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(Dix heures dix-huit minutes)
Le Président (M. Rochefort): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission élue permanente de l'industrie, du commerce et du
tourisme entreprend ses travaux ce matin aux fins d'entendre certaines
représentations en vue de revoir l'orientation de SIDBEC.
Les membres de la commission sont les suivants: MM. Baril
(Rouyn-Noranda-Témiscamingue), Biron (Lotbinière), Dussault
(Châteauguay), Fortier (Outremont), Perron (Duplessis), Charbonneau
(Verchères), Leduc (Saint-Laurent), Lincoln (Nelligan), Paré
(Shefford), Martel (Richelieu) et Ciaccia (Mont-Royal).
Peuvent aussi intervenir: MM. Beaumier (Nicolet), Paradis
(Brome-Missisquoi), Mme Harel (Maisonneuve), MM. Champagne (Mille-Îles),
Scowen (Notre-Dame-de-Grâce), Grégoire (Frontenac), Kehoe
(Chapleau), Tremblay (Chambly) et Vaillancourt (Orford).
Est-ce qu'il y a une proposition pour nommer un rapporteur de la
commission?
M. Biron: M. Perron.
Le Président (M. Rochefort): M. Perron est
suggéré. Consentement, adopté.
Avant d'ouvrir les travaux, M. le leader parlementaire du
gouvernement.
M. Bertrand: Oui, M. le Président. Tout en remerciant
notre collègue, le député de Mont-Royal, à qui j'en
ai glissé un mot avant que nous n'entreprenions nos travaux, il serait
possible, malgré le fait que le règlement normalement ne nous le
permettrait pas, de siéger ce soir. L'Opposition donnerait son accord -
étant donné qu'il y a évidememnt beaucoup de gens qui
viennent de très loin, de la CÔte-Nord, qui se sont
déplacés - pour que la commission puisse siéger ce soir de
20 heures à 22 heures et si nécessaire, de consentement, aussi
poursuivre ses travaux au-delà de 22 heures.
M. Ciaccia: Nous sommes d'accord, M. le Président.
Le Président (M. Rochefort):
Consentement.
M. Ciaccia: Consentement.
Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le
député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: M. le Président, pendant que nous sommes sur
la question des règlements et de l'ordre du jour, est-ce que vous
pourriez nous indiquer l'ordre des intervenants? On a reçu une liste des
intervenants qui comparaîtraient devant la commission, hier et
aujourd'hui, et il y a eu quelques changements. Est-ce qu'on pourrait nous
indiquer dans quel ordre ils vont comparaître?
Le Président (M. Rochefort): L'ordre qu'on m'a remis pour
la journée d'aujourd'hui est le suivant. Le premier intervenant serait
M. Jacques E. Astier, expert en sidérurgie; le deuxième
intervenant serait la société SIDBEC et le troisième
intervenant serait la ville de Contrecoeur.
M. Ciaccia: Si je comprends bien, hier, on nous avait
indiqué une liste selon laquelle le regroupement municipal des villes de
Gagnon et de Port-Cartier comparaîtrait aujourd'hui. Est-ce que vous avez
changé, est-ce que cela a été modifié?
Le Président (M. Rochefort): Je n'ai pas vu cette
liste-là. Celle que j'ai vue, c'est celle qu'on m'a remise ce matin.
M. le ministre.
M. Biron: Du consentement de la ville de Contrecoeur, qui
était prête à comparaître ce soir, alors que les gens
de Port-Cartier nous ont demandé d'attendre demain. Demain, Port-Cartier
comparaîtra après les Métallurgistes unis d'Amérique
qui commenceront la journée, demain matin.
M. Ciaccia: Alors, c'est à la demande des parties.
M. Biron: Oui.
M. Ciaccia: Merci.
M. Charbonneau: Juste sur cela, M. le Président...
Le Président (M. Rochefort): M. le député de
Verchères.
M. Charbonneau: C'est parce que je ne vois pas les gens de
Contrecoeur dans la
salle, à moins qu'ils ne soient ici. Est-ce qu'on est bien
certain que ces gens-là ont été avisés et qu'ils
doivent être ici ce soir?
Le Président (M. Rochefort): On m'informe que oui.
M. Charbonneau: Bon.
M. Fortier: M. le Président...
Le Président (M. Rochefort): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: ... les maires de Gagnon et les autres villes de la
Côte-Nord m'ont indiqué qu'ils s'attendaient à
présenter leurs mémoires ce matin. Quand on dit que c'est
à la demande des parties, je n'en suis pas tout à fait certain.
S'il y a eu entente, nous sommes prêts à nous incliner.
M. Biron: Les gens de la Côte-Nord nous ont demandé
de retarder à demain matin.
Le Président (M. Rochefort): Ça va?
Alors, M. le ministre, vos commentaires d'ouverture.
Remarques préliminaires M. Rodrigue
Biron
M. Biron: M. le Président, je veux d'abord remercier tout
le monde qui est ici, mes collègues des deux côtés de la
table pour être ici ce matin et demain. On va essayer ensemble de faire
le tour d'un dossier qui est plus qu'important à la fois pour le
gouvernement du Québec, pour les travailleurs concernés et les
populations concernées.
Le Conseil des ministres a décidé de convoquer la
commission de l'industrie, du commerce et du tourisme afin d'entendre les
représentations qui pourraient lui être faites en vue de
redéfinir l'orientation de SIDBEC. La tenue de cette commission montre
combien le gouvernement est préoccupé par les problèmes de
cette société d'État. Il s'agit pour nous d'examiner,
durant ces deux jours, quels moyens pourraient être envisagés,
quelles solutions pourraient être apportées et même quelles
nouvelles orientations pourraient être données à SIDBEC
pour lui permettre de s'établir sur de nouvelles bases, afin qu'elle
puisse se comporter comme toute autre entreprise normale dans
l'économie.
Je ne m'étendrai pas sur l'historique de SIDBEC, il est
maintenant bien connu. Rappelons seulement que, depuis la création de
SIDBEC en 1964 et le rachat de certaines installations de Dosco en 1968, il y a
eu deux grandes décisions stratégiques qui nous ont conduits
à la situation d'aujourd'hui. La première décision
stratégique a consisté, entre 1969 et 1973, à
développer une capacité interne de production d'acier, laquelle
n'existait pratiquement pas chez SIDBEC, afin d'alimenter en semi-produits les
laminoirs provenant de Dosco. L'investissement avait été à
l'époque de quelque 116 000 000 $.
La deuxième décision qui fut définitivement
arrêtée en 1975 consista à développer le secteur
minier. À la fin de 1977 débutait la production de boulettes de
minerai de fer par SIDBEC-Normines, filiale de SIDBEC à 50,1% et dont
British Steel et la compagnie minière Québec-Cartier
possèdent respectivement 41,7% et 8,2% des actions. Les mêmes
partenaires se sont engagés à acheter la production de
SIDBEC-Normines dans cette même proportion.
En 1976, en 1977 et en 1979, le gouvernement a acquis du capital-actions
de SIDBEC aux montants respectifs de 108 000 000 $, de 115 000 000 $ et de 150
000 000 $ pour un grand total de 373 000 000 $, injectés par le
gouvernement depuis 1976, pour des besoins de trésorerie, des
investissements destinés à l'entretien des instruments de
production en place et aussi pour l'achat de la mini-aciérie Questeel de
Longueuil.
La dernière modification à la loi de SIDBEC en
décembre 1979 visait également à modifier le mandat de
cette société pour supprimer l'objectif d'une sidérurgie
intégrée qui lui avait été conféré
lors de sa formation. Cette modification était assortie,
conformément à la décision du Conseil des ministres du 28
novembre 1979, d'une demande à SIDBEC de soumettre un plan de
redressement proposant au gouvernement les orientations à prendre pour
rentabiliser l'entreprise.
A cet effet, la nouvelle direction de SIDBEC qui a été
nommée à l'automne 1979 a soumis deux documents: l'un en
septembre 1980 portant sur la réorganisation et la gestion interne de la
compagnie; l'autre en février 1981 traitant des problèmes
structurels qui, par leur importance, requièrent l'intervention de
l'actionnaire.
Dès mon entrée en fonction, à titre de ministre de
l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, je faisais part à SIDBEC de mes
réactions lesquelles visaient essentiellement à obtenir plus de
précisions sur les orientations alors proposées et à
évaluer l'incidence de ces propositions pour le gouvernement.
En août 1981, au cours d'une séance de deux jours à
Montréal, j'ai eu l'occasion d'approfondir avec la direction de SIDBEC
les différents documents soumis et ce, en présence de membres du
conseil d'administration et de quelques députés. J'ai alors
demandé, vu l'importance des problèmes structurels
exposés, des études chiffrées et approfondies sur toutes
les hypothèses de
solutions envisageables, y compris la fermeture de certaines
unités de production.
C'est ainsi que la direction de SIDBEC m'a fait parvenir, au
début d'octobre, un dossier complet concernant le laminoir à fil
machine. De plus, j'ai reçu de SIDBEC, en novembre 1981, des notes
complémentaires au plan de redressement qui faisaient état d'un
certain nombre d'hypothèses de solution aux problèmes
découlant de l'implication de SIDBEC dans SIDBEC-Normines. Un dossier
plus complet concernant les opérations minières m'a
été transmis pour fins d'information en avril 1982.
En mai 1982, nous recevions également le plan de redressement des
opérations manufacturières. Ce document ainsi que les autres
documents relatifs aux opérations minières et à la
structure financière de SIDBEC ont été
étudiés au conseil d'administration du 7 juin 1982. J'ai
d'ailleurs eu l'occasion, au cours d'une séance spéciale sur
SIDBEC, en commission parlementaire, ici même, de répondre
à de nombreuses questions de l'Opposition concernant ce dossier. Enfin,
en juin 1982, j'ai reçu du conseil d'administration de SIDBEC une
synthèse de la stratégie globale de redressement de l'entreprise;
c'est cette stratégie que le président de SIDBEC vous
présentera en détail au cours de cette commission.
Entre-temps, les états financiers intérimaires du premier
trimestre de 1982 des diverses compagnies sidérurgiques
témoignaient d'une importante détérioration de la
situation économique qui, tant sur le continent nord-américain
qu'en Europe ou au Japon, a bouleversé les perspectives du secteur de
l'acier. Cette situation n'a cessé de se détériorer
depuis. On estime la capacité de la production mondiale de minerai de
fer à 960 000 000 de tonnes pour 1982, alors que la demande ne
dépassera pas 800 000 000 de tonnes. Il y aura donc un surplus mondial
de capacité de production de minerai de fer de plus de 150 000 000 de
tonnes et, malgré cela, le Brésil et l'Australie continuent
à développer des projets miniers d'envergure qui déplacent
les producteurs actuels de minerai de plus faible teneur tels que le
nôtre.
Quant à elle, la capacité de production mondiale d'acier
est de 900 000 000 de tonnes, mais la production stagne depuis 1974. En 1982,
il ne se produit que 660 000 000 de tonnes, soit un excédent de
capacité installée de 240 000 000 de tonnes. Ce sont surtout
l'Amérique du Nord, le Japon et la Communauté économique
européenne qui sont touchés par les baisses de la production.
C'est ainsi qu'aux États-Unis, depuis le commencement de l'année
1982, plus de 100 000 travailleurs de l'acier sont sans emploi. Les
aciéries ont fonctionné à 54% de leur capacité
pendant les six premiers mois, pour tomber à environ 40% depuis le mois
d'août, et 90% des mines de fer des dix plus importants producteurs aux
États-Unis ont été fermés. Au Canada, la situation
n'est guerre plus reluisante. Sept hauts fourneaux sur seize étaient
arrêtés en mai 1982. Les usines de bouletage américaines et
canadiennes sont plus particulièrement affectées par cette crise.
La capacité de production n'est utilisée qu'à 44%. Vous
aurez d'ailleurs l'occasion d'entendre un expert en ce qui a trait aux
perspectives économiques du fer et de l'acier, M. Jacques Astier.
La détérioration de la situation économique s'est
reflétée rapidement chez SIDBEC par une dégradation
dramatique de sa situation financière. Depuis le début de son
existence, SIDBEC a toujours eu des activités déficitaires,
à l'exception des années 1969 et 1974. Jusqu'à ces
dernières années, le niveau actuel de ce déficit
était maintenu dans les limites que pouvaient justifier les
retombées économiques pour le Québec. Depuis 1980,
toutefois, le déficit annuel s'est fortement accru, passant de 55 000
000 $ en 1980 à 61 000 000 $ en 1981; il atteindra plus de 150 000 000 $
à la fin de 1982. (10 h 30)
J'ai fait état de cette situation et des recommandations du
conseil d'administration de SIDBEC au comité ministériel du
développement économique ainsi qu'au Conseil des ministres
à la fin de juin. Ce dernier confia à un comité
interministériel de sous-ministres le soin de préparer une
stratégie gouvernementale concernant l'avenir de SIDBEC après
avoir analysé l'impact économique des différentes options
étudiées par SIDBEC. Le rapport de ce comité a
été déposé au Conseil des ministres en septembre
dernier. Je profite de l'occasion pour en déposer une copie pour les
membres de cette commission parlementaire. À ce sujet...
Le Président (M. Rochefort): Je comprends, M. le ministre,
que c'est un document pour distribution. Merci.
M. Biron: Pour l'information des membres, oui.
À ce sujet, une mise en garde s'impose, car certains chiffres qui
ont été véhiculés un peu partout ne sont pas
toujours comparables, parce que les hypothèses de base qui ont
présidé à leurs calculs ne sont pas toujours les
mêmes. Devant l'importance et la nécessité d'un
réaménagement profond à la structure de SIDBEC, j'ai
engagé depuis plusieurs mois des consultations avec la direction et les
travailleurs de SIDBEC ainsi qu'avec d'autres intervenants. Ces consultations
ont donné lieu à de nombreuses interprétations ainsi
qu'à plusieurs déclarations.
Pour éviter tout malentendu, je veux clairement indiquer ici que
le gouvernement n'a pas pris encore de décision concernant l'avenir de
SIDBEC et de SIDBEC-Normines. Nous sommes donc réunis pour
étudier les recommandations du conseil d'administration de SIDBEC, que
je voudrais vous citer in extenso.
Extrait du procès-verbal de l'assemblée du conseil
d'administration de SIDBEC tenue le 7 juin 1982. Première
résolution: Résolu d'adopter la stratégie suivante de
redressement de l'entreprise découlant des stratégies de
redressement sectoriel. Premièrement, SIDBEC doit être
autorisée à se délester très rapidement du fardeau
que constitue sa participation dans SIDBEC-Normines Inc., par la vente à
des tiers de sa quote-part du capital-actions de celle-ci.
Parallèlement, elle doit pouvoir explorer en profondeur
l'hypothèse de rechange que constituerait la fermeture de la mine du lac
Fer, assortie d'une garantie d'approvisionnement de minerai de fer du
Mont-Wright, d'une rationalisation des opérations et des services et
d'un réaménagement des participations respectives des
partenaires.
Dans l'éventualité où le premier scénario ne
s'avérerait pas réalisable à courte échéance
et que le deuxième ne justifierait pas financièrement le maintien
des opérations de la filiale à long terme, le gouvernement devra
se résoudre sans délai à autoriser SIDBEC à
négocier avec ses partenaires l'abandon complet et définitif des
opérations de SIDBEC-Normines Inc.
Deuxièmement, le secteur des produits longs constitue pour SIDBEC
une force réelle et importante sur laquelle l'entreprise doit
impérativement capitaliser. Ce secteur regroupe les équipements
les plus modernes; il dessert un marché stable et très rentable
dont SIDBEC possède une part importante. Afin de pouvoir exploiter
efficacement ces avantages, l'entreprise doit s'assurer l'accès à
une quantité additionnelle de fil machine; l'amélioration du
laminoir existant qui, au coût d'environ 70 000 000 $ à 75 000 000
$, dollars de 1981, ajouterait une capacité de 160 000 tonnes et
améliorerait techniquement et commercialement le produit, est
indispensable. La signature d'un contrat de laminage à façon de
billettes de SIDBEC en fil machine avec un compétiteur pourrait
constituer une option à moyen terme. La réalisation d'un tel
projet demeure très problématique et comporte de nombreuses
embûches et difficultés, notamment au plan de la protection des
marchés et de la technologie. La possibilité d'une entente avec
le seul partenaire potentiel connu devrait être précisée
à la fin de juin.
Troisièmement, la fermeture du secteur des produits plats est
inévitable à court terme et doit être décidée
et planifiée avec diligence. Elle implique un
réaménagement en profondeur des équipements et des
services de l'entreprise et l'abandon d'autres opérations non rentables.
Elle doit aussi s'assortir d'une volonté de l'actionnaire de
développer le secteur des produits longs et de le rendre hautement
compétitif. Le moment propice demeure à déterminer et
dépendra, d'une part, du résultat des analyses et des
études en cours et, d'autre part, du règlement du problème
de SIDBEC-Normines Inc. En raison de la sous-utilisation de la capacité
de production d'acier liquide qui en découlera, il semble d'ores et
déjà peu indiqué cependant d'abandonner la production des
produits plats avant que ne soit effectuée l'expansion de celui des
produits longs. Les deux opérations doivent être
synchronisées.
Quatrièmement, le marché des tuyaux et des profilés
creux est très rentable. Il offre en plus des perspectives de croissance
très intéressantes. Il est donc important pour SIDBEC
d'opérer un secteur autonome de tuyaux et de profilés creux en
maintenant l'opération de la tuberie actuelle à soudure continue
et en implantant, si c'est financièrement possible, une nouvelle tuberie
à soudure par résistance électrique à un coût
entre 50 000 000 $ et 60 810 000 $, dollars de 1981. Dans
l'éventualité où la fermeture du secteur des produits
plats serait écartée ou différée, pour une raison
ou pour une autre, un tel projet devient indispensable, car il serait seul
susceptible d'améliorer de façon significative le rendement du
secteur et d'en prolonger la durée pour quelques années
encore.
Cinquièmement, un des deux modules de l'usine de réduction
directe devra être fermé.
Sixièmement, l'actionnaire devra rationaliser la structure
financière.
C'était, M. le Président, la première
résolution adoptée par le conseil d'administration de SIDBEC le 7
juin 1982. La deuxième résolution adoptée à la
même séance disait ceci: Attendu que la statégie
d'entreprise énoncée ci-haut a été conçue
pour assurer la viabilité de l'entreprise dans sa condition actuelle de
société d'État; attendu qu'il est une autre
stratégie d'entreprise qu'il est fortement recommandé au
gouvernement du Québec de considérer très
sérieusement, à savoir la vente de la totalité des actions
de SIDBEC à l'entreprise privée, préférablement
à un aciériste nord-américain en quête d'une
garantie d'approvisionnement de boulettes; attendu que cette option comporte en
soi des avantages nombreux et déterminants au plan de la
rentabilité et partant de la viabilité de l'entreprise; il est
résolu de demander au gouvernement du Québec que la direction de
SIDBEC soit autorisée, par mandat
spécifique, à entamer des pourparlers relativement
à la vente de la totalité des actions de SIDBEC à
l'entreprise privée, parallèlement et simultanément
à la mise en oeuvre de la stratégie de redressement de
l'entreprise recommandée ci-haut.
M. le Président, encore une fois pour l'information des membres
de la commission, je voudrais faire circuler copie de cette résolution
adoptée par le conseil d'administration de SIDBEC. C'est d'ailleurs sur
ces recommandations du conseil d'administration de SIDBEC et sur les impacts
socio-économiques que cela peut comporter pour les populations
concernées que la commission parlementaire doit questionner,
étudier et, finalement, en bout de piste, le gouvernement devra prendre
une décision.
Le président de SIDBEC par ailleurs aura l'occasion de vous faire
part en détail des derniers compléments d'information qu'il a
reçus depuis. Bien qu'aucune option n'ait encore été
retenue par le gouvernement, il est clair que ce dernier ne peut plus continuer
à assumer des déficits dont l'ampleur va grandissant. Des options
moins coûteuses doivent être trouvées. C'est pourquoi la
tenue de cette commission parlementaire décidée par le Conseil
des ministres revêt tant d'importance. Elle devra constituer un arbitrage
optimal de trois objectifs qui sont au coeur même de mes fonctions.
D'abord, comme ministre de tutelle de SIDBEC, j'estime qu'il faut
profiter de cet important virage pour corriger au maximum les vices et
déséquilibres structurels de SIDBEC. Il faut sortir de cet
exercice avec une entreprise saine qui pourra par la suite se développer
comme toutes les entreprises, c'est-à-dire en s'autofinançant de
façon normale. Deuxièmement, le scénario à retenir
devra, pour des raisons évidentes, permettre à un nombre maximal
de travailleurs de SIDBEC de conserver leur emploi. Troisièmement, en
tant que ministre responsable de l'industrie, il me faut faire en sorte qu'on
maintienne au Québec une aciérie qui pourra assurer sur une base
rentable un appui stratégique au développement des autres
secteurs de l'industrie secondaire. Il est clair que l'orientation qui sera
retenue fera appel à la volonté de survivre de tous les
intervenants au dossier: les travailleurs de SIDBEC et de SIDBEC-Normines, les
cadres, les partenaires, voire les fournisseurs. Ce n'est qu'au prix d'une
mobilisation concertée de toutes les énergies que nous pourrons
dégager une solution qui fera de SIDBEC une entreprise saine et viable,
une entreprise qui saura produire de façon rentable dès qu'il y
aura reprise économique.
Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le
député de Mont-Royal.
M. John Ciaccia
M. Ciaccia: Merci, M. le Président. J'ai l'impression que
nous en sommes à un point très critique du développement
économique du Québec. Nous vivons des moments très
difficiles et les pertes de SIDBEC inquiètent certainement toute la
population. J'ai l'impression que nous approchons le moment de la
vérité, pour notre économie, dans ce dossier. On se pose
la question: Que devons-nous faire? Quelles mesures devrons-nous prendre? Nous
sommes tous, je crois, conscients de nos responsabilités. SIDBEC n'est
pas seulement un problème pour le gouvernement. C'est un problème
pour chacun de nous, car cela touche non seulement les personnes directement
impliquées, mais cela touche tous les espoirs d'une population. Et je
pense que cela, c'est important de le souligner, on ne peut pas l'ignorer. Et
que veut dire SIDBEC? La question des chiffres est importante, mais ce n'est
pas la seule. La seule présence du ministre des Finances souligne
l'importance financière de SIDBEC. Mon collègue d'Outremont dit:
Ce n'est pas tous les jours qu'on le voit en commission parlementaire. Ce sont
des sujets très importants et financiers qui touchent le trésor,
mais je voudrais m'attarder un peu plus sur l'historique.
Je pense qu'on ne peut pas ignorer cet aspect. On doit comprendre
l'historique pour juger les solutions envisagées aujourd'hui. Il y a
près de 20 ans, le premier ministre d'alors, M. Jean Lesage, estimait
qu'il était essentiel pour son développement que le Québec
soit présent dans le secteur des industries lourdes, l'industrie de
l'acier notamment. C'est donc le 19 août 1964 que l'honorable Jean Lesage
déclarait: "Fermement convaincus des avantages économiques que la
province est appelée à retirer d'un complexe sidérurgique
intégré, le gouvernement du Québec et la
Société générale de financement viennent de
conclure à cette fin un accord de principe. La SGF verra
immédiatement à faire constituer une compagnie ayant pour objet
l'établissement d'une sidérurgie au coût total
estimé à environ 225 000 000 $." En créant SIDBEC, le
gouvernement de M. Lesage voulait d'abord que le minerai de fer du
Québec soit transformé en acier primaire au Québec
même et visait à renforcer la structure de notre industrie
secondaire.
Qu'il suffise de rappeler que l'établissement d'une
sidérurgie québécoise était devenu à
l'époque le sujet le plus discuté, tout comme l'avait
été un peu plus tôt la nationalisation de
l'électricité. Et au moment même, dans un article paru dans
le magazine Maclean, article très étoffé d'Adèle
Lauzon... Plusieurs personnalités représentatives du milieu
québécois
souhaitaient l'établissement de l'industrie sidérurgique
québécoise. Il y avait M. Paul-Émile Robert,
président de la Société Saint-Jean-Baptiste qui regroupait
alors 290 000 membres. M. Robert déclarait: "Maintenant que la
nationalisation de l'électricité et la Société
générale de financement sont des faits accomplis, le temps est
venu d'établir notre industrie sidérurgique." Il ajoutait
"L'industrie lourde fait défaut au Québec, la première
exigence conditionnant l'aménagement d'une telle industrie réside
dans la disponibilité et la proximité de la matière
première. Eh bien, une sidérurgie ferait rapidement graviter
autour d'elle une foule d'industries secondaires de produits finis aux
semi-finis. D'autre part, les enquêtes récentes démontrent
l'existence d'un marché qui justifie l'établissement d'une
industrie sidérurgique."
Il y a eu d'autres personnes. Le financier Jean-Joffre Gourd croyait que
"Opter pour la création d'un complexe sidérurgique
contrôlé par l'État constituerait, à mon avis, la
seule solution dans ce domaine capable de contribuer à
l'émancipation économique des Canadiens français". Enfin,
Maurice Labelle, alors président de la Chambre de commerce du
Québec, se réjouissait que "la Chambre de commerce de la province
de Québec fût à l'avant-garde pour promouvoir l'idée
de l'établissement de l'industrie sidérurgique au Québec".
En effet, on en discutait déjà lors de son congrès
à la Malbaie en 1948 et, le 23 mai 1961, elle était la
première association du Québec à soumettre au gouvernement
provincial un mémoire démontrant, statistiques à l'appui,
le rôle que pourrait jouer une telle industrie chez nous. La chambre
soulignait plusieurs facteurs favorables à l'établissement d'un
complexe sidérurgique au Québec.
De tout temps, les hommes publics et le gouvernement
québécois ont cru dans ce projet. Il y eut d'abord Jean Lesage,
puis, bien sûr, René Lévesque, à qui la rumeur
publique prêtait, en septembre 1964, l'intention de démissionner
de son poste de ministre si on ne lui donnait pas l'assurance qu'un complexe
sidérurgique appartenant à l'État serait établi au
Québec. Ce fut alors le tour de Daniel Johnson qui, en 1968,
présenta la loi no 66 afin de permettre à SIDBEC d'établir
un complexe sidérurgique intégré. Le gouvernement de M.
Robert Bourassa, en 1976, par une loi, garantissait le paiement des sommes
d'argent payables par la compagnie par suite de l'inexécution de ses
obligations, enfin, plusieurs contrats visant l'acquisition, la construction,
l'exploitation et le financement d'un complexe industriel d'exploitation
minière dans la région de Fire-Lake, lac Jeannine, Gagnon et
Port-Cartier, et continua de soutenir ce projet collectif.
Si j'ai bien lu le procès-verbal, dans le journal des
Débats du 3 juin, on m'informe que ce contrat a été
négocié par l'administration de M. Bourassa, mais le signataire
du contrat est le présent ministre des Finances, M. Jacques
Parizeau.
Enfin, le gouvernement, en 1979, présenta une loi qui changea un
peu l'orientation, les objectifs de SIDBEC, mais il s'est inscrit par le fait
même dans la lignée de ses prédécesseurs. Nous y
avons tous cru. Qu'est devenu ce beau rêve, ce grand projet, ce moteur
économique dont nous avions tant besoin? (10 h 45)
On peut se poser la question, à savoir si les efforts de toute
une génération de bâtisseurs pour doter le Québec
d'une structure industrielle solide et pour développer un secteur
secondaire dynamique ont été gâchés à
jamais.
Il serait dommage de chercher à blâmer tout le monde.
Cependant, si nous examinons la situation, surtout depuis 1980, nous devons
nous poser certaines questions sur le manque d'action de ce gouvernement qui a
démontré une certaine négligence et une certaine
irresponsabilité dans le dossier. J'entendais le ministre nous donner
toutes les étapes depuis que lui-même est devenu ministre de
l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, qu'il a hérité de
certains rapports, de certaines situations. Le Conseil des ministres demandait
à SIDBEC, le 28 novembre 1969, de préparer un plan de
développement et, en septembre 1980, le président de SIDBEC
déposa un premier plan de redressement. La direction de SIDBEC a
identifié dans ce plan les problèmes majeurs qui existaient et
nuisaient au développement et à la rentabilité de SIDBEC.
En septembre 1980, le gouvernement s'est fait dire certaines
vérités. Je vais citer le rapport de 1980.
Voici ce que SIDBEC disait au gouvernement: "Les facteurs
déterminants de la situation, un souci inadéquat de certaines
fonctions aussi fondamentales que le marketing, les contrôles internes
qui comprenaient les coûts budgétaires et autres et les relations
ouvrières." Je continue à citer: "Une carence dans l'information
de gestion: prix de revient, coûts, données statistiques." Ils ont
souligné: "Les écarts de rentabilité avec ses concurrents
indiquent néanmoins des faiblesses structurelles importantes." Ils ont
dit au gouvernement, et je cite: "La vocation de SIDBEC est de fabriquer des
produits de l'acier et de les vendre à profit. La vocation ne comprend
donc pas, en principe, la commercialisation de boulettes telle que le fait
SIDBEC actuellement."
Ils ont dit et je cite: "II existe un déséquilibre majeur
entre l'engagement de SIDBEC d'acheter 50% de la production, environ 3 000 000
de tonnes, et sa capacité
de consommation optimale, environ 1 700 000 tonnes." Ils ont dit:
"SIDBEC est forcée de commercialiser l'excédent dans un
marché international fortement déprimé. L'actionnaire
devrait normalement privilégier l'option de se départir d'une
partie de son capital-actions." Et SIDBEC a souligné certaines
recommandations quant à l'exportation manufacturière de
l'entreprise. Ce sont toutes des choses que SIDBEC a portées à
l'attention du gouvernement en 1980. "Dans les fils - elle a parlé des
fils -son secteur le plus rentable, l'entreprise est en perte de vitesse depuis
plusieurs années." Je cite: "La consolidation des activités ne
résulterait, au mieux, sans investissement majeur, qu'au maintien de la
rentabilité au niveau actuel." Et je continue: "Dans les plats,
l'entreprise est largement déficitaire. Sa position marginale actuelle
ne peut que s'affaiblir encore plus au cours des prochaines années. La
fermeture du secteur ne ferait qu'augmenter davantage le manque à
gagner. Seule la spécialisation ou l'expansion du secteur, avec
investissement important, pourrait changer la situation." Et voici ce qu'ils
ont encore souligné: "Donc, dans l'hypothèse du statut quo,
l'entreprise est condamnée globalement à régresser dans le
marché." Ce sont, en 1980, les problèmes fondamentaux
soulignés à l'attention du gouvernement.
En février 1981, le président, M. De Coster, déposa
un autre rapport. Voici ce qu'il disait: "L'entreprise est maintenant à
une croisée de chemins. Le statu quo est inacceptable car il
entraînera une détérioration rapide d'une situation
déjà problématique, comme le ferait d'ailleurs
l'application de demi-mesures. Des décisions cruciales doivent
être prises maintenant par l'actionnaire en regard de ses orientations et
de son développement, et des gestes drastiques devront être
posés." Cela, c'est en février 1981.
Il a dit et je cite encore le rapport de février 1981: "Toutes
ces décisions ont contribué, à des degrés divers,
à engendrer -il a fait un historique de ce qui s'était produit
à SIDBEC - des problèmes structurels de taille qui
requièrent d'urgence, de la part de l'actionnaire, des correctifs
à leur mesure." Il a énuméré certains des
problèmes. L'un d'entre eux, c'est l'implication de SIDBEC dans
SIDBEC-Normines, l'ampleur des engagements contractés en regard de ses
besoins, tant à l'usine de bouletage qu'au concentrateur. Il a aussi
dit, et je cite le rapport de M. De Coster: "II est bon d'établir au
départ que les difficultés que SIDBEC rencontre à ce
chapitre n'ont rien à voir avec l'efficacité des
opérations de la mine ou de l'usine de bouletage ou de concentration. Au
contraire, SIDBEC-Normines a réussi sans difficulté les
nombreuses et contraignantes épreuves de parachèvement et de
performance que lui imposaient les bailleurs de fonds par le biais de l'acte de
fiducie."
Alors, la première question qu'on peut se poser, M. le
Président, c'est: Que faisait le gouvernement pendant ce temps? Pourquoi
n'a-t-il pas agi en 1980 afin d'arrêter l'hémorragie
financière? Il y avait des avertissements. On peut faire un peu le
calendrier des événements. En septembre 1980, le plan de
redressement. Là, il y avait des problèmes électoraux. Il
y avait le problème constitutionnel. On s'inquiétait des
résultats du référendum et on a mis en veilleuse le
problème de SIDBEC. C'était un problème économique
très important. On s'est concentré sur la charte des droits et
d'autres problèmes d'importance capitale pour certains membres du
gouvernement.
En février 1981, là, on a... Savez-vous ce que M. De
Coster a dit en février 1981? "Malgré toutes les pirouettes
effectuées - je cite son rapport de février - SIDBEC se trouve
encore présentement dans une situation financière précaire
qui ne lui permet pas de rencontrer ses obligations. Il semble à ce
moment difficile, sinon impossible, d'obtenir un nouveau prêt bancaire,
même avec garanties physiques, l'entreprise ne pouvant ni rencontrer les
normes ni démontrer sa capacité de rembourser." Et, pour le
bénéfice du député de Verchères, il y avait
des problèmes sur les plats, il y avait des problèmes de mises
à pied, mais on n'en a pas parlé en février 1981.
Pourquoi? Il y avait une campagne électorale. On ne pouvait pas aller au
peuple. On craignait de prendre des mesures correctives. On craignait de dire
la vérité à la population, de dire: Écoutez,
là, qu'est-ce qu'on va faire? On va agir sur les problèmes
structurels, financiers et tous les autres.
Le ministre vient de nous parler de la conjoncture économique de
1982. Oui, elle est mauvaise. C'est un tableau très sombre qu'il nous a
dépeint, ce qui se passe en 1982: les mises à pied, les
aciéries, 45% de capacité de production et tout le reste. Mais,
en 1980, quelle était la situation? Elle n'était pas aussi
mauvaise. C'est vrai qu'on prévoyait certaines difficultés. Des
mesures auraient pu être prises en 1980. On aurait pu épargner des
congédiements, les mises à pied qu'on devra peut-être faire
aujourd'hui. En 1980, on aurait pu prendre des mesures, on aurait pu
intéresser les partenaires, le secteur privé, le refinancement et
tout le reste. Mais le gouvernement n'a pas agi en 1980 pour des raisons
électorales, des raisons ayant trait à l'intérêt du
gouvernement plutôt qu'à l'intérêt de SIDBEC et
à l'intérêt économique de la population, tenant
compte de l'importance de SIDBEC.
Alors, qu'est-ce que le gouvernement nous propose 26 mois plus tard? Il
y a un reproche qu'on doit faire ici au
gouvernement. J'ai écouté les propos du ministre qui nous
assure ce matin qu'il n'est pas question que des décisions aient
été prises. C'est beau d'être assuré de cela ce
matin, mais, dans les derniers deux ou trois mois, ce n'est pas l'impression
qui a été perçue dans la population. On a laissé
planer des doutes. Des documents ont été préparés.
Je remercie le ministre de déposer le rapport du comité
interministériel, mais je dois vous dire que cela ne nous annonce rien.
On a lu ce rapport, on sait ce qu'il contient et la population aussi l'a lu
dans les journaux.
Le ministre des Finances a fait des déclarations sur la chirurgie
radicale possiblement. Mettez-vous dans la peau de ces gens de ces endroits sur
l'insécurité et l'incertitude qu'on a causées; on ne
savait pas à quoi s'attendre du jour au lendemain. Je pense que le
gouvernement n'a pas le droit d'abuser de la population de cette façon.
Ce que le ministre a dit ce matin, le gouvernement aurait dû le dire au
commencement: Les décisions ne sont pas prises, restez tranquilles, on
ira en commission parlementaire. On étudiera les dossiers et,
après qu'on aura fait toute l'étude, on vous informera. On ne
sèmera pas la panique auprès de la population pour venir leur
dire après: Bien, voici, vous ne serez pas tous congédiés,
on ne fermera pas la CÔte-Nord. On ne fermera pas la Baie-James. On ne
fermera pas le Québec. Soyez satisfaits d'avoir deux, trois ou quelques
centaines d'emplois. C'est une façon du gouvernement de négocier
avec la population. Je le déplore et je pense que cela est
inacceptable.
Dans le rapport du comité interministériel, on parle des
coûts de 325 000 000 $ pour fermer la mine SIDBEC-Normines. On dit que
cela n'inclut pas les 185 000 000 $ de dettes accumulées jusqu'à
la fin de l'année. Nous voulons examiner tous les scénarios, voir
les vrais coûts.
Le ministre a soulevé la question des coûts sociaux. Il a
dit en commission parlementaire qu'il faut les prendre en considération.
Oui, mais est-ce que des études ont été faites sur les
coûts sociaux? Je suis prêt à en discuter. Cela aurait
dû être l'une des premières choses à faire au mois de
septembre 1980, quand on se fait avertir qu'il y a des problèmes. Il n'y
avait pas grand-chose de nouveau quant aux problèmes de SIDBEC en 1980.
La seule différence, savez-vous laquelle? C'est qu'en 1980, les pertes
de SIDBEC étaient de 54 000 000 $ et aujourd'hui elles sont de 150 000
000 $. C'est la seule différence. Pourquoi les études n'ont-elles
pas été faites sur les coûts sociaux et économiques?
Dès qu'on nous avertit comme cela, on réagit. On nous a dit: II
faut agir d'urgence. Alors, on est prêt à discuter des coûts
sociaux en commission parlementaire, mais on veut voir les études qui
ont été faites. Fermer Gagnon, fermer lac Jeannine, fermer
l'usine de bouletage à Port-Cartier, qu'est-ce qu'on fera avec ces gens,
ceux de Sept-Îles et ceux de tout le Grand-Nord? Je suis bien certain que
le député de Duplessis est très intéressé
à connaître les conséquences et les coûts sociaux de
ces fermetures.
On dit que cela coûte 325 000 000 $ en argent pour fermer les
contrats, mais qu'est-ce que cela coûtera en pertes de revenus, les
faillites, la relocalisation des gens, les taxes municipales, les
infrastructures et tout le reste? Il me semble qu'il faut faire le bilan de
toutes ces choses, tout en étant conscient, comme le ministre des
Finances va l'être, je l'espère, comme nous tous allons
l'être, des coûts globaux, des pertes, de la situation
économique...
Une voix: ... et des capacités de payer
M. Ciaccia: ... et de la capacité de payer.
Le ministre a dit ce matin: Aucune décision n'a été
prise, nous allons prendre la décison peut-être ce matin. Nous
allons prendre la décision à la suite de la commission
parlementaire. Le gouvernement étudiera tout ce que les intervenants
diront et... Je voudrais demander au ministre des Finances: Depuis 1980, il y a
eu une dégradation de la situation financière de SIDBEC; il y a
eu une dégradation aussi dans les revenus du trésor du
Québec; il y a eu une dégradation dans la situation
économique générale: la perte d'investissements, la
réduction... tout ce que nous connaissons aujourd'hui. Je voudrais
savoir si vous avez une marge de manoeuvre pour prendre une décision sur
SIDBEC actuellement, en 1982, et, si vous avez cette marge de manoeuvre, quelle
est-elle? Quelle est la marge de manoeuvre que vous avez face aux coupures dans
les hôpitaux, aux réductions des revenus, aux augmentations des
pertes de SIDBEC? Je voudrais savoir quelle est la marge de manoeuvre que le
gouvernement a aujourd'hui. (11 heures)
Je voudrais poser une série de questions au gouvernement. Je
crois que je vais attendre les réponses avec intérêt, mais
je pense que ce sont des questions que le gouvernement aurait dû se poser
lui-même avant aujourd'hui et qu'il aurait dû agir à
certaines de ces questions. Premièrement, est-ce que le gouvernement
peut nous démontrer que les contrats de SIDBEC-Normines avec les
partenaires et les fiduciaires ne peuvent être renégociés,
que le gouvernement a tout fait, mais que c'est impossible de les
renégocier? Si tel est le cas, comment expliquer que le
comité
ministériel, dans ses recommandations de fermeture de la mine,
prévoit qu'il faut négocier avec les partenaires pour la fermer?
Voici la première question que je me pose: Quant à
négocier la fermeture, pourquoi ne pas négocier de meilleures
conditions de contrats? Cela est un des problèmes. Tous les
scénarios qu'on nous présente, c'est sur la base que les contrats
ne sont pas changés. Il me semble élémentaire que, si ces
contrats ont pour conséquence une hémorragie financière,
on prenne les moyens pour les renégocier avec nos partenaires. Je veux
savoir quelles mesures ont été prises. Est-ce que cela a
été poursuivi activement?
Deuxièmement, est-ce que le gouvernement peut nous
démontrer qu'il a exploré toutes les possibilités
concernant les opérations manufacturières de SIDBEC, telles que
les tentatives d'intéresser le secteur privé dans certaines
opérations, réduire les coûts de production par une
meilleure utilisation des ressources humaines ou la possibilité de faire
participer les travailleurs au maintien des opérations? Quelles
propositions ont été faites aux travailleurs? On aime cela parler
de concertation, de solidarité. On se sert la ceinture tous ensemble, on
va tous coopérer, on va tous travailler ensemble. Est-ce qu'on a fait
des propositions concrètes? On dit: Messieurs les travailleurs, voici,
on perd de l'argent, on a des problèmes, qu'est-ce qu'on peut faire
ensemble? Si oui, je voudrais savoir ce que SIDBEC ou le gouvernement a fait
à ce sujet.
On voudrait savoir si le gouvernement peut nous démontrer qu'il a
demandé spécifiquement au gouvernement fédéral - et
qu'il a poursuivi cette demande - une entente sur le prix du gaz naturel pour
rendre les opérations - pour le procédé Midrex - plus
concurrentielles avec les compétiteurs de SIDBEC. SIDBEC utilise
d'autres procédés, d'autres formes d'énergie. Je ne veux
pas de démagogie. Je ne veux pas cette réponse du gouvernement:
On a demandé au gouvernement fédéral de venir acheter les
opérations de SIDBEC ou de fournir de l'argent. Je veux
spécifiquement une réponse à un problème: Le prix
du gaz naturel va en montant, est-ce que cela va être concurrentiel?
Ivaco a de ces problèmes; d'autres ont d'autres problèmes
peut-être. Est-ce que, pour intéresser le secteur privé, on
a dit au gouvernement fédéral: Écoutez, il y a des
aciéries en Ontario qui ont des conditions différentes des
nôtres. Un des problèmes qu'on a, c'est le prix du gaz naturel. On
a assez de gaz naturel, nous, pour durer encore 300 ans. Est-ce que pour les
prochains cinq ou dix ans, on pourrait avoir un petit peu de gaz, parce que
SIDBEC est le plus grand consommateur de gaz naturel au Québec? Je pense
qu'elle aurait droit à quelques concessions pour garder des milliers de
personnes en emploi.
Il y a une autre question que je voudrais poser au gouvernement: Est-ce
que le gouvernement peut nous démontrer qu'il a mis sur pied une
équipe de marketing agressive, afin de vendre les produits de
SIDBEC-Normines et de SIDBEC? Au mois de septembre 1980, la compagnie SIDBEC a
dit: On n'en a pas de marketing. Vous produisez 6 000 000 de tonnes de
boulettes, comment les vendre? C'est bien beau pour SIDBEC-Normines, les
fiduciaires, ils n'ont pas de problème eux, il y a un marché
captif; les actionnaires sont obligés de l'acheter. Alors,
SIDBEC-Normines, peut-être qu'elle n'a pas intérêt, elle
vend des boulettes sur le marché international... Je sais qu'il y a
SIDBEC International. Je voudrais savoir ce qu'elle a fait. Je réponds
seulement à ce que SIDBEC a dit elle-même en 1980: "On n'a pas de
marketing." Quand le gouvernement se fait dire cela, voit-il 6 000 000 de
tonnes de boulettes? Voit-il un marché déprimé? C'est vrai
que le marché est déprimé, mais il n'est pas à
zéro. Il y a encore 12 000 000 de tonnes qui se vendent sur le
marché européen par le Canada. Il y a encore 27 000 000... C'est
vrai que le Brésil en vend beaucoup plus que nous.
Cela ramène une autre question: Le gouvernement du Québec
peut-il nous démontrer qu'il a poursuivi activement des démarches
auprès du gouvernement fédéral pour arriver à une
entente avec le Brésil et l'Australie concernant la vente de boulettes
sur le marché européen? Je pense qu'un des éléments
qu'on doit explorer - peut-être que le gouvernement l'a exploré,
il peut nous en informer - non seulement l'explorer, le poursuivre... On
soulève les problèmes de Québecair à
l'Assemblée nationale. Le gouvernement fédéral adopte des
lois qui ne sont pas bonnes. Ce problème, le gouvernement
fédéral peut s'asseoir avec le Brésil et l'Australie et
dire: "Écoutez, on a des échanges commerciaux." C'est comme
lorsque les gens se font la guerre des prix sur le pétrole. Dans
l'ancien temps, il y avait quatre stations d'essence sur les coins; ils se
faisaient la guerre des prix et chacun vendait l'essence 0,25 $ le gallon, 0,30
$ le gallon. S'il s'étaient entendus, ils l'auraient tous vendue 0,50 $
le gallon. Ils ont coupé les prix, ils se sont coupé le cou.
Alors, je pense que les conditions ont changé. Les conditions de
l'énergie ont changé la situation, mais il y a des mesures qui
peuvent être prises et explorées pour s'assurer... On a des
problèmes à SIDBEC-Normines. 6 000 000 de tonnes, ou 3 000 000...
sur le contenu global international, ce n'est pas la fin du monde! Est-ce qu'on
a fait quelque chose?
Mon collègue à ma gauche me dit: peut-être qu'ils
attendent d'être indépendants avant d'aller négocier avec
le Brésil. On fait
des farces, mais cela n'est pas drôle. Ce sont des mesures qui
auraient du être prises. Peut-être que le gouvernement l'a fait. Je
voudrais entendre les résultats.
Je voudrais aussi demander au gouvernement s'il peut nous
démontrer qu'il a effectué des études quant aux
coûts sociaux et économiques d'une fermeture ou des
réductions d'activités pour SIDBEC-Normines ou SIDBEC. Si vous
fermez SIDBEC-Normines, combien cela coûtera à la population, aux
gens de la place, à la population du Québec? Si vous
réduisez SIDBEC-Dosco, si vous fermez les plats, qu'est-ce que cela
représente pour l'économie secondaire, pour les industries
secondaires? Pour ces industries, cela va se refléter en des pertes
d'emplois, donc, des pertes de revenus pour le ministre des Finances. Si vous
avez fait de telles études, je vous demanderais, s'il vous plaît,
de les déposer et de nous en faire prendre connaissance.
Je dis que tant que le gouvernement n'a pas pris ces mesures, qu'il n'a
pas répondu à ces questions ou bien qu'il ne nous a pas
démontré que tout cela est impossible: II a tout fait, il a mis
des équipes sur place, il a harcelé le gouvernement
fédéral sur le gaz naturel, sur les ententes avec le
Brésil. Pourquoi British Steel et US Steel ne sont-elles pas ici
aujourd'hui? J'ai demandé de les convoquer. Je pose la question. On veut
arriver à des solutions et à des informations sur SIDBEC-Normines
et 50% des partenaires de SIDBEC-Normines ne sont pas à la table. Je
voudrais que le gouvernement nous explique pourquoi British Steel et US Steel
ou Québec Cartier Mining, la filiale, n'ont pas été
convoquées. On aurait aimé les questionner. J'aimerais cela me
faire dire par Brisith Steel et US Steel: "II n'est pas question de
renégocier les contrats; on veut saigner le Québec." Je leur
poserais cette question. Je voudrais qu'elles soient ici pour le dire. Est-ce
cela leur position? Quelle autre suggestion ou recommandation ont-elles a
faire? Parce qu'elles ne sont pas intéressées non plus? Mon
expérience avec l'industrie privée est qu'on a bien beau
être social-démocrate et on a bien beau vouloir redistribuer les
richesses - le secteur privé ce sont des pas bons, et le gouvernement,
ce sont des bons - quand il y a des mesures contraignantes, par exemple des
fiduciaires, des mesures de pénalité pour garantir
SIDBEC-Normines, ces gens ne sont pas intéressés à causer
plus de problèmes et à nous faire payer pour rien. Ce sont des
gens raisonnables. Être pour l'industrie privée, cela ne veut pas
dire qu'on n'est pas humain. Ce sont des gens humains et si British Steel et US
Steel avaient été ici, on aurait pu explorer la question de ces
contrats. On aurait pu explorer aussi le passé, les deux
dernières années, ce qui s'est produit, à quel point,
jusqu'où est-on allé pour essayer de renégocier. Au lieu
de renégocier la fermeture, pourquoi ne pas négocier l'ouverture?
