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(Quinze heures cinquante et une minutes)
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission des institutions se réunit aux fins de
procéder à l'étude des crédits budgétaires
du ministère des Relations internationales pour l'année
financière 1985-1986.
Avant de vous donner la parole, M. le secrétaire, M. le leader
adjoint du gouvernement aurait un message.
M. Blouin: Effectivement, M. le Président. J'ai
annoncé, tout à l'heure, que la commission siégerait ce
soir de 20 heures à 22 heures, mais, après une entente entre les
partis politiques, elle ne siégera pas ce soir, elle prolongera
plutôt ses travaux jeudi.
Le Président (M. Gagnon): Jeudi.
M. de Bellefeuille: M. le Président, il me fait plaisir de
donner mon consentement.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le secrétaire,
voulez-vous nous annoncer les changements, s'il y en a.
Le Secrétaire: II n'y en a aucun, aucun remplacement ne
m'a été signalé.
Remarques préliminaires
Le Président (M. Gagnon): Voilà! Pour les remarques
préliminaires, je donne donc la parole à M. le ministre.
M. Bernard Landry
M. Landry: Merci, M. le Président. Nous aurons l'occasion,
au cours des heures de travaux qui viennent, d'étudier les
crédits du ministère des Relations internationales pour
l'année financière 1985-1986. Vous aurez alors la
possibilité, ainsi que tous les parlementaires présents, de poser
toutes les questions qui se rapportent à ces crédits. Je
m'efforcerai d'y répondre de la façon la plus claire et la plus
complète possible. J'ai pris la précaution, pour ce faire, de
m'entourer d'une équipe, comme cela est l'usage, que je vais vous
présenter.
Ce sont les hauts fonctionnaires qui dirigent la diplomatie
québécoise et nos relations internationales, le sous-ministre, en
particulier, M. Yves Martin; M. Claude Roy, qui est directeur de cabinet; M.
Henri Dorion, qui est sous-ministre adjoint à la planification; M.
Léo Paré, qui est le directeur général des affaires
internationales; M. Gilbert L'Heureux, qui est le directeur
général de l'administration; M. Jacques Pouliot, qui est
directeur du budget; M. Marcel Perreault, qui est directeur du personnel, et M.
Bertrand Juneau, qui est directeur de la programmation au ministère des
Relations internationales.
Je suis particulièrement heureux de voir aussi que, dans les
parlementaires membres de cette commission, il y a M. le député
de Fabre, adjoint parlementaire au ministère des Relations
internationales et, ce qui va rehausser le calibre des travaux de notre
commission, un ancien adjoint parlementaire du ministre des Relations
internationales qui s'acquittait d'ailleurs de sa tâche avec grand brio.
Il s'agit du député de Deux-Montagnes. La présence de ces
deux parlementaires, parmi les autres parlementaires distingués dont le
critique de l'Opposition, ne devrait pas manquer de rendre très
enrichissantes nos séances d'étude des crédits.
Avant de procéder à l'étude et de répondre
aux questions, je voudrais rappeler brièvement quelques-unes des
réalisations les plus significatives du ministère au cours de
l'exercice 1984-1985 et vous présenter succinctement les grands axes de
l'année qui est en avant de nous.
En 1984-1985, au chapitre des événements majeurs, nous
avons connu des choses qui ne se reproduiront plus et qui ont eu un
caractère tout à fait exceptionnel. En effet, trois
événements méritent d'être soulignés, trois
événements non récurrents, comme on dit, d'une
façon particulière: la tenue du sommet "Québec dans le
monde", la première grande concertation de tous les agents
intéressés aux questions internationales à être
tenue au Québec, l'organisation de la visite du pape Jean-Paul II et
l'organisation des fêtes du 450e anniversaire du voyage de Jacques
Cartier.
Le ministère a contribué, d'une façon
significative, à l'organisation des fêtes du 450e anniversaire,
d'une part, en prenant en charge l'accueil officiel des très nombreuses
personnalités étrangères qui ont séjourné au
Québec à cette occasion et aussi en apportant son concours
à la réalisation de spectacles, expositions, tournées
programmés dans le cadre de ces fêtes. Quant à
l'organisation de la visite du pape - vous
vous en souvenez, nous en avons discuté l'an dernier - elle a
justifié la création d'un commissariat qui était
rattaché au ministère des Relations internationales. Ce
commissariat avait la responsabilité d'assurer la coordination de toutes
les activités relevant de la compétence des différents
organismes et ministères du gouvernement du Québec et avait
également la responsabilité d'assurer la liaison entre ces
organismes et ministères et l'épiscopat. Le commissaire
général à la visite du pape a rendu public en
décembre dernier un rapport d'activités très
détaillé qui est disponible, comme chacun le sait, et qui a
été déposé à l'Assemblée.
À la suite de l'expérience acquise dans ces occasions, il
est apparu opportun de mettre sur pied un bureau des événements
internationaux. Ce bureau qui est rattaché au ministère a la
responsabilité d'assurer la coordination de la participation du
gouvernement aux grands événements internationaux. Cependant,
l'organisation du sommet sur le Québec dans le monde demeurera
probablement l'une des réalisations les plus déterminantes pour
le ministère en 1984-1985, surtout en ce que cet événement
comporte de promesses pour l'avenir. Après avoir, en mai dernier,
dressé l'état de la situation des relations internationales du
Québec dans les domaines de la coopération, de l'échange
économique et de l'immigration, les intervenants des secteurs
privé et public se sont réunis à nouveau en
décembre pour établir un certain nombre de consensus au sujet des
propositions qui méritaient d'être retenues et mises de l'avant en
priorité.
Le secrétariat des conférences socio-économiques a
publié, dans le cadre de la première phase du sommet, un document
que vous connaissez, que vous avez eu et qui était l'état de la
situation. Le secrétariat compte rendre public prochainement un rapport
qui est à l'impression sur les propositions d'action examinées
lors de la deuxième phase du sommet. L'une de ces propositions d'action
à laquelle nous avons entrepris de donner suite dès la fin de
cette seconde phase du sommet est la rédaction d'un énoncé
de politique. Les participants au sommet ont en effet été
unanimes à reconnaître la nécessité pour le
Québec de se doter d'une politique de relations internationales. Je me
suis donc engagé au nom du gouvernement à présenter un
énoncé de politique de relations internationales. Je compte
soumettre très prochainement cet énoncé
précisément à notre commission.
Il n'est pas sans intérêt de rappeler que le gouvernement
fédéral était représenté à cette
deuxième phase du sommet. C'était la première fois que le
gouvernement du Canada participait à une des activités de
concertation du Québec. À cette occasion, le gouvernement du
Canada a reconnu, à l'instar de l'ensemble des participants d'ailleurs,
la légitimité de l'action du Québec sur la scène
internationale. À différentes reprises depuis l'hiver dernier,
j'ai eu l'occasion d'éprouver la volonté de collaboration du
nouveau gouvernement fédéral et son désir de corriger les
difficultés qui avaient pu dans le passé envenimer les relations
entre Québec et Ottawa dans le domaine des relations internationales. Je
dois vous dire que, jusqu'à maintenant, les résultats ont
été très positifs. Vous dites: On verra? Je dis la
même chose. Je souscris à ce que vous dites, mais, jusqu'à
maintenant, cela va bien.
Sans avoir le caractère exceptionnel de ceux qui viennent
d'être rappelés, d'autres événements ont
néanmoins contribué au cours de l'année à faire
progresser de façon décisive la promotion de nos
intérêts à l'étranger. Ainsi, il n'est pas sans
intérêt de souligner que le premier ministre français, M.
Laurent Fabius, a choisi d'effectuer au Québec, en novembre dernier, sa
première visite officielle à l'extérieur de l'Hexagone. Il
a voulu, de cette façon, souligner l'importance qu'il accorde aux
relations franco-québécoises qui ont fêté cette
année leur 20e anniversaire et dont le caractère
privilégié a été reconnu à cette occasion
même par le nouveau premier ministre du Canada.
Dans le domaine de la coopération
franco-québécoise, l'année 1984-1985 a également
été marquée par le lancement de la prestigieuse revue
biomédicale "Médecine Sciences" ainsi que par la tenue à
Québec et à Montréal d'un important colloque sur la
culture. C'est également au cours de la dernière année
qu'a été créé le groupe de réflexion et
d'action sur les enjeux de la francophonie, le groupe dit Harvey Saint-Robert.
Ce groupe contribuera sans doute à donner un nouvel élan à
la coopération avec la France et avec les pays francophones.
Formé de hauts fonctionnaires français et québécois
auxquels se joindront des représentants d'autres pays francophones, ce
groupe est chargé d'élaborer des propositions d'action visant
à favoriser le développement de la langue française, de
l'informatique et des industries culturelles dans les pays francophones.
La création de l'agence Québec-Wallonie-Bruxelles est une
autre réalisation qui mérite d'être soulignée.
Déjà, grâce à cette agence, environ 200 jeunes
travailleurs ont pu profiter d'échanges entre le Québec et la
Belgique, dans quelques brefs mois, en vérité. Nous sommes
déjà à ce bilan. (16 heures)
Par ailleurs, la poursuite des négociations avec plusieurs pays
dont la Grèce, la République fédérale d'Allemagne,
le Royaume-Uni, la Belgique, en vue de la conclusion d'ententes en
matière de sécurité sociale de même que la poursuite
de
discussions avec différents États américains au
sujet de la vente d'énergie, du contrôle des dérivations
d'eau des Grands Lacs, du problème des précipitations acides, de
la modification des normes d'utilisation de l'amiante, de
réciprocité en matière de sécurité sociale,
en matière d'immatriculation de véhicules automobiles, illustrent
bien le genre d'actions qui ont été menées avec patience
au cours de la dernière année et qui contribueront à faire
débloquer certains dossiers d'un intérêt primordial pour
l'économie du Québec et le bien-être de sa population.
Je voudrais signaler deux choses en particulier. Une a été
plus spectaculaire; cela a été la signature dans l'État du
Wisconsin de la charte des Grands Lacs où les États riverains des
Grands Lacs et les États preneurs à l'eau des Grands Lacs ont
convenu, en signant un document solennel, de préserver cette ressource,
de l'utiliser au mieux et de contrôler les prélèvements. Il
s'agit là d'un précédent même en droit international
- Canada, États-Unis et Québec - qu'une entente formelle de cette
nature vienne consacrer le projet et la façon pour un certain nombre
d'États utilisateurs de la ressource d'agencer leur action dans
l'avenir.
Je voudrais signaler, également au chapitre des ententes que j'ai
mentionnées et portant sur la sécurité sociale avec la
Grèce, avec la France et avec divers États américains,
qu'il s'agit d'ententes comportant un intérêt éminemment
pratique pour un citoyen ou une citoyenne du Québec qui, ayant
travaillé aux États-Unis pendant trois trimestres, par exemple -
je pense que c'est le minimum - ou dix-huit mois, peut avoir accès
à une forme de transférabilité de ses prestations de
sécurité sociale. Ce qui, auparavant, pour des milliers et des
milliers de citoyens... Parce qu'on a quand même une frontière
commune avec cinq États américains, il y a plusieurs transits, on
le sait, entre le Canada et les États-Unis en particulier et plusieurs
citoyens avaient des pensions réduites et étaient
pénalisés en l'absence de tels accords qui, maintenant, leur
profitent déjà et profiteront davantage à plus de gens le
jour où on en aura signé avec un plus grand nombre
d'États, soit du continent nord-américain ou soit de l'Europe de
l'Ouest.
Enfin, la mission qu'a effectuée le premier ministre en Asie et
celle que j'ai moi-même dirigée en Grèce, en Yougoslavie,
en Algérie, en Tunisie ainsi que l'ouverture d'une
délégation à Hong Kong, de nouveaux bureaux du
Québec à Stockholm, Bogota, Singapour, sont autant d'autres
actions qui ont été réalisées au cours de la
dernière année et qui méritent d'être
soulignées parce qu'elles démontrent très bien la
volonté du gouvernement de développer la coopération et
les échanges économiques entre le Québec et des nouveaux
partenaires.
Un mot maintenant des perspectives pour l'année budgétaire
que nous entamons. L'activité du ministère des Relations
internationales sera orientée, en 1985-1986, en fonction d'un certain
nombre d'objectifs prioritaires qui ont été définis au
moment de l'élaboration de la programmation annuelle. Par contre, le
niveau de cette activité dépendra, vous le comprenez, largement
de la disponibilité des ressources. À ce sujet, il me semble
important d'attirer votre attention sur le fait que, contrairement à ce
que laisse entrevoir l'évolution du budget total du ministère,
les crédits disponibles pour les programmes d'activités
diminueront de façon assez sensible en 1985-1986. S'il est vrai que le
budget total du ministère passera de 52 600 000 $ à 54 100 000 $,
c'est l'apparence qui ressort des chiffres, il n'en demeure pas moins que cette
augmentation est trompeuse dans la mesure où ce nouveau budget inclut un
montant additionnel de 4 100 000 $, provenant de la Société
immobilière du Québec, qui transfère les ressources et le
personnel pour que le ministère s'acquitte maintenant de tâches
dont cette société se déleste. C'est un transfert dans la
comptabilité gouvernementale, mais ce n'est pas une augmentation nette
du budget du ministère. En réalité, lorsqu'on fait
abstraction de ce transfert de crédit, on se rend compte que le
ministère devra faire plus, notamment en raison de l'ouverture de quatre
nouvelles représentations, avec moins de ressources qu'auparavant.
Je voudrais insister sur ce fait. L'Opposition en parlera
peut-être. Nous avons vraiment résolu de gérer les
relations internationales du Québec, en termes financiers, d'une
façon extrêmement serrée afin, littéralement, de
faire plus avec moins. C'est ce que nous allons faire. Nous serons plus
représentés à l'étranger, nous aurons plus de
délégations, nous aurons plus d'action et nous ferons les
révisions nécessaires -nous les avons faites - à
l'intérieur des programmes pour ne pas gonfler indûment les
crédits du ministère.
Il y a diverses façons de voir cela. Il y en a une, à mon
avis, qui est irresponsable. Je lisais, dans les mémoires d'un ancien
ministre britannique, qu'il considérait cette chose comme l'une des
plaies des administrations contemporaines que chaque ministre mette son orgueil
à augmenter le budget de son ministère. S'il n'augmente pas le
budget de son ministère une année donnée, il se
considère comme déshonoré, ce qui conduit à un
gonflement effarant des budgets souvent pour une efficacité douteuse. Je
pense que, dans les circonstances budgétaires actuelles de la plupart
des États occidentaux, dont les États-Unis d'Amérique avec
leur énorme déficit, dont le Canada, les
administrateurs publics, ministres et sous-ministres en tête,
doivent beaucoup plus mettre leur orgueil à la gestion serrée des
budgets dont ils disposent et voir à l'expansion si possible de leurs
activités sans ponction supplémentaire dans les deniers fournis
à ces fins par les contribuables. C'est ce que le ministère des
Relations internationales entend faire en 1985-1986.
Donc, nous devrons non seulement rationaliser davantage nos
activités en procédant à certaines réallocations de
ressources, mais nous devrons également faire preuve d'imagination en
développant des formules d'intervention qui nous permettront d'atteindre
nos objectifs à des coûts moindres. On doit malheureusement
reporter à plus tard la réalisation de nouveaux objectifs ayant
fait l'objet de consensus lors de la deuxième session du sommet - sur le
Québec dans le monde. Mais je rappelle qu'au sommet "Québec dans
le monde" j'ai bien dit à tous les participants que les consensus qu'ils
avaient exprimés déclencheraient l'action gouvernementale, oui,
mais sur une certaine période de temps et au fur et à mesure que
les ressources seraient disponibles.
