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Commission permanente de la justice
Etude des crédits du ministère de la
Justice
Séance du mardi 27 mai 1975.
(Dix heures trente-neuf minutes)
M. Lafrance (président de la commission permanente de la
justice): A l'ordre, messieurs!
Nous reprenons l'étude des crédits budgétaires du
ministère de la Justice, au programme 1, élément 1. La
parole, à l'ajournement de la commission, était au
député de Beauce-Nord. Alors, si le député de
Beauce-Nord a des questions...
M. Burns: On nous a coupé la parole pour ajourner.
M. Sylvain: J'avais quelque chose à dire. Je sais que j'ai
quelque chose à dire maintenant; on est à un programme...
M. Burns: On parlait du nombre de juges, je pense.
Une Voix: Vous ne vous en souvenez pas? M. Sylvain: Non,
non.
Système judiciaire (suite)
Le Président (M. Lafrance): Alors, l'élément
1, c'est la formulation de jugements; programme 1: Fonctionnement du
système judiciaire.
M. Burns: Oui, mais on était, M. le Président, je
pense...
Le Président (M. Lafrance): Dans les
généralités.
M. Burns: On avait abordé, de façon indirecte,
l'élément 1 et l'élément 2; on touchait un peu aux
deux.
M. Choquette: Disons qu'on n'est pas rigide. Comme d'habitude,
nous sommes très souples, à la commission de la justice.
M. Burns: C'est surprenant pour des avocats. M. Sylvain:
La justice, c'est ça.
M. Choquette: Non. C'est parce qu'on a discuté
plutôt, l'autre matin, de choses de portée générale.
Alors, si le député de Beauce-Sud avait...
Le Président (M. Lafrance): Beauce-Nord.
M. Choquette: Beauce-Nord, je m'excuse. Je retire mes paroles. Si
le député de Beauce-Nord veut aborder un sujet qui a une certaine
pertinence avec l'administration de la justice en général ou
concernant les tribunaux, il peut très bien le faire à ce
moment-ci.
M. Sylvain: II y a des programmes qui vont toucher
spécialement à l'aménagement des palais de justice, etc.,
et aussi il y en a sur l'administration à la cour des petites
créances. Comme il y a des programmes particuliers qui prévoient
ces sujets, j'aimerais autant intervenir à ce moment-là.
Je ne me souviens pas très bien d'avoir voulu prendre la parole
sur l'élément 1 du programme 1. Je me vois, ce matin, confus.
M. Choquette: Pour l'aménagement des palais de justice, je
suis bien prêt à en parler.
M. Burns: D'ailleurs, je pense que cela relève de ce
programme: Fonctionnement du système judiciaire.
M. Choquette: Oui.
M. Burns: Moi, j'avais l'intention d'en parler également,
plus tard dans mon programme.
M. Sylvain: Alors, je peux intervenir, bien que cela demeure un
problème qui soit local ou régional. Cela concerne le district
judiciaire de Beauce.
Vous vous souviendrez sans doute des pressions que la
Société Saint-Jean-Baptiste régionale a faites pour
demander la construction d'un palais de justice au niveau de la ville de
Saint-Georges et, en particulier, au niveau du comté de Beauce-Sud. Je
ne veux faire aucune espèce de politique. Je vais me situer à
l'intérieur du cadre du district judiciaire.
Cette demande, vous l'aviez, il y a à peu près quatre ou
cinq mois, je pense, rejetée, mais j'aimerais revenir sur cet aspect
particulier des aménagements du palais de justice du district de Beauce,
qui se trouve à Saint-Joseph.
Tout le monde qui est dans le milieu de la pratique du droit, les
greffiers, le personnel du palais de justice, en fin de compte tout le monde
qui est mêlé, dans le district de Beauce, à
l'administration de la justice a pensé, à un moment donné,
que l'aménagement au-dessus d'un édifice qui sert maintenant
à la Sûreté du Québec allait permettre le
déménagement de la cour du Bien-Etre social, ce qui sera fait,
j'estime, puisque c'est en construction, dans quatre ou cinq mois. Tout le
monde a pensé que le déménagement de cette cour du
Bien-Etre social donnerait de nouveaux locaux au greffe des cours
Supérieure et Provinciale ou au greffe des cours de la Paix et de la
Couronne. Ce qui s'est produit, c'est que le ministère de la Justice a
décidé de centraliser l'administration de ses centres de
détention pour Montmagny, pour Thet-ford Mines, pour la Beauce et, je
pense, pour un autre district, au niveau du palais de justice de Saint-Joseph
auquel est annexé le centre de détention de la Beauce, ce qui n'a
pas laissé de locaux.
Une visite qui ne remonte même pas plus loin que deux semaines
avec le protonotaire, les avocats, le procureur de la couronne, etc., m'a
permis de constater qu'il n'y avait plus de salle pour les avocats, de salle
pour les témoins. Cela m'a permis de constater que la
bibliothèque était le plus souvent employée par les juges
qui voulaient entendre des causes en Chambre mais qui ne disposaient pas de
lieux assez vastes. On se servait donc de la bibliothèque. Cela m'a
permis aussi de constater qu'au niveau du greffe de la cour Provinciale et de
la cour Supérieure, c'était un fouillis complet quant à la
possibilité d'y avoir tous les documents disponibles. Cela m'a permis de
constater, en outre, la chose suivante: en 1966, on pouvait compter, du
côté des causes pénales, de 600 à 700 causes; du
côté des causes criminelles,
à peu près le même nombre de causes. Les
statistiques de 1974 vous prouvent que le procureur de la couronne avait, en
1974, eu plus de 2,000 causes criminelles, je veux dire des causes dont la
plupart comportaient des infractions au code criminel, où il y a eu des
comparutions simplement et des plaidoyers. Donc, un nombre effarant de causes
ont été plaidées et, en ce sens, même les locaux du
procureur de la couronne ne lui permettent plus d'avoir une administration ou
des lieux adéquats pour ses secrétaires. Il y a un
problème qui est le suivant: dans le district judiciaire de Beauce, il
manque nettement d'aménagements pour l'administration de la justice en
général.
Il est absolument illusoire de penser qu'un nouveau palais de justice
pourrait aller au niveau de la ville de Saint-Georges. Ce n'est pas pour
être mesquin et tout garder au niveau de la ville de Saint-Joseph. Mais
dans la Beauce il y a 20 ou 25 avocats et leurs bureaux sont situés
à proximité d'à peu près toutes les
municipalités. Avoir deux palais de justice dans un même district
judiciaire, je crois que par rapport au rôle des causes cela deviendrait
absolument impossible.
Or, à l'heure actuelle, il est demandé par tous les gens
qui travaillent au niveau du palais de justice et de l'administration de la
justice dans la Beauce que le ministère de la Justice, par
l'intermédiaire du ministère des Travaux publics, fasse des
études et regarde de très près la situation. Ce n'est pas
à notre honneur de dire que nous avons dans le district judiciaire de
Beauce le plus grand nombre d'accidents d'automobiles. Ce n'est pas non plus
à notre honneur de dire que le nombre de causes pour facultés
affaiblies et pour l'ivressomètre dépassent, au prorata de la
population, toute la région métropolitaine de Québec. Ce
n'est pas à l'honneur non plus, je pense, de l'administration du
ministère de la Justice, qui essaie de prévoir une meilleure
administration, de laisser ceux qui ont à administrer la justice dans
des lieux qui sont, à mon sens, très inadéquats. La cour
des petites créances, notamment à Saint-Joseph, est au sous-sol
où il y avait anciennement les archives. C'est très mal
situé. Cette demande ne vient pas spécialement du
député de Beauce-Nord, mais je veux me faire le premier
porte-parole puisque c'est un milieu où j'ai travaillé et que
j'ai connu davantage. Je fais cette demande de façon formelle au
ministère dans le cadre de l'étude des crédits.
Je sais que dans les programmes financiers vous n'avez pas, l'an
passé ou cette année, fait cette étude pour en arriver...
Je demande la prévision, pour I975, à tout le moins d'une
révision complète de l'état des lieux et de toute cette
administration. Je ne connais pas beaucoup de districts judiciaires au
Québec où, sur une période de dix années, il y a eu
autant d'augmentation du nombre de causes. Cela est passé de 600
à 2,000 sur le plan des causes criminelles et, sur le plan des causes
pénales, il y a eu une augmentation assez effarante.
Il serait ridicule de parler à l'heure actuelle du personnel;
vous comprendrez qu'on a ajouté, au niveau du greffe de la paix et de la
couronne, quelques secrétaires et quelques commis de bureau.
Il serait ridicule de penser à avoir du personnel additionnel,
à l'heure actuelle, si on n'a pas prévu l'aménagement des
locaux. Il y a une chose que je voudrais quand même dire, c'est que le
district judiciaire de Beauce était pris avec un problème, au
niveau des sténographes officiels. Par l'intermédiaire de M.
Dorion, ce problème a été réglé, de sorte
que nous avons un sténographe officiel qui est en permanence et un autre
sténographe qui fait la navette entre les différents districts
judiciaires, mais qui, quand même, à mon sens, et au sens de ceux
qui en ont les besoins, remplit très bien sa fonction.
M. Burns: Pendant que nous y sommes, peut-être pouvez-vous
répondre. J'avais quelques questions là-dessus, aussi. Je pense
que je n'ai pas besoin de répéter tout ce qu'a dit le
député de Beauce-Nord, qui peut s'appliquer à d'autres
districts judiciaires.
Une chance qu'il ne savait pas quoi dire, parce que s'il avait su quoi
dire, nous passions la matinée ici, là-dessus!
M. le Président, je veux seulement mentionner, comme l'a fait le
député de Beauce-Nord, certains autres endroits où le
Barreau, et la magistrature ont réclamé des améliorations
dans certains cas, des agrandissements et peut-être même, dans
certains cas, de nouveaux palais de justice. Je signale, entre autres, celui de
Montréal dont, comme le ministre le sait, cinq étages sont
actuellement occupés par le ministère du Revenu.
L'autre jour, vous nous avez donné une indication que
peut-être cela devait se régler bientôt. J'aimerais avoir
une indication plus précise. Quand le ministère du Revenu va-t-il
quitter l'édifice? Déjà, le district judiciaire de
Montréal est mal servi par ce nouveau palais de justice, qui a à
peine quelques années, et c'est évident que cela empêche
une meilleure administration dans le district peut-être le plus
engorgé au point de vue de l'administration de la justice.
Apparemment, et là-dessus, j'aimerais avoir des détails de
la part du ministre, il y a également des projets de construction de
palais de justice à Shawinigan.
Pendant que le ministre s'informe sur ces choses j'ai
mentionné celui de Montréal je mentionne également
un projet de construction à Shawinigan, le palais de justice,
également celui de Joliette, ou, apparemment, ce devrait être un
projet de construction aussi et finalement, celui de Saint-François,
à Sherbrooke, où on parle de rénovation.
J'aimerais savoir globalement peut-être que cela se
rattache à la question du député de Beauce-Nord ce
qu'on entend faire, dans ces différents districts au moins, pour cette
année.
M. Choquette: Alors, je remercie, tout d'abord, le
député de Beauce-Nord d'avoir attiré l'attention sur les
besoins de son district judiciaire. Je puis lui dire que, même si cette
année nous ne pouvons pas prévoir de travaux dans le but de
remédier à la situation qu'il a décrite, le
ministère est néanmoins conscient des besoins qui existent dans
son district judiciaire. Nous avons donné des instructions pour qu'une
étude complète des besoins du district judiciaire en question
soit faite par les fonctionnaires du ministère de la Justice, de
façon à demander, l'année prochaine, des crédits en
vue de l'amélioration des conditions de travail, des conditions
matérielles, des avocats, du personnel, ainsi que pour les
justiciables.
Alors, le député de Beauce-Nord peut être sûr
que les questions relatives à son district judiciaire sont connues au
ministère de la Justice. Cependant, ii ne nous est pas possible, cette
année, d'y remédier, mais nous allons tout probablement le faire
au cours de la prochaine année.
