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Commission permanente de la justice
Etude du projet de loi no 50 Loi concernant les
droits
et les libertés de la personne
Séance du jeudi 23 janvier 1975
(Dix heures quinze minutes)
M. Pilote (président de la commission permanente de la
justice): A l'ordre, messieurs.
Avant que ne commence la séance, je voudrais vous indiquer les
changements suivants à la liste des membres de la commission. Sont
membres de la commission, M. Bellemare (Johnson); M. Perreault (L'Assomption)
remplace M. Bienvenue (Crémazie); M. Burns (Maisonneuve); M. Choquette
(Outremont); M. Faucher (Yamaska) remplace M. Ciaccia (Mont-Royal); M.
Desjardins (Louis-Hébert); M. La-chance (Mille-Iles) remplace M.
Levesque (Bonaventure); M. Morin (Sauvé) est membre de la commission; M.
Brown (Brome-Missisquoi) remplace M. Pagé (Portneuf); M. Samson
(Rouyn-Noranda) est membre de la commission; M. Bellemare (Rosemont) remplace
M. Springate Sainte-Anne); M. Sylvain (Beauce-Nord) est membre de la
commission; M. Lapointe (Laurentides-Labelle) remplace M. Tardif (Anjou).
Ce matin, nous allons entendre, à titre personnel, M. Donat
Julien.
M. Choquette: M. le Président, avant de commencer, je
voudrais signaler à la commission quelques communications que j'ai
reçues. Une première nous vient de M. Harry Lautman et M. Charles
Philips. Ils ont envoyé un télégramme au secrétaire
des commissions et au ministre de la Justice qui se lit comme suit: "Le Conseil
uni des droits de l'homme est de l'opinion que le projet de loi 50, à
cause de lacunes inhérentes, ne constitue pas un projet de charte des
droits de l'homme viable. Le Conseil, par la présente, requiert donc la
convocation d'une conférence fédérale-provinciale dont le
but serait d'inclure dans la constitution canadienne les droits et
liberté fondamentaux des citoyens".
Il y a une deuxième communication adressée au
secrétaire des commissions parlementaires de l'Assemblée
nationale et qui provient de Mme Marian Ferstman, présidente, Montreal
Section, National Council of Jewish Women: "We thank you for the prompt reply
to our memoire on Bill 50 received January 22nd a.m. We acknowledge with
appreciation the appointment for a hearing 10.00 a.m. January 23rd. We reg ret
we can not be p resent and d ue to a misunderstanding we did not indicate this
prior to mailing in our statement. We hope, however, that the commission will
give serious consideration to the proposals therein and that this Bill will be
in its final form a corner-stone for the protection of human rights and
freedoms and the promotion of citizens' responsability. Sincerely, Mme Marian
Ferstman".
Finalement, j'ai reçu une lettre du Conseil du civisme de
Montréal, en date du 22 janvier 1975: "Monsieur le ministre, dans le
cadre des séances publiques de la commission parlementaire de la jus-
tice qui étudie actuellement le projet de loi no 50, Loi sur les droits
et libertés de la personne, le Conseil du civisme de Montréal,
qui groupe plus de 63 associations de diverses ethnies et des associations
canadiennes et québécoises, se fait un devoir de vous soumettre
un rapport succinct sur une partie de ce projet de loi qui rejoint
spécifiquement l'un des objets prioritaires de notre conseil. Des
circonstances indépendantes de notre volonté ne nous ont pas
permis de présenter ce rapport dans les délais prévus.
Toutefois, nous espérons que l'action que mène notre conseil,
depuis plusieurs années, dans le domaine du civisme et dans celui de la
sensibilisation de notre société montréalaise au
phénomène de l'indifférence flagrante des individus face
à des situations souvent pénibles et dramatiques sera prise en
considération et que notre rapport sera accepté et discuté
par la commission. "Confiants de l'appui que vous voudrez bien accorder
à notre requête, nous vous prions, monsieur le ministre,
d'agréer l'expression de nos sentiments les plus distingués".
"Signé, M. Robert Attar, président du Conseil du civisme de
Montréal". A cette lettre était annexé un mémoire
qui, je le présume, est parvenu au secrétaire des commissions.
Maintenant, comme l'organisme n'est pas représenté, nous ne
l'entendrons pas, mais je pense qu'il n'y a pas d'objection à ce qu'on
distribue copie de ce mémoire aux membres de la commission, si vous
êtes de mon avis.
M. Burns: D'accord, mais ce sont des gens qui ne
témoigneront pas, M. le ministre.
M. Choquette: Exactement, mais ils ont envoyé des
représentations écrites.
M. Burns: On va prendre connaissance de leur mémoire.
M. Choquette: Exact! M. Burns: D'accord!
Le Président (M. Pilote): La parole est à M.
Julien.
M. Donat Julien, à titre personnel
M. Julien (Donat): Je vous remercie, M. le Président. Je
remercie, d'abord, M. Gérard Cadieux, député de
Beauharnois, pour m'avoir enregistré auprès de votre commission.
Il ne m'a rien demandé en retour.
M. Burns: Est-ce la première fois?
M. Samson: C'est un heureux précédent.
M. Choquette: Allons, allons, un peu de sérieux.
M. Julien: "Assemblée du conseil de la cité de
Salaberry de Valleyfield, le 13 janvier 1975. Proposé par M. Roger
Bélair et appuyé par M. Gérard La-londe que le
mémoire de Donat Julien soit imprimé
aux frais de la cité. Adopté. Vrais extraits du livre de
délibérations du conseil de la cité de Valleyfield,
signé Léon Laberge, greffier."
J'ai entendu le président, hier, dire que nous n'avions droit
qu'à vingt minutes. Sur ces vingt minutes, M. le Président, j'en
demanderais deux pour défendre un accusé qui a été
accusé à nouveau de meurtre, après plus de 25 ans de
prison psychiatrique.
Même si je résume ici mon mémoire et que je vous
présente un mémoire un peu différent des autres, c'est
parce qu'en plus des accusations que j'ai à présenter, j'ai un
message à livrer. Je vous arrive avec des idées, c'est pour cela
que ça me fait un peu peur de me présenter devant vous.
A vous, législateurs, je dis que le salut ne vient pas uniquement
de la justice, mais uniquement de la compétence. En ce qui me concerne
présentement, je cite saint Jean de la Croix: "II n'y a plus de chemin
par ici parce qu'il n'y a plus de loi pour le juste."
La vieille formule de nos cours de justice de dire la
vérité, toute la vérité, et rien autre chose que la
vérité, n'est bonne nulle part, même devant nos tribunaux.
Vous me permettrez de citer le grand philosophe Jacques Maritain:
"Menacée par une civilisation dégradée qui livre l'homme
à l'indéfini de la matière, il est nécessaire que
l'intelligence se défende, revendique son droit et son essentielle
supériorité. Mais le mal est venu d'elle-même. Elle a
essayé de retenir la vérité captive, méconnu ce qui
dépasse le niveau de la raison et finalement, la raison même. Elle
est châtiée par la chair d'avoir voulu s'affranchir leur
déniant l'existance des réalités suprêmes qui
sont à la mesure de Dieu et non de l'homme."
Tout ce mémoire est pour démontrer que si la
liberté ne repose pas sur un bain de justice et de charité, les
plus belles lois ne serviront à rien pour protéger l'individu. Un
juge éclairé peut donner justice avec de mauvaises lois, mais un
juge médiocre peut aussi rendre un mauvais jugement avec des lois
justes.
Il me revient à la mémoire un discours que j'avais lu
à 17 ans dans le livre du congrès eucharistique de
Montréal en 1910. Henri Bourassa, en présence du légat
papal, le cardinal Vanutelli, à la séance des jeunes, avait dit:
"Un grand écrivain catholique et français parcourant un jour les
rues de cette Rome éternelle dont vous nous apportez l'autorité,
foulant aux pieds les ruines du palais des Césars et évoquant la
mémoire de ceux qui l'avaient construit, disait: "En faisant raser le
sol pour y bâtir cette maison, César avait dit: "Que l'herbe
disparaisse," et le brin d'herbe avait répondu: "J'ai le droit de
vivre." César avait dit: "J'ai le fer," et le brin d'herbe
répondit: "J'ai le temps." Quinze ans ont passé depuis, plus dix
ans auparavant, cela fait 25 ans d'ostracisme continu et le brin d'herbe
demande toujours le droit à la vie et celui de respirer normalement.
Vers la fin de mars 1950, sur recommandation d'un médecin
d'Ottawa et du docteur Genest, psychiatre de Montréal, j'étais
forcé de demander ma sortie définitive d'une communauté.
Etant à Mon- tréal et sans emploi dans la vie, j'ai vu au moins
sept avocats. C'est alors que je me suis rendu à la bibliothèque
Saint-Sulpice de Montréal pour consulter le code criminel. Mais oui,
l'article 186 i) et ii) était clair pour moi, je pouvais faire des
réclamations devant les tribunaux.
Le 24 février 1951, j'ai envoyé une lettre conjointe au
premier ministre du Québec, au premier ministre du Canada ainsi
qu'à tout l'épiscopat français; copies furent
envoyées à tous les membres français du Parlement d'Ottawa
et à tous les membres du Parlement provincial, ainsi qu'à tout
l'épiscopat. Une seule réponse, celle de Mgr Roy,
archevêque de Québec.
Le 10 mars 1954, je comparaissais en séance publique devant la
commission Tremblay, immédiatement après l'Engineering Institute.
Les journalistes ne furent pas invités et on empêcha par tous les
moyens que les idées émises fussent répandues. Pendant ce
temps, on refaisait un code criminel qui a été sanctionné
le 24 juin 1954. J'étais curieux et j'avais hâte de prendre
connaissance du nouveau code. Mais quel le ne fut pas ma surprise, en le
lisant, de voir que toutes les belles espérances que me donnait
l'article 186 avaient été enlevées pour faire place
à l'article 192 qui précisait "cause la mort d'une autre
personne". A l'article 193, "cause des lésions corporelles à
autrui". On éliminait tous les autres droits.
Je me suis alors décidé à faire face au Parlement
fédéral pour son affront et sa volte-face. Au printemps 1956,
j'ai envoyé une lettre au ministre de la Justice qui se terminait
à peu près comme ceci : Je déclare la guerre à
cette corporation religieuse, et si le Parlement est impuissant, je me ferai
justice moi-même. A la guerre, on peut tuer pour se défendre. Des
copies furent envoyées à tous les sénateurs et
députés, sans exception. Le ministre de la Justice accusa
réception sur une carte écrite à la main par sa
secrétaire. M. Coldwell, chef de la CCF, me remercia et me
félicita pour ma lettre, rien de plus. En 1959, je me suis rendu voir M.
Hilaire Beauregard, chef de la police provinciale, à son bureau. Sa
réponse fut nette et claire: Va-t'en en Ontario, ne reste pas ici au
Québec, c'est trop dangereux pour toi. En mars 1960, je l'admets, j'ai
envoyé une lettre de menaces disant que je passerais à l'action
si on n'agissait pas. Le dimanche, 20 mai 1960, par une belle
température et après avoir assisté à la messe
à l'église Notre-Dame de Montréal, j'avais posé un
acte, il est vrai, il était sept heures du matin; mais j'affirme n'avoir
blessé personne avec une carabine .303.
C'est en parfaite connaissance de cause et en toute lucidité
d'esprit, et après mûre réflexion, que j'avais
décidé de me mettre la tête dans la gueule du loup. Je me
suis rendu au poste de police principal de la rue Gosf ord. Si vous me
permettez, je vais résumer pour q ue cela se fasse un peu pi us vite.
Après un bref interrogatoire, on m'a dit: C'est bien regrettable,
maisilfauttegardersousobservation. Le lendemain, on m'a fait comparaître
devant à peu près sept ou huit personnes. Ce qui voulait dire que
ces personnes étaient à peu près assez bien
déterminées pour juger si j'étais sain d'esprit ou si mon
état était assez satisfaisant pour comparaître devant le
tribunal.
Le mardi matin, la police ceux qui connaissent un peu le
système de la police municipale m'a fait entrer dans une grande salle
où il y avait plein de monde et il y avait des journalistes. C'est
là que j'ai appris que j'avais contre moi une accusation de tentative de
meurtre. Cela ne me faisait rien. La police m'avait donné l'autorisation
d'apporter mes documents pour me défendre.
Rendu à Bordeaux, on m'enleva mes documents. J'y ai passé
à peu près sept semaines avant mon enquête
préliminaire. Avant l'enquête préliminaire, mon avocat est
venu me voir et m'a demandé si j'acceptais de me faire examiner. J'ai
dit: Non, je suis sain de corps et d'esprit, je refuse de me faire examiner.
Alors, on a fait toute l'enquête préliminaire; on a
présenté la lettre en question en disant qu'on avait
envoyé un photostat à la police provinciale et qu'elle avait
refusé d'agir. J'ai demandé au juge Chevrette, à la fin du
procès, d'avoir mes documents pour pouvoir me défendre à
mon examen volontaire la semaine suivante. Il me les a refusés.
A Bordeaux, j'ai fait la même demande auprès de M. Beaudoin
on l'appelait le gros Beaudoin, c'est lui qui était en charge de
la discipline qui m'a fait venir à son bureau; il avait tous les
documents et les lettres dont j'avais besoin pour mon examen volontaire. Une
fois la séance terminée, je n'ai jamais revu ces documents de ma
vie. Où sont-ils rendus? Je l'ignore.
La semaine suivante, pour mon examen volontaire, on nous afait
comparaître cinq en face du juge. C'était la première fois
que je comparaissais. Je me disais: J'aurai mon examen volontaire. On nous a
demandé notre nom. On nous a dit:Tout ce que vous direz, ce sera retenu
contre vous. L'avocat parlait tellement vite que cela s'est perdu dans les
nuages.
Je pensais revenir pour mon examen volontaire. Mais non, c'était
fini. Je suis retourné à Bordeaux. C'est seulement en
décembre suivant que je me suis présenté devant le
tribunal, devant le juge Lazure. Dans ce temps-là, quand on passait
devant Lazure, il y avait seulement un juge des Assises, et il fallait
être criminel. Au bout de cinq ou six semaines, je suis entré dans
la salle des Assises et il y avait 100 personnes, des jurés, presque
toutes à tête blanche. Le juge Lazure s'est assis et a dit:
Messieurs les jurés, c'est bien regrettable, mais je n'ai pris
connaissance du dossierde M. Julien que ce matin. Cela me rappelle le cas de
Nogaret. Il a spécifié Nogaret. Il dit: C'est bien regrettable,
mais on a été obligé d'arrêter le procès de
Nogaret. à cause d'un examen mental. Je dois renvoyer l'accusé
à un examen mental.
Je suis retourné à Bordeaux. J'ai vu deux psychiatres, le
Dr Genest et le Dr Huard. Le Dr Huard avait sesdeux sécrétaires.
Quand j'ai vu le Dr Genest, il était accompagné de sa
secrétaire et de M. Dwyer, qui était le secrétaire du Dr
Huard, donc, devant trois personnes. Je déclare que, dans les deux
entrevues, j'étais entièrement sain d'esprit.
Lorsque le procès est arrivé, le 2 décembre 1960,
en entrant dans la salle, les douze jurés étaient
déjà en place, et les douze jurés avaient
déjà entendu deux autres causes avant moi, qui étaient
celles de Morin et de Cotroni. Il y avait deux avocats, un qui me faisait
penser à Claude Wagner. Je ne sais pas si c'est lui, mais ça lui
ressemblait, de bons avocats. Les deux avocats n'ont pas dit un mot. Le juge a
fait venir le Dr Genest. Celui-ci dit: J'ai examiné M. Julien il y a dix
ans. C'est vrai, je l'avais vu avant de quitter la communauté. Il dit:
Je viens de le voir et c'est un "psychose", qui est inconscient de ce qu'il dit
et de ce qu'il pense. Le juge Lazure lui a demandé de préciser
davantage, et il a même osé dire: Mais, docteur, il y a dix ans de
cela, en voulant dire que j'aurais été en... Comment cela se
faisait-il qu'il m'avait examiné il y a dix ans passés, j'avais
été dix ans en liberté à l'extérieur,
inconscient de ce que je pensais et de ce que je disais?
Finalement, il a remercié le Dr Genest et le Dr Huard est venu
corroborer sous serment ce que le Dr Genest avait dit. A ce moment, il s'est
fait un silence dans la cour. Personne n'a dit un mot, personne. Cela a
duré à peu près cinq minutes. Les douze jurés se
sont levés, sans dire un mot, sans dire coupable ou non coupable, sans
que les avocats ou le juge leur posent une question. Ils n'ont absolument rien
dit. Finalement, le juge Lazure a brisé le silence et dit: Messieurs les
jurés, je vous reverrai lundi. Un policier, qui était à
côté de moi, dit: C'est le temps de sortir. C'est comme cela que
j'ai été amené et classé, par la loi, inconscient
mental.
En arrivant à Bordeaux, on était dans ce qu'on appelait
l'hôpital no 1, ce qui veut dire que les malades ou les malades mentaux
temporaires passaient par cet hôpital. Nous étions une vingtaine.
J'étais un peu dans un moment dépressif, mais je n'étais
pas malade. Les gens s'apercevaient de mon état et sympathisaient avec
moi. Il y en a un qui m'a dit: Julien, je vais écrire à un avocat
pour toi. J'ai dit: C'est très bien, j'accepte. Il a pris sa plume et,
en quelques minutes, il m'a rédigé une très belle lettre
que j'ai signée. La lettre a été envoyée à
Me Claire Barrette. Si celle-ci a encore cette lettre dans ses fiches, elle
pourra vérifier ce que je dis.
Le 7 décembre, la veille de l'Immaculée-Conception, j'ai
envoyé une note à M. Beaudoin, mais dans les notes de la prison,
on disaitd'indiquer pourquoi on voulait avoir une entrevue. J'ai
indiqué: Pour faire reviser mon procès. C'était à
dix heures du matin. A 11 h 30, il y a un garde de Bordeaux... Avant cela, je
vais vous dire: La veille, il y avait un patient qui était allé
à l'hôpital psychiatrique. Il m'a dit: Julien, je suis allé
à l'hôpital psychiatrique et j'ai rencontré un gars qui est
là depuis 28 ans. Il dit: Sois sans crainte. Il n'y en a pas un qui est
entré dans l'hôpital psychiatrique sans avoir fini ses 30
jours.
Alors, le 7, comme je l'ai dit, on est venu me chercher pour me faire
entrer officiellement dans l'hôpital psychiatrique. Je n'avais plus aucun
moyen de recours devant les tribunaux.
Le premier que j'ai rencontré, c'était un
dénommé Albert DeLelis. Cela faisait 25 ans qu'il était
là.
Je vais vous citer le cas de mon ami Léo. Il vit en
liberté maintenant, c'est pour cela que j'évite de nommer son nom
de famille. Son vrai nom, c'est Léo. La veille de son procès, le
Dr Plouffe l'a fait venir et lui a dit: Tu es libre de choisir. Si tu veux ton
procès, tu l'auras. Je peux te soigner et lorsque tu seras guéri,
tu pourras sortir et tu n'auras pas de dossier judiciaire.
Ce médecin devait prêter serment le lendemain
sur l'état mental de Léo. Mais comme il le laissait libre
de choisir s'il était sain ou fou, il a dit: J'accepterai avec plaisir.
C'était trop beau pour moi.
Il est entré dans l'aile des fous, la Rue K-Wing, le nom
populaire de Bordeaux. Ce trou sale, mal famé, mal aéré et
surtout, surpeuplé, il y demeura 24 ans, sans jamais prendre aucune
pilule, ni de médication d'aucune sorte. Il fut 20 ans sans voir aucun
psychiatre, le seul qui pouvait ouvrir son dossier.
J'en passe un peu. En 1963, on m'a envoyé à
Saint-Jean-de-Dieu. J'ai été déclaré sain d'esprit
par tous les psychiatres. Je suis retourné à Bordeaux pour subir
mon procès. De juillet 1964 à la fin de septembre 1967, ce qui
veut dire trois ans et deux mois, j'ai comparu tous les mois sans exception
devant le tribunal, sauf les mois de juillet et août. Je suis
passé devant environ 15 juges. J'ai eu un procès le 24 mai 1966.
Sans le savoir, je suis arrivé un matin et on m'a dit: C'est ton
procès.
Le Dr Daoust est arrivé, il est resté environ trois quarts
d'heure dans la boîte et m'a classé: mental. Il disait que je
n'étais même pas conscient, pas capable de conseiller mon
avocat.
C'est alors que je me suis défendu. J'ai demandé à
témoigner. Je n'irai pas plus loin parce que les témoignages
exacts et véridiques ont été mis dans le
Montréal-Matin et dans la Presse par Roger Gill et Maurice Morin.
Alors, j'ai été une heure dans la boîte aux
témoins. Quand j'ai eu fini de parler, le juge s'est tourné du
côté des jurés et a dit: Maintenant, MM. les jurés,
délibérez. Le juge n'a dit absolument aucun mot au jury, les
avocats non plus.
Les jurés se regardaient entre eux et se demandaient quoi faire.
Ils ont dit: M. le juge... Il a répondu: MM. les jurés, sortez et
délibérez. Ils sont sortis et sont revenus. J'ai trouvé,
M. le Président, qu'ils avaient donné, ce matin-là, un
jugement à la Salomon. Le Dr Daoust n'avait personne pour corroborer les
affirmations qu'il lançait contre moi et moi, je n'avais personne pour
corroborer les affirmations que je lançais contre le Dr Daoust.
C'était en mai 1966.
J'ai écrit une lettre à la commission Prévost afin
d'être entendu par celle-ci, parce que je n'étais pas
condamné; j'étais suspendu j'étais devant le tribunal.
J'ai reçu une lettre des avocats de la commission Prévost me
disant qu'on était pour me faire comparaître. C'était en
juillet 1966.
A la fin de septembre 1967, en vertu d'un mandat du
lieutenant-gouverneur j'ai à préciser ici que c'est le Dr
Daoust qui me classait mental au procès arrivé à
mon procès, j'ai été sous la juridiction du Dr Daoust. Il
me semble qu'on aurait pu prendre un autre jugement pour me faire
réinterner, pour me faire entrer de nouveau à la prison de
Bordeaux. C'est seulement le jugement du Dr Daoust qui a été
contesté devant le tribunal. Je me suis battu; les deux
témoignages sont écrits dans les journaux. On m'a rentré
quand même à l'hôpital psychiatrique de Bordeaux.
C'était à l'institut Pinel.
Je dois préciser qu'en arrivant, le mode de vie était
changé. C'était un nouvel hôpital psychiatrique, on donnait
de petits banquets, puis on avait commencé à avoir de l'argent.
On avait amélioré l'affaire. Je dois féliciter de ce
côté, pour ce qui est arrivé, le ministère des
Affaires sociales. On était bien traité. Même, on avait
quelques piastres. J'ai commencé à $2 par semaine et, au bout de
quelques semaines, j'avais $4 par semaine. Ce qui veut dire que, depuis 1966
à aller à 1971, je me privais vous le verrez dans quelques
instants je n'ai pas pris une bouteille de "coke"et je ne prenais pas un
chocolat, pour ramasser mon argent.
Combien me reste-t-il de temps, s'il vous plaît?
Le Président (M. Cornellier): II vous reste environ deux
minutes, peut-être trois.
M. Julien: Pas plus que cela?
Le Président (M. Cornellier): Non, malheureusement.
M. Julien: S'il ne me reste que deux minutes, je coupe court. Je
vais passer à ma déclaration et ce que j'ai à faire sur le
sujet en question.
Le juge Dansereau vient de publier un volume, "Les grands procès
célèbres". Il commence son chapitre sur le procès de
Nogaret en affirmant qu'Antonio Godon avait fait une déclaration qui
avait été tenue secrète, à l'effet qu'il aurait
avoué son crime. Il finit son chapitre en disant que Godon est mort
depuis longtemps, même qu'il était mort peu après son
entrée à l'hôpital psychiatrique.
Deux déclarations fausses et mensongères: J'accuse le juge
Dansereau d'être un effronté menteur et un vulgaire calomniateur.
Que la couronne prenne les meilleurs criminalistes du monde, seul et sans aide
de personne, avec ma seule expérience des tribunaux et des prisons
psychiatriques, après avoir lu attentivement les deux procès de
Nogaret en 1931 et celui d'Antonio Godon en 1939, je déclare
catégoriquement que Nogaret est le vrai meurtrier de la petite Simone
Caron, âgée de sept ans et demi, et qu'Antonio Godon est innocent
de ce crime.
Moi, je peux me défendre seul, mais lui, Godon, n'est pas
capable. C'est pourquoi, en son nom, je réclame la plus
élémentaire justice. Je crois que l'endroit est mal choisi pour
faire un procès, mais je peux tout vous dire sur les
événements qui ont envoyé Godon en claustration, si on me
le demande.
M. le Président, j'ai terminé.
Le Président (M. Cornellier): Merci, M. Julien.
M. Choquette: Je vous remercie beaucoup, M. Julien.
M. Julien: Si vous me permettez, Messieurs, j'aurais des
félicitations à faire au ministre de la Justice. Les
événements d'octobre ont prouvé que c'est surtout aux
heures difficiles d'un pays qu'on prouve la valeur d'un homme et M. Choquette
l'a prouvé aux événements d'octobre. Excusez-moi.
Le Président (M. Cornellier): M. Julien, je vous remercie
au nom des membres de la commission. J'appellerais maintenant les
représentants de l'Association du Québec pour les
déficients mentaux.
Vous pouvez procéder en vous identifiant, s'il vous
plaît.
Association du Québec pour les
déficients mentaux
M. Healy: M. le Président, M. le ministre, MM. les membres
de la commission, je m'appelle A. Lawrence Healy. Je suis directeur
général de l'Association du Québec pour les
déficients mentaux.
J'ai le plaisir de présenter le mémoire de notre
association, au nom de M. Pierre A. Gratton, président, qui,
malheureusement, ne pouvait pas se présenter, être des
nôtres aujourd'hui. Avant d'aller plus loin, j'aimerais vous
présenter mes collègues. A ma gauche, M. Jean-Marie Bouchard,
directeur général de l'Institut national canadien-français
pour la déficience mentale, Mlle Agathe Allaire, coordina-trice de
l'Association du Québec pour les déficients mentaux, l'AQDM.
L'Association du Québec pour les déficients mentaux doit
louer le ministre de la Justice pour son initiative en présentant
à l'approbation de l'Assemblée nationale le projet de loi no 50.
La société québécoise souffre pratiquement et
spirituellement depuis trop longtemps du manque d'une telle loi. La
promulgation d'une loi forte garantissant les droits et libertés de la
personne représentera un grand pas vers l'avant dans l'évolution
de la société québécoise.
L'Association du Québec pour les déficients mentaux est
heureuse de pouvoir apporter, par le truchement de ce mémoire, son
étroite collaboration à l'élaboration de la version
définitive de ce projet de loi si important. La voix officielle de 33
associations de parents et de bénévoles travaillant pour le
compte de déficients mentaux dans toute la province, l'AQDM
représente d'une façon non officielle les intérêts
de tout groupe handicapé ou désavantagé puisque nos
philosophies directrices de la normalisation et de l'intégration
s'appliquent à toute personne handicapée ou
désavantagée et non seulement aux déficients.
Ces philosophies s'expriment d'une façon pratique dans notre
programme d'action, c'est-à-dire, la mise en place d'une gamme
complète de services communautaires intégrés permettant
à tout handicapé ou désavantagé de vivre et de
continuer, dans la mesure du possible, de façon autonome, dans la
communauté, et non pas clôturé dans les grosses
institutions comme dépendant de l'Etat.
L'AQDM avec l'aide de l'Association canadienne pour les
déficients mentaux s'occupe, depuis ses tout débuts, des droits
et libertés des déficients mentaux et ce par divers moyens,
à savoir: A) Programmes d'information pour les déficients
mentaux, leurs parents, tuteurs, etc., leur expliquant leurs droits dans divers
domaines sociaux; B) Présentation des mémoires traitant des
droits des déficients mentaux aux divers ministères
gouvernementaux aux niveaux municipal, provincial et national; C) Programmes
génériques et spéciaux d'information pour le grand public
ainsi que des publics particuliers tels que médecins, avocats,
policiers, éducateurs; D) L'assistance particulière dans le cas
où un déficient mental est particulièrement pris par une
situation où ses droits ne se voient pas respectés.
Il est à rappeler que la déficience mentale est le
handicap qui atteint le plus de personnes au Canada. D'après de
nombreuses études, il est accepté que, statistiquement, 3% de la
population en général est atteint d'un degré de
déficience mentale.
La position de l'AQDM face au projet de loi 50. Ce mémoire fut
préparé par l'AQDM après consultation avec l'Institut
national canadien-français pour la déficience mentale, dont la
collaboration fut précieuse.
Il est axé sur quatre points principaux: 1) L'AQDM
considère que toute loi sur les droits et libertés de la personne
promulguée par l'Assemblée nationale doit avoir le statut d'une
loi fondamentale puisque son premier rôle, c'est de fixer un minimum de
règles fondamentales qu'une société se donne, en
conformité avec les valeurs humaines de base et les garanties de justice
qu'elle reconnaît comme droits de tous et de chacun. Toutes les autres
lois doivent obéir aux règles fixées dans la charte, ainsi
que les règlements municipaux et scolaires, par exemple. Il en va de
même des services d'intérêt public. Les comportements des
citoyens comme personnes, comme groupes, comme organismes, comme pouvoirs
publics sont inspirés par la charte, en connaissance de leurs droits et
de leurs conditions fondamentales d'exercice, dans le triple but de les exercer
en propre, de les favoriser chez les autres et de contribuer à la
qualité de la société québécoise. Un tel
statut s'impose si on veut réellement changer la situation actuelle au
Québec et garantir les droits de tout Québécois, quelle
que soit sa situation sociale, économique ou linguistique.
Deuxième point fondamental, l'AQDM estime que les
déficients mentaux sont, au point de départ, des citoyens
à part entière du Québec et devraient donc jouir des
mêmes droits et libertés que tout autre citoyen, sans qu'ils
soient stigmatisés par des statuts particuliers a cause de leur
situation.
Les déficients mentaux et leur potentiel étaient
sous-estimés depuis longtemps. Ce n'est que récemment que l'on
commence à reconnaître leur potentiel et à les sorti r des
coins cachés d u foyer et des institutions pour les intégrer dans
la communauté où ils font preuve de leurs capacités de
contribuer à la société.
Une petite digression. Vous avez lu dans les journaux récemment
que, dans certains milieux, ce potentiel n'est pas reconnu et dans certaines
institutions. Souvent, par le passé, les déficients mentaux se
voyaient privés de leurs droits et libertés fondamentaux comme
résultat de l'image fausse du potentiel des déficients que
possédait le grand public.
Donc, troisième point. L'AQDM estime que la commission des droits
de la personne doit être dotée de pouvoirs accrus par rapport
à ceux que prévoit le présent projet de loi afin
d'éliminer les abus et erreurs résultant du passé.
L'AQDM est contre un statut légal particulier et stigmatisant
pour les déficients mentaux. Une charte des droits de l'homme bien
respectée ne violerait pas les droits et libertés fondamentaux
des déficients. Cependant, la pratique révèle qu'ils sont
souvent victimes de préjudices qu'il faut dénoncer et finalement
défendre.
Ce genre de préjudices se manifestent particu-
lièrement dans les domaines suivants: la sauvegarde de la
dignité, le respect de la vie privée, le droit de se marier, le
droit d'avoir des enfants, la protection de la propriété, le
droit de voter, le droit à la liberté, le droit à
l'éducation, le droit d'immigrer.
Des procédures permettant aux déficients mentaux ou aux
personnes qui en tiennent lieu de réparer de tels préjudices sont
donc indispensables à toute charte visant à assurer les droits et
libertés fondamentaux de la personne. De plus, il nous faut souligner
qu'il n'est plus question de considérer l'obtention des droits des
déficients mentaux en termes de privilèges et de bonne
grâce, mais plutôt en termes de droits fondamentaux qu'ils doivent
exiger au même titre que tout autre citoyen, ceci étant
l'hypothèse de base des principes de normalisation et
d'intégration auxquels j'ai fait allusion tantôt.
Quatrième point. L'AQDM demande d'être consultée,
ainsi que tout autre organisme concerné dans la formulation de tout
règlement pouvant provenir de l'adoption de ce projet de loi. Un tel
processus de consultation permettra que ces règlements soient plus
représentatifs des attentes de la collectivité
québécoise et facilitera leur acceptation populaire.
M. le Président, ces points se voient expliqués davantage
par les modifications spécifiques proposées au projet. Ces
modifications sont proposées en forme d'annexes, une annexe par article.
Chaque annexe comprend trois parties. Premièrement, l'article tel que
proposé dans le projet de loi, deuxièmement la modification de
l'article. Avec votre permission, nous allons sauter la première partie
et passer à la deuxième pour chacun des articles. D'accord?
Le Président (M. Cornellier): Très bien, M.
Healy.
M. Healy: Annexe no 1, article 2. Nous proposons deux
modifications ici. Premièrement, insérer dans le paragraphe: "Nul
ne peut, sans motif raisonnable, refuser ou négliger de se porter au
secours d'une personne dont la vie est en péril pour lui apporter l'aide
physique et sociale nécessaire et immédiate que requiert son
état".
Nous désirons ajouter ou reformuler ceci: "A défaut d'une
personne qui accepte de se porter au secours d'une personne dont la vie est en
péril pour lui apporter l'aide physique ou sociale nécessaire et
immédiate que requiert son état, l'Etat doit endosser cette
responsabilité ou reconnaître une personne compétente et
consentante à l'assumer. Cette personne devrait jouir des pouvoirs
d'exonération nécessaires pour l'accomplissement de sa
tâche.
Commentaires. "Nul ne peut sans motif raisonnable" est un terme
très vague qui n'implique aucune responsabilité et demeure assez
ambigu et pourrait peut-être mener à certains abus. Dans la
modification de l'article que nous proposons, on stipule qu'une personne peut
être désignée, si l'Etat n'assume pas cette
responsabilité.
A cet effet, nous avons un programme de parrainage civique; le parrain
civique serait à notre avis une personne-ressource à laquelle on
devrait se référer dans un tel cas. Pour donner une brève
description du parrain civique, on entend un volontaire ou un
bénévole compétent qui, avec l'appui d'une oeuvre de
soutien indépendante, telle que l'AQDM ou une de nos associations
filiales, veillera aux intérêts d'une personne en
difficulté sur le plan social, affectif et légal en vue d'une
intégration éventuelle à la société. Un tel
programme prévoit un genre de collaboration entre les ministères
et le ministère de la Justice, de l'Education et le ministère des
Affaires sociales, ainsi que des associations bénévoles et de
parents comme la nôtre.
Annexe 2, article 11: II s'agit ici d'insérer une phrase
les conditions physique, mentales et intellectuelles de sorte que cet
article nous permette de couvrir les déficients mentaux par un genre
d'article générique, plutôt de leur donner un statut
particulier, un statut légal particulier. Nous jugeons capital ici
d'ajouter "conditions mentales, physiques et intellectuelles", éliminant
ainsi les possibilités de discriminations non pertinentes quelles
qu'elles soient, permettant ainsi à toute personne en difficulté,
à cause d'une inadaptation, de n'être pas stigmatisée dans
une loi spécifique, mais plutôt de bénéficier d'une
loi générique, favorisant ainsi son intégration sociale.
