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Commission permanente de la justice
Etude des crédits du ministère de la
Justice
Séance du mardi 3 juin 1975
(Onze heures une minute)
M. Lafrance (président de la commission permanente de la
justice): A l'ordre, messieurs! Nous étudions les crédits du
ministère de la Justice pour l'année 1975/76. Nous en
étions au programme 4: Protection de la société, des
citoyens et de leurs biens.
L'honorable député de Chicoutimi.
Protection de la société (suite)
M. Bédard (Chicoutimi): Je vois que notre ministre de la
Justice est arrivé en retard; le principal, c'est qu'il n'écope
pas d'un billet de vitesse. En fin de semaine, le ministre a fait une
déclaration promettant la loi et l'ordre; il se posait des questions
à savoir pourquoi nous avions le championnat des accidents de la route.
Il disait également que l'irrespect de la loi caractérisait,
d'une certaine façon, la situation sociale inquiétante au
Québec. Le ministre de la Justice nous disait qu'il avait
augmenté les effectifs de sécurité. D'autre part, quand on
a attiré l'attention du ministre, la semaine passée, sur le fait
qu'un député avait été arrêté pour
excès de vitesse alors qu'une auto gouvernementale, avec un ministre a
son bord, était passée à 100 milles à l'heure sans
être inquiétée d'aucune façon par les agents de la
sécurité routière, le ministre a semblé prendre
cette situation avec le sourire.
En relation avec la déclaration qu'il a faite en fin de semaine,
où il promet, encore une fois, la loi et l'ordre, est-ce que cette
obligation de respect de la loi pour les uns c'est peut-être
seulement un petit exemple mais il me semble que cela peut caractériser,
pour employer les mêmes mots que le ministre de la Justice une certaine
attitude du gouvernement serait obligatoire et que les autres, de par
leur fonction ou de par leurs responsabilités, pourraient
bénéficier d'une situation qui les placerait, eux, au-dessus de
la loi?
Même si c'est un cas qui peut, à prime abord, sembler
anodin, il me semble qu'il traduit, encore une fois, cette situation sociale
qui fait qu'il y en a qui doivent respecter les lois et d'autres ne doivent pas
les respecter.
M. Choquette: D'abord, je pense que les faits exacts ne sont pas
connus sur cette prétendue infraction au code de la route commis, dit-on
ou a-t-on dit, par un député. Les faits ne sont pas connus
exactement.
M. Bédard (Chicoutimi): C'est le témoignage d'un
député.
M. Choquette: Dans ce sens que, d'abord, c'est sûr que ce
n'était pas un ministre qui était au volant.
M. Bédard (Chicoutimi): Non, j'imagine.
M. Choquette: Le ministre n'est pas nécessairement
chargé de vérifier le compteur de vitesse de la voiture, à
tout moment, pour voir si son chauffeur observe les lois de la circulation. Je
comprends que cela peut être le devoir d'un ministre en
général de voir à ce que son chauffeur se conforme aux
lois, mais le ministre a d'autres préoccupations que d'être un
pion qui surveille son chauffeur à tout moment.
Deuxième chose, est-ce qu'il a été établi
qu'il y avait eu infraction? Les renseignements que je possède, à
l'heure actuelle, sont que le radar sur lequel la vitesse de la voiture du
ministre en question a été enregistrée indiquait une
vitesse de 71 milles à l'heure, la limite étant de 70. Or, la
Sûreté du Québec pour ne pas perdre de cause, pour
donner une certaine marge à l'observance des lois, d'autant plus que le
radar peut comporter certaines imprécisions légères
tolère une marge de quelques milles à l'heure au-delà de
la limite prescrite avant de donner une contravention. Ainsi, les affirmations
du député de Sainte-Anne et les insinuations du
député de Sainte-Anne me paraissent assez douteuses,à
l'égard de ce ministre.
Maintenant, je dirais une chose, le député de Sainte-Anne
est un policier, tout le monde le sait. Deuxièmement, s'il a le sens du
devoir et s'il a été témoin de la commission d'une
infraction, c'est son droit le plus absolu d'aller déposer une
plainte.
M. Bédard (Chicoutimi): Son devoir.
M. Choquette: Bien, enfin, on va le laisser l'interprète
de son devoir. Je ne suis pas pour lui dicter son devoir. Mais je dirais que
c'est son droit, s'il le veut, d'aller déposer une plainte contre le
chauffeur du ministre en question.
Maintenant, j'ai trouvé que les circonstances dans lesquelles la
question a été posée étaient tout à fait
ridicules et que cela ne méritait pas une réponse plus
circonstanciée que celle que j'ai donnée au député
de Sainte-Anne.
Quand les députés commencent à relever des
prétendues infractions au code de la circulation à
l'Assemblée nationale, je trouve que cela fait petit, cela fait mesquin.
Je n'approuve pas le député peut en être sûr
l'inobservance des lois et non plus que du code de la route. Il peut en
être assuré.
Par contre, je pense que, dans cette affaire, il y a de
l'exagération, d'autant plus que je pense que notre policier n'avait pas
le devoir, compte tenu de la preuve qu'il avait devant lui, de porter une
plainte ou de donner un billet au chauffeur du ministre en question.
M. Bédard (Chicoutimi): Remarquez que... M. Choquette:
Enfin, de toute façon, je
conçois qu'il soit raisonnable que le député
s'en-quière. En fait, le député de Chicoutimi, ce n'est
pas lui qui a soulevé...
M. Bédard (Chicoutimi): Je pense que ce qui est important,
ce n'est pas tellement la vitesse, quoi que cela demeure important en termes de
sécurité routière, comme l'exemple que cela donne, surtout
lorsqu'on se réfère à toutes les recommandations de la
commission Gauvin sur la sécurité routière, même les
interventions faites par le ministre de la Justice pour un respect des lois
dans ce sens.
Je pense aussi que, lorsque le ministre me dit que "c'était le
chauffeur qui conduisait", il n'est pas tellement sérieux, je pense,
dans le sens que je ne considère pas ça comme une réponse
très sérieuse. On sait très bien que c'est le chauffeur
qui conduisait. Mais par analogie, à un moment donné, cela peut
donner l'impression de ce qui se passe un peu dans le Québec, par
comparaison... Je comprends que le ministre, qui est sur la banquette
arrière, peut avoir d'autres préoccupations de voir à
être conduit dans le respect des règles de la
sécurité routière.
Par analogie, cela peut donner un peu l'exemple d'un gouvernement qui
est assis sur la banquette arrière mais qui regarde les
règlements violés, à l'avant, sans intervenir. Dans ce
sens, je pense que l'exemple...
Encore une fois, c'est un cas qui peut paraître anodin.
M. Choquette: Oui.
M. Bédard (Chicoutimi): Mais, étant donné
que cela a été dévoilé par le député
de Sainte-Anne, il y a avantage, je crois, que, d'une part, il y ait
enquête, que, d'autre part, le député de Sainte-Anne, s'il
a des gestes à poser, puisqu'il est respectueux de l'ordre, les
pose.
M. Choquette: En plus de cela, c'est un policier. Il
connaît le chemin du palais de justice. Il a juste à aller
déposer une plainte. On va voir si c'est un bon policier.
M. Bédard (Chicoutimi): Est-ce exact que le ministre a
fait enquête dans ce cas?
M. Choquette: Oui, c'est-à-dire que j'ai fait une
enquête sommaire. D'après les renseignements que j'ai obtenus, le
radar n'indiquait pas une contravention à l'égard de laquelle la
Sûreté agit ordinairement, compte tenu de cette
légère marge qu'elle s'accorde pour ne pas appliquer la loi d'une
façon mesquine et, en plus de cela, qui pourrait soulever des
contestations devant les cours.
M. Bédard (Chicoutimi): On se fait souvent répondre
que le ministre a fait une enquête sommaire dans tel cas ou dans tel cas.
Qu'est-ce que le ministre entend par une enquête sommaire? Disons dans ce
cas précis, je comprends que cela ne veut pas dire que le ministre a
communiqué directement avec les officiers concernés, mais est-ce
que le ministre veut dire, à ce moment-là, que de fait et
très clairement, des personnes de son ministère ont
été chargées de contacter...
M. Choquette: Mais j'ai obtenu des renseignements.
M. Bédard (Chicoutimi): ... d'une part, le
député de Sainte-Anne et les policiers qui pouvaient être
concernés?
M. Choquette: J'ai obtenu des renseignements à cet effet.
Si le député veut que je lui donne cela avec plus de certitude,
je vais...
M. Bédard (Chicoutimi): J'aimerais.
M. Choquette: ...faire vérifier ces faits que je viens
d'affirmer ce matin.
M. Bédard (Chicoutimi): D'accord.
M. Choquette: Mais je trouve que tout le...
M. Bédard (Chicoutimi): Mais vous avez affirmé
qu'il y avait une enquête sommaire.
M. Choquette: Oui, oui.
M. Bédard (Chicoutimi): J'imagine qu'elle a
été faite.
M. Choquette: Oui, oui. Sommaire.
M. Bédard (Chicoutimi): Au niveau de ce programme, M. le
Président, il y aurait également un sujet sur lequel je voudrais
attirer l'attention du ministre et avoir ses commentaires. C'est la commission
de la réforme policière de l'Eglise de Scientologie de
Québec qui, je crois, a fait parvenir un mémoire au ministre de
la Justice soulevant le cas de l'accession trop facile des services de
l'Interpol aux dossiers judiciaires, d'une part, et surtout aux renseignements
sur des personnes qui n'ont pas de dossier judiciaire, dans le sens qu'elles
n'ont pas été comdamnées, mais qu'elles peuvent être
soupçonnées d'avoir commis un méfait ou de vouloir en
commettre un.
A ce moment-là, l'Eglise de Scientologie de Québec
laissait entendre qu'il n'y avait aucune mesure corrective prévue afin
de corriger toute fausse information qui pouvait être contenue dans un
dossier qui était remis à l'Interpol et qui faisait état
non pas des condamnations mais des soupçons gui pouvaient peser sur
certains individus. A cet effet, elle prétendait, je crois à
juste titre, que c'était une menace, d'une certaine façon, aux
droits civils de tous les citoyens québécois qui ont le droit de
savoir ce qu'il y a dans leur dossier.
M. Choquette: Oui, j'ai reçu une lettre à cet
effet, il y a quelques instants. Par conséquent, je n'ai pas eu le temps
de l'étudier dans ses moindres détails.
M. Bédard (Chicoutimi): Sur l'aspect du principe?
M. Choquette: Ce que je pourrais répondre, d'une
façon préliminaire, au député de Chicoutimi, c'est
que la Sûreté du Québec ne participe pas à
l'Interpol. C'est la Gendarmerie royale du Canada qui fait partie de cet
organisme international de renseignement. Je ne pense pas que la
Sûreté du Québec puisse être impliquée.
M. Bédard (Chicoutimi): Mais des relations existent
régulièrement entre la Gendarmerie royale et la
Sûreté du Québec. J'imagine que, concernant certains
individus, il y a un échange de dossiers, que la Sûreté du
Québec produit à la Gendarmerie royale des dossiers sur les
agissements de certains individus, non seulement ceux qui ont été
condamnés, mais également ceux qui peuvent être
soupçonnés de mettre en danger la sécurité de
l'Etat.
M. Choquette: M. Tellier, le directeur général
adjoint de la Sûreté du Québec, est ici présent et
il m'informe que la Sûreté du Québec n'a pas de
communications avec l'Interpol. En fait, c'est la GRC, qui ne dépend pas
de mon autorité, qui serait l'organisme policier susceptible de
communiquer, à l'occasion, des renseignements à l'Interpol ou
d'en recevoir. Je pense que le mémoire auquel vous faites allusion, et
que j'ai reçu, devrait plutôt être dirigé vers les
autorités fédérales.
M. Bédard (Chicoutimi): Je pense que le ministre ne
comprend pas ma question. Même si c'est la Gendarmerie royale qui
communique avec l'Interpol, le ministre vient de me dire qu'étant
donné les relations normales qui doivent exister entre la Gendarmerie
royale et la Sûreté du Québec, il arrive continuellement
que la Sûreté du Québec entre en contact avec la
Gendarmerie royale.
La Sûreté du Québec communique à la
Gendarmerie royale les informations sur des invidivus qui peuvent être
soupçonnés, non seulement qui ont été
condamnés, mais qui peuvent simplement faire l'objet de soupçons
ou de surveillance de la part de la Sûreté du Québec. Et
une fois que ces informations le ministre l'admettra avec moi ont
été communiquées par la Sûreté du
Québec à la Gendarmerie royale, la Gendarmerie royale peut en
faire l'usage qu'elle veut. Est-ce qu'au moins, dans l'esprit du ministre, la
Sûreté du Québec exprime ses réticences à la
Gendarmerie royale, à l'effet de ne pas communiquer ces renseignements
surtout quand il s'agit de gens simplement soupçonnés?
M. Choquette: Quels renseignements?
M. Bédard (Chicoutimi): Est-ce que le ministre veut me
dire là... Je comprends que le ministre n'a pas l'air de vouloir
répondre.
M. Choquette: Oui, je veux répondre, mais je veux vous
faire préciser votre question.
M. Bédard (Chicoutimi): Les renseignements que vous donnez
à la Gendarmerie royale, sur des personnes qui sont
soupçonnées de vouloir commettre un acte criminel, qui sont
soupçonnées d'en avoir commis, mais qui n'ont pas
été accusées et qui n'ont pas été
condamnées.
M. Choquette: Avant d'avoir la preuve que quelqu'un a commis un
crime, on commence par avoir des soupçons. Donc, les corps de police
peuvent se communiquer leurs soupçons.
M. Bédard (Chicoutimi): D'accord, mais c'est justement ce
que je vous demande. Les soupçons sur des individus que vous communiquez
à la Gendarmerie royale, est-ce qu'il y a des indications ou une
réglementation sévère je ne sais pas l'attitude du
ministre, moi voulant que pour les gens qui ne sont que
soupçonnés, les citoyens du Québec qui ne sont l'objet que
de soupçons, la Gendarmerie royale ne communique pas ces renseignements
à l'Interpol? Est-ce qu'il y a une sorte d'embargo de la part de la
Sûreté du Québec?
M. Choquette: Mais comment pourrait-on limiter la communication
de renseignements exclusivement au cas de situations ou de gens où on a
une preuve absolue ou encore où on a eu une condamnation? Ce serait la
négation de tout travail policier.
M. Bédard (Chicoutimi): Bien non!
M. Choquette: Bien oui.
M. Bédard (Chicoutimi): II s'agit de le vouloir.
M. Choquette: Ce n'est pas juste une question de vouloir, c'est
une question logique. Comment pourrait-on, avant d'être arrivé
à accumuler toute une preuve à l'égard de la commission
d'un crime, ne pas communiquer antérieurement à ce stade? On ne
pourrait jamais se rendre au stade que vous mentionnez.
M. Bédard (Chicoutimi): Je vous pose mes questions en
fonction de la Gendarmerie royale qui donne des renseignements à
l'Interpol. Est-ce que je dois comprendre que le ministre de la Justice,
lorsqu'il fait parvenir des rapports sur des personnes, sur des citoyens
québécois à la Gendarmerie royale, mais des rapports qui
font état seulement de soupçons ou encore qui relatent, non pas
des condamnations, mais des soupçons sur des personnes, est-ce qu'il
exige de la Gendarmerie royale que cela reste confidentiel entre les deux corps
policiers? Ou encore, le ministre de la Justice trouve-t-il que c'est normal
que la Gendarmerie royale puisse communiquer à l'Interpol tous les
renseignements qu'elle obtient de la Sûreté du Québec, sur
les personnes qui sont soupçonnées et non condamnées dans
le Québec?
M. Choquette: Je ne voudrais pas exprimer des règles
générales là où il n'y a pas lieu d'exprimer de
grands principes et des règles générales.
M. Bédard (Chicoutimi): II y en a un là, un grand
principe, le droit civil d'un citoyen...
M. Choquette: Le droit de ne pas être
soupçonné?
M. Bédard (Chicoutimi): Bien non! le droit de savoir ce
qu'il a dans son dossier judiciaire.
M. Choquette: Où avez-vous trouvé ce droit? M.
Bédard (Chicoutimi): Bien, voyons.
M. Choquette: Où est-il inscrit, ce droit? J'aimerais
savoir où il est.
M. Bédard (Chicoutimi): II a au moins le droit de savoir
que seulement les soupçons qui peuvent peser sur lui ne font pas l'objet
d'une sorte de pu-blicisation à l'intérieur, non seulement ici. A
l'intérieur du Québec et du Canada, disons que cela peut
s'accepter, mais vis-à-vis d'Interpol...
M. Choquette: Oui...
M. Bédard (Chicoutimi): Est-ce que votre position est que
n'importe quel renseignement peut être communiqué à
Interpol?
M. Choquette: Ceux qui connaissent la GRC savent que la GRC est
très prudente dans sa façon de communiquer des renseignements et
qu'elle n'en communique pas plus qu'il le faut en chaque occasion. Alors, par
conséquent, je n'ai aucune espèce de raison de croire que la GRC
serait négligente dans sa façon, ou dans ses rapports ou
relations avec d'autres organismes policiers, que ce soit l'Interpol, que ce
soit le FBI, que ce soit d'autres corps de police américains.
Je vous donne un exemple qui va vous montrer comment cela peut
fonctionner sur le plan international. Admettons qu'on pense qu'il y a un
réseau de drogue qui passe par le Québec et qu'il s'agit, par
exemple, de transporter des quantités de drogue: de Marseille par
Montréal et de Montréal vers New York, ou cela peut être
des quantités de drogue qui arrivent par le Mexique et qui passent par
les Etats-Unis et qui pourraient s'en venir ici.
Là, il est évident que les corps de police
intéressés travaillent sur ces cas car les activités d'un
tel réseau ou de tels réseaux se situent dans différents
pays à la fois. Alors, il va de soi qu'ils doivent se communiquer des
renseignements et que ces renseignements sont communiqués avant qu'on
ait obtenu une condamnation contre qui que ce soit qui participe à un
tel réseau de drogue.
Dans la phase préliminaire, il s'agit de trouver la preuve. Il
s'agit de voir jusqu'à quel point il peut y avoir eu du trafic de drogue
sur le plan international. Alors, je pense que la règle, en somme, que
le député essaie d'élaborer et de laquelle il part comme
une règle de conduite pour les corps de police, n'est pas une
règle qui s'applique, ni sur le plan pratique, ni ne peut être
justifiée sur le plan théorique.
Les corps de police ont le droit de se communiquer des soupçons,
des éléments de preuve avant qu'il y ait eu condamnation. Cela
fait partie du travail normal de la police.
Evidemment, je comprends que le député pourrait faire des
reproches à l'un ou l'autre de ces corps de police. S'il y avait
négligence dans la façon de traiter ces renseignements, ou ces
éléments de preuve, et si on les laissait, disons, figurer dans
les journaux ou si on en faisait état publiquement alors qu'on n'aurait
pas obtenu de condamnation, à ce moment-là je serais bien
d'accord. Mais tant que le caractère confidentiel de ces renseignements
est suffisamment respecté, je ne vois pas de mal à ce que nous
communiquions ou que la GRC communique avec tous les corps de police du monde
pour échanger des renseignements.
M. Bédard (Chicoutimi): Autrement dit...
M. Choquette: D'ailleurs je suggère au
député de lire un livre. "Day of the jackal", qui va beaucoup
l'intéreser; en français c'est "Chacal". Ou allez au
cinéma voir ce film.
M. Bédard (Chicoutimi): ... "Chacal".
M. Choquette: Peut-être que cela pourrait abréger
les séances de la commission parlementaire de la Justice...
M. Bédard (Chicoutimi): Non, mais...
M. Choquette: ... si le député de Chicoutimi
voulait aller au cinéma voir ce film. Il pourra voir que dans ce
roman...
M. Bédard (Chicoutimi): Faites comme pour le billet de
vitesse, tournez ça au "fun", après cela le...
M. Choquette: Non, non.
M. Bédard (Chicoutimi): ... "fun" va se retourner contre
vous.
M. Choquette: Non, non, non. M. Bédard (Chicoutimi): Non?
M. Choquette: Si le député...
M. Bédard (Chicoutimi): Laissez le cinéma de
côté et discutons...
M. Choquette: Bien non! si le député...
J'essaie...
M. Bédard (Chicoutimi): Vous pourriez aller voir le film
"Les ordres" aussi, où vous avez eu une participation très
active, qui a obtenu le premier prix.
M. Choquette: Mais vous savez quelle a été la
réaction des journalistes français...
M. Bédard (CHicoutimi): Vous auriez dû être
mentionné...
M. Choquette: ... lorsqu'on a tourné "Les ordres".
M. Bédard (Chicoutimi): ... vous auriez dû avoir un
prix...
Le Président (M. Lafrance): A l'ordre! A l'ordre! A
l'ordre, s'il vous plaît!
M. Bédard (Chicoutimi): ... pour la participation que vous
avez eue dans ce film.
Le Président (M. Lafrance): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Choquette: Mais parlant du film "Les ordres", savez-vous
quelle a été la réaction des journalistes français
qui ont vu le film déjà?
Le Président (M. Lafrance): On pourrait peut-être
ajourner pour aller voir ce film et revenir!
M. Choquette: Les journalistes français ont dit: C'est
formidable comme votre police est douce! Pour eux, c'est une
révélation.
M. Bédard (Chicoutimi): Ah! Vous prenez ça... M.
Choquette: Alors, je pense que le film...
M. Bédard (Chicoutimi): ... pour le "fun" aussi!
M. Choquette: Non, non. Le film, en Europe et en France en
particulier, "Les ordres"...
M. Bédard (Chicoutimi): Etes-vous allé le voir?
M. Choquette: ... est plutôt considéré comme
une façon de faire l'éducation de la police française.
M. Bédard (Chicoutimi): Etes-vous allé le voir, le
film "Les ordres"?
M. Choquette: Je ne l'ai pas vu, non.
M. Bédard (Chicoutimi): Ah!
M. Choquette: Je n'ai pas eu le temps.
M. Bédard (Chicoutimi): Vous auriez eu l'occasion de vous
visualiser un peu...
M. Choquette: Non, non.
M. Bédard (Chicoutimi): ... en partie!
Le Président (M. Lafrance): En avez-vous d'autres à
nous suggérer?
M. Choquette: Bien, il y a "Chacal". Dans "Chacal", il s'agit
d'un complot pour assassiner le général de Gaulle.
Alors, là, il y a des éléments de l'OAS qui
retiennent un tueur à gages, qui est en Angleterre, pour venir commettre
l'assassinat et le tueur à gages est obligé d'aller acheter ses
papiers et son équipement en Belgique.
M. Bédard (Chicoutimi): Vous pensez vraiment que c'est
sérieux de continuer sur "Chacal"?
M. Choquette: Non, non, mais je le donne comme une illustration
au député, parce que le député ne voudrait pas que
je lui donne des cas vécus, réels.
M. Bédard (Chicoutimi): Comme, tout à l'heure, j'ai
pris le biais de la vitesse pour vous donner une illustration du gouvernement
assis sur la banquette arrière.
M. Choquette: Non, mais, dans son souci de discrétion, le
député ne voudrait pas que je lui cite des cas réels que
j'ai actuellement ou, enfin, que je pourrais connaître à l'heure
actuelle. C'est pour cela que je lui donne un exemple romancé pour
illustrer le cas.
Apprenant le complot pour assassiner le générai de Gaulle,
les policiers de différents pays, France, Angleterre, Belgique, etc., se
concertent et échangent des renseignements, justement, pour arriver
à déceler le meurtre avant qu'il soit commis.
Le Président (M. Lafrance): Est-ce que c'est au programme
10, cette analyse?
M. Choquette: Non, non mais le député...
M. Bédard (Chicoutimi): Je suis porté à
dire: Vous avez prouvé quoi, là? Vous vous êtes
amusé, mais...
M. Choquette: Non, non. J'ai prouvé que la communication
de renseignements est essentielle.
M. Bédard (Chicoutimi): Ce que je vous demande, ce n'est
pas compliqué. Je pense que vous allez me répondre très
clairement. C'est au sujet des renseignements que donne la Sûreté
du Québec à la Gendarmerie royale.
M. Choquette: Ce sont toujours de bons renseignements.
M. Bédard (Chicoutimi): Sans se prononcer sur la valeur
des renseignements...
M. Choquette: Toujours.
M. Bédard (Chicoutimi): ... est-ce que la politique
générale ou encore l'idée du ministre est qu'une fois la
Gendarmerie royale en possession de ces renseignements obtenus de la
Sûreté du Québec elle peut les utiliser comme elle le veut
et, deuxièmement, est-ce qu'elle peut les communiquer à
l'Interpol, en fait?
M. Choquette: Si nous mettons des embargos, cela limite la
communication des renseignements. Si nous ne mettons pas d'embargos sur la
communication des renseignements, ils peuvent être communiqués
à d'autres, mais avec un certain souci de...
M. Bédard (Chicoutimi): Mais cela ne me donne pas ma
réponse. C'est clair que, s'il y a un embargo, ils ne les communiqueront
pas. Je vous demande s'il peut arriver qu'il y ait embargo.
M. Choquette: II n'y a pas de règle de conduite absolue
dans ce domaine. Tout dépend des circonstances et des cas particuliers.
Il y a des domaines où il existe des embargos sur les renseignements
qu'on communique. En effet, si nous avons des renseignements qui peuvent
être utiles à d'autres, mais, aussi, qui sont très utiles
à nous et qu'il ne faudrait absolument pas que ces renseignements soient
connus, parce qu'on est sur une opération ici, au Québec,
là, on peut placer un embargo sur des renseignements, mais ce n'est pas
toujours le cas.
La difficulté, dans ce problème, c'est de poser des
règles générales qui seraient intangibles et qui
empêcheraient la communication de renseignements. Pour moi, il ne faut
pas s'en prendre au principe ou à la communication de renseignements
comme telle. Au contraire, c'est excellent pour le travail de la police.
D'ailleurs, cela nous a permis de réussir un certain nombre
d'opérations policières, entre autres toutes les affaires de
drogue, qui ont résulté en des condamnations devant les tribunaux
américains. Il s'agissait de travail conjoint entre le FBI, la
Sûreté du Québec, la GRC et divers autres corps de police,
dont les Français. De là est résultée la
condamnation de Frank Co-troni, de Frank Dasti, de Lucien Madère, de
Paul Odo enfin, de toute une série de trafiquants de drogues
internationaux.
M. Bédard (Chicoutimi): Ce que je veux...
M. Choquette: Non, non, mais je donne des exemples précis.
Tout à l'heure, j'ai donné "Chacal". Là, je donne des
exemples réels, vécus, où il y avait inévitablement
communication de renseignements.
Il va de soi que, lorsqu'on est au stade de l'enquête, on
évite par tous les moyens possibles que les renseignements ne soient
dilapidés ou galvaudés car, à ce moment-là, cela
peut empêcher la réussite d'une condamnation devant les tribunaux.
C'est la raison pour laquelle les corps de police sont
généralement extrêmement discrets et s'assurent d'une
manière très très sérieuse que ces renseignements
ne sont connus parfois que dans certains services particuliers de leur corps de
police.
C'est une des réalités du travail de la police que celle
que je décris, mais elle laisse entendre, sûrement, ou elle
comprend l'idée que les renseignements doivent et peuvent être
communiqués.
Le Président (M. Lafrance): Programme 4?
M. Bédard (Chicoutimi): Non. Le Président (M.
Lafrance): Non?
M. Bédard (Chicoutimi): M. le Président, tout le
monde connaît la bataille que fait nous avons eu l'occasion d'en
parler en commission parlementaire le ministre de la Justice concernant
une réclamation, au fédéral, à M. Allmand.
Il s'agit en l'occurrence, des frais que représente la police
provinciale, ici dans le Québec, qui se trouve à remplir des
fonctions de sécurité qui sont remplies par un autre corps
policier, la Gendarmerie royale, dans d'autres provinces.
Je fais simplement ce préambule pour en arriver à un autre
cas de réclamation qui se fonde sur les mêmes principes que ceux
énoncés par le ministre de la Justice vis-à-vis de M.
Allmand, en gros, à savoir la réclamation que fait le maire
La-montagne qui exige, de la part du gouvernement du Québec, une somme
approximative de $3 millions pour le travail que les policiers municipaux ont
à faire pour l'application des lois provinciales. M. Lamontagne
d'ailleurs, le ministre est au courant avait déploré cette
situation qui, d'après lui, était discriminatoire. Il employait
le même terme que le ministre vis-à-vis de M. Allmand. Il
était discriminatoire pour le contribuable de la ville de Québec
non seulement de la ville de Québec, mais on peut transposer cela
à l'échelle du Québec, de toutes les villes du
Québec d'être obligé, indirectement, de contribuer
à ces frais par leurs impôts, alors que, dans le fond, c'est le
gouvernement du Québec qui devrait assumer cette responsabilité
financière.
Qu'est-ce que le ministre pense de la réclamation et des
arguments de M. Lamontagne pour étoffer sa réclamation
vis-à-vis du gouvernement du Québec et quelle attitude entend-il
prendre?
M. Choquette: Pour moi, c'est une pure et simple question
d'argent. Il s'agit de savoir combien d'argent on a à notre disposition,
combien on peut prélever sur les revenus des contribuables et combien on
peut consacrer à aider des corps de police municipaux dans leur travail.
J'ai bien l'impression qu'un jour on verra le gouvernement du Québec
donner un appui financier au moins à certains corps de police
municipaux, entre autres, les corps de police municipaux
régionalisés, tel que c'est le cas pour le service de la police
de la Communauté urbaine de Montréal, ou même d'autres
corps de police municipaux qui, de par leur importance et les problèmes
de criminalité auxquels ils doivent faire face, seraient en droit
d'avoir un appui financier du gouvernement du Québec. Mais c'est
purement et simplement une question pratique pour moi que l'effort financier
que nous pouvons consacrer pour soutenir ces corps de police.
Je ne rejette pas du tout le point de vue exprimé par la ville de
Québec et par son maire. Je dis simplement que la capacité
financière du gouvernement du Québec est le facteur
déterminant dans l'assistance que nous pourrons lui donner dans
l'avenir.
M. Bédard (Chicoutimi): Face à cette demande qui
avait été faite par M. Lamontagne, est-ce que le ministre croit
opportun d'instituer une sorte d'enquête? Pas une enquête royale,
mais une enquête à l'effet de comptabiliser, d'une certaine
façon, ce que pourraient représenter ces charges qui doivent,
à l'heure actuelle, être assumées directement par les
contribuables des municipalités.
M. Choquette: En fait, nous avons étudié la
situation des finances municipales en rapport avec leur corps de police. Une
chose est certaine, c'est que la police représente un
élément très important dans les budgets municipaux. Nous
sommes très conscients du fait qu'à cause de leur l'importance
des dépenses encourues par les services de la police pèsent assez
lourdement sur les contribuables.
Nous étudions, pour l'avenir, des formules d'assistance
financière qui pourraient possiblement être mises en vigueur,
mais, pour le moment, je n'ai pas, le gouvernement n'a pas pris de
décision à cet effet. Le gouvernement n'est engagé
d'aucune façon dans un acquiescement de principe à l'égard
d'un soutien financier à la ville de Québec pour son corps de
police, ou à toute autre municipalité.
Par contre, il faut ajouter que dans le cas de la ville de
Québec, celle-ci reçoit des subventions annuelles assez
importantes qu'elle est libre d'utiliser pour la police ou pour d'autres
services. Car on sait que le gouvernement du Québec donne des
subventions considérables à la Communauté urbaine de
Montréal, pour son service de police, pour le transport en commun; elle
donne des subventions importantes à la ville de Montréal, elle en
donne à la ville de Laval, elle en donne à la ville de
Québec. En fait, elle en donne aux grandes agglomérations qui ont
vu leurs obligations financières augmenter considérablement dans
les dernières années.