C'est cette question que je voudrais poser à British Steel et US Steel.
Je dis que tant et aussi longtemps que le gouvernement ne nous
démontrera pas... il n'est pas prêt.
J'étais d'accord, M. le ministre, quand vous avez convoqué
la commission parlementaire. J'ai dit que j'étais d'accord pour avoir
cette commission. Mais plus j'étudie le dossier, plus je le regarde et
plus je vois que la commission parlementaire est prématurée,
parce qu'on n'a pas toutes les données, à moins que vous alliez
répondre positivement sur tout. Même si c'est tard, oui, c'est
tard pour le ministre des Finances, 150 000 000 $, c'est tard pour prendre une
décision sur SIDBEC, mais en même temps c'est
prématuré, parce qu'on n'a pas toutes les données, on n'a
pas tous les résultats des études et des décisions. On n'a
pas pris les décisions nécessaires. Si on avait pris des
décisions en 1980 et qu'aujourd'hui on nous dise: Écoutez, telle
chose, on n'a pas été capable de la faire, cela ne peut pas se
faire. Ceci, on ne l'a pas fait, on s'est fait revirer de bord par nos
partenaires. Le gouvernement fédéral dit qu'il n'est pas question
de faire ceci. Peut-être que cela ne serait pas prématuré
et qu'on pourrait être en mesure de dire: Certaines décisions
doivent être prises. Mais aussi longtemps que le gouvernement ne nous
aura pas démontré cela, je vous dis que c'est
prématuré, avec les données qu'on a, de prendre une
décision sur SIDBEC et SIDBEC-Normines. Même si le gouvernement
n'a pas pris de mesure corrective durant les deux dernières
années, il ne faudrait pas qu'il agisse maintenant par panique. C'est
vrai qu'il perd de l'argent. Mais quand on agit par panique, ce ne sont jamais
les bonnes décisions qu'on prend. C'est cela qu'il faut
éviter.
En conclusion, au cours de cette commission parlementaire, notre
approche sera positive. C'est avec beaucoup d'attention que nous
écouterons les intervenants et persuadés que des mesures peuvent
encore être prises rapidement pour éviter une catastrophe que le
gouvernement, jusqu'à maintenant, semble disposé à
accepter tête baissée, nous demeurons prêts à
contribuer positivement aux solutions qui s'imposent.
Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le ministre des
Finances.
M. Jacques Parizeau
M. Parizeau: M. le Président, je laisserai mon
collègue de l'Industrie et du Commerce répondre aux questions qui
ont été posées par notre ami d'en face, sauf à une
question qui m'était spécifiquement
adressée. Je voudrais limiter mon intervention, à ce
point-ci de nos débats, simplement à une sorte de
définition des enjeux financiers devant lesquels nous sommes
placés, simplement de façon que nous soyons tous placés
sur la même longueur d'onde quant aux montants que nous ne pouvons
éviter de regarder. Après cela, on verra où on va.
Le déficit accumulé de SIDBEC, depuis 1968, va atteindre,
à la fin de 1982, près de 450 000 000 $, dont environ 210 000 000
$ sont imputables aux opérations manufacturières et 240 000 000 $
aux exploitations minières. Les déficits imputables aux
activités manufacturières ont été, à
l'exception de deux années, comme le disait mon collègue tout
à l'heure, presque continus au cours de ces années, quoique de
faible ampleur comparés aux déficits miniers, à
l'exception de l'année 1982 qui, à cause de l'importance de la
récession, va enregistrer un déficit d'environ 60 000 000 $,
représentant près de 40% du déficit accumulé au
cours de toutes les années antérieures. Cependant, on
reconnaît que certaines opérations de redressement qui ont
été envisagées permettraient de conclure à la
possibilité d'un retour à une certaine rentabilité dans un
avenir plus ou moins rapproché. Ces perspectives justifieraient sans
doute que le gouvernement, en tant qu'actionnaire de SIDBEC, continue à
capitaliser les pertes générées par les activités
manufacturières et continue même à financer en partie les
investissements ultérieurs, tels que - je pense à des choses qui
ont été proposées - la modernisation du laminoir à
fil machine.
Pour ce qui a trait aux activités minières, les
déficits qu'elles ont produits sont d'un tout autre ordre et vont exiger
sur le plan financier des efforts d'une autre nature. En effet, les
exploitations minières de SIDBEC sont, comme on le sait, toutes
récentes et auront engendré au 31 décembre 1982, donc, en
quelque quatre ans, des déficits de 240 000 000 $, comme je l'ai dit
tout à l'heure, supérieurs à tous les déficits
accumulés aux manufacturiers en quatorze ans.
Par ailleurs, contrairement au secteur manufacturier, ces pertes sont
presque toutes des pertes liquides, grevant d'autant le fonds de roulement de
SIDBEC. Enfin, les perspectives à moyen terme sont telles qu'on ne peut
envisager qu'un niveau soutenu et élevé de pertes à un
point tel qu'il deviendra impensable à un moment donné de
continuer à les capitaliser. On devra donc, dans ce cas, subventionner,
si l'on peut dire, carrément. Premièrement, les pertes
accumulées au 31 décembre 1982 et deuxièmement les pertes
futures, soit en subventionnant annuellement la totalité des
déficits liquides associés aux activités minières,
soit en subventionnant, encore une fois si on peut dire, la perte
associée à la fermeture complète et définitive de
SIDBEC-Normines dans un avenir rapproché. C'est l'un ou l'autre.
Je voudrais ici revenir sur l'impact financier du scénario de
fermeture, tel qu'il a été évoqué dans le rapport
sous-ministériel. Cet impact financier est considérable, il est
énorme. D'abord, 200 000 000 $ de pertes liquides, accumulées
jusqu'au 31 décembre 1982 plus toutes les pertes encourues, mettons en
1983, si c'était en 1983 qu'on le faisait pour la fermeture,
c'est-à-dire, comme on l'a cité déjà, 325 000 000
$. Donc, c'est 525 000 000 $, l'impact financier de la fermeture de
SIDBEC-Normines. Le problème soulevé par le rapport
sous-ministériel, c'est que des scénarios de poursuite des
activités minières dans le cadre actuel - j'insiste
là-dessus, le cadre actuel - sont plus coûteux que la fermeture
comme impact financier. Et alors, divers scénarios comme on le verra
dans le rapport sous-ministériel, divers scénarios de niveau
d'activité ont été examinés quant à leur
coût, et on arrive invariablement à la conclusion que quel que
soit le niveau d'activité, c'est toujours plus cher que de fermer. Et
déjà, on voit que la fermeture présente un impact
financier énorme. Mais j'insiste à nouveau sur le fait que cette
analyse a été faite dans l'hypothèse où on ne
change rien, on continue les exploitations telles qu'elles sont à
l'heure actuelle.
Les recommandations du conseil d'administration ouvrent aussi la porte
à cette question de la fermeture de SIDBEC-Normines. Le problème
devant lequel nous sommes placés devant cette commission parlementaire
consiste à se dire essentiellement ceci: avant de fermer
SIDBEC-Normines, est-ce qu'il y a des façons autres de procéder
qui seraient relativement moins coûteuses et qui amélioreraient
les perspectives quant au déficit à venir de SIDBEC-Normines?
C'est là où essentiellement le gouvernement est placé. Il
n'en reste pas moins que tout changement devra être relativement radical.
Je rappellerai simplement, pour remettre les choses en perspective, le
déficit global, manufacturier et minier de 150 000 000 $ par
année. À l'échelle des États-Unis, c'est à
peu près comme si une sidérurgie - je prends à
l'échelle de la population - perdait entre 5 000 000 000 $ et 6 000 000
000 $ par an. Je suis persuadé que si une aciérie
américaine perdait entre 5 000 000 000 $ et 6 000 000 000 $ par an, on
commencerait à se poser des questions sur ce qu'on fait avec. Pour une
population comme la nôtre, 150 000 000 $ de déficit c'est
considérable. Il est évident qu'en tant que ministre des
Finances, je dois préparer un scénario d'imputation aux besoins
financiers nets et
aux déficits à venir, à l'égard du processus
de fermeture, si ce pendant est basé sur les chiffres que j'ai
donnés. Si, cependant, on trouve un moyen de limiter
considérablement les pertes, mais c'est un autre scénario
financier qui doit être préparé. Il ne faut pas que cela
soit encore une fois, simplement de légers changements, c'est dans ce
sens qu'on a utilisé des termes de chirurgie ou de modifications
majeures. C'est évident que ce n'est pas par quelques changements
marginaux qu'on pourrait éviter le scénario tel que je viens de
l'esquisser, tel qu'il était indiqué dans le rapport
sous-ministériel et comme le conseil d'administration de SIDBEC y
faisait allusion. Voilà pour les impacts financiers globaux.
Quant à une question que le député de Mont-Royal
m'adressait relativement à la marge de manoeuvre dont on dispose pour
SIDBEC pour l'année 1982-1983, nous avons prévu dans les
équilibres financiers depuis déjà le dernier budget, 90
000 000 $. Compte tenu de la situation actuelle de SIDBEC et de
SIDBEC-Normines, c'est comme on le voit insuffisant. À venir
jusqu'à récemment, on pouvait toujours dire: le gouvernement
mettra une somme comme celle-là pour éponger le déficit et
une autre partie sera empruntée en banque, sauf qu'après quelques
années de ce genre de procédure les marges de crédit
bancaires sont totalement utilisées. Il faut, ou bien donner des
garanties gouvernementales pour des marges bancaires additionnelles ou bien
trouver dans le fonds consolidé davantage d'argent. Cela laisse le
problème entièrement ouvert pour l'an prochain. Oui, il y a une
marge de manoeuvre cette année, non, elle n'est pas suffisante. Pour ce
qui a trait à l'an prochain et aux années subséquentes, il
est évident que là, l'impact va être direct sur le fonds
consolidé du revenu de maintenir en activité dans le cadre actuel
des exploitations de SIDBEC et pour des montants considérables.
Le Président (M. Rochefort): Merci, M. le ministre. M. le
député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: Est-ce que le ministre me permettrait une ou deux
questions? Quand vous dites que la marge de manoeuvre pour l'année
actuelle, vous prévoyez 90 000 000 $ et que pour les prochaines
années il va falloir aller directement dans le fonds consolidé,
est-ce que cela signifie que le gouvernement a pris la décision que pour
1982-1983, SIDBEC et le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme
doivent démontrer au ministre des Finances que les activités de
SIDBEC doivent être changées pour qu'il n'y ait pas plus que 90
000 000 $ de perte.
M. Parizeau: M. le Président, non.
L'année 1982-1983 se termine. Nous sommes à quatre mois de
la fin de cette année fiscale. Ce que j'indiquais simplement...
M. Ciaccia: Pour l'année prochaine.
M. Parizeau: Ah! Pour l'année prochaine c'est ouvert. Je
veux dire que cela va être une des conclusions qu'on aura à tirer
de la commission parlementaire de savoir quel scénario on adopte et de
voir quel impact cela a sur le fonds consolidé. Je ne mets pas un
chiffre maximum dans les marges de manoeuvre pour les années à
venir, pas pour le moment en tout cas. Il y a une chose qui est claire
cependant, c'est qu'on ne pourrait pas imaginer qu'on éponge les
déficits, disons, à concurrence cette année de 150 000 000
$, l'année prochaine de 200 000 000 $, l'année suivante de 250
000 000 $. Si c'est cela le scénario, je dis tout de suite que c'est
beaucoup trop cher, c'est évident.
M. Ciaccia: Une deuxième question que je voudrais vous
poser. Vous dites que tous les scénarios en vue des décisions, et
des recommandations sont basés sur le fait que c'est la situation
actuelle ou les contrats actuels. Est-ce que quelqu'un de votre
ministère ou de SIDBEC ou le ministre de l'Industrie, du Commerce et du
Tourisme a préparé d'autres scénarios? Autrement dit, vous
vous basez sur les conditions actuelles, les contrats actuels pour produire et
on est lié par cela. Supposons, M. le ministre, que ces contrats soient
changés, que vous ne produisiez pas 6 000 000 de tonnes mais seulement
pour les besoins de SIDBEC. Quelles seraient les pertes, quels seraient les
montants qui seraient requis et, à ce moment-là, est-ce que
d'autres décisions pourraient être prises? Autrement dit, je peux
comprendre votre position. Le ministre des Finances dit: vous me
présentez une perte de 150 000 000 $ par année. Ce
scénario-là, comme ministre des Finances, je ne peux pas accepter
cela, parce que cela va continuer et on n'a pas l'argent pour le faire. Est-ce
que quelqu'un vous a présenté ou avez-vous exigé
même: donnez moi donc un autre scénario, qui tiendrait compte que
certaines choses vont être changées, spécifiquement les
contrats avec SIDBEC-Normines?
M. Parizeau: M. le Président, ceci rejoint certaines des
questions que le député de Mont-Royal posait à mon
collègue. On comprendra bien que lui et moi avons longuement
examiné toute une série de choses, de chiffres, de modifications,
mais il me semblerait incorrect que ce soit moi qui discute de cela. C'est
normalement le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme qui,
étant chargé du dossier, aura à
répondre à ces questions, étant entendu cependant
que lui et moi sommes tout à fait conscients qu'il y a un certain nombre
d'autres scénarios possibles qui ont été discutés
en dehors du gouvernement. Une des raisons fondamentales de la commission
parlementaire, c'est justement de les écouter et d'aborder cela. Encore
une fois, je pense qu'il serait incorrect que je discute de certaines
transformations ou modifications et que le ministre de l'Industrie, du Commerce
et du Tourisme discute de d'autres. Il vaut mieux que ce soit lui qui, au cours
de cette commission parlementaire, à la fois réponde à ces
questions et les aborde.
Il y a une seule, chose qui relève plus spécifiquement de
moi et que je voudrais signaler parce que cela me semble avoir une assez grande
importance, et qui là est, rigoureusement financière.
J'entendais, tout à l'heure, le député de Mont-Royal dire:
est-ce qu'il y a moyen de renégocier avec les prêteurs? Il y
aurait peut-être une certaine confusion entre les prêteurs d'une
part et British Steel et US Steel d'autre part. Ce n'est pas du tout la
même chose.
M. Ciaccia: Ah non, non ce n'est pas du tout... Je suis conscient
de cela.
M. Parizeau: Les prêteurs, en vertu d'un acte de fiducie
extrêment serré, peuvent exiger le remboursement intégral
dans la mesure où on modifie le fonctionnement ou les conditions
d'exploitation de SIDBEC-Normines. Vous comprendrez que lorsque les taux
d'intérêts, il y a quelques mois, étaient très
élevés, un certain nombre de ces prêteurs auraient
été ravis de n'importe quel changement qui leur aurait permis de
justifier de récupérer des fonds qu'ils avaient
prêtés à un taux très inférieur aux taux
d'intérêt qui prévalaient à ce moment-là sur
le marché. Il a donc fallu, pendant cette phase de très hauts
taux d'intérêts, faire relativement attention pour qu'ils
n'invoquent pas l'acte de fiducie pour retirer leurs billes. Je reconnais
qu'à l'heure actuelle les taux d'intérêts ayant
passablement baissé et continuant à baisser, la question se
présente peut-être d'une façon - comment dire - un petit
peu plus optimiste de ce côté-là.
M. Ciaccia: M. le Président, est-ce que je pourrais
suggérer au ministre premièrement je dois le féliciter
encore sur son habileté parlementaire de ne pas avoir répondu
à ma première question sur les autres scénarios. Le
comité interministériel dont, je pense, son ministère fait
partie, nous allons le poursuivre cet aspect-là...
M. Parizeau: Je l'espère bien. (11 h 30)
M. Ciaccia: Mais je suis conscient qu'il y a une
différence entre les partenaires et les fiduciaires. Certaines
obligations quant aux pénalités pour le concentrateur, c'est
à la Québec Cartier Mining, l'achat et la vente des boulettes -
l'acte de fiducie, ce sont les obligations quant à SIDBEC-Normines,
c'est dans l'opération des obligations financières. Le ministre
des Finances a raison de dire que, si l'acte est serré et bien fait, il
protège les créanciers - tout acte de fiducie protège
toujours les créanciers -. Si le Québec ou SIDBEC veut faire les
changements, il peut être en défaut et le prêt peut
être rappelé. Cela changerait tout.
Je n'ai pas suggéré de changements unilatéraux et
je suis conscient que si, dans les changements, vous demandiez aux fiduciaires
une autre injection de fonds, quand les taux sont à 16%, même s'il
s'agit de 250 000 000 $, de 35 000 000 $ ou d'un montant minime, ils pourraient
exiger globalement l'intérêt sur tout le capital. C'est ça
qui se produit avec les sociétés prêteuses, les
sociétés hypothécaires. Je suis conscient de ça.
Mais est-ce que le ministre... Juste une autre prémisse avant de poser
ma question. L'intérêt principal et la raison pour laquelle ces
clauses sont mises dans les actes de fiducie, c'est pour protéger le
fiduciaire. Les détenteurs d'obligations vont dire: Écoutez,
SIDBEC-Normines, il faut que ce soit rentable et on veut la garantie qu'on va
être payés et la garantie d'être payés doit
comprendre au moins 86 000 000 de tonnes de boulettes. Si on produit moins,
c'est moins rentable et il y a des pénalités.
Est-ce que le ministre a exploré la possibilité de dire
aux fiduciaires, non pas de procéder unilatéralement et de dire:
Je veux changer, mais dire: Votre intérêt, c'est d'être
remboursés...
Une voix: M. le Président, est-ce que je peux interrompre
votre conversation?
Le Président (M. Rochefort): Mademoiselle, voudriez-vous
reprendre votre place immédiatement, s'il vous plaît?
Une voix: C'est en vue de trouver une solution...
Le Président (M. Rochefort): Mais immédiatement,
s'il vous plaît!
Une voix: ...
Le Président (M. Rochefort): Je demanderais aux agents de
sécurité... Mademoiselle, il faudrait que vous repreniez votre
place.
Une voix: ...
Le Président (M. Rochefort): La commission suspend ses
travaux quelques
instants.
(Suspension de la séance à Il h 32)
(Reprise de la séance à Il h 34)
Le Président (M. Rochefort): La commission reprend ses
travaux. M. le député de Mont-Royal, je vous demanderais de
conclure sur cela. Il faut revenir au mandat de la commission. Il y a des gens
qui ont été convoqués pour comparaître devant nous.
J'accepterai une dernière question, le dialogue avec le ministre des
Finances, et ensuite on reprend les intervenants qui ont demandé
à prendre la parole.
M. Ciaccia: Est-ce qu'il a été question de votre
part de demander aux fiduciaires de modifier cette clause de
pénalité pour que SIDBEC ne soit pas pénalisée si
elle produit moins? Non pas demander plus de fonds, non pas poser des actes qui
pourraient changer le taux d'intérêt, juste dire: Modifiez cette
clause dans l'acte de fiducie et le Québec va garantir - je pense qu'il
le fait déjà, mais au cas où il ne le ferait pas - les
obligations SIDBEC; votre sécurité ne sera pas mise en jeu.
Changer cette clause, ça ne change pas les taux d'intérêt,
ça ne change rien dans l'acte de fiducie et cela aurait des
conséquences assez sérieuses et bénéfiques pour
SIDBEC. Je ne voudrais pas que le gouvernement utilise l'excuse des taux
d'intérêt pour dire qu'on ne pouvait rien faire.
M. Parizeau: M. le Président, je pense que la seule
façon sage d'agir à l'égard des prêteurs consiste,
une fois que la commission parlementaire aura tenu ses travaux, que le Conseil
des ministres se sera entendu sur une formule, une proposition, un
scénario et ensuite, d'aller voir les prêteurs et de leur dire:
Voici ce que nous avons l'intention de faire. Je pense qu'il ne serait pas sage
de soulever toutes espèces de choses hypothétiques avec eux avant
que l'on ne sache précisément où l'on va et ce qu'on fera.
Cela me paraît être la façon normale de procéder.
Le Président (M. Rochefort): M. le député
d'Outremont.
M. Ciaccia: Alors, si je comprends bien, on n'a pas
demandé de changements aux fiduciaires.
M. Parizeau: Pas avant qu'on sache où l'on va.
Le Président (M. Rochefort): M. le député
d'Outremont.
M. Pierre-C. Fortier
M. Fortier: M. le Président, je serai très bref,
pour deux motifs: le premier c'est que le député de Mont-Royal et
porte-parole de notre parti en ce qui a trait à la question de
l'industrie et du commerce a très bien exprimé le point de vue de
tous et chacun. Comme nous avons travaillé en équipe, je dois
dire, quant à moi, qu'il a représenté les aspirations et
les questions que nous avions. Donc, je m'en tiendrai à ce qu'il a dit.
Par ailleurs, nous sommes ici pour entendre les gens qui sont venus
présenter des mémoires. Tout ce que j'aimerais dire, c'est ceci:
II s'agit d'un problème très grave et je suis surpris que le
ministre des Finances nous dise cela aujourd'hui. Nous savions depuis plusieurs
années qu'il y avait un très grave problème. Pour
plusieurs d'entre nous, qui sommes allés dans les régions du
Québec, sur la Côte-Nord en particulier, et dans la région
de Verchères, nous savons qu'il y a un problème pour le
développement économique de la Côte-Nord. Mon
collègue faisait allusion au fait que lors de la décision, il y a
plusieurs années, lors de la révolution tranquille, de fonder
SIDBEC pour assurer le développement économique du Québec
et d'assurer le développement industriel et manufacturier du
Québec, il y avait un objectif qui allait encore beaucoup plus loin que
la fondation de SIDBEC comme telle, c'était d'assurer le
développement économique de la Côte-Nord et c'était
d'assurer le développement économique manufacturier du
Québec.
Je me rends compte et je suis désolé de constater que le
ministre responsable du dossier n'a fait allusion qu'au problème de
SIDBEC comme tel. Nous sommes très conscients du fait que la fermeture
de Normines affectera considérablement tout le problème du
développement économique de la Côte-Nord et j'oserais
espérer qu'à cette commission parlementaire, nous aurons
l'occasion de discuter de ce problème également. Je suis surpris
que les documents qui nous ont été fournis par le
ministère ne contiennent aucune étude dans ce sens. Je suis
désolé du fait que le ministre de l'Industrie, du Commerce et du
Tourisme et le ministre des Finances qui est également président
du Comité de développement économique, n'aient pas
traité du fait que les objectifs qui avaient prévalu lors de la
fondation de SIDBEC, c'est-à-dire d'assurer le développement
économique du Québec dans une très grande mesure, sont des
objectifs qui n'ont pas été atteints. De plus, le gouvernement ne
semble pas pressé, ne semble pas prêt à nous proposer des
moyens qui pourraient assurer, pour l'avenir et le développement
économique de la Côte-Nord et le développement industriel
du Québec comme tel.
Je limiterai ces remarques très brèves à ce constat
d'échec du gouvernement et je suis désolé que ce
gouvernement, à courte vue, semble s'intéresser
immédiatement au problème très grave de SIDBEC, sans voir
toute l'amplitude du problème qu'il a pour la Côte-Nord, pour la
région de Verchères en particulier et pour tous ceux qui sont
impliqués dans le développement industriel du Québec. Je
vous remercie.
Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le
député de Duplessis.
M. Denis Perron
M. Perron: Merci, M. le Président. Considérant que
nous avons tout de même des gens très importants ici auxquels je
voudrais d'ailleurs souhaiter la bienvenue, je serai très bref dans
l'exposé que je vais faire puisque, selon moi, ces personnes voudraient
surtout se faire entendre et nous soumettre en même temps possiblement
d'autres scénarios qui auront beaucoup d'importance dans l'avenir de
SIDBEC et spécialement de SIDBEC-Normines.
Cette commission parlementaire, convoquée sur l'invitation du
ministre responsable du ministère de l'Industrie, du Commerce et du
Tourisme, se veut avant tout, je pense, une consultation beaucoup plus
élargie concernant l'avenir de la société SIDBEC et
à tout le moins, la survie de la Côte-Nord et de ses villes
minières.
La décision que le Conseil des ministres aura à prendre
éventuellement, à la suite de cette commission parlementaire,
sera donc fort importante pour l'ensemble de la collectivité
québécoise, en particulier pour celle de la région de la
Côte-Nord et aussi quant à l'avenir de la sidérurgie
québécoise. Cette décision affectera sans doute beaucoup
de travailleurs et de travailleuses de la région montréalaise et
bien entendu, beaucoup de travailleurs et de travailleuses de la
Côte-Nord. C'est environ 7000 travailleurs qui seront touchés par
cette prise de décision, et plus d'une personne connaît
actuellement l'importance d'un emploi, ne serait-ce que temporaire, dans un
contexte économique fort difficile et dont les causes proviennent
largement des centres de décision outre-frontière.
Je laisserai sûrement aux spécialistes et aux experts, tant
patronaux que syndicaux, le soin d'expliquer en long et en large la situation
mondiale du marché de l'acier et le moment où la reprise
économique se fera pour la demande en boulettes de fer et en
concentré. Quant au représentant élu que je suis, je me
limiterai à décrire brièvement, pour le
bénéfice des membres de cette commission, la situation qui
prévaut à cette date dans le comté de Duplessis.
Depuis septembre 1979, soit depuis la fermeture de Rayonier
Québec à Port-Cartier, le comté de Duplessis a subi plus
de 10 000 mises à pied permanentes. La population de la ville de
Sept-Îles est passée de 36 000 à environ 27 000 habitants,
et ce depuis la fin de 1979. La population de la ville de Port-Cartier a subi
une baisse remarquable de 12 500 habitants à 7800 habitants en l'espace
de ces trois années. Dans l'axe Port-Cartier-Sept-Îles, on
dénombre actuellement plus de 500 faillites commerciales et
industrielles. Pour le comté de Duplessis, on dénombre aussi
près de 1800 faillites personnelles au cours des deux dernières
années. Près de 25% de la population du comté de Duplessis
bénéficie actuellement de prestations d'assurance-chômage
et tout près de 15% reçoit des prestations d'aide sociale. La
fermeture de la compagnie SIDBEC-Normines aurait des effets
d'entraînement très négatifs auprès des trois autres
sociétés minières de la région et
entraînerait inévitablement l'évacuation d'une partie de la
population de Gagnon qui est actuellement évaluée à 3400
habitants et où le gouvernement, durant les dix dernières
années, a investi plus de 30 000 000 $ pour doter la ville de Gagnon
d'infrastructures adéquates. Il est à remarquer qu'il en est de
même pour la ville de Port-Cartier.
M. le Président, la fermeture de SIDBEC-Normines créerait
sûrement un climat d'insatisfaction très élevé
auprès des travailleurs et des travailleuses de la ville de Fermont,
parce que, selon la convention collective actuelle, ces mêmes
travailleurs et travailleuses de Gagnon seraient en droit, en regard d'une
clause d'ancienneté, de muter, d'autres personnes demeurant à
Fermont. Donc, encore des impacts négatifs pour la ville de Fermont.
Je termine en vous mentionnant que, tout dernièrement - je crois
que la population du Québec en a été informée et
même le monde international - la compagnie minière IOC a
décidé de fermer toutes ses exploitations minières
à Schefferville. Je voudrais en passant souligner la présence ici
du maire de Schefferville, M. Charles Bégin.
Vous savez, les populations minières de la région ne
peuvent actuellement supporter davantage ayant subi à plusieurs reprises
des soubresauts économiques dépassant les limites du
tolérable. C'est pourquoi je crois fermement que le gouvernement du
Québec doit démontrer à la population de la
Côte-Nord et spécialement des villes minières une
volonté politique de maintenir ouvertes les exploitations
minières et de réorganiser le secteur manufacturier de
SIDBEC.
Je crois aussi que le gouvernement, et je le maintiens, doit
procéder à des améliorations substantielles du secteur
manufacturier, afin qu'il soit en mesure d'absorber l'excédent de la
production du
secteur minier, et ce en incitant le gouvernement fédéral
à y investir conjointement avec le gouvernement du Québec. Je
maintiens aussi que le gouvernement du Québec doit engager des
pourparlers dans les plus brefs délais avec les deux autres actionnaires
de SIDBEC-Normines, afin de procéder à une révision de
divers contrats signés en 1975 et 1976. (11 h 45)
M. le Président, mon plus grand souhait, lors de cette commission
parlementaire qui, à mon sens, a beaucoup d'importance, autant pour les
membres de la commission que pour les populations visées: je maintiens
et je dis que les personnes qui se présenteront devant la commission
auront sûrement la possibilité d'aider le gouvernement du
Québec et les populations à se sortir de ce marasme dans lequel
nous sommes actuellement, en présentant un ou plusieurs
scénarios.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le
député de Verchères.
M. Jean-Pierre Charbonneau
M. Charbonneau: Merci, M. le Président. Je vais essayer
d'être bref parce que je pense que cela fait déjà un bon
bout de temps que les gens attendent pour être entendus. Je voudrais
peut-être, en commençant, remercier à la fois le ministre
de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme et aussi son collègue, le
ministre des Finances qui est président du Comité de
développement économique pour avoir accepté la proposition
que mon collègue de Duplessis et moi avions faite, il y a quelques
semaines, lors de la réunion du comité de développement
économique auquel nous participions, avec l'autorisation du premier
ministre, de tenir cette commission parlementaire avant que les
décisions se prennent plutôt qu'après. Car, si on se
rappelle bien le contexte de l'annonce qui avait été faite au
cours de l'été et même en commission parlementaire au mois
de juin par le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, cette
commission devait venir éventuellement une fois que le gouvernement
aurait fait son lit pour analyser les décisions qui avaient
été prises par le gouvernement. Nous considérions, le
député de Duplessis et moi, que c'était fondamental que
cette commission parlementaire ait lieu plutôt avant la prise de
décision qu'après. Donc, on ne peut, aujourd'hui, que se
réjouir de la tenue de cette commission parlementaire et d'avoir entendu
le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme confirmer que la
décision gouvernementale n'était pas prise, même s'il y a
sur la table des recommandations assez précises de la part de la
direction de l'entreprise et de la part d'un comité de
sous-ministres.
M. le Président, personne n'ignore, et encore moins maintenant
que le ministre des Finances a parlé, l'ampleur du problème
financier que pose SIDBEC au gouvernement du Québec. Bien sûr, il
serait irresponsable de la part d'un représentant de la population
à l'Assemblée nationale de demander au gouvernement d'engager
toute sa marge de manoeuvre financière pour régler les
problèmes de SIDBEC, alors que sévit au Québec un taux de
chômage qu'on connaît et qui s'aggrave de jour en jour à
cause de la situation économique actuelle. Cependant, il faut aussi
être conscient que les propositions, qui sont actuellement sur la table
du gouvernement de la part de la direction et de la part du comité de
sous-ministres qui a étudié, vont avoir des conséquences
dramatiques si ces propositions sont retenues. Mon collègue de Duplessis
en a parlé pour la Côte-Nord, mais je voudrais souligner que les
conséquences dramatiques ne seraient pas uniquement situées sur
la Côte-Nord, bien qu'elles seraient probablement, et j'en conviens, plus
dramatiques dans son coin déjà affecté encore plus
durement que le nôtre par la situation.
Il y a des centaines de familles qui tirent leur revenu directement ou
indirectement de la présence de SIDBEC dans les régions de
Contrecoeur, de Sorel-Tracy, de Longueuil et de Montréal. Retenir les
scénarios qui sont actuellement envisagés et proposés par
la direction et par le comité des sous-ministres, c'est, à toutes
fins utiles, pour des centaines de familles, perdre leur principal revenu et,
pour un bon bout de temps, ne pas voir le bout du tunnel. Vous comprendrez
qu'ayant été élu d'abord pour représenter ces gens,
mon premier mandat étant d'être pour ces gens leur
représentant à l'Assemblée nationale du Québec, je
conçois le rôle que j'ai ici à cette commission
parlementaire d'abord comme étant leur avocat, leur représentant.
Tout en étant conscient des problèmes financiers que le
gouvernement a, ayant moi aussi des chômeurs dans mon comté qui ne
sont pas des travailleurs de SIDBEC, je vais devoir aussi tenir compte de cela.
Néanmoins, il y a un certain nombre de solutions qui, à mon avis,
existent, qui ont été identifiées, que des groupes
viendront nous souligner à la commission parlementaire au cours des deux
prochains jours. Je pense que de la part du gouvernement et de l'ensemble des
membres de cette commission, il va être important que l'on évalue
adéquatement ces solutions qui vont nous être
élaborées et les scénarios qui vont nous être
présentés.
Il ne s'agit pas de faire la guerre à personne au cours de cette
commission parlementaire; néanmoins, j'espère que le ton
et le choix qu'a commencé à tracer le député
de Mont-Royal va changer de direction. Je peux comprendre qu'il est nouveau
dans le dossier. Je peux déplorer que le seul député de
l'Opposition qui connaissait le dossier de SIDBEC, on ait choisi de ne pas le
faire participer à cette commission parlementaire. Le
député de Notre-Dame-de-Grâce nous a quittés
après cinq minutes et c'était le seul député de
l'Opposition qui connaissait le dossier de SIDBEC; c'était d'ailleurs le
député qui accompagnait le gouvernement dans l'étude de ce
dossier depuis des années. Il avait été conseiller
économique du ministre de l'Industrie et du Commerce à
l'époque où un certain nombre de décisions importantes
concernant SIDBEC ont été prises. Malheureusement, il semble
qu'on ait décidé, de l'autre côté de la table, de
faire une bataille et un "show" politique. J'espère qu'on va changer de
trajectoire, parce que les conséquences et l'envergure des
problèmes qu'on va avoir à traiter au cours de cette commission
dépassent la petite partisanerie qu'on pourrait faire les uns sur le dos
des autres. Je pense que la situation est suffisamment grave et je n'ai pas
l'impression que les travailleurs, les employés, les gens qui vivent de
SIDBEC, qui sont ici aujourd'hui et qui le seront également demain, ont
le goût de passer deux jours à voir les députés du
Parti québécois et du Parti libéral se tirer mutuellement
le tapis sous les pieds pour essayer de tirer leur épingle du jeu, quand
c'est finalement eux qui vont payer la note en fin de compte. On est ici pour
essayer de trouver des solutions qui, à la fois, vont faire en sorte que
les actionnaires de SIDBEC - les actionnaires, ce n'est pas d'abord le
gouvernement, ce sont les citoyens et les citoyennes du Québec -
prendront conscience de l'envergure du problème et de l'envergure des
conséquences des choix qui sont actuellement proposés au
gouvernement, et peut-être aussi de l'importance que représente
pour eux, pour ces actionnaires, pour les citoyens et les citoyennes du
Québec, le fait que le Québec puisse être dans le club de
l'acier, d'y être comme on aurait voulu y être au cours des
récentes années. On n'a pas réussi à y être
à cause d'un certain nombre de problèmes, mais on veut continuer
à y être parce qu'il est encore possible d'y demeurer avec
vigueur, avec intensité et aux profits de l'ensemble des actionnaires du
Québec. C'est dans ce sens que j'espère que les travaux de cette
commission vont permettre à tous et chacun d'éclairer l'ensemble
des actionnaires de SIDBEC pour que les choix qu'on va faire fassent en sorte
qu'on n'aggrave pas la crise économique, qu'on n'aggrave pas les
conséquences économiques que vivent déjà nos
populations respectives à cause de la situation actuelle.
Il faudrait aussi se rappeler - je prends seulement un exemple parmi les
chiffres qui ont été donnés tantôt par un des deux
ministres et qui m'ont frappé - que, entre autres, au niveau du secteur
manufacturier, si SIDBEC n'a jamais eu une superbe performance,
néanmoins, l'an dernier, on a eu des profits, mais on n'était pas
en récession économique. Cette année, on est en
récession économique, mais je n'ai pas l'impression que la
récession économique va durer éternellement. Il faudrait
faire attention de prendre des décisions qui vont être simplement
guidées par le fait qu'on est, actuellement dans une période
creuse, décisions qui donneraient l'impression qu'on va être
continuellement en période creuse. Il y aura aussi des périodes
de remontée économique. Il va falloir que le Québec ait
alors des atouts économiques importants et j'ai l'impression que
l'industrie de l'acier est encore, pour bien des années, une industrie
de pointe, une industrie majeure dans le développement économique
d'une société comme la nôtre.
En terminant, j'aurais aimé poser une question au ministre des
Finances. S'il refait surface éventuellement à la commission, je
lui poserai volontiers cette question. En attendant, je vais laisser la parole
à d'autres. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le
député de Brome-Missisquoi.
M. Pierre-J. Paradis
M. Paradis: Je serai très bref. Je n'avais pas l'intention
d'intervenir à l'ouverture de la commission; ce sont sans doute les
paroles du député de Verchères qui motivent cette
intervention. Le député de Verchères semble vouloir agir
dans ce dossier comme avant tout un député représentant
une population, et je pense que c'est le cas d'un autre député
qui siège à côté de lui. Je voudrais simplement que
cette attitude qu'ils ont manifestée aille aussi loin dans le
présent dossier que de mettre le blâme là où il doit
être mis. Il faut le faire, parce qu'à un moment donné il
va y avoir une facture.
Il y a une partie des responsabilités dans ce dossier qui incombe
à certains intervenants qui ne sont pas très loin au bout de la
table. Si on s'aperçoit que des gens, par pure négligence ou
parce qu'ils avaient une autre préoccupation politique en tête,
n'ont pas dit toute la vérité à ces populations avant les
élections, qu'on ne prenne pas les conséquences
économiques pour les transférer à la population parce
qu'on ne lui aura pas dit la vérité à ce moment-là.
Qu'on tienne compte de ce facteur en acceptant de prendre sur le dos du
gouvernement une plus grande
responsabilité des conséquences économiques.
Lorsqu'on est un député et qu'on tient le langage que vous avez
tenu, M. le député de Verchères, cela va aussi loin que
cela. Avant les élections, vous le saviez et si on ne l'a pas dit avant
les élections, ce n'est pas la faute de la population. Si on n'a pas
effectué des redressements en temps opportun, ce n'est pas la faute des
travailleurs. Mais cela, il va falloir aller aussi loin que cela et cela peut
nous amener, ce travail de base de député à aller aussi
loin qu'étirer la marge dont le ministre nous a parlé, parce
qu'on a une part de responsabilité comme gouvernement, bien qu'on le
fasse en conclusion.
M. Charbonneau: Seulement, une petite remarque. Je pense que
l'occasion va être donnée au député de
Brome-Missisquoi et aux autres députés de cette commission de se
rendre compte quel était l'état du dossier lorsque le
gouvernement a été saisi d'un certain nombre de documents.
Peut-être que le député de Brome-Missisquoi se rendra
compte, à ce moment-là, qu'un gouvernement responsable ne pouvait
pas prendre les décisions qu'il peut facilement dire aujourd'hui qu'on
aurait dû prendre il y deux ans et demi. Mais on le verra, il y a des
intervenants qui sont présents à cette commission. Vous leur
poserez des questions, on va leur en poser nous aussi et tout le monde tirera
ses conclusions par la suite.
Le Président (M. Rochefort): Merci. Alors, en guise de
conclusion aux différentes interventions des travaux de notre
commission. M. le ministre.
M. Rodrigue Biron
M. Biron: Très brièvement, M. le Président.
Je pense que le dossier est trop important, à la fois pour le
gouvernement et pour les gens concernés, autant les dirigeants et les
travailleurs de SIDBEC-Normines et les populations qu'ils représentent
ici. On ne fera pas de partisanerie politique. On n'essaiera pas de savoir de
qui ou de quoi cela dépend. On va essayer plutôt de savoir
qu'est-ce qu'on peut faire dans l'avenir? On va essayer de relever le menton un
peu et de voir ensemble s'il n'y a pas des scénarios qu'on n'a pas
encore étudiés qui peuvent nous être suggérés
pour faire en sorte de répondre davantage aux besoins de tout le
monde.
Quant aux questions qui ont été posées par mon
collègue, le député de Mont-Royal, la plupart auront leur
réponse par le président du conseil d'administration de SIDBEC.
Or, si après la comparution du président de SIDBEC, il y a encore
des questions sur lesquelles on n'a pas eu de réponses, j'apporterai les
réponses nécessaires au député de Mont-Royal.
Le Président (M. Rochefort): Merci. Sans plus tarder,
j'inviterais M. Jacques E. Astier, à prendre place à la table des
témoins et à nous présenter son mémoire. Bienvenue
en commission.
Auditions M. Jacques-E. Astier
M. Astier (Jacques-E.): M. le Président, MM. les membres
de la commission, c'est avec un grand plaisir que je me retrouve à
Québec, comme d'ailleurs tous les Français, quand on y vient,
mais spécialement pour moi, puisque je me suis trouvé dans des
études qui ont été à l'origine de cette
sidérurgie il y a une vingtaine d'années. C'est évidemment
avec une certaine tristesse que je reviens ici et à voir les
difficultés de cette entreprise, aussi bien de SIDBEC que
SIDBEC-Normines. Je voudrais vous dire tout de suite ce qui sera le ton de ce
mémoire. C'est que ces difficultés arrivent actuellement dans
toutes les sidérurgies mondiales. Le point important est d'essayer de
voir quelles en sont les causes et ensuite d'en tirer les conséquences
pour chacun des cas particuliers qui se présentent, et en particulier
celui de SIDBEC.
Évidemment, il ne m'appartient pas de donner des recommandations
exactes pour le cas de SIDBEC qui est un problème
québécois mais, je pense, comme cela m'a été
demandé, qu'il sera utile pour vous de voir dans quel contexte mondial
se trouvent ces difficultés. Pour ce faire, je pense que le mieux est de
diviser cet exposé en deux parties, la première concernera la
sidérurgie et la seconde, les mines de fer. Car je crois que l'analyse,
comme vous pourrez le voir, conduit à des impressions assez
différentes dans les deux secteurs. (12 heures)
Pour ce qui concerne la sidérurgie mondiale, vous savez tous,
mais il est quand même bon de le rappeler, qu'après une grande
période d'expansion qui en fait a duré à peu près
jusqu'en 1974, il y a huit ans, on assiste à un plafonnement de la
consommation mondiale d'acier et que ce plafonnement aux environs de 700 000
000 de tonnes par an est malheureusement en train de diminuer à nouveau,
en ce moment, pour des motifs conjoncturels assez mal définis
d'ailleurs, mais qui amènent un élargissement de la crise, en
particulier dans le secteur des pays en voie de développement qui
avaient été assez peu touchés jusqu'à maintenant.
La crise que nous vivons depuis huit ans était plus une crise des pays
du nord, c'est-à-dire de l'Amérique du Nord, de l'Europe et du
Japon. Maintenant, elle s'étend, avec des
conséquences plus graves d'ailleurs, vers les pays en voie de
développement.
Quelles sont les perspectives, parce que le constat du passé est
une chose, mais ce qui est intéressant c'est d'essayer de voir quel
pourra être l'avenir? Évidemment, personne ne sait très
bien comment tout ceci va évoluer, mais toute une série
d'études, qui sont faites en particulier à l'International Iron
Steel Institute, qui regroupe les sidérurgistes mondiaux, tendent
à dire que normalement une certaine consommation d'acier devrait
reprendre dans les pays en voie de développement qui ont des besoins
énormes à satisfaire et qui ne peuvent pas les satisfaire
actuellement pour des motifs essentiellement économiques et financiers,
mais que, par contre, la reprise de la consommation d'acier dans nos pays, dans
les pays du nord, va être certainement très lente. Par suite d'un
phénomène de saturation, nous avons des besoins qui sont moins
grands qu'ils ne l'étaient il y a 20 ou 30 ans et cette reprise va avoir
une certaine lenteur.
Cela étant dit - j'ai mis quelques graphiques que vous avez je
crois dans le mémoire qui vous a été distribué - on
pourrait espérer que la production mondiale d'acier, après un
creux en 1982 et peut-être en 1983, reprendra avec une croissance lente
dans les prochaines années et que ceci amènera donc une petite
reprise de l'industrie sidérurgique, reprise que je crains petite mais
qu'il faut espérer surtout continue. Évidemment, ce qui serait
assez dramatique ce serait d'avoir à nouveau ce que l'on a connu il y a
deux ou trois ans, une reprise suivie d'une nouvelle rechute et finalement une
stabilité, voire une décroissance mondiale.
Si donc on assiste à ce développement lent,
côté mondial, quelles conséquences peut-on en tirer pour
les sidérurgies en général et, bien sûr, pour celles
qui vous préoccupent en particulier?
Je crois que la première conséquence, c'est qu'il y a une
évolution vers la qualité des aciers parce que l'industrie de
transformation, celle qui utilise les produits qui sortent de toutes nos usines
sidérurgiques, a des besoins qui deviennent de plus en plus exigeants,
tous les jours. Je précise bien que ceci ne conduit pas à
remettre en cause la sidérurgie. Il ne s'agit pas, dans mon esprit, de
passer à des aciers alliés ou à des aciers
spéciaux, mais simplement de faire des aciers toujours de meilleure
qualité, ce qui exige évidemment de meilleurs soins dans les
usines et souvent des équipements nouveaux, mais souvent des
équipements relativement peu coûteux dans les secteurs finaux des
usines, c'est-à-dire dans le laminage et les parachèvements.
Dans la même optique que cette première conclusion, il y en
a une seconde, je crois, qui est importante: c'est qu'il y a une certaine
séparation qui se fait dans le monde dans le secteur des produits longs,
d'une part, et des produits plats, d'autre part. Je m'explique. Actuellement,
une part croissante de ce qu'on appelle les produits longs, c'est-à-dire
surtout les barres, les fers marchands et en gros tout ce qui sert à la
construction, est faite par la voie d'usines relativement petites, disons dans
la zone de quelques centaines de milliers de tonnes par an. À cet
égard je peux seulement dire que SIDBEC a l'air de se trouver quand
même bien placée dans ce secteur puisque, dans le monde, les
difficultés des usines à produits longs aux États-Unis et
en Europe sont surtout celles qui réalisent ces produits dans de
très grandes usines intégrées qui ont de grosses
difficultés.
Et là encore, sans vouloir juger SIDBEC - ce qui me serait assez
difficle - on a l'impression, vue de l'extérieur, que SIDBEC se trouve
dans une situation qui n'est peut-être pas très bonne aujourd'hui,
comme toutes les sidérurgies, mais qui structurellement est bonne pour
l'avenir. Elle est également bonne pour un autre motif que j'analyserai
dans un petit moment, dans la seconde partie de l'exposé sur le
marché des minerais de fer: c'est qu'on a une tendance croissante
à récupérer des ferrailles qui viennent dans notre monde -
et je pense surtout au monde du Nord, au monde des pays industrialisés -
du fait que nous avons consommé beaucoup d'acier dans le passé et
vous savez qu'en gros le cycle des ferrailles est de l'ordre d'une quinzaine
d'années, c'est-à-dire que, dans tous nos pays, que ce soit au
Japon, en Europe, aux États-Unis ou au Canada, ce que nous retrouvons
comme ferrailles de récupération, c'est une proportion assez
importante - de l'ordre de 50% à 60% - de ce que nous avons
consommé quinze ans avant. Comme c'était une époque
où on se développait encore beaucoup dans tous nos pays, les
ferrailles arrivent en quantité importante et ceci amène un
développement assez important des fours électriques et, en
particulier, des usines basées sur fours électriques et utilisant
soit des ferrailles, soit des minerais préréduits, dont on
reparlera tout à l'heure. Aux fours électriques, à
nouveau, SIDBEC se trouve dans une bonne situation, je crois, avec le chemin de
production qui a été conçu et réalisé.
Si nous passons au dernier point de cette première partie,
c'est-à-dire le secteur produits plats, la situation est plus
compliquée parce que actuellement, dans le monde, il en existe une
grosse capacité qui se trouve spécialement au Japon, aux
États-Unis et en Europe de l'Ouest, avec de très grandes usines -
ce qu'on appelle des mégausines - de plusieurs millions de tonnes par
an, équipées de trains continus à bandes très
modernes et d'installations de laminage à froid correspondantes.
