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Version finale

32nd Legislature, 4th Session
(March 23, 1983 au June 20, 1984)

Wednesday, March 28, 1984 - Vol. 27 N° 3

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur le projet de loi no 58 - Loi portant réforme au Code civil du Québec du droit des biens


Journal des débats

 

(Dix heures quinze minutes)

Le Président (M. Vaugeois): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. le Secrétaire, voulez-vous nous dire ce que nous faisons?

Le Secrétaire: Je vous rappelle que le mandat de cette commission est d'entendre les représentations des personnes et des groupes intéressés par le projet de loi 58, Loi portant réforme au Code civil du Québec du droit des biens.

Les membres de la commission des institutions sont: M. Baril (Rouyn-Noranda-Témiscamingue), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes), M. Dussault (Châteauguay), M. Léger (Lafontaine), M. Levesque (Bonaventure), M. Mailloux (Charlevoix), M. Marx (D'Arcy McGee), M. Payne (Vachon), M. Rivest (Jean-Talon), Mme Saint-Amand (Jonquière), M. Vaugeois (Trois-Rivières), M. Johnson (Anjou).

Je vous signale les remplacements suivants: M. Kehoe (Chapleau) remplace M. Levesque (Bonaventure), M. Leduc (Saint-Laurent) remplace M. Mailloux (Charlevoix).

L'ordre du jour appelle les intervenants suivants: à 10 heures, le Barreau du Québec, à 16 heures, l'Ordre des arpenteurs-géomètres du Québec et, à 17 heures, la Chambre de commerce de la province de Québec.

Le Président (M. Vaugeois): Merci, M. le Secrétaire. Me Lebel, pourriez-vous tout de suite présenter votre groupe, s'il vous plaît?

Barreau du Québec

M. Lebel (Louis): M. le Président, M. le ministre, MM. les membres de la commission, c'est toujours avec beaucoup d'intérêt que le Barreau du Québec participe à ces études et à ces consultations sur la révision du Code civil. Dans le cas du projet de loi sur les biens, nous avions formé un groupe de travail, soit une commission sur le droit des biens. Certains de ses membres représentent le barreau ce matin.

Je voudrais d'abord vous présenter Me André Prévost, président de la commission permanente du barreau sur la révision du Code civil. Me Prévost est avocat à Montréal et membre de l'étude Clarkson, Tétrault; Me Suzanne Vadboncoeur, qui est avocate au service de la recherche au barreau et qui est depuis quelques années déjà coordonnatrice des travaux du barreau sur la révision du Code civil; le professeur Madeleine Cantin-Cumyn, de la faculté de droit de l'Université McGill; et Me Robert Godin, de l'étude Godin, Raymond & Associés, et président de notre sous-comité sur le droit des biens, membre de notre commission sur la révision du Code civil. J'ajoute que Me Godin, avocat, est également un ancien notaire.

Une voix: C'est important.

M. Rivest: En voilà un qui a bien tourné.

M. Lebel: La présentation de notre mémoire sera faite par Me Suzanne Vadboncoeur et les membres de la commission ajouteront éventuellement certaines observations. Nous prévoyons, évidemment, faire un exposé d'environ une demi-heure sur les principes et les principales questions légales que pose ce projet de loi.

Avant de céder la parole à Me Vadboncoeur, je voudrais, cependant, répéter la préoccupation du Barreau du Québec devant l'adoption éventuelle du projet sur le Code civil. Nous avons souligné à différentes reprises que nous étions fort préoccupés par le mode d'adoption du projet de loi. Il est indéniable qu'il s'agit d'une oeuvre importante, fondamentale, non seulement pour le système juridique du Québec, mais aussi pour sa vie économique et sociale. C'est une oeuvre entreprise depuis au-delà de 20 ans, si on se réfère, entre autres, aux travaux de l'Office de révision du Code civil. Législativement, c'est une oeuvre qui est en cours d'exécution depuis quatre ou cinq ans. C'est aussi une oeuvre qui promet de durer encore quelques années. Pour la pratique juridique, pour le droit québécois, cela pose des problèmes fondamentaux d'adaptation, de passage d'un régime juridique à l'autre.

Nous avons déjà fait aux prédécesseurs du ministre de la Justice des observations sur les méthodes d'adoption du projet de loi, sur notre inquiétude de le voir adopter pièce par pièce, morceau par morceau, en multipliant ainsi les problèmes de passage d'un système juridique à l'autre. Certaines indications nous ont été données selon lesquelles la méthode d'adoption retenue

supposerait la création de certains blocs assez cohérents. Je souhaite que l'intention législative demeure telle.

Nous demeurons, cependant, préoccupés, inquiets de ce problème du passage d'un régime juridique à l'autre, de son effet et de l'effet de l'adoption de la nouvelle loi sur les actes existants, sur les situations juridiques. Nous savons fort bien que la préparation d'un projet de loi sur le droit transitoire est un acte complexe, difficile, mais ce sera un élément essentiel de toute la réforme que nous avons entreprise. Nous sommes aussi soucieux, si cette réforme doit innover sur un certain nombre de sujets, qu'elle s'insère quand même dans nos traditions juridiques et qu'elle respecte certains acquis juridiques, entre autres au niveau des techniques, du vocabulaire, qu'on soit quand même prudent dans ces changements. Parfois, les interprétations judiciaires vis-à-vis des changements qui semblent mineurs dans le vocabulaire peuvent être surprenantes.

Il y a aussi des prudences à exercer vis-à-vis de certaines réformes envisagées. Nous y reviendrons à l'occasion du droit des sûretés, qui posera de façon plus directe ces problèmes: utilisation de l'acte authentique, suppression d'un certain nombre de modes de prise de garanties telles que les privilèges. Cela se rattache, évidemment, très étroitement au droit des biens. Ce sont des domaines sur lesquels, nous le pensons, une attention particulière devra être apportée aux besoins concrets de la pratique juridique et à ce qui se fait et au rôle, entre autres, des deux professions juridiques.

Sans entrer davantage dans le vif du sujet, en rappelant, tout simplement, que ce projet de loi illustre les interrelations entre les différentes parties du Code civil, et que ce que nous faisons ce matin, nous aurons à le regarder lorsque nous traiterons des obligations, des sûretés, des successions. Je passe la parole à Me Vadboncoeur.

Mme Vadboncoeur (Suzanne): M. le Président, M. le ministre, MM. les députés, mesdames, messieurs, le Barreau du Québec s'est réjoui et se réjouit encore de pouvoir intervenir dans un projet de loi important comme celui-là. Même s'il a un petit peu moins - passez-moi l'expression - "d'appeal" que d'autres projets de loi relatifs au Code civil, entre autres le droit de la famille, je pense que c'est un projet de loi qui mérite qu'on s'y attache. Lorsque les nouvelles versions des projets de loi 106 et 107 sur les personnes et les successions seront déposées à nouveau, nous avons bien l'intention de nous y pencher encore une fois.

Le projet de loi sur les biens, de façon générale, le Barreau du Québec le trouve relativement satisfaisant. On a, évidemment, certaines critiques à y apporter. On pourra entrer dans les détails. On est satisfait, entre autres, de l'initiative de légiférer sur l'indivision, sur le droit de superficie, sur la fiducie; ce sont quand même des sujets qui n'étaient pas couverts jusqu'à maintenant. Par contre, il y a des accrocs majeurs, entre autres en ce qui concerne le droit de propriété proprement dit, c'est-à-dire la définition qu'on en fait au titre deuxième, qui limite énormément le droit de propriété, droit pourtant reconnu comme étant fondamental dans les diverses chartes. On limite, en effet, l'exercice du droit de propriété en fonction de l'article 988, je pense.

L'article 988 définit la propriété comme étant "le droit pour une personne d'user, de jouir et de disposer librement et complètement d'un bien dans les limites établies par la loi." Nous trouvons que c'est une limitation importante du droit de propriété et nous recommandons que cette limite soit élargie et que le droit de propriété puisse s'exercer sous réserve des limitations et non pas dans les limites prévues par la loi. Me Cantin-Cumyn pourra, tout à l'heure, parler davantage là-dessus. Pour nous, c'est un accroc assez majeur.

Il y a également l'emphytéose qui est pas mal changée comparativement au droit actuel. On n'en fait plus un droit réel immobilier, on essaie d'en faire un droit de propriété temporaire. On en enlève également la redevance, la rente et, pour nous, l'emphytéose doit demeurer un droit réel immobilier, doit demeurer dans l'état où on la trouve actuellement.

Enfin, un accroc aussi spécial, en ce qui nous concerne, c'est l'administration du bien d'autrui dans son application aux personnes morales, aux compagnies, ce qu'on peut qualifier de compagnies maintenant, en vertu de la Loi sur les compagnies, fédérale et provinciale. C'est un chapitre où, d'ailleurs, nos commentaires sont assez éloquents, au début du titre septième. C'est une chapitre qui pose énormément de difficultés au niveau des compagnies. Cela peut peut-être s'appliquer dans d'autres domaines, mais, au niveau des compagnies, cela va être une paralysie constante du fonctionnement des compagnies.

En matière de langage, on a soulevé quelques petites difficultés; entre autres, on essaie de simplifier bien des fois le langage juridique et, finalement, il n'y a aucune continuité dans le langage et même des fois, il y a des contradictions. On ne semble pas se soucier de l'interprétation jurisprudentielle de certains mots qui sont employés depuis fort longtemps dans le langage juridique, mais il faut quand même s'y attacher parce qu'un changement de terminologie pourrait éventuellement entraîner un changement d'interprétation par les tribunaux, ce qui n'est pas nécessairement souhaité par le

législateur.

M. Johnson (Anjou): Comme par exemple?

Mme Vadboncoeur: Je pense que j'en avais mentionné. Simplement le mot - il y en a un qui me vient à l'esprit - "syndicat", qu'on emploie dans la copropriété. On désigne, par le mot "syndicat", tantôt l'assemblée des copropriétaires et tantôt le conseil d'administration. On ne sait pas toujours à quoi se référer. On pourra peut-être tout à l'heure en relever d'autres; je prends cela en note.

M. Lebel: Vous avez juste sur cette question, ce qui a été, d'ailleurs, souligné dans le mémoire, à l'occasion, des glissements de concept d'une notion à l'autre, "chose", "bien", "droit", etc., qu'on utilise à un moment donné un peu indifféremment l'un pour l'autre, alors que ce sont des éléments différents du vocabulaire juridique. Sur ce point, le mémoire suggère une unification du vocabulaire pour qu'on sache toujours chaque fois si on parle d'un droit, d'une chose, d'un bien, etc.

Le Président (M. Vaugeois): Si vous me le permettez, pour peut-être comprendre la méthode que vous prenez pour nous présenter votre mémoire, vous nous faites une présentation générale; je comprends que vous évitez de vous référer aux articles pour l'instant et, tout de suite après, vous allez reprendre le tout en étant plus précise et en vous référant aux articles. Est-ce que c'est ce que vous entendez faire?

Mme Vadboncoeur: Oui, je pense que, pour le moment, les commentaires généraux sont peut-être plus digestibles et...

Le Président (M. Vaugeois): Faites-nous confiance, vous allez voir qu'on est coriaces.

Mme Vadboncoeur: ...on ira ensuite dans le détail, peut-être titre après titre. Pour le moment, ce seraient plutôt des commentaires généraux.

Le Président (M. Vaugeois): II y a différentes façons de faire son cours de droit. Nous, on a pris cette méthode, du moins quelques-uns d'entre nous. Allez-y, madame! (10 h 30)

Mme Vadboncoeur: Alors, sur ce que le bâtonnier disait justement sur la distinction entre bien, chose et droit, je n'y suis pas entrée pour le moment parce que c'est un sujet qui fera l'objet de commentaires un peu plus précis tout à l'heure. C'est plus un problème de fond qu'un problème de forme.

On confond le droit de propriété et l'objet du droit de propriété. On emploie "bien" tout le temps, alors que, pour nous, un bien ce n'est pas une chose, c'est un droit. Un patrimoine est composé de droits et non pas de choses. Les choses sont, évidemment, les objets des droits.

J'aurais peut-être aussi un commentaire à faire sur les démembrements du droit de propriété qui se retrouvent au titre quatrième. C'est un commentaire de structure. Le barreau considère que les démembrements du droit de propriété se divisent normalement en servitudes réelles et en servitudes personnelles. La structure de ce titre pourrait, justement, être modifiée en ce sens. Les servitudes réelles sont les servitudes qu'on connaît habituellement et qui sont effectivement désignées sous le nom de servitudes dans le projet de loi, alors que les servitudes personnelles seraient, justement, l'usufruit, l'usage et l'emphytéose.

Au titre cinquième, le droit de préemption est passablement modifié. Le projet de loi tente de donner au droit de préemption toute la force d'un droit réel, alors que la sous-commission du barreau a pris position pour maintenir le caractère personnel du droit de préemption. Il y aurait peut-être des choses à modifier à ce sujet. Dans le même titre, il y a un chapitre qui porte sur les prohibitions d'aliéner qu'on a appelées les "stipulations d'inaliénabilité". Nous sommes défavorables aux prohibitions d'aliéner, sauf dans la mesure, évidemment, où elles peuvent valoir comme substitution. On ne sait pas trop ce que le projet de loi entend faire de ces prohibitions d'aliéner. Je ne sais pas si nous pouvons nous-mêmes poser des questions mais, enfin, si quelqu'un peut nous répondre sur ce sujet, cela nous éclairerait.

Quant au titre troisième, qui porte sur l'indivision et la copropriété divise, d'abord, la copropriété divise, pour nous, c'est un contresens au plan des termes. On suggère que la copropriété divise soit dorénavant appelée condominium, qui correspond beaucoup plus dans l'esprit des gens à la réalité qu'est le condominium et qui se développe de plus en plus. Ce chapitre sur le condominium est intéressant. Cependant, nous sommes d'avis que les dispositions ne vont pas assez loin compte tenu du fait qu'il y a déjà eu un groupe sur la copropriété qui a déposé un rapport il y a quelque temps et dont Me Godin faisait partie, d'ailleurs. Nous trouvons que le chapitre a laissé de côté beaucoup de points majeurs en matière de copropriété ou de condominium, par exemple les développements par phases, la protection de l'acheteur, le prospectus, etc. Il y a différents sujets qui sont malheureusement effleurés simplement. Nous avons été heureux de constater la volonté du législateur de couvrir maintenant ce qu'on appelle le "time-

sharing", la multipropriété. Encore là, on se réjouit de ce que le "time-sharing" soit éventuellement réglementé, sauf que les dispositions du projet de loi sont, évidemment, nettement insuffisantes. On ne sait pas à quel droit substantif on a affaire, on ne connaît pas du tout le mécanisme du "time-sharing". Il y aurait lieu encore là, je pense, d'approfondir l'étude de la copropriété à ce niveau, de la multipropriété pour couvrir le "time-sharing".

Dans les commentaires généraux, c'est à peu près tout ce que je peux dire pour le moment, quitte à ce qu'on y revienne en détail tout à l'heure. Me Cantin-Cumyn va insister sur certains points, en particulier sur la distinction des biens et choses, je pense. Aussi, Me Godin va insister sur quelques points qui ne doivent pas être considérés comme étant nécessairement les seuls sur lesquels on veut insister.

Mme Cantin-Cumyn (Madeleine): Je crois que je vais laisser le soin de parler des droits, des biens et des choses à Me Godin. Je vais moi-même ajouter quelques remarques au sujet de la définition qui est faite du droit de propriété. J'estime que c'est une définition qui est tout à fait centrale non seulement au droit des biens en réalité, mais à la conception même qu'on se fait de l'organisation politique et économique dans notre société.

La définition, telle qu'on l'a en ce moment au Code civil, à l'article 406, énonce un principe qui, en réalité, nous vient de la Révolution française. La définition de l'article 406 qu'on a incorporé à notre droit est un acquis de la Révolution française. Il reconnaît au droit de propriété un contenu tout à fait maximal par rapport aux autres droits qu'un individu peut avoir, aux autres droits qui font partie du patrimoine.

Contrairement aux autres droits, le propriétaire, par rapport à la chose sur laquelle il a un droit de propriété, peut faire absolument tout ce qu'il veut bien faire à l'égard de cette chose, sauf les restrictions que la loi impose quant à l'exercice et à la jouissance du droit de propriété. Vous voyez que c'est un contenu maximal. On peut tout faire sauf si la loi dit: Non, vous ne faites pas cette chose-ci ou vous la faites de cette façon. La définition qui est proposée à l'article 988 inverse cette situation. On donne un contenu limité au droit de propriété, limité à ce que la loi permet.

Je crois qu'il faudrait qu'on nous explique pourquoi on veut faire un changement qui est tout à fait radical. On a aussi mentionné tout à l'heure le fait que le droit de propriété est peut-être le seul droit patrimonial qui est spécifiquement mentionné dans la Charte des droits et libertés de la personne. Il y a une protection particulière qui est accordée dans la charte. Donc, on en fait un droit de la personne. Beaucoup d'auteurs ont, d'ailleurs, souligné le lien qu'il faut faire entre la présence d'un droit de propriété fort et la protection des droits de la personne. Il y a un lien direct qui s'établit là. Le barreau aimerait insister sur cette question.

À ce moment-ci aussi, j'aimerais peut-être faire quelques commentaires sur la partie du projet de loi qui traite des stipulations d'inaliénabilité. Ce sont les articles 1245 et suivants dans le projet de loi. Les dispositions qui sont comprises dans ce chapitre sur les stipulations d'inaliénabilité paraissent modifier substantiellement le droit actuel, mais ce qu'on veut faire exactement avec ces dispositions n'est pas clair. Il n'y a peut-être pas d'objection. Enfin, on ne sait pas si on a objection à modifier le droit actuel dans la mesure où on ne sait pas jusqu'où la modification veut aller.

En droit actuel, il y a possibilité de faire des stipulations d'inaliénabilité. Le code les prévoit dans un chapitre spécifique, mais on limite la possibilité de faire ces clauses dans les actes gratuits. Alors, donation, testament, on peut faire des clauses d'inaliénabilité. En dehors de cela, cela ne vaut pas. Les clauses sont sans effet. Le projet veut étendre la possibilité de ces stipulations dans tous les actes. Là, on pourrait les faire dans la mesure où c'est temporaire et justifié. Selon quels critères va-t-on décider de la validité de ces clauses qui envoient un petit peu plus loin et, lorsqu'elles portent sur des immeubles et sont enregistrées affectent les tiers, sont opposables aux tiers? Finalement aussi, dans l'article 1246, on introduit la possibilité de demander au tribunal de mettre de côté la clause d'inaliénabilité lorsqu'il y a un intérêt plus important qui l'exige. Toutes ces dispositions introduisent des notions qui sont, d'une part, assez vagues et qui, d'autre part sont susceptibles d'affecter en permanence, peut-être, les titres.

M. Lebel: Me Robert Godin fera certains commentaires sur la notion de biens, de choses et d'autres aspects du projet.

M. Godin (Robert): La distinction entre "bien" et "chose" est surtout importante pour l'économie de la rédaction du projet. En droit, on distingue nécessairement entre les droits et les choses sur lesquelles portent les droits. Dans un patrimoine, ce qu'on retrouve, ce sont des droits; ce ne sont pas des choses. Si je suis propriétaire d'une automobile, dans mon patrimoine, ce que j'ai, c'est un droit de propriété sur cette automobile; ce n'est pas l'automobile elle-même. Au lieu d'être propriétaire, je pourrais être locataire, disons, avoir un bail de deux ans. C'est la même automobile. Rien n'est changé, sauf qu'au lieu d'être propriétaire je suis locataire. Or, dans mon

patrimoine, au lieu d'avoir un droit de propriété, j'aurai un droit de location, un droit d'utilisation. J'aurai aussi des obligations de payer le loyer.

D'une façon générale, les auteurs de droit civil font toujours la distinction entre le droit et la chose sur laquelle porte ce droit. Dans le patrimoine, le mot "bien" désigne les droits et on identifie la valeur d'un patrimoine ou l'on comptabilise un patrimoine en analysant les droits qui sont dans ce patrimoine.

Dans le projet qui nous a été soumis, tantôt on utilise "bien" pour désigner la chose, on utilise "droit", on utilise la chose. Il n'y a vraiment pas du tout de constance dans le langage utilisé et il serait important, selon nous, de faire cet effort. On a tenté de le faire. On a sans doute oublié des endroits où ces mots ont été utilisés indistinctement, mais on a tenté dans notre mémoire de montrer à chaque endroit où devait être utilisé le mot "bien", où le mot "chose" devait être utilisé, en vue d'essayer de rendre cette rédaction plus conforme à la théorie.

J'aimerais ajouter d'autres commentaires sur d'autres aspects du projet de loi. En ce qui a trait à la copropriété, ceux qui sont familiers avec le domaine connaissent les étapes fondamentales dans la copropriété. Il y a sa mise en place, la transition du développeur promoteur au vrai propriétaire ou au propriétaire éventuel, la responsabilité du promoteur, la protection de l'acheteur ou des acheteurs et la vie de la copropriété.

Au niveau de la mise en place, il nous semble encore que la technique proposée est assez complexe entre la déclaration et le règlement. On vous fait certaines suggestions assez précises sur les votes qui doivent être requis à certaines fins pour protéger le droit de propriété, pour protéger le droit d'indépendance. Je pense qu'il y a du travail à faire de ce côté. On prend la position que la copropriété et l'emphytéose ne sont pas des notions compatibles. On n'est pas d'accord qu'une copropriété puisse s'établir sur un titre emphytéotique, d'abord parce que le titre emphytéoptique est précaire et temporaire et, d'autre part, parce qu'il y a des obligations dans un bail emphytéotique qui ne sont pas divisibles. Et surtout à la lumière du texte proposé sur l'emphytéose, on peut prendre exemple de l'obligation de reconstruire qui pèse sur l'emphytéote. Si vous avez un titre emphytéotique avec 50, 60 ou 100 propriétaires dans une copropriété et qu'une destruction survient, l'obligation de reconstruire n'est pas divisible si les gens ne sont pas d'accord sur la possibilité ou pas de reconstruire. (10 h 45)

Le bail emphytéotique pourra être annulé par le bailleur, étant donné qu'il y aura un défaut au terme du bail. Pour les obligations pécuniaires, on peut toujours dire qu'elles vont se diviser et que chaque individu ou chaque copropriétaire pourra payer sa part de la rente comme on le fait pour les impôts fonciers et qu'on peut le faire pour les hypothèques. Mais, dans un bail emphytéotique, il y a des obligations qui ne sont pas divisibles. On croit qu'il est possible d'arriver au même résultat en utilisant le droit de superficie, qui peut être soit perpétuel, soit temporaire au terme d'un bail.

Dans le cas du droit de superficie, les obligations sont très restreintes. L'obligation principale, si c'est un bail, est de payer le loyer et c'est une obligation qui est divisible. D'autre part, dans le droit de superficie, s'il résulte d'un bail, lorsque le bail se termine, le propriétaire du fonds doit en quelque sorte acquérir la bâtisse, doit rembourser les propriétaires ou le propriétaire de la bâtisse de sa valeur, tandis que, dans l'emphytéose, le titre est simplement résolu à toutes fins utiles. Les propriétaires des unités de copropriété se trouveraient complètement dépossédés sans savoir vraiment ce qui leur est arrivé. Je vous assure que, dans le public, quand vous utilisez le mot emphytéose, cela ne sonne pas vraiment comme une réalité. Quelle serait la position d'un acheteur à qui on dirait que c'est un bail emphytéotique? Je vous assure qu'il ne saurait pas vraiment ce qui se passe.

Toujours au sujet de la copropriété, la transition entre l'époque du contrôle par le promoteur développeur au propriétaire n'est pas d'après nous encore suffisamment bien structurée. C'est en pratique le moment le plus difficile et le plus dramatique dans le vie d'une copropriété, c'est le moment où les acheteurs tout à coup réalisent vraiment qu'ils sont en copropriété, qu'ils ont des responsabilités, qu'ils doivent administrer une sorte de patrimoire commun et il faut leur donner les outils au niveau physique. Il faut leur donner les plans et toute l'information financière, et les outils pour faire cela.

Le projet est déjà certainement mieux que ce qu'on a dans la loi actuelle, mais il ne va pas assez loin et on vous fait des suggestions dans ce sens-là. À cet égard, la responsabilité du promoteur est loin d'être claire. On vit quotidiennement des situations où les promoteurs vendent de la copropriété, vendent des unités sur des budgets très optimistes, avec des coûts très bas et, à la première assemblée, on leur arrive avec des déficits considérables, des montants à payer, du rattrapage à faire pour le passé. Il n'y a aucune protection dans le projet actuel sur ce point. Il n'y a aucune vraie responsabilité qui engage le promoteur à cet égard.

Plus loin, dans la protection de l'acheteur, évidemment, on pense que ces éléments font peut-être partie d'une révision

sur la vente. Dans l'état actuel, l'acheteur n'est pas protégé quand il achète une copropriété, un condominium, dans le sens qu'il n'a pas l'information nécessaire. On avait suggéré, dans le rapport sur la copropriété, la préparation d'un prospectus bien détaillé, une période de "cooling off" pour l'achat, pour prendre connaissance de toute cette information, pour permettre à l'acheteur de vraiment savoir dans quoi il s'embarque.

Sur le dernier élément de la copropriété, c'est-à-dire sa vie quotidienne, je pense qu'il faut continuer l'expérience, c'est encore trop jeune au Québec pour passer un jugement. Je pense que le projet est intéressant et amène des nouvelles idées. Je pense qu'on devra vivre avec cela. Je pourrai peut-être remettre à la commission le texte d'un article que j'ai vu récemment. Je faisais du ski en Europe. Il a paru une série d'articles dans le Monde sur la copropriété. Le titre, c'est Le patrimoine, malade de la copropriété. En France, on a des problèmes sérieux au niveau administratif, au niveau de la vie quotidienne. Je pense que, de notre côté, nous devrons continuer à vivre l'expérience de la copropriété. On n'est pas près de trouver toutes les solutions.

Enfin, en ce qui a trait au "timesharing" il en a été question. Ce qui nous fait peur dans le texte actuel, c'est qu'on y fait référence dans un ou deux articles, mais sans lui donner une base juridique. Le "timesharing" aux États-Unis a causé des problèmes; son articulation est complexe. Il nous semble dangereux de simplement y faire référence sans dire comment cela fonctionnera. On ne croit pas même avoir la base juridique du "time-sharing". Notre droit de propriété, même avec le projet qui nous est soumis, se prête mal à une propriété dans le temps. Il nous semble qu'il serait bon ou bien d'en parler, mais d'en parler vraiment et de bien développer le sujet ou bien de ne pas en parler du tout. Ce qu'on fait actuellement, on fait des sortes d'usufruits, des sortes de baux, des sortes de locations et personne ne sait vraiment si on est dans le domaine des droits réels, des droits personnels et c'est vraiment un fouillis. Il y aurait lieu, soit de légiférer clairement en cette matière ou de ne pas en parler du tout.

Sur l'utilisation du mot "condominium", on vous suggère fortement d'utiliser cette expression. Je crois que l'office de révision, dans un rapport hors série sur la copropriété, avait utilisé cette expression. Il me semble que Me Caron, à l'époque, avait suggéré qu'on utilise l'expression "condominium". Cela nous apparaît correspondre aux besoins de la population. Si vous regardez la publicité dans les journaux, si vous regardez les pancartes sur les chantiers, le mot que vous verrez est "condominium". C'est une expression que les gens connaissent et cela permet de bien identifier ce dont il s'agit. Ce n'est pas de l'indivision; c'est le condominium et ce n'est pas un mot qui répugne autant que cela à la langue française, je pense.

M. Johnson (Anjou): On me dit qu'il répugne à l'office.

M. Godin (Robert): Vous pouvez dire à l'office que c'est du latin; on peut trouver une autre expression.

Une voix: II faudrait trouver le mot grec.

M. Godin (Robert): Ce serait peut-être mieux; il y a peut-être moins d'objections.

En matière d'emphytéose, quelques commentaires ont déjà été faits. Il est certainement urgent de légiférer en la matière; la Cour d'appel vient de rendre un jugement qui remet en question l'efficacité de la plupart des baux emphytéotiques qui sont en vigueur actuellement. Il est important de légiférer; on n'a pas vraiment de bail immobilier créant des droits réels, sauf le bail emphytéotique et, avec la jurisprudence actuelle, c'est presque inutilisable. Les praticiens ont vraiment besoin de ce type de bail. Dans l'ensemble, on est heureux de voir les modifications, l'assouplissement qui est apporté par le projet à l'emphytéose.

M. Lebel: Je voudrais inviter Me Prévost à faire certains commentaires sur un autre chapitre fort important et fort délicat, pour nous, dans ce projet.

M. Prévost (André): Je vais traiter de l'administration du bien d'autrui mais, avant, j'aimerais vous faire part d'un commentaire. On a réalisé que le législateur a changé un principe qui existait au Code civil au niveau de la propriété des rivières et des cours d'eau. Cela m'a tellement frappé quand j'ai lu le projet de loi que je ne peux pas faire autrement que de vous le souligner. Je ne suis pas en désaccord avec ce qu'on propose à l'article 963 du projet de loi, mais cela constitue un changement radical avec l'article 400 du Code civil du Bas-Canada et cela a aussi une implication sur les intérêts du gouvernement actuellement dans sa cause de Healy contre le Procureur général, qui est actuellement pendante devant la Cour suprême, avec la réserve des trois chaînes.

