Débats de la Commission permanente de la justice, Le mercredi 14 octobre 1981
Â
Les travaux parlementaires
32e
législature, 2e session
(du 30 septembre
1981 au 2 octobre 1981)
Journal des débats
Â
Commission permanente de la justice
Le mercredi 14 octobre 1981 _ No 7
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Présentation de mémoires en regard
des modifications à apporter
à la Charte des droits
et libertés de la personne (4)
(Dix heures vingt-deux minutes)
Le Président (M. Desbiens): à l'ordre, mesdames et
messieurs!
La commission élue permanente de la justice reprend ses travaux.
Elle a reçu le mandat de l'Assemblée nationale de tenir des
auditions publiques en regard des modifications à apporter à la
Charte des droits et libertés de la personne.
Les membres de la commission sont: M. Beaumier (Nicolet), M.
Bédard (Chicoutimi), M. Boucher (Rivière-du-Loup), M. Brouillet
(Chauveau), Mme Marois (La Peltrie) en remplacement de M. Charbonneau
(Verchères), M. Dauphin (Marquette), Mme Juneau (Johnson), M. Kehoe
(Chapleau), M. Lafrenière (Ungava), M. Marx (D'Arcy McGee), Mme Bacon
(Chomedey) au lieu de M. Paradis (Brome-Missisquoi).
Les intervenants de la commission sont: M. Bisaillon (Sainte-Marie), M.
Bissonnet (Jeanne-Mance), M. Blank (Saint-Louis), M. Brassard (Lac-Saint-Jean),
M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Dussault (Châteauguay), Mme Lachapelle
(Dorion), M. Martel (Richelieu) et M. Pagé (Portneuf).
Aujourd'hui la commission entendra dans l'ordre: la
Fédération des travailleurs du Québec, la
Fédération de l'âge d'or du Québec, M. Henri
Lafrance, M. Jacques Légaré, le Mouvement laïque
québécois, le Bureau d'assurance du Canada, le Grand conseil des
Cris du Québec et le Conseil cri de la santé et des services
sociaux de la Baie-James, le Syndicat des fonctionnaires provinciaux du
Québec et, enfin, la Ligue des droits et libertés.
J'inviterais M. le président de la FTQ, M. Daoust, Ã
présenter les personnes qui l'accompagnent, s'il vous plaît.
On va suspendre quelques secondes si vous permettez.
(Suspension de la séance à 10 h 24)
(Reprise de la séance à 10 h 31)
Le Président (M. Desbiens): La commission permanente de la
justice reprend ses travaux.
Avant de céder la parole à M. Daoust, je demanderais le
consentement pour remplacer M. Brouillet (Chauveau), comme membre, par Mme
Lachapelle (Dorion).
Si vous voulez procéder, M. Daoust.
FTQ
M. Daoust (Fernand): M. le Président, mesdames et
messieurs les membres de cette commission, je voudrais en premier lieu vous
présenter ceux qui m'accompagnent ce matin. à ma droite, Marie
Pinsonneault, vice-présidente de la FTQ, à sa droite, Carole
Gingras-Larivière, présidente du comité de la condition
féminine de la FTQ; à ma gauche, Micheline Côté,
vice-présidente du Conseil du travail de Québec, et, à sa
gauche, Aimé Raiche, du Syndicat des travailleurs de l'énergie et
de la chimie. Si vous me le permettez, M. le Président, je vais lire le
mémoire que nous vous avons fait parvenir il y a quelques jours, quitte
à le commenter ici et là .
C'est avec une certaine satisfaction que nous avons remarqué le
nombre impressionnant d'organismes qui ont manifesté le désir de
se faire entendre devant cette commission. Il n'est pas loin le temps
où, seul, le mouvement syndical parlait de droits et de libertés,
de justice sociale et d'égalité pour tous. S'il est possible
aujourd'hui qu'autant d'intervenants, d'autant d'horizons différents, se
préoccupent de ces questions, c'est manifestement grâce au travail
et aux sacrifices qu'ont consentis, depuis plus de cent cinquante ans, les
travailleurs et travailleuses organisés de notre pays.
La Fédération des travailleurs du Québec, la plus
ancienne et la plus importante centrale syndicale au Québec, se
réclame de cet héritage de luttes, et c'est dans cette
perspective d'amélioration constante et graduelle du mieux-être
collectif des travailleurs et travailleuses que la FTQ entend situer les
suggestions et recommandations qui vont suivre.
Premièrement. L'action positive: une responsabilité
syndicale. La position de la FTQ. En décembre 1979, les quelque 1000
délégués au 16e congrès de la
Fédération des travailleurs du Québec endossaient les
recommandations de la déclaration de politique sur la condition
féminine qui leur étaient soumises, et c'est en ces termes qu'ils
se prononçaient alors sur le principe et les modalités
d'établissement de programmes d'action positive: "La FTQ réclame
que la Charte des droits et libertés de la personne soit amendée
en sorte que l'établissement de programmes d'action positive visant
Ã
promouvoir la main-d'oeuvre discriminée pour une période
transitoire soit autorisé, comme dans la législation
fédérale. Les programmes d'action positive ne devraient pas
être obligatoires, mais être négociés librement et
appliqués conjointement avec les syndicats, là où ils sont
présents."
Cette position avait été auparavant largement
débattue, lors du colloque de la FTQ sur la femme et le travail qui
avait pour thème Une double exploitation, une seule lutte, tenu Ã
Montréal à l'automne 1979 et auquel participaient au-delÃ
de 400 délégués.
Notre refus d'un constat d'échec du syndicalisme. Bien
qu'à première vue cette position semble aller Ã
contre-courant des positions jusqu'ici émises devant la commission,
c'est pour nous la seule qui se refuse à admettre la faillite du
syndicalisme et de la négociation collective comme outil de
défense et de promotion des travailleurs.
Nous ne souscrivons pas à ce constat d'échec que
plusieurs, peut-être un peu trop rapidement, ont dressé.
L'établissement, par négociation collective, de programmes
d'action positive n'est pas une utopie, ni un habile camouflage de l'inaction.
C'est un défi que le mouvement syndical doit relever et c'est forts de
nos convictions profondes que nous écartons la voie de la
facilité.
Une charte des droits pour agir. Beaucoup des propositions
généreuses touchant tant au principe qu'aux modalités de
l'établissement de programmes d'action positive semblent peu soucieuses
de vouloir convaincre et éduquer, préférant soumettre et
obliger par un souci d'efficacité à court terme avec lequel on ne
saurait être en désaccord sous peine de se condamner Ã
l'échec. Nous ne sautons pas si rapidement aux même conclusions.
Il s'agit, selon nous, d'un long processus de redressement social, aux
multiples préalables sociaux. Bienheureux ceux qui croient que les
langues de feu du Saint-Esprit descendront sur nous tous et qu'en un instant le
Québec sera transfiguré! La baguette magique ne fait pas encore
partie de notre arsenal syndical. Par ailleurs, cette vision même d'une
société qui deviendrait soudainement plus juste par
arrêté en conseil nous fait même un peu peur. Nous
préférons encore nous fonder sur l'éducation, la
mobilisation et l'action.
En ce sens, nous croyons que le défunt projet de loi 1k,
modifiant la charte des droits et libertés et qui aurait rendu possible
l'établissement volontaire de programmes d'action positive,
répondait fondamentalement à l'esprit de nos revendications.
Cependant, nous aimerions y voir figurer, comme dans de nombreuses autres
dispositions législatives, l'affirmation du rôle essentiel du
syndicat dans tout ce qui touche l'établissement des conditions de
travail et particulièrement sa reconnaissance expresse comme agent
moteur et partenaire essentiel dans le processus d'implantation et le
fonctionnement des programmes d'action positive dans le domaine du travail. La
FTQ accepte ainsi une grande responsabilité sociale,
responsabilité que sa nature même lui commande non seulement de
solliciter, mais de revendiquer, ce qui, cependant, dans notre esprit, ne
devrait pas avoir pour objet de paralyser ou de jeter l'interdit sur tous ceux
qui sont prêts à partager ce travail.
Partant, nous reconnaissons pleinement le rôle d'aviseur-conseil
et d'organisme-ressource de première importance de la Commission des
droits de la personne. Nous ne pouvons qu'appeler à une collaboration
encore plus étroite et constante entre organismes qui sont voués
à se retrouver sur le même terrain pour redresser les mêmes
torts.
Le nécessaire engagement social du gouvernement du Québec.
Au-delà même d'une campagne de longue haleine de sensibilisation
et d'information, le gouvernement du Québec doit s'engager pour sa part
à apporter les correctifs immédiats pour favoriser ce qui nous
semble être les préalables essentiels pour développer
d'abord une prise de conscience plus égalitaire chez tous les
Québécois et Québécoises et pour, ensuite,
éliminer à la source les corridors institutionnels
générateurs de sélection sexiste ou autre,
c'est-à -dire, d'abord et avant, tout un système
d'éducation non sexiste, "antidiscriminant", qui favoriserait le
décloisonnement entre les champs d'options et les orientations qui ont
pour effet de "ghettoïser" rapidement les compétences par sexe et
malheureusement, souvent encore, selon la condition sociale. Au simple chapitre
des manuels scolaires, malgré les très nombreuses
représentations faites en ce sens par de nombreux organismes, on ne peut
à ce jour que qualifier de timides les progrès
réalisés.
Permettez-nous, surtout et enfin, d'insister particulièrement sur
la formation technique et professionnelle des adultes québécois
et des possibilités réelles d'agir concrètement dans ce
domaine par des programmes d'action positive. Bien que des
représentations en ce sens aient déjà été
faites devant la Commission d'enquête sur la formation professionnelle et
socioculturelle des adultes, la commission Jean, nous ne croyons pas inutile
d'en rappeler ici les grandes lignes pour illustrer nos propos.
La FTQ demandait alors que les sommes énormes que
dépensent les gouvernements en ce domaine puissent se traduire en des
programmes qui répondent plus adéquatement à cette
aspiration des travailleurs à une formation spécialisée,
polyvalente et transférable. Nous avons aussi noté, comme
d'autres intervenants, que la main-d'oeuvre féminine était
largement
défavorisée au niveau de l'accessibilité aux
programmes de formation professionnelle, ce qui se traduisait dans les faits
par la reproduction d'un système qui veut que les femmes souffrent
à la fois d'une sous-représentation dans certains secteurs
d'activité et d'une concentration anormale dans certains autres secteurs
d'activité. La FTQ demandait alors des modifications importantes
à la Loi sur la formation technique et professionnelle, loi 49, pour y
inclure, dans le cadre général d'une politique de plein emploi,
une déclaration formelle des droits des travailleurs en cette
matière en y rendant illégale toute forme de discrimination dans
l'accès aux programmes et aux ressources en raison de l'âge, du
sexe, du statut social ou professionnel. Ces modifications incluraient aussi la
mise en place de structures décisionnelles, opérationnelles et
efficaces, reconnaissant le principe d'une participation des travailleurs,
à travers leurs organisations syndicales, à l'élaboration
et à la définition des politiques et des contenus de formation,
au niveau des lieux mêmes du travail, à l'intérieur de
très grands secteurs, comme au niveau d'un organisme unique de
coordination et d'administration, composé majoritairement des
représentants des parties patronale et syndicale.
Ces instances nous semblent à privilégier pour y
élaborer des programmes d'action positive "de fond" qui s'attaquent au
coeur du problème, avec un mécanisme assorti de consultation et
de négociation entre les parties concernées.
Finalement, avec l'acharnement que vous nous connaissez, nous croyons
que la première protection à laquelle les travailleuses, les
minorités raciales, ethniques et nationales, les immigrants ont droit
est celle de l'organisation syndicale. Nous réitérons nos
revendications pour un meilleur accès au syndicalisme et l'instauration
immédiate de mécanismes d'accréditation multipatronale et
de négociation sectorielle. C'est pour nous un droit fondamental qui
tarde à être pleinement reconnu.
C'est peut-être là incidemment l'incroyable discrimination
que connaît l'ensemble de la population ouvrière du Québec
de ce fait que l'accès au syndicalisme demeure quasiment impossible pour
la très vaste majorité des travailleuses et des travailleurs.
Dans le secteur privé, où on retrouve la majorité des
travailleuses et des travailleurs, où on retrouve la presque
totalité des travailleurs immigrants qui viennent de minorités
ethniques de toute nationalité, le taux de syndicalisation au
Québec est d'environ 20% ou 25%. C'est une source de discrimination et
c'est dû à un tas de problèmes, de phénomènes
que vous connaissez sans aucun doute et qui font l'objet, depuis de nombreuses
années, de toutes sortes de prises de position de la part du mouvement
syndical. Un travailleur sur cinq peut se donner un outil qui lui permet de se
défendre adéquatement devant l'employeur et qui permet Ã
celui-ci et à tous ceux avec lesquels il se regroupe sur les lieux du
travail d'être sur un pied d'égalité au moment des
pourparlers avec l'employeur, un sur cinq, alors que quatre sur cinq en sont
privés. C'est peut-être là la source la plus profonde de
discrimination en milieu de travail.
Des réformes immédiatement accessibles. La FTQ
désire également vous présenter, de façon
succincte, quelques autres propositions d'amendement à la Charte des
droits et libertés de la personne, suggestions que d'ailleurs plusieurs
autres intervenants ont déjà prises à leur compte et
largement étayées. (10 h 45)
Discrimination salariale permise par la charte. La FTQ réclame
que la Charte des droits et libertés de la personne soit amendée
à l'article 19, dont l'objectif est de donner la parité salariale
aux personnes effectuant des travaux égaux et équivalant aux
travaux d'autres personnes mieux payées, si cette différence
salariale se fonde sur un motif discriminatoire. La FTQ demande de biffer de
cet article le terme "évaluation au mérite" qui est
présenté comme permettant de payer des salaires différents
sans que cela soit discriminatoire, et donc illégal.
Discrimination dans les régimes d'avantages sociaux. La FTQ
réclame également que l'article 97 de la charte soit purement et
simplement abrogé. En effet, en permettant la discrimination dans les
régimes d'avantages sociaux, que ce soit sur la base du sexe, de
l'état civil, de l'orientation sexuelle ou du fait d'être une
personne handicapée ou d'utiliser un moyen pour pallier son handicap,
cet article prend un caractère, selon nous, que nous jugeons
discriminatoire et antidémocratique.
Nous nous lions à cette coalition qui est venue se
présenter devant vous il y a quelques jours. Au cas où des gens
verraient des désaccords - c'est normal qu'ils en voient - entre leur
prise de position et la nôtre sur l'action positive, la FTQ faisait
partie de cette coalition et il y avait un accord unanime de tous ceux qui en
faisaient partie; non seulement faisait-elle partie de cette coalition, mais la
FTQ est à l'origine de cette coalition. Je me souviens avoir
envoyé une lettre au ministre de la Justice lui soulignant ces aspects
discriminatoires de l'article 97 au nom de cette coalition. Je me souviens
aussi que le mémoire qui vous fut présenté a
été largement préparé par la FTQ.
Harcèlement sexuel. La FTQ réclame que soit
expressément interdites, dans la charte, les pratiques patronales
relevant du
harcèlement sexuel à l'endroit des travailleuses. Nous
recommandons à cette fin qu'un employeur puisse être tenu
responsable pour les actes de harcèlement, que ces actes proviennent des
supérieurs ou des collègues de travail si, après avis, il
néglige de remédier à la situation.
La discrimination fondée sur l'état de grossesse. La
maternité étant une responsabilité sociale, les
travailleuses ne doivent pas être pénalisées par leurs
maternités ou par leurs grossesses, menées à terme ou non,
ni par l'adoption d'un enfant, non plus que par le rôle assumé ou
non qui est le leur dans la fonction de reproduction. Nous croyons que la
charte des droits et libertés devrait reconnaître la fonction
sociale de la maternité et, partant, le droit Ã
l'égalité pour les femmes sans discrimination fondée sur
l'état de grossesse.
En guise de conclusion: Des préoccupations communes qui appellent
une convergence d'action.
La Charte des droits et libertés de la personne donne des assises
légales à un grand nombre de revendications syndicales. Et c'est
notre souci, que nous venons de manifester, de voir évoluer une charte
des droits perfectible qui nous amène à parler ici du comment
traduire ces principes en réalisations concrètes.
La Commission des droits de la personne, le mandataire
opérationnel de par la charte, de l'application de principes de
celle-ci, mérite d'avoir les moyens financiers et techniques pour mener
son oeuvre à bien. Elle doit, de plus, jouir d'appuis et
bénéficier du soutien et de la confiance de tous ceux qui
partagent les objectifs et les principes fondamentaux énoncés
dans la charte. Les préoccupations communes qui nous animent doivent
nous amener à une convergence d'actions sur la base du respect mutuel de
nos identités. La commission n'est ni un concurrent des syndicats, ni un
substitut à ces derniers. Un certain hégémonisme
manifesté par la commission nous inquiète et la tentation de se
poser en unique acteur des réformes sociales n'est pas pour nous
rassurer.
Il faut cependant reconnaître qu'une ouverture sur le mouvement
syndical se dessine tranquillement, et nous espérons voir se
développer encore et encore plus la consultation active entre la
commission et la FTQ, ce que, pour notre part, nous appelons de tous nos
voeux.
Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.
M. Bédard: M. le Président, je voudrais tout
d'abord remercier M. le directeur général de la
Fédération des travailleurs du Québec du mémoire
qu'il vient de présenter à cette commission et remercier
également celles et ceux qui l'accompagnent. Il s'agit effectivement
d'un mémoire très intéressant, puisque la
Fédération des travailleurs du Québec, par la voix de son
directeur général, propose une approche qui est différente
concernant, entre autres, la mise sur pied de programmes d'action positive ou
d'accès à l'égalité. C'est avec beaucoup
d'intérêt, comme tous les membres de la commission, que j'ai
écouté vos propos. Comme vous l'avez d'ailleurs vous-même
noté, l'approche de votre centrale diffère quelque peu de celle
des autres organismes qui sont venus déposer devant la commission, dans
ce sens qu'elle privilégie d'une façon tout à fait
spéciale la négociation syndicale comme approche au niveau du
problème de l'implantation des programmes de redressement ou
d'accès à l'égalité.
Vous me permettrez sûrement, au nom des groupes
discriminés, de vous poser quelques questions. La première serait
de vous demander quel est le mécanisme que vous proposez dans les
milieux non syndiqués, lorsqu'il s'agit de mettre en place, lorsque la
discrimination a été prouvée et qu'il est
nécessaire d'implanter un programme d'action positive.
D'une certaine façon, concernant votre approche, ne trouvez-vous
pas qu'elle place l'avancement social des groupes discriminés un peu
à la merci des priorités syndicales d'une centrale ou de ses
syndicats membres? Je dirais même qu'elle peut placer ces groupes
discriminés, d'une certaine façon, je dirais qu'elle peut les
conditionner même à la stratégie, les obliger à se
conditionner à la stratégie de négociation syndicale qui
peut exister avec un employeur. Je pense que c'est une question qu'on peut se
poser et vous la posez au niveau de la commission. Vous évoquez
certaines réserves sur son rôle, le rôle gouvernemental
aussi; je pense que c'est normal au niveau de la discussion franche que nous
avons.
Le feu du Saint-Esprit, je suis bien prêt à admettre qu'il
n'est pas tombé sur la commission ou sur le gouvernement, mais je ne
pense pas qu'on puisse tenir pour acquis qu'il est tombé partout
ailleurs, sauf là . Je vous le dis très amicalement, mais je pense
que vous prendrez sûrement ma question au sérieux: Est-ce que vous
croyez que le mouvement syndical a démontré, dans le
passé, toute la souplesse voulue pour l'intégration dans des
entreprises d'employés provenant de groupes discriminés? Je
pense, par exemple, à une certaine méfiance des syndicats envers
le travail à temps partiel, à une certaine méfiance des
syndicats - je ne me prononce pas sur le fond - envers un statut particulier
pour certains travailleurs; par exemple certains handicapés
travailleraient souvent à un salaire moindre, ce qui va Ã
l'encontre des conventions collectives. Il y a peut-être d'autres
exemples que je pourrais donner, mais, si on
prend l'exemple du salaire à temps partiel, je pense que
ça touche pas mal de gens au niveau de la société.
Encore une fois, sans me prononcer sur le fond, je ne crois pas qu'il y
ait un syndicalisme très agissant dans le sens de la promotion de cette
forme de travail. Ce serait l'essentiel des questions que je veux vous
adresser, j'aimerais avoir vos commentaires.
M. Daoust: Vous me posez là , M. le ministre, des questions
fort complexes et qui ont plusieurs facettes.
M. Bédard: On peut peut-être commencer par le
premier volet...
M. Daoust: Oui.
M. Bédard: ... concernant le mécanisme...
M. Daoust: ... les groupes non syndiqués.
M. Bédard: ... d'implantation de programmes chez des
groupes non syndiqués.
M. Daoust: Ãvidemment, dans la présentation du
mémoire, j'ai dévié un peu du texte pour vous dire que,
selon nous, la plus implacable discrimination - je devrais peut-être
nuancer - une forme de discrimination que les travailleurs subissent, c'est les
incroyables difficultés qu'ils connaissent sur le plan de l'accès
au syndicalisme. Ce serait peut-être un peu rapide et un peu court de
vous répondre que la solution à votre problème et la
réponse à votre question est de faire en sorte que le Code du
travail soit amendé de façon telle que les travailleurs puissent
avoir un véritable accès au syndicalisme et que dès le
moment où ils seront plus largement syndiqués dans notre
société, au Québec, ils pourront négocier avec les
employeurs des programmes d'action positive. On n'est peut-être pas
encore rendu là .
M. Bédard: Je suis d'accord avec vous que c'est une partie
de la réponse par rapport à vos positions...
M. Daoust: Je veux tout de même préciser ou
développer cette idée. J'ai mis la main, malheureusement
très tardivement... Pour être bien précis avec vous, c'est
hier soir et ce matin, en venant ici à Québec, à bord de
l'avion, que j'ai pris connaissance d'un document qui nous vient de cette
très grande centrale syndicale pour laquelle on a un immense respect
dans tous les milieux, la centrale syndicale suédoise LO, où il
est question du marché du travail et des politiques du marché du
travail en Suède.
Je m'excuse vis-à -vis de moi-même d'avoir pris connaissance
de ce document un peu tardivement, parce que j'ai essayé de le fouiller
en catastrophe pour voir ce que les Suédois faisaient dans ce domaine et
j'ai vu, dans la plupart des textes que j'ai lus, qu'on ne peut parler de la
Suède, alors que la Suède est encore, pour plusieurs, un
incroyable modèle. C'est un bon modèle, pour être bien
franc, tout au moins sur le plan syndical, puisque le taux de syndicalisation
est trois ou quatre fois supérieur à celui qu'on connaît au
Québec.
M. Bédard: Vous n'avez pas à vous excuser d'en
avoir pris connaissance tardivement; je suis sûr que vous êtes en
avance sur plusieurs membres de cette commission et c'est avec beaucoup de
plaisir qu'on va vous entendre en discourir.
M. Daoust: Je n'ai pas vu dans les autres documents, beaucoup de
références à la Suède. J'ai lu les documents de la
Commission des droits de la personne. Je sais que ses membres sont allés
aux Ãtats-Unis. Bravo! ce n'est pas loin de chez nous, il faut tout de
même voir ce qui se passe aux Ãtats-Unis, eux qui nous influencent
tellement au plan des mentalités, des comportements et qui sont
tellement omniprésents sur le plan économique. On ne peut pas
toujours aller chercher des modèles lointains et qui ne collent pas
à nos réalités.
Mais je n'ai pas vu dans leurs documents qu'on faisait état de
programmes d'action positive imposés dans plusieurs pays. Il y en a
sûrement. Il y a le cas des Ãtats-Unis, mais ce que je voulais
vous dire, c'est que je n'ai pas vu en Suède que ce soit le cas. C'est
peut-être le cas, je m'excuse si je me trompe à ce moment-ci.
De ce document dont je prenais rapidement connaissance, si vous me
permettez, je vais vous lire un passage. C'est en anglais, ce n'est pas
très long et je n'ai pas la compétence de vous traduire
ça, comme les interprètes, de façon simultanée:
"Equality agreement came into force on April the 1st, 1977. Such agreement has
been concluded between LO - grande centrale syndicale - et SAF, Sweedish
Employeer's Confederation and LO - la même centrale -et KEO, the
collective bargaining organization for cooperative employees. In the agreement,
the two sides declare that there is inadequate equality between men and women
in workinq life. (11 heures) "The two sides have agreed to alter this state of
affair within their area of operations. The principle of equal pay for equal
work of equal value shall be maintained and other differences shall be
counteracted by a process of offering men and women equal conditions of
employment
and training. "In addition, working conditions shall be so designed as
to make it easier for both men and women to combine gainful employment and
family responsibilities. A law on equality has now been passed by the non
socialist government. This happened despite - et c'est ça qui me semble
important - the fact that the two sides in industry stated that the work of
achieving equality would be best achieved by having the question governed by
collective agreement."
Je ne veux pas m'appuyer exclusivement sur les Suédois, mais
ça me semblait important de rappeler qu'en Suède, eux qui ont
atteint un tel degré de concertation, de coopération, de
collaboration, ou un tel degré - oublions ces mots qui sont tabous dans
certains milieux -de maturité dans le domaine des relations du travail,
eux qui, je vous le répète, servent de modèle Ã
tellement de gens, semblent apparemment dire que tout le problème de
l'égalité sur les lieux du travail entre les hommes et les
femmes... Plus loin dans le document il est question évidemment des
travailleurs migrants et des jeunes et des handicapés. Cela se fait et
cela devrait se faire par voie de négociation collective.
Là , j'arrive à votre réponse. Je m'excuse d'avoir
fait un détour. C'est entendu qu'avec 20% des travailleurs
syndiqués au Québec, il y en aura 80% qui vont être exclus
de ce bienfait que nous, on qualifie de cette façon, qu'on appelle la
négociation de la convention collective.
Je ne cesse de penser qu'il y a des effets d'entraînement. Dans
les 20% de travailleurs syndiqués, il y a d'abord tout le secteur public
et parapublic, qui est fortement syndiqué, où il y a beaucoup de
progrès à faire, il faut l'avouer, et les travailleurs
syndiqués se retrouvent dans un tas de grandes industries
déterminantes au point de vue des conditions de travail et des
conditions de salaire, provoguant des effets d'entraînement.
Je ne suis pas en train de vous dire que 20% c'est mieux que rien, mais
s'il y avait des programmes d'action positive négociés dans ces
20%, je pense qu'il y aurait des effets d'entraînement dans le reste de
la population non syndiquée.
Vous nous avez aussi posé la question à savoir qu'il y a
beaucoup de méfiance. Peut-être vouliez-vous dire aussi que...
M. Bédard: J'avoue que j'en ai retenu plusieurs. La
deuxième question que je vous avais posée, c'est: Est-ce que vous
ne trouvez pas qu'en privilégiant uniquement l'approche syndicale,
l'approche de la négociation syndicale, à ce moment-là on
se trouve à placer certains groupes de discriminés dans une
situation où ils sont obligés d'attendre le résultat des
négociations, où tout leur état est en quelque sorte
conditionné par le résultat des négociations et par les
priorités syndicales aussi. C'est normal...
M. Daoust: C'est normal.
M. Bédard: ... que les syndicats aient des
priorités en termes de luttes, etc., mais, avec votre approche, ne se
trouve-t-on pas à conditionner tous ces groupes-là , Ã
assujettir - le mot est trop fort, mais je dirais - Ã subordonner tous
ces groupes-là aux priorités syndicales d'une certaine
façon?
M. Daoust: Oui, les priorités syndicales, dans ce
domaine-là comme dans d'autres domaines, vont devoir subir le choc du
test de l'opinion publique et des évolutions.
Je disais à quelqu'un, juste avant le début de cette
commission parlementaire, qu'il faut tout de même se l'avouer, ça
ne fait pas tellement longtemps qu'on parle d'action positive, même que
le mot est à peine connu dans la population.
M. Bédard: Non.
M. Daoust: Le mot est à peine connu dans la population et
déjà certains le contestent. Le Conseil du patronat parle de
redressement. Il n'a peut-être pas tort. Je ne veux pas m'attacher aux
mots et aux traductions. Le concept qu'on retrouve à l'intérieur
de ces expressions, action positive ou redressement, vient de faire son
apparition, mais pas le fait, pas la réalité. On est tous
tributaires de préjugés, le mouvement syndical comme l'ensemble
de la population. Il n'y a rien qui ressemble plus à la population, dans
le fond, que les travailleurs syndiqués, surtout ceux qu'on retrouve
à la FTQ, sans être méchant à l'égard de nos
camarades de la CEQ ou de la CSN.
M. Bédard: Vous avez le droit de passer vos messages. Les
autres font la même chose.
M. Daoust: Ãcoutez, on est tributaire de
préjugés. On a véhiculé et on véhicule
encore des attitudes sexistes. On est tout mal à l'aise Ã
l'égard de tout le problème des travailleurs immigrants. On a
tenu un colloque là -dessus et on s'est aperçu à quel point
il y avait un défrichage à faire à l'intérieur du
mouvement syndical. Ce que je veux vous dire, c'est que c'est de relative
apparition, l'idée de l'action positive. Il me semble qu'avant de
vouloir imposer autoritairement, par une commission ou par un gouvernement ou
par un édit, des programmes d'action positive aux employeurs et aux
travailleurs, il faut préparer
longuement les mentalités. C'est un peu cela qui est le fond de
notre position. On dit: Ãcoutez, on en discute depuis une dizaine
d'années et je suis généreux quand je dis une dizaine
d'années. Il faut donc faire un immense cheminement et une très
longue réflexion à l'intérieur de toute la population, du
mouvement syndical aussi. C'est un peu normal que les priorités
syndicales de temps à autre puissent oublier certains de ces aspects
quand toute la population elle-même les a oubliés pendant
tellement longtemps: le problème des handicapés, des autochtones,
des femmes.
Il suffit de lire les statistiques. On pourra se culpabiliser pendant
des heures ici et dire: Mon Dieu qu'on n'a pas été correct. C'est
très vrai qu'on n'a pas été correct. Mais on sait qu'il y
a un immense travail à faire. On le sent chez nous en milieu syndical.
Peut-être particulièrement à la FTQ, soit dit en passant,
sans vouloir être plus masochiste qu'il le faut devant cette commission,
parce qu'on retrouve des travailleurs du secteur privé, de la
construction abondamment, on en retrouve de tous les milieux, que ce soit des
milieux qui sont ici, la téléphonie, le commerce, enfin, on
retrouve des travailleurs de tous ces secteurs et on sent que là aussi
il y a des blocages. Nous, on dit: Préparons les mentalités par
de vastes programmes d'éducation, par, évidemment, des
incitations et des pressions de l'opinion publique. Si tous les groupes
poussent dans le dos du mouvement syndical et que le mouvement syndical
lui-même, qui doit être éveillé à ces
réalités, s'ouvre à ces nouvelles philosophies, je pense
que cela donnera des résultats.
M. Bédard: Naturellement, vous dites qu'à long
terme de tels programmes qui sont mis en application à la suite d'une
négociation, d'une approche de négociation, vont
nécessairement avoir un effet d'entraînement sur les groupes, les
milieux non syndiqués. Je pense que vous avez raison là -dessus.
En même temps - sans distribuer des torts, car je pense que c'est toute
la société qui en est en quelque sorte responsable - vous dites
qu'il y a effectivement des situations de discrimination qui existent depuis
longtemps et qui auraient dû être corrigées. Vous ne croyez
pas qu'Ã ce moment il faut donner un coup de barre? Ce coup de barre
pourrait être, dans un premier temps, des programmes dont
l'élaboration est faite à partir de toutes les précautions
qu'on pourra y mettre, c'est-Ã -dire consultations avec employeurs, avec
syndicats. Naturellement, le rôle de la Commission des droits de la
personne, le rôle du gouvernement sont importants, puisqu'il s'agit de
contrer une situation discriminante, mais une fois toutes ces
précautions prises, si on veut donner un coup de barre, ne doit- on pas,
à ce moment-là , penser à des programmes Ã
caractère obligatoire, quitte à voir leur effet, tout en ayant
à l'esprit que peut-être, dans un avenir à plus long terme,
la meilleure des solutions serait celle, par exemple, qui permettrait Ã
tous les éléments d'une société qui sont
concernés de s'entendre, que ce soit par négociation ou
autrement, pour faire disparaître le caractère obligatoire? Mais
dans un premier temps, justement à cause des retards peut-être
pris, ne croyez-vous pas que le coup de barre peut difficilement être
donné si on ne s'oriente pas vers des programmes Ã
caractère obligatoire?
M. Daoust: Oui. Notre position à nous, c'est que... Je ne
dis pas que les programmes d'action positive arrivent comme le couronnement
d'un tas d'efforts, mais il faut que, préalablement, cette
préparation se fasse par tous ceux qui sont déterminants dans
notre société à tous les niveaux, les gouvernements, les
entreprises, les syndicats et d'autres groupes déterminants. Et cette
préparation, ce ne sont pas seulement des formules d'éducation,
des programmes de publicité, des incitations et des exhortations. Il
faut qu'il y ait en place un tas de mécanismes au Québec, et on
ne cesse de les réclamer. On n'a même pas l'embryon d'une
politique de main-d'oeuvre. Cela se comprend, on se partage le pouvoir entre
deux gouvernements, un qu'on connaît fort bien et l'autre qui est ici. Il
y a un dédoublement incroyable, des chevauchements et des
problèmes qui découlent peut-être du
fédéralisme tel qu'on le connaît, et ce n'est pas ici qu'on
devrait en parler fort longuement. Mais, quant à nous à la FTQ,
on a réclamé que le gouvernement du Québec
reconquière au nom des Québécois toute la
compétence dans le domaine de la main-d'oeuvre afin qu'on puisse se
donner enfin une politique de main-d'oeuvre. Une politique de main-d'oeuvre,
c'est terriblement global, soit dit en passant. Ce document qui nous vient de
cette centrale syndicale que j'ai citée fait état d'un des petits
aspects de cette politique de main-d'oeuvre. C'est incroyable le nombre de
programmes que cela peut inévitablement aborder pour faire en
sorte que cela puisse fonctionner à l'intérieur d'une
société. Il y a tout le problème de
l'éducation.
J'arrive aux programmes d'action positive. Je vais commenter votre
question, mais cela en est, des choses qu'il faut mettre en place, une
politique de main-d'oeuvre et tout le problème de l'éducation.
C'est sur les bancs de l'école, dans la famille et à la
télévision que les stéréotypes dont on doit vous
parler depuis le début de cette commission nous sont agressivement
présentés. On n'a pas beaucoup de moyens de défense
là -dessus, mais les gouvernements
ont beaucoup à faire quant au système d'éducation.
On a parlé des manuels sexistes là -dedans. On a parlé de
toute la formation professionnelle. On sait que les femmes vont toutes dans
à peu près trois, quatre ou cinq occupations, 60% - il y a des
chiffres abondants là -dessus - dans les services, les bureaux, les
commerces. On sait qu'il y en a peu dans la transformation des produits, dans
la fabrication de ceux-ci et dans d'autres fonctions, mais cela se
prépare dans les écoles, cela se prépare au moyen de
l'éducation. Ce n'est pas tout. On a négocié avec ce
gouvernement-ci - le dernier front commun - qui a été Ã
l'égard des femmes un peu plus généreux - je dois le
souligner et c'est même périlleux de parler de
générosité à la veille des négociations -
sans doute plus généreux que l'autre gouvernement qui l'avait
précédé, à l'égard de la condition
féminine. Il n'a pas accueilli avec un sourire sarcastique comme l'avait
fait l'autre gouvernement et son porte-parole les demandes du mouvement
syndical à l'égard du congé de maternité. On a eu
20 semaines, mais ces 20 semaines pour les employées, pour les
salariées des secteurs public et parapublic, on le veut pour l'ensemble
des salariées québécoises. Je vois que Mme Marois prend
des notes et je souhaiterais bien qu'un de ces bons jours - peut-être
dans le discours inaugural, je ne veux pas anticiper sur ce qu'on nous dira le
29 - on nous parlera d'une politique de congés de maternité pour
l'ensemble des femmes québécoises et de garderies. Je comprends
qu'il y a des sommes qu'on n'a pas, mais, tout au moins, qu'on trace un peu les
balises. (11 h 15)
Congés de maternité, garderies, préparation
à l'école, éducation, préparation par de grands
programmes d'information et de formation, on prépare les
mentalités, on prépare les travailleurs, on prépare les
travailleuses elles-mêmes à quitter les emplois un peu
traditionnels, sans les accuser plus qu'il ne le faut. Cela mène aux
programmes d'action positive. Vous nous dites: II faudrait peut-être,
dans certains cas, y aller obligatoirement, les imposer là où il
y a des discriminations évidentes. Nous disons: Non, quant Ã
nous, pour le moment, faisons tout cet immense travail.
Nos positions ne sont pas figées dans le ciment, incidemment. Ce
que je veux vous dire, c'est que dans cinq ou dix ans, si c'est un
échec, notre pari sur la négociation, notre pari sur des
ouvertures d'esprit des parties, dont le Conseil du patronat, si on ne peut pas
s'en parler à d'autres occasions, dans des sommets, des
conférences socio-économiques, et faire en sorte qu'il y ait des
changements dans les mentalités, peut-être - ce n'est
sûrement pas la position de notre centrale -faudra-t-il y penser.
M. Bédard: Ce sont des positions que vous prenez au moment
où on se parle, mais des positions, comme vous le dites, qui ne doivent
pas être figées dans le ciment. C'est la même chose pour
n'importe quelle position que peut prendre n'importe quel organisme parce qu'il
y a des situations qui peuvent évoluer, qui peuvent changer, etc. Je
retiens que vous nous avez dit que, pour le moment, c'est votre position, mais
que la porte est ouverte à une analyse plus approfondie de part et
d'autre, si le législateur décide d'agir dans ce sens.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Marx: J'aimerais, Ã mon tour, remercier la FTQ pour son
mémoire, qui est court, mais tout à fait au point et complet sur
les points soulevés.
Entre parenthèses, le ministre a soulevé le
problème des travailleurs qui gagnent moins que le salaire minimum.
Peut-être n'est-il pas au courant que dans les ateliers de prisons
québécoises, il y a des détenus qui travaillent pour moins
que le salaire minimum, c'est même le cas à Orsainville.
M. Bédard: On en parlera en temps et lieu. Il n'existait
absolument aucun programme de travail rémunéré, c'est nous
qui l'avons mis au point.
M. Marx: Un fait est un fait.
M. Bédard: Nous sommes le premier gouvernement à y
avoir pensé.
M. Marx: On ne peut contester les faits, il y a des
détenus qui travaillent, à Orsainville ou dans un atelier
attenant à Orsainville, pour moins que le salaire minimum. Qu'il
vérifie auprès de son sous-ministre.
M. Bédard: Sous le gouvernement précédent,
ils travaillaient pour rien.
M. Marx: Dites ce que vous voulez, ce sont les faits.
M. Bédard: On en reparlera.
M. Marx: En ce qui concerne l'action positive, vous avez
écrit que la FTQ accepte de grandes responsabilités sociales dans
ces domaines. C'est très positif vis-à -vis de ces programmes
d'action positive. Vos recommandations démontrent qu'une certaine
réflexion très sérieuse... C'est à la page 5 et,
à mon avis, ça doit être répété pour
que ce soit bien compris par toute la population: "II s'agit d'un long
processus de redressement social, aux multiples préalables sociaux.
Bienheureux ceux qui croient que les langues
de feu du Saint-Esprit descendront sur nous tous, et que, en un instant,
le Québec sera transfiguré. La baguette magique ne fait pas
encore partie de notre arsenal syndical. Par ailleurs, cette vision même
d'une société qui deviendrait soudainement plus juste par
arrêté en conseil nous fait même un peu peur. Nous
préférons encore nous fonder sur l'éducation, la
mobilisation et l'action."
C'est une position très réaliste, parce que moi, au moins,
j'ai eu l'impression ainsi que d'autres intervenants qu'on pouvait tout changer
par un arrêté en conseil, par une loi quelconque, par un
programme. Je pense que c'est très important que les gens soient au
courant, que ça va prendre du temps et que c'est tout un processus qu'il
faut mettre en marche.
En ce qui concerne l'action positive, vous avez proposé que ce
soit fait sur une base volontaire et vous avez parlé du rôle du
syndicat, qu'on établisse de tels programmes à l'intérieur
des conventions collectives. Je comprends bien ça, parce que c'est
important. Si le syndicat n'est pas impliqué dans ces programmes de
redressement, on va avoir beaucoup de problèmes dans les lieux de
travail et je vois que les syndicats ont sûrement un rôle Ã
jouer, mais on nous a dit qu'il y a très peu de femmes qui sont
syndiquées. Quoique, dans votre délégation, on voie trois
femmes sur cinq personnes, vos syndicats ne comportent pas 60% de femmes. Si
j'ai bien compris, elles sont sous-représentées par rapport
à la population. Donc, ce sont les syndicats qui vont négocier
et, dans ces syndicats, le rapport de forces est en faveur des hommes, mais je
me demande comment on va impliquer des femmes à la base dans ces
négociations, parce qu'on nous a dit aussi que très peu de femmes
sont syndiquées. Je ne veux pas faire un procès
d'intention en ce qui concerne les hommes, je pense que les hommes sont de
bonne foi car, à cause de ma déformation, je sais que dans le
Code civil, c'est écrit: "la bonne foi est présumée et il
faut prouver la mauvaise foi", donc je présume la bonne foi...
M. Bédard: Cela va pour les femmes aussi!
M. Marx: Cela va pour les femmes aussi, oui! Mais comment
allez-vous impliquer plus de femmes de la base et avoir plus d'input des femmes
dans ces négociations, dans ce processus?
M. Daoust: M. Marx, à la FTQ, selon l'enquête que
nous menons à ce moment-ci -et dont nous aurons les résultats de
façon un peu plus précise dans quelques semaines, pour le
prochaine congrès de la FTQ - nous avons découvert - nous le
savions, mais il faut le vérifier sur place - qu'en gros le tiers des
membres de la FTQ est composé de femmes. Il y aurait donc, Ã
l'intérieur de la FTQ -sujet à correction éventuelle -
au-delà de 100 000 femmes. Nous faisons aussi, dans cette enquête,
il faut vous le dire, l'examen de la présence des femmes dans les
structures de notre centrale, Ã tous les niveaux. Moi, je connais ce
résultat au niveau de la FTQ, dans son bureau et dans son conseil
général, mais on le connaît fort peu - parce que c'est tout
de même complexe - dans ses centaines, ses milliers de sections locales
de syndicats où il y a des dizaines et des dizaines de militants et de
militantes qui occupent des postes de responsabilité. On ne vous dira
pas qu'on est meilleur que l'ensemble de la société, on est
peut-être à son image et sûrement à son image, les
hommes prédominent partout, massivement, fortement; pas dans tous les
syndicats, là où il y a plus de femmes, inévitablement, il
y a un partage, il y a des exceptions, mais on peut dire que c'est un peu le
reflet de la société québécoise. Et on sait
que...
Une voix: ...
M. Daoust: J'entends ici qu'on me dit: C'est un peu pareil au
gouvernement et c'est un peu pareil de l'autre côté, autour de la
table.
M. Marx: ... de la Justice. Il n'y a pas de sous-ministre ou de
sous-ministre adjoint, enfin on ne peut pas trouver de femme capable.
Mme Marois: ... ça existe partout.
M. Daoust: Oui, vous avez bien raison. LÃ -dessus, on est
d'accord. Comme je vous le disais, c'est un peu à l'image de la
société, inévitablement, partout.
M. le député nous demandait ce qu'on va mettre en oeuvre.
C'est entendu que là où vous retrouvez, dans des comités
de négociation, des femmes, elles vont - c'est tout à fait normal
- insister pour que des actions soient prises, que des revendications soient
faites tenant compte de la présence féminine Ã
l'intérieur de leur milieu de travail ou de l'absence ou de la
sous-représentation, ce qui est le cas à peu près
partout.
à la FTQ, on a un comité de la condition féminine
qui ne cesse d'agir, de provoquer des prises de conscience, de suggérer
et de recommander que des mini-programmes d'action positive, si je peux les
appeler ainsi, soient établis un peu partout dans nos syndicats.
On en est vraiment à la phase de la prise de conscience, de la
conscientisation. On n'est pas rendus et on n'est pas les seuls... Remarquez
que je ne voudrais pas
que certains s'imaginent que c'est à peu près
exclusivement chez nous que c'est comme cela.
M. Bédard: Autrement dit, il se fait du
harcèlement, mais dans le bon sens du mot, de la part des comités
d'action de la condition féminine pour assurer une meilleure
présence.
M. Daoust: C'est-Ã -dire qu'il faut absolument que toute la
structure, Ã tous les niveaux, s'engage dans des actions de
redressement, partout. En tout cas, je sais que c'est une de nos
préoccupations. Je sais que la question que vous nous avez posée,
c'est une de nos préoccupations, faire en sorte qu'aux tables de
négociation, partout, on ait cette prise de conscience, et on l'aura
quand il y aura, évidemment, plus de femmes qui vont militer et qui vont
être agissantes et actives à l'intérieur des
structures.
Je ne vous raconterai pas tout ce qu'on fait parce que cela pourrait
être fastidieux, mais il y a des documents qui sont publiés, il y
a des sessions d'étude. On examine tous les cours de formation. Ce qu'on
veut, pour le gouvernement, c'est que vous examiniez les manuels scolaires et
les cours de formation. On le fait chez nous pour toutes nos publications, tous
nos cours.
M. Marx: Je pense que c'est important que la Législature
s'assure que les programmes de redressement seront faits en partie, qu'au moins
50% des gens qui vont le faire soient des femmes. Que ce ne soit pas quelque
chose imposé ou négocié par les hommes, mais que les
femmes soient impliquées, je pense que c'est très important. Je
suis très heureux de voir que c'est une de vos préoccupations et
j'espère que les femmes syndiquées dans votre
fédération vont mettre beaucoup de pression sur vous et sur tout
le monde.
Une voix: C'est déjà fait.
M. Marx: Au gouvernement, quand on cherche un sous-ministre, il
faut chercher au ministère d'Ãtat à la Condition
féminine. Au ministère de la Justice, il n'y a pas...
M. Bédard: C'est vraiment une idée fixe.
M. Marx: J'insiste...
M. Bédard: à un moment donné, je vais vous
donner...
M. Marx: ... parce que j'ai tellement de femmes étudiantes
en droit.
M. Bédard: ...tous les éléments de
composition de mon cabinet et je pense que vous allez
réfléchir.
M. Marx: C'est parce que j'ai tellement d'étudiantes en
droit qui sont excellentes et je trouve malheureux que le ministre ne puisse
choisir une de celles-là comme sous-ministre adjoint.
M. Bédard: Je ne connais pas toutes vos compagnes de
droit.
M. Marx: On va vous faire la liste.
M. Bédard: Si vous voulez me faire des
représentations...
M. Marx: Je pense qu'il faut commencer...
M. Bédard: ... il y a des manières.
M. Marx: ...par son ministère. Au lieu de changer la
charte, mettre des virgules et des points, qu'il commence par son
ministère.
M. Bédard: Je crois qu'il est beaucoup plus important de
faire des lois qui, justement, reconnaissent l'égalité de la
femme et qui en assurent non seulement la promotion...
