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Version finale

32nd Legislature, 5th Session
(October 16, 1984 au October 10, 1985)

Thursday, October 10, 1985 - Vol. 28 N° 24

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur le projet de règlement sur les programmes d'accès à l'égalité


Journal des débats

 

(Dix heures quatre minutes)

Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission s'est réunie pour procéder à une consultation générale sur le projet de règlement concernant Les programmes d'accès à l'égalité en vertu du paragraphe b) de l'article 86.8 de la Charte des droits et libertés de la personne.

Sont membres de la commission: MM. Baril (Rouyn-Noranda-Témiscamingue), Blais (Terrebonne), Blouin (Rousseau), de Bellefeuille (Deux-Montagnes), Dussault (Châteauguay), Gagnon (Champlain), Mme Harel (Maisonneuve), MM. Leduc (Fabre), Viau (Saint-Jacques), Dauphin (Marquette), Marx (D'Arcy McGee), Paquette (Rosemont), Payne (Vachon), Perron (Duplessis), Rivest (Jean-Talon), Mme Saint-Amand (Jonquière).

Conseil du statut de la femme

J'invite donc immédiatement le Conseil du statut de la femme à prendre place. Pendant que l'on s'installe, comme pour tous les autres groupes, nous consacrerons 55 minutes à votre groupement, soit environ 20 minutes pour faire lecture du mémoire et 35 minutes d'échanges avec les membres de la commission. Aussitôt la présentation du mémoire faite, nous suspendrons nos travaux quelques minutes pour revenir avec la période des questions.

Mme Francine McKenzie, je vous cède le micro en vous souhaitant la bienvenue et en vous demandant de nous présenter les gens qui vous accompagnent.

Mme McKenzie (Francine): Je vous remercie, M. le Président. Mme la députée, MM. les députés, il me fait plaisir de présenter mes collègues du Conseil du statut de la femme. À ma gauche, Mme Micheline Boivin, qui est directrice de la recherche au conseil; à l'extrême gauche, Mme Jocelyne Olivier, qui est conseiller juridique et secrétaire générale; Mme Suzanne Messier est agent de recherche.

M. le Président, je dois dire que, ce matin, c'est pour le Conseil du statut de la femme l'aboutissement d'un processus sur un dossier qui nous est cher depuis presque les toutes premières années de l'existence du Conseil du statut de la femme. Est-il besoin de rappeler qu'il y a quelques années à peine les seuls remèdes adoptés par les employeurs pour corriger la discrimination des femmes à l'emploi se limitaient à des programmes d'égalité des chances? Malgré l'utilisation de ce type de programmes depuis une dizaine d'années au Québec, les résultats obtenus se sont révélés insuffisants pour enrayer à eux seuls l'ampleur de la discrimination des femmes sur le marché du travail. On a donc senti la nécessité d'adopter des mesures plus énergiques pour contrer la discrimination systémique qui résulte de pratiques en apparence neutres, mais qui produit des effets d'exclusion disproportionnés pour certains groupes.

L'opinion du Conseil du statut de la femme en matière de programmes d'accès à l'égalité repose essentiellement sur deux principes, le premier étant qu'un programme d'accès à l'égalité comporte nécessairement des mesures de redressement préférentiel et le deuxième étant qu'il faut respecter, pour l'établir, une démarche globale comprenant les éléments d'analyse de la main-d'oeuvre, la fixation d'objectifs numériques, la mise sur pied de mesures, un échéancier et des mécanismes de contrôle. Ce sont ces objectifs qui nous ont inspirées jusqu'ici et le Conseil du statut de la femme attache un grand prix à cette question qui concerne au premier chef les femmes, c'est-à-dire le groupe cible le plus nombreux visé par l'application des PAE.

Nous sommes heureuses aujourd'hui de soumettre nos commentaires relatifs à la dernière version du projet de règlement publié à la Gazette officielle du Québec le 26 juin 1985.

Du côté gouvernemental, la mise en oeuvre de programmes d'accès à l'égalité est également apparue comme un moyen nécessaire dans la marche des femmes vers l'égalité. Un premier geste d'une importance capitale a été posé en permettant, par l'adoption de la loi 86, l'implantation de programmes d'accès à l'égalité, le législateur reconnaissant ainsi le phénomène social et collectif de la discrimination et la nécessité de combattre ses effets d'une façon rationnelle et globale.

L'évolution des divers projets de règlement a démontré également un souci d'inventorier de façon de plus en plus spécifique les éléments nécessaires à la démonstration de la discrimination systémique. C'est là notre voeu et nous

constatons avec satisfaction que plusieurs de nos interventions auprès du ministre de la Justice ont porté fruit.

Enfin, à l'occasion de la conférence nationale sur la sécurité économique des Québécoises tenue en mai dernier, le gouvernement présentait un plan d'action en matière d'accès à l'égalité. On y a alors dévoilé six éléments: les programmes d'accès à l'égalité dans la fonction publique, l'obligation contractuelle, le comité aviseur, le soutien aux institutions publiques, le pairage avec des entreprises françaises et enfin un fonds d'aide.

L'annonce de ce plan d'action a été bien accueillie par le Conseil du statut de la femme qui réclame une politique globale de mise en oeuvre des programmes d'accès à l'égalité et souhaite que le gouvernement manifeste clairement ses intentions touchant les différents éléments de ce plan, notamment l'obligation contractuelle et le comité aviseur.

Quant à l'obligation contractuelle, elle constitue à nos yeux certainement la meilleure garantie de la mise en application de programmes nombreux et efficaces. Aux États-Unis, le rapport Crump a démontré l'efficacité des programmes issus de l'obligation contractuelle. Entre 1974 et 1980 le taux de participation des femmes s'est révélé sept fois plus élevé dans les entreprises obligées que dans celles qui ne l'étaient pas. En fait, dans celles qui ne l'étaient pas, je rappelle que le taux de participation des femmes était de 2,2 % alors que dans les autres, celles qui étaient liées par obligation contractuelle, ce taux de participation était de 15,2 % et cela, malgré une croissance de taux d'emploi plus faible.

Favorables à l'obligation contractuelle, nous nous inquiétons, toutefois, de la pertinence d'appliquer au Québec les mêmes critères qu'au niveau fédéral pour identifier les entreprises contractantes. Nous souhaiterions un champ d'application plus approprié à la situation québécoise où prédominent, comme on le sait, la petite et la moyenne entreprises. Cela nous amène à nous demander si on ne devrait pas, en plus des contrats, parler aussi des subventions substantielles versées à certaines entreprises et qui pourraient permettre au gouvernement de lier ces entreprises recevant des subventions substantielles. C'était là, je le rappelle, une des propositions que le conseil faisait en 1978 lorsqu'il élaborait la politique d'en3emble sur la condition féminine, intitulée "Égalité et indépendance."

En ce qui a trait au comité aviseur, l'idée d'un comité aviseur sur l'accès à l'égalité tel qu'annoncé lors de Décisions 85 en mai dernier est intéressante. Ce comité devrait, nous semble-t-il, faire une place plus grande aux non-syndiqués. Parce qu'il doit veiller aux intérêts du groupe cible le plus important, le Conseil du statut de la femme devrait avoir, nous semble-t-il, sa place à ce comité.

Je passe tout de suite à l'article 1 du règlement. Il est fondamental puisqu'il détermine la portée de ce règlement, c'est-à-dire à quel organisme il s'applique. Contrairement à tous les projets de règlement antérieurs, le CSF a été déçu de constater que celui-ci restreignait le champ d'application à seulement deux types d'entreprises qui mettront en oeuvre des PAE: celles à qui la CDP, la Commission des droits de la personne, recommandera des programmes et celles à qui le tribunal en imposera.

Nous ne pouvons accepter que le gouvernement limite ainsi l'application du règlement. Chaque disposition de ce texte est utile et l'ensemble des démarches constitue une méthodologie nécessaire, un mode d'emploi sans lesquels les programmes d'accès à l'égalité n'atteindront pas toute leur efficacité et pourront se construire dans le désordre et la confusion. Déjà, la nomenclature fait problème. Aux États-Unis, on parle de "positive action", au Canada d'équité en matière d'emploi, au Québec d'équité en emploi ou d'égalité des chances et tout cela recouvre des réalités et des exigences différentes.

Puisque chaque organisme pourra mettre en place son propre programme avec ses propres règles, toute comparaison entre programmes en sera rendue difficile, sinon impossible. À notre avis, la comparaison publique des résultats des programmes d'accès à l'égalité constitue l'une des clés de leur réussite. C'est le rôle du législateur de définir ce qu'est un programme d'accès à l'égalité. Sinon, nous craignons la confusion et le danger surtout qu'elle compromette la qualité des programmes. D'où notre recommandation: que le présent règlement s'applique à toute personne qui élabore, implante ou applique un programme d'accès à l'égalité, peu importe qu'il s'agisse de programmes volontaires recommandés par la commission, imposés par le tribunal, issus d'une obligation contractuelle ou encore qu'il s'agisse de programmes gouvernementaux.

Dans le cas des programmes volontaires, le gouvernement, en mettant en vigueur la loi 86 sauf l'alinéa 1 de l'article 86.2, les a rendus légaux sans toutefois qu'il y ait obligation d'obtenir l'autorisation préalable de la Commission des droits de la personne. Pour le Conseil du statut de la femme, la levée de cette obligation est très distincte de l'assujettissement des programmes au règlement. S'il n'est pas indispensable de soumettre au contrôle a priori de la CDP les entreprises qui, de leur propre initiative, veulent implanter un programme d'accès à l'égalité, il est nécessaire de maintenir pour elles l'exigence

d'être encadrées par ce règlement, surtout que par les paragraphes 3° et 4° de l'article 11 du règlement l'entreprise trouve des garanties de flexibilité, garanties qu'elle n'a pas beaucoup invoquées, semble-t-il, depuis le début de cette commission parlementaire.

Il nous apparaît donc souhaitable que l'employeur se protège en construisant un programme conforme aux modalités définies par le législateur. D'ailleurs, les représentants des employeurs, tel le Conseil du patronat, ont toujours réclamé l'adoption d'un règlement sur cette question. Ce qu'ils contestaient, c'était le contrôle préalable de la CDP. C'est pourquoi le CSF recommande que les programmes volontaires soient assujettis au règlement sur les programmes d'accès à l'égalité.

Dans le cas des ministères et des organismes, le conseil a déjà exprimé en 1982 sa déception de voir le gouvernement se soustraire aux pouvoirs conférés à la Commission des droits de la personne. Nous déplorons maintenant le fait que le gouvernement ne soit pas non plus concerné par ce règlement. Je dois le dire, à cet égard, nous rejoignons le Conseil du patronat. Par ailleurs, le Conseil du statut de la femme demande à nouveau que le terme "organisme" soit défini et, par conséquent, que le législateur porte en annexe du règlement la liste des organismes concernés.

Dans le cas des institutions publiques, nous nous réjouissons que le gouvernement du Québec ait annoncé son intention de prendre, lors de Décisions 85, les moyens pour inciter et soutenir les organismes des réseaux des affaires sociales, de l'éducation, du monde municipal dans la mise en oeuvre de ces programmes. II est probable que les institutions publiques s'inspireront du règlement, mais le "peut" ne suffit pas, nous semble-il; il faudrait le remplacer par un "doit". C'est pourquoi nous recommandons que l'obligation pour les institutions publiques de se conformer au règlement soit aussi prévue à l'article 1 pour qu'elles puissent démarrer sur la bonne voie.

Nous recommandons enfin que le présent règlement s'applique à l'obligation contractuelle et qu'on prenne les modalités spécifiques la concernant. La CDP est l'organisme le mieux habilité à contrôler l'application de cette directive, mais le Conseil du trésor en est le premier responsable. Il importe donc que les deux organismes travaillent en cette matière en étroite collaboration.

Quant à l'article 2, eh bien, s'il fallait identifier par ordre d'importance les articles du règlement proposé, nous placerions sûrement ce deuxième article immédiatement après le premier. L'énumération des quatre éléments que doit contenir le programme d'accès à l'égalité correspond tout à fait à nos attentes. En effet, aux détracteurs de l'article 2, nous rappelons que tout bon gestionnaire, pour résoudre une difficulté quelle qu'elle soit, ne respecte habituellement rien d'autre que les étapes classiques énoncées dans cet article. Il y a donc là, nous semble-t-il, une garantie d'assainissement de la gestion.

L'article 3 aborde la fameuse question des objectifs numériques à atteindre dans un programme d'accès à l'égalité. Sur ce point, le conseil ne réclame pas l'imposition de quotas par un organisme extérieur. Il considère que l'employeur lui-même peut définir des objectifs numériques qu'il croit pouvoir atteindre. S'il ne peut les atteindre dans les délais qu'il s'est lui-même fixés, le règlement, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, notamment à l'article 11, prévoit qu'il en fournira les raisons dans son rapport annuel qu'il déposera à la Commission des droits de la personne. Nous jugeons que cet exercice, émanant de la volonté de l'organisme et non d'une contrainte externe -c'est là une différence essentielle entre les objectifs numériques et les quotas - elle est efficace dans la plupart des cas. Cela amène quand même les employeurs à atteindre les objectifs qu'ils se sont eux-mêmes fixés et les fait apparaître comme étant réalisables. C'est pourquoi nous ne pouvons que marquer notre adhésion complète à la formulation actuelle de l'article 3.

Quant à l'article 4, nous approuvons également la définition que le législateur donne à l'analyse d'effectifs, puisque les données ainsi recueillies serviront à préparer le profil statistique de la main-d'oeuvre.

La formulation de l'article 5 décrit bien les éléments à considérer lorsqu'on mesure la sous-utilisation possible d'un groupe cible.

Nous souscrivons particulièrement à l'importance accordée au critère de compétence. Contrairement aux prétentions du Conseil du patronat, l'application d'un programme d'accès à l'égalité ne forcera pas l'entreprise à recruter du personnel non qualifié ou incompétent qui ne répond pas aux qualifications minimales. Au contraire, l'approche des PAE, loin de nier la compétence comme premier critère à l'embauche, en fait son exigence de base. Pour nous, en fait, à compétence égale, il serait préférable de choisir une femme. Ce que nous souhaitons, c'est qu'elle ne soit pas le seul critère à l'embauche et à la promotion, mais que, dans un souci de favoriser la participation égalitaire des différents groupes à notre société, on considère, dans un deuxième temps, l'appartenance à un groupe de personnes jusqu'à maintenant discriminées et dont les talents ont été sous-utilisés.

Pour évaluer le bassin de la main-d'oeuvre sur le marché du travail, il faut disposer de données officielles détaillées,

mises à jour régulièrement. Nous reconnaissons que les entreprises sont incapables à peu de frais de compiler ces informations, d'où la recommandation d'un ajout à cet article, précisant que le gouvernement fournit aux employeurs les informations relatives à la main-d'oeuvre disponible sur le marché du travail.

À l'article 6, le Conseil du statut de la femme apprécie la formulation détaillée de l'article qui définit en quoi consiste une analyse du système d'emploi et qui énumère les sujets devant faire partie de cette analyse. Cela facilitera le travail des employeurs qui fouilleront les différentes pratiques de leur gestion à la recherche d'éléments discriminatoires.

La définition de la discrimination systémique incorporée dans cet article est également essentielle puisqu'elle en précise la caractéristique. La notion fondamentale qui y est développée est que des pratiques apparemment neutres peuvent provoquer un effet discriminatoire, d'où la difficulté de dépister, en raison de leur apparente normalité, des pratiques qui se glissent dans la gestion de l'entreprise.

Le Conseil du patronat prétend que les programmes d'accès à l'égalité s'inspirent d'une fausse prémisse, à savoir que toutes les entreprises ont pratiqué la discrimination dans le passé d'une façon ou d'une autre, d'où une présomption de culpabilité à leur endroit. Nous rappelons que le programme d'accès à l'égalité est un outil neutre. Il ne s'agit pas là d'une admission de culpabilité, mais tout simplement, encore là, d'un effort de saine gestion pour détecter la discrimination involontaire, si elle existe.

À l'article 7, le Conseil endosse la formulation proposée qui, d'une part, établit la nécessité des deux types de mesures pour atteindre l'objectif visé par les programmes d'accès à l'égalité tels qu'énoncés dans la loi 86 et, d'autre part, définit à notre satisfaction ces deux types de mesures.

Nous tenons à réitérer l'importance de reconnaître les mesures de redressement comme essentielles à tout programme. Elles constituent la spécificité d'un programme et la clé de la lutte à la discrimination systémique.

Le Conseil est également satisfait de l'article 8. Nous reconnaissons que le législateur a bien défini ce qu'il entend par l'expression "mesures de soutien". Ces précisions éviteront, bien sûr, bien des débats.

À l'article 9, qui vise à ce que l'employeur informe ses employés de l'existence du PAE dans son entreprise, nous souhaitons que les employés soient informés non seulement des mesures adoptées par l'employeur, mais également de l'ensemble des éléments du programme d'accès à l'égalité mentionnés à l'article 2.

A l'article 10, le législateur reconnaît l'importance de désigner la personne à qui incombera la responsabilité du programme d'accès à l'égalité et de déterminer quelles seront ses fonctions. Nous appuyons la formulation de cet article et nous souhaitons y annexer un ajout. Convaincues du bien-fondé d'associer les employés à la mise sur pied d'un programme d'accès à l'égalité, nous croyons nécessaire la création d'un comité tripartite de développement et de coordination dont le mandat sera d'associer l'employé en autorité dans la mise en oeuvre des programmes d'accès à l'égalité. De façon paritaire, ce comité serait composé de représentantes des employés, de représentantes de l'employeur et de porte-parole des groupes cibles.

L'article 11. Le conseil est tout à fait en accord avec l'obligation précisée à savoir que l'employeur fasse parvenir à la commission un rapport annuel sur l'état de son PAE. Les quatre éléments devant en faire partie sont justes et raisonnables. Nous considérons, toutefois, qu'un cinquième élément devrait y être ajouté. Il importe, en effet, que l'entreprise fasse connaître également la composition de sa main-d'oeuvre.

Tout comme la commission Abella, nous croyons en l'efficacité de la publication d'un rapport annuel. Pour une entreprise, le fait d'être publiquement comparée à d'autres de la même région et du même secteur d'activité constitue certes un moyen efficace pour la faire agir. Les employeurs non performants seront de plus en plus gênés de rendre publiques des statistiques démontrant une évidence de discrimination ou, tout au moins, une stagnation de leur situation. D'ailleurs, aux États-Unis, l'une des motivations des entreprises à agir dans le domaine de l'action positive est reliée à la publicité qui en est faite et à la bonne image qui en résulte.

C'est pourquoi nous recommandons que l'article 11 soit complété en précisant que la Commission des droits de la personne est responsable de la collecte standardisée des données annuelles des entreprises, de leur compilation, de leur analyse et, enfin, de leur dépôt annuel à l'Assemblée nationale.

Concernant la section III sur l'égalité dans les services d'éducation offerts au public, le législateur a consacré cinq articles du règlement à préciser les modalités d'application des programmes d'accès à l'égalité dans le domaine de l'éducation. Nous nous réjouissons que le gouvernement donne suite à nos recommandations en la matière.

Il est important, en effet, d'implanter des programmes d'accès à l'égalité non seulement dans le domaine de l'emploi, mais également dans celui de l'éducation puisque la discrimination systémique vécue en emploi est iargement tributaire de celle constatée à

l'école. Si, à long terme, nous voulons éliminer la discrimination partout, on ne peut compter uniquement sur la formation offerte aux adultes dans le cadre d'un programme d'accès à l'égalité en emploi; il faut agir à la source même du problème et instaurer des programmes d'accès à l'égalité dans le domaine de l'éducation aux trois niveaux d'enseignement puisque actuellement la formation professionnelle est partout très sexualisée, bien que de façon plus importante lorsque le niveau de scolarité est moins élevé. Pour modifier la composition de la main-d'oeuvre au profit des groupes cibles et pour, enfin, sortir de la ségrégation sexuelle de l'emploi, qui, en passant, n'a à toutes fins utiles pas changé depuis le début du siècle, il faut changer la répartition de la clientèle scolaire entre les différents champs de formation. C'est pourquoi nous appuyons sans réserve l'inclusion de ces articles dans le règlement.

Nous aimerions rappeler, M. le Président, que le Conseil du statut de la femme est globalement satisfait de ce projet de règlement. À travers ses différentes versions, il s'est enrichi et comporte maintenant la plupart des éléments essentiels à la mise en oeuvre des programmes d'accès à l'égalité et il est maintenant temps d'agir. Nous ne sommes plus en 1980. Nous sommes en 1985. Le gouvernement a investi tant d'énergie à innover dans le domaine des droits de la personne par la modification, notamment, en 1982, de la charte, par la rédaction de plusieurs projets de règlement qu'il ne doit plus reculer à la dernière minute.

La grande entreprise américaine, obligée par contrat d'implanter des programmes d'accès à l'égalité, vient de dire dans un numéro de Fortune du 16 septembre, un numéro qui a été porté à la connaissance des membres de cette commission, qu'elle entend continuer sa pratique et cela, même si l'administration Reagan se ramollissait en la matière. "An aggressive positive action makes a lot of sense". Cela est passé dans la culture de notre entreprise. Ces programmes atténuent les conflits et sont rentables, pouvons-nous lire dans cet article étonnant de Fortune. Juste au moment où l'entreprise brise elle-même quelques-unes de ses plus chères icônes, il nous semble que le gouvernement doit agir et sans délai. Je vous remercie.

Le Président (M. Gagnon): Merci, Mme McKenzie. M. le député de Vachon.

M. Payne: Je pense qu'il s'agit d'un mémoire remarquable de la part du Conseil du statut de la femme. Il représente, comme on dit en anglais un des "highlights", de la semaine. Ce que le conseil présentait était à l'avant-garde de toutes les revendications dans cette matière, notamment, en 1978, dans la politique d'ensemble "Pour les Québécoises: égalité et indépendance." Vous n'avez rien à apprendre du règlement en ce qui concerne quelques principes de base, parce que c'est vous qui les avez proposés.

On a bien enregistré, à l'époque, par exemple, que la Commission des droits de la personne et le ministère du Travail et du Main-d'Oeuvre devraient inciter les employeurs à créer dans leur propre entreprise les programmes d'accès à l'égalité, comme on les appelle maintenant, et que le gouvernement devrait également intensifier la mise en oeuvre des programmes au sein de la fonction publique.

Dans votre mémoire, on peut voir que le Conseil du statut de la femme a accordé beaucoup d'importance à ce dossier et je voudrais revenir à quelques sujets que vous avez soulevés. Vous dites que le règlement ne touche que les programmes recommandés et imposés, alors que le Conseil du statut de la femme souhaite qu'il s'applique à toute personne qui met en oeuvre un programme d'accès à l'égalité.

Dans un certain sens, s'il y a un certain esprit incitatif et volontaire dans cette politique, peut-être devrait-on aussi aller plus loin et respecter le droit de liberté dans la mise en oeuvre de certains programmes. Par contre, on peut aussi discuter les inconvénients de cela, à savoir que si quelqu'un n'a pas de modèle, dans un certain sens, obligatoire, les résultats pourraient être compromis. Il y a deux arguments possibles là-dedans. J'aimerais avoir vos commentaires.

Et aussi, d'autres choses m'ont frappé. On n'en a pas beaucoup discuté cette semaine; peut-être qu'il serait intéressant d'avoir quelques commentaires sur la façon dont vous voyez ce que j'appelle le rôle incitatif du gouvernement. Vous avez parlé à quelques sommets économiques du rôle que l'État a de promouvoir au sein de la fonction publique, sur la place publique, dans l'entreprise privée, la nécessité de se doter d'une politique d'accès à l'égalité dans les entreprises et de programmes de redressement préférentiel. Peut-être, dans un troisième temps, pourrons-nous avoir quelques conseils ou quelques idées de votre part en ce qui concerne l'obligation contractuelle. Il y a une certaine disparité entre Québec et Ottawa. Québec, dans un certain sens, est peut-être plus avant-gardiste. Par contre, vous recommandiez qu'on diminue les 200 000 $ comme norme minimale, ce qui, aussi, comporterait quelques contraintes. Ottawa a choisi de s'en tenir au principe de l'équité en matière d'emploi, tandis que le principe du Québec concernant le redressement préférentiel va, évidemment, beaucoup plus loin touchant l'analyse qui devrait être faite par l'entreprise de plusieurs aspects de

ses activités. (10 h 30)

Vous avez parlé, vers la fin, de l'expérience américaine. J'ai cherché sans succès quelques appuis à la thèse - c'est plutôt une hypothèse populaire, mais cela mérite d'être analysé plus en profondeur pour ceux qui appuient ce genre de programme -l'hypothèse que la productivité puisse s'accroître au sein des entreprises qui se dotent d'une politique d'égalité des chances et d'une politique de redressement préférentiel, si je peux l'appeler ainsi.

On a discuté longuement avant-hier et aujourd'hui de l'expérience américaine et nous avons eu quelques débats très intéressants hier avec l'Association des manufacturiers canadiens, mais d'une manière un peu plus aiguë peut-être avec le Conseil du patronat. De notre côté, au moins, nous avons essayé d'invoquer, avec quelques preuves à l'appui, le fait que, premièrement, la productivité est aidée et, deuxièmement, qu'il y avait un consensus, à notre avis, assez clair à savoir que les PME et aussi les 500 privilégiés de Fortune sont de plus en plus prêts à soutenir la thèse que c'est dans leur propre intérêt de. se doter de politiques d'égalité des chances et de redressement préférentiel. Voilà quelques éléments de réflexion.

Mme McKenzie: M. le Président, je reconnais qu'il y a là matière à six questions. Je ne sais pas si la méthode à laquelle je pense peut vous satisfaire, mais je commencerai par répondre à la première, à savoir: Quels sont les avantages d'assujettir au règlement les entreprises qui, volontairement, se dotent de programmes d'accès à l'égalité? Je répondrai, mais comme je n'ai pas réponse à tout, je compte, bien sûr, sur mes collègues pour compléter. Je procéderai question par question, de sorte que je ferai peut-être une pause après chacune.

Il nous semble que dans ce fait, comme je l'ai rappelé tout à l'heure dans le préambule, d'assujettir les entreprises qui adoptent un programme volontaire il y a la fameuse question, d'abord pour l'entreprise de se protéger. Le gouvernement dit: J'autorise, en fait, des mesures d'action positive. Il ne dit pas à quoi il l'autorise. On sait déjà qu'il y a de la confusion - je l'ai fait valoir aussi dans le préambule - dans les termes, mais il peut y avoir aussi de la confusion importante dans les programmes eux-mêmes, à telle enseigne que même ici, en milieu gouvernemental, on constate que, très souvent, certains parlent d'égalité des chances alors que d'autres sont à parler de programmes d'accès à l'égalité. Imaginez-vous sur le terrain, si tout se fait dans un "free for all", si je peux dire, ce à quoi cela pourrait donner lieu.

Le deuxième argument, je pense, qui est essentiel, c'est la question de la qualité des programmes. À la limite, il est peut-être préférable qu'ils soient moins nombreux dans un premier temps mais, mon Dieu, qu'ils soient de qualité, ces programmes, et qu'ils soient faits selon les tendances d'assainissement de la gestion actuelles. On est fort savant en matière d'amélioration de la gestion. Pour une chose aussi importante, avec des implications - la gestion des ressources humaines est toujours la plus importante - il nous semble de toute première utilité que les volontés de l'entreprise puissent être inscrites dans un règlement, c'est-à-dire dans une politique dont elle se dote. Nous souhaitons que cette politique s'inspire du règlement de façon qu'on y retrouve les étapes qui sont essentielles pour atteindre des objectifs quand on veut changer quoi que ce soit, d'ailleurs, dans l'entreprise.

Le troisième élément, qui n'est pas banal, c'est que cela va effectivement permettre des comparaisons dans les résultats parce qu'on sait que l'emploi de mesures préférentielles, cela s'inscrit dans les mesures transitoires. On se dit: On va redresser. Cela ne sera pas pour l'éternité. C'est parce qu'on croit donc qu'il faut des gains. S'il faut des gains, nous nous disons: II faut que cela se fasse avec une approche et une méthodologie qui nous permettent de ne pas comparer des carottes avec des navets. D'où l'utilité que ce règlement vienne inspirer chacune des entreprises qui pourraient y songer en revenant, encore là, sur la dimension de la flexibilité qui est à sa disposition. Il est évident que, si une entreprise constate qu'elle n'a pas obtenu les 18 %, les 15 % ou les 20 % d'accroissement qu'elle s'était fixés quant au taux de participation féminine à la main-d'oeuvre au cours de l'année qui s'est écoulée, pour toutes sortes de raisons, elle peut tout à fait s'en justifier et en donner les raisons dans le rapport statistique annuel que le règlement prévoit qu'elle devra déposer.

Je vais demander à mes collègues s'il y a d'autres éléments qu'elles aimeraient ajouter.

Mme Messier (Suzanne): Oui. Mme la présidente a parlé de la protection par rapport à la confusion qui pourrait exister dans les termes utilisés et, donc, de la comparaison d'un programme à l'autre. Il y a aussi la question de la protection de l'entreprise elle-même par rapport à des récriminations qu'elle pourrait avoir de certains employés qui se sentiraient lésés par un programme d'accès à l'égalité mal appliqué. Actuellement, le programme d'accès à l'égalité tel que conçu dans le projet de règlement nous permet de nous assurer que les mesures adoptées seront proportionnelles à la discrimination constatée. Cette

méthodologie est expressément conçue pour déceler la discrimination et y remédier.

Si l'employeur décidait de passer outre au règlement et de procéder autrement pour choisir les mesures qu'il croit devoir appliquer pour remédier à la discrimination, à ce moment-là, il peut choisir des mesures qui sont disproportionnées ou inadéquates par rapport au problème soulevé. Donc, pour l'employeur, de même que pour protéger les intérêts de tous les employés, qu'ils soient membres d'un groupe cible ou autres, il serait avantageux pour toutes les parties de suivre les règles qui sont déjà inscrites au règlement et qui permettent de s'assurer que la procédure sera conforme au problème qui est celui de la discrimination systémique.

C'est, d'ailleurs, pourquoi la charte a été amendée. On considérait que les employeurs ne pouvaient adopter des programmes d'accès à l'égalité comprenant des mesures de redressement préférentiel. Ils voulaient être protégés par la charte, ils ont donc attendu que la charte soit amendée pour adopter de tels programmes. Je pense qu'il serait logique, maintenant que la charte a été amendée et que le législateur, en plus, prévoit une façon de procéder dans l'application des programmes d'accès à l'égalité, que les employeurs mêmes, de leur propre initiative, suivent le modèle qui a été décidé par le législateur.

Le Président (M. Gagnon): Merci. Est-ce que d'autres veulent intervenir? Cela va. M. le député de Vachon.

M. Payne: La question de la productivité dans l'expérience américaine. On commence à s'apercevoir que, si on enlève les programmes d'égalité, on risque d'avoir des griefs et d'affecter négativement le moral. Avez-vous une expertise ou une expérience à l'étranger ou ailleurs sur cela ou avez-vous des hypothèses?

Mme McKenzie: Je vous rappellerai l'un des témoignages que j'ai lus - je ne me souviens plus où - et qui a servi d'argument dans un article de Fortune alors que certains employeurs, ayant affaire à des minorités visibles, des Noirs aux États-Unis, se disaient... Et on y voit une garantie de détente, en fait, ou de diminution de conflits. Le fait d'être obligé contractuelle-ment et de sentir que c'est une obligation même, dans ce cas, externe vient diminuer ces conflits, un peu comme si les employés se sentaient plus en confiance. L'un des chefs d'entreprise mentionnait à ce propos qu'il avait pu constater une efficacité accrue et un rendement accru également issus de la mise à profit de ressources humaines sur lesquelles jusqu'ici on avait trop peu compté.

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le député de Marquette.

M. Dauphin: Merci, M. le Président. À mon tour, j'aimerais remercier le Conseil du statut de la femme pour la présentation de son excellent mémoire. J'aurais juste deux petites questions. Lors des auditions d'hier, notamment, la Centrale de l'enseignement du Québec proposait dans son mémoire que tout programme d'accès à l'égalité dans les entreprises syndiquées fasse l'objet d'un processus de négociation entre le syndicat et l'employeur. J'aimerais avoir vos commentaires là-dessus.

Deuxièmement, relativement au comité aviseur sur la représentativité des femmes non syndiquées, à votre avis, est-ce qu'il y aurait d'autres façons ou d'autres mesures qui viseraient à protéger ce groupe important de femmes? Je reviendrai après.

Mme McKenzie: Je crois que, dès le lendemain de Décisions 85, j'avais eu, au nom du conseil, à réagir à la proposition gouvernementale concernant le comité aviseur dont j'ai fait mention rapidement tout à l'heure. Dans la proposition gouvernementale, vous vous souviendrez que le gouvernement proposait 4-4-1, c'est-à-dire qu'il y ait quatre représentants de l'employeur, quatre représentants des employés et une ou un représentant des groupes cibles. Tout de suite j'avais demandé que ce soit plutôt quatre, de façon à instaurer un équilibre, en reconnaissant qu'il n'y a au Québec que 30 % des femmes qui sont syndiquées. Le taux de syndicalisation est tellement faible qu'il faut penser aux autres.

Par ailleurs, il nous semble très important de compter sur l'employeur, de compter sur les syndicats et de compter sur la représentation des groupes cibles eux-mêmes. Je pense que l'on ferait faux bond... Compte tenu, me semble-t-il, de l'inévitable instinct de tenir sa parole qui peut animer un syndicat étant donné qu'il a une convention collective durement négociée, il a à penser à l'ensemble de ses syndiqués et il devra vivre avec. C'est là un paradoxe très important. Je pense que les syndiqués eux-mêmes tireront grand profit de la présence de la tierce partie qui est la représentation des groupes cibles. On ne peut pas faire l'autruche longtemps. Il y a la règle d'or de l'ancienneté qui tout de suite monte à la surface. Il deviendrait, me semble-t-il, très difficile à un syndicat de pouvoir s'en tirer dans un contexte bipartite uniquement.

M. Dauphin: Juste une autre question, M. le Président. Relativement à l'obligation contractuelle, vous trouvez que 200 000 $ et au moins 100 employés, c'est un peu élevé. Est-ce que vous avez un minimum, par exemple?

Mme McKenzie: Écoutez, c'est une question qui est très complexe. On a fait l'examen des chiffres. Il y a encore toutes sortes de choses à prendre en considération là-dedans. Est-ce que, oui ou non, le gouvernement entend prendre en considération, par exemple, les entreprises de construction qui touchent des subventions d'importance? Dans les entreprises de construction, on dit qu'il n'y a pas beaucoup de femmes là-dedans. Mais, en même temps, si on voulait pousser la cohérence, on se dit: Oui, mais on est en faveur de l'accès des femmes aux métiers non traditionnels. On ne va pas les tenir éloignées nécessairement des grues mécaniques longtemps parce que, par ailleurs, on le demande.