L'article 400 du Code civil disait que tous les cours d'eau non navigables et non flottables, après 1918, appartiennent de plein droit au domaine public. Et maintenant, à l'article 963, on vous dit que tous les cours d'eau non navigables et non flottables sont propriété privée ou appartiennent aux

propriétaires riverains, sauf ceux qui ont été concédés entre le 9 février 1918 et le 17 mars 1919, soit pendant une période de quatorze mois. Nous croyons important de vous le souligner, pas qu'on soit contre le fait que les rivières et les cours d'eau non navigables et non flottables redeviennent propriété privée, mais il va peut-être falloir penser aux changements radicaux que cela va apporter dans l'application de plusieurs lois actuelles. Je voulais vous le souligner.

Le point que j'aimerais discuter avec vous maintenant, c'est l'administration du bien d'autrui. On ne sous-estimera jamais l'importance de ce chapitre parce que c'est l'un des chapitres qui débordent le plus sur d'autres livres du Code civil. Cela a un effet direct sur l'administration faite par les tuteurs, curateurs - je parle du projet de loi 106 - et cela a aussi un effet sur les exécuteurs testamentaires, entre autres, le projet de loi 107. On aimerait vous dire que, de façon générale, sauf en ce qui concerne l'aspect de la personne morale sur lequel je reviendrai, nous sommes satisfaits du travail qui a été fait. On a, à une exception près, bien fait le lien entre les dispositions qu'on avait déjà mises au projet de loi 106 ou au projet de loi 107 et cela va bien. Ce que j'aimerais vous souligner, par excemple, c'est de faire attention, parce que si vous récrivez les projets de loi 106 et 107, il faudrait prendre bien garde que le projet de loi 58 soit relié et concorde avec les modifications qu'on y apportera.

Peut-être un commentaire au niveau de l'article 1368 dans l'administration du bien d'autrui. L'article 1368, c'est cette litanie des placements présumés sûrs. Évidemment, celui qui administre pour autrui doit ne pas dilapider les biens et donc ne pas trop investir...

Une voix: Dans les caisses d'entraide?

M. Prévost: ...oui, dans des institutions instables. En passant, je note que les caisses d'entraide apparaissent dans la définition de l'article 1368. Je n'ai rien contre les caisses d'entraide, mais disons que ce n'est peut-être plus aussi sûr que lorsque l'article 981, paragraphe o a été adopté dans le Code civil actuel. L'article 1368 reprend à peu près mot à mot l'article 981, paragraphe o du Code civil du Bas-Canada, qui a été adopté en 1968. Cela fait déjà seize ans et, évidemment, on n'a pas eu le temps de se pencher sur la question, mais il y aurait lieu de s'asseoir et de penser comme il faut s'il n'y a pas certains des placements mentionnés à l'article 1368 qui ne sont plus présumés aussi sûrs qu'ils l'étaient et s'il n'y en a pas d'autres qui pourraient s'y ajouter. Là-dessus, d'autres intervenants, je ne sais pas, comme la Chambre de commerce du Québec ou d'autres institutions, pourraient certainement apporter des commentaires qui pourraient vous aider.

J'aimerais dire que le problème majeur qu'on retrouve avec cette section de l'administration du bien d'autrui, c'est quand on essaie de l'appliquer aux personnes morales. Quand je parle des personnes morales, je parle des compagnies. Dans le projet de loi 106, qui était le livre sur les personnes, le législateur avait incorporé un ensemble de dispositions applicables aux compagnies. La position qu'avait prise le barreau - et on est toujours logique avec nous ou on tente de l'être, on la soutient toujours - c'est qu'on ne pouvait pas ou qu'il n'était pas judicieux d'incorporer au Code civil tout le mécanisme et, il faut prendre l'expression populaire, la plomberie du droit des compagnies. (11 heures)

Quand on essaie ensuite, dans le projet de loi 58, d'appliquer l'administration du bien d'autrui aux personnes morales vraiment, la tour s'effondre, parce qu'il y a des différences à la base. Si on parle de la personne bénéficiaire, la personne pour qui on administre, quand on regarde le livre sur l'administration du bien d'autrui, ce serait en principe la personne morale qui serait la bénéficiaire, alors qu'on sait qu'en droit des compagnies les administrateurs sont les mandataires des actionnaires et non pas de la personne morale. Partant de ce principe, qui, déjà, est écorché jusqu'à un certain point, si on passe les dispositions l'une après l'autre, on s'aperçoit qu'elles ne peuvent s'appliquer à des personnes morales, à des compagnies. Dans les commentaires généraux qui précèdent le chapitre - je vous réfère aux pages 235 à 242 de notre mémoire - on vous a soumis les principales dispositions, les principaux articles qui faisaient voir qu'on ne pouvait pas l'appliquer aux personnes morales.

Un dernier point sur ce sujet, sur les personnes morales. Il faut faire bien attention à ne pas compliquer la vie à nos compagnies incorporées sous la loi québécoise. Ce qu'on va voir, si cela devient trop compliqué, c'est que les gens d'affaires vont aller s'incorporer au fédéral et ils joueront avec la Loi canadienne sur les sociétés commerciales, qui a des règles qui sont vraiment représentatives de ce que sont les affaires et de ce que sont les compagnies en Amérique du Nord. On vous avait mentionné ce fait dans le projet de loi 106. On vous le réitère aujourd'hui: Faites bien attention à ne pas encourager nos gens à aller s'incorporer plutôt au fédéral et finalement à laisser tomber à peu près toute incorporation provinciale. Cela deviendrait beaucoup trop compliqué. Grosso modo, ce sont les commentaires que j'avais à vous faire sur l'administration du bien d'autrui.

M. Lebel: On pourrait pousser très loin l'analyse technique de ce projet de loi. Ce n'est pas notre intention de le faire. Ce matin, je voudrais simplement me référer à un autre titre, le titre cinquième, relativement à certaines restrictions à la disposition de certains biens, entre autres, aux stipulations d'inaliénabilité, aux prohibitions d'aliéner, au droit de préemption pour noter que, lorsqu'on apporte trop d'entraves, en somme, à la circulation des biens, au transfert du droit de propriété, on introduit énormément d'incertitude dans les relations juridiques, dans les droits des tiers. Je prends l'exemple du droit de préemption, qui permet, en somme, à son titulaire, dans la réglementation qui est proposée ici, non seulement d'exercer un recours en dommages si ses droits n'ont pas été respectés, mais aussi de reprendre en quelque sorte le bien lui-même. Comme nos commentaires le soulignent, si ce type d'encadrement législatif est maintenu, lorsqu'un tiers finance une propriété, une transaction, il peut devenir fort difficile d'apprécier si les conditions préalables à l'exercice du droit de préemption ont été respectées ou pas, d'où un doute sur les titres, d'où un doute sur la validité des garanties, un délai pour réaliser certains investissements. C'est la même chose si on facilite un peu trop les prohibitions d'aliéner par exemple, comme à l'article 1248. En quelque sorte, on favorise peut-être le débiteur, mais, d'une certaine façon aussi, on agit au préjudice de l'ensemble des créanciers.

Il faut regarder, en somme, l'ensemble des conséquences, la portée que telle réforme, que telle disposition législative va avoir non seulement sur la pratique juridique, mais aussi sur la pratique commerciale, sur la pratique financière, parce que, finalement, cela peut se répercuter sur une certaine efficacité de notre économie. Cet aspect, non plus, n'est pas à négliger dans l'établissement de l'encadrement législatif d'un domaine qui porte en grande partie sur notre vie économique.

Je vous remercie de l'attention que vous nous avez apportée et nous sommes à votre disposition si vous avez des explications à nous demander sur certains éléments de ce mémoire et de nos commentaires.

Le Président (M. Vaugeois): On vous remercie beaucoup, Me Lebel. Votre mémoire est important et votre participation à cette commission est absolument fondamentale. Je me permettrais de vous inviter à développer une idée que vous avez amenée en introduction et que Mme Vadboncoeur a reprise. Vous avez indiqué qu'il fallait faire attention aux mots, vous avez dit qu'il fallait éviter de changer des mots. En tout cas, je ne répéterai pas ce que vous avez dit, mais vous n'avez pas donné beaucoup d'exemples.

Mme Cantin-Cumyn: Je peux vous en donner un, mais il y en a plusieurs. Si on se reporte aux articles sur la fiducie, ce sont les articles 1288 et suivants, il y a plusieurs questions de vocabulaire qui se posent à mon sens dans cette partie. C'est le titre sixième qui commence par un chapitre sur la fondation et, ensuite, il y a un chapitre sur la fiducie. On s'est interrogé à la sous-commission sur la distinction que le législateur voulait faire entre la fondation, d'une part, et la fiducie dite d'utilité sociale. On n'a pas vraiment trouvé de différence de contenu.

La deuxième remarque: la notion de fiducie d'utilité sociale. Le projet de loi l'oppose à la fiducie d'utilité privée. La notion de fiducie d'utilité sociale, c'est nouveau. On a vraiment l'impression que l'on veut viser ce qu'on connaît maintenant comme utilité publique. Alors pourquoi changer le terme si on veut le même contenu? Un autre exemple...

Le Président (M. Vaugeois): Madame, le ministre veut réagir tout de suite.

M. Johnson (Anjou): Peut-être que, dans le fond, la fondation qui est définie à l'article 1288 est une compagnie, alors que la fiducie d'utilité sociale est un des modes d'arriver à faire des activités du type de la fondation.

Mme Cantin-Cumyn: Enfin, M. le ministre, j'hésite un peu à vous contredire, mais je doute fort que la fondation...

M. Johnson (Anjou); Non, non, je vous en prie, il ne faut pas hésiter, on est ici pour cela. Sentez-vous à l'aise.

Le Président (M. Vaugeois): Vous vous adressez à moi.

Mme Cantin-Cumyn: Ah bon! Je m'excuse de vous contredire, mais je doute fort qu'on ait voulu viser une fondation incorporée ici, qui est la personne morale. C'est une fondation qui n'est pas une personne morale et qui est créée sous forme de fiducie, je crois. En tout cas, c'est ambigu, c'est le moins que l'on puisse dire.

M. Johnson (Anjou): L'article 1288 est un concept de base qui définit ce qu'est une fondation et qui se réalise par le deuxième paragraphe de 1290, qui est la création d'une personne morale ou d'une fiducie. Or, la fiducie d'utilité sociale est un mode alors que la fondation peut être ou la fiducie d'utilité sociale ou encore une personne morale.

Mme Cantin-Cumyn: Enfin...

M. Johnson (Anjou): Bref, je vous laisse continuer, mais on prend acte de vos commentaires.

Le Président (M. Vaugeois): Nous laissons la question en suspens. Avez-vous d'autres exemples à donner, madame?

Mme Cantin-Cumyn: À propos de l'appellation "fiducie d'utilité sociale", il me semble qu'on aurait intérêt à garder une formulation que l'on connaît, "fiducie d'utilité publique", qui s'oppose à "utilité privée". On connaît le contenu, en ce moment, de ce que veut dire "sociale", mais un changement de terme de la part du législateur peut entraîner un changement de contenu aussi lorsqu'on l'interprète. Par exemple, on s'est posé la question: Lorsqu'on dit "publique" actuellement, on inclut une fin d'utilité religieuse; si on dit "sociale", est-ce que cela le comprend encore? On peut se poser la question. Voilà pour cette question.

Le concept de patrimoine fiduciaire plutôt que de patrimoine de la fiducie. On veut parler du patrimoine de la fiducie, quand on dit patrimoine fiduciaire, mais j'ai un peu peur qu'on pense au patrimoine du fiduciaire. Je ne trouve pas que ce soit très heureux comme expression. Alors, partout nous avons suggéré de remplacer "patrimoine fiduciaire" par "patrimoine de fiducie", surtout qu'il y a un article qui dit expressément qu'il faut bien distinguer le patrimoine de la fiducie du patrimoine du constituant - c'est à l'article 1293 - du fiduciaire et du bénéficiaire. Pour moi, t;e n'est pas une expression heureuse que "patrimoine fiduciaire".

En terminologie, en fait, il y a un autre exemple qui me vient à l'esprit, et je passerai la parole ensuite à d'autres. La notion de propriété superficiaire, c'est très ambigu. Il y a deux choses dans un droit de superficie normalement: il y a un droit de propriété sur la construction d'un bâtiment. C'est un droit de propriété vraiment, et il y a le droit du superficiaire dans le fonds de terre, qui ne lui appartient pas, lequel lui permet de maintenir un bâtiment sur ce fonds qui n'est pas le sien. Il y a là deux droits réels qui sont en cause. Propriété superficiaire? On ne sait pas trop. Il vaut mieux parler de droit de superficie. On connaît cela. C'est l'expression actuelle.

Le Président (M. Vaugeois): Vous avez d'autres exemples, M. Lebel?

M. Lebel: On peut vous en donner un, par exemple, dans un titre totalement différent, celui de l'emphytéose, sur laquelle on revient, sujet qui n'est peut-être pas très populaire mais d'importance très pratique à l'heure actuelle pour les praticiens du droit. C'est à 1222.

À l'article 1222, évidemment, on modifie la définition de l'emphytéose que l'on retrouve à l'article 567 du Code civil. On nous dit: "L'emphytéose est un droit par lequel une personne acquiert temporairement toute l'utilité d'un immeuble appartenant à autrui." L'utilité de l'immeuble est un concept nouveau qu'on voit arriver sans définition. On ne sait pas exactement quel contenu les tribunaux et la doctrine lui donneraient et on s'interroge sur l'utilité même d'une telle référence. En définitive, il nous paraîtrait plus sage de consacrer une définition de type plus traditionnel correspondant à ce que la doctrine voit habituellement dans l'emphytéose, comme nous le proposons, d'ailleurs, à la page 175 de notre mémoire, en disant que "l'emphytéose est un droit réel immobilier résultant d'un contrat par lequel le propriétaire d'un immeuble le cède, pour un temps, à une autre personne, appelée emphytéote, à la charge de le mettre en valeur et d'y faire des améliorations, et de lui payer une redevance annuelle." C'est une définition plus classique, plus conforme peut-être aussi également à la pratique juridique actuelle et qui nous évite d'introduire un concept nouveau non défini dans le code.

C'est peut-être du conservatisme juridique, mais notre expérience de la vie juridique et surtout de la vie judiciaire nous enseigne assez bien les incertitudes de ces concepts, de ces notions nouvelles et des surprises que nous avons parfois de leur usage devant les tribunaux dans le cadre de certaines contestations. Il faut se rappeler ici que les notions juridiques ont une importance particulière.

Ici, nous sommes devant des concepts, des notions qui seront utilisées dans des actes qui servent fréquemment au financement d'entreprises, de commerces, d'industries et qui doivent représenter la base d'engagements permanents ou, du moins, d'engagements à long terme et qu'on ne peut pas se permettre de recorriger et de modifier constamment et dans lesquels on doit minimiser autant que possible les possibilités de contestation juridique. C'est un domaine où la certitude, quant à l'état et à l'interprétation du droit, est un élément essentiel de l'activité juridique elle-même et des activités économiques et financières auxquelles elle se rattache.

Le Président (M. Vaugeois): Je vous remercie, Me Lebel. Je suis certain que le ministre a plein de commentaires et de questions. Je vais lui passer la parole. S'il n'avait pas prévu le faire, je vais l'inviter à réagir sur une remarque que Mme Cantin-Cumyn a faite et qui m'a beaucoup frappé, sur l'article 988: le droit de propriété. Je

vous laisse la parole, M. le ministre.

M. Johnson (Anjou): Effectivement, j'allais commencer par cela. Je pense que cela a été évoqué par tous et chacun de ceux qui accompagnent M. le bâtonnier ce matin.

Dans le fond, on va un peu dans le sens de ce que suggérait l'office de révision, qui proposait qu'on introduise la propriété et le droit d'user, de jouir et de disposer des choses de la manière la plus complète, dans les limites et aux conditions établies par la loi. Je pense que Me Cantin a bien démontré qu'on renverse la notion actuelle, que le droit de propriété est en soi illimité; qu'il a un caractère absolu et opposable et que ses limites sont celles qui découlent de la loi plutôt que de dire que, par définition, il n'est que ce qui est permis par la loi ou il n'est que ce qui n'est pas... En fait, ce n'est pas tout à fait ce qu'on dit. Je le prends dans le vocabulaire du profane. Effectivement, je pense que l'article 988 du projet de loi introduit une vision plus limitée de ce qu'est la propriété. Je pense qu'il faudra se pencher sur ça. Cela ne doit pas se faire par accident. Je pense qu'il faut être sûr que c'est ce qu'on veut, si c'est ce qu'on veut.

Mme Cantin-Cumyn: Oui. Avec respect, M. le ministre, je pense que l'office se trompait là-dessus. Vous avez raison de dire que cela vient assez substantiellement de l'office. À mon sens, l'office se trompait ici.

M. Johnson (Anjou): Pardon?

Mme Cantin-Cumyn: Je crois que l'office de révision se trompait dans la définition qu'il donnait. (11 h 15)

M. Johnson (Anjou): Oui, oui, c'est ce que j'ai cru comprendre de certains de vos commentaires. Tantôt, vous utilisez l'office ou... Enfin, c'est cela le but de l'exercice. On n'est pas là pour sauver des images, on est là pour essayer de voir ce que le texte de loi va dire.

Le Président (M. Vaugeois): M. Lebel, vous voulez réagir à cela?

M. Lebel: Oui j'aurais seulement une remarque additionnelle. Cette conception du droit de propriété et de l'activité des citoyens qui semble ressortir de l'article 988 est assez peu compatible avec une approche législative et réglementaire qui paraît être celle du gouvernement et de l'Opposition depuis quelque temps, c'est-à-dire de chercher à alléger la réglementation, l'encadrement législatif. Dans la mesure où l'on irait affirmer dans une loi aussi fondamentale que le Code civil que le droit de propriété ne peut être exercé, en somme, que s'il y a un encadrement législatif ou réglementaire, il me semble qu'on va carrément à l'encontre de cette volonté nouvelle de déréglementer ou, au moins, de rationaliser la réglementation. En somme, pour que le citoyen agisse et exerce son droit de propriété, il faudrait qu'il y ait préalablement une loi, un règlement.

M. Johnson (Anjou): Je prends bonne note de vos remarques sur l'article 988.

Le Président (M. Vaugeois): En passant, je m'excuse, M. le ministre, quelqu'un a dit dans votre groupe tout à l'heure que le législateur... En fait, le législateur ne s'est pas encore prononcé sur cela. Nous en avons tout simplement pris acte en première lecture.

M. Lebel: Nous l'employons au sens très large. Il est quand même devant nous. Nous savons que vous serez associés d'assez près à cette oeuvre.

Le Président (M. Vaugeois): M. le ministre.

M. Johnson (Anjou): Oui, il est à copropriété multiple.

M. Marx: M. le ministre, j'aurais un mot à ajouter sur ce point.

M. Johnson (Anjou): Oui, je vous en prie.

Le Président (M. Vaugeois): D'accord, allez-y!

M. Marx: Hier, quelqu'un nous a présenté un mémoire dans lequel il demandait que le bail commercial soit réglementé. C'est exactement ce que vous avez souligné et je pense que nous sommes d'accord pour qu'on ne fasse pas trop de réglementation. Le code va, finalement, devenir un autre règlement.

Le Président (M. Vaugeois): M. le ministre.

M. Johnson (Anjou): Ceci dit, M. le Président, je suis également en faveur de la vertu.

M. Marx: II ne faudrait pas seulement le dire. C'est vous qui avez le pouvoir de faire quelque chose.

M. Johnson (Anjou): C'est bien connu, mais il n'y a rien comme le libre arbitre.

Chose, droit et bien, débat cosmique, s'il en est un en droit. Je ne prétendrais pas ici rivaliser avec la quantité considérable d'expertise que j'ai devant moi, mais je dirai

simplement: N'est-il pas exact qu'en doctrine classique et suivant le droit actuel le bien est la chose appropriée ou susceptible d'appropriation? C'est donc l'objet de droit. Au fond, je pense que le projet vise à ne pas nous soumettre à un niveau de gymnastique, à un niveau quaternaire sur le plan intellectuel, à ne pas mettre le législateur ou le juge dans la situation où il va expliquer à quelqu'un qu'il n'est pas propriétaire d'une maison, mais propriétaire d'un lien entre lui et sa maison. Il y a une espèce de bon sens et de tradition qui ont amené les gens à établir un peu cette confusion entre les droits et les choses, mais je pense qu'il n'en demeure pas moins que le projet est quand même cohérent dans la mesure où la chose, c'est l'objet qui n'est pas approprié ou pas appropriable. Le bien, c'est la chose corporelle ou le droit, qui est une chose incorporelle, vu sous le rapport juridique et le droit, lorsqu'on ne visait que ce droit; la notion de bien comme strictement limitée au droit serait unique premièrement, par rapport au droit étranger, deuxièmement, à la doctrine et, troisièmement, au langage commun, ce qui m'apparaît une chose assez importante, même si le langage commun ne se retrouvera jamais dans le Code civil de façon générale et extensive.

Je ne pense pas que cela pose de problème. Je comprends que les juristes voudraient une clarification ultime sur cette question qui a fait depuis des siècles l'objet de débats cosmiques...

M. Lebel: Et qu'on entretiendra quelque temps encore.

M. Johnson (Anjou): ...et que nous entretiendrons peut-être encore cent ans ou jusqu'à ce qu'on refasse la deuxième révision ou, en tout cas, jusqu'après réforme.

La question que je pose autour de cela, pour être pratique. Croyez-vous que, même si on maintient cette espèce de confusion, ce sera susceptible de générer beaucoup de problèmes ou qu'on rate tous une belle occasion de satisfaire nos esprits?

M. Godin (Robert): Je pense qu'on rate une belle occasion de faire un beau projet de loi. Si vous regardez la littérature moderne, en droit civil, les auteurs sont unanimes sur ce point. C'est une distinction qui est faite -regardez Savatier et tous les auteurs récents - qui est simple à faire et qui permet une cohérence dans la rédaction, si on le fait avec soin, qui correspond à la réalité juridique des choses. C'est dans ce sens-là. C'est évident que ce n'est pas obligatoire, que les gens ne seront probablement pas lésés, que des décisions ne seront pas rendues différemment, mais disons qu'on aura une loi qui sera moins bien faite. Si on se donne la peine - je pense qu'on a l'occasion de le faire, puisqu'on est en train de le faire - pourquoi ne pas faire cet effort additionnel et reconnaître cette distinction qui est facile à faire et à exprimer? C'est tout.

M. Johnson (Anjou): J'en prends bonne note. Est-ce que ça va pour cela? On peut passer à autre chose?

Sur l'emphytéose, j'aimerais peut-être vous entendre encore. Je pense que c'est vous, Me Godin, qui avez évoqué tout à l'heure les difficultés de l'emphytéose en cas de copropriété ou si c'est Me Lebel?

M. Lebel: C'est Me Godin.

M. Godin (Robert): Oui, c'est moi.

M. Johnson (Anjou): Est-ce que vous pourriez me les reformuler?

Le Président (M. Vaugeois): Vous avez, d'ailleurs, été catégorique là-dessus.

M. Godin (Robert): Oui, il y a longtemps que je suis catégorique sur cela. C'est un peu une de mes marottes.

Le Président (M. Vaugeois): C'est un de ses dada, M. le ministre.

M. Godin (Robert): Peut-être que je peux vous expliquer un peu le contexte, vous dire pourquoi cela se présente.

M. Lebel: Je dois dire qu'il y a peu d'immeubles importants à l'heure actuelle à Montréal sur lesquels Me Godin ne s'est pas prononcé à un moment ou l'autre.

M. Godin (Robert): La question se pose, évidemment, parce que l'emphytéose a été utilisée dans les dernières années surtout par les corps publics, soit le gouvernement, soit les municipalités et certains autres organismes publics. Je pense à la Caisse de dépôt et placement du Québec en particulier. Les municipalités, ayant souvent acquis ces terrains par expropriation, sont impatientes de les voir se développer, de les voir utilisés, mais en même temps elles ne veulent pas les aliéner d'une façon définitive. Les deniers publics ayant été utilisés pour leur acquisition, on ne veut pas que la plus-value ultime, l'inflation, s'en aille. On veut plutôt qu'à l'expiration du bail ce bien revienne à la collectivité, ce qui est tout à fait louable.

Une des formes d'utilisation de ces terrains ou de ces biens publics serait la copropriété. On a cherché à voir si on pouvait mettre des condominiums, de la copropriété sur des titres emphytéotiques. Il y a, si vous le voulez, des problèmes abstraits de droit qu'il n'est peut-être pas

utile à ce moment-ci de considérer, mais il y a aussi des problèmes pratiques qui répugnent à cette utilisation d'après moi. Au point de vue de l'équité, comme je le disais tout à l'heure, quand un acheteur va se présenter pour acheter sa petite unité de copropriété, le développeur va lui dire -peut-être qu'il ne le lui dira pas, mais, s'il le lui dit, il ne le dira pas fort - que c'est de l'emphytéose. L'acheteur ne saura pas vraiment ce que cela veut dire. Il va acheter son unité. Au fil des années, il va payer son hypothèque. Il va vendre et avoir des titres successifs. À l'expiration du bail, tout à coup, le titre disparaît. Le propriétaire de l'unité n'est plus propriétaire. Le bailleur, par définition, dans l'emphytéose, reprend toutes les améliorations et tout le monde s'en va. Seulement à ce point de vue, cela me paraît inique. Il n'y a pas d'autre situation où cela se présente. Où on a utilisé l'emphytéose dans les dernières années; c'est surtout dans le domaine commercial, où cela est facile. Le propriétaire sait qu'il peut amortir son placement sur un certain nombre d'années. C'est uniquement une question financière. Pour l'acheteur d'unités de copropriété, c'est la question de son patrimoine personnel et de ses économies et cela m'apparaît inique.

D'un point de vue plus juridique, il y a des éléments d'un bail emphytéotique qui se prêtent mal à la copropriété. Idéalement, en copropriété, on cherche à diviser les obligations pour que le défaut d'un des copropriétaires n'affecte pas le droit de propriété des autres. De la même façon, au point de vue hypothécaire, chaque unité est hypothéquée séparément et, si le propriétaire du 301 ne paie pas son hypothèque, le propriétaire du 302 ne se fera pas prendre en justice; chaque unité est séparée, c'est là qu'est l'avantage. Au point de vue des taxes foncières, de l'impôt foncier, c'est la même chose, on impose chaque unité. Dans le bail emphytéotique, il y a des obligations qui ne se prêtent pas à la division; je donnais comme exemple l'obligation de reconstruire en cas de perte. Si les copropriétaires ne peuvent pas s'entendre sur la reconstruction, cela devient un défaut aux termes du bail emphytéotique; le bailleur va probablement garder les indemnités des assurances et les gens se feront mettre dehors. Il y a quelque chose de contradictoire; ce sont des droits qui ne se marient pas bien, ce sont des droits qui ne vont pas bien ensemble. Je peux vous dire qu'en Ontario, par exemple, le "leasehold" n'est plus utilisé; à l'origine de la copropriété en Ontario, on permettait la copropriété sur le "leasehold" et, lors de la dernière révision, en 1978, on a éliminé le "leasehold" comme étant une situation trop complexe. C'est dans ce sens-là, je pense, que c'est une chose qu'on ne devrait pas permettre.

M. Johnson (Anjou): Vous proposez carrément qu'on ne permette pas la copropriété sur une propriété emphytéotique.

M. Godin (Robert): Par contre, avec le droit de superficie, je crois qu'on peut arriver au même objectif. Dans le cas du droit de superficie, il y a la propriété de la bâtisse qui est distincte et la seule obligation dans un bail, si c'est un bail, sera de payer le loyer. L'obligation de payer la rente ou le loyer peut se diviser facilement; c'est une obligation de payer. Les obligations de faire ne se divisent pas normalement, mais l'obligation de payer se divise. Dans un droit de superficie qui résulterait d'un bail, on pourrait prévoir que la rente se divise. Le premier problème, l'iniquité due aux termes subsiste.

M. Johnson (Anjou): Sur la préemption et les stipulations d'inaliénabilité, aux articles 1245 et suivants, pour vous, il n'est pas suffisant d'introduire la notion d'intérêt sérieux et légitime et la notion de temporaire, qui seront évidemment interprétées par les tribunaux. Pour vous, ce ne sont pas des limites suffisantes pour empêcher ce que vous croyez être, Me Lebel, des conséquences importantes, notamment sur le commerce, à cause de l'incertitude des titres face aux tiers, etc. Il y a des limites finalement à la circulation et à la dynamique des transactions. Verriez-vous, dans ce contexte, qu'on introduise une limite dans le temps? Je pense que cela a été suggéré hier par les caisses populaires, l'association de planification successorale ou les banquiers. Je voudrais vous entendre sur les stipulations d'inaliénabilité.

Mme Cantin-Cumyn: Je peux dire quelque chose et, ensuite, le bâtonnier pourra compléter. La première question qui se pose, c'est pourquoi veut-on introduire les clauses d'inaliénabilité dans les actes onéreux? Quelqu'un achèterait une maison avec la clause qu'il ne peut pas la vendre. Pourquoi? Quel est l'intérêt qu'on veut protéger en faisant cela? Le droit actuel ne le permet pas; cela est permis seulement dans les actes gratuits. Il y a une limite dans le temps, en ce sens que, si la prohibition doit s'étendre à plus que la première personne, c'est une substitution à deux degrés qui s'applique. Si c'est seulement l'intérêt du premier acquéreur de l'objet avec clause d'inaliénabilité, cela s'éteindra avec lui.