M. Marx: On va revenir sur cette question.
M. Bédard: ...mais la pérennité plutôt
que de se consoler avec des compositions parfois artificielles de cabinets ou
de quoi que ce soit.
M. Marx: On va revenir sur cette question lors de l'étude
des crédits. Vous êtes ministre depuis maintenant cinq ans.
M. Bédard: Cela me fera plaisir.
M. Marx: Vous avez eu le temps de trouver une femme comme cadre
supérieur.
En ce qui concerne le harcèlement, c'est une autre question que
j'aimerais vous poser. Vous avez parlé des pratiques patronales relevant
du harcèlement sexuel à l'endroit des travailleuses. J'aimerais
vous demander si vous avez eu beaucoup de plaintes - c'est à la page 10
de votre mémoire - disons des plaintes sérieuses et si vous avez
des recours en vertu de vos conventions collectives, en vertu de la charte ou
en vertu d'autres lois. En d'autres mots, qu'est-ce que vous faites quand vous
avez une plainte sérieuse de harcèlement? (11 h 30)
Mme Pinsonneault (Marie): II y a eu des plaintes de
harcèlement sexuel qui nous ont été apportées. Le
harcèlement sexuel, c'est relativement nouveau. Les gens ont peur. Les
personnes qui sont victimes de harcèlement
sexuel ne sont pas le genre de personnes qui vont aller crier sur tous
les toits qu'elles ont été victimes de harcèlement
sexuel.
D'une part, le mouvement syndical, en tout cas à la FTQ, met
énormément d'emphase sur le fait que lorsqu'il y a du
harcèlement sexuel, le premier recours est de venir voir sa
déléguée syndicale ou son délégué
syndical et, de là , nous allons mettre le processus en marche. Pour ma
part j'ai eu à faire une mission et à travailler avec une
personne victime de harcèlement sexuel et je sais que malheureusement
c'est très difficile à prouver, le harcèlement sexuel.
C'est très difficile. Au départ, lorsqu'on se présente
à la Commission des droits de la personne, la femme qui est victime de
harcèlement sexuel se sent dépourvue de tout moyen et elle se
demande même si la démarche auprès de la Commission des
droits de la personne donnera gain de cause. Ã ce jour, dans les cas de
harcèlement sexuel que nous avons eus - Carole en a eu deux dont elle
pourra discuter - la commission a été d'une illustre
incompétence - je m'excuse d'employer ce terme - dans ces cas de
harcèlement sexuel.
C'est quelque chose que les travailleuses vivent presque quotidiennement
dans certains milieux de travail où il n'y a à peu près
aucun recours pour les femmes dans le domaine du harcèlement sexuel.
M. Marx: Je veux juste poser une autre question dans ce sens. Il
faut prouver qu'il y a eu harcèlement. On ne peut pas juste prendre la
parole de la travailleuse qui a dit qu'elle a été
harcelée. Cela peut être vrai ou pas vrai. Comment peut-on prouver
le harcèlement d'après vous? Est-ce qu'il y a des
éléments? Supposons qu'on dépose une plainte à la
Commission des droits de la personne, elle va faire enquête. S'il n'y a
pas de faits qui donnent certaines indications qu'il y a harcèlement, la
commission ne peut rien faire et je trouve que c'est compréhensible.
Mme Gingras-Larivière (Carole): C'est peut-être
justement le fait qu'au niveau de la charte, il n'y a rien en tant que tel qui
se rapporte directement au harcèlement sexuel. On ne le définit
pas, on dit tout simplement: C'est de la discrimination par rapport au sexe.
Or, les cas que nous avons eus au niveau de la FTQ, sont ceux de femmes qui
sont soutenues au niveau de leur syndicat, qui sont allées rapporter ce
qu'elles ont vécu et elles avaient effectivement l'appui de leur
syndicat, par exemple.
Ce que l'on a fait, on s'est assis avec elles, on a regardé ce
qu'elles avaient vécu et là , elles nous expliquent de A Ã
Z ce qui se passe. à ce moment-là , ce que nous faisons, c'est
qu'on accompagne ces filles-là à la commission et c'est lÃ
qu'on discute et c'est là qu'encore une fois on reprend ce qui s'est
passé, ce qu'elles ont vécu. Ce que moi je pense au niveau du
harcèlement, c'est qu'à partir du moment où une femme, une
handicapée ou peu importe, va au travail et se sent mal dans sa peau, a
de la difficulté à vivre son temps au travail parce que soit par
des gestes, par des paroles - ce n'est pas nécessairement par des
propositions directes - mais à partir du moment où tu te sens mal
dans ta peau parce qu'il y a des gens qui te font la vie dure par rapport
à ton corps, je regrette, mais j'appelle ça du harcèlement
sexuel. Et, en 1981, les gens qui vivent ça, qui ne sont plus capables
d'aller gagner leur vie à cause de ça, je pense qu'au niveau de
la commission on n'a pas à faire des scènes, on n'a pas Ã
épiloguer durant des heures sur le fait que ce sont des cas de
harcèlement sexuel.
Malheureusement, actuellement, il faut prouver, parce que des cas de
harcèlement sexuel, on ne peut pas dire que ce sont des cas flagrants
dans tous les cas. Vous avez des cas, par exemple, où ce sont des gestes
spontanés, des gestes non consécutifs et qui finissent par des
congédiements de femmes et par des mises à pied. En tout cas, il
y a différentes solutions que les employeurs prennent et, finalement,
ces gens se retrouvent sans travail. Souvent c'est camouflé, c'est
ça que je veux dire. Si au niveau de la charte on définissait ce
qu'est le harcèlement et qu'on prenait des mesures correctives Ã
cela, cela nous aiderait grandement.
M. Marx: C'est ça. Tout le monde est d'accord qu'il y a un
problème; je ne veux pas engager le ministre, mais je pense qu'il a
donné l'indication qu'il va étudier ce problème d'une
façon sérieuse et qu'on va essayer d'apporter des corrections
dans la charte ou ailleurs. Supposons qu'on mette dans la charte que le
harcèlement est interdit et supposons qu'on définisse même
le harcèlement, comment cela va-t-il avancer votre cause? Parce qu'il y
a toujours la preuve. Voyez-vous, malheureusement, c'est ça, il faut
faire la preuve, sauf si on a un aveu du patron qui dit: Oui, je l'ai fait et
je vais le faire encore. Voilà , on a la preuve, mais cela va arriver
rarement qu'on trouve des gens aussi honnêtes.
Mme Gingras-Larivière: On a vécu dans notre
syndicat le cas de harcèlement sexuel. Il n'y avait pas seulement une
personne, une femme qui avait été harcelée, mais plusieurs
femmes à l'intérieur d'une usine, à Aylmer, et lorsque la
compagnie a eu vent qu'on était pour se présenter devant la
Commission des droits de la personne, le "boss" en question a été
transféré à Atlanta. Dans le cas de harcèlement
sexuel, ce qui arrive, c'est que les patrons se servent de leur autorité
pour menacer, intimider, écoeurer
même les femmes au point où elles vont démissionner
d'elles-mêmes ou elles sont congédiées. Et cela a un impact
socio-économique sur la femme au niveau de son régime de
retraite, au niveau de ses avantages sociaux et ainsi de suite. Il est
important que dans la charte le harcèlement sexuel soit clairement
défini de façon que ce soit beaucoup plus facilement prouvable
lorsqu'il y a des causes ou des problèmes qui nous sont apportés
de femmes qui sont victimes de harcèlement sexuel.
M. Marx: D'accord.
Le Président (M. Desbiens): Mme la députée
de La Peltrie.
Mme Marois: Merci, M. le Président. Je vais essayer de
faire un certain nombre de commentaires et de poser des questions. Si vous
voulez prendre des notes, vous avez du papier. Hier, on s'est plaint qu'on ne
vous donnait pas de papier semble-t-il. Je vais peut-être être un
petit peu dure aussi, mais je pense que vous êtes capables d'en prendre,
vous êtes capables de réagir, de toute façon. La
première réflexion qui me vient, c'est: Est-ce que c'est la poule
qui vient avant l'oeuf ou l'oeuf qui vient avant la poule? Je suis d'accord et
je pense que, s'il y avait la possibilité de syndicalisation
générale au Québec ou si elle était davantage
facilitée, ce que vous proposez deviendrait beaucoup plus facile. Vous
nous dites, en même temps, cependant: Ceci n'existant pas, il reste que
les groupes qui sont déjà syndiqués de par leurs
négociations ont des effets d'entraînement. Oui, je pense qu'on
l'a constaté, ils en ont, sauf que dans le cas de l'action positive,
jusqu'Ã maintenant en tout cas, vous ne m'avez pas convaincue et moi,
j'ai de grandes craintes que l'effet d'entraînement ne soit pas
particulièrement important dans ce cas.
Le député de D'Arcy McGee reprenait une des questions que
j'avais posées hier à la CSN en disant: Comme les femmes - je
veux parler particulièrement des femmes - sont le groupe
discriminé de façon systémique en général
dans le monde du travail et que là où on voudrait que les femmes
le soient de moins en moins, c'est dans des secteurs où justement des
hommes sont majoritaires si non présents à 100% si on veut - vous
le dites vous-mêmes - on espère que les femmes étant
présentes dans les unités de négociation vont faire valoir
ces points. Mais qu'est-ce qui va arriver là où il n'y a que des
hommes dans les unités syndicales lorsqu'on veut négocier?
Une autre remarque d'un des collègues, hier, avait
été de dire: Pour changer les comportements, la meilleure
façon, c'est de changer les règles. Il faudrait peut-être
penser à changer les règles. Je suis d'accord qu'il y a des
évolutions de mentalités à respecter, mais il y en a qu'il
faut provoquer aussi parce qu'on se rend compte que les gestes, qu'ils soient
législatifs ou autres, n'ont pas d'effet, qu'ils soient même
syndicaux, ces gestes. Je vais quand même le dire avec le sourire, mais
une chose qui m'a quand même étonnée, c'est que vous
êtes jusqu'ici la seule centrale qui a prôné la mise en
oeuvre de programmes d'accès à l'égalité ou de
redressement de façon volontaire, un peu comme l'ont fait le Conseil du
patronat et la Chambre de commerce du Québec. Je me pose un certain
nombre de questions. M. Daoust disait: II faut arrêter de se culpabiliser
et se dire: C'est cela, la réalité. Ce n'est pas bien drôle
et c'est bien plate. C'est vrai, sauf que, si la culpabilité ne
génère pas d'action, effectivement, elle ne devient que
masochiste. Pour moi, la culpabilité est la reconnaissance d'une
égalité et dans le cas présent - je pense qu'on l'a
prouvé - vous êtes d'accord avec nous là -dessus, cela ne
fait pas de doute. Il y a discrimination et elle est même basée
sur le système. Pour moi, cela doit générer de l'action et
une action qui est plus agressive, si on veut, que de dire essentiellement: Un
jour ou l'autre, on verra bien, cela se négociera, laissez-nous le
temps. Le temps passé jusqu'à maintenant n'a pas donné les
résultats qu'on escomptait.
Quand vous donnez aux syndicats un rôle de maître d'oeuvre,
je suis tout à fait d'accord qu'il y ait des consultations, des ententes
et des négociations là où il y a un syndicat. Je pense que
c'est essentiel, sinon on sait fort bien qu'on risque d'aller Ã
l'échec. Encore là , dans les entreprises où il n'y a pas
de syndicat et où il y a une discrimination systémique,
qu'arrive-t-il? Là -dessus, ce n'est pas très clair. Vous dites
qu'il y a un effet d'entraînement, mais jusqu'à maintenant ce
n'est pas vrai partout. Même là où il y a un syndicat, la
discrimination s'exerce à l'embauche, lors d'une mise à pied,
lorsque le syndicat n'a pas de contrôle. Qu'arrive-t-il? Quels sont les
mécanismes?
Vous faites mention, dans votre document à la page 7, des
problèmes à l'extérieur du monde du travail, entre autres
l'accès à l'éducation, l'accès au logement et aux
services publics. Est-ce que là on attend aussi du volontariat?
Attend-on une forme d'obligation? La forme d'obligation qui est proposée
par la commission n'est pas une obligation, de la façon dont je l'ai
comprise, qui ferait en sorte que, demain matin, des programmes d'accès
à l'égalité seraient obligatoires dans l'ensemble des
entreprises du Québec, quelles soient publiques, parapubliques ou
privées, mais ils seraient, entre autres, implantés, soit sur
preuve de discrimination, et, là , avec une notion d'obligation, soit
lorsqu'il y a contrat avec le
gouvernement, et il y a d'autres formules qui sont proposées.
Cela fait un peu le tour d'un certain nombre de questions que je voulais
vous poser à ce sujet. Je vais cependant revenir avec un exemple qui
m'agace un peu et peut-être aurez-vous des explications à me
donner. Il y a une expérience derrière vous vécue par la
FTQ et c'est à la Baie-James. C'est la fameuse convention de la
Baie-James et les règlements de l'Office de la construction du
Québec qui prévoient tous les deux que, dans la région
visée, on va accorder la préférence à un Indien sur
toute personne au niveau de l'emploi. Or, d'après ce que je sais - mon
jugement peut être erroné, vous me le direz - il y aurait
actuellement seulement une cinquantaine d'Indiens qui travailleraient sur les
chantiers de la Baie-James et la plupart, si ce n'est la majorité, sont
engagés par la Cri Construction Company, c'est-à -dire par une
compagnie autochtone elle-même. Pourtant, la FTQ est là . Est-ce
que cela n'aurait pas été une bonne occasion de faire de l'action
positive ou du redressement progressif?
M. Daoust: Je vais commencer par votre dernière question.
La FTQ est là , mais la SEBJ est là aussi. La SEBJ, c'est
près de vous. La SEBJ, la Société d'énergie de la
Baie James, Hydro-Québec, le gouvernement du Québec ont tout de
même des apparentements. Vous dites: La FTQ, dans des programmes d'action
positive, n'aurait-elle pas dû à la Baie-James faire en sorte
qu'il y ait plus d'autochtones? Que je sache, la FTQ n'a pas de pouvoirs
d'embauchage. Elle n'est pas l'employeur. Elle se débat comme un diable
dans l'eau bénite à la Baie-James. On a passé notre temps
à soulever les cas de discrimination à l'égard des
travailleurs blancs ou amérindiens, à l'égard des femmes
et à l'égard de tout ce qui s'y passe. On a
présenté mémoire après mémoire. On a vu
gouvernement après gouvernement au plus haut niveau, du premier
ministre, en passant par tous les ministres responsables d'Hydro-Québec,
ils ont tous reçu de la même façon, en faisant peu de
redressements, des situations comme celle-là . Vous nous avez
parlé d'un langage qu'on doit avoir entre nous, sans identifier, de
cette façon que je n'aime pas; je voulais vous souligner que vous vous
trompez de cible. (11 h 45)
Quand M. Bourbeau est venu, le nouveau président
d'Hydro-Québec, vous auriez dû, vous-même, ou
déléguer un ou une de vos collègues, lui poser toutes ces
questions à l'égard de la discrimination à la Baie-James,
de toute nature, entre parenthèses. On vit dans une
société élitiste, et vous y participez quelque peu,
puisque vous êtes le gouvernement et que vous laissez de telles choses se
produire. Les cadres peuvent y venir avec leur femme et leurs enfants. Les
travailleurs vivent dans des boîtes où la promiscuité est
la règle. Je suis allé coucher dans ces trucs parce que je
n'avais pas le choix. On a toujours demandé que ces travailleurs aient
les mêmes droits que les cadres, qu'ils aient le droit, de temps Ã
autre, de voir leur femme afin de ne pas avoir d'attrait pour autre chose.
Mme Marois: Je m'excuse, M. Daoust, je suis très
consciente de toute cette réalité et cette problématique.
D'ailleurs, vous pourriez me donner des exemples...
M. Daoust: C'est parce que vous avez montré une
espèce...
Mme Marois: Vous pourriez me donner des exemples dont je suis
pleinement consciente, et à pleines pages.
M. Daoust: Non, mais ne vous trompez pas de cible.
Mme Marois: Vous répondez en partie à la question
que je vous posais, mais, en même temps, vous dites: On n'était
pas là ...
M. Daoust: Je reviens à toutes vos questions.
Mme Marois: Je vais attendre le reste. Mais vous me dites: On
n'est pas là à l'embauche. Je ne dis pas que les entreprises
gouvernementales sont beaucoup mieux que les entreprises privées, mais,
parfois, elles font plus d'efforts. Dans la fonction publique, on l'a vu par
les programmes d'égalité en emploi.
M. Daoust: ... Ã la Baie-James.
Mme Marois: Vous répondez vous-même à la
question en disant: Nous ne sommes pas à l'embauche, donc, nous n'avons
pas notre mot à dire. à ce moment-là , si on laisse les
programmes d'action positive sur une base volontaire et essentiellement
là où il y a un syndicat avec possibilité de
négociation, si vous n'êtes pas présent là ,
qu'est-ce qui arrive?
M. Daoust: Je vois que vous parlez évidemment des droits
de gérance, les droits d'embauche. C'est entendu que c'est un
problème dans l'établissement des programmes d'action
positive.
Quant à la Baie-James, on a fait un peu le tour. Je tiens
à vous répéter que c'est flagrant comme milieu, comme
endroit de discrimination, sur tous les plans. Encore une fois, c'est la SEBJ
et un grand nombre d'entrepreneurs, ça ne touche pas toujours des
problèmes d'action positive, mais il y a
différents types de discrimination. Mais passons.
Je n'ai pas oublié votre question, parce qu'elle me semble
fondamentale. Ce que j'ai dit au tout début, c'est que c'est bien
beau d'être généreux et de vouloir imposer des programmes
d'action positive, mais il y a beaucoup de préalables.
C'est moi qui vais vous renvoyer quelque peu la balle, quitte Ã
répéter ce que j'ai mentionné au début. Quand le
gouvernement du Québec, ce gouvernement, qui est tout de même
là depuis plus que quelques mois, dévoilera-t-il son projet de
politique de main-d'oeuvre qu'on ne cesse de réclamer à cor et
à cri partout? On en connaît les faiblesses, sans aucun doute:
deux gouvernements, et le reste, et le reste. Mais le peu qu'on a, il me semble
qu'on pourrait tout mettre ça ensemble, toutes ces pièces
détachées, et se donner une politique de main-d'oeuvre. Il y a
des fonctionnaires, à gauche et à droite, qui ont
travaillé pendant des mois sinon des années là -dessus. Il
y a des livres blancs et des livres de toutes les couleurs qui
s'empoussièrent dans les officines gouvernementales. Mais on tarde
encore à avoir un projet d'une politique de main-d'oeuvre.
C'est dans cette immense politique -enfin, cette politique de
main-d'oeuvre ne pourra pas être immense puisqu'il va nous en manquer un
morceau - qu'il y a beaucoup de choses qu'on devrait faire
inévitablement. Arriver au bout de toute cette opération et dire:
II y a des programmes d'action positive, on a une Commission des droits de la
personne, demain matin, on va gonfler le personnel et on part en guerre,
partout on va imposer des programmes d'action positive. Moi, je dis que, s'il
n'y a pas une préparation préalable... Entre parenthèses,
je suis conscient qu'on a un tas de gens, ici et ailleurs, qui ne sont pas de
notre avis et je trouve ça drôle que vous m'en fassiez quasiment
un reproche; vous dites: La CSN, la CEQ, elles sont allées dans le
sens...
Mme Marois: Ce n'était pas un reproche que je faisais, ce
n'était pas un reproche, c'était un constat.
M. Daoust: Mais c'est un constat qui est fait de façon un
peu sarcastique...
Mme Marois: Tendancieuse.
M. Daoust: Et peut-être tendancieuse. Vous disiez: La FTQ,
vous voilà avec le Conseil du patronat, quelle horreur.
Mme Marois: Je n'ai pas conclu comme ça cependant.
J'espère!
M. Daoust: Mais moi, c'est un peu comme ça que je vous ai
entendue.
Mme Marois: J'ai dit que vous étiez capable de vous
défendre.
M. Daoust: Vous avez dit que vous étiez quelque peu
attristée, ou je ne sais plus dans quels mots vous l'avez dit, Mme
Marois.
Mme Marois: Cela m'agace.
M. Daoust: Cela vous agaçait de voir que, d'un
côté, il y a la CSN; d'un côté, il y a la CEQ qui ont
découvert une espèce de lumière et elles sont en faveur de
ça, et il y a la FTQ qui se rapproche du Conseil du patronat.
Ãcoutez, on n'a pas de fréquentations plus qu'il ne le faut avec
elles, on nous accuse même d'en avoir plus qu'il ne le faut avec vous
plutôt, qu'avec le Conseil du patronat.
Mme Marois: Remarquez qu'ils ne sont pas tout seuls Ã
défendre ces positions, la plupart des groupes de femmes, la
majorité, si ce n'est la totalité, se sont prononcées en
faveur.
M. Daoust: Ce que je veux vous dire...
M. Bédard: Ãcoutez, on n'est quand même pas
ici pour se culpabiliser de part et d'autre. Chacun ayant admis qu'il y a des
situations discriminantes et chacun exprimant sa bonne foi pour essayer de les
corriger, je pense qu'il n'y a personne qui puisse présenter patte
blanche, que ce soit le gouvernement, les syndicats ou quelque groupe que ce
soit au niveau social, et je pense que vous l'avez souligné Ã
juste titre, M. Daoust.
Je dois vous dire aussi que, concernant le problème des
programmes à implanter dans des milieux non syndiqués, je crois
qu'on peut dire, jusqu'Ã maintenant, qu'il n'y a pas tellement de
groupes qui ont trouvé des solutions plus éclairantes que celles
que vous nous avez proposées, à savoir qu'il y a des effets
d'entraînement, si on commence au moins par les milieux syndiqués,
etc. Mais je pense qu'au niveau gouvernemental, comme au niveau de chacun des
organismes, on n'a pas avancé de solutions tellement claires que tout le
monde est d'accord pour dire que ça ne peut être que la seule
solution à aborder. Dans ce sens, je pense que vous n'avez pas de
culpabilité à vous faire de quelque manière que ce
soit.
M. Daoust: Je vous remercie, mais, juste pour terminer, on
revient donc à ces espèces de politiques de main-d'oeuvre et
à un tas de jalons qu'il faut poser dans notre société.
Vous êtes responsable de la condition féminine, on a parlé
de garderies, on a parlé de congés de maternité - vous me
parlez des effets d'entraînement - ce que nous avons
négocié dans les secteurs public et parapublic. On
souhaite qu'il y ait des effets d'entraînement, j'en ai parlé un
peu plus tôt et vous êtes placée à un endroit
stratégique qui vous permettra, sans aucun doute, de donner suite
à des politiques qui vont permettre aux femmes, entre autres - parce
qu'il ne s'agit pas de tous les groupes -d'être plus présentes sur
le marché du travail.
Mais, encore une fois, je ne peux pas répondre à toutes
vos questions, il y a tout de même l'élément temps. C'est
entendu qu'il y a des syndicats majoritairement et exclusivement
composés d'hommes; c'est entendu qu'on n'a pas accès Ã
l'embauche; en dépit du fait qu'on souhaiterait que le taux de
syndicalisation soit plus élevé, ce n'est pas pour demain qu'on
aura accès à l'embauche, mais peut-être que le fond de
notre position, c'est quand les parties, le Conseil du patronat au
Québec, la FTQ et les autres centrales aussi, se retrouveront dans des
organismes que votre gouvernement pourra mettre sur pied - et qu'on souhaite de
part et d'autre, quant à nous et au Conseil du patronat - Ã
l'égard de politiques de main-d'oeuvre on essaie d'assimiler et
d'apprivoiser ces modèles d'un peu partout -quand on se retrouvera
à des endroits comme ça où on sera plus que des gens
consultés, mais qu'on participera un peu aux décisions,
peut-être qu'il y a un tas de ces phénomènes qu'on pourra
tenter de corriger. C'est un peu le modèle suédois qu'on propose;
ce n'est peut-être pas l'exclusif modèle valable, mais c'est un
peu ce modèle. Encore une fois, c'est entendu qu'on ne peut pas tout
corriger; là où il y a des hommes massivement, il va falloir
jouer des coudes, et tous ensemble. C'est un problème de
société et on ne peut pas le surmonter à moins d'une prise
de conscience collective.
Je vais terminer en disant que ce ne sont pas toujours les lois. Prenez
la Loi sur les normes du travail, c'est très bien, très
généreux. Un gouvernement - je pense qu'on était d'accord
là -dessus - adopte une loi contenant un tas de dispositions sauf que,
dans la réalité, allez voir les gens qui travaillent et qui sont
exploités par des employeurs, qui travaillent pour des entreprises
où on essaie par tous les moyens de ne pas respecter la loi du salaire
minimum. Ils vont vous en parler longtemps de la loi.
Mme Marois: Vous devez quand même convenir qu'il y a eu un
pas important de fait et que cette loi a provoqué des
améliorations importantes auprès des travailleurs et des
travailleuses du Québec. Je comprends qu'elle n'est pas parfaite...
M. Daoust: C'est entendu, mais...
Mme Marois: ...qu'il y a des problèmes d'application et
qu'il y a des problèmes de vérification. J'en conviens et, comme
disait mon collègue, on ne peut pas avoir patte blanche personne
là -dedans. Mais il reste que cet effort était quand même
intéressant. Il ne faut pas non plus le minimiser et dire que ce
n'était rien.
M. Daoust: Non, je ne le minimise pas. Mais je vous jure que pour
un travailleur, c'est bien plus intéressant d'avoir un syndicat qui
puisse parler en son nom que d'avoir un texte de loi ou des parlementaires qui
vont voter en son nom. Quand on est impliqué dans une action syndicale,
qu'on se sent sur un pied d'égalité avec son employeur, il me
semble que c'est cela qu'on souhaite et qu'on veut. Quant à nous, il
nous tarde de voir un gouvernement qui va accueillir nos propositions
là -dessus, mais on ne désespère pas.
Mme Marois: Je vais me permettre un dernier commentaire.
Ãcoutez! Le modèle suédois, je le trouve extraordinaire,
sauf qu'effectivement, vous l'avez vous-même reconnu, il y a un taux de
syndicalisation qui est passablement plus élevé que celui qu'on
connaît. Je conviens avec vous qu'il y a sûrement des
améliorations à apporter de ce côté-là .
J'imagine que mon collègue, le ministre du Travail, de la Main-d'Oeuvre
et de la Sécurité du revenu, s'y est arrêté et s'y
arrête encore.
Quand vous parlez aussi de la faiblesse des politiques de main-d'oeuvre,
je ne vous en fais pas le reproche. Ãvidemment, je me suis aussi
beaucoup documentée sur les programmes d'accès Ã
l'égalité ou d'action positive. Entre autres, un des grands
éléments nécessaires à la mise en place - ce sera
peut-être par mode sectoriel, à ce moment-là , ou par mode
régional - c'est justement une analyse des bassins de main-d'oeuvre et
le développement de grandes politiques de main-d'oeuvre, sans quoi les
programmes d'accès à l'égalité ou de redressement
progressif risquent d'être biaisés et d'être faux. C'est
donc un outil qui, en plus, peut provoquer une mise en place ou une recherche
un peu plus importante de ce côté-là .
D'autre part, vous parliez de congés de maternité et de
garderies. Si on regarde aussi dans les programmes d'accès Ã
l'égalité, ce sont, entre autres, en ce qui concerne les femmes,
évidemment - je ne parle pas ici des autres clientèles qui
peuvent être visées par ce genre de programme - des
éléments des programmes d'accès Ã
l'égalité qui doivent être contenus dans des programmes
d'accès à l'égalité. L'accès Ã
l'égalité, ce n'est pas juste et essentiellement l'embauche ou la
promotion. C'est beaucoup plus large, beaucoup plus
vaste, et cela comprend, entre autres, des politiques de main-d'oeuvre,
des politiques relativement aux congés parentaux ou aux congés de
maternité, des politiques relativement aux garderies et un ensemble
d'autres mesures qui ont trait, cependant, aussi, Ã la formation
professionnelle. Vous insistez beaucoup là -dessus. Je ne peux être
que d'accord essentiellement sur ce que vous soulevez. On le sait. Il y a des
groupes de femmes qui en ont fait la démonstration ici comme personne
d'entre nous ne pourra le faire à cette table. Je peux seulement
être d'accord avec vous.
Je reviens essentiellement à mon premier commentaire. Qu'est-ce
qui vient avant l'autre? Qu'est-ce qui est plus fondamental, plus
important?
Mme Gingras-Larivière: J'aimerais, en tout cas, vous
répondre peut-être en partie. Je pense que vous vous retrouvez au
même point où on s'est retrouvé dernièrement au
niveau de la condition féminine à la FTQ. C'est-à -dire
qu'on a eu des positions de congrès, on a eu de belles idéologies
-garderies, avortement, en tout cas, un tas de points - sauf que les femmes
nous ont dit: Un instant! On n'est pas rendues là . On a des
idéologies, mais les femmes ne sont pas là . Par exemple, dans les
comités de négociation - je ne les citerai pas tous - les femmes
ne sont pas là . Il y a un bout qui manque et, pour ma part, ce n'est pas
la loi qui va nécessairement combler ou solutionner ce bout-là .
Je pense que c'est dans l'action -vous l'avez dit tantôt, Mme Marois -
qu'on va aller chercher les femmes et c'est le rôle qu'a un comité
de la condition féminine dans une centrale. Ce ne sont pas seulement les
femmes au niveau de la centrale, mais aussi les femmes qui sont soit Ã
la maison, soit dans un milieu de travail non syndiqué. Cela rejoint une
loi favorisant l'accès à la syndicalisation. (12 heures)
M. Daoust parlait tantôt de la Loi sur les normes minimales de
travail. Bien sûr qu'il y a une loi, bien sûr qu'il y en a qui s'en
servent, mais jusqu'Ã quel point les gens l'utilisent-ils ou la
connaissent-ils? Permettez-moi de mettre en doute cet aspect. Moi, je vous dis
en tout cas qu'on va faire le bout d'aller conscientiser les femmes, d'aller
les chercher. Cela ne se fait pas, comme vous l'avez dit, du jour au lendemain.
Donnez-nous le temps de faire cela, on ne vous dit pas qu'on va résoudre
le problème de A à Z, mais on vous dit: Donnez-nous le temps de
faire cela, sauf qu'à un moment donné, on va entrer au niveau de
la loi et on sera plus prêt. Présentement, les femmes de la FTQ et
les hommes de la FTQ, parce que je dois vous rappeler que la position de la
FTQ, c'est en congrès qu'elle a été votée et c'est
aussi au niveau du colloque de la condition féminine, c'est une position
de congrès et je veux dire que ce n'est pas Fernand Daoust qui pense et
parle, c'est la FTQ, et, pour ma part, en tout cas, c'est vrai...
Mme Marois: J'avais compris cela aussi. Je suis très
sensible à ce que vous dites, parce que effectivement je vis la
même chose comme ministre d'Ãtat à la Condition
féminine, je suis très consciente de cela. La seule chose que je
me dis c'est: Là où il y a preuve de discrimination
systémique, peut-être qu'on pourrait être un petit peu plus
agressif. Je termine.
Le Président (M. Desbiens): Mme la députée
de Chomedey.
Mme Bacon: Ãtant la quatrième à intervenir,
je vais essayer d'être très brève, M. le Président.
Deux points retiennent mon attention parmi tant d'autres. Ã la page 9 de
votre mémoire, vous parlez d'évaluation au mérite et
demandez de biffer de l'article 19 ce terme "évaluation au
mérite". Est-ce que votre centrale a fait des travaux en ce sens,
à savoir que la main-d'oeuvre féminine est davantage
touchée par rapport à la main-d'oeuvre masculine? Est-ce que,
pour vous, cela vous semble plus discriminatoire envers les femmes qu'envers
les hommes? Est-ce qu'il y a eu des travaux qui ont été faits
à ce sujet-là ?
M. Daoust: Je ne pense pas qu'on ait des données
précises dans ce domaine. Je pense que je ne suis pas en mesure de vous
répondre bien adéquatement, parce que les études que j'ai
vues ne vont ni dans un sens ni dans un autre. On n'a pas examiné de
très près cette piste. On sait que l'évaluation au
mérite, les femmes en sont victimes, parce que c'est terriblement
subjectif et c'est inévitable - je pense bien que la recherche le
prouvait - que les femmes en soient plus victimes que les hommes, Ã
cause des stéréotypes, des préjugés, en fait
à cause de tout un ensemble de la réalité qui est celle du
marché du travail, de telle sorte et à cause du fait que, dans la
plupart des cas, ceux qui procèdent à l'évaluation au
mérite sont des hommes. Il y a toutes sortes de facteurs qui jouent
quand on tient compte de celui-ci, de ce facteur, dans l'évaluation
d'une personne.
Mme Bacon: à la page 10, sur le harcèlement sexuel,
on en a parlé beaucoup tout à l'heure avec mon collègue de
D'Arcy McGee, mais j'aimerais y revenir, peut-être parce que vous
recommandez qu'un employeur puisse être tenu responsable par les actes de
harcèlement qui proviennent de supérieurs ou qui proviennent de
collègues de
travail. On a tantôt discuté longuement sur le fait que
faire la preuve n'est pas facile, qu'il y a même des travailleuses qui
ont de la difficulté à aller jusqu'au bout, je pense bien, de
leur recours en justice. Il y a toujours cette crainte de procéder pour
certaines travailleuses, même si elles peuvent avoir pleinement confiance
en leur agent syndical et que le syndicat s'implique. Il y a tellement
d'endroits encore qui ne sont pas syndiqués et où ce n'est pas
facile pour elles d'aller directement à la Commission des droits de la
personne. Est-ce que vous maintenez que le patron est responsable - je suis
d'accord avec vous qu'il est responsable - de tout ce qui se passe dans son
industrie ou son commerce, mais, encore une fois, comment peut-on y arriver,
arriver à le tenir responsable quand c'est si difficile de faire la
preuve et d'aller jusqu'au bout en faisant cette preuve? Est-ce que vous avez
des suggestions ou est-ce que vous avez poussé davantage?
M. Daoust: C'est-Ã -dire que, dans le document, on dit bien
qu'il peut être tenu responsable, si, après avis, il
néglige de remédier à la situation ou de redresser
celle-ci. Ce qu'on privilégie évidemment - pour ce qui est de la
charte on souhaite bien que ce soit expressément interdit - c'est de
plus en plus, des articles de convention collective de travail sur le
harcèlement sexuel. Cela aussi, c'est relativement nouveau, comme on l'a
dit. Il y a vraiment peu de syndicats, les recensements que nous avons faits
nous indiquent que c'est vraiment la minorité des syndicats qui ont des
articles sur le harcèlement sexuel, parce que c'est très nouveau
et que les préoccupations ne s'étaient pas manifestées
ouvertement, bien qu'il existe depuis toujours. De plus en plus, les
différents comités de condition féminine que nous avons
à la FTQ insistent pour qu'au moment des négociations les
employeurs reconnaissent le problème et négocient des
dispositions dans la convention collective de travail. Je sais qu'il y a des
modèles. On fait circuler des projets à tous nos syndicats pour
que ceux-ci puissent les négocier au moment opportun avec les
employeurs, mais on en est au début.
Pour ce qui est du type de responsabilité, je reviens
à ce que je mentionnais: Quand il y a vraiment négligence de
remédier à la situation, c'est l'employeur, comme employeur,
comme gestionnaire d'une entreprise, qui doit subir les contrecoups de
pratiques de harcèlement sexuel.
Le Président (M. Desbiens): M. le ministre, en
concluant.
M. Bédard: M. le Président, je pense que tous les
membres de la commission ont été à même de constater
que votre approche était motivée par une philosophie très
claire et motivée aussi par l'espoir d'une amélioration globale,
qu'on parle de syndicalisation, de politique de main-d'oeuvre ou de
conscientisation plus grande de l'ensemble de la population concernant les
situations discriminantes.
Je tiens à remercier M. le secrétaire
général de la FTQ, de même que ceux qui l'accompagnent pour
leurs représentations devant cette commission. Je crois vraiment
être le porte-parole unanime des membres de cette commission en vous
disant que vous y avez suscité une discussion positive, constructive et
très importante pour la continuation des travaux de cette
commission.
M. Daoust: Merci beaucoup.
Le Président (M. Desbiens): Nous vous remercions de votre
participation.
J'inviterais maintenant la Fédération de l'âge d'or
du Québec à s'approcher, s'il vous plaît.
Les représentants de la Fédération de l'âge
d'or du Québec, s'il vous plaît.
M. Bédard: M. le Président, on pourrait
peut-être passer à un autre mémoire.
Le Président (M. Desbiens): Nous allons suspendre pour
quelques secondes.
(Suspension de la séance à 12 h 09)
(Reprise de la séance à 12 h 18)
Le Président (M. Desbiens): La commission élue
permanente de la justice reprend ses travaux. Nous entendrons le mémoire
présenté par M. Henri Lafrance. M. Lafrance, si vous voulez en
même temps nous présenter celui qui vous accompagne.
MM. Henri Lafrance et Don Forbes
M. Lafrance (Henri): Bonjour. Je vais vous présenter M.
Don Forbes, qui a signé avec moi le mémoire que je vous
présente ce matin, qui a eu l'honneur de se faire refuser sa candidature
à la Commission des écoles catholiques de Québec parce
qu'il n'était pas assez catholique d'après les commissaires
sortants, tout comme moi d'ailleurs.
M. le Président, mesdames et messieurs, je vais vous lire mon
mémoire. Aux élections scolaires de juin 1976, M. Daniel Doran,
un commissaire nommé en remplacement d'un commissaire élu, devant
aller en élection, vit sa candidature refusée par la Commission
des écoles catholiques de Québec parce qu'il ne professait pas
la
religion catholique romaine. Aux élections scolaires de juin
1980, cinq candidatures furent refusées par la même commission
scolaire, parce que les personnes concernées ne professaient et/ou ne
pratiquaient pas ladite religion. Aux élections scolaires de juin 1981,
sept candidatures furent refusées pour les mêmes raisons. Les
candidats refusés avaient pourtant été jugés
suffisamment catholiques pour payer des taxes et voter à la CECQ. Il est
inadmissible que, dans un pays démocratique ayant signé la
déclaration universelle des droits de l'homme, une telle situation
puisse se produire au mépris de la plus élémentaire
liberté de conscience et de religion.
Vu l'importance du principe de la liberté de religion, sur ce
point précis, la Charte des droits et libertés de la personne
devrait avoir préséance sur toute loi ou règlement
même antérieur à l'adoption de la charte.
La Commission des droits de la personne devrait avoir les pouvoirs
nécessaires pour intervenir efficacement contre toute discrimination
religieuse.
Avant l'adoption des lois 22 et 101, les non-catholiques pouvaient
envoyer leurs enfants dans les écoles anglo-protestantes plus ouvertes
au pluralisme, donc plus respectueuses des droits fondamentaux, mais ce n'est
plus possible maintenant. La loi 101 aurait-elle pour but d'imposer la foi et
la pratique du catholicisme romain?
Nous espérons que les auteurs de la loi 101, c'est-à -dire
l'Assemblée nationale, n'avaient pas de telles visées et qu'ils
s'empresseront de garantir la liberté de conscience et de religion dans
les structures scolaires comme dans les autres secteurs.
Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.
M. Bédard: M. le Président, je remercie les deux
intervenants d'avoir décrit à l'attention de la commission une
situation très bien explicitée dans leur mémoire. Sans
doute que les membres en prendront considération. Avez-vous des
suggestions précises à faire concernant la formulation de
l'article 20? On voit qu'Ã l'article 3 toute personne est titulaire des
libertés fondamentales, telles la liberté de conscience, la
liberté de religion, la liberté d'opinions, la liberté
d'expression, etc.
M. Lafrance: Dans la charte, c'est un principe, mais c'est un
principe qui n'a aucune implication concrète. C'est un voeu pieux qu'on
exprime dans l'article 3 de la charte, parce qu'on ne le fait pas respecter
dans les écoles, entre autres, dans les commissions scolaires.
M. Bédard: Je m'excuse, mais je vous inviterais Ã
lire tous les articles de la charte. Nous sommes conscients de ce qui est
énoncé à l'article 3. Vous l'avez mentionné. La
portée en est amenuisée, diminuée par les distinctions
dont on fait état à l'article 20 de la charte.
M. Forbes (Don): L'article 41 engage les commissions scolaires
à avoir des cours d'enseignement moral pour tous ceux qui sont
dissidents, mais dans l'application, cela ne se fait pas ainsi, il faut
vraiment se battre avec les commissions scolaires qui vont proposer du
"bussing" comme à L'Ancienne-Lorrette. à Beauport, il y a deux
cours de morale pour trois de religion. Où est l'exemption effective
là -dedans? La Charte de la Commission des écoles catholiques de
Québec date d'avant la constitution. Cela s'appliquait peut-être
dans le temps, mais leur charte dit que ce devait être des commissaires
catholiques, professant la religion catholique. Cela ne colle plus maintenant
vraiment à la réalité démocratique du
Québec. En général tout le monde a été
baptisé catholique, mais l'influence religieuse sur la population n'est
plus là ; les temps ont changé.
M. Bédard: En fonction de l'article 41, selon votre
expérience, est-ce que les cours de morale qui peuvent être
exigés par les parents sont effectivement donnés?
M. Forbes: Ils peuvent être exigés si les parents se
regroupent, si vraiment ils forcent la note, s'ils laissent savoir au principal
que la commission scolaire ne disparaîtra pas... à Beauport, ils
ont dit: D'accord, on va vous donner un cours de morale, mais deux
périodes de morale contre trois périodes de religion; ils ne
s'adonnent pas, l'un ne couvre pas l'autre, l'un ne remplace pas l'autre, ceux
qui sont dissidents.
M. Lafrance: II faut se battre pour faire respecter le peu qui
est garanti dans la charte. Il faut se battre pour l'avoir. Et d'ailleurs, je
vous rappelle que nos écoles sont officiellement confessionnelles, cela
veut dire que l'on fait de l'enseignement religieux dans toutes les
matières, y compris le français et les mathématiques.
C'est que le droit à l'exemption est un bien faible droit puisqu'on peut
faire de la religion dans les autres matières. Dans la plupart des
cinquièmes années, il y a la classe bateau et c'est
Jésus-Christ qui est le capitaine. Cela inclut toute la classe, y
compris les exemptés; cela fait des situations un peu baroques pour ceux
qui bénéficient des cours de formation morale.
Pour revenir à l'article 20, je partage l'opinion de M. Jacques
Légaré que j'ai rencontré ce matin et qui va
présenter
aujourd'hui ses recommandations, c'est-Ã -dire que l'article 20 ne
s'applique qu'aux organisations ayant des membres bénévoles,
sympathisants ou cotisants et que l'article ne s'applique qu'aux personnes
liées à contrat personnel ou collectif de travail.
Je voudrais également que la liberté de religion et de
conscience ait préséance sur tout règlement d'une simple
commission scolaire comme celle de la CECQ qui, par règlement, a
décidé d'exclure de ses rangs tous les non-catholiques ou les
non-pratiquants, parce que moi personnellement, cette année, je me suis
fait refuser la candidature à la CECQ, non pas parce que je
n'étais pas catholique, mais parce que je n'étais pas catholique
pratiquant.
Ce que j'ai mentionné ici, je peux vous le lire. C'est
très court. C'est la question: Ãtes-vous catholique? Ã
votre question concernant ma religion, je vous répondrai d'abord que
c'est une affaire personnelle qui ne devrait pas être prise en
considération lors d'une élection. Toutefois, comme la loi vous
autorise à poser une telle question, j'y répondrai. Comme la
majorité de la population de Québec inscrite sur la liste
électorale de la CECQ, je ne pratique aucune religion
particulière de façon régulière. Toutefois, j'ai
été baptisé, confirmé et marié dans la
religion catholique. Comme la majorité de la population, je
considère qu'il appartient au couple et non au clergé de
décider s'ils doivent s'unir sous forme d'union libre ou de mariage
civil ou religieux, ou mettre fin à des situations invivables par le
divorce, ou encore de planifier les naissances par les méthodes
contraceptives de leur choix.
Enfin, je vous ferai remarquer que vous m'avez toujours reconnu les
qualités d'électeur de la CECQ en m'inscrivant sur la liste
électorale depuis que j'habite Québec et que le service des
finances de la CECQ m'a reconnu les qualités de contribuable en
m'expédiant un compte de taxe et en acceptant le paiement de
celui-ci.
Par cette déclaration, j'indiquais que j'étais un peu
comme M. Tout-le-Monde dans la ville de Québec.
M. Bédard: C'est presque votre mémoire, on se
comprend. Alors, je prends note également que vous appuyez la suggestion
qui nous sera faite postérieurement par M. Légaré avec qui
on aura l'occasion d'en parler un peu plus.
Je vous remercie - en tout cas, personnellement, je n'ai pas d'autre
question - de votre contribution aux travaux de cette commission.
Le Président (M. Desbiens) : Madame la
députée de Chomedey.
Mme Bacon: Deux courtes questions; en fait, cela se résume
peut-être à une seule, pour ne pas prendre tout le temps de la
commission.
Vous indiquez dans votre mémoire que la Charte des droits et
libertés de la personne devrait avoir prépondérance sur
les lois sectorielles, par exemple. Dans le dernier paragraphe de votre
première page, vous parlez de la loi no 22 et de la loi 101; est-ce que,
pour vous, cette loi sectorielle rétrécit le pluralisme parce que
vous parlez de pluralisme, aussi au niveau de certaines écoles?
M. Lafrance: Ce n'est pas que... Mon dernier paragraphe peut
prêter à confusion.
Mme Bacon: Est-ce que vous pourriez en parler un peu plus? (12 h
30)
M. Lafrance: Ce n'est pas qu'on s'oppose à la loi 101,
mais c'est qu'auparavant j'avais le choix, d'accord, d'envoyer mes enfants dans
une école anglaise, mais où on respectait le pluralisme, la
liberté de conscience - dans les faits c'était cela - ou de les
envoyer dans une école française où on enseigne dans ma
langue maternelle, qui n'est pas la langue maternelle de Don qui est
anglophone. J'avais ce choix-là . C'est un choix un peu baroque. Je
n'aimerais pas retourner à ce simple choix-là , mais il
était encore préférable... à un moment
donné, c'était le cas des immigrants qui souvent choisissaient
l'école anglaise sans connaître la langue anglaise, parce qu'on
respectait dans ces écoles davantage leur liberté de conscience,
leur liberté de religion.
Mme Bacon: Ce qui veut dire qu'une loi sectorielle peut
rétrécir...
M. Lafrance: Oui, dans un sens elle rétrécit, en
pratique, sans probablement mauvaise volonté, dans le domaine
confessionnel. En pratique, Ã cause de la situation de fait qu'on vit au
Québec, cela rétrécit un petit peu.
Le Président (M. Desbiens): M. le député
D'Arcy McGee.
M. Marx: Je m'excuse de mon absence, mais la question
m'intéresse beaucoup. J'ai pris connaissance de votre mémoire, je
pense qu'il y a eu d'autres refus par d'autres commissions scolaires dans
d'autres provinces. Je me rappelle d'un cas à Windsor, en Ontario,
où des professeurs se voyaient refuser des postes d'enseignants parce
qu'ils n'étaient pas des catholiques pratiquants, parce qu'ils vivaient
ensemble sans être mariés, quelque chose de semblable.
