellement dans notre position.
M. Mathieu: C'est-à-dire...
M. Beausoleil: Cela serait peut-être à repenser.
M. Mathieu: Le balcon serait permis?
M. Beausoleil: On voudrait que le balcon soit permis.
M. Mathieu: À moins de 1,50 mètre. M.
Beausoleil: C'est cela.
M. Mathieu: Balcons, abris d'autos, escaliers: tout ce qui n'est
pas fenêtres et portes...
M. Beausoleil: C'est cela.
M. Mathieu: ...qui n'a pas de verre translucide.
M. Beausoleil: C'est cela.
M. Mathieu: Un autre point: à l'article 1035
suggéré, vous dites: La distance de 1,50 mètre se mesure
depuis le parement extérieur du mur où l'ouverture est faite et
perpendiculairement à celui-ci. Je prends, par exemple, le cas d'une
fenêtre en baie, un bow-window. Il y a une différence entre le
parement extérieur et la fenêtre elle-même qui peut
être avancée d'un pied ou de 18 pouces.
M. Girard: C'est le mur où est insérée la
fenêtre. On dit: le parement extérieur du mur où
l'ouverture est faite. Donc, c'est le mur où est insérée
la fenêtre. Ceci veut dire que, si vous avez un bow-window ou une
fenêtre en saillie, comme on l'appelle, il y a un mur qui soutient cette
fenêtre en saillie et c'est à partir de ce mur que la distance se
mesure.
M. Mathieu: Et non pas à partir du verre posé dans
la fenêtre.
M. Girard: Jamais.
M. Mathieu: Même s'il empiète le mur d'un pied ou
d'un pied et demi.
M. Girard: C'est cela.
M. Mathieu: À l'article 1044 - c'est mon dernier
commentaire, je ne voudrais pas accaparer le temps de la commission -j'aimerais
avoir votre opinion. Vous avez reformulé l'article. Vous dites à
l'article 1044, à la page 11: "Toute clôture qui se trouve sur la
ligne séparative est présumée mitoyenne." Je m'interroge
sur l'opportunité de constituer une mitoyenneté dans les
clôtures. Cela ne crée sans doute pas de problème dans les
villes et les villages, mais je pense aux campagnes. Le Québec est un
pays immense et l'agriculture... Je prends le cas d'un agriculteur;
actuellement, nous avons des méthodes pour déterminer les parts
de clôtures - vous êtes les premiers à en être
conscients - de manière que, si une part de clôture est
défectueuse, qu'un troupeau traverse de l'autre côté de la
clôture durant la nuit, arrive sur la voie publique et cause un accident,
avec des responsabilités de 300 000 $ ou 400 000 $, on va voir quelle
part de clôture était défectueuse et c'est l'agriculteur
propriétaire de la part défectueuse qui est tenu responsable des
dommages, ou sa compagnie d'assurance-responsabilité.
En créant une mitoyenneté, je ne comprends pas la logique
et le principe qui peuvent nous expliquer cela. Qu'arriverait-il en cas de
dommages, selon l'exemple que je viens de vous citer?
M. Girard: En ce qui concerne les clôtures, comme les
fossés, il s'agit d'une servitude accrochée, si l'on veut,
à la propriété comme telle, de la même façon
que le bornage. Un voisin peut bien dire: Je n'ai pas besoin du bornage. Mais,
si un des voisins le demande, l'autre est obligé de
suivre. La clôture, de tradition, a été un
élément de mitoyenneté, c'est-à-dire un
élément qui a servi de séparation, un
élément séparateur entre deux propriétés et
qui, de longue date, a toujours été un ouvrage mitoyen.
Ici, évidemment, on n'a pas analysé le bien-fondé.
Cela existait dans l'ancien code et on l'a laissé tel quel. Je pense
également qu'il serait assez difficile de le faire disparaître.
Autrement, un propriétaire pourrait attendre que son voisin fasse une
clôture, la paie au complet et, un bon matin, il se réveille et
décide de s'acheter des animaux. La clôture est déjà
faite et il n'a pas besoin de payer pour cela.
On l'a prévu dans les murs mitoyens. Avec le mur mitoyen,
automatiquement il est mitoyen, à moins que, selon ce qui est
prévu à l'article 1044 ou 1045, il n'y ait une volonté de
s'en séparer. Le propriétaire peut même être
appelé à céder la partie du mur, le sol où se
trouve le mur en question. Je ne sais pas s'il serait sage d'éliminer la
responsabilité mitoyenne dans la clôture. À mon point de
vue, non.
M. Mathieu: Si je comprends bien, vous ne vous êtes pas
arrêtés sur ce point comme tel.
M. Girard: Pas pour déterminer le bien-fondé
d'avoir une mitoyenneté ou non là-dessus. (16 h 45)
M. Sasseville (Gilbert): Si j'ai bien compris vos remarques, M.
le député, vous parlez de la ligne séparative entre la
propriété publique et la propriété privée et
c'est déjà régi par la Loi sur la voirie, la Loi sur les
chemins de colonisation et autres.
M. Girard: Non, non.
M. Sasseville: Mais, pour la ligne séparative entre deux
terres, il a toujours été du droit coutumier que c'était
mitoyen entre les deux propriétaires.
M. Mathieu: Je veux bien parler de la ligne séparant deux
lots, si les animaux traversent chez le voisin et, ensuite, sur la voie
publique. Je vous remercie.
Le Président (M. Rivest): M. le député de
Robert Baldwin.
M. O'Gallagher: Merci, M. le Président. Je voudrais saluer
mes confrères; on se connaît depuis longtemps. Je vous
félicite pour vos commentaires et vos suggestions très
précises qui affectent notre profession. Tout d'abord, je suis d'accord
avec vos commentaires relatifs à l'article 1017 car, dans l'exercice de
notre profession, on s'aperçoit souvent que c'est surtout le titre qui
est faux. C'est très difficile de s'appuyer sur un titre pour
établir le terrain. Je pense à plusieurs exemples et à un,
entre autres, parce que je suis impliqué. C'est le cas d'un grand
terrain qui a été cédé par titres; la description
est assez boiteuse car c'est le lot originaire, avec l'exception d'une
série de titres, qui a été vendu au cours de plusieurs
années. En plus de cela, il y a deux cadastres sur la même
propriété, celui du village et celui de la paroisse, et des
expropriations. Si on faisait une compilation des ventes, on arriverait
à un résidu de 5000 pieds carrés, mais, en
réalité, le terrain est bien supérieur à cela. Il a
à peu près 20 000 pieds carrés. Nos conseillers juridiques
pensent qu'on devra faire un bornage autour du terrain pour pouvoir livrer un
titre qui a de l'allure et qui a une certaine valeur. Je pense qu'il faudrait
prendre votre suggestion en ce qui concerne l'article 1017.
Le deuxième commentaire que j'ai à faire, c'est de vous
demander ou de demander au ministre si, par l'article 1035, on veut faire
disparaître tout concept de vues indirectes. Est-ce que vous comprenez?
Il n'y aura plus de concept de vues indirectes, de fenêtres
situées à quelques pieds de la ligne commune, perpendiculairement
à la ligne. J'espère...
Une voix: Dans le projet de loi 38, il était
déjà disparu.
M. O'Gallagher: D'accord. Ce sont les seules précisions
que je voulais apporter. Je pense que vos commentaires sont très
précis et valables pour cette commission. Je vous remercie.
Le Président (M. Rivest): Est-ce que... M. le
député de Saint-Laurent.
M. Leduc (Saint-Laurent): J'ai posé la question ce matin
au barreau concernant les vues illégales; je vous la repose. Est-ce que
vous seriez d'accord pour qu'on fasse disparaître complètement les
vues illégales? On a fait disparaître les vues illégales
indirectes, est-ce qu'il n'y aurait pas lieu, également, de faire
disparaître les vues illégales directes? Vu qu'aujourd'hui les
terrains sont très restreints, particulièrement en milieu urbain,
on pourrait s'en remettre aux règlements municipaux. Alors, est-ce qu'il
n'y aurait pas lieu, à ce moment-là, pour simplifier les choses,
d'autant plus que, lorsqu'on a des vues illégales, la plupart du temps
on requiert une servitude et on les légalise - alors, en fait, cela ne
change rien, cela ne changerait pas tellement - est-ce qu'il n'y aurait pas
lieu qu'on demande d'enlever complètement les vues illégales?
D'ailleurs, je ne devrais peut-être pas vous le dire, mais, en Ontario,
vous savez que cela n'existe pas. Les gens vivent et ne s'en
plaignent pas non plus. Alors, est-ce qu'il n'y aurait pas lieu qu'on
fasse disparaître purement et simplement les vues illégales?
M. Girard: C'est une pensée qui nous a traversé...
On s'y est arrêté beaucoup, même qu'on avait l'intention de
le proposer. Cependant, par égard à la tradition, on a voulu les
conserver pour les fenêtres. Cela peut se justifier pour les
fenêtres parce que quelqu'un peut quand même s'installer dans sa
fenêtre et regarder chez la propriété voisine de
façon que le voisin ne s'en aperçoive pas. Ce n'est pas le
même cas pour les galeries. Pendant dix mois par année il n'est
pas question d'aller s'installer sur une galerie pour regarder chez la
propriété voisine. Alors, il n'y a pas plus de gravité
d'avoir une galerie que d'aller s'installer ou se planter à
côté de la haie du voisin et regarder ce qui se passe.
