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Version finale

30th Legislature, 3rd Session
(March 18, 1975 au December 19, 1975)

Friday, June 27, 1975 - Vol. 16 N° 162

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude du projet de loi no 50 — Charte des droits et libertés de la personne


Journal des débats

 

Commission permanente de la justice

Projet de loi no 50

Charte des droits et libertés

de la personne

Séance du vendredi 27 juin 1975

(Douze heures quarante minutes)

M. Kennedy (président de la commission permanente de la justice: A l'ordre, messieurs!

La commission reprend ses travaux pour l'étude du projet de loi no 50, Charte des droits et libertés de la personne. Nous en étions à l'article 57.

Commission des droits de la personne (suite)

M. Morin: M. le Président, nous sommes d'accord sur l'article 57 et nous sommes prêts à l'adopter.

Le Président (M. Kennedy): Adopté.

M. Morin: Dans la copie du projet de loi qui m'a été remise, il y a un trou. Les articles 58 à 61 manquent, et pourtant la numérotation des pages est consécutive. Je ne sais pas si tout le monde a...

Une Voix: Moi, je les ai.

M. Morin: Vous les avez? Les voilà. Donc, l'article 57 peut être adopté.

Le Président (M. Kennedy): Adopté. L'article 58.

M. Morin: A l'article 58, la Ligue des droits de l'homme recommandait que les officiers et les employés de la commission ne soient pas rattachés à la fonction publique, et ce pour des raisons qui sont bien évidentes. Qu'il suffise de mentionner le cas où la Commission de la fonction publique, ou encore la couronne serait prise dans un conflit qui se rapporte à la loi, par exemple, qu'elle soit accusée de discrimination; il est évident que, dans un cas comme celui-là, il y aurait une sorte de conflit d'intérêts et qu'il serait avantageux que la commission ne soit pas rattachée à la fonction publique. Nous avons, au cours du débat, à plusieurs reprises, parlé de l'indépendance de la commission, si l'on voulait en assurer l'impartialité complète. C'est pourquoi il nous paraît qu'il y aurait peut-être lieu de modifier cet article. Je n'ai pas de proposition directe à faire. J'aurais d'abord aimé que le ministre nous dise pourquoi il n'a pas tenu compte des suggestions de la Ligue des droits de l'homme à ce sujet.

M. Choquette: M. le Président, c'est parce qu'à mon sens le fait d'appartenir à la fonction publique ou d'être régi par les normes de la fonc- tion publique n'est pas la négation d'une indépendance réelle dans l'exercice de fonctions, surtout de fonctions ayant un caractère quasi judiciaire. Je ne peux pas me rendre à cet argument énoncé par la Ligue des droits de l'homme et présenté à nouveau par le chef de l'Opposition qu'il est opportun d'exclure le personnel de la Commission de la fonction publique pour les raisons qui ont été soulevées. D'autre part, il s'avère que l'appartenance à la fonction publique et les normes de la fonction publique représentent un problème sérieux et réel dans l'organisation du personnel d'une telle commission; pour des raisons purement pratiques, j'arrive au même résultat que la suggestion du chef de l'Opposition. Je proposerais un amendement à l'article 58...

M. Morin: Quel suspense! Le ministre sait ménager ses suspenses. J'ai pensé jusqu'au dernier moment qu'il allait m'envoyer promener et il me donne raison.

M. Choquette: Non. Non pas pour les raisons que vous avez soulevées, mais pour d'autres raisons, particulièrement pratiques. Cela pose un énorme problème que celui du recrutement quand on passe à travers les normes de la fonction publique. On connaît toutes les complications qui en résultent, et, étant donné que j'ai hâte de voir la commission s'organiser rapidement, je pense qu'il y a lieu de donner suite à la suggestion.

L'amendement consisterait à remplacer l'article 58 par le suivant: "58. Les fonctionnaires et employés requis pour l'application de la présente charte sont nommés par la commission. Leur nombre est déterminé par le lieutenant-gouverneur en conseil qui établit les barèmes suivant lesquels ils sont rémunérés, ainsi que leurs conditions de travail. Ils peuvent être destitués par le lieutenant-gouverneur en conseil, mais uniquement sur recommandation de la commission."

J'ai un texte ici.

M. Morin: Pourrais-je le regarder de plus près? Merci. Nous l'acceptons d'emblée.

Le Président (M. Kennedy): L'article 58, tel que remplacé, est-il adopté?

M. Morin: Adopté.

Le Président (M. Kennedy): L'article 59?

M. Morin: A l'article 59, nous n'avons pas de commentaire particulier, nous sommes d'accord, de même qu'à l'article 60.

Le Président (M. Kennedy): Les articles 59 et 60 sont adoptés. L'article 61?

M. Morin: L'article 61 est l'ancien article 55 auquel on a ajouté un alinéa qui dit que la commission peut dorénavant ouvrir des bureaux partout au Québec. Cela nous paraît une disposition qui va dans le sens de nos préoccupations.

Effectivement, la protection des droits de la personne requiert que l'on ne soit pas obligé de monter à Québec constamment pour défendre ses droits.

J'aimerais toutefois demander au ministre s'il peut nous donner une idée du nombre de bureaux qui pourraient exister. Je sais bien que c'est la commission qui décidera, mais j'imagine qu'il a dû déjà y réfléchir avec ses conseillers; pourrait-il nous dire à quoi pourrait ressembler éventuellement un réseau de bureaux de la commission dans tout le Québec. Ce ne seraient pas simplement des guichets avec un télex relié à Québec, ce seraient vraiment des bureaux où, j'imagine, les citoyens pourraient venir porter plainte, obtenir des renseignements sur leurs droits, c'est de ce genre de bureau qu'il s'agit.

M. Choquette: II est prévu que, tout probablement, le siège de la commission sera fixé à Montréal, car la population montréalaise est plus nombreuse que partout ailleurs au Québec. D'autre part...

M. Morin: Les droits de l'homme sont plus fréquemment violés à Montréal.

M. Choquette: ... je pense qu'une grande partie des problèmes que la commission aura à résoudre se situeront dans la région montréalaise. C'est la raison pour laquelle il me semblerait opportun de fixer le siège de la commission dans la région de Montréal. Il y aura sans aucun doute un bureau ici, dans la région de Québec, pour desservir aussi une partie importante de la population québécoise et l'est du Québec. Quant à ouvrir d'autres bureaux, ce sera une question à être réglée par la commission. Pour le moment, il m'est assez difficile de suggérer qu'il puisse y avoir des bureaux ouverts dans telle ou telle autre région, cela dépendra des besoins qui se manifesteront; il faudra être assez pratique dans ce domaine. Pour le moment, je ne peux pas dire au chef de l'Opposition le nombre de bureaux qui pourraient être ouverts ailleurs qu'à Montréal et à Québec, mais, au départ, on peut compter qu'il y aura sans doute deux bureaux ouverts un à Montréal et un à Québec.

M. Morin: M. le Président, me serait-il permis de souhaiter que ces bureaux s'étendent assez rapidement à l'ensemble du territoire québécois? Je ne le dis pas pour le ministre, car ce n'est pas lui qui prendra la décision, je le dis à l'adresse des membres de cette commission qui, peut-être, verra le jour assez rapidement. Lorsqu'ils liront ces transcriptions et voudront se mettre au courant du sens que nous avons attaché à certains articles, ils voudront peut-être mieux comprendre la loi à la lumière des débats qui l'ont entourée; j'aimerais qu'ils constatent que l'Opposition officielle souhaite vivement que, très rapidement, il y ait de tels bureaux dans la plupart des grandes régions du Québec.

La défense des droits, dans l'abstrait, est une chose fort intéressante et valable, mais, dans le concret, étant donné l'expérience que Ion peut trouver dans certains ministères comme, par exemple, le ministère des Affaires sociales, on peut constater que la défense in concreto des droits exige une présence là où les gens vivent.

Si les gens ont à faire des efforts surhumains pour signaler à des bureaux lointains les vexations ou les atteintes à leurs droits et libertés, souvent, ils ne bougeront pas, ou ils écriront une lettre, mais on sait ce que la lettre peut donner: cela peut prendre des mois avant d'aboutir, tandis que, s'ils peuvent venir se plaindre et faire étudier leur dossier dans un endroit précis, rapproché de leur milieu de vie, cela serait vraiment une étape considérable dans le respect des droits de l'homme du point de vue concret.

Je me permets simplement d'exprimer ce voeu; d'ailleurs, j'ai l'impression que le ministre ne doit pas être loin de penser comme moi sur ce sujet.

M. Choquette: Tout en ayant des soucis d'économie, car je sais que toutes les initiatives gouvernementales finissent par coûter cher et par être payées par les contribuables, de sorte qu'il faut y aller avec une certaine modération dans ce domaine.

Le Président (M. Kennedy): Le député de Taschereau.

M. Bonnier: M. le Président, je voudrais faire remarquer au chef de l'Opposition qu'il existe un Ombudsman qui réglemente les relations entre les citoyens et les différents services de l'Etat, ce qui aide déjà.

M. Morin: C'est bien différent. Le député de Taschereau connaît comme moi les limites de la compétence du Protecteur du citoyen qui, lui, s'occupe des rapports entre les citoyens et l'énorme machine de l'Etat, tandis que, là, il s'agit d'atteintes aux droits et aux libertés qui peuvent émaner même de simples particuliers ou de corporations, de personnes morales. Le député de Taschereau aura lu comme moi le nouvel article 76 qui dit: Le Protecteur du citoyen qui reçoit une plainte relevant de la compétence de la commission transmet le dossier à cette dernière, laquelle en est saisie de plein droit. Donc, on a même prévu la charnière entre les deux organismes.

Le Président (M. Kennedy): L'article 61 est-il adopté?

M. Morin: Adopté. L'artilce 62 aussi, pendant que nous y sommes, de même que les articles 63 et 64. Nous pouvons passer tout de suite à l'article 65.

Le Président (M. Kennedy): Les articles 62, 63 et 64 sont adoptés. L'article 65?

Fonctions

M. Morin: A l'article 65, peut-être pourrait-on, avec votre permission, adopter les divers paragraphes les uns après les autres car, en fait, il n'y a guère que le paragraphe d) sur lequel j'aie des commentaires. Alors, nous pouvons déjà adopter 65 a), 65 b) et 65 c).

Le Président (M. Kennedy): Oui.

M. Morin: Au paragraphe d), on nous dit que c'est une des fonctions de la commission de procéder à l'analyse des lois du Québec qui sont antérieures à la présente charte et qui lui seraient contraires, et de faire au gouvernement les recommandations appropriées. J'ai un certain nombre d'observations: tout d'abord, j'aurais aimé qu'il soit clair, comme dans l'article 66 qui suit, que le rapport devrait être fait à l'Assemblée aussi bien qu'au gouvernement. Il me semble que l'indépendance de cette commission et le fait que ses membres doivent être nommés avec l'approbation des deux tiers de l'Assemblée nous suggèrent de la faire dépendre de l'Assemblée le plus possible et du gouvernement le moins possible.

Je sais bien qu'elle devra en dépendre dans une certaine mesure, il est impossible qu'il en soit autrement, mais qu'elle soit le plus possible rattachée directement à l'Assemblée. Je sais que l'article 66 nous dit que la commission doit remettre au président de l'Assemblée nationale un rapport de ses activités, mais j'aimerais que le rapport portant spécifiquement sur les lois du Québec antérieures à la présente charte soit communiqué non seulement au gouvernement mais à l'Assemblée; je crois que notre rôle de législateur l'exige.

Ceci est une première remarque, je me demande même si c'est nécessaire d'en faire un amendement tellement cela me paraît évident, peut-être que le ministre voudra en convenir, ce pourrait être de faire à l'Assemblée et au gouvernement les recommandations appropriées.

