To use the Calendar, Javascript must be activated in your browser.
For more information

Home > Parliamentary Proceedings > Committee Proceedings > Journal des débats (Hansard) of the Commission permanente de la justice

Advanced search in the Parliamentary Proceedings section

Start date must precede end date.

Skip Navigation LinksJournal des débats (Hansard) of the Commission permanente de la justice

Version finale

30th Legislature, 3rd Session
(March 18, 1975 au December 19, 1975)

Thursday, May 22, 1975 - Vol. 16 N° 101

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude des crédits du ministère de la Justice


Journal des débats

 

Commission permanente de la justice

Etude des crédits du ministère de la Justice

Séance du jeudi 22 mai 1975

(Dix heures vingt-quatre minutes)

M. Pilote (président de la commission permanente de la justice): A l'ordre, messieurs!

La commission de la justice est réunie, ce matin, pour étudier les crédits de ce ministère. Sont membres de cette commission, M. Beauregard (Gouin); M. Bédard (Chicoutimi); M. Bellemare (Johnson); M. Bienvenue (Crémazie); M. Burns (Maisonneuve); M. Choquette (Outremont); M. Pépin (Sherbrooke) remplace M. Ciaccia (Mont-Royal); M. Desjardins (Louis-Hébert); M. Paré (Portneuf); M. Perreault (L'Assomption); M. Samson (Rouyn-Noranda); M. Faucher (Nicolet-Yamaska) remplace M. Springate (Sainte-Anne); M. Sylvain (Beauce-Nord); M. Tardif (Anjou). Si vous n'avez pas d'objection, M. Sylvain (Beauce-Nord) serait nommé rapporteur de cette commission. Cela va?

M. Burns: D'accord, M. le Président.

Le Président (M. Pilote): Le ministre de la Justice, M. Choquette, va faire un tour d'horizon de son ministère, pendant quelques minutes. Ensuite, nous accorderons la parole à M. Burns (Maisonneuve).

Remarques préliminaires

M. Choquette: Oui. Merci, M. le Président. Tout d'abord, M. le Président, je voudrais faire le point, à ce moment-ci, sur les réalisations du ministère de la Justice, au cours de l'année financière qui est maintenant écoulée, l'année financière 1974/75.

Tout d'abord, je vais commencer dans le domaine législatif. Je mentionnerai seulement les principales lois qui ont été présentées, dont la plupart ont été adoptées par l'Assemblée nationale, et qui, à mon sens, marquent un progrès sur le plan de la législation.

Tout d'abord, la Loi sur les droits et libertés de la personne, le projet de loi 50, qui a été déposé à l'automne 1974, qui a, par la suite, fait l'objet d'auditions en commission parlementaire, au cours du mois de janvier 1975. Ce projet de loi est, à l'heure actuelle, en train d'être modifié pour tenir compte des représentations qui ont été faites par les différents organismes qui ont comparu devant nous ainsi que par les personnes qui sont venues nous soumettre leur point de vue.

Egalement, nous allons tenir compte, d'une façon assez importante, des points de vue exprimés par le chef de l'Opposition et le député de Maisonneuve qui sont intervenus, à plusieurs reprises, soit au moment de la discussion en deuxième lecture, comme aux auditions en commission parlementaire et qui ont attiré notre attention sur certaines faiblesses du projet de loi. J'ai donc confiance de pouvoir présenter un projet de loi amélioré.

Celui-ci sera prêt d'ici quelques semaines. Je pense que nous pourrons possiblement l'adopter avant l'ajournement des travaux cet été.

Il y a, parmi les réalisations législatives, du ministère, à signaler une loi assez technique, mais qui a une importance quand même dans le secteur qu'elle régit, soit la Loi de la commission de contrôle des permis d'alcool, le projet de loi 21, qui fut adopté l'été dernier, si je me rappelle bien, ou du moins qui fut discuté l'été dernier et adopté à l'automne I974. Cette loi a apporté de nombreux changements et améliorations à la Loi de la commission de contrôle des permis d'alcool. De cette loi a découlé toute une nouvelle réglementation qui est actuellement soumise à l'étude et qui a été publiée dans la Gazette officielle de Québec pour permettre au ministère de la Justice de recevoir des représentations. J'ai fortement l'impression, suivant les réactions que nous avons obtenues jusqu'à maintenant, que la réglementation proposée en vertu de cette loi 21 sera généralement jugée acceptable et représentera un progrès important dans la gestion et la réglementation de tout ce domaine du commerce des alcools, domaine qui, je le sais, intéresse vivement le député de Portneuf dont on connaît les interventions très à point dans ce domaine à d'autres commissions.

M. le Président, je signale, parmi les réalisations législatives du ministère, la Loi des huissiers. Le député de Maisonneuve qui a pratiqué le droit pendant de nombreuses années à Montréal sait jusqu'à quel point le domaine des huissiers était un domaine qui laissait à désirer. On avait l'Association des huissiers de Montréal, on avait l'Association des huissiers de province, on avait l'Association des huissiers pratiquant à Montréal. Il y avait beaucoup de confusion dans ce domaine, confusion qui jouait au détriment des citoyens, dans le sens qu'il y avait une foule de pratiques d'huissiers qui étaient contraires, je pense bien, aux droits élémentaires et fondamentaux des citoyens. On recevait des plaintes, mais sans avoir un moyen de contrôler l'exercice de la profession.

Finalement, il a été possible d'adopter cette loi des huissiers cette année. Nous avons aussi constitué un conseil consultatif pour l'application de cette loi qui est composée d'huissiers, d'avocats, également de personnes qui représentent des organismes socio-économiques. Je signale aux membres de la commission que ce conseil consultatif donne d'excellents résultats.

Je suis très satisfait du travail de ce conseil, très satisfait de la participation des représentants des huissiers à ce conseil, et je puis dire que nous allons donner le feu vert à ce que soit constitué une corporation professionnelle des huissiers, qui verra le jour, je pense bien, d'ici peu de temps, car la loi a été bien acceptée et généralement, les huissiers semblent vouloir s'y conformer, de telle sorte qu'on peut dire que nous allons pouvoir mettre de l'ordre, avec la collaboration des intéressés, dans tout ce domaine de la profession d'huissier.

II y a eu, parmi les réalisations législatives, M. le Président, également la Loi modifiant la loi des tribunaux judiciaires et certaines autres dispositions législatives ayant trait à l'administration de la justice et aux bureaux d'enregistrement, soit le projet de loi no 36, qui fut adopté à la fin du mois de juillet 1974. On se rappellera que ce projet de loi a apporté de nombreuses améliorations à l'administration de la justice. Il a réalisé, entre autres, l'abolition de la cour du Banc de la reine. Il a précisé les pouvoirs des juges en chef de la cour des Sessions de la paix, de la cour du Bien-Etre social et de la cour Provinciale, pour leur donner plus d'autorité à l'intérieur de leurs cours, et ainsi assurer un meilleur fonctionnement des tribunaux. Il a prévu une augmentation de juges dans certaines juridictions. M a apporté certaines modifications à des lois du travail, soit la Loi de la sécurité dans les édifices publics, la Loi des établissements industriels et commerciaux, la Loi des électriciens et installations électriques, la Loi des mécaniciens en tuyauterie, la Loi des appareils sous pression, et ceci, en vue d'accélérer l'audition des causes pénales qui découlent de l'application de ces lois. On sait jusqu'à quel point on a eu des difficultés, dans le passé, à réglementer un certain nombre de domaines comme ceux que réglementent ces lois, justement, à cause, souvent, de l'inefficacité des lois. D'ailleurs, la commission Cliche le mentionne parmi des mesures à prendre, par le gouvernement et le Parlement, pour améliorer, en somme, l'application de la loi en général, en tout ce qui concerne non seulement le domaine propre des relations de travail, mais la sécurité, les normes de sécurité auxquelles les travailleurs ont un droit strict, je pense, de voir à être observées.

M. Burns: On en a parlé au projet de loi 30. Peut-être que vous avez de nouvelles annonces à nous faire, relativement à votre attitude en ce qui concerne la négligence criminelle des employeurs.

M. Choquette: Je suis bien prêt à en parler avec le député de Maisonneuve tout à l'heure, s'il me permet de remettre ce sujet, après que j'aurai fait l'exposé.

M. Burns: D'accord!

M. Choquette: Je suis bien prêt à aborder ce sujet avec priorité. Si nous pouvons trouver de nouvelles solutions quant au code criminel ou quant à d'autres lois, je suis bien prêt à faire tous les pas qui s'imposent.

Je retiens la question du député de Maisonneuve.

Ce projet de loi 36 prévoyait également l'institution d'un projet pilote d'intégration des cours municipales dans la région de la rive sud de Montréal, soit à Longueuil, Saint-Hubert et Greenfield Park. Ce projet pilote est actuellement en marche. Il prévoyait qu'à la cour d'Appel on puisse siéger à trois juges plutôt qu'à cinq, ce que le juge en chef a mis en vigueur dès l'adoption de la loi et ce qui lui a permis, à ce qu'il m'a affirmé, de réduire les arrérages de causes à la cour d'Appel. J'espère que le juge en chef reviendra à la coutume de faire siéger en bancs de cinq, le plus rapidement possible, une fois que les arrérages seront éliminés. Car j'ai plus confiance dans une cour d'Appel qui siège à cinq juges que dans une cour d'Appel qui siège à trois juges. Je pense que pour la bonne administration de la justice il sera utile que dans un avenir le plus rapproché possible on revienne à des bancs de cinq en appel.

Le projet de loi avait également prévu des mesures pour faciliter l'administration de la justice dans le Nord québécois en donnant juridiction sur les territoires du Nouveau-Québec à l'un des districts judiciaires avoisinants, à savoir le district judiciaire d'Abitibi. A la suite de l'adoption des dispositions à ce sujet, la cour du district judiciaire d'Abitibi peut se déplacer dans le territoire du Nouveau-Québec et rendre la justice dans tous les endroits. Ceci au bénéfice des populations autochtones ainsi que des populations blanches. Je signale à ce sujet que cette mesure est prise en rapport avec d'autres, en rapport avec l'administration de la justice parmi les populations indiennes et esquimaudes. Je mentionnerai tout à l'heure, dans les réalisations administratives du ministère, les mesures que nous avons prises pour faire en sorte que nos populations autochtones aient une justice qui soit adaptée à leurs coutumes, à leur mentalité, à leur façon d'aborder les problèmes, mais entre autres, cette mesure, quant aux districts judiciaires, fait partie de cet ensemble qui vise à rendre la justice accessible et, dans la mesure du possible, sympathique aux populations autochtones.

Parmi les autres législations législatives, il y a la loi concernant la protection des enfants soumis à des mauvais traitements, à savoir le projet de loi 97 qui fut adopté en fin de session au mois de décembre I974. Un comité a été constitué, il a été désigné par le lieutenant-gouverneur en conseil. Il est composé de spécialistes de la question de la protection de l'enfance et surtout de cette catégorie d'enfants qui subissent des sévices et mauvais traitements de la part de leurs parents ou de leur entourage ou du milieu dans lequel ils sont. Je n'ai pas encore annoncé l'institution de ce comité parce que je voulais plutôt laisser le comité travailler et mettre sur pied les organismes administratifs qui lui permettront de déceler les cas d'enfants battus et par conséquent, j'ai retardé l'annonce de l'institution du comité jusqu'à ce que ces mécanismes soient mis en place, mais je pense bien que, d'ici quelques semaines, je pourrai annoncer la composition de ce comité qui n'a pas été inactif à date, même s'il n'a pas reçu de publicité.

M. le Président, je passe, sans les mentionner, sur d'autres lois d'importance mineure car je ne voudrais pas allonger indûment mes observations, mais seulement signaler les principales réalisations du ministère. Sur le plan administratif, M. le Président, je voudrais également dresser un bilan à ce moment-ci. Au cours de l'année 1974/75, nous avons eu la publication du rapport de la Commission d'enquête sur le crime organisé sur l'étude

des liens possibles entre MM. Di lorio, Dasti, Laporte, Gagnon, Côté, etc. Je n'ai pas l'intention de revenir sur le contenu de ce rapport. Je n'ai pas l'intention, d'une part, de faire l'appologie du gouvernement à la lumière de ce rapport. Je n'ai pas l'intention, d'autre part, de critiquer qui que ce soit à la lumière de ce rapport.

M. Burns: Vous feriez un meilleur premier ministre.

M. Choquette: Je ne dis pas cela dans ce sens. Je n'ai pas l'intention non plus de dire que le rapport peut s'interpréter de telle ou telle façon. On le connaît, chacun peut avoir ses idées dans ce domaine. Je dis simplement que le rapport a donné lieu à des poursuites judiciaires à la suite de son dépôt, poursuites qui sont actuellement devant les tribunaux. Je mentionne que, parmi les réalisations administratives du ministère, l'intégration de la police de la Communauté urbaine de Montréal, malgré les difficultés du processus administratif que cela implique, semble avancer à tel point que le rapport d'allocation sur les ressources humaines et physiques est actuellement devant la Commission de police. Les municipalités, les fraternités de policiers et d'employés ont fait des représentations à la Commission de police et la commission devrait, dans un avenir assez rapproché, statuer sur le plan d'intégration de telle sorte que le processus d'intégration semble en marche.

Je mentionne aussi, au cours de l'année 1975, la désignation d'un nouveau président du Conseil de sécurité, Me Paul-Emile L'Ecuyer, qui a pris les choses en main quant à la gestion de la police sur l'île de Montréal. Je pense qu'il fait preuve d'énormément de bonne volonté et d'énergie; je crois que la manière dont il a procédé récemment, dans le domaine de la caisse de retraite des policiers, permet d'escompter un résultat négocié, à très brève échéance, entre le Conseil de sécurité et la fraternité. Elle démontre que M. L'Ecuyer a vraiment été accepté par la Fraternité des policiers et qu'il est en même temps un administrateur habile et prudent dans le sens qu'il faut qu'il se préoccupe non seulement du bien-être des policiers eux-mêmes, lorsqu'ils seront mis à leur retraite, et de leur plan de retraite. Mais il faut, qu'il se préoccupe aussi des dépenses et des coûts de ces caisses de retraite et des incidences des dépenses encourues par le Conseil de sécurité.

M. le Président, nous avons aussi apporté quelques amendements à la charte de la ville de Québec ainsi qu'à la Loi de la communauté urbaine pour permettre que certaines infractions de stationnement puissent être constatées par d'autres personnes que des policiers, ceci de façon à permettre l'engagement d'un personnel civil qui serait de nature à alléger les budgets de sécurité dans la ville de Québec et sur l'île de Montréal. Ceci permettrait aussi aux policiers d'accomplir des fonctions qui sont à la hauteur de leur formation et qui ne sont pas nécessairement insignifiantes comme celles de poser des billets de circula- tion. Voilà encore une mesure qui a été prise sur le plan administratif. Nous avons créé une direction générale de la sécurité publique sous la direction de M. Paul Benoît, l'ancien directeur général de la Sûreté du Québec et, M. Benoît est à mettre cette direction générale sur pied.

Nous avons mis en mouvement l'intégration des cours municipales à partir du projet pilote auquel je me référais plus tôt lorsque je faisais le bilan législatif du ministère, puisque ce projet pilote a été mis en marche dans les municipalités de Longueuil, Greenfield Park et d'autres municipalités de la rive sud.

Nous avons continué à insister auprès du gouvernement fédéral pour une compensation financière relativement aux frais de police qui sont défrayés à raison de plus de 50% par les autorités fédérales dans huit provinces canadiennes. Nous n'avons pas eu de succès dans cette campagne encore, mais je ne désespère pas d'arriver ultimement au but.

D'ailleurs je ferai une réponse publique à M. Allmand la semaine prochaine sur les arguments qu'il m'a soulevés dans une lettre qu'il m'envoyait l'automne dernier, alors qu'il expliquait que le fédéral subventionnait les autres provinces en raison et pour le principal motif que le fédéral réalisait des économies d'échelle en combinant les services de police fédéraux, provinciaux et municipaux.

Or, je pense pouvoir démontrer, chiffres en main, que le fédéral ne peut dériver des économies d'échelle allant jusqu'à 50% des coûts de la police provinciale dans les autres provinces, que c'est complètement ridicule de soutenir une telle thèse et, pour le motif principal que la GRC, que la mission fédérale de la police, soit au Québec, soit dans d'autres provinces — quand je dis mission fédérale de la GRC, je veux dire les stupéfiants, les aéroports, même la monnaie contrefaite, enfin, tout le domaine qui est généralement réservé à la police fédérale — cela ne représente pas plus que 10% de tous les effectifs policiers.