Mais pour ce qui est du cas spécifique de la police et d'une
politique de subventions statutaires à l'égard des corps de
police ou de certains corps de police qui, de par leur importance et leurs
fonctions particulières, jouent un rôle important du point de vue
du respect des lois et du maintien de l'ordre public, pour le moment, je ne
suis pas en mesure de dire que nous allons subventionner d'une façon
annuelle et régulière ces corps de police. Malgré que je
pense que cela devra venir et que c'est une chose qui doit être
envisagée très facilement et très raisonnablement,
à mon sens, pour les prochaines années.
M. Bédard (Chicoutimi): Concernant la
sécurité des membres du Conseil exécutif, est-ce que le
ministre pourrait nous dire quel est le coût de la sécurité
qui leur est accordé?
M. Choquette: Les crédits du service de
sécurité qu'on trouve au programme 3 des crédits du
ministère de la Justice, s'élèveront en 1975/76 à
la somme de $643,900.
M. Bédard (Chicoutimi): Est-ce que le ministre peut me
dire quels sont les ministres qui font l'objet de surveillance ou d'une
protection spéciale?
M. Choquette: Ils ont tous un garde du corps qui est à la
fois chauffeur et garde du corps.
M. Bédard (Chicoutimi): Est-ce qu'il y a des ministres qui
font l'objet d'une protection spéciale?
M. Choquette: Oui, il y a le premier ministre d'abord; il y a
aussi le ministre de la Justice et il y a le leader du gouvernement qui
bénéficient d'une protection particulière.
M. Bédard (Chicoutimi): Quel type de protection
particulière?
M. Choquette: Bien, en général, ils sont
protégés, eux, par des agents de là Sûreté du
Québec. Et le personnel qui les protège est plus nombreux,
surtout le premier ministre.
M. Bédard (Chicoutimi): Est-ce que vous pouvez dire,
approximativement, quel serait le coût pour chacun de ces ministres qui a
une protection spéciale?
M. Choquette: Bien, je n'ai pas mesuré le coût pour
chacun. Il y a le premier ministre qui a certains effectifs policiers à
sa disposition, autant ici à Québec qu'à Montréal.
Il y a moi. Et il y a M. Levesque qui a une certaine protection
policière, plus limitée.
Maintenant, le choix s'est fait, je pense bien, en fonction des dangers
qu'offrent les fonctions des trois intéressés: le premier
ministre, évidemment, à cause de ses grandes
responsabilités, du fait qu'il est le premier du gouvernement et qu'il
est susceptible d'être l'objet d'agressions, enfin comme cela s'est
passé dans d'autres Etats. Il mérite cette protection pleinement,
à mon sens. Moi-même, à cause de ma fonction de ministre de
la Justice, qui est susceptible de me faire plus d'ennemis qu'un autre. Et M.
Gérard...
M. Bédard (Chicoutimi): Des ennemis plus coriaces.
M. Choquette: Peut-être plus coriaces parce qu'ils sont
susceptibles de se recruter dans les milieux criminels, même possiblement
révolutionnaires. Et le vice-premier ministre, M. Gérard-D.
Levesque, à cause de sa fonction de vice-premier ministre, ministre des
Affaires intergouvernementales et leader du gouvernement à la
Chambre.
M. Bédard (Chicoutimi): Je comprends que vous ne pouvez
pas nous dire le coût que cela pourrait représenter pour
chacun.
M. Choquette: Pour chacun, je ne peux pas le dire. Mais je peux
probablement vous donner le total. $400,000. Ce qui veut dire que la
sécurité coûterait à peu près $l million.
M. Bédard (Chicoutimi): Vous nous avez dit qu'il y avait
des agents de la Sûreté du Québec qui assuraient la
surveillance. Est-ce qu'il y a des agents de compagnies privées
aussi?
M. Choquette: Oui. Dans certains cas.
M. Bédard (Chicoutimi): Quels sont ces cas?
M. Choquette: Oui, dans certains cas, il y a des agences de
sécurité qui s'occupent de la sécurité des membres
du Conseil exécutif. Mais ces agences de sécurité ne sont
utilisées, lorsqu'elles sont utilisées, que pour la garde de la
famille ou de la maison de l'intéressé.
Pour ce qui est de M. Bourassa, sa protection est entièrement
assurée par la Sûreté du Québec. Pour ce qui est de
moi, une agence de sécurité garde ma maison. Et il y a eu
d'autres ministres qui ont eu, à l'occasion, une protection par agence
de sécurité lorsqu'ils étaient mêlés à
certaines lois ou activités très controversées qui
pouvaient possiblement requérir une protection de leurs maisons.
M. Bédard (Chicoutimi): Est-ce que le ministre du Travail
a une protection spéciale?
M. Choquette: Voici. Je ne voudrais pas entrer dans trop de
détails sur la question de sécurité parce que...
M. Bédard (Chicoutimi): Globalement. M. Choquette:
... les renseignements...
M. Bédard (Chicoutimi): Je ne vous demande pas quel type
de sécurité, etc. Je ne veux pas aller trop dans les
détails non plus.
M. Choquette: Non.
M. Bédard (Chicoutimi): Je vous demande simplement: Est-ce
que le ministre du Travail...
M. Choquette: Oui, il l'est.
M. Bédard (Chicoutimi): Est-ce que le gouvernement a cru
bon, dernièrement ou à d'autres occasions, d'assurer une
sécurité spéciale au ministre du Travail?
M. Choquette: Oui, le ministre du Travail a une certaine
protection. Mais ce n'est pas limité à son cas. La protection
dans ce domaine n'est pas absolue.
M. Bédard (Chicoutimi): Est-ce que vous pouvez nous dire
le nom des compagnies privées qui...
M. Choquette: L'agence Canadiana garde ma maison et a
gardé la maison d'autres ministres à d'autres occasions.
M. Bédard (Chicoutimi): C'est cette agence, de
façon générale, qui...
M. Choquette: Oui.
M. Bédard (Chicoutimi): ... assure la surveillance.
M. Choquette: Nous avons utilisé aussi d'autres agences de
sécurité, SOPEQ entre autres, pour la garde de certains membres
de la commission Cliche, la protection de certains membres de la commission
Cliche, pour la protection du juge Dutil, soit alors qu'il était avocat
au service de la commission Cliche, soit depuis qu'il est devenu
président de la CECO.
Enfin, ce n'est pas limité aux ministres. La protection peut
être donnée, par exemple, à des hauts fonctionnaires ou
à des gens qui, à un moment donné, à cause de leurs
fonctions, peuvent être dans une situation vulnérable.
M. Bédard (Chicoutimi): Mais quand vous nous parlez de $l
million, c'est seulement ce qui est affecté aux membres du
gouvernement.
M. Choquette: C'est pour le personnel, oui, affecté aux
membres du gouvernement.
M. Bédard (Chicoutimi): Quand vous parlez de $l million,
j'imagine que vous faites le compte même de ce que représentent
les dépenses de salaires des agents de la Sûreté du
Québec qui sont affectés là.
M. Choquette: Oui parce que, voyez-vous, j'ai pris $643,900 pour
les crédits affectés au service de sécurité plus 20
agents de la Sûreté à $20,000, ce qui ferait $400,000, pour
un total de $l million, en gros.
M. Bédard (Chicoutimi): Lorsqu'on se réfère
au livre blanc, entre autres aux pages 47 et 48, où on parle d'une
façon spéciale de la direction générale des
affaires policières...
M. Choquette: Oui.
M. Bédard (Chicoutimi): ... lors de la création de
cette direction générale des affaires policières en
juillet dernier, vous aviez dit que cette nouvelle structure n'avait pas de
vocation de contrôle mais uniquement de recherche et de consultation.
Est-ce que le ministre pourrait nous dire quelle est la structure de cette
direction générale...
M. Choquette: Le service ou la direction générale
est dirigé par...
M. Bédard (Chicoutimi): ... nous donner une sorte
d'organigramme de la direction?
M. Choquette: ... M. Paul Benoît. Sa direction est en train
d'être mise sur pied. Elle n'a pas atteint sa forme
définitive.
La direction générale de la sécurité
publique a sous sa responsabilité le service de sécurité
dont je parlais tout à l'heure et l'Institut de police de Québec,
en plus de la fonction générale qui lui a été
donnée lors de sa création, c'est-à-dire l'obtention de
renseignements sur l'évolution des corps de police au Québec et
la formulation de certaines grandes politiques en matière
policière. Ainsi, par exemple, dans le domaine de la
sécurité routière, la direction générale a
été appelée à me suggérer des orientations
que j'ai exprimées publiquement dans des déclarations
qui ne s'imposaient pas d'une façon absolue aux différents
corps de police ni surtout aux différents corps de police municipaux,
mais qui recherchaient plutôt une adhésion volontaire de la part
des corps de police municipaux dans une action plus énergique et plus
concertée dans le domaine du contrôle de la circulation
routière.
Dans ce domaine la direction générale a eu une fonction
à jouer par la coordination de l'action des corps de police municipaux
avec l'action de la Sûreté du Québec, à l'occasion
de la reprise des travaux sur les chantiers de construction après le
débrayage qui a été consécutif au
dépôt du rapport de la commission Cliche.
Evidemment, les corps de police municipaux demeurent libres de
collaborer dans la mesure qu'ils estiment raisonnable, mais, compte tenu des
impératifs de la sécurité publique et du maintien de
l'ordre et de la paix publics, ils acceptent de s'intégrer dans
certaines grandes politiques générales ou certaines actions
policières en particulier, telles que dans ce domaine de la construction
ou dans le domaine de la sécurité routière. C'est
plutôt dans cet ordre d'idées qu'oeuvre la direction
générale de la sécurité publique.
Quant au nombre d'employés qui se trouvent dans cette direction
générale, celui-ci est d'une dizaine, environ, à l'heure
actuelle. La direction générale s'est vu confier beaucoup de
mandats particuliers, par exemple, tout le domaine de la police sur les
réserves indiennes ou auprès des territoires occupés par
des Esquimaux ou des Inuit a été confié à la
direction générale. Celle-ci a des rapports avec les chefs de
bande indiens et les chefs inuit, de façon à établir les
besoins de ces groupements au point de vue policier, de façon à
mettre sur pied des programmes en vertu desquels ces groupements vont se
policer par des policiers autochtones. Il y a tout un développement qui
a lieu à ce niveau, sans compter d'autres mandats particuliers qui lui
ont été confiés par moi.
M. Bédard (Chicoutimi): Sans entrer dans une longue
discussion...
M. Choquette: Oui.
M. Bédard (Chicoutimi): ... à mesure que la
direction générale prend forme, puisque c'est quand même
récent, est-ce que le ministre pense qu'elle aura peut-être, par
la force des choses, un peu plus une vocation de contrôle qu'il ne
l'avait pensé auparavant?
M. Choquette: De contrôle. Cela dépend du contenu
qu'on donne à cette définition de contrôle.
M. Bédard (Chicoutimi): Vous parlez d'un territoire
où vous lui avez donné la responsabilité, le
contrôle?
M. Choquette: Non...
M. Bédard (Chicoutimi): Non? Ce n'est pas cela?
M. Choquette: ... nous ne donnons pas à la direction
générale la responsabilité de voir à policer les
réserves ou les territoires occupés par les autochtones. Ce que
nous faisons, c'est que la direction générale établit des
programmes pour le recrutement de policier autochtones et ceci, de concert avec
les bandes et les chefs de bande, de façon que ces groupements
autochtones, au lieu de se sentir policés par des Blancs, se policent
eux-mêmes, ce qui contribue à de meilleures relations entre les
policiers et les populations autochtones. Dans ce domaine-là, la
direction générale n'a pas pour fonction de contrôler ces
policiers autochtones, mais plutôt d'établir par exemple, le
programme d'entraînement, le nombre de policiers autochtones qui
pourraient être requis et d'encourager les réserves et les groupes
autochtones à avoir recours à de telles solutions sans
qu'à aucun moment la direction générale n'intervienne pour
assumer une fonction de direction sur ces policiers en particulier.
M. Bédard (Chicoutimi): C'est par rapport à un
exemple en particulier que le ministre s'exprime, mais, d'une façon
générale, est-ce que le ministre croit que, pour une question
d'efficacité, cette direction générale sera, par la force
des choses, comme je le disais tout à l'heure, amenée à
avoir plus une vocation de contrôle?
M. Choquette: Je n'en suis pas persuadé à l'heure
actuelle, parce que les corps de police municipaux et le service de la police
de la CUM collaborent avec la Sûreté du Québec et que le
ministère de la Justice dans les occasions où il est utile ou
même nécessaire de mettre sur pied des actions coordonnées
en matière de police. Il est vrai que l'impulsion peut venir du
ministère de la Justice, de moi en particulier.
Je peux en somme énoncer certaines politiques en matière
policière. Je peux suggérer certaines opérations
policières. Je peux encourager les corps de police à mettre sur
pied des modes de consultation et de concertation dans certains domaines de la
criminalité, mais je n'ai jamais été obligé de
donner des ordres au service de police de la Communauté urbaine de
Montréal ni à aucun corps de police municipal au Québec.
En général, il suffit, me rendant compte qu'une situation
requiert une action plus coordonnée, plus concertée, que je la
suggère et naturellement, les corps de police vont donner leur
collaboration à ce que j'ai suggéré. Pour le moment, je ne
vois pas d'uti-
lité ou de nécessité que la loi prévoie que
je puisse donner des ordres qui auraient une force juridique et s'imposeraient
d'une manière absolue aux corps de police municipaux.
M. Bédard (Chicoutimi): Quels sont le budget et les moyens
techniques qui sont mis à la disposition de cette direction
générale?
M. Choquette: Le budget de cette direction générale
est de $500,000, auquel il faudra ajouter les budgets des services qui en
dépendent tels que le service de sécurité et l'Institut de
police de Nicolet, qui a un budget particulier.
M. Bédard (Chicoutimi): Cela peut totaliser combien?
M. Choquette: A peu près $900,000, en tout et partout.
M. Bédard (Chicoutimi): J'aurais une question au ministre
concernant le salaire des chefs de police. Le ministre sait que le 24 mai I974,
la Commission de police adoptait le règlement no 11, visant à
réglementer le salaire des chefs de police et également à
déterminer leurs tâches, je crois. Depuis cette date, les journaux
ont rapporté certaines histoires, laissant croire que ce
règlement n'était pas appliqué. En premier lieu, au
début de décembre I974, il y a eu l'histoire du chef Jean-Marc
Gobeil, de la ville de Château-Richer, qui ne gagnait que $125 par
semaine. En second lieu, en mars dernier, le Syndicat professionnel des chefs
de police et pompiers émettait de fortes réserves quant à
l'état de la situation de plusieurs chefs au Québec. Est-ce que
le ministre est en mesure de nous dire s'il entend faire quelque chose pour
régulariser la situation?
M. Choquette: L'échelle indicative qui a été
mise en vigueur par le règlement auquel le député a fait
référence ne suggère pas une échelle qui soit
obligatoire et qui s'impose d'une façon absolue aux
municipalités. Je dois dire cependant que l'échelle a
été bien accueillie par les chefs de police, les directeurs des
services de police, et je pense bien que la plupart des municipalités
s'y conforment. Mais, il peut y avoir des différences. Il peut y avoir
des exceptions. Pour le moment, je n'ai pas décidé de la rendre
absolument obligatoire. Je pense que cela requerrait plus d'analyse avant
d'imposer cette échelle d'une façon absolue.
Maintenant, vous me signalez le chef de Château-Richer qui...
M. Bédard (Chicoutimi): Qui semble être dans une
situation particulière.
M. Choquette: Je ne connais pas la situation particulière
de ce monsieur, de l'intéressé.
M. Bédard (Chicoutimi): Pourtant cela a fait pas mal de
bruit. Est-ce que le ministre n'a pas fait enquête pour voir
jusqu'à quel point pouvaient être fondées ces
revendications?
M. Choquette: II peut y avoir un conflit entre le chef de police
de cette municipalité et son conseil municipal. Mon sous-ministre me dit
qu'il est possible qu'il y ait une enquête de la Commission de police
dans ce corps de police ou sur ce chef de police. Alors, il faudrait voir les
conditions particulières.
M. Desjardins: Son nom? Une Voix: Gobeil.
M. Bédard (Chicoutimi): Jean-Marc Gobeil. Dans ce cas, il
y aurait lieu, sûrement, de faire une enquête. Quand on est rendu
dans une situation où le maire est obligé de fuir devant la
colère de la population qui considère que son chef de police n'a
pas les moyens financiers suffisants pour pouvoir remplir adéquatement
sa tâche, il me semble que cela crée un état d'urgence.
M. Choquette: Oui.
M. Bédard (Chicoutimi): On peut compter ' qu'il y aura une
enquête dans ce cas particulier?
M. Choquette: Non. Mais ce qu'il s'agira de vérifier,
c'est si la Commission de police a été saisie d'une demande
d'enquête, sous une forme ou sous une autre, dans cette
municipalité de Château-Richer. Cela est très possible.
Le Président (M. La francs): Le programme 4,
éléments 1, 2 et 3, adopté.
Programme 5: Gestion interne et soutien à la Sûreté
du Québec.
Sûreté du Québec
M. Bédard (Chicoutimi): Est-ce que le ministre pourrait
nous donner des explications générales sur ce programme
concernant les augmentations budgétaires qu'on peut constater à
chacun des éléments?
M. Choquette: Alors, l'accroissement des dépenses de ce
programme résulte de l'augmentation des traitements, de l'accroissement
des coûts d'exploitation de la flotte automobile et, en troisième
lieu, de l'amétioration du réseau de communication par
téléphone de la Sûreté du Québec.
M. Bédard (Chicoutimi): Ce sont quand même des
augmentations assez appréciables.
M. Choquette: Je rappelle au député qu'en cours
d'année, en 1974, nous avons dû demander des budgets
supplémentaires pour venir accroître le budget originel. Les
augmentations qui semblent indiquées par la comparaison entre le budget
1974/75 et le budget 1975/76 ne sont pas si considérables que cela,
compte tenu des budgets supplémentaires votés en cours
d'année.
M. Bédard (Chicoutimi): Concernant la gestion interne, le
ministre sait que le contrat de travail des policiers provinciaux, qui a
été signé en septembre dernier, au moins recommandait
l'essai d'une formule de semaine de travail réduite à quatre
jours. Est-ce que le ministre peut nous dire si, d'abord, l'expérience a
été tentée jusqu'à présent? Si c'est le cas,
pourrait-il nous en donner les résultats?
M. Choquette: Nous avons mis ce programme en vigueur dans
certains postes de police qui ont été choisis et
désignés parce que tout le monde était d'accord pour
essayer la formule.
Mais, à l'heure actuelle, il est trop tôt pour
évaluer le résultat de ces projets. Alors, je ne peux pas dire au
député si cela sera généralisé à
l'ensemble des activités de la Sûreté du Québec.
Pour le moment, il s'agit plutôt de projets pilotes qui sont en voie
d'être évalués.
M. Bédard (Chicoutimi):Ces projets pilotes se font
où?
M. Choquette: Sept ou huit postes ont été choisis
mais M. Tellier ne se souvient pas des postes qui ont été
désignés.
M. Bédard (Chicoutimi): A la lumière du
début d'expérience que vous avez dans ce domaine, est-ce que vous
seriez en mesure de confirmer l'affirmation du nouveau directeur de la
Sûreté du Québec, disant que cette politique, si on la
généralisait, obligerait l'engagement de 500 policiers
additionnels? Est-ce qu'à la lumière de la courte
expérience que vous avez, vous êtes en mesure d'infirmer ou de
confirmer cette appréciation qui a déjà été
faite?
M. Choquette: Pour le moment, nous ne sommes pas en mesure
d'évaluer l'expérience avec assez de précision pour donner
même une indication au député de Chicoutimi.
M. Bédard (Chicoutimi): Pas d'une façon
générale mais dans les endroits où vous avez tenté
l'expérience, est-ce que, sur ce point précis, cette
expérience s'est soldée par la nécessité
d'adjoindre d'autres membres de personnel?
M. Choquette: Non.
M. Bédard (Chicoutimi): Non. Quand le ministre pense-t-il
être en mesure de se former une opinion à la suite de ces
expériences qui sont tentées dans des postes
désignés?
M. Choquette: Nos expériences ont commencé le 1er
avril 1975. Il est vraiment trop tôt pour...
M. Bédard (Chicoutimi): Je comprends que c'est vraiment
trop tôt.
M. Choquette: ... se former un jugement. Quant au moment
où on pourra vraiment évaluer le résultat des
expériences, je ne peux pas le dire. Cela peut aller au mois de
septembre, cela peut aller en octobre facilement.
M. Bédard (Chicoutimi): Je n'ai pas d'autres questions, M.
le Président, sur le programme 5.
Le Président (M. Lafrance): Elément I,
adopté. Elément 2, adopté. Elément 3,
adopté. Le programme 5 est adopté.
Programme 6: Formation et perfectionnement des policiers.
Formation et perfectionnement des policiers
M. Bédard (Chicoutimi): Concernant le coût de
l'entraînement des policies, le livre blanc donne des statistiques quant
au nombre de policiers qui ont été formés ou encore qui
ont été recyclés à l'Institut de police. Je
voudrais savoir du ministre quel est le coût moyen de cette formation
pour chaque type de cours per capita.
M. Choquette: Je pourrais possiblement vous donner une
réponse approximative sur le coût de formation des nouveaux
policiers car ceux-ci doivent subir un entraînement de quatre mois
à l'Institut de police de Nicolet. On pourrait vous donner une
idée de ce que cela nous coûte pour leur entraînement.
Quant au recyclage ou aux cours de perfectionnement qui sont
donnés à des policiers qui sont déjà en fonction,
étant donné que c'est très variable d'une catégorie
à l'autre, je ne pense pas que je puisse vous donner de chiffre
très très précis.
Il est extrêmement difficile de donner une réponse qui ait
la moindre précision parce que tout dépend de ce que l'on va
comprendre dans le coût par capita de l'entraînement de chaque
cadet ou étudiant policier. On peut imputer à chacun d'entre eux
une partie des frais d'entretien de l'édifice, on peut inclure toutes
sortes de dépenses, mais je pense que si on disait $1,000 pour chaque
candidat, pour la période de quatre mois, qui est la période
d'entraînement on serait assez près de la
vérité.
Ecoute électronique
M. Bédard (Chicoutimi): D'accord. Je comprends que cela
défile assez vite concernant les programmes. J'aurais une question
à poser concernant le programme précédent; j'imagine que
la commission n'a pas d'objection.
M. Choquette: Du tout.
M. Bédard (Chicoutimi): Ce serait concernant
l'écoute électronique.
M. Choquette: Oui.
M. Bédard (Chicoutimi): J'aimais mieux demander la
permission avant de dire sur quoi par-
tait ma question. Dans le rapport qui a été
présenté à l'Assemblée nationale concernant la Loi
de la protection de la vie privée...
M. Choquette: Oui.
M. Bédard (Chicoutimi): ...on remarque, à la page
6, à l'élément a), que le nombre de demandes
d'autorisation qui ont été présentées a
été de 69. Ce que je voudrais savoir du ministre, c'est s'il peut
nous assurer, avec conviction, qu'il n'y a pas d'autres personnes qui font
l'objet d'écoute électronique que celles pour lesquelles des
demandes d'autorisation ont été faites et accordées.
M. Choquette: Je peux l'affirmer avec une conviction totale, sauf
pour un groupe, les gens qui pourraient faire l'objet d'écoute
électronique pour des motifs de sécurité nationale et
à l'égard desquels une autorisation aurait été
donnée par le Solliciteur général du Canada,
conformément à la Loi de la protection de la vie privée.
Le député se rappellera qu'il y a deux catégories, en
somme...
M. Bédard (Chicoutimi): De gens écoutés.
M. Choquette: Non, non, de cas d'écoute
électronique. Il y a l'écoute qui est autorisée
judiciairement le rapport que j'ai produit et auquel le
député a fait allusion vise ces cas et il y a aussi, en
vertu de la loi que nous avons mentionnée précédemment,
des cas d'écoute électronique au nom de la sécurité
nationale. Dans ces cas-là, l'autorisation judiciaire n'est pas requise,
la seule autorisation requise étant une autorisation du Solliciteur
général du Canada.
Etant donné que l'autorisation ne vient pas de moi, je ne suis
pas en mesure de dire au député combien il pourrait y avoir de
cas d'écoute électronique qui seraient faits
consécutivement à une autorisation de M. Allmand.
M. Bédard (Chicoutimi): Est-ce que je dois comprendre que
dans les cas qui relèvent de la sécurité nationale
où la permission est accordée par le Solliciteur
général, et qui concernent des citoyens québécois,
le ministre de la Justice du Québec n'a pas un mot à dire
là-dedans?
M. Choquette: Non.
M. Bédard (Chicoutimi): II n'est pas informé?
M. Choquette: Non.
M. Bédard (Chicoutimi): II n'est pas consulté?
M. Choquette: Non.
M. Bédard (Chicoutimi): Est-ce que le ministre de la
Justice fait des recommandations?
M. Choquette: Non.
M. Bédard (Chicoutimi): II n'en a pas fait dans le
passé sur qui que ce soit?
M. Choquette: Non.
M. Bédard (Chicoutimi): Vous n'avez pas plus de
contrôle là que sur les pardons?
M. Choquette: Moins.
M. Bédard (Chicoutimi): Encore moins.
M. Choquette: Moins. En fait, sur les pardons, je peux toujours
intervenir, mais dans ce domaine...
M. Bédard (Chicoutimi): Quand on vous en informe avant
qu'il soit accordé?
M. Choquette: Oui, si on m'informait avant qu'il soit
accordé. Mais dans le domaine de l'écoute pour des motifs de
sécurité nationale, hy-pothétiquement, il pourrait se
faire que M. Allmand me consulte, mais cela n'est pas arrivé depuis que
la loi est en vigueur.
M. Bédard (Chicoutimi): Mais, trouvez-vous cela normal que
des citoyens québécois puissent faire l'objet de l'écoute
électronique avec permission du Solliciteur général, sans
que le ministre de la Justice du Québec soit informé?
M. Choquette: Ce qui est normal est ce qu'il y a dans la Loi de
la protection de la vie privée. C'est la loi qui a été
adoptée par le gouvernement du Canada. Je dois m'en rapporter à
cette loi.
M. Bédard (Chicoutimi): Est-ce que vous trouvez que cette
loi respecte vraiment la juridiction provinciale, respecte ce droit que devrait
avoir le ministre de la Justice de savoir au moins quels sont les citoyens
québécois qui font l'objet d'écoute électronique
avec permission du Solliciteur général du Canada?
M. Choquette: Evidemment, si on avait un Etat
séparé, tel que désiré par le député
de Chicoutimi, il n'y a pas de doute que ce serait anormal...
M. Bédard (Chicoutimi): Vous pouvez tourner la question
comme vous voudrez, vous sayez très bien que la question est
sérieuse. J'aimerais avoir une réponse sérieuse de la part
du ministre. Je lui demande ceci: Est-ce qu'il trouve normal qu'il ne soit pas
consulté, qu'il ne soit pas informé que des citoyens du
Québec puissent être l'objet d'écoute électronique
de la part des autorités fédérales?
M. Choquette: C'est une question à laquelle je ne pourrais
pas donner de réponse absolue. Il y a des circonstances où je
pourrais être consulté. Il y en a d'autres où il peut y
avoir des enquêtes en cours par la Gendarmerie royale...
M. Bédard (Chicoutimi): Avez-vous déjà
été consulté?
M. Choquette: J'ai répondu: Non.
M. Bédard (Chicoutimi): D'accord.
M. Choquette: Mais on ne sait même pas s'il y en a eu des
cas d'écoute électronique.
M. Bédard (Chicoutimi): Je ne vous demande pas s'il y en a
eu, je vous demande si vous trouvez ça normal.
M. Choquette: Vous me posez une question d'opinion. Cela peut
varier d'un cas a l'autre ou de certaines circonstances à d'autres.
Franchement, j'aimerais mieux ne pas exprimer d'avis sur cela. De multiples
facteurs peuvent justifier la Gendarmerie royale de procéder à de
l'écoute électronique, pour des motifs de sécurité
nationale. Il peut y avoir des cas d'espionnage, de contre-espionnage qui se
passent à des niveaux diplomatiques ou autres dans lesquels, à
proprement parler, je ne suis pas impliqué. Il ne s'agit pas, à
ce moment, de violation de la loi ou du code criminel à proprement dire.
Il s'agit plutôt de connaissance de renseignements par le gouvernement
canadien qui peuvent lui être utiles au point de vue politique ou autres.
Là, vous êtes à un niveau...
M. Bédard (Chicoutimi): C'est un niveau qui
contrôle...
M. Choquette: Non, vous êtes à un niveau des
activités des Etats pour leur propre protection qui débordent
largement l'application du code criminel et des lois à portée
criminelle.
On sait, par exemple, que beaucoup d'Etats ont des services de
renseignements spéciaux, des services d'espionnage et de
contre-espionnage. Il ne s'agit pas, dans ces cas, de violations proprement
dites du code criminel, malgré que cela peut se produire. Il peut y
avoir des violations d'autres lois de nature criminelle, la loi des secrets
officiels, et, pourtant, il peut ne pas y avoir de violation du code criminel
comme tel. Quels sont les principes qui doivent inspirer un Etat dans sa
politique d'obtention de renseignements dans les domaines qui ne concernent pas
l'application du droit criminel proprement dit? C'est une question qui demeure
une matière d'opinion individuelle et qui peut facilement être
controversée. On le voit aux Etats-Unis, à l'heure actuelle, avec
les activités de la CIA, qui font l'objet d'un examen par un
comité présidé par le vice-président des
Etats-Unis. On l'a vu à d'autres occasions par les controverses qui ont
eu lieu quant aux activités du FBI.
Il s'agit là d'un domaine qui intéresse la poursuite de
certaines politiques d'un Etat et, à ce point de vue, je n'aimerais pas
exprimer d'avis personnel.
M. Bédard (Chicoutimi): Je comprends qu'il y ait des cas
particuliers où il faille faire des distinctions. Mais, du point de vue
général, ne trouvez-vous pas anormal que des citoyens
québécois puissent faire l'objet de l'écoute
électronique de la part du gouvernement fédéral et que le
ministre de la Justice du Québec ne soit pas consulté, ne soit
même pas informé?
M. Choquette: Ecoutez...
M. Bédard (Chicoutimi): Ne parlons pas des cas
particuliers.
M. Choquette: Non, non, je ne prends pas de cas particuliers,
parce que je serais bien mal pris pour en parler, ne les connaissant pas.
M. Bédard (Chicoutimi): Bien oui.
M. Choquette: Alors, ce n'est pas tellement à ce niveau
que je me situe. Je me situe plutôt au niveau du fait que, dans le monde
actuel, il faut que les Etats se défendent non seulement sur le plan de
la légalité, mais il faut qu'ils se défendent sur le plan
de la politique et surtout de la politique internationale. Il peut être
nécessaire, pour eux, d'avoir recours à certaines
activités qui débordent, d'une certaine façon, les cadres
traditionnels de l'application des lois. Cela demeure une question de
philosophie, d'attitude, de politique. C'est le gouvernement
fédéral qui a la responsabilité à ce point de vue
et je ne lui dénie pas cette responsabilité juridique.
M. Bédard (Chicoutimi): Mais donnez-vous une
responsabilité au Québec?
M. Choquette: Le Québec a certainement une
responsabilité.
M. Bédard (Chicoutimi): Le gouvernement
fédéral ne la reconnaît pas.
