(Dix heures deux minutes)
Le Président (M.
Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! Bon
matin à tout le monde. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission
des institutions ouverte.
La commission est réunie afin de poursuivre
l'étude détaillée du projet de loi n° 26, Loi modifiant la Loi sur les
tribunaux judiciaires, afin notamment de donner suite à l'entente entre la juge
en chef de la Cour du Québec et le ministre de la Justice.
Avant de débuter, Mme la secrétaire, y a-t-il
des remplacements?
La
Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Zanetti (Jean-Lesage) est remplacé par M. Cliche-Rivard (Saint-Henri—Sainte-Anne).
Étude détaillée (suite)
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Lors de
l'ajournement de nos travaux, le vendredi 2 juin, nous avions convenu de suspendre l'étude de l'article 2 du projet
de loi, et nos discussions portaient sur l'amendement proposé par la députée de Vaudreuil à
l'article 3 du projet de loi. Interventions sur l'amendement? Mme la
députée de Vaudreuil, s'il vous plaît.
Mme
Nichols : Oui, bien, merci, M. le Président. Donc, je peux
peut-être, là, reprendre, là, l'objectif de l'amendement déposé. En fait,
c'était dans le sens des groupes qu'on a entendus. Je le réitère, là, je pense
que personne ici n'est contre la reddition de comptes. On est tous
d'accord pour... En fait, du moins, moi, ma position, c'est qu'on aurait pu
attendre de voir les effets du projet de loi n° 8, qui aurait sûrement eu
une incidence, puis qu'on n'aurait pas eu besoin d'aller aussi loin dans le
présent projet de loi. Donc, je pense que c'est prématuré. Tout de même, cet
amendement-là se veut un genre de proposition de compromis, c'est-à-dire
d'exclure des propositions du ministre la partie
déontologie, pour ne pas que... Parce que, là, on sent... on comprenait, là, qu'il
y avait un certain malaise, là, sur cet aspect-là.
Et d'ailleurs, M. le Président, je me permets de
porter à l'attention de ceux qui nous écoutent ou à l'attention des membres, là, autour de la table que le Conseil
de la magistrature était bien disponible pour se faire entendre, qu'on aurait voulu l'entendre. Ils sont une partie
prenante dans le dossier. En fait, je pense que c'est les principaux intéressés.
Le projet de loi, le... ils sont les principaux concernés par le projet de loi
qui est déposé. Puis on sait qu'il y a des articles, dans le projet de loi, qui
vont dans le sens de l'entente qui a été prise entre le ministre et le Conseil
de la magistrature. Bien sûr, il y a eu, disons, un facilitateur, un
modérateur, un médiateur, là, on ne s'entend pas sur le terme, mais, du moins,
il y a eu un intervenant. Puis il y a eu quand même un beau résultat.
On est d'accord avec les articles, ce n'est pas
ça, la problématique. La problématique, c'est la partie où on vient changer le mode de financement du Conseil de
la magistrature. Et, sur cet aspect-là, le Conseil de la magistrature aurait voulu se faire entendre, était disponible,
se rendait disponible à tout moment. Il y a eu une motion préliminaire, là,
qui a été déposée, d'ailleurs, par mon
collègue, pour entendre le Conseil de la magistrature, mais ça a été un vote
contre de la partie gouvernementale.
Tout de même, le Conseil de la magistrature a
déposé, le 5 juin dernier, un mémoire, un mémoire venant préciser certains aspects. Et j'imagine que le
ministre a... oui, que le ministre en a pris connaissance. Et, dans ce
mémoire-là, le conseil rappelle,
entre autres, que, contrairement à certaines interventions qui ont pu laisser
croire... qui a peut-être porté erreur, il ne relève pas du ministre de
la Justice. C'est un mémoire assez complet.
Puis, moi, ce que je retiens surtout de ce
mémoire-là, c'est qu'il n'y a pas de... il n'y a pas d'urgence, là, à venir
légiférer. Il n'y a pas d'urgence à venir légiférer sur le financement du
Conseil de la magistrature, au contraire. Puis
même il y a un point qui dit : L'entrée en vigueur du présent... de...
l'entrée en vigueur est prévue le 1er avril 2024.» Donc, il n'y a
aucune urgence qui justifie l'empressement actuel, qui prive le conseil,
notamment, d'une réflexion adéquate sur les propos, conséquences importantes
que ces articles sont susceptibles d'avoir sur le fonctionnement et la façon
dont il assume ses différentes... le Conseil de la magistrature assume ses
différentes missions. Donc, voilà, M. le Président,
là, le but de l'amendement qui est déposé, c'est de faire un compromis en
retirant la partie déontologique.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de
l'Acadie, s'il vous plaît.
M.
Morin : Merci. Merci, M. le Président. Alors, écoutez, je
salue le travail de ma collègue la députée de Vaudreuil, parce qu'avec
son amendement elle veut très, très visiblement bonifier, améliorer
l'article 3 du projet de loi, pour qu'il y ait un
mécanisme, au fond, qui fasse en sorte que le Conseil de la magistrature, si
jamais étaient utilisées... ou avait besoin de sommes additionnelles, puisse
évidemment les obtenir du fonds consolidé du revenu. Mais, malheureusement, M.
le Président, ça ne va pas assez loin, et on en a parlé, on en a parlé à
plusieurs reprises depuis le travail de cette commission sur ce projet de loi
là.
D'ailleurs, ma collègue le soulignait, pendant
son intervention, le projet de loi n° 8, maintenant la loi, vient d'être
adopté, il y a un mécanisme qui prévoit que la Vérificatrice générale va être à
même de faire une analyse des dépenses du conseil. Elle va être capable de
faire un rapport à l'ensemble des élus. Donc, c'est déjà un mécanisme qui est
en place, on a cette... L'article 3 et l'amendement visent directement le
conseil.
On a demandé à ce que le conseil soit entendu
dans cette commission, puisque cette disposition-là vise directement son mode
de financement. Et là, M. le Président, je vais me répéter, mais je pense que
c'est important de se répéter, parce qu'il y a plein de monde qui nous écoute.
Comme parlementaire, comme législateur, je ne suis sûrement pas contre la
reddition de comptes ni contre la transparence, ça, c'est très clair, ça fait
partie du travail du Parlement. Puis tout organisme qui reçoit de l'argent des
fonds publics doit être capable d'en rendre compte, sauf qu'il y a des principes qu'il faut soupeser. Et
l'indépendance du Conseil de la magistrature, dans plusieurs de ses fonctions,
mais notamment en ce qui a trait à la déontologie judiciaire, est protégée par
la jurisprudence puis par la constitution. Donc, ce n'est quand même pas banal.
Alors, avant d'aller jouer là-dedans et de faire
en sorte, peut-être, qu'un mécanisme pourrait empêcher le conseil de faire son
travail, bien, je pense qu'il faut l'analyser correctement, avec rigueur et
qu'il faut prendre son temps. D'autant plus qu'à mon avis ce qui est
hyperimportant, suite à l'entente qui a été convenue entre la juge en chef et M. le ministre de la Justice, c'est qu'on
puisse augmenter le nombre de juges à la Cour du Québec. Et ça, c'est
l'article 1. Je comprends que, dans le projet de loi, il y a un
«notamment», mais la portée de l'article 3 est vraiment différente.
D'ailleurs, d'ailleurs, la Pre Valois, qui a
rédigé sa thèse de doctorat là-dessus, nous a mis en garde. Pour elle, la ligne est franchie. La bâtonnière du
Québec nous a souligné qu'il y avait peut-être là un problème, donc de faire attention.
Mme Valois l'a écrit, et je le faisais remarquer lors de cette commission,
M. le Président, que nommer des juges, c'est
un devoir, ce n'est pas un privilège, et que, donc, la presse, les journalistes
s'étaient intéressés à cette question-là. M. le ministre me faisait remarquer que, bien, ce n'était pas une
journaliste. Non, c'est vrai qu'elle n'est pas journaliste, elle a
seulement un doctorat qui porte là-dessus puis elle enseigne à l'Université de
Montréal. Ce n'est quand même pas banal. Je comprends que, dans le journal,
elle a écrit son opinion, mais c'est quand même une opinion de poids.
Mais, en fin
de semaine, il y a un journaliste qui a écrit, à moins que M. le ministre
soutienne que M. Boisvert ne soit pas un journaliste. Moi, je pense
qu'il en est un.
M. Jolin-Barrette : Il est
chroniqueur.
• (10 h 10) •
M. Morin : Ah! chroniqueur, bon,
parfait, chroniqueur, chroniqueur. Et justement ce qu'il souligne, dans son article, c'est que «le ministre — et je
cite — ne
veut même pas faire entendre la principale intéressée, la principale visée,
la juge Rondeau». Et il donne un exemple. Évidemment, les exemples, c'est
toujours un peu particulier, mais c'est comme
si on voulait changer le mode de financement du Musée national des beaux-arts du Québec, mais qu'on ne voulait pas faire entendre son directeur. Donc,
il y a véritablement un problème avec ce qu'on est en train de faire, puis je
pense que, comme législateurs, on a aussi le devoir de le dire.