C'est contre ces grandes usines qu'évidemment SIDBEC doit lutter. Cela
étant dit, il faut bien voir que le train de laminoir à chaud
dont dispose SIDBEC est un engin qui est convenable et qu'a priori il n'y a pas
de difficultés très graves de ce côté-là. Je
pense, par contre, que ce que nous disions tout à l'heure des
qualités d'acier va être encore beaucoup plus important pour les
produits plats que pour les produits longs et aux États-Unis - je me
trouvais d'ailleurs à Pittsburgh, hier et avant-hier, nous en discutions
encore - la crise va amener un certain nombre d'usines aux États-Unis
comme en Europe à fermer, parce que ce sont des usines trop anciennes et
que leur modernisation sera très coûteuse, probablement trop
coûteuse, et non rentable.
Il y aura donc une diminution de capacité, diminution que nous
recherchons, comme vous le savez, actuellement dans la communauté
européenne pour améliorer la rentabilité des usines qui
resteront en activité dans quelques années. Ceci a un aspect
défavorable mais aussi un aspect favorable. L'aspect défavorable,
c'est, bien sûr, pour les fermetures d'usines et les endroits où
elles auront lieu. Mais, à nouveau, c'est l'aspect favorable pour ceux
qui seront capables de choisir les créneaux qui vont apparaître
dans l'avenir et qui apparaissent déjà, et pour lesquels des
capacités vont manquer. Il est certain que tous ces créneaux
demandent à être analysés. Je crois d'ailleurs que SIDBEC a
fait des études déjà dans ce domaine-là. Mais il
est bien certain que certains choix d'équipement et d'équipement
nouveau - je précise qu'il ne s'agit pas de reconstruire des usines,
mais de regarder des choses dans les domaines de laminage à froid et de
parachèvement -peuvent être très intéressants pour
développer des marchés, marchés qui apparaissent comme des
marchés nouveaux ou qui simplement vont se trouver en remplacement
d'usines qui vont être amenées à fermer. Je pense que
là, la situation est assez différente, à mon avis, entre
le Canada et les États-Unis. Le Canada, en général, n'est
pas trop mal équipé, relativement, alors qu'aux États-Unis
il y a un certain nombre d'installations anciennes qui vont fermer et des
marchés risquent de s'ouvrir. Il est possible que cela puisse donner des
occasions qui mériteraient d'être considérées par
SIDBEC.
En face de ce tableau, évidemment, assez général,
mais qui, je crois, est intéressant à avoir pour la
sidérurgie, il faut voir le tableau correspondant pour le monde du
minerai de fer. A priori, on va trouver le même tableau, mais vous allez
voir qu'il va ensuite se modifier considérablement. Il est certain que
le tassement de la production mondiale d'acier a amené une crise pour le
minerai de fer, puisque tous les minerais de fer sont utilisés - comme
le dirait M. de La Palice - pour faire de l'acier. Mais ce tassement de la
demande de minerai de fer s'est fait d'une façon extrêmement
inégale et je crois qu'on peut l'analyser de trois points de vue, un
point de vue régional, un point de vue quantitatif et un point de vue
qualitatif.
Sur le plan régional, on s'aperçoit - et vous avez des
courbes ici, je crois que ce sont les figures 8, 9 et 10 - que cette crise de
la sidérurgie, qui a entraîné une crise du marché
mondial du minerai de fer, a en fait été en faveur des pays du
Sud, c'est-à-dire surtout le Brésil et l'Australie, qui sont
devenus les deux grands producteurs de minerai de fer pour l'exportation, alors
que la production du minerai de fer de l'Amérique du Nord, et en
particulier des États-Unis, a eu tendance à être
relativement stable et que la production du minerai de fer en Europe, que ce
soit dans la communauté européenne ou dans l'ensemble de l'Europe
de l'Ouest, a subi une tendance extrêmement décroissante.
Alors, à nouveau, on peut se demander, après cette
constatation, ce qui va arriver pour l'avenir. Je crois que, pour le voir et
voir cette transformation régionale, il faut passer aux deux autres
points, aux aspects quantitatif et qualitatif.
Sur l'aspect quantitatif, il y a là un phénomène
très grave, qui est celui que j'ai évoqué tout à
l'heure, soit l'apparition chaque année de quantités croissantes
de ferrailles sur le marché mondial. Ce phénomène n'est
pas nouveau, en fait. Il existe depuis une vingtaine d'années, mais il a
été complètement masqué par la croissance de la
sidérurgie. Vous aviez, bien sûr, de plus en plus de ferrailles
disponibles chaque année, mais en même temps les besoins d'acier,
les besoins de consommation et donc les besoins de production mondiaux
augmentaient aussi, ce qui fait que la différence entre les deux non
seulement ne diminuait pas, mais avait tendance à augmenter et, comme la
sidérurgie n'est alimentée que par deux produits, les ferrailles
et le minerai de fer, si le total des deux augmente plus vite que l'un d'entre
eux, l'autre augmente aussi. C'est ce qui explique que, pendant une bonne
vingtaine d'années, jusque vers ces dernières années, la
production et la consommation mondiale de minerai de fer ont
augmenté.
Malheureusement, maintenant, nous sommes en face d'un
phénomène tout à fait nouveau, qui est celui que je
mentionnais tout à l'heure, c'est-à-dire que la consommation
mondiale d'acier reste à peu près constante. Depuis 1974, comme
vous le voyez d'après les chiffres, on navigue autour de 700 000 000 de
tonnes. Les bonnes années, on monte vers 720 000 000; les
mauvaises années, comme celle-ci, et comme cela a
été dit tout à l'heure, on va probablement se retrouver
aux alentours de 660 000 000 et, malheureusement, la production - si je puis
employer ce terme pour les ferrailles - c'est-à-dire la
récupération de la ferraille qui vient de nos consommations d'il
y a quinze ou vingt ans augmente. Alors, qu'est-ce qui se passe? C'est un
phénomène qui malheureusement est peu connu et qui a
été peu apprécié; vous l'avez sur deux graphiques
ici - sauf erreur de ma part, ce sont les figures 6 et 7. Vous apercevez
qu'à consommation mondiale constante d'acier, il va falloir de moins en
moins de minerai de fer tous les ans. Ce qui est un phénomène
assez grave, qui est spécialement grave en face du fait que l'on
continue à construire de nouvelles mines, ce qui est probablement une
erreur, mais c'est malheureusement une des nombreuses erreurs du monde dans
lequel nous vivons. Il n'y a naturellement pas de coordination à
l'échelle mondiale, d'une part, et, en plus, beaucoup de ces
décisions sont prises très longtemps à l'avance et les
projets continuent, alors que le contexte économique n'est plus le
même. (12 h 15)
Si l'on compare les figures 6 et 7 qui sont relatives à des
productions et des consommations constantes d'acier dans le monde, les besoins
de minerai de fer devraient passer, exprimés en tonnes de minerai, de
875 000 000 de tonnes à 821 000 000 de tonnes. C'est quand même,
en quelques années, une production excédentaire des minerais de
l'ordre de 50 000 000 de tonnes qu'il faudra faire disparaître. Cela est
un point assez grave pour l'avenir du marché des minerais de fer. Ceci
ne va pas être égal pour tout le monde et c'est là
où je reviens au troisième point, après l'aspect
régional, à l'aspect qualitatif. Je crois qu'il faut insister sur
ce point qui nous montrera mieux la situation des mines comme celles de votre
région, de la région du Québec et aussi du Labrador, parce
que ce sont des minerais du même type, et même celles des
États-Unis.
En fait, comme vous le savez, sur le marché mondial des minerais
de fer, il y a deux types de minerai: il y a des minerais qui sont
envoyés tels quels, quelquefois parce qu'ils sont très riches
dans le sol et qu'il n'y a qu'à les extraire et les envoyer - c'est le
cas du Brésil et de l'Australie - ou quelquefois, après
concentration, comme vous le faites dans cette région, ces minerais sont
envoyés dans des usines sidérurgiques pour être
agglomérés. Il y a d'autres minerais, surtout les
concentrés qu'on vient d'évoquer, que l'on préfère
agglomérer sur place en boulettes, comme vous le faites à
SIDBEC-Normines et comme on le fait à un certain nombre d'autres
endroits, comme à Carol Lake, dans cette région et, bien
sûr, en
Suède, au Brésil et en Australie et on livre donc à
la sidérurgie mondiale des minerais naturels, des fils et des
boulettes.
Or, qu'est-ce qui se passe actuellement? Il se passe deux choses
très ennuyeuses. La première, c'est que les usines
sidérurgiques ont une capacité d'agglomération qu'on
appelle de l'agglomération sur grille qui est installée dans les
usines principalement d'Europe occidentale et du Japon et c'est une
capacité qui est considérable. Vous avez au tableau 2 un certain
nombre de chiffres qui vous montrent qu'actuellement vous disposez dans le
monde d'une capacité d'agglomération sur grille, ce qu'on appelle
"sinter" en anglais, de 463 000 000 de tonnes, en regard d'une capacité
d'agglomération en boulettes de 230 000 000 de tonnes.
Or, si vous regardez les valeurs exactes qui concernent l'Europe de
l'Ouest et le Japon qui sont les deux grands importateurs de minerai, ces
capacités d'agglomération sur grille sont largement suffisantes
pour tous les besoins de la sidérurgie de ces deux pays. En fait, ces
valeurs permettraient de faire à peu près 100 000 000 de tonnes
de fonte au Japon, c'est-à-dire à peu près 130 000 000 de
tonnes d'acier. Or le Japon n'envisage plus, en raison de la crise, de
dépasser une production d'acier d'environ 110 000 000 de tonnes;
autrement dit, cette capacité est déjà surabondante.
En Europe, c'est à peu près la même chose. On
envisage, pour les prochaines années, l'objectif, en 1985, de la
communauté est de 125 000 000 de tonnes d'acier, ce qui fera à
peu près 100 000 000 de tonnes de fonte et elle aurait probablement
besoin d'une capacité d'agglomération de 130 000 000 ou 140 000
000 de tonnes. Vous voyez qu'on est largement excédentaire. Bien
sûr, les sidérurgistes préfèrent faire fonctionner
ces installations qu'ils ont, qui existent, qui sont souvent amorties, qui sont
liées au contexte général de l'usine et donc à la
portée des minerais naturels. Ceci explique que le marché des
boulettes connaisse une période extrêmement difficile et qui
s'aggrave d'année en année. Les difficultés que vous
constatez à SIDBEC-Normines, comme vos voisins de IOC à Carol,
difficultés que l'on retrouve en Europe, chez nos amis suédois,
dans les mines de Laponie, de MALMBERGET et de Kiruna, viennent essentiellement
de ce phénomène qui s'est aggravé, bien sûr, avec la
crise de l'énergie parce que la production de ces boulettes se fait avec
une consommation d'énergie qui est, en général, du gaz
naturel ou du pétrole et le prix de ce combustible a augmenté
évidemment au fur et à mesure des années; cela a
donné une compétitivité moins grande à ce produit,
besoin moins grand, comme je l'indiquais tout à l'heure, et,
malheureusement, nous avons
eu un marché des minerais encombré en
général, comme l'indique le tableau 1. Vous voyez que
déjà, maintenant, sur le total des besoins d'importation
mondiaux, - j'ai pris les onze pays, mais qui représentent à peu
près 95% du marché mondial - on arrive à un peu plus de
300 000 000 de tonnes sur un total de 324 000 000 en l'année 1981, alors
que la capacité est de 400 000 000 de tonnes et elle continue à
croître, par suite des projets que j'ai évoqués tout
à l'heure et qui se poursuivent.
Vous voyez que la conclusion pour cet aspect du minerai de fer est,
malheureusement, beaucoup moins optimiste que pour l'aspect sidérurgiste
que j'évoquais tout à l'heure, parce qu'on se trouve et vous vous
trouvez, en compagnie de vos amis et voisins américains et
également suédois en Europe, sur un marché qui est
difficile, qui est celui des boulettes et qui prévoit donc peu
d'amélioration pour l'avenir.
Quelles sont les solutions? Il y en a quand même, bien sûr.
Le marché des boulettes, pour l'avenir, va être très
mauvais, mais il a trois portes de sortie. La première, c'est que ces
boulettes, que les sidérurgistes ne recherchent pas et que même
ils boudent, certains d'entre eux les recherchent toutefois pour les
unités de réduction directe, analogues à celles que vous
avez à SIDBEC. Vous savez qu'un certain nombre de ces installations se
construisent dans le monde, en particulier dans les pays riches en
pétrole. Il y a donc un certain marché de boulettes pour des
installations du type de celles que vous avez à SIDBEC. Ce marché
est malheureusement limité et, actuellement, je crois qu'il ne faut pas
fonder de très grands espoirs sur les quantités que l'on peut y
vendre. Mais ceci ne veut pas dire qu'on ne peut pas en vendre un certain
tonnage. C'est un des points qu'il faudrait examiner en détail, afin de
voir s'il y a là des possibilités d'exportation de certains
tonnages de boulettes de SIDBEC-Normines.
Le deuxième marché, ce n'est certainement pas, comme je le
disais tout à l'heure, des boulettes de fourneau, sauf dans la
région Amérique du Nord-Canada qui, elle, vit en dehors du grand
marché mondial que j'évoquais, qui est le grand marché
transocéanique de l'Europe de l'Ouest et du Japon et il est certain que
les hauts fourneaux du Canada, vos voisins de Stelco de Delfaco, Algoma et
surtout des hauts fourneaux américains, fonctionnent en boulettes pour
un motif tout à fait symétrique et opposé à celui
que j'indiquais tout à l'heure pour le reste du monde. C'est que
là, on ne dispose pas d'agglomérations sur grille, il faut donc
absolument employer les boulettes. C'est ce qui a amené l'industrie
américaine, en particulier l'industrie des États-Unis, à
s'équiper de ce côté. Je ne sais pas exactement ce qui a
été fait du côté de SIDBEC et SIDBEC-Normines, mais
il y a peut-être un certain débouché de ce
côté.
Le troisième point qui, malheureusement, est le plus lointain,
c'est que ce tableau va changer, bien sûr, avec le temps. Il va changer
pour quel motif? C'est que les installations d'agglomérations sur
grille, qui vous gênent tant, dont je parlais tout à l'heure, du
Japon et de l'Europe de l'Ouest, elles existent, mais, comme toutes les
installations, elles vieillissent. Il est certain que, si on se projetait dans
un avenir assez éloigné, disons en l'an 2000 - pour prendre un
terme lointain, mais pour essayer de voir le fond du tableau - un certain
nombre de ces installations vont cesser de produire, parce qu'elles sont
anciennes; elles vont devenir obsolète. À ce moment-là, il
sera probablement assez difficile de les reconstruire pour plusieurs motifs.
J'en signalerai deux. L'un d'entre eux, ce sont les problèmes
d'environnement. Ce sont des installations relativement polluantes, ces
installations d'agglomérations sur grille, parce qu'elles fonctionnent
avec du charbon et non pas avec du gaz naturel, comme les installations
d'agglomération en boulettes. Comme vous le savez, dans tous les pays
industrialisés et très peuplés, du type de l'Europe de
l'Ouest et du Japon, les contraintes de l'environnement deviennent de plus en
plus difficiles et ceci amènera de grosses difficultés pour les
remplacer. Naturellement, il y a un autre problème qui est un
problème purement financier, c'est qu'il faut trouver l'argent pour
faire ces installations. Cela amènera donc, je pense, un nombre
croissant de sidérurgistes européens et japonais à acheter
des boulettes pour précisément pallier ces constructions qui ne
se font pas. Il y a donc quelque chose qui est intéressant de ce
côté. Malheureusement, et j'insiste sur ce point parce qu'il ne
faut pas se faire trop d'illusions, c'est plutôt un avenir lointain parce
que, dans les prochaines années, compte tenu des niveaux que nous
prévoyons pour les consommations et les productions mondiales d'acier,
ce besoin n'apparaît pas encore beaucoup.
M. le Président, MM. les membres de cette commission,
après ce tableau, je vais essayer de résumer les conclusions sur
la façon dont je vois l'évolution de la situation mondiale. La
première, sur laquelle je n'insisterai pas, tout le monde l'a dit
déjà, c'est que la conjoncture actuelle au niveau immédiat
est mauvaise, c'est bien évident. Mais, si on essaie de voir à un
peu plus long terme comment cela a évolué, il y a donc deux
conclusions assez différentes pour la sidérurgie et pour les
mines.
Pour la sidérurgie, on pourrait espérer une reprises dans
un certain temps des besoins et, compte tenu des arrêts d'un
certain nombre d'installations qui se feront en particulier sur ce
continent, il faudrait probablement regarder - je crois que ce sont des choses
que SIDBEC regarde - quels sont les créneaux où la future
production de SIDBEC pourrait être la plus rentable et la plus
intéressante, donc, se baser de façon structurelle pour l'avenir
pour être exactement dans les créneaux les plus
intéressants. Là, je pense qu'il y a des possibilités qui
ne sont pas négligeables.
Par contre, pour le second point qui est l'aspect du minerai de fer, il
va y avoir des années mauvaises à passer, je le crains, beaucoup
plus longues que pour la sidérurgie en raison de l'évolution que
j'indiquais pour le minerai de fer dans le monde. On en trouve une illustration
dans le fait que beaucoup de vos concurrents, c'est-à-dire des pays
producteurs de boulettes de minerai de fer, ont été amenés
à arrêter des installations. Sur cette capacité que vous
avez vue sur le tableau II d'environ 230 000 000 de tonnes
d'agglomération de boulettes dans le monde, je pense qu'actuellement il
y en a à peu près la moitié qui est arrêtée,
avec une certaine difficulté à discerner les installations qui
sont arrêtées définitivement - il y en a un certain nombre
- et celles qui sont simplement arrêtées provisoirement et qui
pourront entrer en service un peu plus tard quand la période sera bonne.
Évidemment, c'est un point qu'il serait capital de connaître afin
de l'ajuster aux futures demandes mondiales de minerai de fer. Mais là,
il est certain - je le répète - que la situation n'est pas
très facile et va poser un bon nombre de problèmes.
Voilà, M. le Président, les aspects généraux
que je voulais vous donner et qui permettent de replacer les problèmes
et les difficultés de SIDBEC dans un cadre mondial qui montre qu'ils ne
sont pas uniques, mais se retrouvent dans d'autres régions.
Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le ministre.
M. Biron: M. Astier, je vous remercie de votre
présentation. J'ai quelques questions très brèves et je
laisserai le temps à mes collègues de vous poser les questions
qu'ils jugent utiles pour éclairer cette commission.
Vous nous dites que, dans le domaine de la sidérurgie, donc des
opérations manufacturières, il semble qu'il y ait des
possibilités un peu plus rapidement, d'abord parce que SIDBEC est bien
placée dans les produits longs, aussi parce qu'on emploie une
méthode de fusion à l'électricité qui est une
méthode très moderne pour une entreprise de cette taille, mais
vous dites aussi, pour les produits plats, qu'il y a peut-être certains
produits ou certains créneaux. Vous n'ignorez pas que notre
capacité de production dans les produits plats n'est pas tellement
élevée si on la compare à la sidérurgie normale
d'Amérique du Nord ou d'Europe où il y a 2 000 000 ou 3 000 000
de tonnes de capacité à peu près par an. Nous en avons
environ 500 000, 400 000, 600 000. (12 h 30)
Ma première question regarde les produits plats. Croyez-vous
qu'une entreprise comme SIDBEC, qui n'a pas les moyens financiers d'investir
au-delà de 1 000 000 000 $ dans des capacités de production de 2
000 000 ou 3 000 000 de tonnes, en n'étant même pas sûre que
le marché va exister, croyez-vous qu'il y a des possibilités, en
cherchant certains créneaux de produits où les quantités
sont beaucoup moindres que les créneaux réguliers, à
condition de faire un choix quant à la méthode et
l'équipement, et aussi un choix très important concernant la
qualité du produit... J'ai remarqué que vous avez aussi
parlé de cela. En d'autres termes, est-ce que, pour une
sidérurgie, il faut absolument chercher une capacité
installée de 2 000 000 ou 3 000 000 de tonnes ou s'il y aurait certains
créneaux de marché, compte tenu qu'on est capable de produire la
qualité qu'il faut, qu'on pourrait quand même essayer de
conquérir dans les produits plats en ayant une capacité de
production qui serait beaucoup moindre, de la taille d'une
mini-aciérie?
M. Astier: Pour répondre à votre question, M. le
ministre, d'abord, il y a une première impression que je voudrais vous
donner tout de suite, et je suis bien d'accord avec vous. Cela serait
certainement une très grosse erreur pour SIDBEC que de se lancer dans
une production en grand de produits plats, c'est-à-dire de
s'équiper d'un train à bandes à chaud d'une
capacité de l'ordre de 2 000 000 ou 3 000 000 de tonnes, parce qu'il y a
actuellement une surcapacité mondiale dans ce domaine. Cela serait un
investissement très lourd et je crains qu'on n'ait une
rentabilité extrêmement mauvaise-Mais ceci n'est pas un handicap
pour SIDBEC, pour deux motifs: le premier, c'est que - on va y revenir tout
à l'heure pour les créneaux qui peuvent s'ouvrir - d'une part, le
train existant, le train à chaud, le train "Steckel", a une production
limitée, bien sûr, comme vous le disiez, de l'ordre de 400 000
à 600 000 tonnes, mais c'est déjà une production
intéressante, et on peut l'améliorer par des mesures relativement
peu coûteuses, si c'est nécessaire. Un deuxième point,
c'est peut-être une pensée un peu hérétique, mais,
si on a vraiment besoin d'une quantité un peu plus forte de bobines
à chaud, on doit pouvoir en acheter à des producteurs qui
pourraient vous les fournir à des prix certainement intéressants.
Pourquoi en acheter? Parce qu'en fait, toute mon idée
n'est pas du tout de se lancer dans des investissements dans la partie
à chaud, mais c'est de le faire du côté de la partie
à froid. Je crois que les créneaux intéressants, ce sont
souvent des créneaux de 50 000, 100 000 ou 200 000 tonnes d'un produit
donné, qu'évidemment je ne peux pas vous indiquer; il y a toute
une étude de marché à faire. Mais il est certain que
certains types de tôle - peinte ou revêtue de ceci ou de cela,
tôle galvanisée ou tôle étamée; je dis ceci un
peu en l'air, bien sûr, parce qu'il faudrait l'examiner et je pense que
nos amis de SIDBEC connaissent bien mieux le domaine - peuvent, si on les
développe bien, trouver des débouchés probablement ici
dans la province et avoir donc cet effet d'entraînement sur d'autres
industries, peut-être même dans des régions voisines, le
Nord des États-Unis ou l'Ouest du Canada. Là, je pense que ce
qu'il faut surtout, c'est faire un assez gros effort de recherche de
qualité pour faire ces produits et faire les investissements
correspondants, mais qui, à nouveau, seraient des investissements
petits. Il n'est pas du tout question de dépenser, je ne parle
même pas du milliard de dollars, même pas de centaines de millions
de dollars. Ce sont peut-être des investissements de quelques dizaines de
millions de dollars, mais après une étude de marketing bien faite
pour voir vers quels produits il faut s'orienter.
M. Biron: Est-ce que, dans ces produits, il y a beaucoup de
compétition, dans le sens que le prix peut chuter s'il y a une
surcapacité de production ou si, dans certains créneaux de
production de 100 000 tonnes, il y a moins de compétition, et donc le
prix serait un peu plus stable?
M. Astier: En général, le prix est plus stable,
mais, évidemment, il faut voir produit par produit. Je crois que, par
exemple, aux États-Unis, il y a une grosse capacité de production
de tôle étamée, de fer-blanc, et beaucoup d'installations
assez modernes, ce qui fait que c'est là un marché probablement
où il n'est pas très facile de pénétrer. Par
contre, il y a des nouveautés dans le domaine de la tôle
galvanisée; il y en a d'autres pour les tôles peintes, les
tôles prélaquées qui, quelquefois, peuvent
représenter des marchés relativement limités mais fort
intéressants. Alors, il y aurait une étude à faire pour
voir quels sont les marchés et comment ils se développent. Nous
avons des choses curieuses en France où nous avons les
difficultés que vous connaissez dans tout le Marché commun. La
plupart des secteurs sont en très mauvaise situation, mais on trouve
certains secteurs qui continuent à se développer avec des taux de
développement de l'ordre de 10% par an, ce qui est incroyable dans la
crise actuelle, pour certaines tôles, pour l'industrie automobile
où on a besoin de 10 000 ou 20 000 tonnes par an de certains types de
tôle avec certains revêtements. Évidemment, celui qui a bien
trouvé le créneau et qui le fait continue à les fournir
et, comme les besoins ne sont pas très gros, en général,
il n'a pas, bien sûr, un monopole mais une situation, de fait, bien
meilleure.
M. Biron: Ce qui oblige le service de marketing à faire
des études poussées, à être vraiment à la
pointe de l'agressivité.
M. Astier: Oui, c'est cela et je dirais même, M. le
ministre, qu'un service de marketing et un service technique de recherche et de
développement doivent être très liés l'un à
l'autre pour profiter de tous les créneaux qui apparaissent.
M. Biron: D'accord. Ma dernière question, pour laisser le
temps à mes collègues de vous en poser quelques-unes, concerne le
minerai de fer. Vous dites qu'il y a des possibilités d'avancer un peu
plus rapidement dans le domaine de la sidérurgie; dans le domaine du
minerai, c'est long; dans le domaine des boulettes, cela peut être encore
plus long, compte tenu de votre exposé, de la présence de la
ferraille qu'on n'employait pas il y a vingt ans ou à peu près et
qu'on emploie maintenant, parce qu'on a trouvé de nouveaux
procédés.
Mais vous avez ouvert trois points bien particuliers. À long
terme, des équipements au Japon et en Europe vont venir à s'user
et à être remplacés; mais vous avez dit, très
honnêtement: C'est à très long terme. C'est après
1990 et peut-être en l'an 2000. Vous avez dit aussi qu'il y a des hauts
fourneaux américains qui emploient des boulettes, mais emploient des
boulettes, habituellement, je pense, lorsqu'ils atteignent un certain niveau de
production.
M. Astier: Non. Vous voyez, aux États-Unis, et au Canada
d'ailleurs, dans certaines usines comme Dofasco, la charge normale du haut
fourneau et des boulettes dans ce cas, c'est l'opposé de la pratique que
j'appellerais japonaise et européenne, et le lit de fusion, la charge du
haut fourneau est vraiment constituée de boulettes.
M. Biron: Mais c'est en Amérique du
Nord, là où, déjà, la capacité de
production de minerai de fer et de boulettes est énorme.
M. Astier: Exactement. Et là, si vous permettez que je
poursuive ma pensée, la situation est la suivante. Elle est un peu
compliquée par le fait que vous avez, d'une part, un certain nombre de
hauts fourneaux qui existent, aux États-Unis et au Canada, et
vous avez un certain nombre d'installations, d'agglomérations en
boulettes qui existent aussi. Et actuellement, il y a une certaine
adéquation de l'un par rapport à l'autre, c'est-à-dire
qu'il n'y a pas trop de hauts fourneaux, pas trop d'agglomérations en
boulettes et la crise actuelle va amener deux choses, et c'est le
résultat qui n'est pas très facile à prévoir.
La première chose, c'est qu'il y a un certain nombre d'usines, en
particulier aux États-Unis - c'est beaucoup moins vrai au Canada, mais
surtout aux États-Unis - qui vont fermer parce qu'elles sont vraiment
très vieilles. J'étais donc à nouveau, lundi et mardi,
hier et avant-hier, à Pittsburgh, on en a rediscuté avec mes amis
américains et il y a toute une série de hauts fourneaux qui sont
arrêtés actuellement, dans la région de Pittsburgh en
particulier, et il y en a qu'on ne remettra jamais en service.
Mais, d'un autre côté, il y a aussi des installations
d'agglomérations de boulettes qui ont beaucoup vieilli aux
États-Unis, celles qui sont de la première
génération, qui ont été mises en service vers 1955,
qui sont amorties maintenant, qui ne correspondent plus très bien aux
standards actuels et qu'on va certainement arrêter aussi. La question
difficile mais évidemment très importante pour SIDBEC-Normines
est: Est-ce que ceci va se traduire par un excédent de boulettes, auquel
cas votre situation n'a pas d'issue de ce côté? Ou est-ce que
précisément on va fermer, si j'ose dire, plus
d'agglomérations de boulettes que de hauts fourneaux, en tonnage, bien
sûr, et que ceci va ouvrir un certain nombre de possibilités? Et
là, il pourrait y en avoir de ce côté qui seraient plus
intéressantes, à relativement court terme, que les marchés
européens et japonais qu'on évoquait tout à l'heure.
M. Biron: D'accord. Vous avez parlé aussi d'un nouveau
marché potentiel des pays producteurs de pétrole qui, eux,
à cause de leurs coûts d'énergie, de gaz naturel, peuvent
installer des mini-aciéries et se servir de boulettes. Est-ce que vous
croyez qu'au cours des prochaines années, dans un horizon
prévisible de cinq ans, plusieurs de ces pays installeront ce genre de
mini-aciéries, ce qui pourrait créer, finalement, un
marché pour la boulette qui n'existe pas à l'heure actuelle?
M. Astier: Oui. Il y en a encore actuellement, malgré la
crise. Comme je vous disais tout à l'heure, tout le monde est atteint
par cette crise, mais tout le monde l'est plus ou moins vite, et ceux qui sont
atteints les derniers sont les pays producteurs de pétrole qui ont
encore des revenus relativement importants, bien que décroissants par
suite de la conjoncture mondiale. Il y a actuellement encore un certain nombre
d'installations en construction, j'en cite trois au hasard: il y en a une en
Libye, une en Égypte près d'Alexandrie et une troisième en
Arabie Saoudite. C'est celle de l'Arabie Saoudite qui va démarrer la
première, l'année prochaine; celle d'Égypte, c'est
plutôt dans trois ans; celle de Libye, cela serait aussi dans trois ans.
Elles sont dans les pays du monde arabe qui n'a pas du tout de ressource en
minerai de fer. C'est dire qu'ils vont importer des boulettes pour alimenter
ces installations. Évidemment, il y a des concurrents qui sont
déjà sur les lieux et qui sont peut-être quelquefois mieux
placés que vous pour des questions de transport et autres, mais il y en
a d'autres qui ne sont pas beaucoup mieux placés que vous. Il faut bien
voir que ceci peut être intéressant pour placer certains tonnages
de SIDBEC-Normines. Dans un premier temps, cela va être très
difficile sur le plan financier parce que je crois, comme vos études
l'ont montré - il y a quelques études que j'ai pu voir de
SIDBEC-Normines que ce marché international est malheureusement
terriblement compétitif et les transactions se font actuellement
à des cours bas qui sont, je le crains, assez proches et peut-être
même en dessous des prix de revient. Évidemment, tout ceci peut
évoluer dans les prochaines années. Il est donc possible qu'il y
ait quelques débouchés de ce côté. La grosse
difficulté que je vois et j'insiste, c'est qu'il est possible que
l'exploitation soit vraiment à la limite de la rentabilité.
Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le
député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Juste pour continuer
un peu sur cette dernière question, dans les pays
sous-développés ou les pays que vous avez mentionnés, vous
semblez dire que c'est un endroit où ce sont des marchés qui
offriraient des possibilités pour les boulettes, pour les produits
utilisés. Est-ce qu'il y a d'autres produits que SIDBEC-Normines
pourrait produire et qui pourraient être utilisés dans ces pays,
tels les concentrés ou les superconcentrés? Est-ce que cela aussi
offrirait un marché possible pour les activités de SIDBEC?
M. Astier: Oui, effectivement, vous avez raison. Je vous remercie
de poser la question parce que c'est un point au sujet duquel je n'ai pas
donné de détails, mais il n'est pas négligeable. Il est
certain que les concentrés de SIDBEC-Normines, soit le concentré
normal, soit le superconcentré, pourraient trouver - peut-être
avec les mêmes remarques au point de vue économique,
c'est-à-dire que la rentablité de ces activités n'est pas
toujours très bonne, malheureusement; actuellement, il n'y a pas
beaucoup d'exploitations très rentables dans le monde - un
certain marché. Certaines usines ont été construites
récemment. Il y en a une qui a démarré au début de
cette année, il y aura bientôt un an, au Nigéria; c'est une
unité de réduction directe qui a deux modules Midrex voisins
d'ailleurs du module numéro 2 de SIDBEC. Elle a été
construite avec une agglomération de boulettes comme celle que vous avez
à Port-Cartier. Le Nigéria se trouve dans le même cas que
les pays arabes que j'évoquais tout à l'heure; il n'a pas de
ressources en minerai de fer, ou du moins pas beaucoup, et il est amené
à importer l'alimentation de cette agglomération de boulettes,
c'est-à-dire des concentrés. Ils en ont acheté ces
derniers temps au Liberia qui a l'avantage de ne pas être très
loin, mais, comme on l'évoquait tout à l'heure, la crise actuelle
va probablement amener certaines fermetures de mines au Liberia, ce qui fait
qu'ils ont regardé quelques autres possibilités. Ils ont
pensé au Brésil, qui n'est pas très loin, c'est en face,
si je puis dire. Mais on ne sait jamais, il pourrait y avoir des marchés
de ce type-là pour alimenter des machines d'agglomération en
boulettes de pays en voie de développement.
M. Ciaccia: Cela pourrait être un marché
intéressant pour SIDBEC-Normines. Dans les exportations que le
Brésil fait au marché européen, est-ce que vous auriez les
chiffres que le Brésil fait par rapport aux exportations
canadiennes?
M. Astier: Les chiffres que vous cherchez, c'est donc les
exportations du Brésil sur le marché européen?
M. Ciaccia: Oui, des...
M. Astier: Elles ont varié pour les trois dernières
années, 1979, 1980 et 1981. Curieusement, on peut dire que le
marché européen diminue légèrement. Pour ces trois
années, il a diminué et la part brésilienne a
augmenté, c'est-à-dire que les chiffres exacts sont 26 000 000,
27 000 000 et 28 000 000 de tonnes pour les trois dernières
années. (12 h 45)
M. Ciaccia: Et la part canadienne?
M. Astier: La part canadienne a diminué. C'était 15
000 000, 13 000 000 et 12 000 000 tonnes.
M. Ciaccia: À votre connaissance, est-ce que, dans le
passé, il y a eu des ententes entre différents pays sur les
ventes dans d'autres marchés pour ces produits?
M. Astier: C'est une question assez compliquée. Je vais
essayer d'y répondre aussi clairement que possible. Il y a en fait trois
mécanismes qui fonctionnent. Le premier, c'est qu'il existe une
association des pays exportateurs de fer qui voudrait être un peu
l'équivalent de l'OPEP pour le pétrole. C'est une association que
je connais très bien, je la vois souvent, qui rédige d'ailleurs
un excellent bulletin. En fait, elle n'a pas un très grand rôle,
pour un motif essentiel - il y en a d'autres, mais il y en a un d'essentiel -
c'est que le Brésil n'en fait pas partie. Évidemment, comme c'est
un gros producteur, ce serait un peu l'OPEP sans l'Arabie Saoudite, si vous
permettez une comparaison rapide. Cette association n'a pas, à mon avis,
une très grande importance de ce point de vue là.
Il y a un deuxième mécanisme qui existe et qui ne
fonctionne pas trop mal, mais qui a une influence limitée; c'est que la
plupart des contrats européens sont faits sur une base annuelle. Ils se
font d'ailleurs en fin d'année, en ce moment précisément.
Les grands producteurs, en général se rencontrent avant pour
essayer d'harmoniser leurs prix et pour arriver à éviter - comme
je vous le disais tout à l'heure -une guerre trop brutale. Cela
étant, ce sont des conversations assez officieuses et qui ne sont pas
d'une clarté très limpide. Il y a toujours quelqu'un qui dit
qu'il ne va pas en retenir les prix et puis qui fait un rabais. C'est assez
compliqué. Ces négociations ne sont pas très
coordonnées.
Ce qui reste, c'est le dernier point, le troisième, ce sont les
possibilités de discussion directe entre producteurs et consommateurs
pour un produit donné. Par exemple, ces aspects qu'on évoquait
tout à l'heure, c'est-à-dire des boulettes pour réduction
directe ou bien des alimentations de concentré pour agglomération
de boulettes pour réduction directe. Il peut y avoir des discussions
entre deux ou trois producteurs -ils ne sont souvent pas très nombreux
dans le monde - pour essayer de ne pas trop se gêner les uns les autres,
en réduisant, bien sûr, leur part de marché à chacun
et en essayant de se coordonner.
M. Ciaccia: Juste deux autres petites questions parce que mes
autres collègues voudraient vous en poser. Aujourd'hui, on parle d'une
différence entre le prix mondial des boulettes et le prix "Lake Erie",
le prix nord-américain. Quelle était cette différence en
1980? Était-elle aussi marquée?
M. Astier: Elle doit être d'un ordre de grandeur d'à
peu près une vingtaine de dollars par tonne de fer ou 0,20 $ par point
de fer, si vous voulez.
M. Ciaccia: Maintenant? M. Astier: Oui, à peu
près.
M. Ciaccia: Et, en 1980, quelle était cette
différence? Avez-vous des chiffres?
M. Astier: Elle a tendance à augmenter un peu. Il faudrait
prendre des chiffres exacts, mais disons que, si elle était, par
exemple, de 18 $ en 1980, elle serait plutôt de 22 $ maintenant. Vous
voyez, elle a un peu tendance à augmenter parce qu'il y a une lutte
assez sérieuse de ce côté-là.
M. Ciaccia: Est-il possible qu'elle soit beaucoup moindre que
cela? Certains chiffres, par exemple... Est-il possible que la
différence de prix était plutôt de 9 $, 10 $ ou 8 $ en
1980?
M. Astier: Vous voyez ce qui se passe. C'est assez difficile de
répondre à la question et je vais vous expliquer pourquoi. Si
vous vous reportez à peu près il y a quinze ans, les boulettes
étaient vendues à peu près au même prix aux
États-Unis, les fameux prix du lac Érié, et sur le
marché mondial. Ce qui s'est passé, c'est qu'il y a eu
progressivement une surcapacité qui s'est créée, mais
surtout pour l'exportation. Ce qui fait que les prix du lac Érié
ont continué à évoluer, je dirais, en fonction des
intérêts des sidérurgistes et des mineurs
américains, en vase clos, c'est-à-dire qu'ils ont suivi les
coûts, l'inflation et donc ils ont augmenté. Par contre, les prix
sur le marché international sont devenus très difficiles à
tenir et les producteurs ont été amenés à faire des
rabais parce qu'ils n'arrivaient plus à vendre leurs boulettes.
Actuellement, il y a, et c'est ce qui explique la difficulté à
répondre, une grande dispersion des prix. Je me trouvais au Chili il y a
deux mois - on m'avait justement demandé pour une étude de
réduction directe - et je me suis aperçu que les Chiliens avaient
vendu des tonnages de boulettes au Japon, parce qu'ils n'avaient aucune autre
possibilité, et ils les ont vendus à un prix qui, disons, est
probablement de l'ordre de 35 $ en dessous des prix du lac Érié.
C'est une vente un peu spéciale, mais je crains qu'il y en ait un
certain nombre comme celle-là. Ce qui fait que cet ordre de grandeur que
l'on citait tout à l'heure, qui est plutôt sur le marché de
Rotterdam ou le marché japonais, est un ordre de grandeur moyen, mais
avec énormément de variations.
M. Ciaccia: Juste une autre question. Vous avez été
intéressé et impliqué au début de l'implantation de
l'industrie de la sidérurgie au Québec et, à ce
moment-là, est-ce qu'il y a eu des études? Par exemple, est-ce
que l'Institut international du fer et de l'acier avait fait certaines
projections concernant la demande mondiale en tonnes d'acier?
M. Astier: C'est-à-dire qu'au moment précis
où les premières études ont été faites pour
la sidérurgie du Québec - cela doit faire exactement vingt ans,
si je me souviens bien - l'Institut international du fer et de l'acier, en
fait, n'existait pas. Il n'a été créé que quelques
années après, cinq années après, si je me souviens
bien. Mais il y avait évidemment un certain nombre d'études qui
avaient été faites et, comme beaucoup d'études qui ont
été faites jusqu'à il y a à peu près dix
ans, elles étaient toutes très optimistes. En fait, on avait eu
tendance, si vous me permettez l'expression, à prolonger les fameuses
courbes de l'après-guerre. Évidemment, cela s'est
révélé exact pendant un certain temps, jusque vers
1970-1974, mais, en fait, ces prévisions, quand on les regarde
maintenant, pour la partie qui concerne les prochaines années, en
particulier pour 1985-1990 et l'an 2000, les consommations réelles que
nous avons maintenant et celles qu'on essaie de projeter pour ces années
sont considérablement en dessous de toutes ces prévisions.
M. Ciaccia: Vous avez raison, l'institut a été
créé après la formation de SIDBEC, mais on avait fait des
études avant les ententes avec SIDBEC-Normines. Je présume que
les hommes d'État de cette époque, en se basant sur ces
études, ont fait des ententes avec SIDBEC-Normines, et ces
études, comme vous venez de nous le dire, n'ont pas prouvé qu'ils
ont été aussi optimistes. La question que je pose est à
l'inverse. On s'est basé sur des études optimistes et on a
peut-être été plus optimistes aussi, et il se trouve
qu'aujourd'hui, la demande n'est pas là. Mais inversement, vous nous
présentez aujourd'hui un tableau assez sombre, basé sur des
études et des expériences aussi quant à l'avenir. Est-ce
que c'est possible aussi, de la même façon que les études
qui étaient optimistes deviennent pessimistes, que les études
pessimistes puissent changer et peut-être influencer les décisions
qui sont prises aujourd'hui? On ne peut pas se baser complètement sur
les études pour l'avenir. Est-ce qu'on pourrait tirer cette
conclusion?
M. Fortier: Autrement dit, on retourne en France.
M. Astier: Je crois en tout cas que vous avez parfaitement raison
d'attirer l'attention sur ce point. L'un de mes amis de Lizy l'avait
exprimé, je crois, d'une façon encore plus imagée que
vous, en disant que la seule prédiction qu'il pouvait faire, c'est qu'il
ne pouvait pas en faire, ce qui est peut-être aller un peu loin. Mais il
est certain que toute personne, que ce soit un économiste ou un
métallurgiste, qui fait des prévisions a malheureusement tendance
à être très influencé par la situation où il
est,
au moment où il fait les prévisions. Ceci explique, en
partie - ce n'est pas la seule cause, bien sûr - que toutes les
prévisions, comme vous venez de le dire, qui ont été
faites de 1974 à 1975 ont été beaucoup trop optimistes.
Maintenant que le danger existe, que l'on soit un peu trop pessimiste, je crois
que c'est vrai; il y a un risque de ce côté. Il se peut qu'en
raison justement de cette crise - c'est elle qui s'aggrave en ce moment, et
dans les mois qui viennent - cela ne nous permet pas de voir très
exactement... Comme je le disais tout à l'heure, je crois qu'il va y
avoir une reprise, mais, effectivement, elle peut être plus proche et
plus lointaine, et puis elle peut être plus ou moins rapide. On a un peu
tendance à mettre de côté l'hypothèse trop optimiste
d'une reprise à la fois, proche et importante, mais, évidemment,
on ne peut pas l'écarter.
Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le
député de Verchères.
M. Charbonneau: Un point qui devrait être approfondi, c'est
que vous avez indiqué, à un moment donné, au sujet du
secteur des produits plats, que la fermeture des vieilles usines, en
particulier aux États-Unis, pourrait être une bonne chose pour
ceux qui, éventuellement, choisiraient les bons créneaux de
production. Cela donnerait des débouchés nouveaux, qui pourraient
mériter d'être regardés par SIDBEC.
D'autre part, vous aviez dit un peu plus tôt que, pour le stade du
parachèvement, il n'était pas nécessaire d'envisager des
équipements coûteux pour ce type de parachèvement qui est
nécessaire pour la production. Est-ce que vous pourriez expliciter sur
ce point, la non-nécessité d'avoir des équipements
coûteux pour produire à profit? Ce qu'on a devant nous, ce sont
des hypothèses qui nous indiquent que, pour faire du
parachèvement dans le secteur des produits plats, il faudrait y
consacrer des centaines de millions de dollars. Est-ce qu'à votre avis,
à moindre coût, en choississant bien les secteurs de production,
il y aurait possibilité, finalement, d'améliorer nos
équipements actuels? Je ne sais pas si vous connaissez un peu les
équipements de SIDBEC; je présume que oui. Est-ce qu'avec les
équipements qu'on a actuellement, ajoutés à des
investissements minimaux, il serait possible de développer un secteur de
produits plats qui pourraient être concurrentiels dans plusieurs
créneaux ou qui pourraient s'avérer intéressants au cours
des prochaines années?
M. Astier: Oui. Ce qu'il y a, c'est que nous ne parlons bien que
du laminage à froid et des parachèvements; il y a en fait
beaucoup de choses très différentes dans ce secteur et je n'ose
pas dire que chaque investissement est proportionnel à la production
qu'on va en tirer. Ce n'est pas vrai, parce que cela dépend des produits
que l'on va construire, mais il y a des possibilités un petit peu en
tout genre. Pour m'expliquer, si on veut refaire, supposons qu'on vueille faire
un train de laminage à froid beaucoup plus important que la cage
Zendsimir que vous avez et qui est, je crois, le seul engin de laminage
à froid qui existe, il est certain que, si on veut mettre un train de
laminage à froid moderne, un tandem avec plusieurs cages, cela va
être un investissement très gros, mais qui aura une production
très forte, qui peut faire peut-être 500 000, 600 000 tonnes,
c'est-à-dire traiter toute la production du train à chaud et
peut-être même vous amener à importer un peu de produits.
Alors, c'est probablement une chose qui serait très bonne, parce qu'elle
vous ferait des produits de qualité bien meilleure, mais je crains que
cela soit le type d'investissement pas facile à justifier au point de
vue de la rentabilité parce qu'à nouveau, il va être
très cher et y aura-t-il le marché pour cela? Je pense qu'il
vaudrait mieux aller encore un stade plus loin, c'est-à-dire pour
l'instant de ne rien faire en laminoir à froid, sauf peut-être
mettre un investissement beaucoup plus modéré d'une cage unique,
d'une cage quarto, par exemple, si c'est nécessaire, mais
peut-être aller voir du côté de la finition, des lignes de
finition, de parachèvement, comme une ligne de galvanisation ou une
ligne de peinture, une ligne de prélaquage, mais là, ce sont des
choses extrêmement différentes et il y en a absolument à
tous les prix, mais avec des tonnages très différents. Si vous
montez une installation de 20 000 000 $, elle ne vous fera pas une production
très grande; si vous en montez une de 50 000 000 $, c'est tout de suite
une installation plus importante. Là, c'est très difficile de
donner une réponse. Les seules personnes qui pourraient en donner, ce
sont certainement nos amis de SIDBEC. C'est une étude avec SIDBEC qui
montrerait où il peut y avoir des créneaux, parce qu'il y en a.
Tout à l'heure, je disais "à première vue", parce que ce
n'est pas une conclusion d'étude. Par exemple, il y a beaucoup de lignes
d'étamage qui existent actuellement. Alors, en monter une autre, surtout
qu'il faut de grosses lignes pour que ce soit rentable, ce sera probablement
difficile. Cette conclusion n'est peut-être pas vraie pour une ligne de
prélaquage, ou un ligne de peinture, ou une ligne de galvanisation.
M. Charbonneau: Si je comprends bien, néanmoins, si on
décidait de faire des investissements, par exemple, dans une ligne de
galvanisation ou dans une ligne de prélaquage, il ne faudrait pas, par
ailleurs, pour faire en sorte qu'on puisse produire ces
équipements-là, fermer les laminoirs qu'on a
actuellement.
(13 heures)
M. Astier: C'est-à-dire que là, c'est une question
à laquelle il est très difficile de répondre dans une
conversation comme cela, parce que - je pense à des points qui ont
été évoqués tout à l'heure, surtout les
scénarios possibles - il y a malheureusement un très grand nombre
de possibilités qu'on peut envisager. Pour prendre un cas extrême,
on pourrait envisager - je ne le souhaite pas mais enfin - d'arrêter le
laminoir à chaud et de se concentrer sur le laminage à froid en
achetant des bobines; vous voyez, c'est un point extrême. À
nouveau, je dis bien que je ne le conseille pas, mais c'est pour montrer que
techniquement, c'est une possibilité. Une autre, c'est
d'améliorer le laminoir à chaud et même d'augmenter un peu
la production si cela est nécessaire et la qualité du produit
pour alimenter de nouvelles lignes du laminage à froid. Il y a là
toute une série d'options différentes. Je crains, vous voyez, que
ce ne soit des difficultés de l'étude des produits plats. Je
crois personnellement qu'il y a des possibilités mais elles ne sont pas
faciles à étudier parce que la plus facile à
étudier, ce serait de faire une grande usine de laminage à chaud
et à froid. Et cela, je pense qu'a priori elle n'est pas rentable. Je
crois d'ailleurs que SIDBEC a dû l'étudier et je pense que dans le
marché actuel, augmenter la production de SIDBEC et faire des
investissements de l'ordre du milliard de dollars, c'est certainement une
affaire non rentable.