J'aimerais juste soulever le problème que dans la constitution
canadienne on a
garanti certains droits. à l'époque on a pensé que
c'étaient des droits fondamentaux, quoi qu'on puisse penser aujourd'hui.
On a enchâssé dans la constitution canadienne au moins deux
droits: un en ce qui concerne les droits linguistiques et un en ce qui concerne
les droits scolaires. On a protégé l'enseignement confessionnel
pour les catholiques et pour les protestants, au Québec et disons en
Ontario, par l'article 93 de la constitution. Je vous pose la question: Quand
est-ce qu'on décide que les droits fondamentaux ne sont plus des droits
fondamentaux? En d'autres mots: Quand est-ce qu'on peut enlever des droits
fondamentaux qu'on a accordés autrefois? Parce que pour les catholiques
aujourd'hui, au Québec, pour les protestants qui tiennent à ces
droits fondamentaux qu'on a enchâssés dans la constitution, cela
reste des droits fondamentaux, et ce n'est pas à qui que ce soit de leur
dire: Bien non, ce ne sont pas des droits fondamentaux aujourd'hui. Un des
droits fondamentaux, c'est, pour les commissions catholiques et les commissions
protestantes, d'engager des professeurs, des enseignants de leur foi. C'est une
des garanties constitutionnelles. C'est-Ã -dire, qu'ils ont le droit de
ne pas engager des musulmans, des juifs, des hindous, et ainsi de suite. C'est
un droit qui est garanti par la constitution.
M. Lafrance: D'abord, je voudrais souligner que les écoles
confessionnelles, ce n'est pas un droit fondamental au sens où on
l'entend habituellement puis au sens où on l'entend dans la
Déclaration universelle des droits de l'homme. Dans la charte actuelle,
ce n'est pas déclaré un droit fondamental d'avoir... Vous voulez
sans doute parler du carcan constitutionnel actuel.
M. Marx: Pas le carcan et je ne veux pas faire un débat;
c'est faux, ce n'est pas un carcan. Moi, je suis neutre dans ce
problème. Je vais vous dire, qu'ils n'ont pas couvert ma confession
religieuse. Je suis un peu neutre dans ce débat, mais je pense que cela
serait mauvais de parler de droits fondamentaux. C'est plutôt des droits
garantis dans la constitution. Si ce sont des droits...
M. Lafrance: Oui, d'accord, on va s'entendre.
M. Marx: ... fondamentaux ou pas, cela est une autre question,
mais ce sont des droits garantis dans la constitution et on nous suggère
maintenant, quoi qu'on ne puisse pas le faire, d'enlever ces droits parce
qu'ils ne collent pas à la réalité
québécoise d'aujourd'hui.
M. Lafrance: Je suis conscient, pour reprendre l'expression que
j'employais, que le carcan constitutionnel, sans vouloir faire de
débat constitutionnel aujourd'hui, c'est bien clair que la constitution
actuelle limite les pouvoirs de l'Assemblée nationale. Mais, lorsque Don
Forbes et moi, on s'est fait refuser la candidature à la CECQ,
à l'intérieur de la constitution actuelle, on nous avait
déjà reconnu le titre de contribuables. Cela veut dire que la
Commission scolaire de Québec ne se gêne pas pour venir percevoir
nos taxes, même si, à ce moment-là , elle nous
considère comme de bons catholiques pour venir percevoir nos taxes,
à l'intérieur de la constitution actuelle. Elle nous
considère même comme catholiques à titre
d'électeurs. On est de bons catholiques comme électeurs, on est
de bons catholiques comme contribuables, mais on ne l'est plus du tout
lorsqu'il s'agit de poser notre candidature.
M. Marx: C'est un problème d'interprétation, vous
êtes de bons catholiques pour la commission, elle s'est rendu compte de
ça.
M. Lafrance: On est de très...
M. Marx: Pour moi, c'est une question fondamentale et j'aimerais
avoir votre appréciation. Peut-on rayer ces droits? Supposons qu'on en a
le pouvoir, faut-il rayer ces droits des commissions scolaires confessionnelles
parce qu'on pense que ces droits sont, comment puis-je le dire? moins
fondamentaux aujourd'hui qu'ils étaient il y a cent ans?
M. Forbes: Si on regarde le jugement du juge Deschênes, il
disait que la constitution garantit que c'est l'Ãtat scolaire qui
existait dans le temps, c'est en effet la commission scolaire, pas
gouvernementale, mais vraiment religieuse, c'était supporté par
l'archevêché, par l'Ãglise catholique et, de l'autre
côté, par les Ãglises protestantes. Cela existait jusqu'au
niveau de la sixième année. Présentement, on a le cas, qui
est assez normal d'une certaine façon, que la Commission des
écoles catholiques de Québec et toutes les autres administrent
jusqu'au niveau secondaire. Qu'est-ce qu'on fait avec ces gens-là , les
parents dont les enfants vont aux écoles secondaires, mais qui ne sont
pas catholiques? En effet, la Commission des écoles catholiques - je
pense qu'il y en a six autres dans la province - est protégée par
la préexistence, avant la confédération. Qu'est-ce
qu'elles font avec le niveau secondaire?
M. Marx: C'est ça, ce que vous avez soulevé, c'est
un bon point, parce que la garantie...
M. Forbes: Je pense qu'on pourrait
parler plus de privilèges ou d'état de choses existant
antérieurement à maintenant, que de droits, de la façon
qu'on comprend maintenant.
M. Marx: Vous avez soulevé un bon point, parce que
effectivement la garantie constitutionnelle couvre probablement jusqu'Ã
la sixième année et possiblement seulement jusqu'à la
quatrième année. Pour d'autres, ce n'est pas une garantie
constitutionnelle, c'est selon le bon vouloir de la volonté politique de
M. Bédard et de ses collègues.
M. Lafrance: On pourrait aller plus loin, parce que les
commissions scolaires catholiques de Québec et de Montréal sont
beaucoup plus grandes que celles de 1867. La portion de territoire que j'habite
ne faisait pas partie de la Commission scolaire catholique de Québec en
1867, donc je ne serais pas couvert dans mon coin.
M. Forbes: II y a aussi l'idée que la Commission des
écoles catholiques est une commission plutôt privée et
quelqu'un, dans le privé, peut faire ce qu'il veut, il a bien le droit
de le faire. Mais est-ce qu'une commission publique a le droit de se limiter
à l'accès aux affaires publiques? C'est l'Ãtat maintenant,
le ministère de l'Ãducation, qui est bailleur de fonds
perçus dans la très grande majorité des cas par taxation
générale. Est-ce qu'il a le droit de dire: On a ce petit
privilège, ça existe, oui, mais d'où vient l'argent
maintenant? Il ne vient pas de la dîme, de l'archevêché.
M. Marx: Quand l'argent vient de l'Ãtat, ce n'est pas
comme autrefois, c'est venu des catholiques pour des catholiques, des
protestants pour des protestants. Oui, merci.
Le Président (M. Desbiens): Nous vous remercions de votre
participation aux travaux de la commission. J'inviterais maintenant M. Jacques
Légaré à s'approcher, s'il vous plaît. M.
Légaré, vous pouvez y aller.
M. Jacques Légaré
M. Légaré (Jacques): Mon nom est
Jacques Légaré. Je suis professeur d'économique et
d'histoire dans un collège privé de la région de
Québec.
M. le Président, M. le ministre, mesdames et messieurs les
parlementaires, il me fait plaisir de vous présenter un mémoire
très bref. Il est très bref parce qu'il ne touche que l'article
20 dont on a parlé dans d'autres mémoires. Mais je tiens Ã
approfondir cette question avec vous parce que c'est un article qui limite
beaucoup les articles fondamentaux de la charte. Si on lit l'article 20, il dit
ceci: "Une distinction, exclusion ou préférence fondée sur
les aptitudes ou qualités exigées de bonne foi pour un emploi ou
justifiée par le caractère charitable, religieux, politique ou
éducatif d'une institution sans but lucratif ou qui est vouée
exclusivement au bien-être d'un groupe ethnique est réputée
non discriminatoire."
Considérant que l'article 20 constitue dans les faits une porte
ouverte à la discrimination et qu'il compromet souvent dans la vie
quotidienne des personnes les droits et libertés reconnus par les
articles 3 et 10 de cette même charte; considérant que l'article
20 ne devrait pas servir d'excuse ou de justification à la
discrimination dans les entreprises privées et publiques qui donnent un
service reconnu et encadré par la loi; considérant que l'article
20 permet la discrimination à l'intérieur des institutions
publiques et privées pour des raisons religieuses, idéologiques
ou politiques envers d'honnêtes citoyens qui aspirent à vivre dans
un pluralisme valorisant et harmonieux; considérant que des cas
précis de discrimination, des menaces de congédiement, des
préférences à l'embauche et à la promotion, de
l'intimidation professionnelle et l'insécurité sont le lot de
très nombreuses personnes qui travaillent dans certaines institutions
à but non lucratif employant plusieurs centaines de citoyens;
considérant qu'un employé ne doit pas voir ses droits et
libertés limités par les options religieuses, idéologiques
ou politiques de son employeur; considérant qu'une option religieuse ou
idéologique imposée institutionnellement conduit forcément
à la discrimination telle que la Commission des droits l'a
elle-même déclaré dans son avis touchant l'école
confessionnelle; considérant qu'en matière d'éducation
l'énoncé de politique du ministère de l'Ãducation
contenu dans le livre orange affirme le droit à la différence et
le droit à la dissidence en matière religieuse et
idéologique dans le monde de l'éducation; considérant que
les objectifs pédagogiques de chaque discipline enseignée dans
les collèges publics et privés, promulgués et contenus
dans les Cahiers de l'enseignement collégial ont force de
règlement et doivent être respectés puisqu'ils sont en
outre d'inspiration humaniste, scientifique et pluraliste; considérant
que le Conseil supérieur de l'éducation a jugé
nécessaire par un avis spécifique de réprouver le monopole
idéologique de toute nature en milieu scolaire; finalement,
considérant qu'une école privée est définie, aux
termes de la loi, "reconnue d'intérêt public", et, de ce fait,
responsable de l'atteinte de tous les objectifs éducatifs du
ministère de l'Ãducation, ainsi que du respect envers ses
employés de tous les droits et libertés que leur confère
leur statut de citoyens à part entière, nous recommandons que
l'article 20 ne s'applique qu'aux organisations ayant des membres
bénévoles, sympathisants ou cotisants et que l'article 20
ne s'applique pas aux employés liés à contrat personnel ou
collectif de travail. (12 h 45)
M. Bédard: Je remercie M. Légaré de la
présentation de son mémoire bref, mais clair qui porte sur un
seul problème qu'il a identifié concernant l'application de la
charte. Dans vos considérants, vous spécifiez que l'article 20
permet la discrimination à l'intérieur des institutions publiques
et privées pour des raisons religieuses, idéologiques ou
politiques envers d'honnêtes citoyens, etc. Pourriez-vous nous parler non
seulement des raisons religieuses, mais des raisons idéologiques ou
politiques? Pourriez-vous nous donner une série d'exemples que vous
auriez vécus ou qui aient été portés à votre
attention?
M. Légaré: Oui, j'aurais aimé
présenter un mémoire collectif mais, comme j'ai vu l'avis dans
les journaux, je n'ai pas pu faire une association bona fide des
frustrés de l'article 20.
M. Bédard: ... contribution intéressante.
M. Légaré: Je vais vous donner quelques exemples
précis. J'ai eu vent d'un professeur féminin, qui a
été congédié à Saint-Jean, parce qu'elle
était accusée d'être marxiste. Elle est allée
jusqu'en Cour supérieure et elle a perdu. L'argument de la cour a
été que son cas relevait des droits de gérance, Ã
propos desquels d'ailleurs la Commission des droits de la personne ne peut que
donner un avis qui n'a pas force obligatoire pour l'employeur.
Un autre exemple, un professeur d'un collège privé de la
région de Québec a été remercié de ses
services pour activités syndicales, une autre femme encore. Elle aurait
demandé à son supérieur la permission d'aller à une
réunion syndicale et, l'année suivante, les cours de
géographie qu'elle donnait ont été supprimés et ils
ont été repris l'année d'ensuite.
Un autre exemple encore plus patent, c'est un professeur de sciences
politiques, encore de la région de Québec, qui a vu son contrat
non renouvelé - c'est le même problème - parce qu'on lui a
reproché de donner un cours d'histoire un peu orienté.
M. Bédard: Par rapport à la charte, est-ce que ce
n'est pas plutôt dans les lois sectorielles qu'on trouve la solution?
M. Légaré: Non, je vais vous expliquer pourquoi.
Dans ces cas-là , surtout dans celui du professeur de sciences politiques
qui avait fait un grief à son syndicat, l'arbitre, entre autres, a
demandé qu'un comité spécial soit formé et
l'argument majeur qui a été donné a été que
le professeur en question donnait un cours orienté. On a voulu faire
appel à la commission et l'avis juridique qui a été
donné au syndicat a été que l'article 20 rendait perdant
au départ le professeur congédié.
M. Marx: Un instant; Puis-je intervenir, M. le ministre?
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Marx: J'ai seulement une question sur quelque chose qui a
été déjà dit. En ce qui concerne le professeur
à Saint-Jean, on peut être ou ne pas être d'accord avec la
jurisprudence mais, comme cause de non-discrimination, on trouve Ã
l'article 10 les convictions politiques. Je n'ai pas lu le jugement, mais il me
semble qu'on ne peut pas congédier quelqu'un à cause de ses
convictions politiques, sauf que, si on veut faire une demande au bureau de M.
Bédard pour un poste, il peut refuser, j'imagine, des libéraux,
mais autrement...
M. Légaré: Je suis content que vous fassiez cette
remarque. Dans tous les cas de discrimination dont j'ai entendu parler Ã
la fois comme personne et comme auditeur, c'est que justement on n'ira jamais
écrire sur papier, noir sur blanc: "Monsieur, nous vous discriminons."
C'est toujours par des voies déviées. D'autres exemples...
M. Marx: C'est votre appréciation. On ne peut pas dire
que, chaque fois qu'il est dit que quelqu'un est "marxiste" et qu'il est
renvoyé, c'est à cause de ses convictions politiques. Je peux
donner l'autre côté de la médaille en disant que, chaque
fois qu'un professeur "capitaliste" est renvoyé de certaines
facultés, c'est à cause de ses convictions politiques aussi.
C'est une appréciation que vous faites sans nous donner tous les
faits.
M. Légaré: On m'a demandé des faits brefs.
Comme je vous ai dit, je ne suis pas moi-même une commission
d'enquête scrutant des faits précis, mais j'ai eu vent de ces cas
et d'autres aussi à mon école. Nous voudrions régler ces
situations en nous appuyant sur une bonne loi avec des articles qui ne nous
trahiront pas, lorsque nous voulons obtenir justice. J'ai parlé des gens
de gauche, mais aussi il peut arriver des gens, même des religieux...
j'entendais les Juifs la semaine passée qui peuvent être aussi
victimes de discrimination de la même façon, mais pour des raisons
souvent opposées; alors cela nous prend des articles de loi d'une belle
précision sans échappatoire et...
M. Marx: Si l'on biffe l'article 20, cela ne va rien changer.
Parce que l'article 20 ne permet pas la discrimination dans les
universités à cause de la religion ou à cause des
convictions politiques de quelqu'un. Cela n'est pas permis par l'article 20.
Dans les universités, on ne peut pas mettre quelqu'un à la porte
à cause de ses convictions politiques ou à cause de sa religion;
cela serait une raison discriminatoire qui est empêchée par la
loi.
M. Légaré: Je suis content que vous parliez des
universités. Dans ces milieux souvent, je ne sais pas s'ils sont plus
évolués qu'ailleurs, ces questions existent moins, elles existent
surtout dans les petites écoles ou celles plus traditionnelles dont les
collèges privés. Ceux-là véritablement sont
couverts par l'article 20.
M. Bédard: Est-ce que vous faites une distinction, au
niveau des situations, entre l'enseignement privé et l'enseignement
public?
M. Légaré: Je ne fais pas de distinction, sauf que
dans le cas des collèges privés, c'est plus difficile de faire
prévaloir l'universalité des droits reconnus aux articles 3 et
10. C'est plus difficile dans les collègues privés. Souvent, ils
sont moins syndiqués, souvent ce sont des groupes religieux plus
homogènes ou à l'idéologique plus homogène, ce qui
fait que les minorités qui s'y trouvent ont plus de difficulté
à faire valoir leurs droits.
Concernant la loi de l'enseignement privé, elle va être
refaite bientôt, mais ce n'est pas là -dessus que je veux
travailler, c'est au niveau de la charte, je pense que c'est une magnifique
belle loi, et elle doit avoir toutes les beautés, c'est-à -dire ne
pas avoir de points noirs. Or, l'article 20 est un véritable point noir
parce qu'il est un paravent. C'est pour cela que les cas précis que je
connais, et même d'autres de mon milieu de travail, qui m'en parlent,
disent qu'avec cet article on est perdant en partant.
M. Bédard: à l'article 10 de vos
considérations, est-ce que vous faites une différence entre les
écoles privées reconnues d'intérêt public et celles
qui ne sont pas reconnues d'intérêt public? Est-ce que la
situation, selon votre expérience, peut, enfin, votre
appréciation peut-elle être différente?
M. Légaré: Quant aux écoles publiques, le
cas est moins grave parce qu'il y a un pluralisme de fait, même si l'Acte
de l'Amérique du Nord comme le disait le député de D'Arcy
McGee, en fait dans les faits...
M. Bédard: Je parle des écoles privées qui
sont reconnues d'intérêt public et celles qui ne sont pas
reconnues d'intérêt public.
M. Légaré: Celles qui ne sont pas reconnues
d'intérêt public, je n'ai pas de connaissance de ces
écoles. Je travaille dans une école reconnue
d'intérêt public subventionnée à 80%. Faire
prévaloir les articles 3 et 10 dans la réalité
concrète sans avoir de représailles qui sont très subtiles
parfois: on double la charge, on bloque l'élection d'un individu comme
chef de département, on lui donne huit préparations de cours
différents tandis que les autres en ont deux. Alors, voyez-vous, des
actes de ce type sont très difficiles à prouver, mais les
redressements se feraient beaucoup mieux si on n'avait pas cet article.
D'autant plus qu'on a des actes écrits qui ne sont pas des
déviations, mais qui sont véritablement des lettres indiquant que
vous n'êtes pas dans le cadre idéologique de notre école.
L'article 20, s'il est enlevé, va pouvoir permettre aux personnes de se
prévaloir de la justice contenue dans les articles 3 et 10.
M. Marx: Je n'étais pas législateur Ã
l'époque, donc je ne sais pas pourquoi on a voté la loi, mais
dans l'esprit du législateur du temps, j'imagine que la fonction de
l'article 20 n'était pas pour permettre la discrimination à cause
des opinions politiques des enseignants. Quand je lis l'article 10 et l'article
20, j'ai l'impression que ce sera un motif non acceptable de congédier
un professeur, Ã cause de ses convictions politiques, dans une
école privée.
M. Légaré: La chose a déjÃ
existé, comme je vous en ai donné un exemple. C'est écrit,
c'est un document écrit, on pourrait vous donner les pièces
écrites. Un professeur de sciences politiques, carrément, dans
une école privée de la ville de Québec, a vu son contrat
non renouvelé et les papiers ont été signés par la
direction selon lesquels on le remerciait pour des questions
idéologiques. Cela s'est fait et ils avaient l'article 20.
M. Marx: ... la commission.
M. Légaré: Non, les avis juridiques qu'on a eus, au
niveau du syndicat, ont dit: Avec l'article 20, tu ne peux rien faire, parce
que c'est une institution privée, donc d'éducation qui a des buts
éducatifs et religieux. C'est une institution, bien sûr, Ã
but non lucratif.
M. Marx: Avec la permission du président, puis-je demander
à la présidente de la commission comment la commission
interprète les articles 10 et 20? Peut-être
que cela serait bon d'avoir juste un petit commentaire, d'avoir
l'interprétation de la commission, parce que je me demande si c'est
votre interprétation qui est aussi retenue par la commission.
Mme Fournier (Francine): Rapidement, ce qu'on peut dire, c'est
que l'article 20 doit être interprété d'une façon
restrictive et les termes justifiés par le caractère
idéologique, religieux ou quoi que ce soit; nous l'interprétons
de façon très restrictive. Il faut vraiment que la justification
soit forte. Maintenant, c'est une question d'évaluation et je comprends
la préoccupation de monsieur, à savoir que certains peuvent
penser que le caractère, disons, religieux justifie une exception,
à un moment donné, et d'autres pourraient penser que le
caractère religieux ne justifie pas d'exception. Il y a donc lÃ
une matière à évaluation, mais nous l'interprétons
d'une façon très restrictive, comme d'ailleurs le juge Beauregard
nous a incités à le faire dans un jugement.
M. Marx: Mais, dans le cas de Saint-Jean, qui a été
décidé par la Cour supérieure, est-ce que le juge a dit
que la discrimination à cause des convictions politiques est permise? Ou
est-ce qu'il a décidé de l'affaire pour d'autres raisons?
Mme Fournier: J'aimerais donner la parole là -dessus; si
vous voulez une élaboration sur ce cas-là , j'aimerais mieux
donner la parole à quelqu'un d'autre. Ce n'est pas moi qui ai fait
l'étude de l'ensemble du dossier.
M. Marx: On va faire notre cours sur la charte ici.
Mme Fournier: Non, Mme Caron est directrice de la recherche
à la Commission des droits de la personne.
Mme Caron (Madeleine): Dans ce jugement de Saint-Jean, ce qui est
arrivé, c'est que... Ãvidemment, ce jugement-là est en
appel en ce moment, peut-être qu'il y aura une autre
interprétation de la Cour d'appel. Ce qui s'est passé, c'est que,
finalement, il peut y avoir, cela touche l'interprétation des faits.
Est-ce que la discrimination a été faite à cause des
convictions politiques ou à cause de ce qu'on appelle un certain
comportement d'un enseignant qui, aux yeux de l'institution, porterait atteinte
aux droits des étudiants, par exemple?
M. Marx: C'est-à -dire, est-ce que c'est à cause de
son idéologie ou est-ce parce qu'il porte des jeans? Cela revient
à cela.
M. Légaré: J'aimerais ajouter quelque chose.
Le Président (M. Desbiens): M. Légaré.
M. Légaré: Dans ma suggestion, c'est-à -dire
dans ma recommandation, le problème serait résolu, parce qu'on
fait appel à l'adhésion volontaire des personnes et la charte, en
fait, fait confiance à la personne, à son autonomie et,
concernant les questions d'opinion, de religion ou de conviction intime, si la
chose est laissée à la conviction personnelle des gens, les
problèmes seront résolus. Il faut sortir du carcan, pour prendre
le mot de tout à l'heure, des institutions qui donnent des instruments
de pouvoir à des individus sur des questions de pensée, surtout
dans le domaine de l'éducation où on travaille avec des
phénomènes de pensée. (13 heures)
M. Marx: Je comprends le problème et je pense qu'il faut
trouver une solution, parce que vraiment il y a de la discrimination interdite
par la charte et, il faut trouver des moyens pour que ce soit respecté.
Mais je trouve que votre solution est peut-être trop catégorique.
Je peux prendre deux exemples. La commission a déjà eu une cause
où les gais ont voulu louer une école religieuse pour faire un
congrès de fin de semaine et cela a été refusé par
l'école à cause de son orientation religieuse, ainsi de suite.
Quoi qu'on pense de ça... Oui, c'est ça, que les gais ont voulu.
Quoi qu'on pense de ça, peut-être que l'école religieuse a
un certain intérêt, à cause de l'idéologie qu'elle
véhicule, à ne pas louer aux gais.
Prenons l'autre exemple, que j'ai donné il y a quelques minutes,
en ce qui concerne un organisme politique. Si on biffe l'article 20
complètement, si des libéraux posent leur candidature pour
être embauchés par le ministre dans son cabinet, ils pourraient
toujours plaider qu'ils ont été refusés à cause de
leurs convictions politiques, et ce serait nécessaire pour le ministre
d'engager des libéraux...
M. Bédard: Vous seriez les premiers... M. Marx: ...
militants.
M. Bédard: Vous seriez les premiers à les
empêcher de peur qu'on ne les convainque.
Le Président (M. Desbiens): M. Légaré.
M. Légaré: J'aimerais répondre à cet
argument qu'on m'a déjà apporté, par exemple, d'un
secrétaire engagé par une centrale syndicale et qui aurait des
convictions patronales très fortes. Je dis qu'il faut faire confiance
à l'intelligence des gens. En général, dans la population,
les gens
n'iront pas dans des situations aussi évidentes, aussi
évidemment conflictuelles pour eux. Je pense que l'article 20, tel que
je le proposerais, irait très bien pour les clubs de pêche, qui
regrouperont des pêcheurs.
M. Marx: Mais disons une église...
M. Légaré: II y a aussi l'argument du
secrétaire qui irait à une centrale syndicale avec des
convictions patronales. Cela va aussi pour le Conseil du patronat qui
engagerait un secrétaire avec des convictions syndicales très
fortes. Dans l'ensemble de la société, ça va
s'équivaloir, ces genres de cas d'exception, et ça va
plutôt libérer les personnes de la puissance des groupes. C'est
ça l'important, libérer les personnes de la puissance des
groupes.
M. Bédard: L'école privée, où tous
les frais, tout le budget est assumé par des cotisants ou des
membres.
M. Légaré: Justement pas, l'école
privée reconnue d'intérêt public...
M. Bédard: Non, non reconnue. M. Légaré:
Non reconnue?
M. Bédard: Non reconnue d'intérêt public.
M. Légaré: Je n'ai pas pensé à ce
cas, parce que je ne le connais pas.
M. Marx: Ce serait nécessaire, mais ça devient
impossible, pour les églises, d'engager qui que ce soit, pour les moines
à Saint-Benoît-du-Lac d'engager des femmes, et ainsi de suite. Il
ne faut pas que l'Ãtat s'impose trop. Protéger les
libertés publiques ne veut pas dire brimer les libertés des
autres. Il faut tirer la ligne quelque part. Je pense qu'on a essayé de
tirer la ligne d'une façon assez juste dans les articles 10 et 20, il ne
faut pas tout chambarder.
M. Légaré: Ce n'est pas un chambardement, c'est
simplement baisser la ligne dans le sens de la liberté de la personne.
Vous la maintenez, par l'article 20, trop haut au niveau du pouvoir
accordé aux collectivités. La charte a justement
été faite pour assurer aux individus, bons citoyens, la plus
grande liberté possible, surtout dans les actes de pensée.
Concernant votre communauté religieuse de moines masculins qui
engagerait des femmes, si vous acceptez ma recommandation, ça
n'empêchera pas les femmes de bien faire leur travail au service de la
communauté. Cependant, ça va protéger leurs convictions
religieuses personnelles. C'est ça qui est important.
M. Marx: D'accord.
M. Légaré: On n'est pas plus mauvais travailleur,
je dirais même qu'on est meilleur quand on respecte nos opinions
personnelles.
Le Président (M. Desbiens): M. Légaré, je
vous remercie, au nom des membres de la commission, de votre participation. La
commission élue permanente de la justice suspend ses travaux
jusqu'Ã 15 heures.
(Suspension de la séance à 13 h 05)
(Reprise de la séance à 15 h 16)
Le Président (M. Desbiens): à l'ordre, mesdames et
messieurs!
La commission élue permanente de la justice reprend ses travaux
pour l'exécution du mandat de l'Assemblée nationale de tenir des
auditions publiques en regard des modifications à apporter à la
Charte des droits et libertés de la personne.
Fédération de l'âge d'or du
Québec
Nous recevrons comme premier intervenant cet après-midi, la
Fédération de l'âge d'or du Québec,
représentée par Mme Gertrude Boily. Mme Boily, si vous voulez
présenter les personnes qui vous accompagnent, s'il vous
plaît.
Mme Boily (Gertrude): M. le Président, M. le ministre
Bédard, messieurs les députés, mesdames et messieurs, mes
salutations en mon nom personnel et également au nom de mes deux
collaborateurs.
Si vous me permettez, je vais me présenter. Mon nom est Gertrude
Boily, présidente d'un gros club qui compte plus de 600 membres au
Saguenay-Lac- Saint-Jean, trésorière du Conseil régional
de l'âge d'or Saguenay-Lac-Saint-Jean et représentante au conseil
d'administration de la Fédération de l'âge d'or du
Québec.
J'ai à ma droite, M. Roger Duhamel, vice-président des
Publications FADOQ, collaborateur et bénévole à la
fédération et à ma gauche, Mme Rita Cambron, agent au
développement de la fédération. Ces deux personnes sont
venues participer avec moi à la présentation du mémoire
à la commission de la justice sur la Charte des droits et
libertés de la personne que la Fédération de l'âge
d'or du Québec a préparé.
Avant de commencer, je dois vous dire que nous avons fait quelques
corrections dans les jours précédents. Vous ne vous surprendrez
pas si j'ajoute des choses qui ne sont pas écrites.
Je commence. Notre préoccupation. La Fédération de
l'âge d'or du Québec regroupe 150 000 citoyens âgés
du Québec à travers
ses 950 clubs affiliés, regroupés en seize régions.
Elle est donc l'organisation la plus représentative d'une
catégorie de citoyens dont les droits sont fréquemment
lésés à un titre ou à un autre.
C'est là la raison fondamentale qui nous incite Ã
intervenir devant votre commission afin de souligner un certain nombre de
problèmes dont nous avons connaissance.
Nos membres nous font part des situations qu'ils vivent chaque jour et
c'est pourquoi nous pensons être en mesure de souligner des pratiques ou
des situations qu'il faut combattre. C'est notre devoir de citoyens de vous les
signaler du doigt afin que vous puissiez y apporter des correctifs
efficaces.
Notre point de vue a été présenté par notre
président, M. Patrice Tardif, à l'occasion de notre
congrès 1981, qui vient de se dérouler. Selon nous, les droits de
la personne âgée et sa liberté comprennent plusieurs volets
qu'on peut énumérer ainsi: le droit au secours quand la
santé et la vie même d'un aîné est en péril ou
en danger; le droit à la liberté d'association qui n'est pas
respecté dans certaines résidences privées; le droit
à la sauvegarde de la dignité au troisième âge et au
respect de la vie privée; le droit à la jouissance paisible des
biens, incluant l'inviolabilité du domicile; le droit au respect de la
propriété privée; le droit au secret professionnel; le
droit au respect de la personne âgée, qui ne doit pas être
considérée comme marginale; le droit judiciaire et le droit
politique, le retraité continuant d'être un citoyen à part
entière jusqu'à la fin de ses jours; les droits
économiques et sociaux fondamentaux pour qu'il continue de vivre
décemment dans la dignité et le respect de tous et chacun sans
être réduit au rang d'assisté social; le droit à la
protection par suite de la perte progressive de l'autonomie de la santé
physique et mentale et d'une partie des biens et du revenu de la personne
âgée; le droit à la protection contre toute forme
d'exploitation, le droit à un logement décent grâce
à une aide gouvernementale, soit pour le maintien à domicile,
soit pour l'hébergement, soit dans une résidence ou un centre
d'accueil, etc.
Nous sommes bien conscients qu'une charte est avant tout un
énoncé de principes fondamentaux. Ainsi, reconnaître le
droit de tous à une vie décente dans une telle déclaration
reste sans fondement réel si l'Ãtat ne met pas en place les
moyens légaux et financiers d'assurer cette vie décente. C'est
dans cet état d'esprit que nous présenterons nos observations sur
la charte. 2. Les besoins. La personne âgée a droit, comme tout
autre citoyen, à une protection légale de ses droits
adaptée à ses besoins. Ceux-ci sont de deux ordres: 1.
l'assurance d'une condition sociale décente, menacée par la
baisse considérable des revenus à la retraite; 2. la protection
contre toutes les formes d'exploitation. Même avec leur maigre
pécule, nos aînés sont des proies faciles qui suscitent la
convoitise et sont des victimes fréquentes de gens sans scrupules.
Article 1. Le droit à la vie. La FADOQ a toujours pris fermement
position contre toutes les formes d'atteinte à la vie, que cela passe
par l'avortement ou par l'euthanasie.
Article 2. Le droit au secours. La FADOQ croit que l'exercice du droit
de grève dans les services publics et plus particulièrement dans
les hôpitaux et les centres d'accueil vient en contradiction avec les
besoins des personnes en perte d'autonomie et doit être interdit.
Article 3. Liberté d'association. Plusieurs personnes nous font
part de témoignages, à savoir que ce droit n'est pas
respecté dans maintes résidences privées. Ce droit
d'association doit être accompagné de dispositions qui facilitent
l'exercice de ce droit, par exemple, la possibilité d'utiliser un local
ou une salle de la résidence où les locataires pourront se
regrouper occasionnellement pour s'informer et s'exprimer.
Article 4. Sauvegarde de la dignité. Le chantage, la
manipulation, la grossièreté et les mauvais traitements sont,
hélas, présents dans trop de centres pour personnes
âgées. Nous sommes informés que, dans un grand nombre
d'établissements pour personnes âgées, on porte atteinte
à la dignité de la personne en faisant une distribution abusive
de médicaments et de tranquillisants afin de préserver la paix.
Les bénéficiaires ainsi tranquillisés jour après
jour, nuit après nuit, se détériorent plus rapidement et
perdent graduellement contact avec la réalité, devenant vite un
poids plus lourd.
Article 5. Droit au respect de la vie privée. Ce droit est remis
en question par l'obligation faite aux personnes en perte d'autonomie de vivre
à deux dans une chambre ou davantage dans une salle commune. Ce n'est
pas toujours rassurant d'avoir à partager son intimité avec
quelqu'un d'autre 24 heures par jour, 365 jours par année sans compter
les incidents pénibles qui peuvent survenir quand l'un ou l'autre des
bénéficiaires doit subir les sautes d'humeur d'un voisin
antipathique, désagréable, voire même agressif. Cela se
voit trop souvent.
Article 6. Jouissance de ses biens. La personne âgée est
une proie facile et convoitée quand elle a un peu d'argent. Elle l'est
plus si elle en a beaucoup. Comment arriver à assurer une protection
véritable à la personne âgée vulnérable et
craintive? Des cas de vols sont souvent rapportés dans les
institutions et il semble difficile d'adopter une mesure ferme pour
corriger ces situations. Par ailleurs, nous nous demandons si la Curatelle
publique en certains cas, de concert avec des membres de la famille, ne
pourrait pas exercer conjointement une certaine protection des biens des
bénéficiaires vivant en institution.
Article 10. Bases de discrimination. Il est étonnant que le
législateur, au moment de rédiger sa charte en 1975, ait
négligé de mentionner la discrimination en raison de l'âge
dont sont victimes autant les gens jugés trop jeunes ou trop vieux.
Par ailleurs, la personne âgée perd aussi une bonne partie
de son statut social en raison de son retrait du marché du travail et de
la marginalité économique qui s'ensuit, ou encore en raison des
handicaps physiques qui sont liés à la
détérioration de sa condition de santé. C'est pourquoi la
FADOQ a préconisé hier, devant la commission des affaires
sociales, l'abolition de la retraite obligatoire à 65 ans.
Article 15. Accès aux moyens de transport. Nous tenons Ã
souligner la discrimination économique dont sont victimes les personnes
retraitées dont le revenu ne croît plus guère lorsque des
administrations publiques, comme ce fut le cas dernièrement Ã
Montréal, haussent arbitrairement le coût des services publics.
à ce sujet, nous nous permettons de souligner le besoin légitime,
pour une catégorie de personnes âgées et
handicapées, par exemple, les aveugles, d'être accompagnées
dans leurs sorties d'une personne retraitée qui jouirait de certains
avantages économiques.
Article 40. Droit à l'instruction publique gratuite. Nos
aînés n'ayant pas toujours eu la possibilité de s'instruire
dans leur jeunesse à cause des conditions économiques de
l'époque devraient aujourd'hui bénéficier de la
gratuité de ces services en compensation. Il faut accompagner ce droit,
si on veut qu'il soit efficace, de mesures visant à en faciliter
l'accès. Nous suggérons l'utilisation maximale de la
télévision pour éveiller la curiosité et
l'intérêt des retraités sur des sujets qui les concernent
ou qui les mettent en appétit de savoir. Nous ajouterons que des
remarques pertinentes à ce sujet ont déjÃ
été présentées par la Fédération de
l'âge d'or à la commission Jean.
Article 46. Droit à la sécurité. La femme au foyer,
épouse dont le mari travaille, a aussi droit à sa part de
conditions justes et raisonnables. La Fédération de l'âge
d'or veut attirer l'attention de la commission sur la contribution sociale que
la femme âgée, mère de famille au foyer, a apportée
à la société tout au cours de sa vie active, dans un
contexte et des conditions souvent difficiles. Elle devrait pouvoir
bénéficier d'une partie du régime de retraite
accumulé par son mari, en cas de veuvage, de séparation ou de
divorce.
Article 48. Protection des personnes âgées. Au-delÃ
de l'affirmation du principe, nous croyons qu'il faut des mesures
concrètes, notamment en augmentant la quantité de services et de
soins dispensés par les institutions relevant du ministère des
Affaires sociales à domicile, en contrôlant efficacement la plaie
des foyers clandestins et en s'assurant que les personnes en résidence
privée ou publique ne soient pas exploitées. Le
développement d'un réseau de coopératives pour
préretraités par la Société de développement
coopératif d'habitation est l'un des éléments positifs de
solution que nous envisageons. Face aux hausses prévues de près
de 100% du coût des loyers pour les trois prochaines années,
évaluation officielle de la Société canadienne
d'hypothèques et de logement, on peut craindre que les personnes
âgées voient leurs conditions de logement se
détériorer.
Le programme Logirente sera-t-il suffisant? Est-il, par ailleurs,
convenable qu'une personne âgée, qui n'a plus les moyens de payer
le loyer devenu trop cher dans une résidence privée, soit
chassée et forcée d'aller trouver refuge dans un centre d'accueil
public? La FADOQ est consciente que le partage des pouvoirs
fédéral et provincial dans le domaine de l'habitation n'aide pas
la cause des personnes âgées aux prises avec des
difficultés de logement, autant dans le secteur des HLM en nombre
insuffisant pour répondre aux besoins, que dans le secteur des
résidences privées conventionnées où la
dualité propriétaire-locataire est parfois aiguë.
Le nouveau programme Logirente constitue une amélioration, nous
en convenons, mais il reste encore beaucoup à faire, en particulier
concernant le rôle de la Régie des rentes, afin d'assurer Ã
toutes les personnes âgées une habitation convenable à prix
convenable.
Article 49. Réparation du préjudice. Il serait juste que
les sommes volées ou extorquées de façon frauduleuse soit
restituées, capital, intérêt et dommages, Ã
même les biens et salaires saisis. Dans le cas où la personne
âgée décéderait avant le jugement définitif,
l'action judiciaire devrait pouvoir être poursuivie et entraîner
une sanction civile en plus d'une sanction pénale.
Article 67. Devoir de la Commission des droits de la personne. Nous
recommandons d'ajouter un alinéa g) se lisant comme suit: "Accorder une
attention particulière aux plaintes reçues des personnes
âgées en perte d'autonomie ou moins susceptibles d'exercer par
elles-mêmes les recours légitimes qui leur sont reconnus.
Article 70. Organismes habilités à agir. On nous signale
que des propriétaires de
résidences privées empêchent la formation d'une
association de locataires résidents en leur interdisant l'accès
ou l'usage de la salle communautaire. Nous croyons que dans un tel cas, un club
local de l'âge d'or pourrait se prévaloir de la clause d'exception
prévue en référence à l'article 48, cas des
personnes âgées ou handicapées.
En conclusion de ce mémoire, nous voulons formuler deux
recommandations. Premièrement, que la procédure des plaintes des
usagers aux conseils régionaux de la santé et des services
sociaux, trop proches des professionnels et de l'administration, soit
remplacée par la création d'un poste d'ombudsman, dans chaque
établissement, poste comblé après consultation du
comité des bénéficiaires et celui des
bénévoles, quand il existe.
Deuxièmement, que la procédure de comparution à la
Régie des loyers, dans le cas de résidences
conventionnées, soit assouplie et qu'on tienne compte de la situation
d'un locataire craintif et vulnérable face à un
propriétaire mieux renseigné ou à ses procureurs bien
aguerris.
Les personnes âgées ont un droit particulier à la
protection de la justice. La Fédération de l'âge d'or du
Québec veut faire respecter ce droit; c'est pourquoi elle s'engage
à présenter aux autorités concernées des
résolutions de plus en plus fermes dans ce sens. Merci.
Le Président (M. Desbiens): Merci. M. le ministre.
M. Bédard: M. le Président, il me fait plaisir de
remercier, au nom des membres de la commission, Mme Boily qui, d'une
façon tout à fait particulière, nous a fait part de
l'ensemble des représentations de la Fédération de
l'âge d'or du Québec. On est rapidement à même de le
constater, il s'agit d'un mémoire qui fait vraiment le tour de
l'ensemble des préoccupations qui sont le propre de l'âge d'or. On
peut convenir, au départ, que tous ces éléments correctifs
que vous réclamez ne peuvent pas nécessairement tous se retrouver
dans la charte - j'ai l'impression qu'on se comprend de ce
côté-là mais font partie de suggestions qui
mèneraient à ce que vous êtes en droit de désirer,
une politique globale concernant tous les membres de votre
fédération, pas seulement ceux qui y appartiennent comme membres,
mais tous ceux et celles qui partagent les mêmes problèmes.
Ce qu'il y a peut-être de remarquable -ça vaudrait
peut-être la peine de le souligner - les membres de la
Fédération de l'âge d'or, qui sont
représentés ici, ce matin, par Mme Boily, M. Duhamel et Mme
Cambron, nous ont fait distribuer, avant le début de nos travaux, une
sorte de "charte", qui est en fait le résultat de ce qu'il est convenu
d'appeler la conférence de la Maison blanche de 1961, sur les droits des
personnes âgées, où on fait état de toute une
série de droits, par exemple... Il vaudrait peut-être la peine que
ce document soit consigné tel quel au journal des Débats, si mes
collègues de la commission parlementaire sont d'accord.
M. Marx: Oui, c'est cela.
M. Bédard: Parce que, pour la première fois, non
seulement on voit un groupe qui exprime son opinion franche et ferme sur des
droits qui devraient être préservés concernant les
personnes âgées, mais, â en même temps, on a un
chapitre qui est tout aussi long et aussi significatif concernant les
responsabilités aussi des personnes âgées. Depuis le
début des travaux de cette commission... Je ne porte pas de jugement de
valeur, je le souligne parce que je pense que ça vaut vraiment la peine
d'être souligné, et c'est heureux à part cela pour
l'ensemble des membres de la commission, parce que c'est une chose que
d'être peut-être cinq ou six jours à entendre des groupes
qui demandent le respect de droits, ce qui est tout à fait normal, la
reconnaissance de droits fondamentaux.
Quand, à un moment donné, un groupe comme le vôtre
trouve le moyen d'indiquer également, presque sur le même pied que
les droits, les responsabilités auxquelles vous pensez devoir vous
astreindre, je crois que cela mérite d'être souligné.
Je demanderais, M. le Président, que... On pourrait
peut-être le lire. On voit sur le... Vous pourriez le lire, M. le
Président, je pense que ça pourrait être
inséré dans le mémoire.
Le Président (M. Desbiens): C'est le rapport de la
conférence de la Maison blanche de 1961 sur les droits des personnes
âgées. "Chaque citoyen âgé, quel que soit son
origine, sa couleur, ses croyances, a: 1. Le droit d'être utile; 2. Le
droit à un emploi selon sa compétence; 3. Le droit à un
revenu décent; 4. Le droit d'accès et de participation aux
ressources communautaires, récréatives, éducatives et
médicales; 5. Le droit à un logement convenable adapté aux
besoins de son âge; 6. Le droit au soutien moral et économique de
sa famille, Ã condition que cela corresponde aux meilleurs
intérêts de tous; 7. Le droit de vivre indépendant et
autonome s'il le désire; 8. Le droit à une vie et à une
mort dignes; 9. Le droit d'accès à l'éducation et Ã
toutes connaissances de nature à lui permettre d'améliorer la
qualité de vie des années qu'il lui reste à vivre."
Au chapitre des responsabilités des personnes âgées:
"Les retraités, en profitant des occasions de s'instruire toujours
davantage, devraient s'efforcer d'assumer les
responsabilités énumérées ci-après,
au meilleur de leur connaissance: l. L'obligation, en tant que citoyen, de se
préparer à être et à demeurer actif, alerte,
capable, autonome et utile tant et aussi longtemps que la santé et les
circonstances le permettent et de préparer sa retraite finale; 2.
L'obligation d'acquérir et de pratiquer de sains principes de
santé physique et mentale; 3. L'obligation de rechercher et de
développer des occasions d'être utile durant les années de
retraite; 4. L'obligation de partager son expérience et ses
connaissances; 5. L'obligation de s'efforcer et s'adapter au fur et Ã
mesure aux changements qu'entraîne le vieillissement; 6. L'obligation de
s'efforcer à maintenir de bonnes relations avec la famille, les voisins
et les amis, de telle sorte qu'il puisse devenir un conseiller respecté
et apprécié tout au long de sa retraite."
M. Bédard: Merci, M. le Président. Je pense que
ça répond au voeu de tous les membres de la commission que cela
soit consigné, parce que je pense que ça fait ressortir qu'il est
très clair pour les personnes âgées que des droits,
ça entraîne aussi des responsabilités, des devoirs.
En ce qui regarde les autres représentations de votre
mémoire, j'aimerais que vous détailliez un peu plus ce que vous
évoquez à l'article 3 qui a trait à la liberté
d'association, concernant le respect... Vous dites que le droit à la
liberté d'association n'est pas respecté dans certaines
résidences. J'aimerais que vous détailliez un peu plus cet
élément, s'il vous plaît.
Mme Boily: C'est l'article 3. Ce droit n'est pas respecté
dans maintes résidences. Les témoignages que nous avons, c'est
que les propriétaires, lorsqu'ils font une location de leur maison ou de
leurs logements, ils la font tels quels. Après que les personnes sont
entrées - je pense qu'on va un petit peu plus tard, durant cinq ans -
ils leur font des promesses, mais durant cinq ans je pense qu'ils ont le droit
de chambarder ce qu'ils ont dit au départ, au moment de la location,
à ces personnes. C'est ça qu'on dit, que leurs droits ne sont pas
respectés parce qu'en fin de compte les propriétaires ne tiennent
pas parole. C'est souvent des critiques comme ça que les personnes
âgées nous apportent en disant: Nous autres, voici, quand on est
entré là le propriétaire nous avait promis telle et telle
chose. Il nous avait promis de ne rien changer. Mais là , une fois qu'on
est bien installé, c'est tout à fait différent. C'est ce
qui amène bien souvent des critiques, des témoignages de ces
personnes qui sont très mécontentes et qui ne savent pas par quel
moyen s'en sortir parce que déjà vous savez qu'il y en a qui
vivent en dessous du seuil de la pauvreté parmi ces personnes. Ce n'est
pas facile de les déplacer du jour au lendemain. C'est un petit peu dans
ce sens. Il y a peut-être d'autres exemples qui pourraient être
apportés. Mme Cambron en a d'autres.
