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Version finale

32nd Legislature, 4th Session
(March 23, 1983 au June 20, 1984)

Tuesday, April 17, 1984 - Vol. 27 N° 6

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude des crédits du ministère de la Justice


Étude des crédits du ministère des Affaires intergouvernementales canadiennes


Journal des débats

 

(Dix heures dix-huit minutes)

Le Président (M. Vaugeois): À l'ordre s'il vous plaît! La commission des institutions est réunie pour procéder à l'étude entre guillemets, des crédits du ministère de la Justice. Tout de suite, je vous informe que nous interromprons, en fin d'après-midi. En soirée, nous procéderons à l'étude ou à l'examen des crédits du ministère des Affaires intergouvernementales canadiennes.

Je vais demander au secrétaire de procéder à l'identification des présences.

Le Secrétaire: D'accord. Les membres de cette commission sont: M. Baril (Rouyn-Noranda-Témiscamingue), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes), M. Dussault (Châteauguay), M. Léger (Lafontaine), M. Levesque (Bonaventure), M. Mailloux (Charlevoix), M. Marx (D'Arcy McGee), M. Payne (Vachon), M. Rivest (Jean-Talon), Mme Saint-Amand (Jonquière) et M. Vaugeois (Trois-Rivières).

J'annonce les remplacements suivants: M. Levesque (Bonaventure) est remplacé par M. Polak (Sainte-Anne) et M. Mailloux (Charlevoix) est remplacé par M. Kehoe (Chapleau).

Le Président (M. Vaugeois): Avant de procéder à l'étude des crédits, je voudrais signaler deux ou trois choses. Avant que le député de Deux-Montagnes me demande de nous abstenir de fumer, je signale que c'est son désir et que c'est une règle que la commission cherche à observer.

Deuxièmement, quant à la disposition, l'étude des crédits se fait normalement sur un modèle d'examen et de contrôle. Le représentant de l'Exécutif et ses conseillers peuvent se tenir en face du président, mais je crois savoir que le porte-parole de l'Opposition et ses collègues souihaitent l'avoir en face d'eux.

M. Marx: On l'aide tellement qu'on veut qu'il soit près de nous.

Le Président (M. Vaugeois): Sauf que ce point de vue doit être partagé par tous les membres de la commission.

M. Johnson (Anjou): Est-ce que je devrais me rendre au bout de la table?

Le Président (M. Vaugeois): M. le ministre, attendez que vos collègues ministériels s'expriment à ce sujet. D'accord?

Autres remarques préliminaires.

Souvent, pour l'étude des crédits, nous procédons à un partage du temps compte tenu des éléments à étudier. Je crois savoir que, cette fois-ci, personne n'a souhaité un partage rigoureux. Si cela convient au ministre, si cela convient à tout le monde -le ministre, de cette façon, risque d'avoir des surprises - nous procéderons de cette façon, sans trop de rigueur dans la distribution du temps. Par ailleurs, nous essaierons, si c'est nécessaire, de nous en tenir quand même au règlement ou à l'esprit du règlement.

Alors, pour commencer, j'inviterais M. le ministre de la Justice à nous faire une présentation générale.

Justice

M. Johnson (Anjou): Merci, M. le Président. Tout d'abord, je voudrais remercier les membres de la commission d'accepter que je siège de ce côté-ci de la table. Tout en soulignant le fait que, ce soir, puisque mon collègue critique de l'Opposition en matière de justice a des engagements à Montréal, nous avons accepté de procéder à l'étude des crédits qui touchent le ministère des Affaires intergouvernementales canadiennes. Et je pense que ce sera le député de Jean-Talon qui...

Une voix: À 20 heures.

M. Johnson (Anjou): ...à 20 heures. Le tout présume un ordre de la Chambre, mais je pense que nous l'obtiendrons.

D'autre part, la présidente de la Commission des droits et libertés de la personne est absente jusqu'à demain. Mme Fournier sera, cependant, avec nous dans le courant de l'après-midi de demain; alors, on pourrait peut-être procéder à l'étude de ce programme à ce moment-là. Par ailleurs, le juge Gosselin, président de la Commission de police du Québec, est avec nous pour aujourd'hui, mais il devra nous quitter d'ici la fin de la journée. Je saurais gré à nos collègues d'accepter, entre maintenant et la fin de l'après-midi, de procéder à l'étude des crédits afférents à la Commission de police du Québec, pour lui permettre d'être libre ce

soir.

M. Marx: On peut commencer avec l'étude de ces crédits...

M. Johnson (Anjou): D'accord.

M. Marx: ...tout de suite après les remarques préliminaires.

Remarques préliminaires M. Pierre-Marc Johnson

M. Johnson (Anjou): Très bien. Alors, M. le Président, mes remarques préliminaires ne seront pas brèves. Il y a un certain nombre de choses que je veux évoquer au titre du bilan, ainsi qu'un certain nombre d'activités qui risquent de venir, en rappelant, au départ, que les crédits du ministère, pour l'exercice 1984-1985, s'élèvent à 685 145 000 $, ce qui représente une augmentation de 4,9% par rapport à l'année précédente, c'est-à-dire une augmentation d'environ 31 500 000 $ par rapport aux crédits de l'année précédente. Ils se divisent, comme on le sait, en cinq programmes, dont 298 000 000 $ à la Sûreté du Québec; 96 000 000$ à la garde des détenus et à la réinsertion sociale des délinquants; 67 500 000 $ au soutien administratif de l'activité judiciaire; 57 900 000 $ à l'aide aux justiciables et 25 911 000 $ à la formulation des jugements.

L'analyse du budget par la nature des dépenses nous révèle que les traitements représentent 74% du budget, soit des crédits de 506 210 000 $. Les dépenses de fonctionnement autres que les traitements représentent 14% du budget. Les dépenses de transfert représentent 11% du budget. Et les dépenses regroupées au titre de capital représentent 1%, soit 10 000 000 $.

J'aimerais maintenant vous fournir un certain nombre d'explications sur les crédits de cette année par rapport à l'année précédente, en essayant d'y faire recouper les notions de priorité, mais surtout de développement dans le réseau de la justice en 1983. Nous avons des crédits qui ont été augmentés, notamment, à cause de l'implantation des modifications à la Charte des droits et libertés de la personne, de la loi sur la cession des biens en stock et de la coordination à l'égard de l'application de la loi fédérale sur les jeunes contrevenants, également, en matière de systèmes informatiques, de développement des ressources communautaires, reconstitution des indexes des bureaux d'enregistrement, développement du réseau de téléinformatique à la Sûreté du Québec, mise en oeuvre de programmes de formation auprès de clientèles de bureaux de protection civile du

Québec.

Dans la détermination de l'enveloppe budgétaire finale du ministère de la Justice, il faut réduire les sommes obtenues, soit 48 388 500 $ des obligations de compressions budgétaires et de certaines sommes qui ne sont pas reconduites provenant du budget précédent. Ces deux éléments se chiffrant à 16 648 000 $. Des compressions de l'ordre de 11 000 000 $ ont été demandées au ministère. Les mesures administratives pour atteindre cet objectif de compression comprennent: compression de l'ordre de 1% sur les budgets de fonctionnement en raison d'une prévision d'augmentation de la productivité de nos programmes et d'un effort particulier de diminution des coûts de fonctionnement, notamment, à la Sûreté du Québec.

Les effectifs du ministère de la Justice au 1er avril 1984 s'établissent à 13 230 employés permanents et 707 employés occasionnels, soit un total de 13 937 personnes. L'effectif total du ministère étant augmenté de 640 postes par rapport à l'année précédente, il faut cependant se rendre compte qu'il s'agit, pour l'essentiel, non pas d'une augmentation absolue des effectifs gouvernementaux, mais essentiellement d'un transfert d'un certain nombre d'effectifs. En effet, 465 postes proviennent de la juridiction qu'assume maintenant le ministère de la Justice à l'égard du gardiennage des édifices publics, des constables de l'Assemblée nationale, ainsi que des personnes responsables de l'application de la réglementation en matière de transport sur les routes du Québec, c'est-à-dire l'inspection routière qui, à elle seule, comprenait 213 postes. De plus, nous avons augmenté d'une vingtaine de postes le Comité de la protection de la jeunesse et de 10 postes les affaires criminelles et pénales. Pour l'essentiel, nous avons également une augmentation de l'effectif occasionnel pour 56 postes à la Commission des droits de la personne pour la mise en oeuvre de la modification de la charte et une augmention des effectifs dans les établissements de 107 postes. Finalement, 12 postes divers ont été ajoutés au ministère ça et là sur un effectif de 13 000.

Je n'entrerai pas dans les détails de l'organisation de la structure budgétaire du ministère. Je présume que nos collègues de la commission connaissent le livre des crédits. Je parlerai simplement de certains postes avant de faire un bilan d'un certain nombre d'activités de l'année.

À la Sûreté du Québec, il est intéressant' de remarquer qu'à compter du 1er avril dernier, nous avons pris en charge le contrôle et l'exploitation des permis d'alcool, et cela, sans ajout d'effectifs. Cette mesure a permis ainsi une réduction de 50 postes à la Régie des permis d'alcool

du Québec, ce qui a été réalisé avec succès, en étroite collaboration avec la Sûreté du Québec, et a permis une augmentation considérable de la productivité. (10 h 30)

Nous savons qu'il y a eu des discussions entre le ministère des Transports - certains journaux en ont fait état - la Commission des transports, le Conseil du trésor et le ministère de la Justice. Nous sommes convenus du transfert du service de l'inspection routière au ministère, à la Sûreté du Québec, du ministère des Transports. Le protocole a été signé entre les deux ministères en vertu de ce transfert. Il aura été effectif depuis le 1er mars dernier et permettra, à nos yeux, d'améliorer le contrôle tout en réduisant les effectifs qui y sont affectés. Comme cela présuppose des changements dans les attributions des cadres ou dans les habitudes du personnel, il ne faut pas s'étonner que tout le monde n'en soit pas parfaitement enchanté. Au niveau de la productivité, un effort considérable a été fait dans l'ensemble des services offerts par le ministère de la Justice. Ainsi, par exemple, en matière de détention, on a assisté à une augmentation globale de la demande de services de 50% entre 1979 et 1983. Alors que les effectifs diminuaient de 6%, au sein des services judiciaires, les effectifs ont diminué de 19%, alors que la demande augmentait de 4% par année sur la même période.

La charge de travail des agents de la Sûreté du Québec augmentait de façon importante au cours des dernières années, alors que les compressions effectuées ont amené une diminution notable du temps supplémentaire, du kilométrage parcouru par la flotte automobile et le nombre de policiers est demeuré sensiblement le même, tout en observant des responsabilités additionnelles. Je pourrais également vous citer l'augmentation de la demande auprès des services juridiques du gouvernement, les besoins en matière de législation et l'augmentation des dossiers criminels. Je puis dire que le ministère de la Justice a participé à l'effort de rationalisation des dépenses budgétaires qui a été entrepris depuis plusieurs années, mais, il faut cependant constater qu'il nous faudra être plutôt parcimonieux dans l'avenir pour éviter de toucher au service à la clientèle.

L'important dans la recherche de l'amélioration de la productivité, c'est d'abord et avant tout, en plus d'une série de mesures et d'outils qui touchent la diminution des effectifs, la réallocation ou le redéploiement de certaines ressources et la motivation du personnel à y participer. Quand bien même nous aurions des objectifs qui soient les mieux planifiés du monde, si le personnel n'est pas impliqué, nous risquons de ne pas aller très loin. C'est pourquoi, au cours des dernières années, d'importants efforts ont été effectués dans le sens de l'implication du personnel, dans ce redéploiement des effectifs et des activités du ministère de la Justice, y compris à la Sûreté du Québec.

Le développement des ressources humaines a donc été axé sur des objectifs d'organisation, de qualité de vie au travail, de formation de comités régionaux qui regroupent les principaux intervenants de l'administration de la justice; les rencontres régulières du personnel des réseaux, les visites dans les régions par les directions supérieures du ministère ne sont que des exemples.

Il s'agit de continuer ces efforts. L'association du personnel à l'élaboration des objectifs de chacun des réseaux du ministère, comme la mise en pratique de l'imputabilité des gestionnaires et l'amélioration des communications comme outil de gestion, ainsi que la poursuite et l'utilisation d'outils modernes que sont la bureautique et l'informatique, tout cela nous apparaît des éléments importants dans cette perspective de saine gestion des ressources humaines.

Les équipements des palais de justice. L'ouverture de celui de Québec, les travaux de parachèvement à Shawinigan, les services judiciaires ont également profité de réaménagement extrêmement important à Val-d'Or, Saint-Jean, Longueuil, Amqui, La Tuque. Il convient également de noter que 20 salles d'audience ont été insonorisées en vue d'améliorer la qualité de l'enregistrement pour les fins de la transcription et que des dizaine d'autres palais de justice ont connu des aménagements de nature plus mineure.

Bref, des équipement pour tout près de 20 000 000 $, ce qui n'est pas négligeable dans le contexte actuel.

À la Sûreté du Québec, un certain nombre de postes ainsi que le quartier général de Montréal ont connu des transformations pour les rendre davantage fonctionnels, pour un total 1 500 000 $.

En ce qui a trait aux établissements de détention, un certain nombre de réaménagements ont été exécutés au cours de 1983 qui ont engendré des dépenses de 2 196 000 $. Il s'agit des travaux effectués notamment aux établissements de Chicoutimi, Saint-Joseph-de-Beauce, Saint-Hyacinthe,

Baie-Comeau, Saint-Jérôme, Rivière-du-Loup, Bordeaux. L'élément le plus important de l'année à l'égard du réseau du service de détention a été l'obtention au Conseil du trésor de l'accord de principe sur les réaménagements impliquant une ressource à construire des réaménagements à Bordeaux pour en arriver à la fermeture de Parthenais, ce qui nous apparaît prioritaire et important.

Le Conseil du trésor a donné également son accord pour la construction d'un nouvel établissement à Sherbrooke, à Trois-Rivières

et à Chicoutimi. Nous prévoyons des dépenses de l'ordre de 30 000 000 $ au cours de la prochaine année en matière d'immobilisations dans les centres de détention. Ces différents projets permettront de doter le Québec de services correctionnels plus adaptés aux besoins de notre population carcérale et d'améliorer les conditions de vie des détenus.

Parmi les autres projets importants de construction: le palais de justice de Sherbrooke, celui de Joliette, de Longueuil, de Chicoutimi, de Saint-Joseph-de-Beauce ainsi qu'un réaménagement majeur de celui de Rivière-du-Loup; on prévoit des dépenses de plus de 60 000 000 $ au cours de la prochaine année dans les services judiciaires.

Quant aux services aux clients, qui doivent être une préoccupation constante du ministère de la Justice, l'humanisation s'est traduite par une liste importante et impressionnante de mesures administratives ou législatives pour faciliter l'accès et le confort des citoyens qui ont à faire avec les services judiciaires, que ce soit la mise en place des présentoirs qui offrent la documentation relative aux services du ministère dans l'ensemble des palais de justice, l'évaluation du programme d'information aux victimes d'acte criminel, l'édition d'un guide d'accès à l'information du ministère de la Justice, la mise sur pied d'une structure d'accueil appropriée dans les palais de justice du Québec, l'identification d'une personne responsable de ces services dans chacun de nos palais de justice, les modifications requises à la signalisation dans les palais de justice, afin de les rendre plus spécifiques et une compréhension qui améliore l'accessibilité du public, l'évaluation de la situation actuelle dans les palais de justice qui touche les heures d'ouverture et l'aménagement des heures de travail pour que cela corresponde un peu mieux aux besoins des clientèles, le tout évidemment eu égard aux conventions collectives en vigueur, élaboration d'une politique des services de santé physique, psychiatrique et psychologique pour la clientèle des services correctionnels, collaboration avec l'Office de la langue française pour la mise sur pied d'un comité chargé de réviser les termes utilisés dans l'administration de la justice afin de les rendre plus accessibles à la compréhension du public, voilà quelques mesures concrètes qui ont été prises ou que nous continuerons de prendre dans la prochaine année.

Ce que l'on peut constater de plus intéressant dans ces efforts qui ont été entrepris par le ministère pour améliorer ces services, c'est le fait que cela fait maintenant partie des préoccupations constantes du personnel.

Il est important pour le ministère de développer une mentalité de services. Nous continuerons à orienter nos propos et nos actions pour que le personnel s'identifie encore davantage à cet objectif du ministère de la Justice. J'ajouterai que pour une clientèle particulière, qui vit dans des conditions singulières, parce qu'il s'agit de privation de liberté susceptible de causer des états de situation anormale pour des individus - je parle évidemment de la clientèle carcérale - une politique en matière de libération progressive est installée et fera du Québec, d'ici deux ou trois ans, un endroit assez unique en Amérique du Nord par l'application de ce qu'on appelle un plan de séjour pour chacun des détenus. Cette politique vise à mieux préparer le retour en société de la personne qui a été condamnée en planifiant, en structurant et en faisant participer la personne à son séjour en détention. Une politique en matière de programmes occupationnels a également été élaborée. Cette politique vise à mieux planifier et encadrer les différents programmes d'activités rémunérées, le loisir, les sports, la dimension académique ou socioculturelle dans les établissements de détention. Au chapitre des activités rémunérées: les buanderies et l'imprimerie, que ce soit dans la région de Saint-Jérôme, à Tanguay, ou encore à Montréal et à Québec, dans le cas de l'imprimerie.

L'hébergement communautaire a connu aussi une croissance intéressante. Le nombre de jours-séjour est passé de 114 000 à 117 000 pour une augmentation de près de 12,5% en l'espace d'un an. Je pense que cette tendance verra à s'accentuer.

Du côté de la santé, des contrats de services ont été passés entre des établissements de détention et de nombreux établissements du réseau des afffaires sociales, que ce soient les CLSC de Hull, Paspébiac, Valleyfield, Chicoutimi, Roberval et Rimouski et différents centres hospitaliers. Des démarches se poursuivent dans les régions qui ne sont pas encore pourvues d'ententes avec certains établissements du réseau des affaires sociales.

Du côté des communications, le magazine Justice ne connaît pas tout à fait le succès de Protégez-vous, mais il en connaîtra sans doute un succès certain. C'est une revue de qualité à laquelle participent des intervenants des différents réseaux de la justice. L'objectif d'abonnement se situe à plus de 50 000.

J'aimerais souligner finalement que le ministère, du côté de ses activités, a lancé, en collaboration avec le ministère des Affaires sociales, un guide d'intervention en cas d'agression sexuelle qui faisait suite à des demandes pressantes et constantes - avec raison - de la part de différents groupes intéressés au suivi de l'état des personnes qui subissent des agressions sexuelles. C'est ainsi que l'ensemble de nos salles d'urgence

pourront être bientôt équipées d'une trousse particulière qui facilite les prélèvements nécessaires pour les fins éventuelles d'utilisation criminalistique, lors des procès pour la preuve, notamment dans les cas de viol, et également une série de techniques ainsi qu'un protocole d'approche des personnes victimes d'agression sexuelle. Je pense que l'effet de cette trousse et de ce guide d'intervention permettra de mieux sensibiliser les médecins dans les salles d'urgence à ce que signifie l'approche d'une personne qui devient une patiente dans un service hospitalier, qui a subi une agression sexuelle, et de s'assurer qu'on a tout ce qu'il faut, au niveau du rapport, du questionnaire et des prélèvements pour qu'il y ait de plus grandes chances de succès d'obtenir des condamnations, notamment en matière de viol.

Également, une série d'émissions, intitulée "Citoyens avertis", a fait fureur dans certaines régions au Québec, en particulier à Rimouski et à Jonquière, où des fonctionnaires y ont participé; Justice pour tous et toutes, de la Commission des services juridiques, a continué son succès d'une certaine importance, compte tenu du caractère parfois un peu technique des sujets dont on traite.

En matière de criminalité, j'aimerais dire que l'année 1983 nous donne un portrait de la criminalité québécoise qui ne correspond pas aux préjugés populaires qu'on en a. Il m'est agréable de pouvoir souligner que, comparativement à la même période en 1982, on a constaté une baisse de 6,06% du nombre d'infractions au Code criminel, ce qui semble faire mentir, d'ailleurs, le vieil adage qui veut que, avec la crise économique, la criminalité augmente. Mais disons qu'il y a sûrement là matière à analyse. C'est comme cela qu'on pourra garder nos services de criminalogie ouverts longtemps. (10 h 45)

II m'apparaît intéressant de constater que cette baisse va tout à fait dans le sens de ce qui avait déjà été constaté en 1982. On remarque, notamment, une diminution au chapitre des crimes avec violence, particulièrement dans le nombre des vols qualifiés, qui ont baissé de 18,62%. Au chapitre des crimes contre la propriété, ils ont chuté de 7,75%. Et on peut souligner une baisse notable du nombre d'introductions par infraction, des vols et, particulièrement, des vols de véhicules à moteur.

On peut souligner, cependant, l'inverse, une augmentation sensible, très sensible, au niveau des infractions relatives à la prostitution, au jeu, au pari ainsi qu'au recel. Il faut préciser, sur le plan statistique, que, alors que les vols qualifiés ou les activités reliées à de la violence font l'objet de signalements, les activités en matière de prostitution, de jeu ou de pari font plus l'objet de dépistage; donc, la comptabilisation de ces infractions est d'autant plus importante que les activités de dépistage de la part des corps policiers deviennent importantes.

En ce qui concerne le pourcentage des solutions aux infractions du Code criminel, dans l'ensemble, elles sont passées de 24,72% en 1982 à 27,93% en 1983. Si les données pour l'ensemble du Canada ne sont pas disponibles pour 1983, je suis absolument convaincu que le Québec aura connu, pour cette année-là, un taux d'infractions au Code criminel inférieur à celui que l'on retrouve dans les autres provinces et territoires canadiens. En fait, en 1982, il faut se rappeler que le Québec se situait au neuvième rang sur douze pour l'importance de son taux de criminalité.

Du côté de la Sûreté du Québec, l'année 1983 lui aura permis d'établir un record historique de taux de solutions, de réussites à l'égard des infractions criminelles, c'est-à-dire un taux de 52,3%. C'est un taux jamais égalé auparavant à la Sûreté du Québec.

Parmi les activités ou les faits saillants qui sont importants pour la Sûreté du Québec, on peut mentionner qu'elle a intensifié sa lutte aux stupéfiants et aux drogues en 1983. 4774 infractions ont été relevées en 1983 par rapport à 2614 en 1982. Cela se traduit par des saisies de l'ordre de 24 000 000 $ au cours de l'année 1983, en matière de drogues et stupéfiants.

Du côté de la sécurité routière, un effort particulier a été mis sur la détection des personnes conduisant avec les facultés affaiblies, ce qui nous a permis d'assister à une hausse de 11% des tests d'ivressomètre. Cela ne va pas augmenter la popularité de qui que ce soit, mais, à nos yeux, c'est une chose qui reste importante si on veut que les gens cessent de s'assassiner sur les routes après avoir pris un verre. Nous croyons que ces efforts devront continuer d'être déployés.

Du côté de la Sûreté du Québec, deux événements majeurs au cours de l'année qui vient marqueront ses activités. La Sûreté du Québec l'a démontré dans le passé, elle est tout à fait, non seulement apte, mais elle excelle - dans des événements, notamment à l'occasion des Jeux olympiques ou de l'Expo 67 - à fournir d'excellents services aux citoyens dans le cadre de grandes activités comme les grands voiliers pour l'été prochain et la visite d'un dignitaire étranger comme le pape qui sera parmi nous, comme on le sait, au mois de septembre prochain.

Du côté de la législation, on se rappellera que la Loi sur la recherche des causes et des circonstances de décès a été adoptée au mois de décembre 1983, remplaçant l'ancienne Loi sur les coroners. Les procédures administratives préliminaires

sont entrées en vigueur et sont en marche. Je pense que d'ici la fin de 1984, nous aurons une loi qui sera globalement en vigueur. Est-ce que cela va?

Les délais, notamment ceux à la Cour supérieure et plus particulièrement dans la région de Montréal, qui est une usine de droit peu commune. Le ministère va continuer à prendre le type de mesures grâce à la collaboration de la magistrature et avec l'appui du barreau également. Il faut faire en sorte que certains amendements au Code de procédure civile facilitent la tâche aux justiciables à l'égard des délais. Déjà des pas importants ont été franchis, quand on pense au bref d'évocation qui faisait auparavant l'objet de deux étapes qui pourra dorénavant se faire en une seule étape par simple requête en matière d'évocation comme en matière d'injonction. La preuve par affidavit détaillée étant permise et même rendue obligatoire, la production de la preuve documentaire avant l'audition de la requête, tout cela fera en sorte que la présence inutile de témoins, d'avocats retarde les procédures et que les juges ayant pris connaissance des contenus des dossiers avant l'audition, le déroulement de celles-ci se fera d'une façon accélérée et les demandes de remise devraient être diminuées. Le ministère, on le sait, a également fait adopter récemment un projet de loi omnibus qui a apporté des modifications à plusieurs lois d'autres ministères.

Dans le cadre de la réforme du Code civil, on se souvient que le projet sur le chapitre des biens a été déposé et que nous avons tout récemment entendu des représentants, notamment du monde juridique, de l'arpentage et de la planification susccessorale et fiscale. La réforme du Code civil est une vaste entreprise, on le sait, qui remonte maintenant à tout près de 20 ans, de façon assez systématique. Il faut accepter que ces choses prennent un peu de temps puisqu'elles sont majeures, fondamentales dans les rapports qui existent entre les citoyens et dans l'intervention du législateur à l'égard de la façon de régir de tels rapports. Nous y mettrons le temps qu'il faut, avec la conviction que les lumières qui nous viendront de tous nos collègues autour de cette table nous permettront de doter les citoyens d'un Code civil à la fois moderne et efficace.

Je passerai maintenant à certains des dossiers qui sont en plan et qui nous attendent dans les mois qui viennent ou dans les années qui viennent, dont le Code civil. Mais également, il faudrait bien en arriver à déposer dans un projet de loi - quelque chose qui vous intéresse en particulier, M. le Président - un cadre juridique qui soit unique et clair quant au processus d'élaboration et d'adoption des règlements dans la législature québécoise, notamment pour la publicité et l'entrée en vigueur de ces règlements. Ce projet de loi fait suite à une analyse entreprise au ministère à la suite de ce rapport dont vous présidiez les destinées de la commission qui l'a produit.

Il nous apparaît également important, pour les justiciables comme pour leurs procureurs, dans certains cas, d'en arriver à l'unification des tribunaux du Québec, la Cour des sessions, le Tribunal de la jeunesse et la Cour provinciale, au moins dans une première étape, de telle sorte que des chambres administratives formées des principaux organismes qui ont des pouvoirs d'adjudication pourraient éventuellement venir compléter cet édifice d'organisation de nos tribunaux dans une Cour du Québec. Nous tenterons aussi, possiblement à l'automne, de moderniser, de rationaliser et d'humaniser le processus pénal en faisant adopter un véritable code de procédure pénale qui remplacera, à toutes fins utiles, la Loi sur les poursuites sommaires et dont beaucoup de dispositions sont absolument désuètes ou inutilisées. Nous avons déposé récemment en première lecture le projet de loi touchant l'enlèvement international des enfants qui vise à sanctionner dans nos lois les dispositions de la Convention internationale de La Haye qui a été signée en 1980 à cet effet.

Nous aurons également deux projets de règlement d'importance, tous deux touchant la Charte des droits et libertés de la personne: le premier concernant les facteurs de risques qui peuvent être utilisés dans les rentes et l'assurance, et le second qui établira les critères qui doivent présider à l'adoption des programmes d'accès à l'égalité qui sont maintenant permis, comme on le sait, par la Charte des droits et libertés de la personne. Je pense qu'il s'est fait également un travail remarquable de révision des lois et règlements à la Direction générale des contentieux avec l'appui de la Direction générale des affaires législatives. Pour 1982, à cause des modifications majeures apportées à la Charte des droits et libertés de la personne, rendant celles-ci prépondérantes sur les lois et règlements quant aux articles 1 à 8 et 9 à 38 sur celles antérieures à 1975, c'est-à-dire date d'adoption de la Charte des droits et libertés de la personne, ces modifications sont entrées en vigueur le 1er octobre 1983. Cependant, la prépondérance des articles 1 à 8 sur les lois antérieures au 1er octobre 1983 et celle de 9 à 38 sur les lois antérieures à 1975... c'est-à-dire l'adoption de la charte initiale ne prendra effet qu'au 1er janvier 1986. D'ici là, toutes législations, y compris les règlements adoptés durant cette période, feront l'objet d'une étude en conformité avec la Charte des droits et libertés de la personne. Il s'agit là d'un travail absolument gigantesque qui présuppose

une analyse de l'ensemble des lois et règlements du Québec et qui est accompli avec une grande compétence par les autorités du ministère qui en sont responsables. La priorité des mois qui viennent, quant à moi, au-delà de ce tableau par lequel j'ai tenté de brosser le travail remarquable accompli par le ministère depuis un certain nombre d'années, me permettra de me concentrer sur le problème des délais, notamment, en Cour supérieure à la fois par l'introduction d'un certain nombre de dispositions législatives dont nous espérons qu'elles feront consensus auprès du barreau et de la magistrature, entre autres, et par une série de dispositions administratives pour faciliter le travail des juges à la Cour supérieure de Montréal.

Merci, M. le Président.

Le Président (M. Vaugeois): Merci, M. le ministre. Voilà du temps bien utilisé. Votre survol était intéressant. Vous devinerez qu'il nous suggère beaucoup de questions, finalement beaucoup plus que nous aurait suggéré la présentation un peu sèche des crédits. On vous en remercie.

Je vais me permettre de vous inviter tout de suite à préciser une question que vous avez abordée puisque vous avez évoqué les travaux d'une commission sur le contrôle parlementaire de la législation déléguée. Je suis sûr que cette question brûle les lèvres également des porte-parole de l'Opposition et de certains collègues du côté ministériel, puisque je reconnais le député de Châteauguay en particulier qui a été associé à ces travaux. Avant de poser ma question, je voudrais en profiter pour dire publiquement ce que nous n'avons peut-être pas assez dit à ce moment. Nous avons pu compter sur une collaboration de votre ministère, depuis votre prédécesseur d'ailleurs, des gens de son entourage immédiat, votre sous-ministre, qui s'approche à ce moment, qui y sont allés de très bons conseils dès le départ tout en respectant - je l'ai beaucoup apprécié - l'autonomie de la commission qui était une commission d'initiative parlementaire et constituée d'abord de parlementaires. Il n'en reste pas moins que les experts se trouvaient dans votre ministère, pour un grand nombre en tout cas. Certains ont été libérés, détachés et ont pu se mettre sans réserve au service de la commission d'étude. La commission est arrivée à des conclusions assez claires et assez évidentes. C'était d'ailleurs prévisible pour l'essentiel encore que les membres de la commission ont cherché à préciser une foule de choses. Sans entrer dans les détails, j'aimerais que de votre côté vous nous précisiez un peu mieux le calendrier que vous souhaitez pouvoir proposer à la Chambre quant à la pièce législative que nous attendons. J'aimerais une première réaction sur le calendrier qu'on peut espérer. (11 heures)

M. Johnson (Anjou): M. le Président, peut-être qu'avant de préciser le calendrier -vous connaissez la prudence toujours constante qui indépendamment des personnes, anime celui qui est titulaire de ce ministère à l'égard des échéanciers - nous avons un certain nombre de choses dont il faut discuter. Je pense qu'il faut vider, d'une façon claire, la question du droit de désaveu et du pouvoir de désaveu de la réglementation. Il y un débat en soi à faire autour de cette question. Je n'exprimerai pas ici mon opinion sur le fond, mais j'ai mon opinion. J'aime croire qu'elle n'est pas totalement arrêtée, parce qu'il serait inutile de discuter. Il faut disposer d'une part de cette question.

Deuxièmement, sur le plan administratif, une fois qu'on aura disposé de cette question du pouvoir de désaveu, il faut que l'ensemble des ministères susceptibles d'être touchés par une telle mesure nous fournissent leur réaction à ce que pourrait être l'analyse de l'impact que font ces ministères du projet de loi et finalement, éventuellement, adoption par le Conseil des ministres du projet pour qu'il soit déposé -pour être prudent, j'aurais plutôt tendance à dire au printemps plutôt qu'à l'automne -mais ce n'est pas totalement exclu que cela puisse être au printemps 1985. Je ne pense pas qu'on puisse consulter 26 ministères d'ici...

Une voix: Après les prochaines élections.

M. Johnson (Anjou): ...après les prochaines élections. Bon! le député sait des choses que je ne connaissais pas.

Je pense, M. le Président, qu'il faut qu'on soit prudent. Tant mieux si on peut aboutir pour l'automne. Soyons clairs, ce n'est pas réaliste de parler d'un dépôt d'ici le mois de juin à cause de la question du pouvoir de désaveu qui devra être évacuée entre l'Assemblée nationale et l'Exécutif et la consultation qui peut se faire en partie pour l'été. On sait que le mois de juillet est propice aux discussions de cette nature. Cela sera probablement déposé, je préfère dire, en 1985, au début de 1985, parce que s'il arrive des pépins, je sais très bien que nos collègues nous reprocheront de ne pas avoir respecté l'échéancier. Tant mieux, si on peut le déposer en 1984.

Le Président (M. Vaugeois): M. le ministre, je pense que je vais utiliser à plein les possibilités que m'offre ce nouveau style de présidence, non pas pour entreprendre avec vous un échange sur le sujet, mais peut-être pour réagir immédiatement à ce que vous venez de nous

dire.

Je voudrais d'abord dissiper une méprise quant à la question du désaveu parce que ce n'est pas la première fois que je l'entends. J'appellerai d'ailleurs mon collègue de Châteauguay à la rescousse au besoin. Dans le rapport de la commission d'étude, nous avons abordé la question du désaveu. Il faut bien situer cet aspect. Sans elle, il n'y aurait rien qui nous garantit qu'une commission parlementaire qui examinerait la réglementation verrait son rapport examiné par l'Exécutif ou considéré par la Chambre. Cette situation existe ailleurs car il faut rappeler qu'à peu près tous les Parlements du monde maintenant se prêtent à un minimum de contrôle de la réglementation. La-dessus, nous sommes en retard sur à peu près tout le monde.

D'ailleurs, votre prédécesseur, publiquement et à plusieurs reprises, a annoncé un projet de loi dans les six mois qui allaient venir.

M. Marx: Dans les cinq ans.

M. Johnson (Anjou): Moi je vous dis dans les douze mois.

Le Président (M. Vaugeois): Nous avons contribué, je crois, à provoquer un délai additionnel parce qu'on souhaitait, c'était normal, profiter de l'éclairage qu'apporterait notre commission.

Revenons à la question du désaveu. Nous avions constaté que dans les autres Parlements, les commissions parlementaires ou une commission parlementaire spécialisée ou une commission mixte comme à Ottawa, se livrait à un examen sérieux d'un projet de règlement, faisait rapport et que ce rapport n'était jamais considéré. Nous avons souhaité par le biais d'un désaveu possible forcer l'examen d'un rapport dans certains cas extrêmes avec la procédure suivante. Advenant le cas où, dans un rapport, il y a des réserves d'exprimées sur un projet de règlement, cinq parlementaires représentant plus d'une formation politique pourraient inscrire ce qu'on appelle une proposition de désaveu d'un élément de la réglementation. Cette proposition serait réputée être adoptée ou votée par le Parlement à défaut d'être appelée par un membre de l'Exécutif. Dès le moment où un membre de l'Exécutif appellerait la question, appellerait l'examen du rapport et demanderait un vote sur le rapport, il n'y aurait pas de problème possible. On sait très bien que la majorité parlementaire s'exprimerait moins dans le sens que souhaite le porte-parole de l'Exécutif, mais au moins la question aura été appelée, car autrement, il y aurait à ce moment-là un désaveu automatique.

C'est une forme que nous avons adoptée d'une pratique du Sénat australien.

Nous l'avons transposée ici pour tenir compte de notre réalité parlementaire, mais elle n'est pas contraignante pour l'Exécutif, si ce n'est que de forcer l'Exécutif à accepter d'examiner les recommandations d'un rapport devant la Chambre, dans la mesure où des parlementaires, non seulement de l'Opposition mais des parlementaires représentant au moins deux formations politiques, se fondant sur le rapport - ils ne peuvent le faire à partir de rien; il faut qu'ils se fondent sur le rapport - exigent d'inscrire la chose.

C'est une remarque que je voulais faire. Je pense qu'on se trompe si on se laisse entraîner sur d'autres significations de cette mesure. C'est un truc pour forcer l'examen. Cela ne met pas l'Exécutif en péril.

Par ailleurs, il y a un certain caractère d'urgence pour un démarrage dans les meilleures conditions de la réforme parlementaire que nous pratiquons actuellement. Nos commissions ont, parmi les nouveaux pouvoirs possibles, l'examen des projets de règlement et des règlements, sauf qu'il est très difficile de procéder à l'examen des règlements ou des projets de règlement si nous ne savons pas très bien à quoi s'oblige l'Exécutif, parce que le premier examen qu'on devrait faire normalement c'est de voir si toutes les étapes ont été respectées, si les délais ont été respectés, etc.

L'Exécutif et l'administration, ces derniers temps, ont beaucoup réglementé la préparation des règlements. Il y a beaucoup plus d'étapes qu'avant et des étapes qui, d'ailleurs, vont dans le sens de nos préoccupations. Tout est presque prêt. Il s'agirait de codifier en quelque sorte tous ces règlements sur la préparation de la réglementation et de leur donner en quelque sorte valeur de loi.

À défaut de cela, vous allez assister à une forme d'improvisation du Parlement en matière de contrôle de la réglementation, parce qu'on ne pourra pas empêcher une commission parlementaire, à partir de maintenant, de décider d'examiner la réglementation. Comme il n'y a pas de loi à laquelle on puisse faire référence, on va aller tout de suite dans l'opportunité et, comme nos commissions sont sectorielles, on va être encore davantage incité à faire l'examen de l'opportunité, du bien-fondé, de la nécessité, du mérite de la réglementation. Et là on relance un débat. Je trouve qu'il est dans l'intérêt même de l'Exécutif de bien préciser ce que vous avez déjà préparé au cours des dernières années et appliqué d'ailleurs depuis un bon bout de temps.

J'ajouterai, M. le ministre, qu'il me semble que pour le ministre de la Justice, la question est également intéressante. Si nous devons, comme parlementaires, avoir un allié à l'Exécutif, nous le trouvons chez le

ministre de la Justice. Tout le travail de votre ministère en matière réglementaire trouverait enfin un fondement juridique. Actuellement, pour avoir été membre pendant un certain temps du Conseil exécutif, j'ai une petite idée de la façon dont cela se passe.

Il me semble que c'est un outil qui serait extrêmement commode pour le ministère de la Justice et rassurant pour l'ensemble de - j'ose dire - notre régime démocratique. Actuellement, il faut le dire, si autant de gens insistent, c'est que notre législation est parfois bien mince et elle réserve des morceaux importants pour la réglementation qui échappent non seulement au contrôle du Parlement mais, dans une large mesure, au contrôle même de l'Exécutif.

M. Johnson (Anjou): Je vous remercie, M. le Président, d'avoir évoqué avec autant de ferveur vos convictions à l'égard de la nécessité de codifier au minimum, en tout cas, le cheminement et le processus que doit suivre une réglementation avant d'avoir force d'application et de l'utilité intrinsèque que cela représente, en même temps que l'utilité très précise que cela va représenter dans la juridiction - je devrais dire la compétence ou les attributions - que la nouvelle réforme parlementaire donne aux commissions, dont celle que vous présidez.

Je prends bonne note de vos préoccupations. Effectivement, je prends bonne note aussi de la responsabilité que vous voulez m'accorder d'être le lien objectif des membres de cette commission auprès du Conseil exécutif. Je vous assure donc non seulement de mon intérêt mais... Je sais très bien que je ne reviendrai pas devant cette commission sans être obligé de répondre. Vous m'avez tracé la voie, M. le Président, et j'espère que si j'ai à revenir à l'automne devant les membres de la commission pour un projet, les choses seront avancées à votre satisfaction.

Le Président (M. Vaugeois): II m'arrive ce qui peut arriver de pire à un président. Je suis coincé entre deux alliés sur cette question, parce que je sais que le porte-parole de l'Opposition en est également convaincu. Je lui laisse maintenant la parole.

M. Marx: Merci M. le Président. J'en suis aussi convaincu. Je vois la différence entre le ministre actuel et son prédécesseur. Ce dernier a pris deux engagements par année. Il a dit que ce serait présenté dans six mois, mais le ministre actuel, plus prudent, va plutôt prendre un engagement par année au lieu de deux. Il a donc dit que ce serait déposé dans un an.

Le Président (M. Vaugeois): II n'a pas dit cela.

M. Marx: On verra. Il nous a dit: Au printemps 1985.

Le Président (M. Vaugeois): Non, il a dit que, d'ici douze mois...

M. Marx: D'ici douze mois, donc.

Le Président (M. Vaugeois): Et ses derniers propos me rendent plus optimiste.

M. Herbert Marx

M. Marx: D'accord. J'aimerais remercier les fonctionnaires présents ici aujourd'hui, que je trouve très patients, chaque année. Ils apportent une collaboration précieuse au moins au ministre et, en général, à la commission.

J'aimerais aussi souligner que le ministre actuel, n'ayant pas d'expérience dans ce ministère, n'est donc pas responsable des problèmes qu'on trouve soit à la Cour supérieure de Montréal, soit dans les prisons, ou dans d'autres organismes de son ministère. Je pourrais le blâmer pour bien des choses dans le domaine des affaires sociales, les problèmes dans les salles d'urgence, les problèmes dans les maisons de transition, mais tout cela sera défendu par un autre ministre, le député de Bourget, lors de l'étude des crédits du ministère des Affaires sociales. Donc, vraiment, je ne peux donc pas blâmer le ministre actuel, étant donné qu'il est en fonction seulement depuis quelques semaines.

Une coutume bien établie que le ministre a respectée aujourd'hui veut que le ministre dresse, au moment de la défense des crédits budgétaires, un bilan de ses réalisations ainsi qu'un tableau des projets qu'il entend mettre à exécution au cours de l'année. Une adaptation toute particulière de cette coutume a été faite par le ministère de la Justice. En effet, à chaque année, on nous répète inlassablement les mêmes projets, à tel point que le manque d'initiative et la lenteur d'exécution sont devenus les marques de commerce de ce ministère.

Une chose est certaine. On n'y retrouve aucune surprise tant au niveau des mesures de nature législative que celles de nature administrative; on a toujours l'impression que l'ampleur des problèmes est tellement grande qu'il n'est pas certain qu'une solution soit à notre portée. Et rien ne nous indique que cette situation soit différente cette année. En huit ans d'administration du gouvernement actuel, les mêmes systèmes sont revenus continuellement. Il a souvent fallu des mois, sinon des années, avant que des solutions nous soient proposées. Dans certains cas, elles se font d'ailleurs toujours attendre. Il

en résulte donc une stagnation et même un recul dans les politiques gouvernementales d'un ministère qui, de par sa nature, avait toujours joué, par le passé, un rôle prédominant. L'adaptation de la législation aux réalités nouvelles de la société aurait dû être le principe directeur des actions du ministère. Toutefois, une aptitude chronique à cerner les problèmes et à les régler semble s'être installée et nous accusons maintenant des retards injustifiés dans certains dossiers. Le manque d'une politique cohérente m'apparaît évident. La vision globale qu'aurait dû avoir le ministère de la Justice ou le ministre de la Justice du Québec se fait toujours attendre après huit ans de pouvoir. Plutôt que d'essayer de tracer un schéma d'intervention globale, on a préféré poser des gestes ponctuels qui nous ont conduits au fouillis législatif et administratif auquel nous sommes confrontés aujourd'hui.

Le recul accusé sous l'administration actuelle risque de devenir insurmontable si à très court terme le ministre ne nous présente pas sa vision de la place que doit occuper la justice dans notre société. (11 h 15)

II faut remonter à 1975 pour retracer un outil de réflexion sérieux dans le domaine. Cet état de fait m'apparaît inacceptable. En effet, le livre blanc de 1975, intitulé "La justice contemporaine au Québec", constitue la dernière intervention majeure dont nous puissions bénéficier.

Qu'a fait le ministre de la Justice depuis ce temps? Tout au plus, a-t-il tenté de reprendre à son compte certains des concepts qui y sont énoncés, sans même prendre la peine de juger de la cohérence de ces actions. On a beaucoup entendu parler d'humanisation de la justice, c'est vrai. Mais les outils nécessaires pour arriver à ce but fort louable n'ont pas été mis en place ou ils ne l'ont été que partiellement. Aujourd'hui, nous devons encore nous interroger sur les moyens à prendre pour réorganiser les tribunaux au Québec. Nous cherchons toujours des solutions au problème des délais devant les tribunaux, surtout à la Cour supérieure de Montréal.

La réforme des lois fondamentales, comme le Code civil, et la cohérence législative semblent des buts difficiles à atteindre. Nous ne connaissons pas encore la politique correctionnelle du gouvernement du Québec. La réalité est bien simple. Le ministre Bédard a joué à l'autruche pendant des années; il doit, depuis quelque temps, en arriver à la conclusion que son prédécesseur, comme ministre de la Justice en 1975, avait, dans son livre blanc, tracé un plan d'intervention valable, qu'il n'avait pas dû ignorer. Malheureusement, les solutions proposées ne sont pas venues à temps et les problèmes s'enveniment.