Par contre, si on regarde les opérations plus ponctuelles, il se
peut que certaines d'entre elles soient très intéressantes, mais
il faut les examiner une à une. C'est une étude assez
détaillée à faire.
M. Rochefort: Vous voulez dire qu'en fait il y a deux solutions
faciles: soit de faire la superbe usine, tout équipée, toute
moderne, ou encore de tout fermer. Mais entre les deux vous nous indiquez qu'il
y a une variété de solutions qui mériteraient d'être
approfondies.
M. Astier: C'est ce que je pense.
M. Charbonneau: Une autre question au sujet de l'avenir de la
production de l'acier. Est-ce que vous pouvez nous indiquer actuellement,
compte tenu de la nouvelle technologie dans le monde, si néanmoins au
cours des années qui viennent il y a encore une place importante pour
les produits de l'acier?
M. Astier: Ah oui!
M. Charbonneau: Est-ce qu'on est à la veille de remplacer
l'acier à un point tel qu'il faille vraiment envisager l'abandon de
l'engagement dans l'industrie de l'acier?
M. Astier: Non, de ce côté-là, je suis
personnellement très optimiste parce que, autant il y aura des
remplacements qui se feront, c'est-à-dire que certains objets en acier
seront faits, par exemple, en aluminium ou certaines constructions en acier
seront faites en béton... On s'aperçoit qu'actuellement, si on
regarde depuis vingt ou trente ans, chaque fois que des transformations
semblables se font, l'acier regagne dans un autre secteur et qu'en fait, en
moyenne, les consommations d'acier, par exemple, en kilos par habitant, n'ont
pas diminué. Elles ont tendance à moins augmenter et elles vont
peut-être augmenter un petit peu moins, mais pour un autre facteur qui
n'est pas une substitution, qui est le fait - et j'insiste à nouveau, je
l'ai dit tout à l'heure - qu'on fait des aciers de meilleure
qualité. Le résultat est qu'on donne aux industries de
transformation les possibilités de faire le même service avec
moins de kilos d'acier. Si vous voulez, l'exemple des voitures est une bonne
illustration. Pour construire une voiture automobile, que ce soit aux
États-Unis ou en Europe, on avait tendance à employer 1500 kilos
d'acier et maintenant on arrive à faire une voiture pratiquement du
même confort avec 1200 ou 1000 kilos d'acier. Je ne parle pas du
remplacement d'une grande voiture par une petite, mais une grande voiture
à peu près de la même taille, on arrive à la faire
beaucoup plus légère. Vous retrouvez le même
phénomène pour des quantités de choses: un appareil de
réfrigération, un tube d'acier.
Toute l'amélioration qui s'est faite dans la qualité de
l'acier a permis, malheureusement, de diminuer les poids d'acier, les
consommations d'acier. La substitution, le grand concurrent de l'acier, c'est
l'acier, si je peux dire, de ce point de vue-là. C'est un acier de
meilleure qualité, un acier plus homogène et ceci est très
important. Autrement, je suis persuadé que nous allons encore consommer
de l'acier pendant de nombreuses années et de nombreuses
décennies.
M. Charbonneau: Juste une dernière question. Vous avez
beaucoup insisté sur la qualité. Est-ce que finalement il n'y a
pas une grande influence à l'étape de l'aciérage sur la
qualité qu'on aura dans les étapes ultérieures? Si on a
des difficultés, en termes de qualité, de production d'acier au
niveau de l'aciérie même pour différentes raisons, est-ce
qu'on risque d'avoir des problèmes de qualité qui pourraient
être réglés - je ne sais pas si c'est en amont ou en aval,
je me mélange toujours dans les termes - dans les étapes
ultérieures? On
pourrait peut-être régler ces problèmes de
qualité en investissant dans l'expérience au niveau humain et au
niveau matériel pour améliorer le type d'acier qu'on
fabrique.
M. Astier: Oui, je crois que vous avez tout à fait raison.
Il y a en fait deux choses très différentes. Il y a, dans les
moyens tout à fait ultérieurs - en aval comme vous le disiez -
une chose qui est très importante pour mettre en forme l'acier et
donner, disons, le meilleur produit au client, mais beaucoup plus sur ses
revêtements, ses états de surface, ses formes. Par contre, il est
certain que la qualité de l'acier, surtout au point de vue chimique, est
faite à l'aciérie. À ce point de vue-là, je crois
que toute entreprise, quelle qu'elle soit, que ce soit SIDBEC, l'US Steel ou
Usinor en France, est amenée constamment à faire des efforts, au
niveau de l'aciérie, pour améliorer sa qualité
d'acier.
Je crois qu'on peut le faire, d'ailleurs, parce qu'on a continuellement
de nouveaux moyens. Il faut donc à la fois, je pense, avoir le meilleur
personnel mais aussi avoir, en général, de nouveaux engins de
mesure, de nouvelles façons de contrôler, des technologies, comme
on dit, qui évoluent avec le temps. Il est certain que ce qu'on faisait
il y a dix ans, ou même il y a cinq ans, dans toute entreprise, il faut
le revoir constamment. On peut maintenant faire des aciers meilleurs à
nouveau, au sens de l'homogénéité, de la
régularité de coulée à coulée ou
d'adaptation à chaque produit, que ce qu'on faisait il y a quelques
années.
M. Charbonneau: Je vous remercie.
Le Président (M. Rochefort): Je vous remercie. M. le
député d'Outremont.
M. Fortier: M. Astier, vous nous avez parlé tout à
l'heure des problèmes de marketing des boulettes. Vous nous avez
également parlé de la mise en marché des produits d'une
sidérurgie. À l'origine, bien sûr, comme nous le savons,
quand SIDBEC est entrée en "joint venture" avec ses autres partenaires,
il n'était pas question pour SIDBEC elle-même de faire du
marketing de boulettes et on s'est retrouvé, au cours des ans, avec un
surplus que SIDBEC elle-même devait écouler. J'aimerais que vous
nous précisiez la différence fondamentale, pour une
sidérurgie, de faire le marketing de ses produits. Il s'agit, bien
sûr, dans le cas de SIDBEC, plutôt d'un marché domestique.
Je crois que vous nous avez dit tout à l'heure qu'en ce qui concerne les
boulettes, il s'agit d'un marché tout à fait différent qui
s'adresse à des clients tout à fait différents. Il s'agit
d'un marché international, et pour quiconque a voyagé un peu de
par le monde, dans les pays que vous avez mentionnés: le
Nigéria, la Grèce, l'Arabie Saoudite, enfin, on sait les
difficultés de faire le marketing dans ces compagnies. Est-ce que vous
ne trouvez pas que l'équipe de marketing, de prime abord, devrait
être différente?
En premier lieu, j'aimerais que vous me confirmiez ce que je viens de
dire, c'est-à-dire qu'il s'agit d'un marketing extrêmement
différent, non seulement sur le marché domestique mais
international. J'imagine que le genre de clientèle à qui on
s'adresse est tout à fait différent. En deuxième lieu, le
genre d'équipe de marketing qui doit faire l'effort pour percer les
marchés doit être également très différente.
Finalement, j'aimerais que vous disiez s'il y a beaucoup de sidérurgies
qui font le marketing des boulettes.
M. Astier: Tout d'abord, la première réponse. C'est
très juste. Votre question appelle une réponse tout à fait
affirmative. Il est certain que le marketing des boulettes, disons sur le
marché d'Amérique du Nord, pour en prendre un,
c'est-à-dire du Canada et des États-Unis, et dans les pays en
voie de développement, du genre des pays arabes, ce n'est pas du tout la
même chose. Dans un premier cas, en général, c'est un petit
peu comme pour l'Europe, ce sont plutôt des contacts permanents et la
signature d'un contrat annuel ou pluriannuel avec une personne bien connue pour
chaque société qui est un acheteur de produits. Une fois qu'on la
connaît bien, il suffit de maintenir des contacts et, pour moi, une
coordination avec les concurrents, puisque tout le monde se connaît dans
ce métier. Je dirais que c'est relativement facile, ce qui ne veut pas
dire que les résultats sont aussi faciles que ça, mais disons que
l'approche est relativement facile.
Avec les pays en voie de développement qu'on évoquait tout
à l'heure et que vous rappeliez, c'est beaucoup plus difficile parce
que, d'une part, chacun de ces pays a une personnalité un peu complexe.
On évoquait le cas du Nigéria, de la Lybie, de l'Arabie Saoudite;
ce sont des cas qui sont déjà différents les uns des
autres, avec des interlocuteurs qui souvent ne sont pas très faciles
à identifier et qui sont touchés de différents
côtés. Je dirais que les règles du jeu n'existent pas.
C'est la grosse différence avec des marchés très
organisés, comme les États-Unis, le Japon ou l'Europe où,
en très peu de temps, une personne qui est chargée de ce travail
connaît les acheteurs. Elles ne sont pas nombreuses, elles sont souvent
cinq ou six, les sociétés qui existent, et chacune a une
structure très organisée: du président, cela va à
une direction de l'approvisionnement. Il y a un responsable, on le
connaît; il change de temps en temps, mais en général,
c'est le même. Dans ces pays, c'est très différent.
Quelquefois cela
peut être le président de la compagnie qui décide
lui-même des contrats et qui associe - il faut bien le voir aussi - des
aspects politiques à des aspects économiques. Quelqu'un risque -
enfin je dis ceci en l'air, mais très librement, on le sait tous
-d'acheter ou de ne pas acheter des boulettes canadiennes pour des motifs qui
n'ont rien à voir avec la métallurgie et qui peuvent tenir
à des relations à caractère politique ou économique
de liens entre deux pays, alors qu'en général ces aspects ne
jouent pas dans les autres cas.
M. Fortier: Si je comprends bien votre réponse, vous me
confirmez, d'une part, que l'équipe de marketing devrait être
très différente et, si on envisage un avenir pour Normines en
particulier, peut-être que la direction dans laquelle il faudrait aller,
bien sûr après discussion avec des partenaires, ce serait de voir
à ce que Normines ait son propre marketing. Nous aurons l'occasion, cet
après-midi, de poser des questions à SIDBEC ou au ministre,
à savoir qu'à la suite de l'identification de ce problème
- qui est venu très tôt d'ailleurs, après 1977 je crois -
il fallait justement s'en occuper. Ne trouvez-vous pas, compte tenu des
problèmes politiques, en plus bien sûr d'avoir identifié
qu'il s'agissait d'une équipe de marketing très
différente, que ce marketing doive se faire à l'aide de la
politique du pays dans lequel nous vivons? Dans notre cas, bien sûr,
c'est le Canada? Il est impensable, j'imagine, d'avoir une politique de
marketing efficace sans la collaboration pleine et entière du
ministère des Affaires extérieures du Canada. Je sais fort bien,
pour avoir fait du marketing à l'étranger, qu'en France, vous,
Français, avez l'appui extrêmement compétent et efficace de
votre ministère des Affaires extérieures. Mais, dans notre cas,
j'imagine que lorsque vous parliez des problèmes politiques, toute
solution pour assurer l'avenir de Normines devrait, d'une part, passer par une
équipe identifiée à Normines comme telle et, d'autre part,
avoir l'appui plein et entier du gouvernement canadien et du gouvernement
québécois.
Finalement, ce que j'aimerais que vous me disiez, c'est si, même
en fonction des difficultés auxquelles vous avez fait allusion, il est
possible, avec les prémisses qu'on vient de définir
brièvement, avec une équipe agressive, de percer ces
marchés.
M. Astier: Si vous voulez, je vais commencer par le dernier point
parce que c'est plus rapide. Je pense que, malheureusement, il y a là un
aspect financier, un aspect de rentabilité qui n'est pas simple et,
certainement, je pense qu'il faudrait l'examiner en priorité pour voir,
comme on dit en français, si le jeu vaut la chandelle. La réponse
à votre question est forcément oui. Si vous avez une
équipe très agressive, elle va finir par décrocher des
marchés, mais je réponds tout de suite: À quel prix? parce
que c'est extrêmement difficile. Si la conclusion qui ressortirait d'une
étude qui a peut-être déjà été faite,
je ne sais pas, mais qui pourrait l'être, si elle ne l'a pas
été, est que l'on peut espérer vendre 2 000 000 de tonnes
par an de boulettes - enfin je dis ceci en l'air pour exprimer ma pensée
- mais qu'on est sûr que ce sera à un prix qui sera de je ne sais
combien de dollars en dessous des prix de revient, évidemment, il faut
se poser la question. Je ne veux pas dire qu'il ne faille pas le faire. Il y a
des opérations qu'on peut envisager de faire en se disant que la
conjoncture étant mauvaise, il vaut peut-être mieux faire cela, ce
qui peut être un des scénarios possibles. Cela me dépasse,
mais enfin, voyez, c'est ceci. Je crains que ce ne soit le plus grand obstacle,
l'aspect rentabilité. Actuellement, pour vous donner des ordres de
grandeur, on doit faire à peu près 8 000 000 de tonnes par an
dans le monde, seulement de minerai pré-réduit, ce qui demande
à peu près 12 000 0000 de tonnes de boulettes. Ces 12 000 000 de
tonnes ne sont pas achetées sur le marché parce qu'il y a au
moins la moitié des installations qui ont leur propre mine captive,
comme c'est le cas actuellement pour SIDBEC-Normines et SIDBEC. Alors, il reste
à peu près peut-être de 5 000 000 à 6 000 000
à mettre sur le marché mondial. Évidemment, quelle est la
part que pourrait prendre SIDBEC-Normines, par une attitude extrêmement
énergique, que vous diriez... Je crois qu'elle n'est pas nulle, mais
encore, j'insiste sur le fait qu'il faut voir à quel prix. (13 h 15)
M. Fortier: Dans ces ententes internationales, qui se
négocient souvent entre différents pays, est-ce que le prix est
toujours déterminant? D'autre part, est-ce que cette situation
précaire dans laquelle le monde se trouve présentement,
n'évoluera pas plus rapidement après 1985?
M. Astier: Actuellement, la situation est très mauvaise.
C'est la remarque que l'on faisait tout à l'heure. Il est difficile de
prévoir, comment elle sera dans quelques années. Il est possible
qu'elle s'améliore beaucoup, mais actuellement, comme elle est
très mauvaise, les acheteurs de boulettes de haute qualité pour
la réduction directe sont dans une situation où ils sont les
rois. Du coup, ils ont tendance à choisir leurs vendeurs de boulettes en
fonction de plusieurs paramètres qu'ils peuvent cumuler,
c'est-à-dire avoir les meilleurs marchés, les plus bas prix sur
le marché accessoirement avec d'autres avantages qui peuvent être
politiques ou autres. Je sais qu'à un moment,
une société minière a essayé de
négocier un contrat de dix ans dans une de ses installations en
proposant de rentrer dans le capital de cette société,
c'est-à-dire d'y mettre de l'argent. Cela montre à quel point le
marché est difficile. Il faut reconnaître que c'est aller
très loin.
L'autre point porte sur les questions d'organisation exacte, pour
lesquelles j'ai un peu de mal à situer exactement comment tout est
organisé dans le sein de SIDBEC-Normines et du Canada. Mais il est
certain que pour une attaque du marché international de ce genre, toute
aide gouvernementale est bonne. Il est certain qu'en plus - je peux le dire
très franchement - l'image du Canada, du Québec étant
très bonne dans la plupart des pays en voie de développement,
vous n'avez pas les obstacles qu'ont un certain nombre d'autres pays. Sans dire
du mal de nos voisins, les Américains, souvent, sont perçus d'une
façon très différente.
M. Fortier: Sur cette note d'espoir, je vous remercie.
Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le ministre.
M. Biron: M. Astier, je vous remercie d'avoir pu éclairer
un peu, à la fois, les membres de la commission et tous ceux qui sont
ici dans cette salle. Merci de votre présence.
Le Président (M. Rochefort): Merci. Sur ce, la commission
suspend ses travaux jusqu'à la fin de la période de questions,
soit vers 16 h 30.
(Suspension de la séance à 13 h 18)
(Reprise de la séance à 16 h 30)
Le Président (M. Desbiens): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Messieurs, la commission élue permanente de l'industrie, du
commerce et du tourisme est réunie pour poursuivre le travail qui lui a
été confié par l'Assemblée nationale et qui est
d'entendre certaines représentations en vue de revoir l'orientation de
SIDBEC. Le groupe qui aura à présenter son mémoire est
celui de SIDBEC et, avant de procéder, il faudrait d'abord s'entendre
sur le déroulement de la présentation du mémoire. Je crois
que les représentants de SIDBEC ont une proposition à faire quant
à une présentation audiovisuelle. Alors, M. le
député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: Afin d'aider au déroulement de nos travaux,
est-ce qu'il serait possible d'avoir une présentation du mémoire
de SIDBEC selon trois secteurs: premièrement, les exploitations
minières et certains aspects financiers des exploitations
minières; deuxièmement, les activités
manufacturières et, troisièmement, peut-être, la structure
financière globale? Le but de faire la présentation de cette
façon serait de nous permettre, après chaque secteur, de poser
des questions. Je pense que cela faciliterait les choses plutôt que
d'entendre toute la présentation globalement et de revenir après
cela. Je pense que ce serait plus facile, en termes de questions pertinentes,
si on pouvait diviser l'ordre du jour de cette façon.
La deuxième question que je voudrais poser concerne le
mémoire que nous avons devant nous, qui est la synthèse de la
présentation de SIDBEC. Est-ce que le contenu de ce mémoire est
substantiellement identique aux autres mémoires, aux autres plans de
redressement qui ont été présentés, par exemple, en
septembre 1980, en février 1981 et en juin 1982? Est-ce qu'il y a des
changements, des modifications radicales ou substantielles? Nous venons juste
de l'avoir et nous n'avons pas eu le temps de le lire avant cet
après-midi.
Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.
M. Biron: M. le Président, cela me fait plaisir de
répondre par l'affirmative à la demande du député
de Mont-Royal quant à sa première question, savoir diviser la
présentation en trois étapes. Je crois que la présentation
est assez longue, assez volumineuse et complexe. Pour la meilleure
compréhension possible des membres de cette commission parlementaire,
nous allons procéder d'abord par une présentation
générale du plan de redressement, mais très brève
de la part du président, M. De Coster. Ensuite, nous passerons à
chacune des activités et par ordre: exploitations minières,
activités manufacturières et problèmes de financement de
SIDBEC.
Cela implique quand même de pouvoir nous contrôler
nous-mêmes ou nous discipliner nous-mêmes pour les premiers groupes
afin de laisser assez de temps à la dernière présentation
sur le financement ou activités manufacturières, d'une part, et
deuxièmement, aussi d'essayer de passer le groupe prévu pour ce
soir sinon demain soir. Il y aura beaucoup de groupes qui vont attendre
très tard, dans le courant de la soirée.
Ceci dit, concernant le contenu du mémoire de SIDBEC, je pense
que M. De Coster, le président du conseil d'administration, pourra mieux
répondre à la deuxième question du député de
Mont-Royal.
Le Président (M. Desbiens): Je m'excuse d'interrompre.
J'ai fait un oubli. Ayant un
nouveau mandat de l'Assemblée nationale, je me dois, avant de
poursuivre, de nommer les membres et intervenants de la commission.
Les membres sont: MM. Baril (Rouyn-Noranda-Témiscamingue); Biron
(Lotbinière); Dussault (Châteauguay); Fortier (Outremont); Perron
(Duplessis); Charbonneau (Verchères); Leduc (Saint-Laurent); Lincoln
(Nelligan); Paré (Shefford); Martel (Richelieu); Ciaccia
(Mont-Royal).
Les intervenants sont: MM. Beaumier (Nicolet); Bélanger
(Mégantic-Compton); Mme Harel (Maisonneuve); MM. Champagne
(Mille-Îles); Scowen (Notre-Dame-de-Grâce); Grégoire
(Frontenac); Rocheleau (Hull); Tremblay (Chambly); et Vaillancourt
(Orford).
M. De Coster, si vous voulez poursuivre maintenant.
M. Ciaccia: À la place de qui? Il était là,
ce matin.
Le Président (M. Desbiens): M. Paradis, (Brome-Missisquoi)
remplace M. Bélanger (Mégantic-Compton).
M. De Coster.
Les administrateurs de SIDBLC
M. De Coster: Merci M. le Président. D'abord, vous me
permettrez, M. le Président, de présenter mes collègues
qui m'entourent.
Interviendront: M. Gilles Charette, à ma droite, est le
président et chef de l'exploitation de SIDBEC-Dosco, c'est-à-dire
notre opération manufacturière; M. Jean-Claude Raimondi passera
ensuite, il est vice-président adjoint à la planification; et M.
Paul Landry, le deuxième à ma gauche, vice-président aux
finances, au contrôle et à l'administration. M'accompagnent aussi
M. John Routhier, secrétaire, vice-président aux communications
et affaires publiques, et M. André Lachapelle, président par
intérim de la compagnie SIDBEC-Normines. J'ai aussi plusieurs autres
personnes ressources qui sont avec nous et qui pourront nous assister lors de
la période des questions.
Pour répondre à la question de M. le député,
il y a eu deux versions de plan de redressement. La première version du
plan de redressement avait deux volets. Le premier volet a été
déposé en septembre 1980; ce volet ne touchait que la partie
organisationnelle, la partie opérationnelle de l'entreprise et aussi
rapidement la partie financière. On évoquait évidemment
à ce moment, le premier diagnostic de l'entreprise. Ce volet touchait
les structures, l'organisation, l'exploitation. Il s'agissait surtout de
mesures que l'entreprise était capable de prendre par elle-même,
comme le marketing et l'amélioration de l'efficacité
opérationnelle, les structures, le renou- vellement des cadres, etc.
La deuxième étape a été la première
version du plan de redressement lui-même qui a été
déposé en février 1981. La stratégie finale a
été déposée en juin 1982. Entre ces deux versions,
il n'y a pas fondamentalement de différences très majeures,
excepté que la deuxième version est une mise à jour
beaucoup plus complète; nous avons poussé beaucoup plus les
études et les données sont beaucoup plus précises qu'elles
l'étaient dans le premier document.
Le premier document, je dois en convenir, est plutôt
dépassé, maintenant que la dernière version a
été faite, et nous sommes encore d'ailleurs à apporter
certaines modifications de données à la lumière des
budgets de 1982.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: M. le Président, si vous me permettez. Est-ce
que les conclusions sont changées dans le document que vous avez
déposé aujourd'hui?
M. De Coster: Les conclusions sont changées dans une
certaine mesure.
M. Ciaccia: Par rapport à quel document?
M. De Coster: Par rapport au document de février 1981.
M. Ciaccia: Mais est-ce qu'elles sont les mêmes
substantiellement par rapport aux documents de juin 1982?
M. De Coster: Absolument. Complètement. Je n'ai d'autre
mandat que celui de juin 1982.
M. Ciaccia: Alors si j'ai pris des notes sur mes documents de
juin 1982, je peux continuer à les utiliser.
M. De Coster: C'est parfait.
M. De Coster: M. le Président, la direction de SIDBEC est
heureuse de participer à cette commission parlementaire et de pouvoir
enfin rendre publique et expliquer la stratégie qu'elle propose pour
redresser l'entreprise, stratégie qui, malheureusement, a fait l'objet
de tant de spéculations, de conjectures et d'interprétations au
cours de l'interminable débat public des derniers mois.
La direction, je vous l'assure, intervient en toute objectivité
dans l'unique but d'informer adéquatement le public et ceux à qui
incombe une prise de décision que nous savons difficile et pleine de
conséquences financières, sociales et économiques.
Sans préjuger des interventions qui seront faites à cette
commission, j'anticipe au départ que fondamentalement deux
stratégies de base vont s'opposer et j'aimerais situer la
nôtre.
La première repose sur la notion de rentabilité qui, par
le rendement et l'autofinancement, vise à assurer à l'entreprise
SIDBEC, société d'État, la viabilité à long
terme et son développement ordonné. Comme vous le verrez, elle
entraîne des investissements, des désinvestissements et des
réaménagements majeurs.
La deuxième accorde plutôt la primauté à des
considérations d'ordre social et économique. Fortement
marqués par une conjoncture de crise, il faut en convenir, les tenants
de cette stratégie s'opposeront en toute logique à des
réductions importantes des activités du groupe.
La direction propose la première stratégie.
Profondément consciente de la raison d'être même de
l'entreprise et de ses responsabilités sociales, la direction, en
s'appuyant sur la notion de rentabilité, considère
répondre fidèlement d'abord à la loi de SIDBEC qui, en
décembre 1979, introduisait spécifiquement cette notion dans
l'objet d'entreprise, puis à la résolution du Conseil des
ministres du mois de novembre de la même année qui, en demandant
un plan de redressement, la situait dans un contexte de rentabilité, et
enfin, à la volonté des partenaires exprimée sans
équivoque dans les débats en commission et à
l'Assemblée nationale.
Nous savons fort bien, par contre, que le gouvernement qui sera
appelé en dernier ressort à rendre le verdict final tiendra
compte de tous les éléments de la problématique y compris
ceux d'ordre social et économique que les intervenants auront eu
l'occasion de faire valoir - au moins à ce qu'on me souligne pour la
partie économique - et qui ont fait l'objet d'une étude par un
groupe de sous-ministres spécialement mandatés à cette
fin.
En terminant cet avant-propos, je me permettrai quelques
précisions et mises en garde.
Ce que nous proposons à notre actionnaire, c'est fondamentalement
une stratégie de redressement et non un programme d'investissements en
soi, comme il avait été habituellement fait dans le
passé.
En évaluant la performance de SIDBEC et son potentiel pour les
fins de planification stratégique, il faut tenir juste compte de
l'impact de la crise actuelle. Ainsi, en se référant aux
résultats financiers de 1981 - et je devrai vous référer
à l'écran - on doit conclure que la perte de 60 000 000 $
prévue aux opérations manufacturières, en 1982,
résulte de facteurs conjoncturels. Ainsi,
SIDBEC a fait une perte aux opérations manufacturières, en
1980, de 19 000 000 $; en 1981, aux mêmes opérations
manufacturières, SIDBEC enregistrait un profit de 400 000 $ - un
revirement de 20 000 000 $ - et en 1982, une perte qu'on attribue aux facteurs
conjoncturels de 60 000 000 $.
Une comparaison des résultats des principaux aciéristes
intégrés du Canada fait ressortir les effets de la crise, comme
l'atteste d'ailleurs le tableau projeté. Vous voyez, par exemple, que
Stelco, dans les neuf premiers mois de l'année, a eu un écart
dans ses profits de 115 000 000 $; Algoma a eu un écart de 125 000 000
$; Dofasco a eu un écart de 71 000 000 $ et SIDBEC, incluant
évidemment toutes ses opérations manufacturières et ses
opérations minières, a eu un écart de 71 000 000 $.
Dans le seul troisième trimestre, Stelco a eu un écart de
profits avec l'année précédente de 13 000 000 $; Algoma,
qui est une entreprise très bien gérée, comme on le sait,
et très efficace en a eu un de 75 000 000 $; Dofasco a un écart
de 32 000 000 $ et SIDBEC, un écart de 12 700 000 $. Vous noterez en
même temps que le résultat financier de SIDBEC, pour les neuf
premiers mois, est une perte de 110 000 000 $; pour le troisième
trimestre, une perte de 32 000 000 $. La perte de 110 000 000 $ pour les neuf
premiers mois comprend 44 000 000 $ aux opérations
manufacturières, et 66 000 000 $ aux opérations
minières.
Troisième mise en garde. La conjoncture actuelle crée une
psychose d'incertitude et d'appréhension peu propice à une
planification stratégique réaliste. En scellant le nouveau
devenir de SIDBEC, il nous faut éviter d'être indûment
influencés par cette conjoncture, de porter des jugements intuitifs sur
les perspectives d'avenir de l'entreprise et de l'industrie sidérurgique
en général, qui est maintenant en période de crise, et
d'appuyer nos conclusions sur les données d'un état passager de
crise, si critique soit-il, s'inspirant par contre du sain réalisme
qu'il provoque. (16 h 45)
Quatrièmement, on ne saurait miser sur un revirement dramatique
à court terme, conséquence de l'adoption d'un plan de
redressement. Au contraire, l'application d'un tel plan s'accompagne
nécessairement d'une perturbation généralement
onéreuse et ses effets bénéfiques ne se font
réellement sentir qu'une fois l'application du plan
complétée. Cela prend quelques années.
Passons maintenant, si vous le voulez, après cet avant-propos,
à la présentation. Nous amorcerons cette présentation en
donnant une vue à vol d'oiseau de ce qu'est SIDBEC et de ce qu'elle
représente dans la
communauté québécoise. Nous aborderons ensuite,
dans son ensemble, la stratégie de redressement proposée pour,
subséquemment, scruter en détails ses divers
éléments, soit les activités dites minières, les
activités manufacturières et le financement.
Je demanderais à M. Charette, s'il vous plaît, de vous
servir de guide au moyen de diapositives. Nous n'essaierons pas de chanter
indûment les mérites de l'entreprise. Nous espérons, par
contre, donner une meilleure perception de ce qu'elle est réellement,
espérant ainsi contrer objectivement, dans une certaine mesure, les
affirmations systématiquement défaitistes et discriminatoires
pour l'entreprise.
M. Charette (Gilles): La société S1DBEC est
représentée par un sigle rouge, en forme de "S", qui symbolise
les aspects suivants. Pour nos clients, ce sigle représente
qualité et fiabilité pour la majorité de nos produits
sidérurgiques. Pour nos fournisseurs, de qui nous achetons
au-delà de 60% de nos fournitures, SIDBEC représente un
marché important pour l'écoulement de leurs produits. Pour nos
employés qui affichent le sigle de SIDBEC sur leur voiture, celle-ci
représente une industrie sidérurgique importante, construite de
toutes pièces par eux, en peu de temps, reconnue dans le monde entier,
et la seule francophone en Amérique.
Enfin, pour le Québec, le sigle de SIDBEC est une idée,
une mission commencée il y a quatorze ans, celle de créer une
industrie québécoise authentique dans le secteur
sidérurgique, ayant un contenu technologique élevé et
pouvant un jour concurrencer celles des Américains, des Européens
et de nos confrères de l'Ontario. Ces industries, notamment, ont
été mises sur pied et rodées il y a de cela plusieurs
années. Nous vous présentons donc de façon sommaire ce
qu'est SIDBEC.
SIDBEC contrôle quatre autres sociétés, dont trois
sont des filiales en propriété exclusive (SIDBEC-DOSCO,
SIDBEC-Feruni et SIDBEC International) et la quatrième en
coparticipation, SIDBEC-Normines.
SIDBEC-Feruni achète et traite les ferrailles utilisées
dans le secteur manufacturier SIDBEC-DOSCO transforme les matières
premières en demi-produits et en produits finis. Enfin, SIDBEC
International vend les surplus de minerai et de demi-produits pour le compte de
SIDBEC et de SIDBEC-DOSCO.
Comme on le voit à l'écran, les installations de
SIDBEC-Normines se trouvent au Lac Fire, à Gagnon, à
Port-Cartier. Celles de SIDBEC-DOSCO sont à Contrecoeur, Longueuil,
Montréal et Etobicoke, en Ontario. Le siège social est
situé à Montréal.
En bref, SIDBEC représentait, en 1981, des ventes totales de 614
800 000 $, un actif de 920 000 000 $, employait directement 4762 personnes. En
plus, environ 1100 employés additionnels oeuvrent directement pour le
compte de la Québec Cartier Mining, mais indirectement pour
SIDBEC-Normines au lac Jeannine et au lac Fire. SIDBEC occupait le
quatrième rang dans l'industrie sidérurgique canadienne sur le
plan de la production d'acier brut.
SIDBEC-Normines représente le secteur minier du groupe SIDBEC.
SIDBEC possède 50,1% du capital-actions de SIDBEC-Normines, la British
Steel 41,7%, la compagnie minière Québec Cartier 8,2%
propriété de US Steel Corporation.
En résumé, SIDBEC-Normines exploite les installations
suivantes: une mine à ciel ouvert au lac Fire où l'on concasse le
minerai ayant une teneur de 33% d'oxyde de fer; un concentrateur au lac
Jeannine, qui reçoit le minerai par chemin de fer, porte sa teneur
à 66% d'oxyde de fer et affiche une capacité d'environ 6 000 000
de tonnes par année; le concentrateur est situé près de
Gagnon, ville de 3200 habitants et entièrement dépendante des
activités de SIDBEC-Normines; l'usine de bouletage de Port-Cartier, qui
reçoit le concentré par chemin de fer, expédie ses
boulettes par bateau, soit vers Contrecoeur, soit vers d'autres marchés;
près de l'usine de bouletage se trouve l'usine d'enrichissement qui sert
à la production de boulettes à basse teneur en silice. Celles-ci
servent de matière première dans les usines de réduction
de Midrex.
L'historique de SIDBEC-Normines remonte à 1970, quand la
compagnie minière Québec Cartier proposait à SIDBEC de
participer à l'exploitation du gisement du lac Fire. De 1972 à
1974, on a effectué des études. En 1975, les trois partenaires
actuels décidèrent d'amorcer le projet, et en juin 1976, on
incorporait SIDBEC-Normines. En octobre 1978, les travaux de construction
étaient complétés, suivis du rodage des installations, et
finalement en 1980, les essais contractuels de parachèvement
étaient réussis avec succès.
Quant aux effectifs en 1981, SIDBEC-Normines procurait de l'emploi
à environ 1500 personnes, soit directement à Port-Cartier, soit
par le biais de la compagnie minière Québec Cartier.
SIDBEC-DOSCO constitue le secteur manufacturier de SIDBEC. Son
rôle consiste à transformer les matières premières
en produits finis sous diverses formes.
Pour mieux comprendre le rôle de SIDBEC-DOSCO aujourd'hui, il
convient de faire un rappel historique des trois principales étapes de
son développement: 1968, l'achat des usines de la compagnie DOSCO; 1974,
la première phase du programme d'expansion; et 1977, la
deuxième
phase.
D'abord, en 1968, au moment de l'acquisition par SIDBEC des
installations de DOSCO, celles-ci étaient plus restreintes
qu'aujourd'hui. Ses installations de 1968 sont indiquées, même si
c'est difficile à voir, sur l'écran par les rectangles rouges. On
retrouvait tout de même à Lasalle, l'usine Truscon pour la
fabrication de produits de construction; à Contrecoeur, trois laminoirs,
dont les laminoirs à chaud et à froid pour les plats et le
laminoir fil machine et barres pour les produits longs; à
Montréal, une petite aciérie ainsi que deux laminoirs à
fers marchands, une tuberie, une tréfilerie, une boulonnerie et une
clouterie; et, enfin, à Etobicoke, une tréfilerie et une
clouterie. L'usine de Longueuil et les installations d'acier primaire à
Contrecoeur n'existaient pas encore.
Les centres de production en place à cette époque
nécessitaient déjà des améliorations. Ils avaient
une capacité de laminage de 800 000 tonnes par an, et une
capacité d'acier primaire ne dépassant pas 170 000 tonnes par
an.
En 1974, pour assurer un approvisionnement en billettes aux laminoirs
à produits longs, on installait, comme on l'indique par les rectangles
verts sur l'écran, en haut à gauche, une aciérie à
Contrecoeur, dotée d'une machine de coulée continue à
billettes et l'on ajoutait un four de réduction Midrex pour boulettes
métallisées. La capacité d'aciérage primaire
s'élevait alors à 770 000 tonnes par an, tandis que la
capacité totale de laminage n'augmentait que légèrement.
Les nouvelles installations d'aciérage de Contrecoeur étaient
à la fine pointe de la technologie.
À la même époque, on fondait SIDBEC-Feruni, et cela,
en créant un réseau de récupération de ferrailles
et en installant deux unités de transformation de ferrailles à
Contrecoeur. Par contre, rien n'était prévu pour les centres de
finition déjà en place.
En 1977, tel qu'indiqué par les rectangles jaunes sur
l'écran, trois nouveaux développements ont lieu: d'abord
l'expansion des installations primaires dans le secteur des plats à
Contrecoeur. On y installait alors un deuxième four Midrex pour
boulettes métallisées, deux fours électriques et une
machine de coulée continue à brames pour alimenter les laminoirs
à plats. Ces équipements étaient également à
la fine pointe de la technologie d'aciérage pour les plats. Là
encore, rien n'était prévu pour les laminoirs existants.
Le deuxième développement fut l'acquisition d'une usine
très moderne à Longueuil équipée d'une
aciérie électrique avec coulée continue de billettes et
d'un laminoir à fers marchands.
Enfin, à la même période, SIDBEC-Normines
était en construction. On aboutit ainsi à une capacité
d'aciérage d'environ 1 400 000 de tonnes par an et une capacité
de laminage d'environ 1 500 000 de tonnes par an.
À l'heure actuelle, la situation globale dans le secteur
manufacturier est donc la suivante, comme on l'indique par les triangles rouges
encore:
Les laminoirs et les ateliers de parachèvement, à part
celui de Longueuil, remontent aux années 1950 et 1960 et même,
dans plusieurs cas, encore plus loin que cela. - L'usine Midrex, tel qu'on peut
voir par les rectangles verts et jaunes, les aciéries (sauf celle de
Montréal) et l'usine de Longueuil sont modernes et datent de 1974 et de
1977, donc moins de dix ans.
Les fonctions de nos principaux centres de production dans le secteur
manufacturier sont les suivantes...
On voit donc les boulettes d'oxyde à basse teneur en silice qui
sont reçues de Port-Cartier, réduites en boulettes
métallisées à l'aide d'un procédé au gaz
naturel dans l'une des deux unités Midrex à Contrecoeur. Ce
procédé est très efficace, mais le gaz naturel
utilisé comme agent chimique est de plus en plus coûteux. Les
boulettes réduites constituent le premier élément de notre
matière première.
SIDBEC-Feruni est le plus grand acheteur et transformateur de ferrailles
au Québec. Cette filiale s'approvisionne en carcasses d'automobiles et
autres types de ferrailles pour alimenter les aciéries de
SIDBEC-DOSCO.
En tant que matière première, les ferrailles sont aussi
importantes que les boulettes réduites.
Les deux matières premières sont acheminées vers
les fours électriques pour y être fondues. La composition de
l'acier est alors ajustée en fonction des nuances commandées.
L'acier est coulé en continu, soit sous forme de billettes dont les
sections droites varient de 90 à 150 millimètres, soit sous forme
de brames dont les sections droites peuvent atteindre 175 sur 1500
millimètres. Ces deux formes d'acier brut, brames et billettes, sont
produites par un procédé très moderne et affichent des
qualités assez exceptionnelles.
Les brames subissent alors une réduction d'épaisseur dans
un laminoir à chaud appelé laminoir steckel. Ce laminoir demeure
désavantagé en raison des coûts élevés et des
qualités inférieures de laminé à chaud comme
produit fini.
L'acier laminé à chaud est ensuite acheminé au
laminoir à froid pour y être aminci, cisaillé,
rebobiné et expédié. Nous vendons une excellente
qualité de laminé à froid.
À partir des billettes coulées en continu dans l'une de
nos trois aciéries,
SIDBEC-DOSCO fabrique du fil machine et des barres à Contrecoeur,
de gros profilés de construction au laminoir à fers marchands de
18 pouces à Montréal et des petits profilés et des barres
à Longueuil.
Les produits de certains laminoirs subissent de nouvelles
transformations dans d'autres centres de production ou ateliers, dont, en
particulier: deux tréfileries et clouteries à Montréal et
à Étobicoke; une tuberie à Montréal et un atelier
de produits de construction à LaSalle.
À SIDBEC-DOSCO, le nombre d'employés est passé de
2577 en 1969 à 4163 en 1981.
Les produits sidérurgiques de SIDBEC-DOSCO sont répartis
en trois grands secteurs stratégiques de marché: Les produits
plats et leurs dérivés, qui sont fabriqués à partir
de brames; les barres et les profilés et le fil machine et ses
dérivés. Ces deux derniers groupes de produits sont
fabriqués à partir de billettes.
Le secteur des produits plats comprend: les laminés à
chaud, les laminés à froid, les tubes.
Le secteur des barres et des profilés comprend les barres rondes
et carrées, les barres d'armature, les petits profilés et les
gros profilés de construction.
Le secteur du fil machine et ses produits dérivés
comprend: le fil machine, les fils d'acier doux et dur, les clous, les
éléments de fixation.
Maintenant, au niveau de la concurrence, SIDBEC-DOSCO vient au
quatrième rang parmi les producteurs d'acier brut au Canada; à
gauche, sur l'écran, Stelco, Dofasco et Algoma occupent les trois
premiers rangs et nous sommes suivis - à la droite - de Lasco et
d'Ivaco. À part SIDBEC-DOSCO, les autres sidérurgies canadiennes
sont, pour la plupart, situées à l'extérieur du
Québec, surtout en Ontario.
Par contre, tel qu'on l'indique dans la partie inférieure de
l'écran... La partie inférieure, pour ceux qui ne peuvent pas
lire, ce sont les trois secteurs stratégiques qui sont indiqués
en bas: les produits plats, les barres et profilés et le fil machine et
ses dérivés. La gamme de produits offerte par ces entreprises
n'est pas la même. Stelco, tout comme SIDBEC-DOSCO, s'est orientée
dans les trois grands secteurs stratégiques. Dofasco se
spécialise dans les plats, Algoma dans les plats, les barres et les
profilés, Lasco dans les barres et les profilés et Ivaco dans le
fil machine et ses dérivés. En somme, même si, globalement,
SIDBEC-DOSCO se situe assez bien, son importance relative diminue dans certains
secteurs stratégiques, dont les plats en particulier. (17 heures)
SIDBEC-DOSCO vend la plupart de ses produits finis au Canada et leur
distribution régionale s'établit comme suit, en pourcentage de
ventes: Au Québec, nous vendons 61,7% de nos produits; en Ontario,
35,9%; dans l'Atlantique, 1,6%, et, dans le marché de l'Ouest, 0,8%. Nos
produits sont expédiés à une clientèle
diversifiée dont les centres de service, les fabricants d'acier, les
utilisateurs de fils et de produits dérivés, les utilisateurs de
tubes, l'industrie de l'automobile et les entrepreneurs.
Les deux groupes les plus importants sont les centres de service et les
fabricants d'acier. Voilà donc quelques-unes seulement des applications
où l'on retrouve des produits de SIDBEC-DOSCO, comme c'est
indiqué à l'écran.
Nous avons ainsi représenté SIDBEC à vol d'oiseau
à partir de la mine du lac Fire jusqu'à ses produits
sidérurgiques et son marché. SIDBEC joue certainement un
rôle important dans l'économie du Québec, un rôle
particulièrement crucial en ce qui touche l'acier. Mais au coeur de
SIDBEC, il y a des équipes de gestionnaires et de compétences
déterminées à faire réussir leur entreprise. Il y a
des syndicats animés des mêmes objectifs. Le succès
éventuel de SIDBEC dépendra de ces gens en collaboration avec son
actionnaire.
Le Président (M. Desbiens): Merci. M. Charette. Alors, le
plan de redressement.
M. De Coster: Le plan de redressement constitue la pièce
maîtresse de notre présentation et des débats de cette
commission. Pour en faciliter la compréhension, nous avons
préparé une synthèse qui est incluse ci-après et
qui est titrée Synthèse de la stratégie d'entreprise. Je
vous suggère d'y référer car je suivrai
généralement l'ordre du mémoire. Chacun des articles
suivants s'accompagne d'un tableau.
L'objet de l'entreprise. L'objet de l'entreprise est de poursuivre
l'exploitation d'un complexe sidérurgique, seul ou avec des partenaires,
dans le but d'assurer dans des conditions de rentabilité la
consolidation et l'expansion de ses opérations de telle sorte que soit
encouragé le développement d'entreprises consommatrices d'acier
au Québec. Cet objet a été modifié lors de la
modification à la loi de SIDBEC qui a été
sanctionnée en décembre 1979.
Le mandat. Un mandat a été donné
spécifiquement à SIDBEC par résolution du Conseil des
ministres du 28 novembre 1979. Il consiste à proposer au gouvernement
les orientations que SIDBEC désire prendre pour rentabiliser ses
opérations. Ce mandat découle évidemment des dispositions
de la loi.
La stratégie. Le plan de redressement a été
préparé le 7 juin et transmis au ministre le 14 juin. Cette
stratégie s'appuie sur des travaux qui ont été soumis au
conseil par la direction et préparés à l'interne avec
l'assistance de conseillers spéciaux.
Par ailleurs, dans le cas des laminés à chaud et des
laminés à froid, les études ont été
confiées à une firme des Pays-Bas, la firme Estel Technical
Services qui, pour un temps, considérait sérieusement entrer en
association avec SIDBEC pour l'expansion des produits plats.
Le cheminement du plan de redressement, nous en avons parlé il y
a quelques minutes. Le thème du plan de redressement est le suivant: par
le biais d'une rentabilité acceptable, assurer à l'entreprise une
viabilité à long terme et un développement
ordonné.
Les objectifs. La stratégie vise à circonscrire la
vocation de SIDBEC à la fabrication et à la vente à profit
de produits sidérurgiques. Deuxièmement, à rationaliser et
optimiser son approvisionnement en matière première.
Troisièmement, à maximiser sa productivité en concentrant
ses ressources sur les activités qu'elle connaît le mieux et
qu'elle effectue le plus efficacement et en mettant en valeur les secteurs
où le groupe jouit d'une compétence, d'une réputation et
d'une technologie établies et de marchés acquis.
Quatrièmement, à exploiter une gamme de produits à haut
rendement, bien adaptés à la technologie employée, aux
procédés de fabrication et aux équipements. Finalement
à optimiser l'utilisation des ressources financières et des
ressources humaines.
Les principales conclusions du plan de redressement sont
énoncées et démontrées dans deux documents qui
constituent la synthèse de rapports beaucoup plus volumineux. Ces deux
documents sont l'étude des résultats du secteur des
opérations minières et le plan de redressement des
opérations manufacturières. Ces documents sont accompagnés
de sommaires exécutifs et ces documents sont disponibles.
On peut résumer les conclusions comme suit: L'implication de
SIDBEC dans SIDBEC-Normines sans changement majeur dans la participation ou
dans les opérations de la filiale mène à un
désastre financier d'envergure, et la situation ne saurait
vraisemblablement s'améliorer de façon significative avant la fin
de la décennie. Comme ordre de grandeur, il est permis de projeter que
les seules opérations des années 1983 à 1987, quels que
soient les niveaux des achats, engendreront pour SIDBEC des pertes de
liquidité et des déboursés d'intérêt pouvant
dépasser les 400 000 000 $, sans compter les quelque 200 000 000 $
versés en intérêt sur les emprunts effectués pour
éponger les pertes liquides qui ont été accumulées
jusqu'au 31 décembre 1982 et pour financer l'investissement initial dans
SIDBEC-Normines.
Les pertes directement attribuables à l'implication de SIDBEC
dans SIDBEC-Normines, depuis le début des opérations de celles-ci
en 1978, s'élevaient au 31 décembre 1981 à 154 000 000 $
et on estime à près de 90 000 000 $ celles prévues pour
1982.
Aux opérations manufacturières. Les pertes
accumulées au 31 décembre 1981 s'élevaient à 147
000 000 $ et on estime à plus de 60 000 000 $ celles de 1982. Compte
tenu d'une amélioration sensible d'efficacité
opérationnelle et d'investissements défensifs courants, le statu
quo aux opérations manufacturières mène à un
cul-de-sac. Tout au plus, le rendement se maintiendra-t-il marginal au cours
des bonnes années. Par contre, l'entreprise demeurera fragile et
vulnérable à tout soubresaut conjoncturel, ce que des
études de sensibilité font clairement ressortir; sa force
concurrentielle se détériore d'année en année; ses
coûts de production et d'entretien s'accroissent plus rapidement que ceux
de la concurrence; et des évolutions inquiétantes se manifestent,
spécialement dans le secteur énergétique, qui pourraient
porter de durs coups à la rentabilité du procédé
Midrex et à celui de la fabrication d'acier primaire.