Alors, moi, je le dis, ce matin, il n'y a absolument
pas d'urgence, d'autant plus que, quand on lit ce qui va arriver avec le projet de loi, bien, il va y avoir
une entrée en vigueur en 2024. Et récemment, bien, en fait, le 5 juin,
donc c'est hyperrécent, le Conseil de la magistrature écrivait à nouveau
et nous rappelait qu'il n'y a pas d'urgence, qu'il n'y a pas de précipitation actuelle, d'autant plus que, comme je le
disais tout à l'heure, la Vérificatrice générale va avoir accès maintenant aux
comptes du conseil. Donc, elle va faire rapport. Le Parlement pourra toujours
réagir par la suite. Donc, c'est important, M. le Président, de prendre
notre temps.
Et malheureusement ce n'est pas ce qu'on nous
demande de faire ici. Et on a voté là-dessus, là, mais moi, je vous le dis, il
aurait été hyperimportant de faire entendre la principale intéressée, d'abord
pour voir ce qu'elle a à dire. Elle n'est peut-être pas contre des crédits
votés, mais on ne le sait pas parce que le gouvernement ne veut pas qu'elle
témoigne. Alors, c'est particulièrement navrant. Et ça, je tiens à le souligner
à nouveau, ça aurait dû être fait.
Pour revenir à l'amendement de ma collègue, oui,
c'est un pas dans la bonne direction, mais je pense que ce qu'il faudrait faire, sincèrement, c'est de
trouver un mécanisme où il y aurait un arbitre, quelqu'un de plus indépendant
entre le gouvernement, le ministre et le Conseil de la magistrature, qui ferait
en sorte que des demandes de crédits pourraient être présentées. Et, par la
suite, il pourrait y avoir un débat, pour éviter que le judiciaire soit
directement... en fait, doive dialoguer
directement avec le ministre de la Justice, Procureur général, qui, en
plus, présentement, est le leader du gouvernement. Donc, il contrôle l'arsenal
législatif du gouvernement. Donc, je pense que ça, c'est indispensable,
c'est superimportant.
Je le demande : Est-ce que M. le ministre
aurait un appétit pour retarder certaines adoptions de certains articles puis faire en sorte que, comme
parlementaires, on ait le temps de faire ce travail-là? Je le souhaite
ardemment, d'autant que le Conseil de la magistrature, le Barreau, qui
sont des institutions hyperimportantes dans notre société, nous demandent de
faire attention puis de prendre notre temps. Je ne crois pas qu'à ce stade-ci,
pour ça, alors que ce n'est pas dans l'entente, il y a péril en la demeure.
Est-ce qu'on peut bonifier, corriger? Sûrement. Est-ce que je suis prêt à
travailler là-dessus? Absolument, mais, encore là, il faudrait que le ministre
ait une oreille attentive pour qu'on puisse aller dans cette direction-là.
Donc, pour revenir
directement à l'amendement proposé, c'est un pas dans la bonne direction, je
salue le travail de ma collègue, qui prend
ça vraiment à coeur, mais je pense qu'on ne va pas assez loin, qu'il faut aller
plus loin, et je le demande au ministre. Merci, M. le Président.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Interventions? M. le
député de Saint-Henri—Sainte-Anne.
M.
Cliche-Rivard : Merci, M. le Président. Je vais saluer, quand
même, les talents de plaideur de mon confrère collègue. C'était très
intéressant de l'entendre. J'ai félicité le ministre, la semaine dernière, pour
son entente. Là, je me permets de féliciter le député de l'Acadie pour
son plaidoyer.
Une voix : ...
M. Cliche-Rivard : De l'expérience
comme plaideur. Évidemment, moi aussi, j'ai lu avec attention le mémoire
additionnel, et il n'en demeurait... il en demeure d'autres, questions. Il y a
d'autres questions que j'aurais voulu
pouvoir poser et qu'on aurait voulu pouvoir entendre et aller un petit peu plus
loin. Il y a des belles choses là-dedans, des choses superintéressantes, des choses qui mériteraient aussi d'être
approfondies, mais on ne peut pas le faire. On est contraint aujourd'hui
à probablement finaliser l'étude détaillée.
Alors, c'est évident que, pour moi non plus,
guidé par un principe de précaution, je ne vois pas l'urgence d'adopter les
dispositions telles qu'elles le sont. Je souligne le travail de ma collègue la
députée de Vaudreuil. Son amendement me semble être un pas dans la bonne
direction, mais me semble aussi insuffisant. Dans ma lecture d'être guidé par ces principes de précaution, je
ne vois pas l'urgence. Je pense qu'on pourrait, effectivement, très bien adopter immédiatement et le plus vite possible les
14 juges additionnels pour qu'on puisse permettre un accès à la justice
rapide.
Évidemment, je l'ai dit, mes collègues l'ont
dit, ce n'est pas une question d'être contre la vertu et la reddition de
comptes. Au contraire, je pense que la reddition de comptes est absolument
nécessaire et importante. La VG va faire son travail. On pourra voir s'il y a
là problème. Alors, je soutiendrai l'amendement de ma consoeur, mais ceci ne me
liera en aucun point sur le vote final. Donc, ce sera un moindre mal, disons.
M. Morin : Merci. Interventions sur
l'amendement de la députée de Vaudreuil?
M. Jolin-Barrette : Bien, écoutez,
j'ai eu l'occasion de le dire, la semaine dernière, écoutez, moi, je suis
toujours à la recherche de solutions, de compromis et je sais que ça
transparaît dans le travail parlementaire que je fais avec mes collègues. Donc,
écoutez, je vais appuyer l'amendement de la députée de Vaudreuil. Je comprends qu'on vise l'aspect déontologique puis de faire en
sorte... Puis, je l'ai toujours dit, pour ce qui est de l'aspect déontologique,
pour le Conseil de la magistrature, on veut
rassurer tout le monde pour faire en sorte que le conseil, pour les enquêtes,
les plaintes, ait les ressources nécessaires. Donc, la mécanique fait en sorte
qu'au début le président du Conseil de la magistrature
va soumettre ses prévisions budgétaires au conseil. Ce sera des crédits votés.
Si jamais il y a dépassement de
coûts, comme le propose la députée de Vaudreuil, à ce moment-là, ça pourra
aller sur le fonds consolidé. Par la suite, ils feront rapport dans le rapport annuel, qui n'était pas publié
préalablement, avant le projet de loi
n° 8. Alors, ce sera
rendu public. Alors, je vais accueillir l'amendement.
Cela étant, quelques éléments. Je note bien, M.
le Président, autour de la table, que les propositions que j'ai faites, dans le cadre du projet de loi n° 8, quoiqu'elles étaient somme toute critiquées à
l'époque, au mois de février, non pas
par les collègues, mais par d'autres instances auxquelles le député de l'Acadie
faisait référence, étaient critiquées. On
me disait que c'était une atteinte à l'indépendance judiciaire de devoir rendre
des comptes. Finalement, tout le monde autour
de la table souligne que c'est correct. Et même le Conseil de la magistrature
maintenant dit : Ah! bien là, finalement, on n'a plus de problème.
Alors, je
veux juste exprimer un point, en terminant, sur... en lien avec l'amendement de
la députée de Vaudreuil. Le Conseil
de la magistrature a eu abondamment l'occasion d'écrire à la commission et ne
se gêne pas pour le faire. Premier élément. On m'invoque beaucoup le
principe de la séparation des pouvoirs, l'indépendance judiciaire. Simplement vous dire que la séparation des pouvoirs, ça va
dans les deux sens, hein? Ici, c'est le législatif, ici, c'est le législateur.
On est face à une démonstration du pouvoir judiciaire qui veut
influencer activement l'adoption de lois, qui veut dire au législateur :
Retardez l'adoption d'une loi, retardez l'étude d'un projet de loi. Je fais
juste vous exposer ça, O.K.?
Nous, autour de la table, là, on a été élus par
la population québécoise dans chacune de nos circonscriptions. Nous tirons
notre légitimité de la population québécoise. On est ici pour voter des lois.
Là, ce que me dit le Conseil de la
magistrature et ce que le Conseil de la magistrature dit aux membres de cette
commission, c'est : N'effectuez pas votre travail de législateurs,
soyez contraints par un espace-temps que nous, nous allons vous dicter, nous
jugeons, le pouvoir judiciaire, qu'il n'y a
pas d'urgence, reportez vos travaux. Écoutez, moi, là, je ne vais pas dire aux
tribunaux : Reportez votre
décision, rendez plus vite votre décision. Jamais je ne ferais ça. On souhaite
que les délais soient... agissent avec célérité, mais je n'appellerai pas un
juge pour lui dire : Quand est-ce que s'en vient votre décision? On
s'entend.