M. Johnson (Anjou): Permettez-moi de tenter de répondre à votre interrogation par une analogie. C'est un peu comme les clauses de non-concurrence en matière commerciale. Vous ne voyez pas que c'est un instrument dont on puisse doter les citoyens? (11 h 30)

Mme Cantin-Cumyn: Les clauses de non-concurrence sont fort mal vues par les tribunaux. Ceux-ci tentent d'en limiter l'application le plus possible, dans le temps et dans le territoire où cela va s'appliquer. C'est une analogie qu'on veut faire et je l'aurais, justement, faite pour militer en faveur de notre point de vue. On ne les aime pas; on les tolère en ce moment, les clauses de non-concurrence. On veut étendre ici ce type de stipulation presque sans y mettre aucune limite. Quel est l'intérêt qu'on veut favoriser en faisant cela?

M. Johnson (Anjou): L'intérêt, c'est la liberté des individus de stipuler pour restreindre leur propre liberté à l'égard de la disposition d'un bien.

Mme Cantin-Cumyn: Cela va très bien dans la mesure où on ne lie que soi et la personne avec laquelle on fait le contrat. Lorsque ici on parle de clauses d'inaliénabili-té, si elles affectent l'immeuble et sont enregistrées et sont opposables aux tiers, on transforme la stipulation de ce qui était purement une relation de droit personnel en une relation de droit réel. On risque d'affecter de façon permanente les titres. C'est une chose qui est très sérieuse. Encore une fois, pourquoi veut-on faire cela? Si jamais on veut restreindre d'une certaine façon l'usage des choses, on peut créer une servitude. Il y a des mécanismes, il y a des droits réels qui sont prévus dans le code et qu'on peut utiliser pour cela.

M. Johnson (Anjou): Je comprends que, si je vous affirme que l'objectif visé par l'article 1245 est de permettre la liberté des individus de stipuler des restrictions sur une base consensuelle à des biens dont ils sont propriétaires pour un certain temps et pour un intérêt sérieux, vous me répondez que les tribunaux n'aiment pas cela. Je n'en disconviens pas. Par ailleurs, vous me répondez que cette relation est de la nature de droit personnel qu'on transforme dans la mesure où on l'oppose aux tiers par l'enregistrement au niveau du droit réel. Je pourrais vous retourner la question: Pourquoi pas? Quel est l'inconvénient majeur que vous y voyez?

Mme Cantin-Cumyn: On affecte les tiers.

M. Johnson (Anjou): Mais il y a un mécanisme de publicisation, il y a un mécanisme de protection.

Mme Cantin-Cumyn: Comment le tiers peut-il savoir si vraiment cela le lie, parce que cela est justifié par un intérêt sérieux et légitime? Comment le tiers appréciera-t-il la validité de la clause? Ce n'est même pas sûr qu'elle soit valide. C'est seulement si elle est fondée sur un intérêt sérieux et légitime. Le tiers subséquent n'a aucun moyen de vérifier cela. Autre remarque, c'est l'insaisissabilité qui en découle. Quand l'insaisissabilité en découlera-t-elle? Lorsque ce sera une interdiction complète d'aliéner ou si c'est seulement partiel, est-ce que cela rend aussi insaisissable? On ouvre un débat et le prix à payer est selon moi trop important. Cela ne vaut pas la peine d'introduire cela à cause des difficultés qui vont en résulter.

M. Lebel: Cela rend, en quelque sorte, le bien inapte à être introduit dans le circuit des affaires, des activités commerciales. Sa valeur patrimoniale propre est gravement affectée. Ensuite, il devient à peu près impossible de donner une sûreté valable sur un bien dans ces conditions-là et on expose l'acquéreur qui a consenti à cette clause-là à un chantage perpétuel de la part du titulaire original. Sur le plan de la stricte politique législative, je ne peux qu'avoir beaucoup de réserves sur la multiplication, sur la faveur qui semble être donnée à ces clauses.

M. Johnson (Anjou): Vous suggériez, cependant, le maintien du droit actuel à titre gratuit, à la condition que cela donne lieu, si cela touche à un deuxième, au processus de substitution. Encore faudrait-il ne pas abolir la substitution, comme le suggérait la chambre des notaires.

Mme Cantin-Cumyn: Vous avez devant vous la suggestion qu'on fait, que le barreau fait quant aux clauses d'inaliénabilité. On le dit bien, c'est seulement dans la mesure où cela peut valoir comme substitution. Si on se reporte aux articles sur la substitution, on voit que, même en substitution, le grevé peut aliéner, mais aliéner à charge de faire remploi du prix. Selon notre proposition, même dans la substitution, l'effet de la clause est très limité. Ce que cela oblige le grevé à faire, c'est utiliser les fonds et faire remploi du prix de vente; cela exclut aussi l'aliénation gratuite de la part du grevé, parce que là, il ne peut pas faire remploi. Au fond, on restreindrait même le remploi par rapport au droit actuel. À mon sens, c'est la direction où il faut aller.

M. Godin (Robert): M. le Président, je voudrais ajouter quelque chose au sujet du droit de préemption.

M. Johnson (Anjou): On va en faire un morceau de deux à la fois?

M. Godin (Robert): C'est un peu le même commentaire en ce qui a trait au droit de préemption. Si vous regardez notre recommandation, on veut en faire un droit

personnel, de façon générale, sauf dans les cas d'indivision où on suggérerait possiblement un droit de retrait. Mais c'est le même souci d'éviter de grever les biens d'une façon qui pourrait être très nocive. Regardez l'article 1259: "Le propriétaire du bien doit, lorsqu'il projette de le céder, notifier son intention par écrit au titulaire du droit de préemption à la dernière adresse connue de son domicile ou de sa place d'affaires. La notification porte aussi sur le prix et les modalités etc." La question de preuve en matière d'immeuble, comment est-ce qu'on va établir que cela a été fait? Si on ne peut pas retrouver le bénéficiaire, comment est-ce qu'on va procéder? Est-ce qu'il va falloir aller chercher des jugements? Même je ne pense pas qu'un jugement serait suffisant. Les titres risquent d'être vraiment affectés d'une façon très nocive. Où on le verrait, et on en parlait dans une des suggestions qu'on fait au niveau de l'indivision, c'est que le contrat d'indivision soit susceptible d'enregistrement et ses dispositions lieraient les tiers. C'est un cas bien particulier d'indivision, et je pense que c'est important qu'il y ait un droit entre les indivisaires d'acquérir la part des autres. Mais, d'une façon générale, légiférer sur un droit comme celui-là, le droit de préemption, cela va certainement créer de sérieux problèmes et la solution n'est certainement pas apparente dans la rédaction actuelle. Les titres vont être grevés d'un droit réel dont la sanction, comme le disait le bâtonnier tout à l'heure, c'est qu'il y a quelqu'un qui peut sortir de je ne sais pas où et dire: Mon droit n'a pas été respecté, et faire annuler la vente. C'est très grave.

M. Johnson (Anjou): Pour vous, cela ne répond pas à vos préoccupations si je vous dis que l'article 1055, qui porte sur les droits des indivisaires ou qui crée un droit de préemption, c'est le seul endroit où on crée un tel droit et l'article 1238 et le suivant deviennent du droit supplétif. Dans l'article 1055, on prévoit la création de ce droit de préemption; on prévoit, cependant, qu'il peut être conventionnel et que les modes d'exercice seront conventionnels. Je pense qu'on pourrait dire qu'étant donné que l'article 1055 n'est pas d'ordre public l'indivisaire pourrait même en vertu de 1055 renoncer à son droit de préemption. L'article 1238 ne s'applique alors que dans la mesure où c'est substitutif.

M. Godin (Robert): II pourrait s'appliquer pas uniquement à des cas d'indivision. De la façon dont on a lu le chapitre, il pourrait s'appliquer en général. Je pourrais accorder un droit de préemption à n'importe qui sur mon immeuble même si on n'est pas en indivision, de la façon dont il est rédigé là. C'est un nouveau droit qui est donné et qui est d'application générale. Je crois que, dans le domaine de l'indivision, c'est très important et c'est certainement un problème qu'on a actuellement en pratique.

M. Johnson (Anjou): Est-ce que je dois comprendre, Me Godin, selon ce que vous me dites, que vous assimilez cela un peu aux préoccupations que vous avez sur les stipulations d'inaliénabilité qu'il ne faut pas créer à l'article 1238 et aux suivants les bases de ce que constitue un droit que vous pouvez consentir à un autre, à savoir le droit de préemption?

M. Godin (Robert): Ce n'est pas tellement le droit... C'est intéressant de donner le droit de préemption, mais, en pratique, pour vivre avec cela dans la pratique, on va avoir des problèmes dont je ne vois pas la solution. Par exemple, si on ne peut pas retrouver le bénéficiaire du droit, si on ne peut pas établir qu'on a rempli les conditions mentionnées à l'article 1239 d'une façon satisfaisante, le titre va être entaché. Vous allez entacher vos titres, parce que ce sont des droits réels immobiliers que vous créez. Ce bénéficiaire, vous lui avez quasiment donné un droit de propriété conditionnel dans l'immeuble et il peut revenir n'importe quand l'exercer. Les tiers vont aller au bureau d'enregistrement et vont dire: A-t-il été avisé, n'a-t-il pas été avisé? Ou celui qui veut vendre et qui ne peut pas retracer le bénéficiaire du droit pour une raison ou pour une autre, comment va-t-il se libérer de cette obligation? Comment est-ce qu'il va libérer son immeuble de cela? C'est dans cet esprit que nous disions que ce droit devrait demeurer ce qu'il est actuellement, un droit personnel. Dans le cas de l'indivision on pourrait peut-être avoir un droit de retrait, ce qui est possible, aussi, mais il ne faudrait pas en faire un régime général sur ce droit de préemption. C'était notre attitude.

M. Johnson (Anjou): Une dernière chose. Je suis sûr que mes collègues ont toutes sortes de questions intéressantes, notamment sur la copropriété, à vous poser. Je vois le député de Saint-Laurent qui est là. Sur la notion des servitudes personnelles, je dois vous dire que cela a fait tiquer un peu déjà mon entourage. Je ne dirais pas que cela m'étonne que cela vienne du barreau.

Une voix: Cela remonte à 1789.

M. Johnson (Anjou): Voilà, c'est pour le moins archaïque comme expression. Est-ce que je pourrais vous entendre un peu sur l'utilité de ranger dans les servitudes personnelles l'usufruit, l'usage et l'emphytéose, car nos épidermes sont sensibles à cette notion des servitudes

personnelles?

Mme Cantin-Cumyn: Les codificateurs ont eu un peu peur aussi des mots; les anciens codificateurs n'ont pas employé l'expression "servitudes personnelles" dans le cas du code actuel.

M. Johnson (Anjou): II faut dire que Lincoln les avait impressionnés un peu.

Une voix: La Révolution française aussi.

Mme Cantin-Cumyn: Oui, c'est un relent de la Révolution française. Il y avait des susceptibilités qui se sont fait sentir en France auprès des rédacteurs du Code Napoléon et, pour nous, cela s'est transposé ici même sans révolution. Les codificateurs ont rédigé l'article 405 comme suit: "On peut avoir sur les biens - parce que les codificateurs faisaient la même erreur pour le mot "biens"; j'aurais dit sur les choses -ou un droit de propriété, ou un simple droit de jouissance ou seulement des servitudes à prétendre." La catégorie intermédiaire, à côté de droit de propriété et des servitudes à prétendre, simple droit de jouissance, recouvre la notion de servitudes personnelles. Alors, le code ne le dit pas, mais c'est l'interprétation que la doctrine de la jurisprudence en fait. On reconnaît que des servitudes personnelles, cela existe en droit actuel. On les définit comme étant le droit réel qu'une personne a dans une chose qui appartient à quelqu'un d'autre. L'usufruit est un exemple de cela et l'emphytéose aussi. Cela nous permet de les opposer aux servitudes réelles, une charge qui grève un immeuble au profit d'un autre immeuble. Peut-être qu'on n'aime pas l'expression, mais elle est drôlement utile et elle existe en droit actuel.

M. Lebel: Elle n'est peut-être pas très politique, mais elle est très juridique.

M. Johnson (Anjou): Ce n'est pas toujours incompatible.

Le Président (M. Vaugeois): Nous allons passer la parole maintenant au député de Chapleau. Vous parlerez au nom de l'Opposition, mais je comprends que d'autres députés auront à intervenir, des trois côtés d'ailleurs.

M. Kehoe: Merci, M. le Président. Au nom de l'Opposition, il me fait plaisir de souhaiter la bienvenue aux membres du barreau. Je les remercie pour le mémoire qu'ils ont présenté, un mémoire extrêmement détaillé, étoffé de quelque 300 pages. C'est plus qu'un cours de droit. Je pense que, pour apprendre ce qu'il y a dedans, cela prendrait quasiment une année d'études. Je félicite les experts qui ont travaillé à ce mémoire. Pour ma part, avant de lire le mémoire du barreau et le mémoire de la chambre des notaires, j'avais lu et étudié la loi elle-même. Je pensais comprendre un peu l'affaire, mais, après avoir lu votre mémoire, je commence à voir combien il y a des problèmes importants et comment la chose est compliquée.

M. le bâtonnier Lebel, vous avez mentionné dans vos remarques d'ouverture que, nécessairement, il s'agit d'un ouvrage fondamental qui est commencé depuis 20 ans et que c'est une chose extrêmement compliquée. Pour les membres du barreau, il s'agit d'un problème majeur d'adaptation, lorsqu'il s'agit de changements, de reforme pièce par pièce. Je me pose des questions. Quelle autre alternative suggérez-vous pour rectifier le problème? Comme je l'ai mentionné, j'imagine que les membres du barreau, les avocats pratiquants vont comprendre l'envergure du problème, les détails et la complexité de l'affaire. (11 h 45)

Effectivement, j'ai bien l'impression qu'il faut absolument retourner à la classe. Il faut absolument avoir des experts comme ceux qu'on a entendus ce matin. Mais de quelle autre manière suggérez-vous au ministre de la Justice de procéder pour qu'il puisse intégrer à la fois la réforme qui s'impose et la possibilité des membres pratiquants du barreau de comprendre, de saisir et d'être au courant des changements?

M. Lebel: Nos observations dans le passé ont porté non pas tellement sur les conséquences des changements pour les membres du barreau, qui devront de toute façon se recycler à bien des égards une fois que cette réforme sera accomplie, que sur la procédure d'adoption qui semble être celle qui a été adoptée depuis quelques années. J'ai eu l'occasion à différentes reprises, comme mes prédécesseurs d'ailleurs, de faire des observations au ministre de la Justice et aussi à certains membres de l'Opposition sur le sujet. Quant à moi, j'ai toujours pensé -j'ai peut-être tort - que la méthode suivie compliquait appréciablement l'adaptation de la pratique et des usagers de ce système parce que, à l'heure actuelle, la méthode suivie a été une méthode essentiellement d'adoption du Code civil par chapitre ou par titre.

À l'heure actuelle, nous avons en vigueur une partie du nouveau droit de la famille et ce système nous oblige en réalité à vivre presque trois systèmes de droit différents: l'ancien système du code, le système existant tel qu'il est modifié par de nouvelles parties du Code civil, parties qui sont elles-mêmes affectées par l'entrée en vigueur de nouvelles dispositions et, finalement, le système nouveau. Cela

démultiplie, évidemment, le problème de ce que l'on appelle en droit le droit transitoire, c'est-à-dire l'adaptation des actes existants, des situations juridiques et aussi, ce qui est important, des formules, des types d'actes et des types de documents qui sont en usage dans la pratique juridique. On se voit obligé de passer en un certain nombre d'années à travers trois, sinon quatre systèmes différents.

Le barreau avait déjà suggéré que l'Assemblée nationale pourrait étudier et adopter successivement l'ensemble des livres, mais ne les mette en vigueur que comme un tout, une fois l'ensemble de la réforme connu, en donnant un délai qui pourrait être d'un an, de deux ans, etc., pour que les praticiens, les professeurs, en somme tous ceux qui ont eu à utiliser ce code, ce qui est en réalité l'ensemble des citoyens, puissent quand même se familiariser et aussi qu'on puisse dégager certaines études, certaines interprétations et que la pratique juridique soit prête à l'accepter et à la vivre.

À l'heure actuelle, le ministère de la Justice semble avoir retenu la solution de deux blocs d'adoption, c'est-à-dire un bloc qui comprendrait les personnes, les successions et les biens. Par la suite, nous verrions un autre bloc comprenant, je présume, les obligations, les contrats nommés, le droit des sûretés possiblement et l'enregistrement des droits. Ce sont des blocs relativement cohérents; cependant, tout ce que nous faisons, par exemple, sur le droit des biens a quand même des incidences immédiates, d'une part, sur certains aspects du droit des contrats et aussi sur tout le droit des sûretés, du financement commercial ou immobilier. C'est clair que, même si le droit des sûretés n'est pas formellement changé, dès que le nouveau droit des biens est en vigueur, c'est pour la pratique juridique, c'est pour les emprunteurs et pour les prêteurs un nouveau système juridique et un système qui devra être lui-même modifié à nouveau une fois que le nouveau droit des sûretés sera en vigueur. Cela veut dire que, pour certaines institutions, par exemple pour les études d'avocats ou de notaires, etc., ce sera l'obligation de développer en peu d'années trois ensembles de formules ou de types d'actes différents. Cela alourdit considérablement l'adaptation au système pour la pratique juridique et aussi sur le strict plan législatif et je pense que cela complique de façon assez grave le problème de la rédaction de la loi sur le droit transitoire.

Je ne sais pas quel sera le projet de loi gouvernemental, mais on peut se douter assez bien qu'il y a quand même beaucoup de textes à rédiger, beaucoup de situations juridiques à vérifier et qu'on devra, avec ce mode d'adoption, refaire l'exercice deux ou trois fois avec des risques accrus d'erreurs, l'obligation de reprendre certains concepts, de faire de nouvelles vérifications. À mon sens, cela risque de retarder d'autant l'adoption de la réforme globale ou, au moins, de rendre beaucoup plus difficile à ceux qui auront à la vivre l'adaptation au nouveau système.

Finalement, je vous dirais que ce ne seront pas seulement les avocats, les notaires ou les juges mais les citoyens qui supporteront cela parce que, par exemple, lorsqu'on parle de modifications de formulaires, des textes, des pratiques, cela se reflète dans des coûts juridiques, dans des coûts de préparation d'actes qui seront quand même augmentés par la multiplication des changements législatifs.

De ce côté, je pense que peut-être un des éléments les plus critiques de toute la réforme du Code civil, c'est le règlement de ce problème du droit transitoire, du changement d'un système juridique à l'autre.

M. Kehoe: Pour aider à la transition, je pense que le barreau met à la disposition de ses membres des cours de formation dans chaque domaine, que ce soit la succession, les personnes ou les biens. Dès que les lois sont adoptées, et à mesure qu'il y a des changements à la loi, si je ne me trompe, l'école du barreau met immédiatement ces cours à la disposition des membres.

M. Marx: Mais les professeurs sont mêlés. C'est là aussi un problème.

M. Lebel: Évidemment, c'est quelque chose que nous essayons de faire. Lorsque le gouvernement a mis en vigueur le nouveau droit de la famille, le barreau avait organisé immédiatement une série de cours qui ont été donnés un peu partout dans la province et intégrés à sa formation professionnelle. Je n'ai pas de doute que, quelle que soit la méthode qui sera retenue pour l'adoption du Code civil, comme barreau, nous aurons une obligation sociale, aussi bien vis-à-vis de nos membres que de leurs clients, de faire en sorte qu'une formation soit disponible aussi bien pour les avocats en exercice que pour ceux qui se destinent à la profession.

M. Kehoe: D'accord, M. le Président.

Le Président (M. Rivest): Oui.

M. Kehoe: Comme mon collègue de Saint-Laurent a dit hier que, sur sur chaque article, il y a des questions, des clarifications des problèmes qui s'imposent, je ne pense pas qu'on aura le temps ici de poser des questions sur chacun des articles que nous avons à étudier. Je pense qu'il y a plusieurs intervenants qui ont mentionné ce

matin l'article 998, qui est la définition du mot "propriété". J'adresse ma question à M. le ministre. Tantôt, il a répondu en partie, mais je n'ai pas saisi complètement sa réponse. Je veux savoir pour quelle raison le gouvernement ou le ministère décide de renverser complètement le fardeau de la preuve, de changer la philosophie de la loi en ce qui concerne la définition du mot "propriété"? Auparavant, dans la loi, comme on le sait, la personne avait la jouissance de disposer librement et complètement de ses biens. Maintenant, le fardeau est changé complètement. Pour quelle raison ce changement fondamental dans la loi? Je pense qu'ici, dans le projet de loi 58, c'est probablement le changement le plus profond qu'il y ait dans la loi jusqu'à maintenant. Je pense que les intervenants ont mentionné ce fait ce matin. Je me demande s'il y a eu des études pour amener le ministère à adopter un changement aussi radical et aussi bouleversant avec le passé.

M. Johnson (Anjou): D'une part, c'est parce qu'on a suivi là-dessus les recommandations de l'office. Peut-être qu'on n'aurait pas dû. On est ici pour en discuter. L'office, cela faisait environ vingt ans, à toutes fins utiles, soyons plus réalistes, cela faisait environ douze ans, et théoriquement une vingtaine d'années, qu'il était en train de voir la révision.

Il faut se rappeler, à la fin des années soixante, au début des années soixante-dix, la prolifération des domaines de droit nouveau intéressant l'État, soit dans le secteur de l'environnement, soit dans le secteur des richesses naturelles, soit dans des activités touchant les loisirs. On a assisté à une espèce de foisonnement, à la fin des années soixante et au début des années soixante-dix, dans le cadre d'une croissance économique qui facilitait les choses aux visions étatistes d'une collectivisation des problématiques. Je pense qu'un peu dans ce contexte, l'office, composé de juristes éminents qui ont véhiculé le conservatisme qu'on reproche à l'occasion à la profession, mais qui n'est pas toujours un défaut, croyait peut-être - non pas pour des raisons idéologiques; je pense que vouloir faire des gens de l'office des marxistes à tout crin, cela serait un peu étonnant; des marxistes, je n'ai pas dit des marxiens - au moment où il a fait son rapport, traduire une espèce d'approche nouvelle qui faisait un peu le sens commun. D'ailleurs, certains des gens que je vois assis en face de moi y ont été sous d'autres gouvernements. On avait l'impression que les problématiques collectives l'emportaient sur les problématiques individuelles par la présence et l'intervention de l'État. Je pense qu'ils ont voulu un peu s'ajuster à cela en se disant que le rôle du droit, c'est aussi de refléter un peu l'état de la sociologie.

D'ailleurs, je prends comme exemple cette notion où l'on dit que, comme l'eau devient une chose rare, est considérée comme une chose rare, elle doit donc être considérée comme un bien d'État et que l'État doit entourer cela de sa présence pour donner des autorisations d'utilisation, etc. Cela provient de ce type de problématiques. Je pense que, dans le cas de l'eau, on a raison. Tout le monde nous dit qu'on a raison partout sur le continent. Il faut faire attention à l'eau et il n'est pas vrai qu'il faut tenir pour acquis que, parce qu'on a un million de rivières et de lacs au Québec, cela veut dire que nous n'aurons pas de problème de gestion de l'eau dans les vingt-cinq prochaines années. Dans le fond, on traduit cela par une limitation de ce qui était classiquement le droit de propriété des individus à l'égard de ces choses qui font partie du bien-fonds.

L'article 988 est intervenu comme voulant un peu coiffer cette approche, mais, je dois vous le dire, que nous aurons sans doute à remettre l'article 988 en question à la lumière des commentaires qui nous ont été faits par les membres du barreau et d'autres. Cela ne correspond pas tout à fait à ce qui était l'objectif ou, enfin, je ne suis pas sûr que l'office referait le même genre de suggestion à la lumière du genre de débats qu'on a eus. De toute façon, cela ne lui appartient plus; cela appartient au législateur de décider.

Je ne sais pas si cela répond à la question du député, s'il voulait entendre de ma bouche des déclarations de "Das Kapital" ou du grand manifeste...

M. Kehoe: Mais on a l'assurance, d'après le ministre, qu'une décision définitive n'est pas prise en ce sens. Vous allez entendre les revendications du barreau et des autres intervenants.

M. Johnson (Anjou): Non non, vous avez remarqué qu'on a écouté très attentivement et on va lire leur mémoire et les débats de la commission. On est sensible à cela.

M. Kehoe: Oui j'ai remarqué cela et j'espère que vous ne ferez pas seulement écouter, mais que vous verrez aussi à mettre en action ces recommandations.

M. Johnson (Anjou): C'est cela. Mais on verra cela. Je suis sûr qu'on verra le député à l'étude détaillée du projet de loi, M. le Président.

M. Kehoe: Une dernière question. En ce qui concerne les condominiums et le "time-sharing", la législation actuelle ou les projets de législation, je me demande si le barreau a eu l'occasion d'étudier les lois des autres provinces ou des États-Unis et de voir

si la loi du Québec ou les propositions que nous avons devant nous sont basées sur l'expérience vécue aux États-Unis ou ailleurs. C'est un concept nouveau, que ce soit le "time-sharing", les condominiums ou la copropriété. Est-ce similaire à des lois adoptées dans d'autres provinces ou à des lois des États-Unis? (12 heures)

M. Godin (Robert): Je pense que vous devez savoir qu'il y a eu un comité de travail qui a été formé au ministère de la Justice sur la copropriété auquel ont participé des représentants des propriétaires de condominiums, le ministère, le barreau, la chambre des notaires. Je ne sais pas s'il y avait d'autres groupes. J'ai participé aux travaux de ce comité. Certainement - à ma connaissance - les rédacteurs se sont inspirés des lois américaines et les ont adaptées. Sur le "time-sharing", évidemment, comme je le disais tout à l'heure, il n'y a rien dans le moment dans le projet de loi. Il y a seulement une référence un petit peu oblique au "time-sharing". On y fait référence en passant. Il n'y a rien qui organise le "timesharing". Il n'y a rien qui traite vraiment du "time-sharing". Mon commentaire de tout à l'heure, c'était que c'est dangereux de faire cela étant donné qu'on ne sait pas vraiment ce que c'est le "time-sharing". Dans l'économie de notre droit actuel, cela ne s'insère pas vraiment. Il faudrait vraiment avoir des dispositions bien précises. Il y en a. On peut certainement s'inspirer, cela s'est fait et, comme vous le savez, l'expérience est bien connue aux États-Unis. Il y a des problèmes particuliers avec le "time-sharing". Il y a de nombreux États américains qui l'ont développé et on peut s'inspirer de cela.

Le Président (M. Rivest): Merci, M. le député de Chapleau. M. le député de Deux-Montagnes et, par la suite, M. le député de Saint-Laurent, s'il y a consentement de la commission pour qu'un invité, le député de Saint-Louis, puisse également poser une question.

M. de Bellefeuille: Merci, M. le Président. Vous nous avez fait un certain nombre d'observations sur l'emphytéose. J'ai dû m'absenter quelques minutes tout à l'heure. Je ne sais pas si, pendant ce temps-là, vous avez parlé d'emphytéose. De toute façon, ce n'est pas tellement sur vos observations que je voulais revenir, mais plutôt pour chercher à comprendre dans quelle mesure et de quelle façon le projet de loi modifie les conditions de l'emphytéose par rapport au Code civil antérieur.

Ma question est plus particulièrement celle-ci: L'idée est assez généralement répandue que l'emphytéose permet au locataire de conserver à la fin du bail la propriété de ses améliorations. Je voudrais vous demander dans quelle mesure cette idée est fondée en vertu du code actuel et dans quelle mesure elle serait fondée advenant l'adoption du projet de loi.

M. Godin (Robert): Je pense que, dans le droit actuel de l'emphytéose, le locataire ne conserve pas la propriété des améliorations. Il est de l'essence même de l'emphytéose qu'à l'expiration du terme le propriétaire du fonds, le bailleur, reprend la propriété avec les améliorations, sans indemnité. C'est, d'ailleurs, une des considérations essentielles de l'emphytéose. C'est une des raisons de base historiquement de l'emphytéose, qui prévoyait que le preneur ou le locataire devait faire des améliorations. La rente en général était très basse, sinon minime, justement à cause de cet élément.

M. de Bellefeuille: Pour tenir compte de cet élément-là, le projet de loi ne modifie pas cet aspect de l'emphytéose.

M. Godin (Robert): Cet aspect n'est pas modifié. Le projet de loi - on ne parlera pas vraiment des questions de rédaction - dans l'ensemble rend beaucoup plus flexible, beaucoup plus articulée au point de vue pratique l'utilisation de l'emphytéose. On a des problèmes pratiques en ce moment. Nos tribunaux interprètent d'une façon très restrictive l'emphytéose. Des clauses qui étaient considérées par tout le monde comme étant compatibles avec l'emphytéose sont aujourd'hui catégorisées comme étant des clauses qui détruisent la nature emphytéotique des baux. La Cour d'appel, comme je le disais tout à l'heure, vient de rendre un jugement très récemment dans la question de l'île des Soeurs, qui va rendre l'utilisation de l'emphytéose presque impossible à toutes fins utiles. Le projet de loi assouplit certainement l'utilisation de l'emphytéose.