Strictement, comme je vous le disais tantôt, un peu par égard
à la tradition qui existe, actuellement les vues illégales sont
défendues et puis, peut-être aussi parce que c'est un moyen plus
facile d'avoir des regards indiscrets sur la propriété voisine.
C'est la seule raison pour laquelle on a laissé cela.
M. Sasseville: II y en a une qu'il n'avouera pas: il ne faut
quand même pas régler tous les sujets de chicane; sans cela, on
n'aura plus de raison d'exister, les avocats non plus, d'ailleurs.
M. Leduc (Saint-Laurent): Le barreau semblait très
favorable à la disparition des vues illégales.
Une voix: On pourrait parler des chicanes aussi.
M. Leduc (Saint-Laurent): Bien oui, ces gens aiment cela.
Le Président (M. Rivest): Cela me surprend.
M. Leduc (Saint-Laurent): Le deuxième point, la
copropriété. Je me demande... C'est peut-être une question
que je vous pose. Est-ce que vous avez déjà fait des
copropriétés sur du terrain vacant? Est-ce que vous pensez qu'il
devrait y avoir une réglementation, une provision au Code civil, pour
établir la copropriété sur les terrains vacants?
M. Girard: Je me demande quelle serait l'utilité de la
copropriété sur des terrains vacants.
M. Leduc (Saint-Laurent): Pour établir de la
copropriété industrielle. Alors, vous l'établissez sur le
terrain et la propriété, la bâtisse appartiendrait au
propriétaire par accession, au propriétaire du terrain. À
ce moment-là, on pourrait contourner toute la question de la
construction par phases, parce qu'on connaît cela dès le
départ: vous avez 25 terrains, vous établiriez une
copropriété sur les 25 terrains. Au départ on pourrait
établir un pourcentage, des quotes-parts, ce qui n'existe pas à
la verticale, Parce que, si on construit ou si on a l'intention de construire
une bâtisse à côté, est-ce qu'elle va, effectivement,
se construire? Quelles seront les parts, la proportion? On ne sait pas comment
cela va se réaliser. Si on fait une copropriété à
l'horizontale, on sait exactement au départ quelle sera la quote-part,
la partie de terrain et, ensuite, on construit. Prenez tout ce qui est
copropriété industrielle, quelle serait la différence avec
la situation actuelle? Que l'immeuble, la bâtisse fasse partie de la
copropriété, je ne pense que ce soit tellement important. On
établit les services sur les terrains pour les parties communes. Vous
feriez une subdivision à l'horizontale. Je me demandais si vous en aviez
déjà fait et ce que vous en pensiez.
M. Girard: Ce n'est peut-être pas impossible. Le risque
qu'il y a dans la copropriété par phases, c'est que les phases
subséquentes ne se réalisent pas. Le notaire comment
s'appelle-t-il? il est de la chambre des notaires, je ne me souviens plus de
son nom...
Une voix: Comtois.
M. Girard: ...Comtois a suggéré déjà,
dans un cas de copropriété, une formule qui, à notre point
de vue, avait beaucoup de sens. C'est que la copropriété par
phases peut se faire avec l'aide d'une compagnie qui, elle, peut exister
parallèlement; alors, les copropriétaires ont des parts dans
cette compagnie, ce qui leur permet que cela devienne une partie,
propriété divise, l'autre partie, indivise.
M. Leduc (Saint-Laurent): Vous n'avez pas besoin, tout de
même, de faire cela avec une copropriété; si vous
établissez une compagnie, vous pouvez le faire même si vous n'avez
pas de copropriété. Je ne pense pas que l'un soit relié
à l'autre. C'est bien évident que vous pourrez alors
établir une convention entre les différentes phases, mais
peut-être que, pour la propriété résidentielle, ce
serait beaucoup plus difficile. Je vois très bien qu'on pourrait
procéder à des copropriétés industrielles de cette
façon. On pourrait solutionner le problème des constructeurs qui
ne savent pas s'ils vont vendre 25 unités. Ils peuvent en construire 5.
On connaît les règles du jeu au départ, le terrain est
là, on établit les quotes-parts en fonction des terrains.
Ensuite, en vertu du
droit d'accession, le propriétaire du terrain devient
propriétaire de sa bâtisse. Je posais la question.
Dernière question. Vous avez dit tantôt, à la suite
d'une question, vous avez répondu oui au président, sur la
question du certificat de localisation, à savoir si cela était
possible d'établir un certificat de localisation sur une
copropriété, sur une unité de copropriété.
Quant à moi, j'ai des restrictions, je me demande comment vous pouvez
garantir qu'il n'y pas eu de modification sans faire l'inspection, sans
vérifier, sans faire un arpentage, une vérification de tout
l'immeuble et sans signer un certificat de localisation. Vous pouvez avoir un
ajout; à un moment donné, il peut y avoir un ajout d'une partie
commune. Je ne vois pas comment vous pouvez signer un certificat de
localisation sur un appartement sans vérifier au complet la
bâtisse. Je ne pense pas que cela soit possible. Vous le faites; à
mon sens, cela n'est pas un vrai certificat de localisation. Vous garantissez
que l'unité, le cube d'air de telle unité est là. On le
sait. On a simplement à aller voir au cadastre, mais, si vous voulez
garantir vraiment qu'il n'y a pas eu de modification ou, s'il y en a une, la
montrer, il faudrait que vous montriez l'immeuble au complet, parties communes,
parties exclusives et que vous disiez: Après vérification, on a
constaté qu'il n'y avait pas eu de modification.
M. Girard: La question qui nous a été posée,
si je l'ai bien comprise, c'était! Est-ce que c'est possible de faire un
certificat de localisation sur une partie exclusive? C'est possible de le
faire, mais on n'est pas obligé de montrer tout l'immeuble, c'est
seulement la partie exclusive. En ce qui concerne l'immeuble au complet, c'est
son périmètre, bien sûr, mais il n'est pas question d'aller
inspecter chacune des autres parties exclusives et des parties communes.
M. Leduc (Saint-Laurent): Mais, quel intérêt
à ce moment-là? On a simplement à aller vérifier au
cadastre. Ce que l'on voudrait, nous, c'est un certificat de localisation qui
établit qu'il n'y pas eu de modification. Vous avez des quotes-parts. Il
faut également non simplement considérer... Une
copropriété, c'est la partie exclusive plus les quotes-parts;
donc, vous devez aller voir si la quote-part dans les parties communes est
encore intégrale, ou bien s'il y a eu une modification.
M. Girard: Si on nous demandait de certifier des choses
semblables, évidemment, il faudrait le faire, mais la partie la plus
importante d'un certificat de localisation, c'est la description de la partie
sur laquelle l'hypothèque va porter. Est-ce que c'est bien le bon
appartement? Il peut arriver qu'on se soit trompé dans l'identification
de l'appartement par rapport à ce qu'il y a de marqué au
cadastre. Alors, si on enregistre, supposons, le lot 1623-1 et qu'effectivement
ce n'est pas cela, c'est le lot 102 qui est l'appartement en question qu'on
veut hypothéquer, nous n'avons pas hypothéqué le
même appartement. C'est la partie la plus importante, parce que
l'hypothèque, afin qu'elle soit valide, il faut qu'elle soit
installée sur le bon lot.
M. Leduc (Saint-Laurent): Vous faites une question
d'identification. Je pense que l'on ne peut pas le faire autrement qu'en
vérifiant l'immeuble au complet, si vous voulez être en mesure de
donner un véritable certificat de localisation. À ce
moment-là, vous devez le faire sur les deux éléments d'une
copropriété: partie exclusive et quote-part dans les parties
communes. Vous pouvez avoir des modifications qui sont très importantes,
vous pouvez avoir, en fait, une disposition d'un morceau de terrain. C'est
possible avec certains des articles, 441x; maintenant, je ne sais pas quel est
le nouvel article; c'est absolument possible. Comment pouvez-vous, à ce
moment-là, dire: Écoutez, cela représente exactement ou il
n'y pas eu de modification par rapport à la bâtisse ou aux plans
originaux? 11 peut y en avoir eu. Il peut y avoir eu une vente d'un morceau de
terrain d'une partie commune. Je pense que vous devez tout vérifier.
Sans cela, votre certificat de localisation identifie, il nous montre ce que le
cadastre, effectivement, identifie. (17 heures)
M. Girard: II faut dire que cela ne fait pas longtemps que la loi
existe et qu'il se fait de la copropriété, comme on le constate,
actuellement. Et les problèmes qui ont pu se poser sur des questions de
changements de quotes-parts ou de changements d'identification sont peu
nombreux. Il arrive, je dirais plutôt rarement, qu'on est appelés
à faire des certificats de localisation. Pour ma part, je n'en ai que
deux de faits, jusqu'à présent, sur à peu près une
centaine d'unités de copropriété. Habituellement, les
sociétés prêteuses ne nous le demandent pas, surtout quand
il s'agit d'un premier financement. On le fait sur un deuxième ou un
troisième financement. Là, on peut se poser des questions et on
va nous indiquer, dans le mandat, exactement ce qu'on veut savoir. Est-ce qu'il
y a eu des changements dans les quotes-parts qui étaient inscrites dans
l'acte de copropriété? On va nous demander, dans un mandat
précis, d'aller le vérifier. Là, c'est possible de le
faire en allant mesurer ce que ces gens veulent savoir.
