Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.
(Dix heures huit minutes)
Le Président (M. Vaugeois): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission des institutions se réunit à nouveau ce
matin pour entreprendre la dernière étape de l'étude des
crédits du ministère de la Justice. Si vous étiez
d'accord, M. le porte-parole de l'Opposition, nous entreprendrions le tout
à partir du début en tenant compte de ce que nous avons fait hier
mais auparavant il y a peut-être quelques remplacements à
signaler?
Le Secrétaire: D'accord. Les remplacements sont les
suivants: M. Levesque (Bonaventure) est remplacé par M. Polak
(Sainte-Anne) et M. Mailloux (Charlevoix) est remplacé par M. Kehoe
(Chapleau).
Le Président (M. Vaugeois): M. le ministre, vous
vouliez...
Protection des droits et libertés de la
personne
M. Johnson (Anjou): M. le Président, si vous permettez,
pour en avoir discuté avec mon collègue d'en face, nous
procéderions, au programme 4, à l'étude et à
l'adoption, si possible, des crédits du Comité de la protection
de la jeunesse, à l'audition des représentants de cet organisme.
Est-ce possible?
M. Marx: Oui, très bien. M. Johnson (Anjou):
Parfait.
Le Président (M. Vaugeois): Alors nous commençons
par l'élément 2: Comité de la Protection de la jeunesse.
C'est cela?
M. Marx: Oui.
Le Président (M. Vaugeois): Et, après, est-ce la
Commission des droits de la personne?
M. Marx: Cet après-midi.
Le Président (M. Vaugeois): D'accord. Soyez le bienvenu.
Est-ce que vous avez un mot d'introduction, M. le ministre?
M. Johnson (Anjou): Bien, pour l'essentiel, on connaît les
fonctions, je pense que notre collègue d'en face connaît bien ce
dossier qui est relié à la protection de la jeunesse puisqu'il
était membre de la commission de révision de la loi. Je pense
qu'on peut dire que, pour l'essentiel, les crédits qui sont
affectés au Comité de la protection de la jeunesse restent
ajustés en fonction d'une évolution à peu près
normale des coûts. Nous n'entrevoyons pas une augmentation sensible de
l'activité, bien qu'il y ait des modifications sensibles de
l'activité du comité qui soient à prévoir. Me
Tellier est avec nous. S'il y avait des questions, je suis sûr qu'il lui
fera plaisir de répondre.
Le Président (M. Vaugeois): Oui.
Sectes religieuses et protection de la
jeunesse
M. Marx: Oui, dans ce dossier, il y eu récemment des
reportages dans les journaux concernant une secte religieuse et des enfants qui
étaient soi-disant maltraités, juste des reportages dans les
journaux, et j'aimerais savoir ce que le ministre a fait dans ce dossier.
Est-ce qu'il a donné des instructions au Comité de la protection
de la jeunesse? Est-ce qu'il a donné des instructions à ses
procureurs de la couronne? Qu'a-t-il fait dans ce dossier?
M. Johnson (Anjou): C'est un dossier qu'on connaît depuis
un certain nombre d'années, c'est-à-dire ces allégations
que certaines sectes religieuses font vivre les enfants dans un contexte qui
n'est pas un contexte habituel. De là à dire qu'il y a des
situations où il faut intervenir en vertu de la Loi sur la protection ou
d'autres dispositions de nos lois pour la protection des gens que ce soit au
niveau des procureurs de la couronne ou autrement, c'est une autre chose. Il y
a cependant des événements qui nous sont signalés. Le
Comité de la protection de la jeunesse nous a alertés quant
à cela il y a déjà quelques mois. Je vois, finalement, un
peu par anticipation, le rôle qu'il sera appelé à jouer de
plus en plus en vertu de la nouvelle loi. Le comité est intervenu
auprès des centres de services sociaux de la région en question.
Le comité, je pense, n'était pas satisfait de la réponse
des centres de services sociaux. Dans ce contexte, une opération a
été lancée depuis une quinzaine de jours sur la meilleure
identification possible de la problématique
avec la participation des gens des centres de services sociaux et, au
besoin, la participation des corps policiers.
M. Marx: Est-ce que...
M. Johnson (Anjou): Peut-être que M. Tellier pourrait
ajouter quelque chose?
M. Tellier (Jacques): C'est un dossier qui est difficile et qui
malheureusement risque de se compliquer avec la multiplication des sectes. Nous
sommes en contact, depuis que nous avons connu ce dossier, avec notamment un
groupe de McGill, que vous connaissez probablement, qui réunit des
parents qui ont eu des jeunes ou qui ont encore des jeunes dans les sectes, des
jeunes qui ne sont pas nécessairement des mineurs aujourd'hui. Nous
travaillons activement avec eux depuis un certain temps. Le dossier est
difficile pour deux raisons. D'abord, pour ce qui concerne la secte des
Apôtres de l'amour infini parce que les témoignages que nous avons
de gens qui sortent sont contradictoires. Il y a des témoignages qui
sont fort négatifs et d'autres, notamment de médecins qui
connaissent bien les sectes, qui sont des témoignages qui n'ont rien
noté de particulièrement difficile, sauf le contexte
extrêmement fermé dans lequel vivent les jeunes. Cela nous
inquiète plus que les présumés actes d'éducation
très stricte ou même mauvais traitements.
La sortie de deux jeunes qui sont allés chercher leur soeur a
réactivé le dossier. Nous les avons rencontrés. Il y a une
opération qui est en voie de se réaliser actuellement. C'est
difficile, encore une fois, parce qu'il faut évaluer les
témoignages. Il faut aussi préparer une rencontre, non seulement
avec les gens qui sont sortis, mais aussi avec ceux qui sont à
l'intérieur. Le passé, là-dessus, nous a indiqué
les difficultés qu'il peut y avoir à pénétrer
à l'intérieur de façon efficace. Il y a actuellement une
équipe formée, toujours en conjonction avec des gens qui ont
connu des sectes, et l'opération est en voie de se réaliser
actuellement.
M. Marx: M. le Président, on m'a dit que le comité
a un dossier assez épais sur ce cas. J'aimerais demander au ministre
s'il est vrai que le comité n'a pas fait une intervention vigoureuse
plus tôt à cause d'un manque de ressources. Il faut beaucoup de
ressources. C'est toujours financier, dans le sens qu'on peut toujours engager
des gens si on a l'argent. Est-ce qu'il y a ou est-ce qu'il y avait un manque
de ressources pour vraiment traiter comme il faut ce dossier? (10 h 15)
M. Tellier: La complexité de la situation est celle-ci:
c'est un dossier qui relevait du comité en vertu de son premier mandat.
Vous savez que le mandat du comité a été modifié en
1977. C'est un dossier dans lequel nous avions agi; au cours du premier mandat
nous étions même allés à l'intérieur du
monastère. Depuis 1977, ce dossier relève du directeur de la
protection de la jeunesse, qui est un intervenant de première ligne. Le
comité, dans son nouveau mandat, est un organisme de surveillance des
intervenants de première ligne. La difficulté est de coordonner
avec les intervenants de première ligne, qui sont très
réticents à prendre position dans ce dossier et qui invoquent le
fait que nous avons déjà investi... Ce n'est pas un
problème de ressources mais peut-être un problème de
coordination des ressources; c'est beaucoup plus un problème
d'évaluation de la stratégie à utiliser et de faire
l'évaluation des témoignages contradictoires que nous avons
recueillis jusqu'à maintenant.
M. Marx: Est-ce qu'on va intenter des poursuites?
M. Tellier: L'opération qui est en cours a pour objectif
de voir de quoi il en retourne vraiment. Il faut y aller avec toute la...
M. Marx: Délicatesse.
M. Tellier: ...délicatesse qu'exige une situation de cette
sorte.
M. Marx: D'accord. Mais peut-on être assuré
maintenant que le ministère va faire le nécessaire pour aboutir
dans ce dossier aussitôt que possible? Les journalistes écrivent
dans les journaux, et on ne connaît pas vraiment le fond du
problème, car il semble y avoir un problème. J'aimerais demander
au ministre si ce sera possible de vraiment aboutir dans ce dossier d'ici
quelques semaines, avant l'été, pour ne pas traîner le
dossier indéfiniment.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, je relève
d'abord une accusation très brutale que vient de faire le
député de D'Arcy McGee...
M. Marx: C'était une question.
M. Johnson (Anjou): ...à l'égard de la presse
disant que les journalistes écrivent et ne savent pas de quoi ils
parlent.
M. Marx: Je n'ai pas dit cela. J'ai dit qu'ils écrivent...
Si vous avez interprété mes propos de cette façon, c'est
une mauvaise interprétation.
M. Johnson (Anjou): Ah bon! Ce n'est pas ce que vous vouliez
dire.
M. Marx: Non, c'est cela.
M. Johnson (Anjou): II me semblait aussi. Il est évident
que le comité, dans son mandat et appuyé en cela par le
ministère, va l'exécuter et son mandat c'est de s'occuper de la
protection de la jeunesse avec le directeur de la protection de la jeunesse. Je
pense que l'assurance que nous donne le président du comité est,
à mes yeux, suffisante pour que nous soyons assurés que le
nécessaire soit fait. Mais, encore une fois, je pense que c'est bien
clair, on a des témoignages contradictoires et on a l'affrontement de
deux droits en vertu de deux lois très importantes. Il ne s'agit pas de
mettre cela sous le boisseau et l'envoyer aux calendes grecques, il s'agit de
faire ce qu'on a à faire, mais ce n'est pas un travail facile à
faire, intrinsèquement à cause de la nature des
allégations, du fait qu'il y ait des témoignagnes contradictoires
et du fait qu'on vit une situation où deux types de droit
s'opposent.
M. Marx: Je suis tout à fait conscient de ce que le
ministre a dit. Mais ce serait malheureux si le ministre commençait son
mandat comme ministre de la Justice en disant: C'est au président du
comité de procéder, c'est à la présidente de la
Commission des droits de la personne, c'est au directeur des prisons, etc. Il
n'est plus au ministère des Affaires sociales, où c'était
possible de dire: C'est à cause des directeurs généraux
des hôpitaux si cela fonctionne mal dans les salles d'urgence, etc. Je
pense que le ministre a toute la responsabilité et c'est à lui de
donner les directives, le cas échéant, et de ne pas essayer
toujours de "pass the buck" en disant: C'est à lui, c'est à un
autre et ce n'est pas à moi. C'est à vous de décider de ce
qu'on va faire dans ces dossiers, de prendre...
M. Johnson (Anjou): M. le député a-t-il des
suggestions?
M. Marx: La suggestion est la suivante... Est-ce que je donne des
suggestions qui seront suivies par le ministre?
M. Johnson (Anjou): Si elles ont de l'allure, cela se
pourrait.
M. Marx: Ou juste pour le "fun"?
M. Johnson (Anjou): Non, non, pas pour le "fun", on parle d'une
affaire sérieuse.
M. Marx: D'accord. Je pense qu'il faut mettre tout le paquet dans
ce dossier pour régler l'affaire d'ici l'été. Maintenant,
comme on dit, il y a un "stâlage" depuis des mois. On voit des reportages
dans les journaux depuis des mois, peut-être même un an. Je pense
qu'il serait nécessaire de faire quelque chose dans un temps assez
limité pour ne pas revenir ici l'an prochain pour poser les mêmes
questions. C'est l'assurance du ministre.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, si je comprends bien,
la suggestion est de faire quelque chose.
M. Marx: Vite.
M. Johnson (Anjou): Oui. C'est fait.
M. Marx: D'accord.
M. Johnson (Anjou): Mais on n'écrit pas beaucoup, on ne
fait pas beaucoup de conférences de presse et on ne parle pas beaucoup.
On s'occupe de faire ce qu'on a à faire.
Transferts fédéraux au
Québec
M. Marx: D'accord. C'est parfait. En ce qui concerne la nouvelle
loi fédérale...
Une voix: Sur les jeunes contrevenants?
M. Marx: ...oui, sur les jeunes contrevenants, le gouvernement
bénéficiera-t-il d'une subvention du gouvernement
fédéral?
M. Johnson (Anjou): Oui, j'ai eu l'occasion de rencontrer mon
collègue, M. Kaplan, à Ottawa récemment où nous
avons discuté de cette question. Nos fonctionnaires sont toujours en
pourparlers, ceux des Affaires sociales en particulier. Pour l'essentiel, je
dirai ceci: en mettant en vigueur la Loi sur les jeunes contrevenants, le
gouvernement fédéral a débloqué certains fonds pour
l'application de cette loi et pour l'ajustement des structures provinciales aux
nouvelles exigences de la loi.
Il faut cependant bien avoir à l'esprit, en toile de fond de tout
cela, que la Loi sur les jeunes contrevenants est assez largement
calquée, on le sait, sur la Loi sur la protection de la jeunesse du
Québec. La plupart des expériences que nous avons connues au
Québec ont servi très largement d'inspiration législative
et même d'inspiration organisationnelle au projet fédéral.
Il y a un paradoxe et M. Kaplan l'a dit avec une certaine ironie, sans cynisme:
Écoutez, ce n'est pas notre faute si vous avez été plus
progressistes que les autres. Le gros de l'argent qu'on va mettre pour la mise
en vigueur de la loi dans les provinces, va aller dans les autres provinces
où ils ne se sont pas équipés comme vous depuis 1977.
Alors, une fois de plus c'est l'ironie d'être les meilleurs dans un tas
de secteurs et que cela continue de profiter à Kamloops et à
Moose Jaw alors qu'on aimerait bien que cela profite à la
Côte-Nord. Dans les
circonstances, oui, nous aurons quelques millions de dollars qui
viendront de cela. Cependant, nous aurons une part qui est nettement moindre
que celle que nous aurions souhaitée. Après avoir
rencontré M. Kaplan, je suis sorti de là, malgré le ton
très cordial de notre entretien, avec la conviction que nous n'en
retirerions pas grand-chose.
M. Marx: Donc quelques millions de dollars.
M. Johnson (Anjou): 5 000 000 $, probablement, sous forme d'un
montant non récurrent. Ce qui nous permettra en tout cas de mettre en
place et de financer une bonne partie des activités de formation,
possiblement une partie des systèmes d'information qui sont
reliés à l'application de la nouvelle loi.
Nous avons, par ailleurs, un contentieux très important avec le
fédéral depuis quelques années sur le financement par le
RAPC, le Régime d'assistance publique du Canada. Le gouvernement
fédéral prétend qu'il a versé en trop au
Québec 40 000 000 $ sur une période de cinq ou six ans. Le
Solliciteur général ne veut pas discuter de cette chose
étant donné que le RAPC relevait du ministre de la Santé
et du Bien-Être social du Canada, qui, par ailleurs, pour d'autres
raisons, n'est pas très parlable. Nous nous retrouvons devant les
tribunaux où nous contestons cette facture de 40 000 000 $ que le
fédéral prétend nous envoyer. J'ai cependant obtenu un
minimum d'assurance de M. Kaplan que le fédéral ne se
compenserait pas de façon automatique pour ces 40 000 000 $ qu'il
prétend avoir versés en trop au système
québécois dans l'application des lois de financement
fédéral à l'égard de la partie délinquance
de l'ancienne loi de la protection de la jeunesse du Québec.
M. Marx: Bien. Cela va. Merci.
Le Président (M. Payne): Cela nous amène au
programme... C'est quoi le désir des membres pour le prochain programme?
Voulez-vous consulter?
M. Johnson (Anjou): Vous pouvez suspendre la séance pour
quelques secondes.
Le Président (M. Payne): On va suspendre les travaux
pendant quelques secondes pour consultation.
(Suspension de la séance à 10 h 26)
(Reprise de la séance à 10 h 29)
Le Président (M. Payne): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission reprend ses travaux, avec la suggestion que nous passions
à travers les programmes 15, 9, 16 et 17 dans cet ordre-là.
Est-ce entendu? Alors, si le ministre...
M. Johnson (Anjou): M. le Président, avant que nous
procédions au programme 15 pour la Sûreté du Québec,
je veux simplement fournir une réponse à une question qui a
été posée par le député de Chapleau
concernant la péremption de crédits en matière des
enregistrements. Oui, il y a eu une péremption de crédits de 1
452 000 $, mais c'était en 1983, d'une part. Cela résultait pour
l'essentiel d'une décision du Conseil du trésor
décrétant la suspension des droits d'engager des crédits
pour 600 000 $. Par ailleurs, on a laissé 20 postes vacants pour
réduire les dépenses de 500 000 $. Il y a eu une compression des
dépenses de fonctionnement, au niveau des frais de voyages, de l'achat
d'équipement, de 352 000 $. Il faut se souvenir que c'est aussi à
l'époque où des crédits ont été
périmés à cause de l'application des décrets de
convention collective dans les secteurs public et parapublic et, finalement,
cela reflétait une diminution d'activités des bureaux
d'enregistrement. Cela se passait à l'époque où les taux
d'intérêt étaient à 20%; il y a eu une diminution
considérable de l'achalandage dans les bureaux d'enregistrement parce
qu'il y a eu un affaissement très important du marché des
transactions immobilières.
M. Marx: Je n'ai qu'une petite question. Je ne sais pas si elle a
été posée hier. Le ministre a-t-il l'intention de fermer
un ou plusieurs bureaux d'enregistrement?
M. Johnson (Anjou): Oui, on a eu une longue discussion à
ce sujet hier.
M. Marx: Hier, d'accord.
M. Johnson (Anjou): Ce que j'ai dit, c'est que nous avons pour le
moment un projet de fusion de deux bureaux dans une région. Pour le
reste, on va peut-être attendre que la pédagogie collective
amène les personnes impliquées à accepter qu'il nous
arrive de fusionner des bureaux d'enregistrement qui desservent 325
personnes.
Le Président (M. Payne): Alors, notre menu est choisi, si
on commence avec la Sûreté du Québec.
M. Johnson (Anjou): Voilà!
Le Président (M. Payne): J'appelle le programme 15,
Sûreté du Québec.
Sûreté du Québec
M. Johnson (Anjou): M. le Président, j'ai eu l'occasion,
dans mon exposé préliminaire lors de l'ouverture des
crédits, de parler en termes généraux des crédits
affectés à la Sûreté du Québec et de leur
évolution. Je rappelle que les choses qui ont marqué
l'activité de la Sûreté du Québec et les
perspectives sont les suivantes: D'une part, le maintien d'un gel des effectifs
à la Sûreté du Québec et même une absence de
recrutement pendant près de trois ans. Deuxièmement, un
enrichissement des tâches à la Sûreté du
Québec pour l'ensemble des policiers, notamment au chapitre de
l'inspection, des applications, par exemple, de la Loi sur les permis d'alcool,
également, par différentes nouvelles approches administratives et
de gestion des ressources humaines, un effort d'augmentation de
productivité qui s'est traduit, de toute évidence, par je ne
dirais pas une surcharge de travail, mais sûrement par une augmentation
qui est normale des responsabilités de nos policiers à la
Sûreté du Québec.
Par ailleurs, il faut tenir compte du fait que la Sûreté du
Québec, pour la première fois de son existence, a établi
un record important dans le taux de solution des crimes atteignant, dans le cas
des infractions au Code criminel, 52% cette année. L'an dernier,
c'était 46%; l'année d'avant, c'était 44%. On continue
donc de croître dans le taux de solution des crimes.
Il est intéressant de comparer ces taux de solution avec les
moyennes canadiennes où on se rend compte, pour le total de la
criminalité, que le taux de solution est de 32% au Canada en 1982.
M. Marx: Est-ce que ces chiffres sont déjà
publiés?
M. Johnson (Anjou): Pas encore officiellement. Ils seront rendus
publics lors du dépôt du rapport annuel 1983-1984 qui s'en vient.
D'ici une semaine, on aura l'occasion de le déposer.
Je pense qu'on peut donc parler d'un corps policier qui - malgré
les critiques occasionnelles qu'on peut avoir à son égard, ce qui
est normal, c'est une grosse machine, cela ne peut être parfait - pour
l'ensemble, premièrement, s'acquitte bien de ses tâches et,
deuxièmement, est composé, je pense, d'agents qui ont
accepté depuis trois ans d'augmenter l'efficience et
l'efficacité. Je dirais plutôt l'efficience, dans la mesure
où il y a un rapport à faire entre l'efficacité et les
ressources disponibles de ce corps policier.
Dans les perspectives pour l'année, à part la
négociation avec la Sûreté du Québec dont on
comprendra que je n'entretiendrai pas cette commission étant
donné que ces choses se font à la table des négociations,
il y a deux événement majeurs, je crois, qui vont marquer
l'année 1984 et qui exigeront une participation à
différents niveaux de la Sûreté du Québec: je parle
de 1534-1984 et de la visite du pape. La Sûreté du Québec,
encore une fois, a une expérience très précise dans ce
domaine. Il y a presque 20 ans, à une époque, j'ai
été témoin de cela pour avoir travaillé avec eux
pendant tout un été au moment de l'Expo 1967. Il y a là
des groupes, des corps d'élite à l'intérieur de la
Sûreté, une bonne connaissance des problèmes de
contrôle de foule et des moyens qu'il faut mettre en oeuvre pour y
répondre et qui touchent la présence de dignitaires
étrangers avec tout le déploiement de l'appareil de
sécurité dont il s'agit. Je suis convaincu que les
Québécois auront raison d'être fiers de leur corps policier
à l'occasion de ces événements.
Pour le reste, la Sûreté du Québec n'envisage pas de
croissance importante de ses ressources cette année sinon que des
budgets importants dans le secteur de l'informatique lui ont été
consentis, notamment au niveau de la transmission des données et au
niveau de l'analyse de certaines données qui pourront servir à
différentes activités, dont les activités de
sûreté dans ce corps policier.
M. Marx: Oui, bon, j'ai au moins trois questions. Je pense qu'il
est du devoir de l'Opposition de poser des questions, lors de l'étude
des crédits, que la population elle-même aimerait poser et qu'elle
n'a pas l'occasion d'exprimer. Souvent, il arrive que des individus demandent
à l'Opposition de poser un certain nombre de questions et d'obtenir
certaines informations du ministre.
Comme première question, j'aimerais savoir du ministre si, depuis
la dernière étude des crédits, il y a eu de
l'écoute électronique au bureau des députés ou
à l'Assemblée nationale?
Écoute électronique
M. Johnson (Anjou): À ma connai-sance, non. En fait, je
vais demander au sous-ministre. Je vais peut-être reprendre la
procédure. On sait que l'interception des communications privées,
pour utiliser l'expression du Code criminel, prévoit une autorisation
spécifique d'un juge sur requête provenant d'un procureur ou d'un
policier spécifiquement désigné à cette fin.
Cependant, dans les autorisations que le Code criminel prévoit que les
procureurs généraux peuvent déléguer à cet
effet, ce que nous avons mis en branle au ministère de la Justice, c'est
que dans le cas d'une interception de communications privées qui
pourrait toucher un membre de l'Assemblée
nationale, un haut fonctionnaire du gouvernement ou un juge, non pas un
membre du barreau, cette requête faite auprès du tribunal doit
être approuvée par le ministre, par le Procureur
général lui-même. Le sous-ministre me confirme que le
Procureur général n'a pas eu à faire de telle
requête depuis les derniers crédits.
M. Marx: Depuis les derniers crédits. En faisant
l'interpellation d'autres personnes, est-ce qu'on a capté des
conversations où était impliquée l'une des personnes que
le ministre vient de nommer?
M. Johnson (Anjou): Je me dis que c'est possible, mais si...
M. Marx: Parce que, vous comprenez, ce n'est pas une excuse;
supposons qu'on ne fait pas l'écoute électronique d'un
député mais de son proche ami à qui il parle presque
à tous les jours, cela arrive au même ou cela pourrait arriver au
même.
M. Johnson (Anjou): Théoriquement, cela pourrait se faire.
La seule façon de circonscrire cela, ce serait que ce soit le Procureur
général qui autorise toutes les requêtes qui peuvent
être faites devant un juge. C'est un volume d'à peu près
300 cas par année.
M. Marx: Pour tous les corps policiers.
M. Johnson (Anjou): Pour l'ensemble des corps policiers. Il y a
des corps policiers qui sont autorisés à faire de l'interception:
la Sûreté du Québec, la police de la Communauté
urbaine de Montréal, la police de Québec ainsi que le corps
policier de Hull.
Dans le cas de la GRC, les motifs qui peuvent amener le Solliciteur
général ou le Procureur général du Canada à
autoriser les corps policiers à procéder à l'interception
de conversations privées sont des motifs qui appartiennent strictement
au Procureur général ou au Solliciteur général du
Canada. Il n'a pas besoin d'une permission d'un tribunal pour le faire. Cela
demeure une décision discrétionnaire du Solliciteur
général du Canada ou du Procureur général.
M. Marx: Dans les journaux, il y a quelques semaines, il y avait
un article de quelqu'un sur qui on a fait l'écoute électronique.
Il a fait une conférence de presse et c'est quelqu'un qui est
impliqué dans le mouvement antinucléaire. Est-ce que dans ces cas
on peut savoir quel corps de police a fait l'écoute électronique
ou si c'est confidentiel?
M. Johnson (Anjou): C'est confidentiel.
M. Marx: On ne peut pas savoir si c'est la GRC, la
Sûreté du Québec ou la police de Montréal, la
CUM...
M. Johnson (Anjou): Je pense que le Procureur
général pourrait toujours, dans la mesure où il
délègue un pouvoir, s'enquérir, dans le cas des corps
policiers qui relèvent de sa juridiction, pour savoir quel est le corps
policier qui a fait cette requête. Cependant, l'information quant au
motif qui a amené le corps policier à présenter une telle
requête demeure absolument confidentielle. Non seulement elle demeure
confidentielle, mais le Code criminel prévoit que ces renseignements
sont sous scellés dans une enveloppe dont la garde est confiée au
juge qui a autorisé la perception.
M. Marx: D'accord, je comprends cela.
M. Johnson (Anjou): Donc, le Procureur général
lui-même n'a pas accès à ces documents.
M. Marx: C'est cela. Le Procureur général
n'autorise pas. Il constate après l'événement et il envoie
un avis à la personne concernée qu'il y avait une écoute
électronique. La question que j'ai posée, je la
répète. Est-ce que la personne à qui le Procureur
général a envoyé un avis peut avoir le nom du corps de
police qui a fait cette écoute électronique? Est-ce que c'est
confidentiel?
M. Johnson (Anjou): Le recours du citoyen...
M. Marx: Le problème, c'est que le citoyen reçoit
un avis du Procureur général avec signature illisible et il se
pose des questions à savoir qui a fait cela et pourquoi
M. Johnson (Anjou): Le Code criminel prévoit que le
citoyen a un recours s'il peut démontrer... Il faut comprendre que ce
n'est pas facile. Je pense que la loi ne facilite pas la tâche au citoyen
qui fait l'objet d'écoute pour des raisons qui sont peut-être
facilement compréhensibles. Si l'autorisation du tribunal pour permettre
au corps policier de procéder à l'interception
électronique de conversations privées avait été
accordée par des représentations frauduleuses, le citoyen aurait
un recours devant le juge sous forme d'une requête devant ce juge pour
qu'on mette fin à l'écoute et pour obtenir à toutes fins
utiles l'ouverture de l'enveloppe. Alors, dans la mesure où le juge et
le corps policier qui procède à l'interception de conversations
sont les seuls à connaître l'identité des personnes en
cause et qui, évidemment, a fait cette demande... (10 h 45)
M. Marx: Est-ce que la personne qui
fait l'objet de cette écoute peut savoir quel corps de police a
fait l'écoute? Est-ce que le ministre peut lui donner cette information?
Le Procureur général envoie l'avis qu'elle fait l'objet d'une
écoute. La personne reçoit cela; elle est toute
bouleversée. Si c'est une personne qui pense qu'elle est innocente et
qu'elle a toujours respecté la loi, elle ne peut pas savoir quel corps
de police a fait la requête. Est-ce que c'est un secret d'État?
Est-ce que la personne pourrait avoir cette information, le cas
échéant? Quelles informations peut-elle avoir pour poser une
question plus générale?
M. Johnson (Anjou): Le Procureur général doit faire
parvenir par son adjoint, qui est le sous-ministre associé aux affaires
criminelles, un avis à la personne dans les 90 jours qui suivent. La
donnée selon laquelle tel corps policier a procédé
à l'écoute électronique est une donnée disponible,
mais qui n'est pas rendue publique parce que la seule identification des corps
policiers dans certains cas pourrait fournir des indications à certaines
personnes du domaine d'activité qui a motivé une telle
attitude.
Deuxièmement, il se peut qu'une personne reçoive un avis
selon lequel ses conversations ont été interceptées
électroniquement, mais que l'objet d'une telle requête devant le
tribunal ait été non pas de capter les conversations qui
incrimineraient la personne dont on intercepte les conversations mais les
personnes qui sont en conversation avec elle. Encore une fois, c'est de la
nature même du secret qui doit entourer les motifs de l'écoute
électronique et du fait que cela soit sanctionné par un juge
qu'on ne révèle pas les conditions dans lesquelles M. ou Mme X
ont vu leur conversations interceptées. Peut-être que ce n'est pas
parce qu'il y a quelque chose qui incrimine cette personne mais quelqu'un
d'autre.
