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(Dix heures quatre minutes)
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission s'est réunie pour procéder à une
consultation générale sur le projet de règlement
concernant Les programmes d'accès à l'égalité en
vertu du paragraphe b) de l'article 86.8 de la Charte des droits et
libertés de la personne.
Sont membres de la commission: MM. Baril
(Rouyn-Noranda-Témiscamingue), Blais (Terrebonne), Blouin (Rousseau), de
Bellefeuille (Deux-Montagnes), Dussault (Châteauguay), Gagnon
(Champlain), Mme Harel (Maisonneuve), MM. Leduc (Fabre), Viau (Saint-Jacques),
Dauphin (Marquette), Marx (D'Arcy McGee), Paquette (Rosemont), Payne (Vachon),
Perron (Duplessis), Rivest (Jean-Talon), Mme Saint-Amand
(Jonquière).
Conseil du statut de la femme
J'invite donc immédiatement le Conseil du statut de la femme
à prendre place. Pendant que l'on s'installe, comme pour tous les autres
groupes, nous consacrerons 55 minutes à votre groupement, soit environ
20 minutes pour faire lecture du mémoire et 35 minutes d'échanges
avec les membres de la commission. Aussitôt la présentation du
mémoire faite, nous suspendrons nos travaux quelques minutes pour
revenir avec la période des questions.
Mme Francine McKenzie, je vous cède le micro en vous souhaitant
la bienvenue et en vous demandant de nous présenter les gens qui vous
accompagnent.
Mme McKenzie (Francine): Je vous remercie, M. le
Président. Mme la députée, MM. les députés,
il me fait plaisir de présenter mes collègues du Conseil du
statut de la femme. À ma gauche, Mme Micheline Boivin, qui est
directrice de la recherche au conseil; à l'extrême gauche, Mme
Jocelyne Olivier, qui est conseiller juridique et secrétaire
générale; Mme Suzanne Messier est agent de recherche.
M. le Président, je dois dire que, ce matin, c'est pour le
Conseil du statut de la femme l'aboutissement d'un processus sur un dossier qui
nous est cher depuis presque les toutes premières années de
l'existence du Conseil du statut de la femme. Est-il besoin de rappeler qu'il y
a quelques années à peine les seuls remèdes adoptés
par les employeurs pour corriger la discrimination des femmes à l'emploi
se limitaient à des programmes d'égalité des chances?
Malgré l'utilisation de ce type de programmes depuis une dizaine
d'années au Québec, les résultats obtenus se sont
révélés insuffisants pour enrayer à eux seuls
l'ampleur de la discrimination des femmes sur le marché du travail. On a
donc senti la nécessité d'adopter des mesures plus
énergiques pour contrer la discrimination systémique qui
résulte de pratiques en apparence neutres, mais qui produit des effets
d'exclusion disproportionnés pour certains groupes.
L'opinion du Conseil du statut de la femme en matière de
programmes d'accès à l'égalité repose
essentiellement sur deux principes, le premier étant qu'un programme
d'accès à l'égalité comporte nécessairement
des mesures de redressement préférentiel et le deuxième
étant qu'il faut respecter, pour l'établir, une démarche
globale comprenant les éléments d'analyse de la main-d'oeuvre, la
fixation d'objectifs numériques, la mise sur pied de mesures, un
échéancier et des mécanismes de contrôle. Ce sont
ces objectifs qui nous ont inspirées jusqu'ici et le Conseil du statut
de la femme attache un grand prix à cette question qui concerne au
premier chef les femmes, c'est-à-dire le groupe cible le plus nombreux
visé par l'application des PAE.
Nous sommes heureuses aujourd'hui de soumettre nos commentaires relatifs
à la dernière version du projet de règlement publié
à la Gazette officielle du Québec le 26 juin 1985.
Du côté gouvernemental, la mise en oeuvre de programmes
d'accès à l'égalité est également apparue
comme un moyen nécessaire dans la marche des femmes vers
l'égalité. Un premier geste d'une importance capitale a
été posé en permettant, par l'adoption de la loi 86,
l'implantation de programmes d'accès à l'égalité,
le législateur reconnaissant ainsi le phénomène social et
collectif de la discrimination et la nécessité de combattre ses
effets d'une façon rationnelle et globale.
L'évolution des divers projets de règlement a
démontré également un souci d'inventorier de façon
de plus en plus spécifique les éléments nécessaires
à la démonstration de la discrimination systémique. C'est
là notre voeu et nous
constatons avec satisfaction que plusieurs de nos interventions
auprès du ministre de la Justice ont porté fruit.
Enfin, à l'occasion de la conférence nationale sur la
sécurité économique des Québécoises tenue en
mai dernier, le gouvernement présentait un plan d'action en
matière d'accès à l'égalité. On y a alors
dévoilé six éléments: les programmes d'accès
à l'égalité dans la fonction publique, l'obligation
contractuelle, le comité aviseur, le soutien aux institutions publiques,
le pairage avec des entreprises françaises et enfin un fonds d'aide.
L'annonce de ce plan d'action a été bien accueillie par le
Conseil du statut de la femme qui réclame une politique globale de mise
en oeuvre des programmes d'accès à l'égalité et
souhaite que le gouvernement manifeste clairement ses intentions touchant les
différents éléments de ce plan, notamment l'obligation
contractuelle et le comité aviseur.
Quant à l'obligation contractuelle, elle constitue à nos
yeux certainement la meilleure garantie de la mise en application de programmes
nombreux et efficaces. Aux États-Unis, le rapport Crump a
démontré l'efficacité des programmes issus de l'obligation
contractuelle. Entre 1974 et 1980 le taux de participation des femmes s'est
révélé sept fois plus élevé dans les
entreprises obligées que dans celles qui ne l'étaient pas. En
fait, dans celles qui ne l'étaient pas, je rappelle que le taux de
participation des femmes était de 2,2 % alors que dans les autres,
celles qui étaient liées par obligation contractuelle, ce taux de
participation était de 15,2 % et cela, malgré une croissance de
taux d'emploi plus faible.
Favorables à l'obligation contractuelle, nous nous
inquiétons, toutefois, de la pertinence d'appliquer au Québec les
mêmes critères qu'au niveau fédéral pour identifier
les entreprises contractantes. Nous souhaiterions un champ d'application plus
approprié à la situation québécoise où
prédominent, comme on le sait, la petite et la moyenne entreprises. Cela
nous amène à nous demander si on ne devrait pas, en plus des
contrats, parler aussi des subventions substantielles versées à
certaines entreprises et qui pourraient permettre au gouvernement de lier ces
entreprises recevant des subventions substantielles. C'était là,
je le rappelle, une des propositions que le conseil faisait en 1978 lorsqu'il
élaborait la politique d'en3emble sur la condition féminine,
intitulée "Égalité et indépendance."
En ce qui a trait au comité aviseur, l'idée d'un
comité aviseur sur l'accès à l'égalité tel
qu'annoncé lors de Décisions 85 en mai dernier est
intéressante. Ce comité devrait, nous semble-t-il, faire une
place plus grande aux non-syndiqués. Parce qu'il doit veiller aux
intérêts du groupe cible le plus important, le Conseil du statut
de la femme devrait avoir, nous semble-t-il, sa place à ce
comité.
Je passe tout de suite à l'article 1 du règlement. Il est
fondamental puisqu'il détermine la portée de ce règlement,
c'est-à-dire à quel organisme il s'applique. Contrairement
à tous les projets de règlement antérieurs, le CSF a
été déçu de constater que celui-ci restreignait le
champ d'application à seulement deux types d'entreprises qui mettront en
oeuvre des PAE: celles à qui la CDP, la Commission des droits de la
personne, recommandera des programmes et celles à qui le tribunal en
imposera.
Nous ne pouvons accepter que le gouvernement limite ainsi l'application
du règlement. Chaque disposition de ce texte est utile et l'ensemble des
démarches constitue une méthodologie nécessaire, un mode
d'emploi sans lesquels les programmes d'accès à
l'égalité n'atteindront pas toute leur efficacité et
pourront se construire dans le désordre et la confusion.
Déjà, la nomenclature fait problème. Aux
États-Unis, on parle de "positive action", au Canada
d'équité en matière d'emploi, au Québec
d'équité en emploi ou d'égalité des chances et tout
cela recouvre des réalités et des exigences
différentes.
Puisque chaque organisme pourra mettre en place son propre programme
avec ses propres règles, toute comparaison entre programmes en sera
rendue difficile, sinon impossible. À notre avis, la comparaison
publique des résultats des programmes d'accès à
l'égalité constitue l'une des clés de leur
réussite. C'est le rôle du législateur de définir ce
qu'est un programme d'accès à l'égalité. Sinon,
nous craignons la confusion et le danger surtout qu'elle compromette la
qualité des programmes. D'où notre recommandation: que le
présent règlement s'applique à toute personne qui
élabore, implante ou applique un programme d'accès à
l'égalité, peu importe qu'il s'agisse de programmes volontaires
recommandés par la commission, imposés par le tribunal, issus
d'une obligation contractuelle ou encore qu'il s'agisse de programmes
gouvernementaux.
Dans le cas des programmes volontaires, le gouvernement, en mettant en
vigueur la loi 86 sauf l'alinéa 1 de l'article 86.2, les a rendus
légaux sans toutefois qu'il y ait obligation d'obtenir l'autorisation
préalable de la Commission des droits de la personne. Pour le Conseil du
statut de la femme, la levée de cette obligation est très
distincte de l'assujettissement des programmes au règlement. S'il n'est
pas indispensable de soumettre au contrôle a priori de la CDP les
entreprises qui, de leur propre initiative, veulent implanter un programme
d'accès à l'égalité, il est nécessaire de
maintenir pour elles l'exigence
d'être encadrées par ce règlement, surtout que par
les paragraphes 3° et 4° de l'article 11 du règlement
l'entreprise trouve des garanties de flexibilité, garanties qu'elle n'a
pas beaucoup invoquées, semble-t-il, depuis le début de cette
commission parlementaire.
Il nous apparaît donc souhaitable que l'employeur se
protège en construisant un programme conforme aux modalités
définies par le législateur. D'ailleurs, les représentants
des employeurs, tel le Conseil du patronat, ont toujours réclamé
l'adoption d'un règlement sur cette question. Ce qu'ils contestaient,
c'était le contrôle préalable de la CDP. C'est pourquoi le
CSF recommande que les programmes volontaires soient assujettis au
règlement sur les programmes d'accès à
l'égalité.
Dans le cas des ministères et des organismes, le conseil a
déjà exprimé en 1982 sa déception de voir le
gouvernement se soustraire aux pouvoirs conférés à la
Commission des droits de la personne. Nous déplorons maintenant le fait
que le gouvernement ne soit pas non plus concerné par ce
règlement. Je dois le dire, à cet égard, nous rejoignons
le Conseil du patronat. Par ailleurs, le Conseil du statut de la femme demande
à nouveau que le terme "organisme" soit défini et, par
conséquent, que le législateur porte en annexe du
règlement la liste des organismes concernés.
Dans le cas des institutions publiques, nous nous réjouissons que
le gouvernement du Québec ait annoncé son intention de prendre,
lors de Décisions 85, les moyens pour inciter et soutenir les organismes
des réseaux des affaires sociales, de l'éducation, du monde
municipal dans la mise en oeuvre de ces programmes. II est probable que les
institutions publiques s'inspireront du règlement, mais le "peut" ne
suffit pas, nous semble-il; il faudrait le remplacer par un "doit". C'est
pourquoi nous recommandons que l'obligation pour les institutions publiques de
se conformer au règlement soit aussi prévue à l'article 1
pour qu'elles puissent démarrer sur la bonne voie.
Nous recommandons enfin que le présent règlement
s'applique à l'obligation contractuelle et qu'on prenne les
modalités spécifiques la concernant. La CDP est l'organisme le
mieux habilité à contrôler l'application de cette
directive, mais le Conseil du trésor en est le premier responsable. Il
importe donc que les deux organismes travaillent en cette matière en
étroite collaboration.
Quant à l'article 2, eh bien, s'il fallait identifier par ordre
d'importance les articles du règlement proposé, nous placerions
sûrement ce deuxième article immédiatement après le
premier. L'énumération des quatre éléments que doit
contenir le programme d'accès à l'égalité
correspond tout à fait à nos attentes. En effet, aux
détracteurs de l'article 2, nous rappelons que tout bon gestionnaire,
pour résoudre une difficulté quelle qu'elle soit, ne respecte
habituellement rien d'autre que les étapes classiques
énoncées dans cet article. Il y a donc là, nous
semble-t-il, une garantie d'assainissement de la gestion.
L'article 3 aborde la fameuse question des objectifs numériques
à atteindre dans un programme d'accès à
l'égalité. Sur ce point, le conseil ne réclame pas
l'imposition de quotas par un organisme extérieur. Il considère
que l'employeur lui-même peut définir des objectifs
numériques qu'il croit pouvoir atteindre. S'il ne peut les atteindre
dans les délais qu'il s'est lui-même fixés, le
règlement, comme je l'ai mentionné tout à l'heure,
notamment à l'article 11, prévoit qu'il en fournira les raisons
dans son rapport annuel qu'il déposera à la Commission des droits
de la personne. Nous jugeons que cet exercice, émanant de la
volonté de l'organisme et non d'une contrainte externe -c'est là
une différence essentielle entre les objectifs numériques et les
quotas - elle est efficace dans la plupart des cas. Cela amène quand
même les employeurs à atteindre les objectifs qu'ils se sont
eux-mêmes fixés et les fait apparaître comme étant
réalisables. C'est pourquoi nous ne pouvons que marquer notre
adhésion complète à la formulation actuelle de l'article
3.
Quant à l'article 4, nous approuvons également la
définition que le législateur donne à l'analyse
d'effectifs, puisque les données ainsi recueillies serviront à
préparer le profil statistique de la main-d'oeuvre.
La formulation de l'article 5 décrit bien les
éléments à considérer lorsqu'on mesure la
sous-utilisation possible d'un groupe cible.
Nous souscrivons particulièrement à l'importance
accordée au critère de compétence. Contrairement aux
prétentions du Conseil du patronat, l'application d'un programme
d'accès à l'égalité ne forcera pas l'entreprise
à recruter du personnel non qualifié ou incompétent qui ne
répond pas aux qualifications minimales. Au contraire, l'approche des
PAE, loin de nier la compétence comme premier critère à
l'embauche, en fait son exigence de base. Pour nous, en fait, à
compétence égale, il serait préférable de choisir
une femme. Ce que nous souhaitons, c'est qu'elle ne soit pas le seul
critère à l'embauche et à la promotion, mais que, dans un
souci de favoriser la participation égalitaire des différents
groupes à notre société, on considère, dans un
deuxième temps, l'appartenance à un groupe de personnes
jusqu'à maintenant discriminées et dont les talents ont
été sous-utilisés.
Pour évaluer le bassin de la main-d'oeuvre sur le marché
du travail, il faut disposer de données officielles
détaillées,
mises à jour régulièrement. Nous reconnaissons que
les entreprises sont incapables à peu de frais de compiler ces
informations, d'où la recommandation d'un ajout à cet article,
précisant que le gouvernement fournit aux employeurs les informations
relatives à la main-d'oeuvre disponible sur le marché du
travail.
À l'article 6, le Conseil du statut de la femme apprécie
la formulation détaillée de l'article qui définit en quoi
consiste une analyse du système d'emploi et qui énumère
les sujets devant faire partie de cette analyse. Cela facilitera le travail des
employeurs qui fouilleront les différentes pratiques de leur gestion
à la recherche d'éléments discriminatoires.
La définition de la discrimination systémique
incorporée dans cet article est également essentielle puisqu'elle
en précise la caractéristique. La notion fondamentale qui y est
développée est que des pratiques apparemment neutres peuvent
provoquer un effet discriminatoire, d'où la difficulté de
dépister, en raison de leur apparente normalité, des pratiques
qui se glissent dans la gestion de l'entreprise.
Le Conseil du patronat prétend que les programmes d'accès
à l'égalité s'inspirent d'une fausse prémisse,
à savoir que toutes les entreprises ont pratiqué la
discrimination dans le passé d'une façon ou d'une autre,
d'où une présomption de culpabilité à leur endroit.
Nous rappelons que le programme d'accès à l'égalité
est un outil neutre. Il ne s'agit pas là d'une admission de
culpabilité, mais tout simplement, encore là, d'un effort de
saine gestion pour détecter la discrimination involontaire, si elle
existe.
À l'article 7, le Conseil endosse la formulation proposée
qui, d'une part, établit la nécessité des deux types de
mesures pour atteindre l'objectif visé par les programmes d'accès
à l'égalité tels qu'énoncés dans la loi 86
et, d'autre part, définit à notre satisfaction ces deux types de
mesures.
Nous tenons à réitérer l'importance de
reconnaître les mesures de redressement comme essentielles à tout
programme. Elles constituent la spécificité d'un programme et la
clé de la lutte à la discrimination systémique.
Le Conseil est également satisfait de l'article 8. Nous
reconnaissons que le législateur a bien défini ce qu'il entend
par l'expression "mesures de soutien". Ces précisions éviteront,
bien sûr, bien des débats.
À l'article 9, qui vise à ce que l'employeur informe ses
employés de l'existence du PAE dans son entreprise, nous souhaitons que
les employés soient informés non seulement des mesures
adoptées par l'employeur, mais également de l'ensemble des
éléments du programme d'accès à
l'égalité mentionnés à l'article 2.
A l'article 10, le législateur reconnaît l'importance de
désigner la personne à qui incombera la responsabilité du
programme d'accès à l'égalité et de
déterminer quelles seront ses fonctions. Nous appuyons la formulation de
cet article et nous souhaitons y annexer un ajout. Convaincues du
bien-fondé d'associer les employés à la mise sur pied d'un
programme d'accès à l'égalité, nous croyons
nécessaire la création d'un comité tripartite de
développement et de coordination dont le mandat sera d'associer
l'employé en autorité dans la mise en oeuvre des programmes
d'accès à l'égalité. De façon paritaire, ce
comité serait composé de représentantes des
employés, de représentantes de l'employeur et de porte-parole des
groupes cibles.
L'article 11. Le conseil est tout à fait en accord avec
l'obligation précisée à savoir que l'employeur fasse
parvenir à la commission un rapport annuel sur l'état de son PAE.
Les quatre éléments devant en faire partie sont justes et
raisonnables. Nous considérons, toutefois, qu'un cinquième
élément devrait y être ajouté. Il importe, en effet,
que l'entreprise fasse connaître également la composition de sa
main-d'oeuvre.
Tout comme la commission Abella, nous croyons en l'efficacité de
la publication d'un rapport annuel. Pour une entreprise, le fait d'être
publiquement comparée à d'autres de la même région
et du même secteur d'activité constitue certes un moyen efficace
pour la faire agir. Les employeurs non performants seront de plus en plus
gênés de rendre publiques des statistiques démontrant une
évidence de discrimination ou, tout au moins, une stagnation de leur
situation. D'ailleurs, aux États-Unis, l'une des motivations des
entreprises à agir dans le domaine de l'action positive est
reliée à la publicité qui en est faite et à la
bonne image qui en résulte.
C'est pourquoi nous recommandons que l'article 11 soit
complété en précisant que la Commission des droits de la
personne est responsable de la collecte standardisée des données
annuelles des entreprises, de leur compilation, de leur analyse et, enfin, de
leur dépôt annuel à l'Assemblée nationale.
Concernant la section III sur l'égalité dans les services
d'éducation offerts au public, le législateur a consacré
cinq articles du règlement à préciser les modalités
d'application des programmes d'accès à l'égalité
dans le domaine de l'éducation. Nous nous réjouissons que le
gouvernement donne suite à nos recommandations en la matière.
Il est important, en effet, d'implanter des programmes d'accès
à l'égalité non seulement dans le domaine de l'emploi,
mais également dans celui de l'éducation puisque la
discrimination systémique vécue en emploi est iargement
tributaire de celle constatée à
l'école. Si, à long terme, nous voulons éliminer la
discrimination partout, on ne peut compter uniquement sur la formation offerte
aux adultes dans le cadre d'un programme d'accès à
l'égalité en emploi; il faut agir à la source même
du problème et instaurer des programmes d'accès à
l'égalité dans le domaine de l'éducation aux trois niveaux
d'enseignement puisque actuellement la formation professionnelle est partout
très sexualisée, bien que de façon plus importante lorsque
le niveau de scolarité est moins élevé. Pour modifier la
composition de la main-d'oeuvre au profit des groupes cibles et pour, enfin,
sortir de la ségrégation sexuelle de l'emploi, qui, en passant,
n'a à toutes fins utiles pas changé depuis le début du
siècle, il faut changer la répartition de la clientèle
scolaire entre les différents champs de formation. C'est pourquoi nous
appuyons sans réserve l'inclusion de ces articles dans le
règlement.
Nous aimerions rappeler, M. le Président, que le Conseil du
statut de la femme est globalement satisfait de ce projet de règlement.
À travers ses différentes versions, il s'est enrichi et comporte
maintenant la plupart des éléments essentiels à la mise en
oeuvre des programmes d'accès à l'égalité et il est
maintenant temps d'agir. Nous ne sommes plus en 1980. Nous sommes en 1985. Le
gouvernement a investi tant d'énergie à innover dans le domaine
des droits de la personne par la modification, notamment, en 1982, de la
charte, par la rédaction de plusieurs projets de règlement qu'il
ne doit plus reculer à la dernière minute.
La grande entreprise américaine, obligée par contrat
d'implanter des programmes d'accès à l'égalité,
vient de dire dans un numéro de Fortune du 16 septembre, un
numéro qui a été porté à la connaissance des
membres de cette commission, qu'elle entend continuer sa pratique et cela,
même si l'administration Reagan se ramollissait en la matière. "An
aggressive positive action makes a lot of sense". Cela est passé dans la
culture de notre entreprise. Ces programmes atténuent les conflits et
sont rentables, pouvons-nous lire dans cet article étonnant de Fortune.
Juste au moment où l'entreprise brise elle-même quelques-unes de
ses plus chères icônes, il nous semble que le gouvernement doit
agir et sans délai. Je vous remercie.
Le Président (M. Gagnon): Merci, Mme McKenzie. M. le
député de Vachon.
M. Payne: Je pense qu'il s'agit d'un mémoire remarquable
de la part du Conseil du statut de la femme. Il représente, comme on dit
en anglais un des "highlights", de la semaine. Ce que le conseil
présentait était à l'avant-garde de toutes les
revendications dans cette matière, notamment, en 1978, dans la politique
d'ensemble "Pour les Québécoises: égalité et
indépendance." Vous n'avez rien à apprendre du règlement
en ce qui concerne quelques principes de base, parce que c'est vous qui les
avez proposés.
On a bien enregistré, à l'époque, par exemple, que
la Commission des droits de la personne et le ministère du Travail et du
Main-d'Oeuvre devraient inciter les employeurs à créer dans leur
propre entreprise les programmes d'accès à
l'égalité, comme on les appelle maintenant, et que le
gouvernement devrait également intensifier la mise en oeuvre des
programmes au sein de la fonction publique.
Dans votre mémoire, on peut voir que le Conseil du statut de la
femme a accordé beaucoup d'importance à ce dossier et je voudrais
revenir à quelques sujets que vous avez soulevés. Vous dites que
le règlement ne touche que les programmes recommandés et
imposés, alors que le Conseil du statut de la femme souhaite qu'il
s'applique à toute personne qui met en oeuvre un programme
d'accès à l'égalité.
Dans un certain sens, s'il y a un certain esprit incitatif et volontaire
dans cette politique, peut-être devrait-on aussi aller plus loin et
respecter le droit de liberté dans la mise en oeuvre de certains
programmes. Par contre, on peut aussi discuter les inconvénients de
cela, à savoir que si quelqu'un n'a pas de modèle, dans un
certain sens, obligatoire, les résultats pourraient être
compromis. Il y a deux arguments possibles là-dedans. J'aimerais avoir
vos commentaires.
Et aussi, d'autres choses m'ont frappé. On n'en a pas beaucoup
discuté cette semaine; peut-être qu'il serait intéressant
d'avoir quelques commentaires sur la façon dont vous voyez ce que
j'appelle le rôle incitatif du gouvernement. Vous avez parlé
à quelques sommets économiques du rôle que l'État a
de promouvoir au sein de la fonction publique, sur la place publique, dans
l'entreprise privée, la nécessité de se doter d'une
politique d'accès à l'égalité dans les entreprises
et de programmes de redressement préférentiel. Peut-être,
dans un troisième temps, pourrons-nous avoir quelques conseils ou
quelques idées de votre part en ce qui concerne l'obligation
contractuelle. Il y a une certaine disparité entre Québec et
Ottawa. Québec, dans un certain sens, est peut-être plus
avant-gardiste. Par contre, vous recommandiez qu'on diminue les 200 000 $ comme
norme minimale, ce qui, aussi, comporterait quelques contraintes. Ottawa a
choisi de s'en tenir au principe de l'équité en matière
d'emploi, tandis que le principe du Québec concernant le redressement
préférentiel va, évidemment, beaucoup plus loin touchant
l'analyse qui devrait être faite par l'entreprise de plusieurs aspects
de
ses activités. (10 h 30)
Vous avez parlé, vers la fin, de l'expérience
américaine. J'ai cherché sans succès quelques appuis
à la thèse - c'est plutôt une hypothèse populaire,
mais cela mérite d'être analysé plus en profondeur pour
ceux qui appuient ce genre de programme -l'hypothèse que la
productivité puisse s'accroître au sein des entreprises qui se
dotent d'une politique d'égalité des chances et d'une politique
de redressement préférentiel, si je peux l'appeler ainsi.
On a discuté longuement avant-hier et aujourd'hui de
l'expérience américaine et nous avons eu quelques débats
très intéressants hier avec l'Association des manufacturiers
canadiens, mais d'une manière un peu plus aiguë peut-être
avec le Conseil du patronat. De notre côté, au moins, nous avons
essayé d'invoquer, avec quelques preuves à l'appui, le fait que,
premièrement, la productivité est aidée et,
deuxièmement, qu'il y avait un consensus, à notre avis, assez
clair à savoir que les PME et aussi les 500 privilégiés de
Fortune sont de plus en plus prêts à soutenir la thèse que
c'est dans leur propre intérêt de. se doter de politiques
d'égalité des chances et de redressement
préférentiel. Voilà quelques éléments de
réflexion.
Mme McKenzie: M. le Président, je reconnais qu'il y a
là matière à six questions. Je ne sais pas si la
méthode à laquelle je pense peut vous satisfaire, mais je
commencerai par répondre à la première, à savoir:
Quels sont les avantages d'assujettir au règlement les entreprises qui,
volontairement, se dotent de programmes d'accès à
l'égalité? Je répondrai, mais comme je n'ai pas
réponse à tout, je compte, bien sûr, sur mes
collègues pour compléter. Je procéderai question par
question, de sorte que je ferai peut-être une pause après
chacune.
Il nous semble que dans ce fait, comme je l'ai rappelé tout
à l'heure dans le préambule, d'assujettir les entreprises qui
adoptent un programme volontaire il y a la fameuse question, d'abord pour
l'entreprise de se protéger. Le gouvernement dit: J'autorise, en fait,
des mesures d'action positive. Il ne dit pas à quoi il l'autorise. On
sait déjà qu'il y a de la confusion - je l'ai fait valoir aussi
dans le préambule - dans les termes, mais il peut y avoir aussi de la
confusion importante dans les programmes eux-mêmes, à telle
enseigne que même ici, en milieu gouvernemental, on constate que,
très souvent, certains parlent d'égalité des chances alors
que d'autres sont à parler de programmes d'accès à
l'égalité. Imaginez-vous sur le terrain, si tout se fait dans un
"free for all", si je peux dire, ce à quoi cela pourrait donner
lieu.
Le deuxième argument, je pense, qui est essentiel, c'est la
question de la qualité des programmes. À la limite, il est
peut-être préférable qu'ils soient moins nombreux dans un
premier temps mais, mon Dieu, qu'ils soient de qualité, ces programmes,
et qu'ils soient faits selon les tendances d'assainissement de la gestion
actuelles. On est fort savant en matière d'amélioration de la
gestion. Pour une chose aussi importante, avec des implications - la gestion
des ressources humaines est toujours la plus importante - il nous semble de
toute première utilité que les volontés de l'entreprise
puissent être inscrites dans un règlement, c'est-à-dire
dans une politique dont elle se dote. Nous souhaitons que cette politique
s'inspire du règlement de façon qu'on y retrouve les
étapes qui sont essentielles pour atteindre des objectifs quand on veut
changer quoi que ce soit, d'ailleurs, dans l'entreprise.
Le troisième élément, qui n'est pas banal, c'est
que cela va effectivement permettre des comparaisons dans les résultats
parce qu'on sait que l'emploi de mesures préférentielles, cela
s'inscrit dans les mesures transitoires. On se dit: On va redresser. Cela ne
sera pas pour l'éternité. C'est parce qu'on croit donc qu'il faut
des gains. S'il faut des gains, nous nous disons: II faut que cela se fasse
avec une approche et une méthodologie qui nous permettent de ne pas
comparer des carottes avec des navets. D'où l'utilité que ce
règlement vienne inspirer chacune des entreprises qui pourraient y
songer en revenant, encore là, sur la dimension de la flexibilité
qui est à sa disposition. Il est évident que, si une entreprise
constate qu'elle n'a pas obtenu les 18 %, les 15 % ou les 20 % d'accroissement
qu'elle s'était fixés quant au taux de participation
féminine à la main-d'oeuvre au cours de l'année qui s'est
écoulée, pour toutes sortes de raisons, elle peut tout à
fait s'en justifier et en donner les raisons dans le rapport statistique annuel
que le règlement prévoit qu'elle devra déposer.
Je vais demander à mes collègues s'il y a d'autres
éléments qu'elles aimeraient ajouter.
Mme Messier (Suzanne): Oui. Mme la présidente a
parlé de la protection par rapport à la confusion qui pourrait
exister dans les termes utilisés et, donc, de la comparaison d'un
programme à l'autre. Il y a aussi la question de la protection de
l'entreprise elle-même par rapport à des récriminations
qu'elle pourrait avoir de certains employés qui se sentiraient
lésés par un programme d'accès à
l'égalité mal appliqué. Actuellement, le programme
d'accès à l'égalité tel que conçu dans le
projet de règlement nous permet de nous assurer que les mesures
adoptées seront proportionnelles à la discrimination
constatée. Cette
méthodologie est expressément conçue pour
déceler la discrimination et y remédier.
Si l'employeur décidait de passer outre au règlement et de
procéder autrement pour choisir les mesures qu'il croit devoir appliquer
pour remédier à la discrimination, à ce moment-là,
il peut choisir des mesures qui sont disproportionnées ou
inadéquates par rapport au problème soulevé. Donc, pour
l'employeur, de même que pour protéger les intérêts
de tous les employés, qu'ils soient membres d'un groupe cible ou autres,
il serait avantageux pour toutes les parties de suivre les règles qui
sont déjà inscrites au règlement et qui permettent de
s'assurer que la procédure sera conforme au problème qui est
celui de la discrimination systémique.
C'est, d'ailleurs, pourquoi la charte a été
amendée. On considérait que les employeurs ne pouvaient adopter
des programmes d'accès à l'égalité comprenant des
mesures de redressement préférentiel. Ils voulaient être
protégés par la charte, ils ont donc attendu que la charte soit
amendée pour adopter de tels programmes. Je pense qu'il serait logique,
maintenant que la charte a été amendée et que le
législateur, en plus, prévoit une façon de procéder
dans l'application des programmes d'accès à
l'égalité, que les employeurs mêmes, de leur propre
initiative, suivent le modèle qui a été
décidé par le législateur.
Le Président (M. Gagnon): Merci. Est-ce que d'autres
veulent intervenir? Cela va. M. le député de Vachon.
M. Payne: La question de la productivité dans
l'expérience américaine. On commence à s'apercevoir que,
si on enlève les programmes d'égalité, on risque d'avoir
des griefs et d'affecter négativement le moral. Avez-vous une expertise
ou une expérience à l'étranger ou ailleurs sur cela ou
avez-vous des hypothèses?
Mme McKenzie: Je vous rappellerai l'un des témoignages que
j'ai lus - je ne me souviens plus où - et qui a servi d'argument dans un
article de Fortune alors que certains employeurs, ayant affaire à des
minorités visibles, des Noirs aux États-Unis, se disaient... Et
on y voit une garantie de détente, en fait, ou de diminution de
conflits. Le fait d'être obligé contractuelle-ment et de sentir
que c'est une obligation même, dans ce cas, externe vient diminuer ces
conflits, un peu comme si les employés se sentaient plus en confiance.
L'un des chefs d'entreprise mentionnait à ce propos qu'il avait pu
constater une efficacité accrue et un rendement accru également
issus de la mise à profit de ressources humaines sur lesquelles
jusqu'ici on avait trop peu compté.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le
député de Marquette.
M. Dauphin: Merci, M. le Président. À mon tour,
j'aimerais remercier le Conseil du statut de la femme pour la
présentation de son excellent mémoire. J'aurais juste deux
petites questions. Lors des auditions d'hier, notamment, la Centrale de
l'enseignement du Québec proposait dans son mémoire que tout
programme d'accès à l'égalité dans les entreprises
syndiquées fasse l'objet d'un processus de négociation entre le
syndicat et l'employeur. J'aimerais avoir vos commentaires
là-dessus.
Deuxièmement, relativement au comité aviseur sur la
représentativité des femmes non syndiquées, à votre
avis, est-ce qu'il y aurait d'autres façons ou d'autres mesures qui
viseraient à protéger ce groupe important de femmes? Je
reviendrai après.
Mme McKenzie: Je crois que, dès le lendemain de
Décisions 85, j'avais eu, au nom du conseil, à réagir
à la proposition gouvernementale concernant le comité aviseur
dont j'ai fait mention rapidement tout à l'heure. Dans la proposition
gouvernementale, vous vous souviendrez que le gouvernement proposait 4-4-1,
c'est-à-dire qu'il y ait quatre représentants de l'employeur,
quatre représentants des employés et une ou un
représentant des groupes cibles. Tout de suite j'avais demandé
que ce soit plutôt quatre, de façon à instaurer un
équilibre, en reconnaissant qu'il n'y a au Québec que 30 % des
femmes qui sont syndiquées. Le taux de syndicalisation est tellement
faible qu'il faut penser aux autres.
Par ailleurs, il nous semble très important de compter sur
l'employeur, de compter sur les syndicats et de compter sur la
représentation des groupes cibles eux-mêmes. Je pense que l'on
ferait faux bond... Compte tenu, me semble-t-il, de l'inévitable
instinct de tenir sa parole qui peut animer un syndicat étant
donné qu'il a une convention collective durement négociée,
il a à penser à l'ensemble de ses syndiqués et il devra
vivre avec. C'est là un paradoxe très important. Je pense que les
syndiqués eux-mêmes tireront grand profit de la présence de
la tierce partie qui est la représentation des groupes cibles. On ne
peut pas faire l'autruche longtemps. Il y a la règle d'or de
l'ancienneté qui tout de suite monte à la surface. Il
deviendrait, me semble-t-il, très difficile à un syndicat de
pouvoir s'en tirer dans un contexte bipartite uniquement.
M. Dauphin: Juste une autre question, M. le Président.
Relativement à l'obligation contractuelle, vous trouvez que 200 000 $ et
au moins 100 employés, c'est un peu élevé. Est-ce que vous
avez un minimum, par exemple?
Mme McKenzie: Écoutez, c'est une question qui est
très complexe. On a fait l'examen des chiffres. Il y a encore toutes
sortes de choses à prendre en considération là-dedans.
Est-ce que, oui ou non, le gouvernement entend prendre en considération,
par exemple, les entreprises de construction qui touchent des subventions
d'importance? Dans les entreprises de construction, on dit qu'il n'y a pas
beaucoup de femmes là-dedans. Mais, en même temps, si on voulait
pousser la cohérence, on se dit: Oui, mais on est en faveur de
l'accès des femmes aux métiers non traditionnels. On ne va pas
les tenir éloignées nécessairement des grues
mécaniques longtemps parce que, par ailleurs, on le demande.