M. Choquette: Non, mais la preuve en est que, dans des cas
d'écoute électronique par la Gendarmerie royale du Canada, qui ne
tombent pas dans la catégorie que vous avez mentionnée tout
à l'heure d'écoute électronique faite au nom de la
sécurité nationale, la Gendarmerie royale du Canada se soumet
alors et dans ces cas au contrôle du ministre de la Justice du
Québec et des tribunaux du Québec et fait approuver ses officiers
et ses agents qui sont préposés à ce genre
d'opérations, de telle sorte que...
M. Bédard (Chicoutimi): Oui, mais...
M. Choquette: Laissez-moi terminer avant d'interrompre.
M. Bédard (Chicoutimi): D'accord.
M. Choquette: De telle sorte que tous les corps de police du
Québec se soumettent à l'autorité provinciale pour ce qui
est de l'application des lois criminelles, pour ce qui est des cas
d'écoute électronique qui seront autorisés soit par mes
mandataires, soit par moi personnellement et qui seront subséquemment
autorisés par les cours de justice, et ceci conformément aux
dispositions de la Loi de la protection de la vie privée.
Mais, quand on arrive dans le domaine de la sécurité
nationale, les opérations sont autorisées par le Solliciteur
général du Canada et il lui est
loisible de les accepter ou de les refuser. Le Parlement du Canada lui a
donné ces pouvoirs et je présume qu'il s'en charge bien.
D:ailleurs, il n'est pas venu à ma connaissance qu'il y avait eu
d'abus à ce point de vue.
M. Bédard (Chicoutimi): Vous ne pouvez pas savoir s'il y a
des abus, vous n'êtes pas au courant.
M. Choquette: On aurait pu le savoir, parce que j'ai vu que la
CSN se plaignait d'être infiltrée mais, en fait, il n'est pas venu
à notre connaissance de cas particulier où des écoutes
aient été relevées qui auraient été faites
irrégulièrement ou indûment suivant une autorisation du
Solliciteur général.
M. Bédard (Chicoutimi): Quand vous prenez le cas de la
CSN, est-ce que je dois comprendre que l'écoute électronique dont
elle prétendait être victime...
M. Choquette: Non, la CSN, ce n'était pas tellement cela.
C'était l'infiltration dont elle se plaignait.
M. Bédard (Chicoutimi): L'infiltration... Quand vous
parlez de la Gendarmerie royale, je comprends qu'elle réfère
certains cas au ministre de la Justice du Québec. Lorsqu'elle veut
procéder, elle passe par la réglementation.
M. Choquette: La Gendarmerie royale du Canada se soumet à
ma réglementation et au mandataire que j'ai désigné. Elle
y soumet son personnel affecté à ce genre, d'opération
chaque fois qu'il s'agit de l'application du code criminel.
M. Bédard (Chicoutimi): Mais si la Gendarmerie royale
croit qu'il est bon de procéder à l'écoute
électronique de certaines personnes au nom de la notion de la
sécurité nationale...
M. Choquette: Oui.
M. Bédard (Chicoutimi): ...à ce moment-là,
c'est au Solliciteur général qu'elle s'adresse.
M. Choquette: Exactement.
M. Bédard (Chicoutimi): Et elle n'informe pas le ministre
de la Justice.
M. Choquette: Non, exactement. A ce moment-là, je crois
qu'elle a des services spéciaux pour ce genre de choses.
M. Bédard (Chicoutimi): Vous trouvez cela normal?
M. Choquette: Normal, je n'ai pas d'opinion à exprimer.
C'est la loi.
M. Bédard (Chicoutimi): Mais vous trouvez normal que la
Gendarmerie royale, elle, puisse elle-même décider que, dans tel
cas, c'est une question de sécurité nationale. Donc, le ministre
de la Justice n'est pas concerné et on va s'en aller directement au
Solliciteur général.
M. Choquette: Pour être absolument sincère avec
vous, je crois que c'est normal. Je vais vous dire pourquoi. Ce n'est pas moi
qui dirige la politique extérieure du Canada. Moi, ma
responsabilité, c'est de m'occuper de l'application des lois et du code
criminel.
M. Bédard (Chicoutimi): Oui mais...
M. Choquette: Un instant. Vous parlez constamment, vous
m'interrompez constamment. La politique internationale du gouvernement
canadien, je n'ai pas été élu pour la faire. Je ne connais
pas de mandat constitutionnel qui appartienne au gouvernement du Québec
de s'immiscer dans la politique du gouvernement canadien au point de vue du
droit international. Les électeurs pourront juger le gouvernement de M.
Trudeau; ils pourront juger les ministres de M. Trudeau et les
députés élus ici à l'occasion de l'élection
fédérale. S'ils sont mécontents, ils pourront les mettre
dehors. Mais, jusqu'à nouvel ordre, c'est ce gouvernement qui a la
responsabilité constitutionnelle de la conduite des opérations
dans l'ordre international des affaires canadiennes. Je n'irai pas m'immiscer
là-dedans. Je ne considère pas que le gouvernement
fédéral doive me rendre des comptes à ce point de vue.
M. Bédard (Chicoutimi): Cela va loin votre raisonnement.
Si, au nom de la motion de la sécurité nationale, le gouvernement
fédéral croyait normal et nécessaire que les membres du
Parlement du Québec soient sujets à l'écoute
électronique, vous trouveriez normal de n'en pas être
informé?
M. Choquette: Comme je l'ai dit, il y a un partage des
tâches sur le plan constitutionnel. Les procureurs généraux
des provinces ont une responsabilité légale et constitutionnelle:
c'est de s'occuper de l'application du droit criminel et des lois criminelles
en général, peut-on dire. Donc, à ce point de vue, le
Parlement fédéral a légiféré que, dans ces
cas, il y a une procédure à suivre pour l'écoute
électronique.
Quand on arrive au niveau de la sécurité nationale, je ne
dis pas qu'il ne pourrait pas y avoir d'abus, car la procédure qui
s'applique dans ces cas est moins serrée que dans les cas concernant
l'application du droit criminel ordinaire. On peut comprendre cependant qu'un
Etat, pour sa sécurité, pour sa politique extérieure, pour
faire face à l'espionnage étranger et le dépister, veuille
se donner une procédure plus souple que la procédure qui,
autrement, s'applique dans les cas ordinaires relevant du droit criminel.
Là, il s'agit de l'intérêt national.
Evidemment, cette procédure plus souple peut permettre qu'il y
ait un contrôle réduit ou moindre sur de telles opérations,
mais encore faudrait-il justifier qu'il y aurait de tels abus, en-
core faudrait-il le démontrer, encore faudrait-il le
préciser dans certains cas particuliers. Moi, je ne connais pas d'Etat
qui soumette ses enquêtes ou ses cas d'écoute électronique
à un contrôle lourd, à un contrôle soit judiciaire,
soit par la consultation d'autres personnes. Il va de soi qu'étant un
domaine de la sécurité nationale, tout cela est laissé
à la conscience et au bon jugement de ceux qui en ont la
responsabilité première. En l'occurrence, au Canada, c'est le
Solliciteur général du Canada, c'est le gouvernement canadien
avec le conseil des ministres canadiens.
Si vous voulez une réponse absolument précise, cela ne me
scandalise pas. Au contraire, cela me paraît assez normal vu la pratique
des Etats modernes et cela me paraît assez compatible avec un
fédéralisme qui existe au Canada à l'heure actuelle. Je ne
vois pas l'occasion de scandale dans tout cela.
M. Bédard (Chicoutimi): La question n'est pas d'être
à la recherche de scandale, mais je peux vous dire que je trouve cela
anormal...
M. Choquette: Cela peut être votre opinion.
M. Bédard (Chicoutimi): ... qu'au nom de la
sécurité nationale un ministre de la Justice du Québec ne
soit pas informé, ne soit pas même consulté concernant les
cas d'écoute électronique même pour la
sécurité nationale. La sécurité nationale, ce n'est
pas seulement la sécurité en fonction du danger que pourraient
représenter d'autres pays, c'est la sécurité à
l'intérieur de l'ensemble du Canada dont nous faisons partie, à
l'heure actuelle, nous la province de Québec. Il me semble que le
Québec, les provinces devraient avoir un droit de regard, au moins un
droit d'information sur ce qui se fait sur leur territoire concernant la
sécurité, concernant l'écoute électronique, d'une
façon plus particulière.
Cela donne comme résultat, au bout, que vous ne pouvez pas nous
dire s'il y a des abus, vous ne savez pas qui est l'objet d'écoute
à l'heure actuelle. Vous ne pouvez même pas nous dire si,
effectivement, tout ce qui devrait être l'objet d'écoute, en vrais
termes de sécurité nationale, on y procède dans le
Québec parce que vous n'êtes pas au courant non plus, vous ne
faites même pas de recommandation au Solliciteur général.
Comme ministre de la Justice qui doit assurer la protection des citoyens, la
protection d'un droit sacré, la vie privée, vous n'avez
absolument rien en main pour garantir cette sécurité, sur
l'aspect principal de l'écoute électronique.
Si je vous demandais: Est-ce que le ministre peut me dire si les membres
du Parlement font l'objet d'écoute électronique de la part du
Solliciteur général ou de la Gendarmerie royale au nom du
principe de la sécurité nationale? Est-ce que le ministre peut me
dire: Non.
M. Choquette: Vous avez parlé de... M. Bédard
(Chicoutimi): Non, non...
M. Choquette: Laissez-moi répondre. Je ne suis pas
obligé de répondre comme vous le voulez. Laissez-moi donner mes
propres réponses.
M. Bédard (Chicoutimi): Répondez à la
question, par exemple.
M. Choquette: Oui, je réponds aux questions, mais
laissez-moi répondre à mon goût, pas à votre
goût.
M. Bédard (Chicoutimi): D'accord.
M. Choquette: Vous me parlez du principe sacré du respect
de la vie privée. Sacré jusqu'à quel point? La
sécurité nationale passe avant le caractère sacré
de la protection de la vie privée, cela me paraît assez clair.
N'importe qui va admettre cela. Je ne vois pas... Tous les principes doivent
s'ordonner les uns par rapport aux autres. Les principes absolus, je n'en
connais pas beaucoup.
Donc, je vous dis que, personnellement, je trouve justifiée la
loi actuelle sur ce point-là. Ce qui ne veut pas dire que je
considérerais justifié qu'on en abuse, par exemple. Ce qui ne
voudrait pas dire que je considérerais ou que j'approuverais des mesures
de cette sorte qui s'appliqueraient à des gens, à des
honnêtes citoyens qui peuvent avoir des idées politiques
différentes des autorités ou des partis politiques qui ont les
responsabilités à l'heure actuelle. Tout dépend, en fait,
de la réserve, du jugement et de l'intégrité de ceux qui
administrent ce genre de loi.
Je pense, M. le député, que, dans le cas actuel, je ne
peux pas donner de réponse, d'autant plus que les seules réponses
qui pourraient être logiquement et raisonnablement données
pourraient l'être dans un autre Parlement, c'est-à-dire au
Parlement fédéral. Même là, je pense que M. Allmand
serait dans une situation où il lui serait impossible de donner des
réponses précises à des collègues de l'Opposition
qui pourraient l'interroger, comme vous, vous m'interrogez. Peut-être
que, privément, dans une réunion à huis clos, il pourrait
communiquer certains renseignements aux principaux représentants de
l'Opposition, en leur disant l'étendue de l'usage de ces méthodes
pour les fins de la sécurité nationale, et ceci pour qu'il y ait
au moins un certain contrôle, une certaine critique possible par les
partis d'Opposition dans ce Parlement. Mais, moi, je dois prendre le droit
criminel tel qu'il est, je dois prendre la situation politique telle qu'elle
est au Canada. Nous avons un régime fédéral. Le
gouvernement fédéral a des responsabilités bien
précises et je n'ai pas l'intention, pour ma part, d'aller m'immiscer ou
de prendre des positions publiques qu'il serait, en somme irréaliste de
prendre, compte tenu de l'organisation politique actuelle et de la constitution
actuelle du Canada.
Vous m'interrogez, au fond, sur un sujet qui ne me regarde pas, à
l'heure actuelle.
M. Bédard (Chicoutimi): On peut aller jusqu'à une
heure.
Le Président (M. Lafrance): Avez-vous l'intention d'aller
jusqu'à une heure?
M. Bédard (Chicoutimi): Oui.
M. Desjardins: On avait convenu 12 h 30.
M. Bédard (Chicoutimi): Une dernière question.
Le Président (M. Lafrance): Une dernière,
d'accord.
M. Bédard (Chicoutimi): Si je comprends bien, vous avez,
d'une part, la Sûreté du Québec qui fait certaines
écoutes électroniques...
M. Choquette: Oui.
M. Bédard (Chicoutimi): ... selon une
réglementation établie.
M. Choquette: Oui.
M. Bédard (Chicoutimi): D'accord.
M. Choquette: La police...
M. Bédard (Chicoutimi): Est-ce qu'elle en fait d'autres
sans demander cette permission?
M. Choquette: Non.
M. Bédard Chicoutimi): D'accord.
M. Choquette: Je suis persuadé...
M. Bédard (Chicoutimi): Ce n'est pas cela ma question.
D'autre part, vous avez la Gendarmerie royale qui peut faire...
M. Choquette: II y a le service de la police de la
Communauté urbaine de Montréal qui en fait aussi.
M. Bédard (Chicoutimi): Qui en fait aussi.
M. Choquette: II y a d'autres corps de police qui en font ou qui
vont en faire.
M. Bédard (Chicoutimi): Mais je veux parler de ce qui peut
se faire par d'autres corps extérieurs au Québec, sur lesquels le
Québec n'a aucun contrôle. Il y a, d'une part, le Gendarmerie
royale, dans le Québec, qui lorsqu'il s'agit de questions de
sécurité nationale peut procéder à l'écoute
électronique, mais doit demander la permission au Solliciteur
général. Il y a le Solliciteur général
lui-même qui peut accorder, pour des raisons de sécurité
nationale, des permis d'écoute.
M. Choquette: C'est cela.
M. Bédard (Chicoutimi): Je ne veux pas demander des noms;
je sais bien qu'à ce moment ce ne serait pas conforme à ce qu'on
appelle la notion de sécurité nationale. Le but de mes questions,
c'est surtout de savoir, d'avoir au moins la conviction que, concernant
l'écoute électronique, que ce soient des questions de
sécurité nationale ou des questions d'enquêtes
policières à l'intérieur du Québec, le ministre de
la Justice est informé. Je n'ai pas besoin de l'être
moi-même, mais je ne peux pas trouver normal que le ministre de la
Justice ne soit pas informé des cas d'écoute électronique
qui peuvent se faire au nom de la sécurité nationale par la
Gendarmerie royale, d'une part, par la Solliciteur général du
Canada, d'autre part, surtout que cette notion de sécurité
nationale peut donner lieu, je pense, à des définitions qui
peuvent être différentes et qui peuvent être très
extensibles.
Je voudrais savoir du ministre s'il peut nous donner l'assurance que les
membres du Parlement du Québec ne sont pas l'objet d'écoute
électronique de la part de la Gendarmerie royale ou du Solliciteur
générale du Canada, au nom de la sécurité
nationale. Est-ce qu'il peut nous donner l'assurance qu'au nom de la
sécurité nationale, puisque vous parliez de divergences
d'opinions politiques, tout à l'heure, les députés du
Parti québécois ne font pas l'objet d'écoute
électronique, soit de la part de la Gendarmerie royale, du Solliciteur
général ou encore de la part des forces policières qui le
feraient en dehors des règlements qui leur sont imposés?
M. Choquette: Illégalement. Voici, vous parlez de
divergences politiques. Moi, je dis que des divergences politiques ne
justifieraient d'aucune façon l'écoute électronique parce
que cela ouvrirait la porte à n'importe quel procédé
d'enquête qui n'aurait pas sa place, à mon sens. Alors, il ne
s'agit pas simplement d'une question de divergences politiques. C'est pour
cela, je pense bien, que le député de Chicoutimi peut dormir sur
ses deux oreilles et être bien sûr qu'il n'est pas
écouté.
M. Bédard (Chicoutimi): Remarquez que cela ne
m'inquiète pas personnellement.
M. Choquette: Non, non, d'accord. Mais lui ou d'autres.
M. Bédard (Chicoutimi): Mais cela m'inquiète de
savoir jusqu'à quel point le ministre de la Justice a son mot à
dire là-dedans.
M. Choquette: Non, non, mais lui ou d'autres. Je pense que ce ne
sont pas les divergences politiques, car nous vivons dans une
démocratie... Il y a des partis politiques et ces partis politiques ont
le droit de représenter différentes idées politiques. Ces
partis politiques ont le droit de ne pas être inquiétés ou
de ne pas subir d'enquête dans leurs activités légitimes de
faire valoir auprès des électeurs leur programme politique. Donc,
il ne s'agit pas du tout de mettre la discussion sur cette base. Je pense que
tout le monde s'entend très bien sur ces principes.
D'autre part, je puis vous dire que si, par exemple, la
Sûreté du Québec ou la police de la CUM devaient tomber sur
des cas intéressant la sécurité nationale, il serait
loisible, dans ces cas, au Solliciteur général du Canada de
donner une autorisation à un corps de police, qui serait un autre corps
de police que la GRC, pour faire de l'écoute électronique au plan
de la sécurité nationale. Mais je n'ai jamais entendu dire que
cela se faisait.
M. Bédard (Chicoutimi): Le ministre exprime son
idée sur l'opposition qu'il aurait à ce que des membres du
Parlement ou encore des membres de factions politiques précises puissent
être l'objet de l'écoute électronique.
M. Choquette: Cela prendrait des raisons extrêmement
sérieuses et graves.
M. Bédard (Chicoutimi): Mais comme le Québec et
vous, comme ministre de la Justice, n'avez rien à dire sur la
définition de la notion de la sécurité nationale,
qu'est-ce qui vous dit que le gouvernement fédéral, au nom de la
sécurité nationale, lui, ne croit pas qu'il s'impose que les
membres du Parlement du Québec, d'une façon globale, puissent
être l'objet d'écoute électronique, que les membres d'une
faction bien précise, du Parti québécois, qui
prônent une idée très précise,
l'indépendance, à ce moment...
M. Choquette: Parce qu'il y a des factions dans le Parti
québécois?
M. Bédard (Chicoutimi): Non...
M. Choquette: Bien, c'est ce que vous avez dit.
M. Bédard (Chicoutimi): Une faction très
précise par rapport aux autres partis.
M. Choquette: Vous avez dit que vous êtes divisés,
qu'il y a différentes factions.
M. Bédard (Chicoutimi): Non. Vous savez très bien
ce que j'ai voulu dire.
M. Choquette: II y a une bonne faction et il y en a une moins
bonne.
M. Bédard (Chicoutimi): Non, non, il y a des factions
politiques, le Parti libéral...
M. Choquette: II y a la faction de droite... M. Bédard
(Chicoutimi): Bon. Je parle... M. Choquette: ... et la faction de
gauche.
M. Bédard (Chicoutimi): Vous pouvez rire, mais vous savez
très bien que le sujet est bien plus sérieux que vous ne semblez
vouloir le laisser paraître. Qu'est-ce qui vous dit qu'au nom de la
sé- curité nationale vous n'avez pas un mot à dire
sur la définition, vous acceptez cela et vous trouvez cela normal
le gouvernement fédéral ne croit pas que les membres d'un parti
politique qui prône l'indépendance doivent être l'objet
d'écoute électronique? Vous accepteriez cette situation?
M. Choquette: C'est l'inverse que j'ai dit tout à l'heure.
Je n'ai pas dit cela du tout. J'ai dit que nous vivons dans un pays
démocratique, qu'on peut avoir les idées que l'on veut tant
qu'elles se conforment à la loi et qu'on peut essayer de persuader les
électeurs qu'on a raison. Donc, ce ne sont pas les divergences
politiques qui doivent justifier des opérations d'écoute
électronique. Si cela devait être, non seulement un gouvernement
quel qu'il soit pourrait-il se considérer habilité à
écouter les gens du Parti québécois, mais on pourrait
possiblement vouloir écouter les membres du Parti créditiste, les
membres du parti de l'Union Nationale, etc. Il n'y aurait pas de limite, en
somme, aux abus dans ce domaine.
Je dis donc qu'il ne s'agit pas, à mon sens, du tout d'une
question de divergences sur une base politique qui puisse le justifier.
Maintenant, la loi fédérale, en ce qui concerne
l'écoute électronique, a les dispositions que vous connaissez. Je
les prends comme telles et je dis que je ne connais pas, pour ma part, d'abus
aux mécanismes qui ont été mis sur pied pour justifier ou
autoriser de tels procédés lorsque cela est
nécessaire.
M. Bédard (Chicoutimi): En fait, vous dites qu'on pourrait
tous être l'objet de l'écoute électronique, de la part du
fédéral, au nom du principe de la sécurité
nationale, mais vous n'avez pas un mot à dire là-dessus, parce
que vous n'êtes pas consulté, vous n'êtes pas
informé.
M. Choquette: C'est cela.
M. Bédard (Chicoutimi): Puis vous trouvez ça
normal.
M. Choquette: Je n'ai pas à trouver ça normal ou
anormal. En fait, la loi est là. Comme je l'ai dit tout à
l'heure, et je ne suis pas pour revenir sur l'argumentation qui justifie un tel
état de choses, cela existe dans tous les Etats que je connais. Je sais
très bien qu'aux Etats-Unis, si le FBI ou la CIA, pour des questions de
sécurité nationale décident d'écouter M. Untel dans
l'Etat de New York, le Procureur général de l'Etat de New York
n'a pas d'autorisation à donner à une telle écoute.
M. Bédard (Chicoutimi): Aux Etats-Unis, il se fait une
enquête aussi sur l'abus de l'écoute électronique.
M. Choquette: Ecoutez, faites-en une. Présentez-vous au
fédéral puis soulevez la question au fédéral et
contestez M. Allmand puis trouvez des abus de sa part.
M. Bédard (Chicoutimi): Puis le Québec n'a rien
à dire.
M. Choquette: Ce n'est pas que le Québec n'a rien à
dire, mais il me semble que vous faites une grosse affaire avec une niaiserie
qui n'est rien du tout. Cela existe dans tous les Etats du monde.
M. Bédard (Chicoutimi): La protection de la vie
privée, le ministre veut dire que c'est une niaiserie.
M. Choquette: II n'y a pas de principe absolu, et pas plus celui
de la protection de la vie privée.
M. Bédard (Chicoutimi): Non, mais elle existe.
M. Choquette: Elle existe, mais c'est sujet à des
impératifs nationaux. Il s'agit de savoir si les impératifs
nationaux, à un moment donné, peuvent être tellement
puissants, tellement forts, qu'ils s'imposent au-delà de toute autre
considération.
M. Bédard (Chicoutimi): Dernière question. En quoi
cela pourrait-il nuire que le ministre de la Justice je ne dis pas tous
les membres du Parlement, je ne dis pas toute la population soit au
moins informé, s'il n'est pas consulté, soit au moins
informé de ces cas qui font l'objet de l'écoute
électronique?
M. Choquette: Parce que la politique extérieure canadienne
et la sécurité nationale canadienne sont sans aucun doute des
matières qui appartiennent au gouvernement fédéral. S'il
devait y avoir des complots ou des tractations ou des activités
intéressant la sécurité nationale canadienne,
tramées à l'intérieur ou avec des éléments
extérieurs, il s'agirait, à ce moment, pour le gouvernement
fédéral de prendre les moyens voulus pour contrecarrer les
visées de ces gens et le faire le mieux possible et en utilisant les
moyens les plus appropriés, les moins discutables possible, et que ce
n'est pas ma responsabilité de le faire. Il ne sert à rien de
m'imputer des responsabilités qui ne m'appartiennent pas, qui ont
été attribuées de par la loi au Solliciteur
général du Canada. Moi je pense que si vous avez des
renseignements à demander, je vous suggère d'écrire
à M. Allmand.
M. Bédard (Chicoutimi): Je n'écrirai pas à
M. Allmand, mais je peux dire au ministre de la Justice que je crois qu'il
n'assume pas ses responsabilités lorsqu'il n'exige pas du
fédéral ou de la Gendarmerie royale d'être au moins, pour
les cas concernant les citoyens du Québec, informé, d'être
consulté sur ces cas d'écoute électronique qui se font
vis-à-vis des citoyens du Québec.
M. Choquette: C'est l'opinion du député de
Chicoutimi, ce n'est pas la mienne.
Le Président (M. Lafrance): Sur ce sujet très
intéressant, la commission de la justice ajourne ses travaux sine
die.
(Fin de la séance à 12 h 50)
Reprise de la séance à 16 h 25
M. Picard (président de la commission de la justice): A
l'ordre, s'il vous plaîtl La commission de la justice continue, cet
après-midi l'étude des crédits du ministère de la
Justice. Nous en étions à l'étude du programme 6, mais le
député de Sainte-Anne m'a demandé la parole.
Mise au point de M. Springate
M. Springate: Mr Speaker, not to prolong the debate but basically
to refer to something that was said this morning, concerning my famous speeding
ticket that I earned on the Montreal-Quebec highway. It is true that I informed
the Minister of Justice of this last week and of the circumstances arounding
it. I am sure that the Minister of Justice wants equal application of the law
for everyone, justice for all. And as a man who happens to teach police
officers and police technology courses, I know that he is trying for that and I
can see the results of the various courses that he has brought in and I know
that the QPF, and the Montreal Police Force have improved tremendously since he
has been there. So we are not going to get into that. I should also state and I
think this has been repeated a number of times and the Minister repeated this
this morning, that the Minister was not driving the vehicle. So I do not want
to get into whether chauffeurs are responsible or what but we will leave it at
that.
I should also state, as many newspapermen have accused the present
Minister of Justice of having been the culprit, that it is not the Minister of
Justice. Other people happen to drive Buicks too and I do not think there is
any reason to name the Minister at this time or even in the future and I have
no intention then or there.
Also, the Minister made one mistake this morning. He stated that I was a
policeman. I was but I no longer am a policeman. Otherwise, I am very proud to
have practiced that sacred profession for eleven and a half years and possibly,
the Minister said, I still maintain that policeman philosophy. Maybe I do and I
will make no excuses for it. And the matter is closed.
M. Burns: Ce qu'il y a de grave, c'est qu'en ne nommant pas le
ministre et en excluant en particulier le ministre de la Justice, ce sont tous
les autres ministres qui sont visés. Le député de
Sainte-Anne pourrait nommer tous les ministres qui ne sont pas
concernés.
M. Choquette: Le député de Maisonneuve
n'était pas ici ce matin.
M. Burns: Non, c'est vrai. J'étais à la commission
du travail.
M. Choquette: Ce n'est pas un blâme que je fais mais c'est
simplement parce que la question a été soulevée par son
collègue de Chicoutimi.
M. Burns: Je le sais.
M. Choquette: J'ai répondu à son collègue
sur les faits pertinents. C'est à la suite de ces explications que j'ai
données que le député de Sainte-Anne a
décidé de se prévaloir de son droit de venir faire une
courte déclaration à la commission. Cela me fait plaisir qu'il
l'ait fait.
D'autre part, M. le Président, s'il veut rester avec nous pour
continuer à débattre les crédits du ministère de la
Justice, il est le bienvenu aussi.
M. Burns: C'est vrai. Je suis entièrement d'accord avec le
ministre. Restez avec nous, le député de Sainte-Anne.
Le Président (M. Picard): Programme 6. Ecoute
électroniique (suite)
M. Burns: Même s'il y a des nuances qu'on ne comprend pas
dans ce que vous dites, cela ne fait rien.
M. le Président, je sais que ce matin, on a parlé
d'écoute électronique. Ce n'était peut-être pas
nécessairement au bon programme. Vous avez été très
tolérant là-dessus. Egalement, ce matin, j'ai appris, via la
commission de la présidence du conseil, à laquelle le chef de
l'Opposition participait, que le fameux CAD c'est un peu le sens de ma
question qui se relie à l'écoute électronique le
Centre d'analyse et de documentation, qui relève du Conseil
exécutif, avait, quant aux Affaires intergouvernementales c'est
assez étonnant un terminal relié à toute
émission de télex ce n'est peut-être pas
nécessairement de télex mais au point de vue des
télécommunications ou de télécommunications
relevant du ministère des Affaires intergouvernementales. Il semble
aussi qu'une partie du budget ou de la juridiction de ce fameux CAD, Centre
d'analyse et de documentation, soit transférée au
ministère de la Justice. Est-ce exact?
M. Choquette: Oui. M. Burns: C'est un fait.
M. Choquette: Cela va se faire incessamment. Des dispositions
furent prises pour que cela se fasse.
M. Burns: Bon.
M. Choquette: Maintenant, ce n'est pas le CAD comme tel qui
serait transféré au ministère de la Justice. C'est une des
fonctions du Centre d'archives et de documentation et quelques personnes
appartenant au CAD.
Les personnes seront dorénavant préposées, alors
qu'elles seront fonctionnaires au ministère de la Justice, à
faire les communications appropriées entre le premier ministre et la
Sûreté du Québec. Si le premier ministre requiert des
renseignements de la Sûreté du Québec, cela va passer par
le canal du ministère de la Justice.
M. Burns: C'est quoi? C'est une section, un département,
un service?
M. Choquette: C'est une des fonctions qui étaient
accomplies par certaines personnes au Centre d'archives et de documentation,
qui se trouvaient en communication avec la Sûreté du Québec
pour certains renseignements faisant partie d'un ensemble de faits qui
étaient colligés au niveau du Centre d'archives et de
documentation, de façon à donner au premier ministre, en tout
temps, un état de la situation sociale, soit générale,
soit locale, au Québec.
Dorénavant, plutôt que d'avoir des rapports ou des
relations directes entre le Centre d'archives et de documentation et la
Sûreté du Québec, les personnes qui seront à
même de demander des renseignements à la Sûreté du
Québec seront situées au ministère de la Justice, à
l'intérieur de la direction générale de la
sécurité publique.
M. Burns: Mais dans le but de tenir le chef du gouvernement au
courant.
M. Choquette: Dans le but de tenir soit le chef du gouvernement,
soit le ministre de la Justice au courant.
M. Burns: En tout cas, cela me surprend, parce que, depuis
toujours, le fameux CAD a présenté le visage d'un organisme
purement et simplement d'information. Qu'on le transfère au
ministère de la Justice, cela m'étonne et je fais une relation;
je me demande si ce n'est pas dans ce sens-là que, dans le fond, le CAD,
sans s'appeler comme tel, mais s'appelant Paul Desrochers à un moment
donné, a eu accès à des bandes enregistrées
relativement, particulièrement, à une enquête très
précise concernant MM. Gagnon, Jean-Jacques Côté, Pierre
Laporte à l'intérieur de l'enquête sur le crime
organisé.
M. Choquette: Je ne pense pas que, même à
l'époque où M. Desrochers aurait eu des contacts avec la
Sûreté du Québec, le Centre d'archives et de documentation
existait. Je pense qu'il n'existait même pas à ce
moment-là.
M. Burns: Ce n'est pas cela que je dis au ministre. Je m'excuse,
j'ai peut-être mal exprimé ce que je voulais dire. La section CAD
qui s'en vient qui s'appellera autrement, je suis d'accord sous
la juridiction du ministre de la Justice, je me demande si elle n'a pas
toujours existé dans le fond, parce que le conseiller spécial du
premier ministre agissait, à toutes fins pratiques comme cette
section-là et avait même accès à des documents
privilégiés d'enregistrement via l'écoute
électronique.
M. Choquette: Non, je ne crois pas qu'on puisse jamais...
M. Burns: Vous ne croyez pas, non?
M. Choquette: ... expliquer les choses comme cela.
M. Burns: Mais dans le cas où M. Desrochers était
allé dans les voûtes, à Parthenais, où apparemment
une importante documentation se trouve, prendre connaissance de documents au
nom du premier ministre en vertu de quelle autorité M. Desrochers
était-il allé là?
M. Choquette: En vertu d'une autorité qui lui avait
été conférée spécifiquement par le premier
ministre, semble-t-il.
