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(Dix heures dix-huit minutes)
Le Président (M. Vaugeois): À l'ordre s'il vous
plaît! La commission des institutions est réunie pour
procéder à l'étude entre guillemets, des crédits du
ministère de la Justice. Tout de suite, je vous informe que nous
interromprons, en fin d'après-midi. En soirée, nous
procéderons à l'étude ou à l'examen des
crédits du ministère des Affaires intergouvernementales
canadiennes.
Je vais demander au secrétaire de procéder à
l'identification des présences.
Le Secrétaire: D'accord. Les membres de cette commission
sont: M. Baril (Rouyn-Noranda-Témiscamingue), M. Brassard
(Lac-Saint-Jean), M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes), M. Dussault
(Châteauguay), M. Léger (Lafontaine), M. Levesque (Bonaventure),
M. Mailloux (Charlevoix), M. Marx (D'Arcy McGee), M. Payne (Vachon), M. Rivest
(Jean-Talon), Mme Saint-Amand (Jonquière) et M. Vaugeois
(Trois-Rivières).
J'annonce les remplacements suivants: M. Levesque (Bonaventure) est
remplacé par M. Polak (Sainte-Anne) et M. Mailloux (Charlevoix) est
remplacé par M. Kehoe (Chapleau).
Le Président (M. Vaugeois): Avant de procéder
à l'étude des crédits, je voudrais signaler deux ou trois
choses. Avant que le député de Deux-Montagnes me demande de nous
abstenir de fumer, je signale que c'est son désir et que c'est une
règle que la commission cherche à observer.
Deuxièmement, quant à la disposition, l'étude des
crédits se fait normalement sur un modèle d'examen et de
contrôle. Le représentant de l'Exécutif et ses conseillers
peuvent se tenir en face du président, mais je crois savoir que le
porte-parole de l'Opposition et ses collègues souihaitent l'avoir en
face d'eux.
M. Marx: On l'aide tellement qu'on veut qu'il soit près de
nous.
Le Président (M. Vaugeois): Sauf que ce point de vue doit
être partagé par tous les membres de la commission.
M. Johnson (Anjou): Est-ce que je devrais me rendre au bout de la
table?
Le Président (M. Vaugeois): M. le ministre, attendez que
vos collègues ministériels s'expriment à ce sujet.
D'accord?
Autres remarques préliminaires.
Souvent, pour l'étude des crédits, nous procédons
à un partage du temps compte tenu des éléments à
étudier. Je crois savoir que, cette fois-ci, personne n'a
souhaité un partage rigoureux. Si cela convient au ministre, si cela
convient à tout le monde -le ministre, de cette façon, risque
d'avoir des surprises - nous procéderons de cette façon, sans
trop de rigueur dans la distribution du temps. Par ailleurs, nous essaierons,
si c'est nécessaire, de nous en tenir quand même au
règlement ou à l'esprit du règlement.
Alors, pour commencer, j'inviterais M. le ministre de la Justice
à nous faire une présentation générale.
Justice
M. Johnson (Anjou): Merci, M. le Président. Tout d'abord,
je voudrais remercier les membres de la commission d'accepter que je
siège de ce côté-ci de la table. Tout en soulignant le fait
que, ce soir, puisque mon collègue critique de l'Opposition en
matière de justice a des engagements à Montréal, nous
avons accepté de procéder à l'étude des
crédits qui touchent le ministère des Affaires
intergouvernementales canadiennes. Et je pense que ce sera le
député de Jean-Talon qui...
Une voix: À 20 heures.
M. Johnson (Anjou): ...à 20 heures. Le tout présume
un ordre de la Chambre, mais je pense que nous l'obtiendrons.
D'autre part, la présidente de la Commission des droits et
libertés de la personne est absente jusqu'à demain. Mme Fournier
sera, cependant, avec nous dans le courant de l'après-midi de demain;
alors, on pourrait peut-être procéder à l'étude de
ce programme à ce moment-là. Par ailleurs, le juge Gosselin,
président de la Commission de police du Québec, est avec nous
pour aujourd'hui, mais il devra nous quitter d'ici la fin de la journée.
Je saurais gré à nos collègues d'accepter, entre
maintenant et la fin de l'après-midi, de procéder à
l'étude des crédits afférents à la Commission de
police du Québec, pour lui permettre d'être libre ce
soir.
M. Marx: On peut commencer avec l'étude de ces
crédits...
M. Johnson (Anjou): D'accord.
M. Marx: ...tout de suite après les remarques
préliminaires.
Remarques préliminaires M. Pierre-Marc
Johnson
M. Johnson (Anjou): Très bien. Alors, M. le
Président, mes remarques préliminaires ne seront pas
brèves. Il y a un certain nombre de choses que je veux évoquer au
titre du bilan, ainsi qu'un certain nombre d'activités qui risquent de
venir, en rappelant, au départ, que les crédits du
ministère, pour l'exercice 1984-1985, s'élèvent à
685 145 000 $, ce qui représente une augmentation de 4,9% par rapport
à l'année précédente, c'est-à-dire une
augmentation d'environ 31 500 000 $ par rapport aux crédits de
l'année précédente. Ils se divisent, comme on le sait, en
cinq programmes, dont 298 000 000 $ à la Sûreté du
Québec; 96 000 000$ à la garde des détenus et à la
réinsertion sociale des délinquants; 67 500 000 $ au soutien
administratif de l'activité judiciaire; 57 900 000 $ à l'aide aux
justiciables et 25 911 000 $ à la formulation des jugements.
L'analyse du budget par la nature des dépenses nous
révèle que les traitements représentent 74% du budget,
soit des crédits de 506 210 000 $. Les dépenses de fonctionnement
autres que les traitements représentent 14% du budget. Les
dépenses de transfert représentent 11% du budget. Et les
dépenses regroupées au titre de capital représentent 1%,
soit 10 000 000 $.
J'aimerais maintenant vous fournir un certain nombre d'explications sur
les crédits de cette année par rapport à l'année
précédente, en essayant d'y faire recouper les notions de
priorité, mais surtout de développement dans le réseau de
la justice en 1983. Nous avons des crédits qui ont été
augmentés, notamment, à cause de l'implantation des modifications
à la Charte des droits et libertés de la personne, de la loi sur
la cession des biens en stock et de la coordination à l'égard de
l'application de la loi fédérale sur les jeunes contrevenants,
également, en matière de systèmes informatiques, de
développement des ressources communautaires, reconstitution des indexes
des bureaux d'enregistrement, développement du réseau de
téléinformatique à la Sûreté du
Québec, mise en oeuvre de programmes de formation auprès de
clientèles de bureaux de protection civile du
Québec.
Dans la détermination de l'enveloppe budgétaire finale du
ministère de la Justice, il faut réduire les sommes obtenues,
soit 48 388 500 $ des obligations de compressions budgétaires et de
certaines sommes qui ne sont pas reconduites provenant du budget
précédent. Ces deux éléments se chiffrant à
16 648 000 $. Des compressions de l'ordre de 11 000 000 $ ont été
demandées au ministère. Les mesures administratives pour
atteindre cet objectif de compression comprennent: compression de l'ordre de 1%
sur les budgets de fonctionnement en raison d'une prévision
d'augmentation de la productivité de nos programmes et d'un effort
particulier de diminution des coûts de fonctionnement, notamment,
à la Sûreté du Québec.
Les effectifs du ministère de la Justice au 1er avril 1984
s'établissent à 13 230 employés permanents et 707
employés occasionnels, soit un total de 13 937 personnes. L'effectif
total du ministère étant augmenté de 640 postes par
rapport à l'année précédente, il faut cependant se
rendre compte qu'il s'agit, pour l'essentiel, non pas d'une augmentation
absolue des effectifs gouvernementaux, mais essentiellement d'un transfert d'un
certain nombre d'effectifs. En effet, 465 postes proviennent de la juridiction
qu'assume maintenant le ministère de la Justice à l'égard
du gardiennage des édifices publics, des constables de
l'Assemblée nationale, ainsi que des personnes responsables de
l'application de la réglementation en matière de transport sur
les routes du Québec, c'est-à-dire l'inspection routière
qui, à elle seule, comprenait 213 postes. De plus, nous avons
augmenté d'une vingtaine de postes le Comité de la protection de
la jeunesse et de 10 postes les affaires criminelles et pénales. Pour
l'essentiel, nous avons également une augmentation de l'effectif
occasionnel pour 56 postes à la Commission des droits de la personne
pour la mise en oeuvre de la modification de la charte et une augmention des
effectifs dans les établissements de 107 postes. Finalement, 12 postes
divers ont été ajoutés au ministère ça et
là sur un effectif de 13 000.
Je n'entrerai pas dans les détails de l'organisation de la
structure budgétaire du ministère. Je présume que nos
collègues de la commission connaissent le livre des crédits. Je
parlerai simplement de certains postes avant de faire un bilan d'un certain
nombre d'activités de l'année.
À la Sûreté du Québec, il est
intéressant' de remarquer qu'à compter du 1er avril dernier, nous
avons pris en charge le contrôle et l'exploitation des permis d'alcool,
et cela, sans ajout d'effectifs. Cette mesure a permis ainsi une
réduction de 50 postes à la Régie des permis d'alcool
du Québec, ce qui a été réalisé avec
succès, en étroite collaboration avec la Sûreté du
Québec, et a permis une augmentation considérable de la
productivité. (10 h 30)
Nous savons qu'il y a eu des discussions entre le ministère des
Transports - certains journaux en ont fait état - la Commission des
transports, le Conseil du trésor et le ministère de la Justice.
Nous sommes convenus du transfert du service de l'inspection routière au
ministère, à la Sûreté du Québec, du
ministère des Transports. Le protocole a été signé
entre les deux ministères en vertu de ce transfert. Il aura
été effectif depuis le 1er mars dernier et permettra,
à nos yeux, d'améliorer le contrôle tout en
réduisant les effectifs qui y sont affectés. Comme cela
présuppose des changements dans les attributions des cadres ou dans les
habitudes du personnel, il ne faut pas s'étonner que tout le monde n'en
soit pas parfaitement enchanté. Au niveau de la productivité, un
effort considérable a été fait dans l'ensemble des
services offerts par le ministère de la Justice. Ainsi, par exemple, en
matière de détention, on a assisté à une
augmentation globale de la demande de services de 50% entre 1979 et 1983. Alors
que les effectifs diminuaient de 6%, au sein des services judiciaires, les
effectifs ont diminué de 19%, alors que la demande augmentait de 4% par
année sur la même période.
La charge de travail des agents de la Sûreté du
Québec augmentait de façon importante au cours des
dernières années, alors que les compressions effectuées
ont amené une diminution notable du temps supplémentaire, du
kilométrage parcouru par la flotte automobile et le nombre de policiers
est demeuré sensiblement le même, tout en observant des
responsabilités additionnelles. Je pourrais également vous citer
l'augmentation de la demande auprès des services juridiques du
gouvernement, les besoins en matière de législation et
l'augmentation des dossiers criminels. Je puis dire que le ministère de
la Justice a participé à l'effort de rationalisation des
dépenses budgétaires qui a été entrepris depuis
plusieurs années, mais, il faut cependant constater qu'il nous faudra
être plutôt parcimonieux dans l'avenir pour éviter de
toucher au service à la clientèle.
L'important dans la recherche de l'amélioration de la
productivité, c'est d'abord et avant tout, en plus d'une série de
mesures et d'outils qui touchent la diminution des effectifs, la
réallocation ou le redéploiement de certaines ressources et la
motivation du personnel à y participer. Quand bien même nous
aurions des objectifs qui soient les mieux planifiés du monde, si le
personnel n'est pas impliqué, nous risquons de ne pas aller très
loin. C'est pourquoi, au cours des dernières années, d'importants
efforts ont été effectués dans le sens de l'implication du
personnel, dans ce redéploiement des effectifs et des activités
du ministère de la Justice, y compris à la Sûreté du
Québec.
Le développement des ressources humaines a donc été
axé sur des objectifs d'organisation, de qualité de vie au
travail, de formation de comités régionaux qui regroupent les
principaux intervenants de l'administration de la justice; les rencontres
régulières du personnel des réseaux, les visites dans les
régions par les directions supérieures du ministère ne
sont que des exemples.
Il s'agit de continuer ces efforts. L'association du personnel à
l'élaboration des objectifs de chacun des réseaux du
ministère, comme la mise en pratique de l'imputabilité des
gestionnaires et l'amélioration des communications comme outil de
gestion, ainsi que la poursuite et l'utilisation d'outils modernes que sont la
bureautique et l'informatique, tout cela nous apparaît des
éléments importants dans cette perspective de saine gestion des
ressources humaines.
Les équipements des palais de justice. L'ouverture de celui de
Québec, les travaux de parachèvement à Shawinigan, les
services judiciaires ont également profité de
réaménagement extrêmement important à Val-d'Or,
Saint-Jean, Longueuil, Amqui, La Tuque. Il convient également de noter
que 20 salles d'audience ont été insonorisées en vue
d'améliorer la qualité de l'enregistrement pour les fins de la
transcription et que des dizaine d'autres palais de justice ont connu des
aménagements de nature plus mineure.
Bref, des équipement pour tout près de 20 000 000 $, ce
qui n'est pas négligeable dans le contexte actuel.
À la Sûreté du Québec, un certain nombre de
postes ainsi que le quartier général de Montréal ont connu
des transformations pour les rendre davantage fonctionnels, pour un total 1 500
000 $.
En ce qui a trait aux établissements de détention, un
certain nombre de réaménagements ont été
exécutés au cours de 1983 qui ont engendré des
dépenses de 2 196 000 $. Il s'agit des travaux effectués
notamment aux établissements de Chicoutimi, Saint-Joseph-de-Beauce,
Saint-Hyacinthe,
Baie-Comeau, Saint-Jérôme, Rivière-du-Loup,
Bordeaux. L'élément le plus important de l'année à
l'égard du réseau du service de détention a
été l'obtention au Conseil du trésor de l'accord de
principe sur les réaménagements impliquant une ressource à
construire des réaménagements à Bordeaux pour en arriver
à la fermeture de Parthenais, ce qui nous apparaît prioritaire et
important.
Le Conseil du trésor a donné également son accord
pour la construction d'un nouvel établissement à Sherbrooke,
à Trois-Rivières
et à Chicoutimi. Nous prévoyons des dépenses de
l'ordre de 30 000 000 $ au cours de la prochaine année en matière
d'immobilisations dans les centres de détention. Ces différents
projets permettront de doter le Québec de services correctionnels plus
adaptés aux besoins de notre population carcérale et
d'améliorer les conditions de vie des détenus.
Parmi les autres projets importants de construction: le palais de
justice de Sherbrooke, celui de Joliette, de Longueuil, de Chicoutimi, de
Saint-Joseph-de-Beauce ainsi qu'un réaménagement majeur de celui
de Rivière-du-Loup; on prévoit des dépenses de plus de 60
000 000 $ au cours de la prochaine année dans les services
judiciaires.
Quant aux services aux clients, qui doivent être une
préoccupation constante du ministère de la Justice,
l'humanisation s'est traduite par une liste importante et impressionnante de
mesures administratives ou législatives pour faciliter l'accès et
le confort des citoyens qui ont à faire avec les services judiciaires,
que ce soit la mise en place des présentoirs qui offrent la
documentation relative aux services du ministère dans l'ensemble des
palais de justice, l'évaluation du programme d'information aux victimes
d'acte criminel, l'édition d'un guide d'accès à
l'information du ministère de la Justice, la mise sur pied d'une
structure d'accueil appropriée dans les palais de justice du
Québec, l'identification d'une personne responsable de ces services dans
chacun de nos palais de justice, les modifications requises à la
signalisation dans les palais de justice, afin de les rendre plus
spécifiques et une compréhension qui améliore
l'accessibilité du public, l'évaluation de la situation actuelle
dans les palais de justice qui touche les heures d'ouverture et
l'aménagement des heures de travail pour que cela corresponde un peu
mieux aux besoins des clientèles, le tout évidemment eu
égard aux conventions collectives en vigueur, élaboration d'une
politique des services de santé physique, psychiatrique et psychologique
pour la clientèle des services correctionnels, collaboration avec
l'Office de la langue française pour la mise sur pied d'un comité
chargé de réviser les termes utilisés dans
l'administration de la justice afin de les rendre plus accessibles à la
compréhension du public, voilà quelques mesures concrètes
qui ont été prises ou que nous continuerons de prendre dans la
prochaine année.
Ce que l'on peut constater de plus intéressant dans ces efforts
qui ont été entrepris par le ministère pour
améliorer ces services, c'est le fait que cela fait maintenant partie
des préoccupations constantes du personnel.
Il est important pour le ministère de développer une
mentalité de services. Nous continuerons à orienter nos propos et
nos actions pour que le personnel s'identifie encore davantage à cet
objectif du ministère de la Justice. J'ajouterai que pour une
clientèle particulière, qui vit dans des conditions
singulières, parce qu'il s'agit de privation de liberté
susceptible de causer des états de situation anormale pour des individus
- je parle évidemment de la clientèle carcérale - une
politique en matière de libération progressive est
installée et fera du Québec, d'ici deux ou trois ans, un endroit
assez unique en Amérique du Nord par l'application de ce qu'on appelle
un plan de séjour pour chacun des détenus. Cette politique vise
à mieux préparer le retour en société de la
personne qui a été condamnée en planifiant, en structurant
et en faisant participer la personne à son séjour en
détention. Une politique en matière de programmes occupationnels
a également été élaborée. Cette politique
vise à mieux planifier et encadrer les différents programmes
d'activités rémunérées, le loisir, les sports, la
dimension académique ou socioculturelle dans les établissements
de détention. Au chapitre des activités
rémunérées: les buanderies et l'imprimerie, que ce soit
dans la région de Saint-Jérôme, à Tanguay, ou encore
à Montréal et à Québec, dans le cas de
l'imprimerie.
L'hébergement communautaire a connu aussi une croissance
intéressante. Le nombre de jours-séjour est passé de 114
000 à 117 000 pour une augmentation de près de 12,5% en l'espace
d'un an. Je pense que cette tendance verra à s'accentuer.
Du côté de la santé, des contrats de services ont
été passés entre des établissements de
détention et de nombreux établissements du réseau des
afffaires sociales, que ce soient les CLSC de Hull, Paspébiac,
Valleyfield, Chicoutimi, Roberval et Rimouski et différents centres
hospitaliers. Des démarches se poursuivent dans les régions qui
ne sont pas encore pourvues d'ententes avec certains établissements du
réseau des affaires sociales.
Du côté des communications, le magazine Justice ne
connaît pas tout à fait le succès de Protégez-vous,
mais il en connaîtra sans doute un succès certain. C'est une revue
de qualité à laquelle participent des intervenants des
différents réseaux de la justice. L'objectif d'abonnement se
situe à plus de 50 000.
J'aimerais souligner finalement que le ministère, du
côté de ses activités, a lancé, en collaboration
avec le ministère des Affaires sociales, un guide d'intervention en cas
d'agression sexuelle qui faisait suite à des demandes pressantes et
constantes - avec raison - de la part de différents groupes
intéressés au suivi de l'état des personnes qui subissent
des agressions sexuelles. C'est ainsi que l'ensemble de nos salles
d'urgence
pourront être bientôt équipées d'une trousse
particulière qui facilite les prélèvements
nécessaires pour les fins éventuelles d'utilisation
criminalistique, lors des procès pour la preuve, notamment dans les cas
de viol, et également une série de techniques ainsi qu'un
protocole d'approche des personnes victimes d'agression sexuelle. Je pense que
l'effet de cette trousse et de ce guide d'intervention permettra de mieux
sensibiliser les médecins dans les salles d'urgence à ce que
signifie l'approche d'une personne qui devient une patiente dans un service
hospitalier, qui a subi une agression sexuelle, et de s'assurer qu'on a tout ce
qu'il faut, au niveau du rapport, du questionnaire et des
prélèvements pour qu'il y ait de plus grandes chances de
succès d'obtenir des condamnations, notamment en matière de
viol.
Également, une série d'émissions, intitulée
"Citoyens avertis", a fait fureur dans certaines régions au
Québec, en particulier à Rimouski et à Jonquière,
où des fonctionnaires y ont participé; Justice pour tous et
toutes, de la Commission des services juridiques, a continué son
succès d'une certaine importance, compte tenu du caractère
parfois un peu technique des sujets dont on traite.
En matière de criminalité, j'aimerais dire que
l'année 1983 nous donne un portrait de la criminalité
québécoise qui ne correspond pas aux préjugés
populaires qu'on en a. Il m'est agréable de pouvoir souligner que,
comparativement à la même période en 1982, on a
constaté une baisse de 6,06% du nombre d'infractions au Code criminel,
ce qui semble faire mentir, d'ailleurs, le vieil adage qui veut que, avec la
crise économique, la criminalité augmente. Mais disons qu'il y a
sûrement là matière à analyse. C'est comme cela
qu'on pourra garder nos services de criminalogie ouverts longtemps. (10 h
45)
II m'apparaît intéressant de constater que cette baisse va
tout à fait dans le sens de ce qui avait déjà
été constaté en 1982. On remarque, notamment, une
diminution au chapitre des crimes avec violence, particulièrement dans
le nombre des vols qualifiés, qui ont baissé de 18,62%. Au
chapitre des crimes contre la propriété, ils ont chuté de
7,75%. Et on peut souligner une baisse notable du nombre d'introductions par
infraction, des vols et, particulièrement, des vols de véhicules
à moteur.
On peut souligner, cependant, l'inverse, une augmentation sensible,
très sensible, au niveau des infractions relatives à la
prostitution, au jeu, au pari ainsi qu'au recel. Il faut préciser, sur
le plan statistique, que, alors que les vols qualifiés ou les
activités reliées à de la violence font l'objet de
signalements, les activités en matière de prostitution, de jeu ou
de pari font plus l'objet de dépistage; donc, la comptabilisation de ces
infractions est d'autant plus importante que les activités de
dépistage de la part des corps policiers deviennent importantes.
En ce qui concerne le pourcentage des solutions aux infractions du Code
criminel, dans l'ensemble, elles sont passées de 24,72% en 1982 à
27,93% en 1983. Si les données pour l'ensemble du Canada ne sont pas
disponibles pour 1983, je suis absolument convaincu que le Québec aura
connu, pour cette année-là, un taux d'infractions au Code
criminel inférieur à celui que l'on retrouve dans les autres
provinces et territoires canadiens. En fait, en 1982, il faut se rappeler que
le Québec se situait au neuvième rang sur douze pour l'importance
de son taux de criminalité.
Du côté de la Sûreté du Québec,
l'année 1983 lui aura permis d'établir un record historique de
taux de solutions, de réussites à l'égard des infractions
criminelles, c'est-à-dire un taux de 52,3%. C'est un taux jamais
égalé auparavant à la Sûreté du
Québec.
Parmi les activités ou les faits saillants qui sont importants
pour la Sûreté du Québec, on peut mentionner qu'elle a
intensifié sa lutte aux stupéfiants et aux drogues en 1983. 4774
infractions ont été relevées en 1983 par rapport à
2614 en 1982. Cela se traduit par des saisies de l'ordre de 24 000 000 $ au
cours de l'année 1983, en matière de drogues et
stupéfiants.
Du côté de la sécurité routière, un
effort particulier a été mis sur la détection des
personnes conduisant avec les facultés affaiblies, ce qui nous a permis
d'assister à une hausse de 11% des tests d'ivressomètre. Cela ne
va pas augmenter la popularité de qui que ce soit, mais, à nos
yeux, c'est une chose qui reste importante si on veut que les gens cessent de
s'assassiner sur les routes après avoir pris un verre. Nous croyons que
ces efforts devront continuer d'être déployés.
Du côté de la Sûreté du Québec, deux
événements majeurs au cours de l'année qui vient
marqueront ses activités. La Sûreté du Québec l'a
démontré dans le passé, elle est tout à fait, non
seulement apte, mais elle excelle - dans des événements,
notamment à l'occasion des Jeux olympiques ou de l'Expo 67 - à
fournir d'excellents services aux citoyens dans le cadre de grandes
activités comme les grands voiliers pour l'été prochain et
la visite d'un dignitaire étranger comme le pape qui sera parmi nous,
comme on le sait, au mois de septembre prochain.
Du côté de la législation, on se rappellera que la
Loi sur la recherche des causes et des circonstances de décès a
été adoptée au mois de décembre 1983,
remplaçant l'ancienne Loi sur les coroners. Les procédures
administratives préliminaires
sont entrées en vigueur et sont en marche. Je pense que d'ici la
fin de 1984, nous aurons une loi qui sera globalement en vigueur. Est-ce que
cela va?
Les délais, notamment ceux à la Cour supérieure et
plus particulièrement dans la région de Montréal, qui est
une usine de droit peu commune. Le ministère va continuer à
prendre le type de mesures grâce à la collaboration de la
magistrature et avec l'appui du barreau également. Il faut faire en
sorte que certains amendements au Code de procédure civile facilitent la
tâche aux justiciables à l'égard des délais.
Déjà des pas importants ont été franchis, quand on
pense au bref d'évocation qui faisait auparavant l'objet de deux
étapes qui pourra dorénavant se faire en une seule étape
par simple requête en matière d'évocation comme en
matière d'injonction. La preuve par affidavit détaillée
étant permise et même rendue obligatoire, la production de la
preuve documentaire avant l'audition de la requête, tout cela fera en
sorte que la présence inutile de témoins, d'avocats retarde les
procédures et que les juges ayant pris connaissance des contenus des
dossiers avant l'audition, le déroulement de celles-ci se fera d'une
façon accélérée et les demandes de remise devraient
être diminuées. Le ministère, on le sait, a
également fait adopter récemment un projet de loi omnibus qui a
apporté des modifications à plusieurs lois d'autres
ministères.
Dans le cadre de la réforme du Code civil, on se souvient que le
projet sur le chapitre des biens a été déposé et
que nous avons tout récemment entendu des représentants,
notamment du monde juridique, de l'arpentage et de la planification
susccessorale et fiscale. La réforme du Code civil est une vaste
entreprise, on le sait, qui remonte maintenant à tout près de 20
ans, de façon assez systématique. Il faut accepter que ces choses
prennent un peu de temps puisqu'elles sont majeures, fondamentales dans les
rapports qui existent entre les citoyens et dans l'intervention du
législateur à l'égard de la façon de régir
de tels rapports. Nous y mettrons le temps qu'il faut, avec la conviction que
les lumières qui nous viendront de tous nos collègues autour de
cette table nous permettront de doter les citoyens d'un Code civil à la
fois moderne et efficace.
Je passerai maintenant à certains des dossiers qui sont en plan
et qui nous attendent dans les mois qui viennent ou dans les années qui
viennent, dont le Code civil. Mais également, il faudrait bien en
arriver à déposer dans un projet de loi - quelque chose qui vous
intéresse en particulier, M. le Président - un cadre juridique
qui soit unique et clair quant au processus d'élaboration et d'adoption
des règlements dans la législature québécoise,
notamment pour la publicité et l'entrée en vigueur de ces
règlements. Ce projet de loi fait suite à une analyse entreprise
au ministère à la suite de ce rapport dont vous présidiez
les destinées de la commission qui l'a produit.
Il nous apparaît également important, pour les justiciables
comme pour leurs procureurs, dans certains cas, d'en arriver à
l'unification des tribunaux du Québec, la Cour des sessions, le Tribunal
de la jeunesse et la Cour provinciale, au moins dans une première
étape, de telle sorte que des chambres administratives formées
des principaux organismes qui ont des pouvoirs d'adjudication pourraient
éventuellement venir compléter cet édifice d'organisation
de nos tribunaux dans une Cour du Québec. Nous tenterons aussi,
possiblement à l'automne, de moderniser, de rationaliser et d'humaniser
le processus pénal en faisant adopter un véritable code de
procédure pénale qui remplacera, à toutes fins utiles, la
Loi sur les poursuites sommaires et dont beaucoup de dispositions sont
absolument désuètes ou inutilisées. Nous avons
déposé récemment en première lecture le projet de
loi touchant l'enlèvement international des enfants qui vise à
sanctionner dans nos lois les dispositions de la Convention internationale de
La Haye qui a été signée en 1980 à cet
effet.
Nous aurons également deux projets de règlement
d'importance, tous deux touchant la Charte des droits et libertés de la
personne: le premier concernant les facteurs de risques qui peuvent être
utilisés dans les rentes et l'assurance, et le second qui
établira les critères qui doivent présider à
l'adoption des programmes d'accès à l'égalité qui
sont maintenant permis, comme on le sait, par la Charte des droits et
libertés de la personne. Je pense qu'il s'est fait également un
travail remarquable de révision des lois et règlements à
la Direction générale des contentieux avec l'appui de la
Direction générale des affaires législatives. Pour 1982,
à cause des modifications majeures apportées à la Charte
des droits et libertés de la personne, rendant celles-ci
prépondérantes sur les lois et règlements quant aux
articles 1 à 8 et 9 à 38 sur celles antérieures à
1975, c'est-à-dire date d'adoption de la Charte des droits et
libertés de la personne, ces modifications sont entrées en
vigueur le 1er octobre 1983. Cependant, la prépondérance des
articles 1 à 8 sur les lois antérieures au 1er octobre 1983 et
celle de 9 à 38 sur les lois antérieures à 1975...
c'est-à-dire l'adoption de la charte initiale ne prendra effet qu'au 1er
janvier 1986. D'ici là, toutes législations, y compris les
règlements adoptés durant cette période, feront l'objet
d'une étude en conformité avec la Charte des droits et
libertés de la personne. Il s'agit là d'un travail absolument
gigantesque qui présuppose
une analyse de l'ensemble des lois et règlements du Québec
et qui est accompli avec une grande compétence par les autorités
du ministère qui en sont responsables. La priorité des mois qui
viennent, quant à moi, au-delà de ce tableau par lequel j'ai
tenté de brosser le travail remarquable accompli par le ministère
depuis un certain nombre d'années, me permettra de me concentrer sur le
problème des délais, notamment, en Cour supérieure
à la fois par l'introduction d'un certain nombre de dispositions
législatives dont nous espérons qu'elles feront consensus
auprès du barreau et de la magistrature, entre autres, et par une
série de dispositions administratives pour faciliter le travail des
juges à la Cour supérieure de Montréal.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Vaugeois): Merci, M. le ministre.
Voilà du temps bien utilisé. Votre survol était
intéressant. Vous devinerez qu'il nous suggère beaucoup de
questions, finalement beaucoup plus que nous aurait suggéré la
présentation un peu sèche des crédits. On vous en
remercie.
Je vais me permettre de vous inviter tout de suite à
préciser une question que vous avez abordée puisque vous avez
évoqué les travaux d'une commission sur le contrôle
parlementaire de la législation déléguée. Je suis
sûr que cette question brûle les lèvres également des
porte-parole de l'Opposition et de certains collègues du
côté ministériel, puisque je reconnais le
député de Châteauguay en particulier qui a
été associé à ces travaux. Avant de poser ma
question, je voudrais en profiter pour dire publiquement ce que nous n'avons
peut-être pas assez dit à ce moment. Nous avons pu compter sur une
collaboration de votre ministère, depuis votre
prédécesseur d'ailleurs, des gens de son entourage
immédiat, votre sous-ministre, qui s'approche à ce moment, qui y
sont allés de très bons conseils dès le départ tout
en respectant - je l'ai beaucoup apprécié - l'autonomie de la
commission qui était une commission d'initiative parlementaire et
constituée d'abord de parlementaires. Il n'en reste pas moins que les
experts se trouvaient dans votre ministère, pour un grand nombre en tout
cas. Certains ont été libérés,
détachés et ont pu se mettre sans réserve au service de la
commission d'étude. La commission est arrivée à des
conclusions assez claires et assez évidentes. C'était d'ailleurs
prévisible pour l'essentiel encore que les membres de la commission ont
cherché à préciser une foule de choses. Sans entrer dans
les détails, j'aimerais que de votre côté vous nous
précisiez un peu mieux le calendrier que vous souhaitez pouvoir proposer
à la Chambre quant à la pièce législative que nous
attendons. J'aimerais une première réaction sur le calendrier
qu'on peut espérer. (11 heures)
M. Johnson (Anjou): M. le Président, peut-être
qu'avant de préciser le calendrier -vous connaissez la prudence toujours
constante qui indépendamment des personnes, anime celui qui est
titulaire de ce ministère à l'égard des
échéanciers - nous avons un certain nombre de choses dont il faut
discuter. Je pense qu'il faut vider, d'une façon claire, la question du
droit de désaveu et du pouvoir de désaveu de la
réglementation. Il y un débat en soi à faire autour de
cette question. Je n'exprimerai pas ici mon opinion sur le fond, mais j'ai mon
opinion. J'aime croire qu'elle n'est pas totalement arrêtée, parce
qu'il serait inutile de discuter. Il faut disposer d'une part de cette
question.
Deuxièmement, sur le plan administratif, une fois qu'on aura
disposé de cette question du pouvoir de désaveu, il faut que
l'ensemble des ministères susceptibles d'être touchés par
une telle mesure nous fournissent leur réaction à ce que pourrait
être l'analyse de l'impact que font ces ministères du projet de
loi et finalement, éventuellement, adoption par le Conseil des ministres
du projet pour qu'il soit déposé -pour être prudent,
j'aurais plutôt tendance à dire au printemps plutôt
qu'à l'automne -mais ce n'est pas totalement exclu que cela puisse
être au printemps 1985. Je ne pense pas qu'on puisse consulter 26
ministères d'ici...
Une voix: Après les prochaines élections.
M. Johnson (Anjou): ...après les prochaines
élections. Bon! le député sait des choses que je ne
connaissais pas.
Je pense, M. le Président, qu'il faut qu'on soit prudent. Tant
mieux si on peut aboutir pour l'automne. Soyons clairs, ce n'est pas
réaliste de parler d'un dépôt d'ici le mois de juin
à cause de la question du pouvoir de désaveu qui devra être
évacuée entre l'Assemblée nationale et l'Exécutif
et la consultation qui peut se faire en partie pour l'été. On
sait que le mois de juillet est propice aux discussions de cette nature. Cela
sera probablement déposé, je préfère dire, en 1985,
au début de 1985, parce que s'il arrive des pépins, je sais
très bien que nos collègues nous reprocheront de ne pas avoir
respecté l'échéancier. Tant mieux, si on peut le
déposer en 1984.
Le Président (M. Vaugeois): M. le ministre, je pense que
je vais utiliser à plein les possibilités que m'offre ce nouveau
style de présidence, non pas pour entreprendre avec vous un
échange sur le sujet, mais peut-être pour réagir
immédiatement à ce que vous venez de nous
dire.
Je voudrais d'abord dissiper une méprise quant à la
question du désaveu parce que ce n'est pas la première fois que
je l'entends. J'appellerai d'ailleurs mon collègue de Châteauguay
à la rescousse au besoin. Dans le rapport de la commission
d'étude, nous avons abordé la question du désaveu. Il faut
bien situer cet aspect. Sans elle, il n'y aurait rien qui nous garantit qu'une
commission parlementaire qui examinerait la réglementation verrait son
rapport examiné par l'Exécutif ou considéré par la
Chambre. Cette situation existe ailleurs car il faut rappeler qu'à peu
près tous les Parlements du monde maintenant se prêtent à
un minimum de contrôle de la réglementation. La-dessus, nous
sommes en retard sur à peu près tout le monde.
D'ailleurs, votre prédécesseur, publiquement et à
plusieurs reprises, a annoncé un projet de loi dans les six mois qui
allaient venir.
M. Marx: Dans les cinq ans.
M. Johnson (Anjou): Moi je vous dis dans les douze mois.
Le Président (M. Vaugeois): Nous avons contribué,
je crois, à provoquer un délai additionnel parce qu'on
souhaitait, c'était normal, profiter de l'éclairage
qu'apporterait notre commission.
Revenons à la question du désaveu. Nous avions
constaté que dans les autres Parlements, les commissions parlementaires
ou une commission parlementaire spécialisée ou une commission
mixte comme à Ottawa, se livrait à un examen sérieux d'un
projet de règlement, faisait rapport et que ce rapport n'était
jamais considéré. Nous avons souhaité par le biais d'un
désaveu possible forcer l'examen d'un rapport dans certains cas
extrêmes avec la procédure suivante. Advenant le cas où,
dans un rapport, il y a des réserves d'exprimées sur un projet de
règlement, cinq parlementaires représentant plus d'une formation
politique pourraient inscrire ce qu'on appelle une proposition de
désaveu d'un élément de la réglementation. Cette
proposition serait réputée être adoptée ou
votée par le Parlement à défaut d'être
appelée par un membre de l'Exécutif. Dès le moment
où un membre de l'Exécutif appellerait la question, appellerait
l'examen du rapport et demanderait un vote sur le rapport, il n'y aurait pas de
problème possible. On sait très bien que la majorité
parlementaire s'exprimerait moins dans le sens que souhaite le porte-parole de
l'Exécutif, mais au moins la question aura été
appelée, car autrement, il y aurait à ce moment-là un
désaveu automatique.
C'est une forme que nous avons adoptée d'une pratique du
Sénat australien.
Nous l'avons transposée ici pour tenir compte de notre
réalité parlementaire, mais elle n'est pas contraignante pour
l'Exécutif, si ce n'est que de forcer l'Exécutif à
accepter d'examiner les recommandations d'un rapport devant la Chambre, dans la
mesure où des parlementaires, non seulement de l'Opposition mais des
parlementaires représentant au moins deux formations politiques, se
fondant sur le rapport - ils ne peuvent le faire à partir de rien; il
faut qu'ils se fondent sur le rapport - exigent d'inscrire la chose.
C'est une remarque que je voulais faire. Je pense qu'on se trompe si on
se laisse entraîner sur d'autres significations de cette mesure. C'est un
truc pour forcer l'examen. Cela ne met pas l'Exécutif en
péril.
Par ailleurs, il y a un certain caractère d'urgence pour un
démarrage dans les meilleures conditions de la réforme
parlementaire que nous pratiquons actuellement. Nos commissions ont, parmi les
nouveaux pouvoirs possibles, l'examen des projets de règlement et des
règlements, sauf qu'il est très difficile de procéder
à l'examen des règlements ou des projets de règlement si
nous ne savons pas très bien à quoi s'oblige l'Exécutif,
parce que le premier examen qu'on devrait faire normalement c'est de voir si
toutes les étapes ont été respectées, si les
délais ont été respectés, etc.
L'Exécutif et l'administration, ces derniers temps, ont beaucoup
réglementé la préparation des règlements. Il y a
beaucoup plus d'étapes qu'avant et des étapes qui, d'ailleurs,
vont dans le sens de nos préoccupations. Tout est presque prêt. Il
s'agirait de codifier en quelque sorte tous ces règlements sur la
préparation de la réglementation et de leur donner en quelque
sorte valeur de loi.
À défaut de cela, vous allez assister à une forme
d'improvisation du Parlement en matière de contrôle de la
réglementation, parce qu'on ne pourra pas empêcher une commission
parlementaire, à partir de maintenant, de décider d'examiner la
réglementation. Comme il n'y a pas de loi à laquelle on puisse
faire référence, on va aller tout de suite dans
l'opportunité et, comme nos commissions sont sectorielles, on va
être encore davantage incité à faire l'examen de
l'opportunité, du bien-fondé, de la nécessité, du
mérite de la réglementation. Et là on relance un
débat. Je trouve qu'il est dans l'intérêt même de
l'Exécutif de bien préciser ce que vous avez déjà
préparé au cours des dernières années et
appliqué d'ailleurs depuis un bon bout de temps.
J'ajouterai, M. le ministre, qu'il me semble que pour le ministre de la
Justice, la question est également intéressante. Si nous devons,
comme parlementaires, avoir un allié à l'Exécutif, nous le
trouvons chez le
ministre de la Justice. Tout le travail de votre ministère en
matière réglementaire trouverait enfin un fondement juridique.
Actuellement, pour avoir été membre pendant un certain temps du
Conseil exécutif, j'ai une petite idée de la façon dont
cela se passe.
Il me semble que c'est un outil qui serait extrêmement commode
pour le ministère de la Justice et rassurant pour l'ensemble de - j'ose
dire - notre régime démocratique. Actuellement, il faut le dire,
si autant de gens insistent, c'est que notre législation est parfois
bien mince et elle réserve des morceaux importants pour la
réglementation qui échappent non seulement au contrôle du
Parlement mais, dans une large mesure, au contrôle même de
l'Exécutif.
M. Johnson (Anjou): Je vous remercie, M. le Président,
d'avoir évoqué avec autant de ferveur vos convictions à
l'égard de la nécessité de codifier au minimum, en tout
cas, le cheminement et le processus que doit suivre une réglementation
avant d'avoir force d'application et de l'utilité intrinsèque que
cela représente, en même temps que l'utilité très
précise que cela va représenter dans la juridiction - je devrais
dire la compétence ou les attributions - que la nouvelle réforme
parlementaire donne aux commissions, dont celle que vous présidez.
Je prends bonne note de vos préoccupations. Effectivement, je
prends bonne note aussi de la responsabilité que vous voulez m'accorder
d'être le lien objectif des membres de cette commission auprès du
Conseil exécutif. Je vous assure donc non seulement de mon
intérêt mais... Je sais très bien que je ne reviendrai pas
devant cette commission sans être obligé de répondre. Vous
m'avez tracé la voie, M. le Président, et j'espère que si
j'ai à revenir à l'automne devant les membres de la commission
pour un projet, les choses seront avancées à votre
satisfaction.
Le Président (M. Vaugeois): II m'arrive ce qui peut
arriver de pire à un président. Je suis coincé entre deux
alliés sur cette question, parce que je sais que le porte-parole de
l'Opposition en est également convaincu. Je lui laisse maintenant la
parole.
M. Marx: Merci M. le Président. J'en suis aussi convaincu.
Je vois la différence entre le ministre actuel et son
prédécesseur. Ce dernier a pris deux engagements par
année. Il a dit que ce serait présenté dans six mois, mais
le ministre actuel, plus prudent, va plutôt prendre un engagement par
année au lieu de deux. Il a donc dit que ce serait déposé
dans un an.
Le Président (M. Vaugeois): II n'a pas dit cela.
M. Marx: On verra. Il nous a dit: Au printemps 1985.
Le Président (M. Vaugeois): Non, il a dit que, d'ici douze
mois...
M. Marx: D'ici douze mois, donc.
Le Président (M. Vaugeois): Et ses derniers propos me
rendent plus optimiste.
M. Herbert Marx
M. Marx: D'accord. J'aimerais remercier les fonctionnaires
présents ici aujourd'hui, que je trouve très patients, chaque
année. Ils apportent une collaboration précieuse au moins au
ministre et, en général, à la commission.
J'aimerais aussi souligner que le ministre actuel, n'ayant pas
d'expérience dans ce ministère, n'est donc pas responsable des
problèmes qu'on trouve soit à la Cour supérieure de
Montréal, soit dans les prisons, ou dans d'autres organismes de son
ministère. Je pourrais le blâmer pour bien des choses dans le
domaine des affaires sociales, les problèmes dans les salles d'urgence,
les problèmes dans les maisons de transition, mais tout cela sera
défendu par un autre ministre, le député de Bourget, lors
de l'étude des crédits du ministère des Affaires sociales.
Donc, vraiment, je ne peux donc pas blâmer le ministre actuel,
étant donné qu'il est en fonction seulement depuis quelques
semaines.
Une coutume bien établie que le ministre a respectée
aujourd'hui veut que le ministre dresse, au moment de la défense des
crédits budgétaires, un bilan de ses réalisations ainsi
qu'un tableau des projets qu'il entend mettre à exécution au
cours de l'année. Une adaptation toute particulière de cette
coutume a été faite par le ministère de la Justice. En
effet, à chaque année, on nous répète
inlassablement les mêmes projets, à tel point que le manque
d'initiative et la lenteur d'exécution sont devenus les marques de
commerce de ce ministère.
Une chose est certaine. On n'y retrouve aucune surprise tant au niveau
des mesures de nature législative que celles de nature administrative;
on a toujours l'impression que l'ampleur des problèmes est tellement
grande qu'il n'est pas certain qu'une solution soit à notre
portée. Et rien ne nous indique que cette situation soit
différente cette année. En huit ans d'administration du
gouvernement actuel, les mêmes systèmes sont revenus
continuellement. Il a souvent fallu des mois, sinon des années, avant
que des solutions nous soient proposées. Dans certains cas, elles se
font d'ailleurs toujours attendre. Il
en résulte donc une stagnation et même un recul dans les
politiques gouvernementales d'un ministère qui, de par sa nature, avait
toujours joué, par le passé, un rôle prédominant.
L'adaptation de la législation aux réalités nouvelles de
la société aurait dû être le principe directeur des
actions du ministère. Toutefois, une aptitude chronique à cerner
les problèmes et à les régler semble s'être
installée et nous accusons maintenant des retards injustifiés
dans certains dossiers. Le manque d'une politique cohérente
m'apparaît évident. La vision globale qu'aurait dû avoir le
ministère de la Justice ou le ministre de la Justice du Québec se
fait toujours attendre après huit ans de pouvoir. Plutôt que
d'essayer de tracer un schéma d'intervention globale, on a
préféré poser des gestes ponctuels qui nous ont conduits
au fouillis législatif et administratif auquel nous sommes
confrontés aujourd'hui.
Le recul accusé sous l'administration actuelle risque de devenir
insurmontable si à très court terme le ministre ne nous
présente pas sa vision de la place que doit occuper la justice dans
notre société. (11 h 15)
II faut remonter à 1975 pour retracer un outil de
réflexion sérieux dans le domaine. Cet état de fait
m'apparaît inacceptable. En effet, le livre blanc de 1975,
intitulé "La justice contemporaine au Québec", constitue la
dernière intervention majeure dont nous puissions
bénéficier.
Qu'a fait le ministre de la Justice depuis ce temps? Tout au plus,
a-t-il tenté de reprendre à son compte certains des concepts qui
y sont énoncés, sans même prendre la peine de juger de la
cohérence de ces actions. On a beaucoup entendu parler d'humanisation de
la justice, c'est vrai. Mais les outils nécessaires pour arriver
à ce but fort louable n'ont pas été mis en place ou ils ne
l'ont été que partiellement. Aujourd'hui, nous devons encore nous
interroger sur les moyens à prendre pour réorganiser les
tribunaux au Québec. Nous cherchons toujours des solutions au
problème des délais devant les tribunaux, surtout à la
Cour supérieure de Montréal.
La réforme des lois fondamentales, comme le Code civil, et la
cohérence législative semblent des buts difficiles à
atteindre. Nous ne connaissons pas encore la politique correctionnelle du
gouvernement du Québec. La réalité est bien simple. Le
ministre Bédard a joué à l'autruche pendant des
années; il doit, depuis quelque temps, en arriver à la conclusion
que son prédécesseur, comme ministre de la Justice en 1975,
avait, dans son livre blanc, tracé un plan d'intervention valable, qu'il
n'avait pas dû ignorer. Malheureusement, les solutions proposées
ne sont pas venues à temps et les problèmes s'enveniment.