Il y a là-dedans les entreprises de services qui sont comprises
dans le nombre d'entreprises qui seraient visées. Il y a des entreprises
qui sont soumises à d'autres dispositions. Je pense aux banques à
charte, etc. Il est très difficile de dire: Voici quelle est l'enveloppe
exacte du bassin d'entreprises touchant au Québec des contrats de
l'ordre de 200 000 $. On peut dire que cela peut aller chercher, quand on n'a
fait aucune nuance, à peu près 140 entreprises. Cependant, il
faut que ces entreprises, pour être contractuellement obligées,
conjuguent deux paramètres. Il faut avoir un contrat de 200 000 $ et 100
employés. À combien d'entreprises sommes-nous réduits
quand nous avons fait la conjugaison des deux? Alors là, il y a des
chiffres qui se promènent. Il semble que cela pourrait être autour
de 50. Même là, ça mérite un examen attentif pour
tenir compte des nuances que j'apportais tout à l'heure. (10 h 45)
On se dit quand même: II y a des entreprises qui
bénéficient de subventions importantes, est-ce qu'on ne pourrait
pas l'étendre à ces entreprises? On souhaiterait que l'examen
soit sérieusement fait et, surtout, quelles que soient les dispositions
touchées, que l'on prenne en considération le fait que
l'entreprise du Québec n'est pas nécessairement calquée
sur ce qui globalement caractérise l'entreprise au Canada et qui, comme
on sait, a inspiré les critères des 200 000 $ au
fédéral, de même que des 100 employés.
M. Dauphin: Merci beaucoup.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le
député de Châteauguay.
M. Dussault: Merci. Je voudrais saluer les représentantes
du Conseil du statut de la femme, d'abord. Ensuite, en faisant
référence à ce qu'on retrouve à la page 21 de votre
mémoire, vous dites qu'il faut associer les employés au processus
d'implantation des programmes d'accès à l'égalité.
Vous dites d'ailleurs: "Nous sommes convaincues du bien-fondé d'associer
les employés; l'expérience ailleurs le prouve." J'aimerais savoir
si dans votre esprit un tel comité tripartite que vous
préconisez, pour arriver à ces fins, devrait avoir un pouvoir
décisionnel ou simplement consultatif.
Mme McKenzie: J'ai l'impression... C'est une excellente question,
cela explique mon hésitation. Je pense que c'est de nature consultative,
à ce moment. L'idée du progrès des mentalités n'est
pas absente là-dedans. Le fait de dire: C'est en toute connaissance de
cause que nous associons les employés, de façon qu'ils
comprennent cet objectif nouveau dont est en train de se doter une entreprise,
me semble miser sur le changement de mentalités. Cette prise en
considération des employés me semble être très
importante pour qu'on se rallie de façon consensuelle à des
objectifs annuels pour rétablir un équilibre dans la
main-d'oeuvre. Je dirais que c'est consultatif. Écoutez, il y a toujours
moyen ensuite de rendre les choses plus serrées, mais c'est dans cette
perspective qu'on y songeait.
M. Dussault: Je pense que je serais d'accord avec votre prudence.
Dans un processus qui vise particulièrement à changer les
mentalités, il arrive souvent qu'à vouloir aller trop vite, on
bloque le processus à certains endroits.
Mme McKenzie:Trop vite, oui.
M. Dussault: Je me rappelle une loi qui avait été
votée ici à l'Assemblée nationale. En commission
parlementaire, j'étais intervenu auprès du ministre de
l'Éducation, en l'occurrence, pour lui demander, en fait, sa politique
de mise en place des programmes pédagogiques dans les écoles, du
projet pédagogique de l'école, du projet éducatif comme on
le disait, où il impliquait le monde syndical d'une façon
définitive. Je lui demandais s'il n'y avait pas un risque en fin de
compte qu'il y ait blocage parfois, et qu'à toutes fins utiles le projet
éducatif ne s'implante pas. Il n'avait pas craint, mais le
résultat, c'est qu'il y eut effectivement des blocages et, à
certains endroits, le projet éducatif n'a pas pu se mettre en place.
Vous préconisez, toujours à la page 21, que ce
comité tripartite soit composé de certaines personnes dont, entre
autres, les représentants syndicaux. Si vous dites que ce sera
consultatif, à votre point de vue, il n'y aurait pas de risque de
blocage. Ce n'est pas que j'aie des préjugés absolument
négatifs à l'égard des syndicats, en fait j'ai même
été très actif syndicalement, mais il peut arriver
qu'à certains endroits les membres du syndicat ne soient pas favorables
à l'implantation d'un programme d'accès à
l'égalité et, dans ce cas, à votre avis, il
vaudrait mieux que ce soit consultatif. Et même là, si
c'était consultatif seulement, est-ce que cela ne risquerait pas de
poser des problèmes?
Mme McKenzie: II y a d'autres mécanismes. Quand on vise un
consensus, que l'on s'entend entre les trois parties sur des mesures à
retenir et sur la nature d'un programme d'accès à
l'égalité, il y a quand même des mécanismes
d'embauche, il y a des mécanismes de promotion où, dans le
concret, chacune des parties regarde ce qui se passe. Qui entre dans la
boîte? Est-ce qu'on est en train d'atteindre les objectifs? Comment se
fait-il que dans tel cas on n'ait pas retenu une personne d'un groupe cible? La
même chose pour les promotions. Les syndicats le font dans la
filière de leurs habitudes que l'on connaît. Les
représentants des groupes cibles, à ce moment, devraient
être en mesure de faire connaître à un employeur leurs
surprises, s'il en est, ou d'obtenir les explications voulues.
Chose certaine, il faut associer les syndicats. On se souvient aussi
qu'en grande partie le succès des programmes d'accès à
l'égalité aux États-Unis, c'était dans les endroits
où on avait associé les syndicats. Je crois que le fait de ne pas
les associer pourrait être périlleux. Il faut les
représentants des groupes cibles aussi.
M. Dussault: Dans un autre ordre d'idées, mais toujours en
relation avec le comité tripartite que vous préconisez, dans la
mesure où il s'agit d'un programme recommandé ou imposé,
ne croyez-vous pas que c'est la Commission des droits de la personne
plutôt que le comité tripartite, comme vous le souhaitez, qui
devrait effectuer les analyses nécessaires à l'élaboration
du programme?
Mme McKenzie: Je trouve que c'est beaucoup de travail pour la
CDP. J'ai l'impression qu'une bonne analyse de main-d'oeuvre et surtout la
question plus difficile aussi d'un bassin potentiel... Il y a des domaines
où c'est facile, on peut identifier les gens formés en
mécanique, en électricité et en plomberie, cela va bien,
mais il y en a d'autres où cela commence déjà à se
promener. Je pense à des sociologues, à des anthropologues. Et
quand c'est en zone grise, on pourrait plus difficilement justifier les
choses.
Je pense que ce qui compte, c'est que l'entreprise puisse avoir
accès à des données sur le bassin potentiel de
main-d'oeuvre et dire: Dans notre région, dans la Mauricie, de quoi
disposons-nous? Comment pourrions-nous donner un sens à un accroissement
de la représentation des groupes cibles? Il me semble que, dotée
de ces données élé- mentaires, elle pourrait très
bien procéder à l'analyse de la situation et dire: Dans mon
entreprise, voici le portrait de la situation de mon
déséquilibre. J'ai 2 % des femmes ici, je n'ai pas de
représentant de communautés culturelles, etc. Mais qu'on
s'assure, toutefois, de lui fournir des données. On reconnaît
qu'il ne faut pas accabler l'entreprise qui est loin d'être dotée,
comme la Commission des droits de la personne pourrait l'être, de toutes
les données statistiques ou encore comme le Conseil du trésor qui
pourrait disposer de données immédiatement utiles pour
l'entreprise.
Je crois que Mme Messier voudrait ajouter un mot.
Mme Messier: II est clair, cependant, que lorsqu'il est question
d'un programme recommandé par la commission ou même imposé
par le tribunal, au moment de son enquête, la Commission des droits de la
personne aura effectué tout au moins une partie des analyses
d'effectifs, de disponibilité et du système d'emploi en vue de
prouver la discrimination. Il n'est pas évident que ces analyses
seraient complètes. De façon générale, c'est
pourquoi nous avons recommandé que, dans le mandat du comité
tripartite, on inscrive, comme premier élément, d'effectuer les
diverses analyses nécessaires. Nous, ce qu'on souhaite, c'est que le
règlement s'applique non seulement dans les cas où il y aura un
programme recommandé par la CDP ou imposé par le tribunal, mais
également dans le cas des programmes volontaires ou dans le cas des
programmes mis sur pied à la suite de l'obligation contractuelle.
Donc, de façon générale, on considère que le
comité devrait avoir ce mandat, mais dans les cas précis
où le programme aura été recommandé ou
imposé, il est bien évident que la Commission des droits de la
personne aura fait déjà un bon déblayage quant aux
analyses d'effectifs aux disponibilités et au système
d'emploi.
M. Dussault: C'est une approche pragmatique que je trouve
intéressante. Merci.
Le Président (M. Gagnon): Cela va. Je remercie... Est-ce
que vous avez d'autres questions, M. le député de Marquette.
M. Dauphin: Je sais que mon collègue, le
député de D'Arcy McGee, avait des questions à vous poser;
malheureusement, il a dû s'absenter. Un groupe hier nous a parlé
du travail des femmes bénévoles dans certains groupes
communautaires ou autres. Je crois que sa question est de savoir si vous, comme
Conseil du statut de la femme, seriez en accord avec cela, que le travail
des femmes bénévoles soit comptabilisé dans le
recrutement qui pourrait se faire dans les programmes d'accès à
l'égalité.
Mme McKenzie: C'est une excellente question. Je pense que cela
rejoint la fameuse question de la reconnaissance des acquis. Pour les femmes
qui ont travaillé à la maison, qui ont éduqué des
enfants, qui ont passé des heures et des heures dans le
bénévolat, parfois à sept réunions par semaine dans
des conseils d'administration de la caisse populaire, d'un comité de
citoyens, dans tout ce que vous voulez, alors qu'elles développent
là, de façon certaine, des habiletés importantes de
communication, de compréhension de textes de loi, de lobby, de tout ce
que vous voulez, qu'on puisse prendre en considération ce travail
précieux qu'elles ont fait pendant des années, qui a toujours
été non reconnu et qui, lors du déploiement
d'habiletés, est éminemment utile et peut, au même titre
que des acquis de formation, porter des fruits, et porter des fruits
importants.
En ce qui concerne le Conseil du statut de la femme, vis-à-vis de
registraires d'université, lorsqu'il s'agit de la reconnaissance des
acquis de cet ordre ou encore d'acquis de formation, parce que l'habitude est
toujours de pousser les exigences et de faire semblant que les gens n'ont
jamais suivi de cours ou de les annuler les uns les autres, on referait,
à l'occasion de la détermination, je pense, le même
raisonnement en disant: II est très important de prendre en
considération ces acquis que les femmes apportent lorsqu'elles
envisagent de travailler de façon rémunérée.
Le Président (M. Gagnon): Je remercie le Conseil du statut
de la femme.
Mme McKenzie: Je crois qu'il y aurait une réponse.
Le Président (M. Gagnon): Excusez-moi, Mme Messier.
Mme Messier: Oui, j'aimerais, si vous me le permettez,
répondre à M. Payne qui, tantôt, soulevait la question de
la disparité entre les exigences du gouvernement fédéral
et celles qui pourraient être émises par le gouvernement
provincial en matière d'obligation contractuelle. Le projet C-62, que
nous avons étudié au conseil, fait état de règles
qui s'adresseraient, de façon générale, aux
sociétés de la couronne et à l'ensemble des entreprises
privées sous juridiction fédérale qui respectent le Code
canadien du travail. 11 n'est pas question, dans le projet de loi C-62, de
règles spécifiques à l'obligation contractuelle, mais,
déjà, on peut croire qu'elles s'inspireront grandement du projet
de loi C-62. Mais comme le gouvernement fédéral n'a pas encore
émis ses directives, nous pensons qu'il serait heureux que le
gouvernement québécois profite de l'occasion pour être le
premier dans ce domaine et présente des règles qui ne soient pas
incompatibles avec celles qui seront probablement émises par le
gouvernement fédéral, mais qui permettraient de s'assurer qu'on
atteindra les objectifs d'accès à l'égalité qui ont
été inscrits dans la Charte des droits et libertés de la
personne qui, comme vous le disiez, vont plus loin que le simple respect
d'équité en matière d'emploi. Je pense que la seule
modalité précise inscrite au projet de loi C-62, c'est la demande
aux employeurs d'un rapport statistique de main-d'oeuvre.
Dans nos commentaires sur le projet de règlement actuel, on
demande également que ces informations statistiques soient
demandées aux employeurs du Québec; de là la
compatibilité entre les projets fédéral et provincial.
L'important, c'est que les règles ne soient pas incompatibles. Je pense
qu'en cette matière, jusqu'à maintenant, le Québec va tout
à fait dans le même sens que les demandes fédérales,
sauf que les règles vont plus loin.
Le Président (M. Gagnon): Merci.
Mme McKenzie: C'est une question d'harmonisation dans un contexte
où, pour une fois, le Québec pourrait avoir le leadership.
M. Payne: Oui, je pense que...
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Vachon, en réplique.
M. Payne: C'est plutôt un échange d'opinions.
Le Président (M. Gagnon): Un échange d'opinions,
oui.
M. Payne: Je pense qu'il y a des expertises et des
expériences à partager de part et d'autre. L'approche des
obligations minimales dans le projet de loi C-62 est intéressante, mais
dans la mesure où cela ne peut pas offrir une grande politique de
redressement préférentiel, il y a là, bien sûr,
quelques contraintes que le Québec n'a pas. Mais, par contre, je pense
que le Québec, normalement, va adopter un certain nombre d'obligations
minimales en ce qui concerne sa propre administration. Il s'agit de
décider avec la Commission des droits de la personne, j'imagine, ce
qu'on veut dire par organisme. On en a discuté depuis quelques jours.
Doit-on s'orienter vers une interprétation limitée, dresser une
liste limitée qui aurait l'avantage de déléguer à
la Commission des droits de la personne la
juridiction qui lui appartient par la loi ou doit-on dresser une liste
plus longue, plus étendue qui aura comme effet, bien sûr,
d'enlever à la Commission des droits de la personne une grande partie de
son influence, de sa juridiction?
La question est discutable mais je crois que l'orientation serait
normalement que, si on veut limiter d'une manière raisonnable le travail
incroyable du Conseil du trésor, l'on dresse une liste minimale
plutôt qu'une liste étendue. En ce qui concerne l'engagement
d'Ottawa, qui a choisi le principe d'équité en matière
d'emploi, il y a un inconvénient dans le sens que c'est un engagement
qui ne nécessite pas la mise sur pied de programmes comprenant tous les
diagnostics, la fixation des objectifs numériques et l'encadrement d'un
échéancier. Là, le Québec va plus loin. J'imagine
et j'espère que le Québec va sûrement appliquer ces normes
à sa propre administration.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le
député de Châteauguay, une très courte question.
M. Dussault: Très courte, M. le Président. C'est un
peu à titre d'adjoint parlementaire au ministre de l'Industrie et du
Commerce que je vais poser la question. C'est relatif à une objection du
monde des affaires à l'égard d'une de vos recommandations. Vous
recommandez que le rapport annuel d'une entreprise contienne des données
statistiques concernant sa main-d'oeuvre et qu'il soit publié. Par
contre, les organismes qui représentent les employeurs nous soulignent
qu'il peut être très dangereux pour une entreprise de
révéler à ses concurrents des données relatives
à la planification de sa main-d'oeuvre. Qu'est-ce que vous pensez de
cette objection?
Mme McKenzie: Je pense que, dans certains cas, cela peut
être un prétexte, mais cela peut être aussi une objection
valable dans d'autres cas, connaissant la délicatesse et l'importance de
l'espionnage commercial ou industriel. Autrement, cela est très
difficile. Si vous ne connaissez pas l'alpha, vous ne pouvez pas
connaître l'oméga, votre résultat. Il va falloir que, d'une
façon, l'on sache que l'analyse est faite de son bassin de
main-d'oeuvre, comment cela se répartit selon les sexes, selon les
communautés culturelles et selon les paramètres des groupes
cibles. Il y a sûrement moyen de contourner cela. Est-ce qu'il n'y a pas
moyen qu'ils en fassent état non pas par écrit, mais verbalement
qu'il y ait un caractère de confidentialité entourant cette
donnée, mais qu'elle soit produite, me semble-t-il, au moins à la
Commission des droits de la personne sous le couvert de la
confidentialité, n'est-ce pas, si cela se trouve que c'est
dangereux?
M. Dussault: C'est une question qui mériterait
d'être fouillée davantage, mais il y a là une
inquiétude.
Mme McKenzie: Quoique, actuellement, c'est la transparence qui
est rentable parce que les entreprises disent: C'est très bon pour notre
image, cela bonifie, on a des femmes. Les quelques-uns qui se sont
risqués sont toujours très contents de cela.
M. Dussault: Je vous remercie.
Le Président (M. Gagnon): Mme
Messier.
Mme Messier: De toute façon, ce qu'on demande de
déposer à l'Assemblée nationale, ce n'est pas un rapport
où, nommément, on va présenter les entreprises les unes
vis-à-vis des autres, où on aura des résultats
statistiques comparatifs, mais bien un rapport qui aura été
monté par la Commission des droits de la personne et qui
présenterait pour chacune des régions et par secteur
d'activité une comparaison des résultats obtenus des diverses
entreprises. Alors, il y a une certaine confidentialité qui serait
conservée par la Commission des droits de la personne.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Vachon.
M. Payne: Mme McKenzie, il y a une bonne phrase idiomatique en
anglais qui résume très bien la philosophie que vous venez de
souligner: "to change a challenge into an opportunity" pour les entreprises.
C'est-à-dire que, si elles sont toutes sur le même pied, la loi de
la concurrence entre en jeu: elles sont en concurrence l'une contre l'autre
pour arriver aux objectifs. On dirait peut-être en français: Faire
d'un défi une "opportunité".
Le Président (M. Gagnon): Merci au Conseil du statut de la
femme, Mmes McKenzie, Boivin, Messier et Olivier. Je vous remercie pour
l'éclairage extraordinaire que vous avez apporté à cette
commission. J'invite maintenant la Ligue des droits de l'homme de B'Nai Brith
Canada, région de l'Est, à prendre place.
Nous allons suspendre nos travaux pour cinq minutes.
(Suspension de la séance à 11 h 5)
(Reprise à 11 h 11)
Ligue des droits de la personne de B'Nai Brith
Canada
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous
plaîtl Nous allons poursuivre nos travaux avec la Ligue des droits de
l'homme. Vous êtes déjà installés. Je demanderais au
porte-parole de nous présenter ceux qui l'accompagnent.
Je vous avise que nous avons normalement 55 minutes à votre
disposition, soit environ 20 minutes pour livrer votre message, votre
mémoire et 35 minutes d'échange de propos avec les membres de la
commission. Je vous souhaite la bienvenue et vous laisse le micro
immédiatement.
Mme Allio (Nicole): Merci. Bonjour, M. le Président et les
membres de la commission. Je me présente, je suis Nicole Allio, membre
de la ligue. À ma gauche, Mme Marilyn Wainberg, présidente de la
Ligue des droits de la personne; à ma droite, M. Arthur Hiess, directeur
exécutif, et M. Stephen Scheinberg, vice-président de la
ligue.
La Ligue des droits de la personne est un organe de B'Nai Brith Canada.
Elle est au service de la collectivité juive, non pas seulement en tant
qu'organisme d'autodéfense, mais encore en tant que défenseur des
droits de tous les Canadiens. Un des puissants enseignements que nous apporte
notre expérience juive est que notre sécurité est
indissociale des droits de tous. Nous croyons en une société
canadienne vouée sans réserve à la reconnaissance et
à la protection des droits de l'individu et à
l'égalité pour tous. La ligue accueille donc avec plaisir
l'occasion offerte de participer à un dialogue avec la commission des
institutions.
En 1981, la ligue a fait connaître sa position concernant l'action
positive à la Commission canadienne des droits de la personne à
Québec. De plus, nous avons exprimé notre opinion sur cette
question dans des mémoires adressés à la CUM concernant la
représentation des minorités ethniques au sein du service de la
police de la CUM ainsi qu'à la Commission des droits de la personne du
Québec en ce qui a trait à la discrimination raciale à
l'intérieur de l'industrie du taxi de Montréal. Ces
mémoires sont disponibles et nous serons très heureux de vous en
faire parvenir des copies additionnelles.
Ce mémoire, celui que nous vous présentons actuellement, a
reçu l'approbation du Conseil régional de la région de
l'Est de la Ligue des droits de la personne du B'Nai Brith Canada lors de sa
séance du 2 octobre 1985. Il n'a point l'intention de formuler une
critique élaborée, ni une réponse au projet de
règlement sur les programmes d'accès à
l'égalité, mais plutôt un commentaire général
sous-jacent à la réalisation de tout programme d'action
positive.
Nous avons examiné, évidemment, le point de vue des Juifs
vis-à-vis de l'égalité. L'Ancien Testament a
concrétisé l'idée de l'égalité devant la loi
que sanctionne aujourd'hui notre charte. Malgré les multiples
contradictions et inégalités dont sont entachées nos
pratiques historiques, ce principe se veut un monument à notre foi en
l'égalité et une contribution historique à la
société occidentale. Pourtant le sens que peut prendre le mot
"égalité" va beaucoup plus loin que la non-discrimination devant
la loi. Lorsque nous nous engageons dans la voie de l'égalité
économique, nous trouvons chez les Juifs toute la gamme des convictions.
Ainsi, Israël, aujourd'hui, a des kibboutz, soit l'une des
expériences les plus intéressantes au monde en matière
d'égalité économique, qui côtoient, mais pas
toujours sans malaise, l'entreprise privée agressive. Comme peuple, nous
pouvons nous enorgueillir tout autant d'un économiste comme Milton
Friedman que d'un diplomate comme Steven Lewis. Tout cela pour dire que les
Juifs, comme peuple, n'ont pas de position particulière en
matière d'égalité économique et qu'ils sauraient en
avoir sans compromettre le pluralisme qui les caractérise.
Cependant, nous sommes un peuple ayant une histoire commune et des
différences philosophiques et, en notre ère moderne, des formes
variables d'antisémitisme ont façonné nos valeurs
communales. Dans la lutte qu'ils ont menée pour se sortir des ghettos du
XIXe siècle, les Juifs d'Europe se sont heurtés
à de nombreux obstacles, dont l'infâme numerus clausus, ou les
contingents. Nous savons les effets dévastateurs qu'ont eus ces
contingents sur les aptitudes et les aspirations de la jeunesse juive dans la
Russie de la fin du XIXe siècle. L'existence d'obstacles
numériques à l'accès à l'instruction et aux
professions a dénié l'égalité des chances à
des générations de nos concitoyens, et ces obstacles
numériques sont devenus partie intégrante de notre patrimoine
historique et culturel. Nous savons aussi, et nous passerons rapidement sur le
fait, qu'il y a une quarantaine ou une cinquantaine d'années il y avait
aussi des contingents dans des universités canadiennes, que nous
connaissons tous.
La ligue anti-diffamation de B'Nai Brith aux États-Unis et notre
ligue des droits de la personne n'ont jamais cessé de réclamer
énergiquement un accès libre à l'instruction et au
marché du travail, sans aucune restriction fondée sur la
religion, la race, le sexe, l'origine nationale, l'âge ou les
handicaps.
Ainsi, l'histoire particulière des Juifs a fortifié leur
foi et leur allégeance envers une société canadienne qui a
éliminé les obstacles discriminatoires juridiques et qui
s'emploie à corriger les injustices dont bon nombre de nos citoyens sont
toujours victimes.
Nous avons aussi examiné l'expérience américaine.
Elle est proche de nous; elle est particulièrement pertinente à
ce moment. Les Juifs du Québec, tout comme la plupart de leurs
concitoyens, n'échappent pas aux influences sociales et culturelles qui
nous viennent du sud de la frontière. Notre organisme observe avec un
vif intérêt l'expérience de l'égalité des
droits qui se fait chez les Américains et cherche a voir comment elle
pourrait s'appliquer à la vie canadienne et
québécoise.
Nous rappelons aussi, dans notre mémoire, des cas qui se sont
passés en 1965 et 1970 où la Ligue antidiffamation de B'Nai Brith
a pris clairement position pour défendre des droits à
l'égalité, des droits individuels à
l'égalité. Jusqu'à nos jours, la Ligue antidiffamation a
lutté avec une énergie du désespoir contre tous les
programmes fondés sur des contingents. Les cas, par exemple, de DeFunis
et Bakke ont touché la corde sensible de la collectivité juive
américaine. L'action positive a menacé de saper le principe de
l'égalité des chances pour lequel les Juifs américains
s'étaient battus et qui les avait fait prospérer.
Vers l'égalité au Québec. Les
Québécois peuvent profiter des aspects négatifs de
l'expérience américaine. La société dans laquelle
nous vivons a une histoire et une culture différentes. Il est inutile
d'adopter les pratiques américaines ou le style américain de
débat acrimonieux. Une revue des textes américains sur les
programmes d'action positive, les buts, l'emploi, l'équité, etc.,
indique qu'il y a peu de dialogue entre les forces en présence.
Les féministes et les défenseurs des droits civils
appuient les programmes d'action positive dans l'espoir d'obtenir justice pour
les opprimés, mais ils font moins de cas des droits individuels qui
peuvent être brimés du même coup. Par ailleurs, il se fait
entendre un choeur de voix discordantes qui oublient trop facilement le racisme
ou le sexisme systématique, systémique, et insistent pour que les
droits individuels et le principe du mérite soient les seuls
reconnus.
Si les Québécois veulent éviter la polarisation
d'idéologies et d'intérêts que vivent les
États-Unis, nous devons mieux définir nos objectifs et insister
pour le maintien d'un dialogue qui saura garder au minimum les torts faits aux
intéressés. Les slogans et les grands gestes outragés ne
sauraient remplacer l'analyse critique qu'il nous faut.
L'égalité des chances. Y a-t-il vraiment une
égalité des chances? Il importe de bien marquer les limites de
l'égalité des chances, afin de ne pas lui reconnaître plus
de vertu qu'elle n'en a. Le concept même de l'égalité des
chances est une apologie morale pour une société très
inéquitable. Il est porteur de la promesse de succès et de
prospérité pour tous ceux qui auraient le talent et la
détermination d'en parcourir la route. Tout d'abord, bien sûr, il
est faux, ce beau tableau, où nous sommes tous représentés
à la ligne de départ avec une chance égale de remporter la
victoire. De fait, avant même que ne débute notre grande course au
Québec, il y a de vastes différences de richesses (dans une
société qui accorde plus de prix à l'accession à la
richesse qu'à la promotion de l'égalité) et d'instruction,
et cette course est certes empreinte de différences de sexe, de race, de
religion et d'aptitudes physiques. En second lieu, qui dit "course" dit
automatiquement "gagnants" et "perdants", et cette société
inflige des blessures psychologiques et matérielles à une foule
de ses membres. En troisième lieu, le concept de l'égalité
des chances fait naître une sorte de mentalité de somme
zéro. C'est-à-dire qu'il favorise une tendance à croire
que nous sommes tous en concurrence pour des ressources rares et qu'il porte
les particuliers à améliorer les conditions.
Là, nous avons examiné la question très importante
du mérite. La question du mérite n'est pas seulement liée
de près à l'égalité des chances, mais elle se
situe, en outre, au coeur de l'opposition à l'égalité
d'emploi. La société canadienne a tendance à concevoir le
mérite comme un système objectif qui, par des examens, des
diplômes, des entrevues, etc., permet de déterminer qui est le ou
la plus qualifié pour entrer à l'université ou à
l'école professionnelle ou pour accéder à un poste de
commande et, donc, pour avoir l'argent et le pouvoir.
Malheureusement, ces systèmes comportent tous de forts
éléments de subjectivité. Ils traduisent les valeurs de
ceux qui ont dominé le système, c'est-à-dire les valeurs
des hommes blancs de la haute classe. Dans la pratique, le principe du
mérite n'est que pure fiction, vu que la classe sociale, la famille, les
réseaux de relations et ainsi de suite sont souvent beaucoup plus
efficaces. Il est difficile de définir le mérite sans restriction
lorsque nous savons tous que les systèmes existants de mérite ont
débouché sur de grossières injustices envers les femmes,
les minorités visibles, les personnes handicapées et d'autres.
Après ces grandes mises en garde, nous devons quand même dire que,
pour l'instant, il serait difficile de remplacer l'égalité des
chances ou le mérite, mais nous sommes conscients qu'il faut les
remettre en question et les réviser afin de les harmoniser avec notre
nouvelle réalité.
Pour nous, à la ligue, nous ne prônons absolument pas une
approche qui opposerait l'homme à la femme, le Blanc au Noir ou au Jaune
ou le jeune au vieux. Nous prônons le dialogue, c'est très
important. L'action positive, dans sa forme négative, peut constituer
une stratégie extrêmement
bouleversante, qu'embrassent souvent les radicaux qui n'en analysent pas
toutes les implications conservatrices. Cette stratégie n'exige pas la
redistribution de la richesse et du revenu. Elle exige plutôt la
participation égale de certains membres de groupes exclus dans un
système qui perpétue l'inégalité. Sa fin n'est pas
l'objectif libéral traditionnel d'obtenir de plus grands avantages pour
tous, mais un remaniement des places dans un système de classe
donné.
Au Québec, c'est notre tradition plus vigoureuse d'intervention
de l'État et de dispensation du bien-être qui devrait inspirer
l'approche de l'égalité. L'appel lancé par la commission
Abella pour un programme national de garderie est un bel exemple du genre de
programme social que nous devrions examiner. Cela devrait être la
prochaine grande étape vers l'égalité pour les femmes, ce
qui jetterait les bases d'une participation égale des femmes au
marché du travail. De même, nous appuyons les mesures non
discriminatoires de compensation comme l'instruction et la formation
spéciales, les programmes de formation, qui répartiront le poids
des fardeaux sur l'ensemble de la société canadienne et
québécoise, plutôt que de pénaliser une
génération de jeunes demandeurs d'emplois blancs et de sexe
masculin pour des péchés qu'ils n'ont pas commis»
L'action positive. Évidemment les opinions varient
énormément à ce sujet. A l'intérieur de notre ligue
aussi, nous avons des positions un peu différentes. Ce qu'on va aborder
aujourd'hui, c'est le consensus de la ligue. Certains ont dit que les
contingents susciteront vraisemblablement une opposition farouche, une
opposition sans scrupule, mais seulement de la part de ceux qui sont tout
à fait satisfaits de la structure de classe que nous avons et de la
distribution actuelle des biens et des services. Cela est une opinion.
Une autre est que, pour bien faire ce qu'il faut, il faudra
réaliser un équilibre délicat entre les
intérêts de la collectivité et ceux de l'individu, et entre
une action positive et le principe de la non-discrimination, ce qui est
l'opinion de la Ligue antidiffamation de B'Nai Brith. L'épineux
problème de l'égalité d'emploi et de l'action positive
demeure. On sait que, par exemple, 9 % des employeurs interrogés dans la
région de Toronto très récemment ont marqué leur
engagement sans réserve pour l'égalité raciale. Seuls les
prospères et les plus insensibles d'entre nous peuvent rester
complaisants. La campagne en faveur de certaines formes d'action position
s'annonce très vive. En tant que porte-parole d'un important secteur de
la collectivité juive, canadienne et québécoise, nous ne
pourrons accepter d'emblée ces programmes, mais nous chercherons
néanmoins à traiter de certains des problèmes qu'ils
soulèvent.
Notre attitude vis-à-vis des contingents et des objectifs. La
Ligue des droits de la personne de B'Nai Brith Canada reste méfiante
face aux contingents et aux objectifs numériques. Il ne suffira tout
simplement pas d'adopter un genre d'approche utilitaire où le bien
commun prime tout le reste. Lorsque nous adoptons des procédures
discriminatoires, même pour promouvoir une bonne cause, toute notre
société en souffre. Dans certains milieux, il fait chic de faire
la distinction entre contingents et objectifs, mais, lorsque les objectifs sont
imposés par un gouvernement, ils ont tendance à se transformer en
contingents chez l'employeur. Cela ne signifie pas que nous sommes contre la
recherche et les dénombrements, mais il faut examiner toutes les
variables clés. Par exemple, il ne suffit pas d'établir par des
chiffres qu'il y a trop peu de femmes chefs de département de
médecine. Encore faut-il rattacher cette constatation au rythme et
à la chronologie de l'arrivée des femmes dans la profession dans
son ensemble et dans ses différentes spécialités. Nous
préférons les objectifs qualitatifs aux objectifs quantitatifs.
Au Canada, la seule mesure retenue devrait être le progrès
constant et important. Ce n'est qu'en cas de discrimination
délibérée de la part des employeurs qu'il faut imposer un
contingent pour remédier a un tort spécifique et identifiable
sans toutefois porter atteinte à la main-d'oeuvre existante.
Le recrutement et la formation. Nous appuyons les aspects positifs
plutôt que négatifs de l'action positive. Les programmes
spéciaux de formation pour les membres des minorités visibles,
les autochtones et les Blancs qui vivent dans la pauvreté sont
d'importantes voies d'accès aux emplois prestigieux et
rémunérateurs. Les employeurs publics et privés doivent
chercher activement à recruter des personnes qui n'ont pas, comme les
hommes blancs et riches, le bonheur de faire partie d'un réseau. Ce
genre de programme positif recevra l'appui enthousiaste du public canadien.
Les coûts. Les programmes d'action positive imposeront en
majorité de nouveaux coûts pour nous tous. En ce qui concerne le
fédéral et le provincial, les dépenses pour les
crèches et les garderies d'enfants seront très onéreuses
et malvenues dans des gouvernements déficitaires. L'extension des
programmes pourrait placer des poids additionnels sur les deux gouvernements
ainsi que sur les entreprises. De plus, tous les Canadiens devront payer, soit
sous forme de taxes, soit en tant qu'acheteurs. Néanmoins, nous croyons
qu'il est préférable de distribuer les coûts du
progrès plutôt que d'imposer ceux-ci à ceux qui n'ont
jamais participé à la création d'une société
inégale. Nous ne sommes pas aveugles concernant nos conditions
économiques présentes. Toutefois,
il faut se rendre à l'évidence qu'un tel progrès
serait très coûteux. Il serait bien plus économique de
maintenir le statu quo plutôt que de former des groupes les uns contre
les autres dans une compétition comprenant un manque de ressources.
Aussi, les coûts sociaux de quelques inactions ou provocations de
conflits inacceptables pourraient représenter un bien plus grand poids
que les nouveaux revenus requis pour les programmes d'action positive.
Et qui sont les vraies victimes? L'une des critiques les plus
fréquentes à l'endroit de l'action positive, c'est que, bien
souvent, les vraies victimes n'en sont pas les principaux
bénéficiaires. Une prestigieuse école américaine
qui s'était vu ordonner de redresser son équilibre racial a
été contrainte d'admettre un nombre beaucoup plus
considérable d'Américains d'origine japonaise, groupe pourtant
déjà bien représenté dans l'enseignement
supérieur aux États-Unis. Encore une fois, notre
société marche-t-elle vers l'égalité en accordant
la préférence à une femme venant d'une famille de classe
moyenne plutôt qu'à un pauvre homme blanc? Évidemment, rien
ne nous oblige à nous lancer à l'aveuglette dans l'action
positive. Un programme d'action positive doit donc avoir un champ d'action
assez étroit pour permettre de reconnaître et d'identifier les
vraies victimes. Donc, l'élément de recherche est essentiel.
Les programmes d'action positive doivent avoir aussi un caractère
temporaire et faire l'objet d'une revue et d'une réévaluation
régulières. Les programmes doivent être temporaires de
manière à ne pas donner naissance à de nouveaux droits
acquis et à ne pas porter atteinte aux intérêts à
long terme des autres membres de la collectivité. La revue et la
réévaluation régulières constituent une protection
nécessaire pour faire en sorte que ces programmes ne violent pas
l'égalité des chances et qu'ils soient rajustés ou abolis
selon que les circonstances le justifient. (11 h 30)
Quant au système de mérite, il n'y a pas encore de
meilleur système que celui qui repose sur la libre concurrence et le
mérite, ce qui ne veut pas dire que le mérite doit signifier la
perpétuation d'un système fondé sur des normes statiques
et inégalitaires d'évaluation. Il ne faut pas rejeter les examens
et les diplômes tant que la compétence sera un critère,
mais il y a un moyen de compléter ces critères types par des
critères sociaux, telles les possibilités de services
communautaires. Il y a plus à tirer d'un étudiant en
médecine qui s'engagerait à travailler dans une zone rurale et
pauvre du Québec que du savant qui souhaite conserver la liberté
absolue d'aller installer sa pratique à Beverly Hills. Les aptitudes
linguistiques des minorités ethniques ne semblent pas avoir bien souvent
compté parmi les critères d'embauche dans des domaines comme la
police, où elles ont pourtant une utilité indéniable.