M. Burns: Sans passer par le ministre de la Justice.
M. Choquette: Non, mais enfin, ce n'était pas...
M. Burns: Les personnes qui sont chargées de
l'écoute électronique sont sous la juridiction du ministre de la
Justice.
M. Choquette: C'est-à-dire qu'elles sont à la
Sûreté du Québec parce qu'il y a seulement la
Sûreté du Québec qui fait de l'écoute
électronique.
M. Burns: Plus la GRC et plus, peut-être, le CAD.
M. Choquette: Oui, oui. Non, je n'ai jamais entendu dire que le
CAD ait fait aucune écoute électronique.
M. Burns: Etes-vous en mesure de nous assurer qu'ils n'en font
pas?
M. Choquette: Je suis en mesure, moralement, d'affirmer
qu'à ma connaissance le CAD n'a jamais fait d'écoute
électronique. C'est à ma connaissance. Je suis moralement certain
que non. Comme je l'ai dit à votre collègue ce matin, ceci est
une vérité qu'on peut prendre comme absolue dans l'état
actuel des choses.
Mais dans le passé, je n'ai jamais entendu dire qu'on ait fait
quoi que ce soit dans ce domaine au CAD.
Le CAD, dans le passé, a plutôt pris connaissance de
certains rapports de la Sûreté, de rapports qui provenaient du
ministère du Travail et de rapports qui provenaient d'autres sources
pour dresser un bilan quotidien ou hebdomadaire de l'évolution des
situations qui seraient de nature à intéresser directement le
premier ministre, soit pour des actions législatives, soit pour des
actions administratives ou des prises de position publiques qu'il était
appelé à prendre. Mais je n'ai jamais entendu dire que le CAD ait
fait une enquête quelconque ou une opérations d'écoute
électronique quelconque.
M. Burns: D'abord, ce serait peut-être utile, si le
ministre le sait déjà, de nous dire quelles sont les personnes du
CAD actuel qui seront transférées sous la juridiction du
ministère de la Justice.
M. Choquette: M. Scotti et M. Barrette.
M. Burns: M. Scotti. Est-ce que M. Scotti serait le même M.
Scotti qui faisait les enquêtes sur l'allégeance politique?
M. Choquette: II ne fait pas d'enquête sur
l'allégeance politique, il fait des enquêtes...
M. Burns: Mais à la commission Cliche, à un moment
donné, il y a M. Gagnon qui a dit relativement à M. Joyal, je
crois: Nous avons vérifié...
M. Choquette: Oui, je me rappelle...
M. Burns: ...c'est-à-dire M. Scotti a
vérifié l'allégeance... Non, nous avons
vérifié l'allégeance politique... C'est de mémoire,
vous allez me pardonner, je n'ai pas le texte sous les yeux...
M. Choquette: Oui, oui.
M. Burns: Je ne fais aucune erreur, c'est M. René Gagnon
qui disait devant la commission Cliche: Nous avons fait faire une enquête
concernant l'allégeance politique de l'individu en question qui
s'appelait en l'occurrence M. Bergeron, je pense. C'est M. Bergeron ou M.
Joyal, mais je pense que c'est M. Bergeron. Cela me revient.
M. Choquette: Oui.
M. Burns: Et M. Gagnon disait: Par la suite, cela a
été confié à M. Scotti, ce genre d'enquête.
Vous vous en souvenez, M. le ministre, je vous ai posé quelques
questions en Chambre là-dessus, ce qui a donné lieu à
quelques prises de bec entre vous et moi. Je n'ai pas du tout l'intention de
reprendre cela aujourd'hui, mais est-ce que c'est le même M. Scotti qui
était désigné dans le témoignage de M. Gagnon?
M. Choquette: Je ne sais pas s'il est question de M. Scotti dans
le témoignage de M. Gagnon, vous me permettrez d'en douter. Mais il est
certain que M. Scotti exerçait une fonction en vertu de laquelle il a
à vérifier les antécédents de certaines personnes
que le gouvernement serait sur le point d'embaucher. Vous savez que le
gouvernement a eu, à quelques occasions, des problèmes avec des
personnes qui ont été nommées à certains postes ou
désignées à certaines fonctions. Il n'est donc que normal
qu'avant leur nomination, on prenne les renseignements appropriés.
Maintenant, M. Scotti va continuer à remplir une fonction dans ce
sens.
M. Burns: Est-ce que c'est un monsieur qui a une formation de
policier, ce M. Scotti? Au fait, quel est le prénom de M. Scotti? Son
prénom n'est pas nommé dans le témoignage de M.
Gagnon.
M. Choquette: Anthony. M. Burns: Anthony.
M. Choquette: Anthony J. Scotti. Il a une expérience dans
les corps de prévôté de l'armée. Il a occupé
un poste de colonel dans l'armée.
M. Burns: Ah! bon. Disons, à toutes fins pratiques, les
corps policiers de l'armée.
M. Choquette: Dans la police de l'armée.
M. Burns: C'est sa formation policière dans
l'armée.
M. Choquette: C'est cela.
M. Burns: Le second personnage?
M. Choquette: L'autre personnage est M. Barrette qui
n'était pas au Centre d'archives et de documentation, mais que nous
avons engagé récemment. M. Barrette était, je crois,
directeur de la sécurité à la Banque de
Montréal.
M. Burns: II n'était pas, lui, au CAD? M. Choquette:
Non. M. Burns: Mais M. Scotti y était. M. Choquette:
II y était, oui.
M. Burns: Le prénom de M. Barrette, c'est quoi?
M. Choquette: Je n'ai pas son prénom à la
mémoire, à ce moment-ci.
M. Burns: Vous dites qu'il était directeur de la
sécurité?
M. Choquette: M. Barrette était, je pense, directeur de la
sécurité à la Banque de Montréal. Et avant
d'être à la Banque de Montréal, il a été
agent et officier à la Gendarmerie royale du Canada.
M. Burns: Est-ce que c'est la question normale qu'on est
en droit de se poser à cause de ce transfert normalement la venue
de MM. Scotti et...
M. Choquette: Barrette.
M. Burns: ... Barrette d'ailleurs, on devrait
peut-être dire M. Scotti avec l'expression anglaise...
M. Choquette: II est francophone.
M. Burns: ... étant donné que son prénom est
Anthony...
M. Choquette: Oui. Mais il est francophone.
M. Burns: Remarquez qu'on pourrait dire que mon prénom est
Robert aussi.
M. Choquette: Robert Gordon Burns.
M. Burns: Robert Gordon. Mon Dieu, vous avez mon dossier sur
votre bureau!
M. Choquette: Je n'ai pas besoin de dossier, je l'ai ici.
M. Burns: Non! Mais est-ce que cela veut dire, si on veut
redevenir sérieux, que le filtrage de personnes clefs à
l'intérieur du gouvernement ou de personnes qu'on veut
éventuellement embaucher à l'intérieur du gouvernement se
fera maintenant strictement par cette voie?
M. Choquette: Oui.
M. Burns: Cela veut dire que cela ne pourra plus se faire par
l'entremise des cabinets des différents ministères.
M. Choquette: II y a beaucoup de propositions d'embauche qui
peuvent provenir des cabinets de ministère comme de différentes
autres personnes. Je veux dire que le gouvernement est un organisme assez
immense, considérable par le nombre, que des suggestions quant à
embaucher des personnes peuvent nous venir de multiples sources. Je pense bien
que le député de Maisonneuve comprend facilement que, à un
moment donné si quelqu'un se cherche un emploi ou pense qu'il aurait des
dispositions pour occuper une fonction, eh bien! il peut le faire savoir par
bien des personnes, que ce soit par des ministres, que ce soit par des
députés, que ce soit par des cabinets. Donc, en fait, il n'y a
pas de monopole qui est arrêté et qui détermine que toutes
les personnes embauchées ou nommées par le gouvernement viennent
toutes d'une source.
Mais, d'un autre côté, la vérification de leurs
qualifications sur le plan police, sur le plan intégrité, enfin
sur le plan des antécédents va se faire par les services de M.
Scotti.
M. Burns: Alors, il est à présumer que tout ce qui
appelle une vérification ou une enquête relativement à du
personnel, qui est destiné à l'emploi du gouvernement, passera
par là et non pas par ailleurs...
M. Choquette: Exact.
M. Burns: ... pour la suite.
M. Choquette: Exactement.
M. Burns: Bon. Est-ce que, dans le fond, le fait je vais
peut-être exprimer une opinion dans ma question mais en tout cas je vous
demande de me la passer que M. Scotti vienne du CAD et qu'une partie des
crédits qui étaient affectés au CAD va
nécessairement, je présume, être remise au ministère
de la Justice avec la venue de M. Barrette, est-ce que, connaissant les
qualifications de M. Scotti et de M. Barrette, on n'est pas en train
d'admettre, tranquillement, que le CAD, du moins jusqu'à ce transfert,
est une espèce d'organisme d'information du type CIA? Je vous le soumets
et
c'est pour cela que je vous disais qu'il y a peut-être un
élément d'opinion dans ma question. Mais cela a été
l'objet de questions qui ont été soulevées par certains
media, il y a quelque temps, c'est-à-dire que cela remonte
déjà à plus d'un an. Certaines questions sont venues de
l'Opposition, en l'occurrence de moi-même entre autres, demandant si ce
ne serait pas une espèce de CIA québécois qu'on essaie de
déguiser sous une espèce d'organisme qui collige des archives, de
l'information, de la documentation, etc.
M. Choquette: Vraiment, non.
M. Burns: Est-ce que ce n'est pas une admission, entre autres,
que M. Scotti , avec les qualifications qu'il avait, faisait partie du CAD?
M. Choquette: M. Scotti , avant d'entrer au CAD pour exercer une
fonction, qu'il va d'ailleurs continuer à remplir alors qu'il sera au
ministère de la Justice, était déjà à
l'emploi du gouvernement comme directeur de la sécurité pour le
ministère des Travaux publics.
M. Scotti a donc fait une certaine carrière à
l'intérieur de la fonction publique québécoise. Le dernier
poste qu'il a occupé avant d'entrer au CAD était celui de
directeur de la sécurité au ministère des Travaux publics,
qui a un certain nombre d'employés qui s'occupent de la garde des
édifices publics et tout ça.
Donc, M. Scotti , je ne lui connais pas de "background" politique comme
tel ou je n'ai aucune connaissance qu'il ait exercé une fonction qui
serait de nature... vous savez de la nature du travail de la CIA. Il ne s'agit
absolument pas de ça.
M. Scotti et M. Barrette, enfin, en autant que leurs fonctions sont
concernées, vont être au ministère de la Justice. Il s'agit
d'un aménagement plus adapté aux conditions actuelles et d'un
ajustement des fonctions du ministère de la Justice par rapport à
d'autres éléments du gouvernement, dont le premier ministre et le
bureau du premier ministre.
Alors, il n'y a pas de mystère là-dedans, malgré
que je comprends qu'un organisme comme le Centre d'archives et de documentation
puisse susciter des interrogations parmi nos collègues. Mais, il n'y a
vraiment pas de mystère dans tout ça. Je pense que le
gouvernement s'est tout simplement équipé d'un service pour avoir
une documentation appropriée, pour être en mesure
d'apprécier la situation qui évolue constamment, comme on le
sait.
Pour prendre des décisions, il faut vraiment être
fixé sur l'évolution de cette situation et si on n'a pas les
personnes en place pour le faire, cela peut entraîner des erreurs de
jugement avec des conséquences assez graves.
Donc, c'est en plus, évidemment, de la fonction de
vérifier les antécédents des personnes qui peuvent
être nommées par le gouvernement, ce qui, également, me
paraît tout à fait normal.
M. Burns: J'imagine que les salaires de MM. Scotti et Barrette
vont émarger d'un certain pro- gramme, qui sera probablement le
programme général des salaires.
M. Choquette: Le programme no 3, la direction
générale de la sécurité.
M. Burns: La direction de la sécurité. Est-ce qu'il
y aura des services accessoires qui leur seront affectés? Est-ce qu'il y
a des budgets de prévus pour ça?
M. Choquette: Oui. Un très petit personnel de bureau,
probablement des secrétaires, peut-être des commis de bureau,
enfin des fonctions comme celles-là.
M. Burns: Est-ce que par l'entremise de la Sûreté du
Québec on a déjà discuté du type de collaboration
qui devait être fournie à MM. Scotti et Barrette?
M. Choquette: Oui, oui.
M. Burns: Quel est ce type de collaboration?
M. Choquette: Bien, écoutez il y a des renseignements qui
leur seront assez facilement disponibles. Je pense, par exemple, dans le cas de
M. Scotti, s'il demande à la Sûreté du Québec: Quels
sont les antécédents judiciaires de M. X? A-t-il un dossier
judiciaire? A-t-il déjà été condamné et tout
ça? La Sûreté du Québec pourra probablement lui
donner les renseignements très rapidement et très facilement. Par
contre, si M. Scotti voulait être mis au courant de certaines
enquêtes en cours a l'heure actuelle, en rapport avec une personne,
à ce moment, il pourra possiblement avoir de tels renseignements pour
que le gouvernement puisse agir en connaissance de cause. Mais là, les
renseignements, qui lui seront communiqués par la Sûreté du
Québec sont sujets à être plus contrôlés que
dans le premier cas.
De la même manière, M. Barrette, qui agira comme le
"channel", le canal pour la communication de renseignements au premier
ministre, pourra obtenir très aisément des renseignements. On
sait que la Sûreté du Québec est équipée,
à cause de ses postes régionaux, pour dresser un peu le bilan de
la situation sociale, telle qu'elle se présente.
Nos postes régionaux peuvent, à cause de
l'entraînement qui a été donné aux policiers, porter
un jugement et énoncer quelle est la situation de fait. Est-ce que tout
est paisible? Est-ce qu'il y a des mouvements de contestation ou de
revendication? Comment s'expriment-ils? Donc, la Sûreté, par ses
services, dresse elle-même un bilan policier de la situation telle
qu'elle peut exister au Québec et ceci d'une façon
régulière. Ces renseignements sont facilement accessibles
à M. Barrette pour être communiqués en plus haut lieu, de
façon à donner le bilan de la situation. Maintenant, il peut y
avoir d'autres renseignements de la Sûreté qui sont de nature plus
confidentielle. Evidemment, avant d'être communiqués, il y aurait
des exigences quant au caractère d'accessibilité des
renseignements en question.
M. Burns: Est-ce qu'ils auront, par exemple, accès aux
documents enregistrés via l'écoute électronique?
M. Choquette: En principe, non.
M. Burns: En principe non, mais en pratique?
M. Choquette: Non, à moins que... Ces fonctionnaires du
ministère de la Justice ne sont nullement autorisés à
aller fouiller dans les dossiers de la Sûreté du Québec et
à être lâchés libres.
M. Burns: C'est parce que je reviens à M. Desrochers qui,
lui, n'était même pas un fonctionnaire du ministère de la
Justice, qui avait accès à ces documents très "top
secret", si on peut les désigner ainsi, et qui, sauf erreur, avait
été autorisé, non pas par le ministre de la Justice, mais
par Julien Chouinard qu'on devra appeler, d'ici quelque temps, M. le juge
Julien Chouinard, je pense, qui était secrétaire exécutif
au Conseil exécutif. C'est assez étonnant...
M. Choquette: Non, non.
M. Burns: ...que, dans le cas d'une autorisation venant à
M. Desrochers qui ne relève pas du ministère de la Justice, ce
soit à un fonctionnaire, qui ne relève pas du ministère de
la Justice, mais du Conseil exécutif, qu'on se fie pour obtenir une
information.
M. Choquette: Tout d'abord...
M. Burns: Je me dis à ce moment: Est-ce que ce CAD, dans
le fond, n'est pas... Je le dis dans votre intérêt, M. le
ministre; tout à coup que ce serait une tête de flèche
qu'on mettrait dans votre ministère pour vous surveiller
vous-même. C'est pour cela que je parlais de la CIA.
M. Choquette: Tout d'abord, je ferai remarquer au
député de Maisonneuve qu'il caricature pas mal les rencontres qui
ont eu lieu entre M. Desrochers et certains officiers de la Sûreté
du Québec. Ces rencontres ont eu lieu à l'intérieur d'un
mandat prédéterminé qui a été d'ailleurs
mentionné, je pense, devant la commission Cliche, aucune permission
n'avait été donnée à M. Desrochers d'aller explorer
dans tous les dossiers de la Sûreté. M. Desrochers allait chercher
des renseignements très particuliers, très précis qui
concernaient le fonctionnement de la Société d'habitation du
Québec, si je me le rappelle bien. Donc, je pense qu'à ce point
de vue il n'y a absolument rien de critiquable dans la démarche ou le
mandat qui a été donné à M. Desrochers, non plus
que du côté de la Sûreté. On peut être
sûr que, de la même façon, dans le cas actuel, ces
fonctionnaires, malgré qu'ils pourront communiquer aisément avec
la Sûreté, n'auront pas un mandat de faire des inspections, des
vérifications, de regarder dans tous les dossiers à la fois. Il
faudra que les démarches soient justifiées par les crconstan-ces
et par les demandes de renseignements qui pourront être faites, par
moi-même ou par le premier ministre.
M. Burns: A ce moment, cela devient particulièrement
important de cadrer le mandat qu'ils auront à l'intérieur du
ministère de la Justice. Est-ce que vous êtes en mesure de nous le
définir le plus précisément possible?
M. Choquette: Très facilement. Dans le cas de M. Scotti,
il me semble que je l'ai bien défini. C'est de vérifier les
antécédents et les activités de certaines personnes dont
il est question de retenir les services pour le gouvernement, soit qu'elles
pourraient occuper des hauts postes au sein de la fonction publique ou soit
qu'elles pourraient être désignées à certaines
fonctions parmi les commissions du gouvernement.
Dans le cas de M. Barrette, il s'agit d'être un canal pour les
renseignements qui peuvent venir de la police et qui peuvent être utiles
au ministère de la Justice ou au premier ministre dans son
appréciation de la situation économique, de la situation sociale
et politique au sens large du terme.
Il ne s'agit pas de petite politique ou de politique partisane, il
s'agit de voir... On sait qu'il y a une grève dans le secteur de
l'amiante à l'heure actuelle. Quel est le climat qui y règne?
C'est un facteur qu'il faut prendre en considération au fur et à
mesure des décisions gouvernementales. Tout cela mérite
d'être acheminé, je pense, au niveau du premier ministre.
M. Burns: Ce qui veut dire que l'aspect emploi des futurs
employés du gouvernement sera exclusivement sous la juridiction de M.
Scotti et que sa juridiction sera limitée à cela.
C'est-à-dire qu'il ne dépassera pas...
M. Choquette: C'est exact.
M. Burns: ... les problèmes qui peuvent concerner autre
chose que les futurs employés du gouvernement.
M. Choquette: Exact. Il pourra peut-être aussi être
appelé à vérifier les antécédents de
personnes ou d'entreprises qui veulent traiter avec le gouvernement. On met
cela dans le même ordre d'idées qu'un emploi.
M. Burns: Cela veut dire qu'il n'aura pas à
s'intéresser à d'autres problèmes concernant la situation
sociale au Québec.
M. Choquette: Non.
M. Burns: Dans l'exécution du mandat qu'il aura, est-ce
que l'allégeance politique des individus devra être un
élément qui le concernera?
M. Choquette: En principe, non. Cela ne l'a jamais vraiment
été, excepté qu'il pourrait se faire que dans certaines
situations particulières on en tienne compte. Enfin, c'est assez
difficile à définir d'avance. Je pense qu'un gouvernement est
en
droit d'exiger de la loyauté de la part de ses hauts
fonctionnaires. Il ne s'agit pas de vérifier leurs opinions politiques
ou ce qu'ils pensent personnellement, de telles questions, mais si les
activités politiques de certaines personnes devaient constituer un
empêchement fondamental à ce qu'elles exercent une certaine
fonction, je pense bien que le gouvernement devrait en tenir compte.
M. Bédard (Chicoutimi): C'est une question
peut-être...
M. Choquette: C'est une question de largeur de vues et c'est
assez difficile à formuler. C'est une question d'appréciation de
chaque candidature. En principe, on peut être sûr que nous ne
faisons pas entrer de considérations personnelles dans le travail qui
devra être accompli par M. Scotti.
M. Bédard (Chicoutimi): Tout à l'heure, mon
collègue de Maisonneuve a parlé du témoignage de M.
Desrochers en relation avec M. Chouinard. M. Desrochers, dans son
témoignage à la commission Cliche, a laissé entendre
très clairement que, lorsqu'il est allé vérifier les
bandes enregistrées, c'est à la suite d'une demande qui lui avait
été faite par M. Julien Chouinard, du bureau du premier ministre.
Est-ce que M. Chouinard avait eu une autorisation ou avait-il eu un ordre de la
part du ministre de la Justice ou de la part d'un autre ministre en titre pour
formuler cette exigence à M. Desrochers?
M. Choquette: On présume qu'il avait une autorisation de
la part du premier ministre.
M. Bédard (Chicoutimi): II avait une autorisation de la
part du premier ministre pour demander à M. Desrochers...
M. Choquette: Bien oui, si M. Chouinard a fait...
M. Bédard (Chicoutimi): ... d'aller vérifier les
bandes.
M. Choquette:... la démarche en rapport avec M.
Desrochers, c'est que c'était autorisé par le premier ministre.
Il n'y avait rien de clandestin dans cette démarche.
M. Bédard (Chicoutimi): Non, non.
M. Choquette: Elle était tout à fait conforme.
M. Bédard (Chicoutimi): C'est important de le savoir.
M. Choquette: Oui.
M. Bédard (Chicoutimi): La question n'avait jamais
été posée, disons, au niveau de la commission Cliche.
M. Burns: Je veux terminer là-dessus. Le mi- nistre de la
Justice trouve normal qu'au-dessus de sa tête on passe directement
à la Sûreté du Québec pour des choses qui
relèvent exclusivement de son administration?
M. Choquette: Je ne me rappelle pas précisément
dans quelles circonstances cela s'est passé. Cela s'est passé aux
mois de février et mars I97I; donc, cela nous ramène très
loin en arrière et, par conséquent, c'est assez difficile pour
moi de préciser. Maintenant, il faut se rappeler que ce qui
intéressait M. Desrochers au point de vue du contenu des renseignements
qu'il voulait obtenir, c'étaient certains renseignements au sujet de la
Société d'habitation du Québec qui, par ailleurs,
dépend du ministre des Affaires municipales et où, je pense bien,
il n'y a pas un intérêt exclusif du ministre de la Justice.
M. Bédard (Chicoutimi): On peut en profiter pour
vérifier d'autres choses.
M. Burns: Est-ce qu'il y a d'autres ministres qui peuvent avoir
autorité pour envoyer un conseiller spécial ou un haut
fonctionnaire prendre connaissance d'un certain nombre de documents...
M. Choquette: Non.
M. Burns: ... comme cela a été fait dans le cas de
M. Desrochers?
M. Burns: Non. Je pense que le seul, ce serait le premier
ministre lui-même, qui est le patron.
M. Bédard (Chicoutimi): Est-ce que vous, comme ministre de
la Justice, vous avez été informé par le premier ministre
qu'il avait formulé cette demande à M. Chouinard pour qu'il la
fasse exécuter par M. Desrochers?
M. Choquette: Cela fait bien longtemps de cela et c'est
très difficile pour moi de me le rappeler.
M. Burns: Vous aviez une meilleure mémoire l'autre
fois.
M. Choquette: Oui, mais vous savez, il y a quatre ans. Cela fait
très longtemps.
M. Burns: Bon. Dernière question là-dessus. Est-ce
que, à cause de l'importance véritable ou imaginée que ce
service pourrait prendre à l'intérieur je dis
véritable ou imaginée, c'est-à-dire qu'on peut s'imaginer
toutes sortes d'affaires relativement à cet organisme à
l'avenir, le ministre de la Justice a l'intention, au même titre, par
exemple, que le directeur général de la Sûreté du
Québec est présent à l'étude des crédits,
d'inviter un de ces personnages à assister à l'étude des
crédits pour que si jamais il y a des questions précises qui
doivent leur être posées, cela puisse leur être posé
directement?
M. Choquette: Je n'aurais aucune objection.
Le responsable de ce service, c'est M. Paul Benoît, n'est-ce
pas?
M. Burns: Autrefois le directeur de la Sûreté.
M. Choquette: Autrefois le directeur général de la
Sûreté du Québec. Mais, je n'aurais sûrement pas
d'objection à communiquer des renseignements à l'Opposition.
M. Burns: D'accord.
Institut de police
M. Burns: Toujours au programme 6, M. le Président, ou,
à toutes fins pratiques, en revenant véritablement au programme
6, j'aimerais vous parler de la localisation de l'Institut de police. J'imagine
que le ministre s'y attendait, cela revient à tous les ans, cette
question, et particulièrement depuis l'incendie qui a ravagé une
partie de l'Institut de police à Nicolet. Bien que les locaux aient
été réparés depuis longtemps, les rumeurs veulent
que l'Institut de police quitte éventuellement cette ville.
L'année dernière, à l'étude des crédits, le
ministre, à qui nous posions de semblables questions, nous avait
répondu qu'aucune décision finale n'avait été
prise, ce qui, déjà, nous laissait un peu songeurs. Etant
donné que Nicolet était très loin des endroits où
se trouve la plus forte concentration des corps policiers à
l'intérieur du Québec, cela représentait un certain
inconvénient de maintenir l'Institut de police à Nicolet.
Evidemment, il y a eu le feu qui était un hasard et qui a
provoqué toute cette situation.
Alors, depuis cette date, le premier ministre et le ministre de la
Justice ont fait des déclarations quant à l'imminence d'une
décision dans ce cas à la lumière d'un rapport
condamné par la firme Pluram.
M. Choquette: Commandé.
M. Burns: C'est-à-dire, oui, je m'excuse, commandé,
pas condamné, commandé par la firme Pluram. Et le livre blanc,
à la page 81, en particulier, propose une décentralisation de
l'enseignement policier. J'aimerais savoir si vous êtes aujourd'hui en
mesure de nous donner plus de clarté et de rassurer une certaine
population qui est, à bon droit, inquiète de l'ensemble de la
situation.
M. Choquette: Oui, alors, la recommandation 1.14 de La justice
contemporaine se lit comme suit: "Que l'Institut de police continue à
assurer à Nicolet cette partie de la formation policière de base
des aspirants policiers qui requièrent un stage en résidence et
que l'Institut se fixe à Montréal pour le perfectionnement et le
recyclage."
Ce qui veut dire que nous allons scinder la formation de base des
policiers du perfectionnement des policiers qui sont déjà dans
les corps de police. Nous allons garder la formation des cadets policiers
à Nicolet où nous pouvons les recevoir en milieu fermé
pendant une période de quatre mois. Donc, l'Institut de police va
continuer à exis- ter et à dispenser ses cours à Nicolet
pour ces fins.
D'autre part, nous allons organiser une autre section de l'Institut de
police à Montréal pour le perfectionnement et le recyclage.
Ces décisions nous sont recommandées par le rapport Pluram
auquel le député a fait allusion.
M. Burns: Pas condamnées, mais commandées
par...
M. Choquette: La raison d'être de notre décision
d'aller donner le perfectionnement et le recyclage à Montréal est
que la plus grande partie des effectifs policiers sont situés dans la
région montréalaise. Donc, nous rendrons ces cours beaucoup plus
accessibles aux policiers qui sont en fonction dans les corps de police.
M. Burns: Est-ce que cela devrait avoir pour effet de diminuer
l'importance de l'Institut de police à Nicolet ou si on peut s'attendre
que l'Institut de police demeure, au point de vue de l'importance, à peu
près le même qu'il est actuellement?
M. Choquette: Je crois que l'institut va garder à peu
près la même importance à Nicolet, parce que,
simultanément à cette décision d'envoyer le recyclage et
le perfectionnement à Montréal, l'Ecole de police de la police de
Montréal va être fermée, de telle sorte que ce sera
l'Institut de police qui va assurer la formation des nouveaux policiers
à l'emploi du service de police de la CUM. Je crois que ceci devrait
compenser, d'une certaine façon, pour la perte qui résulterait du
recyclage et de la formation.
M. Burns: L'entente est faite à ce sujet ou... M.
Choquette: Pardon?
M. Burns: Est-ce que l'entente est faite de façon
définitive?
M. Choquette: Ce n'est pas conclu d'une manière
définitive, mais c'est en voie d'être négocié entre
le ministère de la Justice et l'Institut de police, ainsi que le service
de la police de la Communauté urbaine de Montréal.
M. Burns: Quand peut-on s'attendre à des décisions
définitives là-dessus?
M. Choquette: Enfin, d'ici quelques mois.
M. Burns: Avant l'automne, quoi?
M. Choquette: Oui.
M. Burns: D'accord, M. le Président.
Le Président (M. Picard): Programme 6, adopté.
M. Burns: Adopté.
Le Président (M. Picard): Programme 7?
M. Bums: M. le Président, juste avant qu'on quitte le
programme 6, avec votre permission, est-ce que je pourrais, tout simplement,
poser une ou deux questions précises relativement à l'Institut de
police de Nicolet?
M. Choquette: Oui.
M. Burns: D'abord, quelle est la durée des cours? Je pense
que vous nous avez indiqué que c'était quatre mois, tout à
l'heure.
M. Choquette: 19 semaines précisément.
M. Burns: 19 semaines précisément. Quel est le
nombre de policiers que vous inscrivez habituellement à chaque
cours?
M. Choquette: Nous formons environ 300 nouveaux policiers par
année. Chaque promotion est d'environ 40 à 45 policiers.
M. Burns: Bon. Merci, M. le ministre. Là,
assurément, le programme 6 serait adopté.
Le Président (M. Picard): Adopté. Programme 7?
Exercice des fonctions de police
M. Burns: M. le Président, au programme 7, j'aimerais vous
référer à une déclaration récente du maire
de Gatineau, qui annonçait son intention de s'adresser à la CPO,
à la Commission de police, afin que celle-ci étudie les avantages
à effectuer l'intégration des forces policières de la
région de Hull.
M. Choquette: Oui, il y a un mouvement assez fort dans la
région de l'Ouest du Québec pour l'intégration des forces
de police. Je pense qu'on répond, d'une certaine façon, à
ces aspirations par l'unification des services de police de trois villes qui
ont fusionné, n'est-ce pas, par une loi récente qui a
été adoptée il y a quelques mois.
M. Burns: Nous l'avions réclamé, d'ailleurs, lors
de la loi ordonnant l'intégration.
M. Choquette: Ordonnant?
M. Burns: C'est-à-dire que l'aide financière qui a
été accordée éventuellement, nous l'avions
réclamée lors de l'étude de la loi elle-même. Je
tiens à le souligner sans vouloir me péter les bretelles.
M. Choquette: Tout le monde réclame de l'aide
financière pour les municipalités et les corps de police. Cela me
semble normal. Je n'y vois aucun mal.
Quant à la régionalisation de tous les corps de police des
municipalités qui se trouvent autour de la ville de Hull, je ne pense
pas qu'il faille l'envisager dans l'immédiat et, pour être
réaliste, qu'il faille mettre cette mesure de l'avant, parce qu'elle me
semblera comporter inévitablement des coûts financiers assez
prévisibles et dont les contribuables fonciers devront faire les frais
avec toutes les incidences que ceci comporte sur la taxation municipale et
scolaire. Comme je l'ai dit dans le livre blanc, et comme je l'ai dit en de
multiples occasions, je ne peux pas à l'heure actuelle préconiser
la régionalisation ou l'intégration sur une base régionale
des corps de police municipaux sans que l'on ait pris les dispositions voulues
pour donner des montants annuels et statutaires qui aideraient les populations
locales à assumer les frais inhérents à de telles
intégrations.
Je ne pense donc pas que je doive donner suite à des voeux
exprimés, même par des autorités municipales, à
l'effet d'intégrer leurs corps de police municipaux, au moins dans
l'état actuel des choses.