Nous entendons par: a) conditions mentales: maladie mentale, difficulté
ou désordre d'ordre psychologique et psychiatrique, b) conditions
physiques: tout handicap physique et sensoriel (aveugle, sourd-muet), c)
conditions intellectuelles: déficience mentale à tous les
niveaux: profond, moyen, léger.
Article 3: II s'agit de reformuler la phrase, de préciser
davantage la phrase: "Les aptitudes exigées pour un emploi" par une
phrase qu'on estime être peut-être un peu plus précise: "Les
qualités et une exigence professionnelle réelle". C'est
important. Cette clause pourrait permettre ou mèner à une
discrimination non pertinente. C'est important que ce soient des exigences
réelles pour un emploi. Nous sommes de l'avis que certaines des phrases
de cet article peuvent donner libre cours à diverses formes de
discrimination. Par exemple, la phrase "le caractère éducatif
d'une association ou corporation pourrait être largement utilisé
pour justifier une discrimination non pertinente d'un employé. Par
exemple, cet article pourrait permettre à un organisme ayant pour but
d'éduquer le public... Les déficients mentaux ne devraient pas
être intégrés dans la société. Cela
permettrait une discrimination. Sinon cet article devrait être
reformulé plus strictement afin d'éviter un surcroît de
demandes d'enquête à cet effet pour la Commission des droits de la
personne.
Annexe 4, article 23. Les annexes 4 et 5 vont ensemble. Nous
désirons insérer "l'obligation de l'Etat de fournir des services
psycho-sociaux et de santé nécessaires... sinon la condition
physique, mentale ou intellectuelle de toute personne arrêtée ou
désignée". Ces services sont aussi importants que le service d'un
avocat et peut-être même plus importants. Nous apportons ces
modifications afin que les personnes en difficulté, à cause d'une
inadaptation, aient les traitements requis par leur état,
lors d'une période possible de détention. Une
évaluation profonde est souvent nécessaire puisque chez un
délinquant déficient, jeune ou adulte, son état de
déficience peut être dissimulé par la manifestation
d'autres problèmes d'ordre physique ou social. Ceci couvre l'annexe
5.
A l'annexe 6, nous proposons de changer le terme "tout enfant a droit
à la protection et à la sécurité que doit lui
apporter sa famille ou les personnes qui en tiennent lieu", par la phrase
"toute personne". Nous modifions l'article par "toute personne", car dans bien
des cas et spécifiquement en déficience mentale, une condition de
minorité prolongée doit être considérée.
Cet état de minorité permanente exige donc une protection
dépassant les normes régulières prévues par la loi,
majorité à 18 ans. Cette protection devra être d'abord
exercée premièrement par la famille et toute personne substitut
qui pourrait intervenir ici, en l'occurrence le parrain civique, tel que
défini dans les commentaires suivant les modifications de l'article 2.
*
II est à rappeler qu'à l'heure actuelle on
considère que seulement 12% des déficients mentaux, ou cinq
personnes sur 2,000, ne peuvent vivre indépendamment et ont besoin d'une
telle protection. Ce pourcentage tombe avec le développement de
nouvelles techniques de traitement et de soins.
Annexe no 7, article no 41 : Ici, il s'agit d'insérer une phrase
"assistance et/ou sociale" et non seulement l'assistance financière
susceptible de lui assurer un niveau de vie décente. Ces modifications
ont pour but de ne pas limiter l'aide à la personne exclusivement
à un appui financier, mais en vue d'assurer une prise en charge globale
de la personne, particulièrement en ce qui a trait à la personne
handicapée et défavorisée.
Annexe no 8, article no 45: Les modifications que nous proposons ici
sont des modifications qui ont été proposées par la Ligue
des droits de l'homme et qui visent à ce que cette loi ait le statut
d'une loi fondamentale.
A l'annexe no 9, c'est un commentaire à l'article no 49 qui dit:
La commission est composée d'au moins trois membres dont le
président, nommé par l'Assemblée nationale sur la
proposition du premier ministre, pour un mandat n'excédant pas dix ans.
Voici notre commentaire: A notre avis, l'article 49 ne spécifie pas
suffisamment quelles personnes pourraient être nommées à la
commission. Il est important que ladite commission soit réellement
représentative de la collectivité québécoise. A
cette fin, l'AQDM suggère une de deux modifications possibles: 1) que
l'article 49 spécifie que l'Assemblée nationale devrait choisir
un nombre de personnes de la commission parmi des groupes, classes ou
organismes sociaux spécifiques représentatifs de la
collectivité québécoise, ou; 2) que l'article 49
prévoie la participation de ces groupes, classes ou organismes
représentatifs de la collectivité québécoise dans
le choix des membres de ladite commission, c'est-à-dire de donner le
droit de vote non seulement à l'Assemblée nationale mais à
ces groupes.
Article no 58: II s'agit de préciser davantage, d'insérer
la phrase "établir et exécuter un programme d'information et
d'éducation destiné à faire comprendre et accepter l'objet
de ces dispositions". Le paragraphe e), ce n'estqu'une précision
à apporter au rôle de la commission.
Annexe no 11:On parle encore du pouvoir de la commission. La
modification que nous proposons, c'est que la commission peut en tout temps
remettre au président de l'Assemblée nationale, qui les
dépose à l'Assemblée nationale, des rapports
spéciaux sur des questions particulières qui appellent sinon la
commission à des interventions urgentes dans la période où
l'Assemblée nationale ne siège pas, mais permettent à la
commission de rendre publics de tels rapports par d'autres voies,
c'est-à-dire de ne pas attendre jusqu'au 30 mars de l'année pour
avoir un rapport. Si la commission estime qu'on doit faire quelque chose
rapidement, elle devra pouvoir le faire.
Dernière annexe, 12: L'article 61 proposé par le texte
traite de la forme des demandes, des requêtes que peut faire une personne
devant la commission. J'aimerais lire notre modification parce qu'elle pourrait
être facilement mal comprise. "Tout groupe de personnes voué
à la défense des droits et libertés de la personne ou au
bien-être d'un groupe de personnes, qui a raison de croire que s'est
commise une discrimination visée à l'article
précédent, peut également, par écrit, ou par tout
autre document audio ou audio-visuel, faire une demande d'enquête". Le
reste de la phrase aurait dû être rayé, c'est une faute de
frappe.
Nous considérons que cette modification donnerait la
possibilité à toute personne de faire une demande d'enquête
à la commission, même s'il lui est impossible de présenter
une requête écrite, à cause d'une impossibilité
physique ou intellectuelle.
J'aimerais spécifier un cas particulier, au cas où ce
serait mal compris. Je ne veux pas entrer dans la polémique de
l'écoute électronique. Vous pourriez avoir un cas où un
déficient mental se voit exploité dans un spectacle dans une
boîte de nuit. Cette personne qui ne pourrait pas être capable de
lire pourrait demander l'aide d'une personne pour faire un ruban
magnétoscopique de l'acte qu'elle présentait; elle n'aurait pas
le droit d'insister pour que ceci soit enregistré dans le club, mais
pourrait se référer à une association comme la nôtre
et montrer ceci dans une salle. Il n'est pas question qu'on viole le droit de
la vie privée du club qu'elle exploite. C'est tout simplement qu'on lui
demande d'être en mesure d'utiliser d'autres moyens que des moyens
écrits, pour faire une demande d'enquête.
Nous remercions grandement la Ligue des droits de l'homme pour son appui
à la préparation de ce document, nous vous remercions de votre
attention et soyez assurés, messieurs, qu'en tant qu'association chien
de garde des intérêts des déficients mentaux, nous suivrons
avec intérêt tout ce qui proviendra de cette commission. Merci
beaucoup.
Le Président (M. Cornellier): Merci bien, M. Healy.
J'invite maintenant le ministre de la Justice à poser les questions.
M. Choquette: M. le Président, tout d'abord, avant de
poser quelques questions et de faire des commentaires sur les aspects
particuliers qui ont été soulevés par le groupe qui
comparaît ce matin, je voudrais féliciter M. Healy et
l'Association des déficients mentaux pour le mémoire qu'ils nous
présentent. Ce mémoire, je crois, s'inscrit sous le titre de la
dignité qu'il faut reconnaître et qu'il faudrait que la
législation reconnaisse à ceux qui souffrent de maladies
mentales, et aussi, faut-il dire, d'autres infirmités, parce que vous
n'avez pas limité votre intervention exclusivement aux cas de maladies
mentales, si je m'en réfère à vos commentaires à
l'annexe 2.
M. Healy: Excusez-moi, M. le ministre. Est-ce que je peux
intervenir? Il y a une forte distinction entre la déficience mentale et
la maladie mentale. La déficience mentale, c'est un état
permanent, tandis que la maladie mentale, c'est un état temporaire qui
peut être guéri.
M. Choquette: Je vous remercie d'apporter cette précision.
Elle n'apparaît nulle part, je crois, dans votre texte. Si je m'en
réfère même aux commentaires sur l'annexe 2, vous avez
circonscrit un peu le cadre de ceux qui vous intéressent par une
définition qui comprend condition mentale, maladie mentale,
difficulté ou désordre d'ordre psychologique et psychiatrique,
condition physique, tout handicap et sensoriel, aveugle, sourd et muet, et
finalement, condition intellectuelle, déficience mentale à tout
niveau, profond, moyen, léger.
J'avais pris ceci comme étant un peu le cadre des personnes dont
vous cherchiez à plaider la cause ce matin.
M. Healy: Excusez-moi. J'avais mal compris votre
intervention.
M. Choquette: Est-ce que c'est exact?
M. Healy: Ça va.
M. Choquette: Je crois qu'il est heureux que l'association qui
est ici souligne à la commission l'intérêt qu'il y a de
donner une reconnaissance juridique valable à ces personnes, pour
qu'elles ne souffrent pas de plus de discrimination ou d'un traitement
juridique différent de celui des autres personnes de la
société, ou autre que celui qui est réellement rendu
nécessaire par leur état.
Je crois que M. Healy reconnaîtra facilement que, pour les cas de
maladie mentale, il n'est pas possible de traiter ces personnes comme si elles
n'avaient pas de maladie mentale.
M. Healy: Sûrement, je pense...
M. Choquette: Je ne crois pas que le plaidoyer de M. Healy aille
jusqu'au point de demander, malgré que j'aie vu une
référence à la nomination d'un parrain, je pense que ce
parrain, dans l'esprit de ceux qui nous présentent le mémoire ce
matin, rem- placerait possiblement ou, enfin, serait l'équivalent du
curateur ou du conseil judiciaire qui peut être nommé en vertu du
code civil à l'égard de personnes qui ont des affections
mentales.
M. Healy : Oui. M. Bouchard aimerait répondre à
votre question.
M. Bouchard: C'est-à-dire qu'en parlant de parrainage
civique, à l'expérience, nous nous sommes rendu compte que les
professionnels, par exemple, qui s'occupaient du handicapé,
nécessairement s'occupent du handicapé habituellement de 9 heures
le matin à partir du lundi matin jusqu'à 5 heures le vendredi
soir. Mais le handicapé a besoin d'un support pour toute la semaine et
pour toute l'année. Donc, à ce moment, pour compléter le
travail du professionnel, au niveau du service social, de l'aide légale,
etc., par exemple, l'officier de probation, nous pensons pouvoir utiliser des
bénévoles en organisant un bureau qui pourrait être en
relation avec la commission ou avec un pouvoir délégué de
la commission, également du ministère de la Justice, ainsi que
des Affaires sociales, parce que tout l'aspect social... pour organiser la
protection et l'aide de cet individu dans la société, non pas
uniquement au point de vue financier, au point de vue légal, mais
également au point de vue social, de manière à
compléter le travail des professionnels qui l'aident à se
normaliser dans la société. Par exemple, actuellement, si on
développe ces programmes de parrainage civique, il y a plusieurs
handicapés, entre autres, des déficients mentaux, qui vivent dans
des hôpitaux psychiatriques, qui sont pris pourdes malades mentaux, mais
qui sont des déficients mentaux, ce qui est différent, qui
pourraient sortir et vivre dans la communauté, gagner leur vie. Nous
avons des expériences très positives dans ce domaine. Donc, cet
aspect est important pour nous, c'est-à-dire que les personnes qui
pourraient s'occuper d'un handicapé d'une façon
bénévole auraient peut-être besoin d'une
immunité.
M. Choquette: Une immunité de quel ordre?
M. Bouchard: Une immunité légale,
c'est-à-dire qu'à un certain moment, elle puisse ne pas avoir de
recours en justice contre elle si elle le fait de bonne foi, si elle l'aide
à prendre une décision de bonne foi.
M. Choquette: Oui. Je crois qu'en fait, ce que vous demandez
là est déjà implicite dans le droit civil
québécois. Vous savez que le mandataire ou vous savez
peut-être que le mandataire, en général, n'est pas
responsable pour les actes qu'il a posés de bonne foi et qui n'indiquent
pas une négligence grossière de sa part. J'imagine facilement,
malgré que je n'aie pas vérifié auprès des
autorités et les causes récemment dans ce domaine, qu'un curateur
ou enfin le parrain civique auquel vous référez dans votre
mémoire ne serait pas responsable, s'il a pris des précautions
d'un bon père de famille, enfin, qui n'a pas montré de
négligence grossière, il ne souffrirait pas de
responsabilités dans un cas comme celui-là.
M. Healy: Puis-je apporter une précision à ce que
disait M. Bouchard?
Le concept des droits limités de la personne comprend le concept
des responsabilités de la personne. C'est sûr que certains
déficients mentaux ne sont pas en mesure de prendre la pleine
responsabilité dans la vie, mais ce nombre est très petit par
rapport au groupe des déficients mentaux, puisque 88% vivent
indépendamment dans la société, et on ne devrait pas
limiter dès le départ les droits d'un déficient mental
tout simplement parce qu'il est déficient mental. C'est pourquoi on
propose une modification d'ordre générique et non pas un statut
particulier pour les déficients mentaux.
M. Choquette: Mais je voudrais quand même un peu corriger
votre impression. Le droit actuel présume que tout le monde est
mentalement sain au départ. Il y a une présomption, au
départ, suivant laquelle toute personne est saine d'esprit et que toute
personne agit de bonne foi.
Par exemple, si une personne déficiente mentale signe un contrat,
elle pourra faire annuler ce contrat seulement en faisant la preuve qu'elle
n'avait pas la capacité mentale de donner un consentement valable, au
moment de la signature du contrat, ce qui démontre qu'il y a une
présomption générale, à savoir que les personnes
sont en général saines d'esprit. Il ne faudrait pas
exagérer sur la portée du droit actuel.
M. Healy: C'est très juste. Il s'agit de le souligner pour
que ce soit dans le projet de loi. C'est la raison pour laquelle nous l'avons
modifié de cette façon.
M. Choquette: Je vous signale l'article 4 du projet de loi qui
énonce le grand principe suivant: Que toute personne a droit à la
sauvegarde de sa dignité, de son honneur et de sa réputation. Le
mot "dignité", je crois, touche à tous les groupes et à
toutes les personnes sans exception, incluant les déficients mentaux, de
telle sorte que, fondamentalement, le projet de loi reconnaît la valeur
des principes que vous énoncez ce matin.
Maintenant, vous avez cherché, dans une des annexes à
votre mémoire, à obtenir un amendement à l'article 11 qui
interdirait la discrimination à l'égard des déficients
mentaux. Je me demande si cela est possible, dans l'état du droit
actuel, parce qu'on pourrait bien imaginer soit une personne internée
dans une institution, soit une personne qui a un curateur. Peut-on donner ou
reconnaître à cette personne une pleine capacité juridique
pour la signature des actes juridiques qui peuvent être visés par
l'article 15 qui suit?
M. Healy: Non. Il s'agit d'une question de discrimination non
pertinente. S'il est déficient profond, il n'est sûrement pas
capable de vivre indépendant. Il a besoin d'une certaine protection. Il
n'est pas en mesure de remplir ses responsabilités, en tant que citoyen.
La raison pour laquelle nous voulons insérer cette modification... Je
vais vous passer Mlle Allaire.
Mlle Allaire (Agathe):C'est surtout face aux principes de
normalisation et d'intégration, parce qu'on veut intégrer les
déficients mentaux sur le marché du travail régulier par
des programmes de plateaux de travail et de centres de travail de transition.
Un déficient veut travailler dans une industrie régulière.
Il suit le processus régulier pour l'embauche et on s'aperçoit
qu'il a un déficit intellectuel. Souvent, on lui dit: Nous n'engageons
pas de déficients mentaux ici. La même chose pour un
handicapé physique qui a des problèmes de mobilité ou un
sourd-muet qui veut s'intégrer au marché du travail et non pas
nécessairement dans un secteur protégé. Un secteur
protégé est nécessaire pour une partie de la population
handicapée, mais ce prolongement serait pour des droits
génériques, afin que les déficients mentaux aient le droit
d'utiliser les services génériques qu'offre la
société, à l'heure actuelle.
M. Choquette: Madame, je souscris entièrement aux
objectifs de votre association et au mémoire que vous nous avez
présenté. Je ne mets en cause, en aucune façon,
l'intérêt qu'il y a de traiter, dans la mesure du possible, tous
les degrés de déficience mentale avec toutes les distinctions qui
s'imposent, de façon à faciliter, justement, la
réinsertion sociale, faciliter des rapports humains normaux et cela, en
prenant en considération la situation particulière de chaque
cas.
Donc, sur le plan de la philosophie générale, je ne crois
pas qu'il y ait aucun membre de cette commission qui puisse être en
désaccord. Vous soulignez dans votre exposé la dimension sociale
et j'entendais tout à l'heure, M. Healy et M. Bouchard, ainsi que
vous-même, nous parler d'institutions qui permettent d'atteindre à
une meilleure insertion dans la société pour ces
gens-là.
Je suis parfaitement d'accord, mais remarquez qu'en ce moment, il s'agit
de moyens à employer pour réaliser cet objectif. Je voudrais
attirer votre attention sur le fait qu'ici nous sommes sur un texte de loi qui
vise, non pas tellement la dimension sociale ou les moyens qui doivent
être mis en oeuvre pour réaliser votre objectif, malgré
qu'il ne les exclut pas, au contraire, je crois qu'il veut justement faire
certaines relations avec toute cette dimension sociale qui vous
intéresse. Mais nous sommes, à proprement parler ici, dans un
domaine où il s'agit de définir les droits fondamentaux
essentiels, ceux qui appartiennent à tous les individus, à
quelque groupe qu'ils appartiennent. Ceux qui sont, en somme, le patrimoine
commun de tous les citoyens québécois. Là, nous sommes
obligés d'oeuvrer dans certaines limites juridiques, dans ce sens que,
même si on voulait étendre les droits d'une certaine façon,
même si c'est, je pense bien, la tendance générale parmi
ceux qui sont autour de la table, il faut quand même tenir compte des
contingences particulières qui s'attachent à chacun des groupes
et de leur cas particulier, de telle sorte que les cas particuliers dont on
nous parle parfois à la barre, que certains groupes représentent,
il n'est pas toujours possible de les intégrer dans les règles
générales qui s'appliquent à chacun, sauf peut-être
en fai-
sant, à l'occasion de certains articles, certaines
références à d'autres lois qui apporteraient des limites
à la portée des principes en rapport avec ces groupes
particuliers.
A ce moment-là, vous comprenez que c'est tout un défi pour
le législateur que de dire: On pose de grands principes, mais tout de
suite après on fait des exceptions à l'égard d'un tel,
à l'égard d'un tel. A ce moment-là, d'un
côté, c'est presque un processus un peu "self defeating" et on est
pris entre notre désir de conférer les droits dans toute leur
extension, le plus possible, et d'un autre côté, notre
réalisme nous dit: Devant des cas de maladie mentale, on ne peut pas
dire qu'une personne, devant un malade mental, est obligée de s'engager
à signer un contrat avec elle. Parce qu'en fait, si on doit amender,
dans le sens que vous nous le suggérez, l'article 11 pour dire que les
déficients mentaux ne doivent pas souffrir de discrimination, cela veut
dire que cela impose la réciproque à un citoyen d'entrer dans un
acte juridique ou un bail, etc., tous les actes juridiques de la vie courante,
cela entraîne l'obligation, pour cette personne, de ne pas discriminer
cette personne parce qu'elle est malade mentale. Est-ce que c'est raisonnable
d'exiger, de la majorité des citoyens, un tel fardeau de dire: Je vais
être obligé de contracter avec telle personne?
M. Healy: Je comprends très bien vôtre intervention
et j'ai beaucoup de sympathie pour le législateur parce que nous avons
eu pas mal de difficultés à préparer ce document, mais il
reste un fait que la décision pour être un citoyen à
part entière s'il est travaillant, s'il travaille, s'il a une
position, s'il a une bonne job comme on dit, s'il paie des taxes, il est
indépendant, mais si dans son dossier il est stigmatisé comme
étant un déficient mental, il peut y avoir un genre de
discrimination non pertinente. C'est une question de discrimination non
pertinente.
M. Choquette: Je suis parfaitement d'accord avec cet objectif,
mais qu'est-ce que c'est que la discrimination non pertinente? Vous savez que,
quand vous arrivez dans ce domaine, cela devient une question
d'appréciation et de jugement. Je vois, dans votre mémoire, que
vous parlez de facteurs réels. Qu'est-ce qui est réel? Cela peut
être réel pour vous et cela peut ne pas être réel
pour moi.
M. Healy: Nous sommes tous prêts à apporter notre
collaboration à la commission des droits de la personne pour les aider
à prendre des décisions justes et valables dans un tel cas.
M. Choquette: D'accord, mais vous ne pouvez pas vous faire le
juge de chaque cas particulier, comme nous, nous ne pouvons pas le faire. Mais
je conçois que l'on doive viser et à ce point de vue, je suis
très reconnaissant à votre groupe de souligner la situation
particulière dans laquelle se trouve toutes les catégories de
personnes que vous représentez à des degrés divers. J'ai
constaté que parmi les annexes, il y a des suggestions qui sont faites,
qui sont très intéressantes.
Par exemple, ici à l'article 23, vous suggérez, dans le
cas des personnes qui sont détenues, non pas exclusivement en
état d'arrestation mais qui sont en état de détention,
qu'elles doivent être traitées suivant un régime
approprié à leur sexe, leur condition mentale, physique ou
intellectuelle. Je crois que ceci est une contribution intéressante qui
permettrait de préciser le traitement qu'on doit accorder aux personnes,
en prenant ces facteurs en considération.
Aussi, à l'article 25, vous ne vous êtes pas
contenté de la personne qui est arrêtée par les soins de
l'administration de la j ustice, mais de la personne qui, pour une raison ou
pour une autre, est détenue dans un service psychiatrique ou une autre
institution de cette sorte, d'indiquer sa présence à ses proches
et de recourir aux services d'un avocat pour faire valoir ses droits devant les
tribunaux. Je crois que cela est très intéressant.
A l'article 36, vous avez élargi cet article. L'article 36 porte
sur le droit des enfants d'exiger sécurité et protection de la
part de leur famille. Vous, vous l'avez élargi à toute personne.
Vous avez évidemment tenu en considération le cas des personnes
que vous représentez, par le soin de votre association,
c'est-à-dire, présumément, les déficients mentaux.
Mais est-ce qu'on peut, juridiquement, faire une obligation aux familles ou aux
personnes qui en tiennent lieu d'apporter sécurité et protection
à l'égard des membres de la famille, même majeurs qui sont
des déficients mentaux?
Voyez-vous, c'est une obligation légale que vous imposez et qui
ne se trouve pas dans le droit actuel. Je ne dis pas que tout ce qu'il y a dans
le droit actuel est bon. Parce qu'il y a bien des choses, dans le droit actuel
qui méritent d'être changées, c'est incontestable. Est-ce
qu'on peut aller imposer cette obligation, alors que l'obligation actuelle
c'est plutôt entre membres d'une même famille, c'est-à-dire
entre conjoints, mari et femme, entre parents et enfants. Même notre code
civil, autrefois et même encore, a laissé subsister des devoirs
alimentaires, même entre belle-fille et beau-père et même
peut-être frère et soeur, si je me rappelle bien, malgré
que mes notions de droit sont un peu estompées. Avec la
sécurité sociale, l'extension des obligations personnelles
à l'égard des membres de la famille tend à se
réduire, parce que c'est l'Etat qui a pris en charge une large partie
des responsabilités sociales qui, autrefois, étaient inscrites
dans le cadre non pas de la famille nucléaire actuelle, mais dans une
famille plus élargie, une famille un peu plus patriarcale dont la
société actuelle se défait largement, à cause des
phénomènes d'urbanisation, d'industrialisation et tout cela.
Je me demande si votre amendement, même s'il est
présenté avec conviction, cadre dans l'évolution de la
société actuelle.
M. Healy: Au sujet de la phrase "ou les personnes qui en tiennent
lieu", c'est parce que nous ne voulons pas donner aux familles la
responsabilité pour toute la vie d'un enfant ou d'un déficient
mental profond qui est vraiment un genre de minorité prolongée,
du point de vue intellectuel. On ne veut
pas qu'elles endossent le fardeau financier des responsabilités,
mais nous avons compris, et c'est peut-être par manque de
compétence dans ce domaine de la loi, que la famille "ou les personnes
qui en tiennent lieu" cela encadrait comme il le fallait. M. Bouchard a un
commentaire là-dessus, M. le ministre.
M. Bouchard: Actuellement, on a parlé du projet
d'organisation de services communautaires normalisation et, de plus en plus,
vous avez des handicapés, des déficients mentaux actuellement,
comme on l'a mentionné tout à l'heure, qui sont dans des
hôpitaux psychiatriques, qui sont considérés comme des
malades mentaux et, d'une part, ont besoin de la signature du psychiatre pour
sortir de là, d'autre part, qui n'ont pas de famille. A ce moment, il
n'y a qu'une seule possibilité, c'est la curatelle publique, je crois,
et la curatelle publique va s'occupersurtout des affaires légales et
administratives de l'individu. Mais, d'autre part, l'aspect de la dimension
sociale n'est pas nécessairement assumée, ce qui veut dire que ce
pourquoi on a dit "toute personne", cela implique, à ce moment, que
l'Etat développe une loi qui va permettre à cette personne
d'avoir la protection et la sécurité tout au long de sa vie, sans
nécessairement se référer, par exemple, à la
curatelle publique ou à la tutelle, qui sont des aspects plus
spécifiquement administratifs et légaux. Quand on parlait tout
à l'heure du parrainage civique, d'une part, on ne veut pas que ce soit
intégré dans la loi, mais, d'autre part, dans les
règlements qui vont accompagner la loi, on veut qu'il y ait
peut-être une reconnaissance de ce fait.
M. Choquette: En somme, vous dites que, pour cette classe de
personnes, ces catégories de personnes, la société doit
assumer des responsabilités financières et sociales, parce que
j'ai apprécié le fait que vous avez suggéré un
amendement à l'article 41, je crois, en introduisant, en plus des
mesures d'assistance financière, des mesures sociales. Justement,
l'article 41 a pour but de, d'une façon un peu... Peut-être qu'il
manque un peu de... Pas qu'il manque, mais parce que c'est obligatoire
d'après les circonstances. On ne peut pas astreindre l'Etat ou les
ressources de l'Etat sans condition. Il faut les astreindre à certaines
conditions. Je crois que votre demande, en rapport avec l'article 36, est
satisfaite par l'article 41, qui dit: Toute personne dans le besoin a droit
à des mesures d'assistance financière. Dans le besoin, cela
inclut, évidemment, des personnes affectées de maladies mentales
ou d'autres affections de cet ordre qui les empêchent, par exemple, de
gagner leur vie.
Vous avez, dans cet article, la reconnaissance du principe que vous
sollicitez, sauf qu'évidemment, c'est dans la mesure des dispositions
prévues par la loi. A ce point de vue, il faut quand même limiter
la portée de cet engagement, en fait, de l'Etat.
M. Healy: Considérez-vous le fait qu'on accorde
l'assistance financière suffisante, puisque pour moi, l'assistance
financière veut dire l'assurance-chômage ou le statut d'être
assisté social?
M. Choquette: Je trouve que votre idée d'introduire le mot
"social" après "les mesures d'assistance financière" est une
idée des plus intéressantes. Je ne m'engage pas à
l'accepter, mais je vais sûrement y réfléchir
sérieusement, parce qu'on sait qu'en général, dans tout le
domaine social, cela n'inclut pas seulement les déficients mentaux. Je
m'adresse aux cas des enfants, de la délinquence, les cas de protection,
enfin, tout les cas qui intéressent le domaine social, il n'est pas
suffisant de donner des mesures d'assistance financière. Il faut
à ce moment, avoir des groupes spécialisés, un personnel
spécialisé qui va faire des interventions qualitatives et non pas
seulement donner un chèque à tous les mois pour aider les gens
à sortir des difficultés dans lesquelles ils sont.
Je trouve qu'à ce point de vue, vous introduisez une dimension
très valable, très intéressante.
M. Healy: Nous devons, ici, louer le ministère des
Affaires sociales qui a fait beaucoup dans ce domaine et qui en fait beaucoup.
Il reste encore beaucoup à faire, mais le ministère
présente certaines structures qui sont très intéressantes.
Nous louons le ministère des Affaires sociales, et nous profitons de
cette occasion pour le dire.
M. Choquette: A ce propos, je vais envoyer votre mémoire
au ministre des Affaires sociales, parce que je crois qu'il est très
susceptible de l'intéresser
L'article 41, nous en avons parlé. Sur l'article 45, je ne ferai
pas de commentaire parce que ce sujet a déjà été
très longuement discuté, à savoir: la force transcendante
de la charte. Quant à la composition de la commission, vous pouvez
être assuré que le gouvernement et, je suis sûr,
l'Opposition, voudraient que les membres de la commission n'aient
peut-être pas toujours un caractère représentatif des
milieux, dans le sens qu'ils vont à la commission comme les mandataires
de milieux particuliers. Je suis sûr qu'il n'y aura pas de
difficulté à convenir avec nos collègues qu'il faut que la
composition de la commission soit suffisamment étendue pour s'occuper
efficacement des principaux problèmes que soulève
l'administration de la charte, en rapport avec des groupes particuliers.
Là encore, je vous suis, malgré que je ne dise pas qu'il
va falloir amender cet article pour inclure cette idée de
représentativité. Je ne l'exclus pas, mais on peut quand
même souligner l'intérêt de vos observations à ce
sujet.
A l'article 59, vous suggérez que la commission puisse faire des
rapports de temps à autre et non pas seulement annuellement. Nous allons
étudier cette suggestion.
J'attire votre attention finalement sur l'article 62, relativement
à certaines fonctions de la commission. "La commission, ses
fonctionnaires et employés doivent prêter leur assistance pour la
rédaction d'une demande d'enquête à toute personne ou tout
groupe de personnes qui le requiert", ce qui fait que la commission n'est pas
purement passive devant des demandes d'intervention. Elle doit faire un peu
plus qu'agir d'une façon bureaucratique. Je pense que s'il s'agit de
déficients mentaux, il est évident que l'obligation qui se trouve
à l'article 62 a
toute son application, de façon à faciliter une demande
d'enquête par une telle personne.
M. Healy: On vit à l'ère des media
électroniques et je pense que notre avis était qu'un document
audio ou audio-visuel pourrait avoir beaucoup plus d'impact, sans violer les
droits de qui que ce soit. Est-ce que vous voulez dire que vous tenez vraiment
à ce que ce soit une demande écrite? Vraiment, je ne vois pas la
nécessité de limiter la formule de demande de requête
à un document écrit.
M. Choquette: II n'y a rien dans la loi qui dit qu'une demande
écrite est fondamentale. Je pense bien que si on ouvre un dossier
quelconque à la commission, il faut quand même qu'il y ait un
écrit, au départ. Cela ne veut pas dire que c'est très
formaliste, d'autant plus qu'avec l'article 62, les fonctionnaires de la
commission peuvent prêter leur aide. Cela ne veut pas dire qu'elle est
signée ou rédigée par l'intéressé. On peut
la rédiger pour l'intéressé, quitte à ce qu'on
dise: II est intervenu, il a fait sa demande personnellement. Cela ne veut
même pas dire qu'il est obligé de la signer lui-même.
D'abord qu'on a une preuve qu'il a fait une demande d'intervention.
M. Healy: Est-ce que ceci veut dire que vous acceptez qu'un tel
document puisse faire partie du dossier qu'on a soumis, si ce n'est pas
nécessairement la forme pour la demande d'enquête?
M. Choquette: II n'y a pas de forme prescrite dans la loi. Cela
peut être très simple. Supposons le cas d'une personne qui aurait
subi une discrimination en rapport avec sa condition. La personne pourrait
l'exprimer verbalement. Un fonctionnaire de la commission pourrait
rédiger: Elle se plaint de telle, telle chose.
M. Healy: Mais s'il demande de le faire par un document
audio-visuel, est-ce que la commission accepterait de le voir?
M. Choquette: Une demande pourrait prendre une forme verbale.
Vous dites: par cassette. Je n'ai pas d'objection de principe. Cela pourrait
être transcrit par les fonctionnaires de la commission qui diraient:
Voici la demande qui émane de M. Untel ou de Mme Unetelle.
M. Healy: Oui.
M. Choquette: II n'y a aucun formalisme. Je crois qu'il faudra
que la commission fonctionne sans formalisme excessif. Alors, je vous remercie,
madame et messieurs.
M. Healy: Je devais vous remercier, M. le ministre, pour
l'intérêt que vous manifestez à notre cause et que
manifestent vos questions. C'est nous qui vous remercions.
Centre homophile urbain de Montréal et
autres
Le Président (M. Cornellier): Merci bien, M. Healy, Mlle
Allaire et M. Bouchard. J'inviterais maintenant les représentants du
Centre homophile urbain de Montréal, de l'Association homophile de
Montréal, de CHAL Inc., Service d'entraide pour homophile à
Québec, qui ont manifesté le désir de passer... On m'a
informé que vous vouliez faire votre présentation, les trois
organismes ensemble. Pour le bénéfice de la commission,
voulez-vous nous dire si c'est votre intention de faire votre
présentation d'une façon globale pour les trois organismes ou si
chacun de vos organismes fera sa présentation individuellement?
M. Doré: Ce qui s'est passé, c'est que les trois
organismes ont présenté des mémoires individuels, mais qui
se recoupaient, de sorte que, pour vous éviter des
répétitions, on s'est concerté hier et on a
décidé de faire des présentations individuelles, mais sur
des points différents, de sorte qu'il n'y aura pas de
répétition. Je peux vous présenter mon monde: A
l'extrême droite, il y a André Dion, qui se trouve être
notre agent de presse; à ma droite, il y a Denise Goyette, qui est la
présidente du CHAL et la responsable du Service d'entraide homophile de
Québec, qui vous a présenté le mémoire 16 M, sur
votre rôle; à ma gauche, Roger Bellemare, que vous avez
probablement rencontré déjà, qui vous a
présenté le mémoire 6 M; à mon extrême
gauche, Gilles Viger, représentant du Centre homophile urbain de
Montréal, qui est signataire du mémoire 16 M.
Ce qu'on entend faire, c'est, d'une part, que je vais poser le
problème, qui est fort simple, comme vous le savez. Par la suite, M.