M. Marx: J'ai deux autres petites questions...
Le Président (M. Vaugeois): Sur le même sujet?
M. Marx: Sur le même sujet.
Le Président (M. Vaugeois): Allez-y.
M. de Bellefeuille: M. le Président, j'ai demandé
la parole. Pourquoi le député de D'Arcy McGee me la
refuserait-il?
Le Président (M. Vaugeois): II ne la refuse pas.
M. Marx: J'aimerais...
Le Président (M. Vaugeois): II continue sur le même
sujet.
M. de Bellefeuille: C'est le même sujet, M. le
Président.
Le Président (M. Vaugeois): II a déjà
commencé. Il va continuer sur le même sujet et...
M. Marx: Si le député de...
Le Président (M. Vaugeois): C'est comme cela... Continuez
sur le même sujet et, sur le même sujet, M. le député
de Deux-Montagnes interviendra quand vous aurez terminé.
M. de Bellefeuille: Et on parle de réforme
parlementaire.
M. Marx: Est-ce que...
M. de Bellefeuille: Non, non. Vas-y.
M. Marx: Est-ce que cette question d'identification est pour
toujours? Est-ce qu'il y a une certaine prescription? Après trois ans,
après cinq ans, après dix ans, est-ce qu'il sera possible
à cette personne d'apprendre le nom du corps de police? J'ai une
suggestion à faire au ministre. Il m'a demandé des suggestions ce
matin; il a dit qu'il donnerait suite aux suggestions qui ont du bon sens, en
voici une. Sur l'avis qu'il envoie aux personnes, il n'y a même pas un
en-tête imprimé; il s'agit d'une feuille de 8 1/2 pouces sur 14
pouces où il y a une signature illisible. La personne qui reçoit
cela et qui n'est pas "un criminel" est tout à fait choquée.
J'aimerais suggérer au ministre de faire imprimer... J'attends que le
ministre ait fini de consulter ses fonctionnaires.
Le Président (M. Vaugeois): Les silences ne sont pas
enregistrés.
M. Marx: Les silences ne sont pas enregistrés. J'aimerais
suggérer au ministre, maintenant qu'il a terminé sa consultation
avec ses fonctionnaires - si c'était possible, d'envoyer une lettre
avisant la personne impliquée que, pour plus de renseignements, elle
peut téléphoner à telle ou telle personne et que la
signature sur la formule soit lisible ou que le nom de la personne soit
dactylographié. Tout cela, dans le but de donner plus d'informations au
citoyen qui aimerait entrer en relation avec quelqu'un afin de savoir de quoi
il s'agit. Même pour se procurer des informations que le ministre vient
de nous donner en commission parlementaire.
M. Johnson (Anjou): Ce qu'on peut peut-être faire...
D'abord, je ne verrais pas en soi l'utilité de fournir le numéro
de téléphone d'un des dix procureurs qui est mandataire du
Procureur général dans la
signification de ces avis. Les gens vont appeler un procureur de la
couronne qu'on autorise spécifiquement à fournir l'avis et ils
vont se faire dire exactement ce que je viens de vous dire, à savoir que
tout cela est confidentiel, dans une enveloppe scellée et que c'est le
juge qui décide.
M. Marx: C'est au moins quelque chose.
M. Johnson (Anjou): Ce qu'on pourrait peut-être faire,
c'est s'assurer que l'avis - et on pourra voir si on peut mettre quelque chose
au point ou si ce ne serait pas utile de le faire, je suis prêt à
regarder cela -soit envoyé conformément au Code criminel et qu'il
soit accompagné d'un petit dépliant très simple avec les
articles du Code criminel et la procédure qui est suivie simplement, et
qui explique ce que signifie "de nature confidentielle".
M. Marx: Ce peut être une lettre explicative, comme le
ministre vient de le dire. Je pense que ce serait un pas de l'avant dans ce
dossier, en ce qui concerne la compétence du ministère de la
Justice du Québec.
M. de Bellefeuille: M. le Président. Tout à l'heure
nous étions en train de discuter des droits du citoyen dans le cas
où un juge autorise l'écoute électronique. Si j'ai bien
compris, le ministre nous a dit qu'on n'indiquait pas au citoyen en question de
quel corps policier il s'agissait, parce que le fait de savoir de quel corps
policier il s'agit, cela peut indiquer la nature de l'activité qui
intéresse les policiers. Or, il me semble, M. le Président, qu'il
s'agit précisément-là d'un des droits du citoyen ou de la
citoyenne, de savoir de quel type d'activité il s'agit et pour laquelle
on épie ses conversations. Je pense que la réponse du ministre
à ce point de vue n'est pas du tout satisfaisante parce que c'est un
droit du citoyen d'être informé du domaine dans lequel on le
surveille.
Deuxièmement, le ministre nous dit qu'il peut, dans certains cas,
s'agir de la surveillance de tiers. Je ne vois pas, M. le Président,
comment le fait qu'il s'agisse de la surveillance de tiers prive le citoyen de
n'importe quel de ses droits, y compris celui de savoir qui l'épie et
dans quel domaine d'activité. Il me semble que notre rôle, comme
parlementaire, ce n'est pas seulement d'assurer la possibilité pour les
corps policiers de faire leur travail, mais c'est aussi d'assurer pleinement
l'exercice des droits des citoyens. Quant à moi, je tends à
accorder plus d'importance au deuxième aspect de ce rôle
étant donné qu'on peut faire confiance à l'appareil
administratif et policier pour veiller au maintien des possibilités pour
lui d'exercer son activité. Tandis que le citoyen, il n'a que nous pour
faire valoir ses droits. C'est une question au ministre, M. le
Président, ou une observation.
Le Président (M. Vauqeois): Je l'ai reçue comme
telle. Mais elle est sérieuse, donc...
M. Johnson (Anjou): Si on voulait me donner une minute.
Le Président (M. Vaugeois): II n'y a pas de
problème.
M. Johnson (Anjou): Oui, effectivement, à l'occasion... Je
veux simplement être précis dans ces choses, parce que les
situations sont extrêmement diversifiées. D'abord je vais revenir
sur la première affirmation du député de Deux-Montagnes.
Je ne sais pas en vertu de quelle loi on peut affirmer qu'il y a un droit
fondamental pour le citoyen de savoir dans quel domaine est
intéressé un corps policier qui, par ailleurs, se pourvoit des
dispositions de l'article 178 du Code criminel, de savoir si c'est en
matière de stupéfiants, de prostitution ou d'activités
reliées à la planification des holdup. Je ne sais pas en vertu de
quoi une personne pourrait évoquer qu'elle veut identifier le corps
policier qui est en train de la surveiller. Je ne pense pas qu'elle ait de
droit intrinsèque à cela.
Le droit des citoyens est garanti dans un certain nombre de lois. Il y a
une exception quant à la vie privée prévue dans le Code
criminel à l'article 178. Je ne pense pas qu'on puisse parler d'un
droit, bien que je comprenne que... Et c'est même exclu par la loi sur
l'accès à l'information adoptée par le Parlement.
Deuxièmement, dans le cas de la surveillance des tiers, les
situations sont variées. Il se peut et il arrive que, par exemple, un
policier fera de l'interception de communications privées
électroniquement auprès d'une personne qui n'est pas
elle-même l'objet d'une enquête pour les fins de la traduire devant
les tribunaux.
L'exemple le plus récent de cela, c'est l'affaire de Houston, qui
a permis à la Sûreté du Québec d'alerter le corps
policier de Houston pour qu'il puisse mettre la main sur les trois personnes
présumées avoir participé au hold-up et au meurtre d'un
employé de la Brink's à Sherbrooke. C'est l'interruption de
communications privées d'une personne que la Sûreté du
Québec savait être associée à ses
présumés criminels. Donc, la personne qui a vu ces communications
électroniquement interrompues les a vues interrompues parce que la
Sûreté du Québec...
M. de Bellefeuille: Les aurait "interrompues" ou
"interceptées"?
M. Johnson (Anjou): ...je m'excuse, interceptées. En gros,
vous avez une personne qu'on ne peut pas nommer ici et que la
Sûreté du Québec soupçonnait être en
communication avec des individus. Ces individus faisaient l'objet d'une
suspicion, de la part de la Sûreté du Québec, que
c'était eux qui avaient commis le crime à Sherbrooke. On a donc
intercepté les conversations de cette personne qui était au
Québec et dont, à un moment donné, on s'est aperçu
qu'elle avait communiqué ou que les personnes de Houston avaient
communiqué avec elle, et on en a donc retracé l'appel, ce qui a
permis d'atteindre les criminels à Houston. C'est le cas d'utilisation
de l'article 178 dans le cas d'un tiers...
M. de BeliefeuiIle: Mais, M. le Président, je ne mets pas
en doute le droit des policiers, sous réserve de l'approbation d'un
juge, d'agir de la sorte ni l'opportunité pour les policiers de le
faire. Ce que je mets en doute, c'est ce que le ministre semble donner à
entendre que, si la personne dont il parle, qui est en contact avec les
personnes soupçonnées, avait su quel corps policier
s'intéressait à ses conversations téléphoniques,
cela aurait, en quelque sorte, nui à l'enquête. C'est ce que je
mets en doute. Je prétends que cela n'aurait nullement nui à
l'enquête.
Ce point, à mon avis, est beaucoup moins important que le
premier. Le ministre dit que, à son avis, il n'existe pas de droit en
vertu duquel un citoyen ou une citoyenne doit être informé des
soupçons qui pèsent sur lui ou sur elle. Je ne partage pas l'avis
du ministre. Ce sera à vérifier dans la Charte des droits et
libertés de la personne. À mon avis, cela y est implicitement
sinon explicitement. Si cela n'y est pas explicitement, il faudrait
peut-être y voir et amender la charte en ce sens.
Le Président (M. Vaugeois): On pourra reparler de cela cet
après-midi.
M. Marx: ...à la question du député de
Deux-Montagnes.
Le Président (M. Vaugeois): Est-ce que vous avez
terminé?
M. de Bellefeuille: Oui, oui, bien sûr. (11 heures)
M. Marx: Est-ce que le Québec a la compétence de
dévoiler le nom du corps de police? Si le Québec n'a pas la
compétence en vertu du droit criminel ou de l'administration de la
justice criminelle, la conversation se termine là. Et si le ministre a
la compétence, c'est sa décision et il ne pourrait pas
blâmer qui que ce soit.
M. Johnson (Anjou): J'aurais tendance à interpréter
restrictivement les dispositions du Code criminel. Le Code criminel
prévoit que le Procureur général par un mandataire
spécifique ou lui-même doit aviser une personne qui a fait l'objet
d'une écoute électronique dans les 90 jours qui suivent la
cessation d'une telle activité. Le Code criminel ne prévoit pas
la nature des renseignements qui doivent être divulgués. Par
ailleurs, le Code criminel prévoit à l'article 178.23 que les
documents qui sont relatifs à l'autorisation sont confidentiels et
demeurent sous la garde de la cour. J'aurais tendance à
considérer - je pense que c'est la prudence qui a amené le
ministère à le faire de cette façon depuis que l'article
178 existe au Code criminel - que même le fait de divulguer quel est le
corps policier qui procède à l'interception de conversation,
c'est peut-être dans les renseignements qui doivent demeurer
confidentiels. Cela appartient à la cour de le faire, le cas
échéant.
J'aurais tendance à dire: Dans le fond, le ministère a agi
de façon prudente en interprétant de la façon la plus
serrée possible l'article 178 du Code criminel. À moins qu'on ne
m'en fasse la démonstration contraire, j'aurais tendance à
considérer qu'il s'agit d'une information contenue dans la
requête, cette information étant dans l'enveloppe scellée
et sous la garde du juge. Je ne suis pas sûr que le Procureur
général puisse révéler ce type de
renseignements.
M. Marx: Le ministre a pris cette position. Est-ce que vous avez
des études ou des avis au ministère sur ce sujet?
M. Johnson (Anjou): On a des avis et, en arrivant au
ministère, j'ai demandé qu'on me trace un certain nombre de
portraits qui touchent à l'écoute électronique. Sur le cas
spécifique de savoir si on doit donner le nom du corps policier qui
procède, je n'ai pas demandé d'avis; je dis simplement que
l'approche a été celle-là et a priori elle me semble
adéquate. Je veux bien le faire regarder à nouveau, cependant, je
donnerai un exemple au député de Deux-Montagnes. La GRC, sur le
territoire québécois, enquête notamment en matière
de drogue spécifiquement et en matière de sécurité
nationale. Si on permet à une personne d'exclure les autres corps
policiers de ceux qui font de l'écoute électronique auprès
d'elle et que la GRC aurait procédé par requête en vertu de
l'article 178, on vient de donner un indice à la personne qu'elle est
possiblement sous enquête dans les domaines d'activités de la GRC.
Les domaines d'activités de la GRC sur notre territoire, qui sont connus
et officiels, sont bien spécifiques.
M. de Bellefeuille: M. le Président, si
on va au bout de la logique du ministre, il me semble qu'on doit mettre
en doute le bien-fondé de la clause de la loi qui exige que, dans les
trois mois, le citoyen ou la citoyenne soit informé du fait de
l'écoute électronique.
M. Johnson (Anjou): Parce que?
M. de Bellefeuille: Parce que cela lui met la puce à
l'oreille, c'est toute votre argumentation, M. le ministre.
M. Johnson (Anjou): Oui, je comprends ce que vous voulez dire,
mais l'interception de conversations privées c'est une procédure
exceptionnelle. Dans la mesure où elle est exceptionnelle et elle
convient aux principes généraux qu'on retrouve dans l'ensemble de
nos lois, je pense qu'il faut avec une très grande rigueur et une
très grande précision appliquer ce que le Code criminel dit dans
ce domaine. Le Code criminel, on peut y chercher 36 façons de trouver la
cohérence. Je n'ai pas à défendre le bien-fondé des
dispositions du Code criminel, c'est au Parlement canadien de décider de
cela. Je prends le texte comme il existe et on est obligé d'appliquer
cette loi. Je me dis: C'est une loi qui prévoit une procédure
exceptionnelle et une autorisation spécifique d'un juge et qui
prévoit spécifiquement que, les renseignements, la demande
d'autorisation et les documents qui y sont relatifs étant confidentiels
et demeurant sous la garde de la cour, nous sommes donc dans
l'impossibilité de donner d'autres renseignements dans le contenu de
l'avis.
M. Marx: J'aimerais seulement dire qu'un des
bénéfices de notre système fédéral c'est que
le pouvoir est diffusé partout. Il n'y a pas une personne qui
détient tout le pouvoir, même pas deux. On voit cela dans les
propos du ministre, c'est-à-dire qu'il y a un Solliciteur
général fédéral, il y a un Procureur
général fédéral, il y a des ministres au
Québec qui s'occupent de l'administration de la justice, il y a des
corps policiers différents, il y a des procureurs de la couronne. Donc,
le pouvoir policier est diffusé. On sait qu'il y a une certaine
coordination et c'est souhaitable, mais le pouvoir est vraiment diffusé
et je pense que cela profite à la protection des libertés
publiques.
En ce qui concerne la GRC, il ne faut pas oublier que dans certaines
provinces la GRC agit comme la police provinciale. Donc, s'il y a un hold-up en
Colombie britannique et qu'on veut faire une écoute parce qu'il y a eu
un hold-up en Colombie britannique et que la personne va peut-être
téléphoner à sa mère à Montréal, elle
pourrait bien, j'imagine, le faire. Mais j'ai dit que le pouvoir est
diffusé. On voit cela dans la constitution parce que le droit criminel
et la procédure criminelle relèvent du gouvernement
fédéral, mais toute l'administration de la justice criminelle
relève du Québec. C'est très important. Je pense que le
ministre doit faire en sorte d'utiliser tous ses pouvoirs le cas
échéant et de peut-être bien définir quels sont ses
pouvoirs en vertu de l'administration de la justice criminelle dans ce cas-ci
pour la protection des droits des citoyens et dans d'autres cas pour
peut-être avoir une intervention policière efficace le cas
échéant. Mais, sur cette question, peut-être que le
ministre pourra définir davantage ses pouvoirs.
M. Johnson (Anjou): Dans un document qu'on pourrait annexer
à l'avis, on pourrait probablement et effectivement donner aux citoyens
les articles de la loi concernée et fournir une espèce
d'interprétation qui expliquerait pourquoi il n'y aurait pas plus de
renseignements.
M. Marx: C'est cela. Donc, au moins on a fait un pas en avant. Il
va y avoir un avis. C'est déjà quelque chose. Dans un
deuxième temps, peut-être que le ministre peut s'informer et faire
faire une étude j'imagine que le ministre n'est pas contre toutes les
études, juste contre certaines -par ses légistes sur cette
question et voir vraiment les limites de sa compétence dans ce domaine.
J'accepte que le ministre doive agir prudemment et qu'il doive respecter le
Code criminel, comme tout le monde, et même dans l'exercice de ses
fonctions, mais j'aimerais que le ministre fasse une étude pour voir
quelles sont les "outer limits" de ses pouvoirs. Peut-être que cela
pourrait se faire dans les mois à venir, sinon on va poser la même
question l'an prochain, si c'est le même ministre de la Justice, je
l'espère. C'est tout pour moi sur cette question.
Conservation des documents de police
Le Président (M. Vaugeois): Un peu sur le même
sujet, M. le ministre, non seulement pour ce qui résulte de
l'écoute, mais des documents réunis à l'occasion d'une
enquête qui peut aboutir dans un sens ou l'autre, c'est-à-dire qui
n'a pas de suite ou qui débouche sur un procès. Ma question est
un peu la même qu'hier sous un autre angle: Qu'est-ce qui advient de ce
qui est réuni? Les documents sont-ils conservés? Combien de temps
sont-ils conservés? Quelqu'un a-t-il l'autorité pour les
détruire? Après combien de temps peut-il les détruire?
M. Johnson (Anjou): L'ensemble des documents qui sont
colligés - quand on parle
de documents ici, je présume qu'on parle de bandes
magnétoscopiques...
Le Président (M. Vaugeois): Transcription de bandes.
M. Johnson (Anjou): ...ou de transcription de bandes - font
partie du rapport d'enquête des policiers. À ce titre, les
rapports d'enquête policiers restent des rapports confidentiels pour des
raisons évidentes. S'il fallait que les rapports policiers soient rendus
publics, il n'y aurait plus moyen d'administrer la justice. Par ailleurs, je
présume, et je laisserai quelqu'un me corriger, que c'est probablement
la prescription trentenaire qui agit ici dans le cas de la
révélation des documents ou est-ce qu'il y a une exception dans
la loi sur l'information? Il y a une exception dans la loi d'accès? Il
ne sont jamais disponibles.
Peut-être qu'on pourrait écouter le directeur de la
Sûreté qui va nous donner les règles qui sont
appliquées à la Sûreté du Québec en cette
matière parce que cela varie selon le type d'infraction, etc.
M. Beaudoin (Jacques): Merci, M. le ministre, de me fournir
l'occasion de donner quelques explications. Voici la politique de la
Sûreté du Québec en ce qui a trait aux dossiers
opérationnels.
D'abord, il y a les dossiers de police et les dossiers de cour. Tous les
dossiers qui font l'objet d'une poursuite à la cour avec une
condamnation deviennent la propriété du greffe et, par
conséquent, du ministère de la Justice qui en a la garde.
En ce qui a trait aux dossiers opérationnels d'enquête,
tout ce qui concerne les meurtres - il y a cinq catégories de meurtres -
quand le dossier est solutionné et clos la rétention est
indéfinie, c'est-à-dire qu'on garde toujours ces dossiers quand
il y a mort d'une personne. Bien entendu, par surcroît aussi, on garde
ceux qui ne sont pas solutionnés parce qu'il est toujours possible, dans
le temps, que cela soit solutionné.
Pour les dossiers qui concernent les agressions sexuelles, les voies de
fait, les armes à feu, vols qualifiés, attentats contre la
personne et les enlèvements, c'est dix ans quand il y a condamnation.
Quand le dossier n'est pas solutionné, on le garde
indéfiniment.
En ce qui a trait aux vols avec effraction, vols simples, vols de
véhicules, c'est sept ans; pour les crimes d'ordre économique,
c'est dix ans; la moralité, jeux et paris, sept ans; les armes
offensives, dix ans; recel, incendies criminels, crimes contre la
propriété, sept ans; les drogues, dix ans.
Donc, les dossiers qui peuvent avoir vraiment une importance historique
et une importance dans la société, ce sont surtout surtout ceux
qui concernent la mort de personnes. Ces dossiers sont gardés
indéfiniment.
Le Président (M. Vaugeois): Est-ce que ce sont des
règles récentes?
M. Beaudoin: Ce sont des règles qui existent à la
Sûreté depuis au moins sept ou huit ans, je crois. On fait face
à un problème d'espace. Vous savez qu'on augmente. À la
Sûreté, on remplissait au-delà de 300 pieds carrés
par année de classeurs. Donc, au prix où cela coûte, on en
est venu à cette politique en accord avec le ministère tout en
respectant la Loi sur les archives, chapitre 38, 1983, où on doit aussi
soumettre un échancier en 1985 sur la destruction de certains
dossiers.
Le Président (M. Vaugeois): Mais vous n'êtes pas
soumis à l'autorité du conservateur des archives pour la
destruction de vos documents.
M. Beaudoin: Cette partie n'est pas très claire. On veut
la regarder avec le ministère dans le cadre de
l'échéancier qu'on doit soumettre. Il reste que le dossier, sa
valeur réelle c'est un dossier qui est allé à la cour.
Quand il est allé à la cour, c'est un dossier qui n'est pas
rempli de rumeurs ou de ragots ou d'à-peu-près. C'est un dossier
qui a été soumis aux règles de procédure et qui
devient vraiment un dossier réel alors qu'un dossier de police, tant
qu'il n'a pas supporté l'épreuve juridique, c'est toujours un
dossier qui pourrait être dangereux. (11 h 15)
Le Président (M. Vaugeois): J'aurais une question à
vous poser si le ministre le permet. Pour les dossiers qui sont
conservés à perpétuité, par exemple, est-ce qu'il y
a un moment où ils peuvent devenir accessibles à des
chercheurs?
M. Marx: C'est une question d'historien et pas de juriste.
M. Beaudoin: On n'a pas de règles sur cela, mais prenons
comme exemple le dossier de l'affaire Coffin; je pense qu'on n'aurait pas
d'objection. Cette affaire a tellement été rendu publique. Il y a
eu une commission d'enquête, la commission Brossard, et c'est un dossier
au sujet duquel on n'aurait pas objection à ce qu'il soit
feuilleté par quelqu'un qui se présenterait à nos bureaux
avec une compétence quelconque dans ce domaine, pas n'importe qui.
Le Président (M. Vaugeois): Et quelle assurance le ou les
chercheurs auraient-ils que le ménage n'avait pas été fait
dans le dossier?
M. Beaudoin: Nos dossiers sont stockés
à un endroit, aux archives bien entendu, sous la garde de
personnes désignées à ces fins. Il y a un contrôle
rigide. Si le dossier sort, on doit signer pour obtenir le dossier et on a le
nom de la personne. On pourrait, exemple le dossier de l'affaire Coffin, vous
dire le nombre de personnes et le nombre de fois que le dossier est sorti. Il y
a un état détaillé, une espèce de bilan qui donne
le nombre de documents, qui fait l'état détaillé des
documents qui y sont contenus. C'est sûr que je ne peux pas vous dire
comment on pourrait faire pour éviter qu'un document disparaisse, mais
je pense qu'il y a une séquence. D'ailleurs, les documents sont
habituellement synthétisés à l'intérieur du rapport
d'enquête et je vais vous expliquer un peu comment on procède. Le
policier enquêteur fait son enquête et toutes les
déclarations qu'il a recueillies en cours de route ou au cours de son
travail sont sommairement données, on en donne un sommaire à
l'intérieur du rapport d'enquête mais en référence,
en annexe, vous avez toujours la déclaration originale signée par
le témoin ou le suspect. Donc, s'il y avait des documents qui sont
enlevés, on n'a qu'à regarder le rapport principal
d'enquête et l'on retrouve tout ce qui doit se retrouver en annexe.
Le Président (M. Vaugeois): Sur les crimes
économiques, vous avez parlé d'une conservation de dix ans, pour
d'autres exemples aussi; est-ce que, au bout de dix ans, vous vous êtes
donné la possibilité de les détruire? Vous ne vous engagez
pas à les détruire. Il y a une décision de prise
après dix ans.
M. Beaudoin: II y a une décision de prise dans le sens
suivant: Est-ce que toutes les possibilités qui s'offraient dans
l'enquête, les avenues ont été couvertes? Si parfois il y
avait des noms de personnes mentionnées comme présumées
complices mais qu'on n'en était pas venu à une preuve probante,
on ne les détruit pas. Il faut que tout ait été couvert et
que la personne ait été condamnée.
Le Président (M. Vaugeois): D'accord. M. le ministre, sur
les dossiers de cour qui ont servi à l'occasion d'une poursuite, d'un
procès, quelles sont les prescriptions, par exemple, la conservation
et la responsabilité du ministère de la Justice, qu'est-ce qui se
passe avec les Archives nationales? Est-ce qu'il y a un délai
après lequel ces documents sont confiés aux Archives nationales,
qui en garde la responsabilité et quels sont les délais de
prescription pour la consultation?
M. Johnson (Anjou): Les dossiers de cour sont publics par
définition. Après 25 ans, ils sont envoyés aux Archives
nationales du Québec où le conservateur en a la charge physique.
Cependant, la garde légale de ces dossiers reste au ministère de
la Justice.
Le Président (M. Vaugeois): J'aurais seulement
peut-être un commentaire que je me permets de faire dans les
circonstances au directeur général de la Sûreté du
Québec. En fait, ce n'est même pas un commentaire, c'est une
question. À l'origine, l'histoire de l'armée et l'histoire de la
police se confondent et l'armée a eu recours à des archivistes et
à des historiens ces dernières années pour toutes sortes
de tâches que vous imaginez facilement. Est-ce que la Sûreté
du Québec a eu semblable politique ou est-ce que vous avez des
préoccupations du même ordre? Remarquez que je n'évoque pas
cela seulement pour l'histoire au Canada, mais on pourrait se
référer, par exemple, à des choses imprévisibles
comme une situation de guerre alors que les documents de guerre puisent
abondamment, lorsque, par exemple, les procès interviennent, dans des
archives compilées en temps de paix et réunies par des corps
policiers dont les fonctions, à certains moments, peuvent presque se
juxtaposer à celles d'un corps militaire.
M. Beaudoin: Vous touchez un désir qui, personnellement,
m'est très cher. Je déplore qu'à travers au-delà
d'un siècle d'existence à la Sûreté du Québec
on n'ait pas eu d'historien. Je pense que cela fait un peu partie... Au
Québec, je pense - si vous me le permettez - que les traditions ne nous
ont pas étouffés. On a laissé des choses un peu -je ne
dirais pas se détruire - à la va-comme-je-te-pousse. Mon
désir comme administrateur de la Sûreté du Québec,
c'est d'avoir quelqu'un qui puisse classifier tout cela et essayer de nous
donner... D'ailleurs, on a un travail d'amorcé dans cela pour faire
l'histoire de la Sûreté du Québec: son histoire
administrative, son histoire sociale et aussi son histoire quant à ses
missions. Quand on tente de retrouver des choses - ne serait-ce qu'au niveau de
mes prédécesseurs - on a énormément de
problèmes. Au Conseil exécutif, il y a des documents. Cela a
manqué de plan d'ensemble et je pense que c'est un peu comme divers
autres secteurs au Québec.
Le Président (M. Vaugeois): M. le ministre, j'aurais
quelques autres petites questions, mais je vais laisser le porte-parole de
l'Opposition enchaîner à ce moment-ci et je reviendrai tout
à l'heure.
M. Marx: Sur un autre sujet.
Le Président (M. Vaugeois): Sur d'autres sujets.
Transfert de l'inspection-routière
M. Marx: J'ai reçu une lettre d'un inspecteur des
transports. J'aimerais faire
lecture de cette lettre puisque c'est juste quelques paragraphes. Je
cite: "La présente est pour aviser d'une situation qui m'apparaît
pour le moins discriminatoire à l'endroit des inspecteurs de transport
du gouvernement du Québec. Le gouvernement du Québec a
décidé de faire assumer notre travail actuel par la
Sûreté du Québec. Le 1er mars 1984, un décret a
été passé en ce sens. Cependant à la lumière
des informations que nous avons reçues, la Sûreté du
Québec ne prendra que quelques employés et se débarrassera
des autres en les envoyant soit sur des balances ou dans des
établissements de détention. Par le décret du 1er mars
1984, le gouvernement chargeait un comité d'effectuer le transfert du
travail et du personnel, se débarrassant ainsi de ses
responsabilités. Ce comité a tout simplement adopté
l'offre de la Sûreté du Québec qui est la suivante: Les
employés de plus de 35 ans ne sont pas admissibles à la
Sûreté du Québec, ceux qui ont moins de cet âge
pourront faire application et devront passer tous les examens de
débutant. S'ils sont acceptés, ils commenceront comme cadet et on
ne tient aucun compte de leur ancienneté. "Ce qui nous apparaît
discriminatoire: 1) tous les employés lors de leur entrée
satisfaisaient aux normes de la Loi de police; 2) ce sont tous des agents de la
paix; 3) tous les employés sont passés par l'Institut de police
du Québec entre deux et six mois selon les périodes; 4) la
Sûreté du Québec prend le travail et devra le faire; 5)
elle devra s'entraîner du nouveau personnel alors que nous connaissons le
travail et sommes capables de l'exécuter; 6) que nous soyons à la
Sûreté du Québec ou ailleurs, il s'agit tout simplement
d'une question administrative; 7) en 1981 on a intégré les
policiers des autoroutes qui étaient sensiblement dans la même
position que nous. Ces policiers ont été intégrés
avec leur ancienneté, leur grade, etc. Seul le fond de pension a fait
l'objet de négociations. "En conclusion, il y a de la discrimination
vis-à-vis de notre corps d'emploi. Nous ne croyons pas qu'il soit
nécessaire de tous nous intégrer à la Sûreté
du Québec; cependant il apparaît qu'on pourrait tenir compte de
l'ancienneté des employés en sachant que la Sûreté
du Québec a le droit d'engager une centaine de nouveaux agents.
