Journal des débats (Hansard) of the Committee on Institutions
Version préliminaire
43rd Legislature, 1st Session
(début : November 29, 2022)
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Tuesday, June 6, 2023
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Vol. 47 N° 38
Clause-by-clause consideration of Bill 26, an Act to amend the Courts of Justice Act to, in particular, give effect to the agreement between the chief judge of the Court of Québec and the Minister of Justice
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Intervenants par tranches d'heure
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Bachand, André
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Nichols, Marie-Claude
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Morin, André Albert
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Jolin-Barrette, Simon
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Cliche-Rivard, Guillaume
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Haytayan, Céline
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Bourassa, Kariane
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Schmaltz, Valérie
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Boivin Roy, Karine
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Lemieux, Louis
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Nichols, Marie-Claude
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Bachand, André
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Cliche-Rivard, Guillaume
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Morin, André Albert
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Lemieux, Louis
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Jolin-Barrette, Simon
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Jolin-Barrette, Simon
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Bachand, André
10 h (version révisée)
(Dix heures deux minutes)
Le Président (M.
Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! Bon
matin à tout le monde. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission
des institutions ouverte.
La commission est réunie afin de
poursuivre l'étude détaillée du projet de loi n° 26, Loi modifiant la Loi
sur les tribunaux judiciaires, afin notamment de donner suite à l'entente entre
la juge en chef de la Cour du Québec et le ministre de la Justice. Avant de
débuter, Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?
La Secrétaire : Oui, M. le
Président. M. Zanetti (Jean-Lesage) est remplacé par M. Cliche-Rivard
(Saint-Henri—Sainte-Anne).
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Lors de l'ajournement
de nos travaux, le vendredi 2 juin, nous avions convenu de suspendre l'étude
de l'article 2 du projet de loi, et nos discussions portaient sur l'amendement
proposé par la députée de Vaudreuil à l'article 3 du projet de loi.
Interventions sur l'amendement? Mme la députée de Vaudreuil, s'il vous plaît.
Mme Nichols : Oui, bien,
merci, M. le Président. Donc, je peux peut-être, là, reprendre... reprendre,
là, l'objectif de l'amendement déposé. En fait, c'était dans le sens des
groupes qu'on a… qu'on a entendus. Je le réitère, là, je pense que personne ici
n'est contre la reddition de comptes. On est tous d'accord pour... En fait, du
moins, moi, ma position, c'est qu'on aurait pu attendre de voir les effets du projet
de loi n° 8, qui aurait sûrement eu une incidence, puis qu'on n'aurait pas
eu besoin d'aller aussi loin dans le présent projet de loi. Donc, je pense que
c'est prématuré. Tout de même, cet amendement-là se veut un genre de
proposition compromis, c'est-à-dire d'exclure des propositions du ministre la
partie déontologie, pour ne pas que... Parce que, là, on sent... on comprenait,
là, qu'il y avait un certain malaise, là, sur cet aspect-là.
Et d'ailleurs, M. le Président, je me
permets de porter à l'attention de ceux qui nous écoutent ou à l'attention des
membres, là, autour de la table que le Conseil de la magistrature était bien
disponible pour se faire entendre, qu'on aurait voulu l'entendre. Ils sont une
partie prenante dans le dossier. En fait, je pense que c'est les principaux
intéressés. Le projet de loi, le... ils sont les principaux concernés par le
projet de loi qui est déposé. Puis on sait qu'il y a des articles, dans le
projet de loi, qui vont dans le sens de l'entente qui a été prise entre le
ministre et le Conseil de la magistrature. Bien sûr, il y a eu, disons, un
facilitateur, un modérateur, un médiateur, là, on ne s'entend pas sur le terme,
mais, du moins, il y a eu un intervenant. Puis il y a eu quand même un beau
résultat. On est d'accord avec les articles, ce n'est pas ça, la problématique.
La problématique, c'est la partie où on
vient changer le mode de financement du Conseil de la magistrature. Et, sur cet
aspect-là, le Conseil de la magistrature aurait voulu se faire entendre, était
disponible, se rendait disponible à tout moment. Il y a eu une motion
préliminaire, là, qui a été déposée, d'ailleurs, par mon collègue, pour
entendre le Conseil de la magistrature, mais ça a été un vote contre de la
partie… de la partie gouvernementale.
Tout de même, le Conseil de la
magistrature a déposé, le 5 juin dernier, un mémoire, un mémoire venant
préciser certains aspects. Et j'imagine que le ministre a... oui, que le
ministre en a pris… que le ministre en a pris connaissance. Et, dans ce
mémoire-là, le conseil rappelle, entre autres, que, contrairement à certaines
interventions qui ont pu laisser croire... qui a peut-être porté erreur, il ne
relève pas du ministre de la Justice. C'est un mémoire assez complet.
Puis, moi, ce que je retiens surtout de ce
mémoire-là, c'est qu'il n'y a pas de... il n'y a pas d'urgence, là, à venir
légiférer. Il n'y a pas d'urgence à venir légiférer sur le financement du
Conseil de la magistrature, au contraire. Puis même il y a un point qui dit :
«L'entrée en vigueur du présent... de… l'entrée en vigueur est prévue le 1ᵉʳ avril
2024... 2024.» Donc, il n'y a aucune urgence qui justifie l'empressement actuel,
qui prive le conseil, <notamment…
Mme Nichols :
...donc,
il n'y a aucune urgence qui justifie l'empressement actuel, qui prive le
conseil, >notamment, d'une réflexion adéquate sur les propos,
conséquences importantes que ces articles sont susceptibles d'avoir sur le
fonctionnement et la façon dont il assume ses différentes... le Conseil de la
magistrature assume ses différentes missions. Donc, voilà, M. le Président, là,
le but de l'amendement qui est déposé, c'est de faire un compromis en retirant
la partie déontologique.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. M. le député de
l'Acadie, s'il vous plaît.
M. Morin : Merci. Merci, M.
le Président. Alors, écoutez, je salue le travail de ma collègue la députée de
Vaudreuil, parce qu'avec son amendement elle veut très, très visiblement bonifier,
améliorer l'article 3 du projet de loi, pour qu'il y ait un mécanisme, au
fond, qui fasse en sorte que le Conseil de la magistrature, si jamais étaient
utilisées… ou avait besoin de sommes additionnelles, puisse évidemment les
obtenir du fonds consolidé du revenu. Mais, malheureusement, M. le Président,
ça ne va pas assez loin, et on en a parlé, on en a parlé à plusieurs reprises
depuis le travail de cette commission sur ce projet de loi là.
D'ailleurs, ma collègue le soulignait,
pendant son intervention, le projet de loi n° 8, maintenant la loi, vient
d'être adopté, il y a un mécanisme qui prévoit que la Vérificatrice générale va
être à même de faire une analyse des dépenses du conseil. Elle va être capable
de faire un rapport à l'ensemble des élus. Donc, c'est déjà un mécanisme qui
est en place, on a cette... L'article 3 et l'amendement visent directement
le conseil.
On a demandé à ce que le conseil soit
entendu dans cette commission, puisque cette disposition-là vise directement
son mode de financement. Et là, M. le Président, je vais me répéter, mais je
pense que c'est important de se répéter, parce qu'il y a plein de monde qui
nous écoute. Comme parlementaire, comme législateur, je ne suis sûrement pas
contre la reddition de comptes ni contre la transparence, ça, c'est très clair,
ça fait partie du travail du Parlement. Puis tout organisme qui reçoit de
l'argent des fonds publics doit être capable d'en rendre compte, sauf qu'il y a
des principes qu'il faut soupeser. Et l'indépendance du Conseil de la
magistrature, dans plusieurs de ses fonctions, mais notamment en ce qui a trait
à la déontologie judiciaire, est protégée par la jurisprudence puis par la constitution.
Donc, ce n'est quand même pas banal.
Alors, avant d'aller jouer là-dedans et de
faire en sorte que… peut-être qu'un mécanisme pourrait empêcher le conseil de
faire son travail, bien, je pense qu'il faut l'analyser correctement, avec
rigueur et qu'il faut prendre son temps. D'autant plus qu'à mon avis ce qui est
hyperimportant, suite à l'entente qui a été convenue entre la juge en chef et
M. le ministre de la Justice, c'est qu'on puisse augmenter le nombre de juges à
la Cour du Québec. Et ça, c'est l'article 1. Je comprends que, dans le
projet de loi, il y a un «notamment», mais la portée de l'article 3 est
vraiment… est vraiment différente.
D'ailleurs, d'ailleurs, la Pre Valois, qui
a rédigé sa thèse de doctorat là-dessus, nous a mis en garde. Pour elle, la
ligne est franchie. La bâtonnière du Québec nous a souligné qu'il y avait
peut-être là un problème, donc de faire attention. Mme Valois l'a écrit, et je
le faisais remarquer lors de cette commission, M. le Président, que nommer des
juges, c'est un devoir, ce n'est pas un privilège, et que, donc, la presse, les
journalistes s'étaient intéressés à cette question-là. M. le ministre me
faisait remarquer que, bien, ce n'était pas une journaliste. Non, c'est vrai
qu'elle n'est pas journaliste, elle a seulement un doctorat qui porte là-dessus
puis elle enseigne à l'Université de Montréal. Ce n'est quand même pas banal.