Bellemare va présenter les fondements juridiques à notre
requête. Mlle Goyette va exposer l'importance et la nature de la
discrimination contre laquelle on aimerait que vous preniez action. A la fin de
tout cela, je ferai une conclusion. La position du problème est
très simple, c'est qu'on aimerait qu'à l'article 11...
Le Président (M. Cornellier): Vous nous avez
présenté vos collaborateurs, mais vous avez oublié de vous
présenter vous-même.
M. Doré: Je m'excuse, malgré que j'ai
été édu-qué dans un collège de
Jésuites, je suis resté modeste. Je m'appelle Luc
Doré.
Le Président (M. Cornellier): Très bien, M.
Doré.
M. Burns: C'est gentil pour les autres qui sont
déjà allés là.
M. Doré: Vous avez étudié chez les
Jésuites? M. Burns: Oui, j'ai étudié chez les
Jésuites.
M. Doré: Bon, à la section II du projet de loi 50:
dispositions particulières concernant la discrimina-
tion, à l'article II, le législateur, en l'occurrence M.
Choquette, énumère certains types de...
M. Choquette: Le législateur, c'est tout le Parlement.
M. Doré: Je vous flatte un peu. A l'article 11, vous
précisez que toute personne a droit à la reconnaissance et
à l'exercice, en pleine égalité, des droits et
libertés de la personne sans distinction, exclusion ou
préférence fondée sur la race, la couleur, le sexe, la
religion, les convictions politiques, la langue ou l'origine ethnique,
nationale ou sociale. Notre requête, c'est qu'à quelque part,
à l'intérieur de cette énumération, vous ajoutiez
l'orientation sexuelle. Tel que l'article 11 est rédigé
présentement, cela nous apparaît restrictif, comme le Barreau vous
l'a indiqué hier, du fait qu'il n'y a pas ce que lui vous
asuggéré, que j'ai trouvé fort séduisant,
c'est-à-dire l'inclusion entre la déclaration de principes et les
divers groupes dont vous avez déjà constaté qu'ils
étaient victimes de discrimination, le petit mot "notamment".
Cet article restreint la protection de la loi aux groupes que vous avez
mentionnés, de sorte que nous autres, ce qu'on aimerait, c'est
être inclus là-dedans.
Il y a deux autres petites choses qu'il faudrait que je vous
précise dans l'introduction: C'est, d'une part, que la Ligue des droits
de l'homme, dans son mémoire d'il y a deux jours, vous a indiqué
qu'elle était favorable à l'inclusion d'une clause qui nous
protégerait contre la discrimination, mais que, selon son opinion
à elle et elle nous l'avait déjà manifesté,
parce qu'on est membres de la ligue les termes "orientation sexuelle"
posaient des problèmes, parce que, d'une part, elle ne les
considérait pas comme une formulation valable de ce qu'on voulait et,
d'autre part, selon elle aussi, cela présentait des problèmes de
rédaction juridique.
A la fin d'un de nos mémoires, je pense que c'est celui du Centre
homophile urbain de Montréal, le mémoire 22 M, vous pourrez
trouver une lettre en annexe, de Jean-Marie Laurence, notre linguiste le plus
célèbre probablement, qui indique son opinion sur l'expression
"orientation sexuelle". Vous pourrez aussi vous référer au
mémoire 16 M, le mémoire conjoint...
M. Bellemare (Roger): C'est 22, M le mémoire du Centre
homophile urbain de Montréal.
M. Doré: Vous pourrez consulter la fin d'un des
mémoires, cela vous fera un petit peu d'exercice, il y a quelques
exemples de précédents au niveau de la législation
américaine où on a précisé la lutte contre la
discrimination contre les homosexuels, en termes d'orientation sexuelle. Quant
à Jean-Marie Laurence, "orientation sexuelle", c'est une traduction
valable.
L'autre petite précision qu'il faudrait que je vous fasse, c'est
que cela se peut qu'on s'échappe une fois de temps en temps et
qu'à la place de "homosexuel", on emploie l'euphémisme "gay", qui
est une espèce de synonyme d'homosexuel et qui devient de plus en plus
populaire. C'est un peu comme le Mad des femmes d'hier, quoique vous ne soyez
pas obligés de nous appeler Mad malgré cela.
Si on s'échappe aussi et que l'expression "straight" se glisse
dans la réponse à une de vos questions, "straight", c'est
l'équivalent d'hétérosexuel; cela devrait en rejoindre
quelques-uns parmi vous, on espère qu'il en reste.
Là-dessus, je passe la parole à mon collègue
Bellemare qui va vous dire ce qu'il vous a probablement déjà dit
en allant vous voir dans vos bureaux respectifs.
M. Bellemare (Rosemont): M. le Président, je tiens
à préciser qu'il n'y a aucun lien de parenté avec le
député de Rosemont.
M. Doré: Hélas! pour le député de
Rosemont.
M. Bellemare (Roger): M. le ministre, je crois savoir que vous
avez été personnellement sensibilisé à plusieurs
reprises à cette question des droits des citoyens et citoyennes
homosexuels.
J'aimerais cependant préciser ici mes propos pour l'ensemble des
membres de la commission. Les trois organisations homosexuelles du
Québec ont déposé trois mémoires distincts qui
voulaient répondre, d'ailleurs, à leur propre façon,
à des aspects différents. Celui du CHAL c'est le 16 M, et c'est
ainsi que j'ai compris le mémoire de ma collègue Denise Goyette,
insiste principalement sur le partage des compétences entre nos deux
paliers de gouvernement, pour bien signifier, sans équivoque, que le
code criminel ne peut avoir, en soi, d'incidence civile, donc, que les
amendements pénaux de 1969 et en ce qui nous concerne, c'est
l'article 158, où les actes sexuels, entre adultes consentants ne sont
plus criminalises n'ont pas changé nos lois provinciales en
matière d'emploi, de logement et de services.
En somme, s'il s'agissait d'un pas important, qui a d'ailleurs
amené une plus grande acceptation sociale, ce n'est manifestement pas
suffisant, puisque les lois antidiscriminatoires, elles, n'ont pas
été amendées. Il fallait donc faire ici cette distinction
fondamentale pourque le débat se situe bien dans la perspective actuelle
et non dans les termes où il s'est posé il y a six ans.
Le mémoire de l'Association homophile de Montréal, que
j'ai l'honneur de représenter aujourd'hui, traite de la discrimination
et des préjugés dont souffrent les homosexuels. Plusieurs cas de
discrimination dont plusieurs membres ont été victimes sont
énumérés dans ce mémoire et le type des
préjugés les plus répandus y sont examinés à
la lumière d'un ouvrage américain du docteur George...
Plusieurs cas de discrimination dont plusieurs membres ont
été victimes sont énumérés dans ce
mémoire et les types de préj ugés les plus répand
us y sont examinés à la lumière d'un ouvrage
américain du Dr George Weisberg, Society and the Healthy Homosexual.
C'est sur le troisième mémoire que je voudrais insister, celui du
Centre homophile urbain de Montréal, soit le 22M. Je crois qu'il est
parvenu à un certain point à situer les homosexuels dans le
contexte juridique québécois et mieux dans cette
question des droits et libertés de la personne. Ce qui se veut
une réponse au projet de loi no 50, projet qui est, pour nous
notre présence et nos efforts en témoignent d'une
très grande importance.
Nous expliquons, à la page 4 du mémoire, la position de
notre droit québécois en matière des droits des
homosexuels. Vous savez comme moi qu'avant le dépôt de cette loi
ou de ce projet de loi, le Québec n'avait que quelques lois et surtout
certains articles spécifiques qui prohibaient la discrimination dont
étaient victimes ces minorités. Je voudrais attirer votre
attention sur la définition proposée dans la loi sur la
discrimination dans l'emploi à l'article 1a), la définition
proposée du mot "discrimination": Toute distinction, exclusion ou
préférence fondée sur la race, la couleur, le sexe, la
religion, l'ascendance nationale ou l'origine sociale. Cet
énoncé, tout comme les autres bases de discrimination contenues
dans cette pièce de législation, est limitatif et restrictif, et
en aucune façon l'orientation sexuelle, l'orientation que les individus
donnent à leur sexualité, n'est couverte dans ces
énoncés. On connaît le sort de cette malheureuse loi, peu
efficace, et d'ailleurs trouvée ultra vires. Par ailleurs, en dehors de
ces lois ou ces articles, les tribunaux ont pu, par le code civil,
c'est-à-dire la notion d'ordre public et de bonnes moeurs qu'il
contient, statuer sur des formes illégales de discrimination. Le cas
auquel j'aimerais me référé rest celui de dame Goo-ding
versus Anglo Investment Corporation. Cette personne de race noire s'est vu
refuser, il y a seize ans, un logement à cause de la couleur de sa peau.
Le juge Nadeau a décrété que cette discrimination
était illégale, parce qu'il la trouvait contraire à
l'ordre public et aux bonnes moeurs. Il parle aussi de violation des
règles couramment admises de la morale applicable à la vie en
société.
La discrimination basée sur l'orientation sexuelle serait
jugée sur la base de l'acceptation sociale croissante de
l'homosexualité, des amendements de 1969 et du respect de la vie
privée qui est d'ailleurs inclus comme principe à l'article 5 de
la Loi sur les droits et libertés de la personne.
Vous me permettez de citer deux cas de jurisprudence américaine,
Norton versus Missi et Scott versus Missi je pourrai vous fournir
ultérieurement des références plus précises
où les juges ont été clairs à ce sujet. En soi, il
n'y a pas de lien entre l'homosexualité d'une personne et
l'efficacité au travail. Donc, cette discrimination sur la base de la
sexualité est inadmissible et elle donne droit, elle a d'ailleurs
donné droit aux Etats-Unis, à des dommages et à la
récupération du poste perdu ou de la fonction perdue. Je suis
convaincu que les tribunaux québécois utiliseraient le même
type d'arguments que ceux-là.
Je n'ai pas l'intention de m'attarder sur les cas de jurisprudence
mentionnés par la suite, mais je vous dirais qu'ils constituent la
preuve que les principes qui sont énoncés dans la charte peuvent
être et seront sûrement utilisés par des homosexuels
victimes d'une atteinte à leurs droits. C'est d'ailleurs ce à
quoi j'aimerais en venir, M. le ministre. Ce sont les principes qui sont
énoncés dans la charte, et nous en parlons à partir de la
page 13, qui commande une protection adéquate pour les homosexuels.
Les articles 3, 5 et 10 sont, à cet égard, les plus
pertinents. L'article 3 traite des libertés fondamentales, l'article 5,
du respect de la vie privée et l'article 10 du principe de
l'égalité devant la loi.
Je voudrais parler quelque peu sur le respect de la vie privée.
Vous savez bien comme moi, M. le ministre, l'importance que nous accordons,
chacun d'entre nous, au respect de notre vie privée. C'est
assurément là un concept fondamental, un principe sacro-saint que
nous nous acharnons à défendre et qu'il nous faut
préserver. Je ne crois pas, cependant, qu'il doit être l'apanage
de certains groupes de personnes alors que d'autres souffrent
d'interférence et d'immixtion continues. Le principe de l'article 5 est
clair à ce sujet. Toute personne a droit au respect de sa vie
privée.
Tel que dans Norton, je crois pouvoir affirmer que la discrimination sur
la base de l'orientation sexuelle constitue une intrusion dans la vie
privée, une ingérence inacceptable. Je ne vois pas comment,
à cet égard, nos tribunaux québécois pourraient
statuer. D'ailleurs les amendements de 1969 témoignent encore d'un
changement de mentalité et du respect croissant que nous accordons
à la vie sexuelle privée.
Mais toute notre argumentation repose, en fin de compte, sur le principe
de la classification raisonnable. Plusieurs groupes sont venus ici vous
suggérer d'inclure, à l'article 11, d'autres formes de
discrimination que celles qui y sont annoncées. Je pense qu'il serait
bon de réunir toutes ces formes de discrimination pour voir si, sur la
base de la classification raisonnable, il y a des faits qui nous pousseraient
à les inclure. Ce principe, comme nous le soulignons à la page
20, est basé sur la justification, c'est-à-dire sur les preuves
que l'on peut fournir pour soutenir ce qu'on avance. Je vous dis qu'exclure
l'orientation sexuelle sur la base de la classification raisonnable n'est pas
possible. Ce serait céder à des hypothèses jamais
prouvées et à des slogans.
Alors, il faut se demander s'il faut procéder à son
inclusion. C'est là que je vous dis que des faits ont été
assemblés et sont énumérés à la page 21.
Vous pouvez y lire qu'en tant qu'êtres humains, les homosexuels ne
peuvent, en aucune façon, avoir des droits inférieurs aux autres
êtres humains. Nous constatons qu'une discrimination s'exerce à
leur égard, discrimination la plus grosse, bafouant des droits aussi
élémentaires que celui du droit à l'emploi et au logement.
L'état actuel du droit positif de la société
québécoise évolutive est à l'effet de trouver
illégale cette forme de discrimination. Une jurisprudence favorable se
dessine dans un pays qui partage foncièrement nos objectifs
d'égalité et de justice. Enfin, les principes proposés
dans le projet de loi sur les droits et libertés de la personne consacre
les droits des homosexuels en ce qui concerne l'emploi, le logement et les
services. C'est donc sur la base de ce principe qu'il faut inclure
l'orientation sexuelle et c'est sur cette base que toutes les formes de
discrimination doivent être jugées.
M. Doré (Luc): Denise Goyette va maintenant
vous parler des expériences qu'elle a acquises au Service
d'entraide pour homophile qui est maintenant autonome du CHAL où elle a
été en contact direct avec la discrimination vécue tous
les jours.
Mlle Goyette (Denise): M. le Président, honorable ministre,
messieurs les membres de la commission. Après les quelques
exposés que vous venez d'entendre ici, je ne trouve rien de mieux, en
guise d'introduction au message que je veux vous laisser, que de vous
référer au mémoire présenté par le Centre
homophile urbain de Montréal. Je vous invite donc à la page 1
dudit mémoire.
Introduction. Nature du problème. La société
réserve à ses citoyens et citoyennes homosexuelles un
véritable traitement de parias tant: 1 ) sur le plan social, par le
rejet, la réprobation et la condamnation qu'ils subissent que 2) sur le
plan légal, par les interdictions, les restrictions et les limitations
qui les visent.
Sur le plan social, les femmes et les hommes homosexuels forment le
groupe humain le plus méprisé, le plus dédaigné de
notre société. Leur sexualité suscite de
l'hostilité, de la malveillance, de l'animosité et engendre des
attitudes de dénigrement, de dépréciation, de calomnie et
d'agressivité. Des jugements sévères sont portés,
et des préjugés défavorables sont nourris à leur
égard. Dépourvus, laissés à eux-mêmes, les
homoxuelles se réfugient dans la crainte et l'appréhension d'une
pénalité sociale qu'entraine la découverte de leur
homosexualité. Ils souffrent donc d'injustices flagrantes trop
méconnues et sous-estimées.
Sur le plan légal, conséquemment à ces rapports
discriminatoires, des différentiations arbitraires et injustes sont
faites: des interdictions leurs sont jetées, malgré les
amendements pénaux de 1969, et une inégalité de traitement
se dessine dans l'attribution de leurs droits civils.
Ainsi, dans les domaines de l'emploi, du logement et des services, aucun
recours ne leur est actuellement réservé, aucun droit ne leur est
concédé pour combattre la discrimination. Or, il arrive que des
hommes et des femmes homosexuels se voient congédiés, postes
abolis, et le reste, ou refuser un logement ou l'accès à des
services à cause de leur homosexualité. Nous allons examiner ici
toute cette question des droits des citoyens et citoyennes homosexuels.
De fait, nous devons distinguer ici deux types de discrimination, la
discrimination purement individuelle et la discrimination sociale. Nous sommes
à même de juger de ces discriminations à partir des
données et témoignages recueillis au cours de nombreux interviews
et de relations d'aide entreprise auprès des homosexuels en
détresse, ceci par le centre d'aide qu'avait créé d'abord
le CHAL, l'Association homophile de Québec, légalement
constitué depuis juin 1972, mais bientôt le service ne pouvait
plus suffire à supporter une aide à tous les homosexuels
masculins et féminins, victimes de problèmes relatifs à la
discrimination. Le centre devait acquérir alors son indépendance
et cela, depuis janvier 1975, et porter le nom Service d'entraide pour
homophiles à Québec. A raison de deux soirs par semaine
réservés pour les entrevues et un service
téléphonique d'urgence de 24 heures, dans les quatre mois, de
janvier à mai 1974, 360 cas étaient portés à notre
attention, concernant soit des problèmes purement discriminatoires et
les conséquences d'une discrimination constante qui les avait alors
portés vers l'alcoolisme, la drogue, avait provoqué des
déséquilibres d'ordre émotif et psychologique.
Dans ces cas, la discrimination purement individuelle comptait à
son actif les congédiements et mises à pied sous le simple
prétexte d'homosexualité, le refus ou le renvoi d'un logement, le
renvoi d'un collège ou d'une institution d'enseignement. D'autre part,
la discrimination sociale, si elle n'atteint pas l'homosexuel physiquement, ne
lui est pas moins préjudiciable sur le plan émotif et
spycholo-gique. Cette discrimination s'exercera d'abord par la retransmission
des tabous et préjugés aléatoires, sinon purement
mensongers, grâce à une publicité fausse qui porte atteinte
à l'individu et à l'ensemble des homosexuels. Par contre, on leur
refusera le droit d'expression par les mêmes voies d'expression. Nombre
de journaux, par exemple, certaines stations de radio et de
télévision permettront de véhiculer des erreurs
discriminatoires mais ceux-là mêmes refuseront qu'un homosexuel ou
un groupe d'homosexuels se servent des mêmes moyens pour arriver à
rétablir la vérité et aussi assurer, du même coup,
leur défense.
De la même façon, certains homosexuels souffriront du refus
d'allégeance à des groupes, associations à
caractère social ou professionnel, pour les mêmes raisons
discriminatoires. De plus, on interdira souvent l'entrée aux homosexuels
de certains lieux publics, à moins que tout simplement la porte leur
soit ouverte mais pour faire place, finalement, à un harcèlement
inconsidéré. Finalement, l'homosexuel, en demandant l'inclusion
des termes "orientation sexuelle" à l'article 11, afin d'éliminer
toute discrimination à son égard, ne manifeste que son
désir d'être reconnu comme un être humain à part
entière, afin de s'épanouird'abord personnellement et servir, en
tant que citoyen libre et productif.
Il ne reste plus qu'à réfléchir sérieusement
au fait que la discrimination entraîne la discrimination. Si l'homosexuel
en est victime, il ne faut plus se surprendre que celui-là même
l'engendre envers ceux qui lui sont préjudiciables. Nous invitons donc
la commission à voir que cette charte a annihilé toute source
possible de discrimination.
Sinon ce serait nier le principe de la justice, la plus
élémentaire. Par l'inclusion des "termes orientation sexuelle",
vous saunez assurer la justice fondamentale à laquelle a droit tout
homosexuel comme tout hétérosexuel. Consciente de
l'intégrité du ministre de la Justice et des membres de la
commission, je vous remercie au nom du CHAL, au nom du service d'entraide de
Québec et en mon nom personnel. Merci.
M. Doré (Luc): C'est le temps de ma conclusion, enfin. Le
ministre de la Justice a fait un petit discours intéressant à un
moment donné au Canadian Jewish Congress. Le discours est en anglais.
Ce-
pendant, c'est cité dans le mémoire du CHAL à la
page 2. Je ne lirai pas l'anglais parce que, mardi, après l'intervention
du Provincial Association of Protestant Teachers, le ministre a
déjà montré qu'il savait encore parler anglais, de sorte
que je vais faire une traduction libre et relater le sens de la
législation, tel que vous l'avez décrit quand vous avez
parlé au Jewish Congress. Entre parenthèses, je n'ai pas de texte
non plus, j'en aurai un demain matin, à partir du journal des
Débats.
Quand vous êtes allé au Canadian Jewish Congress, le 31
mars dernier, vous avez dit, à un moment donné, que le sens de la
législation des droits humains était de protéger les choix
des individus et non imposer aux individus les choix de la majorité.
Vous avez bien dit ça, n'est-ce pas, en anglais par exemple? Ce que vous
avez précisé aussi, c'est que ce que vous vouliez dire, c'est que
le développement des principes de droits humains a été de
donner une défense adéquate à l'individu, contre le
gouvernement, contre la majorité et contre les manifestations
discriminatoires de la majorité par rapport à des choix
individuels un petit peu marginaux.
Dans les faits, ce que ça veut dire, selon moi, le sens de la
législation des droits et libertés humaines, c'est que ça
garantit un traitement égal des libertés fondamentales pour tous.
Et quand vous dites tous, à ce qu'il me semble, c'est que vous devez
penser tous, mais, tel que l'article 11 est rédigé, c'est un peu
restrictif, c'est que, dans les faits, vous garantissez pour les
minorités que vous avez énumérées un traitement
égal et juste en matière de travail, de logement, de
santé, de droits économiques et sociaux, tout cela. Mais, vu que
vous n'avez pas indiqué l'homosexualité à l'article 11,
nous ne nous considérons pas comme suffisamment protégés,
surtout que l'article 11, tel qu'il est rédigé, est
restrictif.
Ce qu'on est en train de demander, ce n'est pas quelque chose qui va
changer le statut de l'homosexualité dans la société
d'aujourd'hui. Ce qu'on demande, ce n'est pas que vous légalisiez
ça, vous, vous le savez, vous avez rédigé le projet, mais
pour l'ensemble des membres de la commission, ce qu'on est en train de
demander, ce n'est pas qu'il y ait un changement qui soit fait au statut de
l'homosexualité, ce n'est pas que des comportements qui sont maintenant
considérés comme criminels soient décriminalisés.
De toute façon, je pense que ça ne relève pas de votre
juridiction.
Ce qu'on demande, c'est q ue vous garantissiez, par le projet de loi no
50, la jouissance de droits et de libertés à n'importe qui, dont
nous, à n'importe qui qui, par ailleurs, ne commet rien de
répréhensible au sens du code criminel, de sorte que, pour moi,
si vous votez en faveur de l'incorporation des termes "orientation sexuelle" au
niveau de l'article 11, cela n'a rien à faire avec votre jugement
personnel, votre jugement moral sur l'homosexualité. Dans le sens
où le ministre le précise au Jewish Congress, c'est que des
individus font des choix qui leur sont propres, qui sont privés, et ces
choix, quand ils ne contreviennent pas aux dispositions du code criminel, ne
doivent pas empêcher ces individus de jouir de droits qui n'ont par
ailleurs rien à faire avec leur choix personnel comme, par exemple, le
travail, la jouissance d'un logement ou l'accessibilité aux services de
santé, cela n'a rien à faire avec l'homosexualité.
L'homosexualité, c'est quelque chose qui se passe au niveau de la
personne, d'habitude dans sa chambre à coucher ou quelque chose comme
ça ou dans celle des autres. A un moment donné, il faut varier le
décor. C'est quelque chose qui ne devrait normalement pas entrer en
conflit avec la jouissance de ces garanties.
N'importe qui, peu importe son jugement personnel moral vis-à-vis
de l'homosexualité, doit permettre à d'autres d'avoir des choix
personnels quand cela n'entrave pas ses libertés personnelles, de sorte
qu'à mon sens, cela devrait être possible, même pour le
député de Rouyn-Noranda, de voter en faveur ce qu'on est en train
de demander pour cet amendement. Il est assez bien placé pour
comprendre.
M. Samson: Vous allez être obligé de me flatter
longtemps.
M. Doré: Je pense que j'ai l'argument pour vous rejoindre.
Vous voyez, il y a de moins en moins de créditistes. Cela devient de
plus en plus marginal. Je pense que, même maintenant, il y a moins de
créditistes que d'homosexuels au Québec.
M. Samson: M. le Président, vous voyez les avantages
parfois d'être en minorité.
M. Doré: ...de sorte que, dans le même sens,
personne ne trouverait acceptable qu'on vous empêche de travailler, ou en
tout cas, de faire quelque chose qui ressemble au travail, qui est au moins sur
la liste de paye du gouvernement, de même que personne ne voudrait
empêcher cela, parce que vous êtes créditiste ou voudrait
vous mettre dehors de votre logement ou de vous empêcher de vous
prévaloir des services des hôpitaux; de la même
façon, vous devriez être sensible, à ce qui me semble, au
fait que, nous autres aussi, on a le droit à ces choses, que nous autres
aussi, quand l'homosexualité n'entre pas en conflit avec des choses de
ce type, on a le d roit à ces choses qui sont tout à fait
élémentaires.
Un autre point qui m'a touché d'assez près j'en ai
parlé vaguement tantôt c'est l'amendement qui a
été proposé par le Barreau, un amendement que je trouve
ultra-séduisant, c'est l'ajout de "notamment" avant
rénumération des diverses minorités qui sont
protégées contre la discrimination à l'article 11. Comme
le Barreau vous l'a indiqué hier, c'est qu'on ne peut pas prévoir
tous les cas de discrimination. Quant à moi, faire une liste exhaustive
de tous les cas de discriminations, cela prendrait un bon 18 pages. Avec
l'inflation, l'anarchie, comme on en a parlé hier lors de la
présenta-tiondu mémoire de la Fédération des
journalistes, je pense qu'il faut sauver un peu sur le papier, de sorte que
"notamment" fait assez notre affaire.
Il y a une petite anecdote dont j'aimerais vous
parler. Vous avez entendu parler de Watergate probablement, je sais que
le député de Maisonneuve y a fait allusion à quelques
reprises en Chambre. Depuis Watergate, aux Etats-Unis, les hommes politiques
sont perçus encore plus négativement que les homosexuels. Quant
à nous, cela fait notre affaire, enfin la réalité est
rétablie. Il y a une tendance qui va dans ce sens, entre autre chose,
les hommes politiques, y compris les ministres sont perçus de plus en
plus négativement dans le public. L'adjonction ou l'addition de
"notamment" à l'article 11, il me semble, vous protégerait dans
le sens que vous ne seriez pas obligés, d'ici quelques mois ou un an ou
quelque chose comme cela, de voter un amendement pour vous protéger
contre la discrimination au niveau de l'article 11. C'est un exemple de
discrimination qu'on sent qui approche, mais qui n'est pas encore
prévue. Comme le barreau l'a indiqué hier, la discrimination ou
les sujets de discrimination qu'une société se donne,
évolue avec le temps et quasiment tous les jours, de sorte que cela
pourrait probablement vous éviter une situation pénible comme
celle que vous avez connue récemment. Vous vous êtes votés
vous-mêmes une augmentation de salaire. Là, vous votez une clause
antidiscrimination. Cela deviendrait peut-être un peu embarassant dans la
même année ou quelque chose comme cela. L'addition de "notamment"
pourrait vous protéger, en plus des autres minorités qui sont
appelées à être discriminées.
Au niveau des autres dispositions du projet de loi no 50, qui, quant
à nous, nous ont extrêmement plu, comme d'autres groupes l'ont
indiqué avant nous autres, par rapport à la déclaration
je pense qu'elle porte allègrement son nom canadienne des
droits de l'homme, il y a un aspect qui nous plaît beaucoup dans cette
loi, c'est qu'il y a une possibilité de l'appliquer. Elle est
opérationnalisée au niveau des sanctions et au niveau du
redressement des préjudices qui pourraient être infligés
par cause de discrimination.
Il y a quelque chose qui nous chicote nous autres aussi
là-dessus on ne vous fera pas de laius, vous en avez entendu plusieurs
c'est à propos de la primauté de la loi à l'article
45. Quant à nous autres, cette loi devrait avoir priorité sur les
autres. On pense même que, dans une période peut-être de
cinq ans le Parlement, cela ne travaille pas vite il y aurait
même moyen de réviser les lois qui sont en contradiction avec la
Loi sur les droits et libertés de la personne.
Quant à nous, on n'est pas spécialement d'accord sur ce
que d'autres groupes ont demandé, c'est-à-dire la majorité
aux deux tiers, quant à l'amendement de certaines dispositions de la
loi, parce qu'il y a des choses qu'on ne peut pas prévoir, compte tenu
de la vitesse de l'évolution d'une société. Il me semble
que les deux tiers avec l'espoir que le prochain Parlement ne sera pas
aussi majoritaire, je sais que là, cela ne vous poserait pas de
problème je trouve cela un peu sclérosant. Comme on le
sait, la constitution des Etats-Unis date de 1784, et le processus d'amendement
est tellement compliqué que les Américains je parle par
osmose à propos de celui avec qui je suis sont pris avec une
charte qui est maintenant tout à fait désuète,
c'est-à-dire que ce qui est avant-gardiste aujourd'hui, dans 150 ans ou
quelque chose comme cela ce sera rendu bigot. C'est le problème des
Etats-Unis. Le processus de changement est tellement compliqué qu'ils
sont pris avec cette espèce de carcan qui, comme Claude-Jean Devirieux
le disait hier, les obligent à faire des miracles d'acrobatie
d'interprétation pour continuer à se maintenir en paix.
Quant au projet de loi no 50, j'ai à peu près fini, je
vais être prêt bientôt à répondre à vos
questions, mais vu qu'on a la chance de passer ce coup-ci, je voudrais attirer
votre attention sur quelque chose qui n'est pas pertinent à cette loi.
Vous avez un office de révision du code civil qui est en train
d'examiner diverses dispositions dont la disposition du mariage. Cet office
ce que j'ai entendu par mes connections "underground" a
été au-devant des coups dans le sens qu'il a déjà
prévu le cas des couples hétérosexuels non formels, en
termes populaires, des gars et des filles qui sont accotés ensemble.
Qu'arrive-t-il quand on a vécu ensemble pendant dix ans, sans la
sanction d'un mariage civil ou d'un mariage religieux, qu'on a acquis des biens
considérables ensemble, et qu'à un moment donné on se
laisse? Qu'arrive-t-il? Il semble que la tendance du comité de
révision du code civil soit dans le sens d'offrir à ces gens la
même protection qui est offerte aux femmes ou à l'autre membre
d'un couple formel qui a participé, lui aussi, à l'acquisition
des biens communs, comme dans le cas Mur-dock dont il a été
question, hier. Peut-être qu'il serait bon d'aller un peu plus au-devant
des coups et de rédiger les articles de façon que cela n'exclue
pas les autres couples marginaux, autrement dit, que cela ne nous exclue pas,
nous, quand on est pris dans une situation parallèle. Avec ce que j'ai
entendu, avec les précisions qui sont données au niveau des
enfants, les précisions qui sont données au niveau des genres
dans la rédaction des principes du code civil révisé, il y
a des chances que cela nous exclue.
Peut-être que vous pourriez faire quelque chose pour éviter
que l'on revienne se présenter, la prochaine fois, avec un amendement.
C'est tout ce que j'ai à dire. Est-ce qu'il y a des questions?
Le Président (M. Cornellier): Merci bien, M.
Doré.
Le ministre de la Justice.
M. Choquette: Je remercie les trois associations qui se sont
présentées devant nous, ce matin, pour nous exprimer leur point
de vue et faire état des problèmes qu'ils subissent, par suite de
discrimination à différents échelons et dans
différentes activités.
Vous avez fait allusion, tout à l'heure, et vous l'avez
approuvée, à la position du Barreau, relativement à
l'introduction du mot "notamment" à l'article 11. Je dois vous dire que,
à mon sens, ce n'était pas ce qu'il y avait de plus fort dans le
mémoire du Barreau, parce que l'on ne peut pas exclure toutes les formes
de discrimination. Tenter de le faire serait ramener tous les individus
à un niveau d'égalité mathématique, chose qui n'est
pas réaliste. Je vais
vous donner un exemple. Si, dans certains des articles, par exemple, il
est interdit de discriminer à l'occasion de la conclusion d'un bail ou
d'un autre acte juridique, un propriétaire qui loue un logement a le
droit de s'assurer que le locataire représente une solvabilité
suffisante pour payer le montant du loyer.
Si on introduisait à l'article 11 le mot "notamment", cela
voudrait dire qu'un propriétaire ne pourrait même pas exercer un
choix relativement à un locataire qui se présente pour louer un
logement. Je ne crois pas que le législateur, le Parlement, puisse aller
aussi loin que dénier aux personnes qui signent des contrats une
certaine liberté de choix.
Par conséquent, quand nous excluons la discrimination pour
certains motifs particuliers, c'est parce qu'il a été
démontré que socialement cette discrimination est faite d'une
façon négative. Elle a des effets négatifs. C'est la
raison pour laquelle on ne pourrait pas introduire une clause
générale de non-discrimination. Il y a quand même des
discriminations qui sont légitimes, je viens de vous en donner un cas,
par exemple, la solvabilité du cocontrac-tant à l'occasion de la
signature d'un acte juridique, et je vous ai donné le cas d'un bail en
particulier. Ce n'est pas vraiment possible d'introduire ce mot
"notamment".
D'autre part, vous soulevez votre situation personnelle. Je crois que
les membres de la commission ne vous le reprocheraient en aucune façon.
Evidemment, les décisions que nous prendrons sur cela vont
mériter d'être pesées. Il s'agirait sans doute d'une
innovation législative importante pour le Parlement actuel en regard de
toute la législation passée. Mais cela n'est pas exclu. C'est ce
que je veux vous dire. Vous introduisez parmi les facteurs de
non-discrimination celui de l'orientation sexuelle, alors nous allons
réfléchir aux arguments et au pour et au contre d'un tel
amendement.
M. Doré: Je ne suis pas spécialement d'accord avec
vous quant à l'objection que vous posez à l'addition du mot
"notamment ' à l'article 11. Je pense que vous pourriez rédiger
quelque chose. Même il me semble que cela fait partie du bon sens commun
que de refuser un bail à quelqu'un qui n'est pas solvable; ce n'est pas
une discrimination puisqu'il ne peut pas respecter les termes du contrat. Quand
quelqu'un ne peut pas respecter les termes d'un contrat, il me semble
évident que si le contrat n'est pas conclu ce n'est pas parce qu'il y a
discrimination, d'une part.
M. Choquette: On ne le sait pas.
M. Doré: D'autre part, à l'article 17, vous
pourriez faire un petit effort aussi en incluant peut-être un article
dans le sensdu bon sens. Vous dites: "Une distinction, exclusion ou
préférence fondée sur les aptitudes exigées pour un
emploi, ou justifiée par le caractère charitable,
philanthropique, religieux ou éducatif d'une association ou corporation
sans but lucratif ou qui est vouée exclusivement au bien-être d'un
groupe ethnique n'est pas réputée discriminatoire".
Peut-être pourriez-vous ajouter un autre petit article quelque
part, où vous prévoiriez ces cas de gros bon sens. Par exemple,
dans le cas d'un contrat où une des parties n'est pas capable de
respecter les termes du contrat, dans ce cas, la non-conclusion du contrat ne
représente pas un acte de discrimination. Ne pensez-vous pas?
M. Choquette: II y a ce cas, évidemment. On pourrait le
faire de cette façon, mais je vous signale qu'immédiatement avant
vous le groupe qui représentait les déficients mentaux a comparu
devant la commission parlementaire, et, justement, j'ai signalé à
ce groupe que là encore la déficience mentale, dans certaines
conditions, peut être une des raisons pour lesquelles on peut refuser de
contracter. C'est un autre groupe à l'égard duquel, qu'on le
veuille ou non, il y a une forme de traitement particulier sur le plan
juridique. C'est pour cela que j'hésite beaucoup à introduire un
mot comme "notamment", qui aurait une portée absolument
générale et qui pourrait, en fait, introduire
énormément de confusion dans les contrats qui peuvent être
signés.