Je vais laisser le ministre réagir à cette première remarque et j'en aurai d'autres par la suite.

M. Choquette: M. le Président, je ne peux pas abonder dans le sens du chef de l'Opposition...

M. Morin: Je ne vous demande pas d'abonder, je vous demande d'être d'accord.

M. Choquette: ... et je ne peux pas être d'accord avec lui. La commission ne fonctionnera pas dans un vide complet par rapport au gouvernement. Il faudra se rappeler aussi que le ministre de la Justice sera éventuellement appelé à être responsable du fonctionnement de cette commission suivant un article qui se trouve à la fin du projet de loi.

C'est notre intention de créer une commission de réforme du droit qui aura un rôle d'une certaine façon parallèle à celui de la Commission des droits de la personne, au moins pour autant qu'il s'agisse de la fonction mentionnée à l'alinéa d) de l'article 65 du présent projet de loi. Je pense que le ministre de la Justice est le ministre le plus indiqué pour faire la conjonction entre les recommandations qui pourront émaner de la Commission des droits de la personne comme de la Commission de réforme du droit, et pour faire à la Chambre les propositions qui s'imposent.

Il va de soi que, dans un système gouvernemental comme le nôtre et avec la tradition établie par notre gouvernement en particulier, qui gouverne très ouvertement, le ministre de la Justice...

M. Morin: Cela, c'est à voir.

M. Choquette: J'aurais pensé que le chef de l'Opposition aurait abondé dans mon sens sur cette caractéristique du gouvernement actuel...

M. Morin: Vous auriez pensé cela!

M. Choquette: ... et que ceci aurait peut-être facilité l'obtention, par lui, d'autres amendements à d'autres parties de la charte, mais puisque le chef de l'Opposition ne semble pas vouloir reconnaître publiquement l'ouverture d'esprit du gouvernement et du ministre de la Justice en particulier, M. le Président, j'ai bien peu d'arguments qui puissent le convaincre. De toute façon, devant des recommandations que ferait la Commission des droits de la personne sur la révision de lois adoptées antérieurement, je ne pense pas que le ministre de la Justice pourrait véritablement cacher ces recommandations émanant de la commission, alors qu'elles auraient été peut-être débattues au sein d'une commission composée de sept ou huit personnes avec un personnel très complet. Pour ma part, même si je ne devais pas abonder dans le sens de certaines recommandations faites par la commission, je serais très mal venu et très critica-ble de ne pas faire état publiquement de certaines recommandations que j'aurais reçues en vertu de l'exécution d'un pouvoir spécifiquement mentionné dans cette loi.

M. Morin: M. le ministre, est-ce votre intention de communiquer à l'Assemblée, dans des délais raisonnables, les recommandations reçues, le rapport comportant l'analyse des lois antérieures reçu de la commission?

M. Choquette: II me semble que cela va de soi.

M. Morin: Cela ne va pas tellement de soi puisque vous ne voulez pas accepter l'amendement.

M. Choquette: Mais oui, cela va de soi, à tel point que, tous les rapports de commission que l'on reçoit, je les dépose à l'Assemblée nationale, c'est une façon de procéder qui est tout à fait traditionnelle. Je n'ai qu'à mentionner un exemple récent comme le rapport sur les incendies à Montréal, qui a été fait par un commissaire aux incendies; dès que je l'ai eu étudié, je l'ai déposé à l'As-

semblée nationale. Je ne crois pas que le chef de l'Opposition doive se sentir obligé d'apporter un tel amendement, alors qu'il faut que quelqu'un ait la responsabilité, au sein du gouvernement, de voir à la mise en oeuvre des recommandations qui pourront nous être proposées par la commission, dans la mesure où le gouvernement est d'accord, car le gouvernement, dans notre système parlementaire, est quand même responsable de la révision et de l'adoption des lois.

M. Morin: Ce que j'ai proposé ne va pas à l'encontre de ce principe. Vous demeurez entièrement libre d'accepter ou de ne pas accepter l'analyse, les recommandations que vous propose la commission.

M. Choquette: Je suis d'accord, mais je devrai faire la combinaison de l'action de la Commission de réforme du droit et celle de la Commission des droits de la personne. C'est la raison pour laquelle je pense que le texte doit être maintenu.

M. Morin: M. le Président, si le ministre...

M. Choquette: Sans compter mes responsabilités au point de vue de la législation en général.

M. Morin: Je ne veux pas vous enlever vos responsabilités, je veux au contraire que vous les preniez.

M. Choquette: Alors, je les prends.

M. Morin: Mais il me semble que, pour bien les prendre, pleinement et ouvertement, avec cette ouverture d'esprit mur à mur qui vous caractérise.

M. Choquette: Merci. Qu'on le note!

M. Morin: C'est sûrement noté verbatim, oui, les signatures, c'est un procédé dont j'apprécie toute l'importance.

M. Choquette: Je le souligne pour le journal des Débats. Je m'en servirai dans la prochaine campagne électorale; vous savez que je sortirai tous ces éloges que vous me faites aujourd'hui.

M. Morin: Je n'en doute pas. Le ministre...

M. Choquette: Je n'irai pas les porter dans le comté de Sauvé, je les garderai pour mon comté.

M. Morin: Vous pourrez les utiliser où vous voudrez.

Mais si vous n'acceptez pas de soumettre à l'Assemblée ce rapport, ce sera tout de même une anicroche à votre sourire mur à mur, ce sera votre ouverture d'esprit.

M. Choquette: II me semble qu'il est assez évident que je pourrais avoir une question du chef de l'Opposition comme celle-ci: Le ministre de la Justice a-t-il reçu un rapport de la Commission des droits de la personne au sujet de telle ou telle loi qui a été révisée? Ce n'est tout simplement pas pensable. Je ne pourrais pas...

M. Morin: Ce n'est pas pensable? Je n'insisterai pas, M. le Président, car je ne veux pas en faire un long débat, si le ministre nous dit qu'il compte soumettre ce rapport, cette analyse, à l'Assemblée, dans un délai raisonnable.

M. Choquette: Je l'affirme sans aucune réticence.

M. Morin: Dans ce cas, je n'ai pas de raison... D'un autre côté, s'il l'affirme, je vois mal pourquoi il refuse mon amendement, c'est assez curieux; il se conduit comme si mon amendement était de dire: Le rapport doit être soumis à l'Assemblée sans que le ministre de la Justice soit mis au courant. Ce n'est pas ce que j'ai voulu dire, j'espère que le ministre m'a bien compris.

M. Choquette: Je l'espère. Me prévalant de cela, je pense que mon canal est tout à fait indiqué.

M. Morin: Nous passerons donc par votre canal...

Le Président (M. Kennedy): Le paragraphe d) est-il adopté?

M. Morin: ...qui, j'espère, ne sera pas un sphincter. Paragraphe d) adopté.

M. Choquette: Oui, docteur.

M. Morin: Je m'excuse, le paragraphe d) n'est pas tout à fait adopté, M. le Président, si l'on me permet de revenir en arrière un instant. A notre avis, c'est un peu vague, cette façon d'imposer une obligation à la commission; nous souhaiterions qu'elle s'acquitte promptement de cette tâche pour que la charte mérite authentiquement son nom dans les plus brefs délais. Il conviendrait sans doute d'ajouter une limite de temps à cette étude, à cette analyse des lois du Québec antérieures à la charte; je crois que ce serait de nature à nous rassurer sur la portée de l'article 50, en tout cas, cela viendrait amoindrir certains inconvénients de l'article 50 qui, comme j'ai eu l'occasion de le dire au ministre hier, ne comporte pas véritablement la primauté..

Le ministre voudrait-il convenir d'ajouter un délai de mois ou peut-être d'une année ou deux au maximum, pour que cette analyse soit faite; très franchement, je verrais un maximum d'une année, et je trouve que ce devrait être une des premières tâches de la commission. Non seulement devra-t-elle s'organiser, mais elle devrait nous faire rapport assez rapidement sur les lois antérieures qui pourraient être en contradiction avec la charte.

M. Choquette: Je suis d'accord avec le chef de l'Opposition qu'il convient que le travail de la

commission, dans ce domaine, ne doive pas s'éterniser. Cependant, il s'agit d'une tâche très considérable, et il me paraît difficile, à ce moment-ci, d'apprécier avec la moindre certitude le temps qui pourrait être requis pour accomplir cette fonction. Je n'aimerais pas lier la commission à un délai qui soit artificiel, que la commission soit obligée de déborder; d'ailleurs, quand nous serons appelés — je pense que ce sera aujourd'hui même — à nommer, par une résolution qui sera présentée par le premier ministre, les membres de cette commission, nous pourrons être rassurés sur le sérieux des membres de la commission et nous conviendrons alors qu'il ne faudrait pas les traiter comme de petits enfants en leur donnant des responsabilités auxquelles on attache en quelque sorte, je ne dirais pas des pénalités, mais des conditions assez contraignantes et qui manifestent possiblement un manque de confiance en eux.

Je suis cependant pleinement d'accord, avec le chef de l'Opposition qu'il faudra demander à la commission de faire son travail dans les meilleurs délais et de nous proposer des rapports que je pourrai communiquer aux députés à l'Assemblée nationale.

M. Morin: Je conviens que d'imposer une limite précise de temps pourrait comporter l'idée que nous ne faisons pas confiance à cette commission; d'un autre côté, le principe, comme il le reconnaît, est important. Je me demande si nous ne pourrions pas nous inspirer de l'article 29. Je ne sais pas si vous vous en souvenez, nous avons eu toute une discussion sur le sens du mot "promptement": Toute personne arrêtée ou détenue doit être promptement conduite devant le tribunal compétent.

Le ministre avait l'air de tenir beaucoup à ce mot "promptement"; il lui attachait un sens très précis et il a repoussé toutes nos tentatives d'inscrire dans la loi des termes plus précis. Si on disait: Procéder promptement à l'analyse des lois du Québec antérieures à la présente charte et qui lui seraient contraires, le ministre accepterait-il cette petite modification qui ne comporte pas de délai fixe?

M. Choquette: Je pense que nous introduirions un peu de confusion dans la charte, car il est évident que l'emploi du mot "promptement", à l'article 29, désigne un très, très court délai, et il s'agit d'un délai qui s'applique à une personne qui est en état d'arrestation et que l'on doit traduire devant un tribunal. Il est évident que, dans ces circonstances, le mot "promptement ' veut dire dans les heures ou le lendemain d'une arrestation. L'emploi de ce même mot à l'alinéa d) me semblerait introduire de la confusion, car, même dans l'esprit du chef de l'Opposition, il ne pourrait pas s'agir, dans le contexte actuel, d'un délai aussi court que celui qui s'applique à une arrestation. Je ne pourrais donc pas vraiment abonder dans ce sens. Je pense que le chef de l'Opposition...

M. Morin: Si on disait: Dans les meilleurs délais.

M. Choquette: ... coupe les cheveux en quatre, il en met un peu trop; je pense que l'on doit quand même faire confiance aux membres de la commission.

M. Morin: Je ne sais pas si je devrais faire état tout haut de ce que mon recherchiste me signale; on a fait confiance à l'Office de révision du code civil dès 1961 et ce n'est pas encore terminé. Je sais bien que la tâche était sans doute beaucoup plus considérable, mais le ministre accepterait-il de dire — puisque le mot "promptement" a un sens trop technique à son goût — : Procéder dans les meilleurs délais à l'analyse des lois du Québec antérieures à la présente charte. C'est seulement pour signaler à la commission que nous attendons d'elle des résultats assez rapidement, sur ce point particulier.