Exemple: Au Québec, on sait que nous avons environ 15,000 policiers municipaux, provinciaux et fédéraux. Il n'y a pas plus qu'entre 800 et 1,000 policiers fédéraux au Québec, GRC; comment peut-on prétendre qu'on réalise des économies d'échelle allant jusqu'à 50% de tous nos effectifs de police provinciaux et fédéraux, c'est-à-dire les 14,000 qui seraient résiduaires?

Si l'on transpose ces chiffres dans les autres provinces, soit en Ontario, soit dans les provinces de l'Ouest ou dans les provinces de l'Est, il est absurde, c'est contraire au bon sens, de dire que le fédéral peut économiser jusqu'à 50% des coûts de police dans les autres provinces.

Ceci commence à démontrer, à mon sens, que la bonne foi des autorités fédérales peut sérieusement être mise en question dans ce débat. Je n'ai pas de crainte à l'affirmer. Tant qu'on continuera à soutenir des arguments aussi faibles, ceci démontrera que notre position est absolument bien fondée.

J'ai l'intention de mettre les choses par écrit,

de répondre à M. Allmand la semaine prochaine et on verra quelle réponse il me fera.

Nous avons nommé au ministère de la Justice, un fonctionnaire qui est chargé de l'administration de la justice dans le Nord québécois et, en particulier, de l'administration de la justice en rapport avec les Esquimaux, les Indiens, ainsi que les autres minorités ethniques du Québec.

On sait que les populations autochtones, comme les minorités ethniques, rencontrent des problèmes particuliers, lorsqu'elles ont à traiter avec différents aspects de l'administration de la justice. Comme nous voulons avoir un esprit d'intégration de ces minorités, non pas pour les contraindre à adopter des moules que nous leur imposerions d'une manière artificielle, mais bien plus pour faire en sorte qu'elles acceptent nos lois et notre système judiciaire, nous avons désigné un fonctionnaire qui est assisté d'un personnel qui a pour but d'établir des rapports privilégiés avec chaque minorité ethnique, chaque groupe autochtone, qui a pour but de faire en sorte que nos institutions leur soient adaptées, en fait, qui a pour but de tenir des communications constantes avec ces groupes de façon que l'administration de la justice ne leur paraisse pas comme un élément extérieur, mais plutôt comme une aide à la réalisation de l'ordre et de la paix.

Nous avons mis en place des directives qui réglementent, d'une façon sévère, l'usage des méthodes d'écoute électronique. On sait que c'est un sujet qui a fait couler beaucoup d'encre, au Québec, qui a même provoqué beaucoup de questions, en particulier du député de Maisonneuve et d'autres députés, à l'Assemblée nationale. C'est un sujet sur lequel il y avait des divergences de vues quant aux dispositions de la loi fédérale.

Quoi qu'il en soit, de ces dispositions, nous avons implanté cette loi, d'une façon absolue et complète et, en plus de cela, nous avons promulgué des directives à l'endroit des corps de police, soit la Sûreté du Québec, la Gendarmerie royale du Canada et la police de la Communauté urbaine, ainsi que d'autres corps de police qui pourraient, dans l'avenir, vouloir utiliser ces méthodes. Nous avons, dis-je, mis en place une réglementation qui évite des abus possibles dans l'emploi de ces méthodes et la réservons exclusivement à des enquêtes policières, conformément aux dispositions de la Loi de la protection de la vie privée.

D'ailleurs, j'ai fait un dépôt, en Chambre, d'un rapport sur les six premiers mois d'activités de la police, en vertu de la Loi de la protection de la vie privée et j'ai vu qu'on n'avait relevé, dans aucun journal, les conclusions de ce rapport pour indiquer qu'il y aurait eu des abus ou, enfin, quoi que ce soit. Le rapport est passé comme une lettre a la poste, ce qui semble dénoter un climat de confiance générale...

M. Burns:... ne vous inquiétez pas.

M. Choquette: ... dans l'utilisation de ces méthodes, par le ministère de la Justice et les corps de police.

M. Burns: Au programme 4, on en parlera.

M. Choquette: Oui, je sais bien que le député... J'invite le député de Maisonneuve à m'en parler.

M. Burns: Ah oui! On va le remettre dans l'actualité, je pense.

M. Choquette: Pensez-vous? Avez-vous des cas particuliers à me signaler?

M. Burns: Non, on va en parler.

M. Choquette: D'accord. Nous avons abaissé le tarif pour le mariage civil pour le mettre au même niveau que le tarif pour le mariage religieux car nous avions eu des représentations voulant que le tarif pour le mariage civil était trop élevé, était prohibitif et décourageait les gens d'aller se marier. Le député de Maisonneuve comprendra que nous ne pouvions pas laisser subsister une telle situation qui empêchait que des unions se nouent d'une manière légale. C'est ainsi que nous avons rétabli un tarif normal.

Nous avons créé, avec la collaboration du ministère des Affaires municipales, un groupe d'études sur l'habitation au Québec, c'est-à-dire le comité Legault, qui se penche sur toute la législation en matière d'habitation et qui a reçu pour mandat prioritaire de nous donner un rapport sur toute la loi de conciliation entre propriétaires et locataires. J'espère recevoir ce rapport au cours du mois de juin. Donc, ce comité Legault a pour mandat d'étudier toute la question de l'habitation en nous proposant des politiques cohérentes, parce qu'on sait qu'il y a eu pas mal de mesures dans le domaine de l'habitation, mais elles ne sont pas très liées les unes aux autres, elles ont été prises soit par le ministère de la Justice, soit par le ministère des Affaires municipales, soit par les autorités fédérales. Il s'agit d'avoir un rapport sur tout ce secteur très important, car il satisfait à un besoin fondamental de l'être humain, c'est-à-dire l'habitation. A l'intérieur de ce mandat général, nous leur avons donné comme un mandat prioritaire, celui de nous faire un rapport sur les lois de conciliation entre propriétaires et locataires. Ceci dans le but éventuellement d'arriver à une loi permanente dans ce domaine, alors qu'on sait que nous avons une loi temporaire depuis 1951, comme se plaît à me le signaler régulièrement le député de Maisonneuve.

M. Burns: A toutes les occasions que j'ai.

M. Choquette: Peut-être qu'un jour, je vais lui enlever un argument, mais on verra.

M. Burns: C'est pour cela que vous l'avez... Je suis tanné de vous rappeler cela.

M. Choquette: Dans un autre ordre d'idées, nous avons signé des ententes relativement au tarif de l'aide juridique avec le Barreau du Québec et avec la Chambre des notaires. Alors, il me fait

plaisir de constater qu'il nous a été possible, par la négociation, d'en arriver à l'établissement de tarifs s'appliquant à l'aide juridique avec ces deux professions. Je préfère, évidemment, de beaucoup cette solution négociée à une solution qui aurait été imposée par le lieutenant-gouverneur en conseil, comme la loi le lui permettait si la négociation ne permettait pas d'en arriver à un accord. Cependant, il a été possible par le processus de la négociation d'arriver à cet accord avec les deux professions en cause et ceci, en ce que les deux parties ont mis de l'eau dans leur vin et ont tenté d'en arriver à des formules et des tarifs satisfaisants pour les actes professionnels qui sont visés dans le tarif en question.

Nous avons également donné une nouvelle direction à l'enquête sur le crime organisé par la désignation de trois nouveaux commissaires, à savoir les commissaires Dutil, Dionne et Cordeau et par la nomination d'un contentieux, auprès de la commission d'enquête, extrêmement bien composée, enfin d'avocats très vigoureux et parmi lesquels il y a le procureur en chef de la commission, Me Réjean Paul. Je pense qu'actuellement on a, par les journaux et la télévision, des résultats du travail qu'accomplit cette commission. Je crois qu'ils sont tombés dans un sujet qui touche tout le monde et qui atteint tous les citoyens au Québec.

Nous avons adopté une réglementation plus sévère et plus adaptée, je crois, aux conditions actuelles dans le domaine des alcools. On sait que la mise en marché et la publicité des alcools sont maintenant régies par des règlements qui ont été adoptés par le lieutenant-gouverneur en conseil, mais suite aux recommandations de la commission de contrôle des permis d'alcool et des membres de ces industries à savoir, les distilleries, les brasseries. Malgré quelques réactions un peu superficielles au moment de la publication de ces règlements par certains artistes qui se voyaient, d'une certaine façon, privés de revenus très intéressants, les choses sont rentrées dans l'ordre, et aujourd'hui, je crois bien que la réglementation est bien acceptée.

Nous avons donné des directives et fait adopter des projets de programmes par les forces policières, relativement à la sécurité sur les routes. On sait que c'est un secteur qui a été très négligé dans le passé, et il était devenu nécessaire qu'une prise de conscience se fasse à ce niveau. Le rapport de la commission Gauvin a sûrement indiqué les carences générales, au Québec, dans ce domaine. Pour notre part, nous avons insisté auprès de la Sûreté du Québec et tous les corps de police municipaux pour que les lois et la réglementation routières soient observées plus sérieusement et de façon plus stricte.

Nous avons pris des mesures, en rapport avec la sécurité, lors de la tenue des Jeux olympiques. Un groupe de sécurité tripartite, composé de la police de la communauté urbaine, de la Sûreté du Québec et de la GRC a été mis sur pied, sous la direction du directeur général adjoint Toupin, de la police de la Communauté urbaine. Mon ministère est en communication fréquente avec ce comité. Le sous-ministre de la Justice préside ce comité. Moi-même, je me tiens au courant des mesures qui sont prises pour protéger les athlètes qui viendront ici, lors des Jeux olympiques. J'ai rencontré les autorités européennes, et en particulier, allemandes, au sujet des problèmes qu'avait posés la sécurité lors des Jeux olympiques de Munich. Ceci m'a donné quelques points de vue très intéressants, advenant des problèmes, des attentats ou enfin, des événements qui pourraient toujours se produire, que je n'espère pas mais qui pourraient toujours se produire, et ceci, de façon à avoir une force bien organisée, soit policière, soit même militaire, et aussi, de façon à ce que les dispositifs mis en place soient de nature à décourager de tels attentats, qui pourraient avoir des effets déplorables.

M. Burns: Je ne veux pas vous interrompre, mais vous dites: Même militaire. Est-ce que vous pouvez préciser cela

M. Choquette: Oui, voici. Nous allons probablement avoir la collaboration de l'année canadienne par une présence évidente de soldats ou de policiers.

M. Burns: Qui s'occuperaient de la sécurité en particulier?

M. Choquette: Bien, c'est-à-dire que voici: La présence de l'armée serait évidente. Il y aurait des soldats qui seraient présents à certains endroits. C'est parce que nous n'avons possiblement pas assez de policiers de disponibles. Donc, on est obligé de prendre des membres de l'armée, probablement.

A Munich, une des grandes erreurs qui a été commise, et ceci résulte de mes conversations avec le ministre de la justice allemand qui était, à ce moment-là, le maire de la ville de Munich. C'est qu'étant donné le militarisme allemand qui existait depuis la venue de Hitler au pouvoir jusqu'à la défaite de l'Allemagne en 1944, les autorités allemandes, lors de la tenue des Jeux olympiques à Munich, n'ont pas du tout voulu mettre la police en évidence; au contraire, elles cachaient la police. Vu que la police n'était pas du tout évidente, cela a peut-être ouvert des portes, au moins psychologiques, à certains terroristes qui ont fait l'attentat qu'on connaît. Ils ont donc regretté, par la suite, justement à cause de leur espèce de psychose antimilitaire et antipolicière, de ne pas avoir mis la police en évidence. Dans le cas actuel des Jeux olympiques au Québec ou à Montréal, au contraire, je pense qu'il va falloir mettre la police en évidence, montrer que la police est présente, non pas pour brimer qui que ce soit, mais bien plus pour rassurer les gens et leur donner un sentiment de sécurité et décourager des attentats. C'est une remarque qui résulte de nos échanges avec les autorités allemandes.

Je sais aussi, d'autre part, que le gouvernement fédéral et la GRC ont pris des mesures avec d'autres pays quant à des éléments qui seraient

susceptibles de se livrer à des mouvements ou à des actions terroristes. Il y a tout un système, je pense bien, pour empêcher l'entrée d'éléments de ce type au Canada et il y aura un contrôle aux frontières et aux aéroports pour bloquer ou au moins repérer des éléments qui pourraient venir perturber la tenue des jeux.

M. Burns: N'y a-t-il pas un danger de discrimination?

M. Choquette: II y a sûrement un tel danger. Je pense bien que les autorités fédérales doivent prendre certaines mesures. Vous savez, je veux dire dans...

M. Burns: Je me rappelle du temps où Pierre Elliott Trudeau ne pouvait même pas entrer aux Etats-Unis. Je me le rappelle, dans le temps qu'il était rédacteur...

M. Choquette: Etes-vous sûr de cela?

M. Burns: Oui. Vous demanderez à M. Trudeau, si jamais vous le rencontrez dans les semaines ou dans les mois qui viennent, de vous parler de l'époque où il se faisait bloquer aux frontières des Etats-Unis parce qu'il était rédacteur de Cité Libre...

M. Choquette: Oui.

M. Burns:... et qu'il était considéré comme un méchant socialiste, un méchant provocateur de perturbations sociales.

M. Choquette: II paraît qu'il y a un temps où la politique américaine était très étroite dans le domaine de l'immigration. Je me souviens qu'il y avait une législation américaine, qui est maintenant abrogée, qui donnait le pouvoir aux officiers de l'immigration de bloquer n'importe qui qui avait appartenu à toutes sortes de mouvements politiques et les Etats-Unis en faisait un large usage. C'est peut-être en vertu de cela qu'on bloquait l'entrée aux frontières américaines de beaucoup de personnes telles que Pierre Trudeau.

Dans le cas actuel, il faut que la police ait une certaine discrétion pour ce qui est de repérer des éléments qui sont susceptibles d'être à l'origine d'actions terroristes. On sait que les Jeux olympiques, à cause de leur caractère spectaculaire, à cause du fait qu'ils reçoivent une énorme diffusion dans le monde, sont vraiment un endroit où les terroristes peuvent s'illustrer d'une façon quasiment mondiale.

Alors, c'est cela qui fait qu'à cause de l'attraction possible des Jeux olympiques il faille quand même exercer des mesures de sécurité adéquates. Nous avons conclu des ententes avec le gouvernement fédéral quant à l'échange de services de prisonniers. Nous gardons les prisonnières dans nos prisons québécoises plutôt que de les envoyer à Kingston, les autorités fédérales nous remboursent. Nous avons l'intention aussi d'offrir des ser- vices de même nature pour les hommes lorsqu'ils seraient obligés de venir dans des prisons ou des pénitenciers fédéraux loin de leur domicile. Donc, nous voulons plutôt les garder assez près de leur famille.

Nous avons versé des subventions importantes à la Communauté urbaine de Montréal dont une quinzaine de millions pour les services de police. Nous avons mis en marche le centre de renseignements policiers du Québec qui est accessible à tous les corps de police. Nous avons fait adopter un règlement prévoyant l'échelle indicative des traitements pour les directeurs ou chefs de corps de police, règlement qui a été bien vu et bien accepté par ces officiers de police. Il y a eu également adoption d'un règlement sur les qualifications des directeurs ou chefs de police et la Commission de police a mis en place un système de statistiques en matière de criminalité. Je crois que d'ici quelques mois il me sera possible de donner les résultats de la mise en place de ce système pour permettre à tous ceux que la question intéresse d'établir l'évolution de la criminalité au Québec avec des données relativement précises qui nous viennent des corps de police, précision qui n'existait pas jusqu'à maintenant.