Avec de l'imagination et de la volonté, nous pouvons modifier nos
systèmes de mérite pour contrer l'effet d'exclusion qu'ils
peuvent avoir et pour en faire des instruments progressistes d'une
société plus égalitaire. Les nouveaux systèmes de
mérite peuvent constituer un pont important pour unir la
société québécoise et être une solution de
rechange aux rigidités et aux caractéristiques discriminatoires
des contingents'. Ils peuvent servir à donner aux femmes et aux
minorités un accès plus démocratique à
l'éducation et au monde du travail, mais ils devront en même temps
avoir l'appui de ceux qui, comme la Ligue des droits de la personne, persistent
à militer pour la non-discrimination et pour une véritable
égalité des chances.
Même si nous sommes avant tout un porte-parole des droits des
Juifs du Québec et du Canada, le principe de l'égalité en
milieu de travail n'est pas spécifique aux Juifs. Il s'agit plutôt
d'un principe concernant tous les individus, quelle que soit leur appartenance
religieuse. C'est donc dans cet esprit que nous vous présentons Ie3
recommandations suivantes.
Nous devrons faire tout en notre pouvoir pour assurer un consensus sur
les objectifs et les moyens à prendre en ce qui concerne les programmes
d'action positive. Quand on parle de consensus, c'est un consensus entre le
gouvernement, les industries et les groupes concernés.
Un programme provincial de crèches et garderies d'enfants
représente un élément déterminant pour
l'égalité des femmes en milieu de travail.
Nos critères de mesure de progrès de
l'égalité des chances se devront d'être autant que possible
d'ordre qualitatif et non quantitatif.
Un point qui est maintenant crucial est que l'Assemblée nationale
devra définir de façon juste et précise les groupes cibles
visés par les programmes d'action positive.
Nous recommandons la création de programmes d'éducation et
de formation spéciaux afin de promouvoir la participation des groupes
visés dans tous les secteurs de l'économie
québécoise.
Toutes les possibilités de programmes d'action positive devront
être étudiées dans le contexte spécifique
québécois. Il s'agit d'une démarche absolument essentielle
pour assurer une loi pertinente et une planification adéquate des plans
d'action.
Tous les programmes d'action positive doivent être de nature
temporaire, sujets à des revues et à des
réévaluations régulières.
Il nous paraît essentiel de redéfinir les systèmes
de mérite pour inclure les valeurs
qualitatives auxquelles peuvent contribuer les groupes cibles, ce qui
n'a pas été souvent fait dans le passé. Là, vous
corrigerez le mémoire qui est à l'effet contraire; c'est "qui n'a
pas souvent été fait dans le passé". Nous nous excusons de
cette erreur.
Nous sommes d'avis que le gouvernement du Québec a l'obligation
de promouvoir les programmes d'action positive et aussi être un
modèle pour les autres secteurs de la société
québécoise.
Je vous ai présenté l'essentiel de notre mémoire.
Maintenant, les membres de la ligue se feront un plaisir de répondre
à vos questions dans la langue de votre choix et aussi dans la langue
dans laquelle ils se sentent le plus confortables.
Le Président (M. Gagnon): Merci, madame. Comme vous avez
pris quelques minutes de plus pour présenter votre mémoire, je
demanderais aux membres de la commission de limiter un peu leurs questions. M.
le député de D'Arcy McGee.
M. Marx: Merci, M. le Président. J'aimerais remercier la
présidente, Mme Wainberg, le professeur Scheinberg, Mme Allio et M.
Hiess pour la présentation de ce mémoire très
intéressant de la Ligue des droits de la personne de B'Nai Brith. C'est
le premier son de cloche que nous avons de cette façon de voir les
choses.
Premièrement, j'aimerais dire que les groupes qui sont venus
devant la commission et qui demandent, qui exigent des programmes
d'accès à l'égalité étaient très
réalistes, très raisonnables. Comme vous le savez, il y a deux
sortes de mesures: celles d'égalité et celles de redressement. Je
pense que vous êtes plutôt pour des mesures d'égalité
et moins pour des mesures de redressement. Je dois ajouter qu'à
l'article 5 du règlement on parle de compétence égale.
Donc, on n'engagera pas une femme incompétente pour remplacer un homme.
C'est à compétence égale.
Je comprends bien que vous êtes contre les quotas, contre les
obstacles numériques. Je n'aime pas le mot "quotas" non plus, mais il me
semble qu'il faut avoir un objectif quelque part. Je vais vous donner deux
exemples très concrets. À la Commission de transport de la
Communauté urbaine de Montréal il y avait l'an dernier, sur 3400
chauffeurs d'autobus, huit femmes. Ce n'est pas énorme. À
Chicago, il y a 30 % de femmes; à Buffalo, 18 %; dans la ville de
Québec, une, deux ou zéro, je ne le sais pas. Dans la
Sûreté du Québec, il y a très peu de femmes, quoique
dans nos cégeps, dans les cours de techniques policières, il y
ait beaucoup de femmes.
Qu'est-ce qu'on va faire? Est-ce qu'on va juste avoir des mesures
d'égalité sans se fixer des objectifs? Est-ce qu'on va dire:
Soyez de bons garçons, vous devez faire quelque chose pour
admettre les femmes dans vos organismes? On va attendre et on reviendra
après cinq, six ou dix ans pour voir ce que vous avez fait, parce que
vous devez faire quelque chose, mais il n'y a pas d'objectif
numérique.
If you want to answer in English, go ahead and answer in English.
M. Scheinberg (Stephen): I think we recognized some of these
problems and we have tried to make clear in this brief that we have an
experience with quotas that often sees quotas as a problem, for Jews specially.
To reverse that, it appears to many, in the Jewish Community particularly, as a
form of reverse discrimination. It is an argument that we are going through
right now in the League. It is certainly not a clear one for us.
I think we are in the process of moving from a position very much
against any kind of quota to some kind of recognition that, in some cases, such
as the ones that you mentioned, perhaps some forms of quotas or goals have to
be recognized. At this point, this brief represents a consensus position;
perhaps, it is not even shared by those of us in attendance today who would be
much more open to at least recognizing the utility of numerical goals in cases
of systemic discrimination.
M. Marx: In terms of quotas, nobody really came here and said
that in the Sûreté du Québec or in the Transport Commission
of the Montreal Urban Community 8 % should be women, or 9 %, or 12 %. I imagine
that, if the women groups really put a number on it, they would probably say
there should be 60 %, or 52 % or 83 %. You know, there are 30 % in Chicago, 18
% in Buffalo. What should the percentage be in Montreal? Nobody has really
tried to put a figure on it. In terms of legislation, in terms of action, we
have to have something that is manageable. We cannot ask people to implement
programs that have no objectives. We have to have certains objectives.
There is, of course, the objective that it is "des mesures
d'égalité", that we are going to move towards equality. That is
an objective. We also have to make sure, as responsible legislators, that there
is some way of measuring if these goals are being attained or if people are
just stalling, just talking and saying: Yes, we are moving, we are doing
something, but nothing is happening. Something has to happen and we have to be
able to measure what is happening.
Now, let us not use the word "quota" and let us not use - how shall I
put it - any words which have a particular nauseous connotation. We all know
that quotas do.
Say, for example, that the Montreal Urban Community Transport Commission
has decided to hire 150 women chauffeurs. Now, would it seem unreasonable to
you to have that kind of an immediate goal amongst 3400 chauffeurs? That is a
new merry goal, but it is not a quota.
M. Scheinberg: The objection that many of our people have is that goals
become quotas, so that the difference between the uses of the terms becomes
négligeable. On the other hand, many of us certainly understand that if
such regulations are going to become operational, numbers have to be assigned.
Perhaps that will bother many in our community, but they may adjust to a new
reality too. Speaking personally, I do not think that the kind of example that
you give is an unreasonable kind of example; what we would look for there is
fairness in hiring. What we would prefer is looking for a progress being made
in the hiring of women bus drivers, or Blacks or whatever, rather than looking
for numerical goals at this point.
M. Marx: When I made my presentation on Tuesday, I pointed out
all the problems that one could have with quotas and I quoted quite a bit from
the Abella Report. That is why I try to keep away from that loaded term
"quotas", which gets a lot of people nervous. It gets me nervous too sometimes.
But, take another example. We have the police force in Toronto which has an
ethnic squad. I am not proposing that we have ethnic squads at the
Sûreté du Québec or in the Montreal police force but say,
for example, the Montreal police force does want to have a certain number of
people from cultural communities. They want to have policemen who are from the
visible minorities. They will have to, you know, go out and look for these
people. They will have to go out and say: We want to hire a handful or we want
to hire two dozens. There is going to have to be that kind of a goal set,
although not setting a quota and saying: You setting, you know, the quota is so
many. Very often, if you set a quota, that quota can turn out to be the maximum
and it could work against the people that you are really trying to help.
M. Hiess (Arthur): If I can just answer the point. One of the
things in the debate, the affirmative action debate, is a certain mind set in
approaching the whole issue. Very often, things have always been looked at, the
whole concept of quotas, the whole concept of timetables, the way we analyse
the situation, has too often been substituted for proper research being done.
It is a mind set in terms of approaching certain problems.
In the brief that we presented to the
Public Security Commission of the MUC regarding hiring criteria for the
MUC police force, we recommend certain support measures in terms of increased
searches, to go out to the schools, to go out to the cégeps. One does
not have to start with a quota, "comme tel", as a basic criterion to initiate a
program of affirmative action. There are things that could be done. We
recommend certain things, at least as an initial step, and it is part of the
whole element, a certain mind set.
C'est une façon de voir le problème. On ne va pas toujours
commencer avec des quotas pour mettre sur pied des programmes d'action
positive. Pour nous, c'est le climat dans lequel on se trouve dans le
débat. Il faut établir un consensus quant aux critères de
base pour promouvoir vraiment les programmes d'accès à
l'égalité. C'est ce problème que nous voulons souligner
ici, cet après-midi. Ce sont toujours les implications dans le
débat qui sont prises pour acquises, sans faire une bonne recherche sur
les questions de base et c'est un élément qui nous
préoccupe beaucoup. (11 h 45)
M. Marx: I think that everybody agrees with you in that sense and
I think that the regulation really sort of underlines what your saying. Let us
take section 7 of the regulation, and I will read it: "Equal opportunity and
corrective measures are necessary to remedy the effects of an observed
discriminatory situation. "Equal opportunity measures aim at ensuring equality
in the exercice of a right, in particular by eliminating discriminatory
practices in the management of an undertaking." You agree with that a hundred
per cent.
The last paragraph is as follows: Corrective measures aim at eliminating
discrimination against a group by temporarily - and you have insisted on that
as well -awarding certain avantages to its members. "Everything being equal. I
think we all agree. I think that everybody would agree if by "des mesures
d'égalité" we can reach those goals, fine! But we may have to use
"des mesures de redressement" because people need a push, and companies and
institutions need a push. As far as the whole issue of quotas is concerned, I
think nobody has really suggested that we put a percentage on measures of
equality or "des mesures de redressement". But people are saying that we should
put some kind of a numeric goal that attaches to the program which I do not
think you are really against. I think you can accommodate to that
generally.
Mme Allio: J'aimerais commenter ce sujet. Si on revient sur
l'article 7, nous ne sommes pas opposés parce que nous nous battons pour
l'égalité des chances d'accès
pour tout le monde. C'est un principe qu'on partage avec tout le monde
dans cette pièce. Nous ne sommes pas du tout opposés à des
mesures de redressement quand il en faut, du moment que ces mesures ne briment
pas des droits individuels. Pour nous, c'est très important de ne jamais
brimer l'individu dans son droit pour, théoriquement, sauver le droit de
groupe. C'est une notion qui est importante pour nous.
De la même manière, quand une firme est accusée de
discrimination intentionnelle. Nous ne sommes pas non plus opposés
à un programme de redressement avec des chiffres, avec des objectifs
à remplir dans ces cas.
M. Marx: Nous ne voulons pas brimer les droits des individus non
plus. Je pense que c'est clair. L'Assemblée nationale n'aurait jamais
cette intention et le gouvernement non plus. Quoi que nous ayons comme
gouvernement bientôt, ce serait... Il y a un consensus.
Quand vous parlez de la discrimination intentionnelle et non
intentionnelle, il y a une difficulté. De temps en temps c'est
intentionnel, mais ce serait impossible de prouver cela. Comment prouver,
souvent, que c'est intentionnel? On peut avoir l'impression que c'est non
intentionnel, mais c'est vraiment intentionnel. Quand on voit les effets, on
voit que cela ne fonctionne pas, personne ne va avouer que c'était de la
discrimination intentionnelle. Dans ses effets, la discrimination
intentionnelle et non intentionnelle peut être la même.
Comprenez-vous ce que je veux dire? Les effets peuvent être les
mêmes, donc c'est une distinction importante au niveau de la sanction
qu'on a dans la Charte des droits et libertés de la personne. Dans les
effets, cela peut être la même chose.
Mme Allio: Absolument. C'est une question qui est très
difficile à regarder. Je pense que c'est très difficile à
trancher. Est-ce que c'est de la discrimination systémique ou de la
discrimination intentionnelle? Il faut consulter les livres, regarder
l'histoire d'une certaine compagnie, les pratiques, les faits établis.
C'est évident que, si vous regardez, par exemple, les standards
d'embauche pour du personnel qui travaille dans un train, on exige une taille
moyenne de cinq pieds et dix pouces, même si les filets à bagage
sont à cinq pieds et cinq pouces de hauteur. Cela peut être
interprété de plusieurs manières. On pourrait dire: C'est
systémique parce que dans le temps seuls les hommes travaillaient dans
les wagons de chemin de fer, la taille moyenne était cela, on n'a pas
voulu discriminer personne. Maintenant, cela peut être intentionnel aussi
où on garde cette pratique en vigueur pour continuer une tendance
historique. C'est très délicat.
M. Marx: D'accord.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Fabre.
M. Leduc (Fabre): Merci, M. le Président. Je veux
également remercier la Ligue pour les droits de l'homme de B'Nai Brith
Canada pour l'excellente présentation de son mémoire. C'est un
point de vue original. Vous développez beaucoup l'aspect philosophique,
si je peux dire, de la question. C'est une réflexion en profondeur.
Par contre, j'aimerais vous entendre vous prononcer plus
précisément sur le règlement lui-même, dont vous
parlez peu, finalement, dans votre mémoire. Il s'agit d'une approche qui
me semble très prudente face à la question de l'accès
à l'égalité. Vous prônez beaucoup la promotion des
droits à l'accès, mais vous semblez plutôt critique face
aux moyens prônés dans le projet de règlement. C'est une
incitation à la prudence, finalement, pour ne pas créer d'autres
inégalités.
Une voix: Absolument.
M. Leduc (Fabre): Voilà! Par contre, dans la situation
actuelle, il y a des inégalités. C'est clair. Donc, si on veut
combattre ces inégalités, il faut se donner des moyens. Le projet
de règlement est un moyen. Vous êtes critique face aux objectifs
en termes de quotas, mais j'aimerais vous entendre sur les autres aspects du
règlement. Finalement, vous parlez des quotas, mais vous parlez
très peu des autres aspects du règlement, de l'article 1, entre
autres, sur la portée du règlement: "sur recommandation de la
commission ou à la suite d'une ordonnance du tribunal".
Jusqu'à maintenant, les organismes nous ont dit que
c'était un règlement plutôt prudent, flexible, qui ne
visait pas à bousculer les entreprises, mais à les inciter
à se donner des programmes d'accès. Vous nous incitez à
davantage de prudence. Est-ce que ce n'est pas aller un peu trop vers la
prudence?
M. Hiess: Nous avons exprimé de très près
l'expérience aux États-Unis et nous avons découvert qu'il
y a maintenant un débat de sourds et de muets maintenant aux
États-Unis. Nous avons vu cette expérience, nous avons vu
l'expérience de nos homologues américains, la Ligue
antidiffamatoire du B'Nai Brith. Nous avons dit que la situation actuelle au
Québec, c'est une situation tout à fait différente, qu'il
faut mettre sur pied, actuellement ici, un programme de recherche pour examiner
en profondeur les besoins de la société québécoise.
Nous faisons appel à la prudence. D'une part, d'examiner en profondeur
les conditions de travail pour
savoir quels sont vraiment les groupes cibles auxquels doivent
s'adresser les programmes d'accès à l'égalité; en
ce sens, c'est un appel à la prudence, mais il est très
important.
Deuxièmement, je pense que la Commission des droits de la
personne du Québec doit jouer un rôle assez important, mais en
collaboration non pas seulement avec les groupes cibles ou les groupes
impliqués dans le domaine de l'action positive. Il doit y avoir un
programme de collaboration en ce qui concerne la recherche, la participation
des organisations communautaires qui ont milité depuis longtemps dans
des programmes d'accès à l'égalité. Nous faisons
appel à la prudence afin de bien connaître les conditions de notre
société. En ce sens, c'est vraiment un appel à la
prudence. Il faut faire ce travail préliminaire afin de bien
établir quels sont les programmes d'accès à
l'égalité. Ce travail n'a pas encore été
réalisé jusqu'à maintenant.
M. Leduc (Fabre): Mais est-ce que cela doit signifier qu'il ne
faudrait pas adopter le projet de règlement, mais qu'il faudrait,
préalablement, s'engager dans des travaux de recherche pour bien
connaître la situation en termes d'inégalité des
différents groupes visés par le projet de règlement?
Iriez-vous jusque-là, ne pas accepter le projet de règlement?
M. Hiess: Non, ce n'est pas de ne pas l'accepter. C'est un appel,
en même temps, pour établir un bon programme de recherche pour
bien savoir ce qui se passe dans la société
québécoise, pour ne pas nécessairement tenir pour acquis
les hypothèses qui ont été acceptées aux
États-Unis et qui ont abouti à une situation tout à fait
inacceptable. Il n'y a pas vraiment un consensus aux États-Unis,
actuellement, en ce qui concerne les programmes d'accès à
l'égalité. Nous ne voulons pas que les programmes d'accès
à l'égalité aboutissent à la même situation
ici au Québec qu'aux États-Unis.
M. Leduc (Fabre): Donc, on pourrait appliquer le
règlement, mais, si je comprends bien, vous voudriez que ce soit de
nature temporaire.
M. Hiess: C'est l'élément très important,
oui.
M. Leduc (Fabre): Est-ce que vous pouvez nous préciser ce
que vous entendez par la nature temporaire des programmes? C'est quoi
"temporaire" pour vous? Comment cela pourrait-il se faire?
M. Hiess: Quand nous parlons des programmes temporaires, quand il
s'agit d'améliorer la situation d'un groupe particulier, par exemple les
autochtones ou la situation des handicapés dans une grande entreprise,
il faut accepter, je pense, l'hypothèse ou l'idée que c'est
vraiment un programme temporaire qui a une certaine limite, qui va durer, par
exemple, neuf mois ou un an.
Dans la charte fédérale, maintenant, c'est implicite
l'idée que les programmes d'accès à
l'égalité sont de nature permanente. On peut mettre sur pied,
mettre en application un programme d'action positive d'une façon
permanente. Il y a toujours la perception selon laquelle on met normalement sur
pied des programmes de nature permanente. Nous voulons, je pense, promouvoir
l'idée ou mettre l'accent sur le fait qu'il faut que les programmes
soient de nature temporaire. C'est un élément très
important pour vraiment s'assurer qu'il y a un équilibre entre les
droits de l'individu et les droits des groupes en question.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le
député de Vachon, pour deux minutes au maximum.
M. Payne: J'aurais une question pour M. Scheinberg.
Préférez-vous que je m'exprime en anglais?
M. Scheinberg: Je préférerais cela.
M. Payne: Just in passing, the notion "temporary" is in the
regulation, in section 7. I would like your comment on one aspect of the
regulation, just to get the record straight. I do not think that you are so
opposed to numerical objectives as you pretend in your brief, judging from the
explanations you have just given.
I would like to have your reaction to a situation which seems to exist
in Québec. The Quebec Liquor Corporation has many hundreds, if not
thousands of employees on the floor and at its cash desks. Is it correct? When
was the last time you saw a female cashier? When you look into this, we might
find that, in fact, the reason is because nobody is allowed to work the cash
unless they work the floor, and, since that only males can be employed to work
the floor, we see no women employable to work the cash. Would you not see it to
be equitable, reasonable that a temporary redressment program should be adopted
and give itself certain objectives over a certain number of years, precisely to
overcome an inequitable situation?
To plug my argument even further, in the Quebec situation, in our
regulation and our political approach, how would you feel with respect to the
Americans who, in a recent survey to Fortune Magazine, at 90 %, said that
numerical objectives in the
companies affirmative action programs were established partly to satisfy
corporate objectives unrelated to Government regulations? And then opponents of
affirmative action, sometimes argue and 1 quote: "In effect, goals and
timetables amount to quotas", Mr. Scheinberg. But much of corporate America
disagrees. If any high executive, if any large american company favours quotas
in employment, they have been very quiet about it. A report commissioned by the
Ford Foundation and published in 1983 surveyed 49 Government contractors with
affirmative action programs. I quote within a quote: "None sees the goals and
timetables element in their affirmative action plans as requiring the use of
quotas." End of citation. Could you have some comments on that?
M. Scheinberg: Well, a couple of comments and, then, I would like
Mme Allio to comment, perhaps, on the corporations, because she has had more
experience with Via Rail and other enterprises on that. First of all, I am
happy to say that a female cashed out my wine last Saturday, so there may be
some progress therel
But, on this question of goals and quotas in the numerical objectives, I
have tried to say that we have an internal community problem. That internal
community problem is a certain experience with quotas. There is just as much
literature outside of Fortune Magazine that would indicate that goals tend to
become quotas, that employers tend to take these seriously.
I have looked at some of that literature. I cannot claim that this is a
professional responsibility and I have done a thorough research. I hope that
the members of this committee have. So, in our own community, we feel that we
are very suspicious of goals. I think our sense of this is in evolution. It is
changing. Certainly, we are responsive to some of the needs that some of you
have pointed out here. We are aware of them and we know of no easy way to
satisfy this.
Perhaps the next time we appear before such a committee, in a year or
two, our position will have evolved still further. Right now, we are attempting
to maintain a consensus. But I hope Mme Allio will comment on the corporate
aspect.
Mme Allio: C'est un point qui est très difficile. On
s'attendait évidemment à avoir des questions à ce sujet et
on se sentait un petit peu mal à l'aise, parce que tous les membres
autour de la table, évidemment, sont très conscients qu'on a des
idées un petit peu différentes, les uns et les autres. Les uns
sont un petit peu plus traditionnels et les autres un petit peu plus à
l'avant-garde.
Oui, c'est vrai, on a cette peur des objectifs, des contingents qui sont
fixés. Par contre, comme nous vous l'avons mentionné, pour nous,
c'est un engagement pour l'égalité des chances. S'il y a de la
discrimination, s'il y a des preuves, il faut la corriger. Le point que
j'aimerais apporter - c'est une expérience personnelle - c'est que,
ayant travaillé dans des sociétés où le
gouvernement avait un petit plus l'oeil sur ce qui s'y passait, il n'y a pas
d'objectifs vraiment définis avec une période de temps
donnée, mais il y a quand même un principe de bonnes intentions
avec des rapports mensuels qui doivent parvenir à certaines
personnes
C'est vrai que la situation est différente; c'est vrai que les
femmes ont plus leur place, par exemple, chez nous et il y a une
représentation équitable de toutes les minorités et
majorités du pays. Alors, mon expérience, c'est que, quand il y a
un certain système de rapports - j'hésite à utiliser le
mot "contrôle" - et que de l'information sort, il y a un petit plus de
justice et d'égalité.
Le Président (M. Gagnon): Le député de
D'Arcy McGee.
M. Marx: Juste une petite question, M. le Président.
Le Président (M. Gagnon): Le député de
Vachon, en terminant.
M. Payne: To get back to the topic of Mr. Scheinberg, just a
brief comment. The comment that I read was obviously the comment from Fortune
Magazine, but, in fact, the scientific base for that comment was the 500
companies concerned. So, I think that it is a precision which we should make,
namely, that they believed that they were not threatened by numerical
objectives. On that basis, I think we would agree.
M. Scheinberg: They may not be threatened by the numerical
objectives, but others outside may be threatened by those objectives, those who
will not be hired and that is the fear - at least a residual fear -in our
community.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Marx: J'aimerais poser une question à Mme Allio. Dans
la décision du Canadien National, en ce qui concerne des mesures de
redressement, je pense qu'il a proposé un objectif numérique.
Mme Allio: Je suis très peu au courant de ce cas.
M. Marx: J'ai pensé que quelqu'un a
mentionné que vous étiez impliquée...
M. Hiess: Ils ont spécifié les objectifs
numériques, mais quand nous avons organisé une conférence
sur l'action positive l'année passée, une conférence
nationale sur cette question, à Montréal, Mme
Hélène Lebel s'est adressée à nous. Elle
était un peu déçue du fait qu'ils ont établi des
objectifs numériques. Il y a une certaine méfiance en ce qui
concerne les objectifs. Même la commission n'a pas rejeté les
objectifs numériques. Mais, si on accepte l'idée ou la
thèse que l'un est l'équivalent de l'autre, on aboutit à
la même chose. Si on accepte qu'un objectif, c'est quelque chose, c'est
un quota, on aboutit à la même question.
M. Marx: Je veux juste terminer en disant que ce n'est pas la
même chose, parce que, quand je vous ai donné l'exemple de la
Commission de transport de la Communauté urbaine de Montréal qui
veut engager 150 femmes comme chauffeurs d'autobus tout de suite, ce n'est pas
un quota. C'est un objectif numérique et je pense qu'il y a une
différence importante. On va parler des objectifs numériques sans
parler des quotas et on va faire plaisir à tout le monde.
Le Président (M. Gagnon): Merci, mesdames et messieurs, de
l'éclairage que vous avez apporté à notre commission.
J'invite maintenant le Conseil des communautés culturelles et de
l'immigration du Québec à prendre place et je suspends les
travaux pour cinq minutes.
(Suspension de la séance à 12 h 7)
(Reprise à 12 h 13)
Conseil des communautés culturelles et de
l'immigration du Québec
Le Président (M. Gagnon): Nous accueillons maintenant le
Conseil des communautés culturelles et de l'immigration du
Québec. Avant de vous céder le micro, je vous demanderais de vous
identifier et d'identifier ceux qui vous accompagnent. Je voudrais, à
vous comme aux autres groupes, mentionner que nous accordons 55 minutes
environ, soit 20 minutes pour la lecture de votre mémoire et environ 35
minutes pour le dialogue avec les membres de la commission.
Je vous souhaite la bienvenue et je vous cède le micro.
Mme Westmoreland-Traoré (Juanita):
Merci beaucoup, M. le Président de la commission. Membres de la
commission, nous voulons d'abord vous remercier de nous offrir cette occasion
de venir vous présenter publiquement notre avis sur ce projet de
règlement. Je peux vous dire que nous sommes un peu impressionnés
parce que c'est notre première comparution publique. Comme vous le
savez, nous sommes un tout nouveau conseil. Notre loi date du mois de
décembre 1984 et elle est entrée en vigueur en avril 1985. C'est
un honneur pour nous de participer à cette consultation.
Je n'ai pu m'empêcher de remarquer, alors que j'étais dans
l'auditoire, qu'avant l'ajournement il y avait ici une femme caméraman
qui filmait ces audiences. Je me suis dit: Voilà, c'est un pas en avant.
D'après moi, c'est aussi un résultat conrret de l'application de
programmes d'accès à l'égalité. Je connais une des
personnes innovatrices dans ce domaine à Radio-Canada, Mme Rita Cadieux,
qui est maintenant vice-présidente de la Commission
fédérale des droits de la personne. Je pense que c'est en partie
le fruit de son travail et de ses initiatives que nous constatons
aujourd'hui.
Je veux aussi présenter les membres qui sont avec moi. Il y a
d'abord le vice-président, M. Dominique de Pasquale; il a le mandat
statutaire de représenter au sein de notre conseil les
communautés culturelles. À ma gauche, M. Benjamin Teitelbaum des
professionnels qui travaillent à notre conseil.
Je pourrais rappeler brièvement quelques-unes des fonctions de
notre conseil. Nous avons comme principale fonction de conseiller le ministre
des Communautés culturelles et de l'Immigration dans la planification,
la coordination et la mise en oeuvre des politiques gouvernementales relatives
aux communautés culturelles et à l'immigration, de le saisir de
toute question que nous pensons importante pour les communautés
culturelles. Nous avons aussi comme mandat de solliciter des opinions, de
recevoir des requêtes de personnes ou de groupes sur des questions
relatives aux communautés culturelles et è l'immigration et
d'effectuer ou de faire effectuer les études et recherches que nous
jugeons utiles et nécessaires dans l'exercice de notre mandat.
Maintenant, si on voulait marquer les étapes de
l'évolution de notre mandat, on pourrait noter d'abord la
création d'un Conseil consultatif de l'immigration en 1973 et
l'élargissement de son mandat en 1977 lorsqu'il est devenu le Conseil
consultatif des communautés culturelles et de l'immigration. Une des
principales étapes a été la publication de la politique
gouvernementale "Autant de façons d'être Québécois",
en 1981, qui est le fondement du plan gouvernemental pour promouvoir les
intérêts des communautés culturelles au Québec. Vous
savez sans doute que la coordination de ce programme avait été
à l'origine confiée au CIPACC qui a été
remplacé par la suite par un coordinateur à l'implantation de ce
plan d'action et finale-
ment, en décembre, ce fut la naissance ou la mise sur pied de
notre conseil.
Comme premiers travaux, nous nous sommes d'abord
intéressés à un avis sur les niveaux d'immigration,
à un deuxième sur la reconnaissance du statut de
réfugié et, troisièmement, il y a notre travail sur le
projet de règlement sur les programmes d'accès à
l'égalité.
Nous voulons quand même situer notre intervention en vous
présentant l'approche et les objectifs que nous visons ce matin lors de
cette présentation. Je vais céder la parole à M. de
Pasquale.
M. de Pasquale (Dominique): Quelques remarques
préliminaires pour commencer. Il faut rappeler que la décision de
présenter un mémoire à cette commission a
été prise lors de la toute première réunion du
Conseil des communautés culturelles. Il faut être conscient que le
conseil en était à ce moment-là à ses
débuts, qu'il disposait et dispose encore, d'ailleurs, de peu de moyens,
que les délais étaient courts et que le personnel n'était
pas et n'est, d'ailleurs, pas complètement en place. Ceci pour expliquer
en fait qu'en ce qui nous concerne nous pensons que nous ne sommes pas
allés assez loin, qu'on n'a pas été assez exhaustifs. On
aurait voulu apporter un certain nombre de nuances, ce que le temps et les
moyens ne nous permettaient pas de faire.
Le projet de règlement nous paraissait extrêmement
important et il s'agissait souvent de mesures réclamées depuis
longtemps par les communautés culturelles. Nous trouvions quand
même très important d'intervenir, d'autant que la
préoccupation communautés culturelles ne nous paraissait pas
ressortir clairement de l'énoncé de politique qui accompagnait le
projet de règlement.
Une limite encore: le peu de données précises et de
statistiques officielles sur les communautés culturelles, notamment dans
le domaine de l'emploi. Il y a un certain nombre de recherches disponibles,
mais, encore là, c'est assez limité. On espère,
évidemment, dans l'avenir, comme organisme de recherche et de
consultation, contribuer avec d'autres organismes au développement de
cette recherche. Pour les fins de ce mémoire, on a travaillé avec
des documents qui existaient déjà et aussi à partir de
résultats de consultations qui ont été entreprises par le
gouvernement depuis déjà pas mal longtemps et à partir
d'une consultation qu'on a faite nous-mêmes aussi à la fin de
septembre auprès d'un certain nombre de représentants
d'organismes de communautés culturelles dont vous avez la liste,
d'ailleurs, au début du mémoire.
En ce qui concerne les objectifs, il s'agissait d'abord, pour nous, de
ne pas avoir une recherche purement juridique, de ne pas faire
nécessairement une critique point par point du mémoire, mais
plutôt de refléter un certain nombre de préoccupations qui
avaient été maintes fois exprimées par les
communautés culturelles, de souligner certaines priorités et de
situer nos réflexions dans un cadre plus large, d'où le fait que,
dans certains cas, vous le constaterez, on déborde la critique stricte
du règlement, notamment, pour parler de la fonction publique ou
d'opération de sensibilisation.
Mme Westmoreland-Traoré: Merci, Dominique. Maintenant,
dans la démarche je voudrais signaler certaines étapes
institutionnelles qui ont été franchies dans cet idéal
d'implantation de programmes d'accès à l'égalité.
D'abord, il y a la période de 1947 à 1964 qui est marquée
par l'adoption de la Déclaration universelle des droits de la personne.
Ensuite, en 1951, l'Organisation internationale du travail adopte les
"Conventions On Equal Remuneration". En 1953, nous voyons l'adoption au Canada
du "Fair Employment Practices" en 1956, le "Female Employees Equal Pay Act", en
1958, l'adoption de la convention sur la discrimination. De 1965 à 1975,
nous avons d'importants documents. D'abord, en 1981, il y a la convention pour
l'élimination de toute forme de discrimination contre les femmes. Il y a
la convention pour l'élimination de toute forme de discrimination
raciale, qui date de 1969. Au Canada, en 1971, nous avons la publication du
rapport de la Commission royale sur le bilinguisme et le biculturalisme, qui
permet au gouvernement de mettre en place des programmes d'action positive pour
redresser la représentation des francophones dans la fonction publique
fédérale.
En 1981, le groupe de travail parlementaire sur les perspectives
d'emploi de la Commission de l'emploi et de l'immigration
fédérale conclut que les mécanismes de la demande et de
l'offre ne peuvent fonctionner adéquatement sans l'appui des agences
privées et publiques de services d'emploi pour la mise sur pied de plans
d'accès à l'égalité. Le rapport conclut que les
femmes et les minorités continuent à faire face à des
barrières intentionnelles et/ou systémiques à leur
insertion et mobilité dans le marché de l'emploi. Le
comité, en ce moment, recommande donc le besoin d'action positive pour
qu'une approche intégrée puisse assurer que ces groupes, femmes
et minorités, soient mieux représentés sur le
marché du travail. Cela signifie aussi le développement de
mesures qui puissent éliminer les barrières du côté
de la demande, encourager un meilleur développement des
compétences du côté de l'offre. Il y a eu des consultations
au Québec en 1979 et un colloque intitulé l'État et les
communautés culturelles, organisé par le gouvernement du
Québec. Nous avons les états de ce colloque et c'est ce
qui a mené à la formulation du plan d'action pour la promotion
des communautés culturelles.
Le rapport Égalité, ça presse, publié en
mars 1984 après les travaux du comité parlementaire tripartite du
Parlement fédéral, identifie la discrimination systémique
dans le milieu du travail comme une des barrières principales à
l'insertion des groupes des minorités visibles dans la
société canadienne. Deux recommandations spécifiques
proposent l'adoption de plans d'accès à l'égalité,
c'est la recommandation 12 et la recommandation 14. Finalement, on peut dire
que le rapport de Mme la juge Rosalie Abella sur l'équité en
matière d'emploi inclut une série de recommandations pour
éliminer les barrières intentionnelles ou systémiques pour
les femmes, les autochtones, les handicapés et les minorités
visibles.
Nous voulons vous faire part des résultats d'une recherche qui a
été faite à Toronto par des académiciens. Le
rapport, qui a peut-être déjà été cité
devant vous, s'intitule "Who gets the work", a test of racial discrimination in
Employment". Cela a été publié par "The Social Planning
Council of Metropolitan Toronto and the Urban Alliance on race relations".