Je comprends que, dans le journal, elle a écrit son opinion, mais c'est quand
même une opinion de poids.
Mais, en fin de semaine, il y a un
journaliste qui a écrit, à moins que M. le ministre soutienne que M. Boisvert
ne soit pas un journaliste. Moi, je pense qu'il en est un.
M. Jolin-Barrette : Il est
chroniqueur.
• (10 h 10) •
M. Morin : Ah! chroniqueur,
bon, parfait, chroniqueur, chroniqueur. Et justement ce qu'il souligne, dans
son article, c'est que «le ministre — et je cite — ne veut même pas
faire entendre la principale intéressée, la principale visée, la juge Rondeau».
Et il donne un exemple. Évidemment, les exemples, c'est toujours un peu
particulier, mais c'est comme si on voulait changer le mode de financement du Musée
national des beaux-arts du Québec, mais qu'on ne voulait pas faire entendre son
directeur. Donc, il y a véritablement un problème avec ce qu'on est en train de
faire, puis je pense que, comme législateurs, on a aussi le devoir de le dire.
Alors, moi, je le dis, ce matin, il n'y a
absolument pas d'urgence, d'autant plus que, quand on lit ce qui va arriver
avec le <projet...
M. Morin :
...alors,
moi, je le dis, ce matin, il n'y a absolument pas d'urgence, d'autant plus que,
quand on lit ce qui va arriver avec le >projet de loi, bien, il va y
avoir une entrée en vigueur en 2024. Et récemment, bien, en fait, le 5 juin,
donc c'est hyperrécent, le Conseil de la magistrature écrivait à nouveau et
nous rappelait qu'il n'y a pas d'urgence, qu'il n'y a pas de précipitation
actuelle, d'autant plus que, comme je le disais tout à l'heure, la
Vérificatrice générale va avoir accès maintenant aux comptes du conseil. Donc,
elle va faire rapport. Le Parlement pourra toujours réagir par la suite. Donc,
c'est important, M. le Président, de prendre notre temps.
Et malheureusement ce n'est pas ce qu'on
nous demande de faire ici. Et on a… on a voté là-dessus, là, mais moi, je vous
le dis, il aurait été hyperimportant de faire entendre la principale
intéressée, d'abord pour voir ce qu'elle a à dire. Elle n'est peut-être pas
contre des crédits votés, mais on ne le sait pas parce que le gouvernement ne
veut pas qu'elle témoigne. Alors, c'est particulièrement navrant. Et ça, je
tiens à le souligner à nouveau, ça aurait dû être fait.
Pour revenir à l'amendement de ma
collègue, oui, c'est un pas dans la bonne direction, mais je pense que ce qu'il
faudrait faire, sincèrement, c'est de trouver un mécanisme où il y aurait un
arbitre, quelqu'un de plus indépendant entre le gouvernement, le ministre et le
Conseil de la magistrature, qui ferait en sorte que des demandes de crédits
pourraient être présentées. Et, par la suite, il pourrait y avoir un débat,
pour éviter que le judiciaire soit directement... en fait, doive… en fait,
doive dialoguer directement avec le ministre de la Justice, Procureur général,
qui en plus présentement est le leader du gouvernement. Donc, il contrôle
l'arsenal législatif du gouvernement. Donc, je pense que ça, c'est
indispensable, c'est superimportant.
Je le demande : Est-ce que M. le
ministre aurait un appétit pour retarder certaines adoptions de certains
articles puis faire en sorte que, comme parlementaires, on ait le temps de
faire ce travail-là? Je le souhaite ardemment, d'autant que le Conseil de la
magistrature, le Barreau, qui sont des institutions hyperimportantes dans notre
société, nous demandent de faire attention puis de prendre notre temps. Je ne
crois pas qu'à ce stade-ci, pour ça, alors que ce n'est pas dans l'entente, il
y a péril en la demeure. Est-ce qu'on peut bonifier, corriger? Sûrement. Est-ce
que je suis prêt à travailler là-dessus? Absolument, mais, encore là, il
faudrait que le ministre ait une oreille attentive pour qu'on puisse aller dans
cette direction-là.
Donc, pour revenir directement à
l'amendement proposé, c'est un pas dans la bonne direction, je salue le travail
de ma collègue, qui prend ça vraiment à cœur, mais je pense qu'on ne va pas
assez loin, qu'il faut aller plus loin, et je le demande au ministre. Merci, M.
le Président.
Le Président (M.
Bachand) :Merci. Interventions? M. le
député de Saint-Henri—Sainte-Anne.
M. Cliche-Rivard : Merci, M.
le Président. Je vais saluer, quand même, les talents de plaideur de mon
confrère collègue. C'était très intéressant de l'entendre. J'ai félicité le
ministre, la semaine dernière, pour son entente. Là, je me permets de féliciter
le député de l'Acadie pour son plaidoyer.
Une voix : ...
M. Cliche-Rivard : De
l'expérience comme plaideur. Évidemment, moi aussi, j'ai lu avec attention le
mémoire additionnel, et il n'en demeurait... il en demeure d'autres questions.
Il y a d'autres questions que j'aurais voulu pouvoir poser et qu'on aurait
voulu pouvoir entendre et aller un petit peu plus loin. Il y a des belles
choses là-dedans, des choses superintéressantes, des choses qui mériteraient
aussi d'être approfondites, mais on ne peut pas le faire. On est contraint
aujourd'hui à probablement finaliser l'étude détaillée.
Alors, c'est évident que, pour moi non
plus, guidé par un principe de précaution, je ne vois pas l'urgence d'adopter
les dispositions telles qu'elles le sont. Je souligne le travail de ma collègue
la députée de Vaudreuil. Son amendement me semble être un pas dans la bonne
direction, mais me semble aussi insuffisant. Dans ma lecture d'être guidé par
ces principes de précaution, je ne vois pas l'urgence. Je pense qu'on pourrait,
effectivement, très bien adopter immédiatement et le plus vite possible les
14 juges additionnels pour qu'on puisse permettre un accès à la justice
rapide.
Évidemment, je l'ai dit, mes collègues
l'ont dit, ce n'est pas une question d'être contre la vertu et la reddition de
comptes. Au contraire, je pense que la reddition de comptes est absolument
nécessaire et importante. La VG va faire son travail. On pourra voir s'il y a
là problème. Alors, je soutiendrai l'amendement de ma consœur, mais ceci ne me
lira en aucun point sur le vote final. Donc, ce sera en moindre mal, disons.
M. Morin : Merci.
Interventions sur l'amendement de la députée de Vaudreuil?
M. Jolin-Barrette : Bien,
écoutez, j'ai eu l'occasion de le dire, la semaine dernière, écoutez, moi, je
suis toujours à la recherche de solutions, de compromis et je sais que ça
transparaît dans le travail <parlementaire...
M. Jolin-Barrette :
…je
suis toujours à la recherche de solutions, de compromis et je sais que ça
transparaît dans le travail >parlementaire que je fais avec mes
collègues. Donc, écoutez, je vais appuyer l'amendement de la députée de
Vaudreuil. Je comprends qu'on vise l'aspect déontologique puis de faire en
sorte... Puis, je l'ai toujours dit, pour ce qui est de l'aspect déontologique,
pour le Conseil de la magistrature, on veut rassurer tout le monde pour faire
en sorte que le conseil, pour les enquêtes, les plaintes, ait les ressources
nécessaires. Donc, la mécanique fait en sorte qu'au début le président du
Conseil de la magistrature va soumettre ses prévisions budgétaires au conseil. Ce
sera des crédits votés. Si jamais il y a dépassement de coûts, comme le propose
la députée de Vaudreuil, à ce moment-là, ça pourra aller sur le fonds
consolidé. Par la suite, ils feront rapport dans le rapport annuel, qui n'était
pas publié préalablement, avant le projet de loi n° 8. Alors, ce sera
rendu public. Alors, je vais accueillir l'amendement.
Cela étant, quelques éléments. Je note
bien, M. le Président, autour de la table, que les propositions que j'ai faites,
dans le cadre du projet de loi n° 8, quoiqu'elles étaient somme toute
critiquées à l'époque, au mois de février, non pas par les collègues, mais par
d'autres instances auxquelles le député de l'Acadie faisait référence, étaient
critiquées. On me disait que c'était une atteinte à l'indépendance judiciaire
de devoir rendre des comptes. Finalement, tout le monde autour de la table
souligne que c'est correct. Et même le Conseil de la magistrature maintenant
dit : Ah! bien là, finalement, on n'a plus de problème.
Alors, je veux juste exprimer un point, en
terminant, sur... en lien avec l'amendement de la députée de Vaudreuil. Le
Conseil de la magistrature a eu abondamment l'occasion d'écrire à la commission
et ne se gêne pas pour le faire. Premier élément. On m'invoque beaucoup le
principe de la séparation des pouvoirs, l'indépendance judiciaire. Simplement
vous dire que la séparation des pouvoirs, ça va dans les deux sens, hein? Ici,
c'est le législatif, ici, c'est le législateur. On est face à une démonstration
du pouvoir judiciaire qui veut influencer activement l'adoption de lois, qui
veut dire au législateur : Retardez l'adoption d'une loi, retardez l'étude
d'un projet de loi. Je fais juste vous exposer ça, O.K.?
