To use the Calendar, Javascript must be activated in your browser.
For more information

Home > Parliamentary Proceedings > Committee Proceedings > Journal des débats (Hansard) of the Commission permanente de l'industrie, du commerce et du tourisme

Advanced search in the Parliamentary Proceedings section

Start date must precede end date.

Skip Navigation LinksJournal des débats (Hansard) of the Commission permanente de l'industrie, du commerce et du tourisme

Version finale

32nd Legislature, 3rd Session
(November 9, 1981 au March 10, 1983)

Wednesday, November 10, 1982 - Vol. 26 N° 192

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Auditions en vue de la révision de l'orientation de SIDBEC


Journal des débats

 

(Dix heures dix-huit minutes)

Le Président (M. Rochefort): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission élue permanente de l'industrie, du commerce et du tourisme entreprend ses travaux ce matin aux fins d'entendre certaines représentations en vue de revoir l'orientation de SIDBEC.

Les membres de la commission sont les suivants: MM. Baril (Rouyn-Noranda-Témiscamingue), Biron (Lotbinière), Dussault (Châteauguay), Fortier (Outremont), Perron (Duplessis), Charbonneau (Verchères), Leduc (Saint-Laurent), Lincoln (Nelligan), Paré (Shefford), Martel (Richelieu) et Ciaccia (Mont-Royal).

Peuvent aussi intervenir: MM. Beaumier (Nicolet), Paradis (Brome-Missisquoi), Mme Harel (Maisonneuve), MM. Champagne (Mille-Îles), Scowen (Notre-Dame-de-Grâce), Grégoire (Frontenac), Kehoe (Chapleau), Tremblay (Chambly) et Vaillancourt (Orford).

Est-ce qu'il y a une proposition pour nommer un rapporteur de la commission?

M. Biron: M. Perron.

Le Président (M. Rochefort): M. Perron est suggéré. Consentement, adopté.

Avant d'ouvrir les travaux, M. le leader parlementaire du gouvernement.

M. Bertrand: Oui, M. le Président. Tout en remerciant notre collègue, le député de Mont-Royal, à qui j'en ai glissé un mot avant que nous n'entreprenions nos travaux, il serait possible, malgré le fait que le règlement normalement ne nous le permettrait pas, de siéger ce soir. L'Opposition donnerait son accord - étant donné qu'il y a évidememnt beaucoup de gens qui viennent de très loin, de la CÔte-Nord, qui se sont déplacés - pour que la commission puisse siéger ce soir de 20 heures à 22 heures et si nécessaire, de consentement, aussi poursuivre ses travaux au-delà de 22 heures.

M. Ciaccia: Nous sommes d'accord, M. le Président.

Le Président (M. Rochefort):

Consentement.

M. Ciaccia: Consentement.

Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: M. le Président, pendant que nous sommes sur la question des règlements et de l'ordre du jour, est-ce que vous pourriez nous indiquer l'ordre des intervenants? On a reçu une liste des intervenants qui comparaîtraient devant la commission, hier et aujourd'hui, et il y a eu quelques changements. Est-ce qu'on pourrait nous indiquer dans quel ordre ils vont comparaître?

Le Président (M. Rochefort): L'ordre qu'on m'a remis pour la journée d'aujourd'hui est le suivant. Le premier intervenant serait M. Jacques E. Astier, expert en sidérurgie; le deuxième intervenant serait la société SIDBEC et le troisième intervenant serait la ville de Contrecoeur.

M. Ciaccia: Si je comprends bien, hier, on nous avait indiqué une liste selon laquelle le regroupement municipal des villes de Gagnon et de Port-Cartier comparaîtrait aujourd'hui. Est-ce que vous avez changé, est-ce que cela a été modifié?

Le Président (M. Rochefort): Je n'ai pas vu cette liste-là. Celle que j'ai vue, c'est celle qu'on m'a remise ce matin.

M. le ministre.

M. Biron: Du consentement de la ville de Contrecoeur, qui était prête à comparaître ce soir, alors que les gens de Port-Cartier nous ont demandé d'attendre demain. Demain, Port-Cartier comparaîtra après les Métallurgistes unis d'Amérique qui commenceront la journée, demain matin.

M. Ciaccia: Alors, c'est à la demande des parties.

M. Biron: Oui.

M. Ciaccia: Merci.

M. Charbonneau: Juste sur cela, M. le Président...

Le Président (M. Rochefort): M. le député de Verchères.

M. Charbonneau: C'est parce que je ne vois pas les gens de Contrecoeur dans la

salle, à moins qu'ils ne soient ici. Est-ce qu'on est bien certain que ces gens-là ont été avisés et qu'ils doivent être ici ce soir?

Le Président (M. Rochefort): On m'informe que oui.

M. Charbonneau: Bon.

M. Fortier: M. le Président...

Le Président (M. Rochefort): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: ... les maires de Gagnon et les autres villes de la Côte-Nord m'ont indiqué qu'ils s'attendaient à présenter leurs mémoires ce matin. Quand on dit que c'est à la demande des parties, je n'en suis pas tout à fait certain. S'il y a eu entente, nous sommes prêts à nous incliner.

M. Biron: Les gens de la Côte-Nord nous ont demandé de retarder à demain matin.

Le Président (M. Rochefort): Ça va?

Alors, M. le ministre, vos commentaires d'ouverture.

Remarques préliminaires M. Rodrigue Biron

M. Biron: M. le Président, je veux d'abord remercier tout le monde qui est ici, mes collègues des deux côtés de la table pour être ici ce matin et demain. On va essayer ensemble de faire le tour d'un dossier qui est plus qu'important à la fois pour le gouvernement du Québec, pour les travailleurs concernés et les populations concernées.

Le Conseil des ministres a décidé de convoquer la commission de l'industrie, du commerce et du tourisme afin d'entendre les représentations qui pourraient lui être faites en vue de redéfinir l'orientation de SIDBEC. La tenue de cette commission montre combien le gouvernement est préoccupé par les problèmes de cette société d'État. Il s'agit pour nous d'examiner, durant ces deux jours, quels moyens pourraient être envisagés, quelles solutions pourraient être apportées et même quelles nouvelles orientations pourraient être données à SIDBEC pour lui permettre de s'établir sur de nouvelles bases, afin qu'elle puisse se comporter comme toute autre entreprise normale dans l'économie.

Je ne m'étendrai pas sur l'historique de SIDBEC, il est maintenant bien connu. Rappelons seulement que, depuis la création de SIDBEC en 1964 et le rachat de certaines installations de Dosco en 1968, il y a eu deux grandes décisions stratégiques qui nous ont conduits à la situation d'aujourd'hui. La première décision stratégique a consisté, entre 1969 et 1973, à développer une capacité interne de production d'acier, laquelle n'existait pratiquement pas chez SIDBEC, afin d'alimenter en semi-produits les laminoirs provenant de Dosco. L'investissement avait été à l'époque de quelque 116 000 000 $.

La deuxième décision qui fut définitivement arrêtée en 1975 consista à développer le secteur minier. À la fin de 1977 débutait la production de boulettes de minerai de fer par SIDBEC-Normines, filiale de SIDBEC à 50,1% et dont British Steel et la compagnie minière Québec-Cartier possèdent respectivement 41,7% et 8,2% des actions. Les mêmes partenaires se sont engagés à acheter la production de SIDBEC-Normines dans cette même proportion.

En 1976, en 1977 et en 1979, le gouvernement a acquis du capital-actions de SIDBEC aux montants respectifs de 108 000 000 $, de 115 000 000 $ et de 150 000 000 $ pour un grand total de 373 000 000 $, injectés par le gouvernement depuis 1976, pour des besoins de trésorerie, des investissements destinés à l'entretien des instruments de production en place et aussi pour l'achat de la mini-aciérie Questeel de Longueuil.

La dernière modification à la loi de SIDBEC en décembre 1979 visait également à modifier le mandat de cette société pour supprimer l'objectif d'une sidérurgie intégrée qui lui avait été conféré lors de sa formation. Cette modification était assortie, conformément à la décision du Conseil des ministres du 28 novembre 1979, d'une demande à SIDBEC de soumettre un plan de redressement proposant au gouvernement les orientations à prendre pour rentabiliser l'entreprise.

A cet effet, la nouvelle direction de SIDBEC qui a été nommée à l'automne 1979 a soumis deux documents: l'un en septembre 1980 portant sur la réorganisation et la gestion interne de la compagnie; l'autre en février 1981 traitant des problèmes structurels qui, par leur importance, requièrent l'intervention de l'actionnaire.

Dès mon entrée en fonction, à titre de ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, je faisais part à SIDBEC de mes réactions lesquelles visaient essentiellement à obtenir plus de précisions sur les orientations alors proposées et à évaluer l'incidence de ces propositions pour le gouvernement.

En août 1981, au cours d'une séance de deux jours à Montréal, j'ai eu l'occasion d'approfondir avec la direction de SIDBEC les différents documents soumis et ce, en présence de membres du conseil d'administration et de quelques députés. J'ai alors demandé, vu l'importance des problèmes structurels exposés, des études chiffrées et approfondies sur toutes les hypothèses de

solutions envisageables, y compris la fermeture de certaines unités de production.

C'est ainsi que la direction de SIDBEC m'a fait parvenir, au début d'octobre, un dossier complet concernant le laminoir à fil machine. De plus, j'ai reçu de SIDBEC, en novembre 1981, des notes complémentaires au plan de redressement qui faisaient état d'un certain nombre d'hypothèses de solution aux problèmes découlant de l'implication de SIDBEC dans SIDBEC-Normines. Un dossier plus complet concernant les opérations minières m'a été transmis pour fins d'information en avril 1982.

En mai 1982, nous recevions également le plan de redressement des opérations manufacturières. Ce document ainsi que les autres documents relatifs aux opérations minières et à la structure financière de SIDBEC ont été étudiés au conseil d'administration du 7 juin 1982. J'ai d'ailleurs eu l'occasion, au cours d'une séance spéciale sur SIDBEC, en commission parlementaire, ici même, de répondre à de nombreuses questions de l'Opposition concernant ce dossier. Enfin, en juin 1982, j'ai reçu du conseil d'administration de SIDBEC une synthèse de la stratégie globale de redressement de l'entreprise; c'est cette stratégie que le président de SIDBEC vous présentera en détail au cours de cette commission.

Entre-temps, les états financiers intérimaires du premier trimestre de 1982 des diverses compagnies sidérurgiques témoignaient d'une importante détérioration de la situation économique qui, tant sur le continent nord-américain qu'en Europe ou au Japon, a bouleversé les perspectives du secteur de l'acier. Cette situation n'a cessé de se détériorer depuis. On estime la capacité de la production mondiale de minerai de fer à 960 000 000 de tonnes pour 1982, alors que la demande ne dépassera pas 800 000 000 de tonnes. Il y aura donc un surplus mondial de capacité de production de minerai de fer de plus de 150 000 000 de tonnes et, malgré cela, le Brésil et l'Australie continuent à développer des projets miniers d'envergure qui déplacent les producteurs actuels de minerai de plus faible teneur tels que le nôtre.

Quant à elle, la capacité de production mondiale d'acier est de 900 000 000 de tonnes, mais la production stagne depuis 1974. En 1982, il ne se produit que 660 000 000 de tonnes, soit un excédent de capacité installée de 240 000 000 de tonnes. Ce sont surtout l'Amérique du Nord, le Japon et la Communauté économique européenne qui sont touchés par les baisses de la production. C'est ainsi qu'aux États-Unis, depuis le commencement de l'année 1982, plus de 100 000 travailleurs de l'acier sont sans emploi. Les aciéries ont fonctionné à 54% de leur capacité pendant les six premiers mois, pour tomber à environ 40% depuis le mois d'août, et 90% des mines de fer des dix plus importants producteurs aux États-Unis ont été fermés. Au Canada, la situation n'est guerre plus reluisante. Sept hauts fourneaux sur seize étaient arrêtés en mai 1982. Les usines de bouletage américaines et canadiennes sont plus particulièrement affectées par cette crise. La capacité de production n'est utilisée qu'à 44%. Vous aurez d'ailleurs l'occasion d'entendre un expert en ce qui a trait aux perspectives économiques du fer et de l'acier, M. Jacques Astier.

La détérioration de la situation économique s'est reflétée rapidement chez SIDBEC par une dégradation dramatique de sa situation financière. Depuis le début de son existence, SIDBEC a toujours eu des activités déficitaires, à l'exception des années 1969 et 1974. Jusqu'à ces dernières années, le niveau actuel de ce déficit était maintenu dans les limites que pouvaient justifier les retombées économiques pour le Québec. Depuis 1980, toutefois, le déficit annuel s'est fortement accru, passant de 55 000 000 $ en 1980 à 61 000 000 $ en 1981; il atteindra plus de 150 000 000 $ à la fin de 1982. (10 h 30)

J'ai fait état de cette situation et des recommandations du conseil d'administration de SIDBEC au comité ministériel du développement économique ainsi qu'au Conseil des ministres à la fin de juin. Ce dernier confia à un comité interministériel de sous-ministres le soin de préparer une stratégie gouvernementale concernant l'avenir de SIDBEC après avoir analysé l'impact économique des différentes options étudiées par SIDBEC. Le rapport de ce comité a été déposé au Conseil des ministres en septembre dernier. Je profite de l'occasion pour en déposer une copie pour les membres de cette commission parlementaire. À ce sujet...

Le Président (M. Rochefort): Je comprends, M. le ministre, que c'est un document pour distribution. Merci.

M. Biron: Pour l'information des membres, oui.

À ce sujet, une mise en garde s'impose, car certains chiffres qui ont été véhiculés un peu partout ne sont pas toujours comparables, parce que les hypothèses de base qui ont présidé à leurs calculs ne sont pas toujours les mêmes. Devant l'importance et la nécessité d'un réaménagement profond à la structure de SIDBEC, j'ai engagé depuis plusieurs mois des consultations avec la direction et les travailleurs de SIDBEC ainsi qu'avec d'autres intervenants. Ces consultations ont donné lieu à de nombreuses interprétations ainsi qu'à plusieurs déclarations.

Pour éviter tout malentendu, je veux clairement indiquer ici que le gouvernement n'a pas pris encore de décision concernant l'avenir de SIDBEC et de SIDBEC-Normines. Nous sommes donc réunis pour étudier les recommandations du conseil d'administration de SIDBEC, que je voudrais vous citer in extenso.

Extrait du procès-verbal de l'assemblée du conseil d'administration de SIDBEC tenue le 7 juin 1982. Première résolution: Résolu d'adopter la stratégie suivante de redressement de l'entreprise découlant des stratégies de redressement sectoriel. Premièrement, SIDBEC doit être autorisée à se délester très rapidement du fardeau que constitue sa participation dans SIDBEC-Normines Inc., par la vente à des tiers de sa quote-part du capital-actions de celle-ci. Parallèlement, elle doit pouvoir explorer en profondeur l'hypothèse de rechange que constituerait la fermeture de la mine du lac Fer, assortie d'une garantie d'approvisionnement de minerai de fer du Mont-Wright, d'une rationalisation des opérations et des services et d'un réaménagement des participations respectives des partenaires.

Dans l'éventualité où le premier scénario ne s'avérerait pas réalisable à courte échéance et que le deuxième ne justifierait pas financièrement le maintien des opérations de la filiale à long terme, le gouvernement devra se résoudre sans délai à autoriser SIDBEC à négocier avec ses partenaires l'abandon complet et définitif des opérations de SIDBEC-Normines Inc.

Deuxièmement, le secteur des produits longs constitue pour SIDBEC une force réelle et importante sur laquelle l'entreprise doit impérativement capitaliser. Ce secteur regroupe les équipements les plus modernes; il dessert un marché stable et très rentable dont SIDBEC possède une part importante. Afin de pouvoir exploiter efficacement ces avantages, l'entreprise doit s'assurer l'accès à une quantité additionnelle de fil machine; l'amélioration du laminoir existant qui, au coût d'environ 70 000 000 $ à 75 000 000 $, dollars de 1981, ajouterait une capacité de 160 000 tonnes et améliorerait techniquement et commercialement le produit, est indispensable. La signature d'un contrat de laminage à façon de billettes de SIDBEC en fil machine avec un compétiteur pourrait constituer une option à moyen terme. La réalisation d'un tel projet demeure très problématique et comporte de nombreuses embûches et difficultés, notamment au plan de la protection des marchés et de la technologie. La possibilité d'une entente avec le seul partenaire potentiel connu devrait être précisée à la fin de juin.

Troisièmement, la fermeture du secteur des produits plats est inévitable à court terme et doit être décidée et planifiée avec diligence. Elle implique un réaménagement en profondeur des équipements et des services de l'entreprise et l'abandon d'autres opérations non rentables. Elle doit aussi s'assortir d'une volonté de l'actionnaire de développer le secteur des produits longs et de le rendre hautement compétitif. Le moment propice demeure à déterminer et dépendra, d'une part, du résultat des analyses et des études en cours et, d'autre part, du règlement du problème de SIDBEC-Normines Inc. En raison de la sous-utilisation de la capacité de production d'acier liquide qui en découlera, il semble d'ores et déjà peu indiqué cependant d'abandonner la production des produits plats avant que ne soit effectuée l'expansion de celui des produits longs. Les deux opérations doivent être synchronisées.

Quatrièmement, le marché des tuyaux et des profilés creux est très rentable. Il offre en plus des perspectives de croissance très intéressantes. Il est donc important pour SIDBEC d'opérer un secteur autonome de tuyaux et de profilés creux en maintenant l'opération de la tuberie actuelle à soudure continue et en implantant, si c'est financièrement possible, une nouvelle tuberie à soudure par résistance électrique à un coût entre 50 000 000 $ et 60 810 000 $, dollars de 1981. Dans l'éventualité où la fermeture du secteur des produits plats serait écartée ou différée, pour une raison ou pour une autre, un tel projet devient indispensable, car il serait seul susceptible d'améliorer de façon significative le rendement du secteur et d'en prolonger la durée pour quelques années encore.

Cinquièmement, un des deux modules de l'usine de réduction directe devra être fermé.

Sixièmement, l'actionnaire devra rationaliser la structure financière.

C'était, M. le Président, la première résolution adoptée par le conseil d'administration de SIDBEC le 7 juin 1982. La deuxième résolution adoptée à la même séance disait ceci: Attendu que la statégie d'entreprise énoncée ci-haut a été conçue pour assurer la viabilité de l'entreprise dans sa condition actuelle de société d'État; attendu qu'il est une autre stratégie d'entreprise qu'il est fortement recommandé au gouvernement du Québec de considérer très sérieusement, à savoir la vente de la totalité des actions de SIDBEC à l'entreprise privée, préférablement à un aciériste nord-américain en quête d'une garantie d'approvisionnement de boulettes; attendu que cette option comporte en soi des avantages nombreux et déterminants au plan de la rentabilité et partant de la viabilité de l'entreprise; il est résolu de demander au gouvernement du Québec que la direction de SIDBEC soit autorisée, par mandat

spécifique, à entamer des pourparlers relativement à la vente de la totalité des actions de SIDBEC à l'entreprise privée, parallèlement et simultanément à la mise en oeuvre de la stratégie de redressement de l'entreprise recommandée ci-haut.

M. le Président, encore une fois pour l'information des membres de la commission, je voudrais faire circuler copie de cette résolution adoptée par le conseil d'administration de SIDBEC. C'est d'ailleurs sur ces recommandations du conseil d'administration de SIDBEC et sur les impacts socio-économiques que cela peut comporter pour les populations concernées que la commission parlementaire doit questionner, étudier et, finalement, en bout de piste, le gouvernement devra prendre une décision.

Le président de SIDBEC par ailleurs aura l'occasion de vous faire part en détail des derniers compléments d'information qu'il a reçus depuis. Bien qu'aucune option n'ait encore été retenue par le gouvernement, il est clair que ce dernier ne peut plus continuer à assumer des déficits dont l'ampleur va grandissant. Des options moins coûteuses doivent être trouvées. C'est pourquoi la tenue de cette commission parlementaire décidée par le Conseil des ministres revêt tant d'importance. Elle devra constituer un arbitrage optimal de trois objectifs qui sont au coeur même de mes fonctions.

D'abord, comme ministre de tutelle de SIDBEC, j'estime qu'il faut profiter de cet important virage pour corriger au maximum les vices et déséquilibres structurels de SIDBEC. Il faut sortir de cet exercice avec une entreprise saine qui pourra par la suite se développer comme toutes les entreprises, c'est-à-dire en s'autofinançant de façon normale. Deuxièmement, le scénario à retenir devra, pour des raisons évidentes, permettre à un nombre maximal de travailleurs de SIDBEC de conserver leur emploi. Troisièmement, en tant que ministre responsable de l'industrie, il me faut faire en sorte qu'on maintienne au Québec une aciérie qui pourra assurer sur une base rentable un appui stratégique au développement des autres secteurs de l'industrie secondaire. Il est clair que l'orientation qui sera retenue fera appel à la volonté de survivre de tous les intervenants au dossier: les travailleurs de SIDBEC et de SIDBEC-Normines, les cadres, les partenaires, voire les fournisseurs. Ce n'est qu'au prix d'une mobilisation concertée de toutes les énergies que nous pourrons dégager une solution qui fera de SIDBEC une entreprise saine et viable, une entreprise qui saura produire de façon rentable dès qu'il y aura reprise économique.

Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le député de Mont-Royal.

M. John Ciaccia

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. J'ai l'impression que nous en sommes à un point très critique du développement économique du Québec. Nous vivons des moments très difficiles et les pertes de SIDBEC inquiètent certainement toute la population. J'ai l'impression que nous approchons le moment de la vérité, pour notre économie, dans ce dossier. On se pose la question: Que devons-nous faire? Quelles mesures devrons-nous prendre? Nous sommes tous, je crois, conscients de nos responsabilités. SIDBEC n'est pas seulement un problème pour le gouvernement. C'est un problème pour chacun de nous, car cela touche non seulement les personnes directement impliquées, mais cela touche tous les espoirs d'une population. Et je pense que cela, c'est important de le souligner, on ne peut pas l'ignorer. Et que veut dire SIDBEC? La question des chiffres est importante, mais ce n'est pas la seule. La seule présence du ministre des Finances souligne l'importance financière de SIDBEC. Mon collègue d'Outremont dit: Ce n'est pas tous les jours qu'on le voit en commission parlementaire. Ce sont des sujets très importants et financiers qui touchent le trésor, mais je voudrais m'attarder un peu plus sur l'historique.

Je pense qu'on ne peut pas ignorer cet aspect. On doit comprendre l'historique pour juger les solutions envisagées aujourd'hui. Il y a près de 20 ans, le premier ministre d'alors, M. Jean Lesage, estimait qu'il était essentiel pour son développement que le Québec soit présent dans le secteur des industries lourdes, l'industrie de l'acier notamment. C'est donc le 19 août 1964 que l'honorable Jean Lesage déclarait: "Fermement convaincus des avantages économiques que la province est appelée à retirer d'un complexe sidérurgique intégré, le gouvernement du Québec et la Société générale de financement viennent de conclure à cette fin un accord de principe. La SGF verra immédiatement à faire constituer une compagnie ayant pour objet l'établissement d'une sidérurgie au coût total estimé à environ 225 000 000 $." En créant SIDBEC, le gouvernement de M. Lesage voulait d'abord que le minerai de fer du Québec soit transformé en acier primaire au Québec même et visait à renforcer la structure de notre industrie secondaire.

Qu'il suffise de rappeler que l'établissement d'une sidérurgie québécoise était devenu à l'époque le sujet le plus discuté, tout comme l'avait été un peu plus tôt la nationalisation de l'électricité. Et au moment même, dans un article paru dans le magazine Maclean, article très étoffé d'Adèle Lauzon... Plusieurs personnalités représentatives du milieu québécois

souhaitaient l'établissement de l'industrie sidérurgique québécoise. Il y avait M. Paul-Émile Robert, président de la Société Saint-Jean-Baptiste qui regroupait alors 290 000 membres. M. Robert déclarait: "Maintenant que la nationalisation de l'électricité et la Société générale de financement sont des faits accomplis, le temps est venu d'établir notre industrie sidérurgique." Il ajoutait "L'industrie lourde fait défaut au Québec, la première exigence conditionnant l'aménagement d'une telle industrie réside dans la disponibilité et la proximité de la matière première. Eh bien, une sidérurgie ferait rapidement graviter autour d'elle une foule d'industries secondaires de produits finis aux semi-finis. D'autre part, les enquêtes récentes démontrent l'existence d'un marché qui justifie l'établissement d'une industrie sidérurgique."

Il y a eu d'autres personnes. Le financier Jean-Joffre Gourd croyait que "Opter pour la création d'un complexe sidérurgique contrôlé par l'État constituerait, à mon avis, la seule solution dans ce domaine capable de contribuer à l'émancipation économique des Canadiens français". Enfin, Maurice Labelle, alors président de la Chambre de commerce du Québec, se réjouissait que "la Chambre de commerce de la province de Québec fût à l'avant-garde pour promouvoir l'idée de l'établissement de l'industrie sidérurgique au Québec". En effet, on en discutait déjà lors de son congrès à la Malbaie en 1948 et, le 23 mai 1961, elle était la première association du Québec à soumettre au gouvernement provincial un mémoire démontrant, statistiques à l'appui, le rôle que pourrait jouer une telle industrie chez nous. La chambre soulignait plusieurs facteurs favorables à l'établissement d'un complexe sidérurgique au Québec.

De tout temps, les hommes publics et le gouvernement québécois ont cru dans ce projet. Il y eut d'abord Jean Lesage, puis, bien sûr, René Lévesque, à qui la rumeur publique prêtait, en septembre 1964, l'intention de démissionner de son poste de ministre si on ne lui donnait pas l'assurance qu'un complexe sidérurgique appartenant à l'État serait établi au Québec. Ce fut alors le tour de Daniel Johnson qui, en 1968, présenta la loi no 66 afin de permettre à SIDBEC d'établir un complexe sidérurgique intégré. Le gouvernement de M. Robert Bourassa, en 1976, par une loi, garantissait le paiement des sommes d'argent payables par la compagnie par suite de l'inexécution de ses obligations, enfin, plusieurs contrats visant l'acquisition, la construction, l'exploitation et le financement d'un complexe industriel d'exploitation minière dans la région de Fire-Lake, lac Jeannine, Gagnon et Port-Cartier, et continua de soutenir ce projet collectif.

Si j'ai bien lu le procès-verbal, dans le journal des Débats du 3 juin, on m'informe que ce contrat a été négocié par l'administration de M. Bourassa, mais le signataire du contrat est le présent ministre des Finances, M. Jacques Parizeau.

Enfin, le gouvernement, en 1979, présenta une loi qui changea un peu l'orientation, les objectifs de SIDBEC, mais il s'est inscrit par le fait même dans la lignée de ses prédécesseurs. Nous y avons tous cru. Qu'est devenu ce beau rêve, ce grand projet, ce moteur économique dont nous avions tant besoin? (10 h 45)

On peut se poser la question, à savoir si les efforts de toute une génération de bâtisseurs pour doter le Québec d'une structure industrielle solide et pour développer un secteur secondaire dynamique ont été gâchés à jamais.

Il serait dommage de chercher à blâmer tout le monde. Cependant, si nous examinons la situation, surtout depuis 1980, nous devons nous poser certaines questions sur le manque d'action de ce gouvernement qui a démontré une certaine négligence et une certaine irresponsabilité dans le dossier. J'entendais le ministre nous donner toutes les étapes depuis que lui-même est devenu ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, qu'il a hérité de certains rapports, de certaines situations. Le Conseil des ministres demandait à SIDBEC, le 28 novembre 1969, de préparer un plan de développement et, en septembre 1980, le président de SIDBEC déposa un premier plan de redressement. La direction de SIDBEC a identifié dans ce plan les problèmes majeurs qui existaient et nuisaient au développement et à la rentabilité de SIDBEC. En septembre 1980, le gouvernement s'est fait dire certaines vérités. Je vais citer le rapport de 1980.

Voici ce que SIDBEC disait au gouvernement: "Les facteurs déterminants de la situation, un souci inadéquat de certaines fonctions aussi fondamentales que le marketing, les contrôles internes qui comprenaient les coûts budgétaires et autres et les relations ouvrières." Je continue à citer: "Une carence dans l'information de gestion: prix de revient, coûts, données statistiques." Ils ont souligné: "Les écarts de rentabilité avec ses concurrents indiquent néanmoins des faiblesses structurelles importantes." Ils ont dit au gouvernement, et je cite: "La vocation de SIDBEC est de fabriquer des produits de l'acier et de les vendre à profit. La vocation ne comprend donc pas, en principe, la commercialisation de boulettes telle que le fait SIDBEC actuellement."

Ils ont dit et je cite: "II existe un déséquilibre majeur entre l'engagement de SIDBEC d'acheter 50% de la production, environ 3 000 000 de tonnes, et sa capacité

de consommation optimale, environ 1 700 000 tonnes." Ils ont dit: "SIDBEC est forcée de commercialiser l'excédent dans un marché international fortement déprimé. L'actionnaire devrait normalement privilégier l'option de se départir d'une partie de son capital-actions." Et SIDBEC a souligné certaines recommandations quant à l'exportation manufacturière de l'entreprise. Ce sont toutes des choses que SIDBEC a portées à l'attention du gouvernement en 1980. "Dans les fils - elle a parlé des fils -son secteur le plus rentable, l'entreprise est en perte de vitesse depuis plusieurs années." Je cite: "La consolidation des activités ne résulterait, au mieux, sans investissement majeur, qu'au maintien de la rentabilité au niveau actuel." Et je continue: "Dans les plats, l'entreprise est largement déficitaire. Sa position marginale actuelle ne peut que s'affaiblir encore plus au cours des prochaines années. La fermeture du secteur ne ferait qu'augmenter davantage le manque à gagner. Seule la spécialisation ou l'expansion du secteur, avec investissement important, pourrait changer la situation." Et voici ce qu'ils ont encore souligné: "Donc, dans l'hypothèse du statut quo, l'entreprise est condamnée globalement à régresser dans le marché." Ce sont, en 1980, les problèmes fondamentaux soulignés à l'attention du gouvernement.

En février 1981, le président, M. De Coster, déposa un autre rapport. Voici ce qu'il disait: "L'entreprise est maintenant à une croisée de chemins. Le statu quo est inacceptable car il entraînera une détérioration rapide d'une situation déjà problématique, comme le ferait d'ailleurs l'application de demi-mesures. Des décisions cruciales doivent être prises maintenant par l'actionnaire en regard de ses orientations et de son développement, et des gestes drastiques devront être posés." Cela, c'est en février 1981.

Il a dit et je cite encore le rapport de février 1981: "Toutes ces décisions ont contribué, à des degrés divers, à engendrer -il a fait un historique de ce qui s'était produit à SIDBEC - des problèmes structurels de taille qui requièrent d'urgence, de la part de l'actionnaire, des correctifs à leur mesure." Il a énuméré certains des problèmes. L'un d'entre eux, c'est l'implication de SIDBEC dans SIDBEC-Normines, l'ampleur des engagements contractés en regard de ses besoins, tant à l'usine de bouletage qu'au concentrateur. Il a aussi dit, et je cite le rapport de M. De Coster: "II est bon d'établir au départ que les difficultés que SIDBEC rencontre à ce chapitre n'ont rien à voir avec l'efficacité des opérations de la mine ou de l'usine de bouletage ou de concentration. Au contraire, SIDBEC-Normines a réussi sans difficulté les nombreuses et contraignantes épreuves de parachèvement et de performance que lui imposaient les bailleurs de fonds par le biais de l'acte de fiducie."

Alors, la première question qu'on peut se poser, M. le Président, c'est: Que faisait le gouvernement pendant ce temps? Pourquoi n'a-t-il pas agi en 1980 afin d'arrêter l'hémorragie financière? Il y avait des avertissements. On peut faire un peu le calendrier des événements. En septembre 1980, le plan de redressement. Là, il y avait des problèmes électoraux. Il y avait le problème constitutionnel. On s'inquiétait des résultats du référendum et on a mis en veilleuse le problème de SIDBEC. C'était un problème économique très important. On s'est concentré sur la charte des droits et d'autres problèmes d'importance capitale pour certains membres du gouvernement.

En février 1981, là, on a... Savez-vous ce que M. De Coster a dit en février 1981? "Malgré toutes les pirouettes effectuées - je cite son rapport de février - SIDBEC se trouve encore présentement dans une situation financière précaire qui ne lui permet pas de rencontrer ses obligations. Il semble à ce moment difficile, sinon impossible, d'obtenir un nouveau prêt bancaire, même avec garanties physiques, l'entreprise ne pouvant ni rencontrer les normes ni démontrer sa capacité de rembourser." Et, pour le bénéfice du député de Verchères, il y avait des problèmes sur les plats, il y avait des problèmes de mises à pied, mais on n'en a pas parlé en février 1981. Pourquoi? Il y avait une campagne électorale. On ne pouvait pas aller au peuple. On craignait de prendre des mesures correctives. On craignait de dire la vérité à la population, de dire: Écoutez, là, qu'est-ce qu'on va faire? On va agir sur les problèmes structurels, financiers et tous les autres.

Le ministre vient de nous parler de la conjoncture économique de 1982. Oui, elle est mauvaise. C'est un tableau très sombre qu'il nous a dépeint, ce qui se passe en 1982: les mises à pied, les aciéries, 45% de capacité de production et tout le reste. Mais, en 1980, quelle était la situation? Elle n'était pas aussi mauvaise. C'est vrai qu'on prévoyait certaines difficultés. Des mesures auraient pu être prises en 1980. On aurait pu épargner des congédiements, les mises à pied qu'on devra peut-être faire aujourd'hui. En 1980, on aurait pu prendre des mesures, on aurait pu intéresser les partenaires, le secteur privé, le refinancement et tout le reste. Mais le gouvernement n'a pas agi en 1980 pour des raisons électorales, des raisons ayant trait à l'intérêt du gouvernement plutôt qu'à l'intérêt de SIDBEC et à l'intérêt économique de la population, tenant compte de l'importance de SIDBEC.

Alors, qu'est-ce que le gouvernement nous propose 26 mois plus tard? Il y a un reproche qu'on doit faire ici au

gouvernement. J'ai écouté les propos du ministre qui nous assure ce matin qu'il n'est pas question que des décisions aient été prises. C'est beau d'être assuré de cela ce matin, mais, dans les derniers deux ou trois mois, ce n'est pas l'impression qui a été perçue dans la population. On a laissé planer des doutes. Des documents ont été préparés. Je remercie le ministre de déposer le rapport du comité interministériel, mais je dois vous dire que cela ne nous annonce rien. On a lu ce rapport, on sait ce qu'il contient et la population aussi l'a lu dans les journaux.

Le ministre des Finances a fait des déclarations sur la chirurgie radicale possiblement. Mettez-vous dans la peau de ces gens de ces endroits sur l'insécurité et l'incertitude qu'on a causées; on ne savait pas à quoi s'attendre du jour au lendemain. Je pense que le gouvernement n'a pas le droit d'abuser de la population de cette façon. Ce que le ministre a dit ce matin, le gouvernement aurait dû le dire au commencement: Les décisions ne sont pas prises, restez tranquilles, on ira en commission parlementaire. On étudiera les dossiers et, après qu'on aura fait toute l'étude, on vous informera. On ne sèmera pas la panique auprès de la population pour venir leur dire après: Bien, voici, vous ne serez pas tous congédiés, on ne fermera pas la CÔte-Nord. On ne fermera pas la Baie-James. On ne fermera pas le Québec. Soyez satisfaits d'avoir deux, trois ou quelques centaines d'emplois. C'est une façon du gouvernement de négocier avec la population. Je le déplore et je pense que cela est inacceptable.

Dans le rapport du comité interministériel, on parle des coûts de 325 000 000 $ pour fermer la mine SIDBEC-Normines. On dit que cela n'inclut pas les 185 000 000 $ de dettes accumulées jusqu'à la fin de l'année. Nous voulons examiner tous les scénarios, voir les vrais coûts.

Le ministre a soulevé la question des coûts sociaux. Il a dit en commission parlementaire qu'il faut les prendre en considération. Oui, mais est-ce que des études ont été faites sur les coûts sociaux? Je suis prêt à en discuter. Cela aurait dû être l'une des premières choses à faire au mois de septembre 1980, quand on se fait avertir qu'il y a des problèmes. Il n'y avait pas grand-chose de nouveau quant aux problèmes de SIDBEC en 1980. La seule différence, savez-vous laquelle? C'est qu'en 1980, les pertes de SIDBEC étaient de 54 000 000 $ et aujourd'hui elles sont de 150 000 000 $. C'est la seule différence. Pourquoi les études n'ont-elles pas été faites sur les coûts sociaux et économiques? Dès qu'on nous avertit comme cela, on réagit. On nous a dit: II faut agir d'urgence. Alors, on est prêt à discuter des coûts sociaux en commission parlementaire, mais on veut voir les études qui ont été faites. Fermer Gagnon, fermer lac Jeannine, fermer l'usine de bouletage à Port-Cartier, qu'est-ce qu'on fera avec ces gens, ceux de Sept-Îles et ceux de tout le Grand-Nord? Je suis bien certain que le député de Duplessis est très intéressé à connaître les conséquences et les coûts sociaux de ces fermetures.

On dit que cela coûte 325 000 000 $ en argent pour fermer les contrats, mais qu'est-ce que cela coûtera en pertes de revenus, les faillites, la relocalisation des gens, les taxes municipales, les infrastructures et tout le reste? Il me semble qu'il faut faire le bilan de toutes ces choses, tout en étant conscient, comme le ministre des Finances va l'être, je l'espère, comme nous tous allons l'être, des coûts globaux, des pertes, de la situation économique...

Une voix: ... et des capacités de payer

M. Ciaccia: ... et de la capacité de payer.

Le ministre a dit ce matin: Aucune décision n'a été prise, nous allons prendre la décison peut-être ce matin. Nous allons prendre la décision à la suite de la commission parlementaire. Le gouvernement étudiera tout ce que les intervenants diront et... Je voudrais demander au ministre des Finances: Depuis 1980, il y a eu une dégradation de la situation financière de SIDBEC; il y a eu une dégradation aussi dans les revenus du trésor du Québec; il y a eu une dégradation dans la situation économique générale: la perte d'investissements, la réduction... tout ce que nous connaissons aujourd'hui. Je voudrais savoir si vous avez une marge de manoeuvre pour prendre une décision sur SIDBEC actuellement, en 1982, et, si vous avez cette marge de manoeuvre, quelle est-elle? Quelle est la marge de manoeuvre que vous avez face aux coupures dans les hôpitaux, aux réductions des revenus, aux augmentations des pertes de SIDBEC? Je voudrais savoir quelle est la marge de manoeuvre que le gouvernement a aujourd'hui. (11 heures)

Je voudrais poser une série de questions au gouvernement. Je crois que je vais attendre les réponses avec intérêt, mais je pense que ce sont des questions que le gouvernement aurait dû se poser lui-même avant aujourd'hui et qu'il aurait dû agir à certaines de ces questions. Premièrement, est-ce que le gouvernement peut nous démontrer que les contrats de SIDBEC-Normines avec les partenaires et les fiduciaires ne peuvent être renégociés, que le gouvernement a tout fait, mais que c'est impossible de les renégocier? Si tel est le cas, comment expliquer que le comité

ministériel, dans ses recommandations de fermeture de la mine, prévoit qu'il faut négocier avec les partenaires pour la fermer? Voici la première question que je me pose: Quant à négocier la fermeture, pourquoi ne pas négocier de meilleures conditions de contrats? Cela est un des problèmes. Tous les scénarios qu'on nous présente, c'est sur la base que les contrats ne sont pas changés. Il me semble élémentaire que, si ces contrats ont pour conséquence une hémorragie financière, on prenne les moyens pour les renégocier avec nos partenaires. Je veux savoir quelles mesures ont été prises. Est-ce que cela a été poursuivi activement?

Deuxièmement, est-ce que le gouvernement peut nous démontrer qu'il a exploré toutes les possibilités concernant les opérations manufacturières de SIDBEC, telles que les tentatives d'intéresser le secteur privé dans certaines opérations, réduire les coûts de production par une meilleure utilisation des ressources humaines ou la possibilité de faire participer les travailleurs au maintien des opérations? Quelles propositions ont été faites aux travailleurs? On aime cela parler de concertation, de solidarité. On se sert la ceinture tous ensemble, on va tous coopérer, on va tous travailler ensemble. Est-ce qu'on a fait des propositions concrètes? On dit: Messieurs les travailleurs, voici, on perd de l'argent, on a des problèmes, qu'est-ce qu'on peut faire ensemble? Si oui, je voudrais savoir ce que SIDBEC ou le gouvernement a fait à ce sujet.

On voudrait savoir si le gouvernement peut nous démontrer qu'il a demandé spécifiquement au gouvernement fédéral - et qu'il a poursuivi cette demande - une entente sur le prix du gaz naturel pour rendre les opérations - pour le procédé Midrex - plus concurrentielles avec les compétiteurs de SIDBEC. SIDBEC utilise d'autres procédés, d'autres formes d'énergie. Je ne veux pas de démagogie. Je ne veux pas cette réponse du gouvernement: On a demandé au gouvernement fédéral de venir acheter les opérations de SIDBEC ou de fournir de l'argent. Je veux spécifiquement une réponse à un problème: Le prix du gaz naturel va en montant, est-ce que cela va être concurrentiel? Ivaco a de ces problèmes; d'autres ont d'autres problèmes peut-être. Est-ce que, pour intéresser le secteur privé, on a dit au gouvernement fédéral: Écoutez, il y a des aciéries en Ontario qui ont des conditions différentes des nôtres. Un des problèmes qu'on a, c'est le prix du gaz naturel. On a assez de gaz naturel, nous, pour durer encore 300 ans. Est-ce que pour les prochains cinq ou dix ans, on pourrait avoir un petit peu de gaz, parce que SIDBEC est le plus grand consommateur de gaz naturel au Québec? Je pense qu'elle aurait droit à quelques concessions pour garder des milliers de personnes en emploi.

Il y a une autre question que je voudrais poser au gouvernement: Est-ce que le gouvernement peut nous démontrer qu'il a mis sur pied une équipe de marketing agressive, afin de vendre les produits de SIDBEC-Normines et de SIDBEC? Au mois de septembre 1980, la compagnie SIDBEC a dit: On n'en a pas de marketing. Vous produisez 6 000 000 de tonnes de boulettes, comment les vendre? C'est bien beau pour SIDBEC-Normines, les fiduciaires, ils n'ont pas de problème eux, il y a un marché captif; les actionnaires sont obligés de l'acheter. Alors, SIDBEC-Normines, peut-être qu'elle n'a pas intérêt, elle vend des boulettes sur le marché international... Je sais qu'il y a SIDBEC International. Je voudrais savoir ce qu'elle a fait. Je réponds seulement à ce que SIDBEC a dit elle-même en 1980: "On n'a pas de marketing." Quand le gouvernement se fait dire cela, voit-il 6 000 000 de tonnes de boulettes? Voit-il un marché déprimé? C'est vrai que le marché est déprimé, mais il n'est pas à zéro. Il y a encore 12 000 000 de tonnes qui se vendent sur le marché européen par le Canada. Il y a encore 27 000 000... C'est vrai que le Brésil en vend beaucoup plus que nous.

Cela ramène une autre question: Le gouvernement du Québec peut-il nous démontrer qu'il a poursuivi activement des démarches auprès du gouvernement fédéral pour arriver à une entente avec le Brésil et l'Australie concernant la vente de boulettes sur le marché européen? Je pense qu'un des éléments qu'on doit explorer - peut-être que le gouvernement l'a exploré, il peut nous en informer - non seulement l'explorer, le poursuivre... On soulève les problèmes de Québecair à l'Assemblée nationale. Le gouvernement fédéral adopte des lois qui ne sont pas bonnes. Ce problème, le gouvernement fédéral peut s'asseoir avec le Brésil et l'Australie et dire: "Écoutez, on a des échanges commerciaux." C'est comme lorsque les gens se font la guerre des prix sur le pétrole. Dans l'ancien temps, il y avait quatre stations d'essence sur les coins; ils se faisaient la guerre des prix et chacun vendait l'essence 0,25 $ le gallon, 0,30 $ le gallon. S'il s'étaient entendus, ils l'auraient tous vendue 0,50 $ le gallon. Ils ont coupé les prix, ils se sont coupé le cou. Alors, je pense que les conditions ont changé. Les conditions de l'énergie ont changé la situation, mais il y a des mesures qui peuvent être prises et explorées pour s'assurer... On a des problèmes à SIDBEC-Normines. 6 000 000 de tonnes, ou 3 000 000... sur le contenu global international, ce n'est pas la fin du monde! Est-ce qu'on a fait quelque chose?

Mon collègue à ma gauche me dit: peut-être qu'ils attendent d'être indépendants avant d'aller négocier avec le Brésil. On fait

des farces, mais cela n'est pas drôle. Ce sont des mesures qui auraient du être prises. Peut-être que le gouvernement l'a fait. Je voudrais entendre les résultats.

Je voudrais aussi demander au gouvernement s'il peut nous démontrer qu'il a effectué des études quant aux coûts sociaux et économiques d'une fermeture ou des réductions d'activités pour SIDBEC-Normines ou SIDBEC. Si vous fermez SIDBEC-Normines, combien cela coûtera à la population, aux gens de la place, à la population du Québec? Si vous réduisez SIDBEC-Dosco, si vous fermez les plats, qu'est-ce que cela représente pour l'économie secondaire, pour les industries secondaires? Pour ces industries, cela va se refléter en des pertes d'emplois, donc, des pertes de revenus pour le ministre des Finances. Si vous avez fait de telles études, je vous demanderais, s'il vous plaît, de les déposer et de nous en faire prendre connaissance.

Je dis que tant que le gouvernement n'a pas pris ces mesures, qu'il n'a pas répondu à ces questions ou bien qu'il ne nous a pas démontré que tout cela est impossible: II a tout fait, il a mis des équipes sur place, il a harcelé le gouvernement fédéral sur le gaz naturel, sur les ententes avec le Brésil. Pourquoi British Steel et US Steel ne sont-elles pas ici aujourd'hui? J'ai demandé de les convoquer. Je pose la question. On veut arriver à des solutions et à des informations sur SIDBEC-Normines et 50% des partenaires de SIDBEC-Normines ne sont pas à la table. Je voudrais que le gouvernement nous explique pourquoi British Steel et US Steel ou Québec Cartier Mining, la filiale, n'ont pas été convoquées. On aurait aimé les questionner. J'aimerais cela me faire dire par Brisith Steel et US Steel: "II n'est pas question de renégocier les contrats; on veut saigner le Québec." Je leur poserais cette question. Je voudrais qu'elles soient ici pour le dire. Est-ce cela leur position? Quelle autre suggestion ou recommandation ont-elles a faire? Parce qu'elles ne sont pas intéressées non plus? Mon expérience avec l'industrie privée est qu'on a bien beau être social-démocrate et on a bien beau vouloir redistribuer les richesses - le secteur privé ce sont des pas bons, et le gouvernement, ce sont des bons - quand il y a des mesures contraignantes, par exemple des fiduciaires, des mesures de pénalité pour garantir SIDBEC-Normines, ces gens ne sont pas intéressés à causer plus de problèmes et à nous faire payer pour rien. Ce sont des gens raisonnables. Être pour l'industrie privée, cela ne veut pas dire qu'on n'est pas humain. Ce sont des gens humains et si British Steel et US Steel avaient été ici, on aurait pu explorer la question de ces contrats. On aurait pu explorer aussi le passé, les deux dernières années, ce qui s'est produit, à quel point, jusqu'où est-on allé pour essayer de renégocier. Au lieu de renégocier la fermeture, pourquoi ne pas négocier l'ouverture? C'est cette question que je voudrais poser à British Steel et US Steel. Je dis que tant et aussi longtemps que le gouvernement ne nous démontrera pas... il n'est pas prêt.