La troisième conclusion: II y a un module de trop à
l'usine de réduction directe.
La quatrième conclusion: II y a surcapacité de production
de billettes de l'ordre de 155 000 tonnes, généralement vendues
à perte et qui devraient être utilisées à la
fabrication de produits longs.
La cinquième conclusion: Le secteur des produits plats est
déficitaire et la force concurrentielle de l'entreprise s'amenuise
d'année en année dans ce secteur. Par contre, pris
isolément, le secteur de la tuberie, lequel normalement est
considéré comme un secteur des produits plats, est hautement
rentable et offre un potentiel de développement intéressant.
La sixième conclusion: Le secteur des barres et profilés
présente un potentiel de développement important dont la
réalisation ne requiert aucun investissement important mais seulement un
effort soutenu de commercialisation.
La septième conclusion: Le secteur du fil machine et de ses
dérivés est le seul secteur de SIDBEC qui est présentement
hautement rentable. Il est, par contre, condamné à une
érosion progressive des parts de marchés et de sa force
concurrentielle, ayant atteint ses capacités de production d'une part,
et d'autre part en raison de la désuétude graduelle du laminoir
existant.
La huitième conclusion: La structure financière est
inadéquate et entraîne des coûts de financement qui
excèdent considérablement sa capacité de payer et
compromet sa rentabilisation.
Synthèse de la stratégie de l'entreprise. Je ne sais pas
s'il est nécessaire de la relire, M. le ministre l'a lue, ce matin. On
peut passer, peut-être rapidement. C'est
évidemment l'essentiel de la présentation.
Il y a d'abord deux volets à la stratégie d'entreprise. Le
premier volet est une stratégie de redressement sectoriel,
c'est-à-dire une stratégie pour redresser les secteurs de
l'entreprise en maintenant SIDBEC, évidemment, société
d'État. Le deuxième volet c'est plutôt la privatisation,
c'est-à-dire la vente en tout ou en partie des actions à
l'entreprise privée.
La stratégie d'entreprise qui découle des
stratégies de redressement sectoriel, d'abord. SIDBEC doit être
autorisée à se délester très rapidement du fardeau
que constitue sa participation dans SIDBEC-Normines par la vente à des
tiers de sa quote-part du capital-actions de celle-ci. Parallèlement,
elle doit pouvoir explorer en profondeur l'hypothèse de rechange que
constituerait la fermeture de la mine du lac Fire, assortie d'une garantie
d'approvisionnement de minerai de fer du Mont-Wright, d'une rationalisation des
opérations et des services et, si possible, d'un
réaménagement des participations respectives des partenaires.
Dans l'éventualité où le premier scénario -
la vente à un tiers - ne s'avérait pas réalisable à
courte échéance et que le deuxième ne justifiait pas
financièrement le maintien des opérations de la filiale à
long terme, le gouvernement devra se résoudre sans délai à
autoriser SIDBEC à négocier, avec ses partenaires, l'abandon
complet et définitif des opérations de SIDBEC-Normines.
Le secteur des produits longs constitue pour SIDBEC une force
réelle et importante sur laquelle l'entreprise doit
impérativement capitaliser. Ce secteur regroupe les équipements
les plus modernes. Il dessert un marché stable et très rentable,
dont SIDBEC possède une part importante.
Afin de pouvoir exploiter efficacement ces avantages, l'entreprise doit
s'assurer l'accès à une quantité additionnelle de fil
machine. L'amélioration du laminoir existant qui, au coût
d'environ 70 à 75 millions en dollars 1981, ajouterait une
capacité de 160 000 tonnes et améliorerait techniquement et
commercialement le produit est indispensable.
La fermeture du secteur des produits plats est inévitable
à court terme et doit être décidée et
planifiée avec diligence. Elle implique un réaménagement
en profondeur des équipements et des services de l'entreprise et
l'abandon d'autres opérations non rentables. Elle doit aussi s'assortir
d'une volonté de l'actionnaire de développer le secteur des
produits longs et de le rendre hautement compétitif.
Le marché des tubes et des profilés creux de construction
est très rentable. Il offre de plus des perspectives de croissance
très intéressantes. Il est donc important pour SIDBEC d'exploiter
un secteur autonome de tubes et de profilés creux de construction en
maintenant l'exploitation de la tuberie actuelle, qui est une tuberie à
soudure continue, et en implantant, si financièrement possible, une
nouvelle tuberie qui serait une soudure par résistance électrique
et dont le projet coûterait environ 50 à 60 millions en dollars
1981.
Dans l'éventualité où la fermeture du secteur des
produits plats était écartée ou différée
pour une raison ou pour une autre, un tel projet devient indispensable car il
serait susceptible d'améliorer de façon significative le
rendement du secteur et d'en prolonger la durée de quelques
années encore.
Un des deux modules de l'usine de réduction directe devra
être fermé et, finalement, l'actionnaire devra rationaliser la
structure financière. C'est là l'essence ou l'essentiel de la
stratégie de redressement sectoriel.
Autre stratégie d'entreprise. La stratégie d'entreprise
énoncée ci-dessus a été conçue pour assurer
la viabilité de l'entreprise à sa condition actuelle de
société d'État. Il y a, par ailleurs, une autre
stratégie d'entreprise que le gouvernement du Québec devrait
sérieusement envisager. C'est la vente de la totalité des actions
de SIDBEC à l'entreprise privée, préférablement
à un aciériste nord-américain en quête d'une
garantie d'approvisionnement de boulettes. Cette option comporte en soi des
avantages nombreux et déterminants sur le plan de la rentabilité,
et partant, de la viabilité de l'entreprise. (17 h 15)
La direction de SIDBEC devrait être autorisée par mandat
spécifique à entamer des pourparlers parallèlement et
simultanément à la mise en oeuvre de la stratégie de
redressement sectoriel qui a été recommandée plus
haut.
Avant de passer à l'étude des différents
éléments de la stratégie, j'aimerais donner le fond de ma
pensée. C'est la mienne. Ce sont des opinions personnelles sur trois de
ces pièces majeures en raison de la notoriété qu'elles ont
reçue au cours des derniers mois, soit la privatisation de SIDBEC, le
sort de SIDBEC-Normines et la fermeture des produits plats.
La privatisation. Après avoir énoncé une
stratégie conçue pour redresser l'entreprise en sa condition
actuelle de société d'État, la direction a
recommandé à son actionnaire de considérer
sérieusement une stratégie d'entreprise qui consiste à
privatiser SIDBEC. À mon avis, cette option comporte des avantages
nombreux et déterminants sur le plan de la rentabilité et de la
viabilité, comme il a été mentionné dans la
stratégie, et est susceptible, potentiellement tout au moins, de
bon!fier et peut-être même de récupérer certaines
opérations autrement marginales, tels les produits plats, par une
complémentarité avec un autre aciériste. Je dois vous
avouer en passant que le long cheminement du plan de redressement et les
débats publics qui l'ont entouré ont raffermi ma
préférence pour cette option.
Je tiens à préciser, par contre, que cette
préférence personnelle n'était en rien susceptible
d'affecter la qualité de la gestion de SIDBEC ni l'exercice du mandat
que j'avais accepté et qu'on ne saurait trouver motif à mon
départ dans un désaccord possible avec le gouvernement sur ce
point, comme on l'a déjà évoqué. Je tiens aussi
à préciser que c'est la vente des actions que la direction
recommande et non des activités morcelées et, finalement, qu'une
vente, bien que problématique, ne saurait être
écartée sans être tentée avec toute la rigueur et le
professionnalisme requis. Je m'empresse de rassurer mes collègues des
syndicats: je n'évoquerai pas cette stratégie de nouveau dans
cette présentation. Je dois leur avouer, par contre, que je trouve
support à ma thèse dans leur opposition au concept de la
privatisation.
Le sort de SIDBEC-Normines. SIDBEC ne peut pas continuer à subir,
année après année, les pertes énormes
qu'entraîne son implication dans SIDBEC-Normines. Au strict plan
financier, l'abandon des opérations de SIDBEC-Normines constitue pour
SIDBEC la solution la plus rapide et la plus complète aux
problèmes sérieux de trésorerie que lui cause son
implication dans sa filiale minière. Par contre, et c'est implicite au
plan de redressement, la direction et le conseil d'administration de SIDBEC
considèrent la fermeture de SIDBEC-Normines comme une solution de
dernier recours et lui préfèrent deux autres hypothèses
qui ont été évoquées déjà et qui
seront expliquées plus loin.
Personnellement, je dois vous avouer que je ne crois pas en la fermeture
de SIDBEC-Normines, à court terme tout au moins. L'abandon du projet
exige, à toutes fins utiles, le consentement unanime des trois
partenaires, ce qui est très loin d'être acquis. J'ai même
une lettre du président de British Steel qui m'indique que cette option
n'est pas acceptable à British Steel. En assumant, pour les fins de la
discussion, que les actionnaires en convenaient, le Québec devrait
débourser plus de 300 000 000 $ -325 000 000 $ probablement en dollars
1982 et avec les ajustements de dernier temps -pour rembourser sa quote-part de
la dette à long terme de SIDBEC-Normines et financer sa quote-part des
frais de fermeture.
Dans un contexte de comptabilité gouvernementale globale, il est
loin d'être démontré que les avantages financiers qui
résulteraient d'une fermeture justifieraient ces
déboursés, à court terme tout au moins. De plus, les
coûts sociaux et les conséquences sur les communautés
affectées, sur l'économie et peut-être aussi sur les
exploitations minières reliées, contribuent à rendre cette
hypothèse encore moins vraisemblable, à court terme encore. Si,
à l'inverse, les partenaires refusent leur consentement, comme nous
avons toutes les raisons de conclure, le Québec ne saurait
unilatéralement décréter la fermeture sans se rendre
passible de pénalités considérables qui viendraient
s'ajouter et peut-être même doubler les 300 000 000 $
déjà mentionnés.
La fermeture des produits plats. À ce chapitre, la direction est
forcée de conclure que le secteur des produits plats est
irrémédiablement condamné et que sa fermeture est
inévitable. Cette conclusion découle d'abord de la
désuétude de l'équipement de laminage, spécialement
du laminoir à chaux qui constitue le coeur de notre activité. Il
découle du rendement déficitaire du secteur et de sa
détérioration graduelle, tant au plan des résultats
financiers qu'à celui du flux de la trésorerie. Il découle
de considérations commerciales reliées à l'implantation de
deux nouveaux laminoirs à chaux modernes au Canada qui provoqueront une
surcapacité considérable de bandes à chaux.
Je dois vous avouer aussi que, devant la croissance des coûts
énergétiques, j'entretiens personnellement de sérieuses
inquiétudes en ce qui a trait à l'évolution du coût
des brames et à la viabilité de la filière de
réduction directe. M. Raimondi fera plus tard état des
conséquences du statu quo, des hypothèses qui ont
été examinées dans le cas des plats et des conclusions qui
ont été tirées. Ce qu'il est important de retenir à
ce chapitre c'est que l'abandon de la fabrication des produits plats est
inévitable et qu'il serait pour le moins illogique d'investir dans des
équipements vétustes. Les modalités et
l'échéancier de la fermeture doivent être planifiés
par contre avec soin et diligence. Nous évoquons même, comme
modalité de fermeture, la possibilité de fabriquer pour un
certain temps, tout au moins, du laminé à froid à
même des bandes à chaux achetées de l'extérieur.
C'est un projet qui serait susceptible d'être rentable en soi tant et
aussi longtemps qu'il y aurait un surcroît de bandes à chaux qui
rendrait l'achat de ces bandes à chaux rentables pour alimenter le
laminoir à froid qui, bien qu'il ait certaines faiblesses et certaines
désuétudes, produit tout de même une qualité de
produits bien commercialisables.
Comme scénario de transition, nous évoquons aussi un
projet susceptible d'apporter une amélioration temporaire dans
l'éventualité où la fermeture du secteur des produits
plats était retardée ou étalée. M. Raimondi vous
parlera des deux projets, celui du laminé à froid et l'autre
projet dont je viens de faire état. Il vous l'expliquera.
La structure financière. Quant à la structure
financière, elle est manifestement inadéquate et entraîne
des frais financiers excessifs. On comprendra par contre qu'il est impossible
de projeter une structure adéquate tant et aussi longtemps que les
décisions de base de la stratégie de redressement ne seront pas
connues.
Voici pour la partie du plan de redressement. Vous me permettrez
maintenant, si vous le voulez bien, d'aborder les activités dites
minières. En abordant ce secteur, j'aimerais dire à M. Astier que
nous sommes d'accord avec le portrait qu'il nous a fait ce matin des
perspectives du marché de l'acier et des perspectives du marché
du minerai de fer. M. Astier a évoqué trois portes de sortie pour
SIDBEC: les boulettes réduites, la vente de boulettes à hauts
fourneaux et le changement dans le temps. En ce qui a trait aux boulettes
réduites, j'aimerais vous situer immédiatement le contexte
actuel. À l'heure actuelle, il n'y a pas un module de réduction
directe qui fonctionne au Canada ou en Amérique du Nord, sauf celui de
SIDBEC qui marche à 40% de sa capacité. La compagnie British
Steel a deux modules de réduction directe complètement neufs dans
un endroit où elle a installé un port. Ses deux usines de
réduction directe n'ont jamais fonctionné et sont dans les boules
à mites. Un module de réduction directe de 1 000 000 de tonnes
est entré en fonctionnement, il y a quelques mois en Allemagne, il a
été fermé en faillite après trois mois de
fonctionnement.
Le marché actuel des boulettes réduites est presque
complètement disparu, presque complètement éliminé,
et cet état de chose est dû à l'accroissement
déraisonné des coûts d'énergie qui rendent ce
secteur bien problématique dans l'avenir. À l'heure actuelle, par
exemple, une tonne de boulettes réduites coûte deux fois le prix
en équivalence d'une tonne de ferraille. En plus, lorsqu'on parle de
commercialiser des boulettes réduites, il faut avoir à l'esprit
qu'elles constituent, dans le transport, un cargo hasardeux. Les perspectives
d'amélioration de la situation de SIDBEC dans son secteur minier ne
sauraient se reposer sur la commercialisation des boulettes réduites,
à ce moment-ci.
En ce qui a trait aux boulettes à hauts fourneaux, je tiens
d'abord à clarifier ou à préciser que la commercialisation
chez SIDBEC se fait par un groupe séparé, SIDBEC International,
qui ne fait que cela ou presque uniquement cela et, qui travaille avec une
entreprise, qui est reconnue, comme un des meilleurs commerçants de
minerai de fer au monde. Ce qui est le problème à l'heure
actuelle, ce n'est pas une compétence dans le marché, c'est
évidemment les prix, qui sont à la baisse et, à l'heure
actuelle, nous serions obligés de vendre en Europe les boulettes
à hauts fourneaux avec un escompte d'environ 40%, soit près de 25
$ la tonne, alors qu'on nous exige une pénalité de 17 $ pour ne
pas les produire. En somme, c'est tout simplement une question de coût au
consommateur européen, qui doit déterminer ce qui est à
meilleur prix pour lui d'acheter du Brésil ou d'acheter de SIDBEC les
boulettes dont il a besoin, en prenant évidemment en
considération les coûts de transport; et c'est là où
on est réellement vulnérable.
En ce qui a trait, M. Astier, au secteur manufacturier, nous parlons
exactement le même langage que le vôtre. Vous le verrez dans la
suite de la présentation.
Les activités dites minières. Nous aborderons ce chapitre
en donnant quelques renseignements pertinents sur SIDBÈC-Normines, sous
forme de données qu'on trouvera au tableau ci-inclus. Je
procéderai très rapidement, faute de temps.
SIDBEC-Normines n'est pas, évidemment, SIDBEC. C'est une
société, qui est incorporée en vertu des lois du
Québec, c'est aussi une société en coparticipation, qui
est régie par des règles particulières et de nombreux
contrats. Vous noterez la participation importante des deux autres partenaires,
comme on l'a déjà signalé. La composition du conseil
d'administration est régie par une convention. SIDBEC a cinq membres;
British Steel en a quatre; la compagnie minière Québec-Cartier,
une. Il y a une convention, qui traite des relations des actionnaires entre eux
et stipule les droits et obligations de ceux-ci, notamment, en ce qui a trait
à l'exercice du droit de vote et à l'administration de
l'entreprise. Notons aussi les activités limitées de
SIDBEC-Normines. SIDBEC-Normines a pour mandat, de produire des boulettes pour
ses partenaires et uniquement pour eux. Il n'est pas question de
commercialisation. Les niveaux de production sont déterminés par
les besoins des partenaires eux-mêmes. Le prix de vente aux partenaires
est prédéterminé, selon une formule qui est reliée
au prix des grands lacs. Vous noterez aussi... Alors, il n'y a pas de
commercialisation, la compagnie n'est pas autorisée à
commercialiser, selon les contrats et les ententes, et la commercialisation se
fait par chacun des trois partenaires séparément.
Vous noterez aussi que l'usine de réduction directe a
été construite aux seules fins de SIDBEC, et c'est elle qui doit
en défrayer tous les frais, qu'elle fonctionnne ou non. Notez aussi la
dépendance de SIDBEC-Normines sur un tiers pour des services critiques.
(17 h 30)
Vous voyez, par exemple, que SIDBEC-Normines est propriétaire
d'une mine à Fire Lake; SIDBEC-Normines est propriétaire d'un
concentrateur au lac Jeannine et à Gagnon;
SIDBEC-Normines est propriétaire des wagons de chemin de fer et
SIDBEC-Normines est propriétaire de l'usine de bouletage. Par contre,
SIDBEC-Normines est dépendante de la compagnie minière
Québec-Cartier pour le chemin de fer qui va du lac Fire au lac Jeannine
et qui va du lac Jeannine à Port-Cartier; SIDBEC-Normines est aussi
dépendante de la compagnie minière Québec-Cartier à
Gagnon pour la fourniture d'électricité qui vient de Hart Jaune.
SIDBEC-Normines est dépendante de la compagnie minière
Québec - Cartier pour le port et les équipements de manutention
et de chargement. Tous les terrains en périphérie de l'usine de
bouletage à Port-Cartier appartenant à la compagnie
minière Québec - Cartier, l'usine de bouletage est
enclavée à l'intérieur des terrains de la compagnie
minière. Par contrat, la compagnie minière Québec -
Cartier gère la mine, le concentrateur et la ville de Gagnon.
Le coût des investissements. 630 000 000 $ en dollars au moment
où les investissements se font et se sont faits dans les
opérations minières de SIDBEC-Normines.
Le financement de SIDBEC-Normines. Les dollars US sont exprimés
selon la cote lors de l'émission. Alors, 220 000 000 $ de
capital-actions soumis, 410 000 000 $ de dette à long terme; il en a
coûté à peu près 140 000 000 $ pour financer son
investissement. SIDBEC se rend garant du remboursement de la dette à
long terme et toutes les obligations de SIDBEC envers SIDBEC-Normines et les
détenteurs d'obligations sont garanties par le gouvernement du
Québec. Si on voulait rembourser à l'heure actuelle la dette
obligataire en dollars américains, il faudrait ajouter 65 000 000 $
environ aux chiffres que vous avez. Ces obligations ont été
vendues à 47 détenteurs. Vous noterez la
prépondérance d'une compagnie d'assurance qui détient 139
000 000 $. La Caisse de dépôt est là pour 27 500 000 $;
cinq autres prêteurs américains pour 112 000 000 $. Ce qui veut
dire que pour obtenir 66 2/3% des votes qui sont souvent le niveau requis pour
obtenir des modifications à l'acte de fiducie ou au contrat, cela prend
cinq prêteurs américains, la Caisse de dépôt et la
compagnie d'assurance américaine.
Le financement courant. SIDBEC-Normines est financée par un
crédit bancaire qui est limité par l'acte de fiducie;
présentement, c'est 44 000 000 $ et pendant une période de 60
jours, ce crédit bancaire est limité à 15 000 000 $. Le
reste des fonds requis est contribué par les partenaires eux-mêmes
sous forme de contributions ou d'avances qui sont des paiements
anticipés, des déficits de caisses, des prêts ou des
pénalités.
Les principaux contrats. Vous voyez les contrats qui lient
SIDBEC-Normines, les actionnaires entre eux avec les détenteurs
d'obligations ou des contrats de services. Généralement, un
défaut à un contrat entraîne automatiquement un
défaut à l'acte de fiducie et de nantissement et est susceptible
de déclencher le rappel de la dette obligataire et de la
rétrocession de la mine. Le contrat d'achat de boulettes équivaut
à un contrat ferme, un "take or pay" pour 90% de la quote-part de la
capacité nominale de SIDBEC-Normines. Pour SIDBEC, la quantité
nominale est de 3 000 000 de tonnes métriques et la quantité
minimale est de 2 700 000 tonnes, ce qui veut dire pour chaque tonne
déficitaire, sauf stipulations transitoires, entraîne une
pénalité qui pour 1983 est estimée globalement à
environ 17,25 $ la tonne. C'est un contrat ferme "take or pay" pour 90%, soit,
pour SIDBEC, 2 700 000 tonnes. Pour chaque tonne qui est en déficit dans
une année donnée, il faut payer une pénalité
d'environ 17,25 $ la tonne.
Sur ce point et pour répondre, peut-être par anticipation,
à une question des membres de la commission, la clause de
pénalité a deux buts. On a évoqué ce matin un but
qui était celui de garantir les obligations de SIDBEC-Normines envers
les détenteurs de la dette à long terme. Il y a un autre but
à cette clause de pénalité, c'est pour protéger les
partenaires contre le défaut d'un autre partenaire. Comme vous le savez,
le projet a un "pattern" bien spécial et les contrats reflètent
cette spécificité. Les partenaires ont investi, comme vous l'avez
vu, 220 000 000 $, il se sont rendus garants de 410 000 000 $ et ont voulu se
protéger. C'est une des raisons pour lesquelles ce concept de
pénalité a été introduit. En somme, ce que les
partenaires se sont dit, c'est: Pourquoi un partenaire qui respecte ses
engagements devrait-il assumer une partie des pertes occasionnées par
les défauts d'un autre partenaire? C'est de cette manière, par le
biais des pénalités, qu'on a protégé
l'intérêt des partenaires qui respectent leurs obligations contre
un défaut d'un autre partenaire.
Les résultats financiers. On arrive ici, évidemment, au
coeur du sujet. En raison de son implication dans SIDBEC-Normines et des
engagements contractuels qu'elle a à assumer, SIDBEC aura encouru des
pertes considérables au cours des dernières années, soit
242 000 000 $ au 31 décembre 1982 et, vraisemblablement, 333 000 000 $
au 31 décembre 1983, comme l'indique le tableau. Alors au 31
décembre 1982, l'implication de SIDBEC dans SIDBEC-Normines lui aura
coûté 242 000 000 $, dont 64 000 000 $ en intérêts.
Elle va perdre vraisemblablement 91 000 000 $, le total fait 333 000 000 $,
dont 108 000 000 $ qui proviennent des intérêts.
On aura aussi remarqué la croissance
de ses pertes d'année en année: 35 000 000 $ en 1980; 61
000 000 $ en 1981; 90 000 000 $ en 1982, et 91 000 000 $ en 1983.
Il faut bien distinguer les pertes dites minières dans SIDBEC des
résultats des opérations de SIDBEC-Normines. Le système
comptable de SIDBEC différencie les opérations
manufacturières et les opérations dites minières. Il
impute aux opérations minières les coûts
excédentaires et les pertes qui résultent directement de la
participation de SIDBEC dans sa filiale minière: SIDBEC-Normines. Cette
pratique a pour but, d'une part, d'évaluer la performance réelle
des opérations manufacturières et, d'autre part, de quantifier
les coûts résultant des contraintes que lui imposent les
engagements assumés contractuellement à titre de partenaire dans
SIDBEC-Normines.
Les tableaux suivants expliquent la nature des éléments de
dépense et le budget pour 1983. D'abord, les éléments de
dépense. Vous voyez que pour les années 1980, 1981 et 1982, les
pertes ont été de 35 000 000 $, de 62 000 000 $ et de 90 000 000
$. Vous voyez les éléments de dépense en 1982, mais je
pense qu'on est mieux d'aller en 1983, c'est encore plus visible. Alors en
1983, on prévoit que SIDBEC, en raison de son implication dans
SIDBEC-Normines, va perdre 91 000 000 $, dont 23 700 000 $ qui constituent des
pertes à la revente et des coûts excessifs à la
consommation interne. Nous prévoyons revendre 233 000 tonnes et
consommer 664 000 tonnes, pour un total d'achats de SIDBEC-Normines de 867 000
tonnes. Les coûts excédentaires à la consommation et les
pertes à la revente vont nous amener, sur cette base, une perte
d'environ 24 000 tonnes.
Le deuxième élément, ce sont les
pénalités sur déficit d'achat. Je vous ai parlé des
pénalités tout à l'heure. Entre le 867 000 000 qu'on va
acheter et le 2 700 000 qu'on serait tenu d'acheter, il y a une
différence de 1 833 000 tonnes métriques sur lesquelles on devra
payer une pénalité d'environ 30 000 000 $, ce qui fait 53 800 000
$ pour ces deux seuls articles. On incorpore dans ces résultats la
performance de SIDBEC-Normines. À SIDBEC-Normines, on prévoit
faire un profit, en 1983, de 12 800 000 $ dont 6 400 000 $ à SIDBEC, ce
qui réduit la perte de SIDBEC de 47 400 000 $. Par ailleurs, nous avons
des frais financiers de 44 000 000 $ ce qui porte la perte à 91 400 000
$. Il faut faire attention à ces frais financiers. 37 000 000 $ des 44
000 000 $ sont des frais financiers pour des emprunts qui ont servi à
éponger des pertes accumulées au 31 décembre 1982. Pour
les pertes de 1983, on devra payer environ 7 000 000 $
d'intérêt.
Si on ajoute le 47 000 000 $ pour 1983, plus le 7 000 000 $
d'intérêt, cela fait 54 000 000 $ directement attribuables
à l'année 1983, alors qu'il y a 37 000 000 $ attribuables aux
années précédentes. Essentiellement, quatre facteurs sont
responsables des pertes de SIDBEC dans SIDBEC-Normines. D'abord, l'écart
entre le prix international des boulettes et le prix des Grands-Lacs engendre
des pertes à la revente et des coûts excessifs à la
consommation interne de 23 000 000 $. La pénalité applicable sur
chaque tonne déficitaire en 1983, 30 000 000 $; la quote-part de SIDBEC
dans le profit et les pertes de SIDBEC-Normines, heureusement il y a un profit
en 1983, 6 400 000 $; les frais financiers sur les emprunts requis pour
financer les pertes plus haut mentionnées.
Pour éliminer et réduire les pertes ainsi encourues,
SIDBEC devra s'attaquer à trois facteurs: ses achats de boulettes ou ses
engagements d'achats qu'elle doit pouvoir réduire au minimum, les
pénalités qu'elle doit tenter d'éviter de payer et le
rendement de SIDBEC-Normines qu'elle doit améliorer.
Abordons d'abord, pour éviter toute ambiguïté, le
rendement de SIDBEC-Normines. SIDBEC partage à 50,1% les profits et les
pertes de SIDBEC-Normines. Le tableau suivant indique le résultat
réalisé ou prévu des activités de SIDBEC-Normines
en 1980, 1981 et 1982. En 1980, SIDBEC-Normines a encouru une perte de 10 500
000 $; en 1981, elle a enregistré un profit de 7 700 000 $ et on
prévoit en 1982 une perte de 9 900 000 $. La prévision pour 1983,
comme je vous le soulignais, laisse entrevoir un profit de 12 800 000 $. Le
sommaire incluant la prévision pour 1983 ne laisse prévoir,
pendant quatre ans, ni profit, ni perte pour SIDBEC-Normines.
Ainsi, 10 500 000 $ de pertes en 1980 et 7 700 000 $ de profits en 1981,
9 900 000 $ de pertes en 1982 et un profit estimé de 12 800 000 $ en
1983. Cela signifie, pour les quatre années, ni profit ni perte. Ces
résultats, comme je vous l'indiquais, sont incorporés aux pertes
de SIDBEC-Normines imputables aux activités minières. En passant,
je vous ferai remarquer avec ce tableau que le prix des Grands-Lacs, qu'on dit
arbitrairement élevé, reflète sensiblement les coûts
historiques de SIDBEC-Normines incluant amortissement et frais financiers au
niveau d'une production des quatre dernières années
concernées.
En somme avec le prix des Grands-Lacs, SIDBEC-Normines est sortie pour
une période de quatre ans cumulative à un résultat de
0.
Le tableau suivant fait état de l'importance très
marginale des résultats de SIDBEC-Normines dans la problématique
globale pour les quatre dernières années. Ainsi, comme je vous le
soulignais, les pertes de SIDBEC en raison de son implication dans
SIDBEC-Normines s'élèvent à 279 000 000 $.
Dans cela, il n'y a ni profit, ni perte pour SIDBEC-Normines.
On doit tout de même se poser la question suivante: Est-il
possible d'améliorer sensiblement les résultats de
SIDBEC-Normines et, partant de diminuer la perte de SIDBEC en réduisant
sensiblement les coûts d'exploitation de la filière
minière?
En réponse à cette question, disons tout d'abord que des
mesures très radicales de réduction de coûts, d'inventaire
et de dépenses de nature capitale ont été mises en
application récemment chez SIDBEC-Normines. On estime qu'en 1983, elles
produiront à un rythme de 3 300 000 tonnes, des économies de 13
000 000 $ ou un peu plus de 5 $ la tonne. Elles produiront aussi une
amélioration de l'encaisse de 32 500 000 $ et un profit anticipé
de 12 800 000 $ dont 50% accroîtront, éventuellement, à
SIDBEC. Cet exercice se continue, mais nous ne saurions miser sur d'autres
résultats déterminants pour les raisons suivantes: Les mesures
radicales de réduction de coûts et de dépenses ne peuvent
pas être poussées plus loin sans préjudice grave. Au
contraire, certaines de celles déjà appliquées ont un
caractère temporaire, cinq ans tout au plus, étant reliées
au programme d'exploitation du gisement et à l'entretien de la flotte de
camions.
Une autre raison, c'est que les économies pouvant résulter
de renégociations de conventions collectives ou de contrats de service
seront vraisemblablement contrées par la croissance
désordonnée des taxes municipales de Gagnon, si cela continue, et
des coûts énergétiques et d'autres dépenses.
Au niveau de l'encaisse, on ne saurait réduire les stocks
davantage, ni, sans danger, maintenir à un si bas niveau les
dépenses de nature capitale.
On peut donc tirer deux conclusions: La première, je la
répète, SIDBEC ne peut pas continuer à subir de telles
pertes, année après année et de telles hémorragies
de trésorerie, qui, par surcroît, s'accroissent avec le cumul des
frais financiers qu'entraîne le financement.
Deuxièmement, il ne faut pas se leurrer. La solution au
problème financier global résultant de l'implication de SIDBEC
dans SIDBEC-Normines ne réside pas en soi dans une réduction
future des coûts d'exploitation de celle-ci ou dans une
renégociation des divers contrats et des ententes liant les
actionnaires. Alors, où donc réside la solution? Plusieurs
hypothèses ont été étudiées, elles sont
énumérées au tableau suivant: Par SIDBEC, une
réduction de ses achats. On a déterminé qu'une
réduction des achats avait fort peu d'impact en raison de la
pénalité. L'accroissement des ventes: Malgré tous les
efforts que nous avons faits à l'heure actuelle et que nos
spécialistes de marketing ont faits avec l'assistance de Fibro, on en
vient maintenant à la conclusion qu'il sera impossible pour SIDBEC de
vendre sur les marchés européens une quantité de boulettes
qui en vaut la peine, étant donné que la perte que nous subissons
en vendant ces boulettes sur le marché européen est de 25 $ la
tonne, alors que nous pouvons payer une pénalité uniquement de 17
$ simplement en ne les produisant pas.
Les ventes de boulettes aux autres partenaires ont été
écartées, ils n'en ont pas voulu. Le troisième module de
réduction directe pour fins commerciales: il n'y a aucun marché
à l'heure actuelle pour la réduction et ce serait un suicide de
s'y engager.
Vente des actions aux autres partenaires. Ils ont signifié
rapidement leur refus et il n'est pas question pour eux d'un
réaménagement des participations respectives des trois
partenaires à la hausse pour un des partenaires.
Vente des actions à des tiers. L'hypothèse a
été retenue et le transfert à un autre organisme
gouvernemental a été aussi retenu. Par SIDBEC-Normines on aura
gardé l'accroissement du rendement par l'efficacité, les
coûts et la renégociation et une diversification avec innovations
etc., mais ce n'est pas suffisant pour régler de façon
significative le problème de SIDBEC dans SIDBEC-Normines.
Les partenaires, par ailleurs, ont regardé de très
près l'hypothèse qui constituerait à diminuer les achats
par une réduction draconienne des coûts. Ce scénario
implique la fermeture de la mine Fire Lake, un approvisionnement du Mont-Wright
et un réaménagement des différents services de
SIDBEC-Normines. Cette hypothèse implique une renégociation avec
Quebec Cartier Mining, avec la compagnie minière Québec-Cartier,
avec les prêteurs obligataires, et pourrait vouloir dire le remboursement
du prêt.
Les partenaires ont aussi regardé la fermeture temporaire de
SIDBEC-Normines et il a été déterminé
mathématiquement qu'il n'y avait aucun avantage de ce côté.
Finalement, au moins un partenaire a regardé l'abandon des
opérations de SIDBEC-Normines, les deux autres partenaires ne voulant
pas y concourir.
Les trois scénarios qui ont été retenus sont, dans
l'ordre: la vente à des tiers de la totalité ou d'une partie
importante des actions que SIDBEC détient dans SIDBEC-Normines; la
réduction des achats des partenaires par une réduction radicale
des coûts d'exploitation de SIDBEC-Normines avec la consolidation des
deux mines; et l'abandon de l'exploitation de SIDBEC-Normines. La direction a
évoqué aussi de nouveau l'hypothèse de transfert de
propriété des actions de SIDBEC-Normines à un
organisme gouvernemental, dans l'éventualité où
aucune solution ne serait acceptable ou réalisable à court
terme.
Voyons les conséquences du statu quo. Où nous mène
le statu quo en assumant que seront maintenus pour cinq ans les niveaux de
production à une ligne, soit 3 300 000 de tonnes? Il est projeté
que SIDBEC-Normines enregistrera des profits de l'ordre de 20 000 000 $ par
année, dont 10 000 000 $ accroîtront, à SIDBEC, et une
amélioration d'encaisse du même montant.
SIDBEC, pour sa part, en incorporant sa quote-part des profits de
SIDBEC-Normines aux résultats des activités minières,
accusera une perte d'environ 50 000 000 $ annuellement, comme le tableau
l'indique. C'est dire que sur une production de 3,300 000 tonnes, en projetant
les conditions de 1983, SIDBEC devrait perdre 50 000 000 $ en incorporant le
profit de SIDBEC-Normines et une perte d'encaisse d'à peu près du
même ordre.
Comme il y a peu de possibilités que les conditions ne soient
matériellement changées au cours des prochaines années, on
utilisera ces données comme point de référence à
court terme. Voyons la fermeture de SIDBEC-Normines. Pour abandonner la
production de SIDBEC-Normines, il en coûterait au Québec, selon
nos estimations en argent, en 1981, 303 000 000 $; en 1982 et avec certaines
modifications, 325 000 000 $ comprenant la quote-part de SIDBEC du
remboursement de la dette à long terme et les frais de fermeture, mais
n'incluant pas les taxes municipales à Port-Cartier et les frais
d'entretien subséquents à la fermeture, qu'on peut évaluer
à quelque 5 000 000 $.
Assumant que la somme soit financée par une émission
d'obligations, par versements annuels pendant vingt ans et portant
intérêt composé semi-annuellement, les
déboursés annuels seraient de l'ordre de 53 000 000 $ pour 303
000 000 $ si le taux d'intérêt était de 16,5% et de 45 700
000 $ s'il était de 14%.
En conclusion, cinq questions fondamentales se posent à ce
chapitre de la fermeture de SIDBEC-Normines. Y a-t-il possibilité que
les trois partenaires conviennent à l'unanimité d'abandonner le
projet de SIDBEC-Normines? La réponse est que nous avons des indications
très claires du contraire. Deuxièmement, dans
l'éventualité où l'unanimité est impossible
à obtenir, le gouvernement du Québec peut-il
décréter unilatéralement la fermeture de SIDBEC-Normines?
La réponse, à notre avis, est que le gouvernement se rendrait
alors passible de dommages considérables qui viendraient s'ajouter aux
300 000 000 $ ou aux 325 000 000 $ déjà mentionnés. Y
a-t-il un avantage financier à court terme de fermer SIDBEC-Normines?
Nous avons vu que l'équation était relativement en
équilibre et qu'il ne semblait pas y avoir des avantages
démontrés, à court terme encore une fois, à fermer
SIDBEC-Normines. Y a-t-il possibilité de projeter des perspectives
à long terme et de les quantifier? Nous trouvons qu'il y a trop
d'impondérables sur le marché mondial, mais les indicateurs ne
sont pas optimistes pour la présente décennie. Quels sont les
coûts économiques et sociaux résultant de la fermeture de
la mine? Il ne nous incombait pas de les déterminer, mais ils
contribueraient à débalancer l'équation en faveur du statu
quo. Nous devons aussi souligner que la fermeture de SIDBEC-Normines
entraîne la rétrocession de la mine.
Soulignons aussi que l'abandon de la fabrication des produits plats
réduirait sensiblement les besoins de SIDBEC en boulettes à basse
teneur en silice et partant le niveau de production de SIDBEC-Normines sans
pour autant changer de façon significative les résultats
financiers des activités minières de SIDBEC-Normines.
Si nous regardons la fermeture au lac Fire, cette hypothèse
procède de la prémisse qu'une partie du problème des
partenaires réside dans les engagements excessifs qu'ils ont
assumés et vise à leur permettre de réduire leurs achats
annuels sans les pénaliser. Ceci présuppose une réduction
du niveau de production assortie d'une réduction radicale des
coûts de production et du seuil de rentabilité. Comme je vous
l'indiquais, il repose sur la fermeture de Fire Lake, l'approvisionnement de
Mont-Wright et la rationalisation de certaines activités. Il implique
vraisemblablement le refinancement de la dette à long terme, la
renégociation des stipulations importantes de l'acte de fiducie,
spécialement en ce qui a trait aux pénalités, et une
négociation avec la compagnie minière Québec-Cartier. Ce
scénario a été étudié sur deux aspects:
l'impact sur les partenaires et l'impact sur SIDBEC. Les partenaires ont
basé leur calcul sur un niveau de production de 3 300 000 tonnes, le
projet perdant son sens à un niveau de production élevé,
ayant adopté comme point de référence le statu quo,
c'est-à-dire la situation projetée au budget de 1983. En
supposant - ce qui est peu vraisemblable - que les détenteurs
d'obligations n'auront absolument aucune exigence spéciale en
dépit du fait que la fermeture de Fire Lake élimine 150 000 000 $
d'actifs de leur garantie, en d'autres termes, en supposant qu'ils acceptent de
maintenir le taux d'intérêt à ce qu'il est, les termes de
remboursement à ce qu'ils sont et, en plus, qu'ils conviennent de
réduire les pénalités au strict minimum requis pour
assurer le financement, les déboursés nets des partenaires, en
faveur de SIDBEC-Normines, s'établiraient sur cinq ans
à 64 000 000 $, en comparaison de 83 000 000 $ dans le cas du
statu quo c'est-à-dire que sans absolument aucune exigence des
prêteurs; si les prêteurs permettent de réduire les
pénalités, les partenaires, sur une période de cinq ans,
seraient appelés à payer 83 000 000 $ dans le cas du statu quo et
64 000 000 $ dans le cas du réaménagement, soit une
différence de 19 000 000 $ sur une période de cinq ans.
Dans le cas où les partenaires ne convenaient pas d'assouplir les
stipulations contractuelles relatives aux pénalités, les
partenaires devraient débourser pendant cinq ans 229 000 000 $ sur le
projet fermeture contre 158 000 000 $ sous le statu quo, alors que
s'accumuleraient, par ailleurs, dans les coffres de SIDBEC-Normines 177 000 000
$, pour le projet fermeture et 96 000 000 $, sous le projet statu quo.
Toute modification sensible à la hausse des taux
d'intérêt et des termes de remboursement modifie
complètement ces données. On ne connaîtra réellement
le résultat financier de ce projet, sa faisabilité et la
réaction finale des partenaires qu'après de longues et ardues
négociations avec les prêteurs d'obligations et la compagnie
minière Québec Cartier.
Après analyses poussées, les partenaires ont conclu:
qu'à un niveau réduit de fonctionnement, ce scénario
pouvait contribuer à réduire les coûts d'exploitation et,
partant, le seuil de rentabilité et les déboursés des
partenaires; que, par contre, sa rentabilité globale dépendra du
résultat des négociations; qu'en fermant la mine, on
hypothéquerait l'avenir et que le projet perdrait son sens, dans
l'éventualité d'une reprise des marchés; finalement, que
ce projet méritait, tout de même, qu'on poursuive vigoureusement
les prochaines étapes.
SIDBEC, sans préjuger de la réaction des prêteurs,
conclut, pour sa part, qu'elle ne trouvera pas là la solution à
son problème global mais, tout au plus, une possibilité de
réduire les dégâts dans l'éventualité
où le statu quo était maintenu à long terme.
La vente des actions de SIDBEC-Normines à des tiers. Ce
scénario possède une philosophie différente qui vise
à éliminer, ou tout au moins réduire sensiblement les
pertes gobales de SIDBEC et à bon!fier les opérations de
SIDBEC-Normines par une production à plein régime.
Ce scénario repose sur la vente à des tiers de la
totalité ou d'une partie des actions que SIDBEC détient dans sa
filiale. Une vente de la totalité réglerait, évidemment,
totalement le problème, alors que la vente d'une partie seulement, le
réglerait partiellement. (18 heures)
À titre indicatif, on estime qu'à un niveau de production
de 6 300 000 tonnes métriques, soit 105% de la quantité nominale,
SIDBEC-Normines au cours des années 1983 à 1987,
générerait annuellement un profit de 53 000 000 $. Les
partenaires, au lieu d'avoir alors à effectuer des
déboursés nets substantiels à SIDBEC-Normines, soit 83 000
000 $ dans le cas du scénario de statu quo à 3 300 000 $, aurait
droit à l'inverse à 241 000 000 $. Certes, la prospection d'un
acheteur potentiel ne sera pas facile dans la conjoncture actuelle. On ne
saurait par contre conclure trop hâtivement et trop intuitivement. Le
projet mérite d'être poursuivi avec rigueur et
professionnalisme.
Trois autres facteurs rendent ce scénario plus difficile encore,
soit la garantie gouvernementale, l'assentiment des prêteurs surtout et
peut-être des partenaires et, à mon avis, les débats assez
défaitistes des derniers mois.
Conclusions: SIDBEC ne peut pas continuer à subir, année
après année, des pertes énormes qui résultent de
son implication dans SIDBEC-Normines. Pour SIDBEC, l'abandon des
activités de SIDBEC-Normines constitue la solution la plus rapide et la
plus complète aux problèmes sérieux de trésorerie
que lui cause son implication dans sa filiale minière. Par contre, dans
un contexte de comptabilité gouvernementale où l'actionnaire est
appelé à financer la fermeture par voie d'emprunt,
l'équation est différente. À court terme, cinq ans
environ, et abstraction faite des coûts sociaux, les coûts
financiers et annuels résultant de la fermeture de la mine sont
sensiblement égaux à ceux du maintien de la production à 3
300 000 de tonnes métriques. Par ailleurs, à plus long terme,
l'équation va nettement en faveur de la fermeture à la condition
que se réalisent les hypothèses suivantes: Que l'écart
entre les prix internationaux, celui des Grands Lacs et les coûts
d'exploitation ne s'élargissent pas; que le niveau de production
n'augmente pas sensiblement et que SIDBEC maintienne sa participation dans
SIDBEC-Normines.
Je vous ai fait distribuer deux tableaux. Ce sont deux tableaux que
SIDBEC a préparés conjointement avec ses vérificateurs
externes, RCMP. Ces deux tableaux n'ont pas été modifiés;
ils ont été laissés à 302 000 000 $ le coût
de fermeture. Le plus grand tableau indique clairement quand on regarde la
valeur actualisée en 1982, que le projet de fermeture de
SIDBEC-Normines, à long terme, est nettement supérieur à
n'importe quel des autres scénarios. Par contre, l'autre tableau, plus
petit, indique, entre la fermeture et le scénario 1, qu'au cours des
cinq années qui ont été indiquées et qui
représentent peut-être la période qu'on peut prévoir
avec une certaine aisance, l'équation est à peu près
égale entre la
fermeture et le statu quo.
Quatrièmement, de toute façon les partenaires ont
clairement indiqué que le scénario de fermeture ne leur
était pas acceptable.
Cinquièmement, le scénario de consolidation de deux mines
offre des possibilités de réduction de coûts d'exploitation
dans SIDBEC-Normines, mais ne constitue pas en soi une solution au
problème global de SIDBEC. Sa faisabilité et sa
rentabilité dépendent des résultats des
négociations avec des détenteurs d'obligations à la
compagnie minière Québec-Cartier. Cette hypothèse
mérite qu'on l'étudie davantage.
La vente à des tiers des actions que détient SIDBEC dans
SIDBEC-Normines constitue la solution la plus logique. Elle est difficilement
réalisable à court terme, mais elle devrait faire l'objet d'une
poursuite vigoureuse. Enfin, il ne faudrait pas écarter
l'hypothèse du transfert de propriétés et des actions que
détient SIDBEC dans SIDBEC-Normines, non pas comme une solution au
problème, mais comme un moyen de revaloriser la sidérurgie
québécoise et de la situer dans un environnement normal. M. le
Président, cela conclut la présentation des activités
opérations minières.
Le Président (M. Desbiens): Comme il est 18 heures, la
commission suspend la séance jusqu'à vingt heures. Entre-temps,
nous essaierons de trouver une solution au problème
d'éclairage.
(Suspension de la séance à 18 h 05)
(Reprise de la séance à 20 h 22)
Le Président (M. Desbiens): Messieurs, mesdames, la
commission élue permanente de l'industrie, du commerce et du tourisme
reprend ses travaux pour entendre certaines représentations en vue de
revoir l'orientation de SIDBEC. Au moment de la suspension, la parole
était à M. De Coster. Vous aviez terminé la
première partie qui porte sur les opérations minières.
Avez-vous des questions? M. le député de Mont-Royal?
M. Ciaccia: Je vais essayer d'en poser quelques-unes pour passer
le temps un peu.
M. Fortier: ... il n'est pas spécialiste dans la grande
entreprise.
M. Ciaccia: M. le Président, je voudrais savoir de la part
de M. De Coster la somme qui devrait être déboursée si
SIDBEC-Normines décidait de suspendre ses opérations selon les
contrats existants. Je pense que vous avez donné un chiffre global.
M. De Coster: Je peux vous donner un chiffre global de 325 000
000 $ à peu près.
M. Ciaccia: Si je comprends bien, ces 325 000 000 $ n'incluent
pas les dettes passées, c'est-à-dire jusqu'au 31 décembre
1982.
M. De Coster: Cela n'inclut pas les pertes accumulées au
31 décembre 1982.
M. Ciaccia: Qui se chiffreraient, si je comprends bien, par 185
000 000 $.
M. De Coster: C'est à peu près 250 000 000 $.
M. Ciaccia: Pourriez-vous répéter? Vous voulez bien
m'excuser si je n'ai pas tous les chiffres devant moi, parce que vous avez
lancé beaucoup de chiffres avant que les travaux ne soient suspendus
à 18 heures. Si SIDBEC-Normines continuait de fonctionner selon les
présents contrats, combien est-ce que cela coûterait par
année?
M. De Coster: Selon les présents contrats, le chiffre
global, sur une base comparative avec les années
précédentes, montrerait une perte aux opérations
minières de l'ordre de 91 400 000 $. Maintenant, c'est une perte qui
inclut, par ailleurs, 37 000 000 $ qui sont des intérêts
applicables sur les montants de pertes accumulées au 31 décembre
1982.
Pour être plus précis, si on prend le budget de 1983, en
raison de son implication dans SIDBEC-Normines, SIDBEC paierait 30 000 000 $ de
pénalités plus environ 24 000 000 $ de pertes sur reventes et
coûts excessifs à la consommation, ce qui ferait 54 000 000 $. On
ajoute les 7 000 000 $ de frais financiers que je viens d'indiquer. Cela fait
donc 61 000 000 $ et, de ce montant, on enlève 10 000 000 $ qui
représentaient le profit moyen pour les prochaines années, ce qui
mettait les pertes nettes à 50 000 000 $.