Il y a là-dedans les entreprises de services qui sont comprises dans le nombre d'entreprises qui seraient visées. Il y a des entreprises qui sont soumises à d'autres dispositions. Je pense aux banques à charte, etc. Il est très difficile de dire: Voici quelle est l'enveloppe exacte du bassin d'entreprises touchant au Québec des contrats de l'ordre de 200 000 $. On peut dire que cela peut aller chercher, quand on n'a fait aucune nuance, à peu près 140 entreprises. Cependant, il faut que ces entreprises, pour être contractuellement obligées, conjuguent deux paramètres. Il faut avoir un contrat de 200 000 $ et 100 employés. À combien d'entreprises sommes-nous réduits quand nous avons fait la conjugaison des deux? Alors là, il y a des chiffres qui se promènent. Il semble que cela pourrait être autour de 50. Même là, ça mérite un examen attentif pour tenir compte des nuances que j'apportais tout à l'heure. (10 h 45)

On se dit quand même: II y a des entreprises qui bénéficient de subventions importantes, est-ce qu'on ne pourrait pas l'étendre à ces entreprises? On souhaiterait que l'examen soit sérieusement fait et, surtout, quelles que soient les dispositions touchées, que l'on prenne en considération le fait que l'entreprise du Québec n'est pas nécessairement calquée sur ce qui globalement caractérise l'entreprise au Canada et qui, comme on sait, a inspiré les critères des 200 000 $ au fédéral, de même que des 100 employés.

M. Dauphin: Merci beaucoup.

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le député de Châteauguay.

M. Dussault: Merci. Je voudrais saluer les représentantes du Conseil du statut de la femme, d'abord. Ensuite, en faisant référence à ce qu'on retrouve à la page 21 de votre mémoire, vous dites qu'il faut associer les employés au processus d'implantation des programmes d'accès à l'égalité. Vous dites d'ailleurs: "Nous sommes convaincues du bien-fondé d'associer les employés; l'expérience ailleurs le prouve." J'aimerais savoir si dans votre esprit un tel comité tripartite que vous préconisez, pour arriver à ces fins, devrait avoir un pouvoir décisionnel ou simplement consultatif.

Mme McKenzie: J'ai l'impression... C'est une excellente question, cela explique mon hésitation. Je pense que c'est de nature consultative, à ce moment. L'idée du progrès des mentalités n'est pas absente là-dedans. Le fait de dire: C'est en toute connaissance de cause que nous associons les employés, de façon qu'ils comprennent cet objectif nouveau dont est en train de se doter une entreprise, me semble miser sur le changement de mentalités. Cette prise en considération des employés me semble être très importante pour qu'on se rallie de façon consensuelle à des objectifs annuels pour rétablir un équilibre dans la main-d'oeuvre. Je dirais que c'est consultatif. Écoutez, il y a toujours moyen ensuite de rendre les choses plus serrées, mais c'est dans cette perspective qu'on y songeait.

M. Dussault: Je pense que je serais d'accord avec votre prudence. Dans un processus qui vise particulièrement à changer les mentalités, il arrive souvent qu'à vouloir aller trop vite, on bloque le processus à certains endroits.

Mme McKenzie:Trop vite, oui.

M. Dussault: Je me rappelle une loi qui avait été votée ici à l'Assemblée nationale. En commission parlementaire, j'étais intervenu auprès du ministre de l'Éducation, en l'occurrence, pour lui demander, en fait, sa politique de mise en place des programmes pédagogiques dans les écoles, du projet pédagogique de l'école, du projet éducatif comme on le disait, où il impliquait le monde syndical d'une façon définitive. Je lui demandais s'il n'y avait pas un risque en fin de compte qu'il y ait blocage parfois, et qu'à toutes fins utiles le projet éducatif ne s'implante pas. Il n'avait pas craint, mais le résultat, c'est qu'il y eut effectivement des blocages et, à certains endroits, le projet éducatif n'a pas pu se mettre en place.

Vous préconisez, toujours à la page 21, que ce comité tripartite soit composé de certaines personnes dont, entre autres, les représentants syndicaux. Si vous dites que ce sera consultatif, à votre point de vue, il n'y aurait pas de risque de blocage. Ce n'est pas que j'aie des préjugés absolument négatifs à l'égard des syndicats, en fait j'ai même été très actif syndicalement, mais il peut arriver qu'à certains endroits les membres du syndicat ne soient pas favorables à l'implantation d'un programme d'accès à

l'égalité et, dans ce cas, à votre avis, il vaudrait mieux que ce soit consultatif. Et même là, si c'était consultatif seulement, est-ce que cela ne risquerait pas de poser des problèmes?

Mme McKenzie: II y a d'autres mécanismes. Quand on vise un consensus, que l'on s'entend entre les trois parties sur des mesures à retenir et sur la nature d'un programme d'accès à l'égalité, il y a quand même des mécanismes d'embauche, il y a des mécanismes de promotion où, dans le concret, chacune des parties regarde ce qui se passe. Qui entre dans la boîte? Est-ce qu'on est en train d'atteindre les objectifs? Comment se fait-il que dans tel cas on n'ait pas retenu une personne d'un groupe cible? La même chose pour les promotions. Les syndicats le font dans la filière de leurs habitudes que l'on connaît. Les représentants des groupes cibles, à ce moment, devraient être en mesure de faire connaître à un employeur leurs surprises, s'il en est, ou d'obtenir les explications voulues.

Chose certaine, il faut associer les syndicats. On se souvient aussi qu'en grande partie le succès des programmes d'accès à l'égalité aux États-Unis, c'était dans les endroits où on avait associé les syndicats. Je crois que le fait de ne pas les associer pourrait être périlleux. Il faut les représentants des groupes cibles aussi.

M. Dussault: Dans un autre ordre d'idées, mais toujours en relation avec le comité tripartite que vous préconisez, dans la mesure où il s'agit d'un programme recommandé ou imposé, ne croyez-vous pas que c'est la Commission des droits de la personne plutôt que le comité tripartite, comme vous le souhaitez, qui devrait effectuer les analyses nécessaires à l'élaboration du programme?

Mme McKenzie: Je trouve que c'est beaucoup de travail pour la CDP. J'ai l'impression qu'une bonne analyse de main-d'oeuvre et surtout la question plus difficile aussi d'un bassin potentiel... Il y a des domaines où c'est facile, on peut identifier les gens formés en mécanique, en électricité et en plomberie, cela va bien, mais il y en a d'autres où cela commence déjà à se promener. Je pense à des sociologues, à des anthropologues. Et quand c'est en zone grise, on pourrait plus difficilement justifier les choses.

Je pense que ce qui compte, c'est que l'entreprise puisse avoir accès à des données sur le bassin potentiel de main-d'oeuvre et dire: Dans notre région, dans la Mauricie, de quoi disposons-nous? Comment pourrions-nous donner un sens à un accroissement de la représentation des groupes cibles? Il me semble que, dotée de ces données élé- mentaires, elle pourrait très bien procéder à l'analyse de la situation et dire: Dans mon entreprise, voici le portrait de la situation de mon déséquilibre. J'ai 2 % des femmes ici, je n'ai pas de représentant de communautés culturelles, etc. Mais qu'on s'assure, toutefois, de lui fournir des données. On reconnaît qu'il ne faut pas accabler l'entreprise qui est loin d'être dotée, comme la Commission des droits de la personne pourrait l'être, de toutes les données statistiques ou encore comme le Conseil du trésor qui pourrait disposer de données immédiatement utiles pour l'entreprise.

Je crois que Mme Messier voudrait ajouter un mot.

Mme Messier: II est clair, cependant, que lorsqu'il est question d'un programme recommandé par la commission ou même imposé par le tribunal, au moment de son enquête, la Commission des droits de la personne aura effectué tout au moins une partie des analyses d'effectifs, de disponibilité et du système d'emploi en vue de prouver la discrimination. Il n'est pas évident que ces analyses seraient complètes. De façon générale, c'est pourquoi nous avons recommandé que, dans le mandat du comité tripartite, on inscrive, comme premier élément, d'effectuer les diverses analyses nécessaires. Nous, ce qu'on souhaite, c'est que le règlement s'applique non seulement dans les cas où il y aura un programme recommandé par la CDP ou imposé par le tribunal, mais également dans le cas des programmes volontaires ou dans le cas des programmes mis sur pied à la suite de l'obligation contractuelle.

Donc, de façon générale, on considère que le comité devrait avoir ce mandat, mais dans les cas précis où le programme aura été recommandé ou imposé, il est bien évident que la Commission des droits de la personne aura fait déjà un bon déblayage quant aux analyses d'effectifs aux disponibilités et au système d'emploi.

M. Dussault: C'est une approche pragmatique que je trouve intéressante. Merci.

Le Président (M. Gagnon): Cela va. Je remercie... Est-ce que vous avez d'autres questions, M. le député de Marquette.

M. Dauphin: Je sais que mon collègue, le député de D'Arcy McGee, avait des questions à vous poser; malheureusement, il a dû s'absenter. Un groupe hier nous a parlé du travail des femmes bénévoles dans certains groupes communautaires ou autres. Je crois que sa question est de savoir si vous, comme Conseil du statut de la femme, seriez en accord avec cela, que le travail

des femmes bénévoles soit comptabilisé dans le recrutement qui pourrait se faire dans les programmes d'accès à l'égalité.

Mme McKenzie: C'est une excellente question. Je pense que cela rejoint la fameuse question de la reconnaissance des acquis. Pour les femmes qui ont travaillé à la maison, qui ont éduqué des enfants, qui ont passé des heures et des heures dans le bénévolat, parfois à sept réunions par semaine dans des conseils d'administration de la caisse populaire, d'un comité de citoyens, dans tout ce que vous voulez, alors qu'elles développent là, de façon certaine, des habiletés importantes de communication, de compréhension de textes de loi, de lobby, de tout ce que vous voulez, qu'on puisse prendre en considération ce travail précieux qu'elles ont fait pendant des années, qui a toujours été non reconnu et qui, lors du déploiement d'habiletés, est éminemment utile et peut, au même titre que des acquis de formation, porter des fruits, et porter des fruits importants.

En ce qui concerne le Conseil du statut de la femme, vis-à-vis de registraires d'université, lorsqu'il s'agit de la reconnaissance des acquis de cet ordre ou encore d'acquis de formation, parce que l'habitude est toujours de pousser les exigences et de faire semblant que les gens n'ont jamais suivi de cours ou de les annuler les uns les autres, on referait, à l'occasion de la détermination, je pense, le même raisonnement en disant: II est très important de prendre en considération ces acquis que les femmes apportent lorsqu'elles envisagent de travailler de façon rémunérée.

Le Président (M. Gagnon): Je remercie le Conseil du statut de la femme.

Mme McKenzie: Je crois qu'il y aurait une réponse.

Le Président (M. Gagnon): Excusez-moi, Mme Messier.

Mme Messier: Oui, j'aimerais, si vous me le permettez, répondre à M. Payne qui, tantôt, soulevait la question de la disparité entre les exigences du gouvernement fédéral et celles qui pourraient être émises par le gouvernement provincial en matière d'obligation contractuelle. Le projet C-62, que nous avons étudié au conseil, fait état de règles qui s'adresseraient, de façon générale, aux sociétés de la couronne et à l'ensemble des entreprises privées sous juridiction fédérale qui respectent le Code canadien du travail. 11 n'est pas question, dans le projet de loi C-62, de règles spécifiques à l'obligation contractuelle, mais, déjà, on peut croire qu'elles s'inspireront grandement du projet de loi C-62. Mais comme le gouvernement fédéral n'a pas encore émis ses directives, nous pensons qu'il serait heureux que le gouvernement québécois profite de l'occasion pour être le premier dans ce domaine et présente des règles qui ne soient pas incompatibles avec celles qui seront probablement émises par le gouvernement fédéral, mais qui permettraient de s'assurer qu'on atteindra les objectifs d'accès à l'égalité qui ont été inscrits dans la Charte des droits et libertés de la personne qui, comme vous le disiez, vont plus loin que le simple respect d'équité en matière d'emploi. Je pense que la seule modalité précise inscrite au projet de loi C-62, c'est la demande aux employeurs d'un rapport statistique de main-d'oeuvre.

Dans nos commentaires sur le projet de règlement actuel, on demande également que ces informations statistiques soient demandées aux employeurs du Québec; de là la compatibilité entre les projets fédéral et provincial. L'important, c'est que les règles ne soient pas incompatibles. Je pense qu'en cette matière, jusqu'à maintenant, le Québec va tout à fait dans le même sens que les demandes fédérales, sauf que les règles vont plus loin.

Le Président (M. Gagnon): Merci.

Mme McKenzie: C'est une question d'harmonisation dans un contexte où, pour une fois, le Québec pourrait avoir le leadership.

M. Payne: Oui, je pense que...

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Vachon, en réplique.

M. Payne: C'est plutôt un échange d'opinions.

Le Président (M. Gagnon): Un échange d'opinions, oui.

M. Payne: Je pense qu'il y a des expertises et des expériences à partager de part et d'autre. L'approche des obligations minimales dans le projet de loi C-62 est intéressante, mais dans la mesure où cela ne peut pas offrir une grande politique de redressement préférentiel, il y a là, bien sûr, quelques contraintes que le Québec n'a pas. Mais, par contre, je pense que le Québec, normalement, va adopter un certain nombre d'obligations minimales en ce qui concerne sa propre administration. Il s'agit de décider avec la Commission des droits de la personne, j'imagine, ce qu'on veut dire par organisme. On en a discuté depuis quelques jours. Doit-on s'orienter vers une interprétation limitée, dresser une liste limitée qui aurait l'avantage de déléguer à la Commission des droits de la personne la

juridiction qui lui appartient par la loi ou doit-on dresser une liste plus longue, plus étendue qui aura comme effet, bien sûr, d'enlever à la Commission des droits de la personne une grande partie de son influence, de sa juridiction?

La question est discutable mais je crois que l'orientation serait normalement que, si on veut limiter d'une manière raisonnable le travail incroyable du Conseil du trésor, l'on dresse une liste minimale plutôt qu'une liste étendue. En ce qui concerne l'engagement d'Ottawa, qui a choisi le principe d'équité en matière d'emploi, il y a un inconvénient dans le sens que c'est un engagement qui ne nécessite pas la mise sur pied de programmes comprenant tous les diagnostics, la fixation des objectifs numériques et l'encadrement d'un échéancier. Là, le Québec va plus loin. J'imagine et j'espère que le Québec va sûrement appliquer ces normes à sa propre administration.

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le député de Châteauguay, une très courte question.

M. Dussault: Très courte, M. le Président. C'est un peu à titre d'adjoint parlementaire au ministre de l'Industrie et du Commerce que je vais poser la question. C'est relatif à une objection du monde des affaires à l'égard d'une de vos recommandations. Vous recommandez que le rapport annuel d'une entreprise contienne des données statistiques concernant sa main-d'oeuvre et qu'il soit publié. Par contre, les organismes qui représentent les employeurs nous soulignent qu'il peut être très dangereux pour une entreprise de révéler à ses concurrents des données relatives à la planification de sa main-d'oeuvre. Qu'est-ce que vous pensez de cette objection?

Mme McKenzie: Je pense que, dans certains cas, cela peut être un prétexte, mais cela peut être aussi une objection valable dans d'autres cas, connaissant la délicatesse et l'importance de l'espionnage commercial ou industriel. Autrement, cela est très difficile. Si vous ne connaissez pas l'alpha, vous ne pouvez pas connaître l'oméga, votre résultat. Il va falloir que, d'une façon, l'on sache que l'analyse est faite de son bassin de main-d'oeuvre, comment cela se répartit selon les sexes, selon les communautés culturelles et selon les paramètres des groupes cibles. Il y a sûrement moyen de contourner cela. Est-ce qu'il n'y a pas moyen qu'ils en fassent état non pas par écrit, mais verbalement qu'il y ait un caractère de confidentialité entourant cette donnée, mais qu'elle soit produite, me semble-t-il, au moins à la Commission des droits de la personne sous le couvert de la confidentialité, n'est-ce pas, si cela se trouve que c'est dangereux?

M. Dussault: C'est une question qui mériterait d'être fouillée davantage, mais il y a là une inquiétude.

Mme McKenzie: Quoique, actuellement, c'est la transparence qui est rentable parce que les entreprises disent: C'est très bon pour notre image, cela bonifie, on a des femmes. Les quelques-uns qui se sont risqués sont toujours très contents de cela.

M. Dussault: Je vous remercie.

Le Président (M. Gagnon): Mme

Messier.

Mme Messier: De toute façon, ce qu'on demande de déposer à l'Assemblée nationale, ce n'est pas un rapport où, nommément, on va présenter les entreprises les unes vis-à-vis des autres, où on aura des résultats statistiques comparatifs, mais bien un rapport qui aura été monté par la Commission des droits de la personne et qui présenterait pour chacune des régions et par secteur d'activité une comparaison des résultats obtenus des diverses entreprises. Alors, il y a une certaine confidentialité qui serait conservée par la Commission des droits de la personne.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Vachon.

M. Payne: Mme McKenzie, il y a une bonne phrase idiomatique en anglais qui résume très bien la philosophie que vous venez de souligner: "to change a challenge into an opportunity" pour les entreprises. C'est-à-dire que, si elles sont toutes sur le même pied, la loi de la concurrence entre en jeu: elles sont en concurrence l'une contre l'autre pour arriver aux objectifs. On dirait peut-être en français: Faire d'un défi une "opportunité".

Le Président (M. Gagnon): Merci au Conseil du statut de la femme, Mmes McKenzie, Boivin, Messier et Olivier. Je vous remercie pour l'éclairage extraordinaire que vous avez apporté à cette commission. J'invite maintenant la Ligue des droits de l'homme de B'Nai Brith Canada, région de l'Est, à prendre place.

Nous allons suspendre nos travaux pour cinq minutes.

(Suspension de la séance à 11 h 5)

(Reprise à 11 h 11)

Ligue des droits de la personne de B'Nai Brith Canada

Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous plaîtl Nous allons poursuivre nos travaux avec la Ligue des droits de l'homme. Vous êtes déjà installés. Je demanderais au porte-parole de nous présenter ceux qui l'accompagnent.

Je vous avise que nous avons normalement 55 minutes à votre disposition, soit environ 20 minutes pour livrer votre message, votre mémoire et 35 minutes d'échange de propos avec les membres de la commission. Je vous souhaite la bienvenue et vous laisse le micro immédiatement.

Mme Allio (Nicole): Merci. Bonjour, M. le Président et les membres de la commission. Je me présente, je suis Nicole Allio, membre de la ligue. À ma gauche, Mme Marilyn Wainberg, présidente de la Ligue des droits de la personne; à ma droite, M. Arthur Hiess, directeur exécutif, et M. Stephen Scheinberg, vice-président de la ligue.

La Ligue des droits de la personne est un organe de B'Nai Brith Canada. Elle est au service de la collectivité juive, non pas seulement en tant qu'organisme d'autodéfense, mais encore en tant que défenseur des droits de tous les Canadiens. Un des puissants enseignements que nous apporte notre expérience juive est que notre sécurité est indissociale des droits de tous. Nous croyons en une société canadienne vouée sans réserve à la reconnaissance et à la protection des droits de l'individu et à l'égalité pour tous. La ligue accueille donc avec plaisir l'occasion offerte de participer à un dialogue avec la commission des institutions.

En 1981, la ligue a fait connaître sa position concernant l'action positive à la Commission canadienne des droits de la personne à Québec. De plus, nous avons exprimé notre opinion sur cette question dans des mémoires adressés à la CUM concernant la représentation des minorités ethniques au sein du service de la police de la CUM ainsi qu'à la Commission des droits de la personne du Québec en ce qui a trait à la discrimination raciale à l'intérieur de l'industrie du taxi de Montréal. Ces mémoires sont disponibles et nous serons très heureux de vous en faire parvenir des copies additionnelles.

Ce mémoire, celui que nous vous présentons actuellement, a reçu l'approbation du Conseil régional de la région de l'Est de la Ligue des droits de la personne du B'Nai Brith Canada lors de sa séance du 2 octobre 1985. Il n'a point l'intention de formuler une critique élaborée, ni une réponse au projet de règlement sur les programmes d'accès à l'égalité, mais plutôt un commentaire général sous-jacent à la réalisation de tout programme d'action positive.

Nous avons examiné, évidemment, le point de vue des Juifs vis-à-vis de l'égalité. L'Ancien Testament a concrétisé l'idée de l'égalité devant la loi que sanctionne aujourd'hui notre charte. Malgré les multiples contradictions et inégalités dont sont entachées nos pratiques historiques, ce principe se veut un monument à notre foi en l'égalité et une contribution historique à la société occidentale. Pourtant le sens que peut prendre le mot "égalité" va beaucoup plus loin que la non-discrimination devant la loi. Lorsque nous nous engageons dans la voie de l'égalité économique, nous trouvons chez les Juifs toute la gamme des convictions. Ainsi, Israël, aujourd'hui, a des kibboutz, soit l'une des expériences les plus intéressantes au monde en matière d'égalité économique, qui côtoient, mais pas toujours sans malaise, l'entreprise privée agressive. Comme peuple, nous pouvons nous enorgueillir tout autant d'un économiste comme Milton Friedman que d'un diplomate comme Steven Lewis. Tout cela pour dire que les Juifs, comme peuple, n'ont pas de position particulière en matière d'égalité économique et qu'ils sauraient en avoir sans compromettre le pluralisme qui les caractérise.

Cependant, nous sommes un peuple ayant une histoire commune et des différences philosophiques et, en notre ère moderne, des formes variables d'antisémitisme ont façonné nos valeurs communales. Dans la lutte qu'ils ont menée pour se sortir des ghettos du XIXe siècle, les Juifs d'Europe se sont heurtés à de nombreux obstacles, dont l'infâme numerus clausus, ou les contingents. Nous savons les effets dévastateurs qu'ont eus ces contingents sur les aptitudes et les aspirations de la jeunesse juive dans la Russie de la fin du XIXe siècle. L'existence d'obstacles numériques à l'accès à l'instruction et aux professions a dénié l'égalité des chances à des générations de nos concitoyens, et ces obstacles numériques sont devenus partie intégrante de notre patrimoine historique et culturel. Nous savons aussi, et nous passerons rapidement sur le fait, qu'il y a une quarantaine ou une cinquantaine d'années il y avait aussi des contingents dans des universités canadiennes, que nous connaissons tous.

La ligue anti-diffamation de B'Nai Brith aux États-Unis et notre ligue des droits de la personne n'ont jamais cessé de réclamer énergiquement un accès libre à l'instruction et au marché du travail, sans aucune restriction fondée sur la religion, la race, le sexe, l'origine nationale, l'âge ou les handicaps.

Ainsi, l'histoire particulière des Juifs a fortifié leur foi et leur allégeance envers une société canadienne qui a éliminé les obstacles discriminatoires juridiques et qui s'emploie à corriger les injustices dont bon nombre de nos citoyens sont toujours victimes.

Nous avons aussi examiné l'expérience américaine. Elle est proche de nous; elle est particulièrement pertinente à ce moment. Les Juifs du Québec, tout comme la plupart de leurs concitoyens, n'échappent pas aux influences sociales et culturelles qui nous viennent du sud de la frontière. Notre organisme observe avec un vif intérêt l'expérience de l'égalité des droits qui se fait chez les Américains et cherche a voir comment elle pourrait s'appliquer à la vie canadienne et québécoise.

Nous rappelons aussi, dans notre mémoire, des cas qui se sont passés en 1965 et 1970 où la Ligue antidiffamation de B'Nai Brith a pris clairement position pour défendre des droits à l'égalité, des droits individuels à l'égalité. Jusqu'à nos jours, la Ligue antidiffamation a lutté avec une énergie du désespoir contre tous les programmes fondés sur des contingents. Les cas, par exemple, de DeFunis et Bakke ont touché la corde sensible de la collectivité juive américaine. L'action positive a menacé de saper le principe de l'égalité des chances pour lequel les Juifs américains s'étaient battus et qui les avait fait prospérer.

Vers l'égalité au Québec. Les Québécois peuvent profiter des aspects négatifs de l'expérience américaine. La société dans laquelle nous vivons a une histoire et une culture différentes. Il est inutile d'adopter les pratiques américaines ou le style américain de débat acrimonieux. Une revue des textes américains sur les programmes d'action positive, les buts, l'emploi, l'équité, etc., indique qu'il y a peu de dialogue entre les forces en présence.

Les féministes et les défenseurs des droits civils appuient les programmes d'action positive dans l'espoir d'obtenir justice pour les opprimés, mais ils font moins de cas des droits individuels qui peuvent être brimés du même coup. Par ailleurs, il se fait entendre un choeur de voix discordantes qui oublient trop facilement le racisme ou le sexisme systématique, systémique, et insistent pour que les droits individuels et le principe du mérite soient les seuls reconnus.

Si les Québécois veulent éviter la polarisation d'idéologies et d'intérêts que vivent les États-Unis, nous devons mieux définir nos objectifs et insister pour le maintien d'un dialogue qui saura garder au minimum les torts faits aux intéressés. Les slogans et les grands gestes outragés ne sauraient remplacer l'analyse critique qu'il nous faut.

L'égalité des chances. Y a-t-il vraiment une égalité des chances? Il importe de bien marquer les limites de l'égalité des chances, afin de ne pas lui reconnaître plus de vertu qu'elle n'en a. Le concept même de l'égalité des chances est une apologie morale pour une société très inéquitable. Il est porteur de la promesse de succès et de prospérité pour tous ceux qui auraient le talent et la détermination d'en parcourir la route. Tout d'abord, bien sûr, il est faux, ce beau tableau, où nous sommes tous représentés à la ligne de départ avec une chance égale de remporter la victoire. De fait, avant même que ne débute notre grande course au Québec, il y a de vastes différences de richesses (dans une société qui accorde plus de prix à l'accession à la richesse qu'à la promotion de l'égalité) et d'instruction, et cette course est certes empreinte de différences de sexe, de race, de religion et d'aptitudes physiques. En second lieu, qui dit "course" dit automatiquement "gagnants" et "perdants", et cette société inflige des blessures psychologiques et matérielles à une foule de ses membres. En troisième lieu, le concept de l'égalité des chances fait naître une sorte de mentalité de somme zéro. C'est-à-dire qu'il favorise une tendance à croire que nous sommes tous en concurrence pour des ressources rares et qu'il porte les particuliers à améliorer les conditions.

Là, nous avons examiné la question très importante du mérite. La question du mérite n'est pas seulement liée de près à l'égalité des chances, mais elle se situe, en outre, au coeur de l'opposition à l'égalité d'emploi. La société canadienne a tendance à concevoir le mérite comme un système objectif qui, par des examens, des diplômes, des entrevues, etc., permet de déterminer qui est le ou la plus qualifié pour entrer à l'université ou à l'école professionnelle ou pour accéder à un poste de commande et, donc, pour avoir l'argent et le pouvoir.

Malheureusement, ces systèmes comportent tous de forts éléments de subjectivité. Ils traduisent les valeurs de ceux qui ont dominé le système, c'est-à-dire les valeurs des hommes blancs de la haute classe. Dans la pratique, le principe du mérite n'est que pure fiction, vu que la classe sociale, la famille, les réseaux de relations et ainsi de suite sont souvent beaucoup plus efficaces. Il est difficile de définir le mérite sans restriction lorsque nous savons tous que les systèmes existants de mérite ont débouché sur de grossières injustices envers les femmes, les minorités visibles, les personnes handicapées et d'autres. Après ces grandes mises en garde, nous devons quand même dire que, pour l'instant, il serait difficile de remplacer l'égalité des chances ou le mérite, mais nous sommes conscients qu'il faut les remettre en question et les réviser afin de les harmoniser avec notre nouvelle réalité.

Pour nous, à la ligue, nous ne prônons absolument pas une approche qui opposerait l'homme à la femme, le Blanc au Noir ou au Jaune ou le jeune au vieux. Nous prônons le dialogue, c'est très important. L'action positive, dans sa forme négative, peut constituer une stratégie extrêmement

bouleversante, qu'embrassent souvent les radicaux qui n'en analysent pas toutes les implications conservatrices. Cette stratégie n'exige pas la redistribution de la richesse et du revenu. Elle exige plutôt la participation égale de certains membres de groupes exclus dans un système qui perpétue l'inégalité. Sa fin n'est pas l'objectif libéral traditionnel d'obtenir de plus grands avantages pour tous, mais un remaniement des places dans un système de classe donné.

Au Québec, c'est notre tradition plus vigoureuse d'intervention de l'État et de dispensation du bien-être qui devrait inspirer l'approche de l'égalité. L'appel lancé par la commission Abella pour un programme national de garderie est un bel exemple du genre de programme social que nous devrions examiner. Cela devrait être la prochaine grande étape vers l'égalité pour les femmes, ce qui jetterait les bases d'une participation égale des femmes au marché du travail. De même, nous appuyons les mesures non discriminatoires de compensation comme l'instruction et la formation spéciales, les programmes de formation, qui répartiront le poids des fardeaux sur l'ensemble de la société canadienne et québécoise, plutôt que de pénaliser une génération de jeunes demandeurs d'emplois blancs et de sexe masculin pour des péchés qu'ils n'ont pas commis»

L'action positive. Évidemment les opinions varient énormément à ce sujet. A l'intérieur de notre ligue aussi, nous avons des positions un peu différentes. Ce qu'on va aborder aujourd'hui, c'est le consensus de la ligue. Certains ont dit que les contingents susciteront vraisemblablement une opposition farouche, une opposition sans scrupule, mais seulement de la part de ceux qui sont tout à fait satisfaits de la structure de classe que nous avons et de la distribution actuelle des biens et des services. Cela est une opinion.

Une autre est que, pour bien faire ce qu'il faut, il faudra réaliser un équilibre délicat entre les intérêts de la collectivité et ceux de l'individu, et entre une action positive et le principe de la non-discrimination, ce qui est l'opinion de la Ligue antidiffamation de B'Nai Brith. L'épineux problème de l'égalité d'emploi et de l'action positive demeure. On sait que, par exemple, 9 % des employeurs interrogés dans la région de Toronto très récemment ont marqué leur engagement sans réserve pour l'égalité raciale. Seuls les prospères et les plus insensibles d'entre nous peuvent rester complaisants. La campagne en faveur de certaines formes d'action position s'annonce très vive. En tant que porte-parole d'un important secteur de la collectivité juive, canadienne et québécoise, nous ne pourrons accepter d'emblée ces programmes, mais nous chercherons néanmoins à traiter de certains des problèmes qu'ils soulèvent.

Notre attitude vis-à-vis des contingents et des objectifs. La Ligue des droits de la personne de B'Nai Brith Canada reste méfiante face aux contingents et aux objectifs numériques. Il ne suffira tout simplement pas d'adopter un genre d'approche utilitaire où le bien commun prime tout le reste. Lorsque nous adoptons des procédures discriminatoires, même pour promouvoir une bonne cause, toute notre société en souffre. Dans certains milieux, il fait chic de faire la distinction entre contingents et objectifs, mais, lorsque les objectifs sont imposés par un gouvernement, ils ont tendance à se transformer en contingents chez l'employeur. Cela ne signifie pas que nous sommes contre la recherche et les dénombrements, mais il faut examiner toutes les variables clés. Par exemple, il ne suffit pas d'établir par des chiffres qu'il y a trop peu de femmes chefs de département de médecine. Encore faut-il rattacher cette constatation au rythme et à la chronologie de l'arrivée des femmes dans la profession dans son ensemble et dans ses différentes spécialités. Nous préférons les objectifs qualitatifs aux objectifs quantitatifs. Au Canada, la seule mesure retenue devrait être le progrès constant et important. Ce n'est qu'en cas de discrimination délibérée de la part des employeurs qu'il faut imposer un contingent pour remédier a un tort spécifique et identifiable sans toutefois porter atteinte à la main-d'oeuvre existante.

Le recrutement et la formation. Nous appuyons les aspects positifs plutôt que négatifs de l'action positive. Les programmes spéciaux de formation pour les membres des minorités visibles, les autochtones et les Blancs qui vivent dans la pauvreté sont d'importantes voies d'accès aux emplois prestigieux et rémunérateurs. Les employeurs publics et privés doivent chercher activement à recruter des personnes qui n'ont pas, comme les hommes blancs et riches, le bonheur de faire partie d'un réseau. Ce genre de programme positif recevra l'appui enthousiaste du public canadien.

Les coûts. Les programmes d'action positive imposeront en majorité de nouveaux coûts pour nous tous. En ce qui concerne le fédéral et le provincial, les dépenses pour les crèches et les garderies d'enfants seront très onéreuses et malvenues dans des gouvernements déficitaires. L'extension des programmes pourrait placer des poids additionnels sur les deux gouvernements ainsi que sur les entreprises. De plus, tous les Canadiens devront payer, soit sous forme de taxes, soit en tant qu'acheteurs. Néanmoins, nous croyons qu'il est préférable de distribuer les coûts du progrès plutôt que d'imposer ceux-ci à ceux qui n'ont jamais participé à la création d'une société inégale. Nous ne sommes pas aveugles concernant nos conditions économiques présentes. Toutefois,

il faut se rendre à l'évidence qu'un tel progrès serait très coûteux. Il serait bien plus économique de maintenir le statu quo plutôt que de former des groupes les uns contre les autres dans une compétition comprenant un manque de ressources. Aussi, les coûts sociaux de quelques inactions ou provocations de conflits inacceptables pourraient représenter un bien plus grand poids que les nouveaux revenus requis pour les programmes d'action positive.

Et qui sont les vraies victimes? L'une des critiques les plus fréquentes à l'endroit de l'action positive, c'est que, bien souvent, les vraies victimes n'en sont pas les principaux bénéficiaires. Une prestigieuse école américaine qui s'était vu ordonner de redresser son équilibre racial a été contrainte d'admettre un nombre beaucoup plus considérable d'Américains d'origine japonaise, groupe pourtant déjà bien représenté dans l'enseignement supérieur aux États-Unis. Encore une fois, notre société marche-t-elle vers l'égalité en accordant la préférence à une femme venant d'une famille de classe moyenne plutôt qu'à un pauvre homme blanc? Évidemment, rien ne nous oblige à nous lancer à l'aveuglette dans l'action positive. Un programme d'action positive doit donc avoir un champ d'action assez étroit pour permettre de reconnaître et d'identifier les vraies victimes. Donc, l'élément de recherche est essentiel.