M. Leduc (Saint-Laurent): Bon, d'accord.
Le Président (M. Rivest): Monsieur l'adjoint parlementaire
du ministre de la Justice.
M. Dussault: Alors, M. le Vice-Président, qui
présidez, je ne suis pas l'adjoint parlementaire...
Le Président (M. Rivest): Non?
M. Dussault: ...du ministre de la Justice.
Le Président (M. Rivest): Vous n'occupez plus...
M. Dussault: Je suis l'adjoint parlementaire du ministre de
l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.
M. Marx: On va vous proposer comme adjoint parlementaire et ce
sera au premier ministre d'accepter ou de refuser'.
M. Dussault: Ce sera à étudier.
Le Président (M. Rivest): Mais, au nom du ministre de la
Justice...
M. Dussault: J'en serais sûrement flatté, M. le
Président. Je ne voudrais pas faire de longues interventions. Je
voudrais, relativement à l'article 1026, vous demander s'il est
fréquent qu'on ait à appliquer cette règle de l'obligation
de couper des arbres pour permettre à la récolte d'être
bonne. Votre expérience est une expérience de terrain. Alors,
peut-être que vous pourriez être en mesure de nous éclairer;
peut-être qu'on tirera la conclusion que c'est une règle qu'il
n'est absolument plus nécessaire d'avoir dans le Code civil.
M. Girard: Pour ma part, en 33 ans de pratique, j'ai eu un cas;
c'était une chicane de voisins et cela a amené l'exigence du
découvert. Peut-être que M. Sasseville, qui a pratiqué
longtemps dans les régions boisées, pourrait rapporter d'autres
expériences.
M. Sasseville: Oui, cela se présente assez souvent et on
fait appel, à ce moment-là, au Code municipal, qui prévoit
aussi le découvert. Et c'est l'inspecteur municipal qui vient exiger que
la coupe se fasse. Cela se présente assez souvent.
M. Dussault: Donc, cela veut dire que cette règle du Code
civil est encore utile. De toute façon, le Code municipal doit s'appuyer
sur le principe qui existe déjà au Code civil.
Deuxièmement, relativement aux limites d'un fonds,
l'identification, est-ce que l'on doit comprendre que vous
préférez nettement le texte du Code civil actuel
là-dessus? Ou, pensez-vous que le nouveau texte, c'est-à-dire
l'article 1017, est intéressant, mais qu'il y aurait lieu de
l'améliorer?
M. SasseviUe: De l'article 1017?
M. Dussault: L'article 1017, oui, les limites de fonds et de
bornage.
M. Girard: Ah! elles sont déterminées par les
titres, les documents cadastraux et ainsi de suite.
M. Dussault: C'est cela, oui. Parce que, dans le texte actuel du
Code civil, on fait référence à l'erreur, tandis que
là, dans le nouveau texte, on présumerait de certaines choses.
Est-ce que vous pensez qu'il faudrait tout simplement revenir - parce qu'on a
vu des réticences dans votre exposé de tout à l'heure -
est-ce que vous pensez que l'on doit revenir, en fait, au texte du Code civil
actuel?
M. Beausoleil: Qui dit quoi, qui se lit comment, actuellement? Je
ne l'ai pas.
M. Dussault: Qui dit ceci: "Le droit de propriété
ne peut être affecté par les erreurs qui se rencontrent dans le
plan et le livre de renvoi; et nulle erreur...
M. Sasseville: Cela est l'article 2174... M. Girard:
L'article 2174. M. Sasseville: ...le cadastre.
M. Dussault: Ah oui, je m'excuse, j'aurais dû vous le dire.
Effectivement, c'est l'actuel article 2174 qui dit cela, oui. C'est le dernier
paragraphe.
M. Sasseville: Cela ne touche pas à cela du tout.
M. Girard: Non.
M. Sasseville: C'est un nouvel article, le 1017.
M. Dussault: Mais on dit: "...et nulle erreur dans la
description, l'étendue ou le nom, ne peut être
interprétée comme donnant à une partie plus de droit
à un terrain que ne lui en donne son titre." C'est effectivement
à cela que l'on fait référence dans...
M. Sasseville: Oui, mais on parle des erreurs au cadastre,
à l'article 2174.
M. Girard: Ce n'est pas dans le bornage.
M. Sasseville: Ce n'est pas dans le
bornage du tout, cela.
M. Beausoleil: C'est que, dans la délimitation de la
propriété, il y a deux choses, de la façon qu'on le voit
ici. Quand on est appelé à délimiter sur le terrain une
propriété, en tant qu'arpenteur-géomètre,
d'après le projet de loi, l'article 1017, ce sont les titres, le
cadastre, le livre de renvoi et l'occupation. Et, s'il y a quelque chose
là-dedans qui ne fonctionne pas, c'est le titre qui prime. Ce que l'on
suggère, on dit: Non, ce ne sera pas seulement le titre, cela va
être le titre, et les documents cadastraux, et l'occupation.
L'arpenteur-géomètre va s'organiser pour compiler tout cela.
Dans l'article que vous venez de lire, l'article 2174, qui traite du
cadastre, ce sont des erreurs, mais des erreurs à l'intérieur
d'un document cadastrable. Cette erreur à l'intérieur d'un
document cadastrable ne peut pas donner ou enlever à quelqu'un plus de
droits que ne lui en donne son titre. C'est un chapitre complètement
à part. Je ne pense pas que les deux puissent s'intégrer au
niveau de cette discussion.
M. Dussault: Vous voyez encore l'utilité de l'article 1017
avec les précautions que vous venez d'identifier.
M. Beausoleil: D'accord.
M. Dussault: Je n'ai pas d'autres questions. Je voudrais vous
remercier, au nom du ministre, d'être venus éclairer la commission
et le gouvernement sur les corrections qui vous semblent s'imposer au projet de
loi 58. Il nous semble que vous étiez sans doute ceux qui étaient
en mesure de nous faire des remarques de type technique comme vous l'avez fait.
Cela sera sûrement très apprécié. Je vous remercie
encore.
Le Président (M. Vaugeois): Merci beaucoup.
M. le président de la chambre de commerce, voulez-vous
présenter les gens qui vous accompagnent et votre mémoire de la
façon que vous choisirez? Je me permets d'excuser M. le ministre qui
arrivera d'une minute à l'autre; il est actuellement retenu par un
travail d'assermentation. D'ici à ce que nos institutions soient
vraiment réformées, il a encore ces tâches à
exécuter. De toute façon, comme vous le savez, votre
mémoire est entre les mains de son équipe, lui-même l'a
certainement parcouru. Je vous invite à présenter vos
collaborateurs et votre mémoire.
Chambre de commerce de la province de
Québec
M. Lagacé (Louis): Je vous remercie,
M. le Président de la commission. D'abord, je voudrais faire une
petite mise au point: je ne suis que le vice-président de la Chambre de
commerce de la province de Québec aux affaires gouvernementales...
Le Président (M. Vaugeois): C'est déjà
beaucoup.
M. Lagacé: ...M. Arthur Earle de Montréal
étant le président. Je vous remercie de la confiance que vous
m'avez témoignée en me voyant, mais ce n'est pas tout à
fait cela.
Le Président (M. Vaugeois): Ce sera l'année
prochaine, quoi!
M. Lagacé: Peut-être? J'aimerais vous
présenter mes augustes collaborateurs dans ce travail parce qu'ils ont
contribué surtout à la rédaction du mémoire qui
vous est présenté aujourd'hui.
À ma gauche, il y a Me Daniel Picotte qui est avocat chez
Martineau, Walker (Montréal); Me Sylvie Massicotte, avocate, qui est au
contentieux de la Chambre de commerce de la province de Québec;
moi-même, je suis Louis Lagacé, notaire de Sherbrooke et
vice-président de la chambre de commerce; à ma droite, M. Marcel
Tardif, directeur général de la Chambre de commerce de la
province de Québec et plus particulièrement préposé
aux affaires gouvernementales; enfin, Me Gaston Pouliot, chef du contentieux du
Trust général du Canada à Montréal.
Le projet de loi 58, M. le Président, sur les biens donne au Code
civil un titre nouveau: De l'administration du bien d'autrui. La chambre s'y
intéresse particulièrement parce qu'il recouvre le premier volet
de la réforme du Code civil, le projet de loi 106 du droit des
personnes, notamment sur les personnes morales. Il y a un an environ, en
commission parlementaire, les groupes qui avaient étudié les
dispositions sur les personnes morales, ainsi que la chambre, avaient
recommandé d'emblée de clarifier ces articles et/ou de surseoir
à leur adoption - et je me réfère ici à la position
du Barreau du Québec - tant que leur implication sur les
difficultés économiques du Québec ne serait pas connue et,
enfin, je me réfère à la position de l'Association
québécoise de planification fiscale et successorale.