Après une enquête empirique qui a été menée
par des entrevues, soit personnellement, soit par téléphone,
entrevues auxquelles assistaient des personnes formées pour faire les
demandes d'emploi, ayant des qualifications identiques et posant les
mêmes questions, les conclusions de cette enquête empirique sont
les suivantes: la discrimination raciale intervient dans le choix des
candidatures et limite radicalement les possibilités d'emploi pour les
minorités raciales et ethniques. 51 % des employeurs ont exprimé
explicitement des évaluations négatives des minorités.
À qualification égale, les minorités visibles
reçoivent une offre d'emploi quand les Blancs en reçoivent trois.
Ce rapport date de 1984.
Pour les jeunes des minorités visibles, la situation à
Montréal n'est pas très différente. Le rapport de
recherche produit par le CIDEHCA (Centre international de documentation et
d'information sur les études haïtiennes, caraïbéennes
et afro-canadiennes) sur l'insertion des jeunes des minorités visibles
dans le marché du travail, rapport publié en 1985,
démontrait que le chômage chez les jeunes des minorités
visibles est deux fois plus élevé (51 %) qu'il ne l'est chez les
jeunes de 15 a 24 ans, en général (22 %). Cependant, le
coût économique et social de cette situation est assumé par
la famille des jeunes des minorités visibles, 77,7 % de ces jeunes
demeurant toujours chez leurs parents. Nous n'allons pas entrer dans les
conclusions du rapport de l'enquête publique sur le taxi à
Montréal, mais, encore là, c'est un rapport qui a souligné
la présence et qui a informé le public sur la nature de cette
discrimination raciale qui existe dans une des industries de la
société québécoise.
Le fondement philosophique de ces programmes d'accès à
l'égalité. Puisque je suis consciente du temps, je ne pourrai pas
énumérer toutes les bases sur lesquelles on se fonde pour
proposer et soutenir cette action. Nous pouvons dire que, dans le plan "Autant
de façons d'être Québécois" adopté en 1981,
ce besoin ou cette urgence a été signalé. Nous voyons que
le rapport constate que le peuplement du Québec a été fait
et est une convergence importante de mouvements migratoires et que l'histoire
du peuplement du Québec permet de mieux comprendre sa complexité
culturelle aujourd'hui. Le Dr Camille Laurin, en 1977, parlait du pluralisme
culturel plutôt que de multiculturalisme, tout en réaffirmant son
appui au droit des minorités de sauvegarder leurs traditions et leur
culture.
Les programmes d'accès à l'égalité ont
été recommandés encore au Symposium national sur le droit
et les relations interraciales, tenu en avril 1982 à Vancouver. Le
rapport "Égalité, ça presse!", je l'ai déjà
mentionné, ainsi que le rapport de madame Abella. Nous avons des
statistiques sur l'importance des communautés culturelles au
Québec. Certaines sont mentionnées dans notre rapport. Nous ne
pourrons pas y revenir nécessairement. On peut sans doute indiquer
certains taux de chômage pour quelques groupes ethniques selon le
recensement de 1981. Nous donnons des statistiques qui concernent les groupes
suivants: Chinois, Phillipins, Indochinois et Noirs au Canada. Alors que le
taux de chômage total au Canada était de 7 % et de 10 %, au
Québec, en 1981, pour les Indochinois, au Canada, le pourcentage de
chômage était de 9,6 % et, au Québec, il était de
15,6 %. Pour les Noirs, au Canada, il était de 8 % et de 15,9 % au
Québec. (12 h 30)
Vous avez le rapport très bien documenté du Dr Max Chancy
sur l'école québécoise et les communautés
culturelles, qui donne certaines informations sur la situation des
communautés culturelles dans l'éducation.
M. Teitelbaum me demande d'attirer votre attention sur ces quelques
résultats statistiques de l'étude de Mme Jennie Podoluck qui
était auparavant responsable du recensement au Canada.
Premièrement, les plus défavorisées sont les populations
latino-américaines. Ces populations ont le revenu le plus bas de toutes
les communautés culturelles. Ensuite, ce sont les communautés
antillaises, dont le revenu est de 11 % de moins que la moyenne nationale et,
au Québec, le chiffre serait encore plus élevé. Pour la
population haïtienne, c'est le plus
haut taux de chômage de la communauté antillaise et ce taux
de chômage est plus élevé que la moyenne provinciale; pour
les hommes haïtiens, le taux de chômage est 75 % plus
élevé que la moyenne provinciale. Au Québec, les Antillais
sont surtout dans des emplois non spécialisés. En Ontario, c'est
plutôt dans des emplois de cols blancs.
Nous voulons aussi dissiper certaines notions. Les communautés
culturelles ne sont pas exclusivement à Montréal. À Hull,
elles constituent environ 7 % de la population; à Québec, 2 % et,
à Sherbrooke, environ 4 %.
Peut-être que M. Dominique de Pasquale pourrait maintenant parler
de notre présentation concernant la fonction publique du
Québec.
M. de Pasquale: Oui. Pourquoi la fonction publique puisque, en
principe, du moins actuellement, ce secteur échappe à la
réglementation? Parce que cela nous paraissait être une
priorité. C'est-à-dire qu'au moment où le gouvernement
s'apprête à mettre en oeuvre une politique d'accès à
l'égalité, il nous semblait que sa propre action se devait,
à cet égard, d'être concrète et efficace. En fait,
il doit donner l'exemple. Il faut comprendre aussi que les membres des
communautés culturelles sont extrêmement sensibles aux
difficultés d'accéder à la fonction publique. On en parle
à chaque colloque, à chaque rencontre. L'image
d'étanchéité que la fonction publique projette aux
différentes ethnies prend une valeur de symbole de la difficulté
de s'intégrer à la société
québécoise.
Au cours des récentes années, le gouvernement du
Québec a multiplié les déclarations d'intention quant
à sa volonté de rendre la fonction publique plus accessible. La
volonté gouvernementale s'est notamment manifestée par le plan
d'action "Autant de façons d'être Québécois". Le
CIPACC, le comité chargé de la surveillance et de l'implantation
de ce plan, a suivi avec beaucoup d'intérêt l'implantation du
plan. Mais, au bout de trois ans, il ne pouvait faire état de
progrès relatifs à l'intégration des membres des
communautés culturelles dans la fonction publique ou dans les organismes
gouvernementaux et paragouver-nementaux.
En mars 1985, le rapport du coordonnateur du plan d'action concluait
même cette fois à une diminution des effectifs. Il y a eu une
série de relevés. D'abord, un relevé
révélait en 1979 que 2,7 % des fonctionnaires étaient
issus des communautés culturelles. En juin 1982, un autre inventaire
estimait cette participation à 2,5 % et, enfin, une troisième
étude réalisée par la Direction de la recherche du
ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration, sur la
base des données du recensement de 1981, concluait plutôt à
une participation de 5,4 %.
Mais, quel que soit le chiffre retenu, le taux de représentation
paraît quand même extrêmement faible, compte tenu du fait que
les communautés culturelles comptent pour près de 20 % de la
population totale, soit à peu près 1 250 000 personnes. De plus,
les diverses mesures de redressement adoptées sont loin d'avoir eu les
effets espérés. Les difficultés économiques et le
gel quasi total du recrutement dans la fonction publique qui ont suivi la
publication du plan d'action à l'intention des communautés
culturelles et la création du CIPACC expliquent sans doute, pour une
bonne part, cet échec relatif. Mais, même en tenant compte de la
conjoncture difficile, force nous est de constater que les résultats
sont décevants.
Malgré tout, après une analyse des programmes
gouvernementaux, on peut conclure que l'effort entrepris par le gouvernement au
chapitre de l'accès à l'égalité en emploi dans la
fonction publique témoigne d'une volonté réelle de faire
des redressements. Le programme d'accès à l'égalité
mis en oeuvre à l'intention des communautés culturelles
paraît, en soi, globalement adéquat. Quelqu'un chez nous disait
avec un peu d'humour à des membres du conseil que toute la plomberie,
finalement, était en place et qu'il ne manquait plus que l'eau.
Toutefois, on l'a vu, les progrès sont lents, beaucoup trop lents et le
gouvernement est largement en retard sur ses échéances.
Il faut absolument en arriver, dans le cadre d'une politique de
redressement, à une hausse sensible du taux d'entrée des membres
des communautés culturelles dans la fonction publique. Les programmes
remaniés qui sont en voie de préparation devront prévoir
une accélération des processus de mise en oeuvre des politiques
d'accès à l'égalité en emploi pour les membres des
communautés culturelles. Le conseil souhaite que des objectifs
précis et des délais à respecter soient fixés par
décret dans les tout prochains mois.
Mentionnons en terminant que des mesures complémentaires seraient
sans doute de nature à rendre le programme plus efficace. On peut
mentionner à cet égard une meilleure publicisation des programmes
gouvernementaux auprès des clientèles visées, de
même que l'utilisation, lors de l'annonce de concours, de la presse
anglophone, des médias ethniques et même des associations qui
constituent un lien privilégié pour rejoindre les membres des
communautés culturelles. Même si ce domaine a été
peu étudié dans notre mémoire, on voudrait quand
même mentionner la fonction publique municipale qui est extrêmement
près, évidemment, d'un certain nombre de communautés
culturelles. Sans faire d'études très poussées, je pense
qu'on peut conclure -parce qu'il n'y a pas, non plus, beaucoup de
données disponibles à cet égard - qu'il y a un
solide rattrapage à faire aussi dans ce domaine, en particulier dans la
région de Montréal où se concentrent 85 % des
communautés culturelles et où les communautés culturelles
forment, finalement, 35 % de la population.
Mme Westmoreland-Traoré: Je voudrais, juste en quatre
points, faire une certaine critique ou passer en revue certains des principaux
points que nous vous soumettons dans cette consultation.
Tout d'abord, nous regrettons la décision du Conseil des
ministres de ne plus soumettre obligatoirement les programmes au pouvoir
d'approbation de la Commission des droits de la personne. Étant
donné cette décision, les entreprises ou établissements
pourront adopter des plans ou des programmes d'accès à
l'égalité qui ne correspondront pas nécessairement
à l'esprit de la réglementation. Le conseil croit qu'il est
essentiel de penser à une formule de normalisation des programmes
d'accès à l'égalité. Nous pensons qu'il doit y
avoir une action plus ferme et qu'on doit prévoir des modalités
de surveillance afin que ces programmes puissent être selon les objectifs
de la loi.
Si vous me le permettez, sur cette question de l'approche volontaire, je
voudrais faire un aparté. Nous avons noté dans un article du
journal Globe and Mail une histoire qui résume en grande partie cette
question de volontariat dans les plans d'accès à
l'égalité. C'est une citation de M. William McEwen "who is
Chairman of the Resources and Equal Opportunity Committee of the U.S. National
Association of Manufacturers. And this is his comment on voluntary affirmative
action programs: "There is no such thing as voluntary compliance with
affirmative action laws. If voluntary compliance worked, Moses would have come
down from the mountain with the ten guidelines." Cela veut dire: II n'y pas de
programmes volontaires d'action affirmative. Si une telle chose existait,
Moïse serait descendu de la montagne avec dix lignes directrices.
Deuxièmement, dans le même ordre d'idées, nous
croyons qu'un comité aviseur d'accès à
l'égalité pour les communautés culturelles est essentiel
et que ce comité devrait être formé majoritairement des
représentants des groupes. Dans le cadre des mesures gouvernementales de
soutien aux programmes d'accès à l'égalité
figuraient la création d'un comité aviseur sur l'accès
à l'égalité pour les femmes et un fonds d'aide. Ces
mesures devraient être étendues pour que les autres groupes cibles
soient également bénéficiaires de ces projets.
Troisièmement, nous demandons certaines définitions
interprétatives à l'intérieur du règlement, ne
serait-ce que pour bien préciser que la réglementation vise la
promotion et l'implantation de programmes d'accès à
l'égalité à l'intention des personnes faisant partie de
groupes discriminés. La définition du terme "communautés
culturelles" serait importante pour les fins de l'application à la
fonction publique. Même si, actuellement, ce règlement ne sera pas
applicable à la fonction publique, nous pensons qu'à l'avenir il
devrait l'être et qu'il le sera peut-être.
Nous pensons surtout que cette définition de "communautés
culturelles" ou, de façon plus restrictive, de "groupes raciaux
ethniques" devrait être formulée de façon non exclusive et
comprendre les membres de communautés ethniques, culturelles et raciales
en tenant compte de caractéristiques telles que la langue maternelle, la
langue d'usage, le lieu de naissance à l'étranger et, très
important, le sentiment d'appartenance.
Cette question de définition est importante. Nous avons vu que,
lors de la collecte de données... Le temps est terminé? Bon!
Finalement, la définition élargie du terme "organisme".
Le Président (M. Gagnon): Merci. Comme vous avez pris plus
de 20 minutes, 27 minutes environ, je demanderais maintenant aux membres de la
commission de poser un peu moins de questions probablement. M. le
député de Châteauguay.
M. Dussault: Merci, M. le Président. Je vais essayer
d'être bref. Je voudrais aborder avec nos invités la question de
l'obligation contractuelle. Mais, auparavant, un peu comme question
parenthèse, comme cela a été le cas tout à l'heure
dans les propos concernant l'intégration des Québécois
reliés aux communautés culturelles, où on nous disait
qu'il y avait peu de ces personnes qui se sont intégrées dans la
fonction publique québécoise, j'aimerais savoir si le conseil
dispose de statistiques à l'égard du nombre de personnes qui se
présentent aux concours par rapport au nombre de postes qui sont
ouverts. Deuxièmement, avez-vous des analyses, des raisons pour
lesquelles il n'y a pas plus de gens qui se présentent pour combler ces
postes?
M. de Pasquale: Je n'ai pas les chiffres exacts en
mémoire, mais je sais qu'effectivement les communautés
culturelles sont sous-représentées, même dans les offres de
services, c'est-à-dire que les gens issus de communautés
culturelles ne postulent pas assez d'emplois dans la fonction publique.
C'est aussi pour cela que nous demandons, proposons ou suggérons,
comme, d'ailleurs, d'autres gens des communautés culturelles l'ont fait
bien avant nous, que les postes soient davantage annoncés dans les
médias qui rejoignent plus directement les communautés
culturelles.
Mme Westmoreland-Traoré: Je voudrais aussi que M.
Teitelbaum fasse certains commentaires à ce sujet.
M. Teitelbaum (Benjamin): Je voulais seulement citer comme
exemple qu'il y a eu une expérience assez intéressante au niveau
fédéral avec la CBC où on voulait promouvoir la
participation de minorités visibles sur les ondes, c'est-à-dire
sur l'écran à la télévision parce qu'il y avait un
manque de modèles pour les communautés culturelles, les
minorités visibles en particulier. On voulait une présence plus
accrue de représentants de ces communautés dans les
médias. Un programme a été annoncé demandant huit
personnes pour un an d'entraînement et de participation à la CBC.
La première annonce a été faite dans le Globe and Mail. Il
y a eu très peu de réponses et, avec beaucoup d'argent du
gouvernement fédéral qui a été mis là,
quelque 375 000 $, on avait le pressentiment que cela n'allait pas fonctionner
et qu'il faudrait peut-être repenser le programme et voir si le
problème n'était pas la formation ou l'expérience des
communautés culturelles, qui manque pour ce genre d'emploi. (12 h
45)
À ce moment, j'avais un autre chapeau. Je travaillais au
Secrétariat d'État pour le multiculturalisme. On avait
suggéré que ce serait peut-être bien s'ils pensaient
utiliser les médias ethniques parce qu'il y a un problème de
méfiance, il y a un problème d'histoire qui entre en compte. Les
gens n'ont pas participé à une structure institutionnelle et,
donc, il y a une méfiance quand il s'agit de participer, même
quand l'offre est faite. Ils ont fini par mettre une annonce dans la presse
ethnique et ils ont eu 800 candidatures. Ils en ont retenu 6 sur les 800 et il
y en avait 300 qui étaient compétentes. Je pense que comme
anecdote ça peut indiquer aussi que c'est un problème de
méfiance.
Mme Westmoreland-Traoré: Le même
phénomène s'est passé à Vancouver lorsqu'il y a eu
le recrutement de policiers de communautés ethniques. En s'adressant
à des médias communautaires, ils ont eu une avalanche de
candidatures.
M. Dussault: Si je comprends bien, vous vous appuyez sur une
expérience vécue ailleurs au Canada pour extrapoler, si vous me
permettez l'expression, pour en arriver à la conclusion que c'est une
question d'abord et avant tout de publicité à l'égard de
ces ouvertures de postes.
Mme Westmoreland-Traoré: Oui. C'est une question de
publicité. C'est aussi une question d'ouverture et d'accueil ressentie
par les membres des différentes communautés ou des groupes
cibles. Les conditions de travail, l'atmosphère au travail, les
possibilités d'intégration sont également importantes. Je
pense que dans un plan d'accès à l'égalité on peut
comprendre des mesures spéciales pour attirer les personnes.
M. Dussault: C'est intéressant comme explication. Je
voudrais maintenant passer à la question de l'obligation contractuelle.
En fait, dans votre mémoire, à la page 42, au dernier paragraphe,
vous dites que "la structure économique du Québec s'appuie sur la
petite et moyenne entreprise." Nous partageons votre point de vue. C'est le
point de vue du gouvernement du Québec. Vous concluez qu'il est
très important que le gouvernement tienne compte de la
réalité économique et de la taille des entreprises.
J'aimerais savoir, dans ces circonstances, en reconnaissant que
l'économie s'appuie sur la petite et moyenne entreprise, quels sont les
meilleurs critères à fixer relativement aux entreprises
visées pour qu'une politique d'obligation contractuelle en
matière d'accès à l'égalité soit efficace au
Québec. Vous parlez un peu, mais vraiment très peu de cette
question dans votre mémoire. J'aimerais que vous détailliez
davantage.
M. de Pasquale: Le critère retenu à l'heure
actuelle, c'est 100 employés ou plus pour des compagnies qui ont des
contrats pour une valeur supérieure à 200 000 $. En comparaison,
aux États-Unis, pour un programme semblable, on avait retenu le
critère de 50 employés et plus. Je ne sais pas si c'est un
élément de réponse.
Mme Westmoreland-Traoré: Oui. Je pense que, si on examine
le nombre de compagnies qui seront soumises à une telle politique
d'obligation contractuelle et si le seuil demeure le même,
c'est-à-dire 100 employés ou 200 000 $, il y en aura un nombre
très limité, 250 environ, et à ce moment l'effet
d'entraînement sera d'autant moins important. Je crois que ce point a
été souligné aussi dans le rapport du Conseil du statut de
la femme. Maintenant, si vous voulez d'autres éléments, on
pensait surtout que le seuil fixé était trop élevé
pour qu'il y ait un effet assez important, surtout si on pense que ce serait,
quand même, une politique gouvernementale qui entraînerait une
certaine mobilisation de ressources humaines et autres. Il faudrait escompter
les résultats à la fin de la ligue.
M. Dussault: Est-ce que vous disposez de chiffres à
l'égard du nombre d'employés qui constituent
généralement les petites et moyennes entreprises, chiffres qui
vous permettraient d'établir jusqu'à quel point on couvrirait
davantage avec 50? Parce que 50 personnes, ce n'est peut-être pas, non
plus,
une façon d'arriver à couvrir un très grand nombre
de petites et moyennes entreprises au Québec. Sur quoi vous appuyez-vous
pour fixer ce chiffre de 50?
Mme Westmoreland-Traoré: Je n'ai pas de statistiques ici
avec moi, mais j'ai déjà vu ce qui existe, des documents qui ont
été préparés pour des tables de concertation
provinciale-fédérale avec une analyse des compagnies, le nombre
d'employés. Ces documents ont servi à la décision de tirer
la ligne à un tel seuil plutôt qu'à tel autre seuil.
Malheureusement, je n'ai pas ces données ici avec moi, mais on sait
qu'au Québec, le plus grand nombre d'emplois est créé par
les petites et moyennes entreprises.
M. Dussault: Dans l'ordre de proportion, on passerait de quelle
proportion à quelle proportion approximativement?
Mme Westmoreland-Traoré: Vraiment je n'ai pas cela ici
avec moi. Je ne pourrais pas répondre. Peut-être qu'on pourrait
vous envoyer le document.
M. Dussault: Ce serait intéressant. Mme
Westmoreland-Traoré: Merci.
M. Dussault: En tout cas, pour le ministre qui aura à
appliquer la politique, merci.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le
député de Châteauguay. M. le député de D'Arcy
McGee et après vous ce sera au député de Marquette.
M. Marx: Merci, M. le Président. J'aimerais remercier Mme
Westmoreland-Traoré, M. de Pasquale et M. Teitelbaum pour la
présentation de ce mémoire qui est de très haute
qualité et bien étoffé. Vous avez apporté d'autres
statistiques et vous avez mentionné d'autres rapports qui seront
utiles.
Je me souviens que quand le ministre de la Justice, qui est maintenant
premier ministre du Québec d'une façon temporaire, a
annoncé qu'il allait créer un fonds pour les femmes qui veulent
contester la discrimination il parlait aussi d'un comité aviseur. Cela
m'a beaucoup surpris quand il a fait cette déclaration parce qu'il n'a
pas parlé des communautés culturelles. Je vois qu'une de vos
recommandations est que vous réclamez un tel comité aviseur et un
fonds pour ceux qui veulent porter plainte pour discrimination. Donc, vous
voulez que les communautés culturelles soient sur le même pied que
les femmes dans ce dossier. Je vous appuie dans cette demande. Je pense que
c'est tout à fait normal car si par les programmes d'accès
à l'égalité on vise ces deux groupes en
général, ce serait normal de les traiter de la même
façon.
J'ai deux questions. La première est celle-ci: Vous avez
parlé d'arriver à une représentation équitable des
communautés culturelles dans la fonction publique. M. de Pasquale a
parlé d'accélérer la mise en oeuvre du programme du
gouvernement. Qu'est-ce que c'est une représentation équitable
des communautés culturelles dans la fonction publique? Est-ce que c'est
dans la fonction publique québécoise à Montréal,
à Québec ou ailleurs?
M. de Pasquale: Ce qu'on a surtout étudié,
effectivement, c'est la fonction publique québécoise. Pour
l'instant, on a retenu les chiffres avancés à l'époque par
le CIPACC et par "Autant de façons d'être
Québécois", qui étaient de 9,5 %, je pense.
M. Marx: Quel était l'objectif numérique? Il faut
dire au gouvernement: On veut avoir tant. On veut que la fonction publique
reflète la société québécoise d'une
façon normale, dirais-je. Qu'est-ce qu'on va demander au gouvernement
d'avoir comme objectif?
Mme Westmoreland-Traoré: Je crois que les chiffres ont
été établis un peu de façon globale en examinant la
présence de communautés culturelles dans la population. On a dit
qu'il y en a environ 20 %. On a dit peut-être que 50 % sont bilingues. On
a dit que certains ne sont pas citoyens canadiens. Donc, on est arrivé
à ce chiffre de 9,5 % comme objectif tel qu'il a été un
peu avancé par Dominique.
M. Marx: Supposons qu'on met 9,5 %, ils peuvent atteindre cet
objectif numérique pour ne pas utiliser un autre mot qui est souvent
critiqué - avec des gens qui sont des "elevator operators", des
garçons d'ascenseur, des femmes d'ascenseur.
Mme Westmoreland-Traoré: Je crois que c'est là la
question et c'est pour cela que nous insistons pour que les programmes soient
soumis au moins à une normalisation, si ce n'est à une
approbation, et que le règlement aussi s'applique aux programmes du
Conseil du trésor. Dans un programme qui est élaboré de
façon conséquente, pour respecter ce règlement, il y
aurait une analyse de disponibilité et d'effectif dans tous les
secteurs, dans la fonction publique comme dans le secteur privé, de
sorte qu'on s'attendrait, par les mesures précises, qu'il y ait une
représentativité aux différents emplois et aux
différents niveaux dans la fonction publique. Donc, ce ne sont pas
seulement des objectifs quantitatifs; ce sont aussi des objectifs qualitatifs,
si je peux dire.
M. Marx: J'aimerais vous poser ma deuxième question. Hier,
nous avons eu un groupe à la commission, c'était le Centro Donne,
de Montréal.
Mme Westmoreland-Traoré: Je le connais.
M. Marx: Pardon?
Mme Westmoreland-Traoré: Je connais l'organisme.
M. Marx: Ah bon! Parfait!
Mme Westmoreland-Traoré: il est bien respecté.
M. Marx: C'est une association de femmes italiennes nées
au Canada ou en Italie. On sait qu'on va avoir des programmes d'accès
à l'égalité. C'est évident qu'on va avoir un groupe
cible: les femmes. Je pense que tout le monde est d'accord avec cela. Mais
va-t-on avoir d'autres groupes cibles: des femmes italiennes, des femmes
grecques, des femme haïtiennes? Comment est-ce que cela va fonctionner?
Les femmes noires sont au Québec depuis le XVIIe siècle.
Font-elles encore partie d'une communauté culturelle? Les Juifs sont ici
depuis le XVIIIe siècle. Est-ce que les gens de ces familles, qui sont
ici depuis plus de deux siècles, font partie d'un groupe qu'on appelle
les communautés culturelles? Il y a beaucoup de gens qui n'aiment pas
cette étiquette. On veut, à un moment donné, devenir
québécois ou québécoise à plein titre, si je
peux m'exprimer de cette façon. Par rapport aux groupes cibles, comment
voyez-vous cela? À l'intérieur du groupe cible que forment les
femmes, va-t-on avoir des sous-groupes, des femmes italiennes, des femmes
grecques, etc. ou si ce sont seulement les femmes? Vous comprenez le
problème.
Mme Westmoreland-Traoré: Je pense que le comité
aviseur aurait un rôle à jouer à ce niveau. Nous avons
demandé dans notre mémoire que, même pour le comité
aviseur en ce qui touche l'accès à l'égalité pour
les femmes, il y ait un représentant des femmes des communautés
culturelles, puisque, comme vous le soulignez, il y a parfois une double
discrimination de nature systémique qui s'exerce à ce niveau.
Nous savons que, dans certains plans d'accès à
l'égalité, aux États-Unis, selon l'obligation
contractuelle, il y a des sous-facteurs par lesquels on tient compte des femmes
de minorités ethniques, d'hommes de minorités ethniques afin
qu'on puisse arriver à une représentation adéquate de la
disponibilité de la main-d'oeuvre dans la zone désignée
par le programme. Lorsqu'on veut préparer des plans d'accès
à l'égalité, évidemment, cela implique de suivre
une démarche, de faire une collecte de données, de
préparer un plan pour répondre à une situation
donnée. Si on constate qu'effectivement les femmes d'une certaine
communauté ne sont pas sous-représentées, le plan ne
devrait pas les viser, à mon avis.
Vous posez aussi une autre question. Peut-être que M. Teitelbaum
aimerait revenir sur cette question, mais je ne pense pas que la
définition des groupes cibles devrait poser d'énormes
difficultés, parce qu'il y a des précédents auxquels on
peut se référer.
M. Marx: Aux États-Unis?
Mme Westmoreland-Traoré: Oui, aux États-Unis, qui
concernent les femmes, les groupes ethniques, qu'ils soient orientaux,
hispaniques, etc.
M. Marx: Oui mais, aux États-Unis, je pense que la
division des groupes est plus simple, la façon de trouver les groupes
cibles. Aux États-Unis, il y a deux ou trois groupes dits de
communautés culturelles très faciles à classer. Je pense
que ce serait plus difficile au Québec.
Mme Westmoreland-Traoré: Si nous traitons
concrètement de cette question, même si c'est complexe, la
solution sera là si on s'y met. Deuxièmement, les plans - je
pense qu'on peut les examiner avec les statistiques qu'on vous donne - vont
certainement viser certains groupes qui peuvent être identifiés.
Dans plusieurs cas, on a cité des statistiques concernant des groupes
raciaux ou concernant les hispanophones, ce qui veut dire que leurs noms sont
parfois identifiés, mais un autre facteur est important, je pense, c'est
celui de l'auto-identification des communautés culturelles. (13 heures)
11 y a plusieurs façon de procéder à la collecte de
données. La collecte de données peut être faite par
l'employeur, par un système gouvernemental ou par l'auto-identification.
Je pense qu'il faudrait trouver une formule qui permette aussi à la
personne membre d'une communauté culturelle, en plus des
éléments que nous avons émunérés, comme la
langue, la religion, l'aspect culturel, de s'identifier comme faisant partie
d'une communauté culturelle ou de ne pas s'identifier comme faisant
partie d'une communauté culturelle, selon son choix. C'est ce qui se
pratique de toute façon actuellement en ce qui concerne les
communautés culturelles qui sont d'expression française, car ces
communautés culturelles s'identifient plus facilement aux
communautés majoritaires et elles exercent de façon quotidienne
ce choix.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Marquette. Est-ce que vous voulez ajouter quelque chose?
M. Teitelbaum: Simplement pour dire qu'il y a des formules, pour
renforcer la position de Mme Westmoreland-Traoré. Quand la
volonté est là, il y a des façons de le faire. Au Conseil
du trésor fédéral, ils ont donné un questionnaire
à tous les employés pour leur demander leur origine ethnique. Ils
visaient principalement les minorités visibles. À partir des
données qu'ils ont reçues de ce questionnaire, ils ont
élaboré des mesures spéciales qui visent un programme
d'amélioration de la participation de ces groupes dans la fonction
publique fédérale.
Mme Westmoreland-Traoré: C'est ça, il y a un
programme. On a demandé aux gestionnaires de fixer des objectifs
à la fonction publique fédérale pour les groupes cibles,
et l'Association des universités et collèges canadiens a
reçu une subvention pour améliorer les méthodes
d'évaluation des diplômes et l'expérience acquise à
l'étranger. C'est un autre point critique pour les communautés
culturelles.
Le Président (M. Gagnon): Merci. Avant de céder la
parole au député de Marquette, je présume que la
commission me donne la permission de poursuivre après 13 heures. M. le
député de Marquette.
M. Dauphin: Merci, M. le Président. À mon tour,
évidemment, je remercie les membres du Conseil des communautés
culturelles et de l'immigration du Québec pour la présentation de
leur mémoire. J'ai bien aimé le mot de M. Teitelbaum tantôt
lorsqu'il parlait de volonté. Effectivement, je pense que cela prend une
volonté politique pour améliorer les choses, pas seulement au
Québec, mais partout.
Relativement à l'accès à la fonction publique, on a
dit tantôt - d'ailleurs, ce sont les chiffres du C1PACC - que depuis
1941, on est passé de 8 % de membres des communautés culturelles
au sein de la fonction publique à 2,5 %. Maintenant, on entend souvent,
du côté gouvernemental, dire que les membres des
communautés culturelles ne veulent pas déménager à
Québec pour travailler dans la fonction publique
québécoise. Si on regarde les chiffres du budget au niveau de la
publicité gouvernementale, c'est 0,5 % du budget gouvernemental qui est
alloué aux médias ethniques. Toujours en se
référant au mot "volonté", après avoir lu "Autant
de façons d'être Québécois" et après avoir lu
que, si d'ici à cinq ans depuis 1981, la situation ne s'était pas
améliorée, on procéderait à des mesures très
draconiennes, on a entendu dire au mois de juin dernier que malheureusement,
cela ne regrouperait pas les communautés culturelles.
Je sais très bien que vous êtes peut-être un peu
drôlement placés, ayant comme mandat de conseiller le ministre,
mais je pense qu'à partir des constats que l'on voit vous êtes
sûrement très bien placés pour conseiller - M. Teitelbaum
employait le mot "volonté" - d'avoir une volonté politique dans
ce sens-là. C'est plutôt vos commentaires que j'aimerais avoir
là-dessus.
Maintenant, au niveau du processus de sélection dans la fonction
publique, est-ce que le gouvernement ne pourrait pas penser,
éventuellement, à avoir un membre des communautés
culturelles dans un comité de sélection? On m'a
déjà dit, à moi - c'est peut-être une affirmation
gratuite - que souvent, lorsqu'on a un candidat dont le nom commence par "z ou
y", on est peut-être porté...
M. Marx: Heureusement, le "m" n'est pas là-dedans.
M. Dauphin: ...ou un "w". J'aimerais avoir vos commentaires
là-dessus. Aux comités de sélection, est-ce qu'on ne
pourrait pas s'assurer d'avoir au moins un membre des communautés
culturelles et utiliser, évidemment, les médias ethniques
à plus de 0,5 %, non seulement pour les avis d'offres d'emplois, mais
également pour toute publicité qui s'adresserait à eux en
termes d'information?
On dit souvent que les membres des communautés culturelles
n'utilisent pas les services gouvernementaux, mais est-ce qu'on fait les
efforts nécessaires pour les rejoindre et tenter, du moins, de les
informer?
Mme Westmoreland-Traoré: On aurait de la difficulté
à ne pas être d'accord avec vous. C'est très important que
le gouvernement mette les moyens et les ressources humaines pour accomplir
certains objectifs. Nous avons aussi souvent entendu que les membres des
communautés culturelles ne veulent pas demeurer au Québec;
d'abord, actuellement, avec les limites dans le marché du travail, je
pense qu'il y a beaucoup plus de gens qui sont mobiles si, en fait, il y avait
un problème de ce côté.
Deuxièmement, si nous regardons l'exemple de la fonction publique
canadienne où il y a eu véritablement un programme de
redressement pour promouvoir une meilleure participation et une participation
représentative des francophones, on a vu que, avec l'accroissement du
nombre de francophones, l'attraction a été beaucoup plus
facile.
Ce que vous avez dit sur la présence de membres de
communautés culturelles au sein des comités de sélection,
je crois que c'est une mesure à favoriser. Elle est peut-être
déjà utilisée jusqu'à un certain point,
mais elle devrait devenir plus systématique. Nous avons lu
dernièrement dans L'Actualité un article de M. Victor
Téboul, journaliste pour la revue Jonathan, qui exprime les mêmes
préoccupations et inquiétudes, soit que le fait même
d'avoir un nom à consonance non québécoise exerce, dans la
majorité, une exclusion, malheureusement. En plus, il y a la question
d'accent et de tonalité.
Donc, la présence des membres de communautés culturelles
est importante aussi pour faciliter les communications et l'appréciation
de certaines caractéristiques culturelles pour une sélection et
un processus d'évaluation qui ne sera pas fondé sur les normes
d'une société majoritaire.
Le Président (M. Gagnon): Une dernière question, M.
le député de Marquette, très courte et une réponse
très courte aussi, s'il vous plaîtl
M. Dauphin: D'accord, très courte. Hier, un groupe qui
avait fait une recherche nous a informés qu'au sein même du
ministère, le MCCI, qui est situé à Montréal pour
des raisons bien évidentes, on parle de 7 % des fonctionnaires qui sont
membres des communautés culturelles.
Mme Westmoreland-Traoré: Je ne dis pas "oui, mais". Ce
n'est jamais un bon début.
M. Dauphin: Non, mais, je parle...
Mme Westmoreland-Traoré: Je crois que les 7 % sont
peut-être véridiques, mais si on compte le nombre d'occasionnels,
je crois que le pourcentage augmente jusqu'à 13 % ou 14 % ou quelque
chose comme cela.
M. Dauphin: C'est cela. Ce que je veux dire par là que,
c'est tant qu'à prêcher par l'exemple, au sein même du
ministère qui a comme vocation, justement, de voir à
améliorer le sort de ses communautés, on tente au moins, à
compétence égale, d'engager des personnes provenant de ces
communautés.
Mme Westmoreland-Traoré: On peut vous dire que les
objectifs informels qui sont fixés, actuellement, en dehors d'un
processus de plan d'accès à l'égalité selon les
anciennes formulations, etc. sont très décevants pour nous. Je ne
pense pas qu'on doive en discuter ici, mais c'est vraiment infime.
Le Président (M. Gagnon): Merci. Un très court
commentaire, M. le député de D'Arcy McGee.