Nous, comme parlementaires, là, très bien,
n'importe qui peut écrire à la commission, on lit les mémoires, tout ça, mais, fondamentalement, tout le monde
doit jouer son rôle dans la démocratie. Moi, en tant que ministre de la
Justice, en tant que responsable, en ayant des responsabilités exécutives,
c'est ce que je fais, mais aujourd'hui, comme législateur, j'exerce mes
fonctions avec sérieux. Et ce n'est pas un autre type de pouvoir qui va nous...
venir nous dire comment tenir nos travaux parlementaires en toute
souveraineté à cette assemblée, ici.
Je veux juste vous laisser
là-dessus, parce que j'ai entendu les arguments de part et d'autre, je suis
sensible également aux arguments qui sont
soulevés par mes collègues de Vaudreuil, de l'Acadie et de Saint-Henri—Sainte-Anne. Cela étant, il y a une
question d'intégrité, de gestion des fonds publics aussi, qui est au coeur même
de cette discussion-là. On a mis en
place certaines balises. J'ai exposé aux membres de la commission les raisons
pour lesquelles on a fait le projet
de loi n° 8. Je vous ai exposé,
notamment, dans le cadre d'un briefing technique également, les raisons
associées au contrôle des dépenses
qui a été exposé dans le cadre de l'étude des crédits par la députée de
Vaudreuil. Je trouve que la députée de Vaudreuil, avec son amendement,
nous amène à une sphère de compromis, je dirais.
Cela étant, il faut toujours garder à l'esprit
que les parlementaires sont redevables devant la population, et notamment la
gestion des fonds publics. Il n'est pas normal, dans une société comme la
nôtre, qu'on puisse dépenser sans compter,
qu'on puisse faire en sorte d'utiliser les fonds publics sans aucune reddition
de comptes, et de dire, en utilisant certains
grands principes juridiques : Pour nous, il n'y a pas de limite. Ça ne se
fait pas dans une société démocratique et ça ne doit pas se faire non
plus.
• (10 h 20) •
Alors, je note que le Conseil de la
magistrature, avec son dernier mémoire, finalement, est ouvert à revoir son mode de financement. On voit que la position, elle
est évolutive, mais, par contre, je ne peux pas m'empêcher de constater que le Conseil de la magistrature intervient
directement dans les travaux de la commission. Mes collègues me disent :
Ah! le Conseil de la magistrature aurait
voulu être entendu, soit. Le Conseil de la magistrature l'a fait par voie
écrite, nous accueillons les commentaires, nous les lisons, nous en
prenons note.
Cependant, n'oubliez jamais la confusion des
rôles des institutions et la séparation des pouvoirs qui est fondamentale ici.
Ne l'oublions jamais. Ce principe-là, il est tout aussi important que
l'indépendance judiciaire peut l'être dans
notre société et le libre exercice du Parlement, des députés légitimement élus,
qu'ils puissent faire leur travail aussi à l'abri de toute influence. Et
ce n'est pas un pouvoir qui va dire à l'autre quoi faire. Moi, ici, je suis un parlementaire, mes collègues sont des
parlementaires, vous l'êtes tout autant. Je pense que cette séparation des
pouvoirs là n'est pas unidirectionnelle.
Pour ce qui est... Et puis je pense qu'on a fait
le débat, là. J'ai bien entendu les arguments de mes collègues. Alors, pour ce
qui est de la députée, de l'amendement de la députée de Vaudreuil, écoutez, je
trouve que c'est une avancée intéressante puis je la remercie pour son travail.
Le Président
(M. Bachand) : Merci. Autres
interventions? M. le député de Saint-Henri—Sainte-Anne.
M. Cliche-Rivard : Quand même,
M. le Président, pour rassurer le ministre, là, personne ne dicte ma façon de penser. Je ne me sens pas lié de quelconque
façon par quelconque mémoire. Je juge, j'analyse, je fais mon libre exercice,
je tranche ma propre position. Et ce n'est pas parce qu'elle n'est pas la vôtre
qu'elle n'est pas indépendante. Et donc je
voulais rassurer le ministre sur ce point-là. Je ne me sens aucunement lié ou
contraint par la position du Conseil de la magistrature.
Le Président (M. Bachand) : Merci.
M. le député de l'Acadie, s'il vous plaît. M. le député de l'Acadie. Excusez.
M. Morin : Bien,
alors, brièvement, M. le Président. J'ai écouté la plaidoirie de M. le
ministre, mais la question n'est pas
là, là. La minute, là, M. le Président, où quelqu'un va vouloir attaquer
les privilèges du Parlement, je vais être le premier à le défendre. Je
vais être le premier à m'opposer à ça. Le Parlement est souverain. Les
parlementaires, on a un travail à faire. Puis c'est dans le cadre de nos
fonctions, avec notre expérience, avec le fait qu'on est élus, qu'on fait un
travail ici, mais ce n'est pas de ça dont on parle. Il y a aussi des principes
constitutionnels dans notre société. Puis l'indépendance de la magistrature,
c'en est un, justement, pour que ce ne soit pas unidirectionnel. Alors, c'est
de ça dont on parle. Et tout ce qu'on dit...
On ne dit pas : On ne fera pas notre travail, ou bien on va retarder notre
travail, ou quelqu'un essaie de retarder notre travail. Ce que je dis,
c'est que, quand on vient jouer dans des principes constitutionnels
hyperimportants, bien, des fois, il faut y aller avec prudence.
C'est d'ailleurs exactement ce à quoi le Barreau
du Québec nous invite. Le Barreau du Québec n'a pas pris une position
excessivement tranchée, mais ils nous ont mis en garde, ils ont commencé à
lever un drapeau rouge. Et, pour que l'État fonctionne normalement, bien, il
faut que ces pouvoirs-là soient respectés, d'autant plus que les tribunaux seront appelés à juger, à la demande de
citoyens, les lois adoptées par le Parlement. Donc, il faut respecter leur indépendance,
mais, par ailleurs, en tant qu'élu, je serais le premier à défendre les
privilèges puis l'indépendance du Parlement, M. le Président. Et ça, je veux
que ce soit très clair.
Des fois, quand j'écoutais M. le ministre, je
n'étais pas trop sûr. Donc, moi, je tiens à le souligner. Et ce que je dis, c'est que, parfois, quand on légifère, il
faut être prudent. Il faut apprendre aussi, des fois, de certains gestes qu'on
aurait pu poser précipitamment. Alors, c'est tout ce que je dis, mais c'est
clair qu'en tant que parlementaires on est souverains. Puis je sais... Je veux
dire, je fais mon travail, et puis ce n'est pas quelqu'un qui va me dire
comment le faire ou qui va m'influencer
comme parlementaire, mais c'est la raison pour laquelle on a entendu des
spécialistes dans le cadre de cette
commission. Le fait qu'on entende des gens, le fait qu'on puisse nous éclairer
pour faire un bon travail, et ça, je
suis certain que le ministre est d'accord avec moi là-dessus, M. le Président,
bien, ça fait juste qu'on fait un meilleur projet de loi pour la population, qui nous a élus et que je respecte.
Merci.
Le
Président (M. Bachand) : Est ce qu'il y a d'autres
interventions sur l'amendement? S'il n'y a pas d'autre intervention,
est-ce que l'amendement est adopté?
Des voix : ...
Le Président
(M. Bachand) : L'amendement est
adopté?
Une voix : Vote par appel nominal.
Le Président
(M. Bachand) : Vote par appel
nominal. Merci. Mme la secrétaire, s'il vous plaît.
La Secrétaire : Pour contre
abstention. Mme Nichols (Vaudreuil)?
Mme Nichols : Pour.
La Secrétaire : M. Jolin-Barrette
(Borduas)?
M. Jolin-Barrette : Pour.
La Secrétaire : Mme Haytayan
(Laval-des-Rapides)?
Mme Haytayan : Pour.
La Secrétaire : Mme Bourassa
(Charlevoix—Côte-de-Beaupré)?
Mme Bourassa : Pour.
La Secrétaire : Mme Schmaltz
(Vimont)?
Mme Schmaltz : Pour.
La Secrétaire : Mme Boivin
Roy (Anjou—Louis-Riel)?
Mme Boivin Roy : Pour.
La Secrétaire : M. Lemieux
(Saint-Jean)?
M. Lemieux : Pour.
La Secrétaire : M. Morin
(Acadie)?
M. Morin : Abstention.
La Secrétaire : M. Cliche-Rivard
(Saint-Henri—Sainte-Anne)?
M. Cliche-Rivard : Pour.
La Secrétaire : M. Bachand
(Richmond)?