M. Bédard: Votre compagne ou votre compagnon peuvent
ajouter s'ils le désirent.
Mme Cambron (Rita): Le droit d'association doit supposer que les
gens ont un local pour se réunir. Souvent dans les résidences,
à Montréal, il y en a beaucoup, il y en a aussi Ã
Québec, j'ai noté, qui obtiennent un local pour des
activités, mais quand vient le temps de vouloir parler de leurs droits,
quand il y a des augmentations de loyer ou si les gens veulent se regrouper
pour réclamer certains services, par exemple, de la maison ou du
propriétaire, ils n'ont pas droit d'accès à la salle.
à ce moment, il faut qu'une personne qui veut être
bénévole, qui veut aider ses compagnons, qui habite la même
résidence passe de porte en porte pour essayer d'expliquer des choses.
C'est assez long. Tandis que s'ils pouvaient obtenir une salle, vraiment, le
droit d'association, serait bien reconnu parce qu'ils pourraient se regrouper
et s'informer mutuellement. Par exemple, quand vient le temps des augmentations
de loyers ou d'aller à la régie. Souvent, dans certaines
résidences, au moment où on a fait la location, on leur a dit
qu'il y aura une infirmerie ou qu'il y aura tel ou tel service. Après
que tous les logements sont loués souvent ces services ne sont jamais
mis sur pied et les gens ne peuvent pas tellement se rencontrer et unir leurs
forces. La force de la Fédération de l'âge d'or c'est que
c'est un regroupement, mais si les gens ne peuvent pas se regrouper,
individuellement, ils n'ont pratiquement pas de recours. C'est dans ce sens
qu'on trouve que le droit d'association est brimé si les personnes n'ont
pas accès à un local qui existe souvent pour des activités
de loisirs.
On veut bien que les gens se réunissent pour jouer aux cartes,
mais il ne faudrait pas que cela dépasse trop les loisirs.
M. Bédard: Je vais y aller de deux autres questions
rapides, puisque vous avez indiqué votre désir de pouvoir
être libérés pour 16 heures, étant donné que
madame doit prendre l'autobus pour la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean
et qu'on sait que c'est loin. Il faudrait améliorer la route...
Une voix: Une tempête de neige est possible. (15 h 45)
M. Bédard: Oui. On va travailler dans ce sens. Je pense
que tout le monde a été sensible à une
représentation que vous avez faite concernant l'article 4. Vous dites
que vous vous êtes informés, qu'il y a un grand
nombre d'établissements pour personnes âgées
où on ferait une distribution abusive de médicaments ou de
tranquillisants afin de préserver la paix. Quand des situations comme
celle-là vous sont signalées, est-ce que ce sont des situations
bien précises? Qu'est-ce que vous faites, à ce moment-là ?
Ce que je voudrais savoir, c'est si ce sont des situations précises que
vous évoquez ou des informations qui ont pu vous être
acheminées sans qu'on puisse vraiment mettre le doigt sur...
Mme Boily: M. le ministre, c'est sûr que ce n'est pas
à nous à faire l'enquête...
M. Bédard: Je comprends.
Mme Boily: ... mais c'est une chose qu'on se fait dire assez
souvent, c'est vrai que ça arrive, ça existe. De lÃ
à le prouver, ça prendrait une enquête. C'est un peu en
dehors de nos responsabilités de faire des enquêtes. Mais c'est
une chose vraie, ça n'a pas été écrit lÃ
pour rien, ça s'est sûrement vu, dit ou entendu, c'est
arrivé réellement. On a décrit le climat social qui existe
à ce moment-là ; c'est à la suite de cela qu'on a
greffé cette rubrique, si vous voulez, parce qu'on voudrait qu'il soit
porté une grande attention là -dessus, puisque ça arrive
trop souvent, c'est sûr. Mais là , on ne peut pas vous dire
à quelle date...
M. Bédard: Je vous comprends, vous n'êtes pas ici
assignée comme témoin dans une enquête, on se comprend, ce
sont des situations globales que vous voulez évoquer, quoique, lorsque
ces situations sont plus précises, avec des indications très bien
circonstanciées, j'imagine que vous pouvez, à ce
moment-là , en informer vos directeurs de centres qui, eux, se doivent
d'acheminer vos représentations à qui de droit.
Mme Boily: Je pense que M. Duhamel...
M. Duhamel (Roger): M. le Président, je voudrais
intervenir un instant. Je crois que le ministre l'a signalé au
début de ses remarques, le mémoire que nous soumettons
aujourd'hui est composé, je dirais, de deux parties très
distinctes. Tout d'abord, nous sommes tous favorables, dans notre
fédération, à la Charte des droits de la personne telle
qu'elle est rédigée et présentée, et la meilleure
preuve, c'est que nous n'apportons que quelques correctifs précis,
ajouter un alinéa là , ajouter un mot à tel endroit. Cela,
c'est concret, la réponse, c'est oui ou c'est non, c'est aussi simple
que cela.
De plus, comme la présidente l'a indiqué il y a un
instant, nous avons profité et tiré parti de votre accueil pour
sensibiliser un peu les membres de la
Chambre à des situations concrètes, à des
situations de fait. Ãvidemment, il n'est pas question d'inscrire dans la
charte qu'il faut donner une salle à tous les vieillards dans toutes les
résidences.
M. Bédard: Je comprends.
M. Duhamel: C'est l'évidence même. Mais tous ces
faits sont vrais, et c'est pour vous montrer dans quel esprit nous avons voulu
représenter nos mandants, en quelque sorte. Donc, deux parties: une
partie, si vous voulez, législative ou juridique, qui est de modifier
quelques termes dans la charte et, deuxièmement, vous faire une
description aussi sommaire et rapide que possible d'une situation que nos
cercles vivent quotidiennement.
M. Bédard: Je pense qu'on se comprend bien de part et
d'autre. Même si, ici, c'est une commission qui ne siège que
concernant la Charte des droits de la personne, il reste quand même,
comme vous l'avez dit, que vous avez trouvé opportun d'évoquer
certaines situations que vous voulez porter à notre attention. Par
respect pour le sérieux des situations que vous évoquez, je
voulais vous poser quelques questions dans ce domaine des
représentations générales. Pour ce qui est de la charte
elle-même, vous vous êtes prononcés ici et également,
je crois, Ã la commission parlementaire des affaires sociales...
Mme Boily: Celle concernant l'âge de la retraite.
M. Duhamel: La retraite obligatoire. C'est cela.
M. Bédard: ... concernant l'abolition de l'âge comme
motif de discrimination. Je vous pose la question, je ne voudrais pas qu'elle
soit interprétée comme si j'étais contre l'abolition de
l'âge de la retraite, loin de là , mais simplement en termes
d'information, ne croyez-vous pas qu'une des conséquences de l'addition
de l'âge comme motif de discrimination au sens de la charte pourrait
être que des personnes pourraient contester certains avantages consentis
aux personnes qui ont plus qu'un certain âge? Je pense, par exemple, aux
tarifs préférentiels qui sont donnés dans les autobus,
à certains programmes gouvernementaux. J'imagine que ceci ne vous
inquiète pas.
M. Duhamel: Je vois très bien l'objection.
M. Bédard: Parce que vous tenez pour acquis que serait
bien malvenu celui qui oserait;
M. Duhamel: D'un point de vue social, ce serait assez difficile,
je pense, de le justifier, mais techniquement...
M. Bédard: J'anticipe votre réponse.
M. Duhamel: ... je dois me rendre à votre argumentation,
dans un sens très étroit et technique. Cependant je ne pense pas
qu'une administration, qu'elle soit provinciale ou municipale, s'abaisserait
à cette rouerie, en quelque sorte, pour contourner une situation
concrète et réelle.
M. Bédard: Nous partageons la même conviction, mais
je tenais à ce que vous le disiez.
Mme Boily: Je dois ajouter à ça, M. le ministre,
que c'est sûr que la demande d'abolition de la retraite à 65 ans,
étant facultative, ce n'est pas tout le monde qui la prendrait, parce
qu'il a été prévu qu'il y en aurait seulement 4% qui
peut-être accepteraient de continuer le travail. Alors, il ne faudrait
pas que toutes les personnes âgées soient pénalisées
pour 4% qui décideraient de continuer pour six mois ou un an, on ne le
sait pas. Mais on voudrait que ce soit facultatif au lieu que ce soit: C'est
fini, là . Souventefois, la personne se retrouve avec de graves maladies
parce que, du jour au lendemain, elle est coupée de tout, elle est
coupée de ses amis, de son travail, de son milieu. Quand c'est
facultatif, la personne le décide d'elle-même. Mais ça ne
veut pas dire qu'il y en aura plus qui resteront sur le marché du
travail à 65 ans.
M. Bédard: Je comprends très bien le sens de vos
représentations et je vous remercie encore une fois de votre
travail.
Le Président (M. Desbiens): Mme la députée
de Chomedey.
Mme Bacon: M. le Président, en fait, le ministre m'a un
peu enlevé ce que je voulais dire, tout à l'heure. J'ai quand
même remarqué avec beaucoup de plaisir que vous nous parlez aussi
des droits, mais vous nous avez parlé aussi de ces
responsabilités dont on n'entend pas beaucoup parler depuis le
début, sans, moi non plus, porter un jugement sur les mémoires
qu'on a entendus.
Je pense que, quand vous nous dites que vous voulez de plus en plus
être fermes dans les représentations que vous faites, vous l'avez
démontré par votre mémoire, mais aussi vous nous avez, en
toute sérénité, décrit les besoins. Vous avez, je
pense, actualisé ces besoins qui restent, au cours des années,
les mêmes malgré certaines améliorations des situations.
Par exemple, on n'a qu'à énumérer, le respect de la vie
privée. S'il y a une chose qui m'a toujours frappée et
dérangée c'est cela, parce que ça dérange de voir
des inconnus qui vivent ensemble 24 heures par jour, 365 jours par
année, et ça nous fait surtout réfléchir. C'est
pour moi, en tout cas, des choses importantes, la sauvegarde de votre
dignité, la liberté d'association. Je ne reprendrai pas votre
mémoire, mais, en somme, l'ensemble du mémoire décrit
très bien ce que sont les besoins des personnes du troisième
âge et vous l'avez bien expliqué.
J'essaierai d'être brève parce que, moi aussi, je veux vous
permettre de quitter, mais il y a quand même une chose. Dans vos
recommandations, vous suggérez ou vous proposez un ombudsman pour les
gens qui sont en établissement. On sait que de plus en plus les
personnes du troisième âge ont tendance à vouloir rester
chez elles en appartement et je pense que les gouvernements aussi les
encouragent à le faire par toutes sortes de moyens, toutes sortes de
possibilités, par des sommes qu'on peut leur donner ou des services
qu'on peut leur donner à domicile. Est-ce que, à ce moment, il
n'y a pas un danger de créer deux catégories de personnes du
troisième âge: les personnes en établissement, qui peuvent
avoir, pour les défendre, un ombudsman, et les autres, en appartement,
qui ont aussi des problèmes auxquels elles ont aussi à faire
faire face et qui devront se référer à qui? Vous
êtes-vous penchés aussi sur ces problèmes ou si vous ne
voulez que représenter les personnes en établissement qui sont
peut-être plus dans le besoin?
Mme Cambron: La Fédération de l'âge d'or se
voit un petit peu porte-parole et représentante de toutes les personnes
âgées. Ses membres - parce que les membres de l'âge d'or
sont des gens qui sont encore valides parce qu'ils peuvent se déplacer
pour se rendre rencontrer un groupe au club de l'âge d'or - s'ils sont
encore en appartement ou s'ils sont dans leur logement, peuvent être
membres d'un club de l'âge d'or. Ils pourraient, en participant Ã
un regroupement comme celui-là , bénéficier des
recommandations que le mouvement fait, parce qu'il peut y avoir aussi d'autres
mouvements à côté de nous qui font aussi des
recommandations pour les personnes âgées.
Par contre, pour les personnes qui sont en résidence, il y a deux
ou trois catégories de résidence. Il y a des résidences
où les gens sont vraiment tout à fait autonomes, mais, quand on
dit en institution, on veut dire les personnes qui ont perdu leur autonomie,
qui sont vraiment invalides ou qui ne peuvent pas tellement s'aider
elles-mêmes. C'est surtout celles-là souvent, dans certaines
institutions, qui sont un petit peu des victimes, soit des membres du
personnel, etc. Ce sont des choses qui arrivent même si
ce ne sont que des exceptions, ça arrive et il n'y a qu'une
adresse pour formuler les plaintes, c'est les centres de services sociaux. Dans
les centres de services sociaux, on le dit, c'est trop proche des
professionnels, c'est trop proche des administrations pour que ce soit vraiment
efficace.
Souvent, la crainte de représailles empêche les personnes
de formuler des plaintes. Même les familles n'osent pas formuler les
plaintes. Alors, des situations pénibles se perpétuent parce
qu'elles ne sont pas dénoncées.
Il faudrait, comme on le propose ici, un ombudsman, qui pourrait
être une personne de l'extérieur de la maison, qui serait beaucoup
plus libre pour rencontrer les personnes, recevoir les plaintes et les
acheminer au bon endroit. C'est dans ce sens-là . Comment cela pourrait
se faire? Disons que ça appartiendrait peut-être aux Affaires
sociales d'y voir, mais nous pensons que ça pourrait être quelque
chose qui pourrait aider les personnes qui sont des victimes à certains
moments.
Mme Bacon: D'accord.
Mme Boily: Si vous me permettez, madame, je voudrais ajouter que
ces personnes-là , souvent à cause de la gêne ou si elles ne
sont pas capables de se déplacer, vont plutôt aller porter leurs
critiques aux personnes qui les côtoient, qui sont près d'elles,
qui sont plutôt - comme elle le dit -dans les clubs de l'âge d'or.
Nous autres on reçoit tout. Mais elles n'iront pas voir les centres de
services sociaux pour porter une critique comme ça. Elles vont venir
à nous. C'est pour ça un petit peu que l'on parle de ce
poste-là parce qu'on est bien en mesure de savoir ce qui se passe
auprès de ces personnes. Ce serait plus facile pour elles et elles
seraient plus à l'aise, je pense, de consulter ces personnes dans les
clubs ou...
Mme Bacon: Dans votre mémoire on constate que vos
revendications sont formulées, évidemment, en vue d'obtenir de
meilleures conditions de vie et un mieux-être pour les personnes du
troisième âge. Actuellement, dans la charte, on reconnaît
aussi la majorité de ces droits-là , mais quel rôle
voyez-vous à la charte ou au gouvernement pour le respect des droits de
la personne? Par exemple, vous parlez de logement, vous parlez de transport,
est-ce que vous voyez une protection via la charte ou via le gouvernement par
ces services?
Mme Boily: Je pense que c'est le gouvernement qui devrait se
pencher là -dessus avec ses services.
M. Duhamel: Si vous permettez, je crois avoir...
Mme Bacon: Par des politiques sectorielles? D'accord.
M. Duhamel: Voilà ! c'est cela que j'allais dire.
Mme Bacon: D'accord. Merci.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Chapleau.
M. Kehoe: II ne reste que deux minutes. J'ai juste une question
technique à poser. à la deuxième conclusion, vous
mentionnez que vous voulez que les procédures de comparution devant la
Régie du logement soient assouplies. Avez-vous arrêté
exactement dans vos études de quelle façon vous voulez que cela
soit fait? Que faire exactement pour atteindre ce but-là ? Parce que
effectivement, à la Régie du logement, je pense que les
procédures devant le registrateur sont assez simples. Il n'y a pas de
formalisme et je me demande à quoi vous voulez en venir avec ça.
(16 heures)
Mme Cambron: Des témoignages qui nous sont parvenus nous
apprennent que ça ne concerne peut-être pas nécessairement
un locataire qui a affaire à un propriétaire dans une maison un
peu privée surtout dans les grosses résidences où il y a
peut-être 200 ou 300 locataires et qu'on oblige toujours les personnes,
il faut considérer que ce sont des personnes âgées,
à la retraite, qui ne se déplacent peut-être pas aussi
facilement que d'autres et qui ont à se rendre à la Régie
des loyers et ont souvent à faire face à des propriétaires
qui ont des procureurs, et on pourrait dire que la lutte est un peu
inégale. Les gens sont plutôt craintifs et ils vont subir une
hausse un peu abusive de loyers plutôt que de s'y opposer parce que cela
les oblige à des dérangements et il y a des démarches
qu'ils ne sont pas habitués de faire et qu'ils ne se sentent pas tout
à fait capables et à l'aise de faire. C'est dans ce sens. Comment
cela pourrait être assoupli? Je ne le sais pas. Il y a le recours
collectif. Cela existe dans certains domaines. Je ne sais pas si dans cela il
ne pourrait pas y avoir quelque chose de semblable. La fédération
ne s'est pas penchée sur un problème comme celui-là . On
sait que c'est une situation qui existe.
Certaines personnes âgées sont des victimes de
propriétaires qui ont moins de scrupules qui augmentent les loyers de
façon un peu abusive, parce qu'ils savent que les gens ne savent pas
trop comment se défendre.
Le Président (M. Desbiens): Nous vous remercions...
Oui?
M. Bissonnet: J'aurais une petite question parce que j'ai eu des
représentations à cet effet. Est-ce que vous avez beaucoup de vos
membres qui sont hébergés à l'hôpital qui ont
seulement, par exemple, la pension de vieillesse pour l'époux et
l'épouse et lorsqu'on fait un séjour de plus de 30 jours Ã
l'hôpital, le ministère des Affaires sociales revendique un
montant d'argent à titre d'hébergement. Je ne sais pas si vous
comprenez la question que j'ai à vous poser. Est-ce que vous avez des
représentations? Souvent, le couple formé de personnes du
troisième âge a évidemment son loyer à payer, un des
deux va à l'hôpital, il faut qu'il paie en plus des frais
d'hébergement à l'hôpital. Je ne sais pas si...
Mme Gendron: Je n'ai pas eu de cas... M. Bissonnet: Vous
ne savez pas.
Mme Gendron: ... qui m'ont été
présentés.
M. Bédard: Encore une fois, nous, membres de la
commission, nous vous remercions très sincèrement de l'ensemble
de vos représentations et nous vous souhaitons un bon voyage de
retour.
Le Président (M. Desbiens): Nous vous remercions.
J'appelle maintenant...
M. Bédard: Est-ce qu'on pourrait avoir cinq minutes?
Le Président (M. Desbiens): La commission suspend ses
travaux pour cinq minutes.
(Suspension de la séance à 16 h 03)
(Reprise de la séance à 16 h 22)
Le Président (M. Desbiens): à l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission permanente de la justice reprend ses travaux.
Mouvement laïque québécois
J'invite le Mouvement laïque québécois à se
présenter, s'il vous plaît. Mme LeBlanc-Legault, je vous
demanderais, s'il vous plaît, de nous présenter les personnes qui
vous accompagnent.
Mme LeBlanc-Legault (Norma): Je vous présente Micheline
Trudel-Lamarre, qui est membre du conseil national du Mouvement laïque
québécois, et Daniel Baril, qui est aussi membre du conseil
national du Mouvement laïque québécois. C'est M. Baril qui
va vous faire lecture de notre mémoire, si vous voulez bien.
M. Baril (Daniel): M. le Président, d'abord, le Mouvement
laïque québécois est issu de l'ex-AQADER, l'Association
québécoise pour l'application du droit à l'exemption de
l'enseignement religieux fondée en 1976, qui s'était
prononcée, à son congrès de 1979, pour l'école
laïque. à la suite de cette nouvelle orientation, lors de son
dernier congrès, elle a pris le nom de Mouvement laïque
québécois.
Le Mouvement laïque québécois désire attirer
votre attention sur certaines limitations qu'imposent les articles 41 et 20
à l'exercice des droits et libertés exprimés Ã
l'article 10 de la charte. Ces limitations ont pour effet de sanctionner
certaines formes de discrimination religieuse dans les écoles publiques
du Québec. Comme vous le savez, l'article 41 accorde le droit aux
parents d'exiger, dans les écoles publiques, un enseignement religieux
ou moral conforme à leurs convictions, dans le cadre des programmes
prévus par la loi. La reconnaissance du droit à l'enseignement
religieux peut poser de sérieux problèmes d'application et peut
équivaloir, dans la pratique, au maintien du statu quo confessionnel,
où on retrouve un enseignement religieux obligatoire accompagné
d'un mécanisme d'exemption le plus souvent inapplicable.
Ce droit à l'exemption est discriminatoire tant dans ses
principes que dans sa pratique. Il a été voulu comme une mesure
d'exception qui ne peut être appliquée largement et ne demeure
ainsi qu'un droit théorique dont les violations ne se comptent plus de
même que les frustrations qui s'ensuivent. Tous les témoignages
recueillis tant par l'ex-AQADER, par la Centrale de l'enseignement du
Québec ou dans la série de plaintes que le Mouvement laïque
québécois s'apprête à déposer auprès
de la Commission des droits de la personne, suffisent à le
démontrer largement.
La commission reconnaissait elle-même, en 1979, que l'exemption
est un mécanisme dont l'approche est négative et partant
insuffisante et qu'on ne reconnaît pas à tous les
élèves qui fréquentent l'école publique
confessionnelle une égale reconnaissance de leur liberté de
religion. Que l'école soit confessionnelle ou non, que l'enseignement
religieux soit obligatoire ou optionnel, garantir aux parents le droit d'exiger
un enseignement religieux dans le contexte pluraliste actuel ne peut que
maintenir ces inégalités et injustices parce que tous ne pourront
jouir, en pratique, du même traitement équitable. On se retrouvera
aussi avec les mêmes discriminations, soit pour ceux qui choisiraient
l'enseignement religieux, soit pour ceux qui choisiraient l'enseignement moral,
qu'avec le présent système d'exemption.
Lorsqu'on reconnaît un droit, celui-ci doit être applicable
à tous. L'article 41, en précisant que l'enseignement religieux
ou moral qu'on est en droit d'exiger doit se situer dans le cadre des
programmes prévus par la loi, restreint considérablement
l'exercice de ce droit, puisque les seuls programmes prévus par la loi
sont des programmes d'enseignement religieux catholique et protestant. Pourquoi
ne reconnaît-on pas ce droit pour les autres confessionnalités?
Parce qu'on ne peut multiplier indéfiniment les options et dilapider
sans limite les fonds publics ou parce que le nombre ne le justifie pas. Un tel
droit, reconnu à certaines confessionnalités seulement, devient
alors un privilège pour celles-ci et une discrimination pour les autres,
qui doivent se contenter alors de l'exemption et des problèmes qu'elle
engendre.
Pourtant, comme le déclarait la commission, "le respect des
droits de la personne exige que l'Ãtat offre à tous,
indépendamment de leurs convictions religieuses, un enseignement public
d'égale qualité (...). Le droit à l'éducation sans
discrimination l'exige."
Devant ces principes reconnus de liberté de conscience, de
religion et d'égalité devant l'enseignement public, l'argument du
nombre ne peut tenir lieu de justice et de démocratie. Cet article est
donc porteur d'une discrimination évidente et limite, de façon
inacceptable, l'universalité souhaitable du droit reconnu Ã
l'article 10, article visant à protéger la reconnaissance et
l'exercice des droits et libertés de la personne contre toute
discrimination, religieuse ou autre.
Inversement, il convient de signaler que l'absence d'enseignement
religieux à l'école ne brime en rien le droit à la
liberté religieuse, droit qu'on ne saurait nier. Une situation où
les droits de tous sont pleinement égaux, en pratique, nous paraît
nettement supérieure à la situation actuelle.
Indépendamment des discriminations manifestes protégées
par l'article 41, on est en droit de se questionner sur la justesse des
fondements de ce droit et de se demander s'il appartient bien Ã
l'Ãtat de dispenser un enseignement religieux confessionnel. Sur ce
point, nous sommes à nouveau parfaitement d'accord avec la commission
qui, rappelant un jugement du juge Taschereau, déclare que c'est
là "imposer une obligation aux écoles publiques, financées
par l'Ãtat, de donner un enseignement religieux pour satisfaire aux
convictions de certains parents d'élèves, convictions qui
demeurent leur affaire personnelle et l'affaire de nul autre, et certainement
pas celle de l'Ãtat".
Or, pour toutes ces raisons, parce que l'exercice du droit Ã
l'enseignement religieux amène des inégalités et des
injustices plus grandes que la non-reconnaissance de ce droit, parce qu'on ne
reconnaît pas et qu'on ne peut reconnaître à tous la pleine
égalité de l'exercice de ce droit, parce qu'on ne saurait
attribuer à l'Ãtat le devoir d'assurer un tel enseignement au
détriment d'un enseignement d'égale qualité accessible
à tous, parce que l'article 3 protège suffisamment la
liberté de religion, nous demandons l'abrogation de l'article 41 de la
Charte des droits et libertés de la personne.
L'article 20 constitue une autre reconnaissance de la discrimination
amenée par le règlement du comité catholique et par la
confessionnalité scolaire. Tel que rédigé, cet article a
pour effet d'écarter tout le personnel des institutions scolaires de la
protection que la charte assure ailleurs pour raisons religieuses, puisqu'on y
déclare qu'une "distinction, exclusion ou préférence
fondée sur les aptitudes ou qualités exigées de bonne foi
pour un emploi ou justifiée par le caractère (...)
éducatif d'une institution sans but lucratif (...) est
réputée non discriminatoire".
Or, nos institutions d'enseignement public sont confessionnelles et le
règlement du comité catholique pose une préférence
notoire en exigeant que les membres du personnel d'une institution doivent
être de foi catholique; c'est ce que dit l'article 22 du règlement
du comité catholique.
Un tel critère d'engagement serait discriminatoire n'importe
où ailleurs et il n'est pas plus acceptable dans nos écoles
publiques. De plus, il conduit plusieurs enseignants à trahir leur
conscience au détriment de l'enseignement religieux qu'on veut
protéger par cet article.
Le droit à l'exemption prévu dans ces cas, pour
l'enseignant, est aussi bafoué et tout aussi inapplicable que celui
prévu pour les élèves. Il ne reste donc plus aucun recours
à ceux qui se verraient lésés dans leurs droits,
puisqu'ils sont exclus de la discrimination par l'article 20.
De l'aveu même de la commission, "une telle exigence - l'exigence
du règlement du comité catholique - paraît, Ã
première vue, critiquable comme allant à l'encontre de la
liberté religieuse et du droit à l'égalité". La
Charte des droits et libertés de la personne doit donc nous
protéger contre une telle discrimination, devenue injustifiable et
indéfendable, et non pas la sanctionner. (16 h 30)
Nous demandons donc, tant que l'école publique demeurera
confessionnelle, d'ajouter à la Charte des droits et libertés de
la personne un article qui verrait à protéger le personnel
scolaire contre toute distinction, exclusion ou préférence
fondée sur des raisons religieuses.
Pour terminer, on aimerait rappeler certaines conclusions de la
Commission des droits de la personne. Dans son document sur la liberté
de religion et de confessionnalité
scolaire, la commission, reconnaissant la discrimination
engendrée par le système scolaire confessionnel, en appelait
à l'intervention politique. La parole, disait-on, est maintenant au
législateur. C'est à lui qu'incombe la responsabilité
d'ajuster le système scolaire public pour le rendre respectueux de
toutes les convictions, c'est-Ã -dire ouvert au pluralisme. Dans son
analyse du problème de l'exemption dans les commissions scolaires cries
et kativik, la commission répète à la lettre ce même
appel, reconnaît qu'on est en droit de s'interroger sur la portée
de l'article 41, et admet son impossibilité d'agir si cet article n'est
pas remis en question.
Dans une lettre à un de nos membres, le bureau de Québec
reconnaît qu'on ne peut régler les problèmes de
discrimination religieuse à l'école par du cas par cas et nous
signale que la situation exigerait maintenant l'intervention d'une
volonté politique clairement exprimée, mais cette volonté
politique n'est pas encore manifestée.
L'intervention souhaitée dépasse le cadre de la charte des
droits et libertés, mais elle ne peut être conséquente sans
amender d'abord cette charte dans le sens des modifications souhaitées
plus haut.
En conséquence, nous vous demandons d'exprimer cette
volonté politique dans le sens de nos demandes et de rendre ainsi la
charte en conformité avec les interprétations de la Commission
des droits de la personne elle-même. Merci.
Le Président (M. Lafrenière): Merci, M. Baril.
M. Marx, en l'absence du ministre.
M. Marx: Oui, je vais excuser le ministre. Il a un appel
très important. On va gérer le gouvernement pour quelques
minutes. C'est le temps pour un vote.
Le Président (M. Lafrenière): Pour prendre des
engagements à sa place.
M. Marx: Pour prendre des engagements à sa place, oui. On
a déjà eu des représentations dans deux sens de deux
autres personnes, et je ne vais donc pas reprendre le débat qu'on a
déjà fait sur cette question. Je pense que c'était
évident que si on était en train de rédiger une
disposition dans la constitution en ce qui concerne l'éducation, on ne
viserait pas seulement les catholiques et les protestants, c'est
évident. C'est tellement évident et c'est curieux, parce que,
dans la charte fédérale, où on prévoit
l'égalité de tous devant la loi, Terre-Neuve a insisté
pour qu'il y ait un article spécial, l'article 29, que je vais lire, qui
prévoit que "les dispositions de la présente charte ne portent
pas atteinte aux droits ou privilèges garantis en vertu de la
constitution du Canada concernant les écoles séparées et
autres écoles confessionnelles". C'est-à -dire que cette province
a voulu être sûre et certaine que l'article 93 de la constitution
ne serait pas jugé inconstitutionnel à cause de la charte qui
prévoit l'égalité de tous devant la loi. Dans ce sens,
c'est évident qu'on a fait de la discrimination Ã
l'époque, elle reste avec nous depuis la
Confédération.
Le problème que vous avez soulevé va au-delà de la
charte, parce que la charte ne s'applique pas aux lois adoptées
antérieurement à la charte. Cela s'applique seulement aux lois
postérieures. Vraiment, si vous voulez que le problème soit
réglé, il faut qu'il y ait un acte politique du gouvernement.
Vous devrez demander au gouvernement quelle est sa politique en matière
d'éducation, parce que cela prendra plus qu'un amendement à la
charte pour régler vraiment ce problème. Même si on amende
les articles que vous avez suggérés, la charte n'aurait pas
préséance sur les lois antérieures; les lois existantes
seront donc encore en vigueur.
M. Baril (Daniel): Oui, il nous paraît évident que
cela dépasse le contenu de la charte. Il y a aussi un article dans la
charte qui dit que la commission a comme mandat de vérifier les lois
antérieures pour voir si elles ne contreviennent pas à la
déclaration de la charte.
Deuxièmement, on considère que la charte n'a pas Ã
répéter à nouveau des lois qui nous semblent
discriminatoires comme le règlement du comité catholique qui a
force de loi. Les deux articles en question protègent ce
règlement. Advenant le cas où la constitution serait
changée et advenant le cas où le règlement du
comité catholique serait amendé ou complètement
éliminé, on resterait quand même avec une Charte des droits
et libertés de la personne qui répéterait à nouveau
ces cas. Si on peut aujourd'hui l'amender, on sera déjÃ
prêt.
M. Marx: Ce serait un pas en avant, d'accord. Pour votre
thèse, ce serait un pas en avant, oui. Je n'ai pas d'autres questions.
Si vous avez d'autres commentaires, allez-y.
Le Président (M. Lafrenière): Allez-y.
M. Dauphin: J'aurais seulement une petite question,
naturellement. Je me réfère à votre première page,
lorsque vous dites qu'en fonction de la législation actuelle le droit
à l'exemption de l'enseignement religieux serait jugé
discriminatoire. C'est ce que vous dites, d'ailleurs, dans votre
mémoire. J'aimerais que vous explicitiez un peu cela. Ce que je veux
dire par là , c'est que je me demande si ce ne serait pas plutôt le
contraire; si ce ne serait pas un
droit fondamental que d'avoir droit à l'exemption avec la
législation actuelle.
Mme LeBlanc-Legault: Comme droit fondamental, cela devrait
être l'égalité pour tous à l'école publique
qui appartient à tous. C'est cela qui est fondamental, alors qu'on est
devant des règlements du comité catholique qui a
déclaré, en fait, nos écoles juridiquement
confessionnelles seulement en 1974 et que l'enseignement religieux était
obligatoire pour tous. Là où entre en ligne de compte
l'exemption, c'est qu'on demande aux citoyens qui ne sont pas d'accord avec
cela de faire une démarche de plus, c'est-à -dire d'aller Ã
l'école et de dire: Je ne veux pas d'enseignement religieux pour mes
enfants, je demande donc l'exemption. Par le fait même, on demande un
cours de formation morale humaniste. Au contraire, c'est une contradiction
quand on parle de droits fondamentaux et en même temps d'enseignement
religieux obligatoire et de processus d'exemption. Cela me semble une
contradiction évidente.
Mme Trudel-Lamarre (Micheline): Pour ajouter à ceci, c'est
que l'enseignement religieux se fait de façon automatique, alors que,
pour avoir un enseignement humaniste, il faut faire une démarche
spéciale. Ãvidemment, compte tenu de cela et du contexte
socioculturel dans lequel on vit depuis longtemps au Québec, cette
démarche est rendue tellement difficile que cela équivaut
à la marginalisation des enfants dont les parents ont eu le courage
d'afficher leurs convictions religieuses. La Commission des droits de la
personne nous a dit que ce n'était pas du cas par cas qui
amènerait un éclairage neuf à la situation, mais, en
général, on note encore, en 1981 - le droit à la
dissidence a été reconnu par le comité catholique en 1967
et par ses règlements de 1974 - que, dans bien des endroits, les enfants
exemptés de l'enseignement religieux ont des services de moindre
qualité. Par exemple, les enseignants qui vont donner le cours de
formation morale humaniste n'ont aucune préparation. Ce sont des
compléments de tâche qu'on leur donne à la dernière
minute. Dans plusieurs écoles, les enfants exemptés
reçoivent deux cours de formation morale, alors qu'il y a trois cours
d'enseignement religieux.
On donne de l'information aux parents, information qui vient du
conseiller en éducation chrétienne ou, dans certaines commissions
scolaires, on donne l'information sur le droit à l'exemption et sur le
programme de morale humaniste seulement aux gens qui font une demande
d'exemption. Déjà , il n'y a pas de politique. Le droit Ã
l'exemption, il y a eu une commission parlementaire là -dessus.
L'information, parce qu'on est dans un système confessionnel, est
réduite le plus possible. Je ne veux pas en ajouter. Même dans une
école confessionnelle on a le droit d'exempter nos enfants de
l'enseignement religieux, 120 minutes au primaire et 100 minutes au secondaire,
mais nos enfants sont baignés dans le projet éducatif
chrétien; il y a des classes où à des enfants
exemptés on fait réciter des prières en arrivant le matin,
le bénédicité avant de partir le midi, les grâces en
revenant.
Alors, c'est un contexte de récupération. L'animation
pastorale qui se fait dans les écoles et qui est le relais entre
l'évêché et le système scolaire s'adresse Ã
tous les enfants parce qu'on n'a pas prévu -c'est trop compliqué
à administrer - que des enfants soient aussi exemptés de
l'animation pastorale.
Alors, je pense que le mot discriminatoire qu'on a utilisé n'est
pas trop fort.
M. Marx: Juste une question. Est-ce que j'ai raison de dire
qu'avant la loi 28 les commissions scolaires à l'extérieur des
villes de Montréal et de Québec étaient surtout des
commissions scolaires communes qui étaient des commissions
confessionnelles en fait, mais pas en droit, et qu'avec la loi 28 on a rendu
ces commissions confessionnelles en droit? On a changé le système
avec la loi 28. Maintenant tout ce que je peux...
Mme LeBlanc-Legault: Excusez-moi, parlez-vous d'une loi
québécoise ou du même article?
M. Marx: Oui, oui.
Mme LeBlanc-Legault: Il me semblait que ce projet de loi n'avait
pas été adopté.
M. Bédard: La loi à laquelle réfère
le député n'a pas été adoptée.
M. Marx: Vers 1970, non ce n'était pas adopté? Pour
les commissions scolaires à l'extérieur de Montréal et
Québec, on a adopté une loi, ah oui.
M. Bédard: à l'extérieur, oui c'est
cela.
M. Marx: à l'extérieur de Montréal et
Québec.
Mme LeBlanc-Legault: Je crois que le comité catholique a
défini les commissions scolaires comme étant
réputées catholiques ou protestantes; c'est dans les
règlements du comité catholique, plutôt, mais ils ont force
de loi parce que cela passe par un arrêté en conseil.
De toute façon, je vous connais comme étant un expert, M.
Marx; au moment de la restructuration, je pense que vous avez bien
travaillé...
M. Marx: Je n'ai pas pris position, c'était technique.
Mme LeBlanc-Legault: Je sais, et je sais ce qui a
été recommandé par la personne dont vous étiez le
conseiller technique, mais ce n'est pas le moment d'en parler.
M. Bédard: ... est en train de rougir.
Mme LeBlanc-Legault: Je pense que de toute façon le
jugement Deschênes, qui a été le dernier jugement
là -dessus, répète cela, bien que, à mon avis, je
connais au moins deux autres constitutionnalistes, dont vous, dont j'avais
déjà entendu une opinion très différente, Ã
savoir que ce qui était protégé par l'article 93 pouvait
se limiter au territoire occupé en 1867 par le Protestant School Board
et la Commission des écoles catholiques de Montréal, et
après un certain nombre d'années, qui était trois ou
quatre.
Alors, le jugement Deschênes a élargi cela; par exemple,
à ma grande surprise, Montréal-Nord est associée Ã
Montréal sur le plan scolaire. On n'en parle même pas dans le
jugement.
M. Marx: Malheureusement, les juges ne suivent pas toujours leurs
anciens étudiants.
Mme LeBlanc-Legault: On l'a déjà dit, on est
allé en commission parlementaire sur la constitution pour parler de
l'article 28 du projet de charte fédérale, on est allé
là -dessus. à ce moment-là on a bien dit aux gens en place
que, même avec les limites qu'impose le jugement Deschênes pour le
moment, jusqu'à temps qu'on soit allé en appel, toutes les autres
écoles du Québec peuvent être
déconfessionnalisées.
Le Président (M. Desbiens) Mme Trudel.
M. Marx: D'accord, j'ai pris la même position, j'ai dit que
c'est garanti dans la ville de Montréal, telle qu'elle était en
1867, et qu'on peut baisser le niveau jusqu'à la quatrième
année; je pense qu'on a fait des études historiques.
Le problème est politique, comme j'ai dit il y a quelques
minutes, et maintenant peut-être peut-on savoir la politique du
gouvernement sur cette question, s'il en a une. (16 h 45)
M. Bédard: Je pense que le ministre Laurin a parlé
d'une politique à venir. En ce qui a trait à la charte des droits
et libertés, on aura l'occasion d'avoir d'autres
représentations.
Le Président (M. Desbiens): Mme
Lamarre voudrait ajouter quelque chose.
M. Bédard: Je voulais simplement, M. le Président,
vous me le permettrez, m'excuser d'avoir été dans l'obligation de
m'absenter quelques instants. Je suis convaincu que mon collègue d'en
face a posé les questions pertinentes. Vous n'en êtes pas
sûr? Vous avez essayé.
Mme LeBlanc-Legault: Je pense qu'il aurait
préféré avoir un bout à ce moment-là .
M. Bédard: Vous avez entendu M. Légaré, vous
étiez ici lorsque M. Légaré a témoigné en
commission tout à l'heure; il y est allé d'une suggestion
d'amendement. Est-ce que ça rejoindrait l'essentiel de votre
préoccupation?
M. Baril (Daniel): Je suggérais un amendement Ã
l'article 20 restreignant la portée de l'article 20 aux institutions
privées. Lorsque je me souviens ou plutôt...
M. Bédard: Vous parlez des écoles publiques.
M. Baril (Daniel): ... les institutions qui ont des
bénévoles comme personnel. Cela ne rejoint pas tout à fait
ce qu'on voudrait parce qu'il y a des organisations qui peuvent avoir des
employés salariés, même protégés par les
conventions qui l'excluaient dans son amendement qui pourraient jouir de la
protection de l'article 20. Si on pense, par exemple, Ã des organismes
d'immigrants qui pourraient être protégés dans cet article,
il va y avoir un personnel de salariés.
Ici, on faisait simplement demander que soit ajouté, Ã
ceux de l'article 20, un article qui protégerait le personnel scolaire -
ça va du directeur jusqu'au concierge parce que tout le personnel est
touché par la réunion du comité catholique - de le
protéger contre l'exclusion pour raison religieuse. On a pris
connaissance seulement ce matin d'amendements suggérés en ce sens
par la CEQ et il semble...
M. Bédard: Le plus large.
M. Baril (Daniel): ... correspondre assez exactement à ce
qu'on disait: Que l'on enlève le mot "religieux" et "critère
d'exclusion" et qu'on ajoute un paragraphe en limitant le caractère
religieux aux institutions privées. C'est à peu près
ça, si je ne veux pas trop fausser. Comme formulation, c'est assez
proche de notre position.
M. Bédard: Excusez, allez-y.
Le Président (M. Desbiens): Mme
Lamarre voulait ajouter quelque chose.
Mme Trudel-Lamarre: Je voulais
simplement mettre un peu plus de poids sur le fait qu'on se
présente aujourd'hui. C'est sûr qu'il y a des problèmes
politiques mais le problème qu'on voulait soulever aujourd'hui est un
problème de fond. Ãvidemment, que les lois antérieures
à la charte ne peuvent pas être modifiées du fait qu'on
déclare des droits et libertés, la charte n'a pas à donner
une base supplémentaire à la discrimination qu'on vit. C'est pour
ça qu'on demande une abrogation de l'article 41 et une modification de
l'article 20.
M. Bédard: Cela répond à ma question, M. le
Président.
Le Président (M. Desbiens): Je remercie, au nom de la
commission, le groupe Mouvement laïque québécois pour sa
participation à nos travaux.
BAC
J'inviterais maintenant le Bureau d'assurance du Canada à se
présenter à l'avant. Alors, M. Medza si vous voulez
présenter, s'il vous plaît, les personnes qui vous
accompagnent.
M. Medza (Raymond): Merci, M. le Président. Si vous me
permettez, mesdames et messieurs, j'aimerais vous présenter ceux qui
m'accompagnent: M. John Sylvain, président du conseil du comité
consultatif du BAC au Québec, le Bureau d'assurance du Canada, il est
également secrétaire du Groupement des assureurs automobiles et,
dans sa fonction principale, il est président-directeur
général de Provinces unies, une compagnie
québécoise. à côté de M. Sylvain, Me
Hélène Lamontagne-Gagné, notre conseiller juridique.
à ma gauche, M. Yves Brouillette, président du comité de
la statistique du groupement des assureurs automobiles, il est également
vice-président actuariat au Groupe Commerce, une autre compagnie
québécoise. Je suis Raymond Medza, directeur
général du Groupement des assureurs automobiles, j'agis
également comme directeur pour le Québec du Bureau d'assurance du
Canada.
Je demanderais, si vous me le permettez, M. le Président,
à M. Sylvain de vous faire état de nos
représentations.
M. Sylvain (John): M. le Président, le Groupement des
assureurs automobiles est un organisme créé par le gouvernement
du Québec et qui regroupe tous les assureurs privés
autorisés à pratiquer l'assurance automobile dans la province.
L'organisme est responsable du système de répartition des
risques, de l'application de la convention d'indemnisation directe, de
l'agrément des centres d'estimation de dommages matériels, du
constat amiable et agit comme agent statistique. Le Bureau d'assurance du
Canada est une association dont font partie la majorité des compagnies
pratiquant au Québec l'assurance automobile, habitation, biens et
responsabilités civiles tant pour les particuliers que pour les
entreprises.
Le groupement et le BAC appuient les efforts du gouvernement du
Québec dans le domaine des lois sur les droits de la personne, notamment
au niveau des principes clés dont sont la dignité de l'individu
et la valeur de l'acceptation et de la recherche des différences entre
les personnes dans une société pluraliste. Le groupement et le
BAC estiment cependant que la première qualité Ã
rechercher dans l'établissement de la tarification automobile doit
être l'équité. Pour que la prime soit équitable,
elle doit tenir compte le plus précisément possible de la nature
du risque. Comme on le sait, le risque lui-même peut varier selon un
certain nombre de facteurs dont évidemment, l'âge, le sexe ou
l'état civil de l'assuré. Bien que le mandat du comité sur
la non-discrimination dans les avantages sociaux ne semble pas englober
l'assurance automobile privée, le groupement et le BAC aimeraient
profiter de la tenue de la commission, afin d'expliquer publiquement la
position de leurs membres et les raisons pour lesquelles ils souhaiteraient
voir l'article 90 modifié pour exempter expressément les
assureurs automobiles de certaines obligations, notamment, les articles 11, 13,
16, 17 et 19 de la Charte des droits et libertés de la personne. Cela,
afin de permettre aux assureurs automobiles d'offrir aux assurés
québécois des primes équitables, c'est-à -dire qui
reflètent le risque impliqué. Le mécanisme fondamental de
l'assurance est que ceux qui sont exposés à un risque
donné s'unissent en contribuant à un fonds commun, de sorte que
les petites sommes payées par un grand nombre servent à compenser
les dommages subis par un petit nombre. Ceux qui représentent un risque
anormalement élevé pour l'ensemble de la communauté
doivent payer des primes proportionnellement plus élevées pour
préserver une certaine équité envers les autres membres de
la communauté.
Afin de cerner la nature du risque, les assureurs automobiles utilisent
un système de classification qui varie peu de l'un à l'autre pour
un type de véhicule donné. Ce système de classification
repose sur les critères suivants. Pour les garanties de
responsabilité civile, tous risques et collision: le territoire, la
classe du conducteur, le dossier de conduite et le groupe de tarification du
véhicule. Pour les garanties accident sans collision ni versement et
risques spécifiés: le territoire et le groupe de tarification du
véhicule. Les facteurs âge, sexe et état civil servent
uniquement à déterminer la classe du conducteur. Ils ne sont
généralement utilisés que pour les assurés qui ont
entre 16 et 30
ans, c'est-à -dire là où les statistiques
révèlent une différence significative dans la nature du
risque.
L'utilisation de ces facteurs n'est pas arbitraire, elle repose sur des
fondements statistiques très sérieux. Au Canada, les
premières données statistiques automobiles remontent Ã
1926. Chaque année, l'agence statistique désignée par
l'ensemble des surintendants d'assurance du pays réunit les
données de tous les assureurs autorisés à pratiquer
l'assurance automobile. Depuis janvier 1969, ce rôle a été
confié au Bureau d'assurance du Canada et, depuis janvier 1981, au
Groupement des assureurs automobiles pour le Québec. Les données
statistiques ainsi obtenues sont présentées dans un recueil
communément appelé livre vert et s'intitulant: Le rapport
statistique sur l'assurance automobile.
En tenant compte de ces données, chaque assureur se dote d'une
structure de prix qui lui fournit suffisamment de revenus pour couvrir ses
obligations tout en restant concurrentiel. De plus, l'assureur répartit
ses coûts entre les différents groupes d'assurés pour en
arriver à sa structure finale de tarif qui donne les primes
exigées des différents assurés, compte tenu toujours du
risque que chacun d'entre eux représente. Il est également
à noter que le coût de l'assurance automobile reflète des
problèmes qui n'ont rien à voir avec les droits de la personne,
par exemple les habitudes de conduite, l'abus d'alcool ou de drogue et la
dommageabilité des véhicules. Ces problèmes devraient
être attaqués directement et non pas par le truchement d'un
système d'assurance.