J'étais d'accord, M. le ministre, quand vous avez convoqué la commission parlementaire. J'ai dit que j'étais d'accord pour avoir cette commission. Mais plus j'étudie le dossier, plus je le regarde et plus je vois que la commission parlementaire est prématurée, parce qu'on n'a pas toutes les données, à moins que vous alliez répondre positivement sur tout. Même si c'est tard, oui, c'est tard pour le ministre des Finances, 150 000 000 $, c'est tard pour prendre une décision sur SIDBEC, mais en même temps c'est prématuré, parce qu'on n'a pas toutes les données, on n'a pas tous les résultats des études et des décisions. On n'a pas pris les décisions nécessaires. Si on avait pris des décisions en 1980 et qu'aujourd'hui on nous dise: Écoutez, telle chose, on n'a pas été capable de la faire, cela ne peut pas se faire. Ceci, on ne l'a pas fait, on s'est fait revirer de bord par nos partenaires. Le gouvernement fédéral dit qu'il n'est pas question de faire ceci. Peut-être que cela ne serait pas prématuré et qu'on pourrait être en mesure de dire: Certaines décisions doivent être prises. Mais aussi longtemps que le gouvernement ne nous aura pas démontré cela, je vous dis que c'est prématuré, avec les données qu'on a, de prendre une décision sur SIDBEC et SIDBEC-Normines. Même si le gouvernement n'a pas pris de mesure corrective durant les deux dernières années, il ne faudrait pas qu'il agisse maintenant par panique. C'est vrai qu'il perd de l'argent. Mais quand on agit par panique, ce ne sont jamais les bonnes décisions qu'on prend. C'est cela qu'il faut éviter.

En conclusion, au cours de cette commission parlementaire, notre approche sera positive. C'est avec beaucoup d'attention que nous écouterons les intervenants et persuadés que des mesures peuvent encore être prises rapidement pour éviter une catastrophe que le gouvernement, jusqu'à maintenant, semble disposé à accepter tête baissée, nous demeurons prêts à contribuer positivement aux solutions qui s'imposent.

Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le ministre des Finances.

M. Jacques Parizeau

M. Parizeau: M. le Président, je laisserai mon collègue de l'Industrie et du Commerce répondre aux questions qui ont été posées par notre ami d'en face, sauf à une question qui m'était spécifiquement

adressée. Je voudrais limiter mon intervention, à ce point-ci de nos débats, simplement à une sorte de définition des enjeux financiers devant lesquels nous sommes placés, simplement de façon que nous soyons tous placés sur la même longueur d'onde quant aux montants que nous ne pouvons éviter de regarder. Après cela, on verra où on va.

Le déficit accumulé de SIDBEC, depuis 1968, va atteindre, à la fin de 1982, près de 450 000 000 $, dont environ 210 000 000 $ sont imputables aux opérations manufacturières et 240 000 000 $ aux exploitations minières. Les déficits imputables aux activités manufacturières ont été, à l'exception de deux années, comme le disait mon collègue tout à l'heure, presque continus au cours de ces années, quoique de faible ampleur comparés aux déficits miniers, à l'exception de l'année 1982 qui, à cause de l'importance de la récession, va enregistrer un déficit d'environ 60 000 000 $, représentant près de 40% du déficit accumulé au cours de toutes les années antérieures. Cependant, on reconnaît que certaines opérations de redressement qui ont été envisagées permettraient de conclure à la possibilité d'un retour à une certaine rentabilité dans un avenir plus ou moins rapproché. Ces perspectives justifieraient sans doute que le gouvernement, en tant qu'actionnaire de SIDBEC, continue à capitaliser les pertes générées par les activités manufacturières et continue même à financer en partie les investissements ultérieurs, tels que - je pense à des choses qui ont été proposées - la modernisation du laminoir à fil machine.

Pour ce qui a trait aux activités minières, les déficits qu'elles ont produits sont d'un tout autre ordre et vont exiger sur le plan financier des efforts d'une autre nature. En effet, les exploitations minières de SIDBEC sont, comme on le sait, toutes récentes et auront engendré au 31 décembre 1982, donc, en quelque quatre ans, des déficits de 240 000 000 $, comme je l'ai dit tout à l'heure, supérieurs à tous les déficits accumulés aux manufacturiers en quatorze ans.

Par ailleurs, contrairement au secteur manufacturier, ces pertes sont presque toutes des pertes liquides, grevant d'autant le fonds de roulement de SIDBEC. Enfin, les perspectives à moyen terme sont telles qu'on ne peut envisager qu'un niveau soutenu et élevé de pertes à un point tel qu'il deviendra impensable à un moment donné de continuer à les capitaliser. On devra donc, dans ce cas, subventionner, si l'on peut dire, carrément. Premièrement, les pertes accumulées au 31 décembre 1982 et deuxièmement les pertes futures, soit en subventionnant annuellement la totalité des déficits liquides associés aux activités minières, soit en subventionnant, encore une fois si on peut dire, la perte associée à la fermeture complète et définitive de SIDBEC-Normines dans un avenir rapproché. C'est l'un ou l'autre.

Je voudrais ici revenir sur l'impact financier du scénario de fermeture, tel qu'il a été évoqué dans le rapport sous-ministériel. Cet impact financier est considérable, il est énorme. D'abord, 200 000 000 $ de pertes liquides, accumulées jusqu'au 31 décembre 1982 plus toutes les pertes encourues, mettons en 1983, si c'était en 1983 qu'on le faisait pour la fermeture, c'est-à-dire, comme on l'a cité déjà, 325 000 000 $. Donc, c'est 525 000 000 $, l'impact financier de la fermeture de SIDBEC-Normines. Le problème soulevé par le rapport sous-ministériel, c'est que des scénarios de poursuite des activités minières dans le cadre actuel - j'insiste là-dessus, le cadre actuel - sont plus coûteux que la fermeture comme impact financier. Et alors, divers scénarios comme on le verra dans le rapport sous-ministériel, divers scénarios de niveau d'activité ont été examinés quant à leur coût, et on arrive invariablement à la conclusion que quel que soit le niveau d'activité, c'est toujours plus cher que de fermer. Et déjà, on voit que la fermeture présente un impact financier énorme. Mais j'insiste à nouveau sur le fait que cette analyse a été faite dans l'hypothèse où on ne change rien, on continue les exploitations telles qu'elles sont à l'heure actuelle.

Les recommandations du conseil d'administration ouvrent aussi la porte à cette question de la fermeture de SIDBEC-Normines. Le problème devant lequel nous sommes placés devant cette commission parlementaire consiste à se dire essentiellement ceci: avant de fermer SIDBEC-Normines, est-ce qu'il y a des façons autres de procéder qui seraient relativement moins coûteuses et qui amélioreraient les perspectives quant au déficit à venir de SIDBEC-Normines? C'est là où essentiellement le gouvernement est placé. Il n'en reste pas moins que tout changement devra être relativement radical. Je rappellerai simplement, pour remettre les choses en perspective, le déficit global, manufacturier et minier de 150 000 000 $ par année. À l'échelle des États-Unis, c'est à peu près comme si une sidérurgie - je prends à l'échelle de la population - perdait entre 5 000 000 000 $ et 6 000 000 000 $ par an. Je suis persuadé que si une aciérie américaine perdait entre 5 000 000 000 $ et 6 000 000 000 $ par an, on commencerait à se poser des questions sur ce qu'on fait avec. Pour une population comme la nôtre, 150 000 000 $ de déficit c'est considérable. Il est évident qu'en tant que ministre des Finances, je dois préparer un scénario d'imputation aux besoins financiers nets et

aux déficits à venir, à l'égard du processus de fermeture, si ce pendant est basé sur les chiffres que j'ai donnés. Si, cependant, on trouve un moyen de limiter considérablement les pertes, mais c'est un autre scénario financier qui doit être préparé. Il ne faut pas que cela soit encore une fois, simplement de légers changements, c'est dans ce sens qu'on a utilisé des termes de chirurgie ou de modifications majeures. C'est évident que ce n'est pas par quelques changements marginaux qu'on pourrait éviter le scénario tel que je viens de l'esquisser, tel qu'il était indiqué dans le rapport sous-ministériel et comme le conseil d'administration de SIDBEC y faisait allusion. Voilà pour les impacts financiers globaux.

Quant à une question que le député de Mont-Royal m'adressait relativement à la marge de manoeuvre dont on dispose pour SIDBEC pour l'année 1982-1983, nous avons prévu dans les équilibres financiers depuis déjà le dernier budget, 90 000 000 $. Compte tenu de la situation actuelle de SIDBEC et de SIDBEC-Normines, c'est comme on le voit insuffisant. À venir jusqu'à récemment, on pouvait toujours dire: le gouvernement mettra une somme comme celle-là pour éponger le déficit et une autre partie sera empruntée en banque, sauf qu'après quelques années de ce genre de procédure les marges de crédit bancaires sont totalement utilisées. Il faut, ou bien donner des garanties gouvernementales pour des marges bancaires additionnelles ou bien trouver dans le fonds consolidé davantage d'argent. Cela laisse le problème entièrement ouvert pour l'an prochain. Oui, il y a une marge de manoeuvre cette année, non, elle n'est pas suffisante. Pour ce qui a trait à l'an prochain et aux années subséquentes, il est évident que là, l'impact va être direct sur le fonds consolidé du revenu de maintenir en activité dans le cadre actuel des exploitations de SIDBEC et pour des montants considérables.

Le Président (M. Rochefort): Merci, M. le ministre. M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Est-ce que le ministre me permettrait une ou deux questions? Quand vous dites que la marge de manoeuvre pour l'année actuelle, vous prévoyez 90 000 000 $ et que pour les prochaines années il va falloir aller directement dans le fonds consolidé, est-ce que cela signifie que le gouvernement a pris la décision que pour 1982-1983, SIDBEC et le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme doivent démontrer au ministre des Finances que les activités de SIDBEC doivent être changées pour qu'il n'y ait pas plus que 90 000 000 $ de perte.

M. Parizeau: M. le Président, non.

L'année 1982-1983 se termine. Nous sommes à quatre mois de la fin de cette année fiscale. Ce que j'indiquais simplement...

M. Ciaccia: Pour l'année prochaine.

M. Parizeau: Ah! Pour l'année prochaine c'est ouvert. Je veux dire que cela va être une des conclusions qu'on aura à tirer de la commission parlementaire de savoir quel scénario on adopte et de voir quel impact cela a sur le fonds consolidé. Je ne mets pas un chiffre maximum dans les marges de manoeuvre pour les années à venir, pas pour le moment en tout cas. Il y a une chose qui est claire cependant, c'est qu'on ne pourrait pas imaginer qu'on éponge les déficits, disons, à concurrence cette année de 150 000 000 $, l'année prochaine de 200 000 000 $, l'année suivante de 250 000 000 $. Si c'est cela le scénario, je dis tout de suite que c'est beaucoup trop cher, c'est évident.

M. Ciaccia: Une deuxième question que je voudrais vous poser. Vous dites que tous les scénarios en vue des décisions, et des recommandations sont basés sur le fait que c'est la situation actuelle ou les contrats actuels. Est-ce que quelqu'un de votre ministère ou de SIDBEC ou le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme a préparé d'autres scénarios? Autrement dit, vous vous basez sur les conditions actuelles, les contrats actuels pour produire et on est lié par cela. Supposons, M. le ministre, que ces contrats soient changés, que vous ne produisiez pas 6 000 000 de tonnes mais seulement pour les besoins de SIDBEC. Quelles seraient les pertes, quels seraient les montants qui seraient requis et, à ce moment-là, est-ce que d'autres décisions pourraient être prises? Autrement dit, je peux comprendre votre position. Le ministre des Finances dit: vous me présentez une perte de 150 000 000 $ par année. Ce scénario-là, comme ministre des Finances, je ne peux pas accepter cela, parce que cela va continuer et on n'a pas l'argent pour le faire. Est-ce que quelqu'un vous a présenté ou avez-vous exigé même: donnez moi donc un autre scénario, qui tiendrait compte que certaines choses vont être changées, spécifiquement les contrats avec SIDBEC-Normines?

M. Parizeau: M. le Président, ceci rejoint certaines des questions que le député de Mont-Royal posait à mon collègue. On comprendra bien que lui et moi avons longuement examiné toute une série de choses, de chiffres, de modifications, mais il me semblerait incorrect que ce soit moi qui discute de cela. C'est normalement le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme qui, étant chargé du dossier, aura à

répondre à ces questions, étant entendu cependant que lui et moi sommes tout à fait conscients qu'il y a un certain nombre d'autres scénarios possibles qui ont été discutés en dehors du gouvernement. Une des raisons fondamentales de la commission parlementaire, c'est justement de les écouter et d'aborder cela. Encore une fois, je pense qu'il serait incorrect que je discute de certaines transformations ou modifications et que le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme discute de d'autres. Il vaut mieux que ce soit lui qui, au cours de cette commission parlementaire, à la fois réponde à ces questions et les aborde.

Il y a une seule, chose qui relève plus spécifiquement de moi et que je voudrais signaler parce que cela me semble avoir une assez grande importance, et qui là est, rigoureusement financière. J'entendais, tout à l'heure, le député de Mont-Royal dire: est-ce qu'il y a moyen de renégocier avec les prêteurs? Il y aurait peut-être une certaine confusion entre les prêteurs d'une part et British Steel et US Steel d'autre part. Ce n'est pas du tout la même chose.

M. Ciaccia: Ah non, non ce n'est pas du tout... Je suis conscient de cela.

M. Parizeau: Les prêteurs, en vertu d'un acte de fiducie extrêment serré, peuvent exiger le remboursement intégral dans la mesure où on modifie le fonctionnement ou les conditions d'exploitation de SIDBEC-Normines. Vous comprendrez que lorsque les taux d'intérêts, il y a quelques mois, étaient très élevés, un certain nombre de ces prêteurs auraient été ravis de n'importe quel changement qui leur aurait permis de justifier de récupérer des fonds qu'ils avaient prêtés à un taux très inférieur aux taux d'intérêt qui prévalaient à ce moment-là sur le marché. Il a donc fallu, pendant cette phase de très hauts taux d'intérêts, faire relativement attention pour qu'ils n'invoquent pas l'acte de fiducie pour retirer leurs billes. Je reconnais qu'à l'heure actuelle les taux d'intérêts ayant passablement baissé et continuant à baisser, la question se présente peut-être d'une façon - comment dire - un petit peu plus optimiste de ce côté-là.

M. Ciaccia: M. le Président, est-ce que je pourrais suggérer au ministre premièrement je dois le féliciter encore sur son habileté parlementaire de ne pas avoir répondu à ma première question sur les autres scénarios. Le comité interministériel dont, je pense, son ministère fait partie, nous allons le poursuivre cet aspect-là...

M. Parizeau: Je l'espère bien. (11 h 30)

M. Ciaccia: Mais je suis conscient qu'il y a une différence entre les partenaires et les fiduciaires. Certaines obligations quant aux pénalités pour le concentrateur, c'est à la Québec Cartier Mining, l'achat et la vente des boulettes - l'acte de fiducie, ce sont les obligations quant à SIDBEC-Normines, c'est dans l'opération des obligations financières. Le ministre des Finances a raison de dire que, si l'acte est serré et bien fait, il protège les créanciers - tout acte de fiducie protège toujours les créanciers -. Si le Québec ou SIDBEC veut faire les changements, il peut être en défaut et le prêt peut être rappelé. Cela changerait tout.

Je n'ai pas suggéré de changements unilatéraux et je suis conscient que si, dans les changements, vous demandiez aux fiduciaires une autre injection de fonds, quand les taux sont à 16%, même s'il s'agit de 250 000 000 $, de 35 000 000 $ ou d'un montant minime, ils pourraient exiger globalement l'intérêt sur tout le capital. C'est ça qui se produit avec les sociétés prêteuses, les sociétés hypothécaires. Je suis conscient de ça. Mais est-ce que le ministre... Juste une autre prémisse avant de poser ma question. L'intérêt principal et la raison pour laquelle ces clauses sont mises dans les actes de fiducie, c'est pour protéger le fiduciaire. Les détenteurs d'obligations vont dire: Écoutez, SIDBEC-Normines, il faut que ce soit rentable et on veut la garantie qu'on va être payés et la garantie d'être payés doit comprendre au moins 86 000 000 de tonnes de boulettes. Si on produit moins, c'est moins rentable et il y a des pénalités.

Est-ce que le ministre a exploré la possibilité de dire aux fiduciaires, non pas de procéder unilatéralement et de dire: Je veux changer, mais dire: Votre intérêt, c'est d'être remboursés...

Une voix: M. le Président, est-ce que je peux interrompre votre conversation?

Le Président (M. Rochefort): Mademoiselle, voudriez-vous reprendre votre place immédiatement, s'il vous plaît?

Une voix: C'est en vue de trouver une solution...

Le Président (M. Rochefort): Mais immédiatement, s'il vous plaît!

Une voix: ...

Le Président (M. Rochefort): Je demanderais aux agents de sécurité... Mademoiselle, il faudrait que vous repreniez votre place.

Une voix: ...

Le Président (M. Rochefort): La commission suspend ses travaux quelques

instants.

(Suspension de la séance à Il h 32)

(Reprise de la séance à Il h 34)

Le Président (M. Rochefort): La commission reprend ses travaux. M. le député de Mont-Royal, je vous demanderais de conclure sur cela. Il faut revenir au mandat de la commission. Il y a des gens qui ont été convoqués pour comparaître devant nous. J'accepterai une dernière question, le dialogue avec le ministre des Finances, et ensuite on reprend les intervenants qui ont demandé à prendre la parole.

M. Ciaccia: Est-ce qu'il a été question de votre part de demander aux fiduciaires de modifier cette clause de pénalité pour que SIDBEC ne soit pas pénalisée si elle produit moins? Non pas demander plus de fonds, non pas poser des actes qui pourraient changer le taux d'intérêt, juste dire: Modifiez cette clause dans l'acte de fiducie et le Québec va garantir - je pense qu'il le fait déjà, mais au cas où il ne le ferait pas - les obligations SIDBEC; votre sécurité ne sera pas mise en jeu. Changer cette clause, ça ne change pas les taux d'intérêt, ça ne change rien dans l'acte de fiducie et cela aurait des conséquences assez sérieuses et bénéfiques pour SIDBEC. Je ne voudrais pas que le gouvernement utilise l'excuse des taux d'intérêt pour dire qu'on ne pouvait rien faire.

M. Parizeau: M. le Président, je pense que la seule façon sage d'agir à l'égard des prêteurs consiste, une fois que la commission parlementaire aura tenu ses travaux, que le Conseil des ministres se sera entendu sur une formule, une proposition, un scénario et ensuite, d'aller voir les prêteurs et de leur dire: Voici ce que nous avons l'intention de faire. Je pense qu'il ne serait pas sage de soulever toutes espèces de choses hypothétiques avec eux avant que l'on ne sache précisément où l'on va et ce qu'on fera. Cela me paraît être la façon normale de procéder.

Le Président (M. Rochefort): M. le député d'Outremont.

M. Ciaccia: Alors, si je comprends bien, on n'a pas demandé de changements aux fiduciaires.

M. Parizeau: Pas avant qu'on sache où l'on va.

Le Président (M. Rochefort): M. le député d'Outremont.

M. Pierre-C. Fortier

M. Fortier: M. le Président, je serai très bref, pour deux motifs: le premier c'est que le député de Mont-Royal et porte-parole de notre parti en ce qui a trait à la question de l'industrie et du commerce a très bien exprimé le point de vue de tous et chacun. Comme nous avons travaillé en équipe, je dois dire, quant à moi, qu'il a représenté les aspirations et les questions que nous avions. Donc, je m'en tiendrai à ce qu'il a dit. Par ailleurs, nous sommes ici pour entendre les gens qui sont venus présenter des mémoires. Tout ce que j'aimerais dire, c'est ceci: II s'agit d'un problème très grave et je suis surpris que le ministre des Finances nous dise cela aujourd'hui. Nous savions depuis plusieurs années qu'il y avait un très grave problème. Pour plusieurs d'entre nous, qui sommes allés dans les régions du Québec, sur la Côte-Nord en particulier, et dans la région de Verchères, nous savons qu'il y a un problème pour le développement économique de la Côte-Nord. Mon collègue faisait allusion au fait que lors de la décision, il y a plusieurs années, lors de la révolution tranquille, de fonder SIDBEC pour assurer le développement économique du Québec et d'assurer le développement industriel et manufacturier du Québec, il y avait un objectif qui allait encore beaucoup plus loin que la fondation de SIDBEC comme telle, c'était d'assurer le développement économique de la Côte-Nord et c'était d'assurer le développement économique manufacturier du Québec.

Je me rends compte et je suis désolé de constater que le ministre responsable du dossier n'a fait allusion qu'au problème de SIDBEC comme tel. Nous sommes très conscients du fait que la fermeture de Normines affectera considérablement tout le problème du développement économique de la Côte-Nord et j'oserais espérer qu'à cette commission parlementaire, nous aurons l'occasion de discuter de ce problème également. Je suis surpris que les documents qui nous ont été fournis par le ministère ne contiennent aucune étude dans ce sens. Je suis désolé du fait que le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme et le ministre des Finances qui est également président du Comité de développement économique, n'aient pas traité du fait que les objectifs qui avaient prévalu lors de la fondation de SIDBEC, c'est-à-dire d'assurer le développement économique du Québec dans une très grande mesure, sont des objectifs qui n'ont pas été atteints. De plus, le gouvernement ne semble pas pressé, ne semble pas prêt à nous proposer des moyens qui pourraient assurer, pour l'avenir et le développement économique de la Côte-Nord et le développement industriel du Québec comme tel.

Je limiterai ces remarques très brèves à ce constat d'échec du gouvernement et je suis désolé que ce gouvernement, à courte vue, semble s'intéresser immédiatement au problème très grave de SIDBEC, sans voir toute l'amplitude du problème qu'il a pour la Côte-Nord, pour la région de Verchères en particulier et pour tous ceux qui sont impliqués dans le développement industriel du Québec. Je vous remercie.

Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le député de Duplessis.

M. Denis Perron

M. Perron: Merci, M. le Président. Considérant que nous avons tout de même des gens très importants ici auxquels je voudrais d'ailleurs souhaiter la bienvenue, je serai très bref dans l'exposé que je vais faire puisque, selon moi, ces personnes voudraient surtout se faire entendre et nous soumettre en même temps possiblement d'autres scénarios qui auront beaucoup d'importance dans l'avenir de SIDBEC et spécialement de SIDBEC-Normines.

Cette commission parlementaire, convoquée sur l'invitation du ministre responsable du ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, se veut avant tout, je pense, une consultation beaucoup plus élargie concernant l'avenir de la société SIDBEC et à tout le moins, la survie de la Côte-Nord et de ses villes minières.

La décision que le Conseil des ministres aura à prendre éventuellement, à la suite de cette commission parlementaire, sera donc fort importante pour l'ensemble de la collectivité québécoise, en particulier pour celle de la région de la Côte-Nord et aussi quant à l'avenir de la sidérurgie québécoise. Cette décision affectera sans doute beaucoup de travailleurs et de travailleuses de la région montréalaise et bien entendu, beaucoup de travailleurs et de travailleuses de la Côte-Nord. C'est environ 7000 travailleurs qui seront touchés par cette prise de décision, et plus d'une personne connaît actuellement l'importance d'un emploi, ne serait-ce que temporaire, dans un contexte économique fort difficile et dont les causes proviennent largement des centres de décision outre-frontière.

Je laisserai sûrement aux spécialistes et aux experts, tant patronaux que syndicaux, le soin d'expliquer en long et en large la situation mondiale du marché de l'acier et le moment où la reprise économique se fera pour la demande en boulettes de fer et en concentré. Quant au représentant élu que je suis, je me limiterai à décrire brièvement, pour le bénéfice des membres de cette commission, la situation qui prévaut à cette date dans le comté de Duplessis.

Depuis septembre 1979, soit depuis la fermeture de Rayonier Québec à Port-Cartier, le comté de Duplessis a subi plus de 10 000 mises à pied permanentes. La population de la ville de Sept-Îles est passée de 36 000 à environ 27 000 habitants, et ce depuis la fin de 1979. La population de la ville de Port-Cartier a subi une baisse remarquable de 12 500 habitants à 7800 habitants en l'espace de ces trois années. Dans l'axe Port-Cartier-Sept-Îles, on dénombre actuellement plus de 500 faillites commerciales et industrielles. Pour le comté de Duplessis, on dénombre aussi près de 1800 faillites personnelles au cours des deux dernières années. Près de 25% de la population du comté de Duplessis bénéficie actuellement de prestations d'assurance-chômage et tout près de 15% reçoit des prestations d'aide sociale. La fermeture de la compagnie SIDBEC-Normines aurait des effets d'entraînement très négatifs auprès des trois autres sociétés minières de la région et entraînerait inévitablement l'évacuation d'une partie de la population de Gagnon qui est actuellement évaluée à 3400 habitants et où le gouvernement, durant les dix dernières années, a investi plus de 30 000 000 $ pour doter la ville de Gagnon d'infrastructures adéquates. Il est à remarquer qu'il en est de même pour la ville de Port-Cartier.

M. le Président, la fermeture de SIDBEC-Normines créerait sûrement un climat d'insatisfaction très élevé auprès des travailleurs et des travailleuses de la ville de Fermont, parce que, selon la convention collective actuelle, ces mêmes travailleurs et travailleuses de Gagnon seraient en droit, en regard d'une clause d'ancienneté, de muter, d'autres personnes demeurant à Fermont. Donc, encore des impacts négatifs pour la ville de Fermont.

Je termine en vous mentionnant que, tout dernièrement - je crois que la population du Québec en a été informée et même le monde international - la compagnie minière IOC a décidé de fermer toutes ses exploitations minières à Schefferville. Je voudrais en passant souligner la présence ici du maire de Schefferville, M. Charles Bégin.

Vous savez, les populations minières de la région ne peuvent actuellement supporter davantage ayant subi à plusieurs reprises des soubresauts économiques dépassant les limites du tolérable. C'est pourquoi je crois fermement que le gouvernement du Québec doit démontrer à la population de la Côte-Nord et spécialement des villes minières une volonté politique de maintenir ouvertes les exploitations minières et de réorganiser le secteur manufacturier de SIDBEC.

Je crois aussi que le gouvernement, et je le maintiens, doit procéder à des améliorations substantielles du secteur manufacturier, afin qu'il soit en mesure d'absorber l'excédent de la production du

secteur minier, et ce en incitant le gouvernement fédéral à y investir conjointement avec le gouvernement du Québec. Je maintiens aussi que le gouvernement du Québec doit engager des pourparlers dans les plus brefs délais avec les deux autres actionnaires de SIDBEC-Normines, afin de procéder à une révision de divers contrats signés en 1975 et 1976. (11 h 45)

M. le Président, mon plus grand souhait, lors de cette commission parlementaire qui, à mon sens, a beaucoup d'importance, autant pour les membres de la commission que pour les populations visées: je maintiens et je dis que les personnes qui se présenteront devant la commission auront sûrement la possibilité d'aider le gouvernement du Québec et les populations à se sortir de ce marasme dans lequel nous sommes actuellement, en présentant un ou plusieurs scénarios.

Merci, M. le Président.

Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le député de Verchères.

M. Jean-Pierre Charbonneau

M. Charbonneau: Merci, M. le Président. Je vais essayer d'être bref parce que je pense que cela fait déjà un bon bout de temps que les gens attendent pour être entendus. Je voudrais peut-être, en commençant, remercier à la fois le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme et aussi son collègue, le ministre des Finances qui est président du Comité de développement économique pour avoir accepté la proposition que mon collègue de Duplessis et moi avions faite, il y a quelques semaines, lors de la réunion du comité de développement économique auquel nous participions, avec l'autorisation du premier ministre, de tenir cette commission parlementaire avant que les décisions se prennent plutôt qu'après. Car, si on se rappelle bien le contexte de l'annonce qui avait été faite au cours de l'été et même en commission parlementaire au mois de juin par le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, cette commission devait venir éventuellement une fois que le gouvernement aurait fait son lit pour analyser les décisions qui avaient été prises par le gouvernement. Nous considérions, le député de Duplessis et moi, que c'était fondamental que cette commission parlementaire ait lieu plutôt avant la prise de décision qu'après. Donc, on ne peut, aujourd'hui, que se réjouir de la tenue de cette commission parlementaire et d'avoir entendu le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme confirmer que la décision gouvernementale n'était pas prise, même s'il y a sur la table des recommandations assez précises de la part de la direction de l'entreprise et de la part d'un comité de sous-ministres.

M. le Président, personne n'ignore, et encore moins maintenant que le ministre des Finances a parlé, l'ampleur du problème financier que pose SIDBEC au gouvernement du Québec. Bien sûr, il serait irresponsable de la part d'un représentant de la population à l'Assemblée nationale de demander au gouvernement d'engager toute sa marge de manoeuvre financière pour régler les problèmes de SIDBEC, alors que sévit au Québec un taux de chômage qu'on connaît et qui s'aggrave de jour en jour à cause de la situation économique actuelle. Cependant, il faut aussi être conscient que les propositions, qui sont actuellement sur la table du gouvernement de la part de la direction et de la part du comité de sous-ministres qui a étudié, vont avoir des conséquences dramatiques si ces propositions sont retenues. Mon collègue de Duplessis en a parlé pour la Côte-Nord, mais je voudrais souligner que les conséquences dramatiques ne seraient pas uniquement situées sur la Côte-Nord, bien qu'elles seraient probablement, et j'en conviens, plus dramatiques dans son coin déjà affecté encore plus durement que le nôtre par la situation.

Il y a des centaines de familles qui tirent leur revenu directement ou indirectement de la présence de SIDBEC dans les régions de Contrecoeur, de Sorel-Tracy, de Longueuil et de Montréal. Retenir les scénarios qui sont actuellement envisagés et proposés par la direction et par le comité des sous-ministres, c'est, à toutes fins utiles, pour des centaines de familles, perdre leur principal revenu et, pour un bon bout de temps, ne pas voir le bout du tunnel. Vous comprendrez qu'ayant été élu d'abord pour représenter ces gens, mon premier mandat étant d'être pour ces gens leur représentant à l'Assemblée nationale du Québec, je conçois le rôle que j'ai ici à cette commission parlementaire d'abord comme étant leur avocat, leur représentant. Tout en étant conscient des problèmes financiers que le gouvernement a, ayant moi aussi des chômeurs dans mon comté qui ne sont pas des travailleurs de SIDBEC, je vais devoir aussi tenir compte de cela. Néanmoins, il y a un certain nombre de solutions qui, à mon avis, existent, qui ont été identifiées, que des groupes viendront nous souligner à la commission parlementaire au cours des deux prochains jours. Je pense que de la part du gouvernement et de l'ensemble des membres de cette commission, il va être important que l'on évalue adéquatement ces solutions qui vont nous être élaborées et les scénarios qui vont nous être présentés.

Il ne s'agit pas de faire la guerre à personne au cours de cette commission parlementaire; néanmoins, j'espère que le ton

et le choix qu'a commencé à tracer le député de Mont-Royal va changer de direction. Je peux comprendre qu'il est nouveau dans le dossier. Je peux déplorer que le seul député de l'Opposition qui connaissait le dossier de SIDBEC, on ait choisi de ne pas le faire participer à cette commission parlementaire. Le député de Notre-Dame-de-Grâce nous a quittés après cinq minutes et c'était le seul député de l'Opposition qui connaissait le dossier de SIDBEC; c'était d'ailleurs le député qui accompagnait le gouvernement dans l'étude de ce dossier depuis des années. Il avait été conseiller économique du ministre de l'Industrie et du Commerce à l'époque où un certain nombre de décisions importantes concernant SIDBEC ont été prises. Malheureusement, il semble qu'on ait décidé, de l'autre côté de la table, de faire une bataille et un "show" politique. J'espère qu'on va changer de trajectoire, parce que les conséquences et l'envergure des problèmes qu'on va avoir à traiter au cours de cette commission dépassent la petite partisanerie qu'on pourrait faire les uns sur le dos des autres. Je pense que la situation est suffisamment grave et je n'ai pas l'impression que les travailleurs, les employés, les gens qui vivent de SIDBEC, qui sont ici aujourd'hui et qui le seront également demain, ont le goût de passer deux jours à voir les députés du Parti québécois et du Parti libéral se tirer mutuellement le tapis sous les pieds pour essayer de tirer leur épingle du jeu, quand c'est finalement eux qui vont payer la note en fin de compte. On est ici pour essayer de trouver des solutions qui, à la fois, vont faire en sorte que les actionnaires de SIDBEC - les actionnaires, ce n'est pas d'abord le gouvernement, ce sont les citoyens et les citoyennes du Québec - prendront conscience de l'envergure du problème et de l'envergure des conséquences des choix qui sont actuellement proposés au gouvernement, et peut-être aussi de l'importance que représente pour eux, pour ces actionnaires, pour les citoyens et les citoyennes du Québec, le fait que le Québec puisse être dans le club de l'acier, d'y être comme on aurait voulu y être au cours des récentes années. On n'a pas réussi à y être à cause d'un certain nombre de problèmes, mais on veut continuer à y être parce qu'il est encore possible d'y demeurer avec vigueur, avec intensité et aux profits de l'ensemble des actionnaires du Québec. C'est dans ce sens que j'espère que les travaux de cette commission vont permettre à tous et chacun d'éclairer l'ensemble des actionnaires de SIDBEC pour que les choix qu'on va faire fassent en sorte qu'on n'aggrave pas la crise économique, qu'on n'aggrave pas les conséquences économiques que vivent déjà nos populations respectives à cause de la situation actuelle.

Il faudrait aussi se rappeler - je prends seulement un exemple parmi les chiffres qui ont été donnés tantôt par un des deux ministres et qui m'ont frappé - que, entre autres, au niveau du secteur manufacturier, si SIDBEC n'a jamais eu une superbe performance, néanmoins, l'an dernier, on a eu des profits, mais on n'était pas en récession économique. Cette année, on est en récession économique, mais je n'ai pas l'impression que la récession économique va durer éternellement. Il faudrait faire attention de prendre des décisions qui vont être simplement guidées par le fait qu'on est, actuellement dans une période creuse, décisions qui donneraient l'impression qu'on va être continuellement en période creuse. Il y aura aussi des périodes de remontée économique. Il va falloir que le Québec ait alors des atouts économiques importants et j'ai l'impression que l'industrie de l'acier est encore, pour bien des années, une industrie de pointe, une industrie majeure dans le développement économique d'une société comme la nôtre.

En terminant, j'aurais aimé poser une question au ministre des Finances. S'il refait surface éventuellement à la commission, je lui poserai volontiers cette question. En attendant, je vais laisser la parole à d'autres. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Pierre-J. Paradis

M. Paradis: Je serai très bref. Je n'avais pas l'intention d'intervenir à l'ouverture de la commission; ce sont sans doute les paroles du député de Verchères qui motivent cette intervention. Le député de Verchères semble vouloir agir dans ce dossier comme avant tout un député représentant une population, et je pense que c'est le cas d'un autre député qui siège à côté de lui. Je voudrais simplement que cette attitude qu'ils ont manifestée aille aussi loin dans le présent dossier que de mettre le blâme là où il doit être mis. Il faut le faire, parce qu'à un moment donné il va y avoir une facture.

Il y a une partie des responsabilités dans ce dossier qui incombe à certains intervenants qui ne sont pas très loin au bout de la table. Si on s'aperçoit que des gens, par pure négligence ou parce qu'ils avaient une autre préoccupation politique en tête, n'ont pas dit toute la vérité à ces populations avant les élections, qu'on ne prenne pas les conséquences économiques pour les transférer à la population parce qu'on ne lui aura pas dit la vérité à ce moment-là. Qu'on tienne compte de ce facteur en acceptant de prendre sur le dos du gouvernement une plus grande

responsabilité des conséquences économiques. Lorsqu'on est un député et qu'on tient le langage que vous avez tenu, M. le député de Verchères, cela va aussi loin que cela. Avant les élections, vous le saviez et si on ne l'a pas dit avant les élections, ce n'est pas la faute de la population. Si on n'a pas effectué des redressements en temps opportun, ce n'est pas la faute des travailleurs. Mais cela, il va falloir aller aussi loin que cela et cela peut nous amener, ce travail de base de député à aller aussi loin qu'étirer la marge dont le ministre nous a parlé, parce qu'on a une part de responsabilité comme gouvernement, bien qu'on le fasse en conclusion.

M. Charbonneau: Seulement, une petite remarque. Je pense que l'occasion va être donnée au député de Brome-Missisquoi et aux autres députés de cette commission de se rendre compte quel était l'état du dossier lorsque le gouvernement a été saisi d'un certain nombre de documents. Peut-être que le député de Brome-Missisquoi se rendra compte, à ce moment-là, qu'un gouvernement responsable ne pouvait pas prendre les décisions qu'il peut facilement dire aujourd'hui qu'on aurait dû prendre il y deux ans et demi. Mais on le verra, il y a des intervenants qui sont présents à cette commission. Vous leur poserez des questions, on va leur en poser nous aussi et tout le monde tirera ses conclusions par la suite.

Le Président (M. Rochefort): Merci. Alors, en guise de conclusion aux différentes interventions des travaux de notre commission. M. le ministre.

M. Rodrigue Biron

M. Biron: Très brièvement, M. le Président. Je pense que le dossier est trop important, à la fois pour le gouvernement et pour les gens concernés, autant les dirigeants et les travailleurs de SIDBEC-Normines et les populations qu'ils représentent ici. On ne fera pas de partisanerie politique. On n'essaiera pas de savoir de qui ou de quoi cela dépend. On va essayer plutôt de savoir qu'est-ce qu'on peut faire dans l'avenir? On va essayer de relever le menton un peu et de voir ensemble s'il n'y a pas des scénarios qu'on n'a pas encore étudiés qui peuvent nous être suggérés pour faire en sorte de répondre davantage aux besoins de tout le monde.

Quant aux questions qui ont été posées par mon collègue, le député de Mont-Royal, la plupart auront leur réponse par le président du conseil d'administration de SIDBEC. Or, si après la comparution du président de SIDBEC, il y a encore des questions sur lesquelles on n'a pas eu de réponses, j'apporterai les réponses nécessaires au député de Mont-Royal.

Le Président (M. Rochefort): Merci. Sans plus tarder, j'inviterais M. Jacques E. Astier, à prendre place à la table des témoins et à nous présenter son mémoire. Bienvenue en commission.

Auditions M. Jacques-E. Astier

M. Astier (Jacques-E.): M. le Président, MM. les membres de la commission, c'est avec un grand plaisir que je me retrouve à Québec, comme d'ailleurs tous les Français, quand on y vient, mais spécialement pour moi, puisque je me suis trouvé dans des études qui ont été à l'origine de cette sidérurgie il y a une vingtaine d'années. C'est évidemment avec une certaine tristesse que je reviens ici et à voir les difficultés de cette entreprise, aussi bien de SIDBEC que SIDBEC-Normines. Je voudrais vous dire tout de suite ce qui sera le ton de ce mémoire. C'est que ces difficultés arrivent actuellement dans toutes les sidérurgies mondiales. Le point important est d'essayer de voir quelles en sont les causes et ensuite d'en tirer les conséquences pour chacun des cas particuliers qui se présentent, et en particulier celui de SIDBEC.

Évidemment, il ne m'appartient pas de donner des recommandations exactes pour le cas de SIDBEC qui est un problème québécois mais, je pense, comme cela m'a été demandé, qu'il sera utile pour vous de voir dans quel contexte mondial se trouvent ces difficultés. Pour ce faire, je pense que le mieux est de diviser cet exposé en deux parties, la première concernera la sidérurgie et la seconde, les mines de fer. Car je crois que l'analyse, comme vous pourrez le voir, conduit à des impressions assez différentes dans les deux secteurs. (12 heures)

Pour ce qui concerne la sidérurgie mondiale, vous savez tous, mais il est quand même bon de le rappeler, qu'après une grande période d'expansion qui en fait a duré à peu près jusqu'en 1974, il y a huit ans, on assiste à un plafonnement de la consommation mondiale d'acier et que ce plafonnement aux environs de 700 000 000 de tonnes par an est malheureusement en train de diminuer à nouveau, en ce moment, pour des motifs conjoncturels assez mal définis d'ailleurs, mais qui amènent un élargissement de la crise, en particulier dans le secteur des pays en voie de développement qui avaient été assez peu touchés jusqu'à maintenant. La crise que nous vivons depuis huit ans était plus une crise des pays du nord, c'est-à-dire de l'Amérique du Nord, de l'Europe et du Japon. Maintenant, elle s'étend, avec des

conséquences plus graves d'ailleurs, vers les pays en voie de développement.

Quelles sont les perspectives, parce que le constat du passé est une chose, mais ce qui est intéressant c'est d'essayer de voir quel pourra être l'avenir? Évidemment, personne ne sait très bien comment tout ceci va évoluer, mais toute une série d'études, qui sont faites en particulier à l'International Iron Steel Institute, qui regroupe les sidérurgistes mondiaux, tendent à dire que normalement une certaine consommation d'acier devrait reprendre dans les pays en voie de développement qui ont des besoins énormes à satisfaire et qui ne peuvent pas les satisfaire actuellement pour des motifs essentiellement économiques et financiers, mais que, par contre, la reprise de la consommation d'acier dans nos pays, dans les pays du nord, va être certainement très lente. Par suite d'un phénomène de saturation, nous avons des besoins qui sont moins grands qu'ils ne l'étaient il y a 20 ou 30 ans et cette reprise va avoir une certaine lenteur.

Cela étant dit - j'ai mis quelques graphiques que vous avez je crois dans le mémoire qui vous a été distribué - on pourrait espérer que la production mondiale d'acier, après un creux en 1982 et peut-être en 1983, reprendra avec une croissance lente dans les prochaines années et que ceci amènera donc une petite reprise de l'industrie sidérurgique, reprise que je crains petite mais qu'il faut espérer surtout continue. Évidemment, ce qui serait assez dramatique ce serait d'avoir à nouveau ce que l'on a connu il y a deux ou trois ans, une reprise suivie d'une nouvelle rechute et finalement une stabilité, voire une décroissance mondiale.

Si donc on assiste à ce développement lent, côté mondial, quelles conséquences peut-on en tirer pour les sidérurgies en général et, bien sûr, pour celles qui vous préoccupent en particulier?

Je crois que la première conséquence, c'est qu'il y a une évolution vers la qualité des aciers parce que l'industrie de transformation, celle qui utilise les produits qui sortent de toutes nos usines sidérurgiques, a des besoins qui deviennent de plus en plus exigeants, tous les jours. Je précise bien que ceci ne conduit pas à remettre en cause la sidérurgie. Il ne s'agit pas, dans mon esprit, de passer à des aciers alliés ou à des aciers spéciaux, mais simplement de faire des aciers toujours de meilleure qualité, ce qui exige évidemment de meilleurs soins dans les usines et souvent des équipements nouveaux, mais souvent des équipements relativement peu coûteux dans les secteurs finaux des usines, c'est-à-dire dans le laminage et les parachèvements.

Dans la même optique que cette première conclusion, il y en a une seconde, je crois, qui est importante: c'est qu'il y a une certaine séparation qui se fait dans le monde dans le secteur des produits longs, d'une part, et des produits plats, d'autre part. Je m'explique. Actuellement, une part croissante de ce qu'on appelle les produits longs, c'est-à-dire surtout les barres, les fers marchands et en gros tout ce qui sert à la construction, est faite par la voie d'usines relativement petites, disons dans la zone de quelques centaines de milliers de tonnes par an. À cet égard je peux seulement dire que SIDBEC a l'air de se trouver quand même bien placée dans ce secteur puisque, dans le monde, les difficultés des usines à produits longs aux États-Unis et en Europe sont surtout celles qui réalisent ces produits dans de très grandes usines intégrées qui ont de grosses difficultés.

Et là encore, sans vouloir juger SIDBEC - ce qui me serait assez difficle - on a l'impression, vue de l'extérieur, que SIDBEC se trouve dans une situation qui n'est peut-être pas très bonne aujourd'hui, comme toutes les sidérurgies, mais qui structurellement est bonne pour l'avenir. Elle est également bonne pour un autre motif que j'analyserai dans un petit moment, dans la seconde partie de l'exposé sur le marché des minerais de fer: c'est qu'on a une tendance croissante à récupérer des ferrailles qui viennent dans notre monde - et je pense surtout au monde du Nord, au monde des pays industrialisés - du fait que nous avons consommé beaucoup d'acier dans le passé et vous savez qu'en gros le cycle des ferrailles est de l'ordre d'une quinzaine d'années, c'est-à-dire que, dans tous nos pays, que ce soit au Japon, en Europe, aux États-Unis ou au Canada, ce que nous retrouvons comme ferrailles de récupération, c'est une proportion assez importante - de l'ordre de 50% à 60% - de ce que nous avons consommé quinze ans avant. Comme c'était une époque où on se développait encore beaucoup dans tous nos pays, les ferrailles arrivent en quantité importante et ceci amène un développement assez important des fours électriques et, en particulier, des usines basées sur fours électriques et utilisant soit des ferrailles, soit des minerais préréduits, dont on reparlera tout à l'heure. Aux fours électriques, à nouveau, SIDBEC se trouve dans une bonne situation, je crois, avec le chemin de production qui a été conçu et réalisé.