Il y a un point qui nous a frappés. On a laissé tomber la notion de rente. Il nous apparaît essentiel qu'il y ait une rente emphytéotique. C'est de l'essence du bail qu'il y ait une rente. On ne comprend pas pourquoi on a laissé tomber la notion de rente. La définition de l'article 1222, on l'a retravaillée, on a des suggestions. La définition donnée par le projet dit: "L'emphytéose est un droit par lequel une personne acquiert..." On croit que ce serait plus exact de dire: L'emphytéose est un droit réel immobilier résultant, etc. Il y a des efforts de rédaction qui ont été faits de ce côté. Également, il y a un point qui nous a frappés en matière d'emphytéose, c'est celui qui prévoit que, si le bail est terminé, les droits réels en faveur des tiers ne sont pas nécessairement annulés. Cela peut créer d'épouvantables problèmes. Vous avez le cas

de votre preneur qui est en défaut au terme de son bail, qui a hypothéqué la propriété et le bailleur reprend l'immeuble grevé d'hypothèques par le preneur. Cela nous apparaît inique, on ne comprend pas pourquoi cela a été introduit. Il y a différentes choses comme celles-là qui ont été mentionnées dans notre mémoire, mais, dans l'ensemble, nous sommes favorables à l'assouplissement de l'institution.

M. de Beliefeuille: Quel est l'article auquel vous venez de faire allusion? L'article 1235?

M. Godin (Robert): L'article 1235: "À la fin de l'emphytéose, le propriétaire reprend l'immeuble libre de tous droits et charges nés pendant l'emphytéose, sauf si la fin de l'emphytéose résulte de la résiliation du contrat". Cela nous apparaît inique. Si le preneur fait défaut à ses obligations ne les remplit pas et que le bail est résilié, le bailleur va reprendre l'immeuble grevé de toutes les hypothèques; cela n'a pas de sens. Par exemple, le preneur devait faire des améliorations, il ne les a pas faites ou il fait faillite, il fait défaut en cours de route, l'immeuble est hypothéqué à 100% ou 150% de sa valeur. S'il y a résiliation, d'après l'article 1235, le bailleur va reprendre l'immeuble complètement grevé d'hypothèques. On ne voit pas la raison; alors, on a une suggestion: si la résiliation est à l'amiable, s'il y a collusion en quelque sorte entre le bailleur et le preneur, les tiers ne devraient pas être affectés. Il y a toutes sortes de petits détails comme cela. Merci.

Le Président (M. Vaugeois): M. le député de Saint-Laurent.

M. Leduc (Saint-Laurent): Je voudrais m'adresser à Me Lebel. Je voudrais revenir sur la notion du droit de propriété. Le ministre nous a dit qu'il pourrait revoir l'article 988; j'en suis bien heureux. Personnellement, je ne suis pas tellement d'accord avec la définition du droit de propriété de l'article 988.

Maintenant, je voudrais également connaître vos réactions aux articles qui briment le droit de propriété, qui sont pratiquement ou presque des expropriations. J'en ai relevé certains, mais il y en a peut-être plus que cela. Les articles 1031, 1032 et également 1033, si vous voulez les prendre en note, l'article 1045, qui parle des semelles, ce qui me semble... ensuite, l'article 1066: On peut satisfaire un indivisaire au moyen d'un bien en nature ou en espèces, en numéraire; l'article 1110: Si le copropriétaire transgresse, on lui enlève son... en fait, on peut même le forcer, l'exproprier, c'est une véritable expropriation, on peut disposer de son appartement; les articles 1121, 1122 et 1124, les quotes-parts, la question des droits, celle des voix attribuées à chacun des copropriétaires...

Mme Vadboncoeun Quelle est votre question?

M. Lebel: Vous voulez nos commentaires sur l'ensemble de ces dispositions?

M. Leduc (Saint-Laurent): Vos réactions sur ces articles qui, à mon sens, empiètent d'une façon considérable sur le droit de propriété.

M. Lebel: Un certain nombre de ces dispositions ont fait l'objet de commentaires spécifiques dans notre mémoire. Vous mentionniez, par exemple, les articles 1110 à 1132, qui portent... Je pense que c'était le cas des semelles...

M. Leduc (Saint-Laurent): Non, c'était l'empiétement.

M. Lebel: L'empiétement?

M. Leduc (Saint-Laurent): Ne croyez-vous pas qu'à un moment donné il pourrait y avoir une exagération si un empiétement assez considérable avait lieu et qu'à la suite de cet empiétement le propriétaire ou le voisin perdait le droit d'ériger une propriété parce qu'il n'aurait pas la superficie de terrain suffisante pour répondre aux exigences d'un règlement municipal?

M. Lebel: Dans notre texte, nous avons suggéré certaines options, entre autres, que l'on retrouve ici, c'est-à-dire l'obligation de payer aussi bien la valeur actuelle du droit acquis que les dommages. En somme, pour nous, dans une telle situation d'empiétement consacré par la législation, il n'y aurait pas seulement, si vous voulez, une espèce de pouvoir d'expropriation privée, mais il y aurait aussi une obligation d'acquitter les dommages effectivement subis et démontrables. L'idée d'une disposition comme celle-ci me semble être d'éviter autant que possible la démolition d'édifices, de constructions qui existent déjà à un moment où le préjudice serait peut-être, finalement, plus grand pour celui qui a érigé la construction en question que pour celui qui se voit parfois privé de quelques pouces ou de quelques pieds de sa propriété. C'est parfois une méthode pour régler des problèmes secondaires de titres. Je ne pense pas qu'il y ait un substrat idéologique dans une disposition comme celle-ci.

M. Leduc (Saint-Laurent): Vous voulez absolument que la notion d'indemnité soit

insérée à l'article et non pas seulement que ce soit la valeur actuelle de la parcelle?

M. Prévost: C'est peut-être pour cela qu'entre autres à l'article 1032, deuxième paragraphe, on a parlé du préjudice sérieux. On parlait seulement d'empiétement important. Je me souviens, entre autres, qu'on en a discuté en commission. On a dit: Le problème de celui qui a un terrain d'une grandeur assez limitée et qui veut y construire une piscine, c'est qu'il est obligé -je pense que c'est un peu ce à quoi vous vous référiez - de respecter des distances qui sont établies par un règlement municipal et, parce que le voisin a empiété chez lui, il ne peut plus se construire une piscine. Évidemment, on aura toujours à évaluer ce qui est le préjudice sérieux, mais c'est la raison pour laquelle on a insisté pour insérer au deuxième paragraphe la question du préjudice du propriétaire. Peut-être que l'empiétement ne sera pas important en soi, mais, pour le propriétaire qui a acheté une maison avec cette superficie de terrain exprès pour y mettre une piscine, cela lui cause un préjudice sérieux. À ce moment, il peut obliger celui qui a empiété chez lui à racheter sa propriété en entier et à lui payer des dommages. C'est peut-être pour, justement, limiter un peu la portée de ces empiétements ou de la reconnaissance d'empiétement qu'on a inscrit cette notion de préjudice.

M. Lebel: En fait, on est aussi, et on le sait depuis longtemps, une société qui est assez fortement urbanisée dans des villes, dans des centres comme Montréal, Québec, etc., et il peut y avoir bien des petits problèmes de voisinage, etc. Il faut autant que possible trouver et dégager des solutions législatives qui permettent le règlement pratique par voie de paiement d'indemnités, etc., plutôt que par la multiplication des procédures en démolition ou toute autre solution.

M. Prévost: D'ailleurs, c'est encore dans cette optique que vous aviez cité l'article 1045, entre autres. Sur les semelles des murs; on a ajouté dans l'amendement qu'on propose "moyennant compensation préalable". Évidemment, si quelqu'un vient empiéter sur ma propriété en y mettant la semelle de sa fondation ou de son édifice, je veux au moins être compensé. C'est dans cet esprit et peut-être pour éviter cette multiplication d'injonctions qui ont existé dans le passé pour empêcher des gens de faire certains travaux ou des choses comme cela.

M. Lebel: Maintenant, il y a d'autres règles qui sont peut-être plus critiquables sur le plan des principes. Je pensais, par exemple, en matière de copropriété, à une question que vous avez soulevée tout à l'heure quant au droit de vote des copropriétaires à l'article 1121, interdisant à un copropriétaire de disposer de plus de 10% de l'ensemble des voix des copropriétaires. Cela serait vraiment une espèce d'expropriation privée ou de dépossession du propriétaire d'un certain nombre de droits qui sont normalement attachés à la détention d'une unité dans une copropriété. (12 h 15)

M. Leduc (Saint-Laurent): Sur cet article, il me semble qu'il n'y a pas tellement de cohérence entre le principe émis à l'article 1121 et celui de l'article 1122. Vous dites à l'article 1121 que cet alinéa est antidémocratique. Je serais d'accord.

À l'article 1122, où on établit également un certain mécanisme pour établir la quote-part, vous ne dites rien et pourtant le principe est exactement le même. Me Godin, je réalise que, pour être un bon avocat, il faut peut-être avoir été notaire d'abord.

M. Lebel: Cela ne fait pas de tort.

M. Leduc (Saint-Laurent): Ce n'est peut-être pas un prérequis, mais cela peut aider.

M. Godin (Robert): Cela s'inscrit dans tout le problème de la transition entre le moment où le développeur contrôle la copropriété et vend les unités aux acheteurs. On essaie de régler un problème: on a eu des cas où les promoteurs demeuraient propriétaires d'unités et, au lieu de les vendre, ils les louaient. Dans une même copropriété, vous avez le propriétaire, le développeur avec ses locataires, et vous avez un petit nombre de vrais copropriétaires, de vrais habitants qui ont acheté des unités. Il y a tellement de différence dans la force du vote que le promoteur conserve le contrôle indéfiniment et que les vrais acheteurs n'ont pas un mot à dire. On a essayé de trouver une façon de régler cette question dans le comité dont je faisais partie et c'est une solution qui a été suggérée de diminuer les voix progressivement. C'est uniquement pour donner une chance aux acheteurs de graduellement prendre le contrôle de l'immeuble qu'ils habitent.

M. Leduc (Saint-Laurent): Avez-vous pris connaissance de la recommandation de la chambre des notaires, qui utilise la règle française?

M. Godin (Robert): Non, je n'en ai pas pris connaissance.

M. Leduc (Saint-Laurent): Si vous

détenez plus de 50% des voix, on ramène votre pourcentage à 50%.

M. Godin (Robert): On l'avait regardé en comité...

M. Leduc (Saint-Laurent): Vous n'y êtes pas favorables?

M. Godin (Robert): ...et on est plus favorables à celle d'ici.

M. Leduc (Saint-Laurent): En ce qui concerne le promoteur, vous êtes d'accord à limiter sa quote-part et à la réduire progressivement sur une période de trois ans?

M. Lebel: Son droit de vote?

M. Leduc (Saint-Laurent): Mais, à l'article 1121, vous recommandez de retrancher le deuxième paragraphe purement et simplement.

M. Godin (Robert): Ce n'est pas pareil. C'est pour empêcher que quelqu'un mobilise toutes les voix par procuration, sauf qu'on a voulu faire, si on conservait cette règle-là, l'exclusion pour le créancier hypothécaire qui se fait céder les droits de vote en garantie de sa créance, soit qu'on l'enlève ou qu'on la tempère pour le créancier hypothécaire.

M. Leduc (Saint-Laurent): Me Godin, on a parlé de l'emphytéose au chapitre de la copropriété. Croyez-vous que ce projet de loi permet d'établir une copropriété sur un terrain vacant?

M. Godin (Robert): Dans le moment? Je ne pense pas que cela le dise clairement.

M. Leduc (Saint-Laurent): C'est ce que j'ai cherché et recherché. Ne croyez-vous pas que le projet de loi devrait prévoir...

M. Godin (Robert): Que c'est possible?

M. Leduc (Saint-Laurent): ...que la copropriété sur un terrain vacant serait possible?

M. Godin (Robert): Je sais que le cadastre a traditionnement pris la position qu'il ne voulait pas que cela se fasse, mais je pense qu'actuellement le cadastre est en train de reconsidérer cette position. Il y a un problème pratique de savoir comment déposer un plan de sous-division en trois dimensions quand les éléments qu'on crée ne sont pas là. Je comprends ce que vous voulez dire, mais il y a quelque chose de difficile à concevoir que vous créez une subdivision de quelque chose de purement abstrait. Vous subdivisez...

M. Leduc (Saint-Laurent): On l'a subdivisé à l'horizontale.

M. Godin (Robert): Quand vous créez une copropriété, c'est pour subdiviser, mais il n'y a rien là.

M. Leduc (Saint-Laurent): Cela permettrait peut-être le développement des phases si on adoptait le principe de la copropriété à l'horizontale.

M. Godin (Robert): Je ne comprends pas ce que vous voulez dire par copropriété à l'horizontale.

M. Leduc (Saint-Laurent): En tout cas, le gros problème du "time-sharing" et des développements par phases, c'est qu'on ne peut établir à l'avance la quote-part. Il y a un élément qui manque complètement. On parle beaucoup du "time-sharing", copropriété partagée, mais je ne pense pas qu'avec la loi, telle qu'on la connaît aujourd'hui on puisse procéder à un "time-sharing".

M. Godin (Robert): Je suis d'accord avec vous, sauf que...

M. Leduc (Saint-Laurent): Puis, pour les phases, c'est la même chose. Vous en parlez dans votre mémoire. Vous parlez des développements de la propriété par phases, mais je ne pense pas qu'on puisse y arriver. Il faudra connaître les quotes-parts et être bien certain que les développements vont se faire, que la phase 2 va se faire. À ce moment, on répartirait donc les quotes-parts entre les deux phases. C'est purement aléatoire, n'est-ce pas?

M. Godin (Robert): Si vous regardez la législation de la Virginie, je pense, il y a des dispositions particulières sur le développement par phases, s'il y a des phases prévues, surtout dans le domaine des équipements communautaires, par exemple. Vous achetez une copropriété et on vous dit: II va y avoir une belle piscine, des tennis, ceci et cela. Comment obliger le développeur à cela, quel genre de protection est-ce que le propriétaire va avoir? Il y a des dispositions particulières en vertu de la loi de la Virginie qui créent une obligation de décrire ces améliorations, ce que cela va être, et de donner des garanties à certains égards qui peuvent être des garanties financières, des cautionnements, des choses comme cela.

En tout cas, on n'a pas vraiment traité dans le projet de cet aspect. Je suis d'accord avec vous, ce qui nous inquiétait le plus dans le "time-sharing", c'est qu'on y fait référence. Étant donné qu'on y fait référence dans le Code civil, cela semble vouloir dire que c'est possible. Par ailleurs, on n'en parle plus jamais et, du point de vue concept de

droit, comment cela peut-il se faire? Qu'est-ce que c'est, dans notre notion du droit de propriété, que la propriété successive? Je ne le sais pas. Peut-être le savez-vous, mais moi, je ne le sais pas. Puis, il n'y a rien dans le projet qui traite de cela. Je pense qu'il y a vraiment une lacune. Ou bien on en parle ou bien on n'en parle pas.

M. Leduc (Saint-Laurent): Je voudrais maintenant toucher le chapitre des vues. Vous constatez dans votre mémoire que les vues obliques ont disparu. J'ai suggéré de peut-être aller plus loin et de faire disparaître également les vues directes. Vu aujourd'hui peut-être les dimensions très restreintes des terrains, la promiscuité des voisins, je me demandais si cela brimerait tellement le droit de propriété que d'enlever les vues illégales.

Ce qu'on fait aujourd'hui, on prépare des servitudes et on légalise cela. Puis, on est heureux, tout le monde est heureux. C'est tout un problème, si on n'a pas pu les obtenir. Mais je ne pense pas que cela nuise tellement au voisin, que cela brime son droit de propriété, même les vues directes.

D'ailleurs, on a aménagé un petit peu l'ancien code au paragraphe 3 de 1034. On semble maintenant permettre des vues directes pour autant que cela donne sur un terrain vacant. C'est ce que j'ai pu comprendre. Si cela donne sur un terrain vacant, cela ne serait pas une vue illégale. Je voudrais connaître ce que vous pensez de cette proposition de faire disparaître complètement les vues illégales.

M. Godin (Robert): Oui, je suis d'accord avec vous. Je sais qu'en pratique, quand il y en a, on fait des servitudes. Je ne pense pas que cela change grand-chose. Quand on se promène en Ontario, ils n'ont pas cette notion et je pense que cela n'a jamais changé grand-chose.

Je suis d'accord avec vous. C'est une tradition. On a cette notion de vue directe. On était heureux de voir la disparition des vues obliques. Cela semblait vraiment créer des maux de tête pour rien. Personnellement, je n'aurais pas d'objection et je ne pense pas que le barreau aurait d'objection à ce que toute cette notion de vues...

M. Leduc (Saint-Laurent): Est-ce que le comité est d'accord ensemble pour que le...

M. Godin (Robert): ...disparaisse. Je crois que la réglementation municipale sur les lignes de retrait couvre ces notions bien adéquatement.

M. Leduc (Saint-Laurent): II faudrait s'en remettre, c'est sûr, à la réglementation municipale.

M. Godin (Robert): À la réglementation municipale.

M. Leduc (Saint-Laurent): Maintenant, en ce qui concerne l'usufruit, je voudrais qu'on regarde les articles 1176, 1177 et 1178. Je pense qu'on a corrigé une situation qui était inacceptable. C'est que l'usufruit cessait dès que l'objet disparaissait. Donc, si on avait un usufruit sur une propriété et qu'il y avait un feu, l'usufruitier perdait son droit d'usufruit sans aucune compensation, sans aucune indemnité. Je pense que c'était absolument inacceptable, d'autant plus qu'il avait, à mon sens, un droit, un intérêt assurable.

En lisant les articles 1176, 1177 et 1178, si je comprends bien, l'usufruitier aurait l'obligation d'assurer et, en plus, le propriétaire et l'usufruitier auraient le droit d'assurer leur intérêt en sus, et l'indemnité en résultant leur appartiendrait respectivement. Est-ce que j'ai bien saisi, bien compris, et est-ce bien ce que cela veut dire?

Mme Cantin-Cumyn: La question de l'assurance de l'objet de l'usufruit pose des problèmes. Lorsqu'on a un usufruit sur une chose, on a deux personnes qui ont un droit réel sur la chose. On interprète cela comme un démembrement du droit de propriété, avec le résultat qu'il y a deux personnes qui ont un intérêt assurable sur cette chose. Le nu-propriétaire peut assurer son propre intérêt en droit actuel et l'usufruitier aussi. Chacun s'assure pour ses risques à lui. C'est vrai que le code dit en droit actuel: Si l'usufruit porte sur un bâtiment seulement et que le bâtiment est complètement détruit, l'usufruit est éteint. Mais, évidemment, l'usufruitier avait tout le temps la possibilité de s'assurer.

M. Leduc (Saint-Laurent): Non, il ne pouvait pas.

Mme Cantin-Cumyn: Oui, absolument.

M. Leduc (Saint-Laurent): II n'avait pas un intérêt assurable.

Mme Cantin-Cumyn: Alors, je regrette, je diverge d'opinion avec vous.

M. Leduc (Saint-Laurent): J'ai vérifié avec presque toutes les compagnies d'assurances et je n'ai jamais été capable de trouver une compagnie d'assurances qui voulait assurer l'intérêt de l'usufruitier.

Mme Cantin-Cumyn: Ce n'est pas parce que le droit défendait à l'usufruitier de le faire, c'était peut-être la pratique qui ne voulait pas donner suite au droit. Je pense que c'est très différent.

M. Leduc (Saint-Laurent): Mais c'est arrivé quand même, c'était absolument impossible.

Mme Cantin-Cumyn: La suggestion du barreau de dire que l'usufruitier peut assurer et ensuite l'article qui parle à la fois de l'usufruitier et du propriétaire empêcheraient désormais l'assureur de refuser l'assurance. Pour moi, le problème en est un de pratique. Ce n'était pas le droit qui empêchait l'usufruitier de s'assurer. Il a un intérêt assurable dans la chose.

M. Leduc (Saint-Laurent): Moi aussi, je disais cela, mais cela ne changeait rien aux résultats. C'est qu'on était incapable de l'assurer.

Mme Cantin-Cumyn: Oui, mais, à partir du moment où le code dit expressément qu'il peut, alors là l'assureur n'aura plus le même argument et on n'est pas contre cela.

M. Leduc (Saint-Laurent): L'article 1178 dit: "L'usufruitier ou". Cela veut donc dire "et"; "ou" veut donc dire "et" le nu-propriétaire.

Mme Cantin-Cumyn: Oui, pour son compte, j'imagine. On l'a compris comme cela.

M. Leduc (Saint-Laurent): Vous êtes d'accord avec cela, M. le ministre?

Mme Cantin-Cumyn: C'est "ou" pour un "et". L'un et l'autre, l'un ou l'autre.

M. Leduc (Saint-Laurent): Parce que le deuxième paragraphe dit: "L'indemnité leur appartient respectivement."

M. Johnson (Anjou): On comprend que c'est l'un et l'autre l'un ou l'autre, peut ou peuvent.

Mme Cantin-Cumyn: C'est cela.

M. Johnson (Anjou): Ce n'est pas un "ou" disjonctif.

M. Leduc (Saint-Laurent): Je veux simplement que cela soit bien clair.

M. Marx: Ce sera bien clair dans les notes explicatives qu'il va sûrement nous donner.

M. Johnson (Anjou): Pas nécessairement. Il va falloir que vous travailliez un peu dans l'étude article par article.

M. Leduc (Saint-Laurent): Vous n'êtes pas président, vous êtes vice-président.

Mme Cantin-Cumyn: Si vous me le permettez, je vais revenir à l'article 1176. Le projet dit: "L'usufruitier est tenu d'assurer..." Et je pense que la suite de l'article nous dit qu'il pourrait assurer pour la valeur totale de la chose, n'est-ce pas? L'article 1176.

M. Leduc (Saint-Laurent): À ce moment, vous dites: D'accord...

Mme Cantin-Cumyn: II assure donc plus que son droit.

M. Leduc (Saint-Laurent): ...l'usufruitier est tenu d'assurer. Donc, cela serait à l'avantage du propriétaire.

Mme Cantin-Cumyn: II assurerait plus que la valeur de son droit. Vous réalisez cela, n'est-ce pas?

M. Leduc (Saint-Laurent): II devrait donc prendre une assurance et ensuite il aurait le droit, en vertu de l'article 1178, de s'assurer lui-même et le propriétaire a le droit de s'assurer. Cela voudrait peut-être dire trois assurances. Est-ce que c'est possible?

Mme Cantin-Cumyn: Oui, est-ce que c'est possible? On s'est posé la question.

M. Leduc (Saint-Laurent): Je pense qu'il faudra revoir ces articles.

Mme Cantin-Cumyn: Oui.

M. de Bellefeuille: Y aurait-il quelque chose à changer au libellé que vous proposez pour l'article 1176: Peut assurer... et il est tenu de payer...

Mme Cantin-Cumyn: Peut-être, oui.

Le Président (M. Vaugeois): M. Dussault.

M. Leduc (Saint-Laurent): Si vous le permettez, j'ai encore une question.

Le Président (M. Vaugeois): Oui, bien sûr. (12 h 30)

M. Leduc (Saint-Laurent): En ce qui concerne la prohibition d'aliéner, on en a beaucoup parlé. Le ministre en a parlé tantôt. Je serais tenté d'être d'accord avec le ministre pour dire qu'on devrait peut-être ajouter cette notion à titre onéreux et à titre gratuit. Pourquoi ne pas maintenir les anciens articles du code, qui établissaient certaines règles, un certain modus vivendi là-dedans? En ce qui concerne le principe de l'inaliénabilité; il fallait que ce soit à titre gratuit. Je pense que cela devrait être

maintenu. Si ensuite on touche à la prohibition d'aliéner à titre onéreux, pourquoi ne pas s'en remettre aux deux articles, les maintenir je pense qu'ils sont assez souples? Je prétends que les gens ont le droit de convenir de certaines ententes. Ils conviennent que la propriété ne pourra pas être aliénée suivant certaines conditions. Pourquoi ne pas leur laisser ce privilège? Vous voulez absolument leur enlever ce droit. Si les parties ont convenu ou conviennent de cette stipulation, je serais d'accord, d'autant plus que l'article qui suit, soit le deuxième paragraphe, dit que le tribunal pourrait modifier... Il pourrait être autorisé par le tribunal à disposer du bien si l'intérêt qui avait justifié la stipulation d'inaliénabilité a disparu, s'il advient qu'un intérêt plus important l'exige. Il me semble que c'est très souple.

Ici, ce qu'on enlève complètement dans ce chapitre, c'est la notion de prohibition d'aliéner à titre gratuit. Je pense qu'on devrait maintenir les anciennes règles. Je ne verrais pas d'objection à ce qu'on ajoute ces nouvelles règles en ce qui concerne la prohibition d'aliéner à titre onéreux.

Mme Cantin-Cumyn: Je pense que, de façon générale, le barreau - si je peux parler pour l'ensemble - n'est pas favorable aux clauses qui limitent la circulation des biens.

M. Leduc (Saint-Laurent): Est-ce que les parties sont bien conscientes? On a affaire à des adultes, des majeurs, qui stipulent une prohibition d'aliéner. Pour certaines raisons - je ne vois pas pourquoi on s'opposerait à cela, ils sont conscients et ils le savent - ils vont définitivement avoir recours à un rédacteur compétent comme un notaire ou un avocat, et ils vont savoir de quoi il s'agit.

Mme Cantin-Cumyn: Cela va peut-être très bien pour les parties. Cela va peut-être se tolérer à l'égard des parties qui consentent à cela, n'est-ce pas? Les tiers vont nécessairement finir par être en cause et c'est là où cela ne marche plus.

M. Leduc (Saint-Laurent): Comment, les tiers?

Mme Cantin-Cumyn: Si on donne effet...

M. Leduc (Saint-Laurent): Je ne comprends pas quand vous dites les tiers. Qui sont les tiers?

Mme Cantin-Cumyn: Le tiers acquéreur subséquent, celui qui achète malgré la prohibition.

M. Leduc (Saint-Laurent): II sait à quoi s'attendre et à quoi s'en tenir. Il le sait, puisque c'est enregistré. Définitivement, il pourra vérifier, constater qu'il y a une prohibition d'aliéner. Il devra la respecter. Je pense que c'est une stipulation qui, évidemment, peut créer certains problèmes, mais elle va être voulue.

Mme Cantin-Cumyn: On est quand même d'accord au point de départ que ce serait du nouveau par rapport au droit actuel, les prohibitions d'aliéner dans les actes onéreux.

M. Leduc (Saint-Laurent): Bien sûr.

Mme Cantin-Cumyn: Les tiers, je ne suis pas certaine qu'ils ont autant de moyens d'être absolument certains de l'effet de la validité même de la clause, en tout cas de la façon dont c'est rédigé ici. Il faut qu'il y ait un intérêt sérieux et légitime.

M. Lebel: Imaginez - puisqu'on est des fois en matière commerciale - les problèmes que pourrait causer, par exemple, la question de l'obtention du consentement de celui auquel il a été accordé à un moment donné, de celui qui a fait stipuler en sa faveur à l'origine une prohibition d'aliéner, s'il s'agit d'une compagnie qui a fermé ses portes, qui a disparu, qui est en faillite, etc. Vous n'en sortez à peu près pas. Dans la mesure où vous incorporez dans le droit la notion de stipulation de non-inaliénabilité dans des actes à titre onéreux, vous n'avez pas seulement un problème de retracer éventuellement des personnes physiques, leurs successeurs, leurs ayants cause, etc., mais vous vous retrouvez devant des personnes morales, des corporations qui ont obtenu de telles clauses qui souvent disparaissent, changent, et il pourra devenir presque impossible, à un moment donné, d'obtenir cet accord à une modification à la prohibition d'aliéner. Il se produira des situations où cela donnera lieu précisément à un chantage et un chantage qui peut être épouvantable. On peut imaginer un cas où, par exemple, celui qui a accordé la propriété du bien, celui qui a retenu une stipulation d'inaliénabilité et qui a, par la suite, fait faillite, ne sera pas en position de donner le consentement, mais le syndic, les créanciers de la faillite, voyant une situation où il serait nécessaire d'accorder une renonciation à cette stipulation, vont être en position d'exercer une pression sur l'acquéreur ultérieur en dehors de tout ce qui avait pu être discuté, négocié entre les parties.

Je pense qu'il ne faut pas seulement voir le principe de la chose, mais aussi les conséquences de cela dans la pratique juridique et commerciale, parce que, si on parle de stipulation d'inaliénabilité dans des contrats à titre onéreux, ce seront des

stipulations introduites dans des contrats souvent entre personnes morales.

Le Président (M. Vaugeois): M. le ministre.

M. Johnson (Anjou): Là-dessus, je comprends qu'il y ait des difficultés de trois ordres pour les représentants du barreau. D'abord, il y a une question de principe qui a été évoquée assez largement par Me Cantin-Cumyn. Deuxièmement, il y a la dimension de l'application dans le secteur commercial à cause des personnes morales. Troisièmement, il y a des raisons de nature plus technique, par exemple comment on sait si l'avis a été donné, s'il y a eu renonciation et comment, au-delà de l'enregistrement de la clause d'inaliénation, on sait si les avis auxquels cela devait donner lieu, les consentements auxquels cela avait donné lieu, etc., s'appliquent. Je comprends que ce sont trois ordres de difficultés différents, mais qui, mis ensemble, je pense, expliquent peut-être un peu la position des gens du barreau. Je ne dis pas que je me suis encore réconcilié avec cela, mais disons que c'est cohérent comme discours.