M. Choquette: Nous le lui signalons par le débat que nous avons ici aujourd'hui; nous n'avons pas besoin de le lui signaler d'une manière un peu outrancière. Le chef de l'Opposition admet avec moi que la préparation d'un code civil a représenté des années de travail. Je comprends que, dans les débuts, il y a eu des délais difficiles à expliquer pour ce qui est de l'Office de révision du code civil, mais, depuis cinq ans que l'office a été remis en action d'une façon sérieuse et organisée, nous ne sommes pas encore arrivés à un projet. L'on sait pourtant que, depuis cinq ans, l'office de révision a vraiment déployé des efforts très considérables pour en arriver à un résultat concret et tangible.

Il ne faut pas oublier que notre commission, dans le cas actuel, sera obligée de passer à travers le code civil, et aussi à travers le code de procédure civile, aussi à travers la Loi des compagnies et à travers toutes les grandes législations, surtout dans le domaine du travail; elle pourra possiblement arriver avec des rapports partiels sur certaines parties de la législation québécoise sans arriver avec un rapport général sur sa revue de toute la législation québécoise.

Je pense, M. le Président, que, malgré le désir du chef de l'Opposition de voir la commission s'acquitter dans des délais qui ne soient pas trop longs de cette fonction qui lui est confiée, nous ne pouvons pas vraiment l'astreindre à un délai. Il faudra attirer son attention sur le fait que c'est une fonction qui lui a été confiée en priorité; il faudra peut-être, s'il y avait négligence, réitérer qu'il y a des retards, mais, pour le moment, je préférerais, à tout considérer, vu la confiance que je veux faire aux membres de la commission, ne pas tourner le fer dans la plaie, mettre les points sur les "i" et, enfin, indiquer une attitude un peu trop contraignante.

M. Morin: Naturellement, si nous connaissions officiellement déjà tous les membres de la commission, ce serait plus facile de nous pronon-

cer, mais je veux bien faire confiance au ministre sur ce point. Nous adopterons le paragraphe d) tel quel, M. le Président.

Le Président (M. Kennedy): Le paragraphe d) est adopté.

M. Morin: De même que les paragraphes e) et f).

Le Président (M. Kennedy): Alors, l'article 65 est adopté. Il est passé l'heure normale de nos délibérations; la commission suspend ses travaux sine die, pour recevoir les ordres de la Chambre.

M. Choquette: M. le Président, je me demande si nous devons attendre les ordres de la Chambre; je crois que nous pourrions reprendre la séance de la commission vers 2 h 15 si nous nous entendions.

Le Président (M. Kennedy): II y a des votes à 2 h 30, la séance de la Chambre reprend à 2 h 30.

M. Morin: A 14 h 30, la Chambre reprend ses travaux, et nous pourrions peut-être nous réunir tout de suite après les votes.

M. Choquette: Excellent!

Le Président (M. Kennedy): La commission se réunit donc après les votes qui auront lieu en Chambre à la reprise des travaux, à 2 h 30.

(Suspension de la séance à 13 h 10)

Reprise de la séance à 15 h 20

Le Président (M.Lafrance):... nous reprenons l'étude du projet de loi no 50, charte des droits et liberté de la personne. Article 66, adopté?

M. Morin: Un instant, n'allons pas trop vite. Nous sommes à l'article 66, n'est-ce pas? Il dit que la commission doit remettre un rapport annuel au président de l'Assemblée nationale. M. le Président, il y aurait peut-être lieu de permettre à la commission de déposer, non pas seulement le 31 mars de chaque année ou avant le 31 mars de chaque année, mais quand bon lui semblera, des rapports spéciaux sur des problèmes particuliers et auxquels elle se serait heurtée pendant l'année. Ce que j'ai à l'esprit, c'est la situation, c'est le cas où la commission aurait constaté une injustice grave, criante voir et flagrante et qui pourrait être grave à ce point qu'elle estime devoir en saisir l'Assemblée nationale sur le champ. C'est pourquoi je proposerais ou je demanderais au ministre s'il n'y aurait pas lieu d'ajouter quelque chose à cet article pour permettre à la commission de faire un tel rapport. Sinon, la commission pourrait peut-être, dans certains cas, en venir à la conclusion qu'une personne ait été brimée fondamentalement dans ses droits et cela pourrait prendre peut-être plus d'un an avant de venir aux oreilles du législateur. C'est pourquoi, sans en faire tout de suite une proposition formelle, j'aimerais connaître le sentiment du ministre avant de procéder plus avant.

M. Choquette: M. le Président, je ne crois pas vraiment que ceci soit nécessaire. Je crois qu'au moment où nous discutons l'article 66, nous sommes sur la responsabilité qui est imposée à la commission de fournir au moins un rapport annuel. C'est généralement ce qui est prévu quant aux obligations d'une commission. Je ne vois pas pourquoi, en plus de cette obligation de publier un rapport annuel, on devrait spécifier que la commission peut produire des rapports spéciaux et particuliers suivant les occasions. Je pense bien que, ayant toute latitude d'action si, par hasard, il se manifestait des circonstances où elle aurait à indiquer une prise de position qui mérite d'être portée à l'attention du gouvernement ou du public, la commission trouvera le moyen de faire connaître sa position. Il faut bien comprendre que les pouvoirs qui sont déjà donnés à la commission sont extrêmement larges; si on prend les articles 64, 65 et 66, la responsabilité de la commission est reconnue comme extrêmement étendue. Je ne vois pas pour ma part ce qu'un amendement dans ce sens ajouterait aux pouvoirs qui sont déjà prévus.

M. Morin: M. le Président, je me serais attendu à avoir une argumentation plus convaincante du ministre. Il peut se présenter des situations où la commission désire attirer l'attention du législateur de toute urgence sur des faits qui ne devraient pas attendre plusieurs mois avant d'être portés à la

connaissance de l'Assemblée. Je proposerais donc, en bonne et due forme, qu'un second paragraphe soit ajouté à l'article 66, qui serait rédigé comme ceci: "Elle peut également remettre au président des rapports spéciaux sur toute situation qui lui paraît devoir être signalée d'urgence à l'Assemblée

M. Choquette: M. le Président, je voudrais signaler mon désaccord sur cette proposition. Je pense que l'article 97 prévoit que le ministre de la Justice est chargé de l'application de la présente charte. Par conséquent, le ministre de la Justice a la responsabilité du fonctionnement de la commission, ce qui ne veut pas dire que le ministre de la Justice ne doive pas respecter l'autonomie, l'indépendance de la commission. Si, par hasard, des situations d'urgence ou qui requièrent une prise de position en cours d'année devaient se manifester, je pense que la commission les communiquera au ministre de la Justice qui, lui, pourra en faire état à l'Assemblée nationale. Par conséquent, je ne pense pas que l'amendement soit bienvenu; je pense qu'au contraire il ne vient qu'ajouter inutilement à des pouvoirs déjà très étendus, comme je l'ai dit tout à l'heure.

M. Morin: M. le Président, je maintiens cet amendement, parce que les arguments invoqués par le ministre ne tiennent pas lourd. Il nous dit que c'est lui-même qui est chargé de l'application de la présente charte, je n'en doute pas, mais ce que j'ai proposé ne va pas à rencontre de la responsabilité du ministre, puisque, de toute façon, la commission est habilitée, en vertu du premier paragraphe de l'article 66, à remettre un rapport annuel au président de l'Assemblée. Ce que nous disons, c'est qu'il peut se présenter des circonstances d'urgence. Par exemple, et nous ne sommes pas infaillibles, que je sache, ni le ministre, ni moi-même, ni qui que ce soit, il peut se présenter des cas que nous n'avions pas prévus, il peut se présenter des cas qui entrent à l'intérieur des limites de la charte et qui paraissent à la commission d'une telle importance qu'elle veuille le signaler immédiatement à l'Assemblée.

M. Choquette: Mais, M. le Président, je pense que la suggestion du chef de l'Opposition est inutile, vraiment, en regard de l'alinéa e) de l'article 65, qui se lit à l'effet que "la commission peut faire au gouvernement les recommandations appropriées", ce qui veut dire que la commission peut faire en tout temps des recommandations appropriées au gouvernement.

M. Morin: Oui, mais...

M. Choquette: Je ne vois pas, M. le Président...

M. Morin: II s'agit de l'Assemblée, ce n'est pas...

M. Choquette: Oui, mais, écoutez, il y a un ministre responsable et, jusqu'à nouvel ordre, nous avons un principe de la responsabilité ministérielle, de telle sorte que je ne vois pas pourquoi on devrait, quand on crée des organismes, faire en sorte que ces organismes puissent constamment court-circuiter les responsabilités gouvernementales.

M. Morin: M. le Président, une fois qu'on a reconnu le principe du dépôt d'un rapport annuel par la commission à l'Assemblée nationale, comme il existe un rapport annuel du Protecteur du citoyen qui vient de nous être remis justement, comme il existe un rapport annuel du Vérificateur général directement à l'Assemblée nationale, je ne vois pas pourquoi il n'y aurait pas à l'occasion, en cas d'urgence, la possibilité pour la commission de faire un rapport spécial à l'Assemblée. Cela n'enlève rien à la responsabilité ministérielle. Autrement, pourquoi est-ce que la commission ne vous fait pas aussi son rapport annuel tandis qu'on y est?

M. Choquette: Dans le cas particulier, la Commission des droits de la personne a une responsabilité qui déborde largement celle du Vérificateur de la province et celle du Protecteur du citoyen. La compétence du Vérificateur de la province et celle du Protecteur du citoyen sont limitées au ministère et aux organismes gouvernementaux, tandis que la commission a ici un mandat très général qui s'applique non seulement au gouvernement, mais à toutes les relations avec l'entreprise privée, les corporations municipales, les relations des individus entre eux. Je ne vois pas, M. le Président, pourquoi on devrait aller jusqu'à une solution qui a été retenue comme valable, pour autant qu'il s'agissait du Protecteur du citoyen ou du Vérificateur général. D'autant plus qu'il est préférable pour le fonctionnement de la commission, pour en somme qu'elle réalise pleinement ses objectifs et qu'elle ait un interlocuteur valable au sein du gouvernement, qu'elle ne se rapporte pas directement à l'Assemblée nationale, de telle sorte qu'elle n'ait pas de point d'appui au sein de l'administration gouvernementale même. Je pense que la commission va y gagner à se rattacher à un ministre en particulier et je pense que, dans le cas...

M. Morin: Cela dépend qui est ministre de la Justice à ce moment.

M. Choquette: Non, écoutez. On n'est pas pour faire des personnalités, mais je pense que la commission a tout à gagner pour sa bonne organisation, son fonctionnement à ce qu'il y ait au sein de l'administration quelqu'un qui ait la responsabilité de voir à ce que la commission réalise ses objectifs et qui réponde de ses actions devant l'Assemblée nationale.

M. Morin: M. le Président, sans faire de personnalité, je veux bien faire confiance au ministre, mais supposons, par exemple, qu'il quitte le gouvernement pour s'en aller à Hydro-Québec. Vous

devenez président d'Hydro-Québec et un de vos collègues est appelé à prendre votre place. J'en connais, moi, cela m'inquiéterait de savoir...

M. Choquette: Peut-être que cela serait une amélioration.

M. Morin: Je me pose de sérieuses questions et j'imagine que l'arrivée au poste de ministre de la Justice d'un certain nombre de collègues du ministre ne me laisserait pas indifférent, me ferait plutôt...

M. Desjardins: Donnez des noms!

M. Morin: ...évoquerait des craintes et...

M. Desjardins: Nommez-les!

M. Morin: ...c'est pour cela que je préférerais que le rapport soit fait directement à l'Assemblée; comme cela, on serait sûr que l'Assemblée est saisie du problème. Le ministre dit: II faudrait un point d'appui à la commission. Quel meilleur point d'appui pour une telle commission peut-il y avoir que l'Assemblée nationale?