Comme la commission s'intéresse plus particulièrement aux
facteurs âge, sexe et état civil, voyons un peu ce que nous disent
les statistiques pour chacun. Ces statistiques sont tirées du dernier
rapport du Surintendant des assurances de la province de Québec. Vous
avez devant vous trois tableaux, je vais les repasser rapidement avec vous, si
vous me le permettez. Pour les statistiques selon l'âge, au
Québec, il y a deux facteurs essentiels. Le premier est la
fréquence des sinistres, c'est-à -dire le pourcentage de
détenteurs de permis de conduire qui sont impliqués dans des
accidents. Le deuxième est le coût moyen des sinistres par
véhicule.
En regardant le chapitre de la responsabilité civile, on voit que
chez les assurés de moins de 21 ans, les conducteurs de moins de 21 ans,
il y en a 23,6% qui sont impliqués dans des accidents, tandis que pour
ceux de plus de 25 ans le pourcentage tombe à 12,2%, donc, presque la
moitié.
Les coûts moyens pour ces mêmes gens passent de 192 $ pour
les moins de 21 ans à 95 $ pour ceux qui ont plus de 21 ans.
Au chapitre de la collision, on retrouve encore la même chose.
Pour la fréquence, les moins de 21 ans représentent 24%, tandis
que ceux de plus de 25 ans représentent 8,4% des sinistres.
Le coût moyen passe de 400 $ pour les moins de 21 ans à 102
$ pour ceux qui ont plus de 25 ans.
Les statistiques selon le sexe...
M. Bédard: à ce stade-ci, est-ce qu'entre la
responsabilité civile et la collision, vous faites une
différence? Pourriez-vous l'indiquer de nouveau...
M. Sylvain: M. le ministre, la responsabilité
civile...
M. Bédard: .. juste pour la bonne
compréhension?
M. Sylvain: ... d'une police d'assurance vous assure contre les
blessures que vous pourriez causer à d'autres, tandis que la collision
c'est simplement les dommages que vous pouvez causer vous-même Ã
votre véhicule ou qui peuvent être causés à votre
véhicule.
M. Bédard: D'accord.
M. Sylvain: Pour les statistiques selon le sexe, encore une fois
divisées entre hommes et femmes, selon les fréquences, on voit
que les hommes ont 20,5% de fréquence de sinistres tandis que les femmes
n'en ont que 15,8%. Les coûts moyens se différencient de la
façon suivante: le coût moyen pour les hommes est de 168 $ tandis
que pour les femmes il tombe à 122 $.
Au chapitre collision, le même phénomène se
répète. Pour la fréquence, les hommes, 18,5%; les femmes,
11,8%. Le coût moyen des sinistres tombe de 299 $ à 160 $.
Les statistiques selon l'état civil entre les célibataires
et les gens mariés, encore une fois divisées entre le chapitre
responsabilité civile et le chapitre collision de la police d'assurance
indiquent que la fréquence pour les célibataires est de 21,4% et
pour les gens mariés de 17,4%. Quant au coût moyen, il tombe de
177 $ Ã 135 $.
Au chapitre collision, la fréquence est de 21,6% pour les
célibataires et tombe à 11,9% pour les gens mariés. Le
coût moyen tombe de 366 $ à 160 $.
Comme les membres de la commission l'auront certainement
constaté, l'utilisation de chacun de ces facteurs permet de faire porter
par les groupes qui représentent plus de risques leur part normale du
coût des sinistres.
La suppression des facteurs âge, sexe et état civil en
assurance automobile serait désavantageuse sur le plan économique
et social. Par exemple, si on supprimait les facteurs sexe et état
civil, il en résulterait une augmentation de 25% à 40% pour
les
jeunes femmes, tandis que les jeunes hommes célibataires
profiteraient d'une baisse importante. (17 heures)
L'élimination du facteur âge entraînerait aussi des
augmentations pour les groupes de 30 ans et plus, qui constituent la grande
majorité des assurés. Il s'agirait d'un transfert pur et simple
des coûts d'un groupe de consommateurs à un autre. Alors que la
société ne subventionne pas l'achat de voitures, serait-il
acceptable d'exiger de la majorité des consommateurs qu'ils
subventionnent la prime d'assurance automobile de ceux qui représentent
plus de risques?
La fréquence d'accidents des jeunes conducteurs est beaucoup plus
élevée que la moyenne. Bien que les 15 à 24 ans
représentent 20% des détenteurs de permis, ils sont
impliqués dans 37% des accidents routiers avec victimes et comptent pour
52% des tués sur la route. Si on subventionnait ces catégories,
cela entraînerait un accroissement du nombre de jeunes
propriétaires de voitures et, conséquemment, du nombre
d'accidents et de victimes de la route. Ne serait-ce pas là une
façon d'aggraver un problème social déjÃ
très sérieux?
Si l'assurance doit être offerte par un marché d'assureurs
concurrents, ceux-ci doivent être libres d'établir des
différences entre les divers risques.
La concurrence entre les assureurs profite au public parce que chacun
d'entre eux essaie d'être meilleur que les autres et de convaincre les
consommateurs qu'il est le meilleur. Cette concurrence amène les
assureurs à essayer de se surpasser dans les services offerts, dans la
conception de nouveaux produits, dans les prix et dans la tarification des
risques.
La vivacité de la concurrence qui caractérise notre
marché de l'assurance automobile entraîne un niveau de recherche
constant de la part des compagnies pour trouver des critères de
tarification meilleurs et plus prévisibles.
Certains estiment qu'aucune différenciation n'est acceptable,
même lorsqu'elle n'est pas arbitraire et qu'elle peut être
objectivement justifiée. Nous ne partageons pas ce point de vue.
à notre avis, la société et la grande majorité des
individus qui la composent reconnaissent la nécessité et
l'équité d'une différenciation dans de nombreuses
situations. Les résultats de sondages effectués par le groupement
et par le BAC afin de connaître la réaction du public face
à une éventuelle modification des critères de
tarification, démontrent que les gens favorisent en principe la
tarification unisexe, mais qu'ils s'y opposent si elle doit leur coûter
plus cher.
L'objectif des lois sur les droits de la personne réside dans
l'élimination des différenciations qui porteraient atteinte
à la dignité de la personne et aux droits à la
différence. Le fait d'exiger des tarifs différents en assurance
automobile uniquement en raison de la différence existant dans le risque
ne porte nullement atteinte à la dignité humaine, mais constitue,
au contraire, un effort d'équité envers tous.
Nous insistons sur cet aspect parce qu'il semble régner une
certaine confusion dans la nature véritable des droits de la personne.
Certains semblent croire qu'il faille présumer que tout le monde est en
fait identique et qu'il ne devrait donc y avoir aucune différence de
traitement et que les vies devraient être soumises aux mêmes
paramètres généraux. Ce genre de raisonnement, loin de
promouvoir le respect des différences individuelles, a pour effet de
rejeter et de supprimer ces mêmes différences.
Le principe des droits de la personne n'exige pas un traitement
égal, ni la prémisse que tout le monde est pareil, mais exige que
personne ne soit pénalisé pour ses différences. Cette
distinction cruciale est souvent perdue de vue.
Toute différence de traitement constitue une violation
élémentaire du principe des droits de la personne si l'essence de
ce traitement est de pénaliser l'individu ou le groupe qui ose
être différent. D'un autre côté, une
différence de traitement qui n'est pas une tentative de
pénalisation, ni une marque gratuite d'hostilité Ã
l'égard de la différence d'une personne ou d'un groupe
donné ne constitue pas une violation du principe des droits de la
personne.
Tout ceci concerne l'industrie des assureurs parce que, bien qu'il ne
fasse aucun doute que les assureurs font des différences selon
l'âge, le sexe et l'état civil, personne ne pourrait
prétendre que cette différenciation est basée sur une
volonté de pénalisation ou un sentiment d'hostilité
à l'égard des jeunes, des personnes âgées, des
hommes, des femmes, des gens mariés ou des célibataires. La
preuve que les assureurs ne font pas de différence dans un but de
pénalisation se trouve dans le fait que, dans certains cas, les hommes
paient des tarifs inférieurs à ceux des femmes alors que, dans
d'autres cas, ce sont les femmes qui paient des tarifs inférieurs
à ceux des hommes, que parfois les jeunes paient plus que les gens plus
âgés, alors que dans d'autres occasions c'est le contraire qui se
produit, le tout en fonction de considérations actuarielles qui, comme
nous l'avons dit, tendent dans la mesure du possible à une tarification
de l'assurance basée sur les coûts effectifs.
M. le Président, nos recommandations sont les suivantes: attendu
que le Comité sur
la non-discrimination dans les avantages sociaux reconnaît que
l'établissement du coût des avantages sociaux ou de l'assurance
doit nécessairement tenir compte du risque impliqué; attendu que
l'utilisation des facteurs âge, sexe et statut civil par les assureurs
automobiles repose sur des données statistiques contrôlées
par le Surintendant des assurances du Québec et n'a pour seul objectif
que d'établir la nature du risque impliqué; attendu que la
Législature ontarienne est sur le point d'exempter expressément
les assureurs automobiles de certaines obligations de sa Charte des droits et
libertés de la personne relatives à l'utilisation de l'âge,
du sexe et de l'état civil dans l'établissement de la
tarification; attendu que les assureurs sont déjà régis
par une loi spécifique et que leurs opérations font l'objet d'une
surveillance par le Surintendant des assurances, le groupement et le BAC
souhaitent donc que le législateur, premièrement, exclue
expressément les assureurs automobiles des articles 11, 13, 16, 17 et 19
en incluant au texte de l'article 90 l'expression "assurance automobile";
deuxièmement, confie au Surintendant des assurances, dans le cadre de la
Loi sur les assurances, le pouvoir de réglementer dans ce domaine en
consultation avec la Commission des droits de la personne.
M. le Président, nous vous remercions d'avoir accepté de
considérer notre point de vue.
Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.
M. Bédard: M. le Président, c'est nous qui
remercions celles et ceux qui ont accepté de faire les
représentations au nom du Groupement des assureurs automobiles et du
Bureau d'assurance du Canada. Il s'agit d'un mémoire, on est Ã
même de le constater, concis et précis. J'ai l'impression qu'il y
en a plusieurs qui vont avoir des questions à poser. La ministre
d'Ãtat à la Condition féminine est en train de faire
l'évaluation des statistiques que vous nous avez
présentées qui semblent démontrer très clairement
les différences de risque qu'il peut y avoir d'une catégorie de
citoyens et de citoyennes à une autre.
à la fin de votre mémoire, vous référez
à la Législature ontarienne qui, dites-vous, est sur le point
d'exempter expressément les assureurs automobiles de certaines
obligations de sa charte des droits et libertés. Je crois que vous avez
avec vous votre collègue de droite qui connaît bien la situation
en Ontario. Est-ce que vous auriez d'autres informations pertinentes Ã
nous communiquer sur la situation qui prévaut non seulement en Ontario,
mais peut-être aussi aux Ãtats-Unis ou dans d'autres pays en
matière d'assurance de biens? Je pense que cela intéresserait
vraiment les membres de la commission de pouvoir profiter de votre
expérience.
Mme Lamontagne-Gagné (Hélène): En effet, la
législation ontarienne, il faut la considérer dans le contexte de
la loi sur les assurances de l'Ontario. Il est exact que le projet de loi 7
contient actuellement un article qui va exempter les assureurs-vie et
l'assurance en général de l'application de l'article qui, en
fait, dit qu'il est interdit d'avoir une clause discriminatoire dans un contrat
d'assurance qui pourrait être, entre autres, les différentes
classifications utilisées pour la tarification.
Il faut cependant se rappeler que, dans la loi sur les assurances de
l'Ontario, il existe un chapitre particulier qui traite des pratiques
restrictives de commerce et qui, entre autres, prévoit qu'il ne doit pas
y avoir de discrimination dans les taux sur l'automobile et dans d'autres
domaines. Ce qui veut dire à ce moment-là que la Charte des
droits et libertés de la personne de l'Ontario est doublement
justifiée d'éviter un dédoublement de
pénalité ou de contrôle dans un domaine qui est
déjà du ressort du Surintendant des assurances et qui existe dans
leurs lois.
Lorsqu'on dit qu'ils vont probablement approuver cette recommandation de
l'article 20, il faut toujours comprendre pourquoi, dans notre deuxième
recommandation, nous suggérons que le Surintendant des assurances du
Québec pourrait peut-être, de la même façon que
ça existe dans les lois sur les assurances en Ontario et au
Nouveau-Brunswick, procéder de cette façon par le bureau du
surintendant. C'est l'optique dans laquelle il faut regarder l'exemption de
l'Ontario.
Dans les autres provinces, la tarification se fait de différentes
façons. Ici, évidemment, nous considérons les trois
éléments particuliers, soit le sexe, l'état civil et
l'âge. Dans certaines provinces, notamment le Nouveau-Brunswick,
l'Ontario et l'Alberta, l'élément état civil a
été enlevé, dans les dernières années. Donc,
ils utilisent présentement les critères âge et sexe et non
pas l'état civil. Mais il y a toujours le quatrième
élément qu'on ne mentionne pas ici, mais qui est très
important en assurances, comme vous voyez, qui est le territoire. Cet
élément est toujours présent.
Dans d'autres provinces, notamment les provinces où l'assurance
est étatisée, la Saskatchewan, le Manitoba et la Colombie
britannique, il existe un système mixte; la Colombie britannique, en
1979, a introduit ce qu'elle appelle le "fair plan" qui existe, en fin de
compte, dans le but d'enlever la discrimination dans la tarification de
l'assurance automobile. Cette loi va entrer
en vigueur graduellement et, présentement,
l'élément sexe existe encore en Colombie britannique. Cependant,
il faut se rappeler qu'en même temps qu'ils ont introduit cette loi ils
ont introduit un nouvel élément dans la tarification,
relié aux infractions de la route, aux accidents ou réclamations.
Je vous donne un exemple: dans certains accidents ou certaines infractions, on
aura une pénalité de $300 qui sera ajoutée au montant de
base et cette pénalité doit être supportée pendant
quelquefois un an, deux ans ou trois ans avant que la personne revienne au taux
normal payé par tous les autres. C'est plus ou moins le bonus-malus qui
existe en Europe.
En Saskatchewan, on fait la même chose, parce qu'ils ont
éliminé l'élément sexe l'année
passée; au Manitoba, c'est de la même façon, un
système mixte. Lorsqu'ils enlèvent certains critères qu'on
considère discriminatoires, ils introduisent en même temps
d'autres éléments pour tenir compte d'autres facteurs, selon les
statistiques et selon ce qui est disponible dans ces provinces.
Dans les autres provinces, comme les Maritimes, il n'y a rien de
particulier, excepté au Nouveau-Brunswick, comme je l'ai
mentionné plus tôt, où il y a aussi, Ã
l'intérieur de la loi sur les assurances, ce chapitre concernant les
pratiques restrictives du commerce de l'assurance, qui est un pouvoir reconnu
du Surintendant des assurances. Au point de vue de la tarification, c'est
à peu près la situation dans les autres provinces. (17 h 15)
Une voix: M. le Président, si je peux me permettre de
rajouter un commentaire. La loi de l'assurance-automobile qui est en vigueur
depuis 1978 prévoit déjà que le Surintendant des
assurances doit produire à tous les ans un rapport sur la tarification
automobile. Dans son rapport de l'an dernier, il y a un chapitre
consacré entièrement à la revue des critères de
tarification, tels qu'utilisés par les assureurs. Or, ce chapitre qui
avait été consacré au dernier rapport ne nous arrivait pas
comme une surprise, parce que l'industrie avait déjÃ
commencé et continué à travailler sur l'étude des
critères actuels utilisés pour savoir s'ils sont toujours de mise
dans notre société contemporaine.
M. Bédard: Il y a des tableaux concernant les statistiques
d'expériences de sinistres, selon l'état civil. On est Ã
même de constater, mariés, célibataires, qu'il y a toute
une différence de pourcentage au niveau du risque. Est-ce seulement
à partir des statistiques... Est-ce seulement la compilation des
statistiques qui vous donne...
M. Brouillette (Yves): Si je peux répondre à cette
question, c'est basé sur les statistiques d'assurance automobile. Les
pourcentages qui sont en haut représentent le nombre de sinistres par
cent assurés. Pour cent personnes assurées, chez les
célibataires...
M. Bédard: Est-ce pour une période donnée?
Est-ce qu'il ne peut pas arriver qu'à un moment donné... C'est
seulement à chaque année.
M. Brouillette (Yves): Oui, c'est pour une période d'un
an, mais ces statistiques sont compilées déjà depuis
plusieurs années. Alors, cela peut varier un peu d'une année
à l'autre. Il peut y avoir des variations; mais le fait qu'au niveau des
jeunes hommes, la fréquence soit plus élevée chez des
célibataires que chez les gens mariés, cela a été
observé depuis dix ou quinze ans. C'est constant. à chaque
année, on constate une différence. Par ailleurs, ce sont des
statistiques pour le Québec, mais ces différences ont
été observées aussi dans d'autres provinces et dans
d'autres juridictions.
M. Bédard: Selon vous, où doivent s'arrêter
les distinctions basées sur des données actuarielles? Par
exemple, un couple avec un enfant, est-ce qu'il offre plus de danger,
d'éléments de risques qu'un couple sans enfant, ainsi de suite?
Est-ce que le Surintendant des assurances intervient à ce niveau?
M. Brouillette (Yves): Dans son dernier rapport, il l'a
interrogé. Par contre, j'aimerais faire remarquer que dans les
statistiques que vous avez sur la question de marié et
célibataire, il faut s'en référer aux personnes qui ont
entre 16 et 24 ans. Plus tard, ces critères n'entrent pas en ligne de
compte.
M. Bédard: Oui, c'est vrai.
M. Brouillette (Yves): Pour poursuivre la réponse au
deuxième aspect de votre question au sujet de la possibilité de
faire une distinction entre ceux qui ont des enfants et les personnes
mariées qui n'en ont pas, je pense que cela devient une question
pratique. Il y a une limite à la subdivision qu'on peut faire dans la
tarification, d'une part. Selon le principe adopté dans la tarification,
à savoir de refléter les coûts indiqués dans la
prime, si on avait l'évidence, selon votre exemple, qu'il y a une
différence entre les personnes mariées et les personnes
célibataires, il n'y aurait pas d'objection de principe. Cela devient
une modalité pratique. On atteint une limite quant au degré de
sophistication qu'on peut avoir au niveau de la tarification. L'autre aspect,
c'est que la statistique est compilée,
comme c'est mentionné dans le mémoire, selon le plan
statistique qui est promulgué par le Surintendant des assurances. Ce
plan présentement ne comporte pas la variable avec ou sans enfant. Pour
cet exemple, cela explique un peu l'allure de la tarification
présentement. Ce sont les principaux facteurs retenus et ceux sur
lesquels on a des statistiques disponibles.
M. Bédard: Par exemple, la notion de conjoint de fait,
est-ce reconnu par vos membres comme pouvant être un critère
d'augmentation ou de diminution des risques?
M. Brouillette (Yves): Oui.
Généralement, les personnes qui ont un conjoint de fait
seront considérées comme mariées.
M. Medza: Le contrat d'assurance, c'est précisé
dans la Loi sur l'assurance automobile à l'article de la
définition de "conjoint". Ce que signifie le mot "conjoint",
c'était déjà prévu dans la Loi sur l'assurance
automobile. Cela fait partie du contrat d'assurance et c'est respecté
par les assureurs, parce que c'est déjà dans le contrat.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Marx: J'ai trouvé votre mémoire très
intéressant, parce que cela démontre des effets possibles de
l'incorporation de l'âge dans l'article 10. D'autres intervenants n'ont
pas vraiment fait des représentations en ce qui concerne les effets
possibles. Par exemple, tout le monde a dit: Mettez l'âge dans l'article
10, même des gens qui sont membres de clubs de l'âge d'or. Si on
fait cela, est-ce qu'ils vont continuer de bénéficier des tarifs
spéciaux du métro, de l'autobus, etc.? C'est une question que les
tribunaux vont régler, j'imagine, un jour, si on met l'âge dans
l'article 10.
Effectivement, le ministre a posé toutes les bonnes questions,
c'est la première fois. Il ne m'a pas laissé beaucoup de
questions à poser.
M. Bédard: Vous devez être fatigué un
peu.
M. Marx: Non, je suis sur la même longueur d'onde que vous
aujourd'hui sur ce mémoire, mais, effectivement, vous demandez
l'exemption en ce qui concerne certains motifs de non-discrimination Ã
l'article 10, c'est-à -dire que ce n'est pas nécessaire qu'il y
ait une exemption en ce qui concerne la race, la couleur, l'orientation
sexuelle, la religion, les convictions politiques, la langue, l'origine
ethnique ou nationale ou la condition sociale. Vous voulez des exemptions pour
des raisons comme l'état civil, le sexe...
Une voix: Et l'âge.
M. Marx: ... l'âge, le cas échéant, et les
handicapés. Est-ce bien cela?
Mme Lamontagne-Gagné: M. le Président, si je peux
ajouter quelque chose, c'est tout simplement que nous voyons un peu la charte
en deux volets. Il y a d'abord l'accès au service qui est le service
d'assurance, qui a été reconnu par certains tribunaux, dans les
provinces de l'Alberta, de la Colombie britannique, comme incluant l'assurance
et, évidemment, il y a le deuxième élément qui est
la discrimination dans le contrat même qui nous touche de plus
près.
Nous reconnaissons et nous admettons qu'il ne doit pas y avoir de
discrimination à l'accès au service qui est l'assurance.
Cependant, nous voulons qu'il soit spécifiquement reconnu dans la charte
que la discrimination soit permise par rapport aux éléments que
vous avez mentionnés dans le contrat qui, en fait, fait la distinction,
l'individualisation du contrat et le contrat entre l'assureur et
l'assuré purement et simplement, l'identification.
M. Marx: C'est cela.
Mme Lamontagne-Gagné: C'est à ce point-ci que nous
voulons plutôt que le contrôle soit fait par le surintendant qui
possède déjà toute l'expertise, le personnel, si vous
voulez, et le pouvoir de faire ce contrôle.
M. Marx: Est-ce que les assureurs utilisent de temps Ã
autre, soit dans les contrats d'assurance automobile, soit dans d'autres
contrats, la condition sociale comme critère? Jamais?
Mme Lamontagne-Gagné: Non.
M. Marx: Pour quelqu'un qui reçoit l'aide sociale et qui
bénéficie de l'assurance-incendie, il n'y a pas de
problème?
Mme Lamontagne-Gagné: Non.
M. Medza: II n'y a aucune forme de discrimination dans
l'accès au service.
M. Marx: C'est cela. Est-ce que la prime est plus
élevée? C'est ma question.
M. Medza: II n'y a pas de critère de tarification. Dans
l'assurance-incendie, les seuls critères de tarification sont l'endroit
où le risque est situé, sa construction et son occupation. Cela
n'a rien à voir avec les
autres.
Par contre, en assurance automobile, il y a des marges très
différentes qu'on peut retrouver d'ailleurs dans le rapport annuel du
Bureau des véhicules automobiles. Cela fait déjà quelques
années qu'on n'en a pas, mais lorsque ces gens sont capables de nous en
fournir, ils sont en mesure de nous donner -il y a une table très
intéressante là -dessus -les accidentés par âge, par
sexe et aussi les détenteurs de permis. J'ai déjà dit
avant et je le répète que les femmes sont de très bons
conducteurs statistiquement...
Mme Marois: Même si les gens disent le contraire.
M. Medza: Ah bien cela ils peuvent le penser...
Mme Marois: J'ai toujours cru, de toute façon, qu'on
était meilleures conductrices.
M. Marx: Pas de sexisme ici.
M. Sylvain: Cela fait longtemps que les assureurs reconnaissent
cela, madame.
M. Medza: II y a plus de conducteurs féminins que
masculins et pourtant il y a moins d'accidents chez les femmes que chez les
hommes, je pense que c'est une question d'équité.
M. Marx: J'ai posé la question sur la condition sociale
parce que dans les services publics on fait des distinctions comme les
compagnies d'électricité, les compagnies de
téléphone qui ont déjà deux genres de contrats, un
pour les moins nantis et l'autre pour les mieux nantis.
D'ailleurs on a entendu dire, je ne sais pas si c'est vrai, que c'est
difficile pour certaines gens d'avoir des polices d'assurance à cause de
leur condition sociale. Peut-être que j'ai été mal
informé.
M. Brouillette (Yves): Je crois qu'au niveau de
l'assurance-incendie cela pourrait dépendre davantage de la
qualité de la construction, parce que pour ce qui est de l'état
social des personnes, c'est une information qui n'est
généralement pas disponible à l'assureur.
M. Marx: Je vous remercie pour cette assurance.
Le Président (M. Desbiens): Madame la
députée de Chomedey.
Mme Bacon: Seulement une question, M. le Président. Je
voulais quand même féliciter le BAC et le Groupement des assureurs
automobiles, pour leur mémoire qui est très bien
structuré, très bien fait et surtout bien explicite.
Il y a quand même une question que cela soulève. Vous
demandez dans vos recommandations de confier au Surintendant des assurances,
dans le cadre de la Loi sur les assurances, le pouvoir de réglementer
dans ce domaine en consultation avec la Commission des droits de la personne.
Est-ce que vous pourriez quand même expliquer comment vous voyez cette
consultation? Vous vous êtes penchés sur ce problème?
M. Medza: La raison pour laquelle on veut aller à la
direction générale des assurances, c'est que déjÃ
on y a un mandat, une batterie d'actuaires. Au départ, si on n'augmente
pas les crédits d'un ministère on peut se servir de ce qui
existe.
M. Bédard: Je ne peux pas dire que ce n'est pas un
argument sensible par les temps qui courent.
M. Medza: On y est structuré, on s'est déjÃ
penché sur des critères de tarification. Nous nous penchons
nous-mêmes en tant qu'organisme de groupe sur les critères de
tarification. Par exemple, on doit s'interroger à savoir si on doit
continuer à maintenir vraiment les critères d'état civil,
la question: Est-ce que vous êtes marié ou non? Cela pose une
certain nombre de problèmes de contrôle à savoir si les
personnes sont ou non mariées puisqu'il y a les mariés de fait ou
les conjoints de fait. Alors, il serait préférable qu'on puisse
considérer d'autres solutions, et je pense que le service des
assurances, qui est déjà structuré, peut nous être
d'une aide précieuse dans cette étude, à savoir si c'est
correct. Deuxièmement, il peut, en consultation avec la commission,
s'assurer que l'orientation qui est proposée n'aille pas Ã
l'encontre des valeurs que l'on veut défendre et sur lesquelles on est
d'accord, c'est-à -dire qu'on ne veut pas toucher à la
dignité humaine si statistiquement on est en mesure de prouver une
chose, que c'est économiquement vrai que des gens devraient
assumer...
Je pense qu'en général la société est
d'accord avec le principe que celui qui est un plus grand risque assume une
plus grande part des coûts. Evidemment, il y a les mesures sociales, mais
on parle d'une autre dimension. Dans les dimensions normales d'assurance en
libre concurrence on dit: Voici, si vous avez un risque qui représente
plus de hasard, vous devriez payer plus cher. Une maison de 100 000 $ devrait
coûter plus cher à assurer qu'une maison de 10 000 $. Celui qui a
10 accidents devrait payer plus cher que celui qui n'en a pas.
Si les raisons de cette aggravation du risque résident
également dans le fait d'un état, soit l'âge,
l'expérience, le sexe ou autres, à ce moment-là , je pense
qu'il doit
être tenu en considération, pour autant et toujours, si le
fait d'utiliser ce critère n'est pas une atteinte au droit et au respect
de la personne.
Mme Bacon: Sur le plan de la discrimination, s'il y avait de la
discrimination à ce moment-là . D'accord. (17 h 30)
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Chapleau.
M. Kehoe: Après une lecture attentive de votre
mémoire, ça devient évident que les exceptions que vous
demandez pour établir votre tarification, c'est une demande bien
justifiée. Cependant, vous demandez dans votre première
conclusion que ce soit exclu expressément pour les assureurs
d'automobiles et ainsi de suite. Actuellement, qu'est-ce que vous faites?
Est-ce que vous vous servez de ces critères pour établir le
tarif?
M. Medza: Actuellement, les critères sont
utilisés.
M. Kehoe: D'accord. Mais si tout ce que vous demandez, c'est que
ça soit expressément inclus dans la charte elle-même,
est-ce qu'il y a un but recherché, une raison bien précise?
M. Medza: C'est qu'actuellement, plusieurs des intervenants ont
réclamé simplement l'abolition de cet article. Or, nous croyons
que le service des assurances est bien placé pour administrer cette
partie de la Loi sur l'assurance automobile. à moins d'être exclu
spécifiquement de la charte des droits, ce ne serait peut-être pas
possible. Premier argument.
Deuxièmement, le fait de demander que ce soit inclus dans un
règlement, c'est qu'un règlement n'est pas aussi immuable ou
quasi difficilement changeable ou modifiable qu'une loi, vous me corrigerez,
chers juristes, si je suis dans l'erreur, mais il me semble que le
règlement est plus facilement corrigible; comme on est dans une
société en évolution, il peut arriver que certains
critères qu'on reconnaît aujourd'hui comme absolument essentiels
soient, dans cinq ans ou dans six ans, ou moins ou plus, susceptibles
d'être modifiés pour toutes sortes de considérations. C'est
pour ça qu'on demande que ce soit spécifié dans la charte
et transféré à un service qui pourrait nous
contrôler, qui a déjà le pouvoir de nous contrôler
beaucoup.
Le Président (M. Desbiens): Mme la ministre.
Mme Marois: J'aimerais revenir sur une chose, je m'excuse, si je
suis arrivée un peu en retard. Madame présentait tout Ã
l'heure un certain nombre d'exemples de diverses provinces où les
systèmes sont différents et on le voit bien d'une province
à l'autre. On parlait d'un cas où on avait éliminé
la variable du sexe, c'est ça? est-ce que je me suis trompée ou
si j'ai mal compris? Est-ce que vous pourriez me redonner cet exemple et me
dire comment on procède à ce moment-là ? Est-ce qu'on
répartit? Ce que j'ai compris de votre intervention, c'est que le risque
était assumé par la personne elle-même, à ce
moment-là , et non pas à partir de sa catégorisation par
sexe. C'est ça?
Mme Lamontagne-Gagné: Disons que, spécifiquement
les provinces de la Saskatchewan et du Manitoba ont éliminé
l'élément sexe; par contre, je dois ajouter qu'au Manitoba, selon
la Charte des droits et libertés de la personne qui est semblable
à celle du Québec, pas aussi longue, mais sur les mêmes
principes de base, le MPIC, qui est une assurance d'Ãtat et une
assurance automobile, est spécifiquement exempté de la charte,
parce que la loi qui contrôle l'assurance automobile au Manitoba a tout
un système à elle de critères autres que le sexe, mais
elle tient compte aussi de certaines pénalités, infractions au
code de la route, réclamations, responsabilités civiles et tout,
évidemment, parce qu'il s'agit d'un assureur.
Mme Marois: On procède donc par dossier à ce
moment-là , par dossier d'un individu et non pas collectivement. C'est
collectif à la base et, après ça, c'est par dossier
individuel.
Mme Lamontagne-Gagné: Exactement. C'est un système
mixte de critères subjectifs et objectifs.
Mme Marois: Maintenant, j'ai une question de fond et ça va
être la seule sur laquelle j'aimerais m'arrêter. Vous vous appuyez
dans votre mémoire - j'ai fait des recherches, c'est dommage, je n'ai
pas le document de base avec moi, mais je vais m'appuyer sur les recherches que
j'ai faites, sur le principe de l'équité pour justifier les
classifications soit sur l'âge, l'état civil et le sexe. Pour
cette même raison d'équité, vous souhaitez donc que les
assureurs puissent continuer à utiliser ces mêmes facteurs dans
leur classification. Vous voulez aussi que le Surintendant des assurances ait
le pouvoir de réglementer ce domaine.
En 1980, le rapport du surintendant considère justement que le
système de classification, j'imagine que vous l'avez sûrement lu,
des risques en usage au Québec souffre de désuétude. Il
dit, à propos de ce qu'on étudie maintenant que l'utilisation du
sexe, de l'âge et de l'état civil pour fins de classification est
de plus en plus controversé. Je pense que c'est pour ça qu'on en
parle.
Finalement, il dit que les assureurs devraient se mettre
résolument à la tâche et réviser en profondeur le
système de classification.
Donc, le surintendant lui-même, qui est une espèce de grand
chien de garde de tout ça, je dirais, estime que la réforme des
règles de classification s'impose mais pour les mêmes motifs que
vous mentionnez et qui sont les motifs d'équité. J'aimerais que
vous m'en parliez, que vous justifiiez votre approche d'équité
sur les mêmes bases.
Mme Lamontagne-Gagné: D'ailleurs, M. Medza a
mentionné plus tôt quelque chose à cet effet.
M. Medza: M. le Président, Mme la ministre, dans le
rapport du surintendant, en 1980, dont j'ai fait état dans ma
première intervention, pour le ministre de la Justice, je soulignais que
le surintendant avait jeté un regard, avec ses actuaires, sur la
question de nos critères de tarification, tels qu'utilisés
présentement. J'ai fait état également que ça ne
nous arrivait pas comme une surprise, parce que, depuis le milieu de 1979 ou
à peu près, en tant qu'assureurs, nous nous penchons sur la
question de tous les critères de tarification. Que cela ait
été suscité par une commission parlementaire ou autrement,
je pense que, dans la société dans laquelle on vit, on a
réalisé qu'il serait peut-être temps qu'on pense Ã
regarder quels sont les critères qu'on utilise depuis 1940 à peu
près.
De ces critères, le surintendant fait une critique. Il dit
notamment que ces critères lui semblent désuets; il cite quand
même des statistiques qui justifieraient le contraire de
l'équité, mais il dit: Pensez-y quand même. Il nous donne
à la fin de ça, un certain nombre de critères sur lesquels
on devrait se baser pour établir des tarifs, comme
l'homogénéité des classes et il ne précise pas que
cela ne pourrait pas redevenir le sexe, si tel est le cas. C'est pour
ça, d'ailleurs, qu'on dit: Si c'était possible et si la
commission était d'accord pour recommander que ce soit ça, nous
aimerions que le contrôle de cette révision de la tarification ou
des classifications puisse se faire sous la gouverne, qu'il a d'ailleurs, du
Surintendant des assurances et de la direction générale des
assurances, afin qu'on puisse vraiment prendre le temps de le faire, que ce ne
soit pas coulé dans le béton. Cela pourrait changer dans un an ou
dans deux ans et ça pourrait être progressif.
Il y a déjà des critères qu'on n'utilise plus, par
exemple. On a changé les classifications il y a six ans ou sept ans; on
les a réaménagées, il y aura un plus grand nombre. Il y a
toujours certains éléments qui finissent par être un peu de
la discrimination, c'est évident. Lorsque vous parlez
d'équité, on dit que ce n'est pas une atteinte à la
personne et à la dignité de la personne; ce n'est pas parce que
vous êtes une femme qu'on vous met dans une classification. Au contraire,
on dit: Parce que vous êtes une femme et que les résultats
actuariels nous démontrent que...
Mme Marois: C'est à peu près les seules fois
où ça nous avantage.
M. Medza: Oui.
Mme Marois: II faut au moins le constater, c'est parce qu'on est
fines.
M. Bédard: C'est peut-être parce que les calculs
sont bien faits.
Mme Marois: Non, ils sont malheureusement bien faits dans les
autres cas aussi.
M. Medza: On essaie de trouver des méthodes qui ne
pénalisent pas quelqu'un d'une chose dont elle n'est pas vraiment
responsable. Je pense que M. Brouillette avait quelque chose Ã
ajouter.
M. Brouillette (Yves): J'aimerais ajouter quelque chose sur la
première partie de votre question au sujet de ce qui se fait dans les
autres juridictions. Une nuance qu'il faut apporter, c'est que, dans les
provinces du Manitoba et de la Saskatchewan, ce sont des régimes
étatiques. C'est ce qui leur permet d'avoir des primes uniformes et de
ne pas faire l'allocation des primes selon les coûts. Nous, ici, non
seulement au Québec, mais dans les autres juridictions où c'est
un régime concurrentiel, on considère que c'est l'un des
avantages importants du régime concurrentiel que d'allouer des
coûts, de faire en sorte que les assurés paient des primes qui
sont fonction des coûts qu'ils représentent. On considère
que c'est une fonction importante d'un régime d'assurance non seulement
de payer les indemnités, mais aussi de faire l'allocation des
coûts.
Mme Marois: Ce n'est quand même pas incompatible, un
système privé, avec une grille uniforme; à ce
moment-là , ça se reporte, évidemment, sur des notions
comme le service que l'assureur peut donner ou une approche qu'il peut avoir.
Ce n'est pas, en soi, incompatible. Il y a un avantage, si je comprends bien
votre intervention, dans ce système, mais il reste qu'en soi ce n'est
pas incompatible.
M. Brouillette (Yves): Non, pas du tout. Je crois que ce qui est
plus difficilement compatible, c'est un régime étatique avec une
tarification selon les coûts, parce que les exemples de régimes
étatiques ont généralement
dégénéré vers une tarification
assez simplifiée. Si on prend l'exemple de la Régie de
l'assurance automobile ici - ce n'est pas nécessaire d'aller voir dans
d'autres juridictions - elle a une tarification qui est très
simplifiée, parce que c'est beaucoup plus simple à administrer.
En ce sens, on pourrait le faire, nous aussi, mais on considère que ce
serait désavantageux parce que l'allocation des coûts ne serait
plus effectuée.
Mme Marois: C'est cela. C'est avantageux pour certains groupes,
désavantageux pour d'autres. Ãvidemment, tout cela
s'équivaut. Il y a quand même des gens qui doivent supporter le
risque. à partir du moment où c'est catégorisé, il
y a quelqu'un qui supporte le risque collectivement.
M. Brouillette (Yves): C'est un aspect. Je suis d'accord avec
vous pour dire qu'il y a certains groupes qui sont avantagés, d'autres
qui sont désavantagés. C'est une façon de voir le travail.
Si on prend l'exemple des jeunes conducteurs, on peut subventionner les jeunes
conducteurs qui représentent des risques plus élevés, et
réduire artificiellement leurs primes d'assurance. Quel va être le
résultat? Sans doute qu'il va y avoir plus de jeunes qui vont pouvoir
être propriétaires de voitures. Donc, plus d'accidents et plus de
coûts. Est-ce que c'est avantageux pour l'ensemble de la
société? C'est certain que pour ce groupe, à court terme,
on peut dire que c'est avantageux parce qu'ils ont des réductions.
Est-ce que c'est valable pour l'ensemble de la société que de
réduire leurs primes et d'avoir plus de victimes? On croit que non, mais
peut-être...
Mme Marois: En fait, c'est une forme de prévention qui
peut être vue par la négative jusqu'à un certain point.
C'est une forme de prévention, je suis bien consciente de cela.
M. Brouillette (Yves): Plutôt que d'interdire à ces
gens d'avoir leur voiture, on leur dit: Au moins, payez ce que cela
coûte. On n'est pas prêt à vous subventionner pour avoir des
voitures.
Mme Marois: L'autre idée est celle qu'on avait
déjà émise et que vous mentionniez relativement aux autres
systèmes, à savoir que c'est la personne aux prises avec le
problème qui supporte le risque. C'est aussi une autre approche.
M. Brouillette (Yves): LÃ -dessus, il n'y a pas de
différence de principe entre notre approche et celle-là . Nous
aussi, on cherche à facturer à chaque individu selon le risque
qu'il représente. C'est une différence de degré. Sauf
erreur, je crois que la philosophie qu'il y avait dans le rapport du
surintendant était celle-là aussi. C'est une question
d'application, de savoir comment on définit l'équité.
C'est en constante évolution. On ne prétend pas que le
système actuel représente un système parfait. Il y a
assurément des améliorations à y apporter. Notre but,
c'est de protéger le principe d'équité. Si on nous dit
qu'on laisse l'équité de côté, c'est un pas en
arrière.
Mme Marois: C'est cela, ou si on nous dit que
l'équité devrait être révisée, ou les
critères nous permettant de dire que c'est équitable, on est
prêt à le faire. C'est cela que vous dites. Cela va. Je
vous remercie.
Le Président (M. Desbiens): S'il n'y a pas d'autres
interventions, madame et messieurs, je vous remercie de votre participation aux
travaux de la commission.
J'inviterais maintenant le Grand conseil des Cris du Québec et le
Conseil cri de la santé et des services sociaux de la Baie-James
à s'approcher, s'il vous plaît.
M. Bédard: M. le Président, avec votre permission,
peut-être serait-il opportun que les groupes qui sont ici et qui devaient
comparaître ce soir, après le souper, puissent être
informés, si tous les membres de la commission sont d'accord, que nous
allons continuer nos travaux jusqu'Ã l'audition de tous les groupes, ce
qui permettrait de terminer aux alentours de 20 heures ou 21 heures, sauf une
petite suspension qu'on demandera tout à l'heure de cinq ou dix
minutes.
Le Président (M. Desbiens): Comme il y a consentement
unanime, les travaux de la commission se poursuivront de façon presque
ininterrompue jusqu'Ã la fin des auditions. Il en reste trois.
M. Diamond, si vous voulez présenter votre mémoire.
Grand Conseil des Cris du Québec
et Conseil cri de la santé
de la Baie-James
M. Moar (Andrew): M. le Président, j'aimerais
présenter les gens qui m'accompagnent; le grand chef, Billy Diamond, du
Grand conseil des Cris; Me James O'Reilly, conseiller juridique des Cris, et je
suis Andrew Moar, président du Conseil cri de la santé et des
services sociaux de la Baie-James.
Le Président (M. Desbiens): Vous pouvez y aller.
M. Moar: Je vais essayer de me débrouiller un peu en
français.
Le Président (M. Desbiens): II n'y a pas de
problème.
M. Moar: Le Grand conseil des Cris du Québec, le Conseil
cri de la santé et des services sociaux de la Baie-James et
l'Administration régionale crie, trois entités cries, profitent
de la tenue de cette commission parlementaire sur la Charte des droits et
libertés de la personne pour venir apporter leur témoignage sur
la situation déplorable des services de santé offerts à la
collectivité crie du Nouveau-Québec, situation qui nie les droits
de ces personnes à ces services. Les Cris sont une des dernières
civilisations uniques en Amérique du Nord constituée de chasseurs
et de trappeurs, de gens qui vivent très près de la nature,
autrement dit. (17 h 45)
En 1971, leur vie traditionnelle était menacée par
l'annonce du projet de la Baie-James. Ils entamaient des procédures
judiciaires pour conserver leur mode de vie et arrêter le projet.
De la bataille juridique historique est résulté un pacte
entre le peuple du Québec et les Cris de la Baie-James, à savoir
la convention de la Baie-James et du Nord québécois signée
le 11 novembre 1975.
L'état de santé chez la population crie était
à ce moment-là déplorable et, de très loin,
inférieur à la qualité des services offerts aux citoyens
du Sud du Québec.
En 1975, la majorité des huit communautés cries,
réparties sur un territoire de 135 000 milles carrés, n'avait
aucune infrastructure sanitaire; il n'existait aucun système
d'égout ou de distribution d'eau, aucun système de traitement des
eaux usées, ni de service pour ramasser les déchets. Dans chaque
communauté, il y avait soit une absence, soit une pénurie de
logement.
à l'exception de Fort - George, aujourd'hui Chisasibi, il n'y
avait aucun médecin dans aucune des communautés cries. Certaines
communautés avaient des postes d'infirmerie où des services de
santé de base étaient donnés.
La visite de médecins dans les villages cris était
très irrégulière. Les patients devaient être
évacués à chaque occasion pour des traitements
médicaux de courte ou de longue durée. Il n'existait en substance
aucun programme de médecine préventive et encore moins de
programme de santé communautaire.
Le niveau des soins offerts était très déficient et
les budgets accordés par le gouvernement fédéral, Ã
l'époque, étaient tout à fait inadéquats.
Quant aux services sociaux, la plupart étaient inexistants.
La Convention de la Baie-James et du Nord québécois,
notamment à son chapitre 14, devait remédier à cette
situation inacceptable.
La signature de la convention a consacré des engagements du
gouvernement du Québec envers la population crie qui voyait tout un
chapitre de la convention, le chapitre 14, traiter des problèmes de
santé et établir des programmes pour les résoudre.
Les négociations sur ce chapitre durèrent plus d'un an et
les principes qui furent acceptés de part et d'autre sont les suivants:
1. Les soins de santé et de services sociaux pour les Cris devaient
être considérablement améliorés. 2. Un conseil
régional cri pour les services de santé et les services sociaux,
sous le contrôle des Cris, devait être responsable de
l'administration de tous les soins de santé et de services sociaux pour
les Cris de la Baie-James et toutes les personnes habitant les
communautés cries. 3. Ce conseil régional devait être
créé par une loi provinciale immédiatement après la
signature de la convention. 4. Le conseil régional cri devait être
une entité juridique unique selon la loi du Québec, combinant
toutes les fonctions d'un conseil régional de santé, d'un centre
hospitalier, d'un centre local de services communautaires, d'un centre de
services sociaux et d'un centre d'accueil. 5. Les budgets pour le conseil
régional cri devaient être suffisants, compte tenu des besoins
considérables, et devaient prendre en considération les
coûts disproportionnés des services dans le
Nouveau-Québec.
Les Cris considèrent aujourd'hui que la majorité de ces
principes n'a pas été respectée, ni par le gouvernement du
Québec, ni par le gouvernement du Canada; plusieurs de ces questions
font aujourd'hui l'objet de procédures judiciaires devant les
tribunaux.
Les Cris considèrent que les soins de santé et les
services sociaux, depuis la signature de la convention, ne se sont pas
améliorés et même, dans certains cas, se sont
détériorés.
Ainsi, à la signature de la convention, quatre médecins et
deux dentistes travaillaient à l'hôpital de Fort-George sur une
base permanente. Aujourd'hui, il n'y a que des médecins sur une base
temporaire.
Il y a eu des retards dans la législation pour créer le
conseil cri de la santé. Ce conseil a été crée le
20 avril 1978, soit presque deux ans et demi après la signature de la
convention alors qu'il était convenu de le créer
immédiatement après la signature. Le Conseil régional cri
n'a jamais été reconnu par le ministère des Affaires
sociales comme ayant le statut et les fonctions d'un conseil régional,
d'un centre hospitalier, d'un CLSC, d'un centre de services sociaux et d'un
centre d'accueil.
Ceci a évidemment diminué les services à la
population crie.
Le Conseil régional cri n'a jamais obtenu les budgets suffisants
du ministère des Affaires sociales pour agir efficacement. Tous les
budgets ont été imposés unilatéralement par le
ministère des Affaires sociales. La législation proposée
par le gouvernement du Québec à la suite de la convention ne
reprend pas toutes les dispositions du chapitre 14 tel qu'il avait
été prévu. Les Cris qui devaient contrôler
l'administration de leur conseil régional ont rencontré
d'énormes difficultés dès le départ avec les
fonctionnaires du ministère des Affaires sociales.