M. Sylvain: Je voudrais simplement faire l'intervention suivante.
Je ne voudrais pas rester tellement longtemps sur le sujet, même si, nous
les ministériels, n'avons pas l'occasion souvent d'aborder de tels
genres de problèmes. Il faut quand même dire que, même
à l'intérieur de ces locaux je le fais pour rendre hommage
à ceux qui ont l'administration de la justice dans le district
judiciaire au niveau de la cour des Sessions de la paix, le rôle
est à jour, ce qui est fort surprenant. Il n'y a absolument ou presque
rien qui traîne. Du côté des cours civiles, le rôle
est en retard de huit mois à un an, ce qui est quand même
passablement mieux que ce que vous avez décrit au niveau du palais de
justice de Montréal. Il y aurait peut-être une chose où le
ministère devrait intervenir cette année. Vous aurez à
constater qu'au Québec il n'y a pas beaucoup de procureurs de la
couronne qui ont, je pense, 2,000 causes au criminel.
C'est Me Marcel Blais qui occupe, en permanence, depuis 1970, je pense,
ce poste. Je n'interviens pas à la suite de lamentations de Me Blais
c'est un gars qui ne se lamente pas mais j'ai pu constater,
à la suite de son travail, que c'est un bonhomme qui ne se situe pas,
à mon sens, sur le même palier que les autres procureurs de la
couronne. S'il y a un rôle à jour, cela dépend beaucoup de
lui. J'aimerais que le ministère se penche sur ce problème,
à savoir s'il n'y aurait pas possibilité, quant au nombre de
causes criminelles entendues dans le district judiciaire, de lui adjoindre un
compagnon de travail ou un procureur de la couronne à temps partiel qui
pourrait venir d'un autre district judiciaire, comme le district judiciaire de
Québec, pour essayer de rendre les conditions de travail du procureur de
la couronne du district de Beauce similaires à celles des autres
procureurs de la couronne de la province.
M. Choquette: Le sous-ministre aux affaires criminelles est ici
présent ce matin. Il a probablement noté vos observations au
sujet du travail de votre substitut du procureur général dans
votre district judiciaire.
Maintenant, je voudrais apporter une réponse un peu
générale sur les travaux prévus par le ministère de
la Justice au cours de l'année financière qui vient. Tout
d'abord, pour ce qui est du palais de justice de Montréal, le
déménagement du ministère du Revenu, qui occupe cinq
étages du palais de justice de Montréal, est prévu pour la
fin de 1975 et le début de 1976. Il est prévu que ce
ministère s'en ira au complexe Desjardins, libérant ainsi un
espace considérable pour les fins de la justice. Nous avons
déjà pris les dispositions appropriées pour
préparer des plans en vue de l'aménagement des cinq étages
qui seront disponibles et ceci de façon à améliorer
l'administration de la justice dans le district de Montréal.
D'autre part, il y a un certain nombre de travaux prévus pour
cette année dans les différents palais de justice. Ainsi, dans le
cas de Joliette, nous avons pris des dispositions pour l'agrandis- sement du
palais de justice. On sait que les affaires judiciaires ont beaucoup
augmenté dans ce district.
M. Burns: Et non pour la construction d'un nouveau?
M. Choquette: Non, pas la construction. Les travaux prévus
sont pour agrandir le palais de justice actuel qui est d'aijleurs en bon
état mais qui était insuffisant au point de vue de l'espace. De
même pour le palais de justice de Roberval, là encore, nous avons
prévu un agrandissement ainsi que des travaux de réfection car
les affaires judiciaires ont augmenté également à cet
endroit. L'édifice est très ancien, de telle sorte qu'il a besoin
de rénovation.
Nous avons prévu un agrandissement du palais de justice de
Saint-Jérôme, c'est-à-dire le chef-lieu du district de
Terrebonne. On sait qu'il s'agit là d'un palais de justice relativement
neuf. Mais, à cause de l'augmentation des affaires, l'espace devient
insuffisant et il est prévu d'agrandir de 35,000 pieds
carrés.
Quant à Shawinigan, sur lequel le député de
Maisonneuve a attiré mon attention, la construction d'un nouveau palais
de justice est prévue dans cet endroit. Cela devrait être cette
année que les choses seraient mises en marche, à ce point de
vue.
Finalement quant au district de Saint-François, dont le chef-lieu
est Sherbrooke, nous entendons construire un nouvel édifice qui viendra
compléter le palais de justice actuel. Il ne s'agit pas de
détruire !e palais de justice actuel, il s'agit de prévoir des
espaces additionnels, vu l'augmentation des affaires judiciaires.
J'attire en dernier lieu l'attention des députés
sur...
M. Burns: Quant à la rénovation du palais actuel
à Sherbrooke, il m'a été donné récemment,
grâce aux bons soins de M. Boutin, d'être obligé d'aller
à ce palais de justice, c'est vraiment dans un état pitoyable
actuellement.
M. Choquette: Je m'excuse de m'être trompé dans mes
dernières paroles. L'étude prévue par le ministère
de la Justice est en vue de la construction d'un édifice de 100,000
pieds carrés qui serait appelé à remplacer le palais de
justice actuel.
M. Burns: De Sherbrooke?
M. Choquette: De Sherbrooke qui, à cause de son âge,
ne peut plus subir tellement de rénovations et de changements.
C'est une étude qui devrait être entreprise cette
année; pour la réalisation, on verra. Pour la date c'est assez
difficile pour nous de dire à quel moment il sera réalisé,
mais il n'y a pas de doute qu'il y a des besoins dans le district judiciaire de
Saint-François.
M. Burns: Est-ce que vous envisagez de démolir celui qui
est là déjà?
M. Choquette: D'après ce que M. Dorion me dit, M. Dorion
est à côté de moi, la pensée du ministère
c'est la destruction éventuelle du palais de
justice actuel et son remplacement par un nouvel édifice.
Je m'étais trompé, tout à l'heure.
Finalement, il y a le district judiciaire de Beauharnois dont le
chef-lieu est Valleyfield; la construction d'un palais de justice est
terminée. Celui-ci sera inauguré incessamment.
M. Pagé: Celui de Québec?
M. Choquette: Ah! Celui de Québec c'est une bonne
question nos études sont en marche en vue... Alors, on me dit que
nous avons des crédits pour l'étude des plans du nouveau palais
de justice de Québec et que les études sont en marche à
l'heure actuelle.
Quant à la date de réalisation, ce sera dans quelques
années. Mais le nouveau palais de justice de Québec devrait se
situer tout près du Grand Théâtre...
M. Pagé: A l'ombre de l'Exécutif.
M. Choquette: On a même prévu le lieu de la
construction.
Le Président (M. Lafrance): L'honorable
député de Beauce-Nord.
M. Pagé: Merci.
M. Sylvain: Je reviens, M. le Président, parce qu'il me
semble que ma demande ait été très pauvre dans la question
du réaménagement du palais de justice de Saint-Joseph. Il semble
qu'il y aura des constructions un peu partout au Québec. Est-ce que
j'aurais été mieux de demander au ministère de
prévoir une construction nouvelle?
M. Choquette: Vraiment, ce n'est pas parce que vous feriez une
demande pour un agrandissement, pour des travaux de rénovation ou pour
la construction d'un tout nouveau palais de justice que, en fait, cela
influerait sur le fait que vous avez attiré notre attention sur le
problème.
Il va de soi que si votre palais de justice actuel, à cause de
son âge, ne pourrait pas être rénové, être
agrandi de façon convenable, eh bien! dans votre district judiciaire, il
faudra prévoir éventuellement la construction d'un nouveau palais
de justice.
Pour le moment, il ne m'est pas possible de me prononcer. Il y a une
foule de renseignements qu'il faut obtenir, entre autres ceux de l'augmentation
des affaires judiciaires, il faut tenir compte de l'âge de
l'édifice actuel, de la facilité d'adapter cet édifice
à des constructions attenantes aux environs, enfin il y a une foule de
facteurs dont il faut tenir compte.
Alors, le député de Beauce-Nord devrait se dire que nous
n'excluons pas une solution ou l'autre. C'est tout ce que je peux dire pour le
moment.
Le Président (M. Lafrance): Le député de
Maisonneuve.
M. Burns: Oui, cela va pour ce point. J'aurais un autre point
à soulever auprès du ministre, toujours relativement à ce
programme.
L'été dernier, soit le 13 août 1974, le journal
Le Jour même si vous n'êtes pas en amour avec ce
journal, on peut le citer ...
M. Choquette: Je le lis, de temps à autre.
M. Burns: Oui, vous faites bien. Moi aussi je le lis.
M. Choquette: De temps à autre.
M. Burns: Moi aussi de temps à autre. Bien justement, une
des fois où je l'avais lu, j'ai aperçu un article sous la
signature de Paule Beaugrand-Champagne, le 13 août dernier. Il
s'intitulait: "Des fonctionnaires de la Justice se font payer des ristournes."
Mlle Beaugrand-Champagne, à ce moment-là, expliquait un certain
système qui serait en vigueur dans le district judiciaire de
Montréal, en vertu duquel certains fonctionnaires du ministère,
qui sont particulièrement affectés au greffe sans les
nommer, j'imagine que le ministre sait dans quelles fonctions ils peuvent se
retrouver à toutes fins pratiques offriraient à des
bureaux d'avocats leurs services pour la publication d'avis juridiques dans les
journaux. Par exemple, avis de faillite ou assignations par voie des journaux,
en tout cas tous les avis légaux auxquels normalement les avocats
pourraient avoir recours via les journaux.
Justement, ce qu'il y avait d'intéressant, c'est que le journal
Le Jour avait découvert ce que Mlle Paule Beaugrand-Champagne
désigne comme étant le pot aux roses. En effet étant
à un nouveau journal, ayant besoin de publicité, etc., elle
s'était adressée à des agences de publicité et
c'est comme cela qu'elle aurait appris, éventuellement, que, moyennant
certaines ristournes, certains fonctionnaires rendaient ces services
auxiliaires à des bureaux d'avocat.
J'aimerais savoir si le ministère, soit à la suite de la
publication de cet article ou encore par d'autres sources de renseignements, a
fait enquête relativement à cette situation. Personnellement, cela
fait plusieurs années que je n'ai pas à pratiquer en droit civil,
mais je me rappelle le temps où j'ai été moi-même en
mesure de constater que ce système existait. Je croyais que tout cela
était fini, à partir du moment où on avait, dans le vieux
palais de Justice de Montréal, installé les pancartes: Pas de
pourboires, s'il vous plaît. Je croyais que le nouveau palais de justice,
même si l'affiche en question n'y paraissait pas, continuait à
garder ce système. D'ailleurs, quand on a commencé, au
ministère de la Justice, sous le prédécesseur, je pense,
de l'actuel ministre de la Justice, à défendre aux avocats de
donner des pourboires à des greffiers ou à des
députés-protonotaires, il y avait même un système
organisé par le Barreau, à Montréal, en vertu duquel les
avocats qui voulaient faire des cadeaux, à l'époque des
Fêtes, aux fonctionnaires pour les remercier de le leurs bons services
faisaient cela dans une mise commune et, éventuellement, c'était
le Barreau qui s'occupait de distribuer ces cadeaux, ce qui était
parfaitement normal, remarquez. Je n'ai rien contre ce fait. D'ailleurs, on le
fait nous-mêmes, ici, je pense, pour les fonctionnaires de
l'assemblée nationale. A ce moment-là, ce n'est pas une
ristourne, ce n'est pas un paiement pour des services déjà
prévus par les fonds publics. C'est, à toutes fins pratiques, une
marque d'appréciation pour des périodes bien
précises. Mais j'ai été étonné
d'apprendre que, semble-t-il, cela continuait. J'aimerais savoir si le
ministère a fait une enquête et, si oui, quels en sont les
résultats et si des mesures ont été mises en application
déjà pour corriger cette situation.
M. Choquette: L'article qui avait paru dans le Jour attirait
l'attention en particulier sur le placement des annonces des avis légaux
dans les journaux et le fait qu'en considération du service rendu par
certains fonctionnaires les avocats remettaient un montant de commission ou,
enfin, un montant pour défrayer ces services. Nous sommes intervenus
relativement à cette situation spécifique, ainsi qu'en rapport
avec d'autres situations du même ordre, où il y avait des montants
de pourboires ou de ristournes qui étaient donnés à des
fonctionnaires dans d'autres situations par exemple, la préparation de
mémoires de frais, des déclarations de sociétés qui
étaient enregistrées auprès de la cour Supérieure.
Alors, toutes ces réceptions de pourboires ont été
interdites et il a été établi, par une directive
très ferme, qu'il était défendu à tout
fonctionnaire d'accepter un paiement quelconque, de la part d'un avocat ou de
qui que ce soit, en échange des services qui pouvaient être rendus
dans ce domaine, dont celui de la publication d'annonces.
Un fonctionnaire a été suspendu pour trois jours à
la suite de la parution de cet article dans le Jour et, en fait, la situation
semble s'être résorbée à ce point de vue.