M. Choquette: Ce n'est pas tout à fait exact, parce que l'Assemblée nationale est un organisme non décisionnel, qui n'a pas de fonction administrative; c'est un organisme qui peut certes prendre des positions sur le plan politique ou enfin être à l'origine de débats sur des questions, en fait, d'envergure, comme c'est toujours le cas. Mais, ici, nous sommes bien plus préoccupés par les avantages et les accommodations qui sont offerts à la commission dans son fonctionnement et aussi à la surveillance d'une certaine façon qui sera faite par le ministre de la Justice du fonctionnement de la commission. Si la commission ne devait pas fonctionner de façon satisfaisante, encore faudrait-il qu'il y ait quelqu'un qui puisse attirer l'attention de la commission sur le fait qu'elle fonctionne d'une façon qui n'est pas avantageuse...

M. Morin: Ce n'est pas exclu.

M. Choquette: ...et qu'elle ne remplit pas ses objectifs. C'est pourquoi je crois qu'il y a tout avantage à ce que ce soit un membre du gouvernement, un ministre du gouvernement, et, en l'occurrence, je pense que le ministre de la Justice est certainement celui qui est le plus idoine pour remplir cette fonction, à la fois répondre de l'action de la commission et à la fois aussi indiquer à la commission les secteurs où elle peut avoir négligé d'agir ou enfin avoir montré des lenteurs qui soient l'objet de critiques dans le public en général. Je voudrais donner un exemple au chef de l'Opposition pour bien le convaincre de ma bonne foi absolue dans ce domaine, l'exemple de la Commission des services juridiques. On sait que, comme procureur général, je suis celui qui intente les poursuites criminelles. Par contre, je suis également, par rapport à la Commission des services juridiques, celui qui accorde les services des avocats qui défendent une partie importante des criminels ou des accusés devant les tribunaux. Donc, je joue d'une certaine façon un rôle double, par les responsabilités de poursuivre, d'une part, et par la responsabilité de défendre, d'autre part. Il est vrai que nous avons formé une Commission des services juridiques qui a une très grande indépendance et une très grande latitude d'action par rapport au ministre de la Justice, parce que je ne pourrais pas réunir, en somme, dans mes responsabilités immédiates celles de poursuivre et de défendre à la fois. Mais l'expérience vécue avec la Commission des services juridiques est qu'en déléguant des fonctions à cette Commission des services juridiques, en étant celui qui est responsable sur le plan administratif de répondre à tous ses besoins, en étant celui qui présente son budget à l'Assemblée nationale, en étant celui qui, en somme, s'assure que la Commission des services juridiques accomplit pleinement le rôle qui lui a été dévolu de par la Loi de l'aide juridique, je remplis un rôle utile à cette commission, malgré que je suis d'une certaine façon appelé à me diviser en deux. Je ne vois donc pas pourquoi il faut trancher d'une façon absolue et catégorique ici et, en somme, vouloir donner un statut d'une indépendance absolue, totale, sans réserve à une commission qui, malgré tout, se rattache au fonctionnement gouvernemental en général.

C'est la raison pour laquelle je puis dire au chef de l'Opposition que l'expérience vécue avec la Commission des services juridiques est probante sur le sujet. S'il n'y avait pas le ministre de la Justice pour répondre à ses besoins, à tout point de vue, qu'il s'agisse de besoins budgétaires ou autres, la Commission des services juridiques serait perdue au sein d'une administration gouvernementale qui, comme le sait le chef de l'Opposition, comme toute autre administration gouvernementale, est assez bureaucratique, comporte énormément de rigidité dans tous les ordres d'idée.

C'est justement pour répondre à ces rigidités que, ce matin, j'ai abondé dans le sens du chef de l'Opposition, c'est-à-dire libérer la Commission des droits de la personne de l'obligation de soumettre son personnel à la fonction publique. J'ai suivi en cela le modèle de la Commission des services juridiques; alors, je veux le suivre sur toute la ligne parce que, à mon sens, l'expérience est probante.

M. Morin: Je ne doute pas du caractère idoine du ministre actuel de la Justice, ce n'est pas ce qui est en cause; mais le projet de loi ne dit pas M. Jérôme Choquette, mais: Le ministre de la Justice. Je peux imaginer des situations où j'aimerais voir cette Commission des droits de la personne agir de façon réellement autonome par rapport au ministre de la Justice et par rapport au gouvernement. Je ne veux pas éterniser le débat, mais je maintiens mon amendement; on verra bien ce qui arrivera.

Le Président (M. Lafrance): Le député de Louis-Hébert.

M. Desjardins: Je suis d'accord avec le ministre de la Justice...

M. Morin: Le contraire m'eût étonné. M. Desjardins: ... les arguments...

M. Choquette: Le bon sens siège de ce côté-ci.

M. Desjardins: Exactement.

M. Sylvain: Je m'excuse, je suis rendu de ce côté-ci.

M. Choquette: Avec, de temps à autre, des exceptions de l'autre côté de la table; on voit la lumière de l'autre côté de la table.

M. Desjardins: M. le Président, je n'aime pas beaucoup ce genre de remarques faites par le chef de l'Opposition officielle, qui dit souvent: Je sais à l'avance quel sort sera réservé à mon amendement.

M. Morin: Je n'ai pas dit cela.

M. Desjardins: Chaque fois que l'Opposition a présenté un amendement en commission parlementaire, lorsque l'amendement est intelligent et qu'il répond au bon sens, nous le comprenons et l'adoptons. Il m'est souvent arrivé de voir des amendements proposés par l'Opposition officielle être adoptés en commission parlementaire.

M. Morin: Vous regardez d'abord si le ministre va dire oui ou non.

Le Président (M. Lafrance): A l'ordre!

M. Desjardins: Je vous demande infiniment pardon et je vous demande de me laisser continuer; je ne vous ai pas interrompu, même si j'en ai eu l'envie plusieurs fois.

M. Morin: Continuez.

M. Desjardins: Je disais donc que j'étais d'accord avec le ministre sur les arguments qu'il a présentés, d'autant plus, et sans faire de personnalité, que nous ne savons pas qui sera le futur chef de l'Opposition officielle, et je m'inquiéterais si certaine personne de son entourage immédiat, en Chambre ou au conseil national du parti Québécois, devenait un jour chef de l'Opposition officielle de Sa Majesté la reine, et si le rapport était présenté à l'Assemblée nationale, on ne sait pas, on peut s'inquiéter à l'avance du sort qui pourrait lui être réservé en Chambre...

M. Morin: La démocratie vous inquiète. Le Président (M. Lafrance): A l'ordre!

M. Desjardins: ... selon la personne qui remplirait le rôle du chef de l'Opposition officielle. Cela ne veut pas dire que l'actuel chef sera toujours le chef de l'Opposition officielle. Comme il a fait des personnalités sur la personne qui pourrait agir comme ministre de la Justice, je pense que nous pouvons lui retourner la balle et lui en faire, à son tour, sur la personne qui remplira le rôle du chef de l'Opposition officielle.

M. Morin: Non, ce ne sont pas les mêmes...

M. Desjardins: C'est un argument additionnel qu'il faut considérer, vu l'entourage actuel du chef de l'Opposition officielle; pour ces raisons additionnelles, nous devrions, je crois, voter contre cet amendement.

M. Morin: Je me serais attendu, de la part du député de Louis-Hébert, à des raisonnements un peu moins farfelus.

M. Desjardins: J'ai répliqué à vos arguments farfelus de la même façon...

M. Morin: Ce ne sont pas les mêmes fonctions.

M. Desjardins: J'ai employé les mêmes termes.

Le Président (M. Lafrance): A l'ordre, s'il vous plaît! Avant d'aller plus loin, l'article 96 s'appliquera: chacun aura droit de parole à tour de rôle, sinon, je serai obligé de prendre des sanctions.

M. Morin: Cela ne me dérange pas trop d'être interrompu par le député de Louis-Hébert.

M. Desjardins: II aime cela.

Le Président (M. Lafrance): Si cela ne vous dérange pas trop, moi ça me dérange. Parlez un à la fois.

M. Morin: C'est à vous à faire respecter le règlement, M. le Président.

Le Président (M. Lafrance): D'accord, et nous le ferons respecter, merci. La parole est au chef de l'Opposition.

M. Morin: Le député de Louis-Hébert mêle totalement les fonctions. Le chef de l'Opposition, en Chambre, n'est pas responsable...

M. Desjardins: II n'est pas responsable; point.

Le Président (M. Lafrance): A l'ordre!

M. Desjardins: Excusez-moi, M. le Président.

M. Morin: Cela ne grandit pas votre taille, M. le député de Louis-Hébert, de faire des...

M. Desjardins: C'était une taquinerie.

M. Morin: Je ne vous demande même pas de les retirer. La fonction du chef de l'Opposition, ce serait de sauter sur l'occasion, si jamais un rapport spécial était soumis à la Chambre selon lequel il y a une violation grave des droits de l'homme, pour attirer l'attention de la Chambre et du gouvernement sur le fait; tout comme nous le faisons avec le rapport du Vérificateur général, quel que soit le chef de l'Opposition, quelle que soit sa teinte politique, sa couleur de peau ou son idéologie, peu importe. Je suis sûr que, s'il fait bien son métier, il attirera l'attention de l'opinion publique, de la Chambre et du gouvernement sur tout ce qui pourrait lui être signalé. On est d'accord?

Donc, cela n'a rien à voir avec ce que nous venons de dire. En résumé, M. le Président, je ne vois pas pourquoi on admet que la commission fasse un rapport annuel à la Chambre et que l'on trouve toutes sortes d'arguments spéciaux pour nous dire qu'elle ne peut pas faire de rapport spécial si un problème lui paraît en valoir la peine. Je maintiens donc mon amendement, et j'ajouterai que, s'il est adopté, au lieu de dire: Ce rapport est déposé, au paragraphe 3), il faudrait dire: Ces rapports sont déposés devant l'Assemblée nationale.

M. le Président, je maintiens mon amendement.

Le Président (M. Lafrance): Avant de faire la correction, sommes-nous prêts à nous prononcer sur l'amendement du député de Sauvé?

M. Choquette: Oui.

Le Président (M. Lafrance): Ceux qui sont en faveur de l'amendement du député de Sauvé, levez la main. Le chef de l'Opposition. Ceux qui sont contre: le ministre de la Justice, M. Choquette; le député de Louis-Hébert, M. Desjardins; M. Beau-regard; M. Tardif; M. Pagé. Un instant, s'il vous plaît! Je constate une irrégularité; si vous me permettez, nous nous empresserons de la corriger. Au début de la séance, j'ai oublié de mentionner que le député de Sauvé remplaçait le député de Chicoutimi, et que le député de Taschereau remplaçait le député de Crémazie.

Une Voix: Consentement.

Le Président (M. Lafrance): ... le député de Taschereau, en plus. L'amendement est rejeté.

M. Morin: Pourriez-vous nous dire par combien de voix?

Le Président (M. Lafrance): 6 à 1. Pardon, je m'excuse auprès de l'honorable député de Beauce-Nord, c'est 7 contre 1.

M. Morin: Si, par moment, on ne songeait pas que, dans l'avenir, cela pourra changer, on se laisserait décourager par cette série de votes; mais nous posons des jalons pour l'avenir, c'est ce qu'il faut se dire.

Le Président (M. Lafrance): L'article 66?

M. Choquette: Adopté.

M. Morin: Adopté.

Le Président (M. Lafrance): L'article 67?

M. Morin: Nous sommes prêts à l'adopter incontinent.

Le Président (M. Lafrance): L'article 68?