Le Président
(M. Bachand) : Abstention. Donc,
l'amendement est adopté. Donc, on revient à l'article 3 tel qu'amendé. Interventions?
S'il n'y a pas d'autre intervention, est-ce que l'article 3, tel
qu'amendé, est adopté?
Des voix : Adopté.
Le Président (M.
Bachand) : Adopté. Merci. Alors, on
continue, on serait rendus à l'article 4.
M. Jolin-Barrette : Voulez-vous, M.
le Président, qu'on revienne à l'article 2? Parce qu'on l'avait suspendu
pour faire le débat sur l'article 3.
Le
Président (M. Bachand) :
Parfait. Donc, consentement?
Alors, on revient à l'article 2, s'il vous plaît. Donc, interventions
sur l'article 2?
M. Jolin-Barrette : ...
Le Président (M.
Bachand) : M. le ministre, oui, allez-y.
M. Jolin-Barrette : C'était de la
concordance avec l'article 3, M. le Président.
Le
Président (M. Bachand) : Merci. S'il n'y a
pas d'autre intervention, est-ce que l'article... est-ce que l'article 2
est adopté?
Des voix : Adopté.
Le Président (M.
Bachand) : Adopté. Merci. Donc, M. le
ministre, s'il vous plaît.
M.
Jolin-Barrette : Oui. Article 4, M. le Président : La
présente loi entre en vigueur le (indiquer ici la date de la sanction de
la présente loi), à l'exception des articles 2 et 3, qui entrent en
vigueur le 1er avril 2024.
Commentaires : Il s'agit de la disposition
d'entrée en vigueur du projet de loi.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Interventions
sur 4?
M. Morin : Il n'y a pas
d'intervention, M. le Président.
Le Président (M.
Bachand) : Donc, est-ce que l'article 4 adopté?
Des voix : Adopté.
Le
Président (M. Bachand) :
Adopté. Donc, cela met fin à
l'étude... à l'étude détaillée. Alors, est-ce que le titre du projet de
loi est adopté?
Des voix : Adopté.
Le Président (M.
Bachand) : Je propose que la commission
recommande la renumérotation du projet de loi amendé. Adopté?
Des voix : Adopté.
Le Président (M.
Bachand) : Je propose que la commission
adopte une motion d'ajustement des références. Cette motion est-elle adoptée?
Des voix : Adopté.
Remarques finales
Le
Président (M. Bachand) : Donc, nous sommes maintenant aux remarques finales.
Mme la députée de Vaudreuil, la parole est à vous, s'il vous plaît.
Mme Marie-Claude
Nichols
Mme Nichols : Oui, merci, M. le
Président. Alors, projet de loi qui était... Puis ça risque d'être redondant,
là, les remarques finales, là, évidemment, là, mais je pense que, tu sais,
c'était un projet de loi un peu, disons, surprise à cause du mot «notamment» et
à cause des ajouts... de l'ajout de l'article 3.
On a... Tu sais, tout s'est fait vite, là, dans
ce projet de loi là, même l'échange pour les différents groupes. Je pense qu'il
aurait été nécessaire, d'abord pour les parlementaires, parce qu'on a un
travail à faire, comme le disait le ministre, on a un travail, un travail
important à faire, d'entendre aussi les principaux intéressés, soit le Conseil
de la magistrature. Bien sûr, le ministre l'a dit, ils ont... ils écrivent
beaucoup à la commission, ils ne se gênent pas pour le faire. Bien, moi, je les
remercie. Je les remercie parce que, minimalement, on pouvait les lire via les
écrits qui étaient envoyés à la commission,
faute de pouvoir les entendre ici, mais ils auraient été pertinents. Et puis,
je le dis, puis je l'ai dit précédemment aussi, je pense qu'il aurait pu
y avoir une voie de passage différente en entendant leurs arguments, ils n'étaient pas... le Conseil de la magistrature
n'était clairement pas fermé, et sur les différentes avenues qu'on aurait pu
prendre pour...
Parce que c'est une modification importante,
c'est une modification importante, ça fait quand même... Puis je comprends
aussi, là, le ministre, quand il dit : Question d'intégrité, question de
gestion des fonds publics, oui, mais on
vient quand même changer un mode de fonctionnement qui est bien établi depuis
45 ans. Ça fait que c'est là où je me dis, tu sais, l'urgence...
l'urgence, selon moi, n'est pas justifiée de faire vite, vite, vite ce
changement-là aussi important, surtout que, je le réitère, on vient
d'adopter le projet de loi n° 8. Le projet de loi n° 8 donne déjà
certains pouvoirs, dont la possibilité... en fait, même pas, l'obligation à la
Vérificatrice générale d'aller voir, d'aller se mettre le nez dans tout ça.
Donc, on aurait pu faire l'exercice, du moins, de laisser... Puis, dans leur
mémoire, la cour l'a dit... le Conseil de la magistrature l'a dit, ils sont
déjà en train de... ils se concentrent sur la mise en oeuvre des dispositions d'entrée en vigueur, il y a quelques semaines à
peine, qui découlent du projet de loi n° 8. Donc, ils travaillent à cet
effet-là, donc je pense qu'on aurait pu laisser le projet de loi entrer
en vigueur, voir la méthodologie, si ça fonctionne, avant d'y aller puis
d'adopter de façon abrupte.
Puis je dis «abrupte»
parce que ça a été une surprise pour tout le monde, cet article-là. Puis, on le
sait, parce qu'on a beau dire : C'est
dépolitisé, c'est dépolitisé, on est face à un gouvernement majoritaire. Puis
on en a parlé, puis on l'a vu aussi, on l'a vu quand il y a eu des
groupes qui sont venus nous... dans les consultations particulières, c'est les
avocats, les avocats de la défense, là, je... de mémoire, qu'il n'y avait pas
un avis partagé par le ministre. Puis ça a
été un témoignage assez pénible. Donc, on l'a vu, il y en a, de la
partisanerie, il y en a, de la politique dans tout ça. Donc, M. le
Président, moi, ça m'a... ça a juste fait augmenter mon niveau d'inquiétude de
la façon dont est traité... puis je vais dire... est traité le Conseil de la
magistrature, bien, de la façon trop vite dont on veut aller dans ce
dossier-là.
• (10 h 30) •
Donc, pour le reste, là, pour le reste, on l'a
dit, il n'y a pas personne qui est contre la reddition de comptes, au contraire, là, c'est important, la reddition de
comptes. On est des élus, on a un devoir de surveillance, on a un devoir
de surveillance sur les fonds publics, donc
on fait notre travail. Donc, la reddition de comptes, il n'y a pas personne qui
était au courant qui était contre.
Mais, pour le
reste, je le soulève et je le réitère, c'était... c'est vraiment de façon
prématurée. Du moins, j'apprécie qu'on
ait adopté mon amendement à l'article 3 pour soustraire la partie... Parce
qu'on le sait, le Conseil de la magistrature a différentes missions, du moins
la mission déontologique qu'on puisse l'exclure des crédits votés, je pense
que, ça, c'était un incontournable. Donc, bien sûr, je remercie le ministre de
son ouverture sur cet... sur l'amendement que j'ai déposé à cet effet-là. Mais, pour le reste, M. le
Président, je le réitère, je ne comprends pas, tu sais, je ne comprends pas
pourquoi on veut aller si vite,
pourquoi... Puis d'ailleurs c'est un projet de loi où on fait un, deux, trois,
donc les consentements sont quand même assez importants dans ce projet
de loi là.
Donc, je n'ai rien à ajouter, je pense qu'on a
fait le tour, puis voilà. Donc, je vais voter bien sûr pour le projet de loi, bien que... et je le dis, là, non pas pour
l'article 3, mais pour l'article 1 et l'article 2, parce que
c'est l'entente qui est intervenue
entre le ministre et entre le Conseil de la magistrature, et c'est les deux
seuls articles qui influencent mon vote positif pour ce projet de loi.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de
Saint-Henri—Sainte-Anne,
s'il vous plaît.
M. Guillaume Cliche-Rivard
M. Cliche-Rivard : Merci, M. le
Président. Je tenterai d'être bref. On va quand même revenir un petit peu sur le fait qu'évidemment on a déposé d'entrée de
jeu une motion préliminaire — qui
a été battue, là — pour
entendre le Conseil de la magistrature. Évidemment, on a pu profiter, à
travers les travaux, de la possibilité d'interpeller le conseil, qui nous a
répondu par voie écrite, mais qui souligne quand même le fait que les délais,
et la complexité des questions, et l'urgence d'agir, notamment, l'auront
empêché d'aller sur le fond de ce qu'il voulait nous partager et qu'il aurait été plus judicieux de donner, un,
plus de temps et, deux, de les entendre, parce que, moi... des échanges très intéressants
et très constructifs pour nous, parce que je pense que, continuellement, on
doit travailler pour trouver une voie de
passage. Je pense que, ça, c'est une chose qui guide ma réflexion, c'est ce qui
a guidé ma réflexion dans l'ensemble des travaux.