M. Burns: Est-ce que la Commission de police s'est
prononcée elle-même sur cette demande du maire de Gatineau,
à votre connaissance?
M. Choquette: Non, elle ne s'est pas prononcée sur
l'opportunité de régionaliser les corps de police municipaux dans
une formule similaire à celle de la Communauté urbaine de
Montréal. Là où elle a été appelée
à intervenir, c'est dans l'organisation du service de police qui
résulte de la fusion des trois villes qui ont été
unifiées par une loi présentée par le ministre des
Affaires municipales. Dans cette perspective ou dans ces limites, la Commission
de police a été appelée à donner des conseils aux
dirigeants du nouveau service de "police" intégré, de
façon que le nouveau service de police puisse donner les
résultats voulus.
M. Burns: Est-ce qu'on peut s'attendre que le ministre de la
Justice réserve son opinion définitive jusqu'à ce que la
Commission de police se prononce sur l'utilité de faire cette fusion ou
sur la possibilité de cette fusion?
M. Choquette: Je pense que je n'ai même pas d'opinion
à exprimer...
M. Burns: A partir de l'intégration, pardon.
M. Choquette: ...parce que la fusion des trois villes
entraîne automatiquement l'intégration des services
municipaux.
M. Burns: Non, mais je parle de la proposition du maire de
Gatineau. Je reviens à ma question originale.
M. Choquette: L'intégration régionale... M.
Burns: Oui.
M. Choquette: ...à l'intérieur d'une
communauté urbaine?
M. Burns: A l'intérieur de la Communauté urbaine de
Hull...
M. Choquette: De l'Outaouais?
M. Burns: ...comme le mentionnait dans sa déclaration le
maire de Gatineau.
M. Choquette: Forcément, il faut que je réserve mon
opinion, parce que, d'abord, nous n'avons pas de loi-cadre prévoyant
l'intégration de corps de police municipaux à l'intérieur
de communautés urbaines. Ce serait certainement un prérequis que
d'avoir une telle loi-cadre. Deuxièmement, il y a un autre
prérequis, c'est la capacité du gouvernement du Québec de
donner une assistance financière. Donc, il y a deux obstacles...
M. Burns: Deux obstacles.
M. Choquette: ...importants à surmonter avant de donner
suite à une telle proposition.
M. Burns: J'ai ici un extrait du journal Le Droit, du 27 mars
1975, où il semble que M. Poirier, qui est le maire de Gatineau, selon
cette nouvelle, réclame l'unification des forces de la région. Je
présume que c'est la région de Hull allant jusqu'à
l'Outaouais. Ce n'est pas, à ma connaissance, plus précisé
dans l'article. On dit: "M. Poirier a d'ailleurs l'intention de solliciter
l'appui des autres municipalités dont Lucerne et Hull dans cette
initiative." Je présume que c'est la région comme telle, si peu
précisément que cela puisse être déterminé.
Si je comprends bien, vous acceptez d'attendre au moins l'avis de la Commission
de police, si un avis doit être donné à la suite de cette
demande, avant de vous prononcer définitivement.
M. Choquette: Plus qu'un avis. Je dirais qu'avant qu'on puisse
donner suite à cette demande, il faudrait adopter une loi-cadre
prévoyant les modalités d'intégration des corps de police
sur une base régionale.
Dans le cas de Montréal, le député de Maisonneuve
sait que le plan d'allocation des ressources humaines et physiques est venu
subséquemment à l'intégration elle-même. Cela ne
nous paraît pas une procédure normale et même recommandable,
malgré que nous avons dû en faire usage dans le cas de l'île
de Montréal.
Nous pensons que, s'il doit y avoir une loi-cadre prévoyant des
intégrations régionales, il faudrait que la Commission de police
exprime un avis sur l'opportunité d'une telle intégration, ainsi
qu'un avis sur les modalités d'intégration, pour que tout le
monde ne soit pas pris par surprise une fois que l'intégration a
été arrêtée et décidée. Donc, pour
l'avenir, pour autant que nous sommes concernés, la loi-cadre qui devra
éventuellement être adoptée par le Parlement
prévoirait qu'avant une telle intégration la Commission de police
fasse une enquête, voie les ressources en personnel, ainsi que les
ressources physiques qui sont disponibles, propose aux autorités
régionales, municipales un plan d'intégration qui soit de na-
ture à les satisfaire. Là, le gouvernement y donnerait suite par
une telle intégration régionale, en ajoutant évidemment ce
prérequis d'une certaine assistance financière. Il n'y a pas
à sortir de là, il y a toujours des conséquences
financières à de telles mesures.
M. Burns: Cela est la recommandation 1.15, à la page 81
dans votre livre blanc, qu'une politique d'aide financière soit un
prérequis à toute nouvelle intégration régionale de
corps de police municipaux, ce sur quoi, je peux vous le dire tout de suite,
nous sommes entièrement d'accord. C'est évident que toute
intégration nous nous en sommes rendu compte dans le cas de
Montréal, surtout que Montréal était à toutes fins
pratiques un projet pilote, c'était la première
intégration policière qui se faisait au niveau d'une
région que la mise en place de l'intégration
elle-même comporte des coûts qui ne paraissent pas aux budgets de
toutes les municipalités concernées. Même en disant qu'on
prend dans toutes les municipalités les fonds qui sont affectés
à la police et qu'on les met dans un même montant, même en
admettant que cette situation serait possible, on se retrouve avec des
coûts additionnels tout simplement par le phénomène de
l'intégration, que ce soit l'uniformisation des uniformes, des
véhicules, des...
M. Choquette: Des salaires.
M. Burns: ...salaires, des moyens d'action, des communications,
etc.
M. Choquette: Exactement.
M. Burns: Je pense bien que la recommandation reconnaît, et
je le reconnais avec le ministre aussi, que la mise en place d'une
intégration au niveau régional coûte en soi quelque chose
par la simple action de l'intégration.
M. Choquette: En effet.
M. Burns: En résumé, je présume qu'on va
attendre éventuellement une opinion précise avant de prendre une
décision définitive dans le cas de la région de Hull,
à la suite de la demande de M. Poirier.
M. Choquette: C'est ça.
M. Burns: D'accord. Toujours relativement au programme 7, M. le
Président, j'aimerais référer le ministre au rapport
annuel de 1973 de la Commission de police, qui réclamait des pouvoirs
accrus afin de mettre en vigueur ses recommandations et également afin
de faire appliquer ces règlements qui, d'ailleurs, doivent être
approuvés, dans l'état actuel des choses, par le conseil des
ministres.
Plus récemment encore, c'est-à-dire en janvier 1975, le
juge Laperrière soulignait qu'outre ses pouvoirs de recommandation la
Commission de police devait se fier au bon vouloir des politiciens locaux
je pense que le ministre est assez familier avec ce problème
ce qui, selon le juge La-
perrière, entraînait à la longue un malaise et
même, disait-il, une stagnation de l'évolution des corps
policiers.
J'aimerais savoir du ministre, à la suite du rapport annuel de
1973 et de la remarque d'un des membres de la Commission de police, le juge
La-perrière, en janvier 1975, s'il a l'intention de présenter des
amendements en ce sens.
M. Choquette: D'abord, la réglementation qui nous est
proposée par la Commission de police et qui est à
entériner par le lieutenant-gouverneur en conseil a force contraignante.
Je tiens d'abord à signaler que pour ce qui est des règlements
qui nous sont proposés par la Commission de police, une fois qu'ils ont
été adoptés par le lieutenant-gouverneur en conseil, ils
s'appliquent à toutes les municipalités du Québec et
à tous les corps de police.
Par ailleurs, les rapports d'enquête de la Commission de police
sur les problèmes vécus à l'intérieur de certains
services de police, soit qu'il s'agisse d'une enquête demandée par
un conseil municipal sur son corps de police qui ne va pas pour certaines
raisons, soit qu'il s'agisse de demandes d'enquête par les
autorités du corps de police lui-même qui parfois demande une
enquête à la Commission de police, soit qu'il s'agisse de demandes
d'enquête de citoyens, dans ces cas, le rapport d'enquête demeure
un guide plutôt qu'une formule qui s'impose d'emblée au corps de
police en question.
Je ne suis pas sûr, du moins à l'heure actuelle, qu'il
faille, dans tous les cas, donner aux recommandations de la Commission de
police, à l'égard des corps de police, une force absolue. Encore
faudrait-il, une fois qu'on aurait adopté une telle mesure, trouver des
mécanismes de sanctions au cas d'inobservance des conditions d'un
rapport de la Commission de police.
Disons, par exemple, que la ville de Château-Richer a une
enquête sur son corps de police et qu'on recommande qu'au lieu d'avoir un
seul véhicule il y ait deux véhicules-patrouille, qu'on
recommande que le poste de police existant soit fermé et qu'on en
construise un nouveau, qu'on recommande l'engagement de personnel additionnel,
c'est bien beau, mais une fois que la Commission de police a donné des
recommandations dans ce sens, encore faut-il que quelqu'un passe à
l'action pour les traduire dans les faits. Cela dépendrait naturellement
des autorités municipales locales de le faire ou de ne pas le faire.
Comment allons-nous faire pour les contraindre de donner suite à
de telles recommandations de la Commission de police? Quelles sanctions
pourrions-nous employer à l'égard de ces autorités
municipales récalcitrantes et agissant dans certaines occasions
conformément au bon sens, parce qu'il y aurait une recommandation de la
Commission de police à cet effet ou, dans d'autres occasions,
contrairement au bon sens, ou enfin conformément au bon sens aussi,
alors que la Commission de police aurait pu se tromper et aurait pu faire des
recommandations qui dépassent les moyens des contribuables locaux, qui
dépas- sent d'une certaine façon la capacité de payer?
Donc, la Commission de police deviendrait une espèce d'instrument qui
pourrait forcer les autorités locales à adopter des
décisions entraînant des conséquences au point de vue de la
fiscalité.
Cela pose pas mal de problèmes que cette recommandation de
donner, au rapport de la Commission de police, un effet absolu qui s'impose aux
autorités municipales locales. Pour le moment, moi je ne suis pas
arrivé à des conclusions définitives sur ce sujet. Je vois
bien les cas où on pourrait concevoir qu'il serait utile que les
recommandations de la Commission de police s'imposent.
Mais il y a d'autres cas aussi où je ne suis pas sûr que
c'est opportun.
M. Burns: Je reconnais avec le ministre le dilemme que ça
pose. Soyez assuré que je suis en mesure de me rendre compte de ce
dilemme. Mais ce qui nous avait frappés dans l'intervention du juge
Laperrière, c'était jusqu'à quel point il mettait de
l'insistance sur l'influence des milieux locaux politiques, disons-le, les
conseils municipaux, les hommes politiques municipaux et jusqu'à quel
point cette influence pouvait devenir nocive.
Encore là, je reconnais que, malgré la justification des
remarques du juge Laperrière, ça peut poser un dilemme
relativement au phénomène de taxation. Mais on retrouve
également une telle remarque ou quelque chose de très semblable
et de très proche dans le livre "Police et politique au Québec"
du criminologue Guy Tardif qui parle de la manipulation, à toutes fins
pratiques. Là, ce ne sont pas seulement des corps policiers, pas
seulement des recommandations qui peuvent être faites par la Commission
de police, mais des chefs de police.
Je me demande s'il n'est pas temps qu'on se mette à l'oeuvre pour
tâcher de mettre un terme à cette situation qui, quand même,
malgré le dilemme que cela pose et que je reconnais, sans aucune
espèce de doute, rend la situation absolument intolérable. A
partir du moment où vous avez des chefs de police locaux qui sont non
seulement en principe, mais en pratique à la.merci sauf,
évidemment, les droits d'appel qu'ils peuvent avoir des notables
municipaux, des édiles municipaux, ils sont constamment ballotés
et peuvent risquer de se retrouver sans emploi ou dans de sérieuses
difficultés, s'ils ne se plient pas aux volontés des hommes
politiques locaux.
Evidemment, vous allez me dire que c'est le cas du chef. Les autres
policiers sont des syndiqués, mais cela ne peut pas faire autrement que
de déteindre sur l'atmosphère qui règne à
l'intérieur d'un corps de police municipal, si on permet cela. Je ne dis
pas que tous les conseillers municipaux et que tous les maires, à
l'intérieur du Québec, sont des gens qui font cela, mais, aux
endroits où cela se fait, cela pose quand même un sérieux
problème. C'est pour cela que je soulevais le cas. C'est une solution,
je pense, qu'on peut percevoir à l'intérieur des remarques du
juge Laperrière, mais y a-t-il d'autres solutions qui sont
envisagées par le ministère de la Justice relative-
ment à ce phénomène que, semble-t-il, tout le monde
reconnaît? Vous avez une autorité de la Commission de police qui
le reconnaît et vous avez un criminologue bien connu, M. Tardif, qui le
mentionne dans son bouquin.
Il me semble qu'il serait temps que le ministre de la Justice qui,
lui-même, sans aucun doute est prêt à reconnaître la
situation... Vous avez l'air de faire appel à certains de vos
collègues pour contredire ce que je suis en train de dire?
M. Choquette: Non, pas nécessairement. Je regardais
l'auditoire.
M. Burns: Y a-t-il quelque chose d'envisagé? Si ce n'est
pas la solution proposée par le juge Laperrière, est-ce qu'autre
chose est envisagé de la part du ministère de la Justice pour
mettre un frein à cette situation?
M. Choquette: En gros, sans exclure des solutions plus
précises, plus contraignantes, qui peuvent peut-être
remédier à certaines situations particulières
d'interventions indues dans le travail de la police par certains maires ou
certains conseillers municipaux, je dirais qu'il faut plutôt rechercher
la solution à ces problèmes dans l'évolution des
mentalités vers une dépolitisation de l'action de la police. Je
crois que c'est sur cela qu'on peut tabler avec le plus de chances de
succès, soit tenter de créer cet esprit par lequel il existe un
équilibre approprié entre les exigences des conseils municipaux
et le rôle de la police. Quand je dis un équilibre
approprié, je veux dire qu'il me semble que le maire d'une ville et son
conseil municipal sont en droit d'interroger le directeur et son corps de
police sur l'efficacité de leur action vis-à-vis de la
criminalité. Ils sont en droit de leur poser des questions. Là
où ils excèdent leurs pouvoirs, c'est s'ils interviennent dans
des enquêtes particulières ou dans des actions de la police, pour
mettre des bâtons dans les roues à une action efficace de la
police ou encore nuire, pour des motifs politiques, personnels ou autres,
à des actions ou à des enquêtes policières.
Je crois qu'au Québec plus nous allons, plus nous évoluons
vers une mentalité assez normale de ce côté. Nous
rencontrons de moins en moins fréquemment des cas d'interventions indues
de la part des élus locaux dans les actions des polices locales. Je ne
dis pas que cela n'a pas existé. Cela a sans doute existé.
D'autre part, je ne crois pas qu'il faille dramatiser et grossir ce
problème. Je crois qu'il est quand même assez circonscrit.
La critique que je pourrais formuler à l'égard du livre de
M. Tardif c'estqu'il a pris des cas historiques, dirais-je, de conflits entre
des directeurs de police et leur conseil de ville.
Il n'a interrogé que les directeurs de police, il n'a pas
interrogé les maires et les conseils municipaux sur les causes de ces
conflits. En somme, il est comme un juge qui a entendu seulement une des
parties, il n'a pas entendu le point de vue de l'autre partie. Je suis
porté à croire que le livre est assez tendancieux et n'exprime
pas toute la réalité du Québec, où il me semble que
dans beaucoup de cas il existe des rapports très sains, harmonieux et
équilibrés entre les corps de police municipaux et les personnes
qui ont été élues pour représenter la
population.
Dans l'évolution que j'entrevois dans ce domaine-là, il y
a, d'une part, évidemment cette évolution des mentalités.
Je crois que, si on se reporte à 25 ans en arrière, il est
manifeste que l'influence des élus locaux était beaucoup plus
prononcée sur les attitudes prises par la police. Ceci, d'ailleurs,
correspondait à l'esprit du temps, qui se réflétait
même au niveau provincial. On n'a pas besoin de revenir sur cette
période-là. Le député de Maisonneuve sait comme moi
que souvent la police, la Sûreté du Québec était un
instrument entre les mains de certains hommes politiques qui agissaient souvent
pour des fins politiques.
M. Burns: Même en période électorale.
M. Choquette: En période électorale, entre autres.
De plus en plus, les choses s'améliorent et je crois que cette
mentalité prévaut de plus en plus dans tous les milieux du
Québec. Faisons confiance, à ce point de vue-là.
D'autre part, avec une régionalisation à venir des corps
de police sur un plan régional, je pense qu'à ce moment-là
on sortira carrément du problème de l'intervention indue de
certaines personnes dans l'action de la police.
M. Burns: Vous avez l'air de dire que, plus le corps policier est
éloigné de la direction politique locale, plus il a de chances
d'être exempt des interventions que je répète être
marginales. Ce n'est pas l'ensemble des conseils municipaux au Québec
qu'on peut accuser de se servir du chef de police ou de son corps de police
pour des fins politiques; je n'ose même pas parler de partisanerie ni de
quoi que ce soit.
M. Choquette: Oui.
M. Burns: Mais vous semblez dire qu'au fur et à mesure que
la direction politique locale va s'éloigner de l'administration de la
police, celle-ci devenant régionalisée, les risques de tels abus
sont aussi appelés à s'éloigner.
M. Choquette: Je réponds à la question du
député de Maisonneuve en disant: Oui et non. Oui, dans le sens
que, si un corps de police régional est dirigé par un conseil de
sécurité auquel figurent des personnalités qui ont pu
être désignées à ce conseil pour
l'intérêt exclusif qu'elles ont dans la police, ceci peut aider
à contrebalancer ou à neutraliser les efforts de
personnalités politiques locales d'intervention dans les corps de
police.
Par contre, il ne faudrait pas que la police et la direction de la
police deviennent bureaucratisées et fonctionnarisées au point
que les élus, sur le plan local, ne puissent pas faire ressentir leur
influence sur la manière dont la police se charge de ses fonctions.
C'est la raison pour laquelle il y a lieu, d'une autre façon, de
rapprocher la police
des populations locales pour que la police corresponde le plus possible
aux sentiments, aux aspirations et aux besoins locaux qui peuvent être
manifestés, soit directement par les citoyens, soit par l'entremise de
leurs élus.
Donc, c'est pour cela que je dis que c'est plutôt dans
révolution des mentalités, des attitudes que le progrès va
se faire, et il sera favorisé, sans aucun doute, par les
intégrations qui pourraient se passer sur le plan régional. Je
donne comme exemple, à Montréal, le conseil de
sécurité; il est à moitié composé de
personnes qui y sont désignées, à moitié
composé de personnes qui représentent les citoyens et qui sont
des maires ou des membres de conseils municipaux. On réalise très
bien les problèmes du conseil de sécurité à l'heure
actuelle, on les comprend facilement. Le conseil de sécurité doit
assurer une direction efficace à la police, il doit donner à la
police une administration saine.
Par contre, il ne faut pas que cette administration devienne trop
éloignée des besoins des différentes populations dans
l'île de Montréal qui sont assez variables d'un secteur à
l'autre. C'est pour ça qu'on fait un effort de rapprochement avec des
populations locales, mais sans sacrifier l'efficacité administrative
qu'il est requis d'avoir pour un corps de police, sans sacrifier non plus
à la dépense inconsidérée. Il faut quand même
que les sommes d'argent soient administrées convenablement et que la
gestion financière du personnel, du matériel soit faite suivant
les meilleures normes administratives. C'est donc un équilibre que nous
recherchons à travers l'expérience montréalaise et je
pense qu'elle sera susceptible de nous éclairer à l'occasion
d'autres intégrations régionales à venir.
M. Burns: Quand ce ne sont pas les édiles locaux qui s'en
mêlent. D'autre part, il risque d'y avoir des personnalités
politiques nationales qui s'en mêlent. Je pense, par exemple, au cas de
M. Guay qui est actuellement à l'étude et qui a fait l'objet de
commentaires du ministre de la Justice lui-même, peut-être
involontaires, mais...
M. Choquette: J'étais obligé de répondre
à une de vos questions à la Chambre.
M. Burns: Oui, oui, mais...
M. Choquette: Vous m'avez posé une question, vous vouliez
que je vous réponde la vérité.
M. Burns: Je voulais que vous me répondiez la
vérité, mais je ne voulais pas que vous vous substituiez à
l'éventuel organisme, surtout que vous aviez vous-même le pouvoir
de nommer cet organisme. Je n'ai pas l'intention d'entrer dans le fond de cette
affaire, parce que là peut-être qu'on nuirait à M. Guay
puis on nuirait au travail des commissaires que vous avez nommés. Mais
je vous signale en passant que, même au niveau national, puisque vous
occupez un poste national, considérant le Québec comme une nation
et le Québec comme un territoire national, vous avez vous-même
péché, M. le ministre, ce que vous seriez en mesure de reprocher
à nos édiles municipaux.
M. Choquette: Dans ce cas particulier, il faut remarquer que les
trois juges qui ont été désignés pour entendre
l'affaire Guay ont été désignés par le juge en chef
de la cour Provinciale, le juge Gold, sans aucune intervention de ma part.
Une Voix: Ce n'est pas sub judice cette affaire?
M. Choquette: On traite de l'organisation de la commission.
M. Burns: On n'a pas parlé du cas lui-même. M.
Choquette: Par conséquent...
M. Burns: Mon Dieu que les présidents de commission sont
nerveux. Cela fait deux fois dans la même journée que je me fais
parler du problème de sub judice, par deux présidents de
commission différents. Votre collègue, le député de
Pointe-Claire, a été obligé de reconnaître par la
suite que, même quand on parlait de M. Louis La-berge, on n'était
pas en train de parler d'un cas sub judice.
Le Président (M. Picard): C'est parce que vous avez
mentionné le nom d'un individu.
M. Burns: J'ai parlé de M. Louis Laberge, ce matin, puis
là je vous parle de M. Guay cet après-midi. Je n'ai pas
l'intention de faire un long exposé là-dessus, mais je dis
à votre intention, M. le Président, et dans notre
intérêt à tout le monde qu'à partir du moment
où on nomme un individu qui est devant les tribunaux, on ne fait pas un
accroc à la règle du sub judice. Penons le cas de M. Laberge. Si
je me mettais à dire que M. Laberge a été condamé
à tort ou condamné à raison je le donne à
titre d'exemple et je donne les deux choix de l'alternative, donc je ne me
prononce pas sur la cause je serais en train de m'immiscer dans la
règle du sub judice. Mais si je prends l'occasion d'une condamnation de
M. Laberge pour discuter d'un problème particulier qui en l'occurrence
était ce matin l'application de la loi 30 au cas de M. Laberge, je ne
pense pas que je m'immisce dans la règle où on ne doit pas se
mêler des droits de quelqu'un qui est devant les tribunaux. Je pense bien
qu'on le reconnaît.
M. Choquette: Malgré que même là, je ne
ferais aucun commentaire sur cela, étant donné que M. Laberge
attend sa sentence et que tout commentaire doit être empreint de
prudence.
Brutalité policière
M. Burns: C'est d'ailleurs probablement cette prudence qui a
forcé le député de Pointe-Claire à nous souligner
que nous étions sur un terrain glissant, ce que nous avons reconnu et ce
que nous
avons tenté de respecter dans nos remarques.
Toujours dans le domaine de la normalisation et la surveillance de
l'exercice des fonctions de la police, c'est-à-dire le programme 7,
j'aimerais, en terminant ce programme, soulever le problème qui a
peut-être l'air péjoratif, si on le qualifie comme tel, mais
soulever le problème de la brutalité policière.
Nous avons constamment dans les journaux des exemples. Ce sont des cas
d'espèce, ce sont des cas qui sont soulevés. Il y a eu le cas
très spectaculaire et récent des grévistes de United
Aircraft qui avaient occupé encore là, je ne veux pas me
prononcer parce qu'il y a des choses qui sont devant les tribunaux; j'ai le
droit de me référer quand même à la situation
apparemment l'usine. Sans me prononcer sur le geste précis posé
par les grévistes, avec un grand tapage de publicité tant dans
les journaux il ne s'agit pas de publicité au sens que c'a a
été moussé par qui que ce soit, mais on l'a
rapporté que dans les autres media, que ce soit la
télévision ou la radio, on semble avoir, et le cas de United
Aircraft est peut-être l'exemple le plus dramatique récent,
l'occasion à tout bout de champ de trouver des cas où la police,
semble-t-il, a agi avec beaucoup plus que la force nécessaire pour
réprimer des gestes que la police considère comme
illégaux, qui par la suite sont soumis aux tribunaux, et les tribunaux
décident. C'est un autre problème.
Je me rappelle avoir vu, à la suite de l'affaire de United
Aircraft, M. le directeur Beaudoin de la Sûreté du Québec
venir faire l'apologie je ne le blâme pas, c'est peut-être
son rôle de le faire, je vous situe les faits de ses policiers,
venir dire qu'on n'a pas exercé de force excessive pour réprimer
les actes.
D'autre part, on a eu des témoignages en série. Il y a
même eu une émission spéciale, si je me rappelle bien,
à la télévision de Radio-Canada c'est-à-dire
une émission spécialement consacrée à ça
à l'intérieur de l'émission Format 60 où
vous aviez des grévistes qui venaient donner leur point de vue ainsi que
le directeur de la Sûreté.
Remarquez que je n'étais pas là, ni dans le cas de United
Aircraft, ni dans les autres cas, ni dans les manifestations, sauf
quelques-unes où j'ai été à même de le voir,
entre autre la fameuse manifestation d'octobre 1971, dans le cas de La Presse,
où j'étais au premier rang, donc à même de voir un
certain nombre de choses, où on pouvait reprocher des choses aux
manifestants, bien sûr, et où on pouvait reprocher un certain
nombre de choses aux policiers.
Si je soulève la question, ce n'est pas pour tomber sur le dos
des policiers, ce n'est pas pour tomber sur le dos de l'administration de la
justice, mais pour constater un fait: C'est que ces choses sont à long
terme très souvent nocives quant à l'image qu'on se fait des
corps policiers à l'intérieur du Québec.
Il me semble qu'il y a lieu de réexaminer la situation
complète de la part du ministère de la Justice pour qu'on
évite d'une part de nuire, dans l'opinion publique, à cet
instrument très important qui s'appelle les corps policiers dans
l'administration de la justice.
Est-ce qu'actuellement le ministère se préoccupe de cette
situation? J'ouvre une parenthèse en disant qu'en général
l'attitude policière s'est bien améliorée depuis au moins
deux ans, tant dans les manifestations qu'ailleurs. Il reste quand même
qu'on a des cas comme United Aircraft, où semble-t-il, de la part de
personnes qui sont neutres dans la situation je pense par exemple
à un journaliste qui était sur les lieux on se demande
sérieusement s'il n'y a pas eu un excès de la part de la
police.
Est-ce qu'il y a quelque chose qui fait que cette préoccupation
qui est la mienne se traduit par quelque chose de concret auprès du
ministre? Peut-être que le ministre préférerait
répondre...
M. Choquette: Je vais répondre très
brièvement.
M. Burns: Je ne voudrais pas...
M. Choquette: On pourra revenir, mais je voudrais répondre
quand même assez brièvement et succinctement au
député de Maisonneuve. Je pense que les cas de brutalité
policière sont de plus en plus rares et je crois qu'en fait on peut dire
que la police en général agit très correctement dans la
grande majorité des circonstances.
Evidemment, il peut se produire à un moment donné des
excès. Les policiers sont humains, ils subissent toutes sortes de
frustrations alors qu'ils sont dans des manifestations où ils doivent
faire face à des circonstances difficiles.
On se charge bien de les provoquer, dans certains milieux, de telle
sorte qu'à un moment donné il est possible que les policiers
exagèrent dans l'action qu'ils devraient adopter.
Pour notre part, de façon à remédier à cette
situation, j'ai demandé à la Commission de police de
préparer une étude, qui sera suivie d'un guide à l'endroit
des policiers qui leur fixera leur règle de conduite à l'occasion
de manifestations, de grèves, en fait d'actions qui peuvent
requérir leur intervention, mais qui seraient susceptibles, aussi,
d'entraîner des excès de leur part. La Commission de police a mis
sur pied un comité qui a d'ailleurs, rédigé un rapport,
à l'heure actuelle, sur la question. Ce rapport sera
synthétisé dans un guide à l'usage des policiers. Je
pense, que cela contribuera à assainir complètement le climat
dans ce domaine et à faire en sorte qu'on ne puisse pas, excepté
à l'occasion et dans des circonstances exceptionnelles, critiquer
l'action policière.
M. Burns: J'aimerais qu'on y revienne après la suspension,
puisqu'on est appelé à faire un vote, parce que, personnellement,
je trouve que c'est un point sur lequel il vaudrait la peine, sinon de passer
la soirée, disons de prendre quelques minutes pour en discuter.
Personnellement, je le trouve suffisamment important pour qu'on ne
l'élimine pas rapidement à cause du fait qu'on est appelé
à aller voter en Chambre.
Le Président (M. Picard): Je me dois de suspendre les
travaux sine die en attendant la décision de l'Assemblée
nationale. Il est fort probable que nous allons siéger à huit
heures quinze.
M. Choquette: Oui.
Le Président (M. Picard): La commission suspend ses
travaux sine die.
(Fin de la séance à 17 h 48).
Reprise de la séance à 20 h 29
M. Picard (président de la commission permanente de la
justice): A l'ordre, messieurs! La commission de la justice continue, ce
soir, l'étude des crédits du ministère de la justice.
Programme 7. Le député de Chicoutimi.
M. Bédard (Chicoutimi): Adopté. Programme 8, M. le
Président.
Le Président (M. Picard): Programme 7, adopté.
Programme 8: Protection civile.
Protection civile
M. Bédard (Chicoutimi): Le programme 8, Protection civile,
que fait-elle exactement? On a l'impression de ne jamais la voir. Je vous pose
cette question de façon bien générale.
M. Choquette: La protection civile joue un rôle utile,
peut-être pas spectaculaire, mais elle a mis sur pied des programmes avec
les municipalités pour des cas de désastres ou cataclysmes
naturels. Elle intervient dans certaines circonstances où, à
cause d'événements imprévus, il est nécessaire de
mettre en oeuvre des moyens de secours à la population. Ainsi,
très près de la région du député de
Chicoutimi, elle est intervenue et a coordonné les activités dans
le cas de Saint-Jean-Vianney.
M. Bédard (Chicoutimi): Saint-Jean-Vianney, oui.
M. Choquette: Elle intervient lors des inondations au printemps.
Enfin, elle ne comporte pas un personnel très nombreux. Je crois qu'elle
comporte un personnel d'une centaine de personnes.
M. Bédard (Chicoutimi): Dans le cas d'un désastre
tout récent, à savoir la tornade qui a balayé
Saint-Rémi-de-Napierville et qui a causé des dommages pour
près de $1 million, peut-être plus, qu'est-ce que la protection
civile a pu faire dans ce cas?
M. Choquette: Dans le cas, elle a été
appelée à intervenir après le fait parce qu'on sait qu'une
tornade...
M. Bédard (Chicoutimi): Cela ne s'annonce pas trop
d'avance.
M. Choquette: ... cela surgit rapidement et cela disparaît
aussi rapidement. Là, évidemment; il y a la question des dommages
subis par un certain nombre de citoyens. Il y aura possiblement des
décisions gouvernementales à prendre quant à
l'indemnisation partielle de ces citoyens. La protection civile ne peut pas
jouer ce rôle. Mais dans les inondations, par exemple...
M. Bédard (Chicoutimi): Mais relativement au danger de
pillage après un désastre ou après un cataclysme?
M. Choquette: C'est plutôt la police qui va s'occuper de
cela.
M. Bédard (Chicoutimi): Plutôt la police. M.
Choquette: Oui.