M. le Président, finalement, nous avons publié récemment le livre blanc du ministère de la Justice, la Justice contemporaine, qui a été bien reçu généralement dans les milieux judiciaires, le milieu des avocats, par la presse et enfin parmi les personnes que la question intéresse. Je pense que le programme qui se trouve inscrit dans ce livre blanc sera de nature à tracer les lignes de l'action du ministère de la Justice dans les prochaines années. C'est la raison pour laquelle je n'ai pas l'intention aujourd'hui de faire un long exposé pour dire quelles mesures nous avons l'intention de prendre au cours de l'année prochaine. Je n'ai pas l'intention, en somme, de tellement ouvrir des perspectives sur l'action future du ministère de la Justice parce qu'en réalité elles sont dans l'ensemble assez contenues dans le livre blanc On pourrait toujours parler de calendrier ou des mesures à prendre à brève échéance, mais, en somme, l'action du ministère se trouve toute tracée dans le livre blanc.

Sur le plan financier, M. le Président, puisque nous sommes aux crédits du ministère de la Justice, je voudrais donner quelques renseignements qui nous permettront de situer la discussion des crédits dans un cadre général. Le budget modifié du ministère de la Justice au 31 décembre 1974 s'est élevé à la somme de $213,174,700 et le budget demandé pour l'année 1975/76 s'élève à la somme de $246,818,500, soit une augmentation de $33,643,800 représentant un accroissement de 15.8% par rapport à l'année dernière.

La répartition des crédits du ministère pour l'année 1975/76, par secteur, est la suivante: $112,938,900, soit 45.8% pour la sécurité publique; $52,541,600, soit 21.3% au titre des institutions judiciaires, soit tout le système judiciaire, le personnel, les juges; $29,360,600, soit 11.9% au titre des institutions pénales; $24,115,800, soit 9.8% au titre

de la réadaptation sociale et $27,861,600, soit 11.2% représentant le résidu des crédits budgétaires demandés.

Quant à la répartition des crédits, par catégorie, je dois donner les renseignements suivants: les traitements à l'intérieur de ce budget total de $246,818,500 représentent $173,200,400, soit 70.2% et les autres rémunérations, $7,443,700, soit 3%, formant un total de $180,644,100 représentant 73.2% de la masse totale des crédits demandés, de telle sorte qu'il nous faut conclure une fois de plus que la plus grande partie des crédits et des dépenses du ministère de la Justice sont au titre du paiement de salaire ou de rémunération.

Quant à la croissance des dépenses, M. le Président, les traitements pour les crédits budgétaires 1975/76 par rapport au budget 1974/75 représentent un accroissement de 15.4% ce qui est tout à fait ou presque identique à la croissance totale des dépenses du ministère, qui est de 15.8%.

Dans la croissance de $33,643,800 de nos prévisions budgétaires pour l'année prochaine ou l'année actuelle par rapport au budget modifié du ministère de la Justice au 31 décembre 1974, la croissance des traitements représente 68.6%. Ce qui est conforme à l'importance que représente la catégorie traitement dans le budget total des opérations du ministère de la Justice. Maintenant, je dois, en terminant, signaler les motifs qui ont fait que nos prévisions budgétaires de l'année dernière ont subi un accroissement d'une trentaine de millions au cours de l'année pour justifier les motifs qui ont amené le ministère de la Justice à dépenser plus qu'il n'avait été prévu à l'origine.

C'est toujours principalement au titre des traitements que nos prévisions originales se sont avérées insuffisantes. Ainsi, parmi les dépenses additionnelles en 1974/75 que nous avons encourues, il y a $25,547,100 qui représentent des accroissements de traitement en cours d'année.

La Sûreté du Québec représente $13,347,200, le coût forfaitaire de la vie de 14.1% représente $7,651,000; les agents de la paix représentent une augmentation de $2,480,900 en cours d'année; les juges, une augmentation de $1,030,000 en cours d'année; les officiers de justice, $826,000 en cours d'année; les registrateurs, $172,000; les autres, $40,000 en cours d'année.

D'autre part, il y a eu d'autres éléments de dépense qui ont crû en cours d'années, soit à la Sûreté du Québec, $2,633,400 représentant un accroissement de dépenses de la flotte automobile, ainsi que certaines dépenses encourues en 1973/74, qui ont été reportées en 1974/75. L'aide juridique a requis $2,600,000 de plus de dépenses que prévu à l'origine et ceci, en raison de l'augmentation des frais dans certaines causes, comme d'ailleurs, d'une augmentation des indemnités payées aux victimes d'actes criminels.

Le fonctionnement du système judiciaire a fait encourir un accroissement de dépense de $1,350,000. Le contrôle des permis d'alcool a représenté des dépenses plus élevées de $530,000, parce que nous avons dû faire remise aux municipalités de cette somme additionnelle, en raison du fait que nos propres recettes avaient crû dans une proportion aussi considérable que $530,000. Nos recettes étant versées au fonds consolidé et n'étant pas comptabilisées au budget du ministère de la Justice, nous devons, néanmoins, en raison de la croissance de nos revenus découlant des permis d'alcool, faire des remises plus considérables, aux municipalités, de $530,000.

Finalement, la garde des prévenus et des détenus a représenté un accroissement de dépenses de $250,000.

Tous ces articles, $25,547,100; $2,633,400; $2,600,000; $1,350,000; $530,000 et $250,000 forment un total de $33,230,600 qui s'ajoute à nos prévisions budgétaires de l'année dernière et auxquelles il nous a fallu faire face en cours d'année.

Je dois dire aussi en terminant qu'il y a des renseignements à donner aux collègues au point de vue des effectifs du ministère. En 1974/75, notre effectif total, au ministère, s'élevait à 12,977 employés et nous prévoyons des effectifs, pour l'année 1975/76, de 13,507 employés, ce qui représente une augmentation de 530 postes, soit 4.1% de l'effectif total du ministère.

M. le Président, ceci complète, je crois, les données générales que je voulais donner aux membres de la commission sur le fonctionnement du ministère de la Justice en 1974/75, ainsi que sur les perspectives du ministère pour l'année 1975/76.

Le Président (M. Pilote): L'honorable député de Maisonneuve.

Commentaires de l'Opposition

M. Burns: M. le Président, je remercie le ministre de la Justice de cet exposé qui se veut complet, de ce tour d'horizon de son ministère.

Cependant, tout en vous disant d'avance que mes remarques générales seront brèves, je vous dis tout de suite que je n'ai pas l'intention de repasser toute la législation qui a été amenée par le ministère de la Justice au cours de l'année précédente.

D'ailleurs, dans la majorité des cas, je pense, nous nous sommes déclarés favorables à ces projets de loi. Je n'ai pas du tout l'intention de revenir sur des critiques qui ont déjà été faites.

Je veux simplement me limiter à exprimer, à l'endroit du ministre de la Justice, deux déceptions de la part de l'Opposition, dans deux domaines particuliers.

La première déception, c'est le livre blanc de la justice, de façon assez bizarre — je ne sais pas qui a trouvé le titre — qualifié de la justice contemporaine. Moi, j'ai toujours pensé que la justice avait un caractère universel, qu'on ne pouvait ni la situer au point de vue de quantité, ni au point de vue de qualité, a un certain moment ou à un certain temps.

La justice, si elle doit être présente, au Québec, elle est toujours contemporaine. En tout cas, je ne vous ferai pas une longue thèse là-dessus, mais j'ai trouvé très bizarre le titre La Justice contemporaine.

Mais, la grande déception, à mon avis, que

nous fait subir le livre blanc de la justice, c'est, d'une part, qu'on ait laissé croire à tout le monde que ce livre blanc était probablement l'oeuvre de la décennie 1970, en matière de justice, et qu'elle ne s'avère pas, comme telle, lors de sa publication.

Ce qui ressort du livre blanc, sans en faire une critique à fond, ce qui ressort de tout cela, c'est qu'il me semble que les seuls problèmes qu'on ne règle pas sont les problèmes difficiles, c'est-à-dire les problèmes à caractère constitutionnel. Par exemple, la réforme des tribunaux, l'installation d'un tribunal de la famille, en fait, la suite qu'on pourrait donner, si vous voulez, au rapport Dussault sur les tribunaux administratifs; on ne semble pas vouloir trouver de solution à cela; on ne semble pas vouloir installer véritablement un tribunal de la famille. Pourquoi? Parce qu'il y a des problèmes constitutionnels. C'est là-dessus qu'on s'attendait véritablement de la part du ministère de la Justice, à un livre blanc qui poserait des gestes précis.

Par contre, le livre blanc amène des solutions ou suggère des solutions à des choses sur lesquelles personne au Québec, actuellement, n'est en désaccord, par exemple, le conseil de la magistrature. Il n'y a pas grand monde qui est contre cela. Je pense que tout le monde est d'accord qu'il y a une forme de nomination des juges, de discipline, si vous voulez, qu'on puisse imposer aux juges, avec la participation de tous les organismes intéressés. Là-dessus, je pense — regardez dans tous les milieux de la société québécoise — qu'à peu près tout le monde est d'accord là-dessus. En tout cas, je n'ai pas entendu de note discordante.

Or, je me demande véritablement si le livre blanc est ce à quoi on devait s'attendre. Quand on fait un livre blanc, un livre vert ou un livre jaune orange, peu importe la couleur, c'est habituellement, parce qu'on annonce une intention de la part d'un ministère de légiférer dans un domaine où il pourra y avoir un certain nombre de difficultés à trouver un consensus. Je pense, par exemple, au livre vert fédéral sur l'immigration qui pose un certain nombre de problèmes que le Québec, à 50%, partage comme point de vue, mais qui est sans doute décrié dans d'autres provinces, du Canada.

Mais, ce qu'on nous amène avec le livre blanc, c'est de nous dire: Tel problème est difficile à régler, parce qu'il y a des problèmes constitutionnels, par exemple, la réforme des tribunaux. Tel autre problème n'est pas difficile à régler; il y a même un consensus. Voilà une annonce que nous faisons, un conseil de la magistrature, etc.

Je vais même plus loin que cela. Dans des cas où il aurait été de la juridiction du Québec d'agir, par exemple, en matière de protection et de probation pour les enfants, on maintient les deux juridictions entre le ministère des Affaires sociales et le ministère de la Justice. Là, il y a unanimité en sens contraire. C'est-à-dire que tout le monde dit: Branchez-vous une fois pour toutes, le gouvernement du Québec. Est-ce que cela devrait relever du ministère de la Justice? Beaucoup de gens croient que cela ne devrait pas être. Ou encore, est-ce que cela ne devrait pas, carrément, être confié au ministère des Affaires sociales, tout le phénomène de la protection et de la probation, concernant les enfants? Je sais — je vois les sour-cillernents du ministre de la Justice — que ce n'est pas un problème qui est réglé, mais on fait tout simplement, dans le livre blanc, reconnaître la situation actuelle. On maintient ces deux juridictions sans même tenter d'avancer un élément de solution. En tout cas, c'est comme cela que je l'ai vu.

Je ne trouve pas qu'on avance un élément de solution important qui est à la base de cette affaire. Globalement, je trouve qu'on est en droit d'être déçu de ce rapport de la justice et, encore une fois, selon le vieux cliché, c'est l'éléphant qui accouche d'une souris. On nous avait annoncé quelque chose de fantastique, on nous avait même dit, d'ailleurs, que le ministère se privait de faire — ce qu'il n'est pas obligé de faire d'ailleurs de par sa loi — se privait de faire un rapport annuel pour concentrer les efforts de ses fonctionnaires sur la préparation de ce livre blanc.

Je pense que le ministre aurait même pu se passer de faire un livre blanc, et cela n'aurait pas changé grand-chose à la situation actuelle de l'administration de la justice au Québec. C'est peut-être dur de dire cela, mais c'est ce que je pense véritablement.

La deuxième grande déception, elle est très récente, M. le ministre, elle remonte même à hier et avant-hier et à la semaine dernière. C'est l'attitude du ministre de la Justice lui-même lors de l'adoption du projet de loi no 30. Je n'ai pas du tout l'intention de revenir sur l'ensemble des critiques que nous avons faites, le chef de l'Opposition, le député de Chicoutimi et moi-même, à l'endroit des dispositions qui apparaissent dans le projet de loi no 30, mais j'ai le droit, il me semble, surtout au début de l'étude des crédits du ministère de la Justice, d'exprimer encore une fois ma profonde déception à l'endroit d'un ministre pour qui j'ai, en d'autres cas, beaucoup de respect. Je pensais, j'aurais cru que le ministre de la Justice dans ce cabinet aurait été l'espèce de président de la Ligue des droits de l'homme du cabinet, qu'il aurait pu sursauter à la décision du cabinet d'amener des dispositions qui sont tout à fait contraires à la protection des droits fondamentaux des Québécois, et particulièrement sous deux aspects dans le projet de loi no 30. Non seulement je n'ai pas vu le ministre s'élever comme protecteur — comme je me plais à le dire — généreux de la société québécoise, mais au contraire, je l'ai vu se présenter comme le défenseur de mesures à mon avis, absolument inacceptables pour quelqu'un qui a intérêt à protéger les droits fondamentaux, les libertés civiles des gens au Québec. Exemple: le fait d'imposer ce qu'on appelle souvent un "double jeopardy".

Il y a des gens qui ont été condamnés pour meurtre, qui ont été condamnés pour vol, qui ont été condamnés pour tous les autres crimes qui sont énumérés dans la loi 30 et qui ont payé leurs dettes à la société. On leur impose un second far-

deau, on leur dit: Non seulement vous avez payé une fois, vous allez payer encore, parce que, pendant cinq ans, vous ne pourrez pas être représentant syndical. Je m'abstrais complètement du contexte, comme je le disais hier. C'est évident que le contexte actuel n'était pas propice à une très bonne discussion de fond, de principe dans cette affaire. C'est évident qu'on pouvait immédiatement nous dire, à chaque reprise, lorsqu'on soulevait ce problème: Voyez donc que ce sont des bandits qui mènent le domaine de la construction et de façon très démagogique; d'ailleurs, l'opinion publique le reflète. Même l'opinion des travailleurs de la construction reflète ce traumatisme qui est causé actuellement et qui ne permet pas, à mon avis, une discussion saine, une discussion détachée, une discussion sortie du contexte malheureux que nous vivons dans le domaine de la construction.

Je me serais attendu de la part du ministre de la Justice à un rôle de bouclier entre cette opinion publique survoltée, tannée des problèmes de la construction, écoeurée de cette situation absolument incompréhensible qui fait qu'à tout bout de champ, il y a des problèmes dans le domaine de la construction, problèmes qui très souvent je l'admets, sont, dans la situation actuelle, provoqués par quelques individus qui sont, appelons-les comme ils sont, des indésirables dans le domaine de la construction. Je n'ai pas besoin de nommer des personnes, je pense que tout le monde les connaît.

Mais, entre cette situation désagréable, intolé-rable, qui se passe dans la construction et le geste absolument disproportionné d'adopter une loi qui exclut, de certaines activités de notre société, des gens qui ont un dossier judiciaire, il me semble qu'il y a une marge. Il me semble qu'il y avait un "tempérament" qui devait intervenir, et le "tempérament" devait intervenir, à mon avis, par le ministre de la Justice. C'est sur lui qu'on compte, justement, pour qu'à un moment donné, ces protections minimales soient faites. Le ministre de la Justice, même si la structure actuelle du ministère se s'y prête pas, n'est pas le ministre de la police. Même si, actuellement, il y a confusion entre une espèce de ministère de l'Intérieur qui pourrait relever d'un autre ministre, éventuellement. Je ne me prononce pas là-dessus. Je n'ai même pas d'opinion définitive. C'est comme on l'avait dit, je pense, il y a quelques années, lorsqu'on en a discuté, cela dépend énormément de l'esprit des gens en place si on crée un ministère de l'Intérieur. Par exemple, on peut donner le cas de la Grande-Bretagne et le cas de la France, où vous avez un "Home Office" et un ministère de l'Intérieur. Ce sont deux mentalités tout à fait différentes et ce n'est pas appliqué de la même façon à chaque endroit.

Mais sans me prononcer sur le besoin d'un ministère de l'Intérieur au Québec, je demeure convaincu que le ministère de la Justice n'est pas, d'abord, un ministère de la police. S'il n'est pas un ministère de la police, il me semble que c'est l'aspect justice, justement, qui doit prendre le dessus, et c'est là que je me serais attendu à ce que le ministre de la Justice, même par-dessus la tête de son collègue du Travail, vienne dire: II y a des libertés, il y a des droits fondamentaux qui sont lésés par ce projet de loi, et il ne faut pas prendre des mesures extrêmes, malgré une situation qui ne se prête pas tellement à une discussion normale, détendue de ce qui était exposé dans le projet de loi no 30. Le même phénomène, les mêmes remarques, je peux les faire à l'endroit de la présomption prévue à l'article 2 du projet de loi no 30 qui, sans doute, sera adopté dans la journée, si c'est l'intention du gouvernement. Il ne reste, je pense, que la troisième lecture. Mais, encore une fois, c'est l'endroit où j'aurais cru que le ministre de la Justice se serait dissocié d'une attitude telle que celle qui a été présentée par le projet de loi no 30. Au contraire, M. le Président, j'ai vu le ministre de la Justice, à ma grande déception, se faire le défenseur de ces mesures. En tout cas, je pense que j'ai le droit de le dire, maintenant, en dehors du contexte du débat du projet de loi no 30.