M. Marx: Quand on parle de la fonction publique, je me souviens
que, lors d'une commission semblable à celle-ci, le président du
syndicat des fonctionnaires était ici et je lui ai posé cette
question sur l'intégration des membres des communautés
culturelles. Sa réponse était: II n'y a pas de
débouchés, donc, je ne vois pas ce qu'on va faire. Il va venir
demain et je vais lui poser la même question, et j'imagine que je vais
avoir la même réponse. Chaque fois qu'il revient, il va me dire
que c'est plus serré que jamais dans la fonction publique. J'ai fait ce
commentaire pour rejoindre ce que M. Dauphin, député de Marquette
a dit: Cela prendra une volonté politique extrêmement forte pour
faire quelque chose dans la fonction publique. Quand on parle de la fonction
publique, c'est un terme trop étroit pour moi. Je pense qu'il faut
parler des organismes publics et parapublics: les commissions scolaires, les
municipalités, les communautés urbaines, les
sociétés d'État. Nous avons 250 organismes gouvernementaux
au Québec. Il y a les services de police, les services de pompiers, les
centres hospitaliers et ainsi de suite. Je pense que, si on voit de cette
façon la "fonction publique", entre guillemets, on aura une meilleure
chance de faire des percées. Parce que parler de la fonction publique du
Québec, c'est très restreint.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le
député de D'Arcy McGee. Oui, vous avez une réaction?
Mme Westmoreland-Traoré: Oui. On demande une extension
dans le règlement de la définition d'organisme, justement, pour
couvrir ces organismes qui reçoivent un financement important du
gouvernement. M. de Pasquale aurait un petit mot.
M. de Pasquale: II n'y a pas de débouchés, mais il
y a quand même un peu de recrutement qui se fait dans la fonction
publique. Chez les gens qui sont recrutés à l'heure actuelle, il
y a un pourcentage qui est quand même infime de gens issus des
communautés culturelles et les objectifs que se donne le gouvernement
l'an prochain, semble-t-il, sont aussi infimes.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Châteauguay, deux minutes.
M. Dussault: Merci, M. le Président. Pour enchaîner
rapidement avec un commentaire sur cette question de l'intégration
à la fonction publique et un peu à la suite d'une réponse
qui a été donnée tout à l'heure, si la solution est
d'atteindre les gens par le biais des médias ethniques, des journaux
ethniques, il y a lieu de se poser des questions pour savoir si le premier
problème n'est pas d'abord et avant tout un problème
d'intégration des communautés
culturelles dans la communauté québécoise, d'une
façon générale. Je pense que cela pose cette question
inévitablement.
Je voudrais, en terminant, poser une question relativement à
quelque chose que vous dites à la page 56 de votre mémoire: "Une
telle réglementation - en songeant à celle qu'on étudie -
qui témoigne d'une volonté politique plus large de corriger des
injustices, vient compléter ou appelle d'autres mesures." Est-ce que
vous aviez en tête des suggestions que vous pourriez nous faire à
cet égard? Page 56 au premier paragraphe. Ce sont, en fait, les trois
dernières lignes de ce paragraphe.
Mme Westmoreland-Traoré: Avant qu'on réponde
expressément à cette question précise, je crois qu'il y a
des efforts sérieux qui sont faits de part et d'autre pour
l'intégration dans la société québécoise. Je
pense qu'on le reconnaît. Je crois qu'il y a des services spéciaux
qui existent, qui sont favorisés par le ministère des
Communautés culturelles et de l'Immigration et d'autres
ministères, tel le ministère des Affaires sociales, etc.
Seulement, nous constatons que même au niveau de ces services il y a des
limites parce qu'il y a des problèmes d'accessibilité à
ces services puisque le personnel de ces services, parfois, n'est pas assez
représentatif du milieu ou n'est pas informé non seulement sur
les questions linguistiques ou d'interprétation, mais sur les questions
de comportements culturels, etc. Pour nous, l'intégration se fait dans
les deux sens, c'est-à-dire qu'il y a une démarche
vis-à-vis de la société majoritaire non seulement de la
part des immigrants, mais des communautés qui sont établies ici
depuis des générations; il y a aussi de la part de la
communauté majoritaire l'accueil et l'adaptation à ceux qui
arrivent.
M. Dussault: Je trouve cela intéressant, ce que vous nous
dites, particulièrement la dernière chose, à savoir
l'adaptation, parce qu'il me semble que, si je déménageais en
France, par exemple, mon réflexe, ce serait davantage de lire les
journaux nationaux de la France, pour y trouver de l'information si je me
cherche du travail que de me créer un journal dans lequel je chercherais
s'il n'y a pas des informations qui pourraient me rendre service sur le plan de
la recherche d'emplois. C'est dans ce sens-là que je veux dire qu'il y a
sûrement un problème d'intégration. Il ne s'agit pas de
blâmer quiconque, mais il s'agit de bien voir que c'est sûrement
significatif d'un certain problème d'intégration qui est plus
large que le simple fait de s'intégrer dans la fonction publique. C'est
ce que je voulais dire.
M. de Pasquale: Si vous me le permettez, ce n'est pas uniquement
un problème d'information au sens strict. Effectivement, la plupart des
membres des communautés culturelles lisent l'un ou l'autre des grands
médias d'information ou, alors, regardent la télévision.
C'est un problème d'image aussi que veut projeter la fonction publique
à partir du moment où son information est véhiculée
par des médias des communautés culturelles.
Mme Westmoreland-Traoré: Je pense que, dans la politique
de relations interculturelles, il y a - et j'en conviens avec vous - la
démarche d'intégration, mais aussi la démarche du maintien
des cultures, de l'enrichissement de la société par l'existence
de ces cultures. Les médias sont un véhicule
privilégié pour entretenir les contacts culturels et
interculturels parce qu'on constate le phénomène que plusieurs
Québécois de toutes les générations maintenant
s'inscrivent dans des cours de langues autres, que ce soit l'italien, le grec
ou d'autres, pour une multitude de raisons. Donc, je crois que la
démarche vers les médias des communautés culturelles,
comme Dominique le mentionne, c'est une démarche d'image et de
valorisation aussi pour ces personnes et d'accueil vis-à-vis des
institutions publiques. L'existence et l'utilisation de ces journaux sont
importantes pour la vie culturelle et le soutien des communautés
culturelles.
Le Président (M. Gagnon): Merci.
M. Dussault: M. le Président, la réponse à
la deuxième question est celle qui m'intéresse le plus.
Mme Westmoreland-Traoré: Oui, la deuxième
question.
M. de Pasquale: II s'agit des mesures. Ce que nous souhaitions,
c'était simplement de situer un peu notre réflexion dans un cadre
social plus large et de rappeler que d'autres éléments, comme
l'amélioration des conditions de travail, la hausse du salaire minimum,
le développement des réseaux de garderies, etc. pouvaient
améliorer aussi la condition d'une portion de la population parmi
laquelle on trouvait des gens, dans certains cas, très
défavorisés.
M. Dussault: Donc, l'égalité des chances passe
aussi par des mesures comme celles-là et, forcément, par
l'accès à l'égalité.
M. de Pasquale: Oui, de progrès social. M. Dussault: Je
vous remercie.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le
député, et merci au Conseil des communautés culturelles et
de l'immigration du
Québec. Vous avez mentionné tantôt que
c'était la première occasion que vous aviez de vous adresser
à une commission parlementaire; je suis très heureux que vous
ayez choisi la nôtre. Vous avez apporté un éclairage
extraordinaire à notre commission et je vous en remercie beaucoup.
Je vous donne donc rendez-vous à 15 heures précises alors
que nous entendrons la Chambre de commerce du Québec. Je suspends les
travaux jusqu'à 15 heures.
(Suspension de la séance à 13 h 16)
(Reprise à 15 h 1)
Le Président (M. Gagnon): La commission des institutions
poursuit ses travaux. Lors de la suspension, nous avions invité la
Chambre de commerce du Québec à prendre place. Nous vous
souhaitons la bienvenue. Avant de vous laisser la parole, je vous dis que nous
disposons d'environ 55 minutes par groupe, ce qui veut dire à peu
près 20 minutes pour faire la lecture de votre mémoire et 35
minutes d'échange de propos avec les membres de la commission.
M. Létourneau, je vous cède le micro en vous demandant de
présenter les gens qui vous accompagnent.
Chambre de commerce du Québec
M. Létourneau (Jean-Paul): Merci, M. le Président.
Mon nom est Jean-Paul Létourneau, je suis le vice-président
exécutif de la Chambre de commerce du Québec. J'ai l'honneur
d'être accompagné, pour la présentation de ce
mémoire, de notre vice-président aux ressources humaines, Me
Eugène Turmel, de Lévis et de notre directeur
général aux affaires publiques, M. Marcel Tardif.
M. le Président, étant donné le temps disponible
pour la présentation, je vais devoir faire un résumé de
notre mémoire. Je vais le faire dans l'ordre où il est
présenté, c'est-à-dire à compter de la page
numérotée 1, si vous voulez, parce qu'il y a au début un
résumé qui est sur des pages non numérotées et nous
nous en excusons. Disons qu'on commence à la partie introduction et
à la page 1 et aux suivantes pour ceux qui veulent suivre notre
résumé dans le mémoire.
La chambre remercie les membres de la commission parlementaire des
institutions pour l'avoir invitée à se faire entendre sur cette
question d'intérêt particulier. La chambre désire d'abord
inscrire son accord avec l'objectif d'égalité des chances pour
les femmes, ou pour tout autre groupe, dans l'emploi par l'élimination
des pratiques et attitudes qui gênent en ce domaine, en raison de
caractéristiques qui leur sont prêtées à tort le
plus souvent, comme le rappelait le rapport Abella.
Nous reconnaissons qu'il y a des écarts de
rémunération difficilement explicables. D'autre part, il faut
également reconnaître que nous sommes en période de
rattrapage et que le rythme de ce rattrapage n'a cessé de
s'accélérer depuis 20 ans.
L'expérience américaine des 25 dernières
années, de même que notre propre expérience au Canada et au
Québec dans un autre domaine, notamment celui de l'éducation,
devraient nous prémunir contre des effets pervers d'une intervention
artificielle et nous rappeler l'inefficacité d'une réglementation
pour changer des situations issues d'attitudes qui sont en jeu bien avant
l'entrée sur le marché du travail.
Le projet de règlement déposé devant cette
commission s'appuie sur une prémisse erronée qui confond
égalité des chances et égalité des
résultats. Il les situe l'une par rapport à l'autre par une
inégalité de considération et de traitement constituant
ainsi une discrimination à rebours.
Le projet de règlement concerne tout groupe victime de
discrimination dans l'emploi. Cette dimension du projet ne doit pas être
minimisée. Toutefois, le groupe des femmes étant certainement la
population cible la plus importante, il nous semble opportun de
présenter une vue d'ensemble de la situation des femmes en emploi.
Pour ce qui est de cette vue d'ensemble, nous traiterons d'abord de
l'évolution de la situation des femmes sur le marché du travail
depuis l'après-guerre. Les divers recensements canadiens - je vous
réfère à la page 4 de notre mémoire -permettent de
brosser un portrait global de l'évolution de la main-d'oeuvre
féminine au Canada. Un travailleur sur cinq était, de fait, une
travailleuse en 1951. Depuis 1981, on retrouve sur le marché du travail
deux femmes sur cinq, c'est-à-dire une proportion qui est passée
de 20 % à 40 %.
Des projections établies en 1980 pour le ministère des
Finances prévoient que les femmes et les hommes composeront à
parts presque égales le marché du travail en l'an 2000 -
respectivement 48 % et 52 % - avec, toutefois, des taux d'activité
différents, puisque deux femmes sur trois participeront activement au
marché du travail alors que quatre hommes sur cinq feront de même.
Les références sont inscrites dans notre mémoire pour ce
qui est des sources de ces chiffres.
Les caractéristiques des emplois occupés par les femmes au
Canada. Parlons d'abord de la structure professionnelle. Si on compare
l'importance de la présence des femmes relativement à l'ensemble
de la population active, c'est-à-dire que, si on examine le taux de
féminisation des emplois - voir le tableau 1 à la page 7 de notre
mémoire - on constate que, pour l'ensemble des secteurs, ce taux est
passé de 27 % à
40 % en 20 ans, soit de 1961 à 1981. La structure professionnelle
de l'emploi se modifie même si le processus paraît lent à
certains.
Le revenu provenant de l'emploi. Le Secrétariat à la
condition féminine publiait dans un document récent un tableau
montrant que, de façon globale, en 1961 - je vous réfère
ici à la page 10 de notre mémoire - 77 % des femmes ont eu un
revenu d'emploi inférieur à 15 000 $ alors que 55 % des hommes
ont eu un revenu d'emploi supérieur à 15 000 $ - voir notre
tableau 3.
Le profil de la structure salariale qui s'en dégage - ici il faut
revoir notre tableau 4 à la page 11 - met en évidence deux
structures salariales fort différentes pour les hommes et les femmes. Le
profil des femmes indique une régression continuelle des effectifs au
fur et à mesure que le niveau de revenu progresse. Il faut
également constater que le profil des hommes, s'il affiche une courbe
non linéaire, ne constitue pas pour autant une distribution "normale",
entre guillemets, au sens statistique du terme de ces effectifs.
Il n'existe aucune raison théorique pour poser a priori qu'il ne
devrait pas exister de différence significative entre ces deux courbes.
Il faut préalablement évaluer l'effet de toutes les autres
variables que la théorie économique et le marché
reconnaissent généralement comme déterminant du revenu,
soit l'âge, la formation, l'expérience, l'ancienneté, la
compétence et le statut de l'emploi.
Le statut du travail. Selon les données du rapport Wallace, on
voit que dans la population féminine active - à la page 14 de
notre mémoire - âgée de 25 à 54 ans, seulement 15 %
des femmes affirment occuper un emploi à temps partiel parce qu'elles
n'ont pu trouver d'emploi à temps plein. Seulement 15 %.
Par ailleurs, parmi l'ensemble de la population féminine à
temps partiel, toutes catégories d'âge, 89 % des femmes à
temps partiel - voir notre tableau 6 à la page 15 -ne souhaitent pas
voir leur statut d'emploi se modifier substantiellement. Le travail à
temps partiel est donc un choix personnel et non une contrainte imposée
par le marché.
Les progrès accomplis. Dire qu'il y a eu progrès ne
signifie pas qu'il ne reste plus rien à accomplir.
Parlons de la scolarité des femmes. Un mouvement se dessine
manifestement vers une diversification de l'emploi occupé par les
femmes. Ainsi, de 1971 à 1981, en dix ans, 44 % des nouvelles venues sur
le marché du travail se sont dirigées vers des professions
à majorité masculine. Si toutes les femmes qui arrivent sur le
marché du travail - je vous reporte ici à la page 18 - se
dirigeaient exclusivement vers des professions masculines, en l'an 2000, il n'y
aurait toujours que 35 % de femmes dans ces professions; donc, dans
l'hypothèse la plus extrême. Lorsqu'on examine les 20 professions
les mieux rémunérées, là où les femmes
accusaient une plus grande absence, on constate qu'en dix ans, de 1971 à
1981, elles ont multiplié leurs effectifs par quatre, alors que les
hommes les multipliaient par deux et l'écart salarial a
été réduit de 20 %.
L'écart salarial et la discrimination. L'approche globale que
nous traitons à la page 20, qui situe le ratio salarial des femmes
comparativement aux hommes à 0,60, c'est-à-dire là
où un homme gagne 100 $, une femme gagne 60 $, doit être
raffinée pour tenir compte des autres variables déjà
mentionnées, tels l'âge, les études, etc. Cet ajustement
réduit l'écart salarial, tant pour les études
américaines que canadiennes qui ont été faites sur le
sujet, et porte ce ratio à 0,80 c'est-à-dire non plus 60 $ mais
80 $ par rapport à 100 $. L'expérience et la situation familiale
jouent quant à elles pour un autre 10 %, de sorte que le ratio
corrigé se situe entre 0,90 et 0,95. L'écart salarial
représente donc en réalité un maximum de 20 % et plus
probablement se situe-t-il entre 5 % et 10 %.
On ne peut conclure de cet écart qu'il représente, dans sa
totalité, un phénomène discriminatoire, car il
résulte également des préférences personnelles ou
des rentes compensatoires accordées pour un type d'emploi peu
sollicité ou représentant, par exemple, des risques
élevés. Cette partie de notre mémoire a été
préparée afin - en ce qui nous concerne - d'avoir l'heure juste
sur la situation réelle des femmes dans le marché du travail,
leur traitement, leur statut, ce qui, à notre avis, dédramatise
passablement certaines données que vous avez sans doute
déjà entendues. Comme vous pourrez le constater, chacune des
données contenues dans ce document a une référence qui,
nous le croyons, est crédible et fait autorité.
L'efficacité d'une réglementation. Les principes de base.
Les programmes d'accès à l'égalité substituent
l'égalité des résultats à l'égalité
des chances par une inégalité de considération et de
traitement. C'est d'ailleurs pourquoi ils doivent être
spécialement autorisés pour ne pas être
illégaux.
L'impossible définition de la valeur du travail. La
définition de l'expression "travail équivalent", que nous
traitons à la page 27, est au coeur d'une réglementation sur
l'accès à l'égalité. Pour maintenir une base
comparative, les critères utilisés ne peuvent être que des
mesures, des exigences et des caractéristiques du travail -
qualification, effort, responsabilité - nécessaires à
l'exécution d'une tâche. Or, ces mesures ignorent un certain
nombre de facteurs, dont
la propension à occuper un emploi, entre autres. Il devient alors
impossible de distinguer avec justesse entre les disparités salariales
liées au marché et les écarts discriminatoires.
Les impacts négatifs de la réglementation. L'un des effets
négatifs d'une réglementation est qu'elle force un niveau
général de salaires trop élevé. L'intervention
législative comporte, par ailleurs, des coûts et des effets
pervers comme toute intervention artificielle sur des mécanismes de
marché sans réussir à faire la preuve de son
efficacité à résoudre le problème initial.
Le projet de règlement tel que déposé nous
apparaît une approche arbitraire. Une approche volontaire est toujours
préférable à une approche coercitive. Une
réglementation par grands objectifs est préférable
à une réglementation par normes. Ce discours, ce n'est pas
d'aujourd'hui que nous le tenons, cela fait au moins une dizaine
d'années que nous invitons le gouvernement à réglementer
plutôt de cette façon. (15 h 15)
L'approche arbitraire retenue dans le projet de règlement conduit
à l'instauration d'un régime de dénonciation qui ouvre la
porte à des abus. Elle conduit de plus à une extension quasi
illimitée du mandat de la Commission des droits de la personne, un
glissement des pouvoirs législatifs vers la commission.
Les quotas. Les notions de quotas présentes dans le
règlement proposé, bien que non identifiées comme telles,
à l'article 3 - ils sont là à l'article, mais on ne dit
pas le mot; sans dire le mot on fait la réglementation dans ce sens -
doivent être résolument exclues du projet.
L'expérience américaine des vingt dernières
années montre l'inutilité d'une approche qui prétend
modifier radicalement le cours des choses et des attitudes par des mesures
quantitatives.
La compétence et l'entreprise. La compétence est une
notion vitale - que nous traitons à la page 37 - pour l'entreprise. Elle
doit relever strictement de celle-ci et non lui être imposée de
l'extérieur. Par ailleurs, "l'aptitude à acquérir une
compétence dans un délai raisonnable", expression utilisée
à l'article 5, est une notion vague pour laquelle on ne retrouve aucun
encadrement. Elle ne saurait être retenue, parce qu'elle n'est pas
applicable équitablement dans la pratique.
La collecte des données. Les articles 4, 5 et 6 traitent des
données de référence. Leur formulation suscite beaucoup de
questions. Qui définira les catégories d'emploi, les conditions
de travail et l'expérience? Quels seront les critères de
référence? L'employeur pourra-t-il se faire entendre? Y aura-t-il
une normalisation rigide ou une souplesse d'application?
Les renseignements privés ou la divulgation de renseignements
privés. La confidentialité des informations n'est nulle part
protégée, ni par l'article 11, ni ailleurs. Comme l'article 86.4
de la charte prévoit que des rapports peuvent être exigés
de l'employeur, la protection des informations fournies devrait être
assurée.
Imbroglio en présence de plusieurs groupes discriminés. Le
projet de règlement s'adresse à tous les groupes
"discriminés", entre guillemets. Tel que formulé, le projet
conduit à des situations conflictuelles et à un imbroglio
juridique dès lors que divers groupes discriminés s'opposent
à l'embauche.
La chambre recommande donc que le projet soit modifié de telle
sorte qu'il tienne compte des orientations suivantes: premièrement,
adopter une approche volontaire et par objectifs, qui définisse les
grandes lignes directrices sans utilisation de quotas (article 3); assurer un
meilleur encadrement des notions de catégories d'emploi, de conditions
de travail, d'expérience, afin d'éviter une approche arbitraire
(article 4): écarter la notion "d'aptitude à acquérir une
compétence" aussi longtemps que ce concept ne sera pas
opérationnalisable (article 5); éliminer les mesures de soutien
dans la mesure où elles s'adressent à des personnes non
visées par l'article 86.1 de la charte (article 8); limiter le mandat de
l'organisme chargé d'appliquer le règlement afin d'éviter
un glissement des pouvoirs; garder les exigences en matière d'emploi
très souples, à cause des variations dans les définitions
des catégories professionnelles et dans les échelles salariales
selon les industries (articles 2, 3, 4, 5, 6 et 7); enfin, permettre aux
employeurs l'accès a de meilleures données externes sur la
composition de la population active pour qu'ils puissent se fixer des buts
internes réalistes.
M. le Président, je termine le résumé de ce
mémoire. Je désire cependant, avant de clore, vous indiquer une
correction qu'il y a à faire dans notre texte. Au tout début,
à la dernière des premières pages qui résument le
texte, qui devrait être numérotée 3, à la fin de
l'article 7, nous faisons une recommandation qui se réfère
à l'article 5 et non à l'article 6. C'est le tout dernier chiffre
au bas de cette page, immédiatement avant la page d'introduction. Il y a
une erreur d'article, c'est 5 au lieu de 6. Merci, M. le Président. Nous
sommes maintenant prêts à répondre aux questions de la
commission.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le
député de D'Arcy McGee.
M. Marx: Merci, M. le Président. J'aimerais remercier MM.
Létourneau et Tardif et Me Turmel pour la présentation du
mémoire de la Chambre de commerce du Québec.
Vous avez amené un certain point de vue avec un mémoire
étoffé et je trouve que cela a été bien
présenté. Vous avez dit que l'égalité des chances
ne garantit pas celle des résultats. Si j'ai bien compris, les groupes
qui sont venus, les femmes et les membres des communautés culturelles
sont prêts à prendre leur chance avec des mesures
d'égalité des chances. Ils pensent que cela va donner des
résultats, à compétence égale. On ne demandera
jamais à une entreprise d'engager une femme incompétente au lieu
d'engager un homme compétent. S'il y a égalité des
chances, ce n'est pas une garantie, mais cela va être beaucoup mieux
qu'aujourd'hui alors qu'il y a de la discrimination systémique où
des femmes et ou des membres des communautés culturelles, pour une
raison ou une autre, sont exclus de certains emplois, soit dans les organismes
gouvernementaux ou paragouver-nementaux ou soit dans l'entreprise
privée.
J'aimerais ajouter que presque tous les groupes qui sont venus devant la
commission jusqu'à maintenant ont soulevé le fait que le
gouvernement et toutes les institutions gouvernementales et
paragouvernementales devront donner l'exemple. Je trouve cela difficile
à comprendre que le gouvernement aille demander à l'entreprise
privée de faire quelque chose qu'il n'est pas prêt à faire
lui-même tout de suite. Je ne vois pas la différence entre la
Société des alcools du Québec et l'entreprise
privée, soit par exemple une compagnie qui produit du vin.
J'ai deux questions à vous poser. Premièrement, j'imagine
qu'il y a des filiales des compagnies américaines qui sont membres de la
Chambre de commerce du Québec. Est-ce que j'ai raison de dire cela? Aux
États-Unis il y a des programmes d'accès à
l'égalité: Chaque fois qu'on signe un contrat qui implique le
gouvernement ou certains organismes gouvernementaux, si le contrat est d'un
certain montant, il faut qu'il y ait un programme d'accès à
l'égalité. À mon avis, il ne faut pas crier aux loups trop
de fois. Ils font cela aux États-Unis. Les compagnies qui sont ici,
leurs maisons mères font cela aux États-Unis. Les compagnies
québécoises qui veulent vendre au gouvernement américain
par le biais de leurs filiales, soit dans le Vermont, soit dans New York vont
se soumettre et elles sont profitables. Ma question est: Étant
donné que les compagnies fonctionnent dans les deux pays, pourquoi ne
pas avoir les mêmes programmes ici qu'il y a aux États-Unis? En ce
qui concerne les compagnies, souvent c'est par le biais de leurs filiales.
M. Létourneau: M. le Président, permettez-moi
d'abord de commenter le préambule de M. Marx qui nous indiquait - si
j'ai bien compris - qu'on ne va jamais demander à un employeur d'engager
une personne incompétente. Nous croyons que, tant et aussi longtemps
qu'on maintient le système de quotas c'est ce qui risque d'arriver. Le
système de quotas force des nombres et, à ce moment, ne tient pas
vraiment compte de tous les besoins de l'employeur.
M. Marx: Sur la question de compétence, l'article 5
prévoit qu'il faut qu'il s'agisse de personnes compétentes. Si
elles ne sont pas compétentes, cela prendrait beaucoup plus longtemps
pour atteindre l'objectif numérique, le cas échéant. Il
n'a jamais été question d'engager quelqu'un
d'incompétent.
L'article 5 dit: "Une analyse de disponibilité indique le nombre
d'employés du groupe cible qui, en raison de leur compétence..."
C'est-à-dire qu'il faut que la personne soit compétente pour
qu'elle puisse être engagée, autrement, cela serait un
non-sens.
M. Létourneau: M. le Président, je pense
qu'évidemment on retrouve cette norme dans l'article 5, mais elle est en
conflit continuellement avec la norme de quotas. Cela va être très
difficile pour quelqu'un qui a à imposer un programme d'invoquer cette
raison plus d'une fois ou deux. On va penser que s'il le fait trop souvent,
peut-être que son choix veut être discriminatoire. La pression que
crée les quotas risque fort d'amener cette situation. C'est la raison
pour laquelle nous nous opposons à cette formule de quotas.
Maintenant, M. Marx a dit aussi que le gouvernement ne s'impose pas les
mêmes normes. Nous l'avons remarqué. Ce n'est pas la
première fois que cela arrive. Ce n'est pas nouveau, c'est une affaire
qu'on observe depuis plusieurs années, depuis plusieurs gouvernements.
Mais, disons que nous n'en voulons pas tant que cela au gouvernement à
ce moment-ci. On aimerait mieux commencer par rendre ce règlement
acceptable pour l'entreprise et après cela, on parlera de l'appliquer au
gouvernement. On pense que cela serait probablement plus efficace, si on arrive
à infléchir le règlement dans le sens de nos
recommandations.
C'est un fait qu'il y a aux États-Unis cette loi qui force des
quotas pour les minorités. Maintenant, les employeurs américains
n'en sont pas, en général, des plus enchantés.
Évidemment, avec le temps, la nature humaine ayant une capacité
à peu près illimitée de s'adapter à toutes sortes
de situations, les employeurs ont fini par s'y adapter, ont fini par vivre
avec. C'est une loi - si ma mémoire est correcte -
fédérale. N'est-ce pas M. le député que c'est une
loi fédérale?
M. Marx: Je pense que oui.
M. Létourneau: Donc, c'est une loi qui s'applique
également de la même façon à travers tout le pays.
Nous parlons, ici, d'une loi qui va frapper les entreprises
québécoises. Jusqu'ici, elle n'a pas d'équivalence exacte
à travers le pays. La loi manitobaine que nous avons examinée est
beaucoup plus souple que celle qui est proposée ici, c'est-à-dire
la réglementation, si on veut, ou l'application. La loi
fédérale est aussi beaucoup plus progressive et souple que celle
que nous avons devant nous, par ce règlement.
Cela dit, je pense que nous nous imposons ici, nous sommes sur le point
d'imposer, ici, aux entreprises du Québec, des normes, des contraintes
beaucoup plus sévères que celles qui existent ou qui semblent
vouloir exister ailleurs au Canada. Encore une fois, c'est une façon
d'éroder la capacité compétitive de nos entreprises.
M. Marx: M. le Président. Dans certains domaines, le
Québec a pris les devants et on a été suivi par d'autres
juridictions. Peut-être que c'est un autre dossier où le
Québec devrait prendre les devants, les autres vont suivre.
M. Létourneau: Est-ce qu'on a les moyens? C'est là
une autre histoire.
M. Marx: Bien, c'est cela. On veut faire cela sans perdre
d'emplois. On veut faire cela d'une façon ordonnée. On veut faire
cela d'une façon réaliste. On ne veut pas bousculer tout le monde
juste pour bousculer tout le monde. (15 h 30)
Je pense que c'est l'objectif des groupes de femmes et des membres des
communautés culturelles qui sont venus en commission. Ils ne pensent pas
que, du jour au lendemain, tout va changer et que les représentants de
la Chambre de commerce du Québec seront tous des femmes.
Voilà!
M. Létourneau: Cela va venir, monsieur. Cela s'en
vient.
M. Marx: Les gens sont prêts à attendre. Cela va
prendre du temps: un, deux, trois... Mais on veut faire du progrès,
parce qu'ils nous disent: On discute de cela depuis 1978 ou 1980 et rien ne se
fait, et le règlement n'est pas adopté, et ainsi de suite. Donc,
il n'est pas question d'agir d'une façon masochiste. On veut agir d'une
façon pour que ce soit bénéfique pour tout le monde, y
compris l'entreprise privée.
En ce qui concerne les Américains, on a, à quelques
reprises, cité un article publié dans le numéro du 16
septembre 1985 de Fortune, où les Américains, les compagnies ou
les dirigeants de compagnies disent que cela marche bien aux États-Unis
et qu'ils sont prêts à continuer, et ainsi de suite. Je n'aime pas
le mot "quota", mais ils ont des objectifs numériques aux
États-Unis, et il n'est pas question d'établir des quotas de tant
pour cent de femmes, de tant pour cent de Noirs, de tant pour cent de Blancs.
Il s'agit d'avoir des objectifs numériques.
Je peux vous donner des exemples, comme la Commission de transport de la
communauté urbaine de Montréal qui a décidé
d'engager 150 femmes chauffeurs. Ce n'est pas un quota, et on n'exige pas que 5
% ou 10 % des chauffeurs d'autobus soient des femmes, quoique, à
Chicago, ce soit 30 %, à Buffalo, 18 % et même à Toronto,
3,5 %.
Mais c'est possible d'avoir une entreprise où il y a 500
ingénieurs et pas une seule femme. Je ne pense pas que ce soit
irréaliste de dire: On va essayer d'en engager une dizaine ou une
douzaine. Vous allez me répondre: C'est difficile de trouver des femmes
ingénieurs. C'est pourquoi j'ai proposé un chiffre de dix ou
douze. Il faut commencer, il faut faire une percée.
L'autre question que j'aimerais vous poser, c'est que les syndicats qui
sont venus devant la commission jusqu'à maintenant ont dit qu'ils
aimeraient négocier les programmes d'accès à
l'égalité avec l'employeur. J'aimerais savoir comment vous voyez
cela à l'intérieur d'un règlement, bien sûr.
Le Président (M. Gagnon): M. Létourneau.
M. Létourneau: M. le Président, à condition
que ce ne soit pas une chose imposée par la loi, nous n'avons pas
d'objection à ce que l'employeur et les syndicats, qui acceptent de le
faire, négocient cette question. Nous allons même convenir que
c'est une bonne chose qu'on le négocie librement. Mais nous ne serions
pas d'accord que ce soit exigé par une réglementation ou par une
loi.
On n'a pas d'objection à cela. Si l'employeur et les
employés veulent s'asseoir et négocier la question, ils sont
libres de le faire et nous sommes favorables au programme volontaire. Le
programme auquel vous avez fait allusion de la CTCUM est un programme
volontaire. La CTCUM s'est fixé comme objectif d'aller chercher un plus
grand nombre de femmes conducteurs d'autobus. Pas d'objection, non plus, en
autant qu'on les trouvera.
Seulement, si la CTCUM ne les trouve pas, elle va arrêter son
programme; elle ne sera pas attachée par un règlement,
j'espère, à dire: II faut qu'il y ait 150 femmes. On va aller
dans le marché et on va essayer de les trouver. On va essayer d'en
trouver jusqu'à un certain nombre pour essayer de montrer qu'on ne fait
pas de discrimination à l'égard des femmes dans ce domaine.
Vous dites: On ne veut pas faire ce
règlement ou cette action de manière bousculée ou
désordonnée. Dans notre mémoire, je crois que, de la
façon dont nous l'avons décrit, ce qui s'est passé entre
les décennies 1951 et 1981 montre que, sans règlement, il y a une
progression très rapide des femmes dans le marché du travail.
Évidemment, il y en a qui diront - il y en aura toujours pour
dire - que ce n'est pas assez rapide. On comprend cela. Mais, si on regarde la
situation qui était celle des femmes en 1951 et qu'on la compare
à ce qu'elle est aujourd'hui et qu'on fait des projections pour dans
quinze ans seulement, sans règlement, on arrive presque à
l'égalité. Alors le besoin d'avoir une règlement coercitif
ne nous apparaît pas très grand. Nous sommes même
prêts à discuter d'un règlement parce que nous savons bien
que, de toute façon, cela semble être une décision non
seulement gouvernementale mais endossée par l'Opposition. À ce
moment-là, on se dit: On va sauver les meubles. On va essayer de faire
en sorte que ce règlement-là soit le moins onéreux, le
moins lourd, le moins inefficace possible. Mais simplement la projection des
chiffres - ce sont des études du ministère des Finances, je
pense, du gouvernement fédéral qui le démontrent -indique
que, dans quinze ans, ce ne sera plus un problème. Cela se sera
réglé par le momentum du fait que les femmes ont pris petit
à petit et, à un moment donné d'une manière
accélérée, leur place dans le marché du travail au
fur et à mesure de leur venue, de leur compétence et de toutes
les autres qualités nécessaires pour exercer toutes les fonctions
qu'elles peuvent et veulent exercer.
Le Président (M. Gagnon): Merci. Une très courte
question, M. le député de D'Arcy McGee.
M. Marx: Oui. Il faut que ce soit clair. Je suis sûr que
vous êtes conscient que, supposons qu'on adopte le règlement dans
un mois ou deux, il ne sera pas exigé de toute entreprise au
Québec d'instaurer un programme d'accès à
l'égalité, c'est-à-dire qu'il sera nécessaire de
prouver la discrimination systémique - parce que intentionnelle, c'est
légal - avant qu'on puisse exiger qu'il y ait, par l'effet de la loi, un
programme imposé d'accès à l'égalité. Ce
sera possible pour les compagnies, les entreprises, d'avoir des programmes
d'accès à l'égalité d'une façon volontaire.
Ma question est la suivante: S'il y a une réglementation et qu'on permet
aux entreprises, comme ce sera le cas, d'avoir des programmes volontaires,
est-ce que beaucoup d'entreprises vont mettre sur pied des programmes
d'accès à l'égalité d'une façon
volontaire?
M. Létourneau: Je ne saurais dire combien le feront, M. le
Président. Je peux dire cependant que nous allons certainement
sensibiliser nos membres à cette situation et à toute
réglementation qui pourrait venir dans le sujet.
Vous avez dit préalablement qu'on n'exigera pas. Il faudrait
peut-être clarifier, et ce sera peut-être au gouvernement à
répondre à cette question. Nous avons pris bonne note qu'au cours
de la conférence du sommet qu'on appelait Décisions 85, la
ministre, Mme Francine Lalonde, et je crois aussi, M. Johnson, à
l'époque, ont parlé de créer l'obligation à toute
entreprise qui a plus de 100 employés et qui a avec le gouvernement des
contrats d'une valeur supérieure à 200 000 $, d'avoir un
programme qu'on appelle, nous, de la discrimination à rebours, qu'elle
soit trouvée ou non dans une situation de discrimination, par le seul
fait qu'elle a ce nombre d'employés et ce genre de contrat. Nous avons
entendu dire -j'aimerais qu'on nous le confirme ou qu'on nous l'infirme - qu'il
y avait une décision du cabinet à ce sujet. C'était
déjà décidé que le règlement s'appliquerait
de cette façon-là. Donc, il y aura des entreprises en assez bon
nombre, si on retient ces normes, qui seront obligées d'appliquer un
programme, qu'on ait fait la preuve ou non qu'elles faisaient de la
discrimination.