La chambre déplorait alors que l'on impose la personnalité
morale à toutes les associations, sociétés, syndicats tout
en leur donnant, ainsi qu'aux corporations, le même mode de
fonctionnement. Dans le cas des corporations, les articles du code
créaient un régime de responsabilité plus
sévère que les lois actuelles sur les compagnies et d'autres
articles dérogeaient purement et simplement
au droit corporatif existant. Le ministre de la Justice d'alors, en
commission parlementaire, nous avait dit que le chapitre sur les biens
apporterait un éclairage additionnel. De plus, il nous assurait que le
Code civil ne primerait pas sur la loi des compagnies. Le projet de loi
édicte un certain nombre de règles supplétives qui
s'appliqueront dans le cas où la personnalité juridique ne sera
pas autrement réglementée, mais ne vise aucunement à se
substituer au droit actuel, nous disait alors Me Bédard.
C'est en conservant ces paroles en mémoire que nous examinerons
le projet de loi 58 pour voir si les règles d'administration du bien
d'autrui touchant les compagnies et les responsabilités des
administrateurs sont bel et bien supplétives et s'inscrivent dans la
ligne du droit actuel.
Problèmes de forme. Le projet distingue trois formes
d'administration: la garde du bien d'autrui, la simple administration du bien
d'autrui et la pleine administration du bien d'autrui. Chacune décrit
les obligations s'y rattachant, mais il n'y a aucune référence
à des catégories connues d'administration. On en trouve bien
quelques-unes à travers le texte du projet, tel à l'article 1063:
"Le gérant agit à l'égard du bien indivis à titre
d'administrateur du bien d'autrui chargé de la simple administration."
Les fiduciaires aussi agissent à titre d'administrateurs du bien
d'autrui chargés de la pleine administration, article 1309. Quant aux
administrateurs des personnes morales, il faut se référer
à l'article 330 du projet de loi 106 qui stipule qu'ils agissent comme
administrateurs du bien d'autrui chargés de la pleine administration.
À part ces quelques références directes, il est difficile
d'attribuer une seule forme d'administration, soit aux mandataires,
emprunteurs, dépositaires, d'autant plus que leurs obligations varient.
Vous me permettrez de faire une petite parenthèse pour saluer mon
collègue, Me Johnson, confrère de classe. Bonjour, Marc.
Règles communes aux administrateurs. Quant aux règles de
l'administration, aux articles 1342 à 1383, elles s'appliqueraient
indirectement et de façon générale aux trois formes
d'administration, soit à tous les administrateurs. Est-ce là la
véritable intention du législateur de mettre sur le même
pied tous les administrateurs? À première vue, l'administrateur
d'une compagnie de capitaux à risque n'a certainement pas les
mêmes obligations que celles d'un administrateur de successions. Le Code
civil, par définition, devrait régler les rapports entre les
personnes, c'est-à-dire qu'il devrait inscrire les règles
d'administration civile du bien d'autrui, comme il le fait présentement
pour des actes civils, non pas pour des actes commerciaux.
L'applicabilité de ces règles. La rédaction
générale du titre septième sur l'administration du bien
d'autrui laisse supposer que ces règles sont impérativement
applicables. À peu près aucune mention n'est faite à
travers les articles pour spécifier qu'ils s'appliqueraient à
défaut de dispositions contraires. Les articles du Code civil sur le
mandat, le dépôt, le séquestre, etc. seront-ils tous
remplacés par ces dispositions générales? Si oui, le
législateur doit s'assurer qu'ils représenteront leurs
obligations actuelles.
Des dispositions générales dans les problèmes de
fond. À l'article 1331, sur la rémunération des
administrateurs, il est dit que celui qui agit sans droit ou sans y être
autorisé n'a droit à aucune rémunération. Ce seul
article nous donne un avant-goût amer du projet de loi puisque, en ce qui
concerne notre propos sur les administrateurs de compagnie, cet article ne
s'applique pas. Les administrateurs sont rémunérés pour le
travail qu'ils effectuent. S'ils excèdent de bonne foi leurs pouvoirs,
ceci impliquerait-il qu'ils agiraient peut-être sans droit et qu'ils ne
seraient pas payés, même si leurs actes ont
généré des profits à la compagnie? Si leurs actes
étaient ratifiés, ne seraient-ils pas encore payés? Ce
sont des questions que l'on se pose. (17 h 15)
La spécificité de la pleine administration du bien
d'autrui. Ce genre d'administration qui doit s'appliquer aux administrateurs de
personnes morales n'est défini qu'à deux articles. L'article 1340
dit que "la pleine administration oblige l'administrateur à conserver et
à faire fructifier le bien, à accroître le patrimoine ou
à en réaliser l'affectation, lorsque l'intérêt du
bénéficiaire ou l'accomplissement de la fin l'exigent."
Pourtant, le seul rôle de l'administrateur de compagnie est
d'administrer les affaires de la compagnie. Il n'a pas à conserver le
bien et, s'il devait accroître le patrimoine, ceci impliquerait une
notion de risque qui, par définition, est incompatible avec la notion de
conserver.
À l'article 1341, il est dit que "l'administrateur peut
notamment, pour exécuter ses obligations, aliéner le bien
à titre onéreux, le grever de charges ou d'un droit réel
ou en changer la destination et faire tout autre acte nécessaire ou
utile, y compris toutes expèces de placements." Cet article est faux
pour les administrateurs de compagnie de fiducie, car ils pourraient faire
toutes espèces de placements quand, en fait, ces compagnies sont
obligées, par la Loi sur les compagnies de fidéicommis, de placer
les deniers qu'elles détiennent de la manière permise par les
articles actuels 981o et suivants du Code civil.
Ces articles 981o et suivants du Code civil semblent être
remplacés dans le projet
de loi par les articles 1368 et suivants sur les placements
présumés sûrs. Les fiduciaires devront-ils suivre l'article
1341 leur permettant de faire toutes espèces de placements ou l'article
1368? De plus, les articles sur les placements sûrs sont écrits
sans préciser à quel genre d'administrateurs ils
s'appliquent.
Des obligations des administrateurs de compagnie. Certains articles sont
soit écrits de façon trop large, soit qu'ils imposent de
nouvelles obligations injustifiées et déraisonnables ou soit
qu'ils contredisent carrément le droit actuel. Pour illustrer nos
propos, imaginons une jeune personne entreprenante désirant profiter des
subventions gouvernementales aux jeunes entrepreneurs. Cette personne,
appelée X, devrait dorénavant s'interroger sur sa
compétence puisqu'il est dit à l'article 1343 "que
l'administrateur doit agir avec compétence comme le ferait en pareilles
circonstances une personne prudente et raisonnable."
On ne demande pas à un administrateur d'être expert dans un
ou plusieurs domaines et il n'est jamais désigné en fonction de
son titre professionnel. À cet effet, l'article 1352 est indûment
onéreux lorsqu'il précise que le tribunal peut, lorsqu'il
apprécie la responsabilité d'un administrateur, tenir compte du
fait qu'il a été désigné en raison de sa
compétence professionnelle.
Le simple fait d'être ingénieur, expert-comptable ou avocat
impliquerait-il qu'en étant nommé à un conseil
d'administration leur nomination a été faite en raison de leur
compétence? Pas nécessairement. On peut être nommé
à un conseil sans occuper de fonction exécutive et pour des
raisons autres que la compétence. La conjugaison des articles 1343 et
1352 alourdirait la responsabilité de certains administrateurs. Ainsi,
l'avocat siégeant comme administrateur serait-il considéré
donner un avis juridique lorsqu'il vote en faveur ou contre une mesure?
Se croyant assez compétent pour se lancer en affaires, X devrait,
dès son entrée en fonction, notifier l'intérêt qu'il
a dans une entreprise susceptible de le placer en situation de conflit
d'intérêts ainsi que les droits qu'il a contre le
bénéficiaire dans les biens administrés. Cet article est
incomplet lorsqu'il traite d'intérêts. X devrait juger par
lui-même si son intérêt le place en conflit
d'intérêts sans autre référence. Pourtant, les lois
sur les compagnies administrent des cas précis de conflit. Par exemple,
la Loi sur les valeurs mobilières, à l'article 80, définit
des cas limités où l'administrateur d'une compagnie publique doit
divulguer son intérêt dans les valeurs mobilières de cette
compagnie. S'il est nécessaire de codifier en détail cette
notion, ceci devrait être fait de façon complète en
prévoyant les sanctions correspondantes.
X et deux amis s'incorporent, mais à l'article 1347 on limiterait
leur pouvoir, puisque l'administrateur ne peut, en cours d'administration, se
porter partie à un contrat affectant les biens administrés.
Est-ce à dire que X ne pourrait faire un prêt à sa propre
compagnie? Qu'en est-il s'il était seul dans sa compagnie ou si tous les
administrateurs étaient d'accord pour effectuer un tel contrat? Il
devient ainsi difficile d'injecter des fonds dans une compagnie lorsqu'on ne
peut lui prêter.