M. Bédard (Chicoutimi): A part Saint-Jean-Vianney,
peut-être simplement comme illustration, est-ce qu'il y a d'autres
exemples que vous pouvez nous donner de ses activités?
M. Choquette: Les cas les plus remarquables des activités
de la protection civile, c'est à l'occasion des inondations du
printemps. Par exemple, on sait que dans la région de la
Chaudière, il y a des inondations considérables au printemps.
Dans la région de Montréal, il y a de grosses inondations.
Là, la protection civile intervient.
M. Bédard (Chicoutimi): Le livre blanc sur la Justice,
à la page 73, traitant de la protection civile d'une façon toute
particulière, propose que le domaine de la protection civile soit
confié dorénavant au ministère du Conseil exécutif.
Est-ce que le Conseil exécutif a été consulté
à ce sujet? Est-ce que, dans le cas d'une réponse affirmative, il
y a un transfert de juridiction qui peut être prévisible?
M. Choquette: Oui, il y a un transfert de juridiction qu'on peut
envisager. Le ministère du Conseil exécutif avait
été pressenti sur cette proposition contenue au livre blanc parce
que alors qu'autrefois, les actions de la protection civile étaient
plutôt reliées au domaine de la police, aujourd'hui nous nous
sommes rendu compte qu'elle est plutôt appelée à intervenir
dans le cas de cataclysmes naturels. Etant donné qu'il y a beaucoup de
ministères dont l'action entre en ligne de compte à ce
moment-là, ainsi les Affaires sociales, les Affaires municipales, la
Justice, par la Sûreté, etc., nous avons pensé qu'il serait
peut-être opportun de donner la responsabilité de ce programme au
ministère du Conseil exécutif.
M. Bédard (Chicoutimi): Quand le ministre
prévoit-il ce transfert de juridiction?
M. Choquette: Une décision définitive n'a pas
été prise. D'ailleurs, dans le livre blanc, nous avons
proposé d'abandonner plusieurs programmes qui appartiennent actuellement
au ministère de la Justice pour les confier à d'autres
ministères. Je pense bien qu'il faudra regarder ces différents
programmes qu'on suggère de confier à d'autres ministères,
comme la Commission de contrôle des permis d'alcool, comme la
Régie des loteries et des courses; il faudra regarder tous ces
programmes ensemble pour voir à quel moment il est plus opportun de
faire ces transferts.
M. Bédard (Chicoutimi): Je comprends qu'une grande partie
de l'augmentation des crédits dans ce cas comme dans bien d'autres
programmes est affectée à des augmentations de salaires.
M. Choquette: En effet.
Le Président (M. Picard): II y a d'autres questions au
programme 8?
M. Bédard (Chicoutimi): Adopté.
Le Président (M. Picard): Programme 8, adopté.
Programme 9, Contentieux criminel et pénal.
Contentieux criminel et pénal
M. Bédard (Chicoutimi): Est-ce que, d'une façon
générale, le ministre pourrait nous donner un aperçu des
motivations au sujet des augmentations qu'on peut remarquer et qui sont quand
même assez appréciables, aux éléments I et 2 du
programme?
M. Choquette: A l'élément I, l'un des facteurs
d'augmentation est l'intégration des cours municipales de Longueuil,
Greenfield Park et Saint-Hubert. Les crédits requis pour ce projet sont
de $380,000. En plus de cette nouvelle activité, nous prévoyons
aussi une augmentation d'environ 15% du volume de production au niveau du
bureau juridique du code de la route. Egalement celui-ci a l'intention de
suivre d'une façon plus approfondie les dossiers pénaux
confiés aux avocats et aussi faire une analyse plus approfondie des
billets d'infraction. De ce fait, des crédits additionnels de $215,000
ont été estimés, ce qui forme un total de $595,000 qu'il
faut ajouter comme facteur d'augmentation pour cet élément.
Quant au contentieux criminel, il y a une augmentation naturelle du
nombre d'affaires que nous sommes appelés à traiter. Ceci
entraîne la création de postes additionnels avec des salaires
afférents, d'autant plus qu'il faut ajouter évidemment
l'augmentation des traitements du personnel qui se répercutent dans les
crédits requis.
M. Bédard (Chicoutimi): Le livre blanc sur la justice, au
chapitre traitant du ministère et de son organisation, nous indique que
la direction générale des affaires criminelles, dont on retrouve
le budget à l'élément 2 de ce programme, compte des
effectifs permanents de 101 avocats agissant comme substituts du procureur
général.
M. Choquette: Oui.
M. Bédard (Chicoutimi): Et également fait
état de certains effectifs à temps partiel dont le nombre, selon
le rapport, est restreint et en régression constante.
Au paragraphe suivant, celui qui traite de la direction
générale des affaires civiles et pénales, on ne parle pas
des effectifs d'avocats affectés au service du contentieux de
façon permanente, bien
qu'on reconnaisse que le volume des affaires est considérable sur
l'ensemble du territoire.
Le livre blanc spécifie à ce même chapitre, pages 46
et 47, que la direction générale confie certains mandats à
des avocats exerçant en cabinet privé "surtout dans des dossiers
requérant une expertise technique particulière."
On mentionne également que, pour ce qui est du bureau juridique
du code de la route, les opérations sont entièrement
mécanisées, tel que le spécifient les recommandations du
livre blanc, à la page 78. Je voudrais savoir du ministre quels sont les
domaines requérant les services d'avocats doués d'une expertise
technique particulière pour employer...
M. Choquette: A quelle page?
M. Bédard (Chicoutimi): Aux pages 46 et 47.
M. Choquette: Bon, très bien.
M. Bédard (Chicoutimi): Les recommandations sont à
la page 78.
M. Choquette: Oui. Dans le domaine criminel, notre personnel, qui
nous représente devant les tribunaux, est un personnel qui est presque
entièrement composé d'avocats permanents, de substituts du
procureur général permanent. Je crois qu'il reste cinq ou six
avocats, qui agissent comme substituts du procureur général, qui
sont des avocats à temps partiel, mais la politique du
ministère...
M. Bédard (Chicoutimi): Vous voulez dire dans la pratique
privée?
M. Choquette: Oui, mais qui sont retenus à temps partiel
pour agir comme procureurs de la couronne ou substituts du procureur
général.
M. Bédard (Chicoutimi): Dans quel district?
M. Choquette: II y en a deux dans Beauharnois, deux dans
Roberval, un dans Mégantic et deux dans l'Abitibi. Dans tous les autres
districts judiciaires, les avocats qui agissent pour nous sont des avocats
permanents. Maintenant, notre intention est de faire en sorte que dans les
meilleurs délais nous soyons représentés partout par des
avocats permanents.
Dans le domaine pénal et civil...
M. Bédard (Chicoutimi): Le ministre doit se douter un peu
pourquoi je voudrais avoir plus d'explications concernant ce domaine. C'est
parce que c'est peut-être dans ce secteur de la justice, à savoir
le fait pour le ministère de la Justice de retenir les services
d'avocats dans la pratique privée, que se présentent souvent les
accusations les plus nombreuses de patronage et de favoritisme.
M. Choquette: Je crois que cette accusation...
M. Bédard (Chicoutimi): Est de moins en moins vraie.
M. Choquette: ... est de moins en moins vraie et est
véritablement mal fondée, à l'heure actuelle. Je pense que
depuis deux ans nous avons engagé au moins 50 avocats à temps
plein et qui sont devenus substituts du procureur général, de
telle sorte qu'en fait le problème des avocats à temps partiel,
dans le domaine criminel, est tout simplement résiduaire, à
l'heure actuelle. Si nous n'avons pas remplacé nos avocats de la
pratique privée qui agissent encore pour nous dans quelques districts
judiciaires, c'est parce que nous n'avons pas pu recruter d'avocats à
temps plein. C'est donc un problème qui sera réglé au
cours de cette année, certainement. Je suis sûr que l'année
prochaine, à pareille époque, au moment de l'étude des
crédits, l'ensemble ou la totalité des avocats qui nous
représentent dans les causes criminelles seront des avocats qui
consacreront entièrement leur travail au ministère de la
Justice.
M. Giasson: Est-ce que le député de Chicoutimi
aurait des candidats à suggérer pour les districts où vous
devez procéder avec des avocats de pratique privée?
M. Choquette: Posez-lui la question.
M. Bédard (Chicoutimi): Jusqu'à maintenant, je n'ai
jamais fait de recommandations en ce sens. De toute façon, je n'ai
jamais été favorisé, je ne l'ai jamais demandé et
je ne suis pas intéressé. Cela règle la question.
M. Choquette: Bien.
M. Bédard (Chicoutimi): Une chose est certaine, autant
lorsque c'était l'Union Nationale que le Parti libéral il
arrivait, par un hasard permanent, que lorsque le gouvernement changeait, les
avocats c'était même acquis, il n'y avait même pas de
discussion représentants du procureur...
M. Giasson: Depuis l'avènement du ministre Choquette, ces
hasards heureux consécutifs n'existent plus.
M. Bédard (Chicoutimi): Vous allez avoir le droit
d'intervenir.
M. Choquette: Je crois que le député de Montmagny
parle en connaissance de cause, parce que, dans le district judiciaire qu'il a
l'honneur de représenter, j'ai justement désigné un
avocat...
M. Giasson: Qui est membre de l'exécutif du Parti
québécois.
M. Choquette: Exactement.
Une Voix: Sensationnel! Sensationnel!
M. Bédard (Chicoutimi): C'est pour dire que, quand on
laisse le patronage de côté et qu'on va chercher la
compétence, on s'oriente souvent vers des membres...
M. Choquette: On est prêt à se faire sermonner.
M. Giasson: Vous devriez examiner les plaidoyers du dernier
procès criminel, dans le district judiciaire de Montmagny.
M. Bédard (Chicoutimi): Dois-je comprendre que vous en
étiez satisfait ou pas?
M. Giasson: Vous n'avez rien à comprendre. Lisez-le.
M. Bédard (Chicoutimi): Je ne vois pas pourquoi vous nous
invitez à le lire. Si vous voulez exprimer une opinion, exprimez-la.
M. Giasson: Je vous donne un petit conseil.
M. Bédard (Chicoutimi): C'est un conseil dont je peux me
passer.
M. Choquette: Quoi qu'il en soit, nous avons maintenant une
procédure simplifiée pour l'engagement des substituts du
procureur général. Des amendements assez importants ont
été apportés à la Loi des substituts du procureur
général, qui permettent d'engager les avocats sur une simple
déclaration d'engagement du ministre, qui est généralement
précédée d'un examen par un jury composé du
sous-ministre aux affaires criminelles, d'un procureur-chef de la couronne et,
le plus souvent, d'un avocat de la défense qui examinent les
qualifications du candidat.
Je dois dire avec une légitime fierté que, dans ce
domaine, comme dans tant d'autres, le ministre de la Justice et le gouvernement
actuel ont fait des efforts très considérables qui ont
été couronnés de succès, de façon à
dépolitiser entièrement l'administration de la justice.
M. Bédard (Chicoutimi): Vous procédez avec
célérité, à votre humble opinion!
M. Choquette: Dans quel domaine?
M. Bédard (Chicoutimi): Pour faire ces changements.
M. Choquette: Sans doute, je vous ai dit tout à l'heure
que, depuis deux ans, je pense, nous en avions engagé 54 à temps
plein, ce qui est déjà plus de la moitié de nos effectifs
complets. J'ai eu le plaisir, samedi dernier, de rencontrer à
Montréal tous les substituts du procureur général, qui
sont venus de toutes les parties de la province. Au cours de cette
réunion, nous avons échangé des vues sur l'application du
droit criminel au Québec. Je dois dire que j'ai été
extrêmement réjoui du calibre de ceux qui nous représentent
devant les tribunaux.
M. Bédard (Chicoutimi): Remarquez que le but de mes
questions n'était en aucune façon de mettre en doute leur
qualité.
M. Choquette: Non, j'ai compris que le député veut
se renseigner.
M. Bédard (Chicoutimi): Exactement. Maintenant, la
situation que vous venez de me décrire concerne, naturellement, l'aspect
du droit criminel.
M. Choquette: En effet.
M. Bédard (Chicoutimi): Concernant le droit pénal,
d'une façon toute particulière, peut-être, l'application du
code de la route, la situation est-elle aussi réjouissante?
M. Choquette: Elle n'est pas la même. Il faut savoir
s'adapter à chaque circonstance, suivant ses impératifs
propres.
M. Bédard (Chicoutimi): C'est plus difficile de
couper?
M. Choquette: C'est beaucoup plus difficile, parce que, dans les
divers contentieux du gouvernement, nous avons environ 200 avocats à
temps plein qui agissent comme conseillers juridiques auprès des
ministères, auprès d'organismes gouvernementaux. Ces avocats ont
souvent comme responsabilité de donner des avis juridiques au
ministère ou à l'organisme concerné, d'interpréter
les lois qui s'appliquent à certains secteurs d'activité
intéressant ces ministères ou ces organismes, de prendre des
responsabilités en rapport avec les poursuites pénales qui
résultent de ces mêmes lois, de préparer des projets de loi
ou des projets de règlement qui intéressent le secteur dans
lequel ils oeuvrent. Leur responsabilité de conseillers juridiques
chevauche le droit civil, le droit statutaire et le droit pénal.
Alors, ils ont des responsabilités assez étendues. Il va
de soi que nous ne sommes pas en mesure à l'heure actuelle de confier
les litiges civils, soit engagés par le gouvernement ou contre le
gouvernement, à ces 205 avocats. Et nous ne sommes pas en mesure non
plus de leur donner toute la responsabilité de s'occuper des poursuites
pénales et statutaires parce que ceci représenterait une telle
quantité de travail que nous devons avoir recours à des avocats
de la pratique privée.
Dans ces conditions, lorsqu'il s'agit de litiges civils, nous devons
retenir des avocats de la pratique privée. Il y a bien sûr
quelques cas où nos avocats agissent eux-mêmes devant les
tribunaux, par exemple au ministère du Revenu, les avocats de ce
contentieux, qui d'ailleurs est important, vont agir pour le gouvernement dans
les causes fiscales devant les tribunaux. Dans d'autres secteurs, cela ne nous
est pas possible.
Le ministère se doit donc de retenir des avocats de la pratique
privée en droit civil comme aussi en droit pénal. En droit civil,
s'il s'agit de matières qui sont importantes, qui impliquent des
sommes assez considérables pour le gouvernement, tout
naturellement, nous allons à des spécialistes dans ces domaines
comme, par exemple, dans les actions en dommages ou les causes d'expropriation.
Nous avons alors recours à des avocats qui se spécialisent dans
ces domaines. Dans le droit pénal, là, c'est une chose où
cela ne requiert pas une compétence très particulière
malgré que nous avons cherché à confier nos mandats
à des avocats, confier des mandats en nombre suffisamment important pour
vraiment intéresser l'avocat de la pratique privée. Le
député de Chicoutimi est suffisamment au fait des conditions dans
lesquelles les avocats de la pratique privée travaillent pour, je crois,
apprécier le fait que si l'on envoyait une cause ou deux du code de la
route ou une cause ou deux en vertu de la Loi de la protection du consommateur
ou une cause ou deux en vertu de telle autre loi, le plus souvent l'avocat ne
s'y intéresserait pas étant donné que ces mandats ne
rapportent pas beaucoup, les honoraires qui y sont attachés sont assez
petits, de telle sorte qu'il faut envoyer un volume assez considérable
pour que l'avocat puisse vraiment s'y intéresser.
Nous avons cherché dans des domaines particuliers du droit
pénal à confier des mandats en nombre suffisant à des
avocats qui indiquent un intérêt dans ces secteurs et qui donnent
un rendement suffisant au ministère.
M. Bédard (Chicoutimi): Quand on parle du code de la route
et des poursuites pénales, j'ai bien l'impression qu'il n'y a pas grand
avocats qui ont besoin d'une grande expertise...
M. Choquette: Non, c'est cela...
M. Bédard (Chicoutimi): ... qui soient doués d'une
grande expertise pour plaider ces causes. C'est bien plus
l'intérêt financier que cela peut représenter étant
donné le nombre de causes assez important.
M. Choquette: Je suis d'accord avec le député que
l'intérêt financier y est et qu'il faut savoir le
reconnaître. Par contre, il y a des secteurs où il y a pas mal de
technicalités et là...
M. Bédard (Chicoutimi): Je l'admets.
M. Choquette:... il faut aussi donner un nombre assez important
de causes à des avocats pour qu'ils y prennent un
intérêt.
M. Bédard (Chicoutimi): Mais dans le cas des causes
pénales, il avait déjà été question que ce
soit donné aux fins d'être plaidé aux représentants
ou substituts du procureur général qui sont nommés d'une
façon permanente. Une étude a été faite à
cet effet et amenait comme résultat qu'au bout de la ligne, cela
représenterait quand même une épargne assez importante pour
le ministère de la Justice.
Qu'est-ce qui fait que le ministère de la Justice ne se
décide pas à donner ces causes tout simplement aux procureurs
permanents? Le ministre le sait, ces causes se plaident le matin...
M. Choquette: Je le sais, je connais cela.
M. Bédard (Chicoutimi): ... elles passent en
série.
M. Choquette: Mais je dirais que dans le cas des substituts du
procureur général, ils n'ont pas le temps, à l'heure
actuelle, compte tenu du volume d'affaires criminelles qu'ils ont à
traiter, de prendre en plus de cela tout le droit pénal.
M. Bédard (Chicoutimi): Est-ce que cela ne serait pas plus
payant, même s'il fallait nommer un procureur permanent de plus? Disons
qu'il aurait comme travail de s'occuper d'une façon tout à fait
spéciale de ces causes, à l'intérieur de tout un district
et même de deux districts dans certains cas, parce que ce serait assez
facilement réalisable, tout dépendant, naturellement de
l'étendue des districts judiciaires. Est-ce que cela ne serait pas plus
payant et est-ce que cela ne permettrait pas...
M. Choquette: ... de réaliser des économies? M.
Bédard (Chicoutimi): Bien oui.
M. Choquette: C'est possible, mais compte tenu de nos effectifs
au point de vue des procureurs de la couronne pour le droit criminel, comme on
n'avait pas encore réussi à satisfaire même nos besoins en
matière de droit criminel, on ne pouvait pas penser au droit
pénal. Mais je ne dis pas que pour l'avenir on n'aura pas recours
à la solution d'avocats permanents dans le droit statutaire et
pénal.
M. Bédard (Chicoutimi): Parce que c'est un des aspects
où, on le sait, les accusations de patronage dans le domaine de la
justice, concernant les avocats, se retrouvent le plus souvent.
M. Choquette: Je crois que tous les avocats inscrits au Barreau
peuvent se qualifier pour représenter le ministère de la Justice
et le gouvernement devant les tribunaux. Puisque le Barreau les a admis,
puisqu'ils ont passé les examens et que le Barreau a reconnu leur
intégrité, leur honnêteté, pourquoi ne
pourraient-ils pas représenter le ministère de la Justice?
M. Bédard (Chicoutimi): Vous savez très bien...
M. Choquette: Le mot "patronage" me semble un mot saugrenu,
à ce moment-ci de la discussion.
M. Bédard (Chicoutimi): Le ministre peut sourire, mais il
sait très bien que par un hasard permanent, encore une fois, dans ce
domaine, on se retrouve toujours avec des amis du pouvoir qui, effectivement,
sont nommés pour remplir ce travail.
M. Choquette: M. le Président, je m'étonne
d'entendre des paroles pareilles dans la bouche du député de
Chicoutimi, alors que son ami, collègue et organisateur politique. Me
Lucien Bouchard, a été retenu par le ministère de la
Justice et la commission Cliche pour agir devant cette commission. Je
m'étonne aussi...
M. Dufour: C'est inconcevable.
M. Choquette: ... d'entendre cela de sa bouche, alors que Me
Lucien Bouchard représente le ministère de l'Education et enfin
toute l'organisation scolaire de la région du Saguenay dans les
négociations avec les professeurs.
M. Bédard (Chicoutimi): Là, vous parlez des
secteurs...
M. Choquette: Comment peut-on parler de patronage lorsqu'on a un
cas si proche de soi?
M. Bédard (Chicoutimi): Le ministre peut sourire.
M. Choquette: Non, mais je m'étonne...
M. Bédard (Chicoutimi): Vous êtes
complètement en dehors de la question. Là, vous nous parlez des
secteurs...
M. Choquette: C'est vraiment étonnant.
M. Bédard (Chicoutimi): Là, vous nous parlez des
secteurs...
M. Choquette: Mais l'appétit du Parti
québécois est incroyable!
M. Bédard (Chicoutimi): Là, vous nous parlez des
secteurs où il faut vraiment avoir recours à des avocats
doués quand même d'une certaine expertise.
M. Choquette: Alors, il y a des avocats doués pour vous et
des avocats qui ne sont pas doués.
M. Bédard (Chicoutimi): Non, non, d'une certaine
expertise.
M. Choquette: Où placez-vous le député
d'Anjou, par exemple?
M. Bédard (Chicoutimi): Le ministre ne veut pas être
sérieux. Cela lui fait mal, le ministre ne veut pas être
sérieux.
Le Président (M. Picard): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Choquette: Le député de Beauce-Nord est-il un
avocat doué, un avocat pas doué ou surdoué? Non, mais je
vous donnais cet exemple pour vraiment...
M. Bédard (Chicoutimi): Le député d'Anjou va
être placé dans la rosé d'Anjou, là.
M. Choquette: Je vous donnais cet exemple pour vraiment illustrer
l'impartialité du ministère.
M. Bédard (Chicoutimi): C'est un mauvais exemple que vous
avez apporté. Cela ne répond pas du tout à la question que
je vous ai posée. On parle du droit pénal. On parle des petites
causes du code de la route, vous le savez très bien.
M. Choquette: Alors, vous ne voulez pas que nous donnions de
cause à des avocats, vos confrères. Vous voulez que j'agisse
d'une manière brutale et extrême et que je retire toutes les
causes de vos confrères.
M. Bédard (Chicoutimi): Si le ministre ne veut pas
être sérieux...
M. Choquette: Oui, oui, je suis très sérieux. M.
Bédard (Chicoutimi): Oui?
M. Choquette: Je vous donnais cet exemple pour vous illustrer
que, si vous insistez absolument, nous pouvons retirer les mandats de M. Lucien
Bouchard. Est-ce que vous le voulez? Est-ce que c'est cela que vous voulez?
M. Bédard (Chicoutimi): Je trouve vraiment que vous
êtes à côté de la question.
Des Voix: Adopté.
M. Bédard (Chicoutimi): Vous semblez l'aimer beaucoup, M.
Bouchard.
M. Choquette: Oui, oui, je...
M. Bédard (Chicoutimi): Vous devez apprécier
d'ailleurs ses qualités.
M. Choquette: Je crois, je crois.
M. Dufour: C'est un bon gars.
M. Choquette: II promet, il promet.
M. Bédard (Chicoutimi): ... prouver son
intégrité...
M. Choquette: Pour revenir à un ton... M. Bédard
(Chicoutimi): Plus sérieux.
M. Choquette:... plus au fait, parce que j'étais
très sérieux tout à l'heure...
M. Bédard (Chicoutimi): Cela paraissait.
M. Choquette: ... mais pour être plus spécifique,
plus particulier, je dirais ceci; c'est que dans le domaine des causes
pénales, il y a un volume considérable. Vous savez, je ne suis
pas absolument sûr, cela demeure à vérifier, que de confier
ces causes à des avocats payés $20,000 ou $15,000 ou $22,000 par
le ministère de la Justice,
avec tous les frais de secrétaires et bureaux que cela comporte,
que le fait de confier ces causes à des avocats permanents
représenterait nécessairement des économies. Cela demeure
à voir. Mais je n'écarte pas, comme je l'ai dit, une solution qui
ferait qu'on confierait à des avocats permanents des causes devant les
tribunaux.
M. Bédard (Chicoutimi): Sur le plan de l'économie
que cela pourrait représenter, en plus, je pense, de la
possibilité d'une meilleure efficacité administrative, sur le
simple plan de l'économie que cela pourrait représenter...
M. Dufour: On va faire une équipe...
M. Bédard (Chicoutimi):... est-ce que le ministre,
puisqu'il est sérieux maintenant serait d'accord pour...
M. Choquette: ... opposer à cela. J'étais
très sérieux, tout à l'heure, quand je parlais au
député de Chicoutimi. Je disais littéralement des choses
exactes. Je ne vois pas pourquoi le député de Chicoutimi me dit
que je n'ai pas été sérieux au cours de la discussion.
Mais enfin...
M. Bédard (Chicoutimi): Je vais laisser le ministre juger
par lui-même.
Est-ce que, sur le plan de l'économie, le ministre pourrait
s'engager à faire faire une étude comparative sur les
coûts...
M. Dufour: M. Castonguay va...
M. Bédard (Chicoutimi): ... que pourrait
représenter un système qui ferait que les causes pénales
seraient entre les mains d'un avocat permanent nommé à cet effet
comme substitut du procureur général, par rapport à ce que
ce service représente à l'heure actuelle tel que confié
à la pratique privée du droit?
M. Choquette: Je vais certainement regarder le problème,
d'autant plus que le ministère de la Justice a décidé de
créer très rapidement une direction générale des
poursuites statutaires et pénales pour donner à ce secteur du
droit toute l'importance qu'il mérite dans la période actuelle.
Donc, je n'écarte pas du tout la suggestion du député de
Chicoutimi, au contraire, mais je dirais ceci. C'est qu'il faudra aussi prendre
en considération qu'un avocat qui entrerait au service du gouvernement,
comme substitut du procureur général et qui se verrait confier
exclusivement des causes de droit statutaire ou pénal pourrait, à
plus ou moins brève échéance, devenir un peu abruti parce
qu'il pourrait trouver que le travail manque d'intérêt. Il
pourrait dire: Vous savez, cela, ce sont des petites causes et moi, je voudrais
aller vers des causes plus importantes. Alors je devrai prendre ce facteur en
considération, la possibilité de faire du recrutement d'avocats
permanents pour s'occuper exclusivement d'un secteur du droit qui, en soi, et
aux yeux des avocats, n'a jamais représenté beaucoup
d'intérêt sur le plan juridique.
M. Bédard (Chicoutimi): II faut dire qu'il n'y a pas un
gros "feeling" légal, si on peut employer l'expression, à plaider
ce genre de cause. Maintenant, cela peut être confié, au
départ, à des jeunes avocats qui veulent prendre un peu
d'expérience. Remarquez que le ministre de la Justice, s'il accepte de
faire une étude, pourra voir...
M. Choquette: Oui.
M. Bédard (Chicoutimi): ... du point de vue financier, ce
que cela peut représenter comme économie, et jusqu'à quel
point des avocats pourraient être intéressés à
occuper ces fonctions.
M. Choquette: En fait, pour clore la discussion sur ce point, vu
la réorganisation de tout ce secteur, il est certain que ces questions,
nous nous les sommes posées.
Nous allons nous les poser avec plus de détail et faire les
études appropriées pour en arriver à des conclusions.
M. Bédard (Chicoutimi): D'autant plus que c'est
conforme...
M. Choquette: Oui.
M. Bédard (Chicoutimi):... aux conclusions de votre livre
blanc. Est.ce que le ministre pourrait nous faire le dépôt, dans
un délai le plus rapide possible, du total des honoraires qui ont
été payés pour des causes pénales, par district,
avec le nom des avocats et les montants qui ont été versés
en honoraires à ces avocats à travers tout le Québec?
M. Choquette: Oui.
M. Bédard (Chicoutimi): Cela peut prendre un délai
de combien?
M. Choquette: Nous allons faire faire la compilation, ça
peut prendre quelques jours.
M. Bédard (Chicoutimi): Quel est à l'heure actuelle
le pourcentage des causes qui sont traitées par des avocats de la
pratique privée au contentieux général?
M. Choquette: Le contentieux général ne plaide pour
ainsi dire pas de causes devant les tribunaux civils; il s'occupe de donner des
opinions...
M. Bédard (Chicoutimi): Des opinions juridiques.
M. Choquette: ... au gouvernement et s'occupe aussi de suivre les
dossiers qui ont été confiés aux avocats de la pratique
privée dans le domaine du droit civil.
M. Bédard (Chicoutimi): Mais, pour conseiller le
gouvernement, celui-ci a recours à des avocats de la pratique
privée.
M. Choquette: A l'occasion, dans les questions très
compliquées, nous pouvons demander des avis juridiques à
l'extérieur. Mais en général, lorsque le gouvernement a
besoin d'avis en matière de droit statutaire, constitutionnel,
administratif, etc., droit civil même, sans qu'il y ait des litiges
d'engagés, c'est le contentieux général qui donne son
avis.
M. Bédard (Chicoutimi): Je comprends que le ministre
pourrait peut-être me donner dans un délai raisonnable le nom des
avocats qui ont pu être consultés à titre d'experts et les
sommes qui ont pu leur être versées en honoraires.
M. Choquette: Les avocats de la pratique privée que nous
aurions pu retenir comme conseillers pour nous donner des opinions?
M. Bédard (Chicoutimi): C'est ça.
M. Choquette: Cela doit être difficile à compiler.
On me dit que, dans les comptes publics, on trouvera rénumération
des avocats.
M. Bédard (Chicoutimi): Mais il faut fouiller longtemps
avant d'avoir le détail tel que j'aimerais l'avoir.
M. Choquette: La difficulté causée par la question
du député de Chicoutimi, c'est qu'il faudrait que je limite la
liste aux avocats qui ont été appelés à donner
exclusivement des avis juridiques, sans litige. Ce serait assez difficile de
faire une telle compilation dans les dossiers.
M. Bédard (Chicoutimi): Enfin, si ce n'est pas
possible.
M. Choquette: Je ne vois pas comment on peut passer à
travers tous les dossiers et dire que, dans tel dossier, il y a eu litige et
que, dans tel autre dossier, ç'a été strictement un avis
juridique qu'on a demandé.
M. Bédard (Chicoutimi): II y a quand même des
avocats dont les services sont retenus d'une façon presque permanente
dans l'entreprise privée.
M. Choquette: Non. Nous n'avons aucun avocat à qui nous
donnons des "retainers", par exemple, sur une base annuelle.
M. Bédard (Chicoutimi): Non, mais je veux dire à
qui vous demandez de façon permanente des avis dans des secteurs
où il y a nécessité d'une certaine expertise.
M. Choquette: C'est variable, c'est suivant les domaines. Par
exemple, s'il s'agit d'un domaine, on peut consulter un avocat qui est
spécialiste dans tel domaine.
M. Bédard (Chicoutimi): ... municipal.
M. Choquette: Oui, alors il n'y a pas d'avocat attitré
pour un domaine en particulier et on demande des avis à l'un, à
l'autre.
M. Bédard (Chicoutimi): Quel est le pourcentage des causes
traitées par des avocats de la pratique privée au service des
poursuites du code de la route?
M. Choquette: Cela, je pourrais vous donner ça.
M. Bédard (Chicoutimi): Vous avez ça? M.
Choquette: Oui.
M. Bédard (Chicoutimi): Egalement, le pourcentage des
causes traitées par des avocats de la pratique privée au service
des poursuites en vertu des lois sur les alcools et le pourcentage des causes
traitées par des avocats de la pratique privée au service central
des réclamations.
M. Choquette: On me dit que, pour cette dernière
catégorie, il y en a très, très peu.
M. Bédard (Chicoutimi): Bon. Au moins pour les...
M. Choquette: Le service central des réclamations, ce
seraient des causes de droit civil.
M. Bédard (Chicoutimi): Oui, mais, en tout cas, s'il y en
a très peu, ce n'est peut-être pas difficile de me donner le
renseignement. Normalement, ce sont des causes qui ont une importance assez
particulière. Est-ce possible d'avoir les renseignements pour ces trois
catégories?