Combien de fois a-t-on annoncé l'unification prochaine des tribunaux, la présentation d'un Code de procédure pénale ou encore celle de lois fixant un cadre législatif au processus réglementaire que le ministre nous a promis d'ici douze mois -c'est-à-dire, c'est sa promesse d'aujourd'hui? Et que dire des délais supplémentaires qui s'ajoutent continuellement dans le processus de révision du Code civil? Le ministre a dit que cette révision traîne depuis 20 ans; je pense que, maintenant, cela fait 30 ans. Depuis que le Parti québécois est au pouvoir, il y a huit ans qui se sont rajoutés.

Pendant ce temps, le justiciable se voit confronté à des délais toujours plus longs devant les tribunaux. Les intervenants du milieu, le barreau entre autres, dénoncent cette situation mais les solutions durables se font toujours attendre. Tout au plus reconnaît-on, maintenant, que ce problème existe.

J'aimerais souligner que lorsque j'ai soulevé ce problème des délais inacceptables devant la Cour supérieure de Montréal, le ministre de la Justice, M. Bédard, a dit que ce n'était pas de sa faute. La faute de qui, il ne nous l'a pas expliqué. Mais rien n'était de sa faute, quoiqu'il a été ministre de la Justice pendant plus de sept ans. Pendant ce temps, également, on a assisté à une prolifération des tribunaux administratifs ou organismes de semblable nature ainsi que la prolifération désordonnée des textes réglementaires et législatifs. La justice, de moins en moins accessible aux citoyens, est en voie de devenir une jungle dans laquelle même les professionnels du droit auront de la difficulté à se retrouver.

La technique de plus en plus utilisée, de mise en vigueur des lois par étapes, vient encore ajouter à la confusion. J'aimerais souligner au ministre de voir les lois que son gouvernement a fait adopter et de voir comment on en a fait la mise en vigueur, souvent article par article, pour ne pas dire paragraphe par paragraphe.

La mise en garde de l'Opposition et des intervenants du milieu, plus particulièrement du barreau, n'a pas suffi. Au niveau de l'érosion des textes réglementaires, même la tenue de la commission spéciale sur la législation déléguée n'a pas encore réussi à convaincre le ministre de la nécessité d'agir rapidement en ce domaine, de voir - comme il vient de dire - à agir d'ici douze mois, mais on a entendu des promesses semblables chaque année, lors de l'étude de ses crédits.

Et comme si tout cela n'était pas déjà assez complexe, le premier ministre n'a pas jugé bon, au moment du dernier remaniement ministériel, de faire assumer la présidence du comité de législation par l'actuel ministre de la Justice. L'harmonisation de chaque projet de loi avec l'ensemble de la législation aurait dû, selon nous, lui être confiée comme

c'était le cas pour son prédécesseur.

Outre les questions reliées au fonctionnement des tribunaux et au processus d'adoption des lois et des règlements, les justiciables doivent faire face à d'autres embûches avant que nous ayons droit à une réelle humanisation de la justice au Québec.

Du slogan maintes fois répété, à la réalité, il existe une marge importante. À ce titre, citons, par exemple, l'absence d'indexation des barèmes d'aide juridique qui a duré quelques années. Que dire aussi de la tentative de camouflage à laquelle on a assisté tout dernièrement en ce qui a trait à l'indemnisation des victimes d'acte criminel. Aussi, je peux ajouter qu'il a un ticket modérateur pour certaines personnes à l'aide juridique.

Les restrictions budgétaires imposées en période de ralentissement économique ne devraient jamais affecter les citoyens démunis dans leur capacité de défendre ou d'exercer leurs droits. C'est pourquoi la réduction des crédits en matière d'aide juridique, tout comme le gel des barèmes durant quelques années, nous apparaissent tout à fait inacceptables.

De même la réduction proposée des indemnités aux victimes d'acte criminel va aussi à l'encontre des principes sociaux qui devraient être pris en considération lors de la prise de décision dans le domaine de la justice. Ces principes que je considère comme un acquis au Québec, ne semblent plus être à la base des préoccupations du gouvernement actuel.

Quant à la politique carcérale, nous l'attendons toujours. L'incohérence semble régner dans ce domaine. En même temps qu'il nous parle de réinsertion sociale et d'alternative à l'emprisonnement, le ministre veut construire de nouvelles prisons et ce, semble-t-il, sans plan d'ensemble véritable ou, s'il a un plan d'ensemble ou une politique carcérale, il ne l'a pas publié.

Les conditions de vie dans les prisons ont été l'objet de nombreux commentaires de l'Opposition. Comme, dans bien des cas, le ministre a apporté peu d'attention aux propos de l'Opposition... c'est-à-dire son prédécesseur. Fallait-il vraiment qu'on en arrive à une enquête du Protecteur du citoyen pour que le ministre s'aperçoive que tout ne va pour le mieux dans le meilleur des mondes? Le bilan bien partiel de l'inaction du ministre de la Justice au cours des dernières années n'a pas pour but de noircir la situation, mais bien de la constater tout simplement.

Je reconnais que les amendements à la Charte des droits et libertés de la personne, à la Loi sur la protection de la jeunesse, à la Loi sur les coroners étaient nécessaires. Je les ai d'ailleurs réclamés moi-même de même que l'Opposition. Toutefois, une constante existe dans tous ces dossiers. Les délais d'exécution ont été très longs et le ministre a dû se faire tirer l'oreille pour agir. Je trouve incompréhensif ce que le ministre vient de dire aujourd'hui, que nous avons adopté une nouvelle Loi sur les coroners en décembre 1983 et il espère que la loi sera en vigueur avant la fin de cette année. Cela a pris au ministère huit ans à rédiger cette loi. J'ai rencontré un fonctionnaire qui travaille à ce projet de loi depuis dix ans, c'est-à-dire quelqu'un qui a fait carrière dans la Loi sur les coroners. J'imagine qu'il peut se recycler maintenant en replanifiant la loi pour sa révision dans dix ans. Cela a pris dix ans pour rédiger un projet de loi qui a été adopté en décembre 1983. La loi n'est pas encore en vigueur et le ministre nous dit qu'elle le sera probablement avant la fin de cette année. Je trouve qu'il y a un peu d'exagération dans la mise en application des lois.

Pour ce qui a trait à la réforme des droits de la famille, n'eût été des pressions de la population et de l'approche d'une élection, elle n'aurait pas encore vu le jour. C'était la loi 89. La critique que je tente actuellement de faire, comme les documents que j'ai produits dans plusieurs secteurs depuis quelques années n'ont qu'un but: faire que le ministre reprenne contact avec la réalité. L'Opposition, tout comme la population, est en droit de s'attendre à ce que le ministre prenne les décisions qui s'imposent au moment où elles doivent être prises. Et c'est ce que nous continuerons de réclamer. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Payne): M. le ministre.

M. Pierre-Marc Johnson (réplique)

M. Johnson (Anjou): Oui, M. le Président. Je ne pourrais pas vous dire que je suis vraiment surpris d'entendre le député de D'Arcy McGee qui nous a entretenus de sa façon habituellement nuancée et du jugement global qu'il porte à nouveau, comme tous les dimanches à l'occasion de l'émission de communiqués de presse, puisqu'il semble avoir réponse à tout, solution à tout. Je dirai simplement que le bilan législatif des dernières années est quand même considérable. La réforme de la Loi sur les coroners, la réforme du Code civil au niveau de quatre chapitres dont un est en vigueur...

M. Marx: Une seule loi a été adoptée. M. Johnson (Anjou): Oui, mais... M. Marx: Une seule...

M. Johnson (Anjou): Bon, évidemment, ce que vous suggérez...

M. Marx: ...depuis huit ans.

M. Johnson (Anjou): ...c'est qu'on adopte 1300 articles du Code civil, comme cela, aussi rapidement, comme vous formulez vos discours et vos opinions. Je pense que c'est plus sérieux que cela, un Code civil. Il faut prendre...

M. Marx: En 1867, ils ont fait cela d'un seul coup. C'était plus intelligent que ce que fait le gouvernement actuel.

M. Johnson (Anjou): Bon, très bien. Alors, je prends bonne note du commentaire du député de D'Arcy McGee.

M. Brassard: ...d'adopter cela à la vapeur.

M. Johnson (Anjou): Oui, il voudrait adopter le Code civil à la vapeur. Je suis sûr que cela va faire plaisir au barreau, aux représentants de l'Association de planification successorale et fiscale, à la Chambre des notaires, à la Corporation des arpenteurs-géomètres et aux dizaines d'organismes qui sont venus témoigner devant cette commission sur les différents chapitres déposés. La seule différence entre 1867 et aujourd'hui - mais peut-être que le député de D'Arcy McGee ne s'en aperçoit pas, tout obnubilé qu'il est par sa propre perception des choses - c'est qu'on vit dans une société où bien des gens ont bien des choses à dire quand le législateur décide de légiférer, alors qu'en 1867, le Parlement était composé, pour l'essentiel, d'une cinquantaine d'avocats qui réglaient des problèmes de droit touchant à peu près 400 avocats. Aujourd'hui, on a quand même plusieurs milliers de procureurs, des dizaines d'organismes, des intérêts, des groupes de pression. La vie a changé depuis 1867. Il semble que le député de D'Arcy McGee ne s'en soit pas aperçu. Pour changer la loi fondamentale qu'est le Code civil dans une société démocratique, ouverte, informée, où les gens ont des choses à dire, on ne fait pas cela à la vapeur. Mais je retiens que le professeur, député de D'Arcy McGee, considère qu'il faut faire la réforme du Code civil comme cela. Je pense qu'on s'en souviendra et que beaucoup de gens s'en souviendront. Quand il y aura des problèmes d'application de certaines lois qu'il espère tous les soirs avoir à piloter devant le Parlement, comme membre de l'Exécutif, on comprendra pourquoi. (11 h 30)

À l'égard des délais devant les tribunaux, que je sache, l'augmentation de la juridiction de la Cour provinciale de 6000 $ à 10 000 $, les modifications à la procédure d'appel en 1982, la modification sur les taux d'intérêt permettant de diminuer l'incitation aux reports et aux remises pour certains procureurs, la nomination de juges additionnels à la Cour supérieure, la réforme de la Loi sur les permis d'alcool, les modifications substantielles à la Charte des droits et libertés de la personne, la Loi sur la protection de la jeunesse, la réforme de la Loi de police, les alternatives à l'emprisonnement, notamment dans le cas des amendes et la recherche d'une implication communautaire plus grande... Évidemment, le député de D'Arcy McGee peut peut-être faire des reproches à mon prédécesseur. Le reproche que je ferai au député de D'Arcy McGee, c'est d'avoir été distrait tout ce temps, puisqu'il n'a pas parlé de ces choses. Enfin, il y a des distractions comme celles-là auxquelles le statut de membre de l'Opposition donne droit, semble-t-il.

Pour l'essentiel, M. le Président, un bilan législatif, le député de D'Arcy McGee voudrait qu'on fasse un livre blanc. C'est important un livre blanc. Il y a déjà eu un livre blanc, il faudrait faire un livre blanc. Alors que ce gouvernement s'est attelé depuis sept ans à adopter une série de lois, notamment dans le secteur de la justice, de la protection de la jeunesse, des coroners, du Code civil et de la Charte des droits et libertés de la personne, du Code de procédure civile, aucune loi importante n'a été touchée par de l'activité législative du gouvernement du Québec depuis sept ans, M. le Président.

Le portrait que nous donne le député de D'arcy McGee ressemble plus à une caricature qu'à un exposé substantiel. J'espère qu'il nous réservera des propos, en tout cas, pour le moins un peu plus nuancés. On ne lui demande pas d'être d'accord avec nous, puisque sa conception du rôle de l'Opposition est de s'opposer de façon systématique, mais on lui demande d'être nuancé, comme il savait l'être au moment où il occupait sa chaire de professeur en droit constitutionnel. Le Parlement est un endroit remarquable pour être nuancé; être nuancé fait avancer les choses. Alors que présenter les choses comme il le fait, à mon avis, n'alimente pas la discussion et n'alimente pas non plus le contexte de l'évolution de nos travaux, comme le voudrait la réforme parlementaire.

Une autre chose dont n'a pas parlé le député est la réforme parlementaire qui est entrée en vigueur tout récemment et qui permet, aujourd'hui, au président de la commission de faire comparaître les membres de l'Exécutif, et aux députés, d'avoir un certain ascendant sur les questions législatives et même les questions qui touchent le Conseil exécutif qu'ils n'avaient pas antérieurement. Peut-être aurait-il été préférable de mettre cela aussi dans un livre blanc plutôt que de le faire.

Je comprends que, pour l'essentiel, le député de D'Arcy McGee a conservé à

l'égard de la justice, comme du reste, une déformation pour laquelle on ne peut lui en vouloir puisqu'il a occupé brillamment une chaire académique. Fondamentalement, il veut qu'on écrive, alors qu'à la justice on veut agir.

M. Marx: Bon. Je n'ai rien à dire en réponse aux propos du ministre. C'est une dépense d'énergie. Il serait plus productif de passer à l'étude des crédits et de commencer avec le président de la Commission de police qui aimerait être libéré avant la fin de l'après-midi.

Une voix: ...

M. Marx: Non, ici.

Le Président (M. Payne): Je propose qu'on procède à l'examen du premier programme.

M. Johnson (Anjou): C'est-à-dire le programme de la Commission de police, M. le Président, qui est le...

Une voix: 14.

Le Président (M. Payne): Je m'excuse, c'est le programme 14. Avez-vous des remarques préliminaires, M. le ministre?

Commission de police

M. Johnson (Anjou): Non, M. le Président. On sait que la Commission de police est un organisme de surveillance de l'activité policière et de l'encadrement des activités policières sur le territoire du Québec. Elle a également un mandat spécifique qui a fait couler beaucoup d'encre, celui de l'étude de ce qu'on a appelé la CECO. Deux événements précis ont marqué la commission. Il serait intéressant d'entendre le juge Gosselin sur ce que constitue le pain quotidien de cette commission. Beaucoup d'événements qui ne font pas la manchette des journaux font partie du travail de la commission. Ils sont extrêmement importants pour nos concitoyens.

J'inviterais le juge Gosselin à formuler quelques commentaires.

M. Gosselin (Roger): Merci, M. le ministre. M. le Président, la commission, pour accomplir son rôle, s'est vu attribuer des pouvoirs quasi judiciaires, des pouvoirs administratifs et des pouvoirs de réglementation. Dans l'exécution de nos pouvoirs quasi judiciaires, la commission est appelée à entendre les appels de membres non salariés ou de directeurs de corps policiers qui font l'objet d'une destitution ou d'une réduction de traitement. Je dois vous dire que, dans cette partie de nos activités, il y a eu une diminution considérable. Dans les premières années de la commission, nous recevions environ 25 à 30 appels par année. Or, il y a eu une diminution considérable, si bien que, l'an dernier, nous n'avons reçu que quatre ou cinq appels. Dans le domaine quasi judiciaire, nous sommes aussi appelés à enquêter sur la conduite de policiers. Nous avons reçu au cours de l'année 1983, 287 demandes d'enquête dont près 95% provenaient de citoyens. Nous avons procédé à la vérification des faits et décidé de la tenue d'enquête dans certains cas.

Nous avons aussi, au chapitre administratif, entrepris l'inspection des corps policiers. Je dois vous dire cependant que l'inspection des corps policiers représente un travail considérable et que nous n'avons affecté que quatre professionnels à cette tâche, si bien qu'avant d'avoir fait le tour de tous les corps policiers, cela prendra un certain temps. Nous avons contribué largement à améliorer l'efficacité policière en publiant, au cours des années, divers guides soit sur des opérations, sur des pièces d'équipement ou sur divers sujets d'intérêt pour les forces policières. Je pense que le principal document qui a été publié par la commission l'a été au cours du mois d'août dernier, il s'agit d'un guide intitulé "L'action policière et la loi" qui indique aux policiers les diverses dispositions de la loi en matière d'arrestation, en matière d'utilisation de la force ou de la limite qui doit être prise par les policiers en matière de perquisition et d'utilisation d'armes à feu. Nous avons distribué ce guide à tous les corps policiers en nombre suffisant pour que chaque policier puisse en avoir sa propre copie. C'est un genre "pocket-book", rédigé en langage courant. C'est de grande utilité pour les policiers.

Quant à la Sûreté du Québec, elle a pris la décision de faire imprimer ce guide pour tous ses policiers. Pour le service de police de la Communauté urbaine de Montréal, nous n'en avions pas une quantité suffisante, mais je crois que le tout sera complété dans un avenir rapproché, à moins que cela ne l'ait été depuis une couple de semaines.

La commission a joué le rôle qui lui a été assigné par le législateur. Compte tenu des effectifs dont nous disposons, nous avons réalisé la presque totalité de nos objectifs. Il y a un domaine cependant où nous souffrons des retards, c'est dans la tenue d'enquête publique. Actuellement, nos délais sont d'environ deux ans. Nous croyons qu'il deviendra nécessaire, à un moment donné, de pouvoir affecter plus de juges à la présidence de telle enquête, parce que nous considérons qu'un délai de deux ans est trop long et que le tout devrait se faire dans un délai de six mois, lorsque la commission en

vient à la conclusion qu'il y a lieu de tenir une enquête. Comme on le dit souvent, "justice delayed is justice denied". C'est là la faille dans l'ensemble de nos opérations actuellement.

Le Président (M. Vaugeois): Merci, M. le juge. Nous avons des questions à vous poser. En premier lieu, M. le député de d'Arcy McGee.

Le cas particulier de Mme Sikiotis

M. Marx: M. le Président, l'autre jour, à l'Assemblée nationale, je posais une question au ministre de la Justice au sujet de Mme Voula Sikiotis qui aimerait devenir policier. Elle a été refusée à l'Institut de police parce qu'elle mesure seulement cinq pieds et deux pouces et demi et on exige cinq pieds et trois pouces pour être policier. Pour les hommes, il faut avoir cinq pieds et sept pouces. Elle a donc été refusée. J'ai posé la question au ministre et il m'a dit: Vraiment, c'est injuste. Il a dit que même la Commission de police a fait un rapport et il est injuste de juger une personne d'après sa taille. Le ministre a aussi dit qu'il changera le règlement en conséquence.

La deuxième question que j'ai posée au ministre tendait à savoir ce qu'il allait faire avec cette femme. Le ministre a répondu: C'est une autre paire de manches, pour elle je ne peux rien faire. J'aimerais revenir sur ce dossier. Je comprends mal que le ministre de la Justice - et je souligne le mot justice - trouve qu'il y a une réglementation injuste, mais il va continuer de l'appliquer même pour le cas de cette femme.

J'aimerais redemander au ministre s'il est du même avis ou si, après deux semaines de réflexion, il trouverait des moyens pour, non seulement faire changer le règlement, mais faire appliquer le nouveau règlement pour Mme Sikiotis.

M. Johnson (Anjou): M. le Président, il y a deux choses à dire avant de donner la parole au juge Gosselin qui, sans doute, vous entretiendra de la démarche de la Commission de police à cet égard.

Quand on discute de réglementations de loi, quand on discute notamment de ce ministère, il me semble que la rigueur et la qualité des citations ou l'utilisation des mots est important. Je n'ai pas affirmé en Chambre, contrairement à ce que vient de dire le député, que votre réglementation est injuste. J'ai simplement dit qu'elle était là et que certains groupes, depuis un certain temps, avaient soulevé le fait qu'elle pouvait peut-être avoir des effets descriminatoires. C'est très différent.

C'est tout à fait dans son style habituel; derrière un vocabulaire académique, le député de D'Arcy McGee dit des énormités. D'abord, de ne pas citer les gens, puis, de faire des choux et des raves avec n'importe quoi, et enfin de mêler une fois pour toutes ou d'essayer de mêler les gens autant que les dossiers.

C'est peut-être parce que le député ne lit pas assez attentivement la transcription du journal des Débats, ou peut-être que la réponse réside dans le fait qu'il n'écoute jamais les réponse qui lui sont données en Chambre, puisque tout ce qui l'intéresse, c'est de poser des questions et d'obtenir des réponses.

Sur la question du cinq pieds et trois pouces - du un mètre quarante ou un mètre soixante - c'est un fait, j'ai eu l'occasion d'en discuter avec le président de la Communauté urbaine de Montréal, hier, à Montréal. Ce dernier s'intéresse à ces choses, puisqu'à titre de président de la CUM, il assume également des responsabilités à l'égard des services policiers de la Communauté urbaine de Montréal qui sont aussi très importants.

Une étude récente démontre qu'à New York, je crois, il y a d'autres critères que ceux traditionnellement utilisés du poids et d'une hauteur spécifiques, selon le sexe. Je pense que c'est intéressant. C'est sans doute plus l'habitude et la tradition qui ont amené les personnes à considérer qu'il fallait mesurer tant et peser tant pour être policier. Cela, peut-être, à une époque où le travail des policiers était dominé par des efforts physiques, des situations où ils devaient déployer une force physique, alors que le travail policier est aujourd'hui tellement diversifié. Il présuppose une formation importante chez les gens, de plus en plus importante avec le temps, un raffinement des techniques et surtout une diversification des activités absolument phénoménale. (11 h 45)

Dans ce contexte, dans la mesure où un certain nombre de personnes disent que le critère objectif de la hauteur et du poids a finalement une espèce d'effet discriminatoire à l'égard de la condition physique des personnes, il m'apparaît effectivement opportun d'examiner à nouveau toute cette question. Ce sont d'ailleurs des travaux que la commission avait entrepris bien avant que l'on ne fasse connaître le cas spécifique de la citoyenne dont on parlait tout à l'heure.

Dans le cas de la citoyenne, ce que j'ai dit est très simple. Avec tout le respect que je peux avoir pour ce qui lui est arrivé et le fait qu'on l'ait évoqué publiquement dans la Gazette, on aurait probablement pu avoir 600 autres cas dans la Gazette ce jour-là.

M. Marx: Je pense que c'était dans la Presse aussi.

M. Johnson (Anjou): Who cares? Dans

un journal d'importante distribution, on a évoqué un cas. Ce cas d'espèce est une personne qui a été refusée dans les forces policières à cause de l'application du critère du poids et de la hauteur. C'est le règlement et c'est le règlement qui s'est toujours appliqué. Il y a deux mois, il s'est appliqué pour des centaines d'autres personnes; il y a six mois, pour des centaines d'autres personnes et, depuis des années, à l'égard de milliers de nos concitoyens.

Ce que me demandait le député de D'Arcy McGee, c'est de dire: Pourquoi ne pas faire une exception pour cette citoyenne? Tant mieux si on peut faire des exceptions pour les citoyens, mais le jour où cela devient une injustice pour d'autres qui ont exactement connu cette situation et qui auraient eu comme seul tort de ne pas aller faire une déclaration au journal La Gazette, je pense que cela ne serait pas juste. Cela serait vraiment injuste.

Cela dit, le critère est en révision. Je ne peux préjuger et présumer, à ce stade-ci, de ce que sera la recommandation et le projet de règlement de la Commission de police. Le juge Gosselin nous en entretiendra dans quelques secondes. Mais je dis que nous sommes prêts à considérer cela. Je ne peux présumer comment seront traités les cas dits transitoires qui, encore une fois, sont par centaines. C'est là la notion même d'évolution du droit, des lois et des règlements.

M. le Président, peut-être que si on avait la gentillesse de laisser au juge Gosselin l'occasion de s'exprimer.

M. Gosselin: M. le Président, je vais vous dire que nous avons déjà entrepris des travaux dans ce domaine. Nous avons fait distribuer des questionnaires, et nos travaux se font en collaboration avec l'ancienne commission du service civil. Ces questionnaires sont examinés par des ergométristes, dans le but d'en arriver à se dispenser complètement de la taille. Il n'y aurait plus de taille minimale ou maximale, mais il faudrait que le candidat puisse fournir les efforts nécessités par le travail d'un policier, "job related" comme on dit.

Dans le cas de cette personne, j'espère qu'elle a tout de même les jambes assez longues pour atteindre les pédales du véhicule, parce que les policiers sont appelés à conduire des véhicules. Je ne sais pas ce que cela peut donner et les spécialistes du domaine vont nous donner des réponses à cela. Ce seraient plutôt des tests d'aptitude pour être en mesure de répondre aux efforts requis de la part d'un policier qui seront mis sur pied à l'avenir.

Évidemment, ce travail prend un certain temps. Selon ce qu'on me dit, ce premier questionnaire doit être suivi d'un deuxième avec un échantillonnage un peu plus large. Je pense que c'est au cours de l'été que nous pourrons possiblement avoir des réponses à ces questions.

M. Marx: Très bien. Premièrement, ils ont changé les critères à Los Angeles, à New York et à Toronto. Donc, ils n'ont pas trouvé cela tellement difficile. Ils ont déjà fait cela il y a quelques années. Dans ces villes, il n'y a pas de critère de taille. Si la taille et le poids d'une personne sont proportionnés, elle pourra devenir policier. Les faits discriminatoires ne sont pas seulement vis-à-vis des femmes ou le cas de Mme Sikiotis. Les faits discriminatoires peuvent aussi arriver en ce qui concerne les Asiatiques parce que je pense que la taille moyenne des Asiatiques est moindre que celle des Européens. Étant donné que nous avons de plus en plus d'Asiatiques au Québec, je pense que cela aura un effet discriminatoire sur ces personnes qui aimeraient devenir policier.

Et aussi on parle beaucoup, à Montréal, d'intégration des membres des groupes ethniques dans les forces policières. Si l'on ne change pas les critères, on risque de ne pas intégrer toutes les personnes qu'on aimerait intégrer. Il est évident que le règlement n'était pas rédigé d'une façon discriminatoire, c'est-à-dire qu'on a rédigé un règlement et maintenant on voit que le règlement a des effets discriminatoires, mais ce n'était pas voulu.

Je pense que le cas de Mme Voula Sikiotis est un cas d'espèce qui illustre le principe, parce que, lorsqu'on parle seulement d'un principe, ce ne sera publié ni dans la Presse ni dans la Gazette, mais, si c'est rattaché à une personne vivante, on voit quel en est l'effet.

Franchement, je trouve qu'il y a une différence entre le ministre actuel et son prédécesseur. J'ai eu beaucoup d'occasions de critiquer son prédécesseur, mais je dois dire publiquement que, lorsque survenait un cas d'injustice touchant une personne et que je demandais à M. Bédard d'intervenir, il est intervenu et il a réglé le cas. Je peux vous donner un exemple, M. le Président, où le ministre Bédard a même fait adopter une loi, non pas un règlement, rétroactive dans cette commission et à l'Assemblée nationale pour donner des droits à une personne qui a voulu intenter une action contre un hôpital, la loi a changé et tout. Le ministre a même fait adopter une loi rétroactive pour donner raison à un citoyen qui se trouvait devant une injustice.

En ce qui concerne Mme Sikiotis, il ne s'agit pas d'adopter une loi rétroactive, quoique les lois rétroactives qui aient un effet bénéfique vis-à-vis des citoyens soient toujours les bienvenues. Ce n'est pas comme une loi rétroactive criminelle qu'il ne faut jamais adopter. Mais, il ne s'agit pas ici

d'une loi rétroactive. Il s'agit de modification d'un règlement ou d'une règle que tout le monde trouve plus ou moins injuste. Que le ministre dise que le critère est un critère en révision, bien, si un critère est en révision, qu'on procède à la révision et que cela ne traîne pas pendant des mois et des années. Le ministre a aussi dit, il me semble, et j'essaie de traduire ses propos, que ce règlement s'appliquait depuis des années, que ce règlement touche des centaines de personnes et si l'on change maintenant le règlement pour Mme Sikiotis, qu'est-ce qui va arriver à d'autres personnes qui se sont déjà vu refuser l'admission soit à l'Institut de police ou à un corps de police. Mais, si l'on change le règlement, M. le ministre, et si ces personnes qui ont été refusées il y a quelques années peuvent maintenant répondre aux critères actuels, bon, on les acceptera aussi, c'est-à-dire que si l'on fait adopter le nouveau règlement en faveur de Mme Sikiotis et à tous ceux qui ont été refusés auparavant, je ne vois pas de discrimination, ni de problème. Je trouve que le ministre agirait d'une façon assez juste. J'espère que, en faisant la révision de ce critère, on tiendra compte aussi qu'il y avait des personnes comme Mme Sikiotis qui aimeraient devenir policier et qu'on fasse en sorte que ce soit possible pour elles aussi de suivre le cours.

M. Johnson (Anjou): M. le Président, le député de D'Arcy McGee soulève une question qui est celle de la balance des inconvénients dans l'application et dans un changement en droit. S'il est vrai que Mme Sikiotis ne répond pas aux critères actuels, il faut savoir aussi que Mme Sikiotis a été avisée de ce cas le jour où elle est entrée au cégep pour suivre ce cours.

M. Marx: Permettez-vous que je vous pose une question, M. le ministre? Supposons qu'une femme, comme Mme Sikiotis, entre au cégep; on lui dit: Vous devez avoir cinq pieds et trois pouces pour être acceptée à l'Institut de police de Nicolet. Mais elle entre à cinq pieds et deux pouces. Elle ne sait pas de combien de pouces elle peut grandir durant son passage au cégep. Il y a ceux qui grandissent de trois pouces, de six pouces et d'autres d'un pouce et demi. Elle a grandi, mais il lui manque un demi-pouce, à la fin. Je pense que la raison...

M. Johnson (Anjou): M. le Président, les 1969 étudiants dans les cégeps, en technique policière, faisaient face à la même règle. Et ce que nous demande le député de D'Arcy McGee, c'est de considérer que les milliers de personnes, qui se sont vu opposer le fait que, s'ils ne mesuraient pas la hauteur prévue dans le règlement - qui doit être changée d'ici un certain nombre de mois - ont dû aller faire des études dans d'autres secteurs, parce qu'ils savaient que cela leur interdisait un accès à ce métier, est-ce que ce serait juste à leur égard... Je considère que, s'il est vrai que la réalité de l'application des règlements doit laisser place à des interprétations qui soient les plus humaines possible, et surtout qu'elles ne laissent pas d'injustice, il faut, néanmoins, être bien conscient que le jour où on change un règlement de cette nature, il y a les effets qu'on lui connaît sur toutes celles et tous ceux qui n'ont pas fait leur technique policière parce qu'elles et ils savaient que ce critère s'appliquait. Est-ce que ce ne serait pas de les traiter injustement?

M. Marx: II n'y a pas de...

M. Johnson (Anjou): Et si le député de D'Arcy McGee nous dit qu'il croit que le cas de Mme Sikiotis doit donner lieu à non pas une infraction, mais à une interprétation différente du règlement ou une approche nouvelle, je lui dirai que cela est impossible, tant et aussi longtemps que le règlement est ce qu'il est aujourd'hui. Et que cette question ne pourrait se poser, quant à moi, que le jour où le règlement est changé. On ne peut pas anticiper et présumer du changement au règlement. C'est, en ce moment, sous étude. Les tendances, l'histoire de ce qui se passe dans un certain nombre de métropoles ou de villes importantes sur le continent, l'apparence de conséquences discriminatoires du règlement tel qu'il existe, pourraient nous amener à considérer, effectivement, que le règlement a de fortes chances d'être modifié quant à ce critère objectif. Mais tant et aussi longtemps qu'il ne l'est pas, à mon avis, ce serait injuste à l'égard des autres personnes qui postulent pour entrer dans les corps policiers que de faire une exception pour une personne, à savoir Mme Sikiotis.

Encore une fois, la situation pourrait ne pas être la même au moment où le règlement est changé. Mais, tant et aussi longtemps que ce règlement existe, je ne vois pas au nom de quel principe de justice on permettrait non pas un traitement juste d'une personne mais ce qui deviendrait un passe-droit. Je pense que c'est une distinction que le député de D'Arcy McGee fait bien.

M. Marx: Je pense que le ministre pourrait prendre la décision, en principe, de changer le règlement. Il doit prendre cette décision, aujourd'hui ou demain, afin que cela ne traîne pas. Tout comme les décisions en matière fiscale, une fois que le ministre des Finances décide d'une politique fiscale, même si le règlement est adopté quelques mois plus tard, le règlement a un effet rétroactif depuis le jour de sa décision.

(12 heures)

Tout ce que je souhaite, c'est que le ministre dise que le règlement sera changé avant le mois de juillet, le mois d'août ou le mois de septembre et que toute personne qui répondra aux nouveaux critères soit admissible. Je ne veux pas qu'on fasse une exception pour Mme Sikiotis. Je veux que le ministre change le règlement, qu'il annonce ce changement et que celui-ci s'applique à toute personne qui correspondra aux nouveaux critères. C'est-à-dire quelqu'un qui a été refusé il y a sept ans, s'il peut correspondre aux critères d'âge, de taille, de poids, etc., qu'il soit aussi admissible, cela va de soi. Je pense que le ministre ne doit pas tergiverser, passer de mois en mois et laisser les personnes comme Mme Sikiotis sur la clôture. On ne le sait pas. Quand sera-t-il changé? Est-ce qu'elle va devenir policier oui ou non?

Je lui ai parlé hier et j'ai été très impressionné, parce qu'elle veut vraiment devenir policier, elle travaille pour une compagnie privée de sécurité, je pense. Il y en a d'autres dans la même position; et, comme on dit, il ne faut pas "staller" l'affaire et dire qu'on va faire une autre étude, on va voir... Que fait-on avec des lois ici? Quand on a une loi qui est adoptée, on ne commence pas à zéro, on commence avec une loi semblable qui a été adoptée ailleurs. Qu'on prenne les règlements de Toronto, de Los Angeles et de New York, qu'on se fasse une idée sur cela et, dans quinze minutes, on peut, en principe, décider quoi faire. Après, on rédige un nouveau règlement. Tout ce que je peux demander au ministre, c'est de faire quelque chose. Si c'est son intention de ne pas bouger avant des mois ou des années, c'est lui qui portera le fardeau de l'injustice dans le cas de Mme Sikiotis et vis-à-vis d'autres personnes qui se trouvent dans la même position.

Le Président (M. Vaugeois): M. le député de Vachon.

M. Payne: J'allais poser la même question. Je pense que c'est à point. Dans le cas de Mme Sikiotis, est-ce que le député aurait lui-même accordé une dérogation au règlement, d'une part? D'autre part, si on voulait régler le problème - triste un peu de la demoiselle en question - parce que moi-même j'ai répondu à certaines questions posées sur les ondes à cet égard, voudrait-il que le règlement soit rétroactif pour l'aider? S'il était rétroactif, jusqu'à quel point cela aiderait les gens intéressés, c'est-à-dire tous ceux qui viendraient par la suite? Pourquoi ne pas le mettre rétroactif jusqu'à il y a un an, deux ans ou trois ans?

M. Marx: Ce serait pour tout le monde.

M. Payne: II y a un certain manque de rigueur dans l'argumentation du député. Pour chaque règlement, il faut qu'il y ait un moment d'entrée en vigueur. Jusqu'à quel moment voudrait-il qu'une telle rétroactivité entre vigueur?

M. Marx: Si j'étais ministre de la Justice, voici la lettre que j'écrirais à Mlle Sikiotis: Chère madame...

Le Président (M. Vaugeois): C'est intéressant.

M. Marx: C'est en guise de réponse.

Le Président (M. Vaugeois): On va tout de suite savoir à quoi s'en tenir.

M. Marx: J'ai étudié votre cas. Je trouve que les critères sont injustes, en principe. Nous sommes en train de réviser les critères. Ils seront révisés d'ici deux mois et ce sera possible de poser votre candidature à l'Institut de police de Nicolet dans deux mois parce que les critères seront changés.

En ce qui concerne la rétroactivité, les nouveaux critères seront applicables pour toute personne qui y correspond. C'est toujours comme cela. Je ne vois pas de difficulté.

Je vais vous donner un autre exemple. Votre prédécesseur, le ministre Bédard, a refusé de faire adopter une loi en ce qui concerne l'étalage des revues pornographiques. Il a même fait dire par son attaché de presse que les municipalités ont déjà un tel pouvoir. Mais nous avons - c'est-à-dire l'Opposition - convaincu le ministre des Affaires municipales de faire changer la loi. Savez-vous, M. le ministre, que le ministère de la Justice, une semaine plus tard, avait déjà rédigé un règlement en ce qui concerne l'étalage des revues pornographiques? Savez-vous pourquoi il a pris seulement quelques jours pour faire cela? Parce qu'une réglementation semblable existe déjà à Toronto et dans d'autres villes. Il a pris la réglementation des autres villes; il l'a examinée et il a rédigé un règlement excellent pour le Québec.

C'est la même chose pour les critères concernant les policiers. On ne commence pas à zéro. On voit ce qui a été fait ailleurs et on rédige un règlement ici. Cela ne prend pas des mois et des mois, et des rapports et des rapports. Je dirais aussi que, dans d'autres juridictions, quand il y a des lois à rédiger, on va prendre des lois québécoises ou des règlements du Québec, on va faire des études et un peu de copiage, le cas échéant. Je pense que cela ne prend pas un génie pour voir qu'on peut faire de telles modifications et de tels changements de règlements, sans avoir des rapports à la

tonne. Je pense que cela se fait couramment dans votre ministère, mais ce qui manque, c'est la volonté politique de votre part. Tout part de là. Si vous alliez presser le bouton pour changer le règlement des candidats qui posent leur candidature à l'Institut de police, à Nicolet, ce serait fait dans les 24 heures. C'est à vous de presser le bouton que vous voulez. Si vous ne pressez pas ce bouton, cela va traîner des mois et des années. C'est à vous de décider, soit aujourd'hui, soit dans les jours à venir. Je vous assure, M. le ministre, que, si vous ne pressez pas le bouton, je vais revenir à la charge sur cette question.

M. Johnson (Anjou): M. le Président, deux choses. D'abord, en ce qui concerne le règlement dont on parlait, ce que j'ai dit, je le répète. J'ai eu l'occasion, d'ailleurs, de m'en entretenir avec le député qui, tentant de régler un problème, plutôt que d'en faire un plat, était venu me voir; je parle du député de Laurier. Il est venu me voir avec le cas; je lui ai fourni les documents et les conditions dans lesquelles cette réglementation était en voie de cheminement. Je lui ai donné également l'orientation générale que je prendrais a priori, c'est-à-dire que j'avais de bonnes raisons de croire que le règlement serait modifié sur les critères objectifs de la grandeur et du poids. Et je lui ai dit que Mme Sikiotis pourrait postuler comme d'autres. Le député de D'Arcy McGee, lui, a décidé de jouer les héros. D'abord, il est allé prendre le dossier de son collègue, d'une commettante, je crois, de son collègue de Laurier. Deuxièmement, il a décidé de faire les manchettes plutôt que de régler le problème. Mais, c'est son tempérament et, on le sait, ce sont ses crises du dimanche soir.

Par ailleurs, sur la question qui touche la pornographie, le député a dit une chose inexacte, à moins que, là aussi, il n'ait été distrait. Mais le Parlement a adopté des modifications à la Loi sur les cités et villes, au Code municipal ainsi qu'à la Charte de la ville de Montréal qui permettent dorénavant à ces municipalités du Québec, soumises à la Loi sur les cités et villes et au Code municipal, ou à la ville de Montréal, d'adopter un règlement en matière d'étalage de matériel pornographique.

M. Marx: Oui, mais...

M. Johnson (Anjou): Mais, le député, M. le Président..

M. Marx: ...j'ai dit cela...

M. Johnson (Anjou): ...si vous permettez, le député nous présente une fois de plus en prenant des raccourcis, qui sont étonnants de la part d'un homme qui a pratiqué une discipline de rigueur à l'époque où il était à l'université... Il dit des demi-vérités; il dit des choses incomplètes, ce qui lui permet, comme d'habitude, de tenir un discours, mais, à mon avis, de ne pas être très rigoureux dans l'approche de ses questions.

M. Marx: M. le Président, je n'ai pas dit que l'Assemblée nationale n'a pas adopté la loi sur l'étalage des revues pornographiques. J'ai dit...

M. Johnson (Anjou): Vous avez dit cela textuellement. Vous lirez les débats. Ne les faites pas corriger, à part cela. C'est cela que vous avez dit.

M. Marx: Non. Si j'ai dit cela, il faut le corriger.

M. Johnson (Anjou): Bon! Ah!

M. Marx: J'ai dit que votre prédécesseur, le ministre de la Justice, a refusé de parrainer un tel projet de loi en faisant dire par son attaché de presse, dans un éditorial de la Gazette, que les villes ont déjà ce pouvoir. Il a refusé en disant: Ce n'est pas nécessaire, les villes ont déjà ce pouvoir.

Nous avons convaincu le ministre des Affaires municipales de faire amender les lois que vous avez mentionnées. L'exemple que j'ai voulu citer est celui du ministère de la Justice qui a fait rédiger un règlement type sur l'étalage des revues pornographiques. Cela s'est fait très vite et d'une façon très efficace. Je pense qu'il s'est grandement inspiré de la réglementation à Toronto et peut-être ailleurs.

Je veux seulement dire que si le ministre a la volonté politique de changer le règlement en ce qui concerne les policiers, cela pourrait se faire en 24 heures, sinon en 12 heures. Mais, il faut une volonté politique de sa part pour dire: Je veux que cette injustice soit corrigée. Une fois qu'il aura poussé le bouton, la machine démarrera et le règlement sortira. C'est très simple. Cela se fait toujours ainsi. C'est au ministre de décider quel bouton il veut pousser. J'aimerais poser une question sur un autre dossier.

Le conseil municipal et son corps policier

Le Président (M. Vaugeois): Je suis content de vous l'entendre dire, car j'aimerais qu'on profite de la présence du juge Gosselin pour explorer, dans le peu de temps qu'il nous reste, d'autres aspects du travail de la Commission de police.

On va vous laisser vous reposer, M. le

député de D'Arcy McGee. J'aurais une ou deux questions à poser au ministre sur cet aspect du travail de la Commission de police qu'est la tenue d'enquêtes publiques. Vous devinerez un peu mon intérêt particulier pour cet aspect du travail, encore que je ne voudrais par me référer de façon spéciale à l'enquête qui a eu lieu sur le corps policier de Trois-Rivières. J'interviendrai plutôt à partir de ce que j'ai pu observer et mes questions sont d'ordre plus général.

Pourriez-vous, M. le ministre ou M. le juge Gosselin, nous décrire un peu quelles sont les responsabilités d'un conseil municipal à l'égard de son corps policier? Que doit faire et que peut faire un conseil municipal vis-à-vis de son corps policier? Quelles exigences peut-il avoir? Doit-il en avoir? Quelle forme doivent prendre ces exigences?

M. Johnson (Anjou): Les exigences de...

Le Président (M. Vaugeois): À l'égard de son corps de police.

M. Johnson (Anjou): Au départ - je permettrai au juge Gosselin d'ajouter un mot à cela - je suis sûr qu'il a beaucoup de choses à dire à ce sujet, vu sa vaste expérience. Un des problèmes, semble-t-il, de plusieurs corps policiers à l'égard de la notion même de ce qui est l'employeur est de savoir si c'est le chef du service de police qui est l'employeur d'un policier ou la municipalité.

Ce n'est pas typique au Québec. C'est vrai. Le député de D'Arcy McGee qui est un grand amateur de télévision a sans doute vu l'émission W5 ou Fifth Estate, en fin de semaine, qui évoquait le problème d'une citoyenne et de ses deux enfants. Elle est veuve et ses enfants sont donc orphelins d'un père tué par un policier dans un contexte de violence et de brutalité peu commun. Ce drame s'est déroulé dans une des municipalités de banlieue de Halifax. Quant au problème du dédommagement de cette personne, à sa face même, il semble y avoir une injustice, la municipalité ne se considère pas responsable. Les professeurs spécialistes en droit administratif de l'Université de Halifax qui participaient à cette émission disaient que la municipalité et les policiers étaient rigoureusement exacts en affirmant que la municipalité n'a pas de responsabilité pour le geste commis par ce policier. (12 h 15)

II semble que ce problème existe aussi ailleurs. Il existe également au Québec. À ma connaissance, il y a le cas au moins d'un corps policier où je sais que ce problème existe en ce moment. Qui est finalement celui qui assume le lien de préposition? Je pense qu'aux yeux des citoyens, c'est évident que, lorsqu'un policier agit, le citoyen a l'impression qu'il peut se retourner vers les élus que forment son conseil municipal. Mais cela ne semble pas être absolument et rigoureusement exact pour toutes sortes de raisons dont une qui est la notion des agents de la paix. Le policier est agent de la paix 24 heures par jour, même quand il n'est pas en fonction. Le problème de préposition et de responsabilité de la personne en question en dehors de ses fonctions est un problème extrêmement important, puisqu'il est agent de la paix. On aurait tendance à dire que c'est le ministère de la Justice qui assume une espèce de lien de préposition, mais on voit tout de suite ce que cela représente sur un territoire comme le Québec. Va-t-on avoir une armée de fonctionnaires qui contrôlent ce que font les policiers parce qu'ils sont agent de la paix en dehors de leurs heures de travail? Ce sont des problèmes qui sont intrinsèquement reliés à la nature et au statut de ce qu'est un policier, en vertu de nos lois. C'est le genre de problème auquel on aura à faire face éventuellement si on veut éviter des situations comme celle qui était décrite dans cette émission. Nous sommes en ce moment en voie de révision de certains codes de déontologie qui touchent les policiers et qui vont toucher cette notion du lien de préposition également.