Si nous passons au dernier point de cette première partie, c'est-à-dire le secteur produits plats, la situation est plus compliquée parce que actuellement, dans le monde, il en existe une grosse capacité qui se trouve spécialement au Japon, aux États-Unis et en Europe de l'Ouest, avec de très grandes usines - ce qu'on appelle des mégausines - de plusieurs millions de tonnes par an, équipées de trains continus à bandes très

modernes et d'installations de laminage à froid correspondantes. C'est contre ces grandes usines qu'évidemment SIDBEC doit lutter. Cela étant dit, il faut bien voir que le train de laminoir à chaud dont dispose SIDBEC est un engin qui est convenable et qu'a priori il n'y a pas de difficultés très graves de ce côté-là. Je pense, par contre, que ce que nous disions tout à l'heure des qualités d'acier va être encore beaucoup plus important pour les produits plats que pour les produits longs et aux États-Unis - je me trouvais d'ailleurs à Pittsburgh, hier et avant-hier, nous en discutions encore - la crise va amener un certain nombre d'usines aux États-Unis comme en Europe à fermer, parce que ce sont des usines trop anciennes et que leur modernisation sera très coûteuse, probablement trop coûteuse, et non rentable.

Il y aura donc une diminution de capacité, diminution que nous recherchons, comme vous le savez, actuellement dans la communauté européenne pour améliorer la rentabilité des usines qui resteront en activité dans quelques années. Ceci a un aspect défavorable mais aussi un aspect favorable. L'aspect défavorable, c'est, bien sûr, pour les fermetures d'usines et les endroits où elles auront lieu. Mais, à nouveau, c'est l'aspect favorable pour ceux qui seront capables de choisir les créneaux qui vont apparaître dans l'avenir et qui apparaissent déjà, et pour lesquels des capacités vont manquer. Il est certain que tous ces créneaux demandent à être analysés. Je crois d'ailleurs que SIDBEC a fait des études déjà dans ce domaine-là. Mais il est bien certain que certains choix d'équipement et d'équipement nouveau - je précise qu'il ne s'agit pas de reconstruire des usines, mais de regarder des choses dans les domaines de laminage à froid et de parachèvement -peuvent être très intéressants pour développer des marchés, marchés qui apparaissent comme des marchés nouveaux ou qui simplement vont se trouver en remplacement d'usines qui vont être amenées à fermer. Je pense que là, la situation est assez différente, à mon avis, entre le Canada et les États-Unis. Le Canada, en général, n'est pas trop mal équipé, relativement, alors qu'aux États-Unis il y a un certain nombre d'installations anciennes qui vont fermer et des marchés risquent de s'ouvrir. Il est possible que cela puisse donner des occasions qui mériteraient d'être considérées par SIDBEC.

En face de ce tableau, évidemment, assez général, mais qui, je crois, est intéressant à avoir pour la sidérurgie, il faut voir le tableau correspondant pour le monde du minerai de fer. A priori, on va trouver le même tableau, mais vous allez voir qu'il va ensuite se modifier considérablement. Il est certain que le tassement de la production mondiale d'acier a amené une crise pour le minerai de fer, puisque tous les minerais de fer sont utilisés - comme le dirait M. de La Palice - pour faire de l'acier. Mais ce tassement de la demande de minerai de fer s'est fait d'une façon extrêmement inégale et je crois qu'on peut l'analyser de trois points de vue, un point de vue régional, un point de vue quantitatif et un point de vue qualitatif.

Sur le plan régional, on s'aperçoit - et vous avez des courbes ici, je crois que ce sont les figures 8, 9 et 10 - que cette crise de la sidérurgie, qui a entraîné une crise du marché mondial du minerai de fer, a en fait été en faveur des pays du Sud, c'est-à-dire surtout le Brésil et l'Australie, qui sont devenus les deux grands producteurs de minerai de fer pour l'exportation, alors que la production du minerai de fer de l'Amérique du Nord, et en particulier des États-Unis, a eu tendance à être relativement stable et que la production du minerai de fer en Europe, que ce soit dans la communauté européenne ou dans l'ensemble de l'Europe de l'Ouest, a subi une tendance extrêmement décroissante.

Alors, à nouveau, on peut se demander, après cette constatation, ce qui va arriver pour l'avenir. Je crois que, pour le voir et voir cette transformation régionale, il faut passer aux deux autres points, aux aspects quantitatif et qualitatif.

Sur l'aspect quantitatif, il y a là un phénomène très grave, qui est celui que j'ai évoqué tout à l'heure, soit l'apparition chaque année de quantités croissantes de ferrailles sur le marché mondial. Ce phénomène n'est pas nouveau, en fait. Il existe depuis une vingtaine d'années, mais il a été complètement masqué par la croissance de la sidérurgie. Vous aviez, bien sûr, de plus en plus de ferrailles disponibles chaque année, mais en même temps les besoins d'acier, les besoins de consommation et donc les besoins de production mondiaux augmentaient aussi, ce qui fait que la différence entre les deux non seulement ne diminuait pas, mais avait tendance à augmenter et, comme la sidérurgie n'est alimentée que par deux produits, les ferrailles et le minerai de fer, si le total des deux augmente plus vite que l'un d'entre eux, l'autre augmente aussi. C'est ce qui explique que, pendant une bonne vingtaine d'années, jusque vers ces dernières années, la production et la consommation mondiale de minerai de fer ont augmenté.

Malheureusement, maintenant, nous sommes en face d'un phénomène tout à fait nouveau, qui est celui que je mentionnais tout à l'heure, c'est-à-dire que la consommation mondiale d'acier reste à peu près constante. Depuis 1974, comme vous le voyez d'après les chiffres, on navigue autour de 700 000 000 de tonnes. Les bonnes années, on monte vers 720 000 000; les

mauvaises années, comme celle-ci, et comme cela a été dit tout à l'heure, on va probablement se retrouver aux alentours de 660 000 000 et, malheureusement, la production - si je puis employer ce terme pour les ferrailles - c'est-à-dire la récupération de la ferraille qui vient de nos consommations d'il y a quinze ou vingt ans augmente. Alors, qu'est-ce qui se passe? C'est un phénomène qui malheureusement est peu connu et qui a été peu apprécié; vous l'avez sur deux graphiques ici - sauf erreur de ma part, ce sont les figures 6 et 7. Vous apercevez qu'à consommation mondiale constante d'acier, il va falloir de moins en moins de minerai de fer tous les ans. Ce qui est un phénomène assez grave, qui est spécialement grave en face du fait que l'on continue à construire de nouvelles mines, ce qui est probablement une erreur, mais c'est malheureusement une des nombreuses erreurs du monde dans lequel nous vivons. Il n'y a naturellement pas de coordination à l'échelle mondiale, d'une part, et, en plus, beaucoup de ces décisions sont prises très longtemps à l'avance et les projets continuent, alors que le contexte économique n'est plus le même. (12 h 15)

Si l'on compare les figures 6 et 7 qui sont relatives à des productions et des consommations constantes d'acier dans le monde, les besoins de minerai de fer devraient passer, exprimés en tonnes de minerai, de 875 000 000 de tonnes à 821 000 000 de tonnes. C'est quand même, en quelques années, une production excédentaire des minerais de l'ordre de 50 000 000 de tonnes qu'il faudra faire disparaître. Cela est un point assez grave pour l'avenir du marché des minerais de fer. Ceci ne va pas être égal pour tout le monde et c'est là où je reviens au troisième point, après l'aspect régional, à l'aspect qualitatif. Je crois qu'il faut insister sur ce point qui nous montrera mieux la situation des mines comme celles de votre région, de la région du Québec et aussi du Labrador, parce que ce sont des minerais du même type, et même celles des États-Unis.

En fait, comme vous le savez, sur le marché mondial des minerais de fer, il y a deux types de minerai: il y a des minerais qui sont envoyés tels quels, quelquefois parce qu'ils sont très riches dans le sol et qu'il n'y a qu'à les extraire et les envoyer - c'est le cas du Brésil et de l'Australie - ou quelquefois, après concentration, comme vous le faites dans cette région, ces minerais sont envoyés dans des usines sidérurgiques pour être agglomérés. Il y a d'autres minerais, surtout les concentrés qu'on vient d'évoquer, que l'on préfère agglomérer sur place en boulettes, comme vous le faites à SIDBEC-Normines et comme on le fait à un certain nombre d'autres endroits, comme à Carol Lake, dans cette région et, bien sûr, en

Suède, au Brésil et en Australie et on livre donc à la sidérurgie mondiale des minerais naturels, des fils et des boulettes.

Or, qu'est-ce qui se passe actuellement? Il se passe deux choses très ennuyeuses. La première, c'est que les usines sidérurgiques ont une capacité d'agglomération qu'on appelle de l'agglomération sur grille qui est installée dans les usines principalement d'Europe occidentale et du Japon et c'est une capacité qui est considérable. Vous avez au tableau 2 un certain nombre de chiffres qui vous montrent qu'actuellement vous disposez dans le monde d'une capacité d'agglomération sur grille, ce qu'on appelle "sinter" en anglais, de 463 000 000 de tonnes, en regard d'une capacité d'agglomération en boulettes de 230 000 000 de tonnes.

Or, si vous regardez les valeurs exactes qui concernent l'Europe de l'Ouest et le Japon qui sont les deux grands importateurs de minerai, ces capacités d'agglomération sur grille sont largement suffisantes pour tous les besoins de la sidérurgie de ces deux pays. En fait, ces valeurs permettraient de faire à peu près 100 000 000 de tonnes de fonte au Japon, c'est-à-dire à peu près 130 000 000 de tonnes d'acier. Or le Japon n'envisage plus, en raison de la crise, de dépasser une production d'acier d'environ 110 000 000 de tonnes; autrement dit, cette capacité est déjà surabondante.

En Europe, c'est à peu près la même chose. On envisage, pour les prochaines années, l'objectif, en 1985, de la communauté est de 125 000 000 de tonnes d'acier, ce qui fera à peu près 100 000 000 de tonnes de fonte et elle aurait probablement besoin d'une capacité d'agglomération de 130 000 000 ou 140 000 000 de tonnes. Vous voyez qu'on est largement excédentaire. Bien sûr, les sidérurgistes préfèrent faire fonctionner ces installations qu'ils ont, qui existent, qui sont souvent amorties, qui sont liées au contexte général de l'usine et donc à la portée des minerais naturels. Ceci explique que le marché des boulettes connaisse une période extrêmement difficile et qui s'aggrave d'année en année. Les difficultés que vous constatez à SIDBEC-Normines, comme vos voisins de IOC à Carol, difficultés que l'on retrouve en Europe, chez nos amis suédois, dans les mines de Laponie, de MALMBERGET et de Kiruna, viennent essentiellement de ce phénomène qui s'est aggravé, bien sûr, avec la crise de l'énergie parce que la production de ces boulettes se fait avec une consommation d'énergie qui est, en général, du gaz naturel ou du pétrole et le prix de ce combustible a augmenté évidemment au fur et à mesure des années; cela a donné une compétitivité moins grande à ce produit, besoin moins grand, comme je l'indiquais tout à l'heure, et, malheureusement, nous avons

eu un marché des minerais encombré en général, comme l'indique le tableau 1. Vous voyez que déjà, maintenant, sur le total des besoins d'importation mondiaux, - j'ai pris les onze pays, mais qui représentent à peu près 95% du marché mondial - on arrive à un peu plus de 300 000 000 de tonnes sur un total de 324 000 000 en l'année 1981, alors que la capacité est de 400 000 000 de tonnes et elle continue à croître, par suite des projets que j'ai évoqués tout à l'heure et qui se poursuivent.

Vous voyez que la conclusion pour cet aspect du minerai de fer est, malheureusement, beaucoup moins optimiste que pour l'aspect sidérurgiste que j'évoquais tout à l'heure, parce qu'on se trouve et vous vous trouvez, en compagnie de vos amis et voisins américains et également suédois en Europe, sur un marché qui est difficile, qui est celui des boulettes et qui prévoit donc peu d'amélioration pour l'avenir.

Quelles sont les solutions? Il y en a quand même, bien sûr. Le marché des boulettes, pour l'avenir, va être très mauvais, mais il a trois portes de sortie. La première, c'est que ces boulettes, que les sidérurgistes ne recherchent pas et que même ils boudent, certains d'entre eux les recherchent toutefois pour les unités de réduction directe, analogues à celles que vous avez à SIDBEC. Vous savez qu'un certain nombre de ces installations se construisent dans le monde, en particulier dans les pays riches en pétrole. Il y a donc un certain marché de boulettes pour des installations du type de celles que vous avez à SIDBEC. Ce marché est malheureusement limité et, actuellement, je crois qu'il ne faut pas fonder de très grands espoirs sur les quantités que l'on peut y vendre. Mais ceci ne veut pas dire qu'on ne peut pas en vendre un certain tonnage. C'est un des points qu'il faudrait examiner en détail, afin de voir s'il y a là des possibilités d'exportation de certains tonnages de boulettes de SIDBEC-Normines.

Le deuxième marché, ce n'est certainement pas, comme je le disais tout à l'heure, des boulettes de fourneau, sauf dans la région Amérique du Nord-Canada qui, elle, vit en dehors du grand marché mondial que j'évoquais, qui est le grand marché transocéanique de l'Europe de l'Ouest et du Japon et il est certain que les hauts fourneaux du Canada, vos voisins de Stelco de Delfaco, Algoma et surtout des hauts fourneaux américains, fonctionnent en boulettes pour un motif tout à fait symétrique et opposé à celui que j'indiquais tout à l'heure pour le reste du monde. C'est que là, on ne dispose pas d'agglomérations sur grille, il faut donc absolument employer les boulettes. C'est ce qui a amené l'industrie américaine, en particulier l'industrie des États-Unis, à s'équiper de ce côté. Je ne sais pas exactement ce qui a été fait du côté de SIDBEC et SIDBEC-Normines, mais il y a peut-être un certain débouché de ce côté.

Le troisième point qui, malheureusement, est le plus lointain, c'est que ce tableau va changer, bien sûr, avec le temps. Il va changer pour quel motif? C'est que les installations d'agglomérations sur grille, qui vous gênent tant, dont je parlais tout à l'heure, du Japon et de l'Europe de l'Ouest, elles existent, mais, comme toutes les installations, elles vieillissent. Il est certain que, si on se projetait dans un avenir assez éloigné, disons en l'an 2000 - pour prendre un terme lointain, mais pour essayer de voir le fond du tableau - un certain nombre de ces installations vont cesser de produire, parce qu'elles sont anciennes; elles vont devenir obsolète. À ce moment-là, il sera probablement assez difficile de les reconstruire pour plusieurs motifs. J'en signalerai deux. L'un d'entre eux, ce sont les problèmes d'environnement. Ce sont des installations relativement polluantes, ces installations d'agglomérations sur grille, parce qu'elles fonctionnent avec du charbon et non pas avec du gaz naturel, comme les installations d'agglomération en boulettes. Comme vous le savez, dans tous les pays industrialisés et très peuplés, du type de l'Europe de l'Ouest et du Japon, les contraintes de l'environnement deviennent de plus en plus difficiles et ceci amènera de grosses difficultés pour les remplacer. Naturellement, il y a un autre problème qui est un problème purement financier, c'est qu'il faut trouver l'argent pour faire ces installations. Cela amènera donc, je pense, un nombre croissant de sidérurgistes européens et japonais à acheter des boulettes pour précisément pallier ces constructions qui ne se font pas. Il y a donc quelque chose qui est intéressant de ce côté. Malheureusement, et j'insiste sur ce point parce qu'il ne faut pas se faire trop d'illusions, c'est plutôt un avenir lointain parce que, dans les prochaines années, compte tenu des niveaux que nous prévoyons pour les consommations et les productions mondiales d'acier, ce besoin n'apparaît pas encore beaucoup.

M. le Président, MM. les membres de cette commission, après ce tableau, je vais essayer de résumer les conclusions sur la façon dont je vois l'évolution de la situation mondiale. La première, sur laquelle je n'insisterai pas, tout le monde l'a dit déjà, c'est que la conjoncture actuelle au niveau immédiat est mauvaise, c'est bien évident. Mais, si on essaie de voir à un peu plus long terme comment cela a évolué, il y a donc deux conclusions assez différentes pour la sidérurgie et pour les mines.

Pour la sidérurgie, on pourrait espérer une reprises dans un certain temps des besoins et, compte tenu des arrêts d'un

certain nombre d'installations qui se feront en particulier sur ce continent, il faudrait probablement regarder - je crois que ce sont des choses que SIDBEC regarde - quels sont les créneaux où la future production de SIDBEC pourrait être la plus rentable et la plus intéressante, donc, se baser de façon structurelle pour l'avenir pour être exactement dans les créneaux les plus intéressants. Là, je pense qu'il y a des possibilités qui ne sont pas négligeables.

Par contre, pour le second point qui est l'aspect du minerai de fer, il va y avoir des années mauvaises à passer, je le crains, beaucoup plus longues que pour la sidérurgie en raison de l'évolution que j'indiquais pour le minerai de fer dans le monde. On en trouve une illustration dans le fait que beaucoup de vos concurrents, c'est-à-dire des pays producteurs de boulettes de minerai de fer, ont été amenés à arrêter des installations. Sur cette capacité que vous avez vue sur le tableau II d'environ 230 000 000 de tonnes d'agglomération de boulettes dans le monde, je pense qu'actuellement il y en a à peu près la moitié qui est arrêtée, avec une certaine difficulté à discerner les installations qui sont arrêtées définitivement - il y en a un certain nombre - et celles qui sont simplement arrêtées provisoirement et qui pourront entrer en service un peu plus tard quand la période sera bonne. Évidemment, c'est un point qu'il serait capital de connaître afin de l'ajuster aux futures demandes mondiales de minerai de fer. Mais là, il est certain - je le répète - que la situation n'est pas très facile et va poser un bon nombre de problèmes.

Voilà, M. le Président, les aspects généraux que je voulais vous donner et qui permettent de replacer les problèmes et les difficultés de SIDBEC dans un cadre mondial qui montre qu'ils ne sont pas uniques, mais se retrouvent dans d'autres régions.

Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le ministre.

M. Biron: M. Astier, je vous remercie de votre présentation. J'ai quelques questions très brèves et je laisserai le temps à mes collègues de vous poser les questions qu'ils jugent utiles pour éclairer cette commission.

Vous nous dites que, dans le domaine de la sidérurgie, donc des opérations manufacturières, il semble qu'il y ait des possibilités un peu plus rapidement, d'abord parce que SIDBEC est bien placée dans les produits longs, aussi parce qu'on emploie une méthode de fusion à l'électricité qui est une méthode très moderne pour une entreprise de cette taille, mais vous dites aussi, pour les produits plats, qu'il y a peut-être certains produits ou certains créneaux. Vous n'ignorez pas que notre capacité de production dans les produits plats n'est pas tellement élevée si on la compare à la sidérurgie normale d'Amérique du Nord ou d'Europe où il y a 2 000 000 ou 3 000 000 de tonnes de capacité à peu près par an. Nous en avons environ 500 000, 400 000, 600 000. (12 h 30)

Ma première question regarde les produits plats. Croyez-vous qu'une entreprise comme SIDBEC, qui n'a pas les moyens financiers d'investir au-delà de 1 000 000 000 $ dans des capacités de production de 2 000 000 ou 3 000 000 de tonnes, en n'étant même pas sûre que le marché va exister, croyez-vous qu'il y a des possibilités, en cherchant certains créneaux de produits où les quantités sont beaucoup moindres que les créneaux réguliers, à condition de faire un choix quant à la méthode et l'équipement, et aussi un choix très important concernant la qualité du produit... J'ai remarqué que vous avez aussi parlé de cela. En d'autres termes, est-ce que, pour une sidérurgie, il faut absolument chercher une capacité installée de 2 000 000 ou 3 000 000 de tonnes ou s'il y aurait certains créneaux de marché, compte tenu qu'on est capable de produire la qualité qu'il faut, qu'on pourrait quand même essayer de conquérir dans les produits plats en ayant une capacité de production qui serait beaucoup moindre, de la taille d'une mini-aciérie?

M. Astier: Pour répondre à votre question, M. le ministre, d'abord, il y a une première impression que je voudrais vous donner tout de suite, et je suis bien d'accord avec vous. Cela serait certainement une très grosse erreur pour SIDBEC que de se lancer dans une production en grand de produits plats, c'est-à-dire de s'équiper d'un train à bandes à chaud d'une capacité de l'ordre de 2 000 000 ou 3 000 000 de tonnes, parce qu'il y a actuellement une surcapacité mondiale dans ce domaine. Cela serait un investissement très lourd et je crains qu'on n'ait une rentabilité extrêmement mauvaise-Mais ceci n'est pas un handicap pour SIDBEC, pour deux motifs: le premier, c'est que - on va y revenir tout à l'heure pour les créneaux qui peuvent s'ouvrir - d'une part, le train existant, le train à chaud, le train "Steckel", a une production limitée, bien sûr, comme vous le disiez, de l'ordre de 400 000 à 600 000 tonnes, mais c'est déjà une production intéressante, et on peut l'améliorer par des mesures relativement peu coûteuses, si c'est nécessaire. Un deuxième point, c'est peut-être une pensée un peu hérétique, mais, si on a vraiment besoin d'une quantité un peu plus forte de bobines à chaud, on doit pouvoir en acheter à des producteurs qui pourraient vous les fournir à des prix certainement intéressants. Pourquoi en acheter? Parce qu'en fait, toute mon idée

n'est pas du tout de se lancer dans des investissements dans la partie à chaud, mais c'est de le faire du côté de la partie à froid. Je crois que les créneaux intéressants, ce sont souvent des créneaux de 50 000, 100 000 ou 200 000 tonnes d'un produit donné, qu'évidemment je ne peux pas vous indiquer; il y a toute une étude de marché à faire. Mais il est certain que certains types de tôle - peinte ou revêtue de ceci ou de cela, tôle galvanisée ou tôle étamée; je dis ceci un peu en l'air, bien sûr, parce qu'il faudrait l'examiner et je pense que nos amis de SIDBEC connaissent bien mieux le domaine - peuvent, si on les développe bien, trouver des débouchés probablement ici dans la province et avoir donc cet effet d'entraînement sur d'autres industries, peut-être même dans des régions voisines, le Nord des États-Unis ou l'Ouest du Canada. Là, je pense que ce qu'il faut surtout, c'est faire un assez gros effort de recherche de qualité pour faire ces produits et faire les investissements correspondants, mais qui, à nouveau, seraient des investissements petits. Il n'est pas du tout question de dépenser, je ne parle même pas du milliard de dollars, même pas de centaines de millions de dollars. Ce sont peut-être des investissements de quelques dizaines de millions de dollars, mais après une étude de marketing bien faite pour voir vers quels produits il faut s'orienter.

M. Biron: Est-ce que, dans ces produits, il y a beaucoup de compétition, dans le sens que le prix peut chuter s'il y a une surcapacité de production ou si, dans certains créneaux de production de 100 000 tonnes, il y a moins de compétition, et donc le prix serait un peu plus stable?

M. Astier: En général, le prix est plus stable, mais, évidemment, il faut voir produit par produit. Je crois que, par exemple, aux États-Unis, il y a une grosse capacité de production de tôle étamée, de fer-blanc, et beaucoup d'installations assez modernes, ce qui fait que c'est là un marché probablement où il n'est pas très facile de pénétrer. Par contre, il y a des nouveautés dans le domaine de la tôle galvanisée; il y en a d'autres pour les tôles peintes, les tôles prélaquées qui, quelquefois, peuvent représenter des marchés relativement limités mais fort intéressants. Alors, il y aurait une étude à faire pour voir quels sont les marchés et comment ils se développent. Nous avons des choses curieuses en France où nous avons les difficultés que vous connaissez dans tout le Marché commun. La plupart des secteurs sont en très mauvaise situation, mais on trouve certains secteurs qui continuent à se développer avec des taux de développement de l'ordre de 10% par an, ce qui est incroyable dans la crise actuelle, pour certaines tôles, pour l'industrie automobile où on a besoin de 10 000 ou 20 000 tonnes par an de certains types de tôle avec certains revêtements. Évidemment, celui qui a bien trouvé le créneau et qui le fait continue à les fournir et, comme les besoins ne sont pas très gros, en général, il n'a pas, bien sûr, un monopole mais une situation, de fait, bien meilleure.

M. Biron: Ce qui oblige le service de marketing à faire des études poussées, à être vraiment à la pointe de l'agressivité.

M. Astier: Oui, c'est cela et je dirais même, M. le ministre, qu'un service de marketing et un service technique de recherche et de développement doivent être très liés l'un à l'autre pour profiter de tous les créneaux qui apparaissent.

M. Biron: D'accord. Ma dernière question, pour laisser le temps à mes collègues de vous en poser quelques-unes, concerne le minerai de fer. Vous dites qu'il y a des possibilités d'avancer un peu plus rapidement dans le domaine de la sidérurgie; dans le domaine du minerai, c'est long; dans le domaine des boulettes, cela peut être encore plus long, compte tenu de votre exposé, de la présence de la ferraille qu'on n'employait pas il y a vingt ans ou à peu près et qu'on emploie maintenant, parce qu'on a trouvé de nouveaux procédés.

Mais vous avez ouvert trois points bien particuliers. À long terme, des équipements au Japon et en Europe vont venir à s'user et à être remplacés; mais vous avez dit, très honnêtement: C'est à très long terme. C'est après 1990 et peut-être en l'an 2000. Vous avez dit aussi qu'il y a des hauts fourneaux américains qui emploient des boulettes, mais emploient des boulettes, habituellement, je pense, lorsqu'ils atteignent un certain niveau de production.

M. Astier: Non. Vous voyez, aux États-Unis, et au Canada d'ailleurs, dans certaines usines comme Dofasco, la charge normale du haut fourneau et des boulettes dans ce cas, c'est l'opposé de la pratique que j'appellerais japonaise et européenne, et le lit de fusion, la charge du haut fourneau est vraiment constituée de boulettes.

M. Biron: Mais c'est en Amérique du

Nord, là où, déjà, la capacité de production de minerai de fer et de boulettes est énorme.

M. Astier: Exactement. Et là, si vous permettez que je poursuive ma pensée, la situation est la suivante. Elle est un peu compliquée par le fait que vous avez, d'une part, un certain nombre de hauts fourneaux qui existent, aux États-Unis et au Canada, et

vous avez un certain nombre d'installations, d'agglomérations en boulettes qui existent aussi. Et actuellement, il y a une certaine adéquation de l'un par rapport à l'autre, c'est-à-dire qu'il n'y a pas trop de hauts fourneaux, pas trop d'agglomérations en boulettes et la crise actuelle va amener deux choses, et c'est le résultat qui n'est pas très facile à prévoir.

La première chose, c'est qu'il y a un certain nombre d'usines, en particulier aux États-Unis - c'est beaucoup moins vrai au Canada, mais surtout aux États-Unis - qui vont fermer parce qu'elles sont vraiment très vieilles. J'étais donc à nouveau, lundi et mardi, hier et avant-hier, à Pittsburgh, on en a rediscuté avec mes amis américains et il y a toute une série de hauts fourneaux qui sont arrêtés actuellement, dans la région de Pittsburgh en particulier, et il y en a qu'on ne remettra jamais en service.

Mais, d'un autre côté, il y a aussi des installations d'agglomérations de boulettes qui ont beaucoup vieilli aux États-Unis, celles qui sont de la première génération, qui ont été mises en service vers 1955, qui sont amorties maintenant, qui ne correspondent plus très bien aux standards actuels et qu'on va certainement arrêter aussi. La question difficile mais évidemment très importante pour SIDBEC-Normines est: Est-ce que ceci va se traduire par un excédent de boulettes, auquel cas votre situation n'a pas d'issue de ce côté? Ou est-ce que précisément on va fermer, si j'ose dire, plus d'agglomérations de boulettes que de hauts fourneaux, en tonnage, bien sûr, et que ceci va ouvrir un certain nombre de possibilités? Et là, il pourrait y en avoir de ce côté qui seraient plus intéressantes, à relativement court terme, que les marchés européens et japonais qu'on évoquait tout à l'heure.

M. Biron: D'accord. Vous avez parlé aussi d'un nouveau marché potentiel des pays producteurs de pétrole qui, eux, à cause de leurs coûts d'énergie, de gaz naturel, peuvent installer des mini-aciéries et se servir de boulettes. Est-ce que vous croyez qu'au cours des prochaines années, dans un horizon prévisible de cinq ans, plusieurs de ces pays installeront ce genre de mini-aciéries, ce qui pourrait créer, finalement, un marché pour la boulette qui n'existe pas à l'heure actuelle?

M. Astier: Oui. Il y en a encore actuellement, malgré la crise. Comme je vous disais tout à l'heure, tout le monde est atteint par cette crise, mais tout le monde l'est plus ou moins vite, et ceux qui sont atteints les derniers sont les pays producteurs de pétrole qui ont encore des revenus relativement importants, bien que décroissants par suite de la conjoncture mondiale. Il y a actuellement encore un certain nombre d'installations en construction, j'en cite trois au hasard: il y en a une en Libye, une en Égypte près d'Alexandrie et une troisième en Arabie Saoudite. C'est celle de l'Arabie Saoudite qui va démarrer la première, l'année prochaine; celle d'Égypte, c'est plutôt dans trois ans; celle de Libye, cela serait aussi dans trois ans. Elles sont dans les pays du monde arabe qui n'a pas du tout de ressource en minerai de fer. C'est dire qu'ils vont importer des boulettes pour alimenter ces installations. Évidemment, il y a des concurrents qui sont déjà sur les lieux et qui sont peut-être quelquefois mieux placés que vous pour des questions de transport et autres, mais il y en a d'autres qui ne sont pas beaucoup mieux placés que vous. Il faut bien voir que ceci peut être intéressant pour placer certains tonnages de SIDBEC-Normines. Dans un premier temps, cela va être très difficile sur le plan financier parce que je crois, comme vos études l'ont montré - il y a quelques études que j'ai pu voir de SIDBEC-Normines que ce marché international est malheureusement terriblement compétitif et les transactions se font actuellement à des cours bas qui sont, je le crains, assez proches et peut-être même en dessous des prix de revient. Évidemment, tout ceci peut évoluer dans les prochaines années. Il est donc possible qu'il y ait quelques débouchés de ce côté. La grosse difficulté que je vois et j'insiste, c'est qu'il est possible que l'exploitation soit vraiment à la limite de la rentabilité.

Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Juste pour continuer un peu sur cette dernière question, dans les pays sous-développés ou les pays que vous avez mentionnés, vous semblez dire que c'est un endroit où ce sont des marchés qui offriraient des possibilités pour les boulettes, pour les produits utilisés. Est-ce qu'il y a d'autres produits que SIDBEC-Normines pourrait produire et qui pourraient être utilisés dans ces pays, tels les concentrés ou les superconcentrés? Est-ce que cela aussi offrirait un marché possible pour les activités de SIDBEC?

M. Astier: Oui, effectivement, vous avez raison. Je vous remercie de poser la question parce que c'est un point au sujet duquel je n'ai pas donné de détails, mais il n'est pas négligeable. Il est certain que les concentrés de SIDBEC-Normines, soit le concentré normal, soit le superconcentré, pourraient trouver - peut-être avec les mêmes remarques au point de vue économique, c'est-à-dire que la rentablité de ces activités n'est pas toujours très bonne, malheureusement; actuellement, il n'y a pas

beaucoup d'exploitations très rentables dans le monde - un certain marché. Certaines usines ont été construites récemment. Il y en a une qui a démarré au début de cette année, il y aura bientôt un an, au Nigéria; c'est une unité de réduction directe qui a deux modules Midrex voisins d'ailleurs du module numéro 2 de SIDBEC. Elle a été construite avec une agglomération de boulettes comme celle que vous avez à Port-Cartier. Le Nigéria se trouve dans le même cas que les pays arabes que j'évoquais tout à l'heure; il n'a pas de ressources en minerai de fer, ou du moins pas beaucoup, et il est amené à importer l'alimentation de cette agglomération de boulettes, c'est-à-dire des concentrés. Ils en ont acheté ces derniers temps au Liberia qui a l'avantage de ne pas être très loin, mais, comme on l'évoquait tout à l'heure, la crise actuelle va probablement amener certaines fermetures de mines au Liberia, ce qui fait qu'ils ont regardé quelques autres possibilités. Ils ont pensé au Brésil, qui n'est pas très loin, c'est en face, si je puis dire. Mais on ne sait jamais, il pourrait y avoir des marchés de ce type-là pour alimenter des machines d'agglomération en boulettes de pays en voie de développement.

M. Ciaccia: Cela pourrait être un marché intéressant pour SIDBEC-Normines. Dans les exportations que le Brésil fait au marché européen, est-ce que vous auriez les chiffres que le Brésil fait par rapport aux exportations canadiennes?

M. Astier: Les chiffres que vous cherchez, c'est donc les exportations du Brésil sur le marché européen?

M. Ciaccia: Oui, des...

M. Astier: Elles ont varié pour les trois dernières années, 1979, 1980 et 1981. Curieusement, on peut dire que le marché européen diminue légèrement. Pour ces trois années, il a diminué et la part brésilienne a augmenté, c'est-à-dire que les chiffres exacts sont 26 000 000, 27 000 000 et 28 000 000 de tonnes pour les trois dernières années. (12 h 45)

M. Ciaccia: Et la part canadienne?

M. Astier: La part canadienne a diminué. C'était 15 000 000, 13 000 000 et 12 000 000 tonnes.

M. Ciaccia: À votre connaissance, est-ce que, dans le passé, il y a eu des ententes entre différents pays sur les ventes dans d'autres marchés pour ces produits?

M. Astier: C'est une question assez compliquée. Je vais essayer d'y répondre aussi clairement que possible. Il y a en fait trois mécanismes qui fonctionnent. Le premier, c'est qu'il existe une association des pays exportateurs de fer qui voudrait être un peu l'équivalent de l'OPEP pour le pétrole. C'est une association que je connais très bien, je la vois souvent, qui rédige d'ailleurs un excellent bulletin. En fait, elle n'a pas un très grand rôle, pour un motif essentiel - il y en a d'autres, mais il y en a un d'essentiel - c'est que le Brésil n'en fait pas partie. Évidemment, comme c'est un gros producteur, ce serait un peu l'OPEP sans l'Arabie Saoudite, si vous permettez une comparaison rapide. Cette association n'a pas, à mon avis, une très grande importance de ce point de vue là.

Il y a un deuxième mécanisme qui existe et qui ne fonctionne pas trop mal, mais qui a une influence limitée; c'est que la plupart des contrats européens sont faits sur une base annuelle. Ils se font d'ailleurs en fin d'année, en ce moment précisément. Les grands producteurs, en général se rencontrent avant pour essayer d'harmoniser leurs prix et pour arriver à éviter - comme je vous le disais tout à l'heure -une guerre trop brutale. Cela étant, ce sont des conversations assez officieuses et qui ne sont pas d'une clarté très limpide. Il y a toujours quelqu'un qui dit qu'il ne va pas en retenir les prix et puis qui fait un rabais. C'est assez compliqué. Ces négociations ne sont pas très coordonnées.

Ce qui reste, c'est le dernier point, le troisième, ce sont les possibilités de discussion directe entre producteurs et consommateurs pour un produit donné. Par exemple, ces aspects qu'on évoquait tout à l'heure, c'est-à-dire des boulettes pour réduction directe ou bien des alimentations de concentré pour agglomération de boulettes pour réduction directe. Il peut y avoir des discussions entre deux ou trois producteurs -ils ne sont souvent pas très nombreux dans le monde - pour essayer de ne pas trop se gêner les uns les autres, en réduisant, bien sûr, leur part de marché à chacun et en essayant de se coordonner.

M. Ciaccia: Juste deux autres petites questions parce que mes autres collègues voudraient vous en poser. Aujourd'hui, on parle d'une différence entre le prix mondial des boulettes et le prix "Lake Erie", le prix nord-américain. Quelle était cette différence en 1980? Était-elle aussi marquée?

M. Astier: Elle doit être d'un ordre de grandeur d'à peu près une vingtaine de dollars par tonne de fer ou 0,20 $ par point de fer, si vous voulez.

M. Ciaccia: Maintenant? M. Astier: Oui, à peu près.

M. Ciaccia: Et, en 1980, quelle était cette différence? Avez-vous des chiffres?

M. Astier: Elle a tendance à augmenter un peu. Il faudrait prendre des chiffres exacts, mais disons que, si elle était, par exemple, de 18 $ en 1980, elle serait plutôt de 22 $ maintenant. Vous voyez, elle a un peu tendance à augmenter parce qu'il y a une lutte assez sérieuse de ce côté-là.

M. Ciaccia: Est-il possible qu'elle soit beaucoup moindre que cela? Certains chiffres, par exemple... Est-il possible que la différence de prix était plutôt de 9 $, 10 $ ou 8 $ en 1980?

M. Astier: Vous voyez ce qui se passe. C'est assez difficile de répondre à la question et je vais vous expliquer pourquoi. Si vous vous reportez à peu près il y a quinze ans, les boulettes étaient vendues à peu près au même prix aux États-Unis, les fameux prix du lac Érié, et sur le marché mondial. Ce qui s'est passé, c'est qu'il y a eu progressivement une surcapacité qui s'est créée, mais surtout pour l'exportation. Ce qui fait que les prix du lac Érié ont continué à évoluer, je dirais, en fonction des intérêts des sidérurgistes et des mineurs américains, en vase clos, c'est-à-dire qu'ils ont suivi les coûts, l'inflation et donc ils ont augmenté. Par contre, les prix sur le marché international sont devenus très difficiles à tenir et les producteurs ont été amenés à faire des rabais parce qu'ils n'arrivaient plus à vendre leurs boulettes. Actuellement, il y a, et c'est ce qui explique la difficulté à répondre, une grande dispersion des prix. Je me trouvais au Chili il y a deux mois - on m'avait justement demandé pour une étude de réduction directe - et je me suis aperçu que les Chiliens avaient vendu des tonnages de boulettes au Japon, parce qu'ils n'avaient aucune autre possibilité, et ils les ont vendus à un prix qui, disons, est probablement de l'ordre de 35 $ en dessous des prix du lac Érié. C'est une vente un peu spéciale, mais je crains qu'il y en ait un certain nombre comme celle-là. Ce qui fait que cet ordre de grandeur que l'on citait tout à l'heure, qui est plutôt sur le marché de Rotterdam ou le marché japonais, est un ordre de grandeur moyen, mais avec énormément de variations.

M. Ciaccia: Juste une autre question. Vous avez été intéressé et impliqué au début de l'implantation de l'industrie de la sidérurgie au Québec et, à ce moment-là, est-ce qu'il y a eu des études? Par exemple, est-ce que l'Institut international du fer et de l'acier avait fait certaines projections concernant la demande mondiale en tonnes d'acier?

M. Astier: C'est-à-dire qu'au moment précis où les premières études ont été faites pour la sidérurgie du Québec - cela doit faire exactement vingt ans, si je me souviens bien - l'Institut international du fer et de l'acier, en fait, n'existait pas. Il n'a été créé que quelques années après, cinq années après, si je me souviens bien. Mais il y avait évidemment un certain nombre d'études qui avaient été faites et, comme beaucoup d'études qui ont été faites jusqu'à il y a à peu près dix ans, elles étaient toutes très optimistes. En fait, on avait eu tendance, si vous me permettez l'expression, à prolonger les fameuses courbes de l'après-guerre. Évidemment, cela s'est révélé exact pendant un certain temps, jusque vers 1970-1974, mais, en fait, ces prévisions, quand on les regarde maintenant, pour la partie qui concerne les prochaines années, en particulier pour 1985-1990 et l'an 2000, les consommations réelles que nous avons maintenant et celles qu'on essaie de projeter pour ces années sont considérablement en dessous de toutes ces prévisions.

M. Ciaccia: Vous avez raison, l'institut a été créé après la formation de SIDBEC, mais on avait fait des études avant les ententes avec SIDBEC-Normines. Je présume que les hommes d'État de cette époque, en se basant sur ces études, ont fait des ententes avec SIDBEC-Normines, et ces études, comme vous venez de nous le dire, n'ont pas prouvé qu'ils ont été aussi optimistes. La question que je pose est à l'inverse. On s'est basé sur des études optimistes et on a peut-être été plus optimistes aussi, et il se trouve qu'aujourd'hui, la demande n'est pas là. Mais inversement, vous nous présentez aujourd'hui un tableau assez sombre, basé sur des études et des expériences aussi quant à l'avenir. Est-ce que c'est possible aussi, de la même façon que les études qui étaient optimistes deviennent pessimistes, que les études pessimistes puissent changer et peut-être influencer les décisions qui sont prises aujourd'hui? On ne peut pas se baser complètement sur les études pour l'avenir. Est-ce qu'on pourrait tirer cette conclusion?

M. Fortier: Autrement dit, on retourne en France.

M. Astier: Je crois en tout cas que vous avez parfaitement raison d'attirer l'attention sur ce point. L'un de mes amis de Lizy l'avait exprimé, je crois, d'une façon encore plus imagée que vous, en disant que la seule prédiction qu'il pouvait faire, c'est qu'il ne pouvait pas en faire, ce qui est peut-être aller un peu loin. Mais il est certain que toute personne, que ce soit un économiste ou un métallurgiste, qui fait des prévisions a malheureusement tendance à être très influencé par la situation où il est,

au moment où il fait les prévisions. Ceci explique, en partie - ce n'est pas la seule cause, bien sûr - que toutes les prévisions, comme vous venez de le dire, qui ont été faites de 1974 à 1975 ont été beaucoup trop optimistes. Maintenant que le danger existe, que l'on soit un peu trop pessimiste, je crois que c'est vrai; il y a un risque de ce côté. Il se peut qu'en raison justement de cette crise - c'est elle qui s'aggrave en ce moment, et dans les mois qui viennent - cela ne nous permet pas de voir très exactement... Comme je le disais tout à l'heure, je crois qu'il va y avoir une reprise, mais, effectivement, elle peut être plus proche et plus lointaine, et puis elle peut être plus ou moins rapide. On a un peu tendance à mettre de côté l'hypothèse trop optimiste d'une reprise à la fois, proche et importante, mais, évidemment, on ne peut pas l'écarter.

Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le député de Verchères.

M. Charbonneau: Un point qui devrait être approfondi, c'est que vous avez indiqué, à un moment donné, au sujet du secteur des produits plats, que la fermeture des vieilles usines, en particulier aux États-Unis, pourrait être une bonne chose pour ceux qui, éventuellement, choisiraient les bons créneaux de production. Cela donnerait des débouchés nouveaux, qui pourraient mériter d'être regardés par SIDBEC.

D'autre part, vous aviez dit un peu plus tôt que, pour le stade du parachèvement, il n'était pas nécessaire d'envisager des équipements coûteux pour ce type de parachèvement qui est nécessaire pour la production. Est-ce que vous pourriez expliciter sur ce point, la non-nécessité d'avoir des équipements coûteux pour produire à profit? Ce qu'on a devant nous, ce sont des hypothèses qui nous indiquent que, pour faire du parachèvement dans le secteur des produits plats, il faudrait y consacrer des centaines de millions de dollars. Est-ce qu'à votre avis, à moindre coût, en choississant bien les secteurs de production, il y aurait possibilité, finalement, d'améliorer nos équipements actuels? Je ne sais pas si vous connaissez un peu les équipements de SIDBEC; je présume que oui. Est-ce qu'avec les équipements qu'on a actuellement, ajoutés à des investissements minimaux, il serait possible de développer un secteur de produits plats qui pourraient être concurrentiels dans plusieurs créneaux ou qui pourraient s'avérer intéressants au cours des prochaines années?

M. Astier: Oui. Ce qu'il y a, c'est que nous ne parlons bien que du laminage à froid et des parachèvements; il y a en fait beaucoup de choses très différentes dans ce secteur et je n'ose pas dire que chaque investissement est proportionnel à la production qu'on va en tirer. Ce n'est pas vrai, parce que cela dépend des produits que l'on va construire, mais il y a des possibilités un petit peu en tout genre. Pour m'expliquer, si on veut refaire, supposons qu'on vueille faire un train de laminage à froid beaucoup plus important que la cage Zendsimir que vous avez et qui est, je crois, le seul engin de laminage à froid qui existe, il est certain que, si on veut mettre un train de laminage à froid moderne, un tandem avec plusieurs cages, cela va être un investissement très gros, mais qui aura une production très forte, qui peut faire peut-être 500 000, 600 000 tonnes, c'est-à-dire traiter toute la production du train à chaud et peut-être même vous amener à importer un peu de produits. Alors, c'est probablement une chose qui serait très bonne, parce qu'elle vous ferait des produits de qualité bien meilleure, mais je crains que cela soit le type d'investissement pas facile à justifier au point de vue de la rentabilité parce qu'à nouveau, il va être très cher et y aura-t-il le marché pour cela? Je pense qu'il vaudrait mieux aller encore un stade plus loin, c'est-à-dire pour l'instant de ne rien faire en laminoir à froid, sauf peut-être mettre un investissement beaucoup plus modéré d'une cage unique, d'une cage quarto, par exemple, si c'est nécessaire, mais peut-être aller voir du côté de la finition, des lignes de finition, de parachèvement, comme une ligne de galvanisation ou une ligne de peinture, une ligne de prélaquage, mais là, ce sont des choses extrêmement différentes et il y en a absolument à tous les prix, mais avec des tonnages très différents. Si vous montez une installation de 20 000 000 $, elle ne vous fera pas une production très grande; si vous en montez une de 50 000 000 $, c'est tout de suite une installation plus importante. Là, c'est très difficile de donner une réponse. Les seules personnes qui pourraient en donner, ce sont certainement nos amis de SIDBEC. C'est une étude avec SIDBEC qui montrerait où il peut y avoir des créneaux, parce qu'il y en a. Tout à l'heure, je disais "à première vue", parce que ce n'est pas une conclusion d'étude. Par exemple, il y a beaucoup de lignes d'étamage qui existent actuellement. Alors, en monter une autre, surtout qu'il faut de grosses lignes pour que ce soit rentable, ce sera probablement difficile. Cette conclusion n'est peut-être pas vraie pour une ligne de prélaquage, ou un ligne de peinture, ou une ligne de galvanisation.

M. Charbonneau: Si je comprends bien, néanmoins, si on décidait de faire des investissements, par exemple, dans une ligne de galvanisation ou dans une ligne de prélaquage, il ne faudrait pas, par ailleurs, pour faire en sorte qu'on puisse produire ces

équipements-là, fermer les laminoirs qu'on a actuellement.

(13 heures)

M. Astier: C'est-à-dire que là, c'est une question à laquelle il est très difficile de répondre dans une conversation comme cela, parce que - je pense à des points qui ont été évoqués tout à l'heure, surtout les scénarios possibles - il y a malheureusement un très grand nombre de possibilités qu'on peut envisager. Pour prendre un cas extrême, on pourrait envisager - je ne le souhaite pas mais enfin - d'arrêter le laminoir à chaud et de se concentrer sur le laminage à froid en achetant des bobines; vous voyez, c'est un point extrême. À nouveau, je dis bien que je ne le conseille pas, mais c'est pour montrer que techniquement, c'est une possibilité. Une autre, c'est d'améliorer le laminoir à chaud et même d'augmenter un peu la production si cela est nécessaire et la qualité du produit pour alimenter de nouvelles lignes du laminage à froid. Il y a là toute une série d'options différentes. Je crains, vous voyez, que ce ne soit des difficultés de l'étude des produits plats. Je crois personnellement qu'il y a des possibilités mais elles ne sont pas faciles à étudier parce que la plus facile à étudier, ce serait de faire une grande usine de laminage à chaud et à froid. Et cela, je pense qu'a priori elle n'est pas rentable. Je crois d'ailleurs que SIDBEC a dû l'étudier et je pense que dans le marché actuel, augmenter la production de SIDBEC et faire des investissements de l'ordre du milliard de dollars, c'est certainement une affaire non rentable.