Combien de fois a-t-on annoncé l'unification prochaine des
tribunaux, la présentation d'un Code de procédure pénale
ou encore celle de lois fixant un cadre législatif au processus
réglementaire que le ministre nous a promis d'ici douze mois
-c'est-à-dire, c'est sa promesse d'aujourd'hui? Et que dire des
délais supplémentaires qui s'ajoutent continuellement dans le
processus de révision du Code civil? Le ministre a dit que cette
révision traîne depuis 20 ans; je pense que, maintenant, cela fait
30 ans. Depuis que le Parti québécois est au pouvoir, il y a huit
ans qui se sont rajoutés.
Pendant ce temps, le justiciable se voit confronté à des
délais toujours plus longs devant les tribunaux. Les intervenants du
milieu, le barreau entre autres, dénoncent cette situation mais les
solutions durables se font toujours attendre. Tout au plus reconnaît-on,
maintenant, que ce problème existe.
J'aimerais souligner que lorsque j'ai soulevé ce problème
des délais inacceptables devant la Cour supérieure de
Montréal, le ministre de la Justice, M. Bédard, a dit que ce
n'était pas de sa faute. La faute de qui, il ne nous l'a pas
expliqué. Mais rien n'était de sa faute, quoiqu'il a
été ministre de la Justice pendant plus de sept ans. Pendant ce
temps, également, on a assisté à une prolifération
des tribunaux administratifs ou organismes de semblable nature ainsi que la
prolifération désordonnée des textes réglementaires
et législatifs. La justice, de moins en moins accessible aux citoyens,
est en voie de devenir une jungle dans laquelle même les professionnels
du droit auront de la difficulté à se retrouver.
La technique de plus en plus utilisée, de mise en vigueur des
lois par étapes, vient encore ajouter à la confusion. J'aimerais
souligner au ministre de voir les lois que son gouvernement a fait adopter et
de voir comment on en a fait la mise en vigueur, souvent article par article,
pour ne pas dire paragraphe par paragraphe.
La mise en garde de l'Opposition et des intervenants du milieu, plus
particulièrement du barreau, n'a pas suffi. Au niveau de
l'érosion des textes réglementaires, même la tenue de la
commission spéciale sur la législation
déléguée n'a pas encore réussi à convaincre
le ministre de la nécessité d'agir rapidement en ce domaine, de
voir - comme il vient de dire - à agir d'ici douze mois, mais on a
entendu des promesses semblables chaque année, lors de l'étude de
ses crédits.
Et comme si tout cela n'était pas déjà assez
complexe, le premier ministre n'a pas jugé bon, au moment du dernier
remaniement ministériel, de faire assumer la présidence du
comité de législation par l'actuel ministre de la Justice.
L'harmonisation de chaque projet de loi avec l'ensemble de la
législation aurait dû, selon nous, lui être confiée
comme
c'était le cas pour son prédécesseur.
Outre les questions reliées au fonctionnement des tribunaux et au
processus d'adoption des lois et des règlements, les justiciables
doivent faire face à d'autres embûches avant que nous ayons droit
à une réelle humanisation de la justice au Québec.
Du slogan maintes fois répété, à la
réalité, il existe une marge importante. À ce titre,
citons, par exemple, l'absence d'indexation des barèmes d'aide juridique
qui a duré quelques années. Que dire aussi de la tentative de
camouflage à laquelle on a assisté tout dernièrement en ce
qui a trait à l'indemnisation des victimes d'acte criminel. Aussi, je
peux ajouter qu'il a un ticket modérateur pour certaines personnes
à l'aide juridique.
Les restrictions budgétaires imposées en période de
ralentissement économique ne devraient jamais affecter les citoyens
démunis dans leur capacité de défendre ou d'exercer leurs
droits. C'est pourquoi la réduction des crédits en matière
d'aide juridique, tout comme le gel des barèmes durant quelques
années, nous apparaissent tout à fait inacceptables.
De même la réduction proposée des indemnités
aux victimes d'acte criminel va aussi à l'encontre des principes sociaux
qui devraient être pris en considération lors de la prise de
décision dans le domaine de la justice. Ces principes que je
considère comme un acquis au Québec, ne semblent plus être
à la base des préoccupations du gouvernement actuel.
Quant à la politique carcérale, nous l'attendons toujours.
L'incohérence semble régner dans ce domaine. En même temps
qu'il nous parle de réinsertion sociale et d'alternative à
l'emprisonnement, le ministre veut construire de nouvelles prisons et ce,
semble-t-il, sans plan d'ensemble véritable ou, s'il a un plan
d'ensemble ou une politique carcérale, il ne l'a pas publié.
Les conditions de vie dans les prisons ont été l'objet de
nombreux commentaires de l'Opposition. Comme, dans bien des cas, le ministre a
apporté peu d'attention aux propos de l'Opposition...
c'est-à-dire son prédécesseur. Fallait-il vraiment qu'on
en arrive à une enquête du Protecteur du citoyen pour que le
ministre s'aperçoive que tout ne va pour le mieux dans le meilleur des
mondes? Le bilan bien partiel de l'inaction du ministre de la Justice au cours
des dernières années n'a pas pour but de noircir la situation,
mais bien de la constater tout simplement.
Je reconnais que les amendements à la Charte des droits et
libertés de la personne, à la Loi sur la protection de la
jeunesse, à la Loi sur les coroners étaient nécessaires.
Je les ai d'ailleurs réclamés moi-même de même que
l'Opposition. Toutefois, une constante existe dans tous ces dossiers. Les
délais d'exécution ont été très longs et le
ministre a dû se faire tirer l'oreille pour agir. Je trouve
incompréhensif ce que le ministre vient de dire aujourd'hui, que nous
avons adopté une nouvelle Loi sur les coroners en décembre 1983
et il espère que la loi sera en vigueur avant la fin de cette
année. Cela a pris au ministère huit ans à rédiger
cette loi. J'ai rencontré un fonctionnaire qui travaille à ce
projet de loi depuis dix ans, c'est-à-dire quelqu'un qui a fait
carrière dans la Loi sur les coroners. J'imagine qu'il peut se recycler
maintenant en replanifiant la loi pour sa révision dans dix ans. Cela a
pris dix ans pour rédiger un projet de loi qui a été
adopté en décembre 1983. La loi n'est pas encore en vigueur et le
ministre nous dit qu'elle le sera probablement avant la fin de cette
année. Je trouve qu'il y a un peu d'exagération dans la mise en
application des lois.
Pour ce qui a trait à la réforme des droits de la famille,
n'eût été des pressions de la population et de l'approche
d'une élection, elle n'aurait pas encore vu le jour. C'était la
loi 89. La critique que je tente actuellement de faire, comme les documents que
j'ai produits dans plusieurs secteurs depuis quelques années n'ont qu'un
but: faire que le ministre reprenne contact avec la réalité.
L'Opposition, tout comme la population, est en droit de s'attendre à ce
que le ministre prenne les décisions qui s'imposent au moment où
elles doivent être prises. Et c'est ce que nous continuerons de
réclamer. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Payne): M. le ministre.
M. Pierre-Marc Johnson (réplique)
M. Johnson (Anjou): Oui, M. le Président. Je ne pourrais
pas vous dire que je suis vraiment surpris d'entendre le député
de D'Arcy McGee qui nous a entretenus de sa façon habituellement
nuancée et du jugement global qu'il porte à nouveau, comme tous
les dimanches à l'occasion de l'émission de communiqués de
presse, puisqu'il semble avoir réponse à tout, solution à
tout. Je dirai simplement que le bilan législatif des dernières
années est quand même considérable. La réforme de la
Loi sur les coroners, la réforme du Code civil au niveau de quatre
chapitres dont un est en vigueur...
M. Marx: Une seule loi a été adoptée. M.
Johnson (Anjou): Oui, mais... M. Marx: Une seule...
M. Johnson (Anjou): Bon, évidemment, ce que vous
suggérez...
M. Marx: ...depuis huit ans.
M. Johnson (Anjou): ...c'est qu'on adopte 1300 articles du Code
civil, comme cela, aussi rapidement, comme vous formulez vos discours et vos
opinions. Je pense que c'est plus sérieux que cela, un Code civil. Il
faut prendre...
M. Marx: En 1867, ils ont fait cela d'un seul coup.
C'était plus intelligent que ce que fait le gouvernement actuel.
M. Johnson (Anjou): Bon, très bien. Alors, je prends bonne
note du commentaire du député de D'Arcy McGee.
M. Brassard: ...d'adopter cela à la vapeur.
M. Johnson (Anjou): Oui, il voudrait adopter le Code civil
à la vapeur. Je suis sûr que cela va faire plaisir au barreau, aux
représentants de l'Association de planification successorale et fiscale,
à la Chambre des notaires, à la Corporation des
arpenteurs-géomètres et aux dizaines d'organismes qui sont venus
témoigner devant cette commission sur les différents chapitres
déposés. La seule différence entre 1867 et aujourd'hui -
mais peut-être que le député de D'Arcy McGee ne s'en
aperçoit pas, tout obnubilé qu'il est par sa propre perception
des choses - c'est qu'on vit dans une société où bien des
gens ont bien des choses à dire quand le législateur
décide de légiférer, alors qu'en 1867, le Parlement
était composé, pour l'essentiel, d'une cinquantaine d'avocats qui
réglaient des problèmes de droit touchant à peu
près 400 avocats. Aujourd'hui, on a quand même plusieurs milliers
de procureurs, des dizaines d'organismes, des intérêts, des
groupes de pression. La vie a changé depuis 1867. Il semble que le
député de D'Arcy McGee ne s'en soit pas aperçu. Pour
changer la loi fondamentale qu'est le Code civil dans une société
démocratique, ouverte, informée, où les gens ont des
choses à dire, on ne fait pas cela à la vapeur. Mais je retiens
que le professeur, député de D'Arcy McGee, considère qu'il
faut faire la réforme du Code civil comme cela. Je pense qu'on s'en
souviendra et que beaucoup de gens s'en souviendront. Quand il y aura des
problèmes d'application de certaines lois qu'il espère tous les
soirs avoir à piloter devant le Parlement, comme membre de
l'Exécutif, on comprendra pourquoi. (11 h 30)
À l'égard des délais devant les tribunaux, que je
sache, l'augmentation de la juridiction de la Cour provinciale de 6000 $
à 10 000 $, les modifications à la procédure d'appel en
1982, la modification sur les taux d'intérêt permettant de
diminuer l'incitation aux reports et aux remises pour certains procureurs, la
nomination de juges additionnels à la Cour supérieure, la
réforme de la Loi sur les permis d'alcool, les modifications
substantielles à la Charte des droits et libertés de la personne,
la Loi sur la protection de la jeunesse, la réforme de la Loi de police,
les alternatives à l'emprisonnement, notamment dans le cas des amendes
et la recherche d'une implication communautaire plus grande...
Évidemment, le député de D'Arcy McGee peut peut-être
faire des reproches à mon prédécesseur. Le reproche que je
ferai au député de D'Arcy McGee, c'est d'avoir été
distrait tout ce temps, puisqu'il n'a pas parlé de ces choses. Enfin, il
y a des distractions comme celles-là auxquelles le statut de membre de
l'Opposition donne droit, semble-t-il.
Pour l'essentiel, M. le Président, un bilan législatif, le
député de D'Arcy McGee voudrait qu'on fasse un livre blanc. C'est
important un livre blanc. Il y a déjà eu un livre blanc, il
faudrait faire un livre blanc. Alors que ce gouvernement s'est attelé
depuis sept ans à adopter une série de lois, notamment dans le
secteur de la justice, de la protection de la jeunesse, des coroners, du Code
civil et de la Charte des droits et libertés de la personne, du Code de
procédure civile, aucune loi importante n'a été
touchée par de l'activité législative du gouvernement du
Québec depuis sept ans, M. le Président.
Le portrait que nous donne le député de D'arcy McGee
ressemble plus à une caricature qu'à un exposé
substantiel. J'espère qu'il nous réservera des propos, en tout
cas, pour le moins un peu plus nuancés. On ne lui demande pas
d'être d'accord avec nous, puisque sa conception du rôle de
l'Opposition est de s'opposer de façon systématique, mais on lui
demande d'être nuancé, comme il savait l'être au moment
où il occupait sa chaire de professeur en droit constitutionnel. Le
Parlement est un endroit remarquable pour être nuancé; être
nuancé fait avancer les choses. Alors que présenter les choses
comme il le fait, à mon avis, n'alimente pas la discussion et n'alimente
pas non plus le contexte de l'évolution de nos travaux, comme le
voudrait la réforme parlementaire.
Une autre chose dont n'a pas parlé le député est la
réforme parlementaire qui est entrée en vigueur tout
récemment et qui permet, aujourd'hui, au président de la
commission de faire comparaître les membres de l'Exécutif, et aux
députés, d'avoir un certain ascendant sur les questions
législatives et même les questions qui touchent le Conseil
exécutif qu'ils n'avaient pas antérieurement. Peut-être
aurait-il été préférable de mettre cela aussi dans
un livre blanc plutôt que de le faire.
Je comprends que, pour l'essentiel, le député de D'Arcy
McGee a conservé à
l'égard de la justice, comme du reste, une déformation
pour laquelle on ne peut lui en vouloir puisqu'il a occupé brillamment
une chaire académique. Fondamentalement, il veut qu'on écrive,
alors qu'à la justice on veut agir.
M. Marx: Bon. Je n'ai rien à dire en réponse aux
propos du ministre. C'est une dépense d'énergie. Il serait plus
productif de passer à l'étude des crédits et de commencer
avec le président de la Commission de police qui aimerait être
libéré avant la fin de l'après-midi.
Une voix: ...
M. Marx: Non, ici.
Le Président (M. Payne): Je propose qu'on procède
à l'examen du premier programme.
M. Johnson (Anjou): C'est-à-dire le programme de la
Commission de police, M. le Président, qui est le...
Une voix: 14.
Le Président (M. Payne): Je m'excuse, c'est le programme
14. Avez-vous des remarques préliminaires, M. le ministre?
Commission de police
M. Johnson (Anjou): Non, M. le Président. On sait que la
Commission de police est un organisme de surveillance de l'activité
policière et de l'encadrement des activités policières sur
le territoire du Québec. Elle a également un mandat
spécifique qui a fait couler beaucoup d'encre, celui de l'étude
de ce qu'on a appelé la CECO. Deux événements
précis ont marqué la commission. Il serait intéressant
d'entendre le juge Gosselin sur ce que constitue le pain quotidien de cette
commission. Beaucoup d'événements qui ne font pas la manchette
des journaux font partie du travail de la commission. Ils sont
extrêmement importants pour nos concitoyens.
J'inviterais le juge Gosselin à formuler quelques
commentaires.
M. Gosselin (Roger): Merci, M. le ministre. M. le
Président, la commission, pour accomplir son rôle, s'est vu
attribuer des pouvoirs quasi judiciaires, des pouvoirs administratifs et des
pouvoirs de réglementation. Dans l'exécution de nos pouvoirs
quasi judiciaires, la commission est appelée à entendre les
appels de membres non salariés ou de directeurs de corps policiers qui
font l'objet d'une destitution ou d'une réduction de traitement. Je dois
vous dire que, dans cette partie de nos activités, il y a eu une
diminution considérable. Dans les premières années de la
commission, nous recevions environ 25 à 30 appels par année. Or,
il y a eu une diminution considérable, si bien que, l'an dernier, nous
n'avons reçu que quatre ou cinq appels. Dans le domaine quasi
judiciaire, nous sommes aussi appelés à enquêter sur la
conduite de policiers. Nous avons reçu au cours de l'année 1983,
287 demandes d'enquête dont près 95% provenaient de citoyens. Nous
avons procédé à la vérification des faits et
décidé de la tenue d'enquête dans certains cas.
Nous avons aussi, au chapitre administratif, entrepris l'inspection des
corps policiers. Je dois vous dire cependant que l'inspection des corps
policiers représente un travail considérable et que nous n'avons
affecté que quatre professionnels à cette tâche, si bien
qu'avant d'avoir fait le tour de tous les corps policiers, cela prendra un
certain temps. Nous avons contribué largement à améliorer
l'efficacité policière en publiant, au cours des années,
divers guides soit sur des opérations, sur des pièces
d'équipement ou sur divers sujets d'intérêt pour les forces
policières. Je pense que le principal document qui a été
publié par la commission l'a été au cours du mois
d'août dernier, il s'agit d'un guide intitulé "L'action
policière et la loi" qui indique aux policiers les diverses dispositions
de la loi en matière d'arrestation, en matière d'utilisation de
la force ou de la limite qui doit être prise par les policiers en
matière de perquisition et d'utilisation d'armes à feu. Nous
avons distribué ce guide à tous les corps policiers en nombre
suffisant pour que chaque policier puisse en avoir sa propre copie. C'est un
genre "pocket-book", rédigé en langage courant. C'est de grande
utilité pour les policiers.
Quant à la Sûreté du Québec, elle a pris la
décision de faire imprimer ce guide pour tous ses policiers. Pour le
service de police de la Communauté urbaine de Montréal, nous n'en
avions pas une quantité suffisante, mais je crois que le tout sera
complété dans un avenir rapproché, à moins que cela
ne l'ait été depuis une couple de semaines.
La commission a joué le rôle qui lui a été
assigné par le législateur. Compte tenu des effectifs dont nous
disposons, nous avons réalisé la presque totalité de nos
objectifs. Il y a un domaine cependant où nous souffrons des retards,
c'est dans la tenue d'enquête publique. Actuellement, nos délais
sont d'environ deux ans. Nous croyons qu'il deviendra nécessaire,
à un moment donné, de pouvoir affecter plus de juges à la
présidence de telle enquête, parce que nous considérons
qu'un délai de deux ans est trop long et que le tout devrait se faire
dans un délai de six mois, lorsque la commission en
vient à la conclusion qu'il y a lieu de tenir une enquête.
Comme on le dit souvent, "justice delayed is justice denied". C'est là
la faille dans l'ensemble de nos opérations actuellement.
Le Président (M. Vaugeois): Merci, M. le juge. Nous avons
des questions à vous poser. En premier lieu, M. le député
de d'Arcy McGee.
Le cas particulier de Mme Sikiotis
M. Marx: M. le Président, l'autre jour, à
l'Assemblée nationale, je posais une question au ministre de la Justice
au sujet de Mme Voula Sikiotis qui aimerait devenir policier. Elle a
été refusée à l'Institut de police parce qu'elle
mesure seulement cinq pieds et deux pouces et demi et on exige cinq pieds et
trois pouces pour être policier. Pour les hommes, il faut avoir cinq
pieds et sept pouces. Elle a donc été refusée. J'ai
posé la question au ministre et il m'a dit: Vraiment, c'est injuste. Il
a dit que même la Commission de police a fait un rapport et il est
injuste de juger une personne d'après sa taille. Le ministre a aussi dit
qu'il changera le règlement en conséquence.
La deuxième question que j'ai posée au ministre tendait
à savoir ce qu'il allait faire avec cette femme. Le ministre a
répondu: C'est une autre paire de manches, pour elle je ne peux rien
faire. J'aimerais revenir sur ce dossier. Je comprends mal que le ministre de
la Justice - et je souligne le mot justice - trouve qu'il y a une
réglementation injuste, mais il va continuer de l'appliquer même
pour le cas de cette femme.
J'aimerais redemander au ministre s'il est du même avis ou si,
après deux semaines de réflexion, il trouverait des moyens pour,
non seulement faire changer le règlement, mais faire appliquer le
nouveau règlement pour Mme Sikiotis.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, il y a deux choses
à dire avant de donner la parole au juge Gosselin qui, sans doute, vous
entretiendra de la démarche de la Commission de police à cet
égard.
Quand on discute de réglementations de loi, quand on discute
notamment de ce ministère, il me semble que la rigueur et la
qualité des citations ou l'utilisation des mots est important. Je n'ai
pas affirmé en Chambre, contrairement à ce que vient de dire le
député, que votre réglementation est injuste. J'ai
simplement dit qu'elle était là et que certains groupes, depuis
un certain temps, avaient soulevé le fait qu'elle pouvait
peut-être avoir des effets descriminatoires. C'est très
différent.
C'est tout à fait dans son style habituel; derrière un
vocabulaire académique, le député de D'Arcy McGee dit des
énormités. D'abord, de ne pas citer les gens, puis, de faire des
choux et des raves avec n'importe quoi, et enfin de mêler une fois pour
toutes ou d'essayer de mêler les gens autant que les dossiers.
C'est peut-être parce que le député ne lit pas assez
attentivement la transcription du journal des Débats, ou peut-être
que la réponse réside dans le fait qu'il n'écoute jamais
les réponse qui lui sont données en Chambre, puisque tout ce qui
l'intéresse, c'est de poser des questions et d'obtenir des
réponses.
Sur la question du cinq pieds et trois pouces - du un mètre
quarante ou un mètre soixante - c'est un fait, j'ai eu l'occasion d'en
discuter avec le président de la Communauté urbaine de
Montréal, hier, à Montréal. Ce dernier s'intéresse
à ces choses, puisqu'à titre de président de la CUM, il
assume également des responsabilités à l'égard des
services policiers de la Communauté urbaine de Montréal qui sont
aussi très importants.
Une étude récente démontre qu'à New York, je
crois, il y a d'autres critères que ceux traditionnellement
utilisés du poids et d'une hauteur spécifiques, selon le sexe. Je
pense que c'est intéressant. C'est sans doute plus l'habitude et la
tradition qui ont amené les personnes à considérer qu'il
fallait mesurer tant et peser tant pour être policier. Cela,
peut-être, à une époque où le travail des policiers
était dominé par des efforts physiques, des situations où
ils devaient déployer une force physique, alors que le travail policier
est aujourd'hui tellement diversifié. Il présuppose une formation
importante chez les gens, de plus en plus importante avec le temps, un
raffinement des techniques et surtout une diversification des activités
absolument phénoménale. (11 h 45)
Dans ce contexte, dans la mesure où un certain nombre de
personnes disent que le critère objectif de la hauteur et du poids a
finalement une espèce d'effet discriminatoire à l'égard de
la condition physique des personnes, il m'apparaît effectivement opportun
d'examiner à nouveau toute cette question. Ce sont d'ailleurs des
travaux que la commission avait entrepris bien avant que l'on ne fasse
connaître le cas spécifique de la citoyenne dont on parlait tout
à l'heure.
Dans le cas de la citoyenne, ce que j'ai dit est très simple.
Avec tout le respect que je peux avoir pour ce qui lui est arrivé et le
fait qu'on l'ait évoqué publiquement dans la Gazette, on aurait
probablement pu avoir 600 autres cas dans la Gazette ce jour-là.
M. Marx: Je pense que c'était dans la Presse aussi.
M. Johnson (Anjou): Who cares? Dans
un journal d'importante distribution, on a évoqué un cas.
Ce cas d'espèce est une personne qui a été refusée
dans les forces policières à cause de l'application du
critère du poids et de la hauteur. C'est le règlement et c'est le
règlement qui s'est toujours appliqué. Il y a deux mois, il s'est
appliqué pour des centaines d'autres personnes; il y a six mois, pour
des centaines d'autres personnes et, depuis des années, à
l'égard de milliers de nos concitoyens.
Ce que me demandait le député de D'Arcy McGee, c'est de
dire: Pourquoi ne pas faire une exception pour cette citoyenne? Tant mieux si
on peut faire des exceptions pour les citoyens, mais le jour où cela
devient une injustice pour d'autres qui ont exactement connu cette situation et
qui auraient eu comme seul tort de ne pas aller faire une déclaration au
journal La Gazette, je pense que cela ne serait pas juste. Cela serait vraiment
injuste.
Cela dit, le critère est en révision. Je ne peux
préjuger et présumer, à ce stade-ci, de ce que sera la
recommandation et le projet de règlement de la Commission de police. Le
juge Gosselin nous en entretiendra dans quelques secondes. Mais je dis que nous
sommes prêts à considérer cela. Je ne peux présumer
comment seront traités les cas dits transitoires qui, encore une fois,
sont par centaines. C'est là la notion même d'évolution du
droit, des lois et des règlements.
M. le Président, peut-être que si on avait la gentillesse
de laisser au juge Gosselin l'occasion de s'exprimer.
M. Gosselin: M. le Président, je vais vous dire que nous
avons déjà entrepris des travaux dans ce domaine. Nous avons fait
distribuer des questionnaires, et nos travaux se font en collaboration avec
l'ancienne commission du service civil. Ces questionnaires sont examinés
par des ergométristes, dans le but d'en arriver à se dispenser
complètement de la taille. Il n'y aurait plus de taille minimale ou
maximale, mais il faudrait que le candidat puisse fournir les efforts
nécessités par le travail d'un policier, "job related" comme on
dit.
Dans le cas de cette personne, j'espère qu'elle a tout de
même les jambes assez longues pour atteindre les pédales du
véhicule, parce que les policiers sont appelés à conduire
des véhicules. Je ne sais pas ce que cela peut donner et les
spécialistes du domaine vont nous donner des réponses à
cela. Ce seraient plutôt des tests d'aptitude pour être en mesure
de répondre aux efforts requis de la part d'un policier qui seront mis
sur pied à l'avenir.
Évidemment, ce travail prend un certain temps. Selon ce qu'on me
dit, ce premier questionnaire doit être suivi d'un deuxième avec
un échantillonnage un peu plus large. Je pense que c'est au cours de
l'été que nous pourrons possiblement avoir des réponses
à ces questions.
M. Marx: Très bien. Premièrement, ils ont
changé les critères à Los Angeles, à New York et
à Toronto. Donc, ils n'ont pas trouvé cela tellement difficile.
Ils ont déjà fait cela il y a quelques années. Dans ces
villes, il n'y a pas de critère de taille. Si la taille et le poids
d'une personne sont proportionnés, elle pourra devenir policier. Les
faits discriminatoires ne sont pas seulement vis-à-vis des femmes ou le
cas de Mme Sikiotis. Les faits discriminatoires peuvent aussi arriver en ce qui
concerne les Asiatiques parce que je pense que la taille moyenne des Asiatiques
est moindre que celle des Européens. Étant donné que nous
avons de plus en plus d'Asiatiques au Québec, je pense que cela aura un
effet discriminatoire sur ces personnes qui aimeraient devenir policier.
Et aussi on parle beaucoup, à Montréal,
d'intégration des membres des groupes ethniques dans les forces
policières. Si l'on ne change pas les critères, on risque de ne
pas intégrer toutes les personnes qu'on aimerait intégrer. Il est
évident que le règlement n'était pas rédigé
d'une façon discriminatoire, c'est-à-dire qu'on a
rédigé un règlement et maintenant on voit que le
règlement a des effets discriminatoires, mais ce n'était pas
voulu.
Je pense que le cas de Mme Voula Sikiotis est un cas d'espèce qui
illustre le principe, parce que, lorsqu'on parle seulement d'un principe, ce ne
sera publié ni dans la Presse ni dans la Gazette, mais, si c'est
rattaché à une personne vivante, on voit quel en est l'effet.
Franchement, je trouve qu'il y a une différence entre le ministre
actuel et son prédécesseur. J'ai eu beaucoup d'occasions de
critiquer son prédécesseur, mais je dois dire publiquement que,
lorsque survenait un cas d'injustice touchant une personne et que je demandais
à M. Bédard d'intervenir, il est intervenu et il a
réglé le cas. Je peux vous donner un exemple, M. le
Président, où le ministre Bédard a même fait adopter
une loi, non pas un règlement, rétroactive dans cette commission
et à l'Assemblée nationale pour donner des droits à une
personne qui a voulu intenter une action contre un hôpital, la loi a
changé et tout. Le ministre a même fait adopter une loi
rétroactive pour donner raison à un citoyen qui se trouvait
devant une injustice.
En ce qui concerne Mme Sikiotis, il ne s'agit pas d'adopter une loi
rétroactive, quoique les lois rétroactives qui aient un effet
bénéfique vis-à-vis des citoyens soient toujours les
bienvenues. Ce n'est pas comme une loi rétroactive criminelle qu'il ne
faut jamais adopter. Mais, il ne s'agit pas ici
d'une loi rétroactive. Il s'agit de modification d'un
règlement ou d'une règle que tout le monde trouve plus ou moins
injuste. Que le ministre dise que le critère est un critère en
révision, bien, si un critère est en révision, qu'on
procède à la révision et que cela ne traîne pas
pendant des mois et des années. Le ministre a aussi dit, il me semble,
et j'essaie de traduire ses propos, que ce règlement s'appliquait depuis
des années, que ce règlement touche des centaines de personnes et
si l'on change maintenant le règlement pour Mme Sikiotis, qu'est-ce qui
va arriver à d'autres personnes qui se sont déjà vu
refuser l'admission soit à l'Institut de police ou à un corps de
police. Mais, si l'on change le règlement, M. le ministre, et si ces
personnes qui ont été refusées il y a quelques
années peuvent maintenant répondre aux critères actuels,
bon, on les acceptera aussi, c'est-à-dire que si l'on fait adopter le
nouveau règlement en faveur de Mme Sikiotis et à tous ceux qui
ont été refusés auparavant, je ne vois pas de
discrimination, ni de problème. Je trouve que le ministre agirait d'une
façon assez juste. J'espère que, en faisant la révision de
ce critère, on tiendra compte aussi qu'il y avait des personnes comme
Mme Sikiotis qui aimeraient devenir policier et qu'on fasse en sorte que ce
soit possible pour elles aussi de suivre le cours.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, le
député de D'Arcy McGee soulève une question qui est celle
de la balance des inconvénients dans l'application et dans un changement
en droit. S'il est vrai que Mme Sikiotis ne répond pas aux
critères actuels, il faut savoir aussi que Mme Sikiotis a
été avisée de ce cas le jour où elle est
entrée au cégep pour suivre ce cours.
M. Marx: Permettez-vous que je vous pose une question, M. le
ministre? Supposons qu'une femme, comme Mme Sikiotis, entre au cégep; on
lui dit: Vous devez avoir cinq pieds et trois pouces pour être
acceptée à l'Institut de police de Nicolet. Mais elle entre
à cinq pieds et deux pouces. Elle ne sait pas de combien de pouces elle
peut grandir durant son passage au cégep. Il y a ceux qui grandissent de
trois pouces, de six pouces et d'autres d'un pouce et demi. Elle a grandi, mais
il lui manque un demi-pouce, à la fin. Je pense que la raison...
M. Johnson (Anjou): M. le Président, les 1969
étudiants dans les cégeps, en technique policière,
faisaient face à la même règle. Et ce que nous demande le
député de D'Arcy McGee, c'est de considérer que les
milliers de personnes, qui se sont vu opposer le fait que, s'ils ne mesuraient
pas la hauteur prévue dans le règlement - qui doit être
changée d'ici un certain nombre de mois - ont dû aller faire des
études dans d'autres secteurs, parce qu'ils savaient que cela leur
interdisait un accès à ce métier, est-ce que ce serait
juste à leur égard... Je considère que, s'il est vrai que
la réalité de l'application des règlements doit laisser
place à des interprétations qui soient les plus humaines
possible, et surtout qu'elles ne laissent pas d'injustice, il faut,
néanmoins, être bien conscient que le jour où on change un
règlement de cette nature, il y a les effets qu'on lui connaît sur
toutes celles et tous ceux qui n'ont pas fait leur technique policière
parce qu'elles et ils savaient que ce critère s'appliquait. Est-ce que
ce ne serait pas de les traiter injustement?
M. Marx: II n'y a pas de...
M. Johnson (Anjou): Et si le député de D'Arcy McGee
nous dit qu'il croit que le cas de Mme Sikiotis doit donner lieu à non
pas une infraction, mais à une interprétation différente
du règlement ou une approche nouvelle, je lui dirai que cela est
impossible, tant et aussi longtemps que le règlement est ce qu'il est
aujourd'hui. Et que cette question ne pourrait se poser, quant à moi,
que le jour où le règlement est changé. On ne peut pas
anticiper et présumer du changement au règlement. C'est, en ce
moment, sous étude. Les tendances, l'histoire de ce qui se passe dans un
certain nombre de métropoles ou de villes importantes sur le continent,
l'apparence de conséquences discriminatoires du règlement tel
qu'il existe, pourraient nous amener à considérer, effectivement,
que le règlement a de fortes chances d'être modifié quant
à ce critère objectif. Mais tant et aussi longtemps qu'il ne
l'est pas, à mon avis, ce serait injuste à l'égard des
autres personnes qui postulent pour entrer dans les corps policiers que de
faire une exception pour une personne, à savoir Mme Sikiotis.
Encore une fois, la situation pourrait ne pas être la même
au moment où le règlement est changé. Mais, tant et aussi
longtemps que ce règlement existe, je ne vois pas au nom de quel
principe de justice on permettrait non pas un traitement juste d'une personne
mais ce qui deviendrait un passe-droit. Je pense que c'est une distinction que
le député de D'Arcy McGee fait bien.
M. Marx: Je pense que le ministre pourrait prendre la
décision, en principe, de changer le règlement. Il doit prendre
cette décision, aujourd'hui ou demain, afin que cela ne traîne
pas. Tout comme les décisions en matière fiscale, une fois que le
ministre des Finances décide d'une politique fiscale, même si le
règlement est adopté quelques mois plus tard, le règlement
a un effet rétroactif depuis le jour de sa décision.
(12 heures)
Tout ce que je souhaite, c'est que le ministre dise que le
règlement sera changé avant le mois de juillet, le mois
d'août ou le mois de septembre et que toute personne qui répondra
aux nouveaux critères soit admissible. Je ne veux pas qu'on fasse une
exception pour Mme Sikiotis. Je veux que le ministre change le
règlement, qu'il annonce ce changement et que celui-ci s'applique
à toute personne qui correspondra aux nouveaux critères.
C'est-à-dire quelqu'un qui a été refusé il y a sept
ans, s'il peut correspondre aux critères d'âge, de taille, de
poids, etc., qu'il soit aussi admissible, cela va de soi. Je pense que le
ministre ne doit pas tergiverser, passer de mois en mois et laisser les
personnes comme Mme Sikiotis sur la clôture. On ne le sait pas. Quand
sera-t-il changé? Est-ce qu'elle va devenir policier oui ou non?
Je lui ai parlé hier et j'ai été très
impressionné, parce qu'elle veut vraiment devenir policier, elle
travaille pour une compagnie privée de sécurité, je pense.
Il y en a d'autres dans la même position; et, comme on dit, il ne faut
pas "staller" l'affaire et dire qu'on va faire une autre étude, on va
voir... Que fait-on avec des lois ici? Quand on a une loi qui est
adoptée, on ne commence pas à zéro, on commence avec une
loi semblable qui a été adoptée ailleurs. Qu'on prenne les
règlements de Toronto, de Los Angeles et de New York, qu'on se fasse une
idée sur cela et, dans quinze minutes, on peut, en principe,
décider quoi faire. Après, on rédige un nouveau
règlement. Tout ce que je peux demander au ministre, c'est de faire
quelque chose. Si c'est son intention de ne pas bouger avant des mois ou des
années, c'est lui qui portera le fardeau de l'injustice dans le cas de
Mme Sikiotis et vis-à-vis d'autres personnes qui se trouvent dans la
même position.
Le Président (M. Vaugeois): M. le député de
Vachon.
M. Payne: J'allais poser la même question. Je pense que
c'est à point. Dans le cas de Mme Sikiotis, est-ce que le
député aurait lui-même accordé une dérogation
au règlement, d'une part? D'autre part, si on voulait régler le
problème - triste un peu de la demoiselle en question - parce que
moi-même j'ai répondu à certaines questions posées
sur les ondes à cet égard, voudrait-il que le règlement
soit rétroactif pour l'aider? S'il était rétroactif,
jusqu'à quel point cela aiderait les gens intéressés,
c'est-à-dire tous ceux qui viendraient par la suite? Pourquoi ne pas le
mettre rétroactif jusqu'à il y a un an, deux ans ou trois
ans?
M. Marx: Ce serait pour tout le monde.
M. Payne: II y a un certain manque de rigueur dans
l'argumentation du député. Pour chaque règlement, il faut
qu'il y ait un moment d'entrée en vigueur. Jusqu'à quel moment
voudrait-il qu'une telle rétroactivité entre vigueur?
M. Marx: Si j'étais ministre de la Justice, voici la
lettre que j'écrirais à Mlle Sikiotis: Chère madame...
Le Président (M. Vaugeois): C'est intéressant.
M. Marx: C'est en guise de réponse.
Le Président (M. Vaugeois): On va tout de suite savoir
à quoi s'en tenir.
M. Marx: J'ai étudié votre cas. Je trouve que les
critères sont injustes, en principe. Nous sommes en train de
réviser les critères. Ils seront révisés d'ici deux
mois et ce sera possible de poser votre candidature à l'Institut de
police de Nicolet dans deux mois parce que les critères seront
changés.
En ce qui concerne la rétroactivité, les nouveaux
critères seront applicables pour toute personne qui y correspond. C'est
toujours comme cela. Je ne vois pas de difficulté.
Je vais vous donner un autre exemple. Votre prédécesseur,
le ministre Bédard, a refusé de faire adopter une loi en ce qui
concerne l'étalage des revues pornographiques. Il a même fait dire
par son attaché de presse que les municipalités ont
déjà un tel pouvoir. Mais nous avons - c'est-à-dire
l'Opposition - convaincu le ministre des Affaires municipales de faire changer
la loi. Savez-vous, M. le ministre, que le ministère de la Justice, une
semaine plus tard, avait déjà rédigé un
règlement en ce qui concerne l'étalage des revues
pornographiques? Savez-vous pourquoi il a pris seulement quelques jours pour
faire cela? Parce qu'une réglementation semblable existe
déjà à Toronto et dans d'autres villes. Il a pris la
réglementation des autres villes; il l'a examinée et il a
rédigé un règlement excellent pour le Québec.
C'est la même chose pour les critères concernant les
policiers. On ne commence pas à zéro. On voit ce qui a
été fait ailleurs et on rédige un règlement ici.
Cela ne prend pas des mois et des mois, et des rapports et des rapports. Je
dirais aussi que, dans d'autres juridictions, quand il y a des lois à
rédiger, on va prendre des lois québécoises ou des
règlements du Québec, on va faire des études et un peu de
copiage, le cas échéant. Je pense que cela ne prend pas un
génie pour voir qu'on peut faire de telles modifications et de tels
changements de règlements, sans avoir des rapports à la
tonne. Je pense que cela se fait couramment dans votre ministère,
mais ce qui manque, c'est la volonté politique de votre part. Tout part
de là. Si vous alliez presser le bouton pour changer le règlement
des candidats qui posent leur candidature à l'Institut de police,
à Nicolet, ce serait fait dans les 24 heures. C'est à vous de
presser le bouton que vous voulez. Si vous ne pressez pas ce bouton, cela va
traîner des mois et des années. C'est à vous de
décider, soit aujourd'hui, soit dans les jours à venir. Je vous
assure, M. le ministre, que, si vous ne pressez pas le bouton, je vais revenir
à la charge sur cette question.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, deux choses. D'abord,
en ce qui concerne le règlement dont on parlait, ce que j'ai dit, je le
répète. J'ai eu l'occasion, d'ailleurs, de m'en entretenir avec
le député qui, tentant de régler un problème,
plutôt que d'en faire un plat, était venu me voir; je parle du
député de Laurier. Il est venu me voir avec le cas; je lui ai
fourni les documents et les conditions dans lesquelles cette
réglementation était en voie de cheminement. Je lui ai
donné également l'orientation générale que je
prendrais a priori, c'est-à-dire que j'avais de bonnes raisons de croire
que le règlement serait modifié sur les critères objectifs
de la grandeur et du poids. Et je lui ai dit que Mme Sikiotis pourrait postuler
comme d'autres. Le député de D'Arcy McGee, lui, a
décidé de jouer les héros. D'abord, il est allé
prendre le dossier de son collègue, d'une commettante, je crois, de son
collègue de Laurier. Deuxièmement, il a décidé de
faire les manchettes plutôt que de régler le problème.
Mais, c'est son tempérament et, on le sait, ce sont ses crises du
dimanche soir.
Par ailleurs, sur la question qui touche la pornographie, le
député a dit une chose inexacte, à moins que, là
aussi, il n'ait été distrait. Mais le Parlement a adopté
des modifications à la Loi sur les cités et villes, au Code
municipal ainsi qu'à la Charte de la ville de Montréal qui
permettent dorénavant à ces municipalités du
Québec, soumises à la Loi sur les cités et villes et au
Code municipal, ou à la ville de Montréal, d'adopter un
règlement en matière d'étalage de matériel
pornographique.
M. Marx: Oui, mais...
M. Johnson (Anjou): Mais, le député, M. le
Président..
M. Marx: ...j'ai dit cela...
M. Johnson (Anjou): ...si vous permettez, le député
nous présente une fois de plus en prenant des raccourcis, qui sont
étonnants de la part d'un homme qui a pratiqué une discipline de
rigueur à l'époque où il était à
l'université... Il dit des demi-vérités; il dit des choses
incomplètes, ce qui lui permet, comme d'habitude, de tenir un discours,
mais, à mon avis, de ne pas être très rigoureux dans
l'approche de ses questions.
M. Marx: M. le Président, je n'ai pas dit que
l'Assemblée nationale n'a pas adopté la loi sur l'étalage
des revues pornographiques. J'ai dit...
M. Johnson (Anjou): Vous avez dit cela textuellement. Vous lirez
les débats. Ne les faites pas corriger, à part cela. C'est cela
que vous avez dit.
M. Marx: Non. Si j'ai dit cela, il faut le corriger.
M. Johnson (Anjou): Bon! Ah!
M. Marx: J'ai dit que votre prédécesseur, le
ministre de la Justice, a refusé de parrainer un tel projet de loi en
faisant dire par son attaché de presse, dans un éditorial de la
Gazette, que les villes ont déjà ce pouvoir. Il a refusé
en disant: Ce n'est pas nécessaire, les villes ont déjà ce
pouvoir.
Nous avons convaincu le ministre des Affaires municipales de faire
amender les lois que vous avez mentionnées. L'exemple que j'ai voulu
citer est celui du ministère de la Justice qui a fait rédiger un
règlement type sur l'étalage des revues pornographiques. Cela
s'est fait très vite et d'une façon très efficace. Je
pense qu'il s'est grandement inspiré de la réglementation
à Toronto et peut-être ailleurs.
Je veux seulement dire que si le ministre a la volonté politique
de changer le règlement en ce qui concerne les policiers, cela pourrait
se faire en 24 heures, sinon en 12 heures. Mais, il faut une volonté
politique de sa part pour dire: Je veux que cette injustice soit
corrigée. Une fois qu'il aura poussé le bouton, la machine
démarrera et le règlement sortira. C'est très simple. Cela
se fait toujours ainsi. C'est au ministre de décider quel bouton il veut
pousser. J'aimerais poser une question sur un autre dossier.
Le conseil municipal et son corps policier
Le Président (M. Vaugeois): Je suis content de vous
l'entendre dire, car j'aimerais qu'on profite de la présence du juge
Gosselin pour explorer, dans le peu de temps qu'il nous reste, d'autres aspects
du travail de la Commission de police.
On va vous laisser vous reposer, M. le
député de D'Arcy McGee. J'aurais une ou deux questions
à poser au ministre sur cet aspect du travail de la Commission de police
qu'est la tenue d'enquêtes publiques. Vous devinerez un peu mon
intérêt particulier pour cet aspect du travail, encore que je ne
voudrais par me référer de façon spéciale à
l'enquête qui a eu lieu sur le corps policier de Trois-Rivières.
J'interviendrai plutôt à partir de ce que j'ai pu observer et mes
questions sont d'ordre plus général.
Pourriez-vous, M. le ministre ou M. le juge Gosselin, nous
décrire un peu quelles sont les responsabilités d'un conseil
municipal à l'égard de son corps policier? Que doit faire et que
peut faire un conseil municipal vis-à-vis de son corps policier? Quelles
exigences peut-il avoir? Doit-il en avoir? Quelle forme doivent prendre ces
exigences?
M. Johnson (Anjou): Les exigences de...
Le Président (M. Vaugeois): À l'égard de son
corps de police.
M. Johnson (Anjou): Au départ - je permettrai au juge
Gosselin d'ajouter un mot à cela - je suis sûr qu'il a beaucoup de
choses à dire à ce sujet, vu sa vaste expérience. Un des
problèmes, semble-t-il, de plusieurs corps policiers à
l'égard de la notion même de ce qui est l'employeur est de savoir
si c'est le chef du service de police qui est l'employeur d'un policier ou la
municipalité.
Ce n'est pas typique au Québec. C'est vrai. Le
député de D'Arcy McGee qui est un grand amateur de
télévision a sans doute vu l'émission W5 ou Fifth Estate,
en fin de semaine, qui évoquait le problème d'une citoyenne et de
ses deux enfants. Elle est veuve et ses enfants sont donc orphelins d'un
père tué par un policier dans un contexte de violence et de
brutalité peu commun. Ce drame s'est déroulé dans une des
municipalités de banlieue de Halifax. Quant au problème du
dédommagement de cette personne, à sa face même, il semble
y avoir une injustice, la municipalité ne se considère pas
responsable. Les professeurs spécialistes en droit administratif de
l'Université de Halifax qui participaient à cette émission
disaient que la municipalité et les policiers étaient
rigoureusement exacts en affirmant que la municipalité n'a pas de
responsabilité pour le geste commis par ce policier. (12 h 15)
II semble que ce problème existe aussi ailleurs. Il existe
également au Québec. À ma connaissance, il y a le cas au
moins d'un corps policier où je sais que ce problème existe en ce
moment. Qui est finalement celui qui assume le lien de préposition? Je
pense qu'aux yeux des citoyens, c'est évident que, lorsqu'un policier
agit, le citoyen a l'impression qu'il peut se retourner vers les élus
que forment son conseil municipal. Mais cela ne semble pas être
absolument et rigoureusement exact pour toutes sortes de raisons dont une qui
est la notion des agents de la paix. Le policier est agent de la paix 24 heures
par jour, même quand il n'est pas en fonction. Le problème de
préposition et de responsabilité de la personne en question en
dehors de ses fonctions est un problème extrêmement important,
puisqu'il est agent de la paix. On aurait tendance à dire que c'est le
ministère de la Justice qui assume une espèce de lien de
préposition, mais on voit tout de suite ce que cela représente
sur un territoire comme le Québec. Va-t-on avoir une armée de
fonctionnaires qui contrôlent ce que font les policiers parce qu'ils sont
agent de la paix en dehors de leurs heures de travail? Ce sont des
problèmes qui sont intrinsèquement reliés à la
nature et au statut de ce qu'est un policier, en vertu de nos lois. C'est le
genre de problème auquel on aura à faire face
éventuellement si on veut éviter des situations comme celle qui
était décrite dans cette émission. Nous sommes en ce
moment en voie de révision de certains codes de déontologie qui
touchent les policiers et qui vont toucher cette notion du lien de
préposition également.