Je vais peut-être laisser le juge Gosselin... Pour les fins de la responsabilité, dans le cas de la sûreté, d'un policier municipal ou d'un constable spécial qui ne cesse pas d'agir à titre de préposé lorsqu'il agit en qualité d'agent de la paix, pour les fins de l'application de cette partie de la responsabilité, dis-je, c'est le Procureur général qui est responsable. Le Procureur général, pour les fins de cet article, est réputé l'employeur du policier municipal qui agit en qualité d'agent de la paix sur le territoire et qui n'est pas soumis à la juridiction du corps policier de la municipalité qui l'emploie... Théoriquement, c'est cela. Sauf que la pratique de cela, on le voit tout de suite, pensez-vous qu'à Trois-Rivières, concrètement, où ces choses se passaient, le pouvoir du ministre de la Justice était autre chose qu'un pouvoir d'appréciation de l'ensemble? Le mode d'intervention du ministre de la Justice au-delà des cas particuliers et de la responsabilité des individus, c'est l'appréciation des responsabilités de ce corps policier et l'instrument dont le ministre et le Procureur général dispose pour faire cela essentiellement, c'est la Commission de police.

Le Président (M. Vaugeois): Le sens de ma question, M. le ministre, c'est d'essayer de mieux dégager le niveau de responsabilité des élus vis-à-vis du comportement ou des actions d'un corps policier. La Loi de police ou un document qu'on m'a présenté comme la Loi de police invite sinon fait obligation à

un conseil municipal d'établir ces exigences vis-à-vis de son corps policier. Il est même prévu qu'un conseil municipal puisse se dire insatisfait du chef du corps policier et il y a des moyens prévus pour le renvoyer - les moyens d'ailleurs sont rares - je les ai admirés, parce qu'on protège un chef de police; la procédure est assez difficile, mais elle est possible. Ce qui indique qu'il y a une responsabilité des élus municipaux sur un corps policier. Également, on sait comment fonctionnent les services municipaux. En pratique, si le chef de police a une attitude intransigeante ou rigoureuse ou correcte quant à l'application des règlements, on sait que les citoyens auront tendance à en appeler au maire. S'il arrivait que le maire donne des instructions différentes à l'adjoint du chef de police, comment dégagez-vous à ce moment le niveau de responsabilité? Je pose la question de façon théorique. Je ne voudrais pas que les références que je fais aient l'air de s'appliquer à un cas en particulier. Bien que, progressivement, j'y viendrai peut-être à la fin. Mais pour l'instant, je voudrais comprendre un peu le contexte général du niveau de responsabilités des uns et des autres.

M. Johnson (Anjou): C'est vrai pour une centaine de municipalités au moins. 180 municipalités. M. le juge.

M. Gosselin: La loi répond aux questions que vous vous posez. Toute municipalité a des pouvoirs à l'égard de son corps policier. Elle peut y dicter des normes relatives à la discipline, elle peut pourvoir à l'organisation et à de l'équipement...

M. Johnson (Anjou): C'est toujours...

M. Gosselin: ...et au maintien... sous réserve des règlements qui pourraient être adoptés par la commission dans les matières sur lesquelles la commission est habilitée à le faire. Les normes d'embauche sont un sujet sur lequel la commission était apte à adopter un règlement et elle l'a fait.

Si on retourne quinze ans en arrière, dans la majorité des municipalités, il n'y avait pas de règlement pour édicter des normes d'embauche. Cela variait d'une municipalité à l'autre. Il n'y avait pas de normes scolaires minimales et n'importe qui pouvait, du jour au lendemain, devenir policier. On lui remettait un uniforme, un revolver, une "badge", puis le gars était policier.

On a édicté des normes, comme M. Marx le disait. On a aussi été inspiré par ce qui existait ailleurs, puis on a réalisé à un moment donné que la question de grandeur devait être révisée et que le candidat devrait plutôt répondre aux efforts physiques qu'il est appelé à faire, qu'on puisse avoir des tests pour répondre à cela.

Quant à la responsabilité du directeur de police, la loi dit que tout corps de police municipale est sous la direction d'un directeur qui le commande. À prime abord, on verrait très mal qu'un conseil municipal puisse aller donner des directives à l'adjoint, contredisant ou court-circuitant le directeur de police, parce que c'est lui qui a la responsabilité de l'opération policière. Mais, administrativement, le directeur de police doit répondre à son conseil. En matière d'achat d'équipement, il lui faut suivre la politique édictée dans la municipalité. Il passe par le gérant, etc.

Quant à l'opération policière, c'est laissé au directeur. D'ailleurs, la loi a été modifiée pour dire que le gérant de la municipalité n'avait pas accès aux dossiers d'enquête criminelle, à tout ce qui concernait une enquête criminelle. Même dans les rapports mensuels ou annuels qui sont transmis par le directeur de police à son conseil municipal, il ne peut inclure des renseignements qui soient de nature à identifier le contenu ou des suspects dans une enquête criminelle.

Le Président (M. Vaugeois): Dans quels cas un conseil municipal peut-il destituer un chef de police et quelle est la procédure prévue?

M. Gosselin: La procédure prévue, c'est qu'il doit avoir des motifs et il doit adopter une résolution à la majorité absolue des voix des membres du conseil. Une fois cette décision prise et le directeur destitué, si la décision est prise par la municipalité sans qu'elle donne suite à une recommandation de la commission, l'appel vient devant la Commission de police. Si la décision est prise par la municipalité à la suite d'une recommandation de la commission, l'appel est logé devant trois juges de la Cour provinciale. Depuis des modifications à la loi qui sont en vigueur depuis le 1er juin 1980, il n'y a eu qu'un seul cas d'appel de cette nature devant trois juges de la Cour provinciale.

Le Président (M. Vaugeois): M. le ministre, comme citoyen, j'ai observé un peu l'application de cet aspect de la Loi de police et il me semble que, puisqu'on donne aux élus municipaux la possibilité de destituer éventuellement un chef de police, il faudrait également les inviter sinon leur faire obligation d'établir des exigences vis-à-vis de leur corps policier pour qu'on sache sur quelle base on exige et on évalue.

Il y a l'opinion publique qui est toujours très sensible à ce qui se passe au niveau des comportements des corps policiers. C'est une des forces assez terribles d'ailleurs de la commission quand elle tient des enquêtes

publiques. Je suis frappé de constater la disproportion et le déséquilibre qu'il peut y avoir entre l'impact qu'a l'enquête publique... d'ailleurs, généralement elle fait suite à une enquête privée; donc, on sait un peu où on s'en va. Mais l'impact est considérable. Je vois le déséquilibre entre la force de cet impact pour le jugement de l'opinion publique qui, lui, est énorme sur les gens qui sont mis en cause comparativement aux pouvoirs réels de la commission qui, finalement, se contente de faire des recommandations... Je pose la question, M. le ministre.

M. Johnson (Anjou): M. le Président, c'est le problème qui vient avec toutes les activités des commissions qui ont des pouvoirs qui sont l'équivalent des pouvoirs de la commission, ce qu'on appelait traditionnellement les commissions royales d'enquête. D'ailleurs, en Ontario, on a exactement ce problème en ce moment avec une commission qui enquête sur le décès de 36 ou 39 enfants dans un hôpital pédiatrique où, pour toutes sortes de raisons, on croit qu'il y a là une chose étonnante qui mérite une investigation. On a vu l'étalement sur la place publique que représentaient les témoignages des différentes infirmières de la perception que cela crée dans l'opinion publique, d'une culpabilité a priori d'un certain nombre de personnes ou de leur compétence qui est mise en doute. Il aura fallu une décision de la Cour suprême de l'Ontario, il y a quelques jours, pour interdire au commissaire de révéler son opinion quant au lien de culpabilité qui existait, quant à la notion de culpabilité qui pourrait exister à l'égard de certaines personnes compte tenu de leur participation aux activités qui ont été décrites devant la commission.

Je reste convaincu que la meilleure garantie pour les citoyens comme pour le fonctionnement de la justice, du cheminement adéquat du respect des droits des citoyens et la réponse à des activités illicites ou criminelles, ce sont les institutions dont nous nous sommes dotés qui sont les corps policiers, le jugement des procureurs de la couronne, au moment où ils doivent de la suffisance de la preuve, de l'opportunité et, évidemment, de l'exécution par nos tribunaux de leur responsabilité... c'est-à-dire porter des jugements à partir de la preuve qui leur est soumise et de la "contre-preuve". Cependant, il y a des situations exceptionnelles.

La Commission de police, en ce sens, a un mandat qui heureusement est beaucoup plus large que celui de n'enquêter que dans des situations présumées troublées ou comprises ainsi au départ. Le travail quotidien qui est fait à la commission, c'est un travail du maintien, de l'équilibre et du respect des grands principes comme des dispositions qu'on retrouve dans la Loi de police, c'est-à-dire l'organisation des corps policiers, le respect d'un certain nombre de critères par les organisations policières quant à l'embauche, quant au fonctionnement, quant au déploiement des ressources et également la protection des individus. Il faut voir qu'il y a un autre versant à cela. La Commission de police, régulièrement, enquête sur des plaintes qui sont faites par les citoyens quant aux traitements qu'ils ont reçus de la part d'un policier et la commission fait des recommandations dans ces circonstances.

Maintenant, je dirai que je ne suis pas sûr que c'est en soi la loi et la façon avec laquelle la commission exerce ses pouvoirs qui génèrent cela. En tout cas, ce n'est sûrement pas elle exclusivement. C'est aussi le traitement que les populations locales y accordent et l'intérêt qu'elles y apportent à partir de l'intervention et des rapports qu'en feront les médias. Il est bien évident que lorsque la Commission de police arrive dans une municipalité, que ce soit à Trois-Rivières ou ailleurs, cela ne passe pas exactement inaperçu et cela devient la nouvelle quotidienne. Cela devient aussi un intérêt quotidien pour les citoyens, les médias, et là se tirent dans la nature constamment des gens avec des déclarations, des opinions, des jugements qui portent, des lignes ouvertes, puis le reste. Je ne pense pas qu'on doit, en soi, blâmer la loi ou la Commission de police de voir qu'il y ait tel résultat. Alors, que font-ils? Ils accomplissent leur devoir, mais dans la mesure où cela est public et connu, ce n'est plus entre leurs mains que de savoir quel traitement sera fait de cette information, non seulement par les médias mais par les différentes personnes à l'intérieur de la communauté. Or, pour l'essentiel, je dirai que s'il est vrai qu'il semble y avoir une disproportion entre l'impact public et la réalité de ce qui en ressort au niveau des recommandations, il n'en demeure pas moins que c'est un instrument important à mes yeux, mais qui doit être utilisé avec beaucoup de parcimonie. (12 h 30)

Le Président (M. Vaugeois): Un petit commentaire, M. le ministre. Quand on siège depuis un certain temps dans ce parlement, on est un peu frappé du niveau qu'on continue de maintenir à la responsabilité ministérielle. On veut entretenir encore l'idée que les ministres sont responsables de tout. Ici, c'est le modèle qu'on a. Quand on assiste à une enquête de ce type, c'est le contraire. Il n'y a pas d'élus responsables de quoi que ce soit. Il y a des individus qui écopent ou semblent écoper d'une responsabilité extrêmement large. Je voulais signaler les extrêmes que suggèrent ces deux points de référence et terminer en évoquant

que les pouvoirs actuels n'ont pas d'effets toujours à toute épreuve. Je pense qu'il n'est pas inutile de revenir au cas de Trois-Rivières pour rappeler ceci. Nous avons fait l'objet en 1968, 1969, 1970, d'une enquête publique importante et, dix ou douze ans plus tard, c'était à reprendre et essentiellement pour les mêmes problèmes. Je trouve qu'il y a là une leçon à tirer. Ce n'est pas le temps, aujourd'hui, mais je l'ai évoqué après ma première question en essayant de voir un peu ce que la Loi de police exigeait des conseils municipaux. Il y a des choses qui sont devant les tribunaux d'ailleurs, à ce moment-ci. Il me semble que ce cas devrait nous amener à faire une dévaluation des effets que peut avoir une telle enquête. Finalement, j'oserais dire que l'enquête de 1968, 1969, 1970 a préparé la situation qu'on a réévaluée à l'occasion d'une enquête en 1981-1982, elle a créé le contexte favorable à des problèmes majeurs qui a provoqué une deuxième enquête alors que cette deuxième enquête n'a pas voulu retourner sur les terrains de la première enquête. Il me semble que, quand tout sera retombé, quand les tribunaux auront rendu un certain nombre de jugements, on pourra en parler plus facilement et réévaluer tout cela.

M. Gosselin: II faut dire que les faits qui ont été examinés dans la deuxième enquête n'étaient pas les mêmes que dans la première. La direction n'était plus la même à ce moment-là. Les faits étaient survenus subséquemment à la première enquête.

Le Président (M. Vaugeois): M. le ministre, notre temps est épuisé ou presque. Je rappellerai seulement une chose: un des détectives-enquêteurs de la première enquête est mort de façon mystérieuse et on n'a jamais clarifié cela.

M. Marx: ...

Le Président (M. Vaugeois): Mais là, on mêle les cartes.

M. Johnson (Anjou): Si vous me le permettez, M. le Président, et si mon collègue le permet puisqu'il a laissé entendre un certain nombre de choses, je voudrais simplement faire une petite énumération: Loi sur les coroners, quatre chapitres du Code civil, modification à la Cour provinciale quant à sa judiriction, à la Cour des petites créances quant à sa juridiction en matière fiscale, à la Cour provinciale également au sujet des taux d'intérêt, réforme de la Loi sur les permis d'alcool, modification à la Charte des droits et libertés, protection de la jeunesse, réforme de la Loi de police, Loi sur les alternatives à l'emprisonnement pour cause d'amendes, création du Conseil de la magistrature, création du recours collectif et création du fonds d'aide au recours collectif, Loi sur le civisme, Loi sur les libérations conditionnelles avec création de la Commission de libération conditionnelle, Loi sur les perceptions des pensions alimentaires, création du Conseil de sécurité publique, programme sur les travaux rémunérés en milieu carcéral et création du Bureau de la protection civile...

M. Marx: Ce ne sont pas des annonces publicitaires.

M. Johnson (Anjou): M. le Président, c'est parce que le député laissait entendre...

M. Marx: Annonces publicitaires.

M. Johnson (Anjou): ...qu'il y avait eu une certaine pauvreté législative à la Justice depuis cinq ans.

M. Marx: J'ai une question à poser. Premièrement, je veux dire... Il y a beaucoup de lois que nous avons réclamées, beaucoup de changements dans les lois que nous avons réclamées. On vous félicite pour avoir suivi nos recommandations. J'ai juste deux questions assez brèves. Premièrement, quant à la Commission d'enquête sur le crime organisé, j'ai lu dans les journaux qu'on a dit que le ministre Pierre-Marc Johnson entend respecter les engagements de son prédécesseur. Je ne sais pas ce que cela veut dire, parce que le ministre Bédard a toujours dit des choses comme: je vais fermer Parthenais, mais il a donné la date une fois et après cela il a pris l'engagement sans jamais donner de date. Donc, on ne peut jamais dire s'il a rempli son engagement ou non. En ce qui concerne la CECO, est-ce que le ministre entend respecter l'engagement de son prédécesseur et d'abolir cette commission d'enquête à la fin de son mandat, le 30 juin 1984?

M. Johnson (Anjou): Comme le député de D'Arcy McGee le sait, la CECO est un banc de la Commission de police du Québec qui, en ce moment, a un mandat qui est très spécifique dans un domaine particulier d'enquête. La question, ce n'est pas de savoir si on abolit la CECO, c'est de savoir si on lui donne d'autres mandats spécifiques. Pour le moment, je n'ai pas l'intention de lui demander d'exécuter des mandats spécifiques.

M. Marx: Le décret du gouvernement a donné un mandat à la CECO jusqu'au 30 juin 1984. Est-ce que ce sera la fin de ce mandat ou si le ministre envisage de donner un autre mandat à la CECO? Je pense que c'est une question simple. Si le ministre est pour me dire...

M. Johnson (Anjou): M. le Président, il

me semble que je viens de répondre très simplement.

M. Marx: C'est quoi, oui ou non? On va voir!

M. Johnson (Anjou): J'ai dit, M. le Président, que, pour le moment, je n'entretiens pas de projet de mandat pour la CECO. Il me semble que c'est clair.

Une voix: Oui, oui.

M. Marx: Donc, on va revenir à la charge le 15 juin, pour vous poser la question quand ce sera...

Une dernière question. En ce qui concerne les policiers. Depuis 1977, est-ce qu'on a déjà fait une exception pour une personne qui n'avait pas la taille requise pour être policier, c'est-à-dire pour une femme de cinq pieds et trois pouces et pour un homme de cinq pieds et sept pouces? À -t-on jamais fait une exception, c'est-à-dire a-t-on déjà admis quelqu'un à l'Institut de police de Nicolet?

M. Johnson (Anjou): Selon ce que le président de la commission me dit, en ce qui concerne la commission, jamais; en ce qui concerne le ministère, donc la Sûreté du Québec, en principe, non plus. Ce qui pourrait arriver, c'est que, à Nicolet, un corps municipal ait décidé de passer outre à la réglementation et d'accepter un candidat.

M. Marx: Est-ce que, avant que je pose la question au ministre en ce qui concerne le cas de Mme Sikiotis, le ministre était en train de prendre la décision de l'admettre à l'Institut de police de Nicolet?

M. Johnson (Anjou): Ce que j'ai dit, c'est que j'ai transmis au député qui m'a parlé de ce cas, avec beaucoup de précision et beaucoup de rigueur, avec les faits et pas seulement les perceptions, que ce vers quoi nous nous dirigions, c'était sans doute, à assez court terme, une modification de la réglementation quant aux critères du poids et de la taille, et que, dans ces circonstances, la personne, ayant son diplôme en technique policière, pourrait, si le règlement est changé, postuler, mais sans présumer de son acceptation pour d'autres raisons.

M. Marx: Donc, je ne vois pas ce que mon intervention à l'Assemblée nationale a changé dans vos propos. C'est-à-dire que vous dites au député la même chose que ce que vous m'avez dit en Chambre, mais vous avez laissé entendre que mon intervention a peut-être nui à Mme Sikiotis.

M. Johnson (Anjou): C'est parce qu'il laissait entendre que le traitement était un traitement injuste à l'égard d'une personne, alors que ce sont les effets d'une réglementation à l'égard de milliers de personnes.

M. Marx: C'est cela. Mais ma question à l'Assemblée traitait l'ensemble des personnes, pas seulement elle. J'ai utilisé Mme Sikiotis comme l'exemple de ce traitement injuste.

M. Johnson (Anjou): Alors, à ce moment-là, ce serait sûrement une très bonne idée qu'on relise tous les deux le journal des Débats.

M. Marx: Oui, on va le faire. Mais...

Le Président (M. Vaugeois): Écoutez, M. le député...

M. Marx: D'accord.

Le Président (M. Vaugeois): ...une dernière petite...

M. Marx: Non, non.

Le Président (M. Vaugeois): ...parce qu'on va se revoir.

M. Marx: C'est cela.

Le Président (M. Vaugeois): Bon.

M. Marx: M. le Président, j'aimerais souligner que nous avons commencé quinze minutes en regard et nous avons rattrapé dix minutes. Donc, il nous reste...

Le Président (M. Vaugeois): Bon.

M. Marx: ...cinq minutes à rattraper à un autre moment.

Le Président (M. Vaugeois): Est-ce que nous pouvons considérer que nous avons terminé la partie concernant la Commission de police du Québec?

M. Marx: La Commission de police du Québec, oui.

M. Johnson (Anjou): Le programme 14 est adopté, M. le Président.

Le Président (M. Vaugeois): Cela n'exclut pas que nous puissions reparler des corps policiers. Ce qui est au sommaire des dépenses de transfert, c'est de la compétence du ministère.

M. Johnson (Anjou): Oui, oui.

Le Président (M. Vaugeois): D'accord.

M. Johnson (Anjou): Mais quant au programme 14, en ce qui concerne la Commission de police du Québec, on vous saurait gré que ce soit adopté.

M. Marx: Oui, en ce qui concerne le président de la commission; de toute façon...

Le Président (M. Vaugeois): Oui. Nous en profiterons pour le remercier de sa participation.

M. Gosselin: Je voudrais vous remercier, M. le Président, M. Johnson, M. Marx et tous les membres de la commission d'avoir bien voulu m'accueillir. Je vous remercie.

Le Président (M. Vaugeois): Merci. Nous ajournons nos travaux sine die.

(Suspension de la séance à 12 h 35)

(Reprise de la séance à 15 h 17)

Le Président (M. Vaugeois): La commission des institutions reprend ses travaux conformément à un ordre de la Chambre pour procéder à l'étude des crédits du ministère de la Justice.

M. le ministre, si vous étiez d'accord, nous essaierions d'avoir un peu d'ordre cet après-midi, profitant de la présence d'un membre de l'Opposition qui s'est éloigné momentanément de l'héritage de ses ancêtres pour entreprendre l'étude du programme 1.

M. Johnson (Anjou): M. le Président, nous sommes prêts à répondre aux questions s'il y en a.

Formulation de jugements

Le Président (M. Vaugeois): Est-ce qu'il y en a sur le programme 1. Formulation de jugements?

M. Polak: Non.

M. Johnson (Anjou): Cela va.

M. Polak: Cela va pour le moment. Sous réserve, peut-être que M. le député de D'Arcy McGee reviendra sur cela demain matin. Mais nous ne posons pas de questions sur cela.

M. Kehoe: Je demande au ministre s'il a des remarques à faire en général sur le programme 1 pour commencer.

M. Johnson (Anjou): Très peu, par définition, dans la mesure où formulation de jugements, c'est le programme quant aux traitements des juges pour l'essentiel.

M. Kehoe: Et l'augmentation qu'il y a eu aux crédits sur ce programme?

M. Johnson (Anjou): Oui.

M. Kehoe: Cela provient d'où? Quelles en sont les raisons?

M. Johnson (Anjou): Nombre de juges, pour l'essentiel, attendez, je vous donne cela. Les effectifs autorisés: 263 postes de juge, 3 postes au Conseil de la magistrature. Les augmentations sont de l'ordre de 1 484 000 $ au total qui résultent principalement de la révision du traitement et des contributions au régime de retraite des juges.

M. Kehoe: Le nombre de juges qui occupent des postes autres que juges de la Cour provinciale ou à la magistrature - je parle surtout du Tribunal de l'expropriation et des autres tribunaux administratifs -pourriez-vous nous indiquer le pourcentage ou le partage entre les deux? Est-ce que la plupart des 263 juges qui sont à la Cour provinciale sont au poste de la Cour provinciale? Quel pourcentage sont à des cours administratives?

M. Johnson (Anjou): On va vous donner cela tout de suite. Je les ai par prénoms, si vous voulez. À la Cour provinciale, sur 263 juges, il y a 263 postes de juge, trois postes au Conseil de la magistrature. Sur 263 juges, il y en a 160 à la Cour provinciale, 72 à la Cour des sessions, 43 au Tribunal de la jeunesse. Cela fait 275 qui sont... C'est un problème de réconciliation des données. Je viens de vous dire qu'il y en a 263 et j'en énumère 275. Attendez. De ce nombre, douze juges sont affectés à titre de président ou de membre de différentes commissions et régies.

M. Kehoe: Est-ce que cela a augmenté durant l'année courante? Est-ce toujours ainsi? Est-ce qu'il y a eu d'autres commissions qui ont été formées cette année?

M. Johnson (Anjou): Non.

M. Kehoe: C'est le même nombre que l'année passée?

M. Johnson (Anjou): C'est cela. Il n'y en a pas eu d'autres cette année. Il y en a eu il y a quelques années, mais non pas cette année.

Le Président (M. Vaugeois): Le programme 2.

M. Polak: Oui.

Le Président (M. Vaugeois): Oui. M. le député de Sainte-Anne.

Soutien administratif: délais devant les tribunaux

M. Polak: M. le Président, je ne sais pas si le ministre réalise qu'aujourd'hui, c'est la journée du droit. Cet après-midi, on change peut-être un peu de style parce que le député à côté de moi et moi-même sommes deux praticiens membres du barreau. On a un droit de parole régulier et on souligne souvent le côté théorique. On voudrait toucher un peu plus le côté pratique en ce qui regarde le ministère de la Justice.

Quand je vois le programme 2, je crois que le problème des délais d'audience devant les tribunaux tombe sous cette rubrique. Si ce n'est pas cela, on peut prendre un autre sujet, mais, en tout cas, je voudrais en parler. J'imagine que cela tombe sous le numéro 2: Soutien administratif.

Précisément, dans le journal du barreau que nous avons tous reçu la semaine dernière et qui nous parle aussi de cette journée du droit, on parle de délais. Évidemment, je fais référence surtout à la situation à Montréal parce que c'est là que je pratique le droit depuis au-delà de 20 ans. Je cite seulement cet article: II est de notoriété publique que le corridor d'un palais de justice résonne des critiques, des commentaires parfois fort désobligeants de la part des avocats et surtout de leurs clients sur le retard dans les auditions.

M. Johnson (Anjou): Sur le...

M. Polak: Sur le retard dans les auditions. Le justiciable perçoit trop vaguement parfois les malaises intenses qui, depuis quelques années, sont le lot quasi quotidien de rapports entre la magistrature et le gouvernement chargé de fournir les services et le support administratif indispensable au bon fonctionnement d'une cour de justice.

Il y a eu une étude et même un colloque dernièrement de l'Association du barreau canadien et on a noté - je veux seulement citer quelques chiffres - qu'au 31 octobre 1983 - là, je parle du district de Montréal - en Cour supérieure, il y avait 9560 causes en attente, que les délais d'audition d'une cause variaient de 7 mois, pour les causes urgentes, jusqu'à 89 mois. Calculez cela, M. le Président; cela veut dire qu'il peut prendre jusqu'à sept ans pour qu'une cause soit entendue, une cause ordinaire en Cour supérieure qui dure de trois à neuf jours. Pour les autres causes, les délais varient entre 30 mois et 45 mois. Donc, l'article décrit une situation comme étant désastreuse et que je qualifierais de scandaleuse.

Je lis encore l'article: La situation est telle que la possibilité d'aller en cour devient un privilège et non plus un droit. Ensuite, une recommandation voulait qu'aucune cause ne devrait être inscrite au rôle si elle n'est pas prête à être entendue le lendemain.

En ce qui concerne votre ministère - je comprends que vous pourrez répondre, cela ne relève pas tout à fait du ministère de la Justice - des suggestions ont été faites, par exemple, que des amendements soient apportés au Code de procédure civile de façon à permettre plus fréquemment la preuve par affidavit et l'interrogatoire hors cours de témoins qu'il n'est pas nécessaire d'interroger en cour. On cite l'exemple d'un gérant de banque qui témoigne sur les états bancaires d'un individu. Sa présence en cour n'est certainement pas indispensable. On dit: Modifiez le Code de procédure civile pour qu'une telle personne puisse être entendue en dehors de la cour, soit par preuve par affidavit ou interrogatoire en cour.

Ensuite, il y a une suggestion de la part du barreau: que des amendements soient apportés aux articles 294, 401, 402 et 403 du Code de procédure civile.

Ici, M. le Président, il y a des suggestions pratiques où, par des amendements au Code de procédure civile, on pourrait prendre des mesures qui pourraient rectifier cet état désastreux et même scandaleux. Finalement, on pose cette question. Ce n'est pas moi qui soulève cela pour la première fois, sans doute que mon voisin qui pratique dans le district de Hull va parler de son expérience, mais on cherche vraiment une réponse, non pas vague, mais positive. Qu'est-ce que les ministères s'apprêtent à faire étant donné qu'il y a des suggestions faites par le barreau depuis longtemps qui ne coûtent pas tellement d'argent, mais plutôt un changement d'attitude pour faire quelque chose et changer de situation?

Le Président (M. Vaugeois): Est-ce que M. le député de Vachon veut apporter un complément à cette question?

M. Payne: Non.

Le Président (M. Vaugeois): M. le ministre.

M. Johnson (Anjou): M. le Président, j'apprécie que le député de Sainte-Anne nous demande d'évoquer un peu ce qui a été fait dans ce domaine ou ce qui pourrait être fait. C'est très clair, oui il y a un problème de délais à la Cour supérieure, à Montréal en particulier. Les chiffres qu'il a cités sont à peu près ceux qu'on retrouve. J'en ai

quelques-uns qui sont un peu plus récents, mais qui concordent pour l'essentiel à ce qu'il disait. Encore faudrait-il distinguer dans les causes quant au nombre de jours d'audition pour les délais et le fait qu'il s'agit de causes urgentes ou pas. Si on prend pour l'année 1983, je ne parle pas du comparatif, les causes urgentes d'une journée, sept mois, mais c'est passé de neuf à sept mois en l'espace d'un an, les causes de deux jours sont passées de treize à six mois, les causes de trois jours et plus ont connu une augmentation importante de treize à 24 mois; par contre, les causes de dix jours d'audition, qui sont assez exceptionnelles, sont passées de quatorze mois à six mois pour être entendues. Dans le cas des causes ordinaires, de toute évidence, à l'exception des causes de deux jours, il y a eu une augmentation des délais qui est reliée au phénomène des vases communicants. Qu'est-ce que vous voulez, quand vous nettoyez des causes de quatre jours d'audition, c'est un peu inévitable. Vous allez augmenter les délais dans d'autres causes. C'est un peu ce qui s'est produit dans le cas des causes ordinaires pour les deux jours d'audition et plus, parce qu'il y avait eu "blitz" qui avait été fait, et qui sont passées de 80 à 45 mois, ce qui est déjà une amélioration. Cependant, les causes de trois jours et plus, disons de dix jours et plus, sont passées de 17 à 30 mois d'audition. Donc, il y a une certaine amélioration pour certaines catégories de causes.

Il s'agit maintenant de voir ce problème comme pouvant connaître des solutions à trois niveaux. Le premier niveau, c'est un niveau administratif; le deuxième, c'est un niveau législatif; et, le troisième, c'est quelque chose d'un peu plus compliqué, qui s'appelle la pratique et l'utilisation qu'on fait de la pratique du droit.

Au niveau administratif, il y a, en ce moment - nous avons approuvé cette demande du juge Gold, il y a quelques semaines à peine - une dizaine d'anciens bâtonniers qui, dans le cas de Montréal, préparent l'audition des causes, appellent les parties, les font venir et, un peu à l'amiable, on s'arrange pour bâtir un dossier, pour faire l'équivalent, plus ou moins, de la conférence préparatoire prévue dans le Code de procédure civile, ce qui permet, effectivement, de faire un bon nettoyage et, disons-le, de mettre de la pression sur les avocats qui, dans certains cas, peuvent rechercher des délais, pour toutes sortes de raisons, et de s'assurer que, au dossier, on a les expertises, les certificats nécessaires, et que le certificat d'état, dans le fond, corresponde à quelque chose de bien concret plutôt que juste une occasion de savoir si on va marquer tant de jours d'audition, pour savoir si on va gagner ou pas des délais. (15 h 30)

Deuxièmement, il y a, également, un juge à Montréal qui, depuis l'arrivée du juge Gold, s'emploie à faire ce qu'on appelle le nettoyage des causes de deux jours d'audition.

Troisièmement, le juge en chef a rappelé quatre juges, qui siégeaient dans certaines régions, où, pour une raison ou pour une autre, les délais étaient plus que raisonnables, pour qu'ils donnent un coup de main à Montréal, effectivement, pour entendre un certain nombre de causes et en préparer un certain nombre.

C'est la dimension administrative. C'est en bonne voie, je pense. Et le juge en chef de la Cour supérieure, le juge Gold, qui, on le sait, à l'époque où il était à la Cour provinciale, a fait des choses assez remarquables de ce côté, grâce à la collaboration de ses collègues, s'emploie à affirmer le même genre de climat à l'intérieur de la Cour supérieure. Je pense qu'il y investit beaucoup d'énergie, beaucoup de temps et beaucoup de lui-même. Je suis convaincu que, dans la mesure où nous pouvons lui fournir le minimum d'appui dont il aurait besoin, cela va améliorer les choses de façon considérable.

Deuxièmement, sur le plan législatif, nous sommes en train de préparer - je suis sûr que sera tout ouïe le député de Sainte-Anne - un projet de modification au Code de procédure civile que nous voudrions déposer avant le 15 mai, pour qu'il soit adopté avant le 30 juin. Encore une fois, il faut relier l'ensemble de ces activités de nature administrative et les changements législatifs. Également, nous devrons sans doute agir sur le nombre de juges en Cour supérieure, bien qu'il faille être conscient que ce n'est pas vrai qu'on peut répondre à des demandes de nommer douze juges additionnels. Ce ne serait pas raisonnable.

Finalement, il y a ce que j'appelle les attitudes. Je ne pense pas que ce soit relié au tempérament méditerranéen dont on affuble souvent les francophones d'Amérique, qu'ils soient en Lousiane ou au Québec, mais cela provient d'une tradition différente. Il n'y a pas d'une façon aussi claire la distinction de "Barristers and Sollicitors" qu'on retrouve en Angleterre et qu'on retrouve en pratique - même s'ils appartiennent à un même ordre professionnel - dans beaucoup de provinces canadiennes, avec le résultat que l'ensemble des avocats, chez nous, l'ensemble des procureurs, se considèrent - en vertu de la loi, ils ont raison - comme d'éventuels plaideurs, de sorte que la quantité de plaideurs que nous avons devant nos cours est beaucoup plus élevée en proportion de ce qu'on retrouve ailleurs. Cela veut dire que l'expertise est plus diluée, par définition, si le nombre est plus grand. On considère un peu au Québec que c'est une espèce de droit sacré que

d'être un plaideur. D'ailleurs, plaider, c'est extrêmement intéressant. Je sais que je parle à deux personnes qui l'ont déjà fait. En général, d'ailleurs, les avocats qui ont plaidé beaucoup, trouvent un peu ennuyant de se retrouver derrière un bureau pour faire des contrats. Bon. En plus de cela... Non, mais en général, plutôt que de retourner derrière un bureau, ils veulent venir plaider à l'Assemblée nationale. Heureusement qu'il n'y a pas de place pour tout le monde...

Une voix: II n'y a personne qui m'écoute de l'autre bord.

M. Johnson (Anjou): Je ne vous laisserai pas tirer de parallèle, par déférence. Pour l'essentiel, je pense que c'est une chose à moyen et à long terme. Je pense qu'un certain nombre de bureaux, à Montréal en particulier, surtout les grands bureaux d'une vingtaine d'avocats et plus - il y en a quand même un nombre de plus en plus impressionnant - ont tendance à se spécialiser et à spécialiser un certain nombre de leurs procureurs dans les plaidoiries, ce qui, de fait - j'en suis profondément convaincu - permet une augmentation de la cadence, permet une diminution des délais parce qu'on a affaire à des professionnels qui ne font que cela. Donc, leurs dossiers sont préparés en conséquence, ils sont connus à la cour, ils montent leurs dossiers en fonction de ces préoccupations et ne font pas l'équivalent de l'apprentissage sur le tas. Maintenant, cela reste une affaire de culture juridique et c'est au milieu lui-même à faire ce qu'il a à faire. Je ne pense pas que l'État ait à devenir coercitif à cet égard, mais au fur et à mesure que la Cour supérieure va être de plus en plus exigeante à l'égard des procureurs qui plaident devant elle, au fur et à mesure qu'elle aura recours à un certain nombre de procédures, on assistera de plus en plus à une forme de spécialisation en droit qui consistera à être des avocats plaideurs, je pense qu'en fin de compte, ce n'est peut-être pas une mauvaise chose...

M. Polak: J'ai seulement deux petites questions avant que mon confrère ne continue. Lorsque le ministre a parlé des amendements qu'il présentera au mois de mai, je présume et j'espère que ces amendements vont dans le sens de ceux que le barreau a suggérés. Il n'a pas donné de détails sur ces amendements; il pourrait peut-être nous en parler un peu. Est-ce que ce sont des amendements au Code de procédure civile concernant la manière de faire la preuve, comme l'exemple que j'ai donné du gérant de banque, du témoin qui va être examiné en dehors de la cour.

Un deuxième point. Lorsque vous parlez de délais, même si ceux-ci sont réduits de 30 à 24 mois, il faut réaliser une autre chose qui arrive très souvent. Cela m'est arrivé il y a deux semaines alors que j'avais une cause à plaider en Cour supérieure à Montréal. J'étais là, ayant attendu trois ans, avec tous mes témoins, la cause étant fixée pour une journée. Il n'y avait pas de juge disponible parce que le juge avait pris, ce n'est pas sa faute non plus, c'est une question d'administration... Il y avait plusieurs causes sur le rôle, il y avait une cause avant moi qui se déroulait et on avait décidé que cette cause prendrait toute la journée. Donc, cherchez-vous un autre juge qui soit disponible. Je suis reparti avec mes témoins sans compter les frais occasionnés et la perte de temps. Si on est chanceux, la cause sera entendue dans un autre six mois.

Donc, il ne faut pas penser que les délais sont toujours réduits, comme vous le dites, à 24 ou 36 ou 40 mois. Très souvent, les rôles sont faits d'une telle manière qu'on prend plus de causes que le juge n'est capable d'en prendre ou une cause dure trop longtemps.

Voici le tout dernier point que je voudrais soulever. M. le ministre, lorsqu'il a parlé de plaideur, j'espère qu'il faisait référence à une sorte de sélection naturelle. Je suis un de ces avocats qui croit qu'un membre du barreau a le droit de plaider devant tous les tribunaux de la province. C'est à l'avocat en question de décider et non pas à une loi de nous forcer, à un moment donné, à avoir des avocats de différents ordres. Je ne pense pas que le ministre ait voulu dire cela. Si ce n'était pas son intention, qu'il le répète pour rassurer des plaideurs, dont des milliers combinent encore plaider les causes, donner des avis juridiques, consultations et tout le reste.

M. Johnson (Anjou): II faut faire attention au mot "combine" en français.

Une voix: C'est ce qu'il voulait dire. M. Polak: Merci, M. le Président.

M. Johnson (Anjou): Rapidement, en ce qui concerne les amendements, je pense qu'on aura l'occasion de les voir au moment où on les déposera. Substantiellement, on retiendra un certain nombre de propositions du barreau. Également, le juge en chef et ses collègues nous ont fait quelques suggestions. On va tenter d'obtenir un certain consensus. Cela nous apparaît important. Mais, c'est clair qu'on n'aura pas de consensus parfait, parce qu'il est évident qu'on dérange. On dérange si on impose des règles additionnelles. Cela veut dire qu'on réduit d'autant la marge de manoeuvre qu'ont les procureurs. Cela dérange. Il ne faut pas s'attendre, encore une fois, à des miracles au niveau du consensus, mais on va

faire un effort pour se coller le plus possible à la fois aux objectifs de la Cour supérieure et aux impératifs du barreau.

Deuxièmement, dans le cas des délais, oui, il y a parfois des problèmes d'organisation. Il arrive que des gens dérangent des témoins et qu'ils se ramassent avec leur cause qui ne passe pas. Cela se produit. Je pense que cela va continuer de se produire. Il s'agit seulement que cela se produise le moins souvent possible.

Troisièmement, concernant les plaideurs, oui, je suis en faveur de la sélection naturelle, l'approche darwinienne là-dessus m'apparaissant un peu meilleure que l'approche administrative. Je pense qu'on n'est pas obligé de faciliter la tâche à tout le monde. Il faut que ce soit de la vraie sélection naturelle.

M. Polak: Excusez.

Le Président (M. Vaugeois): M. le député de Vachon.

M. Payne: Peut-être ne suis-je pas dans le bon programme. Les crédits pour les immobilisations...

M. Kehoe: Sur le même sujet.

Le Président (M. Vaugeois): On va voir; c'est sur un autre sujet, je pense, M. le député.

M. Payne: C'était une question de directive.

Le Président (M. Vaugeois): Oui, oui, mais...

M. Payne: ...question?

Le Président (M. Vaugeois): Non.

M. Polak: Pour les immobilisations, c'est demain matin.

M. Payne: Est-ce que vous pouvez confirmer cela?

Le Président (M. Vaugeois): Oui. On a convenu avec le porte-parole de l'Opposition qu'on y reviendrait demain.

Une voix: De quel programme s'agit-il? M. Johnson (Anjou): Du programme 6.

Le Président (M. Vaugeois): Si vous nous dites que c'est urgent pour vous, on peut l'entendre aujourd'hui.

M. Payne: Non, non, absolument pas. Le Président (M. Vaugeois): M. le député de...

M. de Bellefeuille: Qu'est-ce qui est convenu? Nous en sommes au programme 2.

Le Président (M. Vaugeois): Au programme 2, mais sans trop de rigidité. Le ministre est très souple et...

M. de Bellefeuille: Oui, mais ensuite on passe à quoi, à 3?

Le Président (M. Vaugeois): On passe au programme 5 ensuite.

M. de Bellefeuille: Ensuite, on passe au programme 5.

Le Président (M. Vaugeois): Vous avez le droit de poser des questions sur le programme 3. Mais, on ne le réglera pas pour autant, parce que le député de D'Arcy McGee aura des questions concernant les programmes 3 et 4.

M. de Bellefeuille: Le programme 6, c'est demain?

Le Président (M. Vaugeois): Cela peut être demain ou même aujourd'hui aussi si vous voulez poser des questions aujourd'hui. Alors, attendez-vous à demain, M. le député de Vachon?

M. Payne: Parfait.

Le Président (M. Vaugeois): D'accord. Alors, M. le député de Chapleau.

M. Kehoe: Merci, M. le Président. C'est la troisième fois que j'ai le plaisir de participer à l'étude des crédits du ministère de la Justice. Hier, pour me préparer à cette étude, j'ai justement lu les réponses données l'année dernière par le prédécesseur de l'actuel ministre de la Justice, en ce qui concerne les délais à la Cour supérieure à Montréal. Si je n'étais pas assis directement face au ministre, j'aurais cru qu'il s'agissait du même ministre avec la même réponse que l'année passée. La seule différence, c'est là mon propos, c'est que je me souviens que l'année passée M. Bédard a mentionné le fait qu'il y avait, si je ne me trompe pas, dix nouveaux juges de nommés à la Cour supérieure à travers la province dont cinq à Montréal. Cela ne pourra pas régler tous les problèmes des délais à Montréal, il va sans dire, depuis la nomination des nouveaux juges. Mais, si je me reporte à la déclaration que mon confrère de Sainte-Anne a lue dans la Revue du barreau, la situation dans l'ensemble, dans le district judiciaire de Montréal, ne s'est pas améliorée. Est-ce que la nomination de ces cinq nouveaux juges, dans le district judiciaire de Montréal,

n'aurait pas pu apporter une amélioration dans les délais? Effectivement, est-ce que les cinq juges sont nommés à la Cour supérieure de Montréal?

M. Johnson (Anjou): D'abord, comme le sait sans doute le député, la fixation du nombre de juges en Cour supérieure est de juridiction provinciale, dans la mesure où cela découle de notre Loi sur les tribunaux judiciaires. Cependant, ce sont nos collègues fédéraux qui ont l'immense privilège de nommer les juges de la Cour supérieure. À ma connaissance, et particulièrement dans les deux dernières années de mandat, il est très rare qu'un gouvernement ne procède pas aux nominations s'il y a des postes ouverts. On me dit que oui, les cinq juges ont été nommés. Il ne faut pas en conclure que c'est porter un jugement sur les personnes ou la qualité des juges à la Cour supérieure, mais de fait, on ne peut pas dire que cela a eu un effet sensible sur les délais en Cour supérieure. Donc, ce que nous disons, c'est que oui, le nombre de juges y est pour quelque chose, en partie. Cependant, il y a deux autres choses extrêmement importantes qui sont certaines mesures de nature administrative, que j'ai décrites tout à l'heure, qui ont commencé, particulièrement depuis que le juge Gold est là, et deuxièmement, des amendements législatifs, notamment au niveau de la présentation de la preuve, l'utilisation de l'affidavit et possiblement quelques autres éléments que nous aurons l'occasion d'évoquer bientôt. (15 h 45)

M. Kehoe: Vous avez mentionné des changements administratifs qui ont commencé avec la nomination de M. Gold. Je me souviens que, dernièrement, on a lu dans les médias que M. Gold a fait un "blitz". Vous avez parlé d'un "blitz" par lequel il demandait des juges pour la Cour supérieure qui viendraient des régions et qui ne seraient pas aussi occupés, peut-être, que les juges à la Cour supérieure de Montréal, pour venir siéger à Montréal pour tenter de mettre à jour des causes dépassant un certain délai, que ce soit deux, trois ou cinq jours. Pourriez-vous nous donner un compte rendu de cela? Actuellement, est-ce qu'il y a des juges venant des régions qui siègent à la Cour supérieure de Montréal? Est-ce que cela a eu un effet appréciable pour réduire le nombre de causes? D'ailleurs, je pense que tout ce "blitz" était pour des causes qui dépassaient deux ou trois jours. Quels étaient les faits pour faire ce "blitz"? Est-ce que c'est encore en marche? Est-ce que c'est une tentative pour rectifier la situation et que cela n'a pas continué?

M. Johnson (Anjou): II y a eu un premier "blitz" dans le cas des causes de deux jours. Mais ce dont on parle, c'est le rapatriement à Montréal de trois, possiblement quatre juges, trois avec certitude - il me semblait que c'était quatre - mais disons trois pour être bien sûr...

M. Kehoe: En permanence?

M. Johnson (Anjou): ...et, à compter du mois de septembre, ils seront répartis sur l'ensemble des dossiers. Pas nécessairement en permanence, on verra avec le temps; parce qu'à un moment donné, on va peut-être ouvrir la loi pour en nommer d'autres.

M. Kehoe: Quant à la question des délais dans les régions, si je comprends dans l'ensemble, il n'y a pas de problèmes majeurs ailleurs que dans le district judiciaire de Montréal.