Malgré ces quelques contraintes, X réussit en affaires et
décide que sa compagnie de bâtons de hockey devrait encourager le
sport amateur de sa localité. À l'article 1350, l'administrateur
ne pourrait disposer à titre gratuit des biens qui lui sont
confiés si ce n'est de biens modiques dans l'intérêt du
bénéficiaire. Non seulement on ne définit pas ce que sont
les "biens modiques", mais, bien au contraire, il deviendrait illégal de
commanditer certaines activités spéciales, ce que font
quotidiennement certaines grandes compagnies et aussi les petites. Pourtant, il
est parfois dans le meilleur intérêt des compagnies commerciales
et de l'économie en général de faire de la promotion.
À l'article 1355, il est dit que "les obligations
contractées par l'administrateur en excès des pouvoirs de la
personne morale bénéficiaire ne sont pas ratifiables."
D'autre part, si X, en excédant son pouvoir, a
réalisé des profits au nom de la compagnie, ceci explique-t-il
que ces actes ne sont plus ratifiables? D'autre part, la formulation de cet
article ne s'applique pas aux compagnies puisque, par exemple, la Loi sur les
compagnies, partie 1A, ne spécifie plus d'objet aux compagnies et
celles-ci ont donc une capacité illimitée. Il en est de
même pour les compagnies incorporées en vertu de la Loi sur les
sociétés commerciales canadiennes.
À l'article 1358, il est dit que "l'administrateur doit dresser
l'inventaire des meubles et l'état des immeubles si le tribunal
l'ordonne à la demande de l'intéressé". Cet article ne
s'applique manifestement pas aux administrateurs de compagnie et rendrait la
tâche d'un administrateur trop lourde et contraignante surtout si chaque
actionnaire demandait au tribunal qu'il dresse l'inventaire. C'est
peut-être pour le soulager de ces fonctions que le nouveau Code civil
permettrait à l'administrateur de déléguer ses fonctions,
à l'article 1366, ou de se faire représenter par un tiers pour un
acte déterminé, même si cela est contraire au droit des
compagnies qui ne permet pas aux administrateurs de voter par procuration.
À l'article 1361, il est dit que, "lorsque plusieurs
administrateurs sont chargés de
l'administration, ils peuvent agir à la majorité d'entre
eux, à moins que l'acte ou la loi n'exige qu'ils agissent de concert ou
suivant une majorité spéciale."
La Loi sur les compagnies peut donner les pouvoirs d'agir selon un
quorum moindre que la majorité. X ne pourrait plus agir à moins
de le faire selon une majorité. On se demande ce que viendrait faire un
tribunal dans cette matière tout comme à l'article 1362 où
il est dit que, "si les administrateurs ne peuvent agir selon la proportion
prévue, les autres peuvent agir seuls pour des actes conservatoires; ils
peuvent aussi agir seuls pour les actes qui demandent
célérité, s'ils y sont autorisés par le
tribunal".
Les tribunaux n'ont jamais eu à se mêler des affaires
générales d'une compagnie, encore moins pour des actes qui par
définition demandent célérité. Si X voulait signer
des chèques de paie que les employés sont en droit d'exiger avec
célérité, il devrait y être maintenant
autorisé par un tribunal. Il n'y a qu'à imaginer le temps que
cela prendrait pour qu'à toutes fins utiles une compagnie devienne
paralysée.
X et ses deux administrateurs, continuant leurs opérations
malgré leurs nouvelles obligations, seraient dorénavant
solidairement responsables de leur administration (article 1363). À ne
pas confondre avec l'union fait la force. Bien au contraire, X serait
responsable de l'administration de ses partenaires et pourrait être tenu
de payer pour les fautes de ceux-ci. Ceci servirait à décourager
les administrateurs un peu plus riches que les autres de siéger à
des conseils d'administration car, présentement, ils ne sont
responsables que des dommages causés par leur propre mauvaise
administration.
Véritablement découragé, X se résignerait
donc à démissionner pour éviter toutes ces complications.
Qu'à cela ne tienne. Il ne s'en sauvera pas si vite. L'article 1388 dit
que "l'administrateur répond du préjudice causé par sa
démission si elle est faite sans motif valable et à contretemps".
On se demande qui jugera le motif valable et qui définira que la
démission a été faite à contretemps. De plus,
depuis toujours, l'administrateur a pu démissionner sans
contraintes.
X, ayant préparé un motif valable pour justifier sa
démission, devra quand même rendre compte de sa gestion selon
l'article 1380. Ce même article prévoit que tout administrateur
devrait rendre compte de sa gestion, au bénéficiaire au moins une
fois l'an et, à l'article 1381, que le compte devrait être
suffisamment détaillé pour permettre d'en vérifier
l'exactitude. Pas besoin de démissionner pour être tenu à
cette nouvelle obligation qui, de fait, serait déraisonnable pour les
administrateurs.
Actuellement, les lois sur les compagnies n'obligent pas les
administrateurs à le faire. Seulement le bilan annuel doit être
déposé. Surtout, le droit corporatif actuel ne permet pas aux
actionnaires d'avoir accès à tous les livres de la compagnie, ce
que permettrait dorénavant l'article 1383. Les livres concernant
l'administration des opérations d'une compagnie (les
procès-verbaux des assemblées des administrateurs) ne sont pas
disponibles pour les actionnaires dans l'état actuel du droit. Mais il
est encore plus grave que les livres comptables deviennent accessibles à
tous les actionnaires. Pour des compagnies comptant un nombre
élevé d'actionnaires, ceci impliquerait que ces livres
deviendraient disponibles pour leurs compétiteurs.
Les fiduciaires. Pour une compagnie agissant comme fiduciaire, les
mêmes problèmes soulevés précédemment
s'appliquent. Par ailleurs, certains articles leur seraient
particulièrement inapplicables et dérogeraient à la Loi
sur les compagnies de fidéicommis qui les régit. Le fiduciaire
agit donc à titre d'administrateur du bien d'autrui chargé de la
pleine administration. Il devrait donc à la fois conserver et faire
fructifier le bien selon l'article 1340, même si le fiduciaire a
généralement le mandat de faire l'un ou l'autre. Par exemple, il
peut recevoir le mandat de percevoir les revenus d'un immeuble, ledit immeuble
devant être remis plus tard au bénéficiaire. Il pourrait,
de plus, faire toutes espèces de placements selon l'article 1341 comme
on l'a vu précédemment.
À l'article 1351, il est dit que, "s'il y a plusieurs
bénéficiaires de l'administration, simultanément ou
successivement, l'administrateur est tenu d'agir avec impartialité
à leur égard, compte tenu de leurs droits respectifs." Cet
article pourrait placer le fiduciaire dans une situation délicate car,
si l'acte constitutif - un testament par exemple - lui permet de donner plus
à un bénéficaire qu'à un autre, agirait-il ainsi de
façon partiale à leur égard?
À l'article 1353, le patrimoine fiduciaire répond envers
les tiers du préjudice causé par la faute de l'administrateur. Le
patrimoine du bénéficiaire pourrait donc être touché
et ce, contrairement aux principes généraux de droit voulant que
l'on soit responsable de ses propres fautes. L'administrateur lui-même
devrait donc être responsable de ses actes jusqu'à concurrence des
avantages retirés par le bénéficiaire.
Quant aux articles 1374 à 1379, ils régissent la
répartition des bénéfices et des dépenses entre le
bénéficiaire des fruits et revenus et celui du capital. Ces
articles compliqueraient la vie des compagnies de fidéicommis qui
fonctionnent selon l'équité
en attribuant respectivement les dépenses au capital ou au revenu
selon la nature de la dépense. De plus, les documents constitutifs
prévoient parfois à qui devront être attribuées les
dettes par rapport aux revenus, par exemple.
Conclusion et recommandations. La chambre, en examinant le titre sur
l'administration du bien d'autrui, pensait trouver un éclairage nouveau
s'appliquant aux personnes morales du projet de loi 106. Au contraire, elle y a
trouvé un surcroît d'obligations nouvelles pour les
administrateurs et d'autres règles incompatibles avec le droit
corporatif actuel. Pourtant, une révision aussi majeure que celle du
Code civil devrait servir à épurer celui-ci de certains concepts
désuets. Le Code civil devrait contenir les grands principes de droit
reconnus de tous en servant de dénominateur commun aux relations entre
les personnes. En aucun cas ne devrait-il se substituer au droit corporatif
contenu dans des lois particulières, tant au niveau provincial qu'au
niveau fédéral. À plus forte raison, il ne devrait pas
édicter de règles plus sévères que celles
prévues dans ces lois.
Les compagnies, au Québec, fonctionnent à l'échelle
d'une économie canadienne et nord-américaine et le Québec
doit encourager la venue de certaines compagnies sur son territoire. Pour ce
faire, le droit corporatif québécois doit être semblable
à celui en vigueur dans le reste du Canada. La Loi sur les compagnies a
d'ailleurs été amendée récemment pour mieux
correspondre aux lois fédérales. Si d'autres modifications
doivent être faites, les lois particulières devraient être
changées selon l'évolution de la jurisprudence. Le Code civil,
quant à lui, doit être la base du droit québécois et
refléter les grands principes immuables.