Les programmes d'action positive doivent avoir aussi un caractère temporaire et faire l'objet d'une revue et d'une réévaluation régulières. Les programmes doivent être temporaires de manière à ne pas donner naissance à de nouveaux droits acquis et à ne pas porter atteinte aux intérêts à long terme des autres membres de la collectivité. La revue et la réévaluation régulières constituent une protection nécessaire pour faire en sorte que ces programmes ne violent pas l'égalité des chances et qu'ils soient rajustés ou abolis selon que les circonstances le justifient. (11 h 30)

Quant au système de mérite, il n'y a pas encore de meilleur système que celui qui repose sur la libre concurrence et le mérite, ce qui ne veut pas dire que le mérite doit signifier la perpétuation d'un système fondé sur des normes statiques et inégalitaires d'évaluation. Il ne faut pas rejeter les examens et les diplômes tant que la compétence sera un critère, mais il y a un moyen de compléter ces critères types par des critères sociaux, telles les possibilités de services communautaires. Il y a plus à tirer d'un étudiant en médecine qui s'engagerait à travailler dans une zone rurale et pauvre du Québec que du savant qui souhaite conserver la liberté absolue d'aller installer sa pratique à Beverly Hills. Les aptitudes linguistiques des minorités ethniques ne semblent pas avoir bien souvent compté parmi les critères d'embauche dans des domaines comme la police, où elles ont pourtant une utilité indéniable.

Avec de l'imagination et de la volonté, nous pouvons modifier nos systèmes de mérite pour contrer l'effet d'exclusion qu'ils peuvent avoir et pour en faire des instruments progressistes d'une société plus égalitaire. Les nouveaux systèmes de mérite peuvent constituer un pont important pour unir la société québécoise et être une solution de rechange aux rigidités et aux caractéristiques discriminatoires des contingents'. Ils peuvent servir à donner aux femmes et aux minorités un accès plus démocratique à l'éducation et au monde du travail, mais ils devront en même temps avoir l'appui de ceux qui, comme la Ligue des droits de la personne, persistent à militer pour la non-discrimination et pour une véritable égalité des chances.

Même si nous sommes avant tout un porte-parole des droits des Juifs du Québec et du Canada, le principe de l'égalité en milieu de travail n'est pas spécifique aux Juifs. Il s'agit plutôt d'un principe concernant tous les individus, quelle que soit leur appartenance religieuse. C'est donc dans cet esprit que nous vous présentons Ie3 recommandations suivantes.

Nous devrons faire tout en notre pouvoir pour assurer un consensus sur les objectifs et les moyens à prendre en ce qui concerne les programmes d'action positive. Quand on parle de consensus, c'est un consensus entre le gouvernement, les industries et les groupes concernés.

Un programme provincial de crèches et garderies d'enfants représente un élément déterminant pour l'égalité des femmes en milieu de travail.

Nos critères de mesure de progrès de l'égalité des chances se devront d'être autant que possible d'ordre qualitatif et non quantitatif.

Un point qui est maintenant crucial est que l'Assemblée nationale devra définir de façon juste et précise les groupes cibles visés par les programmes d'action positive.

Nous recommandons la création de programmes d'éducation et de formation spéciaux afin de promouvoir la participation des groupes visés dans tous les secteurs de l'économie québécoise.

Toutes les possibilités de programmes d'action positive devront être étudiées dans le contexte spécifique québécois. Il s'agit d'une démarche absolument essentielle pour assurer une loi pertinente et une planification adéquate des plans d'action.

Tous les programmes d'action positive doivent être de nature temporaire, sujets à des revues et à des réévaluations régulières.

Il nous paraît essentiel de redéfinir les systèmes de mérite pour inclure les valeurs

qualitatives auxquelles peuvent contribuer les groupes cibles, ce qui n'a pas été souvent fait dans le passé. Là, vous corrigerez le mémoire qui est à l'effet contraire; c'est "qui n'a pas souvent été fait dans le passé". Nous nous excusons de cette erreur.

Nous sommes d'avis que le gouvernement du Québec a l'obligation de promouvoir les programmes d'action positive et aussi être un modèle pour les autres secteurs de la société québécoise.

Je vous ai présenté l'essentiel de notre mémoire. Maintenant, les membres de la ligue se feront un plaisir de répondre à vos questions dans la langue de votre choix et aussi dans la langue dans laquelle ils se sentent le plus confortables.

Le Président (M. Gagnon): Merci, madame. Comme vous avez pris quelques minutes de plus pour présenter votre mémoire, je demanderais aux membres de la commission de limiter un peu leurs questions. M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: Merci, M. le Président. J'aimerais remercier la présidente, Mme Wainberg, le professeur Scheinberg, Mme Allio et M. Hiess pour la présentation de ce mémoire très intéressant de la Ligue des droits de la personne de B'Nai Brith. C'est le premier son de cloche que nous avons de cette façon de voir les choses.

Premièrement, j'aimerais dire que les groupes qui sont venus devant la commission et qui demandent, qui exigent des programmes d'accès à l'égalité étaient très réalistes, très raisonnables. Comme vous le savez, il y a deux sortes de mesures: celles d'égalité et celles de redressement. Je pense que vous êtes plutôt pour des mesures d'égalité et moins pour des mesures de redressement. Je dois ajouter qu'à l'article 5 du règlement on parle de compétence égale. Donc, on n'engagera pas une femme incompétente pour remplacer un homme. C'est à compétence égale.

Je comprends bien que vous êtes contre les quotas, contre les obstacles numériques. Je n'aime pas le mot "quotas" non plus, mais il me semble qu'il faut avoir un objectif quelque part. Je vais vous donner deux exemples très concrets. À la Commission de transport de la Communauté urbaine de Montréal il y avait l'an dernier, sur 3400 chauffeurs d'autobus, huit femmes. Ce n'est pas énorme. À Chicago, il y a 30 % de femmes; à Buffalo, 18 %; dans la ville de Québec, une, deux ou zéro, je ne le sais pas. Dans la Sûreté du Québec, il y a très peu de femmes, quoique dans nos cégeps, dans les cours de techniques policières, il y ait beaucoup de femmes.

Qu'est-ce qu'on va faire? Est-ce qu'on va juste avoir des mesures d'égalité sans se fixer des objectifs? Est-ce qu'on va dire:

Soyez de bons garçons, vous devez faire quelque chose pour admettre les femmes dans vos organismes? On va attendre et on reviendra après cinq, six ou dix ans pour voir ce que vous avez fait, parce que vous devez faire quelque chose, mais il n'y a pas d'objectif numérique.

If you want to answer in English, go ahead and answer in English.

M. Scheinberg (Stephen): I think we recognized some of these problems and we have tried to make clear in this brief that we have an experience with quotas that often sees quotas as a problem, for Jews specially. To reverse that, it appears to many, in the Jewish Community particularly, as a form of reverse discrimination. It is an argument that we are going through right now in the League. It is certainly not a clear one for us.

I think we are in the process of moving from a position very much against any kind of quota to some kind of recognition that, in some cases, such as the ones that you mentioned, perhaps some forms of quotas or goals have to be recognized. At this point, this brief represents a consensus position; perhaps, it is not even shared by those of us in attendance today who would be much more open to at least recognizing the utility of numerical goals in cases of systemic discrimination.

M. Marx: In terms of quotas, nobody really came here and said that in the Sûreté du Québec or in the Transport Commission of the Montreal Urban Community 8 % should be women, or 9 %, or 12 %. I imagine that, if the women groups really put a number on it, they would probably say there should be 60 %, or 52 % or 83 %. You know, there are 30 % in Chicago, 18 % in Buffalo. What should the percentage be in Montreal? Nobody has really tried to put a figure on it. In terms of legislation, in terms of action, we have to have something that is manageable. We cannot ask people to implement programs that have no objectives. We have to have certains objectives.

There is, of course, the objective that it is "des mesures d'égalité", that we are going to move towards equality. That is an objective. We also have to make sure, as responsible legislators, that there is some way of measuring if these goals are being attained or if people are just stalling, just talking and saying: Yes, we are moving, we are doing something, but nothing is happening. Something has to happen and we have to be able to measure what is happening.

Now, let us not use the word "quota" and let us not use - how shall I put it - any words which have a particular nauseous connotation. We all know that quotas do.

Say, for example, that the Montreal Urban Community Transport Commission has decided to hire 150 women chauffeurs. Now, would it seem unreasonable to you to have that kind of an immediate goal amongst 3400 chauffeurs? That is a new merry goal, but it is not a quota.

M. Scheinberg: The objection that many of our people have is that goals become quotas, so that the difference between the uses of the terms becomes négligeable. On the other hand, many of us certainly understand that if such regulations are going to become operational, numbers have to be assigned. Perhaps that will bother many in our community, but they may adjust to a new reality too. Speaking personally, I do not think that the kind of example that you give is an unreasonable kind of example; what we would look for there is fairness in hiring. What we would prefer is looking for a progress being made in the hiring of women bus drivers, or Blacks or whatever, rather than looking for numerical goals at this point.

M. Marx: When I made my presentation on Tuesday, I pointed out all the problems that one could have with quotas and I quoted quite a bit from the Abella Report. That is why I try to keep away from that loaded term "quotas", which gets a lot of people nervous. It gets me nervous too sometimes. But, take another example. We have the police force in Toronto which has an ethnic squad. I am not proposing that we have ethnic squads at the Sûreté du Québec or in the Montreal police force but say, for example, the Montreal police force does want to have a certain number of people from cultural communities. They want to have policemen who are from the visible minorities. They will have to, you know, go out and look for these people. They will have to go out and say: We want to hire a handful or we want to hire two dozens. There is going to have to be that kind of a goal set, although not setting a quota and saying: You setting, you know, the quota is so many. Very often, if you set a quota, that quota can turn out to be the maximum and it could work against the people that you are really trying to help.

M. Hiess (Arthur): If I can just answer the point. One of the things in the debate, the affirmative action debate, is a certain mind set in approaching the whole issue. Very often, things have always been looked at, the whole concept of quotas, the whole concept of timetables, the way we analyse the situation, has too often been substituted for proper research being done. It is a mind set in terms of approaching certain problems.

In the brief that we presented to the

Public Security Commission of the MUC regarding hiring criteria for the MUC police force, we recommend certain support measures in terms of increased searches, to go out to the schools, to go out to the cégeps. One does not have to start with a quota, "comme tel", as a basic criterion to initiate a program of affirmative action. There are things that could be done. We recommend certain things, at least as an initial step, and it is part of the whole element, a certain mind set.

C'est une façon de voir le problème. On ne va pas toujours commencer avec des quotas pour mettre sur pied des programmes d'action positive. Pour nous, c'est le climat dans lequel on se trouve dans le débat. Il faut établir un consensus quant aux critères de base pour promouvoir vraiment les programmes d'accès à l'égalité. C'est ce problème que nous voulons souligner ici, cet après-midi. Ce sont toujours les implications dans le débat qui sont prises pour acquises, sans faire une bonne recherche sur les questions de base et c'est un élément qui nous préoccupe beaucoup. (11 h 45)

M. Marx: I think that everybody agrees with you in that sense and I think that the regulation really sort of underlines what your saying. Let us take section 7 of the regulation, and I will read it: "Equal opportunity and corrective measures are necessary to remedy the effects of an observed discriminatory situation. "Equal opportunity measures aim at ensuring equality in the exercice of a right, in particular by eliminating discriminatory practices in the management of an undertaking." You agree with that a hundred per cent.

The last paragraph is as follows: Corrective measures aim at eliminating discrimination against a group by temporarily - and you have insisted on that as well -awarding certain avantages to its members. "Everything being equal. I think we all agree. I think that everybody would agree if by "des mesures d'égalité" we can reach those goals, fine! But we may have to use "des mesures de redressement" because people need a push, and companies and institutions need a push. As far as the whole issue of quotas is concerned, I think nobody has really suggested that we put a percentage on measures of equality or "des mesures de redressement". But people are saying that we should put some kind of a numeric goal that attaches to the program which I do not think you are really against. I think you can accommodate to that generally.

Mme Allio: J'aimerais commenter ce sujet. Si on revient sur l'article 7, nous ne sommes pas opposés parce que nous nous battons pour l'égalité des chances d'accès

pour tout le monde. C'est un principe qu'on partage avec tout le monde dans cette pièce. Nous ne sommes pas du tout opposés à des mesures de redressement quand il en faut, du moment que ces mesures ne briment pas des droits individuels. Pour nous, c'est très important de ne jamais brimer l'individu dans son droit pour, théoriquement, sauver le droit de groupe. C'est une notion qui est importante pour nous.

De la même manière, quand une firme est accusée de discrimination intentionnelle. Nous ne sommes pas non plus opposés à un programme de redressement avec des chiffres, avec des objectifs à remplir dans ces cas.

M. Marx: Nous ne voulons pas brimer les droits des individus non plus. Je pense que c'est clair. L'Assemblée nationale n'aurait jamais cette intention et le gouvernement non plus. Quoi que nous ayons comme gouvernement bientôt, ce serait... Il y a un consensus.

Quand vous parlez de la discrimination intentionnelle et non intentionnelle, il y a une difficulté. De temps en temps c'est intentionnel, mais ce serait impossible de prouver cela. Comment prouver, souvent, que c'est intentionnel? On peut avoir l'impression que c'est non intentionnel, mais c'est vraiment intentionnel. Quand on voit les effets, on voit que cela ne fonctionne pas, personne ne va avouer que c'était de la discrimination intentionnelle. Dans ses effets, la discrimination intentionnelle et non intentionnelle peut être la même. Comprenez-vous ce que je veux dire? Les effets peuvent être les mêmes, donc c'est une distinction importante au niveau de la sanction qu'on a dans la Charte des droits et libertés de la personne. Dans les effets, cela peut être la même chose.

Mme Allio: Absolument. C'est une question qui est très difficile à regarder. Je pense que c'est très difficile à trancher. Est-ce que c'est de la discrimination systémique ou de la discrimination intentionnelle? Il faut consulter les livres, regarder l'histoire d'une certaine compagnie, les pratiques, les faits établis. C'est évident que, si vous regardez, par exemple, les standards d'embauche pour du personnel qui travaille dans un train, on exige une taille moyenne de cinq pieds et dix pouces, même si les filets à bagage sont à cinq pieds et cinq pouces de hauteur. Cela peut être interprété de plusieurs manières. On pourrait dire: C'est systémique parce que dans le temps seuls les hommes travaillaient dans les wagons de chemin de fer, la taille moyenne était cela, on n'a pas voulu discriminer personne. Maintenant, cela peut être intentionnel aussi où on garde cette pratique en vigueur pour continuer une tendance historique. C'est très délicat.

M. Marx: D'accord.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Fabre.

M. Leduc (Fabre): Merci, M. le Président. Je veux également remercier la Ligue pour les droits de l'homme de B'Nai Brith Canada pour l'excellente présentation de son mémoire. C'est un point de vue original. Vous développez beaucoup l'aspect philosophique, si je peux dire, de la question. C'est une réflexion en profondeur.

Par contre, j'aimerais vous entendre vous prononcer plus précisément sur le règlement lui-même, dont vous parlez peu, finalement, dans votre mémoire. Il s'agit d'une approche qui me semble très prudente face à la question de l'accès à l'égalité. Vous prônez beaucoup la promotion des droits à l'accès, mais vous semblez plutôt critique face aux moyens prônés dans le projet de règlement. C'est une incitation à la prudence, finalement, pour ne pas créer d'autres inégalités.

Une voix: Absolument.

M. Leduc (Fabre): Voilà! Par contre, dans la situation actuelle, il y a des inégalités. C'est clair. Donc, si on veut combattre ces inégalités, il faut se donner des moyens. Le projet de règlement est un moyen. Vous êtes critique face aux objectifs en termes de quotas, mais j'aimerais vous entendre sur les autres aspects du règlement. Finalement, vous parlez des quotas, mais vous parlez très peu des autres aspects du règlement, de l'article 1, entre autres, sur la portée du règlement: "sur recommandation de la commission ou à la suite d'une ordonnance du tribunal".

Jusqu'à maintenant, les organismes nous ont dit que c'était un règlement plutôt prudent, flexible, qui ne visait pas à bousculer les entreprises, mais à les inciter à se donner des programmes d'accès. Vous nous incitez à davantage de prudence. Est-ce que ce n'est pas aller un peu trop vers la prudence?

M. Hiess: Nous avons exprimé de très près l'expérience aux États-Unis et nous avons découvert qu'il y a maintenant un débat de sourds et de muets maintenant aux États-Unis. Nous avons vu cette expérience, nous avons vu l'expérience de nos homologues américains, la Ligue antidiffamatoire du B'Nai Brith. Nous avons dit que la situation actuelle au Québec, c'est une situation tout à fait différente, qu'il faut mettre sur pied, actuellement ici, un programme de recherche pour examiner en profondeur les besoins de la société québécoise. Nous faisons appel à la prudence. D'une part, d'examiner en profondeur les conditions de travail pour

savoir quels sont vraiment les groupes cibles auxquels doivent s'adresser les programmes d'accès à l'égalité; en ce sens, c'est un appel à la prudence, mais il est très important.

Deuxièmement, je pense que la Commission des droits de la personne du Québec doit jouer un rôle assez important, mais en collaboration non pas seulement avec les groupes cibles ou les groupes impliqués dans le domaine de l'action positive. Il doit y avoir un programme de collaboration en ce qui concerne la recherche, la participation des organisations communautaires qui ont milité depuis longtemps dans des programmes d'accès à l'égalité. Nous faisons appel à la prudence afin de bien connaître les conditions de notre société. En ce sens, c'est vraiment un appel à la prudence. Il faut faire ce travail préliminaire afin de bien établir quels sont les programmes d'accès à l'égalité. Ce travail n'a pas encore été réalisé jusqu'à maintenant.

M. Leduc (Fabre): Mais est-ce que cela doit signifier qu'il ne faudrait pas adopter le projet de règlement, mais qu'il faudrait, préalablement, s'engager dans des travaux de recherche pour bien connaître la situation en termes d'inégalité des différents groupes visés par le projet de règlement? Iriez-vous jusque-là, ne pas accepter le projet de règlement?

M. Hiess: Non, ce n'est pas de ne pas l'accepter. C'est un appel, en même temps, pour établir un bon programme de recherche pour bien savoir ce qui se passe dans la société québécoise, pour ne pas nécessairement tenir pour acquis les hypothèses qui ont été acceptées aux États-Unis et qui ont abouti à une situation tout à fait inacceptable. Il n'y a pas vraiment un consensus aux États-Unis, actuellement, en ce qui concerne les programmes d'accès à l'égalité. Nous ne voulons pas que les programmes d'accès à l'égalité aboutissent à la même situation ici au Québec qu'aux États-Unis.

M. Leduc (Fabre): Donc, on pourrait appliquer le règlement, mais, si je comprends bien, vous voudriez que ce soit de nature temporaire.

M. Hiess: C'est l'élément très important, oui.

M. Leduc (Fabre): Est-ce que vous pouvez nous préciser ce que vous entendez par la nature temporaire des programmes? C'est quoi "temporaire" pour vous? Comment cela pourrait-il se faire?

M. Hiess: Quand nous parlons des programmes temporaires, quand il s'agit d'améliorer la situation d'un groupe particulier, par exemple les autochtones ou la situation des handicapés dans une grande entreprise, il faut accepter, je pense, l'hypothèse ou l'idée que c'est vraiment un programme temporaire qui a une certaine limite, qui va durer, par exemple, neuf mois ou un an.

Dans la charte fédérale, maintenant, c'est implicite l'idée que les programmes d'accès à l'égalité sont de nature permanente. On peut mettre sur pied, mettre en application un programme d'action positive d'une façon permanente. Il y a toujours la perception selon laquelle on met normalement sur pied des programmes de nature permanente. Nous voulons, je pense, promouvoir l'idée ou mettre l'accent sur le fait qu'il faut que les programmes soient de nature temporaire. C'est un élément très important pour vraiment s'assurer qu'il y a un équilibre entre les droits de l'individu et les droits des groupes en question.

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le député de Vachon, pour deux minutes au maximum.

M. Payne: J'aurais une question pour M. Scheinberg. Préférez-vous que je m'exprime en anglais?

M. Scheinberg: Je préférerais cela.

M. Payne: Just in passing, the notion "temporary" is in the regulation, in section 7. I would like your comment on one aspect of the regulation, just to get the record straight. I do not think that you are so opposed to numerical objectives as you pretend in your brief, judging from the explanations you have just given.

I would like to have your reaction to a situation which seems to exist in Québec. The Quebec Liquor Corporation has many hundreds, if not thousands of employees on the floor and at its cash desks. Is it correct? When was the last time you saw a female cashier? When you look into this, we might find that, in fact, the reason is because nobody is allowed to work the cash unless they work the floor, and, since that only males can be employed to work the floor, we see no women employable to work the cash. Would you not see it to be equitable, reasonable that a temporary redressment program should be adopted and give itself certain objectives over a certain number of years, precisely to overcome an inequitable situation?

To plug my argument even further, in the Quebec situation, in our regulation and our political approach, how would you feel with respect to the Americans who, in a recent survey to Fortune Magazine, at 90 %, said that numerical objectives in the

companies affirmative action programs were established partly to satisfy corporate objectives unrelated to Government regulations? And then opponents of affirmative action, sometimes argue and 1 quote: "In effect, goals and timetables amount to quotas", Mr. Scheinberg. But much of corporate America disagrees. If any high executive, if any large american company favours quotas in employment, they have been very quiet about it. A report commissioned by the Ford Foundation and published in 1983 surveyed 49 Government contractors with affirmative action programs. I quote within a quote: "None sees the goals and timetables element in their affirmative action plans as requiring the use of quotas." End of citation. Could you have some comments on that?

M. Scheinberg: Well, a couple of comments and, then, I would like Mme Allio to comment, perhaps, on the corporations, because she has had more experience with Via Rail and other enterprises on that. First of all, I am happy to say that a female cashed out my wine last Saturday, so there may be some progress therel

But, on this question of goals and quotas in the numerical objectives, I have tried to say that we have an internal community problem. That internal community problem is a certain experience with quotas. There is just as much literature outside of Fortune Magazine that would indicate that goals tend to become quotas, that employers tend to take these seriously.

I have looked at some of that literature. I cannot claim that this is a professional responsibility and I have done a thorough research. I hope that the members of this committee have. So, in our own community, we feel that we are very suspicious of goals. I think our sense of this is in evolution. It is changing. Certainly, we are responsive to some of the needs that some of you have pointed out here. We are aware of them and we know of no easy way to satisfy this.

Perhaps the next time we appear before such a committee, in a year or two, our position will have evolved still further. Right now, we are attempting to maintain a consensus. But I hope Mme Allio will comment on the corporate aspect.

Mme Allio: C'est un point qui est très difficile. On s'attendait évidemment à avoir des questions à ce sujet et on se sentait un petit peu mal à l'aise, parce que tous les membres autour de la table, évidemment, sont très conscients qu'on a des idées un petit peu différentes, les uns et les autres. Les uns sont un petit peu plus traditionnels et les autres un petit peu plus à l'avant-garde.

Oui, c'est vrai, on a cette peur des objectifs, des contingents qui sont fixés. Par contre, comme nous vous l'avons mentionné, pour nous, c'est un engagement pour l'égalité des chances. S'il y a de la discrimination, s'il y a des preuves, il faut la corriger. Le point que j'aimerais apporter - c'est une expérience personnelle - c'est que, ayant travaillé dans des sociétés où le gouvernement avait un petit plus l'oeil sur ce qui s'y passait, il n'y a pas d'objectifs vraiment définis avec une période de temps donnée, mais il y a quand même un principe de bonnes intentions avec des rapports mensuels qui doivent parvenir à certaines personnes

C'est vrai que la situation est différente; c'est vrai que les femmes ont plus leur place, par exemple, chez nous et il y a une représentation équitable de toutes les minorités et majorités du pays. Alors, mon expérience, c'est que, quand il y a un certain système de rapports - j'hésite à utiliser le mot "contrôle" - et que de l'information sort, il y a un petit plus de justice et d'égalité.

Le Président (M. Gagnon): Le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: Juste une petite question, M. le Président.

Le Président (M. Gagnon): Le député de Vachon, en terminant.

M. Payne: To get back to the topic of Mr. Scheinberg, just a brief comment. The comment that I read was obviously the comment from Fortune Magazine, but, in fact, the scientific base for that comment was the 500 companies concerned. So, I think that it is a precision which we should make, namely, that they believed that they were not threatened by numerical objectives. On that basis, I think we would agree.

M. Scheinberg: They may not be threatened by the numerical objectives, but others outside may be threatened by those objectives, those who will not be hired and that is the fear - at least a residual fear -in our community.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: J'aimerais poser une question à Mme Allio. Dans la décision du Canadien National, en ce qui concerne des mesures de redressement, je pense qu'il a proposé un objectif numérique.

Mme Allio: Je suis très peu au courant de ce cas.

M. Marx: J'ai pensé que quelqu'un a

mentionné que vous étiez impliquée...

M. Hiess: Ils ont spécifié les objectifs numériques, mais quand nous avons organisé une conférence sur l'action positive l'année passée, une conférence nationale sur cette question, à Montréal, Mme Hélène Lebel s'est adressée à nous. Elle était un peu déçue du fait qu'ils ont établi des objectifs numériques. Il y a une certaine méfiance en ce qui concerne les objectifs. Même la commission n'a pas rejeté les objectifs numériques. Mais, si on accepte l'idée ou la thèse que l'un est l'équivalent de l'autre, on aboutit à la même chose. Si on accepte qu'un objectif, c'est quelque chose, c'est un quota, on aboutit à la même question.

M. Marx: Je veux juste terminer en disant que ce n'est pas la même chose, parce que, quand je vous ai donné l'exemple de la Commission de transport de la Communauté urbaine de Montréal qui veut engager 150 femmes comme chauffeurs d'autobus tout de suite, ce n'est pas un quota. C'est un objectif numérique et je pense qu'il y a une différence importante. On va parler des objectifs numériques sans parler des quotas et on va faire plaisir à tout le monde.

Le Président (M. Gagnon): Merci, mesdames et messieurs, de l'éclairage que vous avez apporté à notre commission.

J'invite maintenant le Conseil des communautés culturelles et de l'immigration du Québec à prendre place et je suspends les travaux pour cinq minutes.

(Suspension de la séance à 12 h 7)

(Reprise à 12 h 13)

Conseil des communautés culturelles et de l'immigration du Québec

Le Président (M. Gagnon): Nous accueillons maintenant le Conseil des communautés culturelles et de l'immigration du Québec. Avant de vous céder le micro, je vous demanderais de vous identifier et d'identifier ceux qui vous accompagnent. Je voudrais, à vous comme aux autres groupes, mentionner que nous accordons 55 minutes environ, soit 20 minutes pour la lecture de votre mémoire et environ 35 minutes pour le dialogue avec les membres de la commission.

Je vous souhaite la bienvenue et je vous cède le micro.

Mme Westmoreland-Traoré (Juanita):

Merci beaucoup, M. le Président de la commission. Membres de la commission, nous voulons d'abord vous remercier de nous offrir cette occasion de venir vous présenter publiquement notre avis sur ce projet de règlement. Je peux vous dire que nous sommes un peu impressionnés parce que c'est notre première comparution publique. Comme vous le savez, nous sommes un tout nouveau conseil. Notre loi date du mois de décembre 1984 et elle est entrée en vigueur en avril 1985. C'est un honneur pour nous de participer à cette consultation.

Je n'ai pu m'empêcher de remarquer, alors que j'étais dans l'auditoire, qu'avant l'ajournement il y avait ici une femme caméraman qui filmait ces audiences. Je me suis dit: Voilà, c'est un pas en avant. D'après moi, c'est aussi un résultat conrret de l'application de programmes d'accès à l'égalité. Je connais une des personnes innovatrices dans ce domaine à Radio-Canada, Mme Rita Cadieux, qui est maintenant vice-présidente de la Commission fédérale des droits de la personne. Je pense que c'est en partie le fruit de son travail et de ses initiatives que nous constatons aujourd'hui.

Je veux aussi présenter les membres qui sont avec moi. Il y a d'abord le vice-président, M. Dominique de Pasquale; il a le mandat statutaire de représenter au sein de notre conseil les communautés culturelles. À ma gauche, M. Benjamin Teitelbaum des professionnels qui travaillent à notre conseil.

Je pourrais rappeler brièvement quelques-unes des fonctions de notre conseil. Nous avons comme principale fonction de conseiller le ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration dans la planification, la coordination et la mise en oeuvre des politiques gouvernementales relatives aux communautés culturelles et à l'immigration, de le saisir de toute question que nous pensons importante pour les communautés culturelles. Nous avons aussi comme mandat de solliciter des opinions, de recevoir des requêtes de personnes ou de groupes sur des questions relatives aux communautés culturelles et è l'immigration et d'effectuer ou de faire effectuer les études et recherches que nous jugeons utiles et nécessaires dans l'exercice de notre mandat.

Maintenant, si on voulait marquer les étapes de l'évolution de notre mandat, on pourrait noter d'abord la création d'un Conseil consultatif de l'immigration en 1973 et l'élargissement de son mandat en 1977 lorsqu'il est devenu le Conseil consultatif des communautés culturelles et de l'immigration. Une des principales étapes a été la publication de la politique gouvernementale "Autant de façons d'être Québécois", en 1981, qui est le fondement du plan gouvernemental pour promouvoir les intérêts des communautés culturelles au Québec. Vous savez sans doute que la coordination de ce programme avait été à l'origine confiée au CIPACC qui a été remplacé par la suite par un coordinateur à l'implantation de ce plan d'action et finale-

ment, en décembre, ce fut la naissance ou la mise sur pied de notre conseil.

Comme premiers travaux, nous nous sommes d'abord intéressés à un avis sur les niveaux d'immigration, à un deuxième sur la reconnaissance du statut de réfugié et, troisièmement, il y a notre travail sur le projet de règlement sur les programmes d'accès à l'égalité.

Nous voulons quand même situer notre intervention en vous présentant l'approche et les objectifs que nous visons ce matin lors de cette présentation. Je vais céder la parole à M. de Pasquale.

M. de Pasquale (Dominique): Quelques remarques préliminaires pour commencer. Il faut rappeler que la décision de présenter un mémoire à cette commission a été prise lors de la toute première réunion du Conseil des communautés culturelles. Il faut être conscient que le conseil en était à ce moment-là à ses débuts, qu'il disposait et dispose encore, d'ailleurs, de peu de moyens, que les délais étaient courts et que le personnel n'était pas et n'est, d'ailleurs, pas complètement en place. Ceci pour expliquer en fait qu'en ce qui nous concerne nous pensons que nous ne sommes pas allés assez loin, qu'on n'a pas été assez exhaustifs. On aurait voulu apporter un certain nombre de nuances, ce que le temps et les moyens ne nous permettaient pas de faire.

Le projet de règlement nous paraissait extrêmement important et il s'agissait souvent de mesures réclamées depuis longtemps par les communautés culturelles. Nous trouvions quand même très important d'intervenir, d'autant que la préoccupation communautés culturelles ne nous paraissait pas ressortir clairement de l'énoncé de politique qui accompagnait le projet de règlement.

Une limite encore: le peu de données précises et de statistiques officielles sur les communautés culturelles, notamment dans le domaine de l'emploi. Il y a un certain nombre de recherches disponibles, mais, encore là, c'est assez limité. On espère, évidemment, dans l'avenir, comme organisme de recherche et de consultation, contribuer avec d'autres organismes au développement de cette recherche. Pour les fins de ce mémoire, on a travaillé avec des documents qui existaient déjà et aussi à partir de résultats de consultations qui ont été entreprises par le gouvernement depuis déjà pas mal longtemps et à partir d'une consultation qu'on a faite nous-mêmes aussi à la fin de septembre auprès d'un certain nombre de représentants d'organismes de communautés culturelles dont vous avez la liste, d'ailleurs, au début du mémoire.

En ce qui concerne les objectifs, il s'agissait d'abord, pour nous, de ne pas avoir une recherche purement juridique, de ne pas faire nécessairement une critique point par point du mémoire, mais plutôt de refléter un certain nombre de préoccupations qui avaient été maintes fois exprimées par les communautés culturelles, de souligner certaines priorités et de situer nos réflexions dans un cadre plus large, d'où le fait que, dans certains cas, vous le constaterez, on déborde la critique stricte du règlement, notamment, pour parler de la fonction publique ou d'opération de sensibilisation.

Mme Westmoreland-Traoré: Merci, Dominique. Maintenant, dans la démarche je voudrais signaler certaines étapes institutionnelles qui ont été franchies dans cet idéal d'implantation de programmes d'accès à l'égalité. D'abord, il y a la période de 1947 à 1964 qui est marquée par l'adoption de la Déclaration universelle des droits de la personne. Ensuite, en 1951, l'Organisation internationale du travail adopte les "Conventions On Equal Remuneration". En 1953, nous voyons l'adoption au Canada du "Fair Employment Practices" en 1956, le "Female Employees Equal Pay Act", en 1958, l'adoption de la convention sur la discrimination. De 1965 à 1975, nous avons d'importants documents. D'abord, en 1981, il y a la convention pour l'élimination de toute forme de discrimination contre les femmes. Il y a la convention pour l'élimination de toute forme de discrimination raciale, qui date de 1969. Au Canada, en 1971, nous avons la publication du rapport de la Commission royale sur le bilinguisme et le biculturalisme, qui permet au gouvernement de mettre en place des programmes d'action positive pour redresser la représentation des francophones dans la fonction publique fédérale.

En 1981, le groupe de travail parlementaire sur les perspectives d'emploi de la Commission de l'emploi et de l'immigration fédérale conclut que les mécanismes de la demande et de l'offre ne peuvent fonctionner adéquatement sans l'appui des agences privées et publiques de services d'emploi pour la mise sur pied de plans d'accès à l'égalité. Le rapport conclut que les femmes et les minorités continuent à faire face à des barrières intentionnelles et/ou systémiques à leur insertion et mobilité dans le marché de l'emploi. Le comité, en ce moment, recommande donc le besoin d'action positive pour qu'une approche intégrée puisse assurer que ces groupes, femmes et minorités, soient mieux représentés sur le marché du travail. Cela signifie aussi le développement de mesures qui puissent éliminer les barrières du côté de la demande, encourager un meilleur développement des compétences du côté de l'offre. Il y a eu des consultations au Québec en 1979 et un colloque intitulé l'État et les communautés culturelles, organisé par le gouvernement du

Québec. Nous avons les états de ce colloque et c'est ce qui a mené à la formulation du plan d'action pour la promotion des communautés culturelles.

Le rapport Égalité, ça presse, publié en mars 1984 après les travaux du comité parlementaire tripartite du Parlement fédéral, identifie la discrimination systémique dans le milieu du travail comme une des barrières principales à l'insertion des groupes des minorités visibles dans la société canadienne. Deux recommandations spécifiques proposent l'adoption de plans d'accès à l'égalité, c'est la recommandation 12 et la recommandation 14. Finalement, on peut dire que le rapport de Mme la juge Rosalie Abella sur l'équité en matière d'emploi inclut une série de recommandations pour éliminer les barrières intentionnelles ou systémiques pour les femmes, les autochtones, les handicapés et les minorités visibles.