Au point de vue administratif, les Cris se sont vu accorder des budgets
pour avoir un personnel de cinq personnes à temps plein pour le Conseil
régional cri qui devait régler les problèmes de
santé et les services sociaux des huit communautés cries. La mise
en application de l'entente fut ainsi sérieusement
hypothéquée, le gouvernement du Québec refusant
également d'en arriver à une entente avec les Cris au sujet de
l'intention et des conséquences des obligations du gouvernement
découlant du chapitre 14 de la convention.
Si bien qu'aujourd'hui, presque six ans après la signature de la
convention, la situation est tout aussi déplorable qu'au départ.
Les infrastructures sanitaires sont toujours déficientes dans la
majorité des villages, les services de santé, les services
sociaux ne se sont pas accrus, mais, à certains égards, ils se
sont détériorés, tellement que certaines
communautés envoient directement les patients vers le sud du
Québec et parfois même en Ontario.
J'aimerais que le grand chef Billy Diamond continue le rapport en
anglais, disons que son français n'est pas tellement bon.
M. Diamond (Billy): Mr. Chairman, to continue with the comments
made by Andrew Moar, the Crees were forced to fight for what they considered
they had already been given in the James Bay North in Québec agreement.
An open confrontation with the Department of Social Affairs over chapter
fourteen developed in 1979. The Crees were convinced at this time that the
Government of Québec had decided not to respect the terms of the
agreement. The financing levels being provided by Québec made it
impossible to properly operate the hospital at Fort-George. Minimum services
were provided to the nursing stations in the communities of Paint-Hills,
Rupert-House and Eastmain, with great difficulties of recruiting, accommodation
and budgets.
The budgets shortages of course let deficits. Instead of attempting to
analyse the levels of health services required in appropriate budgets and to
hide his own inaction, the government of Québec, in October 1979,
appointed an inquiry officer to examine the operations of Chisasibi hospital
between April 1st 1976 and October 31th 1979.
Yet until the month of April 1978, the Cree Health Board was not even
created and had no jurisdiction over this hospital. In the meantime the
government refused to discuss finances with the Cree Health Board
notwithstanding the fact that the inquiry officer had no powers of
administration.
During the summer of 1980, the showdown between the Crees and the
government intensified with the epidemics which broke out in Rupert House and
Némiscau.
These epidemics let the Crees to take legal proceedings against the
government of Québec and against the government of Canada. The epidemics
of gastroenteritis took the lives of several Cree children from these
villages.
The government of Québec responded to this legal action one month
later by decreeing a provincial administration would put into tutorship the
Board of directors of the Cree Health Board.
The Crees contested this provincial administration before the courts as
being an obvious abuse of power. The provincial administration nevertheless
caused great chaos and the Crees resisted it. The provincial administration
also caused great deteriorations in health care. The provincial administration
also coincided with the move of the hospital for the island of Fort-George to
the new community of Chisasibi. Unfortunately, and this is totally
injustifiable, this hospital has still not opened as a hospital center. What is
even more reprehensible is the fact that the Crees themselves had to pay for
their own health services during almost all the period of provincial
administration. In addition to suing the government of Canada, the Crees
appeared in Ottawa before the standing committee on Indian Affairs and Northern
development. On March 31st, 1981. In a public declaration, this committee
endorsed the complaints of the Crees and Inuits with respect to the
implementation of the James Bay Northern Québec Agreement. The Crees
also appeared during the month of may before the committee of the House of
Commons on Health, Welfare and Social Services.
During the entire confrontation with the Department of Social Affairs,
the Crees of James Bay were obliged to pay, from their own heritage fund which
has been received as partial compensation for the blooding of their lands and
for their aboriginal rights, several million dollars in order to alleviate the
financial "bordship" caused by the lack of sufficient budgets, in
order to improve sanitary facilities and to prevent the repetition of
epidemics inside the Cree villages.
In this regard, the Government of Québec has steadily refused to
participate in the construction and in the financing of sanitary facilities. In
spite of the 1979 report by one of its senior civil servants, Mr. Jolicoeur,
the director of Environmental protection services, and in spite of the
provisions of the James Bay Northern Québec Agreement and the general
provincial law which approved that agreement, one of the recommandations of the
Jolicoeur report was as follows: "The proposals related to hygiene and
environment being directly related to health ought to receive high priority.
Particularly, the proposal relating to the supply of drinking water."
This recommandation has never been acted upon by the government of
Québec. The situation is so bad that the Crees recently requested in
Geneva that the World Health Organization come to Canada to inquire into the
problems of health services in the James Bay area.
It follows from the circumstances which has been described above that
the Grand Counsel of the Crees of Québec, the Cree Board of Health and
Social Services of James Bay and the Cree regional authority considered that
the government of Québec has not respected the Charter of human rights
and freedoms by refusing the James Bay Crees decent and human health and social
services comparable to those offered to other citizens in this province. (18
heures)
We believe that, in regard to the Crees, the government of Québec
has not respected section 1 of the Charter, which mentions: "Every human being
has a right to life and to personal security, inviolability and freedom." By
maintaining a ridiculously low level of budget support, by not taking into
consideration the enormous cost of transportation, of accommodation and of
regional disparities which apply to the James Bay area, the government of
Québec has endangered the inviolability and security of the Crees of the
territory.
It goes without saying that the Crees feel that the government of
Québec has not respected the dignity and reputation of the Crees within
the meaning of section 4 of the Charter. We, the Crees of James Bay, also are
aware of the view that the government of Québec has violated sections 2
and 45 of the Charter, especially because it knew that sanitary conditions in
the Cree communities were a constant threat to the health of the Crees. The
risk that other epidemics will occur and will recur among the Crees is ever
present.
Lastly, we wished to stress the case of the Crees living outside the
Cree communities, especially the Crees living in the Chibougamau area, who are
not receiving any help or social services, because of the limited territorial
jurisdiction of the Cree Board of Health and Social Services of James Bay.
The Crees request the committee to recognize their human right to health
services, which mean their pressing needs. We also ask for an amendment to the
Charter to insure the specific protection of this right and to insure the
rights mentioned in chapter XIV of the James Bay Northern Québec
Agreement.
Further, I would like to add a few comments that we consider are
essential. We feel that we have signed an agreement six years ago and that
agreement recognizes for the first time Indian rights, Indian interests in
Québec. We feel that that James Bay Québec Northern Agreement is
our charter of rights, that agreement is a tree between my nation, the Cree
Indians of Québec and the people of Québec, whom you represent.
It has a special place in federal and provincial legislation.
We want the government to respect and implement this Cree charter of
Cree rights, which is special for the Crees, in order for them to survive and
to live their style of life, their traditional way of life.
If the government of Québec does not respect an agreement signed
six years ago between peoples, between nations, that same agreement that was
confirmed by federal and provincial legislation, how can we expect the
government to respect a Charter of fundamental rights and freedoms? We want an
amendment specifically giving the right to the Crees to health, without
limiting territories and boundaries. We wish to confirm with you that we are in
agreement with the recommendations of the Commission on human rights and
freedoms, that there be special recognition of Indian rights in this Charter.
However, we want to go a little further.
We think that the Cree rights contained in the James Bay Northern
Québec Agreement should be added as well. One of the most frustrating
things is that the ministers hide behind the immunity of the Crown. In order
for native people to progress, that immunity of the Crown must be removed, so
that we can get injunctions against the Crown to get things, to get
developments and to get progress in our communities. We are too isolated with
the rest of Québec. We want to be part of this society, but you are not
giving us a chance and that is why it is very important that governments live
up to their word in the James Bay Northern Québec Agreement -and it has
been six years - and if that does not happen then, our people will be the ones
to suffer.
Thank you very much, Mr Chairman.
Le Président (M. Desbiens): Merci. M. le ministre.
M. Bédard: M. le Président, je remercie, au nom des
membres de la commission, les représentants du Grand conseil des Cris et
du Conseil cri de la santé et des services sociaux de la Baie-James de
leurs représentations devant la commission parlementaire. Je ne crois
pas que vous vous attendiez que je pose de nombreuses questions, puisque, tel
que vous le mentionnez à la page 7 de votre mémoire, vous avez
intenté, sur la base des éléments que vous évoquez,
comme vous le dites vous-mêmes, des procédures judiciaires contre
le gouvernement du Québec et contre le gouvernement du Canada.
Ãtant informé à l'avance du contenu de vos
représentations devant la commission, j'oserais dire informé de
votre plaidoyer devant la commission par rapport au contenu essentiel d'un
plaidoyer qui, j'imagine, sera fait à l'intérieur des
procédures judiciaires intentées et au niveau du forum que vous
avez choisi, peut-être qu'on aurait pu avoir la tentation d'inviter le
ministre des Affaires sociales à venir à cette commission pour
donner la réponse ou la réplique à l'essentiel du
plaidoyer que vous faites devant cette commission, mais je ne crois pas que
c'était l'endroit. Les tribunaux auront sûrement, comme vous en
avez indiqué le désir en intentant des procédures
judiciaires, Ã trancher sur l'ensemble de ces points, sur l'ensemble de
ces différentes situations que vous évoquez dans votre
mémoire.
Concernant la toute fin de vos représentations, je peux vous dire
qu'en ce qui a trait à des demandes d'amendements ou Ã
l'inclusion de droits concernant les autochtones, vous avez été
à même de constater que plusieurs groupes qui vous ont
précédés ont également fait état de leurs
préoccupations concernant les assurances à donner en ce qui a
trait aux droits des autochtones. Des demandes de garanties ont
été faites par ces groupes comme par le vôtre. En fait, ces
demandes de garanties dans la charte, je peux vous dire que le gouvernement et
les membres de la commission prendront en très grande
considération l'ensemble des représentations qui ont
été faites dans ce sens. Vous comprendrez que sur le contenu
même de votre mémoire qui est - je ne porte pas de jugement de
valeur, je ne suis pas ici pour cela - en définitive le fondement d'un
ensemble de situations qui vous ont amenés à intenter des
procédures judiciaires, je n'aurai pas de questions à poser, en
tenant pour acquis que les tribunaux auront à trancher, à moins
que, ce qui peut arriver parfois lorsqu'il y a des procédures
judiciaires, les négociations donnent lieu à autre chose. Je vous
remercie encore une fois de la présentation de l'ensemble de votre
mémoire devant les membres de la commission parlementaire.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Marx: Malheureusement, c'est la deuxième fois que
j'entends cette plaidoirie. La première fois, ce n'était pas fait
par les Cris, c'était fait par les Inuits qui ont comparu devant la
commission sur la constitution. Leur plaidoirie était dans le même
sens, que leurs droits n'étaient pas respectés par le
gouvernement du Québec, surtout depuis quelques années.
Tout ce qu'on dit dans ce mémoire, c'est bien clair, on n'a pas
respecté les droits des Cris. Il y a un manque flagrant
d'égalité entre Québécois, Cris et Non-Cris, entre
les gens qui habitent Québec et les gens qui habitent dans le territoire
de la Baie-James. Ce qu'on a ici, c'est ce qu'on appelle en anglais "buck
passing", c'est-à -dire que, chaque fois qu'on se présente devant
un ministre, celui-ci dit: Ce n'est pas moi qui s'occupe de cette affaire, il
faut voir l'autre. Quand on voit l'autre, il nous envoie en voir un
troisième ou un quatrième, un sixième. Quand on fait le
tour du Conseil des ministres, on n'a pas trouvé le bon.
M. Bédard: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.
M. Bédard: J'ai été loin de dire qu'en ce
qui a trait aux mesures judiciaires cela ne relevait pas de mon
ministère. J'ai très clairement dit qu'il y a un endroit,
à partir du moment où les demandeurs ont choisi un forum, pour
discuter de l'ensemble de la situation qui est devant une cour. C'est tout
simplement ce que j'ai dit, c'est devant cette cour que Les prétentions
de l'une et l'autre des parties se feront valoir, c'est-Ã -dire devant le
tribunal compétent. Pour ce qui est des services de santé d'une
façon tout à fait spéciale, je pense qu'il va de soi qu'il
s'agit du ministre des Affaires sociales, mais si j'avais demandé au
ministre des Affaires sociales d'être ici, indirectement, que ce soit par
un autre ou par moi-même, nous en aurions été amenés
à faire un plaidoyer, parce que les procédures judiciaires sont
contestées. Nous aurions été amenés à faire
ici ce que nous croyons devoir faire devant la cour, puisqu'on nous y a
amenés.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Marx: Je comprends votre intervention.
M. Bédard: ... le gouvernement du Québec, le
gouvernement du Canada, et, comme représentant d'un gouvernement
responsable, je dois peser mes paroles étant donné qu'il y a des
procédures judiciaires. Vous pourriez y penser.
M. Marx: Je ne vous blâme pas d'avoir fait une plaidoirie
pour soulever un problème de règlement. Je comprends votre
situation, c'est bien difficile. J'ai beaucoup de sympathie pour votre
position. Cela arrive souvent, quand il y a des contestations en cour, qu'on
fasse des règlements hors cour. Le ministre a été avocat
pratiquant pendant des années. Il sait qu'on fait des règlements
hors cour. Même si c'est devant la cour, on ne peut pas toujours dire:
C'est sub judice, il ne faut pas parler de ceci ou de cela. (18 h 15)
M. Bédard: J'ai rappelé cette possibilité,
vous le reconnaîtrez.
M. Marx: D'accord. En ce qui concerne les droits des autochtones
en général et ceux des Cris en particulier, comme le ministre l'a
dit, souvent des groupes qui ont comparu devant la commission ont
demandé que l'on inclue un article, comme cela a été
suggéré par la Commission des droits de la personne - cela
pourrait être une bonne idée - dans la charte qui vise
spécifiquement les droits des autochtones au Québec.
Pour en arriver au problème qui nous préoccupe ici, j'ai
parlé de "buck passing". Je n'aimerais pas dire que le ministre fait
cela aujourd'hui, mais, en fait, le ministre de la Justice est le procureur du
gouvernement. J'espère qu'il veille à ce que les ententes, les
contrats du gouvernement soient respectés. à sa face même,
le gouvernement n'a pas respecté cette entente, ce contrat. C'est bien
beau de dire: On va attendre les décisions de la Cour supérieure,
de la Cour d'appel, de la Cour suprême du Canada; on le saura dans les
années quatre-vingt-dix.
M. Bédard: C'est ce que vous seriez obligé de dire
si vous étiez à ma place, vous le savez très bien.
M. Marx: Vous n'avez pas à me faire de procès
d'intention ici, M. le ministre.
M. Bédard: Non, je ne vous donne que de bonnes
intentions.
M. Marx: J'aurais fait quelque chose de plus radical que de dire
que c'est encore en cour.
M. Bédard: Je pourrais bien évoquer, M. le
Président - peut-être que quelqu'un pourra le faire avec plus
d'éloquence que moi - que, quand on parle de disparité des soins,
il ne faudrait jamais oublier que cette réalité de
disparité des soins existe dans l'ensemble du territoire du
Québec.
M. Marx: Elle n'est pas si flagrante que cela.
M. Bédard: Promenez-vous. Ce n'est pas depuis...
M. Marx: Les conditions qu'on a ici... M. Bédard:
Si vous me permettez... M. Marx: Oui.
M. Bédard: ... vous m'y avez invité, laissez-moi
terminer.
M. Marx: Oui, d'accord, je m'excuse, M. le ministre.
M. Bédard: Au niveau de la disparité des soins, il
s'agit de se promener dans le Québec, d'aller dans les régions
éloignées, soit à Schefferville, en Abitibi, ou Ã
Chibougamau, on a le représentant ici de l'Ungava qui peut ajouter des
choses à ce que je dis. Le seul élément de la
disparité des soins, il existe malheureusement non seulement entre
Blancs et Inuits ou Cris, mais entre les Blancs eux-mêmes. C'est clair
que les efforts d'un gouvernement, c'est d'essayer de faire en sorte qu'il n'y
ait pas de disparité. à quel point est-ce possible...
M. Marx: Je ne blâme pas le ministre pour le manque de
respect de l'entente et tout cela, c'est plutôt la faute du Conseil des
ministres et non pas seulement la faute d'un ministre, quoique cela pourrait
être rectifié par un ministre. Mais quand on parle de
disparités, j'aimerais savoir si c'est exact qu'il y a des écarts
assez graves entre Québécois, c'est-à -dire, si je
comprends bien, il n'y presque aucun service de soins médicaux.
Le Président (M. Desbiens): M. le député
d'Ungava.
M. Lafrenière: Au sujet des disparités, je peux en
parler, parce que j'ai fait le tour du comté, c'est-à -dire de
tous les villages inuits de la côte et certaines réserves
indiennes. Il existe effectivement des disparités. Je suis bien d'accord
avec eux quand ils disent que les soins médicaux dans le Nord de la
province tirent de la patte par rapport à ce qu'on a dans le Sud. Au
niveau des Indiens et des Inuits, c'est tout de même plus prononcé
qu'au niveau de certaines populations blanches dans le Nord. Je pense Ã
Chibougamau et Matagami, par exemple.
Mais ici, je pourrais peut-être poser une question à M.
Andrew Moar. à la page 11, vous dites: Nous désirons souligner le
cas des Cris résidant en dehors des communautés cries, exemple:
les Cris de la région de Chibougamau, lesquels ne reçoivent aucun
service de santé. Cela me surprend, parce que je vis là .
M. Moar: Je pourrais expliquer la situation. C'est qu'en 1975,
quand les Cris ont signé la convention de la Baie-James, le conseil cri
de la santé était créé pour donner ces services aux
Cris. La raison pour laquelle aujourd'hui ils ont de la difficulté
à avoir des services de santé et des services sociaux Ã
Chibougamau, c'est que, pour avoir des services de santé du CLSC de
Chapais ou du DSC de Roberval, qui n'ont pas le budget vraiment pour donner ces
services... Ils ne peuvent pas donner ces services aux Cris qui vivent en
dehors de Chapais. Nous avons environ 300 Cris qui vivent en dehors de
Chibougamau et de Chapais, qui vivent dans des camps de chasse.
La semaine passée, nous sommes allés, avec le
ministère des Affaires sociales et le ministère de
l'Environnement, voir la situation déplorable des Cris de cette
région. On en a conclu qu'on allait essayer de faire quelque chose pour
justement donner ces services. Ils n'ont aucun système pour avoir de
l'eau bonne à boire; pour la santé, disons que, s'ils vont au
CLSC ou à l'hôpital où les services se donnent, ces gens ne
parlent pas français; ils parlent le cri et leur deuxième langue,
c'est l'anglais, et puis l'anglais, ils ne le parlent presque pas. Ce sont des
chasseurs et des trappeurs. LÃ encore, le service n'est pas
adéquat. Souvent les gens n'y vont pas parce qu'ils ne sont pas
compris.
Pour les services de l'environnement, disons qu'autour des camps... Je
n'ai pas vu le rapport encore. Environnement-Québec est en train de
regarder la situation. C'est assez grave aussi; cela, c'est pour les Cris juste
en dehors de Chibougamau. Lorsque tu regardes la situation, en dehors de la
région 10-B, nous sommes prêts à donner les services de
santé; nous avons 800 à 900 Cris qui demeurent en dehors de cette
région. Ceux de Val-d'Or, à l'hôpital, ils sont prêts
à assumer ces responsabilités, et ceux de Chibougamau, je pense
qu'il y un problème à l'hôpital de Chibougamau.
M. Lafrenière: Oui, il y a un problème Ã
l'hôpital. Non, mais le problème serait que le CRSSS cri ne couvre
pas les réserves de Mistassini et de Waswanipi. Est-ce que ce serait
cela?
M. Moar: C'est que le conseil cri de la santé a
été créé pour donner les services de santé
et les services sociaux dans la région 10-B, comme c'est prévu
aux catégories 1 et 2, terres, c'est la région 10-B; donc
Mistassini et Waswanipi tombent dans cela. Mais, où les Cris sont en
dehors de Chibougamau, cela tombe dans la région 02 et, dans cette
région, ils n'ont pas les ressources financières et
professionnelles pour répondre aux besoins des Cris de Chibougamau.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Marx: Oui, j'ai juste une question à poser au ministre.
J'essaie de voir quels recours les Cris peuvent avoir devant cette
commission.
L'autre jour, j'en étais bien heureux, je pense que
c'était hier, le ministre s'engageait envers l'association des aveugles
à intervenir auprès de son collègue, le ministre des
Affaires sociales...
M. Bédard: C'est déjà fait, non seulement le
ministre des Affaires sociales, mais le ministre d'Ãtat.
M. Marx: M. le ministre, il ne faut pas toujours me harceler.
M. Bédard: Non, c'est du harcèlement permis.
M. Marx: L'an prochain, ce sera dans la charte, je vais avoir un
recours plus efficace.
Je répète qu'hier, il a pris l'engagement d'intervenir
auprès du ministre des Affaires sociales pour voir si ce serait possible
de rayer la discrimination vis-Ã -vis de certains aveugles. Il a pris un
engagement, j'en étais bien heureux. Je lui ai déjÃ
écrit une lettre aujourd'hui pour lui demander de me tenir au courant de
ses discussions avec le ministre des Affaires sociales. J'étais bien
heureux de voir qu'il a pris cet engagement, tout le monde était
heureux.
Maintenant, peut-on demander au ministre de prendre son deuxième
engagement? Un par jour, ce n'est pas trop; de toute façon, ce n'est pas
lui qui va faire tout le travail.
M. Bédard: C'est demandé tellement gentiment,
allez-y.
M. Marx: L'engagement c'est vraiment de demander à son
service du contentieux de nous faire un rapport sur des demandes qu'on trouve
dans ce mémoire en ce qui concerne le non-respect de certains droits. Je
pense qu'on a signé une entente. Le gouvernement a tous les moyens
possibles... Je pense qu'il serait bon pour cette commission et les membres de
cette commission d'être
renseignés par le ministre, par le ministère de la Justice
à savoir si vraiment il y avait un manque de respect des droits des Cris
et un manque flagrant de respect des clauses qu'on trouve dans cette
entente.
M. Bédard: Sur le premier point concernant les
représentations que je m'étais engagé de faire
auprès du ministre des Affaires sociales en ce qui a trait aux aveugles,
je peux vous informer, sans avoir besoin d'écrire à mon
collègue, que ces représentations sont déjà faites
parce que effectivement, aujourd'hui, j'ai rappelé cette situation
à la mémoire du ministre des Affaires sociales et du ministre
d'Ãtat au Développement social, qui prendront les dispositions
nécessaires. C'est entre leurs mains.
Pour ce qui est de la deuxième demande que vous me faites dans le
sens d'informer les membres de la commission le plus possible sur ce que le
contentieux aurait à dire, d'une certaine façon, par rapport
à tout ce qui est contenu dans le mémoire qui nous a
été soumis aujourd'hui, si des procédures en
défense devaient être produites, il s'agit à ce
moment-là d'un document public. En réponse à l'essentiel
du contenu de l'action qui a été intentée, je pourrais
peut-être le porter le plus rapidement possible à l'attention des
membres de la commission.
Si l'essentiel du débat judiciaire devait connaître une
autre issue, je ne peux quand même pas m'engager avant...
M. Marx: Peut-être que je peux poser une question Ã
Me O'Reilly qui est le conseiller juridique des Cris.
M. Bédard: N'oubliez pas qu'il y a le gouvernement du
Canada. Il n'y a pas seulement le gouvernement du Québec. Quand on parle
de procédures judiciaires...
M. Marx: II ne faut pas jouer la carte de la constitution
ici.
M. Bédard: Non, je ne la joue pas. Ils sont là , je
n'ai même pas prononcé le mot "constitution".
D'un point de vue réaliste, il y a le gouvernement du
Québec et le gouvernement du Canada. Je pense que vous savez que lorsque
des procédures judiciaires sont intentées contre deux parties, il
y a consultation entre les deux parties concernées. S'il y a production
d'un plaidoyer, il y a une défense. En l'occurrence l'ensemble des
membres... Je peux m'engager à ce que les membres de la commission
sachent le plus rapidement possible le contenu de cette défense.
M. Marx: J'essaie de trouver un moyen pour qu'il y ait un
résultat concret à la suite de cette présentation. Les
gens ont présenté un mémoire assez sérieux avec un
certain nombre de plaintes et il ne faut pas les renvoyer sans leur donner une
idée de ce qu'on va faire.
M. Bédard: Nous avons... Allez-y!
M. Marx: Dans ce sens, j'aimerais demander à Me O'Reilly
s'il y a d'autres recours, d'autres possibilités dans ce dossier. (18 h
30)
M. O'Reilly (Jim): M. le Président, mesdames et messieurs,
je pense que M. le ministre a très bien dit que c'est devant la cour. On
n'est pas venu ici pour faire le débat judiciaire. Je pense que
lorsqu'on va en cour on prend nos risques en cour. On ne demande pas Ã
la commission parlementaire de siéger en Cour d'appel. Cependant, ce qui
a été fait, c'est une tentative d'établir un lien
très étroit entre les dispositions d'une charte qui est
censée protéger, à l'heure actuelle, certains droits
fondamentaux et d'autres principes qui sont déjà impliqués
dans une autre loi du Québec. Cette loi entérine ce que le chef
Diamond a qualifié comme une charte pour les Cris et pour essayer
d'arriver à la situation d'aujourd'hui, à un recours
possible.
Ãvidemment, c'est la situation à l'heure actuelle.
Indépendamment des principes qui sont en jeu dans la bataille juridique,
si les Cris ont raison ou non, ce sont des tribunaux qui vont les trancher.
Cependant, comme le dit le chef Diamond, c'est très difficile de
rechercher des injonctions contre la couronne et cela bouleverse toute
l'affaire. Je pense que sa remarque est très importante. Peut-être
que, comme une disposition de la Charte des droits et libertés de la
personne, vous pouvez songer à éliminer l'immunité de la
couronne pour le gouvernement du Québec pour rendre accessibles,
n'est-ce pas, tous les recours contre le gouvernement.
Je pense que l'autre recours, Ã l'heure actuelle, c'est
d'examiner la situation pour voir si, oui ou non, il y a certains services dont
les Cris sont privés pendant les procédures judiciaires. C'est
ça le gros du problème actuellement. Quant au gouvernement, que
ce soit le gouvernement du Québec, on fait le même reproche au
gouvernement du Canada, c'est une question de gouvernement, ce n'est ni le
gouvernement d'une partie ou l'autre, les procédures de la Baie-James
ont été entamées contre le gouvernement libéral,
donc on ne fait pas de discrimination.
M. Marx: Ils ne sont pas nos amis non plus.
M. O'Reilly: Mais c'est la situation
actuelle qui dure et qui, prétend-on, implique une certaine
violation des droits fondamentaux qui sont dans la charte.
Indépendamment de ça, est-ce que les vies sont mises en
péril? Oui ou non? Il me semble qu'on peut au moins enquêter
là -dessus. Et qu'est-ce que veut dire une Charte des droits et
libertés de la personne si des situations qu'on a qualifiées
d'intolérables peuvent subsister chez les Cris, chez une population
où il y a un danger net pour la santé? C'est constaté et
par les représentants du ministère des Affaires sociales et par
les représentants du gouvernement du Canada; tout le monde semble
être bien d'accord qu'il y a une situation qui met en péril la
santé des Cris. Il y a déjà des vies qui ont
été perdues, certains enfants sont morts en 1980, c'est un fait,
ce n'est pas une plaidoirie. Alors, n'y a-t-il pas lieu en invoquant les
chartes, de demander: Est-ce que la Charte des droits et libertés de la
personne qu'on veut vraiment montrer comme exemple est efficace ou non?
Il me semble que les mécanismes font défaut pour appliquer
la Charte des droits et libertés de la personne. Il n'y a personne
à la commission qui, que je sache, a fait une enquête. Vu les
procédures judiciaires, peut-être qu'on ne l'a pas jugé
approprié et on ne l'a pas demandé non plus
spécifiquement. Mais n'y a-t-il pas lieu de voir si cette charte est
efficace à l'heure actuelle? Si des principes sont là mais qu'il
n'y a pas moyen d'appliquer ces principes, et qu'il n'y a pas d'autre moyen que
d'aller devant les tribunaux qui, avec tout le respect que j'ai pour le
ministre de la Justice, peuvent prendre plusieurs années à rendre
une décision, malheureusement, j'en sais quelque chose quant Ã
des injonctions, si on avait affaire à un organisme du gouvernement, les
immunités pour les injonctions n'entreraient peut-être pas en
ligne de compte. Avec ce qu'on a c'est très difficile d'avoir des
procédures décidées par des tribunaux dans un laps de
temps assez court.
Le seul autre recours, il me semble, Ã l'heure actuelle, ce n'est
pas qu'il n'y a pas eu assez d'efforts de faits, de part et d'autre, entre les
Cris et le gouvernement pour parler du problème. Là aussi, il y a
une difficulté de dialogue depuis un an et demi entre les deux
gouvernements et les Cris. C'est un autre fait, mais n'y a-t-il pas lieu en
appliquant la charte, et peut-être en y insérant un article qui va
au moins protéger le droit fondamental aux services de santé de
base dans la charte, de faire quelque chose tout de suite?
M. Marx: Supposons qu'on met un article dans la charte, je ne
pense pas que la Commission des droits de la personne aurait la
compétence pour exiger que le gouvernement établisse un
hôpital ou que le gouvernement envoie cinq infirmières. Je ne
pense pas qu'il y aurait un tel recours, même si on inclut un article
dans la charte.
M. O'Reilly: Je pense, M. le député, que l'article
4 va très loin dans la Loi sur les services de santé et les
services sociaux. Mais nulle part dans la charte comme telle, je n'ai
trouvé un article qui traite spécifiquement de la santé.
C'est peut-être un oubli. On a essayé, dans l'article 4,
d'établir le droit en principe de tous les Québécois de
recevoir des services de santé et des services sociaux adéquats,
à la fois sur le plan scientifique, humain et social, avec
continuité et de façon personnalisée. La seule
restriction, c'est qu'on dit: "compte tenu de l'organisation et des ressources
des établissements qui dispensent ces services". Mais le principe,
l'économie, selon ce que j'ai compris, de la Loi sur les services de
santé et les services sociaux, c'était bel et bien
d'établir assez d'établissements à travers le
Québec pour rencontrer ce critère.
En principe, je pense bien que la loi est allée à peu
près jusqu'au point d'affirmer que tous les citoyens du Québec
ont droit aux services de santé adéquats. Ce serait plus logique,
me semble-t-il, de l'encadrer au moins dans la Charte des droits et
libertés de la personne. Je dépasse les autochtones
peut-être, mais il me semble qu'on est tellement prêt qu'il faut
sérieusement songer à mettre spécifiquement un article
dans la charte.
M. Marx: J'essaie de vous trouver un recours pour vos exigences
immédiates. De toute façon, même si on ajoute un article,
48a ou quelque chose comme ça, ce ne serait pas possible pour la
commission d'ordonner que des services soient organisés et qu'ils soient
mis en application, ainsi de suite. Si on voit, par exemple, les droits
économiques et sociaux, la charte n'a pas préséance sur
ces droits, comme on le voit à l'article 52, par exemple. Je ne suis ni
pour ni contre, je suis neutre à ce moment-ci en ce qui concerne un
autre article qui traite des services de santé dans la charte. Mais,
même si on l'ajoute, je ne suis pas sûr que des gens qui n'ont pas
les services voulus et qui sont traités d'une façon
inégale, auraient un recours efficace devant la Commission des droits de
la personne. C'est tout ce que je veux dire.
M. O'Reilly: à ce moment-là , M. le
député, le recours sera ultimement contre un ministre, le
ministre chargé des Affaires sociales. Ce sera beaucoup plus clair
devant les tribunaux que chaque personne aura comme droit fondamental le droit
aux services de santé de base. Là , les ministres ne seront pas
exemptés des injonctions. C'est
difficile contre la couronne, mais contre les ministres, c'est
possible.
M. Marx: On ne peut pas prendre un mandamus pour exiger que le
ministre fasse quelque chose. Je pense que les gens vont mourir avant qu'on ait
le jugement, au moins ça.
M. O'Reilly: On verra.
M. Marx: Je ne suis pas un expert dans les injonctions et je suis
sûr que vous connaissez cela beaucoup plus que moi. Sur le
problème immédiat, pour ne pas s'éloigner trop, le
ministre, ici ce soir, est prêt à prendre des engagements, un
deuxième au moins. Peut-être peut-on demander son aide, sa
coopération pour qu'un certain nombre de démarches soient faites.
Si vous avez une suggestion, je suis prêt à l'appuyer.
M. Bédard: Oui. D'ailleurs, je vous voyais fouiller pour
voir des points de droit. Je pense que vous avez été rapidement,
à même, de réaliser la complexité de la situation.
Disons qu'il y a deux éléments: II y a l'élément
juridique, dans le sens qu'il y a des poursuites, comme l'a dit le procureur;
c'est devant une cour que cela va se décider, c'est le tribunal qui va
décider. On ne demande pas à la commission parlementaire de
porter un jugement de valeur là -dessus. Le forum de discussions a
été choisi. C'est devant la cour. C'est là que chaque
plaidoyer se fera.
Il y a l'autre partie de la situation. D'ici à ce qu'une cour ait
statué, il y a une situation à laquelle il faut essayer de
remédier. Il y a eu, à un moment donné, un geste du
gouvernement du Québec qui a été dans le sens de
décréter une administration provisoire qui ne semble pas avoir
été un succès. Vous le dites vous-mêmes. Elle a
d'ailleurs été contestée pour bien des raisons que vous
énoncez dans votre mémoire. J'ai l'impression que, pour cette
partie du problème, il faudra absolument mettre au point tous les
éléments qui peuvent faire que les pourparlers, les
échanges recommencent s'ils sont discontinués et, après
cela, qu'il y ait possibilité d'aboutir.
M. Marx: M. le Président, je sais que le ministre n'est
pas responsable pour les soins et services médicaux au Québec.
C'est sûr.
M. Bédard: Je ne suis pas responsable. Je suis quand
même très conscient que...
M. Marx: Un instant. Je ne veux pas l'accuser de quoi que ce
soit. Il est le ministre responsable de l'administration de la charte, si je
peux le dire de cette façon. Puis-je demander au ministre, de la
même façon qu'il a pris l'engagement hier, je pense, de parler
à son collègue en ce qui concerne les problèmes des
aveugles, puis-je lui demander de prendre l'engagement une autre fois de parler
à son collègue, le ministre des Affaires sociales, pour voir si
on peut faire quelque chose tout de suite pour que les Cris
bénéficient des services médicaux minimaux - je pense que
ce n'est pas trop vous demander - et nous faire un rapport, le cas
échéant?
M. Bédard: Entre vous et moi, même si vous ne me
l'aviez pas demandé, il va de soi, après les échanges que
nous avons eus aujourd'hui, qu'il y a lieu de faire en sorte que les
représentations qui nous ont été faites soient
acheminées aux instances appropriées. Je m'en ferai un
devoir.
M. Marx: Est-ce passible d'avoir une réponse la semaine
prochaine? On va siéger une autre fois la semaine prochaine.
M. Bédard: On va peut-être se voir avant cela.
M. Marx: Peut-être même avant cela.
M. Bédard: Même si je ne vous vois pas, cela ne
m'empêche pas d'agir. Vous me poserez sûrement la question.
M. Marx: La seule façon de régler le
problème, c'est d'avoir une intervention politique; si on veut faire
quelque chose d'ici quelques semaines, il faut avoir une intervention
politique. Le problème est posé.
M. Bédard: D'ici la reprise de nos travaux concernant la
Charte des droits et libertés, j'aurai sûrement eu l'occasion de
m'entretenir avec qui de droit dans ce dossier.
Le Président (M. Desbiens): Mme la députée
de Chomedey, cela va? Est-ce qu'il y a d'autres interventions? Je remercie...
Oui, M. Diamond.
M. Diamond: Mr President, I just want to make few comments before
you close. We signed an agreement in trust six years ago. What we are asking is
to respect that agreement, to pay attention to that agreement and to five
priority to that agreement. If that agreement had been respected and
implemented, it would have been no need for the Crees to defend their rights in
the Courts. We have certain human rights, certain fundamental rights. We do not
want our children to die anymore, we have seen enough death in our villages.
While the courts are deciding the principles, give us the services essential
for our people to survive, give us the services essential, so
that we can have the same health services that are available to other
citizens in this province. (18 h 45)
We are in agreement with the minister that there should be dialogue and
there should be communication between ourselves and the Minister of Social
Affairs, but we have had trouble reaching the minister, we have had trouble
starting that dialogue. I am glad to hear that he is going to talk to his
colleague, but we are ready too, we are ready to sit down. No, we do not want
to spend all our time in the court, we prefer to exercise and practice those
rights that we acquired in the negotiations, in the settlement of the James Bay
Agreement. I would like to thank you, Mr Chairman, for giving us the time
to...
M. Marx: If I could just have one word. What I try to do actually
- as you said, there is the James Bay Agreement - I try to divide the court
action from the immediate needs, because if we wait for the result of the court
action, there are going to be serious medical difficulties not to talk about
other problems in your community. You know, the minister really, I thought,
very openly, said that he would talk to his colleague and see what can be done
immediately to alleviate the situation and quand le ministre prend un
engagement, c'est toujours sérieux.
M. Diamond: ... a little later after getting those comments,
again thank you, Mr President.
Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.
M. Bédard: Comme vous le savez, on a beaucoup parlé
du nouveau ministre des Affaires sociales, qui est en poste depuis quelques
mois. Il y a également le SAGMAI qui est concerné. J'aurai
l'occasion de rencontrer ces gens, d'échanger certains propos avec eux.
Je peux vous assurer que je véhiculerai vos représentations
auprès de la plus haute instance du gouvernement.
M. Diamond: We have had our problems, Mr Minister, with SAGMAI.
We know that SAGMAI was created to solve the problems, but in the past year and
a half and two years, SAGMAI has become the problem. It has blocked the access
that we want to people like yourself. We do not want that access to be blocked.
We want to participate in this government and to make you aware of the
situation in Northern Québec. After all, the James Bay Northern
Québec Agreement gave you the title to exercice your sovereignty over
the rest of the province of Québec. That agreement set aside permanently
the land to Québec while at the same time recognized those Indian rights
that are there among the Crees' and Inuits' Communities.
M. Bédard: Je prends note de vos remarques concernant le
SAGMAI, sans autre commentaire. Tel que je vous l'ai dit, les plus hautes
instances du gouvernement seront sensibilisées - il faut bien se
comprendre - à la situation concernant non pas les procédures
judiciaires, parce que cela se réglera dans le forum où vous avez
décidé de le régler, mais au-delà des
procédures judiciaires. Pour ce qui est de l'ensemble de la situation
qui doit prévaloir jusqu'à ce qu'un jugement soit rendu, comme
cela peut prendre pas mal de temps, je crois qu'en termes de gouvernement, il
faut trouver le moyen de renouer la discussion, les échanges et en
arriver à atteindre des objectifs que vous poursuivez pour l'ensemble de
votre peuple.
M. Diamond: Thank you.
Le Président (M. Desbiens): Merci. SFPQ
Je demanderais maintenant au Syndicat des fonctionnaires provinciaux du
Québec de s'approcher, s'il vous plaît.
M. Harguindeguy (Jean-Louis): D'accord? Ã ma droite, c'est
Danièle Maude-Gosselin, vice-présidente Ã
l'exécutif et responsable des dossiers d'égalité en
emploi; à sa droite, Pierre Cormier, vice-président, unité
fonctionnaires et, à ma gauche, Norman Duguay, secrétaire
général, et Jean-Guy Fréchette, vice-président,
unité ouvriers. D'autres sont absents parce qu'ils doivent assumer
d'autres responsabilités, notamment au niveau des activités
syndicales et, comme nous faisons cela le soir, ils ne peuvent malheureusement
pas être présents. On ne peut pas dire qu'il y a une
discrimination, mais on passe assez fréquemment le soir en commission
parlementaire.
Ceci étant dit, pour revenir au sens de notre mémoire, le
Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec reconnaît le
travail énorme accompli par la Commission des droits de la personne
depuis 1976. Nous sommes parfaitement conscients que la mise en application de
la charte a grandement contribué à l'amélioration des
conditions de vie et de travail d'un grand nombre de personnes, plus
particulièrement les femmes.
Nous avons cependant été à même de constater,
à cause, en grande partie, d'un mangue chronique d'effectifs, que les
délais de règlement des plaintes sont beaucoup trop longs,
s'échelonnant même parfois sur une période de quelques
années. Nous réclamons
donc du gouvernement qu'il donne à la commission les moyens
d'agir en augmentant sensiblement le personnel, plus particulièrement
celui affecté au règlement des plaintes.
De plus, en vue d'améliorer davantage les services à la
population, nous recommandons fortement l'ouverture de bureaux de la commission
dans toutes les régions administratives du Québec, ce qui cadre
aussi avec une politique de décentralisation du même
gouvernement.
Nous estimons également, afin d'être en mesure d'assurer la
pleine égalité à tous les individus qui composent notre
société, que la Charte des droits et libertés de la
personne devrait être amendée de la façon suivante: En ce
qui regarde les activités syndicales, le Code du travail et la Loi des
normes minimales du travail interdisent formellement le congédiement
pour activités syndicales. Il n'existe cependant pas de protection
à l'embauche pour les gens exerçant ou ayant exercé des
activités syndicales. Il est ainsi fréquent que l'on refuse un
emploi à des personnes à cause de leurs antécédents
syndicaux ou même de leurs liens parentaux. à ce sujet, un
quotidien de Québec faisait part du refus d'un grand magasin Ã
rayons de la région de Québec d'embaucher les responsables
syndicaux du défunt magasin Paquet - Syndicat. Il est donc absolument
nécessaire que le motif "activités syndicales" soit ajouté
à l'article 10 si l'on veut assurer pleinement l'égalité
à tous les travailleurs.
L'âge devrait être également ajouté aux motifs
pour lesquels il est interdit d'agir de façon discriminatoire. En effet,
il est fréquent que l'on refuse quelqu'un à l'embauche ou lors de
promotion sous prétexte que l'individu est trop âgé. Cette
situation se vit notamment dans certains hôpitaux où l'âge
limite d'embauche est de 35 ans.
De plus, dans le cadre des programmes de perfectionnement offerts par la
fonction publique ou certains ministères, l'âge limite est parfois
fixé à 35 ou 40 ans. Que l'on pense, par exemple, Ã
Forma-Cadre. De nombreux employeurs cherchent également à mettre
à pied un employé ayant accumulé une certaine
ancienneté pour le remplacer par un employé ayant un coefficient
d'expérience moindre que l'on peut souvent se permettre de payer moins
cher.
De plus, même si nous sommes d'accord en principe avec l'abolition
de l'âge obligatoire de la retraite, nous estimons qu'il faudrait
prévoir une série de mesures visant à permettre aux gens
de prendre une véritable retraite. Il ne faudrait pas que les personnes
ayant dépassé la soixantaine soient obligées de continuer
à travailler uniquement parce que leurs ressources financières ne
leur permettent pas d'arrêter. (19 heures)
Grossesse. Il arrive encore que l'on refuse un emploi à une femme
sous prétexte qu'elle est enceinte. Bien que la commission ait
interprété le motif du sexe comme incluant de la grossesse, il
est arrivé que les tribunaux rendent un verdict de non-discrimination
dans ce cas.
C'est pourquoi il est important que le motif de grossesse soit inscrit
dans la charte. De plus, les examens visant à détecter la
grossesse lors de l'embauche devraient être prohibés.
Quant à l'apparence physique, malgré toute la
subjectivité que peut entraîner cet article et la
difficulté d'en faire la preuve, il est absolument nécessaire que
ce motif soit aussi ajouté à ceux prévus Ã
l'article 10 de la présente charte.
Tous sont parfaitement conscients que l'on refuse
régulièrement des emplois ou des services à des individus
en raison de leur apparence physique, notamment en raison de leur taille.
L'inclusion de ce motif aurait également l'avantage de couvrir
les cas où le motif du handicap physique est plus ou moins applicable.
Exemples: obésité, infirmité physique affectant
l'apparence, mais pas la capacité de travail de l'individu.
La charte a grandement aidé à éliminer les cas de
discrimination criante où les hommes et les femmes effectuant un travail
identique pouvaient être rémunérés selon des
échelles de salaires différentes. Toutefois, la notion de travail
équivalent devrait être exprimée clairement dans la charte,
et sa définition devrait être très large.
Cette définition devrait d'ailleurs s'appuyer sur l'application
de facteurs de complexité des tâches ou de conditions de travail,
plutôt que sur des comparaisons directes entre deux corps d'emplois dans
une même entreprise ou organisme. 'On pourra juger de la
nécessité d'instaurer cette notion lorsque l'on sait
qu'actuellement, dans les conventions collectives des fonctionnaires et des
professionnels à l'emploi du gouvernement du Québec, certains
corps d'emplois équivalents, tant au niveau de la scolarité que
des tâches - technicien en information vs technicien en administration ou
agent d'information vs agent de recherche et de planification
socio-économique - sont plus ou moins rémunérés
selon qu'ils sont composés majoritairement d'hommes ou de femmes.
Et que dire du cas des employés de secrétariat Ã
l'emploi du même gouvernement? Même si leurs tâches sont
équivalentes à celles des agents de bureau, quand elles ne sont
pas semblables, ces personnes ont des conditions salariales et de progression
de carrière franchement inférieures.
Est-il utile de préciser que plus de 95% des employés de
secrétariat sont des
femmes? On peut donc facilement imaginer ce qui existe dans le secteur
privé si le gouvernement lui-même applique une telle forme de
discrimination.
Nous aimerions aussi souligner le fait que dans sa formulation actuelle,
la charte permet de favoriser certains corps d'emplois au détriment
d'autres.
Ainsi, il n'est pas discriminatoire d'accorder des compensations ou
avantages à valeur pécuniaire, tels un stationnement, à un
employé cadre en fonction du poste qu'il occupe, au détriment
d'un autre employé, et ce même si celui-ci serait plus
justifié de l'obtenir en raison de son ancienneté ou d'autres
motifs que nous estimons plus valables que le degré de l'emploi.
Ainsi, l'article 56, deuxième alinéa, de la charte a
été interprété de façon que les mots
"traitement" et "salaire", utilisés à l'article 19, incluent les
compensations ou avantages à valeur pécuniaire se rapportant
à l'emploi. L'article 19 de la charte n'assure le droit Ã
l'égalité, en ce qui concerne la rémunération, que
dans l'hypothèse de travail équivalent. Nous demandons que cette
situation soit corrigée.
Ãlimination de la discrimination dans les avantages sociaux et
régimes de retraite. Dans sa forme actuelle, l'article 90 de la Charte
des droits et libertés de la personne a pour effet de permettre la
discrimination dans les régimes d'avantages sociaux, de retraite et de
bénéfices qui en proviennent, s'ils sont basés sur le sexe
ou l'état civil.
C'est un non-sens si l'on considère que la charte a pour but
d'éliminer la discrimination. De plus, la notion des données
actuarielles est injuste dans ces cas. Nous viendrait-il à l'idée
d'augmenter les primes d'un ouvrier dans un régime collectif d'assurance
à frais partagés employés-employeur, sous prétexte
que son espérance de vie est moindre que celle d'un cadre? De plus,
comment peut-on supporter que des femmes soient réduites à la
misère parce que leur régime de retraite leur impose de quitter
le travail à 60 ans, soit cinq ans avant qu'elles aient droit au
Régime de rentes du Québec et à la pension de
sécurité de la vieillesse? Pourtant, notre employeur, le
gouvernement du Québec, peut obliger les femmes qui ont cotisé au
régime de retraite des fonctionnaires de prendre leur retraite Ã
cet âge, si elles ont accumulé dix ans de service.