Pour ces raisons, la chambre recommande donc de modifier avec prudence
le Code civil tout en respectant l'aspect civil de celui-ci; de ne pas faire du
Code civil un similicode commercial; de distinguer clairement les trois genres
d'administration et d'attribuer à chacun des modes de fonctionnement et
des obligations qui leur sont propres; d'inscrire seulement des principes
généraux pour les administrateurs de compagnie; d'enlever tout
article qui touche, augmente et change les obligations actuelles des
administrateurs de compagnie qui sont déjà prévues dans
les lois particulières du droit corporatif; de préciser et
codifier certaines règles de jurisprudence du droit corporatif, non pas
dans le Code civil, mais dans les lois particulières. (17 h 30)
Le Président (M. Rivest): Me Lagacé, la commission
vous remercie de la présentation de votre mémoire. Vous avez
essentiellement soulevé les rapports entre le Code civil et notre droit
et notre pratique corporatifs. Déjà, antérieurement, des
mémoires ont soulevé - en particulier ceux du barreau, de la
chambre des notaires et d'autres - cet aspect. Sans doute que M. le ministre,
à qui je donnerai la parole, pourra échanger avec vous sur cet
aspect particulier et sur les autres questions que vous voudrez bien soulever.
M. le ministre.
M. Johnson (Anjou): D'abord, je voudrais remercier le
représentant de la chambre de commerce, Me Lagacé, qui a
été partiellement un confrère étant donné
qu'il est notaire. Je voudrais m'excuser d'avoir manqué le début
de votre présentation. Les obligations concernant l'assermentation du
nouveau lieutenant-gouverneur me retenaient à un autre étage.
Le Président (M. Rivest): Vos fonctions de gardien des
sceaux.
M. Johnson (Anjou): Mes fonctions de gardien des sceaux, et ne
vous sentez pas visé, M. le Président! Vous avez concentré
dans votre mémoire, ou enfin l'essentiel de votre mémoire porte
sur le chapitre de l'administration des biens d'autrui.
Une voix: Et du sceaul
M. Johnson (Anjou): Et garde du sceau!
Une voix: ...
M. Johnson (Anjou): Les règles du mandat à
l'égard du déposant s'appliquent et ce que l'on circonscrit comme
étant la responsabilité de l'administrateur, c'est à
l'égard du bien d'autrui de façon supplétive. Je ne sais
pas si vous êtes d'accord avec cette interprétation que je donne.
Peut-être trouvez-vous que le texte n'est pas assez clair à cet
égard. Mais nous considérons que, dans la mesure où un
administrateur agit à titre de mandataire, ce sont les règles du
mandat qui s'appliquent. Et les règles que nous couchons dans la
réforme à l'égard de l'administration du bien d'autrui
deviennent possiblement un univers utile auquel peut se référer
le juge dans l'appréciation d'une situation s'il y a un litige et ainsi
de suite. Mais elles ne sont pas, encore une fois, mandatoires si d'autres
règles, applicables en vertu ou du droit statutaire ou d'autres
dimensions du droit civil, s'appliquent.
Maintenant, peut-être trouvez-vous que le texte n'est pas clair
à cet égard-là.
M. Lagacé: Vous vous rappellerez, lorsqu'on a eu un cours
sur le mandat, ensemble, et sur le Code civil, que nous traitions de la loi
fondamentale qu'est le Code civil et des lois particulières. Et nous
croyons, quant à nous, à la chambre de commerce, dangereux
d'imposer des normes plus sévères, dans cette loi d'ordre
général qu'est le Code civil, que dans des lois
particulières comme la Loi sur les compagnies. Je pourrais
peut-être demander à Me Picotte d'en dire plus long
là-dessus.
M. Picotte (Daniel): Voyez-vous, en un mot, la difficulté
principale du projet de loi... Je pense qu'il est animé d'intentions qui
sont louables. On suppose que c'est supplétif. D'abord, ce n'est pas
clair, bien sûr. De plus, on donne des règles d'administration
à quelqu'un qui administre une fiducie et à quelqu'un qui
administre une compagnie et qui, par essence, est là pour prendre des
risques. Ce sont deux philosophies tout à fait différentes.
Comment est-ce que l'on veut imposer d'abord une règle supplétive
lorsque nos deux administrations n'ont pas le même objet? Prenez les
placements sûrs, aux articles 1368 et suivants, vous ne pouvez pas
appliquer cela à une compagnie de placements. Je ne pense pas que,
sérieusement, on ait voulu le faire dans le cadre du projet de loi. Mais
il y a d'autres articles qui sont rédigés de la sorte et qui sont
difficilement applicables de manière supplétive.
Deuxièmement, je vous suggère que le problème
sérieux en imposant des règles supplétives comme cela,
c'est que vous en arrivez à des superpositions de règles. Je vous
donne un exemple: la déclaration de l'intérêt
d'initié. Bien, si vous vous trouvez pour une compagnie
fédérale, vous avez des règles particulières sous
le régime des lois fédérales; vous avez des règles
particulières si vous êtes régi par la Loi sur les valeurs
mobilières de la province de Québec; et ici, vous auriez une
tierce règle supplétive. Alors, vous en avez déjà
trois, vous savez. Je me demande jusqu'à quel point cette superposition
de règles est souhaitable. C'est d'abord à cet
égard-là. Si l'on veut régir de manière plus
particulière la gestion de la compagnie et le mandat d'administrateur,
c'est probablement plus souhaitable de le faire dans le cadre d'une loi
particulière.
Je vous invite aussi à considérer que, même à
l'intérieur des compagnies, il existe différentes sortes de
compagnies, qui n'ont pas toutes les mêmes objets. Vous allez avoir des
institutions financières qui ont des objets particuliers, où il
est normal que les administrateurs aient des obligations particulières.
Vous allez avoir des compagnies qui peuvent être des compagnies
générales et qui parfois sont à un haut niveau de risque
où les obligations se doivent d'être plus légères
parce qu'on n'attend pas d'un administrateur qu'il ait une mission
conservatoire comme telle.
Comme remarques, c'est ce que fais présentement, à moins
que vous n'ayez des questions plus particulières. J'en ai long à
dire, mais je ne veux pas inutilement m'allonger là-dessus.
M. Johnson (Anjou): Je veux juste ouvrir une parenthèse
avant que vous ne continuiez, Me Picotte. Vous vous souviendrez que
c'était Me Jacoby qui nous enseignait le mandat; il est sous-ministre de
la Justice maintenant. Je ne sais pas si cela vous rassure.
M. Marx: Les deux ont passé le cours de Me Jacoby? Les
deux ont passé le cours.
M. Johnson (Anjou): Oui, on a très bien passé le
cours de Me Jacoby. Néanmoins, je me demande s'il n'y a pas maldonne ou
incompréhension, dans la mesure où il s'agit de règles
supplétives. Cela me paraît assez fondamental car, en lisant votre
mémoire, j'avais l'impression que vous preniez pour acquis que
dorénavant ne s'appliqueraient à l'égard des
administrateurs que les dispositions du chapitre. Maintenant, ce n'est
peut-être pas ce que vous avez voulu dire non plus, et peut-être
que chez nous aussi, au niveau du texte, cela souffre d'imprécision.
Encore une fois, ce sont des règles supplétives; en dehors de
convention contraire ou en dehors d'un encadrement spécifique comme les
règles du mandat, par exemple, c'est le droit qui s'appliquerait. Je
retiens cependant, comme vous le dites, Me Picotte, que cela provoque un
chevauchement. Il y a déjà beaucoup de droit statutaire en ces
matières qui touche les personnes morales, commerciales, notamment, et
qui attribue des responsabilités ou des devoirs particuliers, que ce
soit en vertu de la Loi sur les compagnies, de la Loi sur les compagnies de
fidéicommis, des lois sur les compagnies d'assurances, etc.
Est-ce que vous suggérez à l'article 1341 que les
fiduciaires soient soumis à la règle des placements
sûrs?
Le Président (M. Rivest): Me Pouliot, pouvez-vous...
M. Pouliot (Gaston): On voudrait que cela soit bien clairement
défini qu'ils ne le sont pas.
M. Johnson (Anjou): Ah bon!
M. Pouliot: Puisqu'il y a déjà les articles 981o et
suivants du Code civil pour les fiduciaires, en ce qui concerne les sommes qui
sont placées sans spécification distincte dans le mandat
qui...
M. Johnson (Anjou): ...du fait que cela
pouvait remplacer 981o et qu'on se retrouve avec ces
dispositions-là qui s'appliquaient dans le cas des fiduciaires.
M. Pouliot: Qui pourraient être contradictoires ou...
M. Picotte (Daniel): Si vous me permettez de compléter ce
que je voulais dire pour préciser ma pensée. Lorsque je parle du
caractère supplétif et du danger, c'est qu'il y a des
règles; si vous mettez l'ensemble de ces règles-là comme
étant supplétives, vous avez un problème. Regardez, par
exemple, la règle qui vise la démission qui ne doit pas
être en temps inopportun. Depuis 100 ans, vous savez comme moi que, dans
les compagnies, les administrateurs démissionnent quand ils veulent;
cela n'a jamais causé, à ma connaissance comme praticien - et
cela fait plusieurs années - de problème particulier et,
même à caractère supplétif, cela ne me semble pas
utile dans le cadre d'une compagnie à fonds social. On peut faire le
même raisonnement à l'égard de la plupart des articles qui
sont là, je pense.