Les mesures que nous avons prises à la suite de la publication de
l'article du 13 août semblent avoir réglé la situation pour
autant que nous le sachions à l'heure actuelle.
M. Burns: Je remercie le ministre pour ces renseignements. Mais,
relativement à cet article, il y en a eu un autre le lendemain qui
titrait "Le ministère propose au Barreau de créer un bureau
spécialisé". C'est justement pour tout ce type de services que
les fonctionnaires sont appelés à rendre dans le cours normal de
leur fonction pour des bureaux d'avocats. Et l'article se terminait comme ceci:
"Ainsi donc, c'est à suivre, le ministère est
intéressé à participer financièrement à la
mise sur pied d'un nouveau service qui enlèverait à ces
employés des occasions de pécher et le Barreau ne refuse pas
l'idée".
Est-ce qu'il y a eu une évolution relativement à la
création de ce service spécialisé?
M. Choquette: Nous avons offert au Barreau de lui donner un local
où on pourrait placer une personne désignée par le Barreau
pour s'occuper des besoins des avocats au point de vue de la publication de
leurs avis dans les journaux. Souvent les avocats, s'ils avaient recours aux
fonctionnaires, cela leur rendait service que de faire placer leurs annonces
par quelqu'un qui était habitué à communiquer avec les
journaux et à dire: Placez-moi une annonce de divorce, de saisie ou
autre. Le Barreau n'a pas profité de l'offre faite par le
ministère de lui donner un local au palais de justice pour y mettre un
préposé du Barreau qui pourrait rendre ce service aux
avocats.
Dans ces conditions, ce sont les avocats qui font eux-mêmes le
travail à l'heure actuelle et qui placent leurs propres annonces. Je
dois dire au député de Maisonneuve que, si le Barreau voulait
désigner un avocat à sa retraite qui ne voudrait travailler que
quelques heures par jour moyennant une rémunération qui pourrait
être fixée par le Barreau, nous serions prêts à
mettre à sa disposition certains matériels pour rendre ce service
aux membres du Barreau.
M. Burns: II n'en tient qu'au Barreau de Montréal de se
prévaloir de cette offre.
M. Choquette: C'est exact. M. Burns: D'accord.
M. Choquette: Nous pourrions de nouveau attirer l'attention du
Barreau sur l'offre en question et ceci pourrait peut-être rendre service
aux avocats.
M. Burns: Est-ce que je peux souligner au ministre que le
député de Taillon se cherche toujours du travail? Alors, cela
pourrait être une bonne place pour le "booker", évidemment si le
Barreau en veut!
Vous n'avez pas de commentaires à faire? Dans votre figure, je
vois que vous vous apprêtez à faire un commentaire.
M. Choquette: J'aurais le goût mais je ne le ferai pas.
M. Burns: Vous ne le ferez pas.
Autre point, toujours à l'élément 1. Il y a une
expérience qui a été mise sur pied à
l'université Laval dans le but de familiariser les étudiants en
droit avec le fonctionnement des cours de justice. Apparemment, des locaux ont
été mis à la disposition des étudiants; ce sont de
véritables tribunaux pour siéger sur place afin que les
étudiants puissent assister non pas à des procès fictifs
mais à de véritables procès. Est-ce que le ministre est en
mesure de nous donner le résultat de cette expérience? Est-elle
concluante? Et, d'autre part, est-ce qu'on envisage de tenter la même
expérience dans d'autres universités où il y a une
faculté de droit, comme McGill, Montréal ou Sherbrooke?
M. Choquette: Nous le faisons à l'heure actuelle à
Laval, nous le faisons à McGill et nous le faisons à
Sherbrooke.
Pour l'Université de Montréal, je ne sais pas si la tenue
de procès sur le campus, ou au sein des facultés de droit a
déjà été faite dans le passé. Il me semble
que j'ai des souvenirs que cela s'est déjà fait.
Maintenant, dans l'ensemble, l'expérience est très bonne.
Nous n'avons pas d'objection à étendre l'expérience
à d'autres universités et à d'autres facultés de
droit qui en feraient la demande. C'est certainement une bonne manière,
pour les étudiants en droit, d'apprendre le déroulement des
procès.
M. Burns: Cela se fait-il surtout en matière civile ou si
cela se fait dans d'autres juridictions?
M. Choquette: Cela s'est fait en matière civile ordinaire.
Cela s'est fait en matière de petites créances. Cela s'est fait
en matière de droit statutaire et pénal. Cela s'est fait à
quelques endroits en matière criminelle, entre autres à
l'Université de Sherbrooke cela s'est fait en matière
criminelle.
On me signale aussi que certaines commissions qui ont une fonction quasi
judiciaire vont siéger dans les universités, comme, par exemple,
la Commission de contrôle des permis d'alcool, à
l'Université de Sherbrooke.
M. Burns: C'est une très bonne chose. En tout cas,
j'encourage le ministre à continuer. Maintenant, dans cette
période expérimentale, a-t-on pu ou a-t-on tenté d'obtenir
la réaction des justiciables eux-mêmes? Est-ce une chose à
laquelle les justiciables concernés réagissent
défavorablement ou favorablement?
M. Choquette: Chaque fois que nous avons un procès qui se
déroule ainsi, hors du palais de justice, mais dans l'une des
facultés de droit, c'est avec le consentement des justiciables. Cela ne
pose pas de problème.
M. Burns: C'est parfait. Un autre problème, M. le
ministre, toujours relatif à l'élément 1, au cours du mois
de mars 1975, votre collègue du cabinet, M. Fernand Lalonde, ministre
d'Etat, a assisté à une conférence. J'imagine qu'il vous
représentait à cette conférence des procureurs
généraux, relativement à ce fameux conflit entre le
gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux, en fait,
soit la juridiction de la cour Fédérale qui, de plus en plus, je
pense je vais vous citer un petit passage de ce que disait votre
collègue c'est assez évident que la cour
Fédérale empiète de plus en plus dans les causes de
juridiction civile. On a eu d'ailleurs le cas assez récent du fameux
navire 'The Answer" et de M. Brian Erb. Cela a posé un certain nombre de
problèmes à cet égard.
M. Lalonde disait, entre autres, si le reportage de
Montréal-Matin du vendredi 14 mars est fidèle: "L'étendue
de la juridiction de la cour Fédérale, dans les brefs de
prérogative, d'habeas corpus, etc., crée une dualité de
cour qui, tout d'abord, n'est pas à l'avantage des contribuables. De
plus, elle peut tendre à créer une situation aussi complexe, au
point de vue jurisprudence et d'administration de la justice que celle que vous
trouvez dans d'autres pays, notamment aux Etats-Unis, où l'on ne se
retrouve plus dans les juridictions qui entrent en conflit les unes avec les
autres."
Devant ce problème, énoncé sans ambages par un de
vos collègues, j'aimerais connaître les résultats des
pourparlers, ce qu'on envisage comme solution. Parce qu'éventuellement,
c'est le contribuable, je pense, qui va payer. On a beau se targuer de faire du
fédéralisme rentable ou encore de faire de
l'indépendantisme ou peu importe ce n'est pas mon problème
actuellement à ce stade-ci c'est beaucoup plus une question
très pratique de services rendus au justiciable, au contribuable, qui se
fait tirailler entre ces deux juridictions et c'est lui qui en fait les frais
éventuellement. D'ailleurs, dans tous les cas où on a des
dualités de juridiction, c'est habituellement le contribuable qui paie
lorsqu'il ne peut y avoir un agencement harmonieux entre les juridictions
fédérales et provinciales.
M. Choquette: Si le député de Maisonneuve consulte
le livre blanc: La justice contemporaine, livre qu'il aime beaucoup
d'après ce qu'il nous a dit, à la page 25, section 2.3, il lira:
"Le Parlement du Canada aurait toute liberté de créer des cours
fédérales, même en matière criminelle." Il consta-
tera que l'analyse de la jurisprudence des cours en matière
d'interprétation constitutionnelle révèle que depuis
l'institution de la cour de l'Echiquier, vers 1872 ou 1875, cette cour de
l'Echiquier, qui devait être une cour fédérale
additionnelle au sens des articles 96 à 100 de l'Acte de
l'Amérique du Nord britannique, a reçu de plus en plus
d'expansion, de compétence de par l'octroi de juridictions
additionnelles qui lui ont été décernées par le
Parlement fédéral, entre autres en matière civile. Par
exemple, les actions en dommage...
M. Burns: Contre le gouvernement fédéral.
M. Choquette: ... contre le gouvernement fédéral
vont devant la cour de l'Echiquier, entre autres les matières
d'expropriation par les autorités fédérales, entre autres
les matières de revenu. On sait que les litiges qui intéressent
le revenu fédéral vont devant la cour Fédérale. Non
seulement en matière civile ordinaire, comme celle que je viens de
décrire, ou statutaire, mais aussi en matière de bref de
prérogative par exemple, à l'égard d'un organisme
administratif fédéral ou d'un organisme quasi judiciaire
fédéral il est maintenant possible d'employer des recours
comme l'injonction, le mandamus, le quo warranto, le bref d'évocation,
qu'on connaît en droit civil ordinaire, devant la cour
Fédérale. Mais en plus de cela, on a donné
également une juridiction criminelle à la cour
Fédérale ainsi qu'une juridiction d'appel, parce qu'en
matière criminelle on a édicté que les infractions
à la loi de combines ou des coalitions en matière commerciale
pouvaient aller devant la cour Fédérale dans certaines
circonstances. On a également accordé à la cour
Fédérale une juridiction d'appel à l'intérieur de
cette cour, de telle sorte qu'il semble bien que l'évolution de la
jurisprudence soit le contraire de l'esprit, au moins, qui se trouvait contenu
dans l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, en particulier des
articles 96 à 100.
Ces articles voulaient qu'au Canada on ait un système judiciaire
unifié dans l'ensemble, unique où les tribunaux provinciaux
servaient autant aux besoins du législateur provincial que du
législateur fédéral, où la cour Supérieure
était le tribunal de droit commun, avec le pouvoir de surveillance sur
tous les organismes, qu'ils soient provinciaux ou fédéraux, ou
sur toutes les cours de juridiction inférieure.
Il semble bien, donc, que l'évolution de la jurisprudence a fait
que la cour additionnelle prévue, que le gouvernement
fédéral pouvait certainement créer en vertu de l'Acte de
l'Amérique du Nord britannique, mais qui devait jouer un rôle
ancillaire ou supplétif ou secondaire par rapport au système
judiciaire général, cette cour devient de plus en plus
démesurément grosse et elle devient, en somme, un système
judiciaire parallèle et additionnel au système judiciaire
ordinaire. Evidemment, on peut débattre ces questions sur le plan
judiciaire, en faisant des objections sur lesquelles les tribunaux ordinaires
sont appelés à statuer, que ce soit la cour Supérieure, la
cour Fédérale elle-même, les cours d'Appel provinciales ou
la cour Suprême du Canada, mais on n'a pas eu grand succès, depuis
cent ans, au point de vue des contestations dans ce domaine-là, parce
que les juges ont préféré maintenir un certain pouvoir
fédéral de créer des cours de justice.
On peut également débattre la question au
plan politique. C'est au plan politique, que M. Lalonde s'exprimait
à la suite de cette réunion des procureurs généraux
des provinces avec le ministre fédéral de la Justice. Au cours de
cette réunion, les ministres de la Justice provinciaux ont attiré
l'attention des autorités fédérales sur les
inconvénients qui résultent de la création d'un
système de justice parallèle s'appliquant exclusivement aux
autorités fédérales. Des coûts additionnels en
résultent du fait que, quand les gens jugent la justice, ils ne jugent
pas telle cour de justice par rapport à telle autre; c'est toujours le
système judiciaire ou la justice qui est critiqué ou
examiné dans les jugements que les gens peuvent porter sur le
fonctionnement du système judiciaire.
A la suite de cette réunion qui a été tenue
à Ottawa, le ministre fédéral de la Justice a dit qu'il
prendrait les arguments des gouvernements provinciaux en considération.
Maintenant, il n'a pas indiqué s'il était prêt à
agir et dans quel sens il serait prêt à agir.
M. Burns: Est-ce que le ministre québécois de la
Justice considère que cela fait partie de son contentieux avec le
gouvernement fédéral et qu'il va revenir à la charge?