Ce que nous avons essayé de faire en vérité, c'est
de mettre en marche immédiatement ce qui ne comportait pas de
coût, ce qui comportait des coûts minimes ou ce qui mobilisait des
ressources déjà existantes dans le ministère, ce que nous
allons faire en vous soumettant bientôt, par exemple,
l'énoncé de politique internationale qui a été fait
à même les moyens disponibles dans l'appareil gouvernemental, sans
charge supplémentaire pour le budget de l'État.
Je voudrais évoquer maintenant brièvement les
priorités sectorielles pour 1985-1986. Nous voulons,
premièrement, favoriser le développement d'une coopération
solide et durable dans les secteurs clés pour le développement de
l'économie ainsi que pour l'épanouissement culturel du
Québec, notamment dans celui - et ce sont les maîtres mots - de la
science et de la technologie ainsi que dans celui des communications en
général. Cela ne veut pas dire que le reste est
négligé, cela veut dire que nous ciblons sur science et
technologie et communications, deux sujets contemporains d'actualité
liés au virage technologique, liés à notre
prospérité.
Deuxièmement, favoriser le développement chez les jeunes -
voilà le mot clé - d'une meilleure connaissance de la
réalité internationale ainsi que d'une plus grande
sensibilité aux grands problèmes internationaux. Je n'ai pas
besoin d'insister lourdement pour vous dire que cette orientation nous est
dictée par le fait que nous sommes dans l'année internationale de
la jeunesse. Dans cette perspective, le ministère entend accorder tout
au long de l'année une attention et une aide particulière aux
projets visant à favoriser les échanges d'experts et de
chercheurs dans les secteurs de pointe.
De plus, le ministère a établi, dans le cadre de cette
année internationale de la jeunesse, un programme spécial
comprenant un ensemble d'activités dont je vous énumère
les principales: d'abord, organisation de stages dans les
délégations du Québec à l'intention d'une
cinquantaine de jeunes étudiants détenant un premier
diplôme universitaire. Nous allons permettre à des
étudiants, qui sont dans des spécialités liées
à l'action internationale, de prendre contact sur le terrain avec les
délégations du Québec et avec notre personnel diplomatique
comme stagiaires. Je vous ferai remarquer que cela suppose que notre personnel
- il le fait et il le fera - coopère et fasse en sorte que ces stages
soient vraiment instructifs et formateurs pour les étudiants et les
étudiantes qui y participeront.
Troisièmement, avec le concours de l'AQOCI, un collaborateur de
premier plan de l'action internationale du Québec, nous allons organiser
des stages dans des organismes internationaux actifs dans les pays en voie de
développement. Donc, ce programme est dirigé vers les jeunes et
vers le tiers monde.
Quatrièmement, création dans des organismes non
gouvernementaux de coopération internationale pour les jeunes
Québécois et Québécoises d'un certain nombre
d'emplois liés à l'action internationale.
En somme, au cours de cette année, le ministère mettra
l'accent sur les secteurs ainsi que sur les groupes qui ont déjà
été identifiés comme prioritaires par le gouvernement. Il
ne faudrait cependant pas croire que les autres secteurs seront
abandonnés ou négligés pour autant.
En fait, compte tenu des ressources limitées, le ministère
devra resserrer et rationaliser encore davantage ses interventions dans ces
autres secteurs. Il poursuivra son activité dans le secteur
éducatif et culturel, dans le secteur social et institutionnel ainsi que
dans celui des affaires francophones sans toutefois pouvoir y consacrer des
ressources additionnelles ou même, dans certains cas, équivalentes
à celles qui y ont été consacrées par les
années passées.
Dans cette perspective de resserrement et de rationalisation des
interventions, certains programmes d'activités feront l'objet d'une
réévaluation. Ce sera le cas notamment des programmes de soutien
aux événements culturels internationaux majeurs se
déroulant au Québec ainsi que des programmes de soutien aux
activités internationales des institutions d'enseignement et de
recherche.
Certains autres programmes feront, par
ailleurs, l'objet d'une réorientation. Ce sera le cas, par
exemple, du programme de formation médicale étrangère au
Québec qui subira certaines modifications. L'une de ces modifications
visera en particulier à permettre désormais aux
spécialistes et aux étudiants québécois de se
rendre à l'étranger pour assurer une formation médicale
sur place tout en complétant leurs propres connaissances. Il est
à souligner que le ministère mettra à jour au cours de
l'année les mécanismes de concertation interministériels
avec l'ensemble des intervenants publics et privés. Les participants au
sommet "Québec dans le monde" ont tous reconnu la
nécessité de mettre en place des mécanismes pouvant
favoriser une plus grande concertation entre les différents intervenants
québécois ayant des activités sur la scène
internationale.
Pour répondre à ce besoin, il a été
envisagé de créer, dès 1985-1986, des conseils
d'orientation dans les quatre secteurs suivants - je les avais annoncés
au sommet -culture; loisir; recherche et enseignement supérieur;
affaires sociales. La mise en place de ces conseils fait présentement
l'objet d'études et de réflexions au sein du
ministère.
Nos priorités régionales maintenant. En plus d'avoir des
objectifs sectoriels, le ministère s'est également fixé
des priorités régionales en tenant compte, d'une part, de
l'état de nos relations actuelles avec les pays des différentes
régions du monde et, d'autre part, des possibilités encore
inexploitées d'échanges et de coopération avec ces
pays.
Nous avons convenu d'accroître nos efforts en vue de consolider la
position du Québec principalement - vous ne serez pas surpris de
m'entendre dire cela - aux États-Unis d'Amérique et en France et
d'améliorer notre position en Asie.
Aux États-Unis, cette accentuation de la présence du
Québec aux États-Unis se manifestera au cours de la prochaine
année de trois principales façons. Premièrement, par la
consolidation et le développement des relations institutionnelles avec
des organismes tels que la Conférence des gouverneurs de la
Nouvelle-Angleterre et des premiers ministres de l'Est du Canada; le Council of
Great Lakes Governors et le Council of States Governors qui sont autant de
lieux privilégiés pour promouvoir les intérêts du
Québec dans des domaines aussi importants que ceux de l'énergie,
des précipitations acides, des relations commerciales ou du transport
maritime.
Deuxièmement, par l'accélération des
négociations d'ententes intergouvernementales avec plusieurs
États américains au sujet de la sécurité sociale,
comme j'y ai fait allusion, de l'exécution d'ordonnances de divorces et
de l'immatriculation des véhicules automobiles.
Troisièmement, par le renforcement des activités de
promotion aux États-Unis de la culture québécoise et un
soutien accru au programme d'études québécoises, au
programme d'enseignement du français aux associations regroupant des
Franco-Américains et aux tournées que réaliseront aux
États-Unis les Grands Ballets canadiens et l'Orchestre symphonique de
Montréal.
Dans nos relations avec la France, nous insisterons sur les objectifs
suivants: accroître les échanges universitaires; soutenir la
diffusion culturelle; assurer la participation des stations de
télévision québécoise au fameux projet TV 5,
télévision culturelle francophone diffusée dans l'ensemble
de l'Europe; accentuer la coopération linguistique; élargir
l'entente franco-québécoise en matière de
sécurité sociale de manière à couvrir des
clientèles qui ne peuvent actuellement s'en réclamer.
Nous aurons aussi la continuation d'un effort particulier dans la zone
Asie-Pacifique, dans les fameux Pacific Rings. L'état de nos relations
avec cette partie du monde, le poids grandissant de cette région dans
les affaires mondiales et son importance croissante pour le Québec
exigeraient de nous à la fois une accentuation et un
élargissement de notre action, accentuation dans deux pays avec lesquels
nous avons développé des liens depuis plusieurs années, le
Japon et la Chine, et l'élargissement à d'autres régions
ou sous-régions comme, par exemple, la Corée, Singapour,
où nous ouvrons une délégation, comme je vous l'ai dit, et
les pays de l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est. (16 h 15)
Les ressources qui nous sont imparties ne permettent pas toutefois de
faire plus que l'une des deux choses et, encore, de façon relativement
timide, j'en conviens. C'est donc au Japon et à la Chine, pour une
certaine consolidation des acquis, qu'ira cette année plus encore que
l'an dernier la plus grande part des ressources disponibles. Nos relations avec
le Japon devraient connaître une certaine mutation au cours de la
prochaine année. Jusqu'à présent, peu d'actions suivies
dans les domaines de la culture, de la science, de l'éducation et des
communications ont épaulé nos démarches commerciales.
Cette orientation qui est finance et commerce de la délégation de
Tokyo devra certainement demeurer. Il est grand temps d'étayer ces
relations avec ce que le Japon a de meilleur dans les domaines de la culture,
de la science et de la technologie, de l'éducation. La récente
nomination d'un conseiller polyvalent à Tokyo est d'ailleurs à
cette fin.
Quant à nos relations avec la Chine, elles sont désormais
dans une phase de consolidation. Grâce à un travail patient et
de longue haleine, le Québec a réussi à y faire des
percées intéressantes qui ont été
révélées et relancées avec plus de vigueur par le
voyage du premier ministre. Il nous faut maintenant poursuivre ce travail selon
deux axes parallèles: premièrement, les activités
proprement économiques qui débouchent sur le commerce, le
développement industriel ou la réalisation de grands projets
d'équipements hydrauliques, pâtes et papiers en particulier;
deuxièmement, la coopération, surtout dans le domaine de la
formation des techniciens, d'ingénieurs, de gestionnaires chinois et de
l'accès à la technologie.
La délégation de Hong Kong qui comprendra un
délégué, un conseiller économique et un conseiller
polyvalent en plus des conseillers en émigration, aura un rôle
important à jouer dans la promotion de l'image du Québec
auprès des décideurs présents dans la zone dont Hong Kong
est le pivot.
Enfin, l'Asie du Sud-Est est le prochain pôle important de
développement de nos relations avec l'Asie. L'ouverture du bureau
commercial de Singapour, la présence du ministère des
Communautés culturelles et de l'Immigration à Bangkok, celle
d'Hydro-Québec à Kuala Lumpur en sont les signes
extérieurs les plus évidents. Un travail important de
défrichage et d'exploration devra être entrepris au cours de la
prochaine année.
Je sais, M. le Président, que j'ai été un peu long.
Je crois que je ne parlerai guère des autres régions du monde
dans nos priorités géographiques. Je suis sûr que cela
n'empêchera pas nos collaborateurs parlementaires de poser toutes les
questions sur un certain nombre de travaux passionnants que nous faisons dans
des régions comme l'Amérique latine, comme l'Afrique, comme les
pays de l'Europe du Nord, la Suède en particulier. Je serai è
votre disposition pour répondre aux questions sur ce sujet et sur
d'autres que vous voudriez aborder.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre. M. le
député de Jean-Talon et vice-président de la
commission.
M. Jean-Claude Rivest
M. Rivest: M. le Président, en l'absence de mon
collègue, le député de Nelligan, qui a dû s'absenter
pour la séance d'aujourd'hui, qui est le porte-parole de notre formation
politique en ce qui concerne les relations internationales, il me fait
évidemment plaisir de participer aux travaux de la commission, surtout
à un moment et à une heure où sans doute l'un des gestes
les plus importants qui aient été posés sur le plan
international par le Québec au cours des dernières années,
en particulier dans nos relations avec les États-
Unis, nos voisins... Au moment où je vous parle, le chef du Parti
libéral du Québec, M. Robert Bourassa, est à Washington en
présence de sénateurs américains pour promouvoir des
intérêts vitaux et combien intéressants du Québec
dans le domaine de l'énergie et suppléer, dans un certain sens,
à une relative inefficacité de la part du gouvernement en ce qui
concerne l'exportation d'énergie ferme vers les États-Unis. M.
Bourassa a cru de son devoir, comme Québécois et comme simple
citoyen, compte tenu de l'expertise qu'il avait acquise dans le domaine, de
valoriser cet élément essentiel de nos rapports futurs, rapports
d'ailleurs qui sont très tardivement évoqués puisqu'il n'y
a que depuis quelques années que le gouvernement s'est
éveillé à la chose alors que M. Bourassa avait
parlé depuis fort longtemps des possibilités qu'offraient les
États-Unis, le marché américain en ce qui concerne
l'exportation d'énergie, puisque, dans les documents mêmes que le
ministre nous a remis, on fait état des quelques contrats qui ont
été signés dans ce sens. M. Bourassa, aujourd'hui,
rencontre la presse américaine, les principaux médias
américains, les membres de la commission sénatoriale. Au moment
même où on se parle, il est au Capitol pour faire une chose qui va
exactement dans le sens, je présume, des préoccupations du
ministre en ce qui concerne la valorisation des actions internationales du
Québec.
Ceci dit, je voudrais rappeler au ministre, pour bien situer la
perspective dans laquelle nous entendons travailler, que notre formation
politique, dans le document d'orientation qui a été
publié, "Maîtriser l'avenir", ainsi qu'au congrès de notre
parti le développement, le soutien et la nécessité absolue
des relations internationales du Québec ont été
très largement affirmés dans nos documents, en en faisant
même une des quatre cartes du développement et du projet politique
que nous avons, les autres cartes étant celle des ressources humaines de
l'entreprise, celle des relations, bien sûr, Québec-Canada, mais
aussi des relations internationales du Québec. C'est une des quatre
cartes majeures de la pensée politique du Parti libéral du
Québec. Dans ce sens, je pense qu'au niveau des objectifs et des
perspectives nos deux grandes formations politiques, comme, j'imagine, les
objectifs de nos collègues indépendants qui sont à
naître, vont sans doute être d'accord pour soutenir et pousser dans
la même direction parce que c'est vital pour la société
québécoise.
Ce que je voudrais dire des remarques que le ministre nous a faites
aujourd'hui, des actions, d'une façon générale, du
ministère des Relations internationales, une des grandes
difficultés, une des grandes critiques qu'on peut faire à
l'action du gouvernement dans le domaine des relations internationales, ce
n'est certainement pas d'ignorer certaines initiatives d'ordre ponctuel
qui ont été prises et dont le ministre a fait état, les
sommets, le développement des accords entre le Québec et la
France, les initiatives à Hong Kong, l'ensemble des mesures ponctuelles
qui ont été prises et qui sont toutes, si on les regarde une
à une, certainement très valables. Ce qui manque encore et d'une
façon drôlement tragique... Je pense que c'est mon devoir de
parlementaire d'indiquer, de m'étonner, d'adresser au ministre, bien
sûr, et au gouvernement d'une façon générale un
blâme assez sévère sur le plan des relations
internationales.
Il est quand même inconcevable et invraisemblable qu'après
huit ans de gouvernement et d'administration du Parti québécois
le ministre en soit rendu, à la toute fin du mandat, à nous
promettre pour bientôt un énoncé de politique dans le
domaine des relations internationales. Cette simple affirmation est
évoquée, non pas pour porter un jugement sévère sur
les initiatives des fonctionnaires et des gens qui travaillent au
ministère, des partenaires du secteur privé qui appuient et
participent aux activités internationales du Québec; mais c'est
inconcevable que le gouvernement n'ait pas su, en huit ans de mandat,
définir un cadre politique général, cohérent qui
indique d'une façon publique, déterminée et engagée
les orientations du gouvernement dans le domaine des relations internationales.
Cela l'est d'autant plus que je pense que cet énoncé de politique
que le ministre nous a évoqué, l'inefficacité relative ou
l'efficacité relative des actions que le Québec a pu mener, c'est
qu'on n'a jamais pu sentir et identifier d'une façon précise
quelle était la signification réelle de ces actions qu'on
mène dans le domaine international, actions prises une à une pour
la réalisation des objectifs de développement du Québec.