Nous, autour de la table, là, on a été
élus par la population québécoise dans chacune de nos circonscriptions. Nous
tirons notre légitimité de la population québécoise. On est ici pour voter des
lois. Là, ce que me dit le Conseil de la magistrature et ce que le Conseil de
la magistrature dit aux membres de cette commission, c'est : N'effectuez
pas votre travail de législateurs, soyez contraints par un espace-temps que
nous, nous allons vous dicter, nous jugeons, le pouvoir judiciaire, qu'il n'y a
pas d'urgence, reportez vos travaux. Écoutez, moi, là, je ne vais pas dire aux
tribunaux : Reportez votre décision, rendez plus vite votre décision. Jamais
je ne ferais ça. On souhaite que les délais soient… avec célérité, mais je
n'appellerai pas un juge pour lui dire : Quand est-ce que s'en vient votre
décision? On s'entend.
Nous, comme parlementaires, là, très bien,
n'importe qui peut écrire à la commission, on lit les mémoires, tout ça, mais,
fondamentalement, tout le monde doit jouer son rôle dans la démocratie. Moi, en
tant que ministre de la Justice, en tant que responsable, en ayant des
responsabilités exécutives, c'est ce que je fais, mais aujourd'hui, comme législateur,
j'exerce mes fonctions avec sérieux. Et ce n'est pas un autre type de pouvoir
qui va nous... venir nous dire comment tenir nos travaux parlementaires en
toute souveraineté à cette assemblée, ici.
Je veux juste vous laisser là-dessus, parce
que j'ai entendu les arguments de part et d'autre, je suis sensible également
aux arguments qui sont soulevés par mes collègues de Vaudreuil, de l'Acadie et
de Saint-Henri—Sainte-Anne. Cela étant, il y a une question d'intégrité, de
gestion des fonds publics aussi, qui est au cœur même de cette discussion-là.
On a mis en place certaines balises. J'ai exposé aux membres de la commission
les raisons pour lesquelles on a fait le projet de loi n° 8. Je vous ai
exposé, notamment, dans le cadre d'un briefing technique également, les raisons
associées au contrôle des dépenses qui a été exposé dans le cadre de l'étude
des crédits par la députée de Vaudreuil. Je trouve que la députée de Vaudreuil,
avec son amendement, nous amène à une sphère de compromis, je dirais.
Cela étant, il faut toujours garder à
l'esprit que les parlementaires sont redevables devant la population… et
notamment la gestion des fonds publics. Il n'est pas normal, dans une société
comme la nôtre, qu'on puisse dépenser sans compter, qu'on puisse faire en sorte
d'utiliser les fonds publics, sans aucune reddition de comptes, et de dire, en
utilisant certains grands principes juridiques : Pour nous, il n'y a pas
de limite. Ça ne se fait pas dans une société démocratique et ça ne doit pas se
faire non plus.
• (10 h 20) •
Alors, je note que le Conseil de la
magistrature, avec son dernier mémoire, finalement, est ouvert à revoir son
mode de financement. On voit que la position, elle est évolutive, mais, par
contre, je ne peux pas m'empêcher de constater que le Conseil de la
magistrature intervient directement dans les travaux de la commission. Mes
collègues me disent : Ah! le Conseil de la magistrature aurait voulu être
entendu, soit. Le Conseil de la magistrature l'a fait par voie écrite, nous <accueillons...
M. Jolin-Barrette :
...aurait
voulu être entendu, soit. Le Conseil de la magistrature l'a fait par voie
écrite, nous >accueillons les commentaires, nous les lisons, nous en
prenons note.
Cependant, n'oubliez jamais la confusion
des rôles des institutions et la séparation des pouvoirs qui est fondamentale
ici. Ne l'oublions jamais. Ce principe-là, il est tout aussi important que
l'indépendance judiciaire peut l'être dans notre société et le libre exercice
du Parlement, des députés légitimement élus, qu'ils puissent faire leur travail
aussi à l'abri de toute influence. Et ce n'est pas un pouvoir qui va dire à
l'autre quoi faire. Moi, ici, je suis un parlementaire, mes collègues sont des
parlementaires, vous l'êtes tout autant. Je pense que cette séparation des
pouvoirs là n'est pas unidirectionnelle.
Pour ce qui est... Et puis je pense qu'on
a fait le débat, là. J'ai bien entendu les arguments de mes collègues. Alors,
pour ce qui est de la députée... de l'amendement de la députée de Vaudreuil,
écoutez, je trouve que c'est une avancée intéressante puis je la remercie pour
son travail.
Le Président
(M. Bachand) :Merci. Autres
interventions? M. le député de Saint-Henri—Sainte-Anne.
M. Cliche-Rivard : Quand
même, M. le Président, pour rassurer le ministre, là, personne ne dicte ma
façon de penser. Je ne me sens pas lié de quelconque façon par quelconque
mémoire. Je juge, j'analyse, je fais mon libre exercice, je tranche ma propre
position. Et ce n'est pas parce qu'elle n'est pas la vôtre qu'elle n'est pas
indépendante. Et donc je voulais rassurer le ministre sur ce point-là. Je ne me
sens aucunement lié ou contraint par la position du Conseil de la magistrature.
Le Président
(M. Bachand) :Merci. M. le député de
l'Acadie, s'il vous plaît. M. le député de l'Acadie. Excusez.
M. Morin : Bien, alors,
brièvement, M. le Président. J'ai écouté la plaidoirie de M. le ministre, mais
la question n'est pas là, là. La minute, là, M. le Président, où quelqu'un va
vouloir attaquer les privilèges du Parlement, je vais être les premiers à le
défendre. Je vais être le premier à m'opposer à ça. Le Parlement est souverain.
Les parlementaires, on a un travail à faire. Puis c'est dans le cadre de nos
fonctions, avec notre expérience, avec le fait qu'on est élus, qu'on fait un
travail ici, mais ce n'est pas de ça dont on parle. Il y a aussi des principes
constitutionnels dans notre société. Puis l'indépendance de la magistrature, c'en
est un, justement, pour que ce ne soit pas unidirectionnel. Alors, c'est de ça
dont on parle. Et tout ce qu'on dit... On ne dit pas : On ne fera pas
notre travail, ou bien on va retarder notre travail, ou quelqu'un essaie de
retarder notre travail. Ce que je dis, c'est que, quand on vient jouer dans des
principes constitutionnels hyperimportants, bien, des fois, il faut y aller
avec prudence.
C'est d'ailleurs exactement ce à quoi le Barreau
du Québec nous invite. Le Barreau du Québec n'a pas pris une position
excessivement tranchée, mais ils nous ont mis en garde, ils ont commencé à
lever un drapeau rouge. Et, pour que l'État fonctionne normalement, bien, il
faut que ces pouvoirs-là soient respectés, d'autant plus que les tribunaux
seront appelés à juger, à la demande de citoyens, les lois adoptées par le
Parlement. Donc, il faut respecter leur indépendance, mais, par ailleurs, en
tant qu'élu, je serais le premier à défendre les privilèges puis l'indépendance
du Parlement, M. le Président. Et ça, je veux que ce soit très clair.
Des fois, quand j'écoutais M. le ministre,
je n'étais pas trop sûr. Donc, moi, je tiens à le souligner. Et ce que je dis,
c'est que, parfois, quand on légifère, il faut être prudent. Il faut apprendre
aussi, des fois, de certains gestes qu'on aurait pu poser précipitamment.
Alors, c'est tout ce que je dis, mais c'est clair qu'en tant que parlementaires
on est souverains. Puis je sais... Je veux dire, je fais mon travail, et puis
ce n'est pas quelqu'un qui va me dire comment le faire ou qui va m'influencer
comme parlementaire, mais c'est la raison pour laquelle on a entendu des
spécialistes dans le cadre de cette commission. Le fait qu'on entende des gens,
le fait qu'on puisse nous éclairer pour faire un bon travail, et ça, je suis
certain que le ministre est d'accord avec moi là-dessus, M. le Président, bien,
ça fait juste qu'on fait un meilleur projet de loi pour la population, qui nous
a élus et que je respecte. Merci.
Le Président
(M. Bachand) :Est ce qu'il y a
d'autres interventions sur l'amendement? S'il n'y a pas d'autre intervention,
est-ce que l'amendement est adopté?
Des voix : …
Le Président
(M. Bachand) :L'amendement est
adopté?
Une voix : Vote par appel
nominal.
Le Président
(M. Bachand) :Vote par appel
nominal. Merci. Mme la secrétaire, s'il vous plaît.
La Secrétaire : Pour contre
abstention. Mme Nichols (Vaudreuil)?
Mme Nichols : Pour.
La Secrétaire
: M. Jolin-Barrette
(Borduas)?
M. Jolin-Barrette :
Pour.
La Secrétaire
: Mme Haytayan
(Laval-des-Rapides)?
Mme Haytayan : Pour.
La Secrétaire
:Mme Bourassa (Charlevoix—Côte-de-Beaupré)?
Mme Bourassa : Pour.