M. Johnson (Anjou): Si, au moment de la réécriture
du projet de loi, on décidait de concentrer et de réduire de
façon considérable le chapitre des devoirs des administrateurs,
vous voudriez les voir limiter à quels objets? Ou je devrais
peut-être vous poser la question contraire: Vous voulez ne pas voir quels
objets? Je pense que vous venez de donner un exemple, vous ne voudriez pas voir
un article qui touche la démission à contretemps. Quels sont les
autres objets qui, pour vous, présentent des éléments
importants de danger ou d'appréhension?
M. Picotte (Daniel): Si Me Lagacé me le permet, il y a
d'abord toute la question permettant le vote par procuration aux
administrateurs qui, je pense, dans le cadre de la compagnie... L'esprit, comme
vous le savez très bien, je pense... On élit des administrateurs
une fois l'an, on leur donne un mandat qui est intuitu personae s'il en est un.
Vous le voyez là, vous voulez que cet administrateur siège et pas
un autre. Je ne pense pas qu'on puisse lui permettre de voter par procuration.
Je ne pense pas que cela soit acceptable.
Les obligations de rendre compte me semblent particulièrement
onéreuses pour un administrateur de compagnie. C'est beaucoup plus
particularisé que l'obligation de dresser un bilan et de le fournir une
fois l'an. Sans évidemment jouer les saintes nitouches, je pense que
l'on veut dire qu'on ne veut pas non plus étaler sur la place publique
les affaires particulières de la compagnie. Si vous êtes en train
de négocier un contrat avec un tiers et que vous présentez une
offre, techniquement, selon les règles actuelles, tout actionnaire
pourrait avoir accès à vos registres, à vos pièces
comptables, et même aux soumissions les plus secrètes, ce qui ne
me semble pas participer à l'économie du droit. Encore une fois,
je ne pense pas que ce soit le résultat que les rédacteurs
souhaitaient.
Évidemment, la règle des placements sûrs, il
faudrait bien sûr dire que ce n'est pas applicable aux administrateurs de
compagnie, sauf si l'acte constitutif le stipule. Bref, si vous faites le tour,
je ne conserverai pas grand chose ici dans le Code civil. Dans le cadre de la
Loi sur les compagnies qui, par exemple, je vous le suggère, demande
à être révisée - je pense que c'est quelque chose
qui est en voie d'être refait dans le cadre de la refonte des
institutions financières - il serait peut-être à propos
d'en parler, dans un titre spécifique sur les administrateurs de
compagnie, dans ce cadre, et de réserver le Code civil à
l'administration purement civile. Ai-je répondu à votre
question?
M. Johnson (Anjou): Oui, dans la mesure où vous faites...
Enfin, il y a une question de philosophie, de législature, on appellera
cela comme on voudra. Effectivement, théoriquement, on pourrait mettre
tout cela, dans la mesure où cela touche les compagnies, dans des lois
spécifiques, notamment l'inspecteur général des
institutions financières qui est en voie de préparer un certain
nombre de revues de ces lois. Néanmoins, il a exprimé
l'intérêt qu'il voyait à coucher dans le Code civil un
certain nombre des grands principes d'administration des biens d'autrui pour
les personnes morales. C'est un peu en explorant cela que je vous pose cette
question, dans la mesure où l'on considère qu'il est utile dans
la loi fondamentale qu'est le Code civil de coucher un certain nombre de ces
principes.
Je suis d'accord avec vous, ce qu'on y retrouve est assez inégal.
Il y a des choses qui sont très spécifiques sur la reddition de
comptes, dans la mesure où cela s'appliquerait dans le cas d'une
compagnie, bien que je ne sois pas sûr. Je pense que la Loi sur les
compagnies, prévoyant une méthode spécifique ou pouvant
prévoir une méthode spécifique, pourrait être
dérogatoire des principes qu'on retrouve dans le Code civil.
M. Picotte (Daniel): Comme praticien, c'est là que mon
problème se soulève. Mon client m'appelle et me consulte. Je vois
une disposition dans la Loi sur les compagnies qui dit: Une fois l'an, on
présente le bilan. Cela n'exclut pas qu'on soit tenu de rendre un compte
de façon plus complète. C'est le genre de problème que je
soulève, et en
pratique il est évident. Vous savez comme moi que cela va nous
amener plus de consultations, mais pas nécessairement les consultations
qu'on souhaite. On aimerait mieux que le droit soit plus clair. C'est pour cela
que je vous inviterais, si vous pensez mettre un titre général
sur l'administration des affaires de la compagnie... Mais je pense qu'il
faudrait peut-être le faire dans un petit chapitre à part, pour le
distinguer de celui qui administre les affaires d'une fiducie, parce qu'il est
difficile de dégager des principes qui s'appliquent dans l'un et l'autre
cas, à moins de remonter à des généralités
qui n'ajoutent finalement pas grand chose à ce que l'on sait
déjà.
M. Johnson (Anjou): Je pense que c'est clair. Merci.
Le Président (M. Dussault): Je vous remercie, M. le
ministre. Oui, M. Lacasse...
Une voix: M. Lagacé.
Le Président (M. Dussault): Ah! il y a une erreur dans la
transcription ici. M. Lagacé.
M. Lagacé: Je voudrais simplement souligner, M. le
ministre, que votre auguste prédécesseur, Me Bédard, nous
mentionnait, il y a environ un an, lorsque nous avons fait nos
représentations sur la loi 106, qu'il entendait revoir tout ce qui avait
été écrit comme textes législatifs et, notamment,
en ce qui concernait le maintien du voile corporatif pour les administrateurs,
comme la chose existe partout ailleurs en Amérique du Nord.
Je voudrais simplement attirer votre attention sur le fait que le
ministre nous a dit, séance tenante en commission parlementaire, que
cette partie de la réforme serait révisée. On avait cru
comprendre que le gouvernement avait peut-être l'intention d'orienter la
réforme des lois en la partie qui concernait les compagnies d'une
façon plus homogène avec le reste du droit des compagnies, soit
dans le reste du Canada ou aux États-Unis. Je veux simplement vous le
mentionner de nouveau, parce que j'ignore si vous étiez là l'an
dernier lors de la commission parlementaire. Me Massicotte... (17 h 45)
M. Johnson (Anjou): J'ai refait une partie de la Loi sur les
compagnies quand j'étais au ministère des Institutions
financières, Compagnies et Coopératives.
M. Lagacé: Me Massicotte voudrait ajouter quelque
chose.
Mme Massicotte (Sylvie): Si vous me le permettez, je pourrais
vous lire les paroles in extenso du ministre Bédard en commission
parlementaire, où il avait dit que le projet de loi édicte un
certain nombre de règles supplétives qui s'appliqueront dans les
cas où la personnalité juridique ne sera pas autrement
réglementée. Quand il nous l'a expliqué, en rencontre
particulière, il voulait dire qu'il ne voulait absolument pas imposer
des règles qui s'appliqueraient aux compagnies qui ont
déjà la Loi sur les compagnies, mais que le projet de
réforme du Code civil visait à émettre des règles
pour des personnes morales qui n'avaient pas de loi particulière.
Ce qu'on ne retrouve pas dans le projet de loi 58, malheureusement, si
je puis l'ajouter, c'est qu'il faut le lire avec le projet de loi 106 où
on rendait personnes morales, sur le même pied que des corporations comme
les compagnies, les sociétés qui n'étaient pas auparavant
personnes morales. Ces nouvelles sociétés, devenant alors
personnes morales, avaient besoin de règles pour pouvoir fonctionner.
C'est ce qu'on pensait que le projet de réforme du Code civil voulait
faire. Merci.
M. Johnson (Anjou): Je peux peut-être vous rassurer quand
à cela en consultant les juristes du ministère à ce sujet.
L'orientation vers laquelle on se dirige au chapitre des personnes, qui, comme
vous le savez, est un chapitre en réécriture, entend respecter
cette orientation qu'on a évoquée l'an dernier lors de la
commission parlementaire, avec le résultat que, selon ce qu'on fait avec
le projet de loi 106 et les modifications que l'on retiendra pour cela, on
retiendra pour les personnes morales non couvertes par la Loi sur les
compagnies - pour parler de choses concrètes - un certain nombre de
principes, se référant à la loi spécifique pour les
autres.
La question qu'on se pose en ce moment est: Jusqu'où peut-on
aller pour édicter un certain nombre de principes qui seraient
universellement applicables aux deux? Ce à quoi Me Picotte
répondait tout à l'heure en disant: Dans le fond, vous avez le
choix d'être précis, et cela vous enquiquine en pratique, ou
d'avoir recours à de telles généralités que cela ne
changera pas grand-chose.
Je pense qu'il nous lance un défi intéressant. C'est ainsi
que je le prends. Je puis vous assurer, quant à cela, qu'il n'est pas
question de faire en sorte qu'on permette la réalisation de ce
scénario absolument catastrophique de cette compagnie de hockey qui,
dans le fond, devrait faire une vente de feu, dans votre mémoire.