Même si les brefs de prérogative peuvent aussi être
plaidés devant la cour Fédérale, lorsque cela concerne un
organisme fédéral, je pense, sauf erreur, que la juridiction est
possible toujours, est maintenue devant les cours provinciales, la cour
Supérieure, par exemple. Qu'on attaque un conseil de conciliation
fédéral, je pense que c'est toujours possible, sauf erreur,
devant la cour Supérieure du Québec. C'est cette dualité;
à moins que le ministre me dise que je suis pas à jour dans mon
appréciation de la législation fédérale, je ne
pense pas que la juridiction plus étendue qu'on a donnée à
la cour Fédérale ait nié ou mis de côté la
juridiction qui existait déjà à la cour Supérieure
en matière de bref de prérogative, par exemple.
M. Choquette: Si la législation fédérale
allait jusqu'à dénier aux cours provinciales, dont la cour
Supérieure, même si elle est composée de juges
fédéraux, une compétence et octroyer privativement cette
compétence à la cour Fédérale, je pense,
malgré que je le contesterais probablement au nom du gouvernement du
Québec, qu'il serait conforme à la jurisprudence existante que le
fédéral puisse le faire. Donc, sur le plan juridique, je serais
porté à croire qu'il y a de fortes possibilités que les
tribunaux maintiendraient une telle loi fédérale qui
dénierait au système des tribunaux ordinaires, sa juridiction
dans certaines matières civiles qui regardent le fédéral.
Cela ne veut pas dire que je partage cet avis, ni sur le plan juridique, ni sur
le plan politique, ni sur un autre plan, parce que, à mon sens, cela
contribue à créer un système judiciaire
parallèle.
Mais je pense qu'on peut dire que cela a été la tendance
de la jurisprudence de conférer à la cour de l'Echiquier, devenue
la cour Fédérale, une compétence qui était loin
d'être celle qu'on pouvait penser qu'elle devait avoir à
l'origine, c'est-à-dire il y a 100 ans. Maintenant, ce n'est qu'un des
éléments du problème, parce qu'il y a d'autres facteurs,
comme, par exemple, celui du contentieux qui existe en rapport avec le pouvoir
de poursuivre en vertu du code criminel ou d'autres lois
fédérales de nature criminelle. On sait que, là encore, le
fédéral a eu tendance à réserver certaines
poursuites au procureur général du Canada, exemple, en
matière de drogue, en d'autres matières qui relèvent de
lois spécifiques mais qui sont en fait de la nature du droit
criminel.
Si le raisonnement ou la philosophie qui est à la base des
positions fédérales prises en matière de lois
spécifiques, comme en matière de drogue, devaient être
maintenus par les tribunaux, comme cela semble avoir été maintenu
par la cour Suprême, ceci veut dire que le fédéral
pourrait, législativement, nier aux procureurs généraux
des provinces, les pouvoirs qu'ils ont eus, depuis 1867, d'être ceux qui
ont la responsabilité des poursuites en vertu du code criminel. Cela ne
veut pas dire qu'elles l'ont fait; cela ne veut pas dire qu'elles vont le
faire, mais cela veut dire que si les principes juridiques sur lesquels
s'appuyaient les autorités fédérales devaient être
maintenus, par exemple, en matière de drogue, il n'y a, à ce
moment, rien qui les empêche de dire que le procureur
général d'une province, qui, à l'heure actuelle, a la
responsabilité de poursuivre pour les infractions au code criminel, ce
n'est qu'une partie de la procédure en matière criminelle et
qu'étant strictement un instrument de cette procédure, on
pourrait très bien dire, à partir d'aujourd'hui, que toutes les
poursuites criminelles sont entreprises par le ministre de la Justice ou le
procureur général du Canada et que les procureurs
généraux des provinces n'ont, comme responsabilité, que de
poursuivre, par exemple, pour les infractions statutaires à leur propre
statut.
M. Burns: A ce moment, la disposition du BNA Act qui fait de
l'administration de la justice une juridiction provinciale prend de moins en
moins de sens.
M. Choquette: Le député a tout à fait
raison. C'est-à-dire que par un retournement progressif de la
jurisprudence qui s'est étendu sur une période de 100 ans, on a
réussi à réduire le contenu des termes "administration de
la justice" tels qu'ils sont contenus à l'article 9127, si je me
rappelle bien, et qui sont octroyés aux gouvernements provinciaux,
à ce qui est la volonté du gouvernement fédéral.
C'est une situation, à mon sens, tout à fait inquiétante,
c'est une situation...
M. Burns: Ce n'est sûrement pas du
fédéralisme rentable.
M. Choquette: Ce n'est même pas du bon
fédéralisme. C'est du mauvais fédéralisme.
M. Burns: Je suis heureux de vous l'entendre dire.
M. Choquette: Rentable... il n'est même pas rentable, parce
qu'on sait qu'on est obligé de payer les frais sans aucune compensation
financière. D'ailleurs, c'est un peu le même raisonnement qu'on
nous applique en matière de police, malgré qu'en matière
de police, il est bien reconnu que c'est là une matière qui
concerne principalement les provinces.
M. Burns: C'est encore plus flagrant en matière de
police.
M. Choquette: Oui, parce qu'il y contribue dans certaines
provinces. C'est un domaine qui est
dans un état de confusion, qui méritera d'être
clarifié. Si le député se rapporte aussi toujours au livre
blanc La justice contemporaine, il se rendra compte qu'advenant que le
gouvernement fédéral veuille rapatrier la constitution
canadienne, il aura le problème non seulement de donner une formule
d'amendement qui soit acceptable aux provinces et on sait que cela a
été la pierre d'achoppement de la conférence de Victoria
mais aussi de donner nécessairement une formule
d'interprétation de la constitution qui soit acceptable aux provinces.
Actuellement, l'interprétation de la constitution se fait principalement
par la cour Suprême du Canada qui est un tribunal fédéral
exclusivement composé de juges nommés par le gouvernement
fédéral.
Dans ces conditions, advenant que les gouvernements provinciaux
acceptent le rapatriement de la constitution canadienne, il faudra qu'ils
soient bien sûrs d'obtenir justice au point de vue de
l'interprétation de la constitution, rapatriée par un tribunal
qui donnera toutes les garanties de sympathie, autant à l'égard
des besoins provinciaux qu'à l'égard des besoins
fédéraux. Alors, cela reposera les deux problèmes,
à mon sens.
Ceci, je le dis dans le contexte de l'évolution de
l'interprétation de la constitution depuis 100 ans, principalement par
la cour Suprême, qui a constamment, d'une certaine façon,
augmenté les pouvoirs fédéraux et réduit l'octroi
des pouvoirs provinciaux sous le titre de l'administration de la justice.
M. Burns: Est-ce à dire qu'on peut comprendre que le
ministre de la Justice fera de ce problème une de ses principales
réclamations dans l'année à venir à l'endroit du
gouvernement fédéral?
M. Choquette: C'est un problème important, c'est un
problème qui mérite qu'on se penche dessus. Maintenant, quant
à savoir la position du gouvernement du Québec vis-à-vis
de l'état actuel des choses, nous allons sûrement l'approfondir et
voir dans quelles conditions il sera opportun, pour nous, de demander des
révisions aux autorités fédérales sur des points
qui concernent tout cet ensemble qu'est l'administration de la justice, que ce
soit en matière de création de cours comme la cour
Fédérale, que ce soit en matière de poursuites par les
procureurs généraux des provinces.
Mais le député de Maisonneuve peut être sûr
que dans les différentes provinces on est très sensible au
problème en question et qu'il y a, je dirais, unanimité entre les
provinces sur les positions à prendre au moins à l'égard
de l'expansion des pouvoirs fédéraux dans le domaine de
l'administration de la justice.
M. Burns: Est-ce que ce n'est pas justement un problème
tellement important que le ministre de la Justice puisse nous donner,
immédiatement, l'assurance qu'il va en faire l'objet d'une de ses
principales réclamations? C'est tout au moins aussi important que la
récupération de quelque $40 millions par année
relativement à l'administration policière.
M. Choquette: Bien, c'est parce que nous sommes obligés
d'aller au plus vite et, le plus vite, c'est dans l'ordre financier, au moins
dans le domaine de la police.
Maintenant, il est sûr...
M. Burns: Mais là, on a un cas spécifique où
le pouvoir central gruge littéralement petit à petit, de
façon insidieuse, des pouvoirs carrément provinciaux. Il me
semble qu'il devrait y avoir une réaction ferme et rapide, entre autres
du gouvernement du Québec.
M. Choquette: Même si les réactions n'ont pas
été tellement portées sur la place publique, elles ont
été exprimées fermement dans des conférences qui
ont été tenues entre les différents ministres de la
Justice et procureurs généraux du Canada. Entre autres, il y en a
eu une à Toronto au mois de mai 1973; il y en a eu une ici, à
Québec, au mois de décembre 1974; il y en a eu une nouvelle en
mars 1975; et il y en a une de prévue pour Halifax, l'automne prochain.
A chacune de ces conférences, le sujet, qui a été
débattu le plus en profondeur a été justement le partage
des responsabilités en matière d'administration de la justice
entre les autorités fédérales et les autorités
provinciales.
Il est bon de noter qu'il y a un véritable front commun entre les
provinces, les procureurs généraux des provinces, contre
l'expansion progressive des pouvoirs fédéraux dans le domaine de
l'administration de la justice.
Alors, de part et d'autre, nous cherchons des solutions à tout
ça. En fait, à cause de la complexité de ces
problèmes, cela n'a peut-être pas eu beaucoup de retentissement
dans l'opinion publique parce que c'est extrêmement difficile à
décrire et à montrer quelles sont les incidences de tout
ça. Même si cela n'a pas reçu beaucoup de
notoriété par la presse et les media d'information, c'est un
problème sur lequel les provinces et le gouvernement
fédéral sont engagés dans une discussion très
serrée.
La deuxième partie d'introduction du livre blanc avait pour but
de poser l'état de la question actuellement, le status quaestionis du
problème dans l'état actuel des choses, compte tenu de
l'évolution de la jurisprudence. Elle concluait par un certain nombre
d'interrogations qui montraient les failles de ce développement
jurisprudentiel, montraient jusqu'à quel point la jurisprudence actuelle
nous a amenés à doubler les services fédéraux et
provinciaux.
Elles montraient également jusqu'à quel point le procureur
général des provinces, même si c'est un parlementaire
membre d'un gouvernement élu au sein d'un gouvernement
désigné au niveau provincial, de par l'évolution de la
jurisprudence, devient, d'une certaine façon, un fonctionnaire
fédéral.
Alors c'est justement pour mettre en lumière tout l'aspect
critiquable du développement de la jurisprudence que nous avons
pensé qu'il était opportun de décrire la situation dans
son état actuel.
M. Burns: C'était justement, M. le ministre, si vous me
permettez, l'objet de l'une de mes critiques à l'endroit du livre blanc:
qu'il se contentait de décrire une situation sans, à mon avis,
démontrer une volonté ferme d'y apporter des solutions et des
solutions à plus ou moins court terme. Quand on touche à un
problème aussi crucial que celui-là, j'admets qu'il est
technique, j'admets que ce n'est peut-être pas un sujet comme
celui-là qui
va faire l'objet de grands reportages dans les journaux parce que
technique, mais il y a des conséquences, comme je le disais au
début, quand j'ai abordé ce problème, à
caractère très pratique pour l'individu, le justiciable, le
citoyen qui se fait ballotter entre ces deux juridictions. A ce
moment-là, il me semble qu'il y a moyen, tout au moins, de toucher
l'opinion publique, sous l'aspect pratique, même si le côté
technique de l'affaire, le côté division des pouvoirs est toujours
quelque chose de très technique à discuter en public, mais
l'aspect pratique, lui, touche l'individu dans sa vie de tous les jours.
M. Choquette: Je reconnais l'importance du problème. Le
député peut être sûr aussi que des positions fermes
ont été prises par tous les gouvernements provinciaux à
l'issue d'un certain nombre des conférences que j'ai mentionnées
tout à l'heure. Les communiqués qui faisaient état des
prises de position des ministres de la Justice provinciaux sont bien clairs sur
la question. Donc, on peut dire qu'il y a une prise de conscience au niveau de
ceux qui sont responsables de l'administration de la justice dans les
différentes provinces canadiennes du problème en question.
D'autre part, vous savez, ce n'est pas le seul problème que nous
avons. Il y a celui de faire fonctionner le système tel qu'il est, tel
qu'il existe actuellement, qui est aussi une de nos préoccupations
majeures parce que les justiciables ne peuvent pas attendre la solution de
longs problèmes constitutionnels avant qu'on remédie à
leurs problèmes concrets et pratiques d'avoir une justice qui est assez
efficace, qui est expéditive et surtout qui a toute la qualité
qu'on doit en requérir.