Au moment où on se parle, on voit des différences de
solvabilité, on voit des différences de capacité sur le
plan mental, mais il peut y avoir une foule d'autres circonstances qui
justifient l'exercice d'une discrimination. Et là, j'emploie le mot
discrimination sans connotation péjorative.
Mais ceci ne veut pas dire et je tiens à vous l'affirmer
que nous n'examinerons pas votre suggestion d'introduire dans l'article
11 la mention que vous avez suggérée, de l'orientation
sexuelle.
Je note qu'à l'annexe 3, vous nous citez des cas où la
législation américaine a reconnu qu'il était
prohibé de discriminer en raison de ce facteur. Vous citez les Etats de
New York, le District of Columbia, l'Etat de Washington, j'ai l'impression, ou
la ville de Seattle, je ne le sais pas, la ville de San Francisco et la ville
de Détroit.
Est-ce que c'est une liste exhaustive des dispositions
américaines, relativement à l'emploi du mot "orientation
sexuelle"?
M. Bellemare (Roger): En fait, M. le ministre, il y a 16
municipalités ou 16 villes américaines de très grande
importance qui ont adopté des ordonnances à ce niveau-là,
prohibant la discrimination basée sur l'orientation sexuelle. Il y a
également, la ville de Toronto qui, en octobre 1973, a voté une
ordonnance et on y définit également l'orientation sexuelle.
M. Choquette: Je présume qu'il y a d'autres Etats
américains, en plus de ceux qui sont cités ici, à votre
liste, qui ont des dispositions semblables?
M. Bellemare (Roger): M. le ministre, il n'y a pas d'Etats
américains qui ont inclus cette notion-là. Il y a le
Massassuchetts...
M. Choquette: Ah!
M. Bellemare (Roger): ...l'Etat de New York et l'Etat du
Minnesota qui s'apprêtent à le faire.
M. Choquette: Ah! bon.
M. Bellemare (Roger): Je voudrais également attirer votre
attention sur le fait qu'il y a présentement un projet de loi devant le
Congrès américain, qui aété déposé il
y a huit jours parce que la lutte se fait également sur le plan
international HR-166 et il a été introduit par cinq
membres de la Chambre des représentants, deux de Californie, un de
Philadelphie et deux de New York. Un sondage a d'ailleurs
révélé, à New York, que 70% des gens favorisent
l'adoption de cette législation.
M. Choquette: Et dans les législations
antidiscriminatoires des provinces canadiennes, est-ce qu'il y a des
dispositions semblables? Est-ce que vous êtes au courant?
M. Bellemare (Roger): Comme vous le savez, M. le ministre, pour
avoir étudié vous-mêmes à fond les chartes des
droits de l'homme des autres provinces, il n'y a mention d'orientation sexuelle
dans aucune province canadienne.
M. Choquette: Je vous remercie.
M. Doré: Est-ce que je peux vous dire quelque chose
d'autre?
M. Choquette: Allez.
M. Doré: D'une part, à propos de ce que Bellemare
dit, au niveau de la législation de la Saskatchewan, il y a une
intention écrite du procureur général d'inclure les termes
"orientation sexuelle" au niveau de l'équivalent de la loi de cette
province sur les libertés et droits de la personne. Il y a cela.
D'autre part, toujours sur votre objection à "notamment", la
raison pour laquelle on avait demandé "orientation sexuelle", c'est
qu'on considérait que, pour nous, "notamment" n'était pas
suffisant, dans le sens que cela laissait la discrétion au juge ou
à la commission de décider, si, dans ce cas-là, il y avait
effectivement discrimination ou si ce n'était pas une distinction,
exclusion ou préférence justifiée. C'est le rôle des
juges, mais il me semble qu'il y a cette espèce de pondération,
dans le sens que, par exemple, refuser un emploi de "shipper" dans une
manufacture d'industrie lourde à une femme de 110 livres, personne se
considérerait cela comme une discrimination. C'est qu'elle n'a pas les
aptitudes exigées pour l'emploi, c'est une chose qui a du gros bon
sens.
M. Choquette: Oui, mais c'est la raison pour laquelle on
introduit cette disposition, également pour les associations
philanthropiques, religieuses ou charitables, parce que, dans ces groupes, il
peut être tout naturel de vouloir engager des gens qui participent
à ce genre de charité, de philanthropie, de religion ou
d'éducation. Il faut quand même admettre que là, la
discrimination, elle a sa place.
Le Président (M. Cornellier): L'honorable
député de Maisonneuve.
M. Burns: Sur le dernier point que le ministre de la Justice a
soulevé, relativement au fait que d'autres provinces n'incluent pas de
telles mesuresdans leur charte des droits de l'homme, j'ose avancer une
hypothèse, que ces chartes des droits de l'homme ont, pour la plupart,
été adoptées avant les amendements au code criminel qu'on
a appelés le bill Omnibus. Peut-être qu'à l'époque
où ces chartes des droits de l'homme étaient adoptées,
elles se seraient insérées à l'encontre d'une disposition
du code criminel, chose qui n'est plus vraie maintenant, depuis l'adoption du
bill. En tout cas, c'est une hypothèse que j'émets; on pourra
vérifier quand on examinera le projet article par article.
Je veux remercier MM. Doré et Bellemare et Mlle Goyette pour ces
mémoires, à mon avis, très bien étoffés,
bien appuyés de jurisprudence. En ce qui me concerne, je vous dis tout
de suite, sans aucunes ambages que je serai favorable à l'amendement que
vous suggérez. D'autre part, j'ai tendance à accepter
l'argumentation du ministre de la Justice relativement à ses
réticences à inclure le mot "notamment" à l'article 11. Je
préférerais que justement, un cas de discrimination qui existe,
l'homosexualité étant un fait, étant quelque chose qui
existe, étant reconnue, n'étant plus illégale lorsque
exercée dans le cadre du code criminel, il me semble que le seul fait
qu'on soit en mesure de démontrer qu'il y a de la discrimination
à l'endroit des homosexuels, le seul fait de reconnaître, comme la
Ligue des droits de l'homme le faisait il y a deux jours, que
l'homosexualité peut être considérée comme une des
minorités de notre société, personnellement, je suis
favorable à l'inclusion d'une formule qui s'appellerait l'orientation
sexuelle dans l'article 11. D'autre part, j'aimerais avoir une
précision, peut-être de la part de Mlle Goyette. Vous avez
référé, au cours de votre intervention, à de la
discrimination dans l'emploi et dans le logement, qui sont peut-être les
deux cas les plus évidents. Je pense qu'on peut facilement le concevoir.
Mais vous avez référé aussi à de la discrimination
dans le domaine des services. Est-ce qu'il y aurait moyen que vous nous
donniez, parmi les 360 cas dont vous avez eu connaissance au cours des mois de
janvier à juin 74, nous avez-vous dit, des exemples précis de
services, par exemple, qu'on refuserait à des gens, purement et
simplement, en fonction du fait que ce sont des homosexuels?
Mlle Goyette: Je vois tellement de cas qu'il faut faire une
hygiène mentale pour que ce soit quelque chose de bien précis. On
en a gardé ici. Voici: Le plaignant qui souffrait d'un ulcère
d'estomac se rendit, aux premières heures du matin, à la clinique
d'urgence d'un hôpital du centre-ville. Voyant qu'il portait une boucle
d'oreille, le médecin lui posa cette question: "Etes-vous homosexuel"?
Cela se passe à Montréal, entre autres, il vient ici à
Québec. L'individu lui répondit que ça ne changerait rien
et que cela n'avait rien à voir avec l'objet de sa visite. Le
médecin sortit alors pour une autre pièce et revint. Il posa
alors la même question: "Etes-vous homosexuel"? Oui, répondit le
patient. "Je n'aime pas beaucoup les homosexuels", rétorqua le
médecin. L'individu fit savoir au médecin qu'il se devait de le
soigner. Ce dernier sortit et une infirmière lui
donna alors les premiers soins. Et c'est l'infirmière qui lui a
donné les médicaments. Il n'a pas revu le médecin.
M. Doré: Entre parenthèses, cela est dans le
mémoire 6M qui est signé par Roger Bellemare. C'est dans les
annexes. Le cas 6.
Mlle Goyette:Les plaignantes se sont vues refuser des services de
santé dans un des plus gros hôpitaux de la ville. Il s'agit, en
l'occurrence, d'un couple de femmes lesbiennes qui voulaient obtenir une
consultation au département de psychiatrie de l'hôpital. Elle se
présentèrent à l'enregistrement et firent savoir en toute
franchise ce dont elles avaient besoin. On leur fit savoir que l'hôpital
ne leur fournirait pas les services qu'elles réclamaient parce que, en
tant que lesbiennes, elles n'avaient pas droit à une consultation.
Plusieurs responsables réitérèrent le même refus.
Plusieurs autres ont eu le même problème.
Je vais vous dire. Les premiers mois où j'ai commencé
à avoir certaines plaintes, tant du côté médical que
du côté de l'emploi et ces choses-là, je me suis
entourée d'un groupe de personnes que j'ai rencontrées,
médecins, de toutes les spécialités, de certains
hôpitaux, de cliniques privées et j'ai une collaboration
entière de ces médecins, des spécialistes qui ne sont pas
des homosexuels et d'autres qui peuvent l'être aussi.
Nous ne voulons pas avoir un médecin homosexuel pour soigner des
homosexuels. Ce n'est absolument pas cela. Mais quand même, j'ai des
spécialistes homosexuels, parce que j'ai certaines personnes qui sont
plus à l'aise avec un homosexuel. Exemple: Quelqu'un qui a des
problèmes médicaux dans une relation sexuelle où il a eu
des petits accrochages au point de vue des gars, il va être
gêné d'aller parler de leurs problèmes avec le
médecin hétérosexuel.
Mais j'en ai de ces bonshommes qui ne sont pas homosexuels, et j'en ai
d'autres qui sont homosexuels chez qui on peut aller et on est très bien
reçu et ce n'est pas de la façade. J'ai des psychologues qui sont
très bien. J'ai des psychiatres des deux catégories, qui sont
très bien. Moi, ici, je suis chanceuse. J'ai une collaboration
très étroite.
Du côté des emplois, c'est beaucoup plus
sévère. Autrefois, je travaillais comme bénévole.
D'ailleurs, je suis encore bénévole, mais à temps plein,
à partir de janvier. J'attends les réponses d'un peu partout. Si
je ne suis pas rémunérée, je serai une assistée
sociale, mais enfin, il reste une chose, c'est qu'étant donné que
je suis responsable d'un service d'entraide pour homophiles, quelqu'un se rend
quelque part: Je suis référé par Mlle Goyette. Ah! Service
d'entraide pour homophiles! Je commence à être connue. C'est bien
malcommode, mais, en tout cas, que voulez-vous que j'y fasse? Il faut qu'il y
en ait qui s'impliquent en quelque part.
M. Doré: J'aimerais que cela m'arrive, moi.
Mlle Goyette: Ce qui arrive, c'est que certains employeurs ont peur du
gars ou de la fille homo- phile. Je pense que, chez nos homophiles, tant hommes
que femmes, il y en a qui ont de gros problèmes, mais ils n'ont pas tous
des problèmes. Ecoutez! Je pense qu'il y a des gens qui sont bien
corrects. Mais savez-vous ce qui fait le problème de ces personnes, tant
les professionnels de toutes catégories? Ce que je vous dis là,
ce n'est pas du chantage. Si j'avais le droit, aujourd'hui, de mettre des noms,
je le ferais donc! Aujourd'hui, la salle aurait pu être bondée de
gens de Québec, mais je n'en ai pas un seul, si je ne me trompe,
à moins qu'il soit arrivé après, pas un. C'est incroyable.
Je n'ai pas une personne de Québec. Pourquoi ont-ils tous peur? Ils ont
tous peur. Personne n'était capable de venir aujourd'hui. C'est
incroyable. Ils ne se sentaient pas capables. Je rencontre, ici, dans
l'édifice, à l'extérieur et autour dans les restaurants,
des personnes qui, en dehors, si je les rencontre à leurs bureaux, dans
leur affaire, vont me direbonjour, vont me parler. A part de cela, ces gens
doivent passer comme cela à côté de moi, parce qu'ils sont
homosexuels et ils ont peur que s'ils sont en conversation avec moi, ils vont
se dire: Ma "job", mon patron, et toutes mes affaires! Ce n'est pas
ordinaire!
Vous savez, moi, quand je vois ces gens bien équilibrés,
bien corrects, leur souffrance a été que, dans la famille quand
les parents disent: La tapette, la lesbienne, la ci, la ça, ils ont bien
des noms, déjà, cela traumatise la personne. Ils arrivent dans le
milieu social, cela se continue, et cela se suit toujours. Moi, j'ai
reçu des gens bien équilibrés je me
répète des professionnels, de bons ouvriers, de bonnes
ménagères, de femmes mariées qui se sont mariées
pour sauver la face, des gars mariés qui se sont mariés pour
sauver la face, parce que le bon curé lui disait: Ecoute, marie-toi,
cela va changer. Là, on est pris avec des familles de deux, trois
enfants, ils n'en ont pas trop. J'en ai un qui a neuf enfants. Celui qui a neuf
enfants, c'est un homme qui a des professionnels de différentes
catégories chez sesenfants. Maiscequ'il peut avoir souffert! Je vais
vous donner l'exemple de ce gars. Moi, en tout cas, cela me... Ce bonhomme,
à la fête des mères, l'année passée, a
reçu toute sa famille, il est sorti avec son épouse. Le midi,
c'était le dîner à la maison le soir, c'était le
souper à l'extérieur, et on revenait à la maison. On se
séparait, parce qu'ils avaient déjà passé la
journée ensemble. Le gars me téléphone à une heure
moins quart. Il dit: Denise, il me raconte toute sa journée, comment
tous avaient eu du plaisir. Les enfants étaient fins, tout le monde a
fait de la musique, en tout cas, c'est très bien, une famille
très unie. Mais te dire, Denise, ce que, moi, je peux souffrir, comment
je me suis senti seul aujourd'hui, avec tout cela, parce que, que veux-tu, sa
femme, c'est froid. Il lui donne tout. Ils ont une maison. Ils ont tout, ils
ont de l'argent, ils ont tout. Cet homme est un industriel. Ils ont tout, mais
lui n'a pas l'amour. Que voulez-vous? C'est un homosexuel. C'est très
difficile pour vous, qui n'avez peut-être pas vécu, parce qu'on
est homosexuel ou on ne l'est pas. Moi, je suis une homosexuelle. Je n'ai pas
à le dire, mais je vous le dis. Je me dévoile depuis trois ans,
à peine trois ans, parce que j'ai toujours vécu... J'ai des gens,
ici, dans la salle, qui me connaissent depuis
des années. Qu'est-ce que cela change, aujourd'hui, que je sois
homosexuelle ou que je sois hétérosexuelle? Pourquoi suis-je
arrivée au service d'entraide? C'est que j'ai mis sur pied, avec un
équipe de quatre autres personnes nous étions cinq
le service d'écoute Tel-Aide Québec, subventionné par la
Plume rouge, qui fait partie d'Action 24 aujourd'hui. C'est quand je me suis
mise à l'écoute des personnes et que j'avais de ces bon-hommes,
surtout les hommes, c'est beaucoup plus difficile pour l'homme de vivre son
homosexualité que pour la fille. C'est très différent. Des
filles qui dansent ensemble, qui vivent dans le même appartement ne sont
pas toutes des homosexuelles. Mais combien le sont, mais qui ne le disent pas?
Le pire, c'est que chez nos responsables d'industries, d'hôpitaux, de
services bien spécialisés, combien sont des femmes homosexuelles?
Cela ne paraît pas, elles ne le disent pas et font bien attention, mais
ce sont nos gens les plus engagés, les plus disponibles.
C'est incroyable. En tout cas, plus j'avance dans cela, je trouve cela
formidable, c'est de voir... Cela sera plus formidable quand les gens pourront
s'identifier, pourront dire qui ils sont. Je me suis engagée. Cela n'est
pas facile, laissez-moi vous dire que ce n'est pas facile. J'ai eu la chance de
vivre dans un milieu familial où on comprend, où on a eu des
parents bien particuliers. C'est bien particulier, en tout cas. Au point de vue
social, c'est la même chose. J'ai été peut-être
gâtée. C'est pour cela qu'à Aéro Service, Tel-Aide,
quand j'ai reçu autant d'appels de bonshommes très bien qui me
disaient.un, entre autres: "Qu'est-ce que tu veux, je suis tout seul ce soir",
qui parlaient de toute leur solitude, je me suis dit: Je n'ai plus le droit de
faire le silence et de me cacher.
J'ai demandé au conseil qui était avec moi, des gens
engagés, des professionnels je ne suis pas professionnelle
j'ai dit: Qui voudrait faire quelque chose pour les homosexuels à
Québec? Il faut absolument qu'on fasse quelque chose. Une a
répondu: Je ne peux pas parce que cela va engager, on va me faire passer
pour cela; le garçon, la même chose, en tout cas, et le reste. Le
religieux qui était avec nous, la même affaire. J'ai
décidé de rencontrer des homosexuels. J'ai dit à deux
personnes, deux filles que j'avais rencontrées dans des entrevues, parce
que j'avais affaire à cela, je les ai fait venir et je leur ai dit:
Est-ce que je peux vous recevoir? Elles ont dit: Pourquoi? J'ai dit: Au
téléphone, je ne voudrais pas vous parler de cela, mais venez me
voir. Elles sont venues me voir le matin à 10 h 30, je leur avais
donné rendez-vous pour 13 heures. A 10 h 30, elles sont venues et elles
sont parties à 11 heures le soir, parce que, dans la journée,
j'avais été dérangée dans l'appartement chez moi.
Il y avait une vieille grand-mère de 80 ans qui était mourante et
que personne ne voulait faire hospitaliser. J'ai appelé un
médecin de Québec qui n'est spécialiste dans rien, mais
qui fait tout, et qui m'a dit: Amène-la-moi tout de suite à tel
hôpital et on va s'en occuper. Alors, j'ai transporté ma vieille
et le reste.
C'est pour cela que cela a retardé notre entrevue avec nos deux
filles. Alors, les filles m'ont dit:
Qu'est-ce qui t'a fait dire que je pouvais être homosexuelle? J'ai
dit: Ton comportement, je pense, tu semblais énormément
protéger l'autre, il y avait quelque chose de spécial. Mais je ne
savais pas si elles l'étaient. Quand elles m'ont répondu:
Qu'est-ce qui t'a fait dire qu'on pouvait être homosexuelles?, j'ai dit:
Merci, mon Dieu, parce que là, j'ai deux filles qui vont m'aider. Ces
deux filles m'ont aidée. Elles ont dit: Maintenant, es-tu capable
d'aller n'importe où, où on va vouloir t'amener? J'ai dit: Cela
dépend, où est-ce que vous voulez m'amener? Elles ontdit: Dans
les bars. C'est dans les bars, j'y ai passé six mois. Je ne suis pas une
fille de club, ce n'est pas mon genre, mais j'y suis allée pendant six
mois, deux à trois soirs par semaine. Je sortais de là avec une
laryngite. Là, on me mettait dans un petit coin. Qui est-ce que j'avais
autour de moi? Des gars et des filles qui parlaient, qui avaient une attitude
tout à fait spéciale au bar. Ils avaient pris un peu de drogue,
ils avaient pris un peu de boisson, ils étaient désabusés.
Le soir, je me tenais deux heures à deux heures et demie à la
porte pour voir sortir ces gens désabusés, tannés,
écoeurés. J'ai pris quelques-unes de ces personnes. Sur cela, on
avait des gens qui étaient un peu, au point de vue psychologique... J'ai
essayé de prendre les mieux du groupe, j'avais des infirmières,
j'avais des aides-malades, j'avais des filles de bureau et le reste, des gars
mariés, enfin, toutes les sortes. Alors, j'ai essayé de me
joindre à ces personnes et j'ai essayé de faire quelque chose
avec elles et de leur demander qu'est-ce qu'il fallait faire. J'ai
été empathique à leur affaire, je les ai
écoutées. Aujourd'hui, on a un service d'entraide à
Québec. C'est moi qui sais ce que je vis.
Mon prochain projet, c'est de faire quelque chose pour nos prêtres
homosexuels, religieux, c'est encore une autre souffrance terrible. Si vous en
connaissez, référez-les-moi, qu'on m'appelle sans se nommer. On
leur dira ce qu'on fait et on veut travailler. Je veux aller auprès de
ces marginaux. Je m'excuse, mais j'aurais tellement de choses à vous
dire. J'ai l'impression, je sens je ne sais pas si je me trompe
mais je sens vraiment une écoute de votre part. Je sens une empathie qui
est vraiment forte. Je comprends et je dis encore que ceux qui sont
hétérosexuels, c'est difficile pour vous autres de comprendre ce
groupe de personnes. Je ne vous en veux pas. C'est bien normal, on ne peut pas
comprendre quelque chose qu'on ne connaît pas et où il y a
tellement eu de tabous.
M. Burns: Merci, Mlle Goyette. Mlle Goyette: Je m'excuse.
M. Doré: Je sais que vous êtes empathique, mais,
quand Mlle Goyette dit qu'elle se dévoile depuis trois ans, comprenez-la
au sens du strip-tease mental.
M. Burns: D'accord.
Le Président (M. Cornellier): Le député de
Mille-Iles.
M. Lachance: M. Doré, pour les fins du journal
des Débats, dans l'expression "orientation sexuelle" ou
"homosexualité", vous excluez, vous ne pensez pas à ceux qui
souffrent de pédérastie ou de pédophilie?
M. Doré: C'est une question à laquelle je
m'attendais. Je vous remercie de la poser. Comme je l'ai indiqué
tantôt, ce qu'on demande, c'est que nos droits humains soient reconnus.
Ce qu'on demande, ce n'est pas que les dispositions du code criminel soient
modifiées. On le demandera peut-être à une autre instance,
mais ce qu'on demande, c'est cela. Présentement, la
pédérastie est considérée comme une offense
criminelle, d'une part, au sens du bill omnibus et, d'autre part, au sens de la
Loi de la protection de l'enfance.
Ce que nous demandons n'inclut pas la pédérastie dans le
sens où quelqu'un commet un acte criminel, s'il est poursuivi, nous ne
considérons pas cela comme une discrimination. Mais ce que nous
considérons, c'est qu'un pédéraste, est
pédéraste comme vous, vous êtes hétérosexuels
et vous ne violez pas de femme. Supposons que la société soit
généralement homosexuelle. Ce que je demande, c'est
l'équivalent, dans le contexte que j'ai expliqué. Si vous
étiez un hétérosexuel, vous auriez le droit de jouir de
toutes les libertés de la personne jusqu'au moment où vous ne
violez pas de femme. Dans le même sens, quelqu'un peut être
pédéraste, dans son identité, et s'il ne le pratique pas,
il n'a pas le droit de se voir refuser les droits fondamentaux.
Je sais à quoi vous faites allusion, vous parlez du milieu de
l'enseignement et des choses comme ça. Vous vous demandez à
propos de...
M. Lachance: Les camps de vacances. Aujourd'hui, comme vous le
savez, il n'y a aucune loi, aucun règlement, aucun arrêté
en conseil qui existe; un homosexuel ou un malade pédéraste peut
ouvrir une base de plein air pour enfants et il n'y a aucune loi qui peut l'en
empêcher.
M. Doré: Je pense que c'est une excellente question. Il y
a autant de danger à ce qu'un pédéraste ouvre un camp de
vacances qu'à ce qu'une femme hétérosexuelle parte une
colonie de vacances pour garçons, c'est-à-dire que vous
considérez cela comme une maladie, quant à moi, ce n'est pas
exactement mon sens, je suis un praticien de santé mentale. Ce que je
veux dire, c'est que c'est un mythe souvent véhiculé dans la
société, dans les journaux, et je vais vous donner des chiffres,
j'en ai quelques-uns pour le député de Rouyn-Noranda aussi, parce
qu'il n'a pas encore l'air convaincu.
Mlle Goyette:Ce sont des déviations, il faut que les gens le
sachent.
M. Doré: Je ne suis pas d'accord là-dessus. M.
Samson: Votre recrutement a l'air difficile.
M. Doré: Au niveau de la pédérastie et au
niveau de l'homosexualité, en général, il y a le
même type de contrôle personnel que le gars exerce sur lui-
même que vous, vous exercez sur votre comportement sexuel
hétérosexuel. Vous ne sautez pas sur la première femme
venue, même sur la première femme venue qui est de votre
goût. Vous vous retenez un peu et vous le faites dans une chambre,
quelque chose comme ça, vous vous assurez, d'habitude, que ça la
tente, des choses de ce genre. C'est la même chose au niveau de
l'homosexualité, nous avons des critères de sélection,
nous autres aussi. Je ne pourrais coucher avec les membres de cette
commission-ci, il n'y a personne qui me plaît. Il y a des
contrôles, de la même manière que l'exemple que je vous
donnais, qu'une femme hétérosexuelle qui travaille dans une
école, qui est professeur, est un danger aussi considérable pour
les enfants qu'un homosexuel. Dans les faits, ce qui se produit, c'est que les
homosexuels se retiennent autant que les maîtresses d'écoles.
Nous sommes à peu près du même âge, mais vous
avez quelques mois de plus que moi, alors, vous devez...
M. Lachance: De moins.
M. Doré: De moins, je m'excuse, ce sont des défauts
de perception. Vous devez vous rappeler que vos parents ont dû vous dire,
il y a à peu près 40 ans, qu'une femme mariée ne pouvait
pas enseigner dans une école parce qu'elle représentait un danger
pour la moralité, du fait qu'elle était mariée et que le
mariage faisait appel au seul mode de vie sexuelle qui était admis dans
le temps. C'était un danger pour les enfants. Il n'y a plus personne,
aujourd'hui, qui admettrait cela.
Pour l'homosexualité, le problème se pose exactement dans
les mêmes termes, le problème est encore le même.
M. Lachance: En somme, la pédérastie et la
pédophilie, vous admettez que c'est immoral à toute forme
d'homosexualité.
M. Doré: Je ne vous répondrai pas là-dessus.
Quant à moi, c'est la même chose qu'au niveau de
l'homosexualité, c'est une question de jugement moral. Je vais vous
donner quelques chiffres, par exemple, là-dessus. D'une part, en
proportion, vous savez qu'il y a moins d'homosexuels que
d'hétérosexuels, mais il y a un pourcentage plus faible, en
proportion, d'homosexuels qui violent des petits gars que
d'hétérosexuels qui violent des petites filles. Ce sont des
chiffres absolus que je vous donne. Deuxièmement, il y a plein de mythes
qui circulent sur les enfants. Cela, c'est mon domaine de recherche. Il y a une
étude extensive qui a été faite à
l'université de Californie de tous les cas de viols d'enfants qui ont
été rapportés, une étude auprès des
enfants.
Ce qui a été démontré dans cela c'est que,
d'une part, il arrivait plus souvent qu'un enfant séduisait un adulte
que l'inverse. D'autre part, qu'il y avait moins de cas de relations
homosexuelles avec des enfants que de relations hétérosexuelles
avec des enfants.
Troisièmement et c'est assez impor-
tant parmi tous les enfants qui sont réputés avoir
été violés, il n'y en a que 4% qui ont trouvé
l'expérience désagréable, de sorte que, à un moment
donné, il faut se poser des questions là-dessus.
Quant à moi, je ne porte pas de jugement, je ne fais que
constater des faits. Quant à moi, la pédérastie, comme
l'homosexualité, ou comme n'importe quel autre type de pratiques... Vous
savez qu'il y a vingt ans, dans les principes de l'Eglise, la seule position
sexuelle acceptable était la position du missionnaire et seulement quand
il fallait faire des enfants, c'est un jugement moral, aujourd'hui, il n'y a
plus beaucoup de gens qui acceptent cette affaire-là. Vous vous imaginez
le "fun" que nos grands-parents ont perdu!
C'est un jugement essentiellement moral. C'est quelque chose qui tient
de l'individu. Vous pouvez avoir votre opinion. C'est une question d'opinion.
Cela ne se tranche pas en termes scientifiques. Là-dessus, je ne me
prononce pas, mais je vous dis que si vous considérez la
pédérastie ou même l'homosexualité comme des choses
immorales...
M. Lachance: Je vous demandais votre opinion concernant la
pédérastie.
M. Doré: Je ne vous la donnerai pas.
M. Lachance: C'est certain, vous ne m'avez pas
répondu.
M. Doré: Je vous donne seulement les faits. Mais comme je
vous dis, ce que nous sommes en train de demander, ce n'est pas que vous
reconnaissiez aux pédérastes le droit de coucher avec des petits
enfants, c'est que vous reconnaissiez à n'importe qui, qui a un
comportement non criminel, la jouissance des droits civils
élémentaires.
M. Lachance: C'est dans cet esprit que je vous posais la
question, si vous reconnaissez cela.
M. Doré: II y a une autre chose que je voudrais donner,
qui est partiellement en réponse au député de Maisonneuve,
à la question de Mme Goyette. Je pourrais vous donner des exemples. Cela
touche directement ma pratique clinique. Je vais vous donner des chiffres, par
exemple, c'est plus éloquent.
J'ai fait une petite étude qui n'est valable, hélas, que
pour la population homosexuelle de Montréal. Si jamais le
ministère de la Justice a des fonds pour qu'on fasse une étude
à l'échelle du Québec, on saura les utiliser. C'est une
allusion discrète, en passant. Mais, au niveau de la population de
Montréal cela, même le député de
Rouyn-Noranda admettra que Montréal est probablement la ville la plus
libérale au niveau des moeurs sexuelles, au niveau de l'ensemble des
homosexuels...
M. Samson: Je savais qu'elle était libérale.
M. Doré: Mais comme le député de Maisonneuve
disait hier au ministre de la Justice, c'est libéral dans le bon
sens!
Par rapport à cela, vous savez que l'homosexua- lité
aussi, ce n'est pas écrit dans la face d'un gars. Peut-être que,
si je m'étais habillé comme vous, complet bleu marin, cravate
bleue un peu plus pâle, et chemise blanche, vous ne m'auriez pas reconnu.
On ne me reconnaît pas à l'université. Croiriez-vous cela?
Hélas, c'est le problème de ma vie!
M. Samson: Ce n'est pas croyable!
M. Doré: Je n'ai pas entendu ce que vous avez dit.
M. Samson: J'ai dit: Ce n'est pas croyable!
M. Doré: C'est le problème de ma vie! Malgré
les "kits" de cette discussion, c'est tout à fait inefficace. En tout
cas, toujours est-il que ce n'est pas comme le sexe ou la couleur, ou des
choses comme cela. Vous ne l'avez pas écrit dans la face, votre
homosexualité. Si vous vous promenez avec des choses qui sont un peu
inhabituelles comme si j'étais venu ici avec un complet rose en
chiffon, là, c'est recon-naissable, mais la majorité des
homosexuelles n'est pas repérable, je dirais dans à peu
près 80% des cas, ils auraient l'air aussi normaux que vous, à
condition qu'on considère que vous avez l'air normal. Dans ce sens, et
malgré cela...
M. Samson: J'aimerais mieux laisser les considérations
à la majorité.
M. Doré: On sait ce que la majorité en a
pensé déjà. Mais, toujours est-il que, malgré que
cela ne paraisse pas à l'oeil nu, il y a 68% de l'ensemble des
homosexuels qui ont déjà souffert de discrimination. Parmi les
homosexuels visibles, la pointe de l'iceberg, c'est 86%. Cela veut dire que la
discrimination est vraiment évidente. Il y a vraiment motif à
légiférer là-dessus, à condition, comme je vous le
suggérais tantôt, de dissocier le droit des autres à
certaines libertés et à certains droits fondamentaux de ses
conceptions morales à soi. Etes-vous convaincu?
M. Samson: Pas encore!
M. Doré: J'irai vous voir à votre bureau. Je ne
vous ferai pas de passes!
Le Président (M. Cornellier): A l'ordre!
M. Samson: Le député de Beauce-Nord acceptera
d'être témoin.
Le Président (M. Cornellier): Mlle Goyette, messieurs, la
commission vous remercie de la présentation que vous êtes venus
faire ce matin. La commission entendra encore cet après-midi trois
organismes, l'Association de paralysie cérébrale du
Québec, l'Association canadienne des compagnies d'assurance-vie et la
Chambre de commerce de la province de Québec.
M. Doré: Est-ce qu'on peut vous remercier, nous aussi? On
est content. Quant à moi, c'était ma
première expérience à la commission parlementaire
et j'ai aimé cela comme un fou. J'aimerais encore mieux cela, par
exemple, si je sentais que j'avais été écouté au
niveau de la Législature. Je suis sûr que toutes les tapettes du
Québec vont être contentes d'avoir eu l'attention que vous nous
avez portée ce matin.
Le Président (M. Cornellier): La commission suspend ses
travaux jusqu'à quinze heures.
(Suspension de la séance à 12 h 56)
Reprise de la séance à 15 h 15
M. Kennedy (président de la commission permanente de la
justice): A l'ordre, messieurs! La commission permanente de la justice
reprend ses audiences sur le projet de loi no 50, Loi sur les droits et
libertés de la personne.
Nous allons entendre l'Association de paralysie cérébrale
du Québec. Les représentants sont-ils ici?
Si vous voulez vous identifier, monsieur.
Association de paralysie cérébrale du
Québec
M. Gadreau (Rock): Je suis Rock Gadreau,
délégué de l'Association de paralysie
cérébrale du Québec, division Québec.
Le Président (M. Kennedy): Si vous voulez présenter
le résumé de votre mémoire.
M. Gadreau: Est-ce que je le lis en entier ou si...?
Le Président (M. Kennedy): II n'est pas très long,
vous pouvez le lire, si vous le voulez.
M. Gadreau: En réponse à la lettre de M. Jean
Drolet, attaché de presse du ministre de la Justice, en date du 2
décembre 1974, c'est avec plaisir que nous communiquons notre point de
vue à la commission parlementaire de la justice en vue de l'étude
du projet de loi no 50, instituant une charte québécoise des
droits et libertés de la personne.
Considérant que le gouvernement du Québec s'est
fixé comme objectif de reconnaître et de faire respecter les
droits et libertés de tout être humain pour "assurer sa protection
et son épanouissement", qu'il reconnaît aussi que "tous les hommes
sont égaux en valeur et en dignité", que nous osons croire que le
gouvernement du Québec, de même que la société
québécoise dans son ensemble, reconnaît que les
handicapés physiques sont des personnes au même titre que
n'importe qui et qu'aucune disposition de la loi ne vient garantir que les
principes établis dans le préambule de la loi seront
respectés dans le cas des handicapés physiques, nous avons cru
qu'il était de notre devoir d'intervenir dans l'étude de ce
projet de loi.
Il découle nécessairement des principes établis par
la loi qu'on doive accepter le handicapé physique dans la
société, au même titre que tous les autres citoyens.
Pource, il ne s'agit pas simplement d'affirmer qu'on l'accepte.