Par contre, si on regarde les opérations plus ponctuelles, il se peut que certaines d'entre elles soient très intéressantes, mais il faut les examiner une à une. C'est une étude assez détaillée à faire.

M. Rochefort: Vous voulez dire qu'en fait il y a deux solutions faciles: soit de faire la superbe usine, tout équipée, toute moderne, ou encore de tout fermer. Mais entre les deux vous nous indiquez qu'il y a une variété de solutions qui mériteraient d'être approfondies.

M. Astier: C'est ce que je pense.

M. Charbonneau: Une autre question au sujet de l'avenir de la production de l'acier. Est-ce que vous pouvez nous indiquer actuellement, compte tenu de la nouvelle technologie dans le monde, si néanmoins au cours des années qui viennent il y a encore une place importante pour les produits de l'acier?

M. Astier: Ah oui!

M. Charbonneau: Est-ce qu'on est à la veille de remplacer l'acier à un point tel qu'il faille vraiment envisager l'abandon de l'engagement dans l'industrie de l'acier?

M. Astier: Non, de ce côté-là, je suis personnellement très optimiste parce que, autant il y aura des remplacements qui se feront, c'est-à-dire que certains objets en acier seront faits, par exemple, en aluminium ou certaines constructions en acier seront faites en béton... On s'aperçoit qu'actuellement, si on regarde depuis vingt ou trente ans, chaque fois que des transformations semblables se font, l'acier regagne dans un autre secteur et qu'en fait, en moyenne, les consommations d'acier, par exemple, en kilos par habitant, n'ont pas diminué. Elles ont tendance à moins augmenter et elles vont peut-être augmenter un petit peu moins, mais pour un autre facteur qui n'est pas une substitution, qui est le fait - et j'insiste à nouveau, je l'ai dit tout à l'heure - qu'on fait des aciers de meilleure qualité. Le résultat est qu'on donne aux industries de transformation les possibilités de faire le même service avec moins de kilos d'acier. Si vous voulez, l'exemple des voitures est une bonne illustration. Pour construire une voiture automobile, que ce soit aux États-Unis ou en Europe, on avait tendance à employer 1500 kilos d'acier et maintenant on arrive à faire une voiture pratiquement du même confort avec 1200 ou 1000 kilos d'acier. Je ne parle pas du remplacement d'une grande voiture par une petite, mais une grande voiture à peu près de la même taille, on arrive à la faire beaucoup plus légère. Vous retrouvez le même phénomène pour des quantités de choses: un appareil de réfrigération, un tube d'acier.

Toute l'amélioration qui s'est faite dans la qualité de l'acier a permis, malheureusement, de diminuer les poids d'acier, les consommations d'acier. La substitution, le grand concurrent de l'acier, c'est l'acier, si je peux dire, de ce point de vue-là. C'est un acier de meilleure qualité, un acier plus homogène et ceci est très important. Autrement, je suis persuadé que nous allons encore consommer de l'acier pendant de nombreuses années et de nombreuses décennies.

M. Charbonneau: Juste une dernière question. Vous avez beaucoup insisté sur la qualité. Est-ce que finalement il n'y a pas une grande influence à l'étape de l'aciérage sur la qualité qu'on aura dans les étapes ultérieures? Si on a des difficultés, en termes de qualité, de production d'acier au niveau de l'aciérie même pour différentes raisons, est-ce qu'on risque d'avoir des problèmes de qualité qui pourraient être réglés - je ne sais pas si c'est en amont ou en aval, je me mélange toujours dans les termes - dans les étapes ultérieures? On

pourrait peut-être régler ces problèmes de qualité en investissant dans l'expérience au niveau humain et au niveau matériel pour améliorer le type d'acier qu'on fabrique.

M. Astier: Oui, je crois que vous avez tout à fait raison. Il y a en fait deux choses très différentes. Il y a, dans les moyens tout à fait ultérieurs - en aval comme vous le disiez - une chose qui est très importante pour mettre en forme l'acier et donner, disons, le meilleur produit au client, mais beaucoup plus sur ses revêtements, ses états de surface, ses formes. Par contre, il est certain que la qualité de l'acier, surtout au point de vue chimique, est faite à l'aciérie. À ce point de vue-là, je crois que toute entreprise, quelle qu'elle soit, que ce soit SIDBEC, l'US Steel ou Usinor en France, est amenée constamment à faire des efforts, au niveau de l'aciérie, pour améliorer sa qualité d'acier.

Je crois qu'on peut le faire, d'ailleurs, parce qu'on a continuellement de nouveaux moyens. Il faut donc à la fois, je pense, avoir le meilleur personnel mais aussi avoir, en général, de nouveaux engins de mesure, de nouvelles façons de contrôler, des technologies, comme on dit, qui évoluent avec le temps. Il est certain que ce qu'on faisait il y a dix ans, ou même il y a cinq ans, dans toute entreprise, il faut le revoir constamment. On peut maintenant faire des aciers meilleurs à nouveau, au sens de l'homogénéité, de la régularité de coulée à coulée ou d'adaptation à chaque produit, que ce qu'on faisait il y a quelques années.

M. Charbonneau: Je vous remercie.

Le Président (M. Rochefort): Je vous remercie. M. le député d'Outremont.

M. Fortier: M. Astier, vous nous avez parlé tout à l'heure des problèmes de marketing des boulettes. Vous nous avez également parlé de la mise en marché des produits d'une sidérurgie. À l'origine, bien sûr, comme nous le savons, quand SIDBEC est entrée en "joint venture" avec ses autres partenaires, il n'était pas question pour SIDBEC elle-même de faire du marketing de boulettes et on s'est retrouvé, au cours des ans, avec un surplus que SIDBEC elle-même devait écouler. J'aimerais que vous nous précisiez la différence fondamentale, pour une sidérurgie, de faire le marketing de ses produits. Il s'agit, bien sûr, dans le cas de SIDBEC, plutôt d'un marché domestique. Je crois que vous nous avez dit tout à l'heure qu'en ce qui concerne les boulettes, il s'agit d'un marché tout à fait différent qui s'adresse à des clients tout à fait différents. Il s'agit d'un marché international, et pour quiconque a voyagé un peu de par le monde, dans les pays que vous avez mentionnés: le

Nigéria, la Grèce, l'Arabie Saoudite, enfin, on sait les difficultés de faire le marketing dans ces compagnies. Est-ce que vous ne trouvez pas que l'équipe de marketing, de prime abord, devrait être différente?

En premier lieu, j'aimerais que vous me confirmiez ce que je viens de dire, c'est-à-dire qu'il s'agit d'un marketing extrêmement différent, non seulement sur le marché domestique mais international. J'imagine que le genre de clientèle à qui on s'adresse est tout à fait différent. En deuxième lieu, le genre d'équipe de marketing qui doit faire l'effort pour percer les marchés doit être également très différente. Finalement, j'aimerais que vous disiez s'il y a beaucoup de sidérurgies qui font le marketing des boulettes.

M. Astier: Tout d'abord, la première réponse. C'est très juste. Votre question appelle une réponse tout à fait affirmative. Il est certain que le marketing des boulettes, disons sur le marché d'Amérique du Nord, pour en prendre un, c'est-à-dire du Canada et des États-Unis, et dans les pays en voie de développement, du genre des pays arabes, ce n'est pas du tout la même chose. Dans un premier cas, en général, c'est un petit peu comme pour l'Europe, ce sont plutôt des contacts permanents et la signature d'un contrat annuel ou pluriannuel avec une personne bien connue pour chaque société qui est un acheteur de produits. Une fois qu'on la connaît bien, il suffit de maintenir des contacts et, pour moi, une coordination avec les concurrents, puisque tout le monde se connaît dans ce métier. Je dirais que c'est relativement facile, ce qui ne veut pas dire que les résultats sont aussi faciles que ça, mais disons que l'approche est relativement facile.

Avec les pays en voie de développement qu'on évoquait tout à l'heure et que vous rappeliez, c'est beaucoup plus difficile parce que, d'une part, chacun de ces pays a une personnalité un peu complexe. On évoquait le cas du Nigéria, de la Lybie, de l'Arabie Saoudite; ce sont des cas qui sont déjà différents les uns des autres, avec des interlocuteurs qui souvent ne sont pas très faciles à identifier et qui sont touchés de différents côtés. Je dirais que les règles du jeu n'existent pas. C'est la grosse différence avec des marchés très organisés, comme les États-Unis, le Japon ou l'Europe où, en très peu de temps, une personne qui est chargée de ce travail connaît les acheteurs. Elles ne sont pas nombreuses, elles sont souvent cinq ou six, les sociétés qui existent, et chacune a une structure très organisée: du président, cela va à une direction de l'approvisionnement. Il y a un responsable, on le connaît; il change de temps en temps, mais en général, c'est le même. Dans ces pays, c'est très différent. Quelquefois cela

peut être le président de la compagnie qui décide lui-même des contrats et qui associe - il faut bien le voir aussi - des aspects politiques à des aspects économiques. Quelqu'un risque - enfin je dis ceci en l'air, mais très librement, on le sait tous -d'acheter ou de ne pas acheter des boulettes canadiennes pour des motifs qui n'ont rien à voir avec la métallurgie et qui peuvent tenir à des relations à caractère politique ou économique de liens entre deux pays, alors qu'en général ces aspects ne jouent pas dans les autres cas.

M. Fortier: Si je comprends bien votre réponse, vous me confirmez, d'une part, que l'équipe de marketing devrait être très différente et, si on envisage un avenir pour Normines en particulier, peut-être que la direction dans laquelle il faudrait aller, bien sûr après discussion avec des partenaires, ce serait de voir à ce que Normines ait son propre marketing. Nous aurons l'occasion, cet après-midi, de poser des questions à SIDBEC ou au ministre, à savoir qu'à la suite de l'identification de ce problème - qui est venu très tôt d'ailleurs, après 1977 je crois - il fallait justement s'en occuper. Ne trouvez-vous pas, compte tenu des problèmes politiques, en plus bien sûr d'avoir identifié qu'il s'agissait d'une équipe de marketing très différente, que ce marketing doive se faire à l'aide de la politique du pays dans lequel nous vivons? Dans notre cas, bien sûr, c'est le Canada? Il est impensable, j'imagine, d'avoir une politique de marketing efficace sans la collaboration pleine et entière du ministère des Affaires extérieures du Canada. Je sais fort bien, pour avoir fait du marketing à l'étranger, qu'en France, vous, Français, avez l'appui extrêmement compétent et efficace de votre ministère des Affaires extérieures. Mais, dans notre cas, j'imagine que lorsque vous parliez des problèmes politiques, toute solution pour assurer l'avenir de Normines devrait, d'une part, passer par une équipe identifiée à Normines comme telle et, d'autre part, avoir l'appui plein et entier du gouvernement canadien et du gouvernement québécois.

Finalement, ce que j'aimerais que vous me disiez, c'est si, même en fonction des difficultés auxquelles vous avez fait allusion, il est possible, avec les prémisses qu'on vient de définir brièvement, avec une équipe agressive, de percer ces marchés.

M. Astier: Si vous voulez, je vais commencer par le dernier point parce que c'est plus rapide. Je pense que, malheureusement, il y a là un aspect financier, un aspect de rentabilité qui n'est pas simple et, certainement, je pense qu'il faudrait l'examiner en priorité pour voir, comme on dit en français, si le jeu vaut la chandelle. La réponse à votre question est forcément oui. Si vous avez une équipe très agressive, elle va finir par décrocher des marchés, mais je réponds tout de suite: À quel prix? parce que c'est extrêmement difficile. Si la conclusion qui ressortirait d'une étude qui a peut-être déjà été faite, je ne sais pas, mais qui pourrait l'être, si elle ne l'a pas été, est que l'on peut espérer vendre 2 000 000 de tonnes par an de boulettes - enfin je dis ceci en l'air pour exprimer ma pensée - mais qu'on est sûr que ce sera à un prix qui sera de je ne sais combien de dollars en dessous des prix de revient, évidemment, il faut se poser la question. Je ne veux pas dire qu'il ne faille pas le faire. Il y a des opérations qu'on peut envisager de faire en se disant que la conjoncture étant mauvaise, il vaut peut-être mieux faire cela, ce qui peut être un des scénarios possibles. Cela me dépasse, mais enfin, voyez, c'est ceci. Je crains que ce ne soit le plus grand obstacle, l'aspect rentabilité. Actuellement, pour vous donner des ordres de grandeur, on doit faire à peu près 8 000 000 de tonnes par an dans le monde, seulement de minerai pré-réduit, ce qui demande à peu près 12 000 0000 de tonnes de boulettes. Ces 12 000 000 de tonnes ne sont pas achetées sur le marché parce qu'il y a au moins la moitié des installations qui ont leur propre mine captive, comme c'est le cas actuellement pour SIDBEC-Normines et SIDBEC. Alors, il reste à peu près peut-être de 5 000 000 à 6 000 000 à mettre sur le marché mondial. Évidemment, quelle est la part que pourrait prendre SIDBEC-Normines, par une attitude extrêmement énergique, que vous diriez... Je crois qu'elle n'est pas nulle, mais encore, j'insiste sur le fait qu'il faut voir à quel prix. (13 h 15)

M. Fortier: Dans ces ententes internationales, qui se négocient souvent entre différents pays, est-ce que le prix est toujours déterminant? D'autre part, est-ce que cette situation précaire dans laquelle le monde se trouve présentement, n'évoluera pas plus rapidement après 1985?

M. Astier: Actuellement, la situation est très mauvaise. C'est la remarque que l'on faisait tout à l'heure. Il est difficile de prévoir, comment elle sera dans quelques années. Il est possible qu'elle s'améliore beaucoup, mais actuellement, comme elle est très mauvaise, les acheteurs de boulettes de haute qualité pour la réduction directe sont dans une situation où ils sont les rois. Du coup, ils ont tendance à choisir leurs vendeurs de boulettes en fonction de plusieurs paramètres qu'ils peuvent cumuler, c'est-à-dire avoir les meilleurs marchés, les plus bas prix sur le marché accessoirement avec d'autres avantages qui peuvent être politiques ou autres. Je sais qu'à un moment,

une société minière a essayé de négocier un contrat de dix ans dans une de ses installations en proposant de rentrer dans le capital de cette société, c'est-à-dire d'y mettre de l'argent. Cela montre à quel point le marché est difficile. Il faut reconnaître que c'est aller très loin.

L'autre point porte sur les questions d'organisation exacte, pour lesquelles j'ai un peu de mal à situer exactement comment tout est organisé dans le sein de SIDBEC-Normines et du Canada. Mais il est certain que pour une attaque du marché international de ce genre, toute aide gouvernementale est bonne. Il est certain qu'en plus - je peux le dire très franchement - l'image du Canada, du Québec étant très bonne dans la plupart des pays en voie de développement, vous n'avez pas les obstacles qu'ont un certain nombre d'autres pays. Sans dire du mal de nos voisins, les Américains, souvent, sont perçus d'une façon très différente.

M. Fortier: Sur cette note d'espoir, je vous remercie.

Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le ministre.

M. Biron: M. Astier, je vous remercie d'avoir pu éclairer un peu, à la fois, les membres de la commission et tous ceux qui sont ici dans cette salle. Merci de votre présence.

Le Président (M. Rochefort): Merci. Sur ce, la commission suspend ses travaux jusqu'à la fin de la période de questions, soit vers 16 h 30.

(Suspension de la séance à 13 h 18)

(Reprise de la séance à 16 h 30)

Le Président (M. Desbiens): À l'ordre, s'il vous plaît!

Messieurs, la commission élue permanente de l'industrie, du commerce et du tourisme est réunie pour poursuivre le travail qui lui a été confié par l'Assemblée nationale et qui est d'entendre certaines représentations en vue de revoir l'orientation de SIDBEC. Le groupe qui aura à présenter son mémoire est celui de SIDBEC et, avant de procéder, il faudrait d'abord s'entendre sur le déroulement de la présentation du mémoire. Je crois que les représentants de SIDBEC ont une proposition à faire quant à une présentation audiovisuelle. Alors, M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Afin d'aider au déroulement de nos travaux, est-ce qu'il serait possible d'avoir une présentation du mémoire de SIDBEC selon trois secteurs: premièrement, les exploitations minières et certains aspects financiers des exploitations minières; deuxièmement, les activités manufacturières et, troisièmement, peut-être, la structure financière globale? Le but de faire la présentation de cette façon serait de nous permettre, après chaque secteur, de poser des questions. Je pense que cela faciliterait les choses plutôt que d'entendre toute la présentation globalement et de revenir après cela. Je pense que ce serait plus facile, en termes de questions pertinentes, si on pouvait diviser l'ordre du jour de cette façon.

La deuxième question que je voudrais poser concerne le mémoire que nous avons devant nous, qui est la synthèse de la présentation de SIDBEC. Est-ce que le contenu de ce mémoire est substantiellement identique aux autres mémoires, aux autres plans de redressement qui ont été présentés, par exemple, en septembre 1980, en février 1981 et en juin 1982? Est-ce qu'il y a des changements, des modifications radicales ou substantielles? Nous venons juste de l'avoir et nous n'avons pas eu le temps de le lire avant cet après-midi.

Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.

M. Biron: M. le Président, cela me fait plaisir de répondre par l'affirmative à la demande du député de Mont-Royal quant à sa première question, savoir diviser la présentation en trois étapes. Je crois que la présentation est assez longue, assez volumineuse et complexe. Pour la meilleure compréhension possible des membres de cette commission parlementaire, nous allons procéder d'abord par une présentation générale du plan de redressement, mais très brève de la part du président, M. De Coster. Ensuite, nous passerons à chacune des activités et par ordre: exploitations minières, activités manufacturières et problèmes de financement de SIDBEC.

Cela implique quand même de pouvoir nous contrôler nous-mêmes ou nous discipliner nous-mêmes pour les premiers groupes afin de laisser assez de temps à la dernière présentation sur le financement ou activités manufacturières, d'une part, et deuxièmement, aussi d'essayer de passer le groupe prévu pour ce soir sinon demain soir. Il y aura beaucoup de groupes qui vont attendre très tard, dans le courant de la soirée.

Ceci dit, concernant le contenu du mémoire de SIDBEC, je pense que M. De Coster, le président du conseil d'administration, pourra mieux répondre à la deuxième question du député de Mont-Royal.

Le Président (M. Desbiens): Je m'excuse d'interrompre. J'ai fait un oubli. Ayant un

nouveau mandat de l'Assemblée nationale, je me dois, avant de poursuivre, de nommer les membres et intervenants de la commission.

Les membres sont: MM. Baril (Rouyn-Noranda-Témiscamingue); Biron (Lotbinière); Dussault (Châteauguay); Fortier (Outremont); Perron (Duplessis); Charbonneau (Verchères); Leduc (Saint-Laurent); Lincoln (Nelligan); Paré (Shefford); Martel (Richelieu); Ciaccia (Mont-Royal).

Les intervenants sont: MM. Beaumier (Nicolet); Bélanger (Mégantic-Compton); Mme Harel (Maisonneuve); MM. Champagne (Mille-Îles); Scowen (Notre-Dame-de-Grâce); Grégoire (Frontenac); Rocheleau (Hull); Tremblay (Chambly); et Vaillancourt (Orford).

M. De Coster, si vous voulez poursuivre maintenant.

M. Ciaccia: À la place de qui? Il était là, ce matin.

Le Président (M. Desbiens): M. Paradis, (Brome-Missisquoi) remplace M. Bélanger (Mégantic-Compton).

M. De Coster.

Les administrateurs de SIDBLC

M. De Coster: Merci M. le Président. D'abord, vous me permettrez, M. le Président, de présenter mes collègues qui m'entourent.

Interviendront: M. Gilles Charette, à ma droite, est le président et chef de l'exploitation de SIDBEC-Dosco, c'est-à-dire notre opération manufacturière; M. Jean-Claude Raimondi passera ensuite, il est vice-président adjoint à la planification; et M. Paul Landry, le deuxième à ma gauche, vice-président aux finances, au contrôle et à l'administration. M'accompagnent aussi M. John Routhier, secrétaire, vice-président aux communications et affaires publiques, et M. André Lachapelle, président par intérim de la compagnie SIDBEC-Normines. J'ai aussi plusieurs autres personnes ressources qui sont avec nous et qui pourront nous assister lors de la période des questions.

Pour répondre à la question de M. le député, il y a eu deux versions de plan de redressement. La première version du plan de redressement avait deux volets. Le premier volet a été déposé en septembre 1980; ce volet ne touchait que la partie organisationnelle, la partie opérationnelle de l'entreprise et aussi rapidement la partie financière. On évoquait évidemment à ce moment, le premier diagnostic de l'entreprise. Ce volet touchait les structures, l'organisation, l'exploitation. Il s'agissait surtout de mesures que l'entreprise était capable de prendre par elle-même, comme le marketing et l'amélioration de l'efficacité opérationnelle, les structures, le renou- vellement des cadres, etc.

La deuxième étape a été la première version du plan de redressement lui-même qui a été déposé en février 1981. La stratégie finale a été déposée en juin 1982. Entre ces deux versions, il n'y a pas fondamentalement de différences très majeures, excepté que la deuxième version est une mise à jour beaucoup plus complète; nous avons poussé beaucoup plus les études et les données sont beaucoup plus précises qu'elles l'étaient dans le premier document.

Le premier document, je dois en convenir, est plutôt dépassé, maintenant que la dernière version a été faite, et nous sommes encore d'ailleurs à apporter certaines modifications de données à la lumière des budgets de 1982.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: M. le Président, si vous me permettez. Est-ce que les conclusions sont changées dans le document que vous avez déposé aujourd'hui?

M. De Coster: Les conclusions sont changées dans une certaine mesure.

M. Ciaccia: Par rapport à quel document?

M. De Coster: Par rapport au document de février 1981.

M. Ciaccia: Mais est-ce qu'elles sont les mêmes substantiellement par rapport aux documents de juin 1982?

M. De Coster: Absolument. Complètement. Je n'ai d'autre mandat que celui de juin 1982.

M. Ciaccia: Alors si j'ai pris des notes sur mes documents de juin 1982, je peux continuer à les utiliser.

M. De Coster: C'est parfait.

M. De Coster: M. le Président, la direction de SIDBEC est heureuse de participer à cette commission parlementaire et de pouvoir enfin rendre publique et expliquer la stratégie qu'elle propose pour redresser l'entreprise, stratégie qui, malheureusement, a fait l'objet de tant de spéculations, de conjectures et d'interprétations au cours de l'interminable débat public des derniers mois.

La direction, je vous l'assure, intervient en toute objectivité dans l'unique but d'informer adéquatement le public et ceux à qui incombe une prise de décision que nous savons difficile et pleine de conséquences financières, sociales et économiques.

Sans préjuger des interventions qui seront faites à cette commission, j'anticipe au départ que fondamentalement deux stratégies de base vont s'opposer et j'aimerais situer la nôtre.

La première repose sur la notion de rentabilité qui, par le rendement et l'autofinancement, vise à assurer à l'entreprise SIDBEC, société d'État, la viabilité à long terme et son développement ordonné. Comme vous le verrez, elle entraîne des investissements, des désinvestissements et des réaménagements majeurs.

La deuxième accorde plutôt la primauté à des considérations d'ordre social et économique. Fortement marqués par une conjoncture de crise, il faut en convenir, les tenants de cette stratégie s'opposeront en toute logique à des réductions importantes des activités du groupe.

La direction propose la première stratégie. Profondément consciente de la raison d'être même de l'entreprise et de ses responsabilités sociales, la direction, en s'appuyant sur la notion de rentabilité, considère répondre fidèlement d'abord à la loi de SIDBEC qui, en décembre 1979, introduisait spécifiquement cette notion dans l'objet d'entreprise, puis à la résolution du Conseil des ministres du mois de novembre de la même année qui, en demandant un plan de redressement, la situait dans un contexte de rentabilité, et enfin, à la volonté des partenaires exprimée sans équivoque dans les débats en commission et à l'Assemblée nationale.

Nous savons fort bien, par contre, que le gouvernement qui sera appelé en dernier ressort à rendre le verdict final tiendra compte de tous les éléments de la problématique y compris ceux d'ordre social et économique que les intervenants auront eu l'occasion de faire valoir - au moins à ce qu'on me souligne pour la partie économique - et qui ont fait l'objet d'une étude par un groupe de sous-ministres spécialement mandatés à cette fin.

En terminant cet avant-propos, je me permettrai quelques précisions et mises en garde.

Ce que nous proposons à notre actionnaire, c'est fondamentalement une stratégie de redressement et non un programme d'investissements en soi, comme il avait été habituellement fait dans le passé.

En évaluant la performance de SIDBEC et son potentiel pour les fins de planification stratégique, il faut tenir juste compte de l'impact de la crise actuelle. Ainsi, en se référant aux résultats financiers de 1981 - et je devrai vous référer à l'écran - on doit conclure que la perte de 60 000 000 $ prévue aux opérations manufacturières, en 1982, résulte de facteurs conjoncturels. Ainsi,

SIDBEC a fait une perte aux opérations manufacturières, en 1980, de 19 000 000 $; en 1981, aux mêmes opérations manufacturières, SIDBEC enregistrait un profit de 400 000 $ - un revirement de 20 000 000 $ - et en 1982, une perte qu'on attribue aux facteurs conjoncturels de 60 000 000 $.

Une comparaison des résultats des principaux aciéristes intégrés du Canada fait ressortir les effets de la crise, comme l'atteste d'ailleurs le tableau projeté. Vous voyez, par exemple, que Stelco, dans les neuf premiers mois de l'année, a eu un écart dans ses profits de 115 000 000 $; Algoma a eu un écart de 125 000 000 $; Dofasco a eu un écart de 71 000 000 $ et SIDBEC, incluant évidemment toutes ses opérations manufacturières et ses opérations minières, a eu un écart de 71 000 000 $.

Dans le seul troisième trimestre, Stelco a eu un écart de profits avec l'année précédente de 13 000 000 $; Algoma, qui est une entreprise très bien gérée, comme on le sait, et très efficace en a eu un de 75 000 000 $; Dofasco a un écart de 32 000 000 $ et SIDBEC, un écart de 12 700 000 $. Vous noterez en même temps que le résultat financier de SIDBEC, pour les neuf premiers mois, est une perte de 110 000 000 $; pour le troisième trimestre, une perte de 32 000 000 $. La perte de 110 000 000 $ pour les neuf premiers mois comprend 44 000 000 $ aux opérations manufacturières, et 66 000 000 $ aux opérations minières.

Troisième mise en garde. La conjoncture actuelle crée une psychose d'incertitude et d'appréhension peu propice à une planification stratégique réaliste. En scellant le nouveau devenir de SIDBEC, il nous faut éviter d'être indûment influencés par cette conjoncture, de porter des jugements intuitifs sur les perspectives d'avenir de l'entreprise et de l'industrie sidérurgique en général, qui est maintenant en période de crise, et d'appuyer nos conclusions sur les données d'un état passager de crise, si critique soit-il, s'inspirant par contre du sain réalisme qu'il provoque. (16 h 45)

Quatrièmement, on ne saurait miser sur un revirement dramatique à court terme, conséquence de l'adoption d'un plan de redressement. Au contraire, l'application d'un tel plan s'accompagne nécessairement d'une perturbation généralement onéreuse et ses effets bénéfiques ne se font réellement sentir qu'une fois l'application du plan complétée. Cela prend quelques années.

Passons maintenant, si vous le voulez, après cet avant-propos, à la présentation. Nous amorcerons cette présentation en donnant une vue à vol d'oiseau de ce qu'est SIDBEC et de ce qu'elle représente dans la

communauté québécoise. Nous aborderons ensuite, dans son ensemble, la stratégie de redressement proposée pour, subséquemment, scruter en détails ses divers éléments, soit les activités dites minières, les activités manufacturières et le financement.

Je demanderais à M. Charette, s'il vous plaît, de vous servir de guide au moyen de diapositives. Nous n'essaierons pas de chanter indûment les mérites de l'entreprise. Nous espérons, par contre, donner une meilleure perception de ce qu'elle est réellement, espérant ainsi contrer objectivement, dans une certaine mesure, les affirmations systématiquement défaitistes et discriminatoires pour l'entreprise.

M. Charette (Gilles): La société S1DBEC est représentée par un sigle rouge, en forme de "S", qui symbolise les aspects suivants. Pour nos clients, ce sigle représente qualité et fiabilité pour la majorité de nos produits sidérurgiques. Pour nos fournisseurs, de qui nous achetons au-delà de 60% de nos fournitures, SIDBEC représente un marché important pour l'écoulement de leurs produits. Pour nos employés qui affichent le sigle de SIDBEC sur leur voiture, celle-ci représente une industrie sidérurgique importante, construite de toutes pièces par eux, en peu de temps, reconnue dans le monde entier, et la seule francophone en Amérique.

Enfin, pour le Québec, le sigle de SIDBEC est une idée, une mission commencée il y a quatorze ans, celle de créer une industrie québécoise authentique dans le secteur sidérurgique, ayant un contenu technologique élevé et pouvant un jour concurrencer celles des Américains, des Européens et de nos confrères de l'Ontario. Ces industries, notamment, ont été mises sur pied et rodées il y a de cela plusieurs années. Nous vous présentons donc de façon sommaire ce qu'est SIDBEC.

SIDBEC contrôle quatre autres sociétés, dont trois sont des filiales en propriété exclusive (SIDBEC-DOSCO, SIDBEC-Feruni et SIDBEC International) et la quatrième en coparticipation, SIDBEC-Normines.

SIDBEC-Feruni achète et traite les ferrailles utilisées dans le secteur manufacturier SIDBEC-DOSCO transforme les matières premières en demi-produits et en produits finis. Enfin, SIDBEC International vend les surplus de minerai et de demi-produits pour le compte de SIDBEC et de SIDBEC-DOSCO.

Comme on le voit à l'écran, les installations de SIDBEC-Normines se trouvent au Lac Fire, à Gagnon, à Port-Cartier. Celles de SIDBEC-DOSCO sont à Contrecoeur, Longueuil, Montréal et Etobicoke, en Ontario. Le siège social est situé à Montréal.

En bref, SIDBEC représentait, en 1981, des ventes totales de 614 800 000 $, un actif de 920 000 000 $, employait directement 4762 personnes. En plus, environ 1100 employés additionnels oeuvrent directement pour le compte de la Québec Cartier Mining, mais indirectement pour SIDBEC-Normines au lac Jeannine et au lac Fire. SIDBEC occupait le quatrième rang dans l'industrie sidérurgique canadienne sur le plan de la production d'acier brut.

SIDBEC-Normines représente le secteur minier du groupe SIDBEC. SIDBEC possède 50,1% du capital-actions de SIDBEC-Normines, la British Steel 41,7%, la compagnie minière Québec Cartier 8,2% propriété de US Steel Corporation.

En résumé, SIDBEC-Normines exploite les installations suivantes: une mine à ciel ouvert au lac Fire où l'on concasse le minerai ayant une teneur de 33% d'oxyde de fer; un concentrateur au lac Jeannine, qui reçoit le minerai par chemin de fer, porte sa teneur à 66% d'oxyde de fer et affiche une capacité d'environ 6 000 000 de tonnes par année; le concentrateur est situé près de Gagnon, ville de 3200 habitants et entièrement dépendante des activités de SIDBEC-Normines; l'usine de bouletage de Port-Cartier, qui reçoit le concentré par chemin de fer, expédie ses boulettes par bateau, soit vers Contrecoeur, soit vers d'autres marchés; près de l'usine de bouletage se trouve l'usine d'enrichissement qui sert à la production de boulettes à basse teneur en silice. Celles-ci servent de matière première dans les usines de réduction de Midrex.

L'historique de SIDBEC-Normines remonte à 1970, quand la compagnie minière Québec Cartier proposait à SIDBEC de participer à l'exploitation du gisement du lac Fire. De 1972 à 1974, on a effectué des études. En 1975, les trois partenaires actuels décidèrent d'amorcer le projet, et en juin 1976, on incorporait SIDBEC-Normines. En octobre 1978, les travaux de construction étaient complétés, suivis du rodage des installations, et finalement en 1980, les essais contractuels de parachèvement étaient réussis avec succès.

Quant aux effectifs en 1981, SIDBEC-Normines procurait de l'emploi à environ 1500 personnes, soit directement à Port-Cartier, soit par le biais de la compagnie minière Québec Cartier.

SIDBEC-DOSCO constitue le secteur manufacturier de SIDBEC. Son rôle consiste à transformer les matières premières en produits finis sous diverses formes.

Pour mieux comprendre le rôle de SIDBEC-DOSCO aujourd'hui, il convient de faire un rappel historique des trois principales étapes de son développement: 1968, l'achat des usines de la compagnie DOSCO; 1974, la première phase du programme d'expansion; et 1977, la deuxième

phase.

D'abord, en 1968, au moment de l'acquisition par SIDBEC des installations de DOSCO, celles-ci étaient plus restreintes qu'aujourd'hui. Ses installations de 1968 sont indiquées, même si c'est difficile à voir, sur l'écran par les rectangles rouges. On retrouvait tout de même à Lasalle, l'usine Truscon pour la fabrication de produits de construction; à Contrecoeur, trois laminoirs, dont les laminoirs à chaud et à froid pour les plats et le laminoir fil machine et barres pour les produits longs; à Montréal, une petite aciérie ainsi que deux laminoirs à fers marchands, une tuberie, une tréfilerie, une boulonnerie et une clouterie; et, enfin, à Etobicoke, une tréfilerie et une clouterie. L'usine de Longueuil et les installations d'acier primaire à Contrecoeur n'existaient pas encore.

Les centres de production en place à cette époque nécessitaient déjà des améliorations. Ils avaient une capacité de laminage de 800 000 tonnes par an, et une capacité d'acier primaire ne dépassant pas 170 000 tonnes par an.

En 1974, pour assurer un approvisionnement en billettes aux laminoirs à produits longs, on installait, comme on l'indique par les rectangles verts sur l'écran, en haut à gauche, une aciérie à Contrecoeur, dotée d'une machine de coulée continue à billettes et l'on ajoutait un four de réduction Midrex pour boulettes métallisées. La capacité d'aciérage primaire s'élevait alors à 770 000 tonnes par an, tandis que la capacité totale de laminage n'augmentait que légèrement. Les nouvelles installations d'aciérage de Contrecoeur étaient à la fine pointe de la technologie.

À la même époque, on fondait SIDBEC-Feruni, et cela, en créant un réseau de récupération de ferrailles et en installant deux unités de transformation de ferrailles à Contrecoeur. Par contre, rien n'était prévu pour les centres de finition déjà en place.

En 1977, tel qu'indiqué par les rectangles jaunes sur l'écran, trois nouveaux développements ont lieu: d'abord l'expansion des installations primaires dans le secteur des plats à Contrecoeur. On y installait alors un deuxième four Midrex pour boulettes métallisées, deux fours électriques et une machine de coulée continue à brames pour alimenter les laminoirs à plats. Ces équipements étaient également à la fine pointe de la technologie d'aciérage pour les plats. Là encore, rien n'était prévu pour les laminoirs existants.

Le deuxième développement fut l'acquisition d'une usine très moderne à Longueuil équipée d'une aciérie électrique avec coulée continue de billettes et d'un laminoir à fers marchands.

Enfin, à la même période, SIDBEC-Normines était en construction. On aboutit ainsi à une capacité d'aciérage d'environ 1 400 000 de tonnes par an et une capacité de laminage d'environ 1 500 000 de tonnes par an.

À l'heure actuelle, la situation globale dans le secteur manufacturier est donc la suivante, comme on l'indique par les triangles rouges encore:

Les laminoirs et les ateliers de parachèvement, à part celui de Longueuil, remontent aux années 1950 et 1960 et même, dans plusieurs cas, encore plus loin que cela. - L'usine Midrex, tel qu'on peut voir par les rectangles verts et jaunes, les aciéries (sauf celle de Montréal) et l'usine de Longueuil sont modernes et datent de 1974 et de 1977, donc moins de dix ans.

Les fonctions de nos principaux centres de production dans le secteur manufacturier sont les suivantes...

On voit donc les boulettes d'oxyde à basse teneur en silice qui sont reçues de Port-Cartier, réduites en boulettes métallisées à l'aide d'un procédé au gaz naturel dans l'une des deux unités Midrex à Contrecoeur. Ce procédé est très efficace, mais le gaz naturel utilisé comme agent chimique est de plus en plus coûteux. Les boulettes réduites constituent le premier élément de notre matière première.

SIDBEC-Feruni est le plus grand acheteur et transformateur de ferrailles au Québec. Cette filiale s'approvisionne en carcasses d'automobiles et autres types de ferrailles pour alimenter les aciéries de SIDBEC-DOSCO.

En tant que matière première, les ferrailles sont aussi importantes que les boulettes réduites.

Les deux matières premières sont acheminées vers les fours électriques pour y être fondues. La composition de l'acier est alors ajustée en fonction des nuances commandées. L'acier est coulé en continu, soit sous forme de billettes dont les sections droites varient de 90 à 150 millimètres, soit sous forme de brames dont les sections droites peuvent atteindre 175 sur 1500 millimètres. Ces deux formes d'acier brut, brames et billettes, sont produites par un procédé très moderne et affichent des qualités assez exceptionnelles.

Les brames subissent alors une réduction d'épaisseur dans un laminoir à chaud appelé laminoir steckel. Ce laminoir demeure désavantagé en raison des coûts élevés et des qualités inférieures de laminé à chaud comme produit fini.

L'acier laminé à chaud est ensuite acheminé au laminoir à froid pour y être aminci, cisaillé, rebobiné et expédié. Nous vendons une excellente qualité de laminé à froid.

À partir des billettes coulées en continu dans l'une de nos trois aciéries,

SIDBEC-DOSCO fabrique du fil machine et des barres à Contrecoeur, de gros profilés de construction au laminoir à fers marchands de 18 pouces à Montréal et des petits profilés et des barres à Longueuil.

Les produits de certains laminoirs subissent de nouvelles transformations dans d'autres centres de production ou ateliers, dont, en particulier: deux tréfileries et clouteries à Montréal et à Étobicoke; une tuberie à Montréal et un atelier de produits de construction à LaSalle.

À SIDBEC-DOSCO, le nombre d'employés est passé de 2577 en 1969 à 4163 en 1981.

Les produits sidérurgiques de SIDBEC-DOSCO sont répartis en trois grands secteurs stratégiques de marché: Les produits plats et leurs dérivés, qui sont fabriqués à partir de brames; les barres et les profilés et le fil machine et ses dérivés. Ces deux derniers groupes de produits sont fabriqués à partir de billettes.

Le secteur des produits plats comprend: les laminés à chaud, les laminés à froid, les tubes.

Le secteur des barres et des profilés comprend les barres rondes et carrées, les barres d'armature, les petits profilés et les gros profilés de construction.

Le secteur du fil machine et ses produits dérivés comprend: le fil machine, les fils d'acier doux et dur, les clous, les éléments de fixation.

Maintenant, au niveau de la concurrence, SIDBEC-DOSCO vient au quatrième rang parmi les producteurs d'acier brut au Canada; à gauche, sur l'écran, Stelco, Dofasco et Algoma occupent les trois premiers rangs et nous sommes suivis - à la droite - de Lasco et d'Ivaco. À part SIDBEC-DOSCO, les autres sidérurgies canadiennes sont, pour la plupart, situées à l'extérieur du Québec, surtout en Ontario.

Par contre, tel qu'on l'indique dans la partie inférieure de l'écran... La partie inférieure, pour ceux qui ne peuvent pas lire, ce sont les trois secteurs stratégiques qui sont indiqués en bas: les produits plats, les barres et profilés et le fil machine et ses dérivés. La gamme de produits offerte par ces entreprises n'est pas la même. Stelco, tout comme SIDBEC-DOSCO, s'est orientée dans les trois grands secteurs stratégiques. Dofasco se spécialise dans les plats, Algoma dans les plats, les barres et les profilés, Lasco dans les barres et les profilés et Ivaco dans le fil machine et ses dérivés. En somme, même si, globalement, SIDBEC-DOSCO se situe assez bien, son importance relative diminue dans certains secteurs stratégiques, dont les plats en particulier. (17 heures)

SIDBEC-DOSCO vend la plupart de ses produits finis au Canada et leur distribution régionale s'établit comme suit, en pourcentage de ventes: Au Québec, nous vendons 61,7% de nos produits; en Ontario, 35,9%; dans l'Atlantique, 1,6%, et, dans le marché de l'Ouest, 0,8%. Nos produits sont expédiés à une clientèle diversifiée dont les centres de service, les fabricants d'acier, les utilisateurs de fils et de produits dérivés, les utilisateurs de tubes, l'industrie de l'automobile et les entrepreneurs.

Les deux groupes les plus importants sont les centres de service et les fabricants d'acier. Voilà donc quelques-unes seulement des applications où l'on retrouve des produits de SIDBEC-DOSCO, comme c'est indiqué à l'écran.

Nous avons ainsi représenté SIDBEC à vol d'oiseau à partir de la mine du lac Fire jusqu'à ses produits sidérurgiques et son marché. SIDBEC joue certainement un rôle important dans l'économie du Québec, un rôle particulièrement crucial en ce qui touche l'acier. Mais au coeur de SIDBEC, il y a des équipes de gestionnaires et de compétences déterminées à faire réussir leur entreprise. Il y a des syndicats animés des mêmes objectifs. Le succès éventuel de SIDBEC dépendra de ces gens en collaboration avec son actionnaire.

Le Président (M. Desbiens): Merci. M. Charette. Alors, le plan de redressement.

M. De Coster: Le plan de redressement constitue la pièce maîtresse de notre présentation et des débats de cette commission. Pour en faciliter la compréhension, nous avons préparé une synthèse qui est incluse ci-après et qui est titrée Synthèse de la stratégie d'entreprise. Je vous suggère d'y référer car je suivrai généralement l'ordre du mémoire. Chacun des articles suivants s'accompagne d'un tableau.

L'objet de l'entreprise. L'objet de l'entreprise est de poursuivre l'exploitation d'un complexe sidérurgique, seul ou avec des partenaires, dans le but d'assurer dans des conditions de rentabilité la consolidation et l'expansion de ses opérations de telle sorte que soit encouragé le développement d'entreprises consommatrices d'acier au Québec. Cet objet a été modifié lors de la modification à la loi de SIDBEC qui a été sanctionnée en décembre 1979.

Le mandat. Un mandat a été donné spécifiquement à SIDBEC par résolution du Conseil des ministres du 28 novembre 1979. Il consiste à proposer au gouvernement les orientations que SIDBEC désire prendre pour rentabiliser ses opérations. Ce mandat découle évidemment des dispositions de la loi.

La stratégie. Le plan de redressement a été préparé le 7 juin et transmis au ministre le 14 juin. Cette stratégie s'appuie sur des travaux qui ont été soumis au conseil par la direction et préparés à l'interne avec l'assistance de conseillers spéciaux.

Par ailleurs, dans le cas des laminés à chaud et des laminés à froid, les études ont été confiées à une firme des Pays-Bas, la firme Estel Technical Services qui, pour un temps, considérait sérieusement entrer en association avec SIDBEC pour l'expansion des produits plats.

Le cheminement du plan de redressement, nous en avons parlé il y a quelques minutes. Le thème du plan de redressement est le suivant: par le biais d'une rentabilité acceptable, assurer à l'entreprise une viabilité à long terme et un développement ordonné.

Les objectifs. La stratégie vise à circonscrire la vocation de SIDBEC à la fabrication et à la vente à profit de produits sidérurgiques. Deuxièmement, à rationaliser et optimiser son approvisionnement en matière première. Troisièmement, à maximiser sa productivité en concentrant ses ressources sur les activités qu'elle connaît le mieux et qu'elle effectue le plus efficacement et en mettant en valeur les secteurs où le groupe jouit d'une compétence, d'une réputation et d'une technologie établies et de marchés acquis. Quatrièmement, à exploiter une gamme de produits à haut rendement, bien adaptés à la technologie employée, aux procédés de fabrication et aux équipements. Finalement à optimiser l'utilisation des ressources financières et des ressources humaines.

Les principales conclusions du plan de redressement sont énoncées et démontrées dans deux documents qui constituent la synthèse de rapports beaucoup plus volumineux. Ces deux documents sont l'étude des résultats du secteur des opérations minières et le plan de redressement des opérations manufacturières. Ces documents sont accompagnés de sommaires exécutifs et ces documents sont disponibles.

On peut résumer les conclusions comme suit: L'implication de SIDBEC dans SIDBEC-Normines sans changement majeur dans la participation ou dans les opérations de la filiale mène à un désastre financier d'envergure, et la situation ne saurait vraisemblablement s'améliorer de façon significative avant la fin de la décennie. Comme ordre de grandeur, il est permis de projeter que les seules opérations des années 1983 à 1987, quels que soient les niveaux des achats, engendreront pour SIDBEC des pertes de liquidité et des déboursés d'intérêt pouvant dépasser les 400 000 000 $, sans compter les quelque 200 000 000 $ versés en intérêt sur les emprunts effectués pour éponger les pertes liquides qui ont été accumulées jusqu'au 31 décembre 1982 et pour financer l'investissement initial dans SIDBEC-Normines.

Les pertes directement attribuables à l'implication de SIDBEC dans SIDBEC-Normines, depuis le début des opérations de celles-ci en 1978, s'élevaient au 31 décembre 1981 à 154 000 000 $ et on estime à près de 90 000 000 $ celles prévues pour 1982.

Aux opérations manufacturières. Les pertes accumulées au 31 décembre 1981 s'élevaient à 147 000 000 $ et on estime à plus de 60 000 000 $ celles de 1982. Compte tenu d'une amélioration sensible d'efficacité opérationnelle et d'investissements défensifs courants, le statu quo aux opérations manufacturières mène à un cul-de-sac. Tout au plus, le rendement se maintiendra-t-il marginal au cours des bonnes années. Par contre, l'entreprise demeurera fragile et vulnérable à tout soubresaut conjoncturel, ce que des études de sensibilité font clairement ressortir; sa force concurrentielle se détériore d'année en année; ses coûts de production et d'entretien s'accroissent plus rapidement que ceux de la concurrence; et des évolutions inquiétantes se manifestent, spécialement dans le secteur énergétique, qui pourraient porter de durs coups à la rentabilité du procédé Midrex et à celui de la fabrication d'acier primaire.