M. Lebel: On a déjà, M, le ministre, et le député de Saint-Laurent le sait bien également, des problèmes de plus en plus importants, à l'heure actuelle, avec le fonctionnement de notre système d'enregistrement des droits réels. On a de plus en plus de difficulté, lorsqu'on est appelé à le faire, à donner des opinions valides et solides sur des titres de propriété. Avec des dispositions comme celles que l'on retrouve sur la préemption, les clauses d'interdiction d'aliéner, on va aggraver encore cette instabilité des titres qui, je pense, est un problème qui est à l'heure actuelle examiné sous différents aspects par votre ministère.

Le Président (M. Vaugeois): M.

Dussault.

M. Dussault: Une courte question qui s'adresserait à Me Godin. Tout à l'heure, quand il a été question de la relation entre le promoteur et l'acheteur en copropriété, vous avez évoqué la possibilité d'une forme d'exploitation du promoteur sur l'acheteur par non-conformité entre les avantages offerts et ceux qui seraient réels. Vous avez apporté comme solution possible le prospectus. Est-ce que, pour vous, le prospectus devrait être directement avec tous les éléments que cela implique dans le Code civil ou si cela devrait être dans une loi afférente?

M. Godin (Robert): C'est difficile à dire. Cela dépend de la philosophie qu'on adopte face au Code civil. C'est qu'on aurait aimé qu'on le retrouve n'importe où -j'aimerais bien y penser, à savoir si cela va dans le Code civil ou non - c'est que tout l'aspect de la copropriété soit réglé à ce moment, parce que c'est une situation qui est assez nouvelle et qui est très problématique. À mesure que cela se développe, cela va continuer à être problématique. Comme je disais tout à l'heure, en France, où on a une expérience peut-être un peu plus approfondie que la nôtre, on a des problèmes aujourd'hui, on s'aperçoit que ce n'est pas facile, la copropriété. On va se rendre compte nous-mêmes, à mesure qu'on va vivre avec la copropriété, que c'est difficile.

Un des aspects où il y a eu le plus de difficulté, c'est au moment de l'acquisition. Certainement, les gens ne comprennent pas ce qu'ils achètent; ils ne comprennent pas exactement dans quoi ils s'embarquent; ils ne comprennent pas, non plus, quels engagements financiers ils prennent face à cela, ce que cela va coûter. Il n'y a aucune forme de représentation, il n'y a aucune forme de garantie en ce moment qui touche à cela. Ils ne connaissent pas vraiment la situation des titres. Je veux dire qu'ils achètent vraiment sans trop savoir dans quoi ils s'embarquent. Dans la notion du prospectus, dans le rapport qui avait été préparé, cela avait été développé, il y avait toute une section qui avait touché vraiment en détail toute cette question de l'achat, la protection de l'acheteur, les obligations du développeur. Vraiment, on est malheureux de voir qu'on est en train de faire notre révision et que cet aspect n'est pas touché. On nous dit que cela va se faire quand on va toucher aux articles de la vente. Je pense que c'est cela qui avait été suggéré, mais cela m'apparaît malheureux d'attendre si longtemps, parce que le problème est là en ce moment. En traitant de la copropriété, il me semble qu'on doit traiter de cet aspect. Qu'on le mette dans le Code civil, qu'on le mette dans une loi connexe, écoutez, c'est une question de philosophie de votre ministère, je ne le sais pas. Personnellement, pour autant qu'on va le retrouver et qu'on va avoir ces dispositions et qu'on va harmoniser, si vous voulez, cette relation, c'est vraiment cela qu'il faut faire.

Le Président (M. Vaugeois): Si vous le permettez, hier, il a été beaucoup question de cette matière. D'ailleurs, le ministre constatait que cela en était presque à l'état d'idéologie maintenant. Pour plusieurs députés, les questions que vous vous posez dans votre intervention existent déjà. Pour plusieurs et pour moi, notre réflexe, ce n'est pas de réagir comme un homme de loi et de les mettre en garde contre ce que vous suggérez, mais c'est plutôt de reconnaître

qu'il y a une évolution des mentalités et que cela correspond peut-être à des besoins de société et à des besoins d'individus. Ces changements de mentalités sont extrêmement profonds. À la limite, on passe d'une mentalité de locataire à une mentalité de propriétaire. Je crois que nous mettre en garde comme d'autres le font, c'est bien, mais, à mon avis, notre défi ne sera pas de retraiter ou de freiner; cela va être de s'ajuster et de proposer des solutions juridiques à une évolution qu'on constate. Je comprends que la France soit malade de la copropriété, mais je constate que vous, vous n'aimez pas beaucoup la copropriété et vous ne l'aimez pas sur titre emphytéotique. C'est ce que j'avais compris, en tout cas, précédemment. Sur cet aspect, je vous donne bien raison; vous avez été très éloquents tout à l'heure. Mais, sur la question des ajustements auxquels on devrait procéder pour faciliter la copropriété indivise ou divise, il me semble que cela va être un de nos défis maintenant.

M. Godin (Robert): Je suis tout à fait d'accord sur cela. Comprenez-moi bien, ce qui nous rend malheureux, c'est l'absence de traitement de ces points. On n'est pas contre la copropriété, au contraire, mais ce qui nous désole, c'est que, dans l'état actuel du droit, il y a tout un secteur qui n'est pas traité et où les consommateurs vraiment se font avoir, ils ont des problèmes sérieux pour lesquels ils ne sont pas préparés. Justement, dans le document de travail qui a été fait au ministère de la Justice, on avait traité de ces points. Il y a vraiment déjà des solutions qui ont été suggérées et qui pourraient être retenues, même à ce moment. Ce qu'on déplore, c'est que ces solutions ne sont pas apparentes maintenant. Il semble qu'elles devraient l'être pour vraiment organiser tout le domaine de la copropriété, qui est de plus en plus important. On n'est pas du tout négatif. Si l'on donne l'impression d'être négatif, ce n'est pas du tout cela. Où on est négatif, c'est justement qu'on contaste que, dans la pratique, il y a de gros problèmes et les gens veulent avoir la copropriété, veulent vivre cette expérience collective, mais ils n'ont pas les moyens. On ne les leur donne pas, même avec la révision.

Le Président (M. Vaugeois): D'accord. Vous avez souligné, par exemple, pour le temps partagé - il y a deux articles qui y font référence, les articles 1090 et 1128 -c'est une formule qui ne se répandra peut-être pas beaucoup au Québec. Mais la copropriété comme telle divise ou indivise, on n'a pas tellement le choix maintenant, parce qu'autrement il n'y a plus grand-chose qui nous appartient et nous, on est locataires partout. On est propriétaires de petits immeubles qui coûtent tellement cher en taxes que finalement on en perdra quand même la propriété. Il y a M. Blank qui a encore une question.

M. Blank: C'est seulement une constatation et je veux que le ministre m'entende.

Le Président (M. Vaugeois): Ah!

M. Blank: Sur la procédure pour adopter ces lois, je suis un peu d'accord avec le bâtonnier qu'on doive les adopter toutes ensemble, mais j'ai été heureux et je suis peut-être le seul à avoir été ici, je pense, quand on a fait la refonte du Code de procédure civile et, je dois dire franchement que je ne me souviens même pas si j'étais du côté ministériel ou du côté de l'Opposition à ce moment, car on a fonctionné dans un groupe de consensus, c'est-à-dire que les choses qu'on a faites à ce moment, c'est qu'on a entendu les gens sur les grands principes et aussi tous les mémoires. (12 h 45)

Au lieu de faire le gros du travail, comme le ministre l'a dit, article par article, quand la loi est réimprimée, d'un côté et de l'autre de la table, on se réunit pour discuter de l'article ensemble et on fait des changements si nécessaire au bout de la table dans une attitude partisane: le gouvernement est là. L'Opposition est là.

Pour le Code de procédure civile, on avait nommé un comité ad hoc. Il y avait deux membres de l'Opposition et deux membres du gouvernement. Il y avait feu Jean-Jacques Bertrand, le juge Majeau, moi-même, M. Wagner, le sous-ministre du temps, M. Julien Chouinard et une autre personne. On s'est rencontré pendant six à huit mois, deux ou trois fois par semaine, en privé, de façon informelle; on a discuté article par article et on en est arrivé à un consensus. On avait tous les mémoires et on a même fait des appels téléphoniques, quand c'était nécessaire, pour avoir des opinions.

Là, ce qui va arriver c'est que vos fonctionnaires vont préparer une nouvelle loi; nous la verrons et nous préparerons notre réponse à cela. On viendra ensuite en commission parlementaire, où il y aura encore de la partisanerie. Le ministre doit donc trouver une autre façon de procéder, parce qu'ici c'est même encore plus considérable et plus compliqué qu'un Code de procédure. En toute déférence pour notre président, je pense que la méthode, ce n'est pas un système parlementaire qui va nous aider à avoir un nouveau code. Cela prend un autre système...

M. Johnson (Anjou): Un système républicain, présidentiel?

M. Blank: Peut-être, mais, même là,

dans le système républicain, vous trouvez que presque toutes ces choses sont faites à l'arrière, avant que cela vienne en commission.

M. Marx: Ici aussi, cela se fait à l'arrière, cela ne se fait pas en commission non plus, mais...

Le Président (M. Vaugeois): À vous écouter, vous voulez réformer le Parlement'.

M. Blank: Quoi?

Le Président (M; Vaugeois): Vous voulez réformer le Parlement?

M. Blank: Non, je ne veux pas réformer le Parlement. On peut utiliser le parapluie du Parlement pour trouver une autre façon pour adopter des lois comme un Code civil ou un Code de procédure civile qui ne soit pas partisane et qui ne soit pas politique. Il n'y a rien de politique dans cette affaire.

M. Johnson (Anjou): M. le Président, est-ce que je peux...

Le Président (M. Vaugeois): M. le ministre.

M. Johnson (Anjou): Je pense qu'il y a beaucoup de choses évoquées par le député. D'ailleurs, je pense que l'exposé du bâtonnier était intéressant. D'abord, il faut connaître une partie du carré de sable avant de décrire ce qu'il va y avoir dedans. Le carré de sable, c'est le reste de la réforme et cela, en termes de propositions législatives, c'est au moins deux ou trois ans. Il ne faut pas rêver. Ce n'est pas vrai qu'on va refaire le reste du Code civil, même pas en deux ou trois mois. Il y a encore des consultations qui doivent avoir lieu. Il y a de l'harmonisation entre des principes très importants introduits dans le droit statutaire depuis une dizaine d'années, etc. Or, dans le fond, il y a deux voies possibles. On dit: Le Parlement devrait se prononcer une fois que le paquet est sur la table. Bon, parfait, on va se revoir dans deux ou trois ans. Herbert pourra toujours continuer à souhaiter que ce soit lui qui va faire cela, mais cela veut dire deux ou trois ans.

L'autre approche consiste à dire: On peut y aller bloc par bloc. Ce qu'on dit, c'est que pour le bloc des biens, des successions, des personnes, dans la mesure où on considère que c'est un bloc ayant une certaine cohérence, on devrait y arriver avec des réécritures. Laissons faire ce qui va arriver après et je reviendrai sur cette partie. On va arriver avec l'ensemble des réécritures, s'il doit y avoir réécriture; on va donner des instruments, des choses à noter et tout cela, sauf que la question que pose le bâtonnier à ce sujet, c'est de dire que la loi de transition va être bien importante. Il nous rappelle que, si on fait une loi de transition après avoir fait ce bloc, on met les justiciables, lès praticiens du droit et tous les autres dans une position où ils vivent avec trois régimes juridiques et qu'ils ont la certitude absolue qu'ils vont vivre avec trois autres régimes juridiques dans les trois années qui suivent à cause des autres blocs. Ce n'est pas exactement un petit problème.

Une autre partie de l'alternative consisterait à dire: On pourrait envisager de passer à l'adoption - encore une fois, je reviendrai sur les formes - de ce bloc-là, mais cette mise en vigueur serait retardée au moment où les autres blocs sont envisagés par le législateur. Cela m'étonnerait que l'on puisse refaire le Code civil. Je comprends que l'on puisse citer 1866, mais cela m'étonnerait qu'on refasse l'opération du Bas-Canada en 1984 ou en 1988 ou en 1989 parce que c'est plus large, plus compliqué. C'est évident, ce sont des monuments. Cela ne ressemble plus à ce qu'était la réalité de 1866. À l'époque, d'ailleurs, les législateurs devaient trouver cela très difficle. Je pense qu'on a encore plus de raisons de trouver cela plus complexe.

On évoquait seulement la notion de copropriété. J'écoutais Me Godin, qui est un des spécialistes de ces questions, et il nous a allumé des lumières rouges et jaune orange sur d'autres questions. Il y a des philosophies, des approches nouvelles et la réalité est tellement vaste que je pense que c'est illusoire de s'imaginer que le législateur va adopter cela avec un comité informel qui va voir l'ensemble du Code civil. Je ne le pense pas. C'est trop compliqué, trop vaste. C'est, d'ailleurs, ce que la commission de révision faisait. Ce n'était pas le législateur, c'étaient des gens qui étaient mandatés pour le faire.

Quant au processus, selon les éléments de l'alternative qu'on retiendra, il reste donc l'assurance que nos collègues doivent avoir qu'on envisagera les modifications au Code civil sur une base qui ne sera pas classiquement partisane. Je pense que c'est le genre de loi qui se prête mal à cela et pour toutes sortes de raisons. C'est très complexe. Cela présuppose une implication des membres de la commission et beaucoup, beaucoup de travail, si on veut faire quelque chose de sérieux. Quand on a des mémoires de la qualité de ceux qui nous ont été présentés aujourd'hui et les autres journées, ce n'est pas vrai qu'on va rivaliser avec cela sur un coin de table. Cela présuppose qu'on va approfondir des choses. Cela n'empêche pas que le législateur ait des idées, qu'il considère que le barreau se trompe, erre ou a fait un choix "idéologique", entre guillemets, sur quelque chose et que le

législateur veut autre chose. Mais il reste qu'on a là une somme d'expertise et qu'on ne peut pas faire autrement qu'en tenir compte fondamentalement dans tout le processus. Cela m'apparaît évident.

Je pense que cela présuppose un climat des deux côtés de la Chambre et de la commission, parce qu'on travaille en groupe. Encore une fois, je ne suis pas sûr que c'est le comité informel, avec le secrétaire du Conseil exécutif, etc., comme à l'époque de M. Chouinard, qui soit la solution, mais il y a sûrement bien des façons de le faire. En tout cas, nous pouvons nous engager à fournir aux membres de la commission toute la documentation qu'ils jugeront pertinente et qui sera disponible raisonnablement pour leur donner des instruments de travail. Cela deviendra une question de programme de travail. Il faudra que le gouvernement - je ne dis pas la commission - M. le Président, en toute déférence, décide de son échéancier, notamment à l'égard des problèmes du droit transitoire qui sont soulevés. Ceci dit, je pense qu'il faut continuer d'avancer sur le fond, parce qu'on peut s'arrêter à des problèmes méthodologiques, mais on va être encore ici à se le demander dans deux ans et je ne suis pas sûr qu'on aura fait progresser les choses.

Le Président (M. Vaugeois): Merci, M. le ministre. M. le député de Saint-Louis, vous avez quand même soulevé des questions pertinentes et le ministre a bien raison de dire: Le gouvernement décidera; on l'a élu pour cela. Il reste que la commission, elle aussi, existe et elle a aussi des décisions à prendre. S'il arrivait que nous souhaitions, comme commission, nous transformer en sous-commission et avoir des séances de travail, nous pouvons aller chercher l'expertise que nous offre le ministère de la Justice, mais nous pouvons aussi aller chercher notre propre expertise. Nous avons ce genre de responsabilité. Ce sera à nous d'en décider et d'en convenir.

Avant de terminer avec nos invités, j'aurais une question à poser à M. Lebel ou à ses collègues. Hier, si j'ai bien compris, des gens nous faisaient valoir qu'on pourrait peut-être faire disparaître de cette section du Code civil la question de la substitution et s'en remettre plutôt à une formule plus moderne et plus facile à comprendre et à administrer, la fiducie. À aucun moment vous n'en avez parlé. Comme vous avez souhaité qu'on respecte un peu certaines traditions -je comprends que la substitution, c'est dans nos traditions - quelle est votre position là-dessus?

Mme Cantin-Cumyn: On me donne le mandat de parler pour le barreau sur la question de la substitution. D'abord, je pense que ce n'est pas correct, M. le Président, d'assimiler substitution et fiducie. II y a une différence très importante entre les deux. Il s'agit ici de comparer, d'une part, le grevé, la première personne qui reçoit les biens et qui est chargée de la substitution, de les rendre éventuellement à l'appelé, d'une part et, d'autre part, dans la fiducie, fiduciaire et bénéficiaire. Dans un cas de substitution, le grevé reçoit les biens comme propriétaire. II en profite, il en tire les fruits, il en jouit comme s'il en était propriétaire, sous réserve, bien sûr, du moment où, la substitution se terminant, il doit remettre la chose à l'appelé. Il y a possibilité pour ce grevé de garder les biens définitivement s'il n'y a pas d'appelé à l'ouverture. C'est la situation du grevé.

En fiducie, les biens sont administrés par le fiduciaire, qui ne tire aucun avantage personnel des biens en fiducie; il les gère dans l'intérêt du bénéficiaire du revenu d'abord; normalement, c'est cela. Le bénéficiaire du revenu, lui, est dans une situation simplement de créancier de la fiducie. Il n'a absolument aucun droit dans les biens de la fiducie. Alors, juridiquement parlant, le grevé, d'une part, et le bénéficiaire du revenu, d'autre part, sont dans une situation vraiment différente et on peut vouloir choisir l'un ou l'autre. Je pense qu'il serait dommage de nous priver d'une possibilité qui existe dans notre droit. C'est la première remarque que j'aimerais faire.

La deuxième remarque, le barreau ne recommande pas d'abolir la substitution. Il y a toutes sortes de raisons qu'on peut faire valoir, mais il y a peut-être une qui est assez frappante et qui est pratique. Qu'est-ce qui va arriver si on fait des substitutions? On peut le faire très facilement. Il s'agit pour un bon père de famille de dire: À mon décès, je veux que tous mes biens aillent à mon épouse et après à mes enfants. Qu'est-ce qu'il a fait? Il a fait une substitution. Si vous dites qu'il n'y a plus de substitution, comment alors donnerons-nous effet à cette disposition? On dira que c'est nul. Que dira-t-on?

Le Président (M. Vaugeois): Merci beaucoup, c'est clair.

M. le ministre, auriez-vous quelque chose à ajouter?

M. Johnson (Anjou): M. le Président, en terminant, je veux remercier le bâtonnier et ses collaborateurs pour leur remarquable mémoire et leur présentation. Au niveau des principes, ce qui n'est pas facile avec un projet comme celui-là qui touche tant de choses, ils ont réussi, je pense, à identifier un certain nombre d'enjeux fondamentaux et cela nous a éclairés quant à leur approche.

Encore une fois, je les remercie et je leur donne l'assurance que nous allons, au ministère, dépouiller de façon très articulée,

souhaitons-le autant que vous, votre mémoire et nous assurons évidemment nos collègues qu'on partagera le fruit de nos réflexions avec les autres parlementaires. Merci.

Le Président (M. Vaugeois): Nous vous remercions bien sincèrement. Je parle au nom de tous les parlementaires ici. Comme vient de le dire M. le ministre, vous avez réussi à nous rendre tout cela fort intéressant. On vient de passer trois heures très enrichissantes. Merci.

Nous suspendons les travaux de la commission jusqu'après la période des affaires courantes.

(Suspension de la séance à 12 h 58)

(Reprise de la séance à 16 h 12)

Le Président (M. Vaugeois): À l'ordre, s'il vous plaît!

Nous reprenons nos travaux. Nous sommes réunis pour entendre les représentations des personnes et des groupes intéressés par le projet de loi 58, Loi portant réforme au Code civil du Québec du droit des biens. Nous avons le plaisir d'avoir devant nous l'Ordre des arpenteurs-géomètres du Québec. M. Beausoleil, le président, est accompagné de quelques collaborateurs. Je vais lui demander de présenter ses collègues.

Je vais demander au secrétaire de faire lecture des membres de cette commission. Vous comprendrez que quelques-uns des membres sont encore retenus à la Chambre. Je sais que notre collègue de Deux-Montagnes doit intervenir dans le débat qui se poursuit actuellement. Le ministre nous a déjà priés de l'excuser pour quelques minutes. Cependant, votre mémoire aura toute l'attention qu'il mérite. Je suis convaincu que l'échange sera fructueux.

Voulez-vous donner lecture des membres de la commission, s'il vous plaît?

Le Secrétaire: Les membres de la commission des institutions sont: M. Baril (Rouyn-Noranda-Témiscamingue), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes), M. Dussault (Châteauguay), M. Léger (Lafontaine), M. Levesque (Bonaventure), M. Mailloux (Charlevoix), M. Marx (D'Arcy McGee), M. Payne (Vachon), M. Rivest (Jean-Talon), Mme Saint-Amand (Jonquière), M. Vaugeois (Trois-Rivières), M. Johnson (Anjou).

Le Président (M. Vaugeois): Est-ce que vous souhaitez remplacer l'un ou l'autre de vos collègues?

M. O'Gallagher: M. Mailloux.

Le Président (M. Vaugeois): M.

Mailloux, si vous voulez. M. Mathieu, vous pouvez peut-être remplacer M. Levesque. Est-ce que cela vous va?

M. Mathieu: Très bien.

Le Président (M. Vaugeois): Comme cela, tout cela sera fait dans l'ordre. Vous pourrez intervenir, voter, faire des motions.

M. Mathieu: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Vaugeois): M. Beausoleil, s'il vous plaît!

M. Beausoleil (Roger): Est-ce que cela fonctionne?

Le Président (M. Vaugeois): Oui. Vous pouvez le rapprocher de vous, si vous voulez.

Ordre des arpenteurs-géomètres du Québec

M. Beausoleil: M. le Président, je veux d'abord vous remercier pour et au nom de l'Ordre des arpenteurs-géomètres de la chance que vous nous donnez de faire valoir notre point de vue sur le projet de loi 58. Sans tarder, j'aimerais vous présenter M. Gilbert Sasseville, professeur à l'Université Laval; M. Grégoire Girard, de Saint-Hyacinthe, qui est président de notre comité d'étude des lois, ainsi que M. Jocelyn Fortin, qui est secrétaire général et syndic de l'Ordre des arpenteurs-géomètres du Québec. On va surseoir à la lecture intégrale du mémoire qu'on a déjà présenté en une centaine de copies. Je vais immédiatement céder la parole à M. Girard qui va nous résumer cela en diagonale. Alors, M. Girard.

M. Girard (Grégoire): M. le Président, notre profession d'arpenteur-géomètre participe à l'administration du droit de propriété. Notre intervention, aujourd'hui, ne vise pas à critiquer le projet de loi comme tel ou les articles, mais de voir de quelle façon ces articles peuvent s'intégrer ou peuvent participer à l'administration du droit de propriété. On a passé par-dessus plusieurs articles du projet de loi; nous nous sommes arrêtés seulement aux articles qui concernent notre profession, en commençant par l'article 1017, qui est au coeur même de notre pratique, le bornage.

L'article 1017, tel qu'il se lit actuellement dans le projet de loi, dit: "Les limites d'un fonds sont déterminées par les titres, le plan et le livre de renvoi et la démarcation du terrain." Dans le deuxième alinéa, on dit: S'il y a contradiction entre ces éléments, ce sont les titres qui prévalent. Nous nous opposons à une telle rédaction pour plusieurs raisons. D'abord, il s'agit de donner plus de poids à un élément

qu'à un autre, alors que dans la pratique ce n'est pas ce qui se passe. Il peut fort bien arriver, par exemple, que le cadastre et l'occupation sur le terrain soient concordants et que le titre soit erroné. Dire que les titres prévalent risque immédiatement de créer un préjudice grave à un propriétaire. Pour vous donner un exemple, supposons le cas d'un terrain de 60 sur 100, enregistré au cadastre, qui est occupé, sur place, par des clôtures de 60 pieds de largeur et qui, par erreur, serait inscrit dans un titre au chiffre de 62 pieds. On sait fort bien, en vérifiant les alentours, que c'est 60 pieds, la largeur du terrain. Alors, dire que les titres prévalent, puisqu'il n'y a pas concordance entre les trois éléments, ce serait créer une injustice grave vis-à-vis d'un propriétaire.

C'est pour cela que la formulation, que nous voudrions voir à l'article 1017 - vous la retrouvez à la page 4 du mémoire, écrite en exergue - se lirait comme suit, tout simplement: Les limites d'un fonds sont déterminées par les titres, les documents cadastraux, la démarcation du terrain et autres indices et documents utiles. L'interprétation ou le poids qu'il faut donner à chacun de ces éléments viendrait soit des tribunaux, soit de l'interprétation qui en est donnée par les arpenteurs-géomètres qui sont assez familiers avec la valeur de chacun de ces éléments.

Quant à l'article 1018, c'est sa formulation qui, à notre avis, ne donne pas justice à l'idée que l'on veut rendre à cet article. Si on se réfère au Code de procédure civile, à l'article 762, on aurait vraiment la rédaction qu'il faudrait avoir à l'article 1018. À notre avis, en employant le mot "notamment", c'est comme si l'importance du bornage se limitait simplement à la rectification des bornes, au rétablissement de bornes disparues ou de choses semblables, alors que l'élément principal du bornage est d'établir une limite entre deux propriétés. On l'escamote selon la façon dont il est rédigé actuellement, en disant tout simplement, dans l'article 1018, que tout propriétaire peut obliger son voisin au bornage de leurs propriétés contiguës, notamment pour rétablir des bornes déplacées, à reconnaître d'anciennes bornes ou à rectifier la ligne séparative de leurs fonds. Le "notamment" vient, en quelque sorte, escamoter la partie principale. C'est pour cela qu'on propose la rédaction - à la page 5 - de l'article 1018, premier alinéa, comme suit: Tout propriétaire peut obliger son voisin au bornage de leur propriétés contiguës, au rétablissement des bornes déplacées ou disparues, à la reconnaissance d'anciennes bornes, à la rectification de la ligne séparative de leurs fonds. C'est à peu près la rédaction, je dirais mot pour mot, du Code de procédure civile actuel. C'est parfait dans ce sens-là; si on voulait le laisser, on serait tout à fait d'accord.

L'article 1026. On dit - il y a seulement trois ou quatre mots sur lesquels on voudrait intervenir - qu'il s'agit, pour les cultivateurs ou les propriétaires, de pouvoir obliger un voisin à abattre les arbres qui sont le long d'une ligne séparative de leurs propriétés sur une largeur de cinq mètres. On sait que c'est un article qui existe actuellement dans le code et qui prévoit le découvert le long des limites de terres en culture. Si on laisse, par exemple, les arbres croître le long de la limite, on sait que l'ombre de ces arbres empêche les céréales ou la culture de se faire sur une certaine bande de terrain, qui est d'environ quinze pieds. Le projet de loi reconduit l'ancien article du code, mais on dit ici, à la fin, qu'à l'exception des arbres fruitiers et des érables tout doit être coupé. Il y a, dans les arbres fruitiers, des cenelliers et, dans les érables, il y a ce qu'on appelle du bois d'orignal. Si on laisse l'expression "arbres fruitiers et érables", cela veut dire qu'on ne pourra pas couper, par exemple, les cenelliers qui font de l'ombre et qui n'ont aucune valeur sur le plan des arbres fruitiers. On proposerait plutôt - à la fin de la page 6 - de remplacer la dernière ligne par: sauf dans les vergers et les érablières. Là, on a des arbres de la qualité qui est prévue à l'article du Code civil, c'est-à-dire que les vergers, ce sont des pommiers, des poiriers ou des fruits de ce genre, mais pas des arbres fruitiers qui n'ont aucune valeur. La même chose s'applique pour les érables: ce sont les érables à sucre, les plaines, les "acer saccharum" qui sont des érables de valeur; mais, dans une érablière, le cultivateur va couper ce qu'il appelle le bois d'orignal ou érable de Pennsylvanie. Il les coupe simplement parce que c'est plus de l'embarras qu'autre chose. On voudrait préciser que c'est sauf les vergers et les érablières et, à la fin de la page 6, on l'a rédigé de cette façon.

Le Président (M. Vaugeois): Est-ce que je peux vous interrompre?

M. Girard: Allez-y.

Le Président (M. Vaugeois): Seulement pour une question d'information. Si on est sur une ligne séparative qui n'est pas à l'intérieur d'un verger ou d'une érablière -admettons que c'est un jardin, un potager -et qu'il y a quelques pommiers, et ainsi de suite, à ce moment, ce n'est pas dans un verger, parce qu'un verger, c'est un ensemble. Je ne sais pas si, à ce moment...

M. Girard: Bon...

Le Président (M. Vaugeois}: C'est la même chose pour une érablière. Quelqu'un

qui garde quelques érables dans un quartier de banlieue et qui les entaille, si ses érables sont sur la ligne, il ne peut pas prétendre que c'est une érablière, mais ce sont quand même des érables.

M. Girard: II s'agit quand même de préciser que le but de l'article est de protéger les grandes cultures des cultivateurs. C'est cela le but de l'article. Si on veut préciser, aller jusque dans les jardins en ville ou dans les villages, il faudrait évidemment avoir de plus grandes précisions dans l'article que celles qu'on a actuellement.

On s'est limité à l'article tel qu'il était rédigé et on y voit la protection de la culture elle-même et non d'autres fins. Il est évident qu'il y aurait une protection à assurer aux arbres voisins des jardins. Il peut y avoir des érables. Peut-être que certains propriétaires auront une belle épinette bleue qui sera juste à côté d'un jardin, qui fera un peu d'ombre et qu'un voisin haïssable demandera de couper. C'est déjà arrivé.