Il n'y a jamais eu, à ma connaissance, en tout cas, d'une façon
suffisamment complète et suffisamment étayée, une
articulation très nette entre les actions internationales du
Québec et les actions du gouvernement du Québec chargé du
développement de cette société qui s'appelle le
Québec.
Je dirais non pas au ministre des Relations internationales, mais au
ministre du Commerce extérieur, étant donné la
priorité interne que nous avons au niveau de la création
d'emplois, qu'il me semble que, dans ses déclarations, on sent
très bien que l'action que le ministre mène dans le domaine du
commerce extérieur s'articule assez bien, je pense, avec les objectifs
prioritaires du Québec en ce qui concerne le soutien de nos entreprises
et la création d'emplois. Il y a là une jonction qu'on voit et
qui apparaît évidente. Quand on regarde le domaine des relations
internationales, malheureusement, à mon point de vue, amputé du
domaine du commerce extérieur, on n'a pas nulle part, à ma
connaissance en tout cas, dans le gouvernement, un exposé
cohérent de la signification des actions que l'on mène.
Par exemple, dans le domaine de l'éducation, quels sont nos
objectifs au ministère de l'Éducation comme société
québécoise et quelle est la signification de l'action
extérieure et internationale que l'on mène avec tel ou tel pays
dans le domaine de l'éducation? Où est la jonction? Pourquoi
développe-t-on tel ou tel type de programme à l'extérieur
en ce qui concerne l'éducation, la culture, les affaires sociales?
Quelle est la signification de ces actions pour le Québec? Même
chose pour l'extension du réseau des maisons ou des
délégations du Québec ou des nouveaux marchés qu'on
poursuit. Jamais on n'a eu cette jonction. On se félicite, bien
sûr, d'avoir ouvert une délégation à tel endroit,
d'avoir pris telle initiative. Mais jamais on n'a un document de
référence qui nous situe ou qui nous indique quelle est la
signification réelle de l'action internationale qu'on mène,
envisagée dans le cadre de la poursuite des objectifs internes du
Québec.
Je comprends de la déclaration du ministre, de ses
déclarations antérieures et des efforts sans doute que les
fonctionnaires et les officiers du ministère font, que ce qu'on appelle
un énoncé de politique internationale visera justement - je pense
que c'est l'essentiel de la démarche - après huit ans
d'administration du gouvernement actuel, à donner un cadre de
référence qui permettra, d'ailleurs, d'éviter que le
domaine des relations internationales soit ballotté au gré des
jeux politiques ou parlementaires et qu'une initiative ou l'autre y fasse
figure de folklore et contribue en fin de compte à dévaluer
l'action internationale du Québec. Je pense que, s'il y a un blâme
et une responsabilité à placer quelque part, lorsqu'on critique
l'inefficacité de l'action internationale du Québec, c'est avant
tout au gouvernement qu'on doit les adresser parce que jamais il n'y a eu un
cadre de référence politique cohérent.
Il y a eu des explications, bien sûr. Je ne veux pas
m'étendre là-dessus, mais je comprends le contexte dans lequel le
gouvernement a fonctionné. Lorsque, à l'étranger, il y a
eu toute cette question... Un premier point, c'est sans doute la question de
l'ambiguïté politique fondamentale sur le statut constitutionnel du
Québec où, finalement, tout le débat autour de la
souveraineté, l'exercice référendaire, pour quelque
interlocuteur étranger que ce soit, pour quelque personne ou partenaire
au niveau du Québec qui s'engageait dans une action internationale, on
n'a pas pu savoir dans la presse, auprès des gouvernements
étrangers, si, lorsqu'un porte-parole du
gouvernement parlait, il le faisait à titre de Québec,
État membre de la fédération canadienne, ou de
Québec devenant souverain, tel que le véhiculait le projet du
Parti québécois. Il y a eu une ambiguïté fondamentale
de la part des interlocuteurs qui a très certainement nui à la
crédibilité et à l'efficacité du Québec.
Là-dessus, on pourrait donner mille et un exemples d'ordre plus ou moins
politique. Je ne veux pas insister. Je veux simplement prendre acte du fait
que, tant et aussi longtemps que le gouvernement a maintenu
l'ambiguïté autour du statut réel du Québec, il a
affaibli d'autant la crédibilité de l'action internationale du
Québec. Cela, c'est une donnée de fait. On a dû vivre avec
cette situation.
L'autre raison, sans doute, c'est celle du chamaillage tout à
fait systématique dans ce domaine auquel se sont livrés, de part
et d'autre, les ministres péquistes et les ministres libéraux
fédéraux d'Ottawa. Cela a été systématique
avant le référendum, pendant la période
référendaire, après le référendum au moment
du rapatriement. Là, il y a eu une annulation réciproque autant
des initiatives canadiennes que des initiatives québécoises dont
on a tous - il faut être réaliste - comme société
québécoise, payé un prix qui, à mon avis, a
été très élevé. Je ne crains nullement de
l'affirmer au plan de l'efficacité de notre action sur le plan
international. La responsabilité, je n'en fais pas une
responsabilité péquiste. J'en fais une responsabilité tout
à fait conjointe. Cela, je pense que ce n'est pas la première
fois que nous, du Parti libéral du Québec, en tout cas, on
l'affirme. Il me semble que cela a été terriblement
négatif. (16 h 30)
Le troisième aspect que je veux souligner au gouvernement a
été son propre cafouillage sur le plan administratif des
structures d'organisation de l'action internationale du Québec où
on a modifié les structures et la pratique d'un ministère qui
était le ministère des Affaires intergouvernementales,
littéralement - et je l'affirme -au gré des remaniements
ministériels où on a découpé, par complaisance ou
autrement, je ne sais trop, une division qui est maintenant celle que nous
connaissons. Mais, pendant qu'on en parlait, pendant qu'on faisait cela, les
fonctionnaires et les officiers du ministère des Affaires
intergouvernementales attendaient. On remaniait les structures administratives.
Les ministres arrivaient. Les structures étaient changées. Enfin,
toute la procédure et toute la pratique des relations internationales
s'en sont trouvées retardées.
Ce n'est pas surprenant, lorsqu'on a vécu l'ambiguïté
constitutionnelle en ce qui concerne le statut du Québec à
l'étranger, comme État membre de la fédération ou
comme État souverain, lorsqu'on a assisté vraiment à une
autoparalysie à cause des chicanes entre les libéraux
fédéraux et les ministres péquistes et le jeu de
cache-cache auquel vous vous êtes livrés les uns les autres. Il y
avait peut-être des André Ouellet à Ottawa, mais j'ai
l'impression qu'il y a eu plusieurs André Ouellet au niveau des
ministres péquistes. Ils ont eu exactement le même comportement.
Mais, au total, en fin de compte, il y a du monde quelque part qui a
payé. Le monde qui a payé, cela a été
l'inefficacité relative de nos relations internationales.
Le troisième facteur a été l'ambiguïté
ou, enfin, l'espèce d'improvisation nouvelle à laquelle on a
procédé en ce qui concerne le ministère des Affaires
intergouvernementales, la confusion, parce que l'action internationale du
Québec, il faut bien le réaliser... Pourquoi n'a-t-on pas encore
d'énoncé de politique? C'est que l'action internationale du
Québec et le domaine des relations internationales, la
coopération internationale ont été, depuis huit ans, le
parent pauvre du ministère des Affaires intergouvernementales, pour des
raisons... Il y a des raisons politiques, mais il y a aussi des raisons
objectives. Lorsque est arrivé tout le domaine de la révision
constitutionnelle, les ministres, les sous-ministres, qui avaient la
responsabilité de cela, ont été préoccupés
par cela et les affaires internationales ont été laissées
un peu au second plan.
Ensuite, il y a eu tout le débat au niveau du commerce
extérieur. Arrache-t-on le commerce extérieur? Est-ce que cela
fait partie du domaine des relations internationales ou si cela va être
un domaine indépendant? Là, on a bâti de petites maisons
que l'on voit actuellement. On a fait une division qui, à mon avis, est
très artificielle, parce que ma perception personnelle des choses, c'est
que le commerce extérieur, c'est une dimension essentielle des relations
internationales. Il n'y a pas, à mon avis, une distinction comme celle
qu'on a faite, comme on l'a traduite sur le plan administratif. Si on
enlève la partie économique et la dimension économique aux
relations internationales, à mon avis, on vide le domaine des relations
internationales d'un contenu très important et on pourrait
séparer le domaine de l'éducation ou de la culture des relations
internationales en disant que ce ne sont pas des relations internationales de
la même nature que celles du commerce extérieur. C'est ma
conviction personnelle.
Après cela, on n'a senti nulle part, compte tenu de ce climat,
sur le plan interne, que le ministère des Relations internationales, -
puisqu'il faut maintenant l'appeler par son nom, - assumait son rôle au
niveau des ministères sectoriels qui avaient une direction, qui avaient
une volonté politique, qu'il sensibilisait tous et chacun
des ministères, celui de l'Agriculture, des Pêcheries et de
l'Alimentation, celui de l'Industrie et du Commerce, celui de
l'Éducation, enfin tous et chacun des domaines, et qu'il leur a dit:
C'est très important qu'on ait une action extérieure. Dans vos
propres projets, dans vos propres priorités, dans votre secteur, pensez
à la dimension internationale et essayez de trouver des programmes pour
tâcher d'étayer une politique de commerce extérieur. On n'a
senti cela nulle part. On n'a pas vu, de la part des différents
ministres qui s'occupent de bien d'autres choses, une préoccupation
quelconque. Peut-être la chose s'est-elle faite sur le plan des
comités internes de l'administration, mais, sur le plan public, on n'a
pas senti, à part les déclarations de bonne volonté, de
bonne intention et de certaines actions - je le reconnais volontiers - du
ministre des Relations internationales, mais certainement pas de la part du
premier ministre, qu'il y avait une volonté politique solide,
engagée de la part de ce gouvernement de dire: L'action internationale
du Québec, c'est important; c'est important comme étant un
instrument d'appui essentiel à nos propres politiques de
développement dans tous et chacun des secteurs de l'administration
publique.
Le ministre vient d'évoquer que, dans son budget - je ne sais pas
si j'ai mal interprété sa déclaration - avec moins
d'argent, il ferait plus. Cela avait l'air un peu d'une excuse de ne pas avoir
réussi à arracher du Conseil du trésor davantage de
crédits, en citant son auteur britannique qui est venu à la
rescousse en disant: Ce n'est pas l'ampleur du budget du ministère qui
marque l'intérêt du ministre et tout cela. En tout cas, s'il
devient plus rationnel dans l'administration de ses programmes, fort bien, il
était temps qu'il y pense, mais, néanmoins, je ne vois pas
là non plus l'indication que le domaine des relations internationales
est dans l'esprit du gouvernement quelque chose qui le préoccupe
vraiment. En tout cas, j'espère que, lorsque viendra
l'énoncé de politique, cette articulation entre les actions
internationales du Québec et les priorités du gouvernement sera
faite, qu'il y aura une jonction, qu'on verra clairement que, si on
développe tel type de programme dans le domaine de la
sécurité sociale avec tel type de pays ou tel organisme
international, ce n'est pas pour le simple plaisir de dire: Voici, on est
allé là. On est allé en Océanie. On est allé
à tel organisme international. Le Québec est maintenant
présent là. Cela aura effectivement... On sera là parce
que notre présence et l'action qu'on fera auront une signification
concrète pour le développement dans le domaine social, dans le
domaine de l'éducation, dans le domaine économique pour le
Québec. Jamais on n'a eu la démonstration d'une telle chose. On a
pris des initiatives qui pouvaient avoir leur valeur objective quand on les
regardait en tant que telles. C'est sûr que signer un accord ou faire un
échange dans tel ou tel domaine, cela peut être
intéressant, mais c'est quoi, la signification objective? Cela
correspond à quoi, par rapport à la propre démarche
interne? C'est ce qu'on n'a jamais pu savoir de ce gouvernement depuis
maintenant huit ans qu'il assume la direction des affaires publiques au
Québec.
Parlant des rapports - le ministre l'a évoqué - de
l'articulation, maintenant, avec le nouveau gouvernement fédéral,
bon! on s'entend bien, on se parle. Vous avez, sauf erreur, rencontré,
je pense, le Secrétaire d'État aux Affaires extérieures,
M. Clark. On a eu de belles déclarations. C'est fini la guerre.
Maintenant, on s'entend. Mais, très concrètement, M. le ministre,
quelle est la problématique là-dedans? La problématique,
c'est que, dans le système fédéral que vous dites
accepter, enfin, jusqu'à un certain temps, - pour longtemps, j'imagine,
le plus longtemps possible, je le souhaite, mais, en tout cas, étant
donné que vous vous situez dans cette pespective maintenant - vous
affirmez que l'action internationale du Québec, c'est le prolongement
des compétences, la théorie qu'on connaît et que vous
évoquiez d'ailleurs dans un document que j'ai vu. Mais où
avons-nous la signification concrète de cela? Comment cela va-t-il se
traduire, par exemple, au niveau des organismes internationaux? Quel est le
degré de participation que vous demandez au gouvernement canadien dans
ces organismes, organismes économiques, organismes sociaux, UNESCO,
l'ensemble des organismes? Où a-ton un document qui nous dit ce qu'on
veut avoir comme place au Québec et surtout ce dont on a besoin comme
place pour manoeuvrer et mener sur le plan international une action qui soit
conséquente et qui épaule nos propres initiatives de
développement interne? Nulle part on n'a cela. On a, quelque part dans
les "clippings", au fil des conférences de presse du ministre, une
affirmation: Voici, il faut que le Québec... On a des juridictions. Il y
a un prolongement international des juridictions où alors cela va se
faire.
Maintenant, on parle au gouvernement canadien. On semble bien
s'entendre. Ils sont gentils, ceux-là, plus que ceux qui ont
précédés, mais on n'est strictement devant rien. Et cela
fait quoi? Cela fait cinq ou six mois que cela dure. On est strictement devant
rien, absolument rien, en tout cas, à moins que je n'aie pas
regardé ou que je n'aie pas suivi le déroulement. Je n'ai vu
nulle part ce que cela signifiait en termes concrets à
l'intérieur du régime fédéral avec le gouvernement
canadien, ce que cela signifiait pour la représentation institu-
tionnelle du Québec à l'étranger.
Premièrement, au niveau des organismes internationaux, dans quels
organismes internationaux le Québec veut-il être présent?
Où est-ce que c'est? Quand est-ce qu'on a dit publiquement dans quels
organismes internationaux on voulait être présent? On n'a
même pas la liste quelque part ou une déclaration complète
et cohérente du gouvernement. Deuxièmement, de quelle
manière veut-on y être présent avec les porte-parole
fédéraux? De quelle manière veut-on y être?
Troisièmement, pourquoi veut-on y être? Quelles sont les
priorités? Faut-il être partout en même temps pour le simple
plaisir de dire qu'on est partout en même temps, ou s'il faut être
à certains endroits particuliers parce que, ici, sur le plan
économique, sur le plan social, sur le plan culturel, on - a des
échéances. Nulle part, on n'a eu une déclaration
cohérente et sensible de la part du ministre ou du gouvernement sur
cette question. Ce sont les organismes multilatéraux auxquels je fais
référence.
Au niveau des représentations institutionnelles du Québec
à l'étranger, on ouvre des bureaux, on développe - c'est
très bien - des délégations. On va à Hong Kong.