Nous voulons vous faire part des résultats d'une recherche qui a été faite à Toronto par des académiciens. Le rapport, qui a peut-être déjà été cité devant vous, s'intitule "Who gets the work", a test of racial discrimination in Employment". Cela a été publié par "The Social Planning Council of Metropolitan Toronto and the Urban Alliance on race relations". Après une enquête empirique qui a été menée par des entrevues, soit personnellement, soit par téléphone, entrevues auxquelles assistaient des personnes formées pour faire les demandes d'emploi, ayant des qualifications identiques et posant les mêmes questions, les conclusions de cette enquête empirique sont les suivantes: la discrimination raciale intervient dans le choix des candidatures et limite radicalement les possibilités d'emploi pour les minorités raciales et ethniques. 51 % des employeurs ont exprimé explicitement des évaluations négatives des minorités. À qualification égale, les minorités visibles reçoivent une offre d'emploi quand les Blancs en reçoivent trois. Ce rapport date de 1984.

Pour les jeunes des minorités visibles, la situation à Montréal n'est pas très différente. Le rapport de recherche produit par le CIDEHCA (Centre international de documentation et d'information sur les études haïtiennes, caraïbéennes et afro-canadiennes) sur l'insertion des jeunes des minorités visibles dans le marché du travail, rapport publié en 1985, démontrait que le chômage chez les jeunes des minorités visibles est deux fois plus élevé (51 %) qu'il ne l'est chez les jeunes de 15 a 24 ans, en général (22 %). Cependant, le coût économique et social de cette situation est assumé par la famille des jeunes des minorités visibles, 77,7 % de ces jeunes demeurant toujours chez leurs parents. Nous n'allons pas entrer dans les conclusions du rapport de l'enquête publique sur le taxi à Montréal, mais, encore là, c'est un rapport qui a souligné la présence et qui a informé le public sur la nature de cette discrimination raciale qui existe dans une des industries de la société québécoise.

Le fondement philosophique de ces programmes d'accès à l'égalité. Puisque je suis consciente du temps, je ne pourrai pas énumérer toutes les bases sur lesquelles on se fonde pour proposer et soutenir cette action. Nous pouvons dire que, dans le plan "Autant de façons d'être Québécois" adopté en 1981, ce besoin ou cette urgence a été signalé. Nous voyons que le rapport constate que le peuplement du Québec a été fait et est une convergence importante de mouvements migratoires et que l'histoire du peuplement du Québec permet de mieux comprendre sa complexité culturelle aujourd'hui. Le Dr Camille Laurin, en 1977, parlait du pluralisme culturel plutôt que de multiculturalisme, tout en réaffirmant son appui au droit des minorités de sauvegarder leurs traditions et leur culture.

Les programmes d'accès à l'égalité ont été recommandés encore au Symposium national sur le droit et les relations interraciales, tenu en avril 1982 à Vancouver. Le rapport "Égalité, ça presse!", je l'ai déjà mentionné, ainsi que le rapport de madame Abella. Nous avons des statistiques sur l'importance des communautés culturelles au Québec. Certaines sont mentionnées dans notre rapport. Nous ne pourrons pas y revenir nécessairement. On peut sans doute indiquer certains taux de chômage pour quelques groupes ethniques selon le recensement de 1981. Nous donnons des statistiques qui concernent les groupes suivants: Chinois, Phillipins, Indochinois et Noirs au Canada. Alors que le taux de chômage total au Canada était de 7 % et de 10 %, au Québec, en 1981, pour les Indochinois, au Canada, le pourcentage de chômage était de 9,6 % et, au Québec, il était de 15,6 %. Pour les Noirs, au Canada, il était de 8 % et de 15,9 % au Québec. (12 h 30)

Vous avez le rapport très bien documenté du Dr Max Chancy sur l'école québécoise et les communautés culturelles, qui donne certaines informations sur la situation des communautés culturelles dans l'éducation.

M. Teitelbaum me demande d'attirer votre attention sur ces quelques résultats statistiques de l'étude de Mme Jennie Podoluck qui était auparavant responsable du recensement au Canada. Premièrement, les plus défavorisées sont les populations latino-américaines. Ces populations ont le revenu le plus bas de toutes les communautés culturelles. Ensuite, ce sont les communautés antillaises, dont le revenu est de 11 % de moins que la moyenne nationale et, au Québec, le chiffre serait encore plus élevé. Pour la population haïtienne, c'est le plus

haut taux de chômage de la communauté antillaise et ce taux de chômage est plus élevé que la moyenne provinciale; pour les hommes haïtiens, le taux de chômage est 75 % plus élevé que la moyenne provinciale. Au Québec, les Antillais sont surtout dans des emplois non spécialisés. En Ontario, c'est plutôt dans des emplois de cols blancs.

Nous voulons aussi dissiper certaines notions. Les communautés culturelles ne sont pas exclusivement à Montréal. À Hull, elles constituent environ 7 % de la population; à Québec, 2 % et, à Sherbrooke, environ 4 %.

Peut-être que M. Dominique de Pasquale pourrait maintenant parler de notre présentation concernant la fonction publique du Québec.

M. de Pasquale: Oui. Pourquoi la fonction publique puisque, en principe, du moins actuellement, ce secteur échappe à la réglementation? Parce que cela nous paraissait être une priorité. C'est-à-dire qu'au moment où le gouvernement s'apprête à mettre en oeuvre une politique d'accès à l'égalité, il nous semblait que sa propre action se devait, à cet égard, d'être concrète et efficace. En fait, il doit donner l'exemple. Il faut comprendre aussi que les membres des communautés culturelles sont extrêmement sensibles aux difficultés d'accéder à la fonction publique. On en parle à chaque colloque, à chaque rencontre. L'image d'étanchéité que la fonction publique projette aux différentes ethnies prend une valeur de symbole de la difficulté de s'intégrer à la société québécoise.

Au cours des récentes années, le gouvernement du Québec a multiplié les déclarations d'intention quant à sa volonté de rendre la fonction publique plus accessible. La volonté gouvernementale s'est notamment manifestée par le plan d'action "Autant de façons d'être Québécois". Le CIPACC, le comité chargé de la surveillance et de l'implantation de ce plan, a suivi avec beaucoup d'intérêt l'implantation du plan. Mais, au bout de trois ans, il ne pouvait faire état de progrès relatifs à l'intégration des membres des communautés culturelles dans la fonction publique ou dans les organismes gouvernementaux et paragouver-nementaux.

En mars 1985, le rapport du coordonnateur du plan d'action concluait même cette fois à une diminution des effectifs. Il y a eu une série de relevés. D'abord, un relevé révélait en 1979 que 2,7 % des fonctionnaires étaient issus des communautés culturelles. En juin 1982, un autre inventaire estimait cette participation à 2,5 % et, enfin, une troisième étude réalisée par la Direction de la recherche du ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration, sur la base des données du recensement de 1981, concluait plutôt à une participation de 5,4 %.

Mais, quel que soit le chiffre retenu, le taux de représentation paraît quand même extrêmement faible, compte tenu du fait que les communautés culturelles comptent pour près de 20 % de la population totale, soit à peu près 1 250 000 personnes. De plus, les diverses mesures de redressement adoptées sont loin d'avoir eu les effets espérés. Les difficultés économiques et le gel quasi total du recrutement dans la fonction publique qui ont suivi la publication du plan d'action à l'intention des communautés culturelles et la création du CIPACC expliquent sans doute, pour une bonne part, cet échec relatif. Mais, même en tenant compte de la conjoncture difficile, force nous est de constater que les résultats sont décevants.

Malgré tout, après une analyse des programmes gouvernementaux, on peut conclure que l'effort entrepris par le gouvernement au chapitre de l'accès à l'égalité en emploi dans la fonction publique témoigne d'une volonté réelle de faire des redressements. Le programme d'accès à l'égalité mis en oeuvre à l'intention des communautés culturelles paraît, en soi, globalement adéquat. Quelqu'un chez nous disait avec un peu d'humour à des membres du conseil que toute la plomberie, finalement, était en place et qu'il ne manquait plus que l'eau. Toutefois, on l'a vu, les progrès sont lents, beaucoup trop lents et le gouvernement est largement en retard sur ses échéances.

Il faut absolument en arriver, dans le cadre d'une politique de redressement, à une hausse sensible du taux d'entrée des membres des communautés culturelles dans la fonction publique. Les programmes remaniés qui sont en voie de préparation devront prévoir une accélération des processus de mise en oeuvre des politiques d'accès à l'égalité en emploi pour les membres des communautés culturelles. Le conseil souhaite que des objectifs précis et des délais à respecter soient fixés par décret dans les tout prochains mois.

Mentionnons en terminant que des mesures complémentaires seraient sans doute de nature à rendre le programme plus efficace. On peut mentionner à cet égard une meilleure publicisation des programmes gouvernementaux auprès des clientèles visées, de même que l'utilisation, lors de l'annonce de concours, de la presse anglophone, des médias ethniques et même des associations qui constituent un lien privilégié pour rejoindre les membres des communautés culturelles. Même si ce domaine a été peu étudié dans notre mémoire, on voudrait quand même mentionner la fonction publique municipale qui est extrêmement près, évidemment, d'un certain nombre de communautés culturelles. Sans faire d'études très poussées, je pense qu'on peut conclure -parce qu'il n'y a pas, non plus, beaucoup de

données disponibles à cet égard - qu'il y a un solide rattrapage à faire aussi dans ce domaine, en particulier dans la région de Montréal où se concentrent 85 % des communautés culturelles et où les communautés culturelles forment, finalement, 35 % de la population.

Mme Westmoreland-Traoré: Je voudrais, juste en quatre points, faire une certaine critique ou passer en revue certains des principaux points que nous vous soumettons dans cette consultation.

Tout d'abord, nous regrettons la décision du Conseil des ministres de ne plus soumettre obligatoirement les programmes au pouvoir d'approbation de la Commission des droits de la personne. Étant donné cette décision, les entreprises ou établissements pourront adopter des plans ou des programmes d'accès à l'égalité qui ne correspondront pas nécessairement à l'esprit de la réglementation. Le conseil croit qu'il est essentiel de penser à une formule de normalisation des programmes d'accès à l'égalité. Nous pensons qu'il doit y avoir une action plus ferme et qu'on doit prévoir des modalités de surveillance afin que ces programmes puissent être selon les objectifs de la loi.

Si vous me le permettez, sur cette question de l'approche volontaire, je voudrais faire un aparté. Nous avons noté dans un article du journal Globe and Mail une histoire qui résume en grande partie cette question de volontariat dans les plans d'accès à l'égalité. C'est une citation de M. William McEwen "who is Chairman of the Resources and Equal Opportunity Committee of the U.S. National Association of Manufacturers. And this is his comment on voluntary affirmative action programs: "There is no such thing as voluntary compliance with affirmative action laws. If voluntary compliance worked, Moses would have come down from the mountain with the ten guidelines." Cela veut dire: II n'y pas de programmes volontaires d'action affirmative. Si une telle chose existait, Moïse serait descendu de la montagne avec dix lignes directrices.

Deuxièmement, dans le même ordre d'idées, nous croyons qu'un comité aviseur d'accès à l'égalité pour les communautés culturelles est essentiel et que ce comité devrait être formé majoritairement des représentants des groupes. Dans le cadre des mesures gouvernementales de soutien aux programmes d'accès à l'égalité figuraient la création d'un comité aviseur sur l'accès à l'égalité pour les femmes et un fonds d'aide. Ces mesures devraient être étendues pour que les autres groupes cibles soient également bénéficiaires de ces projets.

Troisièmement, nous demandons certaines définitions interprétatives à l'intérieur du règlement, ne serait-ce que pour bien préciser que la réglementation vise la promotion et l'implantation de programmes d'accès à l'égalité à l'intention des personnes faisant partie de groupes discriminés. La définition du terme "communautés culturelles" serait importante pour les fins de l'application à la fonction publique. Même si, actuellement, ce règlement ne sera pas applicable à la fonction publique, nous pensons qu'à l'avenir il devrait l'être et qu'il le sera peut-être.

Nous pensons surtout que cette définition de "communautés culturelles" ou, de façon plus restrictive, de "groupes raciaux ethniques" devrait être formulée de façon non exclusive et comprendre les membres de communautés ethniques, culturelles et raciales en tenant compte de caractéristiques telles que la langue maternelle, la langue d'usage, le lieu de naissance à l'étranger et, très important, le sentiment d'appartenance.

Cette question de définition est importante. Nous avons vu que, lors de la collecte de données... Le temps est terminé? Bon! Finalement, la définition élargie du terme "organisme".

Le Président (M. Gagnon): Merci. Comme vous avez pris plus de 20 minutes, 27 minutes environ, je demanderais maintenant aux membres de la commission de poser un peu moins de questions probablement. M. le député de Châteauguay.

M. Dussault: Merci, M. le Président. Je vais essayer d'être bref. Je voudrais aborder avec nos invités la question de l'obligation contractuelle. Mais, auparavant, un peu comme question parenthèse, comme cela a été le cas tout à l'heure dans les propos concernant l'intégration des Québécois reliés aux communautés culturelles, où on nous disait qu'il y avait peu de ces personnes qui se sont intégrées dans la fonction publique québécoise, j'aimerais savoir si le conseil dispose de statistiques à l'égard du nombre de personnes qui se présentent aux concours par rapport au nombre de postes qui sont ouverts. Deuxièmement, avez-vous des analyses, des raisons pour lesquelles il n'y a pas plus de gens qui se présentent pour combler ces postes?

M. de Pasquale: Je n'ai pas les chiffres exacts en mémoire, mais je sais qu'effectivement les communautés culturelles sont sous-représentées, même dans les offres de services, c'est-à-dire que les gens issus de communautés culturelles ne postulent pas assez d'emplois dans la fonction publique.

C'est aussi pour cela que nous demandons, proposons ou suggérons, comme, d'ailleurs, d'autres gens des communautés culturelles l'ont fait bien avant nous, que les postes soient davantage annoncés dans les médias qui rejoignent plus directement les communautés culturelles.

Mme Westmoreland-Traoré: Je voudrais aussi que M. Teitelbaum fasse certains commentaires à ce sujet.

M. Teitelbaum (Benjamin): Je voulais seulement citer comme exemple qu'il y a eu une expérience assez intéressante au niveau fédéral avec la CBC où on voulait promouvoir la participation de minorités visibles sur les ondes, c'est-à-dire sur l'écran à la télévision parce qu'il y avait un manque de modèles pour les communautés culturelles, les minorités visibles en particulier. On voulait une présence plus accrue de représentants de ces communautés dans les médias. Un programme a été annoncé demandant huit personnes pour un an d'entraînement et de participation à la CBC. La première annonce a été faite dans le Globe and Mail. Il y a eu très peu de réponses et, avec beaucoup d'argent du gouvernement fédéral qui a été mis là, quelque 375 000 $, on avait le pressentiment que cela n'allait pas fonctionner et qu'il faudrait peut-être repenser le programme et voir si le problème n'était pas la formation ou l'expérience des communautés culturelles, qui manque pour ce genre d'emploi. (12 h 45)

À ce moment, j'avais un autre chapeau. Je travaillais au Secrétariat d'État pour le multiculturalisme. On avait suggéré que ce serait peut-être bien s'ils pensaient utiliser les médias ethniques parce qu'il y a un problème de méfiance, il y a un problème d'histoire qui entre en compte. Les gens n'ont pas participé à une structure institutionnelle et, donc, il y a une méfiance quand il s'agit de participer, même quand l'offre est faite. Ils ont fini par mettre une annonce dans la presse ethnique et ils ont eu 800 candidatures. Ils en ont retenu 6 sur les 800 et il y en avait 300 qui étaient compétentes. Je pense que comme anecdote ça peut indiquer aussi que c'est un problème de méfiance.

Mme Westmoreland-Traoré: Le même phénomène s'est passé à Vancouver lorsqu'il y a eu le recrutement de policiers de communautés ethniques. En s'adressant à des médias communautaires, ils ont eu une avalanche de candidatures.

M. Dussault: Si je comprends bien, vous vous appuyez sur une expérience vécue ailleurs au Canada pour extrapoler, si vous me permettez l'expression, pour en arriver à la conclusion que c'est une question d'abord et avant tout de publicité à l'égard de ces ouvertures de postes.

Mme Westmoreland-Traoré: Oui. C'est une question de publicité. C'est aussi une question d'ouverture et d'accueil ressentie par les membres des différentes communautés ou des groupes cibles. Les conditions de travail, l'atmosphère au travail, les possibilités d'intégration sont également importantes. Je pense que dans un plan d'accès à l'égalité on peut comprendre des mesures spéciales pour attirer les personnes.

M. Dussault: C'est intéressant comme explication. Je voudrais maintenant passer à la question de l'obligation contractuelle. En fait, dans votre mémoire, à la page 42, au dernier paragraphe, vous dites que "la structure économique du Québec s'appuie sur la petite et moyenne entreprise." Nous partageons votre point de vue. C'est le point de vue du gouvernement du Québec. Vous concluez qu'il est très important que le gouvernement tienne compte de la réalité économique et de la taille des entreprises. J'aimerais savoir, dans ces circonstances, en reconnaissant que l'économie s'appuie sur la petite et moyenne entreprise, quels sont les meilleurs critères à fixer relativement aux entreprises visées pour qu'une politique d'obligation contractuelle en matière d'accès à l'égalité soit efficace au Québec. Vous parlez un peu, mais vraiment très peu de cette question dans votre mémoire. J'aimerais que vous détailliez davantage.

M. de Pasquale: Le critère retenu à l'heure actuelle, c'est 100 employés ou plus pour des compagnies qui ont des contrats pour une valeur supérieure à 200 000 $. En comparaison, aux États-Unis, pour un programme semblable, on avait retenu le critère de 50 employés et plus. Je ne sais pas si c'est un élément de réponse.

Mme Westmoreland-Traoré: Oui. Je pense que, si on examine le nombre de compagnies qui seront soumises à une telle politique d'obligation contractuelle et si le seuil demeure le même, c'est-à-dire 100 employés ou 200 000 $, il y en aura un nombre très limité, 250 environ, et à ce moment l'effet d'entraînement sera d'autant moins important. Je crois que ce point a été souligné aussi dans le rapport du Conseil du statut de la femme. Maintenant, si vous voulez d'autres éléments, on pensait surtout que le seuil fixé était trop élevé pour qu'il y ait un effet assez important, surtout si on pense que ce serait, quand même, une politique gouvernementale qui entraînerait une certaine mobilisation de ressources humaines et autres. Il faudrait escompter les résultats à la fin de la ligue.

M. Dussault: Est-ce que vous disposez de chiffres à l'égard du nombre d'employés qui constituent généralement les petites et moyennes entreprises, chiffres qui vous permettraient d'établir jusqu'à quel point on couvrirait davantage avec 50? Parce que 50 personnes, ce n'est peut-être pas, non plus,

une façon d'arriver à couvrir un très grand nombre de petites et moyennes entreprises au Québec. Sur quoi vous appuyez-vous pour fixer ce chiffre de 50?

Mme Westmoreland-Traoré: Je n'ai pas de statistiques ici avec moi, mais j'ai déjà vu ce qui existe, des documents qui ont été préparés pour des tables de concertation provinciale-fédérale avec une analyse des compagnies, le nombre d'employés. Ces documents ont servi à la décision de tirer la ligne à un tel seuil plutôt qu'à tel autre seuil. Malheureusement, je n'ai pas ces données ici avec moi, mais on sait qu'au Québec, le plus grand nombre d'emplois est créé par les petites et moyennes entreprises.

M. Dussault: Dans l'ordre de proportion, on passerait de quelle proportion à quelle proportion approximativement?

Mme Westmoreland-Traoré: Vraiment je n'ai pas cela ici avec moi. Je ne pourrais pas répondre. Peut-être qu'on pourrait vous envoyer le document.

M. Dussault: Ce serait intéressant. Mme Westmoreland-Traoré: Merci.

M. Dussault: En tout cas, pour le ministre qui aura à appliquer la politique, merci.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le député de Châteauguay. M. le député de D'Arcy McGee et après vous ce sera au député de Marquette.

M. Marx: Merci, M. le Président. J'aimerais remercier Mme Westmoreland-Traoré, M. de Pasquale et M. Teitelbaum pour la présentation de ce mémoire qui est de très haute qualité et bien étoffé. Vous avez apporté d'autres statistiques et vous avez mentionné d'autres rapports qui seront utiles.

Je me souviens que quand le ministre de la Justice, qui est maintenant premier ministre du Québec d'une façon temporaire, a annoncé qu'il allait créer un fonds pour les femmes qui veulent contester la discrimination il parlait aussi d'un comité aviseur. Cela m'a beaucoup surpris quand il a fait cette déclaration parce qu'il n'a pas parlé des communautés culturelles. Je vois qu'une de vos recommandations est que vous réclamez un tel comité aviseur et un fonds pour ceux qui veulent porter plainte pour discrimination. Donc, vous voulez que les communautés culturelles soient sur le même pied que les femmes dans ce dossier. Je vous appuie dans cette demande. Je pense que c'est tout à fait normal car si par les programmes d'accès à l'égalité on vise ces deux groupes en général, ce serait normal de les traiter de la même façon.

J'ai deux questions. La première est celle-ci: Vous avez parlé d'arriver à une représentation équitable des communautés culturelles dans la fonction publique. M. de Pasquale a parlé d'accélérer la mise en oeuvre du programme du gouvernement. Qu'est-ce que c'est une représentation équitable des communautés culturelles dans la fonction publique? Est-ce que c'est dans la fonction publique québécoise à Montréal, à Québec ou ailleurs?

M. de Pasquale: Ce qu'on a surtout étudié, effectivement, c'est la fonction publique québécoise. Pour l'instant, on a retenu les chiffres avancés à l'époque par le CIPACC et par "Autant de façons d'être Québécois", qui étaient de 9,5 %, je pense.

M. Marx: Quel était l'objectif numérique? Il faut dire au gouvernement: On veut avoir tant. On veut que la fonction publique reflète la société québécoise d'une façon normale, dirais-je. Qu'est-ce qu'on va demander au gouvernement d'avoir comme objectif?

Mme Westmoreland-Traoré: Je crois que les chiffres ont été établis un peu de façon globale en examinant la présence de communautés culturelles dans la population. On a dit qu'il y en a environ 20 %. On a dit peut-être que 50 % sont bilingues. On a dit que certains ne sont pas citoyens canadiens. Donc, on est arrivé à ce chiffre de 9,5 % comme objectif tel qu'il a été un peu avancé par Dominique.

M. Marx: Supposons qu'on met 9,5 %, ils peuvent atteindre cet objectif numérique pour ne pas utiliser un autre mot qui est souvent critiqué - avec des gens qui sont des "elevator operators", des garçons d'ascenseur, des femmes d'ascenseur.

Mme Westmoreland-Traoré: Je crois que c'est là la question et c'est pour cela que nous insistons pour que les programmes soient soumis au moins à une normalisation, si ce n'est à une approbation, et que le règlement aussi s'applique aux programmes du Conseil du trésor. Dans un programme qui est élaboré de façon conséquente, pour respecter ce règlement, il y aurait une analyse de disponibilité et d'effectif dans tous les secteurs, dans la fonction publique comme dans le secteur privé, de sorte qu'on s'attendrait, par les mesures précises, qu'il y ait une représentativité aux différents emplois et aux différents niveaux dans la fonction publique. Donc, ce ne sont pas seulement des objectifs quantitatifs; ce sont aussi des objectifs qualitatifs, si je peux dire.

M. Marx: J'aimerais vous poser ma deuxième question. Hier, nous avons eu un groupe à la commission, c'était le Centro Donne, de Montréal.

Mme Westmoreland-Traoré: Je le connais.

M. Marx: Pardon?

Mme Westmoreland-Traoré: Je connais l'organisme.

M. Marx: Ah bon! Parfait!

Mme Westmoreland-Traoré: il est bien respecté.

M. Marx: C'est une association de femmes italiennes nées au Canada ou en Italie. On sait qu'on va avoir des programmes d'accès à l'égalité. C'est évident qu'on va avoir un groupe cible: les femmes. Je pense que tout le monde est d'accord avec cela. Mais va-t-on avoir d'autres groupes cibles: des femmes italiennes, des femmes grecques, des femme haïtiennes? Comment est-ce que cela va fonctionner? Les femmes noires sont au Québec depuis le XVIIe siècle. Font-elles encore partie d'une communauté culturelle? Les Juifs sont ici depuis le XVIIIe siècle. Est-ce que les gens de ces familles, qui sont ici depuis plus de deux siècles, font partie d'un groupe qu'on appelle les communautés culturelles? Il y a beaucoup de gens qui n'aiment pas cette étiquette. On veut, à un moment donné, devenir québécois ou québécoise à plein titre, si je peux m'exprimer de cette façon. Par rapport aux groupes cibles, comment voyez-vous cela? À l'intérieur du groupe cible que forment les femmes, va-t-on avoir des sous-groupes, des femmes italiennes, des femmes grecques, etc. ou si ce sont seulement les femmes? Vous comprenez le problème.

Mme Westmoreland-Traoré: Je pense que le comité aviseur aurait un rôle à jouer à ce niveau. Nous avons demandé dans notre mémoire que, même pour le comité aviseur en ce qui touche l'accès à l'égalité pour les femmes, il y ait un représentant des femmes des communautés culturelles, puisque, comme vous le soulignez, il y a parfois une double discrimination de nature systémique qui s'exerce à ce niveau.

Nous savons que, dans certains plans d'accès à l'égalité, aux États-Unis, selon l'obligation contractuelle, il y a des sous-facteurs par lesquels on tient compte des femmes de minorités ethniques, d'hommes de minorités ethniques afin qu'on puisse arriver à une représentation adéquate de la disponibilité de la main-d'oeuvre dans la zone désignée par le programme. Lorsqu'on veut préparer des plans d'accès à l'égalité, évidemment, cela implique de suivre une démarche, de faire une collecte de données, de préparer un plan pour répondre à une situation donnée. Si on constate qu'effectivement les femmes d'une certaine communauté ne sont pas sous-représentées, le plan ne devrait pas les viser, à mon avis.

Vous posez aussi une autre question. Peut-être que M. Teitelbaum aimerait revenir sur cette question, mais je ne pense pas que la définition des groupes cibles devrait poser d'énormes difficultés, parce qu'il y a des précédents auxquels on peut se référer.

M. Marx: Aux États-Unis?

Mme Westmoreland-Traoré: Oui, aux États-Unis, qui concernent les femmes, les groupes ethniques, qu'ils soient orientaux, hispaniques, etc.

M. Marx: Oui mais, aux États-Unis, je pense que la division des groupes est plus simple, la façon de trouver les groupes cibles. Aux États-Unis, il y a deux ou trois groupes dits de communautés culturelles très faciles à classer. Je pense que ce serait plus difficile au Québec.

Mme Westmoreland-Traoré: Si nous traitons concrètement de cette question, même si c'est complexe, la solution sera là si on s'y met. Deuxièmement, les plans - je pense qu'on peut les examiner avec les statistiques qu'on vous donne - vont certainement viser certains groupes qui peuvent être identifiés. Dans plusieurs cas, on a cité des statistiques concernant des groupes raciaux ou concernant les hispanophones, ce qui veut dire que leurs noms sont parfois identifiés, mais un autre facteur est important, je pense, c'est celui de l'auto-identification des communautés culturelles. (13 heures) 11 y a plusieurs façon de procéder à la collecte de données. La collecte de données peut être faite par l'employeur, par un système gouvernemental ou par l'auto-identification. Je pense qu'il faudrait trouver une formule qui permette aussi à la personne membre d'une communauté culturelle, en plus des éléments que nous avons émunérés, comme la langue, la religion, l'aspect culturel, de s'identifier comme faisant partie d'une communauté culturelle ou de ne pas s'identifier comme faisant partie d'une communauté culturelle, selon son choix. C'est ce qui se pratique de toute façon actuellement en ce qui concerne les communautés culturelles qui sont d'expression française, car ces communautés culturelles s'identifient plus facilement aux communautés majoritaires et elles exercent de façon quotidienne ce choix.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Marquette. Est-ce que vous voulez ajouter quelque chose?

M. Teitelbaum: Simplement pour dire qu'il y a des formules, pour renforcer la position de Mme Westmoreland-Traoré. Quand la volonté est là, il y a des façons de le faire. Au Conseil du trésor fédéral, ils ont donné un questionnaire à tous les employés pour leur demander leur origine ethnique. Ils visaient principalement les minorités visibles. À partir des données qu'ils ont reçues de ce questionnaire, ils ont élaboré des mesures spéciales qui visent un programme d'amélioration de la participation de ces groupes dans la fonction publique fédérale.

Mme Westmoreland-Traoré: C'est ça, il y a un programme. On a demandé aux gestionnaires de fixer des objectifs à la fonction publique fédérale pour les groupes cibles, et l'Association des universités et collèges canadiens a reçu une subvention pour améliorer les méthodes d'évaluation des diplômes et l'expérience acquise à l'étranger. C'est un autre point critique pour les communautés culturelles.

Le Président (M. Gagnon): Merci. Avant de céder la parole au député de Marquette, je présume que la commission me donne la permission de poursuivre après 13 heures. M. le député de Marquette.

M. Dauphin: Merci, M. le Président. À mon tour, évidemment, je remercie les membres du Conseil des communautés culturelles et de l'immigration du Québec pour la présentation de leur mémoire. J'ai bien aimé le mot de M. Teitelbaum tantôt lorsqu'il parlait de volonté. Effectivement, je pense que cela prend une volonté politique pour améliorer les choses, pas seulement au Québec, mais partout.

Relativement à l'accès à la fonction publique, on a dit tantôt - d'ailleurs, ce sont les chiffres du C1PACC - que depuis 1941, on est passé de 8 % de membres des communautés culturelles au sein de la fonction publique à 2,5 %. Maintenant, on entend souvent, du côté gouvernemental, dire que les membres des communautés culturelles ne veulent pas déménager à Québec pour travailler dans la fonction publique québécoise. Si on regarde les chiffres du budget au niveau de la publicité gouvernementale, c'est 0,5 % du budget gouvernemental qui est alloué aux médias ethniques. Toujours en se référant au mot "volonté", après avoir lu "Autant de façons d'être Québécois" et après avoir lu que, si d'ici à cinq ans depuis 1981, la situation ne s'était pas améliorée, on procéderait à des mesures très draconiennes, on a entendu dire au mois de juin dernier que malheureusement, cela ne regrouperait pas les communautés culturelles.

Je sais très bien que vous êtes peut-être un peu drôlement placés, ayant comme mandat de conseiller le ministre, mais je pense qu'à partir des constats que l'on voit vous êtes sûrement très bien placés pour conseiller - M. Teitelbaum employait le mot "volonté" - d'avoir une volonté politique dans ce sens-là. C'est plutôt vos commentaires que j'aimerais avoir là-dessus.

Maintenant, au niveau du processus de sélection dans la fonction publique, est-ce que le gouvernement ne pourrait pas penser, éventuellement, à avoir un membre des communautés culturelles dans un comité de sélection? On m'a déjà dit, à moi - c'est peut-être une affirmation gratuite - que souvent, lorsqu'on a un candidat dont le nom commence par "z ou y", on est peut-être porté...

M. Marx: Heureusement, le "m" n'est pas là-dedans.

M. Dauphin: ...ou un "w". J'aimerais avoir vos commentaires là-dessus. Aux comités de sélection, est-ce qu'on ne pourrait pas s'assurer d'avoir au moins un membre des communautés culturelles et utiliser, évidemment, les médias ethniques à plus de 0,5 %, non seulement pour les avis d'offres d'emplois, mais également pour toute publicité qui s'adresserait à eux en termes d'information?

On dit souvent que les membres des communautés culturelles n'utilisent pas les services gouvernementaux, mais est-ce qu'on fait les efforts nécessaires pour les rejoindre et tenter, du moins, de les informer?

Mme Westmoreland-Traoré: On aurait de la difficulté à ne pas être d'accord avec vous. C'est très important que le gouvernement mette les moyens et les ressources humaines pour accomplir certains objectifs. Nous avons aussi souvent entendu que les membres des communautés culturelles ne veulent pas demeurer au Québec; d'abord, actuellement, avec les limites dans le marché du travail, je pense qu'il y a beaucoup plus de gens qui sont mobiles si, en fait, il y avait un problème de ce côté.

Deuxièmement, si nous regardons l'exemple de la fonction publique canadienne où il y a eu véritablement un programme de redressement pour promouvoir une meilleure participation et une participation représentative des francophones, on a vu que, avec l'accroissement du nombre de francophones, l'attraction a été beaucoup plus facile.

Ce que vous avez dit sur la présence de membres de communautés culturelles au sein des comités de sélection, je crois que c'est une mesure à favoriser. Elle est peut-être déjà utilisée jusqu'à un certain point,

mais elle devrait devenir plus systématique. Nous avons lu dernièrement dans L'Actualité un article de M. Victor Téboul, journaliste pour la revue Jonathan, qui exprime les mêmes préoccupations et inquiétudes, soit que le fait même d'avoir un nom à consonance non québécoise exerce, dans la majorité, une exclusion, malheureusement. En plus, il y a la question d'accent et de tonalité.

Donc, la présence des membres de communautés culturelles est importante aussi pour faciliter les communications et l'appréciation de certaines caractéristiques culturelles pour une sélection et un processus d'évaluation qui ne sera pas fondé sur les normes d'une société majoritaire.

Le Président (M. Gagnon): Une dernière question, M. le député de Marquette, très courte et une réponse très courte aussi, s'il vous plaîtl

M. Dauphin: D'accord, très courte. Hier, un groupe qui avait fait une recherche nous a informés qu'au sein même du ministère, le MCCI, qui est situé à Montréal pour des raisons bien évidentes, on parle de 7 % des fonctionnaires qui sont membres des communautés culturelles.

Mme Westmoreland-Traoré: Je ne dis pas "oui, mais". Ce n'est jamais un bon début.

M. Dauphin: Non, mais, je parle...

Mme Westmoreland-Traoré: Je crois que les 7 % sont peut-être véridiques, mais si on compte le nombre d'occasionnels, je crois que le pourcentage augmente jusqu'à 13 % ou 14 % ou quelque chose comme cela.

M. Dauphin: C'est cela. Ce que je veux dire par là que, c'est tant qu'à prêcher par l'exemple, au sein même du ministère qui a comme vocation, justement, de voir à améliorer le sort de ses communautés, on tente au moins, à compétence égale, d'engager des personnes provenant de ces communautés.

Mme Westmoreland-Traoré: On peut vous dire que les objectifs informels qui sont fixés, actuellement, en dehors d'un processus de plan d'accès à l'égalité selon les anciennes formulations, etc. sont très décevants pour nous. Je ne pense pas qu'on doive en discuter ici, mais c'est vraiment infime.