La troisième conclusion: II y a un module de trop à l'usine de réduction directe.

La quatrième conclusion: II y a surcapacité de production de billettes de l'ordre de 155 000 tonnes, généralement vendues à perte et qui devraient être utilisées à la fabrication de produits longs.

La cinquième conclusion: Le secteur des produits plats est déficitaire et la force concurrentielle de l'entreprise s'amenuise d'année en année dans ce secteur. Par contre, pris isolément, le secteur de la tuberie, lequel normalement est considéré comme un secteur des produits plats, est hautement rentable et offre un potentiel de développement intéressant.

La sixième conclusion: Le secteur des barres et profilés présente un potentiel de développement important dont la réalisation ne requiert aucun investissement important mais seulement un effort soutenu de commercialisation.

La septième conclusion: Le secteur du fil machine et de ses dérivés est le seul secteur de SIDBEC qui est présentement hautement rentable. Il est, par contre, condamné à une érosion progressive des parts de marchés et de sa force concurrentielle, ayant atteint ses capacités de production d'une part, et d'autre part en raison de la désuétude graduelle du laminoir existant.

La huitième conclusion: La structure financière est inadéquate et entraîne des coûts de financement qui excèdent considérablement sa capacité de payer et compromet sa rentabilisation.

Synthèse de la stratégie de l'entreprise. Je ne sais pas s'il est nécessaire de la relire, M. le ministre l'a lue, ce matin. On peut passer, peut-être rapidement. C'est

évidemment l'essentiel de la présentation.

Il y a d'abord deux volets à la stratégie d'entreprise. Le premier volet est une stratégie de redressement sectoriel, c'est-à-dire une stratégie pour redresser les secteurs de l'entreprise en maintenant SIDBEC, évidemment, société d'État. Le deuxième volet c'est plutôt la privatisation, c'est-à-dire la vente en tout ou en partie des actions à l'entreprise privée.

La stratégie d'entreprise qui découle des stratégies de redressement sectoriel, d'abord. SIDBEC doit être autorisée à se délester très rapidement du fardeau que constitue sa participation dans SIDBEC-Normines par la vente à des tiers de sa quote-part du capital-actions de celle-ci. Parallèlement, elle doit pouvoir explorer en profondeur l'hypothèse de rechange que constituerait la fermeture de la mine du lac Fire, assortie d'une garantie d'approvisionnement de minerai de fer du Mont-Wright, d'une rationalisation des opérations et des services et, si possible, d'un réaménagement des participations respectives des partenaires.

Dans l'éventualité où le premier scénario - la vente à un tiers - ne s'avérait pas réalisable à courte échéance et que le deuxième ne justifiait pas financièrement le maintien des opérations de la filiale à long terme, le gouvernement devra se résoudre sans délai à autoriser SIDBEC à négocier, avec ses partenaires, l'abandon complet et définitif des opérations de SIDBEC-Normines.

Le secteur des produits longs constitue pour SIDBEC une force réelle et importante sur laquelle l'entreprise doit impérativement capitaliser. Ce secteur regroupe les équipements les plus modernes. Il dessert un marché stable et très rentable, dont SIDBEC possède une part importante.

Afin de pouvoir exploiter efficacement ces avantages, l'entreprise doit s'assurer l'accès à une quantité additionnelle de fil machine. L'amélioration du laminoir existant qui, au coût d'environ 70 à 75 millions en dollars 1981, ajouterait une capacité de 160 000 tonnes et améliorerait techniquement et commercialement le produit est indispensable.

La fermeture du secteur des produits plats est inévitable à court terme et doit être décidée et planifiée avec diligence. Elle implique un réaménagement en profondeur des équipements et des services de l'entreprise et l'abandon d'autres opérations non rentables. Elle doit aussi s'assortir d'une volonté de l'actionnaire de développer le secteur des produits longs et de le rendre hautement compétitif.

Le marché des tubes et des profilés creux de construction est très rentable. Il offre de plus des perspectives de croissance très intéressantes. Il est donc important pour SIDBEC d'exploiter un secteur autonome de tubes et de profilés creux de construction en maintenant l'exploitation de la tuberie actuelle, qui est une tuberie à soudure continue, et en implantant, si financièrement possible, une nouvelle tuberie qui serait une soudure par résistance électrique et dont le projet coûterait environ 50 à 60 millions en dollars 1981.

Dans l'éventualité où la fermeture du secteur des produits plats était écartée ou différée pour une raison ou pour une autre, un tel projet devient indispensable car il serait susceptible d'améliorer de façon significative le rendement du secteur et d'en prolonger la durée de quelques années encore.

Un des deux modules de l'usine de réduction directe devra être fermé et, finalement, l'actionnaire devra rationaliser la structure financière. C'est là l'essence ou l'essentiel de la stratégie de redressement sectoriel.

Autre stratégie d'entreprise. La stratégie d'entreprise énoncée ci-dessus a été conçue pour assurer la viabilité de l'entreprise à sa condition actuelle de société d'État. Il y a, par ailleurs, une autre stratégie d'entreprise que le gouvernement du Québec devrait sérieusement envisager. C'est la vente de la totalité des actions de SIDBEC à l'entreprise privée, préférablement à un aciériste nord-américain en quête d'une garantie d'approvisionnement de boulettes. Cette option comporte en soi des avantages nombreux et déterminants sur le plan de la rentabilité, et partant, de la viabilité de l'entreprise. (17 h 15)

La direction de SIDBEC devrait être autorisée par mandat spécifique à entamer des pourparlers parallèlement et simultanément à la mise en oeuvre de la stratégie de redressement sectoriel qui a été recommandée plus haut.

Avant de passer à l'étude des différents éléments de la stratégie, j'aimerais donner le fond de ma pensée. C'est la mienne. Ce sont des opinions personnelles sur trois de ces pièces majeures en raison de la notoriété qu'elles ont reçue au cours des derniers mois, soit la privatisation de SIDBEC, le sort de SIDBEC-Normines et la fermeture des produits plats.

La privatisation. Après avoir énoncé une stratégie conçue pour redresser l'entreprise en sa condition actuelle de société d'État, la direction a recommandé à son actionnaire de considérer sérieusement une stratégie d'entreprise qui consiste à privatiser SIDBEC. À mon avis, cette option comporte des avantages nombreux et déterminants sur le plan de la rentabilité et de la viabilité, comme il a été mentionné dans la stratégie, et est susceptible, potentiellement tout au moins, de bon!fier et peut-être même de récupérer certaines

opérations autrement marginales, tels les produits plats, par une complémentarité avec un autre aciériste. Je dois vous avouer en passant que le long cheminement du plan de redressement et les débats publics qui l'ont entouré ont raffermi ma préférence pour cette option.

Je tiens à préciser, par contre, que cette préférence personnelle n'était en rien susceptible d'affecter la qualité de la gestion de SIDBEC ni l'exercice du mandat que j'avais accepté et qu'on ne saurait trouver motif à mon départ dans un désaccord possible avec le gouvernement sur ce point, comme on l'a déjà évoqué. Je tiens aussi à préciser que c'est la vente des actions que la direction recommande et non des activités morcelées et, finalement, qu'une vente, bien que problématique, ne saurait être écartée sans être tentée avec toute la rigueur et le professionnalisme requis. Je m'empresse de rassurer mes collègues des syndicats: je n'évoquerai pas cette stratégie de nouveau dans cette présentation. Je dois leur avouer, par contre, que je trouve support à ma thèse dans leur opposition au concept de la privatisation.

Le sort de SIDBEC-Normines. SIDBEC ne peut pas continuer à subir, année après année, les pertes énormes qu'entraîne son implication dans SIDBEC-Normines. Au strict plan financier, l'abandon des opérations de SIDBEC-Normines constitue pour SIDBEC la solution la plus rapide et la plus complète aux problèmes sérieux de trésorerie que lui cause son implication dans sa filiale minière. Par contre, et c'est implicite au plan de redressement, la direction et le conseil d'administration de SIDBEC considèrent la fermeture de SIDBEC-Normines comme une solution de dernier recours et lui préfèrent deux autres hypothèses qui ont été évoquées déjà et qui seront expliquées plus loin.

Personnellement, je dois vous avouer que je ne crois pas en la fermeture de SIDBEC-Normines, à court terme tout au moins. L'abandon du projet exige, à toutes fins utiles, le consentement unanime des trois partenaires, ce qui est très loin d'être acquis. J'ai même une lettre du président de British Steel qui m'indique que cette option n'est pas acceptable à British Steel. En assumant, pour les fins de la discussion, que les actionnaires en convenaient, le Québec devrait débourser plus de 300 000 000 $ -325 000 000 $ probablement en dollars 1982 et avec les ajustements de dernier temps -pour rembourser sa quote-part de la dette à long terme de SIDBEC-Normines et financer sa quote-part des frais de fermeture.

Dans un contexte de comptabilité gouvernementale globale, il est loin d'être démontré que les avantages financiers qui résulteraient d'une fermeture justifieraient ces déboursés, à court terme tout au moins. De plus, les coûts sociaux et les conséquences sur les communautés affectées, sur l'économie et peut-être aussi sur les exploitations minières reliées, contribuent à rendre cette hypothèse encore moins vraisemblable, à court terme encore. Si, à l'inverse, les partenaires refusent leur consentement, comme nous avons toutes les raisons de conclure, le Québec ne saurait unilatéralement décréter la fermeture sans se rendre passible de pénalités considérables qui viendraient s'ajouter et peut-être même doubler les 300 000 000 $ déjà mentionnés.

La fermeture des produits plats. À ce chapitre, la direction est forcée de conclure que le secteur des produits plats est irrémédiablement condamné et que sa fermeture est inévitable. Cette conclusion découle d'abord de la désuétude de l'équipement de laminage, spécialement du laminoir à chaux qui constitue le coeur de notre activité. Il découle du rendement déficitaire du secteur et de sa détérioration graduelle, tant au plan des résultats financiers qu'à celui du flux de la trésorerie. Il découle de considérations commerciales reliées à l'implantation de deux nouveaux laminoirs à chaux modernes au Canada qui provoqueront une surcapacité considérable de bandes à chaux.

Je dois vous avouer aussi que, devant la croissance des coûts énergétiques, j'entretiens personnellement de sérieuses inquiétudes en ce qui a trait à l'évolution du coût des brames et à la viabilité de la filière de réduction directe. M. Raimondi fera plus tard état des conséquences du statu quo, des hypothèses qui ont été examinées dans le cas des plats et des conclusions qui ont été tirées. Ce qu'il est important de retenir à ce chapitre c'est que l'abandon de la fabrication des produits plats est inévitable et qu'il serait pour le moins illogique d'investir dans des équipements vétustes. Les modalités et l'échéancier de la fermeture doivent être planifiés par contre avec soin et diligence. Nous évoquons même, comme modalité de fermeture, la possibilité de fabriquer pour un certain temps, tout au moins, du laminé à froid à même des bandes à chaux achetées de l'extérieur. C'est un projet qui serait susceptible d'être rentable en soi tant et aussi longtemps qu'il y aurait un surcroît de bandes à chaux qui rendrait l'achat de ces bandes à chaux rentables pour alimenter le laminoir à froid qui, bien qu'il ait certaines faiblesses et certaines désuétudes, produit tout de même une qualité de produits bien commercialisables.

Comme scénario de transition, nous évoquons aussi un projet susceptible d'apporter une amélioration temporaire dans l'éventualité où la fermeture du secteur des produits plats était retardée ou étalée. M. Raimondi vous parlera des deux projets, celui du laminé à froid et l'autre projet dont je viens de faire état. Il vous l'expliquera.

La structure financière. Quant à la structure financière, elle est manifestement inadéquate et entraîne des frais financiers excessifs. On comprendra par contre qu'il est impossible de projeter une structure adéquate tant et aussi longtemps que les décisions de base de la stratégie de redressement ne seront pas connues.

Voici pour la partie du plan de redressement. Vous me permettrez maintenant, si vous le voulez bien, d'aborder les activités dites minières. En abordant ce secteur, j'aimerais dire à M. Astier que nous sommes d'accord avec le portrait qu'il nous a fait ce matin des perspectives du marché de l'acier et des perspectives du marché du minerai de fer. M. Astier a évoqué trois portes de sortie pour SIDBEC: les boulettes réduites, la vente de boulettes à hauts fourneaux et le changement dans le temps. En ce qui a trait aux boulettes réduites, j'aimerais vous situer immédiatement le contexte actuel. À l'heure actuelle, il n'y a pas un module de réduction directe qui fonctionne au Canada ou en Amérique du Nord, sauf celui de SIDBEC qui marche à 40% de sa capacité. La compagnie British Steel a deux modules de réduction directe complètement neufs dans un endroit où elle a installé un port. Ses deux usines de réduction directe n'ont jamais fonctionné et sont dans les boules à mites. Un module de réduction directe de 1 000 000 de tonnes est entré en fonctionnement, il y a quelques mois en Allemagne, il a été fermé en faillite après trois mois de fonctionnement.

Le marché actuel des boulettes réduites est presque complètement disparu, presque complètement éliminé, et cet état de chose est dû à l'accroissement déraisonné des coûts d'énergie qui rendent ce secteur bien problématique dans l'avenir. À l'heure actuelle, par exemple, une tonne de boulettes réduites coûte deux fois le prix en équivalence d'une tonne de ferraille. En plus, lorsqu'on parle de commercialiser des boulettes réduites, il faut avoir à l'esprit qu'elles constituent, dans le transport, un cargo hasardeux. Les perspectives d'amélioration de la situation de SIDBEC dans son secteur minier ne sauraient se reposer sur la commercialisation des boulettes réduites, à ce moment-ci.

En ce qui a trait aux boulettes à hauts fourneaux, je tiens d'abord à clarifier ou à préciser que la commercialisation chez SIDBEC se fait par un groupe séparé, SIDBEC International, qui ne fait que cela ou presque uniquement cela et, qui travaille avec une entreprise, qui est reconnue, comme un des meilleurs commerçants de minerai de fer au monde. Ce qui est le problème à l'heure actuelle, ce n'est pas une compétence dans le marché, c'est évidemment les prix, qui sont à la baisse et, à l'heure actuelle, nous serions obligés de vendre en Europe les boulettes à hauts fourneaux avec un escompte d'environ 40%, soit près de 25 $ la tonne, alors qu'on nous exige une pénalité de 17 $ pour ne pas les produire. En somme, c'est tout simplement une question de coût au consommateur européen, qui doit déterminer ce qui est à meilleur prix pour lui d'acheter du Brésil ou d'acheter de SIDBEC les boulettes dont il a besoin, en prenant évidemment en considération les coûts de transport; et c'est là où on est réellement vulnérable.

En ce qui a trait, M. Astier, au secteur manufacturier, nous parlons exactement le même langage que le vôtre. Vous le verrez dans la suite de la présentation.

Les activités dites minières. Nous aborderons ce chapitre en donnant quelques renseignements pertinents sur SIDBÈC-Normines, sous forme de données qu'on trouvera au tableau ci-inclus. Je procéderai très rapidement, faute de temps.

SIDBEC-Normines n'est pas, évidemment, SIDBEC. C'est une société, qui est incorporée en vertu des lois du Québec, c'est aussi une société en coparticipation, qui est régie par des règles particulières et de nombreux contrats. Vous noterez la participation importante des deux autres partenaires, comme on l'a déjà signalé. La composition du conseil d'administration est régie par une convention. SIDBEC a cinq membres; British Steel en a quatre; la compagnie minière Québec-Cartier, une. Il y a une convention, qui traite des relations des actionnaires entre eux et stipule les droits et obligations de ceux-ci, notamment, en ce qui a trait à l'exercice du droit de vote et à l'administration de l'entreprise. Notons aussi les activités limitées de SIDBEC-Normines. SIDBEC-Normines a pour mandat, de produire des boulettes pour ses partenaires et uniquement pour eux. Il n'est pas question de commercialisation. Les niveaux de production sont déterminés par les besoins des partenaires eux-mêmes. Le prix de vente aux partenaires est prédéterminé, selon une formule qui est reliée au prix des grands lacs. Vous noterez aussi... Alors, il n'y a pas de commercialisation, la compagnie n'est pas autorisée à commercialiser, selon les contrats et les ententes, et la commercialisation se fait par chacun des trois partenaires séparément.

Vous noterez aussi que l'usine de réduction directe a été construite aux seules fins de SIDBEC, et c'est elle qui doit en défrayer tous les frais, qu'elle fonctionnne ou non. Notez aussi la dépendance de SIDBEC-Normines sur un tiers pour des services critiques. (17 h 30)

Vous voyez, par exemple, que SIDBEC-Normines est propriétaire d'une mine à Fire Lake; SIDBEC-Normines est propriétaire d'un concentrateur au lac Jeannine et à Gagnon;

SIDBEC-Normines est propriétaire des wagons de chemin de fer et SIDBEC-Normines est propriétaire de l'usine de bouletage. Par contre, SIDBEC-Normines est dépendante de la compagnie minière Québec-Cartier pour le chemin de fer qui va du lac Fire au lac Jeannine et qui va du lac Jeannine à Port-Cartier; SIDBEC-Normines est aussi dépendante de la compagnie minière Québec-Cartier à Gagnon pour la fourniture d'électricité qui vient de Hart Jaune. SIDBEC-Normines est dépendante de la compagnie minière Québec - Cartier pour le port et les équipements de manutention et de chargement. Tous les terrains en périphérie de l'usine de bouletage à Port-Cartier appartenant à la compagnie minière Québec - Cartier, l'usine de bouletage est enclavée à l'intérieur des terrains de la compagnie minière. Par contrat, la compagnie minière Québec - Cartier gère la mine, le concentrateur et la ville de Gagnon.

Le coût des investissements. 630 000 000 $ en dollars au moment où les investissements se font et se sont faits dans les opérations minières de SIDBEC-Normines.

Le financement de SIDBEC-Normines. Les dollars US sont exprimés selon la cote lors de l'émission. Alors, 220 000 000 $ de capital-actions soumis, 410 000 000 $ de dette à long terme; il en a coûté à peu près 140 000 000 $ pour financer son investissement. SIDBEC se rend garant du remboursement de la dette à long terme et toutes les obligations de SIDBEC envers SIDBEC-Normines et les détenteurs d'obligations sont garanties par le gouvernement du Québec. Si on voulait rembourser à l'heure actuelle la dette obligataire en dollars américains, il faudrait ajouter 65 000 000 $ environ aux chiffres que vous avez. Ces obligations ont été vendues à 47 détenteurs. Vous noterez la prépondérance d'une compagnie d'assurance qui détient 139 000 000 $. La Caisse de dépôt est là pour 27 500 000 $; cinq autres prêteurs américains pour 112 000 000 $. Ce qui veut dire que pour obtenir 66 2/3% des votes qui sont souvent le niveau requis pour obtenir des modifications à l'acte de fiducie ou au contrat, cela prend cinq prêteurs américains, la Caisse de dépôt et la compagnie d'assurance américaine.

Le financement courant. SIDBEC-Normines est financée par un crédit bancaire qui est limité par l'acte de fiducie; présentement, c'est 44 000 000 $ et pendant une période de 60 jours, ce crédit bancaire est limité à 15 000 000 $. Le reste des fonds requis est contribué par les partenaires eux-mêmes sous forme de contributions ou d'avances qui sont des paiements anticipés, des déficits de caisses, des prêts ou des pénalités.

Les principaux contrats. Vous voyez les contrats qui lient SIDBEC-Normines, les actionnaires entre eux avec les détenteurs d'obligations ou des contrats de services. Généralement, un défaut à un contrat entraîne automatiquement un défaut à l'acte de fiducie et de nantissement et est susceptible de déclencher le rappel de la dette obligataire et de la rétrocession de la mine. Le contrat d'achat de boulettes équivaut à un contrat ferme, un "take or pay" pour 90% de la quote-part de la capacité nominale de SIDBEC-Normines. Pour SIDBEC, la quantité nominale est de 3 000 000 de tonnes métriques et la quantité minimale est de 2 700 000 tonnes, ce qui veut dire pour chaque tonne déficitaire, sauf stipulations transitoires, entraîne une pénalité qui pour 1983 est estimée globalement à environ 17,25 $ la tonne. C'est un contrat ferme "take or pay" pour 90%, soit, pour SIDBEC, 2 700 000 tonnes. Pour chaque tonne qui est en déficit dans une année donnée, il faut payer une pénalité d'environ 17,25 $ la tonne.

Sur ce point et pour répondre, peut-être par anticipation, à une question des membres de la commission, la clause de pénalité a deux buts. On a évoqué ce matin un but qui était celui de garantir les obligations de SIDBEC-Normines envers les détenteurs de la dette à long terme. Il y a un autre but à cette clause de pénalité, c'est pour protéger les partenaires contre le défaut d'un autre partenaire. Comme vous le savez, le projet a un "pattern" bien spécial et les contrats reflètent cette spécificité. Les partenaires ont investi, comme vous l'avez vu, 220 000 000 $, il se sont rendus garants de 410 000 000 $ et ont voulu se protéger. C'est une des raisons pour lesquelles ce concept de pénalité a été introduit. En somme, ce que les partenaires se sont dit, c'est: Pourquoi un partenaire qui respecte ses engagements devrait-il assumer une partie des pertes occasionnées par les défauts d'un autre partenaire? C'est de cette manière, par le biais des pénalités, qu'on a protégé l'intérêt des partenaires qui respectent leurs obligations contre un défaut d'un autre partenaire.

Les résultats financiers. On arrive ici, évidemment, au coeur du sujet. En raison de son implication dans SIDBEC-Normines et des engagements contractuels qu'elle a à assumer, SIDBEC aura encouru des pertes considérables au cours des dernières années, soit 242 000 000 $ au 31 décembre 1982 et, vraisemblablement, 333 000 000 $ au 31 décembre 1983, comme l'indique le tableau. Alors au 31 décembre 1982, l'implication de SIDBEC dans SIDBEC-Normines lui aura coûté 242 000 000 $, dont 64 000 000 $ en intérêts. Elle va perdre vraisemblablement 91 000 000 $, le total fait 333 000 000 $, dont 108 000 000 $ qui proviennent des intérêts.

On aura aussi remarqué la croissance

de ses pertes d'année en année: 35 000 000 $ en 1980; 61 000 000 $ en 1981; 90 000 000 $ en 1982, et 91 000 000 $ en 1983.

Il faut bien distinguer les pertes dites minières dans SIDBEC des résultats des opérations de SIDBEC-Normines. Le système comptable de SIDBEC différencie les opérations manufacturières et les opérations dites minières. Il impute aux opérations minières les coûts excédentaires et les pertes qui résultent directement de la participation de SIDBEC dans sa filiale minière: SIDBEC-Normines. Cette pratique a pour but, d'une part, d'évaluer la performance réelle des opérations manufacturières et, d'autre part, de quantifier les coûts résultant des contraintes que lui imposent les engagements assumés contractuellement à titre de partenaire dans SIDBEC-Normines.

Les tableaux suivants expliquent la nature des éléments de dépense et le budget pour 1983. D'abord, les éléments de dépense. Vous voyez que pour les années 1980, 1981 et 1982, les pertes ont été de 35 000 000 $, de 62 000 000 $ et de 90 000 000 $. Vous voyez les éléments de dépense en 1982, mais je pense qu'on est mieux d'aller en 1983, c'est encore plus visible. Alors en 1983, on prévoit que SIDBEC, en raison de son implication dans SIDBEC-Normines, va perdre 91 000 000 $, dont 23 700 000 $ qui constituent des pertes à la revente et des coûts excessifs à la consommation interne. Nous prévoyons revendre 233 000 tonnes et consommer 664 000 tonnes, pour un total d'achats de SIDBEC-Normines de 867 000 tonnes. Les coûts excédentaires à la consommation et les pertes à la revente vont nous amener, sur cette base, une perte d'environ 24 000 tonnes.

Le deuxième élément, ce sont les pénalités sur déficit d'achat. Je vous ai parlé des pénalités tout à l'heure. Entre le 867 000 000 qu'on va acheter et le 2 700 000 qu'on serait tenu d'acheter, il y a une différence de 1 833 000 tonnes métriques sur lesquelles on devra payer une pénalité d'environ 30 000 000 $, ce qui fait 53 800 000 $ pour ces deux seuls articles. On incorpore dans ces résultats la performance de SIDBEC-Normines. À SIDBEC-Normines, on prévoit faire un profit, en 1983, de 12 800 000 $ dont 6 400 000 $ à SIDBEC, ce qui réduit la perte de SIDBEC de 47 400 000 $. Par ailleurs, nous avons des frais financiers de 44 000 000 $ ce qui porte la perte à 91 400 000 $. Il faut faire attention à ces frais financiers. 37 000 000 $ des 44 000 000 $ sont des frais financiers pour des emprunts qui ont servi à éponger des pertes accumulées au 31 décembre 1982. Pour les pertes de 1983, on devra payer environ 7 000 000 $ d'intérêt.

Si on ajoute le 47 000 000 $ pour 1983, plus le 7 000 000 $ d'intérêt, cela fait 54 000 000 $ directement attribuables à l'année 1983, alors qu'il y a 37 000 000 $ attribuables aux années précédentes. Essentiellement, quatre facteurs sont responsables des pertes de SIDBEC dans SIDBEC-Normines. D'abord, l'écart entre le prix international des boulettes et le prix des Grands-Lacs engendre des pertes à la revente et des coûts excessifs à la consommation interne de 23 000 000 $. La pénalité applicable sur chaque tonne déficitaire en 1983, 30 000 000 $; la quote-part de SIDBEC dans le profit et les pertes de SIDBEC-Normines, heureusement il y a un profit en 1983, 6 400 000 $; les frais financiers sur les emprunts requis pour financer les pertes plus haut mentionnées.

Pour éliminer et réduire les pertes ainsi encourues, SIDBEC devra s'attaquer à trois facteurs: ses achats de boulettes ou ses engagements d'achats qu'elle doit pouvoir réduire au minimum, les pénalités qu'elle doit tenter d'éviter de payer et le rendement de SIDBEC-Normines qu'elle doit améliorer.

Abordons d'abord, pour éviter toute ambiguïté, le rendement de SIDBEC-Normines. SIDBEC partage à 50,1% les profits et les pertes de SIDBEC-Normines. Le tableau suivant indique le résultat réalisé ou prévu des activités de SIDBEC-Normines en 1980, 1981 et 1982. En 1980, SIDBEC-Normines a encouru une perte de 10 500 000 $; en 1981, elle a enregistré un profit de 7 700 000 $ et on prévoit en 1982 une perte de 9 900 000 $. La prévision pour 1983, comme je vous le soulignais, laisse entrevoir un profit de 12 800 000 $. Le sommaire incluant la prévision pour 1983 ne laisse prévoir, pendant quatre ans, ni profit, ni perte pour SIDBEC-Normines.

Ainsi, 10 500 000 $ de pertes en 1980 et 7 700 000 $ de profits en 1981, 9 900 000 $ de pertes en 1982 et un profit estimé de 12 800 000 $ en 1983. Cela signifie, pour les quatre années, ni profit ni perte. Ces résultats, comme je vous l'indiquais, sont incorporés aux pertes de SIDBEC-Normines imputables aux activités minières. En passant, je vous ferai remarquer avec ce tableau que le prix des Grands-Lacs, qu'on dit arbitrairement élevé, reflète sensiblement les coûts historiques de SIDBEC-Normines incluant amortissement et frais financiers au niveau d'une production des quatre dernières années concernées.

En somme avec le prix des Grands-Lacs, SIDBEC-Normines est sortie pour une période de quatre ans cumulative à un résultat de 0.

Le tableau suivant fait état de l'importance très marginale des résultats de SIDBEC-Normines dans la problématique globale pour les quatre dernières années. Ainsi, comme je vous le soulignais, les pertes de SIDBEC en raison de son implication dans SIDBEC-Normines s'élèvent à 279 000 000 $.

Dans cela, il n'y a ni profit, ni perte pour SIDBEC-Normines.

On doit tout de même se poser la question suivante: Est-il possible d'améliorer sensiblement les résultats de SIDBEC-Normines et, partant de diminuer la perte de SIDBEC en réduisant sensiblement les coûts d'exploitation de la filière minière?

En réponse à cette question, disons tout d'abord que des mesures très radicales de réduction de coûts, d'inventaire et de dépenses de nature capitale ont été mises en application récemment chez SIDBEC-Normines. On estime qu'en 1983, elles produiront à un rythme de 3 300 000 tonnes, des économies de 13 000 000 $ ou un peu plus de 5 $ la tonne. Elles produiront aussi une amélioration de l'encaisse de 32 500 000 $ et un profit anticipé de 12 800 000 $ dont 50% accroîtront, éventuellement, à SIDBEC. Cet exercice se continue, mais nous ne saurions miser sur d'autres résultats déterminants pour les raisons suivantes: Les mesures radicales de réduction de coûts et de dépenses ne peuvent pas être poussées plus loin sans préjudice grave. Au contraire, certaines de celles déjà appliquées ont un caractère temporaire, cinq ans tout au plus, étant reliées au programme d'exploitation du gisement et à l'entretien de la flotte de camions.

Une autre raison, c'est que les économies pouvant résulter de renégociations de conventions collectives ou de contrats de service seront vraisemblablement contrées par la croissance désordonnée des taxes municipales de Gagnon, si cela continue, et des coûts énergétiques et d'autres dépenses.

Au niveau de l'encaisse, on ne saurait réduire les stocks davantage, ni, sans danger, maintenir à un si bas niveau les dépenses de nature capitale.

On peut donc tirer deux conclusions: La première, je la répète, SIDBEC ne peut pas continuer à subir de telles pertes, année après année et de telles hémorragies de trésorerie, qui, par surcroît, s'accroissent avec le cumul des frais financiers qu'entraîne le financement.

Deuxièmement, il ne faut pas se leurrer. La solution au problème financier global résultant de l'implication de SIDBEC dans SIDBEC-Normines ne réside pas en soi dans une réduction future des coûts d'exploitation de celle-ci ou dans une renégociation des divers contrats et des ententes liant les actionnaires. Alors, où donc réside la solution? Plusieurs hypothèses ont été étudiées, elles sont énumérées au tableau suivant: Par SIDBEC, une réduction de ses achats. On a déterminé qu'une réduction des achats avait fort peu d'impact en raison de la pénalité. L'accroissement des ventes: Malgré tous les efforts que nous avons faits à l'heure actuelle et que nos spécialistes de marketing ont faits avec l'assistance de Fibro, on en vient maintenant à la conclusion qu'il sera impossible pour SIDBEC de vendre sur les marchés européens une quantité de boulettes qui en vaut la peine, étant donné que la perte que nous subissons en vendant ces boulettes sur le marché européen est de 25 $ la tonne, alors que nous pouvons payer une pénalité uniquement de 17 $ simplement en ne les produisant pas.

Les ventes de boulettes aux autres partenaires ont été écartées, ils n'en ont pas voulu. Le troisième module de réduction directe pour fins commerciales: il n'y a aucun marché à l'heure actuelle pour la réduction et ce serait un suicide de s'y engager.

Vente des actions aux autres partenaires. Ils ont signifié rapidement leur refus et il n'est pas question pour eux d'un réaménagement des participations respectives des trois partenaires à la hausse pour un des partenaires.

Vente des actions à des tiers. L'hypothèse a été retenue et le transfert à un autre organisme gouvernemental a été aussi retenu. Par SIDBEC-Normines on aura gardé l'accroissement du rendement par l'efficacité, les coûts et la renégociation et une diversification avec innovations etc., mais ce n'est pas suffisant pour régler de façon significative le problème de SIDBEC dans SIDBEC-Normines.

Les partenaires, par ailleurs, ont regardé de très près l'hypothèse qui constituerait à diminuer les achats par une réduction draconienne des coûts. Ce scénario implique la fermeture de la mine Fire Lake, un approvisionnement du Mont-Wright et un réaménagement des différents services de SIDBEC-Normines. Cette hypothèse implique une renégociation avec Quebec Cartier Mining, avec la compagnie minière Québec-Cartier, avec les prêteurs obligataires, et pourrait vouloir dire le remboursement du prêt.

Les partenaires ont aussi regardé la fermeture temporaire de SIDBEC-Normines et il a été déterminé mathématiquement qu'il n'y avait aucun avantage de ce côté. Finalement, au moins un partenaire a regardé l'abandon des opérations de SIDBEC-Normines, les deux autres partenaires ne voulant pas y concourir.

Les trois scénarios qui ont été retenus sont, dans l'ordre: la vente à des tiers de la totalité ou d'une partie importante des actions que SIDBEC détient dans SIDBEC-Normines; la réduction des achats des partenaires par une réduction radicale des coûts d'exploitation de SIDBEC-Normines avec la consolidation des deux mines; et l'abandon de l'exploitation de SIDBEC-Normines. La direction a évoqué aussi de nouveau l'hypothèse de transfert de propriété des actions de SIDBEC-Normines à un

organisme gouvernemental, dans l'éventualité où aucune solution ne serait acceptable ou réalisable à court terme.

Voyons les conséquences du statu quo. Où nous mène le statu quo en assumant que seront maintenus pour cinq ans les niveaux de production à une ligne, soit 3 300 000 de tonnes? Il est projeté que SIDBEC-Normines enregistrera des profits de l'ordre de 20 000 000 $ par année, dont 10 000 000 $ accroîtront, à SIDBEC, et une amélioration d'encaisse du même montant.

SIDBEC, pour sa part, en incorporant sa quote-part des profits de SIDBEC-Normines aux résultats des activités minières, accusera une perte d'environ 50 000 000 $ annuellement, comme le tableau l'indique. C'est dire que sur une production de 3,300 000 tonnes, en projetant les conditions de 1983, SIDBEC devrait perdre 50 000 000 $ en incorporant le profit de SIDBEC-Normines et une perte d'encaisse d'à peu près du même ordre.

Comme il y a peu de possibilités que les conditions ne soient matériellement changées au cours des prochaines années, on utilisera ces données comme point de référence à court terme. Voyons la fermeture de SIDBEC-Normines. Pour abandonner la production de SIDBEC-Normines, il en coûterait au Québec, selon nos estimations en argent, en 1981, 303 000 000 $; en 1982 et avec certaines modifications, 325 000 000 $ comprenant la quote-part de SIDBEC du remboursement de la dette à long terme et les frais de fermeture, mais n'incluant pas les taxes municipales à Port-Cartier et les frais d'entretien subséquents à la fermeture, qu'on peut évaluer à quelque 5 000 000 $.

Assumant que la somme soit financée par une émission d'obligations, par versements annuels pendant vingt ans et portant intérêt composé semi-annuellement, les déboursés annuels seraient de l'ordre de 53 000 000 $ pour 303 000 000 $ si le taux d'intérêt était de 16,5% et de 45 700 000 $ s'il était de 14%.

En conclusion, cinq questions fondamentales se posent à ce chapitre de la fermeture de SIDBEC-Normines. Y a-t-il possibilité que les trois partenaires conviennent à l'unanimité d'abandonner le projet de SIDBEC-Normines? La réponse est que nous avons des indications très claires du contraire. Deuxièmement, dans l'éventualité où l'unanimité est impossible à obtenir, le gouvernement du Québec peut-il décréter unilatéralement la fermeture de SIDBEC-Normines? La réponse, à notre avis, est que le gouvernement se rendrait alors passible de dommages considérables qui viendraient s'ajouter aux 300 000 000 $ ou aux 325 000 000 $ déjà mentionnés. Y a-t-il un avantage financier à court terme de fermer SIDBEC-Normines? Nous avons vu que l'équation était relativement en équilibre et qu'il ne semblait pas y avoir des avantages démontrés, à court terme encore une fois, à fermer SIDBEC-Normines. Y a-t-il possibilité de projeter des perspectives à long terme et de les quantifier? Nous trouvons qu'il y a trop d'impondérables sur le marché mondial, mais les indicateurs ne sont pas optimistes pour la présente décennie. Quels sont les coûts économiques et sociaux résultant de la fermeture de la mine? Il ne nous incombait pas de les déterminer, mais ils contribueraient à débalancer l'équation en faveur du statu quo. Nous devons aussi souligner que la fermeture de SIDBEC-Normines entraîne la rétrocession de la mine.

Soulignons aussi que l'abandon de la fabrication des produits plats réduirait sensiblement les besoins de SIDBEC en boulettes à basse teneur en silice et partant le niveau de production de SIDBEC-Normines sans pour autant changer de façon significative les résultats financiers des activités minières de SIDBEC-Normines.

Si nous regardons la fermeture au lac Fire, cette hypothèse procède de la prémisse qu'une partie du problème des partenaires réside dans les engagements excessifs qu'ils ont assumés et vise à leur permettre de réduire leurs achats annuels sans les pénaliser. Ceci présuppose une réduction du niveau de production assortie d'une réduction radicale des coûts de production et du seuil de rentabilité. Comme je vous l'indiquais, il repose sur la fermeture de Fire Lake, l'approvisionnement de Mont-Wright et la rationalisation de certaines activités. Il implique vraisemblablement le refinancement de la dette à long terme, la renégociation des stipulations importantes de l'acte de fiducie, spécialement en ce qui a trait aux pénalités, et une négociation avec la compagnie minière Québec-Cartier. Ce scénario a été étudié sur deux aspects: l'impact sur les partenaires et l'impact sur SIDBEC. Les partenaires ont basé leur calcul sur un niveau de production de 3 300 000 tonnes, le projet perdant son sens à un niveau de production élevé, ayant adopté comme point de référence le statu quo, c'est-à-dire la situation projetée au budget de 1983. En supposant - ce qui est peu vraisemblable - que les détenteurs d'obligations n'auront absolument aucune exigence spéciale en dépit du fait que la fermeture de Fire Lake élimine 150 000 000 $ d'actifs de leur garantie, en d'autres termes, en supposant qu'ils acceptent de maintenir le taux d'intérêt à ce qu'il est, les termes de remboursement à ce qu'ils sont et, en plus, qu'ils conviennent de réduire les pénalités au strict minimum requis pour assurer le financement, les déboursés nets des partenaires, en faveur de SIDBEC-Normines, s'établiraient sur cinq ans

à 64 000 000 $, en comparaison de 83 000 000 $ dans le cas du statu quo c'est-à-dire que sans absolument aucune exigence des prêteurs; si les prêteurs permettent de réduire les pénalités, les partenaires, sur une période de cinq ans, seraient appelés à payer 83 000 000 $ dans le cas du statu quo et 64 000 000 $ dans le cas du réaménagement, soit une différence de 19 000 000 $ sur une période de cinq ans.

Dans le cas où les partenaires ne convenaient pas d'assouplir les stipulations contractuelles relatives aux pénalités, les partenaires devraient débourser pendant cinq ans 229 000 000 $ sur le projet fermeture contre 158 000 000 $ sous le statu quo, alors que s'accumuleraient, par ailleurs, dans les coffres de SIDBEC-Normines 177 000 000 $, pour le projet fermeture et 96 000 000 $, sous le projet statu quo.

Toute modification sensible à la hausse des taux d'intérêt et des termes de remboursement modifie complètement ces données. On ne connaîtra réellement le résultat financier de ce projet, sa faisabilité et la réaction finale des partenaires qu'après de longues et ardues négociations avec les prêteurs d'obligations et la compagnie minière Québec Cartier.

Après analyses poussées, les partenaires ont conclu: qu'à un niveau réduit de fonctionnement, ce scénario pouvait contribuer à réduire les coûts d'exploitation et, partant, le seuil de rentabilité et les déboursés des partenaires; que, par contre, sa rentabilité globale dépendra du résultat des négociations; qu'en fermant la mine, on hypothéquerait l'avenir et que le projet perdrait son sens, dans l'éventualité d'une reprise des marchés; finalement, que ce projet méritait, tout de même, qu'on poursuive vigoureusement les prochaines étapes.

SIDBEC, sans préjuger de la réaction des prêteurs, conclut, pour sa part, qu'elle ne trouvera pas là la solution à son problème global mais, tout au plus, une possibilité de réduire les dégâts dans l'éventualité où le statu quo était maintenu à long terme.

La vente des actions de SIDBEC-Normines à des tiers. Ce scénario possède une philosophie différente qui vise à éliminer, ou tout au moins réduire sensiblement les pertes gobales de SIDBEC et à bon!fier les opérations de SIDBEC-Normines par une production à plein régime.

Ce scénario repose sur la vente à des tiers de la totalité ou d'une partie des actions que SIDBEC détient dans sa filiale. Une vente de la totalité réglerait, évidemment, totalement le problème, alors que la vente d'une partie seulement, le réglerait partiellement. (18 heures)

À titre indicatif, on estime qu'à un niveau de production de 6 300 000 tonnes métriques, soit 105% de la quantité nominale, SIDBEC-Normines au cours des années 1983 à 1987, générerait annuellement un profit de 53 000 000 $. Les partenaires, au lieu d'avoir alors à effectuer des déboursés nets substantiels à SIDBEC-Normines, soit 83 000 000 $ dans le cas du scénario de statu quo à 3 300 000 $, aurait droit à l'inverse à 241 000 000 $. Certes, la prospection d'un acheteur potentiel ne sera pas facile dans la conjoncture actuelle. On ne saurait par contre conclure trop hâtivement et trop intuitivement. Le projet mérite d'être poursuivi avec rigueur et professionnalisme.

Trois autres facteurs rendent ce scénario plus difficile encore, soit la garantie gouvernementale, l'assentiment des prêteurs surtout et peut-être des partenaires et, à mon avis, les débats assez défaitistes des derniers mois.

Conclusions: SIDBEC ne peut pas continuer à subir, année après année, des pertes énormes qui résultent de son implication dans SIDBEC-Normines. Pour SIDBEC, l'abandon des activités de SIDBEC-Normines constitue la solution la plus rapide et la plus complète aux problèmes sérieux de trésorerie que lui cause son implication dans sa filiale minière. Par contre, dans un contexte de comptabilité gouvernementale où l'actionnaire est appelé à financer la fermeture par voie d'emprunt, l'équation est différente. À court terme, cinq ans environ, et abstraction faite des coûts sociaux, les coûts financiers et annuels résultant de la fermeture de la mine sont sensiblement égaux à ceux du maintien de la production à 3 300 000 de tonnes métriques. Par ailleurs, à plus long terme, l'équation va nettement en faveur de la fermeture à la condition que se réalisent les hypothèses suivantes: Que l'écart entre les prix internationaux, celui des Grands Lacs et les coûts d'exploitation ne s'élargissent pas; que le niveau de production n'augmente pas sensiblement et que SIDBEC maintienne sa participation dans SIDBEC-Normines.

Je vous ai fait distribuer deux tableaux. Ce sont deux tableaux que SIDBEC a préparés conjointement avec ses vérificateurs externes, RCMP. Ces deux tableaux n'ont pas été modifiés; ils ont été laissés à 302 000 000 $ le coût de fermeture. Le plus grand tableau indique clairement quand on regarde la valeur actualisée en 1982, que le projet de fermeture de SIDBEC-Normines, à long terme, est nettement supérieur à n'importe quel des autres scénarios. Par contre, l'autre tableau, plus petit, indique, entre la fermeture et le scénario 1, qu'au cours des cinq années qui ont été indiquées et qui représentent peut-être la période qu'on peut prévoir avec une certaine aisance, l'équation est à peu près égale entre la

fermeture et le statu quo.

Quatrièmement, de toute façon les partenaires ont clairement indiqué que le scénario de fermeture ne leur était pas acceptable.

Cinquièmement, le scénario de consolidation de deux mines offre des possibilités de réduction de coûts d'exploitation dans SIDBEC-Normines, mais ne constitue pas en soi une solution au problème global de SIDBEC. Sa faisabilité et sa rentabilité dépendent des résultats des négociations avec des détenteurs d'obligations à la compagnie minière Québec-Cartier. Cette hypothèse mérite qu'on l'étudie davantage.

La vente à des tiers des actions que détient SIDBEC dans SIDBEC-Normines constitue la solution la plus logique. Elle est difficilement réalisable à court terme, mais elle devrait faire l'objet d'une poursuite vigoureuse. Enfin, il ne faudrait pas écarter l'hypothèse du transfert de propriétés et des actions que détient SIDBEC dans SIDBEC-Normines, non pas comme une solution au problème, mais comme un moyen de revaloriser la sidérurgie québécoise et de la situer dans un environnement normal. M. le Président, cela conclut la présentation des activités opérations minières.

Le Président (M. Desbiens): Comme il est 18 heures, la commission suspend la séance jusqu'à vingt heures. Entre-temps, nous essaierons de trouver une solution au problème d'éclairage.

(Suspension de la séance à 18 h 05)

(Reprise de la séance à 20 h 22)

Le Président (M. Desbiens): Messieurs, mesdames, la commission élue permanente de l'industrie, du commerce et du tourisme reprend ses travaux pour entendre certaines représentations en vue de revoir l'orientation de SIDBEC. Au moment de la suspension, la parole était à M. De Coster. Vous aviez terminé la première partie qui porte sur les opérations minières. Avez-vous des questions? M. le député de Mont-Royal?

M. Ciaccia: Je vais essayer d'en poser quelques-unes pour passer le temps un peu.

M. Fortier: ... il n'est pas spécialiste dans la grande entreprise.

M. Ciaccia: M. le Président, je voudrais savoir de la part de M. De Coster la somme qui devrait être déboursée si SIDBEC-Normines décidait de suspendre ses opérations selon les contrats existants. Je pense que vous avez donné un chiffre global.

M. De Coster: Je peux vous donner un chiffre global de 325 000 000 $ à peu près.

M. Ciaccia: Si je comprends bien, ces 325 000 000 $ n'incluent pas les dettes passées, c'est-à-dire jusqu'au 31 décembre 1982.

M. De Coster: Cela n'inclut pas les pertes accumulées au 31 décembre 1982.

M. Ciaccia: Qui se chiffreraient, si je comprends bien, par 185 000 000 $.

M. De Coster: C'est à peu près 250 000 000 $.

M. Ciaccia: Pourriez-vous répéter? Vous voulez bien m'excuser si je n'ai pas tous les chiffres devant moi, parce que vous avez lancé beaucoup de chiffres avant que les travaux ne soient suspendus à 18 heures. Si SIDBEC-Normines continuait de fonctionner selon les présents contrats, combien est-ce que cela coûterait par année?

M. De Coster: Selon les présents contrats, le chiffre global, sur une base comparative avec les années précédentes, montrerait une perte aux opérations minières de l'ordre de 91 400 000 $. Maintenant, c'est une perte qui inclut, par ailleurs, 37 000 000 $ qui sont des intérêts applicables sur les montants de pertes accumulées au 31 décembre 1982.

Pour être plus précis, si on prend le budget de 1983, en raison de son implication dans SIDBEC-Normines, SIDBEC paierait 30 000 000 $ de pénalités plus environ 24 000 000 $ de pertes sur reventes et coûts excessifs à la consommation, ce qui ferait 54 000 000 $. On ajoute les 7 000 000 $ de frais financiers que je viens d'indiquer. Cela fait donc 61 000 000 $ et, de ce montant, on enlève 10 000 000 $ qui représentaient le profit moyen pour les prochaines années, ce qui mettait les pertes nettes à 50 000 000 $.