Enfin, on fait de l'annonce en Amérique du Sud, etc. Où est la
logique là-dedans? Quel est le plan d'ensemble des actions du
gouvernement? Où est le point de référence pour qu'on
puisse évaluer la valeur relative d'une implantation à tel
endroit par rapport à d'autres? Nulle part on n'a cela. À un
moment donné, on sait qu'il y a certains cas évidents. Par
exemple, il est évident que cela s'imposait à Hong Kong et qu'il
fallait aller là. Mais où est la logique? Quel objectif
poursuit-on? Deuxièmement, en ce qui concerne le gouvernement canadien,
M. Clark, paraît-il, est plus gentil que son prédécesseur,
mais est-ce que le gouvernement canadien est d'accord sur le fait que le
Québec continue à développer ces maisons ou que les
provinces puissent le faire aussi?
On me parlait l'autre jour de la formule de condominium, ou je ne sais
trop ce que cela signifie exactement. Est-ce que le gouvernement
fédéral veut que le Québec continue à
développer son réseau comme l'Alberta ou d'autres provinces qui
le font allègrement? Ou bien le gouvernement fédéral ne
vous a-t-il pas proposé d'intégrer les ambassades, comme cela
existe encore, je pense, à Abidjan? Est-ce que cela existe encore, cette
formule particulière? Est-ce que cette formule est satisfaisante pour le
Québec? Ou bien est-ce que c'est la formule des maisons du
Québec? Quel est le choix? Est-ce que le gouvernement canadien collabore
là-dedans? Il faut aller au-delà des sourires des deux ministres
qui rencontrent la presse au sortir d'une rencontre et qui nous font des
généralités en disant que cela va aller mieux parce que
les gens et le climat ont changé.
Je veux bien que le climat ait changé. Dieu sait que je le
souhaite. J'ai même regretté ce qui s'est passé dans le
passé. Mais on n'a rien et on n'est devant rien. On nous promet un
énoncé de politique pour bientôt. Publiquement, le domaine
des relations internationales, la crédibilité des relations
internationales, je l'ai dit à votre prédécesseur, M.
Jacques-Yvan Morin, à deux ou trois reprises, je pense, au moment de
l'étude des crédits, c'est un des problèmes que la
crédibilité de l'action internationale du Québec. Par
contre, je fais une réserve importante parce que l'actuel ministre a
assumé une partie de cette responsabilité et parce qu'il est
allé parler aux Québécois, par le moyen des sommets, mais
aussi à d'autres tribunes, de l'importance de l'action. Il y a une
pédagogie à faire au plan de l'action internationale. Mais,
encore là, lorsqu'il s'agit d'articulation avec le gouvernement
canadien, il faut que les dossiers soient sur la table. Il faut que cela soit
public. Il faut que l'opinion publique puisse savoir exactement où on va
dans ce domaine.
Or, on est devant rien, et je termine là-dessus. Et j'aimerais
signaler également qu'au niveau du gouvernement canadien j'aimerais bien
qu'on me dise exactement quelles sont les nouvelles ouvertures faites par
celui-ci sur les problèmes que le Québec peut avoir au niveau de
l'ACDI. Quelles sont, concrètement, ces nouvelles ouvertures, si le
climat a vraiment changé? Au sujet du Sommet de la francophonie, y
a-t-il des développements intéressants, significatifs? Le
Québec a-t-il formulé des propositions fermes? J'aimerais que le
ministre me dise cela. Qu'est-ce que cela veut dire? Donnez-moi un document,
une politique. Je termine là-dessus. Qu'est-ce que cela veut dire?
Est-ce que vous avez toujours cette théorie de l'extension des
compétences du Québec à l'étranger? Qu'est-ce que
cela veut dire au niveau des représentations institutionnelles du
Québec dans le cadre de la fédération canadienne?
Qu'est-ce que cela veut dire quant à la participation du Québec
aux organismes internationaux? Lesquels privilégie-t-on? Qu'est-ce que
cela veut dire au plan de l'ACDI? Qu'est-ce que cela veut dire en pratique?
Donnez-nous des choses, au lieu de batifoler comme vous le faites, vous et
l'ensemble du gouvernement, par des déclarations où on ne peut
jamais savoir exactement ce qu'on poursuit dans le domaine international pour
le Québec.
On est devant cette situation actuellement. C'est la critique.
Peut-être que le ministre va trouver que j'y vais allègrement et
peut-être trop négativement, mais je veux ces choses-là. Je
pense que je le fais d'une façon... Le sens' de ma démarche,
c'est que je veux pour le Québec
une politique internationale qui soit complète, cohérente,
exprimée et qui s'articule, bien sûr, avec le gouvernement
canadien, puisqu'on vit dans le régime fédéral, mais qui
nous dise quels sont les objectifs qu'on poursuit. Après cela, on pourra
regarder les crédits, les initiatives ponctuelles du ministre. (16 h
45)
On pourra aussi prendre la mesure du respect des engagements qui ont
été pris au moment du sommet "Québec dans le monde". Je
suis convaincu, lisant les engagements, que la mesure de l'efficacité,
que la mesure du respect des engagements du sommet "Québec dans le
monde" sera largement dépendante de la clarification qui va se faire
dans l'articulation Québec-Ottawa et surtout de la définition
comme gouvernement d'une politique où les partenaires privés
à l'intérieur du Québec, qui mènent une action
internationale, sauront dans quel cadre ils jouent. Actuellement, ils ne le
savent pas. Vous les avez amenés au sommet, chacun s'est exprimé,
cela a été bien intéressant...
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le
député.
M. Rivest: Je termine là-dessus, M. le Président.
Il y a eu des déclarations de principe, mais comment voulez-vous qu'une
université, qu'une entreprise puisse situer son action? Elle n'a
même pas de politique. Elle développe son affaire, elle pousse son
petit intérêt, mais elle ne sait pas dans quel cadre politique du
gouvernement du Québec cela se situe.
Le Président (M. Gagnon): Merci.
M. Rivest: C'est cela la gravité de la situation
actuelle.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le
député de Jean-Talon. M. le ministre.
M. Bernard Landry
M. Landry: Merci, M. le Président. Je ne trouve pas
que votre vice-président y soit allé allègrement, je
trouve qu'il y est allé d'une façon très superficielle par
ailleurs pour une partie de ces questions. Pas toutes, il y en a de très
sérieuses et je tenterai d'y répondre. À certaines autres
de ces questions, je ne pourrai pas répondre parce qu'il n'y a pas de
réponse qui puisse être donnée dans l'aspect
constitutionnel présent des choses, des réponses, en tout cas,
aussi claires que celles que je voudrais donner et que celles que le
vice-président de la commission voudrait avoir.
Le Québec n'est pas signataire, par exemple, de la constitution
du Canada. Les choses sont en mouvance, certaines zones sont grises, ce qui
rend la vie internationale du Québec compliquée, au jour le jour.
J'espère que le porte-parole de l'Opposition déplore, comme moi,
que ces choses ne soient pas réglées, mais qu'il ne me demande
pas de réponse qui supposerait une précision du statut
constitutionnel.
Une autre faiblesse que je vois dans la position globale, surtout, en
fait, dans l'avalanche de questions plus que la position globale du
porte-parole de l'Opposition, c'est qu'il minimise - je le comprends, j'ai
souvent moi-même été entraîné dans cette
tentation et vers ce travers - le fait qu'il parle à un ministre
provincial. Cela n'est pas sans conséquence. Plusieurs de ces questions
auraient été beaucoup plus pertinentes s'il avait parlé au
dépositaire de la souveraineté internationale d'un État
souverain. Quand on est provincial, il faut en assumer les
conséquences.
Sur le plan anecdotique, par exemple, quand un État souverain,
peu au courant des arcanes très complexes de la réalité
constitutionnelle du Canada, discute avec le Québec, il est en
général sur des charbons ardents. Il comprend bien qu'il y a
là un peuple réel, un pays réel, mais aussi une province.
À l'absurde, la république italienne me dit: Vous, ministre
provincial, allez venir en Italie et je vais vous faire rencontrer les
autorités provinciales, disons, de la province de Basilicate, qui n'a
pas le budget de la Commission scolaire régionale Chomedey de chez nous,
à Laval. On est cependant provincial à provincial.
Tout cela pour dire que le porte-parole de l'Opposition aurait
été très éloquent s'il avait été
à la commission des institutions d'un État souverain. Là,
cela aurait été beaucoup plus percutant comme critique. Ce qui ne
veut pas dire, par ailleurs, que j'oublie ou que lui aussi oublie la
réalité québécoise, qui dépasse largement le
cadre constitutionnel. La plupart de nos interlocuteurs internationaux,
d'ailleurs, le disent soit publiquement, soit privément. Les plus
renseignés d'entre eux, quand ils font affaires avec le Québec,
par certains aspects des relations qu'ils ont avec nous, c'est comme s'ils
traitaient avec un État souverain qui, souvent, est plus gros
qu'eux-mêmes. Le Québec, une province, a un budget, a un appareil
étatique, a des compétences réelles plus importants qu'un
très grand nombre d'États souverains dans le monde, en
particulier dans le tiers monde, évidemment, où les structures
sont souvent minces et les moyens faibles.
Je reviens un peu à l'introduction symbolique du porte-parole de
l'Opposition quand il me dit que son chef est à Washington aujourd'hui
pour aller vendre de l'électricité. Je trouve cela très
bien, d'ailleurs. Il a le temps, lui, d'être là, n'étant
pas membre de notre Assemblée, sauf
qu'on n'en a pas parlé, on n'a pas écrit de livres, mais
on en a vendu, ce qui est quand même pas mal plus solide.
Lorsque nous sommes arrivés aux affaires, le gouvernement
précédent nous avait laissé des milliers et des milliers
de mégawatts de surplus. Il avait construit, il avait
aménagé, il avait installé des groupes sans se
préoccuper de la façon dont il allait disposer de cela. C'est
comme un industriel qui dirait: Peu importent les ventes, pourvu que la
production augmente. II a fallu ramer très fort et nous l'avons fait.
Quand nous sommes arrivés au pouvoir, les ventes
d'électricité aux États-Unis étaient insignifiantes
et, aujourd'hui, avec les accords signés avec PASNY, avec l'État
du Vermont, avec NEPOOL, pour la Nouvelle-Angleterre, on s'en va vers les 500
000 000 $ et davantage, les contrats étant signés et les lignes
étant construites, vers 1 000 000 000 $ de ventes annuelles
d'électricité et de surplus, parce que la vente de base, dans des
proportions importantes, comme l'a dit le chef du Parti libéral cet
après-midi à Washington, n'est pas de façon
évidente dans l'intérêt du développement
économique du Québec. Et si on exporte les mégawatts de
base ferme, on exporte aussi les emplois et on coupe les pieds à une de
nos stratégies fondamentales, qui est précisément
d'utiliser les suprématies québécoises en matière
d'énergie pour industrialiser davantage le Québec.
J'ai vu aussi, et ça ne me surprend pas, le chef du Parti
libéral en porte à faux sur les questions Québec-USA
à plusieurs reprises. Il a réagi très négativement
en particulier la première fois que j'ai parlé du
libre-échange avec les États-Unis. II était dans une
assemblée à Beauport et, pour épater les militants ou Dieu
sait quoi!, sûrement pas pour faire étalage de son
incompétence - elle est grande, mais il ne va pas faire exprès
pour le montrer - il a dit que c'était une idée qui n'avait aucun
sens, que le Congrès des États-Unis ne voudrait jamais, que le
Sénat serait contre cela, enfin! Mais quand le président Reagan
est venu ici avec M. Mulroney conclure, à la suite de leurs entretiens,
qu'on devait mettre une priorité sur l'étude et
l'établissement des mécanismes du libre-échange, le chef
du Parti libéral, dans l'intérieur de quatre ou cinq mois, avait
complètement tourné casaque. Là, il trouvait ça
bon. Il avait découvert que c'était bon, après avoir
dénoncé ça avant. Je n'interprète pas,
c'était clair dans les journaux. Je pense que c'était à la
Chambre de commerce de Beauport qu'il avait fait sa sortie.
M. Rivest: Vous n'avez pas le texte.
M. Landry: Je pourrais très facilement faire venir la
coupure.
M. Rivest: M. le Président, j'exige que le ministre cite
le texte.
M. Landry: À la deuxième séance de notre
commission des crédits, j'aurai avec moi les écrits concernant ce
que je viens de dire au sujet de l'incohérence et de l'opportunisme
incroyable du chef du Parti libéral sur une question aussi fondamentale
que nos rapports avec les États-Unis d'Amérique. J'espère
qu'il parle de façon plus cohérente à Washington, pour ne
pas aller mêler davantage les Américains sur ces questions
complexes. Nous essayons d'éclairer l'opinion, de l'éclairer avec
le courant électrique qu'on vend déjà et de
l'éclairer avec l'heure exacte sur la pensée
québécoise en matière de libre-échange.
J'espère que le chef du Parti libéral n'est pas allé
défaire ce que font nos six bureaux et nos fonctionnaires aux
États-Unis d'Amérique avec autant d'ardeur et autant de brio.
J'ai dit, M. le Président, que votre vice-président n'y
allait pas allègrement dans son exposé, mais là il y va
allègrement en interrompant le mien, par ailleurs, alors que moi...
M. Rivest: Admettez qu'il a franchi une phase politique...
M. Landry: ...j'ai religieusement écouté ce qu'il
avait dit.
Le Président (M. Gagnon): Vous me permettez, M. le
ministre? Effectivement, vous avez écouté religieusement.
M. Rivest: J'ai félicité le ministre de son talent,
mais il critique mon chef. Franchement!
Le Président (M. Gagnon): Si vous voulez, on va revenir
à l'ordre. La parole est au ministre et j'aimerais qu'on
l'écoute. M. le ministre.
M. Landry: Je vais continuer à essayer de répondre
le plus systématiquement possible et le plus franchement possible aux
questions sérieuses posées par le porte-parole de l'Opposition.
Une de ses grandes critiques, c'est qu'on n'a pas fait l'énoncé
de relations internationales avant. Je la partagerais en ce sens que, quant
à bien faire on est mieux de bien faire le plus tôt possible et,
si on avait pu le faire il y a dix ans, mais on n'était pas au pouvoir,
c'était vous, on l'aurait fait, j'imagine.
Comment pouvez-vous m'adresser cette critique si vous, qui avez
été près de ces choses et spécialiste
vous-même des questions internationales pendant six ans que vous avez
été au pouvoir, non seulement vous n'avez pas fait
d'énoncé de politique, mais vous n'avez même pas
créé un véritable
ministère des Relations internationales? Vous le savez,
c'était un mélange que nous avons démélangé
par la suite, dans l'approbation générale d'ailleurs, et nous
avons rendu claire la vocation du ministère. Mais il y a aussi un autre
aspect à la réponse et qui est moins partisan. C'est qu'il y a
peu d'États qui se sont attachés et attaqués à
cette tâche difficile et ardue de se donner un énoncé de
politique internationale. Même de très grands États qui ont
des responsabilités internationales majeures n'ont pas osé faire
cela. Nous avons, nous, osé le faire. Quand je dis "nous", je ne veux
pas dire le gouvernement, je veux dire les Québécois et les
Québécoises puisque, essentiellement, cet énoncé
fut élaboré dans un grand sommet à deux phases, une pour
l'état de la situation et une pour les propositions concrètes,
où tout le monde nous a donné la matière plus celle que
nous avions développée à l'intérieur du
ministère pour vous proposer enfin cet énoncé qui sera
devant cette commission des institutions dans les mois qui viennent.