Je vais peut-être laisser le juge Gosselin... Pour les fins de la
responsabilité, dans le cas de la sûreté, d'un policier
municipal ou d'un constable spécial qui ne cesse pas d'agir à
titre de préposé lorsqu'il agit en qualité d'agent de la
paix, pour les fins de l'application de cette partie de la
responsabilité, dis-je, c'est le Procureur général qui est
responsable. Le Procureur général, pour les fins de cet article,
est réputé l'employeur du policier municipal qui agit en
qualité d'agent de la paix sur le territoire et qui n'est pas soumis
à la juridiction du corps policier de la municipalité qui
l'emploie... Théoriquement, c'est cela. Sauf que la pratique de cela, on
le voit tout de suite, pensez-vous qu'à Trois-Rivières,
concrètement, où ces choses se passaient, le pouvoir du ministre
de la Justice était autre chose qu'un pouvoir d'appréciation de
l'ensemble? Le mode d'intervention du ministre de la Justice au-delà des
cas particuliers et de la responsabilité des individus, c'est
l'appréciation des responsabilités de ce corps policier et
l'instrument dont le ministre et le Procureur général dispose
pour faire cela essentiellement, c'est la Commission de police.
Le Président (M. Vaugeois): Le sens de ma question, M. le
ministre, c'est d'essayer de mieux dégager le niveau de
responsabilité des élus vis-à-vis du comportement ou des
actions d'un corps policier. La Loi de police ou un document qu'on m'a
présenté comme la Loi de police invite sinon fait obligation
à
un conseil municipal d'établir ces exigences vis-à-vis de
son corps policier. Il est même prévu qu'un conseil municipal
puisse se dire insatisfait du chef du corps policier et il y a des moyens
prévus pour le renvoyer - les moyens d'ailleurs sont rares - je les ai
admirés, parce qu'on protège un chef de police; la
procédure est assez difficile, mais elle est possible. Ce qui indique
qu'il y a une responsabilité des élus municipaux sur un corps
policier. Également, on sait comment fonctionnent les services
municipaux. En pratique, si le chef de police a une attitude intransigeante ou
rigoureuse ou correcte quant à l'application des règlements, on
sait que les citoyens auront tendance à en appeler au maire. S'il
arrivait que le maire donne des instructions différentes à
l'adjoint du chef de police, comment dégagez-vous à ce moment le
niveau de responsabilité? Je pose la question de façon
théorique. Je ne voudrais pas que les références que je
fais aient l'air de s'appliquer à un cas en particulier. Bien que,
progressivement, j'y viendrai peut-être à la fin. Mais pour
l'instant, je voudrais comprendre un peu le contexte général du
niveau de responsabilités des uns et des autres.
M. Johnson (Anjou): C'est vrai pour une centaine de
municipalités au moins. 180 municipalités. M. le juge.
M. Gosselin: La loi répond aux questions que vous vous
posez. Toute municipalité a des pouvoirs à l'égard de son
corps policier. Elle peut y dicter des normes relatives à la discipline,
elle peut pourvoir à l'organisation et à de
l'équipement...
M. Johnson (Anjou): C'est toujours...
M. Gosselin: ...et au maintien... sous réserve des
règlements qui pourraient être adoptés par la commission
dans les matières sur lesquelles la commission est habilitée
à le faire. Les normes d'embauche sont un sujet sur lequel la commission
était apte à adopter un règlement et elle l'a fait.
Si on retourne quinze ans en arrière, dans la majorité des
municipalités, il n'y avait pas de règlement pour édicter
des normes d'embauche. Cela variait d'une municipalité à l'autre.
Il n'y avait pas de normes scolaires minimales et n'importe qui pouvait, du
jour au lendemain, devenir policier. On lui remettait un uniforme, un revolver,
une "badge", puis le gars était policier.
On a édicté des normes, comme M. Marx le disait. On a
aussi été inspiré par ce qui existait ailleurs, puis on a
réalisé à un moment donné que la question de
grandeur devait être révisée et que le candidat devrait
plutôt répondre aux efforts physiques qu'il est appelé
à faire, qu'on puisse avoir des tests pour répondre à
cela.
Quant à la responsabilité du directeur de police, la loi
dit que tout corps de police municipale est sous la direction d'un directeur
qui le commande. À prime abord, on verrait très mal qu'un conseil
municipal puisse aller donner des directives à l'adjoint, contredisant
ou court-circuitant le directeur de police, parce que c'est lui qui a la
responsabilité de l'opération policière. Mais,
administrativement, le directeur de police doit répondre à son
conseil. En matière d'achat d'équipement, il lui faut suivre la
politique édictée dans la municipalité. Il passe par le
gérant, etc.
Quant à l'opération policière, c'est laissé
au directeur. D'ailleurs, la loi a été modifiée pour dire
que le gérant de la municipalité n'avait pas accès aux
dossiers d'enquête criminelle, à tout ce qui concernait une
enquête criminelle. Même dans les rapports mensuels ou annuels qui
sont transmis par le directeur de police à son conseil municipal, il ne
peut inclure des renseignements qui soient de nature à identifier le
contenu ou des suspects dans une enquête criminelle.
Le Président (M. Vaugeois): Dans quels cas un conseil
municipal peut-il destituer un chef de police et quelle est la procédure
prévue?
M. Gosselin: La procédure prévue, c'est qu'il doit
avoir des motifs et il doit adopter une résolution à la
majorité absolue des voix des membres du conseil. Une fois cette
décision prise et le directeur destitué, si la décision
est prise par la municipalité sans qu'elle donne suite à une
recommandation de la commission, l'appel vient devant la Commission de police.
Si la décision est prise par la municipalité à la suite
d'une recommandation de la commission, l'appel est logé devant trois
juges de la Cour provinciale. Depuis des modifications à la loi qui sont
en vigueur depuis le 1er juin 1980, il n'y a eu qu'un seul cas d'appel de cette
nature devant trois juges de la Cour provinciale.
Le Président (M. Vaugeois): M. le ministre, comme citoyen,
j'ai observé un peu l'application de cet aspect de la Loi de police et
il me semble que, puisqu'on donne aux élus municipaux la
possibilité de destituer éventuellement un chef de police, il
faudrait également les inviter sinon leur faire obligation
d'établir des exigences vis-à-vis de leur corps policier pour
qu'on sache sur quelle base on exige et on évalue.
Il y a l'opinion publique qui est toujours très sensible à
ce qui se passe au niveau des comportements des corps policiers. C'est une des
forces assez terribles d'ailleurs de la commission quand elle tient des
enquêtes
publiques. Je suis frappé de constater la disproportion et le
déséquilibre qu'il peut y avoir entre l'impact qu'a
l'enquête publique... d'ailleurs, généralement elle fait
suite à une enquête privée; donc, on sait un peu où
on s'en va. Mais l'impact est considérable. Je vois le
déséquilibre entre la force de cet impact pour le jugement de
l'opinion publique qui, lui, est énorme sur les gens qui sont mis en
cause comparativement aux pouvoirs réels de la commission qui,
finalement, se contente de faire des recommandations... Je pose la question, M.
le ministre.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, c'est le
problème qui vient avec toutes les activités des commissions qui
ont des pouvoirs qui sont l'équivalent des pouvoirs de la commission, ce
qu'on appelait traditionnellement les commissions royales d'enquête.
D'ailleurs, en Ontario, on a exactement ce problème en ce moment avec
une commission qui enquête sur le décès de 36 ou 39 enfants
dans un hôpital pédiatrique où, pour toutes sortes de
raisons, on croit qu'il y a là une chose étonnante qui
mérite une investigation. On a vu l'étalement sur la place
publique que représentaient les témoignages des
différentes infirmières de la perception que cela crée
dans l'opinion publique, d'une culpabilité a priori d'un certain nombre
de personnes ou de leur compétence qui est mise en doute. Il aura fallu
une décision de la Cour suprême de l'Ontario, il y a quelques
jours, pour interdire au commissaire de révéler son opinion quant
au lien de culpabilité qui existait, quant à la notion de
culpabilité qui pourrait exister à l'égard de certaines
personnes compte tenu de leur participation aux activités qui ont
été décrites devant la commission.
Je reste convaincu que la meilleure garantie pour les citoyens comme
pour le fonctionnement de la justice, du cheminement adéquat du respect
des droits des citoyens et la réponse à des activités
illicites ou criminelles, ce sont les institutions dont nous nous sommes
dotés qui sont les corps policiers, le jugement des procureurs de la
couronne, au moment où ils doivent de la suffisance de la preuve, de
l'opportunité et, évidemment, de l'exécution par nos
tribunaux de leur responsabilité... c'est-à-dire porter des
jugements à partir de la preuve qui leur est soumise et de la
"contre-preuve". Cependant, il y a des situations exceptionnelles.
La Commission de police, en ce sens, a un mandat qui heureusement est
beaucoup plus large que celui de n'enquêter que dans des situations
présumées troublées ou comprises ainsi au départ.
Le travail quotidien qui est fait à la commission, c'est un travail du
maintien, de l'équilibre et du respect des grands principes comme des
dispositions qu'on retrouve dans la Loi de police, c'est-à-dire
l'organisation des corps policiers, le respect d'un certain nombre de
critères par les organisations policières quant à
l'embauche, quant au fonctionnement, quant au déploiement des ressources
et également la protection des individus. Il faut voir qu'il y a un
autre versant à cela. La Commission de police,
régulièrement, enquête sur des plaintes qui sont faites par
les citoyens quant aux traitements qu'ils ont reçus de la part d'un
policier et la commission fait des recommandations dans ces circonstances.
Maintenant, je dirai que je ne suis pas sûr que c'est en soi la
loi et la façon avec laquelle la commission exerce ses pouvoirs qui
génèrent cela. En tout cas, ce n'est sûrement pas elle
exclusivement. C'est aussi le traitement que les populations locales y
accordent et l'intérêt qu'elles y apportent à partir de
l'intervention et des rapports qu'en feront les médias. Il est bien
évident que lorsque la Commission de police arrive dans une
municipalité, que ce soit à Trois-Rivières ou ailleurs,
cela ne passe pas exactement inaperçu et cela devient la nouvelle
quotidienne. Cela devient aussi un intérêt quotidien pour les
citoyens, les médias, et là se tirent dans la nature constamment
des gens avec des déclarations, des opinions, des jugements qui portent,
des lignes ouvertes, puis le reste. Je ne pense pas qu'on doit, en soi,
blâmer la loi ou la Commission de police de voir qu'il y ait tel
résultat. Alors, que font-ils? Ils accomplissent leur devoir, mais dans
la mesure où cela est public et connu, ce n'est plus entre leurs mains
que de savoir quel traitement sera fait de cette information, non seulement par
les médias mais par les différentes personnes à
l'intérieur de la communauté. Or, pour l'essentiel, je dirai que
s'il est vrai qu'il semble y avoir une disproportion entre l'impact public et
la réalité de ce qui en ressort au niveau des recommandations, il
n'en demeure pas moins que c'est un instrument important à mes yeux,
mais qui doit être utilisé avec beaucoup de parcimonie. (12 h
30)
Le Président (M. Vaugeois): Un petit commentaire, M. le
ministre. Quand on siège depuis un certain temps dans ce parlement, on
est un peu frappé du niveau qu'on continue de maintenir à la
responsabilité ministérielle. On veut entretenir encore
l'idée que les ministres sont responsables de tout. Ici, c'est le
modèle qu'on a. Quand on assiste à une enquête de ce type,
c'est le contraire. Il n'y a pas d'élus responsables de quoi que ce
soit. Il y a des individus qui écopent ou semblent écoper d'une
responsabilité extrêmement large. Je voulais signaler les
extrêmes que suggèrent ces deux points de référence
et terminer en évoquant
que les pouvoirs actuels n'ont pas d'effets toujours à toute
épreuve. Je pense qu'il n'est pas inutile de revenir au cas de
Trois-Rivières pour rappeler ceci. Nous avons fait l'objet en 1968,
1969, 1970, d'une enquête publique importante et, dix ou douze ans plus
tard, c'était à reprendre et essentiellement pour les mêmes
problèmes. Je trouve qu'il y a là une leçon à
tirer. Ce n'est pas le temps, aujourd'hui, mais je l'ai évoqué
après ma première question en essayant de voir un peu ce que la
Loi de police exigeait des conseils municipaux. Il y a des choses qui sont
devant les tribunaux d'ailleurs, à ce moment-ci. Il me semble que ce cas
devrait nous amener à faire une dévaluation des effets que peut
avoir une telle enquête. Finalement, j'oserais dire que l'enquête
de 1968, 1969, 1970 a préparé la situation qu'on a
réévaluée à l'occasion d'une enquête en
1981-1982, elle a créé le contexte favorable à des
problèmes majeurs qui a provoqué une deuxième
enquête alors que cette deuxième enquête n'a pas voulu
retourner sur les terrains de la première enquête. Il me semble
que, quand tout sera retombé, quand les tribunaux auront rendu un
certain nombre de jugements, on pourra en parler plus facilement et
réévaluer tout cela.
M. Gosselin: II faut dire que les faits qui ont été
examinés dans la deuxième enquête n'étaient pas les
mêmes que dans la première. La direction n'était plus la
même à ce moment-là. Les faits étaient survenus
subséquemment à la première enquête.
Le Président (M. Vaugeois): M. le ministre, notre temps
est épuisé ou presque. Je rappellerai seulement une chose: un des
détectives-enquêteurs de la première enquête est mort
de façon mystérieuse et on n'a jamais clarifié cela.
M. Marx: ...
Le Président (M. Vaugeois): Mais là, on mêle
les cartes.
M. Johnson (Anjou): Si vous me le permettez, M. le
Président, et si mon collègue le permet puisqu'il a laissé
entendre un certain nombre de choses, je voudrais simplement faire une petite
énumération: Loi sur les coroners, quatre chapitres du Code
civil, modification à la Cour provinciale quant à sa judiriction,
à la Cour des petites créances quant à sa juridiction en
matière fiscale, à la Cour provinciale également au sujet
des taux d'intérêt, réforme de la Loi sur les permis
d'alcool, modification à la Charte des droits et libertés,
protection de la jeunesse, réforme de la Loi de police, Loi sur les
alternatives à l'emprisonnement pour cause d'amendes, création du
Conseil de la magistrature, création du recours collectif et
création du fonds d'aide au recours collectif, Loi sur le civisme, Loi
sur les libérations conditionnelles avec création de la
Commission de libération conditionnelle, Loi sur les perceptions des
pensions alimentaires, création du Conseil de sécurité
publique, programme sur les travaux rémunérés en milieu
carcéral et création du Bureau de la protection civile...
M. Marx: Ce ne sont pas des annonces publicitaires.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, c'est parce que le
député laissait entendre...
M. Marx: Annonces publicitaires.
M. Johnson (Anjou): ...qu'il y avait eu une certaine
pauvreté législative à la Justice depuis cinq ans.
M. Marx: J'ai une question à poser. Premièrement,
je veux dire... Il y a beaucoup de lois que nous avons réclamées,
beaucoup de changements dans les lois que nous avons réclamées.
On vous félicite pour avoir suivi nos recommandations. J'ai juste deux
questions assez brèves. Premièrement, quant à la
Commission d'enquête sur le crime organisé, j'ai lu dans les
journaux qu'on a dit que le ministre Pierre-Marc Johnson entend respecter les
engagements de son prédécesseur. Je ne sais pas ce que cela veut
dire, parce que le ministre Bédard a toujours dit des choses comme: je
vais fermer Parthenais, mais il a donné la date une fois et après
cela il a pris l'engagement sans jamais donner de date. Donc, on ne peut jamais
dire s'il a rempli son engagement ou non. En ce qui concerne la CECO, est-ce
que le ministre entend respecter l'engagement de son prédécesseur
et d'abolir cette commission d'enquête à la fin de son mandat, le
30 juin 1984?
M. Johnson (Anjou): Comme le député de D'Arcy McGee
le sait, la CECO est un banc de la Commission de police du Québec qui,
en ce moment, a un mandat qui est très spécifique dans un domaine
particulier d'enquête. La question, ce n'est pas de savoir si on abolit
la CECO, c'est de savoir si on lui donne d'autres mandats spécifiques.
Pour le moment, je n'ai pas l'intention de lui demander d'exécuter des
mandats spécifiques.
M. Marx: Le décret du gouvernement a donné un
mandat à la CECO jusqu'au 30 juin 1984. Est-ce que ce sera la fin de ce
mandat ou si le ministre envisage de donner un autre mandat à la CECO?
Je pense que c'est une question simple. Si le ministre est pour me dire...
M. Johnson (Anjou): M. le Président, il
me semble que je viens de répondre très simplement.
M. Marx: C'est quoi, oui ou non? On va voir!
M. Johnson (Anjou): J'ai dit, M. le Président, que, pour
le moment, je n'entretiens pas de projet de mandat pour la CECO. Il me semble
que c'est clair.
Une voix: Oui, oui.
M. Marx: Donc, on va revenir à la charge le 15 juin, pour
vous poser la question quand ce sera...
Une dernière question. En ce qui concerne les policiers. Depuis
1977, est-ce qu'on a déjà fait une exception pour une personne
qui n'avait pas la taille requise pour être policier, c'est-à-dire
pour une femme de cinq pieds et trois pouces et pour un homme de cinq pieds et
sept pouces? À -t-on jamais fait une exception, c'est-à-dire
a-t-on déjà admis quelqu'un à l'Institut de police de
Nicolet?
M. Johnson (Anjou): Selon ce que le président de la
commission me dit, en ce qui concerne la commission, jamais; en ce qui concerne
le ministère, donc la Sûreté du Québec, en principe,
non plus. Ce qui pourrait arriver, c'est que, à Nicolet, un corps
municipal ait décidé de passer outre à la
réglementation et d'accepter un candidat.
M. Marx: Est-ce que, avant que je pose la question au ministre en
ce qui concerne le cas de Mme Sikiotis, le ministre était en train de
prendre la décision de l'admettre à l'Institut de police de
Nicolet?
M. Johnson (Anjou): Ce que j'ai dit, c'est que j'ai transmis au
député qui m'a parlé de ce cas, avec beaucoup de
précision et beaucoup de rigueur, avec les faits et pas seulement les
perceptions, que ce vers quoi nous nous dirigions, c'était sans doute,
à assez court terme, une modification de la réglementation quant
aux critères du poids et de la taille, et que, dans ces circonstances,
la personne, ayant son diplôme en technique policière, pourrait,
si le règlement est changé, postuler, mais sans présumer
de son acceptation pour d'autres raisons.
M. Marx: Donc, je ne vois pas ce que mon intervention à
l'Assemblée nationale a changé dans vos propos.
C'est-à-dire que vous dites au député la même chose
que ce que vous m'avez dit en Chambre, mais vous avez laissé entendre
que mon intervention a peut-être nui à Mme Sikiotis.
M. Johnson (Anjou): C'est parce qu'il laissait entendre que le
traitement était un traitement injuste à l'égard d'une
personne, alors que ce sont les effets d'une réglementation à
l'égard de milliers de personnes.
M. Marx: C'est cela. Mais ma question à l'Assemblée
traitait l'ensemble des personnes, pas seulement elle. J'ai utilisé Mme
Sikiotis comme l'exemple de ce traitement injuste.
M. Johnson (Anjou): Alors, à ce moment-là, ce
serait sûrement une très bonne idée qu'on relise tous les
deux le journal des Débats.
M. Marx: Oui, on va le faire. Mais...
Le Président (M. Vaugeois): Écoutez, M. le
député...
M. Marx: D'accord.
Le Président (M. Vaugeois): ...une dernière
petite...
M. Marx: Non, non.
Le Président (M. Vaugeois): ...parce qu'on va se
revoir.
M. Marx: C'est cela.
Le Président (M. Vaugeois): Bon.
M. Marx: M. le Président, j'aimerais souligner que nous
avons commencé quinze minutes en regard et nous avons rattrapé
dix minutes. Donc, il nous reste...
Le Président (M. Vaugeois): Bon.
M. Marx: ...cinq minutes à rattraper à un autre
moment.
Le Président (M. Vaugeois): Est-ce que nous pouvons
considérer que nous avons terminé la partie concernant la
Commission de police du Québec?
M. Marx: La Commission de police du Québec, oui.
M. Johnson (Anjou): Le programme 14 est adopté, M. le
Président.
Le Président (M. Vaugeois): Cela n'exclut pas que nous
puissions reparler des corps policiers. Ce qui est au sommaire des
dépenses de transfert, c'est de la compétence du
ministère.
M. Johnson (Anjou): Oui, oui.
Le Président (M. Vaugeois): D'accord.
M. Johnson (Anjou): Mais quant au programme 14, en ce qui
concerne la Commission de police du Québec, on vous saurait gré
que ce soit adopté.
M. Marx: Oui, en ce qui concerne le président de la
commission; de toute façon...
Le Président (M. Vaugeois): Oui. Nous en profiterons pour
le remercier de sa participation.
M. Gosselin: Je voudrais vous remercier, M. le Président,
M. Johnson, M. Marx et tous les membres de la commission d'avoir bien voulu
m'accueillir. Je vous remercie.
Le Président (M. Vaugeois): Merci. Nous ajournons nos
travaux sine die.
(Suspension de la séance à 12 h 35)
(Reprise de la séance à 15 h 17)
Le Président (M. Vaugeois): La commission des institutions
reprend ses travaux conformément à un ordre de la Chambre pour
procéder à l'étude des crédits du ministère
de la Justice.
M. le ministre, si vous étiez d'accord, nous essaierions d'avoir
un peu d'ordre cet après-midi, profitant de la présence d'un
membre de l'Opposition qui s'est éloigné momentanément de
l'héritage de ses ancêtres pour entreprendre l'étude du
programme 1.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, nous sommes
prêts à répondre aux questions s'il y en a.
Formulation de jugements
Le Président (M. Vaugeois): Est-ce qu'il y en a sur le
programme 1. Formulation de jugements?
M. Polak: Non.
M. Johnson (Anjou): Cela va.
M. Polak: Cela va pour le moment. Sous réserve,
peut-être que M. le député de D'Arcy McGee reviendra sur
cela demain matin. Mais nous ne posons pas de questions sur cela.
M. Kehoe: Je demande au ministre s'il a des remarques à
faire en général sur le programme 1 pour commencer.
M. Johnson (Anjou): Très peu, par définition, dans
la mesure où formulation de jugements, c'est le programme quant aux
traitements des juges pour l'essentiel.
M. Kehoe: Et l'augmentation qu'il y a eu aux crédits sur
ce programme?
M. Johnson (Anjou): Oui.
M. Kehoe: Cela provient d'où? Quelles en sont les
raisons?
M. Johnson (Anjou): Nombre de juges, pour l'essentiel, attendez,
je vous donne cela. Les effectifs autorisés: 263 postes de juge, 3
postes au Conseil de la magistrature. Les augmentations sont de l'ordre de 1
484 000 $ au total qui résultent principalement de la révision du
traitement et des contributions au régime de retraite des juges.
M. Kehoe: Le nombre de juges qui occupent des postes autres que
juges de la Cour provinciale ou à la magistrature - je parle surtout du
Tribunal de l'expropriation et des autres tribunaux administratifs
-pourriez-vous nous indiquer le pourcentage ou le partage entre les deux?
Est-ce que la plupart des 263 juges qui sont à la Cour provinciale sont
au poste de la Cour provinciale? Quel pourcentage sont à des cours
administratives?
M. Johnson (Anjou): On va vous donner cela tout de suite. Je les
ai par prénoms, si vous voulez. À la Cour provinciale, sur 263
juges, il y a 263 postes de juge, trois postes au Conseil de la magistrature.
Sur 263 juges, il y en a 160 à la Cour provinciale, 72 à la Cour
des sessions, 43 au Tribunal de la jeunesse. Cela fait 275 qui sont... C'est un
problème de réconciliation des données. Je viens de vous
dire qu'il y en a 263 et j'en énumère 275. Attendez. De ce
nombre, douze juges sont affectés à titre de président ou
de membre de différentes commissions et régies.
M. Kehoe: Est-ce que cela a augmenté durant l'année
courante? Est-ce toujours ainsi? Est-ce qu'il y a eu d'autres commissions qui
ont été formées cette année?
M. Johnson (Anjou): Non.
M. Kehoe: C'est le même nombre que l'année
passée?
M. Johnson (Anjou): C'est cela. Il n'y en a pas eu d'autres cette
année. Il y en a eu il y a quelques années, mais non pas cette
année.
Le Président (M. Vaugeois): Le programme 2.
M. Polak: Oui.
Le Président (M. Vaugeois): Oui. M. le
député de Sainte-Anne.
Soutien administratif: délais devant les tribunaux
M. Polak: M. le Président, je ne sais pas si le ministre
réalise qu'aujourd'hui, c'est la journée du droit. Cet
après-midi, on change peut-être un peu de style parce que le
député à côté de moi et moi-même sommes
deux praticiens membres du barreau. On a un droit de parole régulier et
on souligne souvent le côté théorique. On voudrait toucher
un peu plus le côté pratique en ce qui regarde le ministère
de la Justice.
Quand je vois le programme 2, je crois que le problème des
délais d'audience devant les tribunaux tombe sous cette rubrique. Si ce
n'est pas cela, on peut prendre un autre sujet, mais, en tout cas, je voudrais
en parler. J'imagine que cela tombe sous le numéro 2: Soutien
administratif.
Précisément, dans le journal du barreau que nous avons
tous reçu la semaine dernière et qui nous parle aussi de cette
journée du droit, on parle de délais. Évidemment, je fais
référence surtout à la situation à Montréal
parce que c'est là que je pratique le droit depuis au-delà de 20
ans. Je cite seulement cet article: II est de notoriété publique
que le corridor d'un palais de justice résonne des critiques, des
commentaires parfois fort désobligeants de la part des avocats et
surtout de leurs clients sur le retard dans les auditions.
M. Johnson (Anjou): Sur le...
M. Polak: Sur le retard dans les auditions. Le justiciable
perçoit trop vaguement parfois les malaises intenses qui, depuis
quelques années, sont le lot quasi quotidien de rapports entre la
magistrature et le gouvernement chargé de fournir les services et le
support administratif indispensable au bon fonctionnement d'une cour de
justice.
Il y a eu une étude et même un colloque dernièrement
de l'Association du barreau canadien et on a noté - je veux seulement
citer quelques chiffres - qu'au 31 octobre 1983 - là, je parle du
district de Montréal - en Cour supérieure, il y avait 9560 causes
en attente, que les délais d'audition d'une cause variaient de 7 mois,
pour les causes urgentes, jusqu'à 89 mois. Calculez cela, M. le
Président; cela veut dire qu'il peut prendre jusqu'à sept ans
pour qu'une cause soit entendue, une cause ordinaire en Cour supérieure
qui dure de trois à neuf jours. Pour les autres causes, les
délais varient entre 30 mois et 45 mois. Donc, l'article décrit
une situation comme étant désastreuse et que je qualifierais de
scandaleuse.
Je lis encore l'article: La situation est telle que la
possibilité d'aller en cour devient un privilège et non plus un
droit. Ensuite, une recommandation voulait qu'aucune cause ne devrait
être inscrite au rôle si elle n'est pas prête à
être entendue le lendemain.
En ce qui concerne votre ministère - je comprends que vous
pourrez répondre, cela ne relève pas tout à fait du
ministère de la Justice - des suggestions ont été faites,
par exemple, que des amendements soient apportés au Code de
procédure civile de façon à permettre plus
fréquemment la preuve par affidavit et l'interrogatoire hors cours de
témoins qu'il n'est pas nécessaire d'interroger en cour. On cite
l'exemple d'un gérant de banque qui témoigne sur les états
bancaires d'un individu. Sa présence en cour n'est certainement pas
indispensable. On dit: Modifiez le Code de procédure civile pour qu'une
telle personne puisse être entendue en dehors de la cour, soit par preuve
par affidavit ou interrogatoire en cour.
Ensuite, il y a une suggestion de la part du barreau: que des
amendements soient apportés aux articles 294, 401, 402 et 403 du Code de
procédure civile.
Ici, M. le Président, il y a des suggestions pratiques où,
par des amendements au Code de procédure civile, on pourrait prendre des
mesures qui pourraient rectifier cet état désastreux et
même scandaleux. Finalement, on pose cette question. Ce n'est pas moi qui
soulève cela pour la première fois, sans doute que mon voisin qui
pratique dans le district de Hull va parler de son expérience, mais on
cherche vraiment une réponse, non pas vague, mais positive. Qu'est-ce
que les ministères s'apprêtent à faire étant
donné qu'il y a des suggestions faites par le barreau depuis longtemps
qui ne coûtent pas tellement d'argent, mais plutôt un changement
d'attitude pour faire quelque chose et changer de situation?
Le Président (M. Vaugeois): Est-ce que M. le
député de Vachon veut apporter un complément à
cette question?
M. Payne: Non.
Le Président (M. Vaugeois): M. le ministre.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, j'apprécie que
le député de Sainte-Anne nous demande d'évoquer un peu ce
qui a été fait dans ce domaine ou ce qui pourrait être
fait. C'est très clair, oui il y a un problème de délais
à la Cour supérieure, à Montréal en particulier.
Les chiffres qu'il a cités sont à peu près ceux qu'on
retrouve. J'en ai
quelques-uns qui sont un peu plus récents, mais qui concordent
pour l'essentiel à ce qu'il disait. Encore faudrait-il distinguer dans
les causes quant au nombre de jours d'audition pour les délais et le
fait qu'il s'agit de causes urgentes ou pas. Si on prend pour l'année
1983, je ne parle pas du comparatif, les causes urgentes d'une journée,
sept mois, mais c'est passé de neuf à sept mois en l'espace d'un
an, les causes de deux jours sont passées de treize à six mois,
les causes de trois jours et plus ont connu une augmentation importante de
treize à 24 mois; par contre, les causes de dix jours d'audition, qui
sont assez exceptionnelles, sont passées de quatorze mois à six
mois pour être entendues. Dans le cas des causes ordinaires, de toute
évidence, à l'exception des causes de deux jours, il y a eu une
augmentation des délais qui est reliée au phénomène
des vases communicants. Qu'est-ce que vous voulez, quand vous nettoyez des
causes de quatre jours d'audition, c'est un peu inévitable. Vous allez
augmenter les délais dans d'autres causes. C'est un peu ce qui s'est
produit dans le cas des causes ordinaires pour les deux jours d'audition et
plus, parce qu'il y avait eu "blitz" qui avait été fait, et qui
sont passées de 80 à 45 mois, ce qui est déjà une
amélioration. Cependant, les causes de trois jours et plus, disons de
dix jours et plus, sont passées de 17 à 30 mois d'audition. Donc,
il y a une certaine amélioration pour certaines catégories de
causes.
Il s'agit maintenant de voir ce problème comme pouvant
connaître des solutions à trois niveaux. Le premier niveau, c'est
un niveau administratif; le deuxième, c'est un niveau législatif;
et, le troisième, c'est quelque chose d'un peu plus compliqué,
qui s'appelle la pratique et l'utilisation qu'on fait de la pratique du
droit.
Au niveau administratif, il y a, en ce moment - nous avons
approuvé cette demande du juge Gold, il y a quelques semaines à
peine - une dizaine d'anciens bâtonniers qui, dans le cas de
Montréal, préparent l'audition des causes, appellent les parties,
les font venir et, un peu à l'amiable, on s'arrange pour bâtir un
dossier, pour faire l'équivalent, plus ou moins, de la conférence
préparatoire prévue dans le Code de procédure civile, ce
qui permet, effectivement, de faire un bon nettoyage et, disons-le, de mettre
de la pression sur les avocats qui, dans certains cas, peuvent rechercher des
délais, pour toutes sortes de raisons, et de s'assurer que, au dossier,
on a les expertises, les certificats nécessaires, et que le certificat
d'état, dans le fond, corresponde à quelque chose de bien concret
plutôt que juste une occasion de savoir si on va marquer tant de jours
d'audition, pour savoir si on va gagner ou pas des délais. (15 h 30)
Deuxièmement, il y a, également, un juge à
Montréal qui, depuis l'arrivée du juge Gold, s'emploie à
faire ce qu'on appelle le nettoyage des causes de deux jours d'audition.
Troisièmement, le juge en chef a rappelé quatre juges, qui
siégeaient dans certaines régions, où, pour une raison ou
pour une autre, les délais étaient plus que raisonnables, pour
qu'ils donnent un coup de main à Montréal, effectivement, pour
entendre un certain nombre de causes et en préparer un certain
nombre.
C'est la dimension administrative. C'est en bonne voie, je pense. Et le
juge en chef de la Cour supérieure, le juge Gold, qui, on le sait,
à l'époque où il était à la Cour
provinciale, a fait des choses assez remarquables de ce côté,
grâce à la collaboration de ses collègues, s'emploie
à affirmer le même genre de climat à l'intérieur de
la Cour supérieure. Je pense qu'il y investit beaucoup d'énergie,
beaucoup de temps et beaucoup de lui-même. Je suis convaincu que, dans la
mesure où nous pouvons lui fournir le minimum d'appui dont il aurait
besoin, cela va améliorer les choses de façon
considérable.
Deuxièmement, sur le plan législatif, nous sommes en train
de préparer - je suis sûr que sera tout ouïe le
député de Sainte-Anne - un projet de modification au Code de
procédure civile que nous voudrions déposer avant le 15 mai, pour
qu'il soit adopté avant le 30 juin. Encore une fois, il faut relier
l'ensemble de ces activités de nature administrative et les changements
législatifs. Également, nous devrons sans doute agir sur le
nombre de juges en Cour supérieure, bien qu'il faille être
conscient que ce n'est pas vrai qu'on peut répondre à des
demandes de nommer douze juges additionnels. Ce ne serait pas raisonnable.
Finalement, il y a ce que j'appelle les attitudes. Je ne pense pas que
ce soit relié au tempérament méditerranéen dont on
affuble souvent les francophones d'Amérique, qu'ils soient en Lousiane
ou au Québec, mais cela provient d'une tradition différente. Il
n'y a pas d'une façon aussi claire la distinction de "Barristers and
Sollicitors" qu'on retrouve en Angleterre et qu'on retrouve en pratique -
même s'ils appartiennent à un même ordre professionnel -
dans beaucoup de provinces canadiennes, avec le résultat que l'ensemble
des avocats, chez nous, l'ensemble des procureurs, se considèrent - en
vertu de la loi, ils ont raison - comme d'éventuels plaideurs, de sorte
que la quantité de plaideurs que nous avons devant nos cours est
beaucoup plus élevée en proportion de ce qu'on retrouve ailleurs.
Cela veut dire que l'expertise est plus diluée, par définition,
si le nombre est plus grand. On considère un peu au Québec que
c'est une espèce de droit sacré que
d'être un plaideur. D'ailleurs, plaider, c'est extrêmement
intéressant. Je sais que je parle à deux personnes qui l'ont
déjà fait. En général, d'ailleurs, les avocats qui
ont plaidé beaucoup, trouvent un peu ennuyant de se retrouver
derrière un bureau pour faire des contrats. Bon. En plus de cela... Non,
mais en général, plutôt que de retourner derrière un
bureau, ils veulent venir plaider à l'Assemblée nationale.
Heureusement qu'il n'y a pas de place pour tout le monde...
Une voix: II n'y a personne qui m'écoute de l'autre
bord.
M. Johnson (Anjou): Je ne vous laisserai pas tirer de
parallèle, par déférence. Pour l'essentiel, je pense que
c'est une chose à moyen et à long terme. Je pense qu'un certain
nombre de bureaux, à Montréal en particulier, surtout les grands
bureaux d'une vingtaine d'avocats et plus - il y en a quand même un
nombre de plus en plus impressionnant - ont tendance à se
spécialiser et à spécialiser un certain nombre de leurs
procureurs dans les plaidoiries, ce qui, de fait - j'en suis
profondément convaincu - permet une augmentation de la cadence, permet
une diminution des délais parce qu'on a affaire à des
professionnels qui ne font que cela. Donc, leurs dossiers sont
préparés en conséquence, ils sont connus à la cour,
ils montent leurs dossiers en fonction de ces préoccupations et ne font
pas l'équivalent de l'apprentissage sur le tas. Maintenant, cela reste
une affaire de culture juridique et c'est au milieu lui-même à
faire ce qu'il a à faire. Je ne pense pas que l'État ait à
devenir coercitif à cet égard, mais au fur et à mesure que
la Cour supérieure va être de plus en plus exigeante à
l'égard des procureurs qui plaident devant elle, au fur et à
mesure qu'elle aura recours à un certain nombre de procédures, on
assistera de plus en plus à une forme de spécialisation en droit
qui consistera à être des avocats plaideurs, je pense qu'en fin de
compte, ce n'est peut-être pas une mauvaise chose...
M. Polak: J'ai seulement deux petites questions avant que mon
confrère ne continue. Lorsque le ministre a parlé des amendements
qu'il présentera au mois de mai, je présume et j'espère
que ces amendements vont dans le sens de ceux que le barreau a
suggérés. Il n'a pas donné de détails sur ces
amendements; il pourrait peut-être nous en parler un peu. Est-ce que ce
sont des amendements au Code de procédure civile concernant la
manière de faire la preuve, comme l'exemple que j'ai donné du
gérant de banque, du témoin qui va être examiné en
dehors de la cour.
Un deuxième point. Lorsque vous parlez de délais,
même si ceux-ci sont réduits de 30 à 24 mois, il faut
réaliser une autre chose qui arrive très souvent. Cela m'est
arrivé il y a deux semaines alors que j'avais une cause à plaider
en Cour supérieure à Montréal. J'étais là,
ayant attendu trois ans, avec tous mes témoins, la cause étant
fixée pour une journée. Il n'y avait pas de juge disponible parce
que le juge avait pris, ce n'est pas sa faute non plus, c'est une question
d'administration... Il y avait plusieurs causes sur le rôle, il y avait
une cause avant moi qui se déroulait et on avait décidé
que cette cause prendrait toute la journée. Donc, cherchez-vous un autre
juge qui soit disponible. Je suis reparti avec mes témoins sans compter
les frais occasionnés et la perte de temps. Si on est chanceux, la cause
sera entendue dans un autre six mois.
Donc, il ne faut pas penser que les délais sont toujours
réduits, comme vous le dites, à 24 ou 36 ou 40 mois. Très
souvent, les rôles sont faits d'une telle manière qu'on prend plus
de causes que le juge n'est capable d'en prendre ou une cause dure trop
longtemps.
Voici le tout dernier point que je voudrais soulever. M. le ministre,
lorsqu'il a parlé de plaideur, j'espère qu'il faisait
référence à une sorte de sélection naturelle. Je
suis un de ces avocats qui croit qu'un membre du barreau a le droit de plaider
devant tous les tribunaux de la province. C'est à l'avocat en question
de décider et non pas à une loi de nous forcer, à un
moment donné, à avoir des avocats de différents ordres. Je
ne pense pas que le ministre ait voulu dire cela. Si ce n'était pas son
intention, qu'il le répète pour rassurer des plaideurs, dont des
milliers combinent encore plaider les causes, donner des avis juridiques,
consultations et tout le reste.
M. Johnson (Anjou): II faut faire attention au mot "combine" en
français.
Une voix: C'est ce qu'il voulait dire. M. Polak: Merci, M.
le Président.
M. Johnson (Anjou): Rapidement, en ce qui concerne les
amendements, je pense qu'on aura l'occasion de les voir au moment où on
les déposera. Substantiellement, on retiendra un certain nombre de
propositions du barreau. Également, le juge en chef et ses
collègues nous ont fait quelques suggestions. On va tenter d'obtenir un
certain consensus. Cela nous apparaît important. Mais, c'est clair qu'on
n'aura pas de consensus parfait, parce qu'il est évident qu'on
dérange. On dérange si on impose des règles
additionnelles. Cela veut dire qu'on réduit d'autant la marge de
manoeuvre qu'ont les procureurs. Cela dérange. Il ne faut pas
s'attendre, encore une fois, à des miracles au niveau du consensus, mais
on va
faire un effort pour se coller le plus possible à la fois aux
objectifs de la Cour supérieure et aux impératifs du barreau.
Deuxièmement, dans le cas des délais, oui, il y a parfois
des problèmes d'organisation. Il arrive que des gens dérangent
des témoins et qu'ils se ramassent avec leur cause qui ne passe pas.
Cela se produit. Je pense que cela va continuer de se produire. Il s'agit
seulement que cela se produise le moins souvent possible.
Troisièmement, concernant les plaideurs, oui, je suis en faveur
de la sélection naturelle, l'approche darwinienne là-dessus
m'apparaissant un peu meilleure que l'approche administrative. Je pense qu'on
n'est pas obligé de faciliter la tâche à tout le monde. Il
faut que ce soit de la vraie sélection naturelle.
M. Polak: Excusez.
Le Président (M. Vaugeois): M. le député de
Vachon.
M. Payne: Peut-être ne suis-je pas dans le bon programme.
Les crédits pour les immobilisations...
M. Kehoe: Sur le même sujet.
Le Président (M. Vaugeois): On va voir; c'est sur un autre
sujet, je pense, M. le député.
M. Payne: C'était une question de directive.
Le Président (M. Vaugeois): Oui, oui, mais...
M. Payne: ...question?
Le Président (M. Vaugeois): Non.
M. Polak: Pour les immobilisations, c'est demain matin.
M. Payne: Est-ce que vous pouvez confirmer cela?
Le Président (M. Vaugeois): Oui. On a convenu avec le
porte-parole de l'Opposition qu'on y reviendrait demain.
Une voix: De quel programme s'agit-il? M. Johnson (Anjou):
Du programme 6.
Le Président (M. Vaugeois): Si vous nous dites que c'est
urgent pour vous, on peut l'entendre aujourd'hui.
M. Payne: Non, non, absolument pas. Le Président (M.
Vaugeois): M. le député de...
M. de Bellefeuille: Qu'est-ce qui est convenu? Nous en sommes au
programme 2.
Le Président (M. Vaugeois): Au programme 2, mais sans trop
de rigidité. Le ministre est très souple et...
M. de Bellefeuille: Oui, mais ensuite on passe à quoi,
à 3?
Le Président (M. Vaugeois): On passe au programme 5
ensuite.
M. de Bellefeuille: Ensuite, on passe au programme 5.
Le Président (M. Vaugeois): Vous avez le droit de poser
des questions sur le programme 3. Mais, on ne le réglera pas pour
autant, parce que le député de D'Arcy McGee aura des questions
concernant les programmes 3 et 4.
M. de Bellefeuille: Le programme 6, c'est demain?
Le Président (M. Vaugeois): Cela peut être demain ou
même aujourd'hui aussi si vous voulez poser des questions aujourd'hui.
Alors, attendez-vous à demain, M. le député de Vachon?
M. Payne: Parfait.
Le Président (M. Vaugeois): D'accord. Alors, M. le
député de Chapleau.
M. Kehoe: Merci, M. le Président. C'est la
troisième fois que j'ai le plaisir de participer à l'étude
des crédits du ministère de la Justice. Hier, pour me
préparer à cette étude, j'ai justement lu les
réponses données l'année dernière par le
prédécesseur de l'actuel ministre de la Justice, en ce qui
concerne les délais à la Cour supérieure à
Montréal. Si je n'étais pas assis directement face au ministre,
j'aurais cru qu'il s'agissait du même ministre avec la même
réponse que l'année passée. La seule différence,
c'est là mon propos, c'est que je me souviens que l'année
passée M. Bédard a mentionné le fait qu'il y avait, si je
ne me trompe pas, dix nouveaux juges de nommés à la Cour
supérieure à travers la province dont cinq à
Montréal. Cela ne pourra pas régler tous les problèmes des
délais à Montréal, il va sans dire, depuis la nomination
des nouveaux juges. Mais, si je me reporte à la déclaration que
mon confrère de Sainte-Anne a lue dans la Revue du barreau, la situation
dans l'ensemble, dans le district judiciaire de Montréal, ne s'est pas
améliorée. Est-ce que la nomination de ces cinq nouveaux juges,
dans le district judiciaire de Montréal,
n'aurait pas pu apporter une amélioration dans les délais?
Effectivement, est-ce que les cinq juges sont nommés à la Cour
supérieure de Montréal?
M. Johnson (Anjou): D'abord, comme le sait sans doute le
député, la fixation du nombre de juges en Cour supérieure
est de juridiction provinciale, dans la mesure où cela découle de
notre Loi sur les tribunaux judiciaires. Cependant, ce sont nos
collègues fédéraux qui ont l'immense privilège de
nommer les juges de la Cour supérieure. À ma connaissance, et
particulièrement dans les deux dernières années de mandat,
il est très rare qu'un gouvernement ne procède pas aux
nominations s'il y a des postes ouverts. On me dit que oui, les cinq juges ont
été nommés. Il ne faut pas en conclure que c'est porter un
jugement sur les personnes ou la qualité des juges à la Cour
supérieure, mais de fait, on ne peut pas dire que cela a eu un effet
sensible sur les délais en Cour supérieure. Donc, ce que nous
disons, c'est que oui, le nombre de juges y est pour quelque chose, en partie.
Cependant, il y a deux autres choses extrêmement importantes qui sont
certaines mesures de nature administrative, que j'ai décrites tout
à l'heure, qui ont commencé, particulièrement depuis que
le juge Gold est là, et deuxièmement, des amendements
législatifs, notamment au niveau de la présentation de la preuve,
l'utilisation de l'affidavit et possiblement quelques autres
éléments que nous aurons l'occasion d'évoquer
bientôt. (15 h 45)
M. Kehoe: Vous avez mentionné des changements
administratifs qui ont commencé avec la nomination de M. Gold. Je me
souviens que, dernièrement, on a lu dans les médias que M. Gold a
fait un "blitz". Vous avez parlé d'un "blitz" par lequel il demandait
des juges pour la Cour supérieure qui viendraient des régions et
qui ne seraient pas aussi occupés, peut-être, que les juges
à la Cour supérieure de Montréal, pour venir siéger
à Montréal pour tenter de mettre à jour des causes
dépassant un certain délai, que ce soit deux, trois ou cinq
jours. Pourriez-vous nous donner un compte rendu de cela? Actuellement, est-ce
qu'il y a des juges venant des régions qui siègent à la
Cour supérieure de Montréal? Est-ce que cela a eu un effet
appréciable pour réduire le nombre de causes? D'ailleurs, je
pense que tout ce "blitz" était pour des causes qui dépassaient
deux ou trois jours. Quels étaient les faits pour faire ce "blitz"?
Est-ce que c'est encore en marche? Est-ce que c'est une tentative pour
rectifier la situation et que cela n'a pas continué?
M. Johnson (Anjou): II y a eu un premier "blitz" dans le cas des
causes de deux jours. Mais ce dont on parle, c'est le rapatriement à
Montréal de trois, possiblement quatre juges, trois avec certitude - il
me semblait que c'était quatre - mais disons trois pour être bien
sûr...
M. Kehoe: En permanence?
M. Johnson (Anjou): ...et, à compter du mois de septembre,
ils seront répartis sur l'ensemble des dossiers. Pas
nécessairement en permanence, on verra avec le temps; parce qu'à
un moment donné, on va peut-être ouvrir la loi pour en nommer
d'autres.
M. Kehoe: Quant à la question des délais dans les
régions, si je comprends dans l'ensemble, il n'y a pas de
problèmes majeurs ailleurs que dans le district judiciaire de
Montréal.
M. Johnson (Anjou): C'est cela.
M. Kehoe: Je sais pertinemment que dans le district judiciaire de
Hull, c'est très bien, les juges de la Cour supérieure. M. le
juge Chevalier, qui vient de prendre sa retraite, a accompli un très
beau travail. Elles sont rendues entre 6 et 12 mois les causes ordinaires en
Cour supérieure; le rôle des causes spéciales est
maintenant rendu à seulement trois mois de délai, si je ne me
trompe pas. Peut-être que je me trompe...