À un certain moment, j'ai eu le cas d'un propriétaire dans un village qui accusait son voisin de laisser une épinette qui faisait surir son tabac. C'était un petit coin de jardin qui recevait de l'ombre et son tabac était là; il prétendait que l'ombre lui nuisait. Il faudrait beaucoup plus de précisions dans un article semblable. Je pense qu'on va laisser au législateur le soin de le préciser. Quant à nous, on est resté avec l'article tel qu'il existait. Oui?

M. Leduc (Saint-Laurent): On parle d'érables et pas d'érablière. Je pense que tout érable est protégé dans un espace de quinze pieds.

M. Girard: Oui.

Le Président (M. Vaugeois): Pas dans la nouvelle formulation qu'ils proposent.

M. Girard: Dans la formulation qu'on propose, on parle d'érablière.

M. Leduc (Saint-Laurent): Mais le projet?

Le Président (M. Vaugeois): Oui, mais ils changent la formulation. Avez-vous le mémoire, à la page 6?

M. Leduc (Saint-Laurent): Oui, oui. Ahl vous parlez du mémoire?

Le Président (M. Vaugeois): Oui, de leurs propositions à eux.

M. Leduc (Saint-Laurent): Mais le projet de loi, lui, parle d'érables.

Le Président (M. Vaugeois): Oui.

M. Girard: Arbres fruitiers et érables.

Le Président (M. Vaugeois): Mais pas eux. Ils parlent d'érablière.

M. Leduc (Saint-Laurent): II faudrait qu'on revienne au projet de loi, en somme.

M. Girard: On est rendu maintenant à la page 7. Est-ce qu'on doit continuer?

Le Président (M. Vaugeois): Oui.

M. Girard: À la page 7, il est question des droits de vue. Dans la proposition actuelle, les articles 1034 et 1035 concernent les vues illégales sur le fonds voisin. On a trouvé que la rédaction était passablement compliquée à suivre et qu'il y avait peut-être des constructions qui sont actuellement illégales, comme des balcons, des galeries, et autres saillies. Il s'agit de constructions qui sont considérées comme illégales dans le code actuel. Nous proposerions de les enlever et de ne garder que les fenêtres. Pourquoi enlever les galeries et les balcons, par exemple, ou les autres saillies? C'est qu'il s'agit beaucoup plus, en l'occurrence, de moyens de négociation avec des voisins pour obtenir d'autres avantages que d'assurer la discrétion entre deux voisins. En hiver, il n'y a pas beaucoup de gens qui vont s'asseoir sur une galerie pour reluquer ce qui se passe chez le voisin. Le but de l'article est, bien sûr, de garder une certaine discrétion d'un voisin à l'autre. On pense qu'en assurant la vue pour la fenêtre seulement cela sera suffisant. Dans le texte actuel, on dit qu'un perron d'entrée n'est pas considéré comme une vue illégale chez le voisin, mais à quel moment une galerie devient-elle un perron, et vice versa? Vous pouvez avoir une galerie qui est de la même largeur qu'une maison, avec un escalier. Alors, si on conserve le texte tel qu'il est là, on la considérerait comme un perron et on pourrait avoir, à partir du bout de la galerie, vue sur la propriété voisine à moins de six pieds. Cela va créer de la confusion. Alors, en éliminant tout ce qui s'appelle galeries, balcons, escaliers et autres saillies semblables et en ne conservant que les fenêtres, on pense que cette partie du Code civil sera beaucoup plus facile d'administration. Cela serait suffisant, à notre sens, pour protéger la discrétion entre voisins.

On ramènerait également la distance. Au lieu de la laisser à 1,90 mètre, comme elle était dans le premier projet de 1977, ou 1,80 mètre dans le projet actuel, on proposerait de la ramener à 1,50 mètre pour les raisons suivantes: d'abord, en ce qui concerne la discrétion, entre 1,50 mètre et 1,80 mètre, il n'y a pas beaucoup de

différence; deuxièmement, c'est une mesure facile à se rappeler: 1,50 mètre, c'est cinq pieds, et, en ce qui concerne la distance comme telle sur la propriété voisine, cela laisse quand même assez de distance entre deux maisons qui ont des fenêtres pour assurer une certaine discrétion. Alors, cela serait un peu l'idée qu'il y a derrière la proposition qu'on apporte, c'est-à-dire de ramener les vues à 1,50 mètre et éliminer tout ce qui n'est pas fenêtres ou portes pleines, des choses semblables.

Alors, à la page 10, l'article 1034 se lirait maintenant comme suit: On ne peut avoir sur le fonds voisin de vues droites à moins d'un mètre cinquante de la ligne séparative. Cette règle ne s'applique pas lorsqu'il s'agit de vues sur la voie publique, de portes à panneau plein, de fenêtres ou de portes à verre translucide. La distance d'un mètre cinquante se mesure depuis le parement extérieur du mur où l'ouverture est faite et perpendiculairement à celui-ci jusqu'à la ligne séparative.

On remarque que les notaires sont intervenus pour changer un mot qui était "se calcule" pour le remplacer par "se mesure". C'est exact. Nous avons pris le même terme. On autoriserait dans notre proposition les portes, par exemple, à panneau plein, c'est-à-dire qu'on ne peut pas voir quand la porte est fermée, ou à verre translucide pour les portes et fenêtres: on ne peut pas voir non plus à travers lorsque la porte est fermée, mais on peut avoir quand même un jour à l'intérieur. Ce seraient les seules ouvertures acceptables sur la propriété voisine, à une distance inférieure à 1,50 mètre.

Pourquoi perpendiculairement? Si vous avez une maison qui est peut-être un peu en biais avec la limite, la vue se fait quand même perpendiculairement à la maison et non pas perpendiculairement à la limite voisine du terrain. Pour illustrer un peu plus, si vous avez une fenêtre qui est encavée, mettons, à un pied, un pied et demi à l'intérieur de la maison, la vue ne pourra se faire que dans le sens de la fenêtre, et non dans le sens de la perpendicularité avec la ligne voisine, parce que les maisons ne sont pas toutes exactement parallèles à une ligne voisine. Si la maison est un peu en biais par rapport à la limite, cela peut changer la distance entre la limite elle-même et le coin de la fenêtre. Il y a une nuance ici qui est importante.

À la page 11, on parle des ouvrages mitoyens, clôtures et murs mitoyens. C'est plutôt un réaménagement ici des articles pour grouper ouvrage mitoyen qui s'appelle clôture et grouper ce qui s'appelle mur de construction qui sert de division entre deux bâtisses voisines.

On propose aussi d'éliminer un article qui apparaît dans le code actuel concernant la levée des fossés. On dit: Cependant, lorsque la levée ou le rejet de la terre d'un fossé se trouve d'un côté seulement, ce fossé est présumé appartenir exclusivement à celui du côté duquel le rejet se trouve. Au début, dans les années 1860 à 1880, peut-être que les cultivateurs faisaient leurs fossés à la petite pelle et qu'ils rejetaient la terre toujours sur le même côté si le fossé leur appartenait, mais, aujourd'hui, ce n'est plus une pratique; les fossés se font avec de la grosse machinerie, des bulldozers et des levées de terre, il n'y en a plus nulle part. Il est inutile de conserver cela dans le code actuel, ce n'est plus un indice pour trouver un fossé mitoyen. Le seul indice qui reste, c'est la clôture qui traverse le fossé au changement des parts de clôture. (16 h 30)

Les changements proposés sont un réaménagement des articles, de telle sorte que les clôtures soient groupées et que les murs soient groupés. Il y a une partie, par exemple, sur laquelle on voudrait insister. À l'article 1047, en haut de la page 13, il faudrait remplacer le mot "ouvrage" par le mot "mur", afin d'exclure les ouvrages de clôture et éviter ainsi la contradiction avec l'article 1043 où il est dit que tout propriétaire peut obliger son voisin à ériger pour moitié et à frais communs un ouvrage de clôture servant à séparer leur fonds. Le voisin ne peut donc se soustraire à son obligation de contribuer à une telle charge.

Le deuxième alinéa mentionne qu'un propriétaire peut se soustraire à son obligation de contribuer aux charges en donnant un avis écrit de son intention aux autres propriétaires. Cela veut dire qu'un bon matin un propriétaire décide qu'il ne veut pas de la clôture et qu'ainsi il ne participera pas aux frais de la clôture, alors que, dans la première partie de l'article 1043, on dit qu'il s'agit d'une obligation pour les voisins, si un des deux veut avoir une clôture, l'autre est obligé de suivre et d'accepter de faire sa part de clôture.

Pour ce qui est du mur, c'est différent. En ce qui concerne le mur, l'avis écrit ne paraît pas suffisant. Il nous semble qu'un tel avis devrait faire l'objet d'un acte notarié et être enregistré pour valoir contre les tiers. Un tel acte devrait aussi faire mention, le cas échéant, de l'abandon ou de la cession du sol sur lequel le mur est construit. Ainsi, si vous avez un mur entre deux propriétés et qu'un des deux voisins décide qu'il n'en a pas besoin et qu'il ne veut pas le construire, il aurait droit par acte notarié d'abandonner sa mitoyenneté et, en même temps, céder sa partie du sol où se trouve la moitié du mur, créant ainsi une limite de propriété qui va être claire, nette et précise, et le terrain appartiendra ainsi au même propriétaire. Quant au reste, je pense qu'il n'y a pas tellement d'ambiguïté.

On en vient maintenant à l'article

1087. Il s'agit de l'état descriptif de l'immeuble qui apparaît dans un acte de copropriété. On dit: "L'état descriptif contient, soit la désignation cadastrale de l'immeuble, des parties exclusives et des parties communes, soit un plan de l'immeuble qui indique l'ensemble du terrain et des bâtiments, la forme et les dimensions de toutes les parties exclusives et communes et leur localisation dans l'immeuble."

On dit que le plan de l'immeuble n'est pas assez précis, il faudrait prévoir que ce soit le plan cadastral. Dans le mémoire de la chambre des notaires, on mentionnait un plan donnant les numéros de cadastre; cela revient au môme. Là-dessus, je pense que nos deux mémoires concordent. On voudrait que soit précisé quel genre de plan doit apparaître dans l'acte de copropriété, que ce ne soit pas seulement un plan de construction. Il faut un plan sur lequel apparaissent les numéros de cadastre ou le plan cadastral lui-même au moment de la création de l'acte de copropriété.

Finalement, partout où on marque "plan et livre de renvoi", on suggérerait d'inscrire à la place "documents cadastraux" pour prévenir les changements qu'on peut déjà prévoir dans la Loi sur le cadastre et en vertu desquels le livre de renvoi disparaîtra peut-être. Ce ne sera peut-être qu'un plan ou tout autre document qui servira de transmission rapide par bureautique ou par ordinateur entre les bureaux d'arpenteurs-géomètres et les bureaux d'enregistrement.

Cela complète notre mémoire. Nous sommes à votre disposition pour les questions.

Le Président (M. Vaugeois): J'en aurais tout de suite sur le dernier point que vous venez d'évoquer; c'est vraiment une question générale. Est-ce qu'historiquement vous avez eu l'occasion d'établir des cadastres pour des étages supérieurs? Je pense au cas de la copropriété. Est-ce qu'autrefois il y a eu des cas où cela pouvait se présenter et où vous étiez obligés d'établir un cadastre au niveau du sol et d'établir un cadastre pour des étages supérieurs qui auraient pu appartenir à un autre propriétaire?

M. Girard: Pas avant les amendements au Code civil qui ont été faits au début des années quatre-vingt. Ce sont les articles 441 et suivants qui ont créé la copropriété et qui permettaient de faire du cadastre vertical, en hauteur. Avant cela, il ne s'en faisait pas.

Le Président (M. Vaugeois): Vous avez des rencontres avec les professionnels des autres pays. Historiquement, quand voyez-vous apparaître ce genre de cadastre?

M. Girard: Je serais embêté de vous le dire d'une façon assez précise, mais je sais qu'en 1968...

Le Président (M. Vaugeois): Mais en Ontario, par exemple.

M. Girard: En Ontario?

Le Président (M. Vaugeois): Oui.

M. Girard: En France, en 1968, il y en avait déjà, en Angleterre, également.

Le Président (M. Vaugeois): Cela fait longtemps.

M. Girard: Mais dans les autres pays, je ne pourrais pas vous le dire.

Le Président (M. Vaugeois): Bon. Alors, chez vous, quand vous avez commencé à faire ce genre de cadastre...

M. Girard: Oui.

Le Président (M. Vaugeois): ...vous vous êtes inspirés de quelle méthode de fabrication de cadastre? Avez-vous observé ce que d'autres faisaient ailleurs ou avez-vous imaginé une méthode de présentation?

M. Girard: Les officiers du service du cadastre se sont inspirés de la méthode de la France, de la copropriété française, au départ. Je pense bien qu'il y a eu des aménagements avec ce qui se faisait ailleurs aussi, mais il semblerait que cela est parti... Nos instructions sont arrivées, pour les arpenteurs-géomètres, du service du cadastre: Vous faites cela de cette façon et on procède de même.

Le Président (M. Vaugeois): Est-ce que cela pose des problèmes techniques de présentation?

M. Girard: Non.

Le Président (M. Vaugeois): Non?

M. Girard: C'est correct. C'est déjà dans les moeurs maintenant.

Le Président (M. Vaugeois): Est-ce que l'on peut faire un plan de localisation d'un appartement, qui est au cinquième étage, dans un édifice en copropriété?

M. Girard: Oui, on peut le faire. Évidemment, c'est différent d'un plan de localisation au sol. Il faut tenir compte de l'édifice lui-même et de la situation de l'appartement dans la bâtisse, montrer ses tenants et aboutissants, quel est son numéro, sa correspondance entre le numéro d'appartement et le numéro de cadastre;

c'est très important parce qu'il arrive souvent des erreurs là-dessus. Cela se fait.

Le Président (M. Vaugeois): Alors, vous pouvez représenter le tout sur un même dessin...

M. Girard: Oui.

Le Président (M. Vaugeois): ...avec des signes graphiques variables?

M. Girard: C'est cela.

Le Président (M. Vaugeois): Est-ce que cela est standardisé?

M. Girard: Oui.

Le Président (M. Vaugeois): D'accord. J'avais une autre question sur la formulation de la page 5, pour l'article 1018: Tout propriétaire peut obliger son voisin au bornage de leurs propriétés contiguës. Donc, il peut obliger son voisin, premièrement, au bornage, deuxièmement, au rétablissement, troisièmement, à la reconnaissance. Est-ce cela que vous voulez dire?

M. Girard: C'est cela.

Le Président (M. Vaugeois): C'est sur le même pied.

M. Girard: Oui, sur le même pied.

Le Président (M. Vaugeois): D'accord. C'est bon, je pense que la formulation est bonne. Pour la page 6, je vous ai posé la question au passage. Je serais curieux de voir comment le ministre réagira tout à l'heure. Mais, comme il est absent, nous allons donner une préséance de bon ton à l'Opposition.

Je signale que le député de Saint-Laurent s'est joint à nous. Je tiens pour acquis qu'on lui souhaite la bienvenue, qu'il n'y a pas de... Parce que vous remplaciez M. Levesque ce matin et qu'un de vos collègues le remplace cet après-midi... Mais vous êtes le bienvenu. Si vous aviez à proposer une motion ou à demander le vote, là, il y aurait un petit problème.

M. Leduc (Saint-Laurent): Cela va, M. le Président.

Le Président (M. Vaugeois): Alors, qui est-ce qui va prendre la parole, d'abord?

M. Marx: On ne demande pas de vote parce que toutes nos suggestions sont acceptées par le ministre.

Le Président (M. Vaugeois): Je pense qu'elles sont toujours très intéressantes.

Alors, est-ce que vous parlez le premier?

M. O'GalIagher: Oui. Bien, veux-tu parler?

Le Président (M. Vaugeois): M. Mathieu est arrivé le premier. Alors, allez-y.

M. Mathieu: Merci, M. le Président. Je voudrais d'abord, au nom de notre groupe, souhaiter la bienvenue aux représentants de l'important Ordre des arpenteurs-géomètres du Québec. Je voudrais mentionner, comme on l'a tous constaté, que leur mémoire est d'un réalisme et d'une sagesse peu commune, demandant de la clarté. Ils ont apporté des suggestions très valables.

Le Président (M. Vaugeois): Ils ont dit des choses comme ça, vous savez.

M. Mathieu: On devrait avoir des contacts plus fréquents avec eux, M. le Président. Je me pose seulement quelques questions. Si je reviens à l'article 1026, M. le Président, vous avez demandé un détail, mais je crois que le début de l'article dit: Le propriétaire d'un fonds exploité à des fins agricoles peut contraindre son voisin à faire abattre des arbres. Donc, cela n'a pas de conséquence pour les jardins, les potagers en ville.

Maintenant, à l'article 1034 - à la page 10 - article que vous avez modifié, on dit, selon votre formulation: On ne peut avoir sur le fonds voisin de vues droites à moins de 1,50 mètre de la ligne séparative. Cette règle ne s'applique pas lorsqu'il s'agit de vues sur la voie publique, de portes à panneau plein, de fenêtres ou portes à verre translucide. Si je comprends bien, toutes les vues dont il est question, qu'il s'agisse d'escaliers, d'abris d'autos, de galeries, de perrons, j'aimerais vous entendre pour savoir si tout cela est compris, en plus des choses qu'on pourrait inventer dans l'avenir.

M. Girard: C'est-à-dire qu'on élimine tout cela dans la proposition, puisqu'on ne les mentionne pas. Les seules vues qui sont mentionnées le sont au deuxième alinéa du même article. On dit que la règle ne s'applique pas lorsqu'il s'agit de vues sur la voie publique, de portes à panneau plein, de fenêtres ou portes à verre translucide. Si ce ne sont pas des portes ou des fenêtres, à ce moment-là, on constate qu'il n'y a pas de vue.

M. Mathieu: Tout le reste est prohibé? Quand vous dites qu'il n'y a pas de vue, vous voulez dire que les galeries sont défendues, interdites.

M. Girard: Non, pas du tout.

M. Mathieu: Non?

M. Girard: Peut-être qu'on a mal...

M. Mathieu: II n'y a pas de...

M. Girard: Je ne sais si on s'est mal exprimé. Est-ce que la formulation est...

M. Mathieu: Ah! c'est le contraire.

M. Beausoleil: Vous avez peut-être raison. Je ne veux pas dénigrer le rapport qu'on vous a fait, mais je me pose la question moi-même, à savoir si la formulation du paragraphe 2 de l'article 1034, comme on le propose... Finalement, le but qu'on voulait atteindre était justement de ne pas imposer de droits de vue à des balcons, des galeries, etc. Je me demande, en appliquant le paragraphe 2 de l'article 1034 comme on l'a refait, si ce n'est pas cela qu'on vient faire. Je me pose la question, je ne suis pas sûr.

M. Mathieu: Vous ne voulez pas, autrement dit...

M. Beausoleil: ...que le balcon soit affecté de droits de vue. On ne voudrait pas que cela touche à un balcon, mais je me demande si on n'a pas passé à côté en reformulant l'article 1034, en y insérant le paragraphe 2 tel qu'il est formulé actuellement dans notre position.

M. Mathieu: C'est-à-dire...

M. Beausoleil: Cela serait peut-être à repenser.

M. Mathieu: Le balcon serait permis?

M. Beausoleil: On voudrait que le balcon soit permis.

M. Mathieu: À moins de 1,50 mètre. M. Beausoleil: C'est cela.

M. Mathieu: Balcons, abris d'autos, escaliers: tout ce qui n'est pas fenêtres et portes...

M. Beausoleil: C'est cela.

M. Mathieu: ...qui n'a pas de verre translucide.

M. Beausoleil: C'est cela.

M. Mathieu: Un autre point: à l'article 1035 suggéré, vous dites: La distance de 1,50 mètre se mesure depuis le parement extérieur du mur où l'ouverture est faite et perpendiculairement à celui-ci. Je prends, par exemple, le cas d'une fenêtre en baie, un bow-window. Il y a une différence entre le parement extérieur et la fenêtre elle-même qui peut être avancée d'un pied ou de 18 pouces.

M. Girard: C'est le mur où est insérée la fenêtre. On dit: le parement extérieur du mur où l'ouverture est faite. Donc, c'est le mur où est insérée la fenêtre. Ceci veut dire que, si vous avez un bow-window ou une fenêtre en saillie, comme on l'appelle, il y a un mur qui soutient cette fenêtre en saillie et c'est à partir de ce mur que la distance se mesure.

M. Mathieu: Et non pas à partir du verre posé dans la fenêtre.

M. Girard: Jamais.

M. Mathieu: Même s'il empiète le mur d'un pied ou d'un pied et demi.

M. Girard: C'est cela.

M. Mathieu: À l'article 1044 - c'est mon dernier commentaire, je ne voudrais pas accaparer le temps de la commission -j'aimerais avoir votre opinion. Vous avez reformulé l'article. Vous dites à l'article 1044, à la page 11: "Toute clôture qui se trouve sur la ligne séparative est présumée mitoyenne." Je m'interroge sur l'opportunité de constituer une mitoyenneté dans les clôtures. Cela ne crée sans doute pas de problème dans les villes et les villages, mais je pense aux campagnes. Le Québec est un pays immense et l'agriculture... Je prends le cas d'un agriculteur; actuellement, nous avons des méthodes pour déterminer les parts de clôtures - vous êtes les premiers à en être conscients - de manière que, si une part de clôture est défectueuse, qu'un troupeau traverse de l'autre côté de la clôture durant la nuit, arrive sur la voie publique et cause un accident, avec des responsabilités de 300 000 $ ou 400 000 $, on va voir quelle part de clôture était défectueuse et c'est l'agriculteur propriétaire de la part défectueuse qui est tenu responsable des dommages, ou sa compagnie d'assurance-responsabilité.

En créant une mitoyenneté, je ne comprends pas la logique et le principe qui peuvent nous expliquer cela. Qu'arriverait-il en cas de dommages, selon l'exemple que je viens de vous citer?

M. Girard: En ce qui concerne les clôtures, comme les fossés, il s'agit d'une servitude accrochée, si l'on veut, à la propriété comme telle, de la même façon que le bornage. Un voisin peut bien dire: Je n'ai pas besoin du bornage. Mais, si un des voisins le demande, l'autre est obligé de

suivre. La clôture, de tradition, a été un élément de mitoyenneté, c'est-à-dire un élément qui a servi de séparation, un élément séparateur entre deux propriétés et qui, de longue date, a toujours été un ouvrage mitoyen.

Ici, évidemment, on n'a pas analysé le bien-fondé. Cela existait dans l'ancien code et on l'a laissé tel quel. Je pense également qu'il serait assez difficile de le faire disparaître. Autrement, un propriétaire pourrait attendre que son voisin fasse une clôture, la paie au complet et, un bon matin, il se réveille et décide de s'acheter des animaux. La clôture est déjà faite et il n'a pas besoin de payer pour cela.

On l'a prévu dans les murs mitoyens. Avec le mur mitoyen, automatiquement il est mitoyen, à moins que, selon ce qui est prévu à l'article 1044 ou 1045, il n'y ait une volonté de s'en séparer. Le propriétaire peut même être appelé à céder la partie du mur, le sol où se trouve le mur en question. Je ne sais pas s'il serait sage d'éliminer la responsabilité mitoyenne dans la clôture. À mon point de vue, non.

M. Mathieu: Si je comprends bien, vous ne vous êtes pas arrêtés sur ce point comme tel.

M. Girard: Pas pour déterminer le bien-fondé d'avoir une mitoyenneté ou non là-dessus. (16 h 45)

M. Sasseville (Gilbert): Si j'ai bien compris vos remarques, M. le député, vous parlez de la ligne séparative entre la propriété publique et la propriété privée et c'est déjà régi par la Loi sur la voirie, la Loi sur les chemins de colonisation et autres.

M. Girard: Non, non.

M. Sasseville: Mais, pour la ligne séparative entre deux terres, il a toujours été du droit coutumier que c'était mitoyen entre les deux propriétaires.

M. Mathieu: Je veux bien parler de la ligne séparant deux lots, si les animaux traversent chez le voisin et, ensuite, sur la voie publique. Je vous remercie.

Le Président (M. Rivest): M. le député de Robert Baldwin.

M. O'Gallagher: Merci, M. le Président. Je voudrais saluer mes confrères; on se connaît depuis longtemps. Je vous félicite pour vos commentaires et vos suggestions très précises qui affectent notre profession. Tout d'abord, je suis d'accord avec vos commentaires relatifs à l'article 1017 car, dans l'exercice de notre profession, on s'aperçoit souvent que c'est surtout le titre qui est faux. C'est très difficile de s'appuyer sur un titre pour établir le terrain. Je pense à plusieurs exemples et à un, entre autres, parce que je suis impliqué. C'est le cas d'un grand terrain qui a été cédé par titres; la description est assez boiteuse car c'est le lot originaire, avec l'exception d'une série de titres, qui a été vendu au cours de plusieurs années. En plus de cela, il y a deux cadastres sur la même propriété, celui du village et celui de la paroisse, et des expropriations. Si on faisait une compilation des ventes, on arriverait à un résidu de 5000 pieds carrés, mais, en réalité, le terrain est bien supérieur à cela. Il a à peu près 20 000 pieds carrés. Nos conseillers juridiques pensent qu'on devra faire un bornage autour du terrain pour pouvoir livrer un titre qui a de l'allure et qui a une certaine valeur. Je pense qu'il faudrait prendre votre suggestion en ce qui concerne l'article 1017.

Le deuxième commentaire que j'ai à faire, c'est de vous demander ou de demander au ministre si, par l'article 1035, on veut faire disparaître tout concept de vues indirectes. Est-ce que vous comprenez? Il n'y aura plus de concept de vues indirectes, de fenêtres situées à quelques pieds de la ligne commune, perpendiculairement à la ligne. J'espère...

Une voix: Dans le projet de loi 38, il était déjà disparu.

M. O'Gallagher: D'accord. Ce sont les seules précisions que je voulais apporter. Je pense que vos commentaires sont très précis et valables pour cette commission. Je vous remercie.

Le Président (M. Rivest): Est-ce que... M. le député de Saint-Laurent.

M. Leduc (Saint-Laurent): J'ai posé la question ce matin au barreau concernant les vues illégales; je vous la repose. Est-ce que vous seriez d'accord pour qu'on fasse disparaître complètement les vues illégales? On a fait disparaître les vues illégales indirectes, est-ce qu'il n'y aurait pas lieu, également, de faire disparaître les vues illégales directes? Vu qu'aujourd'hui les terrains sont très restreints, particulièrement en milieu urbain, on pourrait s'en remettre aux règlements municipaux. Alors, est-ce qu'il n'y aurait pas lieu, à ce moment-là, pour simplifier les choses, d'autant plus que, lorsqu'on a des vues illégales, la plupart du temps on requiert une servitude et on les légalise - alors, en fait, cela ne change rien, cela ne changerait pas tellement - est-ce qu'il n'y aurait pas lieu qu'on demande d'enlever complètement les vues illégales? D'ailleurs, je ne devrais peut-être pas vous le dire, mais, en Ontario, vous savez que cela n'existe pas. Les gens vivent et ne s'en

plaignent pas non plus. Alors, est-ce qu'il n'y aurait pas lieu qu'on fasse disparaître purement et simplement les vues illégales?

M. Girard: C'est une pensée qui nous a traversé... On s'y est arrêté beaucoup, même qu'on avait l'intention de le proposer. Cependant, par égard à la tradition, on a voulu les conserver pour les fenêtres. Cela peut se justifier pour les fenêtres parce que quelqu'un peut quand même s'installer dans sa fenêtre et regarder chez la propriété voisine de façon que le voisin ne s'en aperçoive pas. Ce n'est pas le même cas pour les galeries. Pendant dix mois par année il n'est pas question d'aller s'installer sur une galerie pour regarder chez la propriété voisine. Alors, il n'y a pas plus de gravité d'avoir une galerie que d'aller s'installer ou se planter à côté de la haie du voisin et regarder ce qui se passe. Strictement, comme je vous le disais tantôt, un peu par égard à la tradition qui existe, actuellement les vues illégales sont défendues et puis, peut-être aussi parce que c'est un moyen plus facile d'avoir des regards indiscrets sur la propriété voisine. C'est la seule raison pour laquelle on a laissé cela.

M. Sasseville: II y en a une qu'il n'avouera pas: il ne faut quand même pas régler tous les sujets de chicane; sans cela, on n'aura plus de raison d'exister, les avocats non plus, d'ailleurs.

M. Leduc (Saint-Laurent): Le barreau semblait très favorable à la disparition des vues illégales.

Une voix: On pourrait parler des chicanes aussi.

M. Leduc (Saint-Laurent): Bien oui, ces gens aiment cela.

Le Président (M. Rivest): Cela me surprend.

M. Leduc (Saint-Laurent): Le deuxième point, la copropriété. Je me demande... C'est peut-être une question que je vous pose. Est-ce que vous avez déjà fait des copropriétés sur du terrain vacant? Est-ce que vous pensez qu'il devrait y avoir une réglementation, une provision au Code civil, pour établir la copropriété sur les terrains vacants?