La Secrétaire
: Mme Schmaltz
(Vimont)?
Mme Schmaltz : Pour.
La Secrétaire
: Mme Boivin
Roy (Anjou—Louis-Riel)?
Mme Boivin Roy : Pour.
La Secrétaire
: M. Lemieux
(Saint-Jean)?
M. Lemieux : Pour.
La Secrétaire
: M. Morin
(Acadie)?
M. Morin : Abstention.
La Secrétaire
: M. Cliche-Rivard
(Saint-Henri—Sainte-Anne)?
M. Cliche-Rivard : Pour.
La Secrétaire
: M. Bachand
(Richmond)?
Le Président
(M. Bachand) :Abstention. Donc,
l'amendement est adopté. Donc, on revient à l'article 3 tel qu'amendé.
Interventions? S'il n'y a pas d'autre intervention, est-ce que
l'article 3, tel qu'amendé, est <adopté...
Le Président (M.
Bachand) :
...s'il n'y a pas
d'autre intervention, est-ce que l'article 3, tel qu'amendé, est >adopté?
Des voix : Adopté.
Le Président (M.
Bachand) :Adopté. Merci. Alors, on
continue, on serait rendus à l'article 4.
M. Jolin-Barrette : Voulez-vous,
M. le Président, qu'on revienne à l'article 2? Parce qu'on l'avait
suspendu pour faire le débat sur l'article 3.
Le Président (M.
Bachand) :Parfait. Donc, consentement?
Alors, on revient à l'article 2, s'il vous plaît. Donc, interventions sur
l'article 2?
M. Jolin-Barrette : …
Le Président (M. Bachand) :M. le ministre, oui, allez-y.
M. Jolin-Barrette : C'était
de la concordance avec l'article 3, M. le Président.
Le Président (M.
Bachand) :Merci. S'il n'y a pas d'autre
intervention, est-ce que l'article... est-ce que l'article 2 est adopté?
Des voix : Adopté.
Le Président (M.
Bachand) :Adopté. Merci. Donc, M. le
ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui.
Article 4, M. le Président : La présente loi entre en vigueur le
(indiquer ici la date de la sanction de la présente loi), à l'exception des
articles 2 et 3, qui entrent en vigueur le 1er avril 2024.
Commentaires. Il s'agit de la disposition d'entrée
en vigueur du projet de loi.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Interventions
sur 4?
M. Morin : Il n'y a pas d'intervention,
M. le Président.
Le Président (M. Bachand) :Donc, est-ce que l'article 4 adopté?
Des voix : Adopté.
Le Président (M.
Bachand) :Adopté. Donc, cela met fin à
l'étude… à l'étude détaillée. Alors, est-ce que le titre du projet de loi est
adopté?
Des voix : Adopté.
Le Président (M.
Bachand) :Je propose que la commission
recommande la renumérotation du projet de loi amendé. Adopté?
Des voix : Adopté.
Le Président (M.
Bachand) :Je propose que la commission
adopte une motion d'ajustement des références. Cette motion est-elle adoptée?
Des voix : Adopté.
Le Président (M.
Bachand) :Donc, nous sommes maintenant
aux remarques finales. Mme la députée de Vaudreuil, la parole est à vous, s'il
vous plaît.
Mme Nichols : Oui, merci, M.
le Président. Alors, projet de loi qui était... Puis ça risque d'être
redondant, là, les remarques finales, là, évidemment, là, mais je pense que, tu
sais, c'était un projet de loi un peu, disons, surprise à cause du mot
«notamment» et à cause des ajouts... de l'ajout de l'article... de
l'article 3.
On a... Tu sais, tout s'est fait vite, là,
dans ce projet de loi là, même l'échange pour les différents groupes. Je pense
qu'il aurait été nécessaire, d'abord pour les parlementaires, parce qu'on a un
travail à faire, comme le disait le ministre, on a un travail… un travail
important à faire, d'entendre... d'entendre aussi les principaux intéressés,
soit le Conseil de la magistrature. Bien sûr, le ministre l'a dit, ils ont...
ils écrivent beaucoup à la commission, ils ne se gênent pas pour le faire.
Bien, moi, je les remercie. Je les remercie parce que, minimalement, on pouvait
les lire via... via les écrits qui étaient envoyés à la commission, faute...
faute de pouvoir les entendre ici, mais ils auraient été... ils auraient été
pertinents. Et puis, je le dis, puis je l'ai dit précédemment aussi, je pense
qu'il aurait pu y avoir une voie de passage différente en entendant leurs
arguments, ils n'étaient pas... le Conseil de la magistrature n'était
clairement pas fermé, et sur les différentes avenues qu'on aurait pu prendre
pour...
Parce que c'est une modification
importante, c'est une modification importante, ça fait quand même... Puis je comprends
aussi, là, le ministre, quand il dit : Question d'intégrité, question de
gestion des fonds publics, oui, mais on vient quand même changer un mode de
fonctionnement qui est bien établi depuis 45 ans. Ça fait que c'est là où
je me dis, tu sais, l'urgence... l'urgence, selon moi, n'est pas justifiée de
faire vite, vite, vite cet… ce changement... ce changement-là aussi important,
surtout que, je le réitère, on vient d'adopter le projet de loi n° 8. Le
projet de loi n° 8 donne déjà certains... certains pouvoirs, dont la
possibilité... en fait, même pas, l'obligation à la Vérificatrice générale
d'aller voir... d'aller se mettre le nez dans tout ça. Donc, on aurait pu faire
l'exercice, du moins, de laisser... Puis, dans leur mémoire, la cour l'a dit...
le Conseil de la magistrature l'a dit, ils sont déjà en train de... ils se
concentrent sur la mise en œuvre des dispositions d'entrée en vigueur, il y a
quelques semaines à peine, qui découlent du projet de loi n° 8. Donc, ils
travaillent à cet effet-là, donc je pense qu'on aurait pu laisser le projet de
loi entrer en vigueur, voir la méthodologie, si ça fonctionne, avant d'y aller
puis d'adopter de façon abrupte.
Puis je dis «abrupte» parce que ça a été
une surprise pour tout le monde, cet article-là. Puis, on le sait, parce qu'on
a beau dire : C'est dépolitisé, c'est dépolitisé, on est face à un
gouvernement majoritaire. Puis on en a parlé, puis on l'a vu aussi, on l'a vu
quand il y a eu des groupes qui sont venus... qui sont venus nous... dans les
consultations particulières, c'est les avocats... les avocats de la défense,
là, je... de mémoire, qu'il n'y avait pas un avis... un avis partagé par le
ministre. Puis ça a été... ça a été un témoignage assez... assez pénible. Donc,
on l'a vu, il y en a, de la partisanerie, il y en a, de la politique dans tout
ça. Donc, M. le Président, moi, ça m'a... ça a juste fait augmenter mon niveau
d'inquiétude de la façon dont est traité... puis je vais dire, est traité le
Conseil de la magistrature, bien, de la façon trop vite dont on veut aller dans
ce dossier-là.
• (10 h 30) •
Donc, pour le reste, là... pour le reste,
on l'a dit, il n'y a pas personne qui est contre la reddition de comptes, au
contraire, là, c'est important, la reddition de comptes. On est des élus, on a
un devoir…
10 h 30 (version révisée)
Mme Nichols : ...la reddition
de comptes. Au contraire, là, c'est important, la reddition de comptes. On est
des élus, on a un devoir de surveillance, on a un devoir de surveillance sur
les fonds publics, donc on fait notre travail. Donc, la reddition de comptes,
il n'y a pas personne qui était au courant... qui était contre.
Mais, pour le reste, je le soulève et je
le réitère, c'était... c'est vraiment de façon prématurée. Du moins, j'apprécie
qu'on ait adopté mon amendement à l'article 3 pour soustraire la partie...
Parce qu'on le sait, le Conseil de la magistrature a différentes missions, du
moins la mission déontologique qu'on puisse l'exclure des crédits votés, je
pense que, ça, c'était un incontournable. Donc, bien sûr, je remercie le ministre
de son ouverture sur cet... sur l'amendement que j'ai déposé à cet effet-là. Mais,
pour le reste, M. le Président, je le réitère, je ne comprends pas, tu sais, je
ne comprends pas pourquoi on veut aller si vite, pourquoi... Puis d'ailleurs c'est
un projet de loi où on fait un, deux, trois, donc les consentements sont quand
même assez importants dans ce projet de loi là.
Donc, je n'ai rien à ajouter, je pense qu'on
a fait le tour, puis voilà. Donc, je vais voter bien sûr pour le projet de loi,
bien que... et je le dis, là, non pas pour l'article 3, mais pour l'article 1
et l'article 2, parce que c'est l'entente qui est intervenue entre le
ministre et entre le Conseil de la magistrature, et c'est les deux seuls
articles qui influencent mon vote positif pour ce projet de loi.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. M. le député de
Saint-Henri—Sainte-Anne, s'il vous plaît.
M. Cliche-Rivard : Merci, M.
le Président. Je tenterai d'être bref. On va quand même revenir un petit peu
sur le fait qu'évidemment on a déposé d'entrée de jeu une motion préliminaire — qui
a été battue, là — pour entendre le Conseil de la magistrature.