Actuellement, seulement pour couvrir le travail actuel il m'apparaît que
60 personnes additionnelles ne seront pas de trop pour couvrir cette addition
de travail. De plus, sachant que le ministère du Loisir, de la Chasse et
de la Pêche a besoin d'environ 75 nouveaux agents, il serait
peut-être normal d'offrir ces postes à ceux qui
préféreraient ces emplois à ceux de la Sûreté
du Québec ou à d'autres. "M. le ministre de la Justice, qui a 37
ans, est-il d'accord avec le principe que quiconque a passé l'âge
de 35 ans ne peut plus donner un bon rendement?" Je m'excuse pour cette
dernière phrase, M. le ministre, mais ce n'est pas moi qui l'ai
écrite.
M. Johnson (Anjou): Par qui est-ce signé?
M. Marx: Je ne peux pas vous donner le nom.
M. Johnson (Anjou): Ah non!
M. Marx: C'est un inspecteur au service de transport...
M. Johnson (Anjou): Ce n'est pas une lettre qui m'a
été envoyée; c'est une lettre qui vous a été
envoyée...
M. Marx: Je ne pense pas. On me l'a envoyée pour avoir un
peu d'action. N'existe-t-il pas une clause dans la charte des droits qui
empêche la discrimination à cause de l'âge? J'aimerais avoir
la réaction du ministre à cette lettre.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, je voudrais faire une
réserve au départ. Le député comprendra que la
simple lecture d'extraits d'un document qui n'est pas disponible me met dans
une position où ce n'est pas avec une très grande rigueur, en
touchant au domaine des droits et à l'application de la charte des
droits, que je vais exprimer une opinion. Si on se comprend bien - c'est le
sens de mon intervention - je veux bien en parler, sinon j'aime autant qu'on ne
s'en parle pas. Je voudrais avoir une copie de la lettre; je veux la regarder,
je veux l'analyser et je vous donnerai un avis juridique. Je ne peux pas faire
cela dans ce contexte-là.
Ce dont on veut parler, c'est en gros toute cette question du transfert
des effectifs. C'est une autre paire de manches. Cela devient de nature
administrative. Effectivement, une décision a été prise
par le Conseil du trésor à laquelle a concouru le ministre des
Transports de l'époque, qui est maintenant président du Conseil
du trésor, selon laquelle on transférait l'inspection
routière à la Sûreté du Québec. Comment cela
se fera-t-il? Il y a 220 personnes qui sont des inspecteurs routiers; une
centaine d'entre eux relèveront directement de la Sûreté du
Québec tout en conservant le type d'affectation qu'ils ont; une
quinzaine d'entre eux sont admissibles, en vertu du règlement 17,
à devenir des policiers sans affectation particulière au
transport routier.
L'objectif de cette rationalisation est le suivant: il s'agit de faire
en sorte que, sur l'ensemble du territoire et de façon
constante et régulière, on puisse obtenir une inspection
routière. Si chacun des policiers patrouilleurs de la
Sûreté du Québec fait une vérification par semaine,
pas plus que cela, cela permettra...
M. Marx: Ils ne seront pas tous sur la route.
M. Johnson (Anjou): Non, je parle des patrouilleurs. Si chacun
des patrouilleurs, donc les policiers de la Sûreté du
Québec qui sont sur les routes, fait une inspection par semaine, une
vérification auprès d'un véhicule de transport, cela
représentera environ 100 000 vérifications par année. Ce
qui est fait en ce moment, ce qui était fait par le service d'inspection
routière du ministère des Transports, c'était 42 000 par
année. Au départ, on accroît l'activité de
vérification. Je ne dis pas que cela se fera sans une certaine
période d'ajustement, sans certains problèmes occasionnels, mais
pour l'essentiel c'est ce qui sera fait et cela permettra une économie
récurrente de 3 000 000 $. Je pense que cela n'est pas
négligeable pour les contribuables d'avoir très rapidement, une
fois que la formation est donnée aux personnes, une fois que les
procédures et protocoles sont appliqués sur l'ensemble du
territoire, on aura une assurance d'environ 100 000 vérifications par
année pour les fins d'application du système d'inspection. Tout
cela se fera avec une économie de 3 000 000 $ pour les
contribuables.
M. Marx: Est-ce que tous vos collègues au Conseil des
ministres sont d'accord avec le ministre sur cet exposé qu'il vient de
faire?
M. Johnson (Anjou): Je présume.
Une voix: Solidarité ministérielle.
M. Marx: Tout le monde est d'accord.
M. Johnson (Anjou): C'est une décision
ministérielle.
M. Marx: Le ministre ne lit pas les journaux pour voir qu'il y a
des collègues du
Conseil des ministres qui sont tout à fait d'une opinion
contraire...
M. Johnson (Anjou): Vous vous référez au rapport
qui a coulé? Il n'a jamais été signé par le
ministre des Transports, ce n'est pas pour rien. C'est parce qu'il
n'était pas d'accord avec le rapport préparé par ses
fonctionnaires. Peut-être que le député pourrait me dire
quel collègue n'est pas d'accord.
M. Marx: II n'a peut-être pas signé "because he did
not want to take the heat". Il peut dire que...
M. Johnson (Anjou): M. le Président, je pense que...
M. Marx: Je ne suis pas d'accord avec les données...
Passons à une autre question.
M. Johnson (Anjou): Non, si vous me le permettez...
Le Président (M. Vaugeois): M. le ministre. (11 h 30)
M. Johnson (Anjou): Cela se relève; c'est tellement
énorme et cela fait beaucoup de bruit, des sabots. Premièrement,
pour m'être entretenu avec M. Clair, qui était ministre des
Transports, qui est maintenant président du Conseil du trésor, il
m'a confirmé hier qu'il n'avait jamais signé ce mémoire
présenté par ses fonctionnaires parce qu'il n'était pas
d'accord avec l'interprétation que faisaient les fonctionnaires,
à savoir que ce transfert d'effectifs amènerait une diminution
des services. Il était d'accord avec l'analyse qu'en faisaient le
ministère de la Justice et le Conseil du trésor, au contraire
cela permettrait un meilleur déploiement de l'ensemble du territoire de
l'inspection. Il est normal, cependant, et il ne faut pas s'en étonner,
que les responsables du service d'inspection, les inspecteurs qui
étaient là, les cadres, la direction hiérarchique du
ministère aient tendance - comme c'est normal dans n'importe quel
appareil public ou même privé - à défendre leur
territoire et à être prêts à expliquer pourquoi ils
sont essentiels à la survie de la nation.
Maintenant, ceci dit, le ministre a à prendre des
décisions. Le Conseil du trésor et le gouvernement du
Québec, depuis trois ans, sont obligés de prendre des
décisions qui dérangent du monde. Vous êtes mieux
d'attacher vos ceintures parce que cela va durer encore dix ans. Ce n'est pas
compliqué, il y a des choses qui changent et il va falloir que
l'État accepte de modifier un certain nombre de choses et de cesser de
consacrer des unités administratives comme si c'était des empires
célestes. C'est ce qui est arrivé dans ce cas et le ministre a
refusé de signer ce mémoire préparé par certains de
ses fonctionnaires parce qu'il n'était pas d'accord. Il est en entier
accord avec la décision prise par le Conseil du trésor et
exécutée par le ministre de la Justice.
Le Président (M. Vaugeois): D'accord. Cela val Peut-on
changer de sujet?
M. Marx: Oui.
M. Johnson (Anjou): Oui.
M. Marx: Je reviens à une autre question que j'ai
posée, qui est très précise. Est-ce qu'on refuse à
ces inspecteurs de transport qui ont plus de 35 ans d'être
intégrés dans la Sûreté du Québec? On attend
que le ministre consulte ses fonctionnaires.
M. Johnson (Anjou): Vous devriez peut-être faire cela des
fois, vous poseriez des questions plus précises.
M. Marx: Je ne peux pas...
Une voix: You are becoming more and more cynical in that.
Le Président (M. Vaugeois): Comment est-ce qu'on dit
"impertinent" en anglais?
Une voix: "Irrelevant".
M. Johnson (Anjou): Encore une fois, je voudrais...
Le Président (M. Vaugeois): Un instant! M. le porte-parole
de l'Opposition consulte ses conseillers.
M. Johnson (Anjou): Je m'excuse.
M. Marx: Je ne le consulte pas, c'est mon conseiller qui me
consulte. D'accord.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, je
préférerais donner une réponse plus étoffée,
ce qu'on pourra faire un peu plus tard dans le courant de l'après-midi.
Parce que dans le fond, M. le Président, ce que me demande le
député de D'Arcy McGee, c'est de donner une opinion
instantanée sur l'application de la Charte des droits et libertés
de la personne dans le cas de l'embauche des policiers. On va lui donner
quelque chose de rigoureux.
Le Président (M. Vaugeois): Cet après-midi,
d'accord! Il va revenir de façon plus précise.
M. Marx: Le directeur de la Sûreté du Québec
est ici ainsi que le ministre et je voudrais savoir si c'est vrai qu'on refuse
d'intégrer des inspecteurs qui ont plus de 35 ans à la
Sûreté du Québec. Je crois que c'est une question de fait.
Cela ne prend pas une grande interprétation.
M. Johnson (Anjou): Je préférerais, M. le
Président...
Le Président (M. Vaugeois): Vous avez tout à fait
le droit. Ce sera cet après-midi.
M. Johnson (Anjou): On va avoir des textes et on va être
précis dans notre réponse.
M. Marx: D'accord.
Le Président (M. Vaugeois): C'est bien cela. Encore une
question, si vous me permettez. Me permettez-vous?
M. Marx: Oui, il n'y a aucun problème.
Corps policiers dans les municipalités de plus
ou moins 5000 habitants
Le Président (M. Vaugeois): Vous êtres bien aimable.
Je voudrais aborder la question sous un tout autre angle. Actuellement au
Québec - c'est théorique, parce que, en pratique, il y a des
accrocs à cette règle -les municipalités de plus de 5000
habitants sont tenues d'avoir et d'entretenir un corps policier et pour les
municipalités de moins de 5000 habitants ce n'est pas nécessaire
et elles font appel directement à la Sûreté du
Québec. Je voudrais savoir comme cela se passe. Comment
s'établissent les relations entre la Sûreté du
Québec et ces municipalités? Est-ce qu'il y a des relations avec
les autorités municipales? Y a-t-il des demandes qui peuvent être
exprimées par les autorités municipales? Comment cela se passe
dans le cas des petites municipalités?
M. Johnson (Anjou): Au départ, je pense qu'il est clair
que la loi prévoit que les municipalités de moins de 5000
habitants n'ont pas à avoir de corps policier, c'est-à-dire que
ce n'est pas nécessaire. Si je comprends bien, votre question porte sur
la nature de la relation entre les autorités municipales et la
Sûreté du Québec s'il y a des problèmes
spécifiques. Je pense que le directeur de la Sûreté serait
à même de vous dire comment cela fonctionne.
M. Beaudoin: On peut dire qu'au Québec, sur 191 corps
policiers, certains assument leurs responsabilités de façon
complète - on pense à la Communauté urbaine de
Montréal, Laval, Québec et Longueuil. Ce sont à peu
près les corps policiers qui assument leurs pleines et entières
responsabilités et qui, à une exception près, ne font pas
de demande d'assistance à la Sûreté du Québec. Cela
résume qu'il y a environ 185 autres corps policiers qui nous font des
demandes d'assistance. Ils sont de deux ordres.
Pour vous citer un exemple, un corps policier tel celui de
Trois-Rivières nous demande d'assumer la continuité des
enquêtes majeures de vols à main armée et de choses comme
cela, des enquêtes qui débordent son territoire ou encore parce
qu'on n'a pas les ressources nécessaires. C'est le genre de
travail qu'on fait. On aide parfois et, en d'autres circonstances, selon
les cas, on assume la totale responsabilité des enquêtes.
Pour les corps policiers de plus petite envergure qui comportent douze
ou quinze policiers, voire même moins parfois, il y a deux types de
responsabilités. D'abord, il y a une responsabilité de
présence policière et de continuité. On sait qu'un corps
de police qui a huit ou dix policiers peut difficilement assumer une
présence 24 heures durant. À ce moment-là, on nous demande
parfois d'assumer la relève de soir ou de nuit. Donc, par le biais de
nos patrouilles territoriales, on fournit un service la nuit,
c'est-à-dire qu'ils reçoivent les appels, nous les
réfèrent et on fait le travail sur certaines relèves.
C'est aussi, étant donné que certaines municipalités ont
diminué le nombre de leurs policiers en ne remplaçant pas ceux
qui quittaient, l'attrition naturelle.
D'autre part, dans ce type de corps policier, habituellement on assume
la totale responsabilité des enquêtes. Quand je vous parlais d'un
corps policier qui n'a pas les ressources pour assumer la continuité 24
heures durant, c'est difficile pour lui d'assumer la totale
responsabilité des enquêtes criminelles. Dans ce cadre, on assume
la responsabilité des enquêtes criminelles, locales ou qui
débordent la localité.
Le Président (M. Vaugeois): Dans les moins de 5000,
là où il n'y a pas de corps policier?
M. Beaudoin: Dans les moins de 5000?
Le Président (M. Vaugeois): Vous avez dit: On nous demande
parfois, par exemple, quand il y a un corps policier. Qui peut vous le
demander? Sont-ce les autorités municipales ou le chef de police? Dans
le cas d'une municipalité où il n'y a pas de corps policier,
traitez-vous avec les autorités locales?
M. Beaudoin: Généralement, la demande nous provient
du directeur de police. Où il n'y a pas de directeur de police et
où c'est très embryonnaire, elle vient des autorités
municipales qui envoient des résolutions du conseil au ministère
ou à la Sûreté. Habituellement, elles envoient les
résolutions à plusieurs endroits. Nous assumons la
responsabilité.
Depuis 1976, je dois vous dire que, dans les 5000 et moins, on assume la
responsabilité, au moment où je vous parle, de 143 policiers dont
les fonctions ont été abolies.
Le Président (M. Vaugeois): J'ai deux questions qui se
greffent là-dessus, l'une que j'aimerais vous adresser et l'autre au
ministre, car elle a une portée plus politique.
C'est une question peut-être un peu délicate: vous pouvez
enquêter sur tout le monde, à la limite vous pouvez probablement
enquêter sur le ministre et ainsi de suite. Quand, dans une région
donnée, vous couvrez un territoire où un certain nombre de
municipalités n'ont pas de corps policier, là vous êtes
obligés de le faire. Alors, vous patrouillez des petits villages de 5000
habitants et moins qui entourent nos agglomérations urbaines. On sait
que c'est le cas partout au Québec, il y a les villes principales et
autour il y a les petits villages où la Sûreté du
Québec exerce son action. Ce n'est pas possible qu'à un moment
donné vous ne soyez pas amenés en faisant une enquête
à être sur le territoire municipal et à découvrir
des choses. Est-ce qu'il peut vous arriver d'enquêter sur des membres
d'un corps policier municipal?
M. Beaudoin: Cela arrive parfois au cours de nos enquêtes.
C'est un peu comme l'écoute électronique. Tout à l'heure
on disait que parfois le hasard fait qu'une personne tombe dans le
réseau et on s'aperçoit qu'il y a quelque chose d'anormal. Donc,
on fait une enquête et on s'aperçoit qu'il peut y avoir - ce n'est
pas fréquent -des agissements criminels de repérés et dans
lesquels des policiers municipaux pourraient être impliqués, voire
même des membres de la Sûreté du Québec. On
s'efforce, c'est notre rôle, d'essayer de clarifier les choses. La
politique habituelle est qu'il faut manoeuvrer délicatement; chaque cas
est un cas d'espèce et c'est pour cela que dans le fond on n'a pas de
politique écrite. Si on a un chef de police responsable et un corps
policier qui jouit d'une bonne réputation, habituellement on va les
embarquer dans le jeu. Si, parfois, cela laisse à désirer sur le
plan du fonctionnement, etc., à ce moment on suit la voie qui nous
mène jusqu'à la justice.
Le Président (M. Vaugeois): J'imagine, M. le ministre, que
je n'ai pas besoin de poser d'autres questions sur le même sujet. Tout le
monde peut deviner les autres questions que je pourrais poser à la suite
de celle-ci. J'en ai cependant une petite qui va faire la transition avec
celles que je voulais vous poser. Vous contrôlez la vitesse dans les
petites municipalités, et, soit dit en passant, sur la route 138, de
Québec à Trois-Rivières, trois villages successifs ont des
limites de vitesse variables: 80 kilomètres dans l'un, 70 dans l'autre
et 50 dans l'autre. Évidemment, la police est plus souvent dans le
village où la limite de vitesse est à 50 kilomètres.
Est-ce que c'est de l'initiative de la Sûreté du Québec?
À qui va le fruit des contraventions?
M. Beaudoin: Effectivement, c'est notre initiative, sauf que
cette initiative est basée
sur des données. Je vais vous expliquer un peu comment on en
vient là. D'abord, tous les accidents qui surviennent sur les routes
sont classés. C'est l'erreur humaine, c'est une
défectuosité mécanique ou encore une infraction au Code de
la sécurité routière. On établit des courbes et des
points noirs. Ces courbes nous donnent l'heure, le jour; les points noirs,
c'est là que nous faisons nos opérations de radar. Si on est
souvent aux endroits que vous mentionnez - j'ai pris une note pour...
Le Président (M. Vaugeois):
Sainte-Anne-de-la-Pérade, Batiscan et Champlain.
M. Beaudoin: Sainte-Anne-de-la-Pérade, la limite est plus
basse.
M. Johnson (Anjou): Combien de points de
démérite?
Le Président (M. Vaugeois): Je suis toujours...
M. Beaudoin: Je pense que ce n'est pas dans l'ordre de poser une
question, mais la question que je me poserais, c'est que cela doit être
un endroit où il y a des accidents matériels assez souvent. C'est
pour cela qu'on fait du radar là. C'est notre politique cela. Il faut
qu'il y ait une fréquence d'accidents, il faut que l'endroit soit
reconnu comme un de nos points noirs. D'ailleurs, avec le ministère des
Transports...
Le Président (M. Vaugeois): Le texte ne dit pas que ce
sont les municipalités qui ont la possibilité de suggérer
une limite de vitesse dans leur village?
M. Beaudoin: Le texte m'échappe. Ce sont les routes qui
sont entretenues par le gouvernement; habituellement c'est le ministère
des Transports...
Le Président (M. Vaugeois): Qui décide?
M. Beaudoin: ...qui décide des limites. Dans ces endroits
on a travaillé, je vais vous dire, on a travaillé beaucoup...
Le Président (M. Vaugeois): À qui va le fruit des
contraventions?
M. Beaudoin: C'est au gouvernement. Quand c'est nous...
Le Président (M. Vaugeois): Toujours?
M. Beaudoin: Toujours. Si c'est fait par un corps policier
municipal, l'article qui régit la vitesse, les redevances, les amendes
retournent à la municipalité. Cela m'étonne, on a
travaillé énormément sur cela parce qu'on trouvait que ce
n'était pas honnête pour l'automobiliste qui arrive dans une
localité; vous venez de vous ajuster à une vitesse et vous vous
apercevez que la vitesse est inférieure à celle du village
voisin. (11 h 45)
Le Président (M. Vaugeois): Dans
Sainte-Anne-de-la-Pérade, elle change deux fois, à part cela.
Je vous remercie, M. Beaudoin.
M. le ministre, j'aurais une question que vous connaissez
déjà à vous poser. Je ne veux pas une réponse
complète aujourd'hui, mais je veux rappeler un problème qui,
à mon avis, est relié aux questions que je viens de poser sur les
municipalités de plus ou de moins de 5000 habitants. C'est
évident que, lorsqu'une municipalité franchit le seuil de 5000
habitants, elle résiste à cette obligation qui lui est faite
d'entretenir un corps policier. C'est un aspect de la question et l'ensemble
des privilèges accordés à une municipalité de moins
de 5000 fait que le niveau de taxation est extrêmement variable entre une
municipalité de plus de 5000 et une autre de moins de 5000 habitants. La
charge d'un corps policier représente quand même quelque chose
d'important dans un budget municipal. J'aurais eu envie de vous demander:
Pourquoi plus ou moins de 5000 habitants? Je pense qu'il n'y a pas de
réponse à cela. La question ne s'adresse pas plus à vous
qu'à d'autres. Plusieurs ministres ne peuvent pas répondre
à cette question. C'est quelque chose qu'il faut revoir, autrement les
gens des villes auraient peut-être intérêt à
démanteler leur ville pour en faire des unités de 4800 habitants
et échapper comme cela à peu près par toutes les formes de
taxation. Puisque le directeur général de la Sûreté
du Québec est là ce matin, je voudrais poser la question sous un
angle d'efficacité du travail des corps policiers. J'imagine assez mal
comment on peut travailler dans une agglomération urbaine où de
temps en temps il y a des corps policiers, de temps en temps il n'y en a pas et
de temps en temps il y en a des petits qui, de toute évidence, ne
peuvent pas faire face à tous les problèmes qui se posent
à un corps policier.
Chez nous, nous avons eu depuis quinze ans un lot de problèmes
avec cette question et on peut l'attribuer en partie à cette situation
assez confuse qui tient à l'absence de corps policiers à certains
endroits ou à la difficulté de coordination qu'il peut y avoir
dans une petite région comme la nôtre. Ce n'est pas un cas
spécifique. Je pense que mutatis mutandis ce genre de problème
doit se retrouver partout, sauf dans les communautés urbaines.
M. le ministre, avez-vous des commentaires à ce sujet ou si vous
ne faites qu'enregistrer ce genre de remarque? Ce que j'accepterais volontiers
pour ma part.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, pour l'essentiel,
vous comprendrez que je préfère plutôt enregistrer vos
remarques, sinon, faire un commentaire rapide. C'est vrai qu'au critère
de 5000 habitants le ministre de la Justice ne peut pas plus répondre
que le ministre de l'Habitation, ou le ministre du Loisir, ou le ministre des
Finances, ou le ministre du Revenu, selon les domaines. À un moment
donné, il faut tracer une espèce de ligne objective quelque part;
5000 est un chiffre reconnu dans l'ensemble de l'appareillage statistique
québécois et canadien aussi, par exemple, pour
l'admissibilité de certaines municipalités à certains
types de subventions, etc. Donc, c'est très clair que, historiquement,
il y a un traitement différent des petites municipalités.
D'ailleurs, on se souviendra que, historiquement, la plupart d'entre elles
relevait du Code municipal, alors que celles plus nombreuses relevaient de la
Loi sur les cités et villes. Alors, même historiquement, on s'est
donné un appareillage législatif distinct pour les deux.
Pourquoi? Parce que, historiquement, les municipalités de 5000 habitants
et moins étaient à toutes fins utiles les municipalités
rurales.
Ce n'est plus tout à fait exact parce qu'il y a de nombreuses
petites banlieues près de villes qui étaient petites ou moyennes
et qui sont devenues des villes beaucoup plus importantes depuis 25 ans au
Québec. Je pense notamment à une région comme la
vôtre où on a assisté à cela, et à l'Estrie
en particulier. Ces règles sont restées là. Certains
prétendront qu'il y a un problème d'équité fiscale;
à partir du moment où on franchit le cap de 5000 habitants et
qu'on doit se doter d'un corps policier, il faut assumer les frais d'un tel
corps policier. Mais disons qu'il y a d'autres avantages dans une ville de 5000
et plus à l'occasion, quand on pense au programme de rénovation
des centres-villes, etc. C'est une espèce d'équilibre absolument
imparfait, je n'en disconviens pas. Mais je peux vous dire que les
municipalités de 5000 et plus au Québec qui sont aux prises avec
la nécessité de mettre sur pied un corps policier ou de conclure
une entente intermunicipale pour les fins de patrouille, etc., sont une
vingtaine. C'est cela, il y en a 23 en ce moment, sur environ 1200
municipalités au Québec, qui ont ce problème.
Le Président (M. Vaugeois): M. le ministre, vous vous
rendez quand même compte qu'un citoyen d'une ville de 20 000 habitants
entretient un corps policier. C'est un poste très important du budget
municipal et parfois le plus important. En même temps, par ses taxes de
contribuable, par exemple, son impôt sur le revenu, il contribue
également à l'entretien de la Sûreté du
Québec qui, elle, assure la protection du village voisin qui, lui - je
ne recommencerai pas la panoplie - vit déjà aux crochets du
Québec.
Cela veut dire que le contribuable des villes entretient son corps
policier et entretient également la Sûreté du Québec
qui sert la ville voisine. C'est le problème. On ne le réglera
pas aujourd'hui. M. le député de Deux-Montagnes, sur le
même sujet.
M. de Bellefeuille: Oui, M. le Président. Je suis
très intéressé à cette discussion suscitée
par le député de Trois-Rivières, qui est président
aussi. Je songe à mon comté où il y a des
municipalités de moins de 5000 habitants où des problèmes
se posent de façon sérieuse. Par exemple, à un certain
endroit il y a une piste cyclable qui est en site propre; ce n'est pas
seulement un élargissement d'un chemin; elle a son propre emplacement.
Donc, cela fait un lieu où il faut exercer une surveillance sur
plusieurs aspects. Il faut protéger les personnes, en particulier les
femmes. Il faut aussi protéger les lieux et il faut, idéalement,
empêcher cette piste cyclable d'être envahie par des
véhicules à moteur de toutes sortes, hiver comme
été. Il y a évidemment de l'affichage qui interdit
l'accès aux véhicules à moteur mais, à moins de
surveillance, cet affichage n'est pas très efficace.
Une des municipalités auxquelles je songe a fait des arrangements
avec la Sûreté du Québec. Je ne doute absolument pas de la
volonté de la Sûreté du Québec d'en venir à
des dispositions satisfaisant la municipalité en question, mais je crois
constater une chose, et c'est la question que je vais poser sous forme
d'affirmation. Le ministre et le directeur de la Sûreté me diront
si je me trompe. D'ailleurs, le ministre, tout à l'heure, nous a dit, et
je suis tout à fait d'accord, que sur les questions de dépenses
de deniers publics il faut faire face aux réalités et accepter le
fait qu'il y a des contractions qui se sont faites et qui vont continuer de se
faire.
L'affirmation est celle-ci: La possibilité pour la
Sûreté du Québec de fournir les services
réclamés par les municipalités de moins de 5000 habitants
est réduite du fait des compressions budgétaires. Il y a des
difficultés, je crois, pour la Sûreté du Québec de
répondre à cette demande qui est peut-être croissante - je
ne sais pas si elle est croissante, mais elle est sûrement
considérable - du fait des compressions budgétaires. Est-ce
exact?
M. Beaudoin: On peut dire qu'en principe on s'efforce, même
en dépit des compressions budgétaires, de réajuster tout
notre appareil de façon à concentrer nos efforts à
l'endroit où on a de la demande, c'est-à-dire pour
répondre aux demandes des citoyens. Donc, cette demande qui
relèverait
de notre poste de Saint-Eustache, on devrait y répondre.
C'est sûr qu'on ne peut prendre un policier et l'affecter pendant
toute la journée à cet endroit sauf que cet endroit doit
être fréquenté à certaines heures du jour qui sont
peut-être après le souper ou un peu avant le souper. Il s'agit
d'un ajustement local et je pense pouvoir affirmer qu'avec une
détermination du besoin et en regardant la situation on devrait pouvoir
y répondre. Notre politique a été: Les compressions
budgétaires, on les subit mais on ne s'en occupe pas. On n'a pas de
raisons d'en donner moins aux citoyens.
On a essayé de ne pas toucher aux unités qui sont en
contact direct avec les citoyens. On a coupé dans les activités
de support, on a coupé dans les choses qui étaient fondamentales,
mais moins fondamentales dans les circonstances actuelles.
Si vous me permettez de vous demander le nom de l'endroit, la petite
localité ou...
M. de Bellefeuille: La municipalité en particulier qui me
vient à l'esprit, c'est Pointe-Calumet.