Si on le prend uniquement sur une base de caisse, cela revient au
même parce que le profit moyen et l'amélioration de caisse, c'est
à peu près la même chose. Ce qui veut dire, en somme, que
cela coûte, en déboursés, 50 000 000 $ par année
pour la première année, 1983. Au fur et à mesure que cela
va s'accumuler, évidemment, l'intérêt va augmenter.
M. Ciaccia: Grosso modo, le chiffre de l'opération de
SIDBEC-Normines, le coût pour Normines serait de 50 000 000 $
approximativement par année.
M. De Coster: C'est cela.
M. Ciaccia: Pourriez-vous me dire ce
qu'il en coûterait à SIDBEC si les mêmes
opérations continuaient, mais avec l'élimination des clauses de
pénalité? Autrement dit, simplement pour clarifier ma question,
le chiffre de 50 000 000 $, c'est sur le contrat existant. Je voudrais savoir
quel serait ce chiffre s'il n'y avait pas de clauses de pénalité
dans le contrat existant.
M. De Coster: Ce ne sera pas long, M. le
député.
M. Ciaccia: Vous pouvez prendre votre temps, du moment qu'on aura
une réponse acceptable.
M. De Coster: Je vais vous donner des chiffres précis. Je
crois les avoir ici, sous la main.
M. Ciaccia: Dans le document que vous avez
présenté... En tout cas...
M. De Coster: Je m'excuse. Voici, en l'année 1983, pour
une exploitation de 3 300 000 de tonnes, sans les suppléments, la perte
de l'exercice serait de 14 000 000 $.
M. Ciaccia: Si vous allez de 1983 jusqu'à 1987, quelle
serait la perte moyenne par année?
M. De Coster: La perte totale serait de l'ordre de 35 000 000 $,
cela veut dire une perte moyenne d'environ 7 000 000 $ par année.
M. Ciaccia: Si on n'avait pas les clauses de
pénalité dans le contrat et si SIDBEC-Normines fonctionnait, elle
perdrait en moyenne 7 000 000 $ par année.
M. De Coster: Pour les cinq prochaines années, oui.
M. Ciaccia: Bon, pour SIDBEC. Une autre question.
M. De Coster: Je m'excuse, M. le député, mais il y
a une précision à apporter. Le scénario qu'on a fait ici
projette une situation en 1983, c'est-à-dire que les partenaires
prennent 80% de leur quota et nous prenons environ 30% de notre quota. Si les
partenaires changent leur prise d'achat, c'est évident que les
pénalités vont changer considérablement.
M. Ciaccia: Je comprends le scénario, je voulais seulement
les chiffres. Une autre question.
Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.
M. Biron: Pour clarifier le même sujet, c'est faux de
parler de seulement 7 000 000 $ parce que les pénalités servent
aussi à payer l'intérêt. S'il n'y a pas de
pénalité pour payer l'intérêt, M. De Coster, il
faudra peut-être rajouter l'intérêt que SIDBEC-Normines
devra payer sur les 400 000 000 $ d'obligations.
M. De Coster: La question que j'ai comprise était que vous
nous demandiez quel sera le profit ou la perte dans les cinq prochaines
années s'il n'y avait pas de pénalités.
M. Ciaccia: C'est exactement cela.
M. De Costen Là-dedans, il n'y a pas le jeu du flux de la
trésorerie.
M. Ciaccia: Exactement.
M. Biron: Vous êtes quand même obligé de
compter votre intérêt. Autrement, il y a quelqu'un qui va payer
l'intérêt quelque part.
M. Ciaccia: Un instant, s'il vous plaît! Je voudrais
continuer. Mon collègue me rappelle que le ministre n'a pas de question;
il pourra revenir après. Je veux en arriver à un certain point.
C'est peut-être une question d'intérêt. Je suis conscient
que, quand on emprunte de l'argent, on doit payer des intérêts,
mais là n'est pas la question que je posais à M. De Coster. Je
pense qu'il a compris le but de ma question et les chiffres que je voulais.
M. Biron: M. le Président...
Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.
M. Biron: ... sur cette question, je voudrais être certain
que les membres de la commission auront les réponses exactes. C'est faux
de dire que, s'il n'y avait pas de pénalités, SIDBEC-Normines ne
perdrait que 7 000 000 $ parce que les pénalités servent aussi
à payer des intérêts. Si on enlève les
pénalités, il va falloir que quelqu'un d'autre paie les
intérêts quelque part. C'est pourquoi je ne voudrais pas que la
commission soit induite en erreur par une information incomplète. C'est
seulement pour cette raison. Je veux être sûr qu'on a les vrais
chiffres sur la table.
M. De Coster: Si on demande le jeu du flux de la
trésorerie, c'est une autre question qu'il faudrait établir.
M. Ciaccia: Je ne demande pas les intérêts sur les
prêts qui ont été faits avant cette date. Parce que les
remboursements des prêts qui ont été faits avant cette
date,
il va falloir qu'ils soient remboursés, que vous fermiez, que
vous fonctionniez, que vous changiez le contrat. Il faut que ce soit
payé.
M. De Coster: J'essaie de comprendre la nature exacte des
questions. Dans les profits et pertes qu'on a indiqués ici comme 14 000
000 $ sans pénalité et 12 800 000 $ avec pénalité,
les frais d'intérêt sur la dette à long terme - est-ce ce
dont vous voulez parler, M. le ministre? - sont inclus là-dedans. Ils
sont inclus comme une dépense qui vient affecter le profit ou la perte
de l'année.
M. Ciaccia: C'est encore mieux. La dette est incluse. C'est
encore mieux pour les fins de mes questions. Seulement une autre question.
Est-ce qu'à votre connaissance, il n'y a eu aucune étude de faite
sur les coûts sociaux dans l'éventualité d'une
fermeture?
M. De Coster: Cela n'a certainement pas été fait
par SIDBEC. SIDBEC n'avait pas le mandat de faire cette chose.
M. Ciaccia: ... fermeture partielle ou totale des
opérations.
M. le Président, devant ces faits, devant les chiffres concernant
la fermeture de 325 000 000 $ que je peux déposer sur la table, devant
les chiffres sur l'opération qui devrait continuer, qui continuerait si
les contrats demeuraient tels quels avec les clauses de pénalité
et la différence avec l'opération de SIDBEC-Normines sans clause
de pénalité qui est approximativement de 7 000 000 $ par
année, je voudrais que cela soit bien compris, et considérant
qu'on n'a fait aucune étude sur les coûts sociaux
qu'entraîneraient la fermeture de SIDBEC-Normines, la fermeture de
Gagnon, les problèmes de Port-Cartier, Sept-Îles, je voudrais
faire la motion suivante:
Motion proposant la renégociation des clauses
de pénalité
Attendu que les pertes de SIDBEC pour l'année financière
en cours sont d'une telle magnitude que des mesures correctives doivent
être prises de façon urgente, qu'une des recommandations de SIDBEC
et du comité interministériel propose la fermeture des
opérations de SIDBEC-Normines, il est reconnu que les
conséquences sociales et économiques de cette décision
pour la Côte-Nord seraient désastreuses. Il est aussi reconnu que
des études socio-économiques de ces conséquences n'ont pas
été faites jusqu'à maintenant; que certains
scénarios ont présenté des chiffres découlant des
possibilités suivantes: Premièrement, la fermeture des
opérations de SIDBEC-Normines selon les conditions des contrats existant
entre les partenaires et le fiduciaire; deuxièmement, le maintien des
opérations selon les mêmes contrats; troisièmement, le
maintien des opérations en éliminant les clauses de
pénalité desdits contrats;
Attendu que les chiffres obtenus sous la rubrique 5c,
c'est-à-dire le maintien des opérations en éliminant les
clauses de pénalité, ne justifient pas la fermeture des
opérations de SIDBEC-Normines;
Attendu que le ministre des Finances a reconnu, au cours de cette
commission parlementaire, le 10 novembre, ce matin, qu'il n'avait posé
aucun geste pour renégocier lesdits contrats jusqu'ici;
Attendu que, toutefois, le ministre des Finances a reconnu que la
négociation était une possibilité, mais qu'il n'avait pas
l'intention d'agir avant que des décisions soient prises à la
suite des délibérations de la présente commission;
II est résolu que cette commission parlementaire recommande,
premièrement, qu'en vue des chiffres avancés, advenant la
continuation des opérations si les clauses de pénalité des
contrats étaient éliminées, le gouvernement prenne des
mesures immédiates aux plus hauts niveaux, incluant la participation du
premier ministre et du ministre des Finances, si nécessaire, pour
renégocier lesdites clauses des contrats;
Deuxièmement, que, dans l'intervalle et comme condition
essentielle de cette renégociation, que le gouvernement s'engage
à ne pas mettre un terme aux activités de SIDBEC-Normines;
Troisièmement, que le gouvernement entreprenne une étude
approfondie des coûts socio-économiques et de toutes les
conséquences pour la Côte-Nord de la fermeture de l'exploitation
de SIDBEC-Normines;
Quatrièmement, que le gouvernement tienne une autre session de la
commission parlementaire le plus tôt possible, après que les
résultats des renégociations de contrats seront connus, pour
discuter de toute autre recommandation qui pourrait être prise à
la suite des résultats de cette renégociation;
Cinquièmement, que, de toute façon, le gouvernement
reconvoque la commission parlementaire au plus tard le 28 février 1983,
afin de présenter un rapport de l'état de la situation, incluant
toute autre recommandation qui pourrait découler des
délibérations de la présente commission. M. le
Président, j'en fais une motion.
M. Charbonneau: Peut-on demander d'abord au député
de Mont-Royal s'il a des copies pour les membres de la commission? C'est bien
beau de faire des propositions sur le bout de la table comme ça, mais je
pense que la lecture même de sa proposition montre l'importance du sujet.
Je pense que les membres de la commission devraient
normalement avoir une copie de la motion qui nous est
présentée.
M. Ciaccia: M. le Président, j'ai dû préparer
cette résolution après la suspension de 18 heures et avant qu'on
ait à reprendre nos travaux. Je n'ai donc pas eu l'occasion de la faire
dactylographier. Il me ferait grand plaisir de le faire, si vous voulez
suspendre la séance pour quelques instants.
M. Dussault: Le pourrait-on pour quelques minutes? Le temps qu'on
ait le texte.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Chambly.
M. Tremblay: Oui, M. le Président, compte tenu que le
député de Mont-Royal a rédigé sa proposition sur le
coin de la table et qu'il fait spontanément cette proposition à
la commission, je voudrais avoir une interprétation de votre part,
à savoir si une motion de ce genre, dans une commission parlementaire du
type que l'on tient, est recevable?
M. Ciaccia: Vous doutez de la recevabilité?
M. Tremblay: C'est ça.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Mont-Royal, sur la question de la recevabilité.
M. Charbonneau: M. le Président, est-ce qu'on pourrait
d'abord trancher la demande du député de Châteauguay qui
demandait une suspension de quelques instants pour avoir une copie du
texte?
Le Président (M. Desbiens): D'accord.
M. Ciaccia: Ce serait préférable. Une fois que vous
aurez la résolution devant vous, vous allez vous apercevoir qu'elle est
vraiment recevable et positive. Elle est faite dans le but d'aider les travaux
de cette commission, les gens de Gagnon, SIDBEC, le ministre et le
gouvernement.
Le Président (M. Desbiens): La commission suspend ses
travaux pour quelques minutes, le temps d'obtenir une copie de la motion.
(Suspension de la séance à 20 h 41)
(Reprise de la séance à 21 h 33)
Le Président (M. Desbiens): À l'ordre, s'il vous
plaît! La commission élue permanente de l'industrie, du commerce
et du tourisme reprend ses travaux. M. Biron: M. le
Président.
Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.
M. Biron: Je voudrais faire une suggestion à mes
collègues membres de la commission. Il est déjà 21 h 30 et
nous sommes ici pour écouter les gens. D'ailleurs, nous les avons fait
venir et il y a des gens importants qui sont venus ici de passablement loin,
à la fois de la Côte-Nord, de la région de Montréal
et de Contrecoeur. Je pourrais suggérer qu'on dépose tout
simplement la motion et, une fois qu'on aura entendu les gens, on pourra
discuter de la recevabilité et du fond de la motion. Je pense qu'il y a
des gens importants qui méritent d'être entendus.
Le Président (M. Desbiens): À l'ordre s'il vous
plaît! À l'ordre s'il vous plaît! Je me dois de rappeler
à tout le monde dans la salle qu'il est interdit de manifester. Alors,
M. le ministre a exprimé une opinion et je permettrai...
M. Ciaccia: M. le Président.
Le Président (M. Desbiens): ... au député de
Mont-Royal de s'exprimer.
M. Ciaccia: M. le Président, premièrement, le but
de cette motion n'est pas de retarder les travaux de cette commission ni de ne
pas entendre les gens qui sont ici. Normalement, la commission se termine
à dix heures et nous sommes prêts à continuer après
dix heures ce soir. Je voudrais savoir, par exemple, si la motion est recevable
parce que je pense qu'elle a des conséquences assez sérieuses
pour les gens de la Côte-Nord. Quant à la recommandation que nous
faisons auprès du gouvernement - une des recommandations est de fermer
la mine - nous cherchons positivement un moyen de garder SIDBEC-Normines en
exploitation. Je crois qu'après tant d'années, après
tellement de temps passé, on pourrait prendre quelques minutes juste sur
cette motion, vu les implications, vu tout ce qui est en jeu, pour avoir une
décision de votre part sur sa recevabilité. Je veux assurer les
gens présents que cela ne nous empêchera pas d'entendre toutes les
parties, quitte à prendre le temps qu'il faut pour entendre tous les
intervenants.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Duplessis, sur une question de règlement.
M. Perron: Disons que c'est sur une question de règlement
parce qu'à la suite de
ce que vient de dire le député de Mont-Royal, je voudrais
tout de même ajouter quelque chose.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Duplessis, j'avais dit que j'accorderais un droit de parole de chaque
côté. Je vais rendre la décision en me basant sur...
M. Perron: M. le Président...
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Duplessis, sur une question de règlement.
M. Perron: Oui, sur une question de règlement. Je
n'étais pas présent ici, mais j'ai appris par la suite ce qui
s'était passé au sujet de la résolution elle-même,
de la motion qui vient d'être déposée par le
député de Mont-Royal. Considérant que...
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Duplessis, il n'y a pas de motion du député de Mont-Royal
puisqu'elle n'est pas reçue.
Reprenant les arguments qui ont été
présentés de part et d'autre sur le respect à apporter
à toutes les personnes qui se sont déplacées et
considérant qu'elles ont déjà passé toute une
journée à attendre... Le mandat qui a été
confié à la commission par l'Assemblée nationale est
d'entendre certaines représentations en vue de revoir l'orientation de
SIDBEC. Pour éviter de perdre du temps précieux pour tout le
monde, des deux côtés, je considère que je prends avis de
la motion et que son étude pourrait se faire à la fin des
travaux, après avoir entendu toutes les parties.
Seulement à ce moment-là, on pourra juger de la
recevabilité et en discuter.
M. Dussault: D'accord. Vous ne la jugez pas recevable pour le
moment?
Le Président (M. Desbiens): Je ne la juge pas recevable,
je prends avis de son dépôt.
M. Dussault: C'est à ce moment-là qu'on se posera
la question. D'accord, M. le Président.
Le Président (M. Desbiens): On se posera la question
à ce moment-là.
M. Ciaccia: Vous ne la jugez pas recevable ou irrecevable, mais
vous en prenez avis et vous rendrez votre décision plus tard.
Le Président (M. Desbiens): Je prends avis du
dépôt de la motion et, à la fin de la présentation
des mémoires, on pourra en discuter.
M. le député de Duplessis, vous aviez demandé la
parole, mais le député de Mont-Royal avait d'abord le droit de
parole au moment du dépôt de la motion.
M. le député de Duplessis.
M. Perron: Merci, M. le Président. Je vais tout de
même passer mon message en disant que la motion vient en grande partie
de...
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Duplessis, les questions à nos invités.
M. Perron: M. le Président, je vais justement parler de
SIDBEC-Normines, mais en soulignant que tout ce qui vient de se passer vient en
grande partie de l'association libérale du comté de
Duplessis.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Duplessis, si vous voulez procéder, s'il vous plaît, on est ici
pour entendre les mémoires.
M. Perron: Bien oui, c'est ça, c'est vrai aussi.
Le Président (M. Desbiens): À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Perron: Je voudrais poser quelques questions à M. De
Coster ainsi qu'aux représentants de SIDBEC-Normines, s'ils veulent bien
répondre, puisque la grande majorité de mes questions
relèveront directement de SIDBEC-Normines plutôt que de SIDBEC en
général.
Lorsqu'on connaît la politique d'achat actuelle du Québec
et le genre de réglementation qui, si ma mémoire est bonne,
provient du Conseil des ministres concernant l'achat au Québec,
pourriez-vous dire aux membres de cette commission si SIDBEC a fait une
évaluation du marché possible, par exemple, à
Hydro-Québec ou encore à Marine Industrie dans la division
hydroélectrique et s'il y aurait des possibilités, si vous avez
fait une telle étude, d'apporter des correctifs d'adaptation dans les
activités manufacturières pour pouvoir absorber la demande des
deux sociétés d'État concernées et possiblement
d'autres marchés?
M. De Coster: M. le député, vous parlez de la
production manufacturière et non pas des activités
minières.
M. Perron: Oui. Cette question s'adresse à SIDBEC ou
à SIDBEC-Dosco.
M. De Coster: Oui, parce qu'on va avoir une présentation
portant sur la production manufacturière dans une minute.
M. Perron: La présentation n'a pas eu lieu.
M. De Coster: Non.
M. Perron: Ah bon! Je reviendrai avec ma question plus tard, M.
De Coster.
Le Président (M. Desbiens): Est-ce qu'il y a d'autres
questions?
M. Perron: Oui, il y a d'autres questions, M. le
Président. Vous avez parlé dans votre mémoire, à un
endroit, à la page 8 - j'ai pris la peine de numéroter les pages
- de quatre filiales de SIDBEC. Vous avez parlé de SIDBEC-Feruni, de
SIDBEC-Dosco, de SIDBEC-Normines et aussi de SIDBEC International. Vu que, dans
le mémoire, il n'existe rien sinon la mention de la présence de
SIDBEC International, est-ce que vous pourriez donner aux membres de cette
commission ainsi qu'aux gens ici présents des informations concernant le
travail qu'effectue SIDBEC International?
M. De Coster: Certainement. SIDBEC International est un groupe
qui est spécialisé dans la vente des boulettes d'oxyde et dans la
vente des boulettes de préréduit et, dans une certaine mesure,
dans la vente de demi-produits à l'étranger. C'est, à la
base, un groupe spécialisé dans la vente des boulettes et dans la
vente du préréduit. Il travaille en' Europe et aux
États-Unis. Il travaille aussi dans des pays arabes avec une firme de
commerçants de minerai de fer, la firme Fibro, une des meilleurs firmes
au monde, qui commercialise pour SIDBEC l'excédent des boulettes que
SIDBEC est tenue d'acheter de SIDBEC-Normines.
M. Perron: Est-ce que SIDBEC International a obtenu la grande
majorité des contrats de vente de boulettes ou si cela s'est fait par
d'autres organismes, comme des agents, si vous en avez? Avez-vous des agents
autres que SIDBEC International?
M. De Coster: Oui, c'est un agent, non pas un "trader", qui,
comme je vous le disais, est la firme Fibro, une firme
spécialisée, à travers le monde, dans la vente du minerai
de fer, des boulettes d'oxyde.
M. Perron: Merci.
M. De Coster: Maintenant, le travail se fait conjointement. Nos
gens voyagent partout. Ils rencontrent les clients régulièrement
et nos agents font la même chose.
M. Perron: Merci, M. De Coster. À la page 75... Est-ce que
la pagination de votre mémoire est faite?
M. De Costen Non.
M. Perron: J'ai marqué la page 75.
M. De Coster: Si vous me posez la question, probablement que je
vais la retrouver.
M. Perron: Au point 5, dans les conclusions, concernant les
activités minières, vous indiquez quels sont les coûts
économiques et sociaux résultant de la fermeture de la mine.
Votre réponse est la suivante: II ne nous incombait pas de les
déterminer.
M. De Coster: C'est exact.
M. Perron: Dans un dossier aussi important que celui que nous
avons devant nous, soit la fermeture de SIDBEC-Normines qui est
préconisée par certains rapports, jusqu'à tout
dernièrement, par la grande majorité des rapports, autant les
sociétés d'État que les ministères du gouvernement,
les députés des deux côtés de la Chambre et
même les individus sont en droit d'en connaître les coûts
économiques et sociaux. Je voudrais avoir des explications, à
savoir pourquoi, sur le fond, SIDBEC n'a pas jugé bon de
préparer, surtout dans le cas de SIDBEC-Normines, ses coûts
sociaux et économiques. (21 h 45)
M. De Coster: Pour deux raisons bien spécifiques. D'abord,
ce n'est pas normalement la fonction de SIDBEC de faire ce genre d'exercice, il
appartient plutôt au gouvernement et à ses ministères de le
faire. Deuxièmement, ce qui est plus spécifique encore, nous
sommes allés au comité ministériel permanent de
développement économique et il y avait eu, selon ma
compréhension, un mandat de confier à d'autres ce genre de
travail. Il était bien compris, au comité ministériel
permanent de développement économique, qu'il ne s'agissait pas de
la fonction de SIDBEC.
M. Perron: L'autre question se rapportait justement au
scénario qui a des effets sur les deux, autant sur l'industrie
minière que sur l'industrie manufacturière. Je la poserai plus
tard.
Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.
M. Biron: M. De Coster, pour éclairer la commission sur
les possibilités, on a dit que SIDBEC-Normines avec une capacité
de bouletage de 6 000 000 de tonnes environ. On peut employer 50% de la
capacité, 90% ou 100% de la capacité. Si on produisait
6 000 000 de tonnes de boulettes, SIDBEC serait responsable pour 3 000
000 de tonnes.
M. De Coster: C'est cela.
M. Biron: Là-dessus, on emploie, bon an mal an, à
Contrecoeur et dans nos autres aciéries, à peu près 500
000 tonnes.
M. De Coster: On peut dire 1 000 000 de tonnes par année
normale. Cette année, on emploiera 860 000 tonnes environ.
M. Biron: D'accord, 1 000 000 de tonnes. Il nous resterait 2 000
000 de tonnes de boulettes à vendre sur le marché mondial.
M. De Coster: C'est cela.
M. Biron: M. Astier nous a dit ce matin que le marché
était actuellement très difficile. Est-ce que vous pensez qu'on
pourrait, par l'entremise de SIDBEC International et toute la compétence
de nos gens, vendre ces 2 000 000 de tonnes sur le marché actuel? On ne
sait pas trop ce qui peut arriver en 1985 ou en 1990. À quel prix, si on
forçait le marché, pourrait-on vendre ces 2 000 000 de
tonnes?
M. De Coster: La réponse est simple, M. le ministre, nous
ne serions pas capables de vendre les 2 000 000 de tonnes dans l'ensemble,
quels que soient les prix. Deuxièmement, les rabais devraient être
en moyenne de 40% à 50% en Europe. Je parle du marché de l'Europe
et non pas du marché de l'Amérique du Nord. Ce serait de 40%
à 50% sur 63 $ ou 64 $. Cela provient du fait qu'il faut affronter la
compétition en Europe, le "laid down cost", le coût livré.
Il faut prendre en considération le transport. Pour 1983, il a
été clairement défini que le marché de l'Europe
était complètement fermé à SIDBEC et pour une bonne
raison: on paie pour ne pas produire 17,25 $ de pénalités; pour
vendre en Europe, ça nous coûterait à peu près 25 $
de rabais. Alors, 17 $ en ne produisant pas et 25 $ de rabais si on produit et
si on vend en Europe.
M. Biron: Même à 25 $ de rabais la tonne, ce qui
ferait 50 000 000 $ environ, encore là, vous n'êtes pas sûrs
du marché.
M. De Coster: Non, monsieur.
M. Biron: Est-ce que vous êtes aussi pessimiste que M.
Astier ce matin? Il nous disait qu'en ce qui a trait aux produits
laminés, les produits manufacturiers, il était un peu moins
pessimiste. Il pouvait prévoir qu'il y aurait une reprise d'ici quelques
années, mais, en tout cas, que cela ne dépasserait pas 1985. Dans
le domaine du minerai de fer, par contre, il était passablement
pessimiste; dans le domaine des boulettes, il était encore plus
pessimiste. Est-ce que vous avez à peu près la même
attitude que M. Astier?
M. De Coster: Nous partageons complètement les
idées qu'a émises M. Astier ce matin. Cela rejoint nos
prévisions.
M. Biron: En d'autres termes, vous voulez nous dire que, pour 6
000 000 de tonnes, il n'y a pas de marché, que c'est impossible et qu'il
faudrait diminuer la production à quelque chose autour de 2 000 000, 3
000 000 ou 4 000 000 et qu'on pourrait écouler ce produit.
M. De Coster: C'est exact, M. le ministre. Les trois partenaires,
en 1983, auront besoin de 3 300 000 de tonnes. Les partenaires sont British
Steel à 80% de sa quantité nominale, Québec-Cartier
à 80% de sa capacité nominale et SIDBEC à environ 30% de
sa capacité nominale. On a fait nos prévisions pour 1983 et pour
les prochaines années sur 3 300 000 tonnes, l'équivalent de 105%
d'une ligne.
M. Biron: Mais, jusqu'à maintenant, nous ne produisons pas
encore sur deux lignes. Si celles-ci arrêtent encore de temps à
autre, on a encore deux lignes de production.
M. De Coster: On produit sur deux lignes selon les
économies du moment parce qu'il y a les taux d'électricité
qui rendent préférable de produire durant une certaine
période de l'année. Ce sont certaines considérations comme
cela qui font qu'à un certain moment donné, on est mieux
d'être fermé et, à certains autres moments, on est mieux
d'être ouvert et les deux lignes peuvent servir en alternance.
M. Biron: Est-ce que, d'après vos budgets de production,
ce serait plus rentable de produire 3 000 000 de tonnes sur une ligne de
production ou 4 000 000 sur deux lignes?
M. Charette: Nécessairement, un plus gros tonnage, c'est
toujours plus rentable pour Normines. Les coûts unitaires sont plus
bas.
M. Biron: Merci.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: M. le Président, dans le document que vous
avez présenté dans le plan de redressement en juin 1982, vous
aviez différents scénarios pour essayer d'évaluer le
coût d'une fermeture, le coût à
SIDBEC. Je voudrais clarifier maintenant le coût à SIDBEC
dans l'éventualité de fermeture, dans l'éventualité
de réduction de production. Je considère le scénario b de
juin 1982; vous avez, à l'annexe e, différentes pertes de
liquidités et pertes pour chacun de ces scénarios. Dans celui de
l'annexe b, le scénario b, vous aviez les productions annuelles à
33% de la quantité nominale respective, soit 2 000 000 tonnes de
boulettes et, dans ce cas, il y avait des pénalités; il y avait
le bail immobilier à Port-Cartier qui pourrait être en
défaut. Cela voulait dire que, dans l'éventualité de ce
scénario, le bail pourrait être perdu, cela voulait dire que la
mine aurait été rétrocédée à
Québec Cartier Mining, les terrains repris et les installations
louées. Je remarque que, dans l'autre scénario c, qui
prévoyait un rendement à 3 700 000 tonnes, ce scénario
maintenait les conditions du bail. Je n'ai pas les détails des pertes.
À combien avez-vous évalué le montant de la perte du bail
dans le scénario b? A-t-il été évalué?
Peut-être pourriez-vous nous expliquer pourquoi tous les
différents scénarios arrivaient à la même
conclusion, grosso modo, en termes de perte. Il n'y avait pas beaucoup de
différence.
M. De Coster: Je pense que je pourrais peut-être commencer
par votre deuxième question. C'est qu'on a trouvé que les trois
scénarios ou les différents scénarios d'activités
à des niveaux différents apportaient pour SIDBEC à peu
près les mêmes résultats parce qu'il y a le jeu des
pénalités. C'est le jeu des pénalités qui faisait
qu'on en arrivait sensiblement au même résultat. Maintenant, on a
regardé les scénarios à 5 400 000 tonnes, c'est 90% de
capacité, cela veut dire qu'il n'y a pas de pénalité dans
un scénario de 5 400 000 tonnes puisque les trois partenaires prennent
90% de leur quantité nominale. Dans le scénario de 3 700 000 de
tonnes, on a dit que SIDBEC prend 1 000 000 de tonnes pour ses besoins, et les
autres partenaires prennent 90% de la quantité nominale, soit 2 700 000
tonnes, cela fait un total de 3 700 000 tonnes. Cela veut dire que SIDBEC est
obligée de payer des pénalités pour ces déficits de
tonnage. On revient encore là à 3 700 000 tonnes. Mais,
étant donné le jeu des pénalités, c'est à
peu près la même chose. C'est kif-kif. On arrive à peu
près aux mêmes résultats.
On a regardé un troisième scénario. Dans le cas
où SIDBEC prendrait un million de tonnes pour ses propres besoins et les
deux autres partenaires décideraient de prendre la même chose que
SIDBEC, cela ferait deux millions de tonnes. Deux millions de tonnes, cela
donnerait encore pour SIDBEC à peu près les mêmes
résultats, parce que le jeu des pénalités joue
là-dedans, sauf qu'on a dit: 5 400 000 tonnes, cela peut aller et 3 700
000 tonnes, cela peut aller, mais les deux millions de tonnes, eux, sont
dangereux, parce que, s'il y a un défaut dans les quantités
minimales transportées sur le chemin de fer Québec Cartier
Mining, on peut être en défaut sur une période
d'années. On peut être en défaut pour le contrat de
transport de concentrés avec Québec Cartier Mining. Comme je vous
l'ai signalé ce matin, un défaut dans un contrat comme
celui-là peut amener un défaut dans l'acte de fiducie,
déclencher le rappel du prêt et l'annulation du bail, etc. On ne
quantifie pas les conséquences, parce qu'à ce moment-là,
cela vient tout simplement de finir; si les prêteurs rappellent le
prêt, si on perd le bail et s'il y a une rétrocession de la mine,
je me demande où va SIDBEC-Normines. On n'a pas quantifié comme
tel, mais on dit: Voici des conséquences.
M. Ciaccia: Vous n'avez pas de chiffre spécifique pour la
valeur du bail immobilier, pour la rétrocession de la mine.
M. De Coster: Non. Cela veut dire, M. le député,
que les trois partenaires seraient peut-être appelés à
rembourser la totalité de la dette obligataire. On a vu que la dette
obligataire était de l'ordre d'environ 400 000 000 $. En plus, il
pourrait y avoir une rétrocession de la mine. Je ne dis pas que c'est
automatique: il faut que quelqu'un signifie le défaut et que cela suive
son chemin. On n'a plus de mine et on reste avec une usine de bouletage qui est
encerclée, parce que les baux sont terminés et on est
enclavé. C'est une opération qui ne peut plus fonctionner,
à ce moment-là.
M. Ciaccia: C'est pour cette raison que j'aurais pensé que
ce scénario qui aurait entraîné la rétrocession de
la mine aurait été, en termes de dollars, en termes de
valeur...
M. De Coster: Non, mais...
M. Ciaccia: ... d'un coût beaucoup plus élevé
qu'un autre scénario...
M. De Coster: C'est certain.
M. Ciaccia: ... où le bail se maintiendrait et où
vous respecteriez toutes les conditions des contrats.
M. De Coster: C'est certain. Le scénario qu'on a fait, ce
travail qu'on a fait était tout simplement pour établir des
points de comparaison. C'était surtout pour savoir s'il y avait
réellement des différences à produire à
capacité de 5 400 000, 2 000 000 ou 3 700 000. On s'est aperçu
que c'était, pour SIDBEC, à peu près constant. Mais on
a
dit: En plus de cela, par exemple, 2 000 000, c'est impossible. On ne
peut pas penser à 2 000 000 sur une période d'années,
parce qu'à ce moment-là, on est en défaut et on perd
tout.
M. Ciaccia: Puis-je tenir pour acquis, par exemple, que les
prémisses sur lesquelles vous vous basez, d'après la
présentation que vous avez faite cet après-midi, les chiffres et
l'approche que vous preniez, sont les suivantes: premièrement, la
prémisse no 1, c'est l'existence des contrats; la deuxième
prémisse, c'est que le but de SIDBEC, l'objectif principal de SIDBEC est
de vendre des produits de l'acier et la question des boulettes, c'est
secondaire. Est-ce exact, si j'interprète les prémisses à
partir desquelles votre présentation a été faite
aujourd'hui?
M. De Coster: C'est certain que ce dont on se rend compte, c'est
que notre aventure dans la mine crée un préjudice sérieux
à SIDBEC. On voit l'image que cela crée autour de SIDBEC.
À part cela, ce n'est pas notre fonction: ce n'est pas en produisant ou
en vendant des boulettes sur le marché international qu'on va
créer une activité économique dans la province; ce n'est
pas notre raison d'être. Notre raison d'être réelle est de
fabriquer des produits sidérurgiques. C'est une aciérie. C'est de
fabriquer des produits sidérurgiques et les vendre à profit.
C'est pour cette raison qu'on dit: On doit éliminer l'excédent de
notre approvisionnement. On doit essayer d'éliminer tout ce qu'il y a de
semi-produits qu'on est obligé de vendre à perte, comme les
brames et les billettes excédentaires qu'on a été
obligé de vendre à perte, et se concentrer réellement sur
la vente de produits parachevés qui vont nous apporter le genre de
rentabilité qu'on recherche. (22 heures)
M. Ciaccia: Vous avez dit que la vente des boulettes sur le
marché international n'aiderait pas l'économie du Québec.
Mais fermer l'usine de Port-Cartier, fermer la ville de Gagnon et fermer la
mine, ne trouvez-vous pas que cela aurait un effet au moins sur
l'économie de la région, mais aussi sur l'économie...
M. De Coster: Parce qu'on circonscrivait notre mission, on ne
concluait pas qu'il fallait fermer SIDBEC-Normines. On dit: Nos objectifs sont
de ramener notre approvisionnement au niveau qu'on a besoin. Et je ne connais
pas d'entreprises dans le monde qui ont des engagements pour trois fois leur
besoin d'approvisionnement et qui sont forcées, à cause de
ça... On n'est pas allé volontairement dans la vente des
boulettes, mais on a été forcé à vendre des
boulettes, ce qui n'est pas une activité normale dans une
sidérurgie comme la nôtre, mais ce serait peut-être normal
pour Fibro, Iron Ore, ou d'autres, mais ce n'est pas notre fonction de faire
ça. Alors on ne conclut pas, parce qu'on veut circonscrire dans nos
objectifs la mission de SIDBEC et la limiter réellement à
produire des produits sidérurgiques, qu'on doive fermer la mine.
M. Ciaccia: Je ne veux pas blâmer SIDBEC ou
SIDBEC-Normines, telle qu'elle est constituée, parce que si
SIDBEC-Normines a un marché captif, ça veut dire que ses
boulettes sont vendues d'avance, mais est-ce que ça peut affecter le
marketing de SIDBEC-Normines? Car je remarque que, dans un de vos plans de
redressement, vous aviez mentionné que vous aviez un souci sur le
marketing. Alors, puisque votre but principal - vous êtes limités
naturellement dans les ressources humaines - c'est la vente des produits
d'acier, vous êtes obligés, par des engagements qui ont
été pris de vous occuper de SIDBEC-Normines, est-ce que ça
peut affecter le marketing des boulettes et, par conséquent, toute
l'activité de SIDBEC-Normines?
M. De Coster: II faut encore s'arrêter sur les termes pour
être certain qu'il n'y a pas d'ambiguïté. On parle bien de
marketing chez SIDBEC de boulettes de SIDBEC-Normines, non pas de marketing de
SIDBEC-Normines?
M. Ciaccia: Du marketing de boulettes.
M. De Coster: On dit: Du marketing chez SIDBEC de boulettes qui
proviennent de SIDBEC-Normines. À cette question, la réponse est
non, il n'y a pas d'entrave à ce qu'il y ait un groupe qui s'occupe des
boulettes et du prix réduit et un groupe qui s'occupe des produits
sidérurgiques, excepté qu'il faut bien comprendre qu'en vendant
en Europe une boulette qui nous coûte 63 $, on y perd 25 $. Je ne crois
pas que ce soit une exploitation qu'une sidérurgie devrait normalement
considérer.
M. Ciaccia: À votre connaissance, est-ce qu'il y a eu des
pourparlers ou des discussions entreprises avec le gouvernement
fédérai pour essayer d'en venir à une entente avec
d'autres pays qui sont des producteurs de boulettes pour essayer d'aider ou de
réduire un peu le genre de compétition que vous subissez d'autres
pays, comme l'Australie et le Brésil?
M. De Coster: Nous avons des contacts assez fréquents avec
le ministère de l'Industrie et du Commerce, à Ottawa, pour toutes
sortes de questions, parce qu'il y a une mine de renseignements qui nous
est
utile, mais on n'a jamais abordé cette question spécifique
de l'assistance du gouvernement fédéral dans la commercialisation
de nos boulettes. On croit - c'est peut-être un point où je
pourrais diverger d'opinion avec M. Astier - que, dans des conditions normales,
ce ne serait pas utile de passer de gouvernement en gouvernement pour vendre
nos boulettes. Par ailleurs, c'est là où je rejoins M. Astier,
c'est toujours une question de prix, à moins qu'on fasse un troc, qu'on
vende des boulettes pour acheter de l'huile ou des choses du genre. Mais ce
serait beaucoup plus avec le gouvernement du Québec, à mon sens,
qu'avec le gouvernement fédéral.
J'ai eu des rencontres avec le président de la compagnie
brésilienne, qui m'a abordé justement parce qu'il
prétendait qu'on perturbait son marché en vendant meilleur
marché que lui. Encore là, pour revenir à une question qui
a été posée ce matin, il n'y a pas eu d'entente possible
avec le Brésil ou avec un autre pays pour fixer les prix.
M. Ciaccia: Vous aviez fourni des chiffres, M. De Coster, sur le
coût pour fermer la mine, qui était de 325 000 000 $, le prix par
année de cette dette. Premièrement, les 325 000 000 $ sont
strictement le coût de SIDBEC, ce n'est pas le coût de British
Steel; il faut ajouter à ces 325 000 000 $ pour fermer la mine.
M. De Coster: C'est certain que ce qu'on a calculé - la
dernière fois, 303 000 000 $ et, cette fois-ci, 325 000 000 $, chiffres
révisés en dollars 1983 - c'est strictement ce que cela
coûterait à SIDBEC pour abandonner ses activités.
M. Ciaccia: Si je comprends bien, si SIDBEC a 50%, cela voudrait
dire, si je ne me trompe pas, que cela prendrait un autre montant de 325 000
000 $ de la part des autres partenaires.
M. De Coster: C'est exactement cela. C'est pour cela que les
partenaires s'opposent.
M. Ciaccia: Ah!
M. De Coster: Ou au moins qu'un partenaire s'oppose, British
Steel.
Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.
M. Biron: Étant donné qu'on a un ordre de la
Chambre pour terminer les travaux à 22 heures, je propose qu'on termine
ce soir la présentation de SIDBEC à la coopération
manufacturière et au financement et de reporter à demain matin la
municipalité de
Contrecoeur après les métallos, parce qu'on s'était
engagé à recevoir les métallos en commençant demain
matin. Le deuxième groupe pourrait être la municipalité de
Contrecoeur.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: M. le Président, je n'ai aucune objection
à continuer après 22 heures. Si je comprends bien, le ministre a
suggéré qu'on finisse avec SIDBEC ce soir sur ses
activités manufacturières. Je voudrais soulever le point suivant:
On parle d'une opération qui va affecter beaucoup de gens. On nous donne
les chiffres de 500 000 000 $ et de 600 000 000 $. J'ai l'impression - je ne
blâme aucun individu - qu'on ne nous donne pas le temps nécessaire
pour vraiment explorer tous les aspects. On a eu une présentation cet
après-midi qui était très étoffée. Si je
faisais le tour de tous les gens autour de la table pour savoir s'ils ont tout
compris, s'ils ont obtenu tous les chiffres, je pense qu'on serait très
supris de savoir qui a tout compris...
M. Charbonneau: On va commencer par votre côté.
M. Ciaccia: Je ne suis pas gêné de le dire, on nous
a présenté un document aujourd'hui, et je ne vois pas comment on
peut nous presser de cette façon. Je veux bien croire que les gens
veulent se faire entendre. Au lieu d'arrêter demain, qu'on continue. On
parle de faire des recommandations sur la possibilité d'une fermeture ou
d'une non-fermeture, de l'ordre de 500 000 000 $ ou plus, des pertes
énormes tous les ans, la question manufacturière et tout l'aspect
financier. Je ne vois pas comment on peut décemment -on siège
depuis 10 heures ce matin, il est 22 heures - dire qu'on va tout finir. Je ne
veux pas qu'on interprète mal mes propos. Je ne veux pas retarder, mais
je pense qu'en toute responsabilité on devrait avoir plus de temps pour
examiner tous les différents aspects qui nous sont
présentés. Cela n'a presque pas de bon sens.
Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.
M. Biron: M. le Président, tout ce que j'ai
suggéré, c'est qu'on continue après 22 heures, tant que la
commission voudra siéger. Étant donné qu'on s'était
entendu pour que la municipalité de Contrecoeur soit entendue ce soir,
j'ai voulu reporter la municipalité de Contrecoeur à demain
matin, mais après les métallos, parce qu'on avait pris un
engagement envers les métallos pour les entendre en premier demain
matin. Si on a
besoin de plus de temps demain pour SIDBEC, je ne vois pas du tout
d'inconvénient à ce qu'on continue.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Verchères, vous avez une question.
M. Charbonneau: La seule chose, M. le Président, c'est
qu'il faudrait aussi se rendre compte que le Syndicat des métallos
attend depuis déjà une journée, que lui aussi a des
contraintes et qu'il avait planifié son horaire pour être entendu
demain matin. J'imagine qu'il peut être à notre disposition pour
plus longtemps, mais je pense que cela va aussi perturber son organisation et
le plan de sa journée pour demain. Donc, je n'ai pas d'objection qu'on
continue, si on n'a pas terminé à minuit avec SIDBEC, demain
matin. La seule chose que je vous indique par ailleurs - si le
député de Mont-Royal veut se le faire confirmer, il y a des
dirigeants du Syndicat des métallos qui sont à sa disposition ici
- c'est que le Syndicat des métallos avait planifié son
organisation de la journée de demain en fonction d'une
présentation devant la commission pour demain matin, mais en ayant
terminé au début de l'après-midi.
M. Ciaccia: Je n'ai aucune objection, mais je voudrais faire
remarquer aux membres de la commission - je ne sais pas qui a fait l'ordre du
jour de cette commission - que je pense bien qu'on aurait dû se rendre
compte du temps que la présentation de SIDBEC prendrait et tous les
problèmes. Je pense qu'on aurait peut-être dû, au lieu
d'essayer de placer tout cela en deux jours, prendre un peu plus de temps afin
de ne pas bousculer les gens. Mais, je suis entièrement d'accord que si
on a dit aux métallos qu'ils seront entendus demain matin, c'est un
engagement que la commission a pris. Je voudrais seulement faire remarquer
qu'on ne peut pas vraiment faire notre travail dans ces circonstances.
Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.
M. Biron: Essayons, si vous le voulez. On va terminer les
exploitations minières et peut-être voir les exploitations
manufacturières ce soir. C'est assez facile de reporter l'aspect
financement de SIDBEC à plus tard. Au fond, on sait que SIDBEC est
sous-capitalisée par son actionnaire. Au cours de la journée de
demain - cela ne dérangerait pas - je pense qu'il serait important qu'on
ait la présentation, au moins de SIDBEC, concernant les activités
manufacturières pour qu'on puisse suivre avec la présentation du
Syndicat des métallos. Mais, prenons le temps qu'il faut et on jugera en
cours de route.
M. Ciaccia: Je remercie le ministre de sa collaboration.
Le Président (M. Desbiens): Je tiens pour acquis donc
qu'on s'entend pour continuer jusqu'à au moins minuit maintenant? C'est
cela?
M. Ciaccia: Et si quelqu'un s'endort au bout de la table, on va
le réveiller.
M. Charbonneau: Ne vous inquiétez pas pour cela.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Mont-Royal, vous aviez la parole.
M. Ciaccia: M. le Président, revenons maintenant aux
coûts de fermeture et aux coûts d'exploitation si la mine n'est pas
fermée. Les coûts de fermeture, si je comprends bien, sont de 325
000 000 $ du côté de SIDBEC, plus un montant équivalent
provenant des autres associés. C'est une des raisons pour lesquelles, je
présume, vous venez de dire que British Steel est prête à
débourser 325 000 000 $ pour fermer la mine. Alors, cela veut dire
qu'ils jugent que c'est moins onéreux de continuer les activités
même si, parce qu'ils doivent acheter 40% des boulettes, ils ont les
mêmes obligations et les mêmes contraintes que SIDBEC en ce qui
concerne l'achat des boulettes, si je comprends bien?
M. De Coster: Oui, ils ont exactement les mêmes
engagements. La seule chose, c'est qu'on produit 1 500 000 tonnes et, à
l'heure actuelle, ils produisent 15 000 000 de tonnes. Ils perdent un million
de livres par jour, ce qui fait à peu près 700 000 000 par
année.
M. Ciaccia: Proportionnellement, pour eux, cela n'a pas le
même impact. Je pense que je suis d'accord avec vous à propos de
SIDBEC parce que l'exploitation est plus petite, elle est moindre. Si SIDBEC
devait payer 325 000 000 $ - je pense que vous avez calculé le
coût par année si vous empruntez les 325 000 000 $ - plus les 185
000 000 $ des dettes qui devraient être liquidées, à
combien cela reviendrait par année?
M. De Coster: On avait d'abord 303 000 000 $ et on n'a pas repris
les calculs à 325 000 000 $. À 303 000 000 $, en prenant une
émission d'obligations sur vingt ans, l'intérêt
composé semestriellement à 16%, le coût annuel, capital et
intérêts, était de l'ordre de 53 000 000 $. Si on baisse de
16% à 14%, cela donne environ 45 000 000 $ par année en capital
et intérêts.
M. Ciaccia: Et le coût par année avec le contrat
existant dans le meilleur scénario que vous avez produit, quel
est-il?
M. De Coster: C'est-à-dire que la perte...
M. Ciaccia: Oui, la perte.
M. De Coster: ... de SIDBEC pour l'année 1983 - et on
prévoit qu'elle se continuera pendant quelques années - est de
l'ordre de 50 000 000 $.
M. Ciaccia: Ce que vous nous dites, c'est que si on ferme, grosso
modo, c'est 50 000 000 $ par année?
M. De Coster: Pour quelques années, on ne sait pas...
M. Ciaccia: C'est combien, quelques années?
M. De Coster: Cela dépend de ce qui va se passer dans le
marché.
M. Ciaccia: Non, excusez, je veux dire si vous fermez?
M. De Coster: Ah excusez!
M. Ciaccia: Si vous fermez ce sera au moins pour vingt ans?
M. De Coster: Oui, vingt ans, c'est cela. On a calculé une
émission d'obligations de vingt ans.
M. Ciaccia: Alors, ça va être 50 000 000 $ par
année pendant vingt ans.
M. De Coster: 53 000 000 $ par année.
M. Ciaccia: La décision qui sera prise sera
irréversible parce que si les conditions du marché
s'améliorent, une fois que vous fermerez, le bail sera
rétrocédé et vous ne pourrez pas faire autrement.
M. De Coster: Oui, c'est fini. M. Ciaccia: Deuxième
scénario...
M. Biron: S'il vous plaît, si vous me le permettez.
M. Ciaccia: Oui.
M. Biron: C'est juste pour éclairer. Je pense qu'il faut
faire attention pour comparer les mêmes chiffres. Dans le premier
scénario de fermeture, vos 45 000 000 $, ou quelque chose comme
ça, cela inclut le capital et les intérêts, alors que dans
le deuxième scénario, la perte de
SIDBEC, le capital n'est pas inclus. Il faut parler des mêmes
chiffres, autrement on parlera de chiffres différents. (22 h 15)
M. Ciaccia: On ne peut pas parler de capital dans une perte
opérationnelle, c'est évidemment la perte
opérationnelle...