Évidemment, on appuie, et je l'ai toujours dit,
et je vais le maintenir, on salue l'entente. L'entente est une bonne entente.
Il y a une question de reddition de comptes, il y a une question de... pas des
redditions de comptes, pardon, de quotas, et
d'arriver avec des objectifs, et de s'assurer qu'on diminue les délais le plus
possible dans le système judiciaire.
Évidemment, je pense que 14 juges supplémentaires vont certainement faire
un travail très important. Cela dit, il
n'est pas clair du tout que... En fait, les éléments de modification du
financement du Conseil de la magistrature n'étaient pas du tout part à l'entente. Et le fameux mot
«notamment», là, dans le libellé du projet de loi, est complètement, à mon
avis, contraire à l'esprit de cette entente-là.
On ne peut pas évacuer le projet de loi de son
contexte. Il y a des tensions entre le Conseil de la magistrature et le ministre depuis plusieurs mois, voire
plusieurs années maintenant. On venait d'avoir une entente, cette entente-là
n'a vraisemblablement pas duré, et ça, ce n'est pas souhaitable du tout. Il y a
effectivement apparence de conflit ou conflit direct entre l'exécutif et le
judiciaire, et ça, c'est fort problématique.
Il y a des professeurs qui ont signé avec moi
une lettre ouverte demandant au ministre de laisser tomber cette attaque frontale auprès du Conseil de la
magistrature. Malheureusement, ça n'a pas été suivi comme recommandation.
Jusqu'à ce week-end, on avait une lettre du
chroniqueur judiciaire Yves Boisvert qui saluait aussi les problématiques dudit
projet de loi.
Je salue quand même le travail des députés
d'opposition qui ont tenté d'amoindrir les effets du projet de loi tout au courant de cette séance, notamment mon
collègue de l'Acadie, qui tentait d'encadrer le processus de nomination
de... — ou
du — de
la prochaine juge en chef de la Cour du Québec. De notre côté, notre amendement
qui visait le plus possible à retirer
l'exécutif, donc le ministre, de cet échange ou ce processus de vote menant à
l'attribution des crédits. Malheureusement, ça, ça a été battu aussi. Et
finalement la voie de passage, bien qu'insuffisante à mon humble avis, de la collègue de Vaudreuil, qui visait au moins à
protéger le volet déontologique de la modification législative. Alors,
tant mieux si ceci a été adopté. Je pense que c'est un moindre mal, mais ce
n'est pas suffisant à mon humble avis dans un contexte de précaution, dans un
contexte où, effectivement, les dispositions, telles qu'on les voyait avant la
modification du projet de loi, étaient en vigueur depuis des dizaines d'années
sans problème.
Évidemment, je salue l'impératif important de
reddition de compte. Là, mon problème n'est pas... n'est certainement pas à savoir qu'on va demander des
comptes, à savoir qu'il y a une bonne justification à l'utilisation des fonds publics. Le problème n'est pas là.
Justement, il y a la VG, la Vérificatrice
générale, qui a maintenant de
nouveaux pouvoirs, on vient de les adopter — mes
collègues en ont parlé — par
le p.l. n° 8. Donc évidemment, ça peut être complémentaire, mais ça peut aussi
tout simplement être suffisant. Donc, il n'y a pas, pour moi, nécessité ou
urgence d'adopter les dispositions, même amendées, certainement, surtout eu
égard à l'article 3.
Force est de constater aussi qu'il y a quelques
mois seulement ces articles-là ont été mis en vigueur et étaient suffisants ou jugés suffisants par le ministre.
Donc, de là à savoir qu'est-ce qui a fait modifier sa pensée? Pourquoi des
dispositions telles n'étaient pas incluses
dans l'ancien projet de loi n° 8 et que, soudainement, le p.l. n° 8
ne répond plus à ses objectifs et on doit aller plus loin? C'est des
questions qui méritent d'être posées.
Alors,
évidemment, je demeure très inquiet eu égard à un mécanisme ou à l'absence de
mécanisme qui pourrait assurer complètement les fonds du conseil face à
son mandat. Ça, c'est l'enjeu. On a tenté de trouver des voies de passage ou un
équilibre entre les deux. Le ministre s'est quand même engagé à plusieurs
recours, à ne pas limiter de quelconque
façon le financement du conseil, dans ses capacités, d'exercer ses rôles,
d'exercer ses mandats. Donc, il faudra voir comment ça s'articule.
Le Conseil de la magistrature pose une question
intéressante dans son mémoire additionnel : «À quelques occasions, le
conseil a entendu la promesse d'un financement adéquat qui ne compromettrait
jamais l'exercice de ses fonctions. Si tel
est le cas, où se situe alors la nécessité de modifier les dispositions
actuelles qui, comme nous l'avons déjà souligné, n'ont jamais conduit à des
dépenses inconsidérées, d'autant que des mécanismes de reddition de
comptes ont été mis en place voilà moins de
trois mois par l'Assemblée nationale?» Alors si, effectivement, les budgets
sont assurés, et qu'il y a
possibilité de processus de reddition de comptes, et qu'il y a la Vérificatrice générale, quel est l'objectif ou quelle est
l'urgence réelle d'adopter ce p.l.? La question se pose.
Alors, voilà, je m'arrêterai là-dessus. Je
comprends la position de ma collègue de Vaudreuil. Je ne pourrai suivre en ce sens, bien sûr. Et que ce soit dit,
et redit, et redit, je salue l'entente. L'ajout de juges est une excellente
nouvelle pour le justiciable et pour tout le monde qui travaille de près
ou de loin au service de la justice. Cela étant dit, guidé par un principe de précaution et n'ayant pu
entendre jusqu'au fond de leur pensée les principaux intéressés, je ne pourrai
appuyer ce projet de loi. Merci.
• (10 h 40) •
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de
l'Acadie, s'il vous plaît.
M. André Albert Morin
M. Morin : Merci. Merci, M. le
Président. Écoutez, s'il y a une chose que ce projet de loi permet de bien saisir, c'est l'importance et la précision de la
langue française. En utilisant un seul mot, «notamment», mot pas très long, le
ministre de la Justice a réussi, avec évidemment le projet de loi, parce qu'on
n'a pas beaucoup de doutes quant à son adoption éventuelle, à venir
modifier un mode de financement d'un organisme qui est fondamental, sans qu'on
ait pu entendre plusieurs intervenants, dont le principal intéressé.
Quand j'ai su qu'il y avait une entente entre la
juge en chef de la Cour du Québec et le ministre de la Justice, je n'ai pas pu
faire autrement que de me réjouir suite aux travaux qui ont été faits,
notamment par le conciliateur et le médiateur. Et de voir qu'on allait avoir
14 postes de plus de juges à la Cour du Québec, dans une période où
l'accès aux tribunaux est fondamental, bien,
écoutez, c'était une excellente nouvelle, mais mes réjouissances ont été de
courte durée, parce que, quand j'ai
vu le projet de loi n° 26, moi, je m'attendais à ce qu'il y ait deux
articles, honnêtement, le 1 et... bien,
le 4 qui aurait pu s'appeler 2 à l'époque, et qu'on aurait pu adopter ça très
rapidement. Mais non, c'eût été trop simple. Alors, mais il fallait
venir revoir un mode de fonctionnement, un mode de financement, alors même
qu'on venait d'adopter un projet de loi, où il y a des mécanismes qui sont en
place pour s'assurer que le Conseil de la magistrature va dépenser des sommes
d'argent d'une façon adéquate et où la Vérificatrice générale serait venue nous
donner, après, un compte rendu, à nous, parlementaires.
Et je vais
leur répéter à nouveau : je ne suis pas contre la reddition de comptes, je
ne suis pas contre la transparence, mais,
avant d'aller jouer dans des éléments aussi fondamentaux, je pense qu'il aurait
été bon d'entendre plus de personnes et de prendre notre temps. M. le
ministre le disait lui-même, tout à l'heure, dans cette commission : On
voit que la position du conseil est évolutive, Donc, raison de plus, M. le
Président, de l'entendre puis d'entrer dans un dialogue, ici, devant cette commission, pas parce que le
conseil essaie de nous dire quoi faire, ce n'est pas le cas, mais le conseil,
comme n'importe quelle autre organisation, a
le droit de s'adresser au Parlement, a le droit de s'adresser aux parlementaires, et puis, après ça, bien, faire en
sorte qu'on adopte des lois qui soient les meilleures possibles pour tout
le monde. Bon, malheureusement, ça n'a pas été fait, il fallait aller vite, il
fallait aller vite.