M. Beaudoin: Pointe-Calumet.
M. de Bellefeuille: Oui.
M. Beaudoin: II ne devrait pas y avoir de raisons pour ne pas
donner le service. Je vais m'occuper de regarder. Saint-Eustache est un poste
assez important. On doit avoir au-delà de 35 hommes? On devrait donc
être capable de donner le service.
M. de Bellefeuille: Cette réponse est satisfaisante.
Le Président (M. Vaugeois): M. le ministre, j'aimerais
pouvoir demander au directeur de la Sûreté si actuellement tous
les postes de la Sûreté sont équipés à la
satisfaction de la Sûreté en termes de protection civile, par
exemple. On a déjà fait état dans les journaux de certains
postes qui, en cas de panne d'électricité, par exemple,
étaient eux-mêmes d'électricité, ils n'avaient pas
de système autonome. Est-ce qu'à ce moment-ci tous les postes
importants sont autonomes sur ce plan de la protection civile?
M. Beaudoin: Vous nous parlez de génératrices?
Le Président (M. Vaugeois): Oui.
M. Beaudoin: Oui, dans les quartiers généraux de
district et les postes majeurs, les postes vraiment importants où l'on a
35 ou 40 hommes, il y a des génératrices de support mais pas dans
les petites unités où l'on a 10, 12 ou 15 hommes. Il reste que
cela représente des frais et, au moment où ce fut construit, ce
n'était pas dans la politique du temps. On a un certain nombre
d'unités, sur 106 postes à la Sûreté, il y en
certainement la moitié qui n'ont pas de génératrice, qui
ne sont pas desservis.
Le Président (M. Vaugeois): M. le ministre, en terminant,
pour ma part en tout cas, j'aimerais vous faire une suggestion sur cette
question que nous avons soulevée plus tôt. Moi, j'ai assez
confiance et assez d'admiration pour la Sûreté du Québec,
pour la qualité de son travail, ses capacités à tous
égards que je trouve qu'on serait mieux d'offrir ses services à
toutes les municipalités du Québec de plus ou moins 5000, 15 000,
20 000 habitants. Je ne pense pas que les petites municipalités,
même à 20 000 et au-delà, aient les moyens de se doter d'un
corps policier capable de faire face à toutes les situations
aujourd'hui. On en a évoqué plusieurs dans nos propos.
Aujourd'hui, les crimes sont muliples. J'étais à l'Institut de
police il y a quelque temps et je voyais les policiers se préparer
à combattre, par exemple, la fraude dans le domaine des arts. Ce n'est
pas possible qu'un petit corps policier soit capable de faire face à
toutes les situations. Il me semble que ce qui serait préférable
c'est que toutes les municipalités qui veulent faire appel aux services
de la Sûreté du Québec puissent le faire en échange
de compensations financières parce que, actuellement, lorsqu'une
municipalité de plus de 5000 refuse ou ne se donne pas de corps
policier, il est prévu une compensation financière. Le ministre
se base sur le fait que la loi lui permet de l'obliger de se doter d'un corps
policier. La municipalité ne le faisant pas, la Sûreté du
Québec le fait aux frais de la municipalité.
Il me semble qu'on devrait envisager le jour où toutes les
municipalités seraient dans la même situation et contribueraient
pour les services reçus offerts par le gouvernement via la
Sûreté du Québec. Je suis convaincu que, à ce
moment, il y a peut-être des municipalités de plus de 5000
habitants qui en profiteraient et je trouve que ce serait tant mieux. On y
gagnerait en services et, quand je regarde le budget total de la
Sûreté du Québec et que je pense aux frais que
représentent les corps policiers, il me semble que ce serait une bonne
affaire au total; en plus d'y gagner sur le plan de la protection et de la
qualité des services offerts, je me demande si, en plus,
financièrement, ce ne serait pas une très bonne avenue. Cela
éliminerait ce que je considère personnellement comme une
injustice entre les contribuables qui habitent des
municipalités voisines mais dont certains ont l'avantage de
rester du côté de la rue qui est dans la municipalité de
moins de 5000 habitants.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, vous avez
vous-même évoqué le fait qu'on ne réglera pas cela
demain matin pour les raisons et les contraintes que vous connaissez mais, sur
la question financière, permettez-moi de dire une chose. Je ne veux pas
dire que c'est la faute du fédéral, mais je pense qu'il est
important qu'on comprenne ce qu'est la nature des ressources qu'on peut mettre
dans ce secteur. Il faut se rappeler que l'État fédéral
verse à la plupart des autres provinces, à l'exception du
Québec et de l'Ontario, entre 50% et 60% des coûts des services
policiers qui sont l'équivalent de ce qui est donné par la
Sûreté du Québec sur le territoire du Québec. C'est
la GRC, à toutes fins utiles, en Saskatchewan, en Alberta, en Colombie
britannique et un peu partout, qui occupe les fonctions occupées ici par
la Sûreté du Québec. L'État fédéral
exige une contribution financière des provinces qui, apparemment, est
légèrement à la hausse, mais il reste que majoritairement
c'est financé par le fédéral. Le jour où le
fédéral va nous verser l'équivalent de ce qu'on pense
qu'il nous doit, c'est-à-dire environ 1 000 000 000 $, environ 200 000
000 $ par année ou l'équivalent de 75% des coûts de la
Sûreté du Québec, nous serons prêts à
envisager les subventions aux petites municipalités avec grand plaisir.
Je peux vous assurer que si ces centaines de millions de dollars entraient au
Québec, à ce chapitre, on envisagerait des éléments
de réforme de la fiscalité municipale pour tenir compte de ce
facteur.
L'autre dimension, c'est que, éventuellement, quand la
Sûreté du Québec aura à s'occuper de drogues et de
sécurité nationale, dans le contexte où elle sera une
sûreté nationale, ce sera une autre paire de manches. Cela
pourrait arriver.
Le Président (M. Vaugeois): Cela s'en vient. (12
heures)
M. Marx: Je pensais que c'était maintenant une
sûreté nationale parce que c'est toujours la question
nationale.
M. Johnson (Anjou): Elle aura tous les pouvoirs d'une
sûreté nationale.
M. Marx: Tous les pouvoirs, je ne comprends pas ce que cela veut
dire.
M. de Bellefeuille: On attend votre aide.
Le Président (M. Vaugeois): On est à un
référendum près.
M. Marx: Le ministre a soulevé la question des coûts
de police en Ontario. Il a dit que le fédéral subventionne toutes
les provinces sauf l'Ontario et le Québec. J'ai eu l'occasion de faire
une étude comparative en ce qui concerne les coûts du service de
police en Ontario et au Québec. J'ai trouvé deux chiffres
intéressants, c'est-à-dire l'Ontario a peut-être 30% plus
de population que le Québec et 30% moins de corps de police. Nous en
avons 191; elle, 125. Donc, elle a beaucoup moins de corps de police.
Deuxièmement, par tête de pipe un Montréalais paie plus
pour les services de police qu'un Torontois. Je pense qu'il y a matière
à étude dans ce domaine.
Le Président (M. Vaugeois): C'est la même
question.
M. Marx: C'est la même question.
Le Président (M. Vaugeois): C'est la même question
que celle qu'on vient d'aborder.
M. Marx: Oui, c'est la même question mais posée de
façon plus globale. Je ne parle pas de deux municipalités dans
mon comté. C'est la même question posée plus
globalement.
M. de Bellefeuille: II faudrait étendre la comparaison
avec des villes comme Halifax et Vancouver.
M. Marx: J'ai pris Toronto et Montréal parce que ce sont
les deux métropoles du Canada et parce que le fédéral ne
donne pas de subvention à l'Ontario ni au Québec. Donc, les
comparaisons sont plus justes. De toute façon, je fais toujours des
comparaisons avec l'Ontario et le Québec parce que c'est ce que le
gouvernement actuel fait toujours. M. Parizeau fait des...
M. de Bellefeuille: Je pensais que c'était vous qui
faisiez toujours des comparaisons avec l'Ontario.
M. Marx: Quand on est meilleur que l'Ontario, je dis cela. Cela
arrive dans beaucoup de dossiers.
M. Johnson (Anjou): C'est vrai que c'est plus simple de se
comparer à l'Ontario qu'à l'Île-du-Prince-Édouard.
Il est bien évident que, du fait qu'il y ait une population plus grande
en Ontario alors qu'il y a une espèce de seuil pour des masses critiques
dans des activités de sûreté en particulier, on pourrait
fort bien s'accommoder d'une augmentation très sensible de notre
population.
Le Président (M. Vaugeois): À la condition qu'elle
soit à la bonne place.
M. Johnson (Anjou): Voilà. D'une part, une augmentation
sensible de notre population dans les grands centres urbains sans augmenter
d'une façon proportionnelle les ressources qu'on met à la
Sûreté du Québec. Donc, faire baisser de façon
importante ce ratio. On en arriverait sans doute avec 1 500 000 habitants de
plus au Québec répartis surtout dans les grands centres urbains,
probablement une situation à peu près équivalente à
celle de l'Ontario.
Deuxième facteur dont il faut tenir compte, c'est la distribution
de la population. En Ontario, il y a une concentration de population dans des
villes importantes. Qu'on pense à toute la partie sud-est de l'Ontario,
là où s'est développée toute l'industrie lourde
ontarienne depuis 40 ans. Il y a là des concentrations de population
beaucoup plus importantes. Au Québec, on a des phénomènes
de dispersion de population sur le territoire qui sont plus importants, donc
une population moins grande malgré le fait qu'il faut assurer une
espèce de seuil et de masses critiques nécessaires au niveau des
ressources. Deuxièmement, une question de distribution de la population.
Ceci dit, pour régler les problèmes de ratio avec l'Ontario, je
ne pense pas qu'on devrait fermer le Bas-du-Fleuve et l'Abitibi pour autant. Il
faut vivre avec le fait que per capita cela nous coûte un peu plus
cher.
M. Marx: Peut-être que c'est une réponse un peu vite
sans beaucoup de réflexion et sans beaucoup d'étude non plus.
Peut-être que ce serait utile, comme le député de
Deux-Montagnes l'a suggéré, qu'on fasse une étude des
coûts comparatifs dans d'autres villes au Canada et voir...
M. Johnson (Anjou): Je suis assuré que le Conseil du
trésor a fait cela à plusieurs reprises depuis trois ans.
M. Marx: Peut-on avoir une...
M. Johnson (Anjou): La Sûreté du Québec en
sait quelque chose.
M. Marx: Peut-on avoir... Non, ce n'est pas la
Sûreté du Québec. Vous avez mal compris la question.
M. Johnson (Anjou): La CUM?
M. Marx: Non, quand je parle des coûts du service de police
pour un Montréalais, c'est l'ensemble des coûts,
c'est-à-dire la CUM, la Sûreté du Québec, etc.;
c'est, par tête de pipe, combien on paie. Ce n'est pas une question du
coût de la Sûreté du Québec mais le coût total
pour un Montréalais per capita par comparaison à un
Torontois.
M. Johnson (Anjou): II faut voir qu'au moment où on a
intégré les corps policiers de la Communauté urbaine de
Montréal, depuis ce temps, on a coupé 1000 postes à la
CUM. Il y a encore un certain nombre de postes qui pourraient connaître
une contraction dans les années à venir. Je me suis justement
entretenu de l'ensemble de ces sujets avec le président de la
Communauté urbaine de Montréal cette semaine à
Montréal et on a fait la revue de plusieurs dossiers qui touchent les
corps policiers. J'ai été à même de constater
qu'effectivement il y a eu des diminutions de personnel extrêmement
importantes depuis une dizaine d'années à la police de la
Communauté urbaine de Montréal. 1000 postes sur 5000 postes, cela
commence à être quelque chose.
M. Marx: Oui mais tout ce que je veux dire, cela ne devra pas
coûter plus cher pour un Montréalais que pour un Torontois. S'il
s'agit de 2% ou 3%, on comprend. Je pense qu'il y a une étude à
faire. Je pense que le ministre devrait commander une étude - je sais
qu'il est favorable aux études qui sont utiles - pour voir si on paye
plus à Montréal qu'ailleurs, pourquoi et comment réduire
ces coûts qui sont reflétés dans les taxes qu'on paye.
M. Johnson (Anjou): Le fait que nous ayons un corps policier
à la Communauté urbaine de Montréal, cela coûte cher
mais je dis...
M. Marx: Toronto aussi.
M. Johnson (Anjou): ...encore une fois, que la Communauté
urbaine de Montréal a procédé à des
activités de rationalisation extrêmement importantes depuis un
certain nombre d'années. Elle continue dans la voie de la
rationalisation; notamment, je sais qu'ils ont procédé au
remplacement de personnels. Je pense qu'ils vont utiliser de plus en plus
l'attrition au niveau de la réduction du personnel. Nous sommes d'accord
qu'il y ait le plus de services au meilleur coût possible sans
augmentation des taxes, ni de déficit.
M. Marx: Est-ce que le ministre va faire faire cette étude
ou si cela relève de l'Opposition de faire cela?
M. Johnson (Anjou): Si l'Opposition veut faire une recherche, je
présume que c'est son droit et son privilège. Quant à
nous, nous avons une série de données, des échanges
réguliers avec la Communauté urbaine de Montréal et nous
connaissons l'envergure...
M. Marx: Ce n'est pas cela la question. Un Montréalais
paye plus per capita...
M. Johnson (Anjou): C'est un fait.
M. Marx: ...qu'un Torontois pour tous les services de police. On
reviendra là-dessus à un autre moment.
M. Johnson (Anjou): Montréal a un taux de
criminalité plus bas.
Le Président (M. Vaugeois): J'aimerais
suggérer...
M. Marx: Si c'est plus bas, il faut que cela coûte Tioins
cher.
M. Johnson (Anjou): Peut-être qu'il est plus bas en partie
parce qu'on a des services policiers qui permettent de maintenir cela plus
bas.
M. Marx: Ils font beaucoup de prévention.
Le Président (M. Vaugeois): M. le député de
Vachon, je vous donne la parole mais je voudrais suggérer au ministre -
il vient de faire référence au Conseil du trésor qu'il
serait peut-être extrêmement intéressant d'avoir les
résultats de ces études sous l'angle abordé. Il serait
intéressant de voir comment le contribuable d'une ville autre que
Montréal paye pour l'entretien d'un corps policier. Autour de la ville,
on sait que les contribuables ne payent rien; après cela, il y a la
participation aux revenus de la province.
Je suis certain que le Conseil du trésor pourrait
rafraîchir ses chiffres là-dessus et revoir certaines choses.
Quand on aborde la question de la démarcation des 5QO0 habitants, on
rentre dans l'inconnu, même au Conseil du trésor.
M. le député de Vachon, je m'excuse d'avoir retardé
votre question.
M. Payne: Sur un autre sujet...
Le Président (M. Vaugeois): D'accord. Sur la
Sûreté du Québec, toujours?
Corps policiers autochtones
M. Payne: Bien sûr. En ce qui a trait au protocole
d'entente qui existe en vertu de la Convention de la Baie James, pourriez-vous
résumer la situation? Il y a un transfert de crédits annuel, je
crois, à ce chapitre. Ils ont leur propre corps policier, c'est
écrit dans le rapport annuel.
M. Beaudoin: Le principe des accords de la Baie James est de
permettre aux bourgades autochtones d'organiser leurs corps de police sous la
supervision de la Sûreté du Québec. Actuellement, on a
environ 30 policiers autochtones qui travaillent sur la côte de la Baie
James, sur la côte de la baie d'Hudson jusqu'à Saglouc au nord de
la pointe du Québec en revenant vers la baie d'Ungava. La
responsabilité de ces gens est à l'endroit de la bande mais sous
supervision de la Sûreté du Québec. L'objectif de la
politique gouvernementale, c'était de permettre à ces groupes de
s'autodéterminer, c'est-à-dire de se prendre en main totalement.
Actuellement, on a la réserve de Mistassini qui a pris la
responsabilité totale de son corps policier. On jette un coup d'oeil,
ils travaillent avec nous en collaboration, mais je dois dire qu'ils sont
à peu près sous le principe de l'autonomie d'un bon corps
policier municipal.
M. Payne: Est-ce que l'entraînement est assuré par
la Sûreté du Québec à Nicolet?
M. Beaudoin: Par l'Institut de police de Nicolet.
M. Payne: Le recrutement est fait par le...
M. Beaudoin: Oui. Le conseil de bande choisit des candidats selon
certains critères, recommande ces candidats, on les examine et la
plupart du temps cela correspond... L'idée ce n'est pas de prendre des
candidats qui répondent à un profil idéal, mais de prendre
des gens en qui le conseil de bande a confiance et qui veulent travailler avec
la bande.
M. Payne: Vous n'avez pas de règlement de taille.
M. Beaudoin: On aurait des problèmes avec eux si on avait
des règlements de taille.
M. Payne: C'est un crédit récurrent en vertu de la
convention, je crois.
M. Beaudoin: Oui, il a un montant d'argent qui est versé
annuellement, c'est-à-dire à même le budget de la
Sûreté du Québec on paie le salaire des 30 policiers
autochtones, ils ont des véhicules tout terrain, l'hiver on avait des
motoneiges, l'été on avait des véhicules qu'on appelle
"dune buggy". Donc, on fait le support. En ce qui a trait à Mistassini,
il y a eu un protocole de signé; l'argent leur est versé et ils
en font l'administration.
M. Payne: J'ai visité ces endroits à plusieurs
reprises et, d'après l'opinion de tout le monde, l'opération est
un franc succès.
M. Beaudoin: Oui, je pense que, dans les divers programmes
gouvernementaux, cette partie va bien à cause du fait qu'on
travaille directement avec des conseils de bande.
M. Payne: Par contre, il n'y a pas beaucoup de transferts dans le
livre que nous avons devant nous. Pour respecter le programme, la subvention
versée pour le corps policier autochtone est de 22 000 $. En
réalité le budget est beaucoup plus que cela. Il y a une
enveloppe entraînement, recrutement. C'est à la page 61.
M. Johnson (Anjou): La somme initiale est augmentée d'une
somme de 22 000 $.
M. Payne: Quelle était la somme auparavant?
M. Beaudoin: On augmente la somme initiale.
M. Johnson (Anjou): La catégorie 10, le transfert... Les
crédits dont on parle, c'est pour les personnes occasionnelles.
M. Payne: N'y a-t-il pas une ventilation de chaque
élément dans tous les services?
M. Johnson (Anjou): Ce qu'on peut faire, je ne sais pas si on
peut l'obtenir pour cet après-midi, mais on verra à vous fournir
ce qu'il faut en termes de ventilation de ces données cet
après-midi.
Le Président (M. Vaugeois): Cela val Une autre question de
ma part, M. le ministre. Est-ce que les crédits de la
Sûreté du Québec font l'objet d'une vérification du
Vérificateur général au même titre que les autres
programmes de votre ministère?
M. Johnson (Anjou): Oui. Le Vérificateur
général du Québec. À tous les ans, le
Vérificateur général a un programme intensif selon les
secteurs qu'il décide d'explorer.
Le Président (M. Vaugeois): Je pense que cela termine le
programme 15. Au nom des membres de cette commission, je voudrais remercier
très sincèrement le directeur général de la
Sûreté du Québec. Je pense que nous nous sommes
livrés très librement à beaucoup de questions très
variées et notre sentiment - je vois le porte-parole de l'Opposition
acquiescer, également les gens du côté ministériel -
c'est que le directeur général s'est montré
extrêmement réceptif et a répondu avec beaucoup de
clarté à nos questions parfois étonnantes. On le remercie
très sincèrement de sa participation, M. le ministre. (12 h
15)
M. Beaudoin: M. le Président, je désirerais d'abord
remercier M. le ministre de m'avoir permis d'exposer un peu ce qu'est la
Sûreté du Québec et de répondre à vos
questions. Je vous remercie vous-même ainsi que vos collègues pour
vos questions intéressantes. Cela nous permet de mettre en
évidence le programme de la Sûreté. Merci.
Le Président (M. Vaugeois): Merci. Alors, nous en venons
au programme 9. Là-dessus, on va se disputer l'ordre.
Garde des détenus et réinsertion sociale
des délinquants
M. Johnson (Anjou): Commission québécoise des
libérations conditionnelles, si possible, l'élément 2.
Serait-ce possible?
M. Marx: Cela prendrait combien de temps?
M. Johnson (Anjou): II y a beaucoup de choses à la
Commission des libérations conditionnelles. Cela nous permettrait de
libérer les gens avant midi. C'est au programme 9, c'est cela. C'est au
programme 9, élément 2.
Le Président (M. Vaugeois): Ce sont les deux. Alors, on va
les prendre...
M. Johnson (Anjou): C'est cela. Vous voulez 9?
Le Président (M. Vaugeois): D'accord. Prenons les deux. On
commence par l'élément 2, il n'y a pas de problème.
M. Marx: ...peut-être pas le gouvernement, mais les
fonctionnaires.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, avant que les gens
prennent place, je voudrais tout simplement dire, au sujet de la question
posée sur les 35 ans, que l'article 10 de la charte des droits
prévoit la non-discrimination sur la base de la race, la religion,
l'âge, etc. Cependant, dans le cas de l'âge, on dit: sauf les
dispositions existantes des lois, le mot "loi" incluant le mot
"règlement". Or, le règlement 7 prévoit effectivement que
c'est 35 ans.
M. Marx: Mais c'est cela, M. le Président. Quand on a
amendé la charte dans ce sens pour dire qu'il n'y a pas de
discrimination possible en ce qui concerne l'âge, sauf dans la mesure
prévue par la loi, c'est une disposition un peu inutile au sens que le
gouvernement passe outre à cette disposition en prévoyant, dans
les règlements ou dans la loi, qu'il y a effectivement des
discriminations fondées sur l'âge. Je comprends qu'une compagnie
privée ne pourrait pas le faire, étant donné que ce n'est
pas prévu dans une loi ou un règlement. Donc, une compagnie
privée est
dans une position différente de celle du gouvernement qui
pourrait procéder par règlement qui n'est pas discuté
à l'Assemblée nationale. Donc, deux poids, deux mesures.
La compagnie privée ne pourra pas faire de discrimination; le
gouvernement peut en faire, en passant par un règlement qui n'est pas
discuté sur la place publique. C'est pour la question des droits. Je
savais que le ministre me donnerait une telle réponse sur l'article 10
de la Charte des droits et libertés de la personne, mais, sur le fond,
le ministre est-il d'accord avec le règlement qui prévoit et qui
rend cette discrimination possible à cause de l'âge? C'est une
question de fond et non seulement une question de procédure. C'est au
ministre de décider; s'il est pour cette discrimination, qu'il laisse le
règlement tel quel. S'il est contre, qu'il change le
règlement.
M. Johnson (Anjou): Bon. M. le Président, n'ayant pas
choisi le métier d'éditorialiste pour avoir une opinion sur tous
les sujets chaque matin, je dois dire que je vais approfondir ma
réflexion autour de cette question en ce qui touche
précisément le règlement 7. L'occasion nous en sera
donnée lorsque la Commission de police procédera à la
révision du règlement 7.
M. Marx: Donc, c'est "pass the buck to someone else", je n'ai pas
d'opinion sur ce genre de discrimination...
M. Johnson (Anjou): Avez-vous une opinion là-dessus?
M. Marx: Oui.
M. Johnson (Anjou): Qui? On aimerait l'entendre. Je suis
sûr que ce sera intéressant.
Le Président (M. Vaugeois): Ce matin, ce matin.
M. Marx: Je pense que, si on ne veut pas permettre de
discrimination en raison de l'âge, il faut que tout le monde soit sur un
pied d'égalité.
M. Johnson (Anjou): L'État avec l'entreprise
privée.
M. Marx: Mais cela veut dire pas de discrimination en raison de
l'âge; il n'y a pas de discrimination à cause de l'âge. Cela
va de soi qu'il y a d'autres critères. Quelqu'un qui a 95 ans, je ne
pense pas qu'il soit nécessaire de l'embaucher comme policier parce
qu'il aurait des faiblesses. Cela n'empêchera pas le gouvernement de ne
pas l'engager, mais, en fait, il y a une disposition qui empêche la
discrimination. Il me semble qu'elle devrait s'appliquer également
partout.
Supposons qu'il y a une compagnie qui fait la sécurité
privée. Une telle compagnie qui engage des gardes ne pourrait pas faire
de discrimination à cause de l'âge, quoique le gouvernement, en
engageant des inspecteurs de je ne sais pas quoi, puisse le faire. Il y a
quelque chose qui cloche. J'aimerais juste souligner que la commission
fédérale des droits de la personne a réclamé qu'on
mette dans la loi fédérale une disposition selon laquelle on ne
pourra pas faire de discrimination à cause de l'âge, sans
permettre au gouvernement fédéral de le faire. Est-ce que le
ministre va suivre ma suggestion une autre fois aujourd'hui?
M. Johnson (Anjou): On prend note, M. le Président, c'est
intéressant.
M. Marx: Au moins, il prend note. Son prédécesseur
ne prenait même pas note. C'est cela. Les ministres changent, les
discours ne changent pas, mais les attitudes changent. J'aimerais
féliciter le ministre pour son attitude vis-à-vis de ces
suggestions.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, le programme...
M. Marx: Les libérations conditionnelles?
M. Johnson (Anjou): ...sur l'élément 2 du programme
9, la Commission québécoise des libérations
conditionnelles.
Commission québécoise des
libérations conditionnelles
Le Président (M. Vaugeois): Pour l'information des membres
de cette commission, quel est le champ de juridiction de votre commission?
M. Gauthier (Maurice): Nous nous occupons des détenus qui
ont été sentencés à six mois et plus et qui sont
incarcérés dans un établissement de détention du
Québec. Lorsque nous parlons de six mois et plus, cela couvre non
seulement tous les détenus qui sont de juridiction provinciale,
c'est-à-dire de deux ans et moins, mais aussi ceux qui, à la
suite d'une entente, sont incarcérés dans un établissement
de détention du Québec. Cela couvre, par exemple, toutes les
femmes. Nous avons une entente avec le fédéral: toutes les femmes
qui ont été sentencées à deux ans et plus
relèvent de notre commission. Cela couvre aussi plusieurs autres
détenus qui, à la suite d'ententes pour des raisons de
réinsertion sociale, sont incarcérés dans les
établissements de détention du Québec.
Le Président (M. Vaugeois): Est-ce que cela fait longtemps
que cette entente est...
M. Gauthier (Maurice): L'entente existe au moins depuis 1976,
avant que la commission soit instituée.
Le Président (M. Vaugeois): 1976.
M. Gauthier (Maurice): Oui.
Le Président (M. Vaugeois): Avant cela?
M. Gauthier (Maurice): Non, avant, il n'y avait pas de transfert.
C'est simplement à la suite d'ententes avec le
fédéral.
Le Président (M. Vaugeois): Qu'est-ce qui a
provoqué ces ententes?
M. Gauthier (Maurice): C'est surtout à des fins de
réinsertion sociale. De plus en plus, vous avez des gens qui voyagent
à travers le Canada, qui ont des besoins...
Le Président (M. Vaugeois): Est-ce qu'il y a eu des
exceptions à cette entente depuis 1976?
M. Gauthier (Maurice): Non, il n'y a pas eu d'exception.
Naturellement, il faut qu'il y ait entente entre les deux provinces, entre le
fédéral et la province, pour pouvoir accepter les détenus
d'une autre juridiction. Dans certaines autres provinces, c'est juste le
contraire qui se passe. Ce sont les gens de la province qui transfèrent
des détenus vers le fédéral. Au Québec, nous
acceptons tous les détenus du fédéral que nous pouvons
aider.
M. Marx: Le Québec a une subvention du
fédéral.
M. Johnson (Anjou): II y a un contrat.
M. Gauthier (Maurice): II y a un contrat.
M. Marx: Ils sont payés per diem. D'accord.
Le Président (M. Vaugeois): Le principal critère
qui fait retarder une libération, ce sont toutes les chances de
réinsertion sociale, de réadaptation?
M. Gauthier (Maurice): En fait, de par la loi, chaque
détenu a droit à une audience de la commission. Nous voyons tous
les détenus, à l'exception de ceux qui ne sont pas
intéressés. Eux en expriment le désir, de sorte que tous
ceux que nous rencontrons doivent, suivant une procédure bien
établie, c'est-à-dire dès le début, dès leur
incarcération - la loi est très claire à ce sujet -
être informés de leurs droits en matière de
libération conditionnnelle deux semaines avant leur date
d'admissibilité, c'est-à-dire avant d'être vus en audience.
Ils reçoivent aussi une lettre les informant qu'ils doivent être
prêts pour la libération conditionnelle, mais c'est à eux
de nous présenter un programme, c'est-à-dire nous donner les
éléments nécessaires qui vont nous permettre de juger s'il
y a lieu de les libérer ou de les laisser à
l'intérieur.
Le Président (M. Vaugeois): Si on comprend bien, parce que
les journaux nous l'apprennent, il y a des délais de prévus. Pour
tel genre de condamnation, après tant d'années, ils deviennent
admissibles. Il y a une espèce de calendrier qui existe à cet
égard et les détenus savent que, comme ils ont purgé tant
d'années, le moment arrive où ils peuvent se présenter
devant vous.
M. Gauthier (Maurice): C'est bien cela. C'est très
clair.