Je n'ai pas l'intention, comme le député de Louis-Hébert me fait signe, de faire pleurer qui que ce soit. Je trouve que c'est l'ensemble de la société, peut-être, qui devrait pleurer sur cette situation. Ce n'est pas parce que j'ai une mauvaise voix, ce matin. C'est parce que j'ai le même problème que le ministre de la Justice. J'ai une mauvaise grippe. Alors, je ne pleure pas. Ne vous en faites pas.

Finalement, M. le Président, d'habitude on donne les fleurs avant le pot. Je vais donner les fleurs après le pot.

Je continue à appuyer le ministre de la Justice, et soyez certains que l'Opposition officielle, le Parti québécois, est entièrement derrière les efforts du ministre de la Justice, pour récupérer les sommes qui, à mon avis, injustement, sont déboursées par le Québec, eu égard à ce que le fédéral fait pour l'administration policière dans les autres provinces. Soyez assurés que nous allons, totalement, continuellement, vous appuyer et même vous inciter — j'étais très heureux d'entendre le ministre nous dire, tout à l'heure, qu'il avait l'intention de relancer la bataille — à la garder vivante, cette bataille, même si, actuellement, elle semble sans espoir à cause de cette espèce d'attitude obtuse que démontre le gouvernement fédéral, de ne pas reconnaître qu'actuellement il coûte plus cher au gouvernement québécois ou, en fait — je n'ai pas à les défendre — au gouvernement ontarien d'administrer sa police dans le système actuel, que n'importe quelle des autres provinces.

Là-dessus, M. le ministre, je tiens à vous assurer, sans aucune réticence, de notre appui le plus total et j'espère, et j'étais heureux, de vous l'entendre dire, que vous continuiez la bataille, parce que je craignais que, devant une première défaite, vous disiez: Bon, le dossier est classé comme on l'a fait d'ailleurs dans certains autres ministères, même si, au ministère des Communications on s'efforce, à tout bout de champ, de revenir devant une situation qui semble perdue d'avance. Mais, en ce qui concerne l'administration policière et en

ce qui concerne le remboursement juste, normal que le Québec est en droit de s'attendre de la part du fédéral, je pense que vous pouvez être assuré d'avance de notre appui.

Finalement, M. le Président, et là c'est beaucoup plus une question qu'une remarque, vous avez mentionné, M. le ministre, dans vos commentaires du début, le problème de la Loi concernant la Commission de contrôle des permis d'alcool. Comme simple député, j'ai eu, à de nombreuses reprises, à dire à des gens qui s'informaient sur la mise en application des réformes, valables, d'ailleurs, qui apparaissent dans le projet...

M. Choquette: Dans le projet de loi 21.

M. Burns: ... de loi 21 qui est devenu un amendement à la Loi de la Commission de contrôle des permis d'alcool, j'ai été appelé, à dire, dis-je, à un tas de gens qui s'informaient auprès de moi que la loi n'était pas en vigueur, que je ne savais pas à quelle date exacte cette loi viendrait en vigueur et qu'il y avait un certain nombre de choses qui doivent être mises en application par voie de proclamation du procureur général.

Je me suis même informé, M. le ministre, auprès de certains de vos fonctionnaires, à votre ministère, pour essayer d'obtenir une approximation de la date où on mettra en vigueur ces amendements. On m'a indiqué, à votre ministère, que ce serait possiblement vers le mois de juin. J'aimerais savoir, éventuellement, de façon définitive, quand cette loi va être en vigueur, et si c'est exact que ce sera vers le mois de juin de cette année, à toutes fins pratiques.

C'étaient les remarques que j'avais à faire. Après cela, je serai prêt à examiner les différents programmes.

M. Choquette: Parfait. M. le Président, j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt les remarques du député de Maisonneuve. Je commencerai par la fin, je commencerai par répondre à la question qu'il m'a posée.

Il est prévu que ce sera le 1er juillet qu'entreront en vigueur les dispositions du projet de loi 21 ainsi que la réglementation proposée qui en découle. Comme je l'ai dit tout à l'heure, cette réglementation a été publiée dans la Gazette officielle de Québec au cours du mois de mai, elle a été rendue publique pour obtenir des points de vue, des réactions, à l'égard de la réglementation proposée.

Aussitôt que nous aurons compilé et noté les avis qui nous seront donnés quant à la réglementation proposée, je ferai adopter par le conseil des ministres un arrêté en conseil qui entrera en vigueur à la date du 1er juillet et qui, en même temps, prévoira que tous les amendements ou presque tous les amendements apportés à la Loi de la Commission de contrôle des permis d'alcool par le projet de loi 21 seront mis en vigueur le 1er juillet.

Je pense que ceci devrait possiblement répondre à la question du député de Maisonneuve.

Si lui-même ou ses collègues avaient des opinions ou des avis à nous faire valoir sur l'application de ces règlements, il peut être assuré que nous les prendrons en considération dans la rédaction définitive de la réglementation.

En second lieu, M. le Président, le député de Maisonneuve a parlé du livre blanc, La Justice contemporaine. Je dois dire que le député de Maisonneuve semble être pas mal tout seul de son avis quant aux critiques qu'il formule à l'égard de ce livre blanc, ce qui devrait peut-être l'amener à exprimer ses critiques avec certaines réserves, car, lorsqu'on est seul d'un avis, cela devrait signaler qu'on ne voit pas la situation précisément comme elle se présente. C'est comme le régiment qui...

M. Burns: J'ai souvent été seul, mais en étant seul, j'ai souvent été, je le dis sans vouloir me "péter les bretelles", un précurseur.

M. Choquette: Personne ne va dénier au député de Maisonneuve une qualité de courage et je ne dis pas que cela lui manque — mais j'attire son attention sur le fait que le livre blanc au contraire a suscité énormément d'intérêt dans la presse, dans le Barreau et parmi la magistrature et a réussi une chose que bien peu de livres blancs accomplissent en général, c'est faire l'unité, la cohésion autour d'un certain nombre de réformes. II. est bien beau de se lancer dans des débats sur des questions controversées et de soutenir des points de vue qui sont discutés, discutables, qui suscitent la controverse. Cela peut représenter un certain intérêt sur le plan de la discussion, mais je pense qu'un livre blanc a bien plus de succès lorsqu'il réussi à faire l'unité dans les milieux concernés. A ce moment, la réalisation du livre blanc est beaucoup plus facile, elle ne suscite pas d'embarras ou d'ennuis parmi ceux qui seront appelés à collaborer à la mise en place des institutions et des réformes qui sont proposées.

Donc, il n'est pas suffisant, à mon sens, de dire: Le conseil de la magistrature, tout le monde au Québec est d'accord sur cela. Je pense bien que tout le monde est d'accord sur cela, mais quel conseil de la magistrature? Est-ce que tout le monde est d'accord sur cela? C'est une question bien plus pratique et concrète et le député de Maisonneuve, avec son esprit pratique — car il l'a aussi — devrait se rendre à l'évidence que, lorsque nous proposons un conseil de la magistrature ayant tel pouvoir, composé d'une façon particulière et que nous recueillons l'unanimité sur la formule proposée, cela est bien plus important comme réalisation que d'obtenir un assentiment aux termes ou à l'idée d'un conseil de la magistrature assez indéfini. C'est ce qui m'a tellement réjouit lorsque le livre blanc a paru, c'est de voir jusqu'à quel point les critiques à l'égard des institutions, qui sont proposées d'une manière spécifique dans le livre blanc, sont tombés devant la démonstration du bien-fondé de la caractéristique des institutions en question.

Le député de Maisonneuve a parlé du tribunal

de la famille, je dois avouer que j'ai dégonflé, dans une certaine mesure, ce slogan provincial — ne disons pas national, mais provincial — du tribunal de la famille. Dans certains milieux, le "tribunal de la famille", à partir du moment où on avait dit le mot, où on avait réalisé la chose, et c'était la solution de tous les problèmes familiaux. Mais, M. le Président, il faut connaître le milieu de plus près, les problèmes actuels de la famille, les problèmes de la législation en matière de famille et les conflits qui peuvent exister dans les familles à l'occasion de désaccords pour savoir que ce n'est pas avec un slogan, ce n'est pas avec des mots qu'on va remédier à des réalités extrêmement difficiles. Dans le contexte d'une réorganisation des tribunaux, j'ai tenté de faire la part de ce qui était une amélioration possible de la justice en matière familiale, sans partir dans des débordements qui sont beaucoup plus de nature de discours politiques ou de points de vue assez facilement exprimés sur un sujet qui est assez difficile.

J'attire aussi l'attention du député de Maisonneuve sur le fait que toute réforme judiciaire est une chose extrêmement difficile à réaliser et ceci a été constaté dans tous les pays, à tel point que les réformes de systèmes judiciaires, en général, s'espacent à peu près à tous les cent ans. Ce n'est pas une chose qui est facile et cela n'est pas une chose qu'il est possible de réaliser sans une étude très complète de la question. Juste d'avoir proposé une réforme judiciaire à l'intérieur du cadre constitutionnel actuel — je ne nie pas les contraintes constitutionnelles actuelles... D'ailleurs, je les ai exposées dans l'avant-propos et probablement que c'est une partie du livre blanc qui a retenu plus l'attention du député de Maisonneuve que d'autres parties.

M. Burns: Je m'excuse, M. le ministre, d'être tout seul à penser à ça, selon ce que vous tentez de laisser croire, parce que c'était sur ce point, mais je pense que je ne suis pas tout seul à penser ça.

M. Choquette: Sur quoi? Une Voix: Six.

M. Burns: Non, il y a plus que six personnes au Québec qui pensent ça. On s'attendait à quelque chose d'important en matière de réorganisation des tribunaux et on nous laisse sur notre appétit, on nous déçoit en nous disant: II y a des problèmes constitutionnels, donc c'est grave et c'est difficile, alors, on ne s'y attaquera pas. C'est simplement ça que je vous dis. Il me semble que c'est normal qu'actuellement, avec tous les problèmes que pose l'administration de la justice au Québec, les Québécois conscients se disent: On s'attendait à une suggestion, ce n'est pas un projet de législation immédiate, un livre blanc, si je le comprends bien, c'est quelque chose qu'on soumet à l'ensemble de la population pour lui demander ses réactions, sans faire formellement une commission parlementaire. C'est quelque chose avec quoi on peut s'attendre à des réactions de la part d'éditorialistes, de la part de gens spécialisés comme les membres du Barreau, comme la Ligue des droits de l'homme, comme d'autres organisations qui s'intéressent à l'administration de la justice, comme des gens de l'Opposition aussi.

On s'attendait entre autres à une suggestion ou tout au moins à une volonté avouée de faire une véritable réorganisation des tribunaux, ce que je ne retrouve pas, et c'est là-dessus que je suis déçu du livre blanc...

M. Choquette: J'ai dû répondre à des questions lorsque j'ai assisté au congrès du Barreau, justement sur cette question et j'ai signalé aux personnes présentes que c'était la première fois, à ma connaissance, que les dispositions contitu-tionnelles de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique ainsi que la jurisprudence qui a été élaborée par les tribunaux depuis ce temps ont été soumises à une critique aussi serrée sur le plan constitutionnel. C'était un pas qui était fait dans la direction d'un éclaircissement des questions en litige dans ce domaine.

J'ai aussi mentionné, et je le répète aujourd'hui, que même s'il y a des contraintes constitutionnelles et des obstacles à certaines réalisations qu'on aurait peut-être pu concevoir et s'imposer, les obstacles constitutionnels ne sont pas tels qu'ils mettent en cause le fondement des réformes qui sont proposées. On aura toujours besoin d'un tribunal de droit commun, d'une cour Supérieure et, à côté de ça, de tribunaux spécialisés. Je crois que tous les régimes judiciaires du monde comportent une certaine spécialisation dans ce domaine.

M. Burns: II n'y a pas de chicane là-dessus.

M. Choquette: On est au centre des contraintes constitutionnelles, mais ces contraintes ne sont pas tellement contraignantes qu'elles empêchent d'effectuer une réforme qui a une portée très importante au point de vue de l'administration de la justice. Il ne faut quand même pas devenir hypnotisé ou obnubilé par les difficultés constitutionnelles en cause qui existent, je le reconnais. Mais il ne faut pas devenir strictement un exégète de la constitution et de la jurisprudence et oublier le fait, c'est-à-dire les institutions qu'on peut mettre en place, les tribunaux qu'on peut mettre en place, les choses qu'on peut réaliser à l'intérieur du cadre actuel qui n'est pas contraignant d'une façon absolue.

Je voudrais aussi situer cela dans sa perspective. Quant au partage entre les fonctions du ministère de la Justice et du ministère des Affaires sociales dans le domaine de la jeunesse, le député de Maisonneuve a semblé mentionnerqu'il aurait aimé qu'on prenne une option catégorique, définitive, quant à l'octroi de ces responsabilités à l'un ou l'autre ministère.

Mais je lui dis ceci: Quelles que soient les solutions qu'on adopte, il y aura toujours un partage des fonctions entre les deux ministères, dans ce domaine spécifique.

On ne peut pas dire que la protection de la

jeunesse, c'est exclusivement une prérogative du ministère de la Justice, comme on ne peut pas dire que la protection de la jeunesse, c'est exclusivement une responsabilité du ministère des Affaires sociales.

Il faut, au contraire, viser à une intégration intelligente des responsabilités des deux ministères et c'est ce que le livre blanc propose, d'une manière réaliste, en créant, d'une part, une commission de la protection de la jeunesse qui, éventuellement, succédera à notre comité de la protection de la jeunesse, qui est situé au sein du ministère de la Justice, mais en laissant les institutions qui s'occupent des enfants, au ministère des Affaires sociales, parce qu'on préfère, au moment de la cure ou du traitement, considérer que ces enfants sont dans un milieu qui est plus à portée sociale qu'un milieu qui pourrait être caractérisé ou qualifié de répressif.

C'est une des lignes de force de ce chapitre que de faire ce partage des responsabilités. Il y en a d'autres également. Par exemple, au point de vue de la protection judiciaire et de la protection sociale, ou au point de vue de l'intervention judiciaire et de l'intervention sociale, de par la création de cette commission de la protection de la jeunesse, nous tentons de faire la part des choses entre ce qui devrait être des interventions à caractère social et des interventions à caractère judiciaire, en tentant de mettre l'accent sur la diversion, en dehors du système judiciaire, dans les cas particuliers où cela est adapté aux problèmes d'un enfant en particulier. C'est-à-dire que, lorsqu'on peut éviter qu'il soit traduit dans le système judiciaire et qu'on peut prendre des mesures par pur consentement avec les parents, avec l'enfant en question, on favorise ce genre de mesure à des mesures judiciaires lorsqu'il n'y a pas eu de crime grave commis et lorsqu'une intervention judiciaire ne nous paraît pas opportune.

Là encore, je pense que nous avons réussi à faire une synthèse et un équilibre assez approprié entre le côté social et le côté judiciaire.

Je pense qu'à tout considérer,les solutions qui sont proposées ont une chance de passer dans la réalité et d'être acceptées autant par le milieu judiciaire que par le milieu social.

Ceci me ramène en somme à l'observation générale que je faisais au début de mes remarques, avant d'aborder exclusivement cette question de protection de la jeunesse, c'est que faire l'unité de pensée du milieu est une préoccupation très présente à mon esprit, au moment d'entreprendre ces réformes. Car entreprendre des réformes dans la controverse, dans le refus des principaux éléments qui seraient appelés à collaborer à cette réforme, c'est, d'une certaine façon, risquer qu'elles échouent en chemin.