M. le député, je regrette, je pense qu'on...
M. Marx: Oui.
M. Létourneau: ...s'en va vers cela.
M. Marx: Oui, mais j'aimerais seulement souligner, M.
Létourneau, que cette décision, l'idée d'avoir une
obligation contractuelle, n'est pas dans le règlement. Cela pourrait
venir, mais nous n'avons pas pris connaissance de... Le règlement touche
une toute autre chose. Le gouvernement a peut-être l'intention d'adopter
un décret de cette nature, mais ce n'est pas dans le règlement
et, de toute façon, cela ne sera pas imposé. Ce sera
imposé seulement aux compagnies qui veulent faire affaires avec le
gouvernement. Si une compagnie décide de ne pas faire affaires avec le
gouvernement, ce ne sera pas nécessaire, mais c'est une autre question.
Je suis d'accord avec vous sur...
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
D'Arcy McGee, si vous voulez aller plus rapidement, parce que des gens m'ont
demandé la parole.
M. Marx: Oui, d'accord. Je termine sur ce point.
L'obligation contractuelle n'est pas dans le règlement. Cela
pourrait être une politique du gouvernement, mais cela prendra un
décret du gouvernement qui n'a pas été
adopté, jusqu'à aujourd'hui.
M. Létourneau: M. le Président, j'aimerais qu'on
ait l'occasion de vérifier avec le représentant gouvernemental si
cette décision est bien prise. Nous avons l'information qui nous a
été fournie au cours de la conférence Décisions 85,
à savoir que si elle est prise il y a 335 entreprises au Québec
qui, à ce moment-là, sont obligatoirement touchées,
à moins qu'elles ne décident de cesser de faire affaires avec le
gouvernement.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Fabre.
M. Leduc (Fabre): Merci, M. le Président. Je voudrais
également remercier la Chambre de commerce du Québec de sa
présentation. Il s'agit d'un mémoire extrêmement bien
documenté, bien fait, mais je voudrais commenter un certain nombre
d'opinions qui en ressortent. Pour commencer, l'impression qui se dégage
de votre mémoire, c'est que la réglementation est loin,
très loin d'être nécessaire dans votre esprit puisque, de
toute façon, nous allons vers l'égalité dans l'emploi.
Dans votre esprit, c'est une question de temps. C'est une question aussi de
formation à l'étude pour les femmes. En passant, j'ouvre une
parenthèse. Je déplore le fait que vous ne parliez que des femmes
dans votre mémoire. Vous ne parlez pas des autres groupes qui sont
également visés: les communautés culturelles, les groupes
ethniques et les personnes handicapées.
Vous insistez donc beaucoup, vous mettez beaucoup l'accent sur le temps.
Le temps va régler cette situation de discrimination qui existe dans
l'emploi. Il y a un tableau qui m'a beaucoup frappé. Vous ne l'avez pas
commenté. Je ne sais pas si c'est volontaire de votre part. C'est le
tableau no 2, la répartition des femmes selon les grands groupes de
professions. Or, au tableau no 2, on voit que présentement, en tout cas,
en 1981, lorsqu'on parle du domaine de la direction, de la gérance ou de
l'administration, on ne voit que 5 % de femmes, en tout cas, en 1981. J'imagine
que cela a très peu évolué depuis ce temps. Cela veut donc
dire que chez les gens qui font la sélection du personnel, qui
déterminent les exigences pour occuper tel ou tel poste, on a affaire
très majoritairement à un domaine, à une chasse
gardée de la part des hommes qui occupent des postes de direction, de
gérance ou d'administration.
Vous devez tout de même admettre qu'il peut se glisser - et il
doit nécessairement se glisser, sans que ce soit volontaire -des
exigences, des critères de sélection qui soient discriminants, du
fait que ces positions sont occupées par des hommes. Avant que nous
arrivions - parce que je reviens à cette question du temps et de la
formation qui, selon vous, va résoudre, va finir par résoudre ce
problème de l'inégalité - à ce que ces 5 % à
la direction, la gérance et l'administration atteignent 50 % de femmes -
et là, vous n'avez pas de calculs pour nous dire si ce sera en l'an 2000
ou en l'an 3000 que les femmes vont atteindre l'égalité dans la
direction, l'administration ou la gérance, c'est-à-dire dans des
postes décisionnels.
Je trouve qu'il y a là une lacune. Je ne dis pas que c'est
volontaire, mais il y a tout de même une lacune. À mon avis, en
l'an 2000, je ne pense pas que nous atteignions le pourcentage de 50 % de
femmes qui occuperont des postes de décision, c'est-à-dire qui
décideront des critères de sélection du personnel. Cela me
semble un domaine extrêmement important pour les femmes et les
communautés culturelles qu'il y ait plus de gens qui proviennent de ces
groupes à des postes de direction. C'est un premier commentaire que je
voulais faire. (15 h 45)
Deuxième commentaire. Il me semble aussi que vous vous trompez de
cible. Je rejoins ce que disait le député de D'Arcy McGee
à la fin de son intervention. Tout votre mémoire semble
être axé sur le fait que la réglementation est obligatoire
pour toutes les entreprises, ce qui n'est pas le cas; c'est très clair.
Il y a des groupes qui sont venus ici nous demander que la
réglementation soit obligatoire pour toutes les entreprises, mais ce
n'est pas le cas. La portée de l'article 1 est très claire: ce
n'est que sur recommandation de la commission ou à la suite d'une
ordonnance du tribunal que la réglementation s'applique. Donc, lorsque
l'on aura vraiment établi qu'il y a discrimination. Je pense qu'on ne
pourra contester le fait qu'il y ait intervention s'il y a preuve de
discrimination. Mais, encore une fois, l'impression que j'ai eue à la
lecture de votre mémoire est que vous parlez comme si toutes les
entreprises du Québec allaient devoir se soumettre au présent
règlement.
Mes questions sont les suivantes, j'en ai deux. À la page 33 de
votre mémoire, vous reprochez au règlement une approche que vous
qualifiez d'arbitraire. Pourtant, d'après le règlement, les
objectifs seront fixés à partir d'analyses préalables
seulement s'il y a, encore une fois, des éléments qui
établissent qu'il y a discrimination. Il y aura analyse préalable
justement pour éviter la fixation d'objectifs arbitraires ou
artificiels. Comment pouvez-vous dire que le règlement est arbitraire?
Il me semble que c'est justement le contraire. Il faudra qu'il y ait analyse
préalable au sein de l'entreprise pour fixer des objectifs. Donc, les
objectifs ne seront pas, il me semble, fixés de façon arbitraire
par quelqu'un, une commission ou
un tribunal. Comment pouvez-vous dire que le règlement est
arbitraire? Dans quel sens?
Le Président (M. Gagnon): M. Létour-neau.
M. Létourneau: M. le Président, je vais tenter, si
vous me le permettez, de répondre aux questions du député
dans l'ordre où elles ont été posées. J'ai retenu
tout d'abord une observation qui pouvait aussi être une question à
notre égard: On ne parle pas des autres groupes qui peuvent être
touchés par le règlement. Nous y avons fait allusion à
deux ou trois reprises dans notre document et nous y faisons allusion dans nos
recommandations aussi, car nous disons que lorsque la réglementation
s'appliquera pour plus d'un groupe à la fois au même endroit,
disons qu'elle s'applique pour les femmes, pour les handicapés, pour les
personnes d'une ethnie étrangère et que les trois seraient
à la fois discriminés, quel groupe aura priorité dans un
contexte semblable? Ce n'est pas très clair d'après le
règlement; comment va-t-on s'en sortir?
Nous avons donc référé au fait que de couvrir
plusieurs groupes à la fois et le fait que plusieurs groupes à la
fois pourraient recourir à la réglementation pour invoquer
discrimination pourrait placer l'employeur dans une situation vraiment
embêtante. Mais, enfin!
Vous parlez, M. le député, de l'éventualité
où les femmes occupent 50 % des postes décisionnels. Les
études et les projections qui ont été faites indiquent que
même si toutes les femmes disponibles et compétentes pour le faire
obtenaient un poste décisionnel, en l'an 2000, on ne pourrait pas
dépasser plus de 35 % de la proportion des femmes qui auraient ces
fonctions. C'est tout simplement une question de marché, de
disponibilité sur le marché. Ce n'est pas nous qui avons
inventé cela, c'est une étude assez sérieuse - à la
page 18 - de Ciurak et Sims qui a été faite, je crois, pour le
compte du ministère des Finances du Canada.
M. le député a donné sa perception de notre
mémoire, nous ne sommes pas maîtres de cette perception à
savoir que nous contestons l'existence du règlement. Nous ne disons pas
qu'il n'y a pas de discrimination. Bien clairement, dans le texte de notre
mémoire, nous disons que nous ne contestons pas qu'il puisse y avoir
discrimination quelque part, ce n'est pas impossible. Donc, nous ne contestons
pas le règlement. Nous n'avons pas dit dans ce mémoire que nous
ne voulons pas du règlement. Nous avons dit: Nous pensons que le
règlement devrait être fait de manière différente,
devrait avoir une approche volontaire, fonctionner par objectifs et, dans ce
sens, être plus souple et peut-être s'inspirer un peu de la
réglementation fédérale qui est beaucoup plus souple ou,
si on veut un exemple québécois, de la loi 101 où ce sont
les employeurs qui, face à une situation où il était
évident qu'il fallait faire de la francisation, établissaient
leurs programmes et leurs objectifs et là, les faisaient au rythme
où cela pouvait être acceptable pour l'entreprise, sans trop de
distorsions et de coûts.
Enfin, l'approche arbitraire dont nous parlons, M. le Président,
est à savoir que -nous le disons à la page 33 de notre
mémoire - le contenu du règlement est tellement flou qu'il manque
des notions, des encadrements. 11 en manque tellement, en fait, que ce qui va
arriver, c'est qu'on refile tout le jugement à la Commission des droits
de la personne. À notre avis, il y a le glissement des
responsabilités du législateur vers un appareil administratif
quasi judiciaire qui, lui, aura toute latitude d'établir la
réglementation comme il le jugera, de faire la classification des
groupes, de déterminer comment on définit la compétence et
beaucoup d'autres choses qui seront laissées à la
discrétion, finalement, de la commission. C'est en ce sens que nous
appelons cela de l'arbitraire; en ce sens que ce que nous croyons être
des responsabilités du législateur au point de vue de la
précision de ce règlement, sont refilées à la
commission.
Nous ne prétendons pas a priori que la commission est un
organisme arbitraire. Ce que nous voulons dire c'est que ce qu'il y a dans le
règlement ne donne pas aux employeurs les véritables
règles du jeu par rapport à ce que seront les programmes. On ne
le saura vraiment que lorsque ces définitions auront été
données par la commission elle-même. En ce sens, nous croyons que
c'est refiler à la commission des droits ou des responsabilités
qui appartiennent au législateur.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le
député de Fabre, avant de vous donner la parole, je sais que
votre collègue a également une couple de questions à
poser.
M. Leduc (Fabre): Oui.
Le Président (M. Gagnon): II reste cinq minutes au
maximum.
M. Leduc (Fabre): Oui, M. le Président. Un petit
commentaire. Vous faites référence à la loi 101 et
à la façon dont on l'applique. On peut faire un parallèle
intéressant. Il me semble que c'est à peu près de la
même façon... C'est-à-dire que l'employeur, dans le cas des
programmes pour l'accès à l'égalité, décide
du type de programme qu'il veut appliquer dans son entreprise. Il peut y avoir
plusieurs formules, plusieurs modèles de programmes. Le règlement
n'impose pas un modèle de programme d'accès à
l'égalité.
M. Létourneau: La commission va l'imposer, par
exemple.
M. Leduc (Fabre): Pas nécessairement. M.
Létourneau: Bien, elle...
M. Leduc (Fabre): C'est pour cela que je dis qu'il y a un
parallèle intéressant à établir. Ce n'est que,
lorsqu'il y a preuve de discrimination...
M. Létourneau: Excepté pour les 335 compagnies...
Incidemment, on aimerait bien avoir une réponse du gouvernement, M. le
Président. Est-ce que, oui ou non, ces compagnies vont être
obligées d'avoir un programme d'accès à
l'égalité?
M. Leduc (Fabre): Oui, mais encore une fois, dans le cas de la
francisation des entreprises, chaque entreprise était obligée
d'avoir un programme. Bon. De la même façon, chaque entreprise
dont vous parlez -celles qui ont un contrat avec le gouvernement - pourrait,
effectivement, être obligée d'avoir un programme. Mais, entre
avoir un programme et être assujetti au règlement qui est ici, il
y a une différence. Il faut bien se comprendre: ce n'est pas un
modèle de programme qui est ici. Cela devient obligatoire lorsqu'il y a
preuve de discrimination. Si vous nous dites qu'il n'y a pas beaucoup de
discrimination - enfin, je ne le sais pas - mais vous dites que,
peut-être, il y a discrimination.
M. Létourneau: Nous ne prétendons pas qu'il n'y en
a pas du tout.
M. Leduc (Fabre): Non, non, vous ne prétendez pas cela.
Donc, cela peut s'appliquer à un faible pourcentage d'entreprises. Cette
réglementation ne s'applique pas nécessairement à toutes
les entreprises. Merci, M. le Président.
M. Létourneau: M. le Président, nous ne pouvons pas
savoir.
Le Président (M. Gagnon): M. Létourneau.
M. Létourneau: Nous ne pouvons pas savoir, parce que tout
dépend de la façon dont la commission va organiser les
modalités plus précises, les normes administratives qui vont
découler de ce règlement qui, à notre avis, est
très flou. À ce moment-là, on verra combien il sera facile
pour un individu de porter plainte, et ainsi de suite.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le
député de Châteauguay, très rapidement.
M. Dussault: Oui, M. le Président. D'abord, je voudrais
donner une réponse à une question qui a été
posée tout à l'heure. On se demandait tous ce qui était
sorti de Décisions 85 à l'égard des contrats
gouvernementaux avec des entreprises. On nous a donné la réponse
tout à l'heure, soit que Mme Lalonde et M. Johnson avaient avancé
que les contrats gouvernementaux seraient conditionnels à l'existence de
programmes d'accès à l'égalité mais que ces
programmes ne seraient pas soumis à la réglementation. Cela veut
dire qu'à toutes fins utiles, on serait intéressé qu'il y
ait des programmes d'accès à l'égalité dans les
entreprises concernées, mais que toute la réglementation, telle
qu'on l'étudie présentement, ne s'appliquerait pas à ces
programmes dans les entreprises concernées. Il me paraissait utile de
donner l'information.
Cela dit, j'ai une question à poser. C'est une question que j'ai
abordée quelque peu, ce matin, avec les représentantes du Conseil
du statut de la femme qui ont donné une réponse
intéressante là-dessus. Plusieurs organismes demandent que les
syndicats et les employés membres du groupe cible soient
impliqués dans l'implantation des programmes d'accès à
l'égalité dans une entreprise. Croyez-vous qu'une telle
participation soit souhaitable? Et, quelle forme pourrait-elle prendre, selon
vous?
M. Létourneau: M. le Président, d'abord, si le
règlement demeure ce qu'il est, nous ne sommes pas favorables à
cette forme de participation. Sur la question de l'emploi, il y a
déjà suffisamment de droits de gérance qui ont
été arrachés à l'employeur par des lois, et nous ne
sommes pas d'accord pour qu'il y en ait d'autres, surtout si le
règlement demeure dans sa forme actuelle. Si on le modifiait pour une
approche volontaire, nous aimerions, à ce moment-là,
réévaluer la question que nous pose M. le député
qui, à ce moment-ci, est un peu hypothétique et qui demanderait
pour nous un peu plus de réflexion. (16 heures)
M. Dussault: Merci. J'étais bien conscient que
c'était hypothétique. Je me suis même dit que
peut-être vous pourriez me dire que vous ne répondez pas aux
questions hypothétiques. Je termine avec cela, M. le Président.
Si le rôle syndical était purement consultatif, est-ce que,
malgré que vous ne soyez pas d'accord avec l'esprit de la
réglementation présentement, cela vous apparaîtrait quand
même... Le Conseil du statut de la femme nous disait d'ailleurs ce matin
qu'il voyait le rôle syndical comme un rôle consultatif.
M. Létourneau: M. le Président, nous favorisons et
nous recommandons à nos membres employeurs, à nos 4700
membres
employeurs dans tout le Québec qui emploient près de 600
000 personnes, le dialogue avec leurs employés, syndiqués ou non,
la communication la plus ouverte possible. Nous pensons que c'est souhaitable.
De la même façon, pour un cas spécifique, entre autres,
nous disons: II est très souhaitable que l'employeur discute avec ses
employés de l'implantation de nouvelles technologies. Nous sommes 100 %
d'accord avec cela pour que cela se fasse mais nous sommes absolument contre
une loi qui l'impose parce qu'à ce moment-là on vient
déséquilibrer complètement l'autorité de
l'employeur et son droit de gérance dans l'entreprise.
Si, par contre, des employeurs sont d'accord pour discuter et
négocier avec leur syndicat la question, nous n'avons aucune
objection.
Le Président (M. Gagnon): Merci. Je remercie la Chambre de
commerce du Québec pour votre participation à cette commission.
Je demande maintenant à la Fédération des associations de
professeurs des universités du Québec de prendre place.
Nous suspendons nos travaux pour cinq minutes.
(Suspension de la séance à 16 h 2)
(Reprise à 16 h 7)
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous
plaît! Nous allons poursuivre nos travaux.
Je souhaite la bienvenue à la Fédération des
associations de professeurs des universités du Québec. Mme
Robinson, qui en est la présidente, avant de vous laisser la parole, je
vous dis que, normalement, on essaie de s'en tenir à 55 minutes, soit 20
minutes ou moins pour le mémoire et le reste du temps pour dialoguer
avec les membres de la commission. Je vous laisse le micro
immédiatement, en vous demandant de nous présenter les gens qui
vous accompagnent.
FAPUQ
Mme Robinson (Ann): D'accord. Je vous remercie. Je vous
présente, à ma gauche, Huguette Dagenais, qui est
vice-présidente d'un syndicat membre de notre fédération,
le SPUL, de l'Université Laval, et, à ma droite, Me Evelyne
Saint-Pierre, qui a été l'initiatrice et la rédactrice du
mémoire qui vous est présenté.
Avant de vous présenter le mémoire dans son contenu, je
voudrais faire une petite mise au point pour ne pas vous laisser sous
l'impression que la Fédération des associations de professeurs
des universités du
Québec est entièrement et uniquement gérée
par des femmes. Malheureusement, je suis la seule et unique membre
présidente et employée de la fédération. Je suis la
seule femme. Huguette est l'une des rares personnes et l'une des rares femmes
à être membre de l'exécutif d'un syndicat membre de la
fédération. Tous les présidents des syndicats de la
fédération sont des hommes.
Avant d'entrer dans le vif du sujet, permettez-nous tout d'abord de vous
présenter brièvement la Fédération des associations
de professeurs des universités du Québec et plus
particulièrement, de façon plus courte, la FAPUQ.
Créée en corporation sans but lucratif le 17 novembre 1969, la
FAPUQ a été constituée en fédération de
syndicats professionnels le 5 mai 1979. Elle réunit douze associations
et syndicats de professeurs d'universités qui comptent plus de 5000
membres. Tout en respectant l'autonomie des associations et syndicats
affiliés, la FAPUQ travaille à la promotion des
intérêts professionnels, économiques et sociaux des
professeurs d'université.
Au cours des dernières années, la fédération
a accru le nombre de ses interventions publiques pour faire part de ses
perspectives sur des sujets préoccupant ses membres. Aujourd'hui, la
FAPUQ est heureuse de venir communiquer ses commentaires sur le projet de
règlement sur les programmes d'accès à
l'égalité. Ce sujet, comme vous pourrez le constater grâce
aux données statistiques qui vont suivre, concerne et préoccupe
directement la FAPUQ.
Nous ne pouvons faire part de nos commentaires sur les programmes
d'accès à l'égalité sans soulever auparavant la
situation particulière des universités au Québec. Il est
évident que les politiques de sous-financement qui se sont abattues sur
nos universités n'ont pas aidé celles-ci à ouvrir de
nouveaux postes au sein du corps professoral. Un des effets négatifs de
la chute du financement public des universités est le ratio
étudiants-professeur qui a grimpé de 30 % en moins de dix ans.
Annuellement, les universités ont subi des coupures de l'ordre de 300
000 000 $. Il y eut le gel de postes alors que, pendant ce temps, il aurait
dû y avoir création de 1500 nouveaux postes entre 1978-1979 et
1983-1984.
Les chiffres que nous allons vous offrir démontrent clairement
que, bien qu'elles aient effectué un grand effort de rattrapage, les
femmes demeurent aux portes des universités. Comment pallier cette
situation de discrimination alors que nos universités se
débattent continuellement contre les restrictions
budgétaires?
En 1982, le gouvernement du Québec modifia la Charte des droits
et libertés de la personne pour y prévoir, entre autres,
l'implantation de programmes d'accès à l'égalité.
La mise en vigueur des articles
pertinents est conditionnelle à l'adoption d'un règlement
d'application devant fixer les critères, normes, barèmes,
conditions ou modalités concernant l'élaboration, l'implantation
ou l'application de programmes d'accès à l'égalité,
en établir les limites et déterminer toute mesure
nécessaire ou utile à ses fins.
Or, en 1985, le gouvernement en est toujours à l'étape
consultative sur la troisième version de son projet de
règlement.
La préparation de ce dernier est une tâche fastidieuse, car
il sera l'outil primordial devant tracer les paramètres exacts de
l'implantation de la loi.
Celle-ci n'offrant qu'un cadre bien général, il est normal
que tous ceux se sentant concernés par les programmes d'accès
à l'égalité attendent énormément du projet
de règlement.
C'est dans ce contexte que la FAPUQ s'est penchée sur
l'étude du projet offert par le gouvernement. Nous vous livrerons, dans
les lignes qui vont suivre, le contenu de notre réflexion en regard tant
de la loi que du projet de règlement en tant que tel.
Outre de permettre l'entrée en vigueur des articles 86.1 à
86.7 de la charte, le projet de règlement du gouvernement vise
essentiellement les programmes recommandés par la Commission des droits
de la personne ou imposés par le tribunal en vertu de l'article 86.3 de
la charte, lesquels touchent les secteurs de l'emploi, les services
d'éducation offerts au public, ainsi que les services de santé et
autres services offerts au public. Par conséquent, les programmes
volontaires approuvés par la commission, en vertu de l'article 86.2 de
la charte, ne sont pas soumis aux exigences prévues dans le projet de
règlement.
Ce dernier, le projet de règlement, mentionne ce que doit
contenir un programme d'accès à l'égalité dont les
objectifs sont établis en tenant compte d'une analyse d'effectifs, de
disponibilité et du système d'emploi.
Le règlement prévoit ce qu'indique
précisément chacune de ces analyses. On y explique la raison des
mesures d'égalité et de redressement, les premières devant
mettre fin aux pratiques discriminatoires, les deuxièmes devant accorder
temporairement aux membres du groupe cible certains avantages
préférentiels.
On y soulève la possibilité de mesures de soutien dans
l'implantation des programmes, et ce au profit de tous les employés et
non seulement à celui des membres du groupe cible.
Quels sont les protagonistes proposés dans le projet de
règlement? L'aspect le plus déroutant, a notre avis, du projet de
règlement, est sans nul doute les protagonistes prévus pour la
mise en place des programmes d'accès à
l'égalité.
Tout l'enjeu semble reposer sur les épaules des employeurs, de la
Commission des droits de la personne et, finalement, des tribunaux. Où
sont les syndicats et associations représentant les salariés?
Qu'arrivera-t-il lorsque l'employeur, la commission ou le tribunal
implanteront un programme pouvant aller à l'encontre des dispositions
des accords collectifs?
Peut-on croire à un projet de société d'une telle
envergure où le souci de justice sociale prévaut alors que tous
les concernés, justement, n'y trouvent pas un rôle essentiel?
Comment réagiront les laissés-pour-compte?
De nombreux syndicats et associations ont déjà tout un
travail d'analyse et de réflexion sur les questions
d'égalité en emploi. Des efforts sont entrepris au chapitre de la
négociation collective de travail. Certaines associations ou syndicats
membres de la FAPUQ possèdent déjà des mesures d'action
positive dans leur convention collective. Il est difficile de croire et
même d'accepter que tout ce travail soit laissé en plan.
Le législateur doit donner un rôle à tous les
partenaires sociaux et non pas uniquement à l'employeur et aux
employés en situation d'autorité.
La loi et son règlement d'application doivent avoir une incidence
directe sur le représentativité de toutes les instances
touchées par l'application des programmes d'accès à
l'égalité.
La FAPUQ n'accepte pas cet oubli du gouvernement et s'oppose à
l'adoption du règlement sans une modification prévoyant un
râle actif des associations de salariés dans l'implantation des
programmes d'accès à l'égalité.
Un autre point qui soulève notre inquiétude est la
possibilité que plusieurs programmes d'accès à
l'égalité puissent coexister chez un même employeur.
La rédaction de l'article 86.1 et du règlement
l'accompagnant laisse croire que tout groupe de personnes souffrant de
discrimination à l'emploi, par exemple, pour un quelconque motif de
discrimination énuméré à l'article 10, pourrait
entreprendre des démarches auprès de la Commission des droits de
la personne afin qu'elle en vienne, après enquête, à
recommander l'établissement d'un programme d'égalité.
C'est donc dire que, hypothétiquement, un programme en faveur des
femmes pourra être implanté en même temps que d'autres
visant les homosexuels, les handicapés, les Asiatiques, etc.
Bien que nous ne contestions nullement le bien-fondé de
programmes d'accès à l'égalité pour tous les
groupes souffrant de discrimination, nous croyons que le gouvernement aurait
dû limiter l'implantation des programmes à certains groupes
déterminés
qui ont déjà fait la preuve à maintes reprises de
la discrimination dont ils ont été et sont encore victimes.
Par exemple, les chiffres que la FAPUQ possède sur la situation
des femmes dans les universités au Québec sont fort
éloquents et nul besoin d'une enquête de la commission ou d'un
jugement du tribunal pour établir l'existence d'une situation de
discrimination.
Les femmes ont été et sont toujours minoritaires dans le
corps professoral universitaire. L'évolution est très lente. Par
exemple, de 1972-1973 à 1980-1981, le pourcentage des professeures est
passé de 13,7 % à 16,1 %, soit une augmentation de 2,3 % en huit
ans.
Si l'on observe de plus près les relevés chiffrés,
nous constatons que les femmes professeures d'université demeurent
généralement cloisonnées dans des domaines
traditionnellement féminins comme les beaux-arts, l'éducation et
les humanités. Par contre, dans les facultés de génie, de
mathématiques et de sciences physiques, les femmes représentent
à peine 1,3 % à 4,7 % des effectifs. Et pourtant,
l'évolution de la diplômation chez les femmes témoigne de
la disponibilité d'une main-d'oeuvre qualifiée. Entre 1975 et
1980, le nombre de diplômes universitaires a presque doublé chez
les femmes, c'est-à-dire une hausse de 74 %, alors qu'il a très
peu changé chez les hommes, une hausse d'à peine 26 %.
De 1975 à 1981, il y a une augmentation appréciable de
femmes diplômées dans les trois cycles d'études: 19,4 % au
premier cycle; 62,1 % au deuxième cycle et 48,3 % au troisième
cycle. Les diplômés masculins, par contre, accusent, eux, une
diminution dans les trois cycles: moins 6 % au premier cycle; moins 1,2 % au
deuxième cycle et moins 10,3 % au troisième cycle.
Ces chiffres témoignent que l'heure des changements a
sonné. D'ailleurs, le Conseil supérieur de l'éducation
dans son avis sur la situation des femmes dans le système d'enseignement
ne recommandait-il pas "la mise sur pied d'un programme d'accès à
l'égalité visant à assurer une plus juste
représentation des femmes à tous les niveaux et secteurs du
système d'éducation en tant qu'étudiantes et
travailleuses, c'est-à-dire enseignantes, cadres, employées de
soutien, etc."?
Tout cela prouve jusqu'à quel point ce groupe spécifique
ne peut se permettre d'attendre et que nous irions même jusqu'à
recommander l'adoption d'une présomption de discrimination envers ce
groupe. Il reviendrait donc à l'employeur de prouver que le nombre
inférieur de femmes dans son corps professoral, par exemple, n'est pas
une conséquence de mesures discriminatoires à l'embauche ou
à la promotion.
Le règlement devant fixer les conditions ou modalités
concernant l'implantation ou l'application des programmes. Il est surprenant de
constater qu'il n'existe aucune procédure précise à cet
effet dans le projet. La loi accorde un pouvoir discrétionnaire total
à la commission quant à la recommandation de programmes
d'accès à l'égalité ainsi qu'à la
possibilité d'avoir recours au tribunal pour en imposer
l'application.
À l'article 86.1 de la charte, on semble dire qu'il faut d'abord
faire la preuve d'une situation de discrimination avant même de parler de
mettre sur pied un programme d'accès à l'égalité.
Établir une telle situation selon les exigences de l'article 10 de la
charte n'est pas aisé. Nous voyons déjà toutes les
batailles judiciaires qui naîtront de cette question.
Des paramètres précis, des délais de rigueur
auraient dû être prévus. Avec ce que nous offre le
gouvernement, c'est-à-dire son silence, on ne peut savoir quand
exactement pourront naître les premiers programmes d'accès
à l'égalité.
En soumettant l'implantation des programmes à la volonté
patronale ou au long processus d'enquête de la commission ou encore aux
délais judiciaires exorbitants et ce, sans présomption en faveur
des groupes cibles, le gouvernement expose ces derniers à une attente
qui risque d'être longue.
Dans le cas des femmes, les chiffres sont éloquents. La situation
est urgente et les mesures de rattrapage doivent être rapides et
efficaces.
Une obligation formelle de soumettre un rapport d'analyse dans un
délai déterminé pourrait tout au moins éviter
l'inaction des entreprises et des administrations universitaires jusqu'à
ce que la commission fasse enquête. Une telle mesure pourrait
également faciliter une plus grande visibilité de la situation
des salariés et forcer la réflexion collective.
Nous nous expliquons difficilement que les programmes volontaires
approuvés par la Commission des droits de la personne ne soient pas
soumis aux exigences du projet de réglementation. Cette exclusion risque
d'entraîner des conséquences désavantageuses. Entre autres,
ces programmes n'auront pas à respecter les objectifs quantitatifs
prévus au paragraphe 3 du règlement. Les employeurs ne seront pas
tenus de faire rapport à la commission. Que contiendront ces programmes?
Quelles seront les exigences de la commission pour en approuver l'implantation?
Autant de questions laissées sans réponse.
Enfin, nous nous demandons si les exigences, parfois très
rigoureuses, du règlement visent à favoriser l'implantation de
ces programmes dits volontaires, mais qui en fait n'offrent aucune garantie
minimale quant à leur contenu.
Le règlement prévoit plusieurs analyses complexes. Ces
analyses pouvant être fort longues, nous nous demandons si le
gouvernement n'offre pas ainsi une possibilité de retarder
indûment l'implantation des programmes. À ce propos, voici ce que
mentionnait Mme Marie-Paule Dubé, chef du Service de l'accès
à l'égalité auprès du Conseil du trésor,
dans le Devoir du 14 février 1985, pour excuser les retards du conseil
dans l'implantation de programmes d'accès à
l'égalité dans les ministères et organismes
gouvernementaux. Je cite: "L'étude de disponibilité de la
main-d'oeuvre, préalable à l'implantation d'un programme, est une
tâche simplement monstrueuse." De tels propos font craindre que
l'implantation des programmes soit éternellement reportée faute
de temps pour effectuer les analyses exigées par le règlement.
"Il est évident que la collaboration des groupes cibles est essentielle
à l'établissement et à la mise en oeuvre des programmes
à leur intention." Cette phrase du juge Abella, dans son rapport sur
l'égalité en matière d'emploi, est tout à fait
juste, et nous nous demandons pourquoi le gouvernement québécois
n'a pas prévu un rôle de premier plan aux membres des groupes
cibles dans l'élaboration et l'implantation des programmes
d'accès à l'égalité.
Le paragraphe 6 du règlement énonce le but d'une analyse
du système d'emploi. Elle permet, entre autres, d'identifier les
pratiques même apparemment neutres qui ont un effet discriminatoire dans
la gestion de l'entreprise, sans qu'elles soient fondées sur des
exigences de sécurité ou d'efficacité administrative.
Est-ce à dire qu'une pratique discriminatoire fondée sur des
exigences de sécurité ou d'efficacité administrative
serait excusable et n'aurait pas à être modifiée par un
programme d'accès à l'égalité?
Permettre de telles excuses sans en délimiter les applications
risque d'entraîner des effets pervers. En effet, n'a-t-on pas
déjà refusé l'embauche des femmes dans des chantiers de
construction pour des raisons de "sécurité"? Combien d'employeurs
invoqueront l'efficacité administrative pour justifier l'inexistence de
mesures favorisant la promotion des femmes dans leurs entreprises?
Le laconisme du législateur compliquera la preuve de la
discrimination. Comment prouver efficacement que la discrimination dans
l'emploi est due au sexe, alors que l'employeur possède toute la
latitude pour fournir cent bonnes raisons à son attitude? De telles
mesures d'exceptions à l'établissement de programmes
d'accès sont inquiétantes. Il ne faut pas se le cacher, et c'est
Odile Dhavernas que je cite: "Si les femmes coûtent plus cher que les
hommes sur le marché du travail, elles auront encore moins de chances
d'être employées." Le législateur aurait dû faire
preuve de plus de fermeté et prévoir des limites aux excuses
légitimes.
Nous aurions également souhaité que le règlement
vienne circonscrire de façon précise dans quel cas la commission
pourra ne pas recommander l'implantation d'un programme d'accès à
l'égalité et quand elle pourra décider de ne pas recourir
au tribunal pour forcer l'implantation du programme dont la recommandation
n'aura pas été suivie. La même exigence s'impose lorsqu'il
s'agit de retirer l'approbation de la commission, de modifier ou d'annuler un
programme.
Le silence du législateur sur cette question s'explique
difficilement. Imaginez un peu le sentiment de désarroi d'un groupe pour
lequel la commission recommande un programme d'accès à
l'égalité et qui constate l'inaction de cette dernière
devant le défaut d'agir de l'employeur. La commission n'étant pas
tenue de motiver sa décision, rien ne laisse prévoir qu'elle le
fera volontairement.
Le même pouvoir discrétionnaire se comprend mal
également lorsqu'il s'agit d'exiger des rapports. En effet, comment
mesurer la réussite d'un programme d'accès à
l'égalité sans en posséder les résultats? Comme le
mentionnait la juge Abella dans son Rapport sur l'égalité en
matière d'emploi, et je cite: "...pour évaluer les
résultats, il faut des données. L'employeur doit être tenu
de fournir ces données." Pourquoi ne pas poser cette exigence envers les
programmes volontaires qui auront été approuvés par la
commission? Nous ne comprenons point l'exception accordée à ces
programmes.
Enfin, nous aurions également souhaité que le
règlement mentionne ce qui, en pratique, sera générateur
de faits nouveaux pouvant justifier la modification, le report ou l'annulation
d'un programme d'accès à l'égalité tel que
prévu à l'article 86.6.
Nulle part dans la loi ou dans le règlement il n'est fait part
d'une quelconque sanction envers l'employeur qui ferait défaut de
respecter les obligations prévues par le législateur. Quelle sera
l'efficacité des mesures pour lequelles on ne prévoit aucune
sanction en cas de défaut, ni aucune obligation envers la commission
à les faire respecter?
L'implantation des programmes d'accès n'ira pas sans
entraîner certains coûts. À l'instar de la France, nous
croyons que le gouvernement aurait dû prévoir une aide
financière aux programmes les plus prometteurs. Outre le fait de
posséder un caractère incitatif, une telle forme d'aide aurait
l'avantage d'éviter les excuses de nature administrative.
Au paragraphe 10 du projet de règlement, on mentionne que
l'employeur confie la responsabilité de l'implantation du programme
à un employé en autorité. C'est
donc dire que même dans le processus d'implantation, le
gouvernement ne prévoit donner aucun rôle tant aux associations de
salariés qu'aux membres des groupes cibles. Ceci est inadmissible. Les
mesures qui seront imposées visent toute la communauté et chacun
de ses membres doit y participer tout au long du processus.