Reconnaître le handicapé physique comme un citoyen à part
entière, c'est, avant tout, le prendre tel qu'il est, l'accepter au sein
de la société, plutôt que de le garder sur le bord de la
porte, toujours à la merci d'une comparaison dont il est et sera
toujours le perdant. Tout cela implique qu'on lui accorde des chances
égales ici, chances égales, n'est absolument pas synonyme
de chances identiques c'est-à-dire qu'on lui accorde les outils
nécessaires à son épanouissement que lui refuse une
société qui s'est conten-
tée d'établir les règles du jeu pour la
majorité, en excluant ceux que la nature a désavantagés
par le nombre.
Pour lui accorder des chances égales, il faut qu'on lui accorde
les moyens particuliers dont il a besoin lui, pour réaliser ses
aspirations d'être humain. Comme tout être humain, il aspire
à vivre dans une société à laquelle il apporte sa
contribution en donnant le meilleur de lui-même.
Pour qu'il puisse développer ses capacités au maximum, la
société doit, comme elle le fait pour tout le monde, lui ouvrir
la voie vers le marché du travail en lui donnant accès, d'abord,
à l'éducation, plutôt que de le confiner à un
rôle dégradant de parasite de la société.
Pour qu'il puisse s'instruire, on doit permettre à l'enfant
handicapé d'apprendre selon son rythme et aussi lui donner les
instruments nécessaires à son apprentissage, que ce soit pour
avoir accès à la connaissance, pour ceux qui ont des
difficultés de perception, ou encore pour s'exprimer librement, pour
ceux qui ne peuvent écrire ou qui ont des difficultés
d'élocution, exactement comme on fournit aux enfants qu'on dit "normaux"
des crayons et des livres.
De la même façon, pour qu'il ait accès au
marché du travail, on doit accepter d'accorder au handicapé
physique une période d'apprentissage qui peut être plus longue,
lui fournir des instruments de travail particuliers.
Aussi dans le cas des handicapés physiques qui peuvent remplir
certains emplois sans qu'il n'y ait aucun obstacle, on ne doit pas les
empêcher d'obtenir ces emplois simplement parce qu'ils sont
handicapés, de la même façon qu'on ne peut pas
empêcher quiconque, selon le projet de loi, d'être embauché
à cause de la race, de la religion, de la nationalité, etc. Il
s'agit là de conditions fondamentales à l'épanouissement
de la personnalité.
Il y a aussi une foule de petits détails de la vie quotidienne
qui sont des sources de frustration et qui demanderaient un aménagement
mieux adapté du milieu physique. Déjà on a tenté de
sensibiliser la population aux problèmes des barrières
architecturales, aux moyens de transport en commun. Il y a aussi
énormément d'instruments de la vie quotidienne qui, en
réalité, ne sont pas faits de manière que les
handicapés physiques puissent s'en servir comme, par exemple, les verres
de carton dans les distributrices de liqueurs douces. Tous ces petits
détails contribuent à faire croire au handicapé physique
qu'il est inférieur, qu'il vit dans un monde qui n'est pas le sien.
Il doit vous apparaître que le coût de la reconnaissance de
ces droits est énormément onéreux et qu'une
société peut difficilement se permettre de dépenser tant
d'argent pour les handicapés physiques. L'article 21 de la
Déclaration universelle des droits de l'homme des Nations unies stipule
que la satisfaction de tous les droits individuels doit être
réalisée "compte tenu de l'organisation et des ressources de
chaque pays". Si le Québec n'a pas les ressources présentement
pour réaliser tout ce qu'implique l'épanouissement des
handicapés physiques au même niveau que tous les autres citoyens,
il peut, tout au moins, apporter une amélioration sensible à la
situation actuelle. Aussi, ce qui ne peut être réalisé dans
l'immédiat, peut être inscrit dans les priorités pour les
années à venir. Si le gouvernement du Québec veut vraiment
reconnaître les droits et les libertés de la personne, s'il veut
affirmer qu'au Québec, "tous les hommes sont égaux en valeur et
en dignité", il n'a pas le choix.
A la suite de toutes ces considérations, il y aurait lieu de
modifier l'article 11, définissant les causes de discrimination
condamnables. Pour qu'il tienne compte des handicapés physiques, il
pourrait éventuellement se lire comme suit: "Toute personne a droit
à la reconnaissance et à l'exercice, en pleine
égalité, des droits et libertés de la personne, sans
distinction, exclusion ou préférence fondée sur la race,
la couleur, le sexe, la religion, les convictions politiques, les aptitudes
physiques, la langue ou l'origine ethnique, nationale ou sociale..."
Toutes les autres dispositions de la loi, commençant par les
expressions telles que "toute personne", sont applicables aux handicapés
physiques. Il s'agit simplement qu'on leur donne une place dans la
société, qu'on reconnaisse en eux, au-delà de leurs
particularités physiques, des personnes humaines. Il restera toujours
beaucoup de gens pour croire que les handicapés physiques sont des
êtres inférieurs. C'est un trait de notre culture. Mais en ayant
vraiment leur chance, ils arriveront sûrement à prouver le
contraire.
Nous nous en remettons donc à votre jugement. Nous croyons avoir
assez clairement démontré que vous n'avez le choix qu'entre une
véritable charte des droits de l'homme, expression d'une authentique
démocratie, et le maintien d'une société totalitaire sur
le plan physique, qui se prive d'un potentiel humain énorme du simple
fait de son intolérance.
Le Président (M. Kennedy): Merci, M. Gadreau. Le ministre
de la Justice.
M. Choquette: M. Gadreau, je dois vous dire immédiatement
que nous ressentons énormément de sympathie pour le point de vue
que vous avez exprimé dans votre mémoire, et que ce
mémoire, sans compter sa concision et le fait que vous ayez mis le doigt
sur un problème de la société actuelle que vous vivez, un
problème qui vous cause des inconvénients et des injustices,
peut-être, que vous subissez, est à la fois clair et précis
et direct, mais aussi très éloquent.
Je ne suis pas en mesure de vous dire, au moment où je vous
parle, qu'il serait nécessairement possible d'introduire dans cet
article 11, une disposition relativement aux aptitudes physiques comme cause de
discrimination, mais je ne la rejette pas d'emblée, vous pouvez en
être assuré. Vous pouvez être également assuré
que nous allons voir s'il ne serait pas possible de satisfaire à votre
demande d'une autre façon, à l'intérieur du projet de
charte, pour réaliser, en somme, les objectifs que vous signalez comme
désirables et que nous partageons aussi de notre côté.
Je vous remercie encore une fois et vous pou-
vez être assuré que nous allons donner toute la
considération voulue à votre point de vue.
Le Président (M. Kennedy): Le député de
Maisonneuve.
M. Burns: M. le Président, au nom de l'Opposition, je
partage l'avis du ministre de la Justice. Je pense que ce que vous nous avez
soulevé comme problème était une chose que, si vous
n'étiez pas intervenu, risquait de passer inaperçue dans
l'ensemble de l'étude de cette charte. Je sais et je pense que
vous en êtes un très bon exemple qu'à un moment
donné, les gens qui sont handicapés physiquement peuvent, avec
l'assistance nécessaire, avec les moyens nécessaires, arriver
à faire pratiquement une vie normale, et je pense que cela, nous sommes
obligés, tôt ou tard, d'en tenir compte dans une charte des
libertés et droits de la personne.
En ce qui me concerne, je vous avoue, avec les problèmes
pratico-pratiques que peut poser la suggestion de M. Gadreau, qu'on devrait s'y
pencher très sérieusement. En tout cas, on examinera le pro-jetde
loi article par article. En cequi me concerne, je suis très heureux que
vous soyez intervenu parce que c'est justement un des problèmes.
Même si on a parlé des handicapés physiques en
général, sous cet angle-là, je pense que c'est la
première fois qu'on nous en parle. Personnellement, je suis très
heureux de votre intervention; cela nous permettra de mieux nous
éclairer au moment de l'examen du projet de loi, article par article. Je
vous remercie de votre intervention, M. Gadreau.
Le Président (M. Kennedy): Est-ce qu'il y a d'autres
questions qui s'adresseraient au représentant de l'Association de
paralysie cérébrale?
Alors, M. Gadreau, suite aux remarques du ministre et du
représentant de l'Opposition, nous vous remercions pour votre
exposé.
Nous allons passer maintenant à l'Association canadienne des
compagnies d'assurance-vie, représentée par Me Claude Girard.
M. Walters (Hubert): M. le Président, si vous permettez.
Mon nom est Hubert Walters, de la même étude que Me Girard. La
personne qui devait présenter notre mémoire, M. Oscar Mercure,
président d'Assurance-vie Desjardins est en retard de quelques minutes.
Il est arrivé de l'extérieur de la ville ce midi et il devrait
être ici dans quelques minutes. Est-ce qu'on pourrait céder notre
tour?
Le Président (M. Kennedy): Certainement. On pourrait
entendre la Chambre de commerce. Je vois des représentants qui sont
ici.
Chambre de Commerce de la province de
Québec
M. Létourneau (Jean-Paul): M. le Président, M. le
ministre, MM. les membres de la commission, mon nom est Jean-Paul
Létourneau, je suis le vice-président exécutif de la
Chambre de commerce de la province de Québec. Je suis accompagné,
pour présenter notre mémoire, par M. Pierre Morin, notre
directeur général des affaires publiques à la cham- bre et
par Me Gilles Champagne, chef du contentieux de notre organisme.
Etant donné que ce document est, dans certaines de ses parties,
relativement technique, si vous me le permettez, j'en ferai la lectsre le plus
rapidement possible.
La chambre, à prime abord, se doit de louer l'initiative du
ministre de la Justice. Longtemps attendue, cette charte est, par son essence,
le reflet des principes dont nous sommes tous tributaires et dont l'Etat se
doit de rester le gardien vigilant.
Depuis plus d'un demi-siècle, la Chambre de commerce est
guidée par ces principes fondamentaux: "a) La liberté est
essentielle au plein épanouissement de l'homme et au progrès de
la collectivité; b) La liberté d'entreprise et la libre
concurrence offrent la plus grande marge de liberté; c) La
liberté impose à l'homme des responsabilités aux-quelles
il ne saurait se soustraire sans la perdre ou la diminuer; d) L'Etat doit
protéger les libertés des particuliers et de l'entreprise
privée. Il a le devoir d'intervenir lorsque cette dernière ne
peut suffire à la tâche de servir le bien commun; dans ce cas, son
rôle est supplétif". Fin de la citation de nos principes de
base.
C'est pourquoi la Chambre de commerce se réjouit d'une telle
initiative.
Cependant, la chambre déplore le fait que ce n'est
qu'après la 2e lecture que l'on ait convoqué la commission
parlementaire. Eu égard à la nature du projet de loi
présentement étudié, le geste est sans conséquence
grave. Mais nous déplorerions que ce geste serve de
précédent pour le dépôt d'un autre projet de loi
dont les principes mêmes seraient à discuter.
L'on pourrait aisément comparer le cheminement suivi par le
ministère de la Justice avec celui suivi par les rédacteurs de la
Déclaration canadienne des droits, soit chercher à réunir
sous un même toit, dans un même texte, les principes fondamentaux
de justice et d'égalité dont nous pouvons, à juste titre
nous vanter. Est-il utile de rappeler que les libertés fondamentales
dont nous jouissons, ayant pris pour acquis qu'elles nous appartiennent, ne
sont souvent appréciées que lorsqu'on les perd. A ce chapitre,
bien des sociétés dites évoluées nous envient ces
mêmes droits qu'elles ont fait disparaître.
Le projet de loi 50 cherche à synthétiser un
développement séculaire des droits de la personne qui s'est fait
de façon stratifiée. Mais, et c'est là un point positif du
projet de loi, il ne s'agit pas d'une cristallisation définitive mais
d'une fixation dans le temps (hic et nunc, comme diraient les juristes). Les
droits et libertés de la personne continueront d'évoluer et les
générations futures ajouteront aux libertés fondamentales
consacrées par le projet de loi 50.
Actuellement, d'autres provinces canadiennes sont à se doter de
chartes similaires au présent projet de loi (pensons à l'Ontario,
par exemple) pour protéger les libertés fondamentales des
individus. Or, qui dit: "libertés fondamentales", dans un système
confédéral, ne peut s'empêcher de songer aux
problèmes de chevauchement de juridictions. Comment concevoir une charte
complète qui, par exemple, d'une part, ne protégerait pas le
droit fondamental à la propriété (compétence
provinciale)
ou qui laisserait de côté les droits du prévenu en
matière criminelle (compétence fédérale)?
Or, ce chevauchement de compétences est précisément
une contrainte de fond à faire de toute charte une déclaration
prépondérante consacrant l'inviolabilité des droits de
l'individu. Année après année, les onze gouvernements du
Canada adoptent des législations uniformes, tant en matière de
revenu (impôts), que de services sociaux (rentes, assurance
hospitalisation, etc.). Serait-ce rêver en couleur que de souhaiter
l'adoption d'une charte pancanadienne des droits de la personne identique par
tous les gouvernements du Canada qui soit prépondérante?
L'impact économique. Si le présent projet, une fois
adopté, ne changeait rien à la situation actuelle, on pourrait,
dans une bonne mesure, soulever une question d'utilité. Or, tel n'est
pas le cas, et le gros de l'impact de ce projet de charte se traduit par un
coût économique difficile à évaluer. Lors de son
dernier congrès annuel, la Chambre provinciale recommandait au
gouvernement de "monter un dossier économique, c'est-à-dire une
étude de coûts-bénéfices, simultanément
à l'élaboration des projets de loi".
Dans quelle mesure l'adoption du présent projet de loi
influera-t-elle sur les politiques salariales existantes? Sur des conventions
collectives signées de bonne foi entre les parties et contenant des
clauses présumées discriminatoires?
Sur les régimes supplémentaires de rentes ou
d'assurance-hospitalisation et autres avantages sociaux? Comment
l'économie du Québec peut-elle absorber cet impact et à
quel rythme?
M. le Président, nous avons été
particulièrement sensibilisés à ce type de
conséquences lorsque nous avons examiné les travaux qui se font
présentement en Ontario où on propose de se doter d'une charte
semblable et où un "task force", si vous me permettez l'expression, est
à l'oeuvre pour examiner, justement, les conséquences
économiques de l'application d'une loi semblable à celle que nous
examinons présentement.
Je porte à l'attention de cette commission certains
échanges qui ont eu lieu entre les participants à l'examen de la
question en Ontario. Je souligne qu'une firme du nom de Johnson, Higgins,
Willis, Faber Ltd, qui est très bien connue comme consultants dans le
domaine des fonds de pension et des avantages sociaux, s'est penchée sur
l'impact économique de l'application d'une charte des droits de l'homme.
Elle a soulevé un nombre considérable de questions qui ont des
portées économiques relativement très importantes qui nous
font nous demander, même si nous sommes d'accord sur le principe, dans
quelle mesure nous avons les moyens d'appliquer, et avec quelle
rapidité, cette charte, en pratique. Je ne puis malheureusement pas
déposer ce document mais je vous souligne simplement son existence, il
sera facile, je crois, pour le gouvernement, d'en obtenir un exemplaire.
Nous n'avons pas eu cette permission. Cependant, nous pouvons indiquer
que le document existe. Il s'agit d'une lettre de la firme que je viens de
mentionner, adressée au sous-ministre du Travail de la province
d'Ontario, en date du 21 novembre 1974, lettre d'une douzaine de pages,
où il y a l'énonciation d'une série de questions fort
pertinentes par rapport à l'impact économique de l'application
d'une charte des droits de l'homme sur, d'une façon particulière,
les avantages sociaux dans les entreprises, quelles qu'elles soient,
gouvernementales ou autres.
La chambre est d'accord et je reviens au texte de notre
mémoire, M. le Président avec l'objectif du projet, mais
elle croit que le législateur doit faire preuve de réalisme et,
à la fois, prendre conscience du grand nombre d'impondérables
qu'il soulève et surtout informer la population du rythme d'application
qu'il entend donner à la loi, une fois celle-ci adoptée.
Nous avons, malheureusement, au Québec, trop de lois utopiques
qui donnent au citoyen un faux sentiment de sécurité.
Appréciation spécifique: La Commission des droits de
l'homme se veut être la protectrice de droits qui appartiennent à
la justice naturelle et qui gouvernent toute l'organisation de notre
société. Bien que les affirmant, le projet de loi ne semble
guère les appliquer.
A l'article 70, la Commission se confère deux pouvoirs qu'elle
juge importants à l'exercice de ses fonctions. Dans un premiertemps,
elle est arbitre, et lorsque l'arbitrage ne suffit plus, elle se transforme,
à l'article 71, en une sorte de procureur pour la partie plaignante. Il
existe une règle de la plus élémentaire justice, à
l'effet qu'on ne peut être juge et partie à une cause. Mais ce
principe a purement et simplement été escamoté par le
projet de loi.
Ce faisant, le législateur passe outre au principe qu'il propose
à l'article 20 sur les tribunaux indépendants, et institue la
Commission, à la fois, enquêteur et arbitre puis, procureur pour
le plaignant devant une autre instance juridique. Comment concevoir un tel
écart entre le principe et la réalité, dans un même
texte?
D'ailleurs, nous devons constater que la philosophie qui inspire les
articles 61 jusqu'à 71 inclusivement tient beaucoup plus du populisme
que de la justice. En effet, les plaignants peuvent compter gracieusement sur
toutes les ressources de la Commission alorsque le présumé
contrevenant doit assumer les frais de sa défense. Et tous sont
égaux devant la loi? La chambre croit que le rôle de la Commission
devrait se limiter à l'enquête et laisser les parties donner suite
à son rapport devant les tribunaux appropriés.
De plus, la commission, puisqu'elle reconnaît
l'égalité de tous devant la loi, ne devrait pas avoir de statut
particulier. Or, à l'article 74, l'on essaie de la soustraire à
la portée des recours spéciaux prévus au code de
procédure civile, ces recours étant les seuls moyens possibles
aux individus pour se prémunir ou se défendre contre les
agissements de la commission. Un tel article ne va-t-il pas contre ce que la
charte prêche dans son ensemble? Si le projet de loi réclame de la
justice, qu'a-t-il à craindre de la rencontrer?
Nous déclarons, par contre, une volonté dans le projet de
consacrer l'autonomie de la commission. Il nous apparaît alors
contradictoire de faire défendre la nomination de sa plus haute
autorité de la
seule discrétion du premier ministre. Nous croyons plutôt
que cette nomination devrait être conséquente a son adoption par
l'Assemblée nationale.
La primauté de la Charte des droits et des libertés de la
personne. Nonobstant la contrainte de fond mentionnée au deuxième
chapitre du présent mémoire, la chambre croit que ce projet de
charte doit se mériter un statut particulier parmi les lois du
Québec.
L'Assemblée nationale est souveraine, toute loi qu'elle adopte
aujourd'hui peut être défaite demain. D'autre part, malgré
toutes les discussions et les interventions du législateur
exprimées lors de son adoption, le juge qui, dans cinquante ans, en
examinera les termes, sera limité par "the four corners of the Act",
pour reprendre une vieille locution encore une fois peut-être plus
familière aux juristes.
Cette souveraineté de l'Assemblée pose à la fois le
problème et offre la possibilité d'y trouver une solution. Par
n'importe quelle loi postérieure, l'Assemblée nationale pourrait
contrevenir aux dispositions de la charte, sans même y faire allusion, et
tout cela serait conforme à l'origine britannique de nos institutions
démocratiques.
De plus, on a vu à quel point les tribunaux ont été
réticents à appliquer la déclaration canadienne des droits
depuis sa promulgation en 1960.
Sans abdiquer sa souveraineté, l'Assemblée nationale peut
quand même assurer une suprématie relative car
législative et non constitutionnelle à la charte surtout
en ce qui a trait aux lois postérieures.
Il s'agirait en effet et la chambre vous le recommande
d'édicter une procédure spéciale à être
suivie par l'Assemblée nationale avant d'adopter une loi qui irait
à l'encontre de la charte.
La chambre vous recommande donc d'incorporer au projet de la charte une
disposition à l'effet que: "Nulle loi postérieure à la
présente charte, nulle partie de loi, nul règlement ou partie de
règlement ne saurait contrevenir aux dispositions de la présente
loi sans avoir été approuvés par les deux tiers de
l'Assemblée nationale. Le certificat du président de
l'Assemblée fait foi que la procédure mentionnée a
été suivie".
Par l'adoption d'une telle disposition, le citoyen pourrait tout au
moins être averti et plus conscient de nouvelles restrictions venant
limiter ses libertés et droits fondamentaux.
Certains paradoxes. Le ministre de la Justice, M. Choquette, le 29
octobre 1974, lors de la présentation du projet de loi déclarait
et je cite: "Je n'ai pas la prétention de dire qu'il y a beaucoup de
droits nouveaux qui sont contenus dans cette charte(...) je ne
prétendrais pas d'aucune façon que ceci représente un
changement de tradition par rapport à ce qui pouvait exister
antérieurement (..) Ce qui est nouveau (...) c'est d'avoir (...)
à l'intérieur d'un seul texte de loi, de façon à
énoncer d'une façon précise, quelles sont les valeurs
auxquelles la société québécoise tient, quelles
sont les valeurs de civilisation, valeurs juridiques, valeurs sociales
auxquelles les citoyens doivent être attachés".
Il semble que, dans l'esprit du ministre, M. Choquette, il soit clair
que le projet de loi 50 cristallise, en substance, les principes de droit
déjà existants. Par la présente, la Chambre de commerce de
la province de Québec se permet de comparer certaines dispositions
proposées ou déjà adoptées et celles
énoncées dans le projet.
Dans cette nomenclature, M. le Président, nous ne désirons
pas poser de jugement, c'est-à-dire déclarer que, dans nos
commentaires, les situations que nous y relevons sont bonnes ou mauvaises. Nous
ne posons pas de jugement dans ce sens. Nous voulons simplement faire remarquer
à cette assemblée, à la commission, des difficultés
pratiques d'application qui pourraient se présenter, compte tenu, eu
égard a certaines coutumes ou valeurs couramment adoptées dans
notre société présentement.
Donc, l'article 2 du projet de loi dit: "Toute personne dont la vie est
en péril a droit au secours; nul ne peut, sans motif raisonnable,
refuser ou négliger de se porter au secours d'une personne dont la vie
est en péril pour lui apporter l'aide physique nécessaire et
immédiate que requiert son état".
Notre commentaire est à l'effet, en conformité avec une
remarque que nous avons faite précédemment, que, justement, on
tombe dans des questions de juridiction, c'est que le secours à apporter
aux gens en péril et tout acte criminel qui s'y relie sont du domaine
pénal, lequel relève du gouvernement fédéral
exclusivement.
Articles 4 et 5. Toute personne a droit à la sauvegarde de sa
dignité, de son honneur et de sa réputation.
Notre commentaire dit ceci: Les commissions d'enquête qui, sans
avoir de procédure précise et de statut judiciaire exprès,
tiennent des séances publiques ou des affirmations non
corroborées s'étalent à tout venant.
Référence: Article 34, projet de loi 36, en particulier.
La loi modifiant la Loi des tribunaux judiciaires et certaines autres
dispositions législatives ayant trait à l'administration de la
justice et aux bureaux d'enregistrement.
Le citoyen, en vertu de la Loi de la protection du consommateur, a le
droit de consulter son dossier de crédit. Or, plusieurs citoyens qui
n'ont jamais contrevenu à la loi sont cependant fichés par les
services policiers. La charte devrait imposer à l'Etat et à ses
mandataires les mêmes contraintes qu'il impose aux entreprises et donner
au citoyen le droit d'accès au dossier policier qui le concerne et, de
plus, lui donner le droit d'y faire supprimer ou de corriger toute information
fausse, incomplète ou non pertinente.
L'article 6 dit: Toute personne a droit à la jouissance paisible
et à la libre disposition de ses biens.
Notre commentaire: On vous rappelle les règlements municipaux de
zonage qui sont adoptés continuellement. La Loi des biens culturels,
articles 17, 18 et 19. Citons ici l'article 17: "Aucun bien reconnu ne peut
être transporté hors du Québec sans la permission du
ministre, qui prend l'avis de la commission dans chaque cas".
Encore une fois, nous ne posons pas de jugement, nous montrons
simplement des cas concrets
de difficulté, de compatibilité, des cas concrets qui
existent actuellement ou qui sont en voie d'être adoptés;
là, se poseront des dilemmes.
Articles 7 et 8. La demeure est inviolable. Nul ne peut
pénétrer chez autrui ni y prendre quoi que ce soit sans son
consentement exprès ou tacite.
Notre commentaire: Qu'en est-il des perquisitions sans mandat? Encore
une fois...
M. Choquette: M. Létourneau, où avez-vous
déjà vu une perquisition sans mandat?
M. Burns: La Loi de police.
M. Choquette: Non, pas du tout. Il y a un mandat.
M. Burns: Le bill 51.
M. Choquette: Vous lisez trop d'éditoriaux du journal Le
Jour.
M. Burns: Ah! non. M. Choquette: Ah! oui. M. Burns:
Ah! non.
M. Choquette: Ah! oui. Il y a un mandat de prévu.
Une Voix: Cela achève.
M. Choquette: C'est prévu par la commission.
M. Burns: C'est un des projets de loi pour lesquels j'ai
voté et que, maintenant, je regrette d'avoir appuyés.
M. Choquette: Vous avez trop lu... vous vous êtes fait
"brain-washer" par M. Laplante.
M. Burns: Ah! non. Même pas. Je me suis penché
sérieusement sur les remarques de M. Champagne, de la Ligue des droits
de l'homme, qui a commencé une bataille épistolaire avec moi dans
le Devoir du temps. Je me suis rangé à son opinion.
M. Choquette: Mais je vais vous dire que, quel que soit votre
avis, il y a quand même une petite correction qu'il faut faire à
l'affirmation ici, c'est qu'il y a un mandat dans le cas de la Commission de
police.
M. Létourneau: M. le Président... M. Choquette:
Oui.
M. Létourneau: Est-ce que nous devons répondre
maintenant aux questions...
M. Choquette:... plus tard.
M. Létourneau: ... ou si nous les réservons
pour...
M. Choquette: Je m'excuse de cette interruption.
M. Létourneau: Très bien. Je n'ai pas
d'objection.
M. Choquette: Non, non. Continuez.
M. Létourneau: C'est une question de procédure, une
façon de procéder. Article 9. Chacun a droit au respect du secret
professionnel. Notre commentaire, c'est que toute personne, même
liée par le secret professionnel, qui a des motifs raisonnables de
croire qu'un enfant est soumis à de mauvais traitements physiques par
suite d'excès ou de négligence est tenue de signaler sans
délai la situation au comité.
Tout manquement à l'alinéa précédent
constitue une infraction à la présente loi. Ceci est tiré
de l'article 14j de la loi 78 intitulée "Loi concernant la protection
des enfants soumis à des mauvais traitements".
L'article 9 dit encore, à ce sujet: Toute personne, tenue par la
loi au secret professionnel, ne peut, même en justice, divulguer les
renseignements confidentiels qui lui ont été
révélés.en raison de son état ou profession,
à moins qu'elle n'y soit autorisée par celui qui lui a fait ces
confidences ou par une disposition expresse de la loi.
Le tribunal doit, d'office, assurer le respect du secret
professionnel.
Article 10: "Toutes les personnes sont égales devant la loi".
Commentaires: Aucun des recours extraordinaires prévus par les articles
834 à 850 du code de procédure civile ne peut être
exercé et aucune injonction ne peut être accordée contre le
directeur ou son adjoint agissant en leur qualité officielle.
Deux juges de la cour d'Appel peuvent, sur requête, annuler
sommairement un bref, une ordonnance ou une injonction délivrés
ou accordés à l'encontre des articles 67 ou 68. Je cite ici les
articles 68 et 69 de la loi 89, intitulée: Loi sur la protection des
acheteurs de maisons neuves et de terrains: Aucune action civile ne peut
être intentée en raison ou en conséquence de la publication
d'un rapport de la commission en vertu de la présente loi, ou de la
publication faite de bonne foi, d'un extrait ou d'un résumé d'un
tel rapport. Ceci est un article de l'article 74du projet de loi 50, Loi sur
les droits et libertés de la personne. Ces commissions sont pourtant
assujetties aux mêmes règles de justice, du moins en principe.
Nos recommandations: La Chambre de commerce de la province de
Québec réitère son appui à l'objectif poursuivi par
le projet de la charte sur les droits et libertés de la personne et
recommande au législateur l'adoption des recommandations suivantes: 1 -
Garantir la suprématie de la charte sur les lois postérieures, en
incorporant un mécanisme procédural ou un autre prévoyant
que l'Assemblée nationale, pour adopter une disposition contraire
à la lettre ou à l'esprit de la charte, doit se soumettre
à des modalités spéciales. 2- Calculer à l'avance
des délais d'application
qui tiennent compte des incidences sociales et économiques des
différentes dispositions de la présente charte. En fonction du
mandat que nous avons reçu de nos membres, nous nous permettons
d'appuyer particulièrement sur cet article 2. 3- Garantir l'autonomie de
la commission en prévoyant que son président soit nommé
par l'Assemblée nationale. 4- Inclure à l'article 13 une
expression pour préciser que l'énumération qui y est faite
ne limite pas la portée générale de l'article 11.
5-Abroger le deuxième alinéa de l'article 45 ou le remplacer car,
dans sa rédaction actuelle, il réduit sensiblement la
portée de la charte pour en fai re, à la limite une simple loi
d'interprétation. 6-Inclure à l'article 46 les corporations
municipales et scolaires non visées par l'expression "ses organismes et
préposés". 7-Inclure à l'article 11 du projet de charte...
Ici, je demande l'indulgence de cette assemblée pour faire une
correction à notre mémoire et inscrire, au lieu des mots "le
statut matrimonial", les mots "l'état civil". C'est une révision
que nous avons jugée opportune en réexaminant le texte. Encore
une fois, je demande l'indulgence de cette assemblée pour faire une
autre correction, après les mots "et l'âge", inscrire les mots
"d'une personne majeure", comme devant ne faire l'objet d'aucune distinction,
exclusion ou préférence.
M. le Président, c'était notre opinion concernant le
projet de loi 50, que nous approuvons en principe et que nous supportons avec
les recommandations d'amendements que nous venons de proposer.
Le Président (M. Kennedy): Merci, M. Létour-neau.
Le ministre de la Justice.
M. Choquette: M. le Président, je remercie la Chambre de
commerce de s'être présentée devant nous et de nous faire
part de son point de vue sur ce projet de loi. Un aspect du mémoire qui
m'a particulièrement intéressé, c'est celui qui se trouve
sous le titre de certains paradoxes. Dans ce chapitre, la Chambre de commerce
aligne un certain nombre de dispositions de la charte et fait une comparaison,
dans certains cas, avec certaines dispositions législatives existantes.
La Chambre de commerce veut illustrer jusqu'à quel point les principes
énoncés à la charte ne sont souvent pas suivis dans des
lois particulières et spécifiques. Or, je crois bien que, dans la
majorité des lois particulières et spécifiques auxquelles
il est fait référence. Ici je fais une exception pour les mandats
de la Commission de police, je ne veux pas entreprendre un débat sur cet
aspect, mais sur d'autres aspects ou sous d'autres aspects en ce qui regarde
des lois particulières.
On aura noté, je crois, qu'il peut y avoir des divergences assez
importantes, même parfois des contradictions flagrantes, entre les
principes énoncés à la charte et, d'un autre
côté, ce que le législateur a été
obligé de faire pour accomplir ou réaliser des objectifs
particuliers, socialement nécessaires.-Par exemple, je vais prendre un
cas qui va être, à mon sens, assez intéressant. Toute
personne a droit à la jouissance paisible et à la libre
disposition de ses biens. Lu comme principe absolu, ceci voudrait dire qu'un
propriétaire de bien possède des biens sans aucune contrainte
juridique autre que ce droit à la libre disposition et à la libre
jouissance de ses biens. Or, comme nous le signale la Chambre de commerce, il y
a sans doute l'incidence des règlements municipaux, il y a la Loi des
biens culturels, et on sait qu'il y a d'innombrables lois qui affectent le
droit de propriété, à tel point qu'aujourd'hui, il faut
quand même admettre que le droit de propriété est
sérieusement battu en brèche par toutes les lois ou grand nombre
de lois gouvernementales.
C'est la raison pour laquelle, devant ce dilemme de concilier à
la fois des principes auxquels nous tenons parce que, évidemment,
je pense que nous tenons encore au droit de propriété et,
d'autre part, de concilier un certain nombre de mesures partielles qui
affectent le droit de propriété et qui sont nécessaires,
nous avions fait cette réconciliation par le biais de l'article 45,
auquel la Chambre de commerce, à l'instar de beaucoup d'autres
organismes, s'en prend à son tour.
Je me demande comment la Chambre de commerce fait pour
réconcilier les difficultés du législateur à avoir
des dispositions juridiques qui sont en contradiction et, d'un autre
côté, avoir un système par lequel toute loi
postérieure devrait se conformer à la charte, sauf,
évidemment, en introduisant cette idée du "nonobstant". Mais cela
va exiger d'avoir une police législative pour surveiller tous les
projets de loi et vérifier s'il n'y a pas un principe qui peut
être adopté dans une loi particulière subséquente et
qui serait en contradiction avec ceux de la Chambre.
M. Létourneau: Puis-je répondre? M. Choquette:
Oui.
M. Létourneau: M. le Président, en réponse
aux remarques de M. le ministre, c'est justement parce que nous croyons en
l'importance du projet de loi 50 que nous reconnaissons le dilemme et
effectivement, c'est ce que nous avons essayé de montrer, soit qu'il y a
et qu'il y aura souvent dilemme pour le législateur, s'il veut
continuellement se remémorer cette loi dans ses législations
futures.
Alors, nous avons choisi une voie moyenne, c'est-à-dire faire la
loi et ne pas en tenir compte dans les lois subséquentes, pour nous, ce
n'est pas tout à fait assez, parce que nous accordons de l'importance
aux principes qui sont mis en évidence dans le projet de loi 50. Faire
la loi et l'appliquer d'une façon intransigeante devient absolument
pratiquement impossible. Nous avons cherché un moyen qui permette au
législateur de se rappeler constamment qu'il a, à un moment
donné, décidé que ces principes étaient importants.
Pour se le rappeler constamment, il faudra que, lorsqu'il veut déroger a
ces principes qu'il a consacrés dans une loi, il y ait un
mécanisme qui le rend très conscient du fait qu'il va y
déroger dans l'avenir. Cela a une signification ou cela n'en a pas
d'adopter le projet de loi 50. On n'a pas voulu qu'il n'y en ait pas du tout.
On n'a pas
voulu s'y accrocher sans nuances et c'est pour cela que nous proposons
le mécanisme que nous avons suggéré, ou un autre.
Pour nous, ce qui est important, c'est que, dorénavant, puisqu'on
accorde de l'importance à ces principes, à chaque fois qu'on
légifère, on ait un mécanisme qui fait qu'on va se le
rappeler. Et si on est pour continuer? comme vous l'avez reconnu
vous-même, M. le ministre, à brimer les droits individuels dans
des lois ou de les diminuer, que chaque fois qu'on le fera, on en soit bien
conscient, que le législateur se le rappelle lui-même et le
rappelle à tous ceux à qui les lois qu'il adoptera
s'appliqueront.
Mon collègue, Me Champagne, je pense, aurait ses commentaires
à ajouter.