M. Johnson (Anjou): D'ailleurs, je pense que les chiffres
pourraient être plus précis. C'est vrai que c'est assez
remarquable ce qui s'est fait dans la région 07, Hull, Campbell's Bay,
Mont-Laurier, Maniwaki. Le rôle est passé de 17 mois à 7
mois, à Hull; 42 mois à 14 mois à Campbell's Bay, et
à Mont-Laurier, de 28 mois à 7 mois. C'est assez remarquable
effectivement l'amélioration de la situation dans les causes civiles,
à la Cour supérieure du Québec. En matière
familiale, cependant les délais ont été allongés,
mais d'une façon qui n'est pas dramatique. À Hull, on est
passé de 6 à 7,8 mois, à Mont-Laurier de 7,1 à 8,4
mois.
Dans l'ensemble, on peut dire effectivement qu'il y a eu une
amélioration assez remarquable au niveau des délais de la Cour
supérieure dans la région d'où vient le
député.
De la même façon d'ailleurs qu'en Cour provinciale,
où le travail avait été commencé, les
améliorations sont presque aussi sensibles. Cependant, dans le cas d'un
endroit, il y a eu une augmentation des délais, et je pense que c'est
là où un juge a été malade, si je me souviens
bien.
M. Kehoe: Mais dans l'ensemble, c'est la même chose dans
les autres régions. Sans doute la ville de Québec...
M. Johnson (Anjou): Pour l'ensemble du
Québec, le délai moyen - pour parler comme Statistique
Canada - déssaisonnalisé, en Cour provinciale, c'est 7,3 mois. Je
m'excuse, je vous donne 1981-1982-1983, en 7 et 9,4 mois, selon le cas.
Dans le cas de la Cour supérieure, au civil, la moyenne atteint
presque 18 mois; on sait que la notion de moyenne ne signifie pas grand-chose
à cause de Montréal, dans les circonstances. On ne peut pas
parler de délais dramatiques, dans la plupart des régions. Ce que
j'ai devant moi ici, la région 07, est un bon exemple. La région
du Nord-Ouest québécois s'est améliorée de
façon très sensible aussi, le rôle est passé de 36
à 16 mois. Dans la région de Sept-Îles, le rôle est
passé de 20 à 15 mois. La situation s'est améliorée
de façon très sensible dans la plupart des régions du
Québec.
M. Kehoe: Le district judiciaire de Hull.
M. Johnson (Anjou): Attendez, je vais vous donner cela. Cela va
bien dans la région 03. Cela va toujours bien à Québec. En
1982, on était à 17,8 mois quand il n'y avait pas de certificat
d'état. La cause? On est passé à 13 mois, alors qu'on a
légèrement augmenté les délais de 1982 à
1983 de 10,6 mois à 11,3 mois, là où il y avait un
certificat d'état de cause. Mais la variation ici n'est pas tellement
sensible dans le cas de cette augmentation. Je ne suis pas sûr qu'on
puisse y trouver une interprétation, parce qu'habituellement, c'est plus
rapide quand il y a un certificat d'état de cause.
M. Kehoe: Mais le seul district où il y a eu une
détérioration globale dans la situation, c'est
Montréal.
M. Johnson (Anjou): Oui.
M. Kehoe: Comment expliquez-vous cela? Je veux dire globalement.
Par rapport au district judiciaire de Québec surtout, je
comprends...
M. Johnson (Anjou): C'est le nombre. C'est 1 500 000
habitants.
M. Kehoe: Mais proportionnellement à la population, par
exemple, n'y a-t-il pas autant de cours et autant de juges à
Montréal que dans la ville de Québec? Parce qu'il doit y avoir
une raison spécifique, quand c'est rendu aussi dramatique.
M. Johnson (Anjou): Mais il y a un volume...
M. Kehoe: Je sais que le volume est là, mais par contre le
nombre de cours, le nombre de juges, le nombre de...
M. Johnson (Anjou): Je pense que c'est une question fort
pertinente à laquelle j'aurai l'occasion de répondre en
deuxième lecture de notre projet de loi, d'ici le mois de juin. Pour
avoir visité certains endroits, notamment à Montréal, le
palais de Justice, où je vais régulièrement depuis que
j'assume ces fonctions, c'est gros, c'est énorme. Cela n'a rien à
voir avec ce qu'on retrouve ailleurs au Québec. Rien.
Le potentiel de causes, non seulement à cause de la
quantité d'individus et du prorata qu'on peut faire sur les individus,
du nombre de causes qui sont présentées dans la région de
Montréal, il y a là des organismes qui traitent avec les
citoyens, mais à cause des sièges sociaux, des corporations d'un
certain type, parce qu'il y a là une concentration d'activités
qui fait que le niveau d'activités de Montréal est beaucoup plus
élevé que ce qu'on retrouve ailleurs.
M. Kehoe: Ici à Québec, avec le siège social
de plusieurs compagnies d'assurances, avec le gouvernement qui est ici à
Québec, j'imagine que...
M. Johnson (Anjou): Non. En termes de proportion. Non. Je veux
dire que Montréal est un lieu de concentration des sièges sociaux
et des organismes d'importance. Je ne nie pas l'importance de Québec. Je
dis seulement qu'on ne peut pas faire un per capita. Il y a des choses qui
génèrent des conflits et qui font qu'on fait intervenir les
tribunaux. Parmi ces choses, ce ne sont pas seulement les transactions entre
individus. Ce sont également les transactions des individus, des
organismes, des groupes, des corporations, etc. Je vais vous dire que la
quantité d'agences de collection à Montréal n'a rien
à voir avec la quantité qu'on retrouve à
Québec.
M. Kehoe: M. le ministre, quand vous allez fournir la
réponse à cette question...
M. Johnson (Anjou): Oui.
M. Kehoe: ...je me demande si vous pourrez nous dire aussi si la
même chose existe dans les autres provinces, spécifiquement en
Ontario. Parce que, à Toronto, il y a une concentration probablement de
la même envergure, peut-être pas autant qu'à Montréal
mais semblable.
Je voudrais savoir si la même situation existe en ce qui concerne
le rôle, la congestion du rôle de la Cour supérieure
à Toronto par rapport à d'autres régions en Ontario.
M. Johnson (Anjou): II y a deux choses qu'il faut avoir à
l'esprit. D'abord, c'est très difficile de comparer les juridictions
entre le
Québec et les autres provinces. On passe notre temps à la
Cour suprême à plaider ce qui existait avant 1867 pour ne pas se
faire déboîter tous les organismes qu'on crée. Les
juridictions des tribunaux en Ontario et au Québec ne sont pas tout
à fait les mêmes. On n'a pas le même type d'organisation de
tribunaux.
Deuxièmement, il y a beaucoup plus de causes civiles au
Québec qu'en Ontario. C'est aussi simple que cela. Je n'irai pas vous
dire qu'au Québec on poursuit à tout bout de champ et pour tout
et rien, mais on poursuit pas mal plus au Québec pour régler ses
problèmes. On a 1'affidavit rapide, la mise en demeure également
plutôt leste et le bref et la poursuite plus qu'occasionnels.
M. Kehoe: Peut-être y a-t-il trop de ministres qui prennent
des actions aussi.
M. Johnson (Anjou): Qui cela? Moi? Non. On ne poursuit pas
beaucoup. Non.
M. Kehoe: Non. Pas vous, votre prédécesseur.
Le Président (M. Vaugeois): Autrefois. Autrefois.
M. Kehoe: Non. Il y a une couple de mois.
M. Johnson (Anjou): Je terminerai en disant que 45% de
l'activité judiciaire est à Montréal, qui n'a pas 45% des
effectifs des tribunaux.
Le Président (M. Vaugeois): M. le ministre, tout à
l'heure, vous avez indiqué, de façon très rapide, que,
d'ici le 15 mai, vous souhaitiez pouvoir soumettre à la Chambre des
ajustements au Code de procédure civile. Est-ce que c'est assez
important?
M. Johnson (Anjou): C'est-à-dire que c'est important,
qu'on se comprenne bien, on ne refera pas le Code de procédure civile,
d'un couvert à l'autre. On peut apporter un certain nombre d'amendements
au Code de procédure civile. On souhaite être dans les
délais du 15 mai. Compte tenu de l'importance que cela a - je pense que
tous les praticiens du droit connaissent bien cela - et de l'importance qu'y
accorde le juge en chef de la Cour supérieure, je suis sûr que nos
collègues d'en face nous permettront de déroger au principe du 15
mai. Mais, effectivement, c'est très important; ce n'est pas
nécessairement volumineux; c'est très important, quant aux effets
que cela peut avoir sur les délais, de donner la capacité au juge
en chef de la Cour supérieure de pouvoir organiser un peu cela comme il
le voudrait. Il vient d'arriver, il s'est donné un programme; c'est
extrêmement exigeant pour lui, comme pour les juges de la Cour
supérieure. Si on attend au mois de décembre prochain, on va
perdre une autre année. Je suis sûr qu'on va pouvoir compter sur
la collaboration de nos collègues intéressés aux questions
de la pratique du droit.
Le Président (M. Vaugeois): Ce qui est le cas de tous les
membres de la commission. Avant de donner la parole au député de
Sainte-Anne, une petite question, M. le ministre, qui concerne l'administration
de la justice à Trois-Rivières.
M. Johnson (Anjou): Oui.
Bibliothèque du Barreau de
Trois-Rivières
Le Président (M. Vaugeois): C'est assez mineur, je vais
régler un cas de comté. Ces dernières années,
apparemment, vous avez convenu avec le barreau d'un certain mode de
fonctionnement des bibliothèques, qui se trouvent dans les palais de
justice, à la disposition des membres du barreau.
Il arrive qu'à Trois-Rivières, comme à
Québec et à Montréal, nous avons une vieille
bibliothèque qui a une collection assez importante. Les dispositions qui
sont prises, en général, pour aider le barreau un peu partout au
Québec à se donner des outils conviennent moins bien à
Trois-Rivières alors que la bibliothèque est assez bien pourvue,
c'est surtout un problème de personnel. Les arrangements avec le
ministère de la Justice privilégient des programmes
d'acquisition. Très concrètement, d'après les gens du
barreau de Trois-Rivières - je ne m'attends pas à une
réponse aujourd'hui, mais j'en profite étant donné
l'endroit où nous sommes pour attirer votre attention sur cette question
- puisqu'il y a eu réduction de personnel au niveau de la sténo,
étant donné les nouveaux procédés utilisés,
on aurait souhaité que l'on puisse récupérer un de ces
postes pour l'affecter à l'administration de la bibliothèque. Ils
sont venus me voir avec ce genre de problème sachant qu'ils trouveraient
une oreille sympathique chez moi. Je ne doute pas, M. le ministre, que vous
soyez prêt, également, à faire une différence entre
une politique d'acquisition, qui peut être valable pour les nouveaux
palais de justice ou les nouvelles cours et qui ne pourrait pas convenir tout
à fait à un vieux palais de justice comme celui de
Trois-Rivières. D'autant plus que - je vous entendais, ce matin,
mentionner l'importance des travaux que vous aviez faits un peu partout aux
palais de justice, vous en avez construit de nouveaux - Trois-Rivières
convient de fonctionner avec son vieux palais de justice, qui pourrait
être rajeuni, mais notre demande
n'est pas à cet égard, si vous pouviez être attentif
aux besoins de la bibliothèque du barreau de Trois-Rivières, nous
serions bien comblés.
M. Johnson (Anjou): Bon. Anticipant l'insistance que vous alliez
mettre à titre de président de la commission des institutions sur
cette question, il y a quelques jours à peine, le ministère -
même si ce n'est pas sa pratique habituelle - a accepté de fournir
le demi-salaire d'un bibliotechnicien à la bibliothèque en
question.
Le Président (M. Vaugeois): Là, je suis vraiment
sidéré, M. le ministre.
M. Johnson (Anjou): Vous êtes renversé par
l'efficacité du ministère.
Le Président (M. Vaugeois): On m'avait toujours dit...
M. Johnson (Anjou): Vous êtes heureux.
Le Président (M. Vaugeois): ...que la justice avait le
bras long et lent.
M. Johnson (Anjou): Mais, M. le Président, voyez-vous, il
ne faut pas se fier à ce que disent les gens.
Le Président (M. Vaugeois): Alors là, je suis
bouche bée et je comprends, M. le ministre, que le barreau de
Trois-Rivières est très heureux de ces modalités
d'arrangement.
M. Johnson (Anjou): Après avoir réglé tous
les problèmes de toutes les bibliothèques, M. le
Président, anticipant votre intérêt pour cela, on a
réglé celui-là.
Une voix: L'efficacité!
Le Président (M. Vaugeois): M. le député de
Sainte-Anne, s'il vous plaît.
Autonomie administrative des tribunaux
M. Polak: M. le Président, peut-être qu'on peut
continuer sur la bonne route et faire, à Montréal, la même
chose que ce qu'on a fait à Trois-Rivières sur, comme vous dites,
un plus grand problème. (16 heures)
Quand on parle de l'abolition des rôles, il y a un autre
problème qu'on a vécu et qu'on vit tous les jours à
Montréal. On a nettement l'impression qu'il y a de moins en moins
d'indépendance administrative de la part de nos tribunaux.
Je vais vous donner un exemple. Vous mettez vos doigts dans quelque
chose qui peut-être ne vous appartient pas. Je plaide une cause avec des
témoins en Cour supérieure. À 12 h 30, le juge nous
demande - il reste peut-être dix ou quinze minutes à faire comme
cela arrive très souvent - de continuer jusqu'à 12 h 50. Tout le
monde est libéré et peut retourner à la maison y compris
les témoins. Le juge se retourne et regarde tout le personnel qui
s'active autour. Il y a les secrétaires du juge, le greffier, le
secrétaire à l'enregistrement. Il va leur demander de rester.
Tout ce monde regarde sa montre et dit: M. le juge, on va prendre notre heure
de lunch. Il faut donc retourner à 14 heures.
C'est la perte de temps que cela occasionne. On dépend donc de la
coopération de ce personnel. C'est un peu comme quand on demande
à notre secrétaire de bureau: Voulez-vous rester un peu
après l'heure pour dix ou quinze minutes. Je vois votre conseiller qui
fait non de la tête, mais je dis: Oui, parce que je l'ai moi-même
vécu. Si vous ne le croyez pas, venez. Je ne l'ai pas vécu tout
le temps, mais assez souvent. Venez avec moi à la Cour supérieure
et on pourra voir. Vous regarderez la cour. Vous allez voir.
Je vous le demande si vous laissez l'indépendance administrative
aux tribunaux, à ce point de vue, il faudra trouver une solution. Un peu
comme on fait maintenant. L'autre jour, on étudiait les crédits
avec le ministre Lazure qui, par exemple, a décidé que les
bureaux du gouvernement restent ouverts le midi. Je pense que c'est une
très bonne mesure, une mesure progressive qui aide la population. C'est
un peu dans ce sens qu'il faut trouver une solution pour que de tels
problèmes puissent disparaître. Je ne sais comment. Je comprends
qu'il y a des conventions collectives, que les gens ont droit de dire: Moi, je
pars à 12 h 30 et j'insiste pour avoir mon heure et demie. C'est un
problème que j'ai vécu et qui existe encore.
M. Johnson (Anjou): Je suis un peu étonné, M. le
Président, à moins que cela ne date un peu. Dans la mesure
où les secrétaires de juge agissent comme greffiers - et Dieu
sait combien on a eu de problèmes avec cela - elles sont sous
l'autorité directe du juge qui peut décider des horaires. Je suis
quelque peu étonné de cela.
Je prends la parole du député. Je suis sûr qu'il ne
conte pas d'histoires. C'est sans doute déjà arrivé. De
là à savoir si c'est généralisé, je pense
qu'il va falloir voir. Je vais m'entretenir sûrement, avec plaisir, de ce
dossier avec le juge en chef pour savoir ce qui se passe.
M. Polak: En d'autres termes, voici le point que je voulais
apporter. Au lieu que les juges dépendent de la bonne volonté et
de la coopération, qu'ils disent donc: On continue.
Comme employeur, j'ai le droit de dire à ma secrétaire: On
continue pour un autre
quinze minutes ou même une demi-heure. Cela épargnerait du
temps à tout le monde. Cela règle, M. le Président, le no
2.
M. Johnson (Anjou): Passons-nous au programme 3 ou au programme
5, M. le Président?
Le Président (M. Vaugeois): Non. On peut poser des
questions sur le programme 3, mais on convient qu'on y reviendra sans doute,
demain, avec le député de D'arcy McGee: la même chose pour
le programme 4.
Nous irions maintenant au programme 5. Pour faire un peu d'alternance et
vous laisser reposer, M. le député de Sainte-Anne, est-ce qu'il y
aurait des questions pour mes collègues ministériels sur l'aide
aux justiciables, la commission des services juridiques, l'aide aux recours
collectifs, l'aide socio-économique aux justiciables?
J'aurais envie, M. le ministre, de vous poser une question
d'introduction.
M. Johnson (Anjou): Oui?
Le Président (M. Vaugeois): Quant à l'aide aux
recours collectifs, est-ce qu'une évaluation a été faite?
J'imagine que oui. Est-ce que vous pouvez, assez rapidement, nous faire une
évaluation de ce qu'a donné la loi et les résultats de
cette pratique juridique qui nous est un peu particulière, ou
très particulière, je ne sais trop? Est-ce que c'est
utilisé? Est-ce que ça marche?
M. Johnson (Anjou): Vous me donnez quelques minutes?
Le Président (M. Vaugeois): Oui. Je m'excuse d'ailleurs.
M. le ministre, pendant qu'on fait des petites recherches, le
député de Chapleau me dit qu'il aurait une question sur le
programme 2. Si vous êtes d'accord, on va revenir en arrière
momentanément.
Regroupement des différentes cours
M. Kehoe: M. le ministre, ce matin, dans vos remarques
générales, vous avez mentionné qu'un de vos projets pour
l'avenir est l'unification des différentes cours du Québec.
Encore une fois, l'année dernière, votre
prédécesseur, M. Marc-André Bédard, a
annoncé à plusieurs reprises la création d'une cour du
Québec qui regrouperait les tribunaux de juridiction provinciale ainsi
que certains tribunaux administratifs. Cette idée a déjà
été lancée par le ministre Jérôme Choquette
en 1975. Chaque année, depuis ce temps, on en parle, mais on dirait que
le projet n'avance pas. Considérant que bon nombre de tribunaux
administratifs ont souvent des règles différentes des autres pour
d'autres raisons administratives, est-ce que le ministre peut nous dire quand
il prévoit déposer le projet de loi? Est-ce que les études
sont avancées? Où en est rendu le dossier?
M. Johnson (Anjou): Le dossier est assez avancé dans la
mesure où une espèce d'avant-projet - non pas de loi, mais un
document-synthèse - a déjà circulé qui a fait
l'objet de commentaires des intéressés. Un autre doit circuler
à cet effet. Je ne lui donnerai pas de date pour la simple raison que,
parmi les projets suivants: la cour du Québec, les trois chapitres du
Code civil, la réglementation qui touche la charte, la loi sur les
règlements, la refonte de la Loi sur les poursuites sommaires, la mise
en vigueur de la Loi sur les coroners - j'en oublie - la Loi sur les
enlèvements internationaux, les modifications au Code de
procédure civile qui seront déposées d'ici le mois de
juin, il va falloir faire un triage, à moins que le Parlement ne
siège à temps plein pour le ministère de la Justice. Je ne
suis pas sûr que c'est ce qui est souhaité par qui que ce
soit.
M. Kehoe: Avec la collaboration de l'Opposition, il y a certaines
lois qui... Surtout celle-là qui, à mon sens - je ne dis pas que
c'est prioritaire - depuis 1975, tous les ministres de la Justice
s'étaient promis... C'est une réforme qui s'impose. Je ne pense
pas que cela prendrait beaucoup de temps pour adopter une telle loi.
Le Président (M. Vaugeois): Est-ce que je peux demander au
député si les gens de l'Opposition ont des idées claires
là-dessus? Avez-vous déjà publié quelque chose sur
la réforme possible de nos tribunaux?
M. Kehoe: Je ne suis pas sûr si le porte-parole de notre...
Je pense qu'il a publié des positions sur bien des choses, mais je ne
suis pas sûr si... Mais, M. Marx en produit...
M. Polak: Si vous soulevez le sujet, il va le faire demain.
M. Kehoe: II va le faire certainement, si ce n'est
déjà fait. Il va faire l'ouvrage du ministre..
Le Président (M. Vaugeois): Non, ce n'est pas ce que je
vous demande. Mais comme souvent il se voit ministre, je voudrais savoir...
M. Kehoe: C'est une question de temps.
Le Président (M. Vaugeois): Oui, une question de temps.
Non, mais sérieusement, il n'y a pas...
M. Kehoe: Non, je ne pense pas que,
sur ce sujet, il y ait eu... D'ailleurs, dans le livre blanc
préparé par M. Jérôme Choquette en 1975, il en a
été question. Il y a déjà une étude et des
propositions ont été faites. Depuis ce temps, je pense que
l'idée a fait un certain chemin, mais n'a pas abouti à un projet
de loi, malgré les... Je me souviens surtout de l'année
dernière où M. Bédard a dit que l'affaire était
bien avancée...
Le Président (M. Vaugeois): Oui, oui.
M. Kehoe: ...que c'était déjà en
préparation. Un an plus tard, vous dites la même chose: que c'est
déjà en préparation et qu'à cause des autres
projets, ce sera... Je ne sais pas si vous dites que cela sera retardé
indéfiniment ou quel est l'échéancier?
Le Président (M. Vaugeois): Non. Le ministre n'a pas dit
que ce serait retardé indéfiniment, mais peut-être
que...
M. Johnson (Anjou): C'est une affaire de choix. C'est comme pour
n'importe quoi. Le Parlement siège à peu près huit ou neuf
mois par année...
Le Président (M. Vaugeois): Et les gens ont une
capacité limitée d'absorption de tout cela.
M. Johnson (Anjou): ...et nos collègues qui ont
participé à la commission Vaugeois-French et quelques autres
disent: D'accord, on trouve qu'il y en a beaucoup. On assomme les citoyens avec
de nouvelles lois, etc. Il faut tenir compte de cela. Il faut tenir compte du
fait que la mission de la justice est une des cinq missions gouvernementales,
qu'il y a beaucoup de lois dans le secteur économique qui sortent depuis
un certain temps et qu'on risque d'en voir d'autres. Il va falloir faire un
tri. Ce n'est pas une absence de volonté d'aboutir. Il s'agit
d'insérer cela dans un certain ordre de choix de priorités pour
l'ensemble du gouvernement, parce que le Parlement, encore une fois, ne
siège pas 24 heures par jour, 365 jours par année. Quant à
la cour du Québec, il est vrai que mon collègue
prédécesseur a laissé entendre que ces choses
avançaient. Effectivement, le Conseil de la magistrature a
été saisi du document et il a rendu une opinion. La
Conférence des juges a été consultée et elle a
transmis des opinions. Le Barreau du Québec a été
consulté et il a transmis ses opinions, ainsi que deux ou trois autres
organismes, si je ne me trompe pas, dont je n'ai pas la liste ici.
À partir de cette transmission d'opinions, nous allons
rédiger un autre document qui pourra faire l'objet d'une consultation
laquelle devrait être un peu plus rapide, car les gens seront
déjà saisis de l'essentiel des contenus. Ensuite, le dossier
cheminera normalement. L'horizon logique pour cela, en admettant que toute
chose étant égale, par ailleurs, et tranquille, c'est quelque
part au printemps.
M. Kehoe: 1985?
M. Johnson (Anjou): Oui.
Le Président (M. Vaugeois): Là-dessus, je suis
davantage prêt à attendre.
M. Johnson (Anjou): J'en prends bonne note, M. le
Président.
Le Président (M. Vaugeois): On revient au programme 5, M.
le ministre. Je vous avais demandé si vous pouviez faire un peu le point
sur l'élément 2, l'aide aux recours collectifs. À quoi
servent les 353 000 $ qui sont là? La loi est-elle utile? Quels sont les
résultats de votre évaluation à ce moment-ci?
Aide aux recours collectifs
M. Johnson (Anjou): On peut vous donner cela assez
précisément, M. le Président, notamment pour consultation
ultérieure dans les notes de la commission.
Depuis le début, c'est-à-dire depuis la fin de 1979, 112
requêtes ont été produites en Cour supérieure aux
fins d'obtenir une autorisation d'exercer un recours collectif. 32 recours ont
été autorisés. En Cour d'appel, dix ont été
autorisés. En Cour suprême, cinq ont été
autorisés. En attente en Cour d'appel, il y en a deux. Accueillis, il y
en a trois. Rejetés, quatre. Désistement, il y en a un. Les
permissions d'appeler en Cour suprême: accordées, deux;
refusées, trois. Donc, sur les cinq de la Cour suprême...
Quant aux recours non autorisés, 29 cas sont rendus à la
Cour d'appel. Cela a été accueilli dans un cas. En attente, neuf
cas. Treize cas ont été rejetés; il y a eu trois
désistements et des règlements hors cours dans deux cas, un
étant délibéré. Dans le cas des A3 recours non
autorisés, il y a des appels en Cour suprême dans dix cas; neuf
ont été rejetés et un est en attente.
Pour l'essentiel, sur les 112 requêtes, 32 ont été
autorisées. Évidemment, comme on le voit selon les statistiques
que j'ai données, il y a un recours assez large dans la procédure
d'appel sur la requête elle-même.
Le Président (M. Vaugeois): Avant même qu'on
l'entende sur le fond?
M. Johnson (Anjou): Voilà! Avant même qu'on
l'entende sur le fond. L'appel, cependant - on s'en souviendra - a
été abrogé il y a deux ans. Alors, ce dont on
parle, pour l'essentiel, c'est du suivi des autres.
Le Président (M. Vaugeois): C'était une faille dans
la loi, quoique...
M. Johnson (Anjou): C'est cela. Maintenant, les recours
collectifs au mérite. Sept actions sont en préparation, 19 ont
été intentées en Cour supérieure et, au niveau du
fonds d'aide aux recours collectifs, il y a 225 demandes et 122 demandes ont
été accueillies; 30 demandes ont été
rejetées et 54 ont été accueillies en partie, le reste
tombant dans les mesures en délibéré en attente
d'audition, en aide temporaire ou en désistement.
Globalement, on peut dire que cela fonctionne. Je pense que le
fonctionnement et l'application de la loi, nonobstant cette question de l'appel
qui a été corrigée l'année suivante, qui
découlent de la loi remplissent l'expectative de ce qu'était
cette réforme extrêmement importante dans notre droit,
après 1976.
Le Président (M. Vaugeois): Y a-t-il un document que vous
pourriez déposer là-dessus, M. le ministre? Vous nous avez
donné des statistiques intéressantes, mais puisque c'est une
pratique que les citoyens ont intérêt à mieux
connaître...
M. Johnson (Anjou): Pour l'essentiel, les documents disponibles
sont le rapport annuel. Ces données seront contenues dans le rapport
annuel qui sera déposé bientôt. C'est un des documents
préparatoires. (16 h 15)
Le Président (M. Vaugeois): Y a-t-il une évaluation
aussi du fonctionnement, comme par exemple, quand un petit groupe de citoyens
entreprennent ou se réfèrent à cette possibilité,
il faut faire un travail d'animation auprès des gens concernés?
J'imagine que votre ministère en a suffisamment observé le
fonctionnement pour faire profiter des expériences antérieures
ceux qui voudraient recourir au recours collectif'. Cela m'amène
à poser une question. À quoi servent les 353 000 $? Quel
rôle votre ministère joue-t-il sur ce plan?
M. Johnson (Anjou) II s'agit du fonds.
M. Lauzon (Yves): Grosso modo, la répartition, c'est
à peu près moitié-moitié, le fonctionnement et ce
qu'on appelle l'aide aux bénéficiaires, à savoir le
financement proprement dit des recours, voir l'argent qui sort, payer des
dépenses directes, avocats, frais d'avis, etc.
L'autre partie est répartie entre le tribunal administratif et le
fonds, qui est composé de trois administrateurs qui siègent, qui
rendent des décisions administratives.
L'autre partie, la permanence du fonds...
Le Président (M. Vaugeois): Vous pouvez
éventuellement refuser une cause qui serait portée à votre
attention. Est-ce que les gens peuvent quand même aller devant le
tribunal sans votre aide, le cas échéant?
M. Lauzon: Oui, c'est-à-dire que l'aide financière
est optionnelle. En très grande majorité, les gens s'adressent au
fonds, parce que c'est une question de frais, de coûts. Mais,
théoriquement, les gens peuvent excercer leur recours devant le
tribunal, la Cour supérieure.
Le Président (M. Vaugeois): Et quels sont vos
critères pour accepter une telle demande?
M. Lauzon: Ce sont les critères définis dans la
loi, article 23. Ils sont de deux ordres. Il y en a un d'ordre juridique. Si le
recours collectif n'a pas été autorisé, puisqu'on peut
venir devant le fonds après avoir été autorisé par
la Cour supérieure ou avant, dans le cas où on vient devant le
fonds, et c'est la majorité des cas, on doit évaluer le
bien-fondé apparant du recours en droit, ce qui est tout à fait
logique, sinon, on serait appelé éventuellement à financer
des recours avec les fonds publics sans s'assurer qu'il y a un minimum de
sérieux.
L'autre volet, c'est le volet économique qui, sans l'aide du
fonds, pourrait ou non être excercé. Pour répondre à
votre question à savoir s'il y a un refus de la décision du
fonds, il y a un appel à la Cour provinciale du Québec, qui est
un tribunal judiciaire.
Le Président (M. Vaugeois): Pour les fins du journal des
Débats, puisque vous avez parlé en votre nom, pouvez-vous vous
identifier et donner votre fonction, s'il vous plaît?
M. Lauzon: Yves Lauzon, je suis le secrétaire du fonds
d'aide.
Le Président (M. Vaugeois): Merci. M. le
député de Sainte-Anne, vous...
M. Kehoe: J'ai une question sur une autre matière, dans la
même rubrique, donc je laisse la parole à...
Le Président (M. Vaugeois): M. le député de
Chapleau.
La MIUF
M. Polak: J'aimerais adresser la question soit au ministre, soit
au président. En ce qui concerne le dossier de la MIUF, je pense qu'il y
a déjà eu un recours collectif.
M. Lauzon: Non. Ce qui s'est produit dans le dossier de la MIUF,
c'est que le recours collectif qui a fait les manchettes... À
l'époque où l'hypothèse d'un recours collectif a
été envisagée devant le fonds, indépendamment de
savoir si la procédure était applicable, il y avait une
difficulté au niveau des dépens, ce qui a d'ailleurs
été corrigé. Pour toutes sortes de raisons, il n'y a
jamais eu de procédure en recours collectif d'entamée dans le
dossier de la MIUF.
Il y a plusieurs raisons au niveau de la procédure. Est-ce que
vous voulez savoir ce qui est arrivé au niveau du financement? Il n'y a
pas eu de dossier pour toutes sortes de raisons, justement plusieurs
défendeurs, question de juridiction... Il y a certains recours qui sont
pris contre le fédéral; donc, il n'y a pas de recours collectif
devant la Cour fédérale, etc.
M. Kehoe: Si je comprends bien, dans ce dossier-là, il
s'agit d'individus, personnellement, qui sont obligés de procéder
ou est-ce qu'il y en a qui...
M. Lauzon: Je pense que le ministère a d'autres
procédures.
M. Kehoe: Est-ce que le ministre est au courant du dossier ou de
l'aide que vous avez apportée aux victimes de la MIUF, l'aide
légale ou les frais que vous avez payés ou des expertises? Est-ce
qu'il a une autre aide financière qui était donnée aux
victimes dans ce dossier?
Toutes les causes types pour lesquelles le gouvernement a payé
pour des expertises, des frais d'avocats, etc.? Où est rendu le dossier?
Est-ce que c'est plaidé en première instance et à quel
stade en est-on rendu?
M. Johnson (Anjou): Je peux demander à Me Tourigny,
sous-ministre associée, qui connaît fort bien ce problème,
de vous préciser où en sont les recours; mais, pour l'essentiel,
qu'on se comprenne bien, il ne s'agit pas d'un recours collectif.
L'intervention du gouvernement a consisté à appuyer des groupes
qui voulaient faire des causes types.
Me Tourigny peut sans doute nous entretenir là-dessus.
Mme Tourigny (Christine): Où en sont les
procédures, demandez-vous?
M. Kehoe: Très spécifiquement: Où est rendu
le dossier dans les cas où le gouvernement est intéressé?
Parce que je comprends qu'il y a des individus qui ont pris des recours.
Mme Tourigny: Voici. Le juge Deschênes avait pris la
décision d'identifier un certain nombre de causes types avant son
départ, l'été dernier. Et il y a six dossiers qui ont
été identifiés, dont trois visent, entre autres
défendeurs, le Procureur général du Québec.
Ces causes-là sont entendues toutes ensemble depuis septembre
1983 à la Cour supérieure de Montréal. L'audition est
toujours en cours et on prévoit encore au moins l'année 1984
d'audition dans ce dossier, la preuve des demandeurs n'étant pas encore
terminée.
M. Kehoe: Si je comprends bien, les actions sont dirigées
contre le Procureur général de la province de Québec,
contre les compagnies et contre le fédéral. Il y a plusieurs
défenderesses dans chacun de ces dossiers.
Mme Tourigny: II y a un grand nombre de défendeurs dans la
plupart des cas. Les fabricants, les installateurs, la Société
canadienne d'hypothèques et de logement et le Procureur
général; en gros, ce sont les défendeurs qu'on
retrouve.
M. Kehoe: Et, globalement, en chiffres ronds, le gouvernement de
la province de Québec a dépensé environ quelle somme
d'argent pour aider, jusqu'à présent, dans ces causes-là?
Est-ce qu'il s'agit de montants majeurs?
M. Johnson (Anjou): C'est un montant de 800 000 $ dans le cadre
du programme mis sur pied par mon collègue, le ministre de l'Habitation
et de la Protection du consommateur.
Mme Tourigny: C'est cela.
M. Johnson (Anjou): Mais vous parlez de subventions aux groupes
pour les fins des poursuites judiciaires.
M. Kehoe: Y compris l'aide technique, l'aide financière et
tout le reste.
M. Johnson (Anjou): Globalement, c'est presque 1 000 000 $.
M. Kehoe: Vous parlez des six cas types que vous avez...
Mme Tourigny: Les sommes ont été versées
pour le financement des causes types, à la demande du ministre de
l'Habitation et de la Protection du consommateur, à l'époque.
M. Kehoe: C'est le montant dépensé jusqu'à
présent. Mais, prévoyez-vous des dépenses....
Mme Tourigny: C'est le montant budgétisé.
C'était un montant de 800 000 $,
alloué pour le financement des causes types, devant inclure, en
principe, les honoraires d'avocats et les frais d'expertise requis pour faire
la preuve.
M. Kehoe: D'accord, merci.
M. Payne: II y avait un dossier, l'année passée,
qui concernait une sécheresse dans la région 06, la région
sud de Montréal. Est-ce qu'on pourrait avoir l'état de ce dossier
et les réclamations faites par les citoyens? Je sais que le
ministère de l'Environnement a analysé le dossier pendant trois
ou quatre mois. Depuis un certain temps, c'est entre les mains du
ministère de la Justice.
M. Johnson (Anjou): Alors, je regrette, mais je pense que le
député comprendra. Il s'agit du programme 16...
M. Payne: C'est cela?
M. Johnson (Anjou): Oui, c'est le programme 16. Comme on est au
programme 5, c'est un peu difficile d'amasser nos gens, nos énergies et
nos documents pour une cause si spécifique.
M. Payne: J'y reviendrai.
M. Johnson (Anjou): Cela nous fera plaisir de le
préparer...
M. Payne: Non, non. C'était...
M. Johnson (Anjou): ...pour le moment où on arrivera au
programme 16.
M. Payne: J'ai pris ton avis.
Le Président (M. Vaugeois): Sur la protection civile,
d'accord, on y reviendra.
M. Johnson (Anjou): On y reviendra dans la protection civile.
Le Président (M. Vaugeois): D'accord. M. le
député de Sainte-Anne, tout à l'heure, vous aviez quelque
chose au programme 5.
M. Polak: Oui, M. le Président, j'ai une question au
programme 5, mais c'est peut-être une combinaison des programmes 5 et 11.
Parce que, lorsqu'on parle d'aide aux justiciables, au lieu de prendre cela
dans le cadre de l'argent qui a été fourni pour les aider, je
pensais plutôt à la manière législative de les
aider. Je me demande si je ne devrais pas attendre au programme 11, en ce qui
concerne la demande de la Chambre des notaires pour protéger l'acheteur
de résidence familiale.
Vous connaissez le principe que, dans une vente, par exemple, de
dictionnaire, il y a, ce qu'on appelle en anglais un "cooling off period",
quelqu'un peut attendre ou revenir sur sa signature pendant une période
de quatre ou cinq jours. Il y a une suggestion très intéressante
de la part de la Chambre des notaires à l'effet d'appliquer ce principe
dans les achats de résidence familiale. Je ne sais pas si cela tomberait
sous le programme 11, mais, pour moi, en même temps, c'est une aide aux
justiciables; pas une aide financière, mais une aide aux justiciables,
ceux qui sont, pour la première fois de leur vie... Très souvent,
de jeunes couples achètent une maison et on voudrait les protéger
par cette suggestion-là. Je pense que c'est une affaire très
intéressante. Cela ne prend pas beaucoup de préparation de la
part de vos fonctionnaires. Mais si vous dites qu'on est mieux d'attendre
à 11, c'est parfait.
M. Johnson (Anjou): ...qu'on attende au programme II.
Le Président (M. Vaugeois): Vous aviez des questions sur
l'aide juridique?
M. Kehoe: Oui, précisément. Le Président
(M. Vaugeois): Voilà. M. Kehoe: On est rendu là? Le
Président (M. Vaugeois): Oui. Aide juridique
M. Kehoe: Où en sommes-nous rendus dans les
négociations avec les tarifs avant que je fasse une
déclaration?
M. Johnson (Anjou): On est en train de négocier.
M. Kehoe: Encore et encore.
M. Johnson (Anjou): On s'en va au Trésor.
M. Kehoe: Aide juridique. Dépôt aux avocats.
M. Johnson (Anjou): Le député va bien comprendre,
puisque je sais qu'il a fait de la pratique de droit du travail à un
moment donné ou quelque chose comme cela. On a dégagé un
certain nombre de mandats du Conseil du trésor et on est en
négociation très active.
M. Kehoe: Depuis combien d'années? Cela n'a pas
changé depuis dix ans.
M. Johnson (Anjou): À ma connaissance, en ce qui me
concerne personnellement, depuis le 4 mars.
M. Kehoe: Oui, mais pas seulement en ce qui vous concerne, en ce
qui concerne votre ministère. Le point où je veux en venir...
M. Johnson (Anjou): Cela fait plusieurs années que le
tarif n'est pas ajusté. On sait cela.
M. Kehoe: Cela fait dix ans dans les affaires civiles en ce qui
concerne les avocats de pratique privée.
M. Johnson (Anjou): C'est cela. On sait cela.
M. Kehoe: Vous trouvez cela normal avec l'inflation, le
coût de hausse d'opération d'un bureau d'avocat de pratique
privée qu'il n'y ait pas eu de changement depuis dix ans, du moins en ce
qui concerne le Code civil?
M. Johnson (Anjou): C'est compliqué. Je ne peux faire
autrement que de constater objectivement qu'il n'y a pas eu de hausse depuis
une dizaine d'années, mais je constate également le discours de
l'Opposition sur le niveau de taxation et le fait qu'il ne faut pas couper dans
les autres dépenses ni emprunter plus. Alors, "whatever the way you look
at it", on a des problèmes.
M. Kehoe: Cela dépend des dépenses. Si vous
dépensez 200 000 000 $ pour acheter la compagnie Asbestos et qu'il y a
une perte d'opération de 20 000 000 $ par année, qu'il s'agisse
de Quebecair et de combien d'autres endroits où vous avez mis de
l'argent follement... On parle de négociations qui durent depuis dix ans
pour une hausse raisonnable. Je pense que vous avez la position du barreau dans
cela. Il y a des études, des positions et des négociations, mais
on dirait qu'il n'y a rien qui aboutit. Tenter de mettre cela sur le dos de
l'Opposition en critiquant quand il y a hausse de taxes... Je pense que s'il y
a eu une hausse raisonnable dans le tarif accordé aux avocats de
pratique privée, cela n'affectera pas beaucoup le déficit de
quelque 3 000 000 000 $ par année que le gouvernement encaisse depuis
les cinq dernières années.
Il y a une autre question dans le même sens. Le dossier de l'aide
juridique a toujours été la cassette jouée par le ministre
de la Justice qui vous précédait, voulant que les avocats de
l'aide juridique coûtent moins cher que les avocats de pratique
privée. La commission a reçu une étude
préparée par le barreau dans laquelle on a
démontré, chiffres à l'appui, que le coût pour
confier un dossier civil à un avocat de pratique privée
s'établissait à 171,19 $ tandis que le même dossier
coûte 187,83 $. Est-ce que vous avez fait une étude sur les
documents présentés par le barreau et quelles sont vos
conclusions?
M. Johnson (Anjou): M. le Président, je demanderais
l'indulgence de la commission d'entendre Me Lafontaine qui est le
président de la Commission des services juridiques. Je pense qu'il a des
choses intéressantes à nous dire sur cela et qu'il a toute
l'expertise nécessaire que recherche, j'en suis sûr, mon
collègue d'en face.
M. Lafontaine (Yves): J'espère ne pas décevoir. Je
ne veux surtout pas non plus intervenir de quelque façon dans une
négociation qui est enclenchée et qui est à un point
critique. C'était un argument de négociation. D'ailleurs,
l'étude que le barreau avait produite a été faite
conjointement avec M. Rabeau, de l'Université de Montréal, et
était aussi signée par M. Jutras, le négociateur des
avocats de pratique privée. Vous comprendrez le contexte dans lequel
cette étude peut avoir été faite, étant
donné que le négociateur a contribué lui-même
à l'étude. (16 h 30)
Je ne suis pas non plus bien placé pour faire la critique
scientifique de la source de ces études. Je peux vous dire que les
chiffres que nous avons fournis et que nous avons toujours mis à la
disposition de quiconque, ont été vérifiés aussi
à la suite d'une évaluation du Conseil du trésor qui a
repris l'étude que nous avions fait faire par une firme privée -
la maison Maheu Noiseux - à qui nous avions ouvert tous nos livres et
qui était prête à endosser ces chiffres et à donner
son certificat professionnel. Le Conseil du trésor a repris cette
étude, l'a fait vérifier. L'Organisation et Méthode du
ministère de la Justice l'a regardée et elle aussi l'a
endossée. Je ne peux pas en dire autant du rapport Rabeau-Jutras. Je
peux vous dire que certaines informations factuelles qui se retrouvaient dans
cette étude sont contredites par les chiffres qu'on a chez nous. Cela se
comprend aussi, parce que les vérificateurs n'ont pas eu accès -
ils ne l'ont pas demandé non plus - à la masse de documents qu'on
a chez nous et aussi à l'expertise qu'on a réussi à
développer depuis 1973.
Le Président (M. Polak): M. le député de
Chapleau.
M. Kehoe: Quand vous dites que des négociations en sont
rendues à un point critique, cela veut dire quoi au juste?
Prévoyez-vous, dans un avenir prochain, que cela va aboutir à une
entente? Quand a eu lieu la dernière négociation?
M. Johnson (Anjou): M. le Président, je pense que le
député de Chapleau comprend
ce dont il s'agit. Il ne peut pas aller à la pêche plus que
cela. On a vu sa "troll"; elle est grosse comme cela. On est en train de
négocier en ce moment. On est à un point critique. On se balade
entre le Conseil du trésor et les tables de négociation. Ce n'est
pas vrai que je vais faire cela sur la place publique. Voilà.
M. Kehoe: Voilà la réponse qui est donnée
depuis cinq ans.
M. Johnson (Anjou): Non.
M. Kehoe: C'est à peu près la même chose.
M. Johnson (Anjou): Non, non.
M. Kehoe: Excusez-moi. Si je peux poser une question, le point
critique, cela veut dire quoi?
M. Johnson (Anjou): Cela veut dire...
M. Kehoe: Si je comprends quelque chose, cela veut dire que c'est
sur le point d'aboutir, soit à des négociations ou... Je ne sais
pas quelle position le barreau va prendre dans le dossier.
M. Johnson (Anjou): C'est sérieux. C'est
sérieux.
M. Kehoe: Cela fait des années que c'est
sérieux.
M. Johnson (Anjou): C'est sérieux et je pense que, pour le
bon fonctionnement du dossier, on aurait intérêt à ne pas
en parler.
M. Kehoe: Bon. Est-ce que la politique du gouvernement est
précisément de tenter, que ce soit sur la question du coût
ou sur celle de la publicité... Quant à la question du libre
choix du contribuable de choisir son avocat de pratique privée ou d'aide
juridique, n'est-il pas un fait, M. le ministre, que tout est orienté
vers une incitation aux justiciables d'utiliser les services des avocats
salariés de l'aide juridique?
M. Johnson (Anjou): Sans avoir fait une étude exhaustive
de cela - parce que, comme tout le monde, cela m'arrive de regarder la
télévision et de lire les journaux - je n'ai pas de
difficulté à comprendre que la perception qu'on en a, c'est qu'on
valorise beaucoup l'aide juridique et les avocats remarquables qu'on y trouve.
Cela ne m'apparaît pas anormal. Cependant, la loi dit bien que les
personnes peuvent avoir recours à un avocat de pratique privée.
Une fois que le justiciable a obtenu son attestation d'admissibilité, il
peut obtenir un mandat et avoir recours aux services d'un avocat en pratique
privée.
Le Président (M. Polak): Cela termine, M. le
député de Chapleau, vos questions sur le programme 5? On va
avancer un peu dans nos travaux. On en arrive au programme 6. Je sais que le
député de Sainte-Anne avait une question là-dessus, mais
il a eu une promotion: il est devenu président temporaire. Donc, on va
donner la parole...
M. Johnson (Anjou): Vous avez le droit, comme président de
m'envoyer au bout de la table là-bas.
Administration
Le Président (M. Polak): Donc, M. le Président - je
m'adresse à moi-même, M. le ministre - je voudrais poser une
question sur le programme 6. J'imagine que la question de la
réglementation pourrait être considérée comme
faisant partie de cette rubrique. Je me réfère encore au journal
du barreau qu'on a reçu, la semaine dernière, pour donner des
exemples d'un problème de réglementation. Un avocat qui pratique
le droit reçoit une liste qui lui indique quels règlements ont
été adoptés, lesquels sont en vigueur ainsi que la date de
publication. C'est une longue liste. On est supposé savoir de quoi il
s'agit. C'est devenu presque une tâche impossible.