Finalement, il y a une observation générale que je veux faire au député de Maisonneuve. Nous avons eu de grandes réformes au Québec, entre autres dans l'éducation, entre autres dans les affaires sociales. Le député de Maisonneuve me dirait-il que ces réformes ont donné tous les résultats qu'on en escomptait au moment où l'Assem- blée nationale, où le gouvernement s'est engagé, soutenu par l'opinion publique?

M. Burns: Puis-je vous répondre? M. Choquette: Oui.

M. Burns: Vous me posez une question. Je suis très préoccupé, justement, des grandes réformes qui ont été faites. Le ministre, à bon droit, souligne celles qui ont été faites en matière d'éducation et d'affaires sociales; ce sont peut-être les deux seuls endroits où il y a eu de grandes réformes, des réformes globales. Je suis préoccupé, dis-je, qu'on se soit davantage complu à mettre en place des institutions en oubliant ce pourquoi les institutions étaient faites, c'est-à-dire le citoyen, le monde ordinaire, comme on le dit, selon l'expression à la mode. On s'est plu tout simplement à installer de belles structures. En fait, c'est ce que j'appelle des réformes de technocrates, des réformes de gens qui, sur papier, trouvent que c'est bien joli d'installer des CLSC, de mettre en place des CEGEP, etc., en oubliant, au cours de tout cela, l'élément individuel de la collectivité à laquelle on s'adresse. C'est cela le grand danger. Que le ministre soit prudent dans une réforme, je vais être le dernier à le blâmer de le faire, mais de ne pas penser à une réforme, à un moment donné, parce que, dans d'autres cas, on a oublié ce pourquoi on faisait la réforme, en cours de route, je pense qu'il y a un moyen terme. Il y a peut-être, justement, l'utilisation de l'expérience malheureuse — je le dis — dans le domaine des affaires sociales et dans le domaine de l'éducation. Quant à l'apporche de cette réforme globale, il y a peut-être l'utilisation de cette expérience qui pourraît être drôlement utile, à l'endroit du ministère de la Justice.

M. Choquette: En effet. Je suis conscient, n'est-ce pas, de cette carence des grandes réformes qui ont été mises en place. Je souscris presque littéralement aux propos du député de Maisonneuve que le citoyen, l'individu, l'être humain en chair et en os a été possiblement oublié et que, au fond, tout cela représente des services pour le public que ces réformes, que ces institutions mises en place et que cela doit être la préoccupation essentielle qui guide le législateur et l'administrateur public.

Justement, dans le domaine de la justice, j'ai voulu tirer partie, d'une certaine façon, d'erreurs qui ont été commises dans d'autres secteurs où les réformes ont été inspirées par un certain globalisme, un certain désir impérialiste de tout chambarder du jour au lendemain, avec des résultats dont on commence à voir les effets assez négatifs. Je n'ai pas besoin de revenir sur ce qui se publie récemment dans le domaine de la connaissance du français. Je comprends qu'on puisse faire la part des chose, là encore, et dire: Le français, aujourd'hui, n'est pas plus mal qu'il l'était il y a 25 ou 30 ans, pourquoi critiquer la façon dont on enseigne le français dans nos institutions? Mais,

en tout cas, les articles récents sur cette question ont signalé une carence. Il y en a tellement d'autres qu'on connaît sur lesquelles...

Même le ministre de l'Education lui-même ne se gêne pas pour déclarer à Paris que le système de collèges d'enseignement général et professionnel... Je veux dire, il faut en prendre et en laisser. Je comprends qu'il a atténué, d'une certaine façon, la portée de sa déclaration ici à l'Assemblée nationale, mais il n'en reste pas moins que le ministre reconnaît lui-même qu'il est pris dans un vaste appareil qui ne fait pas la part de ce que le député de Maisonneuve disait.

M. Burns: D'ailleurs, le ministère est en train de faire machine arrière là-dessus dans les faits, par exemple, à l'endroit de sa politique sur les polyvalentes, les immenses polyvalentes de 3,500. Je pense que le ministère a déjà commencé à réviser sa position là-dessus.

M. Choquette: Oui.

M. Burns: On est en train d'envisager la possibilité du service à l'étudiant, quelque chose de beaucoup plus personnalisé en réduisant l'espèce de géant ou de monstre que sont les polyvalentes telles que conçues à 3,500 étudiants.

M. Choquette: Oui.

M. Burns: Déjà, c'est un signe que l'ensemble de la société est en train de s'en rendre compte si déjà le ministère de l'Education révise sa position. Remarquez qu'on s'écarte peut-être de notre programme.

M. Choquette: Oui, on...

M. Burns: C'est un problème de justice aussi, vous savez.

M. Choquette: Je ne veux pas mettre la justice à toutes les sauces..

M. Burns: C'est l'épine dorsale de notre société.

M. Choquette: Oui, mais il ne faut quand même pas voir la justice... Je veux dire, elle est peut-être partout, mais la justice au sens propre qui est l'objet de notre discussion ce matin... C'est sûr que, par comparaison avec d'autres types de réforme, je dis que nous avons voulu procéder en étant nettement plus proche de la réalité, et peut-être avec moins de généralisation, avoir moins d'objectifs généraux, sans aucun doute généreux, pour employer le terme du député de Maisonneuve, mais dont on ne peut pas prévoir les "after effects" ou les "side effects" ou les résultats négatifs de la mise en place de structures très vastes, très complexes à la fin, où tout le monde se perd un peu. Alors, c'est dans cet esprit que...

M. Burns: Cela ne vous empêche pas de pro- voquer des changements, de provoquer une discussion autour de réformes fondamentales, c'est cela que je veux dire.

M. Choquette: Non, pas du tout. Je veux mettre cela dans cette perspective au point de vue de ce qui est prévu dans le domaine de la justice. Maintenant, le député de Maisonneuve a fait part de ses critiques à l'égard du bill 30. Je pense bien qu'on aura l'occasion d'en discuter à l'Assemblée nationale et je ne reviendrai pas sur ces sujets qui ont fait l'objet, déjà, d'échanges avec le gouvernement...

M. Burns: Je sais que le ministre de la Justice est très malheureux de la position qu'il a été obligé de tenir à l'occasion du projet de loi no 30.

M. Choquette: Ah non!

M. Burns: II était évident...

M. Choquette: Ah non!

M. Burns:... qu'au cours de cette discussion...

M. Choquette: Non.

M. Burns: ... que j'ai manquée, malheureusement, hier après-midi, parce que j'étais retenu ailleurs avec mon collègue de Beauce-Nord. Mais il est apparu évident que le ministre de la Justice marchait véritablement sur ses principes lorsqu'il défendait diverses positions qui nous apparaissaient dans le projet de loi no 30. La meilleure preuve, c'est qu'à toutes les occasions où le chef de l'Opposition ou moi-même ou le député de Johnson, ou encore, je pense, hier après-midi, par le rapport que j'en ai eu de ce qui paraissait dans les journaux de ce matin, le ministre de la Justice nous donnait raison sur chacun des principes que nous soulevions, mais à chaque fois, il était obligé de terminer sa phrase avec un "mais", et le "mais" le ramenait à appuyer les mesures absolument exceptionnelles proposées par le projet de loi no 30. Je le sais, que le ministre de la Justice était "poigné" dans le projet de loi no 30...

M. Choquette: Je n'étais pas...

M. Burns:... et je sais que ce n'est pas dans sa nature — je parle du ministre, en tant qu'individu — d'appuyer de telles mesures. Il a fallu vraiment, j'imagine, qu'au cabinet on lui torde le bras pour qu'il vienne, avec tout son prestige, appuyer des mesures absolument exorbitantes du droit commun, comme celles qu'on retrouve dans le projet de loi no 30.

M. Choquette: Bien...

M. Burns: Je suis en droit, quand même, que malgré toutes les torsions de bras dont a pu être l'objet le ministre de la Justice par le cabinet, particulièrement par le premier ministre, qui voulait

montrer que, même si ce n'était pas exact, il faisait quelque chose dans le domaine de la construction, qui voulait laisser l'apparence de faire quelque chose. J'ai le droit, quand même, d'être profondément déçu que le ministre n'ait pas résisté à cette torsion de bras.

M. Choquette: Le député de Maisonneuve me taquine, ce matin, et je dirais que, enfin, je ne partage pas du tout son avis. Il n'y a pas eu de torsion de bras. Si j'ai reconnu que l'Opposition pouvait exprimer, en règle générale, de bons et sains principes à l'occasion de cette discussion, c'était justement pour faire la part des choses. Comme je l'ai dit, au risque de me répéter encore ce matin, il faut faire face à une situation concrète, et des mesures plus radicales s'imposaient. Je crois que le gouvernement doit avoir le courage de les imposer. Ceci, pour l'assainissement d'une situation qui a atteint un caractère de pourriture très avancée.

Donc, je ne regrette rien, comme dit la chanson, mais ce qui ne veut pas dire...

M. Burns: Lâche pas Mireille!

M. Choquette: ... qu'il n'y a pas eu, vous savez, des points de vue légitimes d'exprimés par l'Opposition et qui ont une application certaine dans d'autres circonstances et peut-être même en règle générale. Mais là, nous sommes devant un cas particulier où il faut employer des moyens particuliers pour mettre à la raison des éléments que tout le monde réprouve et surtout un climat de violence que personne ne veut voir s'instaurer. C'est la raison pour laquelle la loi, effectivement adoptée en commission plénière, est contraignante et elle est contraignante à souhait, enfin, au souhait du gouvernement et du ministre de la Justice.

M. le Président, c'étaient les seules... M. Burns: C'est l'"understatement of..."

M. Choquette: ... observations que je voulais faire en réponse au député.

M. Burns: M. le Président, je vous signale simplement qu'on a peut-être omis de nommer un rapporteur à cette commission.

Le Président (M. Pilote): C'est fait. M. Burns: C'est fait?

Le Président (M. Pilote): Le député de Beauce-Nord a été nommé.

M. Burns: C'est un bon choix, d'ailleurs. Si je l'avais entendu, j'aurais appuyé ce choix.

Le Président (M. Pilote): On n'avait pas le choix!

M. Sylvain: J'écoute attentivement.

Le Président (M. Pilote): Programme 1, fonctionnement du système judiciaire.

M. Burns: M. le Président, au départ, j'ai mentionné au ministre de la Justice, d'ailleurs, que j'avais l'intention de lui poser cette question. Pourrait-il nous donner ou déposer, si c'est plus simple pour lui, la liste des employés de son cabinet, leurs fonctions exactes, leur titre ainsi que le salaire qui leur est versé?

M. Choquette: Oui. Je n'ai pas les salaires, mais je peux donner une énumération du personnel. J'ai un chef de cabinet, quatre secrétaires particuliers, un attaché de presse, dix secrétaires et sténo-dactylos, huit employés de bureau, un attaché d'administration, ce qui forme un personnel de 25 personnes dont trois sont en poste à Montréal et 22 sont à Québec. Pour la liste des salaires, je vais me la procurer et je pourrai la remettre au...

M. Burns: J'aimerais également avoir les noms des personnes qui occupent ces postes.

M. Choquette: Les noms?

M. Burns: Peut-être n'êtes-vous pas en mesure de les donner immédiatement. Je n'ai pas d'objection à ce que vous le fassiez éventuellement, même par simple dépôt d'un document.

M. Choquette: Je donnerai une liste complète avec les noms et les salaires des personnes en question.

Office de révision du code civil.

M. Burns: D'accord! Toujours sous l'aspect général, M. le Président, l'Office de révision du code civil, je pense, a déposé jusqu'à maintenant un certain nombre de rapports dont nous recevons régulièrement copie et touchant des chapitres entiers, dans la plupart des cas, du code civil.

J'aimerais, si c'était possible, que le ministre nous dise combien de rapports parcellaires on est en droit de s'attendre à recevoir, quand le ministre entend amorcer la discussion générale de la refonte du code civil et finalement quelles étapes il prévoit avant l'adoption finale d'un nouveau code civil. Soit dit en passant, j'ouvre la parenthèse pour féliciter les gens qui travaillent à cette tâche de bénédictins qui est de proposer des réformes du code civil. Jusqu'à maintenant, en tout cas, ce qu'on en a vu, c'est quelque chose de très sérieux. Cela mérite qu'on s'y arrête. Cela ne veut pas dire qu'on va être d'accord entièrement avec tout ce qui est proposé, comme toute commission est là pour nous informer beaucoup plus que pour nous dire qu'il faut absolument faire cela. Mais je pense que leur travail, jusqu'à maintenant a été valable, mais j'aimerais que le ministre nous fasse, si possible, un échéancier de ce qui reste à faire quant à la commission, de ce que le ministère lui-même envisage comme mise en application des recom-

mandations ou comme examen, au niveau des projets de loi, des diverses recommandations de la Commission de réforme du code civil, tant attendu d'ailleurs. Je pense qu'on parle de la réforme du code civil... A ma connaissance, j'étais étudiant à ce moment-là et on en parlait déjà depuis une dizaine d'années.

M. Choquette: M. le Président, tout d'abord, nous avons fixé une échéance aux travaux de l'Office de révision du code civil. La justice contemporaine comporte une recommandation disant que l'Office de révision du code civil devrait conclure ses travaux avant le 30 juin 1976, ce qui veut dire dans exactement un an. Il est prévu que, d'ici là, nous aurons une proposition générale d'un nouveau code civil tel que proposé par l'Office de révision du code civil et sans que ce code civil n'engage le ministère de la Jsutice ou le gouvernement comme tel. Ceci devrait amener les travaux de l'office à leur terme. On m'assure qu'à l'heure actuelle il y a 35 comités d'études qui sont chargés de diverses sections du code civil, qui travaillent et qui, d'ici là, vont produire des rapports sur les aspects qui les intéressent.

Je dirais que, depuis sa création, l'Office de révision du code civil a sûrement produit au moins 25 ou 30 rapports sur différents aspects du code civil qui ont été diffusés dans différents milieux et à l'égard desquels l'office a demandé des réactions de milieux juridique ou d'autres sur des propositions qui y sont contenues. Quant à la façon de procéder pour l'adoption du nouveau code civil, une fois que l'office aura fait sa proposition générale ou globale, je n'ai pas arrêté de procédure encore, je ne sais pas comment nous allons procéder. Il y a différentes façons d'envisager le problème. Est-ce que le code civil proposé par l'office devrait être remis à un groupe indépendant et très sélectionné de juristes et peut-être d'autres personnes qui apporteraient un apport extrajuridique pour une expression d'opinion sur le travail accompli par l'Office de révision du code civil. C'est une façon d'envisager le problème.

Est-ce que le gouvernement et le ministère de la Justice, en particulier, devraient se pencher sur le code civil proposé par l'office, rendre position sur les lignes de force principales et du code proposé en déposant, à l'Assemblée nationale, la proposition du gouvernement quant à un nouveau code civil, quitte à ce que ce document, qui exprimerait le point de vue gouvernemental, soit discuté en commission parlementaire? Est-ce qu'il faudrait prévoir d'autres procédures pour en arriver à une discussion serrée sur les différents aspects du code civil, car le code civil ne contient pas seulement des règles qui s'appliquent au droit privé, il exprime quand même des options assez fondamentales sur certains secteurs du droit et doit concilier l'état actuel de la société avec les objectifs sociaux ou politiques au sens large, à long terme.

Or, il n'y a pas doute qu'il y a lieu à tout un débat de fond sur un certain nombre de principes fondamentaux. Et quel sera le meilleur forum pour avoir un tel débat? Est-ce que ce sera une commission parlementaire. Est-ce que ce sera au sein de la Commission de réforme du droit dont on envisage la création à assez courte échéance? Est-ce que ce sera sur le plancher de l'Assemblée nationale, alors que le gouvernement et l'Opposition pourront enfin exprimer des positions de fond sur les options possibles? Tout cela reste ouvert pour moi à l'heure actuelle et, étant donné le caractère unique d'un tel débat, étant donné qu'un code civil n'est pas une chose qui se produit à tous les ans et que la dernière fois que nous en avons eu un qui fut adopté, ce fut en I866, je n'ai pas de solution à proposer à ce moment-ci.

Mais, nous allons y réfléchir et quelle sera la meilleure procédure à utiliser pour arriver à l'élaboration d'un nouveau code civil...