M. Champagne (Gilles): M. le Président, le ministre,
tantôt, parlait de paradoxes avec des lois qui existent
déjà. Si vous me permettez de revenir un peu à notre
mémoire et au contenu de la loi elle-même qui est à
l'étude par la commission, vous avez, à l'article 10,
prévu: "toutes les personnes sont égales devant la loi." On
retrouve, un peu plus loin, à l'article 70, et je me permets de le lire:
"La Commission doit tenter d'amener les parties à régler leur
différend.
Si elle est incapable de conduire les parties à un
règlement de leur différend, la Commission transmet aux parties
le résultat de son enquête.
Elle peut recommander la cessation, dans un délai qu'elle fixe,
d'un acte discriminatoire ou le paiement d'une indemnité ou les deux."
Jusque là, la chambre trouve difficile qu'elle agisse comme
enquêteur et ensuite comme conciliateur, mais le législateur va
plus loin dans son projet, ou du moins dans la proposition. Il dit: "Lorsque la
recommandation, à 71 prévue par l'article 70, n'a
pas été, à la satisfaction de la Commission, suivie dans
un délai fixé, la Commission peut, avec le consentement
écrit de la victime, s'adresser à la cour Supérieure du
domicile de la personne en défaut en vue d'obtenir une injonction contre
cette personne". Là on dit que c'est l'assistance judiciaire. Parce
qu'à ce moment-là, une personne qui est dans une situation de
discrimination reçoit l'aide de la commission avec la batterie d'avocats
qu'il y a là et elle s'en va devant un tribunal.
On présuppose, à ce moment-là, et je suis convaincu
que c'est un gros qui a fait mal à un petit, qu'il a le moyen de payer
des avocats, lui, de l'autre côté; mais supposons, à
l'inverse, que ce sont deux personnes égales au point de vue des
revenus, et que, d'une part, vous avez les ressources de la commission qui,
elle, va devant les tribunaux et que l'autre personne est obligée de
prendre un avocat, payer ses propres frais et assumer sa propre défense.
Les deux sont de condition modeste. Nous revenons au principe no 10: "Toutes
les personnes sont égales devant la loi". Ce n'est pas vrai, dans votre
projet de loi, vous le contredisez. Vous allez plus loin. Le deuxième
paragraphe de 71 dit: "Elle peut aussi, avec le même consentement,
s'adresser au tribunal pour réclamer là on ne parle plus
d'une injonction contre la discrimination en fa- veur de la victime,
l'indemnité dont elle avait recommandé le paiement".
Elle va même jusqu'à chercher de l'argent pour une partie
contre une autre partie qui n'a pas nécessairement les mêmes
ressources. C'est une comparaison, M. le Président, que nous voulons
faire, dans le même projet de loi no 50 où l'on dit, d'une part:
Egalité devant la loi, et on s'aperçoit que ça n'arrive
pas.
Nous disons que la commission ne devrait pas assumer la défense
des personnes, elle devrait se contenter de faire enquête et de faire
rapport, peut-être essayer de concilier les parties mais arrêter
à ce stade-là. A ce moment-là, si la personne veut
recourir contre une autre personne, elle le fait par ses propres moyens. Si
elle n'en a pas les moyens, elle prend l'assistance judiciaire dont vous avez
été un des promoteurs, M. le ministre, depuis plusieurs
années, et la personne à faible revenu reçoit l'aide de
l'Etat, quand elle en a besoin. Mais là vous pénalisez vraiment
deux personnes d'égales ressources dans un cas où la Commission
va appuyer, avec ses avocats, le recours contre les tribunaux. C'est un exemple
que nous vous donnons sur les paradoxes de votre propre projet de loi.
M. Choquette: M. Champagne, je trouve vos observations
très intéressantes. Je ne suis pas sûr qu'il y ait une
contradiction absolue entre l'article 10 qui dit que: "Toutes les personnes
sont égales devant la loi", et la procédure que nous avons
élaborée pour la commission. Enfin, on peut peut-être le
soutenir, comme vous l'avez fait, mais, pour ma part, je ne serais pas d'avis
qu'on puisse aller jusqu'à cette conclusion.
Par contre, là où je suis prêt à admettre que
votre point de vue mérite d'être examiné, c'est qu'il
serait peut-être exact que la commission joue un rôle de
conciliateur et même d'arbitre dans la première phase de ses
activités et soit appelée, dans une deuxième phase,
à prendre fait et cause pour son jugement, de telle sorte que là,
elle devient un peu le procureur de la cause qu'elle a accepté de
soutenir. Là, on peut peut-être dire que oui il y a
une procédure très novatrice dans notre droit.
Je ne fais pas plus de commentaires que cela, mais c'est vrai que vous
mettez le doigt... Mais cela illustre aussi la difficulté de concilier
des grands principes de droit comme l'égalité de tous devant la
loi.
Je crois qu'il n'y a personne qui veuille remettre cela en cause, enfin,
comme grand principe. Mais, d'un autre côté, quand on arrive dans
les applications, dans le règlement de problèmes particuliers, on
est obligé de déroger ou de faire des exceptions qui deviennent
de plus en plus importantes dans les conditions modernes où un
gouvernement est appelé de plus en plus à intervenir dans la vie
sociale et économique. C'est cela, le défi. Je crois que la
Chambre de commerce l'a très bien saisi. C'est la difficulté
à laquelle nous avons à faire face, nous, dans la
rédaction de ce projet de loi. Je ne conclus pas aujourd'hui même,
parce que je pourrais être obligé de me dédire plus tard.
Je vais laisser la question en suspens pour le moment.
D'autre part, vous avez signalé, dans les exem-
ples que vous avez donnés, à la suite de la lecture d'un
texte de loi que vous avez lu, qu'il y avait des articles qui étaient du
droit nouveau, et je suis parfaitement d'accord avec vous qu'il y a certains
articles du projet de loi qui sont d u droit nouveau. Mais je pense que, dans
l'ensemble, il ne s'agissait pas du droit nouveau. Il s'agissait plutôt
de droit qui existait déjà.
Vous avez attiré notre attention sur une lettre qui aurait
été envoyée par la firme Johnson & Hig-gins au
gouvernement ontarien, et qui fait état des effets d'une charte
préconisant la non-discrimination ou, enfin, d'autres dispositions du
même ordre et qui entraînent des conséquences sur le plan
fiscal ou économique ou... Je serais vivement intéressé
à voir cette lettre pour étude.
M. Létourneau: M. le Président, comme je l'ai
signalé tantôt, nous n'avons pu obtenir la permission de
déposer ce document. Cependant, nous avons la permission de mentionner
son existence, et comme il a été adressé au sous-ministre
du Travail du gouvernement de l'Ontario, je pense qu'il serait relativement
possible de se procurer le document. Il est très
révélateur particulièrement sur l'implication des
systèmes de bénéfices sociaux à l'intérieur
de toute entreprise, de quelque nature qu'elle soit. La tradition, enfin, le
jugement, la société a accepté qu'il y ait des traitements
qu'on pourrait qualifier, selon la charte, de discriminatoires pour les
employés, même dans les plans de bénéfices sociaux
les plus avancés que nous connaissons présentement. Il y a de la
discrimination. Par exemple, entre les personnes, selon leur statut civil,
mariées ou non mariées, les bénéfices sociaux
varient. Les coûts de ces bénéfices sociaux varient
également, que ce soient les plans de retraite, que ce soit
l'assurance-vie, que ce soit l'assurance-maladie, s'il y a des
dépendants ou des non-dépendants. Il y a des traitements qui, si
on les regarde en fonction du projet de loi que nous avons devant nous, sont
discriminatoires ou pourraient être qualifiés comme tels. Si on
veut changer ces choses, il y a des implications économiques très
sérieuses. C'est pour cela que nous disons qu'étant donné
qu'il sera possible, après l'adoption de ce projet de loi, pour un
employé qui pourrait se sentir victime de discrimination, d'avoir
recours à la commission, d'apporter son cas à la commission et de
créer, par la suite, de nouvelles pratiques en matière
d'avantages, de bénéfices sociaux, là, cela pourra avoir
des conséquences très sérieuses, et la seule consultation
du document qui a été soumis par cette firme nous en montre la
portée. Pour nous, c'est une révélation, mais,
malheureusement, on ne peut pas en évaluer exactement l'impact
économique.
Il y a aussi, provenant de la même firme, un bulletin
adressé à des clients, j'imagine, daté du 3
décembre 1974 qui fait référence à cette même
opinion qui vient, cette fois-ci, de la même firme, John-son&
Higgins, Willis, Faber Limited, Place Victoria, à Montréal.
Cela nous fera plaisir de collaborer avec ceux qui sont responsables de
la préparation de la loi pour donner de plus amples détails par
la suite si nécessaire.
M. Choquette: Ce que vous dites illustre le point qu'il y a des
points de discrimination voulue et désirable, exemple: Les contributions
qu'on fait à l'impôt sur le revenu, qui peuvent dépendre de
son statut de marié ou non marié, du nombre d'enfants qu'on a et
des dépendants qu'on a. Comme vous dites, une application parfois
littérale de principes antidiscriminatoires pourrait tout défaire
ces structures. C'est un gros problème. De toute façon, je vais
essayer de me procurer les documents que vous avez mentionnés.
Maintenant, seulement un dernier commentaire, vous mentionnez que le
principe de légalité devant la loi serait battue en brèche
par l'article 74 de notre projet de loi. Je ne suis pas d'accord. Tout ce que
l'article 74 dit, c'est qu'une action civile ne peut être intentée
en raison ou en conséquence de la publication d'un rapport de la
commission en vertu de la présente loi ou de la publication faite de
bonne foi d'un extrait ou d'un résumé d'un tel rapport. Ceci
donne enfin une certaine immunité à ceux qui préparent un
rapport de bonne foi et surtout ceux qui le publient et qui le propagent. Ceci
donne une immunité aux média d'information qui peuvent rendre
compte de rapports de la commission et ainsi ils ne sont pas exposés
à des poursuites. Je ne vois pas en quoi ceci touche au principe de
légalité devant la loi.
M. Létourneau: M. le Président, Me Champagne va
parler plus longuement sur les raisons de notre position dans cette
question.
M. Champagne: M. le ministre, vous avez dit vous-même: Une
certaine immunité. Si je me permettais de dire des choses
méchantes contre le ministre de la Justice de façon officielle en
disant: II est ceci, il est cela, et que cela s'avère faux, ces choses.
Vous avez un droit de recours devant les tribunaux contre moi, parce que je
suis un individu et vous êtes un autre individu dans la
société. Parce qu'on s'appelle la Commission pour,
évidemment, la protection des droits des personnes, cette commission
pourrait, par erreur, dire que telle personne a subi une discrimination qui
peut lui occasionner de grands préjugés, de grands
préjudices. On dit: Pourquoi limiter le droit d'action? Si des gens
commettent vraiment une erreur, qu'ils soient responsables de leurs gestes,
comme vous avez dit vous-même. S'ils écrivent un rapport, par
exemple, qui est vraiment libelleux et qui est contraire à la
réalité, pourquoi empêcherait-on une poursuite en dommages
par la personne qui se sent lésée? Actuellement, vous permettez
même que, lorsque des policiers, qui sont sous le contrôle de la
police provinciale ou de d'autres corps policiers, font des choses qui ne sont
pas correctes, arrêtent quelqu'un impunément sans aucune raison
valable, les tribunaux accordent des dommages et intérêts contre
les actions policières. Pourquoi ne pas le reconnaître contre la
commission? C'est une première partie de notre position. Elle s'appuyait
aussi sur le fait... D'ailleurs, on a déjà eu l'occasion
d'entendre Me Burns nous donner un cours de droit administratif, en nous disant
que les clauses de recours, les prohibitions qu'on empêche, dans les
différentes lois,
contre les gens qui agissent de bonne foi dans leurs fonctions, que cela
ne tenait pas, que c'était pour une jurisprudence, c'était pour
ceci ou pour cela. Sans vouloir interpréter Me Burns, je dis simplement
que vous mettez ces recours, vous prohibez souvent des recours. Non, vous ne
l'avez pas mis dans celle-ci, nous l'avons mentionné dans notre
mémoire, parce que vous l'écrivez souvent. On dirait que les
rédacteurs de la loi, qui sont très compétents, souvent
écrivent cette clause comme une habitude, sans vraiment se dire: Est-ce
important, on va la mettre dedans, c'est normal. Je pense que c'est une
position du gouvernement de vérifier ces choses.
M. Choquette: Vous allez admettre qu'on n'a pas mis la clause
dans cette loi et que tous les recours, à l'égard de la
commission, demeurent ouverts.
M. Champagne: M. le ministre, c'est pour cela qu'on l'a
mentionné.
M. Choquette: Très bien. Je vous remercie beaucoup,
messieurs.
M. Létourneau: M. le Président, mon
collègue, M. Pierre Morin aimerait...
M. Morin (Pierre): M. le ministre, on a eu certains de vos
commentaires sur les perquisitions sans mandat. Est-ce qu'on pourrait avoir
certains de vos commentaires, à la même page, sur le
deuxièmement?
M. Choquette: Le deuxièmement?
M. Morin (Pierre): Je parle de celui sur les dossiers
policiers.
M. Choquette: Oh!
M. Morin (Pierre): Je sais que notre recommandation est conforme
au comité de révision du code civil.
Pour ce qui est du fichier administratif, nous avons simplement
étendu un peu le principe pour...
M. Choquette: Mais, voyez-vous, permettre aux gens l'accès
à des dossiers policiers, cela leur permet...
M. Burns: Le leur. Une Voix: Oui, le leur.
M. Choquette: Même leur dossier, cela leur permettrait de
voir quelle est la preuve disponible à leur égard, en rapport
avec une accusation qui va être logée ou qui est logée
devant les tribunaux.
M. Morin (Pierre): Non, M. le Président. M. Burns:
Tôt ou tard...
M. Choquette: Ah! arrêtez.
M. Burns: Tôt ou tard, c'est une chose qui va leur
être montrée devant les tribunaux. Voyons donc!
M. Choquette: II ne faut pas rêver en couleur.
M. Burns: Ce ne sont pas des cachettes, ces
affaires-là.
M. Choquette: Oui, ce sont des cachettes. M. Burns: Voyons
donc!
M. Choquette: Oui, je regrette, ce sont des cachettes.
M. Morin (Pierre): M. le Président...
M. Choquette: II arrive fréquemment que, dans un dossier
qui peut concerner une personne, il y a d'autres noms de mentionnés. Il
peut y avoir tout un système de réseau...
M. Burns: Ce n'est pas ce que la chambre demande; elle demande
des choses qui concernent l'individu. Il me semble que c'est la chose la plus
normale, si on consacre le principe de la vie privée d'une personne dans
une société, c'est de lui permettre de connaître quel est
son dossier dans les fiches policières. Il me semble que c'est une des
très bonnes recommandations du mémoire de la chambre. Il me
semble que c'est un minimum de décence.
Si, à un moment donné, dans mon dossier, c'est
marqué que M. Burns a fait telle et telle chose illégales en
présence de M. Jérôme Choquette, j'espère
qu'àun moment donné, la fiche policière va faire en sorte
que le nom de Jérôme Choquette n'apparaîtra pas dans ma
fiche du moins celle...
M. Choquette: Pensez-vous qu'on a le temps de faire tout un
triage à l'intérieur des dossiers de police pour dire qu'on
n'affectera pas les... La police est trop occupée pour faire cela. C'est
tout simplement pas possible.
M. Morin (Pierre): M. le Président, on consacre cela pour
l'entreprise privée et on voit des phénomènes nouveaux.
Par exemple, à la fonction publique fédérale, tout
employé-cadre est soumis à un examen de sa vie privée,
avant de devenir employé, par la Gendarmerie royale, ce qu'on faisait
auparavant, ou ce que l'entreprise privée fait faire par une autre
entreprise privée, les entreprises d'enquête, pour savoir
essentiellement si l'individu a respecté à la fois la loi et la
morale, et ces choses-là.
Ce qui est très drôle, c'est que moi, comme individu, je
vais avoir le droit de consulter ce même dossier s'il est dressé
par l'entreprise privée. Mais s'il est dressé par la Gendarmerie
royale ou la Sûreté du Québec, non. Et c'est pour les
mêmes fins, c'est pour des fins d'emploi.
Prenons les journalistes, ici, à la tribune de la presse...
M. Choquette: Ecoutez. Je pense bien qu'en principe, je suis
prêt à accepter l'intérêt qu'il y a de permettre
à une personne de contrôler son dossier, dans un certain nombre
d'activités, dans certains ordres d'activités. Exemple: Vous avez
cité le cas du crédit. On peut peut-être inclure dans cela
le dossier d'un employé. Mais quand on arrive dans des dossiers de la
police, ou des enquêtes faites par la police, c'est un autre secteur qui
est très différent.
Je pourrais vous citer un cas qui est passé devant les tribunaux
récemment où une personne visée par l'enquête sur le
crime organisé a fait une requête à la cour
Supérieure pour se faire livrer le contenu de la preuve qui était
en la possession de la police. Cela n'était peut-être pas
tellement en rapport avec l'enquête sur le crime organisé qu'en
rapport avec d'autres accusations à être portées contre la
même personne. Dans cette matière-là, il y avait plusieurs
personnes de mentionnées et je ne vois pas, en fait, comment il serait
possible de donner accès à des gens à des dossiers de
police.
M. Morin (Pierre): M. le Président...
M. Choquette: Mais, de toute façon, ce n'est pas parce que
je considère qu'il y a quelque chose de sacré dans les dossiers
de police; ce n'est pas du tout à partir de ce point de vue là.
C'est plutôt pour l'efficacité du travail de la police et pour
faire en sorte que la preuve qu'ils peuvent avoir en main ou les enquêtes
qu'ils sont en train de poursuivre et qui ne sont pas complétées,
pour qu'on puisse aller voir ce qu'il y a là-dedans; c'est strictement
à ce point de vue là.
De toute façon, je tiens à vous di re que tous ces sujets:
la vérification des dossiers par les personnes, la vérification
des données qui sont consignées dans les banques, des
données des ordinateurs, font l'objet d'un examen par un comité
au ministère de la Justice, à l'heure actuelle, dans le but de
légiférer aussitôt que nous le pourrons.
M. Létourneau: M. le Président, mon
collègue, Me Champagne, voudrait apporter une précision et une
nuance sur notre position.
M. Champagne: M. le Président, M. le ministre a
donné un point de vue, évidemment, en invoquant des arguments qui
étaient vraiment la position du ministère de la Justice, à
savoir que, dans le cas d'enquêtes, c'est peut-être difficile de
donner accès au dossier, puisqu'on ne sait pas à quel stade les
démarches sont rendues pour la poursuite d'un individu.
Notre position, M. le ministre, est plus à l'effet que c'est au
niveau de l'ensemble des citoyens. Je pense que, quand on n'a pas
été poursuivi on n'a pas l'intention de me poursuivre, on
n'a pas l'intention de le poursuivre ou de vous poursuivre pourquoi
n'aurait-on pas accès, dans ces cas, à notre dossier? A ce
moment, on a des renseignements. Par exemple, combien de personnes savent qu'il
y a un dossier à leur nom, qu'il y a telle activité qui a
été mise dans le dossier par la police, à telle ou telle
occasion? Même le ministère de la Justice, actuellement et
je pense que c'est à cause des lois récentes est
obligé d'aviser les citoyens lorsqu'il fait de l'écoute
électronique, 90 jours après, si je me le rappelle bien. C'est
déjà un pas dans le bon sens, puisqu'on informe le citoyen de ses
droits. On lui dit: On vous a fait cela, monsieur, il y a tant de temps, et la
personne sait ce qui est arrivé dans sa vie. Elle peut poser des
questions.
M. le ministre, je pense que vous avez raison de soulever
peut-être la difficulté au cas d'enquête, mais je dois vous
mentionner aussi que, lorsque le gouvernement a voté une loi pour exiger
que l'entreprise privée laisse à la disposition de tous les
citoyens des fichiers de crédit, on ne s'est pas demandé si cela
donneraif de l'ouvrage à l'entreprise privée ou si cela rendrait
son travail plus difficile. On a dit...
M. Choquette: Ce n'est pas seulement de l'ouvrage; c'est que cela
peut servir à contrecarrer l'action de la police.
M. Champagne: Mais il y a une différence, M. le ministre,
entre les deux; quant à contrecarrer une enquête, nous sommes
d'accord avec vous, mais l'autre nuance est qu'il y a des dossiers et des
renseignements qui pourraient y être contenus. Je pense que c'est dans ce
sens qu'il fallait préciser un peu notre position.
M. Choquette: Votre idée est généreuse, mais
je crains bien qu'elle ne soit pas applicable.
Le Président ( M. Kennedy): Le député de
Maisonneuve.
M. Burns: Sur ce point, non seulement l'idée est
généreuse, mais je la pense très réaliste et je
félicite la Chambre de commerce de sa recommandation dans ce domaine. Ce
que je vois d'intéressant dans cette recommandation... Parce que la
Chambre de commerce ne fait pas que de mauvaises choses; quand elle fait des
bonnes choses, nous allons la féliciter. Je voyais Me Champagne qui se
penchait vers son président et qui se disait: Pour une fois, il est avec
nous!
M. Morin: Cela dépend des commissions!
M. Burns: Ce n'est pas ce que vous disiez. J'ai semblé
lire cela sur vos lèvres!
M. Champagne: Vous seriez bon dans le théâtre!
M. Burns: En tout cas, je me prépare à une
surdité éventuelle.
De toute façon, je pense que ce qu'il y a derrière la
recommandation de la Chambre de commerce et c'est cela, l'aspect
réaliste ce n'est pas nécessairement de vouloir
contrecarrer une enquête policière; c'est au moins d'être en
mesure de corriger des informations inexactes. Je pense que c'est le but
définitif d'une telle recommandation.
M. Choquette: Oui, mais on ne combat pas le crime avec des bons
sentiments. C'est un bon sentiment que vous avez.
M. Burns: C'est plus qu'un bon sentiment. M. Choquette: Oui,
mais...
M. Burns: C'est, tout simplement, reconnaître
véritablement qu'une personne a droit de connaître tout ce qui
concerne sa vie privée, du moins en ce qui concerne ce que les dossiers
de l'Etat peuvent en avoir et, entre autres, un des dossiers de l'Etat, c'est
la police.
M. Choquette: Où allez-vous mettre la limite dans la
consultation des dossiers de police, si on suit votre logique? Cela veut dire
que n'importe qui peut aller à la Sûreté du Québec
et dire: Je voudrais voir mon dossier. Je suis un membre du crime
organisé, je suis classé, je suis le numéro S-236 dans
l'organigramme, je voudrais voir mon dossier. Je veux voirtout ce que vous avez
là-dedans, toutes les conversations que vous avez...
M. Burns: M. le ministre, vous savez fort bien... M. Choquette:
Je vous donne un exemple.
M. Burns: Vous avez des applications pratiques à cela.
Vous savez fort bien, et vous êtes bien placé pour le savoir, que
même la Gendarmerie royale je n'ai pas de cas pour la
Sûreté du Québec a dans le passé, à
plusieurs reprises, bloqué des gens au niveau de nouveaux emplois qu'ils
cherchaient à obtenir. Oui, M. le ministre, et vous le savez fort bien.
Si vous le voulez, à un moment donné, je vous donnerai la preuve
de cela.
M. Choquette: Vous m'en donnerez la preuve!
M. Burns: Oui. C'est arrivé à de nombreuses
reprises dans le passé. Dans certains cas, c'était basé
sur des renseignements inexacts. J'ai eu connaissance de cela dans le
passé, comme procureur syndical. Je n'ai pas de preuves récentes
de cela, mais je suis convaincu que cela existe toujours. Je suis convaincu
qu'à un moment donné tel ou tel chef d'entreprise, qui est plus
en amitié avec tel ou tel service de police, a souvent une ligne ouverte
et qu'il dit: Vérifie-moi donc ce dossier. Même si le ministre me
dit que cela ne devrait passe faire, cela se fait.
Mais oui. Vous vérifierez, M. le ministre; vous êtes bien
plus à même que moi de vérifier cela.
M. Choquette: Je me demande où vous allez mettre la
limite.
M. Burns: Je ne vois pas pourquoi j'aurais une limite à
savoir quel dossier de police existe à mon sujet. Je ne vois pas de
limite.
M. Choquette: Non, mais dans quelle circons- tance? Je vous ai
donné l'exemple. M. Untel, c'est vrai, a un dossier.
Il y a des faits, nous savons à qui il est associé, avec
qui il se tient, quels sont ses intérêts, à qui il
commande, nous savons tout cela. Alors, M. Untel dit: Je vais demander un
emploi, je veux entrer dans la Gendarmerie fédérale du
Canada.
M. Burns: Je peux vous donner des cas d'anciens employés
de votre propre ministère, M. le ministre.
M. Choquette: Qui, quoi?
M. Burns: Qui ont des problèmes à se replacer.
M. Choquette: Mais vous ne répondez pas à ma
question.
M. Burns: Je vous dis, par exemple, que moi, si, à un
moment donné, j'ai de la difficulté à me placer et que,
systématiquement, dans le domaine de ma compétence, je ne peux
pas me trouver d'emploi, je me pose une drôle de question. A ce
moment-là, n'ai-je pas le droit de demander à la police si elle
n'a pas un dossier sur moi? Tout à coup, je m'aperçois que c'est
marqué: M. Burns est très sérieusement
soupçonné d'être un "pusher" de drogue alors que je n'ai
jamais touché à cela de ma vie. Imaginez-vous, à ce
moment-là...
M. Choquette: Pensez-vous...
M. Burns: Mais, à ce moment-là, ne pensez-vous pas
que j'ai le droit de me battre contre ce dossier-là?
M. Choquette: Mais, pensez-vous que la police passe son temps
à divulguer le contenu de ses dossiers? Où avez-vous pris cela
qu'on peut prendre le téléphone et dire à la police: M. le
chef de police, dites-moi donc ce qu'il y a dans mon dossier? Il y a des choses
qui restent à la police.
M. Burns: M. le ministre, faites donc enquête, même
dans votre propre ministère, vous allez trouver que...
M. Choquette: Je n'ai pas besoin de faire d'enquête, je
sais ce qui se passe dans mon ministère. Quelqu'un m'appellerait pour me
demander...
M. Burns: Parlez en à votre sous-ministre, je lui ai
souligné un cas, il n'y a pas tellement longtemps.
M. Choquette: Enfin, on verra pour le cas, mais je vous dis
que...
M. Burns: Bien oui, bien oui!
M. Choquette: Je vous dis que ça ne se passe pas comme
cela, on ne téléphone pas à la police pour lui demander
des renseignements.
M. Burns: Je vous dis que ça se passe.
M. Choquette: A part cela, n'oubliez pas une chose. Il y a des
renseignements qui sont à la disposition de la police, des corps de
police et pas tous les corps de police, ce n'est pas dans tous les
renseignements policiers que n'importe qui peut aller piger. Si je dis que je
suis l'agent X, Y, Z, de la police de Sainte-Rose-du-Dégelé, je
ne peux pas prendre le téléphone et dire à la
Sûreté: Donnez-moi donc le dossier de M. Untel, du crime
organisé. On va l'envoyer au balai, ce policier-là. Il n'a rien
à faire là-dedans. Il n'est pas assez sûr, il n'est pas
assez rassurant. Il y a un élément de sécurité
là-dedans. Pensez-vous que ça se passe comme ça? Il y a
des contingences matérielles là-dedans. C'est pour cela que
lorsque je vois certaines suppositions, vous avez mentionné l'affaire
des 90 jours dans le cas de l'électronique, que le Parlement
fédéral a adoptée, c'est très discutable,
comme...
Je ne vous dis pas que j'étais pour une loi de contrôle de
l'écoute électronique, parce qu'il ne faut sûrement pas que
la police ait le pouvoir d'abuser. C'est incontestable. Mais il y a quand
même une certaine zone où il faut laisser la police faire son
travail pour qu'il soit efficace. Qu'il n'y ait pas d'abus et qu'on introduise
des notions de contrôle, je suis bien d'accord sur cette idée,
mais il faut faire attention à quelles notions de contrôle.
M. Burns: Là où je vous suis, M. le ministre, c'est
si la demande de la Chambre de commerce était à l'effet que moi,
comme individu, je puisse aller voir le dossier de Jérôme
Choquette à la police. Je vous comprendrais très bien, je vous
nomme, mais je pourrais nommer n'importe qui, je pourrais parler du
député de Beauce-Nord ou de n'importe qui, je vous citais comme
exemple parce que vous êtes mon interlocuteur actuel. Je comprendrais
très bien une réticence de la part d'un ministre de la Justice
que n'importe qui ait accès au dossier de police d'une autre personne.
Mais, mon dossier à moi, ou bien vous êtes sérieux ou vous
ne l'êtes pas quand vous dites que la vie privée a un sens au
Québec. Ou vous êtes sérieux ou vous ne l'êtes pas en
édictant un certain nombre de choses dont ça,
l'inviolabilité de la vie privée.
M. Choquette: Le député de Maisonneuve est trop
sérieux pour soutenir cela et je ne connais aucune législation
qui le permette, aucune. Qu'on me cite le casde la législation,
même américaine, en ce qui concerne la sécurité, le
travail de la police, ce n'est pas accessible, même à
l'intéressé. Il y a certains dossiers qui doivent être
accessibles, je suis parfaitement d'accord. Le dossier, par exemple, scolaire,
comme on l'a mentionné, des dossiers, peut-être d'emploi,
auprès d'employeurs, parfaitement d'accord. Mais quand on est dans le
domaine du travail de la police, il s'agit d'un domaine très
particulier. J'aimerais qu'on me cite un exemple où on peut aller dire
à la police: Donnez-moi donc mon dossier, je veux le voir.
M. Burns: Même s'il n'y en a pas d'exemple, il me semble
que c'est tellement logique. Je ne sais pas s'il y a des exemples, mais...
M. Choquette: Ce n'est pas trop logique quand on regarde la
nature du travail de la police.
M. Burns: Autrement, soyez sérieux et ne mettez pas
l'inviolabilité de la vie privée.
M. Choquette : Ce n'est pas de la vie privée, cela. M.
Burns: Bien non, c'est quoi? M. Choquette: Ce n'est pas cela.
M. Burns: C'est tellement privé que même l'individu
concerné n'a pas le droit d'en prendre connaissance.
M. Choquette: Mais on n'est pas pour nier le travail de la
police.
M. Burns: On ne veut pas nier le travail de la police et je
trouve qu'elle doit continuer, dans certains cas, à avoir des dossiers
sur des gens, c'est bien normal, mais moi, j'ai le droit, par exemple, de faire
corriger quelque chose qui apparaît indûment à mon dossier.
Il me semble que cela aussi, c'est un droit minimum. Il n'y a pas de grand
principe de sécurité d'Etat ni quoi que ce soit qui puisse passer
par-dessus ça, à mon avis. Il n'y en a pas, ou on n'est pas
sérieux.
M. Choquette: Ecoutez, on peut être de bon compte avec vous
et dire qu'il est peut-être regrettable, s'il y a des inexactitudes dans
un dossier, mais, à partir du moment où on ouvre la porte et
qu'on dit que n'importe qui a accès à son dossier, à ce
moment-là, elle va avoir beaucoup d'éléments de preuve qui
peuvent être très pertinents à l'examen du travail de la
police.
C'est le dilemme qu'il faut trancher. Moi, je dis que, si on introd uit
le principe que vous mentionnez, vous niez le travail de la police.
M. Burns: Soyez de bon compte, vous aussi, M. le ministre.
Pendant la crise d'octobre, il y a au-delà de 460 personnes qui ont
été arrêtées. Il y a eu à peine une vingtaine
ou une trentaine de plaintes de portées. Sur la vingtaine ou la
trentaine de plaintes portées, je ne sais pas combien il y a eu de gens
trouvés coupables. Je pense que cela descend en bas de dix.
M. le ministre, la conséquence? Pourquoi pensez-vous qu'à
un certain moment il y a eu 460 personnes d'arrêtées? C'est
à partir des dossiers de police qui, dans bien des cas, étaient
absolument faux ou, dans bien des cas, étaient complètement
mabouls. Parce que quelqu'un était membre d'un organisme et était
un petit peu gauchisant, ce gars s'est fait embarquer. Ecoutez! J'ai eu des
clients je pratiquais à ce moment-là qui ont tout
perdu à cause de folies et de stupidités comme cela qui se
trouvaient dans des dossiers de police. Quand on a réclamé au
Protecteur du citoyen, une personne qui avait perdu et son emploi et sa
réputation dans une petite ville de province, et sa femme et tout ce que
vous voulez, le Protecteur du citoyen nous a recommandé un remboursement
de $350.
Imaginez-vous si ce n'est pas ridicule! A cause de quoi, l'origine, vous
pensez? Pourquoi ce monsieur en question auquel je pense actuellement
était sur les fiches de police? C'est à cause de renseignements
mabouls, de renseignements stupides que cette personne aurait pu,
peut-être, faire corriger si, à un certain moment, elle avait eu
accès aux dossiers de police en question.
M. Choquette: Vous donnez l'exemple de la crise d'octobre...
M. Burns: Je peux vous en donner plusieurs.
M. Choquette: Un instant! M. Burns: Je peux vous en donner
400 dans le cas de la crise d'octobre.
M. Choquette: Vous donnez l'exemple de la crise d'octobre. Je ne
suis sûrement pas pour faire l'apologie de tout ce qui s'est passé
dans cette période. Mais moi, je peux vous dire que nous avons des
dossiers sur un certain nombre de personnages. Je ne les prendrai pas dans le
domaine de la sécurité nationale, mais on va les prendre dans le
domaine du crime professionnel, on va les prendre dans le domaine du crime
organisé. Il est impensable de permettre à ces gens d'avoir un
accès à leur propre dossier. C'est impensable. Ce serait la
contradiction même du travail de la police.
M. Burns: Mais, M. le ministre...
M. Choquette: Je suis parfaitement prêt à admettre
avec vous qu'il peut y avoir des cas d'inexactitudes. Il faudrait
peut-être étudier des manières de corriger ces
inexactitudes. Mais on ne peut pas permettre à des personnes d'avoir
accès à leur propre dossier quand il s'agit du travail
policier.
M. Burns: Comment pouvez-vous trouver une méthode? Vous
dites: On peut peut-être trouver une méthode pour essayer de
corriger ces inexactitudes. Comment les corriger, sinon par la personne
immédiatement concernée, c'est-à-dire la personne au sujet
de qui se trouve élaboré ce dossier?
M. Choquette: C'est...
M. Burns: II n'y a pas d'autre façon.
M. Choquette: Non. On est dans un dilemme quasi insoluble. La
seule procédure que je verrais, c'est que la personne, si elle note
qu'il y a des inexactitudes, parce qu'il y a des choses anormales qui se
passent à son sujet, qu'elle le signale au Protecteur du citoyen ou
à la direction de la police...
M. Burns: Qui va, encore une fois, déclarer son
impuissance à cet égard et il a peut-être raison...
M. Choquette: N'importe...
M. Burns: II va avoir raison là-dessus.
M. Choquette: Ah non!
M. Burns: Non. Il a parfaitement raison.
M. Choquette: Le Protecteurdu citoyen peut le signaler à
la direction de la police. Cela ne veut pas dire que la police veut avoir des
dossiers mal tenus. Parce qu'autrement on ne peut pas...