Donc, c'est pour cela que je ne mets pas tous mes oeufs dans le
même panier, disant que je fais exclusivement du problème de
l'administration de la justice une question constitutionnelle. L'administration
de la justice, cela comporte énormément d'autres aspects que
l'aspect constitutionnel, sans nier l'importance de cet aspect. Il faut donc
avoir une vue d'ensemble et voir dans quelle situation concrète on se
trouve actuellement pour essayer de satisfaire aux besoins des citoyens et
faire en sorte qu'on leur offre le meilleur service dans l'état actuel
des choses. Mais ceci ne veut pas dire, d'autre part, que l'aspect
constitutionnel n'a pas toute son importance et que nous n'en sommes pas
conscients.
Le député de Maisonneuve peut être sûr que
nous allons donner beaucoup de réflexion, en somme, à partir de
la prise de conscience de l'état actuel de la réalité
juridique pour trouver des solutions qui vont amener les autorités
fédérales à un réaménagement de tout le
droit qui s'applique dans ce domaine et ceci pour offrir une meilleure
administration de la justice aux citoyens.
M. Burns: En tout cas, M. le ministre, j'espère que
l'année prochaine, à pareille date, lors de l'étude des
crédits, si vous et moi occupons encore les même sièges, on
sera en mesure d'avoir quelque chose de concret qui aura pu se dérouler
au cours de l'année parce que je considère que c'est un
problème majeur. C'est un des endroits où, je pense, la
juridiction du Québec est tellement claire qu'elle ne devrait même
pas souffrir d'être bousculée par le fédéral.
Relativement à la cour des petites créances, M. le
ministre, l'année dernière, vous nous aviez mentionné,
lors de l'étude des crédits, qu'en 1973, 84,421 cas avaient
été réglés pour une somme totale de $10,396,000.
Est-ce qu'il y a moyen de faire le parallèle à ces chiffres pour
l'année 1974?
J'ai l'intention également de vous poser les deux questions de
statistiques ensemble. Egalement, en 1973, vous mentionniez que le délai
entre l'ouverture du dossier et le jugement ou le règlement se situait
en moyenne à 53 jours. Alors, vous pourriez peut-être faire le
parallèle également sur cet aspect statistique de la cour des
petites créances. Finalement, je vois dans votre livre blanc de la
justice, à la page 231, une recommandation je suis bien fier de
vous dire que je vous avais demandé cela dès l'adoption de la loi
des petites créances voulant que "la compétence en
matière de petites créances soit augmentée
parallèlement à l'évolution du coût de la vie et
tienne toujours compte du rapport entre les frais d'avocat et le montant en
jeu." Concernant ce dernier aspect du problème, est-ce que le
ministère a l'intention de légiférer à cet effet au
cours de l'année 1975? Sinon, quelle échéance se
donne-t-il pour ajuster le montant de la juridiction de la cour des petites
créances à l'évolution du coût de la vie?
Tout le monde sait j'en avais fait un argument lors de
l'étude du projet de loi lui-même que les $300 d'origine ne
veulent plus dire $300 dans les faits. Cela mériterait d'être
révisé, sinon de façon régulière, tout au
moins de façon automatique via l'augmentation du coût de la vie.
Je ne sais pas comment on aborde le problème; en tout cas, il faudrait
d'une façon ou de l'autre, que ce pouvoir d'achat de $300, même si
cela ne fait pas plaisir au Barreau, j'imagine, une telle recommandation,
tienne compte du fait qu'on avait dans l'esprit, si vous voulez, lorsqu'on a
adopté la Loi favorisant l'accès à la justice.
M. Choquette: Alors, en 1974, il y a eu 90,197 actions prises
devant le tribunal des petites créances ou, enfin, devant la section de
la cour Provinciale qui a pour mission d'entendre ces causes, pour un montant
total de $11,720,877, soit une moyenne de $131 par cause. De ce total de 90,197
causes, 72,155 ont été réglées en cours
d'année, c'est-à-dire jugées, réglées et
payées au cours de l'année 1974, soit 80% de tous les litiges qui
avaient été engagés. Le délai moyen pour le
règlement, le jugement et le paiement sur ces causes est de 67 jours.
Ceci peut sembler représenter un accroissement des délais par
rapport aux chiffres de l'année précédente, soit 1973, qui
était de 53 jours, me dit-on, mais ce n'est pas tout à fait exact
parce qu'il y a un certain résidu de causes, de 1973, qui se
répercute dans les chiffres de 1974 et qui allonge, d'une certaine
façon, le délai moyen de règlement ou de paiement.
On peut dire que, généralement parlant, le délai
est inférieur à 67 jours. Le délai se rapproche-
rait probablement du délai qui existait en 1973. Parfois, il y a
des causes ou des dossiers malades à cause d'une foule de circonstances.
Cela peut être l'absence d'un ou l'autre des défendeurs ou
demandeurs ou quand une partie, par exemple, abandonne sa poursuite, mais sans
donner d'avertissement.
Alors, nous héritons statistiquement parlant, d'un certain nombre
de défauts de procéder qui datent de l'année
antérieure et qui se répercutent dans le chiffre moyen des
délais, de sorte qu'on peut dire, je pense bien, que les délais
ne se sont pas aggravés d'une façon dramatique.
M. Burns: Vous n'avez pas le chiffre précis, par exemple,
pour les 72,155 causes qui se sont réglées, par rapport au nombre
de 90,197 qui avaient été déposées en 1974?
M. Choquette: C'est au point de vue du délai.
M. Burns: En fait, si je suis votre raisonnement, ce sont ces 20%
de causes non réglées en 1974 qu'on va traîner en 1975 et
qui vont affecter également la durée. Cela se répercute
d'année en année.
M. Choquette: Le délai de 67 jours s'appliquerait
incontestablement aux 72,155 causes, parce que ces 72,155 causes comprendraient
le "backlog" qui vient alourdir le résultat total, en somme.
On me dit qu'en gros les délais demeurent dans les limites tout
à fait conformes à ce qui existait l'année
précédente.
M. Burns: En somme, il n'y aurait pas 80% des causes de 1974 qui
se seraient réglées en 1974. Il y en aurait moins de 80% si je
comprends.
M. Choquette: C'est-à-dire 80% des 90,197 causes.
M. Burns: Et ces 90,197 causes comprennent, je présume,
des causes qui traînent depuis 1973.
M. Choquette: Dans l'état actuel de nos statistiques, on
ne peut pas tracer une ligne de partage étanche entre chaque
année judiciaire, chaque année de calendrier, de sorte qu'il est
exact que nous avons enregistré 90,197 nouveaux brefs en 1974. Mais les
72,155 causes ont effectivement été réglées en
1974, et ceci comprend probablement un nombre X, un pourcentage indéfini
de causes ou de brefs qui avaient été enregistrés durant
l'année 1973.
En fait, pour le moment, il n'est pas possible de donner une
réponse absolument précise à votre question,
excepté que de dire que les délais ne se sont pas
allongés, ordinairement, par rapport à 1973, et que si une cause
est menée normalement, elle devrait être entendue, jugée ou
réglée, suivant le consentement des parties, et devrait donc
être traitée judiciairement dans des délais qui
s'approchent tout probablement du délai précédemment
constaté en 1973, soit 53 jours environ, ou deux mois, ce qui est un
délai raisonnable.
Peut-être qu'avec le perfectionnement de notre système
statistique on pourra donner des réponses plus précises
l'année prochaine quant à l'origine des causes qui ont
été réglées en 1975. Viennent-elles de 1973?
Viennent-elles, pour une part, de 1974? Viennent-elles, pour une autre part, de
1975? Pour le moment, je ne peux pas répondre.
Le député m'a demandé aussi s'il était
prévu que nous augmenterions le montant de $300 s'appliquant aux causes
mues en vertu de la Loi favorisant l'accès à la justice. Je puis
lui dire qu'à l'heure actuelle une décision doit se prendre sur
ce sujet par le gouvernement.
Je ne suis pas libre de le dire parce qu'elle n'est pas prise d'une
manière définitive. Mais nous avons examiné et fait des
recommandations au gouvernement relativement au niveau actuel s'appliquant en
matière de petites créances et je pense que la décision
sera connue incessamment.
M. Burns: En admettant que votre recommandation qui
apparaît au livre blanc d'augmenter parallèlement la juridiction
eu égard à l'augmentation du coût de la vie, en admettant
que le gouvernement prenne une décision favorable à cette
recommandation, est-ce que ce serait l'intention du ministre de la Justice de
légiférer en cette matière dans le cours de la
présente session, ou tout au moins à l'automne?
M. Choquette: A l'heure actuelle, nous avons
préparé des amendements au code de procédure civile. Si
une décision doit être prise en rapport avec la révision du
plafond actuel pour les petites créances, cette décision sera
incorporée dans nos amendements au code de procédure civile. Il
est prévu que nous ferions adopter nos amendements au code de
procédure civile avant l'ajournement des travaux, cet
été.
M. Burns: D'accord.
Le Président (M. Lafrance): L'honorable
député de Beauce-Nord.
M. Sylvain: Puisqu'on a parlé de la Loi des petites
créances, comme je l'avais dit plus tôt, j'espère que cette
intervention se fera avec le plus de justesse possible. Je n'ai pas eu
moi-même à travailler dans des causes où étaient
impliqués, à la fois, des montants qui dépassaient
l'accès aux petites créances mais où il y avait des
jugements qui intervenaient aussi à la cour des petites créances.
On m'a dit qu'il existait, entre certaines compagnies d'assurance au
Québec, une entente tacite et verbale selon laquelle les compagnies
d'assurance impliquées dans des accidents d'automobiles acceptaient le
jugement du juge de la cour des petites créances dans un partage de
responsabilités. Tout ceci avait comme conséquence de
régler des causes de l'ordre de $5,000, $7,000, $8,000 ou $10,000. De
fait, cela voulait dire que celui qui peut être assuré pour ses
dommages matériels avec un déductible de $250 est poussé,
ou par l'expert d'assurance ou par la compagnie d'assu-
rance, à aller lui-même présenter sa demande
à la cour des petites créances. Effectivement, on se fiera
à ce jugement comme partage des responsabilités dans toutes les
autres causes et on réglera en conséquence de ce jugement.
J'aimerais attirer l'attention du ministre là-dessus, parce que
cela m'intrigue un petit peu. Je sais le nombre de causes devant les cours des
petites créances, la manière expéditive d'entendre les
causes et aussi les jugements de la cour des petites créances, qui ne
sont pas fort élaborés. Il faut peut-être reconnaître
aussi que la cour des petites créances est une cour souvent
d'équité et non pas de justice comme devant les cours civiles.
C'est simplement une interrogation que je me pose, à savoir si celui qui
se verrait battu devant les petites créances avec sa réclamation
de $250 ne serait pas, par le fait même, découragé
d'entreprendre la réclamation d'un montant, qui peut-être fort
important, devant la cour Supérieure.
M. Choquette: Pour moi, ce n'est pas nécessairement
critiquable que les choses se passent de cette façon. Je ne pense pas
qu'on puisse en tirer un motif négatif à l'égard du
système des petites créances car le député sait
qu'il n'y a pas autorité de la chose jugée entre le jugement qui
est rendu par un juge aux petites créances et tous les autres litiges
qui peuvent découler de la même cause d'action.
Si le député, par exemple, avait un accident très
grave en venant de son comté vers le parlement et que son adversaire ait
simplement des dommages matériels de moins de $300, si l'adversaire du
député de Beauce-Nord voulait le poursuivre devant la cour des
petites créances et prendre un jugement contre lui pour ses dommages ou
une partie de ses dommages, le jugement rendu au tribunal des petites
créances n'aura pas effet de la chose jugée, ne sera pas res
judicata pour autant que les blessures subies par le député sont
concernées, c'est-à-dire dans une action qu'il voudrait porter en
sens inverse contre l'autre partie impliquée dans l'accident.
Cependant, il se peut très bien qu'après l'audition de la
cause, au tribunal des petites créances, d'un commun accord on trouve
que le jugement du juge était bien fondé en partageant,
admettons, la responsabilité également entre les deux parties
impliquées dans l'accident. Il n'y a rien qui dise, dans notre
système, que les jugements rendus par la cour Provinciale
siégeant en matière de petites créances soient de mauvais
jugements. Au contraire, je serais plutôt alerté si les jugements,
rendus en vertu de la Loi favorisant l'accès à la justice,
étaient contestés devant la cour Supérieure ou devant la
cour Provinciale siégeant en division ordinaire et si on trouvait des
jugements contradictoires nombreux entre l'adjudication faite par le juge de la
cour Provinciale dans une instance en vertu de la loi favorisant l'accès
à la justice et une instance ordinaire.