Le Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec
réclame donc l'abolition de cette disposition si l'on veut assurer une
pleine égalité. De plus, dans le cas où la charte serait
modifiée en ce sens, il serait nécessaire qu'elle ait pour effet
de rendre caducs tous les règlements, lois, conventions collectives
antérieurs à l'adoption desdits amendements.
Action positive. Afin de permettre à la
Commission des droits de la personne d'assumer pleinement son mandat
d'assurer la pleine égalité pour tous, nous croyons qu'il est
essentiel qu'elle dispose d'instruments qui ne visent pas uniquement le
règlement des cas individuels de discrimination, mais bien les
structures et les systèmes qui sont en cause.
Il ressort des analyses qui ont été faites des programmes
d'égalité en emploi pour les femmes, plus particulièrement
de celle réalisée en 1978 par le Conseil du statut de la femme,
que ces programmes peuvent dans l'ensemble être considérés
comme des échecs lamentables.
Tout au plus ont-ils permis d'éliminer les cas de discrimination
les plus flagrants et de promouvoir certaines femmes, de quoi, en fait, donner
bonne conscience, mais rien qui n'enraye la discrimination systématique
dont les femmes sont victimes. On peut facilement en conclure que la situation
est la même pour les autres groupes discriminés.
De plus, est-il nécessaire de rappeler qu'à l'exception de
Terre-Neuve et du Québec, toutes les autres provinces ont
légiféré en faveur de l'action positive? La charte devrait
donc être amendée, afin non seulement de permettre mais aussi
d'inciter les programmes d'action positive en faveur des groupes historiquement
discriminés, tels notamment les femmes, les communautés
culturelles, les Amérindiens et les personnes handicapées. Ces
programmes devraient d'ailleurs être obligatoires dans les organismes
publics et parapublics, de même que dans le cas des entreprises traitant
avec eux.
Ces programmes devraient comporter, en plus des mesures traditionnelles
d'égalité des chances, des mesures de support: garderies,
congés parentaux, ainsi que de redressement: programmes spéciaux
de recrutement et de perfectionnement?
Le but des programmes d'action positive devrait être de permettre
d'évaluer les individus, non seulement en fonction des qualifications
reguises mais aussi en fonction des handicaps surmontés et du
cheminement parcouru. Toutefois, afin de s'assurer que ces programmes
répondent le mieux possible aux besoins des individus visés, la
loi devrait prévoir que ces programmes sont nécessairement
instaurés conjointement par la partie syndicale ou les
représentants des employés dans le cas de non-syndicalisation de
l'entreprise et l'employeur.
La partie syndicale ou les représentants des employés
devraient également avoir le droit absolu de mettre ces programmes en
marche dans les entreprises ou organismes.
De plus, ces programmes devraient être placés sous le
contrôle exclusif de la Commission des droits de la personne. En effet,
si le contrôle revient uniquement à l'employeur, on risque de se
retrouver avec
des programmes qui n'auront de réalité que sur le papier.
Le meilleur exemple que l'on puisse donner à ce sujet est le
gouvernement du Québec, qui a instauré en 1980 un programme
d'égalité en emploi pour les femmes, sans consultation
auprès des syndicats, et qui refuse en même temps d'abolir les
écarts salariaux entre corps d'emplois équivalents qui sont
discriminatoires pour les femmes et qui continuent de plus à pratiquer
le classement-maquette.
Ãgalement, le même gouvernement qui a instauré un
programme d'égalité en emploi pour les personnes
handicapées congédie encore fréquemment des
employés devenus incapables en cours d'emploi de remplir leur fonction
habituelle à cause d'une invalidité mais qui pourraient par
contre fort bien accomplir d'autres fonctions.
C'est pourquoi nous estimons que ces programmes ne peuvent
réussir s'ils sont placés sous l'arbitraire des employeurs qui
ont été le plus souvent servis par les attitudes
discriminatoires.
Citoyens à part entière. Nous estimons également
que le principe d'égalité pour tous les citoyens et de
non-discrimination que prévoit la charte devrait sous-tendre l'esprit de
toutes les lois en vigueur au Québec. à cet effet, la Loi sur la
fonction publique devrait être modifiée en conséquence afin
que les restrictions imposées aux fonctionnaires, tant dans le domaine
de la politique partisane que dans le champ du négociable, soient
éliminées.
Afin d'améliorer les délais de règlement des
plaintes soumises, nous estimons également que la commission devrait
posséder les mêmes pouvoirs que les tribunaux administratifs et
que les décisions qu'elle rend soient exécutoires et sans
appel.
Même si nous nous sommes attardés sur les points qui nous
sont peut-être les plus connus, nous souhaitons que ces quelques
recommandations soient considérées à leur juste titre et
que les modifications appropriées soient apportées aux diverses
lois qui nous régissent.
Le Président (M. Desbiens): Mme la députée
de La Peltrie.
Mme Marois: Je remercie le groupe au nom des membres de la
commission de nous avoir présenté ce mémoire, qui est
assez intéressant, je pense, à bien des points de vue.
Une première question, juste pour me situer, parce que je n'ai
pas les données. Quelle est la proportion de femmes dans votre syndicat
actuellement?
M. Harguindeguy: Près de 52% des membres sont de sexe
féminin.
Mme Marois: Vous auriez peut-être aussi besoin d'un petit
programme d'action positive, non, au niveau de l'exécutif? II y a quoi,
il y a une femme ou deux à l'exécutif?
M. Harguindeguy: Deux femmes. Je pense qu'Ã ce niveau, il
y a deux candidates qui se sont présentées au congrès et
les deux ont été élues. On ne peut pas dire la même
chose des députés élus chez les femmes et chez les
ministres.
Mme Marois: Il faudrait les motiver un peu.
Une première question. Je m'étonne un peu de l'absence de
recommandations en ce qui concerne le harcèlement sexuel, qui est venu
dans plusieurs autres mémoires qui ont été
présentés ici, même qu'un mémoire en soi ne parlait
que de cette question. Or, on sait que ce problème existe et,
malheureusement, il existe aussi dans notre fonction publique. Il y a des cas
même patents qui ont été soulignés à la
commission. Vous n'avez pas cru bon de le mettre là ou vous ne croyez
pas que c'est important de le souligner, quelle est votre position
là -dessus?
M. Harguindeguy: C'est sûr que du harcèlement
sexuel, il y en a eu quelques cas. Sauf que c'est un domaine où c'est
assez difficile de faire une preuve; d'ailleurs, ce n'est pas uniquement les
femmes qui en sont l'objet, il y a aussi des hommes.
Mme Marois: Je suis bien d'accord.
M. Harguindeguy: Jusqu'à présent, dans les cas qui
nous ont été soumis et parce qu'il n'y a pas de recours possible
à l'heure actuelle, nous avons réglé au niveau de
représentations effectuées auprès des ministères
concernés. On s'est attardé aux cas peut-être les plus
criants dans notre mémoire, ceux en tout cas sur la base desquels
l'expérience nous démontre qu'il y a des amendements Ã
apporter, quoiqu'on sache qu'à bien des places, ça existe, et
sauf que les personnes ne sont pas non plus des plus intéressées
à nous en parler ouvertement.
Mme Marois: C'est d'ailleurs un des problèmes qui ont
été mentionnés par les gens qui sont venus défendre
le fait que ça devait être inclus dans la charte parce que
effectivement, les gens ne sont pas amenés à porter plainte pour
toute espèce d'autres raisons qu'on sait qui entourent ces
problèmes. Cela continue de m'étonner un peu, mais je pense que
vous êtes quand même conscients de ce problème...
M. Harguindeguy: Oui, sûrement.
Mme Marois: ... et vous savez qu'il
existe de façon assez importante, malheureusement. C'est quand
même plus vrai pour les femmes, mais c'est vrai aussi pour les hommes, je
pense.
Vous dites à la page 7 de votre mémoire que la partie
syndicale ou les représentants des employés, lorsqu'il n'y a pas
syndicat, devrait avoir le droit absolu de mettre ces programmes en marche dans
les entreprises. J'aimerais que vous m'expliquiez un peu comment vous voyez
ça possible, et que signifie pour vous le droit absolu. Avez-vous
pensé à des mécanismes? Avez-vous pensé à un
certain nombre de choses? Pourriez-vous expliciter un peu ce point?
M. Harguindeguy: On demande, d'abord, que la loi prévoie
l'obligation d'avoir des programmes, si, éventuellement, il n'y a pas de
possibilité d'accord avec l'employeur. Mais il y a toujours les
restrictions budgétaires, particulièrement au gouvernement. On
peut être bien d'accord sur des principes, mais, dès le moment
où ça coûte de l'argent, on laisse quelquefois tomber les
principes. On voudrait quand même que la loi prévoie l'obligation
pour tous d'instaurer de tels programmes; deuxièmement, qu'Ã
défaut de s'entendre avec l'employeur, on puisse quand même,
puisqu'on veut que le contrôle soit sous la responsabilité de la
Commission des droits de la personne, préparer un programme et le
soumettre. Si on regarde ce qui s'est fait au niveau du gouvernement depuis
1980, il y a un programme d'égalité en emploi pour les femmes qui
a été implanté sans consultation préalable du
syndicat, qui n'a donné encore aucun résultat, au moment
où on se parle.
Mme Marois: Là -dessus, on est peut-être en
désaccord. Il n'a pas donné des résultats très
manifestes. Cela fait très peu de temps, de toute façon, qu'il
est implanté. Il reste que, malgré qu'il ait été
implanté depuis peu de temps, les données statistiques nous
disent qu'il y a un certain état d'avancement, évidemment,
absolument pas à la mesure des souhaits qu'on pourrait avoir, ça,
j'en conviens.
M. Harguindeguy: Sauf que, si on se limite uniquement aux membres
qu'on représente chez les fonctionnaires, on peut dire que la situation
est stationnaire. On est au même niveau qu'on était auparavant. Si
on regarde les points les plus cruciaux qui ont fait l'objet de demandes
syndicales lors des dernières négociations, elles sont encore
existantes, ces discriminations, celles qu'on mentionne au niveau des
techniciens de certaines catégories d'emploi. Même si on pouvait
être d'accord sur le principe, comme ça pouvait
éventuellement coûter près de 8 000 000 $ de plus par
année pour l'ensemble des réseaux, autant la fonction publique
que les commissions scolaires et les hôpitaux, nécessairement, on
a continué à garder la même discrimination. Même si
dans la politique d'égalité en emploi depuis 1980, on dit que
ça doit mener à ça d'ici trois ans - et le mandat se
termine bientôt - il n'y a pas eu de discussions tellement à ce
niveau.
Au niveau du classement-moquette, ça fait au-dessus de six ans
qu'on fait des représentations pour faire changer la classification.
Mais comme c'est une matière qui n'est pas négociable, comme il
appartient au ministre de le déterminer et que nous ne sommes que
consultants, nous attendons et, malgré maints rappels - je pourrais vous
montrer la correspondance échangée avec le ministre actuel de la
Fonction publique et ses prédécesseurs - c'est toujours Ã
l'étude.
Mme Marois: C'est effectivement encore à l'étude,
je peux vous le dire.
M. Harguindeguy: D'ailleurs, j'ai même dit au ministre
actuel...
Mme Marois: C'est parce que vous vous étendez un peu et
vous ne répondez pas à ma question. Vous soulevez des choses
intéressantes, mais vous ne répondez pas à ma question. Le
droit absolu s'exprime comment, ça se fait comment? Je veux essayer de
comprendre, je ne veux pas...
M. Harguindeguy: Si la loi crée l'obligation d'avoir de
tels programmes, si après quelques discussions on en vient à la
conclusion qu'il n'y a pas moyen de s'entendre, il faudrait qu'on puisse
éventuellement soumettre un programme. Maintenant, si vous me demandez:
Est-ce que vous en avez préparé, je répondrai non, parce
que c'est inutile de travailler là -dessus tant qu'on n'aura pas cette
possibilité. Mais on demande qu'on puisse éventuellement en
soumettre un pour forcer l'employeur à le mettre en application. C'est
dans ce sens qu'on le revendique, tel qu'indiqué à la page 7.
Mme Marois: Dans une perspective de négociation ou
même en l'absence de négociation, vous dites: Si de tels
programmes n'existaient pas, on serait prêt à en bâtir et
à les proposer pour d'éventuelles négociations. Vous ne
sous-entendez pas que ce droit absolu comprend le fait que vous l'implantiez,
peu importent les mécanismes, sans qu'il y ait entente avec l'employeur,
parce qu'on sait fort bien...
M. Harguindeguy: Ou alors avec l'accord de la commission, si on
lui donne le droit de regard absolu sur ces programmes.
Mme Marois: Donc, avec le mécanisme que la commission
intervienne de façon
péremptoire.
M. Harguindeguy: Mais il faudrait nécessairement, comme
condition préalable, qu'on implique l'obligation pour les parties
d'avoir de tels programmes, parce que actuellement tout est fonction de budget.
S'il n'y a pas de budget, il n'y a rien qui se fait. Pour donner des exemples
concrets, pour les garderies, c'est le même cas à l'heure
actuelle; ça bloque parce qu'il n'y a pas d'argent. On a beau avoir des
beaux programmes, s'il n'y a pas de moyens financiers pour les mettre en
application...
Mme Marois: II y a parfois des cas où ce n'est pas
nécessairement des moyens financiers que ça implique. Il y a des
cas où ça en implique, mais parfois ça n'en implique pas.
Ce ne sont pas toujours des très gros moyens financiers, surtout quand
on pense que, dans ce cas-là , il s'agit beaucoup - il y a bien des gens
qui en ont fait la preuve ici de changement de mentalités, de changement
d'attitudes. Mais, comme ce n'est pas suffisant, semble-t-il, actuellement, il
faudra adopter des mesures très concrètes; sinon, on n'y arrive
pas. C'est un peu ce que veulent faire les programmes d'égalité
en emploi. Je pense que M. Bédard voulait compléter ma question.
(19 h 15)
M. Bédard: II y a un autre aspect de votre question. Comme
vous le dites, c'est bien beau d'avoir des beaux programmes, mais encore
faut-il être sûr qu'ils puissent s'appliquer. Est-ce que vous
seriez prêts à accepter qu'à partir du moment où un
état de discrimination est constaté il y ait un programme mis sur
pied par la Commission des droits de la personne, programme
élaboré par la Commission des droits de la personne ou par un
autre organisme, et qu'il y ait consultation de l'employeur et de
l'employé? Si, malgré la bonne foi de toutes les parties,
l'état de discrimination ayant été constaté, il n'y
a pas de possibilité d'entente, seriez-vous d'accord que ce programme
puisse être imposé?
M. Harguindeguy: D'abord, quand on parle du programme d'action
positive, ce n'est pas que cela s'attache à un seul individu, parce que
c'est aller un peu loin. Ce sont des groupes, des catégories
d'employés. Nécessairement, si ce sont des catégories
d'employés, le bien-fondé, il va falloir d'abord le justifier. Si
toutes les parties sont de bonne foi et qu'effectivement il y a des obligations
qui sont créées par la loi, je vois difficilement comment on va
pouvoir ne pas appliquer un programme qu'on pourrait éventuellement
élaborer conjointement, si on le peut. Si éventuellement,
l'employeur se refusait - il n'y a pas seulement nous non plus, parce qu'on
sait que les lois s'appliquent à tout le monde. On voudrait qu'il y ait
au moins une des parties, c'est-à -dire les employés qui sont
concernés, qui puisse soumettre le programme à la commission. Si
la commission en vient à la conclusion que c'est la solution
appropriée à la discrimination qui a été
constatée, on le mettra en application. Quels moyens coercitifs la
commission va-t-elle avoir? Cela va dépendre aussi d'une autre
recommandation qu'on formule, où on veut que la décision de la
commission soit finale et sans appel. Ã l'heure actuelle, on est quand
même fort dépourvus, même si la commission en vient Ã
la conclusion qu'il y a discrimination; si l'employeur se refuse Ã
donner suite à la recommandation de la commission, on est obligé
de prendre des procédures qui sont longues. C'est un tout.
M. Bédard: Oui, sauf qu'on parle de droits et
libertés avant de parler de tribunal sans appel. Il reste que, quand on
parle de droits et de libertés fondamentaux, cela a des
conséquences très larges, par rapport à chacun des
principes lorsqu'ils sont appliqués, de décider qu'il n'y a pas
d'appel. En tout cas, cela mérite réflexion, c'est le moins qu'on
puisse dire.
Mme Marois: On sait qu'on est - vous le savez vous-même -
dans une conjoncture économique qui n'est pas particulièrement
facile. On essaie par différentes approches, certains disent de
dégraisser le système, d'autres disent de le rendre plus
efficace, etc. On peut le prendre selon le point de vue qu'on a pour le voir,
je ne mets pas cela en question nécessairement. Je ferai une
hypothèse. On parle des programmes d'action positive ou de redressement,
d'accès à l'égalité sur base de
négociations. Je trouve cela intéressant; de toute façon,
cela devient plus motivant si, effectivement, on s'entend pour les implanter.
Dans cette perspective, quel serait votre choix, comme syndicat, entre
l'implantation d'un programme d'accès à l'égalité
pour les femmes, par exemple, qui forment une grande proportion des personnes
dans la fonction publique, et une augmentation de salaire de 3% pour tous les
membres? Je l'admets, certaines mesures ne coûtent rien, mais d'autres
coûtent quelque chose. Pour corriger une discrimination, est-ce que vous
n'êtes pas prêts à faire, dans le contexte d'une
négociation, un certain nombre d'ententes et reconnaître que ces
coûts soient partagés?
M. Harguindeguy: Premièrement, j'espère que c'est
uniquement hypothétique.
Mme Marois: Enfin, c'est une hypothèse, je l'ai dit.
M. Harguindeguy: Oui, c'est cela. J'essaie de le confirmer. D'un
autre côté, cela dépend quelle va être la
contribution de l'employeur. Si vous nous demandez que le coût du
programme d'action...
Mme Marois: Imaginons que c'est à part égale.
M. Harguindeguy: C'est parce que cela aurait pu arriver que vous
nous fassiez assumer le coût global d'un programme d'action positive.
Mme Marois: Vous savez qu'on n'est pas méchants comme
cela.
M. Harguindeguy: Peut-être pas vous, mais il y en a
d'autres.
M. Bédard: Vous êtes maltraités à ce
point dans la fonction publique?
Mme Marois: Vous n'êtes pas si maltraités que
cela.
M. Harguindeguy: Peut-être pas vous; je ne veux pas parler,
en tout cas.
Mme Marois: Je veux avoir la réponse du président.
Je trouve qu'elle est très importante.
M. Harguindeguy: Je vais vous la donner. D'ailleurs, je n'ai pas
l'intention de me défiler, je ne suis pas politicien, je suis
syndicaliste.
Mme Marois: Oh là , là ! Là -dessus, on
pourrait discuter longtemps.
M. Harguindeguy: D'abord, il faudrait déterminer quel
groupe. Il y a bien des préalables à cela. Je ne pense pas qu'il
faille faire assumer par l'ensemble des membres des erreurs qui ont
peut-être été commises antérieurement et qui
incombent aussi à l'employeur; cela dépend de ce que ça va
concerner. Si je fais référence au cas des techniciens et des
employés de secrétariat, il y a quand même des
revendications qui ne coûtaient pas extrêmement cher
antérieurement qui auraient pu déjà trouver Ã
l'époque des solutions qui aujourd'hui seront beaucoup plus
onéreuses. Jusqu'à quel point on doit faire assumer cette partie
de coût par l'ensemble ou le reste des autres membres? Il faudrait
l'évaluer. Comme dans toute négociation, on évalue les
propositions et on fait des demandes aussi selon la volonté des membres.
Si parmi les 52%, c'est réellement une situation criante, les membres
vont se prononcer en conséquence. Mais dire, a priori, qu'on est
d'accord pour envisager à la prochaine négociation de donner
moins d'augmentation, si on veut être équitable avec tout le
monde, il y a aussi un coût de la vie qu'il faut respecter pour tous, il
y a donc un minimum qu'il faut quand même assurer. Mais si c'est dans le
surplus que vous voulez aller chercher, on regardera ce qu'il y a et il y aura
sûrement des discussions.
Mme Marois: Mais vous seriez prêt à regarder une
possibilité de négociation autour de cela?
M. Harguindeguy: On est toujours prêt Ã
discuter.
Mme Marois: Vous manifesteriez une certaine ouverture d'esprit,
si je comprends bien.
M. Harguindeguy: La négociation implique
nécessairement une étude et des compromis.
Mme Marois: Cela va. J'ai d'autres questions à poser, mais
le temps passe et M. le député de D'Arcy McGee devient
impatient.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Marx: J'aimerais remercier le Syndicat des fonctionnaires
provinciaux du Québec d'avoir présenté un mémoire
et M. Jean-Louis Harguindeguy d'être venu en personne ici. Je ne pense
pas que ce soit la faute des employés s'il y a discrimination dans la
fonction publique, mais plutôt celle du patron. Je suis membre d'un parti
politique, mais c'est très récent.
Mme Marois: Dans les études qui se sont faites finalement,
on ne met pas la faute sur un individu, même pas sur un groupe, on dit:
C'est un système qui a fait en sorte qu'on le vive comme cela. Sans
doute que le système syndical a aussi une part de responsabilité
là -dedans. Il faut être équitable à cet
égard.
M. Marx: C'est la première fois que vous posez la question
à quelqu'un: Est-ce que vous êtes prêt à avoir moins
d'augmentation? Quand les syndicats présentaient leur mémoire
ici, tout le monde ici était prêt que ce soit les compagnies qui
portent le fardeau, mais quand c'est le gouvernement, vous voulez qu'il le
porte un peu aussi.
Mme Marois: Non, ce ne serait pas correct ce que vous dites,
parce que, selon les groupes qui se présentent, il y a des questions
plus...
M. Marx: Personne n'a posé cette
question aux syndicats.
Mme Marois: ... pertinentes que d'autres qui ont
été posées. On l'a posée sur toute la notion - vous
vous en souvenez, même vous, vous l'avez posée - de quotas. Sur la
notion de la masse salariale, vous l'avez même posée.
M. Marx: C'est moi qui ai posé des questions aux deux
groupes. C'est vous autres qui avez posé cela à vos propres
employés.
Mme Marois: Je l'ai même posée aussi Ã
certains syndicats - non, là -dessus, il faudrait quand même
être honnête - qui sont venus défendre leur position
ici.
M. Bédard: Vous ne pouvez quand même pas nous en
vouloir d'avoir de la variété dans nos questions.
M. Marx: De la quoi dans ces questions?
Mme Marois: Nous sommes originaux.
M. Bédard: Vous avez le droit de ne pas en avoir.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Marx: La transcription va montrer à ceux qui lisent que
- peut-être pas beaucoup de monde - vous avez posé cette question
à ces employés et à ce syndicat, mais que vous n'avez pas
posé cette question à d'autres syndicats qui sont venus ici.
Mme Marois: On lira la transcription.
M. Marx: Peut-être avez-vous pensé les poser, mais
il était difficile de sortir les mots. Je comprends.
Mme Marois: On lira la transcription.
M. Marx: J'aimerais poser une question sur l'action positive en
ce qui concerne les minorités culturelles. Je n'aime pas les mots
"minorités culturelles", parce que je me demande toujours jusqu'Ã
quelle génération on va porter ce "badge", mais c'est une autre
question. Le gouvernement a un programme d'intégration des
minorités culturelles à la fonction publique. Cela a
été une promesse, un engagement électoral lors des
dernières élections. Cela a peut-être aidé le
gouvernement. De toute façon, il aurait gagné sans cela.
Après les élections, on a vu qu'il va y avoir des compressions,
des réductions dans les effectifs à la fonction publique.
J'aimerais vous poser la question, parce que je pense que vous avez
peut-être plus d'expérience dans ce domaine que les gérants
du gouvernement qui ont souvent très peu d'expérience; ils
arrivent souvent, et vous êtes là depuis des années.
J'aimerais savoir comment vous voyez ce soi-disant programme du
gouvernement d'intégrer des membres des communautés culturelles
dans la fonction publique. Comme deuxième question, j'aimerais vous
poser la question bien franchement: Est-ce que c'est réaliste, leur
programme? Si on veut vous mettre à la porte à cause des
réponses, l'Opposition va vous défendre.
M. Harguindeguy: J'aime autant me fier à mon syndicat.
M. Marx: Vous avez bien raison, nous n'avons pas de pouvoir.
M. Harguindeguy: D'ailleurs, c'est déjÃ
arrivé une fois qu'on vous a mis dehors.
Quant au programme d'action positive concernant les communautés
culturelles, d'abord, on ne parle pas de minorités dans notre
mémoire, je peux difficilement répondre. Je ne connais pas les
intentions du gouvernement concernant cette intégration, sauf que, si je
me fie à ce qui se fait pour ceux qui sont déjà Ã
la fonction publique, parce qu'il y a quand même presque 2500
employés du gouvernement qui sont unilingues anglais et pour lesquels...
Il y a au moins 2500 employés dans l'Estrie, en Gaspésie, dans la
Gatineau; vous avez des employés de l'Ãtat qui ne parlent qu'en
anglais; vous avez des Inuits aussi; tantôt, on a entendu des Cris, des
représentants des Cris, mais il y aussi des Inuits, des Cris
également, qui sont employés du gouvernement dans le Grand-Nord;
je dirais à peu près 2500 qui sont dans divers ministères
et qui ne parlent qu'anglais. Pour eux, le gouvernement n'a pas encore
prévu de programme de francisation, dans le sens où il n'y a pas
de cours qui se donnent en français, contrairement aux dispositions de
la convention collective. LÃ aussi, il y a quelques restrictions
budgétaires. Alors, vous demandez ce qui se ferait pour les autres, je
peux difficilement répondre.
M. Marx: Les membres des communautés culturelles, ce ne
sont pas des gens unilingues anglais.
M. Harguindeguy: Je parle de ceux qu'on a à l'heure
actuelle.
M. Marx: Lorsque nous parlons des communautés culturelles
au Québec, cela veut dire des non - Canadiens-français, pour
mettre cela en termes exacts. Cela veut dire que, dans mon comté, il y a
deux femmes qui font partie des communautés culturelles, si vous voulez,
et qui parlent français, elles sont bilingues; elles aimeraient avoir
des postes à la fonction publique...
M. Harguindeguy: II n'y en a plus. Il y a des coupures
budgétaires, il n'y a plus d'engagement.
M. Marx: II n'y en a plus, c'est cela. Le programme est
là , mais les postes ne sont pas là . On appelle cela, en bon
jouai, c'est un "fake", le programme.
M. Harguindeguy: C'est la même question avec le programme
pour les personnes handicapées où le gouvernement a prévu
embaucher, d'ici deux ans, je pense, au moins 2% d'employés
handicapés au gouvernement, sauf qu'on ne connaît pas encore la
définition de "personnes handicapées" qui va être
utilisée pour l'application de ce programme; on y est peut-être
aussi, il y a un petit peu d'obésité, je peux peut-être
entrer dans ces 2%, de toute façon. Mais on ne sait pas si cela va
comporter rien que du nouvel embauchage de ces employés. Parce que,
même si on avait prévu la formation d'un comité depuis
février 1981, il n'y a pas encore de comité de formé,
malgré nos demandes.
Alors, on peut difficilement répondre à votre question,
à savoir de quelle façon on va intégrer ces
catégories de personnes, parce que la politique existe, mais elle n'est
pas mise en application.
M. Marx: Un instant, je n'ai pas terminé; c'est l'office,
donc c'est un autre...
Mme Marois: C'est l'office... Ce n'est vraiment pas une question
facile. M. Harguindeguy le sait lui-même. C'est une question très
difficile à mettre en forme, pour s'assurer qu'il n'y a pas
effectivement d'erreur et tout cela; ce n'est pas facile à traiter. Il
faut quand même en convenir et l'office y travaille actuellement.
M. Marx: J'ai retenu le point que, pour les deux femmes dans mon
comté, il n'y a pas de poste.
M. Harguindeguy: II y a des coupures budgétaires, alors il
n'y a pas d'engagement à l'extérieur. Donc, ce n'est pas
difficile.
M. Bédard: Les coupures budgétaires, je me demande
si on est dans le sujet, parce que... (19 h 30)
M. Marx: Un instant, puis-je terminer? M. le ministre, je n'ai
pas interrompu les députés ministériels; je me suis
efforcé de ne pas vous interrompre depuis quatre jours maintenant. Je
vous assure que ce n'était pas toujours facile, mais je me suis retenu.
Je comprends que vous êtes... Je vous assure aussi et j'aimerais assurer
le Syndicat des fonctionnaires qu'il existe de la discrimination entre
ministres et députés quand je ne peux pas stationner devant la
porte de la bibliothèque quoique les ministres le puissent.
Peut-être que je vais déposer une plainte à la Commission
des droits de la personne un de ces jours pour faire valoir mes droits.
M. Bédard: N'importe quoi!
M. Marx: En ce qui concerne l'intégration des membres des
communautés culturelles, c'est vrai qu'il existe beaucoup de gens qui
parlent français d'une façon inadéquate. C'est
évident. Est-ce qu'il y a une façon d'intégrer ces
personnes? Moi-même, quand j'ai commencé à enseigner
à l'Université de Montréal, je ne parlais quasiment pas
français. Le doyen a été bien complaisant, il m'a
engagé et j'ai appris le peu que je connais en travaillant. Est-ce qu'il
y a cette possibilité d'intégrer ces gens qui sont prêts
à apprendre pour qu'ils apprennent en travaillant?
M. Harguindeguy: Actuellement, il y a des conditions d'admission
aux examens qui nécessairement obligent tous les candidats Ã
parler français. Donc, s'ils ne parlent pas dans un premier temps le
français, ils peuvent difficilement s'inscrire, à moins que les
règlements tels qu'ils sont soient modifiés en conséquence
pour permettre cette ouverture. Dans certains corps d'emplois, on exige
l'anglais en plus du français. Certains employés doivent parler
deux langues, même s'ils ne sont pas payés pour ça. Comme
condition essentielle, il faut parler français.
M. Marx: Je pense, par exemple, aux immigrants. Les immigrants
viennent de la Pologne, ils parlent mal l'anglais et le français, ils
trouvent du travail et, en travaillant, ils apprennent la langue. Cela se fait
partout dans le monde. Je demande si ce serait possible, de votre point de vue,
d'intégrer des gens de cette façon, même si leur
français laisse beaucoup à désirer.
M. Harguindeguy: II va falloir que les plans de classification
soient modifiés pour changer les conditions d'admission, autrement ce ne
sera pas possible.
M. Marx: Cela dépend aussi des travaux. Pour un balayeur,
la langue écrite n'est pas...
M. Harguindeguy: Même la convention prévoit, comme
la Charte de la langue française, l'obligation de parler français
dans tout...
M. Marx: II y a parler et parler. Un balayeur n'a pas besoin des
mêmes compétences que quelqu'un qui est sous-ministre dans
certains ministères.
M. Bédard: Regardez, je ne vous interromps pas, même
quand vous dites des choses pas correctes.
M. Marx: Je pense qu'il y a une différence à faire
en ce qui concerne les emplois, Ã savoir que ce ne soit pas le
même test. Est-ce que vous êtes d'accord?
M. Harguindeguy: Sauf que les emplois auxquels vous faites
référence sont quand même moins nombreux. Il n'en reste
plus beaucoup des travaux d'entretien.
Généralement, c'est tout donné Ã
contrat.
M. Marx: Donc, il n'y a pas beaucoup d'espoir pour les membres
des communautés culturelles d'être intégrés dans la
fonction publique.
M. Harguindeguy: Je n'en vois plus tellement.
M. Marx: Merci.
M. Harguindeguy: à moins d'apprendre le français
pour avoir des emplois de bureau. Les travaux manuels sont de plus en plus
donnés à contrat à des compagnies.
M. Marx: Vous avez dit que même dans les emplois de bureau,
il n'y a pas de postes pour les femmes, par exemple.
M. Harguindeguy: C'est ça. M. Marx: II n'y en a
pas.
M. Harguindeguy: Ã l'heure actuelle, il n'y en a pas.
M. Marx: L'autre jour quand j'ai posé la question, la
ministre m'a donné une réponse comme quoi ça va "swigner"
dans son programme. Maintenant ça ne va pas "swigner", ça ne va
même pas danser; il ne va rien y avoir. C'est une fumisterie du
gouvernement, c'est dégueulasse pour moi.
M. Bédard: Avez-vous terminé?
Mme Marois: Vous en mettez un peu trop là . Je pense que
vous charriez aussi de votre côté. Il faudrait en être
conscient. Il est évident qu'actuellement il y a un certain nombre de
postes qui deviennent vacants -ce qu'on appelle l'attrition - qui ne se
comblent pas, mais il y a aussi des nouveaux programmes qui sont mis en place
et qui permettent des correctifs, tel qu'on le souhaiterait, soit dans des
politiques d'égalité en emploi ou autrement. C'est évident
qu'on est dans un contexte difficile. LÃ aussi, il faut prendre
l'ensemble de la conjoncture quand on analyse une situation. Ce qui ne fait pas
de la fumisterie pour autant.
M. Marx: Est-ce que...
Le Président (M. Desbiens): Est-ce qu'il y a d'autres
intervenants. M. le député de D'Arcy McGee.
M. Marx: ... le président du syndicat voit des postes qui
s'ouvrent ces jours-ci?
M. Harguindeguy: J'ai pris une note, je vérifierai parce
que je n'en ai pas vu beaucoup dernièrement.
M. Bédard: Ce n'est quand même pas le
président du syndicat qui décide combien il y a de postes?
M. Marx: C'est le gars qui voit tout.
M. Bédard: Non, je m'excuse; vous avez parlé assez
jusqu'à maintenant. J'imagine qu'à partir du moment où il
y a une volonté politique de faire en sorte de mettre au point des
programmes qui permettent justement une meilleure intégration au niveau
de certaines des communautés culturelles, cette volonté politique
devra trouver le moyen de s'exprimer. Je ne pense pas que ce soit au
président du syndicat de décider de cela. Cela me semble clair,
on n'est quand même pas ici...
Mme Marois: II faut être quand même conscient...
M. Bédard: Cela ne fait pas l'objet de négociations
collectives.
Mme Marois: ... aussi - avec tout le respect que je peux avoir
pour le président du syndicat ici présent - qu'il
représente une catégorie de population dans la fonction publique,
qu'il y a d'autres syndicats qui représentent d'autres catégories
de population et qu'il y a aussi un ensemble de commissions, d'organismes
d'Ãtat, etc. Il y a le gouvernement comme tel, il y a le parapublic, il
y a le public, il y a le semi-public, etc. Il faut quand même être
conscient de ça aussi.
M. Bédard: On a beau parler de coupures
budgétaires, et je ne pense pas que ce soit le sujet principal de notre
discussion, mais il reste que je ne connais pas encore tellement de
fonctionnaires qui ont perdu leur sécurité d'emploi depuis que
ç'a été annoncé, que je sache, alors qu'il y a pas
mal de gens qui courent après la sécurité d'emploi. On a
parlé du phénomène d'attrition tantôt, mais je n'en
parlerai même pas, il y a tout simplement une volonté politique
qui a été exprimée et qui doit trouver le moyen de se
matérialiser. Comment? Vous serez à même de
l'évaluer comme nous, peut-être qu'entre les désirs et
la réalité, il y a souvent une grande marge, j'en suis
convaincu. Malgré la volonté politique, on ne va peut-être
pas arriver au résultat qu'on aurait espéré quand on parle
d'intégration concernant les communautés culturelles. Vous ne
nous en voudrez sûrement pas de vouloir plus même si nous ne
réussissons qu'à faire moins, que ce soit à cause des
restrictions budgétaires ou autrement; on l'évaluera en temps et
lieu.
Le Président (M. Desbiens): Mme la députée
de Chomedey.
Mme Bacon: Je ne veux prendre personne à témoin, je
ne veux pas mettre non plus dans de mauvais draps le président du
syndicat, je pense qu'il peut se défendre lui-même, mais il ne
faudrait quand même pas qu'on nie aux membres de l'Opposition la
possibilité de s'intéresser de très près Ã
ces choses.
M. Bédard: Non seulement je...
Mme Bacon: Je sens bien en ce moment qu'on est sur la
défensive en face. On ne peut quand même pas nier Ã
l'Opposition la possibilité de s'intéresser de près aux
communautés culturelles et à leur intégration et de suivre
de près les engagements parce que, de votre côté, on ne
fait pas de promesses...
M. Bédard: Non seulement je ne le nie pas...
Mme Bacon: ... on prend des engagements. Les engagements qui ont
été pris de donner une place de choix aux communautés
culturelles et aux femmes, aux minorités...
M. Bédard: ... je pense que c'est un devoir de
l'Opposition...
Mme Bacon: Nous le faisons.
M. Bédard: ... de s'intéresser et après de
suivre le dossier...
Mme Bacon: De très près.
M. Bédard: ... de très près et de voir
jusqu'à quel point les volontés politiques exprimées se
matérialisent du point de vue concret, c'est tout à fait
normal.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Marx: Oui. Je veux rétablir certains faits. J'ai
posé des questions en fonction du mémoire. Je n'ai pas
demandé au président ou aux membres du syndicat de donner leur
opinion, j'ai posé des questions qui portent sur des faits. Le
président nous dit qu'il n'y a pas de poste, c'est un fait. Quand il
raconte des faits, il ne faut pas commencer à faire un exposé sur
autre chose pour camoufler qu'il y a des faits. Pour les deux femmes de mon
comté, j'ai écrit à la ministre de la Fonction publique.
Je n'ai pas eu de réponse; normalement, cela prend un mois, six
semaines, deux mois, mais quand je vais l'avoir - et je sais ce que je vais
avoir comme réponse - je vais parler à ces deux femmes de mon
comté même avant d'avoir la réponse, parce que je connais
déjà la réponse. Il y a des faits: quand il n'y a pas de
poste, il n'y a pas de poste. Quand il y a des compressions, on
n'établit pas beaucoup de programmes.
M. Bédard: Puis-je vous poser des questions? Voulez-vous
m'expliquer en vertu de quoi c'est le président du syndicat qui
décide combien il y a de postes au gouvernement? Vous prenez des faits
là où ça fait votre affaire. Quand vous m'aurez
répondu à cela...
M. Marx: Le fait, c'est qu'il n'y a pas de poste aujourd'hui et
qu'on n'établit pas beaucoup de programmes dans les années
maigres comme celles qu'on a maintenant.
Mme Marois: La question n'est pas posée aux bonnes
personnes.
M. Bédard: Cette réponse, vous voulez la prendre,
l'enrober, dormir avec elle, prenez-la. Qu'est-ce que vous voulez que je vous
dise?
M. Harguindeguy: Si vous voulez me donner le mandat, je peux bien
le prendre, par exemple.
M. Bédard: Si le président du syndicat avait le
mandat de décider combien il y a de postes, on aurait sûrement
d'autres problèmes au point de vue gouvernemental.
M. Marx: Je pense qu'on aurait plus de succès avec lui
qu'avec le gouvernement en ce qui concerne les communautés
culturelles.
M. Bédard: Ce n'est peut-être pas ce que disaient
ceux qui vous ont précédé, qui étaient du
même parti que vous. Cela dépend des situations, chaque situation
a son lot de problèmes.
J'aurais justement une question à poser en fonction du
mémoire. J'aimerais avoir plus d'explications sur le désir que
vous exprimez, à la page 4 de votre mémoire, que
l'égalité de traitement s'applique au-delà de la notion
actuelle de travail équivalent. Cela va jusqu'où?
M. Harguindeguy: Nous avons eu
certains cas pratiques où nous avons porté des plaintes
auprès de la commission qui a statué qu'en vertu des dispositions
de la loi actuelle certains avantages de nature pécuniaire sont
considérés comme étant du traitement. Le cas soumis a
été celui des Affaires sociales où, pour l'attribution des
places - parce qu'elles sont quand même limitées aussi, cela va de
soi; on ne pourrait pas avoir des places de stationnement au complexe G pour
tout le monde, c'est sûr -il y a un certain nombre de points
accordés en fonction de la classification des individus.
C'est-à -dire que si vous êtes cadre, vous avez peut-être 25
points, si vous êtes professionnel, vous en avez 15, si vous êtes
fonctionnaire tout court, vous en avez 10, ainsi de suite. Ces places peuvent
être obtenues à un coût moindre que le coût
réel. On estimait discriminatoire de déterminer qu'a priori
quelqu'un qui avait telle classification avait nécessairement plus de
chances d'avoir une place de stationnement qu'un autre fonctionnaire.
La commission, comme l'article 19 de la loi prévoit que la
définition de traitements et de salaires inclut les compensations et
avantages qui ont une valeur pécuniaire, a établi que ce
n'était pas discriminatoire de déterminer l'attribution de places
de stationnement de cette façon. Il nous semble que c'est quelque peu
discriminatoire de prendre, a priori, la classification des gens.
Mme Marois: Sur cette question, vous ne voulez quand même
pas dire: Traitement égal pour travail non équivalent?
M. Harguindeguy: On ne va pas jusque-là , ça va de
soi.
Mme Marois: On pourrait l'interpréter comme ça.
M. Harguindeguy: Je ne voudrais pas que vous souleviez
l'hypothèse qu'il faut remettre tout le monde en bas. Non, ce n'est pas
ça. En tout cas, on estime que tout ne devrait pas rentrer dans la
définition de salaire. Il y a certains avantages qu'on pourrait
sûrement ne pas considérer comme étant des avantages de
nature pécuniaire.
M. Bédard: Une dernière question. à la page
8 de votre mémoire, sous le thème "Citoyens à part
entière", vous préconisez que "les restrictions imposées
aux fonctionnaires, tant dans le domaine de la politique partisane que dans le
champ du négociable, soient éliminées". Ne pensez-vous pas
que l'interdiction qui est faite aux fonctionnaires, Ã vos membres, de
faire de la politique partisane procède justement du principe qui veut
que, si les citoyens sont égaux aux yeux de la charte, ils puissent
sentir qu'ils le sont lorsqu'ils font affaires avec la fonction publique, peu
importe leur opinion politique?
M. Harguindeguy: II y a quand même des possibilités,
il existe un code d'éthique qui pourrait prévoir de quelle
façon ou de quelle manière un fonctionnaire doit agir. Sauf
qu'à l'heure actuelle c'est automatique: dès le moment où
les brefs sont annoncés, un fonctionnaire ne peut pas faire de politique
partisane. Même s'il était d'accord pour maintenir le gouvernement
en place ou pour faire en sorte de le faire battre pour changer, il ne peut
même pas participer. C'est quand même une restriction, quant
à nous, qui n'est pas normale en 1981. Je pense qu'il y a quand
même d'autres possibilités d'exercer un contrôle pour
s'assurer que les fonctionnaires exercent adéquatement leurs
fonctions.
M. Bédard: Vous me surprenez avec cette affirmation.
M. Harguindeguy: C'est la loi, Ã l'article 112, qui
l'interdit.
M. Bédard: Non, avec votre demande. Autrement dit, vous
accepteriez que les activités partisanes soient possibles pour les
fonctionnaires. (19 h 45)
M. Harguindeguy: En dehors des heures, bien entendu. Ce n'est pas
durant les heures de travail, il faut s'entendre. Ã l'heure actuelle,
quand il y a une période d'élection, nous sommes fonctionnaires
24 heures par jour. Durant les heures de travail, qu'il y ait des restrictions
imposées, ça va de soi; je pense bien qu'on est engagé par
l'Ãtat pour rendre des services à la population. On n'est pas au
service d'un parti politique, sauf qu'il n'y a pas que les heures de travail.
Un fonctionnaire, dépendant de son rang, avec un certaine prudence dans
bien des cas, jugerait, à ce moment-là , s'il doit ou non poser
tel ou tel geste le soir; il pourrait avoir la possibilité de s'exprimer
comme tous les autres citoyens, chose qu'il ne peut pas faire aujourd'hui.
Vous pouvez aussi avoir un fonctionnaire qui peut être
président d'une association de comté, à l'heure actuelle,
et il peut agir parce qu'il n'y a pas d'élection. Mais, le jour
où l'élection arrive, il doit nécessairement
démissionner s'il veut garder son poste de fonctionnaire. On en a
quelques-uns qui ont perdu leur emploi au gouvernement pour des - en tout cas
je l'estime - insignifiances comme poser ce que l'on appelle des posters, des
affiches sur des poteaux téléphoniques, ou transporter du monde.
C'est quoi, afficher un papier? Que ce soit afficher cela ou bien autre chose!
Cela identifie une certaine partisanerie, mais
prétendre que les gestes des fonctionnaires vont par la suite
être dénués de toute objectivité, je pense que c'est
aller un peu loin.
M. Marx: C'est juste pour enchaîner à la question
que le ministre vous a posée.
La prohibition des activités partisanes, est-ce que cela existe
seulement au Québec ou si elle existe dans d'autres lieux?
M. Harguindeguy: Ailleurs aussi.
M. Marx: Aux Etats-Unis et dans toutes les provinces, si je me
souviens bien, il y a eu des jugements des tribunaux où on a dit que la
liberté de parole et la liberté d'avoir ses convictions
politiques, cela n'empêche pas les gouvernements d'agir de telle
façon, c'est-à -dire que cela existe à peu près
partout en Amérique du Nord.
M. Harguindeguy: Oui, sauf qu'on peut innover dans ce domaine
là aussi.
M. Marx: Je ne suis pas contre l'innovation si l'on marche dans
le bon sens.
M. Harguindeguy: C'est cela.
M. Marx: Je pense que si cela existe partout il y a une raison
pas difficile à discerner.
M. Harguindeguy: Peut-être que les politiciens ont
certaines craintes, Ã certains niveaux, que des choses soient connues
qui ne devraient pas sortir; il y a toujours peut-être ce risque.
M. Bédard: Je pense...
M. Marx: II y a toujours des enveloppes brunes.
M. Bédard: Honnêtement, monsieur, je ne crois pas
que ce soit la considération principale. C'est un objectif Ã
atteindre que d'avoir la fonction publique la moins partisane possible, et je
pense qu'il y en a qui se sont imposé cet objectif en pensant aux
services à la population, en ayant bien d'autres considérations
que...
M. Marx: D'accord.
M. Bédard: ... le fait que des documents sortent ou ne
sortent pas. Je respecte votre opinion, quoique cela me surprend de voir que
vous seriez disposé à ce que la fonction publique reprenne une
allure partisane. Je sais que vous faites la distinction entre les heures de
travail et le temps en dehors des heures de travail; mais, entre vous et moi,
les gens ne sont pas aussi compartimentés que cela.
Vous connaissez, je ne dirais pas une campagne électorale, mais
peut-être; prenez une période de négociation; quand c'est
dans l'intensité de l'action, j'ai l'impression que c'est assez
difficile de faire la compartimentation qui serait obligatoire.
M. Harguindeguy: Mais cela va jusqu'où? C'est certain que
la loi de la fonction publique se limite...