L'implantation efficace de programmes d'accès ne va pas, selon
nous, sans l'instauration de mesures de soutien. Par exemple, comment
prévoir des cours de perfectionnement sans offrir la possibilité
de quitter le travail sans perte financière ou encore de prévoir
des haltes-garderies si les cours se donnent le soir? Alors, nous nous
expliquons mal la discrétion accordée à l'employeur sur
cette question, au paragraphe 8 du règlement, ainsi que l'obligation qui
lui est faite d'offrir ces mesures à l'ensemble du personnel. À
notre avis, il n'est pas possible d'appliquer des mesures identiques à
des personnes placées dans des situations inégales, faute de quoi
il en résulterait une permanence des inégalités.
Les commentaires exposés ci-haut s'appliquent tout autant aux
programmes touchant les services d'éducation. Par ailleurs, nous aurions
souhaité des mesures précises quant à l'orientation des
filles dans le réseau scolaire. À cet effet, l'avis du Conseil
supérieur de l'éducation dont nous avons fait état plus
haut contient toute une gamme de recommandations spécifiques à
l'orientation des femmes dans notre système d'éducation.
Entre autres, le conseil recommandait à cette époque au
gouvernement qu'il incite tous les intervenants professeurs, orienteurs, etc.
qui travaillent auprès des jeunes à stimuler les filles à
poursuivre leurs études dans des voies non traditionnellement
féminines. Le gouvernement pourrait même s'interroger sur les
avantages d'offrir des bourses préférentielles aux femmes voulant
entreprendre des études plus avancées. Les chiffres le prouvent,
plus la scolarité est élevée, plus grande est la
proportion des femmes en emploi et moins grande est celle en chômage.
Nous avons livré dans les pages précédentes ce que
nous croyons être les principales lacunes du projet de règlement
offert par le gouvernement. En résumé, nous pouvons dire que nous
sommes déçus du manque de fermeté du gouvernement dans
l'implantation des programmes d'accès à l'égalité.
Le processus mi-volontaire, mi-obligatoire ne saurait répondre aux
attentes des membres des groupes cibles et en particulier les femmes, qui ont
prouvé depuis longtemps l'urgence des mesures visant à
régler la situation discriminatoire qu'elles vivent, entre autres, sur
le marché du travail.
Pourtant, ce ne sont pas les études ni les analyses qui manquent
pour aider le gouvernement dans ce grand projet où l'accès
à une pleine égalité prévaut. L'écart entre
les demandes des groupes cibles et les mesures proposées s'accentuera
davantage si le gouvernement persiste à écarter les associations
de salariés/es ainsi que les membres des groupes cibles dans le
processus d'implantation des programmes d'accès à
l'égalité. (16 h 30)
En demeurant trop près des préoccupations administratives
des employeurs, sans offrir une aide réelle pour pallier les excuses de
cette nature, le gouvernement fait preuve d'une volonté mitigée.
Les pistes de réflexion sont nombreuses et nous encourageons fortement
le gouvernement à en tenir compte avant d'adopter un règlement
qui ne satisfera personne.
Si le gouvernement veut réellement offrir une chance
d'accéder à une pleine égalité aux femmes dans nos
universités, il doit considérer l'impact que le financement des
universités a sur la création de nouveaux postes. Sans argent,
comment les universités pourront-elles engager plus de femmes afin
d'atteindre l'équilibre entre les hommes et les femmes dans leur corps
professoral?
Nous l'avons déjà souligné, les femmes seront et
sont encore les premières victimes du sous-financement aux
universités. Alors, comment croire à des mesures qui ne pourront
trouver aucune application pratique? Le gouvernement ne peut nous offrir un
projet axé sur un volontarisme qui ne trouve aucun écho favorable
chez les employeurs.
Nous croyons que l'heure des obligations a sonné et la
fermeté est de mise. Non seulement le gouvernement doit-il inclure tous
les intéressés dans son projet, mais lui-même doit faire
montre de sa propre volonté d'y participer activement. Les formes de
l'expression de cette volonté peuvent être nombreuses. Par
exemple, des injections d'argent dans la création d'emplois, l'octroi de
bourses d'études préférentielles devraient être
considérées.
Le gouvernement devrait chercher à faciliter la tâche des
partenaires sociaux, plutôt que de l'alourdir en réclamant des
analyses fastidieuses et longues. Le processus d'implantation gagnerait
à être révisé, si le gouvernement désire une
application réelle des programmes d'accès à
l'égalité.
Dans sa version actuelle, le projet de règlement est inacceptable
pour de nombreuses raisons et les laissés-pour-compte que nous sommes,
en tant que représentants des salariés, nous nous opposons
à son adoption. Nous invitons le gouvernement à réviser
cette version du règlement afin que tous les concernés se
trouvent impliqués dans ce projet de société et que les
programmes d'accès à l'égalité puissent s'appliquer
réellement. Merci.
Le Président (M. Gagnon): Merci, madame. M. le
député de Fabre.
M. Leduc (Fabre): Merci, M. le Président. Je voudrais
d'abord remercier les représentantes de la Fédération des
associations de professeurs des universités du Québec, Mme Ann
Robinson, Mme Evelyne Saint-Pierre, Mme Huguette Dagenais, de leur
participation à la commission. Je pense que leur mémoire est
extrêmement bien fait. C'est un mémoire qui soulève
beaucoup de questions très pertinentes, à mon avis.
Cependant, l'impression que j'ai du mémoire, c'est qu'il vise
plutôt ou reproche au gouvernement de ne pas avoir une politique globale
de programmes d'accès à l'égalité, alors que la
réglementation dont on parle ici, il est vrai que c'est beaucoup plus
limité que ce que vous engagez le gouvernement à faire dans votre
mémoire.
La portée du règlement est très bien
mentionnée à l'article 1: Toute personne qui élabore,
implante ou applique un programme d'accès sur recommandation de la
commission ou à la suite d'une ordonnance du tribunal. Vous dites que
c'est insuffisant, c'est-à-dire qu'on ne devrait pas se contenter d'un
règlement qui dit: C'est seulement sur preuve de discrimination qu'il y
aura intervention du tribunal ou de la commission. Un argument que vous
utilisez, qui m'a frappé, c'est de dire: II y aura des délais
interminables si on a recours à cette procédure d'aller devant la
commission ou devant le tribunal. Les délais seront interminables et
c'est une façon de retarder la mise en application des programmes
d'accès à l'égalité.
Je dois dire qu'on peut effectivement souhaiter que le gouvernement se
dote d'une politique d'accès à l'égalité; il n'est
pas dit qu'il ne le fera pas non plus. Ce que nous discutons ici, c'est d'une
réglementation qui accompagne les articles 86.1 à 86.7 de la
charte. Donc, il faut bien s'entendre au départ. On peut souhaiter autre
chose, mais ce dont nous discutons ici en commission, c'est d'une
réglementation très précise en fonction de la charte.
D'accord? Maintenant, vous reprochez au gouvernement sa fermeté. Encore
une fois, il n'est pas dit qu'il n'y aura pas une politique qui accompagnera ce
règlement. Je pense qu'il s'agit d'une étape. En tout cas, moi,
je le perçois comme cela: une étape qui devra être suivie
d'autres mesures qui devront être discutées dans la
société.
J'éprouve une crainte, et je l'ai déjà
formulée devant un autre groupe, c'est de voir une immense bureaucratie
mise en place pour imposer aux entreprises et aux organismes un programme
d'accès à l'égalité. Cela me fait peur: une
énorme bureaucratie avec des inspecteurs partout qui vont
vérifier sur place si on applique ou non un programme d'accès
à l'égalité. Pour l'instant, on fait appel aux
entreprises, aux organismes pour qu'il y ait, volontairement, une mise en place
de programmes d'accès à l'égalité et on verra ce
que cela donnera.
Deuxièmement, ce qu'on dit, c'est que, s'il y a discrimination,
on peut faire appel à la commission ou au tribunal et, à ce
moment-là, il y aura des mesures de redressement; des correctifs seront
apportés et le règlement qui est ici sera appliqué.
Bon.
Est-ce qu'on fait trop confiance aux employeurs et aux organismes? Il y
a un point d'interrogation. En tout cas, ma crainte... Je ne crois pas
tellement à une démarche bureaucratique qui vise à une
implantation forcée de programmes suivant une démarche
très rigoureuse. Ce n'est pas comme cela qu'on a agi dans le cas de la
loi 101 et, pourtant, on a obtenu des résultats fort intéressants
et mesurables aussi. Vous pouvez dire que cela a pris trop de temps. Mais, je
pense que, de toute façon, cela doit prendre un peu de temps. Je ne
pense pas qu'on puisse bousculer et ce n'est pas en bousculant les entreprises
et les organismes qu'on arrive à des résultats mais, c'est en
faisant appel à des mesures incitatives. Et, des mesures incitatives, je
crois qu'il devra y en avoir. Vous en proposez un certain nombre.
L'autre chose que je veux dire aussi, c'est que vous reprochez au
gouvernement de ne pas faire appel aux syndicats ou de négliger la part
syndicale. On a entendu cela, hier, de la part d'un autre groupe syndical.
Encore une fois, je réponds à cela que rien n'empêche les
syndicats de négocier. Cela peut se faire, sauf qu'il est important de
dire qu'à l'intérieur des syndicats, il doit y avoir des
consensus aussi. Cela, c'est important. Il doit aussi y avoir un débat
à l'intérieur des syndicats, à savoir quelle sera la
priorité dans les négociations. Qu'on en fasse une
priorité de cette question de l'accès à
l'égalité. Le débat à savoir si on en fera une
priorité ou non est à faire à l'intérieur de
beaucoup de syndicats. À partir de cela, on peut très bien
négocier. Rien n'empêche de négocier un programme
d'accès à l'égalité. Dans la réglementation,
rien ne l'empêche. Est-ce qu'on doit avoir une surveillance ou un genre
de comité paritaire? Vous ne parlez peut-être pas de comité
paritaire, mais vous parlez de participation du syndicat. Je trouve la
suggestion intéressante. Il pourrait y avoir une forme de comité
paritaire qui vise à surveiller le programme d'accès à
l'égalité, un peu sous la forme de la loi 101. C'est
déjà prévu dans le cas de la loi 101 et cela pourrait
être prévu ici également. Encore une fois, cela peut faire
l'objet d'une politique et non pas de la réglementation qui e9t ici.
Ma question serait la suivante: Dans votre mémoire, vous
mentionnez que
certaines associations que vous représentez possèdent
déjà des mesures d'action positive dans leur convention
collective; est-ce que vous pouvez nous parler un peu de ces mesures? Puisque
cela existe dans certaines conventions collectives, est-ce que vous voyez des
obstacles à ce que, effectivement, il y ait négociation sur ces
programmes dans l'état actuel des choses?
Le Président (M. Gagnon): Mme
Robinson.
Mme Robinson: Votre intervention était longue et j'avais
envie de répondre à certaines parties de l'intervention avant de
répondre à votre question précise qui est venue à
la toute fin. D'abord, au début de votre intervention, vous nous
annoncez que le projet de règlement sera peut-être suivi d'une
politique. Mais, à la fin, vous annulez un peu cette annonce en nous
disant que vous ne croyez pas vraiment à une politique d'accès.
Je ne crois pas que nous réclamions une politique d'accès
à l'égalité dans notre mémoire. Si, effectivement,
il y avait une politique d'accès, je pense qu'on serait heureuse sans
doute plus que si on nous présente uniquement ce projet de
règlement.
On n'a pas dit que le gouvernement était trop faible. On a dit
que le gouvernement manquait de fermeté; manquait de fermeté
à plusieurs niveaux et en particulier à celui d'annoncer
certaines mesures incitatives. C'est une première étape, on en
est parfaitement conscient. Cela fait plusieurs années qu'on
réclame quelque chose relativement à l'accès à
l'égalité, surtout pour les femmes. Ce quelque chose ne nous
apparaît pas assez structuré et défini pour aboutir quelque
part. Nous considérons que l'accès à
l'égalité est un projet de société. Si c'est un
projet de société, cela doit être entrepris par l'ensemble
des intervenants dans un projet de société, donc, les
associations et les syndicats d'employés. C'est dans ce sens qu'on dit:
Le projet manque de fermeté parce qu'il laisse de côté
toute une partie de gens intéressés à la question en ne
les nommant pas ou en ne leur imposant pas certaines parties du
règlement et en faisant l'obligation uniquement aux employeurs.
On pourrait peut-être prendre comme exemple le travail qui est
fait actuellement au niveau des associations paritaires de santé et
sécurité du travail. Il y a d'abord eu la CSST et, ensuite, il y
a une volonté de part et d'autre, de la partie syndicale et de la partie
patronale, pour aboutir à des programmes en matière de
santé et sécurité du travail par le biais des associations
paritaires dans les délimitations de territoire.
Je trouve que l'exemple est intéressant, parce qu'on a là
un endroit où on a pu avoir des tables paritaires où il y a des
choses qui se produisent au niveau de la santé et de la
sécurité du travail. Pourquoi ne pourrait-on pas avoir dans un
projet de règlement, je ne dirais pas une obligation mais une
responsabilisation de l'ensemble des intervenants dans le dossier? Qu'on le
veuille ou non, les employées, les femmes qui travaillent dans les
milieux où il y a des hommes également, où il y a des
conventions collectives, sont liées par les conventions collectives.
La négociation d'une convention collective, à mon sens,
devrait inclure la négociation de l'action positive ou de points en
termes d'action positive. Dans ce sens, pourquoi n'a-t-on pas cette
responsabilisation des syndicats ou cette volonté de faire participer
les syndicats à toutes les étapes de l'accès à
l'égalité dans le projet? C'est là le point fort de notre
document.
À la question que vous posez en fait, je dois répondre que
les mesures d'action positive qu'on retrouve dans certaines conventions
collectives de nos syndicats membres de la FAPUQ sont des mesures très
timides. La seule que je connaisse plus particulièrement, parce que cela
vient de mon syndicat - en fait, c'est le Syndicat des professeurs de
l'Université Laval - c'est une mesure qui dit en gros, à peu
près ceci: À compétence égale, on donne
priorité à l'embauche d'une femme. Maintenant, tout est dans la
définition de compétence égale. C'est la seule mesure
incitative, c'est-à-dire mesure d'action positive concrète qu'on
retrouve dans les conventions collectives universitaires.
M. Leduc (Fabre): Merci.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le
député. Mme la députée de Jonquière.
Mme Saint-Amand: Merci, M. le Président. J'aimerais
également offrir mes remerciements et mes félicitations aux
représentants de la Fédération des associations de
professeurs des universités du Québec, c'est-à-dire Mme
Robinson, bien sûr, Mme Saint-Pierre et Mme Dagenais, pour leur
présentation d'un mémoire très étoffé. S'il
y avait quelqu'un ici qui doutait qu'il se fait de la discrimination, je pense
que le ton convaincant de votre mémoire et celui que vous avez
employé auraient su vaincre tous les sceptiques. Imaginez si je
reprenais - je n'oserais pas dire à la blague parce que ce n'est pas
drôle du tout - certains propos déjà entendus sur la
discrimination à l'égard des femmes alors que quelqu'un disait:
Imaginez-vous, lorsqu'on est femme membre d'une communauté culturelle et
qu'en plus on se promène en fauteuil roulant, alors qu'on souffre de
tous les objets de discrimination possible, que peut-il survenir à une
personne affublée de cette façon, pour reprendre l'expression qui
avait été utilisée à l'époque? (16 h 45)
Vous avez apporté plusieurs points importants dont celui de la
participation de votre association de salariés à la mise en place
du règlement. Il y a aussi un autre point sur les emplois non
traditionnels et toute l'information qui doit être donnée,
l'orientation qui doit être donnée à nos filles et à
nos femmes. Ici, on pourrait peut-être mettre en évidence
certaines associations qui existent dans le domaine. Je pense à ARFA,
entre autres, qui existe à Jonquière, qui est une association
regroupant des femmes en emplois non traditionnels, qui s'est donné
comme objectif de regrouper ces femmes, de travailler au niveau de
l'orientation des étudiantes pour l'avenir.
Également, vous nous avez, en tout cas à mon sens,
apporté une révélation contrairement à certains
groupes qu'on a entendus hier et avant-hier, qui témoignaient en ce sens
que les femmes les moins scolarisées étaient celles qui
étaient le plus victimes de discrimination. Dans votre mémoire,
vos propos nous laissent croire que, même chez les femmes les plus
scolarisées, il y a également des femmes qui sont objets de
discrimination à un point fort élevé. Est-ce que vous
pouvez nous apporter des témoignages précis là-dessus?
Mme Robinson: En fait, le mémoire ne parle pas de
chiffres. Il y a un certain nombre de statistiques qu'on a voulu faire
ressortir pour le bénéfice de la commission. Il y a
également deux pourcentages, c'est-à-dire deux types de
statistiques que j'aimerais aborder avec vous pour essayer de répondre
à votre question, madame. Dans un premier temps, il faut constater que
dans les universités québécoises la forte majorité,
c'est-à-dire au-delà de 50 % des étudiants, sont
actuellement des femmes. Que ce soient des femmes adultes ou des
étudiantes sortant des cégeps, on est très proche des 50
%, si on ne les a pas dépassés présentement.
Cependant, le modèle auquel ces femmes ont accès, c'est un
modèle mâle parce qu'il y a à peine 19 % de femmes qui
enseignent dans les universités québécoises. Il se
produit, par contre, qu'au niveau des chargés de cours, parce qu'on sait
que depuis un certain nombre d'années les universités comblent
des trous ou des gels de postes de professeurs d'université par
l'engagement de chargés de cours, et la proportion des femmes qui
enseignent comme chargées de cours est le double sinon le triple de la
proportion de femmes, dans ce qu'on appelle la "ten-year track" d'une
carrière de professeur comprenant promotion et permanence d'emploi.
C'est donc dire que les femmes actuellement sont prêtes. Elles ont les
diplômes, et vous avez les pourcentages de femmes qui ont
été diplômées dans les dernières
années au niveau d'un troisième cycle; elles ont les
diplômes pour enseigner, mais elles se retrouvent chargées de
cours.
Est-ce qu'on peut dire que c'est de la discrimination? La question est
lancée. C'est là quand même. Que ce soit une discrimination
volontaire ou involontaire, elle est là quand même. Les femmes
enseignent comme chargées de cours et sont très peu nombreuses au
niveau des postes permanents dans les universités. Elles ont les
diplômes pour être professeurs d'université. Est-ce que
c'est de la discrimination volontaire? J'ose croire que non.
On nous dit ou on nous répond qu'il s'agit d'un gel de postes et
d'un problème de financement. Le fait est là. C'est que ce sont
les femmes qui font l'objet de discrimination à cause d'un gel de
postes, parce que ce sont maintenant les femmes, qui se sont
préparées à devenir professeurs d'université dans
les dix dernières années, qui n'entrent plus parce que les postes
sont gelés.
Mme Saint-Amand: Maintenant, en page 21, lorsque vous parlez des
mesures incitatives, vous croyez que le gouvernement aurait dû
prévoir une aide financière aux programmes les plus prometteurs.
Est-ce que vous pourriez parler davantage sur ce sujet?
Mme Robinson: Je sais que l'Ordre des ingénieurs a fait
beaucoup de publicité pour qu'il y ait des femmes qui entrent en
génie. On a un certain pourcentage de femmes qui sont en génie.
Maintenant, en ce qui a trait aux professeurs d'université, il n'y en a
pas. Si, par exemple, une faculté de génie ou une école de
génie décidait d'établir un programme d'accès
à l'égalité pour des filles pour entrer dans la
carrière de professeur d'université, d'en faire une mesure
incitative allant au-delà des mesures incitatives, mais vraiment des
mesures de redressement par rapport au pourcentage, à ce moment, c'est
dans ce sens qu'on dit que, pour des programmes majeurs prometteurs, il y
aurait lieu d'avoir des mesures, c'est-à-dire des fonds accordés
par le gouvernement pour ce genre de choses. On sait qu'on a des
problèmes de représentation de femmes dans les universités
de génie, de sciences pures et appliquées, et tant qu'il n'y aura
pas de femmes qui vont enseigner, les étudiantes qui entrent dans ces
universités vont continuer à être dans une position
précaire et vont avoir de la difficulté à passer à
travers. La discrimination des filles étudiantes est toujours existante.
Les filles subissent encore les sarcasmes de leurs collègues, parce que,
lorsque vous retrouvez 8 filles sur 90 étudiants dans une salle de cours
d'une université, nécessairement, il y a une certaine forme de
harassement ou de harcèlement routinier qu'elles ont à subir et,
tant qu'il n'y aura pas de femmes qui vont enseigner dans ces
départements, dans ces
facultés, cette situation va perdurer. Si, par exemple, une
faculté de génie ou une faculté de sciences pures se
donnait un programme de redressement en allant chercher, par exemple, des
filles qui sont fortes et qui arrivent bien en troisième, en leur
offrant des bourses, en leur garantissant des postes à la fin de leur
doctorat, ce genre de procédure ou ce genre de moyens pourrait
être financé, parce que c'est prometteur et cela aboutirait
quelque part rapidement.
Mme Saint-Amand: Dans l'orientation, depuis les trois
dernières années, constatez-vous un progrès dans
l'information qui est donnée aux filles?
Mme Robinson: C'est difficile à dire, parce que mon
contact est purement familier, ayant deux filles, une de douze et une de
quatorze ans. Je ne crois pas que cela a changé beaucoup. J'enseigne en
droit. Il y a plus de 50 % de filles étudiantes en droit et on ne
retrouve pas 30 % de filles qui pratiquent le droit. Qu'est-ce qui se passe
entre la fin de leur cours et la pratique du droit? Les filles ne sont pas plus
orientées qu'elles ne l'étaient. Il n'y a pas plus
d'entrées de femmes dans les facultés de sciences pures qu'il n'y
en avait il y a cinq ou six ans. Il y a peut-être une petite proportion,
un petit pourcentage, mais ce n'est pas significatif.
Mme Dagenais (Huguette): Est-ce que je pourrais...
Le Président (M. Gagnon): Allez-y.
Mme Dagenais: J'ajouterais quelque chose à propos de la
discrimination qui irait dans le même sens en ce qui concerne les
professeurs. À mon avis, ce dont on souffre, c'est de discrimination
structurelle. Une discrimination structurelle, c'est-à-dire qu'elle fait
partie du processus même. Si on prend l'exemple des femmes professeurs,
par exemple, le sous-financement actuel fait qu'il y a moins de postes ouverts.
Du fait qu'il y ait moins de postes, il y a moins d'engagement et, à ce
moment-là, il y a évidemment moins de possibilités pour
les femmes. C'est connu. Mais le problème c'est que, actuellement, plus
on attend plus il y a de nouvelles diplômées sur le marché
du travail qui attendent des postes et qui se retrouveront, dans quelques
années, sans travail.
Par contre, dans un département comme le mien, il y a
actuellement une priorité accordée, comme on le disait
tantôt, à compétence égale, aux femmes, mais il n'y
a pas eu d'ouverture de postes depuis six ans. Je suis l'avant-dernière
femme entrée avec cette politique et on ne voit pas, dans les
années qui viennent, la possibilité d'en engager une autre.
Il faut bien se rendre compte aussi que, ce qui est structurel
là-dedans, c'est lorsque vous avez quinze ou vingt candidats masculins
qui postulent à un poste et qu'il y a deux, trois, quatre ou cinq
femmes, pour l'instant. II est évident qu'il y a plus de
probabilités qu'un homme ait l'emploi et remplisse justement les
exigences de compétence. Encore une fois, à mon avis, on ne va
pas modifier la structure simplement en ayant la bonne volonté de donner
la priorité. J'ai l'impression que si la structure est croche, il va
falloir un peu la bousculer peut-être, pour reprendre une expression de
monsieur tantôt. Je m'étonne que ce soit à propos des
femmes et des groupes minoritaires qu'on utilise ce terme. Je pense que ces
groupes sont déjà très bousculés et
marginalisés. Peut-être qu'il faudrait un peu bousculer maintenant
les structures les plus fortes, les autorités finalement.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le
député de Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: Merci, M. le Président. Je voudrais
poursuivre un peu les questions de notre collègue de Jonquière.
Vous nous avez indiqué, notamment, qu'il y a une présence
beaucoup plus marquée des femmes parmi les chargés de cours que
parmi les professeurs. Est-ce que vous pourriez, à l'égard de
cette forme de discrimination ou d'autres formes de discrimination, nous donner
une idée des facultés plus déficientes que d'autres? Quels
sont les domaines universitaires où on fait le plus de discrimination
contre les femmes et ceux où on fait le moins de discrimination contre
les femmes?
Mme Robinson: C'est très difficile à dire ou
à trancher. Est-ce qu'on fait plus ou moins? Je pourrais vous parler
d'endroits dans l'université où il y a le moins de femmes qui
enseignent par rapport à des endroits où il y a le plus de femmes
qui enseignent. C'est très simple. En fait, pour les professions
traditionnellement réservées aux femmes, les professeurs
d'université sont majoritairement des femmes, comme partout ailleurs. En
humanité, en arts, en sciences de l'éducation, il y a
majoritairement des femmes qui enseignent à l'université. C'est
le même schème que le schème de la société.
Dans les endroits où on peut considérer que ce sont des sciences
de services, il y a des femmes, il y en a beaucoup. À
l'Université Laval, si vous connaissez un peu le jargon de
l'université, on parle de l'ouest et de l'est. Quand on se
déplace à l'ouest du campus et qu'on retrouve les sciences les
plus pures, les plus exactes, les sciences pures, les sciences
appliquées, le génie, la médecine, la
géodésie-foresterie, l'agriculture, il y a de
moins en moins de femmes; il y a des femmes en agriculture, mais elles
se retrouvent en alimentation-nutrition. Vous voyez toujours... Peut-on dire
que ce soit de la discrimination à l'embauche ou si c'est un manque
d'information à l'égard des filles en termes d'orientation? Toute
la question est là finalement parce que les étudiants sont admis
à l'université avec la liste d'excellence. Alors, que ce soit une
fille ou un gars, cela a peu d'importance, il sera admis avec la liste
d'excellence. Cependant, pourquoi y a-t-il moins d'étudiantes qui
s'inscrivent ou qui demandent des admissions en médecine, en
génie, en sciences pures et en sciences appliquées? Un
problème d'orientation, sans doute. Probablement aussi qu'on devrait,
nous, comme professeurs d'université ou comme partie intégrante
d'une société, se poser la question de la façon dont elles
sont accueillies et dont elles pourront suivre les cours par la suite. Si on
va, par exemple, dans des endroits comme en géodésie-foresterie
à la forêt Montmorency, y a-t-il des espaces
réservés aux filles? Si on va en éducation physique,
est-ce que les filles ont tout ce qui leur faut pour suivre les cours
d'éducation physique sans problème? Ce sont toutes des questions
qu'on se pose et auxquelles, pour l'instant, on n'a pas de réponse.
Quelles sont les facilités d'accueil qu'on a réservées aux
filles dans ces facultés?
M. de Bellefeuille: Nous nous intéressons aussi à
d'autres groupes à part le groupe constitué des femmes: les
groupes ethniques, par exemple, les communautés culturelles. À
votre avis, les communautés culturelles ont-elles les mêmes
possibilités d'embauche et d'avancement dans le milieu universitaire que
les Québécois dits de vieille souche?
Mme Dagenais: Peut-être que je pourrais essayer de
répondre à cela? Il y a certainement des points communs. Par
contre, actuellement, dans les universités québécoises, on
doit se rendre compte qu'il y a beaucoup de professeurs masculins, puisque
c'est la majorité, qui sont quand même d'origine
étrangère. Je pense que quand les dossiers sont bons, ils sont
jugés sur le même pied que les Québécois.
Par contre, à un niveau plus terre à terre des groupes
eux-mêmes ici, au Québec, j'imagine que les groupes les plus
défavorisés ont moins accès aux universités et,
donc, évidemment moins accès ensuite aux postes d'enseignement
universitaire. J'irais, à ce moment-là, selon un échelon
qu'on établirait si on pouvait trouver le groupe le plus
défavorisé et le groupe le plus favorisé. Je pense que la
même chose se produirait chez eux, c'est-à-dire que les hommes
seraient probablement plus favorisés à l'intérieur du
groupe et on retrouverait finalement encore les femmes des groupes les plus
défavorisés au bas de l'échelle. Je ne sais pas si je
réponds à votre question, mais je pense, personnellement, que,
pour l'instant, si on essaie de résoudre tous les problèmes
à la fois on n'en résoudra aucun.
Je pense que les femmes, représentant 51 % de la population, sont
un groupe suffisamment nombreux et elles ont une position quand même
minoritaire. Il me semble que déjà en s'attaquant à ce
gros morceau on toucherait, par la même occasion, les femmes des groupes
minoritaires, les femmes des groupes défavorisés. Autrement dit,
on retrouverait aussi les femmes des groupes ethniques dont on parle; on ferait
d'une pierre deux coups, finalement.
Le Président (M. Gagnon): Merci. Cela va, M. le
député?
M. de Bellefeuille: Oui.
Le Président (M. Gagnon): Merci, mesdames Dagenais,
Robinson et Saint-Pierre de l'excellent mémoire que vous avez
présenté à cette commission. J'inviterais maintenant la
Confédération des syndicats nationaux à prendre place. Je
suspends pour cinq minutes.
(Suspension de la séance à 17 heures)
(Reprise à 17 h 4)
Le Président (M. Gagnon): La commission poursuit ses
travaux et nous avons maintenant comme invité la
Confédération des syndicats nationaux. Mme Monique Simard, vous
nous présenterez tantôt les gens qui vous accompagnent. Avant de
vous céder le micro, je vous mentionne, à vous comme aux autres
que nous disposons d'une enveloppe de 55 minutes, soit environ 20 minutes pour
livrer votre message et 35 minutes de dialogue avec les membres de la
commission. Je vous souhaite la bienvenue et je vous cède le micro
immédiatement.
CSN
Mme Simard (Monique): Merci, M. le Président. Je vous
présente ici, à ma droite, Mme Rose Pellerin, qui est
présidente de la Fédération nationale des enseignants et
enseignantes du Québec de la CSN; à ma gauche, Mme Danielle
Hébert, responsable du dossier de la condition féminine de la
CSN.
Avant de débuter mon exposé comme tel, je voudrais tout de
suite apporter une précision aux membres de la commission. Le texte de
notre mémoire que vous avez reçu contient un certain nombre
d'erreurs. Il y
a eu sur la machine des déplacements de paragraphes et il y a un
certain nombre d'incohérences que vous avez peut-être
remarquées à la lecture. On vous fera parvenir, pour les fins du
procès-verbal, une version cohérente de nos positions. Ceci dit,
une autre précision. Je crois qu'au début de la semaine, vous
avez entendu une coalition qui vous a présenté une position. Il y
avait une longue liste d'organismes membres de cette coalition où
était indiqué le nom du comité de la condition
féminine de la CSN. Je dois vous dire qu'il y a eu erreur, que nous
n'avons pas été consultés sur ce mémoire.
D'ailleurs, la coalition en question a aussi rétracté le nom d'un
certain nombre de groupes. Il n'y a qu'une seule position
présentée au nom de la CSN à cette commission
parlementaire, c'est celle que je vais vous livrer aujourd'hui.
Bon!.i Je vais tenter d'être brève. Je pense que je n'ai
pas besoin de rappeler en longueur que la CSN, la Confédération
des syndicats nationaux, a toujours défendu des principes
d'égalité. Elle a revendiqué à l'époque,
l'adoption d'une charte et, au moment de la révision du contenu de cette
charte, en 1981, nous nous sommes présentés ici, en commission
parlementaire, pour faire valoir, entre autres, notre appui à
l'introduction d'un mécanisme dans la Charte des droits et
libertés de la personne qui permettrait... On appelait cela, à
l'époque, de l'action positive, ce qui a été
rebaptisé programme d'accès à l'égalité.
Pourquoi nous, qui oeuvrons essentiellement sur le marché du
travail, dans le domaine des relations du travail, nous qui faisons toujours la
promotion du droit au travail et du droit à des conditions de travail
justes et équitables pour les hommes et les femmes? Parce que nous
avons, au cours des années, expérimenté les moyens qui
nous étaient offerts pour tenter de corriger les situations de
discrimination dont étaient victimes très largement les femmes
québécoises et aussi d'autres groupes. Or, malgré
l'adoption de chartes qui interdisent la discrimination, force nous a
été de constater que malgré nos efforts, malgré les
revendications qu'on pouvait mettre de l'avant dans le cadre des
négociations de contrats de travail, malgré même des
progrès substantiels dans le cadre de négociations de conventions
collectives - je pense, entre autres, à celles que nous avons
négociées au cours des années dans le domaine des secteurs
public et parapublic - malgré tout cela, on n'arrive pas, on n'est pas
arrivé à corriger des situations de discrimination. Quand on
regarde les chiffres - je ne reprendrai pas les chiffres que vous connaissez,
je pense, aussi bien que moi - on constate qu'il y a encore des groupes et,
dans le cas des femmes, une majorité qui vivent une situation de
discrimination. Donc, face à cela, on s'est dit qu'il nous faut de
nouveaux moyens.
La discrimination est systémique. On a réussi, oui,
à corriger ce que j'appelle la discrimination la plus apparente, la plus
grossière, et c'est tant mieux. Les outils que nous avons
utilisés au cours des années nous ont permis d'éliminer
cela, mais la discrimination systémique, elle, est indéracinable,
je dirais, si on n'a pas de nouveaux moyens. Alors, le concept d'action
positive, de programmes d'accès à l'égalité nous
convenait.
Enfin, le projet de règlement est déposé. Cela fait
déjà très longtemps qu'on l'attend. Nous sommes donc
heureux de venir ici faire nos recommandations. Essentiellement, il y a deux
aspects du règlement que nous voudrions porter à votre attention.
D'une part, la portée de l'application du projet de règlement et,
d'autre part, la place qu'on réserve aux employés dans
l'implantation des programmes.
On croit que le projet de règlement, qui définit ce que
devront être les règlements, tant dans les objectifs à
atteindre que dans les mesures que doit contenir un programme pour permettre
d'atteindre ces objectifs, on pense, dis-je, que cette réglementation
devrait s'appliquer à tous les programmes qui porteront le nom de
"programme d'accès à l'égalité", que ces programmes
soient volontaires ou non.
Il est souhaitable que sur le terrain, comme on dit, dans les
entreprises, on puisse prendre des initiatives qui permettent que l'employeur
et le syndicat, lorsqu'il y a un syndicat, s'entendent pour dire: Oui, il
serait bon ici de mettre en place un programme d'accès à
l'égalité parce que, à première vue, oui, il y a
une sous-représentation de femmes dans certains cas ou d'autres groupes
dans d'autres cas.
Mais pour porter le nom de "programme d'accès à
l'égalité", il nous semble qu'il faut que tous les programmes
puissent se référer à une réglementation, à
des normes qui seraient contenues dans une réglementation. Le projet de
règlement qui nous est présenté spécifie qu'on doit
fixer des objectifs numériques dans le temps, des mesures
d'égalité, des mesures de redressement, enfin, des
précisions de cet ordre, des normes qui, quant à nous, devraient
s'appliquer à tous les programmes, volontaires ou autres. Sinon, il
risquerait d'y avoir deux catégories de programmes qui porteraient le
nom de "programmes". Certains qui seraient sous le contrôle, sous la
juridiction de ce règlement et qui seraient supervisés par la
Commission des droits de la personne, etc., avec les mesures décrites
dans le règlement, et d'autres programmes dont on ne saurait pas
exactement ce qu'il y a dedans, ce que seraient vraiment les programmes. Nous
croyons que si on est là
pour réglementer, on doit réglementer l'ensemble des
normes que devront contenir ces programmes.
L'autre aspect important, quant à nous - je pense que l'ensemble
des intervenants en conviendra - c'est que les programmes d'accès
à l'égalité, l'introduction dans la charte de dispositions
permettant qu'on favorise un groupe qui a été discriminé,
qui est peu ou pas représenté par rapport à d'autres, je
pense qu'on va en convenir, c'est nouveau, c'est un nouveau concept et cela
bouleversera dans une certaine mesure des pratiques, des règles plus
traditionnelles. C'est vrai et c'est nécessaire sûrement pour
permettre de corriger une situation comme celle qu'on connaît. Donc, ce
sont des programmes qui viendront bouleverser en quelque sorte le milieu de
travail.