Moi, je dirais ceci: Nous avons pris la précaution de dire qu'il
n'y avait pas chose jugée justement parce que nous nous disions que les
parties ne seront pas représentées par un avocat, peut-
être qu'il manquera des témoins, peut-être que le juge
n'aura pas le bénéfice d'un procès en bonne et due forme
pour l'éclairer sur le niveau de responsabilité de l'une ou de
l'autre personne impliquée dans un accident. Nous nous disions que
c'étaient là des facteurs négatifs dont il fallait tenir
compte et qui, en somme, militaient contre l'effet de la chose jugée ou
de la res judicata à l'égard de tous autres litiges.
Donc, je dirais au député que ce n'est pas
nécessairement critiquable que les parties acceptent, de part et
d'autre, le résultat auquel le juge, siégeant en petites
créances, est arrivé. C'est simplement de la jurisprudence,
à ce moment-là, c'est simplement un arrêt rapporté
dans les rapports judiciaires et qui dit que quand, par exemple, un
automobiliste en tamponne un autre à l'arrière, il est au moins
50% responsable parce que lui pouvait surveiller ce qui se passait en avant,
tandis que celui qui était en avant ne pouvait pas surveiller ce qui se
passait en arrière. Tout le monde connaît ces principes qui
s'appliquent généralement en matière de
responsabilité civile. Ils sont exposés dans un certain nombre
d'arrêts.
Quand on a un jugement, en matière de petites créances,
qui vous dit cela, il ne fait pas autre chose que vous dire quelle est la
jurisprudence. Il l'applique peut-être à une instance
particulière mais cela n'empêcherait pas un juge de la cour
Supérieure, saisi d'un litige plus étendu, ayant entendu la
police et ayant entendu tous les témoins, ayant entendu l'argumentation
des avocats sur l'état de la jurisprudence, de dire: Moi, je ne partage
pas l'avis du juge qui siégeait aux petites créances, qui a
départagé la responsabilité 50-50; j'en arrive à la
conclusion que l'automobiliste qui a tamponné et qui venait de
l'arrière doit au moins, dans le cas actuel, assumer 75% de la
responsabilité et celui qui était en avant doit en supporter 25%
parce qu'il a fait un arrêt brusque, sans donner d'avertissement avant de
faire son arrêt. Donc, je crois qu'il faut lui donner 25% de la
responsabilité.
Je crois que l'intérêt du système judiciaire, dans
son ensemble, n'est pas de favoriser les litiges qui vont être
plaidés en cour, c'est justement de permettre qu'ils se règlent
avant d'arriver en cour. Dans cette optique, même si ça n'est
peut-être pas tout à fait conforme aux intérêts des
avocats, en somme, c'est bien favorable à une administration de la
justice qui fait en sorte que les litiges sont vidés par le
règlement et la négociation plutôt que par un jugement.
M. Sylvain: Le principe que le jugement du juge de la cour des
petites créances ne tienne pas de la force de la chose jugée est
admis et reconnu. Peut-être que si je causais un accident et étais
poursuivi par mon adversaire qui, lui, n'a pas plus de $300, malgré le
jugement et selon le mien, je n'hésiterais pas à réclamer
devant un autre tribunal.
Mais on n'a pas pris le même exemple. Je parle de celui qui aurait
subi $10,000 ou $5,000 de dommages matériels et blessures corporelles,
qui irait présenter sa réclamation de $250 devant la
cour des petites créances. S'il avait un jugement
défavorable, étant donné que Jos Bleau de la rue a
déjà un jugement qui ne le favorise pas, il va hésiter
énormément à retourner devant un autre juge, de telle
sorte qu'il dit: Un juge s'est déjà prononcé, je ne crois
absolument pas qu'un autre juge puisse se prononcer contre. C'est parce qu'au
départ les jugements des cours de petites créances, à mon
sens, ont été plus contestés par les compagnies
d'assurance.
Maintenant, économiquement, je les comprends, les compagnies
d'assurance, c'est-à-dire qu'une fois, elles auront un jugement contre
elles qu'elles vont contester ou non, puis, l'autre fois, elles vont avoir un
jugement en leur faveur, alors que la compagnie se sentait perdue dans la
cause. Disons que cela peut faire un équilibre entre les compagnies
d'assurance. La compagnie d'assurance du gars se fie sur ce jugement. D'une
part, le juge s'est prononcé contre sur les $250 et, d'autre part sa
compagnie d'assurance, se fiant sur le jugement, va payer les dommages de
l'autre partie. Au point de vue de la crédibilité, lui, je me
mets dans sa peau, il doit être très mal pris à penser
qu'il pourrait avoir raison devant un autre tribunal ou devant la cour
Supérieure si le montant est assez haut.
Ce à quoi je veux en venir précisément, pour ne pas
trop m'éterniser sur le sujet, c'est que j'ai regardé fonctionner
les cours de petites créances. Sans vouloir jeter la pierre aux juges
des cours de petites créances, quand on entend une douzaine, une
quinzaine ou peut-être, comme je l'ai vu aussi, seize causes dans une
même journée, il faudrait peut-être, pour un juge,
s'informer de la portée que peut avoir son jugement sur les causes en
général ou sur les dommages en général. Prenez un
cas où il y a trois accidents, par exemple, il y a trois
accidentés ou trois parties. Cela semble être aussi
expéditif dans la recherche, d'une partie ou de l'autre qu'une cause
où, à un moment donné, le gars va avoir coupé les
foins chez le cultivateur voisin, puis où il y a une entente et qu'on ne
sait pas trop s'il doit payer $75 ou $100. Cela semble être aussi
expéditif et le jugement, dans ce cas, n'est pas élaboré.
Il y a une ligne qui dit au gars qui reçoit le jugement: Voilà,
il est démontré que vous alliez trop vite, vous êtes
responsable.
M. Burns: Selon la pratique des juges des cours des petites
créances, ils tentent de trouver une solution à l'amiable. Ils
tentent véritablement de faire de la conciliation, du moins dans le
district judiciaire de Montréal; je ne connais pas les autres districts.
Effectivement, au moment de cette tentative de conciliation, il est facile pour
eux de prendre connaissance du fait qu'il y a peut-être un autre litige
plus important qui peut être relié à cela. Il me semble que
c'est quasi automatique.
M. Sylvain: II y a tout un phénomène
là-dessus. Par exemple, celui à qui on va dire: Va
réclamer tes $250, puis on le prépare de telle sorte, par
l'expert, par la compagnie d'assurance, par les avocats de la compagnie
d'assurance, qu'il puisse obtenir son jugement... Je trouve que les compa-
gnies d'assurance en profitent dans le contexte où, à un moment
donné, elles font l'entente qu'elles vont accepter les jugements de la
cour des petites créances, sans aller devant les tribunaux civils,
devant la cour Supérieure. Je trouve que le système des petites
créances, non pas que je sois contre, sert énormément aux
compagnies d'assurance. Il y a des causes qui ne sont pas devant les tribunaux
et qui pourraient être débattues plus à fond. On sait que,
souvent, c'est une question d'équité et, je ne sais pas, il y a
une espèce de biaisage dans le système, à la cour des
petites créances, comme il n'y a aucuns frais à payer, comme on
peut préparer une partie mieux que l'autre, souvent le jugement qui va
servir là vient empêcher réellement une audition d'une
cause devant la cour Supérieure, qui pourrait apporter beaucoup de faits
nouveaux et qui pourrait se plaider selon le système de droit
commun.
M. Choquette: Je comprends à moitié le
député de Beauce-Nord. Vous dites que les compagnies d'assurance
vont se fonder sur la jurisprudence de la cour des petites créances pour
régler entre elles.
Or, admettons que vous avez une cause où une des parties à
l'accident a des dommages de $250. Elle est libre de prendre son action devant
le tribunal des petites créances. On sait qu'il n'y a pas chose
jugée.
L'autre partie peut avoir des dommages beaucoup plus
considérables, par exemple de $5,000. Elle serait libre de prendre une
action en cour Supérieure.
Est-ce que vous dites que, parce qu'il y a eu un jugement de rendu au
tribunal des petites créances, si la responsabilité a
été partagée, disons 50%-50%, par le jugement du tribunal
des petites créances, la compagnie d'assurance de celui qui a subi le
plus de dommages, ou plutôt la compagnie d'assurance du défendeur
dans la plus grosse cause va dire: Nous, nous sommes prêts à payer
50%, conformément au jugement du tribunal des petites créances?
Est-ce ça?
Oui, mais rien n'empêche l'avocat qui représente la partie
qui a subi les $5,000 de dommages de dire à son client: On est au moins
assuré d'avoir 50% puisque le juge de la cour des petites
créances a donné 50% de responsabilité. Alors, prenons une
action en cour Supérieure et allons jusqu'au bout.
M. Sylvain: Mais mettez-vous dans le cas de celui, par exemple,
qui est poursuivi pour $250 et qui a lui-même subi pour $4,000 de
dommages. La cour des petites créances donne raison à celui qui
poursuit pour les $250. De fait, suite à ce jugement, la compagnie du
bonhomme qui a subi $4,000 de dommages suit le jugement. Elle, elle paie. Il y
a déjà un juge qui s'est prononcé contre. La compagnie
d'assurance de notre bonhomme, suivant le jugement de la cour des petites
créances pour $250, paie. Alors, Jos Bleau, qui ne connaît pas
trop le système, voit qu'il y a un juge qui s'est prononcé contre
et que sa compagnie d'assurance a payé. Alors, à un moment
donné...
J'ai pu me rendre compte qu'en matière d'accidents d'automobile
particulièrement, là-dessus... C'est pour cela que je dis que mon
intervention...
M. Choquette: C'est peut-être une mauvaise cause.
M. Sylvain: Peut-être et peut-être pas non plus.
C'est parce que, à un moment donné, on va examiner la question...
Je trouve que faire une audition sur une cause qui peut impliquer de telles
sommes, cela peut être assez expéditif. Je ne sais pas si vous
admettez que certaines causes ou beaucoup de causes sont des causes
jugées selon l'équité, à la cour des petites
créances.
On comprendra facilement qu'en n'ayant pas la présence d'avocats,
il est tout a fait normal qu'il y ait des jugements qui paraissent "la grosse
logique", etc., sans qu'on ait d'argument de droit. Je trouve qu'on se sert
énormément de la cour des petites créances.
Je veux peut-être avoir plus votre opinion là-dessus que
contester la cour des petites créances. Mais j'aimerais cela ne
m'a pas été prouvé encore que lorsque la cour des
petites créances entend une cause de moins de $300, qui implique deux ou
trois parties et des sommes assez énormes c'est vrai qu'on dit
que cela n'a pas la force de la chose jugée si entre les
compagnies d'assurance on dit que cela a la force de la chose jugée, on
en vient à un système où il y a peut-être beaucoup
de confusion et où celui qui a perdu à la cour des petites
créances se verra très timide pour poursuivre au niveau d'une
cour de droit commun.
Le Président (M. Lafrance): L'honorable
député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: Le député de Beauce-Nord semble dire
qu'il y a un effort concerté pour qu'on utilise ce moyen de la cour des
petites créances pour causer des pressions sur les demandeurs dans une
cause qui suivrait cette cause-là. Par exemple, il pourrait arriver
qu'il y ait un montant déductible de $250, et l'autre partie, ayant
perdu à la cour des petites créances le montant de $250,
même s'il y a un avocat qui lui dit que ce n'est pas chose jugée,
dans son esprit cela peut causer, psychologiquement, une peur et lui faire
dire: Ecoutez, j'ai perdu cette cause. Je ne suis pas pour m'embarquer encore
et faire d'autres frais d'avocats et attendre deux ans.
Il semble y avoir eu certaines pressions. Maintenant, la philosophie,
telle que vous l'aviez expliquée, de la cour des petites
créances, c'est vraiment pour de petites créances.
Il me semble que ce serait une possibilité que de dire: Si on va
devant la cour des petites créances pour $250, c'est vrai que le montant
est une petite créance. Mais, si cela fait partie d'une police
d'assurance ou d'une réclamation qui peut se chiffrer par $8,000,
$10,000 ou $5,000, ce n'est plus vraiment une petite créance.