M. Burns: Même si la procédure n'est pas complètement arrêtée de la part du ministère quant à la mise en application des recommandations de l'office, est-ce que vous envisagez de regrouper les différents rapports qui ont été soumis par l'office et de donner à ces rapports une certaine forme de projet de code éventuellement, pour faciliter la discussion éventuelle, qu'elle se fasse au niveau d'une commission parlementaire à l'Assemblée nationale ou à l'extérieur? Eventuellement, de toute façon, elle viendra à l'Assemblée nationale.

M. Choquette: II faudra sûrement que ça se fasse et c'est justement le but de l'échéance du 30 juin 1976. L'Office de révision du code civil conclut, sur ces différents rapports qui ont été produits jusqu'à maintenant ou qui seront produits au cours de l'année prochaine, qu'on ait fait l'unité de ces rapports et qu'on ait extrait de ces rapports les articles d'un code proposé dans sa totalité.

Et que ce texte soit disponible publiquement, quitte à ce que le gouvernement prenne position en disant: On va changer tel chapitre, à la lumière de ce que peuvent nous dire nos légistes ou nos conseillers au ministère de la Justice.

M. Burns: Mais, en somme, vous n'avez pas l'intention de le faire morceau par morceau?

M. Choquette: Non. On l'a fait dans certains cas...

M. Burns: Dans certains cas, comme dans les droits matrimoniaux et...

M. Choquette: Oui, et dans le cas des loyers. On l'a fait dans certains cas qui s'y prêtaient. Tout le code civil ne s'y prête pas, parce qu'il y a quand même de grandes orientations générales qui, je pense, transcendent certains chapitres.

Le but, c'est sûrement d'arriver à une proposition totale.

M. Burns: Est-ce que le ministre peut me donner une indication, selon ses informations, du

nombre de rapports qu'on est encore en droit de s'attendre de la part de l'office?

M. Choquette: Je ne sais pas... J'ai mentionné tout à l'heure qu'il y avait 35 comités qui fonctionnaient à l'heure actuelle. On peut s'attendre, peut-être, à des rapports de ces 35 comités.

Mais voici ce que M. Paul-André Crépeau, président de l'Office de révision du code civil, me dit dans une lettre en date du 18 avril I975: "Au cours des prochains mois, l'office publiera les rapports du secteur "biens" qui ont déjà fait l'objet de nombreuses consultations auprès d'experts. Alors, il y aura un rapport sur les biens, un rapport sur les sûretés, un rapport sur la fiducie, un rapport sur les substitutions, et d'ici la fin de l'année, les rapports suivants: rapport sur les successions, rapport sur les personnes morales, rapport sur l'enregistrement des biens."

Ce sont les rapports qui sont attendus d'ici la fin de l'année. Il y a eu un rapport important récemment sur le droit familial que vous savez, qui était volumineux. Il y a eu également un rapport sur le fameux tribunal de la famille, dont on a discuté tout à l'heure, sur lequel je ne suis pas entièrement d'accord d'ailleurs.

En fait, ce sont des travaux très considérables qui ont été faits par l'office dans ce domaine.

M. Burns: On est en droit de s'attendre à une dizaine de rapports, parcellaires, avant de terminer? J'en ai compté sept ou huit dans l'énumération que vous avez donnée.

M. Choquette: Oui.

M. Burns: II y a un autre problème à caractère général et j'aimerais demander au ministre de la Justice — je lui demanderais une réponse — si on doit s'attendre à une réforme au chapitre de la vente des biens saisis.

Lors de l'adoption par l'Assemblée nationale, en juillet dernier du projet de loi no 42 sur les huissiers, il avait été question d'apporter des amendements au code de procédure civile, afin d'équilibrer et de compléter la réforme.

A ce que je sache, ces amendements n'ont pas encore été apportés. J'aimerais savoir si le ministre est en mesure de nous dire à quel moment il envisage d'apporter ces amendements qui compléteraient la réforme projetée?

M. Choquette: Un projet de modifications à apporter au code de la procédure civile a été préparé par les légistes du ministère de la Justice. Ce projet sera déposé d'ici quelques semaines. Il a presque son caractère définitif au moment où je vous parle. Il y a quelques dispositions sur lesquelles il faut prendre des décisions formelles au niveau du conseil des ministres. Mais je m'attends à déposer le tout avant l'ajournement des travaux parlementaires pour l'été. J'espère les faire adopter à ce moment-ci, d'autant plus que je ne pense pas que cela puisse représenter un sujet de controverse qui nous entraîne, de part et d'autre, dans un "filibuster".

Je pense qu'il serait facile pour le député de Maisonneuve de résister.

M. Burns: Vous n'avez pas l'intention de passer un été comme l'été dernier.

M. Choquette: Non, ce ne sera pas un bill 22.

M. Burns: J'espère que vous allez indiquer cela à votre collègue, le leader parlementaire du gouvernement.

M. Choquette: Ah oui! Mais ce ne sera pas un bill 22. Je crois que l'Opposition pourra facilement abonder dans le sens des propositions qui sont contenues dans ces changements au code de la procédure civile qui auront pour but d'accélérer l'administration de la justice. Il est bien possible que l'Opposition dise qu'elle aurait fait mieux, si elle avait été à la place du gouvernement.

M. Burns: Bien sûr!

M. Choquette: C'est traditionnel. Mais j'ai l'impression qu'on devrait l'adopter avant d'ajourner, pour l'été.

Système judiciaire

M. Burns: D'accord. M. le Président, au programme 1: Fonctionnement du système judiciaire, à l'élément 1 du programme 1, le livre blanc, comme on l'a mentionné, au cours de nos remarques générales, tant de la part du ministre de la Justice que de moi-même, suggère d'importantes modifications quant à la nomination, à la destitution et à la formation des juges. Sans vouloir reprendre au complet le chapitre qui concerne cet aspect dans le livre blanc, le ministre pourrait-il nous dire s'il entrevoit qu'à plus ou moins brève échéance, la fonction de juge — personnellement, je dois vous dire que c'est une chose à laquelle j'attache énormément d'importance; j'ai toujours pensé dans cette ligne; je ne suis pas sûr si le ministre va partager mon avis là-dessus — puisse se transformer en une profession, à toutes fins pratiques, une troisième profession juridique? Dans le fond, ce que je vous pose, c'est tout le problème de l'école de la magistrature, de la profession de juge qu'on pourrait envisager dès le niveau universitaire comme on envisage de devenir avocat ou de devenir notaire. A toutes fins pratiques, le ministre envisage-t-il d'aller aussi loin que cela dans une éventuelle réforme de la magistrature? Je pense qu'il y a des exemples dans d'autres pays, entre autres en France, je pense, où on maintient depuis de nombreuses années ce système en vertu duquel on devient juge par profession.

Evidemment, il y a des étapes. On n'est pas juge en sortant de l'université, mais on s'oriente vers une fonction de magistrature, plutôt que vers une fonction de plaideur, plutôt que vers une fonction de notaire.

M. Choquette: M. le Président, je n'ai pas l'in-

tention d'aller jusqu'aux solutions françaises dans ce domaine. Le livre blanc veut instituer cependant un centre de perfectionnement et de recyclage de la magistrature qui sera sous l'autorité du juge en chef de la Cour du Québec, un cours qui réunira les cours civile, criminelle, municipale, familiale ou enfin, de la jeunesse actuelle.

Il serait prévu que le juge en chef aurait toute autorité pour mettre sur pied un centre qui permettrait aux juges de se perfectionner, de se recycler, qui permettrait aux juges nouvellement nommés d'aller faire un stage avant d'entreprendre effectivement leurs fonctions judiciaires, un centre qui pourra réunir une foule de choses comme des réunions entre des juges appelés à rendre des jugements dans des domaines semblables, pour qu'ils puissent comparer leurs idées et voir si leur approche est la bonne, que ce soit dans le droit criminel, que ce soit dans le droit des jeunes, de la jeunesse ou, enfin, dans le droit civil, qui pourra comprendre des cours donnés aux magistrats et, en fait, être un lieu et une institution qui permettent l'amélioration constante de la magistrature. Ce n'est pas, à proprement parler, une école de la magistrature au sens français où on prend un licencié en droit, on l'entre dans une école de la magistrature, on lui fait subir un an ou deux ans de formation et on le nomme juge de paix. On le commence dans une très basse juridiction.

M. Burns: Ou on l'attache à un juge déjà en fonction.

M. Choquette: Ou on l'attache à un juge déjà en fonction avec l'idée que ce juge gravisse différents paliers de la magistrature. On sait que le système français comporte l'inconvénient de l'intervention de l'exécutif dans le judiciaire, dans le sens que, quand un juge rend de bons jugements qui plaisent au pouvoir, il a plus de chance de voir sa carrière accélérer et de devenir juge de la cour d'Appel et juge de la cour de Cassation. Alors que notre système est plutôt que, quand un juge est nommé dans une cour, il n'a plus rien à attendre du pouvoir, il est nommé là et il rend ses jugements. Je ne dis pas qu'il n'y a pas des juges qui sont changés de cour de temps à autre, mais ce n'est sûrement pas la coutume dans notre système. Je n'ai pas l'intention d'aller au système français.

D'autre part, le centre de perfectionnement semblera remplir un vide dans l'état actuel de la magistrature québécoise, parce qu'il va permettre des échanges et beaucoup plus de communications, d'informations et de possibilités de formation des magistrats. Je pense qu'à ce point de vue, il va remplir un grand vide. Par ailleurs, on sait que la Loi des tribunaux judiciaires prévoit qu'on ne peut pas être nommé juge avant dix ans d'exercice de la profession. Mon intention, étant donné que le Barreau rajeunit à cause de l'afflux plus nombreux de jeunes diplômés...

M. Burns: Et des récents bâtonniers, en tout cas.

M. Choquette: ... et aussi par les bâtonniers, j'avais l'intention, enfin, c'est une idée, ce n'est pas adopté définitivement, de faire en sorte que, pour devenir juge, il soit suffisant d'avoir cinq ans de pratique. Ceci nous donnera un plus grand réservoir de magistrats possible. D'autre part, avec le conseil de la magistrature, le "screening" des candidats éventuels à la magistrature est nettement plus resserré que dans le système actuel où il y a simplement une vérification qui est faite auprès du Barreau quant aux qualités du candidat.

Alors, peut-être qu'en instituant le conseil de la magistrature, ceci nous permettra de desserrer les exigences quant au nombre d'années de pratique et de faire en sorte que quelqu'un, après six ou sept ans de pratique dans la profession, enfin, s'il est un avocat compétent, intègre, etc., puisse facilement envisager d'être nommé juge, parce qu'il n'y a rien qui pourra le bloquer. A ce moment, on aura peut-être plus l'idée de carrière que vous mentionnez.

M. Burns: C'est-à-dire que vous ne la mettez pas de côté, cette possibilité de carrière de magistrature; ce n'est pas quelque chose que vous mettez de côté, en principe, si je comprends bien.

M. Choquette: Non, excepté que je préfère garder le genre de magistrature qu'on a dans notre système canadien et québécois, plutôt que d'adopter un système français avec le juge qui monte de cour en cour, en suivant...

M. Burns: Mais là encore, vous parliez, tout à l'heure, de la possibilité de l'intervention de l'exécutif dans le judiciaire si, comme pour la méthode de formation, la méthode de nomination, on affecte cela à une espèce d'organisme extraexécutif, la protection à l'endroit d'une certaine discrimination vis-à-vis des juges, sera peut-être là, dans la promotion faite via le conseil de magistrature.

M. Choquette: II n'y a pas beaucoup de promotion possible, parce que nos juges vont être juges de la cour du Québec. C'est cela, l'objectif de la réforme. C'est qu'ils soient tous juges égaux, au sein de la cour du Québec, affectés à des sections ou des spécialisations différentes. Ils n'ont pas d'espoir de devenir juges de la cour Supérieure par l'intervention soit du juge en chef de la cour du Québec, soit du gouvernement, parce que la seule promotion possible serait à la cour Supérieure. Cela dépend d'une nomination fédérale.

M. Burns: Vous n'êtes pas véritablement consulté quant à la nomination des juges fédéraux?

M. Choquette: En général, non. Je suis informé.

M. Burns: On ne vous consulte pas quant à la nomination d'un juge de la cour Supérieure ou de la cour d'Appel?

M. Choquette: Cela peut arriver occasionnel-

lement, mais ce n'est pas une habitude de la part du gouvernement fédéral ou du ministre de la Justice fédéral que de me demander mon avis et mon approbation à la nomination d'un juge à la cour Supérieure ou à la cour d'Appel.

M. Burns: Est-ce que vous avez l'intention de faire des représentations auprès du gouvernement fédéral à ce sujet?

M. Choquette: En droit constitutionnel, c'est leur responsabilité. J'ai toujours pris la position: Qu'ils s'occupent de leurs problèmes et je vais m'occuper des miens.

M. Burns: Sauf que l'administration de la justice relève de vous au Québec.

M. Choquette: Oui.

M. Burns: C'est un élément drôlement important que la cour de droit commun, qui s'appelle la cour Supérieure...

M. Choquette: Oui.

M. Burns: ... dans l'administration de la justice, que ce soit la justice civile ou la justice criminelle.

M. Choquette: D'accord! Mais je suis préoccupé par leurs nominations, je suis intéressé, mais quant à savoir si j'exige une consultation, je n'ai pas été jusqu'au point de l'exiger.

M. Burns: En somme, on peut conclure que vous n'êtes pas contre l'idée d'une profession de magistrat, qui soit conçue comme telle, et même si vous ne vous attachez pas directement au système français.

M. Choquette: Je pense bien qu'une fois que les juges sont nommés, ils deviennent membres d'un groupe qui est assez homogène, qui a des intérêts assez particuliers, comme on le sait, et qui a une mentalité particulière.

M. Burns: On s'en est rendu compte avec l'augmentation de salaires des juges.

M. Choquette: Oui. Alors, je n'ai pas besoin...

M. Burns: On s'est même demandé s'ils ne se formeraient pas un syndicat de juges.

M. Choquette: Je pense qu'ils ont eu cette idée. Qu'on ait un groupe de magistrats avec beaucoup plus d'homogénéité qu'on a à l'heure actuelle, cela va naître de la réforme, parce qu'avec le centre de perfectionnement, avec l'unité judiciaire qu'on essaie de faire entrer comme principe de la réforme, cela va tout jouer dans ce sens. Il y a une chose à laquelle il va falloir penser aussi, c'est que, vous savez, même en nommant des juges plus jeunes, il va falloir penser à la longueur de leur carrière sur le banc. Quand un juge a été 20 ans sur le banc, je pense que normalement, il en a jusque-là, surtout s'il a exercé certaines fonctions, par exemple, celle de sentencer les criminels, cela peut devenir véritablement un fardeau extrêmement lourd à transporter.

M. Burns: II y a des juges que cela n'a pas réussi à "user", sans nommer de juges. Vous connaissez les juges qui sont à leur retraite et qu'on a rappelés, je pense qu'on les appelle les juges suppléants.

M. Choquette: Surnuméraires.

M. Burns: Surnuméraires. Effectivement, je pense qu'on a fait de très bons rappels dans certains cas.

Le Président (M. Pilote): Oui.

M. Burns: On peut le nommer, je pense, le juge Trottier à Montréal, par exemple, qui est revenu après sa retraite et cela n'a pas l'air de l'affecter tellement. Remarquez que c'est peut-être une exception assez notoire.

M. Choquette: II y a des cas particuliers dans ce domaine comme dans tous les autres. Il y en a qui peuvent très bien être juge pendant 20 ans ou 25 ans et se sentir aussi bien au bout de 25 ans que quand ils sont arrivés. Il y en a d'autres qui fatiguent en chemin et on peut comprendre qu'ils veuillent prendre leur retraite avant d'arriver à 70 ans d'âge. L'âge de la retraite, chez les juges, est assez haut à l'heure actuelle, à 70 ans, à mon sens, surtout quand on voit que la plupart des autres occupations tendent à baisser au point de vue de l'âge de la retraite.On pourrait juste penser aux policiers, ils prennent leur retraite de plus en plus jeunes et, dans toutes les autres occupations, c'est la même chose, il y a une baisse générale de l'âge de la retraite dans tous les milieux sociaux. Alors, pourquoi cela ne s'appliquerait-il pas aux juges?

M. Burns: Je suis entièrement d'accord. D'ailleurs, je pense qu'il est bon que le juge soit encore le plus possible mêlé au contexte social, non pas que les personnes qui ont dépassé un certain âge s'extraient du contexte social, mais ils sont peut-être moins présents à l'évolution sociale qui est vécue.