M. Choquette: Je ne sais pas si je pourrai isoler les causes du
service central des réclamations. Je pense que je pourrais vous donner
les mandats civils qui ont été donnés, mais, même
là, il y a des chevauchements d'une année à l'autre, la
cause peut avoir été entreprise il y a deux ans et le compte
envoyé deux ans après.
M. Bédard (Chicoutimi): En tout cas, le compte
d'honoraires payés dans l'année.
M. Choquette: Oui, on peut vous donner cela. En droit civil, je
peux vous donner, pour l'année dernière, le nombre de comptes que
l'on a payés pour des avocats qui nous ont représentés
dans des causes ou des affaires civiles.
M. Bédard (Chicoutimi): La même chose pour les deux
autres catégories.
M. Choquette: Les deux autres catégories aussi.
M. Bédard (Chicoutimi): Les avocats et le montant
d'honoraires payés.
M. Choquette: Oui.
M. Bédard (Chicoutimi): Sur ce sujet, je voudrais savoir
qui sont les avocats de la pratique privée à qui la direction
générale confie des mandats, par districts judiciaires, le nombre
de causes en I974 par avocat et le dépôt de cette liste.
M. Choquette: Je ne pense pas que nous ayons une liste fixe et
que je puisse vous donner cela par district judiciaire. Je pourrai vous donner
des listes entières des avocats à qui nous avons payé des
honoraires l'année dernière et, là, vous pourrez les
répartir comme vous le voudrez dans les différents districts
judiciaires, que ce soit en droit civil ou en droit pénal.
M. Bédard (Chicoutimi): Concernant le contentieux
criminel, comme on le disait à l'élément I tout à
l'heure, le livre blanc nous apprend, à la page 43, que le
ministère s'est assuré les services de I0I substituts du
procureur général à titre permanent et d'un certain
nombre, en régression, de substituts à temps partiel
exerçant normalement en cabinet privé.
Je voudrais savoir quelles sont les statistiques sur cette
régression des substituts à temps partiel pour les cinq
dernières années. Pouvez-vous nous les donner?
M. Choquette: II en reste cinq à temps partiel.
M. Bédard (Chicoutimi): D'accord. Je vous fais tout
simplement la lecture des renseignements que l'on voudrait avoir, quitte
à ce que vous nous les fournissiez le plus rapidement possible; entre
autres, le dépôt de la liste par district judiciaire des avocats
de la pratique privée agissant comme substituts du procureur
général à temps partiel et comme procureurs ad hoc.
Troisièmement, le volume des causes traitées pour chaque
catégorie de substituts en pourcentage, que ce soit les permanents, ceux
à temps partiel ou ceux qui sont nommés ad hoc.
M. Choquette: Je ne pourrai pas vous donner des pourcentages
comme cela. Je vous ai dit qu'il en restait cinq à temps partiel, je
vous ai donné les districts judiciaires. Je ne peux pas vous donner les
proportions.
M. Bédard (Chicoutimi): Quel est le salaire moyen des
substituts du procureur général?
M. Choquette: Moyen, je ne sais pas si je peux vous le donner,
mais l'échelle...
M. Bédard (Chicoutimi): Le plus bas et le plus haut.
M. Choquette: ...s'étend de $33,000 qui est le maximum
à $9,500. Certains procureurs chefs peuvent aller jusqu'à $33,000
et notre recrutement se fait en principe à $9,500.
A l'heure actuelle, nous recrutons, en fait à $11,000. A part
cela, on monte très vite, quand on est compétent!
M. Bédard (Chicoutimi): Comme vous les choisissez tous
compétents, ils montent tous très vite!
M. Choquette: Oui. Etant donné que le candidat actuel
porte une barbe, je lui recommanderais plutôt d'aller dans un autre
secteur.
M. Bédard (Chicoutimi): Vous exigez...
M. Choquette: Nous n'exigeons pas, mais j'ai constaté,
l'autre jour, que nous avons très peu de substituts du procureur
général qui portent la barbe.
M. Bédard (Chicoutimi): Déplorez-vous cette
situation, ou si vous êtes d'accord?
M. Choquette: Non, c'est plutôt du côté de
l'aide juridique. A l'aide juridique, il y a plus de barbes.
M. Bédard (Chicoutimi): Comment expliquez-vous cela?
M. Choquette: Une double personnalité du ministère
de la Justice. Que voulez-vous! Nous représentons la poursuite et, d'un
autre côté, nous avons des intérêts dans la
défense.
M. Bédard (Chicoutimi): Les idées progressistes
seraient-elles à l'aide juridique et les idées conservatrices
seraient...
M. Choquette: Non. Je pense que le député
caricature.
M. Bédard (Chicoutimi): Non. Je pose la question. Je
n'affirme pas.
M. Choquette: Non. A l'aide juridique, nous avons d'excellents
avocats, avec des idées très progressistes. D'ailleurs, j'aime
bien leur travail, il est excellent, à l'heure actuelle.
M. Bédard (Chicoutimi): Vous aimez moins leur barbe.
M. Choquette: Non, pas du tout, mais ce n'est pas la même
chose.
M. Bédard (Chicoutimi): D'accord.
M. Choquette: Ceux qui représentent la poursuite sont
plutôt du côté "law and order", et ceux qui sont de la
défense sont plutôt du côté des droits de l'homme. Je
suis pris entre les deux et il faut...
M. Bédard (Chicoutimi): La protection de la vie
privée, par exemple, c'est sacré.
M. Choquette: Oui, tout cela. M. Sylvain: In medio stat
virtus!
M. Choquette: In medio stat virtus! Comme le dit le
député de Beauce-Nord, avec beaucoup d'à-propos.
M. Bédard (Chicoutimi): Sauf quand il s'agit du salaire,
ce n'est pas toujours dans le milieu qu'est la vertu.
M. Choquette: Qu'ils soient du côté de la poursuite,
ou du côté de la défense avec l'aide juridique, nos avocats
rendent d'excellents services. Je suis très heureux de
l'évolution des choses, des deux côtés. Je crois que la
justice est bien servie par ces deux groupes qui ont une personnalité un
peu différente, mais cela est normal, compte tenu de leurs fonctions
respectives.
M. Bédard (Chicoutimi): C'est sûr qu'on parle plus
de syndicalisme possible dans un secteur que dans l'autre.
Le Président (M. Picard): Y a-t-il d'autres questions au
programme 9?
M. Choquette: Je ne sais pas où nous pourrions situer
exactement le député d'Anjou.
M. Tardif: Progressiste, malgré l'absence de barbe.
M. Bédard (Chicoutimi): Nous allons le situer à la
table, assis bien tranquille.
Je n'ai pas d'autres questions, M. le Président, sur ce
programme.
Garde des prévenus et des
détenus
Le Président (M. Picard): Le programme 9 est
adopté. Le programme 10: Garde des prévenus et des
détenus.
M. Bédard (Chicoutimi): Le ministre pourrait-il me donner
les remarques générales concernant les augmentations aux
éléments I et 2 de ce programme? Il y a une augmentation de
près de $5 millions à l'élément 2: Surveillance et
transport. Comme cela représente une augmentation assez
appréciable...
M. Choquette: Pour ce qui est de la surveillance et du transport,
la hausse des traitements faisant suite à l'application des conventions
collectives coûtera, en 1975/76, environ $3,995,700. La hausse du nombre
de jours/hommes de travail occasionnée par l'augmentation de l'effectif
en place prévu pour 1975/76, par rapport à 1974/75, nous oblige
à prévoir des crédits additionnels de $246,500. La prise
en charge complète du transport des détenus et des
prévenus amène l'obligation d'acheter dix véhicules neufs,
ce qui représente $66,000.
Il y a diverses autres augmentations, formant un total de $4,348,900.
Par conséquent, on peut dire que l'augmentation est principalement
expliquée par la hausse des traitements due aux conventions collectives
et certaines autres dépenses qui sont assumées par le service en
1975/76.
M. Bédard (Chicoutimi): Est-ce que le ministre pourrait
nous produire la liste des établissements de détention?
M. Choquette: Sans doute.
M. Bédard (Chicoutimi): Peut-être qu'il y aurait
possibilité de nous faire le partage de la liste des
établissements de détention où il n'y a aucune
ségrégation entre les prévenus et les détenus. S'il
y en a.
M. Choquette: II y a ségrégation dans tous les
établissements. C'est-à-dire qu'en aucun endroit on
n'héberge des prévenus et des détenus dans les mêmes
locaux. Ainsi à Orsainville, à Bordeaux. Tous les
établissements comportent la ségrégation. C'est d'ailleurs
dans la loi des établissements de détention.
M. Bédard (Chicoutimi): L'an dernier, le ministère
procédait à la régionalisation des centres de
détention en fermant certaines prisons locales afin de réduire le
coût de fonctionnement. Est-ce que le ministre serait en mesure de nous
faire le bilan général de cette opération?
M. Choquette: On me dit que les mesures prises dans ce domaine
ont apporté des économies substantielles. La liste des
établissements qui ont été fermés mais qui
demeurent comme postes relais est la suivante: Alma, Campbell's Bay,
Chi-bougamau, La Malbaie, Sainte-Anne-des-Monts, Thetford-Mines. Voici la liste
des établissements à activités réduite: Arthabaska,
Montmagny, Percé, Saint-Jean-d'Iberville.
M. Bédard (Chicoutimi): Est-ce qu'il y a un lien entre
cette opération de régionalisation et les augmentations de
près de $5 millions qu'on retrouve à l'élément 2
concernant la surveillance et le transport?
M. Choquette: Le député se rappellera que sur le
total d'augmentation de $5 millions, il y a $4 millions qui sont dus à
des augmentations de salaires attribuables aux conditions de la convention
collective.
M. Bédard (Chicoutimi): Seulement attribuables à la
convention collective?
M. Choquette: C'est exact. Il reste $l million qui sont
attribuables à l'achat de véhicules additionnels et la
responsabilité des transferts qui autrefois appartenait à la
Sûreté du Québec.
Donc, il y a un dégrèvement du budget de la
Sûreté du Québec pour le transport des prisonniers, et la
direction générale des établissements de détention
assume un fardeau additionnel pour le transport de ces prisonniers.
M. Bédard (Chicoutimi): Quand vous parlez d'achat de
nouveaux véhicules, est-ce que ce sont des véhicules à
sécurité augmentée, depuis certaines difficultés
qui auraient pu se présenter dans le transport de certains
criminels?
M. Choquette: On me dit que ce sont des camionnettes ordinaires
qui sont assez sûres pour permettre le transport de prisonniers qui
n'offrent pas de dangers spéciaux.
M. Bédard (Chicoutimi): Je n'ai pas d'autre question sur
ce programme-là, M. le Président.
Réinsertion sociale des
délinquants
Le Président (M. Picard): Programme 10, adopté.
Programme 11. Réinsertion sociale des délinquants.
M. Bédard (Chicoutimi): Ce programme traite de la
réinsertion sociale des délinquants et vise à amener les
personnes délinquantes à réintégrer un cadre social
acceptable, qui puisse être susceptible de les aider dans leur
réhabilitation. Est-ce que le ministre pourrait nous exposer
brièvement ou longuement, s'il en a l'idée, les progrès,
pour autant qu'ils existent, qui ont pu être effectués au cours de
l'année dans le domaine de la réinsertion sociale, en y incluant,
si possible, les statistiques, le nombre de programmes spéciaux et les
résultats de l'évaluation de ces programmes spéciaux en
fonction d'une réinsertion sociale du délinquant?
M. Choquette: Tout d'abord, au point de vue budgétaire,
les augmentations que l'on constate sont principalement dues à des
augmentations de salaire et de traitement. Maintenant, la direction de la
probation a vu, dans le passé et même récemment, son
effectif croître au point de vue du nombre d'officiers de probation. A
l'heure actuelle, ou du moins à la fin de 1974, notre effectif à
cette direction était de 200 tandis qu'en 1973 il était de 177.
Si je me reporte à l'année 1970/71, je pense que nous n'avions
qu'environ 25 officiers de probation pour couvrir tout le Québec, de
telle sorte que depuis les quatre ou cinq dernières années le
nombre d'officiers de probation a crû de 25 à environ 150 à
l'heure actuelle.
M. Bédard (Chicoutimi): Je comprends que c'est une
augmentation appréciable du nombre, mais jusqu'à quel point cela
répond-il, à l'heure actuelle, à la demande? Dans l'esprit
du ministre, combien en faudrait-il pour répondre à la demande?
Je ne dirai pas qu'il y a des critiques, mais il y a bien des demandes qui
s'acheminent vers le ministère de la Justice concernant...
M. Choquette: On me dit que le principal est fait, que le nombre
d'agents de probation, sans être totalement suffisant pour les besoins
actuels, répond, quand même, aux exigences minimales. M. Gauthier
m'informe que d'ici à 1980 nous au- rons environ 200 agents de
probation, ce qui devrait pouvoir satisfaire à nos besoins. Il faut
avouer aussi...
M. Bédard (Chicoutimi): 200 en I980, ce serait suffisant,
dans l'esprit du ministre, pour répondre aux besoins?
M. Choquette: Oui. Il faut ajouter que nos agents de probation
s'occupent de nos anciens détenus dans les prisons provinciales et non
pas les anciens détenus dans les pénitenciers
fédéraux.
Il faudrait quand même ajouter des effectifs qui sont ceux du
gouvernement fédéral en matière d'agents de probation.
M. Bédard (Chicoutimi): C'est quoi les effectifs du
gouvernement fédéral, approximativement?
Il n'a pas la même notion de l'agent de probation que le
Québec.
M. Choquette: Ce sont des agents de libération
conditionnelle. Maintenant, nos agents de probation, ici, s'occupent de la
rédaction des rapports présentenciels que les juges exigent avant
de rendre des sentences.
M. Bédard (Chicoutimi): Le chiffre de 200 en I960, pour
répondre à la demande, me surprend parce que je suis convaincu
que vous devez avoir de nombreuses demandes de la part de juges disant qu'il
n'y a pas suffisamment d'agents de probation qui seraient en mesure de faire
enquête en profondeur sur les délinquants qui sont amenés
devant eux et à propos desquels ils ont une sentence à rendre.
Surtout dans ce domaine, pour une justice qui s'oriente vers la
réhabilitation, cela demande vraiment des enquêtes assez
approfondies.
M. Choquette: Bien, écoutez, c'est basé sur
l'expérience vécue à la direction de la probation. On m'a
dit que 200 postes d'agents de probation dans quelques années, ce qui
est dans les prévisions de la direction, devraient être suffisants
pour combler les besoins. J'omets ici toute la probation juvénile qui
tombe sous le ministère des Affaires sociales dans l'état actuel
des choses.
M. Bédard (Chicoutimi): Oui, oui, quand il s'agit de la
cour du Bien-Etre social.
M. Choquette: A l'heure actuelle, nous ne couvrons donc que les
adultes.
M. Bédard (Chicoutimi): Le ministère a mis au point
quelques programmes spéciaux en fonction de la réhabilitation des
délinquants. Est-ce que le ministère envisage d'autres programmes
spéciaux dans le même sens?
M. Choquette: Des programmes à l'intérieur des
prisons?
M. Bédard (Chicoutimi): Non, non, à
l'extérieur aussi.
M. Choquette: Ah oui! il y a tout un développement que
connaît la direction au point de vue de la participation communautaire.
Nous avons un officier au ministère, qui est chargé de la
participation communautaire, qui est en relation avec les organismes sociaux
qui s'intéressent aux détenus ou aux anciens détenus et
qui suscite des initiatives bénévoles. Je pourrais donner des
exemples: la Maison Painchaud, les Ateliers du gentilhomme rembourreur, les
Ateliers Dominique...
M. Bédard (Chicoutimi): Vous avez une association qui
s'est formée à Chicoutimi aussi en fonction...
M. Choquette: A Chicoutimi, il y a un groupe aussi.
M. Bédard (Chicoutimi): ...de la réhabilitation.
M. Choquette: Alors, nous donnons...
M. Bédard (Chicoutimi): Quand c'est nécessaire,
est-ce que vous allez jusqu'à leur apporter une aide
financière?
M. Choquette: Sans doute. Et même à l'heure
actuelle, tous ces programmes de participation communautaire, qui
étaient en partie financés par le ministère des Affaires
sociales, émargeront peu à peu au ministère de la
Justice.
M. Bédard (Chicoutimi): Je n'ai pas d'autre question
à ce programme.
Aide juridique et financière
Le Président (M. Picard): Programme 11, adopté.
Programme 12, Aide juridique et financière.
M. Bédard (Chicoutimi): C'est peut-être une question
qui se situe dans un autre programme. Elle ne sera pas aussi longue que celle
sur l'écoute électronique. Dans quelle échéance le
ministre entrevoit-il la réfection, le réaménagement ou la
reconstruction de centres de détention dans l'île de
Montréal en particulier, entre autres lorsqu'on parle de Parthenais, de
Bordeaux?
M. Choquette: Cette année, nous avons les crédits
appropriés pour la préparation des plans du nouveau centre de
détention qui sera appelé à remplacer les prisons de
Bordeaux et de Parthenais mais en tenant compte des délais voulus pour
la construction, on peut dire que cette prison sera inaugurée dans trois
ou quatre ans. Maintenant, il s'agit d'un budget approximatif de $40 millions,
ce qui est une somme fort considérable.
M. Bédard (Chicoutimi): A moins qu'il y ait danger pour la
spéculation, est-ce que ce nouveau complexe serait situé sur le
site de Bordeaux ou ...
M. Choquette: Le site n'est pas encore établi. Evidemment,
nous avons un vaste terrain à Bordeaux, le nouveau Bordeaux, où
se trouve la prison actuelle. Il n'y a pas de doute que ce site
représente des avantages incontestables.
M. Bédard (Chicoutimi): En ce qui a trait au programme 12,
qui traite de l'aide juridique et financière, qui vise à assurer
l'accès à la justice aux personnes économiquement
défavorisées, est-ce que le ministre pourrait nous donner des
renseignements sur les augmentations de crédits qui sont de l'ordre de
presque $2 millions?
M. Choquette: Ces crédits résultent de
l'augmentation des affaires juridiques dont s'occupe l'aide juridique, qu'il
s'agisse d'affaires traitées par les avocats à temps plein, de
l'aide juridique ou d'affaires qui sont confiées à des avocats de
la pratique privée.
M. Bédard (Chicoutimi): Est-ce que le ministre pourrait
nous fournir les statistiques sur cette augmentation?
M. Choquette: Oui. Vous aurez des statistiques probablement
beaucoup plus récentes et intéressantes, M. le
député de Chicoutimi, d'ici quelques jours, puisque je recevrai
incessamment le rapport annuel de la Commission des services juridiques. On
trouvera dans ce volume tous les détails appropriés sur le
fonctionnement de ce programme.
Je pourrais mentionner, par exemple, au député de
Chicoutimi, que nous avons à l'heure actuelle 250 avocats à temps
plein au service de l'aide juridique dans les diverses régions du
Québec.
M. Bédard (Chicoutimi): Est-ce que le ministère
entrevoit que ce nombre va augmenter?
M. Choquette: Pour le moment, nous essayons de le stabiliser pour
ne pas que l'on dépense...
M. Bédard (Chicoutimi): Où se situe le point de
stabilisation dans l'esprit du ministre?
M. Choquette: Je dirais qu'il se situe actuellement à 250
avocats et à $19 millions de budget.
Je pense que nous sommes un des endroits du monde qui dépensent
le plus pour l'aide juridique. J'ai eu l'occasion de comparer d'autres budgets
à celui du Québec, comme le budget de l'Ontario, le budget de la
Suède, etc. et je puis vous dire que le Québec est à
l'avant-garde au point de vue de l'aide juridique.
M. Bédard (Chicoutimi): Au chapitre de l'aide juridique,
à la page 232, le livre blanc sur la justice fait état d'abus
pratiqués par certains avocats de la pratique privée, agissant
dans le cadre de la loi, qui auraient entrepris, selon eux, des recours futiles
pour des montants prohibitifs. Je voudrais connaître les commentaires du
ministre de la Jus-
tice sur cet aspect qui a été souligné par le livre
blanc.
M. Choquette: II s'agit soit de causes civiles et surtout de
causes criminelles où des avocats ayant pris la défense de
certains accusés laissent se dérouler le procès, ce qui
est le droit strict de l'accusé, remarquez bien.
M. Bédard (Chicoutimi): Multiplient les
procédures.
M. Choquette: Ou enfin allongent la durée des
procédures et du procès, avec des coûts qui en
résultent pour le gouvernement.
M. Bédard (Chicoutimi): Est-ce que cela se présente
souvent, ces abus?
M. Choquette: Cela s'est présenté, mais je ne dis
pas que c'est dans la majorité des cas. Dans le livre blanc nous avons
tenu à indiquer qu'il pouvait y avoir des abus de ce côté.
Nous cherchons des moyens qui, tout en laissant aux avocats et aux justiciables
toute leur liberté d'action appropriée pour qu'ils se
défendent convenablement devant les tribunaux, limiteraient quand
même les abus.
M. Bédard (Chicoutimi): Je conçois que ce n'est pas
facile de concilier le droit de l'individu de se faire défendre
pleinement et entièrement et cet aspect qui est souligné par le
livre blanc, mais de quel ordre sont les réformes envisagées par
le ministre?
M. Choquette: Je n'ai pas adopté de formule
définitive qu'on pourrait inscrire dans les lois et qui serait de nature
à limiter ce genre d'abus. On en est plutôt à une
période de réflexion sur les mesures qui pourraient être
prises. Maintenant, j'ai pensé qu'un avertissement dans le livre blanc
serait peut-être un commencement d'action.
M. Bédard (Chicoutimi): En vous disant que la crainte est
le commencement de la sagesse.
M. Choquette: S'il y a trop d'abus, on va être
obligé d'adopter des mesures. Ce serait peut-être un peu moins
intéressant s'il y avait des mesures précises. Je ne voudrais
pas, dans cette mesure, tomber dans une administration trop tatillonne à
l'égard des avocats. S'il est possible d'éviter ce genre de
mesure, je le ferai.
Le Président (M. Tardif): Le député de
Beauce-Nord.
M. Sylvain: Sur le même sujet, M. le ministre, quand on
examine le tarif, surtout au niveau des causes pénales et criminelles,
est-ce qu'il n'y a pas là une porte ouverte à la multiplication
des procédures? A l'article 234 ou l'article 236 du code criminel,
plutôt à l'article 236, où il y a peu d'ouvertures à
procès, la comparution, par exemple, va donner en honoraires à
l'avocat $15.
M. Choquette: Est-ce que c'est la conduite en état
d'ivresse ou avec facultés affaiblies?
M. Sylvain: Oui, l'ivressomètre. La comparution est de $15
et on accepte des frais de voyages limités. Il appert, selon une
certaine expérience, qu'au premier abord l'avocat aurait à
conseiller un plaidoyer de culpabilité et qu'il a d'enregistré un
plaidoyer de non-culpabilité. Quand on doit aller en procès,
même si c'est un procès simulé ou fictif, on voit des
honoraires quand même je ne dirai pas alléchants un
peu plus substantiels, pour arriver avec l'avocat qui a un client qui le paie
en pratique privée sans passer par l'aide juridique. Je me demande si
ces honoraires reconnus dans le tarif au niveau des Sessions de la paix surtout
ce n'est pas au niveau des causes civiles n'incitent pas à
multiplier des procédures qui n'auraient pas besoin d'avoir lieu du
tout.
M. Choquette: La question du député de Beauce-Nord
est certainement opportune. Maintenant comment favoriser l'intérêt
de tout accusé de se défendre à l'égard d'une
accusation qu'il juge mal fondée sans se substituer à lui et sans
se substituer à son procureur? Cela demeure quand même une
question d'appréciation et de jugement suivant les circonstances. C'est
pour cela qu'il faudrait introduire des mesures probablement trop coercitives
pour tenter de limiter ces abus qui peuvent se produire à l'occasion.
Cela nous fait hésiter avant d'en proposer.
M. Bédard (Chicoutimi): Cela pourrait conduire à
des dénis de justice parce que c'est un droit pour le prévenu,
quel qu'il soit, non pas d'abuser mais d'user des procédures qui sont
à sa disposition, du code criminel, comme l'avocat de se faire une
opinion sur l'opportunité d'user de toutes les procédures ou de
ne pas les employer.
M. Choquette: La Suède a des dispositions
intéressantes dans sa loi d'aide juridique. L'une c'est que le juge,
après avoir entendu le procès, peut énoncer dans son
jugement que l'avocat n'a droit à aucun honoraire parce qu'il a
abusé de l'aide juridique.
Elle a également une deuxième disposition
intéressante, c'est que l'accusé qui est condamné, donc
qui n'a pas été acquitté, est obligé de rembourser
les honoraires de l'avocat qui l'a représenté en vertu du
programme d'aide juridique, parce que la Suède pense que celui qui
était coupable et qui a été condamné devrait payer
éventuellement le montant des honoraires de l'avocat de l'aide
juridique.
M. Sylvain: Je reviens là-dessus parce que ça pose,
en fin de compte, deux problèmes, qui sont reliés mais qui sont
quand même un peu différents, à la fois pour le client qui,
en vertu de la Loi de l'aide juridique, a la liberté de choix entre
l'avocat de l'aide juridique elle-même et l'avocat en pratique
privée. Il semble qu'à l'heure actuelle du moins dans des
districts judiciaires où les bureaux d'avocats ne sont pas situés
dans les mêmes lieux
que le palais de justice les avocats de pratique privée
déclinent toute offre de défendre des clients qui voudraient
requérir les services de tels avocats à cause des honoraires.
Il se produit aussi que les bureaux d'avocats qui sont sur place,
surtout à proximité du palais de justice, peuvent valablement
gagner toute cette clientèle de l'aide juridique. Cela pose un
problème en ce sens qu' à cause des honoraires qui sont de $15
pour une comparution avec 50 milles ou 60 milles à faire pour se rendre
à un palais de justice, dans des districts en particulier, notamment
dans le district judiciaire de Beauce, on se rend compte que les petits
honoraires qui sont versés en vertu des tarifs négociés ne
laissent plus cette liberté de choix. Les avocats de pratique
privée, à la cour des Sessions de la paix surtout, ne veulent
plus d'aucune façon comparaître.
M. Choquette: C'est la première fois que j'entends dire
que nos tarifs sont insuffisants à la cour des Sessions de la paix dans
le domaine du droit criminel.
M. Sylvain: Les tarifs sont suffisants, je pense, et ça
amplement, j'ai eu l'occasion de les examiner, quand les procédures ont
été complétées, quand il y a eu deux ou trois
apparitions à différents stades des procédures en cours,
au niveau des sections particulières du code criminel, notamment sur les
infractions de la nature de celle que j'ai mentionnée tout à
l'heure: ivressomètre et facultés affaiblies. C'est un point que
je voudrais porter à votre attention.
M. Choquette: Très bien, je note vos observations.
Le Président (M. Picard): Le député
d'Anjou.
M. Tardif: Sur le même sujet, M. le Président. Je
n'ai pas été complètement satisfait de la réponse
qui a été donnée. Ce qui se passe, c'est ceci. Supposons
qu'un client qui est admissible à l'aide juridique vient voir un avocat
à qui on confie le mandat de l'aide juridique. L'avocat reçoit le
client et, au bout d'une demi-heure ou d'une heure de conversation, il se rend
compte que le client en question à supposer qu'il soit
accusé de facultés affaiblies est coupable. Pour le
travail qu'il a effectué, pour le temps qu'il va passer à la
cour, s'il décide de plaider coupable, il va recevoir seulement $15, ce
qui n'est pas un montant très élevé, parce que je pense
que $10 l'heure pour un avocat, ce n'est pas tellement payant.
Ce que certains avocats font à la place, ils décident
même s'ils savent que leur client est coupable de plaider
non coupable afin d'empocher les $150 qui s'attachent à un procès
qui a été contesté. Il y a tout de même une
différence de 90% entre les $15 qui sont payés pour la
comparution et les $150 pour le procès. Je pense qu'on devrait tenir
compte du fait que, même si un avocat fait plaider coupable à une
accusation à son client, il peut consacrer assez de temps, que ce soit
une heure ou deux heures, et le montant qu'on lui rembourse, qui est de $15,
n'est certainement pas suffisant pour payer le travail qu'il a fait au cours de
ces deux heures.
M. Choquette: Je note avec intérêt les observations
du député d'Anjou. Tout ce que je peux lui dire c'est que, dans
notre tarification, nous n'avons pas encore prévu d'honoraires de
consultation, parce que nous avons craint qu'introduire les honoraires de
consultation dans la tarification d'aide juridique ouvrirait des portes trop
grandes à un type de services qu'il est assez difficile de
contrôler.
Donc, pour le moment, nous n'avons pas voulu prévoir une telle
chose. Il est possible que, dans l'avenir, nous révisions notre
position, à l'occasion de négociations avec le Barreau, ou autres
organismes qui représentent les avocats, pour prévoir un tarif
s'appliquant à une consultation. Cela pourrait remédier à
la situation que décrit le député, puisqu'il semble que la
différence entre les honoraires s'attachant à la comparution et
ceux s'attachant à un procès est tellement
disproportionnée que, en soi, c'est une espèce d'incitation
à amener la cause au procès.
Le Président (M. Picard): Le député de
Beauce-Nord.
M. Sylvain: Simplement pour finir, l'accusation quant à
l'ivressomètre, facultés affaiblies, ou conduite dangereuse
amène, certes, au niveau de la comparution, souvent un plaidoyer de
culpabilité, mais il faut penser aux problèmes qui en
découlent, et par rapport au système des points de
démérite, et par rapport au bureau des véhicules, et par
rapport aux compagnies d'assurance. Il n'y a pas seulement le fait d'aller
comparaître et d'enregistrer des plaidoyers de culpabilité. Il y a
le fait, à un moment donné, d'indiquer au client,qui a la
possibilité de se servir de l'aide juridique, tout le processus pour
arranger son affaire après le plaidoyer de culpabilité. Je pense
que c'est de l'ouvrage, outre le plaidoyer de culpabilité, qui devrait
être reconnu à même le tarif de la préparation ou des
conséquences du plaidoyer de culpabilité, sur le plan
juridique.
M. Choquette: Je comprends qu'il y a une foule de
conséquences qui découlent d'une comparution et d'un plaidoyer de
culpabilité ou de non-culpabilité sur une affaire, en vertu du
code de la route . Le député est en train d'indiquer qu'il ne
s'agit pas exclusivement de cette affaire criminelle, qui intéresse le
client, mais d'une foule d'autres incidences.
M. Bédard (Chicoutimi): L'aspect administratif, et les
conséquences qui découlent...
M. Sylvain: Pour donner un exemple, deux ou trois semaines
après, le directeur du bureau des véhicules dit:Votre permis est
retiré, à moins que vous nous fournissiez la preuve d'un V-2-C.
Le même client, encore sous la foi du même mandat ou non de
toute façon c'est relié de très près,
l'avocat n'a pas obtenu un autre mandat à l'intérieur du
même mandat va communiquer avec l'assureur, il va prendre des
renseignements au niveau du bureau des véhicules. C'est tout cela qui
fait qu'une comparution ou un plaidoyer de culpabilité sur ce genre
d'infraction, ivressomètre, facultés affaiblies , a des
conséquences au bureau des véhicules. En tout cas, j'ai cru voir
bon nombre de bureaux, des gens en pratique privée qui refusaient des
comparutions. La liberté de choix, pour le client, de l'avocat n'est
plus valable dans ces cas-là, en particulier.
M. Choquette: Je note ce que dit le député de
Beauce-Nord. Nous verrons, à l'occasion de l'étude des tarifs,
s'il n'y a pas lieu de prévoir des modifications pour tenir compte du
travail accru de l'avocat dans ces circonstances.
Le Président (M. Picard): Le député de
Chicoutimi.