J'ai quand même voulu saisir la balle au bond et
tenter d'améliorer ce projet en demandant, dans le cadre d'un amendement, qu'il
y ait une nouvelle procédure dans la loi pour la nomination éventuelle d'un
juge en chef de la Cour du Québec, qui aurait permis transparence et qui aurait aidé le ministre dans ses
fonctions. Bon, malheureusement, ça a été rejeté. Parce que le mot,
également, que je retiens, c'est «vitesse», «vitesse», mais, des fois, avant
d'adopter ou de faire en sorte qu'il y ait des changements aussi importants, il
faut prendre son temps.
Je ne peux pas faire autrement que de saluer le
travail de ma collègue la députée de Vaudreuil qui, avec son amendement, a voulu améliorer le processus, mais,
comme je le mentionnais moi-même, et c'est la raison pour laquelle je me
suis abstenu, c'est trop peu. On aurait pu explorer davantage. Et ce qui est le
plus ennuyeux... Et puis, pourtant, on a fait des propositions au ministre de
la Justice, le collègue député de Saint-Henri—Sainte-Anne a même fait une motion
pour que le Conseil de la magistrature soit entendu, ça a été rejeté.
Alors,
permettez-moi de citer, justement, M. Boisvert, de La Presse : «Un des rôles fondamentaux du Procureur général est de défendre
l'indépendance des tribunaux. Il est censé être au-dessus de la mêlée politique
dans son gouvernement, avec un statut un peu à part.» Il
aurait été souhaitable, j'aurais souhaité que le Procureur général écoute et
qu'on puisse faire ce travail de parlementaires, parce que c'est notre travail,
et on veut le faire comme il faut, avec
toute la rigueur et le professionnalisme qui incombent aux parlementaires qui
sont élus dans cette Assemblée. Ça n'a pas été le cas, il fallait aller
vite.
Alors, je conclurai en vous disant que, quant à
moi, il est navrant, pour reprendre le titre de M. Boisvert dans son article, de voir que la petite guerre avec le Procureur général est de nouveau lancée. Espérons, espérons, M. le Président, pour
le bien des justiciables, pour le bien des Québécoises et des Québécois, puis
pour le bien du monde judiciaire, que ça va arrêter le plus vite possible. Je
vous remercie.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. M. le député de
Saint-Jean, s'il vous plaît.
M. Louis Lemieux
M. Lemieux : Oui. Merci beaucoup, M.
le Président. Quelques mots seulement. C'est une bonne ou une mauvaise
habitude, selon, que j'ai prise, de prendre quelques mots pour les remarques en
fin d'étude des projets de loi auxquels je
participe. Juste pour vous dire que j'ai lu M. Boisvert aussi, moi, cette
fin de semaine, et tous les autres qui ont écrit cette fin de semaine
sur le sujet, avec intérêt, attention. Même chose pour le mémoire
complémentaire du Conseil de la magistrature.
Ce que je
veux dire, c'est que vous aviez raison, tout à l'heure, en vantant les mérites
de plaidoyers, de plaidoiries de vos deux collègues de l'opposition, en plus de
la défense de l'amendement par la députée de Vaudreuil. Effectivement, ce sont
des questions passionnantes, importantes et fondamentales. Mais, parlant de
plaidoirie, moi, celle qui m'a convaincu, c'est celle du ministre de la
Justice quand il parle de la souveraineté du législateur et de la séparation des pouvoirs. En tout cas, jusqu'à
preuve du contraire, je continue de voter avec lui. Merci, M. le Président.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. M. le ministre
de la Justice, s'il vous plaît.
M. Simon Jolin-Barrette
M. Jolin-Barrette : Oui. Merci, M.
le Président. Mais, écoutez, tout d'abord, je tiens à remercier les collègues
qui ont participé aux travaux parlementaires : Mme la députée de Laval-des-Rapides,
Mme la députée de Vimont, Mme la députée de Charlevoix—Côte-de-Beaupré, Mme la
députée d'Anjou—Louis-Riel,
M. le député de Saint-Jean, M. le député de l'Acadie, M. le député de Saint-Henri—Sainte-Anne,
Mme la députée de Vaudreuil, de remercier
également les équipes du ministère de la Justice qui nous ont accompagnées,
donc Me Kathy Plante, Me Élise
Labrecque, Me Jean-Félix Robitaille, Me Evelyne Gagné, Me Jean-Sébastien
Lalonde, Mme Martine Allard, Mme Suzanne
Tremblay, Mme Sarah Carrieret Mme Karine Poudrier. Vous remercier, vous,
M. le Président, encore une fois, d'avoir présidé de main de maître
cette commission parlementaire.
M. le Président, je vous annonce quelque chose,
au ministère de la Justice, nous n'avons plus de projet de loi d'ici la fin de
la session, donc nous allons probablement nous revoir au mois de septembre. Si
nous travaillons fort cet été, nous serons en mesure de vous livrer d'autres
projets de loi en matière de justice.
Je tiens à
vous dire que le projet de loi que nous avons déposé sur l'obsolescence
programmée, malheureusement, ne
devrait pas se retrouver à cette commission-ci, mais si vous insistez,
peut-être qu'avec le concours des oppositions on pourrait se retrouver
ici.
Remercier les
gens à la sonorisation, au télévisuel, Mme la secrétaire, les gens qui vous
accompagnent également.
M. le
Président, j'ai entendu mes collègues discuter sur le bien-fondé du projet de
loi. Vous savez, M. le Président, il y a un aspect en politique qui est
un jeu de rôles, notamment, quand on est au gouvernement, quand on est dans l'opposition. Il y a certains projets de loi
que... qui sont adoptés à l'unanimité et que les parlementaires appuient. Il y
en a d'autres où, lorsqu'il arrive des événements, je pourrais qualifier
de nature publique, des événements médiatiques en lien avec le sujet en litige,
qu'il est bon pour les opposants de s'objecter et d'avoir un aspect un peu, et
ne le prenons pas négativement, un aspect un peu théâtral pour dire : Le
gouvernement, ça n'a pas de bon sens, on aurait aimé ça entendre le Conseil de la magistrature, tout ça. Et je comprends tout
ça. Cependant, en mon for intérieur, M. le Président, je suis convaincu que chacun de mes trois
collègues, s'il était assis dans ma position, aurait probablement pris la même
décision que j'ai prise.
Et j'ai été dans l'opposition. M. le Président,
et je comprends le rôle de l'opposition, et c'est un rôle qui est utile et qui permet de mettre de la pression sur
le gouvernement. Notamment, vous avez vu l'amendement de la députée de
Vaudreuil, je me suis montré ouvert. La députée de Vaudreuil a cherché, tenté
de chercher une piste de solution, de
dire : Écoutez, dans les fonctions du Conseil de la magistrature, pourquoi
le conseil, il est là, fondamentalement, il est là pour assurer la déontologie judiciaire. Dans le
fond, le conseil, prioritairement, c'est ça, sa principale mission. Lorsqu'un
juge a des comportements inappropriés qui ne respectent pas le code de
déontologie des juges, code déontologie judiciaire, il y a une instance qui
fait en sorte d'entendre la plainte des justiciables, les citoyens
québécois : un juge qui serait... qui tiendrait des propos inacceptables,
qui aurait une conduite qui serait reprochable, un juge qui n'exercerait pas
ses fonctions avec tout le sérieux qui est nécessaire à sa fonction. Et c'est
bien ainsi d'avoir un organisme
disciplinaire parce qu'au fond, le Conseil de la magistrature, c'est ça, c'est
un organisme disciplinaire au bénéfice des
justiciables, n'oublions jamais cela. Le conseil existe pour être un chien de
garde sur le comportement des juges.
• (10 h 50) •
Pourquoi
est-ce que ça existe? Ça existe parce que les citoyens, ils se présentent
devant le tribunal, ils doivent être traités
avec intégrité, avec impartialité parce qu'on doit avoir une justice de
qualité, et c'est le cas M. le Président. Et je suis fier de vivre dans
un état comme le Québec où il y a un système de justice qui est fort, qui est
indépendant et qui peut prendre des
décisions à l'abri de tout arbitraire, mais il ne faut jamais oublier qu'un
système de justice, les cours, les tribunaux, les juges, ils sont là
pour servir la population québécoise, ils sont là pour faire en sorte que
lorsqu'un citoyen à un litige ou que l'État
poursuit un citoyen, le roi, dans le cadre d'un dossier de nature criminelle,
pour «réprober», pour faire la réprobation d'un comportement
inacceptable pour la société québécoise, bien, ça va devant le tribunal. Puis il y a des victimes, il y a des accusés, mais
les accusés, ils ont des droits, ils ont droit de garder le silence, ils ont le
droit d'être jugés par un tribunal impartial et indépendant. Alors, le
système de justice appartient aux citoyens.