Le Président (M. Gagnon): Merci. Un très court commentaire, M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: Quand on parle de la fonction publique, je me souviens que, lors d'une commission semblable à celle-ci, le président du syndicat des fonctionnaires était ici et je lui ai posé cette question sur l'intégration des membres des communautés culturelles. Sa réponse était: II n'y a pas de débouchés, donc, je ne vois pas ce qu'on va faire. Il va venir demain et je vais lui poser la même question, et j'imagine que je vais avoir la même réponse. Chaque fois qu'il revient, il va me dire que c'est plus serré que jamais dans la fonction publique. J'ai fait ce commentaire pour rejoindre ce que M. Dauphin, député de Marquette a dit: Cela prendra une volonté politique extrêmement forte pour faire quelque chose dans la fonction publique. Quand on parle de la fonction publique, c'est un terme trop étroit pour moi. Je pense qu'il faut parler des organismes publics et parapublics: les commissions scolaires, les municipalités, les communautés urbaines, les sociétés d'État. Nous avons 250 organismes gouvernementaux au Québec. Il y a les services de police, les services de pompiers, les centres hospitaliers et ainsi de suite. Je pense que, si on voit de cette façon la "fonction publique", entre guillemets, on aura une meilleure chance de faire des percées. Parce que parler de la fonction publique du Québec, c'est très restreint.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le député de D'Arcy McGee. Oui, vous avez une réaction?

Mme Westmoreland-Traoré: Oui. On demande une extension dans le règlement de la définition d'organisme, justement, pour couvrir ces organismes qui reçoivent un financement important du gouvernement. M. de Pasquale aurait un petit mot.

M. de Pasquale: II n'y a pas de débouchés, mais il y a quand même un peu de recrutement qui se fait dans la fonction publique. Chez les gens qui sont recrutés à l'heure actuelle, il y a un pourcentage qui est quand même infime de gens issus des communautés culturelles et les objectifs que se donne le gouvernement l'an prochain, semble-t-il, sont aussi infimes.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Châteauguay, deux minutes.

M. Dussault: Merci, M. le Président. Pour enchaîner rapidement avec un commentaire sur cette question de l'intégration à la fonction publique et un peu à la suite d'une réponse qui a été donnée tout à l'heure, si la solution est d'atteindre les gens par le biais des médias ethniques, des journaux ethniques, il y a lieu de se poser des questions pour savoir si le premier problème n'est pas d'abord et avant tout un problème d'intégration des communautés

culturelles dans la communauté québécoise, d'une façon générale. Je pense que cela pose cette question inévitablement.

Je voudrais, en terminant, poser une question relativement à quelque chose que vous dites à la page 56 de votre mémoire: "Une telle réglementation - en songeant à celle qu'on étudie - qui témoigne d'une volonté politique plus large de corriger des injustices, vient compléter ou appelle d'autres mesures." Est-ce que vous aviez en tête des suggestions que vous pourriez nous faire à cet égard? Page 56 au premier paragraphe. Ce sont, en fait, les trois dernières lignes de ce paragraphe.

Mme Westmoreland-Traoré: Avant qu'on réponde expressément à cette question précise, je crois qu'il y a des efforts sérieux qui sont faits de part et d'autre pour l'intégration dans la société québécoise. Je pense qu'on le reconnaît. Je crois qu'il y a des services spéciaux qui existent, qui sont favorisés par le ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration et d'autres ministères, tel le ministère des Affaires sociales, etc. Seulement, nous constatons que même au niveau de ces services il y a des limites parce qu'il y a des problèmes d'accessibilité à ces services puisque le personnel de ces services, parfois, n'est pas assez représentatif du milieu ou n'est pas informé non seulement sur les questions linguistiques ou d'interprétation, mais sur les questions de comportements culturels, etc. Pour nous, l'intégration se fait dans les deux sens, c'est-à-dire qu'il y a une démarche vis-à-vis de la société majoritaire non seulement de la part des immigrants, mais des communautés qui sont établies ici depuis des générations; il y a aussi de la part de la communauté majoritaire l'accueil et l'adaptation à ceux qui arrivent.

M. Dussault: Je trouve cela intéressant, ce que vous nous dites, particulièrement la dernière chose, à savoir l'adaptation, parce qu'il me semble que, si je déménageais en France, par exemple, mon réflexe, ce serait davantage de lire les journaux nationaux de la France, pour y trouver de l'information si je me cherche du travail que de me créer un journal dans lequel je chercherais s'il n'y a pas des informations qui pourraient me rendre service sur le plan de la recherche d'emplois. C'est dans ce sens-là que je veux dire qu'il y a sûrement un problème d'intégration. Il ne s'agit pas de blâmer quiconque, mais il s'agit de bien voir que c'est sûrement significatif d'un certain problème d'intégration qui est plus large que le simple fait de s'intégrer dans la fonction publique. C'est ce que je voulais dire.

M. de Pasquale: Si vous me le permettez, ce n'est pas uniquement un problème d'information au sens strict. Effectivement, la plupart des membres des communautés culturelles lisent l'un ou l'autre des grands médias d'information ou, alors, regardent la télévision. C'est un problème d'image aussi que veut projeter la fonction publique à partir du moment où son information est véhiculée par des médias des communautés culturelles.

Mme Westmoreland-Traoré: Je pense que, dans la politique de relations interculturelles, il y a - et j'en conviens avec vous - la démarche d'intégration, mais aussi la démarche du maintien des cultures, de l'enrichissement de la société par l'existence de ces cultures. Les médias sont un véhicule privilégié pour entretenir les contacts culturels et interculturels parce qu'on constate le phénomène que plusieurs Québécois de toutes les générations maintenant s'inscrivent dans des cours de langues autres, que ce soit l'italien, le grec ou d'autres, pour une multitude de raisons. Donc, je crois que la démarche vers les médias des communautés culturelles, comme Dominique le mentionne, c'est une démarche d'image et de valorisation aussi pour ces personnes et d'accueil vis-à-vis des institutions publiques. L'existence et l'utilisation de ces journaux sont importantes pour la vie culturelle et le soutien des communautés culturelles.

Le Président (M. Gagnon): Merci.

M. Dussault: M. le Président, la réponse à la deuxième question est celle qui m'intéresse le plus.

Mme Westmoreland-Traoré: Oui, la deuxième question.

M. de Pasquale: II s'agit des mesures. Ce que nous souhaitions, c'était simplement de situer un peu notre réflexion dans un cadre social plus large et de rappeler que d'autres éléments, comme l'amélioration des conditions de travail, la hausse du salaire minimum, le développement des réseaux de garderies, etc. pouvaient améliorer aussi la condition d'une portion de la population parmi laquelle on trouvait des gens, dans certains cas, très défavorisés.

M. Dussault: Donc, l'égalité des chances passe aussi par des mesures comme celles-là et, forcément, par l'accès à l'égalité.

M. de Pasquale: Oui, de progrès social. M. Dussault: Je vous remercie.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le député, et merci au Conseil des communautés culturelles et de l'immigration du

Québec. Vous avez mentionné tantôt que c'était la première occasion que vous aviez de vous adresser à une commission parlementaire; je suis très heureux que vous ayez choisi la nôtre. Vous avez apporté un éclairage extraordinaire à notre commission et je vous en remercie beaucoup.

Je vous donne donc rendez-vous à 15 heures précises alors que nous entendrons la Chambre de commerce du Québec. Je suspends les travaux jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 h 16)

(Reprise à 15 h 1)

Le Président (M. Gagnon): La commission des institutions poursuit ses travaux. Lors de la suspension, nous avions invité la Chambre de commerce du Québec à prendre place. Nous vous souhaitons la bienvenue. Avant de vous laisser la parole, je vous dis que nous disposons d'environ 55 minutes par groupe, ce qui veut dire à peu près 20 minutes pour faire la lecture de votre mémoire et 35 minutes d'échange de propos avec les membres de la commission.

M. Létourneau, je vous cède le micro en vous demandant de présenter les gens qui vous accompagnent.

Chambre de commerce du Québec

M. Létourneau (Jean-Paul): Merci, M. le Président. Mon nom est Jean-Paul Létourneau, je suis le vice-président exécutif de la Chambre de commerce du Québec. J'ai l'honneur d'être accompagné, pour la présentation de ce mémoire, de notre vice-président aux ressources humaines, Me Eugène Turmel, de Lévis et de notre directeur général aux affaires publiques, M. Marcel Tardif.

M. le Président, étant donné le temps disponible pour la présentation, je vais devoir faire un résumé de notre mémoire. Je vais le faire dans l'ordre où il est présenté, c'est-à-dire à compter de la page numérotée 1, si vous voulez, parce qu'il y a au début un résumé qui est sur des pages non numérotées et nous nous en excusons. Disons qu'on commence à la partie introduction et à la page 1 et aux suivantes pour ceux qui veulent suivre notre résumé dans le mémoire.

La chambre remercie les membres de la commission parlementaire des institutions pour l'avoir invitée à se faire entendre sur cette question d'intérêt particulier. La chambre désire d'abord inscrire son accord avec l'objectif d'égalité des chances pour les femmes, ou pour tout autre groupe, dans l'emploi par l'élimination des pratiques et attitudes qui gênent en ce domaine, en raison de caractéristiques qui leur sont prêtées à tort le plus souvent, comme le rappelait le rapport Abella.

Nous reconnaissons qu'il y a des écarts de rémunération difficilement explicables. D'autre part, il faut également reconnaître que nous sommes en période de rattrapage et que le rythme de ce rattrapage n'a cessé de s'accélérer depuis 20 ans.

L'expérience américaine des 25 dernières années, de même que notre propre expérience au Canada et au Québec dans un autre domaine, notamment celui de l'éducation, devraient nous prémunir contre des effets pervers d'une intervention artificielle et nous rappeler l'inefficacité d'une réglementation pour changer des situations issues d'attitudes qui sont en jeu bien avant l'entrée sur le marché du travail.

Le projet de règlement déposé devant cette commission s'appuie sur une prémisse erronée qui confond égalité des chances et égalité des résultats. Il les situe l'une par rapport à l'autre par une inégalité de considération et de traitement constituant ainsi une discrimination à rebours.

Le projet de règlement concerne tout groupe victime de discrimination dans l'emploi. Cette dimension du projet ne doit pas être minimisée. Toutefois, le groupe des femmes étant certainement la population cible la plus importante, il nous semble opportun de présenter une vue d'ensemble de la situation des femmes en emploi.

Pour ce qui est de cette vue d'ensemble, nous traiterons d'abord de l'évolution de la situation des femmes sur le marché du travail depuis l'après-guerre. Les divers recensements canadiens - je vous réfère à la page 4 de notre mémoire -permettent de brosser un portrait global de l'évolution de la main-d'oeuvre féminine au Canada. Un travailleur sur cinq était, de fait, une travailleuse en 1951. Depuis 1981, on retrouve sur le marché du travail deux femmes sur cinq, c'est-à-dire une proportion qui est passée de 20 % à 40 %.

Des projections établies en 1980 pour le ministère des Finances prévoient que les femmes et les hommes composeront à parts presque égales le marché du travail en l'an 2000 - respectivement 48 % et 52 % - avec, toutefois, des taux d'activité différents, puisque deux femmes sur trois participeront activement au marché du travail alors que quatre hommes sur cinq feront de même. Les références sont inscrites dans notre mémoire pour ce qui est des sources de ces chiffres.

Les caractéristiques des emplois occupés par les femmes au Canada. Parlons d'abord de la structure professionnelle. Si on compare l'importance de la présence des femmes relativement à l'ensemble de la population active, c'est-à-dire que, si on examine le taux de féminisation des emplois - voir le tableau 1 à la page 7 de notre mémoire - on constate que, pour l'ensemble des secteurs, ce taux est passé de 27 % à

40 % en 20 ans, soit de 1961 à 1981. La structure professionnelle de l'emploi se modifie même si le processus paraît lent à certains.

Le revenu provenant de l'emploi. Le Secrétariat à la condition féminine publiait dans un document récent un tableau montrant que, de façon globale, en 1961 - je vous réfère ici à la page 10 de notre mémoire - 77 % des femmes ont eu un revenu d'emploi inférieur à 15 000 $ alors que 55 % des hommes ont eu un revenu d'emploi supérieur à 15 000 $ - voir notre tableau 3.

Le profil de la structure salariale qui s'en dégage - ici il faut revoir notre tableau 4 à la page 11 - met en évidence deux structures salariales fort différentes pour les hommes et les femmes. Le profil des femmes indique une régression continuelle des effectifs au fur et à mesure que le niveau de revenu progresse. Il faut également constater que le profil des hommes, s'il affiche une courbe non linéaire, ne constitue pas pour autant une distribution "normale", entre guillemets, au sens statistique du terme de ces effectifs.

Il n'existe aucune raison théorique pour poser a priori qu'il ne devrait pas exister de différence significative entre ces deux courbes. Il faut préalablement évaluer l'effet de toutes les autres variables que la théorie économique et le marché reconnaissent généralement comme déterminant du revenu, soit l'âge, la formation, l'expérience, l'ancienneté, la compétence et le statut de l'emploi.

Le statut du travail. Selon les données du rapport Wallace, on voit que dans la population féminine active - à la page 14 de notre mémoire - âgée de 25 à 54 ans, seulement 15 % des femmes affirment occuper un emploi à temps partiel parce qu'elles n'ont pu trouver d'emploi à temps plein. Seulement 15 %.

Par ailleurs, parmi l'ensemble de la population féminine à temps partiel, toutes catégories d'âge, 89 % des femmes à temps partiel - voir notre tableau 6 à la page 15 -ne souhaitent pas voir leur statut d'emploi se modifier substantiellement. Le travail à temps partiel est donc un choix personnel et non une contrainte imposée par le marché.

Les progrès accomplis. Dire qu'il y a eu progrès ne signifie pas qu'il ne reste plus rien à accomplir.

Parlons de la scolarité des femmes. Un mouvement se dessine manifestement vers une diversification de l'emploi occupé par les femmes. Ainsi, de 1971 à 1981, en dix ans, 44 % des nouvelles venues sur le marché du travail se sont dirigées vers des professions à majorité masculine. Si toutes les femmes qui arrivent sur le marché du travail - je vous reporte ici à la page 18 - se dirigeaient exclusivement vers des professions masculines, en l'an 2000, il n'y aurait toujours que 35 % de femmes dans ces professions; donc, dans l'hypothèse la plus extrême. Lorsqu'on examine les 20 professions les mieux rémunérées, là où les femmes accusaient une plus grande absence, on constate qu'en dix ans, de 1971 à 1981, elles ont multiplié leurs effectifs par quatre, alors que les hommes les multipliaient par deux et l'écart salarial a été réduit de 20 %.

L'écart salarial et la discrimination. L'approche globale que nous traitons à la page 20, qui situe le ratio salarial des femmes comparativement aux hommes à 0,60, c'est-à-dire là où un homme gagne 100 $, une femme gagne 60 $, doit être raffinée pour tenir compte des autres variables déjà mentionnées, tels l'âge, les études, etc. Cet ajustement réduit l'écart salarial, tant pour les études américaines que canadiennes qui ont été faites sur le sujet, et porte ce ratio à 0,80 c'est-à-dire non plus 60 $ mais 80 $ par rapport à 100 $. L'expérience et la situation familiale jouent quant à elles pour un autre 10 %, de sorte que le ratio corrigé se situe entre 0,90 et 0,95. L'écart salarial représente donc en réalité un maximum de 20 % et plus probablement se situe-t-il entre 5 % et 10 %.

On ne peut conclure de cet écart qu'il représente, dans sa totalité, un phénomène discriminatoire, car il résulte également des préférences personnelles ou des rentes compensatoires accordées pour un type d'emploi peu sollicité ou représentant, par exemple, des risques élevés. Cette partie de notre mémoire a été préparée afin - en ce qui nous concerne - d'avoir l'heure juste sur la situation réelle des femmes dans le marché du travail, leur traitement, leur statut, ce qui, à notre avis, dédramatise passablement certaines données que vous avez sans doute déjà entendues. Comme vous pourrez le constater, chacune des données contenues dans ce document a une référence qui, nous le croyons, est crédible et fait autorité.

L'efficacité d'une réglementation. Les principes de base. Les programmes d'accès à l'égalité substituent l'égalité des résultats à l'égalité des chances par une inégalité de considération et de traitement. C'est d'ailleurs pourquoi ils doivent être spécialement autorisés pour ne pas être illégaux.

L'impossible définition de la valeur du travail. La définition de l'expression "travail équivalent", que nous traitons à la page 27, est au coeur d'une réglementation sur l'accès à l'égalité. Pour maintenir une base comparative, les critères utilisés ne peuvent être que des mesures, des exigences et des caractéristiques du travail - qualification, effort, responsabilité - nécessaires à l'exécution d'une tâche. Or, ces mesures ignorent un certain nombre de facteurs, dont

la propension à occuper un emploi, entre autres. Il devient alors impossible de distinguer avec justesse entre les disparités salariales liées au marché et les écarts discriminatoires.

Les impacts négatifs de la réglementation. L'un des effets négatifs d'une réglementation est qu'elle force un niveau général de salaires trop élevé. L'intervention législative comporte, par ailleurs, des coûts et des effets pervers comme toute intervention artificielle sur des mécanismes de marché sans réussir à faire la preuve de son efficacité à résoudre le problème initial.

Le projet de règlement tel que déposé nous apparaît une approche arbitraire. Une approche volontaire est toujours préférable à une approche coercitive. Une réglementation par grands objectifs est préférable à une réglementation par normes. Ce discours, ce n'est pas d'aujourd'hui que nous le tenons, cela fait au moins une dizaine d'années que nous invitons le gouvernement à réglementer plutôt de cette façon. (15 h 15)

L'approche arbitraire retenue dans le projet de règlement conduit à l'instauration d'un régime de dénonciation qui ouvre la porte à des abus. Elle conduit de plus à une extension quasi illimitée du mandat de la Commission des droits de la personne, un glissement des pouvoirs législatifs vers la commission.

Les quotas. Les notions de quotas présentes dans le règlement proposé, bien que non identifiées comme telles, à l'article 3 - ils sont là à l'article, mais on ne dit pas le mot; sans dire le mot on fait la réglementation dans ce sens - doivent être résolument exclues du projet.

L'expérience américaine des vingt dernières années montre l'inutilité d'une approche qui prétend modifier radicalement le cours des choses et des attitudes par des mesures quantitatives.

La compétence et l'entreprise. La compétence est une notion vitale - que nous traitons à la page 37 - pour l'entreprise. Elle doit relever strictement de celle-ci et non lui être imposée de l'extérieur. Par ailleurs, "l'aptitude à acquérir une compétence dans un délai raisonnable", expression utilisée à l'article 5, est une notion vague pour laquelle on ne retrouve aucun encadrement. Elle ne saurait être retenue, parce qu'elle n'est pas applicable équitablement dans la pratique.

La collecte des données. Les articles 4, 5 et 6 traitent des données de référence. Leur formulation suscite beaucoup de questions. Qui définira les catégories d'emploi, les conditions de travail et l'expérience? Quels seront les critères de référence? L'employeur pourra-t-il se faire entendre? Y aura-t-il une normalisation rigide ou une souplesse d'application?

Les renseignements privés ou la divulgation de renseignements privés. La confidentialité des informations n'est nulle part protégée, ni par l'article 11, ni ailleurs. Comme l'article 86.4 de la charte prévoit que des rapports peuvent être exigés de l'employeur, la protection des informations fournies devrait être assurée.

Imbroglio en présence de plusieurs groupes discriminés. Le projet de règlement s'adresse à tous les groupes "discriminés", entre guillemets. Tel que formulé, le projet conduit à des situations conflictuelles et à un imbroglio juridique dès lors que divers groupes discriminés s'opposent à l'embauche.

La chambre recommande donc que le projet soit modifié de telle sorte qu'il tienne compte des orientations suivantes: premièrement, adopter une approche volontaire et par objectifs, qui définisse les grandes lignes directrices sans utilisation de quotas (article 3); assurer un meilleur encadrement des notions de catégories d'emploi, de conditions de travail, d'expérience, afin d'éviter une approche arbitraire (article 4): écarter la notion "d'aptitude à acquérir une compétence" aussi longtemps que ce concept ne sera pas opérationnalisable (article 5); éliminer les mesures de soutien dans la mesure où elles s'adressent à des personnes non visées par l'article 86.1 de la charte (article 8); limiter le mandat de l'organisme chargé d'appliquer le règlement afin d'éviter un glissement des pouvoirs; garder les exigences en matière d'emploi très souples, à cause des variations dans les définitions des catégories professionnelles et dans les échelles salariales selon les industries (articles 2, 3, 4, 5, 6 et 7); enfin, permettre aux employeurs l'accès a de meilleures données externes sur la composition de la population active pour qu'ils puissent se fixer des buts internes réalistes.

M. le Président, je termine le résumé de ce mémoire. Je désire cependant, avant de clore, vous indiquer une correction qu'il y a à faire dans notre texte. Au tout début, à la dernière des premières pages qui résument le texte, qui devrait être numérotée 3, à la fin de l'article 7, nous faisons une recommandation qui se réfère à l'article 5 et non à l'article 6. C'est le tout dernier chiffre au bas de cette page, immédiatement avant la page d'introduction. Il y a une erreur d'article, c'est 5 au lieu de 6. Merci, M. le Président. Nous sommes maintenant prêts à répondre aux questions de la commission.

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: Merci, M. le Président. J'aimerais remercier MM. Létourneau et Tardif et Me Turmel pour la présentation du mémoire de la Chambre de commerce du Québec.

Vous avez amené un certain point de vue avec un mémoire étoffé et je trouve que cela a été bien présenté. Vous avez dit que l'égalité des chances ne garantit pas celle des résultats. Si j'ai bien compris, les groupes qui sont venus, les femmes et les membres des communautés culturelles sont prêts à prendre leur chance avec des mesures d'égalité des chances. Ils pensent que cela va donner des résultats, à compétence égale. On ne demandera jamais à une entreprise d'engager une femme incompétente au lieu d'engager un homme compétent. S'il y a égalité des chances, ce n'est pas une garantie, mais cela va être beaucoup mieux qu'aujourd'hui alors qu'il y a de la discrimination systémique où des femmes et ou des membres des communautés culturelles, pour une raison ou une autre, sont exclus de certains emplois, soit dans les organismes gouvernementaux ou paragouver-nementaux ou soit dans l'entreprise privée.

J'aimerais ajouter que presque tous les groupes qui sont venus devant la commission jusqu'à maintenant ont soulevé le fait que le gouvernement et toutes les institutions gouvernementales et paragouvernementales devront donner l'exemple. Je trouve cela difficile à comprendre que le gouvernement aille demander à l'entreprise privée de faire quelque chose qu'il n'est pas prêt à faire lui-même tout de suite. Je ne vois pas la différence entre la Société des alcools du Québec et l'entreprise privée, soit par exemple une compagnie qui produit du vin.

J'ai deux questions à vous poser. Premièrement, j'imagine qu'il y a des filiales des compagnies américaines qui sont membres de la Chambre de commerce du Québec. Est-ce que j'ai raison de dire cela? Aux États-Unis il y a des programmes d'accès à l'égalité: Chaque fois qu'on signe un contrat qui implique le gouvernement ou certains organismes gouvernementaux, si le contrat est d'un certain montant, il faut qu'il y ait un programme d'accès à l'égalité. À mon avis, il ne faut pas crier aux loups trop de fois. Ils font cela aux États-Unis. Les compagnies qui sont ici, leurs maisons mères font cela aux États-Unis. Les compagnies québécoises qui veulent vendre au gouvernement américain par le biais de leurs filiales, soit dans le Vermont, soit dans New York vont se soumettre et elles sont profitables. Ma question est: Étant donné que les compagnies fonctionnent dans les deux pays, pourquoi ne pas avoir les mêmes programmes ici qu'il y a aux États-Unis? En ce qui concerne les compagnies, souvent c'est par le biais de leurs filiales.

M. Létourneau: M. le Président, permettez-moi d'abord de commenter le préambule de M. Marx qui nous indiquait - si j'ai bien compris - qu'on ne va jamais demander à un employeur d'engager une personne incompétente. Nous croyons que, tant et aussi longtemps qu'on maintient le système de quotas c'est ce qui risque d'arriver. Le système de quotas force des nombres et, à ce moment, ne tient pas vraiment compte de tous les besoins de l'employeur.

M. Marx: Sur la question de compétence, l'article 5 prévoit qu'il faut qu'il s'agisse de personnes compétentes. Si elles ne sont pas compétentes, cela prendrait beaucoup plus longtemps pour atteindre l'objectif numérique, le cas échéant. Il n'a jamais été question d'engager quelqu'un d'incompétent.

L'article 5 dit: "Une analyse de disponibilité indique le nombre d'employés du groupe cible qui, en raison de leur compétence..." C'est-à-dire qu'il faut que la personne soit compétente pour qu'elle puisse être engagée, autrement, cela serait un non-sens.

M. Létourneau: M. le Président, je pense qu'évidemment on retrouve cette norme dans l'article 5, mais elle est en conflit continuellement avec la norme de quotas. Cela va être très difficile pour quelqu'un qui a à imposer un programme d'invoquer cette raison plus d'une fois ou deux. On va penser que s'il le fait trop souvent, peut-être que son choix veut être discriminatoire. La pression que crée les quotas risque fort d'amener cette situation. C'est la raison pour laquelle nous nous opposons à cette formule de quotas.

Maintenant, M. Marx a dit aussi que le gouvernement ne s'impose pas les mêmes normes. Nous l'avons remarqué. Ce n'est pas la première fois que cela arrive. Ce n'est pas nouveau, c'est une affaire qu'on observe depuis plusieurs années, depuis plusieurs gouvernements. Mais, disons que nous n'en voulons pas tant que cela au gouvernement à ce moment-ci. On aimerait mieux commencer par rendre ce règlement acceptable pour l'entreprise et après cela, on parlera de l'appliquer au gouvernement. On pense que cela serait probablement plus efficace, si on arrive à infléchir le règlement dans le sens de nos recommandations.

C'est un fait qu'il y a aux États-Unis cette loi qui force des quotas pour les minorités. Maintenant, les employeurs américains n'en sont pas, en général, des plus enchantés. Évidemment, avec le temps, la nature humaine ayant une capacité à peu près illimitée de s'adapter à toutes sortes de situations, les employeurs ont fini par s'y adapter, ont fini par vivre avec. C'est une loi - si ma mémoire est correcte - fédérale. N'est-ce pas M. le député que c'est une loi fédérale?

M. Marx: Je pense que oui.

M. Létourneau: Donc, c'est une loi qui s'applique également de la même façon à travers tout le pays. Nous parlons, ici, d'une loi qui va frapper les entreprises québécoises. Jusqu'ici, elle n'a pas d'équivalence exacte à travers le pays. La loi manitobaine que nous avons examinée est beaucoup plus souple que celle qui est proposée ici, c'est-à-dire la réglementation, si on veut, ou l'application. La loi fédérale est aussi beaucoup plus progressive et souple que celle que nous avons devant nous, par ce règlement.

Cela dit, je pense que nous nous imposons ici, nous sommes sur le point d'imposer, ici, aux entreprises du Québec, des normes, des contraintes beaucoup plus sévères que celles qui existent ou qui semblent vouloir exister ailleurs au Canada. Encore une fois, c'est une façon d'éroder la capacité compétitive de nos entreprises.

M. Marx: M. le Président. Dans certains domaines, le Québec a pris les devants et on a été suivi par d'autres juridictions. Peut-être que c'est un autre dossier où le Québec devrait prendre les devants, les autres vont suivre.

M. Létourneau: Est-ce qu'on a les moyens? C'est là une autre histoire.

M. Marx: Bien, c'est cela. On veut faire cela sans perdre d'emplois. On veut faire cela d'une façon ordonnée. On veut faire cela d'une façon réaliste. On ne veut pas bousculer tout le monde juste pour bousculer tout le monde. (15 h 30)

Je pense que c'est l'objectif des groupes de femmes et des membres des communautés culturelles qui sont venus en commission. Ils ne pensent pas que, du jour au lendemain, tout va changer et que les représentants de la Chambre de commerce du Québec seront tous des femmes. Voilà!

M. Létourneau: Cela va venir, monsieur. Cela s'en vient.

M. Marx: Les gens sont prêts à attendre. Cela va prendre du temps: un, deux, trois... Mais on veut faire du progrès, parce qu'ils nous disent: On discute de cela depuis 1978 ou 1980 et rien ne se fait, et le règlement n'est pas adopté, et ainsi de suite. Donc, il n'est pas question d'agir d'une façon masochiste. On veut agir d'une façon pour que ce soit bénéfique pour tout le monde, y compris l'entreprise privée.

En ce qui concerne les Américains, on a, à quelques reprises, cité un article publié dans le numéro du 16 septembre 1985 de Fortune, où les Américains, les compagnies ou les dirigeants de compagnies disent que cela marche bien aux États-Unis et qu'ils sont prêts à continuer, et ainsi de suite. Je n'aime pas le mot "quota", mais ils ont des objectifs numériques aux États-Unis, et il n'est pas question d'établir des quotas de tant pour cent de femmes, de tant pour cent de Noirs, de tant pour cent de Blancs. Il s'agit d'avoir des objectifs numériques.

Je peux vous donner des exemples, comme la Commission de transport de la communauté urbaine de Montréal qui a décidé d'engager 150 femmes chauffeurs. Ce n'est pas un quota, et on n'exige pas que 5 % ou 10 % des chauffeurs d'autobus soient des femmes, quoique, à Chicago, ce soit 30 %, à Buffalo, 18 % et même à Toronto, 3,5 %.

Mais c'est possible d'avoir une entreprise où il y a 500 ingénieurs et pas une seule femme. Je ne pense pas que ce soit irréaliste de dire: On va essayer d'en engager une dizaine ou une douzaine. Vous allez me répondre: C'est difficile de trouver des femmes ingénieurs. C'est pourquoi j'ai proposé un chiffre de dix ou douze. Il faut commencer, il faut faire une percée.

L'autre question que j'aimerais vous poser, c'est que les syndicats qui sont venus devant la commission jusqu'à maintenant ont dit qu'ils aimeraient négocier les programmes d'accès à l'égalité avec l'employeur. J'aimerais savoir comment vous voyez cela à l'intérieur d'un règlement, bien sûr.

Le Président (M. Gagnon): M. Létourneau.

M. Létourneau: M. le Président, à condition que ce ne soit pas une chose imposée par la loi, nous n'avons pas d'objection à ce que l'employeur et les syndicats, qui acceptent de le faire, négocient cette question. Nous allons même convenir que c'est une bonne chose qu'on le négocie librement. Mais nous ne serions pas d'accord que ce soit exigé par une réglementation ou par une loi.

On n'a pas d'objection à cela. Si l'employeur et les employés veulent s'asseoir et négocier la question, ils sont libres de le faire et nous sommes favorables au programme volontaire. Le programme auquel vous avez fait allusion de la CTCUM est un programme volontaire. La CTCUM s'est fixé comme objectif d'aller chercher un plus grand nombre de femmes conducteurs d'autobus. Pas d'objection, non plus, en autant qu'on les trouvera.

Seulement, si la CTCUM ne les trouve pas, elle va arrêter son programme; elle ne sera pas attachée par un règlement, j'espère, à dire: II faut qu'il y ait 150 femmes. On va aller dans le marché et on va essayer de les trouver. On va essayer d'en trouver jusqu'à un certain nombre pour essayer de montrer qu'on ne fait pas de discrimination à l'égard des femmes dans ce domaine.

Vous dites: On ne veut pas faire ce

règlement ou cette action de manière bousculée ou désordonnée. Dans notre mémoire, je crois que, de la façon dont nous l'avons décrit, ce qui s'est passé entre les décennies 1951 et 1981 montre que, sans règlement, il y a une progression très rapide des femmes dans le marché du travail.

Évidemment, il y en a qui diront - il y en aura toujours pour dire - que ce n'est pas assez rapide. On comprend cela. Mais, si on regarde la situation qui était celle des femmes en 1951 et qu'on la compare à ce qu'elle est aujourd'hui et qu'on fait des projections pour dans quinze ans seulement, sans règlement, on arrive presque à l'égalité. Alors le besoin d'avoir une règlement coercitif ne nous apparaît pas très grand. Nous sommes même prêts à discuter d'un règlement parce que nous savons bien que, de toute façon, cela semble être une décision non seulement gouvernementale mais endossée par l'Opposition. À ce moment-là, on se dit: On va sauver les meubles. On va essayer de faire en sorte que ce règlement-là soit le moins onéreux, le moins lourd, le moins inefficace possible. Mais simplement la projection des chiffres - ce sont des études du ministère des Finances, je pense, du gouvernement fédéral qui le démontrent -indique que, dans quinze ans, ce ne sera plus un problème. Cela se sera réglé par le momentum du fait que les femmes ont pris petit à petit et, à un moment donné d'une manière accélérée, leur place dans le marché du travail au fur et à mesure de leur venue, de leur compétence et de toutes les autres qualités nécessaires pour exercer toutes les fonctions qu'elles peuvent et veulent exercer.

Le Président (M. Gagnon): Merci. Une très courte question, M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: Oui. Il faut que ce soit clair. Je suis sûr que vous êtes conscient que, supposons qu'on adopte le règlement dans un mois ou deux, il ne sera pas exigé de toute entreprise au Québec d'instaurer un programme d'accès à l'égalité, c'est-à-dire qu'il sera nécessaire de prouver la discrimination systémique - parce que intentionnelle, c'est légal - avant qu'on puisse exiger qu'il y ait, par l'effet de la loi, un programme imposé d'accès à l'égalité. Ce sera possible pour les compagnies, les entreprises, d'avoir des programmes d'accès à l'égalité d'une façon volontaire. Ma question est la suivante: S'il y a une réglementation et qu'on permet aux entreprises, comme ce sera le cas, d'avoir des programmes volontaires, est-ce que beaucoup d'entreprises vont mettre sur pied des programmes d'accès à l'égalité d'une façon volontaire?

M. Létourneau: Je ne saurais dire combien le feront, M. le Président. Je peux dire cependant que nous allons certainement sensibiliser nos membres à cette situation et à toute réglementation qui pourrait venir dans le sujet.

Vous avez dit préalablement qu'on n'exigera pas. Il faudrait peut-être clarifier, et ce sera peut-être au gouvernement à répondre à cette question. Nous avons pris bonne note qu'au cours de la conférence du sommet qu'on appelait Décisions 85, la ministre, Mme Francine Lalonde, et je crois aussi, M. Johnson, à l'époque, ont parlé de créer l'obligation à toute entreprise qui a plus de 100 employés et qui a avec le gouvernement des contrats d'une valeur supérieure à 200 000 $, d'avoir un programme qu'on appelle, nous, de la discrimination à rebours, qu'elle soit trouvée ou non dans une situation de discrimination, par le seul fait qu'elle a ce nombre d'employés et ce genre de contrat. Nous avons entendu dire -j'aimerais qu'on nous le confirme ou qu'on nous l'infirme - qu'il y avait une décision du cabinet à ce sujet. C'était déjà décidé que le règlement s'appliquerait de cette façon-là. Donc, il y aura des entreprises en assez bon nombre, si on retient ces normes, qui seront obligées d'appliquer un programme, qu'on ait fait la preuve ou non qu'elles faisaient de la discrimination.