M. Bédard (Chicoutimi): Concernant l'aide juridique, le
livre blanc, après s'être penché sur les
conséquences budgétaires du recours à des services
juridiques pour les citoyens à revenu moyen, propose la tenue d'une
étude sur la question, étude qui serait effectuée
conjointement par le Barreau et le ministère. Le ministre sait
qu'à l'heure actuelle, selon les critères d'admissibilité
à l'aide juridique, les citoyens à revenu moyen sont presque
privés de ce recours.
Je crois que c'est une situation qu'il faudrait corriger parce que
même le citoyen à revenu moyen peut avoir vraiment besoin
d'être aidé en cas de poursuites judiciaires qu'il a à
effectuer. Il y a des barèmes qui sont établis et on sait que
passer du minimum requis, en termes de salaire, à la section où
il n'est plus possible d'avoir l'aide juridique, parfois, il n'y a pas une
grosse différence. Cela donne comme conséquence que le
système lui-même c'est normal profite à ceux
qui n'ont vraiment pas assez de revenu, mais il ferme la porte
complètement à des citoyens qui ont des revenus moyens, qui
peuvent peut-être gagner un salaire un peu plus élevé que
le barème fixé par l'aide juridique, mais qui, d'autre part, sont
affectés par des dettes à payer ou encore, simplement, ils
dépassent si peu le barème fixé par l'aide juridique
qu'ils sont, à proprement parler, presque dans la même situation
que ceux qui peuvent y avoir recours.
Je pense qu'il faudrait je ne sais pas quelle est l'idée
du ministre là-dessus penser à une formule qui puisse
permettre à ces individus, à revenu moyen, d'avoir accès
aux services de l'aide juridique.
M. Choquette: II est bien exact que les classes moyennes ne
trouvent pas leur compte dans l'organisation de l'aide juridique actuelle.
Celle-ci protège exclusivement les économiquement faibles dans
certaines limites fixées par règlement. Par conséquent, on
doit envisager, à plus ou moins courte échéance, diverses
formules de couverture pour les gens qui, sans avoir de grands re- venus, sont
quand même au-delà des normes reconnues pour
bénéficier de l'aide juridique.
Il y a plusieurs formules possibles. Vous avez vu que le
bâtonnier, Michel Robert, a fait une conférence, récemment,
durant laquelle il a proposé une formule d'assurance pour frais
juridiques. Il propose un système de contributions par voie de primes
d'assurance qui assurerait aux gens de la classe moyenne une certaine
couverture pour des services juridiques. Cette formule peut avoir un certain
intérêt, je ne le nie pas. La question que je me suis
posée, cependant, c'est: Est-ce que cette formule permettrait de couvrir
suffisamment de personnes à l'intérieur de cette classe moyenne
à laquelle nous nous sommes référés puisqu'il
s'agirait d'une formule volontaire? Il faudrait envisager qu'elle serait mise
en vigueur soit par une assurance qu'obtiendrait le Barreau auprès de
certaines sociétés d'assurance ou encore ce serait les grandes
entreprises qui donneraient cette espèce de couverture à leurs
employés moyennant le paiement d'une prime ou encore, cela pourrait se
faire par des associations coopératives ou syndicales.
Pour ma part, je ne suis pas convaincu que cette formule garantisse,
d'une façon intéressante et suffisante, qu'on réussira
véritablement à toucher un nombre relativement important de gens,
parmi la classe moyenne, qui ne sont pas autrement couverts par l'aide
juridique dans sa formule actuelle. C'est la raison pour laquelle, tout en
exprimant de l'intérêt dans ce projet du Barreau, je ne suis pas
encore sûr de sa réussite, du prolongement, du moins, de ce
service à l'ensemble des personnes qui ne sont pas économiquement
faibles.
M. Bédard (Chicoutimi): Je crois que cette formule ne
réglera pas toutes les situations, c'est évident, mais elle
contribuerait sûrement à une amélioration
M. Choquette: Tout dépend du nombre de personnes qui vont
s'abonner ou qui vont s'inscrire à cette formule d'assurance services
juridiques. On sait que les gens sont négligents et ne rechercheront pas
l'occasion de payer des primes d'assurance pour payer des avocats
éventuellement à l'occasion de consultations ou de litiges qu'ils
pourraient avoir dans le cours de l'année.
J'exprime de l'intérêt, mais je ne suis pas sûr de la
réussite.
M. Bédard (Chicoutimi): Cela peut être seulement une
partie de solution, je pense.
M. Choquette: Oui.
M. Bédard (Chicoutimi): Peut-être une très
petite partie de la solution qui pourrait s'accommoder d'autres formules, par
exemple la possibilité d'une participation proportionnelle au revenu de
l'individu. C'est-à-dire que l'Etat participerait, concourrait à
aider le citoyen moyen, qui, à l'heure actuelle, n'est en aucune
façon couvert par le système d'aide juridique, mais l'aiderait en
tenant compte de son revenu.
M. Choquette: Cela pourrait être une formule de ce genre.
Il est possible que ce serait à ce moment une formule qui permettrait de
couvrir beaucoup plus complètement les classes moyennes que le
député a à l'idée. Mais la participation de l'Etat
exigera des déboursés qui représentent des sommes d'argent
additionnelles à consacrer au programme d'aide juridique et qu'il faudra
aller chercher dans les revenus des contribuables, en particulier les revenus
des médecins. J'en vois un devant moi; c'est pour cela que je pense au
revenu des médecins. On sait que les programmes de santé nous
coûtent assez cher à l'heure actuelle au Québec. Même
à cela les négociations...
M. Bédard (Chicoutimi): On a des problèmes, c'est
pour cela que cela coûte cher.
M. Choquette: ...entre les professions médicales et le
ministre des Affaires sociales ne semblent pas marcher sur des roulettes.
M. Bédard (Chicoutimi): Cela ne va pas bien dans les
négociations, selon le ministre de la Justice?
M. Choquette: Non, je n'ai pas dit que cela allait mal, mais j'ai
crû déceler par des nouvelles que j'ai lues dans les journaux, que
les médecins ne semblent pas approuver la
générosité de l'Etat à sa juste mesure. Les
médecins, même si leur revenu se situe à de très
hauts niveaux parmi la pyramide des revenus au Québec...
M. Bédard (Chicoutimi): Beaucoup plus que les avocats.
M. Choquette: ...malgré tout en veulent encore plus, d'une
certaine façon.
M. Dufour: A l'ordre! Revenons à la pertinence du
débat.
M. Choquette: C'est un exemple que je donne. Ce n'est pas parce
que je voulais traiter le cas des médecins. C'est un exemple. On peut
aller vers une couverture plus complète des classes moyennes, mais il va
falloir trouver l'argent pour le faire.
M. Bédard (Chicoutimi): II va falloir que les classes plus
favorisées acceptent d'y participer.
M. Choquette: Bien, c'est cela que j'avais le goût de dire
et que le député de Chicoutimi dit si bien. Est-ce que nous
devons, sérieusement, envisager de couper les revenus des
médecins justement pour payer l'aide juridique pour les classes
moyennes? C'est une solution intéressante.
M. Dufour: II faudra nous augmenter encore et ouvrir beaucoup
plus de CLSC.
M. Sylvain: On peut vous placer dans un CLSC, on va avoir la
paix.
M. Choquette: D'ailleurs, on ne taxera pas seulement les
médecins et les classes supérieures.
Le Président (M. Picard): Est-ce que je pourrais demander
à l'honorable ministre de changer son exemple...
M. Choquette: Oui, oui.
Le Président (M. Picard): ...et de ne pas susciter un
débat avec le député de Vanier?
M. Choquette: Très bien, M. le Président, je vais
suivre votre suggestion.
D'ailleurs, on sait que les revenus du gouvernement ne proviennent pas
principalement des classes ayant un revenu supérieur dans la pyramide
des revenus mais que, en fait, la masse des revenus de l'Etat proviennent des
taxes payées par les gens qui sont justement au bas de la pyramide. De
telle sorte que pour financer le programme d'aide juridique
suggéré implicitement par le député de Chicoutimi
et qui aurait beaucoup plus d'extension que le programme actuel...
M. Bédard (Chicoutimi): Que le ministre ne m'attribue pas
quand même...
M. Choquette: Ah, j'ai pensé que le député
me le suggérait.
M. Bédard (Chicoutimi): Non, non, je suivais le ministre
dans ses réflexions.
M. Choquette: Ah bon, d'accord. De telle sorte que pour payer un
programme d'aide juridique à couverture beaucoup plus ample au point de
vue des catégories sociales, il faudra aller chercher cet argent dans
les goussets des contribuables, parmi lesquels il y a les contribuables qui
sont au bas de l'échelle des traitements.
Ceci pose donc un dilemme cornélien pour le ministre des Finances
ainsi que pour le premier ministre et tous ses collègues.
M. Bédard (Chicoutimi): Je me faisais la réflexion
que c'était agréable de voir le ministre de la Justice
réfléchir avec tant d'à-propos sur la
social-démocratie, la véritable social-démocratie.
M. Choquette: Oui, c'est évident...
M. Bédard (Chicoutimi): Et avoir tant d'hésitation
et appartenir a un gouvernement qui en fait, non pas une application pratique,
mais simplement une question d'image.
M. Choquette: S'il vous plaît... M. Tardif: C'est
mesquin.
M. Choquette: M. le Président, que ces propos sont donc
mal fondés.
M. Bédard (Chicoutimi): II s'agit de voir la
législation pour comprendre.
M. Choquette: Mais le député se trompe
complètement. Le député de Chicoutimi doit re-
connaître, avec ses collègues de ce côté-ci de
la table, que le Québec a un régime de sécurité
sociale je parle dans tous les secteurs qui est parmi les plus
avancés au monde. Est-ce que le député de
Chicoutimi...
M. Bédard (Chicoutimi): Est-ce que c'est une raison pour
s'arrêter devant les réflexions aussi élaborées que
vient de faire le ministre de la Justice?
M. Choquette: Je n'ai pas dit cela, mais partons de la situation
telle qu'elle existe et pas de nos rêveries ou de nos espoirs ...
M. Bédard (Chicoutimi): Je comprends que le
ministre...
M. Choquette: ...mais de la réalité actuelle. Je
pense que le député de Chicoutimi qui est un député
de bonne foi, va reconnaître que les régimes de
sécurité sociale au Québec, sont parmi les plus
avancés au monde, plus avancés qu'aux Etats-Unis où la
richesse nationale est bien plus considérable. La couverture, au point
de vue de la santé publique, au point de vue de l'hospitalisation, au
point de vue des médecins aux Etats-Unis, est ridicule comparativement
aux régimes qui existent au Québec. Dans le domaine de l'aide
juridique nous sommes bien en avant de tout ce qu'ils ont aux Etats-Unis. On
pourrait aller dans l'aide sociale, on pourrait aller dans tous les secteurs,
dans les médicaments, etc., au point de vue des dentistes pour les
enfants, il n'y a pas de régime semblable aux Etats-Unis. Je vous donne
les Etats-Unis comme exemple qui sont après tout, plus riches que nous,
mais on pourrait aller dans n'importe quel autre pays et je crois que le
Québec se comparerait avantageusement. Donc, je dis ceci: Quand le
premier ministre parle de social-démocratie, je crois qu'il a
raison.
M. Bédard (Chicoutimi): Vous n'êtes pas
sûr.
M. Choquette: A part cela, le député de Vanier
m'approuve entièrement
M. Dufour: A 100%.
M. Bédard (Chicoutimi): II y a une différence entre
en parler et l'appliquer.
M. Mercier: Je m'abstiens. M. Tardif: Cela est
certain.
M. Choquette: Le député de Portneuf lui, c'est
plutôt la loi des alcools.
M. Pagé: On en parlera au niveau des
règlements.
M. Choquette: ... à ce programme.
M. Bédard (Chicoutimi): On va revenir au programme. Je
pense que le ministre, étant donné qu'il se trouvait devant une
foule de partisans, s'est étendu sur le sujet de la
social-démocratie.
Il reste quand même que vous reconnaissez que les gens à
revenus moyens sont complètement oubliés dans ce programme d'aide
juridique.
M. Choquette: Surtout quand ils vont au bureau d'avocat du
député de Chicoutimi.
M. Bédard (Chicoutimi): Là-dessus, je vous
permettrais de parler. Je ne serais pas gêné.
M. Choquette: Ah oui?
M. Bédard (Chicoutimi): Oui, allez-y.
M. Choquette: Non, je comprends que c'est la situation qui
existe.
M. Bédard (Chicoutimi): Est-ce que le Barreau a
indiqué son intention de participer à une telle étude qui
est proposée dans le livre blanc de la justice?
M. Choquette: C'est-à-dire que le Barreau a fait ses
propres études. Je crois que nous allons rencontrer le Barreau pour voir
ce qu'il a à proposer, et si ceci peut être favorisé par le
ministère de la Justice, nous allons le faire, évidemment.
C'est-à-dire que nous allons aider le Barreau dans ses
entreprises, si elles paraissent servir l'intérêt public.
M. Bédard (Chicoutimi): II est prématuré de
demander quand les résultats de cette étude pourraient être
connus?
M. Choquette: Je ne sais pas.
M. Bédard (Chicoutimi): A l'heure actuelle, les
barèmes de l'aide juridique sont demeurés les mêmes que
ceux fixés lors de l'application de la loi, il y a de cela près
de trois ans?
Puisqu'on parle de social-démocratie, est-ce que le ministre de
la Justice envisage de changer ces barèmes qui sont fixés de
manière à les ajuster, en tenant compte de la hausse du
coût de la vie?
M. Choquette: Oui. A l'heure actuelle, nous sommes en train
d'examiner cette question des barèmes d'admissibilitéà
l'aide juridique. Je pense bien que dans un avenir rapproché, nous
pourrons proposer une nouvelle réglementation à ce sujet.
M. Bédard (Chicoutimi): Comme il y a des gens qui
attendent, à l'heure actuelle, qui sont en dehors du système
à cause de ces barèmes d'admissibilité qui ne sont pas
révisés, est-ce qu'on peut au moins espérer que
là-dessus, comme c'est assez clair en termes de nécessité
de changement, ce changement arrivera assez rapidement?
M. Choquette: Oui, on peut l'espérer. Maintenant, je
dirais que l'aide juridique a généralement
interprété ses barèmes ou les barèmes existants
avec énormément de libéralisme et ne s'en est pas
tenu à des calculs mesquins de revenus en déniant l'aide
juridique à des personnes qui pouvaient dépasser les limites
actuelles. Je crois que les barèmes disent que l'aide juridique peut
quand même tenir compte aussi des honoraires impliqués dans une
cause et de l'importance de la cause dans sa décision d'admettre ou de
ne pas admettre quelqu'un à l'aide juridique.
Mon expérience, c'est que l'aide juridique a été
généralement très large quant à
l'admissibilité.
M. Bédard (Chicoutimi): On va terminer ce programme en
espérant que ce changement s'effectuera le plus rapidement possible.
Le Président (M. Picard): Programme 12, adopté.
Programme 13: Enregistrement officiel.
Enregistrement officiel
M. Bédard (Chicoutimi): A l'élément I, on
remarque une diminution des crédits affectés à
l'enregistrement de l'état civil, des régimes matrimoniaux et de
changement de nom des individus.
M. Choquette: C'est parce que nous coupons les dépenses.
C'est un pur et simple cas de couper les dépenses.
M. Bédard (Chicoutimi): Vous admettrez que c'est une
réponse qui ne donne pas beaucoup de renseignements.
M. Choquette: Non, non mais c'est à cause de l'excellente
gestion de M. René Langevin, ici présent, qui applique des
mesures d'économie extrêmement sévères, de
façon à nous permettre de réduire notre budget.
M. Bédard (Chicoutimi): Est-ce que M. Lange-vin serait en
mesure de nous expliciter ces mesures d'économie?
M. Choquette: Nous avions fait des estimations quant a
l'établissement d'un registre central de l'état civil. Nous avons
révisé ces estimations vers la baisse. Donc, cela nous
coûte moins cher. Donc, cela nous a permis de réaliser des
réductions dans ...
M. Bédard (Chicoutimi): On voit une augmentation des
crédits, à l'élément 2, qui concerne
l'enregistrement d'actes relatifs au patrimoine.
M. Choquette: Alors là, il s'agit des bureaux
d'enregistrement et, évidemment, les points principaux sont
l'augmentation des traitements, comme d'habitude, et aussi l'accroissement du
personnel dans ces bureaux d'enregistrement . A cause de l'augmentation du
nombre d'actes qui sont enregistrés, il faut prévoir des
augmentations de personnel.
M. Bédard (Chicoutimi): Est-ce que le minis- tère
entrevoit soit des réaménagements ou des améliorations de
certains bureaux d'enregistrement?
M. Choquette: En effet, oui, parce qu'actuellement, nous avons
environ 80 bureaux d'enregistrement et nous allons en faire disparaître
un certain nombre pour limiter cela à 50 bureaux.
Il y a des bureaux, vous le savez, qui ont été
créés à des époques où il y avait assez
d'activités notariales dans certains secteurs. Aujourd'hui, ces bureaux
ne correspondent plus du tout au volume de l'activité économique
qui a lieu dans ces régions. De plus, la réduction des distances
par suite des meilleurs moyens de communications permet d'entrevoir la
réduction du nombre de bureaux d'enregistrement.
M. Bédard (Chicoutimi): Dans un délai le plus
rapide possible, est-ce qu'on pourrait avoir la liste des bureaux
d'enregistrement existants à l'heure actuelle avec l'indication des
bureaux qui doivent disparaître?
M. Choquette: Je pourrai vous donner la liste des bureaux
existants. Il faudra légiférer pour permettre de changer les
divisions d'enregistrement, et donc de réduire un certain nombre de
bureaux existants.
M. Bédard (Chicoutimi): Peut-être un cas
particulier, comme référence. Dans la région du
Saguenay-Lac Saint-Jean, est-ce qu'il est question d'enlever un bureau
d'enregistrement?
M. Choquette: Nous déplaçons le bureau
d'enregistrement d'Hébertville pour l'amener à Aima. Chicoutimi
demeure.
M. Bédard (Chicoutimi): Eh place.
M. Choquette: Chicoutimi résiste aux assauts de
Jonquière.
M. Bédard (Chicoutimi): Une chance que le ministre n'est
pas dans la région, ce serait la chicane continuelle.
M. Choquette: Je vais autant à Jonquière
qu'à Chicoutimi.
M. Bédard (Chicoutimi): Ah!
M. Choquette: Et j'essaie de naviguer entre les deux.
M. Sylvain: C'est une grande barque.
M. Bédard (Chicoutimi): Vous essayez de demeurer sur la
ligne de démarcation.
M. Choquette: Toujours. C'est très difficile, je dois
l'avouer.
M. Bédard (Chicoutimi): II y a des marées. Quels
sont les revenus provenant des bureaux
d'enregistrement au chapitre de la consultation des pièces, de la
reproduction des documents et des droits dus au moment de l'enregistrement?
M. Choquette: Je ne pense pas qu'on puisse vous donner ça
avec tous ces détails, mais nous pouvons vous donner les recettes que
nous recevons des bureaux d'enregistrement.
M. Bédard (Chicoutimi): Quitte à me faire parvenir
les autres renseignements plus tard.
M. Choquette: Oui. On me dit qu'il ne sera pas possible de vous
donner ça par catégorie, parce que tous nos honoraires sont
perçus sous forme de timbres judiciaires et qu'on ne fait pas de
distinction au moment du paiement des timbres.
Pour les bureaux d'enregistrement, les recettes totales sont de $3.9
millions. Pour les actes judiciaires, c'est-à-dire les pièces de
procédures dans les procès, qui ne sont pas dans ce programme, je
le ferais remarquer au député, les recettes sont de $3.2
millions.
M. Bédard (Chicoutimi): Là-dessus, qu'est-ce que
ça coûte au contribuable?
M. Choquette: Quoi?
M. Bédard (Chicoutimi): En timbres?
M. Choquette: Cela lui coûte $3.9 millions dans les bureaux
d'enregistrement.
M. Bédard (Chicoutimi): Le ministère de la Justice
entrevoit-il d'augmenter les timbres?
M. Choquette: Le tarif de l'enregistrement des actes a
été révisé en I972, à la hausse.
Historiquement, les bureaux d'enregistrement ont toujours été
déficitaires, si on fait le total des dépenses qui leur sont
attribuables, par rapport aux recettes.
M. Bédard (Chicoutimi): Comment expliquez-vous cet aspect
déficitaire?
M. Choquette: C'est un service public qui est accessible à
tous. Je présume qu'on n'a jamais considéré que ce service
devait s'autofinancer.
M. Bédard (Chicoutimi): II reste quand même que les
gens ont à payer des sommes assez importantes.
M. Choquette: II y des dépenses de conservation des actes
qui sont très considérables. Comme nous devons conserver les
actes...
M. Bédard (Chicoutimi): Trente ans et plus.
M. Choquette: Cent ans et I50 ans. Tout cela coûte assez
cher à manipuler, à entreposer. Faudrait-il faire payer ces frais
par des usagers du service aujourd'hui? C'est assez discutable.
Institut Drouin
M. Bédard (Chicoutimi): J'aurais une question à
poser au ministre concernant un sujet dont il a déjà entendu
parler beaucoup dans le passé, il est peut-être oublié
à l'heure actuelle, c'est la question des micro-films de l'Institut
Drouin. On se souviendra des tentatives de l'Institut
généalogique Drouin de vendre sa collection de microfilms au
gouvernement du Québec. Ces tentatives, ainsi que celle des Mormons,
concernant le microfilmage des registres ont fait déjà l'objet de
débats, ici, en commission parlementaire. D'ailleurs, lors des
discussions des crédits de l'année dernière, à
cette occasion, le ministre s'était engagé à tenir
l'Assemblée nationale au courant des développements du dossier,
à la suite d'une enquête entreprise au sein de son
ministère, sur ce sujet. Je voudrais savoir où en est rendu le
dossier présentement.
M. Choquette: Nous avons décidé de ne pas acheter
la collection Drouin. Alors le projet a été complètement
abandonné.
M. Bédard (Chicoutimi): En ce qui a trait à l'offre
des Mormons?
M. Choquette: Apparemment, il y a des rapports qui ont
été liés entre l'Eglise des Mormons et l'épiscopat.
Des dispositions semblent avoir été prises pour microfilmer les
actes existant dans les paroisses.
M. Bédard (Chicoutimi): Les registres.
Le ministre joue avec le micro, il peut être sur qu'il est
enregistré. Il y a l'écoute plus qu'électronique.
M. Choquette: Je fais mon métier habituel. J'installe des
micros!
M. Bédard (Chicoutimi): Vous installez un micro. C'est
votre travail!
M. Choquette: Le député avait-il d'autres questions
intéressantes à poser sur I' écoute
électronique?
M. Bédard (Chicoutimi): Le plaisir que semble prendre le
ministre à jouer avec les micros m'inquiète.
Etant donné que le ministère a mis de côté et
l'offre des Mormons et l'offre de l'Institut généalogique Drouin,
que compte faire le ministère?
Est-ce que vous allez avoir une copie du microfilm que les Mormons vont
donner?
M. Choquette: Nous allons entrer en communication avec...
M. Bédard (Chicoutimi): L'épiscopat? M.
Choquette: ...l'épiscopat.
M. Bédard (Chicoutimi): Le comité spécial de
l'enregistrement de l'Office de révision du code civil proposait la
création d'un régistre central de l'état civil. Quelle est
la position du ministre face à cette proposition?
M. Choquette: Nous n'avons pas adopté de position
définitive. Il s'agirait d'une décision à être prise
par le conseil des ministres dans son entier. Cela peut être une
idée très intéressante que celle d'un régistre
central de la population, mais cela pose des problèmes assez
considérables d'organisation et de coûts, de telle sorte que pour
le moment, une décision n'a pas été prise quant à
la constitution d'un tel régistre.
M. Bédard (Chicoutimi): Concernant le libre accès
au registre de l'état civil, suite à la publication de ce
rapport, les sociétés de généalogie se sont
vivement opposées à certaines de ces recommandations et, en
particulier, à celle concernant le contenu des actes ainsi que la
confidentialité des renseignements. Le ministre, suite à ces
protestations, a dit avoir soumis le problème à l'attention de
l'Office de révision. Est-ce qu'on pourrait savoir le
résultat?
M. Choquette: II y a deux écoles de pensée sur
cette question. L'Office de révision du code civil a exprimé
l'avis que les registres récents devraient conserver un caractère
confidentiel pour le motif qu'il s'agirait là de documents qui
concernent des individus en particulier et que, par conséquent, il
faudrait protéger leur confidentialité. Par contre, le groupe des
généalogistes a exprimé un avis contraire selon lequel il
devrait y avoir accessibilité sans réserve pour les chercheurs
qui désirent faire des recherches généalogiques. Pour le
moment, nous n'avons pas été appelés à prendre une
position définitive. Il s'agira peut-être d'une décision
à prendre dans l'avenir, soit à l'occasion de l'adoption du code
civil ou à l'occasion d'une loi qui viserait à l'enregistrement
des actes d'état civil.
M. Bédard (Chicoutimi): Est-ce que vous prévoyez
avoir à prendre une décision assez rapidement
là-dessus?
M. Choquette: Pas trop. Disons que ce n'est pas la
décision la plus prioritaire de mon ministère.
M. Bédard (Chicoutimi): J'espère.
Le Président (M. Picard): Programme 13, adopté?
M. Bédard (Chicoutimi): Adopté, M. le
Président.
Le Président (M. Picard): Programme 13, adopté.
Programme 14, Contrôle des jeux de hasard et des courses.
M. Bédard (Chicoutimi): M. le Président, on avait
parlé d'arrêter à dix heures et demie. De toute
façon, on en a encore pour une séance puisqu'il reste quatre
programmes. Je pense bien qu'il y aura lieu de passer à travers ces
quatre programmes dans une séance. Si les membres de la commission n'ont
pas d'objection, il y aurait peut-être lieu d'ajourner à demain
matin.
Changements de noms
M. Sylvain: J'aimerais peut-être, si la commission me le
permet, quoique le programme 3 soit adopté, poser une question qui ne
m'était pas venue à l'idée à ce moment et qui va
être brève.
Un groupe d'étudiants à Laval, en droit,
s'intéresse à la question du changement des noms civils, des
rectifications des registres, par rapport au problème que pose la
transexualité chez la personne humaine. Evidemment, vous comprendrez, M.
le Président que quand on a accepté le principe chez l'individu
de changer son sexe, il est assez difficile d'être une belle blonde et de
s'appeler Ti-Paul.
J'aimerais savoir si l'Office de révision du code civil, à
la connaissance du ministre, s'est penché sur ce problème et si
le ministre de la Justice a lui-même une opinion.
M. Choquette: J'ai une opinion. Il va sûrement falloir
introduire des dispositions dans le code civil, pour permettre de changer de
nom, dans ces circonstances.
M. Sylvain: C'est aussi clair que cela.
M. Choquette: C'est aussi clair que cela, parce que, comme vous
dites, par exemple, on s'appelle Denis, il faudrait changer à
Denise!
Il n'y a pas de doute que le problème s'est posé dans
quelques cas particuliers. On a attiré mon attention sur le fait qu'il
n'y a pas de dispositions qui permettent de changer de prénom, à
la suite d'une telle intervention chirurgicale.
M. Bédard (Chicoutimi): Si on s'appelle Pierrot, il faut
changer complètement de nom!
M. Choquette: Je ne sais pas.
M. Sylvain: Est-il à votre connaissance que l'Office de
révision du code civil a étudié cette partie des
rectifications des registres?
M. Choquette: L'Office de révision du code civil a tout
étudié. Il n'a pas tout résolu, mais il a tout
étudié!
M. Sylvain: Etes-vous au courant de la position? Est-ce la
position que vous expliquez qui permettra, dans ces motifs...
M. Choquette: Je me fiche de la position de l'Office de
révision du code civil. C'est moi le ministre. C'est moi qui...
M. Sylvain: Je veux simplement rendre service.
M. Bédard (Chicoutimi): Est-il sérieux quand il dit
cela?
M. Choquette: Je pense qu'ils ont étudié le
problème, et je ne vois pas d'autre solution que celle de permettre un
changement de nom.
M. Sylvain: Ma question est simplement dans le but de
répondre à ces étudiants qui m'ont demandé,
à moi-même, comme permanent de la commission, de poser cette
question au ministre, par l'entremise du président.
M. Choquette: Je crois que vous pourrez répondre aux
étudiants en question que vous êtes assuré qu'il va y avoir
des changements.
M. Sylvain: II y avait aussi des étudiantes. M.
Choquette: Alors, dites-le à tous.
Le Président (M. Picard): Le député de
Portneuf.
M. Pagé: M. le Président, sur le même sujet,
c'est quand même sérieux, j'aimerais savoir à quel moment
le ministre entend déposer de tels amendements?
M. Choquette: Je ne considère pas que cela fait partie du
programme d'urgence au point de vue législatif du ministère. Mais
c'est sûrement une chose qu'il va falloir adopter dans un avenir pas trop
éloigné. On me dit, d'autre part, que cette question
soulève toutes sortes de problèmes incidents, comme l'adoption,
le mariage. On sait que le mariage est interdit entre gens du même sexe.
Si on est pour admettre les changements dans le sexe, donc des changements de
noms, cela peut vouloir dire qu'on autorise des mariages entre personnes
à l'égard desquelles cela aurait été, par ailleurs,
défendu.
M. Pagé: Selon le ministre, la définition d'un
avenir rapproché, qu'est-ce que c'est?
M. Choquette: Je donnerais une année. M. Pagé:
Une année.
M. Dufour: Une année d'essai, s'ils ne font pas d'enfant,
une séparation!
M. Pagé: Ce sont des gens intéressés par la
question qui se sont adressés tant au député de
Beauce-Nord qu'à moi-même, voyant que nous étions deux
jeunes avocats intéressés par le droit nouveau.
M. Choquette: Ce n'est pas une large couche de vos
électeurs.
M. Pagé: C'étaient des gens du comté de
Louis-Hébert, entre autres.
M. Choquette: Ce n'est pas une majorité.
M. Sylvain: Quand même, ce sont des gens qui ont des
problèmes.
M. Choquette: De toute façon, il va falloir faire quelque
chose.
M. le Président, d'autre part, il y a un conseil des ministres
demain. Il va falloir siéger obligatoirement à cette commission
demain, vu que le député de Chicoutimi ne veut pas continuer
à travailler...
M. Bédard (Chicoutimi): Ah non, ce n'est pas le sens de ma
question.
M. Choquette: Moi, j'étais prêt à
continuer.
M. Bédard (Chicoutimi): Je suis parfaitement d'accord.
Nous pouvons continuer, j'ai simplement fait une suggestion à la
commission et cette suggestion m'avait été faite
préalablement par le président de la commission. Ce n'est pas
plus grave que cela.
M. Choquette: Mais le député serait prêt
à terminer...
M. Bédard (Chicoutimi): Je n'ai pas d'objection à
continuer, mais une chose est certaine, c'est qu'on n'aura pas le temps de
terminer ce soir. C'est dans ce sens que ...
Le Président (M. Picard): II faudra revenir pour une autre
séance.
M. Bédard (Chicoutimi): ...je me disais que puisqu'on a
besoin sûrement d'une autre séance... On peut peut-être,
encore faire un autre programme.
M. Choquette: Si vous pensez qu'on a besoin d'une autre
séance, alors...
Le Président (M. Picard): Sine die?
M. Choquette: Non, pas sine die, à demain matin, dix
heures.
M. Bédard (Chicoutimi): Dix heures.
Le Président (M. Picard): Vous avez un conseil des
ministres.
M. Choquette: Je n'irai pas. Parce que c'est un ordre de la
Chambre de siéger demain.
Le Président (M. Picard): La commission ajourne ses
travaux à demain matin, dix heures, même salle.
(Fin de la séance à 22 h 36)