M. Morin: Le député de Louis-Hébert est débordé sur le côté du vocabulaire, à ce que je vois.

Le Président (M. Lafrance): Ce n'est pas mentionné dans l'article 68. Cet article est-il adopté?

M. Morin: Un instant, je veux prendre le temps de le lire, si cela ne vous fait rien... Je constate qu'effectivement, cela comporte une amélioration par rapport à l'article 61 initial. Nous sommes d'accord.

Le Président (M. Lafrance): L'article 68 est adopté. L'article 69?

M. Morin: C'est le second alinéa qui accroche notre attention à l'article 69. On nous y dit que la commission accueille cette requête pour autant qu'elle soit compatible avec l'intérêt public et les exigences de la procédure; il s'agit d'une requête pour que l'identité de la personne qui demande une enquête ne soit pas dévoilée pendant l'enquête.

On peut imaginer le cas d'une personne qui fait une demande d'enquête parce qu'elle est victime de discrimination, pour des raisons qui tiennent à la couleur, à la race, à la condition sociale ou tous autres motifs de discrimination possible que nous avons énumérés à l'article 9. Cette personne voudrait garder l'anonymat parce qu'elle ne voudrait pas que la discrimination dont elle est l'objet augmente. Vous savez comment vont les choses, souvent; il s'agit qu'on attire l'attention d'une foule sur quelque chose, et, automatiquement, là où, peut-être, la cause de la discrimination serait passée inaperçue, étant signalée à certaines personnes, celles-ci se rangent du côté de la personne qui est l'auteur de la discrimination et, au lieu d'améliorer la situation, cela augmente la discrimination, dont la victime se plaint.

C'est pour cela qu'il serait dangereux que la commission refuse la requête d'anonymat, à cause de l'exemplarité de la cause et des mesures éducatives qui en découlent. La victime n'est pas protégée tant que son cas n'a pas été jugé; elle est sujette à discrimination au moins jusqu'à ce moment-là.

Je me demande alors s'il n'y aurait pas lieu de modifier ce second alinéa, pour que la victime puisse, en tout état de cause, obtenir que son identité ne soit pas dévoilée. Ai-je été clair?

M. Choquette: Pas très, mais je vais essayer

de vous répondre quand même. Cette formulation a été demandée par le Conseil du statut de la femme, qui a travaillé, avec divers autres organismes, sur cet article, et qui nous a fait cette suggestion qui vise à donner une protection additionnelle, en cours d'enquête, à une personne qui pourrait se sentir victime de discrimination et qui désirerait que son identité ne soit pas révélée, de façon, justement, à ne pas subir une discrimination additionnelle, ou des représailles qui pourraient s'ensuivre par suite de sa dénonciation.

L'article joue nettement en faveur des victimes de discrimination. Le chef de l'Opposition, par sa suggestion, du moins celle qui semble se dégager de ses propos, réduirait la protection que l'article 69 veut donner à des victimes de discrimination. Il est évident qu'il y a probablement des circonstances où l'on ne pourra faire autrement que révéler l'identité de la personne, en cours d'enquête. C'est la raison pour laquelle il y a une réserve à l'application de cet article; elle se trouve au deuxième alinéa.

Lorsque l'intérêt public et les exigences de la procédure le permettront, la commission pourra poursuivre une enquête sans indiquer l'identité de la personne qui a fait la dénonciation ou qui est victime de la discrimination reprochée.

M. Morin: Lorsqu'on dit: Pendant l'enquête, est-il clair que c'est jusqu'au moment où intervient la décision de la commission?

M. Choquette: Oui, car, au moment de la décision de la commission il faudra bien, pour que la commission réalise ses objectifs, qu'elle cherche à concilier les parties, qu'elle fasse des recommandations qui auront pour but de rétablir l'entente sur le phénomène discriminatoire dont on s'est plaint; à ce moment, il est évident que l'identité ne pourra plus être dissimulée.

M. Morin: Cela va de soi.

M. Choquette: C'est pour la protection en cours d'enquête car, une dénonciation faite de bonne foi pourrait tout de même être mal fondée, et si la commission, à la suite d'une enquête, devait indiquer à un dénonciateur éventuel que sa dénonciation n'est pas fondée, cela serait-il une raison d'avoir ouvert la porte à des représailles de la part de celui qui aurait commis la discrimination à l'égard de la victime?

M. Morin: Nous sommes d'accord; je voulais seulement être bien sûr que, lorsqu'on dit que son identité ne sera pas dévoilée pendant l'enquête, cela va jusqu'au moment de la décision. L'enquête peut être terminée et la commission peut prendre une affaire en délibéré pendant un certain nombre de mois, si c'est une affaire grave et importante et qui demande longue réflexion, il peut y avoir un espace de temps relativement long, peut-être plusieurs semaines, entre la fin de l'enquête et la décision de la commission. Je voulais être sûr que le sens de l'article est que l'anonymat peut être gardé jusqu'à la décision de la commission.

M. Choquette: II me semble que c'est ce que l'article dit et que c'est clair.

M. Morin: Non, à mes yeux, il n'est pas clair à ce point-là. Le ministre accepterait-il de dire: Ne soit pas dévoilée avant la décision de la commission?

M. Choquette: On ne peut pas le dire, car ce n'est pas un article qui a une force absolue; d'autant plus qu'il dépend de l'intérêt public et des exigences de la procédure.

Au cours de la procédure, il peut devenir nécessaire de révéler l'identité du dénonciateur ou de la victime. C'est la raison pour laquelle je ne peux pas donner cette assurance au chef de l'Opposition.

M. Morin: De toute façon, puisque l'article 2 laisse une certaine discrétion à la commission...

M. Choquette: C'est cela.

M. Morin: ... est-ce qu'il ne serait pas utile de préciser dans le premier alinéa que la personne qui fait la demande d'enquête peut demander l'anonymat jusqu'à la décision?

M. Choquette: Non, elle ne peut pas l'exiger d'une façon absolue. Je pense qu'il va falloir compter avec la discrétion de la commission. Imaginons une situation réelle: Une personne pense qu'elle est victime de discrimination de par les actes de son employeur. Il est évident, vu la relation d'autorité qui existe entre l'employeur et l'employé, que cette personne peut craindre certaines représailles de la part de l'employeur en question. Elle va timidement à la commission et dit à la commission: Je pense que je suis victime de discrimination. Maintenant, vous savez, je ne suis pas habituée aux tribunaux et aux organismes gouvernementaux et administratifs, et je suis très hésitante à porter cette plainte. La commission ou ses représentants lui disent: Ecoutez, madame ou monsieur, vous avez peut-être une raison valable de vous plaindre, nous allons au moins jeter un regard sommaire sur la situation qui prévaut et pour le moment, nous ne révélerons pas votre nom à votre employeur et vous pouvez donc être assuré d'une certaine protection. Je pense que ce sont simplement des circonstances comme celles-là que nous cherchons à protéger de par l'application de cet article. Etant donné que la commission a un rôle fondamental de protéger des victimes du type que je viens de décrire, il me semble qu'on peut compter sur une façon très discrète et remplie de tact de la part de la commission dans la réalisation d'un mandat qui est donné d'une façon aussi difficile que celle que je viens d'expliquer.

M. Morin: Oui, mais je ne conteste pas ce que dit le ministre. C'est évident qu'on doit pouvoir compter sur cette commission dans la mesure où les membres que vous vous apprêtez à nommer, seront compétents, et je ne doute pas qu'ils ne le

soient. Certainement qu'ils utiliseront leur discrétion avec intelligence et avec jugement. Je voulais simplement qu'on précise que cet anonymat pouvait être demandé non seulement pendant ce qu'on appelle techniquement l'enquête, mais jusqu'à la décision, quitte pour la commission, à utiliser sa discrétion pour lever l'anonymat au moment où elle le jugera utile.

M. Choquette: C'est ce qui est contenu dans le deuxième alinéa. Je pense que le chef de l'Opposition se rallie au texte intégral de l'article 69.

M. Morin: Non.

M. Choquette: Mais oui.

M. Morin: Je pensais m'être fait comprendre. Dans l'esprit du ministre, est-ce qu'il ne voit pas qu'il y a une distinction entre l'enquête et la décision de la commission? La période d'enquête peut durer deux mois et il va y avoir peut-être un mois ou un mois et demi, je ne sais pas, peut-être même davantage, avant que la commission ne rende sa décision. C'est pour signaler à la victime qu'elle peut demander l'anonymat qui lui sera peut-être refusé, mais qu'elle peut le demander jusqu'à la décision. Est-ce que je suis limpide, est-ce que le ministre voit la différence entre pendant l'enquête et avant la décision?

M. Choquette: Je pense que le chef de l'Opposition coupe les cheveux en quatre. Il est évident qu'on est durant l'enquête jusqu'à ce que la décision ne soit rendue. Il n'y a pas de période de délibéré. Il n'y a pas de code de procédures civiles qui s'applique aux enquêtes de la commission. Qu'on n'aille pas scinder l'action de la commission en différentes phases en disant: La première phase, c'est l'enquête, la deuxième phase, c'est le délibéré...

M. Morin: Mais, dans les faits?

M. Choquette: Non, je pense que le chef de l'Opposition fait de l'argutie moyenâgeuse.

M. Morin: Mais non, je regrette. J'estime que le ministre de la Justice fait preuve de bien peu de sens pratique, parce que, dans les faits, il y aura un délibéré. Pour la commission, entre le moment où elle aura fait son enquête, où elle aura envoyé ses enquêteurs se promener chez l'employeur ou encore dans la maison de rapport, il y aura un moment pendant lequel la commission va être saisie du problème, enquête faite, avant de rendre sa décision. Dans les faits, c'est impossible qu'il en soit autrement.

M. Choquette: J'attire l'attention du chef de l'Opposition, c'est que la commission ne pourra jamais donner de garantie absolue que l'identité de la victime ne sera jamais révélée.

M. Morin: D'accord. Je n'ai pas dit le contraire.

M. Choquette: Je sais. Partons de ce point de vue, puisque je veux essayer de convaincre le chef de l'Opposition.

Donc, il reste qu'il y a des exigences de procédure qui peuvent, un moment donné, faire en sorte que le nom du dénonciateur ou de la victime soit révélé.

Devant ce fait, nous donnons les garanties que nous pouvons à une victime éventuelle ou à dénonciateur éventuel timide, mais nous ne pouvons pas donner plus que les garanties que nous pouvons donner, compte tenu du fait qu'il y a une enquête et qu'il y a un examen d'une prétendue situation de discrimination.

M. Morin: Je ne vous ai jamais dit le contraire. Ma foi, j'y renonce! Je vois que le ministre ne fait pas la différence entre la période de l'enquête et le moment où intervient la décision.

M. Choquette: Bien non, on n'a pas besoin de cela...

M. Morin: Du moins...

M. Choquette: Cela fait partie de la...

M. Morin: ... puis-je avoir la satisfaction de savoir que vous avez compris le sens de ce que j'ai voulu dire.

M. Choquette: Non, j'ai compris...

M. Morin: Parce que vous m'avez répondu complètement...

M. Choquette:... que le chef de l'Opposition... M. Morin: ... à côté.

M. Choquette: ... s'est lancé sur une fausse piste et que là...

M. Morin: Voyons donc!

M. Choquette:... il ne trouve pas une manière de décrocher élégamment.

M. Morin: Bon! Puisque le ministre veut faire le futé, je vais proposer...

Une Voix: Le quoi?

M. Morin: ... un amendement en bonne et due forme. Cette fois, on pourra juger si, oui ou non, il m'a compris.

Je propose donc que l'article 69, premier alinéa, soit modifié, de façon que les mots "pendant l'enquête" soient remplacés par "avant la décision de la commission".