M. Biron: Excepté qu'il ne faudra pas parler de capital
non plus dans le premier scénario, autrement on ne parle pas des
mêmes chiffres. On compare des pommes avec des oranges.
M. De Coster: Vous parlez de quel capital, M. le ministre?
M. Biron: Le capital sur le premier scénario. Vous dites
qu'en cas de fermeture, ce sont 303 000 000 $ ou quelque chose comme ça,
incluant capital et intérêts, tandis qu'à l'autre question
du député de Mont-Royal, vous avez dit: La perte de SIDBEC. Il
n'y a pas de capital dedans, ce sont 50 000 000 $.
M. De Coster: On parle de SIDBEC à ce
moment-là.
M. Biron: La perte seulement. M. De Coster: Oui.
M. Biron: Tandis que dans le premier scénario vous aviez
capital et intérêts.
M. De Coster: Mais on parle de quel capital? Je m'excuse, je ne
comprends pas...
M. Ciaccia: Moi non plus.
M. Biron: Le remboursement de la dette de SIDBEC-Normines est
dans votre premier scénario.
M. De Coster: Mais le remboursement de la dette de
SIDBEC-Normines est complètement couvert par SIDBEC-Normines. Les
pénalités qu'on paie pour SIDBEC-Normines capitalisent
SIDBEC-Normines et...
M. Biron: Non.
M. Ciaccia: Oui, c'est clair.
M. Biron: Non, là, on est en train de comparer des pommes
avec des oranges et je pense qu'il faudrait au moins avoir la même base
de comparaison.
M. Ciaccia: Écoutez, voulez-vous... M. Biron: Ou
dans les deux scénarios...
M. Ciaccia: M. le Président, j'ai le droit de parole.
M. Biron: ... vous calculez votre remboursement de capital, ou
vous enlevez le remboursement de capital.
M. Ciaccia: M. le Président, si vous me permettez...
Le Président (M. Baril, Rouyn-Noranda-Témiscamingue):
M. le député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: ... je pensais que vous aviez une petite
précision, mais si vous voulez questionner le président M. De
Coster, je préférerais avoir mes informations d'abord et ensuite,
si vous vouiez revenir, vous aurez toute la nuit.
M. Biron: Sur cette question, M. le député de
Mont-Royal, je veux être certain que vous ayez les bons chiffres. Je vous
connais, je sais que vous êtes un excellent politicien, que vous
êtes capable de faire de la politique, mais je voudrais au moins que vous
fassiez de la politique avec les bons chiffres.
M. Ciaccia: Je ne veux pas faire de politique, j'essaie d'avoir
des informations du président de SIDBEC. Où est la politique de
vouloir connaître le chiffre de fermeture, c'est-à-dire 325 000
000 $? Il n'y a pas de capital dans les 325 000 000 $.
M. De Coster: Je ne voudrais pas qu'on dise que je suis en train
de donner les mauvais chiffres, non plus.
M. Ciaccia: Non, je ne veux pas du tout...
M. De Coster: Je m'excuse. Quand on parle de capital, M. le
ministre...
M. Ciaccia: M. le ministre, vous devriez écouter, M. De
Coster veut vous expliquer quelque chose.
M. De Coster: Dans le scénario où les
opérations de SIDBEC-Normines restent ouvertes, le capital est
remboursé annuellement par SIDBEC-Normines, par les fonds qui
proviennent de SIDBEC-Normines. Conséquemment, SIDBEC n'a pas à
payer de capital, c'est SIDBEC-Normines qui le couvre. On compare exactement la
même chose, c'est-à-dire un paiement en argent qu'il faudra payer
à chaque année, de 50 000 000 $ ou 53 000 000 $ et, de l'autre
côté, on parle d'une perte d'argent, d'un déboursé
d'argent dans SIDBEC, si on tient les opérations ouvertes, de l'ordre de
50 000 000 $. Mais le capital est remboursé par SIDBEC-Normines
complètement à chaque année.
M. Ciaccia: C'est exactement de cette façon que j'avais
compris cela.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Mont-Royal, si vous voulez poursuivre.
M. Ciaccia: Si vous me permettez de continuer, M. le
Président, d'un côté vous avez la fermeture, 50 000 000 $
grosso modo par année et cela n'inclut pas le remboursement des 185 000
000 $, cela inclut seulement les 325 000 000 $.
Dans les pertes de 50 000 000 $ annuellement, est-ce qu'il y a un
montant... Cela n'inclut pas non plus les 185 000 000 $.
M. De Coster: Cela n'inclut pas les 184 000 000 $ et cela
n'inclut pas l'intérêt sur les 184 000 000 $.
M. Ciaccia: Bon! On fait la même comparaison quand on dit
50 000 000 $ pour fermer et 50 000 000 $ pour rester ouvert. Maintenant, si
vous restez ouvert, je comprends que le capital, c'est SIDBEC-Normines parce
qu'elle retire des montants de l'opération; vous avez la
possibilité de perdre 50 000 000 $ par année, mais s'il y a des
améliorations dans le marché ou si les conditions changent, ces
50 000 000 $ ne sont pas tellement irréversibles. C'est vrai que cela
peut augmenter, mais cela peut aussi s'améliorer tandis que dans l'autre
cas, c'est une perte finale, vous êtes pris pour 20 ans pour les 50 000
000 $. Est-ce que c'est exact d'interpréter cela de cette
façon?
M. De Coster: C'est exact.
M. Ciaccia: Dans ces deux chiffres, 325 000 000 $ qui nous
coûtent 50 000 000 $ par année et les pertes de 50 000 000 $, dans
le premier cas de fermeture, celui de la ville de Gagnon, vous avez tous les
frais qui vont être associés aux faillites - ce n'est pas SIDBEC,
je le comprends; c'est le gouvernement - aux infrastructures, à la dette
municipale, a la relocalisation des employés, des résidents de
l'endroit, cela n'est pas calculé dans les 325 000 000 $ que va
coûter la fermeture.
M. De Coster: C'est-à-dire que, pour la ville de Gagnon,
qui nous appartient à 90%, on a calculé, dans les frais de
fermeture, toutes les dépenses que va encourir la fermeture de la ville
de Gagnon, les départs, etc., y incluant même la dette obligataire
de la ville.
M. Ciaccia: Quelle partie exactement est incluse? La dette de la
ville, les primes de séparation, je présume, les
déménagements?
M. De Coster: On a même mis des achats de
propriétés, des déménagements d'employés,
des fermetures d'installations, des poursuites possibles, la dette obligataire,
etc. On a mis tout ce qu'on pouvait penser que cela pouvait coûter
à SIDBEC-Normines pour fermer les installations, déplacer le
personnel et mettre cela dans les boules à mites.
M. Ciaccia: De la même façon, je présume
qu'à la compagnie Iron Ore, quand elle a fermé Schefferville, il
y avait des chiffres, des montants, des primes de séparation, etc.
Alors, c'est le même genre d'exercice, mais cela n'inclut pas...
M. De Coster: Cela va plus loin, parce que...
M. Ciaccia: Cela va plus loin.
M. De Coster: ... nous pensons que si les opérations de
SIDBEC-Normines sont terminées, la ville de Gagnon disparaît. On a
essayé de calculer tout ce que cela encourait que de mettre la ville de
Gagnon dans les boules à mites.
M. Ciaccia: Est-ce que cela inclut l'évaluation des hommes
d'affaires, les pertes de...
M. De Coster: Non.
M. Ciaccia: Cela n'inclut pas ces chiffres-là. C'est
strictement le montant que cela vous coûte pour prendre ces
gens-là et les relocaliser.
M. De Coster: Oui.
M. Ciaccia: Évidemment, si la mine continue de
fonctionner, inutile de dire... On n'a pas à calculer les coûts
sociaux. Tout ce que j'essaie de dire, c'est que cela coûtera 50 000 000
$ plus d'autres montants qui ne sont pas encore calculés, si vous fermez
la mine. La raison pour laquelle je pose cette question, c'est que pour la
relocalisation d'une ville entière... Je n'ai pas eu une
expérience comparable, mais, par exemple, à la Baie-James, dans
l'entente de la Baie-James, nous avons relocalisé le village de Fort
George, parce qu'il y avait une érosion qui aurait continué
à la suite de la construction du barrage. Seulement pour la
relocalisation, la Société d'énergie de la Baie-James a
dépensé un montant de l'ordre de 50 000 000 $. Alors, ce sont des
sommes... Le point que j'essaie de soulever, c'est que non seulement il y a des
coûts humains, mais il y a des sommes énormes à
dépenser si on veut aller à tel point, si on veut aller
jusqu'à fermer. C'est pour cette raison que nous cherchons à
trouver des solutions qui ne vont pas continuer à endetter le
gouvernement, parce qu'on va tous en souffrir, si cela arrive. Ce n'est pas le
Parti québécois qui va en souffrir, c'est toute la population
incluant tout le monde ici présent. On cherche des solutions pour
minimiser les coûts et minimiser les impacts sur la population. C'est
pour cette raison que je voulais obtenir ces chiffres.
La seule conclusion que je pourrais tirer des chiffres que vous nous
avez donnés, c'est que cela va coûter moins cher - c'est ma propre
conclusion - de laisser la mine ouverte pour le moment que de prendre 325 000
000 $ pour la fermer.
M. De Coster: À court terme, l'équation est au
moins en parallèle si on ne prend pas les coûts sociaux. Mais on a
retenu comme hypothèse que tout fermait si Gagnon fermait, si
SIDBEC-Normines, à Port-Cartier, fermait. Tout ce qui restait, en somme,
comme frais additionnels, c'est le paiement des taxes municipales à
Port-Cartier, tant et aussi longtemps que l'usine de bouletage va continuer
à être notre propriété, et les frais d'entretien.
Cela peut aller encore à quelques millions de dollars.
M. Ciaccia: Même si c'est égal, du côté
humain et quant aux autres facteurs, la seule conclusion, le seul choix... Si
les coûts sont égaux, le seul choix est de laisser la mine
ouverte.
M. De Coster: Je ne parle pas de choix, M. le
député, je parle simplement de chiffres factuels. On a fait cela
pour une période de cinq ans, parce que c'était une
période qui nous paraissait prévisible à court terme. Par
ailleurs, si on fait l'hypothèse que la situation va demeurer la
même pour plusieurs années, si on projette sur une période
de vingt ans, c'est certain que la valeur actualisée de la fermeture est
très significativement inférieure à la valeur
actualisée de rester ouvert.
M. Ciaccia: Actualisée pour?
M. De Coster: Pour rester en fonction.
M. Ciaccia: Pour vingt ans?
M. De Coster: Oui, pour vingt ans.
M. Ciaccia: Comme on l'a démontré ce matin, des
prévisions ont été faites en 1972 et huit ans plus tard,
elles ne valaient plus rien. Si j'ai un choix à faire, je ne voudrais
pas me prononcer vingt ans d'avance, fermer la mine et jeter le monde dehors,
surtout après l'expérience du genre de prévisions que nous
avons.
M. De Coster: Encore une fois, je ne
parle pas de choix, M. le député, tout ce que
j'émets comme factuel, c'est que si on prend une projection à
long terme, de vingt ans, la valeur actualisée de la fermeture est
d'à peu près la moitié de la valeur actualisée des
coûts que va entraîner le maintien du fonctionnement. Si on ne
prend que quelques années à venir, l'équation semble
être égale.
M. Ciaccia: Je comprends que ce n'est pas le choix que vous
faites. Ce sont les conclusions que je tire de votre étude. Merci.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Verchères.
M. Charbonneau: M. le Président, je vais laisser à
mon collègue de Duplessis et au ministre le soin de poser la plupart des
questions. Il n'y a qu'une chose qui m'intéresse plus
particulièrement, en outre de ce qui a été indiqué.
Vous avez, à un moment donné, indiqué que SIDBEC doit
être autorisée à se délester très rapidement
du fardeau que constitue sa participation dans SIDBEC-Normines.
Indépendamment des autres hypothèses, j'aimerais que vous
indiquiez à la commission... Même si vous étiez
délesté de cette participation dans SIDBEC-Normines, cela ne
réglerait pas le problème de l'actionnaire, nous sommes tous
conscients de cela. Le gouvernement doit prendre en considération le
problème dans son ensemble.
Quel serait l'avantage pour SIDBEC de ne pas être associée
pour l'avenir aux transactions minières, comme vous le laissez entendre
dans cette proposition, et de se délester de la participation dans
SIDBEC-Normines? Indépendamment du fait qu'on puisse décider que
l'exploitation minière continue et qu'elle continue sous une forme
juridique ou corporative différente, cela, c'est un autre
problème, mais le simple fait qu'il n'y ait plus de lien juridique, que
ce ne soient plus les mêmes entreprises... Si je comprends bien ce que
vous avez indiqué dans votre rapport, c'est à cela que vous
faites allusion en indiquant cette préférence. Si vous faites
cette proposition, c'est que vous devez voir des intérêts ou vous
devez voir des avantages au niveau de l'entreprise sidérurgique.
J'aimerais que vous précisiez un peu ces avantages, s'il y en a.
M. De Coster: On veut dire par là que SIDBEC montrerait
une image bien différente, on valoriserait SIDBEC. Par exemple, en 1981,
au lieu de montrer 60 000 000 $ de pertes, elle aurait montré 400 000 $
de profit dans son bilan, dans son état de profits et pertes. Je pense
que cela aurait pu avoir une image bien différente que celle des 60 000
000 $ de perdus. C'est certain que cela libérerait SIDBEC d'avoir
à aller à son actionnaire banquier régulièrement
pour aller se chercher d'autres sommes d'argent. On pourrait vraisemblablement
générer de l'intérieur au moins les sommes
nécessaires pour les dépenses courantes, probablement les sommes
nécessaires pour l'entretien courant; on pourrait ensuite avoir besoin
de recourir à l'actionnaire pour des projets spécifiques, un peu
plus gros, si l'actionnaire y consentait. (22 h 30)
Ce qu'on veut dire, c'est qu'on a une exploitation minière qui
dépasse complètement la taille d'une entreprise
sidérurgique et cela a pour effet de déprécier, de
discréditer SIDBEC, de lui donner une image parmi la clientèle,
partout dans le public, chez nos concurrents d'une entreprise qui traîne
de la patte. On est obligé régulièrement d'aller chercher
de l'argent du gouvernement actionnaire et cela cause les problèmes que
vous connaissez. Je pense que si on n'avait pas eu, en 1981, le problème
de SIDBEC-Normines, on aurait probablement projeté une image plus
intéressante. En 1982, ce n'est pas la même chose, on se trouve en
pleine période de crise. Alors, on se dit qu'il faudrait qu'on soit
délesté de cela. C'est une des raisons pour lesquelles on dit: En
dernier ressort, pourquoi est-ce qu'on ne la passe pas à un autre, au
moins, on va avoir une image bien différente? Vous allez avoir une image
bien différente de ce qu'est SIDBEC. Vous allez pouvoir parler de SIDBEC
avec beaucoup plus de fierté et d'intérêt, à mon
avis, si c'est une entreprise qui montre au moins des signes de
viabilité et de rentabilité.
Quand on a un "bottom line", une ligne du bas qui affiche une perte de
70 000 000 $ ou 75 000 000 $, ce n'est pas cela qui valorise une entreprise.
Maintenant, on dit délester, cela peut être vendre à un
autre, si c'est possible. Délester, cela peut vouloir dire fermer.
SIDBEC ne dit pas: Ne fermez pas SIDBEC-Normines. Parce que pour nous autres,
la fermeture de SIDBEC-Normines, cela règle le problème.
M. Charbonneau: La question que je posais, ce n'était pas
de préjuger de ce qui arriverait par la suite. Je pense qu'il y a une
différence entre le fait de libérer SIDBEC de son lien corporatif
avec SIDBEC-Normines et de prendre une décision qui, dans un sens ou
dans l'autre, touche l'avenir de SIDBEC-Normines. On peut très bien
décider de continuer les opérations pour toutes les raisons qu'on
a indiquées. On est bien conscient, ici, c'est peut-être pour cela
que la décision n'a pas encore été prise jusqu'à
maintenant, le ministre est assez conscient aussi que cela ne règle pas
le problème du gouvernement. Cela règle, j'ai l'impression, ce
que vous venez de nous dire.
Le problème des gens qui ont à vendre de l'acier, qui ont
à "performer" avec des concurrents qui ne sont peut-être pas aux
prises avec ces problèmes, ne règle pas le problème de
l'actionnaire qui, de toute façon, est pris avec le problème
financier de SIDBEC-Normines que vous nous avez décrit depuis un certain
nombre d'heures déjà.
Mais, j'aimerais que vous ajoutiez autre chose. On a déjà
eu l'occasion de s'en parler; tantôt j'en ai parlé avec M.
Charette. Il semblait que dans les conversations que j'avais eues,
c'était encore plus important que ce que vous me donnez comme
indication. M. Charette me donnait l'impression tantôt que c'était
stratégique par rapport à la productivité à
l'intérieur de l'entreprise. Est-ce que c'est exact?
M. De Coster: C'est exact. Tout ce qui s'est dit dans les
débats qui ont discrédité SIDBEC dans toute la place,
dernièrement, a causé un tort absolument irréparable. On a
toujours montré SIDBEC comme un canard boiteux. On a toujours
montré des faiblesses par ci, faiblesses par là; SIDBEC, c'est
tout simplement un boulet incroyable à traîner. Si vous allez dans
les usines, vous allez trouver, à juste titre, que la
démoralisation est rendue à un point très avancé.
C'est certain que la productivité s'en ressent. Au lieu d'être
fier, et d'avoir la loyauté de cette entreprise, quand on lit, dans le
journal, à chaque matin que SIDBEC va fermer, que c'est un canard
boiteux et que SIDBEC, c'est, ceci et cela, il est bien certain que cela touche
le moral des troupes.
Je suis convaincu que dans votre région, si SIDBEC était
montrée comme une entreprise rentable et viable, cela rassurerait pas
mal le monde.
M. Charbonneau: Je voulais vous faire préciser ce point.
Je pense que c'est important. Vous avez raison de dire que dans ma
région, en tout cas, cela changerait peut-être l'allure de bien
des choses. Mais je voudrais rappeler au ministre et aux gens qui nous
écoutent que néanmoins il faut être conscient aussi que
cela ne règle pas le problème financier du gouvernement et que
ça ne règle pas le problème sur la Côte-Nord. En
faisant cette intervention, je voudrais être bien compris. Il ne s'agit
pas de faire abstraction des problèmes des gens de la Côte-Nord et
de dire qu'il ne s'agit pas de s'occuper des gens de Gagnon ou d'ailleurs. Il
s'agit aussi de se rendre compte qu'on a un lien corporatif qui, sur le plan
manufacturier, sur le plan d'une sidérurgie, compte tenu du fait que, de
toute façon, dans tous les scénarios qui nous ont
été présentés aujourd'hui, on ne peut pas voir le
jour où on va être superrentable avec le secteur manufacturier,
peut-être qu'on pourrait donner une chance, dans ce cas, au secteur
minier. On ne voit pas le jour où on pourrait être rentable, quels
que soient les scénarios qu'on envisage. Dans ce sens, peut-être
qu'on pourrait au moins donner une chance au secteur manufacturier.
M. De Coster: L'actionnaire banquier donnerait beaucoup plus de
chances à SIDBEC dans son secteur manufacturier s'il ne voyait pas, en
bas de la page, des pertes de 150 000 000 $.
M. Charbonneau: D'accord. Merci.
Le Président (M. Desbiens): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: J'aimerais revenir brièvement sur la mission
définissant SIDBEC de la façon dont on vient d'en discuter. Cette
définition, comme on le fait dans plusieurs entreprises, vient-elle
d'une définition collective des cadres de SIDBEC qui définissent
la mission de SIDBEC de la façon dont vous l'avez définie ou si
cela provient uniquement de problèmes financiers, tel que vous venez de
le dire. Si on le prend différemment, dans le secteur privé, on
dit toujours: Quand vous vous levez le matin, pensez-vous uniquement à
SIDBEC ou à Normines? Et on dit: Si les gens ne pensent pas à une
section d'une entreprise, il est bien certain que les résultats peuvent
être décevants. Autrement dit, ce n'est pas la première
priorité. Ma question est celle-ci: Cette réévaluation
revient-elle d'une réévaluation faite avec les cadres de
l'entreprise ou est-ce une réévaluation du conseil
d'administration en fonction des résultats financiers?
M. De Coster: Cela a été une
réévaluation à mon entrée à SIDBEC, de toute
façon. Je ne parle pas du passé, mais lors de mon entrée
à SIDBEC, il a été bien compris qu'à compter de ce
moment-là, l'objectif était la viabilité et la
rentabilité de l'entreprise. On devait viser à une pointe
d'excellence dans la fabrication des produits sidérurgiques et essayer
de viser à se départir de ce qui n'était pas
fondamentalement des activités sidérurgiques. C'est
évident qu'on n'était pas capable de se débarrasser de la
mine. On a essayé d'éliminer, autant que possible, les
demi-produits - les brames et les billettes - qu'on a été
obligés de vendre sur les marchés internationaux. Il est
évident qu'on est encore pris avec un excédent, mais c'est la
philosophie qui a été transmise par l'équipe. Pour cette
raison, on a renouvelé presque complètement l'équipe de
direction de SIDBEC pour être certains qu'il n'y avait pas de
résistance à ces concepts. On avait d'excellentes personnes, mais
on voulait une
équipe renouvelée et c'est la philosophie qui
prévaut.
M. Fortier: Quant à nous, en tout cas, ce que nous
voulons, ce sont des sociétés d'État rentables.
J'espère qu'on ne suggérera pas des solutions qui, à long
terme ou à moyen terme, ne puissent pas parvenir à une certaine
rentabilité. Dans le moment, il y a des discussions, à savoir si
les prévisions qui sont faites, sont tellement pessimistes qu'elle vont
se projeter encore pendant 15 ou 20 ans, mais pour notre part, en tout cas, on
aimerait bien viser à une solution rentable à long terme. Je
pense bien que c'est là qu'on peut différer d'opinion. Il y a une
question qui m'intéressait. Au début de votre rapport, vous
parlez du cheminement du plan et vous dites: "La résolution du Conseil
des ministres qui me confiait la direction et le mandat d'élaborer un
plan de redressement - qui inclut Normines, bien sûr - fixait
originalement l'échéance à la fin de mai 1980. De
consentement général, l'échéance a
été reportée par la suite au début de 1981." Au
début de 1981, en ce qui concerne Normines - bien sûr, je
conçois que la conjoncture internationale étant ce qu'elle est en
1982, elle est pire que ce que vous aviez prévu - dès le
début de 1981, j'imagine que vos recommandations... Je devrais vous
poser la question: Vos recommandations allaient-elles dans le même sens
que celles que vous nous faites aujourd'hui?
M. De Coster: Oui, dans le cas de SIDBEC-Normines. Les
recommandations allaient dans le même sens. On peut dire, par exemple,
que les recommandations n'étaient pas chiffrées au point
où elles le sont à l'heure actuelle, mais c'était
évident qu'on devait se diriger dans ce sens. Il y a un scénario
qui n'avait pas été évoqué à ce
moment-là. C'était celui de la consolidation des deux mines du
mont Wright et de Fire Lake. Ce n'est pas un scénario qui avait
été examiné à ce moment-là, mais on parlait
alors d'une vente d'une partie des actions que SIDBEC détient dans
SIDBEC-Normines. On évoquait la possibilité - je le crois - de la
fermeture de SIDBEC-Normines, mais sans pousser. Ce n'était pas
chiffré.
M. Fortier: C'est donc dire qu'indépendamment du chiffrage
des différentes options, à ce moment-là, du moins à
l'intérieur de SIDBEC, il y a eu un débat à
l'intérieur de la direction et, j'imagine, du conseil d'administration,
qui avait, à l'aide de l'information disponible, déjà
établi l'orientation de SIDBEC telle que vous nous la proposez
maintenant. Alors, dans un sens, même si le chiffrage permet à
tous et chacun d'entrer dans la discussion d'une façon plus tangible, il
aurait pu y avoir un débat sur les orientations corporatives. Là,
je ne parle pas de fermeture, je parle d'orientations de la compagnie en ce qui
concerne la mission de la compagnie. Est-ce que, de fait, on aurait pu avoir ce
débat sur la mission intrinsèque de SIDBEC? Parce que, quand on
parle de mission, à ma connaissance, dans les organisations dont j'ai
fait partie dans le secteur privé, on ne parle pas de ça
nécessairement en fonction de la rentabilité, on parle de
ça en fonction d'une mission qu'on se donne à l'intérieur
d'une société et de ce qu'on veut faire. C'est tellement
fondamental qu'on discute de ça même avant de discuter des profits
et pertes de la compagnie. Ma question est: Comment se fait-il qu'on n'ait pas
pu, sur la place publique, discuter de ce problème intrinsèque?
Parce que ce que vous nous dites, dans le fond, c'est que Normines, pour
SIDBEC, c'est une pièce extérieure qui ne permet pas à la
direction de SIDBEC de donner son plein rendement. Si j'ai bien compris votre
pensée, j'imagine que c'est ce que vous voulez nous dire.
M. De Coster: C'est exact. M. Fortier: Merci.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Duplessis.
M. Perron: Merci, M. le Président. Je voudrais revenir sur
la question qui a été soulevée tout à l'heure par
mon collègue de Verchères. Pour moi, dans votre hypothèse
de vente des actions de SIDBEC-Normines à des tiers... Je vais lire deux
paragraphes que vous avez mentionnés aujourd'hui et qui sont d'ailleurs
dans votre mémoire. Il me semble voir trois hypothèses que vous
soulevez dans ces deux paragraphes: "SIDBEC doit être autorisée
à se délester très rapidement du fardeau que constitue sa
participation dans SIDBEC-Normines Inc. par la vente à des tiers de sa
quote-part du capital-actions de celle-ci - ce serait la première partie
-Parallèlement, elle doit pouvoir explorer en profondeur
l'hypothèse de rechange que constituerait la fermeture de la mine du lac
Fire assortie d'une garantie d'approvisionnement du minerai de fer du mont
Wright, d'une rationalisation des activités et des services et d'un
réaménagement des participations respectives des partenaires". Ce
serait la deuxième partie. Dans l'autre paragraphe vous mentionnez la
troisième partie: "Dans l'éventualité où le premier
scénario ne s'avérerait pas réalisable à courte
échéance et que le deuxième ne justifiait pas
financièrement le maintien des activités de la filiale à
long terme, le gouvernement devra se résoudre sans délai à
autoriser SIDBEC à négocier avec ses partenaires
l'abandon complet et définitif des activités de
SIDBEC-Normines Inc."
Là où je voudrais en venir, c'est à ceci; puisque
dans les pages suivantes ce n'est pas mentionné, est-ce qu'il y aurait
possibilité d'avoir votre opinion quant à votre choix sur ces
trois hypothèses?
M. De Coster: Sans aucun doute c'est la première.
M. Perron: Sans aucun doute c'est la première?
M. De Coster: Oui.
M. Perron: Et, par la suite, votre deuxième
hypothèse, si la première ne fonctionnait pas?
M. De Coster: La deuxième hypothèse, après
avoir poussé les études beaucoup plus loin, nous indique que ce
n'est pas une solution au problème fondamental. Cela peut être un
soulagement important dans l'éventualité où le statu quo
et les activités sont continués. Cela peut être un
soulagement important pourvu qu'on puisse négocier avec les
prêteurs des conditions de refinancement de la dette obligataire, parce
que les prêteurs ne laisseront pas aller comme ça 150 000 000 $
d'actifs enlevés de leur garantie sans commencer à parler de
renégociation. Or, ils peuvent avoir des exigences quant aux taux
d'intérêt, ils peuvent avoir des exigences quant à
l'accélération du paiement du capital, ils peuvent ne pas avoir
d'exigence du tout, ce qui est peu vraisemblable, mais tant que ça ne
sera pas déterminé... En plus de ça, il faut essayer
d'avoir un soulagement du côté des stipulations et des
pénalités et il faut négocier avec la compagnie
minière Québec-Cartier certaines conditions comme les conditions
d'achat de concentré. C'est cette négociation qui pourra
déterminer en fin de compte si le projet est intéressant en soi,
pas comme un règlement final ou global du problème de SIDBEC dans
SIDBEC-Normines, mais comme un soulagement qui peut être
intéressant et qui peut être significatif des pertes de SIDBEC
dans SIDBEC-Normines dans l'éventualité où les
opérations sont continuées. (22 h 45)
M. Perron: Maintenant, lorsque vous parlez de l'approvisionnement
du minerai de fer du mont Wright, c'est une hypothèse que vous soulevez
aussi qui concerne une réduction radicale des coûts de production.
Est-ce exact de croire que si vous achetez des boulettes du mont Wright...
M. De Coster: Du concentré.
M. Perron: Du concentré, c'est cela.
Est-ce exact que si vous achetez du mont Wright, vous fonctionnez
à moindre coût?
M. De Coster: Oui, on fonctionnerait à moindre coût.
Si on prend, par exemple, comme base de comparaison le prix de vente de la
compagnie minière Québec -Cartier à ses clients sur le
marché international et notre coût de production, il y a un
écart. Il y a un écart entre les deux. On a calculé 3 300
000 tonnes. Si on monte à 6 000 000 de tonnes l'écart rapetisse
et le projet ne vaut plus rien. À un niveau de production
réduite, il y a un écart qui est assez significatif pour qu'on
puisse dire que c'est assez important pour étudier le projet. C'est
établi. On a les chiffres. Il y a cet écart. On n'a pas encore
négocié avec la compagnie minière Québec-Cartier.
C'est évident que la première chose que la compagnie va nous
dire, c'est: On va vous vendre au même prix qu'on vend à nos
autres clients. C'est le prix international. Voici le prix international, cela
nous coûte tant, on fait la différence et on dit que cela peut
être cela. La négociation n'est certainement pas terminée
sur ce plan.
M. Perron: Bon.
M. De Coster: II y a un écart bien
déterminé, bien précis.
M. Perron: Assez appréciable. M. De Coster:
Appréciable.
M. Perron: Ma dernière question, M. De Coster...
M. De Coster: Mais pas assez appréciable pour
peut-être contrer les exigences des prêteurs, et certainement pas
appréciable pour faire disparaître les pertes de SIDBEC dans
SIDBEC-Normines.
M. Perron: Ma dernière question, M. De Coster, je voudrais
revenir à SIDBEC International. Si ma mémoire est bonne, SIDBEC
International est une création de SIDBEC, à la suite d'une
décision qui aurait été prise par le conseil
d'administration. Pourriez-vous me dire combien d'employés sont à
SIDBEC International? Qui en est le président? En dernier lieu,
êtes-vous satisfait de la qualité du travail qui est
effectué par l'équipe en question?
M. De Coster: Les opérations de SIDBEC International sont
très réduites à ce moment. D'abord, nous ne sommes plus
capables de vendre une tonne de boulettes réduites, parce que le
coût de la ferraille, à valeur équivalente - parce qu'il y
a des équivalences à établir entre le coût de la
ferraille et le coût des boulettes - le coût de la ferraille est
à peu près la moitié du
coût de nos boulettes réduites. C'est un écart qu'il
n'y a pas moyen de combler. Il n'y a pas de marché pour les boulettes
réduites ou pratiquement pas de marché pour les boulettes
réduites. Deuxièmement, alors que nous avons commercialisé
jusqu'à 1 500 000 tonnes de boulettes sur les marchés
internationaux, nous prévoyons vendre cette année environ 200 000
tonnes de boulettes. Car cela ne sert à rien, il n'y a plus moyen de
penser à s'en aller sur le marché européen. On va essayer
de faire une percée du côté du marché
nord-américain. Si on est capable de faire une percée du
côté du marché nord-américain, tant mieux. Pour le
moment, nos prévisions sont basses. Si on est capable d'aller sur le
marché nord-américain et obtenir un rabais qui est
inférieur à la pénalité qu'on est obligé de
payer si on ne va pas chercher les boulettes, c'est évident que c'est
l'effort qu'on fait.
Pour dire si je suis satisfait du groupe, oui, je suis satisfait des
deux personnes clés qui sont là. Je suis temporairement le
président de SIDBEC International. Il y a deux personnes clés
à l'heure actuelle qui s'occupent des produits de SIDBEC International.
Elles sont six en tout.
M. Perron: Six personnes. Depuis quand avez-vous la
responsabilité de SIDBEC International?
M. De Coster: Depuis le départ de M. Pontbriand, il y a
quelques mois, le 1er juin.
M. Perron: Merci.
Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.
M. Biron: M. De Coster, juste pour revenir au statu quo ou
à peu près et en continuant à faire des déficits
comme SIDBEC en fait, même si on diminue les déficits à
environ 60 000 000 $ par année, si le gouvernement subventionnait SIDBEC
chaque année, comme dans le scénario dont a parlé tout
à l'heure le député de Mont-Royal, chaque année
donner environ 50 000 000 $ comme subvention pour lui permettre d'arriver,
est-ce que vous pensez pouvoir vendre quand même sur le marché
américain, à cause du mécanisme du "trigger price"? Est-ce
que, sur le marché canadien, vous pourriez continuer à conserver
votre place et à combattre des importations qu'on peut considérer
comme du dumping, en particulier, du tuyau de la Corée?
M. De Coster: À votre première question, M. le
ministre - évidemment le "trigger price" n'existe plus, il y a toujours
les possibilités de poursuite pour dumping - il est certain que les
subventions gouvernementales sont considérées de très
près par les autorités américaines. Peut-être que
John pourrait poursuivre.
M. LeBoutillier (John): Mais, c'est certainement un danger. Quand
le "trigger price" existait, on était sur le point de se faire sortir,
dans certains secteurs de produits, justement parce qu'il y avait des
subventions gouvernementales.
M. Ciaccia: M. le Président.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: Je ne veux pas interrompre le ministre. Juste pour
spécifier, pour clarifier. Je n'ai pas parlé de subventions qu'on
devrait donner tous les ans...
M. Biron: J'ai parlé du scénario.
M. Ciaccia: J'ai tout simplement dit que dans les
scénarios qui ont été présentés, il
m'apparaît que ça coûtait moins cher de laisser SIDBEC
continuer ses activités que de le fermer.
M. Biron: C'est ça.
M. Ciaccia: Je n'ai pas dit qu'il fallait donner des subventions
chaque année.
M. Biron: Non, on a juste parlé d'un scénario dans
lequel on perdrait 50 000 000 $ par année.
M. De Coster: Vous parlez de subvention, vous ne parlez pas
d'achat de capital-actions?
M. Biron: Non, non.
M. De Coster: Parce que l'achat de capital-actions, c'est
différent. Si on en vient à une structuration
différente...
M. Biron: Non, subventionner. En tout cas, au moins payer...
Alors, ça veut dire que...
M. De Coster: Des subventions, des "grants", comme on dit en
anglais.
M. Biron: Cela pourrait vous fermer le marché
américain.
M. De Coster: Oui. Les Américains ont ce qu'ils appellent
le "countervailing duty" qui s'applique à toute entreprise qui est
subventionnée d'une façon ou d'une autre, une entreprise qui est
déficitaire ou non, mais qui reçoit une aide spéciale. Et,
dans le cas de SIDBEC, à l'heure actuelle, qui a une exploitation
manufacturière et minière, le gouvernement ne ferait pas
nécessairement la
distinction entre les sommes reçues pour éponger les
déficits du secteur minier par rapport au secteur manufacturier. Le
risque demeure, c'est un risque constant.
M. Biron: La deuxième partie de ma question traitait le
fait de continuer à perdre chaque année des sommes
subventionnées par le gouvernement, parce qu'un jour ou l'autre
ça arrive, est-ce que sur le marché canadien - je sais qu'on fait
des pressions à l'heure actuelle pour empêcher le dumping venant
d'autres pays -on serait en position de faire les mêmes pressions ou si
ça peut nous empêcher de faire des pressions et finalement d'avoir
un compétiteur de plus, ici, dans le tuyau en particulier?
M. De Coster: Les pressions vont venir des trois grands: Stelco,
Algoma et Dofasco. Notre intervention serait aussi écoutée, mais
je crois que ce sont les trois grands qui vont effectivement prendre... Ou, si
c'est dans un secteur spécialisé, comme les tuyaux, qui sont
produits par IPSCO, c'est cette firme qui fera ses pressions. Mais, on est
tellement près de Stelco comme gamme de produits, que c'est de là
que viendraient les poursuites, ou les pressions.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Nelligan.
M. Lincoln: J'aurais voulu revenir à la question de votre
premier objectif qui est vendre les actions de SIDBEC-Normines. Vous parlez de
cette possibilité, en fait, à court terme et si ça ne se
présentait pas à court terme, il faudrait voir les deux autres
possibilités: rester ouvert à un prix quelconque ou fermer
complètement. Vous dites vous-même que la conjoncture actuelle est
telle que la projection de cette chose est certainement très difficile
et qu'il faudrait attaquer la chose avec urgence et professionnalisme. Mais,
dans les circonstances que vous avez décrites vous-même, ainsi que
M. Astier ce matin, ce marché est saturé. En tenant compte de la
concurrence brésilienne et australienne, de toutes les circonstances que
nous connaissons maintenant, est-ce que c'est une option réaliste
à court terme? Est-ce que vous avez déjà établi des
contacts? Est-ce que vous avez des raisons de croire que c'est même une
option réaliste? Est-ce qu'il y a des possibilités même que
ça se fasse? Est-ce que vous pouvez nous éclairer? Parce que
sûrement, pour avoir abordé cette proposition, vous devez
sûrement avoir l'idée que c'est faisable.
M. De Coster: Non, je ne peux pas dire qu'il y a des
possibilités actuellement. Nous n'avons jamais été
autorisés à tenter systématiquement de vendre les actions
que SIDBEC détient dans SIDBEC-Normines et nous n'avons pas fait
l'effort systématique, rigoureux et professionnel qu'on aurait pu faire
pour se départir de ces actions. Par ailleurs, nous avons fait des
sondages - sans avoir fait des approches nous-mêmes, sans avoir offert
les actions sur le marché - par des personnes qui sont dans le milieu de
l'acier à la fin de 1981 et il était évident que le
sondage ne décelait pas - aux États-Unis et au Canada - un
intérêt exubérant pour les investissements en amont, c'est
certain. Sauf que l'effort n'a pas été fait et pour moi, c'est un
effort qui mérite d'être fait.
M. Lincoln: Je pense à une question du
député de Duplessis. Vous avez indiqué que dès le
début de votre mandat c'était pour vous l'option numéro
un. Vous avez vu que c'était la solution au problème de SIDBEC.
Dans cette option, le fait que vous avez présenté des rapports au
gouvernement, on a en fait des rapports identifiés qui sont de l'automne
1980. Est-ce que cette question a été discutée avec le
gouvernement? Est-ce que vous avez reçu une autorisation quelconque du
gouvernement pour négocier en principe, pour savoir s'il y a des
acheteurs possibles dans la conjoncture du moment qui était
sûrement plus favorable qu'aujourd'hui?
M. De Coster: On ne peut pas dire qu'on a eu un mandat clair et
précis de négocier avec des partenaires.
M. Lincoln: Quand vous parlez de possibilités à
court terme, c'est-à-dire que si cela ne se présente pas vous
dites qu'à court terme, à ce moment-là, il faut
peut-être songer à l'abandon du projet de négocier avec les
partenaires. Qu'est-ce qu'un court terme? Qu'est-ce que vous pensez qui soit un
terme réaliste pour la vente possible de ces actions?
M. De Coster: Actuellement, je me refuse à dire que c'est
impossible sans l'avoir essayé. Je ne peux pas dire que j'aurais un
enthousiasme débordant et que j'aurais un optimisme débordant,
c'est une chose certaine. Les indications qu'on a, c'est que les
aciéristes ne sont pas intéressés. Je me refuse tout de
même à dire non, c'est impossible et on n'essaiera même pas.
Par ailleurs, pour moi, le court terme, cela peut être la période
où SIDBEC-Normines restera ouverte pour certaines raisons. C'est
difficile, c'est bien difficile de dire ce que c'est exactement.
M. Lincoln: C'est à cela que je devais arriver. Par
exemple, le comité interministériel lui-même recommande la
fermeture de SIDBEC-Normines comme une
possibilité très réelle puisqu'on est là
pour discuter de cela. En même temps, votre premier objectif est de
vendre les actions de SIDBEC dans SIDBEC-Normines. Si, par exemple, le court
terme c'est obligatoire dans la conjoncture actuelle, nous sommes tout à
fait d'accord. Ce n'est pas comme si on dirait: On vendra une auto ou un
camion, c'est quelque chose qui prendra du temps, deux mois, trois mois, quatre
mois, six mois, huit mois peut-être pour explorer des possibilités
dans le monde, etc. À ce moment-là, est-ce que cela ne revient
pas au même? C'est un petit peu dans ce sens-là que mon
collègue de Mont-Royal avait présenté cette motion. Est-ce
que cela ne revient pas au même de dire: Écoutez, en fait, on n'a
pas encore étudié toutes les possibilités puisque
même votre premier objectif, qui est de vendre - et nous ne sommes pas
nécessairement d'accord à cause des conséquences
socio-économiques - n'a jamais été exploré en
fait.
M. De Costers Pour nous, c'est une période de six à huit
mois, cela peut prendre trois mois pour constituer un dossier réellement
étoffé. Puis cela peut prendre deux ou trois mois pour faire la
prospection.
M. Lincoln: C'est cela. Si on dit six à huit mois,
c'est-à-dire que de toutes les façons on dit que la fermeture ne
pourrait jamais se faire tout de suite, même si c'était l'option
numéro deux, après avoir essayé le numéro un. C'est
une affaire de plusieurs mois. C'est dire qu'il faut voir cela d'ici à
juin l'année prochaine, même si on décidait que l'option
seconde de fermer était celle qui devait se passer. C'est cela que je
voulais confirmer. (23 heures)
Je veux revenir encore au point que le ministre a soulevé - cela
n'est pas tout à fait clair - et auquel votre collègue a
répondu. Je ne suis pas trop sûr d'avoir obtenu l'information qui
clarifie cela dans mon esprit. Je peux comprendre qu'aux États-Unis,
s'il y a du dumping ou des taux préférentiels qui sont
utilisés dans le système du commerce international, aux
États-Unis ou dans un pays étranger, justement il y a les
protections américaines qui pourraient s'appliquer. Le cas de
Bombardier, par exemple, est typique, mais, même là, il est
intéressant de penser que la cour a rejeté la contestation qui
avait été faite par la firme américaine contre Bombardier.
Même à ce moment-là, c'était un cas tout à
fait catégorique de subsides des intérêts en cours qui
étaient, à ce moment-là, à 14% et 15% et le
gouvernement canadien faisait une subvention tout à fait
catégorique des taux d'intérêt. C'était un cas.
Mais, dans ce cas, on n'en parle pas et c'est cela que j'ai envie de clarifier
avec le ministre.
Ce matin, le ministre des Finances a dit très clairement que
toute perte n'est pas nécessairement du fonds consolidé de la
province. Ce n'est pas comme si on disait: On retire de l'argent du fonds
consolidé de la province qu'on donne à SIDBEC-Normines. Ce n'est
pas cela du tout. Ce qu'il a dit ce matin, c'est qu'il y a différentes
solutions comme, par exemple, des prêts bancaires qui soient garantis par
la province. Il y a toutes sortes de possibilités. Est-ce que vous me
dites que, même s'il y avait des prêts bancaires garantis par la
province - c'est normal; c'est cela que la province fait en premier -
même dans ce cas-là, il y aurait la possibilité que les
Américains n'aient plus de commerce? Est-ce que, même là,
vous pensez qu'il y a des chances que les Américains nous
pénalisent pour notre produit?
M. LeBoutillien Ce qu'on dit essentiellement, c'est que la
vocation et l'avenir de SIDBEC-DOSCO passent, en grande partie, par un
accès au marché américain. Sur le marché
américain, il y a la question des dommages qui peuvent être
causés aux compétiteurs. L'expression américaine, c'est
"injury". C'est le point de départ. Dès qu'il y a des
compétiteurs qui se sentent frustrés ou qui ne réussissent
pas à tenir leur bout face aux importations qui peuvent être
subventionnées, d'une façon ou d'une autre, par un gouvernement
étranger, il y a une plainte qui est portée, une enquête
est en cours et on peut se ramasser avec des droits de douane comme il y en a
eu d'imposés, il y a quelques mois, à la compagnie Michelin de la
Nouvelle-Écosse, qui a été fortement subventionnée
par le gouvernement provincial et le gouvernement fédéral et qui
doit payer une certaine douane pour exporter aux États-Unis. C'est le
risque qui existe dans le secteur manufacturier de SIDBEC-DOSCO.
M. Lincoln: Je comprends très bien cela, mais le cas de
Michelin n'est pas du tout le cas dont on parle. Je connais le cas Michelin
à qui le gouvernement provincial de la Nouvelle-Écosse et le
gouvernement fédéral ont donné des sommes très
importantes de capitalisation pour essayer d'attirer les deux industries
à Bridgewater, en Nouvelle-Écosse, pour s'y établir. Cela
a été une espèce de subvention indirecte. En fait, on peut
dire même directe.
Quand vous pensez au cas de Massey-Ferguson, qui est une compagnie
canadienne qui vend aux États-Unis et qui a aussi des usines aux
États-Unis, qui a eu des prêts bancaires très importants
garantis par le gouvernement canadien, je ne pense que cela ait
été le cas pour cette compagnie. Je conçois que votre
réponse est tout à fait correcte, qu'il y a un risque. Mais le
risque,
dans les circonstances qu'a décrites mon collègue de
Mont-Royal, de 50 000 000 $ de pertes, ce qu'ils voulaient faire, c'est une
espèce d'équilibre, à savoir si on ferme, c'est 50 000 000
$, et, si on reste, c'est 50 000 000 $. Je ne pense pas que, dans ce
cas-là, le risque soit similaire au cas de Michelin ou même de
Bombardier.
M. LeBoutillier: Je peux ajouter, si vous me le permettez, M. De
Coster. Avant l'abolition du "trigger price" auquel le ministre a fait
référence tout à l'heure, SIDBEC-DOSCO avait reçu
un questionnaire du gouvernement américain auquel on devait
répondre à l'intérieur d'une certaine période. Ce
questionnaire comprenait des questions à nous faire dresser les cheveux
sur la tête. Cela couvrait à peu près tout ce que vous
pouvez imaginer d'aide directe ou indirecte de la part de son gouvernement
actionnaire. Quelle aurait été la conclusion des autorités
américaines? On ne le sait pas, mais la pêche était assez
profonde.
M. De Coster: C'est ce que j'allais dire; leur définition
d'une subvention est différente de la définition normale. Une
subvention, ce peut être une surcapitalisation par un gouvernement, ce
peut être des prêts garantis au-delà d'une structure
financière normale. On ne sait pas quelles étaient les structures
de Massey-Harris. En plus, les gens de Massey-Harris ont pensé prendre
le risque parce que c'était pour eux "belly whoop" ou c'était la
survie. Ils ont probablement pensé prendre le risque eux aussi.
M. Charbonneau: Si le député de Nelligan me le
permet, juste une question additionnelle sur le même sujet, M. le
Président.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Verchères.
M. Charbonneau: Quand on parlait du "trigger price" et de
l'intérêt du gouvernement américain à surveiller ce
que les gouvernements d'ici pouvaient faire, cela concernait les
activités manufacturières. On en parle depuis quelques instants
et on est toujours dans l'étude du secteur minier. Est-ce qu'il y a
là aussi des dangers? Je me demande si on ne chevauche pas.
M. De Coster: Les subventions du gouvernement ne sont pas des
subventions qui sont données aux activités manufacturières
ou à SIDBEC-Normines, ce sont des subventions qui sont données
à SIDBEC.
M. Charbonneau: Dans ce sens-là, même si les
subventions sont données pour le secteur des activités
minières...
M. LeBoutillier: SIDBEC, sur le marché américain,
c'est une entité globale où on ne fera pas nécessairement
la distinction entre les deux secteurs d'activité. On craint toujours le
chevauchement.
M. De Coster: Ce qui ne nous empêche pas de faire des
choses sur le marché américain. C'est évident que chacun
prend son risque et le degré du risque est à évaluer.
M. Charbonneau: Ce qui confirme les propos que vous teniez
tantôt au sujet de l'intérêt qu'il y aurait à diviser
les deux entités.