M. Choquette: Une chose se passe aussi dans la magistrature et je pense que ceci est un motif de satisfaction, je n'en prends pas le mérite exclusif parce que je crois que c'était inscrit dans les faits et cela dépend de beaucoup de facteurs qui jouent en même temps, c'est la dépolitisation de plus en plus claire et évidente des nominations et de la façon de rendre justice. Je crois que le Québec a fait de grands progrès à ce point de vue depuis quelques années. De plus en plus les candi-

dats à la magistrature ne sont pas appréciés du tout en fonction de leur adhésion politique, pas du tout en fonction de leurs idées...

M. Burns: Quand ils ont déjà été ministres.

M. Choquette: Parfois cela peut faciliter les choses.

M. Burns: C'est une façon de caser du monde. M. Choquette: Cela peut faciliter les choses.

M. Burns: Je me rappelle d'une année noire où on en a casé trois rien que d'un coup.

M. Choquette: Trois bons d'ailleurs!

M. Burns: Pardon?

M. Choquette: Trois bons!

M. Burns: Voulez-vous que je porte un jugement de valeur. Il y en a un des trois, actuellement, qui est sérieusement contesté; en tout cas, son organisme est sérieusement contesté.

M. Choquette: Vous parlez de...

M. Burns: Je pense à la Commission des accidents du travail.

M. Choquette: Son organisme, ce n'est pas lui qui l'a créé.

M. Burns: Non. Je le sais bien. En tout cas. M. Choquette: On ne peut pas...

M. Burns: II y a même un ministre actuel qui conteste une autre de ces nominations. Là, vous savez de qui je parle.

M. Choquette: Oui.

M. Burns: Bon, en tout cas, cela a été une dure période quand on a vu, surtout eu égard à l'affirmation que vous venez de faire que l'allégeance politique a très peu de choses à faire quant à la nomination des juges... Quand on nous en nomme trois d'un coup...

M. Choquette: Bien, une carrière politique n'est pas nécessairement un empêchement de devenir juge.

M. Burns: Non, ce n'est pas un empêchement.

M. Choquette: Je pense au député de Maisonneuve.

M. Burns: Non, non! Voulez-vous me mettre à ma retraite?

M. Choquette: Je pense que cela agrandit les horizons, cela donne beaucoup d'expérience.

M. Burns: D'ailleurs, quand je serai ministre de la Justice, j'envisagerai sérieusement de vous nommer.

Toujours à l'élément I, M. le Président, c'est peut-être un problème qui est localisé, qui est particulier à une certaine région, mais cela concerne le personnel judiciaire sur la Côte-Nord. Les avocats de la Côte-Nord, je pense que le ministre est au courant, ont entrepris, au cours de l'année dernière, un certain nombre de démarches en vue d'obtenir la nomination de juges permanents dans les districts judiciaires de Hauterive et Mingan.

M. Choquette: Oui.

M. Burns: Est-ce que le ministre est en mesure de nous dire quels sont les projets du ministère en ce sens? Est-ce qu'on envisage effectivement d'accorder une certaine permanence à ces deux districts judiciaires de Hauterive et Mingan?

M. Choquette: Oui. Je pense que les demandes du Barreau qui nous proviennent de cette région sont justifiées et nous envisageons de nommer un ou deux juges permanents qui habiteraient dans ces régions, pour qu'ils soient sur place et disponibles pour rendre la justice. Je crois que, là aussi, d'ici la fin des travaux parlementaires je présenterai une loi traditionnelle pour peut-être augmenter le nombre de juges ici et là et ce sera parmi nos considérations. Dans l'augmentation de juges, il y en a sûrement pour la Côte-Nord.

M. Burns: Jusqu'à maintenant, cela n'a pas été le phénomène du recrutement qui vous a empêché.

M. Choquette: II y a un problème aussi de recrutement parce qu'on sait que la population de la Côte-Nord est jeune, le Barreau est jeune et le nombre de candidats de la région n'est pas nécessairement très grand, en considérant la situation. Alors, cela a sûrement été un des problèmes pratiques qui s'est posé.

M. Burns: Cela devrait se régler, en somme, d'ici la fin de la session présente.

M. Choquette: Je pense que, d'ici la fin de juillet, ce sera un problème qui sera réglé et qu'on aura donné au moins...

M. Burns: Vous venez de m'inquiéter. Vous dites: D'ici la fin de juillet, moi je vous parlais de la fin de la session. J'espère que vous ne m'annoncez pas que la session va finir à la fin de juillet.

M. Choquette: Mes collègues me disent qu'on prévoyait ajourner les travaux à la fin de juin. Moi, je n'y crois pas du tout. Je sais ce que c'est. On l'a vécu et je suis sûr qu'on va aller bien dans le mois de juillet. Mais c'est une estimation tout à fait personnelle.

M. Burns: Je vois des visages qui s'allongent du côté ministériel. Du côté de la tribune de la

presse également, je vois des visages qui s'allongent. D'accord, M. le Président, je tiens pour acquis qu'on sera en mesure d'avoir une solution aux recommandations du Barreau local de la Côte-Nord.

M. Choquette: Oui. Au moins pour les satisfaire en partie.

M. Burns: Quand vous dites en partie, vous voulez dire...

M. Choquette: Avoir au moins un juge permanent.

M. Burns: Mais il n'y aurait pas moyen d'aller plus loin et de...

M. Choquette: Je vais voir suivant les besoins.

M. Burns: Si je me rappelle bien, ce qu'on demandait, c'était la nomination d'un certain nombre de juges.

M. Choquette: Oui, mais...

M. Burns: Je pense même qu'on a pensé à quatre juges permanents sur la Côte-Nord. Je me rappelle que mon collègue de Saguenay s'était prononcé en faveur de cette demande qui était d'ailleurs la demande formulée par les avocats de la Côte-Nord.

M. Choquette: C'est facile pour lui d'abonder dans le sens des réclamations du Barreau de la Côte-Nord, vu que votre collègue n'est pas un avocat, qu'il est un député de la région et qu'il cherche a plaire à ses électeurs.

M. Burns: Non, mais d'autant plus qu'en se prononçant carrément comme cela, il a l'air tout à fait désintéressé, il ne s'attend pas à être nommé juge.

M. Choquette: A part cela!

M. Burns: Au contraire, je pense que le député de Saguenay, qui est quelqu'un de la Côte-Nord, bien implanté, connaît parfaitement les problèmes qui se posent au point de vue de l'administration de la justice sur la Côte-Nord, et le phénomène de distance quant à la capitale ou au centre important le plus proche qu'est Québec est quelque chose qui doit entrer en ligne de compte. Je pense qu'entre autres, c'est ce qui motive le député de Saguenay...

M. Choquette: C'est sûr, mais je ne suis pas prêt à marcher à quatre juges.

M. Burns: Quelle serait la raison qui vous empêcherait d'aller à la demande?

M. Choquette: II n'y a pas de besoin pour quatre juges.

M. Burns: II n'y a pas de besoin.

M. Choquette: Pas pour quatre juges. Il faut aussi prendre en considération qu'il y a deux districts judiciaires, il y a Hauterive et...

M. Burns: Mingan.

M. Choquette: ... Mingan. Il va falloir voir ce qu'on peut réaliser.

M. Burns: C'est ça, si vous dites que si vous êtes prêt à vous rendre à un juge permanent, ça veut dire qu'il y a un des deux districts qui va être privé d'un juge permanent.

M. Choquette: Pas nécessairement privé, parce qu'il y en a un qui pourra faire les deux. Je n'exclus pas que ce soit deux, mais il faut aussi que je regarde les candidatures possibles. Il faut prendre en considération la rotation des juges, parce qu'il n'est pas bon que ce soit toujours le même juge dans le même district judiciaire. Il faut qu'il y ait un certain mouvement, tout en ayant une présence, une certaine permanence, il faut aussi faire la place voulue à des juges visiteurs qui viennent principalement de Québec. On va regarder ça ensemble et on va essayer de faire que le Barreau et les justiciables de la Côte-Nord, des deux districts judiciaires, soient sûrs d'avoir des juges en nombre suffisant pour la marche des procès et empêcher qu'on ait des délais judiciaires qui s'entourent par engorgement, parce qu'on aurait insuffisance de magistrats.

M. Burns: Le ministre est conscient, je pense, du fait que l'absence d'un juge résident cause des problèmes très sérieux du fait que ce n'est pas toujours aussi simple qu'on le croit de dire: Le juge va siéger mardi, mercredi et jeudi et le reste du temps, il n'y en a pas. Cela pose un problème parce qu'il y a souvent des procédures qui doivent être faites à l'endroit d'un juge en Chambre, et s'il n'est pas là durant cette période, ça retarde la mise en application d'un certain nombre de procédures qu'on appelle exceptionnelles au code civil, je pense à toutes les mesures concernant les injonctions et les brefs d'évocation, etc., où, très souvent, on est obligé de faire appel directement au juge en Chambre.

De toute façon, je comprends que le ministre envisage la recommandation du député de Saguenay de façon favorable...

M. Choquette: Oui.

M. Burns: ... quant à son principe et est prêt à discuter du nombre.

M. Choquette: C'est ça.

M. Burns: D'accord. Toujours à l'élément 1, M. le Président, récemment, soit le 5 mars, le Journal La Presse publiait un article qui s'intitulait: La communication de la preuve fait réaliser des éco-

nomies. Apparemment, c'était à la suite d'une certaine expérience relative au remplacement de l'enquête préliminaire par une technique de communication de la preuve. Selon cet article, cette nouvelle technique, en abrégeant les étapes et en évitant aux différents témoins l'obligation de se présenter à l'enquête permettrait d'économiser environ $5 millions annuellement.

Est-ce que le ministre peut nous faire ses commentaires là-dessus? Sur les résultats mêmes de l'expérience, l'étendue qu'on a donnée à cette expérience, et ce qu'on songe à faire quant à mettre en application cette technique de façon plus large, plus vaste, plus complète.

M. Choquette: C'est une expérience qui a été mise en oeuvre à la cour des Sessions de la paix de Montréal, par le juge en chef de la cour des Sessions de la paix, avec la collaboration, principalement, des avocats de la couronne, des avocats de l'aide juridique, ainsi que des autres avocats de la défense.

On sait qu'en général, dans les procès criminels, il y a d'abord l'étape de l'enquête préliminaire où il faut que la couronne démontre qu'elle a une cause prima facie contre l'accusé.

Or, autrefois, on assignait tous les témoins à venir assister à l'enquête préliminaire. Il y avait aussi, il faut compter, des remises de ces mêmes enquêtes préliminaires, de telle sorte que, quand arrivaient les séances de la cour des Sessions de la paix, siégeant aux enquêtes préliminaires, il y avait énormément de témoins qui attendaient d'être entendus; certains d'entre eux n'étaient pas entendus parce que, à un moment donné, la preuve était suffisante pour envoyer l'accusé à son procès.

D'autres fois, les témoins n'étaient pas entendus parce que la cause était remise, les policiers étaient convoqués avec beaucoup de temps supplémentaire qui leur était payé. En fait, la situation qui prévalait, non seulement coûtait cher, mais elle causait un peu un engorgement par le nombre de gens qui étaient présents, la difficulté de procéder dans beaucoup de causes à la fois.

Le but de l'expérience, c'est de faire en sorte que plutôt que de convoquer les témoins, les avocats se concertent sur les points véritablement en litige entre eux. On essaie de circonscrire le problème. Si on le circonscrit et si on a fait des admissions pour les matières qui ne méritent pas véritablement d'être prouvées devant le tribunal parce qu'elles sont incontestées entre l'avocat de la poursuite et l'avocat de la défense qui sont tous les deux tombés d'accord sur le fait qu'un tel élément de preuve n'a pas besoin d'être prouvé parce que c'est évident, que c'est "common ground" entre les parties, cela permet d'écarter un grand nombre de témoins dont la présence n'est plus requise, d'où économie pour les citoyens qui ne sont pas obligés d'aller assister à des procès et perdre un temps considérable à la cour; économie dans la signification des subpoenas à ces témoins; économie dans les frais qu'on doit payer à ces mêmes témoins; économie aussi dans le tra- vail de la cour, parce qu'on n'a pas prouvé des choses inutiles dans un certain nombre de cas.

Il se fait que l'expérience est très positive. Elle donne satisfaction autant aux juges qui entendent ces enquêtes préliminaires qu'à la couronne et à la défense en général, incluant l'aide juridique, et elle permet de restreindre les enquêtes préliminaires, purement et simplement aux éléments qui sont véritablement controversés, aux questions de fait qui méritent d'être prouvées devant le ribunal pour permettre au juge d'envoyer un accusé à l'enquête préliminaire.

L'expérience va se poursuivre. Dire qu'elle s'appliquerait à d'autres districts judiciaires, cela est possible. Peut-être que cela pourrait s'appliquer à Québec, où il y a quand même un assez important volume d'affaires judiciaires. Peut-être que cela peut s'appliquer au district de Terrebonne aussi, où il y a, comme le député de Maisonneuve le sait, passablement d'affaires judiciaires. C'est un des districts les plus achalandés du Québec. La même chose peut-elle s'appliquer dans des districts où les affaires judiciaires sont en moins grand nombre? J'ai bien l'impression que, même sans mettre le système formellement en vigueur, il va peut-être s'instaurer par lui-même et, à un moment donné, les avocats, plutôt que de convoquer les témoins inutilement, vont convenir qu'il y a lieu de limiter la preuve devant les tribunaux aux matières qui sont véritablement en litige, en fait.

M. Burns: Y a-t-il eu un rapport fait sur cette expérience? Il n'y a pas eu un document quelconque?

M. Choquette: Pas encore. M. Burns: Pas encore.

M. Choquette: Je n'en connais pas, en tout cas. C'est la Commission de réforme du droit du Canada qui avait été un peu à l'origine de cette réforme. On y avait pensé à Ottawa. Elle a été en vigueur, je pense, dans certaines provinces. On l'a essayée à Montréal avec beaucoup de succès.

M. Burns: S'est-on penché sur le problème que peut causer le décès d'un témoin important qui, normalement, aurait pu être entendu à l'enquête préliminaire, qui ne l'a pas été selon cette technique et qui ne serait pas présent au moment du procès? Je pense que, dans certains cas, justement, le témoignage du témoin décédé, qui a quand même témoigné à l'enquête préliminaire, peut être utilisé au procès, évidemment, avec certaines restrictions. Il faut être très prudent dans ce domaine, mais on n'a même pas le témoignage en question.

M. Choquette: C'est exact. C'est probablement peut-être un des défauts du système mis en place. Vu que le décès des témoins n'est pas nécessairement une chose fréquente, heureusement...

M. Burns: Non, d'accord, heureusement.

M. Choquette: ... cela n'infirme peut-être pas la valeur de la réforme. Je ne suis pas très familier avec cette partie du code criminel. Je ne pourrais pas dire dans quelle condition le témoignage de témoins entendus à l'enquête préliminaire peut être utilisé au procès sous les réserves et les conditions qu'a mentionnées le député de Maisonneuve.

M. Burns: L'estimation qu'on faisait de l'économie annuelle était de $5 millions.

M. Choquette: Pour le quantum de l'économie, je ne peux pas dire si le chiffre de $5 millions représente la réalité ou s'il est gonflé. Je ne peux pas le dire. Mais, il n'y a pas de doute que cela fait encourir des économies considérables. Cela évite énormément de déplacements inutiles pour des gens, parce qu'il n'y a rien de plus néfaste pour l'image de l'administration de la justice que les témoins qui vont attendre des journées de temps et qui se font remettre souvent pour des motifs futiles ou, enfin, des motifs qui leur paraissent injustifiés, à d'autres dates, qui manquent leur travail, qui se font couper leurs revenus et qui ne savent même pas ce qui se passe dans cette administration de la justice, et qui voient à l'occasion des avocats un peu complaisants entre eux à se consentir des remises et des juges, en d'autres occasions, assez mous pour ne pas imposer aux avocats de procéder. C'est ce qu'il y a des plus fatal, je pense, pour la bonne réputation de l'administration de la justice.