Je vois qu'il y a un règlement modifiant le règlement sur
l'exemption prévu aux paragraphes Z et AA de l'article 17 de la Loi
concernant l'impôt sur la vente au détail. On a un numéro
de la Gazette officielle qui est entièrement consacré à la
réglementation découlant de la Loi sur la
rémunération aux secteurs publics. On a tout un numéro de
la Gazette officielle. Je n'ai pas besoin de vous montrer le numéro de
la Gazette, M. le ministre. Vous les connaissez, ce sont des briques qui
parlent seulement d'un sujet tout au long du numéro. Je pourrais
continuer à la citer. Ici, on a une liste d'une vingtaine de
règlements, de différentes lois. C'est devenu une tâche
gigantesque et presque impossible.
Je vois encore des articles qu'on a reçus sur ce problème
de réglementation. Je me demande ce qu'on peut faire, là-dedans,
sur le plan pratique pour le réduire, pour l'abroger - peut-être
pas l'abroger, parce que je comprends qu'il y a beaucoup de petits points qui
doivent être réglementés ou régis non pas par une
loi en générale, mais dans le règlement - car c'est devenu
une montagne de volumes à chaque mois pour chacune des lois qu'on vote.
C'est devenu un très grand problème.
Je vois un autre problème. Nous sommes des législateurs et
nous recevons un projet de loi qui amende un autre projet de loi. De temps en
temps, je me rappelle, avec la Communauté urbaine de Montréal,
on
recevait un projet de loi qui amendait un projet. Les amendements
étaient tellement nombreux qu'il aurait mieux valu de produire un
nouveau projet de loi pour dire que, désormais, la loi régissant
la Communauté urbaine de Montréal se lirait comme suit... Parce
qu'on était obligé de courir. Je me rappelle, je faisais ma
propre recherche au bureau. On avait la loi originale avec tous les amendements
qui sont venus depuis et, ensuite, on avait les textes devant nous.
C'était presque impossible de suivre cela, même avec nos
recherchistes.
Je me demande si, quant aux changements majeurs aux projets de lois, on
ne devrait pas simplement dire: La loi se lit maintenant comme suit. C'est un
peu dans ce sens que je demande où se trouve la solution.
M. Johnson (Anjou): Première chose, truisme, c'est
compliqué. La vie moderne est compliquée, l'État est
partout et va continuer de l'être d'ailleurs. On aura beau hurler,
déchirer nos chemises ici, l'État va continuer d'être
partout dans la vie des gens. Il va se multiplier une série de secteurs
nouveaux, etc. Donc des lois et des règlements qui en
découlent.
Deuxièmement, il s'agit de voir dans quelle mesure le
législateur peut contrôler ce flot continu de
réglementations. Je crois que la réforme parlementaire qui a
été amorcée est susceptible de produire des
réponses intéressantes à cela notamment, le pouvoir
d'initiative de se saisir d'un règlement, sur l'opportunité que
vous avez maintenant au niveau des commissions. En outre, ce projet de loi,
dont on a parlé ce matin avec notre collègue de D'Arcy McGee, qui
est en gestation et qui va faire l'objet de consultation pendant
l'été, on verra où cela peut nous mener à l'automne
sur une loi qui donnerait le cadre de l'approbation des règlements.
Enfin, ce détail d'importance -je comprends le député,
surtout quand on n'a pas de service de recherche, ce dont
bénéficient les membres du Conseil exécutif - on peut bien
dire: On doit approuver des projets de loi qui disent: Le paragraphe 8 de telle
loi est donc modifié.
Dans les lois importantes, le député aura sans doute
remarqué, sur le plan de la quantité des articles, l'importance
de la modification. On a tendance à abroger l'ancien article et à
dire: II se lira dorénavant comme suit. Je pense que cela a
facilité passablement le travail législatif depuis deux ou trois
ans et il faut continuer dans cette veine. Cependant, s'il fallait en plus
reproduire, constamment, les textes initiaux, il y aurait une espèce de
déboublement, et en plus, il y a le temps. Encore une fois, il y a deux
périodes de l'année, bien cruciales, pour déposer la
législation et, quoi qu'on en dise, cela va rester extrêmement
difficile de s'imaginer qu'on va pouvoir déposer, en moyenne, tant de
projets de loi par semaine, sur une base régulière. Ce n'est pas
de cette façon que ça fonctionne au gouvernement. Le processus
décisionnel fait qu'il y a des temps forts pour décider du
dépôt de projets de loi. C'est pour cela que le gouvernement a
accepté une réforme parlementaire qui l'oblige, à toutes
fins utiles, à déposer ses projets de loi six semaines avant la
fin de la session pour permettre aux députés d'en prendre
connaissance en temps utile. On va continuer comme cela pour un bon bout de
temps.
S'il fallait, de plus, qu'on se barre les deux pieds dans une impression
et une réimpression des projets de loi, des lois qu'on est en train de
modifier par un projet de loi, cela ne causerait que des délais
additionnels. Cela dit, je crois que la technique législative qui vise
à abroger les anciens articles pour les remplacer facilite la
lecture.
Le Président (M. Polak): J'ai seulement une question. Tout
à l'heure, quand vous parliez des amendements au Code de
procédure civile, vous-même avez dit: J'espère que
l'Opposition va m'accorder un peu plus de délai. Je me demande pourquoi.
Parce que, si vous connaissez vos intentions de soumettre ces changements - on
est aujourd'hui le 17 avril, d'ici la mi-mai, il y a un mois de
préparation - de combien de temps avez-vous besoin pour préparer
des amendements de cette nature?
M. Johnson (Anjou): Ça prend...
Le Président (M. Polak): De temps en temps, c'est une
question de préparation du travail. Peut-être que vos
fonctionnaires attendent à la dernière minute? Vous pourriez
dire, en janvier: Préparez-vous pour la législation de mai. Cela
nous aiderait également.
M. Johnson (Anjou): Je dois dire là-dessus que les
amendements au Code de procédure civile sont en préparation,
effectivement, depuis le mois de décembre ou le début de janvier.
Ils ont fait l'objet d'échanges d'opinions entre le juge en chef et
nous, à différents niveaux. J'en ai discuté avec mon
sous-ministre et le juge en chef. On a commencé à en parler avec
les gens du barreau. Il faut essayer de faire un minimum de consensus quant au
Code de procédure civile et cela prend du temps. C'est vrai qu'on peut
avoir les idées relativement claires, mais entre cela et les traduire
dans un texte législatif aussi compliqué, aussi technique et
aussi porteur de conséquences dans la vie quotidienne des avocats et des
justiciables qu'est le Code de procédure civile, je pense qu'il faut
être prudent. On
s'active beaucoup. On a beaucoup de gens qui travaillent
là-dessus depuis le mois de janvier au ministère de la
Justice.
Le Président (M. Polak): Je pense que le
député de Chapleau a une question à poser au sujet de la
réglementation. Cela l'intéresse grandement, il en parle
souvent.
M. Kehoe: Pas nécessairement. Je n'étais pas
préparé pour la réglementation. En ce qui concerne le
programme 6, lorsqu'on parle d'administration, je note que ce programme est
estimé à quelque 32 000 000 $, soit une augmentation de 9 600 000
$ par rapport à l'année dernière.
Si je comprends bien, cela représente une augmentation assez
importante de 41,8%. Est-ce que le ministre ou le sous-ministre pourrait nous
dire s'il y a un plan détaillé? Vous mentionnez, à la page
27 du rapport, que cette augmentation vient principalement du coût de la
révision des traitements, du coût de fonctionnement des
systèmes informatisés et du coût de développement
des systèmes pour l'année 1984-1985. Voici ce que je veux savoir,
dans l'ensemble. Est-ce qu'il y a un plan échelonné sur plusieurs
années? Quelles sont les grandes lignes de ce plan? Quand il s'agit
d'une augmentation de cette importance, dans un programme, est-ce que vous
prévoyez que, l'an prochain, ce sera la même chose, est-ce un "one
shot affair"? Quelle est l'idée fondamentale du ministère dans ce
programme? (16 h 45)
M. Johnson (Anjou): Pour l'essentiel de l'expansion des
activités dans le secteur de l'informatique, entre autres, cela se fera
sur trois ans. Cependant, le gros des coûts sera encouru cette
année. L'augmentation des coûts en rythme de croisière
dépendra à la fois des volumes traités ainsi que du choix
qui sera fait d'avoir d'autres systèmes et des changements dans d'autres
systèmes d'information, notamment, au niveau de la détention et
de la probation, ou de la cession des biens en stock, ce qui est un gros
morceau à suivre. Éventuellement, en plus des services
judiciaires et de l'application de la loi des jeunes contrevenants qui,
à toutes fins utiles, devient quelque chose de presque obligatoire dans
le cadre de la loi fédérale, cela implique des coûts
considérables sur le plan de l'informatique.
M. Kehoe: Est-ce principalement l'achat d'équipement
physique?
M. Johnson (Anjou): Le traitement des données, c'est
l'achat d'équipement, le personnel qui l'accompagne. Cela coûte
très cher. L'équipement coûte combien?
L'augmentation de 3 000 000 $, au niveau de la catégorie
budgétaire services.
D'abord, des ajustements de 1 000 000 $ ont dû être
reportés au contrat de services d'une firme avec laquelle le
ministère traite ces choses, afin d'assurer l'opération du
service de traitement par ordinateur, l'augmentation a dû être
consentie en raison de l'augmentation de la puissance de l'ordinateur, qui
exige du personnel supplémentaire pour son opération. Il a fallu
changer les ordinateurs IBM 333 et 4341 par un ordinateur plus puissant IBM
3081 et ajouter des périphériques qui sont additionnelles et
nécessaires, disques, contrôleurs, dérouleurs, etc. D'autre
part, nous devrons procéder à l'embauche d'entrepreneurs
supplémentaires pour développer, entretenir, exploiter le
système d'information du ministère qui connaît de
l'expansion. Nous devons aussi faire appel à l'entreprise privée
pour le développement et l'entretien du nouveau système, le
DACOR, la cession des biens en stock, la gestion des stocks, les rôles
criminels, les rôles civils, la documentation juridique. C'est
énorme.
M. Kehoe: Est-ce qu'effectivement, cela comprend un
système informatique dans les Cours supérieure, provinciale,
civile, les bureaux d'enregistrement? Est-ce que cela comprend tout cela
aussi?
M. Johnson (Anjou): Cela ne couvre pas les registres. Cela
comprend, en plus de l'ensemble des services judiciaires, l'amorce de
l'informatisation des bureaux d'enregistrement.
M. Kehoe: Et les Cours supérieure et provinciale?
M. Johnson (Anjou): Oui, c'est ce que j'appelle les services
judiciaires. Tout cela, c'est le morceau de départ.
M. Kehoe: Vous dites que c'est échelonné sur une
période de trois ans; donc, après que le système sera
implanté, le budget de ce programme devrait être réduit
considérablement.
M. Johnson (Anjou): Stabilisé?
M. Kehoe: Stabilisé ou réduit, j'imagine
qu'après...
M. Johnson (Anjou): C'est-à-dire, réduit quant
à l'effet d'informatisation au niveau.... Théoriquement, oui.
Dans la mesure où l'informatisation provoque une diminution des
exigences en termes de ressources humaines. Théoriquement, encore une
fois. Chose certaine, en tout cas, cela va permettre d'améliorer la
qualité de circulation de l'information. Quand nous aurons des terminaux
d'accès. Je pense que c'est ce vers quoi on se dirige
éventuellement. Il ne
faut peut-être dire dans trois ans, mais un peu plus que cela.
Mais nous nous dirigeons de plus en plus vers l'accès direct à
ces données, dans la mesure où elles ne sont pas confidentielles
et publiques, par voie de terminaux. Donc c'est d'abord ce qui est visé.
C'est l'augmentation d'efficacité. Ensuite, il est bien évident
que cela amènera éventuellement des modifications au niveau du
personnel et de son entraînement. Il ne faut pas présumer, au
départ, que cela présuppose des mises à pied, mais
plutôt le recyclage d'une partie du personnel affecté à ces
fonctions.
M. Kehoe: Le programme que vous êtes en train de mettre en
marche est un changement majeur dans le procédé que vous avez
suivi jusqu'à maintenant. C'est un "updating" et une amélioration
majeure dans le système que vous avez jusqu'à maintenant.
M. Johnson (Anjou): Oui, que l'informatisation de ce type de
données nous permet.
Le Président (M. Polak): Nous en sommes encore au
programme 6. Y a-t-il d'autres questions concernant le programme 6:
Administration? M. le député de Vachon a posé une question
concernant le programme 16, je pense. On va continuer avec le programme 7.
M. Payne: On fait le programme 6 demain?
Le Président (M. Polak): Pardon? Excusez-moi.
M. Payne: Je pense qu'on étudie le programme 6 demain
matin.
Le Président (M. Polak): On vient de terminer le programme
6: Administration.
M. Johnson (Anjou): Ce n'était pas l'histoire de la
sécheresse, des équipements? Oui, d'accord.
M. Payne: Immobilisations.
Le Président (M. Polak): C'est demain.
M. Payne: Mais, demain matin, vous m'avez dit...
M. Johnson (Anjou): Voulez-vous qu'on le traite tout de
suite?
M. Payne: Ce matin? Bien sûr.
M. Johnson (Anjou): On peut le faire tout de suite.
Le Président (M. Polak): Ce n'est pas tellement excitant,
mais, en tout cas, on pourra peut-être le faire.
Une voix: Pardon?
Le Président (M. Polak): Ce n'est pas une matière
très excitante. Est-ce qu'on passe au vote là-dessus, M. le
député de Chapleau? Est-ce qu'on va en discuter? Je comprends que
tout le monde a les mêmes droits devant la commission, mais...
Une voix: Tu n'as pas le droit, tu es président. Tu as
deux chapeaux.
Le Président (M. Polak): Ah oui! On a beaucoup de
matière externe, mais, d'autre part, le député de Vachon
n'en a pas encore parlé, donc si vous... Une couple de minutes.
M. Payne: On se parlait beaucoup avant que vous n'arriviez cet
après-midi.
Le Président (M. Polak): Vous vous sentez opprimé?
M. le député de Vachon.
M. Payne: Concernant le palais de justice de Longueuil, est-ce
qu'on pourrait avoir un "up-date" sur l'implantation du...
M. Johnson (Anjou): On peut dire, dans le cas du palais de
justice de Longueuil, que la préparation du programme architectural est
réglée. Le blocage fonctionnel des espaces par le
ministère est réglé. L'étude de faisabilité,
les alternatives et les estimations de coûts par le ministère des
Travaux publics sont également réglées. L'étude et
la recherche du terrain sont réglées. Quant à la
préparation du mémoire au Conseil du trésor, son analyse
est faite et la préparation du programme technique de construction par
le MTPA également.
On a également procédé à l'engagement de
professionnels au niveau du ministère des Travaux publics et de
l'Approvisionnement. Nous en sommes maintenant à la préparation
des esquisses préliminaires depuis déjà quelques semaines,
pour ne pas dire quelques mois d'ailleurs. La prochaine étape sera la
préparation des plans et devis préliminaires, l'analyse des
coûts, les plans et devis d'exécution, les appels d'offres. Le
début des travaux devrait avoir lieu au mois de septembre 1985.
M. Payne: Où est le site?
M. Johnson (Anjou): Le site est au coin des boulevards Therrien
et Jacques-Cartier, dans le nouveau centre-ville de Longueuil. C'est dans le
comté de Taillon, je crois.
M. Payne: Ah oui! On sait cela depuis un bon bout de temps.
Le Président (M. Polak): C'est dans le bout.
M. Payne: On cherche les retombées partout.
M. Johnson (Anjou): C'est voisin de l'hôpital de
Longueuil.
M. Payne: Est-ce à côté de l'hôpital
Pierre-Boucher?
M. Johnson (Anjou): C'est cela.
M. Payne: Quand sortiront les appels d'offres?
M. Johnson (Anjou): Les appels d'offres devraient sortir dans
neuf ou dix mois au maximum, une fois qu'on aura fait l'analyse des coûts
qui suivra la préparation des plans et devis préliminaires.
M. Payne: Et l'édifice Montmartre va être
passé par un...
M. Johnson (Anjou): Oui, je présume. M. Payne:
...au ministère de la Justice.
M. Johnson (Anjou): Ce sera graduellement
transféré. Une fois que le palais de justice ouvrira, il faut
qu'il ouvre à une place. Nous aurons donc des espaces
intéressants à l'édifice Montmartre. Je ne sais pas si le
député a un projet de CLSC.
M. Payne: Les crédits totaux pour cela, c'est combien?
M. Johnson (Anjou): Les crédits totaux pour le palais de
justice, à Québec, c'est 60 000 000 $; à Longueuil c'est
17 000 000 $.
M. Payne: Merci.
Le Président (M. Polak): M. le député de
Chapleau.
Bureaux d'enregistrement
M. Kehoe: L'an passé, M. le ministre, à cette
époque, ici, lors de l'étude des crédits du
ministère de la Justice, il y a beaucoup de députés qui
ont posé des questions concernant la fermeture de certains bureaux
d'enregistrement.
Une voix: Ah oui.
M. Kehoe: Est-ce que le ministre pourrait nous dire combien de
bureaux d'enregistrement ont été fermés à ce jour?
Un point encore plus important, est-ce que vous prévoyez la fermeture
d'autres bureaux d'enregistrement? Est-ce que l'opération est
complète?
M. Johnson (Anjou): Ce que l'ancien chef de l'Opposition appelait
la mémoire du peuple, c'est-à-dire les bureaux d'enregistrement,
soulèvent toujours des déchaînements passionnés et
considérables.
M. Kehoe: Surtout lorsque c'est dans notre comté.
M. Johnson (Anjou): Voilà, surtout lorsque c'est dans
notre comté. Évidemment, il y a une théorie voulant qu'une
partie de la mémoire est quelque peu artériosclé-rotique,
compte tenu de la qualité, non pas du travail qui y est fait, parce que
nous avons des équipes de gens d'expérience, solides dans ce
domaine-là, mais certains locaux sont un peu désolants, d'autres
sont pour le moins peu fréquentés, lorsqu'on peut s'y rendre en
hiver. Notamment, celui de Ham-Sud qui a une population de 400 habitants, mais
il y a un bureau d'enregistrement. C'est très important, c'est le
député de Mégantic... Ham-Sud, c'est dans
Mégantic-Compton.
Une voix: On a gagné l'élection...
M. Johnson (Anjou): C'est cela. Alors, il faut garder le bureau
d'enregistrement ouvert. Il y a 400 habitants de population, mais c'est
important. Alors, c'est difficile de faire de la rationalisation dans ce
domaine-là. Il faudra bien y venir un jour. Il faut se mettre cela dans
la tête. L'on veut bien permettre l'expression des états
d'âme au sujet de l'importance d'avoir des bureaux d'enregistrement dans
des villes de 400 habitants, mais il reste qu'à un moment donné
il va falloir mettre un peu d'ordre là-dedans. Donc, il n'y a en a pas
qui ont été fermés. Cette année, nous avons un
projet précis de fusion de deux bureaux d'enregistrement, qui sont
situés à peu près à 40 kilomètres de
distance l'un de l'autre, si je me souviens un peu de la géographie de
ce coin-là. Nous allons essayer de le mettre entre les deux, ce qui nous
permettra de réaliser des économies de cour, et permettra aux
gens d'y avoir accès, d'obtenir une bonne information et
d'améliorer les services. Nous devrons déranger trois personnes
à chaque endroit. Je suis sûr que cela fera l'objet d'une bataille
épique dans cette région, que nous recevrons de nombreuses
lettres du député, mais, néanmoins, cela m'apparaît
quand même une solution raisonnable.
Cette vaste opération aura permis, au moins, la fusion de deux
bureaux d'enregistrement.
M. Kehoe: Tout cela étant dit, est-ce que je peux conclure
que ce sont les deux
seuls bureaux d'enregistrement, dans la province de Québec, qui
seront affectés durant l'année courante?
M. Johnson (Anjou): Ce que nous avons sur... Les marrons dans le
feu, c'est cela. C'est le seul dossier actif. Je n'ai pas encore visité
celui de Ham-Sud, par exemple.
M. Kehoe: Vous avez hâte.
M. Johnson (Anjou): J'ai hâte d'aller visiter celui de
Ham-Sud.
Le Président (M. Polak): C'est bon pour vous d'aller le
visiter, parce que l'on vous a décrit comme un homme sans coeur.
Savez-vous démontrer de l'intérêt pour ces 3 ou 4 personnes
qui seront déplacées et tout le reste? Vous rappelez-vous cette
dame d'un demi-pouce de différence...
M. Johnson (Anjou): Je compatis beaucoup pour ce que vivent nos
concitoyens qui sont taxés pour maintenir des bureaux d'enregistrement
dans des municipalités de 400 habitants. Je pense qu'en période
économique comme celle que nous vivons, on pourrait peut-être
mettre de l'argent à une place qui profiterait à plus de
citoyens.
Le Président (M. Polak): M. le député de
Vachon.
M. Payne: Là encore, je ne sais pas à quel
programme, mais il y avait une tentative d'améliorer les services
à la clientèle à l'aide d'un programme d'humanisation. Je
ne l'ai pas lu dans la présentation du livre. (17 heures)
M. Johnson (Anjou): Ce matin, j'ai évoqué une
dizaine de mesures qui ont été prises ou qui sont en voie de
réalisation sur le territoire, dans le but d'humaniser l'accès
à la justice.
M. Payne: Quel est le budget octroyé à cela? Est-ce
que c'est chiffrable? De qui cela relève-t-il?
M. Johnson (Anjou): C'est difficile de ventiler ce qu'on a; pour
l'essentiel, ce sont des activités. Mais on le fera avec plaisir.
M. Payne: Mais l'opération s'est
décentralisée ou...
M. Johnson (Anjou): Bien, il s'agit, pour l'essentiel, d'une
série d'activités qui touchent ce qui se passe dans les palais de
justice, la mise en place de présentoirs, l'évaluation du
programme d'information aux victimes d'acte criminel, l'édition d'un
guide d'accès à l'information du ministère de la Justice,
la mise sur pied d'une structure d'accueil dans tous les palais de justice du
Québec, l'identification d'une personne responsable dans chaque palais
de justice, des modifications à la signalisation dans les palais de
justice - aussi étonnant que cela puisse paraître, quand on va
dans un palais de justice comme celui de Montréal, on peut comprendre
pourquoi - l'évaluation de la situation dans les palais de justice en ce
qui touche les heures d'ouverture et l'aménagement des heures de travail
pour qu'elles correspondent aux besoins des clientèles, la politique des
services de santé en milieu carcéral et, avec l'Office de la
langue française, la mise sur pied d'un comité chargé de
réviser la terminologie dans l'administration de la justice pour la
rendre compréhensible au public en général.
Tous les programmes d'humanisation, au ministère de la Justice,
ont été financés à même ses propres budgets
par des affectations budgétaires spécifiques. Je pense que,
probablement, le dossier le plus remarquable d'humanisation, qui a exigé
un travail considérable de la part de deux ministères - je l'ai
vu d'un autre point de vue - c'est celui de l'établissement de la
trousse et du protocole à l'égard des personnes victimes
d'agression sexuelle et qui touchent à la fois les médecins dans
les salles d'urgence, le personnel infirmier, les policiers, le bureau de la
couronne, le service médico-légal pour l'analyse des
données et ainsi de suite. Je pense que, au bout du compte, cela va
permettre deux choses, du point de vue du citoyen ou de la citoyenne qui est
victime d'une agression sexuelle: d'une part, d'être reçu dans un
contexte à l'hôpital où le personnel est plus
sensibilisé à ces réalités et où on peut,
très efficacement, obtenir les renseignements nécessaires et
utiles pour les fins d'une éventuelle poursuite, d'autre part, les
prélèvements d'échantillon qui peuvent servir en preuve et
qui doivent être analysés, par la suite, par le laboratoire de
pathologie du ministère.
La deuxième chose que cela va donner, c'est le fait d'augmenter,
de façon très sensible, nos chances de succès dans les
poursuites contre les délinquants en matière d'agression
sexuelle.
M. Payne: Ces éléments sont financés
à même le budget régulier, si je comprends bien.
M. Johnson (Anjou): C'est cela. Par des virements de
crédits à l'intérieur du ministère, par
l'affectation prioritaire de fonds et non pas par des crédits de
développement.
Le Président (M. Polak): Le député de
Chapleau.
M. Kehoe: M. le ministre, une dernière question sur ce
programme. Je note qu'il y a une augmentation de quelque 5,2% à ce
programme. À l'élément 2, dans l'enregistrement des actes
relatifs au patrimoine, des crédits périmés se chiffrent
par 1 452 000 000 $. Si je regarde par rapport aux autres crédits
périmés, il s'agit d'un montant assez important. Est-ce que le
ministre peut expliquer pourquoi cette péremption, s'il y en a une?
M. Johnson (Anjou): Je vais vous dire cela.
Le Président (M. Polak): Je veux juste indiquer, M. le
député de Chapleau, que vous êtes maintenant au programme
7.
M. Kehoe: Le même. Mais c'est le même,
enregistrement...
Le Président (M. Polak): Nous sommes encore au programme
6.
M. Johnson (Anjou): On était au programme 6, je pense.
M. Kehoe: Excusez.
Le Président (M. Polak): Non, c'est correct. On
était au programme 6, mais vous êtes très vite, c'est
très bon. Donc, on va dire qu'on a complété le programme
6, tout le monde est d'accord, et on est maintenant au programme 7, mais juste
officiellement, pour l'enregistrement des Débats
M. Kehoe: Merci, M. le Président. Vous êtes un
très bon président. Je pose la question à M. le ministre,
pour être plus clair.
M. Johnson (Anjou): Vous dites qu'on a périmé 1 200
000 $ sur l'enregistrement?
M. Kehoe: Non, non. L'enregistrement des actes relatifs au
patrimoine.
M. Johnson (Anjou): Une péremption de 1 452 000 $ sur 13
160 000 $. Est-ce qu'on pourrait passer à autre chose? Je voudrais
procéder à une vérification.
M. Kehoe: Oui, oui. La raison pour laquelle je pose des
questions, c'est que, dans le programme Administration, je note des
augmentations assez importantes de quelque 41,8%. Cette augmentation est
entièrement à cause du système d'informatique.
M. Johnson (Anjou): Pas entièrement.
M. Kehoe: En partie à cause du système
d'informatique. Je me demande, dans ce programme, en ce qui concerne le bureau
d'enregistrement, si vous avez commencé à ralentir l'implantation
de l'informatique. Est-ce que c'est l'effet de cette cause?
M. Johnson (Anjou): Selon ce que j'ai -quitte à ce qu'on
ait une réponse plus détaillée demain, on va demander aux
services administratifs de nous la fournir -on a périmé 24 000
000 $ au 31 mars 1983...
M. Kehoe: Dans l'ensemble.
M. Johnson (Anjou): ...dans l'ensemble. Ils n'ont pas
été utilisés conformément aux décisions et
aux politiques suivantes: le Conseil du trésor a
décrété la suspension de droit d'engager des
crédits correspondant à la réduction des augmentations
salariales en conformité avec la nouvelle politique salariale du
gouvernement; politique du Trésor concernant le gel du recrutement
à l'extérieur de la fonction publique; plan de contrôle des
dépenses élaboré par le ministère en 1982-1983 qui
comprenait plusieurs mesures administratives en vue de réduire les
dépenses de fonctionnement des programmes et, parmi ces mesures, il y
avait une politique administrative à l'égard des frais de
déplacement, des frais professionnels, l'achat des équipements et
la dotation pour les postes vacants.
Cela dit, je ne peux, en ce moment, donner la réponse au
député quant au problème de la péremption de
crédits de 1 452 000 $ sur 13 160 000 $ de crédits
autorisés, au programme 7, élément 2, de l'enregistrement
d'actes relatifs au patrimoine. On lui donnera les réponses vers la fin
de la semaine.
Le Président (M. Polak): M. le député de
Chapleau.
M. Kehoe: C'est tout. Sur ce programme, je n'ai pas d'autres
questions.
M. Johnson (Anjou): Le programme 7 est-il adopté, M. le
Président?
Le Président (M. Polak): Au point de vue de l'adoption du
programme, je pense que ce sera fait demain...
M. Johnson (Anjou): Pourquoi?
Le Président (M. Polak): ...parce que ce sera en bloc, si
j'ai bien compris. Le député de D'arcy McGee aimerait être
présent pour faire cela. Nous sommes plutôt le substitut
procureur.
Je pense qu'on a terminé le programme 7. Passons au programme
8.
M. Johnson (Anjou): La régie des permis
d'alcool? Est-ce que le président de la régie, Me
Laflamme, est avec nous?
Le Président (M. Polak): J'ai votre question. M. le
député de Chapleau. Quand on n'a pas de question, cela veut dire
qu'on est heureux de tout ce qui se passe. On a peu de temps d'ici à 18
heures. Ce soir, il y a le programme 11: Affaires législatives, qui
m'intéresse beaucoup.
Contrôle des permis d'alcool
M. Kehoe: M. le ministre, ce matin, vous avez parlé, lors
de vos remarques générales, de remplacement des inspecteurs de
contrôle de permis d'alcool par des membres de la Sûreté du
Québec. Est-ce que ces personnes ont toutes été
engagées ailleurs dans la fonction publique, où, et dans quelles
fonctions?
M. Johnson (Anjou): II y en a quatre qui sont restées
à la régie. Les autres ont tous connu des sorts qui variaient de
la retraite au reclassement dans d'autres ministères, que ce soit au
ministère de la Justice, à la détention, que ce soit dans
les bureaux de Travail-Québec qui, comme on le sait, ont connu une
expansion importante à cause des programmes de ma collègue, la
ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu,
l'Office des personnes handicapées, qui était en expansion
également, dans un bureau d'enregistrement, à la Commission des
normes du travail qui est également en expansion et à la
Régie de l'assurance automobile du Québec. Pour l'essentiel,
seulement en regardant rapidement, presque les trois quarts ou les deux tiers
de ces personnes ont été replacées surtout dans les
bureaux de Travail-Québec.
M. Kehoe: Quelles sont les économies
réalisées et les coûts supplémentaires qui
étaient occasionnés à la Sûreté du
Québec?
M. Johnson (Anjou): II n'y a pas de coûts
supplémentaires occasionnés à la Sûreté du
Québec. Il y a simplement ce qu'on appelle un enrichissement de
tâches. Quand on viendra à l'étude des crédits de la
Sûreté du Québec, on pourra constater qu'il y a eu une
augmentation importante de la tâche et une diversification des fonctions
chez les policiers depuis trois ans.
Quant aux économies réalisées, elles sont de
l'ordre de 1 000 000 $.
M. Kehoe: 1 000 000 $ dans l'année courante.
M. Johnson (Anjou): Oui. Par année. Par année. Des
économies récurrentes.
M. Kehoe: J'imagine que les inspecteurs qui étaient
effectivement là depuis un certain temps avaient une compétence
ou une connaissance spéciale pour l'application de la loi en
question.
M. Johnson (Anjou): Oui. On peut présumer qu'ils avaient
lu la loi.
M. Kehoe: Cela va sans dire. Est-ce que cela a pris un
entraînement spécial pour les membres de la Sûreté du
Québec ou s'ils ont commencé leur travail sans aucun
entraînement?
M. Johnson (Anjou): II y a eu un programme de formation pour les
officiers patrouilleurs et ceux qui étaient impliqués
là-dedans. Les escouades régionales d'alcool et de
moralité - ERAM - ont été formées avec la
collaboration de la régie pour leur nouveau travail. Par ailleurs, il
faut bien avoir à l'esprit qu'il y avait quelques aberrations dans
l'ancien système où les inspecteurs, comme l'ensemble des
travailleurs du gouvernement, travaillant de 9 heures à 17 heures et de
8 h 30 à 16 h 30, pouvaient être appelés à inspecter
des lieux à l'heure de fréquentation habituelle des débits
de boisson qui est en général la fin de l'après-midi et
surtout tard dans la soirée. Il est bien évident que cela
impliquait soit l'engagement d'effectifs additionnels, ou de payer du temps
supplémentaire alors que, pour l'essentiel, les débits de boisson
en général sont plutôt tranquilles entre 9 heures et 17
heures sauf le midi si les gens exagèrent. Encore une fois, cela a
permis de faire une économie récurrente de 1 000 000 $.
M. Kehoe: Pour la première année
d'opération, on a une économie de 1 000 000 $.
M. Johnson (Anjou): Oui. Absolument.
M. Kehoe: Prévoyez-vous des économies aussi
importantes à l'avenir?
M. Johnson (Anjou): Pardon?
M. Kehoe: À l'avenir, prévoyez-vous faire des
économies aussi importantes de l'ordre de 1 000 000 $ par
année?
M. Johnson (Anjou): II s'agit d'un montant de 1 000 000 $
récurrent.
M. Kehoe: Le même montant?
M. Johnson (Anjou): Oui. Ce service coûtait 1 000 000 $ par
année, 1983-1984, et, si on l'indexe dans le temps, ce sera 1 100 000 $
puis 1 200 000 $, etc. Et, dans la mesure où il n'y a plus ce service et
que ce travail est effectué maintenant sur
l'ensemble du territoire du Québec, alors qu'avant c'était
surtout concentré à Montréal et à Québec,
cela va être fait par les escouades spécialisées de la
Sûreté du Québec. Ainsi, on a épargné de
l'argent. On a permis au ministère du Travail de recruter du personnel
expérimenté dans des programmes en expansion. Enfin on permet que
la loi soit appliquée d'une façon plus uniforme sur l'ensemble du
territoire. (17 h 15)
C'est un bel exemple de ce qu'est une bonne rationalisation. Cela
viendra un jour avec les bureaux d'enregistrement.
M. Kehoe: On pose la question et c'est précisément
la question que je voulais poser. Il est tellement évident que ce
programme est efficace. Pourquoi n'a-t-il pas été appliqué
avant? Est-ce que cela fait plusieurs années qu'il y a eu des analyses,
avant que le système soit mis en vigueur? On pose la question, parce que
c'est tellement évident que c'est un succès frappant. Pourquoi
cela n'a pas été mis en vigueur avant? Surtout si on tient compte
du fait que l'application...
M. Johnson (Anjou): Probablement parce que le livre blanc sur la
justice en 1975 ne le prévoyait pas.
M. Kehoe: Ah! bon.
M. Polak: Mais on est en 1984.
M. Johnson (Anjou): Oui, oui.
Le Président (M. Vaugeois): Cela va?
M. Polak: Oui.
Le Président (M. Vaugeois): Alors, on laisse en suspens
les programmes 9 et 10...
M. Polak: Oui.
Le Président (M. Vaugeois): ...de même qu'une partie
du programme 7 et on aborde le programme 11 sur l'élaboration des
règlements. Est-ce que le ministre a des choses nouvelles à nous
dire?
Une voix: Vas-y.
Affaires législatives
M. Polak: M. le Président, au sujet du programme 11, je
voudrais parler d'une demande présentée par la Chambre des
notaires à laquelle j'ai fait référence tout à
l'heure. La Chambre des notaires réclame un amendement législatif
destiné à mieux protéger les acheteurs de résidence
familiale. Cette demande a été envoyée au mois de janvier
1984. Ce que la Chambre des notaires réclame, c'est qu'un acheteur ait
le droit de revenir sur sa décision dans un délai raisonnable -
cela pourrait aller de trois à sept jours - après la signature
d'une offre d'achat d'une maison.
Je cite un autre article qu'on a reçu du barreau du
Québec: "Si on signe un contrat d'abonnement à une revue, la Loi
sur la protection du consommateur permet un délai de réflexion,
délai durant lequel il peut changer d'avis et annuler son abonnement."
En anglais, on appelle cela le "cooling off period" qui accorde quelques jours
au contribuable pour penser qu'il n'aurait peut-être pas dû
signer.
Et maintenant, on réclame ce même principe pour l'achat
d'immeuble. Je cite encore parce que je voudrais expliciter pourquoi,
personnellement, j'appuierais un tel amendement: "Lors de la vente d'une
maison, les parties ne réalisent pas toujours l'étendue de la
responsabilité juridique ou la portée de leurs obligations
réciproques. D'ailleurs, pour plusieurs jeunes couples, l'achat d'une
maison constitue la transaction de leur vie. Très souvent, ils y
investissent toutes leurs économies en engageant la situation
financière de leur famille pour plusieurs années, sans
véritablement connaître la portée juridique de leurs
engagements." La question qui a été soulevée par la
Chambre des notaires était donc la suivante: "Pourquoi ne pas leur
accorder pour l'achat de leur résidence familiale un délai de
réflexion analogue à celui qui leur est accordé lorsqu'ils
achètent une encyclopédie ou une batterie de cuisine?"
On nous a objecté que de tels amendements législatifs
destinés à mieux protéger les acheteurs de
résidence familiale entraîneraient à coup sûr
l'annulation de certaines ventes. Cela tombe sous le sens, mais je dirais que
ces ventes annulées seraient celles qui ne font pas la
réputation, ni des maisons de courtage, ni des agents immobiliers. En
d'autres termes, le délai de réflexion, c'est-à-dire la
possibilité de changer d'avis, viendrait plutôt confirmer les bons
contrats. Très souvent, j'ai eu l'expérience où...
M. Johnson (Anjou): Fin de la citation?
M. Polak: Fin de la citation et, en même temps, de mes
idées aussi. Dans mes années de pratique du droit, très
souvent, des gens sont venus me voir avec une offre d'achat déjà
signée. Je leur dis toujours que c'est trop tard, qu'ils auraient
dû venir me voir avant que l'offre d'achat soit signée. Vous savez
autant que moi qu'une offre signée, acceptée, est un contrat et
que, très souvent, il s'ensuit des poursuites judiciaires. Ces gens ne
se sont simplement pas prévalu de leurs droits devant un avocat ou un
notaire pour se faire expliquer auparavant. Ce n'est pas seulement moi qui
réclame
cela; c'est la Chambre des notaires qui a décidé de
supporter ces demandes, cette même protection pour les contribuables.
Cela ne veut pas du tout dire qu'on va geler toutes les transactions
immobilières. Il s'agit des offres d'achat où quelqu'un a une
période - cela peut varier, je ne connais pas les délais exacts -
de quatre ou cinq jours. Je comprends que le délai ne doit pas
être trop étendu non plus; mais au moins ces gens-là, le
lendemain, peuvent consulter quelqu'un et dire: Je ne veux pas accepter cette
vente. Comme on fait pour la protection du consommateur dans d'autres
domaines.
Je sais que ces demandes vous sont envoyées. J'aimerais savoir
quelle est votre réaction. Si vous n'avez pas encore
étudié le dossier, est-ce que vous promettez de l'étudier
très sérieusement? Parce que, personnellement, je
considère qu'il y a beaucoup de Québécois et de
Québécoises qui pourraient bénéficier d'une telle
protection.
M. Johnson (Anjou): D'abord, je ne veux pas renvoyer la balle,
mais je ne pense pas que je sois ici pour exprimer des opinions personnelles
surtout sur des dossiers gouvernementaux.
Ce type de question relève plutôt de mon collège, le
ministre responsable de la consommation et de l'habitation. C'est dans ce
ministère que serait traité un seul dossier, le ministère
de la Justice étant évidemment prêt à collaborer
à ce type d'approche et à fournir toute son expertise dans le
domaine. Mais pour l'essentiel, c'est un dossier qui, à nos yeux, doit
être porté au ministère de l'Habitation et de la Protection
du consommateur.
En soi, je ne crois pas qu'il existe un tel projet, en tout cas, je n'en
ai pas eu vent. Sûrement, depuis un certain nombre d'années que je
siège au Comité du développement social, je n'ai pas vu de
tel projet. Maintenant, peut-être le ministère en pre'pare-t-il
un.
M. Polak: Je comprends que vous dites que cela a l'air de
convenir à un autre ministère, mais à mon avis, c'est
partiellement. L'article dit ici que la Chambre des notaires a, par la voix de
son président, Me Simon Morency, réclamé en janvier 1984
des amendements législatifs. Je pense que cela a été
envoyé au ministère de la Justice également. Je ne sais
pas si vous étiez déjà ministre de la Justice à ce
moment-là, mais est-ce qu'à votre ministère on a
reçu une telle demande? Parce que j'imagine qu'une telle demande doit
être étudiée par plusieurs ministères en même
temps.
M. Johnson (Anjou): C'est cela. Mais je sais qu'il y a
déjà presque dix ans, il était question de cela. Il me
semble que c'est en 1973 ou quelque chose comme ça. Il y avait un projet
de cette nature qui avait circulé ou dans les associations de
consommateurs ou au moment de la création du ministère, je ne
sais quoi.
Maintenant, je vais sûrement vérifier. Je pense que la
suggestion de la Chambre des notaires est sûrement significative d'une
vision des choses qui, socialement, est extrêmement intéressante
de la part de la chambre.
Le Président (M. Vaugeois): M. le ministre, relativement
à la révision des règlements du gouvernement, dans le
rapport de la commission d'étude auquel vous vous référiez
ce matin - vous nous avez fait l'honneur de le parcourir - nous
évoquions aussi des pratiques qui se trouvent à l'étranger
quant à ce qu'on a appelé la clause crépuscule qui,
généralement, est dans la loi elle-même, dans la
disposition habilitante ou quelque chose comme ça...
Comme nous n'avons pas eu cette pratique, au cours des dernières
années, de prévoir la clause crépuscule, les experts nous
disaient que votre ministère pourrait proposer au Conseil des ministres
de déclarer en désuétude tout règlement
âgé de plus de cinq ans à moins d'être
justifié à nouveau par l'administration concernée, par le
ministère concerné.
On nous disait que c'était une façon assez peu
compromettante, assez peu compliquée de nettoyer certains vieux
règlements. Remarquez que cela aurait peut-être plus valeur de
symbole qu'autre chose parce que ce n'est sans doute pas les règlements
les plus importants qui seraient touchés, mais tout de même. Je
voyais dans un communiqué de presse tout à l'heure, que le
Conseil exécutif vient de trancher entre le code du bâtiment
québécois et le code national. Il me semble que c'est du
même esprit, soit une simplification, essayer de faire tomber ce qui est
déjà désuet. D'ailleurs cela pourrait inspirer les
municipalités parce qu'elles aussi ont beaucoup de vieux
règlements.
M. Johnson (Anjou): Le chiffre va peut-être étonner,
peut-être pas le président de la commission parce qu'il
s'intéresse à ces questions depuis plusieurs années, mais
le ministère a déjà recensé, au chapitre des lois
seulement, depuis 1867, près de 1000 lois qui seraient susceptibles
d'être considérées comme désuètes.
Le Président (M. Vaugeois): Oui, il s'agit moins des
lois...
M. Johnson (Anjou): Là, vous parlez des
règlements.
Le Président (M. Vaugeois): Les règlements,
oui.
M. Johnson (Anjou): Bon. Quant au travail réglementaire,
j'ai l'impression que c'est une oeuvre titanesque, à laquelle les
commissions, comme le travail du ministère dans le contexte et dans les
suites, probablement, éventuelles à donner à une loi sur
les règlements, c'est ce qui devra se faire. L'autre chose, c'est la
notion des clauses crépusculaires. Je trouve cela intéressant
comme notion. Je dois vous dire que, dans la mesure où on a encore de la
difficulté à trancher dans le débat sur les
responsabilités respectives de l'exécutif et du législatif
à l'égard des règlements et de la possibilité de
les voir désavoués, je pense qu'une technique
intermédiaire - et qui serait une technique de transition
extrêmement intéressante pour l'Assemblée nationale du
Québec, enfin, j'exprime une opinion personnelle sur un sujet dont le
gouvernement n'est pas encore saisi - en soi, c'est extrêmement
intéressant comme approche.
C'est-à-dire que, au moment où on adopte une loi dans un
domaine spécifique, on prévoirait, dans la loi, que le
règlement qui sera adopté suivant un certain nombre d'articles de
la loi et qui devra suivre le cheminement, éventuellement, prévu
dans la loi-cadre sur l'adoption des règlements, n'aura force de loi que
jusqu'à une date déterminée. Je pense que la perspective,
cela devrait être, en général, cinq ans, à quelques
exceptions près. Et, à ce moment-là, il appartiendra au
pouvoir exécutif de devoir revenir devant les commissions pour voir ce
type de réglementation reconduite. Je trouve que c'est extrêmement
intéressant comme approche.
Le Président (M. Vaugeois): Alors, on se comprend bien, M.
le ministre. Il est donc possible que, éventuellement, vos gens soient
invités à vous préparer un peu le portrait, au niveau des
règlements, de ce que pourrait signifier la décision de
déclarer désuet tout règlement âgé de plus
cinq ans, à partir du 31 décembre de cette année, à
moins que l'administration concernée n'ait justifié son
règlement. Une pareille pratique, d'ailleurs, serait probablement plus
importante encore pour d'autres organismes qui réglementent au
Québec, comme les municipalités.
Nous avons cru comprendre, à l'occasion de nos travaux, que, sauf
peut-être Montréal qui est en train de le faire, la plupart des
municipalités n'ont pas vraiment codifié ou rassemblé
leurs règlements. Ce qui fait qu'il y a des vieux règlements qui
traînent, ils sont absolument baroques. Par exemple, la plupart des
règlements municipaux interdisent aux gens de se promener avec un
animal, le soir, passé telle heure ou encore interdisent aux
véhicules à quatre roues de circuler l'hiver. Ce sont de vieux
règlements qui n'ont jamais été abrogés. Et
à peu près tous les experts qui sont venus devant notre
commission d'étude nous disaient que, si quelqu'un entreprenait de faire
respecter tous les règlements, c'est certain qu'on pourrait
arrêter toute activité au Québec, le jour même.
M. Johnson (Anjou): Pas seulement au Québec, je suis
sûr que cela doit être délirant, dans la plupart des pays
européens.
Le Président (M. Vaugeois): Sans doute, sans doute. Alors,
au fond, l'exemple doit partir de haut, si votre ministère
déjà le proposait, cela suggérerait aux
municipalités, à ceux qui réglementent, en empilant
continuellement les règlements de faire de temps en temps le
ménage. Cela rassurerait les gens sur les orientations
générales que ceux qui sont élus un peu partout
prennent.
C'est à titre de suggestion, maintenant, puisque la question a
été posée précédemment. M. le
député de Vachon.
M. Payne: Oui. Dans le même ordre d'idées, au fur et
à mesure qu'on devient habitué à la nouvelle façon
de procéder dans les commissions parlementaires, je pense que, de plus
en plus, il est important que les parlementaires aient un accès rapide
aux règlements et aux lois.
Je vois qu'il y a certaines parties du budget qui accordaient au SOQUIJ
environ 500 000 $. C'est à quelle fin, cette subvention? Pour codifier
les lois? Est-ce qu'il y a un volet d'informatisation là-dedans?
M. Johnson (Anjou): C'est, essentiellement, la diffusion. SOQUIJ
collige, édite, diffuse les jugements, la jurisprudence, pour
l'essentiel.
M. Payne: Les jugements?
M. Johnson (Anjou): Les jugements des tribunaux.
M. Payne: Oui. (17 h 30)
M. Johnson (Anjou): La subvention que nous fournissons à
SOQUIJ représente une proportion relativement mince de son budget total
étant donné qu'elle s'autosuffit largement par la vente de ses
services.