M. le député, je regrette, je pense qu'on...

M. Marx: Oui.

M. Létourneau: ...s'en va vers cela.

M. Marx: Oui, mais j'aimerais seulement souligner, M. Létourneau, que cette décision, l'idée d'avoir une obligation contractuelle, n'est pas dans le règlement. Cela pourrait venir, mais nous n'avons pas pris connaissance de... Le règlement touche une toute autre chose. Le gouvernement a peut-être l'intention d'adopter un décret de cette nature, mais ce n'est pas dans le règlement et, de toute façon, cela ne sera pas imposé. Ce sera imposé seulement aux compagnies qui veulent faire affaires avec le gouvernement. Si une compagnie décide de ne pas faire affaires avec le gouvernement, ce ne sera pas nécessaire, mais c'est une autre question. Je suis d'accord avec vous sur...

Le Président (M. Gagnon): M. le député de D'Arcy McGee, si vous voulez aller plus rapidement, parce que des gens m'ont demandé la parole.

M. Marx: Oui, d'accord. Je termine sur ce point.

L'obligation contractuelle n'est pas dans le règlement. Cela pourrait être une politique du gouvernement, mais cela prendra un décret du gouvernement qui n'a pas été

adopté, jusqu'à aujourd'hui.

M. Létourneau: M. le Président, j'aimerais qu'on ait l'occasion de vérifier avec le représentant gouvernemental si cette décision est bien prise. Nous avons l'information qui nous a été fournie au cours de la conférence Décisions 85, à savoir que si elle est prise il y a 335 entreprises au Québec qui, à ce moment-là, sont obligatoirement touchées, à moins qu'elles ne décident de cesser de faire affaires avec le gouvernement.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Fabre.

M. Leduc (Fabre): Merci, M. le Président. Je voudrais également remercier la Chambre de commerce du Québec de sa présentation. Il s'agit d'un mémoire extrêmement bien documenté, bien fait, mais je voudrais commenter un certain nombre d'opinions qui en ressortent. Pour commencer, l'impression qui se dégage de votre mémoire, c'est que la réglementation est loin, très loin d'être nécessaire dans votre esprit puisque, de toute façon, nous allons vers l'égalité dans l'emploi. Dans votre esprit, c'est une question de temps. C'est une question aussi de formation à l'étude pour les femmes. En passant, j'ouvre une parenthèse. Je déplore le fait que vous ne parliez que des femmes dans votre mémoire. Vous ne parlez pas des autres groupes qui sont également visés: les communautés culturelles, les groupes ethniques et les personnes handicapées.

Vous insistez donc beaucoup, vous mettez beaucoup l'accent sur le temps. Le temps va régler cette situation de discrimination qui existe dans l'emploi. Il y a un tableau qui m'a beaucoup frappé. Vous ne l'avez pas commenté. Je ne sais pas si c'est volontaire de votre part. C'est le tableau no 2, la répartition des femmes selon les grands groupes de professions. Or, au tableau no 2, on voit que présentement, en tout cas, en 1981, lorsqu'on parle du domaine de la direction, de la gérance ou de l'administration, on ne voit que 5 % de femmes, en tout cas, en 1981. J'imagine que cela a très peu évolué depuis ce temps. Cela veut donc dire que chez les gens qui font la sélection du personnel, qui déterminent les exigences pour occuper tel ou tel poste, on a affaire très majoritairement à un domaine, à une chasse gardée de la part des hommes qui occupent des postes de direction, de gérance ou d'administration.

Vous devez tout de même admettre qu'il peut se glisser - et il doit nécessairement se glisser, sans que ce soit volontaire -des exigences, des critères de sélection qui soient discriminants, du fait que ces positions sont occupées par des hommes. Avant que nous arrivions - parce que je reviens à cette question du temps et de la formation qui, selon vous, va résoudre, va finir par résoudre ce problème de l'inégalité - à ce que ces 5 % à la direction, la gérance et l'administration atteignent 50 % de femmes - et là, vous n'avez pas de calculs pour nous dire si ce sera en l'an 2000 ou en l'an 3000 que les femmes vont atteindre l'égalité dans la direction, l'administration ou la gérance, c'est-à-dire dans des postes décisionnels.

Je trouve qu'il y a là une lacune. Je ne dis pas que c'est volontaire, mais il y a tout de même une lacune. À mon avis, en l'an 2000, je ne pense pas que nous atteignions le pourcentage de 50 % de femmes qui occuperont des postes de décision, c'est-à-dire qui décideront des critères de sélection du personnel. Cela me semble un domaine extrêmement important pour les femmes et les communautés culturelles qu'il y ait plus de gens qui proviennent de ces groupes à des postes de direction. C'est un premier commentaire que je voulais faire. (15 h 45)

Deuxième commentaire. Il me semble aussi que vous vous trompez de cible. Je rejoins ce que disait le député de D'Arcy McGee à la fin de son intervention. Tout votre mémoire semble être axé sur le fait que la réglementation est obligatoire pour toutes les entreprises, ce qui n'est pas le cas; c'est très clair. Il y a des groupes qui sont venus ici nous demander que la réglementation soit obligatoire pour toutes les entreprises, mais ce n'est pas le cas. La portée de l'article 1 est très claire: ce n'est que sur recommandation de la commission ou à la suite d'une ordonnance du tribunal que la réglementation s'applique. Donc, lorsque l'on aura vraiment établi qu'il y a discrimination. Je pense qu'on ne pourra contester le fait qu'il y ait intervention s'il y a preuve de discrimination. Mais, encore une fois, l'impression que j'ai eue à la lecture de votre mémoire est que vous parlez comme si toutes les entreprises du Québec allaient devoir se soumettre au présent règlement.

Mes questions sont les suivantes, j'en ai deux. À la page 33 de votre mémoire, vous reprochez au règlement une approche que vous qualifiez d'arbitraire. Pourtant, d'après le règlement, les objectifs seront fixés à partir d'analyses préalables seulement s'il y a, encore une fois, des éléments qui établissent qu'il y a discrimination. Il y aura analyse préalable justement pour éviter la fixation d'objectifs arbitraires ou artificiels. Comment pouvez-vous dire que le règlement est arbitraire? Il me semble que c'est justement le contraire. Il faudra qu'il y ait analyse préalable au sein de l'entreprise pour fixer des objectifs. Donc, les objectifs ne seront pas, il me semble, fixés de façon arbitraire par quelqu'un, une commission ou

un tribunal. Comment pouvez-vous dire que le règlement est arbitraire? Dans quel sens?

Le Président (M. Gagnon): M. Létour-neau.

M. Létourneau: M. le Président, je vais tenter, si vous me le permettez, de répondre aux questions du député dans l'ordre où elles ont été posées. J'ai retenu tout d'abord une observation qui pouvait aussi être une question à notre égard: On ne parle pas des autres groupes qui peuvent être touchés par le règlement. Nous y avons fait allusion à deux ou trois reprises dans notre document et nous y faisons allusion dans nos recommandations aussi, car nous disons que lorsque la réglementation s'appliquera pour plus d'un groupe à la fois au même endroit, disons qu'elle s'applique pour les femmes, pour les handicapés, pour les personnes d'une ethnie étrangère et que les trois seraient à la fois discriminés, quel groupe aura priorité dans un contexte semblable? Ce n'est pas très clair d'après le règlement; comment va-t-on s'en sortir?

Nous avons donc référé au fait que de couvrir plusieurs groupes à la fois et le fait que plusieurs groupes à la fois pourraient recourir à la réglementation pour invoquer discrimination pourrait placer l'employeur dans une situation vraiment embêtante. Mais, enfin!

Vous parlez, M. le député, de l'éventualité où les femmes occupent 50 % des postes décisionnels. Les études et les projections qui ont été faites indiquent que même si toutes les femmes disponibles et compétentes pour le faire obtenaient un poste décisionnel, en l'an 2000, on ne pourrait pas dépasser plus de 35 % de la proportion des femmes qui auraient ces fonctions. C'est tout simplement une question de marché, de disponibilité sur le marché. Ce n'est pas nous qui avons inventé cela, c'est une étude assez sérieuse - à la page 18 - de Ciurak et Sims qui a été faite, je crois, pour le compte du ministère des Finances du Canada.

M. le député a donné sa perception de notre mémoire, nous ne sommes pas maîtres de cette perception à savoir que nous contestons l'existence du règlement. Nous ne disons pas qu'il n'y a pas de discrimination. Bien clairement, dans le texte de notre mémoire, nous disons que nous ne contestons pas qu'il puisse y avoir discrimination quelque part, ce n'est pas impossible. Donc, nous ne contestons pas le règlement. Nous n'avons pas dit dans ce mémoire que nous ne voulons pas du règlement. Nous avons dit: Nous pensons que le règlement devrait être fait de manière différente, devrait avoir une approche volontaire, fonctionner par objectifs et, dans ce sens, être plus souple et peut-être s'inspirer un peu de la réglementation fédérale qui est beaucoup plus souple ou, si on veut un exemple québécois, de la loi 101 où ce sont les employeurs qui, face à une situation où il était évident qu'il fallait faire de la francisation, établissaient leurs programmes et leurs objectifs et là, les faisaient au rythme où cela pouvait être acceptable pour l'entreprise, sans trop de distorsions et de coûts.

Enfin, l'approche arbitraire dont nous parlons, M. le Président, est à savoir que -nous le disons à la page 33 de notre mémoire - le contenu du règlement est tellement flou qu'il manque des notions, des encadrements. 11 en manque tellement, en fait, que ce qui va arriver, c'est qu'on refile tout le jugement à la Commission des droits de la personne. À notre avis, il y a le glissement des responsabilités du législateur vers un appareil administratif quasi judiciaire qui, lui, aura toute latitude d'établir la réglementation comme il le jugera, de faire la classification des groupes, de déterminer comment on définit la compétence et beaucoup d'autres choses qui seront laissées à la discrétion, finalement, de la commission. C'est en ce sens que nous appelons cela de l'arbitraire; en ce sens que ce que nous croyons être des responsabilités du législateur au point de vue de la précision de ce règlement, sont refilées à la commission.

Nous ne prétendons pas a priori que la commission est un organisme arbitraire. Ce que nous voulons dire c'est que ce qu'il y a dans le règlement ne donne pas aux employeurs les véritables règles du jeu par rapport à ce que seront les programmes. On ne le saura vraiment que lorsque ces définitions auront été données par la commission elle-même. En ce sens, nous croyons que c'est refiler à la commission des droits ou des responsabilités qui appartiennent au législateur.

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le député de Fabre, avant de vous donner la parole, je sais que votre collègue a également une couple de questions à poser.

M. Leduc (Fabre): Oui.

Le Président (M. Gagnon): II reste cinq minutes au maximum.

M. Leduc (Fabre): Oui, M. le Président. Un petit commentaire. Vous faites référence à la loi 101 et à la façon dont on l'applique. On peut faire un parallèle intéressant. Il me semble que c'est à peu près de la même façon... C'est-à-dire que l'employeur, dans le cas des programmes pour l'accès à l'égalité, décide du type de programme qu'il veut appliquer dans son entreprise. Il peut y avoir plusieurs formules, plusieurs modèles de programmes. Le règlement n'impose pas un modèle de programme d'accès à l'égalité.

M. Létourneau: La commission va l'imposer, par exemple.

M. Leduc (Fabre): Pas nécessairement. M. Létourneau: Bien, elle...

M. Leduc (Fabre): C'est pour cela que je dis qu'il y a un parallèle intéressant à établir. Ce n'est que, lorsqu'il y a preuve de discrimination...

M. Létourneau: Excepté pour les 335 compagnies... Incidemment, on aimerait bien avoir une réponse du gouvernement, M. le Président. Est-ce que, oui ou non, ces compagnies vont être obligées d'avoir un programme d'accès à l'égalité?

M. Leduc (Fabre): Oui, mais encore une fois, dans le cas de la francisation des entreprises, chaque entreprise était obligée d'avoir un programme. Bon. De la même façon, chaque entreprise dont vous parlez -celles qui ont un contrat avec le gouvernement - pourrait, effectivement, être obligée d'avoir un programme. Mais, entre avoir un programme et être assujetti au règlement qui est ici, il y a une différence. Il faut bien se comprendre: ce n'est pas un modèle de programme qui est ici. Cela devient obligatoire lorsqu'il y a preuve de discrimination. Si vous nous dites qu'il n'y a pas beaucoup de discrimination - enfin, je ne le sais pas - mais vous dites que, peut-être, il y a discrimination.

M. Létourneau: Nous ne prétendons pas qu'il n'y en a pas du tout.

M. Leduc (Fabre): Non, non, vous ne prétendez pas cela. Donc, cela peut s'appliquer à un faible pourcentage d'entreprises. Cette réglementation ne s'applique pas nécessairement à toutes les entreprises. Merci, M. le Président.

M. Létourneau: M. le Président, nous ne pouvons pas savoir.

Le Président (M. Gagnon): M. Létourneau.

M. Létourneau: Nous ne pouvons pas savoir, parce que tout dépend de la façon dont la commission va organiser les modalités plus précises, les normes administratives qui vont découler de ce règlement qui, à notre avis, est très flou. À ce moment-là, on verra combien il sera facile pour un individu de porter plainte, et ainsi de suite.

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le député de Châteauguay, très rapidement.

M. Dussault: Oui, M. le Président. D'abord, je voudrais donner une réponse à une question qui a été posée tout à l'heure. On se demandait tous ce qui était sorti de Décisions 85 à l'égard des contrats gouvernementaux avec des entreprises. On nous a donné la réponse tout à l'heure, soit que Mme Lalonde et M. Johnson avaient avancé que les contrats gouvernementaux seraient conditionnels à l'existence de programmes d'accès à l'égalité mais que ces programmes ne seraient pas soumis à la réglementation. Cela veut dire qu'à toutes fins utiles, on serait intéressé qu'il y ait des programmes d'accès à l'égalité dans les entreprises concernées, mais que toute la réglementation, telle qu'on l'étudie présentement, ne s'appliquerait pas à ces programmes dans les entreprises concernées. Il me paraissait utile de donner l'information.

Cela dit, j'ai une question à poser. C'est une question que j'ai abordée quelque peu, ce matin, avec les représentantes du Conseil du statut de la femme qui ont donné une réponse intéressante là-dessus. Plusieurs organismes demandent que les syndicats et les employés membres du groupe cible soient impliqués dans l'implantation des programmes d'accès à l'égalité dans une entreprise. Croyez-vous qu'une telle participation soit souhaitable? Et, quelle forme pourrait-elle prendre, selon vous?

M. Létourneau: M. le Président, d'abord, si le règlement demeure ce qu'il est, nous ne sommes pas favorables à cette forme de participation. Sur la question de l'emploi, il y a déjà suffisamment de droits de gérance qui ont été arrachés à l'employeur par des lois, et nous ne sommes pas d'accord pour qu'il y en ait d'autres, surtout si le règlement demeure dans sa forme actuelle. Si on le modifiait pour une approche volontaire, nous aimerions, à ce moment-là, réévaluer la question que nous pose M. le député qui, à ce moment-ci, est un peu hypothétique et qui demanderait pour nous un peu plus de réflexion. (16 heures)

M. Dussault: Merci. J'étais bien conscient que c'était hypothétique. Je me suis même dit que peut-être vous pourriez me dire que vous ne répondez pas aux questions hypothétiques. Je termine avec cela, M. le Président. Si le rôle syndical était purement consultatif, est-ce que, malgré que vous ne soyez pas d'accord avec l'esprit de la réglementation présentement, cela vous apparaîtrait quand même... Le Conseil du statut de la femme nous disait d'ailleurs ce matin qu'il voyait le rôle syndical comme un rôle consultatif.

M. Létourneau: M. le Président, nous favorisons et nous recommandons à nos membres employeurs, à nos 4700 membres

employeurs dans tout le Québec qui emploient près de 600 000 personnes, le dialogue avec leurs employés, syndiqués ou non, la communication la plus ouverte possible. Nous pensons que c'est souhaitable. De la même façon, pour un cas spécifique, entre autres, nous disons: II est très souhaitable que l'employeur discute avec ses employés de l'implantation de nouvelles technologies. Nous sommes 100 % d'accord avec cela pour que cela se fasse mais nous sommes absolument contre une loi qui l'impose parce qu'à ce moment-là on vient déséquilibrer complètement l'autorité de l'employeur et son droit de gérance dans l'entreprise.

Si, par contre, des employeurs sont d'accord pour discuter et négocier avec leur syndicat la question, nous n'avons aucune objection.

Le Président (M. Gagnon): Merci. Je remercie la Chambre de commerce du Québec pour votre participation à cette commission. Je demande maintenant à la Fédération des associations de professeurs des universités du Québec de prendre place.

Nous suspendons nos travaux pour cinq minutes.

(Suspension de la séance à 16 h 2)

(Reprise à 16 h 7)

Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons poursuivre nos travaux.

Je souhaite la bienvenue à la Fédération des associations de professeurs des universités du Québec. Mme Robinson, qui en est la présidente, avant de vous laisser la parole, je vous dis que, normalement, on essaie de s'en tenir à 55 minutes, soit 20 minutes ou moins pour le mémoire et le reste du temps pour dialoguer avec les membres de la commission. Je vous laisse le micro immédiatement, en vous demandant de nous présenter les gens qui vous accompagnent.

FAPUQ

Mme Robinson (Ann): D'accord. Je vous remercie. Je vous présente, à ma gauche, Huguette Dagenais, qui est vice-présidente d'un syndicat membre de notre fédération, le SPUL, de l'Université Laval, et, à ma droite, Me Evelyne Saint-Pierre, qui a été l'initiatrice et la rédactrice du mémoire qui vous est présenté.

Avant de vous présenter le mémoire dans son contenu, je voudrais faire une petite mise au point pour ne pas vous laisser sous l'impression que la Fédération des associations de professeurs des universités du

Québec est entièrement et uniquement gérée par des femmes. Malheureusement, je suis la seule et unique membre présidente et employée de la fédération. Je suis la seule femme. Huguette est l'une des rares personnes et l'une des rares femmes à être membre de l'exécutif d'un syndicat membre de la fédération. Tous les présidents des syndicats de la fédération sont des hommes.

Avant d'entrer dans le vif du sujet, permettez-nous tout d'abord de vous présenter brièvement la Fédération des associations de professeurs des universités du Québec et plus particulièrement, de façon plus courte, la FAPUQ. Créée en corporation sans but lucratif le 17 novembre 1969, la FAPUQ a été constituée en fédération de syndicats professionnels le 5 mai 1979. Elle réunit douze associations et syndicats de professeurs d'universités qui comptent plus de 5000 membres. Tout en respectant l'autonomie des associations et syndicats affiliés, la FAPUQ travaille à la promotion des intérêts professionnels, économiques et sociaux des professeurs d'université.

Au cours des dernières années, la fédération a accru le nombre de ses interventions publiques pour faire part de ses perspectives sur des sujets préoccupant ses membres. Aujourd'hui, la FAPUQ est heureuse de venir communiquer ses commentaires sur le projet de règlement sur les programmes d'accès à l'égalité. Ce sujet, comme vous pourrez le constater grâce aux données statistiques qui vont suivre, concerne et préoccupe directement la FAPUQ.

Nous ne pouvons faire part de nos commentaires sur les programmes d'accès à l'égalité sans soulever auparavant la situation particulière des universités au Québec. Il est évident que les politiques de sous-financement qui se sont abattues sur nos universités n'ont pas aidé celles-ci à ouvrir de nouveaux postes au sein du corps professoral. Un des effets négatifs de la chute du financement public des universités est le ratio étudiants-professeur qui a grimpé de 30 % en moins de dix ans. Annuellement, les universités ont subi des coupures de l'ordre de 300 000 000 $. Il y eut le gel de postes alors que, pendant ce temps, il aurait dû y avoir création de 1500 nouveaux postes entre 1978-1979 et 1983-1984.

Les chiffres que nous allons vous offrir démontrent clairement que, bien qu'elles aient effectué un grand effort de rattrapage, les femmes demeurent aux portes des universités. Comment pallier cette situation de discrimination alors que nos universités se débattent continuellement contre les restrictions budgétaires?

En 1982, le gouvernement du Québec modifia la Charte des droits et libertés de la personne pour y prévoir, entre autres, l'implantation de programmes d'accès à l'égalité. La mise en vigueur des articles

pertinents est conditionnelle à l'adoption d'un règlement d'application devant fixer les critères, normes, barèmes, conditions ou modalités concernant l'élaboration, l'implantation ou l'application de programmes d'accès à l'égalité, en établir les limites et déterminer toute mesure nécessaire ou utile à ses fins.

Or, en 1985, le gouvernement en est toujours à l'étape consultative sur la troisième version de son projet de règlement.

La préparation de ce dernier est une tâche fastidieuse, car il sera l'outil primordial devant tracer les paramètres exacts de l'implantation de la loi.

Celle-ci n'offrant qu'un cadre bien général, il est normal que tous ceux se sentant concernés par les programmes d'accès à l'égalité attendent énormément du projet de règlement.

C'est dans ce contexte que la FAPUQ s'est penchée sur l'étude du projet offert par le gouvernement. Nous vous livrerons, dans les lignes qui vont suivre, le contenu de notre réflexion en regard tant de la loi que du projet de règlement en tant que tel.

Outre de permettre l'entrée en vigueur des articles 86.1 à 86.7 de la charte, le projet de règlement du gouvernement vise essentiellement les programmes recommandés par la Commission des droits de la personne ou imposés par le tribunal en vertu de l'article 86.3 de la charte, lesquels touchent les secteurs de l'emploi, les services d'éducation offerts au public, ainsi que les services de santé et autres services offerts au public. Par conséquent, les programmes volontaires approuvés par la commission, en vertu de l'article 86.2 de la charte, ne sont pas soumis aux exigences prévues dans le projet de règlement.

Ce dernier, le projet de règlement, mentionne ce que doit contenir un programme d'accès à l'égalité dont les objectifs sont établis en tenant compte d'une analyse d'effectifs, de disponibilité et du système d'emploi.

Le règlement prévoit ce qu'indique précisément chacune de ces analyses. On y explique la raison des mesures d'égalité et de redressement, les premières devant mettre fin aux pratiques discriminatoires, les deuxièmes devant accorder temporairement aux membres du groupe cible certains avantages préférentiels.

On y soulève la possibilité de mesures de soutien dans l'implantation des programmes, et ce au profit de tous les employés et non seulement à celui des membres du groupe cible.

Quels sont les protagonistes proposés dans le projet de règlement? L'aspect le plus déroutant, a notre avis, du projet de règlement, est sans nul doute les protagonistes prévus pour la mise en place des programmes d'accès à l'égalité.

Tout l'enjeu semble reposer sur les épaules des employeurs, de la Commission des droits de la personne et, finalement, des tribunaux. Où sont les syndicats et associations représentant les salariés?

Qu'arrivera-t-il lorsque l'employeur, la commission ou le tribunal implanteront un programme pouvant aller à l'encontre des dispositions des accords collectifs?

Peut-on croire à un projet de société d'une telle envergure où le souci de justice sociale prévaut alors que tous les concernés, justement, n'y trouvent pas un rôle essentiel?

Comment réagiront les laissés-pour-compte?

De nombreux syndicats et associations ont déjà tout un travail d'analyse et de réflexion sur les questions d'égalité en emploi. Des efforts sont entrepris au chapitre de la négociation collective de travail. Certaines associations ou syndicats membres de la FAPUQ possèdent déjà des mesures d'action positive dans leur convention collective. Il est difficile de croire et même d'accepter que tout ce travail soit laissé en plan.

Le législateur doit donner un rôle à tous les partenaires sociaux et non pas uniquement à l'employeur et aux employés en situation d'autorité.

La loi et son règlement d'application doivent avoir une incidence directe sur le représentativité de toutes les instances touchées par l'application des programmes d'accès à l'égalité.

La FAPUQ n'accepte pas cet oubli du gouvernement et s'oppose à l'adoption du règlement sans une modification prévoyant un râle actif des associations de salariés dans l'implantation des programmes d'accès à l'égalité.

Un autre point qui soulève notre inquiétude est la possibilité que plusieurs programmes d'accès à l'égalité puissent coexister chez un même employeur.

La rédaction de l'article 86.1 et du règlement l'accompagnant laisse croire que tout groupe de personnes souffrant de discrimination à l'emploi, par exemple, pour un quelconque motif de discrimination énuméré à l'article 10, pourrait entreprendre des démarches auprès de la Commission des droits de la personne afin qu'elle en vienne, après enquête, à recommander l'établissement d'un programme d'égalité.

C'est donc dire que, hypothétiquement, un programme en faveur des femmes pourra être implanté en même temps que d'autres visant les homosexuels, les handicapés, les Asiatiques, etc.

Bien que nous ne contestions nullement le bien-fondé de programmes d'accès à l'égalité pour tous les groupes souffrant de discrimination, nous croyons que le gouvernement aurait dû limiter l'implantation des programmes à certains groupes déterminés

qui ont déjà fait la preuve à maintes reprises de la discrimination dont ils ont été et sont encore victimes.

Par exemple, les chiffres que la FAPUQ possède sur la situation des femmes dans les universités au Québec sont fort éloquents et nul besoin d'une enquête de la commission ou d'un jugement du tribunal pour établir l'existence d'une situation de discrimination.

Les femmes ont été et sont toujours minoritaires dans le corps professoral universitaire. L'évolution est très lente. Par exemple, de 1972-1973 à 1980-1981, le pourcentage des professeures est passé de 13,7 % à 16,1 %, soit une augmentation de 2,3 % en huit ans.

Si l'on observe de plus près les relevés chiffrés, nous constatons que les femmes professeures d'université demeurent généralement cloisonnées dans des domaines traditionnellement féminins comme les beaux-arts, l'éducation et les humanités. Par contre, dans les facultés de génie, de mathématiques et de sciences physiques, les femmes représentent à peine 1,3 % à 4,7 % des effectifs. Et pourtant, l'évolution de la diplômation chez les femmes témoigne de la disponibilité d'une main-d'oeuvre qualifiée. Entre 1975 et 1980, le nombre de diplômes universitaires a presque doublé chez les femmes, c'est-à-dire une hausse de 74 %, alors qu'il a très peu changé chez les hommes, une hausse d'à peine 26 %.

De 1975 à 1981, il y a une augmentation appréciable de femmes diplômées dans les trois cycles d'études: 19,4 % au premier cycle; 62,1 % au deuxième cycle et 48,3 % au troisième cycle. Les diplômés masculins, par contre, accusent, eux, une diminution dans les trois cycles: moins 6 % au premier cycle; moins 1,2 % au deuxième cycle et moins 10,3 % au troisième cycle.

Ces chiffres témoignent que l'heure des changements a sonné. D'ailleurs, le Conseil supérieur de l'éducation dans son avis sur la situation des femmes dans le système d'enseignement ne recommandait-il pas "la mise sur pied d'un programme d'accès à l'égalité visant à assurer une plus juste représentation des femmes à tous les niveaux et secteurs du système d'éducation en tant qu'étudiantes et travailleuses, c'est-à-dire enseignantes, cadres, employées de soutien, etc."?

Tout cela prouve jusqu'à quel point ce groupe spécifique ne peut se permettre d'attendre et que nous irions même jusqu'à recommander l'adoption d'une présomption de discrimination envers ce groupe. Il reviendrait donc à l'employeur de prouver que le nombre inférieur de femmes dans son corps professoral, par exemple, n'est pas une conséquence de mesures discriminatoires à l'embauche ou à la promotion.

Le règlement devant fixer les conditions ou modalités concernant l'implantation ou l'application des programmes. Il est surprenant de constater qu'il n'existe aucune procédure précise à cet effet dans le projet. La loi accorde un pouvoir discrétionnaire total à la commission quant à la recommandation de programmes d'accès à l'égalité ainsi qu'à la possibilité d'avoir recours au tribunal pour en imposer l'application.

À l'article 86.1 de la charte, on semble dire qu'il faut d'abord faire la preuve d'une situation de discrimination avant même de parler de mettre sur pied un programme d'accès à l'égalité. Établir une telle situation selon les exigences de l'article 10 de la charte n'est pas aisé. Nous voyons déjà toutes les batailles judiciaires qui naîtront de cette question.

Des paramètres précis, des délais de rigueur auraient dû être prévus. Avec ce que nous offre le gouvernement, c'est-à-dire son silence, on ne peut savoir quand exactement pourront naître les premiers programmes d'accès à l'égalité.

En soumettant l'implantation des programmes à la volonté patronale ou au long processus d'enquête de la commission ou encore aux délais judiciaires exorbitants et ce, sans présomption en faveur des groupes cibles, le gouvernement expose ces derniers à une attente qui risque d'être longue.

Dans le cas des femmes, les chiffres sont éloquents. La situation est urgente et les mesures de rattrapage doivent être rapides et efficaces.

Une obligation formelle de soumettre un rapport d'analyse dans un délai déterminé pourrait tout au moins éviter l'inaction des entreprises et des administrations universitaires jusqu'à ce que la commission fasse enquête. Une telle mesure pourrait également faciliter une plus grande visibilité de la situation des salariés et forcer la réflexion collective.

Nous nous expliquons difficilement que les programmes volontaires approuvés par la Commission des droits de la personne ne soient pas soumis aux exigences du projet de réglementation. Cette exclusion risque d'entraîner des conséquences désavantageuses. Entre autres, ces programmes n'auront pas à respecter les objectifs quantitatifs prévus au paragraphe 3 du règlement. Les employeurs ne seront pas tenus de faire rapport à la commission. Que contiendront ces programmes? Quelles seront les exigences de la commission pour en approuver l'implantation? Autant de questions laissées sans réponse.

Enfin, nous nous demandons si les exigences, parfois très rigoureuses, du règlement visent à favoriser l'implantation de ces programmes dits volontaires, mais qui en fait n'offrent aucune garantie minimale quant à leur contenu.

Le règlement prévoit plusieurs analyses complexes. Ces analyses pouvant être fort longues, nous nous demandons si le gouvernement n'offre pas ainsi une possibilité de retarder indûment l'implantation des programmes. À ce propos, voici ce que mentionnait Mme Marie-Paule Dubé, chef du Service de l'accès à l'égalité auprès du Conseil du trésor, dans le Devoir du 14 février 1985, pour excuser les retards du conseil dans l'implantation de programmes d'accès à l'égalité dans les ministères et organismes gouvernementaux. Je cite: "L'étude de disponibilité de la main-d'oeuvre, préalable à l'implantation d'un programme, est une tâche simplement monstrueuse." De tels propos font craindre que l'implantation des programmes soit éternellement reportée faute de temps pour effectuer les analyses exigées par le règlement. "Il est évident que la collaboration des groupes cibles est essentielle à l'établissement et à la mise en oeuvre des programmes à leur intention." Cette phrase du juge Abella, dans son rapport sur l'égalité en matière d'emploi, est tout à fait juste, et nous nous demandons pourquoi le gouvernement québécois n'a pas prévu un rôle de premier plan aux membres des groupes cibles dans l'élaboration et l'implantation des programmes d'accès à l'égalité.

Le paragraphe 6 du règlement énonce le but d'une analyse du système d'emploi. Elle permet, entre autres, d'identifier les pratiques même apparemment neutres qui ont un effet discriminatoire dans la gestion de l'entreprise, sans qu'elles soient fondées sur des exigences de sécurité ou d'efficacité administrative. Est-ce à dire qu'une pratique discriminatoire fondée sur des exigences de sécurité ou d'efficacité administrative serait excusable et n'aurait pas à être modifiée par un programme d'accès à l'égalité?

Permettre de telles excuses sans en délimiter les applications risque d'entraîner des effets pervers. En effet, n'a-t-on pas déjà refusé l'embauche des femmes dans des chantiers de construction pour des raisons de "sécurité"? Combien d'employeurs invoqueront l'efficacité administrative pour justifier l'inexistence de mesures favorisant la promotion des femmes dans leurs entreprises?

Le laconisme du législateur compliquera la preuve de la discrimination. Comment prouver efficacement que la discrimination dans l'emploi est due au sexe, alors que l'employeur possède toute la latitude pour fournir cent bonnes raisons à son attitude? De telles mesures d'exceptions à l'établissement de programmes d'accès sont inquiétantes. Il ne faut pas se le cacher, et c'est Odile Dhavernas que je cite: "Si les femmes coûtent plus cher que les hommes sur le marché du travail, elles auront encore moins de chances d'être employées." Le législateur aurait dû faire preuve de plus de fermeté et prévoir des limites aux excuses légitimes.

Nous aurions également souhaité que le règlement vienne circonscrire de façon précise dans quel cas la commission pourra ne pas recommander l'implantation d'un programme d'accès à l'égalité et quand elle pourra décider de ne pas recourir au tribunal pour forcer l'implantation du programme dont la recommandation n'aura pas été suivie. La même exigence s'impose lorsqu'il s'agit de retirer l'approbation de la commission, de modifier ou d'annuler un programme.

Le silence du législateur sur cette question s'explique difficilement. Imaginez un peu le sentiment de désarroi d'un groupe pour lequel la commission recommande un programme d'accès à l'égalité et qui constate l'inaction de cette dernière devant le défaut d'agir de l'employeur. La commission n'étant pas tenue de motiver sa décision, rien ne laisse prévoir qu'elle le fera volontairement.

Le même pouvoir discrétionnaire se comprend mal également lorsqu'il s'agit d'exiger des rapports. En effet, comment mesurer la réussite d'un programme d'accès à l'égalité sans en posséder les résultats? Comme le mentionnait la juge Abella dans son Rapport sur l'égalité en matière d'emploi, et je cite: "...pour évaluer les résultats, il faut des données. L'employeur doit être tenu de fournir ces données." Pourquoi ne pas poser cette exigence envers les programmes volontaires qui auront été approuvés par la commission? Nous ne comprenons point l'exception accordée à ces programmes.

Enfin, nous aurions également souhaité que le règlement mentionne ce qui, en pratique, sera générateur de faits nouveaux pouvant justifier la modification, le report ou l'annulation d'un programme d'accès à l'égalité tel que prévu à l'article 86.6.

Nulle part dans la loi ou dans le règlement il n'est fait part d'une quelconque sanction envers l'employeur qui ferait défaut de respecter les obligations prévues par le législateur. Quelle sera l'efficacité des mesures pour lequelles on ne prévoit aucune sanction en cas de défaut, ni aucune obligation envers la commission à les faire respecter?

L'implantation des programmes d'accès n'ira pas sans entraîner certains coûts. À l'instar de la France, nous croyons que le gouvernement aurait dû prévoir une aide financière aux programmes les plus prometteurs. Outre le fait de posséder un caractère incitatif, une telle forme d'aide aurait l'avantage d'éviter les excuses de nature administrative.

Au paragraphe 10 du projet de règlement, on mentionne que l'employeur confie la responsabilité de l'implantation du programme à un employé en autorité. C'est

donc dire que même dans le processus d'implantation, le gouvernement ne prévoit donner aucun rôle tant aux associations de salariés qu'aux membres des groupes cibles. Ceci est inadmissible. Les mesures qui seront imposées visent toute la communauté et chacun de ses membres doit y participer tout au long du processus.