M. Choquette: M. le Président, cela revient au même.

M. Morin: Non, cela ne revient pas au même. Dans le concret, non.

M. Choquette: Oui, cela revient exactement au même. C'est un...

M. Desjardins: II essaie de s'en sortir.

M. Choquette: ... amendement inutile, M. le Président, et j'incite mes collègues à voter contre.

M. Morin: Si cela revient au même, pourquoi ne l'acceptez-vous pas?

M. Choquette: C'est parce qu'on n'est pas en train de faire un jeu ici. Nous légiférons sérieusement.

M. Morin: ... votre argument......justement!

M. Desjardins: II plaide pour la galerie.

Le Président (M. Gratton): Le chef de l'Opposition a-t-il écrit son amendement?

M. Morin: Non, je ne l'ai pas écrit, mais nous avons une procédure assez informelle, M. le Président, depuis le début de...

Le Président (M. Gratton): Alors, ce n'est pas moi qui va venir la formaliser.

M. Morin: J'espère.

Le Président (M. Gratton): Est-ce que la commission est prête à se prononcer sur cet amendement du chef de l'Opposition selon lequel on remplace les mots "pendant l'enquête", au premier alinéa, par les mots "avant la décision de la commission"? Ceux qui sont pour cette motion d'amendement? Un. Ceux qui sont contre? 6. La motion est rejetée.

L'article 69 sera-t-il adopté?

M. Morin: II le sera, M. le Président.

Le Président (M. Gratton): Adopté. Article 70.

M. Morin: Article 70, adopté de même.

Le Président (M. Gratton): Adopté. Article 71.

M. Morin: A l'article 71, j'aurais quelques suggestions à faire.

On nous dit que la commission peut faire enquête de sa propre initiative. Est-ce qu'il n'y aurait pas moyen d'ajouter à cela qu'elle peut faire enquête sur tout cas de discrimination prévu par cette charte, bien sûr, mais également sur toute cause de discrimination, même celles qui ne seraient pas prévues dans la charte, aux fins de faire son rapport à l'Assemblée, aux fins de pouvoir attirer l'attention du ministre responsable — je passe par le canal, par le sphincter juridique, cette fois-ci — aux fins de faire rapport au ministre sur toute situation qui mériterait d'être signalée, tout fait qui pourrait même entraîner une modification éventuelle de la charte, à supposer que le ministre se laisse convaincre que le cas de discrimination est suffisamment sérieux. Je parle des cas de discrimination qui ne sont pas prévus dans la charte.

M. Choquette: M. le Président, je pense que le chef de l'Opposition est en train de perdre les pédales.

M. Morin: Vous allez me dire que je fends les cheveux en quatre.

M. Choquette: II perd les pédales, parce que...

M. Morin: Vous étiez plus sérieux hier. Est-ce que c'est le fait que nous sommes à la dernière...

M. Choquette: Non.

M. Morin: ... journée de la session ou...?

M. Choquette: Non, c'est parce que je suis de bonne humeur à l'endroit de chef de l'Opposition.

M. Morin: Tâchez de montrer votre bonne humeur en vous montrant plus accueillant pour les propositions intelligentes qu'on vous fait.

M. Choquette: Là, je pense sérieusement que le chef de l'Opposition n'a pas besoin de faire une telle proposition. Lisons le texte de l'article 71 que nous discutions.

M. Morin: Oui.

M. Choquette: La commission peut faire enquête de sa propre initiative. Ceci est un mandat, comment pourrais-je dire, un pouvoir ou un devoir même qui peut être donné à la commission, qui est très large. Il est évident que la commission ne peut faire enquête que dans les matières qui concernent ses obligations et le mandat qui lui est donné, par ailleurs, dans la charte.

La commission ne peut pas déborder le cadre que le législateur lui a fixé, même si ce cadre est très large, comme on le sait. Je ne vois pas en quoi il est nécessaire d'abolir toutes les limites à l'action de la commission. Sinon, nous allons créer une espèce d'organisme à fonctions multiples, confuses, qui se situent au-dessus de sa propre loi constitutive. Il me semble que l'avis d'un constitutionnaliste comme l'est le chef de l'Opposition, qu'on crée un organisme qui puisse excéder son propre droit ou statut constitutif, c'est quand même une anomalie extraordinaire.

M. Morin: Dans certaines limites.

M. Choquette: Oui, mais j'attire de nouveau l'attention du chef de l'Opposition pour répondre à sa question sur l'article 65 qui donne à la commission le pouvoir d'étudier et faire au gouvernement des recommandations appropriées. Si la commission juge qu'il y a lieu pour elle de faire des recommandations, elle le fera. Elle fera ses recommandations. Mais là, nous sommes dans son rôle d'enquête en matière de discrimination. Il y a une différence entre 65 e) et 71. L'article 71, c'est

sa fonction d'enquête. Là on lui donne un pouvoir assez extraordinaire et inusité, je pense que le chef de l'Opposition va en convenir, c'est-à-dire de mettre en marche elle-même les enquêtes en matière de discrimination. C'est assez rare qu'on voie un organisme pouvoir mettre en marche de lui-même, proprio motu, sans une plainte ou sans une dénonciation quelconque, une enquête. Je pense que le chef de l'Opposition devrait être satisfait de la rédaction de cet article.

M. Morin: M. le Président, ce que j'ai suggéré, ce n'est pas de donner à la commission la compétence voulue pour faire enquête sur n'importe quoi qui lui viendrait à l'esprit. Cela, effectivement, ce serait une proposition vraiment farfelue.

Ce que j'ai proposé, c'est dans les cas de discrimination autres que ceux qui font l'objet de l'article 9. Par exemple, quelqu'un se présente devant la commission et dit: Je suis l'objet de discrimination en raison de mon âge. La commission dit: Ah! ce n'est pas prévu à l'article 9. Je ne peux pas me pencher sur votre cas, je ne peux pas faire enquête, je ne peux pas m'y intéresser. Cependant, il pourrait être utile que la commission fasse enquête, puisse prendre l'initiative de faire enquête pour voir de quoi il s'agit de façon à être en mesure par la suite de signaler au législateur et au ministre de la Justice, certains cas de discrimination qui auraient échappés à sa perspicacité naturelle.

M. Choquette: Mais est-ce que le chef de l'Opposition se rend compte que d'introduire une notion de discrimination qui est sans limite constitue un débordement sur le plan juridique? Je donne un exemple. Le chef de l'Opposition porte des lunettes. Une personne pourrait se présenter et dire à la commission: Je suis victime de discrimination parce que je porte des lunettes. Le chef de l'Opposition a les yeux bleus...

M. Morin: Non, l'exemple de la cigarette serait beaucoup plus instructif.

M. Choquette: ... et porte une barbe, ou il fume, ou il porte'un habit gris, ou il a telle ou telle caractéristique. N'importe quelle personne pourrait toujours soulever un motif de discrimination sans que la commission soit astreinte au cadre discriminatoire qui est arrêté par la charte.

M. Morin: Mais ce n'est pas comme si la commission était obligée de faire enquête. Elle peut faire enquête.

M. Choquette: Le gouvernement forme des organismes et leur donne un certain cadre. Même si ce cadre est large, cela ne veut pas dire qu'il est sans limite.

M. Morin: Mais, M. le Président, non seulement ce n'est pas obligatoire, la commission a là toute discrétion, mais c'est de sa propre initiative. Si quelqu'un se présente et dit: J'ai été victime de discrimination parce que je fume, voilà le type de discrimination qu'on devrait avoir, effectivement, s'il y en a une qui devrait être autorisée dans certaines circonstances. Les gens qui fument imposent leur boucane à tous les autres qui sont victimes...

M. Choquette: Je comprends le chef de l'Opposition de dire cela, quand il pense à son leader parlementaire, le député de Maisonneuve.

M. Morin: Je ne nommerai personne, mais je peux dire que, dans certaines circonstances, ce n'est pas un cadeau quand on est deux ou trois qui ne fument pas dans une salle avec des boucaniers comme le ministre de la Justice, par exemple, ou le leader de l'Opposition. Ce n'est pas toujours drôle. Mais je reviens aux choses sérieuses...

M. Sylvain: II tousse en plus.

M. Choquette: Les gens qui crachent en pleine face, c'est désagréable aussi.

M. Morin: Est-ce que le ministre de la Justice a déjà été pris en flagrant délit?

Une Voix: II n'enlève pas son dentier. Le Président (M. Lafrance): Article 71.

M. Morin: Revenons à l'article 71, M. le Président, après toutes ces galéjades. C'est un article bien limitatif, ça ne traite que des cas où la commission peut agir de sa propre initiative. J'aurais aimé qu'elle puisse, de sa propre initiative, faire enquête dans des cas qui ne sont pas expressément prévus par la loi de façon à pouvoir éventuellement dire au ministre, par exemple: Je constate que l'article 9 est limitatif et qu'il existe des cas de discrimination importants pour des raisons qui tiennent à l'âge ou pour des raisons qui tiennent aux tendances sexuelles, comme on disait l'autre jour, ou d'autres motifs de ce genre qui ont été écartés par le ministre l'autre jour.

Cela me semblerait utile. Ou encore, dans le domaine du mariage, qu'il y ait certaines discriminations qui existent, que la commission puisse, de sa propre initiative, le faire. Cela ne veut pas dire que les gens vont pouvoir venir devant elle et lui imposer leur cas de discrimination s'il n'est pas prévu par la loi.

M. Choquette: M. le Président, je suggère que, si le chef de l'Opposition a une proposition à faire, il la fasse, nous allons voter.

M. Morin: Je dirais: "La commission peut faire enquête de sa propre initiative sur toute cause de discrimination".

M. Choquette: Alors, à ce moment, on va revenir à l'article 9, parce que les causes de discrimination sont définies dans le cadre de la loi.

M. Morin: Un instant: "sur toute cause de discrimination prévue ou non à l'article 9."

M. Choquette: Bien non, elles sont prévues. M. Morin: C'est pour ça que je dis...

M. Choquette: M. le Président, voilà jusqu'à quelle extrémité de l'absurdité on peut se rendre lorsqu'on ne raisonne pas les propositions qu'on soumet à ses collègues.

M. Morin: Lorsqu'on refuse d'écouter l'Oppo-' sition, on part du point de vue qu'on est seul à avoir raison; je ne suis pas étonné que vous en veniez à des conclusions comme ça.

M. Choquette: J'écoute constamment le chef de l'Opposition, j'ai un vif plaisir à l'écouter.

M. Morin: Vous avez même accepté certaines de nos propositions, je ne vois pas pourquoi vous n'accepteriez pas celle-là.

M. Choquette: Parce que celle-là n'est pas valable. Ce serait manifestement contraire au bon sens. Ce n'est pas soutenable sur le plan philosophique, sur le plan juridique; je ne comprends pas que le chef de l'Opposition, avec la formation intellectuelle qu'il a, puisse faire de telles propositions.

M. Morin: Je veux tout simplement que cette commission puisse prendre des initiatives pour améliorer la loi. Elle ne peut guère améliorer la loi si elle n'est pas apte à faire enquête sur des cas de discrimination qui pourraient excéder le champ très limitatif de l'article 9.

M. Choquette: La commission n'est pas pour devenir son propre légiste. Depuis quand un organisme public devient-il l'auteur de sa propre loi?

Il me semble que les lois sont fabriquées au Parlement, ici, par des gens responsables, des gens élus, des gens qui ont reçu un mandat populaire; c'est clair. Est-ce qu'on va créer une espèce d'organisme hybride et fantastique qui va créer les propres cadres de son action? Il faut qu'il y ait une définition des limites d'une...

M. Morin: Avant de changer la loi, il faut que la commission fasse rapport et qu'elle persuade l'Assemblée et le gouvernement.