M. Burns: J'ai l'impression, M. le ministre, que vous confondez
deux choses. Vous nous parlez de certains criminels. Vous songez surtout aux
gens qui font l'objet de préoccupation particulière devant la
Commission d'enquête sur le crime organisé. Je pense que c'est
surtout...
M. Choquette: II y a ce groupe-là.
M. Burns: ... à eux que vous songez. Il y en a
peut-être d'autres, mais c'est surtout à ceux-là que vous
songez. Mais ce qu'on vous demande, ce n'est pas de dévoiler la preuve
que vous avez contre les gens. Dévoiler la preuve et dévoiler ce
qu'il y a dans le dossier de quelqu'un, ce sont deux choses tout à fait
différentes. Vous le savez fort bien, voyons donc!
M. Choquette: Pas du tout!
M. Burns: Vous êtes un avocat qui a déjà
pratiqué...
M. Choquette: Ce ne sont pas deux choses différentes.
M. Burns: Bien oui!
M. Choquette: Dans un dossier de police, il peut yavoirun
lotd'élémentsqui indiquent la naturede la preuve qu'on a à
l'égard de quelqu'un. Même si on expurgeait ce dossier pour donner
satisfaction à votre théorie et qu'on disait: On va mettre
seulement le minimum dans le dossier, il en resterait une partie en dehors du
dossier à laquelle la personne n'aurait pas accès...
M. Burns: Non.
M. Choquette: ... et qu'elle ne pourrait pas contredire. C'est
évident.
M. Burns: Non.
M. Choquette: Même à cela, cela pourrait lui donner
des indications sur des preuves que la police...
M. Burns: Je suis convaincu...
M. Choquette:... a mises en dehors du dossier.
M. Burns:... que la Chambre de commerce est passablement plus
réaliste que cela et elle ne vient pas vous demander de...
M. Choquette: La chambre...
M. Burns:... soumettre d'avance la preuve à un
éventuel accusé.
M. Choquette: La chambre...
M. Burns: Ce qu'elle demande, c'est de savoir comment M. X, Y ou
Zest fiché à la police. C'est cela.
M. Choquette: Je ne considère pas que la Chambre de
commerce est un expert en matières policières, malgré tout
le respect que j'ai pour ses représentants aujourd'hui. Vous allez
demander à n'importe quel policier normal, raisonnable,
expérimenté, et ce n'est tout simplement pas possible. Le simple
bon sens, la simple logique le dit.
Si on prend, par exemple, l'affaire du CIA aux Etats-Unis. Actuellement,
il y a une enquête sur le CIA. Qu'est-ce qu'on reproche au CIA? On lui
reproche d'avoir tenu des dossiers à l'intérieur des Etats-Unis,
parce que ce n'était pas conforme à la loi, au mandat du CIA. On
ne reproche pas cela au FBI. Le FBI a des dossiers sur des personnes aux
Etats-Unis et il a le droit légalement. Personne n'a jamais pensé
de faire un reproche de cela au FBI, parce que c'est sa fonction de faire des
enquêtes de police à l'intérieur du pays. Il faudrait quand
même rester dans des cadres raisonnables. Il faut certainement avoir une
philosophie saine, une attitude qui n'est pas morbide dans le domaine des
dossiers de police. Je suis bien d'accord, il ne s'agit pas d'avoir tout un
appareillage et des contrôles policiers et d'avoir un dossier sur tout le
monde. A ce moment, c'est quasi l'Etat policier. Il ne s'agit pas de cela. Que
voulez-vous que j'y fasse? Il y a du crime dans la société et il
y a des organisations criminelles dans la société...
M. Burns: M. le ministre...
M. Choquette:... si on leur donne accès... Même je
vous donnais l'exemple tout à l'heure, que je réitère,
c'est que ce ne sont même pas tous les policiers qui ont accès
à ces dossiers. Souvent, c'est un petit groupe de policiers
spécialisé pour ces fins et...
M. Burns: C'est vrai.
M. Choquette:... ils en ont besoin pour les fins de leur travail.
On n'est pas pour se mettre à disperser cela.
M. Burns: M. le ministre, vous parlez d'attitudes morbides. C'est
au contraire la vôtre qui est morbide, M. le ministre.
M. Choquette: La mienne est réaliste.
M. Burns: Je tiens à vous le souligner. Vous partez en
disant: On va enlever ce droit à l'ensemble de la population qui,
majoritairement, n'est pas criminelle. Autrement, à moins que vous ne
m'annonciez le contraire, et que c'est nouveau dans vos statistiques; dans un
tel cas, je m'inquiète sérieusement. Je pense que la
majorité des citoyens du Québec n'est pas criminelle. On
enlève ce droit à la majorité des non-criminels,
c'est-à-dire la majorité de la population qui est non criminelle,
tout simplement pour sauvegarder un droit de cachotterie de la police à
l'endroit de la minorité de la population visée par les fiches de
la police. Voyons donc!
M. Choquette: C'est exact.
M. Burns: Cela ne se tient pas, votre argument.
M. Choquette: Oui, cela se tient.
M. Burns: Bien, non.
M. Choquette: C'est exact, parce que vous opposez la
quantité des gens intéressés. Je suis parfaitement
prêt à convenir avec vous que la majorité des gens n'a pas
d'affaire à avoir des dossiers de police. Cela ne veut pas dire qu'il
n'y a pas une minorité qui mérite un dossier de police et
à qui il faut empêcher d'y avoir accès. Si vous
conférez ce droit à la majorité, vous allez être,
par le fait même, obligé de le conférer à cette
minorité, et vous allez détruire le travail policier. Il me
semble que le bon sens est là.
M. Lapointe: M. le Président, j'invoque le
règlement.
M. Burns: Je ne partage pas votre appréciation du bon sens
là-dessus.
M. Lapointe: Le but de la commission, c'était d'entendre
des témoins. Normalement, il ne doit pas y avoir de discussions entre
les membres de la commission. Les membres de la commission peuvent poser des
questions...
M. Burns: Avez-vous hâte de vous en aller chez vous? Est-ce
cela? C'est quoi, votre problème?
M. Lapointe: Absolument pas. Je pense que c'est une
discussion...
M. Burns: On n'est pas pressé. On est ici pour...
Justement, on discute...
M. Lapointe: J'ai posé une question de règlement.
Est-ce que j'ai la parole?
M. Burns: ... d'un point de vue.
Le Président (M. Kennedy): Vous avez la parole. Je
voudrais simplement souligner...
M. Lapointe: Je pense que cette discussion pourrait avoir lieu
lors de l'étude du projet de loi article par article et à
d'autres moments. Il y a des gens qui attendent ici pour exposer leur
mémoire-
Le Président (M. Kennedy): Je pense que les opinants ont
répondu à une question qui a été soulevée
par un représentant de la chambre, laquelle suggestion est contenue dans
leur mémoire. Ils sont ici pour en discuter. Je comprends que le
dialogue se fait entre le ministre et le député de Maisonneuve,
mais, tout de même, c'est un point qui est soulevé dans le
mémoire de la chambre de commerce.
M. Létourneau: M. le Président, nous reconnaissons
que nous ne sommes pas des experts en
matière policière. Nous reconnaissons avec le ministre que
la requête que nous faisons, la recommandation que nous faisons, pose
certainement des problèmes très sérieux, c'est sûr.
Jusque dans quelle limite on pourrait accorder ce droit? Nous en sommes
conscients. Nous sommes conscients que ce serait difficile. Encore une fois,
est-ce qu'on croit, oui ou non, que les droits individuels existent et peuvent
se matérialiser en ce domaine? Jusqu'à quel point, nous
reconnaissons que c'est difficile de l'établir. Quand on constate qu'il
est même parfois impossible pour un citoyen normal, ordinaire, qui n'a
pas de dossier criminel, de savoir si, oui ou non, il a un dossier policier et
dans quelle mesure cela peut lui nuire dans sa vie, le fait qu'il ait un
dossier policier. Il y en a qui pensent que cela leur nuit. Il y a certaines
gens qui ont cru avec certaines bonnes raisons que cela leur a nui dans le
passé. C'est ce problème que nous amenons. Nous profitons du fait
que nous faisons un acte légal, c'est-à-dire on étudie une
loi qui reconnaît des droits à l'individu.
On se dit: Ce n'est pas possible de l'appliquer dans ce
domaine-là. Nous ne sommes pas, encore une fois, des experts. Nous
reconnaissons les problèmes que le ministre a soulevés et nous
demandons au ministre: Voulez-vous, s'il vous plaît, considérer la
possibilité de trouver un juste milieu entre ces deux positions qui
s'affrontent?
M. Choquette: C'est ce qu'on recherche à cette commission
et à l'occasion de ce projet de loi. Je ne vous reproche pas d'avoir
soulevé le problème. Je vous donne la réaction de
quelqu'un qui connaît un peu la question. Je ne me considère pas
un grand spécialiste, mais après tout, cela fait quand même
presque cinq ans que je suis ministre de la justice et j'ai vu ces
problèmes. J'ai vu les manoeuvres qui se déploient, à
l'occasion, justement pour aller chercher des informations, des
éléments de preuve qui peuvent se trouver dans les dossiers
policiers. Je vous dis que, malgré toute la bonne foi de votre organisme
et celle du député de Maisonneuve, il y a une ligne à
tracer qui fait qu'il faut qu'il y ait des éléments de
sécurité autour de la possession d'un certain nombre
d'informations entre les mains de la police. C'est tout ce que je veux.
M. Létourneau: II pourrait y avoir des...
M. Choquette: Et moi, je vous rassure sur un point. C'est que les
dossiers de police ne sont pas accessibles à n'importe qui qui peut
prendre le téléphone et demander: Est-ce que M. Untel a ceci, a
cela? Je vous le dis, d'après mon expérience: Ce n'est pas le
cas, et la police ne donne pas des renseignements de ce genre-là. Elle
garde ses dossiers pour elle et souvent à l'intérieur de cercles
relativement fermés de la police. Même le policier du commun des
mortels n'a pas affaire à toucher des dossiers qui ne le concernent pas.
Il faut que ce soit dans son travail.
Mais je prends note de votre interrogation sur cela et, malgré
que nous sommes favorables à ce que la vérification des dossiers
individuels puisse se faire, en principe... Vous avez mentionné le cas
des compagnies de crédit et d'autres circonstances semblables. En
principe, je suis bien d'accord; je fais une exception cependant, dans le cas
actuel, dans le cas que nous discutons, le dossier de police.
M. Burns: Moi, M. Létourneau, je ne suis sûrement
pas pour vous reprocher une attitude comme celle-là, que je trouve
généreuse de la part de la chambre, parce que cela ne concerne
pas immédiatement vos propres intérêts. C'est une
réaction en faveur des libertés et des droits fondamentaux.
Personnellement, ce n'est sûrement pas moi même si vous
n'êtes pas, comme moi non plus, desexperts en droit criminel, mais on
peut peut-être être des gens qui sont intéressés aux
libertés et aux droits fondamentaux je ne peux que vous
féliciter de votre attitude. Bien au contraire, je ne vous le
reprocherai pas.
Je reviendrai à votre mémoire, maintenant qu'on a
passé par-dessus ce problème-là, qui reviendra sans doute
lors de l'étude du projet, article par article. J'aimerais avoir des
précisions sur deux de vos recommandations. Je dois vous dire d'abord
que sur l'ensemble de vos recommandations, je me déclare favorable, en
particulier, à celle q ui veut que la charte des droits, un peu comme le
Barreau est venu nous le dire, la Chambre des notaires, la Ligue des droits de
l'homme... Soit dit en passant, cela me plaît beaucoup de voir cette
attitude généralisée des groupements
intéressés qui viennent tenir cette attitude que la loi se doit
d'être une loi fondamentale, une loi transcendante. J'espère que
le ministre de la Justice en tiendra compte éventuellement, en
particulier, votre recommandation sur le fait qu'on doit rendre plus difficile
l'amendement de droits ou la disparition de d roits qui se trouvent
consacrés dans cette charte par un vote des deux tiers;
également, cela me plaît de voir cela dans vos
recommandations.
J'aimerais cependant que vous me donniez plus de précisions sur
votre recommandation no 2, lorsque vous recommandez de calculer à
l'avance les délais d'application qui tiennent compte des incidences
sociales et économiques des différentes dispositions de la
présente charte. Est-ce que, dans le concret, vous avez des exemples
mise à part la lettre à laquelle vous avez fait
référence tout à l'heure des cas concrets où
vous pensez qu'il peut y avoir des incidences économiques de la mise en
application de cette charte?
M. Létourneau: M. le Président, d'abord parce que
j'ai eu l'avantage de consulter le mémoire qui va suivre le nôtre,
c'est-à-dire celui des compagnies d'assurance. Il y a, dans ce
mémoire, des exemples particuliers très concrets qui mentionnent
des cas spécifiques où cela peut devenir un problème
sérieux, un problème économique sérieux, en tout
cas et un problème aussi, des réévaluation des valeurs
acceptées jusqu'ici, en matière de bénéfices
marginaux aux employés.
Dès que vous touchez à cela, que vous avez affaire
à des centaines de milliers de travailleurs et que ce sont des
bénéfices qui sont payés longtemps, qui peuvent être
payés longtemps après qu'on a versé la prime pour les
payer, dès que vous touchez à cela un peu, vous pouvez avoir
des
conséquences très importantes. C'est comme lorsqu'on songe
à imposer l'âge de la retraite à 60 ans au lieu de 65, la
plupart des gens considèrent cela comme une chose tout à fait
normale, mais dès que vous commencez à parler de cela à
des actuaires, ils vont vous démontrer comme c'est extrêmement
coûteux de refaire les fonds de pension, de sorte que les
bénéfices soient les mêmes à 60 ans qu'à 65.
De même, dans des bénéfices marginaux accordés
à des employés, la façon dont on les a pensés
actuellement, en fonction du projet de loi qu'on a devant nous, peut être
interprétée comme discriminatoire, et si quelqu'un s'en plaint et
q u'on est obligé de tout refaire en fonction de cela, on va tomber dans
des choses qui peuvent être extrêmement coûteuses. Nous n'en
connaissons pas exactement la portée. Je vous ai cité un document
qui aborde cette question. Il est préparé par des
spécialistes en la matière, des gens qui ne font que cela,
examiner des bénéfices marginaux, fonds de pension,
assurance-maladie, assurance-vie, et qui se rendent compte de l'impact
économique considérable.
Nous ne voudrions pas que ce projet de loi, qui pourra permettre
à des employés qui, dans l'avenir, se considéreront dans
un état de discrimination, d'avoir recours aux services de la
commission. La commission pourra statuer, enfin, selon les dispositions qui
sont présentement là, et on aura alors des
précédents et on sera obligé, peut-être, de refaire
tous les systèmes de bénéfices marginaux qui existeront
partout dans le secteur, qui sont généralement faits comme cela,
parce qu'on a accepté que cette discrimination était acceptable.
A ce moment, on pourra arriver à des situations vraiment
coûteuses, et comme dans d'autres lois on se dit: N'adoptons pas des lois
qu'on n'a pas les moyens de se payer, ou si on pense que c'est socialement
juste et qu'il faut l'atteindre, établissons des
échéanciers ou une période au cours desquels on pourra
étaler les coûts pour les absorber plus facilement dans la
société.
M. Burns: Je suis d'accord. Alors, si vous le signalez...
M. Létourneau: M. Morin veut continuer, si vous lui
permettez.
M. Burns: Oui, d'accord!
M. Morin (Pierre): M. le Président, si on prend, par
exemple, l'article 17, nous avons une question d'interprétation,
peut-être, où la commission pourrait nous éclairer. On dit
qu'une distinction, exclusion ou préférence fondée sur les
aptitudes exigées pour un emploi n'est pas réputée
discriminatoire. Je fais le lien de la phrase. L'article ne dit pas que
l'ancienneté est nécessairement une aptitude exigée pour
un emploi, alors qu'on retrouve, dans la plupart des conventions collectives
qui ont été négociées de bonne foi, des clauses
d'ancienneté, par exemple, que ce soit pour la mise à pied ou le
réembauchage.
M. Burns: Pour la promotion.
M. Morin (Pierre): Ou pour la promotion. Si on prend, dans un
cadre bien strict, les aptitudes exigées pour un emploi strictement
à la compétence et si on met de côté la question
d'ancienneté, vous pouvez voir immédiatement, à la fois,
l'incertitude que cela peut créer...
M. Burns: Oui, mais, M. Morin, vous savez que la plupart des
clauses, j'oserais même dire que la totalité des clauses de
conventions collectives en matière d'ancienneté
particulièrement ont une relation avec les aptitudes. Je pense que votre
exemple a une valeur quant au réembauchage à la suite d'une mise
à pied et quant à la promotion surtout...
M. Morin (Pierre): Ou à la mise à pied...
M. Burns:... la plupart de ces clauses, je dirais même la
totalité, ont toujours une relation avec les aptitudes. On a la fameuse
clause: A compétence égale, l'ancienneté primera, ou
encore, l'ancienneté sera déterminante pour autant que
l'employé ait les aptitudes requises, les exigences normales de la
fonction, en tout cas, toutes les formules qu'on connaît dans les
conventions collectives. Il me semble que c'est respecté dans les
conventions collectives, ce que laisse entendre l'article 17, puisqu'il
l'exclut pour les organismes philantropiques, religieux, etc. Il me semble que
l'aspect de l'aptitude est déjà... J'ai assez
négocié de conventions collectives et particulièrement de
clauses d'ancienneté pour savoir que les employeurs sont
réfractaires à accepter une clause d'ancienneté pure et
simple. Ils ont parfaitement raison d'ailleurs. Je ne connais pas d'employeurs
qui ont accepté de dire: L'employé le plus ancien de mon usine,
quelles que soient ses aptitudes, aura droit au poste le mieux payé de
mon usine.
Je n'en connais pas, à moins que vous ne me citiez un cas
vraiment de gars qui sortirait de la ligne. Il me semble que c'est
protégé, déjà, cet aspect-là.
M. Létourneau: Nous voulons parler surtout de
l'ancienneté pour autant que l'accessibilité aux
bénéfices marginaux peut être impliquée.
M. Burns: Sous cet angle-là, d'accord.
M. Choquette: Si on me permet d'ajouter quelque chose en
réponse à la question posée, c'est que, si on devait
inscrire, suivant certaines suggestions, à l'article 11, le mot
"notamment" pour élargir le concept de discrimination, vous auriez
peut-être raison de dire qu'à l'occasion d'une promotion
l'employeur ne pourrait pas discriminer en prenant en considération
l'ancienneté de l'un ou de l'autre de ses employés. Il ne
pourrait pas tenir en considération ce facteur-là.
Mais remarquez qu'à l'article 11 c'est justement ce qui me
faisait hésiter à introduire le mot "notamment" il faut
que la discrimination soit relativement circonscrite pour qu'on puisse en
apprécier la portée; vous voyez.
Alors, quand vous arrivez à l'article 17, vous
devez lire l'article 17 avec l'article 11. A l'article 17, il n'y a rien
qui empêche l'employeur de tenir en considération
l'ancienneté de ses employés dans l'octroi d'un autre emploi,
c'est-à-dire qui représente une promotion par rapport à
leur emploi antérieur.
M. Létourneau: Je répète, M. le
Président, que nous avons surtout parlé en fonction
d'accessibilité à des bénéfices marginaux. C'est
une des choses sur lesquelles nous avons plus particulièrement
insisté. Les clauses qu'on a soulevées dans les conventions
collectives, nous sommes conscients que cela existe dans la forme que vous
dites et qu'effectivement cela pourrait arriver. Je pense que c'est
arrivé dans certains cas, mais nous ne sommes pas ici pour en
débattre, parce que cela pourrait être plutôt
minoritaire.
M. Champagne: M. le Président, j'aimerais donner deux
exemples à M. Burns qui demandait, tout à l'heure, quel serait
l'impact que cela va avoir. Je pensais, entre autres, aux coûts que le
gouvernement a peut-être évalués dans la préparation
du projet de loi.
Il y a quelques mois ou peut-être un an, le gouvernement a
changé la Loi des tribunaux judiciaires, en permettant au veuf d'une
femme juge d'obtenir la pension, ce qu'il n'avait pas le droit d'obtenir
auparavant. A moins que je ne me trompe, M. le ministre, c'est un changement
que vous avez fait, il y a peut-être un an, dans une loi qui disait que
la pension était accordée dorénavant au mari, parce que,
auparavant, la loi prévoyait seulement que c'était à la
femme d'un juge qui mourait.
Seulement ce changement, qui aurait dû être obligatoire, en
fonction d'une égalité maintenant, homme ou femme, combien a-t-il
coûté ou combien coûterait-il maintenant? C'est un exemple
de bénéfice marginal que vous avez accordé dans un
cas...
Une Voix: Nouveau.
M. Champagne: ... nouveau et qui tiendrait compte de la loi.
Je prends un autre exemple. Vous avez la Régie des rentes
où vous avez inclus dernièrement la notion de vie commune, la
femme en vie commune; la personne qui vit avec le mari. Simplement ce
changement-là pour respecter une certaine égalité, un
statut ou un état civil, combien cela coûte-t-il? Cela peut
être $5 millions, $1 million, $100,000, mais, sur une longue
période, cela peut coûter beaucoup d'argent.
L'étude que M. Létourneau mentionnait tantôt est
justement basée pour soulever ces points. Les conventions collectives,
par exemple, qui assurent au mari $50,000 d'assurances et, quand c'est une
femme, $25,000, cela deviendrait illégal, parce qu'il n'y aura plus
d'égalité pour la même fonction dans les
bénéfices marginaux.
C'est ce genre de points là qu'on vous demande de bien
évaluer pour en connaître les impacts. Nous sommes d'accord sur le
principe, mais cela peut peut-être prendre cinq ans avant de l'obtenir.
Cela peut peut-être prendre sept, huit ou dix ans avant d'établir
ces choses-là. Autrement, on arriverait à une conséquence
économique qui serait peut-être plus importante et qui
créerait peut-être un embêtement à bien du monde dans
le domaine des affaires.
M. Burns: Autre question relativement à votre
recommandation no 3. Vous voulez que la loi garantisse l'autonomie de la
commission en prévoyant que son président soit nommé par
l'Assemblée nationale. Déjà, dans le texte de la loi, les
nominations des membres, qu'ils soient trois, cinq ou sept, comme d'autres
suggestions nous ont été faites, seront faites sur recommandation
du premier ministre, mais adoptées par l'Assemblée nationale.
Vous voulez précisément que le président soit
nommé. Ce que vous craignez, je pense, c'est qu'il y ait trois, cinq ou
sept personnes qui soient nommées et que, par la suite, suivant un autre
processus, le président soit nommé parmi ces sept-là.
Est-ce que je vous ai bien compris?
M. Létourneau: M. Champagne.
M. Champagne: M. le Président, c'est notre
inquiétude et peut-être que c'est un souci, vu qu'on parle d'une
charte ou d'une déclaration des droits des individus. On dit: La
nomination du président ne devrait même pas être faite sur
la recommandation du premier ministre, mais simplement de l'Assemblée
nationale.
Ne pas mettre cette distinction précise que cela passe uniquement
par la voie du premier ministre. On sait très bien qu'en pratique, cela
arriverait à la même chose, de toute façon. Ce sera
toujours le gouvernement majoritaire. On dit simplement une chose, que cela
devrait être l'Assemblée nationale elle-même qui devrait...
Cela va être la même procédure qui va arriver, mais quand
même enlever cette particularité. C'est le premier ministre qui
fait la suggestion à l'Assemblée nationale. Par exemple, on peut
mettre un exemple, cela pourrait être le ministre de la Justice qui est
responsable de l'application, qui fait la proposition à
l'Assemblée nationale; cela ne change rien, mais simplement, ce qu'on
dit, c'est une nuance qu'on apporte dans le texte.
M. Burns: Dans le fond, votre recommandation, c'est qu'on ne
mette pas sur la recommandation de qui ces gens sont...
M. Champagne: C'est cela.
M. Burns:... et conserver, comme on l'a actuellement, la
nomination par l'entremise de l'Assemblée nationale.
M. Champagne: C'est cela.
M. Burns: Je vous signale, en passant en tout cas, c'est
mon interprétation à votre recommandation 6, je suis bien
d'accord pour que vous la souleviez, mais j'ai l'impression que c'est
déjà prévu
par le projet de loi. Je pense qu'il était essentiel qu'à
l'article 46, on parle du gouvernement, des organismes et peut-être,
éventuellement, à la suggestion du Barreau ou de la couronne. Je
pense que cette loi, même si on ne nomme pas les organismes scolaires et
municipaux, s'appliquera à eux, sauf erreur, M. le ministre. Je ne sais
pas si c'est votre interprétation.
M. Létourneau: C'est que nous avions des
interprétations contradictoires sur ce point. Si c'est bel et bien
l'interprétation que vous avez de l'article 46, que cela répond
à la recommandation que nous faisons à l'article 6, nous en
sommes bien heureux.
M. Choquette: L'article 46 n'exclut pas d'autres personnes ou
organismes publics ou privés. L'article 46 dit simplement que cette
charte s'applique au gouvernement, mais entre autres, au fond, parce qu'il est
évident que tous les corps publics et toutes les compagnies
privées, toutes les personnes au Québec sont liées par
l'application de la charte.
M. Létourneau: C'est évident, M. le ministre,
d'après votre interprétation, que cela inclut les corporations
municipales et scolaires. Notre seule préoccupation, c'est qu'on
n'était pas certain que c'était...
M. Choquette: Oui, vous pouvez être sûr que cela a
une application générale. C'est parce qu'en vertu de la loi
d'interprétation, pour que le gouvernement ou, enfin, la couronne soit
liée, il faut le dire spécifiquement dans une loi. C'est comme
cela que nous avons référé spécifiquement au
gouvernement, ses organismes et préposés.
M. Létourneau: C'est que nous avions remarqué que,
dans le projet de loi 22, les organismes visés étaient
spécifiquement mentionnés à l'annexe. Je ne sais pas s'il
y avait une raison particulière.
M. Burns:... raison particulière que le projet de loi 22
peut avoir, eu égard à certains organismes, entre autres, dans le
domaine scolaire.
M. Létourneau: Nous sommes satisfaits si le
législateur nous dit que c'est inclus. Cela nous satisfait.
M. Choquette: Très bien.
Le Président (M. Kennedy): Le député de...
Je m'excuse.
M. Burns: Encore une fois, le ministre de la Justice passe pour
le législateur. Il va se sentir...
Le Président (M. Kennedy):... encore une fois. M.
Choquette: Non, le fardeau est lourd. M. Létourneau: Excusez-moi.
M. Burns: Ce n'est pas vous que je taquine, M. Létourneau,
c'est beaucoup plus le ministre de la Justice
M. Létourneau: C'est un lapsus, M. le
Président.
M. Burns: Une dernière chose que je m'en voudrais de ne
pas soulever, M. Létourneau. Evidemment, votre mémoire, dans son
ensemble, me plaît beaucoup, mais il y a une chose qui me
déplaît énormément dedans, c'est votre remarque
à 3-4, c'est-à-dire à la page 4, lorsque vous voyez une
attitude populiste dans les articles 61 à 71, ceux, en particulier, que
Me Champagne a commentés tout à l'heure en disant qu'il voyait,
à toutes fins pratiques, une inégalité devant la loi dans
le fait que la commission assumait presque la défense de la personne qui
se plaignait d'être l'objet d'une discrimination. Je ne sais pas, je ne
partage pas du tout votre point de vue là-dessus. Je pense que,
justement, pour être la cause d'une discrimination, il faut être
capable de discrimination, c'est-à-dire qu'il faut être dans une
position, habituellement, pour faire de la discrimination. Les cas les plus
flagrants, les plus évidents qu'on va rencontrer, cela va être
évidemment dans l'emploi; donc, cela va être l'employeur qui va
être la cause de la discrimination; ou dans le logement, cela va
être le propriétaire qui va être la cause de la
discrimination; ou dans le cas de dispensation de services, comme ce matin, un
certain groupe d'homophiles nous citaient les cas d'hôpitaux, ce sont des
institutions.
Il peut arriver, comme le disait Me Champagne, certains cas où ce
sera un petit, mais je pense que ça va être assez exceptionnel, un
petit dans la société au point de vue de la puissance
économique, qui va être la cause de la discrimination. Mais en ce
cas, si cette personne n'est véritablement pas économiquement en
mesure d'assumer sa propre défense, elle aura droit au recours à
l'aide juridique. A ce moment-là, je ne vois pas comment, partant du
principe général, c'est toujours le plus faible qui
reçoit, qui est l'objet d'une discrimination. Autrement, je pense que
c'est toute la philosophie qui est derrière une charte des droits de
l'homme. Alors, pourquoi nous prendrions la peine de tenter de protéger
des droits de certaines gens, si autrement ils pouvaient se défendre
facilement?
C'est justement parce que vous avez très souvent dans une
société une catégorie de gens, pour ne pas dire une classe
de gens, qui sont placés dans une situation où ce sont
nécessairement eux qui sont l'objet de la discrimination, qu'on prend la
peine de dire qu'on va, par une loi, leur donner une protection. Pourquoi par
exemple, a-t-on décidé, à un moment donné, de faire
une loi qui s'appelle faussement d'ailleurs Loi favorisant la conciliation
entre locataire et locateur? C'est, dans le fond, parce qu'à un moment
donné, vers les années 1951 il y avait des propriétaires
qui ambitionnaient sur quelqu'un qui n'était pas en mesure de se
défendre, c'est-à-dire le locataire.
Moi, il me semble que c'est la même philosophie dans cette
approche des articles 61 à 71 qui préside à cela. Je ne
vous dis pas qu'autrement la loi
n'a pas son sens. Elle a son sens, même sans cela, mais, dans
cette partie, je pense que c'est ça qui est l'intention qui est
derrière en tout cas. Moi non plus, je ne suis pas le législateur
tout seul, mais c'est comme cela que je l'envisage. En tout cas, je prends
exception du fait que vous disiez que ces articles sont teintés de
populisme plutôt que de justice. Je pense qu'au contraire, ils tiennent
compte de ce phénomène de différence de niveau entre les
gens qui sont l'objet de la discrimination en général, je ne dis
pas que c'est toujours à 100% dans des cas, mais en
général, les gens qui sont l'objet d'une discrimination sont dans
une position d'infériorité dans la société, alors
que ceux qui la causent sont habituellement en mesure de faire de la
discrimination.
Que voulez-vous? Si je suis un assisté social et que j'habite un
logement de cinq pièces qui me coûte $45 par mois s'il en
reste encore quelques-uns à Montréal je ne suis pas
placé dans une position pour causer de la discrimination à mon
voisin, ni à mon propriétaire, ni à mes parents, ni
à qui que ce soit. C'est ça, je pense, la philosophie qui est
derrière ces articles.
Si je me trompe, en interprétant votre position, j'aimerais
ça que vous me la précisiez.
M. Létourneau: M. le Président, nous avons
justement remarqué que le projet de loi était inspiré
d'une présomption, que celui qui est mis en cause, pour avoir soi-disant
fait de la discrimination, serait presque toujours un gros et vraiment un gros.
Parce que celui qui aura à se défendre.se défendra devant
un appareil qui sera rodé avec le temps, un appareil judiciaire, je veux
dire avec des moyens, ceux de la commission, qui seront évidemment
rodés. Il aura alors à faire face à ces gens, des gens qui
auront une qualification au moins égale, ce qui voudra dire certainement
des dépenses considérables, s'il doit assumer lui-même les
frais de sa défense, parce que l'autre qui a subi la discrimination a
l'appui de la commission.
C'est donc une présomption que c'est toujours un gros, puis un
gros. Le second aspect, c'est que la société évolue
considérablement et que même des gens que vous appelez ou que vous
voulez qualifier de gros commencent à sentir la discrimination envers
eux. Quand on parle de discrimination raciale, ça ne connaît pas
de limite sur le plan de la fortune des individus en cause.
Cela peut être des gens qui sont relativement fortunés ou
modestes ou qui n'ont pas, de toute façon, les moyens de se procurer les
services d'assistance juridique de très haute qualité qu'il
faudra avoir, éventuellement, pour lutter contre l'appareil judiciaire
que mettra en branle la commission contre les gens qui auront
présumément fait de la discrimination à l'égard des
autres.
Cette présomption, nous croyons qu'elle n'est pas tout à
fait justifiée, compte tenu de l'évolution des choses. D'autre
part, les gens à revenu modeste ont déjà et vont avoir le
support de l'assistance judiciaire. Quelqu'un à revenu insuffisant, pour
assurer sa défense lui-même, peut être en cause
vis-à-vis des personnes qui n'ont pas nécessairement des revenus
très élevés. Je pense, par exemple, à un cas qui,
d'après ce qu'on m'a dit dans les recherches que nous avons faites, est
actuellement devant les tribunaux, à Toronto, celui d'un locateur de
chambres qui aurait, soi-disant, fait de la discrimination et qui doit, avec
des revenus très modestes, assumer sa défense devant une affaire
semblable et qu'il pourrait avoir contre lui un appareil judiciaire
considérable, auquel il ne peut pas faire face. Il va probablement
automatiquement décrocher, parce qu'il ne peut pas se prévaloir
de services de personnes très qualifiées en la matière,
sur le plan juridique.
Là aussi, un des articles de la loi qui parle de l'affichage. En
matière d'affichage, on sait, avec les graffiti, et aussi, avec les
moyens que se donnent des groupes populaires, des groupes de personnes qu'on
appelle défavorisés, qu'il est assez facile de faire de la
discrimination et qui peut être très dommageable pour des gens
petits, moyens ou gros. Encore une fois, toute cette philosophie qui tient pour
acquis que celui qui est poursuivi est automatiquement quelqu'un qui a la
possibilité d'opposer des ressources pour se défendre aussi
considérables que celles qui pourront être mises en branle par la
commission, c'est ce principe qu'on n'accepte pas tout à fait. On pense
que l'évolution des choses va faire en sorte que, très souvent,
il pourra y avoir des gens à revenu modeste ou moyen qui seront mis en
cause et qui seront, à ce moment, eux, les défavorisés,
lorsqu'ils seront mis en cause.
M. Burns: Merci, M. Létourneau, encore une fois, je vous
remercie pour votre excellent mémoire.
M. Létourneau: Je vous remercie, M. le Président,
les membres de la commission...
Le Président (M. Kennedy): Le député de
Mille-Iles aurait une question, je crois.
Je voudrais simplement demander aux intervenants d'être le plus
bref possible, parce qu'on a déjà largement dépassé
le temps qui est normalement alloué à chacun des groupes. C'est
intéressant, donc on a permis de continuer.
M. Lachance: M. Létourneau, j'en reviens à votre
recommandation no 2, les incidences sociales et économiques. Vous avez
mentionné un document d'une firme de Toronto, mais vous ne nous en avez
pas donné le contenu. Par contre, par déductions, est-ce que,
dans ce même document, on fait une distinction entre un homme et une
femme, à cause justement de ces incidences au niveau
économique?
M. Létourneau: Oui.
M. Lachance: Oui, c'est cela le problème?
M. Létourneau: C'est un des problèmes.
M. Lachance: C'est un des problèmes, à cause des
rentes, des pensions...
M. Létourneau: Oui.
M. Lachance: ... des assurances?
M. Létourneau: C'est cela, exactement.
M. Lachance: Ce serait cela qui serait le contenu?
M. Létourneau: Un parmi plusieurs. C'en est un qui revient
souvent.