Le porte-parole de l'Opposition a également parlé de la
perte de crédibilité du Québec à cause du
référendum. Mais c'est le monde à l'envers ce qu'il
raconte là. C'est le monde à l'envers. Le
référendum lors duquel 40 % de nos concitoyens et concitoyennes
ont voté "oui" a été un signal fantastique pour la
communauté internationale des nations, indiquant qu'il y avait ici 40 %
de la population qui considérait que le statut d'une province du Canada
n'était pas suffisant pour le Québec...
M. Rivest: ...avec droit de virage? M. Landry: Qu'il ne
l'était pas...
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Landry: Qu'il ne l'était pas et qu'il ne l'est pas
encore. Alors qu'au contraire, sur le plan international, ce
référendum et le nationalisme québécois et tout ce
qui en fut dit au cours des dix dernières années a
illustré, pour plusieurs chancelleries, pour plusieurs ministères
des Affaires étrangères qui pensaient que Québec et
l'Île-du-Prince-Édouard, c'était à peu près
la même chose, que non, que Québec, c'était Québec,
que Québec, cela avait une personnalité; c'était l'habitat
d'un peuple; que cela menait ses propres relations internationales dans les
secteurs de sa juridiction et que ses juridictions devraient être
établies davantage.
Je donne un petit exemple. Ce sont les discussions nationales du
Québec qui font que la langue chinoise a maintenant un caractère
pour Québec. Avant cela, je pourrais dire du temps des "rouges", les
Chinois - ils sont pourtant 1 000 000 000 - ne connaissaient pas le
Québec au point de ne pas avoir un caractère dans leur langue -
ils en ont des dizaines de milliers - pour désigner Québec.
Alors, quand le Québec bouge et surtout quand il bouge d'une
façon positive et démocratique comme il l'a fait depuis huit ans,
cela sert les relations internationales du Québec et cela montre aux
peuples de la terre que notre peuple non seulement existe, mais qu'il veut leur
parler, qu'il veut communiquer avec eux, qu'il veut faire des transferts de
technologie.
Le chamaillage avec les fédéraux, les anciens
fédéraux. Indéniable. Indéniable. Il y en a eu. II
y en a eu même qui nous ont coûté des contrats et des
occasions d'affaires. L'action intempestive de ministres fédéraux
dont j'exclus d'ailleurs mon homologue, ex-ministre du Commerce
extérieur, M. Regan, qui s'est toujours comporté de façon
très correcte, mais d'autres ministres fédéraux du temps
des libéraux et des technocrates fédéraux ont privé
le Québec de certaines occasions d'affaires. Ce cafouillage a
été néfaste.
Ce qui me fait dire que ce n'est pas une affaire
libéralo-péquiste, c'est que je me souviens d'avoir entendu
Jean-Guy Cardinal, unioniste, ministre de l'Union Nationale dans le cabinet de
Johnson, ancien député lui-même de Bagot, me raconter et
écrire les mêmes horreurs que lui faisaient subir les Marc
Lalonde, les Jean Chrétien et autres libéraux
fédéraux. Ce n'était pas une bataille de "rouges" d'Ottawa
contre les péquistes, c'était l'obsession de certains
libéraux fédéraux, la majorité d'entre eux, de
réduire à néant l'action internationale du Québec.
Vous savez qu'ils avaient même menacé Jean-Guy Cardinal,
vice-premier ministre du Québec, vice-président du conseil, de
lui retirer son passeport. Il fallait le faire.
Donc, je ne veux pas dire que nous avons été, avec
l'ancien gouvernement du Canada, toujours nous-mêmes d'une
aménité sans faille. On a eu parfois avec eux le verbe haut. Je
veux dire que, si nous avons certaines responsabilités dans cette
affaire, la constante, c'est qu'ils se querellaient aussi avec Daniel Johnson.
Ils se querellaient aussi avec Jean-Guy Cardinal. Ils se querellaient avec tout
ce qui était québécois et tout ce qui voulait que le
Québec soit debout. À l'intérieur comme à
l'international, mais ils étaient plus vicieux, M. le Président,
si vous me permettez cette expression, et jaloux pour les questions
internationales. (17 heures)
Le porte-parole de l'Opposition a parlé également des
difficultés internes qui ont été réelles - je ne
les nie pas, pas plus que les autres - dans le cheminement pénible que
nous avons eu pour en arriver à des structures convenables en
matière d'action internationale, c'est-à-dire la naissance du
ministère du Commerce extérieur. La naissance du ministère
des Relations
internationales! Quand ce ministère a été
fondé, on l'avait appelé du nom ambigu dans les relations
internationales de ministère des Relations intergouvernementales. On
n'avait pas osé appeler les choses par leur nom. On en avait fait un
mélange de deux choses qui ne vont guère ensemble et qui sont
dans un tout autre ordre d'idées. Le député a
souligné que c'était l'action canado-canadienne ou
québéco-canadienne et l'action internationale du Québec.
Cela ne pouvait qu'entraver l'action du ministère. Cela ne pouvait
qu'entraîner de la confusion.
Nous, cette confusion, on l'a dissipée. Si on a eu des
difficultés dans l'établissement de bonnes relations entre
commerce extérieur et relations internationales, je ferais remarquer au
porte-parole de l'Opposition, par votre entremise, M. le Président, que
c'est peut-être le pays qui a réglé le problème le
plus vite. On a eu des difficultés, grosso modo, pendant douze mois. Il
y a de grands pays qui ont ces difficultés depuis 20 ans et qui n'ont
pas pu les régler. Le gouvernement du Canada a trois ministres sur la
question. M. Kelleher, Mme Vézina, M. Joe Clark, secrétaire
d'État aux Affaires extérieures du Canada, avec des zones de
responsabilité difficiles, des tiraillements, des affrontements inutiles
entre les fonctionnaires. Nous avons eu, malheureusement, nous aussi ces
affrontements, sauf que cela a été une mauvaise période.
Cela nous a pris douze mois pour la liquider. On l'a fait plus vite qu'à
peu près n'importe qui. Si ces choses avaient été plus
claires, si les libéraux avaient pensé dans leur temps, ce qui
était une évidence, cela crevait les yeux, à mettre sur
pied un ministère du Commerce extérieur et à s'occuper de
commerce extérieur, le Québec aurait réglé cette
affaire depuis très longtemps.
N'essayez pas de reporter sur vos sous-ministres... Je n'oserais jamais,
quand vous me blâmez d'une chose, dire: Ce n'est pas moi. C'est mon
sous-ministre. C'est M. Martin qui est ici. M. Martin, c'est un excellent
fonctionnaire, un excellent serviteur de l'État, un homme qui a
travaillé pour les libéraux autant qu'il travaille pour nous
parce qu'il travaille pour l'État. Jamais, je ne ferai porter mes fautes
sur lui. Les libéraux n'ont pas le droit de dire: Dans notre temps, si
cela ne marchait pas, c'était à cause des fonctionnaires et non
pas à cause de nous.
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre! À
l'ordre, s'il vous plaît! M. le ministre.
M. Landry: Vous en avez quand même nommé un
d'important. Vous avez parlé, également, et là, à
mon avis, complètement en dehors de la réalité, du manque
apparent d'intérêt des autres ministères pour les relations
internationales. Si vous saviez, M. le Président, nos principaux
problèmes, c'est qu'il y a un engouement tel pour les relations
internationales que la coordination devient difficile. Dans tous les
ministères, et c'est signe que les ministres qui les dirigent sont des
gens à l'esprit ouvert, il y a une poussée internationale sans
pareille, qu'on est obligé des fois, au nom de la cohérence, de
freiner. On ne veut pas que quatre fonctionnaires de quatre ministères
différents se retrouvent au Hilton Cairo le même soir pour aller
parler du même dossier le lendemain matin, aux mêmes
Égyptiens, éberlués de tant de présence
québécoise.
Il y en a du monde qui s'occupe de l'international, c'est vrai. Mon
collègue de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation ne
passe pas une semaine sans parler d'international. Mon collègue de
l'Industrie et du Commerce, mon collègue du Tourisme. Ce n'est pas un
manque de sensibilisation et je récuse totalement cette accusation.
L'ensemble du gouvernement est mobilisé à l'international et le
ministère des Relations internationales fait son travail qui est de
coordonner l'action internationale. Le porte-parole s'est également
inquiété de ce qu'il y avait de différent en dehors des
mines plus réjouies à la sortie des rencontres lorsque nous
voyions nos homologues fédéraux. Je ne veux pas dire que tout est
changé en profondeur et à jamais.
On pourrait dire: Jusqu'à quand? Mais, pour l'instant, je vais
donner des exemples concrets qui montrent que le député a tort.
Quand nous avons demandé à l'ancien gouvernement du Canada
d'élargir notre réseau diplomatique à Hong Kong,
Singapour, Stockholm et Bogota, souvenez-vous de la célèbre
réponse que j'ai eue du ministre des Affaires extérieures du
Canada du temps qui m'a dit: Oui, Hong Kong, cela peut toujours aller, mais il
y en a trop et, pour l'avenir, on se réserve le droit d'empêcher
que cela se fasse et de modérer vos transports internationaux.
C'était toujours cette obsession qu'ils avaient de limiter le
Québec à son périmètre. Il ne faut pas que le
Québec, les Québécois parlent directement aux
étrangers. Depuis ce temps, on a ouvert, avec la collaboration du
gouvernement du Canada: Hong Kong, Singapour, Stockholm et Bogota, où
nous avons discuté, soit directement, soit par l'intermédiaire du
ministère des Affaires étrangères du Canada, avec les pays
souverains qui nous accueillent et qui le font dans des conditions qui nous
conviennent.
Il y a une école de pensée à Ottawa, je n'en
disconviens pas - plus technocratique que politique, d'ailleurs; et je ne dis
pas technocrate d'une façon péjorative - qui voudrait que les
provinces évacuent la question internationale, qui dit: C'est nous, les
"feds" qui nous occupons de cela. Je pense
qu'ils sont dans l'erreur et qu'ils perdent une très belle chance
de laisser des gouvernements puissants comme celui du Québec, comme
celui de l'Ontario, de promouvoir les intérêts commerciaux du
Québec, de l'Ontario et, partant, du Canada, parce que, si la balance
des paiements du Québec est excédentaire, c'est une contribution
positive à la grande somme algébrique de la balance des paiements
du Canada.
Saviez-vous, par exemple, que JETRO, la puissante organisation de
commerce extérieur du Japon, a quinze représentations au Canada?
Quinze. Ce n'est pas seulement Montréal, Toronto ou Vancouver. Elle est
présente dans quinze villes. Alors, qu'est-ce que c'est, cette attitude
ombrageuse de dire: II ne faudrait pas que les fonctionnaires du Québec
s'installent à l'étranger pour aller vendre trop de produits?
Est-ce que c'est cela, la question? Pour aller faire trop de relations
culturelles, pour participer au rayonnement de la langue française et de
la culture québécoise?
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre. À
l'ordre, s'il vous plaît!
Une voix: M. Clark vous a-t-il parlé...
M. Landry: Oui, M. Clark... Non seulement il m'a parlé de
cela....
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre, vous devez
terminer.
M. Landry: Non seulement M. Clark m'a parlé de cela, mais
il a agi en nous facilitant l'implantation dans les endroits dont j'ai
parlé.
M. Rivest: II ne vous a pas parlé de...
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Jean-Talon, s'il vous plaît;
M. Landry: Pour les relations internationales avec les grandes
agences multinationales, notre position est connue. Elle est claire. Le
gouvernement du Canada est sur le point de prendre position. J'en ai
parlé autant à M. Kelleher qu'à M. Clark et à
d'autres. Nous voulons que le Québec soit représenté
directement dans les forums internationaux où ses intérêts
sont en question. Le Québec n'a aucune juridiction sur la guerre et la
paix. On ne veut pas être aux pourparlers sur le désarmement. Le
Canada n'y est pas non plus, d'ailleurs. Mais on veut être au GATT. On
veut être présents dans l'équipe du GATT. On ne veut pas
avoir un observateur dans une chambre d'hôtel comme lors des
dernières négociations.
Une voix: ...aux Nations Unies?
M. Landry: C'est en voie de l'être. On veut être
présent à l'UNESCO. On veut être présent à
l'Organisation mondiale de la santé. On veut être présent
où nos juridictions internes actuelles - et je ne le dis pas d'une
façon limitative, parce que je suis de ceux qui croient que ces
juridictions doivent s'étendre - ont un prolongement international.
Cela, c'est une revendication très claire du Québec. Elle est
fondée sur une théorie que nous n'avons pas inventée.
C'est plutôt M. Paul Gérin-Lajoie, ancien ministre libéral,
comme chacun le sait, qui est l'auteur de cette théorie, mais j'y
souscris comme mes prédécesseurs, vigoureusement. Et
j'espère qu'avec un fanatisme moins grand de la part de nos
interlocuteurs fédéraux qui commencent à battre leur
coulpe... En fin de semaine, ils voulaient tenir M. Chrétien à
l'écart du dossier constitutionnel. Excellente idée: II a fait
assez de tort dans ce domaine comme il en a assez fait dans l'expansion des
relations internationales du Québec. J'espère qu'il sera tenu
à l'écart du gouvernement par les électeurs et de ce
dossier par le caucus libéral. Si cette atmosphère se maintient,
la période transitoire avant que le Québec ait son statut
définitif sera au moins beaucoup plus vivable que l'ancienne.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre. M. le
député de Deux-Montagnes.
M. Pierre de Bellefeuille
M. de Bellefeuille: Merci, M. le Président. Je voudrais
d'abord me démarquer partiellement des positions prises par mon
collègue et ami, le député de Jean-Talon, qui a
donné ë entendre que l'ancienne option souverainiste du
gouvernement du Québec a en quelque sorte nui à l'action
internationale du Québec. Sur ce plan, je ne suis absolument pas
d'accord avec lui. Je considère, au contraire, que tant qu'elle
existait, cette option souverainiste donnait à l'action internationale
du Québec énormément de panache et d'ampleur, un prestige
qu'il est maintenant presque impossible de soutenir, vu le virage
fédéraliste que le gouvernement a pris. Ce virage
fédéraliste, effectivement, met le gouvernement dans une
situation extrêmement ambiguë et cela mène à la
provincialisation de la politique extérieure du Québec. Je
voudrais, M. le Président, déplorer très vivement ce
phénomène de la provincialisation de la politique
extérieure du Québec.
Je reconnais, avec le député de Jean-Talon, que la
confusion quant à l'option constitutionnelle du gouvernement a
été nuisible. Je reconnais aussi que les querelles de bornage
entre ministres ont également été nuisibles. Je n'en
parlerais pas si elles n'avaient pas été, au moment où
elles se
produisaient, malheureusement publiques. Le fait qu'elles aient
éclaté au grand jour il y a un peu plus d'un an m'autorise
è en parler. Je trouve que ces querelles de bornage ont beaucoup nui
à la mise en place d'une politique internationale cohérente au
gouvernement du Québec.
Évidemment, le temps passe, et si je peux retoucher un peu
Jacques Prévert, on pourrait dire que la mer efface sur le sable les pas
des ministres partis et que, ce qui reste, c'est la pensée des ministres
qui restent. Le ministre nous a dit qu'il est ministre provincial, et je
constate avec regret que sa pensée a des allures provinciales. Lorsque,
tout à l'heure, le ministre nous a dit qu'il est un ministre provincial,
j'ai cru voir beaucoup de têtes, dans ce salon bleu, s'incliner sous le
poids, sous le regret de cette affirmation du ministre qui se disait ministre
provincial.