Évidemment, on a pu profiter, à travers les travaux, de la possibilité d'interpeller
le conseil, qui nous a répondu par voie écrite, mais qui souligne quand même le
fait que les délais, et la complexité des questions, et l'urgence d'agir,
notamment, l'auront empêché d'aller sur le fond de ce qu'il voulait nous
partager et qu'il aurait été plus judicieux de donner, un, plus de temps, et
deux, de les entendre, parce que, moi... des échanges très intéressants et très
constructifs pour nous, parce que je pense que, continuellement, on doit
travailler pour trouver une voie de passage. Je pense que, ça, c'est une chose
qui guide ma réflexion, c'est ce qui a guidé ma réflexion dans l'ensemble des
travaux.
Évidemment, on appuie, et je l'ai toujours
dit, et je vais le maintenir, on salue l'entente, l'entente est une bonne
entente. Il y a une question de reddition de comptes, il y a une question de...
pas des redditions de comptes, pardon, de cotas, et d'arriver avec des
objectifs, et de s'assurer qu'on diminue les délais le plus possible dans le
système judiciaire. Évidemment, je pense que 14 juges supplémentaires vont
certainement faire un travail très important. Cela dit, il n'est pas clair du
tout que... En fait, les éléments de modification du financement du Conseil de
la magistrature n'étaient pas du tout part à l'entente. Et le fameux mot
«notamment», là, dans le libellé du projet de loi, est complètement, à mon
avis, contraire à l'esprit de cette entente-là.
On ne peut pas évacuer le projet de loi de
son contexte. Il y a des tensions entre le Conseil de la magistrature et le
ministre depuis plusieurs mois, voire plusieurs années maintenant. On venait d'avoir
une entente, cette entente-là n'a vraisemblablement pas duré, et ça, ce n'est
pas souhaitable du tout. Il y a effectivement apparence de conflit ou conflit direct
entre l'exécutif et le judiciaire, et ça, c'est fort problématique.
Il y a des professeurs qui ont signé avec
moi une lettre ouverte demandant au ministre de laisser tomber cette attaque
frontale auprès du Conseil de la magistrature. Malheureusement, ça n'a pas été
suivi comme recommandation. Jusqu'à ce week-end, on avait une lettre du
chroniqueur judiciaire Yves Boisvert qui saluait aussi les problématiques dudit
projet de loi.
Je salue quand même le travail des députés
d'opposition qui ont tenté d'amoindrir les effets du projet de loi tout au
courant de cette séance, notamment mon collègue de l'Acadie, qui tentait d'encadrer
le processus de nomination de... ou du, de la prochaine juge en chef de la Cour
du Québec. De notre côté, notre amendement qui visait le plus possible à
retirer l'exécutif, donc le ministre, de cet échange ou ce processus de vote
menant à l'attribution des crédits. Malheureusement, ça, ça a été battu aussi. Et
finalement la voie de passage, bien qu'insuffisante à mon humble avis, de la
collègue de Vaudreuil, qui visait au moins à protéger le volet déontologique de
la modification législative. Alors, tant mieux si ceci a été adopté. Je pense
que c'est un moindre mal, mais ce n'est pas <suffisant...
M. Cliche-Rivard :
...de
la modification législative. Alors, tant mieux si ceci a été adopté. Je pense
que c'est un moindre mal, mais ce n'est pas >suffisant à mon humble avis
dans un contexte de précaution, dans un contexte où, effectivement, les
dispositions, telles qu'on les voyait avant la modification du projet de loi,
étaient en vigueur depuis des dizaines d'années sans problème.
Évidemment, je salue l'impératif important
de reddition de compte. Là, mon problème n'est pas... n'est certainement pas à
savoir qu'on va demander des comptes, à savoir qu'il y a une bonne
justification à l'utilisation des fonds publics. Le problème n'est pas là.
Justement, il y a la VG, la Vérificatrice générale, qui a maintenant de
nouveaux pouvoirs, on vient de les adopter — mes collègues en ont
parlé — par le p.l. n° 8. Donc évidemment, ça peut être
complémentaire, mais ça peut aussi tout simplement être suffisant. Donc, il n'y
a pas, pour moi, nécessité ou urgence d'adopter les dispositions, même
amendées, certainement, surtout eu égard à l'article 3.
Force est de constater aussi qu'il y a
quelques mois seulement ces articles-là ont été mis en vigueur et étaient
suffisants ou jugés suffisants par le ministre. Donc, de là à savoir qu'est-ce
qui a fait modifier sa pensée? Pourquoi des dispositions telles n'étaient pas
incluses dans l'ancien projet de loi n° 8 et que, soudainement, le p.l. n° 8
ne répond plus à ses objectifs et on doit aller plus loin? C'est des questions
qui méritent d'être posées.
Alors, évidemment, je demeure très inquiet
eu égard à un mécanisme ou à l'absence de mécanisme qui pourrait assurer
complètement les fonds du conseil face à son mandat. Ça, c'est l'enjeu. On a
tenté de trouver des voies de passage ou un équilibre entre les deux. Le
ministre s'est quand même engagé à plusieurs recours, à ne pas limiter de
quelconque façon le financement du conseil, dans ses capacités, d'exercer ses
rôles, d'exercer ses mandats. Donc, il faudra voir comment ça s'articule.
Le Conseil de la magistrature pose une
question intéressante dans son mémoire additionnel. «À quelques occasions, le conseil
a entendu la promesse d'un financement adéquat qui ne compromettrait jamais
l'exercice de ses fonctions. Si tel est le cas, où se situe alors la nécessité
de modifier les dispositions actuelles qui, comme nous l'avons déjà souligné,
n'ont jamais conduit à des dépenses inconsidérées, tant que des mécanismes de
reddition de comptes ont été mis en place voilà moins de trois mois par
l'Assemblée nationale?» Alors si, effectivement, les budgets sont assurés, et
qu'il y a possibilité de processus de reddition de comptes, et qu'il y a la Vérificatrice
générale, quel est l'objectif ou quelle est l'urgence réelle d'adopter ce p.l.?
La question se pose.
Alors, voilà, je m'arrêterai là-dessus. Je
comprends la position de ma collègue de Vaudreuil. Je ne pourrai suivre en ce
sens, bien sûr. Et que ce soit dit, et redit, et redit, je salue l'entente.
L'ajout de juges est une excellente nouvelle pour le justiciable et pour tout
le monde qui travaille de près ou de loin au service de la justice. Cela étant
dit, guidé par un principe de précaution et n'ayant pu entendre jusqu'au fond
de leur pensée les principaux intéressés, je ne pourrai appuyer ce projet de
loi. Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. M. le député de
l'Acadie, s'il vous plaît.
• (10 h 40) •
M. Morin : Merci. Merci, M.
le Président. Écoutez, s'il y a une chose que ce projet de loi permet de bien
saisir, c'est l'importance et la précision de la langue française. En utilisant
un seul mot, «notamment», mot pas très long, le ministre de la Justice a réussi,
avec évidemment le projet de loi, parce qu'on n'a pas beaucoup de doutes quant
à son adoption éventuelle, à venir modifier un mode de financement d'un
organisme qui est fondamental, sans qu'on ait pu entendre plusieurs
intervenants, dont le principal intéressé.
Quand j'ai su qu'il y avait une entente
entre la juge en chef de la Cour du Québec et le ministre de la Justice, je
n'ai pas pu faire autrement que de me réjouir suite aux travaux qui ont été
faits, notamment par le conciliateur et le médiateur. Et de voir qu'on allait
avoir 14 postes de plus de juges à la Cour du Québec, dans une période où
l'accès aux tribunaux est fondamental, bien, écoutez, c'était une excellente
nouvelle. Mais mes réjouissances ont été de courte durée. Parce que, quand j'ai
vu le projet de loi n° 26, moi, je m'attendais à ce qu'il y ait deux
articles, honnêtement, le 1 et... bien, le 4 qui aurait pu s'appeler 2 à
l'époque, et qu'on aurait pu adopter ça très rapidement. Mais non, c'eût été
trop simple. Alors, mais il fallait venir revoir un mode de fonctionnement, un
mode de financement, alors même qu'on venait d'adopter un projet de loi, où il
y a des mécanismes qui sont en place pour s'assurer que le Conseil de la
magistrature va dépenser des sommes d'argent d'une façon <adéquate...
M. Morin :
...des
mécanismes qui sont en place pour s'assurer que le Conseil de la magistrature
va dépenser des sommes d'argent d'une façon >adéquate et où la
Vérificatrice générale serait venue nous donner, après, un compte rendu, à
nous, parlementaires.
Et je vais leur répéter à nouveau : je
ne suis pas contre la reddition de comptes, je ne suis pas contre la
transparence. Mais avant d'aller jouer dans des éléments aussi fondamentaux, je
pense qu'il aurait été bon d'entendre plus de personnes et de prendre notre
temps. M. le ministre le disait lui-même, tout à l'heure, dans cette commission :
On voit que la position du conseil est évolutive, Donc, raison de plus, M. le
Président, de l'entendre puis d'entrer dans un dialogue, ici, devant cette
commission. Pas parce que le conseil essaie de nous dire quoi faire, ce n'est
pas le cas, mais le conseil, comme n'importe quelle autre organisation, a le
droit de s'adresser au Parlement, a le droit de s'adresser aux parlementaires,
et puis après ça, bien, faire en sorte qu'on adopte des lois qui soient les
meilleures possibles pour tout le monde. Bon. Malheureusement, ça n'a pas été
fait, il fallait aller vite, il fallait aller vite.