M. Choquette: La commission le signalera et le législateur prendra ses responsabilités.

M. Morin: Elle ne pourra pas le signaler si elle ne peut pas faire enquête.

M. Choquette: Oui, elle peut parler au ministre de la Justice; c'est très simple, j'ai un téléphone.

M. Morin: Bien sûr, mais pour ça, il faut qu'elle puisse faire enquête.

M. Choquette: Pas nécessairement.

M. Morin: En tout cas. Je maintiens l'amendement. Le ministre, une fois de plus, votera contre; c'est tout.

M. Choquette: Très bien. M. le Président, je suggère que nous votions.

Le Président (M. Lafrance): Je constate qu'on n'a pas quorum pour le vote. La commission suspend ses travaux.

Le vote ne sera pas valide, on n'a pas le droit. D'accord.

M. Desjardins: Le chef de L'Opposition va accepter; il est large, d'habitude, là-dessus.

M. Morin: Oui, je ne vois pas d'objection à suspendre l'article...

Le Président (M. Lafrance): On va suspendre l'article.

M. Morin: C'est gênant tout de même de voir qu'il n'y a pas moyen de rassembler un minimum...

Le Président (M. Lafrance): La commission suspend ses travaux pendant cinq minutes

(Suspension de la séance à 16 h 10)

Reprise de la séance à 16 h 22

M. Lafrance (président de la commission permanente de la justice): A l'ordre, messieurs!

La commission reprend ses travaux après quelques minutes d'interruption pour le vote sur l'amendement à l'article 71, l'amendement du député de Sauvé qui se lit comme suit: "La commission peut faire enquête de sa propre initiative", en ajoutant les mois suivants: "Sur toute cause de discrimination prévue ou non à l'article 9."

Ceux qui sont pour, veuillez lever la main.

Ceux qui sont contre, veuillez lever la main.

I, 2, 3, 4, 5, 6.

M. Morin: II ne faudrait pas prendre de mauvaises habitudes, M. le Président. Pourriez-vous les nommer, ceux qui ont voté contre? Je n'ai pas d'objection à ce que vous me nommiez comme ayant voté pour.

Le Président (M. Lafrance): Ce n'est pas prévu dans le règlement qu'on soit obligé de les nommer, non plus.

M. Morin: C'est pour s'assurer qu'ils sont membres de la commission.

Le Président (M. Lafrance): Ce n'est pas indiqué. Je constate qu'ils sont tous membres de la commission à l'heure actuelle. Je peux vous donner les noms des membres de la commission, si vous voulez. M. Beauregard (Gouin), M. Morin (Sauvé), M. Bonnier, M. Choquette, M. Desjardins, M. Pagé, M. Sylvain, M. Tardif. M. Sylvain est absent. Tous sont membres de la commission.

M. Morin: II n'y a que M. Sylvain qui n'ait pas voté contre.

Le Président (M. Lafrance): C'est ça. Article 71. Adopté. D'abord, l'amendement est rejeté. Article 71. Adopté.

M. Morin: Sous toutes réserves, adopté.

Le Président (M. Lafrance): Article 72.

Dispositions finales et diverses

M. Morin: Adopté, également. M. le Président, pour épargner le temps de la commission, je suis prêt à adopter tous les articles qui suivent en vrac, jusqu'à l'article 98.

Le Président (M. Lafrance): Inclusivement?

M. Morin: Sauf l'article 95, sur lequel je m'arrêterai un instant, avec votre permission, on peut adopter tous les articles jusqu'à l'article 98 inclusivement, en gardant l'article 95 pour notre considération.

Régimes d'avantages sociaux

M. Choquette: Pour l'article 95, j'ai un amendement à proposer.

M. Morin: Est-ce que le ministre me permettrait d'abord de faire deux ou trois observations?

M. Choquette: Certainement, avec plaisir.

M. Morin: Ensuite, on verra si son amendement répond à mes voeux.

Le Président (M. Lafrance): Un instant, s'il vous plaît, tous les articles, à partir...

M. Choquette: C'est mon plus ardent désir que de répondre à vos voeux.

M. Morin: Mon seul désir, comme dit la tapisserie...

Le Président (M. Lafrance): Tous les articles, à partir de 72 jusqu'à 94, inclusivement, sont adoptés. Article 95.

M. Morin: A l'article 95, M. le Président, on réserve, dans le cas de l'article 12, maintenant, je vois, d'après l'amendement et dans les cas des articles 10 et 18 de la charte, le cas d'un régime de retraite, d'un régime de rente ou de tout autre régime d'avantages sociaux.

Le Président (M. Lafrance): Si vous permettez, on va lire l'amendement proposé par le ministre de la Justice.

M. Morin: Oui.

Le Président (M. Lafrance): A i'article 95, on dit, remplacer l'article 95 par le suivant: "Les articles 10, 12 et 18 de la présente charte ne s'appliquent à l'assurance de personnes, à un régime de retraite, à un régime de rentes ou à tout autre régime d'avantages sociaux". L'honorable ministre de la Justice.

M. Choquette: On veut que je donne des explications. Est-ce que le chef de l'Opposition voudrait que je donne des explications?

M. Morin: Non, je pense que j'ai saisi la portée de l'amendement, M. le Président. Je suis en train de lire l'article 18 pour bien saisir toute sa portée. Dans le cas de l'article 18, je demanderai des explications au ministre tout à l'heure. Dans le cas de l'article 10, il n'y a pas de difficultés particulières, mais l'article 18 me paraît comporter peut-être des difficultés.

Je voudrais attirer d'abord l'attention du ministre sur le fait que lorsqu'on dit "ou à tout autre régime d'avantages sociaux", peut-être va-t-on un peu trop loin. Je le souligne à l'attention du ministre. Cela va?

M. Choquette: Excusez cette interruption.

M. Morin: Je vous en prie. Je songeais à la portée du dernier membre de phrase de l'article 95 "ou à tout autre régime d'avantages sociaux". Je me demande si cela ne va pas un peu loin. Dans

son mémoire, l'Association canadienne des compagnies d'assurance-vie, lorsqu'elle a comparu en janvier 1975, a donné des raisons bien spécifiques pour lesquelles la présente charte ne devrait pas s'appliquer à l'assurance-vie, au régime de retraite ou à un régime de rentes. Il est évident que tous ces régimes sont fondés sur des données actuarielles. C'est la raison qu'a invoquée cette association.

M. Choquette: Données actuarielles qui sont variables suivant les sexes, entre autres.

M. Morin: Voilà, qui peuvent varier selon les sexes. Par exemple, on comprend qu'une prime coûte moins cher si c'est une femme qui assure sa propre vie plutôt qu'un homme, parce que la longévité n'est pas la même dans les deux cas. On peut donc concevoir que l'assureur puisse faire de la discrimination, non seulement à la prime, mais dans certaines autres clauses du contrat d'assurance ou du contrat de rentes en fonction de ses données objectives, de nature actuarielle.

Mais, lorsqu'on dit "ou à tout autre régime d'avantages sociaux", je ne suis pas sûr que cela n'aille pas trop loin, parce qu'il peut y avoir des régimes d'avantages sociaux qui ne sont pas fondés sur des données actuarielles. C'est pourquoi il me semble qu'on pourrait préciser la portée de cet article en ajoutant, à la fin, quelques mots qui diraient "ou à tout autre régime d'avantages sociaux fondé sur des données actuarielles".

M. Desjardins: Article 95.

M. Morin: Nous sommes à l'article 95, M. le député, puisque c'était la raison fondamentale pour laquelle nous avons adopté cet article. C'était pour répondre aux commentaires de l'association des compagnies d'assurance-vie.

Or, le motif qu'elles invoquent, au paragraphe 17, en faveur de leurs considérations, c'est précisément cela. Ecoutez bien: L'assurance repose essentiellement sur la répartition des risques. Pour garantir une répartion équitable, il est nécessaire d'identifier les risques, de les cataloguer et, sur la foi de données statistiques, de fixer les primes et les prestations appropriées à chaque catégorie de risque, de sorte que chaque assuré assume une part équitable du risque qu'il représente pour l'assureur.

On nous faisait au paragraphe 17 une distinction; Exclusion aux préférences fondées sur des données actuarielles, devrait être réputée non discriminatoire. Je constate que c'est cela l'argument, la raison qui fait qu'on veuille écarter de l'application de la présente charte l'assurance-vie, le régime de retraite, etc. Mais je trouve que lorsqu'on dit "ou à tout autre régime d'avantages sociaux", on élargit beaucoup trop les exceptions. Il se peut que certains régimes d'avantages sociaux, de bénéfices marginaux et autres ne soient pas fondés sur des données actuarielles, auquel cas on déborde le cadre des préoccupations de l'association des assureurs-vie.

Je vois que le député de Taschereau me suit avec beaucoup d'attention. Je ne sais pas si...

M. Bonnier: Est-ce que vous me permettez? M. Morin: Ah oui, bien sûr!

M. Bonnier: Si on prend, par exemple, le régime d'assurance-maladie qui est, à toutes fins pratiques, peut-être discriminatoire dans certaines de ses clauses, par rapport à un homme marié ou par rapport à une jeune fille dans une industrie, est-ce que cela serait discriminatoire? Il n'est pas souligné ici, mais c'est un régime d'avantages sociaux qui pourrait être discriminatoire avec raison, sans que cela ne soit nécessairement actuariel.

M. Morin: Ce serait fondé aussi, dans ce cas, sur des données actuarielles. Si le régime est bien monté, s'il est bien fondé, probablement qu'il y aura des données actuarielles pour dire que, dans tel régime d'assurance-hospitalisation, par exemple...

M. Bonnier: Ce peut être le type de maladie, par exemple, qui ne soit pas le même ou quelque chose comme cela. Il ne faudrait pas que ce soit considéré comme étant discriminatoire à ce moment.

M. Choquette: Si on me permet, sans vouloir interrompre le dialogue entre le chef de l'Opposition et le député de Taschereau, il est exact que les représentations que nous avions reçues de la part des assureurs-vie et, je pense, de certaines autres sociétés d'assurance, étaient qu'on devrait faire une exception en rapport avec l'assurance sur la vie des personnes, compte tenu de leur sexe. C'était, je pense, l'essence du point qui fut expliqué ici à la commission. Par la suite, nous nous sommes interrogés sur d'autres formules d'assurance que celle de l'assurance-vie sur les personnes. C'est à ce moment qu'on s'est questionné sur l'application des dispositions antidiscriminatoires de la charte entre les sexes lorsqu'il s'agit d'un régime de santé, par exemple. A ce sujet, on sait que si les femmes ont une longévité plus grande en assurance-vie, elles ont, par contre, des maladies plus fréquentes que les hommes, et leur tarification est différente dans un régime d'assurance-maladie ou d'assurance-santé.

Maintenant, je pense qu'il faudrait, ainsi que nous y invite le chef de l'Opposition, limiter la portée de l'amendement que j'ai présenté et qu'on pourrait ajouter les mots suivants, après "avantages sociaux", "lorsque la discrimination est fondée sur des données actuarielles basées sur le sexe ou l'état civil". Je crois que je me suis suffisamment expliqué tout à l'heure sur les distinctions qui s'imposent entre les sexes. Il y a aussi l'état civil qui est pris en considération dans certaines tarifications; exemple, dans des régimes de pension où le fait d'être marié ou de n'être pas marié peut influer sur la prime qui est payable et les prestations qui découleraient de l'application

des mesures de pension à l'égard de la personne mariée ou non mariée ou du conjoint.

Si cela convenait aux députés et au chef de l'Opposition, en particulier...