Et plus
fondamentalement, parce qu'on a beaucoup parlé de démocratie, M. le Président,
ce qui guide à la fois notre Parlement mais aussi les tribunaux, et c'est un
des critères les plus importants, c'est la confiance du public dans le système de justice. Et ça, ça inclut
plusieurs choses : le comportement des juges — on a le Conseil de la magistrature pour ça — mais
également la façon dont ça se déroule, les coûts associés au système de
justice, la procédure, comment ça se passe.
Dans
le cadre qui nous occupe, il y a une genèse à toute cette histoire. Et
croyez-moi, M. le Président, je ne suis pas en guerre contre quiconque, et ça,
je peux l'affirmer. Mais il y a une chose qui est certaine, c'est : tant
que je serai ministre de la Justice, M. le Président, je vais toujours placer
les intérêts de la population québécoise, des citoyens, puis le fonctionnement
du système de justice en haut de ma liste des priorités, nonobstant que ça
dérange, nonobstant le fait que les choses
changent, puis elles doivent changer pour être améliorées, notamment au niveau
de la transparence, de la reddition de comptes, parce que ça fait partie
de la confiance du public dans le système de justice.
Il
n'est pas acceptable, dans une société démocratique comme la nôtre, qu'il n'y
ait pas de garde-fou, que certains individus
puissent utiliser des fonds publics comme ils l'entendent sous le couvert de
grands principes constitutionnels sans que ce soit appliqué
concrètement. Il y a une limite à tout. D'ailleurs, et je citerais
l'Association des avocats en droit de la
défense, des criminalistes, qui disait : Il n'y a pas de pouvoir absolu.
J'en suis et je suis d'accord là-dessus, mais ça va dans tous les sens.
On ne se sert pas des fonds publics comme de sa petite caisse. C'est
fondamental. Et la députée de Vaudreuil l'a
bien soulevé aux crédits budgétaires : 30 % de dépassement de coûts
sur un budget, en ayant des dépenses notamment pour financer des recours
judiciaires, avec plus de 1 million de dépassements de coûts, où il n'y a aucune limite, on parle notamment
d'honoraires d'avocats grassement payés... Et d'ailleurs, pour citer le député
de l'Acadie, qui citait le chroniqueur
Boisvert, il l'identifiait très clairement. L'État québécois, lorsqu'il engage
un avocat à l'externe, paie, pour un avocat de 15 ans de Barreau, un
maximum de 300 $ de l'heure. Je vous soumets que, dans les
différents litiges, ce n'est pas ce qui s'est produit.
Mais, au-delà de tout
ça... Parce que la question fondamentale n'est pas là, elle est sur le fait
que... quel type de système de justice devons-nous avoir? Je crois profondément
que nous devons avoir un système de justice qui est performant, qui est efficace, qui est tourné vers l'efficacité, qui
amène la confiance du public, mais surtout qui priorise les intérêts des
justiciables. Dans le reste du Canada, M. le Président...
(Interruption)
M.
Jolin-Barrette : Vous savez, lorsqu'on a déposé le projet de loi, ça
faisait suite à une entente. Quelle était
cette entente? Le fait de rajouter 14 juges supplémentaires à la Cour du Québec, mais ça faisait suite à un changement de ratio unilatéral qui avait été pris par la
direction de la Cour du Québec. La juge en chef, la direction de la Cour du Québec, a changé unilatéralement le ratio en disant : Écoutez, bien,
nous, les juges à la chambre criminelle et pénale, on siégeait
139 jours, maintenant on va siéger 104 jours. Connaissez-vous bien du
monde dans la vie qui diminue leur prestation de travail de cette façon-là?
Bien entendu, vous allez me dire : M. le ministre, il y a des nuances. Le
droit criminel, parfois il y a des procès de longue durée, ça s'est complexifié
dans certaines circonstances. Cependant, la Charte
des droits et libertés, elle est là depuis 1982, hein, ça fait 40 ans. Il
n'y a pas eu une différence dans les cinq dernières années pour amener ce changement-là. Parce que
vous vous rappellerez qu'avec l'arrêt Jordan on avait rajouté 16 juges
dans le système de justice criminelle, puis les délais sont repartis en
augmentant même si on a augmenté les ressources.
Alors, on a un
problème fondamental d'organisation du travail. Est-ce qu'on doit avoir plus
d'efficacité dans le système de justice?
Est-ce qu'on doit changer les façons dont on travaille? La réponse, c'est oui.
Bien, comme ministre de la Justice,
est-ce qu'unilatéralement, lorsque la direction de la cour dit : Je
diminue mes jours siégés, vous allez me donner 41 juges de plus, le
ministre de la Justice devrait donner un chèque en blanc puis dire : Bien
oui, laissons ça comme ça puis continuons?
C'est ce à quoi l'État québécois a été confronté. Et je vous référerais au
chroniqueur Boisvert qui avait indiqué, dans une chronique précédente,
le coup de force de la Cour du Québec. Mettons les parlementaires devant le fait accompli, mettons l'État québécois
devant le fait accompli : sous le vocable de l'indépendance judiciaire,
nous décidons de diminuer unilatéralement
notre prestation de travail. Non pas que nous ne comprenons pas la complexité
des dossiers en matière criminelle, mais l'effet corrélatif de cette
décision-là, c'est là. Il y a des discussions qui se sont entamées pour dire à la Cour
du Québec, et j'en suis :
Reportez votre décision, nous allons travailler ensemble pour faire en sorte de
faire atterrir les choses. Refus obstiné, sans cesse et sans cesse. Le ministre
de la Justice décide, ultimement, de s'adresser à la Cour d'appel pour
avoir l'avis de la Cour d'appel, chose qui permet d'avoir un éclairage par des
tiers indépendants. Demande à la direction de la Cour du Québec de suspendre à
nouveau la mise en place en septembre 2022 — là,
on est en juillet 2022 — refus
obstiné, ça fait partie de la prérogative. Je demanderais à chacun des députés d'opposition, s'il se
retrouvait ministre de la Justice, est-ce que vous auriez laissé une telle
chose se produire? Arrive le facilitateur, mais, pendant ce temps-là,
c'est une décision de la Cour du Québec qui est financée, savez-vous par qui?,
par le Conseil de la magistrature.
Alors, je veux que ce soit bien clair,
l'intention du législateur, dans le cadre du projet de loi n° 26, est très
clairement une indication que les parlementaires doivent approuver le budget du
Conseil de la magistrature. Le Conseil de la magistrature n'est pas la petite caisse de la Cour du Québec. L'intégrité des fonds publics, elle est fondamentale, la
reddition de comptes à l'utilisation des fonds publics, elle est fondamentale.
J'ai
entendu le député de Saint-Henri—Sainte-Anne dire, selon l'interprétation du Conseil de la magistrature : Le
financement est assuré, il n'y aura aucune limite au financement du Conseil de
la magistrature. Pour être très clair, la réponse à votre question, c'est non.
Ce n'est pas ça, l'intention du législateur. L'intention du législateur est — et
avec l'amendement de la députée de Vaudreuil — que dans le cadre des
fonctions déontologiques du conseil, de la déontologie
judiciaire, un juge qui reçoit une plainte relativement à son comportement...
Effectivement, avec la députée de Vaudreuil,
il y aura les crédits votés du Conseil de la magistrature, et, par la suite, si
jamais il y avait des dépassements de coûts relativement, uniquement, à
la déontologie judiciaire, ils pourront être pris sur le fonds consolidé,
uniquement en matière de déontologie
judiciaire. Pour les autres aspects du conseil, le budget de fonctionnement, ce
n'est pas le cas, ça doit faire
l'objet d'un contrôle des parlementaires comme n'importe quel autre organisme.
Et c'est le cas aussi pour les tribunaux judiciaires, que ce soit la
Cour d'appel, la Cour supérieure et la Cour du Québec. Et il n'y a jamais eu
d'enjeu à ce niveau-là, mais c'est assujetti au contrôle des parlementaires.
Revenons, M. le
Président. La question des crédits votés, qui a-t-il... qu'est-ce qu'il y a de
problématique avec les crédits votés relativement au Conseil de la
magistrature? Parce qu'au fédéral, M. le Président, vous l'aurez noté, au fédéral, ce sont des crédits votés à
l'exception d'une petite partie où c'est de la rémunération notamment. Ici, c'est...
la rémunération des juges est déjà... fait déjà partie des crédits permanents.
Donc, il n'y a pas d'enjeu. Et on m'a fait
beaucoup le comparatif, avec les collègues de me dire : Écoutez, mais, au
fédéral, il y a une personne, là, avec laquelle on présente le budget,
là, comme ça à la magistrature. Écoutez, au Québec, le Conseil de la
magistrature est beaucoup plus indépendant, parce que le président du Conseil
de la magistrature gère ses propres ressources au niveau des ETC, gère son propre budget. Alors, l'espace, entre le
Conseil de la magistrature, et l'exécutif, et le législatif, et le
Parlement, est encore plus éloigné. Alors, notre modèle est encore mieux,
l'indépendance associée au conseil, elle est
beaucoup plus grande au Québec qu'au fédéral. Là, on parle du nombre de juges,
et puis tout ça, ça fait que vous gardez ça à l'esprit.