M. Girard: Je me demande quelle serait l'utilité de la copropriété sur des terrains vacants.

M. Leduc (Saint-Laurent): Pour établir de la copropriété industrielle. Alors, vous l'établissez sur le terrain et la propriété, la bâtisse appartiendrait au propriétaire par accession, au propriétaire du terrain. À ce moment-là, on pourrait contourner toute la question de la construction par phases, parce qu'on connaît cela dès le départ: vous avez 25 terrains, vous établiriez une copropriété sur les 25 terrains. Au départ on pourrait établir un pourcentage, des quotes-parts, ce qui n'existe pas à la verticale, Parce que, si on construit ou si on a l'intention de construire une bâtisse à côté, est-ce qu'elle va, effectivement, se construire? Quelles seront les parts, la proportion? On ne sait pas comment cela va se réaliser. Si on fait une copropriété à l'horizontale, on sait exactement au départ quelle sera la quote-part, la partie de terrain et, ensuite, on construit. Prenez tout ce qui est copropriété industrielle, quelle serait la différence avec la situation actuelle? Que l'immeuble, la bâtisse fasse partie de la copropriété, je ne pense que ce soit tellement important. On établit les services sur les terrains pour les parties communes. Vous feriez une subdivision à l'horizontale. Je me demandais si vous en aviez déjà fait et ce que vous en pensiez.

M. Girard: Ce n'est peut-être pas impossible. Le risque qu'il y a dans la copropriété par phases, c'est que les phases subséquentes ne se réalisent pas. Le notaire comment s'appelle-t-il? il est de la chambre des notaires, je ne me souviens plus de son nom...

Une voix: Comtois.

M. Girard: ...Comtois a suggéré déjà, dans un cas de copropriété, une formule qui, à notre point de vue, avait beaucoup de sens. C'est que la copropriété par phases peut se faire avec l'aide d'une compagnie qui, elle, peut exister parallèlement; alors, les copropriétaires ont des parts dans cette compagnie, ce qui leur permet que cela devienne une partie, propriété divise, l'autre partie, indivise.

M. Leduc (Saint-Laurent): Vous n'avez pas besoin, tout de même, de faire cela avec une copropriété; si vous établissez une compagnie, vous pouvez le faire même si vous n'avez pas de copropriété. Je ne pense pas que l'un soit relié à l'autre. C'est bien évident que vous pourrez alors établir une convention entre les différentes phases, mais peut-être que, pour la propriété résidentielle, ce serait beaucoup plus difficile. Je vois très bien qu'on pourrait procéder à des copropriétés industrielles de cette façon. On pourrait solutionner le problème des constructeurs qui ne savent pas s'ils vont vendre 25 unités. Ils peuvent en construire 5. On connaît les règles du jeu au départ, le terrain est là, on établit les quotes-parts en fonction des terrains. Ensuite, en vertu du

droit d'accession, le propriétaire du terrain devient propriétaire de sa bâtisse. Je posais la question.

Dernière question. Vous avez dit tantôt, à la suite d'une question, vous avez répondu oui au président, sur la question du certificat de localisation, à savoir si cela était possible d'établir un certificat de localisation sur une copropriété, sur une unité de copropriété. Quant à moi, j'ai des restrictions, je me demande comment vous pouvez garantir qu'il n'y pas eu de modification sans faire l'inspection, sans vérifier, sans faire un arpentage, une vérification de tout l'immeuble et sans signer un certificat de localisation. Vous pouvez avoir un ajout; à un moment donné, il peut y avoir un ajout d'une partie commune. Je ne vois pas comment vous pouvez signer un certificat de localisation sur un appartement sans vérifier au complet la bâtisse. Je ne pense pas que cela soit possible. Vous le faites; à mon sens, cela n'est pas un vrai certificat de localisation. Vous garantissez que l'unité, le cube d'air de telle unité est là. On le sait. On a simplement à aller voir au cadastre, mais, si vous voulez garantir vraiment qu'il n'y a pas eu de modification ou, s'il y en a une, la montrer, il faudrait que vous montriez l'immeuble au complet, parties communes, parties exclusives et que vous disiez: Après vérification, on a constaté qu'il n'y avait pas eu de modification.

M. Girard: La question qui nous a été posée, si je l'ai bien comprise, c'était! Est-ce que c'est possible de faire un certificat de localisation sur une partie exclusive? C'est possible de le faire, mais on n'est pas obligé de montrer tout l'immeuble, c'est seulement la partie exclusive. En ce qui concerne l'immeuble au complet, c'est son périmètre, bien sûr, mais il n'est pas question d'aller inspecter chacune des autres parties exclusives et des parties communes.

M. Leduc (Saint-Laurent): Mais, quel intérêt à ce moment-là? On a simplement à aller vérifier au cadastre. Ce que l'on voudrait, nous, c'est un certificat de localisation qui établit qu'il n'y pas eu de modification. Vous avez des quotes-parts. Il faut également non simplement considérer... Une copropriété, c'est la partie exclusive plus les quotes-parts; donc, vous devez aller voir si la quote-part dans les parties communes est encore intégrale, ou bien s'il y a eu une modification.

M. Girard: Si on nous demandait de certifier des choses semblables, évidemment, il faudrait le faire, mais la partie la plus importante d'un certificat de localisation, c'est la description de la partie sur laquelle l'hypothèque va porter. Est-ce que c'est bien le bon appartement? Il peut arriver qu'on se soit trompé dans l'identification de l'appartement par rapport à ce qu'il y a de marqué au cadastre. Alors, si on enregistre, supposons, le lot 1623-1 et qu'effectivement ce n'est pas cela, c'est le lot 102 qui est l'appartement en question qu'on veut hypothéquer, nous n'avons pas hypothéqué le même appartement. C'est la partie la plus importante, parce que l'hypothèque, afin qu'elle soit valide, il faut qu'elle soit installée sur le bon lot.

M. Leduc (Saint-Laurent): Vous faites une question d'identification. Je pense que l'on ne peut pas le faire autrement qu'en vérifiant l'immeuble au complet, si vous voulez être en mesure de donner un véritable certificat de localisation. À ce moment-là, vous devez le faire sur les deux éléments d'une copropriété: partie exclusive et quote-part dans les parties communes. Vous pouvez avoir des modifications qui sont très importantes, vous pouvez avoir, en fait, une disposition d'un morceau de terrain. C'est possible avec certains des articles, 441x; maintenant, je ne sais pas quel est le nouvel article; c'est absolument possible. Comment pouvez-vous, à ce moment-là, dire: Écoutez, cela représente exactement ou il n'y pas eu de modification par rapport à la bâtisse ou aux plans originaux? 11 peut y en avoir eu. Il peut y avoir eu une vente d'un morceau de terrain d'une partie commune. Je pense que vous devez tout vérifier. Sans cela, votre certificat de localisation identifie, il nous montre ce que le cadastre, effectivement, identifie. (17 heures)

M. Girard: II faut dire que cela ne fait pas longtemps que la loi existe et qu'il se fait de la copropriété, comme on le constate, actuellement. Et les problèmes qui ont pu se poser sur des questions de changements de quotes-parts ou de changements d'identification sont peu nombreux. Il arrive, je dirais plutôt rarement, qu'on est appelés à faire des certificats de localisation. Pour ma part, je n'en ai que deux de faits, jusqu'à présent, sur à peu près une centaine d'unités de copropriété. Habituellement, les sociétés prêteuses ne nous le demandent pas, surtout quand il s'agit d'un premier financement. On le fait sur un deuxième ou un troisième financement. Là, on peut se poser des questions et on va nous indiquer, dans le mandat, exactement ce qu'on veut savoir. Est-ce qu'il y a eu des changements dans les quotes-parts qui étaient inscrites dans l'acte de copropriété? On va nous demander, dans un mandat précis, d'aller le vérifier. Là, c'est possible de le faire en allant mesurer ce que ces gens veulent savoir.

M. Leduc (Saint-Laurent): Bon, d'accord.

Le Président (M. Rivest): Monsieur l'adjoint parlementaire du ministre de la Justice.

M. Dussault: Alors, M. le Vice-Président, qui présidez, je ne suis pas l'adjoint parlementaire...

Le Président (M. Rivest): Non?

M. Dussault: ...du ministre de la Justice.

Le Président (M. Rivest): Vous n'occupez plus...

M. Dussault: Je suis l'adjoint parlementaire du ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme.

M. Marx: On va vous proposer comme adjoint parlementaire et ce sera au premier ministre d'accepter ou de refuser'.

M. Dussault: Ce sera à étudier.

Le Président (M. Rivest): Mais, au nom du ministre de la Justice...

M. Dussault: J'en serais sûrement flatté, M. le Président. Je ne voudrais pas faire de longues interventions. Je voudrais, relativement à l'article 1026, vous demander s'il est fréquent qu'on ait à appliquer cette règle de l'obligation de couper des arbres pour permettre à la récolte d'être bonne. Votre expérience est une expérience de terrain. Alors, peut-être que vous pourriez être en mesure de nous éclairer; peut-être qu'on tirera la conclusion que c'est une règle qu'il n'est absolument plus nécessaire d'avoir dans le Code civil.

M. Girard: Pour ma part, en 33 ans de pratique, j'ai eu un cas; c'était une chicane de voisins et cela a amené l'exigence du découvert. Peut-être que M. Sasseville, qui a pratiqué longtemps dans les régions boisées, pourrait rapporter d'autres expériences.

M. Sasseville: Oui, cela se présente assez souvent et on fait appel, à ce moment-là, au Code municipal, qui prévoit aussi le découvert. Et c'est l'inspecteur municipal qui vient exiger que la coupe se fasse. Cela se présente assez souvent.

M. Dussault: Donc, cela veut dire que cette règle du Code civil est encore utile. De toute façon, le Code municipal doit s'appuyer sur le principe qui existe déjà au Code civil.

Deuxièmement, relativement aux limites d'un fonds, l'identification, est-ce que l'on doit comprendre que vous préférez nettement le texte du Code civil actuel là-dessus? Ou, pensez-vous que le nouveau texte, c'est-à-dire l'article 1017, est intéressant, mais qu'il y aurait lieu de l'améliorer?

M. SasseviUe: De l'article 1017?

M. Dussault: L'article 1017, oui, les limites de fonds et de bornage.

M. Girard: Ah! elles sont déterminées par les titres, les documents cadastraux et ainsi de suite.

M. Dussault: C'est cela, oui. Parce que, dans le texte actuel du Code civil, on fait référence à l'erreur, tandis que là, dans le nouveau texte, on présumerait de certaines choses. Est-ce que vous pensez qu'il faudrait tout simplement revenir - parce qu'on a vu des réticences dans votre exposé de tout à l'heure - est-ce que vous pensez que l'on doit revenir, en fait, au texte du Code civil actuel?

M. Beausoleil: Qui dit quoi, qui se lit comment, actuellement? Je ne l'ai pas.

M. Dussault: Qui dit ceci: "Le droit de propriété ne peut être affecté par les erreurs qui se rencontrent dans le plan et le livre de renvoi; et nulle erreur...

M. Sasseville: Cela est l'article 2174... M. Girard: L'article 2174. M. Sasseville: ...le cadastre.

M. Dussault: Ah oui, je m'excuse, j'aurais dû vous le dire. Effectivement, c'est l'actuel article 2174 qui dit cela, oui. C'est le dernier paragraphe.

M. Sasseville: Cela ne touche pas à cela du tout.

M. Girard: Non.

M. Sasseville: C'est un nouvel article, le 1017.

M. Dussault: Mais on dit: "...et nulle erreur dans la description, l'étendue ou le nom, ne peut être interprétée comme donnant à une partie plus de droit à un terrain que ne lui en donne son titre." C'est effectivement à cela que l'on fait référence dans...

M. Sasseville: Oui, mais on parle des erreurs au cadastre, à l'article 2174.

M. Girard: Ce n'est pas dans le bornage.

M. Sasseville: Ce n'est pas dans le

bornage du tout, cela.

M. Beausoleil: C'est que, dans la délimitation de la propriété, il y a deux choses, de la façon qu'on le voit ici. Quand on est appelé à délimiter sur le terrain une propriété, en tant qu'arpenteur-géomètre, d'après le projet de loi, l'article 1017, ce sont les titres, le cadastre, le livre de renvoi et l'occupation. Et, s'il y a quelque chose là-dedans qui ne fonctionne pas, c'est le titre qui prime. Ce que l'on suggère, on dit: Non, ce ne sera pas seulement le titre, cela va être le titre, et les documents cadastraux, et l'occupation. L'arpenteur-géomètre va s'organiser pour compiler tout cela.

Dans l'article que vous venez de lire, l'article 2174, qui traite du cadastre, ce sont des erreurs, mais des erreurs à l'intérieur d'un document cadastrable. Cette erreur à l'intérieur d'un document cadastrable ne peut pas donner ou enlever à quelqu'un plus de droits que ne lui en donne son titre. C'est un chapitre complètement à part. Je ne pense pas que les deux puissent s'intégrer au niveau de cette discussion.

M. Dussault: Vous voyez encore l'utilité de l'article 1017 avec les précautions que vous venez d'identifier.

M. Beausoleil: D'accord.

M. Dussault: Je n'ai pas d'autres questions. Je voudrais vous remercier, au nom du ministre, d'être venus éclairer la commission et le gouvernement sur les corrections qui vous semblent s'imposer au projet de loi 58. Il nous semble que vous étiez sans doute ceux qui étaient en mesure de nous faire des remarques de type technique comme vous l'avez fait. Cela sera sûrement très apprécié. Je vous remercie encore.

Le Président (M. Vaugeois): Merci beaucoup.

M. le président de la chambre de commerce, voulez-vous présenter les gens qui vous accompagnent et votre mémoire de la façon que vous choisirez? Je me permets d'excuser M. le ministre qui arrivera d'une minute à l'autre; il est actuellement retenu par un travail d'assermentation. D'ici à ce que nos institutions soient vraiment réformées, il a encore ces tâches à exécuter. De toute façon, comme vous le savez, votre mémoire est entre les mains de son équipe, lui-même l'a certainement parcouru. Je vous invite à présenter vos collaborateurs et votre mémoire.

Chambre de commerce de la province de Québec

M. Lagacé (Louis): Je vous remercie,

M. le Président de la commission. D'abord, je voudrais faire une petite mise au point: je ne suis que le vice-président de la Chambre de commerce de la province de Québec aux affaires gouvernementales...

Le Président (M. Vaugeois): C'est déjà beaucoup.

M. Lagacé: ...M. Arthur Earle de Montréal étant le président. Je vous remercie de la confiance que vous m'avez témoignée en me voyant, mais ce n'est pas tout à fait cela.

Le Président (M. Vaugeois): Ce sera l'année prochaine, quoi!

M. Lagacé: Peut-être? J'aimerais vous présenter mes augustes collaborateurs dans ce travail parce qu'ils ont contribué surtout à la rédaction du mémoire qui vous est présenté aujourd'hui.

À ma gauche, il y a Me Daniel Picotte qui est avocat chez Martineau, Walker (Montréal); Me Sylvie Massicotte, avocate, qui est au contentieux de la Chambre de commerce de la province de Québec; moi-même, je suis Louis Lagacé, notaire de Sherbrooke et vice-président de la chambre de commerce; à ma droite, M. Marcel Tardif, directeur général de la Chambre de commerce de la province de Québec et plus particulièrement préposé aux affaires gouvernementales; enfin, Me Gaston Pouliot, chef du contentieux du Trust général du Canada à Montréal.

Le projet de loi 58, M. le Président, sur les biens donne au Code civil un titre nouveau: De l'administration du bien d'autrui. La chambre s'y intéresse particulièrement parce qu'il recouvre le premier volet de la réforme du Code civil, le projet de loi 106 du droit des personnes, notamment sur les personnes morales. Il y a un an environ, en commission parlementaire, les groupes qui avaient étudié les dispositions sur les personnes morales, ainsi que la chambre, avaient recommandé d'emblée de clarifier ces articles et/ou de surseoir à leur adoption - et je me réfère ici à la position du Barreau du Québec - tant que leur implication sur les difficultés économiques du Québec ne serait pas connue et, enfin, je me réfère à la position de l'Association québécoise de planification fiscale et successorale.

La chambre déplorait alors que l'on impose la personnalité morale à toutes les associations, sociétés, syndicats tout en leur donnant, ainsi qu'aux corporations, le même mode de fonctionnement. Dans le cas des corporations, les articles du code créaient un régime de responsabilité plus sévère que les lois actuelles sur les compagnies et d'autres articles dérogeaient purement et simplement

au droit corporatif existant. Le ministre de la Justice d'alors, en commission parlementaire, nous avait dit que le chapitre sur les biens apporterait un éclairage additionnel. De plus, il nous assurait que le Code civil ne primerait pas sur la loi des compagnies. Le projet de loi édicte un certain nombre de règles supplétives qui s'appliqueront dans le cas où la personnalité juridique ne sera pas autrement réglementée, mais ne vise aucunement à se substituer au droit actuel, nous disait alors Me Bédard.

C'est en conservant ces paroles en mémoire que nous examinerons le projet de loi 58 pour voir si les règles d'administration du bien d'autrui touchant les compagnies et les responsabilités des administrateurs sont bel et bien supplétives et s'inscrivent dans la ligne du droit actuel.

Problèmes de forme. Le projet distingue trois formes d'administration: la garde du bien d'autrui, la simple administration du bien d'autrui et la pleine administration du bien d'autrui. Chacune décrit les obligations s'y rattachant, mais il n'y a aucune référence à des catégories connues d'administration. On en trouve bien quelques-unes à travers le texte du projet, tel à l'article 1063: "Le gérant agit à l'égard du bien indivis à titre d'administrateur du bien d'autrui chargé de la simple administration." Les fiduciaires aussi agissent à titre d'administrateurs du bien d'autrui chargés de la pleine administration, article 1309. Quant aux administrateurs des personnes morales, il faut se référer à l'article 330 du projet de loi 106 qui stipule qu'ils agissent comme administrateurs du bien d'autrui chargés de la pleine administration. À part ces quelques références directes, il est difficile d'attribuer une seule forme d'administration, soit aux mandataires, emprunteurs, dépositaires, d'autant plus que leurs obligations varient. Vous me permettrez de faire une petite parenthèse pour saluer mon collègue, Me Johnson, confrère de classe. Bonjour, Marc.

Règles communes aux administrateurs. Quant aux règles de l'administration, aux articles 1342 à 1383, elles s'appliqueraient indirectement et de façon générale aux trois formes d'administration, soit à tous les administrateurs. Est-ce là la véritable intention du législateur de mettre sur le même pied tous les administrateurs? À première vue, l'administrateur d'une compagnie de capitaux à risque n'a certainement pas les mêmes obligations que celles d'un administrateur de successions. Le Code civil, par définition, devrait régler les rapports entre les personnes, c'est-à-dire qu'il devrait inscrire les règles d'administration civile du bien d'autrui, comme il le fait présentement pour des actes civils, non pas pour des actes commerciaux.

L'applicabilité de ces règles. La rédaction générale du titre septième sur l'administration du bien d'autrui laisse supposer que ces règles sont impérativement applicables. À peu près aucune mention n'est faite à travers les articles pour spécifier qu'ils s'appliqueraient à défaut de dispositions contraires. Les articles du Code civil sur le mandat, le dépôt, le séquestre, etc. seront-ils tous remplacés par ces dispositions générales? Si oui, le législateur doit s'assurer qu'ils représenteront leurs obligations actuelles.

Des dispositions générales dans les problèmes de fond. À l'article 1331, sur la rémunération des administrateurs, il est dit que celui qui agit sans droit ou sans y être autorisé n'a droit à aucune rémunération. Ce seul article nous donne un avant-goût amer du projet de loi puisque, en ce qui concerne notre propos sur les administrateurs de compagnie, cet article ne s'applique pas. Les administrateurs sont rémunérés pour le travail qu'ils effectuent. S'ils excèdent de bonne foi leurs pouvoirs, ceci impliquerait-il qu'ils agiraient peut-être sans droit et qu'ils ne seraient pas payés, même si leurs actes ont généré des profits à la compagnie? Si leurs actes étaient ratifiés, ne seraient-ils pas encore payés? Ce sont des questions que l'on se pose. (17 h 15)

La spécificité de la pleine administration du bien d'autrui. Ce genre d'administration qui doit s'appliquer aux administrateurs de personnes morales n'est défini qu'à deux articles. L'article 1340 dit que "la pleine administration oblige l'administrateur à conserver et à faire fructifier le bien, à accroître le patrimoine ou à en réaliser l'affectation, lorsque l'intérêt du bénéficiaire ou l'accomplissement de la fin l'exigent."

Pourtant, le seul rôle de l'administrateur de compagnie est d'administrer les affaires de la compagnie. Il n'a pas à conserver le bien et, s'il devait accroître le patrimoine, ceci impliquerait une notion de risque qui, par définition, est incompatible avec la notion de conserver.

À l'article 1341, il est dit que "l'administrateur peut notamment, pour exécuter ses obligations, aliéner le bien à titre onéreux, le grever de charges ou d'un droit réel ou en changer la destination et faire tout autre acte nécessaire ou utile, y compris toutes expèces de placements." Cet article est faux pour les administrateurs de compagnie de fiducie, car ils pourraient faire toutes espèces de placements quand, en fait, ces compagnies sont obligées, par la Loi sur les compagnies de fidéicommis, de placer les deniers qu'elles détiennent de la manière permise par les articles actuels 981o et suivants du Code civil.

Ces articles 981o et suivants du Code civil semblent être remplacés dans le projet

de loi par les articles 1368 et suivants sur les placements présumés sûrs. Les fiduciaires devront-ils suivre l'article 1341 leur permettant de faire toutes espèces de placements ou l'article 1368? De plus, les articles sur les placements sûrs sont écrits sans préciser à quel genre d'administrateurs ils s'appliquent.

Des obligations des administrateurs de compagnie. Certains articles sont soit écrits de façon trop large, soit qu'ils imposent de nouvelles obligations injustifiées et déraisonnables ou soit qu'ils contredisent carrément le droit actuel. Pour illustrer nos propos, imaginons une jeune personne entreprenante désirant profiter des subventions gouvernementales aux jeunes entrepreneurs. Cette personne, appelée X, devrait dorénavant s'interroger sur sa compétence puisqu'il est dit à l'article 1343 "que l'administrateur doit agir avec compétence comme le ferait en pareilles circonstances une personne prudente et raisonnable."

On ne demande pas à un administrateur d'être expert dans un ou plusieurs domaines et il n'est jamais désigné en fonction de son titre professionnel. À cet effet, l'article 1352 est indûment onéreux lorsqu'il précise que le tribunal peut, lorsqu'il apprécie la responsabilité d'un administrateur, tenir compte du fait qu'il a été désigné en raison de sa compétence professionnelle.

Le simple fait d'être ingénieur, expert-comptable ou avocat impliquerait-il qu'en étant nommé à un conseil d'administration leur nomination a été faite en raison de leur compétence? Pas nécessairement. On peut être nommé à un conseil sans occuper de fonction exécutive et pour des raisons autres que la compétence. La conjugaison des articles 1343 et 1352 alourdirait la responsabilité de certains administrateurs. Ainsi, l'avocat siégeant comme administrateur serait-il considéré donner un avis juridique lorsqu'il vote en faveur ou contre une mesure?

Se croyant assez compétent pour se lancer en affaires, X devrait, dès son entrée en fonction, notifier l'intérêt qu'il a dans une entreprise susceptible de le placer en situation de conflit d'intérêts ainsi que les droits qu'il a contre le bénéficiaire dans les biens administrés. Cet article est incomplet lorsqu'il traite d'intérêts. X devrait juger par lui-même si son intérêt le place en conflit d'intérêts sans autre référence. Pourtant, les lois sur les compagnies administrent des cas précis de conflit. Par exemple, la Loi sur les valeurs mobilières, à l'article 80, définit des cas limités où l'administrateur d'une compagnie publique doit divulguer son intérêt dans les valeurs mobilières de cette compagnie. S'il est nécessaire de codifier en détail cette notion, ceci devrait être fait de façon complète en prévoyant les sanctions correspondantes.

X et deux amis s'incorporent, mais à l'article 1347 on limiterait leur pouvoir, puisque l'administrateur ne peut, en cours d'administration, se porter partie à un contrat affectant les biens administrés. Est-ce à dire que X ne pourrait faire un prêt à sa propre compagnie? Qu'en est-il s'il était seul dans sa compagnie ou si tous les administrateurs étaient d'accord pour effectuer un tel contrat? Il devient ainsi difficile d'injecter des fonds dans une compagnie lorsqu'on ne peut lui prêter.

Malgré ces quelques contraintes, X réussit en affaires et décide que sa compagnie de bâtons de hockey devrait encourager le sport amateur de sa localité. À l'article 1350, l'administrateur ne pourrait disposer à titre gratuit des biens qui lui sont confiés si ce n'est de biens modiques dans l'intérêt du bénéficiaire. Non seulement on ne définit pas ce que sont les "biens modiques", mais, bien au contraire, il deviendrait illégal de commanditer certaines activités spéciales, ce que font quotidiennement certaines grandes compagnies et aussi les petites. Pourtant, il est parfois dans le meilleur intérêt des compagnies commerciales et de l'économie en général de faire de la promotion.

À l'article 1355, il est dit que "les obligations contractées par l'administrateur en excès des pouvoirs de la personne morale bénéficiaire ne sont pas ratifiables."

D'autre part, si X, en excédant son pouvoir, a réalisé des profits au nom de la compagnie, ceci explique-t-il que ces actes ne sont plus ratifiables? D'autre part, la formulation de cet article ne s'applique pas aux compagnies puisque, par exemple, la Loi sur les compagnies, partie 1A, ne spécifie plus d'objet aux compagnies et celles-ci ont donc une capacité illimitée. Il en est de même pour les compagnies incorporées en vertu de la Loi sur les sociétés commerciales canadiennes.

À l'article 1358, il est dit que "l'administrateur doit dresser l'inventaire des meubles et l'état des immeubles si le tribunal l'ordonne à la demande de l'intéressé". Cet article ne s'applique manifestement pas aux administrateurs de compagnie et rendrait la tâche d'un administrateur trop lourde et contraignante surtout si chaque actionnaire demandait au tribunal qu'il dresse l'inventaire. C'est peut-être pour le soulager de ces fonctions que le nouveau Code civil permettrait à l'administrateur de déléguer ses fonctions, à l'article 1366, ou de se faire représenter par un tiers pour un acte déterminé, même si cela est contraire au droit des compagnies qui ne permet pas aux administrateurs de voter par procuration.

À l'article 1361, il est dit que, "lorsque plusieurs administrateurs sont chargés de

l'administration, ils peuvent agir à la majorité d'entre eux, à moins que l'acte ou la loi n'exige qu'ils agissent de concert ou suivant une majorité spéciale."

La Loi sur les compagnies peut donner les pouvoirs d'agir selon un quorum moindre que la majorité. X ne pourrait plus agir à moins de le faire selon une majorité. On se demande ce que viendrait faire un tribunal dans cette matière tout comme à l'article 1362 où il est dit que, "si les administrateurs ne peuvent agir selon la proportion prévue, les autres peuvent agir seuls pour des actes conservatoires; ils peuvent aussi agir seuls pour les actes qui demandent célérité, s'ils y sont autorisés par le tribunal".

Les tribunaux n'ont jamais eu à se mêler des affaires générales d'une compagnie, encore moins pour des actes qui par définition demandent célérité. Si X voulait signer des chèques de paie que les employés sont en droit d'exiger avec célérité, il devrait y être maintenant autorisé par un tribunal. Il n'y a qu'à imaginer le temps que cela prendrait pour qu'à toutes fins utiles une compagnie devienne paralysée.

X et ses deux administrateurs, continuant leurs opérations malgré leurs nouvelles obligations, seraient dorénavant solidairement responsables de leur administration (article 1363). À ne pas confondre avec l'union fait la force. Bien au contraire, X serait responsable de l'administration de ses partenaires et pourrait être tenu de payer pour les fautes de ceux-ci. Ceci servirait à décourager les administrateurs un peu plus riches que les autres de siéger à des conseils d'administration car, présentement, ils ne sont responsables que des dommages causés par leur propre mauvaise administration.

Véritablement découragé, X se résignerait donc à démissionner pour éviter toutes ces complications. Qu'à cela ne tienne. Il ne s'en sauvera pas si vite. L'article 1388 dit que "l'administrateur répond du préjudice causé par sa démission si elle est faite sans motif valable et à contretemps". On se demande qui jugera le motif valable et qui définira que la démission a été faite à contretemps. De plus, depuis toujours, l'administrateur a pu démissionner sans contraintes.

X, ayant préparé un motif valable pour justifier sa démission, devra quand même rendre compte de sa gestion selon l'article 1380. Ce même article prévoit que tout administrateur devrait rendre compte de sa gestion, au bénéficiaire au moins une fois l'an et, à l'article 1381, que le compte devrait être suffisamment détaillé pour permettre d'en vérifier l'exactitude. Pas besoin de démissionner pour être tenu à cette nouvelle obligation qui, de fait, serait déraisonnable pour les administrateurs.

Actuellement, les lois sur les compagnies n'obligent pas les administrateurs à le faire. Seulement le bilan annuel doit être déposé. Surtout, le droit corporatif actuel ne permet pas aux actionnaires d'avoir accès à tous les livres de la compagnie, ce que permettrait dorénavant l'article 1383. Les livres concernant l'administration des opérations d'une compagnie (les procès-verbaux des assemblées des administrateurs) ne sont pas disponibles pour les actionnaires dans l'état actuel du droit. Mais il est encore plus grave que les livres comptables deviennent accessibles à tous les actionnaires. Pour des compagnies comptant un nombre élevé d'actionnaires, ceci impliquerait que ces livres deviendraient disponibles pour leurs compétiteurs.