M. Dauphin: C'est toujours le tiers de la sentence?
M. Gauthier (Maurice): C'est toujours le tiers de la sentence.
Surtout, nous, au Québec, comme nous avons affaire strictement aux
sentences dites maximales, c'est toujours le tiers de la sentence. Il y a
certains cas, parce que c'est le tiers de la sentence pour tous les cas, si
vous avez une sentence de 25 ans, c'est au bout de sept ans.
Le Président (M. Vaugeois): Et si c'est une sentence
à vie?
M. Gauthier (Maurice): Les sentences à vie ne
relèvent pas de nous. C'est la seule exception. Chaque fois que vous
avez une sentence dite minimale, c'est-à-dire lorsqu'un juge donne une
sentence et dit: Dans votre cas, vous n'aurez pas de libération
conditionnelle avant 25 ans, c'est le gouvernement fédéral qui va
s'en occuper. Mais, si vous avez une sentence ferme de 25 ans - nous avons
surtout cela dans le cas des femmes - nous les voyons après sept
ans.
Le Président (M. Vaugeois): II ne peut pas y avoir de
libération conditionnelle avant cette période?
M. Gauthier (Maurice): Le tiers ou sept ans.
Le Président (M. Vaugeois): Je vais poser une question que
beaucoup de gens se posent. Je vais faire comme le porte-parole de l'Opposition
qui tout à l'heure disait poser des questions que les gens voulaient
qu'on pose ici. La question qui me brûle les lèvres
et que j'ai souvent entendue, c'est toute la question de la
libération qui a concerné, par exemple, les membres du FLQ. Votre
commission a-t-elle eu quelque chose à voir avec certaines de ces
libérations, les dernières, par exemple, depuis 1976?
M. Gauthier (Maurice): Oui. En fait, nous avons eu plusieurs
détenus du FLQ qui ont passé devant notre commission. Il y en a
plusieurs.
Le Président (M. Vaugeois): Quand vous refusez la
libération à quelqu'un, devez-vous l'expliquer publiquement?
M. Gauthier (Maurice): C'est-à-dire pas publiquement,
privément, parce que tout de même l'audience se fait à huis
clos.
Le Président (M. Vaugeois): Vous n'avez pas à
rendre compte des critères que vous avez appréciés.
M. Gauthier (Maurice): C'est-à-dire que oui. C'est
à huis clos, mais la personne a tout de même ses droits. Elle doit
être présente. Non seulement elle doit être présente,
mais elle peut se faire aider par un avocat, ce qui arrive dans la plupart de
ces cas. Ensuite, nous devons non seulement l'informer verbalement des motifs
qui nous ont poussés à prendre notre décision, mais on
leur écrit aussi. Il faut leur donner cela par écrit et
verbalement et en présence la plupart du temps de leur procureur,
surtout dans ces cas-là.
Le Président (M. Vaugeois): Votre commission est-elle
indépendante de toute intervention politique?
M. Gauthier (Maurice): Je dois dire que oui. Jusqu'ici, du moins,
depuis que la commission existe, depuis le 1er avril 1979, en aucune occasion
nous n'avons eu de pressions. Je peux le dire ouvertement.
Le Président (M. Vaugeois): À cet égard,
vous êtes assimilables à un tribunal. Un membre du gouvernement,
autant fédéral que provincial, ne pourrait d'aucune façon
vous influencer?
M. Gauthier (Maurice): D'aucune façon. D'ailleurs, ce
serait assez difficile, parce que vous savez qu'il n'y a aucune décision
à la commission qui se prend seul. Il faut toujours être au moins
deux membres suivant le quorum. C'est deux ou trois membres. Surtout au
Québec, pour chaque comité, vous avez un membre à temps
plein et un membre communautaire, c'est-à-dire un membre de la
communauté. Je verrais mal qu'on commence à faire des pressions
sur les membres communautaires répartis dans toute la province. Ce sont
tout de même des gens choisis et très respectés. Je crois
que simplement pour leur propre crédibilité, quand ils prennent
une décision... Personnellement, je n'ai jamais fait de pression sur
personne et je n'en ai jamais reçu non plus.
M. Johnson (Anjou): Cela va?
M. de Bellefeuille: Non. Je ne pense pas qu'on soit rendu au bout
de cette question. (12 h 30)
Le Président (M. Vaugeois): Non. La question qui est
embêtante pour moi, c'est que les exemples que j'ai à l'esprit
n'étaient pas du ressort de votre commission pour la majeure partie de
la période. Je vais poser ma question au ministre et il pourra me dire
qu'elle est non pertinente.
La question que j'aurais aimé pouvoir poser maintenant, c'est:
Quel genre d'éléments peuvent être retenus par une
commission de libération conditionnelle pour apprécier
différemment quelqu'un qui a commis un crime politique ou assimilable
à quelque chose du genre par rapport à d'autres types de
criminels qui, d'après l'entendement commun et l'observation commune,
jouissent assez facilement de la libération conditionnelle dans les
délais prévus, alors que d'autres sont revenus maintes et maintes
fois à la charge pour finalement obtenir une libération
conditionnelle, avec beaucoup plus de conditions que des conditions
générales, d'après ce qu'on a pu observer? Encore une
fois, je ne suis pas un spécialiste de ces choses, mais les journaux
nous ont constamment rapporté ces dernières années des
reports quant à certains détenus ayant franchi les étapes
prévues par les calendriers. Ils se faisaient dire non et revenaient
périodiquement. Nous, on avait le sentiment qu'il y avait une
intervention politique qui justifiait cela. La question que je pose ce matin et
qu'on n'a jamais eu l'occasion de poser est: Qu'est-ce qui peut faire la
différence entre ces deux genres de criminels pour une commission de
libération conditionnelle?
M. Johnson (Anjou): Je pense qu'on nage. On est dans beaucoup
d'hypothèses, de présomptions et de choses dites de
renommée publique. D'abord, il faut établir une chose. Pour
l'essentiel, les causes dont on parle étaient devant la commission de
libération conditionnelle fédérale et non devant celle du
Québec.
Deuxièmement, je n'ai aucune préhension sur les
critères généraux utilisés par la commission
fédérale, mais je présume que les critères
généraux devraient être les mêmes qui s'appliquent
à toute personne,
quel que soit le contexte dans lequel une personne a commis les crimes
qui ont fait qu'elle a été incarcérée. Je sais que,
parmi ces critères - en tout cas en ce qui nous concerne - il y a la
volonté de la personne de se réintégrer à la
société, la conduite et l'état d'esprit qu'elle manifeste
au moment de son incarcération à cet égard, l'admission,
je pense, qu'une personne doit faire du fait qu'elle a commis un crime dans la
société et l'acceptation que la société devait
sanctionner ce crime.
Il reste que, dans les cas qu'évoque le député - je
ne peux le prétendre, parce que je n'ai pas de faits qui me
permettraient de l'affirmer - c'est-à-dire qu'il y ait eu des
interventions politiques au niveau de la commission fédérale des
libérations conditionnelles à l'égard des anciens, des
membres de l'ex-FLQ, disons que le cheminement de ping-pong auquel on les a
soumis pendant plusieurs années a fait qu'un tas de gens
intéressés à ces questions se sont posé, de
façon tout à fait légitime, le type de questions que vous
avez posées.
Quant à ce qui a amené la commission
fédérale à décider, oui ou non, de leur
libération après une, deux, trois, quatre et jusqu'à six
ou sept tentatives dans certains cas, si je me souviens bien, je présume
que la commission fédérale pouvait répondre de
l'application des critères. Je dois le présumer, mais disons
qu'il s'agissait de cas qui, a priori, semblaient assez étonnants.
Le Président (M. Vaugeois): M. le député de
Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: Parmi les critères -je relève
cela dans le texte que le ministre nous a présenté pour obtenir
la libération conditionnelle - on dit que les personnes
incarcérées ne doivent pas représenter un risque grave
pour la société. Cela suppose un jugement de valeur qui est
porté par la commission ou les personnes mandatées par la
commission. Je me demande, par exemple, dans le cas des détenus en
rapport avec le FLQ, comment on évalue cela, comment on porte ce
jugement de valeur quant au risque grave pour la société.
Le Président (M. Vaugeois): Ce n'était pas
après 1979, quand même? Est-ce que vous avez eu à rendre
des décisions?
M. Gauthier (Maurice): On a eu à rendre des
décisions dans plusieurs cas du FLQ; dans six cas, au moins. Il faut
bien comprendre une chose, c'est qu'au Québec, dans notre loi -
d'ailleurs, c'est la seule loi, contrairement au fédéral -
à l'article 23 les critères sont établis, alors qu'au
fédéral vous n'avez pas de critères établis dans la
loi. Naturellement, une fois que vous aviez cela dans la loi, il a fallu aussi
faire transcrire cela au niveau des règlements et au niveau des
procédures, de sorte que les gens qui passent devant nous, d'une
façon générale, sont bien informés, ils connaissent
leurs droits. Nous avons aussi, comme je vous le dis, plusieurs recours. Si
nous disons non à une libération conditionnelle, la personne a un
droit de révision et elle a aussi droit à un nouvel examen.
À ce moment, elle peut se faire aider de toute personne qu'elle juge
nécessaire. Comme nous le disons, nous donnons les raisons de notre
décision et, surtout, nous l'expliquons devant témoins. Cela
facilite le travail. Dans notre cas, du moins, cela nous a bien aidés.
Il faut comprendre aussi - là, je ne peux parler strictement que de la
commission québécoise - que nous avons affaire à une
population tout de même de deux ans et moins d'une façon
générale, de sorte qu'on a pu établir une
atmosphère assez large et très flexible surtout basée sur
le dialogue. Il est toutefois évident que, comme M. le
député le disait plus tôt, lorsqu'il faut expliquer
à une personne qu'elle peut être dangereuse pour la
société, ce n'est pas nécessairement être dangereuse
dans le sens qu'elle peut commettre des meurtres ou des assauts, mais, pour
nous, une personne dangereuse est une personne susceptible de
répéter le même genre de crime. Nous devons aussi,
d'après la loi, répondre aux deux questions suivantes: si la
personne est capable, d'une part, de respecter les conditions de la
libération conditionnelle et, d'autre part, surtout s'il y a des chances
qu'elle ne recommette pas le même délit en libération
conditionnelle. Ordinairement, cela s'explique assez bien malgré tout en
ce sens que nous avons tout de même les faits entre les mains. Si un
détenu passe devant vous et une semaine avant de le voir il a
essayé de s'évader d'une institution, c'est facile de dire non.
Vous avez aussi plusieurs autres cas comme, par exemple, une personne qui a eu
une sentence. Elle est restée trois mois à l'extérieur et
elle vous arrive avec un beau programme en vous disant: Vous allez voir, tout
va bien aller. À ce moment, c'est évident.
Comme vous pouvez le voir, tout est basé sur le programme de la
personne. C'est évident qu'une décision, cela se prend
aujourd'hui dans une conjoncture spéciale, mais l'"onus" est surtout mis
sur la personne parce qu'il faut bien comprendre qu'une audience pour
libération conditionnelle, ce n'est pas un nouveau projet et ce n'est
pas à nous de déterminer si le juge a pris une bonne ou une
mauvaise décision. Quant à nous, nous acceptons la
décision telle quelle et nous prenons la décision aujourd'hui.
Certaines personnes, si vous regardez cela de l'extérieur, vont dire que
dans certains cas elles prennent des chances et que dans d'autres cas elles
sont trop sévères. Encore
une fois, cela se passe en privé et la personne sait exactement
à quoi s'en tenir.
M. de Bellefeuille: M. le Président, ce que je cherche
à déterminer, c'est dans quelle mesure la commission et ses
mandataires ont des critères différents pour les crimes
considérés comme politiques et les crimes de droit commun.
Le Président (M. Vaugeois): Non, justement, mais si vous
me permettez, par exemple: Est-ce que vous avez hérité de cas du
FLQ qui avaient été reportés par la commission
fédérale et pour lesquels vous avez eu à rendre une
décision par la suite?
M. Gauthier (Maurice): Ce n'est jamais arrivé.
Le Président (M. Vaugeois): Ce n'est pas
arrivé.
M. Marx: Ce sont les mêmes critères pour tout le
monde.
Le Président (M. Vaugeois): Ceux sur lesquels vous avez eu
des décisions à rendre, est-ce que ce sont des gens que vous avez
vus plusieurs fois et pour lesquels il y a eu...
M. Gauthier (Maurice): Non, moi, je peux vous dire que tous les
cas auxquels vous vous référez - cela est arrivé comme
cela - ont eu une libération conditionnelle.
Le Président (M. Vaugeois): À leur
première...
M. Gauthier (Maurice): À leur première audience,
mais ils étaient très bien préparés.
Le Président (M. Vaugeois): Vous avez donc eu à cet
égard un comportement très différent de la Commission
fédérale.
M. Gauthier (Maurice): Lorsque la personne est bien
préparée et qu'elle nous arrive avec un programme qui
répond, disons, aux exigences, il est évident qu'elle va recevoir
la libération conditionnelle. Dans bien des cas, ce que nous faisons,
c'est que, lorsque nous sentons que le programme n'est pas à point, nous
faisons comprendre à la personne de se préparer et voici dans
quelle direction. Si vous nous arrivez avec telle et telle exigence, on va
reconsidérer votre cas et c'est pour cela que vous avez des remises.
L'an passé, nous avons eu au-delà de 409 remises. À la
suite des remises, il y a eu naturellement un nouvel examen. Nous avons
donné des libérations conditionnelles dans 65% des cas. La
plupart du temps, ce sont des gens qui nous arrivent avec un programme qui
n'est pas à point. On va dire: Écoutez, aujourd'hui, c'est
impossible. Si tu es capable d'arriver avec tel et tel aspect, on sera capable
de reconsidérer ton affaire.
Le Président (M. Vaugeois): Merci beaucoup, M.
Gauthier.
M. Marx: J'ai beaucoup de questions, mais je vais les garder pour
l'an prochain.
Le Président (M. Vaugeois): Est-ce que nous entreprenons
autre chose tout de suite ou si on suspend la séance?
M. Marx: Oui, tout de suite.
M. Johnson (Anjou): D'accord. Vous êtes d'accord, M. le
ministre, pour qu'on poursuive encore quelques minutes?
Oui, mais quel programme?
M. Marx: Parce que les prisons...
Le Président (M. Vaugeois): Toujours le même 9.
M. Marx: Mon collègue de Marquette devra quitter cet
après-midi et il a quelques questions à poser.
M. Johnson (Anjou): J'ai demandé à M. Diamant, qui
est sous-ministre associé à la détention et à la
probation, de m'accompagner. Nous attendons les questions.
M. Marx: J'ai juste une petite intervention à faire au
tout début. J'aimerais souligner que ce ne sera pas la seule place
où on va poser des questions sur les prisons. J'ai eu l'occasion
d'écrire au ministre en ce qui concerne les conditions dans certaines
prisons.
M. Johnson (Anjou): Attention à ce que vous allez
dire.
M. Marx: Pardon? Le ministre était un peu réticent
à me répondre pour une raison ou une autre. Finalement, sur une
longue lettre que je lui ai écrite en ce qui concerne les conditions
à Parthenais et à Bordeaux, il ne m'a jamais répondu et il
m'a même dit à l'Assemblée nationale qu'il ne donnerait pas
suite à ma lettre, c'est-à-dire qu'il ne me donnerait pas de
réponse. J'espère que le nouveau ministre va avoir une attitude
différente en ce qui concerne les questions qui lui sont posées
par les députés en ce qui concerne les prisons au Québec.
On a certaines questions assez précises sur certaines prisons au
Québec. J'aimerais demander au président si on pourrait commencer
par le député de Marquette qui aimerait poser certaines
questions.
Le Président (M. Vaugeois): Vous pouvez parler, mais ne
pouvez fumer.
M. Dauphin: On ne peut pas fumer?
Le Président (M. Vaugeois): On s'en est donné la
discipline, M. le député.
M. Dauphin: Je m'excuse, c'est parce que je voyais le ministre
qui fumait tantôt.
M. Johnson (Anjou): Non...
Le Président (M. Vaugeois): II fait semblant, il ne fume
pas.
M. Marx: Je pense que la règle veut que les
députés...
M. Dauphin: Vous êtes prêt à suspendre la
séance. Il a le goût de fumer.
M. Marx: La règle veut que les députés et
les ministres ne fument pas, mais les fonctionnaires le peuvent.
M. de Bellefeuille: La règle, si elle existe, s'applique
à tout le monde dans cette salle.
M. Johnson (Anjou): Dans la mesure où le
député de Deux-Montagnes est présent.
M. Marx: Dans la mesure où il les voit.
Le Président (M. Vaugeois): Allez-y, M. le
député de Marquette.
Projet d'implantation d'une prison à
LaSalle
M. Dauphin: Merci, M. le Président. Le ministre est
sûrement au courant ou plutôt se doute un peu du sujet que je veux
aborder concernant...
M. Johnson (Anjou): Le centre d'accueil.
M. Dauphin: Pas le centre d'accueil de...
M. Johnson (Anjou): Ah! non.
M. Dauphin: Au contraire, c'est le projet d'implantation d'une
prison à LaSalle. On sait pertinemment que plusieurs groupes et
même l'Opposition demandent depuis plusieurs années qu'on ferme
Parthenais pour des raisons que tout le monde connaît, des conditions
inhumaines au niveau des prévenus et des détenus qui sont
à Parthenais. D'un autre côté, le ministère de la
Justice justifie la création d'une autre prison à LaSalle pour
pouvoir éventuellement libérer Parthenais, installer les
prisonniers à Bordeaux et certains prisonniers, de façon
générale, iraient à LaSalle. (12 h 45)
Tout cela a commencé en 1980, lorsque le Conseil du trésor
a autorisé les crédits pour la réfection des
bâtiments de LaSalle et l'implantation d'une prison. Chaque année,
à l'étude des crédits, avec votre
prédécesseur, et vous-même, aujourd'hui, on revient
toujours avec les mêmes questions. Est-ce que vous avez toujours
l'intention d'implanter cette prison à LaSalle malgré
l'opposition des citoyens? On comprend très bien, s'il n'y a pas de
place ou s'il n'y a pas de bâtiment pour les prisonniers, qu'il faut les
installer quelque part. Pourquoi les installer en milieu résidentiel,
dans un centre-ville, par exemple? On nous a souvent donné l'argument
que la prison de Bordeaux est également dans un milieu
résidentiel et qu'il n'y avait pas vraiment de problème. La
différence est que la prison était là avant que les gens
ne s'installent alentour. C'est l'inverse à LaSalle: les gens sont
installés dans un milieu résidentiel et c'est là qu'on
veut installer la prison.
En 1981, lors de l'étude des crédits, j'avais
demandé à votre prédécesseur, considérant
l'opposition qui s'est matérialisée encore en fin de semaine
dernière par 5000 signatures à l'hôtel de ville de LaSalle,
s'il était pour consulter les citoyens de LaSalle. Il m'avait dit oui et
je cite, page R-1523, le 15 juin 1981: "Oui, M. le député, nous
allons recommencer une consultation avec la population et essayer de faire
valoir tous les arguments qui militeraient en faveur de la réalisation
de cette décision." On se retrouve au même point quatre ans plus
tard. Les ministres - j'emploie le pluriel parce que vous êtes le
deuxième - disent qu'ils vont construire la prison. Les gens veulent
savoir si, effectivement, il y aura une pelletée de terre à un
moment et qui sera celui qui sera invité pour couper le ruban. Il y a
des élections qui s'en viennent - tout le monde le sait - à
LaSalle. Les citoyens veulent savoir ce qu'il adviendra de cette prison.
Ma première question est bien simple: Est-ce que vous avez
l'intention de maintenir - malgré ce qu'on a vu dans les journaux au
cours de la fin de semaine, dans le Dimanche-Matin - la même position,
c'est-à-dire que la prison serait construite incessamment? Quand? Je
vais commencer par ces deux-là.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, quand on parle des
prisons en milieu habité, qu'il soit résidentiel ou autre,
là où il y a des gens, si on écoutait ce que les gens nous
disent, il n'y aurait aucune prison au nord de la Terre de Feu et au sud de la
terre de Baffin; cela ne nous laisserait pas grand place pour en construire. De
façon générale, on n'aime pas - les citoyens se font une
idée de ce qu'est une prison - avoir cela dans sa
cour. Il y a cependant des expériences au Québec qui ont
démontré qu'une population peut fort bien s'accommoder, se
concilier avec l'existence d'un établissement de détention,
même si ab initio les gens s'en passeraient. Je pense à Waterloo
en particulier. Au point, d'ailleurs, où, à Waterloo, en ce
moment, on nous fait la demande d'y construire de nouvelles installations. La
population est d'accord et les autorités municipales sont d'accord.
Venons-en à ces questions qui touchent la région
montréalaise et il faut les voir dans le contexte suivant: l'objectif
est de fermer Parthenais pour toutes sortes de raisons sur lesquelles je n'ai
pas à intervenir ici. Je pense qu'elles sont assez manifestes, assez
évidentes pour un tas de gens. Pour fermer Parthenais, il faut trouver
un quartier pour les prévenus en considérant qu'une partie
importante des prévenus, de plus en plus et pour toutes sortes de
raisons, passent beaucoup plus de deux semaines. Il avait été
planifié pour Parthenais que les gens n'y passeraient pas plus de deux
semaines. Pour faire cela, il faut dégager des espaces à Bordeaux
et, pour dégager des espaces à Bordeaux, il faut relocaliser une
partie des citoyens qui y sont détenus ailleurs. Ces citoyens
détenus, condamnés, qui purgeront des sentences plus minimales,
qui constituent dans le jargon du ministère des clientèles qui ne
sont pas des clientèles à risque pour leur environnement,
pourraient être déplacés dans un établissement qui
serait reconstitué à partir des installations qui existent
à LaSalle et qui sont les anciens baraquements de l'armée
canadienne pour l'école d'administration de l'armée canadienne,
et dont le gouvernement a acquis les titres de propriété il y a
quelques années.
C'est la démarche dans laquelle se situe cette orientation. Je
vous ferai remarquer que LaSalle est située à douze minutes du
centre-ville, si on fait cela à 9 h 10 le matin, ce que j'ai fait
l'autre jour en me rendant visiter les installations, et offre, de toute
évidence, l'aire de protection essentielle, la possibilité
d'instauration d'un couloir P-150 - je ne me souviens pas du titre qu'on y
donne - d'un double grillage. Encore une fois, je puis sûrement - comme
la demande m'a été faite récemment, je pense, par
quelqu'un du conseil municipal -offrir et réitérer les garanties
que mon prédécesseur a données aux citoyens de LaSalle et
aux autorités municipales que les personnes qui seront
hébergées, les 328 places qui serviront à
l'hébergement de détenus serviront à des détenus
qui ne présentent pas de risques importants. Il ne s'agit pas de
détenus qui y seront pour des raisons de crimes avec violence ou de
choses comme celles-là, mais des gens qui ont fait une erreur dans leur
vie, qui ne sont pas des criminels d'habitude qui se sont ramassés avec
de plus petites sentences et qui, dans le fond, seront dans un contexte de
transition vers la réinsertion sociale.
Je ferai remarquer qu'il y a aussi un gain pour LaSalle dans ce
contexte, l'emplacement étant retenu, qui est, d'une part de
générer des "en lieu" de taxes de 300 000 $ par année pour
LaSalle, et, également, une activité économique de 6 000
000 $ par année en salaires, traitements, fournitures et
activités à cet endroit, ce qui n'est pas négligeable, je
pense, pour les commerces de la région et un certain nombre de citoyens
qui peuvent être appelés à y travailler d'une façon
directe ou indirecte. C'est le contexte dans lequel une décision comme
celle-là serait prise.
M. Dauphin: Maintenant, si vous me permettez, M. le
Président, au niveau de la promesse, en fait, de votre
prédécesseur pour une reconsultation, est-ce que vous êtes
prêt à me dire maintenant qu'il n'est pas question de
reconsultation à ce moment-ci?
M. Johnson (Anjou): Cela dépend. Le conseil municipal, je
lui ai fait savoir -d'ailleurs, je pense que quelqu'un du bureau du maire ou un
conseiller municipal a communiqué avec nous cette semaine - que
j'étais prêt à le rencontrer, mais dans le contexte
où il s'agit pour moi de lui réitérer les garanties que le
ministère de la Justice est prêt à offrir quant aux
clientèles qui sont en cause et d'assurer la population qui, parfois,
pour des raisons que je peux comprendre, identifie la notion de prison à
criminels violents, alors que nos endroits de détention regorgent de
citoyens, qu'est-ce que vous voulez, qui ont fait une folie dans leur vie, qui
en ont essayé une vite, qui ont signé de faux chèques, qui
ont fait un vol à l'étalage, qui ont commis des crimes
économiques - cela reste des crimes - et qui sont punis par la
société, mais qui ne représentent pas, sur le plan de la
sécurité des gens qui sont à proximité de ces lieux
de détention, une menace pour eux-mêmes...
M. Marx: La question de fond n'est pas là. La question de
fond n'est pas de savoir s'ils sont dangereux ou non. La question de fond, pour
moi, c'est que votre prédécesseur - et vous avez
déjà dit que vous entendiez respecter ses engagements - a dit: On
va consulter la population pour voir si elle est pour ou contre une prison. Si
elle est contre, on ne la construira pas. Cela est la même chose... Je
vais attendre que le ministre revienne. Puis-je terminer?
M. Johnson (Anjou): Oui, sûrement.
M. Marx: Vous entendez? Bon. Votre prédécesseur a
dit qu'il allait consulter la
population et, cela va de soi, si la population est tout à fait
contre la prison, elle ne sera pas construite là. C'est la même
chose, j'imagine, s'il a pris l'engagement vis-à-vis des citoyens de
Chicoutimi. Imaginez que le député de Chicoutimi, votre
prédécesseur, n'aurait pas construit une prison à
Chicoutimi après une consultation où tout le monde aurait dit
non. Comme vous, à Outremont, vous n'allez pas construire une prison
à cet endroit si la population est contre après une consultation.
C'est cela la question. C'est comme un règlement de zonage. Il y a des
villes où il y a des règlements de zonage et, avant qu'on puisse
construire une pharmacie, il y a un référendum. Si les citoyens
sont contre la construction ou l'établissement d'une pharmacie dans leur
quartier, ils votent contre. Bon, il n'y a pas d'établissement de
pharmacie. Il y a un référendum local. L'Opposition a toujours
respecté les décisions du peuple après un
référendum.
Une voix: C'est la démocratie.
M. Marx: C'est la démocratie. Le ministre a voulu faire
exactement cela à la ville de LaSalIe. Il a dit: Je vais consulter la
population et la population va me dire si elle est pour ou contre. Si elle est
contre, cela va de soi, il a donné - comment dirais-je? -l'impression
que la prison ne serait pas construite là. C'est la question qu'on pose
au ministre. Il y a l'autre question de fond: Est-ce qu'on a besoin d'une autre
prison à Montréal? On va poser cela plus tard.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, deux choses sur
l'engagement de mon prédécesseur à consulter. Oui, il a
consulté et, quelques jours ou quelques semaines avant le remaniement
ministériel, mon collègue a eu l'occasion de rencontrer les
représentants municipaux, de les écouter et de leur
réitérer notre intention de voir s'installer dans ces locaux des
clientèles qui ne constituent pas une menace à la
sécurité des citoyens. Il y a deux autres notions importantes:
demander à une population si elle veut un lieu d'incarcération
à proximité des résidences, on la connaît la
réponse: à 99%, c'est non, ce n'est pas compliqué.
M. Marx: Pourquoi suggérer une consultation? Il y a
d'autres lieux. À
Portneuf, les gens veulent la prison fédérale. À
Drummondville, la population le veut aussi. Ici, c'est autre chose. C'est vous
qui avez dit: On va les consulter.
M. Johnson (Anjou): À Waterloo, ils en veulent une
aussi.
M. Marx: À Waterloo, ils en veulent une. C'est cela.
M. Johnson (Anjou): Mais ils n'en voulaient pas avant qu'il y en
ait une première, par exemple.
Une voix: Pourquoi ne pas les satisfaire?
M. Marx: Vous allez leur donner le goût, merci.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, si le
député de D'Arcy McGee me permet...
M. Marx: Oui.
M. Johnson (Anjou): ...je comprends qu'il soit un peu
survolté par cette question.
M. Marx: Pas survolté, déçu.
M. Johnson (Anjou): Pour l'essentiel, ce que nous disons, c'est,
premièrement, pour LaSalle, cela signifie, sur le plan des
retombées objectives, 300 000 $ en "en lieu" de taxes, ce qui va
soulager le compte de taxes des gens; deuxièmement, des garanties quant
au type de clientèle qui va fréquenter cet établissement;
troisièmement, un facteur qui n'est pas à négliger: le
taux decriminalité baisse dans les quartiers où il y
a des lieux de détention.