J'ai quand même voulu saisir la balle au
bond et tenter d'améliorer ce projet en demandant, dans le cadre d'un
amendement, qu'il y ait une nouvelle procédure dans la loi pour la nomination
éventuelle d'un juge en chef de la Cour du Québec, qui aurait permis
transparence et qui aurait aidé le ministre dans ses fonctions. Bon.
Malheureusement, ça a été rejeté. Parce que le mot, également, que je retiens,
c'est «vitesse», «vitesse», mais, des fois, avant d'adopter ou de faire en
sorte qu'il y ait des changements aussi importants il faut prendre son temps.
Je ne peux pas faire autrement que de
saluer le travail de ma collègue la députée de Vaudreuil qui, avec son
amendement, a voulu améliorer le processus, mais, comme je le mentionnais
moi-même, et c'est la raison pour laquelle je me suis abstenu, c'est trop peu.
On aurait pu explorer davantage. Et ce qui est le plus ennuyeux... Et puis,
pourtant, on a fait des propositions au ministre de la Justice, le collègue
député de Saint-Henri—Sainte-Anne a même fait une motion pour que le Conseil de
la magistrature soit entendu, ça a été rejeté.
Alors, permettez-moi de citer, justement, M. Boisvert,
de La Presse : «Un des rôles fondamentaux du Procureur général est
de défendre l'indépendance des tribunaux. Il est censé être au-dessus de la
mêlée politique dans son gouvernement, avec un statut un peu à part.» Il aurait
été souhaitable, j'aurais souhaité que le Procureur général écoute et qu'on
puisse faire ce travail de parlementaires, parce que c'est notre travail, et on
veut le faire comme il faut, avec toute la rigueur et le professionnalisme qui
incombent aux parlementaires qui sont élus dans cette Assemblée. Ça n'a pas été
le cas, il fallait aller vite.
Alors, je conclurai en vous disant que,
quant à moi, il est navrant, pour reprendre le titre de M. Boisvert dans son
article, de voir que la petite guerre avec le Procureur général est de nouveau
lancée. Espérons, espérons, M. le Président, pour le bien des justiciables,
pour le bien des Québécoises et des Québécois, puis pour le bien du monde
judiciaire, que ça va arrêter le plus vite possible. Je vous remercie.
Le Président (M.
Bachand) :Merci. M. le député de
Saint-Jean, s'il vous plaît.
M. Lemieux : Oui. Merci
beaucoup, M. le Président. Quelques mots seulement. C'est une bonne ou une
mauvaise habitude, selon, que j'ai prise, de prendre quelques mots pour les
remarques en fin d'étude des projets de loi auxquels je participe. Juste pour
vous dire que j'ai lu M. Boisvert aussi, moi, cette fin de semaine, et
tous les autres qui ont écrit cette fin de semaine sur le sujet, avec intérêt,
attention. Même chose pour le mémoire complémentaire du Conseil de la
magistrature.
Ce que je veux dire, c'est que vous aviez
raison, tout à l'heure, en vantant les mérites de plaidoyers, de plaidoiries de
vos deux collègues de l'opposition, en plus de la défense de l'amendement par
la députée de Vaudreuil. Effectivement, ce sont des questions passionnantes,
importantes et fondamentales. Mais, parlant de plaidoirie, moi, celle qui m'a
convaincu, c'est celle du ministre de la Justice quand il parle de la
souveraineté du législateur et de la séparation des pouvoirs. En tout cas,
jusqu'à preuve du contraire, je continue de voter avec lui. Merci, M. le
Président.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. M. le ministre
de la Justice, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui.
Merci, M. le Président. Mais, écoutez, tout d'abord, je tiens à remercier les
collègues qui ont participé aux travaux parlementaires : Mme la députée de
Laval-des-Rapides, Mme la députée de Vimont, Mme la députée de <Charlevoix—Côte-de-Beaupré...
M. Jolin-Barrette :
...aux
travaux parlementaires : Mme la députée de
Laval-des-Rapides, Mme
la députée de Vimont, Mme la députée de >Charlevoix—Côte-de-Beaupré, Mme
la députée d'Anjou—Louis-Riel, M. le député de Saint-Jean, M. le député de
l'Acadie, M. le député de Saint-Henri—Sainte-Anne, Mme la députée de Vaudreuil,
de remercier également les équipes du ministère de la Justice qui nous ont
accompagnées, donc Me Kathy Plante, Me Élise Labrecque, Me Jean-Félix
Robitaille, Me Evelyne Gagné, Me Jean-Sébastien Lalonde, Mme Martine
Allard, Mme Suzanne Tremblay, Mme Sara Carrier et Mme Karine Poudrier.
Vous remercier, vous, M. le Président, encore une fois, d'avoir présidé de main
de maître cette commission parlementaire.
M. le Président, je vous annonce quelque
chose, au ministère de la Justice, nous n'avons plus de projet de loi d'ici la
fin de la session, donc nous allons probablement nous revoir au mois de
septembre. Si nous travaillons fort cet été, nous serons en mesure de vous
livrer d'autres projets de loi en matière de justice.
Je tiens à vous dire que le projet de loi
que nous avons déposé sur l'obsolescence programmée, malheureusement, ne
devrait pas se retrouver à cette commission-ci, mais si vous insistez,
peut-être qu'avec le concours des oppositions on pourrait se retrouver ici.
Remercier les gens à la sonorisation, au
télévisuel, Mme la secrétaire, les gens qui vous accompagnent également.
M. le Président, j'ai entendu mes
collègues discuter sur le bien-fondé du projet de loi. Vous savez, M. le
Président, il y a un aspect en politique qui est un jeu de rôles notamment,
quand on est au gouvernement, quand on est dans l'opposition. Il y a certains
projets de loi que... qui sont adoptés à l'unanimité et que les parlementaires
appuient. Il y en a d'autres où lorsqu'il arrive des événements, je pourrais
qualifier de nature publique, des événements médiatiques en lien avec le sujet
en litige, qu'il est bon pour les opposants de s'objecter et d'avoir un aspect
un peu, et ne le prenons pas négativement, un aspect un peu théâtral pour dire :
Le gouvernement... ça n'a pas de bon sens, on aurait aimé ça entendre le
Conseil de la magistrature, tout ça. Et je comprends tout ça. Cependant, en mon
for intérieur, M. le Président, je suis convaincu que chacun de mes trois
collègues, s'il était assis dans ma position, aurait probablement pris la même
décision que j'ai prise.
Et j'ai été dans l'opposition. M. le
Président, et je comprends le rôle de l'opposition, et c'est un rôle qui est
utile et qui permet de mettre de la pression sur le gouvernement. Notamment,
vous avez vu l'amendement de la députée de Vaudreuil, je me suis montré ouvert.
La députée de Vaudreuil a cherché, tenté de chercher une piste de solution, de
dire : Écoutez, dans les fonctions du Conseil de la magistrature, pourquoi
le conseil, il est là, fondamentalement, il est là pour assurer la déontologie
judiciaire. Dans le fond, le conseil, prioritairement, c'est ça sa principale
mission. Lorsqu'un juge a des comportements inappropriés qui ne respectent pas
le code de déontologie des juges, code déontologie judiciaire, il y a une instance
qui fait en sorte d'entendre la plainte des justiciables, les citoyens
québécois : un juge qui serait... qui tiendrait des propos inacceptables,
qui aurait une conduite qui serait reprochable, un juge qui n'exercerait pas
ses fonctions avec tout le sérieux qui est nécessaire à sa fonction. Et c'est
bien ainsi d'avoir un organisme disciplinaire parce qu'au fond, le Conseil de
la magistrature, c'est ça, c'est un organisme disciplinaire au bénéfice des
justiciables, n'oublions jamais cela. Le conseil existe pour être un chien de
garde sur le comportement des juges.
• (10 h 50) •
Pourquoi est-ce que ça existe? Ça existe
parce que les citoyens, ils se présentent devant le tribunal, ils doivent être
traités avec intégrité, avec impartialité parce qu'on doit avoir une justice de
qualité, et c'est le cas M. le Président. Et je suis fier de vivre dans un état
comme le Québec où il y a un système de justice qui est fort, qui est
indépendant et qui peut prendre des décisions à l'abri de tout arbitraire, mais
il ne faut jamais oublier qu'un système de justice... les cours, les tribunaux,
les juges, ils sont là pour servir la population québécoise, ils sont là pour
faire en sorte que lorsqu'un citoyen à un litige ou que l'État poursuit un
citoyen, le roi, dans le cadre d'un dossier de nature criminelle, pour
«réprober», pour faire la réprobation d'un comportement inacceptable pour la
société québécoise, mais ça va devant le tribunal. Puis il y a des victimes, il
y a des accusés, mais les accusés, ils ont des droits, ils ont droit de garder
le silence, ils ont le droit d'être jugés par un tribunal impartial et
indépendant. Alors, le système de justice appartient aux citoyens.