Les fiduciaires. Pour une compagnie agissant comme fiduciaire, les mêmes problèmes soulevés précédemment s'appliquent. Par ailleurs, certains articles leur seraient particulièrement inapplicables et dérogeraient à la Loi sur les compagnies de fidéicommis qui les régit. Le fiduciaire agit donc à titre d'administrateur du bien d'autrui chargé de la pleine administration. Il devrait donc à la fois conserver et faire fructifier le bien selon l'article 1340, même si le fiduciaire a généralement le mandat de faire l'un ou l'autre. Par exemple, il peut recevoir le mandat de percevoir les revenus d'un immeuble, ledit immeuble devant être remis plus tard au bénéficiaire. Il pourrait, de plus, faire toutes espèces de placements selon l'article 1341 comme on l'a vu précédemment.

À l'article 1351, il est dit que, "s'il y a plusieurs bénéficiaires de l'administration, simultanément ou successivement, l'administrateur est tenu d'agir avec impartialité à leur égard, compte tenu de leurs droits respectifs." Cet article pourrait placer le fiduciaire dans une situation délicate car, si l'acte constitutif - un testament par exemple - lui permet de donner plus à un bénéficaire qu'à un autre, agirait-il ainsi de façon partiale à leur égard?

À l'article 1353, le patrimoine fiduciaire répond envers les tiers du préjudice causé par la faute de l'administrateur. Le patrimoine du bénéficiaire pourrait donc être touché et ce, contrairement aux principes généraux de droit voulant que l'on soit responsable de ses propres fautes. L'administrateur lui-même devrait donc être responsable de ses actes jusqu'à concurrence des avantages retirés par le bénéficiaire.

Quant aux articles 1374 à 1379, ils régissent la répartition des bénéfices et des dépenses entre le bénéficiaire des fruits et revenus et celui du capital. Ces articles compliqueraient la vie des compagnies de fidéicommis qui fonctionnent selon l'équité

en attribuant respectivement les dépenses au capital ou au revenu selon la nature de la dépense. De plus, les documents constitutifs prévoient parfois à qui devront être attribuées les dettes par rapport aux revenus, par exemple.

Conclusion et recommandations. La chambre, en examinant le titre sur l'administration du bien d'autrui, pensait trouver un éclairage nouveau s'appliquant aux personnes morales du projet de loi 106. Au contraire, elle y a trouvé un surcroît d'obligations nouvelles pour les administrateurs et d'autres règles incompatibles avec le droit corporatif actuel. Pourtant, une révision aussi majeure que celle du Code civil devrait servir à épurer celui-ci de certains concepts désuets. Le Code civil devrait contenir les grands principes de droit reconnus de tous en servant de dénominateur commun aux relations entre les personnes. En aucun cas ne devrait-il se substituer au droit corporatif contenu dans des lois particulières, tant au niveau provincial qu'au niveau fédéral. À plus forte raison, il ne devrait pas édicter de règles plus sévères que celles prévues dans ces lois.

Les compagnies, au Québec, fonctionnent à l'échelle d'une économie canadienne et nord-américaine et le Québec doit encourager la venue de certaines compagnies sur son territoire. Pour ce faire, le droit corporatif québécois doit être semblable à celui en vigueur dans le reste du Canada. La Loi sur les compagnies a d'ailleurs été amendée récemment pour mieux correspondre aux lois fédérales. Si d'autres modifications doivent être faites, les lois particulières devraient être changées selon l'évolution de la jurisprudence. Le Code civil, quant à lui, doit être la base du droit québécois et refléter les grands principes immuables.

Pour ces raisons, la chambre recommande donc de modifier avec prudence le Code civil tout en respectant l'aspect civil de celui-ci; de ne pas faire du Code civil un similicode commercial; de distinguer clairement les trois genres d'administration et d'attribuer à chacun des modes de fonctionnement et des obligations qui leur sont propres; d'inscrire seulement des principes généraux pour les administrateurs de compagnie; d'enlever tout article qui touche, augmente et change les obligations actuelles des administrateurs de compagnie qui sont déjà prévues dans les lois particulières du droit corporatif; de préciser et codifier certaines règles de jurisprudence du droit corporatif, non pas dans le Code civil, mais dans les lois particulières. (17 h 30)

Le Président (M. Rivest): Me Lagacé, la commission vous remercie de la présentation de votre mémoire. Vous avez essentiellement soulevé les rapports entre le Code civil et notre droit et notre pratique corporatifs. Déjà, antérieurement, des mémoires ont soulevé - en particulier ceux du barreau, de la chambre des notaires et d'autres - cet aspect. Sans doute que M. le ministre, à qui je donnerai la parole, pourra échanger avec vous sur cet aspect particulier et sur les autres questions que vous voudrez bien soulever. M. le ministre.

M. Johnson (Anjou): D'abord, je voudrais remercier le représentant de la chambre de commerce, Me Lagacé, qui a été partiellement un confrère étant donné qu'il est notaire. Je voudrais m'excuser d'avoir manqué le début de votre présentation. Les obligations concernant l'assermentation du nouveau lieutenant-gouverneur me retenaient à un autre étage.

Le Président (M. Rivest): Vos fonctions de gardien des sceaux.

M. Johnson (Anjou): Mes fonctions de gardien des sceaux, et ne vous sentez pas visé, M. le Président! Vous avez concentré dans votre mémoire, ou enfin l'essentiel de votre mémoire porte sur le chapitre de l'administration des biens d'autrui.

Une voix: Et du sceaul

M. Johnson (Anjou): Et garde du sceau!

Une voix: ...

M. Johnson (Anjou): Les règles du mandat à l'égard du déposant s'appliquent et ce que l'on circonscrit comme étant la responsabilité de l'administrateur, c'est à l'égard du bien d'autrui de façon supplétive. Je ne sais pas si vous êtes d'accord avec cette interprétation que je donne. Peut-être trouvez-vous que le texte n'est pas assez clair à cet égard. Mais nous considérons que, dans la mesure où un administrateur agit à titre de mandataire, ce sont les règles du mandat qui s'appliquent. Et les règles que nous couchons dans la réforme à l'égard de l'administration du bien d'autrui deviennent possiblement un univers utile auquel peut se référer le juge dans l'appréciation d'une situation s'il y a un litige et ainsi de suite. Mais elles ne sont pas, encore une fois, mandatoires si d'autres règles, applicables en vertu ou du droit statutaire ou d'autres dimensions du droit civil, s'appliquent.

Maintenant, peut-être trouvez-vous que le texte n'est pas clair à cet égard-là.

M. Lagacé: Vous vous rappellerez, lorsqu'on a eu un cours sur le mandat, ensemble, et sur le Code civil, que nous traitions de la loi fondamentale qu'est le Code civil et des lois particulières. Et nous

croyons, quant à nous, à la chambre de commerce, dangereux d'imposer des normes plus sévères, dans cette loi d'ordre général qu'est le Code civil, que dans des lois particulières comme la Loi sur les compagnies. Je pourrais peut-être demander à Me Picotte d'en dire plus long là-dessus.

M. Picotte (Daniel): Voyez-vous, en un mot, la difficulté principale du projet de loi... Je pense qu'il est animé d'intentions qui sont louables. On suppose que c'est supplétif. D'abord, ce n'est pas clair, bien sûr. De plus, on donne des règles d'administration à quelqu'un qui administre une fiducie et à quelqu'un qui administre une compagnie et qui, par essence, est là pour prendre des risques. Ce sont deux philosophies tout à fait différentes. Comment est-ce que l'on veut imposer d'abord une règle supplétive lorsque nos deux administrations n'ont pas le même objet? Prenez les placements sûrs, aux articles 1368 et suivants, vous ne pouvez pas appliquer cela à une compagnie de placements. Je ne pense pas que, sérieusement, on ait voulu le faire dans le cadre du projet de loi. Mais il y a d'autres articles qui sont rédigés de la sorte et qui sont difficilement applicables de manière supplétive.

Deuxièmement, je vous suggère que le problème sérieux en imposant des règles supplétives comme cela, c'est que vous en arrivez à des superpositions de règles. Je vous donne un exemple: la déclaration de l'intérêt d'initié. Bien, si vous vous trouvez pour une compagnie fédérale, vous avez des règles particulières sous le régime des lois fédérales; vous avez des règles particulières si vous êtes régi par la Loi sur les valeurs mobilières de la province de Québec; et ici, vous auriez une tierce règle supplétive. Alors, vous en avez déjà trois, vous savez. Je me demande jusqu'à quel point cette superposition de règles est souhaitable. C'est d'abord à cet égard-là. Si l'on veut régir de manière plus particulière la gestion de la compagnie et le mandat d'administrateur, c'est probablement plus souhaitable de le faire dans le cadre d'une loi particulière.

Je vous invite aussi à considérer que, même à l'intérieur des compagnies, il existe différentes sortes de compagnies, qui n'ont pas toutes les mêmes objets. Vous allez avoir des institutions financières qui ont des objets particuliers, où il est normal que les administrateurs aient des obligations particulières. Vous allez avoir des compagnies qui peuvent être des compagnies générales et qui parfois sont à un haut niveau de risque où les obligations se doivent d'être plus légères parce qu'on n'attend pas d'un administrateur qu'il ait une mission conservatoire comme telle.

Comme remarques, c'est ce que fais présentement, à moins que vous n'ayez des questions plus particulières. J'en ai long à dire, mais je ne veux pas inutilement m'allonger là-dessus.

M. Johnson (Anjou): Je veux juste ouvrir une parenthèse avant que vous ne continuiez, Me Picotte. Vous vous souviendrez que c'était Me Jacoby qui nous enseignait le mandat; il est sous-ministre de la Justice maintenant. Je ne sais pas si cela vous rassure.

M. Marx: Les deux ont passé le cours de Me Jacoby? Les deux ont passé le cours.

M. Johnson (Anjou): Oui, on a très bien passé le cours de Me Jacoby. Néanmoins, je me demande s'il n'y a pas maldonne ou incompréhension, dans la mesure où il s'agit de règles supplétives. Cela me paraît assez fondamental car, en lisant votre mémoire, j'avais l'impression que vous preniez pour acquis que dorénavant ne s'appliqueraient à l'égard des administrateurs que les dispositions du chapitre. Maintenant, ce n'est peut-être pas ce que vous avez voulu dire non plus, et peut-être que chez nous aussi, au niveau du texte, cela souffre d'imprécision. Encore une fois, ce sont des règles supplétives; en dehors de convention contraire ou en dehors d'un encadrement spécifique comme les règles du mandat, par exemple, c'est le droit qui s'appliquerait. Je retiens cependant, comme vous le dites, Me Picotte, que cela provoque un chevauchement. Il y a déjà beaucoup de droit statutaire en ces matières qui touche les personnes morales, commerciales, notamment, et qui attribue des responsabilités ou des devoirs particuliers, que ce soit en vertu de la Loi sur les compagnies, de la Loi sur les compagnies de fidéicommis, des lois sur les compagnies d'assurances, etc.

Est-ce que vous suggérez à l'article 1341 que les fiduciaires soient soumis à la règle des placements sûrs?

Le Président (M. Rivest): Me Pouliot, pouvez-vous...

M. Pouliot (Gaston): On voudrait que cela soit bien clairement défini qu'ils ne le sont pas.

M. Johnson (Anjou): Ah bon!

M. Pouliot: Puisqu'il y a déjà les articles 981o et suivants du Code civil pour les fiduciaires, en ce qui concerne les sommes qui sont placées sans spécification distincte dans le mandat qui...

M. Johnson (Anjou): ...du fait que cela

pouvait remplacer 981o et qu'on se retrouve avec ces dispositions-là qui s'appliquaient dans le cas des fiduciaires.

M. Pouliot: Qui pourraient être contradictoires ou...

M. Picotte (Daniel): Si vous me permettez de compléter ce que je voulais dire pour préciser ma pensée. Lorsque je parle du caractère supplétif et du danger, c'est qu'il y a des règles; si vous mettez l'ensemble de ces règles-là comme étant supplétives, vous avez un problème. Regardez, par exemple, la règle qui vise la démission qui ne doit pas être en temps inopportun. Depuis 100 ans, vous savez comme moi que, dans les compagnies, les administrateurs démissionnent quand ils veulent; cela n'a jamais causé, à ma connaissance comme praticien - et cela fait plusieurs années - de problème particulier et, même à caractère supplétif, cela ne me semble pas utile dans le cadre d'une compagnie à fonds social. On peut faire le même raisonnement à l'égard de la plupart des articles qui sont là, je pense.

M. Johnson (Anjou): Si, au moment de la réécriture du projet de loi, on décidait de concentrer et de réduire de façon considérable le chapitre des devoirs des administrateurs, vous voudriez les voir limiter à quels objets? Ou je devrais peut-être vous poser la question contraire: Vous voulez ne pas voir quels objets? Je pense que vous venez de donner un exemple, vous ne voudriez pas voir un article qui touche la démission à contretemps. Quels sont les autres objets qui, pour vous, présentent des éléments importants de danger ou d'appréhension?

M. Picotte (Daniel): Si Me Lagacé me le permet, il y a d'abord toute la question permettant le vote par procuration aux administrateurs qui, je pense, dans le cadre de la compagnie... L'esprit, comme vous le savez très bien, je pense... On élit des administrateurs une fois l'an, on leur donne un mandat qui est intuitu personae s'il en est un. Vous le voyez là, vous voulez que cet administrateur siège et pas un autre. Je ne pense pas qu'on puisse lui permettre de voter par procuration. Je ne pense pas que cela soit acceptable.

Les obligations de rendre compte me semblent particulièrement onéreuses pour un administrateur de compagnie. C'est beaucoup plus particularisé que l'obligation de dresser un bilan et de le fournir une fois l'an. Sans évidemment jouer les saintes nitouches, je pense que l'on veut dire qu'on ne veut pas non plus étaler sur la place publique les affaires particulières de la compagnie. Si vous êtes en train de négocier un contrat avec un tiers et que vous présentez une offre, techniquement, selon les règles actuelles, tout actionnaire pourrait avoir accès à vos registres, à vos pièces comptables, et même aux soumissions les plus secrètes, ce qui ne me semble pas participer à l'économie du droit. Encore une fois, je ne pense pas que ce soit le résultat que les rédacteurs souhaitaient.

Évidemment, la règle des placements sûrs, il faudrait bien sûr dire que ce n'est pas applicable aux administrateurs de compagnie, sauf si l'acte constitutif le stipule. Bref, si vous faites le tour, je ne conserverai pas grand chose ici dans le Code civil. Dans le cadre de la Loi sur les compagnies qui, par exemple, je vous le suggère, demande à être révisée - je pense que c'est quelque chose qui est en voie d'être refait dans le cadre de la refonte des institutions financières - il serait peut-être à propos d'en parler, dans un titre spécifique sur les administrateurs de compagnie, dans ce cadre, et de réserver le Code civil à l'administration purement civile. Ai-je répondu à votre question?

M. Johnson (Anjou): Oui, dans la mesure où vous faites... Enfin, il y a une question de philosophie, de législature, on appellera cela comme on voudra. Effectivement, théoriquement, on pourrait mettre tout cela, dans la mesure où cela touche les compagnies, dans des lois spécifiques, notamment l'inspecteur général des institutions financières qui est en voie de préparer un certain nombre de revues de ces lois. Néanmoins, il a exprimé l'intérêt qu'il voyait à coucher dans le Code civil un certain nombre des grands principes d'administration des biens d'autrui pour les personnes morales. C'est un peu en explorant cela que je vous pose cette question, dans la mesure où l'on considère qu'il est utile dans la loi fondamentale qu'est le Code civil de coucher un certain nombre de ces principes.

Je suis d'accord avec vous, ce qu'on y retrouve est assez inégal. Il y a des choses qui sont très spécifiques sur la reddition de comptes, dans la mesure où cela s'appliquerait dans le cas d'une compagnie, bien que je ne sois pas sûr. Je pense que la Loi sur les compagnies, prévoyant une méthode spécifique ou pouvant prévoir une méthode spécifique, pourrait être dérogatoire des principes qu'on retrouve dans le Code civil.

M. Picotte (Daniel): Comme praticien, c'est là que mon problème se soulève. Mon client m'appelle et me consulte. Je vois une disposition dans la Loi sur les compagnies qui dit: Une fois l'an, on présente le bilan. Cela n'exclut pas qu'on soit tenu de rendre un compte de façon plus complète. C'est le genre de problème que je soulève, et en

pratique il est évident. Vous savez comme moi que cela va nous amener plus de consultations, mais pas nécessairement les consultations qu'on souhaite. On aimerait mieux que le droit soit plus clair. C'est pour cela que je vous inviterais, si vous pensez mettre un titre général sur l'administration des affaires de la compagnie... Mais je pense qu'il faudrait peut-être le faire dans un petit chapitre à part, pour le distinguer de celui qui administre les affaires d'une fiducie, parce qu'il est difficile de dégager des principes qui s'appliquent dans l'un et l'autre cas, à moins de remonter à des généralités qui n'ajoutent finalement pas grand chose à ce que l'on sait déjà.

M. Johnson (Anjou): Je pense que c'est clair. Merci.

Le Président (M. Dussault): Je vous remercie, M. le ministre. Oui, M. Lacasse...

Une voix: M. Lagacé.

Le Président (M. Dussault): Ah! il y a une erreur dans la transcription ici. M. Lagacé.

M. Lagacé: Je voudrais simplement souligner, M. le ministre, que votre auguste prédécesseur, Me Bédard, nous mentionnait, il y a environ un an, lorsque nous avons fait nos représentations sur la loi 106, qu'il entendait revoir tout ce qui avait été écrit comme textes législatifs et, notamment, en ce qui concernait le maintien du voile corporatif pour les administrateurs, comme la chose existe partout ailleurs en Amérique du Nord.

Je voudrais simplement attirer votre attention sur le fait que le ministre nous a dit, séance tenante en commission parlementaire, que cette partie de la réforme serait révisée. On avait cru comprendre que le gouvernement avait peut-être l'intention d'orienter la réforme des lois en la partie qui concernait les compagnies d'une façon plus homogène avec le reste du droit des compagnies, soit dans le reste du Canada ou aux États-Unis. Je veux simplement vous le mentionner de nouveau, parce que j'ignore si vous étiez là l'an dernier lors de la commission parlementaire. Me Massicotte... (17 h 45)

M. Johnson (Anjou): J'ai refait une partie de la Loi sur les compagnies quand j'étais au ministère des Institutions financières, Compagnies et Coopératives.

M. Lagacé: Me Massicotte voudrait ajouter quelque chose.

Mme Massicotte (Sylvie): Si vous me le permettez, je pourrais vous lire les paroles in extenso du ministre Bédard en commission parlementaire, où il avait dit que le projet de loi édicte un certain nombre de règles supplétives qui s'appliqueront dans les cas où la personnalité juridique ne sera pas autrement réglementée. Quand il nous l'a expliqué, en rencontre particulière, il voulait dire qu'il ne voulait absolument pas imposer des règles qui s'appliqueraient aux compagnies qui ont déjà la Loi sur les compagnies, mais que le projet de réforme du Code civil visait à émettre des règles pour des personnes morales qui n'avaient pas de loi particulière.

Ce qu'on ne retrouve pas dans le projet de loi 58, malheureusement, si je puis l'ajouter, c'est qu'il faut le lire avec le projet de loi 106 où on rendait personnes morales, sur le même pied que des corporations comme les compagnies, les sociétés qui n'étaient pas auparavant personnes morales. Ces nouvelles sociétés, devenant alors personnes morales, avaient besoin de règles pour pouvoir fonctionner. C'est ce qu'on pensait que le projet de réforme du Code civil voulait faire. Merci.

M. Johnson (Anjou): Je peux peut-être vous rassurer quand à cela en consultant les juristes du ministère à ce sujet. L'orientation vers laquelle on se dirige au chapitre des personnes, qui, comme vous le savez, est un chapitre en réécriture, entend respecter cette orientation qu'on a évoquée l'an dernier lors de la commission parlementaire, avec le résultat que, selon ce qu'on fait avec le projet de loi 106 et les modifications que l'on retiendra pour cela, on retiendra pour les personnes morales non couvertes par la Loi sur les compagnies - pour parler de choses concrètes - un certain nombre de principes, se référant à la loi spécifique pour les autres.

La question qu'on se pose en ce moment est: Jusqu'où peut-on aller pour édicter un certain nombre de principes qui seraient universellement applicables aux deux? Ce à quoi Me Picotte répondait tout à l'heure en disant: Dans le fond, vous avez le choix d'être précis, et cela vous enquiquine en pratique, ou d'avoir recours à de telles généralités que cela ne changera pas grand-chose.

Je pense qu'il nous lance un défi intéressant. C'est ainsi que je le prends. Je puis vous assurer, quant à cela, qu'il n'est pas question de faire en sorte qu'on permette la réalisation de ce scénario absolument catastrophique de cette compagnie de hockey qui, dans le fond, devrait faire une vente de feu, dans votre mémoire. D'ailleurs, j'ai trouvé l'image intéressante, je dois vous le dire, quelque peu exagérée cependant, mais cela fait du bon papier. Ne vous en faites pas. Il n'arrivera pas de malheur à X avec ses

bâtons de hockey. Notre objectif n'est pas de l'assassiner.

Le Président (M. Dussault): Me Massicotte, vouliez-vous intervenir? Non? Alors, merci, M. le ministre. M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: Merci, M. le Président. J'aimerais remercier les représentants de la Chambre de commerce de la province de Québec d'être venus présenter leur mémoire. J'ai remarqué que la Chambre de commerce de la province de Québec compte 200 chambres locales, 40 000 membres et 3100 entreprises, grandes et petites. Je pense que c'est très représentatif du milieu commercial au Québec.

Vous n'êtes pas les premiers à aborder des problèmes de droit corporatif. D'autres ont formulé certaines remarques dans le même sens, mais je pense que c'est le premier mémoire où on est vraiment allé dans les détails en ce qui concerne le droit corporatif et l'empiétement qu'on peut avoir par le biais du Code civil. Quant à moi, je suis très sensible à cela et je pense qu'il faut avoir une certaine sécurité en droit. Il faut prendre des précautions avant d'adopter ce projet de loi sur le Code civil. Il ne faut pas adopter un projet de loi où il peut y avoir des incertitudes et, après cela, laisser le tout aux tribunaux parce qu'on sait qui va payer les frais, quoique je ne veuille pas décourager les avocats de prendre des actions, mais il faut avoir une loi avec le plus de sécurité possible. En ce sens, je suis sûr que les membres de la commission vont prendre très sérieusement vos recommandations. On reviendra sur cette question lorsqu'on fera l'étude article par article. De toute façon, le ministre nous a promis une réimpression de ce projet de loi avec des notes explicatives. Je pense que cela aidera la compréhension du projet de loi et le but visé par le ministre parce que souvent on peut viser un but louable, mais, quand c'est rédigé, la loi a une tout autre connotation et un tout autre but.

Je n'ai qu'une question à vous poser. Hier, nous avons eu Me Armand Elbaz qui nous a proposé - j'aimerais avoir vos remarques sur cette question - qu'afin de viser l'équilibre des forces lors de la négociation de baux, notamment dans le cas de petits commerçants ou de commerçants au début de leurs activités, on préconise d'introduire une loi visant à protéger les droits du locataire commercial sous deux aspects: droit de renouvellement de bail et droit à une indemnité d'éviction. Il veut qu'on mette dans le Code civil des dispositions pour protéger le petit locataire commercial parce qu'il y avait un problème, ces mois-ci ou ces semaines-ci, sur la rue Masson à Montréal. Étant donné que vous représentez vraiment le milieu commercial, est-ce qu'il faut s'aventurer dans un tel domaine?

M. Johnson (Anjou): Me Marx aimerait vous voir tomber de vos chaises.

M. Marx: Non, non.

M. Lagacé: Je me rappelle les commentaires de Me Johnson quand, dans les questions aux examens à l'Université de Montréal, il en posait comme celle-là. Il disait: C'est une maudite bonne colle. C'était son commentaire.

Je pense que c'est une question qui, pour nous, est à saveur politique. Comme organisation, nous représentons la Chambre de commerce du Québec, de grandes entreprises comme de petites entreprises. Je ne saurais pas, quant à moi, me prononcer publiquement là-dessus sans avoir consulté les bases que nous représentons. J'ai un point de vue qui est personnel, mais ce n'est pas nécessairement celui de la Chambre de commerce du Québec.

M. Johnson (Anjou): Quel est votre point de vue personnel, si on tient pour acquis que vous exprimez une opinion personnelle, Me Lagacé, sur l'intérêt que représenterait le fait de légiférer ou de réglementer les baux commerciaux?

M. Lagacé: Je pense que ce serait une bonne chose. C'est bien personnel, mais je pense que c'en serait une bonne.

M. Johnson (Anjou): D'accord.

M. Lagacé: Pour une raison, c'est que le domaine immobilier se trouve à se concentrer entre les mains de propriétaires extrêmement puissants qui sont capables de faire les frais de jurisprudence extrêmement dispendieux pour sauver un principe. Ce peut même être un commerçant très à l'aise, mais qui n'irait pas dépenser une somme fabuleuse pour savoir si, oui ou non, le consentement au transfert du bail est permis, s'il faut que la Cour suprême statue là-dessus. Ce qui arrive, dans la plupart des cas moi, je suis en pratique de droit commercial actif comme Me Picotte l'est peut-être dans d'autres domaines - c'est qu'il y a des demandes exagérées de la part des propriétaires, assurément exagérées. Le locataire n'a le choix que de dire: C'est 40 $ le pied carré sur la rue Sainte-Catherine, je serais censé avoir le droit de le transférer, mais l'acheteur dit: Je vais payer 60 $ parce que je n'ai pas les moyens de payer un montant astronomique de frais légaux pour me rendre jusqu'en Cour suprême pour déterminer si, oui ou non, le transfert peut se faire. Je pense que, assurément,

c'est oui. Mais c'est un point de vue personnel. Je ne peux pas exprimer le point de vue de la chambre.

M. Marx: C'est très intéressant parce que c'est complexe, plus complexe que... Vous avez mieux expliqué que... Peut-être qu'il a, un peu, manqué cette dimension. Hier, on a trouvé cela, comment dirais-je, un peu exceptionnel comme recommandation, étant donné que nous sommes dans un système de libre entreprise. Tout le monde a le droit de tout faire, même si cela cause certaines difficultés à l'autre personne. Merci et espérons qu'on va incorporer un certain nombre de vos recommandations dans le projet de loi 58. Je crois que le ministre est d'accord.

M. Lagacé: Je voudrais souligner, M. le ministre, que j'ai personnellement relu d'autres sections qui sont extrêmement bien faites. Il y a beaucoup d'air frais au niveau de certaines dispositions de réforme, notamment au niveau des règles pour l'indivision. C'est une excellente chose. Il y a des choses au niveau de la copropriété qui me plaisent, personnellement, beaucoup. J'ai parlé à certains autres confrères - ce n'est pas à la chambre de commerce - qui y voient beaucoup de positif. La seule chose, je le répète, c'est qu'à la chambre de commerce, si vous demandez à 98% de nos membres: Formez-vous une compagnie? Qu'est-ce qui régit les relations...? Ils vont répondre: C'est la Loi sur les compagnies. Là, si on dit: Savais-tu que le Code civil régit tes relations d'affaires? il n'y a personne qui va nous croire. Alors, ce qu'on vise parmi nos objectifs, c'est d'assurer l'intérêt de nos membres et de simplifier, si possible, l'administration des relations entre les individus et l'État. On le voit difficilement compliquer encore l'administration des affaires, petites ou grandes, par l'addition d'une législation superposée qui amènerait des consultations additionnelles, qui donnent des revenus à tous les gens ici à la table, probablement, du côté du droit, mais qui ne sont pas nécessairement à l'avantage du commerçant.

M. Marx: Comment précisera-t-on tout cela pour dire que le Code civil a vraiment des droits supplétifs et qu'il n'y a pas d'ingérence en droit corporatif directement? Comment formulera-t-on cela dans le projet de loi 58? Est-ce qu'il faut avoir une disposition précise pour dire que le Code civil a des droits supplétifs en ce qui concerne la loi régissant les compagnies...

M. Lagacé: On n'a pas le choix.

M. Marx: ...fédérales, provinciales, etc.? Comment fait-on cela?

M. Lagacé: Je pense qu'on n'a pas le choix. Me Cossette est là. Il va peut-être me dire que je n'ai pas raison. Je ne pense pas qu'on ait le choix de procéder comme cela et qu'on doive le faire. Je crois qu'on va devoir l'écrire comme cela. C'est-à-dire que...

M. Marx: On va l'écrire comme cela.

M. Lagacé: Je pense que oui. Pour éviter d'avoir à se rendre à la Cour suprême.

M. Marx: Oui, oui. J'ai vu ça comme ça, mais je n'ai jamais vu, dans le Code civil, une disposition expresse de cette nature. Peut-être que ce sera la première fois.

Le Président (M. Dussault): Oui?

M. Picotte (Daniel): Je disais tout simplement que le Code civil a toujours dit que les compagnies sont formées et régies par des lois qui leur sont propres. C'est le Code civil actuel. C'est ce que cela dit actuellement.

M. Marx: D'accord.

Le Président (M. Dussault): Alors, madame, messieurs de la Chambre de commerce de la province de Québec, je vous remercie de vous être déplacés pour venir éclairer la commission aujourd'hui. Maintenant qu'elle a fourni douze heures de travail à son mandat, la commission des institutions doit ajourner ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 17 h 59)

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