M. Johnson (Anjou): C'est cela.

M. Kehoe: Je sais pertinemment que dans le district judiciaire de Hull, c'est très bien, les juges de la Cour supérieure. M. le juge Chevalier, qui vient de prendre sa retraite, a accompli un très beau travail. Elles sont rendues entre 6 et 12 mois les causes ordinaires en Cour supérieure; le rôle des causes spéciales est maintenant rendu à seulement trois mois de délai, si je ne me trompe pas. Peut-être que je me trompe...

M. Johnson (Anjou): D'ailleurs, je pense que les chiffres pourraient être plus précis. C'est vrai que c'est assez remarquable ce qui s'est fait dans la région 07, Hull, Campbell's Bay, Mont-Laurier, Maniwaki. Le rôle est passé de 17 mois à 7 mois, à Hull; 42 mois à 14 mois à Campbell's Bay, et à Mont-Laurier, de 28 mois à 7 mois. C'est assez remarquable effectivement l'amélioration de la situation dans les causes civiles, à la Cour supérieure du Québec. En matière familiale, cependant les délais ont été allongés, mais d'une façon qui n'est pas dramatique. À Hull, on est passé de 6 à 7,8 mois, à Mont-Laurier de 7,1 à 8,4 mois.

Dans l'ensemble, on peut dire effectivement qu'il y a eu une amélioration assez remarquable au niveau des délais de la Cour supérieure dans la région d'où vient le député.

De la même façon d'ailleurs qu'en Cour provinciale, où le travail avait été commencé, les améliorations sont presque aussi sensibles. Cependant, dans le cas d'un endroit, il y a eu une augmentation des délais, et je pense que c'est là où un juge a été malade, si je me souviens bien.

M. Kehoe: Mais dans l'ensemble, c'est la même chose dans les autres régions. Sans doute la ville de Québec...

M. Johnson (Anjou): Pour l'ensemble du

Québec, le délai moyen - pour parler comme Statistique Canada - déssaisonnalisé, en Cour provinciale, c'est 7,3 mois. Je m'excuse, je vous donne 1981-1982-1983, en 7 et 9,4 mois, selon le cas.

Dans le cas de la Cour supérieure, au civil, la moyenne atteint presque 18 mois; on sait que la notion de moyenne ne signifie pas grand-chose à cause de Montréal, dans les circonstances. On ne peut pas parler de délais dramatiques, dans la plupart des régions. Ce que j'ai devant moi ici, la région 07, est un bon exemple. La région du Nord-Ouest québécois s'est améliorée de façon très sensible aussi, le rôle est passé de 36 à 16 mois. Dans la région de Sept-Îles, le rôle est passé de 20 à 15 mois. La situation s'est améliorée de façon très sensible dans la plupart des régions du Québec.

M. Kehoe: Le district judiciaire de Hull.

M. Johnson (Anjou): Attendez, je vais vous donner cela. Cela va bien dans la région 03. Cela va toujours bien à Québec. En 1982, on était à 17,8 mois quand il n'y avait pas de certificat d'état. La cause? On est passé à 13 mois, alors qu'on a légèrement augmenté les délais de 1982 à 1983 de 10,6 mois à 11,3 mois, là où il y avait un certificat d'état de cause. Mais la variation ici n'est pas tellement sensible dans le cas de cette augmentation. Je ne suis pas sûr qu'on puisse y trouver une interprétation, parce qu'habituellement, c'est plus rapide quand il y a un certificat d'état de cause.

M. Kehoe: Mais le seul district où il y a eu une détérioration globale dans la situation, c'est Montréal.

M. Johnson (Anjou): Oui.

M. Kehoe: Comment expliquez-vous cela? Je veux dire globalement. Par rapport au district judiciaire de Québec surtout, je comprends...

M. Johnson (Anjou): C'est le nombre. C'est 1 500 000 habitants.

M. Kehoe: Mais proportionnellement à la population, par exemple, n'y a-t-il pas autant de cours et autant de juges à Montréal que dans la ville de Québec? Parce qu'il doit y avoir une raison spécifique, quand c'est rendu aussi dramatique.

M. Johnson (Anjou): Mais il y a un volume...

M. Kehoe: Je sais que le volume est là, mais par contre le nombre de cours, le nombre de juges, le nombre de...

M. Johnson (Anjou): Je pense que c'est une question fort pertinente à laquelle j'aurai l'occasion de répondre en deuxième lecture de notre projet de loi, d'ici le mois de juin. Pour avoir visité certains endroits, notamment à Montréal, le palais de Justice, où je vais régulièrement depuis que j'assume ces fonctions, c'est gros, c'est énorme. Cela n'a rien à voir avec ce qu'on retrouve ailleurs au Québec. Rien.

Le potentiel de causes, non seulement à cause de la quantité d'individus et du prorata qu'on peut faire sur les individus, du nombre de causes qui sont présentées dans la région de Montréal, il y a là des organismes qui traitent avec les citoyens, mais à cause des sièges sociaux, des corporations d'un certain type, parce qu'il y a là une concentration d'activités qui fait que le niveau d'activités de Montréal est beaucoup plus élevé que ce qu'on retrouve ailleurs.

M. Kehoe: Ici à Québec, avec le siège social de plusieurs compagnies d'assurances, avec le gouvernement qui est ici à Québec, j'imagine que...

M. Johnson (Anjou): Non. En termes de proportion. Non. Je veux dire que Montréal est un lieu de concentration des sièges sociaux et des organismes d'importance. Je ne nie pas l'importance de Québec. Je dis seulement qu'on ne peut pas faire un per capita. Il y a des choses qui génèrent des conflits et qui font qu'on fait intervenir les tribunaux. Parmi ces choses, ce ne sont pas seulement les transactions entre individus. Ce sont également les transactions des individus, des organismes, des groupes, des corporations, etc. Je vais vous dire que la quantité d'agences de collection à Montréal n'a rien à voir avec la quantité qu'on retrouve à Québec.

M. Kehoe: M. le ministre, quand vous allez fournir la réponse à cette question...

M. Johnson (Anjou): Oui.

M. Kehoe: ...je me demande si vous pourrez nous dire aussi si la même chose existe dans les autres provinces, spécifiquement en Ontario. Parce que, à Toronto, il y a une concentration probablement de la même envergure, peut-être pas autant qu'à Montréal mais semblable.

Je voudrais savoir si la même situation existe en ce qui concerne le rôle, la congestion du rôle de la Cour supérieure à Toronto par rapport à d'autres régions en Ontario.

M. Johnson (Anjou): II y a deux choses qu'il faut avoir à l'esprit. D'abord, c'est très difficile de comparer les juridictions entre le

Québec et les autres provinces. On passe notre temps à la Cour suprême à plaider ce qui existait avant 1867 pour ne pas se faire déboîter tous les organismes qu'on crée. Les juridictions des tribunaux en Ontario et au Québec ne sont pas tout à fait les mêmes. On n'a pas le même type d'organisation de tribunaux.

Deuxièmement, il y a beaucoup plus de causes civiles au Québec qu'en Ontario. C'est aussi simple que cela. Je n'irai pas vous dire qu'au Québec on poursuit à tout bout de champ et pour tout et rien, mais on poursuit pas mal plus au Québec pour régler ses problèmes. On a 1'affidavit rapide, la mise en demeure également plutôt leste et le bref et la poursuite plus qu'occasionnels.

M. Kehoe: Peut-être y a-t-il trop de ministres qui prennent des actions aussi.

M. Johnson (Anjou): Qui cela? Moi? Non. On ne poursuit pas beaucoup. Non.

M. Kehoe: Non. Pas vous, votre prédécesseur.

Le Président (M. Vaugeois): Autrefois. Autrefois.

M. Kehoe: Non. Il y a une couple de mois.

M. Johnson (Anjou): Je terminerai en disant que 45% de l'activité judiciaire est à Montréal, qui n'a pas 45% des effectifs des tribunaux.

Le Président (M. Vaugeois): M. le ministre, tout à l'heure, vous avez indiqué, de façon très rapide, que, d'ici le 15 mai, vous souhaitiez pouvoir soumettre à la Chambre des ajustements au Code de procédure civile. Est-ce que c'est assez important?

M. Johnson (Anjou): C'est-à-dire que c'est important, qu'on se comprenne bien, on ne refera pas le Code de procédure civile, d'un couvert à l'autre. On peut apporter un certain nombre d'amendements au Code de procédure civile. On souhaite être dans les délais du 15 mai. Compte tenu de l'importance que cela a - je pense que tous les praticiens du droit connaissent bien cela - et de l'importance qu'y accorde le juge en chef de la Cour supérieure, je suis sûr que nos collègues d'en face nous permettront de déroger au principe du 15 mai. Mais, effectivement, c'est très important; ce n'est pas nécessairement volumineux; c'est très important, quant aux effets que cela peut avoir sur les délais, de donner la capacité au juge en chef de la Cour supérieure de pouvoir organiser un peu cela comme il le voudrait. Il vient d'arriver, il s'est donné un programme; c'est extrêmement exigeant pour lui, comme pour les juges de la Cour supérieure. Si on attend au mois de décembre prochain, on va perdre une autre année. Je suis sûr qu'on va pouvoir compter sur la collaboration de nos collègues intéressés aux questions de la pratique du droit.

Le Président (M. Vaugeois): Ce qui est le cas de tous les membres de la commission. Avant de donner la parole au député de Sainte-Anne, une petite question, M. le ministre, qui concerne l'administration de la justice à Trois-Rivières.

M. Johnson (Anjou): Oui.

Bibliothèque du Barreau de Trois-Rivières

Le Président (M. Vaugeois): C'est assez mineur, je vais régler un cas de comté. Ces dernières années, apparemment, vous avez convenu avec le barreau d'un certain mode de fonctionnement des bibliothèques, qui se trouvent dans les palais de justice, à la disposition des membres du barreau.

Il arrive qu'à Trois-Rivières, comme à Québec et à Montréal, nous avons une vieille bibliothèque qui a une collection assez importante. Les dispositions qui sont prises, en général, pour aider le barreau un peu partout au Québec à se donner des outils conviennent moins bien à Trois-Rivières alors que la bibliothèque est assez bien pourvue, c'est surtout un problème de personnel. Les arrangements avec le ministère de la Justice privilégient des programmes d'acquisition. Très concrètement, d'après les gens du barreau de Trois-Rivières - je ne m'attends pas à une réponse aujourd'hui, mais j'en profite étant donné l'endroit où nous sommes pour attirer votre attention sur cette question - puisqu'il y a eu réduction de personnel au niveau de la sténo, étant donné les nouveaux procédés utilisés, on aurait souhaité que l'on puisse récupérer un de ces postes pour l'affecter à l'administration de la bibliothèque. Ils sont venus me voir avec ce genre de problème sachant qu'ils trouveraient une oreille sympathique chez moi. Je ne doute pas, M. le ministre, que vous soyez prêt, également, à faire une différence entre une politique d'acquisition, qui peut être valable pour les nouveaux palais de justice ou les nouvelles cours et qui ne pourrait pas convenir tout à fait à un vieux palais de justice comme celui de Trois-Rivières. D'autant plus que - je vous entendais, ce matin, mentionner l'importance des travaux que vous aviez faits un peu partout aux palais de justice, vous en avez construit de nouveaux - Trois-Rivières convient de fonctionner avec son vieux palais de justice, qui pourrait être rajeuni, mais notre demande

n'est pas à cet égard, si vous pouviez être attentif aux besoins de la bibliothèque du barreau de Trois-Rivières, nous serions bien comblés.

M. Johnson (Anjou): Bon. Anticipant l'insistance que vous alliez mettre à titre de président de la commission des institutions sur cette question, il y a quelques jours à peine, le ministère - même si ce n'est pas sa pratique habituelle - a accepté de fournir le demi-salaire d'un bibliotechnicien à la bibliothèque en question.

Le Président (M. Vaugeois): Là, je suis vraiment sidéré, M. le ministre.

M. Johnson (Anjou): Vous êtes renversé par l'efficacité du ministère.

Le Président (M. Vaugeois): On m'avait toujours dit...

M. Johnson (Anjou): Vous êtes heureux.

Le Président (M. Vaugeois): ...que la justice avait le bras long et lent.

M. Johnson (Anjou): Mais, M. le Président, voyez-vous, il ne faut pas se fier à ce que disent les gens.

Le Président (M. Vaugeois): Alors là, je suis bouche bée et je comprends, M. le ministre, que le barreau de Trois-Rivières est très heureux de ces modalités d'arrangement.

M. Johnson (Anjou): Après avoir réglé tous les problèmes de toutes les bibliothèques, M. le Président, anticipant votre intérêt pour cela, on a réglé celui-là.

Une voix: L'efficacité!

Le Président (M. Vaugeois): M. le député de Sainte-Anne, s'il vous plaît.

Autonomie administrative des tribunaux

M. Polak: M. le Président, peut-être qu'on peut continuer sur la bonne route et faire, à Montréal, la même chose que ce qu'on a fait à Trois-Rivières sur, comme vous dites, un plus grand problème. (16 heures)

Quand on parle de l'abolition des rôles, il y a un autre problème qu'on a vécu et qu'on vit tous les jours à Montréal. On a nettement l'impression qu'il y a de moins en moins d'indépendance administrative de la part de nos tribunaux.

Je vais vous donner un exemple. Vous mettez vos doigts dans quelque chose qui peut-être ne vous appartient pas. Je plaide une cause avec des témoins en Cour supérieure. À 12 h 30, le juge nous demande - il reste peut-être dix ou quinze minutes à faire comme cela arrive très souvent - de continuer jusqu'à 12 h 50. Tout le monde est libéré et peut retourner à la maison y compris les témoins. Le juge se retourne et regarde tout le personnel qui s'active autour. Il y a les secrétaires du juge, le greffier, le secrétaire à l'enregistrement. Il va leur demander de rester. Tout ce monde regarde sa montre et dit: M. le juge, on va prendre notre heure de lunch. Il faut donc retourner à 14 heures.

C'est la perte de temps que cela occasionne. On dépend donc de la coopération de ce personnel. C'est un peu comme quand on demande à notre secrétaire de bureau: Voulez-vous rester un peu après l'heure pour dix ou quinze minutes. Je vois votre conseiller qui fait non de la tête, mais je dis: Oui, parce que je l'ai moi-même vécu. Si vous ne le croyez pas, venez. Je ne l'ai pas vécu tout le temps, mais assez souvent. Venez avec moi à la Cour supérieure et on pourra voir. Vous regarderez la cour. Vous allez voir.

Je vous le demande si vous laissez l'indépendance administrative aux tribunaux, à ce point de vue, il faudra trouver une solution. Un peu comme on fait maintenant. L'autre jour, on étudiait les crédits avec le ministre Lazure qui, par exemple, a décidé que les bureaux du gouvernement restent ouverts le midi. Je pense que c'est une très bonne mesure, une mesure progressive qui aide la population. C'est un peu dans ce sens qu'il faut trouver une solution pour que de tels problèmes puissent disparaître. Je ne sais comment. Je comprends qu'il y a des conventions collectives, que les gens ont droit de dire: Moi, je pars à 12 h 30 et j'insiste pour avoir mon heure et demie. C'est un problème que j'ai vécu et qui existe encore.

M. Johnson (Anjou): Je suis un peu étonné, M. le Président, à moins que cela ne date un peu. Dans la mesure où les secrétaires de juge agissent comme greffiers - et Dieu sait combien on a eu de problèmes avec cela - elles sont sous l'autorité directe du juge qui peut décider des horaires. Je suis quelque peu étonné de cela.

Je prends la parole du député. Je suis sûr qu'il ne conte pas d'histoires. C'est sans doute déjà arrivé. De là à savoir si c'est généralisé, je pense qu'il va falloir voir. Je vais m'entretenir sûrement, avec plaisir, de ce dossier avec le juge en chef pour savoir ce qui se passe.

M. Polak: En d'autres termes, voici le point que je voulais apporter. Au lieu que les juges dépendent de la bonne volonté et de la coopération, qu'ils disent donc: On continue.

Comme employeur, j'ai le droit de dire à ma secrétaire: On continue pour un autre

quinze minutes ou même une demi-heure. Cela épargnerait du temps à tout le monde. Cela règle, M. le Président, le no 2.

M. Johnson (Anjou): Passons-nous au programme 3 ou au programme 5, M. le Président?

Le Président (M. Vaugeois): Non. On peut poser des questions sur le programme 3, mais on convient qu'on y reviendra sans doute, demain, avec le député de D'arcy McGee: la même chose pour le programme 4.

Nous irions maintenant au programme 5. Pour faire un peu d'alternance et vous laisser reposer, M. le député de Sainte-Anne, est-ce qu'il y aurait des questions pour mes collègues ministériels sur l'aide aux justiciables, la commission des services juridiques, l'aide aux recours collectifs, l'aide socio-économique aux justiciables?

J'aurais envie, M. le ministre, de vous poser une question d'introduction.

M. Johnson (Anjou): Oui?

Le Président (M. Vaugeois): Quant à l'aide aux recours collectifs, est-ce qu'une évaluation a été faite? J'imagine que oui. Est-ce que vous pouvez, assez rapidement, nous faire une évaluation de ce qu'a donné la loi et les résultats de cette pratique juridique qui nous est un peu particulière, ou très particulière, je ne sais trop? Est-ce que c'est utilisé? Est-ce que ça marche?

M. Johnson (Anjou): Vous me donnez quelques minutes?

Le Président (M. Vaugeois): Oui. Je m'excuse d'ailleurs. M. le ministre, pendant qu'on fait des petites recherches, le député de Chapleau me dit qu'il aurait une question sur le programme 2. Si vous êtes d'accord, on va revenir en arrière momentanément.

Regroupement des différentes cours

M. Kehoe: M. le ministre, ce matin, dans vos remarques générales, vous avez mentionné qu'un de vos projets pour l'avenir est l'unification des différentes cours du Québec. Encore une fois, l'année dernière, votre prédécesseur, M. Marc-André Bédard, a annoncé à plusieurs reprises la création d'une cour du Québec qui regrouperait les tribunaux de juridiction provinciale ainsi que certains tribunaux administratifs. Cette idée a déjà été lancée par le ministre Jérôme Choquette en 1975. Chaque année, depuis ce temps, on en parle, mais on dirait que le projet n'avance pas. Considérant que bon nombre de tribunaux administratifs ont souvent des règles différentes des autres pour d'autres raisons administratives, est-ce que le ministre peut nous dire quand il prévoit déposer le projet de loi? Est-ce que les études sont avancées? Où en est rendu le dossier?

M. Johnson (Anjou): Le dossier est assez avancé dans la mesure où une espèce d'avant-projet - non pas de loi, mais un document-synthèse - a déjà circulé qui a fait l'objet de commentaires des intéressés. Un autre doit circuler à cet effet. Je ne lui donnerai pas de date pour la simple raison que, parmi les projets suivants: la cour du Québec, les trois chapitres du Code civil, la réglementation qui touche la charte, la loi sur les règlements, la refonte de la Loi sur les poursuites sommaires, la mise en vigueur de la Loi sur les coroners - j'en oublie - la Loi sur les enlèvements internationaux, les modifications au Code de procédure civile qui seront déposées d'ici le mois de juin, il va falloir faire un triage, à moins que le Parlement ne siège à temps plein pour le ministère de la Justice. Je ne suis pas sûr que c'est ce qui est souhaité par qui que ce soit.

M. Kehoe: Avec la collaboration de l'Opposition, il y a certaines lois qui... Surtout celle-là qui, à mon sens - je ne dis pas que c'est prioritaire - depuis 1975, tous les ministres de la Justice s'étaient promis... C'est une réforme qui s'impose. Je ne pense pas que cela prendrait beaucoup de temps pour adopter une telle loi.

Le Président (M. Vaugeois): Est-ce que je peux demander au député si les gens de l'Opposition ont des idées claires là-dessus? Avez-vous déjà publié quelque chose sur la réforme possible de nos tribunaux?

M. Kehoe: Je ne suis pas sûr si le porte-parole de notre... Je pense qu'il a publié des positions sur bien des choses, mais je ne suis pas sûr si... Mais, M. Marx en produit...

M. Polak: Si vous soulevez le sujet, il va le faire demain.

M. Kehoe: II va le faire certainement, si ce n'est déjà fait. Il va faire l'ouvrage du ministre..

Le Président (M. Vaugeois): Non, ce n'est pas ce que je vous demande. Mais comme souvent il se voit ministre, je voudrais savoir...

M. Kehoe: C'est une question de temps.

Le Président (M. Vaugeois): Oui, une question de temps. Non, mais sérieusement, il n'y a pas...

M. Kehoe: Non, je ne pense pas que,

sur ce sujet, il y ait eu... D'ailleurs, dans le livre blanc préparé par M. Jérôme Choquette en 1975, il en a été question. Il y a déjà une étude et des propositions ont été faites. Depuis ce temps, je pense que l'idée a fait un certain chemin, mais n'a pas abouti à un projet de loi, malgré les... Je me souviens surtout de l'année dernière où M. Bédard a dit que l'affaire était bien avancée...

Le Président (M. Vaugeois): Oui, oui.

M. Kehoe: ...que c'était déjà en préparation. Un an plus tard, vous dites la même chose: que c'est déjà en préparation et qu'à cause des autres projets, ce sera... Je ne sais pas si vous dites que cela sera retardé indéfiniment ou quel est l'échéancier?

Le Président (M. Vaugeois): Non. Le ministre n'a pas dit que ce serait retardé indéfiniment, mais peut-être que...

M. Johnson (Anjou): C'est une affaire de choix. C'est comme pour n'importe quoi. Le Parlement siège à peu près huit ou neuf mois par année...

Le Président (M. Vaugeois): Et les gens ont une capacité limitée d'absorption de tout cela.

M. Johnson (Anjou): ...et nos collègues qui ont participé à la commission Vaugeois-French et quelques autres disent: D'accord, on trouve qu'il y en a beaucoup. On assomme les citoyens avec de nouvelles lois, etc. Il faut tenir compte de cela. Il faut tenir compte du fait que la mission de la justice est une des cinq missions gouvernementales, qu'il y a beaucoup de lois dans le secteur économique qui sortent depuis un certain temps et qu'on risque d'en voir d'autres. Il va falloir faire un tri. Ce n'est pas une absence de volonté d'aboutir. Il s'agit d'insérer cela dans un certain ordre de choix de priorités pour l'ensemble du gouvernement, parce que le Parlement, encore une fois, ne siège pas 24 heures par jour, 365 jours par année. Quant à la cour du Québec, il est vrai que mon collègue prédécesseur a laissé entendre que ces choses avançaient. Effectivement, le Conseil de la magistrature a été saisi du document et il a rendu une opinion. La Conférence des juges a été consultée et elle a transmis des opinions. Le Barreau du Québec a été consulté et il a transmis ses opinions, ainsi que deux ou trois autres organismes, si je ne me trompe pas, dont je n'ai pas la liste ici.

À partir de cette transmission d'opinions, nous allons rédiger un autre document qui pourra faire l'objet d'une consultation laquelle devrait être un peu plus rapide, car les gens seront déjà saisis de l'essentiel des contenus. Ensuite, le dossier cheminera normalement. L'horizon logique pour cela, en admettant que toute chose étant égale, par ailleurs, et tranquille, c'est quelque part au printemps.

M. Kehoe: 1985?

M. Johnson (Anjou): Oui.

Le Président (M. Vaugeois): Là-dessus, je suis davantage prêt à attendre.

M. Johnson (Anjou): J'en prends bonne note, M. le Président.

Le Président (M. Vaugeois): On revient au programme 5, M. le ministre. Je vous avais demandé si vous pouviez faire un peu le point sur l'élément 2, l'aide aux recours collectifs. À quoi servent les 353 000 $ qui sont là? La loi est-elle utile? Quels sont les résultats de votre évaluation à ce moment-ci?

Aide aux recours collectifs

M. Johnson (Anjou): On peut vous donner cela assez précisément, M. le Président, notamment pour consultation ultérieure dans les notes de la commission.

Depuis le début, c'est-à-dire depuis la fin de 1979, 112 requêtes ont été produites en Cour supérieure aux fins d'obtenir une autorisation d'exercer un recours collectif. 32 recours ont été autorisés. En Cour d'appel, dix ont été autorisés. En Cour suprême, cinq ont été autorisés. En attente en Cour d'appel, il y en a deux. Accueillis, il y en a trois. Rejetés, quatre. Désistement, il y en a un. Les permissions d'appeler en Cour suprême: accordées, deux; refusées, trois. Donc, sur les cinq de la Cour suprême...

Quant aux recours non autorisés, 29 cas sont rendus à la Cour d'appel. Cela a été accueilli dans un cas. En attente, neuf cas. Treize cas ont été rejetés; il y a eu trois désistements et des règlements hors cours dans deux cas, un étant délibéré. Dans le cas des A3 recours non autorisés, il y a des appels en Cour suprême dans dix cas; neuf ont été rejetés et un est en attente.

Pour l'essentiel, sur les 112 requêtes, 32 ont été autorisées. Évidemment, comme on le voit selon les statistiques que j'ai données, il y a un recours assez large dans la procédure d'appel sur la requête elle-même.

Le Président (M. Vaugeois): Avant même qu'on l'entende sur le fond?

M. Johnson (Anjou): Voilà! Avant même qu'on l'entende sur le fond. L'appel, cependant - on s'en souviendra - a été abrogé il y a deux ans. Alors, ce dont on

parle, pour l'essentiel, c'est du suivi des autres.

Le Président (M. Vaugeois): C'était une faille dans la loi, quoique...

M. Johnson (Anjou): C'est cela. Maintenant, les recours collectifs au mérite. Sept actions sont en préparation, 19 ont été intentées en Cour supérieure et, au niveau du fonds d'aide aux recours collectifs, il y a 225 demandes et 122 demandes ont été accueillies; 30 demandes ont été rejetées et 54 ont été accueillies en partie, le reste tombant dans les mesures en délibéré en attente d'audition, en aide temporaire ou en désistement.

Globalement, on peut dire que cela fonctionne. Je pense que le fonctionnement et l'application de la loi, nonobstant cette question de l'appel qui a été corrigée l'année suivante, qui découlent de la loi remplissent l'expectative de ce qu'était cette réforme extrêmement importante dans notre droit, après 1976.

Le Président (M. Vaugeois): Y a-t-il un document que vous pourriez déposer là-dessus, M. le ministre? Vous nous avez donné des statistiques intéressantes, mais puisque c'est une pratique que les citoyens ont intérêt à mieux connaître...

M. Johnson (Anjou): Pour l'essentiel, les documents disponibles sont le rapport annuel. Ces données seront contenues dans le rapport annuel qui sera déposé bientôt. C'est un des documents préparatoires. (16 h 15)

Le Président (M. Vaugeois): Y a-t-il une évaluation aussi du fonctionnement, comme par exemple, quand un petit groupe de citoyens entreprennent ou se réfèrent à cette possibilité, il faut faire un travail d'animation auprès des gens concernés? J'imagine que votre ministère en a suffisamment observé le fonctionnement pour faire profiter des expériences antérieures ceux qui voudraient recourir au recours collectif'. Cela m'amène à poser une question. À quoi servent les 353 000 $? Quel rôle votre ministère joue-t-il sur ce plan?

M. Johnson (Anjou) II s'agit du fonds.

M. Lauzon (Yves): Grosso modo, la répartition, c'est à peu près moitié-moitié, le fonctionnement et ce qu'on appelle l'aide aux bénéficiaires, à savoir le financement proprement dit des recours, voir l'argent qui sort, payer des dépenses directes, avocats, frais d'avis, etc.

L'autre partie est répartie entre le tribunal administratif et le fonds, qui est composé de trois administrateurs qui siègent, qui rendent des décisions administratives.

L'autre partie, la permanence du fonds...

Le Président (M. Vaugeois): Vous pouvez éventuellement refuser une cause qui serait portée à votre attention. Est-ce que les gens peuvent quand même aller devant le tribunal sans votre aide, le cas échéant?

M. Lauzon: Oui, c'est-à-dire que l'aide financière est optionnelle. En très grande majorité, les gens s'adressent au fonds, parce que c'est une question de frais, de coûts. Mais, théoriquement, les gens peuvent excercer leur recours devant le tribunal, la Cour supérieure.

Le Président (M. Vaugeois): Et quels sont vos critères pour accepter une telle demande?

M. Lauzon: Ce sont les critères définis dans la loi, article 23. Ils sont de deux ordres. Il y en a un d'ordre juridique. Si le recours collectif n'a pas été autorisé, puisqu'on peut venir devant le fonds après avoir été autorisé par la Cour supérieure ou avant, dans le cas où on vient devant le fonds, et c'est la majorité des cas, on doit évaluer le bien-fondé apparant du recours en droit, ce qui est tout à fait logique, sinon, on serait appelé éventuellement à financer des recours avec les fonds publics sans s'assurer qu'il y a un minimum de sérieux.

L'autre volet, c'est le volet économique qui, sans l'aide du fonds, pourrait ou non être excercé. Pour répondre à votre question à savoir s'il y a un refus de la décision du fonds, il y a un appel à la Cour provinciale du Québec, qui est un tribunal judiciaire.

Le Président (M. Vaugeois): Pour les fins du journal des Débats, puisque vous avez parlé en votre nom, pouvez-vous vous identifier et donner votre fonction, s'il vous plaît?

M. Lauzon: Yves Lauzon, je suis le secrétaire du fonds d'aide.

Le Président (M. Vaugeois): Merci. M. le député de Sainte-Anne, vous...

M. Kehoe: J'ai une question sur une autre matière, dans la même rubrique, donc je laisse la parole à...

Le Président (M. Vaugeois): M. le député de Chapleau.

La MIUF

M. Polak: J'aimerais adresser la question soit au ministre, soit au président. En ce qui concerne le dossier de la MIUF, je pense qu'il y a déjà eu un recours collectif.

M. Lauzon: Non. Ce qui s'est produit dans le dossier de la MIUF, c'est que le recours collectif qui a fait les manchettes... À l'époque où l'hypothèse d'un recours collectif a été envisagée devant le fonds, indépendamment de savoir si la procédure était applicable, il y avait une difficulté au niveau des dépens, ce qui a d'ailleurs été corrigé. Pour toutes sortes de raisons, il n'y a jamais eu de procédure en recours collectif d'entamée dans le dossier de la MIUF.

Il y a plusieurs raisons au niveau de la procédure. Est-ce que vous voulez savoir ce qui est arrivé au niveau du financement? Il n'y a pas eu de dossier pour toutes sortes de raisons, justement plusieurs défendeurs, question de juridiction... Il y a certains recours qui sont pris contre le fédéral; donc, il n'y a pas de recours collectif devant la Cour fédérale, etc.

M. Kehoe: Si je comprends bien, dans ce dossier-là, il s'agit d'individus, personnellement, qui sont obligés de procéder ou est-ce qu'il y en a qui...

M. Lauzon: Je pense que le ministère a d'autres procédures.

M. Kehoe: Est-ce que le ministre est au courant du dossier ou de l'aide que vous avez apportée aux victimes de la MIUF, l'aide légale ou les frais que vous avez payés ou des expertises? Est-ce qu'il a une autre aide financière qui était donnée aux victimes dans ce dossier?

Toutes les causes types pour lesquelles le gouvernement a payé pour des expertises, des frais d'avocats, etc.? Où est rendu le dossier? Est-ce que c'est plaidé en première instance et à quel stade en est-on rendu?

M. Johnson (Anjou): Je peux demander à Me Tourigny, sous-ministre associée, qui connaît fort bien ce problème, de vous préciser où en sont les recours; mais, pour l'essentiel, qu'on se comprenne bien, il ne s'agit pas d'un recours collectif. L'intervention du gouvernement a consisté à appuyer des groupes qui voulaient faire des causes types.

Me Tourigny peut sans doute nous entretenir là-dessus.

Mme Tourigny (Christine): Où en sont les procédures, demandez-vous?

M. Kehoe: Très spécifiquement: Où est rendu le dossier dans les cas où le gouvernement est intéressé? Parce que je comprends qu'il y a des individus qui ont pris des recours.

Mme Tourigny: Voici. Le juge Deschênes avait pris la décision d'identifier un certain nombre de causes types avant son départ, l'été dernier. Et il y a six dossiers qui ont été identifiés, dont trois visent, entre autres défendeurs, le Procureur général du Québec.

Ces causes-là sont entendues toutes ensemble depuis septembre 1983 à la Cour supérieure de Montréal. L'audition est toujours en cours et on prévoit encore au moins l'année 1984 d'audition dans ce dossier, la preuve des demandeurs n'étant pas encore terminée.

M. Kehoe: Si je comprends bien, les actions sont dirigées contre le Procureur général de la province de Québec, contre les compagnies et contre le fédéral. Il y a plusieurs défenderesses dans chacun de ces dossiers.

Mme Tourigny: II y a un grand nombre de défendeurs dans la plupart des cas. Les fabricants, les installateurs, la Société canadienne d'hypothèques et de logement et le Procureur général; en gros, ce sont les défendeurs qu'on retrouve.

M. Kehoe: Et, globalement, en chiffres ronds, le gouvernement de la province de Québec a dépensé environ quelle somme d'argent pour aider, jusqu'à présent, dans ces causes-là? Est-ce qu'il s'agit de montants majeurs?

M. Johnson (Anjou): C'est un montant de 800 000 $ dans le cadre du programme mis sur pied par mon collègue, le ministre de l'Habitation et de la Protection du consommateur.

Mme Tourigny: C'est cela.

M. Johnson (Anjou): Mais vous parlez de subventions aux groupes pour les fins des poursuites judiciaires.

M. Kehoe: Y compris l'aide technique, l'aide financière et tout le reste.

M. Johnson (Anjou): Globalement, c'est presque 1 000 000 $.

M. Kehoe: Vous parlez des six cas types que vous avez...

Mme Tourigny: Les sommes ont été versées pour le financement des causes types, à la demande du ministre de l'Habitation et de la Protection du consommateur, à l'époque.

M. Kehoe: C'est le montant dépensé jusqu'à présent. Mais, prévoyez-vous des dépenses....

Mme Tourigny: C'est le montant budgétisé. C'était un montant de 800 000 $,

alloué pour le financement des causes types, devant inclure, en principe, les honoraires d'avocats et les frais d'expertise requis pour faire la preuve.

M. Kehoe: D'accord, merci.

M. Payne: II y avait un dossier, l'année passée, qui concernait une sécheresse dans la région 06, la région sud de Montréal. Est-ce qu'on pourrait avoir l'état de ce dossier et les réclamations faites par les citoyens? Je sais que le ministère de l'Environnement a analysé le dossier pendant trois ou quatre mois. Depuis un certain temps, c'est entre les mains du ministère de la Justice.

M. Johnson (Anjou): Alors, je regrette, mais je pense que le député comprendra. Il s'agit du programme 16...

M. Payne: C'est cela?

M. Johnson (Anjou): Oui, c'est le programme 16. Comme on est au programme 5, c'est un peu difficile d'amasser nos gens, nos énergies et nos documents pour une cause si spécifique.

M. Payne: J'y reviendrai.

M. Johnson (Anjou): Cela nous fera plaisir de le préparer...

M. Payne: Non, non. C'était...

M. Johnson (Anjou): ...pour le moment où on arrivera au programme 16.

M. Payne: J'ai pris ton avis.

Le Président (M. Vaugeois): Sur la protection civile, d'accord, on y reviendra.

M. Johnson (Anjou): On y reviendra dans la protection civile.

Le Président (M. Vaugeois): D'accord. M. le député de Sainte-Anne, tout à l'heure, vous aviez quelque chose au programme 5.

M. Polak: Oui, M. le Président, j'ai une question au programme 5, mais c'est peut-être une combinaison des programmes 5 et 11. Parce que, lorsqu'on parle d'aide aux justiciables, au lieu de prendre cela dans le cadre de l'argent qui a été fourni pour les aider, je pensais plutôt à la manière législative de les aider. Je me demande si je ne devrais pas attendre au programme 11, en ce qui concerne la demande de la Chambre des notaires pour protéger l'acheteur de résidence familiale.

Vous connaissez le principe que, dans une vente, par exemple, de dictionnaire, il y a, ce qu'on appelle en anglais un "cooling off period", quelqu'un peut attendre ou revenir sur sa signature pendant une période de quatre ou cinq jours. Il y a une suggestion très intéressante de la part de la Chambre des notaires à l'effet d'appliquer ce principe dans les achats de résidence familiale. Je ne sais pas si cela tomberait sous le programme 11, mais, pour moi, en même temps, c'est une aide aux justiciables; pas une aide financière, mais une aide aux justiciables, ceux qui sont, pour la première fois de leur vie... Très souvent, de jeunes couples achètent une maison et on voudrait les protéger par cette suggestion-là. Je pense que c'est une affaire très intéressante. Cela ne prend pas beaucoup de préparation de la part de vos fonctionnaires. Mais si vous dites qu'on est mieux d'attendre à 11, c'est parfait.

M. Johnson (Anjou): ...qu'on attende au programme II.

Le Président (M. Vaugeois): Vous aviez des questions sur l'aide juridique?

M. Kehoe: Oui, précisément. Le Président (M. Vaugeois): Voilà. M. Kehoe: On est rendu là? Le Président (M. Vaugeois): Oui. Aide juridique

M. Kehoe: Où en sommes-nous rendus dans les négociations avec les tarifs avant que je fasse une déclaration?

M. Johnson (Anjou): On est en train de négocier.

M. Kehoe: Encore et encore.

M. Johnson (Anjou): On s'en va au Trésor.

M. Kehoe: Aide juridique. Dépôt aux avocats.

M. Johnson (Anjou): Le député va bien comprendre, puisque je sais qu'il a fait de la pratique de droit du travail à un moment donné ou quelque chose comme cela. On a dégagé un certain nombre de mandats du Conseil du trésor et on est en négociation très active.

M. Kehoe: Depuis combien d'années? Cela n'a pas changé depuis dix ans.

M. Johnson (Anjou): À ma connaissance, en ce qui me concerne personnellement, depuis le 4 mars.

M. Kehoe: Oui, mais pas seulement en ce qui vous concerne, en ce qui concerne votre ministère. Le point où je veux en venir...

M. Johnson (Anjou): Cela fait plusieurs années que le tarif n'est pas ajusté. On sait cela.

M. Kehoe: Cela fait dix ans dans les affaires civiles en ce qui concerne les avocats de pratique privée.

M. Johnson (Anjou): C'est cela. On sait cela.

M. Kehoe: Vous trouvez cela normal avec l'inflation, le coût de hausse d'opération d'un bureau d'avocat de pratique privée qu'il n'y ait pas eu de changement depuis dix ans, du moins en ce qui concerne le Code civil?

M. Johnson (Anjou): C'est compliqué. Je ne peux faire autrement que de constater objectivement qu'il n'y a pas eu de hausse depuis une dizaine d'années, mais je constate également le discours de l'Opposition sur le niveau de taxation et le fait qu'il ne faut pas couper dans les autres dépenses ni emprunter plus. Alors, "whatever the way you look at it", on a des problèmes.

M. Kehoe: Cela dépend des dépenses. Si vous dépensez 200 000 000 $ pour acheter la compagnie Asbestos et qu'il y a une perte d'opération de 20 000 000 $ par année, qu'il s'agisse de Quebecair et de combien d'autres endroits où vous avez mis de l'argent follement... On parle de négociations qui durent depuis dix ans pour une hausse raisonnable. Je pense que vous avez la position du barreau dans cela. Il y a des études, des positions et des négociations, mais on dirait qu'il n'y a rien qui aboutit. Tenter de mettre cela sur le dos de l'Opposition en critiquant quand il y a hausse de taxes... Je pense que s'il y a eu une hausse raisonnable dans le tarif accordé aux avocats de pratique privée, cela n'affectera pas beaucoup le déficit de quelque 3 000 000 000 $ par année que le gouvernement encaisse depuis les cinq dernières années.

Il y a une autre question dans le même sens. Le dossier de l'aide juridique a toujours été la cassette jouée par le ministre de la Justice qui vous précédait, voulant que les avocats de l'aide juridique coûtent moins cher que les avocats de pratique privée. La commission a reçu une étude préparée par le barreau dans laquelle on a démontré, chiffres à l'appui, que le coût pour confier un dossier civil à un avocat de pratique privée s'établissait à 171,19 $ tandis que le même dossier coûte 187,83 $. Est-ce que vous avez fait une étude sur les documents présentés par le barreau et quelles sont vos conclusions?

M. Johnson (Anjou): M. le Président, je demanderais l'indulgence de la commission d'entendre Me Lafontaine qui est le président de la Commission des services juridiques. Je pense qu'il a des choses intéressantes à nous dire sur cela et qu'il a toute l'expertise nécessaire que recherche, j'en suis sûr, mon collègue d'en face.

M. Lafontaine (Yves): J'espère ne pas décevoir. Je ne veux surtout pas non plus intervenir de quelque façon dans une négociation qui est enclenchée et qui est à un point critique. C'était un argument de négociation. D'ailleurs, l'étude que le barreau avait produite a été faite conjointement avec M. Rabeau, de l'Université de Montréal, et était aussi signée par M. Jutras, le négociateur des avocats de pratique privée. Vous comprendrez le contexte dans lequel cette étude peut avoir été faite, étant donné que le négociateur a contribué lui-même à l'étude. (16 h 30)

Je ne suis pas non plus bien placé pour faire la critique scientifique de la source de ces études. Je peux vous dire que les chiffres que nous avons fournis et que nous avons toujours mis à la disposition de quiconque, ont été vérifiés aussi à la suite d'une évaluation du Conseil du trésor qui a repris l'étude que nous avions fait faire par une firme privée - la maison Maheu Noiseux - à qui nous avions ouvert tous nos livres et qui était prête à endosser ces chiffres et à donner son certificat professionnel. Le Conseil du trésor a repris cette étude, l'a fait vérifier. L'Organisation et Méthode du ministère de la Justice l'a regardée et elle aussi l'a endossée. Je ne peux pas en dire autant du rapport Rabeau-Jutras. Je peux vous dire que certaines informations factuelles qui se retrouvaient dans cette étude sont contredites par les chiffres qu'on a chez nous. Cela se comprend aussi, parce que les vérificateurs n'ont pas eu accès - ils ne l'ont pas demandé non plus - à la masse de documents qu'on a chez nous et aussi à l'expertise qu'on a réussi à développer depuis 1973.

Le Président (M. Polak): M. le député de Chapleau.

M. Kehoe: Quand vous dites que des négociations en sont rendues à un point critique, cela veut dire quoi au juste? Prévoyez-vous, dans un avenir prochain, que cela va aboutir à une entente? Quand a eu lieu la dernière négociation?

M. Johnson (Anjou): M. le Président, je pense que le député de Chapleau comprend

ce dont il s'agit. Il ne peut pas aller à la pêche plus que cela. On a vu sa "troll"; elle est grosse comme cela. On est en train de négocier en ce moment. On est à un point critique. On se balade entre le Conseil du trésor et les tables de négociation. Ce n'est pas vrai que je vais faire cela sur la place publique. Voilà.

M. Kehoe: Voilà la réponse qui est donnée depuis cinq ans.

M. Johnson (Anjou): Non.

M. Kehoe: C'est à peu près la même chose.

M. Johnson (Anjou): Non, non.

M. Kehoe: Excusez-moi. Si je peux poser une question, le point critique, cela veut dire quoi?

M. Johnson (Anjou): Cela veut dire...

M. Kehoe: Si je comprends quelque chose, cela veut dire que c'est sur le point d'aboutir, soit à des négociations ou... Je ne sais pas quelle position le barreau va prendre dans le dossier.

M. Johnson (Anjou): C'est sérieux. C'est sérieux.

M. Kehoe: Cela fait des années que c'est sérieux.

M. Johnson (Anjou): C'est sérieux et je pense que, pour le bon fonctionnement du dossier, on aurait intérêt à ne pas en parler.

M. Kehoe: Bon. Est-ce que la politique du gouvernement est précisément de tenter, que ce soit sur la question du coût ou sur celle de la publicité... Quant à la question du libre choix du contribuable de choisir son avocat de pratique privée ou d'aide juridique, n'est-il pas un fait, M. le ministre, que tout est orienté vers une incitation aux justiciables d'utiliser les services des avocats salariés de l'aide juridique?

M. Johnson (Anjou): Sans avoir fait une étude exhaustive de cela - parce que, comme tout le monde, cela m'arrive de regarder la télévision et de lire les journaux - je n'ai pas de difficulté à comprendre que la perception qu'on en a, c'est qu'on valorise beaucoup l'aide juridique et les avocats remarquables qu'on y trouve. Cela ne m'apparaît pas anormal. Cependant, la loi dit bien que les personnes peuvent avoir recours à un avocat de pratique privée. Une fois que le justiciable a obtenu son attestation d'admissibilité, il peut obtenir un mandat et avoir recours aux services d'un avocat en pratique privée.

Le Président (M. Polak): Cela termine, M. le député de Chapleau, vos questions sur le programme 5? On va avancer un peu dans nos travaux. On en arrive au programme 6. Je sais que le député de Sainte-Anne avait une question là-dessus, mais il a eu une promotion: il est devenu président temporaire. Donc, on va donner la parole...

M. Johnson (Anjou): Vous avez le droit, comme président de m'envoyer au bout de la table là-bas.

Administration

Le Président (M. Polak): Donc, M. le Président - je m'adresse à moi-même, M. le ministre - je voudrais poser une question sur le programme 6. J'imagine que la question de la réglementation pourrait être considérée comme faisant partie de cette rubrique. Je me réfère encore au journal du barreau qu'on a reçu, la semaine dernière, pour donner des exemples d'un problème de réglementation. Un avocat qui pratique le droit reçoit une liste qui lui indique quels règlements ont été adoptés, lesquels sont en vigueur ainsi que la date de publication. C'est une longue liste. On est supposé savoir de quoi il s'agit. C'est devenu presque une tâche impossible.