M. Payne: J'ai deux questions. D'abord, ma préoccupation
initiale était plutôt relative à l'accessibilité aux
lois et aux règlements à la source. L'informatique pourrait nous
aider beaucoup en termes de rapidité d'accès.
Ma deuxième question - j'y reviendrai
tout à l'heure - touche justement les jugements de nos
régies.
M. Johnson (Anjou): Au niveau de l'accès
informatisé aux lois et règlements, le ministère me dit
qu'on a, depuis un an et demi, des expériences pilotes avec un certain
nombre de bureaux de Montréal et de Québec.
M. Payne: Quels bureaux?
M. Johnson (Anjou): Ce sont des bureaux de pratique
privée, ainsi qu'un certain nombre de contentieux des ministères
qui ont un accès direct par écran cathodique aux textes
législatifs et réglementaires qui sont contenus dans nos banques
de données. Il s'agit d'une expérience pilote pour l'essentiel,
qui sera évaluée. C'est ce qu'on nous dit, en tout cas.
M. Payne: En ce qui concerne l'Assemblée nationale? Est-ce
qu'il y a des expériences pilotes pour l'informatisation et la
codification des lois et des règlements entre les
bibliothèques?
M. Johnson (Anjou): Dans le fond, on est en expérience
pilote en ce moment. Une fois que l'expérience aura été
suffisamment concluante - il semble que cela s'avère de plus en plus -
qu'on aura raffiné et sorti les puces du système, il s'agira
essentiellement d'installer des écrans cathodiques et des terminaux
d'accès.
Une voix: Et des puces?
M. Johnson (Anjou): Oui, et des puces. C'était au sens de
"bugs". Une fois qu'on aura débarrassé le système de ces
imperfections - comme ces choses se font des fois en informatique -
l'étape suivante sera d'installer les terminaux. Je présume que
les députés, éventuellement, en auront. Le service de
recherche en aura.
M. Payne: La deuxième question concernait, justement,
quelques jugements: les jugements de nos régies. Je sais que cela ne
relève pas directement du ministère, mais, par contre, je pense
qu'il y a un certain souci que le ministre devrait avoir pour les jugements et
l'accessibilité aux jugements de nos régies.
J'ai reçu quelques commentaires, surtout depuis quelques
années, à l'effet que plusieurs de nos jugements ne sont pas
aussi accessibles qu'on aurait pu le croire. Il m'apparaît assez
important qu'on s'assure que, normalement, les jugements rendus par les
régies devraient être accessibles partout, dans l'administration
publique.
M. Johnson (Anjou): Le député se
réfère à un certain nombre de régies ou de
tribunaux administratifs, qui ne sont pas tout à fait des tribunaux et
qui ne relèvent pas du ministère de la Justice, mais, de chacun
des ministères sectoriels qui sont des organismes qui font de
l'adjudication de droit, que ce soit la protection du territoire agricole,
régie du logement, et une foule d'autres organismes de cette nature. Il
en existe plusieurs dans l'État qui, effectivement, ne sont pas
obligatoirement soumis à la nécessité de publier et
même de rendre accessibles leurs jugements à d'autres que les
intéressés immédiats dans les causes qui sont devant eux.
Je pense que c'est effectivement un problème. Je ne sais pas exactement
comment il faudra le résoudre, soit par voie législative ou
autrement.
Je prends l'exemple de la protection du territoire agricole. La
commission a rendu littéralement des milliers de décisions depuis
sa création. On peut comprendre que, dans un premier temps, il y avait
autre chose à faire que d'écrire et de rendre accessible et
publier des jugements, surtout que, souvent, cela concernait des publics
très spécialisés. C'est extrêmement onéreux
de faire la publication de jugements.
Le principe de l'accessibilité au jugement des commissions ou des
régies, dans la mesure où il n'y a pas divulgation d'informations
qui seraient autrement qualifiées de confidentielles,
spécifiquement ou par analogie avec la loi 65, m'apparaît un
principe à retenir en soi. Je pense que ces organismes auraient une
démonstration importante à faire pour nous démontrer
pourquoi ils ne permettraient pas l'accès aux citoyens, aux justiciables
qui, à un moment donné, voudraient confronter une commission avec
des jugements contradictoires, par exemple, pour obtenir, une fois pour toute,
une opinion qui soit une opinion de la commission ou de la régie sur tel
type de problème ou à quelle jurisprudence les justiciables
peuvent se fier.
M. Payne: Je pense que c'est une discussion à poursuivre
justement pour la jurisprudence nécessaire pour que les avocats puissent
préparer leur plaidoyer. D'ailleurs, le premier exemple est bien choisi.
Cela touche la régie, comment l'appelle-t-on?
M. Johnson (Anjou): Commission de protection du territoire
agricole.
M. Payne: La Commission de protection du territoire agricole,
c'est celle où il y a plusieurs plaintes. S'il y a des raisons
invoquées pour que cela ne soit pas divulgué, on aimerait bien le
savoir. Je pense que la question est bien posée.
Le Président (M. Vaugeois): Sur le même sujet, M. le
ministre, une question
d'information, est-ce que les documents qui servent à un
procès, soit devant un tribunal administratif ou les autres tribunaux,
sont non seulement conservés, mais rendus accessibles et selon quelles
procédures et quelles prescriptions?
M. Johnson (Anjou): Dans le cas des tribunaux, dans le cas des
procès - je ne suis pas certain que je parle des organismes
administratifs - l'ensemble des "exhibits", des dossiers, etc., sont
accessibles au public c'est-à-dire qu'ils sont conservés dans les
greffes.
Le Président (M. Vaugeois): Est-ce que cela ne peut pas
être détruit? Il n'y a personne qui a l'autorité pour
décider de détruire...
M. Johnson (Anjou): Personne n'est autorisé à le
faire.
Le Président (M. Vaugeois): Est-ce qu'après des
siècles ces documents pourraient être confiés aux archives
nationales de l'État? Est-ce que cela est prévu?
M. Johnson (Anjou): On me dit qu'ils sont confiés au
ministère des Affaires culturelles et aux archives après un
certain nombre d'années.
Le Président (M. Vaugeois): Ils sont
déposés.
M. Johnson (Anjou): Ils sont déposés auprès
des archives.
Le Président (M. Vaugeois): Voilà! M. Johnson
(Anjou): C'est cela.
Le Président (M. Vaugeois): Contrairement à tous
les autres documents qui deviennent inactifs dans l'administration
publique...
M. Johnson (Anjou): Voilà!
Le Président (M. Vaugeois): ...ils sont confiés et
la responsabilité appartient...
M. Johnson (Anjou): La responsabilité reste au
ministère de la Justice.
Le Président (M. Vaugeois): D'accord. C'est la même
chose pour les documents qui sont réunis à l'occasion d'une
enquête de la police. Est-ce que ces documents doivent être
conservés?
M. Johnson (Anjou): Non, c'est-à-dire les documents
policiers?
Le Président (M. Vaugeois): Oui.
M. Johnson (Anjou): Non, les documents policiers,
premièrement, ne sont pas accessibles pour des raisons de
confidentialité évidentes et sur lesquelles, je pense, on n'a pas
à faire un bien long débat. Il est bien évident. Un
rapport de police, ce n'est pas un document d'ordre public qui fait qu'on le
rend accessible. Ce n'est pas pour rien qu'il y a des procès dans notre
système. C'est parce qu'il y a des garanties à donner aux
citoyens quant à l'utilisation de l'information qui est
présentée par la couronne. Je présume que la pratique,
peut-être que le directeur de la Sûreté du Québec
pourra nous en parler à l'occasion de l'étude de ses
crédits...
Le Président (M. Vaugeois): On reviendra
là-dessus.
M. Johnson (Anjou): ...je présume que la pratique, c'est
de conserver les documents un certain temps, tant et aussi longtemps que c'est
utile. Je ne connais pas les critères quant à la destruction,
mais on nous le dira.
Le Président (M. Vaugeois): Merci, M. le ministre. M. le
député de Westmount. Comme je sais que nous sommes toujours au
programme 11 et que je connais les préoccupations du
député de Westmount, je voudrais rassurer M. le ministre. Je n'y
suis pour rien quant à la présence de mon collègue de
Westmount.
Une voix: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Vaugeois): Ah!
Excusez.
M. de Bellefeuille: M. le Président, nous en sommes au
programme 11.
Le Président (M. Vaugeois): Oui.
M. de Bellefeuille: Devons-nous en venir au programme 9? Si oui,
quand?
Le Président (M. Vaugeois): Demain matin.
M. de Bellefeuille: Demain matin. Le Président (M.
Vaugeois): Oui.
M. Polak: Le député de D'Arcy McGee demande de
réserver cela pour demain matin.
Le Président (M. Vaugeois): C'est la même chose pour
3 et 4, M. le député de Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: Oui.
Le Président (M. Vaugeois): D'accord. M. le
député de Westmount.
M. French: Justement, qui a pris un nom français
d'ailleurs qui est très recherché, mais la plupart...
Excusez-moi!
Le Président (M. Vaugeois): Vous êtes en ondes.
M. French: Merci, M. le Président. Je veux revenir
à un sujet que le ministre a déjà touché, soit un
cadre réglementaire pour le processus de la production des
règlements au sein du gouvernement. L'on sait que depuis au moins 18
mois, le prédécesseur du ministre promettait à tous et
chacun des intervenants du dossier, un tel projet de loi dans l'étude
des crédits du ministère de la Justice. Il y a un an, le ministre
s'engageait solennellement à produire pour l'automne dernier un projet
de loi fixant les cadres juridiques uniques et clairs au processus de
préparation et d'adoption des règlements.
Il promettait la même chose à la Chambre des notaires, au
Barreau du Québec, à l'Assemblée nationale d'ailleurs - je
me le rappelle - et à la communauté du monde des affaires. Or,
nous apprenons aujourd'hui que cela prendra un autre 12 mois. Le ministre ne
s'engage pas à l'amener devant l'Assemblée nationale avant cela.
Je dois avouer que je trouve cela non seulement décevant, mais tout
à fait inadéquat comme réponse. Cela, non pas parce que
c'est une question brûlante, mais parce que le processus du
contrôle des règlements ne se ferait pas du jour au lendemain de
l'adoption d'un tel projet de loi, que le changement d'attitude au sein de
l'administration ne se ferait pas du jour au lendemain, enfin, que le projet de
loi soit adopté, tant mieux, mais ce n'est que le début d'une
longue équilibration des pouvoirs, entre, d'une part, l'exécutif
et le législateur et, d'autre part, la population et le gouvernement. Je
ne m'explique pas, compte tenu de tout ce que le ministre disait, il y a un an,
du processus de préparation de ce projet de loi... Il disait, par
exemple, et je cite: "Ce projet de loi fait suite à une analyse
poussée entreprise au ministère." Qu'est-il arrivé
entre-temps pour tant compliquer la vie?
Comment se fait-il que le ministre, qui n'était pas
lui-même renommé pour sa hâte à présenter des
réformes, lui-même se trouvait, à ce moment-là,
prêt à proposer à l'Assemblée nationale un projet de
loi, alors que son successeur se retrouve dans l'impossibilité de le
faire?
M. Johnson (Anjou): Le député était absent
pour des raisons que je peux comprendre, car il siégeait ailleurs, je
crois.
Ce n'est pas une affaire de théorie très
concrètement, comme je le disais à ses collègues. Nous
avons 1300 articles dans la réforme du Code civil. Il y a une loi sur
les règlements qui implique un vaste changement pour tous les
ministères de l'État. Nous avons le Code de procédure
civile pour les délais, l'abrogation éventuelle de la Loi sur les
poursuites sommaires pour en faire un code pénal
québécois, l'unification des tribunaux qui touche un appareil
d'une extrême sensibilité et qui est considérable et
important. Le Parlement doit en être saisi en vertu des nouveaux
principes. Nous avons les deux règlements qui suivront l'application de
la Charte des droits et libertés de la personne. Quand même, il va
falloir faire des choix. À moins que le Parlement ne puisse
siéger 14 mois, 24 heures par jour, et 375 jours par année, pour
le ministère de la Justice, à un moment donné, il va
falloir faire des choix.
La raison pour laquelle j'ai répondu comme j'ai répondu ce
matin, c'est que c'est clair, lorsque j'écoute un député
sur un dossier et puis un autre sur un autre dossier, que tout est prioritaire.
Ce n'est pas vrai que tout est prioritaire, ce n'est pas comme cela que cela
marche. On aura un choix à effectuer quant au programme
législatif, soyons pratiques, de l'automne, parce que d'ici le mois de
juin, à part, c'est un engagement que j'ai pris et le seul que j'ai
pris, j'ai l'intention de le réaliser, il faut apporter des
modifications au Code de procédure civile pour cet
élément, parmi deux, trois autres éléments qui sont
en cours en ce moment et en voie d'implantation, nous permettent d'arriver le
plus rapidement possible à une réduction des délais en
Cour supérieure. (17 h 45)
Dans les gros blocs qui viennent, il y a la Loi sur les
règlements qui fait suite à la commission French-Vaugeois ou
Vaugeois-French, l'unification des tribunaux, le Code civil pour lequel
j'entends le député de D'Arcy McGee m'expliquer tous les jours
qu'il est important qu'on le fasse - tout d'un bloc à part cela, comme
en 1867, 1300 articles, le condominium, le droit de propriété et
envoie, vas-y, ce n'est pas grave, on peut faire cela vite, vite - ensuite,
refaire la loi - on est avancé au niveau des travaux aussi - pour se
doter d'un code de procédure pénale québécois.
C'est également un ouvrage considérable qui implique des
consultations avec le barreau, etc. et qui modifiera la pratique. Ce sont
beaucoup de choses.
Ce que me dit le député... Peut-être que, si sa
formation pouvait se décider à un moment donné
là-dessus, nous sommes prêts à l'écouter, nous
établirons des priorités et nous demanderons la collaboration de
l'Opposition, mais il n'est pas vrai qu'on aura 17 dossiers prioritaires en
même temps. On en aura un ou deux à la fois. Si on est capable de
les mener à terme, on en sera tous très heureux.
Je dois vous dire que, le jour où on
s'embarque uniquement dans la réforme du Code civil, avec 1300
articles, j'espère que vous aurez attaché vos ceintures et que
vous n'aurez pas projeté d'autres activités pour l'automne
prochain, mais 1300 articles du Code civil, c'est à temps plein. Et on
ne fait pas cela sur un coin de table. Cela va présupposer beaucoup
d'instruments de travail, beaucoup de recherche et d'échanges qui
dureront très longtemps. Ce sera énorme comme activité
pour cette commission. Je ne pense pas qu'on aurait les moyens de se payer
beaucoup d'autres projets de loi. Il faudra donc que je décide et
lorsque je déciderai quelle sera l'initiative législative
gouvernementale dans ce domaine, il faudra qu'on vive avec cela aussi et non
qu'on revienne à toutes les semaines pour dire: Bien oui, mais pourquoi
est-ce qu'on ne fait pas le Code civil? On fait le Code civil parce qu'on n'est
pas des schizophrènes et qu'on peut faire une seule chose à la
fois en commission.
C'est dans ce sens que j'ai dit au député qu'à mes
yeux il était très clair que le projet de loi encadrant la
réglementation correspondait à une forte préoccupation des
membres de cette commission, des parlementaires en général, de
toutes sortes de groupes. J'ai encore lu récemment un document du
barreau là-dessus qui dit: II commence à être temps que
cela se fasse, etc. C'est très clair. Je n'ai pas de difficulté
à croire qu'il va falloir, quel que soit l'état des
priorités, que ce soit adopté et présenté par le
Parlement d'ici le printemps prochain.
Je donne cela comme horizon. Cela m'apparaît une priorité
effectivement. Tant mieux si on peut le faire à l'automne, mais soyons
conscients que, si on le fait à l'automne, on ne fera pas autre chose.
Voilai C'est cela, ce n'est pas idéologique, mais c'est très
pratique.
M. French: M. le Président, le projet de loi est-il
prêt?
M. Johnson (Anjou): Un avant-projet est, je ne dirai pas
satisfaisant, mais suffisamment préparé pour qu'on parle de
quelque chose de sérieux.
M. French: Donc, il ne s'agit pas d'une question où il y a
des liens de fond entre les autres réformes en cours et le projet de
loi, mais plutôt d'un simple embouteillage au niveau du Parlement et,
bien sûr, au niveau du ministère, ce qui est tout à fait
légitime, je ne le nie pas.
M. Johnson (Anjou): C'est-à-dire qu'il y a trois niveaux
où il faut attacher ces fils, pour reprendre l'expression
consacrée: d'abord, au niveau du Parlement, il est clair que cela
intéresse les membres de la législature; deuxièmement, au
niveau de l'exécutif dans son ensemble, il faut voir comment il
réagit. Maintenant, ceci dit, au ministère de la Justice, nous
avons un certain avantage, c'est nous qui sommes responsables des contentieux
qui conseillent les ministères sur l'opportunité des
législations. Disons que la consultation sera faite, mais qu'on a
là un certain instrument d'efficacité.
Troisièmement, il y a les intervenants. Quand on rencontre le
bâtonnier pour discuter des amendements au Code de procédure
civile, parce que le juge en chef de la Cour supérieure est
pressé qu'on modifie le code pour améliorer les délais, et
nous aussi, on ne peut pas, en même temps, lui parler des 1300 articles,
de la réforme du Code civil et de l'unification des tribunaux. Il y a
beaucoup d'acteurs; encore une fois, ce n'est pas la "faute" du
ministère qui a progressé dans ce domaine, ce sont les
mêmes équipes au niveau de la législation et des affaires
législatives au ministère qui doivent voir cet ensemble de
choses. C'est beaucoup, c'est énorme. Je dois vous dire que c'est un
programme pour un mandat. Alors, on va essayer d'aller chercher un autre mandat
et de le finir.
Cela dit, je sais et je connais la quasi-unanimité des membres de
cette commission pour qu'on en arrive à quelque chose, qu'on accouche,
le plus rapidement possible, dans le cas de la réglementation. Je peux
dire à mes collègues que je suis convaincu que ce projet de loi
peut nous donner un minimum de consensus avec les intervenants
extérieurs au gouvernement. Que je règle le problème du
consensus à créer dans le gouvernement, je pense que c'est ma
fonction de le faire, avec le leader, entre autres. On a un projet de loi qui
ne réinvente pas l'allumette et le bouton à quatre trous. Si on a
la collaboration de l'Opposition, je vais tout faire pour venir ici le plus
tôt possible, souhaitant évidemment qu'on ne passe pas trois
semaines sur un projet de loi qui aurait quelques dizaines d'articles. Encore
une fois, je ne veux pas mettre de revolver sur la table de mes
collègues d'en face, mais je les assure de notre intérêt
pour cette question et de l'énergie considérable qui est
déployée au ministère sur ces choses. À un moment
donné, il faudra se faire des priorités et une espèce de
calendrier.
M. French: Vous avez fait référence à
quelques règlements qui devraient être étudiés,
règlements ayant affaire avec la Charte des droits et libertés de
la personne.
M. Johnson (Anjou): II y en a deux: celui qui touche les
conditions en matière de rentes et d'assurances relatives aux
critères de discrimination à cause de l'âge, les avantages
sociaux, et, deuxièmement, celui
des programmes d'accès à l'égalité. On
reconnaît l'importance de ce sujet et l'unanimité qui
règne, de part et d'autre, sur la nécessité de
procéder dans le domaine des programmes d'accès à
l'égalité.
M. French: Est-ce qu'il y a eu des engagements qui ont
été pris lors de l'étude du projet de loi à savoir
que les règlements seraient étudiés en commission
parlementaire?
M. Johnson (Anjou): Non, mais c'est en vertu du règlement.
C'est prévu dans la loi elle-même. La charte, dans le cas de ces
deux règlements - c'est vrai pour d'autres -prévoit que ces
règlements doivent venir en commission.
Le Président (M. Vaugeois): II y a une disposition de la
loi qui le prévoit?
M. French: Une habitude assez rare.
Le Président (M. Vaugeois): Si vous me permettez, M. le
député de Westmount, M. le ministre comprendra qu'on insiste un
peu là-dessus. Après tout, on a travaillé
sérieusement pendant à peu près un an ensemble sur ces
questions qui ne nous étaient pas tellement familières au
départ, mais qui nous préoccupaient. La commission d'étude
s'est retenue, à la fin, devant la tentation d'inclure une proposition
de loi. On aurait pu faire comme la Commission d'accès à
l'information, par exemple, et terminer notre rapport en disant: Voici, pour
l'Exécutif, une possibilité de projet de loi.
À ce moment-là, les informations qu'on avait, de votre
précédesseur, nous laissaient croire que ce travail serait
vraiment peu utile, étant donné déjà l'état
de la réflexion dans votre ministère. Comme il semblait y avoir
assez de concordance entre nos préoccupations de contenu et
l'état de la réflexion chez vous, on s'est arrêté
là.
Je peux vous dire aujourd'hui, que, dans les propositions d'initiative
parlementaire qui ont été soumises au vice-président et au
président de cette commission - il n'y en a pas beaucoup qui sont venues
- il y en a une visant à préparer un projet de loi sur
l'élaboration de la réglementation. Il y a des parlementaires qui
disent: Si l'Exécutif ne nous amène rien, nous, on va en
préparer un. Il y a déjà eu un projet de loi qui a
été présenté devant l'Assemblée nationale.
Cela, c'est pour vous donner un peu l'état d'esprit de certains.
Maintenant, pour la présidence même de l'Assemblée
nationale, le problème est préoccupant parce que la nouvelle loi
et le nouveau règlement établissent, pour les commissions
parlementaires, ce type de responsabilité. Déjà,
d'ailleurs, les commission parlementaires pourraient décider. À
chaque fois maintenant qu'elles entendent examiner des projets de
règlement, il suffirait d'être attentif au moment où on
voterait la loi et que la disposition habilitante soit bien claire, et
ça deviendrait systématique. Déjà,
l'Exécutif s'est drôlement discipliné quant au délai
de publication et au type de publication. Il n'y a plus beaucoup de projets de
règlement qui nous arrivent sans subir un cheminement important dont
votre ministère, d'ailleurs, est responsable et qu'il a grandement
contribué à améliorer.
Je sais même qu'à la présidence, il existe un projet
de créer une espèce de conseil responsable de l'évaluation
de la légalité de la réglementation et charge d'en faire
un instrument de référence pour les commissions parlementaires.
Au lieu de faire le travail nous-mêmes - très prochainement -on
pourrait demander l'avis de cette commission qui relèverait de la
présidence et qui nous donnerait un avis de légalité.
Comme il y a une unanimité sur l'essentiel entre les deux formations
politiques au Parlement - il semble y avoir un projet de loi qui serait presque
prêt - peut-être qu'une petite séance de travail, M. le
ministre, à laquelle on vous inviterait ainsi que les parlementaires qui
seraient intéressés par le sujet, pourrait sans doute nous
permettre de déblayer pas mal de terrain. Je vous le présente
comme possibilité. Autrement, il faudra attendre des mois et on peut se
retrouver devant une situation un peu anarchique, tout le monde prenant des
initiatives dans chacune des commissions parlementaires et pour des objectifs
d'ailleurs que nous partageons. Les arguments que vous avez
évoqués plus tôt pour justifier certains délais sont
précisément nos arguments pour mettre un peu de pression.
M. Johnson (Anjou): Je ne prends pas seulement bonne note de ce
que vous venez de dire et, encore une fois je ne veux pas prendre d'engagements
que je serais susceptible de ne pas pouvoir respecter. Je vous dis bien que,
s'il y a une chose qui est unanime dans cette commission auprès des
parlementaires, c'est bien leur volonté évidente d'avoir un
instrument de préhension qu'ils considèrent adéquat sur la
législation déléguée. J'ai l'impression que cela
sera un facteur déterminant dans l'établissement de mes propres
priorités. C'est bien évident. Je ne peux pas rester
indifférent et je pense que le gouvernement ne peut rester
indifférent à cette volonté des parlementaires.
Je véhiculerai donc dans les meilleurs délais, M. le
Président, votre préoccupation.
Le Président (M. Vaugeois): Est-ce que, sur le programme
11, il y a d'autres remarques, d'autres questions? Du côté de
l'Opposition ça va?
Une voix: Oui, cela va.
Le Président (M. Vaugeois): Écoutez, il nous reste
deux minutes. Est-ce que cela vaut la peine vraiment de poursuivre?
Donc, nous suspendons jusqu'à ce soir, 20 heures. Ce soir, la
commission se réunit à 20 heures pour étudier les
crédits des Affaires intergouvernementales canadiennes.
(Suspension de la séance à 17 h 58)
(Reprise de la séance à 20 h 5)
Affaires intergouvemementales canadiennes
Le Président (M. Payne): À l'ordre! Ce soir,
à 20 heures, nous avons le mandat d'étudier les crédits du
ministre délégué aux Affaires intergouvernementales
canadiennes. Programme 1, affaires canadiennes. M. le ministre.
Remarques préliminaires M. Pierre-Marc
Johnson
M. Johnson (Anjou): M. le Président, conformément,
je pense, aux attentes de mes collègues, nous n'aurons pas à
passer ces deux heures - c'est bien deux heures que nous avons, M. le
Président - à analyser, poste par poste, ce qui est un budget,
finalement, qu'on pourrait dire plus que raisonnable aux Affaires
intergouvernementales canadiennes. Je vais peut-être profiter de
l'introduction et de ce moment que vous me donnez pour m'exprimer en termes un
peu plus généraux sur le contexte que vit le Québec en
matière de relations fédérales-provinciales.
Depuis de nombreuses années, mais plus spécifiquement
depuis 1982, le Québec, dans ses relations avec l'État
fédéral, est dans une position où il est à peu
près constamment attaqué, d'une façon parfois sournoise et
souvent absolument explicite, au nom d'impératifs qui sont tantôt
exprimés clairement et au nom d'autres impératifs que l'on peut
considérer comme implicites dans la vision des tenants du
fédéralisme comme il est conçu à Ottawa, comme il a
été conçu et comme il veut s'imbriquer par et pour une
bureaucratie fédérale envahissante.
Les empiétements fédéraux à l'égard
des pouvoirs des provinces, mais plus spécifiquement du Québec
depuis deux ans, sont impressionnants et sans précédent, tant par
leur nombre que par leur ampleur. Qu'on pense au projet de loi S-31, au projet
de loi C-3, au secteur du développement économique où on
remet en cause le régime des ententes, à la tentative de couloir
énergétique terre-neuvien sur le territoire
québécois, à l'attitude systématique des
députés libéraux fédéraux et de
l'État fédéral vis-à-vis des municipalités.
Qu'on pense à ce mince rapport mais qui n'est qu'une
préfiguration du pire qui est à venir, de la commission Macdonald
prônant une vision de plus en plus centralisée du
développement économique canadien, au point même où
on veut remettre en question la juridiction du Québec en matière
d'éducation postsecondaire. Qu'on pense à des dossiers comme ceux
des loteries, des réfugiés, des pêches maritimes, du
Nid-de-Corbeau, du projet de loi C-157 qui est devenu le projet de loi C-9.
Qu'on pense à l'expropriation d'une partie du territoire
québécois par des transactions financières, qu'il s'agisse
de l'archipel de Mingan, du Saguenay, du parc de la Mauricie, de la Grosse
Île. Tout cela, finalement, est révélateur d'une vision
pancanadienne, incarnée par un pouvoir fédéral
bureaucratique, desservant essentiellement des intérêts qui se
veulent le résultat d'un arbitrage des disparités
régionales, mais qui servent toujours les mêmes.
C'est devant cela que nous devons, comme société, comme
peuple, réagir. On comprend que les jeunes ne se battent pas dans les
autobus pour les questions constitutionnelles. Quand il y a 13% de
chômage, quand les gens connaissent l'insécurité, quand nos
concitoyens se demandent si, demain, ils auront une augmentation de salaire ou
un emploi tout court, on ne s'attend pas que le discours en matière
constitutionnelle soit très mobilisant. Et on n'a pas le droit d'ignorer
les conséquences de ce qui se passe; on n'a pas le droit de se fermer
les yeux sur l'effet de désintégration que cela peut avoir,
à moyen terme, sur la société québécoise non
seulement parce que cela remet en question 25 ans d'évolution, mais
parce que tout cela pourrait placer le Québec dans un contexte où
il ne réussit pas, où ce peuple, par les institutions qu'il
contrôle et, au premier chef, son Assemblée nationale, ne
réussit pas à maîtriser et à enfourcher, dans cette
période cruciale de changement économique, les choses à
faire en matière de développement économique, justement,
par rapport à nos infrastructures et à l'adaptation de nos
concitoyens aux changements économiques.
En effet, à cause de la crise économique et de ses effets,
à cause de la "planétarisation" des objectifs économiques
des pays développés, il est évident qu'avec la fin des
barrières tarifaires, le développement du commerce
extérieur et la concurrence sauvage qui existe, sur le plan
économique, entre les pays industrialisés à la
conquête de marchés qui sont souvent à l'extérieur
de ce club, si nous n'y sommes pas rapidement, nous en serons absents à
jamais.
Être un peuple, M. le Président, c'est plus que parler le
français à la sortie de la messe le dimanche; les Manitobains en
savent quelque chose. Être un peuple, c'est plus qu'avoir ses
écoles, c'est plus que voir la notion ou l'idée de notre
appartenance culturelle et linguistique reconnue dans un texte constitutionnel
pancanadien. Être un peuple, c'est se donner des instruments, comme le
Québec l'a fait depuis un certain nombre d'années; c'est se
donner des institutions, des moyens de faire des choix sur son territoire en
fonction d'arbitrages internes, en fonction d'impératifs et de
contraintes imposés par l'environnement, en fonction du consensus qu'on
peut établir dans cette société.
Être un peuple, ce n'est pas seulement parler le français
et avoir des écoles et des chansonniers. Être un peuple, c'est
aussi contrôler le développement de son territoire. Être un
peuple, c'est se donner des instruments pour l'aménagement du
territoire; c'est répartir le pouvoir dans la société;
c'est établir des consensus patronaux ou syndicaux là où
c'est possible. Cela signifie, sur notre territoire, décider comment
sera partagée la richesse à accroître; cela signifie aussi
le choix des moyens et des lieux géographiques et humains où nous
croyons, où nous pensons et où nous voulons que cette richesse se
manifeste.
Or, c'est précisément ce qui est nié dans le nouvel
État juridique dominé par une vision de légalité
plutôt que de légitimité, qu'on nous a imposée lors
du rapatriement de la constitution, en 1982. On nous parle en face, M. le
Président, un peu comme si c'était sans conséquence et
sans importance, un peu comme si c'étaient simplement des choses de
chicaniers ou des querelles de séparatistes, alors que ce qui est en
cause -ce qui est fondamental et de poids pour l'avenir du peuple
québécois, à moyen et à long termes, quel que soit,
dirais-je, le gouvernement qui soit au pouvoir à Québec dans 24
mois - c'est la notion même, c'est l'existence même du peuple
québécois.
Quand les Québécois ont voté non au
référendum en 1980, ils ont voté non à une question
précise qui leur était posée; question un peu longue, il
faut le dire, mais qui, pour l'essentiel, était un projet que leur
soumettait un gouvernement. Je ne crois pas que les Québécois
aient exprimé, lors du référendum, qu'ils
considéraient ne pas former un peuple, d'autant plus que le premier
ministre du Canada d'alors, et encore pour quelques semaines, ainsi que les
politiciens fédéraux et ceux qui, en face de nous, ont
été victimes de certains de ses manèges ont laissé
entendre aux Québécois pendant des semaines qu'ils modifieraient
la constitution canadienne afin de faire une plus large part aux aspirations
des Québécois. On assumait ainsi, un peu comme un judoka, cette
poussée, cette force manifestée dans notre société,
en particulier depuis une vingtaine d'années, où de plus en plus,
comme société, pas seulement par l'entremise de l'État,
mais par des groupes, par une série d'expressions de ce qu'est un peuple
qui se développe, nous avions insufflé une volonté de
faire les choses entre nous sur ce territoire.
En votant non, les Québécois, enfin certains
Québécois croyaient qu'ils votaient oui. C'était
même le slogan du premier ministre du Canada. Alors, qu'est-il
arrivé? Il est arrivé, effectivement, l'inverse de ce qu'on avait
laissé entendre aux Québécois. Il n'y a rien
là-dedans qui surprenne les souverainistes, ceux qui, comme les gens de
ce côté-ci de la table, ont choisi de promouvoir
l'avènement du peuple québécois à la
plénitude des pouvoirs d'une société politique distincte.
Je pense que le rapatriement unilatéral de la constitution et ses
conséquences quotidiennes que nous devons vivre comme État et que
nous devrons vivre comme citoyens dans les années à venir nous
démontrent et démontreront à beaucoup de nos concitoyens
qui ont voté non qu'ils ont été trompés.
Notre capacité d'exercer des choix doit s'étendre dans le
secteur de l'éducation, dans le secteur de la santé, dans le
secteur du développement économique et dans tous les secteurs
où une société distincte veut se donner des instruments
pour faire ses propres choix, des choix qui soient le reflet de ce que nous
sommes avec nos imperfections, nos difficultés, mais aussi avec le vent
d'espoir qui réussit à animer des peuples et à leur faire
faire des choses importantes leur permettant de passer à travers des
crises.
Une des conditions essentielles au maintien d'une société
distincte et forte devant ces agressions constantes d'une vision pancanadienne,
bureaucratique et qui diminue le Québec, c'est la capacité pour
les institutions québécoises de se solidariser autour d'un
certain nombre d'objectifs, mais surtout en tant que participants d'une
société distincte.
Au premier chef, il y a les partis politiques au Québec. Je
constate, M. le Président, que le Parti libéral du Québec,
particulièrement depuis qu'il a à sa tête son ancien chef
redevenu chef, a peur d'afficher une position proquébécoise
plutôt qu'antipéquiste. Je crains que la source même de
l'affaiblissement du Québec dans les mois qui viennent, loin
d'être ces méchants séparatistes, soit
précisément l'Opposition qui prétend pouvoir prendre la
place de ce gouvernement lors des prochaines élections.
M. Rivest: M. le ministre...
M. Johnson (Anjou): Non, peut-être à la
fin, M. le Président, si vous n'avez pas objection.
Par exemple, sur le projet de loi fédéral C-3 en
matière de santé, le chef libéral est demeuré
remarquablement discret alors même que l'ensemble des intervenants, ces
personnes issues des institutions québécoises depuis 20 ans dans
le secteur de la santé, appuyaient clairement la position du
gouvernement québécois. Le chef libéral, M. Bourassa,
laissait entendre qu'il négociait des amendements avec la ministre
fédérale de la santé. On a vu les résultats de ces
amendements. Toutes les provinces canadiennes et les territoires canadiens ont
fait l'unanimité pour dénoncer ce projet de loi. Le jour
même où M. Claude Castonguay, ex-ministre des Affaires sociales
sous M. Robert Bourassa de 1970 à 1973, livrait au Sénat un
témoignage qui concordait avec la position du gouvernement
québécois...
M. Rivest: L'association libérale de Jean-Talon.
M. Johnson (Anjou): ...l'Opposition se décidait enfin
à se rallier à la position gouvernementale, mais il était
tard. Robert Bourassa avait affaibli le Québec. Devant la commission
Macdonald, le chef du Parti libéral, M. Bourassa, au nom d'une vision
idéaliste et étriquée du fédéralisme
canadien qui n'existe pas, se déclarait prêt - et je cite -
"à négocier plusieurs changements au partage actuel des pouvoirs
dans le contexte du "give-and-take" d'une négociation sur certaines
précisions et consolidations des pouvoirs d'Ottawa relatifs à
l'économie, en échange de précisions et de consolidations
équivalentes des pouvoirs du Québec touchant, entre autres,
l'éducation, l'immigration, les droits civils et la culture au sens
large."
Deux questions se posent ici: D'une part, quelle est la nature exacte
des pouvoirs québécois qu'entend céder M. Bourassa?
Deuxièmement, quel avenir M. Bourassa propose-t-il aux
Québécois? Un Québec culturellement souverain, mais sans
contrôler son économie, est-il un Québec viable?
M. Bourassa indiquait aussi sa volonté de récupérer
pour le Québec le droit de veto. Or, alors que le veto représente
pour Me René Dussault, président de la commission politique du
Parti libéral du Québec, un minimum absolu, M. Bourassa semble
vouloir, pour sa part, en restreindre la portée à certains
domaines, comme l'immigration, et exiger ce droit de veto ratatiné en
échange de la signature du Québec de cette constitution 1982. M.
Bourassa, dans ce contexte, négocie à rabais. Il ne semble
même pas évoquer ce phénomène central dans le
rapatriement de 1982, à savoir que ce texte qui régit
dorénavant les institutions canadiennes pour la première fois
depuis que nous habitons ce continent nie explicitement l'existence d'un peuple
de ce territoire, c'est-à-dire le peuple québécois.
Que pense M. Bourassa des démarches incessantes effectuées
par le gouvernement central et des députés libéraux
fédéraux pour contrôler la compétence provinciale
dans le secteur des affaires municipales, en offrant de transiger directement
avec les municipalités? Pour le moment, tout cela est resté vague
et nous souhaiterions entendre le chef du Parti libéral, en vue
d'apporter sa contribution au renforcement des institutions
québécoises, s'exprimer clairement sur un objet aussi
fondamental.
Que pense M. Bourassa de la volonté du gouvernement
fédéral d'imposer au Québec une entente-cadre en
matière de développement économique, lui permettant
d'ignorer les priorités de développement préparées
au Québec? Là aussi, les réponses du chef du Parti
libéral sont restées vagues.
Ces questions, pourtant, revêtent une importance fondamentale pour
l'avenir du Québec. Il est impensable, pour assurer la
crédibilité de la position québécoise, d'en arriver
au consensus le plus large possible au sein de nos institutions et, au premier
chef, au Parlement du Québec sans que l'Opposition ne joue son
rôle de défense des institutions québécoises
plutôt qu'un rôle qui se limite à être
antipéquiste. Cette vision nous apparaît dangereuse pour le
Québec.
C'est dans ce contexte que je considère que le rôle du
ministre délégué aux Affaires intergouvernementales
canadiennes est d'affirmer très clairement et de mettre en
évidence les consensus importants pour le Québec en vue de
stopper l'érosion de nos institutions. On peut faire des gorges chaudes,
on peut nous rappeler le sens que l'on aura bien voulu donner au
référendum de 1980, mais une chose demeure, une chose est vraie,
c'est l'intervention systématique de l'État fédéral
qui vise à exproprier les Québécois, sur leur propre
territoire, des institutions qu'ils se sont bâties. Le Parti
libéral au premier chef, encore une fois, avec son chef, a une
responsabilité à laquelle il ne saurait se défiler sans
affaiblir profondément l'idée même que nous formons un
peuple et que nous devons le défendre dans ses institutions.
Le Président (M. Payne): M. le député de
Jean-Talon.
M. Jean-Claude Rivest
M. Rivest: Je n'avais pas prévu discuter dans le cadre de
l'étude des crédits de M. Bourassa mais, puisque le ministre l'a
évoqué, je répondrai simplement que M. Bourassa a
bloqué, à Victoria, le rapatriement de la constitution qui ne
correspondait pas aux droits du Québec. Vous ne l'avez pas fait.
M. Bourassa a conclu, dans le domaine international, une entente qui garantit
au Québec une participation avec presque toute la plénitude des
pouvoirs d'un Etat souverain par le biais de l'Agence de coopération
technique et culturelle. Avec votre gouvernement, M. le ministre, le sommet de
la francophonie n'a pas eu lieu. Dans le domaine social, M. Bourassa a fait la
réforme totale de toutes les institutions de santé. Il a
négocié avec le gouvernement canadien et conclu des ententes dans
le domaine des allocations familiales, de la sécurité du revenu.
Dans le domaine des ententes de développement, vous avez des
problèmes actuellement. Le gouvernement de M. Bourassa a
négocié toute une série d'ententes de
développement; il y a eu des accords et les intérêts du
Québec ont été pleinement respectés.
Vous avez cité la perte des îles de Mingan. La même
situation s'est produite sous le gouvernement de M. Bourassa, lorsque le
gouvernement canadien voulait s'emparer de l'Île d'Anticosti. Le
gouvernement de M. Bourassa a assuré la plénitude de la
souveraineté du Québec et le gouvernement fédéral
n'a pas eu l'île d'Anticosti. Sous un gouvernement péquiste, le
gouvernement fédéral a obtenu les îles de Mingan.
Vous avez évoqué le domaine des pêches maritimes. Le
Québec se prévalait, sous le gouvernement de M. Bourassa, de
l'entente de 1922. Sous un gouvernement péquiste, le Québec a
perdu cette prérogative. Voilà les résultats.
Dans le domaine municipal, il y a eu des programmes de travaux d'hiver
dans les municipalités; des ententes ont respecté l'autonomie des
municipalités, puisque cela relevait du ministère des Affaires
municipales au début des années soixante-dix, sous le
gouvernement de M. Bourassa. C'est une chose que vous n'avez pas su faire,
puisque le gouvernement fédéral passe complètement -
enfin, il passait complètement; il passe maintenant partiellement,
d'après ce qu'on constate - à côté des
prérogatives du Québec.
Le discours - et je pourrais continuer pendant des heures - que vous
avez évoqué en est un d'amertume face au résultat
référendaire. C'est un discours qui, à mon avis, illustre
tragiquement pour le Québec l'ambiguïté fondamentale dont
vous n'avez absolument pas fait état puisque, en tant que gouvernement
voué à la souveraineté du Québec, vous devez, pour
des raisons de stratégie politique que vous maintenez depuis 1976, vous
inscrire dans le cadre ou le fonctionnement du régime
fédéral.
Le fédéralisme n'est pas, par définition,
étant donné ses ambitions comme système politique, un
système facile. Il y aura toujours, sous des gouvernements
fédéralistes à Québec comme à Ottawa, des
problèmes. On en a eu de très nombreux avec le gouvernement
fédéral; ils étaient analogues à ceux que vous avez
énumérés, à la différence près qu'il
y a eu considérablement plus d'ententes dans le sens des
intérêts et du Québec et du Canada qu'il n'y en a eu sous
votre gouvernement. (20 h 30)
Là-dessus, je trouve que vous vous êtes avancé
drôlement. L'affaiblissement du Québec, dont vous parlez, ne peut
être le fait seul de Pierre Elliott Trudeau ou d'une certaine conception
véhiculée par ce dernier, puisque le même M. Trudeau, face
à un gouvernement libéral québécois et
fédéraliste, n'a certainement pas réussi, si tant est que
ce soit son intention, à affaiblir le Québec sur les plans
politique et constitutionnel comme, malheureusement - peu importent les
explications - vous avez pu le faire, jusqu'à, peut-être, sa
consécration la plus tragique, évoquée au moment de la
nouvelle Loi constitutionnelle de 1982.
Je trouve exagéré de placer la problématique sur le
terrain que vous avez choisi, comme nouveau ministre des Affaires
intergouvernementales canadiennes, terrain purement politique. Peu importent
les personnalités en cause: René Lévesque, Robert
Bourassa, Pierre Elliott Trudeau, Pierre-Marc Johnson ou Jean-Claude Rivest,
c'est le résultat net et sec qui nous intéresse. Est-ce que le
Québec est plus ou moins fort dans l'ensemble fédéral
canadien, après six ou sept ans de régime péquiste, qu'il
ne l'était après six ou sept ans de régime libéral?
Poser la question, c'est y répondre. Le Québec avait une
crédibilité au niveau de l'ensemble fédéral
canadien. Comme gouvernement - et le Québec comme société
- il pouvait fonctionner avec les difficultés, bien sûr,
inhérentes au régime fédéral, mais il pouvait
fonctionner d'une façon normale dans le régime
fédéral parce qu'il y avait, à la base, quelque chose qui
est peut-être l'essence même du régime fédéral
et qui s'appelle la confiance.
Vous, en tant que nouveau ministre des Affaires intergouvernementales
canadiennes voué à la souveraineté du Québec, aussi
compétent et de bonne foi que vous puissiez être comme ministre
responsable du gouvernement du Québec, lorsque vous vous rendez à
Ottawa, pensez-vous que les gens peuvent regarder uniquement le mérite
de vos dossiers? Les gens savent que vous êtes voué à la
déstabilisation et à la destruction du régime
fédéral. Immédiatement, cela engendre, dans vos rapports
avec le gouvernement canadien comme, d'ailleurs, dans vos rapports avec les
autres gouvernements du pays, un manque de crédibilité; manque de
crédibilité qui se traduit dans les relations
fédérales-provinciales, depuis que vous êtes au
gouvernement.
Je ne vous en fais pas un reproche personnel, mais, en tant que membre
du gouvernement, je suis convaincu que s'il y a une chose que la population du
Québec - qu'elle ait voté oui, qu'elle ait voté non, au
moment du référendum - réprouve, surtout alors qu'on est
passé à travers la crise économique, c'est la politisation
à outrance et systématique attribuable à la
stratégie étapiste ou de parenthèse de l'option
souverainiste qu'on continue de faire adopter, avec les réactions
qu'elle provoque, des relations fédérales-provinciales. Ce qu'on
a eu comme apport, comme attitude, de part et d'autre, cela a été
une chamaillerie ministérielle systématique sur tous et chacun
des dossiers des relations fédérales-provinciales. Ceux qui ont
payé pour cela, ce sont les Québécois, c'est le
développement du Québec.
Encore cet après-midi, à l'Assemblée, on constatait
qu'il existe un problème réel au niveau de l'entente qui a
été signé par M. Léonard, M. Marcoux et son
homologue fédéral quant aux programmes touchant l'immigration.
Encore là, j'ai trouvé que c'était une attitude absolument
typique, une dénonciation ferme et éhontée de l'attitude
fédérale, à l'Assemblée nationale. On crie, on
déchire ses vêtements sur la place publique alors qu'il y a un
problème à régler. Si le ministre québécois
de l'époque - le ministre Marcoux, en l'occurrence - avait simplement
communiqué, utilisé le téléphone, les services du
ministère des Affaires intergouvernementales pour dire: Voici un
problème sérieux; les municipalités en sont conscientes et
je vais envoyer mes fonctionnaires voir s'il n'y a pas moyen de colmater ce
trou qui ne respecte pas la juridiction municipale du Québec...
Commencez donc par négocier de bonne foi. Mais non, c'est la
chamaillerie et les répliques traditionnelles, répliques
parfaites. Le ministre fédéral réagit. On adopte
finalement la même attitude que celle des ministres péquistes et,
en fin de compte, tout ce qu'on a, c'est une guerre des médias, une
guerre sur l'opinion publique, une guerre sur des dossiers de
développement, des dossiers d'un intérêt vital. Que ce soit
sur le plan économique, sur le plan social ou sur le plan culturel,
c'est une chamaillerie continuelle qui, à mon avis, nuit
considérablement à la crédibilité des politiciens
en cause; qu'ils soient fédéraux, libéraux
fédéraux ou péquistes, cela me laisse assez
indifférent.
S'il y a une attitude que nous, comme formation politique, allons
continuer de dénoncer, c'est bien celle-là. L'exagération
à outrance ou le drame que l'on fait sur chacun des dossiers, qu'il
provienne d'Ottawa ou de Québec, cela reste des querelles de
visibilité de politiciens. Est-ce le député
péquiste ou le député libéral fédéral
qui arrivera le premier avec le chèque? Dans combien de dossiers en
est-ce rendu à ce niveau-là? Et cela fait des années et
des années que ça dure.