Peut-être qu'il serait possible, pour le ministère, de faire une
enquête sur le nombre de telles causes et voir si, vraiment, il y a un
effort concerté pour causer des pressions.
Si le ministère trouve que la cour des petites créances a
été utilisée pour des mauvaises fins, vraiment pour causer
des pressions sur les individus par des compagnies d'assurance ou par d'autres,
peut-être qu'il serait possible, pour le ministère, d'exclure de
la cour des petites créances les montants de $250 ou d'autres montants
qui sont rattachés à une réclamation beaucoup plus
élevée. A ce moment-là, ce n'est plus une question de
petites créances; c'est le début d'une créance plus large.
Le ministère peut trouver, d'après ses enquêtes, que c'est
vrai sur 25 causes, par exemple, de $250, ou de $100, ou de $300
déductibles sur une police d'assurance. Résultant de cela, s'ils
ont vu que, dans la moitié de ces causes, le demandeur n'a pas
procédé parce qu'il avait déjà perdu à la
cour des petites créances, peut-être que cela servirait plus
l'intérêt de la justice, pour le petit créancier, d'exclure
de cette cour des petites créances de telles créances qui sont
rattachées à des réclamations beaucoup plus
élevées.
M. Choquette: On peut regarder le problème. Ou bien qu'il
y ait une procédure d'arrêt des procédures en cour des
petites créances en attendant que ce soit jugé par le tribunal
supérieur dont le jugement va avoir autorité de la force
jugée. Malgré que je n'ai pas regardé ce point, j'ai
fortement l'impression que, si une matière a été
jugée par la cour Supérieure avant qu'une matière qui en
découle soit jugée par le tribunal des petites créances,
le jugement de la cour Supérieure, lui, va avoir autorité de la
chose jugée sur le litige qui n'est pas encore jugé aux petites
créances.
M. Ciaccia: Avec cela, exactement...
M. Choquette: II y a peut-être des questions d'adaptation,
dans ces cas, entre des causes pour des montants plus importants et une
réclamation qui peut être pour un montant de moins de $300.
M. Sylvain: II faudra faire attention, justement, par exemple,
pour ne pas que les compagnies d'assurance retiennent des assurés de
mettre les causes devant la cour Supérieure, par exemple, en disant: Les
petites créances vont procéder.
Je comprends les compagnies d'assurance. Peut-être que cela peut
être bénéfique au niveau des frais des compagnies. Mais la
seule chose que je trouve là-dedans, c'est que le jugement peut avoir
des conséquences assez sévères au niveau des sommes qui
sont mises en jeu. J'aimerais qu'il y ait peut-être une meilleure
audition, une attention plus particulière des juges des cours de petites
créances sur ces jugements ou qu'en droit ou selon les faits on explique
de façon plus valable les jugements.
En tout cas, cela m'avait été noté. Comme je vous
le dis, si j'avais continué ma pratique je serais plus en mesure
d'exposer le problème de façon plus valable.
D'une part, cela a été noté par des juges de la
cour des petites créances et, d'autre part, cela a été
noté par certains individus et aussi par des avocats. Je voudrais que le
ministère essaie de
connaître un peu plus à fond cette entente qui pourrait
exister entre les compagnies d'assurance par rapport aux jugements des petites
créances. C'est ce que je voudrais savoir.
M. Choquette: Très bien. Nous allons regarder le
problème.
Le Président (M. Lafrance): Le député de
Maisonneuve.
Entente avec la ville de Longueuil
M. Burns: M. le Président, j'aurais une question aussi
à poser au ministre de la Justice, je pense que cela terminerait
l'élément 1 en ce qui me concerne, à moins que d'autres
collègues aient des questions à poser, et c'est relativement
à l'entente que le ministère a conclue avec la ville de Longueuil
afin que les matières relevant de la cour municipale de Longueuil soient
confiées à la cour des Sessions de la paix ou, à toutes
fins pratiques, je pense que c'est la cour Provinciale, qu'on l'appelle,
à Longueuil.
J'aimerais d'abord, si c'était possible, obtenir la nature de
cette entente avec la ville de Longueuil et, particulièrement,
j'aimerais savoir quel est le mode de rémunération dans le cas de
la perception par la cour d'amendes pour ces infractions en vertu des
règlements municipaux.
Je me souviens que lors d'un livre blanc précédent qui
remonte, je pense, à trois ans, cette question avait fait l'objet de
certaines remarques eu égard à l'intégration au sein du
ministère de la Justice ou de l'administration de la justice par les
cours qui relèvent du ministère de la Justice des infractions aux
règlements municipaux. Et je me souviens également qu'à
l'occasion de quelques comparutions de municipalités devant la
commission parlementaire de la justice à l'occasion d'un projet de loi
privé, cela semblait être une préoccupation des villes:
Qu'est-ce qu'on ferait avec les amendes? Comment on se répartirait le
coût? J'espère que le ministre pourra me donner une réponse
là-dessus.
D'autre part, d'une façon peut-être plus globale,
j'aimerais savoir de la part du ministre s'il s'agit pour le ministère
d'une première mise en application, si vous voulez, d'une
expérimentation des recommandations du livre blanc sur le regroupement
de toutes les juridictions provinciales dans une seule cour, la cour du
Québec.
M. Choquette: Oui, effectivement, il s'agit d'un projet pilote,
qui s'applique à la ville de Longueuil, à Saint-Hubert et
Greenfield Park, par lequel nous avons assumé, en somme, leur justice
sur le plan municipal par les services d'un juge de la cour Provinciale. Et,
suivant le résultat de cette expérience, nous avons l'intention
de donner suite en annexant ainsi les diverses cours municipales du
Québec et en les regroupant au sein de la future cour du Québec
qui exercera une compétence en matière de justice municipale
comme en matière de droit statutaire, code de la route, comme en
matière de règlements municipaux également.
Pour le moment, nous fonctionnons en vertu d'une entente qui est
intervenue avec les différentes cours municipales. Alors, je n'ai pas
d'objection à déposer le texte de cette entente, je l'aurai avec
moi, cet après-midi, et il est prévu à cette entente un
mode de division du produit des amendes, soit qu'elles soient perçues
avant l'institution d'une action en cour Provinciale dans ces trois
municipalités, soit qu'elles soient perçues après
l'institution d'une poursuite ou d'un jugement et la répartition...
M. Burns: II y a division des deux, même avant qu'une
plainte soit portée.
M. Choquette: Oui. C'est-à-dire qu'il y a un mode de
répartition entre le trésor provincial et la part qui va aux
municipalités concernées. Lorsque j'apporterai les textes, je
pourrai donner des détails plus précis sur la répartition
du produit des amendes.
M. Burns: De toute façon, si vous déposez
l'entente, cela nous suffira.
M. Choquette: C'est cela.
M. Burns: Quant à moi, M. le Président,
l'élément 1 est adopté.
Le Président (M. Lafrance): L'élément 1 du
programme 1 est adopté. Elément 2?
Congédiement d'huissiers
M. Burns: A l'élément 2, j'aimerais soulever un
problème qui peut paraître particulier, mais qui a causé
une certaine perturbation, si mes informations sont exactes, au palais de
justice de Montréal. Il s'agit de la décision du ministère
de congédier une quinzaine d'huissiers audienciers, au grand
déplaisir, j'imagine, des huissiers audienciers eux-mêmes et des
juges de la cour Supérieure que cela affectait. Le ministre peut-il nous
donner des détails sur les suites de cette affaire? Y a-t-il eu un
règlement à la satisfaction de toutes les parties en cause?
M. Choquette: Nous avons rencontré les juges en chef des
diverses cours, qu'il s'agisse de la cour Supérieure, de la cour des
Sessions de la paix, de la cour Provinciale. Finalement, le point de vue du
ministère a été accepté par les juges des diverses
juridictions. Dans certains cas, cela a été une acceptation un
peu amère. Dans d'autres cas, cela a été accepté
comme une mesure de rationalisation administrative nécessaire.
Autrefois, le système qui existait, c'était un huissier
audiencier par juge. Ce huissier audien-cier servait souvent d'homme à
tout faire pour le juge et n'accomplissait pas exclusivement des fonctions
relatives à l'exercice de l'administration de la justice, de sorte que
le ministère encourait
des dépenses assez considérables pour maintenir un tel
système sur pied. Dans l'ensemble du Québec, les frais pour les
huissiers audienciers pour chacun des juges étaient assez
considérables. Nous avons mis sur pied un système de pool
où il y a un certain nombre d'huissiers audienciers qui sont disponibles
pour chacune des cours, dont les juges peuvent faire usage, lorsqu'ils se
présentent en cour, pour aller chercher des volumes aux
bibliothèques à l'occasion de leurs recherches, ou rendre des
services qui sont pertinents à l'administration de la justice, de sorte
que nous avons réduit le personnel total d'huissiers audienciers d'une
certaine proportion.
Depuis que le nouveau système a été mis en vigueur,
nous n'avons pas eu de réaction défavorable, sauf que cela
représente une économie assez importante pour l'administration de
la justice d'avoir réduit les effectifs des huissiers audienciers.
Il faut se rappeler qu'il arrive assez fréquemment que le
ministre de la Justice doit demander à l'Assemblée nationale des
augmentations de traitement pour les juges, augmentations de traitement qui
sont sans doute nécessaires et correspondent à révolution
du coût de la vie ainsi qu'à un bon recrutemment de
magistrats.
Par contre, si nous sommes obligés de prendre des mesures comme
celles-là, il faut aussi appliquer des mesures d'économie
là où cela est nécessaire dans le système. A mon
sens, la réduction des effectifs des huissiers audienciers était
devenue une chose nécessaire à cause du gaspillage que l'ancien
système comportait. Ajoutons aussi, finalement, que dans d'autres
provinces nous nous sommes renseignés il n'existait pas de
tel système qui affectait à chaque juge un huissier audiencier
à son service.
Pour ce qui est des effectifs et de l'organisation actuelle, nous
prévoyons un huissier audiencier par salle d'audience au lieu d'un
huissier audiencier par juge, plus un certain nombre de huissiers qui sont
affectés à faire des messages pour les juges, un huissier
audiencier pour chacun des juges en chef parce que les fonctions
administratives des juges en chef requièrent qu'ils aient quelqu'un
à leur disposition pour faire un tas de choses qui peuvent surgir au
cours de leur administration.
Le résultat donne environ deux huissiers audienciers pour trois
juges. Ceci semble satisfaire les besoins des juges des cours Provinciales.
M. Burns: En somme, M. le ministre, vous alléguez une
mesure d'économie, mais ce n'est que de l'économie de bout de
chandelle quand on sait que le salaire moyen de ces huissiers audienciers est
à peu près l'équivalent du montant de la dernière
augmentation de salaire des juges. Il n'y a pas une disproportion quelque part?
Cela me frappe.
M. Choquette: L'économie, par année,
représente $300,000 et plus.
M. Burns: Tant que cela.
M. Choquette: Oui. Alors, c'était quand même un
montant substantiel. Les huissiers audienciers que nous avons dû
remercier de leurs services, d'abord, ont été choisis parmi les
occasionnels et, deuxièmement, nous leur donnons une priorité au
cas de besoin, de notre part, de services de cette nature, de sorte que nous
allons les réembaucher au fur et à mesure des besoins pour
satisfaire à l'administration de la justice.
Je sais qu'on m'a dit, d'autre part: Ce que vous n'allez pas payer en
salaire, vous allez le payer en bien-être social et on m'a tenu toutes
sortes de points de vue de cet ordre. Les juges m'ont exprimé ce point
de vue au cours de rencontres dans les ascenseurs, mais je ne pense pas que
ceci décrivait réellement la situation. Je pense que lorsque,
dans une administration, on décèle qu'il y a gaspillage, il faut
agir. Je comprends qu'on puisse prendre en considération certains points
de vue dits sociaux.
Je suis parfaitement d'accord, mais encore faut-il appliquer nos
dépenses et nos programmes dits sociaux aux bonnes places et ne pas
faire de programmes sociaux sous le couvert de bonne administration ou sous le
couvert d'administration critiquable. Pour moi, la situation des huissiers
audienciers était devenue assez critiquable.
M. Burns: Est-ce qu'on peut tracer un profil des huissiers
audienciers, à savoir quelle est leur origine, est-ce qu'ils sont des
gens qui ont déjà été dans la fonction publique et
qui seraient rendus à leur retraite? D'autre part, sont-ils permanents
de la fonction publique dans le véritable sens du mot?