Je voudrais rappeler au ministre que le René Lévesque
d'Option Québec, qui a été reçu à Paris en
chef d'État, était premier ministre provincial, mais il
s'abstenait prudemment de le dire. Je voudrais lui rappeler que le Daniel
Johnson que Charles de Gaulle appelait "mon ami Johnson" était premier
ministre provincial, mais qu'il s'abstenait prudemment de le dire. Je voudrais
rappeler au ministre que le Jean Lesage, qui pratiquait une politique de
grandeur et qui a fondé, inauguré, ouvert la
délégation générale du Québec à
Paris, était premier ministre provincial, mais qu'il s'abstenait
prudemment de le dire, parce que, lorsqu'on le dit, on s'empêche
soi-même de s'élever au-dessus de cette condition provinciale.
Ce n'est pas la première fois que j'en parle au ministre, cela
fait plusieurs mois que j'ai ce désaccord avec le ministre. Sur cette
question, le ministre s'est commis, il a dit, écrit publiquement
à quelques reprises que, dans le cadre des discussions
constitutionnelles avec le gouvernement fédéral, il entendait
revendiquer une vocation internationale du Québec fondée sur
l'extension des compétences provinciales. Je lui ai déjà
dit, privément et publiquement, que cela me paraissait insuffisant, que
cela justement était une provincialisation de nos relations
internationales que je considérais inacceptable. Des gouvernements
antérieurs aussi bien de l'Union Nationale, du Parti libéral et
du Parti québécois lui-même ont, au contraire, fondé
leur politique internationale sur une notion fondamentale, essentielle, voulant
que le Québec soit le foyer national des francophones du Canada et que,
à ce titre, il doit, à l'échelle mondiale, exercer des
compétences qui ne sont pas limitées aux compétences
constitutionnelles d'une province canadienne. Aussi bien le gouvernement
Johnson que le gouvernement Lesage, que le gouvernement Bourassa, que le
premier gouvernement Lévesque et même le deuxième
gouvernement Lévesque dans ses deux premières années,
environ, ont reconnu ce principe fondamental que j'ai aussi bien recueilli dans
la bouche de Claude Morin que dans celle de Jean-Claude Rivest,
député de Jean-Talon. C'est une question qui faisait l'accord au
Québec. C'était le fondement de la politique internationale du
Québec que le Québec avait droit à des compétences
plus larges que celles d'une simple province, le Québec qui n'est pas
une province comme les autres, à titre de foyer national des
francophones du Canada. (17 h 15)
Cela n'est pas seulement une question de mots. Cela a des
conséquences. Si la délégation générale du
Québec à Paris, par exemple, a un statut officieux de
quasi-ambassade, c'est dans la mesure où le Québec, justement, se
donne une politique internationale qui l'élève au-dessus de la
simple liste des compétences d'une province. Il n'y aurait pas de
délégation générale du Québec à
Paris, jouant le rôle qu'elle joue depuis qu'elle a été
fondée, si ce n'était de cet aspect, de cette assise d'une
politique internationale du Québec.
M. le ministre, nous avons devant nous une liste - une, deux, trois,
quatre pages -de dirigeants, fonctionnaires, conseillers de la
délégation générale du Québec à
Paris. Si vous n'avez comme compétence que celle d'une province
canadienne, vous aurez à congédier les deux tiers de ces
personnes. Vous aurez à congédier les deux tiers des
fonctionnaires de votre ministère des Relations internationales. Vous
aurez à fermer des délégations du Québec, des
bureaux du Québec qui n'ont de sens que dans la mesure où le
Québec a une mission politique, un rôle politique à jouer
dans le monde qui dépasse de loin la simple liste restreinte des
compétences d'une province canadienne.
Je ne sais pas si je peux arriver à convaincre le ministre qu'il
faut qu'il stoppe cette provincialisation des relations internationales du
Québec. Il n'est pas le seul à la constater. Le premier ministre
lui-même, le mois dernier, après la visite du président des
États-Unis à Québec, était en air de confidence et
a dit à son auditoire d'hommes d'affaires new-yorkais qu'il n'avait pas
prisé avoir été traité durant la visite de M.
Reagan à Québec comme un moujik. Ce mot qui est du premier
ministre lui-même fait image. Le premier ministre n'a pas aimé -
et je le comprends, je suis tout à fait d'accord avec lui - qu'on l'ait
traité en moujik. Je voudrais demander au ministre, dans
l'intimité de ce salon bleu où les caméras ne fonctionnent
pas, de nous dire s'il est d'accord que c'est comme cela que le premier
ministre du Québec doit être traité dans des circonstances
comme celles
de la visite du président des États-Unis, comme un moujik.
Il ne peut pas dire que c'est moi qui invente cela. C'est le premier ministre
du Québec lui-même qui s'est servi de cette expression.
Quant aux relations avec le gouvernement fédéral, que le
ministre a commenté longuement en réponse aux observations du
député de Jean-Talon, selon ce qu'on peut recueillir comme
renseignements, M. Clark est d'accord avec le ministre quant à la
provincialisation des relations internationales du Québec. Le ministre
vient de dire qu'il y a beaucoup de gens à Ottawa chez les
fonctionnaires qui souhaiteraient que le fédéral s'occupe des
relations internationales et que les provinces se retirent de ce domaine. Il
n'y a pas seulement des fonctionnaires. Il y a des hommes politiques. Je ne
serais pas étonné que ce soit grosso modo le point de vue de M.
Clark, qui voudrait bien que les provinces se tiennent tranquilles et se
contentent de bureaux commerciaux à l'étranger, et, si elles
veulent un peu plus qu'un bureau commercial, qu'elles se contentent de vivre
dans la maison canadienne, d'avoir un appartement, un condominium où la
province est un pensionnaire captif dans la mission canadienne qui, elle, a un
rôle politique. Je crois qu'en ces matières, M. le
Président, la reconnaissance que le Québec aura de
l'étranger sera celle qu'il revendiquera. Lorsque le Québec se
définit comme une province n'ayant de compétences que
provinciales, n'ayant de gouvernement que provincial, n'ayant de ministres que
provinciaux, le Québec sera traité à travers le monde
comme une province.
Et cela représente un recul incalculable, inappréciable,
difficile à mesurer, mais sûrement catastrophique par rapport
à la politique internationale que le Québec a pratiquée
sous des gouvernements successifs de trois partis politiques différents,
gouvernements qui - je le répète étaient d'accord pour
revendiquer des compétences politiques très larges à titre
de foyer national des francophones du Canada.
Je pense, toujours dans cette même veine de confidences, que le
ministre pourrait peut-être nous dire ce qu'il pense, lui, de ce "beau
risque". L'expression n'est pas de lui. Il n'est peut-être pas d'accord
là-dessus. Est-ce que le "beau risque" du
néo-fédéralisme du gouvernement actuel ne va pas justement
imposer cette "provincialisation"? Est-ce que l'actuel gouvernement du
Québec, qui a proposé ce "beau risque", a vraiment le choix?
Est-ce qu'il lui est possible de stopper ce recul qu'il a amorcé? J'ai
l'impression qu'avec ce pari du "beau risque" le gouvernement a lancé le
Québec sur une pente glissante où il perd des compétences,
où il perd la face à l'échelle mondiale. Comment un
premier ministre qui se définit maintenant comme "provincial" va-t-il
pouvoir revendiquer d'être reçu comme un chef d'État
à Paris, comme cela a longtemps été la brève
tradition, mais la tradition tout de même? Comment va-t-il pouvoir
revendiquer de continuer à jouer au Québec le rôle qui
consiste à nous représenter tous pour recevoir en terre
québécoise les chefs d'États étrangers, puisqu'il
se définit comme "provincial" et nous engage sur cette pente savonneuse
de la provincialisation?
Voilà les quelques observations que je voulais faire au
début de l'étude des crédits du ministère des
Relations internationales.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le
député de Deux-Montagnes. Avant de vous céder la parole,
je dois la céder au ministre, parce qu'il a le droit de réplique.
Je voudrais seulement ajouter que, selon nos règlements, les remarques
préliminaires se limitent à 20 minutes par député.
Immédiatement après que le ministre aura utilisé son droit
de réplique, on pourra vous permettre de poser vos questions. M. le
ministre.
M. Bernard Landry
M. Landry: Je voudrais répliquer brièvement au
député de Deux-Montagnes, parce qu'on n'a pas, je crois, une
grosse querelle de fond. Je ne sais pas s'il a mal interprété mes
paroles. Non. Il est assez connaissant de ces choses pour les avoir
interprétées comme il faut, mais il faut bien qu'il se donne une
petite attitude oppositionniste, puisqu'il n'est plus dans nos rangs.
Je n'aime pas du tout le mot "province", ni la chose. Mon action
politique jusqu'à ce jour, et dans les jours, les mois et les
années qui vont suivre, va consister justement à ce que l'on se
débarrasse le plus rapidement possible et du mot et de la chose.
Où l'on diverge, c'est que je ne crois ni à la pensée
magique ni à la parole magique. Si, en présence d'un chat, me
gardant bien de le désigner comme un chat, j'ai l'espoir que cette
abstention va faire de cet animal un cheval, je fais de la parole magique et de
la pensée magique.
Quand je disais au député de Jean-Talon que je devais
agir, à mon grand déplaisir, avec cette épithète
néfaste de "province", c'était simplement pour tenir compte de la
réalité. Ce n'est pas en cachant au peuple
québécois la réalité qu'on va la lui faire
percevoir dans ses aspects négatifs. Que le député de
Deux-Montagnes se rassure, je ne suis pas un "provincialiste". Je trouve que ce
mot et cette chose sont l'un et l'autre une calamité pour le
Québec.
D'ailleurs, je vais faire une confidence sans nommer de nom, parce que
cela ne
serait pas loyal pour le membre de l'Opposition, qui en est un membre
éminent. Ce n'est pas le député de Jean-Talon. Je ne veux
pas dire qu'il n'est pas éminent. Il me disait qu'au moins sur la
question du mot, lui aussi, le mot "province" lui sortait par les oreilles. Que
l'on pense juste à l'origine étymologique du latin "provincere",
c'est un mot réservé aux vaincus. Cela a aussi une connotation
péjorative en anglais, en français et dans toutes les langues
d'origine latine qui ont "provincere" dedans.
Ce ne serait même pas une obligation que l'on continue à
cheminer en dehors de la souveraineté avec une autre appellation. Vous
savez qu'il y a des États américains qui ne s'appellent
même pas État: Commonwealth of Massachusetts, Republic of
California. Je suis bien d'accord que les mots ont leur importance. What is in
a name? Je pense que je n'ai pas de querelle avec le député de
Deux-Montagnes là-dessus.
Il a abondamment cité Prévert. Je voudrais, de
mémoire, rappeler une phrase de Maksim Gorki qui disait: "Qu'y a-t-il
derrière la tête d'un moujik se grattant l'oreille?" On peut
être moujik et être traité comme moujik, mais
réfléchir à l'action et organiser l'action. Je pense que
le statut constitutionnel du Québec est en évolution. Les moujiks
peuvent se gratter l'oreille, ils n'en pensent pas moins, ils se
préparent à l'action. On verra ce qui résultera de cette
action et de ces demandes québécoises. Mais le gouvernement
actuel n'acceptera jamais que la constitution du Canada, qu'il n'a pas
signé avec l'appui de l'Opposition moins neuf voix, conduise à
une provincialisation du Québec, qui est l'État national du
peuple québécois.
Une petite remarque factuelle. Le député me dit: M. Clark
ne penserait-il pas comme certains fonctionnaires qui veulent que les provinces
ou le Québec évacuent la scène internationale? M. Clark me
dit le contraire, il dit le contraire publiquement, il m'écrit le
contraire et il agit de façon contraire quand il nous aide, par exemple,
à ouvrir Bogota, Singapour, Stockholm et Hong Kong. Donc, il a
parlé dans un sens acceptable et il a agi dans un sens acceptable.
Le Président (M. Gagnon): Merci. Juste au cas où
les questions...
M. Rivest: Une question. Une phrase, une
question-réponse.
Le Président (M. Gagnon): ...seraient longues un
peu...
M. Rivest: Non, ce ne sera pas long, vous allez voir.
Le Président (M. Gagnon): ...je voudrais avoir l'accord de
la commission pour vous redonner la parole parce que votre temps de parole sur
les remarques préliminaires est écoulé.
M. Rivest: Je n'ai pas de remarques préliminaires.
Le Président (M. Gagnon): Vos questions.
Période de questions
M. Rivest: Au sujet de votre rencontre avec M. Clark - parce que
je veux mesurer, je pense que l'opinion publique a le droit de savoir si
effectivement il y a un changement réel - est-ce qu'il ne vous a pas
signalé la préoccupation du gouvernement canadien face à
la multiplication des implantations de maisons ou de délégations
du Québec ou des autres provinces à l'étranger, que cette
situation pouvait créer à l'étranger une certaine
confusion?
Autrement dit, est-ce qu'il n'a pas évoaué cette
préoccupation du gouvernement canadien? N'est-ce pas exact que vous avez
discuté de la chose?
M. Landry: Les termes que vous avez employés, très
exactement, sont les termes de la lettre de M. Chrétien qui, lui,
était préoccupé au point qu'il ne voulait plus rien savoir
de l'expansion de nos réseaux. Pour M. Clark, d'ailleurs, il y a eu des
déclarations publiques...
M. Rivest: Voulez-vous que je change mes termes?
M. Landry: Pardon?
M. Rivest: Pour vous montrer que ce n'est pas la lettre de M.
Chrétien: La recrudescence des représentations des provinces et
que cette situation crée une situation de confusion.
M. Landry: Bien, citez-moi votre texte.
M. Rivest: Est-ce qu'elle n'a pas été
évoquée, cette question?
M. Landry: La question a été évoquée,
mais elle n'a pas été évoquée dans ce sens; elle a
été évoquée dans le sens de la
nécessité d'une coordination, ce qui fut fait à telle
enseigne qu'on a réglé le statut de quatre
délégations en expansion dans le réseau dans les mois qui
ont suivi ma rencontre avec M. Clark. Alors, c'est au-delà des mots,
cela. Par ailleurs, je ne veux rien cacher à cette commission, je ne
suis pas ici pour cela, on est ici pour s'informer mutuellement; il y a,
à l'intérieur de l'appareil fédéral, une
école de pensée qui
voudrait limiter l'action internationale du Québec. Cette
pensée ne m'est pas apparue comme étant celle du ministre des
Relations extérieures du Canada et sûrement que le Québec
la combattrait si cela devenait une politique fédérale à
fond.
M. Rivest: Est-ce que M. Kelleher... Quelle est la
prononciation?
M. Landry: M. Kelleher.
M. Rivest: M. Kelleher assistait, je pense, à cette
réunion?
M. Landry: Non.
M. Rivest: Non. Enfin, est-ce qu'on n'a pas évoqué
la possibilité d'étendre le modèle des agents
d'immigration qui, à certains endroits, sont dans les ambassades du
Canada, à la représentation du Québec et des autres
provinces à l'étranger sous la formule spécifique du terme
"condominium", ce qu'a évoqué, je pense, le député
de Deux-Montagnes?
M. Landry: Oui, cela a été
évoqué...
M. Rivest: Bon! (17 h 30)
M. Landry: Non, non, pas à l'une ou l'autre des rencontres
ministérielles auxquelles j'ai participé, cela a
été évoqué dans des rencontres de
fonctionnaires.
M. Rivest: Est-ce que vous avez indiqué au nom du
gouvernement du Québec que cette formule-là ne convenait pas au
Québec? Avez-vous affirmé cela clairement?