M. Morin: Cela répond tout à fait à nos préoccupations.

M. Choquette: ... nous pourrions circonscrire la portée de cet article pour ne pas prendre en considération d'autres facteurs de discrimination que ceux qui y sont mentionnés, soit le sexe et l'état civil. Finalement, j'ajoute une chose, c'est que le gouvernement a formé un comité interministériel sur la question, qui est composé du ministère des Affaires sociales, de la Commission administrative du régime de retraite, du ministère des Institutions financières, du ministère du Travail, du ministère de la Justice et du Conseil du statut de la femme, dans le but d'examiner ce problème de la discrimination dans ces domaines même du sexe et de l'état civil et qu'il sera peut-être possible au gouvernement d'apporter ultérieurement des amendements qui réduiraient l'impact de la discrimination, même lorsque cela est justifié par des données actuarielles fondées sur le sexe ou l'état civil. Ces solutions restent à voir. Pour le moment, je ne peux pas dire qu'elles sont suffisamment formulées pour être proposées dans la loi actuelle. C'est la raison pour laquelle je dois me contenter de présenter l'amendement en question.

M. Morin: L'amendement répond à nos préoccupations. Il est très près de ce que je m'étais permis de proposer. Nous l'acceptons d'emblée. Maintenant, puis-je demander au ministre pour quel moment il attend le rapport de ce comité spécial? Il me semble qu'on nous a dit septembre, octobre. Est-ce que c'est exact?

M. Choquette: Oui, à l'automne prochain.

M. Morin: Bien.

Le Président (M. Lafrance): Article 95, adopté.

M. Choquette: Tel que remplacé par le...

M. Morin: Tel que modifié.

M. Choquette: Tel que modifié.

Le Président (M. Lafrance): Article 95 adopté tel que modifié. Article 96?

M. Morin: Nous avons adopté tous les suivants...

Le Président (M. Lafrance): Adopté.

M. Morin: ... en vrac, articles 96, 97 et 98.

Le Président (M. Lafrance): Les articles 96, 97 et 98 sont adoptés.

Tous les articles sont...

M. Morin: Nous avons terminé, mais nous devions revenir en arrière, parce qu'entre les articles 45 et 46, ou entre 44 et 45, je ne sais plus, nous avions fait une proposition au ministre et il devait se pencher sur cette proposition.

M. Choquette: II y a les annexes, évidemment. Est-ce qu'elles ont besoin d'être adoptées comme telles, M. le Président?

Le Président (M. Lafrance): Les annexes? Oui.

M. Choquette: Alors, est-ce que les annexes sont satisfaisantes?

M. Morin: Oui, les annexes sont adoptées sans difficulté.

M. Choquette: Bon!

Le Président (M. Lafrance): Les annexes aussi sont adoptées?

M. Choquette: Oui.

Droits des époux

M. Choquette: M. le Président, je voudrais revenir en arrière, avant que nous adoptions les considérants, car il nous restera les considérants à adopter, une fois qu'on aura adopté...

M. Morin: De même que le titre.

M. Choquette: De même que le titre.

M. le Président, je voudrais revenir en arrière, à l'article 45 qui suivrait l'article 44, ce qui, par la suite, imposera, si mon amendement est accepté, un décalage des articles déjà adoptés...

M. Morin: Cela va de soi.

M. Choquette: ... et nous pourrons demander au président et au rapporteur de faire les modifications appropriées dans la numérotation des articles subséquents.

L'article 45...

M. Morin: Avez-vous des copies?

M. Choquette: Oui, je les fais distribuer à l'instant. Il se lirait comme suit: "Les époux ont, dans le mariage, les mêmes droits, obligations et responsabilités." "Ils assurent ensemble la direction morale et matérielle de la famille et l'éducation de leurs enfants communs."

M. Morin: II n'y aura pas de difficulté à le faire adopter, M. le Président, parce que cela répond à la proposition que j'avais faite hier. Je suis heureux de constater que le ministre en a tenu compte.

M. Choquette: M. le Président, je me réjouis de cette approbation du chef de l'Opposition.

J'espère que l'amendement sera également jugé satisfaisant par certains groupes, que je n'ai pas besoin d'identifier, et par des personnes que je n'ai pas besoin de nommer. Je pense qu'il cherche à rendre compte d'une philosophie qui fait du mariage une société d'égaux. Par conséquent, je n'ajoute pas plus à mes observations, étant donné l'approbation déjà manifestée.

Le Président (M. Lafrance): Le nouvel article 45 est adopté. Il faudra renuméroter tous les articles subséquents.

M. Morin: Le ministre finit en beauté, parce qu'il ne s'était pas fait beaucoup applaudir jusqu'ici.

M. Choquette: Tant mieux! M. le Président, je suggère maintenant que nous passions aux considérants et au titre de la loi.

Le Président (M. Lafrance): D'accord!

M. Choquette: Pour ma part, je propose que nous adoptions le titre et les considérants.

M. Morin: Pouvons-nous les relire une dernière fois, tranquillement, M. le Président...

Le Président (M. Lafrance): Voulez-vous que je le fasse pour vous?

M. Morin: ... puisque c'est la dernière étape? Nous allons prendre une minute de silence avant l'adoption de cette loi, pour méditer les considérants.

Le Président (M. Lafrance): Charte des droits et libertés de la personne.

Considérant que tout être humain possède des droits et libertés intrinsèques, destinés à assurer sa protection et son épanouissement;

Considérant que tous les êtres humains sont égaux en valeur et en dignité et ont droit à une égale protection de la loi;

Considérant que le respect de la dignité de l'être humain et la reconnaissance des droits et libertés dont il est titulaire constituent le fondement de la justice et de la paix;

Considérant que les droits et libertés de la personne humaine sont inséparables des droits et libertés d'autrui et du bien-être général;

Considérant qu'il y a lieu d'affirmer solennellement dans une charte les libertés et droits fondamentaux de la personne afin que ceux-ci soient garantis par la volonté collective et mieux protégés contre toute violation; à ces causes, Sa Majesté, de l'avis et du consentement de l'Assemblée nationale, décrète ce qui suit... On ne recommencera pas la lecture, si vous permettez.

M. Morin: Seulement, quelques observations, M. le Président, au sujet du deuxième considérant.

Nous savons tous que seuls sont pris en considération les articles de la loi et que les considérants n'ont pas vraiment force obligatoire.

C'est pourquoi, peut-être, je devrais souligner le fait qu'après avoir refusé de rétablir l'article 10 — le ministre s'en souviendra — qui disait que toutes les personnes sont égales devant la loi, on laisse tout de même une disposition poétique dans le préambule qui nous dit que tous les êtres sont égaux en valeur et en dignité et ont droit à une égale protection de la loi. Etant donné qu'on croit opportun de l'affirmer dans le préambule, il eût peut-être été opportun que le ministre consente à rétablir l'article 10 comme nous le lui avions suggéré. Je ne sais pas s'il a changé d'humeur ou d'avis sur ce point, étant donné qu'il l'affirme dans le préambule, mais est-ce qu'il ne serait pas bon que les tribunaux puissent appliquer ce principe en se fondant sur un article de la loi, est-ce qu'il ne serait donc pas opportun de rétablir la disposition qui dit que toutes les personnes sont égales devant la loi?

M. Choquette: M. le Président, je pense que nous nous sommes déjà longuement expliqués sur les difficultés de l'application intégrale d'un principe comme celui de l'égalité de tous devant la loi. Cela soulève, à mon sens, beaucoup plus de difficultés lorsque c'est énoncé comme un principe ayant force absolue plutôt que comme une règle, en somme, à laquelle on peut facilement se rallier sur le plan idéologique ou philosophique. Je ne mets pas du tout en question l'objectif général de toute loi et toute action gouvernementale que de traiter les gens avec une égalité relative, compte tenu de leurs circonstances propres. Lorsqu'on rapplique en plein d'une façon juridique et absolue, on risque de se trouver devant des contradictions et des difficultés qui ont fait et qui expliquent pourquoi je l'ai retiré comme un principe absolu. Par contre, à l'énoncer dans un considérant, je pense qu'on indiquera une tendance. D'ailleurs, on sait que les considérants doivent servir à interpréter des articles de la loi lorsque ceux-ci sont ambigus. Par conséquent, je pense que nous sommes allés suffisamment loin, d'autant plus qu'ici l'égalité et la protection égale de la loi, c'est conçu largement comme l'égalité et la protection égale des gens devant les organismes de la loi, c'est-à-dire les tribunaux, la Commission des droits de la personne, les autres organismes à caractère judiciaire ou quasi judiciaire formés par le législateur. Je pense, M. le Président, que nous ne faisons pas de tort à la charte en l'inscrivant dans le considérant, mais je serais très réticent à l'inscrire comme un principe ayant force absolue dans le texte même de la loi.

M. Morin: Je ne vais pas m'opposer à ce qu'on le laisse dans les considérants, M. le Président, bien sûr, mais on me permettra de regretter que l'article 10 ait été retiré du projet, parce que tout ce qui nous reste, c'est une sorte de disposition incantatoire dans le préambule, si je ne m'abuse. C'est là pour bien faire, pour que cela paraisse bien...

M. Choquette: Est-ce que vous aimez les considérants?

M. Morin: Dans l'ensemble, ils ne sont pas mauvais. J'aurais aimé qu'ils correspondent...

M. Choquette: Je les ai rédigés personnellement.

M. Morin: Sûrement, à trois heures du matin, en buvant du café. Sur ce point-là, cela se voit, cela se sent.

M. le Président, je regrette tout simplement. Je me permets de le dire, parce que j'ai l'impression que, plus tard, il faudra rétablir cet article 10. Peut-être pas avec le même ministre. Une fois qu'il sera à Hydro-Québec, on pourra y songer peut-être.

M. Choquette: Avez-vous hâte que je sois à Hydro-Québec?

M. Morin: Je vais m'ennuyer, quoique vous serez appelé à comparaître au moins une fois par année devant la commission...

M. Choquette: Je serai obligé de répondre à vos questions.

Le Président (M. Lafrance): Devant une autre commission, alors là, nous sommes devant la commission de la justice...

M. Choquette: Je serai obligé de répondre à un tas d'affaires qui se passent à la baie James dont je ne suis pas responsable.

M. Morin: Vous le serai à ce moment-là.

M. le Président, j'aurais une dernière observation à faire sur le titre. Là non plus, je n'ai pas objection à ce qu'on parle d'une charte des droits et libertés de la personne.

Mais ça me paraît tout de même un peu abusif, c'est un abus de vocabulaire. En fait, il s'agit d'une loi bien ordinaire, et je ne veux pas faire de proposition pour qu'on dise tout simplement Loi sur les droits et libertés de la personne, mais c'est en fait ce que c'est. Ce n'est pas plus que cela. Il faudrait que nous apprenions à être modestes et à appeler les choses par leur nom. C'est une bonne vieille loi bien ordinaire que nous allons adopter, elle ne se distingue pas des autres par un caractère de primauté que nous aurions souhaité lui conférer. Cela étant clair, cela ayant été dit, nous sommes prêt à adopter le préambule et le titre.

Le Président (M. Lafrance): Préambule, adopté, titre, adopté.

M. Choquette: M. le Président, j'aurais simplement une observation à faire pour contredire le chef de l'Opposition.

M. Morin: Une observation ou une facétie?

M. Choquette: J'ai une observation à faire pour contredire le chef de l'Opposition, non pas pour le contredire longuement ou méchamment sur la portée de la loi que nous adoptons, mais je pense que je dois lui rappeler les articles 49 et 50, qui donnent à cette loi un caractère bien plus tranchant que toute autre loi existante à l'heure actuelle.

Le Président (M. Lafrance): Le projet de loi no 50 a été adopté par la commission avec des amendements; tous les articles ont été adoptés, certains avec des amendements. Je remercie tous les membres de la commission présents pour leur collaboration et la commission de la justice ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 16 h 47)

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