Et plus fondamentalement, parce qu'on a
beaucoup parlé de démocratie, M. le Président, ce qui guide à la fois notre
Parlement mais aussi les tribunaux, et c'est un des critères les plus <importants...
M. Jolin-Barrette :
...ce
qui guide à la fois notre Parlement mais aussi les tribunaux, et c'est un des
critères les plus >importants, c'est la confiance du public dans le
système de justice. Et ça, ça inclut plusieurs choses : le comportement
des juges — on a le Conseil de la magistrature pour ça — mais
également la façon dont ça se déroule, les coûts associés au système de
justice, la procédure, comment ça se passe.
Dans le cadre qui nous occupe, il y a une
genèse à toute cette histoire. Et croyez-moi, M. le Président, je ne suis pas
en guerre contre quiconque, et ça, je peux l'affirmer. Mais il y a une chose
qui est certaine, c'est : tant que je serai ministre de la Justice, M. le
Président, je vais toujours placer les intérêts de la population québécoise,
des citoyens, puis le fonctionnement du système de justice en haut de ma liste
des priorités, nonobstant que ça dérange, nonobstant le fait que les choses
changent, puis elles doivent changer pour être améliorées, notamment au niveau
de la transparence, de la reddition de comptes, parce que ça fait partie de la
confiance du public dans le système de justice.
Il n'est pas acceptable, dans une société
démocratique comme la nôtre, qu'il n'y ait pas de garde-fou, que certains
individus puissent utiliser des fonds publics comme ils l'entendent sous le
couvert de grands principes constitutionnels sans que ce soit appliqué
concrètement. Il y a une limite à tout. D'ailleurs, et je citerais
l'Association des avocats en droit de la défense, des criminalistes, qui disait :
Il n'y a pas de pouvoir absolu. J'en suis et je suis d'accord là-dessus, mais
ça va dans tous les sens. On ne se sert pas des fonds publics comme de sa
petite caisse. C'est fondamental. Et la députée de Vaudreuil l'a bien soulevé
aux crédits budgétaires : 30 % de dépassement de coûts sur un budget,
en ayant des dépenses notamment pour financer des recours judiciaires, avec
plus de 1 million de dépassements de coûts, où il n'y a aucune limite, on
parle notamment d'honoraires d'avocats grassement payés. Et d'ailleurs, pour
citer le député de l'Acadie, qui citait le chroniqueur Boisvert, il
l'identifiait très clairement. L'État québécois, lorsqu'il engage un avocat à
l'externe, paie, pour un avocat de 15 ans de Barreau, un maximum de
300 $ de l'heure. Je vous soumets que, dans les différents litiges, ce
n'est pas ce qui s'est produit.
Mais, au-delà de tout ça... Parce que la
question fondamentale n'est pas là, elle est sur le fait que... quel type de
système de justice devons-nous avoir? Je crois profondément que nous devons
avoir un système de justice qui est performant, qui est efficace, qui est
tourné vers l'efficacité, qui amène la confiance du public, mais surtout qui
priorise les intérêts des justiciables. Dans le reste du Canada, M. le
Président... Oh!
(Interruption)
M. Jolin-Barrette : Vous
savez, lorsqu'on a déposé le projet de loi, ça faisait suite à une entente.
Quelle était cette entente? Le fait de rajouter 14 juges supplémentaires à
la Cour du Québec, mais ça faisait suite à un changement de ratio unilatéral
qui avait été pris par la direction de la Cour du Québec. La juge en chef, la
direction de la Cour du Québec, a changé unilatéralement le ratio en disant :
Écoutez, bien, nous, les juges à la chambre criminelle et pénale, on siégeait
139 jours, maintenant on va siéger 104 jours. Connaissez-vous bien du
monde dans la vie qui diminue leur prestation de travail de cette façon-là?
Bien entendu, vous allez me dire : M. le ministre, il y a des nuances. Le
droit criminel, parfois il y a des procès de longue durée, ça s'est complexifié
dans certaines circonstances. Cependant, la Charte des droits et libertés, elle
est là depuis 1982, hein, ça fait 40 ans. Il n'y a pas eu une différence
dans les cinq dernières années pour amener ce changement-là. Parce que vous
vous rappellerez qu'avec l'arrêt Jordan on avait rajouté 16 juges dans le
système de justice criminelle, puis les délais sont repartis en augmentant même
si on a augmenté les ressources.
Alors, on a un problème fondamental
d'organisation du travail. Est-ce qu'on doit avoir plus d'efficacité dans le
système de justice? Est-ce qu'on doit changer les façons dont on travaille? La
réponse, c'est oui. Bien, comme ministre de la Justice est-ce
qu'unilatéralement, lorsque la direction de la cour dit : Je diminue mes
jours siégés, vous allez me donner 41 juges de plus, le ministre de la
Justice devrait donner un chèque en blanc puis dire : Bien oui, laissons
ça comme ça puis continuons. C'est ce à quoi l'État québécois a été confronté.
Et je vous référerais au chroniqueur Boisvert qui avait indiqué, dans une
chronique <précédente...
M. Jolin-Barrette :
...Et
je vous référerais au chroniqueur Boisvert qui avait indiqué, dans une
chronique >précédente, le coup de force de la Cour du Québec. Mettons
les parlementaires devant le fait accompli, mettons l'État québécois devant le
fait accompli : sous le vocable de l'indépendance judiciaire, nous
décidons de diminuer unilatéralement notre prestation de travail. Non pas que
nous ne comprenons pas la complexité des dossiers en matière criminelle, mais l'effet
corrélatif de cette décision-là, c'est là. Il y a des discussions qui se sont
entamées pour dire à la Cour du Québec, et j'en suis : Reportez votre
décision, nous allons travailler ensemble pour faire en sorte de faire atterrir
les choses. Refus obstiné, sans cesse et sans cesse. Le ministre de la Justice
décide, ultimement, de s'adresser à la Cour d'appel pour avoir l'avis de la
Cour d'appel, chose qui permet d'avoir un éclairage par des tiers indépendants.
Demande à la direction de la Cour du Québec de suspendre à nouveau la mise en
place en septembre 2022 — là, on est en juillet 2022 — refus
obstiné, ça fait partie de la prérogative. Je demanderais à chacun des députés
d'opposition, s'il se retrouvait ministre de la Justice, est-ce que vous auriez
laissé une telle chose se produire? Arrive le facilitateur, mais, pendant ce
temps-là, c'est une décision de la Cour du Québec qui est financée, savez-vous
par qui? Par le Conseil de la magistrature.
Alors, je veux que ce soit bien clair, l'intention
du législateur, dans le cadre du projet de loi n° 26, est très clairement
une indication que les parlementaires doivent approuver le budget du Conseil de
la magistrature. Le Conseil de la magistrature n'est pas la petite caisse de la
Cour du Québec. L'intégrité des fonds publics, elle est fondamentale, la
reddition de comptes à l'utilisation des fonds publics, elle est fondamentale.
J'ai entendu le député de Saint-Henri—Sainte-Anne
dire, selon l'interprétation du Conseil de la magistrature : Le
financement est assuré, il n'y aura aucune limite au financement du Conseil de
la magistrature. Pour être très clair, la réponse à votre question, c'est non.
Ce n'est pas ça, l'intention du législateur. L'intention du législateur est que
dans le cadre... et avec l'amendement de la députée de Vaudreuil, est que dans
le cadre des fonctions déontologiques du conseil, de la déontologie judiciaire,
un juge qui reçoit une plainte relativement à son comportement... Effectivement,
avec la députée de Vaudreuil, il y aura les crédits votés du Conseil de la
magistrature, et, par la suite, si jamais il y avait des dépassements de coûts
relativement, uniquement, à la déontologie judiciaire, ils pourront être pris
sur le fonds consolidé, uniquement en matière de déontologie judiciaire. Pour
les autres aspects du conseil, le budget de fonctionnement, ce n'est pas le cas,
ça doit faire l'objet d'un contrôle des parlementaires comme n'importe quel
autre organisme. Et c'est le cas aussi pour les tribunaux judiciaires, que ce
soit la Cour d'appel, la Cour supérieure et la Cour du Québec. Et il n'y a
jamais eu d'enjeu à ce niveau-là, mais c'est assujetti au contrôle des
parlementaires.
Revenons, M. le Président. La question des
crédits votés, qui a-t-il... qu'est-ce qu'il y a de problématique avec les
crédits votés relativement au Conseil de la magistrature? Parce qu'au fédéral, M.
le Président, vous l'aurez noté, au fédéral, ce sont des crédits votés à l'exception
d'une petite partie où c'est de la rémunération notamment. Ici, c'est... la
rémunération des juges est déjà... fait déjà partie des crédits permanents.
Donc, il n'y a pas d'enjeu. Et on m'a fait beaucoup le comparatif, avec les
collègues, de me dire : Écoutez, mais, au fédéral, il y a une personne,
là, avec laquelle on présente le budget, là, comme ça à la magistrature.