M. Marx: Ce n'est pas cela la question.
Une voix: C'est important! (13 heures)
M. Johnson (Anjou): Je pense que c'est une donnée
objective du problème. M. le Président, si le
député de D'Arcy McGee me permet, je comprends qu'on peut, d'une
part, dire: II faut fermer Parthenais et, d'autre part, il ne faut pas en
construire à Montréal. On peut dans ce domaine comme dans
d'autres expliquer qu'il faut augmenter les services, diminuer les taxes et
diminuer le déficit en même temps. On peut rêver en couleur.
Il y a des exigences à un réaménagement des ressources
carcérales à Montréal. Il y a des garanties qui peuvent
être données à la population et même quant à
sa participation à certains types d'activités de
réinsertion de ses clientèles, qui, encore une fois, sont des
clientèles légères, si je peux me permettre l'expression,
sur le plan de la sécurité des gens. Il y a des avantages fiscaux
pour LaSalle à recevoir et, oui, je sais qu'il y a des pétitions
et je sais que, si vous vous promeniez avec un micro à LaSalle, les gens
vont vous répondre qu'ils ne veulent pas de prison. On sait cela. C'est
évident. S'il y a un référendum demain matin, je pourrais
même vous dire que, d'après moi, il y aurait une très forte
majorité de gens qui seraient contre, mais il faut commencer quelque
part. L'expérience de Waterloo et les expériences objectives
qu'on a constatées ailleurs font que le taux de
criminalité va baisser à LaSalle le jour où il y aura un
établissement de détention qui, par ailleurs, ne pose aucun
problème de sécurité pour les gens.
Je pense que ce sont là les données objectives du
problème. Si le conseil municipal veut des assurances que je peux lui
réitérer et que mon prédécesseur, M. Bédard,
leur a données lors d'une rencontre qui a eu lieu, je pense, au mois de
février, si je ne me trompe pas, je peux leur donner ces assurances. Je
vous dis encore une fois que j'ai visité cet emplacement lundi dernier.
J'y ai passé une heure et demie avec des fonctionnaires, des
collaborateurs. J'ai fait le tour des édifices pour me rendre compte
d'abord que bâtir un établissement neuf analogue à
celui-là aujourd'hui coûterait, n'importe où, entre deux et
trois fois plus cher que ce qu'on va mettre pour réaménager cet
endroit. Cet endroit que le député doit connaître...
M. Dauphin: C'est chez nous. C'est en face de chez nous.
M. Johnson (Anjou): ...je pense qu'on en a fait circuler une
photographie aérienne -cet endroit présente une série de
conditions objectives qui nous permettent de considérer que c'est un
endroit de choix pour faire ce type d'établissement.
Le Président (M. Vaugeois): Oui, oui, bien sûr.
M. Dauphin: Dans un premier temps, vous nous dites qu'il y a eu
effectivement consultation. Je sais qu'il y a eu deux assemblées
publiques en 1980 où le sujet a été abordé pour la
première fois.
Le Président (M. Vaugeois): Des assemblées qui
avaient été tenues par le ministère?
M. Dauphin: Des fonctionnaires. Il y a des fonctionnaires du
ministère qui sont allés à LaSalle et il y avait eu un
avis dans le journal local. Les gens se sont rendus, mais, malheureusement pour
les fonctionnaires, on n'a pas pu aborder la question parce qu'il
n'était pas question d'une prison à LaSalle.
Le Président (M. Vaugeois): D'abord, sur quoi
étaient les audiences? Sur quoi étaient les rencontres? Elles
portaient sur quoi?
M. Dauphin: C'était de convoquer la population pour lui
apporter pour la première fois l'implantation d'une prison
éventuelle a LaSalle.
Le Président (M. Vaugeois): D'accord. C'était avant
la réforme de la fiscalité municipale. À ce moment ne
pouvaient entrer en ligne de compte les avantages financiers pour la
municipalité.
M. Dauphin: Non. Sauf que sur le même sujet, sur ce sujet
des taxes, même le conseil municipal dernièrement élu
était prêt à racheter tous les bâtiments du
gouvernement du Québec. Il y a une entente. Si le fédéral
veut vendre ses biens, le provincial a priorité d'acheter les biens du
fédéral et cela continue au niveau municipal.
Au niveau des taxes, il était question de créer un parc
industriel sur le même site, à cet endroit, ce que votre
prédécesseur a refusé. Maintenant, au niveau des
consultations, à mon sens, il n'y en a pas eu. Au niveau des taxes,
l'autorité municipale est fin prête à racheter le tout du
gouvernement du Québec. Le fait d'avoir un parc industriel va
générer des taxes. Pour justifier cette décision, vous me
dites aussi qu'il va y avoir moins de criminels à LaSalle s'il y a une
prison dans le centre-ville. Je ne sais pas sur quel raisonnement vous faites
cela.
M. Johnson (Anjou): C'est une constatation statistique que les
gens qui font des vols avec effraction ou qui s'adonnent à d'autres
types d'activités criminelles, quand ils se rendent compte qu'ils sont
dans un quartier qui est collé sur un établissement de
détention, cela a une espèce d'effet dissuasif sur les gens. Par
ailleurs, il y a dans l'établissement de détention des ressources
policières, une accessibilité, des phénomènes de
communications qui font que, c'est drôle, les gens font plus
attention.
M. Dauphin: Êtes-vous prêt à venir leur
proposer cela, leur dire cela en assemblée publique?
M. Johnson (Anjou): Je sais très bien que le
député voit tout de suite poindre la période
électorale et voudrait faire sans doute...
M. Dauphin: Après. On ira après, si vous voulez. On
ira après.
M. Johnson (Anjou): ...un extraordinaire plat au niveau
électoral avec cela. Je dis simplement que ce sont des données
statistiques que nous avons qui démontrent, avec, encore une fois, les
garanties que nous offrons quant au type de clientèle qui
fréquentera cet établissement de détention, avant que les
gens soient en liberté, puisque ce sont des gens à courte
sentence et, encore une fois, des gens qui ne sont pas là dans un
contexte où ils présentent un danger pour la
sécurité des autres, je pense qu'il y a là tous les
éléments de réponse... C'est clair.
Le Président (M. Vaugeois): Est-ce que je pourrais vous
poser une question là-dessus? D'après votre évaluation,
est-ce que les gens craignent un centre de détention en milieu urbain ou
s'ils verraient une vocation plus profitable du site que de l'utiliser pour un
centre de détention? Qu'est-ce qui domine dans la population
d'après vous?
M. Dauphin: Selon moi, les gens sont intéressés
évidemment à avoir des investissements du gouvernement du
Québec, que ce soit pour un parc industriel, comme je l'ai
mentionné tantôt, que ce soit pour des centres d'accueil où
il y a pénurie dans cette région, que ce soit pour n'importe
quoi, sauf qu'il y a énormément de parcs industriels autour cette
région et qu'ils se demandent pourquoi on ne construit pas un centre de
détention un peu plus loin, près des industries, par exemple,
afin de permettre la réinsertion des détenus et que,
éventuellement, ils puissent faire des stages en industrie ou quoi que
ce soit, mais pas dans un milieu urbain, en plein centre-ville. C'est la seule
raison. Ces gens aimeraient être consultés avant que la
construction ne commence. C'est tout ce qu'ils veulent. Je ne veux pas passer
la journée là-dessus, je sais que le ministre a d'autres
occupations. Je reviens à ma première question. En trente
secondes, peut-il me dire s'il va les consulter à nouveau, oui ou non?
Quand la construction va-t-elle commencer?
M. Johnson (Anjou): J'ai dit tout à l'heure et je
répète que j'étais prêt... Je l'ai fait savoir. Le
message a pu se rendre dans le courant de la semaine, mais on m'en a
parlé hier ou avant-hier, je ne sais trop. Des gens des autorités
municipales de la ville de LaSalle voulaient me rencontrer. Je leur ai fait
savoir que oui, j'étais prêt à les rencontrer sur la base
de leur donner des assurances quant au type de clientèle qu'il y aura
là, quant à l'ampleur du projet et ce que cela va
représenter, mais non pas en soi pour remettre en question le fait qu'il
y ait là un établissement de détention.
M. Dauphin: Avez-vous une idée, M. le ministre? Cela fait
quatre ans que cela doit commencer.
M. Johnson (Anjou): Vous voulez savoir quand cela va se
faire?
M. Dauphin: Quand est-ce que cela va commencer?
Le Président (M. Vaugeois): Quand cela pourrait se
faire.
M. Dauphin: Va-t-on "réfectionner"? Attend-on les
prochaines élections? Couper le ruban...
M. Johnson (Anjou): L'échéancier pourra être
établi d'ici quelques semaines étant donné que
l'étude des coûts est en train de se terminer.
M. Dauphin: On aura l'échéancier d'ici quelques
semaines.
M. Johnson (Anjou): D'ici quelques semaines, on pourra
connaître l'échéancier.
Une voix: D'accord.
M. Dauphin: Est-ce que ce sera avant la prochaine
élection?
M. Johnson (Anjou): Je ne le sais pas. Je dois vous avouer que je
n'avais pas pensé à cet aspect, mais vous m'y faites penser.
M. Dauphin: Probablement. Je vous remercie de me répondre
franchement. Merci.
Le Président (M. Vaugeois): Cela va. Je propose de
suspendre nos travaux. On se reverra après...
M. Johnson (Anjou): Sine die. Le Président (M.
Vaugeois): Non? M. Johnson (Anjou): C'est sine die.
Le Président (M. Vaugeois): En tout cas, en pratique, on
va se revoir après la période des questions.
Une voix: C'est cela. (Suspension de la séance à 13
h 8)
(Reprise de la séance à 16 h 35)
Le Président (M. Vaugeois): Mesdames, messieurs, la
commission des institutions va poursuivre l'étude des crédits du
ministère de la Justice. Nous nous sommes quittés ce midi alors
que nous en étions au programme 9, élément 1. Nous
étions sur la question des services correctionnels. Oui, M. le
ministre.
M. Johnson (Anjou): Si vous me le permettez, simplement ce matin,
les membres de la commission ont demandé une certaine ventilation des
budgets de la Sûreté du Québec à l'égard des
autochtones. Est-ce qu'on me permet de les donner?
Le Président (M. Vaugeois): Oui.
M. Johnson (Anjou): Je vais simplement les donner. Je
présume que ceux que cela intéresse prendront des notes ou
pourront consulter le journal des Débats. J'ai cela
sous forme manuscrite. Le budget ventilé des policiers dans les
territoires autochtones: il y a onze policiers d'origine inuite, il y a 18
policiers d'origine crie et 16 policiers, pour les fins de la discussion, qu'on
appellera non autochtones, qui proviennent du sud, dans ces territoires. Il y a
treize villages nordiques inuits couverts et huit réserves cries. Le
budget, en 1983, pour les Inuits était de 626 400 $; le budget dans le
cas des Cris était de 1 000 030 $. Les équipements comprennent 20
véhicules tout terrain, 28 motoneiges, 21 chaloupes à moteur, six
véhicules à trois roues tout terrain, le tout pour un budget
total de 1 884 060 $ et quatre réserves deviendront autonomes
rétroactivement au premier avril 1984, soit Port-Rupert, Wemindji,
Chisasibi et Waswanipi.
Centre de détention de
Trois-Rivières
Le Président (M. Vaugeois): Merci, M. le ministre. Alors,
je vais me permettre de vous questionner moi-même pour cette reprise de
séance sur un élément de votre déclaration
d'ouverture, lors du début de l'étude des crédits. Je
pense bien que vous ne serez pas étonné si je vous demande
quelques précisions quant aux projets de votre ministère et vos
propres projets sur le centre de détention prévu à
Trois-Rivières.
Comme entrée en matière, d'ailleurs, M. le ministre,
j'avais envie de vous suggérer, si vous devez aller à LaSalle, de
vous faire accompagner par le maire de Trois-Rivières. Il aurait
certainement des arguments qui pourraient faire réfléchir les
autorités municipales de LaSalle, puisqu'à Trois-Rivières
c'est un désir maintes fois réitéré que de voir le
centre de détention se construire sur le territoire municipal. Je crois
que les arguments que vous avez évoqués ce matin devant le
député de Marquette sont des arguments que les autorités
municipales de Trois-Rivières ont maintes et maintes fois
réaffirmés publiquement. Vous savez sans doute, d'ailleurs, que
pendant un temps le centre de détention s'est promené entre deux
municipalités et cela aurait été un peu un drame s'il
avait fallu que Trois-Rivières, après autant d'années
d'attente, apprenne que le centre de détention se construit ailleurs que
sur son territoire municipal pour les raisons mêmes que vous avez
évoquées ce matin.
Votre prédécesseur est venu à
Trois-Rivières, il y a quelques mois, en compagnie du ministre Duhaime
pour nous confirmer un certain nombre de décisions qui avaient
été prises dans votre ministère et il a annoncé un
certain nombre de choses pour les prochains mois. Ce que j'attends de vous
à ce moment-ci, c'est que vous nous précisiez le calendrier qui
est retenu. Pour vous donner un dernier élément, le premier
ministre est venu à Trois-Rivières il y a quelques semaines et il
a indiqué devant les médias que la pelletée de terre se
ferait à l'automne, mais c'est vous qui êtes ministre... Oui,
c'est ce qu'il a dit, cette année. Je pense que l'on peut attendre de
vous des choses plus précises peut-être, que ce que le premier
ministre a dit... Je m'excuse, je ne voudrais pas arrêter de parler
à ce moment-ci. Le premier ministre a peut-être été
pris de court devant les médias, au moment de sa visite, et il a pu
donner cette réponse en partant de ce que votre
prédécesseur avait indiqué comme souhaitable il y a
quelques mois. Mais, à la lumière du déroulement du
dossier, vous pourrez certainement être plus précis et nous donner
des informations qui ont des chances de se faire.
M. Johnson (Anjou): Je pense que c'est plutôt le premier
coup de crayon sur les esquisses préliminaires qui vont avoir lieu
à l'automne qui vient et sur la transcription des plans et devis de
construction plutôt que la pelletée de terre. Il s'agit, en effet,
d'un édifice d'une superficie de 7000 mètres carrés, d'une
capacité d'hébergement d'une quarantaine de prévenus et
d'une cinquantaine de détenus de classe dite B ou intermédiaire,
et de 85 places pour des détenus dits de classe À ,
c'est-à-dire au minimum 160 cellules.
M. Marx: 160 cellules. Est-ce que le ministre est au courant
qu'il y a 21 détenus et prévenus à Sherbrooke maintenant,
30 ou 32?
M. Johnson (Anjou): On parle de Trois-Rivières.
M. Marx: À Trois-Rivières. La dernière fois
que j'étais là, il y avait environ 30 détenus et
prévenus et, maintenant, il y aura 160 cellules. On va trouver le monde
pour les occuper, j'espère.
M. Johnson (Anjou): Pardon?
M. Marx: On va trouver le monde pour les occuper.
Le Président (M. Vaugeois): On va s'en occuper. On va
relever le taux de criminalité.
M. Marx: Même quand le taux de criminalité est en
train de diminuer au
Québec, on n'a plus de programmes de mesures alternatives.
Étant donné que la politique est d'avoir moins de monde en
prison, on va construire plus de cellules. C'est une politique
cohérente.
M. Johnson (Anjou): Le terrain a été acquis en 1980
sur le boulevard Parent, au nord-ouest de Trois-Rivières, et 90 000
mètres carrés y seront aménagés. Le coût de
construction anticipé est d'environ 10 000 000 $. Les documents
d'engagement sont rendus au stade de confection du mémoire au Conseil du
trésor, ce qui est, à toutes fins utiles, terminé. En ce
moment, le dossier fait l'objet d'une analyse au Conseil du trésor, au
niveau des analystes. Ce qui existe est un projet de mémoire.
Peut-être que votre collègue de Mont-Royal aurait avantage
à se saisir de la distinction entre les mémoires et les projets
de mémoires.
M. Marx: Le ministre aussi, j'espère.
M. Johnson (Anjou): Parallèlement à la
préparation du mémoire, déjà, on a entrepris la
préparation du programme technique de construction au ministère
des Travaux publics et de l'Approvisionnement. Les étapes qui suivront
seront l'engagement des professionnels, c'est-à-dire quelque part dans
le courant du mois de mai ou du mois de juin. Les esquisses
préliminaires devraient être complétées à
l'automne, au mois de septembre ou octobre, pour nous permettre de commencer
les travaux quelque part à la fin de l'été ou au
début de l'automne 1985, physiquement. Les prévisions de
déboursés sont de l'ordre de 200 000 $ au moins dans l'exercice
budgétaire courant, de 7 000 000 $ dans le budget suivant et de 3 300
000 $ dans le budget de 1986-1987.
Le Président (M. Vaugeois): Mais l'ouverture, quand?
M. Johnson (Anjou): Quand cela va bien, cela prend une couple
d'années; pas tout à fait, à peu près 18 mois.
Donc, l'ouverture, M. le Président, aurait lieu quelque part au
printemps de 1987.
Le Président (M. Vaugeois): Et, d'après le
calendrier que vous donnez, la pelletée de terre serait pour
l'été 1985.
M. Johnson (Anjou): Pour l'automne 1985; enfin, à la fin
de l'été ou au début de l'automne 1985. (16 h 45)
Le Président (M. Vaugeois): Oui. Il y a quand même
une petite difficulté. Je pense que cela ne sera pas en cours de
séance, mais j'aimerais qu'on compare l'information qui avait
été donnée à M. Lévesque là-dessus,
parce qu'il avait quand même une base pour cela, et les documents que
vous avez entre les mains... Je vais me fier à ceux que vous avez entre
les mains, bien sûr. C'est qu'il y a eu tellement de quiproquos dans ce
dossier que je suis un peu étonné d'entendre parler d'esquisses
préliminaires à ce moment-ci.
M. Johnson (Anjou): II semble que ce soit une chose qui n'est pas
nouvelle dans le domaine de la construction des édifices au gouvernement
que ce type de quiproquo. Je dois vous dire que j'ai été à
même de constater que le cheminement des dossiers en matière
d'immobilisations est d'une très grande complexité,
peut-être d'une trop grande complexité. Il y a probablement trop
de professionnels qui se mêlent de cela. Les ministères veulent
avoir des devis techniques, le ministère des Travaux publics veut garder
le contrôle. Je pense que la création d'une société
de la couronne dans ce domaine devrait, de façon générale,
accélérer de façon importante puisqu'elle va
établir, elle va amener une véritable relation de client à
exécutant, alors qu'en ce moment ce sont des relations
interministérielles qui, souvent, finissent dans les méandres
tout à fait kafkaïens de l'échange de documents. Ceci dit,
avec les documents qu'on m'a fournis récemment, je pense que les
échéanciers qu'on vous donne sont réalistes.
Le Président (M. Vaugeois): On aurait donc une nouvelle
commande passée aux professionnels chargés de l'esquisse et des
plans et devis éventuellement. Qu'est-ce qui manquerait pour que ces
contrats soient confirmés?
M. Johnson (Anjou): II manque simplement l'approbation du
Trésor qui devrait venir incessamment. Le mémoire fait l'objet
d'une analyse en ce moment au Trésor.
Le Président (M. Vaugeois): D'accord. Il se promène
entre votre ministère et le Trésor. Je l'ai vu pendant la
promenade. Donc, c'est une question de semaines pour qu'il s'arrête.
M. Johnson (Anjou): C'est ça.
Le Président (M. Vaugeois): Les professionnels sont
déjà retenus, d'ailleurs, parce qu'ils ont déjà
produit des esquisses...
M. Johnson (Anjou): Bon!
Le Président (M. Vaugeois): ...et des plans. Donc, c'est
une question de semaines.
M. Johnson (Anjou): C'est ça.
Le Président (M. Vaugeois): Après, ça
devient irréversible. Dans les budgets de 1984-1985, ce que vous avez,
c'est de l'argent pour la préparation des esquisses et des plans et
devis.
M. Johnson (Anjou): 200 000 $, c'est
l'essentiel, ce sont les professionnels.
Le Président (M. Vaugeois): D'accord. On met cela de
côté. Je voudrais vous demander si vous savez - je veux être
bien sûr de ce que vous venez de dire et, là, je suis
rassuré par ces réponses - ce qu'on fait du centre de
détention actuel. Est-ce que vous avez l'intention de maintenir le
centre ouvert jusqu'à ce que le nouveau centre de détention soit
prêt ou si vous avez songé à localiser les détenus
ailleurs, quitte à remettre ce bâtiment immédiatement entre
les mains de la Société immobilière du Québec
à des fins de recyclage? Parce que les conditions de détention
sont maintenant inhumaines et inadmissibles.
M. Johnson (Anjou); Ce qu'on me dit, c'est que le centre a subi
quelques transformations. L'intention du ministère est de le garder
ouvert jusqu'à ce qu'il y ait un nouveau centre qui, nous en sommes
convaincus, offrira des services sûrement plus adéquats que celui
qui existe en ce moment.
Le Président (M. Vaugeois):
L'information qui circule dans le milieu, M. le ministre, c'est, comme
il y a une fonction de trouvée pour l'édifice actuel - il est
question d'un musée régional - que d'autres services seraient
prêts à entreprendre le curetage et, éventuellement, de
mettre en marche l'opération de recyclage et de restauration pour que ce
bâtiment vive pour de nouvelles fonctions. Ce que vous me dites, c'est
qu'au fond il n'y a rien de tel qui pourrait être entrepris avant 1987.
D'une part, on a des conditions de détention qui, malgré les
travaux auxquels vous venez de faire référence, restent au moins
douteuses; je disais inadmissibles tout à l'heure. Il y a des experts
qui sont venus et il me semble que c'est ce qu'à peu près
à l'unanimité on nous dit. Est-ce que c'est possible d'envisager
trois ans encore? Il y a des gens qui vivent dans ces conditions de
détention.
M. Johnson (Anjou): L'alternative, M. le Président, serait
de relocaliser les prévenus et détenus dans la région de
Montréal, et Dieu sait que je ne suis pas sûr que ce serait mieux
dans les circonstances actuelles où nous avons des
phénomènes de sous-capacité du système à
Montréal! Si l'on veut fermer Parthenais, ce n'est pas le temps d'y
envoyer plus de monde.
M. Marx: On ne pourra pas le fermer avant la fin du
siècle, si l'on suit le cheminement...
M. Johnson (Anjou): Le député exagère, comme
d'habitude.
M. Marx: Mais quand?
Le Président (M. Vaugeois): Écoutez, je pense que,
pour les fins de l'étude des crédits, nous avons posé les
questions. Je souhaiterais, M. le ministre, que nous examinions certaines
questions dans des séances de travail que l'on pourrait avoir.
M. le député de D'Arcy McGee.
M. Marx: Je pense que c'est une bonne suggestion que l'on fasse
venir le ministre, lors des séances de travail, afin que l'on puisse
l'interroger sur tout ce dossier des prisons.
Le Président (M. Vaugeois): Si vous voulez vous joindre
à nous, M. le député, vous serez le bienvenu.
M. Marx: Une séance de travail de la commission.
Le Président (M. Vaugeois): Pour l'instant, nous allons
continuer l'étude des crédits.
M. Marx: Nous aimerions passer d'autres dossiers, d'autres
programmes, dirais-je, et cela ne laisse pas tellement de temps pour les
prisons.
À Sherbrooke, il y aura combien de cellules, si jamais la prison
est construite?
M. Johnson (Anjou): Sherbrooke, superficie de 7350 mètres
carrés, capacité d'hébergement de 130, au total.
M. Marx: Est-ce que le ministre peut nous faire des photocopies
de ces fiches techniques et des photos? Est-ce possible ou est-ce qu'il y a
des...
M. Johnson (Anjou): Les photocopies des photos, ce n'est pas
très bon. C'est à peu près comme votre
député de Laporte en Chambre cet après-midi.
M. Marx: Mais pouvez-vous nous faire des photocopies de ces
fiches techniques pour Sherbrooke, Trois-Rivières et LaSalle? Il y a
tellement de fuites du Conseil des ministres ces jours-ci que je ne vois pas
pourquoi le ministre ne nous donnerait pas cela directement.
M. Johnson (Anjou): Oui, sûrement. Nous allons vous faire
cela pour Sherbrooke.
M. Marx: Trois-Rivières et LaSalle.
M. Johnson (Anjou): Trois-Rivières. Mais LaSalle, ce n'est
pas tout à fait de la même nature.
Le Président (M. Vaugeois): C'est Chicoutimi, le
troisième centre que vous aviez évoqué. Dans votre
déclaration
d'introduction, vous avez annoncé trois centres de
détention: Sherbrooke, Trois-Rivières...
M. Jonhson (Anjou): Trois-Rivières, Chicoutimi.
Le Président (M. Vaugeois): Voilà, c'est
Chicoutimi.
M. Marx: Peut-on avoir les trois fiches techniques?
M. Diamant (Robert): Chicoutimi, il n'y a pas de fiche technique
de disponible. Nous sommes à la recherche du terrain pour l'instant.
M. Marx: D'accord. Combien de cellules y aura-t-il à
Chicoutimi?
M. Johnson (Anjou): On peut vous transmettre cela demain. Nous
transmettons cela au président de la commission, si je comprends bien.
C'est cela la procédure?
Le Président (M. Vaugeois): Oui, la commission est
permanente.
M. Johnson (Anjou): Au secrétariat ou au
président.
Le Président (M. Vaugeois): On l'acheminera, c'est la
même chose. C'est la même adresse.
M. Johnson (Anjou): Alors, nous vous ferons parvenir cela.
M. Marx: Pour Joliette, nous avons déjà eu le
document du Conseil du trésor. Donc, je ne demande pas de fiches
techniques pour la construction de la prison à Joliette. Le palais de
justice...
M. Johnson (Anjou): Le palais de justice.
M. Marx: II n'y a pas de prison, pas de cellules. Non?
M. Johnson (Anjou): Non, non. Maison Gomin
M. Marx: Juste le palais de justice. J'aimerais demander au
ministre en ce qui concerne la Maison Gomin à Québec combien il y
a de détenues et de prévenues dans cette maison de
détention.
M. Johnson (Anjou): On peut le demander à notre
sous-ministre associé, M. Diamant, qui est responsable et que je vous ai
présenté d'ailleurs cet avant-midi.
M. Marx: Oui, on le connaît bien par ses travaux.
M. Diamant: De mémoire, c'est autour de 30 places. Je
pourrais vous trouver cela, j'ai tout ça ici quelque part dans un des
volumineux dossiers, autour de 30 places, 32, si mon souvenir est bon. Il y a
environ une dizaine de places pour les prévenues et le reste pour les
détenues.
M. Marx: Dix places pour les prévenues...
M. Diamant: Je pourrai corriger ou préciser cela à
un autre moment, si vous le permettez, parce que, de mémoire, sur 30
prisons, j'en perds.
M. Marx: Oui, mais environ 30 places. M. Diamant: Oui,
c'est cela.
M. Marx: C'est parfait. Quel est le coût de
l'administration et de l'entretien de cette maison de détention, le
coût annuel?
M. Diamant: C'est la même chose, je ne peux pas vous le
dire comme ça.
M. Marx: Mais un "ball park figure", c'est-à-dire 500 000
$, 1 000 000 $ ou 2 000 000 $?
M. Diamant: Non, je ne saurais vous dire.
M. Johnson (Anjou): On peut vous le trouver.
M. Diamant: On va le trouver, par exemple.
M. Marx: Vous allez le trouver?
M. Diamant: Bien sûr, j'ai cela quelque part.
M. Marx: Si on a cela avant la fin des travaux de la
commission...
Le Président (M. Vaugeois): Continuez donc, M. le
député. Comme cela, tout à l'heure, on pourra revenir avec
des réponses précises à vos questions.
M. Marx: Bon, c'est cela. Je voulais juste avoir les statistiques
sur la Maison Gomin pour le coût.
Le Président (M. Vaugeois): II y a seulement la Maison
Gomin qui vous intéresse?
M. Marx: Oui, les statistiques, parce que sur les autres j'ai les
statistiques dont
j'ai besoin. Est-ce que le ministre est au courant des problèmes
à la maison de détention Gomin?
M. Johnson (Anjou): Pas à ce jour.
M. Marx: Pas à ce jour. Est-ce que le ministre...
M. Johnson (Anjou): On n'a pas porté cela à mon
attention.
M. Marx: Non, on n'a pas porté cela à votre
attention. Est-ce que le ministre est au courant que le Protecteur du citoyen
ferait une enquête pour s'assurer que la loi est respectée,
c'est-à-dire que la loi et les règlements sont respectés
dans les prisons?
M. Johnson (Anjou): D'abord, je ne sais pas si le Protecteur du
citoyen a juridiction. Il faudrait que je vérifie. Je sais que la
première question qu'on se pose au bureau du Protecteur du citoyen
chaque fois qu'une plainte est portée, c'est d'abord un jugement sur la
juridiction du protecteur. Je ne sais pas s'il a juridiction sur les prisons.
Je ne suis pas à même de vous répondre.
M. Marx: Mais il a déjà fait une enquête
générale il y a dix ans.
M. Johnson (Anjou): Bon, il doit avoir juridiction.
M. Marx: Ah bon!
M. Johnson (Anjou): On se comprend bien là-dessus.
M. Marx: Oui.
M. Johnson (Anjou): S'il a fait une enquête, c'est qu'il
doit avoir juridiction.
M. Marx: Je pense qu'il a déjà fait une entente
avec le ministère de la Justice pour...