M. Landry: D'abord, j'ai indiqué très clairement
que les délégations qu'on avait étaient là pour y
rester, qu'elles étaient en place, qu'on n'était pas en repli,
mais en expansion.
M. Rivest: M. Clark était d'accord avec cela?
M. Landry: Ce n'est pas avec M. Clark que cette chose-là a
été discutée, encore une fois, cela a été
discuté dans des réunions de fonctionnaires du ministère
du Commerce extérieur...
M. Rivest: Mais pas au niveau ministériel?
M. Landry: Pas au niveau ministériel. Je ne veux pas
bêtement retourner toute proposition qui vient du gouvernement du
Canada.
M. Rivest: Non, non, c'est cela.
M. Landry: J'ai bien fait valoir dans les mandats que j'ai
donnés aux fonctionnaires de réitérer qu'il n'était
pas question que le Québec limite l'expansion de son réseau et
encore moins qu'il se replie dans la dimension de son réseau actuel.
Qu'il puisse exister dans des points chauds, à un moment ou à
l'autre, une coopération quelconque, je serais bête de refuser
cela. Les pays entre eux, même des pays totalement étrangers, se
font représenter dans des pays tiers pour des raisons conjoncturelles,
par des chargés d'affaires, etc. Il n'y aurait pas de scandale à
ce qu'on coopère avec le gouvernement du Canada. Notre réseau
diplomatique est là non seulement pour y rester, mais il est là
pour croître.
Le Président (M. Gagnon): Une autre question, M. le
député de Jean-Talon?
M. Rivest: Oui, une autre question. En ce qui concerne la
participation du Québec ou des provinces aux organismes internationaux -
on pense au GATT entre autres - dans le domaine économique, est-ce que
le ministre a informé, au nom du gouvernement du Québec, que le
gouvernement du Québec acceptait, dans ce domaine spécifique, le
principe de l'unicité de la voix canadienne à l'étranger
et que le cabinet fédéral était, sur ces questions, la
seule autorité pour définir les mandats de la
délégation canadienne avec ou sans participation provinciale?
Est-ce que vous avez reconnu ce principe-là?
M. Landry: Je n'ai pas expliqué aux fonctionnaires
fédéraux le droit constitutionnel canadien, ils le
connaissent...
M. Rivest: Non mais est-ce que vous l'avez reconnu au nom du
gouvernement du Québec?
M. Landry: Non, non. J'ai demandé que le Québec
soit représenté directement dans l'équipe de
négociation du Canada au GATT.
M. Rivest: Je vais venir à cela tantôt.
M. Landry: Et, en corollaire, j'ai accepté
l'unicité de la voix canadienne au GATT.
M. Rivest: Bon, merci. C'est la première fois que
j'entends cette expression-là d'un ministre québécois,
depuis huit ans en tout cas chez ce gouvernement.
M. Landry: Mais on n'a jamais été au GATT.
M. Rivest: Mais vous avez reconnu l'unicité de la voix et
que les mandats de la délégation canadienne...
M. Landry: Je n'ai pas parlé des mandats.
M. Rivest: Non?
M. Landry: Je n'ai parlé que de l'unicité de la
voix, c'est-à-dire que je veux qu'un fonctionnaire du
gouvernement...
M. Rivest: Que le cabinet fédéral donnait les
mandats?
M. Landry: Laissez-moi répondre à votre question,
M. le député.
Le Président (M. Gagnon): Deux ou trois en même
temps, ça va mal pour enregistrer les travaux.
M. le ministre, la réponse.
M. Landry: À moins que cela ne vous intéresse pas,
laissez-moi répondre à votre question. J'ai demandé que le
gouvernement du Québec soit directement représenté dans
les équipes de négociation du GATT. Je crois que nous allons
réussir et les nouvelles que j'ai eues ce matin même sont qu'il y
a de fortes chances que nous obtenions cela.
Si je demande cela, je demande en toute cohérence que le chef de
délégation, le chef de mission demeure le chef de mission, parce
que ce serait du dernier ridicule que, par exemple à Genève, dans
une conférence du GATT, l'Ontario ait une position, que le Québec
ait une position, et que le Canada ait ' une position pour le secteur de
l'automobile par exemple. On est consommateur d'automobiles, l'Ontario et le
Canada. Tant que la constitution canadienne ne sera pas changée, et
c'est là qu'on voit la limitation provinciale, même si je voulais
crier sur tous les toits que le Québec n'est pas une province,
juridiquement il en est une et il ne sera jamais admis au GATT avec une voix
particulière tant que la constitution du Canada n'aura pas
été profondément modifiée.
M. Rivest: Donc je retiens que l'unicité de la voix
canadienne, c'est au niveau du gouvernement canadien, et les mandats...
M. Landry: Le chef de délégation, vous ne savez pas
qui c'est.
M. Rivest: Non, je vais en venir à cet aspect-là.
Donc, les mandats de négociation ou de positionnement de la
délégation canadienne viennent du cabinet fédéral.
Vous avez accepté cela, M. le ministre?
M. Landry: J'ai accepté cela.
M. Rivest: Deuxièmement est-ce que vous n'avez pas
demandé qu'à l'intérieur de la délégation
canadienne que les représentants des provinces qui y seraient
éventuellement associés puissent, lorsque c'est leurs
intérêts particuliers ou régionaux, s'exprimer directement
et est-ce que c'est là le sens de la proposition que vous avez
communiquée au gouvernement canadien?
M. Landry: Exactement. J'ai demandé qu'ils puissent parler
à la table. Par exemple, en matière de pâtes et papiers,
est-ce qu'il y a de plus grands experts sur ces questions que les
Québécois? Alors j'ai demandé que les
Québécois présents dans l'équipe de
négociation puissent à tour de rôle parler et exprimer
l'intérêt du Québec.
M. Rivest: Est-ce que la réponse du gouvernement
canadien... Vous me disiez ce matin que vous aviez eu les dernières
informations. Il n'y a pas de réponse officielle encore
là-dessus?
M. Landry: Je n'ai pas de réponse officielle. J'ai des
indications favorables depuis ce matin.
M. Rivest: Oui mais cela c'est entre vous et moi.
M. Landry: Cela veut dire que ce sont des indications favorables.
Cela veut dire que rien n'est fait.
M. Rivest: Mais cela ne nous donne pas grand-chose.
M. Landry: Et qu'il y a une possibilité que quelque chose
se fasse, alors que sous l'ancien gouvernement, vous vous en souvenez,
c'était un "flat no", comme on dit.
Le Président (M. Gagnon): Merci.
M. Rivest: J'ai une autre dernière question.
Le Président (M. Gagnon): Une dernière question
parce que je veux laisser encore...
M. Rivest: Pour compléter la rencontre avec M.
Clark...
Le Président (M. Gagnon): Je me rends compte que j'ai
enlevé la parole au député de Deux-Montagnes alors qu'il
lui restait encore six minutes.
M. Rivest: Ah! Excusez.
Le Président (M. Gagnon): Dernière question, M. le
député de Jean-Talon.
M. Rivest: Me permettez-vous? Elle va être courte.
Le Président (M. Gagnon): Cela va.
M. Rivest: Elle va être courte. Elle concerne le sommet de
la francophonie. Avec M. Clark, est-ce que vous avez discuté de cette
question et est-ce que la position fédérale, dans la mesure
où vous pouvez la communiquer - je comprends qu'il peut y avoir des
relations privilégiées qui sont tout à fait normales.
Est-ce que vous avez continué - en tout cas pour ce qui est de votre
position vous pouvez nous le dire -d'exiger qu'à ce sommet le premier
ministre du Québec, comme je pense c'était la position de votre
prédécesseur et votre position antérieure, que le premier
ministre du Québec s'exprime comme un chef d'État dans le cadre
d'un sommet de la francophonie?
M. Landry: Exactement.
M. Rivest: II n'y a pas de modification de la position du
Québec là-dessus?
M. Landry: Non. Nous avons revendiqué le statut de
l'agence, en gros, avec les adaptations d'une table différente de celle
de l'agence.
M. Rivest: Ce que M. Bourassa avait obtenu pour le Québec,
c'est cela? L'Agence de coopération technique et culturelle.
M. Landry: Oh! Ce n'est pas M. Bourassa, c'est Marcel Masse.
M. Rivest: Non, c'est M. Bourassa.
M. Landry: Et puis c'est Arthur Tremblay. Puis c'étaient
de longues discussions.
M. Rivest: Oh! Quelle erreur historique!
M. Landry: C'est Jean-Marc Léger, premier
secrétaire de l'agence. Mais, quoi qu'il en soit, c'est le statut
d'agence qu'on a demandé avec les adaptations qu'un tel sommet pourrait
requérir.
M. Rivest: Et est-ce que les porte-parole fédéraux
vous ont indiqué qu'ils acceptaient cette proposition?
M. Landry: Non. Ils ne m'ont pas indiqué qu'ils
acceptaient cette proposition. Ils m'ont indiqué qu'ils
étudiaient la question.
M. Rivest: Le Québec ne s'opposerait pas à ce que
d'autres membres de la fédération canadienne, par exemple, je
pense au Nouveau-Brunswick entre autres, participent à ce... Parce que,
dans l'Agence de coopération, ils ont le même statut que le
Québec, vous savez.
M. Landry: Je sais cela. Alors quand on dit statut d'agence on
dit statut de l'agence. Mais j'ai...
M. Rivest: Donc vous ne vous opposez pas à ce que le
Nouveau-Brunswick soit là?
M. Landry: Non, non, non, non. Un instant. J'ai dit le statut de
l'agence avec les adaptations qui conviennent à un tel sommet. J'ai
demandé à M. Clark de considérer que le premier ministre
du Canada pourrait parler pour tout le monde sauf le Québec. Sauf le
Québec. Alors, cela veut dire que...
M. Rivest: Est-ce qu'il a accepté cela?
M. Landry: Je vous ai dit qu'on n'a eu aucune
réaction.
M. Rivest: Bon! Alors, pour conclure...
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Jean-Talon, c'est parce que je trouve que votre dernière question avait
plusieurs volets.
M. Rivest: Non, je conclus.
Le Président (M. Gagnon): Je laisse maintenant la parole
au député de Deux-Montagnes.
M. Rivest: Non, je conclus. C'est qu'en termes concrets,
malgré les belles déclarations, pour l'instant vous n'avez pas
avancé d'un pouce.
M. Landry: Sur le sommet précisément?
M. Rivest: Non. Sur les différents aspects dont je vous ai
parlé.
M. Landry: Ah! non. Sur les différents aspects vous avez
tort. Je vous ai dit que pour la participation de représentants
québécois au sein des équipes canadiennes
multilatérales en matière économique en particulier on
avait énormément avancé. Pour le sommet, nous n'avons pas
avancé.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le
député de Deux-Montagnes.
Les relations internationales du Québec
M. de Bellefeuille: Merci, M. le Président. Le ministre
n'a pas commenté la partie la plus importante de mes remarques, celle
où je lui rappelais que les gouvernements antérieurs de trois
partis politiques différents, je ne devrais pas dire antérieurs,
le gouvernement actuel, phase 1 si l'on peut dire, le gouvernement actuel quand
il était souverainiste et avant ce gouvernement, des gouvernements de
l'Union Nationale et du Parti libéral, fondaient les relations
interna-
tionales du Québec sur l'idée que le Québec
étant le foyer national des francophones du Canada, il doit exercer des
compétences à l'étranger qui sont de caractère
politique et qui touchent une vaste gamme et, par conséquent - c'est
absolument fondamental -ne sont pas limitées aux compétences
d'une province canadienne. Le ministre, dans la position qu'il a prise
là-dessus, a donc pris une position de principe différente du
fondement de la politique internationale des gouvernements
précédents du Québec depuis Daniel Johnson.
M. Landry: Là ce ne sont plus des questions, c'est de
l'interprétation outranciè-re de mes paroles.
M. de Bellefeuille: Le ministre n'a pas commenté cet
aspect de mes remarques et je l'invite à le faire.
Le Président (M. Gagnon): Si vous me permettez, M. le
ministre, est-ce que vous avez terminé, M. le député de
Deux-Montagnes?
M. de Bellefeuille: Oui, j'ai terminé.
Le Président (M. Gagnon): Vous avez maintenant droit de
réplique.
M. Landry: J'aime mieux quand le député de
Deux-Montagnes m'invite à préciser ma pensée que lorsqu'il
se livre à l'opération scabreuse d'essayer de la préciser
lui-même. Il est bien entendu que les fondements de la politique
internationale du Québec tels qu'énoncés en particulier
par Paul Gérin-Lajoie qui reprenait en cela les arrêts des cours
et en particulier un arrêt célèbre de la fin du
siècle dernier du Conseil privé de Londres ne sont pas
changés, bien au contraire. La doctrine et la jurisprudence pour ce
gouvernement sont la base d'une extension des relations internationales du
Québec dans tous les domaines de sa juridiction interne présente.
Toute extension de cette juridiction aurait comme corrollaire une extension
proportionnelle des dimensions internationales de ces juridictions
internes.
J'invite encore une fois le député à bien
comprendre que nous nous butons, dans l'aspect constitutionnel des choses,
à une fatalité, que je déplore autant que lui, qui fait
que des États souverains, qui sont en relations avec le Québec,
ne vont pas risquer leur propre souveraineté et leurs rapports avec le
gouvernement du Canada pour forcer l'évolution constitutionnelle du
Québec qui se fera à l'intérieur du Québec par la
volonté du peuple québécois et non pas par la
volonté même bienveillante de peuples étrangers qui
voudraient faire le travail à notre place. Premièrement, ils ne
veulent pas le faire à notre place. Deuxièmement, même pour
nous il y aurait l'aspect odieux des dimensions coloniales du problème
ou paternalisme du problème. Le statut international du Québec
sera poursuivi, sera étendu par l'action vigoureuse du gouvernement du
Québec et des agents économiques et sociaux du Québec
comme ils l'ont très bien exprimé au sommet "Québec dans
le monde".
M. de Bellefeuille: Est-ce que le ministre veut dire qu'il
revient sur la position qu'il a déjà exprimée à
quelques reprises comme quoi la compétence internationale du
Québec, c'est tout simplement l'extension de ses compétences de
province?
M. Landry: Dans l'état actuel des choses, dans
l'état constitutionnel actuel, je vous ai dit que je ne crois pas
à la pensée magique, ni à la parole magique. Je dis que
nous avons une base juridique solide telle qu'exprimée par les tribunaux
et reprise par Paul Gérin-Lajoie qui légitime totalement l'action
internationale du Québec dans tous les prolongements externes de ces
juridictions internes. C'est un très vaste domaine. C'est tout le
social, c'est tout le culturel, c'est toutes les richesses naturelles, la
forêt, les mines, l'hydroélectricité. Quand on a
signé avec l'État de New York des accords en matière
d'électricité, c'est le gouvernement du Québec et une de
ses agences Hydro-Québec qui s'est acquitté de cette transaction.
C'est d'une rationalité et d'une base juridique inébranlable.
Qu'on puisse élargir cette base dans les discussions constitutionnelles
à venir, je le souhaite vivement. Mais, pour l'instant, j'avance sur un
terrain solide.