Je vois qu'il y a un règlement modifiant le règlement sur l'exemption prévu aux paragraphes Z et AA de l'article 17 de la Loi concernant l'impôt sur la vente au détail. On a un numéro de la Gazette officielle qui est entièrement consacré à la réglementation découlant de la Loi sur la rémunération aux secteurs publics. On a tout un numéro de la Gazette officielle. Je n'ai pas besoin de vous montrer le numéro de la Gazette, M. le ministre. Vous les connaissez, ce sont des briques qui parlent seulement d'un sujet tout au long du numéro. Je pourrais continuer à la citer. Ici, on a une liste d'une vingtaine de règlements, de différentes lois. C'est devenu une tâche gigantesque et presque impossible.

Je vois encore des articles qu'on a reçus sur ce problème de réglementation. Je me demande ce qu'on peut faire, là-dedans, sur le plan pratique pour le réduire, pour l'abroger - peut-être pas l'abroger, parce que je comprends qu'il y a beaucoup de petits points qui doivent être réglementés ou régis non pas par une loi en générale, mais dans le règlement - car c'est devenu une montagne de volumes à chaque mois pour chacune des lois qu'on vote. C'est devenu un très grand problème.

Je vois un autre problème. Nous sommes des législateurs et nous recevons un projet de loi qui amende un autre projet de loi. De temps en temps, je me rappelle, avec la Communauté urbaine de Montréal, on

recevait un projet de loi qui amendait un projet. Les amendements étaient tellement nombreux qu'il aurait mieux valu de produire un nouveau projet de loi pour dire que, désormais, la loi régissant la Communauté urbaine de Montréal se lirait comme suit... Parce qu'on était obligé de courir. Je me rappelle, je faisais ma propre recherche au bureau. On avait la loi originale avec tous les amendements qui sont venus depuis et, ensuite, on avait les textes devant nous. C'était presque impossible de suivre cela, même avec nos recherchistes.

Je me demande si, quant aux changements majeurs aux projets de lois, on ne devrait pas simplement dire: La loi se lit maintenant comme suit. C'est un peu dans ce sens que je demande où se trouve la solution.

M. Johnson (Anjou): Première chose, truisme, c'est compliqué. La vie moderne est compliquée, l'État est partout et va continuer de l'être d'ailleurs. On aura beau hurler, déchirer nos chemises ici, l'État va continuer d'être partout dans la vie des gens. Il va se multiplier une série de secteurs nouveaux, etc. Donc des lois et des règlements qui en découlent.

Deuxièmement, il s'agit de voir dans quelle mesure le législateur peut contrôler ce flot continu de réglementations. Je crois que la réforme parlementaire qui a été amorcée est susceptible de produire des réponses intéressantes à cela notamment, le pouvoir d'initiative de se saisir d'un règlement, sur l'opportunité que vous avez maintenant au niveau des commissions. En outre, ce projet de loi, dont on a parlé ce matin avec notre collègue de D'Arcy McGee, qui est en gestation et qui va faire l'objet de consultation pendant l'été, on verra où cela peut nous mener à l'automne sur une loi qui donnerait le cadre de l'approbation des règlements. Enfin, ce détail d'importance -je comprends le député, surtout quand on n'a pas de service de recherche, ce dont bénéficient les membres du Conseil exécutif - on peut bien dire: On doit approuver des projets de loi qui disent: Le paragraphe 8 de telle loi est donc modifié.

Dans les lois importantes, le député aura sans doute remarqué, sur le plan de la quantité des articles, l'importance de la modification. On a tendance à abroger l'ancien article et à dire: II se lira dorénavant comme suit. Je pense que cela a facilité passablement le travail législatif depuis deux ou trois ans et il faut continuer dans cette veine. Cependant, s'il fallait en plus reproduire, constamment, les textes initiaux, il y aurait une espèce de déboublement, et en plus, il y a le temps. Encore une fois, il y a deux périodes de l'année, bien cruciales, pour déposer la législation et, quoi qu'on en dise, cela va rester extrêmement difficile de s'imaginer qu'on va pouvoir déposer, en moyenne, tant de projets de loi par semaine, sur une base régulière. Ce n'est pas de cette façon que ça fonctionne au gouvernement. Le processus décisionnel fait qu'il y a des temps forts pour décider du dépôt de projets de loi. C'est pour cela que le gouvernement a accepté une réforme parlementaire qui l'oblige, à toutes fins utiles, à déposer ses projets de loi six semaines avant la fin de la session pour permettre aux députés d'en prendre connaissance en temps utile. On va continuer comme cela pour un bon bout de temps.

S'il fallait, de plus, qu'on se barre les deux pieds dans une impression et une réimpression des projets de loi, des lois qu'on est en train de modifier par un projet de loi, cela ne causerait que des délais additionnels. Cela dit, je crois que la technique législative qui vise à abroger les anciens articles pour les remplacer facilite la lecture.

Le Président (M. Polak): J'ai seulement une question. Tout à l'heure, quand vous parliez des amendements au Code de procédure civile, vous-même avez dit: J'espère que l'Opposition va m'accorder un peu plus de délai. Je me demande pourquoi. Parce que, si vous connaissez vos intentions de soumettre ces changements - on est aujourd'hui le 17 avril, d'ici la mi-mai, il y a un mois de préparation - de combien de temps avez-vous besoin pour préparer des amendements de cette nature?

M. Johnson (Anjou): Ça prend...

Le Président (M. Polak): De temps en temps, c'est une question de préparation du travail. Peut-être que vos fonctionnaires attendent à la dernière minute? Vous pourriez dire, en janvier: Préparez-vous pour la législation de mai. Cela nous aiderait également.

M. Johnson (Anjou): Je dois dire là-dessus que les amendements au Code de procédure civile sont en préparation, effectivement, depuis le mois de décembre ou le début de janvier. Ils ont fait l'objet d'échanges d'opinions entre le juge en chef et nous, à différents niveaux. J'en ai discuté avec mon sous-ministre et le juge en chef. On a commencé à en parler avec les gens du barreau. Il faut essayer de faire un minimum de consensus quant au Code de procédure civile et cela prend du temps. C'est vrai qu'on peut avoir les idées relativement claires, mais entre cela et les traduire dans un texte législatif aussi compliqué, aussi technique et aussi porteur de conséquences dans la vie quotidienne des avocats et des justiciables qu'est le Code de procédure civile, je pense qu'il faut être prudent. On

s'active beaucoup. On a beaucoup de gens qui travaillent là-dessus depuis le mois de janvier au ministère de la Justice.

Le Président (M. Polak): Je pense que le député de Chapleau a une question à poser au sujet de la réglementation. Cela l'intéresse grandement, il en parle souvent.

M. Kehoe: Pas nécessairement. Je n'étais pas préparé pour la réglementation. En ce qui concerne le programme 6, lorsqu'on parle d'administration, je note que ce programme est estimé à quelque 32 000 000 $, soit une augmentation de 9 600 000 $ par rapport à l'année dernière.

Si je comprends bien, cela représente une augmentation assez importante de 41,8%. Est-ce que le ministre ou le sous-ministre pourrait nous dire s'il y a un plan détaillé? Vous mentionnez, à la page 27 du rapport, que cette augmentation vient principalement du coût de la révision des traitements, du coût de fonctionnement des systèmes informatisés et du coût de développement des systèmes pour l'année 1984-1985. Voici ce que je veux savoir, dans l'ensemble. Est-ce qu'il y a un plan échelonné sur plusieurs années? Quelles sont les grandes lignes de ce plan? Quand il s'agit d'une augmentation de cette importance, dans un programme, est-ce que vous prévoyez que, l'an prochain, ce sera la même chose, est-ce un "one shot affair"? Quelle est l'idée fondamentale du ministère dans ce programme? (16 h 45)

M. Johnson (Anjou): Pour l'essentiel de l'expansion des activités dans le secteur de l'informatique, entre autres, cela se fera sur trois ans. Cependant, le gros des coûts sera encouru cette année. L'augmentation des coûts en rythme de croisière dépendra à la fois des volumes traités ainsi que du choix qui sera fait d'avoir d'autres systèmes et des changements dans d'autres systèmes d'information, notamment, au niveau de la détention et de la probation, ou de la cession des biens en stock, ce qui est un gros morceau à suivre. Éventuellement, en plus des services judiciaires et de l'application de la loi des jeunes contrevenants qui, à toutes fins utiles, devient quelque chose de presque obligatoire dans le cadre de la loi fédérale, cela implique des coûts considérables sur le plan de l'informatique.

M. Kehoe: Est-ce principalement l'achat d'équipement physique?

M. Johnson (Anjou): Le traitement des données, c'est l'achat d'équipement, le personnel qui l'accompagne. Cela coûte très cher. L'équipement coûte combien?

L'augmentation de 3 000 000 $, au niveau de la catégorie budgétaire services.

D'abord, des ajustements de 1 000 000 $ ont dû être reportés au contrat de services d'une firme avec laquelle le ministère traite ces choses, afin d'assurer l'opération du service de traitement par ordinateur, l'augmentation a dû être consentie en raison de l'augmentation de la puissance de l'ordinateur, qui exige du personnel supplémentaire pour son opération. Il a fallu changer les ordinateurs IBM 333 et 4341 par un ordinateur plus puissant IBM 3081 et ajouter des périphériques qui sont additionnelles et nécessaires, disques, contrôleurs, dérouleurs, etc. D'autre part, nous devrons procéder à l'embauche d'entrepreneurs supplémentaires pour développer, entretenir, exploiter le système d'information du ministère qui connaît de l'expansion. Nous devons aussi faire appel à l'entreprise privée pour le développement et l'entretien du nouveau système, le DACOR, la cession des biens en stock, la gestion des stocks, les rôles criminels, les rôles civils, la documentation juridique. C'est énorme.

M. Kehoe: Est-ce qu'effectivement, cela comprend un système informatique dans les Cours supérieure, provinciale, civile, les bureaux d'enregistrement? Est-ce que cela comprend tout cela aussi?

M. Johnson (Anjou): Cela ne couvre pas les registres. Cela comprend, en plus de l'ensemble des services judiciaires, l'amorce de l'informatisation des bureaux d'enregistrement.

M. Kehoe: Et les Cours supérieure et provinciale?

M. Johnson (Anjou): Oui, c'est ce que j'appelle les services judiciaires. Tout cela, c'est le morceau de départ.

M. Kehoe: Vous dites que c'est échelonné sur une période de trois ans; donc, après que le système sera implanté, le budget de ce programme devrait être réduit considérablement.

M. Johnson (Anjou): Stabilisé?

M. Kehoe: Stabilisé ou réduit, j'imagine qu'après...

M. Johnson (Anjou): C'est-à-dire, réduit quant à l'effet d'informatisation au niveau.... Théoriquement, oui. Dans la mesure où l'informatisation provoque une diminution des exigences en termes de ressources humaines. Théoriquement, encore une fois. Chose certaine, en tout cas, cela va permettre d'améliorer la qualité de circulation de l'information. Quand nous aurons des terminaux d'accès. Je pense que c'est ce vers quoi on se dirige éventuellement. Il ne

faut peut-être dire dans trois ans, mais un peu plus que cela. Mais nous nous dirigeons de plus en plus vers l'accès direct à ces données, dans la mesure où elles ne sont pas confidentielles et publiques, par voie de terminaux. Donc c'est d'abord ce qui est visé. C'est l'augmentation d'efficacité. Ensuite, il est bien évident que cela amènera éventuellement des modifications au niveau du personnel et de son entraînement. Il ne faut pas présumer, au départ, que cela présuppose des mises à pied, mais plutôt le recyclage d'une partie du personnel affecté à ces fonctions.

M. Kehoe: Le programme que vous êtes en train de mettre en marche est un changement majeur dans le procédé que vous avez suivi jusqu'à maintenant. C'est un "updating" et une amélioration majeure dans le système que vous avez jusqu'à maintenant.

M. Johnson (Anjou): Oui, que l'informatisation de ce type de données nous permet.

Le Président (M. Polak): Nous en sommes encore au programme 6. Y a-t-il d'autres questions concernant le programme 6: Administration? M. le député de Vachon a posé une question concernant le programme 16, je pense. On va continuer avec le programme 7.

M. Payne: On fait le programme 6 demain?

Le Président (M. Polak): Pardon? Excusez-moi.

M. Payne: Je pense qu'on étudie le programme 6 demain matin.

Le Président (M. Polak): On vient de terminer le programme 6: Administration.

M. Johnson (Anjou): Ce n'était pas l'histoire de la sécheresse, des équipements? Oui, d'accord.

M. Payne: Immobilisations.

Le Président (M. Polak): C'est demain.

M. Payne: Mais, demain matin, vous m'avez dit...

M. Johnson (Anjou): Voulez-vous qu'on le traite tout de suite?

M. Payne: Ce matin? Bien sûr.

M. Johnson (Anjou): On peut le faire tout de suite.

Le Président (M. Polak): Ce n'est pas tellement excitant, mais, en tout cas, on pourra peut-être le faire.

Une voix: Pardon?

Le Président (M. Polak): Ce n'est pas une matière très excitante. Est-ce qu'on passe au vote là-dessus, M. le député de Chapleau? Est-ce qu'on va en discuter? Je comprends que tout le monde a les mêmes droits devant la commission, mais...

Une voix: Tu n'as pas le droit, tu es président. Tu as deux chapeaux.

Le Président (M. Polak): Ah oui! On a beaucoup de matière externe, mais, d'autre part, le député de Vachon n'en a pas encore parlé, donc si vous... Une couple de minutes.

M. Payne: On se parlait beaucoup avant que vous n'arriviez cet après-midi.

Le Président (M. Polak): Vous vous sentez opprimé? M. le député de Vachon.

M. Payne: Concernant le palais de justice de Longueuil, est-ce qu'on pourrait avoir un "up-date" sur l'implantation du...

M. Johnson (Anjou): On peut dire, dans le cas du palais de justice de Longueuil, que la préparation du programme architectural est réglée. Le blocage fonctionnel des espaces par le ministère est réglé. L'étude de faisabilité, les alternatives et les estimations de coûts par le ministère des Travaux publics sont également réglées. L'étude et la recherche du terrain sont réglées. Quant à la préparation du mémoire au Conseil du trésor, son analyse est faite et la préparation du programme technique de construction par le MTPA également.

On a également procédé à l'engagement de professionnels au niveau du ministère des Travaux publics et de l'Approvisionnement. Nous en sommes maintenant à la préparation des esquisses préliminaires depuis déjà quelques semaines, pour ne pas dire quelques mois d'ailleurs. La prochaine étape sera la préparation des plans et devis préliminaires, l'analyse des coûts, les plans et devis d'exécution, les appels d'offres. Le début des travaux devrait avoir lieu au mois de septembre 1985.

M. Payne: Où est le site?

M. Johnson (Anjou): Le site est au coin des boulevards Therrien et Jacques-Cartier, dans le nouveau centre-ville de Longueuil. C'est dans le comté de Taillon, je crois.

M. Payne: Ah oui! On sait cela depuis un bon bout de temps.

Le Président (M. Polak): C'est dans le bout.

M. Payne: On cherche les retombées partout.

M. Johnson (Anjou): C'est voisin de l'hôpital de Longueuil.

M. Payne: Est-ce à côté de l'hôpital Pierre-Boucher?

M. Johnson (Anjou): C'est cela.

M. Payne: Quand sortiront les appels d'offres?

M. Johnson (Anjou): Les appels d'offres devraient sortir dans neuf ou dix mois au maximum, une fois qu'on aura fait l'analyse des coûts qui suivra la préparation des plans et devis préliminaires.

M. Payne: Et l'édifice Montmartre va être passé par un...

M. Johnson (Anjou): Oui, je présume. M. Payne: ...au ministère de la Justice.

M. Johnson (Anjou): Ce sera graduellement transféré. Une fois que le palais de justice ouvrira, il faut qu'il ouvre à une place. Nous aurons donc des espaces intéressants à l'édifice Montmartre. Je ne sais pas si le député a un projet de CLSC.

M. Payne: Les crédits totaux pour cela, c'est combien?

M. Johnson (Anjou): Les crédits totaux pour le palais de justice, à Québec, c'est 60 000 000 $; à Longueuil c'est 17 000 000 $.

M. Payne: Merci.

Le Président (M. Polak): M. le député de Chapleau.

Bureaux d'enregistrement

M. Kehoe: L'an passé, M. le ministre, à cette époque, ici, lors de l'étude des crédits du ministère de la Justice, il y a beaucoup de députés qui ont posé des questions concernant la fermeture de certains bureaux d'enregistrement.

Une voix: Ah oui.

M. Kehoe: Est-ce que le ministre pourrait nous dire combien de bureaux d'enregistrement ont été fermés à ce jour? Un point encore plus important, est-ce que vous prévoyez la fermeture d'autres bureaux d'enregistrement? Est-ce que l'opération est complète?

M. Johnson (Anjou): Ce que l'ancien chef de l'Opposition appelait la mémoire du peuple, c'est-à-dire les bureaux d'enregistrement, soulèvent toujours des déchaînements passionnés et considérables.

M. Kehoe: Surtout lorsque c'est dans notre comté.

M. Johnson (Anjou): Voilà, surtout lorsque c'est dans notre comté. Évidemment, il y a une théorie voulant qu'une partie de la mémoire est quelque peu artériosclé-rotique, compte tenu de la qualité, non pas du travail qui y est fait, parce que nous avons des équipes de gens d'expérience, solides dans ce domaine-là, mais certains locaux sont un peu désolants, d'autres sont pour le moins peu fréquentés, lorsqu'on peut s'y rendre en hiver. Notamment, celui de Ham-Sud qui a une population de 400 habitants, mais il y a un bureau d'enregistrement. C'est très important, c'est le député de Mégantic... Ham-Sud, c'est dans Mégantic-Compton.

Une voix: On a gagné l'élection...

M. Johnson (Anjou): C'est cela. Alors, il faut garder le bureau d'enregistrement ouvert. Il y a 400 habitants de population, mais c'est important. Alors, c'est difficile de faire de la rationalisation dans ce domaine-là. Il faudra bien y venir un jour. Il faut se mettre cela dans la tête. L'on veut bien permettre l'expression des états d'âme au sujet de l'importance d'avoir des bureaux d'enregistrement dans des villes de 400 habitants, mais il reste qu'à un moment donné il va falloir mettre un peu d'ordre là-dedans. Donc, il n'y a en a pas qui ont été fermés. Cette année, nous avons un projet précis de fusion de deux bureaux d'enregistrement, qui sont situés à peu près à 40 kilomètres de distance l'un de l'autre, si je me souviens un peu de la géographie de ce coin-là. Nous allons essayer de le mettre entre les deux, ce qui nous permettra de réaliser des économies de cour, et permettra aux gens d'y avoir accès, d'obtenir une bonne information et d'améliorer les services. Nous devrons déranger trois personnes à chaque endroit. Je suis sûr que cela fera l'objet d'une bataille épique dans cette région, que nous recevrons de nombreuses lettres du député, mais, néanmoins, cela m'apparaît quand même une solution raisonnable.

Cette vaste opération aura permis, au moins, la fusion de deux bureaux d'enregistrement.

M. Kehoe: Tout cela étant dit, est-ce que je peux conclure que ce sont les deux

seuls bureaux d'enregistrement, dans la province de Québec, qui seront affectés durant l'année courante?

M. Johnson (Anjou): Ce que nous avons sur... Les marrons dans le feu, c'est cela. C'est le seul dossier actif. Je n'ai pas encore visité celui de Ham-Sud, par exemple.

M. Kehoe: Vous avez hâte.

M. Johnson (Anjou): J'ai hâte d'aller visiter celui de Ham-Sud.

Le Président (M. Polak): C'est bon pour vous d'aller le visiter, parce que l'on vous a décrit comme un homme sans coeur. Savez-vous démontrer de l'intérêt pour ces 3 ou 4 personnes qui seront déplacées et tout le reste? Vous rappelez-vous cette dame d'un demi-pouce de différence...

M. Johnson (Anjou): Je compatis beaucoup pour ce que vivent nos concitoyens qui sont taxés pour maintenir des bureaux d'enregistrement dans des municipalités de 400 habitants. Je pense qu'en période économique comme celle que nous vivons, on pourrait peut-être mettre de l'argent à une place qui profiterait à plus de citoyens.

Le Président (M. Polak): M. le député de Vachon.

M. Payne: Là encore, je ne sais pas à quel programme, mais il y avait une tentative d'améliorer les services à la clientèle à l'aide d'un programme d'humanisation. Je ne l'ai pas lu dans la présentation du livre. (17 heures)

M. Johnson (Anjou): Ce matin, j'ai évoqué une dizaine de mesures qui ont été prises ou qui sont en voie de réalisation sur le territoire, dans le but d'humaniser l'accès à la justice.

M. Payne: Quel est le budget octroyé à cela? Est-ce que c'est chiffrable? De qui cela relève-t-il?

M. Johnson (Anjou): C'est difficile de ventiler ce qu'on a; pour l'essentiel, ce sont des activités. Mais on le fera avec plaisir.

M. Payne: Mais l'opération s'est décentralisée ou...

M. Johnson (Anjou): Bien, il s'agit, pour l'essentiel, d'une série d'activités qui touchent ce qui se passe dans les palais de justice, la mise en place de présentoirs, l'évaluation du programme d'information aux victimes d'acte criminel, l'édition d'un guide d'accès à l'information du ministère de la Justice, la mise sur pied d'une structure d'accueil dans tous les palais de justice du Québec, l'identification d'une personne responsable dans chaque palais de justice, des modifications à la signalisation dans les palais de justice - aussi étonnant que cela puisse paraître, quand on va dans un palais de justice comme celui de Montréal, on peut comprendre pourquoi - l'évaluation de la situation dans les palais de justice en ce qui touche les heures d'ouverture et l'aménagement des heures de travail pour qu'elles correspondent aux besoins des clientèles, la politique des services de santé en milieu carcéral et, avec l'Office de la langue française, la mise sur pied d'un comité chargé de réviser la terminologie dans l'administration de la justice pour la rendre compréhensible au public en général.

Tous les programmes d'humanisation, au ministère de la Justice, ont été financés à même ses propres budgets par des affectations budgétaires spécifiques. Je pense que, probablement, le dossier le plus remarquable d'humanisation, qui a exigé un travail considérable de la part de deux ministères - je l'ai vu d'un autre point de vue - c'est celui de l'établissement de la trousse et du protocole à l'égard des personnes victimes d'agression sexuelle et qui touchent à la fois les médecins dans les salles d'urgence, le personnel infirmier, les policiers, le bureau de la couronne, le service médico-légal pour l'analyse des données et ainsi de suite. Je pense que, au bout du compte, cela va permettre deux choses, du point de vue du citoyen ou de la citoyenne qui est victime d'une agression sexuelle: d'une part, d'être reçu dans un contexte à l'hôpital où le personnel est plus sensibilisé à ces réalités et où on peut, très efficacement, obtenir les renseignements nécessaires et utiles pour les fins d'une éventuelle poursuite, d'autre part, les prélèvements d'échantillon qui peuvent servir en preuve et qui doivent être analysés, par la suite, par le laboratoire de pathologie du ministère.

La deuxième chose que cela va donner, c'est le fait d'augmenter, de façon très sensible, nos chances de succès dans les poursuites contre les délinquants en matière d'agression sexuelle.

M. Payne: Ces éléments sont financés à même le budget régulier, si je comprends bien.

M. Johnson (Anjou): C'est cela. Par des virements de crédits à l'intérieur du ministère, par l'affectation prioritaire de fonds et non pas par des crédits de développement.

Le Président (M. Polak): Le député de Chapleau.

M. Kehoe: M. le ministre, une dernière question sur ce programme. Je note qu'il y a une augmentation de quelque 5,2% à ce programme. À l'élément 2, dans l'enregistrement des actes relatifs au patrimoine, des crédits périmés se chiffrent par 1 452 000 000 $. Si je regarde par rapport aux autres crédits périmés, il s'agit d'un montant assez important. Est-ce que le ministre peut expliquer pourquoi cette péremption, s'il y en a une?

M. Johnson (Anjou): Je vais vous dire cela.

Le Président (M. Polak): Je veux juste indiquer, M. le député de Chapleau, que vous êtes maintenant au programme 7.

M. Kehoe: Le même. Mais c'est le même, enregistrement...

Le Président (M. Polak): Nous sommes encore au programme 6.

M. Johnson (Anjou): On était au programme 6, je pense.

M. Kehoe: Excusez.

Le Président (M. Polak): Non, c'est correct. On était au programme 6, mais vous êtes très vite, c'est très bon. Donc, on va dire qu'on a complété le programme 6, tout le monde est d'accord, et on est maintenant au programme 7, mais juste officiellement, pour l'enregistrement des Débats

M. Kehoe: Merci, M. le Président. Vous êtes un très bon président. Je pose la question à M. le ministre, pour être plus clair.

M. Johnson (Anjou): Vous dites qu'on a périmé 1 200 000 $ sur l'enregistrement?

M. Kehoe: Non, non. L'enregistrement des actes relatifs au patrimoine.

M. Johnson (Anjou): Une péremption de 1 452 000 $ sur 13 160 000 $. Est-ce qu'on pourrait passer à autre chose? Je voudrais procéder à une vérification.

M. Kehoe: Oui, oui. La raison pour laquelle je pose des questions, c'est que, dans le programme Administration, je note des augmentations assez importantes de quelque 41,8%. Cette augmentation est entièrement à cause du système d'informatique.

M. Johnson (Anjou): Pas entièrement.

M. Kehoe: En partie à cause du système d'informatique. Je me demande, dans ce programme, en ce qui concerne le bureau d'enregistrement, si vous avez commencé à ralentir l'implantation de l'informatique. Est-ce que c'est l'effet de cette cause?

M. Johnson (Anjou): Selon ce que j'ai -quitte à ce qu'on ait une réponse plus détaillée demain, on va demander aux services administratifs de nous la fournir -on a périmé 24 000 000 $ au 31 mars 1983...

M. Kehoe: Dans l'ensemble.

M. Johnson (Anjou): ...dans l'ensemble. Ils n'ont pas été utilisés conformément aux décisions et aux politiques suivantes: le Conseil du trésor a décrété la suspension de droit d'engager des crédits correspondant à la réduction des augmentations salariales en conformité avec la nouvelle politique salariale du gouvernement; politique du Trésor concernant le gel du recrutement à l'extérieur de la fonction publique; plan de contrôle des dépenses élaboré par le ministère en 1982-1983 qui comprenait plusieurs mesures administratives en vue de réduire les dépenses de fonctionnement des programmes et, parmi ces mesures, il y avait une politique administrative à l'égard des frais de déplacement, des frais professionnels, l'achat des équipements et la dotation pour les postes vacants.

Cela dit, je ne peux, en ce moment, donner la réponse au député quant au problème de la péremption de crédits de 1 452 000 $ sur 13 160 000 $ de crédits autorisés, au programme 7, élément 2, de l'enregistrement d'actes relatifs au patrimoine. On lui donnera les réponses vers la fin de la semaine.

Le Président (M. Polak): M. le député de Chapleau.

M. Kehoe: C'est tout. Sur ce programme, je n'ai pas d'autres questions.

M. Johnson (Anjou): Le programme 7 est-il adopté, M. le Président?

Le Président (M. Polak): Au point de vue de l'adoption du programme, je pense que ce sera fait demain...

M. Johnson (Anjou): Pourquoi?

Le Président (M. Polak): ...parce que ce sera en bloc, si j'ai bien compris. Le député de D'arcy McGee aimerait être présent pour faire cela. Nous sommes plutôt le substitut procureur.

Je pense qu'on a terminé le programme 7. Passons au programme 8.

M. Johnson (Anjou): La régie des permis

d'alcool? Est-ce que le président de la régie, Me Laflamme, est avec nous?

Le Président (M. Polak): J'ai votre question. M. le député de Chapleau. Quand on n'a pas de question, cela veut dire qu'on est heureux de tout ce qui se passe. On a peu de temps d'ici à 18 heures. Ce soir, il y a le programme 11: Affaires législatives, qui m'intéresse beaucoup.

Contrôle des permis d'alcool

M. Kehoe: M. le ministre, ce matin, vous avez parlé, lors de vos remarques générales, de remplacement des inspecteurs de contrôle de permis d'alcool par des membres de la Sûreté du Québec. Est-ce que ces personnes ont toutes été engagées ailleurs dans la fonction publique, où, et dans quelles fonctions?

M. Johnson (Anjou): II y en a quatre qui sont restées à la régie. Les autres ont tous connu des sorts qui variaient de la retraite au reclassement dans d'autres ministères, que ce soit au ministère de la Justice, à la détention, que ce soit dans les bureaux de Travail-Québec qui, comme on le sait, ont connu une expansion importante à cause des programmes de ma collègue, la ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, l'Office des personnes handicapées, qui était en expansion également, dans un bureau d'enregistrement, à la Commission des normes du travail qui est également en expansion et à la Régie de l'assurance automobile du Québec. Pour l'essentiel, seulement en regardant rapidement, presque les trois quarts ou les deux tiers de ces personnes ont été replacées surtout dans les bureaux de Travail-Québec.

M. Kehoe: Quelles sont les économies réalisées et les coûts supplémentaires qui étaient occasionnés à la Sûreté du Québec?

M. Johnson (Anjou): II n'y a pas de coûts supplémentaires occasionnés à la Sûreté du Québec. Il y a simplement ce qu'on appelle un enrichissement de tâches. Quand on viendra à l'étude des crédits de la Sûreté du Québec, on pourra constater qu'il y a eu une augmentation importante de la tâche et une diversification des fonctions chez les policiers depuis trois ans.

Quant aux économies réalisées, elles sont de l'ordre de 1 000 000 $.

M. Kehoe: 1 000 000 $ dans l'année courante.

M. Johnson (Anjou): Oui. Par année. Par année. Des économies récurrentes.

M. Kehoe: J'imagine que les inspecteurs qui étaient effectivement là depuis un certain temps avaient une compétence ou une connaissance spéciale pour l'application de la loi en question.

M. Johnson (Anjou): Oui. On peut présumer qu'ils avaient lu la loi.

M. Kehoe: Cela va sans dire. Est-ce que cela a pris un entraînement spécial pour les membres de la Sûreté du Québec ou s'ils ont commencé leur travail sans aucun entraînement?

M. Johnson (Anjou): II y a eu un programme de formation pour les officiers patrouilleurs et ceux qui étaient impliqués là-dedans. Les escouades régionales d'alcool et de moralité - ERAM - ont été formées avec la collaboration de la régie pour leur nouveau travail. Par ailleurs, il faut bien avoir à l'esprit qu'il y avait quelques aberrations dans l'ancien système où les inspecteurs, comme l'ensemble des travailleurs du gouvernement, travaillant de 9 heures à 17 heures et de 8 h 30 à 16 h 30, pouvaient être appelés à inspecter des lieux à l'heure de fréquentation habituelle des débits de boisson qui est en général la fin de l'après-midi et surtout tard dans la soirée. Il est bien évident que cela impliquait soit l'engagement d'effectifs additionnels, ou de payer du temps supplémentaire alors que, pour l'essentiel, les débits de boisson en général sont plutôt tranquilles entre 9 heures et 17 heures sauf le midi si les gens exagèrent. Encore une fois, cela a permis de faire une économie récurrente de 1 000 000 $.

M. Kehoe: Pour la première année d'opération, on a une économie de 1 000 000 $.

M. Johnson (Anjou): Oui. Absolument.

M. Kehoe: Prévoyez-vous des économies aussi importantes à l'avenir?

M. Johnson (Anjou): Pardon?

M. Kehoe: À l'avenir, prévoyez-vous faire des économies aussi importantes de l'ordre de 1 000 000 $ par année?

M. Johnson (Anjou): II s'agit d'un montant de 1 000 000 $ récurrent.

M. Kehoe: Le même montant?

M. Johnson (Anjou): Oui. Ce service coûtait 1 000 000 $ par année, 1983-1984, et, si on l'indexe dans le temps, ce sera 1 100 000 $ puis 1 200 000 $, etc. Et, dans la mesure où il n'y a plus ce service et que ce travail est effectué maintenant sur

l'ensemble du territoire du Québec, alors qu'avant c'était surtout concentré à Montréal et à Québec, cela va être fait par les escouades spécialisées de la Sûreté du Québec. Ainsi, on a épargné de l'argent. On a permis au ministère du Travail de recruter du personnel expérimenté dans des programmes en expansion. Enfin on permet que la loi soit appliquée d'une façon plus uniforme sur l'ensemble du territoire. (17 h 15)

C'est un bel exemple de ce qu'est une bonne rationalisation. Cela viendra un jour avec les bureaux d'enregistrement.

M. Kehoe: On pose la question et c'est précisément la question que je voulais poser. Il est tellement évident que ce programme est efficace. Pourquoi n'a-t-il pas été appliqué avant? Est-ce que cela fait plusieurs années qu'il y a eu des analyses, avant que le système soit mis en vigueur? On pose la question, parce que c'est tellement évident que c'est un succès frappant. Pourquoi cela n'a pas été mis en vigueur avant? Surtout si on tient compte du fait que l'application...

M. Johnson (Anjou): Probablement parce que le livre blanc sur la justice en 1975 ne le prévoyait pas.

M. Kehoe: Ah! bon.

M. Polak: Mais on est en 1984.

M. Johnson (Anjou): Oui, oui.

Le Président (M. Vaugeois): Cela va?

M. Polak: Oui.

Le Président (M. Vaugeois): Alors, on laisse en suspens les programmes 9 et 10...

M. Polak: Oui.

Le Président (M. Vaugeois): ...de même qu'une partie du programme 7 et on aborde le programme 11 sur l'élaboration des règlements. Est-ce que le ministre a des choses nouvelles à nous dire?

Une voix: Vas-y.

Affaires législatives

M. Polak: M. le Président, au sujet du programme 11, je voudrais parler d'une demande présentée par la Chambre des notaires à laquelle j'ai fait référence tout à l'heure. La Chambre des notaires réclame un amendement législatif destiné à mieux protéger les acheteurs de résidence familiale. Cette demande a été envoyée au mois de janvier 1984. Ce que la Chambre des notaires réclame, c'est qu'un acheteur ait le droit de revenir sur sa décision dans un délai raisonnable - cela pourrait aller de trois à sept jours - après la signature d'une offre d'achat d'une maison.

Je cite un autre article qu'on a reçu du barreau du Québec: "Si on signe un contrat d'abonnement à une revue, la Loi sur la protection du consommateur permet un délai de réflexion, délai durant lequel il peut changer d'avis et annuler son abonnement." En anglais, on appelle cela le "cooling off period" qui accorde quelques jours au contribuable pour penser qu'il n'aurait peut-être pas dû signer.

Et maintenant, on réclame ce même principe pour l'achat d'immeuble. Je cite encore parce que je voudrais expliciter pourquoi, personnellement, j'appuierais un tel amendement: "Lors de la vente d'une maison, les parties ne réalisent pas toujours l'étendue de la responsabilité juridique ou la portée de leurs obligations réciproques. D'ailleurs, pour plusieurs jeunes couples, l'achat d'une maison constitue la transaction de leur vie. Très souvent, ils y investissent toutes leurs économies en engageant la situation financière de leur famille pour plusieurs années, sans véritablement connaître la portée juridique de leurs engagements." La question qui a été soulevée par la Chambre des notaires était donc la suivante: "Pourquoi ne pas leur accorder pour l'achat de leur résidence familiale un délai de réflexion analogue à celui qui leur est accordé lorsqu'ils achètent une encyclopédie ou une batterie de cuisine?"

On nous a objecté que de tels amendements législatifs destinés à mieux protéger les acheteurs de résidence familiale entraîneraient à coup sûr l'annulation de certaines ventes. Cela tombe sous le sens, mais je dirais que ces ventes annulées seraient celles qui ne font pas la réputation, ni des maisons de courtage, ni des agents immobiliers. En d'autres termes, le délai de réflexion, c'est-à-dire la possibilité de changer d'avis, viendrait plutôt confirmer les bons contrats. Très souvent, j'ai eu l'expérience où...

M. Johnson (Anjou): Fin de la citation?

M. Polak: Fin de la citation et, en même temps, de mes idées aussi. Dans mes années de pratique du droit, très souvent, des gens sont venus me voir avec une offre d'achat déjà signée. Je leur dis toujours que c'est trop tard, qu'ils auraient dû venir me voir avant que l'offre d'achat soit signée. Vous savez autant que moi qu'une offre signée, acceptée, est un contrat et que, très souvent, il s'ensuit des poursuites judiciaires. Ces gens ne se sont simplement pas prévalu de leurs droits devant un avocat ou un notaire pour se faire expliquer auparavant. Ce n'est pas seulement moi qui réclame

cela; c'est la Chambre des notaires qui a décidé de supporter ces demandes, cette même protection pour les contribuables.

Cela ne veut pas du tout dire qu'on va geler toutes les transactions immobilières. Il s'agit des offres d'achat où quelqu'un a une période - cela peut varier, je ne connais pas les délais exacts - de quatre ou cinq jours. Je comprends que le délai ne doit pas être trop étendu non plus; mais au moins ces gens-là, le lendemain, peuvent consulter quelqu'un et dire: Je ne veux pas accepter cette vente. Comme on fait pour la protection du consommateur dans d'autres domaines.

Je sais que ces demandes vous sont envoyées. J'aimerais savoir quelle est votre réaction. Si vous n'avez pas encore étudié le dossier, est-ce que vous promettez de l'étudier très sérieusement? Parce que, personnellement, je considère qu'il y a beaucoup de Québécois et de Québécoises qui pourraient bénéficier d'une telle protection.

M. Johnson (Anjou): D'abord, je ne veux pas renvoyer la balle, mais je ne pense pas que je sois ici pour exprimer des opinions personnelles surtout sur des dossiers gouvernementaux.

Ce type de question relève plutôt de mon collège, le ministre responsable de la consommation et de l'habitation. C'est dans ce ministère que serait traité un seul dossier, le ministère de la Justice étant évidemment prêt à collaborer à ce type d'approche et à fournir toute son expertise dans le domaine. Mais pour l'essentiel, c'est un dossier qui, à nos yeux, doit être porté au ministère de l'Habitation et de la Protection du consommateur.

En soi, je ne crois pas qu'il existe un tel projet, en tout cas, je n'en ai pas eu vent. Sûrement, depuis un certain nombre d'années que je siège au Comité du développement social, je n'ai pas vu de tel projet. Maintenant, peut-être le ministère en pre'pare-t-il un.

M. Polak: Je comprends que vous dites que cela a l'air de convenir à un autre ministère, mais à mon avis, c'est partiellement. L'article dit ici que la Chambre des notaires a, par la voix de son président, Me Simon Morency, réclamé en janvier 1984 des amendements législatifs. Je pense que cela a été envoyé au ministère de la Justice également. Je ne sais pas si vous étiez déjà ministre de la Justice à ce moment-là, mais est-ce qu'à votre ministère on a reçu une telle demande? Parce que j'imagine qu'une telle demande doit être étudiée par plusieurs ministères en même temps.

M. Johnson (Anjou): C'est cela. Mais je sais qu'il y a déjà presque dix ans, il était question de cela. Il me semble que c'est en 1973 ou quelque chose comme ça. Il y avait un projet de cette nature qui avait circulé ou dans les associations de consommateurs ou au moment de la création du ministère, je ne sais quoi.

Maintenant, je vais sûrement vérifier. Je pense que la suggestion de la Chambre des notaires est sûrement significative d'une vision des choses qui, socialement, est extrêmement intéressante de la part de la chambre.

Le Président (M. Vaugeois): M. le ministre, relativement à la révision des règlements du gouvernement, dans le rapport de la commission d'étude auquel vous vous référiez ce matin - vous nous avez fait l'honneur de le parcourir - nous évoquions aussi des pratiques qui se trouvent à l'étranger quant à ce qu'on a appelé la clause crépuscule qui, généralement, est dans la loi elle-même, dans la disposition habilitante ou quelque chose comme ça...

Comme nous n'avons pas eu cette pratique, au cours des dernières années, de prévoir la clause crépuscule, les experts nous disaient que votre ministère pourrait proposer au Conseil des ministres de déclarer en désuétude tout règlement âgé de plus de cinq ans à moins d'être justifié à nouveau par l'administration concernée, par le ministère concerné.

On nous disait que c'était une façon assez peu compromettante, assez peu compliquée de nettoyer certains vieux règlements. Remarquez que cela aurait peut-être plus valeur de symbole qu'autre chose parce que ce n'est sans doute pas les règlements les plus importants qui seraient touchés, mais tout de même. Je voyais dans un communiqué de presse tout à l'heure, que le Conseil exécutif vient de trancher entre le code du bâtiment québécois et le code national. Il me semble que c'est du même esprit, soit une simplification, essayer de faire tomber ce qui est déjà désuet. D'ailleurs cela pourrait inspirer les municipalités parce qu'elles aussi ont beaucoup de vieux règlements.

M. Johnson (Anjou): Le chiffre va peut-être étonner, peut-être pas le président de la commission parce qu'il s'intéresse à ces questions depuis plusieurs années, mais le ministère a déjà recensé, au chapitre des lois seulement, depuis 1867, près de 1000 lois qui seraient susceptibles d'être considérées comme désuètes.

Le Président (M. Vaugeois): Oui, il s'agit moins des lois...

M. Johnson (Anjou): Là, vous parlez des règlements.

Le Président (M. Vaugeois): Les règlements, oui.

M. Johnson (Anjou): Bon. Quant au travail réglementaire, j'ai l'impression que c'est une oeuvre titanesque, à laquelle les commissions, comme le travail du ministère dans le contexte et dans les suites, probablement, éventuelles à donner à une loi sur les règlements, c'est ce qui devra se faire. L'autre chose, c'est la notion des clauses crépusculaires. Je trouve cela intéressant comme notion. Je dois vous dire que, dans la mesure où on a encore de la difficulté à trancher dans le débat sur les responsabilités respectives de l'exécutif et du législatif à l'égard des règlements et de la possibilité de les voir désavoués, je pense qu'une technique intermédiaire - et qui serait une technique de transition extrêmement intéressante pour l'Assemblée nationale du Québec, enfin, j'exprime une opinion personnelle sur un sujet dont le gouvernement n'est pas encore saisi - en soi, c'est extrêmement intéressant comme approche.

C'est-à-dire que, au moment où on adopte une loi dans un domaine spécifique, on prévoirait, dans la loi, que le règlement qui sera adopté suivant un certain nombre d'articles de la loi et qui devra suivre le cheminement, éventuellement, prévu dans la loi-cadre sur l'adoption des règlements, n'aura force de loi que jusqu'à une date déterminée. Je pense que la perspective, cela devrait être, en général, cinq ans, à quelques exceptions près. Et, à ce moment-là, il appartiendra au pouvoir exécutif de devoir revenir devant les commissions pour voir ce type de réglementation reconduite. Je trouve que c'est extrêmement intéressant comme approche.

Le Président (M. Vaugeois): Alors, on se comprend bien, M. le ministre. Il est donc possible que, éventuellement, vos gens soient invités à vous préparer un peu le portrait, au niveau des règlements, de ce que pourrait signifier la décision de déclarer désuet tout règlement âgé de plus cinq ans, à partir du 31 décembre de cette année, à moins que l'administration concernée n'ait justifié son règlement. Une pareille pratique, d'ailleurs, serait probablement plus importante encore pour d'autres organismes qui réglementent au Québec, comme les municipalités.

Nous avons cru comprendre, à l'occasion de nos travaux, que, sauf peut-être Montréal qui est en train de le faire, la plupart des municipalités n'ont pas vraiment codifié ou rassemblé leurs règlements. Ce qui fait qu'il y a des vieux règlements qui traînent, ils sont absolument baroques. Par exemple, la plupart des règlements municipaux interdisent aux gens de se promener avec un animal, le soir, passé telle heure ou encore interdisent aux véhicules à quatre roues de circuler l'hiver. Ce sont de vieux règlements qui n'ont jamais été abrogés. Et à peu près tous les experts qui sont venus devant notre commission d'étude nous disaient que, si quelqu'un entreprenait de faire respecter tous les règlements, c'est certain qu'on pourrait arrêter toute activité au Québec, le jour même.

M. Johnson (Anjou): Pas seulement au Québec, je suis sûr que cela doit être délirant, dans la plupart des pays européens.

Le Président (M. Vaugeois): Sans doute, sans doute. Alors, au fond, l'exemple doit partir de haut, si votre ministère déjà le proposait, cela suggérerait aux municipalités, à ceux qui réglementent, en empilant continuellement les règlements de faire de temps en temps le ménage. Cela rassurerait les gens sur les orientations générales que ceux qui sont élus un peu partout prennent.

C'est à titre de suggestion, maintenant, puisque la question a été posée précédemment. M. le député de Vachon.

M. Payne: Oui. Dans le même ordre d'idées, au fur et à mesure qu'on devient habitué à la nouvelle façon de procéder dans les commissions parlementaires, je pense que, de plus en plus, il est important que les parlementaires aient un accès rapide aux règlements et aux lois.

Je vois qu'il y a certaines parties du budget qui accordaient au SOQUIJ environ 500 000 $. C'est à quelle fin, cette subvention? Pour codifier les lois? Est-ce qu'il y a un volet d'informatisation là-dedans?

M. Johnson (Anjou): C'est, essentiellement, la diffusion. SOQUIJ collige, édite, diffuse les jugements, la jurisprudence, pour l'essentiel.