A ce point de vue, la réforme est satisfaisante à tous points de vue. Je tiens à dire aussi au député de Maisonneuve, puisqu'il m'a mis sur le sujet de la cour des Sessions à Montréal, qu'actuellement nous prenons des mesures extrêmement draconiennes pour accélérer l'administration de la justice, qui souffre vraiment de délais indus, à cet endroit. Actuellement, un procès, pour une personne qui a été arrêtée pour un acte criminel et qui n'est pas détenue à Parthenais, donc qui a obtenu un cautionnement, est remis à sept mois.

Souvent, il arrive qu'on n'est pas prêt à procéder au bout de sept mois et la cause est remise jusqu'à sept autres mois. Alors, il y a eu des réunions au palais de justice avec le juge en chef, le procureur en chef de la couronne, le directeur du palais de justice, M. Lachapelle et tous les fonctionnaires chargés de la sténographie, la signification des subpoenas, de l'exécution des "défauts-mandats", c'est-à-dire pour les accusés qui ne se présentent pas à la date fixée pour leur procès. Tous ces gens se sont concertés pour resserrer, dans une large mesure, toute l'administration de la justice et ceci, dans le but de réduire les délais le plus vite possible à Montréal. Les délais sont devenus incroyables, inacceptables. Je crois que cela va prendre un effort concerté pour en venir à bout.

En somme, la volonté semble y être à ce moment. J'ai l'intention d'insister. J'insiste auprès des juges, entre autres, par l'entremise du juge en chef pour qu'on soit excessivement sévère sur les remises, les demandes de remises en causes et qu'on incite autant les avocats de la poursuite que les avocats de la défense à procéder dans leur cause, qu'on n'utilise pas n'importe quel prétexte pour s'abstenir de commencer une cause en disant: II manque un témoin. D'accord, qu'on entende les témoins qui sont là et qu'on continue la cause trois ou quatre jours après pour entendre le témoin qui a fait défaut de se présenter au jour du procès.

En somme, que l'administration de la justice soit menée comme une entreprise, un service public fait pour rendre service au plublic. Je me raccroche aux observations que faisait le député de Maisonneuve plus tôt, alors qu'on avait une discussion générale. C'est l'individu qui compte dans ce système, ce n'est pas le système qui doit vivre pour le système. Il faut voir un peu le produit au bout de la ligne. Les gens qui attendent leur procès pendant des années, cela ne sert pas l'administration de la justice, parce qu'il y a des témoins qui oublient en chemin, il y a des témoins qui meurent comme on l'a dit, il y a des témoins qu'on ne peut plus jamais retrouver. Donc, la justice devient inefficace. D'un autre côté, il y a des procès qui sont remis éternellement et qui n'ont, pour ainsi dire, jamais lieu, parce qu'ils sont remis. Il y a des fois où l'accusé aurait tout intérêt à se faire acquitter le plus vite possible. C'est un autre facteur qui joue dans nos critiques contre les retards indus de la justice.

Nous prenons, à l'heure actuelle et depuis quelques semaines, des moyens vraiment extrêmes pour venir à bout du problème. Il faut que je mentionne, cependant, que, pour les témoins qui n'ont pas obtenu de cautionnement, leur procès a lieu à Montréal un mois ou deux après. Il y a quand même eu à ce point de vue des mesures prises par le juge en chef pour éviter que ceux qui sont détenus, ne souffrent indûment ou d'une manière exagérée des retards de la justice. Le délai d'un mois ou deux n'est pas trop considérable, compte tenu des circonstances.

M. Burns: Quand on sait dans quelle condition se trouve un détenu à Parthenais.

M. Choquette: Oui, aussi. Il y a aussi des critiques à l'égard de Parthenais....

M. Burns: Oui, j'ai l'intention d'y revenir un peu plus tard dans la discussion au moment précis.

M. Choquette: D'accord.

M. Burns: Je comprends, du moins le ministre de la Justice semble nous dire que ces retards, particulièrement à la cour des Sessions de la paix à Montréal, sont dus principalement aux demandes de remise.

Est-ce qu'il y a un phénomène aussi de manque de juges disponibles ou est-ce que cela aussi n'est pas un élément? Je me souviens que c'était

la critique du juge en chef lui-même, des locaux également disponibles pour les juges, et maintenant que, depuis quelques années, la cour est située à la Place de la Justice, est-ce que ce n'est pas aussi un des éléments, le nombre de juges, les locaux disponibles, les cours?

M. Choquette: La question des locaux a été pas mal réglée, malgré qu'elle pourrait être améliorée, une fois que le ministère du Revenu aura quitté le palais de justice pour aller occuper de nouveaux locaux à la place Desjardins. Cela lui donnera plus d'espace disponible, plus de place pour faire des cours. Mais actuellement, on a quand même aménagé assez de cours pour faire face à la situation normalement.

Quant au nombre de juges, vous savez, il faut que je fasse la part des choses dans ce domaine. Parce que si j'écoutais constamment les juges en chef et que je prenais littéralement leurs demandes comme bien fondées, il n'y aurait pas de limite à l'augmentation du nombre de juges dans la province de Québec. Je ne dis pas cela pour critiquer, mais c'est la solution facile que d'augmenter le nombre de juges.

Vous savez, il est toujours facile de dire: On a des délais, parce qu'on manque de juges. Des juges qui ne travaillent pas, des juges mous et des juges qui consentent à des remises contribuent justement à alourdir le système judiciaire en traînant des dossiers éternellement. Je trouve qu'il faut que la magistrature commence par exercer sa fonction, par prendre ses responsabilités et impose qu'on procède dans les procès. Après cela, on peut voir à l'augmentation du nombre de juges. Ceci n'enlève rien, remarquez bien, au fait qu'à Montréal, il y a un problème particulier. Donc, est-ce qu'il y a eu lieu d'augmenter le nombre de juges? C'est une question à l'étude, mais, dans quelle proportion, cela aussi compte, parce qu'une fois qu'on nomme un juge, vous savez, il est nommé pour longtemps et il coûte cher à la province. Il faut aussi prendre cela en considération. Moi, je ne suis pas pour... Ce serait trop facile pour moi de dire, chaque fois qu'un juge en chef arrive et dit: Moi, j'ai besoin de 20 juges de plus. Je demande à voir! Vous savez, "it is the easy way out". Il faut faire la part des choses.

M. Burns: Actuellement, le ministre de la Justice mentionne que le problème est à l'étude. Y a-t-il quelqu'un de particulier, à son ministère, qui est chargé de vérifier la charge de travail de l'ensemble des juges?

M. Choquette: Oui. On fait des vérifications, par des méthodes un peu indirectes, on me dira. On pourra peut-être me faire des reproches. On vérifie, par exemple, l'occupation des cours. On a des édifices publics. Les palais de justice sont des édifices publics. Il y a des salles qui sont aménagées. Il y a tout un appareil technique qui est en place. Alors, supposons que les cours soient occupées deux heures par jour, est-ce que c'est un bon investissement pour l'Etat que d'investir des millions et des millions dans des édifices publics qui ne servent que deux heures par jour.

Est-ce un bon investissement pour l'Etat que d'investir des millions dans des édifices publics qui servent deux heures par jour? Je crois que le député de Maisonneuve est de mon avis.

M. Burns: Exactement. D'ailleurs, si vous allez au palais de justice, à Montréal, puisque c'est celui que je connais le mieux, vous allez trouver de nombreuses cours inoccupées l'après-midi. Il est même exceptionnel de voir des cours occupées l'après-midi, surtout à une période où il commence à faire beau. On s'aperçoit qu'il y a des gens qui sont intéressés à être ailleurs et à terminer leur rôle le matin. Il n'y a pas de doute qu'une meilleure utilisation devrait être faite pour des locaux, eu égard au nombre de juges évidemment. Si on se retrouve avec un rôle absolument impossible à remplir dans une journée pour un juge, ce n'est pas mieux. Encore une fois, on se retrouve avec le problème que mentionnait le ministre de la Justice tout à l'heure, c'est-à-dire des témoins qui sont là, qui viennent inutilement et qui se font dire, rendu à dix-sept heures: C'est absolument impossible.

Par contre, au niveau de la cour de pratique, à Montréal, je reconnais que c'est de la juridiction de la cour Supérieure, on a le problème contraire. Lorsque des rôles sont, je dirais, engorgés, certaines journées, par des procédures qui demandent une longue enquête, comme les injonctions, par exemple, si vous vous retrouvez à la cour de pratique avec trois injonctions une journée, on ne procédera pas dans un tas de choses et probablement que la deuxième injonction n'aura même pas l'occasion d'être plaidée. Il y a une espèce de déséquilibre dans cette approche. Au niveau criminel, apparemment, ou au niveau pénal, on s'aperçoit qu'il est relativement rare qu'un juge soit obligé de siéger, sauf au niveau des procès, du matin, du début de la séance jusqu'à la fin de la journée, soit 16 heures 30 ou 17 heures.

M. Choquette: Par contre, il faut dire que les cours, et en particulier à Montréal, à la cour des Sessions de la paix, ont maintenant commencé à siéger à neuf heures et demie du matin. Cela a été une innovation assez intéressante au point de vue de l'accélération de l'administration de la justice parce que cela permet de faire beaucoup plus de travail le matin parce que les juges ont trois heures et demie devant eux pour abattre pas mal d'ouvrage. Ils ajournent ordinairement les travaux à 13 heures.

Dans le livre blanc, on proposait, évidemment, des heures de cour un peu plus complètes, un peu plus élargies. On propose aussi peut-être, l'institution de rôles l'après-midi, au moins pour certaines cours où cela peut s'y prêter. En fait, vous avez une accélération du tempo judiciaire. C'est très important, je crois, pour la bonne administration.

M. Burns: D'ailleurs à la page I95 de votre livre blanc, je note l'extrait suivant: Le ministère de la Justice a fait un relevé de l'utilisation des salles d'audience de la cour Supérieure, au Palais de justice de Montréal, pendant les six premiers mois de I972. Ce relevé a été fait en fonction des rôles. Cette étude établit une comparaison entre le nom-

bre des séances possible, chaque séance comptant pour une demi-journée d'audience et le nombre de séances réel. Pendant cette période de six mois on a constaté un taux d'occupation moyen de 44.5%, le matin, de 21.8% l'après-midi. Cela est dans votre livre blanc à la page I95. Est-ce que depuis I972 il y a eu de nouveaux relevés qui ont été faits?

M. Choquette: II y en a eu de nouveaux et je crois que je puis dire que la situation est améliorée. Il y a un taux d'occupation qui est plus considérable. Il faut dire aussi — il y a des gens qui ne sont peut-être pas initiés au fonctionnement de la justice, qui nous entendent ou qui vont lire ce qu'on dit dans le journal des Débats — que cela ne veut pas dire que si les juges ne siègent pas en cour cela ne veut pas dire qu'ils ne travaillent pas.

M. Burns: Non, je suis d'accord.

M. Choquette: II y en a qui travaillent dans leur bureau. Il y a des causes difficiles à décider. Il faut regarder la jurisprudence, il faut analyser les témoignages, il faut que le juge, en somme, délibère.

M. Burns: Je n'ai pas du tout l'intention de créer cette impression.

M. Choquette: Non, je sais que le député de Maisonneuve connaît bien la question de telle sorte que lui ne ferait pas l'erreur d'imaginer que parce que le juge n'est pas sur le banc, il ne fait rien. Ce n'est pas vrai. Il y a des juges qui, une fois retirés dans leur chambre, ont beaucoup de travail à faire pour en arriver à rendre de bons jugements. Il y a une section du travail des juges criminels qui est une section très difficile et qui demande beaucoup de réflexion, c'est la sentence. Quelle sentence imposer à quelqu'un qui a commis un acte criminel, qui a violé un...? C'est un problème qui est souvent très difficile et délicat pour le juge parce qu'il y a beaucoup de facteurs qui entrent en ligne de compte. Il y a le passé de l'accusé, il y a les circonstances atténuantes, il y a les objectifs de réhabilitation qu'on doit avoir à l'esprit, il y a le facteur exemplaire des sentences. Il y a de multiples facteurs sur lesquels le juge doit s'interroger pour arriver à la sentence juste pour que l'accusé, même quand il écope ou qu'il est victime d'une sentence, ne se sente pas victime d'une injustice. C'est une des tâches judiciaires les plus importantes, sans compter le rôle dissuasif que peuvent avoir les sentences sur le crime en général. Si les sentences sont trop faibles, trop molles, indiquent une espèce de laisser-aller judiciaire, cela a de l'influence à la longue. Le Québec, à l'heure actuelle, connaît une recrudescence de la criminalité qui est dramatique.

Je signale, par exemple, les "hold-up", qui sont sûrement les crimes les plus exécrables parce qu'ils mettent en danger la vie de citoyens, et nous avons, au Québec, les deux tiers des "hold-up" au Canada; c'est dramatique. C'est une situation déplorable à tout point de vue. Je ne donne pas d'ordre au juge, je peux signaler, à l'occasion d'un débat comme celui-ci, que les juges ont une fonction importante à jouer dans la manière d'administrer la justice et l'importance des sentences qu'ils vont décerner pour dissuader, dans la mesure du possible, des crimes qui sont aussi dangereux que ceux-là.

Je prends le cas des enlèvements de gérants de banque ou de caisse populaire. Je sais bien qu'on n'a pas eu beaucoup de cas devant les tribunaux parce qu'on n'avait pas pris les coupables. Mais il n'y a pas de doute que la sentence sera importante quand on en prendra. Il va falloir vraiment que l'autorité judiciaire s'affirme et montre qu'il y a des risques énormes dans ce genre de crime.

Je ne dis pas que c'est le seul facteur à considérer, il y a la réhabilitation, il y a un certain nombre d'autres facteurs, mais quand on est devant des criminels endurcis, qui sont un danger et qui peuvent commettre des meurtres... Au sujet des meurtres, le député de Maisonneuve sait comme moi, par les journaux, que les meurtres ont pris une accélération depuis le début de l'année, en particulier dans la région de Montréal. C'est vraiment dramatique, à mon sens, de voir que la vie des gens est exposée et de voir des meurtres faits à froid, dans des circonstances... Que les gens soient arrivés à un degré d'inconscience aussi poussé que celui-là, c'est révoltant.

M. Burns: Dans le cas des meurtres, est-ce que c'est une mauvaise impression de ma part de penser qu'il y en a une forte proportion qui sont rattachés à ce qu'on peut appeler des règlements de compte de gens du milieu?

M. Choquette: II y en a une proportion. Même dans les cas de règlements de compte...

M. Burns: Je ne suis pas d'accord pour que les gens du monde interlope s'assassinent, remarquez.

M. Choquette: Je n'applaudis pas quand je vois des règlements de compte.

M. Burns: Moi non plus, d'accord.

M. Choquette: Mais je ne suis pas le genre de personne qui dit: Ils se sont réglé leur compte entre eux, bon débarras. Ce sont quand même des vies humaines. C'est pour ça que je suis opposé à la peine de mort, parce que je considère que la vie doit être respectée. La vie de n'importe qui. Quand je vois des règlements de compte ou des crimes...

On sait que dans le meurtre il y a des rapports individuels. Le meurtre n'est pas nécessairement un bon indicateur de l'évolution de la criminalité, parce que le meurtre se passe souvent entre parents ou entre amis. Il y a des facteurs personnels qui interviennent.

Dans l'accroissement des meurtres, à Montréal, il n'y a pas juste cela qui compte. Il y a des meurtres qui sont faits à l'occasion de "hold up" par exemple, où là, la réserve que je faisais, que

vous faisiez peut-être, au sujet des règlements de compte, intervient.

Quand on voit, par exemple, le médecin qui a été assassiné par un type qui s'était évadé ou qui avait eu une permission de sortir de Cowansville, un meurtre de policier ou un meurtre fait à l'occasion d'incidents violents, comme des "hold up" dans des banques ou autres. Je trouve qu'à ce moment-là les tribunaux doivent sanctionner ce genre de chose, d'une manière très ferme.

M. Burns: M. le Président, je pense qu'il est une heure, même passé.

M. Choquette: J'ai discuté, avec le député de Maisonneuve, des possibilités des séances futures de la commission. Nous serions d'accord avec les membres de la commission pour reprendre les séances mardi matin, à dix heures trente, si cela convient.

M. Burns: D'accord, M. le Président.

Le Président (M. Pilote): La commission ajourne ses travaux à mardi matin, dix heures trente.

(Fin de la séance à 13 h 2)

Document(s) related to the sitting