Si on le prend uniquement sur une base de caisse, cela revient au même parce que le profit moyen et l'amélioration de caisse, c'est à peu près la même chose. Ce qui veut dire, en somme, que cela coûte, en déboursés, 50 000 000 $ par année pour la première année, 1983. Au fur et à mesure que cela va s'accumuler, évidemment, l'intérêt va augmenter.

M. Ciaccia: Grosso modo, le chiffre de l'opération de SIDBEC-Normines, le coût pour Normines serait de 50 000 000 $ approximativement par année.

M. De Coster: C'est cela.

M. Ciaccia: Pourriez-vous me dire ce

qu'il en coûterait à SIDBEC si les mêmes opérations continuaient, mais avec l'élimination des clauses de pénalité? Autrement dit, simplement pour clarifier ma question, le chiffre de 50 000 000 $, c'est sur le contrat existant. Je voudrais savoir quel serait ce chiffre s'il n'y avait pas de clauses de pénalité dans le contrat existant.

M. De Coster: Ce ne sera pas long, M. le député.

M. Ciaccia: Vous pouvez prendre votre temps, du moment qu'on aura une réponse acceptable.

M. De Coster: Je vais vous donner des chiffres précis. Je crois les avoir ici, sous la main.

M. Ciaccia: Dans le document que vous avez présenté... En tout cas...

M. De Coster: Je m'excuse. Voici, en l'année 1983, pour une exploitation de 3 300 000 de tonnes, sans les suppléments, la perte de l'exercice serait de 14 000 000 $.

M. Ciaccia: Si vous allez de 1983 jusqu'à 1987, quelle serait la perte moyenne par année?

M. De Coster: La perte totale serait de l'ordre de 35 000 000 $, cela veut dire une perte moyenne d'environ 7 000 000 $ par année.

M. Ciaccia: Si on n'avait pas les clauses de pénalité dans le contrat et si SIDBEC-Normines fonctionnait, elle perdrait en moyenne 7 000 000 $ par année.

M. De Coster: Pour les cinq prochaines années, oui.

M. Ciaccia: Bon, pour SIDBEC. Une autre question.

M. De Coster: Je m'excuse, M. le député, mais il y a une précision à apporter. Le scénario qu'on a fait ici projette une situation en 1983, c'est-à-dire que les partenaires prennent 80% de leur quota et nous prenons environ 30% de notre quota. Si les partenaires changent leur prise d'achat, c'est évident que les pénalités vont changer considérablement.

M. Ciaccia: Je comprends le scénario, je voulais seulement les chiffres. Une autre question.

Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.

M. Biron: Pour clarifier le même sujet, c'est faux de parler de seulement 7 000 000 $ parce que les pénalités servent aussi à payer l'intérêt. S'il n'y a pas de pénalité pour payer l'intérêt, M. De Coster, il faudra peut-être rajouter l'intérêt que SIDBEC-Normines devra payer sur les 400 000 000 $ d'obligations.

M. De Coster: La question que j'ai comprise était que vous nous demandiez quel sera le profit ou la perte dans les cinq prochaines années s'il n'y avait pas de pénalités.

M. Ciaccia: C'est exactement cela.

M. De Costen Là-dedans, il n'y a pas le jeu du flux de la trésorerie.

M. Ciaccia: Exactement.

M. Biron: Vous êtes quand même obligé de compter votre intérêt. Autrement, il y a quelqu'un qui va payer l'intérêt quelque part.

M. Ciaccia: Un instant, s'il vous plaît! Je voudrais continuer. Mon collègue me rappelle que le ministre n'a pas de question; il pourra revenir après. Je veux en arriver à un certain point. C'est peut-être une question d'intérêt. Je suis conscient que, quand on emprunte de l'argent, on doit payer des intérêts, mais là n'est pas la question que je posais à M. De Coster. Je pense qu'il a compris le but de ma question et les chiffres que je voulais.

M. Biron: M. le Président...

Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.

M. Biron: ... sur cette question, je voudrais être certain que les membres de la commission auront les réponses exactes. C'est faux de dire que, s'il n'y avait pas de pénalités, SIDBEC-Normines ne perdrait que 7 000 000 $ parce que les pénalités servent aussi à payer des intérêts. Si on enlève les pénalités, il va falloir que quelqu'un d'autre paie les intérêts quelque part. C'est pourquoi je ne voudrais pas que la commission soit induite en erreur par une information incomplète. C'est seulement pour cette raison. Je veux être sûr qu'on a les vrais chiffres sur la table.

M. De Coster: Si on demande le jeu du flux de la trésorerie, c'est une autre question qu'il faudrait établir.

M. Ciaccia: Je ne demande pas les intérêts sur les prêts qui ont été faits avant cette date. Parce que les remboursements des prêts qui ont été faits avant cette date,

il va falloir qu'ils soient remboursés, que vous fermiez, que vous fonctionniez, que vous changiez le contrat. Il faut que ce soit payé.

M. De Coster: J'essaie de comprendre la nature exacte des questions. Dans les profits et pertes qu'on a indiqués ici comme 14 000 000 $ sans pénalité et 12 800 000 $ avec pénalité, les frais d'intérêt sur la dette à long terme - est-ce ce dont vous voulez parler, M. le ministre? - sont inclus là-dedans. Ils sont inclus comme une dépense qui vient affecter le profit ou la perte de l'année.

M. Ciaccia: C'est encore mieux. La dette est incluse. C'est encore mieux pour les fins de mes questions. Seulement une autre question. Est-ce qu'à votre connaissance, il n'y a eu aucune étude de faite sur les coûts sociaux dans l'éventualité d'une fermeture?

M. De Coster: Cela n'a certainement pas été fait par SIDBEC. SIDBEC n'avait pas le mandat de faire cette chose.

M. Ciaccia: ... fermeture partielle ou totale des opérations.

M. le Président, devant ces faits, devant les chiffres concernant la fermeture de 325 000 000 $ que je peux déposer sur la table, devant les chiffres sur l'opération qui devrait continuer, qui continuerait si les contrats demeuraient tels quels avec les clauses de pénalité et la différence avec l'opération de SIDBEC-Normines sans clause de pénalité qui est approximativement de 7 000 000 $ par année, je voudrais que cela soit bien compris, et considérant qu'on n'a fait aucune étude sur les coûts sociaux qu'entraîneraient la fermeture de SIDBEC-Normines, la fermeture de Gagnon, les problèmes de Port-Cartier, Sept-Îles, je voudrais faire la motion suivante:

Motion proposant la renégociation des clauses de pénalité

Attendu que les pertes de SIDBEC pour l'année financière en cours sont d'une telle magnitude que des mesures correctives doivent être prises de façon urgente, qu'une des recommandations de SIDBEC et du comité interministériel propose la fermeture des opérations de SIDBEC-Normines, il est reconnu que les conséquences sociales et économiques de cette décision pour la Côte-Nord seraient désastreuses. Il est aussi reconnu que des études socio-économiques de ces conséquences n'ont pas été faites jusqu'à maintenant; que certains scénarios ont présenté des chiffres découlant des possibilités suivantes: Premièrement, la fermeture des opérations de SIDBEC-Normines selon les conditions des contrats existant entre les partenaires et le fiduciaire; deuxièmement, le maintien des opérations selon les mêmes contrats; troisièmement, le maintien des opérations en éliminant les clauses de pénalité desdits contrats;

Attendu que les chiffres obtenus sous la rubrique 5c, c'est-à-dire le maintien des opérations en éliminant les clauses de pénalité, ne justifient pas la fermeture des opérations de SIDBEC-Normines;

Attendu que le ministre des Finances a reconnu, au cours de cette commission parlementaire, le 10 novembre, ce matin, qu'il n'avait posé aucun geste pour renégocier lesdits contrats jusqu'ici;

Attendu que, toutefois, le ministre des Finances a reconnu que la négociation était une possibilité, mais qu'il n'avait pas l'intention d'agir avant que des décisions soient prises à la suite des délibérations de la présente commission;

II est résolu que cette commission parlementaire recommande, premièrement, qu'en vue des chiffres avancés, advenant la continuation des opérations si les clauses de pénalité des contrats étaient éliminées, le gouvernement prenne des mesures immédiates aux plus hauts niveaux, incluant la participation du premier ministre et du ministre des Finances, si nécessaire, pour renégocier lesdites clauses des contrats;

Deuxièmement, que, dans l'intervalle et comme condition essentielle de cette renégociation, que le gouvernement s'engage à ne pas mettre un terme aux activités de SIDBEC-Normines;

Troisièmement, que le gouvernement entreprenne une étude approfondie des coûts socio-économiques et de toutes les conséquences pour la Côte-Nord de la fermeture de l'exploitation de SIDBEC-Normines;

Quatrièmement, que le gouvernement tienne une autre session de la commission parlementaire le plus tôt possible, après que les résultats des renégociations de contrats seront connus, pour discuter de toute autre recommandation qui pourrait être prise à la suite des résultats de cette renégociation;

Cinquièmement, que, de toute façon, le gouvernement reconvoque la commission parlementaire au plus tard le 28 février 1983, afin de présenter un rapport de l'état de la situation, incluant toute autre recommandation qui pourrait découler des délibérations de la présente commission. M. le Président, j'en fais une motion.

M. Charbonneau: Peut-on demander d'abord au député de Mont-Royal s'il a des copies pour les membres de la commission? C'est bien beau de faire des propositions sur le bout de la table comme ça, mais je pense que la lecture même de sa proposition montre l'importance du sujet. Je pense que les membres de la commission devraient

normalement avoir une copie de la motion qui nous est présentée.

M. Ciaccia: M. le Président, j'ai dû préparer cette résolution après la suspension de 18 heures et avant qu'on ait à reprendre nos travaux. Je n'ai donc pas eu l'occasion de la faire dactylographier. Il me ferait grand plaisir de le faire, si vous voulez suspendre la séance pour quelques instants.

M. Dussault: Le pourrait-on pour quelques minutes? Le temps qu'on ait le texte.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Chambly.

M. Tremblay: Oui, M. le Président, compte tenu que le député de Mont-Royal a rédigé sa proposition sur le coin de la table et qu'il fait spontanément cette proposition à la commission, je voudrais avoir une interprétation de votre part, à savoir si une motion de ce genre, dans une commission parlementaire du type que l'on tient, est recevable?

M. Ciaccia: Vous doutez de la recevabilité?

M. Tremblay: C'est ça.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Mont-Royal, sur la question de la recevabilité.

M. Charbonneau: M. le Président, est-ce qu'on pourrait d'abord trancher la demande du député de Châteauguay qui demandait une suspension de quelques instants pour avoir une copie du texte?

Le Président (M. Desbiens): D'accord.

M. Ciaccia: Ce serait préférable. Une fois que vous aurez la résolution devant vous, vous allez vous apercevoir qu'elle est vraiment recevable et positive. Elle est faite dans le but d'aider les travaux de cette commission, les gens de Gagnon, SIDBEC, le ministre et le gouvernement.

Le Président (M. Desbiens): La commission suspend ses travaux pour quelques minutes, le temps d'obtenir une copie de la motion.

(Suspension de la séance à 20 h 41)

(Reprise de la séance à 21 h 33)

Le Président (M. Desbiens): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission élue permanente de l'industrie, du commerce et du tourisme reprend ses travaux. M. Biron: M. le Président.

Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.

M. Biron: Je voudrais faire une suggestion à mes collègues membres de la commission. Il est déjà 21 h 30 et nous sommes ici pour écouter les gens. D'ailleurs, nous les avons fait venir et il y a des gens importants qui sont venus ici de passablement loin, à la fois de la Côte-Nord, de la région de Montréal et de Contrecoeur. Je pourrais suggérer qu'on dépose tout simplement la motion et, une fois qu'on aura entendu les gens, on pourra discuter de la recevabilité et du fond de la motion. Je pense qu'il y a des gens importants qui méritent d'être entendus.

Le Président (M. Desbiens): À l'ordre s'il vous plaît! À l'ordre s'il vous plaît! Je me dois de rappeler à tout le monde dans la salle qu'il est interdit de manifester. Alors, M. le ministre a exprimé une opinion et je permettrai...

M. Ciaccia: M. le Président.

Le Président (M. Desbiens): ... au député de Mont-Royal de s'exprimer.

M. Ciaccia: M. le Président, premièrement, le but de cette motion n'est pas de retarder les travaux de cette commission ni de ne pas entendre les gens qui sont ici. Normalement, la commission se termine à dix heures et nous sommes prêts à continuer après dix heures ce soir. Je voudrais savoir, par exemple, si la motion est recevable parce que je pense qu'elle a des conséquences assez sérieuses pour les gens de la Côte-Nord. Quant à la recommandation que nous faisons auprès du gouvernement - une des recommandations est de fermer la mine - nous cherchons positivement un moyen de garder SIDBEC-Normines en exploitation. Je crois qu'après tant d'années, après tellement de temps passé, on pourrait prendre quelques minutes juste sur cette motion, vu les implications, vu tout ce qui est en jeu, pour avoir une décision de votre part sur sa recevabilité. Je veux assurer les gens présents que cela ne nous empêchera pas d'entendre toutes les parties, quitte à prendre le temps qu'il faut pour entendre tous les intervenants.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Duplessis, sur une question de règlement.

M. Perron: Disons que c'est sur une question de règlement parce qu'à la suite de

ce que vient de dire le député de Mont-Royal, je voudrais tout de même ajouter quelque chose.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Duplessis, j'avais dit que j'accorderais un droit de parole de chaque côté. Je vais rendre la décision en me basant sur...

M. Perron: M. le Président...

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Duplessis, sur une question de règlement.

M. Perron: Oui, sur une question de règlement. Je n'étais pas présent ici, mais j'ai appris par la suite ce qui s'était passé au sujet de la résolution elle-même, de la motion qui vient d'être déposée par le député de Mont-Royal. Considérant que...

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Duplessis, il n'y a pas de motion du député de Mont-Royal puisqu'elle n'est pas reçue.

Reprenant les arguments qui ont été présentés de part et d'autre sur le respect à apporter à toutes les personnes qui se sont déplacées et considérant qu'elles ont déjà passé toute une journée à attendre... Le mandat qui a été confié à la commission par l'Assemblée nationale est d'entendre certaines représentations en vue de revoir l'orientation de SIDBEC. Pour éviter de perdre du temps précieux pour tout le monde, des deux côtés, je considère que je prends avis de la motion et que son étude pourrait se faire à la fin des travaux, après avoir entendu toutes les parties.

Seulement à ce moment-là, on pourra juger de la recevabilité et en discuter.

M. Dussault: D'accord. Vous ne la jugez pas recevable pour le moment?

Le Président (M. Desbiens): Je ne la juge pas recevable, je prends avis de son dépôt.

M. Dussault: C'est à ce moment-là qu'on se posera la question. D'accord, M. le Président.

Le Président (M. Desbiens): On se posera la question à ce moment-là.

M. Ciaccia: Vous ne la jugez pas recevable ou irrecevable, mais vous en prenez avis et vous rendrez votre décision plus tard.

Le Président (M. Desbiens): Je prends avis du dépôt de la motion et, à la fin de la présentation des mémoires, on pourra en discuter.

M. le député de Duplessis, vous aviez demandé la parole, mais le député de Mont-Royal avait d'abord le droit de parole au moment du dépôt de la motion.

M. le député de Duplessis.

M. Perron: Merci, M. le Président. Je vais tout de même passer mon message en disant que la motion vient en grande partie de...

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Duplessis, les questions à nos invités.

M. Perron: M. le Président, je vais justement parler de SIDBEC-Normines, mais en soulignant que tout ce qui vient de se passer vient en grande partie de l'association libérale du comté de Duplessis.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Duplessis, si vous voulez procéder, s'il vous plaît, on est ici pour entendre les mémoires.

M. Perron: Bien oui, c'est ça, c'est vrai aussi.

Le Président (M. Desbiens): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Perron: Je voudrais poser quelques questions à M. De Coster ainsi qu'aux représentants de SIDBEC-Normines, s'ils veulent bien répondre, puisque la grande majorité de mes questions relèveront directement de SIDBEC-Normines plutôt que de SIDBEC en général.

Lorsqu'on connaît la politique d'achat actuelle du Québec et le genre de réglementation qui, si ma mémoire est bonne, provient du Conseil des ministres concernant l'achat au Québec, pourriez-vous dire aux membres de cette commission si SIDBEC a fait une évaluation du marché possible, par exemple, à Hydro-Québec ou encore à Marine Industrie dans la division hydroélectrique et s'il y aurait des possibilités, si vous avez fait une telle étude, d'apporter des correctifs d'adaptation dans les activités manufacturières pour pouvoir absorber la demande des deux sociétés d'État concernées et possiblement d'autres marchés?

M. De Coster: M. le député, vous parlez de la production manufacturière et non pas des activités minières.

M. Perron: Oui. Cette question s'adresse à SIDBEC ou à SIDBEC-Dosco.

M. De Coster: Oui, parce qu'on va avoir une présentation portant sur la production manufacturière dans une minute.

M. Perron: La présentation n'a pas eu lieu.

M. De Coster: Non.

M. Perron: Ah bon! Je reviendrai avec ma question plus tard, M. De Coster.

Le Président (M. Desbiens): Est-ce qu'il y a d'autres questions?

M. Perron: Oui, il y a d'autres questions, M. le Président. Vous avez parlé dans votre mémoire, à un endroit, à la page 8 - j'ai pris la peine de numéroter les pages - de quatre filiales de SIDBEC. Vous avez parlé de SIDBEC-Feruni, de SIDBEC-Dosco, de SIDBEC-Normines et aussi de SIDBEC International. Vu que, dans le mémoire, il n'existe rien sinon la mention de la présence de SIDBEC International, est-ce que vous pourriez donner aux membres de cette commission ainsi qu'aux gens ici présents des informations concernant le travail qu'effectue SIDBEC International?

M. De Coster: Certainement. SIDBEC International est un groupe qui est spécialisé dans la vente des boulettes d'oxyde et dans la vente des boulettes de préréduit et, dans une certaine mesure, dans la vente de demi-produits à l'étranger. C'est, à la base, un groupe spécialisé dans la vente des boulettes et dans la vente du préréduit. Il travaille en' Europe et aux États-Unis. Il travaille aussi dans des pays arabes avec une firme de commerçants de minerai de fer, la firme Fibro, une des meilleurs firmes au monde, qui commercialise pour SIDBEC l'excédent des boulettes que SIDBEC est tenue d'acheter de SIDBEC-Normines.

M. Perron: Est-ce que SIDBEC International a obtenu la grande majorité des contrats de vente de boulettes ou si cela s'est fait par d'autres organismes, comme des agents, si vous en avez? Avez-vous des agents autres que SIDBEC International?

M. De Coster: Oui, c'est un agent, non pas un "trader", qui, comme je vous le disais, est la firme Fibro, une firme spécialisée, à travers le monde, dans la vente du minerai de fer, des boulettes d'oxyde.

M. Perron: Merci.

M. De Coster: Maintenant, le travail se fait conjointement. Nos gens voyagent partout. Ils rencontrent les clients régulièrement et nos agents font la même chose.

M. Perron: Merci, M. De Coster. À la page 75... Est-ce que la pagination de votre mémoire est faite?

M. De Costen Non.

M. Perron: J'ai marqué la page 75.

M. De Coster: Si vous me posez la question, probablement que je vais la retrouver.

M. Perron: Au point 5, dans les conclusions, concernant les activités minières, vous indiquez quels sont les coûts économiques et sociaux résultant de la fermeture de la mine. Votre réponse est la suivante: II ne nous incombait pas de les déterminer.

M. De Coster: C'est exact.

M. Perron: Dans un dossier aussi important que celui que nous avons devant nous, soit la fermeture de SIDBEC-Normines qui est préconisée par certains rapports, jusqu'à tout dernièrement, par la grande majorité des rapports, autant les sociétés d'État que les ministères du gouvernement, les députés des deux côtés de la Chambre et même les individus sont en droit d'en connaître les coûts économiques et sociaux. Je voudrais avoir des explications, à savoir pourquoi, sur le fond, SIDBEC n'a pas jugé bon de préparer, surtout dans le cas de SIDBEC-Normines, ses coûts sociaux et économiques. (21 h 45)

M. De Coster: Pour deux raisons bien spécifiques. D'abord, ce n'est pas normalement la fonction de SIDBEC de faire ce genre d'exercice, il appartient plutôt au gouvernement et à ses ministères de le faire. Deuxièmement, ce qui est plus spécifique encore, nous sommes allés au comité ministériel permanent de développement économique et il y avait eu, selon ma compréhension, un mandat de confier à d'autres ce genre de travail. Il était bien compris, au comité ministériel permanent de développement économique, qu'il ne s'agissait pas de la fonction de SIDBEC.

M. Perron: L'autre question se rapportait justement au scénario qui a des effets sur les deux, autant sur l'industrie minière que sur l'industrie manufacturière. Je la poserai plus tard.

Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.

M. Biron: M. De Coster, pour éclairer la commission sur les possibilités, on a dit que SIDBEC-Normines avec une capacité de bouletage de 6 000 000 de tonnes environ. On peut employer 50% de la capacité, 90% ou 100% de la capacité. Si on produisait

6 000 000 de tonnes de boulettes, SIDBEC serait responsable pour 3 000 000 de tonnes.

M. De Coster: C'est cela.

M. Biron: Là-dessus, on emploie, bon an mal an, à Contrecoeur et dans nos autres aciéries, à peu près 500 000 tonnes.

M. De Coster: On peut dire 1 000 000 de tonnes par année normale. Cette année, on emploiera 860 000 tonnes environ.

M. Biron: D'accord, 1 000 000 de tonnes. Il nous resterait 2 000 000 de tonnes de boulettes à vendre sur le marché mondial.

M. De Coster: C'est cela.

M. Biron: M. Astier nous a dit ce matin que le marché était actuellement très difficile. Est-ce que vous pensez qu'on pourrait, par l'entremise de SIDBEC International et toute la compétence de nos gens, vendre ces 2 000 000 de tonnes sur le marché actuel? On ne sait pas trop ce qui peut arriver en 1985 ou en 1990. À quel prix, si on forçait le marché, pourrait-on vendre ces 2 000 000 de tonnes?

M. De Coster: La réponse est simple, M. le ministre, nous ne serions pas capables de vendre les 2 000 000 de tonnes dans l'ensemble, quels que soient les prix. Deuxièmement, les rabais devraient être en moyenne de 40% à 50% en Europe. Je parle du marché de l'Europe et non pas du marché de l'Amérique du Nord. Ce serait de 40% à 50% sur 63 $ ou 64 $. Cela provient du fait qu'il faut affronter la compétition en Europe, le "laid down cost", le coût livré. Il faut prendre en considération le transport. Pour 1983, il a été clairement défini que le marché de l'Europe était complètement fermé à SIDBEC et pour une bonne raison: on paie pour ne pas produire 17,25 $ de pénalités; pour vendre en Europe, ça nous coûterait à peu près 25 $ de rabais. Alors, 17 $ en ne produisant pas et 25 $ de rabais si on produit et si on vend en Europe.

M. Biron: Même à 25 $ de rabais la tonne, ce qui ferait 50 000 000 $ environ, encore là, vous n'êtes pas sûrs du marché.

M. De Coster: Non, monsieur.

M. Biron: Est-ce que vous êtes aussi pessimiste que M. Astier ce matin? Il nous disait qu'en ce qui a trait aux produits laminés, les produits manufacturiers, il était un peu moins pessimiste. Il pouvait prévoir qu'il y aurait une reprise d'ici quelques années, mais, en tout cas, que cela ne dépasserait pas 1985. Dans le domaine du minerai de fer, par contre, il était passablement pessimiste; dans le domaine des boulettes, il était encore plus pessimiste. Est-ce que vous avez à peu près la même attitude que M. Astier?

M. De Coster: Nous partageons complètement les idées qu'a émises M. Astier ce matin. Cela rejoint nos prévisions.

M. Biron: En d'autres termes, vous voulez nous dire que, pour 6 000 000 de tonnes, il n'y a pas de marché, que c'est impossible et qu'il faudrait diminuer la production à quelque chose autour de 2 000 000, 3 000 000 ou 4 000 000 et qu'on pourrait écouler ce produit.

M. De Coster: C'est exact, M. le ministre. Les trois partenaires, en 1983, auront besoin de 3 300 000 de tonnes. Les partenaires sont British Steel à 80% de sa quantité nominale, Québec-Cartier à 80% de sa capacité nominale et SIDBEC à environ 30% de sa capacité nominale. On a fait nos prévisions pour 1983 et pour les prochaines années sur 3 300 000 tonnes, l'équivalent de 105% d'une ligne.

M. Biron: Mais, jusqu'à maintenant, nous ne produisons pas encore sur deux lignes. Si celles-ci arrêtent encore de temps à autre, on a encore deux lignes de production.

M. De Coster: On produit sur deux lignes selon les économies du moment parce qu'il y a les taux d'électricité qui rendent préférable de produire durant une certaine période de l'année. Ce sont certaines considérations comme cela qui font qu'à un certain moment donné, on est mieux d'être fermé et, à certains autres moments, on est mieux d'être ouvert et les deux lignes peuvent servir en alternance.

M. Biron: Est-ce que, d'après vos budgets de production, ce serait plus rentable de produire 3 000 000 de tonnes sur une ligne de production ou 4 000 000 sur deux lignes?

M. Charette: Nécessairement, un plus gros tonnage, c'est toujours plus rentable pour Normines. Les coûts unitaires sont plus bas.

M. Biron: Merci.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: M. le Président, dans le document que vous avez présenté dans le plan de redressement en juin 1982, vous aviez différents scénarios pour essayer d'évaluer le coût d'une fermeture, le coût à

SIDBEC. Je voudrais clarifier maintenant le coût à SIDBEC dans l'éventualité de fermeture, dans l'éventualité de réduction de production. Je considère le scénario b de juin 1982; vous avez, à l'annexe e, différentes pertes de liquidités et pertes pour chacun de ces scénarios. Dans celui de l'annexe b, le scénario b, vous aviez les productions annuelles à 33% de la quantité nominale respective, soit 2 000 000 tonnes de boulettes et, dans ce cas, il y avait des pénalités; il y avait le bail immobilier à Port-Cartier qui pourrait être en défaut. Cela voulait dire que, dans l'éventualité de ce scénario, le bail pourrait être perdu, cela voulait dire que la mine aurait été rétrocédée à Québec Cartier Mining, les terrains repris et les installations louées. Je remarque que, dans l'autre scénario c, qui prévoyait un rendement à 3 700 000 tonnes, ce scénario maintenait les conditions du bail. Je n'ai pas les détails des pertes. À combien avez-vous évalué le montant de la perte du bail dans le scénario b? A-t-il été évalué? Peut-être pourriez-vous nous expliquer pourquoi tous les différents scénarios arrivaient à la même conclusion, grosso modo, en termes de perte. Il n'y avait pas beaucoup de différence.

M. De Coster: Je pense que je pourrais peut-être commencer par votre deuxième question. C'est qu'on a trouvé que les trois scénarios ou les différents scénarios d'activités à des niveaux différents apportaient pour SIDBEC à peu près les mêmes résultats parce qu'il y a le jeu des pénalités. C'est le jeu des pénalités qui faisait qu'on en arrivait sensiblement au même résultat. Maintenant, on a regardé les scénarios à 5 400 000 tonnes, c'est 90% de capacité, cela veut dire qu'il n'y a pas de pénalité dans un scénario de 5 400 000 tonnes puisque les trois partenaires prennent 90% de leur quantité nominale. Dans le scénario de 3 700 000 de tonnes, on a dit que SIDBEC prend 1 000 000 de tonnes pour ses besoins, et les autres partenaires prennent 90% de la quantité nominale, soit 2 700 000 tonnes, cela fait un total de 3 700 000 tonnes. Cela veut dire que SIDBEC est obligée de payer des pénalités pour ces déficits de tonnage. On revient encore là à 3 700 000 tonnes. Mais, étant donné le jeu des pénalités, c'est à peu près la même chose. C'est kif-kif. On arrive à peu près aux mêmes résultats.

On a regardé un troisième scénario. Dans le cas où SIDBEC prendrait un million de tonnes pour ses propres besoins et les deux autres partenaires décideraient de prendre la même chose que SIDBEC, cela ferait deux millions de tonnes. Deux millions de tonnes, cela donnerait encore pour SIDBEC à peu près les mêmes résultats, parce que le jeu des pénalités joue là-dedans, sauf qu'on a dit: 5 400 000 tonnes, cela peut aller et 3 700 000 tonnes, cela peut aller, mais les deux millions de tonnes, eux, sont dangereux, parce que, s'il y a un défaut dans les quantités minimales transportées sur le chemin de fer Québec Cartier Mining, on peut être en défaut sur une période d'années. On peut être en défaut pour le contrat de transport de concentrés avec Québec Cartier Mining. Comme je vous l'ai signalé ce matin, un défaut dans un contrat comme celui-là peut amener un défaut dans l'acte de fiducie, déclencher le rappel du prêt et l'annulation du bail, etc. On ne quantifie pas les conséquences, parce qu'à ce moment-là, cela vient tout simplement de finir; si les prêteurs rappellent le prêt, si on perd le bail et s'il y a une rétrocession de la mine, je me demande où va SIDBEC-Normines. On n'a pas quantifié comme tel, mais on dit: Voici des conséquences.

M. Ciaccia: Vous n'avez pas de chiffre spécifique pour la valeur du bail immobilier, pour la rétrocession de la mine.

M. De Coster: Non. Cela veut dire, M. le député, que les trois partenaires seraient peut-être appelés à rembourser la totalité de la dette obligataire. On a vu que la dette obligataire était de l'ordre d'environ 400 000 000 $. En plus, il pourrait y avoir une rétrocession de la mine. Je ne dis pas que c'est automatique: il faut que quelqu'un signifie le défaut et que cela suive son chemin. On n'a plus de mine et on reste avec une usine de bouletage qui est encerclée, parce que les baux sont terminés et on est enclavé. C'est une opération qui ne peut plus fonctionner, à ce moment-là.

M. Ciaccia: C'est pour cette raison que j'aurais pensé que ce scénario qui aurait entraîné la rétrocession de la mine aurait été, en termes de dollars, en termes de valeur...

M. De Coster: Non, mais...

M. Ciaccia: ... d'un coût beaucoup plus élevé qu'un autre scénario...

M. De Coster: C'est certain.

M. Ciaccia: ... où le bail se maintiendrait et où vous respecteriez toutes les conditions des contrats.

M. De Coster: C'est certain. Le scénario qu'on a fait, ce travail qu'on a fait était tout simplement pour établir des points de comparaison. C'était surtout pour savoir s'il y avait réellement des différences à produire à capacité de 5 400 000, 2 000 000 ou 3 700 000. On s'est aperçu que c'était, pour SIDBEC, à peu près constant. Mais on a

dit: En plus de cela, par exemple, 2 000 000, c'est impossible. On ne peut pas penser à 2 000 000 sur une période d'années, parce qu'à ce moment-là, on est en défaut et on perd tout.

M. Ciaccia: Puis-je tenir pour acquis, par exemple, que les prémisses sur lesquelles vous vous basez, d'après la présentation que vous avez faite cet après-midi, les chiffres et l'approche que vous preniez, sont les suivantes: premièrement, la prémisse no 1, c'est l'existence des contrats; la deuxième prémisse, c'est que le but de SIDBEC, l'objectif principal de SIDBEC est de vendre des produits de l'acier et la question des boulettes, c'est secondaire. Est-ce exact, si j'interprète les prémisses à partir desquelles votre présentation a été faite aujourd'hui?

M. De Coster: C'est certain que ce dont on se rend compte, c'est que notre aventure dans la mine crée un préjudice sérieux à SIDBEC. On voit l'image que cela crée autour de SIDBEC. À part cela, ce n'est pas notre fonction: ce n'est pas en produisant ou en vendant des boulettes sur le marché international qu'on va créer une activité économique dans la province; ce n'est pas notre raison d'être. Notre raison d'être réelle est de fabriquer des produits sidérurgiques. C'est une aciérie. C'est de fabriquer des produits sidérurgiques et les vendre à profit. C'est pour cette raison qu'on dit: On doit éliminer l'excédent de notre approvisionnement. On doit essayer d'éliminer tout ce qu'il y a de semi-produits qu'on est obligé de vendre à perte, comme les brames et les billettes excédentaires qu'on a été obligé de vendre à perte, et se concentrer réellement sur la vente de produits parachevés qui vont nous apporter le genre de rentabilité qu'on recherche. (22 heures)

M. Ciaccia: Vous avez dit que la vente des boulettes sur le marché international n'aiderait pas l'économie du Québec. Mais fermer l'usine de Port-Cartier, fermer la ville de Gagnon et fermer la mine, ne trouvez-vous pas que cela aurait un effet au moins sur l'économie de la région, mais aussi sur l'économie...

M. De Coster: Parce qu'on circonscrivait notre mission, on ne concluait pas qu'il fallait fermer SIDBEC-Normines. On dit: Nos objectifs sont de ramener notre approvisionnement au niveau qu'on a besoin. Et je ne connais pas d'entreprises dans le monde qui ont des engagements pour trois fois leur besoin d'approvisionnement et qui sont forcées, à cause de ça... On n'est pas allé volontairement dans la vente des boulettes, mais on a été forcé à vendre des boulettes, ce qui n'est pas une activité normale dans une sidérurgie comme la nôtre, mais ce serait peut-être normal pour Fibro, Iron Ore, ou d'autres, mais ce n'est pas notre fonction de faire ça. Alors on ne conclut pas, parce qu'on veut circonscrire dans nos objectifs la mission de SIDBEC et la limiter réellement à produire des produits sidérurgiques, qu'on doive fermer la mine.

M. Ciaccia: Je ne veux pas blâmer SIDBEC ou SIDBEC-Normines, telle qu'elle est constituée, parce que si SIDBEC-Normines a un marché captif, ça veut dire que ses boulettes sont vendues d'avance, mais est-ce que ça peut affecter le marketing de SIDBEC-Normines? Car je remarque que, dans un de vos plans de redressement, vous aviez mentionné que vous aviez un souci sur le marketing. Alors, puisque votre but principal - vous êtes limités naturellement dans les ressources humaines - c'est la vente des produits d'acier, vous êtes obligés, par des engagements qui ont été pris de vous occuper de SIDBEC-Normines, est-ce que ça peut affecter le marketing des boulettes et, par conséquent, toute l'activité de SIDBEC-Normines?

M. De Coster: II faut encore s'arrêter sur les termes pour être certain qu'il n'y a pas d'ambiguïté. On parle bien de marketing chez SIDBEC de boulettes de SIDBEC-Normines, non pas de marketing de SIDBEC-Normines?

M. Ciaccia: Du marketing de boulettes.

M. De Coster: On dit: Du marketing chez SIDBEC de boulettes qui proviennent de SIDBEC-Normines. À cette question, la réponse est non, il n'y a pas d'entrave à ce qu'il y ait un groupe qui s'occupe des boulettes et du prix réduit et un groupe qui s'occupe des produits sidérurgiques, excepté qu'il faut bien comprendre qu'en vendant en Europe une boulette qui nous coûte 63 $, on y perd 25 $. Je ne crois pas que ce soit une exploitation qu'une sidérurgie devrait normalement considérer.

M. Ciaccia: À votre connaissance, est-ce qu'il y a eu des pourparlers ou des discussions entreprises avec le gouvernement fédérai pour essayer d'en venir à une entente avec d'autres pays qui sont des producteurs de boulettes pour essayer d'aider ou de réduire un peu le genre de compétition que vous subissez d'autres pays, comme l'Australie et le Brésil?

M. De Coster: Nous avons des contacts assez fréquents avec le ministère de l'Industrie et du Commerce, à Ottawa, pour toutes sortes de questions, parce qu'il y a une mine de renseignements qui nous est

utile, mais on n'a jamais abordé cette question spécifique de l'assistance du gouvernement fédéral dans la commercialisation de nos boulettes. On croit - c'est peut-être un point où je pourrais diverger d'opinion avec M. Astier - que, dans des conditions normales, ce ne serait pas utile de passer de gouvernement en gouvernement pour vendre nos boulettes. Par ailleurs, c'est là où je rejoins M. Astier, c'est toujours une question de prix, à moins qu'on fasse un troc, qu'on vende des boulettes pour acheter de l'huile ou des choses du genre. Mais ce serait beaucoup plus avec le gouvernement du Québec, à mon sens, qu'avec le gouvernement fédéral.

J'ai eu des rencontres avec le président de la compagnie brésilienne, qui m'a abordé justement parce qu'il prétendait qu'on perturbait son marché en vendant meilleur marché que lui. Encore là, pour revenir à une question qui a été posée ce matin, il n'y a pas eu d'entente possible avec le Brésil ou avec un autre pays pour fixer les prix.

M. Ciaccia: Vous aviez fourni des chiffres, M. De Coster, sur le coût pour fermer la mine, qui était de 325 000 000 $, le prix par année de cette dette. Premièrement, les 325 000 000 $ sont strictement le coût de SIDBEC, ce n'est pas le coût de British Steel; il faut ajouter à ces 325 000 000 $ pour fermer la mine.

M. De Coster: C'est certain que ce qu'on a calculé - la dernière fois, 303 000 000 $ et, cette fois-ci, 325 000 000 $, chiffres révisés en dollars 1983 - c'est strictement ce que cela coûterait à SIDBEC pour abandonner ses activités.

M. Ciaccia: Si je comprends bien, si SIDBEC a 50%, cela voudrait dire, si je ne me trompe pas, que cela prendrait un autre montant de 325 000 000 $ de la part des autres partenaires.

M. De Coster: C'est exactement cela. C'est pour cela que les partenaires s'opposent.

M. Ciaccia: Ah!

M. De Coster: Ou au moins qu'un partenaire s'oppose, British Steel.

Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.

M. Biron: Étant donné qu'on a un ordre de la Chambre pour terminer les travaux à 22 heures, je propose qu'on termine ce soir la présentation de SIDBEC à la coopération manufacturière et au financement et de reporter à demain matin la municipalité de

Contrecoeur après les métallos, parce qu'on s'était engagé à recevoir les métallos en commençant demain matin. Le deuxième groupe pourrait être la municipalité de Contrecoeur.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: M. le Président, je n'ai aucune objection à continuer après 22 heures. Si je comprends bien, le ministre a suggéré qu'on finisse avec SIDBEC ce soir sur ses activités manufacturières. Je voudrais soulever le point suivant: On parle d'une opération qui va affecter beaucoup de gens. On nous donne les chiffres de 500 000 000 $ et de 600 000 000 $. J'ai l'impression - je ne blâme aucun individu - qu'on ne nous donne pas le temps nécessaire pour vraiment explorer tous les aspects. On a eu une présentation cet après-midi qui était très étoffée. Si je faisais le tour de tous les gens autour de la table pour savoir s'ils ont tout compris, s'ils ont obtenu tous les chiffres, je pense qu'on serait très supris de savoir qui a tout compris...

M. Charbonneau: On va commencer par votre côté.

M. Ciaccia: Je ne suis pas gêné de le dire, on nous a présenté un document aujourd'hui, et je ne vois pas comment on peut nous presser de cette façon. Je veux bien croire que les gens veulent se faire entendre. Au lieu d'arrêter demain, qu'on continue. On parle de faire des recommandations sur la possibilité d'une fermeture ou d'une non-fermeture, de l'ordre de 500 000 000 $ ou plus, des pertes énormes tous les ans, la question manufacturière et tout l'aspect financier. Je ne vois pas comment on peut décemment -on siège depuis 10 heures ce matin, il est 22 heures - dire qu'on va tout finir. Je ne veux pas qu'on interprète mal mes propos. Je ne veux pas retarder, mais je pense qu'en toute responsabilité on devrait avoir plus de temps pour examiner tous les différents aspects qui nous sont présentés. Cela n'a presque pas de bon sens.

Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.

M. Biron: M. le Président, tout ce que j'ai suggéré, c'est qu'on continue après 22 heures, tant que la commission voudra siéger. Étant donné qu'on s'était entendu pour que la municipalité de Contrecoeur soit entendue ce soir, j'ai voulu reporter la municipalité de Contrecoeur à demain matin, mais après les métallos, parce qu'on avait pris un engagement envers les métallos pour les entendre en premier demain matin. Si on a

besoin de plus de temps demain pour SIDBEC, je ne vois pas du tout d'inconvénient à ce qu'on continue.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Verchères, vous avez une question.

M. Charbonneau: La seule chose, M. le Président, c'est qu'il faudrait aussi se rendre compte que le Syndicat des métallos attend depuis déjà une journée, que lui aussi a des contraintes et qu'il avait planifié son horaire pour être entendu demain matin. J'imagine qu'il peut être à notre disposition pour plus longtemps, mais je pense que cela va aussi perturber son organisation et le plan de sa journée pour demain. Donc, je n'ai pas d'objection qu'on continue, si on n'a pas terminé à minuit avec SIDBEC, demain matin. La seule chose que je vous indique par ailleurs - si le député de Mont-Royal veut se le faire confirmer, il y a des dirigeants du Syndicat des métallos qui sont à sa disposition ici - c'est que le Syndicat des métallos avait planifié son organisation de la journée de demain en fonction d'une présentation devant la commission pour demain matin, mais en ayant terminé au début de l'après-midi.

M. Ciaccia: Je n'ai aucune objection, mais je voudrais faire remarquer aux membres de la commission - je ne sais pas qui a fait l'ordre du jour de cette commission - que je pense bien qu'on aurait dû se rendre compte du temps que la présentation de SIDBEC prendrait et tous les problèmes. Je pense qu'on aurait peut-être dû, au lieu d'essayer de placer tout cela en deux jours, prendre un peu plus de temps afin de ne pas bousculer les gens. Mais, je suis entièrement d'accord que si on a dit aux métallos qu'ils seront entendus demain matin, c'est un engagement que la commission a pris. Je voudrais seulement faire remarquer qu'on ne peut pas vraiment faire notre travail dans ces circonstances.

Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.

M. Biron: Essayons, si vous le voulez. On va terminer les exploitations minières et peut-être voir les exploitations manufacturières ce soir. C'est assez facile de reporter l'aspect financement de SIDBEC à plus tard. Au fond, on sait que SIDBEC est sous-capitalisée par son actionnaire. Au cours de la journée de demain - cela ne dérangerait pas - je pense qu'il serait important qu'on ait la présentation, au moins de SIDBEC, concernant les activités manufacturières pour qu'on puisse suivre avec la présentation du Syndicat des métallos. Mais, prenons le temps qu'il faut et on jugera en cours de route.

M. Ciaccia: Je remercie le ministre de sa collaboration.

Le Président (M. Desbiens): Je tiens pour acquis donc qu'on s'entend pour continuer jusqu'à au moins minuit maintenant? C'est cela?

M. Ciaccia: Et si quelqu'un s'endort au bout de la table, on va le réveiller.

M. Charbonneau: Ne vous inquiétez pas pour cela.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Mont-Royal, vous aviez la parole.

M. Ciaccia: M. le Président, revenons maintenant aux coûts de fermeture et aux coûts d'exploitation si la mine n'est pas fermée. Les coûts de fermeture, si je comprends bien, sont de 325 000 000 $ du côté de SIDBEC, plus un montant équivalent provenant des autres associés. C'est une des raisons pour lesquelles, je présume, vous venez de dire que British Steel est prête à débourser 325 000 000 $ pour fermer la mine. Alors, cela veut dire qu'ils jugent que c'est moins onéreux de continuer les activités même si, parce qu'ils doivent acheter 40% des boulettes, ils ont les mêmes obligations et les mêmes contraintes que SIDBEC en ce qui concerne l'achat des boulettes, si je comprends bien?

M. De Coster: Oui, ils ont exactement les mêmes engagements. La seule chose, c'est qu'on produit 1 500 000 tonnes et, à l'heure actuelle, ils produisent 15 000 000 de tonnes. Ils perdent un million de livres par jour, ce qui fait à peu près 700 000 000 par année.

M. Ciaccia: Proportionnellement, pour eux, cela n'a pas le même impact. Je pense que je suis d'accord avec vous à propos de SIDBEC parce que l'exploitation est plus petite, elle est moindre. Si SIDBEC devait payer 325 000 000 $ - je pense que vous avez calculé le coût par année si vous empruntez les 325 000 000 $ - plus les 185 000 000 $ des dettes qui devraient être liquidées, à combien cela reviendrait par année?

M. De Coster: On avait d'abord 303 000 000 $ et on n'a pas repris les calculs à 325 000 000 $. À 303 000 000 $, en prenant une émission d'obligations sur vingt ans, l'intérêt composé semestriellement à 16%, le coût annuel, capital et intérêts, était de l'ordre de 53 000 000 $. Si on baisse de 16% à 14%, cela donne environ 45 000 000 $ par année en capital et intérêts.

M. Ciaccia: Et le coût par année avec le contrat existant dans le meilleur scénario que vous avez produit, quel est-il?

M. De Coster: C'est-à-dire que la perte...

M. Ciaccia: Oui, la perte.

M. De Coster: ... de SIDBEC pour l'année 1983 - et on prévoit qu'elle se continuera pendant quelques années - est de l'ordre de 50 000 000 $.

M. Ciaccia: Ce que vous nous dites, c'est que si on ferme, grosso modo, c'est 50 000 000 $ par année?

M. De Coster: Pour quelques années, on ne sait pas...

M. Ciaccia: C'est combien, quelques années?

M. De Coster: Cela dépend de ce qui va se passer dans le marché.

M. Ciaccia: Non, excusez, je veux dire si vous fermez?

M. De Coster: Ah excusez!

M. Ciaccia: Si vous fermez ce sera au moins pour vingt ans?

M. De Coster: Oui, vingt ans, c'est cela. On a calculé une émission d'obligations de vingt ans.

M. Ciaccia: Alors, ça va être 50 000 000 $ par année pendant vingt ans.

M. De Coster: 53 000 000 $ par année.

M. Ciaccia: La décision qui sera prise sera irréversible parce que si les conditions du marché s'améliorent, une fois que vous fermerez, le bail sera rétrocédé et vous ne pourrez pas faire autrement.

M. De Coster: Oui, c'est fini. M. Ciaccia: Deuxième scénario...

M. Biron: S'il vous plaît, si vous me le permettez.

M. Ciaccia: Oui.

M. Biron: C'est juste pour éclairer. Je pense qu'il faut faire attention pour comparer les mêmes chiffres. Dans le premier scénario de fermeture, vos 45 000 000 $, ou quelque chose comme ça, cela inclut le capital et les intérêts, alors que dans le deuxième scénario, la perte de

SIDBEC, le capital n'est pas inclus. Il faut parler des mêmes chiffres, autrement on parlera de chiffres différents. (22 h 15)

M. Ciaccia: On ne peut pas parler de capital dans une perte opérationnelle, c'est évidemment la perte opérationnelle...

M. Biron: Excepté qu'il ne faudra pas parler de capital non plus dans le premier scénario, autrement on ne parle pas des mêmes chiffres. On compare des pommes avec des oranges.