M. Choquette: C'étaient généralement des
gens assez âgés et, pour la plupart, des retraités.
M. Burns: De la fonction publique ou d'ailleurs?
Traduction des jugements
M. Choquette: D'ailleurs, des anciens pompiers, des anciens
policiers; des gens qui, d'autre part, avaient des revenus de retraités.
Le député de Maisonneuve, pour avoir fréquenté le
palais de justice de Montréal et les cours de Montréal, sait que
les huissiers audienciers, en général, étaient des
monsieurs qui se situaient à 65 ans, facilement, et plus.
M. Burns: Bon. On a parlé de suspendre à midi et
trente mais il ne me reste que deux questions à poser. Quant à
moi, si possible, je voudrais terminer l'élément 2 du programme
1. Une des questions qu'il me reste à poser au ministre est, je pense,
assez d'actualité. Je vais me référer, par la suite
à quelque chose que j'ai appris ce matin, que je n'ai pas encore
confirmé. C'est relativement à l'article 16 de la fameuse loi 22,
la Loi sur la langue officielle, de douce mémoire quant à
l'été dernier.
Cet article 16, vous savez qu'il stipule que les jugements rendus en
langue anglaise devront être traduits. Récemment, votre
collègue le ministre de
l'Education, qui se faisait poser une question relativement aux
jugements de cour, a mentionné je n'étais pas
présent, on m'a informé qu'il avait communiqué avec
vous relativement à cela. Il fallait, selon lui
évidemment, il ne vous donnait pas des ordres, selon ce qu'il disait
puisqu'il était responsable de l'application de cette loi, voir
à la mise en application de l'article 16. J'apprends, je n'ai pas vu la
nouvelle encore, que par une drôle de coïncidence ce serait
of "all people" comme on dit ce serait M. François-Albert Angers
qui aurait reçu un tel jugement.
C'est une nouvelle qui, apparemment, se trouve dans les journaux, ce
matin.
M. Choquette: II va y avoir une tempête.
M. Burns: J'imagine, et à bon droit. Selon cette
information, M. François-Albert Angers aurait reçu un jugement de
la cour d'Appel sous la signature du juge Owen, totalement en anglais. Donc il
n'aurait pas respecté dans sa forme, à l'endroit du justiciable,
la stipulation de l'article 16.
J'aimerais que le ministre nous dise quelles mesures son
ministère a prises ou entend prendre pour se conformer à cet
article.
M. Choquette: II y a, actuellement, un service qui a
été mis sur pied par le ministère de la Justice, mais avec
le concours du ministère des Communications, et qui prévoit la
nomination d'un certain nombre de traducteurs de jugements. Le service ne
fonctionne pas complètement, à l'heure actuelle; il sera en place
et il pourra fonctionner pleinement à compter du 1er septembre.
Maintenant, il va de soi que le jugement rendu par la cour d'Appel et
qui intéresse M. François-Albert Angers pourra être traduit
par les services de nos traducteurs.
M. Burns: Comment se fait-il que ce service ne soit pas en
vigueur encore, alors que la loi, elle, est en application depuis
déjà un bout de temps? Même, on nous a vendu l'idée,
l'été dernier, que c'était tellement pressé de
mettre en vigueur cette loi, qu'on nous a fait siéger à des
heures absolument indues. On nous a vanté le changement radical que
ferait cette loi dans les moeurs et dans la culture québécoises.
Vous me voyez estomaqué, M. le ministre, de voir qu'un an après,
bientôt un an...
M. Choquette: Le service fonctionne et nous sommes en position de
pouvoir traduire le jugement qui intéresse M. François-Albert
Angers. Cela ne veut pas dire que nous traduisons automatiquement tous les
jugements rendus en langue anglaise, parce qu'il peut très bien se faire
que les justiciables ne réclament pas une telle traduction.
Maintenant, M. Angers n'a qu'à faire la demande et nous lui
donnerons une traduction intégrale du jugement qui
l'intéresse.
M. Burns: Je vais vérifier mais, à première
vue, il semble que la loi prévoit je n'ai pas le texte sous les
yeux une traduction automatique des jugements rendus en langue anglaise.
Je le dis sous toutes réserves. Si je me trompe, je ferai amende
honorable.
M. Choquette: Tout ce que l'article dit, c'est que le ministre de
la Justice doit prendre les mesures nécessaires pour voir à la
traduction des jugements rendus en langue anglaise.
M. Burns: Mais ce qui n'impliquerait pas que le justiciable doive
nécessairement le demander à ce moment-là.
M. Choquette: Oui, mais est-ce que cela vaut la peine, pour
nous...
M. Burns: Parce que moi, je peux fort bien ne pas être
intéressé comme partie dans une cause, mais étant de
langue et de culture française, je peux être
intéressé à prendre connaissance d'un jugement qui
paraît dans tel et tel dossier. Ce sont des dossiers publics, quand
même.
Si je me bute sur un texte de jugement anglais, il me semble que,
à ce moment-là, la loi ne s'applique pas, c'est-à-dire que
je suis lésé dans mes droits, eu égard aux dispositions de
la loi, à moins que la loi dise "lorsque le justiciable le demande".
Mais je doute que cette réserve paraisse à l'article 16.
M. Choquette: Mais je ne crois pas que l'article, dans la loi 22,
soit clair au point qu'il fasse une obligation, au ministre de la Justice, de
traduire tous les jugements rendus en langue anglaise. Je pense bien qu'on
pourrait soutenir l'interprétation à l'effet que c'est à
la demande des parties ou à la demande des gens qui veulent obtenir
communication du contenu d'un jugement en langue française que le
ministre de la Justice doit avoir un service qui soit à leur disposition
pour leur donner ce service.
A ce point de vue, je ne nierais pas la portée de cet article.
Mais je ne crois pas qu'on puisse aller jusqu'au point d'affirmer,
évidemment quitte à revoir le texte précis, que c'est une
obligation qui a été faite au ministre de la Justice de traduire
tous les jugements, quels qu'ils soient, rendus en langue anglaise.
M. Burns: Si je me rappelle bien, on était beaucoup plus
spécifique dans les cas où on parle de conventions collectives,
c'est-à-dire qu'on met comment dirais-je le palliatif
lorsque le syndicat exige que ce soit en français ou, vice versa, exige
que ce soit en anglais. Là, il peut y avoir une traduction mais je pense
que dans le cas de l'article qui s'applique au ministère de la
Justice... En tout cas, on y reviendra sous réserve de la
vérification du texte mais il me semble qu'il était beaucoup
moins spécifique...
M. Choquette: D'accord.
M. Burns: ... ce qui me laisserait croire que l'obligation est
générale.
M. Choquette: D'accord. Alors, vérifions le texte. Pour ce
qui est du cas de M. Angers, comme pour tout autre justiciable, II n'a
qu'à faire la demande et nous allons lui donner une copie traduite du
jugement rendu par la cour d'Appel.
M. Burns: Bon. Alors, j'ai une dernière question... Non,
effectivement, j'aurais dû poser cette question à
l'élément 1 mais j'Imagine que le ministre n'a pas
d'objection.
C'est la Commission des services juridiques qui recommandait, dans son
dernier rapport, la création de deux nouveaux districts judiciaires,
à Laval et à Longueuil.
J'aimerais tout simplement connaître les intentions du
ministère à ce sujet parce que comme le ministre le sait fort
bien, il y a de plus en plus d'activités extracentriques ou excentriques
à ces deux pôles qui s'appellent Longueuil et les environs.
Le ministre a déjà parlé du problème des
cours municipales, mais d'un nouveau district judiciaire comme tel, le ministre
n'a pas parlé. Il y a également Laval, qui est une ville qui se
développe de plus en plus et qui attire autour d'elle tous les autres
pôles des environs, Sainte-Rose, etc., qui, maintenant, font à
toutes fins pratiques partie de la zone économique de Laval. Pour ces
gens en tout cas les gens de Laval traverser complètement
la ville de Montréal, est quelque chose d'assez imposant, surtout quand
on sait que les cours siègent habituellement aux heures de pointe, le
matin, et se terminent aux heures de pointe, en fin d'après-midi.
M. Choquette: Oui. Je crois bien qu'on peut dire que la
suggestion de la commission des services juridiques est bien fondée. Il
ne fait aucun doute que le district judiciaire de Montréal devient
démesuré par sa grosseur. Il ne fait pas de doute que la
population a augmenté énormément sur la rive sud de
Montréal et qu'elle a augmenté également beaucoup à
Laval. On peut facilement prévoir que, d'ici quelques années, il
nous faudra créer des districts judiciaires additionnels pour venir
libérer Montréal et donner un service complet aux justiciables,
autant de Laval que de la rive sud.
D'ailleurs, dans le livre blanc, dans le but de permettre une
opération plus flexible dans ce domaine, nous avons fait une proposition
voulant que les districts judiciaires puissent être modifiés par
arrêté en conseil plutôt que par législation. Nous
avons l'intention d'incorporer ce genre de recommandation dans les textes
législatifs qui découleront du livre blanc, de façon
à donner un service adéquat aux justiciables.
On me dit aussi que la création de districts judiciaires pour
Longueuil et pour Laval est prévue au budget 1976/77. Des programmes
sont en train d'être préparés en vue de l'instauration de
districts judiciaires dans ces régions.
Ce sont des choses qui devraient être présentées ou
être prévues lors de l'étude des crédits
budgétaires pour 1976/77 et réalisées dans les
années qui suivront.
M. Burns: C'est-à-dire qu'on peut envisager le
début de cette opération Longueuil et Laval pour les
années 1976/77...
M. Choquette: C'est exact.
M. Burns: ... mais non pas la réalisation pour ces
années-là.
M. Choquette: Non pas, peut-être, la réalisation
immédiate. Cela pourra peut-être prendre quelque temps par la
suite.
M. Burns: D'accord. M. le Président...
Le Président (M. Lafrance): Elément 2,
adopté?
M. Burns: Adopté.
Le Président (M. Lafrance): Programme 1,
adopté?
M. Burns: Adopté.
Le Président (M. Lafrance): Alors, la commission de la
justice ajourne ses travaux...
M. Choquette: Pour le moment de la reprise des travaux de la
commission, le député de Maisonneuve m'a fait une demande
implicite enfin je l'ai prise comme une demande implicite de ne
pas siéger cet après-midi étant donné que la
commission du travail va entendre des représentations sur le rapport de
la commission Cliche. Je comprends très bien l'intérêt du
député de Maisonneuve ainsi que l'intérêt d'autres
députés d'assister aux auditions de cette commission
parlementaire du travail. Je n'ai aucune espèce d'objection à
ajourner les travaux de la commission de la justice pour le moment.
Maintenant, est-ce que je pourrais demander au député
quand on pourrait entrevoir la reprise des travaux de la commission de la
justice?
M. Burns: Je ne veux pas non plus induire le ministre en erreur.
Il est possible que le leader du gouvernement tienne à faire
siéger quand même la commission de la justice cet
après-midi, de sorte que je ne veux pas lui barrer les pieds avec une
entente à laquelle il ne participerait pas. Advenant le fait que le
leader du gouvernement et que le ministre de la Justice soient d'accord et
veuillent faire siéger la commission de la justice cet
après-midi, mon collègue de Chicoutimi a déjà
prévu qu'il viendrait me remplacer, dans le but de ne pas retarder les
travaux de la commission de la justice.
Advenant l'autre solution, c'est-à-dire celle que mentionnait le
ministre de la Justice, que l'on ajourne cet après-midi, je pense qu'on
pourrait facilement reprendre les travaux ce soir à la commission de la
justice. Je ne m'attends pas, sauf une surprise de dernière minute, que
la séance de la commission du travail et de la main-
d'oeuvre relativement à la commission Cliche soit autre chose
qu'un travail préliminaire, une espèce de discussion entre les
parlementaires sur la procédure à suivre relativement à
l'étude du rapport de la commission Cliche. Si c'était le
contraire, à ce moment, je maintiens l'offre de continuer ce soir quitte
à ce que mon collègue de Chicoutimi me remplace.
M. Choquette: Alors, nous pourrons en parler au leader du
gouvernement et on sera fixé vers quatre heures cet après-midi
suivant les conversations qui auront lieu avec lui et les décisions
qu'il prendra.
M. Burns: D'accord.
Le Président (M. Lafrance): De toute façon, c'est
la décision des leaders parlementaires. La commission ajourne ses
travaux sine die.
(Fin de la séance à 12 h 37)