M. Payne: Les jugements?

M. Johnson (Anjou): Les jugements des tribunaux.

M. Payne: Oui. (17 h 30)

M. Johnson (Anjou): La subvention que nous fournissons à SOQUIJ représente une proportion relativement mince de son budget total étant donné qu'elle s'autosuffit largement par la vente de ses services.

M. Payne: J'ai deux questions. D'abord, ma préoccupation initiale était plutôt relative à l'accessibilité aux lois et aux règlements à la source. L'informatique pourrait nous aider beaucoup en termes de rapidité d'accès.

Ma deuxième question - j'y reviendrai

tout à l'heure - touche justement les jugements de nos régies.

M. Johnson (Anjou): Au niveau de l'accès informatisé aux lois et règlements, le ministère me dit qu'on a, depuis un an et demi, des expériences pilotes avec un certain nombre de bureaux de Montréal et de Québec.

M. Payne: Quels bureaux?

M. Johnson (Anjou): Ce sont des bureaux de pratique privée, ainsi qu'un certain nombre de contentieux des ministères qui ont un accès direct par écran cathodique aux textes législatifs et réglementaires qui sont contenus dans nos banques de données. Il s'agit d'une expérience pilote pour l'essentiel, qui sera évaluée. C'est ce qu'on nous dit, en tout cas.

M. Payne: En ce qui concerne l'Assemblée nationale? Est-ce qu'il y a des expériences pilotes pour l'informatisation et la codification des lois et des règlements entre les bibliothèques?

M. Johnson (Anjou): Dans le fond, on est en expérience pilote en ce moment. Une fois que l'expérience aura été suffisamment concluante - il semble que cela s'avère de plus en plus - qu'on aura raffiné et sorti les puces du système, il s'agira essentiellement d'installer des écrans cathodiques et des terminaux d'accès.

Une voix: Et des puces?

M. Johnson (Anjou): Oui, et des puces. C'était au sens de "bugs". Une fois qu'on aura débarrassé le système de ces imperfections - comme ces choses se font des fois en informatique - l'étape suivante sera d'installer les terminaux. Je présume que les députés, éventuellement, en auront. Le service de recherche en aura.

M. Payne: La deuxième question concernait, justement, quelques jugements: les jugements de nos régies. Je sais que cela ne relève pas directement du ministère, mais, par contre, je pense qu'il y a un certain souci que le ministre devrait avoir pour les jugements et l'accessibilité aux jugements de nos régies.

J'ai reçu quelques commentaires, surtout depuis quelques années, à l'effet que plusieurs de nos jugements ne sont pas aussi accessibles qu'on aurait pu le croire. Il m'apparaît assez important qu'on s'assure que, normalement, les jugements rendus par les régies devraient être accessibles partout, dans l'administration publique.

M. Johnson (Anjou): Le député se réfère à un certain nombre de régies ou de tribunaux administratifs, qui ne sont pas tout à fait des tribunaux et qui ne relèvent pas du ministère de la Justice, mais, de chacun des ministères sectoriels qui sont des organismes qui font de l'adjudication de droit, que ce soit la protection du territoire agricole, régie du logement, et une foule d'autres organismes de cette nature. Il en existe plusieurs dans l'État qui, effectivement, ne sont pas obligatoirement soumis à la nécessité de publier et même de rendre accessibles leurs jugements à d'autres que les intéressés immédiats dans les causes qui sont devant eux. Je pense que c'est effectivement un problème. Je ne sais pas exactement comment il faudra le résoudre, soit par voie législative ou autrement.

Je prends l'exemple de la protection du territoire agricole. La commission a rendu littéralement des milliers de décisions depuis sa création. On peut comprendre que, dans un premier temps, il y avait autre chose à faire que d'écrire et de rendre accessible et publier des jugements, surtout que, souvent, cela concernait des publics très spécialisés. C'est extrêmement onéreux de faire la publication de jugements.

Le principe de l'accessibilité au jugement des commissions ou des régies, dans la mesure où il n'y a pas divulgation d'informations qui seraient autrement qualifiées de confidentielles, spécifiquement ou par analogie avec la loi 65, m'apparaît un principe à retenir en soi. Je pense que ces organismes auraient une démonstration importante à faire pour nous démontrer pourquoi ils ne permettraient pas l'accès aux citoyens, aux justiciables qui, à un moment donné, voudraient confronter une commission avec des jugements contradictoires, par exemple, pour obtenir, une fois pour toute, une opinion qui soit une opinion de la commission ou de la régie sur tel type de problème ou à quelle jurisprudence les justiciables peuvent se fier.

M. Payne: Je pense que c'est une discussion à poursuivre justement pour la jurisprudence nécessaire pour que les avocats puissent préparer leur plaidoyer. D'ailleurs, le premier exemple est bien choisi. Cela touche la régie, comment l'appelle-t-on?

M. Johnson (Anjou): Commission de protection du territoire agricole.

M. Payne: La Commission de protection du territoire agricole, c'est celle où il y a plusieurs plaintes. S'il y a des raisons invoquées pour que cela ne soit pas divulgué, on aimerait bien le savoir. Je pense que la question est bien posée.

Le Président (M. Vaugeois): Sur le même sujet, M. le ministre, une question

d'information, est-ce que les documents qui servent à un procès, soit devant un tribunal administratif ou les autres tribunaux, sont non seulement conservés, mais rendus accessibles et selon quelles procédures et quelles prescriptions?

M. Johnson (Anjou): Dans le cas des tribunaux, dans le cas des procès - je ne suis pas certain que je parle des organismes administratifs - l'ensemble des "exhibits", des dossiers, etc., sont accessibles au public c'est-à-dire qu'ils sont conservés dans les greffes.

Le Président (M. Vaugeois): Est-ce que cela ne peut pas être détruit? Il n'y a personne qui a l'autorité pour décider de détruire...

M. Johnson (Anjou): Personne n'est autorisé à le faire.

Le Président (M. Vaugeois): Est-ce qu'après des siècles ces documents pourraient être confiés aux archives nationales de l'État? Est-ce que cela est prévu?

M. Johnson (Anjou): On me dit qu'ils sont confiés au ministère des Affaires culturelles et aux archives après un certain nombre d'années.

Le Président (M. Vaugeois): Ils sont déposés.

M. Johnson (Anjou): Ils sont déposés auprès des archives.

Le Président (M. Vaugeois): Voilà! M. Johnson (Anjou): C'est cela.

Le Président (M. Vaugeois): Contrairement à tous les autres documents qui deviennent inactifs dans l'administration publique...

M. Johnson (Anjou): Voilà!

Le Président (M. Vaugeois): ...ils sont confiés et la responsabilité appartient...

M. Johnson (Anjou): La responsabilité reste au ministère de la Justice.

Le Président (M. Vaugeois): D'accord. C'est la même chose pour les documents qui sont réunis à l'occasion d'une enquête de la police. Est-ce que ces documents doivent être conservés?

M. Johnson (Anjou): Non, c'est-à-dire les documents policiers?

Le Président (M. Vaugeois): Oui.

M. Johnson (Anjou): Non, les documents policiers, premièrement, ne sont pas accessibles pour des raisons de confidentialité évidentes et sur lesquelles, je pense, on n'a pas à faire un bien long débat. Il est bien évident. Un rapport de police, ce n'est pas un document d'ordre public qui fait qu'on le rend accessible. Ce n'est pas pour rien qu'il y a des procès dans notre système. C'est parce qu'il y a des garanties à donner aux citoyens quant à l'utilisation de l'information qui est présentée par la couronne. Je présume que la pratique, peut-être que le directeur de la Sûreté du Québec pourra nous en parler à l'occasion de l'étude de ses crédits...

Le Président (M. Vaugeois): On reviendra là-dessus.

M. Johnson (Anjou): ...je présume que la pratique, c'est de conserver les documents un certain temps, tant et aussi longtemps que c'est utile. Je ne connais pas les critères quant à la destruction, mais on nous le dira.

Le Président (M. Vaugeois): Merci, M. le ministre. M. le député de Westmount. Comme je sais que nous sommes toujours au programme 11 et que je connais les préoccupations du député de Westmount, je voudrais rassurer M. le ministre. Je n'y suis pour rien quant à la présence de mon collègue de Westmount.

Une voix: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Vaugeois): Ah!

Excusez.

M. de Bellefeuille: M. le Président, nous en sommes au programme 11.

Le Président (M. Vaugeois): Oui.

M. de Bellefeuille: Devons-nous en venir au programme 9? Si oui, quand?

Le Président (M. Vaugeois): Demain matin.

M. de Bellefeuille: Demain matin. Le Président (M. Vaugeois): Oui.

M. Polak: Le député de D'Arcy McGee demande de réserver cela pour demain matin.

Le Président (M. Vaugeois): C'est la même chose pour 3 et 4, M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: Oui.

Le Président (M. Vaugeois): D'accord. M. le député de Westmount.

M. French: Justement, qui a pris un nom français d'ailleurs qui est très recherché, mais la plupart... Excusez-moi!

Le Président (M. Vaugeois): Vous êtes en ondes.

M. French: Merci, M. le Président. Je veux revenir à un sujet que le ministre a déjà touché, soit un cadre réglementaire pour le processus de la production des règlements au sein du gouvernement. L'on sait que depuis au moins 18 mois, le prédécesseur du ministre promettait à tous et chacun des intervenants du dossier, un tel projet de loi dans l'étude des crédits du ministère de la Justice. Il y a un an, le ministre s'engageait solennellement à produire pour l'automne dernier un projet de loi fixant les cadres juridiques uniques et clairs au processus de préparation et d'adoption des règlements.

Il promettait la même chose à la Chambre des notaires, au Barreau du Québec, à l'Assemblée nationale d'ailleurs - je me le rappelle - et à la communauté du monde des affaires. Or, nous apprenons aujourd'hui que cela prendra un autre 12 mois. Le ministre ne s'engage pas à l'amener devant l'Assemblée nationale avant cela. Je dois avouer que je trouve cela non seulement décevant, mais tout à fait inadéquat comme réponse. Cela, non pas parce que c'est une question brûlante, mais parce que le processus du contrôle des règlements ne se ferait pas du jour au lendemain de l'adoption d'un tel projet de loi, que le changement d'attitude au sein de l'administration ne se ferait pas du jour au lendemain, enfin, que le projet de loi soit adopté, tant mieux, mais ce n'est que le début d'une longue équilibration des pouvoirs, entre, d'une part, l'exécutif et le législateur et, d'autre part, la population et le gouvernement. Je ne m'explique pas, compte tenu de tout ce que le ministre disait, il y a un an, du processus de préparation de ce projet de loi... Il disait, par exemple, et je cite: "Ce projet de loi fait suite à une analyse poussée entreprise au ministère." Qu'est-il arrivé entre-temps pour tant compliquer la vie?

Comment se fait-il que le ministre, qui n'était pas lui-même renommé pour sa hâte à présenter des réformes, lui-même se trouvait, à ce moment-là, prêt à proposer à l'Assemblée nationale un projet de loi, alors que son successeur se retrouve dans l'impossibilité de le faire?

M. Johnson (Anjou): Le député était absent pour des raisons que je peux comprendre, car il siégeait ailleurs, je crois.

Ce n'est pas une affaire de théorie très concrètement, comme je le disais à ses collègues. Nous avons 1300 articles dans la réforme du Code civil. Il y a une loi sur les règlements qui implique un vaste changement pour tous les ministères de l'État. Nous avons le Code de procédure civile pour les délais, l'abrogation éventuelle de la Loi sur les poursuites sommaires pour en faire un code pénal québécois, l'unification des tribunaux qui touche un appareil d'une extrême sensibilité et qui est considérable et important. Le Parlement doit en être saisi en vertu des nouveaux principes. Nous avons les deux règlements qui suivront l'application de la Charte des droits et libertés de la personne. Quand même, il va falloir faire des choix. À moins que le Parlement ne puisse siéger 14 mois, 24 heures par jour, et 375 jours par année, pour le ministère de la Justice, à un moment donné, il va falloir faire des choix.

La raison pour laquelle j'ai répondu comme j'ai répondu ce matin, c'est que c'est clair, lorsque j'écoute un député sur un dossier et puis un autre sur un autre dossier, que tout est prioritaire. Ce n'est pas vrai que tout est prioritaire, ce n'est pas comme cela que cela marche. On aura un choix à effectuer quant au programme législatif, soyons pratiques, de l'automne, parce que d'ici le mois de juin, à part, c'est un engagement que j'ai pris et le seul que j'ai pris, j'ai l'intention de le réaliser, il faut apporter des modifications au Code de procédure civile pour cet élément, parmi deux, trois autres éléments qui sont en cours en ce moment et en voie d'implantation, nous permettent d'arriver le plus rapidement possible à une réduction des délais en Cour supérieure. (17 h 45)

Dans les gros blocs qui viennent, il y a la Loi sur les règlements qui fait suite à la commission French-Vaugeois ou Vaugeois-French, l'unification des tribunaux, le Code civil pour lequel j'entends le député de D'Arcy McGee m'expliquer tous les jours qu'il est important qu'on le fasse - tout d'un bloc à part cela, comme en 1867, 1300 articles, le condominium, le droit de propriété et envoie, vas-y, ce n'est pas grave, on peut faire cela vite, vite - ensuite, refaire la loi - on est avancé au niveau des travaux aussi - pour se doter d'un code de procédure pénale québécois. C'est également un ouvrage considérable qui implique des consultations avec le barreau, etc. et qui modifiera la pratique. Ce sont beaucoup de choses.

Ce que me dit le député... Peut-être que, si sa formation pouvait se décider à un moment donné là-dessus, nous sommes prêts à l'écouter, nous établirons des priorités et nous demanderons la collaboration de l'Opposition, mais il n'est pas vrai qu'on aura 17 dossiers prioritaires en même temps. On en aura un ou deux à la fois. Si on est capable de les mener à terme, on en sera tous très heureux.

Je dois vous dire que, le jour où on

s'embarque uniquement dans la réforme du Code civil, avec 1300 articles, j'espère que vous aurez attaché vos ceintures et que vous n'aurez pas projeté d'autres activités pour l'automne prochain, mais 1300 articles du Code civil, c'est à temps plein. Et on ne fait pas cela sur un coin de table. Cela va présupposer beaucoup d'instruments de travail, beaucoup de recherche et d'échanges qui dureront très longtemps. Ce sera énorme comme activité pour cette commission. Je ne pense pas qu'on aurait les moyens de se payer beaucoup d'autres projets de loi. Il faudra donc que je décide et lorsque je déciderai quelle sera l'initiative législative gouvernementale dans ce domaine, il faudra qu'on vive avec cela aussi et non qu'on revienne à toutes les semaines pour dire: Bien oui, mais pourquoi est-ce qu'on ne fait pas le Code civil? On fait le Code civil parce qu'on n'est pas des schizophrènes et qu'on peut faire une seule chose à la fois en commission.

C'est dans ce sens que j'ai dit au député qu'à mes yeux il était très clair que le projet de loi encadrant la réglementation correspondait à une forte préoccupation des membres de cette commission, des parlementaires en général, de toutes sortes de groupes. J'ai encore lu récemment un document du barreau là-dessus qui dit: II commence à être temps que cela se fasse, etc. C'est très clair. Je n'ai pas de difficulté à croire qu'il va falloir, quel que soit l'état des priorités, que ce soit adopté et présenté par le Parlement d'ici le printemps prochain.

Je donne cela comme horizon. Cela m'apparaît une priorité effectivement. Tant mieux si on peut le faire à l'automne, mais soyons conscients que, si on le fait à l'automne, on ne fera pas autre chose. Voilai C'est cela, ce n'est pas idéologique, mais c'est très pratique.

M. French: M. le Président, le projet de loi est-il prêt?

M. Johnson (Anjou): Un avant-projet est, je ne dirai pas satisfaisant, mais suffisamment préparé pour qu'on parle de quelque chose de sérieux.

M. French: Donc, il ne s'agit pas d'une question où il y a des liens de fond entre les autres réformes en cours et le projet de loi, mais plutôt d'un simple embouteillage au niveau du Parlement et, bien sûr, au niveau du ministère, ce qui est tout à fait légitime, je ne le nie pas.

M. Johnson (Anjou): C'est-à-dire qu'il y a trois niveaux où il faut attacher ces fils, pour reprendre l'expression consacrée: d'abord, au niveau du Parlement, il est clair que cela intéresse les membres de la législature; deuxièmement, au niveau de l'exécutif dans son ensemble, il faut voir comment il réagit. Maintenant, ceci dit, au ministère de la Justice, nous avons un certain avantage, c'est nous qui sommes responsables des contentieux qui conseillent les ministères sur l'opportunité des législations. Disons que la consultation sera faite, mais qu'on a là un certain instrument d'efficacité.

Troisièmement, il y a les intervenants. Quand on rencontre le bâtonnier pour discuter des amendements au Code de procédure civile, parce que le juge en chef de la Cour supérieure est pressé qu'on modifie le code pour améliorer les délais, et nous aussi, on ne peut pas, en même temps, lui parler des 1300 articles, de la réforme du Code civil et de l'unification des tribunaux. Il y a beaucoup d'acteurs; encore une fois, ce n'est pas la "faute" du ministère qui a progressé dans ce domaine, ce sont les mêmes équipes au niveau de la législation et des affaires législatives au ministère qui doivent voir cet ensemble de choses. C'est beaucoup, c'est énorme. Je dois vous dire que c'est un programme pour un mandat. Alors, on va essayer d'aller chercher un autre mandat et de le finir.

Cela dit, je sais et je connais la quasi-unanimité des membres de cette commission pour qu'on en arrive à quelque chose, qu'on accouche, le plus rapidement possible, dans le cas de la réglementation. Je peux dire à mes collègues que je suis convaincu que ce projet de loi peut nous donner un minimum de consensus avec les intervenants extérieurs au gouvernement. Que je règle le problème du consensus à créer dans le gouvernement, je pense que c'est ma fonction de le faire, avec le leader, entre autres. On a un projet de loi qui ne réinvente pas l'allumette et le bouton à quatre trous. Si on a la collaboration de l'Opposition, je vais tout faire pour venir ici le plus tôt possible, souhaitant évidemment qu'on ne passe pas trois semaines sur un projet de loi qui aurait quelques dizaines d'articles. Encore une fois, je ne veux pas mettre de revolver sur la table de mes collègues d'en face, mais je les assure de notre intérêt pour cette question et de l'énergie considérable qui est déployée au ministère sur ces choses. À un moment donné, il faudra se faire des priorités et une espèce de calendrier.

M. French: Vous avez fait référence à quelques règlements qui devraient être étudiés, règlements ayant affaire avec la Charte des droits et libertés de la personne.

M. Johnson (Anjou): II y en a deux: celui qui touche les conditions en matière de rentes et d'assurances relatives aux critères de discrimination à cause de l'âge, les avantages sociaux, et, deuxièmement, celui

des programmes d'accès à l'égalité. On reconnaît l'importance de ce sujet et l'unanimité qui règne, de part et d'autre, sur la nécessité de procéder dans le domaine des programmes d'accès à l'égalité.

M. French: Est-ce qu'il y a eu des engagements qui ont été pris lors de l'étude du projet de loi à savoir que les règlements seraient étudiés en commission parlementaire?

M. Johnson (Anjou): Non, mais c'est en vertu du règlement. C'est prévu dans la loi elle-même. La charte, dans le cas de ces deux règlements - c'est vrai pour d'autres -prévoit que ces règlements doivent venir en commission.

Le Président (M. Vaugeois): II y a une disposition de la loi qui le prévoit?

M. French: Une habitude assez rare.

Le Président (M. Vaugeois): Si vous me permettez, M. le député de Westmount, M. le ministre comprendra qu'on insiste un peu là-dessus. Après tout, on a travaillé sérieusement pendant à peu près un an ensemble sur ces questions qui ne nous étaient pas tellement familières au départ, mais qui nous préoccupaient. La commission d'étude s'est retenue, à la fin, devant la tentation d'inclure une proposition de loi. On aurait pu faire comme la Commission d'accès à l'information, par exemple, et terminer notre rapport en disant: Voici, pour l'Exécutif, une possibilité de projet de loi.

À ce moment-là, les informations qu'on avait, de votre précédesseur, nous laissaient croire que ce travail serait vraiment peu utile, étant donné déjà l'état de la réflexion dans votre ministère. Comme il semblait y avoir assez de concordance entre nos préoccupations de contenu et l'état de la réflexion chez vous, on s'est arrêté là.

Je peux vous dire aujourd'hui, que, dans les propositions d'initiative parlementaire qui ont été soumises au vice-président et au président de cette commission - il n'y en a pas beaucoup qui sont venues - il y en a une visant à préparer un projet de loi sur l'élaboration de la réglementation. Il y a des parlementaires qui disent: Si l'Exécutif ne nous amène rien, nous, on va en préparer un. Il y a déjà eu un projet de loi qui a été présenté devant l'Assemblée nationale. Cela, c'est pour vous donner un peu l'état d'esprit de certains.

Maintenant, pour la présidence même de l'Assemblée nationale, le problème est préoccupant parce que la nouvelle loi et le nouveau règlement établissent, pour les commissions parlementaires, ce type de responsabilité. Déjà, d'ailleurs, les commission parlementaires pourraient décider. À chaque fois maintenant qu'elles entendent examiner des projets de règlement, il suffirait d'être attentif au moment où on voterait la loi et que la disposition habilitante soit bien claire, et ça deviendrait systématique. Déjà, l'Exécutif s'est drôlement discipliné quant au délai de publication et au type de publication. Il n'y a plus beaucoup de projets de règlement qui nous arrivent sans subir un cheminement important dont votre ministère, d'ailleurs, est responsable et qu'il a grandement contribué à améliorer.

Je sais même qu'à la présidence, il existe un projet de créer une espèce de conseil responsable de l'évaluation de la légalité de la réglementation et charge d'en faire un instrument de référence pour les commissions parlementaires. Au lieu de faire le travail nous-mêmes - très prochainement -on pourrait demander l'avis de cette commission qui relèverait de la présidence et qui nous donnerait un avis de légalité. Comme il y a une unanimité sur l'essentiel entre les deux formations politiques au Parlement - il semble y avoir un projet de loi qui serait presque prêt - peut-être qu'une petite séance de travail, M. le ministre, à laquelle on vous inviterait ainsi que les parlementaires qui seraient intéressés par le sujet, pourrait sans doute nous permettre de déblayer pas mal de terrain. Je vous le présente comme possibilité. Autrement, il faudra attendre des mois et on peut se retrouver devant une situation un peu anarchique, tout le monde prenant des initiatives dans chacune des commissions parlementaires et pour des objectifs d'ailleurs que nous partageons. Les arguments que vous avez évoqués plus tôt pour justifier certains délais sont précisément nos arguments pour mettre un peu de pression.

M. Johnson (Anjou): Je ne prends pas seulement bonne note de ce que vous venez de dire et, encore une fois je ne veux pas prendre d'engagements que je serais susceptible de ne pas pouvoir respecter. Je vous dis bien que, s'il y a une chose qui est unanime dans cette commission auprès des parlementaires, c'est bien leur volonté évidente d'avoir un instrument de préhension qu'ils considèrent adéquat sur la législation déléguée. J'ai l'impression que cela sera un facteur déterminant dans l'établissement de mes propres priorités. C'est bien évident. Je ne peux pas rester indifférent et je pense que le gouvernement ne peut rester indifférent à cette volonté des parlementaires.

Je véhiculerai donc dans les meilleurs délais, M. le Président, votre préoccupation.

Le Président (M. Vaugeois): Est-ce que, sur le programme 11, il y a d'autres remarques, d'autres questions? Du côté de l'Opposition ça va?

Une voix: Oui, cela va.

Le Président (M. Vaugeois): Écoutez, il nous reste deux minutes. Est-ce que cela vaut la peine vraiment de poursuivre?

Donc, nous suspendons jusqu'à ce soir, 20 heures. Ce soir, la commission se réunit à 20 heures pour étudier les crédits des Affaires intergouvernementales canadiennes.

(Suspension de la séance à 17 h 58)

(Reprise de la séance à 20 h 5)

Affaires intergouvemementales canadiennes

Le Président (M. Payne): À l'ordre! Ce soir, à 20 heures, nous avons le mandat d'étudier les crédits du ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes. Programme 1, affaires canadiennes. M. le ministre.

Remarques préliminaires M. Pierre-Marc Johnson

M. Johnson (Anjou): M. le Président, conformément, je pense, aux attentes de mes collègues, nous n'aurons pas à passer ces deux heures - c'est bien deux heures que nous avons, M. le Président - à analyser, poste par poste, ce qui est un budget, finalement, qu'on pourrait dire plus que raisonnable aux Affaires intergouvernementales canadiennes. Je vais peut-être profiter de l'introduction et de ce moment que vous me donnez pour m'exprimer en termes un peu plus généraux sur le contexte que vit le Québec en matière de relations fédérales-provinciales.

Depuis de nombreuses années, mais plus spécifiquement depuis 1982, le Québec, dans ses relations avec l'État fédéral, est dans une position où il est à peu près constamment attaqué, d'une façon parfois sournoise et souvent absolument explicite, au nom d'impératifs qui sont tantôt exprimés clairement et au nom d'autres impératifs que l'on peut considérer comme implicites dans la vision des tenants du fédéralisme comme il est conçu à Ottawa, comme il a été conçu et comme il veut s'imbriquer par et pour une bureaucratie fédérale envahissante.

Les empiétements fédéraux à l'égard des pouvoirs des provinces, mais plus spécifiquement du Québec depuis deux ans, sont impressionnants et sans précédent, tant par leur nombre que par leur ampleur. Qu'on pense au projet de loi S-31, au projet de loi C-3, au secteur du développement économique où on remet en cause le régime des ententes, à la tentative de couloir énergétique terre-neuvien sur le territoire québécois, à l'attitude systématique des députés libéraux fédéraux et de l'État fédéral vis-à-vis des municipalités. Qu'on pense à ce mince rapport mais qui n'est qu'une préfiguration du pire qui est à venir, de la commission Macdonald prônant une vision de plus en plus centralisée du développement économique canadien, au point même où on veut remettre en question la juridiction du Québec en matière d'éducation postsecondaire. Qu'on pense à des dossiers comme ceux des loteries, des réfugiés, des pêches maritimes, du Nid-de-Corbeau, du projet de loi C-157 qui est devenu le projet de loi C-9. Qu'on pense à l'expropriation d'une partie du territoire québécois par des transactions financières, qu'il s'agisse de l'archipel de Mingan, du Saguenay, du parc de la Mauricie, de la Grosse Île. Tout cela, finalement, est révélateur d'une vision pancanadienne, incarnée par un pouvoir fédéral bureaucratique, desservant essentiellement des intérêts qui se veulent le résultat d'un arbitrage des disparités régionales, mais qui servent toujours les mêmes.

C'est devant cela que nous devons, comme société, comme peuple, réagir. On comprend que les jeunes ne se battent pas dans les autobus pour les questions constitutionnelles. Quand il y a 13% de chômage, quand les gens connaissent l'insécurité, quand nos concitoyens se demandent si, demain, ils auront une augmentation de salaire ou un emploi tout court, on ne s'attend pas que le discours en matière constitutionnelle soit très mobilisant. Et on n'a pas le droit d'ignorer les conséquences de ce qui se passe; on n'a pas le droit de se fermer les yeux sur l'effet de désintégration que cela peut avoir, à moyen terme, sur la société québécoise non seulement parce que cela remet en question 25 ans d'évolution, mais parce que tout cela pourrait placer le Québec dans un contexte où il ne réussit pas, où ce peuple, par les institutions qu'il contrôle et, au premier chef, son Assemblée nationale, ne réussit pas à maîtriser et à enfourcher, dans cette période cruciale de changement économique, les choses à faire en matière de développement économique, justement, par rapport à nos infrastructures et à l'adaptation de nos concitoyens aux changements économiques.

En effet, à cause de la crise économique et de ses effets, à cause de la "planétarisation" des objectifs économiques des pays développés, il est évident qu'avec la fin des barrières tarifaires, le développement du commerce extérieur et la concurrence sauvage qui existe, sur le plan économique, entre les pays industrialisés à la conquête de marchés qui sont souvent à l'extérieur de ce club, si nous n'y sommes pas rapidement, nous en serons absents à jamais.

Être un peuple, M. le Président, c'est plus que parler le français à la sortie de la messe le dimanche; les Manitobains en savent quelque chose. Être un peuple, c'est plus qu'avoir ses écoles, c'est plus que voir la notion ou l'idée de notre appartenance culturelle et linguistique reconnue dans un texte constitutionnel pancanadien. Être un peuple, c'est se donner des instruments, comme le Québec l'a fait depuis un certain nombre d'années; c'est se donner des institutions, des moyens de faire des choix sur son territoire en fonction d'arbitrages internes, en fonction d'impératifs et de contraintes imposés par l'environnement, en fonction du consensus qu'on peut établir dans cette société.

Être un peuple, ce n'est pas seulement parler le français et avoir des écoles et des chansonniers. Être un peuple, c'est aussi contrôler le développement de son territoire. Être un peuple, c'est se donner des instruments pour l'aménagement du territoire; c'est répartir le pouvoir dans la société; c'est établir des consensus patronaux ou syndicaux là où c'est possible. Cela signifie, sur notre territoire, décider comment sera partagée la richesse à accroître; cela signifie aussi le choix des moyens et des lieux géographiques et humains où nous croyons, où nous pensons et où nous voulons que cette richesse se manifeste.

Or, c'est précisément ce qui est nié dans le nouvel État juridique dominé par une vision de légalité plutôt que de légitimité, qu'on nous a imposée lors du rapatriement de la constitution, en 1982. On nous parle en face, M. le Président, un peu comme si c'était sans conséquence et sans importance, un peu comme si c'étaient simplement des choses de chicaniers ou des querelles de séparatistes, alors que ce qui est en cause -ce qui est fondamental et de poids pour l'avenir du peuple québécois, à moyen et à long termes, quel que soit, dirais-je, le gouvernement qui soit au pouvoir à Québec dans 24 mois - c'est la notion même, c'est l'existence même du peuple québécois.

Quand les Québécois ont voté non au référendum en 1980, ils ont voté non à une question précise qui leur était posée; question un peu longue, il faut le dire, mais qui, pour l'essentiel, était un projet que leur soumettait un gouvernement. Je ne crois pas que les Québécois aient exprimé, lors du référendum, qu'ils considéraient ne pas former un peuple, d'autant plus que le premier ministre du Canada d'alors, et encore pour quelques semaines, ainsi que les politiciens fédéraux et ceux qui, en face de nous, ont été victimes de certains de ses manèges ont laissé entendre aux Québécois pendant des semaines qu'ils modifieraient la constitution canadienne afin de faire une plus large part aux aspirations des Québécois. On assumait ainsi, un peu comme un judoka, cette poussée, cette force manifestée dans notre société, en particulier depuis une vingtaine d'années, où de plus en plus, comme société, pas seulement par l'entremise de l'État, mais par des groupes, par une série d'expressions de ce qu'est un peuple qui se développe, nous avions insufflé une volonté de faire les choses entre nous sur ce territoire.

En votant non, les Québécois, enfin certains Québécois croyaient qu'ils votaient oui. C'était même le slogan du premier ministre du Canada. Alors, qu'est-il arrivé? Il est arrivé, effectivement, l'inverse de ce qu'on avait laissé entendre aux Québécois. Il n'y a rien là-dedans qui surprenne les souverainistes, ceux qui, comme les gens de ce côté-ci de la table, ont choisi de promouvoir l'avènement du peuple québécois à la plénitude des pouvoirs d'une société politique distincte. Je pense que le rapatriement unilatéral de la constitution et ses conséquences quotidiennes que nous devons vivre comme État et que nous devrons vivre comme citoyens dans les années à venir nous démontrent et démontreront à beaucoup de nos concitoyens qui ont voté non qu'ils ont été trompés.

Notre capacité d'exercer des choix doit s'étendre dans le secteur de l'éducation, dans le secteur de la santé, dans le secteur du développement économique et dans tous les secteurs où une société distincte veut se donner des instruments pour faire ses propres choix, des choix qui soient le reflet de ce que nous sommes avec nos imperfections, nos difficultés, mais aussi avec le vent d'espoir qui réussit à animer des peuples et à leur faire faire des choses importantes leur permettant de passer à travers des crises.

Une des conditions essentielles au maintien d'une société distincte et forte devant ces agressions constantes d'une vision pancanadienne, bureaucratique et qui diminue le Québec, c'est la capacité pour les institutions québécoises de se solidariser autour d'un certain nombre d'objectifs, mais surtout en tant que participants d'une société distincte.

Au premier chef, il y a les partis politiques au Québec. Je constate, M. le Président, que le Parti libéral du Québec, particulièrement depuis qu'il a à sa tête son ancien chef redevenu chef, a peur d'afficher une position proquébécoise plutôt qu'antipéquiste. Je crains que la source même de l'affaiblissement du Québec dans les mois qui viennent, loin d'être ces méchants séparatistes, soit précisément l'Opposition qui prétend pouvoir prendre la place de ce gouvernement lors des prochaines élections.

M. Rivest: M. le ministre...

M. Johnson (Anjou): Non, peut-être à la

fin, M. le Président, si vous n'avez pas objection.

Par exemple, sur le projet de loi fédéral C-3 en matière de santé, le chef libéral est demeuré remarquablement discret alors même que l'ensemble des intervenants, ces personnes issues des institutions québécoises depuis 20 ans dans le secteur de la santé, appuyaient clairement la position du gouvernement québécois. Le chef libéral, M. Bourassa, laissait entendre qu'il négociait des amendements avec la ministre fédérale de la santé. On a vu les résultats de ces amendements. Toutes les provinces canadiennes et les territoires canadiens ont fait l'unanimité pour dénoncer ce projet de loi. Le jour même où M. Claude Castonguay, ex-ministre des Affaires sociales sous M. Robert Bourassa de 1970 à 1973, livrait au Sénat un témoignage qui concordait avec la position du gouvernement québécois...

M. Rivest: L'association libérale de Jean-Talon.

M. Johnson (Anjou): ...l'Opposition se décidait enfin à se rallier à la position gouvernementale, mais il était tard. Robert Bourassa avait affaibli le Québec. Devant la commission Macdonald, le chef du Parti libéral, M. Bourassa, au nom d'une vision idéaliste et étriquée du fédéralisme canadien qui n'existe pas, se déclarait prêt - et je cite - "à négocier plusieurs changements au partage actuel des pouvoirs dans le contexte du "give-and-take" d'une négociation sur certaines précisions et consolidations des pouvoirs d'Ottawa relatifs à l'économie, en échange de précisions et de consolidations équivalentes des pouvoirs du Québec touchant, entre autres, l'éducation, l'immigration, les droits civils et la culture au sens large."

Deux questions se posent ici: D'une part, quelle est la nature exacte des pouvoirs québécois qu'entend céder M. Bourassa? Deuxièmement, quel avenir M. Bourassa propose-t-il aux Québécois? Un Québec culturellement souverain, mais sans contrôler son économie, est-il un Québec viable?

M. Bourassa indiquait aussi sa volonté de récupérer pour le Québec le droit de veto. Or, alors que le veto représente pour Me René Dussault, président de la commission politique du Parti libéral du Québec, un minimum absolu, M. Bourassa semble vouloir, pour sa part, en restreindre la portée à certains domaines, comme l'immigration, et exiger ce droit de veto ratatiné en échange de la signature du Québec de cette constitution 1982. M. Bourassa, dans ce contexte, négocie à rabais. Il ne semble même pas évoquer ce phénomène central dans le rapatriement de 1982, à savoir que ce texte qui régit dorénavant les institutions canadiennes pour la première fois depuis que nous habitons ce continent nie explicitement l'existence d'un peuple de ce territoire, c'est-à-dire le peuple québécois.

Que pense M. Bourassa des démarches incessantes effectuées par le gouvernement central et des députés libéraux fédéraux pour contrôler la compétence provinciale dans le secteur des affaires municipales, en offrant de transiger directement avec les municipalités? Pour le moment, tout cela est resté vague et nous souhaiterions entendre le chef du Parti libéral, en vue d'apporter sa contribution au renforcement des institutions québécoises, s'exprimer clairement sur un objet aussi fondamental.

Que pense M. Bourassa de la volonté du gouvernement fédéral d'imposer au Québec une entente-cadre en matière de développement économique, lui permettant d'ignorer les priorités de développement préparées au Québec? Là aussi, les réponses du chef du Parti libéral sont restées vagues.

Ces questions, pourtant, revêtent une importance fondamentale pour l'avenir du Québec. Il est impensable, pour assurer la crédibilité de la position québécoise, d'en arriver au consensus le plus large possible au sein de nos institutions et, au premier chef, au Parlement du Québec sans que l'Opposition ne joue son rôle de défense des institutions québécoises plutôt qu'un rôle qui se limite à être antipéquiste. Cette vision nous apparaît dangereuse pour le Québec.

C'est dans ce contexte que je considère que le rôle du ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes est d'affirmer très clairement et de mettre en évidence les consensus importants pour le Québec en vue de stopper l'érosion de nos institutions. On peut faire des gorges chaudes, on peut nous rappeler le sens que l'on aura bien voulu donner au référendum de 1980, mais une chose demeure, une chose est vraie, c'est l'intervention systématique de l'État fédéral qui vise à exproprier les Québécois, sur leur propre territoire, des institutions qu'ils se sont bâties. Le Parti libéral au premier chef, encore une fois, avec son chef, a une responsabilité à laquelle il ne saurait se défiler sans affaiblir profondément l'idée même que nous formons un peuple et que nous devons le défendre dans ses institutions.

Le Président (M. Payne): M. le député de Jean-Talon.

M. Jean-Claude Rivest

M. Rivest: Je n'avais pas prévu discuter dans le cadre de l'étude des crédits de M. Bourassa mais, puisque le ministre l'a évoqué, je répondrai simplement que M. Bourassa a bloqué, à Victoria, le rapatriement de la constitution qui ne

correspondait pas aux droits du Québec. Vous ne l'avez pas fait. M. Bourassa a conclu, dans le domaine international, une entente qui garantit au Québec une participation avec presque toute la plénitude des pouvoirs d'un Etat souverain par le biais de l'Agence de coopération technique et culturelle. Avec votre gouvernement, M. le ministre, le sommet de la francophonie n'a pas eu lieu. Dans le domaine social, M. Bourassa a fait la réforme totale de toutes les institutions de santé. Il a négocié avec le gouvernement canadien et conclu des ententes dans le domaine des allocations familiales, de la sécurité du revenu. Dans le domaine des ententes de développement, vous avez des problèmes actuellement. Le gouvernement de M. Bourassa a négocié toute une série d'ententes de développement; il y a eu des accords et les intérêts du Québec ont été pleinement respectés.

Vous avez cité la perte des îles de Mingan. La même situation s'est produite sous le gouvernement de M. Bourassa, lorsque le gouvernement canadien voulait s'emparer de l'Île d'Anticosti. Le gouvernement de M. Bourassa a assuré la plénitude de la souveraineté du Québec et le gouvernement fédéral n'a pas eu l'île d'Anticosti. Sous un gouvernement péquiste, le gouvernement fédéral a obtenu les îles de Mingan.

Vous avez évoqué le domaine des pêches maritimes. Le Québec se prévalait, sous le gouvernement de M. Bourassa, de l'entente de 1922. Sous un gouvernement péquiste, le Québec a perdu cette prérogative. Voilà les résultats.

Dans le domaine municipal, il y a eu des programmes de travaux d'hiver dans les municipalités; des ententes ont respecté l'autonomie des municipalités, puisque cela relevait du ministère des Affaires municipales au début des années soixante-dix, sous le gouvernement de M. Bourassa. C'est une chose que vous n'avez pas su faire, puisque le gouvernement fédéral passe complètement - enfin, il passait complètement; il passe maintenant partiellement, d'après ce qu'on constate - à côté des prérogatives du Québec.

Le discours - et je pourrais continuer pendant des heures - que vous avez évoqué en est un d'amertume face au résultat référendaire. C'est un discours qui, à mon avis, illustre tragiquement pour le Québec l'ambiguïté fondamentale dont vous n'avez absolument pas fait état puisque, en tant que gouvernement voué à la souveraineté du Québec, vous devez, pour des raisons de stratégie politique que vous maintenez depuis 1976, vous inscrire dans le cadre ou le fonctionnement du régime fédéral.

Le fédéralisme n'est pas, par définition, étant donné ses ambitions comme système politique, un système facile. Il y aura toujours, sous des gouvernements fédéralistes à Québec comme à Ottawa, des problèmes. On en a eu de très nombreux avec le gouvernement fédéral; ils étaient analogues à ceux que vous avez énumérés, à la différence près qu'il y a eu considérablement plus d'ententes dans le sens des intérêts et du Québec et du Canada qu'il n'y en a eu sous votre gouvernement. (20 h 30)

Là-dessus, je trouve que vous vous êtes avancé drôlement. L'affaiblissement du Québec, dont vous parlez, ne peut être le fait seul de Pierre Elliott Trudeau ou d'une certaine conception véhiculée par ce dernier, puisque le même M. Trudeau, face à un gouvernement libéral québécois et fédéraliste, n'a certainement pas réussi, si tant est que ce soit son intention, à affaiblir le Québec sur les plans politique et constitutionnel comme, malheureusement - peu importent les explications - vous avez pu le faire, jusqu'à, peut-être, sa consécration la plus tragique, évoquée au moment de la nouvelle Loi constitutionnelle de 1982.

Je trouve exagéré de placer la problématique sur le terrain que vous avez choisi, comme nouveau ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes, terrain purement politique. Peu importent les personnalités en cause: René Lévesque, Robert Bourassa, Pierre Elliott Trudeau, Pierre-Marc Johnson ou Jean-Claude Rivest, c'est le résultat net et sec qui nous intéresse. Est-ce que le Québec est plus ou moins fort dans l'ensemble fédéral canadien, après six ou sept ans de régime péquiste, qu'il ne l'était après six ou sept ans de régime libéral? Poser la question, c'est y répondre. Le Québec avait une crédibilité au niveau de l'ensemble fédéral canadien. Comme gouvernement - et le Québec comme société - il pouvait fonctionner avec les difficultés, bien sûr, inhérentes au régime fédéral, mais il pouvait fonctionner d'une façon normale dans le régime fédéral parce qu'il y avait, à la base, quelque chose qui est peut-être l'essence même du régime fédéral et qui s'appelle la confiance.

Vous, en tant que nouveau ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes voué à la souveraineté du Québec, aussi compétent et de bonne foi que vous puissiez être comme ministre responsable du gouvernement du Québec, lorsque vous vous rendez à Ottawa, pensez-vous que les gens peuvent regarder uniquement le mérite de vos dossiers? Les gens savent que vous êtes voué à la déstabilisation et à la destruction du régime fédéral. Immédiatement, cela engendre, dans vos rapports avec le gouvernement canadien comme, d'ailleurs, dans vos rapports avec les autres gouvernements du pays, un manque de crédibilité; manque de crédibilité qui se traduit dans les relations fédérales-provinciales, depuis que vous êtes au gouvernement.

Je ne vous en fais pas un reproche personnel, mais, en tant que membre du gouvernement, je suis convaincu que s'il y a une chose que la population du Québec - qu'elle ait voté oui, qu'elle ait voté non, au moment du référendum - réprouve, surtout alors qu'on est passé à travers la crise économique, c'est la politisation à outrance et systématique attribuable à la stratégie étapiste ou de parenthèse de l'option souverainiste qu'on continue de faire adopter, avec les réactions qu'elle provoque, des relations fédérales-provinciales. Ce qu'on a eu comme apport, comme attitude, de part et d'autre, cela a été une chamaillerie ministérielle systématique sur tous et chacun des dossiers des relations fédérales-provinciales. Ceux qui ont payé pour cela, ce sont les Québécois, c'est le développement du Québec.

Encore cet après-midi, à l'Assemblée, on constatait qu'il existe un problème réel au niveau de l'entente qui a été signé par M. Léonard, M. Marcoux et son homologue fédéral quant aux programmes touchant l'immigration. Encore là, j'ai trouvé que c'était une attitude absolument typique, une dénonciation ferme et éhontée de l'attitude fédérale, à l'Assemblée nationale. On crie, on déchire ses vêtements sur la place publique alors qu'il y a un problème à régler. Si le ministre québécois de l'époque - le ministre Marcoux, en l'occurrence - avait simplement communiqué, utilisé le téléphone, les services du ministère des Affaires intergouvernementales pour dire: Voici un problème sérieux; les municipalités en sont conscientes et je vais envoyer mes fonctionnaires voir s'il n'y a pas moyen de colmater ce trou qui ne respecte pas la juridiction municipale du Québec...

Commencez donc par négocier de bonne foi. Mais non, c'est la chamaillerie et les répliques traditionnelles, répliques parfaites. Le ministre fédéral réagit. On adopte finalement la même attitude que celle des ministres péquistes et, en fin de compte, tout ce qu'on a, c'est une guerre des médias, une guerre sur l'opinion publique, une guerre sur des dossiers de développement, des dossiers d'un intérêt vital. Que ce soit sur le plan économique, sur le plan social ou sur le plan culturel, c'est une chamaillerie continuelle qui, à mon avis, nuit considérablement à la crédibilité des politiciens en cause; qu'ils soient fédéraux, libéraux fédéraux ou péquistes, cela me laisse assez indifférent.

S'il y a une attitude que nous, comme formation politique, allons continuer de dénoncer, c'est bien celle-là. L'exagération à outrance ou le drame que l'on fait sur chacun des dossiers, qu'il provienne d'Ottawa ou de Québec, cela reste des querelles de visibilité de politiciens. Est-ce le député péquiste ou le député libéral fédéral qui arrivera le premier avec le chèque? Dans combien de dossiers en est-ce rendu à ce niveau-là? Et cela fait des années et des années que ça dure.