M. De Coster: Vous parlez de quel capital, M. le ministre?

M. Biron: Le capital sur le premier scénario. Vous dites qu'en cas de fermeture, ce sont 303 000 000 $ ou quelque chose comme ça, incluant capital et intérêts, tandis qu'à l'autre question du député de Mont-Royal, vous avez dit: La perte de SIDBEC. Il n'y a pas de capital dedans, ce sont 50 000 000 $.

M. De Coster: On parle de SIDBEC à ce moment-là.

M. Biron: La perte seulement. M. De Coster: Oui.

M. Biron: Tandis que dans le premier scénario vous aviez capital et intérêts.

M. De Coster: Mais on parle de quel capital? Je m'excuse, je ne comprends pas...

M. Ciaccia: Moi non plus.

M. Biron: Le remboursement de la dette de SIDBEC-Normines est dans votre premier scénario.

M. De Coster: Mais le remboursement de la dette de SIDBEC-Normines est complètement couvert par SIDBEC-Normines. Les pénalités qu'on paie pour SIDBEC-Normines capitalisent SIDBEC-Normines et...

M. Biron: Non.

M. Ciaccia: Oui, c'est clair.

M. Biron: Non, là, on est en train de comparer des pommes avec des oranges et je pense qu'il faudrait au moins avoir la même base de comparaison.

M. Ciaccia: Écoutez, voulez-vous... M. Biron: Ou dans les deux scénarios...

M. Ciaccia: M. le Président, j'ai le droit de parole.

M. Biron: ... vous calculez votre remboursement de capital, ou vous enlevez le remboursement de capital.

M. Ciaccia: M. le Président, si vous me permettez...

Le Président (M. Baril, Rouyn-Noranda-Témiscamingue): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: ... je pensais que vous aviez une petite précision, mais si vous voulez questionner le président M. De Coster, je préférerais avoir mes informations d'abord et ensuite, si vous vouiez revenir, vous aurez toute la nuit.

M. Biron: Sur cette question, M. le député de Mont-Royal, je veux être certain que vous ayez les bons chiffres. Je vous connais, je sais que vous êtes un excellent politicien, que vous êtes capable de faire de la politique, mais je voudrais au moins que vous fassiez de la politique avec les bons chiffres.

M. Ciaccia: Je ne veux pas faire de politique, j'essaie d'avoir des informations du président de SIDBEC. Où est la politique de vouloir connaître le chiffre de fermeture, c'est-à-dire 325 000 000 $? Il n'y a pas de capital dans les 325 000 000 $.

M. De Coster: Je ne voudrais pas qu'on dise que je suis en train de donner les mauvais chiffres, non plus.

M. Ciaccia: Non, je ne veux pas du tout...

M. De Coster: Je m'excuse. Quand on parle de capital, M. le ministre...

M. Ciaccia: M. le ministre, vous devriez écouter, M. De Coster veut vous expliquer quelque chose.

M. De Coster: Dans le scénario où les opérations de SIDBEC-Normines restent ouvertes, le capital est remboursé annuellement par SIDBEC-Normines, par les fonds qui proviennent de SIDBEC-Normines. Conséquemment, SIDBEC n'a pas à payer de capital, c'est SIDBEC-Normines qui le couvre. On compare exactement la même chose, c'est-à-dire un paiement en argent qu'il faudra payer à chaque année, de 50 000 000 $ ou 53 000 000 $ et, de l'autre côté, on parle d'une perte d'argent, d'un déboursé d'argent dans SIDBEC, si on tient les opérations ouvertes, de l'ordre de 50 000 000 $. Mais le capital est remboursé par SIDBEC-Normines complètement à chaque année.

M. Ciaccia: C'est exactement de cette façon que j'avais compris cela.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Mont-Royal, si vous voulez poursuivre.

M. Ciaccia: Si vous me permettez de continuer, M. le Président, d'un côté vous avez la fermeture, 50 000 000 $ grosso modo par année et cela n'inclut pas le remboursement des 185 000 000 $, cela inclut seulement les 325 000 000 $.

Dans les pertes de 50 000 000 $ annuellement, est-ce qu'il y a un montant... Cela n'inclut pas non plus les 185 000 000 $.

M. De Coster: Cela n'inclut pas les 184 000 000 $ et cela n'inclut pas l'intérêt sur les 184 000 000 $.

M. Ciaccia: Bon! On fait la même comparaison quand on dit 50 000 000 $ pour fermer et 50 000 000 $ pour rester ouvert. Maintenant, si vous restez ouvert, je comprends que le capital, c'est SIDBEC-Normines parce qu'elle retire des montants de l'opération; vous avez la possibilité de perdre 50 000 000 $ par année, mais s'il y a des améliorations dans le marché ou si les conditions changent, ces 50 000 000 $ ne sont pas tellement irréversibles. C'est vrai que cela peut augmenter, mais cela peut aussi s'améliorer tandis que dans l'autre cas, c'est une perte finale, vous êtes pris pour 20 ans pour les 50 000 000 $. Est-ce que c'est exact d'interpréter cela de cette façon?

M. De Coster: C'est exact.

M. Ciaccia: Dans ces deux chiffres, 325 000 000 $ qui nous coûtent 50 000 000 $ par année et les pertes de 50 000 000 $, dans le premier cas de fermeture, celui de la ville de Gagnon, vous avez tous les frais qui vont être associés aux faillites - ce n'est pas SIDBEC, je le comprends; c'est le gouvernement - aux infrastructures, à la dette municipale, a la relocalisation des employés, des résidents de l'endroit, cela n'est pas calculé dans les 325 000 000 $ que va coûter la fermeture.

M. De Coster: C'est-à-dire que, pour la ville de Gagnon, qui nous appartient à 90%, on a calculé, dans les frais de fermeture, toutes les dépenses que va encourir la fermeture de la ville de Gagnon, les départs, etc., y incluant même la dette obligataire de la ville.

M. Ciaccia: Quelle partie exactement est incluse? La dette de la ville, les primes de séparation, je présume, les déménagements?

M. De Coster: On a même mis des achats de propriétés, des déménagements d'employés, des fermetures d'installations, des poursuites possibles, la dette obligataire, etc. On a mis tout ce qu'on pouvait penser que cela pouvait coûter à SIDBEC-Normines pour fermer les installations, déplacer le personnel et mettre cela dans les boules à mites.

M. Ciaccia: De la même façon, je présume qu'à la compagnie Iron Ore, quand elle a fermé Schefferville, il y avait des chiffres, des montants, des primes de séparation, etc. Alors, c'est le même genre d'exercice, mais cela n'inclut pas...

M. De Coster: Cela va plus loin, parce que...

M. Ciaccia: Cela va plus loin.

M. De Coster: ... nous pensons que si les opérations de SIDBEC-Normines sont terminées, la ville de Gagnon disparaît. On a essayé de calculer tout ce que cela encourait que de mettre la ville de Gagnon dans les boules à mites.

M. Ciaccia: Est-ce que cela inclut l'évaluation des hommes d'affaires, les pertes de...

M. De Coster: Non.

M. Ciaccia: Cela n'inclut pas ces chiffres-là. C'est strictement le montant que cela vous coûte pour prendre ces gens-là et les relocaliser.

M. De Coster: Oui.

M. Ciaccia: Évidemment, si la mine continue de fonctionner, inutile de dire... On n'a pas à calculer les coûts sociaux. Tout ce que j'essaie de dire, c'est que cela coûtera 50 000 000 $ plus d'autres montants qui ne sont pas encore calculés, si vous fermez la mine. La raison pour laquelle je pose cette question, c'est que pour la relocalisation d'une ville entière... Je n'ai pas eu une expérience comparable, mais, par exemple, à la Baie-James, dans l'entente de la Baie-James, nous avons relocalisé le village de Fort George, parce qu'il y avait une érosion qui aurait continué à la suite de la construction du barrage. Seulement pour la relocalisation, la Société d'énergie de la Baie-James a dépensé un montant de l'ordre de 50 000 000 $. Alors, ce sont des sommes... Le point que j'essaie de soulever, c'est que non seulement il y a des coûts humains, mais il y a des sommes énormes à dépenser si on veut aller à tel point, si on veut aller jusqu'à fermer. C'est pour cette raison que nous cherchons à trouver des solutions qui ne vont pas continuer à endetter le gouvernement, parce qu'on va tous en souffrir, si cela arrive. Ce n'est pas le Parti québécois qui va en souffrir, c'est toute la population incluant tout le monde ici présent. On cherche des solutions pour minimiser les coûts et minimiser les impacts sur la population. C'est pour cette raison que je voulais obtenir ces chiffres.

La seule conclusion que je pourrais tirer des chiffres que vous nous avez donnés, c'est que cela va coûter moins cher - c'est ma propre conclusion - de laisser la mine ouverte pour le moment que de prendre 325 000 000 $ pour la fermer.

M. De Coster: À court terme, l'équation est au moins en parallèle si on ne prend pas les coûts sociaux. Mais on a retenu comme hypothèse que tout fermait si Gagnon fermait, si SIDBEC-Normines, à Port-Cartier, fermait. Tout ce qui restait, en somme, comme frais additionnels, c'est le paiement des taxes municipales à Port-Cartier, tant et aussi longtemps que l'usine de bouletage va continuer à être notre propriété, et les frais d'entretien. Cela peut aller encore à quelques millions de dollars.

M. Ciaccia: Même si c'est égal, du côté humain et quant aux autres facteurs, la seule conclusion, le seul choix... Si les coûts sont égaux, le seul choix est de laisser la mine ouverte.

M. De Coster: Je ne parle pas de choix, M. le député, je parle simplement de chiffres factuels. On a fait cela pour une période de cinq ans, parce que c'était une période qui nous paraissait prévisible à court terme. Par ailleurs, si on fait l'hypothèse que la situation va demeurer la même pour plusieurs années, si on projette sur une période de vingt ans, c'est certain que la valeur actualisée de la fermeture est très significativement inférieure à la valeur actualisée de rester ouvert.

M. Ciaccia: Actualisée pour?

M. De Coster: Pour rester en fonction.

M. Ciaccia: Pour vingt ans?

M. De Coster: Oui, pour vingt ans.

M. Ciaccia: Comme on l'a démontré ce matin, des prévisions ont été faites en 1972 et huit ans plus tard, elles ne valaient plus rien. Si j'ai un choix à faire, je ne voudrais pas me prononcer vingt ans d'avance, fermer la mine et jeter le monde dehors, surtout après l'expérience du genre de prévisions que nous avons.

M. De Coster: Encore une fois, je ne

parle pas de choix, M. le député, tout ce que j'émets comme factuel, c'est que si on prend une projection à long terme, de vingt ans, la valeur actualisée de la fermeture est d'à peu près la moitié de la valeur actualisée des coûts que va entraîner le maintien du fonctionnement. Si on ne prend que quelques années à venir, l'équation semble être égale.

M. Ciaccia: Je comprends que ce n'est pas le choix que vous faites. Ce sont les conclusions que je tire de votre étude. Merci.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Verchères.

M. Charbonneau: M. le Président, je vais laisser à mon collègue de Duplessis et au ministre le soin de poser la plupart des questions. Il n'y a qu'une chose qui m'intéresse plus particulièrement, en outre de ce qui a été indiqué. Vous avez, à un moment donné, indiqué que SIDBEC doit être autorisée à se délester très rapidement du fardeau que constitue sa participation dans SIDBEC-Normines. Indépendamment des autres hypothèses, j'aimerais que vous indiquiez à la commission... Même si vous étiez délesté de cette participation dans SIDBEC-Normines, cela ne réglerait pas le problème de l'actionnaire, nous sommes tous conscients de cela. Le gouvernement doit prendre en considération le problème dans son ensemble.

Quel serait l'avantage pour SIDBEC de ne pas être associée pour l'avenir aux transactions minières, comme vous le laissez entendre dans cette proposition, et de se délester de la participation dans SIDBEC-Normines? Indépendamment du fait qu'on puisse décider que l'exploitation minière continue et qu'elle continue sous une forme juridique ou corporative différente, cela, c'est un autre problème, mais le simple fait qu'il n'y ait plus de lien juridique, que ce ne soient plus les mêmes entreprises... Si je comprends bien ce que vous avez indiqué dans votre rapport, c'est à cela que vous faites allusion en indiquant cette préférence. Si vous faites cette proposition, c'est que vous devez voir des intérêts ou vous devez voir des avantages au niveau de l'entreprise sidérurgique. J'aimerais que vous précisiez un peu ces avantages, s'il y en a.

M. De Coster: On veut dire par là que SIDBEC montrerait une image bien différente, on valoriserait SIDBEC. Par exemple, en 1981, au lieu de montrer 60 000 000 $ de pertes, elle aurait montré 400 000 $ de profit dans son bilan, dans son état de profits et pertes. Je pense que cela aurait pu avoir une image bien différente que celle des 60 000 000 $ de perdus. C'est certain que cela libérerait SIDBEC d'avoir à aller à son actionnaire banquier régulièrement pour aller se chercher d'autres sommes d'argent. On pourrait vraisemblablement générer de l'intérieur au moins les sommes nécessaires pour les dépenses courantes, probablement les sommes nécessaires pour l'entretien courant; on pourrait ensuite avoir besoin de recourir à l'actionnaire pour des projets spécifiques, un peu plus gros, si l'actionnaire y consentait. (22 h 30)

Ce qu'on veut dire, c'est qu'on a une exploitation minière qui dépasse complètement la taille d'une entreprise sidérurgique et cela a pour effet de déprécier, de discréditer SIDBEC, de lui donner une image parmi la clientèle, partout dans le public, chez nos concurrents d'une entreprise qui traîne de la patte. On est obligé régulièrement d'aller chercher de l'argent du gouvernement actionnaire et cela cause les problèmes que vous connaissez. Je pense que si on n'avait pas eu, en 1981, le problème de SIDBEC-Normines, on aurait probablement projeté une image plus intéressante. En 1982, ce n'est pas la même chose, on se trouve en pleine période de crise. Alors, on se dit qu'il faudrait qu'on soit délesté de cela. C'est une des raisons pour lesquelles on dit: En dernier ressort, pourquoi est-ce qu'on ne la passe pas à un autre, au moins, on va avoir une image bien différente? Vous allez avoir une image bien différente de ce qu'est SIDBEC. Vous allez pouvoir parler de SIDBEC avec beaucoup plus de fierté et d'intérêt, à mon avis, si c'est une entreprise qui montre au moins des signes de viabilité et de rentabilité.

Quand on a un "bottom line", une ligne du bas qui affiche une perte de 70 000 000 $ ou 75 000 000 $, ce n'est pas cela qui valorise une entreprise. Maintenant, on dit délester, cela peut être vendre à un autre, si c'est possible. Délester, cela peut vouloir dire fermer. SIDBEC ne dit pas: Ne fermez pas SIDBEC-Normines. Parce que pour nous autres, la fermeture de SIDBEC-Normines, cela règle le problème.

M. Charbonneau: La question que je posais, ce n'était pas de préjuger de ce qui arriverait par la suite. Je pense qu'il y a une différence entre le fait de libérer SIDBEC de son lien corporatif avec SIDBEC-Normines et de prendre une décision qui, dans un sens ou dans l'autre, touche l'avenir de SIDBEC-Normines. On peut très bien décider de continuer les opérations pour toutes les raisons qu'on a indiquées. On est bien conscient, ici, c'est peut-être pour cela que la décision n'a pas encore été prise jusqu'à maintenant, le ministre est assez conscient aussi que cela ne règle pas le problème du gouvernement. Cela règle, j'ai l'impression, ce que vous venez de nous dire.

Le problème des gens qui ont à vendre de l'acier, qui ont à "performer" avec des concurrents qui ne sont peut-être pas aux prises avec ces problèmes, ne règle pas le problème de l'actionnaire qui, de toute façon, est pris avec le problème financier de SIDBEC-Normines que vous nous avez décrit depuis un certain nombre d'heures déjà.

Mais, j'aimerais que vous ajoutiez autre chose. On a déjà eu l'occasion de s'en parler; tantôt j'en ai parlé avec M. Charette. Il semblait que dans les conversations que j'avais eues, c'était encore plus important que ce que vous me donnez comme indication. M. Charette me donnait l'impression tantôt que c'était stratégique par rapport à la productivité à l'intérieur de l'entreprise. Est-ce que c'est exact?

M. De Coster: C'est exact. Tout ce qui s'est dit dans les débats qui ont discrédité SIDBEC dans toute la place, dernièrement, a causé un tort absolument irréparable. On a toujours montré SIDBEC comme un canard boiteux. On a toujours montré des faiblesses par ci, faiblesses par là; SIDBEC, c'est tout simplement un boulet incroyable à traîner. Si vous allez dans les usines, vous allez trouver, à juste titre, que la démoralisation est rendue à un point très avancé. C'est certain que la productivité s'en ressent. Au lieu d'être fier, et d'avoir la loyauté de cette entreprise, quand on lit, dans le journal, à chaque matin que SIDBEC va fermer, que c'est un canard boiteux et que SIDBEC, c'est, ceci et cela, il est bien certain que cela touche le moral des troupes.

Je suis convaincu que dans votre région, si SIDBEC était montrée comme une entreprise rentable et viable, cela rassurerait pas mal le monde.

M. Charbonneau: Je voulais vous faire préciser ce point. Je pense que c'est important. Vous avez raison de dire que dans ma région, en tout cas, cela changerait peut-être l'allure de bien des choses. Mais je voudrais rappeler au ministre et aux gens qui nous écoutent que néanmoins il faut être conscient aussi que cela ne règle pas le problème financier du gouvernement et que ça ne règle pas le problème sur la Côte-Nord. En faisant cette intervention, je voudrais être bien compris. Il ne s'agit pas de faire abstraction des problèmes des gens de la Côte-Nord et de dire qu'il ne s'agit pas de s'occuper des gens de Gagnon ou d'ailleurs. Il s'agit aussi de se rendre compte qu'on a un lien corporatif qui, sur le plan manufacturier, sur le plan d'une sidérurgie, compte tenu du fait que, de toute façon, dans tous les scénarios qui nous ont été présentés aujourd'hui, on ne peut pas voir le jour où on va être superrentable avec le secteur manufacturier, peut-être qu'on pourrait donner une chance, dans ce cas, au secteur minier. On ne voit pas le jour où on pourrait être rentable, quels que soient les scénarios qu'on envisage. Dans ce sens, peut-être qu'on pourrait au moins donner une chance au secteur manufacturier.

M. De Coster: L'actionnaire banquier donnerait beaucoup plus de chances à SIDBEC dans son secteur manufacturier s'il ne voyait pas, en bas de la page, des pertes de 150 000 000 $.

M. Charbonneau: D'accord. Merci.

Le Président (M. Desbiens): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: J'aimerais revenir brièvement sur la mission définissant SIDBEC de la façon dont on vient d'en discuter. Cette définition, comme on le fait dans plusieurs entreprises, vient-elle d'une définition collective des cadres de SIDBEC qui définissent la mission de SIDBEC de la façon dont vous l'avez définie ou si cela provient uniquement de problèmes financiers, tel que vous venez de le dire. Si on le prend différemment, dans le secteur privé, on dit toujours: Quand vous vous levez le matin, pensez-vous uniquement à SIDBEC ou à Normines? Et on dit: Si les gens ne pensent pas à une section d'une entreprise, il est bien certain que les résultats peuvent être décevants. Autrement dit, ce n'est pas la première priorité. Ma question est celle-ci: Cette réévaluation revient-elle d'une réévaluation faite avec les cadres de l'entreprise ou est-ce une réévaluation du conseil d'administration en fonction des résultats financiers?

M. De Coster: Cela a été une réévaluation à mon entrée à SIDBEC, de toute façon. Je ne parle pas du passé, mais lors de mon entrée à SIDBEC, il a été bien compris qu'à compter de ce moment-là, l'objectif était la viabilité et la rentabilité de l'entreprise. On devait viser à une pointe d'excellence dans la fabrication des produits sidérurgiques et essayer de viser à se départir de ce qui n'était pas fondamentalement des activités sidérurgiques. C'est évident qu'on n'était pas capable de se débarrasser de la mine. On a essayé d'éliminer, autant que possible, les demi-produits - les brames et les billettes - qu'on a été obligés de vendre sur les marchés internationaux. Il est évident qu'on est encore pris avec un excédent, mais c'est la philosophie qui a été transmise par l'équipe. Pour cette raison, on a renouvelé presque complètement l'équipe de direction de SIDBEC pour être certains qu'il n'y avait pas de résistance à ces concepts. On avait d'excellentes personnes, mais on voulait une

équipe renouvelée et c'est la philosophie qui prévaut.

M. Fortier: Quant à nous, en tout cas, ce que nous voulons, ce sont des sociétés d'État rentables. J'espère qu'on ne suggérera pas des solutions qui, à long terme ou à moyen terme, ne puissent pas parvenir à une certaine rentabilité. Dans le moment, il y a des discussions, à savoir si les prévisions qui sont faites, sont tellement pessimistes qu'elle vont se projeter encore pendant 15 ou 20 ans, mais pour notre part, en tout cas, on aimerait bien viser à une solution rentable à long terme. Je pense bien que c'est là qu'on peut différer d'opinion. Il y a une question qui m'intéressait. Au début de votre rapport, vous parlez du cheminement du plan et vous dites: "La résolution du Conseil des ministres qui me confiait la direction et le mandat d'élaborer un plan de redressement - qui inclut Normines, bien sûr - fixait originalement l'échéance à la fin de mai 1980. De consentement général, l'échéance a été reportée par la suite au début de 1981." Au début de 1981, en ce qui concerne Normines - bien sûr, je conçois que la conjoncture internationale étant ce qu'elle est en 1982, elle est pire que ce que vous aviez prévu - dès le début de 1981, j'imagine que vos recommandations... Je devrais vous poser la question: Vos recommandations allaient-elles dans le même sens que celles que vous nous faites aujourd'hui?

M. De Coster: Oui, dans le cas de SIDBEC-Normines. Les recommandations allaient dans le même sens. On peut dire, par exemple, que les recommandations n'étaient pas chiffrées au point où elles le sont à l'heure actuelle, mais c'était évident qu'on devait se diriger dans ce sens. Il y a un scénario qui n'avait pas été évoqué à ce moment-là. C'était celui de la consolidation des deux mines du mont Wright et de Fire Lake. Ce n'est pas un scénario qui avait été examiné à ce moment-là, mais on parlait alors d'une vente d'une partie des actions que SIDBEC détient dans SIDBEC-Normines. On évoquait la possibilité - je le crois - de la fermeture de SIDBEC-Normines, mais sans pousser. Ce n'était pas chiffré.

M. Fortier: C'est donc dire qu'indépendamment du chiffrage des différentes options, à ce moment-là, du moins à l'intérieur de SIDBEC, il y a eu un débat à l'intérieur de la direction et, j'imagine, du conseil d'administration, qui avait, à l'aide de l'information disponible, déjà établi l'orientation de SIDBEC telle que vous nous la proposez maintenant. Alors, dans un sens, même si le chiffrage permet à tous et chacun d'entrer dans la discussion d'une façon plus tangible, il aurait pu y avoir un débat sur les orientations corporatives. Là, je ne parle pas de fermeture, je parle d'orientations de la compagnie en ce qui concerne la mission de la compagnie. Est-ce que, de fait, on aurait pu avoir ce débat sur la mission intrinsèque de SIDBEC? Parce que, quand on parle de mission, à ma connaissance, dans les organisations dont j'ai fait partie dans le secteur privé, on ne parle pas de ça nécessairement en fonction de la rentabilité, on parle de ça en fonction d'une mission qu'on se donne à l'intérieur d'une société et de ce qu'on veut faire. C'est tellement fondamental qu'on discute de ça même avant de discuter des profits et pertes de la compagnie. Ma question est: Comment se fait-il qu'on n'ait pas pu, sur la place publique, discuter de ce problème intrinsèque? Parce que ce que vous nous dites, dans le fond, c'est que Normines, pour SIDBEC, c'est une pièce extérieure qui ne permet pas à la direction de SIDBEC de donner son plein rendement. Si j'ai bien compris votre pensée, j'imagine que c'est ce que vous voulez nous dire.

M. De Coster: C'est exact. M. Fortier: Merci.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Duplessis.

M. Perron: Merci, M. le Président. Je voudrais revenir sur la question qui a été soulevée tout à l'heure par mon collègue de Verchères. Pour moi, dans votre hypothèse de vente des actions de SIDBEC-Normines à des tiers... Je vais lire deux paragraphes que vous avez mentionnés aujourd'hui et qui sont d'ailleurs dans votre mémoire. Il me semble voir trois hypothèses que vous soulevez dans ces deux paragraphes: "SIDBEC doit être autorisée à se délester très rapidement du fardeau que constitue sa participation dans SIDBEC-Normines Inc. par la vente à des tiers de sa quote-part du capital-actions de celle-ci - ce serait la première partie -Parallèlement, elle doit pouvoir explorer en profondeur l'hypothèse de rechange que constituerait la fermeture de la mine du lac Fire assortie d'une garantie d'approvisionnement du minerai de fer du mont Wright, d'une rationalisation des activités et des services et d'un réaménagement des participations respectives des partenaires". Ce serait la deuxième partie. Dans l'autre paragraphe vous mentionnez la troisième partie: "Dans l'éventualité où le premier scénario ne s'avérerait pas réalisable à courte échéance et que le deuxième ne justifiait pas financièrement le maintien des activités de la filiale à long terme, le gouvernement devra se résoudre sans délai à autoriser SIDBEC à négocier avec ses partenaires

l'abandon complet et définitif des activités de SIDBEC-Normines Inc."

Là où je voudrais en venir, c'est à ceci; puisque dans les pages suivantes ce n'est pas mentionné, est-ce qu'il y aurait possibilité d'avoir votre opinion quant à votre choix sur ces trois hypothèses?

M. De Coster: Sans aucun doute c'est la première.

M. Perron: Sans aucun doute c'est la première?

M. De Coster: Oui.

M. Perron: Et, par la suite, votre deuxième hypothèse, si la première ne fonctionnait pas?

M. De Coster: La deuxième hypothèse, après avoir poussé les études beaucoup plus loin, nous indique que ce n'est pas une solution au problème fondamental. Cela peut être un soulagement important dans l'éventualité où le statu quo et les activités sont continués. Cela peut être un soulagement important pourvu qu'on puisse négocier avec les prêteurs des conditions de refinancement de la dette obligataire, parce que les prêteurs ne laisseront pas aller comme ça 150 000 000 $ d'actifs enlevés de leur garantie sans commencer à parler de renégociation. Or, ils peuvent avoir des exigences quant aux taux d'intérêt, ils peuvent avoir des exigences quant à l'accélération du paiement du capital, ils peuvent ne pas avoir d'exigence du tout, ce qui est peu vraisemblable, mais tant que ça ne sera pas déterminé... En plus de ça, il faut essayer d'avoir un soulagement du côté des stipulations et des pénalités et il faut négocier avec la compagnie minière Québec-Cartier certaines conditions comme les conditions d'achat de concentré. C'est cette négociation qui pourra déterminer en fin de compte si le projet est intéressant en soi, pas comme un règlement final ou global du problème de SIDBEC dans SIDBEC-Normines, mais comme un soulagement qui peut être intéressant et qui peut être significatif des pertes de SIDBEC dans SIDBEC-Normines dans l'éventualité où les opérations sont continuées. (22 h 45)

M. Perron: Maintenant, lorsque vous parlez de l'approvisionnement du minerai de fer du mont Wright, c'est une hypothèse que vous soulevez aussi qui concerne une réduction radicale des coûts de production. Est-ce exact de croire que si vous achetez des boulettes du mont Wright...

M. De Coster: Du concentré.

M. Perron: Du concentré, c'est cela.

Est-ce exact que si vous achetez du mont Wright, vous fonctionnez à moindre coût?

M. De Coster: Oui, on fonctionnerait à moindre coût. Si on prend, par exemple, comme base de comparaison le prix de vente de la compagnie minière Québec -Cartier à ses clients sur le marché international et notre coût de production, il y a un écart. Il y a un écart entre les deux. On a calculé 3 300 000 tonnes. Si on monte à 6 000 000 de tonnes l'écart rapetisse et le projet ne vaut plus rien. À un niveau de production réduite, il y a un écart qui est assez significatif pour qu'on puisse dire que c'est assez important pour étudier le projet. C'est établi. On a les chiffres. Il y a cet écart. On n'a pas encore négocié avec la compagnie minière Québec-Cartier. C'est évident que la première chose que la compagnie va nous dire, c'est: On va vous vendre au même prix qu'on vend à nos autres clients. C'est le prix international. Voici le prix international, cela nous coûte tant, on fait la différence et on dit que cela peut être cela. La négociation n'est certainement pas terminée sur ce plan.

M. Perron: Bon.

M. De Coster: II y a un écart bien déterminé, bien précis.

M. Perron: Assez appréciable. M. De Coster: Appréciable.

M. Perron: Ma dernière question, M. De Coster...

M. De Coster: Mais pas assez appréciable pour peut-être contrer les exigences des prêteurs, et certainement pas appréciable pour faire disparaître les pertes de SIDBEC dans SIDBEC-Normines.

M. Perron: Ma dernière question, M. De Coster, je voudrais revenir à SIDBEC International. Si ma mémoire est bonne, SIDBEC International est une création de SIDBEC, à la suite d'une décision qui aurait été prise par le conseil d'administration. Pourriez-vous me dire combien d'employés sont à SIDBEC International? Qui en est le président? En dernier lieu, êtes-vous satisfait de la qualité du travail qui est effectué par l'équipe en question?

M. De Coster: Les opérations de SIDBEC International sont très réduites à ce moment. D'abord, nous ne sommes plus capables de vendre une tonne de boulettes réduites, parce que le coût de la ferraille, à valeur équivalente - parce qu'il y a des équivalences à établir entre le coût de la ferraille et le coût des boulettes - le coût de la ferraille est à peu près la moitié du

coût de nos boulettes réduites. C'est un écart qu'il n'y a pas moyen de combler. Il n'y a pas de marché pour les boulettes réduites ou pratiquement pas de marché pour les boulettes réduites. Deuxièmement, alors que nous avons commercialisé jusqu'à 1 500 000 tonnes de boulettes sur les marchés internationaux, nous prévoyons vendre cette année environ 200 000 tonnes de boulettes. Car cela ne sert à rien, il n'y a plus moyen de penser à s'en aller sur le marché européen. On va essayer de faire une percée du côté du marché nord-américain. Si on est capable de faire une percée du côté du marché nord-américain, tant mieux. Pour le moment, nos prévisions sont basses. Si on est capable d'aller sur le marché nord-américain et obtenir un rabais qui est inférieur à la pénalité qu'on est obligé de payer si on ne va pas chercher les boulettes, c'est évident que c'est l'effort qu'on fait.

Pour dire si je suis satisfait du groupe, oui, je suis satisfait des deux personnes clés qui sont là. Je suis temporairement le président de SIDBEC International. Il y a deux personnes clés à l'heure actuelle qui s'occupent des produits de SIDBEC International. Elles sont six en tout.

M. Perron: Six personnes. Depuis quand avez-vous la responsabilité de SIDBEC International?

M. De Coster: Depuis le départ de M. Pontbriand, il y a quelques mois, le 1er juin.

M. Perron: Merci.

Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.

M. Biron: M. De Coster, juste pour revenir au statu quo ou à peu près et en continuant à faire des déficits comme SIDBEC en fait, même si on diminue les déficits à environ 60 000 000 $ par année, si le gouvernement subventionnait SIDBEC chaque année, comme dans le scénario dont a parlé tout à l'heure le député de Mont-Royal, chaque année donner environ 50 000 000 $ comme subvention pour lui permettre d'arriver, est-ce que vous pensez pouvoir vendre quand même sur le marché américain, à cause du mécanisme du "trigger price"? Est-ce que, sur le marché canadien, vous pourriez continuer à conserver votre place et à combattre des importations qu'on peut considérer comme du dumping, en particulier, du tuyau de la Corée?

M. De Coster: À votre première question, M. le ministre - évidemment le "trigger price" n'existe plus, il y a toujours les possibilités de poursuite pour dumping - il est certain que les subventions gouvernementales sont considérées de très près par les autorités américaines. Peut-être que John pourrait poursuivre.

M. LeBoutillier (John): Mais, c'est certainement un danger. Quand le "trigger price" existait, on était sur le point de se faire sortir, dans certains secteurs de produits, justement parce qu'il y avait des subventions gouvernementales.

M. Ciaccia: M. le Président.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Je ne veux pas interrompre le ministre. Juste pour spécifier, pour clarifier. Je n'ai pas parlé de subventions qu'on devrait donner tous les ans...

M. Biron: J'ai parlé du scénario.

M. Ciaccia: J'ai tout simplement dit que dans les scénarios qui ont été présentés, il m'apparaît que ça coûtait moins cher de laisser SIDBEC continuer ses activités que de le fermer.

M. Biron: C'est ça.

M. Ciaccia: Je n'ai pas dit qu'il fallait donner des subventions chaque année.

M. Biron: Non, on a juste parlé d'un scénario dans lequel on perdrait 50 000 000 $ par année.

M. De Coster: Vous parlez de subvention, vous ne parlez pas d'achat de capital-actions?

M. Biron: Non, non.

M. De Coster: Parce que l'achat de capital-actions, c'est différent. Si on en vient à une structuration différente...

M. Biron: Non, subventionner. En tout cas, au moins payer... Alors, ça veut dire que...

M. De Coster: Des subventions, des "grants", comme on dit en anglais.

M. Biron: Cela pourrait vous fermer le marché américain.

M. De Coster: Oui. Les Américains ont ce qu'ils appellent le "countervailing duty" qui s'applique à toute entreprise qui est subventionnée d'une façon ou d'une autre, une entreprise qui est déficitaire ou non, mais qui reçoit une aide spéciale. Et, dans le cas de SIDBEC, à l'heure actuelle, qui a une exploitation manufacturière et minière, le gouvernement ne ferait pas nécessairement la

distinction entre les sommes reçues pour éponger les déficits du secteur minier par rapport au secteur manufacturier. Le risque demeure, c'est un risque constant.

M. Biron: La deuxième partie de ma question traitait le fait de continuer à perdre chaque année des sommes subventionnées par le gouvernement, parce qu'un jour ou l'autre ça arrive, est-ce que sur le marché canadien - je sais qu'on fait des pressions à l'heure actuelle pour empêcher le dumping venant d'autres pays -on serait en position de faire les mêmes pressions ou si ça peut nous empêcher de faire des pressions et finalement d'avoir un compétiteur de plus, ici, dans le tuyau en particulier?

M. De Coster: Les pressions vont venir des trois grands: Stelco, Algoma et Dofasco. Notre intervention serait aussi écoutée, mais je crois que ce sont les trois grands qui vont effectivement prendre... Ou, si c'est dans un secteur spécialisé, comme les tuyaux, qui sont produits par IPSCO, c'est cette firme qui fera ses pressions. Mais, on est tellement près de Stelco comme gamme de produits, que c'est de là que viendraient les poursuites, ou les pressions.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Nelligan.

M. Lincoln: J'aurais voulu revenir à la question de votre premier objectif qui est vendre les actions de SIDBEC-Normines. Vous parlez de cette possibilité, en fait, à court terme et si ça ne se présentait pas à court terme, il faudrait voir les deux autres possibilités: rester ouvert à un prix quelconque ou fermer complètement. Vous dites vous-même que la conjoncture actuelle est telle que la projection de cette chose est certainement très difficile et qu'il faudrait attaquer la chose avec urgence et professionnalisme. Mais, dans les circonstances que vous avez décrites vous-même, ainsi que M. Astier ce matin, ce marché est saturé. En tenant compte de la concurrence brésilienne et australienne, de toutes les circonstances que nous connaissons maintenant, est-ce que c'est une option réaliste à court terme? Est-ce que vous avez déjà établi des contacts? Est-ce que vous avez des raisons de croire que c'est même une option réaliste? Est-ce qu'il y a des possibilités même que ça se fasse? Est-ce que vous pouvez nous éclairer? Parce que sûrement, pour avoir abordé cette proposition, vous devez sûrement avoir l'idée que c'est faisable.

M. De Coster: Non, je ne peux pas dire qu'il y a des possibilités actuellement. Nous n'avons jamais été autorisés à tenter systématiquement de vendre les actions que SIDBEC détient dans SIDBEC-Normines et nous n'avons pas fait l'effort systématique, rigoureux et professionnel qu'on aurait pu faire pour se départir de ces actions. Par ailleurs, nous avons fait des sondages - sans avoir fait des approches nous-mêmes, sans avoir offert les actions sur le marché - par des personnes qui sont dans le milieu de l'acier à la fin de 1981 et il était évident que le sondage ne décelait pas - aux États-Unis et au Canada - un intérêt exubérant pour les investissements en amont, c'est certain. Sauf que l'effort n'a pas été fait et pour moi, c'est un effort qui mérite d'être fait.

M. Lincoln: Je pense à une question du député de Duplessis. Vous avez indiqué que dès le début de votre mandat c'était pour vous l'option numéro un. Vous avez vu que c'était la solution au problème de SIDBEC. Dans cette option, le fait que vous avez présenté des rapports au gouvernement, on a en fait des rapports identifiés qui sont de l'automne 1980. Est-ce que cette question a été discutée avec le gouvernement? Est-ce que vous avez reçu une autorisation quelconque du gouvernement pour négocier en principe, pour savoir s'il y a des acheteurs possibles dans la conjoncture du moment qui était sûrement plus favorable qu'aujourd'hui?

M. De Coster: On ne peut pas dire qu'on a eu un mandat clair et précis de négocier avec des partenaires.

M. Lincoln: Quand vous parlez de possibilités à court terme, c'est-à-dire que si cela ne se présente pas vous dites qu'à court terme, à ce moment-là, il faut peut-être songer à l'abandon du projet de négocier avec les partenaires. Qu'est-ce qu'un court terme? Qu'est-ce que vous pensez qui soit un terme réaliste pour la vente possible de ces actions?

M. De Coster: Actuellement, je me refuse à dire que c'est impossible sans l'avoir essayé. Je ne peux pas dire que j'aurais un enthousiasme débordant et que j'aurais un optimisme débordant, c'est une chose certaine. Les indications qu'on a, c'est que les aciéristes ne sont pas intéressés. Je me refuse tout de même à dire non, c'est impossible et on n'essaiera même pas. Par ailleurs, pour moi, le court terme, cela peut être la période où SIDBEC-Normines restera ouverte pour certaines raisons. C'est difficile, c'est bien difficile de dire ce que c'est exactement.

M. Lincoln: C'est à cela que je devais arriver. Par exemple, le comité interministériel lui-même recommande la fermeture de SIDBEC-Normines comme une

possibilité très réelle puisqu'on est là pour discuter de cela. En même temps, votre premier objectif est de vendre les actions de SIDBEC dans SIDBEC-Normines. Si, par exemple, le court terme c'est obligatoire dans la conjoncture actuelle, nous sommes tout à fait d'accord. Ce n'est pas comme si on dirait: On vendra une auto ou un camion, c'est quelque chose qui prendra du temps, deux mois, trois mois, quatre mois, six mois, huit mois peut-être pour explorer des possibilités dans le monde, etc. À ce moment-là, est-ce que cela ne revient pas au même? C'est un petit peu dans ce sens-là que mon collègue de Mont-Royal avait présenté cette motion. Est-ce que cela ne revient pas au même de dire: Écoutez, en fait, on n'a pas encore étudié toutes les possibilités puisque même votre premier objectif, qui est de vendre - et nous ne sommes pas nécessairement d'accord à cause des conséquences socio-économiques - n'a jamais été exploré en fait.

M. De Costers Pour nous, c'est une période de six à huit mois, cela peut prendre trois mois pour constituer un dossier réellement étoffé. Puis cela peut prendre deux ou trois mois pour faire la prospection.

M. Lincoln: C'est cela. Si on dit six à huit mois, c'est-à-dire que de toutes les façons on dit que la fermeture ne pourrait jamais se faire tout de suite, même si c'était l'option numéro deux, après avoir essayé le numéro un. C'est une affaire de plusieurs mois. C'est dire qu'il faut voir cela d'ici à juin l'année prochaine, même si on décidait que l'option seconde de fermer était celle qui devait se passer. C'est cela que je voulais confirmer. (23 heures)

Je veux revenir encore au point que le ministre a soulevé - cela n'est pas tout à fait clair - et auquel votre collègue a répondu. Je ne suis pas trop sûr d'avoir obtenu l'information qui clarifie cela dans mon esprit. Je peux comprendre qu'aux États-Unis, s'il y a du dumping ou des taux préférentiels qui sont utilisés dans le système du commerce international, aux États-Unis ou dans un pays étranger, justement il y a les protections américaines qui pourraient s'appliquer. Le cas de Bombardier, par exemple, est typique, mais, même là, il est intéressant de penser que la cour a rejeté la contestation qui avait été faite par la firme américaine contre Bombardier. Même à ce moment-là, c'était un cas tout à fait catégorique de subsides des intérêts en cours qui étaient, à ce moment-là, à 14% et 15% et le gouvernement canadien faisait une subvention tout à fait catégorique des taux d'intérêt. C'était un cas. Mais, dans ce cas, on n'en parle pas et c'est cela que j'ai envie de clarifier avec le ministre.

Ce matin, le ministre des Finances a dit très clairement que toute perte n'est pas nécessairement du fonds consolidé de la province. Ce n'est pas comme si on disait: On retire de l'argent du fonds consolidé de la province qu'on donne à SIDBEC-Normines. Ce n'est pas cela du tout. Ce qu'il a dit ce matin, c'est qu'il y a différentes solutions comme, par exemple, des prêts bancaires qui soient garantis par la province. Il y a toutes sortes de possibilités. Est-ce que vous me dites que, même s'il y avait des prêts bancaires garantis par la province - c'est normal; c'est cela que la province fait en premier - même dans ce cas-là, il y aurait la possibilité que les Américains n'aient plus de commerce? Est-ce que, même là, vous pensez qu'il y a des chances que les Américains nous pénalisent pour notre produit?

M. LeBoutillien Ce qu'on dit essentiellement, c'est que la vocation et l'avenir de SIDBEC-DOSCO passent, en grande partie, par un accès au marché américain. Sur le marché américain, il y a la question des dommages qui peuvent être causés aux compétiteurs. L'expression américaine, c'est "injury". C'est le point de départ. Dès qu'il y a des compétiteurs qui se sentent frustrés ou qui ne réussissent pas à tenir leur bout face aux importations qui peuvent être subventionnées, d'une façon ou d'une autre, par un gouvernement étranger, il y a une plainte qui est portée, une enquête est en cours et on peut se ramasser avec des droits de douane comme il y en a eu d'imposés, il y a quelques mois, à la compagnie Michelin de la Nouvelle-Écosse, qui a été fortement subventionnée par le gouvernement provincial et le gouvernement fédéral et qui doit payer une certaine douane pour exporter aux États-Unis. C'est le risque qui existe dans le secteur manufacturier de SIDBEC-DOSCO.

M. Lincoln: Je comprends très bien cela, mais le cas de Michelin n'est pas du tout le cas dont on parle. Je connais le cas Michelin à qui le gouvernement provincial de la Nouvelle-Écosse et le gouvernement fédéral ont donné des sommes très importantes de capitalisation pour essayer d'attirer les deux industries à Bridgewater, en Nouvelle-Écosse, pour s'y établir. Cela a été une espèce de subvention indirecte. En fait, on peut dire même directe.

Quand vous pensez au cas de Massey-Ferguson, qui est une compagnie canadienne qui vend aux États-Unis et qui a aussi des usines aux États-Unis, qui a eu des prêts bancaires très importants garantis par le gouvernement canadien, je ne pense que cela ait été le cas pour cette compagnie. Je conçois que votre réponse est tout à fait correcte, qu'il y a un risque. Mais le risque,

dans les circonstances qu'a décrites mon collègue de Mont-Royal, de 50 000 000 $ de pertes, ce qu'ils voulaient faire, c'est une espèce d'équilibre, à savoir si on ferme, c'est 50 000 000 $, et, si on reste, c'est 50 000 000 $. Je ne pense pas que, dans ce cas-là, le risque soit similaire au cas de Michelin ou même de Bombardier.

M. LeBoutillier: Je peux ajouter, si vous me le permettez, M. De Coster. Avant l'abolition du "trigger price" auquel le ministre a fait référence tout à l'heure, SIDBEC-DOSCO avait reçu un questionnaire du gouvernement américain auquel on devait répondre à l'intérieur d'une certaine période. Ce questionnaire comprenait des questions à nous faire dresser les cheveux sur la tête. Cela couvrait à peu près tout ce que vous pouvez imaginer d'aide directe ou indirecte de la part de son gouvernement actionnaire. Quelle aurait été la conclusion des autorités américaines? On ne le sait pas, mais la pêche était assez profonde.

M. De Coster: C'est ce que j'allais dire; leur définition d'une subvention est différente de la définition normale. Une subvention, ce peut être une surcapitalisation par un gouvernement, ce peut être des prêts garantis au-delà d'une structure financière normale. On ne sait pas quelles étaient les structures de Massey-Harris. En plus, les gens de Massey-Harris ont pensé prendre le risque parce que c'était pour eux "belly whoop" ou c'était la survie. Ils ont probablement pensé prendre le risque eux aussi.

M. Charbonneau: Si le député de Nelligan me le permet, juste une question additionnelle sur le même sujet, M. le Président.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Verchères.

M. Charbonneau: Quand on parlait du "trigger price" et de l'intérêt du gouvernement américain à surveiller ce que les gouvernements d'ici pouvaient faire, cela concernait les activités manufacturières. On en parle depuis quelques instants et on est toujours dans l'étude du secteur minier. Est-ce qu'il y a là aussi des dangers? Je me demande si on ne chevauche pas.

M. De Coster: Les subventions du gouvernement ne sont pas des subventions qui sont données aux activités manufacturières ou à SIDBEC-Normines, ce sont des subventions qui sont données à SIDBEC.

M. Charbonneau: Dans ce sens-là, même si les subventions sont données pour le secteur des activités minières...

M. LeBoutillier: SIDBEC, sur le marché américain, c'est une entité globale où on ne fera pas nécessairement la distinction entre les deux secteurs d'activité. On craint toujours le chevauchement.

M. De Coster: Ce qui ne nous empêche pas de faire des choses sur le marché américain. C'est évident que chacun prend son risque et le degré du risque est à évaluer.

M. Charbonneau: Ce qui confirme les propos que vous teniez tantôt au sujet de l'intérêt qu'il y aurait à diviser les deux entités.