Vous avez parlé de M. Bourassa et de René Dussault, le
président de la commission politique du Parti libéral du
Québec, qui s'intéresse à ces questions-là; s'il y
a une chose qui va changer, c'est bien celle-là. Je suis convaincu que,
si on prend cette orientation, nos concitoyens québécois, qu'ils
soient indépendantistes ou non, continueront à véhiculer -
c'est là leur désir légitime - et à défendre
cette idée. S'ils sont fédéralistes, comme nous le sommes,
pour valoriser l'option fédéraliste; on va le faire chacun de son
côté, mais on ne permettra plus que les dossiers du gouvernement
soient ravalés au niveau d'une chamaillerie ministérielle qui a
assez duré et qui a coûté assez cher aux
Québécois.
Je vous préviens que vous allez avoir des suites très
concrètes à cette démarche du Parti libéral du
Québec, parce que nous sommes convaincus - nous avons de bonnes raisons
de le croire - que l'ensemble de la population du Québec rejette et les
uns et les autres, que ce soit les péquistes, comme je le disais d'une
façon qui peut sembler caricaturale, mais, au fond, cela s'est
passé ainsi dans tellement de comtés. Le député
péquiste court chercher son chèque et le député
libéral fédéral court derrière pour voir lequel.
Moi, je l'ai vécu.
Je vais vous donner un exemple concret. Je l'ai déjà dit
à cette commission parlementaire, alors que Marine Industrie avait
besoin de contrats pour sa survie, il y a un an ou deux, les travailleurs de la
CSN - je pense que mes collègues d'Outremont et de
Notre-Dame-de-Grâce étaient là - nous ont dit: Nous,
travailleurs, avec les administrateurs de Marine Industrie, allons au
fédéral pour soutenir les propositions du chantier de Marine
Industrie. Nous discutons au niveau des fonctionnaires, au niveau des
technocrates. Il y a des choses que nous pouvons faire; nos soumissions sont
bien préparées, on a l'expertise, mais, lorsque cela franchit le
niveau politique, lorsque cela atteint le niveau politique, tout est
bousillé et, effectivement, on perd des initiatives.
Concrètement, il y avait 3000 travailleurs dans la région.
Je ne dis pas que c'est la seule cause, mais combien de travailleurs dans la
région de Sorel et du Richelieu n'ont pas eu de travail à cause
de cette chamaillerie que vous semblez, par votre discours d'ouverture comme
nouveau ministre, vouloir continuer. Vous pourrez faire le procès que
vous voudrez, à Robert Bourassa ou à quiconque, vous n'utiliserez
pas impunément les dossiers de développement du Québec,
dans ses rapports avec le gouvernement fédéral, pour servir des
causes politiques ou électorales que vous
semblez avoir comme seule ambition.
Si vous partez sur ce pied, comme nouveau ministre des Affaires
intergouvernementales canadiennes, je trouve - je vous le dis très
franchement et en toute honnêteté -que vous partez d'un
très mauvais pied, M. le Président. Dans ce contexte, j'ai
l'intention de vous faire la demande suivante, justement pour éviter
cette chamaillerie. Dans la conduite actuelle des dossiers de relations
fédérales-provinciales, ce qui permet au politiciens
fédéraux et aux politiciens péquistes de jouer, c'est le
manque total de transparence et d'information dans l'ensemble des dossiers. Ces
attitudes sont tellement condamnablesl
Vous avez évoqué des difficultés réelles de
relations fédérales-provinciales, quand vous avez parlé du
projet de loi 5-31; quand vous avez parlé de la loi 38 et du
problème avec les municipalités. Vous avez évoqué
la différence de perception qui existe au niveau de vos
négociations avec le gouvernement canadien sur les ententes de
développement, dans le domaine des pêches maritimes et pour ce qui
est du Nid-de-Corbeau. Or, dans votre propre document, vous faites le bilan de
l'année et vous ne parlez, comme ministre, que des dossiers où le
méchant gouvernement fédéral causait des
difficultés au très bon gouvernement québécois,
voué aux intérêts du Québec. Vous avez parlé
de difficultés réelles, mais vous avez omis complètement
de mentionner - j'en ai encerclé peut-être une quinzaine, dans
votre propre document - les éléments où il y a eu une
entente.
Mon plaidoyer, aujourd'hui, va dans le sens suivant. Vous arrivez comme
nouveau ministre et vous voulez rendre des services. Qu'ils soient
indépendantistes ou fédéralistes, je pense qu'il y a des
gens intelligents des deux côtés, qui ont leurs convictions tout
à fait légitimes, de part et d'autre, quant à l'avenir du
Québec ou à celui du Canada. Mais les uns comme les autres ont au
moins droit... M'adressant au gouvernement du Québec - les politiciens
fédéraux s'arrangeront avec le gouvernement fédéral
-je lui demande de mettre sur la table et sur la place publique l'ensemble des
dossiers concernant les relations fédérales-provinciales et
d'établir la réalité des choses. Par exemple, dans le
domaine économique, il y a des choses là-dedans. Franchement, ce
type de document, j'en ai assez vu. Je trouve que ce type de document n'apporte
strictement rien.
Je regardais les perspectives pour 1984-1985, juste à titre
anecdotique. À la page 6, on dit: "Au cours de la prochaine
année, il est à prévoir que le gouvernement
fédéral, sur sa lancée de 1983-1984 et profitant d'une
conjoncture économique serrée, voudra poursuivre son offensive
centralisatrice." Voilà le thème lancé. Et, parmi les
éléments qu'on énumère, dans le domaine de la
santé - peut-être et même sans doute avec le projet de loi
C-3 - il y a à peu près sept ou huit autres dossiers qui ne sont
pas du tout de nature centralisatrice; ce sont des dossiers de fonctionnement
habituel d'un régime fédéral où il n'y a même
pas, dans certains cas, de volonté nécessairement
centralisatrice. On dit, par exemple: En quoi l'attitude du gouvernement
fédéral concernant la protection des droits des autochtones
est-elle centralisatrice? En quoi les ententes des ministres Marois et
Bégin, pour la mise en oeuvre des programmes de soutien de l'emploi,
sont-elles centralisatrices? En tout cas, il y a un paquet d'affaires.
M. le ministre, à l'instar de votre collègue, le ministre
des Finances, je ne sais pas si vous allez pouvoir vous rendre à cette
demande, mais je vous suggère de le faire au nom de l'opinion publique
qui a le droit de connaître l'ensemble de la réalité des
dossiers et afin de prévenir les abus que j'ai dénoncés et
que je vais continuer de dénoncer des politiciens, de part et d'autre,
qui jouent une espèce de cache-cache, qui se tendent des pièges
et qui appellent à l'opinion publique, qui multiplient les
conférences de presse, comme ce ridicule scénario auquel on vient
d'assister à Saint-Malo entre Jean-Luc Pépin et René
Lévesque. Je trouve cela absolument intolérable. Je pèse
mes mots, j'allais être plus dur. Je trouve cela ridicule, au fond, et
pour le Québec et pour le Canada. Si l'on doit continuer de poursuivre
sur la place publique ce genre d'attitude, il me semble que, comme
Québécois, on ne peut pas accepter d'avoir des comportements
aussi enfantins. Il me semble que les Québécois sont assez
mûrs pour savoir que, dans un régime fédéral, il y a
des difficultés; pour savoir que, dans le domaine de la santé,
quant au projet de ioi C-3, il y a des choses essentielles dont le ministre a
parlé et qu'il faut défendre comme Québécois. Et ce
n'est pas nécessaire qu'on fasse des procès d'intention à
gauche et à droite. (20 h 45)
Le ministre des Finances publie sur une base trimestrielle, je pense, au
cours de l'année l'état des transactions financières du
gouvernement. Je vous demande s'il est possible, dans votre esprit, de
façon que l'ensemble du dossier soit placé sur la table, une
publication signée par le sous-ministre des Affaires
intergouvernementales canadiennes, qu'elle soit bimestrielle ou trimestrielle,
soit déposée à l'Assemblée nationale faisant
état des dossiers, mais vraiment de tous les dossiers des relations
fédérales-provinciales dont vous avez la responsabilité.
Je suis d'accord que vous vous réserviez le droit de protéger les
arguments de stratégie de négociation que vous pouvez
avoir comme ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes;
c'est tout à fait légitime, mais, au moins périodiquement,
que les membres de l'Assemblée nationale, la presse et l'opinion
publique reçoivent, de la part du gouvernement québécois,
l'état des dossiers.
Quand Bell Helicopter vient s'installer dans la région de
Mirabel, qu'on sache que le gouvernement fédéral a effectivement
contribué de telle manière. Quand le gouvernement
fédéral envoie Ford en Ontario, qu'on l'inclue; qu'on dise les
prétentions du Québec, mais qu'on donne tout le portrait. Il me
semble qu'il y a moyen, malgré la dimension politique et compte tenu des
options souverainiste et fédéraliste, que le ministre et les
hauts fonctionnaires de ce ministère établissent, aux yeux de
l'opinion publique, l'état des relations en énumérant un
ensemble de dossiers. Ceci nous permettrait d'en prendre connaissance car,
souvent, on ne sait pas exactement quelle est, dans le domaine
économique, l'attitude, par exemple, face à telle politique
fédérale au niveau budgétaire, etc.
Il me semble qu'un document pourrait être fait sur une base
périodique; après cela, chacun pourra non seulement en prendre
connaissance, mais en suivre l'évolution, puisque cela serait
périodique. On pourra dire: Voici, il y a tel ou tel dossier. Prenons
l'exemple des subventions fédérales aux municipalités;
quand le gouvernement fédéral prend l'initiative, elle est
contestée par le gouvernement du Québec. Le gouvernement du
Québec établit sa position dans un document; arrive l'entente
entre MM. Marcoux et Roberts dans un rapport subséquent; l'entente est
consignée dans un document et on dit: Voici, il y a eu entente.
Là, il y a un nouveau problème qui se pose. On dépose et
on suit le dossier. Les ministres pourront faire les déclarations qu'ils
veulent; au moins, l'opinion publique connaîtra l'ensemble du
dossier.
Je ne sais pas si, comme procédure, cela pourrait être
déposé ici, devant cette commission parlementaire ou même
à l'Assemblée nationale. Ce serait mieux que d'entendre à
l'année longue une utilisation -je termine là-dessus, M. le
Président -politique des dossiers qui, au fil des jours, surviennent et
refont surface. Ce serait beaucoup mieux que cette espèce de
résumé forcément anecdotique qu'on nous envoie chaque
année, une journée ou deux avant l'étude des
crédits. Finalement, cela n'apporte pas grand-chose parce qu'il n'y a
aucune espèce de présentation vraiment consistante et on nous
dit: Voici, il y a un problème au sujet de la main-d'oeuvre. C'est tout.
Cet inventaire existe déjà, je pense, au niveau du
ministère, pour les fins propres du ministère. Il ne s'agirait
que d'en faire une version publique, sous la signature du sous- ministre. Il me
semble qu'on ferait avancer les choses.
En terminant, je voudrais juste vous dire que, pour ma part, quant
à la réforme qui a été faite - je l'ai dit au
ministre au début de la séance - tout ce qui concerne l'ouverture
du Québec sur l'extérieur, que ce soit sur le Canada, les autres
provinces ou même l'étranger, il me semble que c'était
l'idée fondamentale de la Loi sur le ministère des Affaires
intergouvernementales. Je vous dis, M. le ministre, que je regrette le
fractionnement du ministère des Affaires intergouvernementales parce
que, dans vos rapports avec le Canada, tous les dossiers de relations
internationales vous concernent comme ministre responsable des affaires
canadiennes. Cela a toujours une dimension fédérale, en tout cas
tant et aussi longtemps qu'on sera dans ce contexte.
Dans le domaine du commerce extérieur, votre propre
collègue du ministère a indiqué comment il collaborait: il
y a des agences fédérales, tout le circuit fédéral
sur lequel il s'arrime, etc. Étant donné l'importance des
relations extérieures, au sens large du Québec, étant
donné le caractère particulièrement vital que ces
questions ont pour le Québec, je trouve - et je tiens à
l'enregistrer - extrêmement dommage, dans une perspective de
cohérence et de productivité non seulement sur le plan externe,
c'est-à-dire des interlocuteurs externes, mais également sur le
plan interne, sur le plan des ministères et organismes du gouvernement,
que l'on assiste à ce fractionnement des responsabilités dans le
domaine des relations intergouvernementales.
Sans d'ailleurs que l'on sache exactement pourquoi, sauf la
proximité de l'aspect juridique dans le domaine des relations, la
dimension juridique dans les dossiers de relations
fédérales-provinciales, si importante soit-elle, n'est finalement
qu'un prérequis au règlement. Or, toute la dynamique, ça
concerne beaucoup plus les techniciens que - j'ai bien du respect pour les
juristes - les juristes; l'expertise du ministère de la Justice a
été donnée dans le passé. Je trouve que vous
risquez d'exposer tout le domaine des relations intergouvernementales à
des problèmes qu'on pourrait s'épargner; me semble-t-il.
Le Président (M. Payne): Bon, la dialectique est bien
partie. Cela serait intéressant, tout à l'heure, d'élargir
la discussion à d'autres membres de la commission. Il ne reste qu'une
heure, M. le ministre.
M. Pierre-Marc Johnson (réplique)
M. Johnson (Anjou): Alors, M. le Président - je pense
qu'en vertu du règlement je le peux - je ne veux pas en
abuser non plus, mais je veux reprendre quand même un certain
nombre de choses. C'est encore un des rares privilèges que
l'exécutif possède, celui de pouvoir répliquer.
M. Rivest: ...à regretter la réforme
parlementaire.
M. Johnson (Anjou): Oui, à l'occasion, en tant que membre
de l'exécutif, je dis bien. Peut-être que, quand je cherche, comme
parlementaire, je me reconcilie...
M. de Bellefeuille: Je ne vois pas en quoi elle s'applique aux
travaux de cette commission.
M. Fortier: Quand vous serez dans l'Opposition, vous
l'apprécierez.
M. Johnson (Anjou): Alors, vous pouvez toujours espérer,
au moins deux ans, probablement six.
M. le Président, le député a parlé du
fractionnement du ministère. Même si je peux comprendre ses
préoccupations à vouloir faire du ministère des Affaires
intergouvernementales, qui, on le sait, a porté ce nom et a eu cette
structure à compter de 1967, un ministère unificateur de l'action
extérieure du Québec, la naissance de l'activité du
commerce international et la participation essentielle du Québec, au
niveau de ses structures étatiques, au développement de telles
choses, je pense, inévitablement devaient avoir cet effet. C'est
d'ailleurs le cas à Ottawa, comme c'est le cas dans de nombreux pays
où on tente tantôt de relier et tantôt de séparer les
activités de commerce international et les relations de nature purement
politique. Nos relations avec les gouvernements canadiens, quels qu'ils soient,
étant de nature essentiellement politique et pouvant se traduire, dans
certains cas, dans la mesure où ils sont prêts à le faire,
par des ententes avec des conséquences économiques...
M. Rivest: Sur le plan interne aussi...
M. Johnson (Anjou): Sur le plan interne...
M. Rivest: ...entre les ministères et les organismes.
M. Johnson (Anjou): Oui, entre ministères... Il est bien
évident qu'un des rôles du ministère des Affaires
intergouvernementales canadiennes, c'est de coordonner l'activité
gouvernementale dans l'ensemble de ses rapports avec les autres États de
la fédération canadienne, y compris l'État central.
Deuxièmement, je suis bien prêt à considérer
et à étudier la faisabilité d'une publication cyclique ou
occasionnelle ou d'un rapport du ministère sur l'état des
dossiers de relations fédérales-provinciales. Je n'ai pas de
préjugés contre cela a priori, du tout. On va essayer de
l'envisager.
Maintenant, on va revenir sur une couple de choses fondamentales. Il ne
s'agit pas de faire des chicanes, de grimper dans les rideaux, de
s'énerver et de savoir qui va passer les chèques, il faut
regarder où cela a commencé.
Une voix: Hum!
M. Johnson (Anjou): Non, il faut regarder ce qui se passe.
L'important, c'est ce qui se passe dans la réalité. Quand nous
disons dans le cahier, à la page 6, qu'effectivement il y a à
craindre, pour l'année à venir, une offensive centralisatrice du
fédéral - aux pages 6 et 7 - dans les domaines de la
santé, de l'éducation, de la main-d'oeuvre, de la création
d'emplois, de la sécurité du revenu et des affaires municipales,
ce sont des faits, ce n'est pas de la spéculation. Le projet de loi C-3,
ce n'est pas nous qui l'avons inventé; S-31, ce n'est pas nous qui
l'avons inventé non plus. L'intervention en matière municipale,
ce n'est pas nous qui l'avons inventée. L'abolition de l'entente de 1922
sur l'administration du régime des pêcheries, ce n'est pas nous
qui avons fait cela. Le Nid-de-Corbeau, ce n'est pas nous qui avons fait cela.
Le couloir énergétique, ce n'est pas nous qui avons fait cela.
C-157, ce n'est pas nous...
M. Rivest: Qu'est-ce que vous inventez dans le domaine des
relations fédérales-provinciales, à part vous
défendre et gueuler?
M. Johnson (Anjou): M. le Président, pour l'essentiel, je
pense que la lucidité a sa place dans les relations
fédérales-provinciales, indépendamment des silences que
voudra observer l'Opposition sur des enjeux fondamentaux pour le Québec.
Encore une fois, si le Parti libéral a fait le choix d'être plus
antipéquiste que proquébécois, c'est son problème,
mais je dis simplement ceci: Dans la mesure où c'est un facteur
objectif, depuis un certain nombre d'années, que le Québec voit
l'affirmation d'un "nation building" pancanadien saper et éroder ses
institutions, y compris dans des domaines aussi typiquement de juridiction
provinciale que celui de la santé, ou tout ce qui est connexe au secteur
de l'éducation, de la formation supérieure ou de la formation
permanente de la main-d'oeuvre, premièrement, il faut en être
conscient et, deuxièmement, il faut réagir.
C'est bien beau de nous dire que M. Bourassa, en "mille neuf cent
tranquille" ou
autrement, a fait telle chose à Victoria ou ailleurs, mais
qu'est-ce qu'il a fait concernant le projet de loi C-3? Il est sorti du caucus
au mont Sainte-Marie et il a laissé entendre à tout le monde que,
dans le fond, il réglerait cela en placotant avec Mme Bégin.
Finalement, cela donne un projet de loi qui va être adopté au
Sénat sans doute ce soir; c'est un recul considérable pour le
Québec et il a fallu que M. Castonguay, un ancien ministre
libéral, aille à Ottawa, la semaine dernière...
M. Rivest: Un membre du Parti libéral, M. Paradis, Mme
Lavoie-Roux, tout le monde en a parlé; M. Bourassa aussi.
M. Johnson (Anjou): ...pour qu'enfin, à la dernière
minute...
M. Rivest: Arrêtez donc la chamaillerie. Vous ferez cela
devant une assemblée péquiste, cela va bien "poigner". C'est
ridicule!
Le Président (M. Payne): M. le ministre, c'est à
vous la parole.
M. Rivest: Ce ne sont pas les crédits de M. Bourassa qu'on
défend ici, ce sont les crédits du ministre. Qu'il nous dise
comment cela se fait qu'il a manqué son coup. Est-ce parce que M.
Bourassa ne l'a pas appuyé?
M. Johnson (Anjou): Vous permettez, M. le Président?
Le Président (M. Payne): C'est à vous la parole, M.
le ministre.
M. Johnson (Anjou): Je considère effectivement que, si
Robert Bourassa avait choisi d'appuyer le gouvernement du Québec et les
institutions québécoises autour du projet de loi C-3, on n'en
serait sans doute pas là aujourd'hui.
M. Rivest: Vous nous avez appuyés, vous autres, du temps
que nous étions là?
Le Président (M. Payne): Comme je l'ai dit, la dialectique
est partie, mais, quand même, la parole, pour le moment, est au
ministre.
M. Rivest: Quand même, nous étudions les
crédits! S'il veut faire un discours, qu'il aille faire cela devant une
assemblée politique.
Le Président (M. Payne): Si vous permettez, vous avez
parlé pendant 27 minutes vous-même, en réplique.
M. Rivest: Je n'ai pas parlé de René
Lévesque, des travers de René Lévesque et de ci et de
ça, et de Pierre-Marc Johnson. Je m'en fous royalement! Parlez donc des
dossiers. Vous êtes ministre, vous n'êtes pas à une
assemblée péquiste.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, ce qui est en cause
en ce moment et ce que j'essaie d'évoquer ici, bien au-delà des
gens qui, dans certains cas, ne méritent peut-être pas l'attention
qu'on leur accorderait autrement, c'est que les institutions
québécoises dans les domaines de juridiction provinciale et les
gains qu'a faits le Québec sur le plan international dans le
prolongement de ses compétences constitutionnelles, en vertu de
l'article 92, et dans le prolongement de l'activité extrêmement
intense qui a régné dans cette société à
compter de la fin des années cinquante, ainsi que dans le secteur
économique, l'ensemble de ces institutions, qu'elles soient municipales
ou qu'elles touchent l'éducation, la santé, la formation, les
relations du travail ou l'ensemble de la vie collective, est en train de
connaître des assauts importants de la part de l'État
fédéral.
Que l'on me dise que c'est au nom des difficultés
inhérentes à ce mécanisme complexe de coviabilité
de sociétés distinctes dans un État fédéral,
je veux bien, M. le Président, mais l'offensive centralisatrice est
là. Ce n'est pas parce que c'est le Parti québécois qui
est au pouvoir et qui a l'option dont il ne se cache pas qu'il faut faire comme
si cela n'existait pas. Ce qui existe, c'est que le Québec, en ce
moment, subit des assauts. Ces assauts, à moyen terme, vont avoir des
conséquences énormes sur la vie des citoyens du Québec,
dans la mesure où ces assauts consacrent non seulement une vision
étatiste, pancanadienne, bureaucratique, coûteuse, où 0,44
$ dans la piastre vont au déficit fédéral, mais
également un déplacement du centre de gravité des
décisions dans les domaines de juridiction provinciale. (21 heures)
II n'y a d'ailleurs pas que le Québec qui subit cet assaut,
l'ensemble des provinces le subit et le Québec, lui, est ravalé
au stade d'une province comme les autres, ce qui est une notion contre
laquelle, comme société, on a toujours été. Il y a
eu un consensus au Québec autour de cette question. Or, ce qui
m'inquiète, c'est que l'ensemble de ces activités et ces assauts
ont des conséquences graves pour les citoyens du Québec à
moyen terme, parce que ce ne sont plus eux qui vont définir leur
développement, y compris leur développement
économique.
Cela a donné lieu à quoi, sur le plan de l'activité
de cette formation politique importante qu'est le Parti libéral? Ce
n'est pas seulement à cause des sondages que je
connais autant qu'eux, mais, les sondages, c'est comme autre chose, cela
ne dure pas toujours; on a vu cela antérieurement. Le Parti
libéral, c'est l'une des pièces majeures de l'échiquier
politique dans la société québécoise. On n'entend
pas cette pièce majeure dans l'orchestre québécois.
Où est l'expression d'une solidarité claire du Parti
libéral du Québec à l'égard de la défense
des intérêts du Québec autrement que de ravaler ce que nous
faisons pour défendre les intérêts du Québec dans
tous ces domaines énumérés dans nos cahiers, dont j'ai
parlé tout à l'heure, au stade de simples chicanes de
politiciens? C'est, à mon avis, extrêmement
réductionniste.
Je ne suis pas ici pour vous dire que j'en veux aux articles sur la
visibilité. On a fait une bataille là-dessus en parlant deux fois
du problème de la visibilité. Or, je peux vous dire une chose: la
notion de visibilité qu'on retrouve dans tous les programmes
fédéraux, dans tous les projets d'entente qu'ils nous
fournissent, dans lesquels ils essaient d'émasculer les pouvoirs du
Québec, dans lesquels ils ravalent le rôle du Québec sur le
plan de ses compétences en richesses naturelles, quant aux terres de la
couronne dans le secteur de la foresterie, et où ils considèrent
que le secteur privé est un endroit où le gouvernement
fédéral peut intervenir directement, cela va carrément
briser l'équilibre qu'on a mis sur pied comme société,
depuis quinze ans, dans le domaine de l'exploitation forestière.
Quant à ces articles sur la visibilité qu'on retrouve
partout, il ne s'agit pas tellement de savoir qui va donner le chèque
avec la feuille d'érable ou la fleur de lys, il s'agit de savoir si cela
correspond à une vision très précise de ce qu'est le
développement canadien et la participation du Québec à ce
développement. Il est clair que c'est une participation marginale, une
participation de lieu culturel qui ne manque pas d'intérêt, ma
foi, qui a un bon orchestre symphonique à Montréal, où les
gens parlent français; cela fait un peu partie de la différence
ou de la "difference", selon le cas. Mais, fondamentalement, c'est folklorique,
c'est le terroir, alors que comme société, depuis vingt ans, ce
n'est ni le folklore ni le territoire qui ont engendré les subventions
du ministère des Affaires culturelles. C'est bien; c'est une expression
populaire importante mais ce qui compte, c'est le développement du
Québec, notamment au niveau des infrastructures économiques. Et
le Québec ne pourra pas s'accommoder d'une présence envahissante
de l'État fédéral alors que nous sommes prêts
à signer des ententes.
Il faut regarder le passé, M. le Président. Sous le
régime qui nous a précédés, même si on
calcule l'indexation et l'inflation, il y avait, au total, pour 320 000 000 $
d'ententes fédérales-provinciales en matière d'ententes
auxiliaires Canada-Québec, de 1974 à 1977.
M. Rivest: Quel était le volume total des ententes
auxiliaires, à l'époque?
M. Johnson (Anjou): M. le Président, au total, durant les
années qui ont suivi jusqu'à 1982, il y en eu pour 1 500 000 000
$...
M. Rivest: Oui, mais quel volume?
M. Johnson (Anjou): ...sous le gouvernement du Parti
québécois.
M. Rivest: Quelle était la part respective du
Québec durant les deux périodes? Sans cela, c'est nono, ce que
vous donnez.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, on la donnera au
député, si cela lui fait plaisir.
M. Rivest: Oui, mais là, écoutez...
M. Johnson (Anjou): Si cela lui fait plaisir, on la lui
donnera.
M. Rivest: C'est tout un programme, cela.
M. Johnson (Anjou): Quand le député a...
Le Président (M. Payne): Avec consentement, on peut au
moins déposer le document?
M. Rivest: À condition, M. le Président, qu'on
indique...
M. Johnson (Anjou): Sûrement, mais je pense qu'il est dans
un de vos cahiers, d'ailleurs.
M. Rivest: ...l'importance relative des programmes en question
pour les deux périodes. Sans cela, encore là...
M. Johnson (Anjou): M. le Président, on fera tout
cela.
M. Rivest: Bien oui, justement, parlez...
M. Johnson (Anjou): II n'en reste pas moins - et je terminerai
là-dessus - que ce qui me trouble comme Québécois - et non
pas seulement comme membre du gouvernement et comme membre du Parti
québécois - c'est de voir que le Parti québécois
est en train de se faire exproprier certains domaines d'intervention et qu'une
des formations politiques majeures, ou la formation politique majeure en dehors
du gouvernement du Québec, reste silencieuse
parce qu'elle est mal à l'aise de défendre très
clairement les intérêts du Québec autrement qu'en nous
ramenant en "mille neuf cent tranquille" ou en 1972. Cela, c'est important.
Au nom d'un électoralisme un peu bête, un peu à
court terme, ce qui est dangereux, c'est que par son silence le chef du Parti
libéral et sa formation politique contribuent à affaiblir le
Québec alors même qu'ils doivent, plus que jamais, se serrer les
coudes comme ont tenté de le faire mes collègues.
Carrément, ils devaient ameuter certains secteurs de notre population,
que ce soit dans le domaine municipal, dans le domaine du développement
économique et régional, dans le domaine des pêcheries, de
l'agriculture, de la santé et bientôt, probablement, dans le
domaine de l'éducation. Si le Parti libéral du Québec et
l'Opposition restent silencieux là-dessus, cela va affaiblir le
Québec.
Le Président (M. Payne): Juste pour s'entendre,
c'était effectivement dans votre cahier, mais ce n'était pas dans
nos cahiers.
M. Johnson (Anjou): On vous en fera une copie.
Le Président (M. Payne): Cela pourrait nous
intéresser.
M. Johnson (Anjou): On vous en fera une copie plus
adéquate.
Le Président (M. Payne): D'ailleurs, je pense qu'un
document a été déposé par le ministre responsable
de l'aménagement, il y a deux ans. Peut-être qu'une mise à
jour serait intéressante.
Loi constitutionnelle de 1982
M. Rivest: Je voudrais poser quelques questions au ministre sur
la Loi constitutionnelle de 1982. Quelle est la position du gouvernement du
Québec pour ce qui concerne la mise en oeuvre des droits qui ont
été négociés ou qui sont en train d'être
complétés au sujet des autochtones?
M. Johnson (Anjou): M. le Président, la position du
gouvernement du Québec a été très clairement
établie lors de la conférence d'Ottawa, il y a quelques semaines.
Le Québec, pour des raisons qu'il n'a pas à réexpliquer,
ne signera pas d'entente en matière constitutionnelle. Je pense qu'il
appartiendrait plutôt à un éventuel autre gouvernement
d'expliquer pourquoi il signerait l'Acte constitutionnel de 1982 et à
quelles conditions il le ferait, puisque cet acte nie notre existence comme
peuple, notre droit de veto, notre volonté de participer à autre
chose que simplement la dimension linguistique et culturelle. C'est la position
du gouvernement du Québec qui, je pense, est connue publiquement. Il ne
signera pas tant et aussi longtemps que l'affront qui a été fait
non pas au gouvernement du Québec, au PQ, au premier ministre actuel,
mais à l'existence même du peuple québécois ne sera
pas effacé.
Par ailleurs, très concrètement, dans le cas des
autochtones, nous avons, lors de cette conférence qui a duré deux
jours, sans compter les dizaines de réunions
fédérales-provinciales qui ont coûté quelques
dizaines de millions de dollars - les gens se sont réunis à
Yellowknife, Toronto et partout -participé pleinement au niveau des
hauts fonctionnaires. Quand est venue la rencontre des premiers ministres
à Ottawa, le premier ministre du Québec a dit: Évidemment,
nous ne pouvons pas concourir, pour des raisons que vous connaissez, à
la signature d'un accord. Les autochtones étaient conscients de cela;
ils nous ont dit qu'ils comprenaient pourquoi et qu'ils acceptaient cette
notion. Nous avons dit: Cependant, si vous réussissez à
dégager ici un consensus et la majorité qu'il vous faut pour
faire la réforme constitutionnelle, faites-la. Mais ils ne l'ont pas
dégagé. Cela n'avait rien à voir, d'ailleurs, avec la
participation du Québec, compte tenu de notre population et du nombre de
provinces qui étaient impliquées. Ce n'est pas nous qui avons
fait achopper.
Ceci dit, nous croyons que le domaine d'intervention le plus important
du gouvernement du Québec à l'égard des autochtones est
celui où, dans nos domaines de juridiction, nous parvenons à des
ententes. Très bientôt, d'ailleurs, on verra la
consécration d'une de ces ententes en matière de santé.
Que ce soit le modèle de la Baie-James, avec les Cris ou les Inuits, ce
sont des modèles dont s'inspirent les aborigènes, les autochtones
qui revendiquent des choses similaires sur d'autres territoires canadiens.
Nous allons continuer dans ce sens et le Québec reste, dans ce
domaine comme dans le domaine de la condition féminine et quelques
autres, une des provinces les plus progressistes au Canada.
M. Rivest: S'il y avait conclusion dans le sens positif d'une
entente, d'un accord que le Québec pourrait accepter quant au fond,
étant donné la contribution que le Québec a lui-même
apportée, d'après ce que le ministre vient d'évoquer, et
pour des raisons autres que le ministre a également invoquées
quant à la Loi constitutionnelle, le Québec ne signerait pas une
telle entente? Même s'il adhérait quant au fond?
M. Johnson (Anjou): La politique du gouvernement du
Québec, à ce titre-là, est celle que j'ai
évoquée tout à l'heure.
M. Rivest: Dans le domaine linguistique, par rapport à la
clause Québec, clause Canada, toujours dans le cadre de la Loi
constitutionnelle, l'attitude du gouvernement du Québec est d'attendre
le jugement de la Cour suprême en présumant, avec bien des
égards à l'endroit des juges de la Cour suprême, que la
clause Canada sera déclarée comme étant le droit
s'appliquant au Québec. Là, l'attitude du gouvernement du
Québec, je présume, sera d'accepter avec regret, dans la
perspective du gouvernement actuel, la décision de la Cour
suprême.
M. Johnson (Anjou): On aura à le dire à ce
moment-là, M. le Président.
M. Rivest: Pourquoi n'avez-vous pas négocié ou
cherché à négocier un accord sur cette question? Est-ce
que le ministre ne voit pas un certain nombre d'avantages pour le Québec
à chercher un accord négocié sur cette question, au lieu
d'avoir simplement un jugement qui sera une conception, nécessairement,
limitée à sa dimension juridique?
M. Johnson (Anjou): Mais un accord négocié avec
qui?
M. Rivest: Avec le gouvernement canadien. Vous n'y voyez pas
l'intérêt qu'il pourrait y avoir pour le Québec? Vous dites
que le Parti libéral n'a pas de position, mais le Parti libéral
favorise la clause Canada; on est en désaccord là-dessus. Le
Parti libéral du Québec privilégie, bien sûr, un
accord négocié parce qu'il y a intérêt à ce
que ce soit un accord négocié et non pas une décision de
la Cour suprême. Est-ce que, comme ministre délégué
aux Affaires intergouvernementales canadiennes, vous réalisez qu'il y a
un certain intérêt à cela?
M. Johnson (Anjou): Au mois de décembre 1982, M. le
Président, le premier ministre du Québec faisait parvenir au
premier ministre du Canada une longue lettre. Je pense qu'elle a
été déposée en Chambre, d'ailleurs, si je me
souviens bien. Il disait, à la page 2: "S'il plaît à la
Cour suprême de consacrer judiciairement l'entente signée il y a
un peu plus d'un an entre le gouvernement anglophone du Canada et le
vôtre, soit! Je dois vous informer que le Canada Bill n'en demeure pas
moins foncièrement illégitime et, par conséquent,
absolument inacceptable aux yeux du Québec."
M. Rivest: Oui, d'accord.
M. Johnson (Anjou): Et ainsi de suite.
M. Rivest: Oui, c'est la position...
M. Johnson (Anjou): L'Assemblée nationale a
déjà énoncé, en décembre 1981, les
conditions auxquelles cette loi britannique pourrait devenir acceptable. Parmi
ces conditions, on y a assorti... Vous vous souviendrez qu'il y a eu un long
débat en Chambre là-dessus. Il n'y a malheureusement
peut-être pas eu unanimité parce que, du côté de
l'Opposition, il y avait un certain nombre de divisions, mais une forte
majorité des membres de l'Assemblée nationale ont dit: En premier
lieu, la Loi constitutionnelle doit reconnaître non seulement
l'égalité des deux peuples fondateurs, mais également le
caractère distinct de la société
québécoise...
M. Rivest: M. le ministre, me permettez-vous?
M. Johnson (Anjou): Oui.
M. Rivest: Je comprends et je connais les raisons qui ont
été évoquées à l'Assemblée nationale.
Ma prétention - je ne vous ferai pas de cachette - c'est que l'attitude
passive de dire qu'on ne signe rien parce qu'on est contre et que c'est
épouvantable, cela peut nuire aux intérêts vitaux du
Québec. Le Parti libéral du Québec, par exemple - je parle
de la question linguistique - au lieu de se faire imposer par la Cour
suprême la clause Canada, si méchant soit-il et peu sensible aux
intérêts vitaux du Québec, d'après votre discours,
préférerait un accord négocié. À ce
moment-là, en négociant la clause Canada, nous, du Parti
libéral du Québec... Connaissez-vous la position du Parti
libéral là-dessus?
M. Johnson (Anjou): Cela dépend laquelle.
M. Rivest: Bon, je vais vous le dire. Dans le cadre...
M. Johnson (Anjou): ...quelle version! (21 h 15)
M. Rivest: ...d'un accord négocié, on pourrait
également introduire, dans la charte constitutionnelle, une garantie
basée sur l'équilibre démographique du Québec. Si
l'intégration des enfants du reste du Canada modifie substantiellement,
dans l'avenir, l'équilibre démographique à
l'intérieur de la société québécoise, le
Parti libéral du Québec s'engage à négocier une
clause de protection sur le plan de l'équilibre démographique.
Comprenez-vous? Votre attitude de dire qu'on refuse parce qu'on s'est fait
avoir, c'est épouvantable et ainsi de suite - enfin, ce qui est
l'attitude du gouvernement actuel - là, arrivera le jugement de la Cour
suprême qui va être imposé; cela va être la clause
Canada, point à la ligne. Cette protection, dans dix, quinze
ou vingt ans, si cela causait vraiment des problèmes, à
cause d'un mouvement de population quelconque à l'intérieur du
Canada, il n'y aurait pas cela. C'est simplement pour vous illustrer que,
lorsque vous affirmez - et c'est dans un texte officiel du Parti libéral
du Québec, ce que je vous dis - que le Parti libéral se
désintéresse de ceci et de cela et que M. Bourassa est un
être terrible, il y a cela aussi comme élément.
Deuxièmement, je pourrais prendre également la libre
circulation des biens et des personnes. Dans la lettre du premier ministre,
vous avez évoqué que vous êtes contre cela, malgré
que, dans l'entente Canada-Québec du référendum, il y ait
aussi la libre circulation des biens et des personnes, mais c'est dans un autre
contexte. Il y a aussi, dans la position du Parti libéral du
Québec, les limitations pour l'avenir. On n'est pas contre la libre
circulation des biens et des personnes au pays; on n'est pas contre la clause
Canada, mais on sait, parce qu'on est un peu conscient, nous aussi, des
intérêts du Québec, quels que soient les discours qu'on
peut faire de part et d'autre, qu'il peut y avoir, au niveau de l'article 23,
paragraphes la et 2, ainsi qu'à l'article 6, des limitations. Il y avait
des limitations du nombre d'années qu'on aurait négocié.
Quand on adopte une attitude purement négative, la loi est là,
mais, quand on laisse tout aller, on dit: Ils l'ont adoptée, on s'en
va.
La vie continue, M. le ministre, et je veux simplement illustrer que
cette attitude peut effectivement, dans le concret des choses et dans le
vécu, faire rater au Québec des occasions qu'il devrait saisir
pour protéger sa spécificité. Nous aussi, nous sommes
capables de faire de beaux discours sur la spécificité du
Québec, mais, quand cela arrive dans le cadre de la Loi
constitutionnelle, ce n'est pas tout de la rejeter, elle est là, elle a
été imposée, parce que le Québec n'y a pas
consenti, mais, il y a des intérêts vitaux. Pour des raisons
politiques qui vous sont propres - et je ne vous chicanerai pas
là-dessus - vous ne refusez pas cela et le bateau continue d'avancer!
Après cela, s'il arrive un autre gouvernement après vous, que ce
soit un gouvernement libéral ou autre, qui sera le gouvernement
légitime des Québécois, on aura perdu des droits.
Combien de fois, dans l'histoire politique du Québec - en tout
cas, on ne peut pas reprocher cela au Parti libéral au moins - ces
attitudes qui sont, à mon avis, des transpositions en version moderne
des attitudes de feu Maurice Duplessis, ces beaux grands discours sur
l'autonomie, etc., nous ont-ils fait rater des occasions? Je vous donne des
exemples concrets, dans le domaine linguistique, qui font partie de l'article
23 de la Charte des droits et libertés de la personne et de l'article 6
sur la libre circulation des biens et des personnes, où le Parti
libéral du Québec prévoit un frein lié à la
démographie parce que c'est cela, la protection d'avenir de la
spécificité et du caractère français de la
société québécoise.
Or, quand on laisse filer les choses, on se retrouve, comme
société, peu importe le gouvernement qui est là, devant
des faits accomplis qui comportent des risques sérieux pour la
société québécoise. Êtes-vous conscients de
cette réalité? Vous dites: Ah! ce sera Trudreau qui prendra cette
responsabilité face à l'histoire! Je le veux bien, sauf que,
pendant ce temps, il y a des Québécois et une
société québécoise qui existent et qui vont
continuer d'exister après Trudeau.
M. Johnson (Anjou): C'est intéressant, M. le
Président, je trouve intéressant ce qu'évoque le
député de Jean-Talon. C'est un peu comme quelqu'un qui serait en
train de recevoir un coup de pied et à qui on demanderait quelle couleur
il pense que ses lacets devraient être.
M. Rivest: Ah, franchement!
M. Johnson (Anjou): Non, mais il y a beaucoup de cela.
M. Rivest: Je trouve que c'est vital, moi.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, je suis
entièrement d'accord avec une partie de son analyse, à ceci
près, cependant. Il y a un postulat là-dedans qui, pour moi,
affaiblit pas seulement tout le raisonnement, mais toute l'approche. À
partir de quel rapport de forces pensez-vous que le Québec peut imposer
quoi que ce soit dans un contexte de négociation comme celui que vous
évoquez?
M. Rivest: Dans un rapport très simple de...
M. Johnson (Anjou): M. le Président, si vous me le
permettez, j'ai laissé le député filer sans jamais
l'interrompre, d'ailleurs, depuis le début de la soirée. Je pense
qu'il le reconnaîtra.
M. Rivest: Je m'excuse, M. le Président, je ne le ferai
plus, comme je le dis souvent en commission.
Le Président (M. Payne): On y est habitué.
M. Johnson (Anjou): Ce que j'essaie d'établir, M. le
Président, encore une fois, je dirais presque que c'est au-delà
des options qu'on peut avoir de part et d'autre par
rapport à la question du statut politique du Québec. Pour
le résumer ainsi, le rapatriement est une chose qui a été
vécue d'une façon assez dramatique par beaucoup de gens
intéressés à l'évolution du Québec et,
particulièrement, de ce côté-ci de la table. Mais le
rapatriement recelait, à cause d'une notion centrale à deux
volets, premièrement, le pouvoir d'amender cette constitution par une
formule mathématique de majorité, donc la négation de
l'existence d'un peuple distinct qui soit un peuple fondateur et,
deuxièmement, une série de mesures qui sont une intrusion
spécifique dans certains des pouvoirs du Québec, notamment en
matière linguistique, ce qui est la raison fondamentale pour laquelle le
Québec avait adhéré à la
Confédération en 1867. Cela a des conséquences et tout
cela est couplé d'une approche systématique en matière de
développement économique qui vise à permettre à
l'État fédéral d'utiliser le "spending power" de l'article
91 pour intervenir dans les domaines de juridiction provinciale. Je reviens
là-dessus...
M. Rivest: Moi, je parle de questions linguistiques...
M. Johnson (Anjou): C'est cela, la dynamique. Et je dis que c'est
dans ce contexte que la dynamique linguistique se situe.
M. Rivest: Bien oui.
M. Johnson (Anjou): Elle ne se situe pas dans l'abstrait d'une
vision idéalisée de ce qu'aurait pu être le Canada.
M. Rivest: Mais ce n'est pas ma question.
M. Johnson (Anjou): Elle se situe dans un contexte très
précis...
M. Rivest: Oui, mais...
M. Johnson (Anjou): ...où l'État
fédéral a décidé de se livrer au type d'offensive
qu'on lui connaît.
M. Rivest: M. le Président, je ne sais pas si je dois
invoquer le règlement, mais...
M. Johnson (Anjou): J'entends le député nous parler
d'un gouvernement légitime éventuel du Parti
libéral...
M. Rivest: Ce n'est pas cela.
M. Johnson (Anjou): ...que je ne nie pas. Si une majorité
de citoyens votent pour lui, il va être légitime.
M. Rivest: M. le Président...
M. Johnson (Anjou): Pourquoi ne reconnaît-il pas la...
M. Rivest: ...je m'excuse auprès du ministre, mais je
voudrais soulever une question de règlement. C'est intéressant,
mais ma question porte spécifiquement sur ceci: Êtes-vous, en tant
que gouvernement du Québec, intéressé ou non à ce
qu'il y ait dans la charte constitutionnelle en matière linguistique,
concernant les articles 23.1a et 23.2, une limitation d'ordre
démographique pour protéger le Québec quand la clause
Canada sera en vigueur?
Deuxièmement, pour ce qui concerne l'article 6 de la charte, au
niveau de la libre circulation des biens et des personnes, êtes-vous en
accord ou en désaccord? Êtes-vous intéressé à
prévoir et à introduire dans la charte constitutionnelle une
disposition pour contrer, encore là, les mouvements
démographiques qui pourraient être défavorables au
Québec? Est-ce que ce sont des préoccupations que vous avez? Si
vous les avez, comment, avec votre attitude, allez-vous les traduire?
Comme je vous le dis, ma question est très précise: Dans
le domaine linguistique comme dans le domaine de la libre circulation, à
l'article 6, la vie va continuer. Je comprends ce que vous étiez en
train d'évoquer et les réserves que vous aviez par rapport
à la charte constitutionnelle, mais elle est là; elle va exister.
En tant que Québécois francophone, intéressé
à la viabilité, à la durabilité et au dynamisme de
la société québécoise, je demande au gouvernement
du Québec de se préoccuper de cela, parce que c'est un danger
réel. Le Parti libéral a fait des propositions à ce sujet
au moment de l'adoption de la charte; est-ce que vous les endossez? Les
appuyez-vous? Mon Dieu! vous êtes rendu que vous faites...
M. Johnson (Anjou): II ne faut pas retourner la table si vite que
cela.
M. Rivest: Vous avez l'attitude que vous reprochiez à M.
Bourassa. Je vous demande de nous appuyer là-dessus comme gouvernement.
Il me semble que c'est légitime.
Le Président (M. Payne): Un instant, M. le ministre. Il y
a deux volets à l'intervention du député de Jean-Talon:
d'abord, le principe de bonifier la constitution et, deuxièmement, la
formule démographique. Si vous me le permettez, M. le
député de Jean-Talon, la formule démographique n'est pas
claire. C'est au ministre de juger, mais si vous vouliez articuler davantage ce
que vous voulez dire par limitation démographique.
M. Rivest: Bien, limitation démo-
graphique, on retrouve cela au sous-paragraphe la de l'article 23 du
projet de loi constitutionnelle de 1981, devenu la Loi constitutionnelle de
1982, relatif à l'application de la clause Canada. Est-ce que le
ministre est intéressé, oui ou non, à dire que si - je ne
vous donnerai pas de chiffre -la proportion de francophones à
l'intérieur de la société québécoise... Vous
devez avoir des raisons pour être contre la clause Canada. Votre raison,
c'est que vous croyez qu'il va y avoir une invasion d'anglophones canadiens qui
vont briser l'équilibre démographique à l'intérieur
de la société québécoise. Est-ce que vous
êtes intéressés, en tant que gouvernement, à
établir un seuil où il y aura, à mon avis - ou à
votre avis - danger d'une cassure dans l'équilibre démographique
et à proposer au gouvernement du Canada d'introduire cela pour
protéger la société québécoise?