Vous avez parlé de M. Bourassa et de René Dussault, le président de la commission politique du Parti libéral du Québec, qui s'intéresse à ces questions-là; s'il y a une chose qui va changer, c'est bien celle-là. Je suis convaincu que, si on prend cette orientation, nos concitoyens québécois, qu'ils soient indépendantistes ou non, continueront à véhiculer - c'est là leur désir légitime - et à défendre cette idée. S'ils sont fédéralistes, comme nous le sommes, pour valoriser l'option fédéraliste; on va le faire chacun de son côté, mais on ne permettra plus que les dossiers du gouvernement soient ravalés au niveau d'une chamaillerie ministérielle qui a assez duré et qui a coûté assez cher aux Québécois.

Je vous préviens que vous allez avoir des suites très concrètes à cette démarche du Parti libéral du Québec, parce que nous sommes convaincus - nous avons de bonnes raisons de le croire - que l'ensemble de la population du Québec rejette et les uns et les autres, que ce soit les péquistes, comme je le disais d'une façon qui peut sembler caricaturale, mais, au fond, cela s'est passé ainsi dans tellement de comtés. Le député péquiste court chercher son chèque et le député libéral fédéral court derrière pour voir lequel. Moi, je l'ai vécu.

Je vais vous donner un exemple concret. Je l'ai déjà dit à cette commission parlementaire, alors que Marine Industrie avait besoin de contrats pour sa survie, il y a un an ou deux, les travailleurs de la CSN - je pense que mes collègues d'Outremont et de Notre-Dame-de-Grâce étaient là - nous ont dit: Nous, travailleurs, avec les administrateurs de Marine Industrie, allons au fédéral pour soutenir les propositions du chantier de Marine Industrie. Nous discutons au niveau des fonctionnaires, au niveau des technocrates. Il y a des choses que nous pouvons faire; nos soumissions sont bien préparées, on a l'expertise, mais, lorsque cela franchit le niveau politique, lorsque cela atteint le niveau politique, tout est bousillé et, effectivement, on perd des initiatives.

Concrètement, il y avait 3000 travailleurs dans la région. Je ne dis pas que c'est la seule cause, mais combien de travailleurs dans la région de Sorel et du Richelieu n'ont pas eu de travail à cause de cette chamaillerie que vous semblez, par votre discours d'ouverture comme nouveau ministre, vouloir continuer. Vous pourrez faire le procès que vous voudrez, à Robert Bourassa ou à quiconque, vous n'utiliserez pas impunément les dossiers de développement du Québec, dans ses rapports avec le gouvernement fédéral, pour servir des causes politiques ou électorales que vous

semblez avoir comme seule ambition.

Si vous partez sur ce pied, comme nouveau ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes, je trouve - je vous le dis très franchement et en toute honnêteté -que vous partez d'un très mauvais pied, M. le Président. Dans ce contexte, j'ai l'intention de vous faire la demande suivante, justement pour éviter cette chamaillerie. Dans la conduite actuelle des dossiers de relations fédérales-provinciales, ce qui permet au politiciens fédéraux et aux politiciens péquistes de jouer, c'est le manque total de transparence et d'information dans l'ensemble des dossiers. Ces attitudes sont tellement condamnablesl

Vous avez évoqué des difficultés réelles de relations fédérales-provinciales, quand vous avez parlé du projet de loi 5-31; quand vous avez parlé de la loi 38 et du problème avec les municipalités. Vous avez évoqué la différence de perception qui existe au niveau de vos négociations avec le gouvernement canadien sur les ententes de développement, dans le domaine des pêches maritimes et pour ce qui est du Nid-de-Corbeau. Or, dans votre propre document, vous faites le bilan de l'année et vous ne parlez, comme ministre, que des dossiers où le méchant gouvernement fédéral causait des difficultés au très bon gouvernement québécois, voué aux intérêts du Québec. Vous avez parlé de difficultés réelles, mais vous avez omis complètement de mentionner - j'en ai encerclé peut-être une quinzaine, dans votre propre document - les éléments où il y a eu une entente.

Mon plaidoyer, aujourd'hui, va dans le sens suivant. Vous arrivez comme nouveau ministre et vous voulez rendre des services. Qu'ils soient indépendantistes ou fédéralistes, je pense qu'il y a des gens intelligents des deux côtés, qui ont leurs convictions tout à fait légitimes, de part et d'autre, quant à l'avenir du Québec ou à celui du Canada. Mais les uns comme les autres ont au moins droit... M'adressant au gouvernement du Québec - les politiciens fédéraux s'arrangeront avec le gouvernement fédéral -je lui demande de mettre sur la table et sur la place publique l'ensemble des dossiers concernant les relations fédérales-provinciales et d'établir la réalité des choses. Par exemple, dans le domaine économique, il y a des choses là-dedans. Franchement, ce type de document, j'en ai assez vu. Je trouve que ce type de document n'apporte strictement rien.

Je regardais les perspectives pour 1984-1985, juste à titre anecdotique. À la page 6, on dit: "Au cours de la prochaine année, il est à prévoir que le gouvernement fédéral, sur sa lancée de 1983-1984 et profitant d'une conjoncture économique serrée, voudra poursuivre son offensive centralisatrice." Voilà le thème lancé. Et, parmi les éléments qu'on énumère, dans le domaine de la santé - peut-être et même sans doute avec le projet de loi C-3 - il y a à peu près sept ou huit autres dossiers qui ne sont pas du tout de nature centralisatrice; ce sont des dossiers de fonctionnement habituel d'un régime fédéral où il n'y a même pas, dans certains cas, de volonté nécessairement centralisatrice. On dit, par exemple: En quoi l'attitude du gouvernement fédéral concernant la protection des droits des autochtones est-elle centralisatrice? En quoi les ententes des ministres Marois et Bégin, pour la mise en oeuvre des programmes de soutien de l'emploi, sont-elles centralisatrices? En tout cas, il y a un paquet d'affaires.

M. le ministre, à l'instar de votre collègue, le ministre des Finances, je ne sais pas si vous allez pouvoir vous rendre à cette demande, mais je vous suggère de le faire au nom de l'opinion publique qui a le droit de connaître l'ensemble de la réalité des dossiers et afin de prévenir les abus que j'ai dénoncés et que je vais continuer de dénoncer des politiciens, de part et d'autre, qui jouent une espèce de cache-cache, qui se tendent des pièges et qui appellent à l'opinion publique, qui multiplient les conférences de presse, comme ce ridicule scénario auquel on vient d'assister à Saint-Malo entre Jean-Luc Pépin et René Lévesque. Je trouve cela absolument intolérable. Je pèse mes mots, j'allais être plus dur. Je trouve cela ridicule, au fond, et pour le Québec et pour le Canada. Si l'on doit continuer de poursuivre sur la place publique ce genre d'attitude, il me semble que, comme Québécois, on ne peut pas accepter d'avoir des comportements aussi enfantins. Il me semble que les Québécois sont assez mûrs pour savoir que, dans un régime fédéral, il y a des difficultés; pour savoir que, dans le domaine de la santé, quant au projet de ioi C-3, il y a des choses essentielles dont le ministre a parlé et qu'il faut défendre comme Québécois. Et ce n'est pas nécessaire qu'on fasse des procès d'intention à gauche et à droite. (20 h 45)

Le ministre des Finances publie sur une base trimestrielle, je pense, au cours de l'année l'état des transactions financières du gouvernement. Je vous demande s'il est possible, dans votre esprit, de façon que l'ensemble du dossier soit placé sur la table, une publication signée par le sous-ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes, qu'elle soit bimestrielle ou trimestrielle, soit déposée à l'Assemblée nationale faisant état des dossiers, mais vraiment de tous les dossiers des relations fédérales-provinciales dont vous avez la responsabilité. Je suis d'accord que vous vous réserviez le droit de protéger les arguments de stratégie de négociation que vous pouvez

avoir comme ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes; c'est tout à fait légitime, mais, au moins périodiquement, que les membres de l'Assemblée nationale, la presse et l'opinion publique reçoivent, de la part du gouvernement québécois, l'état des dossiers.

Quand Bell Helicopter vient s'installer dans la région de Mirabel, qu'on sache que le gouvernement fédéral a effectivement contribué de telle manière. Quand le gouvernement fédéral envoie Ford en Ontario, qu'on l'inclue; qu'on dise les prétentions du Québec, mais qu'on donne tout le portrait. Il me semble qu'il y a moyen, malgré la dimension politique et compte tenu des options souverainiste et fédéraliste, que le ministre et les hauts fonctionnaires de ce ministère établissent, aux yeux de l'opinion publique, l'état des relations en énumérant un ensemble de dossiers. Ceci nous permettrait d'en prendre connaissance car, souvent, on ne sait pas exactement quelle est, dans le domaine économique, l'attitude, par exemple, face à telle politique fédérale au niveau budgétaire, etc.

Il me semble qu'un document pourrait être fait sur une base périodique; après cela, chacun pourra non seulement en prendre connaissance, mais en suivre l'évolution, puisque cela serait périodique. On pourra dire: Voici, il y a tel ou tel dossier. Prenons l'exemple des subventions fédérales aux municipalités; quand le gouvernement fédéral prend l'initiative, elle est contestée par le gouvernement du Québec. Le gouvernement du Québec établit sa position dans un document; arrive l'entente entre MM. Marcoux et Roberts dans un rapport subséquent; l'entente est consignée dans un document et on dit: Voici, il y a eu entente. Là, il y a un nouveau problème qui se pose. On dépose et on suit le dossier. Les ministres pourront faire les déclarations qu'ils veulent; au moins, l'opinion publique connaîtra l'ensemble du dossier.

Je ne sais pas si, comme procédure, cela pourrait être déposé ici, devant cette commission parlementaire ou même à l'Assemblée nationale. Ce serait mieux que d'entendre à l'année longue une utilisation -je termine là-dessus, M. le Président -politique des dossiers qui, au fil des jours, surviennent et refont surface. Ce serait beaucoup mieux que cette espèce de résumé forcément anecdotique qu'on nous envoie chaque année, une journée ou deux avant l'étude des crédits. Finalement, cela n'apporte pas grand-chose parce qu'il n'y a aucune espèce de présentation vraiment consistante et on nous dit: Voici, il y a un problème au sujet de la main-d'oeuvre. C'est tout. Cet inventaire existe déjà, je pense, au niveau du ministère, pour les fins propres du ministère. Il ne s'agirait que d'en faire une version publique, sous la signature du sous- ministre. Il me semble qu'on ferait avancer les choses.

En terminant, je voudrais juste vous dire que, pour ma part, quant à la réforme qui a été faite - je l'ai dit au ministre au début de la séance - tout ce qui concerne l'ouverture du Québec sur l'extérieur, que ce soit sur le Canada, les autres provinces ou même l'étranger, il me semble que c'était l'idée fondamentale de la Loi sur le ministère des Affaires intergouvernementales. Je vous dis, M. le ministre, que je regrette le fractionnement du ministère des Affaires intergouvernementales parce que, dans vos rapports avec le Canada, tous les dossiers de relations internationales vous concernent comme ministre responsable des affaires canadiennes. Cela a toujours une dimension fédérale, en tout cas tant et aussi longtemps qu'on sera dans ce contexte.

Dans le domaine du commerce extérieur, votre propre collègue du ministère a indiqué comment il collaborait: il y a des agences fédérales, tout le circuit fédéral sur lequel il s'arrime, etc. Étant donné l'importance des relations extérieures, au sens large du Québec, étant donné le caractère particulièrement vital que ces questions ont pour le Québec, je trouve - et je tiens à l'enregistrer - extrêmement dommage, dans une perspective de cohérence et de productivité non seulement sur le plan externe, c'est-à-dire des interlocuteurs externes, mais également sur le plan interne, sur le plan des ministères et organismes du gouvernement, que l'on assiste à ce fractionnement des responsabilités dans le domaine des relations intergouvernementales.

Sans d'ailleurs que l'on sache exactement pourquoi, sauf la proximité de l'aspect juridique dans le domaine des relations, la dimension juridique dans les dossiers de relations fédérales-provinciales, si importante soit-elle, n'est finalement qu'un prérequis au règlement. Or, toute la dynamique, ça concerne beaucoup plus les techniciens que - j'ai bien du respect pour les juristes - les juristes; l'expertise du ministère de la Justice a été donnée dans le passé. Je trouve que vous risquez d'exposer tout le domaine des relations intergouvernementales à des problèmes qu'on pourrait s'épargner; me semble-t-il.

Le Président (M. Payne): Bon, la dialectique est bien partie. Cela serait intéressant, tout à l'heure, d'élargir la discussion à d'autres membres de la commission. Il ne reste qu'une heure, M. le ministre.

M. Pierre-Marc Johnson (réplique)

M. Johnson (Anjou): Alors, M. le Président - je pense qu'en vertu du règlement je le peux - je ne veux pas en

abuser non plus, mais je veux reprendre quand même un certain nombre de choses. C'est encore un des rares privilèges que l'exécutif possède, celui de pouvoir répliquer.

M. Rivest: ...à regretter la réforme parlementaire.

M. Johnson (Anjou): Oui, à l'occasion, en tant que membre de l'exécutif, je dis bien. Peut-être que, quand je cherche, comme parlementaire, je me reconcilie...

M. de Bellefeuille: Je ne vois pas en quoi elle s'applique aux travaux de cette commission.

M. Fortier: Quand vous serez dans l'Opposition, vous l'apprécierez.

M. Johnson (Anjou): Alors, vous pouvez toujours espérer, au moins deux ans, probablement six.

M. le Président, le député a parlé du fractionnement du ministère. Même si je peux comprendre ses préoccupations à vouloir faire du ministère des Affaires intergouvernementales, qui, on le sait, a porté ce nom et a eu cette structure à compter de 1967, un ministère unificateur de l'action extérieure du Québec, la naissance de l'activité du commerce international et la participation essentielle du Québec, au niveau de ses structures étatiques, au développement de telles choses, je pense, inévitablement devaient avoir cet effet. C'est d'ailleurs le cas à Ottawa, comme c'est le cas dans de nombreux pays où on tente tantôt de relier et tantôt de séparer les activités de commerce international et les relations de nature purement politique. Nos relations avec les gouvernements canadiens, quels qu'ils soient, étant de nature essentiellement politique et pouvant se traduire, dans certains cas, dans la mesure où ils sont prêts à le faire, par des ententes avec des conséquences économiques...

M. Rivest: Sur le plan interne aussi...

M. Johnson (Anjou): Sur le plan interne...

M. Rivest: ...entre les ministères et les organismes.

M. Johnson (Anjou): Oui, entre ministères... Il est bien évident qu'un des rôles du ministère des Affaires intergouvernementales canadiennes, c'est de coordonner l'activité gouvernementale dans l'ensemble de ses rapports avec les autres États de la fédération canadienne, y compris l'État central.

Deuxièmement, je suis bien prêt à considérer et à étudier la faisabilité d'une publication cyclique ou occasionnelle ou d'un rapport du ministère sur l'état des dossiers de relations fédérales-provinciales. Je n'ai pas de préjugés contre cela a priori, du tout. On va essayer de l'envisager.

Maintenant, on va revenir sur une couple de choses fondamentales. Il ne s'agit pas de faire des chicanes, de grimper dans les rideaux, de s'énerver et de savoir qui va passer les chèques, il faut regarder où cela a commencé.

Une voix: Hum!

M. Johnson (Anjou): Non, il faut regarder ce qui se passe. L'important, c'est ce qui se passe dans la réalité. Quand nous disons dans le cahier, à la page 6, qu'effectivement il y a à craindre, pour l'année à venir, une offensive centralisatrice du fédéral - aux pages 6 et 7 - dans les domaines de la santé, de l'éducation, de la main-d'oeuvre, de la création d'emplois, de la sécurité du revenu et des affaires municipales, ce sont des faits, ce n'est pas de la spéculation. Le projet de loi C-3, ce n'est pas nous qui l'avons inventé; S-31, ce n'est pas nous qui l'avons inventé non plus. L'intervention en matière municipale, ce n'est pas nous qui l'avons inventée. L'abolition de l'entente de 1922 sur l'administration du régime des pêcheries, ce n'est pas nous qui avons fait cela. Le Nid-de-Corbeau, ce n'est pas nous qui avons fait cela. Le couloir énergétique, ce n'est pas nous qui avons fait cela. C-157, ce n'est pas nous...

M. Rivest: Qu'est-ce que vous inventez dans le domaine des relations fédérales-provinciales, à part vous défendre et gueuler?

M. Johnson (Anjou): M. le Président, pour l'essentiel, je pense que la lucidité a sa place dans les relations fédérales-provinciales, indépendamment des silences que voudra observer l'Opposition sur des enjeux fondamentaux pour le Québec. Encore une fois, si le Parti libéral a fait le choix d'être plus antipéquiste que proquébécois, c'est son problème, mais je dis simplement ceci: Dans la mesure où c'est un facteur objectif, depuis un certain nombre d'années, que le Québec voit l'affirmation d'un "nation building" pancanadien saper et éroder ses institutions, y compris dans des domaines aussi typiquement de juridiction provinciale que celui de la santé, ou tout ce qui est connexe au secteur de l'éducation, de la formation supérieure ou de la formation permanente de la main-d'oeuvre, premièrement, il faut en être conscient et, deuxièmement, il faut réagir.

C'est bien beau de nous dire que M. Bourassa, en "mille neuf cent tranquille" ou

autrement, a fait telle chose à Victoria ou ailleurs, mais qu'est-ce qu'il a fait concernant le projet de loi C-3? Il est sorti du caucus au mont Sainte-Marie et il a laissé entendre à tout le monde que, dans le fond, il réglerait cela en placotant avec Mme Bégin. Finalement, cela donne un projet de loi qui va être adopté au Sénat sans doute ce soir; c'est un recul considérable pour le Québec et il a fallu que M. Castonguay, un ancien ministre libéral, aille à Ottawa, la semaine dernière...

M. Rivest: Un membre du Parti libéral, M. Paradis, Mme Lavoie-Roux, tout le monde en a parlé; M. Bourassa aussi.

M. Johnson (Anjou): ...pour qu'enfin, à la dernière minute...

M. Rivest: Arrêtez donc la chamaillerie. Vous ferez cela devant une assemblée péquiste, cela va bien "poigner". C'est ridicule!

Le Président (M. Payne): M. le ministre, c'est à vous la parole.

M. Rivest: Ce ne sont pas les crédits de M. Bourassa qu'on défend ici, ce sont les crédits du ministre. Qu'il nous dise comment cela se fait qu'il a manqué son coup. Est-ce parce que M. Bourassa ne l'a pas appuyé?

M. Johnson (Anjou): Vous permettez, M. le Président?

Le Président (M. Payne): C'est à vous la parole, M. le ministre.

M. Johnson (Anjou): Je considère effectivement que, si Robert Bourassa avait choisi d'appuyer le gouvernement du Québec et les institutions québécoises autour du projet de loi C-3, on n'en serait sans doute pas là aujourd'hui.

M. Rivest: Vous nous avez appuyés, vous autres, du temps que nous étions là?

Le Président (M. Payne): Comme je l'ai dit, la dialectique est partie, mais, quand même, la parole, pour le moment, est au ministre.

M. Rivest: Quand même, nous étudions les crédits! S'il veut faire un discours, qu'il aille faire cela devant une assemblée politique.

Le Président (M. Payne): Si vous permettez, vous avez parlé pendant 27 minutes vous-même, en réplique.

M. Rivest: Je n'ai pas parlé de René Lévesque, des travers de René Lévesque et de ci et de ça, et de Pierre-Marc Johnson. Je m'en fous royalement! Parlez donc des dossiers. Vous êtes ministre, vous n'êtes pas à une assemblée péquiste.

M. Johnson (Anjou): M. le Président, ce qui est en cause en ce moment et ce que j'essaie d'évoquer ici, bien au-delà des gens qui, dans certains cas, ne méritent peut-être pas l'attention qu'on leur accorderait autrement, c'est que les institutions québécoises dans les domaines de juridiction provinciale et les gains qu'a faits le Québec sur le plan international dans le prolongement de ses compétences constitutionnelles, en vertu de l'article 92, et dans le prolongement de l'activité extrêmement intense qui a régné dans cette société à compter de la fin des années cinquante, ainsi que dans le secteur économique, l'ensemble de ces institutions, qu'elles soient municipales ou qu'elles touchent l'éducation, la santé, la formation, les relations du travail ou l'ensemble de la vie collective, est en train de connaître des assauts importants de la part de l'État fédéral.

Que l'on me dise que c'est au nom des difficultés inhérentes à ce mécanisme complexe de coviabilité de sociétés distinctes dans un État fédéral, je veux bien, M. le Président, mais l'offensive centralisatrice est là. Ce n'est pas parce que c'est le Parti québécois qui est au pouvoir et qui a l'option dont il ne se cache pas qu'il faut faire comme si cela n'existait pas. Ce qui existe, c'est que le Québec, en ce moment, subit des assauts. Ces assauts, à moyen terme, vont avoir des conséquences énormes sur la vie des citoyens du Québec, dans la mesure où ces assauts consacrent non seulement une vision étatiste, pancanadienne, bureaucratique, coûteuse, où 0,44 $ dans la piastre vont au déficit fédéral, mais également un déplacement du centre de gravité des décisions dans les domaines de juridiction provinciale. (21 heures)

II n'y a d'ailleurs pas que le Québec qui subit cet assaut, l'ensemble des provinces le subit et le Québec, lui, est ravalé au stade d'une province comme les autres, ce qui est une notion contre laquelle, comme société, on a toujours été. Il y a eu un consensus au Québec autour de cette question. Or, ce qui m'inquiète, c'est que l'ensemble de ces activités et ces assauts ont des conséquences graves pour les citoyens du Québec à moyen terme, parce que ce ne sont plus eux qui vont définir leur développement, y compris leur développement économique.

Cela a donné lieu à quoi, sur le plan de l'activité de cette formation politique importante qu'est le Parti libéral? Ce n'est pas seulement à cause des sondages que je

connais autant qu'eux, mais, les sondages, c'est comme autre chose, cela ne dure pas toujours; on a vu cela antérieurement. Le Parti libéral, c'est l'une des pièces majeures de l'échiquier politique dans la société québécoise. On n'entend pas cette pièce majeure dans l'orchestre québécois. Où est l'expression d'une solidarité claire du Parti libéral du Québec à l'égard de la défense des intérêts du Québec autrement que de ravaler ce que nous faisons pour défendre les intérêts du Québec dans tous ces domaines énumérés dans nos cahiers, dont j'ai parlé tout à l'heure, au stade de simples chicanes de politiciens? C'est, à mon avis, extrêmement réductionniste.

Je ne suis pas ici pour vous dire que j'en veux aux articles sur la visibilité. On a fait une bataille là-dessus en parlant deux fois du problème de la visibilité. Or, je peux vous dire une chose: la notion de visibilité qu'on retrouve dans tous les programmes fédéraux, dans tous les projets d'entente qu'ils nous fournissent, dans lesquels ils essaient d'émasculer les pouvoirs du Québec, dans lesquels ils ravalent le rôle du Québec sur le plan de ses compétences en richesses naturelles, quant aux terres de la couronne dans le secteur de la foresterie, et où ils considèrent que le secteur privé est un endroit où le gouvernement fédéral peut intervenir directement, cela va carrément briser l'équilibre qu'on a mis sur pied comme société, depuis quinze ans, dans le domaine de l'exploitation forestière.

Quant à ces articles sur la visibilité qu'on retrouve partout, il ne s'agit pas tellement de savoir qui va donner le chèque avec la feuille d'érable ou la fleur de lys, il s'agit de savoir si cela correspond à une vision très précise de ce qu'est le développement canadien et la participation du Québec à ce développement. Il est clair que c'est une participation marginale, une participation de lieu culturel qui ne manque pas d'intérêt, ma foi, qui a un bon orchestre symphonique à Montréal, où les gens parlent français; cela fait un peu partie de la différence ou de la "difference", selon le cas. Mais, fondamentalement, c'est folklorique, c'est le terroir, alors que comme société, depuis vingt ans, ce n'est ni le folklore ni le territoire qui ont engendré les subventions du ministère des Affaires culturelles. C'est bien; c'est une expression populaire importante mais ce qui compte, c'est le développement du Québec, notamment au niveau des infrastructures économiques. Et le Québec ne pourra pas s'accommoder d'une présence envahissante de l'État fédéral alors que nous sommes prêts à signer des ententes.

Il faut regarder le passé, M. le Président. Sous le régime qui nous a précédés, même si on calcule l'indexation et l'inflation, il y avait, au total, pour 320 000 000 $ d'ententes fédérales-provinciales en matière d'ententes auxiliaires Canada-Québec, de 1974 à 1977.

M. Rivest: Quel était le volume total des ententes auxiliaires, à l'époque?

M. Johnson (Anjou): M. le Président, au total, durant les années qui ont suivi jusqu'à 1982, il y en eu pour 1 500 000 000 $...

M. Rivest: Oui, mais quel volume?

M. Johnson (Anjou): ...sous le gouvernement du Parti québécois.

M. Rivest: Quelle était la part respective du Québec durant les deux périodes? Sans cela, c'est nono, ce que vous donnez.

M. Johnson (Anjou): M. le Président, on la donnera au député, si cela lui fait plaisir.

M. Rivest: Oui, mais là, écoutez...

M. Johnson (Anjou): Si cela lui fait plaisir, on la lui donnera.

M. Rivest: C'est tout un programme, cela.

M. Johnson (Anjou): Quand le député a...

Le Président (M. Payne): Avec consentement, on peut au moins déposer le document?

M. Rivest: À condition, M. le Président, qu'on indique...

M. Johnson (Anjou): Sûrement, mais je pense qu'il est dans un de vos cahiers, d'ailleurs.

M. Rivest: ...l'importance relative des programmes en question pour les deux périodes. Sans cela, encore là...

M. Johnson (Anjou): M. le Président, on fera tout cela.

M. Rivest: Bien oui, justement, parlez...

M. Johnson (Anjou): II n'en reste pas moins - et je terminerai là-dessus - que ce qui me trouble comme Québécois - et non pas seulement comme membre du gouvernement et comme membre du Parti québécois - c'est de voir que le Parti québécois est en train de se faire exproprier certains domaines d'intervention et qu'une des formations politiques majeures, ou la formation politique majeure en dehors du gouvernement du Québec, reste silencieuse

parce qu'elle est mal à l'aise de défendre très clairement les intérêts du Québec autrement qu'en nous ramenant en "mille neuf cent tranquille" ou en 1972. Cela, c'est important.

Au nom d'un électoralisme un peu bête, un peu à court terme, ce qui est dangereux, c'est que par son silence le chef du Parti libéral et sa formation politique contribuent à affaiblir le Québec alors même qu'ils doivent, plus que jamais, se serrer les coudes comme ont tenté de le faire mes collègues. Carrément, ils devaient ameuter certains secteurs de notre population, que ce soit dans le domaine municipal, dans le domaine du développement économique et régional, dans le domaine des pêcheries, de l'agriculture, de la santé et bientôt, probablement, dans le domaine de l'éducation. Si le Parti libéral du Québec et l'Opposition restent silencieux là-dessus, cela va affaiblir le Québec.

Le Président (M. Payne): Juste pour s'entendre, c'était effectivement dans votre cahier, mais ce n'était pas dans nos cahiers.

M. Johnson (Anjou): On vous en fera une copie.

Le Président (M. Payne): Cela pourrait nous intéresser.

M. Johnson (Anjou): On vous en fera une copie plus adéquate.

Le Président (M. Payne): D'ailleurs, je pense qu'un document a été déposé par le ministre responsable de l'aménagement, il y a deux ans. Peut-être qu'une mise à jour serait intéressante.

Loi constitutionnelle de 1982

M. Rivest: Je voudrais poser quelques questions au ministre sur la Loi constitutionnelle de 1982. Quelle est la position du gouvernement du Québec pour ce qui concerne la mise en oeuvre des droits qui ont été négociés ou qui sont en train d'être complétés au sujet des autochtones?

M. Johnson (Anjou): M. le Président, la position du gouvernement du Québec a été très clairement établie lors de la conférence d'Ottawa, il y a quelques semaines. Le Québec, pour des raisons qu'il n'a pas à réexpliquer, ne signera pas d'entente en matière constitutionnelle. Je pense qu'il appartiendrait plutôt à un éventuel autre gouvernement d'expliquer pourquoi il signerait l'Acte constitutionnel de 1982 et à quelles conditions il le ferait, puisque cet acte nie notre existence comme peuple, notre droit de veto, notre volonté de participer à autre chose que simplement la dimension linguistique et culturelle. C'est la position du gouvernement du Québec qui, je pense, est connue publiquement. Il ne signera pas tant et aussi longtemps que l'affront qui a été fait non pas au gouvernement du Québec, au PQ, au premier ministre actuel, mais à l'existence même du peuple québécois ne sera pas effacé.

Par ailleurs, très concrètement, dans le cas des autochtones, nous avons, lors de cette conférence qui a duré deux jours, sans compter les dizaines de réunions fédérales-provinciales qui ont coûté quelques dizaines de millions de dollars - les gens se sont réunis à Yellowknife, Toronto et partout -participé pleinement au niveau des hauts fonctionnaires. Quand est venue la rencontre des premiers ministres à Ottawa, le premier ministre du Québec a dit: Évidemment, nous ne pouvons pas concourir, pour des raisons que vous connaissez, à la signature d'un accord. Les autochtones étaient conscients de cela; ils nous ont dit qu'ils comprenaient pourquoi et qu'ils acceptaient cette notion. Nous avons dit: Cependant, si vous réussissez à dégager ici un consensus et la majorité qu'il vous faut pour faire la réforme constitutionnelle, faites-la. Mais ils ne l'ont pas dégagé. Cela n'avait rien à voir, d'ailleurs, avec la participation du Québec, compte tenu de notre population et du nombre de provinces qui étaient impliquées. Ce n'est pas nous qui avons fait achopper.

Ceci dit, nous croyons que le domaine d'intervention le plus important du gouvernement du Québec à l'égard des autochtones est celui où, dans nos domaines de juridiction, nous parvenons à des ententes. Très bientôt, d'ailleurs, on verra la consécration d'une de ces ententes en matière de santé. Que ce soit le modèle de la Baie-James, avec les Cris ou les Inuits, ce sont des modèles dont s'inspirent les aborigènes, les autochtones qui revendiquent des choses similaires sur d'autres territoires canadiens.

Nous allons continuer dans ce sens et le Québec reste, dans ce domaine comme dans le domaine de la condition féminine et quelques autres, une des provinces les plus progressistes au Canada.

M. Rivest: S'il y avait conclusion dans le sens positif d'une entente, d'un accord que le Québec pourrait accepter quant au fond, étant donné la contribution que le Québec a lui-même apportée, d'après ce que le ministre vient d'évoquer, et pour des raisons autres que le ministre a également invoquées quant à la Loi constitutionnelle, le Québec ne signerait pas une telle entente? Même s'il adhérait quant au fond?

M. Johnson (Anjou): La politique du gouvernement du Québec, à ce titre-là, est celle que j'ai évoquée tout à l'heure.

M. Rivest: Dans le domaine linguistique, par rapport à la clause Québec, clause Canada, toujours dans le cadre de la Loi constitutionnelle, l'attitude du gouvernement du Québec est d'attendre le jugement de la Cour suprême en présumant, avec bien des égards à l'endroit des juges de la Cour suprême, que la clause Canada sera déclarée comme étant le droit s'appliquant au Québec. Là, l'attitude du gouvernement du Québec, je présume, sera d'accepter avec regret, dans la perspective du gouvernement actuel, la décision de la Cour suprême.

M. Johnson (Anjou): On aura à le dire à ce moment-là, M. le Président.

M. Rivest: Pourquoi n'avez-vous pas négocié ou cherché à négocier un accord sur cette question? Est-ce que le ministre ne voit pas un certain nombre d'avantages pour le Québec à chercher un accord négocié sur cette question, au lieu d'avoir simplement un jugement qui sera une conception, nécessairement, limitée à sa dimension juridique?

M. Johnson (Anjou): Mais un accord négocié avec qui?

M. Rivest: Avec le gouvernement canadien. Vous n'y voyez pas l'intérêt qu'il pourrait y avoir pour le Québec? Vous dites que le Parti libéral n'a pas de position, mais le Parti libéral favorise la clause Canada; on est en désaccord là-dessus. Le Parti libéral du Québec privilégie, bien sûr, un accord négocié parce qu'il y a intérêt à ce que ce soit un accord négocié et non pas une décision de la Cour suprême. Est-ce que, comme ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes, vous réalisez qu'il y a un certain intérêt à cela?

M. Johnson (Anjou): Au mois de décembre 1982, M. le Président, le premier ministre du Québec faisait parvenir au premier ministre du Canada une longue lettre. Je pense qu'elle a été déposée en Chambre, d'ailleurs, si je me souviens bien. Il disait, à la page 2: "S'il plaît à la Cour suprême de consacrer judiciairement l'entente signée il y a un peu plus d'un an entre le gouvernement anglophone du Canada et le vôtre, soit! Je dois vous informer que le Canada Bill n'en demeure pas moins foncièrement illégitime et, par conséquent, absolument inacceptable aux yeux du Québec."

M. Rivest: Oui, d'accord.

M. Johnson (Anjou): Et ainsi de suite.

M. Rivest: Oui, c'est la position...

M. Johnson (Anjou): L'Assemblée nationale a déjà énoncé, en décembre 1981, les conditions auxquelles cette loi britannique pourrait devenir acceptable. Parmi ces conditions, on y a assorti... Vous vous souviendrez qu'il y a eu un long débat en Chambre là-dessus. Il n'y a malheureusement peut-être pas eu unanimité parce que, du côté de l'Opposition, il y avait un certain nombre de divisions, mais une forte majorité des membres de l'Assemblée nationale ont dit: En premier lieu, la Loi constitutionnelle doit reconnaître non seulement l'égalité des deux peuples fondateurs, mais également le caractère distinct de la société québécoise...

M. Rivest: M. le ministre, me permettez-vous?

M. Johnson (Anjou): Oui.

M. Rivest: Je comprends et je connais les raisons qui ont été évoquées à l'Assemblée nationale. Ma prétention - je ne vous ferai pas de cachette - c'est que l'attitude passive de dire qu'on ne signe rien parce qu'on est contre et que c'est épouvantable, cela peut nuire aux intérêts vitaux du Québec. Le Parti libéral du Québec, par exemple - je parle de la question linguistique - au lieu de se faire imposer par la Cour suprême la clause Canada, si méchant soit-il et peu sensible aux intérêts vitaux du Québec, d'après votre discours, préférerait un accord négocié. À ce moment-là, en négociant la clause Canada, nous, du Parti libéral du Québec... Connaissez-vous la position du Parti libéral là-dessus?

M. Johnson (Anjou): Cela dépend laquelle.

M. Rivest: Bon, je vais vous le dire. Dans le cadre...

M. Johnson (Anjou): ...quelle version! (21 h 15)

M. Rivest: ...d'un accord négocié, on pourrait également introduire, dans la charte constitutionnelle, une garantie basée sur l'équilibre démographique du Québec. Si l'intégration des enfants du reste du Canada modifie substantiellement, dans l'avenir, l'équilibre démographique à l'intérieur de la société québécoise, le Parti libéral du Québec s'engage à négocier une clause de protection sur le plan de l'équilibre démographique. Comprenez-vous? Votre attitude de dire qu'on refuse parce qu'on s'est fait avoir, c'est épouvantable et ainsi de suite - enfin, ce qui est l'attitude du gouvernement actuel - là, arrivera le jugement de la Cour suprême qui va être imposé; cela va être la clause Canada, point à la ligne. Cette protection, dans dix, quinze

ou vingt ans, si cela causait vraiment des problèmes, à cause d'un mouvement de population quelconque à l'intérieur du Canada, il n'y aurait pas cela. C'est simplement pour vous illustrer que, lorsque vous affirmez - et c'est dans un texte officiel du Parti libéral du Québec, ce que je vous dis - que le Parti libéral se désintéresse de ceci et de cela et que M. Bourassa est un être terrible, il y a cela aussi comme élément.

Deuxièmement, je pourrais prendre également la libre circulation des biens et des personnes. Dans la lettre du premier ministre, vous avez évoqué que vous êtes contre cela, malgré que, dans l'entente Canada-Québec du référendum, il y ait aussi la libre circulation des biens et des personnes, mais c'est dans un autre contexte. Il y a aussi, dans la position du Parti libéral du Québec, les limitations pour l'avenir. On n'est pas contre la libre circulation des biens et des personnes au pays; on n'est pas contre la clause Canada, mais on sait, parce qu'on est un peu conscient, nous aussi, des intérêts du Québec, quels que soient les discours qu'on peut faire de part et d'autre, qu'il peut y avoir, au niveau de l'article 23, paragraphes la et 2, ainsi qu'à l'article 6, des limitations. Il y avait des limitations du nombre d'années qu'on aurait négocié. Quand on adopte une attitude purement négative, la loi est là, mais, quand on laisse tout aller, on dit: Ils l'ont adoptée, on s'en va.

La vie continue, M. le ministre, et je veux simplement illustrer que cette attitude peut effectivement, dans le concret des choses et dans le vécu, faire rater au Québec des occasions qu'il devrait saisir pour protéger sa spécificité. Nous aussi, nous sommes capables de faire de beaux discours sur la spécificité du Québec, mais, quand cela arrive dans le cadre de la Loi constitutionnelle, ce n'est pas tout de la rejeter, elle est là, elle a été imposée, parce que le Québec n'y a pas consenti, mais, il y a des intérêts vitaux. Pour des raisons politiques qui vous sont propres - et je ne vous chicanerai pas là-dessus - vous ne refusez pas cela et le bateau continue d'avancer! Après cela, s'il arrive un autre gouvernement après vous, que ce soit un gouvernement libéral ou autre, qui sera le gouvernement légitime des Québécois, on aura perdu des droits.

Combien de fois, dans l'histoire politique du Québec - en tout cas, on ne peut pas reprocher cela au Parti libéral au moins - ces attitudes qui sont, à mon avis, des transpositions en version moderne des attitudes de feu Maurice Duplessis, ces beaux grands discours sur l'autonomie, etc., nous ont-ils fait rater des occasions? Je vous donne des exemples concrets, dans le domaine linguistique, qui font partie de l'article 23 de la Charte des droits et libertés de la personne et de l'article 6 sur la libre circulation des biens et des personnes, où le Parti libéral du Québec prévoit un frein lié à la démographie parce que c'est cela, la protection d'avenir de la spécificité et du caractère français de la société québécoise.

Or, quand on laisse filer les choses, on se retrouve, comme société, peu importe le gouvernement qui est là, devant des faits accomplis qui comportent des risques sérieux pour la société québécoise. Êtes-vous conscients de cette réalité? Vous dites: Ah! ce sera Trudreau qui prendra cette responsabilité face à l'histoire! Je le veux bien, sauf que, pendant ce temps, il y a des Québécois et une société québécoise qui existent et qui vont continuer d'exister après Trudeau.

M. Johnson (Anjou): C'est intéressant, M. le Président, je trouve intéressant ce qu'évoque le député de Jean-Talon. C'est un peu comme quelqu'un qui serait en train de recevoir un coup de pied et à qui on demanderait quelle couleur il pense que ses lacets devraient être.

M. Rivest: Ah, franchement!

M. Johnson (Anjou): Non, mais il y a beaucoup de cela.

M. Rivest: Je trouve que c'est vital, moi.

M. Johnson (Anjou): M. le Président, je suis entièrement d'accord avec une partie de son analyse, à ceci près, cependant. Il y a un postulat là-dedans qui, pour moi, affaiblit pas seulement tout le raisonnement, mais toute l'approche. À partir de quel rapport de forces pensez-vous que le Québec peut imposer quoi que ce soit dans un contexte de négociation comme celui que vous évoquez?

M. Rivest: Dans un rapport très simple de...

M. Johnson (Anjou): M. le Président, si vous me le permettez, j'ai laissé le député filer sans jamais l'interrompre, d'ailleurs, depuis le début de la soirée. Je pense qu'il le reconnaîtra.

M. Rivest: Je m'excuse, M. le Président, je ne le ferai plus, comme je le dis souvent en commission.

Le Président (M. Payne): On y est habitué.

M. Johnson (Anjou): Ce que j'essaie d'établir, M. le Président, encore une fois, je dirais presque que c'est au-delà des options qu'on peut avoir de part et d'autre par

rapport à la question du statut politique du Québec. Pour le résumer ainsi, le rapatriement est une chose qui a été vécue d'une façon assez dramatique par beaucoup de gens intéressés à l'évolution du Québec et, particulièrement, de ce côté-ci de la table. Mais le rapatriement recelait, à cause d'une notion centrale à deux volets, premièrement, le pouvoir d'amender cette constitution par une formule mathématique de majorité, donc la négation de l'existence d'un peuple distinct qui soit un peuple fondateur et, deuxièmement, une série de mesures qui sont une intrusion spécifique dans certains des pouvoirs du Québec, notamment en matière linguistique, ce qui est la raison fondamentale pour laquelle le Québec avait adhéré à la Confédération en 1867. Cela a des conséquences et tout cela est couplé d'une approche systématique en matière de développement économique qui vise à permettre à l'État fédéral d'utiliser le "spending power" de l'article 91 pour intervenir dans les domaines de juridiction provinciale. Je reviens là-dessus...

M. Rivest: Moi, je parle de questions linguistiques...

M. Johnson (Anjou): C'est cela, la dynamique. Et je dis que c'est dans ce contexte que la dynamique linguistique se situe.

M. Rivest: Bien oui.

M. Johnson (Anjou): Elle ne se situe pas dans l'abstrait d'une vision idéalisée de ce qu'aurait pu être le Canada.

M. Rivest: Mais ce n'est pas ma question.

M. Johnson (Anjou): Elle se situe dans un contexte très précis...

M. Rivest: Oui, mais...

M. Johnson (Anjou): ...où l'État fédéral a décidé de se livrer au type d'offensive qu'on lui connaît.

M. Rivest: M. le Président, je ne sais pas si je dois invoquer le règlement, mais...

M. Johnson (Anjou): J'entends le député nous parler d'un gouvernement légitime éventuel du Parti libéral...

M. Rivest: Ce n'est pas cela.

M. Johnson (Anjou): ...que je ne nie pas. Si une majorité de citoyens votent pour lui, il va être légitime.

M. Rivest: M. le Président...

M. Johnson (Anjou): Pourquoi ne reconnaît-il pas la...

M. Rivest: ...je m'excuse auprès du ministre, mais je voudrais soulever une question de règlement. C'est intéressant, mais ma question porte spécifiquement sur ceci: Êtes-vous, en tant que gouvernement du Québec, intéressé ou non à ce qu'il y ait dans la charte constitutionnelle en matière linguistique, concernant les articles 23.1a et 23.2, une limitation d'ordre démographique pour protéger le Québec quand la clause Canada sera en vigueur?

Deuxièmement, pour ce qui concerne l'article 6 de la charte, au niveau de la libre circulation des biens et des personnes, êtes-vous en accord ou en désaccord? Êtes-vous intéressé à prévoir et à introduire dans la charte constitutionnelle une disposition pour contrer, encore là, les mouvements démographiques qui pourraient être défavorables au Québec? Est-ce que ce sont des préoccupations que vous avez? Si vous les avez, comment, avec votre attitude, allez-vous les traduire?

Comme je vous le dis, ma question est très précise: Dans le domaine linguistique comme dans le domaine de la libre circulation, à l'article 6, la vie va continuer. Je comprends ce que vous étiez en train d'évoquer et les réserves que vous aviez par rapport à la charte constitutionnelle, mais elle est là; elle va exister. En tant que Québécois francophone, intéressé à la viabilité, à la durabilité et au dynamisme de la société québécoise, je demande au gouvernement du Québec de se préoccuper de cela, parce que c'est un danger réel. Le Parti libéral a fait des propositions à ce sujet au moment de l'adoption de la charte; est-ce que vous les endossez? Les appuyez-vous? Mon Dieu! vous êtes rendu que vous faites...

M. Johnson (Anjou): II ne faut pas retourner la table si vite que cela.

M. Rivest: Vous avez l'attitude que vous reprochiez à M. Bourassa. Je vous demande de nous appuyer là-dessus comme gouvernement. Il me semble que c'est légitime.

Le Président (M. Payne): Un instant, M. le ministre. Il y a deux volets à l'intervention du député de Jean-Talon: d'abord, le principe de bonifier la constitution et, deuxièmement, la formule démographique. Si vous me le permettez, M. le député de Jean-Talon, la formule démographique n'est pas claire. C'est au ministre de juger, mais si vous vouliez articuler davantage ce que vous voulez dire par limitation démographique.

M. Rivest: Bien, limitation démo-

graphique, on retrouve cela au sous-paragraphe la de l'article 23 du projet de loi constitutionnelle de 1981, devenu la Loi constitutionnelle de 1982, relatif à l'application de la clause Canada. Est-ce que le ministre est intéressé, oui ou non, à dire que si - je ne vous donnerai pas de chiffre -la proportion de francophones à l'intérieur de la société québécoise... Vous devez avoir des raisons pour être contre la clause Canada. Votre raison, c'est que vous croyez qu'il va y avoir une invasion d'anglophones canadiens qui vont briser l'équilibre démographique à l'intérieur de la société québécoise. Est-ce que vous êtes intéressés, en tant que gouvernement, à établir un seuil où il y aura, à mon avis - ou à votre avis - danger d'une cassure dans l'équilibre démographique et à proposer au gouvernement du Canada d'introduire cela pour protéger la société québécoise?