D'ailleurs, j'ai trouvé l'image intéressante, je dois vous le
dire, quelque peu exagérée cependant, mais cela fait du bon
papier. Ne vous en faites pas. Il n'arrivera pas de malheur à X avec
ses
bâtons de hockey. Notre objectif n'est pas de l'assassiner.
Le Président (M. Dussault): Me Massicotte, vouliez-vous
intervenir? Non? Alors, merci, M. le ministre. M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Marx: Merci, M. le Président. J'aimerais remercier les
représentants de la Chambre de commerce de la province de Québec
d'être venus présenter leur mémoire. J'ai remarqué
que la Chambre de commerce de la province de Québec compte 200 chambres
locales, 40 000 membres et 3100 entreprises, grandes et petites. Je pense que
c'est très représentatif du milieu commercial au
Québec.
Vous n'êtes pas les premiers à aborder des problèmes
de droit corporatif. D'autres ont formulé certaines remarques dans le
même sens, mais je pense que c'est le premier mémoire où on
est vraiment allé dans les détails en ce qui concerne le droit
corporatif et l'empiétement qu'on peut avoir par le biais du Code civil.
Quant à moi, je suis très sensible à cela et je pense
qu'il faut avoir une certaine sécurité en droit. Il faut prendre
des précautions avant d'adopter ce projet de loi sur le Code civil. Il
ne faut pas adopter un projet de loi où il peut y avoir des incertitudes
et, après cela, laisser le tout aux tribunaux parce qu'on sait qui va
payer les frais, quoique je ne veuille pas décourager les avocats de
prendre des actions, mais il faut avoir une loi avec le plus de
sécurité possible. En ce sens, je suis sûr que les membres
de la commission vont prendre très sérieusement vos
recommandations. On reviendra sur cette question lorsqu'on fera l'étude
article par article. De toute façon, le ministre nous a promis une
réimpression de ce projet de loi avec des notes explicatives. Je pense
que cela aidera la compréhension du projet de loi et le but visé
par le ministre parce que souvent on peut viser un but louable, mais, quand
c'est rédigé, la loi a une tout autre connotation et un tout
autre but.
Je n'ai qu'une question à vous poser. Hier, nous avons eu Me
Armand Elbaz qui nous a proposé - j'aimerais avoir vos remarques sur
cette question - qu'afin de viser l'équilibre des forces lors de la
négociation de baux, notamment dans le cas de petits commerçants
ou de commerçants au début de leurs activités, on
préconise d'introduire une loi visant à protéger les
droits du locataire commercial sous deux aspects: droit de renouvellement de
bail et droit à une indemnité d'éviction. Il veut qu'on
mette dans le Code civil des dispositions pour protéger le petit
locataire commercial parce qu'il y avait un problème, ces mois-ci ou ces
semaines-ci, sur la rue Masson à Montréal. Étant
donné que vous représentez vraiment le milieu commercial, est-ce
qu'il faut s'aventurer dans un tel domaine?
M. Johnson (Anjou): Me Marx aimerait vous voir tomber de vos
chaises.
M. Marx: Non, non.
M. Lagacé: Je me rappelle les commentaires de Me Johnson
quand, dans les questions aux examens à l'Université de
Montréal, il en posait comme celle-là. Il disait: C'est une
maudite bonne colle. C'était son commentaire.
Je pense que c'est une question qui, pour nous, est à saveur
politique. Comme organisation, nous représentons la Chambre de commerce
du Québec, de grandes entreprises comme de petites entreprises. Je ne
saurais pas, quant à moi, me prononcer publiquement là-dessus
sans avoir consulté les bases que nous représentons. J'ai un
point de vue qui est personnel, mais ce n'est pas nécessairement celui
de la Chambre de commerce du Québec.
M. Johnson (Anjou): Quel est votre point de vue personnel, si on
tient pour acquis que vous exprimez une opinion personnelle, Me Lagacé,
sur l'intérêt que représenterait le fait de
légiférer ou de réglementer les baux commerciaux?
M. Lagacé: Je pense que ce serait une bonne chose. C'est
bien personnel, mais je pense que c'en serait une bonne.
M. Johnson (Anjou): D'accord.
M. Lagacé: Pour une raison, c'est que le domaine
immobilier se trouve à se concentrer entre les mains de
propriétaires extrêmement puissants qui sont capables de faire les
frais de jurisprudence extrêmement dispendieux pour sauver un principe.
Ce peut même être un commerçant très à l'aise,
mais qui n'irait pas dépenser une somme fabuleuse pour savoir si, oui ou
non, le consentement au transfert du bail est permis, s'il faut que la Cour
suprême statue là-dessus. Ce qui arrive, dans la plupart des cas
moi, je suis en pratique de droit commercial actif comme Me Picotte l'est
peut-être dans d'autres domaines - c'est qu'il y a des demandes
exagérées de la part des propriétaires, assurément
exagérées. Le locataire n'a le choix que de dire: C'est 40 $ le
pied carré sur la rue Sainte-Catherine, je serais censé avoir le
droit de le transférer, mais l'acheteur dit: Je vais payer 60 $ parce
que je n'ai pas les moyens de payer un montant astronomique de frais
légaux pour me rendre jusqu'en Cour suprême pour déterminer
si, oui ou non, le transfert peut se faire. Je pense que,
assurément,
c'est oui. Mais c'est un point de vue personnel. Je ne peux pas exprimer
le point de vue de la chambre.
M. Marx: C'est très intéressant parce que c'est
complexe, plus complexe que... Vous avez mieux expliqué que...
Peut-être qu'il a, un peu, manqué cette dimension. Hier, on a
trouvé cela, comment dirais-je, un peu exceptionnel comme
recommandation, étant donné que nous sommes dans un
système de libre entreprise. Tout le monde a le droit de tout faire,
même si cela cause certaines difficultés à l'autre
personne. Merci et espérons qu'on va incorporer un certain nombre de vos
recommandations dans le projet de loi 58. Je crois que le ministre est
d'accord.
M. Lagacé: Je voudrais souligner, M. le ministre, que j'ai
personnellement relu d'autres sections qui sont extrêmement bien faites.
Il y a beaucoup d'air frais au niveau de certaines dispositions de
réforme, notamment au niveau des règles pour l'indivision. C'est
une excellente chose. Il y a des choses au niveau de la
copropriété qui me plaisent, personnellement, beaucoup. J'ai
parlé à certains autres confrères - ce n'est pas à
la chambre de commerce - qui y voient beaucoup de positif. La seule chose, je
le répète, c'est qu'à la chambre de commerce, si vous
demandez à 98% de nos membres: Formez-vous une compagnie? Qu'est-ce qui
régit les relations...? Ils vont répondre: C'est la Loi sur les
compagnies. Là, si on dit: Savais-tu que le Code civil régit tes
relations d'affaires? il n'y a personne qui va nous croire. Alors, ce qu'on
vise parmi nos objectifs, c'est d'assurer l'intérêt de nos membres
et de simplifier, si possible, l'administration des relations entre les
individus et l'État. On le voit difficilement compliquer encore
l'administration des affaires, petites ou grandes, par l'addition d'une
législation superposée qui amènerait des consultations
additionnelles, qui donnent des revenus à tous les gens ici à la
table, probablement, du côté du droit, mais qui ne sont pas
nécessairement à l'avantage du commerçant.
M. Marx: Comment précisera-t-on tout cela pour dire que le
Code civil a vraiment des droits supplétifs et qu'il n'y a pas
d'ingérence en droit corporatif directement? Comment formulera-t-on cela
dans le projet de loi 58? Est-ce qu'il faut avoir une disposition
précise pour dire que le Code civil a des droits supplétifs en ce
qui concerne la loi régissant les compagnies...
M. Lagacé: On n'a pas le choix.
M. Marx: ...fédérales, provinciales, etc.? Comment
fait-on cela?
M. Lagacé: Je pense qu'on n'a pas le choix. Me Cossette
est là. Il va peut-être me dire que je n'ai pas raison. Je ne
pense pas qu'on ait le choix de procéder comme cela et qu'on doive le
faire. Je crois qu'on va devoir l'écrire comme cela. C'est-à-dire
que...
M. Marx: On va l'écrire comme cela.
M. Lagacé: Je pense que oui. Pour éviter d'avoir
à se rendre à la Cour suprême.
M. Marx: Oui, oui. J'ai vu ça comme ça, mais je
n'ai jamais vu, dans le Code civil, une disposition expresse de cette nature.
Peut-être que ce sera la première fois.
Le Président (M. Dussault): Oui?
M. Picotte (Daniel): Je disais tout simplement que le Code civil
a toujours dit que les compagnies sont formées et régies par des
lois qui leur sont propres. C'est le Code civil actuel. C'est ce que cela dit
actuellement.
M. Marx: D'accord.
Le Président (M. Dussault): Alors, madame, messieurs de la
Chambre de commerce de la province de Québec, je vous remercie de vous
être déplacés pour venir éclairer la commission
aujourd'hui. Maintenant qu'elle a fourni douze heures de travail à son
mandat, la commission des institutions doit ajourner ses travaux sine die.
(Fin de la séance à 17 h 59)