M. Lachance: En somme, cela toucherait la deuxième section
de l'article 11 directement, ce rapport? En somme, l'incidence du rapport qu'on
a actuellement, M. le ministre, on parle d'incidences sociales et
économiques, c'est qu'on fait une distinction vis-à-vis du sexe,
en somme, vis-à-vis d'un homme ou d'une femme? On ne les classe pas au
même niveau.
M. Létourneau: II y a l'état civil aussi. On a des
traditions, en matière d'avantages sociaux, concernant, par exemple, une
personne mariée à l'endroit d'un célibataire. Là,
cela vient se compliquer par la permittivité de notre
société, si on peut dire, qui reconnaît les personnes qui
vivent ensemble. Cela vient compliquer toute l'affaire, parce qu'une personne
peut être, à la fois mariée civilement et, par ailleurs,
vivre avec une autre personne en concubinage.
Il y a toutes sortes de complications qui vont être introduites,
qui peuvent être introduites à cause de cela.
M. Lachance: A ce moment-là, au point de vue
économique, on parle aussi d'industries privées qui peuvent
toucher au régime d'assurance des personnes...
M. Létourneau: Oui, oui. M. Lachance: ... comme tel...
M. Létourneau: Oui, oui.
M. Lachance:... ainsi les incidences sociales au niveau du
gouvernement.
M. Létourneau: C'est très complexe, cette
situation, M. le Président. Tout ce qu'ont fait ces experts, c'est
qu'ils ont identifié les points où, à leur avis, il y a
une conséquence économique considérable. Ils ne l'ont pas
chiffrée, cela demanderait des travaux plus approfondis. Ils
reconnaissent qu'il faut absolument examiner cela pour savoir quel est l'impact
de cette chose. Je crois qu'il y a un "task force" en Ontario qui,
actuellement, est à examiner tout cet aspect de l'application d'une
charte des droits de l'homme.
M. Lachance: C'est cela qui est tout le malaise actuellement. On
ne sait pas si M. le ministre a pu voir ces incidences.
M. Choquette: Oui, oui.
M. Létourneau: M. le Président, nos successeurs
à cette tribune pourront vous éclairer encore plus parce qu'ils
ont une expertise en ce domaine.
Le Président (M. Kennedy): Nous remercions les membres de
la chambre de commerce qui nous ont fait part de leurs remarques sur le projet
de loi no 50.
M. Choquette: Si vous permettez, à l'article 43, vous
n'avez pas d'objection?
M. Burns: Vous voulez travailler ce soir?
M. Choquette: Non, mais...
M. Létourneau Cela aussi... Evidemment, tout ce que nous
demandons, c'est qu'on examine les implications. C'est nouveau, cette
affaire-là, cela demande une reconsidération des politiques
d'administration de personnel dans les entreprises. Les gens qui ont cette
responsabilité commencent à se poser des questions très
sérieuses et à se demander dans quelle mesure cela va les obliger
à faire des changements et quel sera le coût de ces changements.
On n'a pas eu le temps encore de donner des réponses valables. La seule
chose qu'on constate, c'est qu'on s'aperçoit très vite que cela
chiffre beaucoup. Et là, on dit: Une minute, peut-être que c'est
valable, probablement qu'il faut appliquer ce principe, mais il faudra qu'on
nous donne le temps, il faudra prévoir un calendrier; d'abord,
prévoir ce que cela va coûter et, ensuite, si ce sont des sommes
trop considérables, que le législateur nous fixe un calendrier,
nous donne un peu de temps pour nous adapter.
Le Président (M. Kennedy): La commission en-tendra
maintenant l'Association canadienne des compagnies d'assurance-vie.
M. Choquette: Est-ce que c'est le dernier organisme?
Le Président (M. Kennedy): Oui. Je demanderais au
porte-parole de s'identifier, s'il vous plaît, pour les fins de
l'enregistrement.
Association canadienne des Compagnies
d'assurance-vie
M. Walters (Hubert): Je suis Hubert Walters, procureur de
Saint-Laurent, Monast et Associés, à Québec; je suis
accompagné, à mon extrême droite, de M. Stanbrock, le
président de l'Industrielle, compagnie d'assurance de Québec; de
M. Luc Plamondon, qui est directeur adjoint au contentieux de la Sun Life, et
de M. Oscar Mercure, qui est président de l'Assurance-Vie
Desjardins.
L'Association canadienne des compagnies d'assurance-vie
représente un groupe de compagnies d'assurance-vie faisant affaires au
Québec. Les compagnies membres perçoivent 99% des primes
d'assurance sur la vie versées au Québec. Il peut
peut-être, au premier abord, paraître surpre-
nant qu'un groupe comme le nôtre ait des représentations
à faire concernant le projet de loi no 50. Cependant, ces
représentations se limitent à un seul point et, d'ailleurs, nos
prédécesseurs, peut-être d'une façon un peu
imprévue, en ont touché quelques mots. Je demanderais maintenant
à M. Mercure, qui est président de l'association pour la section
du Québec, de vous faire également un bref exposé.
M. Mercure (Oscar): M. le Président, M. le ministre, MM.
les députés, tout d'abord, je tiens à vous remercier de
nous avoir acceptés devant votre commission. Les points que nous voulons
soulever sont très importants, bien que facilement acceptables, nous
croyons, et ils sont surtout des points qui touchent les différences ou
la distinction que l'on ne veut pas faire dans le projet de loi no 50,
c'est-à-dire des distinctions quant au sexe. Nous sommes, en tant
qu'entreprises d'assurance-vie, d'accord sur le principe du projet de loi no
50, c'est-à-dire la non-discrimination.
Cependant, il est un fait reconnu que les femmes vivent beaucoup plus
longtemps que les hommes.
Dans le passé et dans le présent, les entreprises
d'assurance chargent des taux de primes moins élevés pour les
femmes que pour les hommes, tenant compte du fait qu'elles vivent plus
longtemps. En ce qui concerne l'assurance-santé, le
phénomène joue un peu à l'inverse. L'expérience que
nous avons de la santé des personnes nous prouve que les personnes de
sexe féminin ont, règle générale, des taux de
morbidité, si vous voulez, ou des taux de primes plus
élevés, parce que les femmes, en général, sont plus
malades que les hommes.
Pour ce qui concerne les régimes de rentes, le jeu dont je vous
ai parlé des primes moins élevées pour les femmes que pour
les hommes joue à sens inverse, c'est-à-dire que, comme les
femmes vivent plus longtemps, et je crois qu'en Amérique du Nord en
moyenne c'est entre cinq et sept ans de plus, il est évident que les
taux de primes pour l'assurance-maladie sont plus élevés pour les
femmes que pour les hommes. Autour de tout ça, il y a d'autres
phénomènes aussi comme certains bénéfices ou
certaines maladies qui s'appliquent aux femmes et qui ne s'appliquent pas aux
hommes. Je pourrais tout simplement donner comme exemple la grossesse, mais
bien que ce ne soit peut-être pas une maladie, des fois on dit que
ça pourrait être un accident, mais disons que, règle
générale, ce n'est pas considéré comme une maladie,
mais nos polices d'assurance prévoient des bénéfices. Si
on ne veut pas faire de distinction entre les femmes et les hommes, nous sommes
alors pris dans une espèce de dilemme, soit que nous accordions aux
hommes des avantages de grossesse ou des bénéfices ou que nous
n'assurions pas les femmes pour ces genres de bénéfices.
Cela vous donne un assez bref point de vue sur le fait que nous
considérons qu'il y a des distinctions et que ces distinctions ne sont
pas discriminatoires, pas plus que nous faisons d'autres genres de distinction.
Par exemple, nous assurons des groupes d'assurés qui ont des
expériences de mortalité différentes d'autres. Par
exemple, nous couvrons des gens qui ont des maladies spécifiques comme
le diabète ou la maladie de coeur, etc., où nous chargeons des
primes différentes. A ce moment-là, nous considérons les
assurés par groupes d'âge, par groupes de profession aussi. Je
pense que les policiers, dont on a beaucoup parlé tout à l'heure,
sont des gens qui sont plus exposés au point de vue de la maladie, au
point de vue des accidents, souvente-fois que d'autres types de personnes;
à ce moment-là, on fait des distinctions quant aux primes
d'assurance et aux bénéfices qu'on leur accorde.
Nos suggestions se limitent à trois choses. Premièrement,
nous considérons que, dans l'article 17, il devrait y avoir et on
devrait y ajouter, pour ce qui est des excl usions qui sont prévues
à l'article 17, une possibilité de distinctions qui ne seraient
pas discriminatoires si elles sont basées sur des données
actuarielles.
Il y a un autre point que nous suggérons aussi, et le
mémoire de la Chambre de commerce qui nous a
précédés tout à l'heure en parlait. Nous
considérons qu'il y a des problèmes assez considérables
sur les régimes de rentes et nous croyons que la loi devrait permettre
au lieutenant-gouverneur en conseil de faire des règlements en ce qui
touche la discrimination dans les régimes de pension, de retraite, de
rentes et d'assurance de personnes.
L'expérience s'est vécue en Ontario. On y a
recommandé une chose semblable et le "task force" qui a
été mis sur pied pour discuter en est venu à toute une
multitude de points. Je crois qu'il y avait 85 articles sur lesquels on
considérait qu'il pouvait y avoir des distinctions, sans qu'il y ait de
discrimination.
Nous considérons aussi que l'application de la loi devrait
être retardée pour ce qui est des régimes de rentes de
retraite, parce qu'il existe actuellement une multitude de régimes de
rentes de retraite qui, de par le sens de la nouvelle loi, seraient
considérés peut-être comme discriminatoires.
Par exemple, dans beaucoup de régimes qui existent, et nous ne
disons pas que c'est correct et que cela ne devrait pas être
modifié, il existe chez beaucoup d'employeurs et employés des
bénéfices qui sont différents pour les hommes et les
femmes. Par exemple, on l'a donné tout à l'heure, l'âge de
la retraite. Souventefois, chez un même employeur, les femmes peuvent
prendre leur retraite à 60 ans et les hommes ne peuvent prendre leur
retraite qu'à 65 ans. Ce sont des choses qui existent actuellement au
Québec et, si on veut corriger cela, on est peut-être d'accord,
nous, à ce que ce soit corrigé mais cela implique des frais, des
dépenses beaucoup plus considérables, très
considérables. A ce moment-là, nous croyons que, pour ce qui est
de ces bénéfices, la loi devrait être retardée et le
gouvernement ou l'Assemblée nationale devrait mettre sur pied un
comité de travail pour étudier les implications qu'il pourrait y
avoir à ce sujet. Il est évident que nous offrons notre
collaboration en tant que spécialistes dans ces domaines.
Nous avons un très bref mémoire qui, lui, va
spécifiquement en suggérant des modifications aux articles qui
suivent les quelques commentaires que je vous ai donnés. Nous sommes
disposés à vous en donner lecture si vous le croyez à
propos; sinon,
nous sommes prêts à répondre aux questions que vous
aimeriez nous poser sur ces aspects.
Le Président (M. Kennedy): Le ministre de la Justice.
M. Choquette: M. le Président, en autant que je suis
concerné, il n'est pas besoin, je crois, de lire votre mémoire
que nous avons et que nous allons lire attentivement. Maintenant, je
conçois très bien la situation dans laquelle se trouvent les
compagnies d'assurance-vie. Vous avez débordé, d'une certaine
façon, le cadre strict de votre fonction d'assureurs-vie. Je pense qu'on
pourrait prolonger vos observations, par exemple, au domaine de
l'assurance-automobile où on fait des distinctions entre groupes
d'âges. On sait qu'il est beaucoup plus coûteux, pour un
assuré de sexe masculin de moins de 25 ans, d'obtenir une police
d'assurance-automobile que pour une femme du même âge. En fait, il
y a donc des distinctions qui découlent de l'expérience des
sociétés d'assurance.
J'aimerais cependant vous demander ce que font les autres provinces
devant ce problème, ce qui est prévu dans leurs lois, et comment
ces lois ont fonctionné dans le domaine qui vous est propre, ainsi que
tout le domaine des rentes, des plans de pension, des régimes de
retraite dans l'assurance-vie, etc.
M. Mercure: M. Luc Plamondon, qui est conseiller juridique
à la Sun Life et qui a étudié en particulier ces
problèmes dans différentes lois, va vous faire des commentaires
sur votre question, M. le ministre.
M. Plamondon (Luc): Pour ce qui touche l'Ontario, parce qu'on a
cité tantôt le "task force" qui avait été mis sur
pied par le gouvernement pour étudier cette question précise des
avantages complémentaires à l'emploi, j'ai le rapport du "task
force" en Ontario, ici, qui comporte 85 recommandations. D'une façon
générale, on reconnaît des distinctions basées sur
des données actuarielles, relevant soit du sexe ou de l'âge.
Là, je n'ai rien, parmi les éléments discriminatoires dans
la loi provinciale du Québec. On se concentre surtout sur la notion du
sexe.
Au Nouveau-Brunswick, la commission a émis, il y a quelques mois,
non pas des règlements mais des "guide-lines" et ils sont très
près de ceux du rapport du "task force" en Ontario et reconnaissent,
encore une fois, la validité de distinctions, exclusions ou
préférences basées sur le sexe lorsqu'elles sont
fondées sur des considérations d'ordre actuariel.
Dans les autres provinces, cela devient un peu plus difficile de faire
des comparaisons. La première chose, c'est que peu de provincesc
il y a le Manitoba, l'Alberta et la Colombie-Britannique où les
lois sur les droits s'appliquent au contrat d'assurance; elles ne s'appliquent
pas dans les autres provinces. Alors, le problème ne se pose pas pour
nous.
Elles ne s'appliquent dans toutes les provinces et c'est
là que cela nous touche qu'au deuxième aspect de notre
mémoire, c'est-à-dire les avantages complémentaires
à l'emploi et, à ce moment-là, cela a un effet d'influence
sur nous. Mais c'est pour cela qu'on n'a pas à se préoccuper des
autres provinces.
En Colombie-Britannique, cela s'applique aux contrats d'assurance de
personnes et on y a ajouté une exemption, on a soustrait, quand on s'est
rendu compte que cela s'appliquait aux assurances de personnes, les primes et
les avantages à l'assurance de personnes. Mais le ministre nous dit que
c'est à l'étude pour le moment; on l'a soustrait
immédiatement parce que le problème était trop vaste et on
étudie la question.
En Alberta, cela s'applique également aux contrats d'assurance de
personnes. Je pense qu'elle vient de se rendre compte que cela s'applique, et
nous sommes en contact avec elle. Effectivement, nous sommes en contact avec
à peu près toutes les provinces sur ce point. Tout le monde parle
de discrimination de nos jours et je ne peux pas vous dire comment cela se
résout dans chacune des provinces, tout le monde est en train de se
pencher sur cette question.
En Ontario, il y a eu le rapport d u "task force" ; le gouvernement n'a
pas encore laissé savoir sa réaction aux recommandations du "task
force"; nous l'attendons incessamment.
Aux Etats-Unis, j'ai apporté des documents que je peux vous
laisser, si vous le désirez. Encore une fois, tout le monde parle de
discrimination, surtout en matière de sexe. Ce sont des séries de
documents, des mémoires présentés par l'association
américaine qui fait pendant à la nôtre, par exemple en
Oregon, où il y a des lois sur ce problème, au gouvernement
fédéral, américain, qui étudie cette question. J'ai
également un article qui s'intitule "The developing issue of sex
discrimination in insurance an overview." C'est un résumé de la
situation aux Etats-Unis, en mai 1974. Je peux vous laisser ce texte.
L'Association des surintendants américains d'assurance se penche
sur cette question et le chef de file, c'est le surintendant Shepherd, de
Pennsylvanie. C'est lui qui dirige le comité de travail de la National
Association of Insurance Commissioners. Celle-ci est en train, encore une fois,
de mettre sur pied d'autres comités de travail pour savoir toutes les
implications on parle de tables unisexes de mortalité et
de morbidité et d'essayer de savoir si cela peut fonctionner.
Effectivement, quant à nous qui sommes dans le métier, des tables
unisexes, cela ne peut pas fonctionner. C'est discriminatoire contre un groupe
de personnes que de vouloir uniformiser les risques, quand les risques ne sont
pas uniformes dans ce groupe. Alors, c'est un peu la situation qui existe.
M. Choquette: Si je peux dégager un peu de votre point de
vue, les éléments de discrimination qu'il y aurait lieu, selon
vous, de maintenir pour la réussite de vos opérations, on
pourrait dire que ce serait la distinction entre sexes, du point de vue des
assurances des régimes de rentes et tout cela.
M. Plamondon: C'est cela.
M. Choquette: II y aurait lieu également de ne
pas avoir dans la loi de dispositions relatives à l'âge, ou
d'exclure l'âge comme un facteur de discrimination.
M. Plamondon: C'est exact.
M. Choquette: Parce que vous savez que cela a été
suggéré à la commission, par certaines personnes qui ont
comparu devant nous, que d'introduire la notion d'âge comme un facteur de
discrimination dans l'article 11, évidemment en faisant une exception
pour les mineurs, parce qu'on se rendait bien compte que, pour les mineurs, il
y avait quand même des facteurs dont il fallait tenir compte, en
particulier. Mais vous allez plus loin. Vous dites: II faudrait quand
même maintenir l'âge comme un facteur de discrimination
légitime, parce que nous en tenons essentiellement compte dans nos
calculs pour les fins des tables d'assurance.
M. Plamondon: Nous n'assurons pas les gens âgés de
80 ans aux mêmes taux que les gens âgés de 15 ans.
M. Choquette: Non.
M. Plamondon: Je pense que c'est d'une évidence...
M. Choquette: Oui.
M. Mercure: En acceptant comme étant non discriminatoires
les données actuarielles, nous couvrons ces genres de
problèmes.
M. Burns: C'est ce que je voulais vous entendre dire. En somme,
ce que vous dites est que, si vous protégez les données
actuarielles, par votre suggestion à l'article 17, vous n'avez pas
objection à ce qu'on mette l'âge comme un facteur de
discrimination.
M. Mercure: Et la santé aussi.
Une Voix: Nous n'avons plus besoin de cela, à ce
moment-là.
M. Mercure: Je tiens aussi à souligner, M. le ministre,
d'abord, que les remarques que nous faisons ne sont pas strictement pour notre
commerce à nous. Je pense que c'est pour la population. Parce qu'en
réalité, je pense qu'il est très important de souligner
que c'est pour la population. Notre mémoire souligne aussi et
c'est vous qui avez touché le problème d'autres provinces
que des employeurs ont des employés dans plusieurs provinces. A ce
moment-là, si on veut donner des bénéfices d'assurance,
par exemple, il faut qu'il y ait une certaine entente. Nous poussons même
plus loin et c'est pour cela que nous disons qu'il doit y avoir des
règlements, c'est parce que, même une fois que les données
actuarielles sont acceptées comme étant non-discriminatoires, il
peut se soulever d'autres types de problèmes et je vais vous en donner
un exemple. Prenons le cas des rentes. Les rentes, on pourrait dire, si on
accepte les différences d'âges et de sexes, si on ne veut pas que
les bénéfices soient différents, que la rente soit
différente, évidemment, le taux va être différent
pour les femmes et pour les hommes.
Si on ne veux pas que les taux soient discriminatoires entre les hommes
et les femmes, c'est-à-dire si on veut que les hommes et les femmes
paient la même prime, à ce moment-là, les
bénéfices seront différents. Si les femmes paient la
même prime, leur bénéfice sera moindre. C'est pour
ça qu'on dit que, même si on ajoute les données
actuarielles comme étant non discriminatoires, il faudra qu'il y ait une
certaine réglementation qui dise, à notre point de vue, que ce
sont les bénéfices. On ne voit pas pourquoi les femmes n'auraient
pas, à 65 ans, les mêmes bénéfices de pension que
les hommes. A ce moment-là, les coûts sont différents;
elles devront payer plus cher.
M. Choquette: Je comprends, mais si on devait accepter votre
suggestion de faire une exclusion à l'article 17 relativement aux
données actuarielles, serait-il suffisant de dire: "données
actuarielles limitées au sexe et à l'âge"?
M. Perreault: La santé.
M. Choquette: La santé n'est pas un motif de
discrimination dans l'article 11.
Une Voix: Ce n'est pas adopté.
M. Choquette: Non, mais cela a été
suggéré. Admettant que nous gardions l'article 11 tel quel et
qu'on n'introduise pas l'âge comme un facteur de discrimination,
serait-il suffisant de dire "une distinction, exclusion ou
préférence fondée sur des données actuarielles et
qui tienne compte du sexe ou sur les aptitudes exigées pour un emploi,
etc." Est-ce que ça tiendrait suffisamment compte, parce que...?
M. Mercure: Je ne le crois pas, M. le ministre. C'est pour cela
que je vous ai donné un exemple, tout à l'heure. Si on accepte
les données actuarielles, l'actuaire qui fait les calculs peut les baser
sur le coût et non sur les bénéfices. Sur le coût, il
est juste, il exige la même prime de tout le monde, il n'est pas
discriminatoire. A ce moment-là, ce sont les bénéfices, de
sorte que, lorsque l'employeur voudra accorder un bénéfice
à l'ensemble de ses employés, il voudra demander la même
prime à tous et, en réalité, les bénéfices,
à l'autre bout, seront différents. C'est pourquoi nous disons
qu'il y aurait probablement lieu aussi de statuer sur des points
précis.
Pour de telles données, dans le cas des régimes de rentes,
ce sera peut-être le bénéfice qui devra être non
discriminatoire, qui ne devra pas être différent entre l'homme et
la femme. A ce moment-là, les primes pourront varier.
M. Choquette: Est-ce que je dois comprendre, de ce que vous venez
de nous dire, que vous voulez que les employeurs et les assureurs aient toute
liberté d'action de prendre en considération le sexe des
personnes qui sont couvertes par ces plans ou de ne pas en tenir compte suivant
le cas?
C'est-à-dire qu'un employeur pourrait, à un moment
donné, considérer tous ses employés globalement, hommes ou
femmes. Ou, dans certains autres plans d'assurance, un autre employeur pourrait
dire: II y aura des distinctions entre hommes et femmes. Est-ce un peu cette
liberté d'action que vous revendiquez?
M. Mercure: Non, c'est le contraire. M. Plamondon va vous
expliquer.
M. Plamondon: Nous ne voulons pas aller si loin que ça. La
seule liberté d'action serait quand il y a une distinction, exclusion ou
préférence qui est réellement basée sur des
données actuarielles, la loi des grands nombres et des choses comme
ça. Nous trouvons très acceptable qu'on ne permette pas à
un employeur de dire, entre autres, comme certaines caisses de retraite ou
certains régimes d'assurance le stipulent maintenant: Les femmes seront
admissibles à la caisse de retraite après trois ans de service et
les hommes, après un an de service. Il n'y a aucun fondement actuariel
pour faire cette distinction. Ce n'est pas ce que nous demandons.
M. Choquette: Alors, parmi les données actuarielles
valables, il y a le sexe.
M. Plamondon: Oui, mais disons que ce sont des tables de
mortalité, des tables de morbidité...
M. Choquette: Mais il faut toujours vous référer
à l'article 11 qui, lui, énonce les causes de discrimination. Ne
sortez pas du cadre de l'article 11.
M. Plamondon: Non, je suis d'accord.
M. Choquette: Alors, parmi les facteurs de discrimination
mentionnés à l'article 11, il n'y a que le sexe?
M. Plamondon: Oui. Il n'y a pas de données actuarielles,
disons, sur la religion ou...
M. Choquette: Ou la couleur de la peau.
M. Plamondon: Nous ne sommes certainement pas prêts
à reconnaître, au Canada, de distinction sur la couleur de la
peau, au niveau des tables de mortalité ou de morbidité.
M. Mercure: II s'en fait, mais...
M. Burns: M. Plamondon, si le ministre me permet, excusez-moi. Je
ne sais pas si c'est fondé ou non, mais il existe une certaine croyance
selon laquelle certains groupes ethniques et je pense, en particulier,
aux Esquimaux et aux Indiens, au Canada sont, dit-on, de santé
plus fragile. Est-ce un élément dont vous tenez compte dans vos
données actuarielles?
M. Mercure: Je ne crois pas qu'il y ait de distinction au Canada,
c'est ce que j'allais dire, je ne crois pas qu'au Canada, on fasse des
distinctions. On peut faire des distinctions entre des types de profes- sions.
Cela, c'est actuariel. Mais, par exemple, on ne fera probablement pas... En
tout cas, je ne crois pas qu'il s'en fasse, peut-être qu'il y en a, mais
je ne le crois pas... Mais, d'un pays à l'autre, il y a des
distinctions. Il y a des assureurs canadiens, par exemple, qui assurent des
gens au Mali ou dans différents pays où la possibilité de
vie est très différente de celle du Canada. Mais, au Canada, je
crois, à moins que mes collègues me confirment le contraire, que
les tables utilisées sont des tables nord-américaines.
M. Burns: Pour un non-initié comme moi, quand on parle de
données actuarielles, est-ce que je me trompe en pensant que ce sont des
points de référence objectifs basés sur des calculs
empiriques? C'est-à-dire basés sur une expérience.
M. Mercure: C'est sur la catégorie de gens, âge,
sexe, santé ou...
M. Burns: Mais, ils ont un caractère d'objectivité,
eu égard au fait qu'on se base sur des points de vue subjectifs,
c'est-à-dire une expérience...
M. Mercure: Les tables sont établies selon
l'expérience qu'ont eue les compagnies. Anciennement, par exemple, pour
les gens qui travaillaient dans des mines d'amiante, qui souffraient de ce
qu'on appelait l'amiantose, qui est maintenant presque disparue, les compagnies
d'assurance, pour eux, imposaient des surprimes. C'était une
catégorie de personnes qui, actuariellement, étaient
considérées comme différentes de l'ensemble de la
population.
M. Burns: Mais, au point de vue actuariel, vous n'avez pas...
Disons, la compagnie X d'assurance et la compagnie Y d'assurance se
réfèrent aux mêmes normes actuarielles? Cela ne varie pas
d'une compagnie à l'autre.
M. Mercure: Les tables sont communes, il peut y avoir des
distinctions. Il peut y avoir, par exemple, des entreprises d'assurance qui se
spécialisent dans un certain type d'assurance, par exemple pour les gens
qui ont des maladies cardiaques; il peut y avoir des compagnies qui ont,
peut-être, un plus grand nombre d'assurés qui ont des primes qui
peuvent être différentes. Mais les différences sont
très très minimes, à mon point de vue.
M. Plamondon: II y a des compagnies qui vous donnent des taux
réduits si vous ne fumez pas.
M. Mercure: II y en a d'autres qui ne le font pas. Une Voix: Ce
n'est pas nous.
M. Plamondon: II y a déjà eu, par exemple, des
entreprises qui ont changé les primes d'assurance pour ceux qui
étaient Lacordaire ou pas.
Une Voix: Ce n'est pas nous non plus. M. Mercure: Cela ne vous
touche pas.
M. Choquette: Que leur reste-t-il?
M. Burns: Ils ne vivent pas plus vieux, mais ils trouvent le
temps plus long.
M. Mercure: C'est ça. Ils trouvent la vie plus longue.
Le Président (M. Kennedy): Le député de
Mille-Iles.
M. Lachance: A la page 1 de votre mémoire, vous apportez
un amendement à l'article 17. Vous marquez: "est réputée
non discriminatoire", en ajoutant: "des données actuarielles". A la page
4, 17 a), vous faites un autre ajout, mais là, vous mentionnez les
régimes d'assurance de personnes, et ces choses-là.
A ce moment-là, on n'aurait pas besoin d'amender l'article 11. Si
l'article 17 est amendé.
M. Choquette: Oui. Je ne crois pas qu'il s'agisse d'amender
l'article 11.
M. Lachance: Non, mais l'article 17.
M. Choquette: Oui. C'est la suggestion. Mais, évidemment,
les termes "données actuarielles" tiennent compte d'une foule de
facteurs dont certains ne sont pas considérés comme
discriminatoires dans l'article 11. C'est pour cela que je me demande si
"données actuarielles" n'est pas un peu large et s'il ne faudrait pas le
circonscrire pour prendre en considération les facteurs de
discrimination pertinents dont le seul me semble être le sexe.
M. Lachance: Mais vous ajoutez l'article 17 a), aussi, à
la page, 4, où il est mentionné: "Le lieutenant-gouverneur en
conseil peut faire des règlements conciliables avec la présente
loi pour déterminer quelles sont les conditions des régimes
d'assurance de personnes, de rentes ou de pensions de retraite qui constituent
des atteintes à un droit ou une liberté reconnue par la
présente charte". A ce moment-là, l'article 11 ne change pas.
M. Choquette: Vous remarquerez que, dans cette loi, il n'y a pas
de disposition qui permet au lieutenant-gouverneur en conseil de faire des
règlements. Nous avons cherché à éviter l'adoption
de règlements qui pourraient venir compléter la loi. Je ne dis
pas qu'il ne sera pas nécessaire de le faire dans le cas de nos amis qui
comparaissent cet après-midi. Mais si c'était possible
d'éviter qu'une réglementation vienne s'ajouter à un texte
qu'on considère fondamental, j'aimerais mieux ça.
M. Plamondon: J'aimerais poursuivre le point que vous souleviez.
Si vous estimez que l'amendement que nous suggérons à l'article
17, avec seulement les mots sur des "données actuarielles", est trop
vaste, en ce sens, disons, qu'il nous permettrait de tenir compte de
données actuarielles relativement à la race, notre position
officielle est que nous sommes prêts, au Canada, à ne pas en tenir
compte, même s'il y a des chiffres qui nous permettraient
d'établir des distinctions fondées sur la race, même au
Canada. La position générale que notre association a prise au
Canada, c'est que nous ne nous opposons pas du tout à ne pouvoir faire
de distinction fondée sur la race.
Effectivement, dans le contexte de l'article 11, il n'y a que le sexe
qui nous préoccupe. Si vous ajoutiez l'âge, il nous
préoccuperait, évidemment, énormément. La
santé, énormément, c'est l'essence même.
M. Giasson: C'est tout le concept de l'assurabi-lité.
M. Plamondon: C'est tout le concept de l'assu-rabilité.
Mais, dans ce concept d'assurabilité, celui touchant la race, même
si, objectivement, nous pourrions soulever des chiffres pour le supporter, la
position générale a été d'être prêt
à oublier cet aspect, au Canada.
Je présume que vous avez remarqué pourquoi nous avons
voulu changer la fin de l'article 17 de, simplement, "n'est pas
réputée discriminatoire" pour "est réputée non
discriminatoire". C'est qu'il y a toute une distinction entre les deux
et...
M. Choquette: Et je vais vous dire, M. Plamondon, en langage
législatif, les termes "n'est pas réputés
discriminatoire", c'est dit d'une manière très polie et, disons,
euphémique, et ça veut dire que ce n'est pas discriminatoire.
Cela veut dire qu'il est permis, dans ces cas, d'en tenir compte.
M. Burns: C'est plus français.
M. Plamondon: Oui, mais la distinction est que, si c'est
simplement: Ce n'est pas réputé discriminatoire, la cour peut
dire, dans ce cas-là, très bien, il n'y a pas de
présomption. Mais le résultat est que, dans ce cas-là, ce
l'est.
M. Choquette: Non, ce n'est pas ce que ça veut dire. Cela
veut dire, en fait, que ce n'est pas considéré comme
discriminatoire dans ce cas-là. C'est le sens que nous donnons...
M. Plamondon: C'est parce que, je m'excuse...
M. Choquette: C'est discriminatoire mais on ne le
considère pas pour ces fins.
M. Plamondon: C'est que le mot "réputé" est
utilisé, à l'Office de révision, pour les
présomptions juris et de jure et présumé pour les
présomptions juris tantum.
M. Choquette: Vous n'êtes pas dans un cas de
présomption ici, vous êtes dans un cas
d'interprétation.
Il ne s'agit pas d'application de présomption du tout. Si vous
référez, je pense, à votre conseiller juridique, Me
Walters, il vous dira que "est réputé non discriminatoire"
autorise la discrimination en autant qu'elle tiendra compte du sexe, je
crois.
M. Mercure: Dans la linguistique.
M. Choquette: D'ailleurs, en anglais, essayons de nous aider avec
le texte anglais, même s'il y a le bill 22. "Is not deemed
discriminatory", cela veut dire: N'est pas censé discriminatoire.
M. Plamondon: Mais, c'est tout à fait différent de
dire: "Is deemed not discriminatory".
M. Choquette: En langage législatif, vous savez, cela a
une portée très forte. Malgré que c'est,
peut-être...
M. Mercure: Nous attachons beaucoup moins d'importance a cette
partie-là qu'à l'autre partie.
M. Plamondon: J'ai offert tantôt les documents quant aux
Etats-Unis.
M. Choquette: Oui, j'aimerais cela.
M. Plamondon: Je peux vous les laisser.
M. Choquette: J'aimerais cela, M. Plamondon, si vous pouviez nous
les laisser, parce que ça va certainement nous aider.
M. Plamondon: Très bien. M. Mercure: Alors, M.
le...
M. Choquette: Nous les ferons photocopier, je vais demander au
secrétaire des commissions, peut-être de photocopier cela et de le
faire parvenir aux membres de la commission.
M. Mercure: M. le Président, M. le ministre, MM. les
députés, nous vous remercions infiniment de votre aimable
accueil.
Le Président (M. Kennedy): Nous vous remercions de votre
présentation, messieurs de l'Association canadienne des compagnies
d'assurance-vie.
La commission ajourne ses travaux sine die?
M. Choquette: Je crois que c'est préférable, M. le
Président, d'ajourner sine die.
Le Président: La commission ajourne ses travaux sine
die.
M. Burns: Simplement avec la réserve suivante, M. le
ministre, si jamais un des groupes, je pense, par exemple, au Jewish Labor
Committee of Canada, qui ne s'est pas présenté et dont nous
n'avons pas eu de nouvelle. Je pense que ça ne faisait pas partie de
votre nomenclature d'hier. Si jamais il se ravisait, je pense que...
M. Choquette: II nous a envoyé un mémoire.
M. Burns: Mais s'il voulait se faire entendre, à un moment
donné, il y aurait peut-être lieu de tenir une séance.
M. Choquette: Nous pourrons voir s'il y a lieu de faire un petit
spécial.
M. Burns: II avait peut-être de très bonnes raisons
de ne pas pouvoir se présenter.
M. Choquette: On va prendre en considération...
M. Burns: Sûrement qu'on va...
M. Choquette: Si la commission voyait que le mémoire donne
ouverture à des choses que nous ne connaissons pas...
M. Burns: Des éléments nouveaux.
M. Choquette: ... qui auraient une certaine importance, nous
pourrons reconsidérer. Mais j'aimerais mieux que nous mettions un terme
aux séances de la commission.
M. Burns: Oui, je suis d'accord.
M. Choquette: Qu'on dise que nous avons entendu... Je crois que
nous avons eu un éventail assez complet, et très
intéressant.
M. Burns: Je pense que c'est tout à l'honneur des
groupements et des personnes qui sont venus devant nous. Il y avait une
qualité de mémoires, vraiment supérieure.
M. Choquette: Je crois qu'il y en a eu des bons, très
fouillés, avec des perspectives des plus intéressantes dans
différents secteurs qui peuvent être affectés par la
charte.
Une Voix: Merci.
Fin de la séance à 17 h 48