Même raisonnement pour ce qui concerne la liberté des personnes, la liberté de circulation des biens. Est-ce que cela vous intéresse, par exemple, pour la liberté de circulation des biens, de mettre un frein, c'est-à-dire qu'une province puisse recourir à des programmes de redressement pour une période de cinq ans, tel que le Parti libéral du Québec - qui n'a d'opinion sur rien, selon ce que vous avez dit - l'a suggéré? Cela vous intéresse-t-il de nous aider à réaliser cela?

M. Johnson (Anjou): M. le Président, le député va rester déçu de ma réponse, j'en suis sûr. Le minimus minimorum pour le Québec, c'est le statu quo ante tel que le stipulait...

M. Rivest: Classons.

M. Johnson (Anjou): ...la résolution.

M. Rivest: Oui, mais vous allez avoir...

M. Johnson (Anjou): M. le Président, ce n'est pas pour des raisons d'entêtement. D'abord, je trouve qu'il réduit un peu les considérations qui ont amené l'État québécois à adopter la clause Québec plutôt que la clause Canada. Ce n'était pas seulement pour des raisons d'équilibre démographique. C'était aussi pour restaurer et avoir un effet très clair, lequel a porté ses fruits sur le territoire du Québec. Les choses seront sans doute différentes dans un certain nombre d'années. On pourra modifier des choses, mais il s'agissait d'établir très clairement, pour nos concitoyens d'autre origine, dans un système d'éducation le plus ouvert qui soit au Canada vis-à-vis des minorités linguistiques, que ce contexte était celui d'un Québec francophone. On ne pouvait établir les exceptions qu'on aurait voulu nous voir établir dans le cas de la clause Canada autrement que dans un échange réel de garanties pour les Québécois à l'extérieur. Si on y était parvenu, on ne serait sans doute pas en train de parler du Manitoba comme nous en parlons depuis quelques semaines.

M. Rivest: Ce que je constate et ce que j'essaie d'illustrer par cet exemple, dans un contexte où je comprends l'attitude fondamentale du gouvernement et du ministre, c'est qu'à attendre que les choses arrivent, que la grande chose arrive un jour, la grande chose souverainiste, il se passe des choses essentielles pour le Québec. Si, un jour, la population du Québec réaffirmait sa volonté de continuer, car il y a des gens aussi... J'aurais pu aussi faire un discours analogue à celui du ministre, soit un discours très serein; du moins dans cette partie du discours souverainiste, il y a une logique, une cohérence. Je comprends que des gens croient à cela, mais il y a aussi une autre logique de gens qui croient au Québec aussi profondément que vous, mais qui se disent que le Canada est un pays qui existe; ce n'est pas un pays épouvantable, il n'y a pas de honte à appartenir à un pays comme le Canada, au niveau des libertés, au niveau du développement économique ou social, enfin avec tous les problèmes d'une société. Comme Québécois, nous avons beaucoup de ressources, de moyens, nous en sommes convaincus. On devra les exploiter. Pourquoi ne suis-je pas souverainiste? C'est bien simple. Je trouve qu'il y a des ressources dans le Canada et, à nos propres ressources au Québec, on a la chance d'ajouter celles propres au Canada. Pour le développement économique du monde et pour la sécurité, nous avons plus de moyens, d'autant plus...

M. Johnson (Anjou): Si je comprends bien, vous êtes contre l'indépendance, mais vous êtes pour la souveraineté-association.

M. Rivest: Non, parce que la souveraineté-association n'existe plus dans votre parti, pour votre gouverne. Je ne pourrais donc pas être pour quelque chose que vous avez vous-même rejeté. Je serais le seul "souverainiste-associationniste" au Québec. Vous n'êtes plus pour cela maintenant. Je vous avertis, si jamais j'avais été pour, cela aurait été avec le trait d'union, chose qui m'aurait davantage éloigné du Parti québécois, d'après ce que je constate. Je ne sais plus où est rendu le trait d'union.

Est-ce que vous êtes indépendantiste? Vous patinez pas mal. Je vous ai déjà posé cette question à une émission de Pierre Nadeau à Radio-Québec. Nous n'avons jamais eu de réponse, malgré l'insistance de M. Nadeau et de moi-même. Vous êtes prudent.

Le Président (M. Payne): Avant qu'on laisse la question linguistique, j'aimerais

ajouter quelques considérations.

M. Rivest: Je n'ai pas eu le temps de poser ma question.

Le Président (M. Payne): Vous en avez posé plusieurs et je me permets, même si je suis président, de poser quelques questions.

Effectivement, d'après ce que je comprends, la clause Canada, pour ce qui concerne le Québec, existe en réalité à maints égards depuis le projet de loi 57. Il n'y avait aucun suivi pour ce qui concerne l'Ontario.

M. Rivest: Est-ce que vous avez averti la Cour suprême de ce changement radical?

Le Président (M. Payne) L'Ontario avait l'occasion d'exercer une formule de "opting in" pour la clause Canada, ce qui serait une ouverture extraordinaire de la part d'un membre de la fédération canadienne, s'il était intéressé à exercer ce droit de "opting in" concernant ce projet de loi 57. Cela serait drôlement intéressant et cela pourrait même renforcer votre position comme parti. C'est une correction à ce que vous avez dit plus tôt.

Création du ministère des Affaires intergouvemementales canadiennes

M. Rivest: Une question au ministre. Il y a des amis du Dr Laurin qui sont des gens très bien informés et qui ont dit, dans un document récemment publié: Au moment de dresser le bilan du fédéralisme, il faut d'abord s'interroger sur le peu d'intérêt que le gouvernement semble manifester dans le domaine des relations fédérales-provinciales et de la question constitutionnelle, à tel point qu'on se demande s'il y a encore un dossier fédéral-provincial à Québec et s'il y a des personnes pour s'en occuper véritablement. C'est le texte précis. Cela vous fait quoi comme réflexion, en tant que ministre qui arrive? (21 h 30)

M. Johnson (Anjou): Je pense que le premier ministre a été sensible à ce type d'argument puisqu'il a choisi de faire en sorte qu'il y ait un ministère et une équipe spécifique qui s'occupent des relations fédérales-provinciales, entre autres, et d'en confier la responsabilité à un ministre qui s'en préoccupe une bonne partie de la journée.

M. Rivest: J'espère que Jacques-Yvan Morin entendra cela; venant de vous, il vous aimerait. Ce n'est pas gentil, ce que vous avez dit, pour votre prédécesseur.

M. Johnson (Anjou): Je pense que c'est injuste, ce que vient de dire le député, parce que le député connaît l'estime qui me lie à l'ancien député de Sauvé, mon prédécesseur à ce ministère.

M. Rivest: Justement, c'est au nom de l'estime que nous avons tous les deux pour l'ancien ministre que je ne voudrais quand même pas qu'il passe pour ce que vous en avez fait.

M. Johnson (Anjou): Non, je dis simplement que, s'il est exact que la préoccupation du Québec en matière internationale a pris beaucoup de place depuis deux ans, notamment à cause des phénomènes de commerce extérieur et aussi à cause de la nécessité pour le Québec de consolider sa position dans le monde francophone, pendant 20 ans, "batêche", depuis Jean Lesage, on s'est battu pour avoir notre place au soleil dans le monde francophone.

Je rencontrais, récemment, un jeune homme d'affaires du Québec qui était dans une capitale africaine particulièrement grandissante et prospère de ce temps-ci et il me disait: J'ai vu arriver une délégation canadienne avec un ministre et deux députés francophones du Québec. Ils ont eu droit aux poignées de main, ils ont obtenu la levée des drapeaux et le tapis rouge. Le lendemain, ils sont partis et l'hôtel s'est rempli de gens des industries ontariennes qui venaient vendre des tracteurs de l'Ontario.

Parfait! cela on le sait! En matière internationale, le Québec subit là aussi des assauts importants et je pense que la querelle de Saint-Malo, que vous avez évoquée un peu vite, du revers de la main, démontre une chose: le fédéral a décidé que le Québec n'existerait pas en tant qu'entité à l'étranger sans qu'il y ait la feuille d'érable et le reste, même dans les domaines de sa juridiction.

M. Rivest: Le problème, M. le ministre...

M. Johnson (Anjou): II n'accepte pas le caractère privilégié des relations du Québec avec les pays francophones. Non seulement il ne l'accepte pas, mais il affaiblit le Québec.

M. Rivest: II est bien méchant et...

M. Johnson (Anjou): Dans ce contexte, M. le Président - et ce n'est pas sans signification - il nous apparaissait important de faire en sorte que le Québec puisse consacrer toute l'énergie possible au commerce international, à l'affirmation internationale de la présence du Québec mais sans négliger pour autant toute la dimension des relations fédérales-provinciales où le Québec aussi a un front de défense à établir.

M. Rivest: Vous avez, M. le ministre, au moment de votre nomination - c'est une citation de presse, peut-être est-elle incorrecte...

M. Johnson (Anjou): Cela dépend quel journal.

M. Rivest: Attendez, je regarde quel est le journal. C'est un des rares journaux que vous n'avez pas poursuivis jusqu'à maintenant. C'est le Devoir, qui est également victime d'une poursuite, en effet. Alors, j'espère que cette partie n'est pas sub judice. Je vous cite, M. le ministre: "Alors, tout cet ensemble qui n'a ni queue ni tête -vous parlez de l'ensemble des dossiers des relations fédérales-provinciales - il va falloir essayer de voir si on ne peut pas nous-mêmes mettre de l'ordre dans notre propre perspective - encore là, j'ai pensé à Jacques-Yvan - et présenter une perspective globale à Ottawa, s'ils veulent bien être de bonne foi et cesser, dans certains cas, de marcher sur leur propre constitution." Qu'est-ce que vous avez en tête, exactement, lorsque vous annoncez à un journaliste... Ce petit extrait est de Gilles Lesage, du Devoir, et il n'est pas sub judice. Je pense que vous pouvez en parler.

M. Johnson (Anjou): Je ne me souviens pas, je ne l'ai pas lu, celui-là. À quel endroit?

M. Rivest: C'est dans le rond.

M. Johnson (Anjou): Ah oui! Dans le rond.

M. Rivest: Qu'est-ce que vous préparez au ministère, comme document, qui serait une perspective globale de votre attitude, etc.?

M. Johnson (Anjou): Je ne reconnaissais pas mon vocabulaire là-dedans, parce que c'est M. Lévesque qu'on cite.

M. Rivest: En tous cas!

M. Johnson (Anjou): Je reconnais les notions, mais je ne reconnaissais pas mes mots.

M. Rivest: Mais vous êtes très près de M. Lévesque. On parle même de votre filiation.

M. Johnson (Anjou): ...

M. Rivest: Parlez du père et parlez du fils. C'est la filiation naturelle, d'après ce qu'on dit dans les milieux péquistes.

M. Johnson (Anjou): M. le Président, voici la tâche à laquelle nous nous sommes attelés au ministère depuis le 4 mars, une fois réglés l'ensemble des détails d'intendance qui venaient avec le détachement d'une section du ministère pour en former un autre. Il s'agissait, effectivement, de faire un bilan de certaines choses. Encore une fois, peut-être que le député a mal pris ma déclaration d'ouverture, il ne s'agit pas de faire des chicanes pour le plaisir d'en faire, il s'agit de cerner clairement les enjeux pour le Québec et de lui permettre, d'une part, d'établir un front de défense important; deuxièmement, de rentrer suffisamment en lui-même pour rebâtir des consensus, y compris des consensus au niveau des formations politiques.

Une voix: Et du parti.

Régime des ententes fédérales-provinciales

M. Johnson (Anjou): II faut regarder passer les trains un certain temps; mais, à un moment donné, il faut savoir où est-ce qu'ils s'en vont. Effectivement, nous croyons qu'une fois qu'on aura établi clairement et qu'on aura pu partager... Cela a été fait, par exemple, aux Affaires municipales depuis trois mois, alors que M. Léonard avait amorcé des pourparlers avec M. Roberts pour conclure des ententes qui ont été complétées tout récemment avec mon collègue, M. Marcoux. Je pense que c'est un bon exemple du type de relation que nous voulons voir exister. Je ne pense pas que qui que ce soit puisse, avec ce type d'approche dans le domaine des ententes, indépendamment des questions constitutionnelles proprement dites, accuser le Québec de mauvaise foi.

M. Rivest: Ma question, M. le ministre, est celle-ci: Lorsque le premier ministre dit - parce que c'est le premier ministre, vous avez raison - "II est évident que, dans l'espèce de salade de conflits sectoriels avec Ottawa, il y a des choses qui attendent..." C'est un peu ce que je disais, d'ailleurs, assez curieusement.

Le premier ministre énumère quelques exemples et il conclut rapidement de la façon suivante: "Alors, tout cet ensemble, qui n'a ni queue ni tête, il va falloir essayer de voir si on ne peut pas mettre de l'ordre dans notre propre perspective et présenter une perspective globale à Ottawa." Qu'est-ce que cela veut dire, exactement? Est-ce que c'est un document, une commande que vous avez, où on va avoir un peu ce que j'ai demandé, de façon absolument anodine tantôt, un bilan? Est-ce que c'est cela? Je ne le sais pas. Autrement dit, qu'est-ce que vous allez faire? Vous arrivez au niveau du ministère et le premier ministre vous dit: II y a un paquet, une multiplicité de dossiers -où il y a, paraît-il, d'après les porte-parole

de l'Opposition, beaucoup de chamaillage - et il y a des dossiers qui attendent.

Est-ce que vous avez l'intention, comme ministre responsable des affaires canadiennes, de mettre entre parenthèses la dimension politique de la chose et de dire: Voici, il y a des intérêts propres au Québec dans tel et tel domaine, et de présenter un document vraiment systématique, complet et cohérent, la vision d'un gouvernement du Québec qui s'inscrit d'emblée, jusqu'à avis contraire, dans le cadre de la fédération canadienne? Est-ce que c'est cela que vous voulez préparer? Ou bien allez-vous continuer ce que j'ai dénoncé et regretté, l'espèce de C-23 à C-42, le 38, cette espèce d'unilatéralisme quasiment bilatéral et qui mène à rien?

M. Johnson (Anjou): Je comprends, encore une fois, et je pense que la question est parfaitement légitime, venant du député. Mais, encore une fois, je pense qu'elle ne tient pas compte du "here and now", comme ils disent si bien à l'Académie française. Le Québec essaie, notamment en matière économique, depuis un certain nombre d'années - surtout depuis deux ans - de franchir des pas extrêmement importants. En cours de route, il se bute parfois à des politiques fédérales ou à des morceaux de politiques fédérales. Il s'agit pour nous, particulièrement dans le domaine économique, de bien établir quelles sont les priorités et de faire en sorte que, par le régime des ententes, on puisse voir ces priorités respectées.

Il y a un problème cependant - je termine là-dessus - auquel on fait face à tous les jours, à cause de la présence très envahissante des fédéraux. Cette présence est très articulée, très habile parce que, de toute évidence, ils ont une espèce d'idéologie, ils ont le drapeau, l'hymne national, les décorations et le reste pour leur donner un peu de souffle. On ne peut pas les blâmer; à leur place, on ferait peut-être la même chose, mais sûrement pas en pilant sur le Québec. Il faut voir la dynamique dans laquelle on s'inscrit: c'est une dynamique défensive dans presque tous les dossiers.

Je vais vous donner un exemple très concret et tout récent. Mon collègue responsable de l'OPDQ, le ministre d'État à l'Aménagement et au Développement régional, a rencontré, avec le ministre des Finances, le ministre des Finances fédéral et M. Johnston, responsable de la coordination des politiques économiques fédérales, le DEDER ou enfin l'organisme...

M. Rivest: Le DEER.

M. Johnson (Anjou): Le DEER?

M. Rivest: D-E-E-R.

M. Johnson (Anjou): Le DEER? Ah! je pensais que c'était DEDER.

M. Rivest: DEDER? Non, c'est DEER. M. Johnson (Anjou): C'est le DEDER. M. Fortier: C'est un organisme.

M. Rivest: Probablement que vous aviez l'abréviation anglaise.

M. Johnson (Anjou): Bon. Qu'est-ce qu'on voit dans l'approche fédérale dans ce domaine? Les fédéraux nous disent: Écoutez, on veut intervenir dans des secteurs économiques. Si vous voulez vous en occuper, faites-le, mais nous aussi on veut s'en occuper.

Dans les pourparlers qu'on a avec les hauts fonctionnaires - et nos fonctionnaires nous le confirment - c'est très clair. Je vous cite un exemple précis: la forêt. Pour eux, la forêt privée est un domaine où il peuvent utiliser le "spending power". La forêt publique est évidemment absolument une juridiction provinciale, ce sont les terres de la couronne. En utilisant le "spending power" sans passer par le régime des ententes, ils peuvent choisir au niveau des ministères fédéraux de subventionner un certain nombre d'activités dans le Nord-Ouest québécois, en Gaspésie, en Estrie ou ailleurs. Alors que le Québec, depuis quinze ans, a développé des interventions, des institutions, un mode de relations bien précis.

Ce que nous disons dans ces choses, c'est que nous sommes d'accord avec le régime des ententes, on a nos priorités. Acceptez donc que, dans un secteur comme la foresterie par exemple, on s'occupe de l'assignation. Vous enverrez le chèque avec votre photo du Canada et, je ne ne sais quoi, les photos du ministre Untel ou du député Untel qu'on ne voit jamais à Ottawa et qui se lève pour demander de fermer la fenêtre. Il ira là avec les "kodaks" et donnera le chèque. Mais, laissez-nous établir les priorités en matière de développement dans nos secteurs.

M. Rivest: C'est une bonne approche. Je dois dire que c'est une approche traditionnelle que je comprends très bien.

Remarquez que je fais simplement une parenthèse pour vous faire un reproche. Le "spending power" dont vous parlez, je le cherche. Cela fait six ou sept ans que vous êtes au gouvernement. À mon avis, c'est sans doute l'un des plus grands problèmes de fonctionnement du régime fédéral canadien. Il y a eu des propositions du temps de M. Pearson, du temps de M. Trudeau sur le plan de la révision constitutionnelle, dans le cadre des processus de révision constitutionnelle, par exemple pourquoi... Je n'ai jamais

compris - et M. Ryan l'a dit à l'époque et même M. Bourassa, au temps où il était premier ministre, puisque vous le suivez de très près - comment il se fait que le gouvernement du Québec n'ait fait aucune espèce de proposition cohérente dans le cadre de la révision constitutionnelle pour placer - quand je vous parle de l'attitude défensive - le dossier du "spending power", du pouvoir de dépense comme une des priorités. Comme dans le passé on parlait du partage des pouvoirs, pourquoi n'êtes-vous pas arrivés avec une proposition claire et définie?

Par exemple, le Parti libéral du Québec, "qui n'a pas de position", a une position dans son document constitutionnel adopté par le congrès pour limiter le pouvoir de dépenser aux domaines de juridiction fédérale. Fort bien. Quand il s'agit de juridiction provinciale, automatiquement vous parliez de la forêt privée et de vos priorités - dans la position du Parti libéral du Québec et de M. Bourassa, figurez-vous, notre conception du pouvoir de dépenser, on n'est pas contre, on l'admet comme un élément du fonctionnement du régime fédéral, mais figurez-vous que cela devra respecter les ordres de priorités définies et déterminées par le Québec.

Dans le domaine de la forêt privée, vous ne vous êtes pas entendus. Mais, dans le domaine de la haute technologie, des investissements fédéraux, j'imagine qu'à un moment donné un de vos fonctionnaires aurait dit - d'ailleurs il aurait lu les documents que vous auriez publiés comme gouvernement - Écoutez, le domaine de la haute technologie, cela intéresse le Québec; on est prêt, comme gouvernement du Québec, à investir; c'est notre priorité. Le fédéral a, admettons, donné des subventions à Pratt & Whitney, il a contribué à amener Bell Helicopter, il a permis à Bombardier de circuler, d'avoir le contrat à New York, enfin, toutes choses que le méchant gouvernement fédéral a faites, imaginez-vous. Peut-être y a-t-il un paquet de choses, vous saurez me le dire, qu'il n'a pas faites. Mais là, il me semble que vous vous êtes entendus.

Je ne peux pas me mettre dans la tête - vous me parliez de l'exemple de la forêt privée, et je vous donne l'exemple de la haute technologie qu'un ministre fédéral, aussi intelligent qu'un ministre péquiste, quand il s'agit pour le Québec de choses aussi évidentes que celles-là... Qu'il y ait des négociations, qu'on discute, j'en conviens volontiers. Mais que cela cause des drames, pour choisir des choses qui crèvent les yeux en termes de développement pour le Québec, et puis que l'on doive constamment lire de grandes manchettes... (21 h 45)

M. Johnson (Anjou): Un exemple, M. le Président. Je suis le député depuis tout à l'heure; il fait une belle capsule et c'est sans doute le genre de capsule qu'utilise le chef Parti libéral quand il va dans les chambres de commerce et leur demande d'être reçu sans la présence de journalistes, ce qui permet de dire des choses différentes d'une place à l'autre. Pour l'essentiel, est-ce que je pourrais avoir un exemple récent de "batailles et chicanes inutiles" dans un secteur comme celui de la haute technologie qui fait que le Québec ne peut pas avancer?

M. Rivest: Bien, nous avons vécu une chose extrêmement tragique...

M. Johnson (Anjou): Bell Helicopter?

M. Rivest: Non, de chamaillage inutile et puis de chicanes sur la place publique, qui ont retardé des programmes de développement. Toute la folie monumentale, qu'elle soit fédérale ou péquiste, que nous avons connue au niveau de l'Assemblée nationale avec votre aventure dans le domaine municipal. M. Marcoux a signé une entente, il y a je ne sais pas combien de temps; pourquoi M. Léonard n'a-t-il pas pu la signer il y a 5 ou 6 mois? Nous avons perdu tout ce temps-là. Aujourd'hui, on trouve d'autres trous dans l'entente. Au lieu de faire une crise, comme il l'a fait au niveau de l'Assemblée nationale, un appel au ministre fédéral pour lui dire: "Aie, M. Dufour, des municipalités, dit que l'entente que nous avons signée, ce n'est pas cela le sens. Est-ce que l'on pourrait se rencontrer, s'en parler et puis essayer de régler cela?" Ceci est un exemple bien concret.

D'ailleurs, les municipalités l'ont dit, au moment de l'étude de la loi 38. Et puis nous autres, le méchant Parti libéral, sous la gouverne du méchant M. Bourassa, nous avons combattu cela et puis figurez-vous que nous n'avons peut-être pas eu tort. La loi 38, elle va probablement mourir de sa belle mort. Voilà un bel exemple de perte de temps. Je ne peux pas comprendre, vous me demandez un exemple. Comment cela se fait-il que le Québec et puis le Canada, les ministres fédéraux d'un bord et les ministres péquistes de l'autre, ont réussi à faire un chiard monumental de 6 mois, peut-être plus, je ne sais pas, pour finalement conclure une entente lorsque nous avons subitement changé de ministre à Québec.

M. Johnson (Anjou): Pour l'essentiel, M. le Président, deux choses.

M. Rivest: ...un exemple.

M. Johnson (Anjou): D'abord, j'avais demandé à...

Le Président (M. Payne): II y a une

autre question. Il y a M. le député de Trois-Rivières.

M. Johnson (Anjou): Très brièvement, M. le Président. D'abord, je remarque que l'on ne peut pas me donner d'exemple de dossier économique, où l'on dit... Donnez-moi un exemple où il y a eu des chicanes inutiles et des affaires que vous véhiculez partout.

M. Rivest: ....économique, c'étaient des plans de créations d'emplois.

M. Johnson (Anjou): Non, non, je m'excuse...

M. Rivest: C'était des sommes que l'on donnait aux municipalités pour la création d'emplois.

M. Johnson (Anjou): Je m'excuse, un instant. On parlait, M. le président, juste avant, de haute technologie, d'infrastructure industrielle. Nous ne parlions pas d'aréna, ni de subventionner des salles communautaires, ni de subventions aux clubs de l'âge d'or. Que l'on se comprenne bien.

M. Rivest: Je vais vous donner des exemples.

Le Président (M. Payne): C'est une bonne discussion. Laissons la parole au ministre.

M. Johnson (Anjou): Deuxièmement, dans le secteur municipal, la réponse est bien simple: les fédéraux ont lâché le jour où ils ont vu un rapport de forces qui les planterait, c'est rien que cela...

M. Rivest: Vous étiez tout seuls. C'est ridicule. Les municipalités étaient contre vous autres. L'Opposition était contre vous autres. Vous étiez tout seuls.

M. Johnson (Anjou): Le jour où les municipalités ont commencé à dire avec le gouvernement du Québec qu'elles considéraient, comme elles l'ont fait par la voix même de M. Asselin - que vous connaissez bien, qui est un ancien candidat libéral dans Joliette - par la voix de M. Dufour, quand les institutions...

Une voix: ...

M. Johnson (Anjou): M. le Président, si vous permettez, le député, tout à l'heure, nous a promis qu'il me laisserait m'exprimer sans m'interrompre...

M. Rivest: Mais je ne tiens jamais ma promesse.

M. Johnson (Anjou): Oui, cela, nous le savons. Vous vous êtes fait élire deux fois et après cela, on vous a battus.

M. le Président, laissez-moi terminer, si vous le permettez.

Le Président (M. Payne): Oui, mais il faut que vous vous habituiez un peu au député de Jean-Talon.

M. Rivest: Je ne vois pas pourquoi...

M. Johnson (Anjou): Non, je refuse de m'habituer à cela, M. le Président, cela n'a pas de bon sens.

M. Rivest: Claude Morin m'a enduré, Jacques-Yvan m'a enduré; que vous soyez Pierre-Marc Johnson, cela ne m'impressionne pas du tout.

M. Johnson (Anjou): M. le Président, cela a à voir avec l'article 32 du règlement.

Le Président (M. Payne): M. le ministre, brièvement, puis le député de Trois-Rivières.

M. Johnson (Anjou): Pour l'essentiel en matière municipale, mon interprétation est très simple. Soyons un peu cyniques. Je pense que le député, qui a une longue expérience politique, va me comprendre. Il arrive une année d'élection, les députés fédéraux ont entre 1 000 000 $ et 5 000 000 $ à dépenser dans leur comté pour se faire réélire. D'autant plus que nous leur avons agité un drapeau, il y a trois ans, pour dire: Nous allons nous en mêler, de la campagne électorale. Ils se sont retournés et ils ont décidé qu'ils permettaient à leurs candidats-députés - car ils en ont 74 ou 75, 75 ou 76, je ne me souviens pas - se de promener dans la nature et de distribuer des arénas. Cela, c'est l'argent de La Prade, entre autres, que nous n'avons jamais eu et, s'ils nous avaient donné ZOO 000 000 $, pour La Prade, nous en aurions fait des choses intelligentes avec cela, nous aurions arbitré des choses.

Les députés fédéraux se promènent dans la nature et ils offrent des arénas au coin des rues, alors que le Québec a fait une réforme de la fiscalité municipale. Il a dit: Au nom d'une certaine équité et pour un fonctionnement harmonieux, équilibré et équitable entre les municipalités, il faut faire une réforme de la fiscalité et sortir de la dimension discrétionnaire du développement de nos municipalités. C'est un tour de poignet à faire. Cela n'a pas été facile pour le Québec de faire la réforme de la fiscalité municipale, on s'en souviendra; il y a eu de longs débats. Mais cela a donné une avenue de développement cohérente et intelligente à partir des institutions québécoises. C'est ce qui était mis en doute

dans la participation fédérale. Les fédéraux, tant et aussi longtemps qu'ils n'ont pas senti que les municipalités feraient corps avec le gouvernement du Québec, n'avaient rien à perdre dans le contexte. Ils se sont promenés...

M. Rivest: Arrêtez donc. Ce n'est pas vrai.

M. Johnson (Anjou): ...et ils ont distribué des subventions.

M. Rivest: C'est faux!

M. Johnson (Anjou): Ce qui se passe depuis un certain nombre de mois, avant même l'arrivée de mon collègue, M. Marcoux, aux Affaires municipales, à partir du mois de novembre dernier, les municipalités avec, à leur tête, M. Asselin -qu'on ne peut quand même pas taxer d'être un péquiste; c'est un ancien candidat libéral aux dernières élections dans le comté de Joliette...

M. Rivest: II faut qu'il fasse la biographie de chaque personne qu'il mentionne. Est-ce assez ridicule?

M. Johnson (Anjou): ...on dit que cela n'a aucun sens. Le jour où les unions de municipalités ont commencé à manifester leur solidarité à l'égard de cette chose fondamentale qu'est la protection des institutions et le développement harmonieux, équilibré et cohérent, les fédéraux ont "lâché" et ils ont signé une entente. Tant et aussi longtemps qu'on ne manifestera pas, en tant que société, des consensus de cette nature, ce n'est pas compliqué, le Québec va se faire traverser.

M. Rivest: Le ministre a son interprétation de l'événement...

Le Président (M. Payne): Avez-vous quelque chose à ajouter, M. le député de Trois-Rivières?

M. Vaugeois: C'est difficile d'ajouter quelque chose...

Le Président (M. Payne): Faites-le vite avant que le député de... Je m'excuse.

M. Vaugeois: Je vais me permettre deux ou trois commentaires sur ce qui vient d'être dit. Je pense que le ministre vient de toucher un point bien important que le député de Jean-Talon ne peut pas admettre à haute voix, mais dont il est parfaitement conscient intérieurement. Au cours des derniers mois, les fédéraux ne tenaient pas à une entente. Peu importent notre attitude et l'à-propos de nos attitudes vis-à-vis de la loi 38, cela aurait été la pire des choses s'il avait fallu qu'on signe une entente par laquelle ils auraient été obligés de passer. Ils avaient tout intérêt, politiquement parlant, électoralement parlant, à pouvoir distribuer, d'ailleurs, des promesses d'argent.

Dans ma région, on a annoncé beaucoup de dépenses et il ne s'en est pas encore réalisé beaucoup. Le cas de La Prade, d'ailleurs, illustre assez bien cette attitude des politiciens fédéraux. Alors qu'on avait demandé une compensation financière, ils sont venus tenir un discours les uns après les autres. M. Lalonde est venu dire qu'il y aurait une compensation, mais que l'argent devrait être dépensé dans le domaine de l'énergie, alors que M. Chrétien, lui, revenait dans sa région pour dire que ce serait dépensé dans la région et que l'énergie, c'était autre chose. Mais il y avait une chose commune aux deux - à M. Lalonde et à M. Chrétien - c'est que c'étaient eux qui décideraient. Si on accumulait toutes les annonces de dépenses qu'ils ont faites à partir du dédommagement de La Prade, on serait revenu aux exigences qu'on avait au départ, parce qu'ils ont annoncé beaucoup plus que 400 000 000 $. Mais, en fait, ils n'ont rien dépensé encore. Ils ont annoncé des choses et ils n'ont rien dépensé. On a vu ce soir la lettre de M. Roberts - qui en est gênante, d'ailleurs - qui dit à M. Marcoux: Bravo, maintenant qu'on a signé, vous allez me dire de quoi vous avez besoin pour l'avenir, parce qu'il ne reste plus d'argent. C'est clair qu'ils ont pris d'abord la précaution de tout engager avant d'en arriver à une entente. Qu'on distribue les torts, comme le député de Jean-Talon veut le faire, bon...

M. Rivest: Mais je...

M. Vaugeois: ...c'est sa position politique. Mais je pense que, même si on est en situation d'affrontement plus qu'on ne l'a jamais été depuis le début de l'étude des crédits, il y a quand même des choses qu'on sait et qu'on ne peut pas complètement taire. Le député de Jean-Talon a ce mérite d'avoir une bien belle expérience politique, d'avoir été très près du pouvoir, de le côtoyer encore et de l'observer d'assez près. Il y a des choses qui sont assez difficiles à entendre. Par exemple, quand on demande à un membre du gouvernement, sur la question du pouvoir de dépenser: Pourquoi ne pas avoir essayé de résister à l'offensive fédérale? Je pense qu'il sait intérieurement...

M. Rivest: Excusez-moi, M. le député. Vous permettez? Je n'ai pas dit "résister".

Une voix: Est-ce qu'il est toujours comme cela?

M. Rivest: J'ai dit: "proposer une solution à la limitation du pouvoir de dépenser". C'est une tout autre chose.

M. Vaugeois: D'accord pour "proposer". Mais moi, je dis "résister", parce qu'on en est vraiment là. Le gouvernement du Québec - c'est le Québec, en fait; ce n'est même plus le gouvernement du Québec - a été sur ce plan tellement assailli... M. le député de Jean-Talon, le gouvernement a été tellement assailli...

M. Rivest: Bien oui, mais...

M. Vaugeois: ...et c'était tellement important pour les ministres fédéraux, pour les hommes politiques fédéraux, d'être visibles partout, de se montrer généreux, de montrer que le gouvernement fédéral, que le Canada, était absolument nécessaire au Québec, indispensable au minimum vital, indispensable à un peu de bien-être...

M. Rivest: J'en conviens.

M. Vaugeois: ...que c'était absolument exclu, pour eux, que tout cela ait fait l'objet d'une décision conjointe. C'était une nécessité politique et ça, nous l'avons vécu ensemble. Nous n'avons pas à révéler des choses que nous avons vécues ensemble. Nous sommes liés par un minimum de discrétion, mais nous pouvons quand même évoquer des choses qui étaient publiques.

Vous vous rappellerez, à l'occasion de ces ententes qui ont commencé avant le gouvernement actuel, l'importance que les fédéraux - comme nous disons - attachaient aux panneaux, à l'affichage, etc. Ce n'est pas d'hier, sauf que cela a pris une dimension nouvelle avec l'arrivée au pouvoir d'un gouvernement, en 1976, qui acceptait de se situer dans un cadre fédéral jusqu'à ce que la population en ait décidé autrement. Pour les fédéraux, là, il y a eu un moment de panique. Je prétends - et il me semble que c'est assez évident - qu'à partir de ce moment il y avait là, d'abord, pour le "French power" qui était au pouvoir, un petit peu, à Ottawa, quelque chose de très bouleversant, de très choquant; la population du Québec avait l'air de leur dire: Vous autres, vous êtes au pouvoir à Ottawa, mais vos garanties ne sont pas suffisantes. On ne prend pas de risque; on met au pouvoir, à Québec, quelqu'un qui veut plus. Nous, on ne veut peut-être pas le plus, mais on veut au moins le moins; alors, on les met au pouvoir et travaillez-y ensemble.

L'offensive fédérale a été, à partir de ce moment, absolument sans précédent dans l'histoire du Québec. Cela tient un petit peu de la maladie, de la démence. Cela a été constant, omniprésent et je dois dire que, pour le gouvernement actuel, devant l'histoire, le drame de ce gouvernement est que, attaqué sur tous les fronts, il a presque été amené à reculer sur tous les fronts. C'est ça, le paradoxe.

M. Rivest: C'est exactement ce que j'ai dit.

M. Vaugeois: C'est ça, le paradoxe de ce gouvernement qui veut beaucoup pour le Québec. On est au moins certain de cela dans son cas. Mais l'offensive a été telle qu'on l'a empêché souvent de faire des choses qu'on tolérait chez un gouvernement qui avait fort peu d'ardeur à le pratiquer, votre gouvernement. Est-ce qu'on peut en tenir responsable le gouvernement actuel? Je pense qu'il faut voir les choses correctement.

Les fédéraux nous en donnent encore un exemple ridicule avec le ministre Pépin qui s'en va surveiller le premier ministre du Québec. Ce ne sont pas des incidents nouveaux. J'ai vu les colères de celui que vous serviez - et que vous servirez peut-être encore - j'ai vu les colères de celui que nous avons servi ensemble, M. Gérard D. Levesque. Dans ce Parlement, il ne passe pas pour quelqu'un de tellement irascible. Je n'ai jamais vu un ministre du Parti québécois, du gouvernement actuel, être aussi enragé vis-à-vis du fédéral que M. Gérard D. Levesque, parce qu'en fait l'insulte est encore plus grande pour un premier ministre fédéraliste, inconditionnellement fédéraliste, qui ne faisait pas l'objet d'un minimum de confiance de la part des autorités fédérales. Cela, c'est l'histoire récente du Québec.

J'ai vu des ministres de l'Union Nationale, en 1969 et 1970, être près de se rallier à un mouvement souverainiste tellement ils étaient déçus, abasourdis des coups et des mesquineries que le fédéral pratiquait à leur endroit. J'ai travaillé pour un gouvernement libéral à Québec. J'ai vu de près, si vous voulez, toute la surveillance dont il faisait l'objet et il y a eu cette étape, à partir de 1976. Le député de Jean-Talon dit: Je ne comprends pas le gouvernement actuel de ne pas avoir proposé, par exemple, quelque chose sur le pouvoir de dépenser. On n'en était tellement pas là; on n'était même pas capable de résister. À cet égard...

M. Rivest: C'est ce que je dis.

M. Vaugeois: ...le ministre ne peut sans doute pas faire l'aveu qu'ayant été attaqués sur tous les fronts on a été tout au moins menacés, sinon amenés à céder sur tous les fronts parce que là, il faudra faire une analyse avec plus de recul. Écoutez, on n'est pas...

M. Rivest: C'est exactement ma prétention.

M. Vaugeois: Si j'ai raison dans ce que je dis, il n'y a personne qui peut en être très fier. Je ne vois pas pourquoi vous vous réjouiriez de cela.

M. Rivest: Je n'en suis pas fier. Je ne m'en réjouis pas.

M. Vaugeois: Nous, que voulez-vous, il faut avouer qu'on a essayé de se comporter comme un gouvernement dans un cadre fédéral. On a essayé, beaucoup plus souvent d'ailleurs que vous n'avez voulu l'admettre, de négocier des choses. D'ailleurs, vous-même l'avez admis parce que vous avez reproché au ministre, tout à l'heure, d'avoir mis en évidence des dossiers où nous nous sommes affrontés et d'avoir tu des dossiers qui sont dans le document que nous avons entre les mains et qui font l'objet d'une quinzaine d'ententes, disiez-vous. Vous disiez au ministre: Vous n'avez pas fait état de ces ententes. Il y a donc eu un minimum d'ententes; il y en a sur cette feuille; il y en a dans les documents qui sont sur la table. Il y a eu aussi des contextes d'affrontement qui démontrent une mauvaise foi fédérale et qui ne devraient pas réjouir ceux qui sont en face de nous. (22 heures)

M. Rivest: M. le député, toute ma prétention...

M. Vaugeois: J'ai encore une petite chose à dire. Tout à l'heure, j'écoutais le ministre faire allusion au fait qu'une société n'était pas que la langue et la culture. Je partage les remarques qu'il faisait là-dessus, bien sûr, mais je trouve que le système fédéral est à ce point pernicieux, à certains moments, qu'il ramène des valeurs aussi fondamentales que la dimension culturelle à quelque chose d'un peu étriqué.

J'entendais, l'autre jour, le ministre Landry nous dire que toute l'approche des dernières années avait été réductrice à l'endroit du Québec. Je pense qu'on a même réussi à réduire des notions comme celle de la culture, à tel point que, lorsque l'on parle entre nous, on ramène la culture à quelque chose qui s'appelle le terroir ou le folklore, encore que tout cela a beaucoup de valeur; mais il reste qu'on ramène la culture à quelque chose d'extrêmement réduit. Et une société normale, c'est une société qui a une vie politique. Il me semble qu'à cet égard vous devriez avoir les mêmes aspirations que nous, à quelques détails près.

Une société normale a une vie économique et culturelle. Je ne vois pas comment vous pourriez imaginer l'avenir du Québec autrement que par une affirmation sur tous ces plans. C'est le sens de notre démarche et, au cours des dernières années, l'offensive fédérale a été à ce point que nous n'avons pas matière, ni les uns ni les autres, à nous réjouir à ce moment-ci. Et c'est la raison d'être de l'effort que le premier ministre a fait en identifiant une équipe. Nous revenons, à cet égard, presque 20 ans en arrière parce que, il y a 20 ans, on créait un ministère des affaires fédérales-provinciales ou quelque chose comme cela. C'est pour dire, si vous voulez, que nous recommençons. Mais il y a un effort incroyable à faire.

L'étude des crédits ne nous aura pas permis de cerner de plus près l'effort qui est concrètement consenti par les effectifs, par l'argent dont disposent ces effectifs. Peut-être que ce n'était pas nécessaire, les documents sont là. Il reste quand même que, comme Québécois - parce que je suis d'abord Québécois - j'attends, comme vous, énormément de l'équipe et du mandat qui est confié à l'actuel ministre. Cela transcende les partis politiques, cela transcende nos petits gouvernements momentanés, c'est l'avenir d'un peuple qui est en cause.

M. Rivest: M. le Président, pour conclure...

Le Président (M. Payne): Voilà un autre débat animé, mais il est 22 heures. Il nous reste le devoir, M. le député, très brièvement...

M. Rivest: ...pour remercier...

Le Président (M. Payne): Oui, pour remercier le ministre.

M. Rivest: ...le ministre. Ma prétention, dans le délai extrêmement limité pour l'étude des crédits, qui est de deux heures, c'était substantiellement ce que le député de Trois-Rivières vient d'évoquer. Mon inquiétude, comme Québécois, va exactement dans le sens de celle que le député a soulignée. À mon avis, la cause est sans doute, en partie, d'ordre électoral, au niveau fédéral. Mais ma prétention fondamentale, c'est que, dans le domaine des relations fédérales-provinciales et même des relations internationales, il y a une stratégie politique qui a amené très légitimement le gouvernement, voué à l'indépendance et à la souveraineté du Québec, à la gouverne des affaires du Québec tout en étant dans un cadre fédéral. Cela a abouti très exactement - et c'est ma prétention de fond - à ce que le député de Trois-Rivières a évoqué, c'est-à-dire un recul systématique du Québec dans le domaine constitutionnel, dans le domaine du fonctionnement du régime fédéral, étant donné la politisation qui s'est produite aux deux niveaux.

Comme Québécois, M. le ministre, puisque vous arrivez dans le secteur et que j'avais vu, dans les rapports de presse, que vous entendiez redresser un certain nombre

d'attitudes - vous ne l'avez pas tellement évoqué - ma prétention, en conclusion, c'est de vous inviter à le faire, à cause du recul évoqué par le député de Trois-Rivières et par moi-même. Comme Québécois attaché au fonctionnement du régime fédéral et également au Canada, je ne peux être heureux de cela et je ne peux l'accepter. Et c'est la prétention, figurez-vous, de M. Bourassa, du Parti libéral du Québec, du député de Jean-Talon et du député d'Outremont. C'est cela qu'on vous demande.

Une voix: Très bien.

M. Johnson (Anjou): M. le Président, en concluant, pour ma part...

Le Président (M. Payne): Dans un tout petit mot.

M. Johnson (Anjou): ...si je peux partager une bonne partie du diagnostic de la situation actuelle, indépendamment de l'identification des causes ou des responsabilités, ma prétention, c'est qu'effectivement il faut être pragmatique dans ces questions et s'organiser pour ne pas laisser passer au vol des occasions cohérentes et respectueuses du développement du Québec, notamment dans le secteur économique. Mais cela ne saurait se faire sans la défense systématique et acharnée des institutions que le peuple québécois s'est données et sans la réaffirmation même que nous formons un peuple.

Le Président (M. Payne): II nous reste le devoir d'adopter le programme 1.

Une voix: Et le reste.

Le Président (M. Payne): Non, juste le programme 1 pour le moment, ce soir.

M. Johnson (Anjou): L'ensemble, c'est terminé. Oui, on a fait l'ensemble des crédits, M. le Président.

Le Président (M. Payne): Non, on adopte le programme 1 pour le moment, quitte à revenir demain pour...

M. Johnson (Anjou): Ah! La Justice.

Le Président (M. Payne): Je ne parle pas de la Justice, on est ici en commission parlementaire...

M. Johnson (Anjou): Oui, mais on étudie les crédits de la Justice demain.

Le Président (M. Payne): Oui.

M. Johnson (Anjou): On adopte tous les crédits des Affaires intergouvernementales ce soir.

Le Président (M. Payne): J'avais compris qu'on adoptait le programme 1 ce soir.

M. Johnson (Anjou): Non, non, on adopte tout, M. le Président.

M. Rivest: C'est cela.

Le Président (M. Payne): Vous avez décidé cela.

M. Johnson (Anjou): Les membres de la commission sont unanimes à l'exception de vous, peut-être, M. le Président, mais...

Le Président (M. Payne): Mais, non... M. Rivest: Demain, c'est la Justice.

Le Président (M. Payne): Je reçois les informations et c'était... Je m'excuse, en m'imposant...

M. Johnson (Anjou): II s'agit, M. le Président... Ce soir, nous nous étions entendus, je pensais que peut-être...

M. Rivest: II n'est pas tellement tard, on va peut-être revenir.

M. Johnson (Anjou): Je n'ai pas d'objection, au contraire, je n'aurais pas d'objection, M. le Président. Il faudrait peut-être convenir de procéder à l'adoption de tous les programmes du ministère des Affaires intergouvernementales canadiennes.

Le Président (M. Payne): Cela m'est égal.

M. Johnson (Anjou): Est-ce que la programmation budgétaire du ministère des Affaires intergouvernementales canadiennes est adoptée, M. le Président?

M. Rivest: Avec beaucoup de réserve, M. le ministre.

M. Johnson (Anjou): Elle est adoptée. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Payne): Merci, M. le ministre. Nous ajournons nos travaux sine die.

(Fin de la séance à 22 h 7)

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