Écoutez, au Québec, le Conseil de la magistrature est beaucoup plus
indépendant, parce que le président du Conseil de la magistrature gère ses
propres ressources au niveau des ETC, gère son propre budget. Alors, l'espace,
entre le Conseil de la magistrature, et l'exécutif, et le législatif, et le
Parlement, est encore plus éloigné. Alors, notre modèle est encore mieux, l'indépendance
associée au conseil, elle est beaucoup plus grande au Québec qu'au fédéral. Là,
on parle du nombre de juges, et puis tout ça, ça fait que vous gardez ça à l'esprit.
• (11 heures) •
Dans d'autres États fédérés au Canada
également, ce sont des crédits votés. Alors, lorsque mes estimés collègues
disent : On devrait prendre le temps, comme le souhaite le Conseil de la
magistrature — et je ne peux que noter l'influence du Conseil de la
magistrature sur mes collègues — nous avons une responsabilité d'encadrer
les dépenses, à l'exception de la déontologie judiciaire, et je le réitère,
uniquement pour des cas qui touchent la déontologie des juges, et non pas l'ensemble
des dépenses du Conseil de la magistrature. Et je veux être très clair, M. le
Président, malgré l'indépendance judiciaire, il n'y a personne au Québec...
11 h (version révisée)
M. Jolin-Barrette : ...Conseil
de la magistrature.
Et je veux être très clair, M. le
Président, malgré l'indépendance judiciaire, il n'y a personne, au Québec, qui
est au-dessus des règles qui s'appliquent à la saine gestion des fonds publics
et également aux directives du Conseil du trésor lorsqu'on embauche des gens. C'est
fondamental, la confiance du public en est. Ce n'est pas parce qu'il y a un
organisme de déontologie qui est composé de membres de la magistrature qu'ils
ne doivent pas respecter les mêmes règles que l'ensemble du corps étatique. Et
là je ne vous parle pas du gouvernement, je vous parle de l'État québécois
comme un organisme. Bien entendu, le niveau d'indépendance du Conseil de la
magistrature, il est plus grand qu'un autre organisme de l'État qui se retrouve
sous un ministère. Cependant, les mêmes règles doivent s'appliquer en termes d'intégrité
des fonds publics.
Alors, c'est ce que nous allons rechercher,
aujourd'hui, avec le projet de loi. Moi, M. le Président, quand je m'engage à
quelque chose, je le fais. Je me suis engagé à faire nommer 14 juges
supplémentaires, et c'est ce qu'il y a, notamment, dans le projet de loi. Je m'étais
engagé à faire en sorte que le gouvernement se désiste du renvoi devant la Cour
d'appel, c'est ce que j'ai fait, j'ai respecté l'entente. Il est très clair que
la Cour du Québec et les juges de la Cour du Québec, en chambre criminelle et
pénale, ont une responsabilité d'atteindre les objectifs des cibles de
performance, de réduire les délais, notamment, quant au nombre de dossiers
fermés. Et le ministère de la Justice va être un partenaire là-dedans pour
aider les gens.
M. le Président, la bonne gouvernance, la
transparence et la saine gestion des deniers publics est importante. L'Assemblée
nationale exprime la volonté du peuple, la volonté de la nation québécoise,
notamment, dans différents domaines, incluant la justice. Je ne peux que porter
à l'attention de la commission les différents recours et leurs coûts, qui ont
été portés à l'attention du Conseil de la magistrature lui-même.
409 345 $ pour le fait de
nommer... en fait, pour permettre d'afficher un poste de juge qui ne contient
pas l'exigence de la langue anglaise, conformément à la loi n° 96. On
ne veut pas empêcher les justiciables québécois d'avoir recours aux tribunaux,
cependant, est-ce que toute personne qui ne maîtrise pas parfaitement la langue
anglaise, au moment de sa nomination, ne doit pas pouvoir accéder à la
magistrature? L'Assemblée nationale a déterminé que... certains critères pour
faire en sorte que, dans certains cas, oui, l'exigence du bilinguisme, lors de
l'affichage du poste, doit être présente, d'autres fois, non.
686 490 $ pour contester la loi n° 96,
une loi qui a été adoptée ici et que même mon collègue de Saint-Henri—Sainte-Anne
a appuyée... bien, son parti, son parti.
280 000 $ dans le cadre du
recours à la Cour supérieure, et 350 650 $ pour le renvoi à la Cour d'appel,
plus de 500 000 $ utilisés sur des fonds publics pour maintenir la
décision que les juges siègent moins.
Ce sont notamment des dépenses du Conseil
de la magistrature. Je pense que, tout ensemble, aujourd'hui, on va faire œuvre
utile en adoptant le projet de loi. Et les constitutionnalistes nous l'ont dit,
il exerce des limites dans notre démocratie. Le législatif a certaines limites,
l'exécutif a certaines limites, mais le judiciaire aussi. Et il ne faut pas
utiliser les prétextes de dire : Avec l'indépendance judiciaire, nous sommes
complètement indépendants, nous n'avons aucun compte à rendre, parce que ça m'inquiète
pour le futur relativement à la confiance du public dans nos institutions.
Cela étant, M. le Président, je veux
rassurer l'ensemble des parlementaires, nous collaborons avec le Conseil de la
magistrature et nous continuerons de collaborer avec le Conseil de la
magistrature. Nous avons adopté le projet de loi n° 8 avec des mesures de
reddition de comptes qui étaient accueillies assez froidement au départ. Mais,
manifestement, nous constatons que maintenant c'est plus... c'est accueilli
plus chaleureusement. L'important, M. le Président, c'est la confiance des gens
dans notre système de justice. Il faut toujours se rappeler ça en tête. Et,
lorsqu'on occupe des fonctions administratives importantes, où est-ce qu'on
gère des deniers publics, il est toujours important de se rappeler que ce qui
doit guider, c'est l'intégrité, mais c'est aussi le service aux justiciables,
avec les <principes...
M. Jolin-Barrette :
...les
>principes constitutionnels que nous connaissons de séparation des
pouvoirs et d'indépendance judiciaire. Et je serai toujours, M. le Président,
le premier à défendre l'indépendance judiciaire.
Cela étant, et comme le disait certains,
il n'y a pas de pouvoir sans limites. Et le Parlement, aujourd'hui, exprime sa
volonté très clairement. Et cela n'a pas pour effet d'entraver les compétences
et la mission du Conseil de la magistrature en matière de déontologie
judiciaire, il faut être très clair à ce niveau-là, mais ce n'est pas un bar
ouvert. Et je tiens à le réitérer, M. le Président, il n'y a pas de guerre, il
y a simplement le désir de faire en sorte que les choses soient faites dans
l'ordre, de faire en sorte que les fonds publics soient gérés avec toute la
diligence requise et de faire en sorte également que ce soit les justiciables
dans notre système qui soient priorisés.
Alors, sur ce, M. le Président, je
remercie les membres de la commission. Je pense qu'on vient assurer la bonne gouvernance
de nos institutions. Parce que le Conseil de la magistrature, c'est une
institution québécoise, c'est une institution qui fait partie de l'État. Elle
n'est pas en vase clos, elle existe par le souhait et la volonté des
parlementaires. Alors, on vient apporter certains ajustements. J'espère que la
voix des parlementaires sera entendue et que les gens qui sont concernés
prendront acte de la volonté des parlementaires de se conformer aux lois qui
sont votées ici, à cette Assemblée.
Alors, M. le Président, je remercie les
collègues. Je pense que nous réussirons à donner de l'aide et de
l'accompagnement à la Cour du Québec, avec le projet de loi, avec des nouveaux
collègues qui seront motivés et qui auront à cœur de réduire les délais
judiciaires, d'entendre des dossiers et de venir épauler les membres de la
magistrature qui travaillent fort. Et ça, je dois le dire, M. le Président, et
on ne le dit pas suffisamment, le travail de juge à la Cour du Québec,
notamment en chambre criminelle et pénale, c'est un travail qui est dur, qui
est aride. Ce sont des gens qui sont dévoués pour le système de justice, qui
travaillent des heures et des heures, qui n'ont pas un travail qui est facile
car ils doivent rendre des décisions en pondérant l'intérêt de chacun en
fonction du droit. Et je tiens à saluer leur travail.
Malheureusement, au cours de la dernière
année, il y a beaucoup de choses qui se sont dites, mais je tiens à les assurer
de mon soutien indéfectible dans le cadre de leur mission, dans le cadre de leurs
fonctions et de soutenir l'autorité des tribunaux. Ça fait partie de mon rôle
en tant que ministre de la Justice, et j'y crois. Cependant, j'ai également la
responsabilité de m'assurer de la saine gestion des fonds publics et également
que le tout soit fait dans l'intérêt collectif, en tout respect des principes
constitutionnels qui nous gouvernent.
Alors, M. le Président, je remercie
l'ensemble des personnes qui ont contribué au projet de loi. Et ça fait œuvre
utile, en ayant crédits votés, M. le Président, ça permettra à mes collègues
parlementaires, justement, d'avoir une part plus importante dans ce processus
démocratique. Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup, M. le ministre.
À mon tour de vous remercier toutes et tous.
La commission ayant accompli son mandat
ajourne ses travaux au jeudi 8 juin, à 13 heures, où elle va se
réunir en séance de travail. Merci. Belle journée. Merci.
(Fin de la séance à 11 h 09)