M. Johnson (Anjou): Dans le cas de la Maison Gomin, est-ce
cela?
M. Marx: Non, non. Dans le cas du système
général. Le Protecteur du citoyen va visiter toutes les prisons
au Québec.
M. Johnson (Anjou): Ce qu'on me dit, c'est que, effectivement, le
Protecteur du citoyen a annoncé son intention de faire le tour de
l'ensemble des centres de détention à compter des mois de mai ou
juin, pour reprendre, notamment, les conclusions, pour vérifier
certaines des conclusions qui avaient été faites par son
prédécesseur ou sa "prédécesseuse", enfin, Mme
Patenaude. Tout cela fait suite à un certain nombre de plaintes qu'il a
reçues.
M. Marx: C'est cela. Il a reçu un certain nombre...
M. Johnson (Anjou): Cela apparaît normal.
M. Marx: Oui.
M. Johnson (Anjou): Pas de problème avec cela.
M. Marx: Tout à fait normal pour le ministre, bien. Est-ce
que le ministre sait que, par exemple, la Commission des droits de la personne
a fait une enquête sur Parthenais mais qu'on n'a jamais vraiment
donné suite aux recommandations...
M. Johnson (Anjou): Le problème de Parthenais, c'est qu'il
faut fermer Parthenais. Je pense qu'on pourrait s'asseoir ici et en discuter
jusqu'en l'an 2050; il faut fermer Parthenais.
M. Marx: Non, mais avant de fermer, quand le centre est ouvert,
au moins on peut apporter des améliorations qui s'imposent. Qu'on ne
demande pas aux détenus de laver leur linge dans des poubelles et ainsi
de suite. Je peux vous faire envoyer une copie de la lettre que j'ai
envoyée à votre prédécesseur en ce qui concerne les
conditions à Parthenais.
M. Johnson (Anjou): Alors, toutes les recommandations de la
Commission des droits de la personne sur Parthenais - on me le dit au
ministère - ont été appliquées, à
l'exception de la fermeture de Parthenais.
M. Marx: J'espère qu'on vous a dit la vérité
et que cela a été fait parce que, chaque fois... Peut-être
qu'on l'a fait pendant un jour, ou une semaine, ou un mois et, après
cela, on a défait ce qu'on a fait. Parce que, lorsque l'on va à
Parthenais, ce n'est pas le meilleur de tous les mondes possible.
M. Johnson (Anjou): Je n'en doute pas.
M. Marx: Et, effectivement, il y a des choses qui ne vont pas. Je
ne vais pas continuer, je pense que je vais demander au président de la
commission de, peut-être, envisager...
Le Président (M. Vaugeois): Là, on a des
réponses à vos questions, je crois, sur la Maison...
M. Johnson (Anjou): Sur Gomin.
Le Président (M. Vaugeois): ...Gomin.
M. Diamant: Sur Gomin, 40 places. M. Marx: Gomin, 40
places.
M. Diamant: Quarante places. C'est cela: 30 plus 10.
M. Marx: Quarante places en tout, oui.
M. Diamant: Et le coût, per capita, 30 détenues, 10
prévenues...
M. Marx: Qui sont là, maintenant. M. Diamant: C'est
30 places. M. Marx: Trente places, d'accord. M. Diamant: C'est 40
places en tout. M. Marx: C'est cela.
M. Johnson (Anjou): Mais il n'y a pas nécessairement 40
personnes.
M. Marx: C'est cela.
M. Diamant: Et, à ma connaissance, la population se
maintient entre 25 et 35.
M. Marx: Population, entre 25 et 35.
M. Diamant: C'est cela.
M. Marx: Et quel est le coût?
M. Diamant: Autour de 20 000 $, per capita, par place.
M. Marx: Vingt mille dollars per capita, par place. Par place
occupée ou par place...
M. Diamant: Par place.
M. Johnson (Anjou): Par place.
M. Diamant: Par place.
M. Marx: Donc, c'est 20 000 $...
Le Président (M. Vaugeois): Annuel?
M. Diamant: C'est cela.
M. Marx: Donc, c'est 20 000 $ par 40. (17 heures)
Le Président (M. Vaugeois): C'est cela. M. Marx:
C'est donc 800 000 $. M. Johnson (Anjou): À peu
près.
M. Marx: Donc, s'il y a seulement 25 détenues ou
prévenues pendant toute l'année, cela coûte environ...
M. Diamant: Pas nécessairement, parce qu'il y a des
coûts fixes car vous êtes obligés de maintenir une
infrastructure de la même façon, si vous avez des pensionnaires ou
non. Il n'y a pas beaucoup de différences au niveau des coûts de
fonctionnement. Bien sûr, il y a des différences au niveau de la
nourriture ou des choses comme cela, mais, pour l'encadrement, les effectifs,
vous êtes obligés de maintenir les effectifs au cas où vous
auriez la bâtisse pleine.
M. Marx: Per capita, j'imagine que c'est beaucoup plus cher ici
qu'à Bordeaux ou à Orsainville.
M. Diamant: Bordeaux?
M. Marx: Est-ce que ce sont là les statistiques de
1981?
M. Diamant: Non. Ce n'est pas 1981. C'est 1980.
M. Marx: 1980.
M. Diamant: 1979-1980.
M. Marx: 1979-1980.
M. Diamant: C'est pour cela que j'arrondis un peu les chiffres
parce que vous devez compter que c'est un peu plus cher.
M. Marx: Non, mais j'ai des chiffres de 1979-1980 parce que j'ai
le même rapport que vous. J'aimerais avoir les statistiques
d'aujourd'hui, si c'est possible.
M. Johnson (Anjou): On va les déposer bientôt. Je ne
peux pas les déposer à la commission, M. le Président,
parce que je dois le déposer, en vertu de la loi, devant
l'Assemblée.
M. Marx: Je comprends.
Le Président (M. Vaugeois): Demain, M. le ministre?
M. Johnson (Anjou): Je ne sais pas si on va être prêt
à le déposer demain, M. le Président, mais on va le
déposer incessamment.
Le Président (M. Vaugeois): Cela pourrait aider le
député de D'Arcy McGee à passer de belles vacances de
Pâques.
M. Johnson (Anjou): Oui. Sûrement.
M. Diamant: II y a une quantité de statistiques, mais, sur
les coûts, il n'y a peut-être pas tout ce que vous recherchez;
mais, c'est disponible de toute façon.
M. Marx: Parfait.
Le Président (M. Vaugeois): C'est une question
écrite au feuilleton pour le reste.
M. Marx: Non, non. Je vais téléphoner au
ministère pour avoir les chiffres. Ils ne sont pas...
Le Président (M. Vaugeois): Ah!
M. Johnson (Anjou): On va vous les envoyer avec plaisir.
M. Marx: Oui. Merci.
Le Président (M. Vaugeois): Bon. Cela va?
M. Marx: Oui. Cela va parce que je n'ai pas l'intention de poser
toutes les questions que j'ai sur le système carcéral.
Peut-être que ce sera possible de faire une étude de ce dossier en
profondeur à la commission cette année. Je pense que ce sera
intéressant, surtout si on a une équipe pour nous aider à
faire la recherche nécessaire.
Le Président (M. Vaugeois): D'accord.
M. Marx: Parce que j'aimerais voir d'autres dossiers, si cela
vous convient, d'autres programmes.
Le Président (M. Vaugeois): D'accord. Merci, M. Diamant.
M. le ministre, seriez-vous d'accord pour qu'on aille au programme 4?
M. Johnson (Anjou): Qui est... Une voix: Programme 17.
Le Président (M. Vaugeois): Parce qu'on a fait la
commission de la protection de la jeunesse; on n'a pas fait la commission des
droits et libertés.
M. Johnson (Anjou): Comité de protection.
M. Marx: Mais on a dit qu'on ferait l'IVAC et ensuite la
commission des droits.
Le Président (M. Vaugeois): D'accord. Qu'est-ce que c'est,
le programme 17?
M. Marx: Le programme 17, c'est la...
Le Président (M. Vaugeois): L'indemnisation des victimes
d'actes criminels.
M. Marx: C'est cela. L'IVAC.
M. Johnson (Anjou): C'est cela.
Le Président (M. Vaugeois): Alors, allons-y.
IVAC
M. Johnson (Anjou): Oui. Je présume que le
député a des questions sur l'IVAC.
M. Marx: Oui.
Le Président (M. Vaugeois): Pour alterner, est-ce qu'on a
des questions de l'autre côté? Non? Cela va?
M. de Bellefeuille: Non. Cela va.
Le Président (M. Vaugeois): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Marx: Dans ce programme 17, Indemnisation des victimes d'actes
criminels, on remarque que la diminution des crédits prévus est
de l'ordre de près de 20%. Au cahier explicatif des crédits, il
est dit que le budget se compare au budget initial de l'an dernier, 11 271 800
$. Un budget supplémentaire de 3 200 000 $ avait été
adopté par la suite.
L'aspect peut-être le plus important qui pourrait être
exploité à ce programme, c'est l'affirmation suivante qu'on
retrouve à la page 64 du cahier explicatif des crédits et je
cite: "Selon les décisions qui seront prises lors de l'étude des
amendements à la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels,
il est prévu que les coûts de ce programme seront
rajustés."
M. Johnson (Anjou): C'est cela.
Projet de loi 42
M. Marx: J'aimerais dire au ministre qu'à la suite du
tollé de protestations qui a suivi le dépôt du projet de
loi 42 nous avions compris que le ministre du Travail retirait les amendements
prévus à l'IVAC. Est-ce vrai?
M. Johnson (Anjou): Je ne sais pas si le ministre l'a fait. Je
sais que le Conseil des ministres a été saisi du dossier. Si le
ministre du Travail a des choses à annoncer, il les annoncera lors de
l'étude article par article.
M. Marx: On ne peut pas passer par le ministre du Travail; c'est
le ministre de la Justice qui est responsable de ce programme.
M. Johnson (Anjou): Je suis entièrement d'accord, sauf que
je me suis entendu avec le ministre du Travail pour qu'il procède aux
annonces, étant donné que ce sont les
amendements législatifs et non pas les crédits
budgétaires qui sont dominants dans cette chose qui est de double
juridiction ministérielle. Ce sont les amendements législatifs
qui sont importants et non pas les crédits budgétaires. Les
crédits suivront ce qui se passera au niveau de la loi, par
définition. Je laisse à mon collègue, le ministre du
Travail, le soin d'annoncer ce qu'il a à annoncer.
M. Marx: Qui est responsable si on a une question à poser,
vous ou le ministre du Travail?
M. Johnson (Anjou): Si on a des questions à poser sur
l'administration, il me fera plaisir d'y répondre. C'est mon mandat de
le faire.
M. Marx: Qui va proposer des amendements à la loi?
M. Johnson (Anjou): C'est le ministre du Travail.
M. Marx: C'est le ministre du Travail. C'est peut-être
pourquoi votre prédécesseur n'a jamais répondu. Dans la
loi, il est bien écrit que c'est le ministre de la Justice qui
administre, qui est responsable, qui a présenté la loi la
première fois. J'ai toujours pensé qu'il fallait s'adresser au
ministre de la Justice.
M. Johnson (Anjou): En pratique encore une fois, c'est un peu
inusité et je ne veux pas ennuyer le député avec cela - le
débat autour des modifications apportées par le projet de loi 42
à la loi de l'IVAC est un débat qui a eu lieu dans
différentes instances gouvernementales, dans différents
comités et, finalement, au Conseil des ministres. Dans la mesure
où c'est autour du projet de loi 42 que ce débat a
été soulevé, je pense qu'il est normal que ce soit mon
collègue, le ministre du Travail, qui annonce les changements qu'il
apporterait à son projet de loi, étant donné que celui-ci
est à son nom.
M. Marx: Je trouve difficile à accepter que, dans le
projet de loi 42, il y ait deux lois dont on modifie le fond. Ce sont vraiment
de nouvelles lois et ce sont des lois qui relèvent du ministre de la
Justice. Si ce n'est pas à vous qu'il faut parler en ce qui concerne le
fond de ces lois, je vais m'adresser au ministre du Travail. C'est confus
actuellement. C'est vous ou l'autre; cela ne peut pas être les deux en
même temps.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, j'ai bien dit que la
situation était un peu inusitée. De toute évidence, cela
ne satisfait pas le député. Il est exact que la Loi sur
l'indemnisation des victimes d'actes criminels relève du ministre de la
Justice; il est exact qu'il y exprime son opinion quant à cela. Il est
aussi exact que je connais ce dossier puisque je présidais le
Comité de développement social au moment où nous avons
approuvé et recommandé au Conseil des ministres les modifications
à la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels en
même temps parce que cela suivait la Loi sur les accidents du travail et
les maladies industrielles.
Cependant, je pense que, par déférence envers mon
collègue, le ministre du Travail, étant donné que c'est
lui qui porte le ballon à la commission du travail, je lui laisserai le
soin d'annoncer les amendements qu'il doit apporter à cette loi, s'il en
apporte.
M. Marx: Est-ce que le ministre...
M. Johnson (Anjou): Ceci dit, on est prêt à
répondre à tout le reste.
M. Marx: ...serait prêt à scinder le projet de loi
42 pour qu'il puisse défendre sa propre loi et ne pas laisser cela
à un autre?
M. Johnson (Anjou): Pourquoi scinder? Je ne pense pas que cela
soit nécessaire.
M. Marx: Est-ce que le ministre est d'accord pour une diminution
de l'indemnisation des victimes d'actes criminels?
M. Johnson (Anjou): II faut avoir à l'esprit que le
régime québécois est le plus généreux de
cette nature au Canada.
M. Marx: Cela était voulu dès le début.
M. Johnson (Anjou): Oui, oui. Sur 14 000 000 $
dépensés en 1982 au Canada, il y en avait 8 000 000 $ au
Québec.
M. Marx: Sur combien dépensés au Canada?
M. Johnson (Anjou): 14 000 000 $ ont été
dépensés au Canada en matière d'indemnisation des victimes
d'actes criminels. 8 000 000 $ ont été...
M. Marx: Pour quelle année?
M. Johnson (Anjou): Pour 1981-1982, qui sont les dernières
données disponibles pour l'ensemble des provinces. En Ontario, par
exemple - encore une fois, je ne suis pas sûr qu'il faut s'y
comparer...
M. Marx: Non, parce que nous sommes meilleurs dans ce
dossier.
M. Johnson (Anjou): Cela dépend.
M. Marx: Je pense qu'on est meilleur parce qu'on rend un meilleur
service à la population.
M. Johnson (Anjou): Effectivement, on peut constater qu'on se
compare pour le meilleur et pour le pire. C'est comme le mariage. En Ontario, 2
758 000 $ en 1981-1982 ont été versés en indemnisation aux
victimes d'actes criminels. C'est quatre fois moins qu'au Québec.
L'autre province où les barèmes font un peu penser aux
nôtres, c'est la Colombie britannique avec 2 199 000 $. Ceci, pour une
population qui, en termes de per capita, nous ressemble le plus. S'il y a une
province qui est le plus près de nous, c'est sûrement la Colombie
britannique. Pardon, c'est le Yukon qui met 1,05 $ per capita alors que le
Québec met 1,26 $; l'Ontario met 0,32 $ per capita, la Colombie
britannique, 0,80 $. Dans l'ordre, c'est donc le Québec avec 1,26 $ per
capita dans l'indemnisation, le Yukon, la Colombie britannique avec 0,80 $.
À Terre-Neuve, on met 0,03 $ per capita dans l'indemnisation des
victimes d'actes criminels.
M. Marx: Premièrement, il y a une contribution
fédérale dans tout cela. Est-ce que le ministre a des...
M. Johnson (Anjou): La contribution fédérale est de
0,10 $ per capita. Je constate que cela ne va pas toujours à
Terre-Neuve.
M. Marx: On reviendra sur ce sujet parce que le ministre n'est
pas totalement responsable de tout cela. On verra cela à la
lumière de la loi 42.
Ma dernière question: J'ai déjà proposé
qu'on ne permette pas aux criminels condamnés de profiter de leurs actes
criminels par leurs écrits, par des films, etc. Le ministre
Bédard n'a jamais donné suite à cela.
Le Président (M. Vaugeois): Vous voulez dire plusieurs
peines pour la même cause, quoi?
M. Marx: Non, il ne s'agit pas de peine. Comme dans 17
États américains, j'ai proposé qu'un criminel qui publie
un livre sur son crime pourrait être poursuivi, même après
les délais de la prescription normale, c'est-à-dire que Son of
Sam qui a tué des gens à New York et qui a retiré 300 000
$ ou je ne sais combien pour un film qui a été fait ou sera fait,
il serait possible pour ses victimes de le poursuivre au civil. Il n'est donc
pas puni. C'était un "trend" aux États-Unis et il serait
peut-être bon d'innover au Québec dans ce domaine. Le temps est
sans doute venu de faire une telle modification car la loi 42 est devant la
Chambre.
M. Johnson (Anjou): Je dois dire que je ne pense pas que l'on
puisse intervenir au niveau de la loi 42. Cela présupposerait que l'on
retourne au Conseil des ministres. Au ministère, on dit qu'il y a une
certaine évaluation de cela qui a été faite et qui semble
a priori plutôt négative. Je ne sais pas s'il faut s'en
étonner. J'aurai l'occasion de consulter ces documents et d'en discuter
avec les sous-ministres. En soi, je peux vous dire que la notion ne manque pas
d'intérêt.
M. Marx: Vous savez que, jusqu'à aujourd'hui...
M. Johnson (Anjou): Je trouve qu'en soi la notion ne manque pas
d'intérêt, comme beaucoup d'autres suggestions du
député. Je ne parle pas de leur caractère pratique, mais
du caractère d'intérêt qu'elles posent.
M. Marx: Un instant, M. le ministre. Il y a 17 États
américains qui ont fait cela. Aujourd'hui, un juge a ordonné aux
héritiers, non pas aux héritiers, mais à la famille Olson
et à M. Olson, en Colombie britannique, de dire où il a mis les
100 000 $ pour donner aux victimes l'occasion de poursuivre. Si on est
tué par un millionnaire, cela donne l'occasion à la famille de
poursuivre, en tout cas, au civil. Par contre, si on est tué par un
pauvre gars qui fait 5 000 000 $ à partir de son crime ou à cause
de son crime, on n'a pas le droit de poursuivre. C'est un problème de
prescription, surtout.
Serait-il possible de mettre ces documents de réflexion à
la disposition de la commission? (17 h 15)
M. Johnson (Anjou): Je pourrais jeter un coup d'oeil sur la forme
et j'aviserai en conséquence; si la forme de ces documents me semble s'y
prêter, sûrement.
M. Marx: Même si ce sont des "rough drafts", on aimerait
les voir.
M. Johnson (Anjou): Non, je pense que le député qui
a déjà dirigé des travaux à l'université,
qui avait des adjoints de recherche, ne permettait sûrement pas à
ses adjoints de recherche d'envoyer dans la nature des "rough drafts" qui
présentaient la position du professeur de droit constitutionnel qu'il
était.
M. Marx: J'ai toujours fait tous mes travaux moi-même, un
instant.
M. Johnson (Anjou): Le ministère de la Justice ne fait pas
de "rough draft"; il présente des opinions.
M. Marx: Mais le sous-ministre en titre était aussi
professeur, et j'imagine que tous les documents qu'il reçoit de ses
fonctionnaires sont des produits finis.
Le Président (M. Vaugeois): Le député vient
de citer la réglementation américaine, mais justement, aux
États-Unis, on s'est rendu compte que, si on laissait sortir des
documents comme cela, la loi d'accès ne fonctionnait plus, les gens ne
voulaient plus produire de documents de travail, etc.
M. Marx: On va attendre l'étude du ministre.
M. Johnson (Anjou): Voilà. Il faut être logique.
Le Président (M. Vaugeois): Je n'ai pas très bien
compris. Que recommandez-vous au juste, que les droits puissent être
versés ou que la personne puisse être poursuivie?
M. Marx: Le criminel pourrait être poursuivi après,
c'est-à-dire maintenant...
Le Président (M. Vaugeois): Mais alors, qu'est-ce qui
arrive s'il écrit un livre, selon votre proposition?
M. Marx: S'il écrit un livre, il réalise des
profits, les profits sont gelés et cela donne l'occasion aux victimes de
poursuivre. C'est-à-dire, supposons qu'il réalise 10 000 000 $ de
profits et que la poursuite est seulement de 2 000 000 $...
Le Président (M. Vaugeois): Parce que là, vous avez
donné des cas un peu particuliers. En vous écoutant
là-dessus, je pense à un cas célèbre en France,
celui de Pierre Goldman qui avait été condamné et
emprisonné et qui a décidé d'écrire sa version des
faits. Cela a été à ce point important que son
procès a été rouvert et ainsi de suite. Non seulement il y
a à la question des droits, mais pour quelqu'un qui a été
condamné, cela peut être l'ultime recours, le recours à
l'opinion publique. En France, vous savez comment cela se passe. C'est encore
plus difficile qu'ici.
M. Marx: C'est-à-dire, il y a deux choses:
premièrement, si l'on n'empêche pas qui que ce soit
d'écrire, ou de filmer, ou de faire quoi que ce soit, on
n'empiète pas sur la liberté d'expression et,
deuxièmement, si la personne est innocentée, donc, l'argent n'est
pas gelé.
Le Président (M. Vaugeois): Ça va pour cet
élément de programme? Êtes-vous d'accord pour que cette
fois-ci l'on revienne au programme 4?
M. Marx: Protection des droits.
Protection des droits et libertés de la
personne (suite)
Commission des droits de la personne
Le Président (M. Vaugeois): Nous allons étudier le
programme 4: Protection des droits et libertés de la personne et
l'élément 1, la commission.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, à ma gauche,
Mme Fournier, présidente de la commission, qui est à notre
disposition pour répondre aux questions de l'Opposition.
Vous permettrez, dans un premier temps, au niveau des commentaires de
réitérer certaines des données que nous avons.
Le budget du programme s'établit à 6 730 600 $, dont 4 289
400 $ à la Commission des droits de la personne. L'effectif
autorisé pour le programme est de 175 personnes-année, dont 115
postes à la Commission des droits de la personne. L'effectif de la
Commission des droits de la personne a été augmenté de 56
postes, afin qu'elle assume les responsabilités additionnelles qui lui
ont été confiées par la loi 86. Les employés de la
commission ne sont pas nommés en vertu de la Loi sur la fonction
publique, mais en vertu de la Charte des droits et libertés de la
personne. Il appartient au gouvernement de déterminer le plan
d'effectifs de la commission. C'est pourquoi nous retrouvons les
employés de la commission sous la rubrique "employés
occasionnels". Les besoins budgétaires sont évalués
à 6 730 000 $ pour le total, soit une augmentation de 2 305 000 $ ou 52%
par rapport à l'exercice antérieur. Nous nous rendons compte
à l'examen comparatif des crédits, au niveau de la Commission des
droits de la personne, qu'il y a une augmentation de l'ordre de 54,7%, soit un
montant de 1 516 000 $. Voilà. Ce sont des choses importantes. Je pense
que le député a certaines choses à nous dire.
Le Président (M. Vaugeois): Auparavant, je pense que tout
le monde serait d'accord pour qu'on demande à la présidente si,
peut-être, elle-même aurait une évaluation à faire en
guise d'entrée en matière. Le statut de la commission fait que
vous êtes intégrés dans les crédits du
ministère de la Justice puisqu'il y a une relation entre vous et le
ministère de la Justice, mais votre mandat est assez exceptionnel.
À cet égard, je trouve qu'il serait normal que vous puissiez nous
signaler des choses, si vous le jugez à propos, avant qu'on aille dans
les questions plus ou moins pertinentes.
Mme Fournier (Francine): D'accord. Si
vous voulez, on peut insister, en ce qui concerne les travaux de la
commission pour l'année 1983 et qui ont débordé sur 1984,
sur l'importance qu'a prise l'analyse des besoins organisationnels et de
ressources, analyse que nous avons menée avec la collaboration du
ministère de la Justice, qui a donné comme résultat un
plan d'organisation administrative que nous avons présenté au
Conseil du trésor, plan qui a été accepté et dont
une grande partie des demandes, en termes de ressources, ont été
acceptées. Cependant, il reste encore un certain nombre de demandes
spécifiques qui sont à l'étude et pour lesquelles nous
espérons avoir des réponses favorables, bien sûr.
Ce qu'on pourrait probablement soulever, c'est que ce plan
d'organisation administrative répondra aux besoins que nous avions
identifiés, qui ont été élargis par les amendements
qui ont été apportés à la charte, amendements
majeurs qui ont été adoptés en décembre 1982 et
promulgués, en grande partie, en 1983, mais, aussi, qui répondent
à des besoins qui se sont développés au cours de la
croissance naturelle de la commission; entre autres, la création d'une
Direction du contentieux - il est à souligner l'importance croissante
qu'ont pris les cas auxquels on a dû donner des suites judiciaires, ce
qui justifie certainement la création d'un contentieux - la
création de la Direction des programmes d'accès à
l'égalité qui était nécessitée par la
très grande importance des amendements apportés à la
charte à ce chapitre. Une meilleure -nous estimons - organisation du
traitement des plaintes sur une base de discrimination ou d'exploitation des
personnes âgées ou handicapées a pour résultat de
joindre dans une même direction l'accueil des plaintes et le traitement
au niveau des enquêtes. Ceci devrait faciliter le traitement de ces
plaintes et contribuer à une diminution des délais
d'enquêtes ou des délais que nous prenons pour traiter nos
enquêtes. Bien sûr, la diminution des délais pour traiter
les enquêtes sera largement simplifiée par le fait que nous avons
obtenu une augmentation de ressources au service ou à la direction des
enquêtes comme telle.
Il est à souligner qu'il y a encore à l'étude, en
ce moment, la question du développement régional. La commission a
toujours eu comme position et a toujours évalué comme
extrêmement important d'avoir une permanence en région de
manière à assurer l'implantation de la charte d'une façon
non discriminatoire sur la base territoriale, si vous voulez, pour que les
personnes, partout à travers le Québec, puissent avoir un
accès valable à la commission, aux recours que la charte leur
donne. Tout cela, c'est sur l'organisation.
Pour ce qui est du fond, je crois que, comme commentaire
général, peut-être je pourrais dire que, au cours de la
dernière année et de l'année qui est en cours, la
commission a produit un nombre impressionnant - enfin, que nous trouvons
impressionnant - d'avis de recherches sur différents aspects de la
charte, y compris les interprétations des nouveaux motifs et un
approfondissement des motifs interdits de discrimination qui étaient
déjà dans la charte. Nous avons aussi fait des avis sur un
ensemble de questions. Plusieurs avis s'adressaient directement au
gouvernement, d'autres servaient à d'autres fins. Cela donne une vue
d'ensemble de nos travaux. Je vais vous répondre.
Le Président (M. Vaugeois): Je vous remercie. J'aurais une
première question. Est-ce qu'il arrive que vous ayez à
échanger des dossiers avec le Protecteur du citoyen? Par exemple, est-ce
qu'il arrive qu'on s'adresse à vous et que vous vous rendez
immédiatement compte que c'est vraiment du ressort du Protecteur du
citoyen? Ou est-ce que l'inverse arrive également?
Mme Fournier: Oui. Là, prenons...
Le Président (M. Vaugeois): Dans l'autre sens.
Mme Foumier: ...dans l'autre sens, pour commencer.
Le Président (M. Vaugeois): Oui.
Mme Fournier: Lorsqu'il y a une plainte qui est adressée
au Protecteur du citoyen, qui concerne la juridiction d'enquête de la
commission, c'est-à-dire, la juridiction sur la base de discrimination
ou, éventuellement, de personnes âgées ou
handicapées, le Protecteur du citoyen nous envoie, achemine vers notre
organisme les plaintes.
Le Président (M. Vaugeois): II en informe la personne,
à ce moment-là.
Mme Fournier: Oui, exactement. En ce qui concerne l'inverse,
c'est, jusqu'à un certain point, un peu plus subtil parce que, comme
vous le savez, la juridiction d'enquête de la commission ne concerne que
la discrimination et l'exploitation de la personne âgée et
handicapée. Mais nous avons un devoir, une responsabilité de
promotion de l'ensemble des droits qui sont dans la charte et ces droits
couvrent aussi les droits judiciaires des personnes et les droits fondamentaux,
tels l'intégrité physique et psychologique, le respect, la
dignité et ainsi de suite.
Alors, pas dans la charte comme telle, mais dans le règlement
régissant les institutions de détention, il est
spécifié que la Commission des droits de la personne a la
possibilité d'examiner les lieux, de venir à
l'intérieur des lieux de détention pour examiner la situation.
Maintenant, nous n'avons pas de pouvoir d'enquête sur ces
questions-là.
Donc, lorsque - pour revenir à votre question - on s'adresse
à nous sur des questions de droit judiciaire ou autres droits
fondamentaux des personnes en détention, nous pouvons faire, comme dans
certains cas, une visite des lieux et envoyer, à ce moment-là,
aux personnes concernées, aux autorités concernées, des
recommandations basées sur les enseignements que nous avons pu retirer
de ces visites. Mais nous correspondons, à ce moment-là, avec le
Protecteur du citoyen. Nous informons toujours les individus qui s'adressent
à nous de leur recours auprès du Protecteur du citoyen.