Je sais qu'à la CSN, lorsque nous avons débattu ces
questions - cela fait maintenant plus de cinq ans que ces débats ont
été lancés - on ne s'est jamais caché pour dire
que, oui, cela allait changer des choses. Ce serait incorrect de dire: Ne vous
inquiétez pas, cela ne changera pas grand-chose. Non, j'ai toujours
été très honnête pour dire: Oui, cela va bouleverser
beaucoup de choses, particulièrement dans les grands secteurs qu'on
appelle les grands secteurs d'emplois masculins, comme la métallurgie,
les pâtes et papiers, la pétrochimie. Cela bouleversera aussi
d'autres secteurs.
Et justement, parce que ces programmes sont nouveaux, parce qu'ils
bouleverseront, il nous semble essentiel, comme condition de réussite,
que les employés qui vivent dans ces entreprises soient associés
étroitement à l'idée même d'implanter des
programmes, à l'élaboration de ce que devraient contenir ces
programmes, à la fixation des objectifs qu'ils devront atteindre et,
évidemment, à la surveillance de leur évolution et de leur
application. À défaut de quoi il nous apparaît que, d'ores
et déjà, on se met un obstacle supplémentaire s'il n'y a
que l'employeur qui fait la promotion, qui implante ou qui contrôle les
programmes.
D'ailleurs, je pense qu'on s'entendra pour dire que les employés
d'une entreprise connaissent leur entreprise parce qu'ils vivent et travaillent
dans cette entreprise; ils connaissent les obstacles qui font que, par exemple,
dans tel service, n'y a pas de femmes. Ils savent généralement
très bien pourquoi il n'y en a pas. Ils connaissent les conditions qui
font que tel groupe ne peut avoir accès à tel type d'emploi et,
comme ils ont une connaissance de leur milieu, une connaissance des obstacles
réels à une égalité, à une
accessibilité plus grande dans leur entreprise, ils sont aussi en mesure
de trouver les solutions pour que ces obstacles soient surmontés et
qu'on puisse atteindre ces objectifs.
(17 h 15)
Voilà pourquoi le règlement tel que rédigé
ne peut nous satisfaire. Nous voudrions voir dans ce règlement une
disposition qui reconnaîtrait le rôle essentiel que doivent jouer
les employés dans le cadre de l'élaboration des programmes et que
le contenu de ces programmes soit entendu par voie de négociation avec
les employés. Lorsqu'il y a un syndicat, cela se ferait par la voie du
syndicat. Le syndicat pourrait créer un comité. Lorsqu'il n'y
aurait pas de syndicat - on sait tous qu'à peine 35 % de la
main-d'oeuvre est syndiquée, ici au Québec; donc, la
majorité des entreprises ne le sont pas et alors il n'y a pas
d'organisme pour représenter les employés - il y aurait un
comité des employés qui serait formé pour discuter de
l'implantation, du contenu et de la préparation. A défaut de
quoi, je le répète, il nous semble que l'introduction des
programmes, même si c'était volontaire de la part d'un employeur,
se ferait de façon unilatérale. Quant à nous, cela va
contre l'esprit même dans lequel on doit travailler pour introduire ces
nouvelles notions.
Trois autres commentaires sur le projet de règlement. Il nous
semble que, dans le projet de règlement, il faudrait donner une
définition de ces groupes cibles dont on parie. Il nous semble
également qu'il faut que l'ensemble des données, ce
matériel dont on a besoin pour être capable de travailler sur les
programmes, soit compilé par le gouvernement et que celui-ci confie
cette tâche à l'un de ses organismes, soit la Commission des
droits de la personne, qui est sûrement l'organisme le plus
approprié pour traiter de ces choses, puisqu'il veillerait à ce
qu'il y ait des programmes dans certaines entreprises et en suivrait
l'évolution.
Enfin, deux dernières remarques. Il faudra que l'ensemble de ces
données puissent être disponibles pour tous les intervenants qui
auront à agir, qui en feront la proposition dans leur milieu et qui
auront à travailler à la préparation des programmes;
à défaut de quoi il sera difficile, je pense, d'avoir des
programmes de qualité et efficaces. Lorsqu'on fait
référence au secteur public, à la fonction publique, on
aimerait avoir une définition dans le règlement de ce qui est
inclus dans le secteur public. Vous savez que, selon les lois, tel organisme
est inclus et tel autre ne l'est pas. Nos positions là-dessus sont
très claires. Nous pensons que des programmes doivent être
implantés dans la fonction publique, dans les secteurs parapublic et
péripublic. Dans l'ensemble de ces secteurs, je pense qu'il doit y avoir
des programmes.
Même s'il n'est pas du ressort de cette commission de traiter de
l'obligation contractuelle - le projet de réglementation est muet sur la
question - on sait qu'à l'annonce de la tenue de cette commission
parlementaire et de la promulgation de certains articles, le
gouvernement nous avait indiqué qu'il introduirait des mesures
concernant les obligations contractuelles. Nous voulons vous souligner que nous
sommes d'accord avec ce type de mesures et nous souhaitons que, le plus
rapidement possible, le gouvernement nous présente un projet sur cette
question afin que nous puissions le commenter. C'est l'essentiel de notre
présentation et nous sommes, évidemment, disposées
à répondre à toutes vos questions.
Le Président (M. Gagnon): Merci, Mme Simard. Mme la
députée de Jonquière.
Mme Saint-Amand: Merci, M. le Président. Je remercie la
CSN, Mme Simard de même que Mme Hébert et Mme Pellerin qui
l'accompagnent pour la présentation de ce mémoire. Vous avez
soulevé des points qui ont également été
apportés hier et encore aujourd'hui par des représentants de
syndicats ou d'associations de travailleurs.
Hier, je posais une question à une représentante d'un
groupe de travailleuses. À vous aussi, je vais poser cette question
parce que j'ai vécu également la vie syndicale par l'interne,
à l'intérieur d'une entreprise, en comprenant toutes les
barrières qui existent là aussi, parce que les
représentants syndicaux, les travailleurs syndiqués sont
également des êtres humains avec tout ce que cela comporte de
qualités et aussi de défauts, de problèmes et de solutions
à trouver.
Je revois très bien, par exemple, la façon avec laquelle
on prépare des projets de convention collective qu'on doit soumettre
à nos travailleurs pour les faire adopter avant de les présenter
à nos employeurs. Dans un service particulier où,
majoritairement, les travailleurs sont masculins, sont des hommes, à qui
on voudrait faire accepter la présence de quelques femmes dans leurs
rangs, pensez-vous que, par le biais d'une convention collective qui devrait
d'abord être adoptée par les travailleurs eux-mêmes avant
d'être présentée aux patrons, on serait capable de trouver
une solution à ces difficultés qu'on a de faire entrer des femmes
dans certains services de nos entreprises, dans nos usines ou dans tout autre
milieu? On parlait tout à l'heure du milieu universitaire. On sait
à quel point il est difficile de le faire accepter dans certains
coins.
Est-ce que le syndicat, lui, sera capable de faire d'abord adopter par
ses travailleurs la possibilité de voir des femmes entrer dans certains
milieux qui sont fermés, qui sont hermétiques, très
hermétiques à l'heure actuelle? De quelle façon
pourrait-on y arriver ou votre centrale ou toute autre centrale ou toute autre
association représentant des travailleurs pourrait-elle d'abord
convaincre les employés eux-mêmes d'ouvrir leurs cadres à
des femmes?
Mme Simard: Au départ, je pense qu'il faut
spécifier que les positions que je vous présente aujourd'hui sont
des positions qui ont été débattues largement avec
beaucoup d'hommes...
Mme Saint-Amand: Oui.
Mme Simard: ...vivement parfois, mais que ce sont des positions
qui sont très largement majoritaires. Il faut l'avouer, il y a
évidemment beaucoup d'hommes qui se sentent et qui vont se sentir
inquiets avec l'introduction de telles mesures. C'est normal.
Mme Saint-Amand: ...menacés. Mme Simard:
Pardon?
Mme Saint-Amand: Pour ne pas dire menacés. Ah! Ah!
Mme Simard: Pour ne pas dire menacés.
Particulièrement dans une période de pénurie d'emplois
comme celle que nous connaissons actuellement. L'emploi est une denrée
rare. Lorsqu'on en a un, on veut le garder. C'est là une condition
objective qu'on ne peut pas nier.
D'autre part, on vient introduire une mécanique qui est
complètement à l'inverse de ce qu'on a enseigné, qui est
de privilégier, de choisir parce que c'est une femme, par exemple, ou
parce que c'est une personne de telle minorité, visible alors que des
syndicats, pendant des décennies, pour contrer l'arbitraire du choix
patronal de l'employeur, ont dit: Bon, la règle c'est
l'ancienneté, c'est à partir de l'ancienneté. Donc, c'est
neutre, l'ancienneté. Le premier arrivé est le premier qui a le
choix, etc. Souvent, il y a eu des batailles, des grèves incroyables
pour faire introduire un critère neutre, objectif, comme
l'ancienneté.
Aujourd'hui, certains nous diront: Ah! L'ancienneté est
maintenant reconnue. Cela ne fait pas si longtemps qu'il y avait encore des
batailles. Donc, oui, très bouleversant de ce point de vue.
Il y a aussi les mentalités. Oui, il est vrai que,
particulièrement dans le domaine de la production manufacturière,
par exemple, ou dans les postes de responsabilités, dans les postes de
techniques, diverses techniques, encore beaucoup de personnes, parce qu'il y a
peu de modèles -j'écoutais la présentation qui nous
précédait ont des préjugés selon lesquels telle
personne, de telle origine nationale ne serait vraiment pas... Je pense que les
syndicats ont une responsabilité, une mission éducative.
D'ailleurs, on le fait dans une large mesure parce que nous venons proposer ce
type de
mesure. Nous voulons et nous réclamons de nouvelles mesures parce
qu'on sait que ce qu'on a en main, ce n'est pas suffisant pour agir et
transformer la réalité.
La meilleure façon de pouvoir faire ces débats, ce n'est
pas dans l'abstrait, c'est dans le concret, c'est quand on prépare un
projet de convention collective. Vous m'avez dit: Vous connaissez un peu
comment cela fonctionne quand on prépare un projet de convention
collective. Qu'est-ce qu'on va mettre, qu'est-ce qu'on va demander dans ce
projet. Une fois que c'est là, ce sont des débats, ce sont des
discussions. Ensuite, il faut aller négocier. Je pense qu'il faut avoir
confiance dans cette méthode; elle a porté largement fruit sur
bien des aspects. Il me semble que c'est dans l'action concrète comme
celle-là que peut nous permettre la charte - on peut le faire
maintenant, on peut le proposer - c'est dans ces moyens et ces activités
très concrètes de débats et de discussions qu'on va
pouvoir introduire la notion, rallier beaucoup de personnes à
l'idée que c'est nécessaire, et là ensuite faire en sorte
que cela se réalise.
Je vous dirai que, comme cela va bouleverser beaucoup de milieux, vous
savez comme moi que d'imposer les changements de façon
unilatérale n'a jamais été généralement la
meilleure façon pour que ce changement se réalise vraiment.
Généralement, on développe de la résistance aux
changements quand c'est imposé.
Mme Saint-Amand: Vous disiez tout à l'heure Mme Simard que
votre centrale, la CSN, s'était elle-même fixé certains
objectifs pour combattre la discrimination, qu'elle a tenté d'implanter
certains programmes, mais que cela n'a pas donné les effets
escomptés, que vous n'êtes pas arrivés à combattre
la discrimination là où vous auriez souhaité le faire.
Est-ce que vous avez bien identifié les motifs? Est-ce que vous pourriez
nous faire part de vos expériences dans ce domaine? De quelle
façon et à quel endroit, pour quelles raisons cela a
échoué, là où vous étiez convaincus, en tant
que centrale syndicale, que vous étiez capables d'aboutir à des
résultats?
Mme Simard: Ce n'est pas qu'on était capable de les
atteindre. Ce que j'ai dit, c'est qu'on a tenté d'éliminer de la
discrimination dans beaucoup de milieux, que ce soit dans le domaine des
pâtes et papiers, que ce soit dans le domaine tertiaire, dans les
magasins... Il y a 1800 accréditations à la CSN, alors dans tous
les secteurs, dans tous les coins. Avec la charte, avec les moyens qu'on avait,
c'était de dire: II est interdit de faire de la discrimination. On ne
peut plus sexualiser des postes. On ne peut plus sexualiser des salaires. On
doit offrir les mêmes programmes. On ne peut plus différencier sur
le fait qu'on n'avait pas ce qu'on appelle la possibilité de favoriser
le rattrapage d'un groupe par rapport à un autre. C'est justement, ce
dont on s'est rendu compte, c'est que, d'une part, les moyens qui nous
étaient donnés, de juste dire que tout le monde désormais
est égal, cela ne nous permettait pas de faire faire le rattrapage
nécessaire à celles qui étaient en arrière, et on
se donnait l'illusion que tout le monde démarrait sur le même
pied. Ce n'est pas vrai que tout le monde démarre sur le même
pied.
Il y a des groupes, pour un ensemble de facteurs, qui sont trois ou
quatre marches plus bas. Donc, il faut être capable de permettre ce
rattrapage. C'est par la voie des programmes, nous, qu'on a identifié
que c'était la meilleure façon de faire ce rattrapage. Je vais
vous expliquer une expérience. J'ai travaillé longtemps dans le
domaine des pâtes et papiers. Dans le domaine des pâtes et papiers,
dans un moulin de papier, tout est organisé en fonction de lignes de
production. Généralement, on entre dans une ligne de production,
au bas de l'échelle, dans une fonction de manoeuvre ou autre, et on va
monter dans la ligne de production au cours de sa vie. Vous avez des lignes de
production de machines de papier, vous allez avoir des lignes de production
dans d'autres services. (17 h 30)
Les femmes dans les usines se sont généralement toujours
retrouvées dans les services à forte concentration de
main-d'oeuvre: l'emballage, l'étiquetage, le contrôle de la
qualité. Donc, des services fermés, généralement,
pas généralement mais systématiquement payés
beaucoup moins cher que les autres et on est incapable de sortir de ces
services, parce que pour accéder à d'autres emplois mieux
rémunérés et plus valorisés dans l'usine il faut
toujours passer par les emplois de manoeuvres, et vous savez qui ont les
emplois de manoeuvres. Généralement ce ne sont pas des hommes de
40 ans et 45 ans, ce sont des jeunes gars de 18 ans, costauds, en santé
qui le font quelques années et qui grimpent par la suite. Alors, les
femmes ne pouvaient jamais rentrer. Pour que les femmes accèdent
à d'autres postes, pour qu'elles puissent arriver à travailler
sur machines à papier, on doit dire: c'est terminé, on
enlève les secteurs de production. Pour ces secteurs, il y une autre
façon d'organiser le mouvement de main-d'oeuvre. C'est un exemple. On a
réussi dans certains cas à le réaliser. C'est beaucoup.
C'est de la formation, c'est beaucoup de choses. Ce sont des employés
qui ont trouvé la solution, parce qu'ils connaissaient leur milieu de
travail. Ils ont dit: C'est cela le problème. Le problème, ce
n'est pas la deuxième, la troisième ou la quatrième job,
c'est celle-là. Pourquoi a-t-on changé celle-
là? C'est un exemple de ce qu'on a pu réaliser, mais on
n'est pas capable de réaliser partout de telles mesures. Il nous faut
des mesures de rattrapage que seuls les programmes d'accès à
l'égalité peuvent nous permettre de faire.
Mme Saint-Amand: Merci.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le
député de Châteauguay.
M. Dussault: Merci, M. le Président. Je veux, à mon
tour, remercier la CSN pour la présentation de son mémoire. Je
dois dire que je n'ai pas été surpris. On connaissait
passablement les positions de la CSN à l'égard de l'accès
à l'égalité. On ne peut pas s'empêcher, cependant,
d'avoir quelques doutes à l'égard de certains
éléments que vous avancez, entre autres de cette grande certitude
que vous avez que tous les syndiqués, tous les syndicats de votre
centrale vont marcher allègrement dans le sens d'une position
très positive. On peut penser qu'il va y avoir des blocages à des
endroits. C'est la raison pour laquelle je me pose encore la question, à
savoir dans la mesure où on ne retiendrait pas qu'il y a un rôle
aussi substantiel de joué par les centrales syndicales, comment
verriez-vous l'implantation de comités paritaires pour arriver à
ces fins?
Mme Simard: D'une part, je peux reconnaître que vous ayez
des doutes sur chacune de nos unités. On en a beaucoup, comme je l'ai
dit, mais, dans le même sens, j'imagine que vous avez autant de doute sur
la volonté des employeurs à implanter des programmes
d'accès à l'égalité.
M. Dussault: Est-ce que je peux répondre à
cela?
Mme Simard: Oui, vous pouvez répondre. La façon de
le faire à l'intérieur d'une entreprise, d'une institution,
lorsqu'il y a un syndicat... Je pense qu'il faut distinguer. Il peut y avoir ce
qui est prévu, la procédure de plainte. Quelqu'un peut
déposer une plainte. À la limite, cela peut être même
un syndicat. Un syndicat peut déposer une plainte et dire: Chez nous, il
y a de la discrimination. C'est effrayantl On a tenté de régler
cela. On n'y arrive pas. Il y a plainte. Il y a une enquête.
L'enquête statue. Oui, il y a discrimination. Il faut un programme. Quel
serait ce programme? Quel est l'objectif à atteindre? Ce que nous
disons, dans ce cas, comme dans les cas où, dans l'entreprise,
l'employeur et le syndicat sont d'accord pour dire: Oui, ici, il faut un
programme. On n'a pas besoin de déposer une plainte ou de faire
enquête. On reconnaît qu'il faut un programme. À l'oeil, on
sait que cela ne va pas. Vous savez qu'à bien des endroits, cela se
vérifie sans enquête très poussée, n'est-ce pas?
Vous vous en doutez. Dans les deux cas, lorsqu'on se met au travail pour savoir
ce que doit contenir un programme, premièrement, il faut savoir ce que
l'on veut atteindre, si on est d'accord sur l'objectif et sur les moyens pour
atteindre cet objectif. On sait que c'est un ensemble de mesures. Lorsqu'il y a
un syndicat, on pense que cela devrait être négocié avec le
syndicat. Lorsqu'il n'y a pas de syndicat, les employés devraient
être là, ainsi que les groupes visés, ceux qui ont à
se faire valoir ou à accéder à l'emploi ou à de
meilleures conditions.
Et, oui, il y a la Commission des droits de la personne qui, dans un
cas, portera assistance, mais comme, pour être cohérents avec
notre position, nous disons que la réglementation devrait s'appliquer
à tous les programmes et que la commission devrait pouvoir assister dans
tous les cas où il y aurait une initative d'établir un programme,
s'il y a lieu, il y a là une entente qui se fait sur ce que devrait
contenir un programme. Evidemment, la question se pose: Oui, mais s'ils ne
s'entendent pas? S'ils ne s'entendent pas, dans le cas de programmes
imposés, il y a des mécaniques prévues. La commission peut
revenir et revoir. Dans le cas où c'est un programme volontaire,
où il n'y a pas eu d'intervention mais où ils ne s'entendent pas,
de deux choses l'une: soit qu'ils demandent à la commission d'intervenir
pour dire: Ici, il y a de la discrimination, on essaie d'avoir un programme, on
ne s'entend pas, et voir s'il y a une solution, ou il y a évidemment
tous les autres mécanismes de règlement pour arriver à une
entente ailleurs, qu'on peut retrouver soit dans leur convention collective,
lorsqu'il y en a une, ou dans d'autres lois du travail.
Il n'y a pas, quant à nous, d'autre mécanique plus exacte
qui pourrait nous garantir davantage qu'il y aura des programmes qui vont
marcher et qui vont atteindre les objectifs. Voilà.
M. Dussault: Pour répondre à ce que vous disiez
tout à l'heure, effectivement, j'ai aussi des doutes à
l'égard de certains employeurs. Je pense que, des deux
côtés, il y a des gens sur qui on peut moins facilement compter.
C'est ce caractère absolu de votre mesure, qui consiste à tout
faire passer par la négociation, qui m'apparaît difficile. On peut
peut-être penser qu'on arriverait à régler tous les cas par
la méthode du comité tripartite. De toute façon, on a un
tribunal qui peut régler un problème s'il y en a un qui se pose.
Il y a aussi, bien sûr, toutes ces personnes qui ne sont pas
syndiquées. Vous parliez tout à l'heure d'un débat, d'un
changement de mentalité, etc. Comment ce débat va-t-il se
faire chez ces personnes puisqu'elles n'ont pas de structure de
représentation?
Mme Simard: Nous proposons que la réglementation
prévoie un lieu de représentation là où il n'y a
pas de syndicat. On appelle cela un comité; cela pourrait s'appeler
autrement. On pense qu'ils doivent être représentés, qu'on
doit le prévoir.
Actuellement, il me semble que ce soit extrêmement incomplet. Ce
que le projet de règlement retient, ce n'est, d'abord, que: Oui,
l'employeur devra exécuter, il doit nommer quelqu'un et devra informer
les employés, point. C'est très limité comme obligation et
cela ne tient pas compte, selon nous, de la réalité et de
l'interaction qui se passe, qu'on a dans une entreprise et qui fait ensorte que oui... Il y a tout un monde entre la conception d'une mesure, son
application et son efficacité sur le terrain dans le domaine des
relations du travail, dans le domaine du travail.
Actuellement, l'option qui est retenue dans le projet de
réglementation, c'est une option qui n'interpelle que l'employeur et qui
ne prévoit d'aucune façon que, dans les entreprises, il y a plus
que les employeurs, qu'il y a d'autres gens et que c'est l'ensemble de ces
intervenants qui vont faire en sorte que le programme se réalise ou pas.
C'est, quant à nous, fondamental et c'est une garantie de succès
que de prévoir qu'il y a plus que les employeurs dans une
entreprise.
M. Dussault: Je voudrais, M. le Président, terminer par
une autre question. Elle a été abordée par le Conseil du
statut de la femme qui demandait qu'on fasse en sorte qu'une certaine
information sur la planification de la main-d'oeuvre dans les entreprises
puisse être disponible. En fait, les organismes représentatifs des
employeurs soulignent le danger qu'il peut y avoir pour une entreprise de
révéler à ses concurrents, dans le cadre d'une analyse
d'effectif et de systèmes d'emploi, les données relatives
à la planification de sa main-d'oeuvre. Ce danger est-il sérieux
selon vous, à la C5N, et, si oui, comment serait-il possible de le
contrer?
Mme Simard: Je ne pense pas qu'il y ait danger. Nous n'avons pas
repris dans ce mémoire notre revendication de très longue date
sur la transparence des entreprises, sur le droit des employés d'avoir
une connaissance minimale de leur entreprise, mais il va de soi, il me semble,
que pour réussir un programme d'accès à
l'égalité il faut savoir, il faut connaître la
réalité de cette entreprise. On peut constater qu'il y a une
entreprise de 100 personnes. On peut constater qu'il y a à peine 5 % de
la main-d'oeuvre qui est féminine, moins de 1 % de la main-d'oeuvre qui
provient de minorités visibles, par exemple, et on dit: II faut corriger
cela parce que, dans la population, c'est un peu plus que cela. Or, pour
être capable de trouver le moyen de le corriger, il faut avoir des
données. Les politiques de main-d'oeuvre, par exemple, de l'entreprise,
est-ce qu'il y en a? Si oui, lesquelles? C'est quoi, le projet de l'entreprise,
par exemple, sur un dossier aussi fondamental que celui dont on discute, qui
est la formation professionnelle? Est-ce qu'il y a une planification? Alors,
non, je ne pense pas.
Ce que je voudrais vous dire, d'ailleurs, c'est que
généralement, oui, il y a des entreprises qui... Il y a des
situations plus aiguës dans certaines entreprises, c'est vai, mais,
généralement, ce qu'on va constater, ce sont davantage des
portraits de secteurs. Il y a de grands secteurs où la discrimination
domine davantage, d'autres secteurs, moins, compte tenu de beaucoup
d'éléments et de beaucoup de facteurs. Je pense que les
employeurs, entre eux, n'ont pas à se sentir menacés. D'ailleurs,
ils sont très unis et très solidaires, en tout cas, entre eux,
sur les positions qu'ils prennent quant aux programmes d'accès à
l'égalité.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le
député de Deux-Montagnes. Après, je reviendrai à
vous, s'il nous reste du temps. M. le député de
Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: Merci, M. le Président. Je voudrais
poser quelques questions à Mme Simard et à ses collègues
mais, auparavant, je voudrais réagir un instant aux propos du
député de Châteauguay. Je trouve que les porte-parole du
gouvernement sont très mal placés pour prétendre que
l'adhésion des syndicats ou même des entreprises aux objectifs
d'un tel programme n'est pas assurée, puisque le gouvernement
lui-même se soustrait de l'application du règlement et qu'il se
traîne les pieds dans l'adoption du règlement. Le gouvernement
vient de retarder la session de l'Assemblée nationale d'un mois, ce qui
entraîne un retard additionnel dans l'adoption du règlement, d'au
moins un mois.
Ceci dit, je voudrais attirer l'attention de Mme Simard sur les articles
9 et 10 du projet de règlement. L'article 9 dit que "l'employeur porte
à la connaissance de ses employés l'ensemble des mesures
d'égalité des chances, de redressement et, s'il y a lieu, de
soutien prévues par le programme." L'article 10 dit: "L'employeur confie
la responsabilité de l'implantation du programme à un
employé en autorité. Celui-ci a notamment pour fonction de
coordonner les mesures de mise en application et les mécanismes de
contrôle du programme et de veiller au respect de
l'échéancier prévu." (17 h 45)
Bon! À la lecture du texte, j'ai l'impression que ce sont
là deux articles -
particulièrement le second, l'article 10 - qui font
problème par rapport à votre revendication par laquelle vous
aimeriez voir le syndicat participer à la conception, à la
préparation, à la mise en place du programme d'accès
à l'égalité. Pourriez-vous nous préciser quelle est
la recommandation de la CSN en termes d'articles de règlement? Vous
voudriez qu'on retire, qu'on modifie, qu'on introduise quoi dans le projet?
Mme Simard: Nous n'avons pas rédigé pour la
commission comme telle deux ou trois articles qui pourraient remplacer... c'est
resté au niveau des idées qui devraient dominer lors de la
rédaction de nouveaux articles sur le sujet.
Premièrement, l'employeur, oui, a certainement un rôle
important à assumer. Il doit être responsable, de voir à ce
qu'il y ait un programme. Je pense que là-dessus, il faut bien se
comprendre, il faut que l'employeur assume ses responsabilités dans ce
champ. Là où on voudrait voir une autre disposition... Et
l'employeur peut nommer une personne en autorité. Voilà.
Ceci dit, il faudrait que l'implantation, le contenu des programmes, le
suivi des programmes soit fait conjointement par entente avec le syndicat;
lorsqu'il n'y a pas de syndicat, par un comité; il faudrait donc
introduire dans le règlement une notion que le contenu... Par exemple,
l'article 9 dit: Porte à la connaissance de ses employés
l'ensemble des mesures d'égalité et, s'il y a lieu, de soutien
prévues par le programme. Il faudra que l'employeur discute et s'entende
avec ses employés sur le contenu des mesures. Non pas porter cela
à la connaissance des parties, mais en discuter avec les parties. C'est
l'idée que nous croyons qui doit être introduite dans le projet de
règlement.
M. de Bellefeuille: À votre avis, Mme Simard, la
possibilité pour un syndicat de négocier sa participation
à l'établissement du programme n'est pas suffisante. Car la
possibilité est là: sauf erreur, le règlement ne
l'interdit pas.
Mme Simard: Non.
M. de Bellefeuille: Dans son libellé actuel, le
règlement n'interdirait pas une situation où un syndicat et un
employeur se mettraient d'accord sur la mise en place d'un programme.
Mme Simard: Comme il n'y a rien qui interdit nulle part qu'on ait
le droit de négocier tout objet. Mais on pense que ce serait beaucoup
plus simple que ce droit soit reconnu dans le règlement, ce qui nous
éviterait de perdre du temps à négocier le droit de
négocier et nous permettrait de consacrer toutes nos énergies
à la négociation des programmes.
M. de Bellefeuille: Merci.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le
député de Châteauguay.
M. Dussault: Je ne voudrais pas laisser passer... Je n'ai pas
voulu couper...
Le Président (M. Gagnon): Oui, mais Mme la
députée de Jonquière avait demandé la parole.
M. Dussault: Elle va sûrement me permettre...
Le Président (M. Gagnon): Oui, un instant, Mme Simard.
M. Dussault: Nous sommes trois.
Mme Simard: Je voudrais ici faire une remarque, je pense que
c'est le lieu pour le faire. Je parle évidemment au nom de la CSN, de
ses fédérations et de l'ensemble des syndicats qui y sont
affiliés. Au cours des années on a fait la preuve à
maintes reprises, et encore aujourd'hui, que beaucoup de syndicats sont en
demande sur ces questions. Je ne connais pas d'employeurs en demande sur ces
questions. Jamais je n'ai vu un employeur en demande auprès d'un
syndicat pour dire: Ici, on va introduire des mesures d'accès à
l'égalité. Je connais cependant beaucoup de syndicats qui, par le
passé et aujourd'hui encore, sont en demande pour introduire des mesures
d'égalité, pour introduire des programmes. Je connais beaucoup de
syndicats qui sont très impatients de pouvoir faire des demandes de
l'ordre de celles que va permettre cette réglementation.
On dépose des clauses de convention collective depuis trois ans
qui disent: Nous voulons un programme d'accès à
l'égalité -là, on énumère un certain nombre
de choses - le tout à être mis en vigueur lorsque la charte sera
mise en application sur le sujet.
Il y a des conventions collectives que nous avons signées avec
ces dispositions, et ces articles, comme vous le savez, sont restés
lettre morte. Depuis ce temps-là il y a eu une nouvelle convention de
négociée et vous vous en doutez, dans certains cas, cela a
disparu, les employeurs n'étaient plus disposés, pour toutes
sortes de raisons, à reconduire ces articles-là.
Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de
Jonquière.
Mme Saint-Amand: Cela veut donc dire que, si le gouvernement
avait moins tardé à les mettre en application ces conventions
seraient déjà en vigueur. J'allais ajouter tout à
l'heure en commentaire, Mme Simard, ce qui vous fera sûrement plaisir,
que, depuis mardi on a assisté au moins à une belle
unanimité en ce qui concerne les employeurs, les représentants
des patrons et les représentants des travailleurs. Tout le monde est
d'accord sur un point: Le gouvernement devrait d'abord prêcher par
l'exemple et mettre en application dans les secteurs public et parapublic, dans
les sociétés gouvernementales et nommez-les, d'abord et avant
tout, son règlement d'accès à l'égalité
avant de vouloir l'imposer aux autres. Là-dessus, cela a
été unanime.
Mme Simard: Là-dessus, je voudrais quand même faire
un commentaire. Je suis d'accord. On sait et vous savez comme moi que la
situation des femmes dans le secteur public est de loin meilleure que celle
faite aux femmes dans le secteur privé parce que les syndicats dans le
secteur public, notamment, ont mis de l'avant depuis de nombreuses
années des mesures pour combattre la discrimination, pour permettre une
réelle égalité aux femmes. Et on a largement
réussi. Il ne faudrait pas qu'on recule dans la fonction publique, je
tiens à le dire, mais il faudrait aussi de toute urgence agir sur le
privé parce que dans le secteur privé, malheureusement, c'est
encore la discrimination qui prévaut très largement.
Mme Saïnt-Amand: ...tout simplement un dernier point comme
exemple qui a été soulevé tout au cours des audiences
cette semaine, le cas des employés de la Société des
alcools du Québec qui, pour accéder au travail de caissier,
doivent obligatoirement avoir passé par les entrepôts alors
qu'aucune femme ne peut être engagée dans les entrepôts.
C'est un exemple de discrimination.
Le Président (M. Gagnon): Sur cet exemple je donne la
parole au député de Châteauguay. Est-ce que vous aviez
à réagir à cela? D'accord.
M. Dussault: Pas particulièrement aux derniers propos. M.
le Président, la réponse qui a été donnée
par Mme Simard de la CSN me plaît énormément. C'est un
fait, et je pense que c'est surtout cela qu'il faut retenir, il faut aller au
plus urgent et le plus urgent effectivement est dans le secteur privé.
C'est pour cela qu'on voudrait que se fassent énormément de
choses de ce côté-là. On compte sur tous ceux qui pourront
intervenir.
Quand on est en commission parlementaire comme députés et
qu'on reçoit des invités à qui on pose des questions, on
est d'abord là et avant tout pour pouvoir tirer le maximum de
réflexion des propos qui sont tenus, et il arrive parfois qu'on
tienne des propos qui relèvent de l'avocat du diable. Je l'ai fait tout
à l'heure. J'avais des doutes, c'est pour cela que je voulais
réagir. Je pense que c'est très important parce que...
Une voix: ...
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre! À
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Dussault: Oui je pensais que tout le monde comprenait cela,
mais le député de Deux-Montagnes, lui, est tellement vite devenu
quelqu'un de l'Opposition qu'il a même pris l'esprit retors des gens de
l'Opposition qui disent toujours: Cela ne vient pas assez vite, quand on veut
faire de la consultation. Mais quand on en fait, ils ne sont pas satisfaits non
plus. C'est un peu l'attitude de l'Opposition, mais nous, on a accepté
ce jeu. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Gagnon): Merci. Mme Simard.
Mme Simard: Je veux juste dire que, pour moi, il n'y a aucun
problème à mettre en marche de façon simultanée ou
concurrente les programmes d'accès à l'égalité dans
le secteur public et dans le secteur privé. Je pense que cela peut
très bien être fait en même temps. Je veux souligner, par
exemple, que dans le secteur public, oui, il est vrai que nous avons
marqué le pas sur ces questions; oui, il est vrai que la situation est
meilleure que dans le secteur privé; cependant, il y a des reculs. Mme
Pellerin qui est ici avec moi pourrait en parler. Dans le secteur de
l'enseignement des cégeps, là où les femmes ont toujours
été minoritaires, les mises à pied des trois
dernières années ont fait en sorte qu'elles ne constituent plus
32 % du corps enseignant, mais...
Mme Pellerin (Rose): C'est 25 %.
Mme Simard: ...à peine 25 %. Si on avait des mesures,
elles nous auraient permis de modifier cela. Évidemment, l'idéal
étant qu'il n'y ait plus de mise à pied et qu'on retrouve le
niveau de l'emploi qu'on avait dans ce secteur auparavant.
Le Président (M. Gagnon): Une petite question, M. le
député de Fabre.
M. Leduc (Fabre): Merci, M. le Président. Juste un rappel,
en particulier à Mme la députée de Jonquière:
À l'article 86.7, il est prévu que le gouvernement doit exiger de
ses ministères et organismes l'implantation de programmes d'accès
à l'égalité dans le délai qu'il fixe.
Mme Saint-Amand: Qu'il fixe lui-même.
M. Leduc (Fabre): D'accord? Il n'est pas soumis, cependant - et
c'est la suite - à la réglementation.
Mme Saint-Amand: C'est cela.
M. Leduc (Fabre): Mais obligation lui est faite, selon l'article
86.7, d'en implanter. C'est une nuance importante.
Mme Saint-Amand: Mais pour quelle raison ne se soumet-il pas,
lui, à la réglementation qu'il veut imposer aux autres?
M. Leduc (Fabre): Je pense qu'il est soumis, lui, à
d'autres règles qui sont d'ordre parlementaire.
Mme Saint-Amand: C'est votre opinion.
Le Président (M. Gagnon): Voilà: Là-dessus,
je voudrais remercier Mmes Simard, Pellerin et Hébert de la
Confédération des syndicats nationaux pour cet excellent apport
à la commission des institutions. Je voudrais, avant de suspendre les
travaux... Est-ce que vous aviez...
Mme Simard: Je voudrais vous remercier de nous avoir
entendues.
Le Président (M. Gagnon): Merci. Avant de suspendre les
travaux, je voudrais rappeler l'ordre du jour de demain. Nous entendrons le
Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec Inc., la
Fédération des travailleurs du Québec, Mme Ginette
Legault, chercheur en sciences politiques, M. Ahmed Lofti et la Commission des
droits de la personne du Québec. Je vous donne rendez-vous demain,
à 10 heures précises.
(Fin de la séance à 17 h 55)