L'implantation efficace de programmes d'accès ne va pas, selon nous, sans l'instauration de mesures de soutien. Par exemple, comment prévoir des cours de perfectionnement sans offrir la possibilité de quitter le travail sans perte financière ou encore de prévoir des haltes-garderies si les cours se donnent le soir? Alors, nous nous expliquons mal la discrétion accordée à l'employeur sur cette question, au paragraphe 8 du règlement, ainsi que l'obligation qui lui est faite d'offrir ces mesures à l'ensemble du personnel. À notre avis, il n'est pas possible d'appliquer des mesures identiques à des personnes placées dans des situations inégales, faute de quoi il en résulterait une permanence des inégalités.

Les commentaires exposés ci-haut s'appliquent tout autant aux programmes touchant les services d'éducation. Par ailleurs, nous aurions souhaité des mesures précises quant à l'orientation des filles dans le réseau scolaire. À cet effet, l'avis du Conseil supérieur de l'éducation dont nous avons fait état plus haut contient toute une gamme de recommandations spécifiques à l'orientation des femmes dans notre système d'éducation.

Entre autres, le conseil recommandait à cette époque au gouvernement qu'il incite tous les intervenants professeurs, orienteurs, etc. qui travaillent auprès des jeunes à stimuler les filles à poursuivre leurs études dans des voies non traditionnellement féminines. Le gouvernement pourrait même s'interroger sur les avantages d'offrir des bourses préférentielles aux femmes voulant entreprendre des études plus avancées. Les chiffres le prouvent, plus la scolarité est élevée, plus grande est la proportion des femmes en emploi et moins grande est celle en chômage.

Nous avons livré dans les pages précédentes ce que nous croyons être les principales lacunes du projet de règlement offert par le gouvernement. En résumé, nous pouvons dire que nous sommes déçus du manque de fermeté du gouvernement dans l'implantation des programmes d'accès à l'égalité. Le processus mi-volontaire, mi-obligatoire ne saurait répondre aux attentes des membres des groupes cibles et en particulier les femmes, qui ont prouvé depuis longtemps l'urgence des mesures visant à régler la situation discriminatoire qu'elles vivent, entre autres, sur le marché du travail.

Pourtant, ce ne sont pas les études ni les analyses qui manquent pour aider le gouvernement dans ce grand projet où l'accès à une pleine égalité prévaut. L'écart entre les demandes des groupes cibles et les mesures proposées s'accentuera davantage si le gouvernement persiste à écarter les associations de salariés/es ainsi que les membres des groupes cibles dans le processus d'implantation des programmes d'accès à l'égalité. (16 h 30)

En demeurant trop près des préoccupations administratives des employeurs, sans offrir une aide réelle pour pallier les excuses de cette nature, le gouvernement fait preuve d'une volonté mitigée. Les pistes de réflexion sont nombreuses et nous encourageons fortement le gouvernement à en tenir compte avant d'adopter un règlement qui ne satisfera personne.

Si le gouvernement veut réellement offrir une chance d'accéder à une pleine égalité aux femmes dans nos universités, il doit considérer l'impact que le financement des universités a sur la création de nouveaux postes. Sans argent, comment les universités pourront-elles engager plus de femmes afin d'atteindre l'équilibre entre les hommes et les femmes dans leur corps professoral?

Nous l'avons déjà souligné, les femmes seront et sont encore les premières victimes du sous-financement aux universités. Alors, comment croire à des mesures qui ne pourront trouver aucune application pratique? Le gouvernement ne peut nous offrir un projet axé sur un volontarisme qui ne trouve aucun écho favorable chez les employeurs.

Nous croyons que l'heure des obligations a sonné et la fermeté est de mise. Non seulement le gouvernement doit-il inclure tous les intéressés dans son projet, mais lui-même doit faire montre de sa propre volonté d'y participer activement. Les formes de l'expression de cette volonté peuvent être nombreuses. Par exemple, des injections d'argent dans la création d'emplois, l'octroi de bourses d'études préférentielles devraient être considérées.

Le gouvernement devrait chercher à faciliter la tâche des partenaires sociaux, plutôt que de l'alourdir en réclamant des analyses fastidieuses et longues. Le processus d'implantation gagnerait à être révisé, si le gouvernement désire une application réelle des programmes d'accès à l'égalité.

Dans sa version actuelle, le projet de règlement est inacceptable pour de nombreuses raisons et les laissés-pour-compte que nous sommes, en tant que représentants des salariés, nous nous opposons à son adoption. Nous invitons le gouvernement à réviser cette version du règlement afin que tous les concernés se trouvent impliqués dans ce projet de société et que les programmes d'accès à l'égalité puissent s'appliquer réellement. Merci.

Le Président (M. Gagnon): Merci, madame. M. le député de Fabre.

M. Leduc (Fabre): Merci, M. le Président. Je voudrais d'abord remercier les représentantes de la Fédération des associations de professeurs des universités du Québec, Mme Ann Robinson, Mme Evelyne Saint-Pierre, Mme Huguette Dagenais, de leur participation à la commission. Je pense que leur mémoire est extrêmement bien fait. C'est un mémoire qui soulève beaucoup de questions très pertinentes, à mon avis.

Cependant, l'impression que j'ai du mémoire, c'est qu'il vise plutôt ou reproche au gouvernement de ne pas avoir une politique globale de programmes d'accès à l'égalité, alors que la réglementation dont on parle ici, il est vrai que c'est beaucoup plus limité que ce que vous engagez le gouvernement à faire dans votre mémoire.

La portée du règlement est très bien mentionnée à l'article 1: Toute personne qui élabore, implante ou applique un programme d'accès sur recommandation de la commission ou à la suite d'une ordonnance du tribunal. Vous dites que c'est insuffisant, c'est-à-dire qu'on ne devrait pas se contenter d'un règlement qui dit: C'est seulement sur preuve de discrimination qu'il y aura intervention du tribunal ou de la commission. Un argument que vous utilisez, qui m'a frappé, c'est de dire: II y aura des délais interminables si on a recours à cette procédure d'aller devant la commission ou devant le tribunal. Les délais seront interminables et c'est une façon de retarder la mise en application des programmes d'accès à l'égalité.

Je dois dire qu'on peut effectivement souhaiter que le gouvernement se dote d'une politique d'accès à l'égalité; il n'est pas dit qu'il ne le fera pas non plus. Ce que nous discutons ici, c'est d'une réglementation qui accompagne les articles 86.1 à 86.7 de la charte. Donc, il faut bien s'entendre au départ. On peut souhaiter autre chose, mais ce dont nous discutons ici en commission, c'est d'une réglementation très précise en fonction de la charte. D'accord? Maintenant, vous reprochez au gouvernement sa fermeté. Encore une fois, il n'est pas dit qu'il n'y aura pas une politique qui accompagnera ce règlement. Je pense qu'il s'agit d'une étape. En tout cas, moi, je le perçois comme cela: une étape qui devra être suivie d'autres mesures qui devront être discutées dans la société.

J'éprouve une crainte, et je l'ai déjà formulée devant un autre groupe, c'est de voir une immense bureaucratie mise en place pour imposer aux entreprises et aux organismes un programme d'accès à l'égalité. Cela me fait peur: une énorme bureaucratie avec des inspecteurs partout qui vont vérifier sur place si on applique ou non un programme d'accès à l'égalité. Pour l'instant, on fait appel aux entreprises, aux organismes pour qu'il y ait, volontairement, une mise en place de programmes d'accès à l'égalité et on verra ce que cela donnera.

Deuxièmement, ce qu'on dit, c'est que, s'il y a discrimination, on peut faire appel à la commission ou au tribunal et, à ce moment-là, il y aura des mesures de redressement; des correctifs seront apportés et le règlement qui est ici sera appliqué. Bon.

Est-ce qu'on fait trop confiance aux employeurs et aux organismes? Il y a un point d'interrogation. En tout cas, ma crainte... Je ne crois pas tellement à une démarche bureaucratique qui vise à une implantation forcée de programmes suivant une démarche très rigoureuse. Ce n'est pas comme cela qu'on a agi dans le cas de la loi 101 et, pourtant, on a obtenu des résultats fort intéressants et mesurables aussi. Vous pouvez dire que cela a pris trop de temps. Mais, je pense que, de toute façon, cela doit prendre un peu de temps. Je ne pense pas qu'on puisse bousculer et ce n'est pas en bousculant les entreprises et les organismes qu'on arrive à des résultats mais, c'est en faisant appel à des mesures incitatives. Et, des mesures incitatives, je crois qu'il devra y en avoir. Vous en proposez un certain nombre.

L'autre chose que je veux dire aussi, c'est que vous reprochez au gouvernement de ne pas faire appel aux syndicats ou de négliger la part syndicale. On a entendu cela, hier, de la part d'un autre groupe syndical. Encore une fois, je réponds à cela que rien n'empêche les syndicats de négocier. Cela peut se faire, sauf qu'il est important de dire qu'à l'intérieur des syndicats, il doit y avoir des consensus aussi. Cela, c'est important. Il doit aussi y avoir un débat à l'intérieur des syndicats, à savoir quelle sera la priorité dans les négociations. Qu'on en fasse une priorité de cette question de l'accès à l'égalité. Le débat à savoir si on en fera une priorité ou non est à faire à l'intérieur de beaucoup de syndicats. À partir de cela, on peut très bien négocier. Rien n'empêche de négocier un programme d'accès à l'égalité. Dans la réglementation, rien ne l'empêche. Est-ce qu'on doit avoir une surveillance ou un genre de comité paritaire? Vous ne parlez peut-être pas de comité paritaire, mais vous parlez de participation du syndicat. Je trouve la suggestion intéressante. Il pourrait y avoir une forme de comité paritaire qui vise à surveiller le programme d'accès à l'égalité, un peu sous la forme de la loi 101. C'est déjà prévu dans le cas de la loi 101 et cela pourrait être prévu ici également. Encore une fois, cela peut faire l'objet d'une politique et non pas de la réglementation qui e9t ici.

Ma question serait la suivante: Dans votre mémoire, vous mentionnez que

certaines associations que vous représentez possèdent déjà des mesures d'action positive dans leur convention collective; est-ce que vous pouvez nous parler un peu de ces mesures? Puisque cela existe dans certaines conventions collectives, est-ce que vous voyez des obstacles à ce que, effectivement, il y ait négociation sur ces programmes dans l'état actuel des choses?

Le Président (M. Gagnon): Mme

Robinson.

Mme Robinson: Votre intervention était longue et j'avais envie de répondre à certaines parties de l'intervention avant de répondre à votre question précise qui est venue à la toute fin. D'abord, au début de votre intervention, vous nous annoncez que le projet de règlement sera peut-être suivi d'une politique. Mais, à la fin, vous annulez un peu cette annonce en nous disant que vous ne croyez pas vraiment à une politique d'accès. Je ne crois pas que nous réclamions une politique d'accès à l'égalité dans notre mémoire. Si, effectivement, il y avait une politique d'accès, je pense qu'on serait heureuse sans doute plus que si on nous présente uniquement ce projet de règlement.

On n'a pas dit que le gouvernement était trop faible. On a dit que le gouvernement manquait de fermeté; manquait de fermeté à plusieurs niveaux et en particulier à celui d'annoncer certaines mesures incitatives. C'est une première étape, on en est parfaitement conscient. Cela fait plusieurs années qu'on réclame quelque chose relativement à l'accès à l'égalité, surtout pour les femmes. Ce quelque chose ne nous apparaît pas assez structuré et défini pour aboutir quelque part. Nous considérons que l'accès à l'égalité est un projet de société. Si c'est un projet de société, cela doit être entrepris par l'ensemble des intervenants dans un projet de société, donc, les associations et les syndicats d'employés. C'est dans ce sens qu'on dit: Le projet manque de fermeté parce qu'il laisse de côté toute une partie de gens intéressés à la question en ne les nommant pas ou en ne leur imposant pas certaines parties du règlement et en faisant l'obligation uniquement aux employeurs.

On pourrait peut-être prendre comme exemple le travail qui est fait actuellement au niveau des associations paritaires de santé et sécurité du travail. Il y a d'abord eu la CSST et, ensuite, il y a une volonté de part et d'autre, de la partie syndicale et de la partie patronale, pour aboutir à des programmes en matière de santé et sécurité du travail par le biais des associations paritaires dans les délimitations de territoire.

Je trouve que l'exemple est intéressant, parce qu'on a là un endroit où on a pu avoir des tables paritaires où il y a des choses qui se produisent au niveau de la santé et de la sécurité du travail. Pourquoi ne pourrait-on pas avoir dans un projet de règlement, je ne dirais pas une obligation mais une responsabilisation de l'ensemble des intervenants dans le dossier? Qu'on le veuille ou non, les employées, les femmes qui travaillent dans les milieux où il y a des hommes également, où il y a des conventions collectives, sont liées par les conventions collectives.

La négociation d'une convention collective, à mon sens, devrait inclure la négociation de l'action positive ou de points en termes d'action positive. Dans ce sens, pourquoi n'a-t-on pas cette responsabilisation des syndicats ou cette volonté de faire participer les syndicats à toutes les étapes de l'accès à l'égalité dans le projet? C'est là le point fort de notre document.

À la question que vous posez en fait, je dois répondre que les mesures d'action positive qu'on retrouve dans certaines conventions collectives de nos syndicats membres de la FAPUQ sont des mesures très timides. La seule que je connaisse plus particulièrement, parce que cela vient de mon syndicat - en fait, c'est le Syndicat des professeurs de l'Université Laval - c'est une mesure qui dit en gros, à peu près ceci: À compétence égale, on donne priorité à l'embauche d'une femme. Maintenant, tout est dans la définition de compétence égale. C'est la seule mesure incitative, c'est-à-dire mesure d'action positive concrète qu'on retrouve dans les conventions collectives universitaires.

M. Leduc (Fabre): Merci.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le député. Mme la députée de Jonquière.

Mme Saint-Amand: Merci, M. le Président. J'aimerais également offrir mes remerciements et mes félicitations aux représentants de la Fédération des associations de professeurs des universités du Québec, c'est-à-dire Mme Robinson, bien sûr, Mme Saint-Pierre et Mme Dagenais, pour leur présentation d'un mémoire très étoffé. S'il y avait quelqu'un ici qui doutait qu'il se fait de la discrimination, je pense que le ton convaincant de votre mémoire et celui que vous avez employé auraient su vaincre tous les sceptiques. Imaginez si je reprenais - je n'oserais pas dire à la blague parce que ce n'est pas drôle du tout - certains propos déjà entendus sur la discrimination à l'égard des femmes alors que quelqu'un disait: Imaginez-vous, lorsqu'on est femme membre d'une communauté culturelle et qu'en plus on se promène en fauteuil roulant, alors qu'on souffre de tous les objets de discrimination possible, que peut-il survenir à une personne affublée de cette façon, pour reprendre l'expression qui avait été utilisée à l'époque? (16 h 45)

Vous avez apporté plusieurs points importants dont celui de la participation de votre association de salariés à la mise en place du règlement. Il y a aussi un autre point sur les emplois non traditionnels et toute l'information qui doit être donnée, l'orientation qui doit être donnée à nos filles et à nos femmes. Ici, on pourrait peut-être mettre en évidence certaines associations qui existent dans le domaine. Je pense à ARFA, entre autres, qui existe à Jonquière, qui est une association regroupant des femmes en emplois non traditionnels, qui s'est donné comme objectif de regrouper ces femmes, de travailler au niveau de l'orientation des étudiantes pour l'avenir.

Également, vous nous avez, en tout cas à mon sens, apporté une révélation contrairement à certains groupes qu'on a entendus hier et avant-hier, qui témoignaient en ce sens que les femmes les moins scolarisées étaient celles qui étaient le plus victimes de discrimination. Dans votre mémoire, vos propos nous laissent croire que, même chez les femmes les plus scolarisées, il y a également des femmes qui sont objets de discrimination à un point fort élevé. Est-ce que vous pouvez nous apporter des témoignages précis là-dessus?

Mme Robinson: En fait, le mémoire ne parle pas de chiffres. Il y a un certain nombre de statistiques qu'on a voulu faire ressortir pour le bénéfice de la commission. Il y a également deux pourcentages, c'est-à-dire deux types de statistiques que j'aimerais aborder avec vous pour essayer de répondre à votre question, madame. Dans un premier temps, il faut constater que dans les universités québécoises la forte majorité, c'est-à-dire au-delà de 50 % des étudiants, sont actuellement des femmes. Que ce soient des femmes adultes ou des étudiantes sortant des cégeps, on est très proche des 50 %, si on ne les a pas dépassés présentement.

Cependant, le modèle auquel ces femmes ont accès, c'est un modèle mâle parce qu'il y a à peine 19 % de femmes qui enseignent dans les universités québécoises. Il se produit, par contre, qu'au niveau des chargés de cours, parce qu'on sait que depuis un certain nombre d'années les universités comblent des trous ou des gels de postes de professeurs d'université par l'engagement de chargés de cours, et la proportion des femmes qui enseignent comme chargées de cours est le double sinon le triple de la proportion de femmes, dans ce qu'on appelle la "ten-year track" d'une carrière de professeur comprenant promotion et permanence d'emploi. C'est donc dire que les femmes actuellement sont prêtes. Elles ont les diplômes, et vous avez les pourcentages de femmes qui ont été diplômées dans les dernières années au niveau d'un troisième cycle; elles ont les diplômes pour enseigner, mais elles se retrouvent chargées de cours.

Est-ce qu'on peut dire que c'est de la discrimination? La question est lancée. C'est là quand même. Que ce soit une discrimination volontaire ou involontaire, elle est là quand même. Les femmes enseignent comme chargées de cours et sont très peu nombreuses au niveau des postes permanents dans les universités. Elles ont les diplômes pour être professeurs d'université. Est-ce que c'est de la discrimination volontaire? J'ose croire que non.

On nous dit ou on nous répond qu'il s'agit d'un gel de postes et d'un problème de financement. Le fait est là. C'est que ce sont les femmes qui font l'objet de discrimination à cause d'un gel de postes, parce que ce sont maintenant les femmes, qui se sont préparées à devenir professeurs d'université dans les dix dernières années, qui n'entrent plus parce que les postes sont gelés.

Mme Saint-Amand: Maintenant, en page 21, lorsque vous parlez des mesures incitatives, vous croyez que le gouvernement aurait dû prévoir une aide financière aux programmes les plus prometteurs. Est-ce que vous pourriez parler davantage sur ce sujet?

Mme Robinson: Je sais que l'Ordre des ingénieurs a fait beaucoup de publicité pour qu'il y ait des femmes qui entrent en génie. On a un certain pourcentage de femmes qui sont en génie. Maintenant, en ce qui a trait aux professeurs d'université, il n'y en a pas. Si, par exemple, une faculté de génie ou une école de génie décidait d'établir un programme d'accès à l'égalité pour des filles pour entrer dans la carrière de professeur d'université, d'en faire une mesure incitative allant au-delà des mesures incitatives, mais vraiment des mesures de redressement par rapport au pourcentage, à ce moment, c'est dans ce sens qu'on dit que, pour des programmes majeurs prometteurs, il y aurait lieu d'avoir des mesures, c'est-à-dire des fonds accordés par le gouvernement pour ce genre de choses. On sait qu'on a des problèmes de représentation de femmes dans les universités de génie, de sciences pures et appliquées, et tant qu'il n'y aura pas de femmes qui vont enseigner, les étudiantes qui entrent dans ces universités vont continuer à être dans une position précaire et vont avoir de la difficulté à passer à travers. La discrimination des filles étudiantes est toujours existante. Les filles subissent encore les sarcasmes de leurs collègues, parce que, lorsque vous retrouvez 8 filles sur 90 étudiants dans une salle de cours d'une université, nécessairement, il y a une certaine forme de harassement ou de harcèlement routinier qu'elles ont à subir et, tant qu'il n'y aura pas de femmes qui vont enseigner dans ces départements, dans ces

facultés, cette situation va perdurer. Si, par exemple, une faculté de génie ou une faculté de sciences pures se donnait un programme de redressement en allant chercher, par exemple, des filles qui sont fortes et qui arrivent bien en troisième, en leur offrant des bourses, en leur garantissant des postes à la fin de leur doctorat, ce genre de procédure ou ce genre de moyens pourrait être financé, parce que c'est prometteur et cela aboutirait quelque part rapidement.

Mme Saint-Amand: Dans l'orientation, depuis les trois dernières années, constatez-vous un progrès dans l'information qui est donnée aux filles?

Mme Robinson: C'est difficile à dire, parce que mon contact est purement familier, ayant deux filles, une de douze et une de quatorze ans. Je ne crois pas que cela a changé beaucoup. J'enseigne en droit. Il y a plus de 50 % de filles étudiantes en droit et on ne retrouve pas 30 % de filles qui pratiquent le droit. Qu'est-ce qui se passe entre la fin de leur cours et la pratique du droit? Les filles ne sont pas plus orientées qu'elles ne l'étaient. Il n'y a pas plus d'entrées de femmes dans les facultés de sciences pures qu'il n'y en avait il y a cinq ou six ans. Il y a peut-être une petite proportion, un petit pourcentage, mais ce n'est pas significatif.

Mme Dagenais (Huguette): Est-ce que je pourrais...

Le Président (M. Gagnon): Allez-y.

Mme Dagenais: J'ajouterais quelque chose à propos de la discrimination qui irait dans le même sens en ce qui concerne les professeurs. À mon avis, ce dont on souffre, c'est de discrimination structurelle. Une discrimination structurelle, c'est-à-dire qu'elle fait partie du processus même. Si on prend l'exemple des femmes professeurs, par exemple, le sous-financement actuel fait qu'il y a moins de postes ouverts. Du fait qu'il y ait moins de postes, il y a moins d'engagement et, à ce moment-là, il y a évidemment moins de possibilités pour les femmes. C'est connu. Mais le problème c'est que, actuellement, plus on attend plus il y a de nouvelles diplômées sur le marché du travail qui attendent des postes et qui se retrouveront, dans quelques années, sans travail.

Par contre, dans un département comme le mien, il y a actuellement une priorité accordée, comme on le disait tantôt, à compétence égale, aux femmes, mais il n'y a pas eu d'ouverture de postes depuis six ans. Je suis l'avant-dernière femme entrée avec cette politique et on ne voit pas, dans les années qui viennent, la possibilité d'en engager une autre.

Il faut bien se rendre compte aussi que, ce qui est structurel là-dedans, c'est lorsque vous avez quinze ou vingt candidats masculins qui postulent à un poste et qu'il y a deux, trois, quatre ou cinq femmes, pour l'instant. II est évident qu'il y a plus de probabilités qu'un homme ait l'emploi et remplisse justement les exigences de compétence. Encore une fois, à mon avis, on ne va pas modifier la structure simplement en ayant la bonne volonté de donner la priorité. J'ai l'impression que si la structure est croche, il va falloir un peu la bousculer peut-être, pour reprendre une expression de monsieur tantôt. Je m'étonne que ce soit à propos des femmes et des groupes minoritaires qu'on utilise ce terme. Je pense que ces groupes sont déjà très bousculés et marginalisés. Peut-être qu'il faudrait un peu bousculer maintenant les structures les plus fortes, les autorités finalement.

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: Merci, M. le Président. Je voudrais poursuivre un peu les questions de notre collègue de Jonquière. Vous nous avez indiqué, notamment, qu'il y a une présence beaucoup plus marquée des femmes parmi les chargés de cours que parmi les professeurs. Est-ce que vous pourriez, à l'égard de cette forme de discrimination ou d'autres formes de discrimination, nous donner une idée des facultés plus déficientes que d'autres? Quels sont les domaines universitaires où on fait le plus de discrimination contre les femmes et ceux où on fait le moins de discrimination contre les femmes?

Mme Robinson: C'est très difficile à dire ou à trancher. Est-ce qu'on fait plus ou moins? Je pourrais vous parler d'endroits dans l'université où il y a le moins de femmes qui enseignent par rapport à des endroits où il y a le plus de femmes qui enseignent. C'est très simple. En fait, pour les professions traditionnellement réservées aux femmes, les professeurs d'université sont majoritairement des femmes, comme partout ailleurs. En humanité, en arts, en sciences de l'éducation, il y a majoritairement des femmes qui enseignent à l'université. C'est le même schème que le schème de la société. Dans les endroits où on peut considérer que ce sont des sciences de services, il y a des femmes, il y en a beaucoup. À l'Université Laval, si vous connaissez un peu le jargon de l'université, on parle de l'ouest et de l'est. Quand on se déplace à l'ouest du campus et qu'on retrouve les sciences les plus pures, les plus exactes, les sciences pures, les sciences appliquées, le génie, la médecine, la géodésie-foresterie, l'agriculture, il y a de

moins en moins de femmes; il y a des femmes en agriculture, mais elles se retrouvent en alimentation-nutrition. Vous voyez toujours... Peut-on dire que ce soit de la discrimination à l'embauche ou si c'est un manque d'information à l'égard des filles en termes d'orientation? Toute la question est là finalement parce que les étudiants sont admis à l'université avec la liste d'excellence. Alors, que ce soit une fille ou un gars, cela a peu d'importance, il sera admis avec la liste d'excellence. Cependant, pourquoi y a-t-il moins d'étudiantes qui s'inscrivent ou qui demandent des admissions en médecine, en génie, en sciences pures et en sciences appliquées? Un problème d'orientation, sans doute. Probablement aussi qu'on devrait, nous, comme professeurs d'université ou comme partie intégrante d'une société, se poser la question de la façon dont elles sont accueillies et dont elles pourront suivre les cours par la suite. Si on va, par exemple, dans des endroits comme en géodésie-foresterie à la forêt Montmorency, y a-t-il des espaces réservés aux filles? Si on va en éducation physique, est-ce que les filles ont tout ce qui leur faut pour suivre les cours d'éducation physique sans problème? Ce sont toutes des questions qu'on se pose et auxquelles, pour l'instant, on n'a pas de réponse. Quelles sont les facilités d'accueil qu'on a réservées aux filles dans ces facultés?

M. de Bellefeuille: Nous nous intéressons aussi à d'autres groupes à part le groupe constitué des femmes: les groupes ethniques, par exemple, les communautés culturelles. À votre avis, les communautés culturelles ont-elles les mêmes possibilités d'embauche et d'avancement dans le milieu universitaire que les Québécois dits de vieille souche?

Mme Dagenais: Peut-être que je pourrais essayer de répondre à cela? Il y a certainement des points communs. Par contre, actuellement, dans les universités québécoises, on doit se rendre compte qu'il y a beaucoup de professeurs masculins, puisque c'est la majorité, qui sont quand même d'origine étrangère. Je pense que quand les dossiers sont bons, ils sont jugés sur le même pied que les Québécois.

Par contre, à un niveau plus terre à terre des groupes eux-mêmes ici, au Québec, j'imagine que les groupes les plus défavorisés ont moins accès aux universités et, donc, évidemment moins accès ensuite aux postes d'enseignement universitaire. J'irais, à ce moment-là, selon un échelon qu'on établirait si on pouvait trouver le groupe le plus défavorisé et le groupe le plus favorisé. Je pense que la même chose se produirait chez eux, c'est-à-dire que les hommes seraient probablement plus favorisés à l'intérieur du groupe et on retrouverait finalement encore les femmes des groupes les plus défavorisés au bas de l'échelle. Je ne sais pas si je réponds à votre question, mais je pense, personnellement, que, pour l'instant, si on essaie de résoudre tous les problèmes à la fois on n'en résoudra aucun.

Je pense que les femmes, représentant 51 % de la population, sont un groupe suffisamment nombreux et elles ont une position quand même minoritaire. Il me semble que déjà en s'attaquant à ce gros morceau on toucherait, par la même occasion, les femmes des groupes minoritaires, les femmes des groupes défavorisés. Autrement dit, on retrouverait aussi les femmes des groupes ethniques dont on parle; on ferait d'une pierre deux coups, finalement.

Le Président (M. Gagnon): Merci. Cela va, M. le député?

M. de Bellefeuille: Oui.

Le Président (M. Gagnon): Merci, mesdames Dagenais, Robinson et Saint-Pierre de l'excellent mémoire que vous avez présenté à cette commission. J'inviterais maintenant la Confédération des syndicats nationaux à prendre place. Je suspends pour cinq minutes.

(Suspension de la séance à 17 heures)

(Reprise à 17 h 4)

Le Président (M. Gagnon): La commission poursuit ses travaux et nous avons maintenant comme invité la Confédération des syndicats nationaux. Mme Monique Simard, vous nous présenterez tantôt les gens qui vous accompagnent. Avant de vous céder le micro, je vous mentionne, à vous comme aux autres que nous disposons d'une enveloppe de 55 minutes, soit environ 20 minutes pour livrer votre message et 35 minutes de dialogue avec les membres de la commission. Je vous souhaite la bienvenue et je vous cède le micro immédiatement.

CSN

Mme Simard (Monique): Merci, M. le Président. Je vous présente ici, à ma droite, Mme Rose Pellerin, qui est présidente de la Fédération nationale des enseignants et enseignantes du Québec de la CSN; à ma gauche, Mme Danielle Hébert, responsable du dossier de la condition féminine de la CSN.

Avant de débuter mon exposé comme tel, je voudrais tout de suite apporter une précision aux membres de la commission. Le texte de notre mémoire que vous avez reçu contient un certain nombre d'erreurs. Il y

a eu sur la machine des déplacements de paragraphes et il y a un certain nombre d'incohérences que vous avez peut-être remarquées à la lecture. On vous fera parvenir, pour les fins du procès-verbal, une version cohérente de nos positions. Ceci dit, une autre précision. Je crois qu'au début de la semaine, vous avez entendu une coalition qui vous a présenté une position. Il y avait une longue liste d'organismes membres de cette coalition où était indiqué le nom du comité de la condition féminine de la CSN. Je dois vous dire qu'il y a eu erreur, que nous n'avons pas été consultés sur ce mémoire. D'ailleurs, la coalition en question a aussi rétracté le nom d'un certain nombre de groupes. Il n'y a qu'une seule position présentée au nom de la CSN à cette commission parlementaire, c'est celle que je vais vous livrer aujourd'hui.

Bon!.i Je vais tenter d'être brève. Je pense que je n'ai pas besoin de rappeler en longueur que la CSN, la Confédération des syndicats nationaux, a toujours défendu des principes d'égalité. Elle a revendiqué à l'époque, l'adoption d'une charte et, au moment de la révision du contenu de cette charte, en 1981, nous nous sommes présentés ici, en commission parlementaire, pour faire valoir, entre autres, notre appui à l'introduction d'un mécanisme dans la Charte des droits et libertés de la personne qui permettrait... On appelait cela, à l'époque, de l'action positive, ce qui a été rebaptisé programme d'accès à l'égalité.

Pourquoi nous, qui oeuvrons essentiellement sur le marché du travail, dans le domaine des relations du travail, nous qui faisons toujours la promotion du droit au travail et du droit à des conditions de travail justes et équitables pour les hommes et les femmes? Parce que nous avons, au cours des années, expérimenté les moyens qui nous étaient offerts pour tenter de corriger les situations de discrimination dont étaient victimes très largement les femmes québécoises et aussi d'autres groupes. Or, malgré l'adoption de chartes qui interdisent la discrimination, force nous a été de constater que malgré nos efforts, malgré les revendications qu'on pouvait mettre de l'avant dans le cadre des négociations de contrats de travail, malgré même des progrès substantiels dans le cadre de négociations de conventions collectives - je pense, entre autres, à celles que nous avons négociées au cours des années dans le domaine des secteurs public et parapublic - malgré tout cela, on n'arrive pas, on n'est pas arrivé à corriger des situations de discrimination. Quand on regarde les chiffres - je ne reprendrai pas les chiffres que vous connaissez, je pense, aussi bien que moi - on constate qu'il y a encore des groupes et, dans le cas des femmes, une majorité qui vivent une situation de discrimination. Donc, face à cela, on s'est dit qu'il nous faut de nouveaux moyens.

La discrimination est systémique. On a réussi, oui, à corriger ce que j'appelle la discrimination la plus apparente, la plus grossière, et c'est tant mieux. Les outils que nous avons utilisés au cours des années nous ont permis d'éliminer cela, mais la discrimination systémique, elle, est indéracinable, je dirais, si on n'a pas de nouveaux moyens. Alors, le concept d'action positive, de programmes d'accès à l'égalité nous convenait.

Enfin, le projet de règlement est déposé. Cela fait déjà très longtemps qu'on l'attend. Nous sommes donc heureux de venir ici faire nos recommandations. Essentiellement, il y a deux aspects du règlement que nous voudrions porter à votre attention. D'une part, la portée de l'application du projet de règlement et, d'autre part, la place qu'on réserve aux employés dans l'implantation des programmes.

On croit que le projet de règlement, qui définit ce que devront être les règlements, tant dans les objectifs à atteindre que dans les mesures que doit contenir un programme pour permettre d'atteindre ces objectifs, on pense, dis-je, que cette réglementation devrait s'appliquer à tous les programmes qui porteront le nom de "programme d'accès à l'égalité", que ces programmes soient volontaires ou non.

Il est souhaitable que sur le terrain, comme on dit, dans les entreprises, on puisse prendre des initiatives qui permettent que l'employeur et le syndicat, lorsqu'il y a un syndicat, s'entendent pour dire: Oui, il serait bon ici de mettre en place un programme d'accès à l'égalité parce que, à première vue, oui, il y a une sous-représentation de femmes dans certains cas ou d'autres groupes dans d'autres cas.

Mais pour porter le nom de "programme d'accès à l'égalité", il nous semble qu'il faut que tous les programmes puissent se référer à une réglementation, à des normes qui seraient contenues dans une réglementation. Le projet de règlement qui nous est présenté spécifie qu'on doit fixer des objectifs numériques dans le temps, des mesures d'égalité, des mesures de redressement, enfin, des précisions de cet ordre, des normes qui, quant à nous, devraient s'appliquer à tous les programmes, volontaires ou autres. Sinon, il risquerait d'y avoir deux catégories de programmes qui porteraient le nom de "programmes". Certains qui seraient sous le contrôle, sous la juridiction de ce règlement et qui seraient supervisés par la Commission des droits de la personne, etc., avec les mesures décrites dans le règlement, et d'autres programmes dont on ne saurait pas exactement ce qu'il y a dedans, ce que seraient vraiment les programmes. Nous croyons que si on est là

pour réglementer, on doit réglementer l'ensemble des normes que devront contenir ces programmes.

L'autre aspect important, quant à nous - je pense que l'ensemble des intervenants en conviendra - c'est que les programmes d'accès à l'égalité, l'introduction dans la charte de dispositions permettant qu'on favorise un groupe qui a été discriminé, qui est peu ou pas représenté par rapport à d'autres, je pense qu'on va en convenir, c'est nouveau, c'est un nouveau concept et cela bouleversera dans une certaine mesure des pratiques, des règles plus traditionnelles. C'est vrai et c'est nécessaire sûrement pour permettre de corriger une situation comme celle qu'on connaît. Donc, ce sont des programmes qui viendront bouleverser en quelque sorte le milieu de travail.