M. De Coster: Oui, assurément.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Saint-Laurent.

M. Leduc (Saint-Laurent): Vous dites, M. De Coster: Notre problème à nous, ce sont les transactions financières, c'est surtout SIDBEC-Normines, cette année, avec un déficit de 96 000 000 $. Vous dites: C'est une greffe qu'on n'a pas tellement appréciée. À supposer qu'on vous délesterait, qu'on ferait une société d'État différente, une autre société d'État... Évidemment, on ne peut pas vous délester de tout. Si on regarde les finances de cette année, on voit un déficit de 55 000 000 $. Est-ce qu'il y a relation de cause à effet entre les deux? Vous dites qu'il y a peut-être une question de productivité, de fierté. Est-ce que le problème serait réglé? Est-ce qu'il y aurait une autre explication au fait que cette année le déficit soit si important par rapport à l'an passé? Est-ce un accident, quoi?

M. De Coster: Cette année est un accident grave. C'est la pire crise qu'on a connue depuis les années trente. Dans le domaine de l'acier, cela ne s'est jamais vu. C'est une année de grande crise, excepté qu'il ne faudrait pas penser que le seul problème de SIDBEC, c'est son implication dans SIDBEC-Normines. On fait état - et vous allez le voir dans les activités manufacturières tout à l'heure - qu'on a des problèmes sérieux. On a des problèmes sérieux dans le secteur manufacturier qui font que, dans une année normale comme celle de 1981, on garde les yeux ou la tête au-dessus de l'eau, mais, dès la minute où il y a un soubresaut, on retourne la tête en dessous, mais sur le plan manufacturier. Il y a des problèmes structurels au plan manufacturier, on va vous l'expliquer aujourd'hui ou demain, qui sont aussi des problèmes sérieux. Il y a un autre problème, celui de notre implication dans la mine. Il va falloir les régler l'un derrière l'autre.

M. Leduc (Saint-Laurent): Si on vous enlevait le secteur minier, d'après vous, pourriez-vous fonctionner?

M. De Coster: Dans une année normale, oui, pas dans une année de crise ni dans une année de ralentissement. En 1980, qui était une année plus ou moins bonne pour les activités manufacturières, on a perdu 19 000 000 $. En 1981, qui était une bonne année, relativement bonne, avec une grève à Stelco - on a même eu des gammes de produits qui étaient sous contingentement -on a réussi à faire un profit de 400 000 $ en enlevant tout ce qu'il y avait d'implications dans la mine. On avait mis, à ce moment-là, dans nos coûts de fonctionnement le prix international des boulettes. Tout mis du même côté, on arrive avec un profit très marginal dans une année où les activités ont été bonnes pour la sidérurgie. Il y a des problèmes structurels. C'est pour cela qu'on en arrive à la conclusion qu'au manufacturier il y a des choses à faire. Il y a des choses à faire du côté des produits plats, il y a des choses à faire du côté des produits longs et, en plus de cela, il y a une structure financière qui nous coûte beaucoup trop cher.

M. Leduc (Saint-Laurent): C'est un déficit que vous pensez pouvoir être acceptable.

M. De Coster: Pour moi, ce n'est pas acceptable. Pour moi, ce devrait être un profit qui soit égal à celui de nos compétiteurs, mais il reste au gouvernement à déterminer quel est le degré d'acceptabilité. Je pense que ce que le gouvernement aimerait bien, c'est qu'on réussisse à s'autofinancer de la manière qu'une entreprise normale le fait. À travers le gouvernement et dans toutes les nouvelles lois gouvernementales, à l'heure actuelle, on retrouve cette disposition qui en est une de rentabilité.

Le Président (M. Desbiens): Merci. Il n'y a pas d'autres questions? Alors, nous allons procéder à la deuxième partie, à la deuxième étape qui se rapporte aux opérations manufacturières, et je crois que la présentation va se faire...

M. De Coster: La présentation va se faire par M. Jean-Claude Raimondi, qui est vice-président adjoint à la planification.

Le Président (M. Desbiens): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: Est-ce qu'on pourrait demander à M. De Coster... Cet après-midi, on a été un peu bousculé dans la présentation, on ne savait pas si l'information que vous nous donniez était incluse dans le document que nous avons. S'il y avait de l'information qui n'était pas ici, il serait peut-être bon de le souligner parce qu'on a eu l'impression, cet après-midi, qu'une partie de l'information n'était pas incluse dans le cahier que vous nous avez remis.

M. De Coster: J'ai fait quelques apartés, mais les documents qui n'étaient pas inclus et auxquels je me suis référé vous ont été remis ou ont dû vous être remis. Il s'agit des deux tableaux qui montraient les scénarios de la fermeture, scénarios pour une période de vingt ans, et les scénarios de la fermeture pour une période de cinq ans qui ont dû vous être distribués. On a dû donner ces documentations au secrétariat de la commission parlementaire.

M. Fortier: C'est cela qu'on a? D'accord. Merci.

Le Président (M. Desbiens): Pour compléter la question, est-ce que ce qui va nous être présenté maintenant apparaît dans le document?

M. Raimondi (Jean-Claude): J'aimerais recommander à la commission de ne pas suivre le document au cours de cette présentation parce qu'elle ne suit pas fidèlement le document qui a été déposé ce matin. Concentrez-vous sur les diapositives. On pourra déposer éventuellement une photocopie des commentaires. Est-ce que cela serait possible d'avoir un peu moins de lumière?

Le Président (M. Desbiens): Je crois qu'on peut faire cela.

M. Raimondi: Cette présentation constitue la synthèse d'un travail effectué conjointement par des cadres seniors de l'entreprise, des firmes d'experts-conseils, d'autres producteurs d'acier et des conseillers possédant une expérience et une crédibilité reconnues dans le domaine de l'acier. Ce travail a commencé en janvier 1980 par l'étude des forces et faiblesses de l'entreprise et par l'identification des possibilités produits-marchés. Il s'est terminé à l'été 1982 par la quantification financière de scénarios d'entreprise.

Nous ne parlerons ici que des opérations manufacturières. Elles ont été subdivisées en trois grands secteurs d'affaires pour les besoins de l'analyse. Ces secteurs seront définis plus loin au cours de la présentation. L'exposé se compose de cinq parties principales: première partie, ce sera la présentation succincte des objectifs du plan de redressement, des contraintes et des principes directeurs qui ont guidé la

préparation du plan. La deuxième partie sera l'évaluation de la situation actuelle, c'est-à-dire ce qui se passe en ce moment, en tenant compte essentiellement de deux critères: la rentabilité, tout d'abord, et, ensuite, la situation stratégique de chaque secteur. La troisième partie résumera les différentes possibilités d'amélioration qui ont été identifiées et elle projettera également ce que sera l'avenir dans le cadre du statu quo. La quatrième partie présentera les différentes études sectorielles qui ont été faites avant le plan de réaménagement global. La cinquième partie présentera le scénario global de réaménagement du secteur manufacturier. Ce scénario - on le verra -va découler des études sectorielles qui ont été faites au préalable. (23 h 15)

L'objectif du plan de redressement - et c'est important - consiste à proposer une série de mesures visant à assurer la rentabilité, comme cela est exigé par la loi 73, et la viabilité à long terme de l'entreprise. Nous nous sommes imposé comme contrainte de maintenir les demandes de fonds à l'actionnaire à des niveaux réalistes.

Voici les principes directeurs qui ont guidé la préparation du plan. Tout d'abord, tout le scénario dont on va vous parler ici repose sur des analyses de marché. Le support marketing existe pour ces scénarios. Deuxièmement, toutes les analyses portent exclusivement sur l'aspect de la rentabilité et de la viabilité à long terme de l'entreprise. On n'a pas tenu compte des retombées socio-économiques.

On va parler de secteurs d'affaires et de critères de rentabilité. C'est important de les définir. Tout d'abord, les secteurs d'affaires. Les secteurs d'affaires regroupent des produits ayant des caractéristiques semblables au point de vue du processus de production, des structures de marché et des types de concurrence. Il y a trois secteurs d'affaires dans les activités manufacturières: le secteur des produits plats, représenté en rouge sur le tableau et qui regroupe essentiellement les unités de production suivantes: les deux laminoirs à plats, c'est-à-dire les laminoirs à chaud et les laminoirs à froid, l'usine de Truscon et la tuberie de l'usine de Montréal. Le secteur des barres et profilés, représenté en vert, regroupe les deux laminoirs à fers marchands, celui de l'usine de Montréal qu'on appelle le laminoir 18 pouces et le laminoir à fers marchands de l'usine de Longueuil. Le secteur du fil et du fil machine, en jaune, regroupe en amont le laminoir fil machine et barres. C'est important de comprendre que ce laminoir produit tout le fil machine qui supporte le secteur. Tout repose sur le laminoir. Les deux tréfileries, celle de l'usine de Montréal et celle de Toronto, ne sont pas indiquées sur ce graphique, deux tuberies également, une à Montréal, une à Toronto et une boulonnerie. Excusez-moi. C'est un lapsus. Il s'agit non pas de deux tuberies, mais de deux clouteries.

Pour comprendre un peu mieux les critères de rentabilité dont on va parler dans la suite de l'exposé, on parlera d'abord de profits en valeur absolue. Ils seront exprimés en millions de dollars. On parlera aussi de profits en valeur relative. Ils seront exprimés en pourcentage des ventes nettes. Ce sont ces profits en valeur relative que nous appellerons retours sur ventes. Pour les projets d'investissement, nous parlerons également de rentabilité des investissements et nous désignerons cette rentabilité par taux de retour interne ou taux de rentabilité interne. Quelques points de repère, en tout cas un de base: le profit en valeur relative ou le retour sur ventes pour la sidérurgie canadienne, aujourd'hui, est de l'ordre de 15%.

La deuxième partie de l'exposé est l'évaluation de la situation actuelle. Que se passe-t-il aujourd'hui? Pour le définir, on se concentre essentiellement sur deux tableaux, en fait, deux séries de tableaux. La première va faire ressortir un peu la rentabilité historique des activités manufacturières isolées et la deuxième va parler de la situation stratégique de chaque secteur d'affaires.

Ce tableau représente les profits des activités manufacturières. Il y a un historique de 1971 à 1982, les sections rouges représentent les pertes et les sections bleues, les profits.

Deux constatations s'imposent. La première: le secteur manufacturier est, sauf exception, déficitaire. La moyenne approximative des pertes, entre 1975 et 1981, s'élève à 20 000 000 $ par an à peu près, c'est l'envergure du problème.

La deuxième constatation - elle est très bien représentée par l'année 1982 -c'est que les activités manufacturières sont très vulnérables lorsque les conditions économiques sont difficiles.

Examinons plus en détail l'année 1981. Rappelons tout d'abord que 1981 est considérée comme une bonne année pour la sidérurgie canadienne. Ainsi, malgré une conjoncture économique favorable et bien que SIDBEC fût favorisée par une grève de trois mois chez le plus gros producteur canadien, on est obligé de constater que la rentabilité des activités manufacturières a été très marginale pour ne pas dire nulle. En effet, malgré une amélioration très nette par rapport à 1980, le profit reste inférieur à 500 000 $, soit un retour sur ventes de l'ordre de 0,1%.

Parlons maintenant un peu des genres de problèmes stratégiques que nous avons dans chaque secteur d'affaires. D'abord, dans

le cas du fil et du fil machine, les équipements - on parle ici du laminoir fil machine et barres de l'usine de Contrecoeur - c'est le moins rapide du genre au Canada et c'est également le seul laminoir canadien qui ne possède pas de cages de finition sans torsion. Ceci a un impact défavorable sur la qualité du produit du fil machine. La gamme de produits est incomplète et SIDBEC n'a pas accès à 25% du marché à cause de la qualité du fil machine. La qualité du produit est de moyenne à bonne, selon le type de fil machine que l'on fabrique. La rentabilité est bonne. Quant à l'activité de la concurrence, on sait aujourd'hui qu'il y a des possibilités d'expansion chez au moins un de nos concurrents au Canada.

Dans le cas des secteurs des barres et profilés, si on analyse les mêmes critères un peu plus rapidement, on a deux laminoirs; celui de Longueuil est très moderne, le plus moderne du genre au Canada; celui de Montréal est désuet. La gamme de produits est également incomplète, on est exclu de 25% du marché. La qualité est acceptable. La rentabilité est marginale. Quant à l'activité de la concurrence, il vient d'y avoir une expansion majeure au Canada; un de nos concurrents a doublé sa capacité de production.

Dans le cas des secteurs des plats, nous avons des problèmes dans les laminoirs à chaud. La productivité du laminoir à chaud est quatre à cinq fois inférieure à celle de nos concurrents. Il possède une seule cage de finition réversible, comparativement aux laminoirs multicages des concurrents. L'âge des équipements entraîne de sévères problèmes de fiabilité. La gamme de produits est incomplète. Le problème est plus sévère dans le cas du laminoir à chaud, où on est exclu de 40% du marché, alors que, dans le laminoir à froid, on est exclu de 20% du marché dans la gamme de produits que nous fabriquons. La qualité du produit est acceptable pour le laminoir à froid, on peut même dire qu'elle est bonne pour le laminoir à froid, mais elle est non concurrentielle dans le cas du laminoir à chaud à cause de problèmes de surface. La rentabilité du secteur est négative. Quant à l'activité de la concurrence, il y a une expansion non pas majeure, mais massive qui prend place en 1983 et qui va mettre sur le marché des quantités énormes de bandes à chaud, 2 400 000 tonnes, alors qu'il se consomme aujourd'hui, au Canada, environ 8 000 000 de tonnes.

On vient de parler des secteurs d'affaires. En amont des secteurs d'affaires, on retrouve les aciéries. Les aciéries produisent les demi-produits billettes et brames. Ces demi-produits sont acheminés vers les laminoirs de finition qui les transforment en produits finis destinés à la vente. Les surplus de demi-produits sont indiqués en jaune sur le graphique que vous avez devant les yeux. Ils sont très importants. Pour les billettes seulement, ils sont de l'ordre de 200 000 tonnes. Or, le marché de ces produits est très difficile. Les prix de vente n'excèdent que très rarement les coûts de production. Par exemple, en 1981, SIDBEC a dû vendre à prix coûtant 270 000 tonnes de billettes et brames, soit à peu près 30% de ses ventes au total en volume.

On a résumé un peu ici les problèmes stratégiques, aussi bien dans les secteurs d'affaires qu'en amont des secteurs d'affaires. Le dernier problème qu'on vient de voir, c'est un déséquilibre entre la capacité de production de demi-produits et la capacité de consommation de ces mêmes produits.

Après cette évaluation très succincte de ce qui se passe aujourd'hui, on va essayer de faire le tour des possibilités qu'on a retrouvées dans le marché. Ensuite, on va projeter les dix prochaines années dans le cadre du statu quo. Pour les possibilités, on va fonctionner également par secteurs d'affaires; commençons par le fil et le fil machine. La première, c'est une possibilité de marché. Il existe un marché potentiel important au Canada et dans le Nord-Est des États-Unis. Aux États-Unis notamment, le marché accessible à SIDBEC est à peu près sept fois plus grand que le marché canadien dans son ensemble et ce marché importe à peu près 25% de sa consommation. On a également évalué et détecté des possibilités d'amélioration de mix. Il serait possible de vendre plus de fil industriel au détriment, si nécessaire, de fil machine. Les opérations manufacturières dans l'ensemble du secteur y gagneraient.

Dans les barres et profilés, il y a une possibilité de taille que sont les barres de qualité spéciale. Ce sont des barres qui exigent plus de soin au niveau de la fabrication, mais qui se vendent à un prix très intéressant. Ces barres ont une marge bénéficiaire beaucoup plus intéressante que la gamme de produits que nous fabriquons actuellement.

Il y a également une amélioration de mix de produits possible qui consisterait à se retirer partiellement du produit le moins rentable du secteur qui serait le fil d'armature, le rond à béton, pour produire des profilés de construction beaucoup plus rentables.

Dans le cas des plats, il y a des occasions intéressantes. Tout d'abord, dans l'Est du Canada, il n'y a pas de producteur de tôle galvanisée. Tout le marché qui est important - il représente 19% du marché total des produits plats - est alimenté par nos concurrents de l'Ontario.

C'est le même phénomène pour les tôles fortes, il n'y a pas de producteur local.

Le marché de tôles fortes est encore plus important que celui de la tôle galvanisée. Il représente 33% de la consommation totale des produits plats au Québec.

La troisième possibilité intéressante, les tuyaux. Nous fabriquons actuellement des tuyaux par un procédé de soudure continue. La marge bénéficiaire est très élevée.

Nous venons d'évaluer les performances actuelles du secteur manufacturier et on a vu les problèmes qu'on y retrouvait. On vient de résumer très succinctement les possibilités pour les marchés. Nous allons maintenant projeter dans le cadre du statu quo, c'est-à-dire dans l'hypothèse où les opérations manufacturières ne sont pas modifiées de façon majeure les dix prochaines années. Il est important de préciser toutefois que le scénario du statu quo n'est pas une simple extrapolation des conditions actuelles. En effet, des hypothèses d'amélioration ont été considérées dans les analyses financières. On peut les résumer comme suit: Au niveau global de l'entreprise, on prévoit un retour à un niveau normal de production et de prix en 1985. En d'autres termes, les années 1983 et 1984 sont des années de croissance en volume. On prévoit une réduction des coûts, un programme d'austérité et l'efficacité opérationnelle. On prévoit que les opérations manufacturières achèteront les boulettes d'oxyde au prix international et non pas au prix actuel de Normines. On prévoit également que les opérations manufacturières n'auront aucune contrainte au niveau des volumes d'achat d'oxydes. Les gens achètent les oxydes dont ils ont besoin. Au niveau sectoriel, on prévoit les améliorations suivantes.

Dans les plats, amélioration de l'efficacité opérationnelle; augmentation de la productivité du laminoir à chaud; augmentation de la productivité et de la capacité du laminoir à froid; augmentation de la capacité de la tuberie. (23 h 30)

Dans les barres et profilés, on inclut dans le cadre du statu quo les améliorations du mix de produits: barres de qualité spéciale, et on suppose une pénétration du marché des États-Unis qui va nous permettre d'augmenter le volume de laminoir.

Dans le secteur du fil et du fil machine, on prévoit que la capacité de tirage du fil dur augmente et on prévoit également une amélioration du mix de produits: plus de fil et moins de fil machine.

Le tableau suivant montre le coût de ces améliorations indispensables pour l'entreprise. On résume ici les investissements qu'on prévoit dans le cadre du statu quo. Il y a deux types d'investissements: il y a des investissements courants d'entretien et de renouvellement, on les évalue à 25 000 000 $ par an. Cela représente en gros 5% des ventes. Et il y a les investissements défensifs spécifiques, qui sont conditionnés par les améliorations qu'on vient d'énumérer. Ils s'élèvent à 46 000 000 $ - dollars de 1982 - et ils sont étalés sur cinq ans. Pour voir comment ces 46 000 000 $ se répartissent entre les secteurs d'affaires, la grosse part va au laminoir à plats avec 32 500 000 $, tout de suite suivie par les barres et profilés pour 10 500 000 $. Ces 10 500 000 $ sont ceux qui sont utilisés pour faire les barres de qualité spéciale.

Alors, qu'est-ce qu'on peut anticiper dans le cadre du statu quo avec toutes les améliorations qu'on vient de mentionner et ces investissements? Quels sont les volumes de ventes qu'on peut prévoir dans le cadre du statu quo? Vous les avez devant les yeux. Les parties vertes représentent les ventes de produits finis et les parties jaunes représentent les ventes de semi-finis ou de demi-produits.

Quels sont les commentaires qu'on peut faire? Tout d'abord, entre 1982 et 1985, c'est une période de récupération, c'est-à-dire de retour à la normale. On voit les croissances de volume. Après 1985, le volume des ventes demeure stable. En effet, tous les ateliers sont à capacité, sauf le laminoir à chaud. L'existence de gros surplus de bandes à chaud ne nous permet pas de conserver nos parts de marché, surtout en Ontario. Alors, on prévoit une perte de part de marché importante en Ontario, surtout dans le cas du laminé à chaud.

Si on projetait les principaux paramètres financiers dans le cadre du statu quo, on verrait, entre 1983 et 1991, que... C'est représenté par les petites colonnes jaunes dans le bas du graphique. Ces colonnes représentent les profits en millions de dollars. Alors, deux constatations s'imposent. Malgré une croissance très nette du volume, on ne prévoit pas de profits sensibles avant 1985. La deuxième constatation, c'est que, même à capacité de production - et c'est le cas pratiquement entre 1986 et 1991 - les profits demeurent modestes, surtout si on les compare aux grandes colonnes, aux revenus des ventes.

Examinons plus spécifiquement les résultats de 1991. 1991 est une bonne année, on est à capacité. Le profit brut projeté sur 632 000 000 $ de ventes s'élève à 42 000 000 $. Ce profit ne tient compte ni des frais d'administration ni des coûts d'intérêt.

Le tableau suivant nous donnera une idée de l'impact de ces charges supplémentaires: les frais d'administration et les coûts d'intérêt et également une idée de la répartition de ces profits selon les secteurs d'affaires en 1991. La colonne de pourcentage représente les retours sur ventes, avant les frais d'administration et de financement. Pour l'ensemble de la

compagnie, c'est 6,8% et cela correspond aux 42 000 000 $ dont on vient de parler.

Si on tient compte des frais de financement et des frais d'administration, ces 6,8% tombent à 0,4%, ce qui nous permet de dire que, même dans de bonnes conditions, l'entreprise ne peut espérer qu'un retour sur ventes, après frais d'administration et coûts d'intérêt, très modeste: 0,4%. Le secteur le moins rentable est celui des produits plats avec un retour de 4,5%, suivi par le secteur des barres et profilés.

La conclusion générale, c'est que, dans le cas du statu quo, dans un climat économique favorable, l'entreprise peut être marginalement rentable. Toutefois, les faibles profits accumulés pendant les bonnes années ne peuvent suffire à compenser les fortes pertes encourues lorsque la conjoncture est moins favorable.

En conclusion du statu quo, malgré la diminution du prix d'achat des oxydes, malgré la diminution du coût de production des produits plats, on a prévu des améliorations d'efficacité opérationnelle. Malgré l'amélioration des mix de produits, on ne peut prévoir que le secteur manufacturier sera rentable à long terme.

Confronté aux conclusions peu encourageantes du statu quo, nous avons alors étudié, pour chaque secteur d'affaires, les possibilités d'amélioration. Cette section de l'exposé résume les études faites pour les secteurs qui représentent le plus d'espoir de gain, à savoir celui du fil et fil machine, et pour le secteur qui comporte le plus de problèmes, le secteur des produits plats.

Rappelons les possibilités du secteur dans le cas du fil et fil machine. Tout d'abord, le secteur est hautement rentable, c'est le seul qui est très rentable à SIDBEC. De plus, il existe un marché intéressant au Canada et aux États-Unis.

Rappelons également les problèmes du secteur: le laminoir fil machine Hébert sur lequel repose ce secteur est le moins moderne du genre au Canada. Il opère dans des conditions économiques normales, il est chargé à capacité.

Quelles sont les choses à faire? Tout d'abord, diminuer les coûts du laminage. Ensuite, améliorer la qualité du fil machine et, enfin, augmenter la capacité du laminoir pour profiter de ces possibilités du marché.

Plusieurs possibilités ont été étudiées. Celle retenue est présentée dans le tableau. Elle consiste à améliorer le laminoir existant au coût de 70 000 000 $ de 1982. Les bénéfices projetés sont de l'ordre de 20 000 000 $ à 23 000 000 $ par an et la rentabilité de ces investissements ou le retour sur investissements ou le taux de retour interne est de 23%. Ce projet, vous allez le voir plus tard, a été retenu dans le scénario de réaménagement global des opérations manufacturières.

Pour le secteur des produits plats, les problèmes sont sérieux. Les équipements sont vétustes. Le volume de nos ventes très inférieur à celui de nos concurrents ne nous permet pas d'avoir accès à des équipements modernes à productivité très élevée.

Devant l'amplitude des problèmes, la direction de l'entreprise décida de faire appel à des compétences externes à l'entreprise, nommément à la firme Estel Technical Services BV, et de concentrer simultanément les efforts sur deux fronts différents. Premièrement, l'exploitation des possibilités de marché fut confiée à une équipe interne qui analysa les possibilités de spécialisation, à savoir les tôles fortes, la tôle galvanisée et une nouvelle tuberie.

Simultanément une étude globale du secteur fut confiée à Estel, encadrée par des cadres de l'entreprise et directement supervisée par le chef de la direction.

On peut résumer comme suit les conclusions de cette étude globale: les écarts avec les concurrents au niveau de la taille et de la performance des équipements sont trop importants. En conséquence, il est contre-indiqué d'investir dans des équipements existants. La seule chance de survie du secteur réside dans une expansion majeure qui donnerait accès à des outils de production concurrentiels. C'est là la conclusion de cette étude globale qui a été faite par Estel.

On va voir tout de suite ce qu'impliquerait l'expansion majeure, évidemment. On peut faire les commentaires suivants: Si on regarde le retour sur ventes après expansion majeure, c'est 19,7%. C'est bien certain qu'une expansion majeure rentabiliserait le secteur. Malheureusement, les investissements requis sont considérables: 1 205 000 000 $ en dollars de 1981. En dollars courants, ce serait de l'ordre de 1 500 000 000 $.

Le rendement de ces investissements est relativement modeste, 11,3%. De plus, le projet implique des risques commerciaux considérables. Il suppose, évidemment, une croissance très importante du volume de ventes. Entre 1985 et 1990, la croissance est de 14% par an dans un marché qui croît, lui, dans les environs de 2% par an. Les plus optimistes disent 3%. De plus, cette croissance est supportée essentiellement non pas par le Québec, où on a déjà une part de marché pas loin de la saturation, mais surtout par l'Ontario et les États-Unis. Ce projet n'a pas été retenu, évidemment.

Le projet de tôles fortes, rappelons qu'il découle des possibilités de marché dans l'Est du Canada et du fait qu'il n'existe pas de producteurs locaux dans les tôles fortes.

Les tôles fortes représentent la grosse partie du marché des produits plats dans la province de Québec et dans les Maritimes, 33% du marché total. De plus, il n'y a pas

de producteurs locaux. Ce marché est alimenté à partir de Hamilton. Actuellement, SIDBEC n'a pas accès à ce type de marché à cause des limitations de production de laminoirs à plats. C'est ce qui explique, entre autres, que des clients comme Marine nous sont exclus. Ce sont des gros acheteurs de tôles fortes.

Nous avons estimé pouvoir vendre 150 000 tonnes de tôles fortes qui sont représentées par la surface ombragée sur le tableau. La capacité de production du laminoir de tôles fortes et de tôles laminées à chaud, parce qu'on adopterait le laminoir à chaud pour faire la tôle forte, diminuerait un peu avec cette introduction de tôles fortes. On perd un peu de productivité, ce qui a un impact, évidemment, défavorable sur la capacité du laminoir. On perd de la capacité si on fait ce genre d'amélioration à laminoir à chaud.

Cette perte de capacité - sur ce graphique-là, on le montre bien - est absorbée par le laminé à froid et par le laminé à chaud en Ontario. Autrement dit, on remplacerait des ventes de laminés à chaud et de laminés à froid en Ontario par des ventes de tôles fortes au Québec et dans les Maritimes.

Quels sont les principaux résultats financiers de ce genre de projet? Tout d'abord, les investissements seraient de l'ordre de 108 000 000 $ de 1981. Le rendement des investissements est très nettement insuffisant, 6,5%, et c'est le résultat de cet effet de substitution qu'on est obligé de faire un peu avec les produits. Ce rendement, évidemment, est trop insuffisant. Il nous a été impossible de retenir ce projet dans le scénario de réaménagement global de l'entreprise.

La galvanisation. Comme dans le cas des tôles fortes, ce projet de spécialisation résulte de possibilités de marché du fait qu'il n'y a pas non plus de producteur local. On a estimé notre capacité de vendre à 100 000 tonnes dans les tôles galvanisées. La matière première qui sert à fabriquer cette tôle galvanisée est la tôle laminée à froid. Deux possibilités s'offrent à SIDBEC pour se procurer cette tôle laminée à froid, soit que SIDBEC utilise sa propre tôle laminée à froid pour la galvaniser, mais, dans ce cas-là, se prive de la vendre; soit que SIDBEC achète la tôle laminée à froid. C'est une hypothèse un peu optimiste, mais on l'a quantifiée financièrement quand même.

Le graphique que vous avez devant les yeux suppose qu'il n'y a pas de substitution. On n'utilise pas notre laminé à froid. Vous voyez la bande de laminé à froid. Il a une largeur à peu près constante. Dans ce cas-là, on achète la tôle laminée à froid, qui sert à fabriquer la tôle galvanisée, à l'extérieur. On l'achète et on suppose qu'on sera capable de l'acheter à un prix qui correspond à notre propre coût de fabrication de tôle laminée à froid. Partant de ces hypothèses, les investissements sont de l'ordre de 55 000 000 $ de 1981 et le taux de rentabilité des investissements est de 3,8%. Pour les mêmes raisons que les tôles fortes, le projet n'a pas été retenu, la rentabilité est insuffisante.

Regardons la dernière solution qui est la tuberie. La tuberie SRE veut dire la tuberie par soudure à résistance électrique par opposition au procédé que SIDBEC utilise actuellement et qui est un procédé par soudure continue. Pourquoi une tuberie SRE? Tout d'abord, c'est pour capitaliser sur la gamme de produits la plus rentable de SIDBEC. Ensuite, à cause de l'existence d'un marché intéressant et, enfin, à cause du fait qu'il n'existe pas de tuberie SRE dans l'Est du Canada. Nous estimons pouvoir vendre 100 000 tonnes de tuyaux SRE en plus de nos ventes actuelles de tuyaux à soudure continue. (23 h 45)

Ces ventes nous permettraient d'utiliser toute la capacité de production du laminoir à chaud. Je vous rappelle que, dans le cas d'un statu quo, c'est le seul laminoir qui n'était pas à capacité. Cela nous permettrait également d'utiliser les surplus de brame. Cela réglerait deux problèmes d'un coup: l'utilisation du laminoir et l'utilisation des surplus de semi-produits: les brames.

Financièrement, les investissements nécessaires pour cette tuberie sont de... On indique 60 000 000 $; c'est un chiffre un peu optimiste. En fait, c'est entre 50 000 000 $ et 60 000 000 $. Le rendement de ces investissements est très élevé: 32%. Même si la tuberie devait être alimentée par de la bande à tube achetée à l'extérieur, au lieu d'être alimentée par la bande à tube que l'on fabrique sur notre laminoir à chaud, le rendement des investissements reste intéressant, 18% en dollars constants. C'est un projet qui a été retenu dans le scénario d'un réaménagement global de l'entreprise.

On a ici une espèce de tableau de récapitulation. Chaque ligne représente une des solutions qu'on a analysées. Qu'est-ce qu'on peut signaler sur ce tableau? On regarde les investissements exigés par chaque solution, comment évaluer les revenus du secteur, les profits bruts, les retours sur ventes et les taux de retour sur les investissements. Qu'est-ce qu'on peut dire? Essentiellement, trois choses. D'abord, les rendements sectoriels des produits plats sont intéressants dans le cas de la tuberie et de l'expansion majeure. Ils sont respectivement de 13,7%, dans le cas de la tuberie, et de 19,7%, dans le cas de l'expansion majeure. Deuxième observation: le rendement très élevé des investissements du projet de tuberie: 32%. Troisième observation: les

investissements considérables exigés par l'expansion majeure.

La conclusion qui suit ces études de solutions est que seule l'expansion majeure est susceptible de résoudre les problèmes de rentabilité et de viabilité à long terme. Elle a été écartée toutefois en raison de l'importance des investissements ainsi que des risques commerciaux en cause. Les projets de tôle forte et de galvanisation, qui représentent des solutions certaines au niveau du marketing, ne sont malheureusement pas rentables dans le contexte de SIDBEC.

Le projet de tuberie amène temporairement le secteur à un niveau de rentabilité acceptable. Par ailleurs, il faut ajouter que des analyses connexes ont démontré que la fermeture isolée des produits plats ne constituait pas une solution rentable.

On va maintenant parler du scénario global de réaménagement des opérations manufacturières et, comme on l'a mentionné plus tôt, ce scénario global inclut une tuberie SRE, cela a été détecté dans les études de possibilités, et il inclut l'amélioration du laminoir fil machine, mais, dans le cas du secteur des plats, il inclut la tuberie SRE et il suppose fermer les laminoirs à plats. Il est important de rappeler que la décision de fermer les laminoirs à plats repose sur le jugement qu'il serait illogique d'investir des quantités d'argent appréciables dans un secteur qui est irrémédiablement condamné à cause de la non-compétitivité des équipements et de leur durée de vie limitée. Toutefois, si, pour quelque raison que ce soit, le propriétaire décidait de ne pas fermer les laminoirs à plats, on peut noter que le secteur est temporairement rentabilisable par le biais de la tuberie SRE et par des investissements dans les laminoirs à plats.

Des études à cet effet sont actuellement en cours. Regardons le scénario global de réaménagement - c'est celui-là qu'on a quantifié à l'été 1982 - et regardons d'abord la philosophie de ce scénario global. Cela peut se résumer comme suit: On suppose, dans ce scénario global, la fermeture graduelle des unités les moins rentables de SIDBEC. On suppose l'implantation de deux projets très rentables, nommément, la modernisation du laminoir fil machine et la tuberie SRE. Et en amont des secteurs d'affaires, on rationalise les capacités d'aciérage pour tenir compte des nouvelles demandes de demi-produits. On voit sur ce tableau de quoi SIDBEC aurait l'air si ce scénario de réaménagement global devait être implanté. Au niveau des secteurs d'affaires qui sont des secteurs colorés, finalement, tout ce qui est blanc représente ce qui disparaît. Je vais les nommer: l'usine de Truscon, le laminoir de 18 pouces de Montréal, les deux laminoirs à plats, le laminoir à chaud et le laminoir à froid.

Au niveau des secteurs d'affaires, toujours, ce qui est rouge représente ce qui est ajouté, à savoir les deux projets rentables, l'amélioration du laminoir fil machine et une tuberie SRE. En amont, au niveau des aciéries, la capacité de production est adaptée aux nouveaux besoins, ce qui implique la fermeture des aciéries de Longueuil et de Montréal, la vente du couleur de brames à l'aciérie de Contrecoeur et d'un gros four, un four de 150 tonnes, la vente du gros module de l'usine de réduction. C'est donc un réaménagement majeur.

Quantification du scénario de réaménagement global. On peut noter sur ce tableau, tout d'abord, l'impact très important sur l'emploi. Il y aurait une réduction du volume d'emploi de 1500 emplois, soit 35% du volume actuel d'emploi. Il y aurait une diminution importante du volume des ventes de produits finis, 230 000 tonnes de réduction, soit 20% du volume actuel de ventes de produits finis, et une diminution tout aussi importante des revenus, 144 000 000 $, soit 23% des revenus actuels. On note également l'augmentation très sensible des profits avant intérêt, une augmentation de 43 000 000 $ par rapport au statu quo, soit 143% d'augmentation au niveau des profits. Cette augmentation de profits de 43 000 000 $, on peut l'expliquer de la façon suivante: 5 000 000 $ sont dus aux fermetures et aux réaménagements; 20 000 000 $ sont dus à l'amélioration des laminoirs; 18 000 000 $ sont dus à la tuberie SRE pour un total de 43 000 000 $. Notons également - et c'est très important -la très sérieuse augmentation du rendement global de l'entreprise, qui passe de 4,8% - il y a une erreur de typographie là-dedans -c'est de 6,8% à 14,9%. Cela veut dire deux choses: premièrement, à 14,9%, on se rapproche très près des 15% actuels de la sidérurgie canadienne; deuxièmement, cette augmentation de retours sur ventes nous donne beaucoup plus de flexibilité au niveau - la marge est évidemment beaucoup plus importante que ce qu'elle est aujourd'hui -des politiques de mises en marché lorsque les conditions économiques sont très difficiles. Ce faisant, elle nous met à l'abri de ces fluctuations dangereuses qu'on accuse toujours plus fortement que nos concurrents lorsque les conditions sont difficiles.

Regardons l'évaluation des besoins de fonds à court terme, et là, vous avez deux tableaux devant les yeux. Le tableau de droite représente le scénario du statu quo et le tableau de gauche le scénario de réaménagement global de l'entreprise. Avant de commenter ces tableaux, je pense qu'il est important qu'on s'entende sur les définitions de base comme les besoins de fonds. Par besoins de fonds, on veut dire tous les investissements qui sont requis, aussi

bien pour les projets, les investissements défensifs et les investissements de renouvellement. On inclut également dans les besoins de fonds toutes les augmentations de fonds de roulement, les stocks, les comptes à recevoir et les comptes à payer. On inclut les déficits liquides d'opération, s'il y en a. On définit les apports de fonds de la façon suivante: les surplus liquides d'opération, s'il y en a, les revenus provenant de la vente d'équipement et les diminutions de fonds de roulement, s'il y en a.

La surface rouge indique que les besoins de fonds excèdent les apports de fonds, c'est-à-dire que l'entreprise a un besoin net de fonds.

La surface verte indique au contraire que l'entreprise produit un surplus net de fonds. Nous supposons ici que les besoins nets de fonds sont comblés par l'actionnaire.

Qu'est-ce qu'on peut conclure de ces tableaux? Tout d'abord que le scénario de réaménagement global exige de la part de l'actionnaire une mise de fonds supplémentaire de 36 000 000 $ par rapport aux 197 000 000 $, qui sont la zone rouge dans le graphique de droite et qui représentent les fonds nécessaires dans le cadre du statu quo. On parle donc de 36 000 000 $ supplémentaires.

La deuxième constatation qu'on peut faire, c'est que, après 1986, les surplus nets de fonds sont beaucoup plus élevés dans le réaménagement global.

Le choix financier qui s'offre à l'actionnaire, si on considère uniquement ces deux scénarios, est donc le suivant: soit investir, dans le cadre du statu quo, 197 000 000 $ avec un rendement, le rendement qui est calculé en fonction des retours ultérieurs est de 15%, ou bien investir dans le cadre du réaménagement global 36 000 000 $ de plus, c'est-à-dire un total de 233 000 000 $, avec un rendement global de 32%.

Notez que, si on calculait le rendement des 36 000 000 $ supplémentaires, on arriverait à un chiffre de 85%.

On vient de voir que, pour ce qui est des besoins de fonds, le réaménagement global est évidemment intéressant pour l'entreprise. Pour ce qui est du rendement des fonds investis par l'actionnaire, il est également très intéressant.

On va essayer de parler de la notion de valeurs actualisées ou de flux de trésorerie. On fait face à un problème lorsqu'on compare des projets qui impliquent, échelonnés dans le temps, des "cash flow", des mouvements de fonds ou flux de trésorerie - comme on dit en français - qui sont différents. C'est difficile de comparer des projets de ce genre. La méthode qui est généralement utilisée consiste tout d'abord à calculer les "cash flow" annuels sur une période de temps suffisamment longue, puis à actualiser, c'est-à-dire à ramener les valeurs futures à un montant actuel d'argent équivalent, qui tient compte du coût de l'argent. C'est ce qu'on appelle calculer la valeur nette actualisée de chaque projet. Il va de soi que, lorsqu'on compare deux projets, celui qui a la plus grosse valeur nette actualisée est celui qui présente le plus d'intérêt financier.

Le tableau projeté en ce moment fait ressortir l'écart très important entre les valeurs actualisées du statu quo et du réaménagement global, un écart de 177 000 000 $. Cela a été calculé avec un taux d'actualisation de 10% sur un horizon de 15 ans. Ces 177 000 000 $ sont dus à quoi? Tout d'abord, 92 000 000 $ sont uniquement dus à l'impact des fermetures et du réaménagement, 47 000 000 $ sont dus à l'amélioration des laminoirs et 38 000 000 $ sont dus à la tuberie SRE. On voit que la grosse partie du gain de la valeur actualisée et due à l'impact des fermetures et du réaménagement. Donc, par rapport au statu quo, le scénario de réaménagement global non seulement nécessite moins d'appels de fonds, mais apporte réellement une amélioration financière importante par rapport au statu quo. C'est ce qui nous permet de conclure le plan de redressement des opérations manufacturières de la façon suivante; tout d'abord, secteur par secteur.

Le secteur de fil machine constitue pour SIDBEC une force réelle sur laquelle il faut absolument capitaliser. La façon de capitaliser, c'est de moderniser le laminoir fil machine.

Deuxièmement, le marché des tubes et des profilés creux de construction est très rentable, même s'il est exploité en l'absence de produits plats. On recommande donc l'implantation d'une tuberie à soudure par résistance électrique. (Minuit)

Troisièmement, le secteur des produits plats présente de sérieux problèmes: vétusté, rentabilité négative, marché hautement concurrentiel. C'est pourquoi la fermeture des secteurs des produits plats est inévitable. Elle doit être décidée et planifiée avec diligence.

Ceci conclut la présentation du plan de redressement des activités manufacturières. Cela représente la vision de l'entreprise sur la direction à long terme à donner aux activités manufacturières. Comment se rendre dans cette direction? Il peut y avoir des scénarios de transition. M. De Coster en a mentionné deux ce matin, lors de la présentation: le premier consisterait temporairement, non pas à le fermer tout de suite, mais à continuer avec le statu quo auquel on ajouterait des projets, à savoir l'amélioration des laminoirs et la tuberie. J'insiste sur le fait que je ne parle plus du plan de redressement. Je parle de modalités

pour se rendre dans la direction que le plan de redressement recommande. Dans ce cas, le statu quo pour ce projet, il est prudent d'indiquer tout de suite que ce scénario ne résout pas le problème de base du secteur des plats. Il est limité dans le temps par la durée de vie des laminoirs à plats.

Si on fait un petit peu le même genre d'analyse pour ce scénario que ce qu'on a fait auparavant, on arrive à une quantification de ce genre. On pourrait dire que cette quantification est optimiste. En effet, nous n'avons pas tenu compte des détériorations probables dans le temps, ni du coût de production des produits plats - on suppose qu'il n'y aura pas de détérioration dans le coût - ni du prix de vente des produits plats malgré les surplus qui s'en viennent; on ne suppose aucune détérioration non plus.

Si on analyse ce tableau, on constate que non seulement le scénario maintient l'emploi, mais il l'augmente légèrement. C'est évidemment l'impact des nouveaux projets. On constate aussi - c'est important de le remarquer - qu'il engendre un surplus annuel de profits de 100 000 000 $ par rapport au réaménagement global. Malgré cela, la valeur actualisée des flux de trésorerie est inférieure à celle du réaménagement global. L'explication de ce résultat, a priori paradoxal, est fort simple: les 500 000 000 $ supplémentaires de profits ne permettent pas à l'actionnaire de récupérer les mises de fonds additionnelles qu'il devra consentir pour maintenir un tel scénario. Les mises de fonds additionnelles par rapport au statu quo ou par rapport au réaménagement global, on va les voir tout de suite. On compare ici le scénario de transition, qui est le statu quo pour ce projet dont on parle en ce moment, au scénario de réaménagement global.

On voit d'abord que les besoins de fonds pour ce scénario de transition sont substantiellement plus élevés que ceux du réaménagement global. Il y à une addition; on parle de 354 000 000 $, soit une addition en trois ans de 121 000 000 $ de plus qu'au statu quo. La deuxième observation, si on compare les surfaces vertes, on s'aperçoit que les surplus de fonds engendrés après 1986 sont moins importants dans le cas du statu quo pour ce projet. C'est pourquoi on peut conclure que ce scénario ne peut pas être viable à long terme. En outre, il est financièrement moins intéressant que le scénario de réaménagement global. Il ne peut donc être envisagé que de façon temporaire et pour des raisons purement sociales, nommément maintenir l'emploi.

Le dernier scénario de transition qui a été mentionné par M. De Coster consiste à acheter de la bande à chaud et à la transformer en laminé à froid dans nos laminoirs à froid pour pouvoir la vendre sous forme de tôle laminée à froid.

Je pense qu'il serait aussi dangereux de laisser entendre à cette commission que ce scénario pourrait constituer une solution à long terme. En effet, d'une part, les installations du laminoir à froid posent aussi certains problèmes, beaucoup moins graves que ceux des laminoirs à chaud, mais ils sont là de toute façon. Pour situer un ordre de grandeur, notre laminoir à froid produit à 26 tonnes l'heure et ceux de nos concurrents produisent à 150 tonnes l'heure. D'autre part, et surtout, on ne peut espérer acheter à long terme d'importantes quantités de bandes à chaud sans être taxé d'optimisme. En effet, les risques, en termes de disponibilité, de prix et de service à la clientèle sont sûrement considérables.

Pour ce qui est de la rentabilité de ce scénario de transition, elle dépend uniquement, bien sûr, de la possibilité pour SIDBEC d'obtenir des rabais importants à l'achat des bandes à chaud. Les études que nous avons faites nous ont permis d'établir le rabais minimum qu'il faudra obtenir pour espérer atteindre à la rentabilité. Vous comprendrez facilement que le résultat de ces études ne peut pas être discuté ici.

En conclusion, à court terme, SIDBEC est prête à négocier l'achat de quantités importantes de bandes à chaud aussitôt que le gouvernement aura fait connaître ses décisions relativement au plan de redressement du secteur manufacturier. À long terme, donc, dans la perspective du plan de redressement, nous ne croyons pas que le développement du laminé à froid axé sur la dépendance d'un ou de plusieurs fournisseurs de bandes à chaud est une avenue viable. Cela termine la présentation du secteur manufacturier.

Le Président (M. Desbiens): Je vous remercie.

M. le ministre, vous avez une proposition.

M. Biron: Oui, je pense qu'on a bien travaillé aujourd'hui. On s'est entendu avec le député de Mont-Royal pour que demain on commence à 10 heures exactement. On aura d'abord une demi-heure de chaque côté pour une première période de questions aux dirigeants de SIDBEC; puis, à Il heures, nous entendrons le mémoire du Syndicat des métallos jusqu'à 12 h 30; enfin, les gens de SIDBEC pourront revenir si, de part et d'autre, on a encore des questions. On écoutera, vers la fin de l'après-midi et dans le courant de la soirée, tous les autres mémoires qui resteront.

On s'excuse encore une fois auprès de ceux qui étaient ici pour présenter leur mémoire, aujourd'hui ou à bonne heure demain matin, mais je pense bien que vous comprendrez la situation. D'un côté et de

l'autre de la table, on essaiera de faire notre possible pour pouvoir vous libérer le plus tôt possible demain soir.

Le Président (M. Desbiens): Je vous remercie. La commission élue permanente de l'industrie, du commerce et du tourisme ajourne ses travaux à ce matin, 10 heures.

(Fin de la séance à 0 h 08)

Document(s) related to the sitting