Même raisonnement pour ce qui concerne la liberté des
personnes, la liberté de circulation des biens. Est-ce que cela vous
intéresse, par exemple, pour la liberté de circulation des biens,
de mettre un frein, c'est-à-dire qu'une province puisse recourir
à des programmes de redressement pour une période de cinq ans,
tel que le Parti libéral du Québec - qui n'a d'opinion sur rien,
selon ce que vous avez dit - l'a suggéré? Cela vous
intéresse-t-il de nous aider à réaliser cela?
M. Johnson (Anjou): M. le Président, le
député va rester déçu de ma réponse, j'en
suis sûr. Le minimus minimorum pour le Québec, c'est le statu quo
ante tel que le stipulait...
M. Rivest: Classons.
M. Johnson (Anjou): ...la résolution.
M. Rivest: Oui, mais vous allez avoir...
M. Johnson (Anjou): M. le Président, ce n'est pas pour des
raisons d'entêtement. D'abord, je trouve qu'il réduit un peu les
considérations qui ont amené l'État
québécois à adopter la clause Québec plutôt
que la clause Canada. Ce n'était pas seulement pour des raisons
d'équilibre démographique. C'était aussi pour restaurer et
avoir un effet très clair, lequel a porté ses fruits sur le
territoire du Québec. Les choses seront sans doute différentes
dans un certain nombre d'années. On pourra modifier des choses, mais il
s'agissait d'établir très clairement, pour nos concitoyens
d'autre origine, dans un système d'éducation le plus ouvert qui
soit au Canada vis-à-vis des minorités linguistiques, que ce
contexte était celui d'un Québec francophone. On ne pouvait
établir les exceptions qu'on aurait voulu nous voir établir dans
le cas de la clause Canada autrement que dans un échange réel de
garanties pour les Québécois à l'extérieur. Si on y
était parvenu, on ne serait sans doute pas en train de parler du
Manitoba comme nous en parlons depuis quelques semaines.
M. Rivest: Ce que je constate et ce que j'essaie d'illustrer par
cet exemple, dans un contexte où je comprends l'attitude fondamentale du
gouvernement et du ministre, c'est qu'à attendre que les choses
arrivent, que la grande chose arrive un jour, la grande chose souverainiste, il
se passe des choses essentielles pour le Québec. Si, un jour, la
population du Québec réaffirmait sa volonté de continuer,
car il y a des gens aussi... J'aurais pu aussi faire un discours analogue
à celui du ministre, soit un discours très serein; du moins dans
cette partie du discours souverainiste, il y a une logique, une
cohérence. Je comprends que des gens croient à cela, mais il y a
aussi une autre logique de gens qui croient au Québec aussi
profondément que vous, mais qui se disent que le Canada est un pays qui
existe; ce n'est pas un pays épouvantable, il n'y a pas de honte
à appartenir à un pays comme le Canada, au niveau des
libertés, au niveau du développement économique ou social,
enfin avec tous les problèmes d'une société. Comme
Québécois, nous avons beaucoup de ressources, de moyens, nous en
sommes convaincus. On devra les exploiter. Pourquoi ne suis-je pas
souverainiste? C'est bien simple. Je trouve qu'il y a des ressources dans le
Canada et, à nos propres ressources au Québec, on a la chance
d'ajouter celles propres au Canada. Pour le développement
économique du monde et pour la sécurité, nous avons plus
de moyens, d'autant plus...
M. Johnson (Anjou): Si je comprends bien, vous êtes contre
l'indépendance, mais vous êtes pour la
souveraineté-association.
M. Rivest: Non, parce que la souveraineté-association
n'existe plus dans votre parti, pour votre gouverne. Je ne pourrais donc pas
être pour quelque chose que vous avez vous-même rejeté. Je
serais le seul "souverainiste-associationniste" au Québec. Vous
n'êtes plus pour cela maintenant. Je vous avertis, si jamais j'avais
été pour, cela aurait été avec le trait d'union,
chose qui m'aurait davantage éloigné du Parti
québécois, d'après ce que je constate. Je ne sais plus
où est rendu le trait d'union.
Est-ce que vous êtes indépendantiste? Vous patinez pas mal.
Je vous ai déjà posé cette question à une
émission de Pierre Nadeau à Radio-Québec. Nous n'avons
jamais eu de réponse, malgré l'insistance de M. Nadeau et de
moi-même. Vous êtes prudent.
Le Président (M. Payne): Avant qu'on laisse la question
linguistique, j'aimerais
ajouter quelques considérations.
M. Rivest: Je n'ai pas eu le temps de poser ma question.
Le Président (M. Payne): Vous en avez posé
plusieurs et je me permets, même si je suis président, de poser
quelques questions.
Effectivement, d'après ce que je comprends, la clause Canada,
pour ce qui concerne le Québec, existe en réalité à
maints égards depuis le projet de loi 57. Il n'y avait aucun suivi pour
ce qui concerne l'Ontario.
M. Rivest: Est-ce que vous avez averti la Cour suprême de
ce changement radical?
Le Président (M. Payne) L'Ontario avait
l'occasion d'exercer une formule de "opting in" pour la clause Canada, ce qui
serait une ouverture extraordinaire de la part d'un membre de la
fédération canadienne, s'il était intéressé
à exercer ce droit de "opting in" concernant ce projet de loi 57. Cela
serait drôlement intéressant et cela pourrait même renforcer
votre position comme parti. C'est une correction à ce que vous avez dit
plus tôt.
Création du ministère des Affaires
intergouvemementales canadiennes
M. Rivest: Une question au ministre. Il y a des amis du Dr Laurin
qui sont des gens très bien informés et qui ont dit, dans un
document récemment publié: Au moment de dresser le bilan du
fédéralisme, il faut d'abord s'interroger sur le peu
d'intérêt que le gouvernement semble manifester dans le domaine
des relations fédérales-provinciales et de la question
constitutionnelle, à tel point qu'on se demande s'il y a encore un
dossier fédéral-provincial à Québec et s'il y a des
personnes pour s'en occuper véritablement. C'est le texte précis.
Cela vous fait quoi comme réflexion, en tant que ministre qui arrive?
(21 h 30)
M. Johnson (Anjou): Je pense que le premier ministre a
été sensible à ce type d'argument puisqu'il a choisi de
faire en sorte qu'il y ait un ministère et une équipe
spécifique qui s'occupent des relations
fédérales-provinciales, entre autres, et d'en confier la
responsabilité à un ministre qui s'en préoccupe une bonne
partie de la journée.
M. Rivest: J'espère que Jacques-Yvan Morin entendra cela;
venant de vous, il vous aimerait. Ce n'est pas gentil, ce que vous avez dit,
pour votre prédécesseur.
M. Johnson (Anjou): Je pense que c'est injuste, ce que vient de
dire le député, parce que le député connaît
l'estime qui me lie à l'ancien député de Sauvé, mon
prédécesseur à ce ministère.
M. Rivest: Justement, c'est au nom de l'estime que nous avons
tous les deux pour l'ancien ministre que je ne voudrais quand même pas
qu'il passe pour ce que vous en avez fait.
M. Johnson (Anjou): Non, je dis simplement que, s'il est exact
que la préoccupation du Québec en matière internationale a
pris beaucoup de place depuis deux ans, notamment à cause des
phénomènes de commerce extérieur et aussi à cause
de la nécessité pour le Québec de consolider sa position
dans le monde francophone, pendant 20 ans, "batêche", depuis Jean Lesage,
on s'est battu pour avoir notre place au soleil dans le monde francophone.
Je rencontrais, récemment, un jeune homme d'affaires du
Québec qui était dans une capitale africaine
particulièrement grandissante et prospère de ce temps-ci et il me
disait: J'ai vu arriver une délégation canadienne avec un
ministre et deux députés francophones du Québec. Ils ont
eu droit aux poignées de main, ils ont obtenu la levée des
drapeaux et le tapis rouge. Le lendemain, ils sont partis et l'hôtel
s'est rempli de gens des industries ontariennes qui venaient vendre des
tracteurs de l'Ontario.
Parfait! cela on le sait! En matière internationale, le
Québec subit là aussi des assauts importants et je pense que la
querelle de Saint-Malo, que vous avez évoquée un peu vite, du
revers de la main, démontre une chose: le fédéral a
décidé que le Québec n'existerait pas en tant
qu'entité à l'étranger sans qu'il y ait la feuille
d'érable et le reste, même dans les domaines de sa
juridiction.
M. Rivest: Le problème, M. le ministre...
M. Johnson (Anjou): II n'accepte pas le caractère
privilégié des relations du Québec avec les pays
francophones. Non seulement il ne l'accepte pas, mais il affaiblit le
Québec.
M. Rivest: II est bien méchant et...
M. Johnson (Anjou): Dans ce contexte, M. le Président - et
ce n'est pas sans signification - il nous apparaissait important de faire en
sorte que le Québec puisse consacrer toute l'énergie possible au
commerce international, à l'affirmation internationale de la
présence du Québec mais sans négliger pour autant toute la
dimension des relations fédérales-provinciales où le
Québec aussi a un front de défense à établir.
M. Rivest: Vous avez, M. le ministre, au moment de votre
nomination - c'est une citation de presse, peut-être est-elle
incorrecte...
M. Johnson (Anjou): Cela dépend quel journal.
M. Rivest: Attendez, je regarde quel est le journal. C'est un des
rares journaux que vous n'avez pas poursuivis jusqu'à maintenant. C'est
le Devoir, qui est également victime d'une poursuite, en effet. Alors,
j'espère que cette partie n'est pas sub judice. Je vous cite, M. le
ministre: "Alors, tout cet ensemble qui n'a ni queue ni tête -vous parlez
de l'ensemble des dossiers des relations fédérales-provinciales -
il va falloir essayer de voir si on ne peut pas nous-mêmes mettre de
l'ordre dans notre propre perspective - encore là, j'ai pensé
à Jacques-Yvan - et présenter une perspective globale à
Ottawa, s'ils veulent bien être de bonne foi et cesser, dans certains
cas, de marcher sur leur propre constitution." Qu'est-ce que vous avez en
tête, exactement, lorsque vous annoncez à un journaliste... Ce
petit extrait est de Gilles Lesage, du Devoir, et il n'est pas sub judice. Je
pense que vous pouvez en parler.
M. Johnson (Anjou): Je ne me souviens pas, je ne l'ai pas lu,
celui-là. À quel endroit?
M. Rivest: C'est dans le rond.
M. Johnson (Anjou): Ah oui! Dans le rond.
M. Rivest: Qu'est-ce que vous préparez au
ministère, comme document, qui serait une perspective globale de votre
attitude, etc.?
M. Johnson (Anjou): Je ne reconnaissais pas mon vocabulaire
là-dedans, parce que c'est M. Lévesque qu'on cite.
M. Rivest: En tous cas!
M. Johnson (Anjou): Je reconnais les notions, mais je ne
reconnaissais pas mes mots.
M. Rivest: Mais vous êtes très près de M.
Lévesque. On parle même de votre filiation.
M. Johnson (Anjou): ...
M. Rivest: Parlez du père et parlez du fils. C'est la
filiation naturelle, d'après ce qu'on dit dans les milieux
péquistes.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, voici la tâche
à laquelle nous nous sommes attelés au ministère depuis le
4 mars, une fois réglés l'ensemble des détails
d'intendance qui venaient avec le détachement d'une section du
ministère pour en former un autre. Il s'agissait, effectivement, de
faire un bilan de certaines choses. Encore une fois, peut-être que le
député a mal pris ma déclaration d'ouverture, il ne s'agit
pas de faire des chicanes pour le plaisir d'en faire, il s'agit de cerner
clairement les enjeux pour le Québec et de lui permettre, d'une part,
d'établir un front de défense important; deuxièmement, de
rentrer suffisamment en lui-même pour rebâtir des consensus, y
compris des consensus au niveau des formations politiques.
Une voix: Et du parti.
Régime des ententes
fédérales-provinciales
M. Johnson (Anjou): II faut regarder passer les trains un certain
temps; mais, à un moment donné, il faut savoir où est-ce
qu'ils s'en vont. Effectivement, nous croyons qu'une fois qu'on aura
établi clairement et qu'on aura pu partager... Cela a été
fait, par exemple, aux Affaires municipales depuis trois mois, alors que M.
Léonard avait amorcé des pourparlers avec M. Roberts pour
conclure des ententes qui ont été complétées tout
récemment avec mon collègue, M. Marcoux. Je pense que c'est un
bon exemple du type de relation que nous voulons voir exister. Je ne pense pas
que qui que ce soit puisse, avec ce type d'approche dans le domaine des
ententes, indépendamment des questions constitutionnelles proprement
dites, accuser le Québec de mauvaise foi.
M. Rivest: Ma question, M. le ministre, est celle-ci: Lorsque le
premier ministre dit - parce que c'est le premier ministre, vous avez raison -
"II est évident que, dans l'espèce de salade de conflits
sectoriels avec Ottawa, il y a des choses qui attendent..." C'est un peu ce que
je disais, d'ailleurs, assez curieusement.
Le premier ministre énumère quelques exemples et il
conclut rapidement de la façon suivante: "Alors, tout cet ensemble, qui
n'a ni queue ni tête, il va falloir essayer de voir si on ne peut pas
mettre de l'ordre dans notre propre perspective et présenter une
perspective globale à Ottawa." Qu'est-ce que cela veut dire, exactement?
Est-ce que c'est un document, une commande que vous avez, où on va avoir
un peu ce que j'ai demandé, de façon absolument anodine
tantôt, un bilan? Est-ce que c'est cela? Je ne le sais pas. Autrement
dit, qu'est-ce que vous allez faire? Vous arrivez au niveau du ministère
et le premier ministre vous dit: II y a un paquet, une multiplicité de
dossiers -où il y a, paraît-il, d'après les
porte-parole
de l'Opposition, beaucoup de chamaillage - et il y a des dossiers qui
attendent.
Est-ce que vous avez l'intention, comme ministre responsable des
affaires canadiennes, de mettre entre parenthèses la dimension politique
de la chose et de dire: Voici, il y a des intérêts propres au
Québec dans tel et tel domaine, et de présenter un document
vraiment systématique, complet et cohérent, la vision d'un
gouvernement du Québec qui s'inscrit d'emblée, jusqu'à
avis contraire, dans le cadre de la fédération canadienne? Est-ce
que c'est cela que vous voulez préparer? Ou bien allez-vous continuer ce
que j'ai dénoncé et regretté, l'espèce de C-23
à C-42, le 38, cette espèce d'unilatéralisme quasiment
bilatéral et qui mène à rien?
M. Johnson (Anjou): Je comprends, encore une fois, et je pense
que la question est parfaitement légitime, venant du
député. Mais, encore une fois, je pense qu'elle ne tient pas
compte du "here and now", comme ils disent si bien à l'Académie
française. Le Québec essaie, notamment en matière
économique, depuis un certain nombre d'années - surtout depuis
deux ans - de franchir des pas extrêmement importants. En cours de route,
il se bute parfois à des politiques fédérales ou à
des morceaux de politiques fédérales. Il s'agit pour nous,
particulièrement dans le domaine économique, de bien
établir quelles sont les priorités et de faire en sorte que, par
le régime des ententes, on puisse voir ces priorités
respectées.
Il y a un problème cependant - je termine là-dessus -
auquel on fait face à tous les jours, à cause de la
présence très envahissante des fédéraux. Cette
présence est très articulée, très habile parce que,
de toute évidence, ils ont une espèce d'idéologie, ils ont
le drapeau, l'hymne national, les décorations et le reste pour leur
donner un peu de souffle. On ne peut pas les blâmer; à leur place,
on ferait peut-être la même chose, mais sûrement pas en
pilant sur le Québec. Il faut voir la dynamique dans laquelle on
s'inscrit: c'est une dynamique défensive dans presque tous les
dossiers.
Je vais vous donner un exemple très concret et tout
récent. Mon collègue responsable de l'OPDQ, le ministre
d'État à l'Aménagement et au Développement
régional, a rencontré, avec le ministre des Finances, le ministre
des Finances fédéral et M. Johnston, responsable de la
coordination des politiques économiques fédérales, le
DEDER ou enfin l'organisme...
M. Rivest: Le DEER.
M. Johnson (Anjou): Le DEER?
M. Rivest: D-E-E-R.
M. Johnson (Anjou): Le DEER? Ah! je pensais que c'était
DEDER.
M. Rivest: DEDER? Non, c'est DEER. M. Johnson (Anjou):
C'est le DEDER. M. Fortier: C'est un organisme.
M. Rivest: Probablement que vous aviez l'abréviation
anglaise.
M. Johnson (Anjou): Bon. Qu'est-ce qu'on voit dans l'approche
fédérale dans ce domaine? Les fédéraux nous disent:
Écoutez, on veut intervenir dans des secteurs économiques. Si
vous voulez vous en occuper, faites-le, mais nous aussi on veut s'en
occuper.
Dans les pourparlers qu'on a avec les hauts fonctionnaires - et nos
fonctionnaires nous le confirment - c'est très clair. Je vous cite un
exemple précis: la forêt. Pour eux, la forêt privée
est un domaine où il peuvent utiliser le "spending power". La
forêt publique est évidemment absolument une juridiction
provinciale, ce sont les terres de la couronne. En utilisant le "spending
power" sans passer par le régime des ententes, ils peuvent choisir au
niveau des ministères fédéraux de subventionner un certain
nombre d'activités dans le Nord-Ouest québécois, en
Gaspésie, en Estrie ou ailleurs. Alors que le Québec, depuis
quinze ans, a développé des interventions, des institutions, un
mode de relations bien précis.
Ce que nous disons dans ces choses, c'est que nous sommes d'accord avec
le régime des ententes, on a nos priorités. Acceptez donc que,
dans un secteur comme la foresterie par exemple, on s'occupe de l'assignation.
Vous enverrez le chèque avec votre photo du Canada et, je ne ne sais
quoi, les photos du ministre Untel ou du député Untel qu'on ne
voit jamais à Ottawa et qui se lève pour demander de fermer la
fenêtre. Il ira là avec les "kodaks" et donnera le chèque.
Mais, laissez-nous établir les priorités en matière de
développement dans nos secteurs.
M. Rivest: C'est une bonne approche. Je dois dire que c'est une
approche traditionnelle que je comprends très bien.
Remarquez que je fais simplement une parenthèse pour vous faire
un reproche. Le "spending power" dont vous parlez, je le cherche. Cela fait six
ou sept ans que vous êtes au gouvernement. À mon avis, c'est sans
doute l'un des plus grands problèmes de fonctionnement du régime
fédéral canadien. Il y a eu des propositions du temps de M.
Pearson, du temps de M. Trudeau sur le plan de la révision
constitutionnelle, dans le cadre des processus de révision
constitutionnelle, par exemple pourquoi... Je n'ai jamais
compris - et M. Ryan l'a dit à l'époque et même M.
Bourassa, au temps où il était premier ministre, puisque vous le
suivez de très près - comment il se fait que le gouvernement du
Québec n'ait fait aucune espèce de proposition cohérente
dans le cadre de la révision constitutionnelle pour placer - quand je
vous parle de l'attitude défensive - le dossier du "spending power", du
pouvoir de dépense comme une des priorités. Comme dans le
passé on parlait du partage des pouvoirs, pourquoi n'êtes-vous pas
arrivés avec une proposition claire et définie?
Par exemple, le Parti libéral du Québec, "qui n'a pas de
position", a une position dans son document constitutionnel adopté par
le congrès pour limiter le pouvoir de dépenser aux domaines de
juridiction fédérale. Fort bien. Quand il s'agit de juridiction
provinciale, automatiquement vous parliez de la forêt privée et de
vos priorités - dans la position du Parti libéral du
Québec et de M. Bourassa, figurez-vous, notre conception du pouvoir de
dépenser, on n'est pas contre, on l'admet comme un élément
du fonctionnement du régime fédéral, mais figurez-vous que
cela devra respecter les ordres de priorités définies et
déterminées par le Québec.
Dans le domaine de la forêt privée, vous ne vous êtes
pas entendus. Mais, dans le domaine de la haute technologie, des
investissements fédéraux, j'imagine qu'à un moment
donné un de vos fonctionnaires aurait dit - d'ailleurs il aurait lu les
documents que vous auriez publiés comme gouvernement - Écoutez,
le domaine de la haute technologie, cela intéresse le Québec; on
est prêt, comme gouvernement du Québec, à investir; c'est
notre priorité. Le fédéral a, admettons, donné des
subventions à Pratt & Whitney, il a contribué à amener
Bell Helicopter, il a permis à Bombardier de circuler, d'avoir le
contrat à New York, enfin, toutes choses que le méchant
gouvernement fédéral a faites, imaginez-vous. Peut-être y
a-t-il un paquet de choses, vous saurez me le dire, qu'il n'a pas faites. Mais
là, il me semble que vous vous êtes entendus.
Je ne peux pas me mettre dans la tête - vous me parliez de
l'exemple de la forêt privée, et je vous donne l'exemple de la
haute technologie qu'un ministre fédéral, aussi intelligent qu'un
ministre péquiste, quand il s'agit pour le Québec de choses aussi
évidentes que celles-là... Qu'il y ait des négociations,
qu'on discute, j'en conviens volontiers. Mais que cela cause des drames, pour
choisir des choses qui crèvent les yeux en termes de
développement pour le Québec, et puis que l'on doive constamment
lire de grandes manchettes... (21 h 45)
M. Johnson (Anjou): Un exemple, M. le Président. Je suis
le député depuis tout à l'heure; il fait une belle capsule
et c'est sans doute le genre de capsule qu'utilise le chef Parti libéral
quand il va dans les chambres de commerce et leur demande d'être
reçu sans la présence de journalistes, ce qui permet de dire des
choses différentes d'une place à l'autre. Pour l'essentiel,
est-ce que je pourrais avoir un exemple récent de "batailles et chicanes
inutiles" dans un secteur comme celui de la haute technologie qui fait que le
Québec ne peut pas avancer?
M. Rivest: Bien, nous avons vécu une chose
extrêmement tragique...
M. Johnson (Anjou): Bell Helicopter?
M. Rivest: Non, de chamaillage inutile et puis de chicanes sur la
place publique, qui ont retardé des programmes de développement.
Toute la folie monumentale, qu'elle soit fédérale ou
péquiste, que nous avons connue au niveau de l'Assemblée
nationale avec votre aventure dans le domaine municipal. M. Marcoux a
signé une entente, il y a je ne sais pas combien de temps; pourquoi M.
Léonard n'a-t-il pas pu la signer il y a 5 ou 6 mois? Nous avons perdu
tout ce temps-là. Aujourd'hui, on trouve d'autres trous dans l'entente.
Au lieu de faire une crise, comme il l'a fait au niveau de l'Assemblée
nationale, un appel au ministre fédéral pour lui dire: "Aie, M.
Dufour, des municipalités, dit que l'entente que nous avons
signée, ce n'est pas cela le sens. Est-ce que l'on pourrait se
rencontrer, s'en parler et puis essayer de régler cela?" Ceci est un
exemple bien concret.
D'ailleurs, les municipalités l'ont dit, au moment de
l'étude de la loi 38. Et puis nous autres, le méchant Parti
libéral, sous la gouverne du méchant M. Bourassa, nous avons
combattu cela et puis figurez-vous que nous n'avons peut-être pas eu
tort. La loi 38, elle va probablement mourir de sa belle mort. Voilà un
bel exemple de perte de temps. Je ne peux pas comprendre, vous me demandez un
exemple. Comment cela se fait-il que le Québec et puis le Canada, les
ministres fédéraux d'un bord et les ministres péquistes de
l'autre, ont réussi à faire un chiard monumental de 6 mois,
peut-être plus, je ne sais pas, pour finalement conclure une entente
lorsque nous avons subitement changé de ministre à
Québec.
M. Johnson (Anjou): Pour l'essentiel, M. le Président,
deux choses.
M. Rivest: ...un exemple.
M. Johnson (Anjou): D'abord, j'avais demandé
à...
Le Président (M. Payne): II y a une
autre question. Il y a M. le député de
Trois-Rivières.
M. Johnson (Anjou): Très brièvement, M. le
Président. D'abord, je remarque que l'on ne peut pas me donner d'exemple
de dossier économique, où l'on dit... Donnez-moi un exemple
où il y a eu des chicanes inutiles et des affaires que vous
véhiculez partout.
M. Rivest: ....économique, c'étaient des plans de
créations d'emplois.
M. Johnson (Anjou): Non, non, je m'excuse...
M. Rivest: C'était des sommes que l'on donnait aux
municipalités pour la création d'emplois.
M. Johnson (Anjou): Je m'excuse, un instant. On parlait, M. le
président, juste avant, de haute technologie, d'infrastructure
industrielle. Nous ne parlions pas d'aréna, ni de subventionner des
salles communautaires, ni de subventions aux clubs de l'âge d'or. Que
l'on se comprenne bien.
M. Rivest: Je vais vous donner des exemples.
Le Président (M. Payne): C'est une bonne discussion.
Laissons la parole au ministre.
M. Johnson (Anjou): Deuxièmement, dans le secteur
municipal, la réponse est bien simple: les fédéraux ont
lâché le jour où ils ont vu un rapport de forces qui les
planterait, c'est rien que cela...
M. Rivest: Vous étiez tout seuls. C'est ridicule. Les
municipalités étaient contre vous autres. L'Opposition
était contre vous autres. Vous étiez tout seuls.
M. Johnson (Anjou): Le jour où les municipalités
ont commencé à dire avec le gouvernement du Québec
qu'elles considéraient, comme elles l'ont fait par la voix même de
M. Asselin - que vous connaissez bien, qui est un ancien candidat
libéral dans Joliette - par la voix de M. Dufour, quand les
institutions...
Une voix: ...
M. Johnson (Anjou): M. le Président, si vous permettez, le
député, tout à l'heure, nous a promis qu'il me laisserait
m'exprimer sans m'interrompre...
M. Rivest: Mais je ne tiens jamais ma promesse.
M. Johnson (Anjou): Oui, cela, nous le savons. Vous vous
êtes fait élire deux fois et après cela, on vous a
battus.
M. le Président, laissez-moi terminer, si vous le permettez.
Le Président (M. Payne): Oui, mais il faut que vous vous
habituiez un peu au député de Jean-Talon.
M. Rivest: Je ne vois pas pourquoi...
M. Johnson (Anjou): Non, je refuse de m'habituer à cela,
M. le Président, cela n'a pas de bon sens.
M. Rivest: Claude Morin m'a enduré, Jacques-Yvan m'a
enduré; que vous soyez Pierre-Marc Johnson, cela ne m'impressionne pas
du tout.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, cela a à voir
avec l'article 32 du règlement.
Le Président (M. Payne): M. le ministre,
brièvement, puis le député de Trois-Rivières.
M. Johnson (Anjou): Pour l'essentiel en matière
municipale, mon interprétation est très simple. Soyons un peu
cyniques. Je pense que le député, qui a une longue
expérience politique, va me comprendre. Il arrive une année
d'élection, les députés fédéraux ont entre 1
000 000 $ et 5 000 000 $ à dépenser dans leur comté pour
se faire réélire. D'autant plus que nous leur avons agité
un drapeau, il y a trois ans, pour dire: Nous allons nous en mêler, de la
campagne électorale. Ils se sont retournés et ils ont
décidé qu'ils permettaient à leurs
candidats-députés - car ils en ont 74 ou 75, 75 ou 76, je ne me
souviens pas - se de promener dans la nature et de distribuer des
arénas. Cela, c'est l'argent de La Prade, entre autres, que nous n'avons
jamais eu et, s'ils nous avaient donné ZOO 000 000 $, pour La Prade,
nous en aurions fait des choses intelligentes avec cela, nous aurions
arbitré des choses.
Les députés fédéraux se promènent
dans la nature et ils offrent des arénas au coin des rues, alors que le
Québec a fait une réforme de la fiscalité municipale. Il a
dit: Au nom d'une certaine équité et pour un fonctionnement
harmonieux, équilibré et équitable entre les
municipalités, il faut faire une réforme de la fiscalité
et sortir de la dimension discrétionnaire du développement de nos
municipalités. C'est un tour de poignet à faire. Cela n'a pas
été facile pour le Québec de faire la réforme de la
fiscalité municipale, on s'en souviendra; il y a eu de longs
débats. Mais cela a donné une avenue de développement
cohérente et intelligente à partir des institutions
québécoises. C'est ce qui était mis en doute
dans la participation fédérale. Les
fédéraux, tant et aussi longtemps qu'ils n'ont pas senti que les
municipalités feraient corps avec le gouvernement du Québec,
n'avaient rien à perdre dans le contexte. Ils se sont
promenés...
M. Rivest: Arrêtez donc. Ce n'est pas vrai.
M. Johnson (Anjou): ...et ils ont distribué des
subventions.
M. Rivest: C'est faux!
M. Johnson (Anjou): Ce qui se passe depuis un certain nombre de
mois, avant même l'arrivée de mon collègue, M. Marcoux, aux
Affaires municipales, à partir du mois de novembre dernier, les
municipalités avec, à leur tête, M. Asselin -qu'on ne peut
quand même pas taxer d'être un péquiste; c'est un ancien
candidat libéral aux dernières élections dans le
comté de Joliette...
M. Rivest: II faut qu'il fasse la biographie de chaque personne
qu'il mentionne. Est-ce assez ridicule?
M. Johnson (Anjou): ...on dit que cela n'a aucun sens. Le jour
où les unions de municipalités ont commencé à
manifester leur solidarité à l'égard de cette chose
fondamentale qu'est la protection des institutions et le développement
harmonieux, équilibré et cohérent, les
fédéraux ont "lâché" et ils ont signé une
entente. Tant et aussi longtemps qu'on ne manifestera pas, en tant que
société, des consensus de cette nature, ce n'est pas
compliqué, le Québec va se faire traverser.
M. Rivest: Le ministre a son interprétation de
l'événement...
Le Président (M. Payne): Avez-vous quelque chose à
ajouter, M. le député de Trois-Rivières?
M. Vaugeois: C'est difficile d'ajouter quelque chose...
Le Président (M. Payne): Faites-le vite avant que le
député de... Je m'excuse.
M. Vaugeois: Je vais me permettre deux ou trois commentaires sur
ce qui vient d'être dit. Je pense que le ministre vient de toucher un
point bien important que le député de Jean-Talon ne peut pas
admettre à haute voix, mais dont il est parfaitement conscient
intérieurement. Au cours des derniers mois, les fédéraux
ne tenaient pas à une entente. Peu importent notre attitude et
l'à-propos de nos attitudes vis-à-vis de la loi 38, cela aurait
été la pire des choses s'il avait fallu qu'on signe une entente
par laquelle ils auraient été obligés de passer. Ils
avaient tout intérêt, politiquement parlant, électoralement
parlant, à pouvoir distribuer, d'ailleurs, des promesses d'argent.
Dans ma région, on a annoncé beaucoup de dépenses
et il ne s'en est pas encore réalisé beaucoup. Le cas de La
Prade, d'ailleurs, illustre assez bien cette attitude des politiciens
fédéraux. Alors qu'on avait demandé une compensation
financière, ils sont venus tenir un discours les uns après les
autres. M. Lalonde est venu dire qu'il y aurait une compensation, mais que
l'argent devrait être dépensé dans le domaine de
l'énergie, alors que M. Chrétien, lui, revenait dans sa
région pour dire que ce serait dépensé dans la
région et que l'énergie, c'était autre chose. Mais il y
avait une chose commune aux deux - à M. Lalonde et à M.
Chrétien - c'est que c'étaient eux qui décideraient. Si on
accumulait toutes les annonces de dépenses qu'ils ont faites à
partir du dédommagement de La Prade, on serait revenu aux exigences
qu'on avait au départ, parce qu'ils ont annoncé beaucoup plus que
400 000 000 $. Mais, en fait, ils n'ont rien dépensé encore. Ils
ont annoncé des choses et ils n'ont rien dépensé. On a vu
ce soir la lettre de M. Roberts - qui en est gênante, d'ailleurs - qui
dit à M. Marcoux: Bravo, maintenant qu'on a signé, vous allez me
dire de quoi vous avez besoin pour l'avenir, parce qu'il ne reste plus
d'argent. C'est clair qu'ils ont pris d'abord la précaution de tout
engager avant d'en arriver à une entente. Qu'on distribue les torts,
comme le député de Jean-Talon veut le faire, bon...
M. Rivest: Mais je...
M. Vaugeois: ...c'est sa position politique. Mais je pense que,
même si on est en situation d'affrontement plus qu'on ne l'a jamais
été depuis le début de l'étude des crédits,
il y a quand même des choses qu'on sait et qu'on ne peut pas
complètement taire. Le député de Jean-Talon a ce
mérite d'avoir une bien belle expérience politique, d'avoir
été très près du pouvoir, de le côtoyer
encore et de l'observer d'assez près. Il y a des choses qui sont assez
difficiles à entendre. Par exemple, quand on demande à un membre
du gouvernement, sur la question du pouvoir de dépenser: Pourquoi ne pas
avoir essayé de résister à l'offensive
fédérale? Je pense qu'il sait intérieurement...
M. Rivest: Excusez-moi, M. le député. Vous
permettez? Je n'ai pas dit "résister".
Une voix: Est-ce qu'il est toujours comme cela?
M. Rivest: J'ai dit: "proposer une solution à la
limitation du pouvoir de dépenser". C'est une tout autre chose.
M. Vaugeois: D'accord pour "proposer". Mais moi, je dis
"résister", parce qu'on en est vraiment là. Le gouvernement du
Québec - c'est le Québec, en fait; ce n'est même plus le
gouvernement du Québec - a été sur ce plan tellement
assailli... M. le député de Jean-Talon, le gouvernement a
été tellement assailli...
M. Rivest: Bien oui, mais...
M. Vaugeois: ...et c'était tellement important pour les
ministres fédéraux, pour les hommes politiques
fédéraux, d'être visibles partout, de se montrer
généreux, de montrer que le gouvernement fédéral,
que le Canada, était absolument nécessaire au Québec,
indispensable au minimum vital, indispensable à un peu de
bien-être...
M. Rivest: J'en conviens.
M. Vaugeois: ...que c'était absolument exclu, pour eux,
que tout cela ait fait l'objet d'une décision conjointe. C'était
une nécessité politique et ça, nous l'avons vécu
ensemble. Nous n'avons pas à révéler des choses que nous
avons vécues ensemble. Nous sommes liés par un minimum de
discrétion, mais nous pouvons quand même évoquer des choses
qui étaient publiques.
Vous vous rappellerez, à l'occasion de ces ententes qui ont
commencé avant le gouvernement actuel, l'importance que les
fédéraux - comme nous disons - attachaient aux panneaux, à
l'affichage, etc. Ce n'est pas d'hier, sauf que cela a pris une dimension
nouvelle avec l'arrivée au pouvoir d'un gouvernement, en 1976, qui
acceptait de se situer dans un cadre fédéral jusqu'à ce
que la population en ait décidé autrement. Pour les
fédéraux, là, il y a eu un moment de panique. Je
prétends - et il me semble que c'est assez évident - qu'à
partir de ce moment il y avait là, d'abord, pour le "French power" qui
était au pouvoir, un petit peu, à Ottawa, quelque chose de
très bouleversant, de très choquant; la population du
Québec avait l'air de leur dire: Vous autres, vous êtes au pouvoir
à Ottawa, mais vos garanties ne sont pas suffisantes. On ne prend pas de
risque; on met au pouvoir, à Québec, quelqu'un qui veut plus.
Nous, on ne veut peut-être pas le plus, mais on veut au moins le moins;
alors, on les met au pouvoir et travaillez-y ensemble.
L'offensive fédérale a été, à partir
de ce moment, absolument sans précédent dans l'histoire du
Québec. Cela tient un petit peu de la maladie, de la démence.
Cela a été constant, omniprésent et je dois dire que, pour
le gouvernement actuel, devant l'histoire, le drame de ce gouvernement est que,
attaqué sur tous les fronts, il a presque été amené
à reculer sur tous les fronts. C'est ça, le paradoxe.
M. Rivest: C'est exactement ce que j'ai dit.
M. Vaugeois: C'est ça, le paradoxe de ce gouvernement qui
veut beaucoup pour le Québec. On est au moins certain de cela dans son
cas. Mais l'offensive a été telle qu'on l'a empêché
souvent de faire des choses qu'on tolérait chez un gouvernement qui
avait fort peu d'ardeur à le pratiquer, votre gouvernement. Est-ce qu'on
peut en tenir responsable le gouvernement actuel? Je pense qu'il faut voir les
choses correctement.
Les fédéraux nous en donnent encore un exemple ridicule
avec le ministre Pépin qui s'en va surveiller le premier ministre du
Québec. Ce ne sont pas des incidents nouveaux. J'ai vu les
colères de celui que vous serviez - et que vous servirez peut-être
encore - j'ai vu les colères de celui que nous avons servi ensemble, M.
Gérard D. Levesque. Dans ce Parlement, il ne passe pas pour quelqu'un de
tellement irascible. Je n'ai jamais vu un ministre du Parti
québécois, du gouvernement actuel, être aussi enragé
vis-à-vis du fédéral que M. Gérard D. Levesque,
parce qu'en fait l'insulte est encore plus grande pour un premier ministre
fédéraliste, inconditionnellement fédéraliste, qui
ne faisait pas l'objet d'un minimum de confiance de la part des
autorités fédérales. Cela, c'est l'histoire récente
du Québec.
J'ai vu des ministres de l'Union Nationale, en 1969 et 1970, être
près de se rallier à un mouvement souverainiste tellement ils
étaient déçus, abasourdis des coups et des mesquineries
que le fédéral pratiquait à leur endroit. J'ai
travaillé pour un gouvernement libéral à Québec.
J'ai vu de près, si vous voulez, toute la surveillance dont il faisait
l'objet et il y a eu cette étape, à partir de 1976. Le
député de Jean-Talon dit: Je ne comprends pas le gouvernement
actuel de ne pas avoir proposé, par exemple, quelque chose sur le
pouvoir de dépenser. On n'en était tellement pas là; on
n'était même pas capable de résister. À cet
égard...
M. Rivest: C'est ce que je dis.
M. Vaugeois: ...le ministre ne peut sans doute pas faire l'aveu
qu'ayant été attaqués sur tous les fronts on a
été tout au moins menacés, sinon amenés à
céder sur tous les fronts parce que là, il faudra faire une
analyse avec plus de recul. Écoutez, on n'est pas...
M. Rivest: C'est exactement ma prétention.
M. Vaugeois: Si j'ai raison dans ce que je dis, il n'y a personne
qui peut en être très fier. Je ne vois pas pourquoi vous vous
réjouiriez de cela.
M. Rivest: Je n'en suis pas fier. Je ne m'en réjouis
pas.
M. Vaugeois: Nous, que voulez-vous, il faut avouer qu'on a
essayé de se comporter comme un gouvernement dans un cadre
fédéral. On a essayé, beaucoup plus souvent d'ailleurs que
vous n'avez voulu l'admettre, de négocier des choses. D'ailleurs,
vous-même l'avez admis parce que vous avez reproché au ministre,
tout à l'heure, d'avoir mis en évidence des dossiers où
nous nous sommes affrontés et d'avoir tu des dossiers qui sont dans le
document que nous avons entre les mains et qui font l'objet d'une quinzaine
d'ententes, disiez-vous. Vous disiez au ministre: Vous n'avez pas fait
état de ces ententes. Il y a donc eu un minimum d'ententes; il y en a
sur cette feuille; il y en a dans les documents qui sont sur la table. Il y a
eu aussi des contextes d'affrontement qui démontrent une mauvaise foi
fédérale et qui ne devraient pas réjouir ceux qui sont en
face de nous. (22 heures)
M. Rivest: M. le député, toute ma
prétention...
M. Vaugeois: J'ai encore une petite chose à dire. Tout
à l'heure, j'écoutais le ministre faire allusion au fait qu'une
société n'était pas que la langue et la culture. Je
partage les remarques qu'il faisait là-dessus, bien sûr, mais je
trouve que le système fédéral est à ce point
pernicieux, à certains moments, qu'il ramène des valeurs aussi
fondamentales que la dimension culturelle à quelque chose d'un peu
étriqué.
J'entendais, l'autre jour, le ministre Landry nous dire que toute
l'approche des dernières années avait été
réductrice à l'endroit du Québec. Je pense qu'on a
même réussi à réduire des notions comme celle de la
culture, à tel point que, lorsque l'on parle entre nous, on
ramène la culture à quelque chose qui s'appelle le terroir ou le
folklore, encore que tout cela a beaucoup de valeur; mais il reste qu'on
ramène la culture à quelque chose d'extrêmement
réduit. Et une société normale, c'est une
société qui a une vie politique. Il me semble qu'à cet
égard vous devriez avoir les mêmes aspirations que nous, à
quelques détails près.
Une société normale a une vie économique et
culturelle. Je ne vois pas comment vous pourriez imaginer l'avenir du
Québec autrement que par une affirmation sur tous ces plans. C'est le
sens de notre démarche et, au cours des dernières années,
l'offensive fédérale a été à ce point que
nous n'avons pas matière, ni les uns ni les autres, à nous
réjouir à ce moment-ci. Et c'est la raison d'être de
l'effort que le premier ministre a fait en identifiant une équipe. Nous
revenons, à cet égard, presque 20 ans en arrière parce
que, il y a 20 ans, on créait un ministère des affaires
fédérales-provinciales ou quelque chose comme cela. C'est pour
dire, si vous voulez, que nous recommençons. Mais il y a un effort
incroyable à faire.
L'étude des crédits ne nous aura pas permis de cerner de
plus près l'effort qui est concrètement consenti par les
effectifs, par l'argent dont disposent ces effectifs. Peut-être que ce
n'était pas nécessaire, les documents sont là. Il reste
quand même que, comme Québécois - parce que je suis d'abord
Québécois - j'attends, comme vous, énormément de
l'équipe et du mandat qui est confié à l'actuel ministre.
Cela transcende les partis politiques, cela transcende nos petits gouvernements
momentanés, c'est l'avenir d'un peuple qui est en cause.
M. Rivest: M. le Président, pour conclure...
Le Président (M. Payne): Voilà un autre
débat animé, mais il est 22 heures. Il nous reste le devoir, M.
le député, très brièvement...
M. Rivest: ...pour remercier...
Le Président (M. Payne): Oui, pour remercier le
ministre.
M. Rivest: ...le ministre. Ma prétention, dans le
délai extrêmement limité pour l'étude des
crédits, qui est de deux heures, c'était substantiellement ce que
le député de Trois-Rivières vient d'évoquer. Mon
inquiétude, comme Québécois, va exactement dans le sens de
celle que le député a soulignée. À mon avis, la
cause est sans doute, en partie, d'ordre électoral, au niveau
fédéral. Mais ma prétention fondamentale, c'est que, dans
le domaine des relations fédérales-provinciales et même des
relations internationales, il y a une stratégie politique qui a
amené très légitimement le gouvernement, voué
à l'indépendance et à la souveraineté du
Québec, à la gouverne des affaires du Québec tout en
étant dans un cadre fédéral. Cela a abouti très
exactement - et c'est ma prétention de fond - à ce que le
député de Trois-Rivières a évoqué,
c'est-à-dire un recul systématique du Québec dans le
domaine constitutionnel, dans le domaine du fonctionnement du régime
fédéral, étant donné la politisation qui s'est
produite aux deux niveaux.
Comme Québécois, M. le ministre, puisque vous arrivez dans
le secteur et que j'avais vu, dans les rapports de presse, que vous entendiez
redresser un certain nombre
d'attitudes - vous ne l'avez pas tellement évoqué - ma
prétention, en conclusion, c'est de vous inviter à le faire,
à cause du recul évoqué par le député de
Trois-Rivières et par moi-même. Comme Québécois
attaché au fonctionnement du régime fédéral et
également au Canada, je ne peux être heureux de cela et je ne peux
l'accepter. Et c'est la prétention, figurez-vous, de M. Bourassa, du
Parti libéral du Québec, du député de Jean-Talon et
du député d'Outremont. C'est cela qu'on vous demande.
Une voix: Très bien.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, en concluant, pour ma
part...
Le Président (M. Payne): Dans un tout petit mot.
M. Johnson (Anjou): ...si je peux partager une bonne partie du
diagnostic de la situation actuelle, indépendamment de l'identification
des causes ou des responsabilités, ma prétention, c'est
qu'effectivement il faut être pragmatique dans ces questions et
s'organiser pour ne pas laisser passer au vol des occasions cohérentes
et respectueuses du développement du Québec, notamment dans le
secteur économique. Mais cela ne saurait se faire sans la défense
systématique et acharnée des institutions que le peuple
québécois s'est données et sans la réaffirmation
même que nous formons un peuple.
Le Président (M. Payne): II nous reste le devoir d'adopter
le programme 1.
Une voix: Et le reste.
Le Président (M. Payne): Non, juste le programme 1 pour le
moment, ce soir.
M. Johnson (Anjou): L'ensemble, c'est terminé. Oui, on a
fait l'ensemble des crédits, M. le Président.
Le Président (M. Payne): Non, on adopte le programme 1
pour le moment, quitte à revenir demain pour...
M. Johnson (Anjou): Ah! La Justice.
Le Président (M. Payne): Je ne parle pas de la Justice, on
est ici en commission parlementaire...
M. Johnson (Anjou): Oui, mais on étudie les crédits
de la Justice demain.
Le Président (M. Payne): Oui.
M. Johnson (Anjou): On adopte tous les crédits des
Affaires intergouvernementales ce soir.
Le Président (M. Payne): J'avais compris qu'on adoptait le
programme 1 ce soir.
M. Johnson (Anjou): Non, non, on adopte tout, M. le
Président.
M. Rivest: C'est cela.
Le Président (M. Payne): Vous avez décidé
cela.
M. Johnson (Anjou): Les membres de la commission sont unanimes
à l'exception de vous, peut-être, M. le Président,
mais...
Le Président (M. Payne): Mais, non... M. Rivest: Demain,
c'est la Justice.
Le Président (M. Payne): Je reçois les informations
et c'était... Je m'excuse, en m'imposant...
M. Johnson (Anjou): II s'agit, M. le Président... Ce soir,
nous nous étions entendus, je pensais que peut-être...
M. Rivest: II n'est pas tellement tard, on va peut-être
revenir.
M. Johnson (Anjou): Je n'ai pas d'objection, au contraire, je
n'aurais pas d'objection, M. le Président. Il faudrait peut-être
convenir de procéder à l'adoption de tous les programmes du
ministère des Affaires intergouvernementales canadiennes.
Le Président (M. Payne): Cela m'est égal.
M. Johnson (Anjou): Est-ce que la programmation budgétaire
du ministère des Affaires intergouvernementales canadiennes est
adoptée, M. le Président?
M. Rivest: Avec beaucoup de réserve, M. le ministre.
M. Johnson (Anjou): Elle est adoptée. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Payne): Merci, M. le ministre. Nous
ajournons nos travaux sine die.
(Fin de la séance à 22 h 7)