Le Président (M. Vaugeois): Merci.
M. Marx: Merci, M. le Président. Il y avait une
série d'articles dans le Devoir, et le dernier, le 3 avril 1984, a comme
titre: Québec contestait dès l'automne dernier l'orientation de
la Commission des droits. Et, apparemment, le journaliste avait une copie d'un
document du Conseil du trésor; je ne sais pas qui l'a signé. Je
ne sais pas si c'était important ou non. Mais, de toute façon,
dans le document, on fait état de -et je cite - la piètre
crédibilité de la commission et ainsi de suite.
Le ministre n'a jamais vraiment eu l'occasion ou n'a jamais pris le
temps d'expliquer la position du gouvernement en ce qui concerne ces articles
dans le Devoir. J'aimerais demander au ministre, maintenant, d'exprimer la
position du gouvernement dans ce dossier.
M. Johnson (Anjou): Pour l'essentiel, je dois dire que ce que
peuvent dire les journaux, dans un sens ou dans l'autre, peut, de temps en
temps, éclairer la réflexion politique.
M. Marx: Une attaque pour les médias. M. Johnson
(Anjou): Non, non. M. Marx: Non?
M. Johnson (Anjou): Si je pouvais finir ma phrase,
peut-être que ce serait plus simple.
Le Président (M. Vaugeois): C'est le droit du ministre;
s'il vous plaît.
M. Marx: Do not kill the messenger, deal with the message. (17 h
30)
M. Johnson (Anjou): ...ne manque pas d'intérêt pour
qui que ce soit dans des dossiers où il s'agit d'un organisme qui
relève de la compétence de l'Assemblée nationale, quant
à la nomination de ses membres et du ministre de la Justice, quant
à son administration, mais strictement pour son administration. Je dirai
que, pour l'essentiel, le ministère de la Justice a réagi devant
ce rapport d'un analyste du Conseil du trésor et non pas devant un
rapport du conseil lui-même. Cet analyste a exprimé une opinion
et, à ma connaissance - c'était antérieur à mon
arrivée au ministère - le ministère de la Justice s'est
livré, comme cela arrive à tous les ministères une fois de
temps en temps, à une opération de démolition en
règle de cette analyse faite par un fonctionnaire qui avait des opinions
comme celle-là. Dans l'ensemble, à mes yeux, la Commission des
droits de la personne est un des phares importants et un des porte-flambeaux
importants de la liberté dans une société comme la
nôtre. Nous ne sommes ni vaguement près, ni possiblement dans le
sillage de nos collègues de Colombie britannique, pour rassurer le
député. À mon avis, les crédits que nous constatons
cette année et les efforts qui ont été faits depuis deux
ans en termes de ressources humaines et en termes de dotation de la commission
démontrent bien que le gouvernement attache une très grande
importance à cette institution.
Il peut y avoir, comme cela est possible, des divergences de vues sur la
notion des priorités. Je sais que le député en a
déjà exprimé l'an dernier. Il est très clair que,
quand on touche au domaine des droits et des libertés, qu'on touche
à la vie en société et que, finalement, il s'agit
là d'un domaine absolument illimité sur le plan des contenus. Une
commission pourrait se tenir occupée 24 heures par jour et même
plus avec seulement un aspect des responsabilités que lui confie la
charte, d'où la nécessité, je pense, dont la commission
est consciente, d'une certaine planification stratégique, d'une certaine
priorisation des dossiers, d'une certaine discipline, finalement, dans
l'approche des dossiers quant aux enjeux qu'ils recèlent à
l'égard des principes fondamentaux qui sont contenus dans la loi et de
notre façon de les voir évoluer au Québec.
Par ailleurs, la commission jouit d'une très grande
liberté. Cette liberté lui permet, à l'occasion, de faire
des recommandations au gouvernement et même de se retrouver dans le
"camp" - si on peut utiliser ces expressions - des gens qui s'opposent au
gouvernement sur certaines choses. Je ne m'en offusque pas. J'ai
déjà pris connaissance d'un rapport de la Commission des droits
de la personne avec lequel j'aurais eu tendance à ne pas être
d'accord. Mais, j'ai pris connaissance aussi d'un rapport avec lequel
j'étais entièrement d'accord, notamment sur le droit de
grève dans les secteurs public et parapublic où j'épousais
la théorie, très facilement, par tempérament,
qu'évoquait la commission quant à la notion des droits.
M. Marx: C'est la loi 111?
M. Johnson (Anjou): Non, sur le droit de grève dans le
secteur hospitalier.
M. Marx: Au sujet de la loi 111, est-ce que vous étiez
d'accord avec la commission aussi?
M. Johnson (Anjou): Autre chose. M. Marx: Autre chose.
M. Johnson (Anjou): J'ai bien dit qu'on vit heureusement dans une
société démocratique.
M. Marx: Pick and choose.
M. Johnson (Anjou): Effectivement, parce qu'à ma
connaissance la Commission des droits de la personne n'a pas été
élue au suffrage universel. Ces gens sont choisis, à toutes fins
utiles, par un vote unanime de la Chambre. À ma connaissance il n'y a
pas eu d'exception. Ils sont dépositaires d'une
crédibilité importante. Ils sont le rempart, pour nos
concitoyens, des débats importants sur les droits et les
libertés. Ils sont respectés en tant que tels, mais je pense que
cela ne prive pas pour autant la légitimité de l'expression des
opinions de la part des élus à la Chambre sur des dossiers
spécifiques. Je dirai donc, pour l'essentiel, que, si la commission a
connu un certain soubresaut public depuis un certain temps, je sais qu'il y a
à l'occasion des problèmes de relations de travail dans cet
organisme comme il y en a ailleurs dans l'État, et qui sont probablement
reliés au domaine même d'intervention de cette commission,
c'est-à-dire, le domaine des droits et des libertés où on
retrouve des idéologies, des convictions profondes, des choses qui
animent, qui attisent souvent les passions, mais qui font qu'au bout de la
ligne, je crois, cette commission non seulement s'acquitte adéquatement,
mais sans doute est une des commissions qui, par son implication, assure sur ce
continent, j'en suis convaincu, la constance, la répétition et
l'entêtement de voir les droits et les libertés de la personne au
centre des débats publics qui entourent tantôt la
législation, tantôt les actions administratives ou
gouvernementales ou, tantôt, les rapports entre citoyens.
M. Marx: Juste une autre; question, parce que le ministre a
soulevé le problème des relations de travail à la
commission, il a mentionné cela étant donné qu'il a
déjà été ministre du Travail. Il a donc une
certaine expertise dans ce domaine. Peut-il expliciter davantage quels sont les
problèmes de relations de travail à la commission?
M. Johnson (Anjou): Cela me fera plaisir de le faire le jour
où j'aurai terminé de faire le tour de piste que je veux faire
autour de cette question.
M. Marx: Le ministre n'a pas parlé pour ne rien dire.
Quand il a parlé des problèmes de relations de travail, il avait
quelque chose en tête. Qu'il nous livre ce qu'il a en tête.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, si on me permet,
avant de passer la parole à Mme Fournier, je pense, qui me donnait
l'impression de vouloir intervenir, je dirai que je sais simplement qu'il y a
à la commission, comme ailleurs dans d'autres organismes
gouvernementaux...
M. Marx: On peut dire des généralités comme
cela sur le monde.
M. Johnson (Anjou): Non. ...des phénomènes de
tension, au niveau, notamment, des relations de travail.
Je dois vous dire pour un, mais c'est un fait acquis, que j'aurais fort
bien vécu avec l'idée qu'il n'y aurait pas de syndicats
affiliés dans une Commission comme la commission des droits de la
personne. Si on interdit aux policiers dans notre société de
s'affilier à des centrales syndicales, je ne me serais pas
scandalisé de voir qu'on interdisait aux employés d'une
commission qui est responsable de véhiculer sur la place publique et
à l'égard de l'Assemblée nationale les notions de droits
et libertés... À l'occasion, les employés n'auraient pas
été dans cette position très inconfortable de porter
tantôt leur chapeau de délégué syndical et
tantôt leur chapeau de professionnel responsable dans une commission qui,
quant à moi, doit être au-dessus de bien des choses dans la
société.
Ceci dit, il n'en reste pas moins qu'il y a de longs débats
à avoir autour de ces choses. Je dis simplement qu'il y a des
phénomènes de tension, à l'occasion, qui sont
évidents ou qui ont été plus ou moins manifestes et que je
compte bien m'en entretenir suffisamment longuement avec les membres de la
commission dans les semaines qui viennent.
Le Président (M. Payne): La question en intéresse
plusieurs. Mme Fournier, avant qu'on invite le député de
Deux-Montagnes.
Mme Fournier: Sur la question d'existence de conflits de
relations de travail
à la commission, je pense... Pardon?
Le Président (M. Payne): Non. Vos commentaires, à
votre discrétion.
Mme Foumier: Oui.
Le Président (M. Payne): Non, non. Ce n'est pas...
Mme Foumier: Alors, je ne crois pas qu'il y ait de
problèmes particuliers à la commission en termes de relations de
travail. Il y a, bien sûr, une situation actuellement qui est liée
au fait de l'implantation de nouvelles ressources. Cela crée des espoirs
personnels ou individuels. Il y a des points particuliers qui touchent la
convention collective. Ces questions doivent être discutées et
c'est ce que nous faisons en ce moment. Je ne crois pas qu'il y ait quelque
chose de particulier à noter ou à souligner en ce moment.
Le Président (M. Payne): Très bien. J'inviterais M.
le député de Deux-Montagnes.
Charte des droits et libertés de la
personnes
M. de Bellefeuille: M. le Président, je voudrais poser
à Mme Fournier une question à propos des avis que la commission
peut soumettre au gouvernement sur d'éventuels amendements à la
charte. Notre Charte des droits et libertés de la personne a
déjà été modifiée par l'Assemblée
nationale à quelques reprises. C'est d'ailleurs un avantage relatif de
notre charte d'être une loi et de n'être pas enchâssée
dans une constitution, ce qui nous permet de la tenir à jour par un
mécanisme plus simple que s'il s'agissait d'un élément de
constitution.
Je pense que nous devons continuer de profiter de cet avantage et nous
assurer que la charte soit modifiée aussi souvent que cela est
nécessaire pour nous assurer qu'elle continue de correspondre à
la perception qu'on se fait dans notre société des droits
à protéger, étant donné que cette perception
continue d'évoluer comme elle l'a fait dans le passé.
La question plus particulière que je voudrais poser à Mme
Fournier, c'est pour savoir si la commission attend que le législateur
lui demande son avis ou si elle peut envisager, de sa propre initiative, de
donner les avis au gouvernement sur des éléments nouveaux qu'elle
jugerait opportun d'introduire dans la charte. Est-ce que vous attendez qu'on
vous le demande ou si on peut compter sur vous pour nous donner des avis de
votre propre initiative, motu proprio, comme on dit entre législateurs,
puisque nous aimons beaucoup le latin?
Mme Fournier: Vous pouvez être assuré que nous le
faisons certainement de notre propre initiative. Ce qui s'est produit, comme
vous le savez, la dernière fois qu'on a demandé des amendements,
c'est qu'il y a eu une commission parlementaire. Nous avions beaucoup
souhaité cette commission parlementaire, précisément pour
faire le point après l'exercice, d'environ cinq ans, de la charte comme
telle et nous avions identifié des lacunes à la charte. Ceci a
été supporté par plusieurs groupes de la population, et
cela a été une opération d'envergure qui nous a vraiment
permis d'élargir les protections des citoyens et citoyennes du
Québec et aussi de rendre la charte le plus à jour possible. On
ne pense pas que cet instrument législatif soit parfait. Je pense que
c'est impossible. Effectivement, si nous identifions d'autres
difficultés, je pense qu'on les porterait à l'attention du
législateur. Peut-être qu'on trouverait le moyen de le faire
à un moment précis qui nous permette de réussir.
M. de Bellefeuille: Dois-je comprendre que vous n'êtes pas
sur le point de le faire, que c'est votre intention de le faire en
général et à un moment donné dans l'avenir, mais
que vous n'avez pas de fer au feu dans le moment?
Mme Fournier: On n'a pas de fer au feu précis en ce
moment.
M. de Bellefeuille: À cet égard-là?
Une voix: L'opération dure depuis combien de temps?
Mme Fournier: L'opération de la commission parlementaire a
pris certainement une année.
M. Marx: La commission, chaque année, dans son rapport
annuel, fait des recommandations aux législateurs en ce qui concerne,
même, la modification de la charte, des amendements ou autre chose.
Mme Fournier: C'est ça. Il y a une possibilité de
le faire, mais, pour répondre à votre question, il n'y a pas,
actuellement, de fer au feu.
M. de Bellefeuille: Juste une autre question: Est-ce que la
commission s'est penchée sur le domaine - je sais qu'elle s'est
penchée sur ce domaine-là et vous préciserez,
j'espère, Mme Fournier, dans quelle mesure et de quelle façon -
de la protection de la vie privée? C'est un domaine à propos
duquel nous avons légiféré ailleurs que dans la charte.
Par ailleurs, il y a certains aspects que nous avons notés ce matin,
dans nos discussions, qui sont couverts
par d'autres lois, d'autres juridictions comme le Code criminel.
Est-ce que vous vous êtes penchés sur cela? Est-ce que vous
avez examiné ce domaine? Est-ce que vous envisagez de donner des avis en
vue de nouvelles interventions législatives?
Mme Fournier: Nous avons donné des avis précis en
ce qui concerne les renseignements gouvernementaux et, dans une large part, ces
recommandations ont été suivies. Enfin, nous n'étions pas
les seuls à aller dans cette direction, de toute façon. Nous
avons cependant, à cette occasion et à plusieurs autres,
insisté sur le fait qu'une protection de la vie privée dans les
secteurs non gouvernementaux était aussi absolument essentielle: la
protection, par exemple, de la vie privée en ce qui a trait aux
systèmes de crédit, listes qui pourraient donner lieu à de
la discrimination, d'une part, ou encore, carrément porter atteinte
à la vie privée des gens. Je pense que ce n'est pas à nous
à créer une pièce législative dans ce secteur, mais
nous analyserons certainement les projets ou avant-projets lorsque cela se
présentera. Nous considérons que c'est un secteur très
important.
M. de Bellefeuille: Merci.
M. Johnson (Anjou): Je pourrais ajouter à cet effet que,
au niveau du ministère, nous avons créé, tout
récemment, un comité d'étude. Nous avons commencé
à pressentir un certain nombre de personnes pour faire partie de ce
comité sur les banques privées de données personnelles et
qui aurait...
Une voix: ...
M. Johnson (Anjou): Pardon?
Le Président (M. Payne): C'est constitué?
M. Johnson (Anjou): C'est en voie de l'être. Les
premières consultations ont eu lieu...
M. Marx: On a modifié la loi, il y a quelque temps...
M. Johnson (Anjou): ...au moment où je suis arrivé,
à l'occasion du projet de loi 106. C'est ça. Il y aurait
évidemment un représentant de la Commission des droits de la
personne qui serait à ce comité, ce qui m'apparaît
évident.
Le Président (M. Payne): M. le député de
D'Arcy McGee. Après, j'aurai moi-même quelque chose. Vous, vous
devez partir. (17 h 45)
M. Marx: II ne reste que treize minutes et je dois quitter
à 18 heures. J'aimerais aborder une autre question en ce qui concerne la
Charte des droits et libertés de la personne. La réglementation:
Le ministre a parlé d'un règlement en ce qui concerne
l'accès à l'égalité. Je sais que le
ministère a déjà distribué ou diffusé
plutôt une première version d'un règlement. Cela a
été diffusé à tout le monde, sauf à
l'Opposition. C'est peut-être normal mais...
M. Johnson (Anjou): Vraiment? Pourtant, je pourrais nommer des
gens à qui on l'a envoyée. Je croyais que c'étaient des
gens de l'Opposition, mais il semble que non. C'est vrai que ce ne sont pas des
députés.
M. Marx: Ce ne sont pas des députés.
J'espère qu'à l'avenir, lorsque le ministre enverra une version
d'un règlement, il tiendra compte que des membres de cette commission
aimeraient avoir cela au même titre que des gens dans beaucoup d'autres
organismes, partout au Québec.
Premièrement, est-ce que le ministre déposera ce
règlement qui doit être discuté, débattu devant
cette commission? Est-ce qu'il le déposera d'ici le mois de juillet?
Est-ce que ce sera avant ou après juillet, cette année,
quand?
M. Johnson (Anjou): C'est-à-dire que nous avons
procédé depuis juin 1983 à une première
consultation. Une nouvelle consultation, compte tenu de la nouvelle version du
règlement, doit avoir lieu notamment auprès de la commission.
Cela se fera incessamment. Nous reviendrons ensuite devant l'Assemblée
nationale.
Je ne peux pas tenir pour acquis que nous pourrons le déposer
avant le 22 juin -je pense que c'est le 22, en vertu du règlement que
l'on termine...
M. Marx: Est-ce que ce sera déposé au salon bleu ou
devant la commission?
M. Johnson (Anjou): C'est ce que j'allais dire. C'est très
clair que cela ne pourra pas se faire avant la fin de juin. Je pense cependant
qu'on pourrait être prêt durant l'été et cela peut
sans doute se faire en le déposant auprès du secrétariat
de la commission, si je ne me trompe pas, en vertu du nouveau règlement.
Nous ne sommes pas obligés d'attendre que le Parlement siège.
M. Marx: Non, parce que c'est devant la commission dans l'article
86.9.
M. Johnson (Anjou): Une fois que l'on aura obtenu, après
une nouvelle consultation auprès de la commission, son opinion, nous
déposerons le projet auprès de la commission.
M. Marx: Le ministre devrait peut-être savoir que le
règlement qui est à rédiger prévoit les programmes
d'accès à l'égalité à travers le
Québec, c'est-à-dire, même aux compagnies . privées.
Il sera possible également pour la commission et les tribunaux d'imposer
un tel programme d'accès à l'égalité. C'est bien
cela?
M. Johnson (Anjou): C'est cela.
M. Marx: II s'agira de la seule juridiction au Canada,
peut-être en Amérique du Nord, où on mettra en application
un tel programme. Dans la loi fédérale, il y a la
possibilité d'encourager le secteur privé, de mettre en place les
programmes de l'accès à l'égalité, mais il est
impossible au niveau fédéral de forcer une compagnie à
accepter un tel programme, comme il est impossible de forcer une compagnie
ailleurs au Canada, ou même, ailleurs en Amérique du Nord.
J'aimerais suggérer au ministre de prévoir que la mise en
application des programmes d'accès à l'égalité sera
mise en place, premièrement, au gouvernement, aux institutions du
gouvernement, aux organismes gouvernementaux, aux organismes
paragouver-nementaux. Ceci pour faire un essai et voir ce que cela donnera. Au
lieu d'appliquer cela "at large", on ne sait trop où, au lieu de
multiplier les coûts, etc., il vaudrait mieux appliquer un tel programme
d'accès à l'égalité au gouvernement, aux
ministères, aux municipalités, aux commissions scolaires, aux
hôpitaux, etc. Il serait sans doute souhaitable de faire un essai dans
ces institutions et dans ces secteurs avant d'appliquer des programmes "at
large" partout au Québec. C'est une suggestion et pas plus que cela.
Peut-être que le ministre a des remarques.
M. Johnson (Anjou): II est bien évident que les
dispositions... Peut-être la chose, par analogie, à laquelle l'on
peut comparer cela - je dis bien par analogie, parce que cela cloche - c'est
l'application de la Loi assurant l'exercice des droits des personnes
handicapées, dont l'implantation s'est faite graduellement dans le
secteur privé, en tenant compte de la taille des entreprises, des plans
d'embauche, dans un processus, dans un premier temps, qui était
incitatif, mais avec un pouvoir de l'imposer en cours de route. Je pense que la
notion d'implantation graduelle de ce type de mesure est en soi
intéressante non seulement parce que l'on touche à un domaine qui
est, disons-le, proprement révolutionnaire dans une
société comme la nôtre, et il faut passer par là
pour assurer l'égalité des femmes.
M. Marx: Pas seulement pour les femmes.
M. Johnson (Anjou): Oui mais, notamment, pour les femmes, mais
par souci d'efficacité. Je retiens les commentaires du
député, je suis sûr qu'il se souviendra de ses propres
commentaires au moment où nous devrons procéder à
l'adoption du règlement.
M. Marx: Non, mais c'est une suggestion que j'offre au ministre
afin qu'il fasse une réflexion sur ce sujet-là. Ce n'est pas une
prise de position de ma part ou de l'Opposition. C'est une suggestion...
M. Johnson (Anjou): Alors, nous partagerons nos réflexions
lors de l'étude du projet.
M. Marx: Une prise de position peut être facilement que le
gouvernement donne l'exemple, que le gouvernement n'attende pas que le secteur
privé lui donne l'exemple, que le gouvernement ne s'exempte pas de
l'application des programmes d'accès à l'égalité,
ce qui est effectivement le cas actuel. C'est-à-dire, c'est dans la Loi
sur la fonction publique et le gouvernement pourrait ou devrait procéder
au programme d'accès à l'égalité, mais il n'a rien
fait jusqu'à maintenant. Le gouvernement imposera de tels programmes
dans le secteur privé, passera sans vraiment s'occuper de cela. Je pense
qu'il y a quelque chose qui cloche dans tout cela. On a déjà
posé des questions au président du Conseil du trésor dans
ce sens. Il a dit: II n'y a pas beaucoup de postes ouverts au gouvernement et
on ne peut rien faire, soit pour les femmes, les anglophones, et ainsi de
suite.
Je pense que le gouvernement devrait plutôt donner l'exemple et ne
pas faire en sorte que l'on force les autres à donner l'exemple.
M. Johnson (Anjou): Peut-être que Mme Fournier pourrait
exprimer des commentaires.
Mme Fournier: Moi, je pense qu'effectivement le plus tôt
les règlements seront adoptés, le mieux ce sera, afin que l'on
puisse appliquer ce chapitre des amendements à la charte en vigueur.
Pour ce qui est de l'application au gouvernement, effectivement, comme vous le
dites, ce secteur-là est à la fonction publique. Les informations
que je possède, c'est qu'on met sur place les moyens pour donner suite
à cela, mais ce n'est pas effectivement mon secteur.
Pour ce qui est des programmes d'accès à
l'égalité comme tels dans le secteur privé, il est exact
de souligner que le secteur parapublic tombe sous le coup de la charte et,
donc, de la commission, si je peux dire. Alors, tout le parapublic, le
péripublic est sous le coup de la commission. Pour ce qui est de faire
un échéancier d'implantation,
nous devons faire des choix. Je pense qu'il y a deux choses à
dire là-dessus, c'est qu'effectivement il va falloir, en ce qui concerne
les enquêtes à faire de notre initiative, de l'initiative de la
commission pour déterminer s'il y a discrimination systémique ou
non, établir une stratégie d'implantation qui soit la meilleure
possible, mais il faut savoir que, si une plainte est déposée
concernant un autre secteur, une industrie privée quelconque et que l'on
faisait la démonstration qu'il y a de la discrimination
systémique, il serait du devoir de la commission de recommander
l'implantation d'un programme d'accès à l'égalité.
Alors, nous ne sommes pas totalement libres, si vous voulez, d'établir
une stratégie d'implantation. Il y a la charte qui nous donne des
directives à cet égard.
M. Marx: Mais la commission serait libre de dire: On va prendre
les magasins à rayons, on va faire une étude.
Mme Fournier: De notre initiative, c'est ce que je dis.
M. Marx: Mais, c'est cela. Mme Fournier: Oui.
M. Marx: Dans un règlement, dans un premier temps, on peut
prévoir qu'on va s'attaquer vraiment aux institutions publiques et
parapubliques, disons, les sociétés d'État. Par exemple,
on va s'attaquer aux municipalités, aux commissions scolaires, aux
hôpitaux et ainsi de suite, et commencer à faire une certaine
expérience dans ces institutions avant d'étendre la mise en
application des programmes. C'est juste une suggestion, que l'on
réfléchisse à cette question.
M. Johnson (Anjou): Suggestion de réflexion jusqu'à
ce que l'on en discute longuement à la commission.
M. Marx: Qu'on discute, oui, peut-être; c'est cela. Quand
le ministre va diffuser son règlement, deuxième ou
troisième version, est-ce qu'il va envoyer une copie aux
députés qui siègent à cette commission?
M. Johnson (Anjou): C'est-à-dire...
M. Marx: For everybody's eyes, mais pas pour les
députés.
M. Johnson (Anjou): Je dirais ceci, M. le Président...
M. Marx: Non, mais je trouve cela...
M. Johnson (Anjou): ...la réforme parlementaire, on vient
devant la commission des institutions pour discuter de projets de
règlement, notamment celui qui touche la charte. Est-ce qu'il faudrait
que j'envoie toutes les versions? À ce moment-là, je pense qu'il
faudrait que la réforme parlementaire prévoie autre chose. C'est
que la commission délègue un représentant au bureau du
sous-ministre; je dis dans toutes nos activités. Probablement qu'il faut
que cela arrête quelque part. On vient ici pour discuter d'un
règlement avant qu'il soit adopté. Est-ce que cela veut dire
qu'il faut associer les membres de la commission à toutes les
étapes? Je ne pense pas. Je ne pense pas que ce soit le but visé
par la réforme parlementaire.
M. Marx: II y a la réforme parlementaire et la courtoisie
parlementaire.
M. Johnson (Anjou): Oui, mais...
M. Marx: Cela peut tomber dans l'une ou l'autre.
M. Johnson (Anjou): ...la courtoisie peut nous amener à la
paralysie.
Le Président (M. Vaugeois): Qu'est-ce que vous souhaitez,
exactement?
M. Marx: Je souhaite que, lorsqu'on envoie une version d'un
règlement à tout le monde, partout au Québec, mais pas aux
députés à titre d'individus, on nous mette sur la
même liste. Comme cela...
Une voix: Je ne l'ai pas vue.
M. Marx: Vous ne l'avez pas vue!
M. Johnson (Anjou): Alors...
M. Marx: Moi, je l'ai vue parce...
M. Johnson (Anjou): C'est cela, on l'a envoyée...
M. Marx: Quelqu'un...
M. Johnson (Anjou): Bien oui, on l'a envoyée au Conseil du
patronat...
M. Marx: Non, mais j'ai reçu ma copie...
M. Johnson (Anjou): ...et à la chambre de commerce.
M. Marx: ...dans une enveloppe brune.
M. Johnson (Anjou): Ah!
M. Marx: II n'y avait pas...
M. Johnson (Anjou): Là, on vient de
comprendre quelles sont les sources du député, les
enveloppes brunes.
M. Marx: Non, mais si le ministre envoie cela à une
dizaine ou une vingtaine d'organismes, pourquoi il n'en enverrait pas une copie
confidentielle aux députés?
M. Johnson (Anjou): On envisagera cette possibilité, M. le
Président.
Le Président (M. Vaugeois): Écoutez, c'est un voeu
personnel que vous exprimez...
M. Marx: Oui.
Le Président (M. Vaugeois): ...parce que, si la commission
veut regarder officiellement un document, bien, on va le regarder dans la forme
soumise. Mais, si vous voulez vous comporter en même temps comme un
citoyen et professeur d'université et faire l'objet de consultation et
de contrat privé par le ministère, cela est autre chose.
M. Marx: Tout le monde était en train de discuter de la
première version du règlement. On m'a demandé si je
l'avais vue...
Le Président (M. Vaugeois): Ah, c'est légitime,
c'est à titre personnel, là.
M. Marx: Oui.
Le Président (M. Vaugeois): Ce n'est pas comme
parlementaire.
M. Marx: À titre de député...
Le Président (M. Vaugeois): Nous aurons l'occasion de nous
pencher...
M. Marx: ...pas membre de cette commission.
Le Président (M. Vaugeois): ...sur la proposition de
l'Exécutif. C'est autre chose. Et nous pourrons même, M. le
député, consulter les experts sur la proposition de
l'Exécutif, aller chercher des avis.
M. Johnson (Anjou): Voilà!
Le Président (M. Vaugeois): Ce sera le privilège de
la commission.
M. Marx: Oui, cela, après.
Le Président (M. Vaugeois): Mais, c'est autre chose.
Est-ce que cela va pour la Commission des droits de la personne?
M. Marx: Oui.
Le Président (M. Vaugeois): Bon.
Madame, on vous remercie. Je crois que, compte tenu de l'heure et des
ententes que nous avions arrêtées entre nous, nous pouvons...
M. Johnson (Anjou): Nous adoptons l'ensemble des
crédits.
Le Président (M. Vaugeois): ...proposer l'adoption de
l'ensemble des crédits du ministère de la Justice. Est-ce
adopté?
M. Marx: Oui.
Le Président (M. Vaugeois): Cela va?
M. Johnson (Anjou): Adopté.
Le Président (M. Vaugeois): Alors, la commission des
institutions, qui a maintenant accompli le mandat qui lui avait
été confié par l'Assemblée nationale, ajourne ses
travaux sine die.
(Fin de la séance à 18 heures)