Je sais qu'à la CSN, lorsque nous avons débattu ces questions - cela fait maintenant plus de cinq ans que ces débats ont été lancés - on ne s'est jamais caché pour dire que, oui, cela allait changer des choses. Ce serait incorrect de dire: Ne vous inquiétez pas, cela ne changera pas grand-chose. Non, j'ai toujours été très honnête pour dire: Oui, cela va bouleverser beaucoup de choses, particulièrement dans les grands secteurs qu'on appelle les grands secteurs d'emplois masculins, comme la métallurgie, les pâtes et papiers, la pétrochimie. Cela bouleversera aussi d'autres secteurs.

Et justement, parce que ces programmes sont nouveaux, parce qu'ils bouleverseront, il nous semble essentiel, comme condition de réussite, que les employés qui vivent dans ces entreprises soient associés étroitement à l'idée même d'implanter des programmes, à l'élaboration de ce que devraient contenir ces programmes, à la fixation des objectifs qu'ils devront atteindre et, évidemment, à la surveillance de leur évolution et de leur application. À défaut de quoi il nous apparaît que, d'ores et déjà, on se met un obstacle supplémentaire s'il n'y a que l'employeur qui fait la promotion, qui implante ou qui contrôle les programmes.

D'ailleurs, je pense qu'on s'entendra pour dire que les employés d'une entreprise connaissent leur entreprise parce qu'ils vivent et travaillent dans cette entreprise; ils connaissent les obstacles qui font que, par exemple, dans tel service, n'y a pas de femmes. Ils savent généralement très bien pourquoi il n'y en a pas. Ils connaissent les conditions qui font que tel groupe ne peut avoir accès à tel type d'emploi et, comme ils ont une connaissance de leur milieu, une connaissance des obstacles réels à une égalité, à une accessibilité plus grande dans leur entreprise, ils sont aussi en mesure de trouver les solutions pour que ces obstacles soient surmontés et qu'on puisse atteindre ces objectifs.

(17 h 15)

Voilà pourquoi le règlement tel que rédigé ne peut nous satisfaire. Nous voudrions voir dans ce règlement une disposition qui reconnaîtrait le rôle essentiel que doivent jouer les employés dans le cadre de l'élaboration des programmes et que le contenu de ces programmes soit entendu par voie de négociation avec les employés. Lorsqu'il y a un syndicat, cela se ferait par la voie du syndicat. Le syndicat pourrait créer un comité. Lorsqu'il n'y aurait pas de syndicat - on sait tous qu'à peine 35 % de la main-d'oeuvre est syndiquée, ici au Québec; donc, la majorité des entreprises ne le sont pas et alors il n'y a pas d'organisme pour représenter les employés - il y aurait un comité des employés qui serait formé pour discuter de l'implantation, du contenu et de la préparation. A défaut de quoi, je le répète, il nous semble que l'introduction des programmes, même si c'était volontaire de la part d'un employeur, se ferait de façon unilatérale. Quant à nous, cela va contre l'esprit même dans lequel on doit travailler pour introduire ces nouvelles notions.

Trois autres commentaires sur le projet de règlement. Il nous semble que, dans le projet de règlement, il faudrait donner une définition de ces groupes cibles dont on parie. Il nous semble également qu'il faut que l'ensemble des données, ce matériel dont on a besoin pour être capable de travailler sur les programmes, soit compilé par le gouvernement et que celui-ci confie cette tâche à l'un de ses organismes, soit la Commission des droits de la personne, qui est sûrement l'organisme le plus approprié pour traiter de ces choses, puisqu'il veillerait à ce qu'il y ait des programmes dans certaines entreprises et en suivrait l'évolution.

Enfin, deux dernières remarques. Il faudra que l'ensemble de ces données puissent être disponibles pour tous les intervenants qui auront à agir, qui en feront la proposition dans leur milieu et qui auront à travailler à la préparation des programmes; à défaut de quoi il sera difficile, je pense, d'avoir des programmes de qualité et efficaces. Lorsqu'on fait référence au secteur public, à la fonction publique, on aimerait avoir une définition dans le règlement de ce qui est inclus dans le secteur public. Vous savez que, selon les lois, tel organisme est inclus et tel autre ne l'est pas. Nos positions là-dessus sont très claires. Nous pensons que des programmes doivent être implantés dans la fonction publique, dans les secteurs parapublic et péripublic. Dans l'ensemble de ces secteurs, je pense qu'il doit y avoir des programmes.

Même s'il n'est pas du ressort de cette commission de traiter de l'obligation contractuelle - le projet de réglementation est muet sur la question - on sait qu'à l'annonce de la tenue de cette commission

parlementaire et de la promulgation de certains articles, le gouvernement nous avait indiqué qu'il introduirait des mesures concernant les obligations contractuelles. Nous voulons vous souligner que nous sommes d'accord avec ce type de mesures et nous souhaitons que, le plus rapidement possible, le gouvernement nous présente un projet sur cette question afin que nous puissions le commenter. C'est l'essentiel de notre présentation et nous sommes, évidemment, disposées à répondre à toutes vos questions.

Le Président (M. Gagnon): Merci, Mme Simard. Mme la députée de Jonquière.

Mme Saint-Amand: Merci, M. le Président. Je remercie la CSN, Mme Simard de même que Mme Hébert et Mme Pellerin qui l'accompagnent pour la présentation de ce mémoire. Vous avez soulevé des points qui ont également été apportés hier et encore aujourd'hui par des représentants de syndicats ou d'associations de travailleurs.

Hier, je posais une question à une représentante d'un groupe de travailleuses. À vous aussi, je vais poser cette question parce que j'ai vécu également la vie syndicale par l'interne, à l'intérieur d'une entreprise, en comprenant toutes les barrières qui existent là aussi, parce que les représentants syndicaux, les travailleurs syndiqués sont également des êtres humains avec tout ce que cela comporte de qualités et aussi de défauts, de problèmes et de solutions à trouver.

Je revois très bien, par exemple, la façon avec laquelle on prépare des projets de convention collective qu'on doit soumettre à nos travailleurs pour les faire adopter avant de les présenter à nos employeurs. Dans un service particulier où, majoritairement, les travailleurs sont masculins, sont des hommes, à qui on voudrait faire accepter la présence de quelques femmes dans leurs rangs, pensez-vous que, par le biais d'une convention collective qui devrait d'abord être adoptée par les travailleurs eux-mêmes avant d'être présentée aux patrons, on serait capable de trouver une solution à ces difficultés qu'on a de faire entrer des femmes dans certains services de nos entreprises, dans nos usines ou dans tout autre milieu? On parlait tout à l'heure du milieu universitaire. On sait à quel point il est difficile de le faire accepter dans certains coins.

Est-ce que le syndicat, lui, sera capable de faire d'abord adopter par ses travailleurs la possibilité de voir des femmes entrer dans certains milieux qui sont fermés, qui sont hermétiques, très hermétiques à l'heure actuelle? De quelle façon pourrait-on y arriver ou votre centrale ou toute autre centrale ou toute autre association représentant des travailleurs pourrait-elle d'abord convaincre les employés eux-mêmes d'ouvrir leurs cadres à des femmes?

Mme Simard: Au départ, je pense qu'il faut spécifier que les positions que je vous présente aujourd'hui sont des positions qui ont été débattues largement avec beaucoup d'hommes...

Mme Saint-Amand: Oui.

Mme Simard: ...vivement parfois, mais que ce sont des positions qui sont très largement majoritaires. Il faut l'avouer, il y a évidemment beaucoup d'hommes qui se sentent et qui vont se sentir inquiets avec l'introduction de telles mesures. C'est normal.

Mme Saint-Amand: ...menacés. Mme Simard: Pardon?

Mme Saint-Amand: Pour ne pas dire menacés. Ah! Ah!

Mme Simard: Pour ne pas dire menacés. Particulièrement dans une période de pénurie d'emplois comme celle que nous connaissons actuellement. L'emploi est une denrée rare. Lorsqu'on en a un, on veut le garder. C'est là une condition objective qu'on ne peut pas nier.

D'autre part, on vient introduire une mécanique qui est complètement à l'inverse de ce qu'on a enseigné, qui est de privilégier, de choisir parce que c'est une femme, par exemple, ou parce que c'est une personne de telle minorité, visible alors que des syndicats, pendant des décennies, pour contrer l'arbitraire du choix patronal de l'employeur, ont dit: Bon, la règle c'est l'ancienneté, c'est à partir de l'ancienneté. Donc, c'est neutre, l'ancienneté. Le premier arrivé est le premier qui a le choix, etc. Souvent, il y a eu des batailles, des grèves incroyables pour faire introduire un critère neutre, objectif, comme l'ancienneté.

Aujourd'hui, certains nous diront: Ah! L'ancienneté est maintenant reconnue. Cela ne fait pas si longtemps qu'il y avait encore des batailles. Donc, oui, très bouleversant de ce point de vue.

Il y a aussi les mentalités. Oui, il est vrai que, particulièrement dans le domaine de la production manufacturière, par exemple, ou dans les postes de responsabilités, dans les postes de techniques, diverses techniques, encore beaucoup de personnes, parce qu'il y a peu de modèles -j'écoutais la présentation qui nous précédait ont des préjugés selon lesquels telle personne, de telle origine nationale ne serait vraiment pas... Je pense que les syndicats ont une responsabilité, une mission éducative. D'ailleurs, on le fait dans une large mesure parce que nous venons proposer ce type de

mesure. Nous voulons et nous réclamons de nouvelles mesures parce qu'on sait que ce qu'on a en main, ce n'est pas suffisant pour agir et transformer la réalité.

La meilleure façon de pouvoir faire ces débats, ce n'est pas dans l'abstrait, c'est dans le concret, c'est quand on prépare un projet de convention collective. Vous m'avez dit: Vous connaissez un peu comment cela fonctionne quand on prépare un projet de convention collective. Qu'est-ce qu'on va mettre, qu'est-ce qu'on va demander dans ce projet. Une fois que c'est là, ce sont des débats, ce sont des discussions. Ensuite, il faut aller négocier. Je pense qu'il faut avoir confiance dans cette méthode; elle a porté largement fruit sur bien des aspects. Il me semble que c'est dans l'action concrète comme celle-là que peut nous permettre la charte - on peut le faire maintenant, on peut le proposer - c'est dans ces moyens et ces activités très concrètes de débats et de discussions qu'on va pouvoir introduire la notion, rallier beaucoup de personnes à l'idée que c'est nécessaire, et là ensuite faire en sorte que cela se réalise.

Je vous dirai que, comme cela va bouleverser beaucoup de milieux, vous savez comme moi que d'imposer les changements de façon unilatérale n'a jamais été généralement la meilleure façon pour que ce changement se réalise vraiment. Généralement, on développe de la résistance aux changements quand c'est imposé.

Mme Saint-Amand: Vous disiez tout à l'heure Mme Simard que votre centrale, la CSN, s'était elle-même fixé certains objectifs pour combattre la discrimination, qu'elle a tenté d'implanter certains programmes, mais que cela n'a pas donné les effets escomptés, que vous n'êtes pas arrivés à combattre la discrimination là où vous auriez souhaité le faire. Est-ce que vous avez bien identifié les motifs? Est-ce que vous pourriez nous faire part de vos expériences dans ce domaine? De quelle façon et à quel endroit, pour quelles raisons cela a échoué, là où vous étiez convaincus, en tant que centrale syndicale, que vous étiez capables d'aboutir à des résultats?

Mme Simard: Ce n'est pas qu'on était capable de les atteindre. Ce que j'ai dit, c'est qu'on a tenté d'éliminer de la discrimination dans beaucoup de milieux, que ce soit dans le domaine des pâtes et papiers, que ce soit dans le domaine tertiaire, dans les magasins... Il y a 1800 accréditations à la CSN, alors dans tous les secteurs, dans tous les coins. Avec la charte, avec les moyens qu'on avait, c'était de dire: II est interdit de faire de la discrimination. On ne peut plus sexualiser des postes. On ne peut plus sexualiser des salaires. On doit offrir les mêmes programmes. On ne peut plus différencier sur le fait qu'on n'avait pas ce qu'on appelle la possibilité de favoriser le rattrapage d'un groupe par rapport à un autre. C'est justement, ce dont on s'est rendu compte, c'est que, d'une part, les moyens qui nous étaient donnés, de juste dire que tout le monde désormais est égal, cela ne nous permettait pas de faire faire le rattrapage nécessaire à celles qui étaient en arrière, et on se donnait l'illusion que tout le monde démarrait sur le même pied. Ce n'est pas vrai que tout le monde démarre sur le même pied.

Il y a des groupes, pour un ensemble de facteurs, qui sont trois ou quatre marches plus bas. Donc, il faut être capable de permettre ce rattrapage. C'est par la voie des programmes, nous, qu'on a identifié que c'était la meilleure façon de faire ce rattrapage. Je vais vous expliquer une expérience. J'ai travaillé longtemps dans le domaine des pâtes et papiers. Dans le domaine des pâtes et papiers, dans un moulin de papier, tout est organisé en fonction de lignes de production. Généralement, on entre dans une ligne de production, au bas de l'échelle, dans une fonction de manoeuvre ou autre, et on va monter dans la ligne de production au cours de sa vie. Vous avez des lignes de production de machines de papier, vous allez avoir des lignes de production dans d'autres services. (17 h 30)

Les femmes dans les usines se sont généralement toujours retrouvées dans les services à forte concentration de main-d'oeuvre: l'emballage, l'étiquetage, le contrôle de la qualité. Donc, des services fermés, généralement, pas généralement mais systématiquement payés beaucoup moins cher que les autres et on est incapable de sortir de ces services, parce que pour accéder à d'autres emplois mieux rémunérés et plus valorisés dans l'usine il faut toujours passer par les emplois de manoeuvres, et vous savez qui ont les emplois de manoeuvres. Généralement ce ne sont pas des hommes de 40 ans et 45 ans, ce sont des jeunes gars de 18 ans, costauds, en santé qui le font quelques années et qui grimpent par la suite. Alors, les femmes ne pouvaient jamais rentrer. Pour que les femmes accèdent à d'autres postes, pour qu'elles puissent arriver à travailler sur machines à papier, on doit dire: c'est terminé, on enlève les secteurs de production. Pour ces secteurs, il y une autre façon d'organiser le mouvement de main-d'oeuvre. C'est un exemple. On a réussi dans certains cas à le réaliser. C'est beaucoup. C'est de la formation, c'est beaucoup de choses. Ce sont des employés qui ont trouvé la solution, parce qu'ils connaissaient leur milieu de travail. Ils ont dit: C'est cela le problème. Le problème, ce n'est pas la deuxième, la troisième ou la quatrième job, c'est celle-là. Pourquoi a-t-on changé celle-

là? C'est un exemple de ce qu'on a pu réaliser, mais on n'est pas capable de réaliser partout de telles mesures. Il nous faut des mesures de rattrapage que seuls les programmes d'accès à l'égalité peuvent nous permettre de faire.

Mme Saint-Amand: Merci.

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le député de Châteauguay.

M. Dussault: Merci, M. le Président. Je veux, à mon tour, remercier la CSN pour la présentation de son mémoire. Je dois dire que je n'ai pas été surpris. On connaissait passablement les positions de la CSN à l'égard de l'accès à l'égalité. On ne peut pas s'empêcher, cependant, d'avoir quelques doutes à l'égard de certains éléments que vous avancez, entre autres de cette grande certitude que vous avez que tous les syndiqués, tous les syndicats de votre centrale vont marcher allègrement dans le sens d'une position très positive. On peut penser qu'il va y avoir des blocages à des endroits. C'est la raison pour laquelle je me pose encore la question, à savoir dans la mesure où on ne retiendrait pas qu'il y a un rôle aussi substantiel de joué par les centrales syndicales, comment verriez-vous l'implantation de comités paritaires pour arriver à ces fins?

Mme Simard: D'une part, je peux reconnaître que vous ayez des doutes sur chacune de nos unités. On en a beaucoup, comme je l'ai dit, mais, dans le même sens, j'imagine que vous avez autant de doute sur la volonté des employeurs à implanter des programmes d'accès à l'égalité.

M. Dussault: Est-ce que je peux répondre à cela?

Mme Simard: Oui, vous pouvez répondre. La façon de le faire à l'intérieur d'une entreprise, d'une institution, lorsqu'il y a un syndicat... Je pense qu'il faut distinguer. Il peut y avoir ce qui est prévu, la procédure de plainte. Quelqu'un peut déposer une plainte. À la limite, cela peut être même un syndicat. Un syndicat peut déposer une plainte et dire: Chez nous, il y a de la discrimination. C'est effrayantl On a tenté de régler cela. On n'y arrive pas. Il y a plainte. Il y a une enquête. L'enquête statue. Oui, il y a discrimination. Il faut un programme. Quel serait ce programme? Quel est l'objectif à atteindre? Ce que nous disons, dans ce cas, comme dans les cas où, dans l'entreprise, l'employeur et le syndicat sont d'accord pour dire: Oui, ici, il faut un programme. On n'a pas besoin de déposer une plainte ou de faire enquête. On reconnaît qu'il faut un programme. À l'oeil, on sait que cela ne va pas. Vous savez qu'à bien des endroits, cela se vérifie sans enquête très poussée, n'est-ce pas? Vous vous en doutez. Dans les deux cas, lorsqu'on se met au travail pour savoir ce que doit contenir un programme, premièrement, il faut savoir ce que l'on veut atteindre, si on est d'accord sur l'objectif et sur les moyens pour atteindre cet objectif. On sait que c'est un ensemble de mesures. Lorsqu'il y a un syndicat, on pense que cela devrait être négocié avec le syndicat. Lorsqu'il n'y a pas de syndicat, les employés devraient être là, ainsi que les groupes visés, ceux qui ont à se faire valoir ou à accéder à l'emploi ou à de meilleures conditions.

Et, oui, il y a la Commission des droits de la personne qui, dans un cas, portera assistance, mais comme, pour être cohérents avec notre position, nous disons que la réglementation devrait s'appliquer à tous les programmes et que la commission devrait pouvoir assister dans tous les cas où il y aurait une initative d'établir un programme, s'il y a lieu, il y a là une entente qui se fait sur ce que devrait contenir un programme. Evidemment, la question se pose: Oui, mais s'ils ne s'entendent pas? S'ils ne s'entendent pas, dans le cas de programmes imposés, il y a des mécaniques prévues. La commission peut revenir et revoir. Dans le cas où c'est un programme volontaire, où il n'y a pas eu d'intervention mais où ils ne s'entendent pas, de deux choses l'une: soit qu'ils demandent à la commission d'intervenir pour dire: Ici, il y a de la discrimination, on essaie d'avoir un programme, on ne s'entend pas, et voir s'il y a une solution, ou il y a évidemment tous les autres mécanismes de règlement pour arriver à une entente ailleurs, qu'on peut retrouver soit dans leur convention collective, lorsqu'il y en a une, ou dans d'autres lois du travail.

Il n'y a pas, quant à nous, d'autre mécanique plus exacte qui pourrait nous garantir davantage qu'il y aura des programmes qui vont marcher et qui vont atteindre les objectifs. Voilà.

M. Dussault: Pour répondre à ce que vous disiez tout à l'heure, effectivement, j'ai aussi des doutes à l'égard de certains employeurs. Je pense que, des deux côtés, il y a des gens sur qui on peut moins facilement compter. C'est ce caractère absolu de votre mesure, qui consiste à tout faire passer par la négociation, qui m'apparaît difficile. On peut peut-être penser qu'on arriverait à régler tous les cas par la méthode du comité tripartite. De toute façon, on a un tribunal qui peut régler un problème s'il y en a un qui se pose. Il y a aussi, bien sûr, toutes ces personnes qui ne sont pas syndiquées. Vous parliez tout à l'heure d'un débat, d'un changement de mentalité, etc. Comment ce débat va-t-il se

faire chez ces personnes puisqu'elles n'ont pas de structure de représentation?

Mme Simard: Nous proposons que la réglementation prévoie un lieu de représentation là où il n'y a pas de syndicat. On appelle cela un comité; cela pourrait s'appeler autrement. On pense qu'ils doivent être représentés, qu'on doit le prévoir.

Actuellement, il me semble que ce soit extrêmement incomplet. Ce que le projet de règlement retient, ce n'est, d'abord, que: Oui, l'employeur devra exécuter, il doit nommer quelqu'un et devra informer les employés, point. C'est très limité comme obligation et cela ne tient pas compte, selon nous, de la réalité et de l'interaction qui se passe, qu'on a dans une entreprise et qui fait ensorte que oui... Il y a tout un monde entre la conception d'une mesure, son application et son efficacité sur le terrain dans le domaine des relations du travail, dans le domaine du travail.

Actuellement, l'option qui est retenue dans le projet de réglementation, c'est une option qui n'interpelle que l'employeur et qui ne prévoit d'aucune façon que, dans les entreprises, il y a plus que les employeurs, qu'il y a d'autres gens et que c'est l'ensemble de ces intervenants qui vont faire en sorte que le programme se réalise ou pas. C'est, quant à nous, fondamental et c'est une garantie de succès que de prévoir qu'il y a plus que les employeurs dans une entreprise.

M. Dussault: Je voudrais, M. le Président, terminer par une autre question. Elle a été abordée par le Conseil du statut de la femme qui demandait qu'on fasse en sorte qu'une certaine information sur la planification de la main-d'oeuvre dans les entreprises puisse être disponible. En fait, les organismes représentatifs des employeurs soulignent le danger qu'il peut y avoir pour une entreprise de révéler à ses concurrents, dans le cadre d'une analyse d'effectif et de systèmes d'emploi, les données relatives à la planification de sa main-d'oeuvre. Ce danger est-il sérieux selon vous, à la C5N, et, si oui, comment serait-il possible de le contrer?

Mme Simard: Je ne pense pas qu'il y ait danger. Nous n'avons pas repris dans ce mémoire notre revendication de très longue date sur la transparence des entreprises, sur le droit des employés d'avoir une connaissance minimale de leur entreprise, mais il va de soi, il me semble, que pour réussir un programme d'accès à l'égalité il faut savoir, il faut connaître la réalité de cette entreprise. On peut constater qu'il y a une entreprise de 100 personnes. On peut constater qu'il y a à peine 5 % de la main-d'oeuvre qui est féminine, moins de 1 % de la main-d'oeuvre qui provient de minorités visibles, par exemple, et on dit: II faut corriger cela parce que, dans la population, c'est un peu plus que cela. Or, pour être capable de trouver le moyen de le corriger, il faut avoir des données. Les politiques de main-d'oeuvre, par exemple, de l'entreprise, est-ce qu'il y en a? Si oui, lesquelles? C'est quoi, le projet de l'entreprise, par exemple, sur un dossier aussi fondamental que celui dont on discute, qui est la formation professionnelle? Est-ce qu'il y a une planification? Alors, non, je ne pense pas.

Ce que je voudrais vous dire, d'ailleurs, c'est que généralement, oui, il y a des entreprises qui... Il y a des situations plus aiguës dans certaines entreprises, c'est vai, mais, généralement, ce qu'on va constater, ce sont davantage des portraits de secteurs. Il y a de grands secteurs où la discrimination domine davantage, d'autres secteurs, moins, compte tenu de beaucoup d'éléments et de beaucoup de facteurs. Je pense que les employeurs, entre eux, n'ont pas à se sentir menacés. D'ailleurs, ils sont très unis et très solidaires, en tout cas, entre eux, sur les positions qu'ils prennent quant aux programmes d'accès à l'égalité.

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le député de Deux-Montagnes. Après, je reviendrai à vous, s'il nous reste du temps. M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: Merci, M. le Président. Je voudrais poser quelques questions à Mme Simard et à ses collègues mais, auparavant, je voudrais réagir un instant aux propos du député de Châteauguay. Je trouve que les porte-parole du gouvernement sont très mal placés pour prétendre que l'adhésion des syndicats ou même des entreprises aux objectifs d'un tel programme n'est pas assurée, puisque le gouvernement lui-même se soustrait de l'application du règlement et qu'il se traîne les pieds dans l'adoption du règlement. Le gouvernement vient de retarder la session de l'Assemblée nationale d'un mois, ce qui entraîne un retard additionnel dans l'adoption du règlement, d'au moins un mois.

Ceci dit, je voudrais attirer l'attention de Mme Simard sur les articles 9 et 10 du projet de règlement. L'article 9 dit que "l'employeur porte à la connaissance de ses employés l'ensemble des mesures d'égalité des chances, de redressement et, s'il y a lieu, de soutien prévues par le programme." L'article 10 dit: "L'employeur confie la responsabilité de l'implantation du programme à un employé en autorité. Celui-ci a notamment pour fonction de coordonner les mesures de mise en application et les mécanismes de contrôle du programme et de veiller au respect de l'échéancier prévu." (17 h 45)

Bon! À la lecture du texte, j'ai l'impression que ce sont là deux articles -

particulièrement le second, l'article 10 - qui font problème par rapport à votre revendication par laquelle vous aimeriez voir le syndicat participer à la conception, à la préparation, à la mise en place du programme d'accès à l'égalité. Pourriez-vous nous préciser quelle est la recommandation de la CSN en termes d'articles de règlement? Vous voudriez qu'on retire, qu'on modifie, qu'on introduise quoi dans le projet?

Mme Simard: Nous n'avons pas rédigé pour la commission comme telle deux ou trois articles qui pourraient remplacer... c'est resté au niveau des idées qui devraient dominer lors de la rédaction de nouveaux articles sur le sujet.

Premièrement, l'employeur, oui, a certainement un rôle important à assumer. Il doit être responsable, de voir à ce qu'il y ait un programme. Je pense que là-dessus, il faut bien se comprendre, il faut que l'employeur assume ses responsabilités dans ce champ. Là où on voudrait voir une autre disposition... Et l'employeur peut nommer une personne en autorité. Voilà.

Ceci dit, il faudrait que l'implantation, le contenu des programmes, le suivi des programmes soit fait conjointement par entente avec le syndicat; lorsqu'il n'y a pas de syndicat, par un comité; il faudrait donc introduire dans le règlement une notion que le contenu... Par exemple, l'article 9 dit: Porte à la connaissance de ses employés l'ensemble des mesures d'égalité et, s'il y a lieu, de soutien prévues par le programme. Il faudra que l'employeur discute et s'entende avec ses employés sur le contenu des mesures. Non pas porter cela à la connaissance des parties, mais en discuter avec les parties. C'est l'idée que nous croyons qui doit être introduite dans le projet de règlement.

M. de Bellefeuille: À votre avis, Mme Simard, la possibilité pour un syndicat de négocier sa participation à l'établissement du programme n'est pas suffisante. Car la possibilité est là: sauf erreur, le règlement ne l'interdit pas.

Mme Simard: Non.

M. de Bellefeuille: Dans son libellé actuel, le règlement n'interdirait pas une situation où un syndicat et un employeur se mettraient d'accord sur la mise en place d'un programme.

Mme Simard: Comme il n'y a rien qui interdit nulle part qu'on ait le droit de négocier tout objet. Mais on pense que ce serait beaucoup plus simple que ce droit soit reconnu dans le règlement, ce qui nous éviterait de perdre du temps à négocier le droit de négocier et nous permettrait de consacrer toutes nos énergies à la négociation des programmes.

M. de Bellefeuille: Merci.

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le député de Châteauguay.

M. Dussault: Je ne voudrais pas laisser passer... Je n'ai pas voulu couper...

Le Président (M. Gagnon): Oui, mais Mme la députée de Jonquière avait demandé la parole.

M. Dussault: Elle va sûrement me permettre...

Le Président (M. Gagnon): Oui, un instant, Mme Simard.

M. Dussault: Nous sommes trois.

Mme Simard: Je voudrais ici faire une remarque, je pense que c'est le lieu pour le faire. Je parle évidemment au nom de la CSN, de ses fédérations et de l'ensemble des syndicats qui y sont affiliés. Au cours des années on a fait la preuve à maintes reprises, et encore aujourd'hui, que beaucoup de syndicats sont en demande sur ces questions. Je ne connais pas d'employeurs en demande sur ces questions. Jamais je n'ai vu un employeur en demande auprès d'un syndicat pour dire: Ici, on va introduire des mesures d'accès à l'égalité. Je connais cependant beaucoup de syndicats qui, par le passé et aujourd'hui encore, sont en demande pour introduire des mesures d'égalité, pour introduire des programmes. Je connais beaucoup de syndicats qui sont très impatients de pouvoir faire des demandes de l'ordre de celles que va permettre cette réglementation.

On dépose des clauses de convention collective depuis trois ans qui disent: Nous voulons un programme d'accès à l'égalité -là, on énumère un certain nombre de choses - le tout à être mis en vigueur lorsque la charte sera mise en application sur le sujet.

Il y a des conventions collectives que nous avons signées avec ces dispositions, et ces articles, comme vous le savez, sont restés lettre morte. Depuis ce temps-là il y a eu une nouvelle convention de négociée et vous vous en doutez, dans certains cas, cela a disparu, les employeurs n'étaient plus disposés, pour toutes sortes de raisons, à reconduire ces articles-là.

Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de Jonquière.

Mme Saint-Amand: Cela veut donc dire que, si le gouvernement avait moins tardé à les mettre en application ces conventions

seraient déjà en vigueur. J'allais ajouter tout à l'heure en commentaire, Mme Simard, ce qui vous fera sûrement plaisir, que, depuis mardi on a assisté au moins à une belle unanimité en ce qui concerne les employeurs, les représentants des patrons et les représentants des travailleurs. Tout le monde est d'accord sur un point: Le gouvernement devrait d'abord prêcher par l'exemple et mettre en application dans les secteurs public et parapublic, dans les sociétés gouvernementales et nommez-les, d'abord et avant tout, son règlement d'accès à l'égalité avant de vouloir l'imposer aux autres. Là-dessus, cela a été unanime.

Mme Simard: Là-dessus, je voudrais quand même faire un commentaire. Je suis d'accord. On sait et vous savez comme moi que la situation des femmes dans le secteur public est de loin meilleure que celle faite aux femmes dans le secteur privé parce que les syndicats dans le secteur public, notamment, ont mis de l'avant depuis de nombreuses années des mesures pour combattre la discrimination, pour permettre une réelle égalité aux femmes. Et on a largement réussi. Il ne faudrait pas qu'on recule dans la fonction publique, je tiens à le dire, mais il faudrait aussi de toute urgence agir sur le privé parce que dans le secteur privé, malheureusement, c'est encore la discrimination qui prévaut très largement.

Mme Saïnt-Amand: ...tout simplement un dernier point comme exemple qui a été soulevé tout au cours des audiences cette semaine, le cas des employés de la Société des alcools du Québec qui, pour accéder au travail de caissier, doivent obligatoirement avoir passé par les entrepôts alors qu'aucune femme ne peut être engagée dans les entrepôts. C'est un exemple de discrimination.

Le Président (M. Gagnon): Sur cet exemple je donne la parole au député de Châteauguay. Est-ce que vous aviez à réagir à cela? D'accord.

M. Dussault: Pas particulièrement aux derniers propos. M. le Président, la réponse qui a été donnée par Mme Simard de la CSN me plaît énormément. C'est un fait, et je pense que c'est surtout cela qu'il faut retenir, il faut aller au plus urgent et le plus urgent effectivement est dans le secteur privé. C'est pour cela qu'on voudrait que se fassent énormément de choses de ce côté-là. On compte sur tous ceux qui pourront intervenir.

Quand on est en commission parlementaire comme députés et qu'on reçoit des invités à qui on pose des questions, on est d'abord là et avant tout pour pouvoir tirer le maximum de réflexion des propos qui sont tenus, et il arrive parfois qu'on tienne des propos qui relèvent de l'avocat du diable. Je l'ai fait tout à l'heure. J'avais des doutes, c'est pour cela que je voulais réagir. Je pense que c'est très important parce que...

Une voix: ...

Le Président (M. Gagnon): À l'ordre! À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Dussault: Oui je pensais que tout le monde comprenait cela, mais le député de Deux-Montagnes, lui, est tellement vite devenu quelqu'un de l'Opposition qu'il a même pris l'esprit retors des gens de l'Opposition qui disent toujours: Cela ne vient pas assez vite, quand on veut faire de la consultation. Mais quand on en fait, ils ne sont pas satisfaits non plus. C'est un peu l'attitude de l'Opposition, mais nous, on a accepté ce jeu. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Gagnon): Merci. Mme Simard.

Mme Simard: Je veux juste dire que, pour moi, il n'y a aucun problème à mettre en marche de façon simultanée ou concurrente les programmes d'accès à l'égalité dans le secteur public et dans le secteur privé. Je pense que cela peut très bien être fait en même temps. Je veux souligner, par exemple, que dans le secteur public, oui, il est vrai que nous avons marqué le pas sur ces questions; oui, il est vrai que la situation est meilleure que dans le secteur privé; cependant, il y a des reculs. Mme Pellerin qui est ici avec moi pourrait en parler. Dans le secteur de l'enseignement des cégeps, là où les femmes ont toujours été minoritaires, les mises à pied des trois dernières années ont fait en sorte qu'elles ne constituent plus 32 % du corps enseignant, mais...

Mme Pellerin (Rose): C'est 25 %.

Mme Simard: ...à peine 25 %. Si on avait des mesures, elles nous auraient permis de modifier cela. Évidemment, l'idéal étant qu'il n'y ait plus de mise à pied et qu'on retrouve le niveau de l'emploi qu'on avait dans ce secteur auparavant.

Le Président (M. Gagnon): Une petite question, M. le député de Fabre.

M. Leduc (Fabre): Merci, M. le Président. Juste un rappel, en particulier à Mme la députée de Jonquière: À l'article 86.7, il est prévu que le gouvernement doit exiger de ses ministères et organismes l'implantation de programmes d'accès à l'égalité dans le délai qu'il fixe.

Mme Saint-Amand: Qu'il fixe lui-même.

M. Leduc (Fabre): D'accord? Il n'est pas soumis, cependant - et c'est la suite - à la réglementation.

Mme Saint-Amand: C'est cela.

M. Leduc (Fabre): Mais obligation lui est faite, selon l'article 86.7, d'en implanter. C'est une nuance importante.

Mme Saint-Amand: Mais pour quelle raison ne se soumet-il pas, lui, à la réglementation qu'il veut imposer aux autres?

M. Leduc (Fabre): Je pense qu'il est soumis, lui, à d'autres règles qui sont d'ordre parlementaire.

Mme Saint-Amand: C'est votre opinion.

Le Président (M. Gagnon): Voilà: Là-dessus, je voudrais remercier Mmes Simard, Pellerin et Hébert de la Confédération des syndicats nationaux pour cet excellent apport à la commission des institutions. Je voudrais, avant de suspendre les travaux... Est-ce que vous aviez...

Mme Simard: Je voudrais vous remercier de nous avoir entendues.

Le Président (M. Gagnon): Merci. Avant de suspendre les travaux, je voudrais rappeler l'ordre du jour de demain. Nous entendrons le Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec Inc., la Fédération des travailleurs du Québec, Mme Ginette Legault, chercheur en sciences politiques, M. Ahmed Lofti et la Commission des droits de la personne du Québec. Je vous donne rendez-vous demain, à 10 heures précises.

(Fin de la séance à 17 h 55)

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