M. De Coster: Oui, assurément.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Leduc (Saint-Laurent): Vous dites, M. De Coster: Notre
problème à nous, ce sont les transactions financières,
c'est surtout SIDBEC-Normines, cette année, avec un déficit de 96
000 000 $. Vous dites: C'est une greffe qu'on n'a pas tellement
appréciée. À supposer qu'on vous délesterait, qu'on
ferait une société d'État différente, une autre
société d'État... Évidemment, on ne peut pas vous
délester de tout. Si on regarde les finances de cette année, on
voit un déficit de 55 000 000 $. Est-ce qu'il y a relation de cause
à effet entre les deux? Vous dites qu'il y a peut-être une
question de productivité, de fierté. Est-ce que le
problème serait réglé? Est-ce qu'il y aurait une autre
explication au fait que cette année le déficit soit si important
par rapport à l'an passé? Est-ce un accident, quoi?
M. De Coster: Cette année est un accident grave. C'est la
pire crise qu'on a connue depuis les années trente. Dans le domaine de
l'acier, cela ne s'est jamais vu. C'est une année de grande crise,
excepté qu'il ne faudrait pas penser que le seul problème de
SIDBEC, c'est son implication dans SIDBEC-Normines. On fait état - et
vous allez le voir dans les activités manufacturières tout
à l'heure - qu'on a des problèmes sérieux. On a des
problèmes sérieux dans le secteur manufacturier qui font que,
dans une année normale comme celle de 1981, on garde les yeux ou la
tête au-dessus de l'eau, mais, dès la minute où il y a un
soubresaut, on retourne la tête en dessous, mais sur le plan
manufacturier. Il y a des problèmes structurels au plan manufacturier,
on va vous l'expliquer aujourd'hui ou demain, qui sont aussi des
problèmes sérieux. Il y a un autre problème, celui de
notre implication dans la mine. Il va falloir les régler l'un
derrière l'autre.
M. Leduc (Saint-Laurent): Si on vous enlevait le secteur minier,
d'après vous, pourriez-vous fonctionner?
M. De Coster: Dans une année normale, oui, pas dans une
année de crise ni dans une année de ralentissement. En 1980, qui
était une année plus ou moins bonne pour les activités
manufacturières, on a perdu 19 000 000 $. En 1981, qui était une
bonne année, relativement bonne, avec une grève à Stelco -
on a même eu des gammes de produits qui étaient sous
contingentement -on a réussi à faire un profit de 400 000 $ en
enlevant tout ce qu'il y avait d'implications dans la mine. On avait mis,
à ce moment-là, dans nos coûts de fonctionnement le prix
international des boulettes. Tout mis du même côté, on
arrive avec un profit très marginal dans une année où les
activités ont été bonnes pour la sidérurgie. Il y a
des problèmes structurels. C'est pour cela qu'on en arrive à la
conclusion qu'au manufacturier il y a des choses à faire. Il y a des
choses à faire du côté des produits plats, il y a des
choses à faire du côté des produits longs et, en plus de
cela, il y a une structure financière qui nous coûte beaucoup trop
cher.
M. Leduc (Saint-Laurent): C'est un déficit que vous pensez
pouvoir être acceptable.
M. De Coster: Pour moi, ce n'est pas acceptable. Pour moi, ce
devrait être un profit qui soit égal à celui de nos
compétiteurs, mais il reste au gouvernement à déterminer
quel est le degré d'acceptabilité. Je pense que ce que le
gouvernement aimerait bien, c'est qu'on réussisse à
s'autofinancer de la manière qu'une entreprise normale le fait. À
travers le gouvernement et dans toutes les nouvelles lois gouvernementales,
à l'heure actuelle, on retrouve cette disposition qui en est une de
rentabilité.
Le Président (M. Desbiens): Merci. Il n'y a pas d'autres
questions? Alors, nous allons procéder à la deuxième
partie, à la deuxième étape qui se rapporte aux
opérations manufacturières, et je crois que la
présentation va se faire...
M. De Coster: La présentation va se faire par M.
Jean-Claude Raimondi, qui est vice-président adjoint à la
planification.
Le Président (M. Desbiens): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: Est-ce qu'on pourrait demander à M. De
Coster... Cet après-midi, on a été un peu bousculé
dans la présentation, on ne savait pas si l'information que vous nous
donniez était incluse dans le document que nous avons. S'il y avait de
l'information qui n'était pas ici, il serait peut-être bon de le
souligner parce qu'on a eu l'impression, cet après-midi, qu'une partie
de l'information n'était pas incluse dans le cahier que vous nous avez
remis.
M. De Coster: J'ai fait quelques apartés, mais les
documents qui n'étaient pas inclus et auxquels je me suis
référé vous ont été remis ou ont dû
vous être remis. Il s'agit des deux tableaux qui montraient les
scénarios de la fermeture, scénarios pour une période de
vingt ans, et les scénarios de la fermeture pour une période de
cinq ans qui ont dû vous être distribués. On a dû
donner ces documentations au secrétariat de la commission
parlementaire.
M. Fortier: C'est cela qu'on a? D'accord. Merci.
Le Président (M. Desbiens): Pour compléter la
question, est-ce que ce qui va nous être présenté
maintenant apparaît dans le document?
M. Raimondi (Jean-Claude): J'aimerais recommander à la
commission de ne pas suivre le document au cours de cette présentation
parce qu'elle ne suit pas fidèlement le document qui a été
déposé ce matin. Concentrez-vous sur les diapositives. On pourra
déposer éventuellement une photocopie des commentaires. Est-ce
que cela serait possible d'avoir un peu moins de lumière?
Le Président (M. Desbiens): Je crois qu'on peut faire
cela.
M. Raimondi: Cette présentation constitue la
synthèse d'un travail effectué conjointement par des cadres
seniors de l'entreprise, des firmes d'experts-conseils, d'autres producteurs
d'acier et des conseillers possédant une expérience et une
crédibilité reconnues dans le domaine de l'acier. Ce travail a
commencé en janvier 1980 par l'étude des forces et faiblesses de
l'entreprise et par l'identification des possibilités
produits-marchés. Il s'est terminé à l'été
1982 par la quantification financière de scénarios
d'entreprise.
Nous ne parlerons ici que des opérations manufacturières.
Elles ont été subdivisées en trois grands secteurs
d'affaires pour les besoins de l'analyse. Ces secteurs seront définis
plus loin au cours de la présentation. L'exposé se compose de
cinq parties principales: première partie, ce sera la
présentation succincte des objectifs du plan de redressement, des
contraintes et des principes directeurs qui ont guidé la
préparation du plan. La deuxième partie sera
l'évaluation de la situation actuelle, c'est-à-dire ce qui se
passe en ce moment, en tenant compte essentiellement de deux critères:
la rentabilité, tout d'abord, et, ensuite, la situation
stratégique de chaque secteur. La troisième partie
résumera les différentes possibilités
d'amélioration qui ont été identifiées et elle
projettera également ce que sera l'avenir dans le cadre du statu quo. La
quatrième partie présentera les différentes études
sectorielles qui ont été faites avant le plan de
réaménagement global. La cinquième partie
présentera le scénario global de réaménagement du
secteur manufacturier. Ce scénario - on le verra -va découler des
études sectorielles qui ont été faites au
préalable. (23 h 15)
L'objectif du plan de redressement - et c'est important - consiste
à proposer une série de mesures visant à assurer la
rentabilité, comme cela est exigé par la loi 73, et la
viabilité à long terme de l'entreprise. Nous nous sommes
imposé comme contrainte de maintenir les demandes de fonds à
l'actionnaire à des niveaux réalistes.
Voici les principes directeurs qui ont guidé la
préparation du plan. Tout d'abord, tout le scénario dont on va
vous parler ici repose sur des analyses de marché. Le support marketing
existe pour ces scénarios. Deuxièmement, toutes les analyses
portent exclusivement sur l'aspect de la rentabilité et de la
viabilité à long terme de l'entreprise. On n'a pas tenu compte
des retombées socio-économiques.
On va parler de secteurs d'affaires et de critères de
rentabilité. C'est important de les définir. Tout d'abord, les
secteurs d'affaires. Les secteurs d'affaires regroupent des produits ayant des
caractéristiques semblables au point de vue du processus de production,
des structures de marché et des types de concurrence. Il y a trois
secteurs d'affaires dans les activités manufacturières: le
secteur des produits plats, représenté en rouge sur le tableau et
qui regroupe essentiellement les unités de production suivantes: les
deux laminoirs à plats, c'est-à-dire les laminoirs à chaud
et les laminoirs à froid, l'usine de Truscon et la tuberie de l'usine de
Montréal. Le secteur des barres et profilés,
représenté en vert, regroupe les deux laminoirs à fers
marchands, celui de l'usine de Montréal qu'on appelle le laminoir 18
pouces et le laminoir à fers marchands de l'usine de Longueuil. Le
secteur du fil et du fil machine, en jaune, regroupe en amont le laminoir fil
machine et barres. C'est important de comprendre que ce laminoir produit tout
le fil machine qui supporte le secteur. Tout repose sur le laminoir. Les deux
tréfileries, celle de l'usine de Montréal et celle de Toronto, ne
sont pas indiquées sur ce graphique, deux tuberies également, une
à Montréal, une à Toronto et une boulonnerie. Excusez-moi.
C'est un lapsus. Il s'agit non pas de deux tuberies, mais de deux
clouteries.
Pour comprendre un peu mieux les critères de rentabilité
dont on va parler dans la suite de l'exposé, on parlera d'abord de
profits en valeur absolue. Ils seront exprimés en millions de dollars.
On parlera aussi de profits en valeur relative. Ils seront exprimés en
pourcentage des ventes nettes. Ce sont ces profits en valeur relative que nous
appellerons retours sur ventes. Pour les projets d'investissement, nous
parlerons également de rentabilité des investissements et nous
désignerons cette rentabilité par taux de retour interne ou taux
de rentabilité interne. Quelques points de repère, en tout cas un
de base: le profit en valeur relative ou le retour sur ventes pour la
sidérurgie canadienne, aujourd'hui, est de l'ordre de 15%.
La deuxième partie de l'exposé est l'évaluation de
la situation actuelle. Que se passe-t-il aujourd'hui? Pour le définir,
on se concentre essentiellement sur deux tableaux, en fait, deux séries
de tableaux. La première va faire ressortir un peu la rentabilité
historique des activités manufacturières isolées et la
deuxième va parler de la situation stratégique de chaque secteur
d'affaires.
Ce tableau représente les profits des activités
manufacturières. Il y a un historique de 1971 à 1982, les
sections rouges représentent les pertes et les sections bleues, les
profits.
Deux constatations s'imposent. La première: le secteur
manufacturier est, sauf exception, déficitaire. La moyenne approximative
des pertes, entre 1975 et 1981, s'élève à 20 000 000 $ par
an à peu près, c'est l'envergure du problème.
La deuxième constatation - elle est très bien
représentée par l'année 1982 -c'est que les
activités manufacturières sont très vulnérables
lorsque les conditions économiques sont difficiles.
Examinons plus en détail l'année 1981. Rappelons tout
d'abord que 1981 est considérée comme une bonne année pour
la sidérurgie canadienne. Ainsi, malgré une conjoncture
économique favorable et bien que SIDBEC fût favorisée par
une grève de trois mois chez le plus gros producteur canadien, on est
obligé de constater que la rentabilité des activités
manufacturières a été très marginale pour ne pas
dire nulle. En effet, malgré une amélioration très nette
par rapport à 1980, le profit reste inférieur à 500 000 $,
soit un retour sur ventes de l'ordre de 0,1%.
Parlons maintenant un peu des genres de problèmes
stratégiques que nous avons dans chaque secteur d'affaires. D'abord,
dans
le cas du fil et du fil machine, les équipements - on parle ici
du laminoir fil machine et barres de l'usine de Contrecoeur - c'est le moins
rapide du genre au Canada et c'est également le seul laminoir canadien
qui ne possède pas de cages de finition sans torsion. Ceci a un impact
défavorable sur la qualité du produit du fil machine. La gamme de
produits est incomplète et SIDBEC n'a pas accès à 25% du
marché à cause de la qualité du fil machine. La
qualité du produit est de moyenne à bonne, selon le type de fil
machine que l'on fabrique. La rentabilité est bonne. Quant à
l'activité de la concurrence, on sait aujourd'hui qu'il y a des
possibilités d'expansion chez au moins un de nos concurrents au
Canada.
Dans le cas des secteurs des barres et profilés, si on analyse
les mêmes critères un peu plus rapidement, on a deux laminoirs;
celui de Longueuil est très moderne, le plus moderne du genre au Canada;
celui de Montréal est désuet. La gamme de produits est
également incomplète, on est exclu de 25% du marché. La
qualité est acceptable. La rentabilité est marginale. Quant
à l'activité de la concurrence, il vient d'y avoir une expansion
majeure au Canada; un de nos concurrents a doublé sa capacité de
production.
Dans le cas des secteurs des plats, nous avons des problèmes dans
les laminoirs à chaud. La productivité du laminoir à chaud
est quatre à cinq fois inférieure à celle de nos
concurrents. Il possède une seule cage de finition réversible,
comparativement aux laminoirs multicages des concurrents. L'âge des
équipements entraîne de sévères problèmes de
fiabilité. La gamme de produits est incomplète. Le
problème est plus sévère dans le cas du laminoir à
chaud, où on est exclu de 40% du marché, alors que, dans le
laminoir à froid, on est exclu de 20% du marché dans la gamme de
produits que nous fabriquons. La qualité du produit est acceptable pour
le laminoir à froid, on peut même dire qu'elle est bonne pour le
laminoir à froid, mais elle est non concurrentielle dans le cas du
laminoir à chaud à cause de problèmes de surface. La
rentabilité du secteur est négative. Quant à
l'activité de la concurrence, il y a une expansion non pas majeure, mais
massive qui prend place en 1983 et qui va mettre sur le marché des
quantités énormes de bandes à chaud, 2 400 000 tonnes,
alors qu'il se consomme aujourd'hui, au Canada, environ 8 000 000 de
tonnes.
On vient de parler des secteurs d'affaires. En amont des secteurs
d'affaires, on retrouve les aciéries. Les aciéries produisent les
demi-produits billettes et brames. Ces demi-produits sont acheminés vers
les laminoirs de finition qui les transforment en produits finis
destinés à la vente. Les surplus de demi-produits sont
indiqués en jaune sur le graphique que vous avez devant les yeux. Ils
sont très importants. Pour les billettes seulement, ils sont de l'ordre
de 200 000 tonnes. Or, le marché de ces produits est très
difficile. Les prix de vente n'excèdent que très rarement les
coûts de production. Par exemple, en 1981, SIDBEC a dû vendre
à prix coûtant 270 000 tonnes de billettes et brames, soit
à peu près 30% de ses ventes au total en volume.
On a résumé un peu ici les problèmes
stratégiques, aussi bien dans les secteurs d'affaires qu'en amont des
secteurs d'affaires. Le dernier problème qu'on vient de voir, c'est un
déséquilibre entre la capacité de production de
demi-produits et la capacité de consommation de ces mêmes
produits.
Après cette évaluation très succincte de ce qui se
passe aujourd'hui, on va essayer de faire le tour des possibilités qu'on
a retrouvées dans le marché. Ensuite, on va projeter les dix
prochaines années dans le cadre du statu quo. Pour les
possibilités, on va fonctionner également par secteurs
d'affaires; commençons par le fil et le fil machine. La première,
c'est une possibilité de marché. Il existe un marché
potentiel important au Canada et dans le Nord-Est des États-Unis. Aux
États-Unis notamment, le marché accessible à SIDBEC est
à peu près sept fois plus grand que le marché canadien
dans son ensemble et ce marché importe à peu près 25% de
sa consommation. On a également évalué et
détecté des possibilités d'amélioration de mix. Il
serait possible de vendre plus de fil industriel au détriment, si
nécessaire, de fil machine. Les opérations manufacturières
dans l'ensemble du secteur y gagneraient.
Dans les barres et profilés, il y a une possibilité de
taille que sont les barres de qualité spéciale. Ce sont des
barres qui exigent plus de soin au niveau de la fabrication, mais qui se
vendent à un prix très intéressant. Ces barres ont une
marge bénéficiaire beaucoup plus intéressante que la gamme
de produits que nous fabriquons actuellement.
Il y a également une amélioration de mix de produits
possible qui consisterait à se retirer partiellement du produit le moins
rentable du secteur qui serait le fil d'armature, le rond à
béton, pour produire des profilés de construction beaucoup plus
rentables.
Dans le cas des plats, il y a des occasions intéressantes. Tout
d'abord, dans l'Est du Canada, il n'y a pas de producteur de tôle
galvanisée. Tout le marché qui est important - il
représente 19% du marché total des produits plats - est
alimenté par nos concurrents de l'Ontario.
C'est le même phénomène pour les tôles fortes,
il n'y a pas de producteur local.
Le marché de tôles fortes est encore plus important que
celui de la tôle galvanisée. Il représente 33% de la
consommation totale des produits plats au Québec.
La troisième possibilité intéressante, les tuyaux.
Nous fabriquons actuellement des tuyaux par un procédé de soudure
continue. La marge bénéficiaire est très
élevée.
Nous venons d'évaluer les performances actuelles du secteur
manufacturier et on a vu les problèmes qu'on y retrouvait. On vient de
résumer très succinctement les possibilités pour les
marchés. Nous allons maintenant projeter dans le cadre du statu quo,
c'est-à-dire dans l'hypothèse où les opérations
manufacturières ne sont pas modifiées de façon majeure les
dix prochaines années. Il est important de préciser toutefois que
le scénario du statu quo n'est pas une simple extrapolation des
conditions actuelles. En effet, des hypothèses d'amélioration ont
été considérées dans les analyses
financières. On peut les résumer comme suit: Au niveau global de
l'entreprise, on prévoit un retour à un niveau normal de
production et de prix en 1985. En d'autres termes, les années 1983 et
1984 sont des années de croissance en volume. On prévoit une
réduction des coûts, un programme d'austérité et
l'efficacité opérationnelle. On prévoit que les
opérations manufacturières achèteront les boulettes
d'oxyde au prix international et non pas au prix actuel de Normines. On
prévoit également que les opérations
manufacturières n'auront aucune contrainte au niveau des volumes d'achat
d'oxydes. Les gens achètent les oxydes dont ils ont besoin. Au niveau
sectoriel, on prévoit les améliorations suivantes.
Dans les plats, amélioration de l'efficacité
opérationnelle; augmentation de la productivité du laminoir
à chaud; augmentation de la productivité et de la capacité
du laminoir à froid; augmentation de la capacité de la tuberie.
(23 h 30)
Dans les barres et profilés, on inclut dans le cadre du statu quo
les améliorations du mix de produits: barres de qualité
spéciale, et on suppose une pénétration du marché
des États-Unis qui va nous permettre d'augmenter le volume de
laminoir.
Dans le secteur du fil et du fil machine, on prévoit que la
capacité de tirage du fil dur augmente et on prévoit
également une amélioration du mix de produits: plus de fil et
moins de fil machine.
Le tableau suivant montre le coût de ces améliorations
indispensables pour l'entreprise. On résume ici les investissements
qu'on prévoit dans le cadre du statu quo. Il y a deux types
d'investissements: il y a des investissements courants d'entretien et de
renouvellement, on les évalue à 25 000 000 $ par an. Cela
représente en gros 5% des ventes. Et il y a les investissements
défensifs spécifiques, qui sont conditionnés par les
améliorations qu'on vient d'énumérer. Ils
s'élèvent à 46 000 000 $ - dollars de 1982 - et ils sont
étalés sur cinq ans. Pour voir comment ces 46 000 000 $ se
répartissent entre les secteurs d'affaires, la grosse part va au
laminoir à plats avec 32 500 000 $, tout de suite suivie par les barres
et profilés pour 10 500 000 $. Ces 10 500 000 $ sont ceux qui sont
utilisés pour faire les barres de qualité spéciale.
Alors, qu'est-ce qu'on peut anticiper dans le cadre du statu quo avec
toutes les améliorations qu'on vient de mentionner et ces
investissements? Quels sont les volumes de ventes qu'on peut prévoir
dans le cadre du statu quo? Vous les avez devant les yeux. Les parties vertes
représentent les ventes de produits finis et les parties jaunes
représentent les ventes de semi-finis ou de demi-produits.
Quels sont les commentaires qu'on peut faire? Tout d'abord, entre 1982
et 1985, c'est une période de récupération,
c'est-à-dire de retour à la normale. On voit les croissances de
volume. Après 1985, le volume des ventes demeure stable. En effet, tous
les ateliers sont à capacité, sauf le laminoir à chaud.
L'existence de gros surplus de bandes à chaud ne nous permet pas de
conserver nos parts de marché, surtout en Ontario. Alors, on
prévoit une perte de part de marché importante en Ontario,
surtout dans le cas du laminé à chaud.
Si on projetait les principaux paramètres financiers dans le
cadre du statu quo, on verrait, entre 1983 et 1991, que... C'est
représenté par les petites colonnes jaunes dans le bas du
graphique. Ces colonnes représentent les profits en millions de dollars.
Alors, deux constatations s'imposent. Malgré une croissance très
nette du volume, on ne prévoit pas de profits sensibles avant 1985. La
deuxième constatation, c'est que, même à capacité de
production - et c'est le cas pratiquement entre 1986 et 1991 - les profits
demeurent modestes, surtout si on les compare aux grandes colonnes, aux revenus
des ventes.
Examinons plus spécifiquement les résultats de 1991. 1991
est une bonne année, on est à capacité. Le profit brut
projeté sur 632 000 000 $ de ventes s'élève à 42
000 000 $. Ce profit ne tient compte ni des frais d'administration ni des
coûts d'intérêt.
Le tableau suivant nous donnera une idée de l'impact de ces
charges supplémentaires: les frais d'administration et les coûts
d'intérêt et également une idée de la
répartition de ces profits selon les secteurs d'affaires en 1991. La
colonne de pourcentage représente les retours sur ventes, avant les
frais d'administration et de financement. Pour l'ensemble de la
compagnie, c'est 6,8% et cela correspond aux 42 000 000 $ dont on vient
de parler.
Si on tient compte des frais de financement et des frais
d'administration, ces 6,8% tombent à 0,4%, ce qui nous permet de dire
que, même dans de bonnes conditions, l'entreprise ne peut espérer
qu'un retour sur ventes, après frais d'administration et coûts
d'intérêt, très modeste: 0,4%. Le secteur le moins rentable
est celui des produits plats avec un retour de 4,5%, suivi par le secteur des
barres et profilés.
La conclusion générale, c'est que, dans le cas du statu
quo, dans un climat économique favorable, l'entreprise peut être
marginalement rentable. Toutefois, les faibles profits accumulés pendant
les bonnes années ne peuvent suffire à compenser les fortes
pertes encourues lorsque la conjoncture est moins favorable.
En conclusion du statu quo, malgré la diminution du prix d'achat
des oxydes, malgré la diminution du coût de production des
produits plats, on a prévu des améliorations d'efficacité
opérationnelle. Malgré l'amélioration des mix de produits,
on ne peut prévoir que le secteur manufacturier sera rentable à
long terme.
Confronté aux conclusions peu encourageantes du statu quo, nous
avons alors étudié, pour chaque secteur d'affaires, les
possibilités d'amélioration. Cette section de l'exposé
résume les études faites pour les secteurs qui
représentent le plus d'espoir de gain, à savoir celui du fil et
fil machine, et pour le secteur qui comporte le plus de problèmes, le
secteur des produits plats.
Rappelons les possibilités du secteur dans le cas du fil et fil
machine. Tout d'abord, le secteur est hautement rentable, c'est le seul qui est
très rentable à SIDBEC. De plus, il existe un marché
intéressant au Canada et aux États-Unis.
Rappelons également les problèmes du secteur: le laminoir
fil machine Hébert sur lequel repose ce secteur est le moins moderne du
genre au Canada. Il opère dans des conditions économiques
normales, il est chargé à capacité.
Quelles sont les choses à faire? Tout d'abord, diminuer les
coûts du laminage. Ensuite, améliorer la qualité du fil
machine et, enfin, augmenter la capacité du laminoir pour profiter de
ces possibilités du marché.
Plusieurs possibilités ont été
étudiées. Celle retenue est présentée dans le
tableau. Elle consiste à améliorer le laminoir existant au
coût de 70 000 000 $ de 1982. Les bénéfices projetés
sont de l'ordre de 20 000 000 $ à 23 000 000 $ par an et la
rentabilité de ces investissements ou le retour sur investissements ou
le taux de retour interne est de 23%. Ce projet, vous allez le voir plus tard,
a été retenu dans le scénario de
réaménagement global des opérations
manufacturières.
Pour le secteur des produits plats, les problèmes sont
sérieux. Les équipements sont vétustes. Le volume de nos
ventes très inférieur à celui de nos concurrents ne nous
permet pas d'avoir accès à des équipements modernes
à productivité très élevée.
Devant l'amplitude des problèmes, la direction de l'entreprise
décida de faire appel à des compétences externes à
l'entreprise, nommément à la firme Estel Technical Services BV,
et de concentrer simultanément les efforts sur deux fronts
différents. Premièrement, l'exploitation des possibilités
de marché fut confiée à une équipe interne qui
analysa les possibilités de spécialisation, à savoir les
tôles fortes, la tôle galvanisée et une nouvelle
tuberie.
Simultanément une étude globale du secteur fut
confiée à Estel, encadrée par des cadres de l'entreprise
et directement supervisée par le chef de la direction.
On peut résumer comme suit les conclusions de cette étude
globale: les écarts avec les concurrents au niveau de la taille et de la
performance des équipements sont trop importants. En conséquence,
il est contre-indiqué d'investir dans des équipements existants.
La seule chance de survie du secteur réside dans une expansion majeure
qui donnerait accès à des outils de production concurrentiels.
C'est là la conclusion de cette étude globale qui a
été faite par Estel.
On va voir tout de suite ce qu'impliquerait l'expansion majeure,
évidemment. On peut faire les commentaires suivants: Si on regarde le
retour sur ventes après expansion majeure, c'est 19,7%. C'est bien
certain qu'une expansion majeure rentabiliserait le secteur. Malheureusement,
les investissements requis sont considérables: 1 205 000 000 $ en
dollars de 1981. En dollars courants, ce serait de l'ordre de 1 500 000 000
$.
Le rendement de ces investissements est relativement modeste, 11,3%. De
plus, le projet implique des risques commerciaux considérables. Il
suppose, évidemment, une croissance très importante du volume de
ventes. Entre 1985 et 1990, la croissance est de 14% par an dans un
marché qui croît, lui, dans les environs de 2% par an. Les plus
optimistes disent 3%. De plus, cette croissance est supportée
essentiellement non pas par le Québec, où on a déjà
une part de marché pas loin de la saturation, mais surtout par l'Ontario
et les États-Unis. Ce projet n'a pas été retenu,
évidemment.
Le projet de tôles fortes, rappelons qu'il découle des
possibilités de marché dans l'Est du Canada et du fait qu'il
n'existe pas de producteurs locaux dans les tôles fortes.
Les tôles fortes représentent la grosse partie du
marché des produits plats dans la province de Québec et dans les
Maritimes, 33% du marché total. De plus, il n'y a pas
de producteurs locaux. Ce marché est alimenté à
partir de Hamilton. Actuellement, SIDBEC n'a pas accès à ce type
de marché à cause des limitations de production de laminoirs
à plats. C'est ce qui explique, entre autres, que des clients comme
Marine nous sont exclus. Ce sont des gros acheteurs de tôles fortes.
Nous avons estimé pouvoir vendre 150 000 tonnes de tôles
fortes qui sont représentées par la surface ombragée sur
le tableau. La capacité de production du laminoir de tôles fortes
et de tôles laminées à chaud, parce qu'on adopterait le
laminoir à chaud pour faire la tôle forte, diminuerait un peu avec
cette introduction de tôles fortes. On perd un peu de
productivité, ce qui a un impact, évidemment, défavorable
sur la capacité du laminoir. On perd de la capacité si on fait ce
genre d'amélioration à laminoir à chaud.
Cette perte de capacité - sur ce graphique-là, on le
montre bien - est absorbée par le laminé à froid et par le
laminé à chaud en Ontario. Autrement dit, on remplacerait des
ventes de laminés à chaud et de laminés à froid en
Ontario par des ventes de tôles fortes au Québec et dans les
Maritimes.
Quels sont les principaux résultats financiers de ce genre de
projet? Tout d'abord, les investissements seraient de l'ordre de 108 000 000 $
de 1981. Le rendement des investissements est très nettement
insuffisant, 6,5%, et c'est le résultat de cet effet de substitution
qu'on est obligé de faire un peu avec les produits. Ce rendement,
évidemment, est trop insuffisant. Il nous a été impossible
de retenir ce projet dans le scénario de réaménagement
global de l'entreprise.
La galvanisation. Comme dans le cas des tôles fortes, ce projet de
spécialisation résulte de possibilités de marché du
fait qu'il n'y a pas non plus de producteur local. On a estimé notre
capacité de vendre à 100 000 tonnes dans les tôles
galvanisées. La matière première qui sert à
fabriquer cette tôle galvanisée est la tôle laminée
à froid. Deux possibilités s'offrent à SIDBEC pour se
procurer cette tôle laminée à froid, soit que SIDBEC
utilise sa propre tôle laminée à froid pour la galvaniser,
mais, dans ce cas-là, se prive de la vendre; soit que SIDBEC
achète la tôle laminée à froid. C'est une
hypothèse un peu optimiste, mais on l'a quantifiée
financièrement quand même.
Le graphique que vous avez devant les yeux suppose qu'il n'y a pas de
substitution. On n'utilise pas notre laminé à froid. Vous voyez
la bande de laminé à froid. Il a une largeur à peu
près constante. Dans ce cas-là, on achète la tôle
laminée à froid, qui sert à fabriquer la tôle
galvanisée, à l'extérieur. On l'achète et on
suppose qu'on sera capable de l'acheter à un prix qui correspond
à notre propre coût de fabrication de tôle laminée
à froid. Partant de ces hypothèses, les investissements sont de
l'ordre de 55 000 000 $ de 1981 et le taux de rentabilité des
investissements est de 3,8%. Pour les mêmes raisons que les tôles
fortes, le projet n'a pas été retenu, la rentabilité est
insuffisante.
Regardons la dernière solution qui est la tuberie. La tuberie SRE
veut dire la tuberie par soudure à résistance électrique
par opposition au procédé que SIDBEC utilise actuellement et qui
est un procédé par soudure continue. Pourquoi une tuberie SRE?
Tout d'abord, c'est pour capitaliser sur la gamme de produits la plus rentable
de SIDBEC. Ensuite, à cause de l'existence d'un marché
intéressant et, enfin, à cause du fait qu'il n'existe pas de
tuberie SRE dans l'Est du Canada. Nous estimons pouvoir vendre 100 000 tonnes
de tuyaux SRE en plus de nos ventes actuelles de tuyaux à soudure
continue. (23 h 45)
Ces ventes nous permettraient d'utiliser toute la capacité de
production du laminoir à chaud. Je vous rappelle que, dans le cas d'un
statu quo, c'est le seul laminoir qui n'était pas à
capacité. Cela nous permettrait également d'utiliser les surplus
de brame. Cela réglerait deux problèmes d'un coup: l'utilisation
du laminoir et l'utilisation des surplus de semi-produits: les brames.
Financièrement, les investissements nécessaires pour cette
tuberie sont de... On indique 60 000 000 $; c'est un chiffre un peu optimiste.
En fait, c'est entre 50 000 000 $ et 60 000 000 $. Le rendement de ces
investissements est très élevé: 32%. Même si la
tuberie devait être alimentée par de la bande à tube
achetée à l'extérieur, au lieu d'être
alimentée par la bande à tube que l'on fabrique sur notre
laminoir à chaud, le rendement des investissements reste
intéressant, 18% en dollars constants. C'est un projet qui a
été retenu dans le scénario d'un
réaménagement global de l'entreprise.
On a ici une espèce de tableau de récapitulation. Chaque
ligne représente une des solutions qu'on a analysées. Qu'est-ce
qu'on peut signaler sur ce tableau? On regarde les investissements
exigés par chaque solution, comment évaluer les revenus du
secteur, les profits bruts, les retours sur ventes et les taux de retour sur
les investissements. Qu'est-ce qu'on peut dire? Essentiellement, trois choses.
D'abord, les rendements sectoriels des produits plats sont intéressants
dans le cas de la tuberie et de l'expansion majeure. Ils sont respectivement de
13,7%, dans le cas de la tuberie, et de 19,7%, dans le cas de l'expansion
majeure. Deuxième observation: le rendement très
élevé des investissements du projet de tuberie: 32%.
Troisième observation: les
investissements considérables exigés par l'expansion
majeure.
La conclusion qui suit ces études de solutions est que seule
l'expansion majeure est susceptible de résoudre les problèmes de
rentabilité et de viabilité à long terme. Elle a
été écartée toutefois en raison de l'importance des
investissements ainsi que des risques commerciaux en cause. Les projets de
tôle forte et de galvanisation, qui représentent des solutions
certaines au niveau du marketing, ne sont malheureusement pas rentables dans le
contexte de SIDBEC.
Le projet de tuberie amène temporairement le secteur à un
niveau de rentabilité acceptable. Par ailleurs, il faut ajouter que des
analyses connexes ont démontré que la fermeture isolée des
produits plats ne constituait pas une solution rentable.
On va maintenant parler du scénario global de
réaménagement des opérations manufacturières et,
comme on l'a mentionné plus tôt, ce scénario global inclut
une tuberie SRE, cela a été détecté dans les
études de possibilités, et il inclut l'amélioration du
laminoir fil machine, mais, dans le cas du secteur des plats, il inclut la
tuberie SRE et il suppose fermer les laminoirs à plats. Il est important
de rappeler que la décision de fermer les laminoirs à plats
repose sur le jugement qu'il serait illogique d'investir des quantités
d'argent appréciables dans un secteur qui est
irrémédiablement condamné à cause de la
non-compétitivité des équipements et de leur durée
de vie limitée. Toutefois, si, pour quelque raison que ce soit, le
propriétaire décidait de ne pas fermer les laminoirs à
plats, on peut noter que le secteur est temporairement rentabilisable par le
biais de la tuberie SRE et par des investissements dans les laminoirs à
plats.
Des études à cet effet sont actuellement en cours.
Regardons le scénario global de réaménagement - c'est
celui-là qu'on a quantifié à l'été 1982 - et
regardons d'abord la philosophie de ce scénario global. Cela peut se
résumer comme suit: On suppose, dans ce scénario global, la
fermeture graduelle des unités les moins rentables de SIDBEC. On suppose
l'implantation de deux projets très rentables, nommément, la
modernisation du laminoir fil machine et la tuberie SRE. Et en amont des
secteurs d'affaires, on rationalise les capacités d'aciérage pour
tenir compte des nouvelles demandes de demi-produits. On voit sur ce tableau de
quoi SIDBEC aurait l'air si ce scénario de réaménagement
global devait être implanté. Au niveau des secteurs d'affaires qui
sont des secteurs colorés, finalement, tout ce qui est blanc
représente ce qui disparaît. Je vais les nommer: l'usine de
Truscon, le laminoir de 18 pouces de Montréal, les deux laminoirs
à plats, le laminoir à chaud et le laminoir à froid.
Au niveau des secteurs d'affaires, toujours, ce qui est rouge
représente ce qui est ajouté, à savoir les deux projets
rentables, l'amélioration du laminoir fil machine et une tuberie SRE. En
amont, au niveau des aciéries, la capacité de production est
adaptée aux nouveaux besoins, ce qui implique la fermeture des
aciéries de Longueuil et de Montréal, la vente du couleur de
brames à l'aciérie de Contrecoeur et d'un gros four, un four de
150 tonnes, la vente du gros module de l'usine de réduction. C'est donc
un réaménagement majeur.
Quantification du scénario de réaménagement global.
On peut noter sur ce tableau, tout d'abord, l'impact très important sur
l'emploi. Il y aurait une réduction du volume d'emploi de 1500 emplois,
soit 35% du volume actuel d'emploi. Il y aurait une diminution importante du
volume des ventes de produits finis, 230 000 tonnes de réduction, soit
20% du volume actuel de ventes de produits finis, et une diminution tout aussi
importante des revenus, 144 000 000 $, soit 23% des revenus actuels. On note
également l'augmentation très sensible des profits avant
intérêt, une augmentation de 43 000 000 $ par rapport au statu
quo, soit 143% d'augmentation au niveau des profits. Cette augmentation de
profits de 43 000 000 $, on peut l'expliquer de la façon suivante: 5 000
000 $ sont dus aux fermetures et aux réaménagements; 20 000 000 $
sont dus à l'amélioration des laminoirs; 18 000 000 $ sont dus
à la tuberie SRE pour un total de 43 000 000 $. Notons également
- et c'est très important -la très sérieuse augmentation
du rendement global de l'entreprise, qui passe de 4,8% - il y a une erreur de
typographie là-dedans -c'est de 6,8% à 14,9%. Cela veut dire deux
choses: premièrement, à 14,9%, on se rapproche très
près des 15% actuels de la sidérurgie canadienne;
deuxièmement, cette augmentation de retours sur ventes nous donne
beaucoup plus de flexibilité au niveau - la marge est évidemment
beaucoup plus importante que ce qu'elle est aujourd'hui -des politiques de
mises en marché lorsque les conditions économiques sont
très difficiles. Ce faisant, elle nous met à l'abri de ces
fluctuations dangereuses qu'on accuse toujours plus fortement que nos
concurrents lorsque les conditions sont difficiles.
Regardons l'évaluation des besoins de fonds à court terme,
et là, vous avez deux tableaux devant les yeux. Le tableau de droite
représente le scénario du statu quo et le tableau de gauche le
scénario de réaménagement global de l'entreprise. Avant de
commenter ces tableaux, je pense qu'il est important qu'on s'entende sur les
définitions de base comme les besoins de fonds. Par besoins de fonds, on
veut dire tous les investissements qui sont requis, aussi
bien pour les projets, les investissements défensifs et les
investissements de renouvellement. On inclut également dans les besoins
de fonds toutes les augmentations de fonds de roulement, les stocks, les
comptes à recevoir et les comptes à payer. On inclut les
déficits liquides d'opération, s'il y en a. On définit les
apports de fonds de la façon suivante: les surplus liquides
d'opération, s'il y en a, les revenus provenant de la vente
d'équipement et les diminutions de fonds de roulement, s'il y en a.
La surface rouge indique que les besoins de fonds excèdent les
apports de fonds, c'est-à-dire que l'entreprise a un besoin net de
fonds.
La surface verte indique au contraire que l'entreprise produit un
surplus net de fonds. Nous supposons ici que les besoins nets de fonds sont
comblés par l'actionnaire.
Qu'est-ce qu'on peut conclure de ces tableaux? Tout d'abord que le
scénario de réaménagement global exige de la part de
l'actionnaire une mise de fonds supplémentaire de 36 000 000 $ par
rapport aux 197 000 000 $, qui sont la zone rouge dans le graphique de droite
et qui représentent les fonds nécessaires dans le cadre du statu
quo. On parle donc de 36 000 000 $ supplémentaires.
La deuxième constatation qu'on peut faire, c'est que,
après 1986, les surplus nets de fonds sont beaucoup plus
élevés dans le réaménagement global.
Le choix financier qui s'offre à l'actionnaire, si on
considère uniquement ces deux scénarios, est donc le suivant:
soit investir, dans le cadre du statu quo, 197 000 000 $ avec un rendement, le
rendement qui est calculé en fonction des retours ultérieurs est
de 15%, ou bien investir dans le cadre du réaménagement global 36
000 000 $ de plus, c'est-à-dire un total de 233 000 000 $, avec un
rendement global de 32%.
Notez que, si on calculait le rendement des 36 000 000 $
supplémentaires, on arriverait à un chiffre de 85%.
On vient de voir que, pour ce qui est des besoins de fonds, le
réaménagement global est évidemment intéressant
pour l'entreprise. Pour ce qui est du rendement des fonds investis par
l'actionnaire, il est également très intéressant.
On va essayer de parler de la notion de valeurs actualisées ou de
flux de trésorerie. On fait face à un problème lorsqu'on
compare des projets qui impliquent, échelonnés dans le temps, des
"cash flow", des mouvements de fonds ou flux de trésorerie - comme on
dit en français - qui sont différents. C'est difficile de
comparer des projets de ce genre. La méthode qui est
généralement utilisée consiste tout d'abord à
calculer les "cash flow" annuels sur une période de temps suffisamment
longue, puis à actualiser, c'est-à-dire à ramener les
valeurs futures à un montant actuel d'argent équivalent, qui
tient compte du coût de l'argent. C'est ce qu'on appelle calculer la
valeur nette actualisée de chaque projet. Il va de soi que, lorsqu'on
compare deux projets, celui qui a la plus grosse valeur nette actualisée
est celui qui présente le plus d'intérêt financier.
Le tableau projeté en ce moment fait ressortir l'écart
très important entre les valeurs actualisées du statu quo et du
réaménagement global, un écart de 177 000 000 $. Cela a
été calculé avec un taux d'actualisation de 10% sur un
horizon de 15 ans. Ces 177 000 000 $ sont dus à quoi? Tout d'abord, 92
000 000 $ sont uniquement dus à l'impact des fermetures et du
réaménagement, 47 000 000 $ sont dus à
l'amélioration des laminoirs et 38 000 000 $ sont dus à la
tuberie SRE. On voit que la grosse partie du gain de la valeur
actualisée et due à l'impact des fermetures et du
réaménagement. Donc, par rapport au statu quo, le scénario
de réaménagement global non seulement nécessite moins
d'appels de fonds, mais apporte réellement une amélioration
financière importante par rapport au statu quo. C'est ce qui nous permet
de conclure le plan de redressement des opérations
manufacturières de la façon suivante; tout d'abord, secteur par
secteur.
Le secteur de fil machine constitue pour SIDBEC une force réelle
sur laquelle il faut absolument capitaliser. La façon de capitaliser,
c'est de moderniser le laminoir fil machine.
Deuxièmement, le marché des tubes et des profilés
creux de construction est très rentable, même s'il est
exploité en l'absence de produits plats. On recommande donc
l'implantation d'une tuberie à soudure par résistance
électrique. (Minuit)
Troisièmement, le secteur des produits plats présente de
sérieux problèmes: vétusté, rentabilité
négative, marché hautement concurrentiel. C'est pourquoi la
fermeture des secteurs des produits plats est inévitable. Elle doit
être décidée et planifiée avec diligence.
Ceci conclut la présentation du plan de redressement des
activités manufacturières. Cela représente la vision de
l'entreprise sur la direction à long terme à donner aux
activités manufacturières. Comment se rendre dans cette
direction? Il peut y avoir des scénarios de transition. M. De Coster en
a mentionné deux ce matin, lors de la présentation: le premier
consisterait temporairement, non pas à le fermer tout de suite, mais
à continuer avec le statu quo auquel on ajouterait des projets, à
savoir l'amélioration des laminoirs et la tuberie. J'insiste sur le fait
que je ne parle plus du plan de redressement. Je parle de modalités
pour se rendre dans la direction que le plan de redressement recommande.
Dans ce cas, le statu quo pour ce projet, il est prudent d'indiquer tout de
suite que ce scénario ne résout pas le problème de base du
secteur des plats. Il est limité dans le temps par la durée de
vie des laminoirs à plats.
Si on fait un petit peu le même genre d'analyse pour ce
scénario que ce qu'on a fait auparavant, on arrive à une
quantification de ce genre. On pourrait dire que cette quantification est
optimiste. En effet, nous n'avons pas tenu compte des
détériorations probables dans le temps, ni du coût de
production des produits plats - on suppose qu'il n'y aura pas de
détérioration dans le coût - ni du prix de vente des
produits plats malgré les surplus qui s'en viennent; on ne suppose
aucune détérioration non plus.
Si on analyse ce tableau, on constate que non seulement le
scénario maintient l'emploi, mais il l'augmente
légèrement. C'est évidemment l'impact des nouveaux
projets. On constate aussi - c'est important de le remarquer - qu'il engendre
un surplus annuel de profits de 100 000 000 $ par rapport au
réaménagement global. Malgré cela, la valeur
actualisée des flux de trésorerie est inférieure à
celle du réaménagement global. L'explication de ce
résultat, a priori paradoxal, est fort simple: les 500 000 000 $
supplémentaires de profits ne permettent pas à l'actionnaire de
récupérer les mises de fonds additionnelles qu'il devra consentir
pour maintenir un tel scénario. Les mises de fonds additionnelles par
rapport au statu quo ou par rapport au réaménagement global, on
va les voir tout de suite. On compare ici le scénario de transition, qui
est le statu quo pour ce projet dont on parle en ce moment, au scénario
de réaménagement global.
On voit d'abord que les besoins de fonds pour ce scénario de
transition sont substantiellement plus élevés que ceux du
réaménagement global. Il y à une addition; on parle de 354
000 000 $, soit une addition en trois ans de 121 000 000 $ de plus qu'au statu
quo. La deuxième observation, si on compare les surfaces vertes, on
s'aperçoit que les surplus de fonds engendrés après 1986
sont moins importants dans le cas du statu quo pour ce projet. C'est pourquoi
on peut conclure que ce scénario ne peut pas être viable à
long terme. En outre, il est financièrement moins intéressant que
le scénario de réaménagement global. Il ne peut donc
être envisagé que de façon temporaire et pour des raisons
purement sociales, nommément maintenir l'emploi.
Le dernier scénario de transition qui a été
mentionné par M. De Coster consiste à acheter de la bande
à chaud et à la transformer en laminé à froid dans
nos laminoirs à froid pour pouvoir la vendre sous forme de tôle
laminée à froid.
Je pense qu'il serait aussi dangereux de laisser entendre à cette
commission que ce scénario pourrait constituer une solution à
long terme. En effet, d'une part, les installations du laminoir à froid
posent aussi certains problèmes, beaucoup moins graves que ceux des
laminoirs à chaud, mais ils sont là de toute façon. Pour
situer un ordre de grandeur, notre laminoir à froid produit à 26
tonnes l'heure et ceux de nos concurrents produisent à 150 tonnes
l'heure. D'autre part, et surtout, on ne peut espérer acheter à
long terme d'importantes quantités de bandes à chaud sans
être taxé d'optimisme. En effet, les risques, en termes de
disponibilité, de prix et de service à la clientèle sont
sûrement considérables.
Pour ce qui est de la rentabilité de ce scénario de
transition, elle dépend uniquement, bien sûr, de la
possibilité pour SIDBEC d'obtenir des rabais importants à l'achat
des bandes à chaud. Les études que nous avons faites nous ont
permis d'établir le rabais minimum qu'il faudra obtenir pour
espérer atteindre à la rentabilité. Vous comprendrez
facilement que le résultat de ces études ne peut pas être
discuté ici.
En conclusion, à court terme, SIDBEC est prête à
négocier l'achat de quantités importantes de bandes à
chaud aussitôt que le gouvernement aura fait connaître ses
décisions relativement au plan de redressement du secteur manufacturier.
À long terme, donc, dans la perspective du plan de redressement, nous ne
croyons pas que le développement du laminé à froid
axé sur la dépendance d'un ou de plusieurs fournisseurs de bandes
à chaud est une avenue viable. Cela termine la présentation du
secteur manufacturier.
Le Président (M. Desbiens): Je vous remercie.
M. le ministre, vous avez une proposition.
M. Biron: Oui, je pense qu'on a bien travaillé
aujourd'hui. On s'est entendu avec le député de Mont-Royal pour
que demain on commence à 10 heures exactement. On aura d'abord une
demi-heure de chaque côté pour une première période
de questions aux dirigeants de SIDBEC; puis, à Il heures, nous
entendrons le mémoire du Syndicat des métallos jusqu'à 12
h 30; enfin, les gens de SIDBEC pourront revenir si, de part et d'autre, on a
encore des questions. On écoutera, vers la fin de l'après-midi et
dans le courant de la soirée, tous les autres mémoires qui
resteront.
On s'excuse encore une fois auprès de ceux qui étaient ici
pour présenter leur mémoire, aujourd'hui ou à bonne heure
demain matin, mais je pense bien que vous comprendrez la situation. D'un
côté et de
l'autre de la table, on essaiera de faire notre possible pour pouvoir
vous libérer le plus tôt possible demain soir.
Le Président (M. Desbiens): Je vous remercie. La
commission élue permanente de l'industrie, du commerce et du tourisme
ajourne ses travaux à ce matin, 10 heures.
(Fin de la séance à 0 h 08)