M. de Bellefeuille: M. le Président, je vais conclure
là-dessus, parce que je suis vraiment en désaccord avec le
ministre. Je voudrais rappeler au ministre qu'au cours des années, c'est
le Québec qui s'est affirmé, c'est le Québec qui a
manifesté à la face du monde sa volonté de se comporter
comme une nation en voie d'émancipation, que le Québec, pour ce
faire, n'a demandé de permission à qui que ce soit, n'a pas
attendu que des discussions constitutionnelles mènent à quelque
accord que ce soit. Le Québec s'est affirmé comme nation en voie
d'émancipation et c'est ce que le gouvernement actuel devrait, à
mon avis, continuer de faire, quels qu'aient été les avis des
professeurs de droit, qu'il s'agisse de M. Paul Gérin-Lajoie ou de
quelque autre juriste. La politique, cela consiste, justement, à aller
au-delà du droit strict. C'est l'essence même de la politique. Et
lorsque le ministre dit que l'extension internationale des compétences
du Québec comme province canadienne représente une gamme
assez
impressionnante de champs d'action, je lui donne raison. Mais dans cette
gamme, il manque l'essentiel. Il manque le politique, il manque la
possibilité pour le Québec d'agir comme entité politique
autonome pour ne pas dire indépendante. C'est ce qu'il manque et c'est
cela l'essentiel. C'est ce qui a été le moteur de la politique
internationale du Québec sous Lesage, sous Johnson et sous René
Lévesque durant un gouvernement et demi. C'est ce qui a
été le moteur et le ministre est en train d'écarter le
moteur et de se mettre à la remorque du fédéral dans ce
processus de provincialisation que je déplore, M. le Président.
(17 h 45)
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le
député. M. le ministre.
M. Landry: Le député a oublié ses dossiers.
Quand il était adjoint parlementaire au ministère des Relations
internationales, est-ce qu'il se souvient, par exemple, que le gouvernement du
Canada a bloqué la mise en marche d'un accord qu'on a signé avec
la république du Venezuela? Est-ce qu'il se souvient de cela quand il
était adjoint parlementaire? Qu'est-ce qu'il faisait comme adjoint
parlementaire? Est-ce qu'il a provoqué la révolution? Est-ce que
le politique l'a emporté sur le juridique? Les
Vénézuéliens ont dit: Si vous n'avez pas la
souveraineté, ce n'est pas notre faute. Les fédéraux
disent que vous ne pouvez pas mettre cet accord en vigueur. Cet accord ne sera
pas en vigueur. Le député était adjoint parlementaire. Il
a sans doute rongé son frein comme je ronge mon frein moi-même.
Pas depuis la semaine dernière, parce que les fédéraux
acceptent maintenant; ils ont dit aux Vénézuéliens qu'on
pouvait mettre l'accord en vigueur. Avant cela, cela me déplaisait
énormément que des technocrates ou des politiques
fédéraux bloquent un accord signé par le Québec
avec la république du Venezuela. Mais les choses étant ce
qu'elles sont, nous étions réduits à le déplorer.
Il ne faut pas attendre que les autres pays se mettent au blanc pour nous. Ils
ne le feront pas. Le Québec va avancer dans son statut national par
l'effort des Québécois et des Québécoises et leur
cheminement démocratique et leur gouvernement assis sur la vraie
légitimité, celle que donne le peuple, pourra aller plus loin et
de plus en plus loin et je le souhaite vivement.
Le Président (M. Gagnon): Merci.
M. Landry: Un dernier mot. Le mot de M. Jean Lesage, de
regrettée mémoire, le père de la révolution
tranquille, tout cela a été... Le nom a été
prononcé à plusieurs reprises. M. Jean Lesage, qui a
dirigé le Québec dans une assez belle période de notre
histoire, exerçant son droit strict de citoyen, a voté non et a
été propagandiste et porte-parole du non. Et on ne doit pas lui
manquer de respect pour cela, mais, lorsque le député insinue
que, sous son gouvernement, l'action internationale du Québec ne tenait
pas compte du statut provincial, je pense qu'il fait une grave faute avec
l'histoire.
M. de Bellefeuille: M. le Président, une très
brève remarque à ce sujet. Je crois que c'est faire injure
à la mémoire de Jean Lesage que de ne pas rappeler que c'est lui
qui a employé, avec vigueur, constance et force, l'expression
"l'État du Québec". C'est lui le premier qui a
accrédité cette expression "l'État du Québec".
Pourquoi? À mon avis, en tout cas, la raison pour laquelle M. Lesage a
accrédité l'expression "l'État du Québec", c'est
que le mot "province" et le mot "provincial" lui répugnaient, et qu'il
évitait de se définir comme premier ministre provincial et qu'il
souhaitait que le Québec, dans le monde, joue un rôle qui ne soit
pas limité à celui d'une province.
M. Landry: J'espère que le député a raison.
On ne va pas faire de l'exégèse historique et surtout, il faut le
faire dans le plus grand respect de la mémoire d'un homme qui quand
même n'a pas eu un rôle négligeable dans l'histoire du
Québec. Mais si tout ce qu'il dit est vrai, peut-être qu'au moment
du référendum, il y aurait eu moyen de donner un beau
prolongement politique aux années de gouvernement de M. Lesage de sa
part. Librement, démocratiquement, il a décidé, en tout
respect pour sa mémoire, de faire le contraire.
Le Président (M. Gagnon): Merci. Y a-t-il d'autres
députés qui veulent faire des remarques préliminaires?
Sinon, nous allons passer à...
M. Rivest: Sur des questions préliminaires de toute
façon. Il reste cinq minutes à peu près.
Le Président (M. Gagnon): Questions préliminaires.
M. le député de Jean-Talon.
M. Rivest: Oui. Est-ce que, dans l'énoncé de
polique que le gouvernement... D'ailleurs, je pense avoir vu dans un journal
également qu'au niveau du gouvernement canadien, le secrétaire
d'État aux Affaires extérieures, M. Clark, va lui-même
rendre public - je ne sais pas si c'est au printemps un énoncé
général sur la politique extérieure du Canada et sur la
dimension des problèmes dont on a à discuter et qui ont fait le
sujet de la rencontre que le ministre québécois des Relations
internationales et son collègue, le secrétaire d'État ont
eue. La question que je me pose est celle-ci: II va y avoir deux
énoncés de politique qui vont
venir, premièrement, du Québec, puisque vous l'avez
vous-même annoncé et, deuxièmement, du secrétaire
d'État aux Affaires extérieures. Est-ce que les questions qu'on a
évoquées sur le prolongement des compétences à
l'extérieur du Québec et, également, j'ajoute la
responsabilité aussi pour le Québec, même si ce ne sont pas
de ses compétences, permettront au Québec de se prononcer
publiquement sur un certain nombre de choses qui intéressent le
Québec, même si ce sont des matières de juridiction
exclusive fédérale? Je pense à des politiques de monnaie,
etc. II ne faut pas se limiter seulement à l'extension des
compétences dans le domaine des relations internationales. Y a-t-il eu
des consultations là-dessus ou si les deux textes ont été
construits chacun de son côté? Parce qu'on va se rendre compte, si
tel est le cas, qu'il y aura des positions plus ou moins unilatérales
qui auront été prises de part et d'autre. Y a-t-il eu des
consultations? Parce que le document fédéral peut très
bien donner une interprétation de l'extension des compétences
provinciales à l'extérieur. On va y parler, j'imagine, des
maisons des provinces ou du Québec à l'extérieur. Il peut
régler la question dans ce document, et vous allez avoir un document qui
va définir un rôle, une perspective propre au Québec. Y
a-t-il eu des consultations ou si ce sont vraiment des démarches
complètement différentes?
M. Landry: II peut arriver qu'en fin de compte, les deux
documents divergent. Je ne veux pas présumer du livre blanc...
M. Rivest: Non.
M. Landry: ...parce que c'est de cela qu'il s'agit à
Ottawa. Je ne sais pas ce qu'il y a dedans, mais ce que je sais par ailleurs,
c'est que le processus d'élaboration de notre propre document a inclus
le gouvernement du Canada. Souvenez-vous que le gouvernement du Canada a
participé à la phase II du sommet...
M. Rivest: Conversion tardive. J'ai apprécié cette
démarche.
M. Landry: "Conversion tardive", dit le député.
C'est le peuple qui a fait la conversion, en fait, le A septembre, parce que la
première phase du sommet, c'était avant le 4 septembre. La
deuxième, c'était après.
M. Rivest: II n'y a pas eu de consultation. Les deux documents
vont...
M. Landry: Ce n'est pas cela du tout que je dis.
M. Rivest: Non?
M. Landry: Je dis que notre énoncé de politique,
nous, il est basé sur les travaux du sommet "Québec dans le
monde", et le gouvernement du Canada a participé a ces travaux.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre, vous avez la
parole.
M. Landry: Tous les documents préparatoires au sommet et
postérieurs au sommet ont été adressés au
gouvernement du Canada, l'ancien comme le nouveau. Ils sont au courant, au
moins, des lignes directrices. Si les deux documents divergent, ce que je veux
dire là-dessus, c'est que le document québécois est dans
l'intérêt du Québec, fabriqué par les agents
québécois et le gouvernement du Québec, soumis à
cette commission des institutions, et c'est ce qu'il reflétera. Si cela
coïncide avec ce que le document fédéral préconise,
tant mieux. Sinon, une discussion peut-être vive devra s'engager sur
certains points.
M. Rivest: Sauf que si...
M. Landry: Mais ce document sera québécois.
M. Rivest: ...on fait une bonne lecture des intentions politiques
actuelles du gouvernement, dans l'intérêt du Québec, j'en
conviens volontiers, c'est votre responsabilité, mais je pense que c'est
la position du gouvernement du Québec à l'intérieur du
Canada. C'est dans ce cadre-là que vous le . situez
présentement.
M. Landry: Sous l'angle juridique des choses, on va être
obligé de tenir compte dans l'énoncé de politique qu'on
n'a pas de juridiction sur la guerre et la paix, qu'on n'est pas membres de
l'OTAN, qu'on n'est pas ceci, qu'on n'est pas cela...
M. Rivest: Non, c'est ce que j'avais compris.
M. Landry: ...sous l'angle juridique des choses, mais sous
l'angle de l'intérêt du Québec, on va donner la pleine
extension à notre document...
M. Rivest: II faut vous faire assumer la totalité de votre
virage, vous savez. C'est ce dont j'essaie de vous convaincre. Autre question,
dans un autre ordre d'idées, une question brève, parce qu'il
reste trois minutes...
M. Landry: C'est mieux de prendre de temps à autre des
virages qu'être en dérive comme vous l'êtes sur ces
questions depuis au moins dix ans.
M. Rivest: Ce n'est pas ce que l'opinion publique
québécoise semble indiquer: 1%, où est la
dérive?
M. Landry: Vous ne parlez pas de mon parti là.
M. Rivest: Non, je parlais de vos chances comme...
M. Landry: Je mets toujours les intérêts
supérieurs du Québec et du parti avant mes intérêts
personnels.
M. Rivest: Vous avez 1% de chances d'accéder à la
fonction de premier ministre du Québec, d'après le sondage ce
matin. M. Bourassa en a 59%. Où est la dérive, M. le ministre?
Mais ce n'est pas cela, ma question.
Le Président (M. Gagnon): Bon! Bon! Vous voulez...
M. de Bellefeuille: Je pensais que c'était 2%.
Directive aux fonctionnaires des
délégations générales
M. Rivest: Cela peut être 1,5% ou 2%. Je ne serai pas
mesquin. Ma question, c'est que dans le journal - parce que, malheureusement,
je dois abandonner ces intéressants travaux et donner le relais à
mon collègue, le député de Nelligan - j'ai vu quelque part
que vous auriez, au ministère, vous-même ou vos collaborateurs
à Québec, émis une ou des directives - je ne sais pas
-pour interdire aux fonctionnaires du ministère en poste à
l'étranger de donner aux membres de la presse les informations dont ils
ont besoin pour renseigner la population. Quelle est cette histoire de
directive qui aurait été donnée et dont on a fait
état dans la Presse, le 31 janvier 1985? Je lis un court extrait: "La
censure est maintenant de rigueur au ministère des Relations
internationales dirigé par M. Landry. Les fonctionnaires des
délégations générales du Québec à
l'étranger ne sont plus autorisés à donner des
informations ni des entrevues à des journalistes québécois
ou canadiens, à moins d'avoir reçu au préalable
l'autorisation des mandarins qui régnent sur les missions diplomatiques
depuis la capitale provinciale".
Si de telles directives existent, est-ce que le ministre pourrait les
rendre publiques?
M. Landry: Premièrement, cet article dont vous parlez est
une des pièces de littérature de presse québécoise
les plus médiocres qu'on ait vues au cours des dernières
années et les plus contraires à la réalité.
Employer le mot "censure" au sujet d'une procédure qui est
pratiquée par tous les pays qui ont des diplomates à
l'étranger...
M. Rivest: Donc, il y a quelque chose.
M. Landry: ...c'est vraiment de l'absurdité.
M. Rivest: Mais parlons de la directive.
M. Landry: Tous les diplomates du monde s'astreignent et sont
astreints par leur gouvernement à ce qu'on appelle leur devoir de
réserve. Ils ne sont pas payés par les deniers du contribuable
pour servir des fins internes québécoises. Ils sont là
pour nous représenter à l'étranger. Ceci dit, il se peut
que nos intérêts soient servis par des entrevues aux journalistes.
Vous ne lisez les journaux ni regardez la télévision si vous ne
vous êtes pas rendu compte que Mme Louise Beaudoin est un personnage
journalistique très important, aussi bien au Québec qu'en France,
où elle a participé encore la semaine dernière à
une émission de télévision à grand retentissement,
que notre déléguée générale à New
York...
M. Rivest: Mme Beaudoin, oui, je la connais.
M. Landry: ...a également collaboré
énormément avec la presse québécoise, avec la
presse américaine. Il ne s'agit pas de censure. Il s'agit de
l'obligation de réserve qu'ont tous les fonctionnaires du gouvernement
du Québec à l'interne, et spécifiquement ceux qui ont des
fonctions diplomatiques.
Le Président (M. Gagnon): Merci.
M. Rivest: Ma question est de savoir s'il y a une directive, et
est-ce qu'on peut la voir?
M. Landry: Ah! Il y a une directive. Nos services
d'information...
M. Rivest: Bon. Alors est-ce qu'on peut la déposer devant
la commission?
M. Landry: Nos services d'information ont répondu à
cet article...
M. Rivest: À moins que cela ne soit censuré.
M. Landry: ...dont je dis que c'est une pièce assez
piètre de notre littérature journalistique, où la
directive est largement citée.
M. Rivest: Je voudrais en avoir le dépôt, M. le
Président.
M. Landry: C'est une mise au point signée par Mme Raymonde
Saint-Germain, qui a été publiée le 4 février
1984.
M. Rivest: M. le Président, est-ce que je peux demander le
dépôt de la directive, si une telle directive existe? À
moins que ce soit secret, cela aussi.
M. Landry: Je vais m'assurer avec le sous-ministre que les
intérêts du Québec ne sont pas en cause, et s'ils ne sont
pas en cause, la directive sera déposée dès la prochaine
séance.
M. Rivest: Donc, l'article était fondé.
Le Président (M. Gagnon): Je vous remercie. Juste avant de
mettre fin à nos travaux, je voudrais rappeler que nous avons sept
heures et trente minutes pour étudier les crédits de ce
ministère. Nous avons déjà deux heures
d'écoulées. Donc, si j'ai bien compris, il y a entente pour ne
pas siéger ce soir. Nous reprendrons nos travaux, sur ordre de
l'Assemblée nationale, jeudi, après la période des
affaires courantes. Nous serons rendus, à ce moment-là, à
l'étude du programme 1.
J'ajourne donc les travaux sine die.
(Fin de la séance à 18 heures)