• (11 heures) •
Dans d'autres États
fédérés au Canada également, ce sont des crédits votés. Alors, lorsque mes
estimés collègues disent : On devrait prendre le temps, comme le souhaite
le Conseil de la magistrature, et je ne peux que noter l'influence du Conseil de la magistrature sur mes collègues... Nous
avons une responsabilité d'encadrer les dépenses, à l'exception de la
déontologie judiciaire, et je le réitère, uniquement pour des cas qui touchent
la déontologie des juges, et non pas l'ensemble des dépenses du Conseil de la
magistrature. Et je veux être très clair, M. le Président, malgré
l'indépendance judiciaire, il n'y a personne au Québec qui est au-dessus des
règles qui s'appliquent à la saine gestion des fonds publics et également aux
directives du Conseil du trésor lorsqu'on embauche des gens. C'est fondamental,
la confiance du public en est. Ce n'est pas parce qu'il y a un organisme de
déontologie qui est composé de membres de la
magistrature qu'ils ne doivent pas respecter les mêmes règles que l'ensemble du
corps étatique. Et là je ne vous parle pas du gouvernement, je vous parle de
l'État québécois comme un organisme. Bien entendu, le niveau d'indépendance du Conseil de la magistrature, il
est plus grand qu'un autre organisme de l'État qui se retrouve sous un
ministère. Cependant, les mêmes règles doivent s'appliquer en termes
d'intégrité des fonds publics.
Alors, c'est ce que
nous allons rechercher, aujourd'hui, avec le projet de loi. Moi, M. le
Président, quand je m'engage à quelque
chose, je le fais. Je me suis engagé à faire nommer 14 juges
supplémentaires, et c'est ce qu'il y a, notamment, dans le projet de
loi. Je m'étais engagé à faire en sorte que le gouvernement se désiste du
renvoi devant la Cour d'appel, c'est ce que j'ai fait, j'ai respecté l'entente.
Il est très clair que la Cour du Québec et les juges de la Cour du Québec, en chambre criminelle et pénale,
ont une responsabilité d'atteindre les objectifs des cibles de performance,
de réduire les délais, notamment, quant au
nombre de dossiers fermés. Et le ministère de la Justice va être un partenaire
là-dedans pour aider les gens.
M. le Président, la
bonne gouvernance, la transparence et la saine gestion des deniers publics est
importante. L'Assemblée nationale exprime la volonté du peuple, la volonté de
la nation québécoise, notamment, dans différents domaines, incluant la justice. Je ne peux que porter à l'attention de la
commission les différents recours et leurs coûts, qui ont été portés à l'attention du Conseil de la
magistrature lui-même : 409 345 $ pour le fait de nommer... en
fait, pour permettre d'afficher un
poste de juge qui ne contient pas l'exigence de la langue anglaise,
conformément à la loi n° 96. On
ne veut pas empêcher les justiciables québécois d'avoir recours aux tribunaux,
cependant, est-ce que toute personne qui ne maîtrise pas parfaitement la
langue anglaise, au moment de sa nomination, ne doit pas pouvoir accéder à la
magistrature? L'Assemblée nationale a déterminé certains critères pour faire en
sorte que, dans certains cas, oui, l'exigence
du bilinguisme, lors de l'affichage du poste, doit être présente, d'autres
fois, non. 686 490 $ pour contester la loi n° 96,
une loi qui a été adoptée ici et que même mon collègue de Saint-Henri—Sainte-Anne
a appuyée... bien, son parti, son parti.
280 000 $ dans le cadre du recours à la Cour supérieure, et
350 650 $ pour le renvoi à la Cour d'appel, plus de
500 000 $ utilisés sur des fonds publics pour maintenir la décision
que les juges siègent moins. Ce sont notamment
des dépenses du Conseil de la magistrature. Je pense que, tout ensemble, aujourd'hui,
on va faire oeuvre utile en adoptant
le projet de loi. Et les constitutionnalistes nous l'ont dit, il exerce des
limites dans notre démocratie. Le législatif a certaines limites,
l'exécutif a certaines limites, mais le judiciaire aussi. Et il ne faut pas
utiliser les prétextes de dire : Avec
l'indépendance judiciaire, nous sommes complètement indépendants, nous n'avons
aucun compte à rendre, parce que ça m'inquiète pour le futur
relativement à la confiance du public dans nos institutions.
Cela
étant, M. le Président, je veux rassurer l'ensemble des parlementaires, nous
collaborons avec le Conseil de la magistrature et nous continuerons de
collaborer avec le Conseil de la magistrature. Nous avons adopté le projet de
loi n° 8 avec des mesures de reddition de comptes qui étaient accueillies
assez froidement au départ. Mais, manifestement, nous constatons que maintenant c'est plus... c'est
accueilli plus chaleureusement. L'important, M. le Président, c'est la confiance des gens dans notre système de justice.
Il faut toujours se rappeler ça en tête. Et, lorsqu'on occupe des fonctions
administratives importantes, où est-ce qu'on gère des deniers publics, il est
toujours important de se rappeler que ce qui doit guider, c'est
l'intégrité, mais c'est aussi le service aux justiciables, avec les principes
constitutionnels que nous connaissons de séparation des pouvoirs et
d'indépendance judiciaire. Et je serai toujours, M. le Président, le premier à
défendre l'indépendance judiciaire.
Cela étant, et comme le disait certains, il n'y
a pas de pouvoir sans limites. Et le Parlement, aujourd'hui, exprime sa volonté très clairement. Et cela n'a
pas pour effet d'entraver les compétences et la mission du Conseil de la
magistrature en matière de déontologie judiciaire, il faut être très clair à ce
niveau-là, mais ce n'est pas un bar ouvert.
Et je tiens à le réitérer, M. le Président, il
n'y a pas de guerre, il y a simplement le désir de faire en sorte que les choses soient faites dans l'ordre, de faire en
sorte que les fonds publics soient gérés avec toute la diligence requise
et de faire en sorte également que ce soit les justiciables dans notre système
qui soient priorisés.
Alors, sur
ce, M. le Président, je remercie les membres de la commission. Je pense qu'on vient
assurer la bonne gouvernance de nos institutions. Parce que le Conseil de la
magistrature, c'est une institution québécoise, c'est une institution qui fait partie de l'État. Elle n'est
pas en vase clos, elle existe par le souhait et la volonté des parlementaires.
Alors, on vient apporter certains ajustements. J'espère que la voix des
parlementaires sera entendue et que les gens qui
sont concernés prendront acte de la volonté des parlementaires de se conformer
aux lois qui sont votées ici, à cette Assemblée.
Alors, M. le
Président, je remercie les collègues. Je pense que nous réussirons à donner de
l'aide et de l'accompagnement à la Cour du Québec, avec le projet de
loi, avec des nouveaux collègues qui seront motivés et qui auront à coeur de
réduire les délais judiciaires, d'entendre des dossiers et de venir épauler les
membres de la magistrature qui travaillent fort. Et ça, je dois le dire, M. le
Président, et on ne le dit pas suffisamment, le travail de juge à la Cour du
Québec, notamment en chambre criminelle et pénale, c'est un travail qui est
dur, qui est aride. Ce sont des gens qui
sont dévoués pour le système de justice, qui travaillent des heures et des
heures, qui n'ont pas un travail qui est facile car ils doivent rendre des
décisions en pondérant l'intérêt de chacun en fonction du droit. Et je tiens à
saluer leur travail.
Malheureusement,
au cours de la dernière année, il y a beaucoup de choses qui se sont dites,
mais je tiens à les assurer de mon soutien indéfectible dans le cadre de leur
mission, dans le cadre de leurs fonctions et de soutenir l'autorité des
tribunaux. Ça fait partie de mon rôle en tant que ministre de la Justice, et
j'y crois. Cependant, j'ai également la responsabilité de m'assurer de la saine gestion des fonds publics et également
que le tout soit fait dans l'intérêt collectif, en tout respect des
principes constitutionnels qui nous gouvernent.
Alors, M. le Président, je remercie l'ensemble
des personnes qui ont contribué au projet de loi. Et ça fait oeuvre utile, en ayant crédits votés, M. le
Président, ça permettra à mes collègues parlementaires, justement, d'avoir une
part plus importante dans ce processus démocratique. Je vous remercie, M. le
Président.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup, M. le ministre.
À mon tour de vous remercier toutes et tous.
La commission
ayant accompli son mandat ajourne ses travaux au jeudi 8 juin, à
13 heures, où elle va se réunir en séance de travail. Merci. Belle
journée. Merci.
(Fin de la séance à 11 h 09)