M. Bédard: Je vais en discuter avec vous parce que...
M. Harguindeguy: ... aux stricts employés du gouvernement.
Mais pourquoi permet-on aux employés d'hôpitaux, qui ont aussi une
incidence aussi importante que les fonctionnaires, de faire de la politique?
Les employés des commissions scolaires peuvent en faire. Je ne veux pas
dénigrer le rendement ou la participation des fonctionnaires mais, au
niveau des membres que l'on représente, les implications et les prises
de décision sont assez limitées parce qu'il y a un certain "red
tape" - je cherche le terme français - qui s'exerce et qui fait en sorte
que les décisions des fonctionnaires n'ont pas tellement d'incidence par
rapport à la partisanerie politique ou l'objectivité des
fonctionnaires au niveau de ceux que l'on représente. Que des
sous-ministres, des directeurs de service qui peut-être orientent
beaucoup les politiques du gouvernement, que peut-être eux se fassent
imposer des restrictions, ils se débattront à ce niveau. Au
niveau de ceux qu'on représente, je vois mal comment on peut
réellement avoir une incidence si grande sur l'orientation d'un
gouvernement. On est quand même des exécutants
généralement.
M. Marx: Supposons qu'il y a des...
M. Bédard: Seulement pour terminer. J'oublie l'orientation
d'un gouvernement mais plutôt le service à la population.
M. Harguindeguy: II y a quand même...
M. Bédard: Même en ayant des idées
partisanes, on peut en même temps très bien servir la population.
Mais prenons ça sur l'autre facette, mettons-nous à la place du
citoyen qui a ses convictions et a l'impression de se faire servir par
quelqu'un qui a des convictions qui ne sont pas conformes aux siennes, et qui
reçoit une réponse négative. En fait, il peut imaginer
n'importe quoi, je pense qu'on ne peut pas empêcher ça.
M. Harguindeguy: On fait le même parallèle avec la
question de conscience professionnelle. Si vous avez un fonctionnaire qui doit
donner tel ou tel service ou telle
catégorie de service à la population, c'est un droit que
la population a d'avoir ce service. Elle peut autant se plaindre que si ce
même fonctionnaire commet une faute de manoeuvre dans l'exercice de ses
fonctions, il y a d'autres périodes aussi auxquelles le fonctionnaire
pourrait à ce moment-là ... Là , on parle seulement de la
période électorale. En d'autres temps, il pourrait servir la
population et faire en sorte que la population se sente malheureuse et
décide de changer. Pourquoi permet-on pendant deux ans, trois ans,
quatre ans et quand arrive une période de 50 jours ou de 45 jours, on
dit: Tu n'as pas le droit pendant ce temps de faire de la partisanerie
politique, parce que tu vas mal servir la population, quand on sait que quand
même les jeux sont déjà faits pratiquement au niveau de la
mentalité des gens, la population a une impression des gens.
C'est ça qu'on comprend mal, pourquoi dans cette période
précise, on n'a pas le droit de faire de la partisanerie politique alors
que dans d'autres temps, ça se peut faire, sauf que le code
d'éthique interdit de faire ce travail de partisan en dehors de la
période électorale? Ce qui est bien normal aussi, on est
là pour servir le monde, point. On n'a pas à poser de questions
à savoir si on le sert de telle ou telle façon parce qu'il est de
tel parti politique; je pense que, de toute façon, cette
mentalité a été changée passablement depuis nombre
d'années. Au début, quand les fonctionnaires étaient
redevables de leur emploi aux députés, comme c'était
malheureusement le cas, possiblement que ça pouvait arriver assez
fréquemment. Aujourd'hui, il y a quand même des concours, les
employés doivent faire preuve de compétence, pas seulement de
connaissances au niveau politique, les chances sont quand même moins
grandes, il me semble.
M. Bédard: Je trouve intéressant les
considérations que vous apportez.
Mme Marois: Parce que les règles sont...
M. Bédard: Les situations évoluent.
M. Harguindeguy: D'ailleurs, votre ex-responsable de la
réforme électorale, Me Robert Burns, qui est devenu juge...
M. Bédard: Au juge le droit de...
M. Harguindeguy: II a semblé favorable à ce que les
fonctionnaires acquièrent ce droit. Vous pourrez le consulter.
M. Marx: à mon avis, la restriction existe plutôt
pour rassurer les citoyens que le gouvernement. Parce qu'il y a beaucoup de
fonctionnaires qui se présentent aux élections, des
sous-ministres et d'autres, et il n'y a pas de fuite de document. On n'a pas vu
de document sur la place publique. Mais ce n'est pas là le
problème. Le problème, c'est ce que le ministre a
souligné, c'est-à -dire vos relations avec le public. C'est
quelque chose peut-être à rediscuter afin de voir si on pourrait
innover au Québec et faire quelque chose qu'on ne fait pas ailleurs.
M. Harguindeguy: Parce que, si vous me permettez, cette
restriction n'est imposée que pendant la période des brefs, donc
environ 50 jours ou 2 mois au maximum. La crainte que vous pouvez avoir d'un
sous-ministre qui se présente, il n'y a rien qui l'empêche de se
présenter parce que n'importe quel fonctionnaire peut le faire; sauf
qu'il ne faut pas que les 40 000 se présentent, si on décide de
le faire pour se présenter, de toute façon...
M. Marx: Vous avez dit que les dangers sont
peut-être...
M. Harguindeguy: .... démissionne du gouvernement, c'est
une démission conditionnelle, s'il n'est pas élu, il a huit jours
pour revenir. Donc, le fait de se servir d'informations qu'il pourrait obtenir
en cours d'emploi, ça existe quand même, sauf que j'ai
l'impression qu'il y a une conscience professionnelle aussi.
M. Bédard: II y a une éthique professionnelle qui
entre en ligne de compte.
M. Marx: Cela prouve mon point que le gouvernement n'a pas peur
de ce que les fonctionnaires peuvent dire sur la place publique, parce que les
sous-ministres peuvent se présenter et tout le monde peut se
présenter, ce n'est pas cela le problème.
Le Président (M. Desbiens): Est-ce qu'il y a d'autres
intervenants?
M. Bédard: ... problème.
M. Marx: Non, on est d'accord.
Le Président (M. Desbiens): Alors, je remercie le groupe
du Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec de sa participation
aux travaux de la commission.
Ligue des droits et libertés
J'invite maintenant la Ligue des droits et libertés Ã
s'approcher à l'avant, s'il vous plait.
Alors, j'inviterais... C'est Mme Christiane Sauvé? Non. C'est M.
Tardif, si vous voulez présenter les participants.
M. Tardif (Gilles): Je vais d'abord présenter Christiane
Sauvé et Jean Doré qui ont avec d'autres personnes,
travaillé bénévolement à présenter ce
mémoire. Comme vous avez peut-être eu la chance, durant la
journée, de parcourir le mémoire, comme il se fait tard et comme
on est presque entre nous, on va se contenter de donner les grandes lignes du
long mémoire qu'on a déposé et de répondre Ã
vos questions.
Ce qu'il est important de dire, je pense, c'est qu'on ne peut pas douter
du progrès qu'a constitué l'adoption, en 1975...
Le Président (M. Desbiens): Excusez. M. le ministre,
voulez-vous savoir...
M. Bédard: Est-ce que vous pouvez rapprocher le micro, le
mettre un peu plus fort? Oui, c'est cela, si vous pouvez rapprocher le micro un
peu.
M. Tardif (Gilles): Depuis qu'en 1975, la charte
québécoise a été adoptée, on ne peut pas
nier qu'il y a eu beaucoup de progrès, mais il est aussi vrai cependant
que des changements s'imposent à cette charte si l'on veut enrayer les
différentes formes de discrimination et de violation des droits et
libertés.
Au cours des cinq dernières années, la ligue a
acheminé ou suivi plusieurs dossiers de plaintes, autant au niveau des
droits des autochtones, des détenus, des handicapés, des droits
politiques ou sociaux, des libertés académiques que de la
discrimination dont les femmes sont victimes.
Cette charte, nous en connaissons bien les acquis et les limites puisque
nous avons été un des principaux organismes qui n'ont pas
cessé, depuis maintenant 10 ans, de revendiquer l'adoption d'une telle
déclaration solennelle des droits.
D'ailleurs, sur la base d'une campagne de sensibilisation, de
débat, de formulation et de reformulation de projets de charte et de
mécanismes de mise en oeuvre, déjà , en 1975, nous
présentions un mémoire sur le projet de loi no 50 à la
commission parlementaire de la justice. En 1976, nous pressions le gouvernement
de promulguer la première partie de la charte. En 1978, nous demandions
une révision de certains des articles. En 1980, nous allions, devant le
gouvernement fédéral cette fois, avec la fédération
canadienne, présenter un mémoire proposant des changements
majeurs au projet de charte fédérale.
Ce bref retour historique s'impose pour rappeler à l'opinion
publique et aux actuels responsables politiques que si la charte
québécoise a vu le jour, ce fut suite à de larges
pressions populaires. (20 heures)
Dans le présent mémoire, vous trouverez la question de la
nature même de la charte pour demander qu'on lui donne le statut
fondamental qui lui revient. Dans une deuxième partie, nous soulignerons
certains droits non encore proclamés bien qu'à notre avis
extrêmement importants. Et enfin, dans la troisième partie, nous
soulignerons certains problèmes que soulève le mode de
fonctionnement actuel, insuffisamment, efficace de la Commission des droits de
la personne, parce que la programmation des droits requiert, pour devenir un
outil efficace, d'être insérée dans une loi qui a des dents
et qui stipule des mécanismes concrets de recours pour l'ensemble de ces
droits.
Par exemple, nous recommandons que les articles 51 et 52 de la charte
soient modifiés pour étendre son champ d'application Ã
toutes les lois et à tous les règlements, autant
postérieurs qu'antérieurs à la charte, et pour donner
à celle-ci le statut de loi fondamentale, c'est-à -dire une
préséance sur toutes ces lois et tous ces règlements.
L'article 69 stipule que seuls les droits reconnus aux articles 10
à 19 et 48, premier alinéa, peuvent faire l'objet de plaintes et
de demandes d'enquête auprès de la commission. En d'autres termes,
la Commission des droits de la personne ne peut faire appliquer les droits
fondamentaux, les droits politiques, les droits judiciaires, les droits
économiques et sociaux. La présente charte empêche
elle-même l'organisme public chargé de sa mise en oeuvre de
recevoir et de traiter des plaintes sur l'ensemble des droits qui y sont
énoncés. C'est nettement inacceptable.
La discrimination, tout aussi importante qu'elle soit au niveau des
droits humains, n'est qu'une des formes de violation de ces droits. Mentionnons
à titre d'exemple les plaintes face à certaines pratiques
policières mettant en cause les droits généraux de la
personne énoncés aux articles 1 à 9. Soulignons aussi les
cas trop nombreux où est bafoué le droit judiciaire de pouvoir
consulter son avocat. Ces cas et bien d'autres reliés à tous les
droits, sauf ceux nommés expressément à l'article 69,
échappent dans les faits à la Commission des droits de la
personne. Nous recommandons que tous et chacun des droits proclamés dans
la charte doivent pouvoir faire l'objet d'une demande d'enquête
auprès de la Commission des droits de la personne par toute personne qui
a raison de croire qu'elle a été victime d'une atteinte Ã
l'un ou l'autre de ces droits.
La ligue entend souligner ici neuf domaines où il s'impose de
compléter l'énoncé des droits proclamés par la
charte. Au niveau des autochtones, l'absence de tout énoncé sur
les droits historiques des nations autochtones, premiers occupants du pays, est
une des lacunes les plus graves de cette charte. Ce silence dans les faits
devient
complice de la violation des droits des autochtones. Faute d'inclure un
article à cet égard, on refuserait ainsi dans le texte même
où l'Assemblée nationale entend proclamer solennellement les
droits dont jouissent ceux et celles qui y vivent, de reconnaître la
spécificité des droits individuels et collectifs des nations
autochtones. L'article 43 ne peut être invoqué ici comme une
solution fournissant aux autochtones une base juridique d'intervention, puisque
cet article consacre précisément leur assimilation en niant la
spécificité de leurs droits collectifs. Cette
spécificité est précisément que les libertés
et droits fondamentaux des personnes appartenant aux peuples autochtones ne
peuvent être dissociés de droits ancestraux et issus de
traités de ces peuples.
C'est d'autant plus crucial que les peuples autochtones ont
été depuis plusieurs siècles et demeurent victimes de
politiques colonisatrices inacceptables. Il faut que des droits soient inscrits
dans la charte québécoise puisque la juridiction provinciale a
des effets directs sur la situation actuelle des peuples autochtones vivant au
Québec, qu'il s'agisse des lois portant sur la chasse, la pêche,
le trappage, le développement forestier, les ressources naturelles,
l'éducation, l'aménagement du territoire et d'autres encore.
L'expérience vécue depuis quatre ans par la ligue et son
comité d'appui aux masses autochtones nous a montré l'urgence
d'insérer ce droit dans la charte, tant pour le consacrer juridiquement
que pour en rappeler et en proclamer solennellement la reconnaissance par toute
la collectivité.
à cet égard, nous tenons à rappeler ce que nous
disons depuis dix ans maintenant, Ã savoir que la
légitimité internationale de la revendication du peuple
québécois pour le droit à l'autodétermination est
liée à la reconnaissance sans détour de ce même
droit pour les nations autochtones. S'il y a une place où ce droit
historique fondamental doit être énoncé pour lever toute
ambiguïté dans la phase actuelle de l'histoire du Québec,
c'est bien dans la charte des droits.
Dans une troisième recommandation, nous vous proposons d'amender
la charte des droits en ajoutant un nouvel article qui se lirait comme suit:
"Les descendants des premiers habitants du territoire québécois
forment des peuples distincts et, à ce titre, ont droit à la
protection de leurs droits ancestraux et issus tant de traités que de
conventions internationales."
Dans un autre ordre d'idées, en ce qui regarde les droits des
personnes handicapées, nous recommandons que l'article 10 soit
modifié et qu'on substitue à l'expression "le fait qu'elle est
une personne handicapée" les mots "handicap physique ou mental". Nous
recommandons à cet égard aussi qu'à l'article 1, où
il s'agit d'intégrité physique, une modification soit
apportée, soit en ajoutant "et mentale", soit en supprimant tout
simplement le mot "physique", de façon que cet article se
réfère aussi bien à l'intégrité mentale que
physique. Il y a en effet des tortures morales, des brutalités morales
qui violentent autant le droit à l'intégrité que les
brutalités physiques.
Signalons enfin que la reconnaissance effective du droit Ã
l'intégrité passe par le droit à un environnement sain, ce
qui nous conduit à appuyer les recommandations faites en ce sens par
plusieurs organismes.
Quant au droit des détenus, l'Office des droits des
détenus de la Ligue des droits et libertés présentera
à cette commission un mémoire; nous lui laissons toute la chance
de vous expliquer largement ce qu'il veut vous présenter.
Pour ce qui a trait aux droits économiques et sociaux, la Ligue
des droits entend souligner ainsi deux points précis, d'une part, le
caractère trop vague de l'énoncé d'ensemble des droits
économiques et sociaux et, d'autre part, la question particulière
de la discrimination dans les avantages sociaux. Ã cet effet, notre
sixième recommandation dirait que, "quant à la définition
vague et insuffisante que la charte donne au chapitre IV des droits
économiques et sociaux, nous recommandons que la charte précise
le droit à la vie décente et reconnaisse le droit à la
santé et le principe du droit au travail, en se référant
aux textes même agréés par le Canada et le Québec,
de la déclaration universelle des droits et du pacte international
relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.
Quant à la discrimination dans les avantages sociaux, la Ligue
des droits et libertés n'a pas hésité à se joindre
dès le départ à la coalition pour l'abrogation de
l'article 97 de la charte des droits à savoir: l'abrogation de l'article
90 de la charte, qui permet la discrimination dans les régimes
d'avantages sociaux et d'assurances; l'inclusion dans la charte d'un nouvel
article prohibant spécifiquement de telles discriminations, et la
modification des législations et régimes publics dans le sens de
l'abolition de toute discrimination, en concordance avec la charte telle
qu'amendée.
Nous ne voyons pas en effet pourquoi la charte tolérerait des
discriminations au niveau des avantages sociaux, l'objectif
d'élimination de toute distinction fondée sur le sexe,
l'orientation sexuelle et l'état civil doit aussi valoir pour des
régimes d'avantages sociaux et cela malgré tous les calculs des
personnes qui n'y voient là qu'investissements et rentabilité
différentielle sur leurs clientèles. Il faut d'abord y voir une
discrimination qui affecte les conditions de vie.
En matière de discrimination selon le sexe, nous entendons ainsi
souligner au législateur l'importance d'ajouter à l'article 10
l'état de grossesse comme motif de discrimination interdite. En raison
de récentes jurisprudences qui ont eu pour effet de dissocier
l'état de grossesse du motif sexe féminin, on en est
arrivé à permettre ainsi implicitement la discrimination sur la
base précisément de l'état de grossesse.
Nous recommandons également que l'âge soit inclus dans
l'article 10 comme motif illicite de discrimination et que l'âge soit
défini de manière à ne pas permettre le maintien de
l'âge obligatoire de la retraite.
M. Doré (Jean): J'ajoute, M. le Président, qu'en ce
qui concerne les modifications à l'article 10, il y a une modification
qui n'apparaît pas au document et que l'on souhaiterait que la commission
et éventuellement l'Assemblée nationale adoptent. C'est une
distinction fondée également sur certaines restrictions aux
activités syndicales. Cela devait faire partie du mémoire et
finalement on s'est rendu compte à la lecture ce matin que cela a
été un oubli.
Je pense que l'on vous a rapidement fait état du cas assez
frappant de la situation qu'ont vécue les gens du magasin Paquet
à Québec qui ont été mis à pied à la
suite de la fermeture et qui ont vu leur droit à être
réembauchés par une entreprise québécoise du nom de
La Baie limité par le fait de leur activité syndicale; c'est un
exemple frappant qui existe, qui a été publié dans les
journaux. Pour ce droit, c'est assez rare que les employeurs disent ouvertement
qu'ils n'embaucheront pas de gens à cause de leur activité
syndicale, sauf qu'en pratique on le sait très bien, il existe de telles
choses que des listes noires de militants tant syndicaux que politiques et
c'est une pratique assez systématique à l'embauche de faire du
filtrage dit sécuritaire pour les employeurs et d'éliminer les
candidats qui ont un passé d'activités syndicales. On ne voit pas
pourquoi, si l'on reconnaît la liberté d'opinion et la
liberté de conviction politique dans la charte, on permettrait Ã
des employeurs de discriminer des personnes sur la base d'activités
syndicales.
Cela n'y est donc pas, mais on vous demanderait d'en prendre note, on
s'excuse, si cela n'y apparaît pas.
M. Marx: Sur ce sujet, est-ce que ce ne sera pas plus correct de
mettre cela dans le Code du travail? Il y a déjà des dispositions
dans le Code du travail qui traitent de ce sujet, c'est-Ã -dire que c'est
l'activité syndicale par rapport à l'embauche par rapport aux
services publics: louer une chambre, ainsi de suite.
M. Doré: Le problème essentiel, M. le
député, c'est le suivant, c'est que, dans le cas du Code du
travail, les dispositions sont relatives à des gens qui sont
déjà embauchés et qui peuvent être l'objet de
suspension ou éventuellement de congédiement pour leurs
activités syndicales, mais, dans le cas présent, on parle ici des
gens qui ne le seront probablement jamais parce qu'il existe une telle pratique
discriminatoire de la constitution de listes noires sur la base
d'activités syndicales et/ou politiques.
M. Marx: D'accord, mais qu'on inscrive ces dispositions dans le
Code du travail et non pas dans la charte parce que la discrimination Ã
l'article 10, c'est pour toute une gamme de raisons, pas seulement pour
l'embauche.
M. Doré: Non, mais cela pourrait également
s'appliquer. En fait, nous considérons que cela va dans la suite logique
des motifs où on prohibe la discrimination pour des convictions
politiques.
Essentiellement, les activités syndicales ne sont pas, au sens
strict, des activités politiques bien qu'au sens large on puisse en
arriver à comprendre dans la notion d'activités politiques les
activités syndicales. Mais ce n'est pas seulement une question de refus
d'embauche. Dans certains cas, cela peut être le refus de promotion. Dans
certains cas, cela peut être des discriminations qui peuvent amener des
gens à être congédiés. Dans ces cas-là , bien
sûr, il y a toujours la possibilité de faire un appel, mais, dans
les cas dont on parle, c'est très difficile.
Je reviens là -dessus parce que c'est important, la remarque
préliminaire du président. Dans la mesure où la
revendication fondamentale de la Ligue des droits relativement à la
charte, c'est d'en faire une loi fondamentale précisément et de
donner à la commission un droit de regard sur l'ensemble des droits qui
y sont reconnus, cela nous paraissait important que cela puisse
apparaître dans la charte. Ãvidemment, je laisserai aux savants
juristes du Conseil des ministres le soin de déterminer,
éventuellement, s'il est plus opportun de l'inscrire. Mais si cela
apparaissait au Code du travail, ce serait déjà une
amélioration sensible par rapport à la situation qui
prévaut actuellement.
Je poursuis rapidement sur certaines autres recommandations qui nous
semblent pertinentes et sur lesquelles on voudrait attirer votre attention. Je
vais y aller en essayant de résumer le plus rapidement possible. Je
pense qu'il est clair maintenant, pour ceux qui en doutaient encore, Ã
la lecture des rapports des commissions Keable et McDonald, pour reprendre des
choses qui sont connues, que bon nombre d'activités des
forces policières, tant fédérales et provinciales
que municipales dans certains cas, ont porté atteinte à des
droits démocratiques importants. Je pense, par exemple, à la
constitution de dossiers sur les activités ou opinions politiques ou
syndicales. La commission McDonald a lancé un chiffre qui était
de 800 000 personnes. Il y a 800 000 Canadiens et Québécois qui
ont des dossiers quelque part, soit à la GRC, à la
Sûreté du Québec, au SPCUM ou ailleurs, qui ont
été constitués sur la base de leurs opinions politiques.
Je trouve que c'est important de le noter.
Qu'on pense à la fabrication de listes noires. J'y faisais
référence tantôt; on a un cas récent et je pense que
la commission pourrait en témoigner. Le congédiement de trois
travailleuses de Pratt & Whitney est essentiellement un cas de
congédiement fondé sur des activités politiques, Ã
partir d'une intervention directe des forces policières. Cela est
constitué à partir de listes noires, bien évidemment.
L'infiltration, déstabilisation d'organismes
démocratiques, le recrutement d'informateurs par la crainte et le
chantage. Enfin, bref, il ne s'agit pas de revenir sur l'ensemble de ce qu'on a
pu retrouver, mais ce qui est clair, c'est que tous et chacun de ces faits
dénotent des cas de violation à des droits reconnus par la
charte, qu'il s'agisse d'atteinte à la dignité humaine, Ã
l'intégrité physique, aux droits judiciaires dans certains cas ou
même de la constitution de dossiers cachés.
Pour toutes ces raisons, on estime que la police ne devrait pas
être à l'abri de l'application de la charte. De la même
façon que la charte devrait avoir un caractère fondamental et
avoir préséance sur toute loi antérieure ou
postérieure, de la même façon que la commission, quant
à nous, doit avoir droit de regard sur l'ensemble des droits reconnus
par la charte et non pas uniquement sur les articles 10 Ã 19, on
suggère que les policiers soient, bien sûr, astreints au respect
des droits qui sont reconnus par la charte et, éventuellement, aux
sanctions qui en découlent s'il y a non-respect.
Je vous souligne en passant - j'attire l'attention du ministre de la
Justice à cet effet - qu'on a pu constater - le ministre de la Justice a
l'air d'être occupé - en questionnant le responsable de la
formation juridique des policiers, par exemple, Ã l'Ãcole de
police de Nicolet, que la Charte des droits et libertés de la personne
ne fait pas partie du tout du curriculum de formation des policiers. Cette
charte existe depuis 1975, elle reconnaît des droits judiciaires
importants, elle reconnaît des droits politiques importants auxcitoyens québécois. Pourtant, les policiers, qui sont
formés normalement pour assurer le respect des droits des citoyens, ne
sont pas formés pour connaître le contenu de la charte, ni savoir
comment, en pratique, dans Leur travail, ils doivent en assurer le respect. On
a posé la question: Est-ce à l'ordre du jour, est-ce que vous
avez l'intention, éventuellement, d'inclure cela? Il me semble que c'est
assez important. On passe beaucoup de temps à montrer aux policiers
comment témoigner devant un tribunal dans des cas de voies de fait sur
des policiers ou des choses semblables. Il me semblerait important d'accorder
une couple d'heures à la charte. On nous dit qu'on étudie la
question pour le moment. Je veux juste attirer l'attention sur le fait qu'on
est assez loin quand même, du côté des forces
policières en particulier, de préoccupations assez
concrètes relativement à ces questions.
M. Bédard: Sauf un point. Quand vous dites que les
policiers sont à l'abri de la charte, je ne crois pas que vous ayez
raison. Ils ne sont pas à l'abri de la Charte des droits et
libertés de la personne. Il peut y avoir des plaintes, des situations
qui sont dénoncées au niveau de la Commission des droits de la
personne. On a des exemples d'enquêtes qui ont été faites
par la Commission des droits de la personne sur des conduites
policières... (20 h 15)
Mme Sauvé (Christiane): Quand il y a discrimination.
M. Doré: Oui, lorsqu'il y a discrimination, M. le
ministre.
M. Bédard: Oui.
M. Doré: Mais si la police porte atteinte à l'un
des droits reconnus aux articles 1 Ã 10, par exemple la
liberté...
M. Bédard: Non, mais il est sur le même pied que les
autres citoyens à ce moment-là .
Mme Sauvé: Les plaintes sont automatiquement
référées à la Commission de police.
M. Doré: à la Commission de police.
Mme Sauvé: Les policiers jouissent d'un système
judiciaire qui leur est particulier et cela fait que graduellement ils ne se
sentent pas concernés par la Charte des droits et libertés de la
personne.
M. Doré: Par exemple, M. le ministre, regardez les droits
judiciaires. On dit: "Reconnaître le droit de consulter." On
reconnaît théoriquement le droit aux gens de consulter un avocat.
Mais, en pratique, vous pouvez le demander à n'importe quelle
personne qui pratique le droit sur une base quotidienne, essayez de
vérifier dans quelle mesure vous pouvez, dans un poste de police, avoir
accès à une personne qui est détenue pour interrogatoire
et qui demande de voir un avocat. Essayez d'avoir accès à un
détenu. C'est extrêmement difficile. Les policiers jouent
généralement à la chaise musicale, changent le bonhomme de
poste de police, enfin, ils font tout pour l'interroger sans qu'il puisse avoir
consulté son avocat.
En pratique, le droit n'est pas respecté. Comment peut-on le
faire respecter? Nous, on dit que - et cela fait partie des recommandations
qu'on soumet - si un droit comme celui-là est violé, la
commission pourrait recevoir une plainte pour en examiner non pas... Il n'y a
pas de discrimination, là , on parle d'un droit judiciaire qui est
reconnu. On veut parler des droits généraux de la personne
humaine aux articles 1 à 9, qui sont également reconnus, mais qui
peuvent être violés, y compris le droit Ã
l'intégrité physique. Je ne parle pas juste des cas de
brutalité policière ou de violence policière. Dans ces
cas-là , on estime que la personne devrait avoir la possibilité de
porter une plainte à la commission. Si, effectivement, des droits ont
été mis en cause, la commission pourrait, comme elle en a le
pouvoir, recommander des réparations et aussi - on le recommande plus
loin - tout citoyen qui est victime d'une atteinte à un droit reconnu
par la charte devrait avoir la possibilité d'inscrire lui-même une
plainte pénale, éventuellement, contre le contrevenant, et cela
inclurait les policiers.
Je vous ferai remarquer qu'actuellement la charte ne prévoit de
plainte pénale que dans les cas de violation aux articles 10 Ã
19. Les autres articles ne sont pas sujets à des plaintes pénales
et, plus que cela, comme on le renvoie à la Loi sur les poursuites
sommaires, vous savez, comme ministre de la Justice, que la seule poursuite qui
peut être intentée, c'est sur permission du Procureur
général.
Dans le Code du travail, on dit, par exemple, que toute personne
intéressée peut inscrire une plainte pénale lorsqu'il y a
une violation où on porte atteinte à l'un des droits reconnus par
le Code du travail, et cela inclut les syndicats ou éventuellement
même un travailleur. Pourquoi dans la charte, qui est une loi qu'on
voudrait fondamentale, on ne reconnaîtrait pas à toute personne
qui est l'objet d'une atteinte à un des droits reconnus à la
charte le pouvoir d'inscrire elle-même une plainte sans avoir la
permission du ministre pour le faire?
Si les policiers, d'une part, étaient formés, et, d'autre
part, savaient qu'éventuellement des écarts par rapport Ã
la charte pourraient faire l'objet, ne serait-ce que d'une plainte
pénale, en plus éventuellement d'une recommandation
défavorable de la commission, même de réparations, il nous
semble que les policiers auraient peut-être un comportement
drôlement différent par rapport à ensemble des citoyens que
celui qu'ils ont malheureusement dans le contexte actuel.
Dans ce sens-là on dit: Les policiers devraient être
assujettis non uniquement à ce qui est actuellement la juridiction de la
commission, mais à l'ensemble des droits qui sont reconnus dans la
charte, avec la possibilité, évidemment, d'avoir des sanctions si
les droits ne sont pas respectés.
Je passe rapidement sur d'autres recommandations. On pourra revenir
à des questions là -dessus. On suggère, par exemple, qu'une
disposition nouvelle soit ajoutée qui oblige les policiers Ã
informer toute personne de son droit à consulter un avocat et, surtout,
de lui fournir l'occasion de l'exercer dans le respect du secret
professionnel.
Il y a eu des cas déjà relatés où des
avocats ont été l'objet d'écoute électronique
lorsqu'ils étaient en conversation avec leurs clients. Nous estimons que
non seulement on doit reconnaître le droit, mais on doit favoriser
l'exercice de ce droit-là . Cette disposition devrait comporter, quant
à nous, la possibilité pour un individu qui est l'objet d'un
interrogatoire de le faire en présence d'une personne choisie par lui et
on suggère que des démarches soient entreprises par le
gouvernement québécois auprès des autorités
fédérales de façon que toute preuve obtenue
illégalement ne puisse pas être utilisée, car c'est une
autre façon d'encourager les policiers à commettre des actes
illégaux, malheureusement.
On recommande également - et cela fait partie des recommandations
plus générales - que toute violation - je l'ai dit tantôt -
à l'un quelconque des droits judiciaires énoncés dans la
charte puisse faire l'objet d'une demande d'enquête à la
commission.
On recommande également, en ce qui concerne la protection du
droit à la vie privée, l'adoption d'un article qui stipulerait
que les services de police, tout comme les entreprises privées et les
organismes gouvernementaux - parce qu'il y a beaucoup d'entreprises
privées, on pense aux employeurs, à des assureurs, agences de
sécurité privées qui colligent des renseignements sur la
vie privée des gens -soient astreints à des normes très
sévères visant à la protection de la
confidentialité des renseignements qu'ils détiennent sur les
personnes.
On ajoute qu'il devrait y avoir une adoption dans la charte d'une
disposition qui comporterait l'interdiction pour les policiers de constituer
des dossiers, des fiches ou de colliger des renseignements contenant des
opinions politiques ou syndicales de toute personne. Si on reconnaît la
liberté de
conviction politique aux gens, on estime que, par définition, la
police ne devrait pas avoir le droit de constituer des dossiers politiques sur
les citoyens. Cela devrait être clairement exprimé, quant Ã
nous, dans la charte.
En ce qui concerne les programmes d'action positive, je peux
peut-être laisser Christiane enchaîner là -dessus
rapidement.
Mme Sauvé: Concernant l'action positive, nous endossons
toutes les recommandations que la Commission des droits de la personne a
faites, sauf qu'on voudrait apporter certaines précisions. Les groupes
visés sont les groupes de femmes, les minorités ethniques, les
personnes handicapées et les autochtones. Considérant la
spécificité des peuples autochtones, on pense que ces derniers
devraient être associés de très près à la
conception de ces programmes, à leur élaboration et à leur
application, de manière à éviter que d'autres que les
autochtones définissent à leur place leur meilleure insertion au
marché du travail blanc. On dit aussi qu'on considère illusoire
l'option qui a été présentée dans le mémoire
du Conseil du patronat à savoir le libre choix des employeurs de mettre
en place des programmes d'action positive.
Voici la deuxième remarque qu'on voulait faire. On pense que la
charte devrait imposer l'obligation de chercher d'abord Ã
négocier les programmes d'action positive. La commission agirait comme
arbitre, en dernier ressort, s'il y a mésentente entre les parties
syndicale et patronale. On souligne également qu'il va devoir y avoir un
travail important de fait au niveau de l'éducation et de l'information
de la part de la commission parce qu'on s'attend qu'il y ait des
résistances très fortes dans certains milieux et ça va
demander beaucoup de travail d'information et d'éducation à ce
sujet.
On veut aussi que les programmes d'action positive ne soient pas
finalement réservés à certaines élites. On
recommande donc que les programmes d'action positive soient axés sur les
secteurs les plus défavorisés des populations cibles
visées. Enfin, on est conscient que le fait d'introduire les programmes
d'action positive ne suffira pas; il va falloir qu'il y ait des incitations de
la part du gouvernement. à cet égard, nous demandons au
gouvernement de mettre sur pied une politique conditionnelle à l'octroi
de tout avantage comme des permis, des licences, des subventions. Nous lui
demandons de conditionner l'octroi de tels avantages gouvernementaux Ã
la mise en place de tels programmes d'action positive.
M. Doré: Je continuerai maintenant en ce qui concerne les
pouvoirs de la commission. Pour l'essentiel, les recommandations de la Ligue
des droits vont un peu dans le sens de la poursuite des activités
actuelles et du rôle qu'a actuellement la commission en étendant
ses pouvoirs à l'ensemble des droits reconnus par la charte, on le
répète encore une fois, et en lui fournissant plus de moyens
financiers de façon que la commission puisse assurer un traitement de
beaucoup plus accéléré des plaintes. Là -dessus, on
ne jette pas de blâme sur la commission. On a pu voir, de visu, le
fardeau de tâche des enquêteurs de la commission pour se rendre
compte que ce n'est pas possible humainement d'exiger davantage des gens qui
sont là actuellement. Par ailleurs, on insiste de façon
importante afin que le gouvernement fournisse les ressources humaines et
financières nécessaires à la commission pour que la
commission régionalise ses activités. Il nous semble qu'il y a
une certaine discrimination faite aux citoyens du Québec en concentrant
les activités de la commission uniquement à Québec et
à Montréal. On aurait avantage à donner un droit
égal d'accès à l'ensemble des citoyens du Québec en
régionalisant les activités de la commission.
Pour le reste, en ce qui concerne certaines demandes qui ont
déjà été faites, certaines de celles-lÃ
avaient déjà été faites par la Ligue des droits et
libertés par le passé. Il va de soi qu'on est d'accord avec la
demande qui a été faite de permettre à la commission de
pouvoir ester ou agir en justice. On demande que la commission puisse prendre
partie de son propre chef à toute instance où une personne
invoque la charte soit pour demander une injonction éventuellement ou
pour réclamer une indemnité; on voudrait que ce pouvoir soit
reconnu à la commission. On recommande également que, si la
commission est dotée de pouvoirs de réglementation, en
particulier, on pense au secteur des programmes d'action positive, le tout se
fasse en informant le public et en consultant largement les groupes
impliqués. Je pense que, là -dessus, c'est une recommandation qui
s'insère quand même assez bien dans la démarche que la
commission a tenté de garder jusqu'à maintenant par rapport aux
groupes.
Sans étirer davantage la présentation, je dirais que
ça cerne l'essentiel de nos recommandations. J'ajoute simplement qu'en
ce qui concerne la recommandation 25, il y a une mauvaise formulation de la
recommandation. On disait: "Nous recommandons que l'article 89 de la charte
soit transformé pour permettre au plaignant, si sa plainte
s'avère fondée, de pouvoir poursuivre directement sans tomber
sous les contraintes de la Loi sur les poursuites sommaires." Je pense qu'il
faut décoder ce texte pour le comprendre dans le sens où je l'ai
exprimé tantôt. C'est qu'on voudrait, à toutes fins utiles,
premièrement, dire ceci: Commet une infraction à la
présente charte
quiconque porte atteinte à l'un des droits reconnus par la
charte, et non pas uniquement aux articles 10 Ã 19 et 48. Quiconque
porte atteinte à l'un des droits reconnus par la charte commet une
infraction, au sens de cette charte. Deuxièmement, toute personne qui
croit qu'on a porté atteinte à l'un des droits reconnus par la
charte pourrait ou devrait avoir le droit de présenter une plainte
pénale; toute personne intéressée, bien sûr.
C'est plutôt dans ce sens qu'il faudrait comprendre la suggestion
ou la recommandation qu'on faisait à l'article 89, avec plus de
précision.
On est à votre disposition pour répondre à des
questions, bien sûr, malgré l'heure tardive.
Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.
M. Bédard: Je voudrais d'abord remercier, d'une
façon tout à fait spéciale, M. le Président, les
représentants de la Ligue des droits et libertés pour le
mémoire très substantiel qu'ils ont présenté
à la commission. Je comprends qu'ils l'ont résumé, pour le
bénéfice des membres de la commission, mais je pense que tous
ceux et celles qui peuvent avoir la possibilité de lire ce
mémoire d'une façon intégrale sont à même de
constater rapidement toute la matière qui y est contenue.
Je vois que, dans votre mémoire, vous ne parlez pas des droits
généraux fondamentaux, tels que droit au travail...
M. Doré: Bien sûr, on est passé rapidement
là -dessus, M. le ministre, mais, à la page 13...
M. Bédard: Avec insistance, il y a le droit Ã
l'environnement; je pense que vous êtes un peu au courant de l'essentiel
de certaines des représentations qui nous ont été faites.
Vous conviendrez avec moi qu'on ne les retrouve pas avec la même
insistance dans votre mémoire que dans d'autres mémoires,
notamment la reconnaissance de certains droits plus généraux.
Peut-être les trouvez-vous plus collectifs. Autrement dit, je voudrais
vous poser une question qui me semble de base: Est-ce que vous croyez que la
charte doit être carrément orientée vers la défense
des droits et libertés individuels ou si, dans le contexte où on
est présentement, elle doit ouvrir sur des droits plus collectifs, tels
que ceux que j'ai exprimés tout à l'heure?
M. Doré: M. le ministre, je pourrais peut-être vous
répondre, à toutes fins utiles, par une recommandation qui est
contenue dans le document. Vous remarquerez qu'on a quand même pris soin
de dire qu'il y a des droits humains, des droits de la personne, en particulier
les droits généraux des articles 1 à 9, qui doivent faire
l'objet non seulement d'une demande d'enquête, mais il y a
possibilité pour la commission d'intervenir là -dessus,
possibilité d'obtenir des plaintes pénales là -dessus et
aussi la loi à caractère fondamental.
Sur la question des droits économiques et sociaux,
c'est-Ã -dire des droits plus collectifs, il nous semble important, et on
a été un des organismes qui revendiquaient justement que la
charte ne soit pas uniquement une charte de droits individuels, et on trouve,
aux pages 12 et suivantes du document, un certain nombre de recommandations qui
vont dans ce sens-là . Je pense que, pour l'essentiel, ce qu'on dit,
c'est que la charte précise le droit à la vie décente et
reconnaisse le droit à la santé et le principe du droit au
travail, en se référant au texte même, disait-on,
agréé par le Québec et le Canada, de la déclaration
universelle des droits et du pacte international relatif aux droits
économiques et sociaux.
Là , on donnait un certain nombre d'énoncés,
à la page 13, qui sont assez clairs: le droit à un niveau de vie
décent tiré de la déclaration universelle des droits,
à l'article 25, alinéa 1; le principe du droit au travail,
tiré également de la déclaration universelle; le pacte
international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, en
ce qui concerne la reconnaissance du droit au travail, de même que le
droit à la santé. (20 h 30)
Là , je me réfère entre autres au groupe des Cris
qui sont venus entretenir la commission du problème spécifique
qu'ils connaissaient en ce qui concerne la reconnaissance de leur droit
à la santé, et j'ajouterais que si la charte était telle
qu'on souhaiterait qu'elle soit, c'est-Ã -dire avec un pouvoir
général d'intervention de la commission, un caractère
fondamental et la reconnaissance de droits économiques et sociaux, y
compris le droit à la santé, je ne suis pas certain que la
commission n'aurait pas pu intervenir suite à une demande en ce sens des
Cris pour être capable de déterminer si effectivement il y avait
eu une violation de ce droit en vertu de la charte. Cela n'aurait pas
été inopportun en ce qui nous concerne que la commission puisse
le faire. D'ailleurs, je ne suis pas certain qu'elle n'aurait pas pu le faire
autrement non plus en vertu d'un autre article.
C'est clair que pour nous, pour répondre à votre question,
la charte ne doit pas être uniquement une charte de droits individuels.
Elle reconnaissait déjà des droits collectifs importants. Il nous
semble qu'il serait opportun de les inclure dans une charte, et je pense que
c'est un peu le processus de bonification de la loi auquel
l'ensemble des députés et la population sont
conviés au cours des journées qui viennent. Puisque le
Québec a déjà adhéré nommément
à des pactes internationaux reconnaissant des droits
généraux et des droits collectifs, on voit mal pourquoi ces
droits ne seraient pas inclus dans la charte des droits
québécoise, ce qui ne ferait que bonifier le texte et finalement
en augmenter la portée et l'ampleur, dans la mesure où la charte
doit être non seulement la reconnaissance de droits mais également
un processus en vue aussi de promouvoir l'élargissement des droits. Je
pense d'ailleurs que la charte telle qu'adoptée en 1975 et le rôle
que la commission y a joué ont contribué non seulement Ã
faire reconnaître, mais à élargir certains droits et
d'ailleurs nous amènent maintenant à constater qu'il y a des
lacunes, qu'il y a des trous qu'il faut boucher et qu'il fautcompléter. C'est forcément un peu dans ce sens que l'on fait
des recommandations.
M. Bédard: C'est dans ce sens que l'on a des commissions
parlementaires. On sentait qu'il pouvait y avoir nécessairement des
améliorations à apporter, ce qui est normal. Vous attachez
beaucoup d'importance également à l'ensemble des droits
judiciaires. Vous parlez de l'action policière, de la conduite des
policiers par rapport aux citoyens, de droits fondamentaux pour les citoyens
qui font l'objet d'arrestation de voir un avocat, de pouvoir voir leurs
proches, enfin d'une façon générale du droit pour tout
individu, même s'il fait l'objet d'une arrestation, d'être
traité d'une façon humaine et digne, en fait dans le respect de
son intégrité.
Quand vous regardez le contenu des articles 23 et suivants, en fait la
section des droits judiciaires de façon spéciale, je comprends
qu'ici elle peut paraître assez élaborée, elle ne peut
faire l'objet d'enquête par la commission comme les articles 10 Ã
19. Ceci étant dit, quitte après cela à aborder
jusqu'à quel point cela peut devenir l'objet d'une enquête
possible par la Commission des droits de la personne sur le contenu même,
est-ce qu'il y aurait des remarques particulières que vous auriez
à nous faire en termes d'améliorations?
Mme Sauvé: L'obligation d'agir équitabtement, tel
que cela a été reconnu dans la jurisprudence, je pense qu'on en
fait...
M. Bédard: ... le traitement des personnes
arrêtées. Toute personne arrêtée ou détenue
doit être traitée avec humanité et avec le respect de la
personne humaine.
M. Doré: M. le ministre, vous remarquerez que dans notre
document, on n'en fait pas état, sauf de permettre l'exercice du droit
de consulter un avocat et d'en faciliter l'exercice, pas uniquement de le
reconnaître, sauf pour une recommandation assez précise
là -dessus.
Pour le reste, on ne vient pas bonifier. Le texte des droits judiciaires
nous apparaît, en ce qui concerne les principes qui y sont contenus,
relativement satisfaisant. Ce n'est pas là le problème. Le
problème est un problème d'application et de respect. Ce n'est
pas un problème d'énonciation des droits, ils sont là .
C'est de s'assurer qu'ils soient respectés. On dit là -dessus: 1)
les policiers ne sont pas formés parce qu'ils ne connaissent même
pas la charte. Cela, on le sait, on le tient de Me Lafortune qui est
responsable de la formation juridique des policiers; 2) en pratique, les
policiers se sentent à couvert de responsabilité, et cela, je
pense que c'est une des choses qui se dégagent autant du rapport
McDonald que du rapport Keable. Il y a bien sûr des zones grises dans
lesquelles il y a du monde qui a pu jouer, y compris certains politiciens
fédéraux, pour essayer de dire que, finalement, ce n'était
pas aussi grave que cela, mais il y a quand même des droits qui sont
reconnus ici, sauf qu'en pratique, s'il n'y a pas de moyen de les appliquer, si
la commission ne peut pas les appliquer, si le seul recours du citoyen est de
déposer une plainte à la Commission de police - là , je ne
veux pas m'embarquer dans un débat, on en a déjà eu un en
regard de la Loi de police - et vous savez l'opposition qu'on a à la
Commission de police, on trouve que ce n'est pas l'organisme à qui il
faut donner cette juridiction.
M. Bédard: Vous n'avez pas changé
d'idée?
M. Doré: On n'a pas changé d'idée, on disait
que c'était la commission des droits qui, éventuellement, face
à des violations relativement au droit judiciaire, devait avoir
juridiction et non pas la Commission de police, parce qu'on trouvait que le
mandat de la Commission de police était trop contradictoire et qu'elle
n'avait pas de crédibilité. Elle n'en a pas plus, du moins quant
à nous.
On dit que le problème n'est pas un problème de
reconnaissance des droits, on dit que c'est d'assurer le respect des droits.
Peut-être que la meilleure façon d'assurer le respect des droits,
c'est de donner éventuellement, non seulement à la commission,
mais aux citoyens la possibilité de les faire appliquer. La plainte
pénale dont je parlais tantôt, ce possible recours, si des
policiers enlevaient l'exercice de droits judiciaires à des citoyens et
que le recours possible du citoyen pourrait être une plainte
pénale contre un policier, on pense qu'éventuellement, les
policiers y penseraient à deux fois avant de passer outre à des
droits que le législateur a quand même voulu que les policiers
respectent et que l'ensemble des citoyens respectent. C'est plus de cette
nature, le problème avec lequel on est confronté.
Je vous ferai remarquer, je ne sais pas si vous vous rappelez l'histoire
de l'étiquetage français des années 1967-1968, qu'un
étudiant s'était aperçu qu'on avait oublié de faire
la réserve dans cette loi que seul le Procureur général
pouvait prendre des poursuites, et donc qu'on pourrait le faire. Une loi mise
en application depuis sept ans par le ministère de l'Agriculture
l'était de telle façon qu'en 1967, on avait encore un tas de
produits unilingues anglais sur les tablettes. En l'espace de six mois et
grâce à sept ou huit poursuites dans différentes
régions du Québec, de la part de citoyens qui ont poursuivi des
chaînes d'alimentation, on a amené les chaînes à se
discipliner elles-mêmes, à mettre des étiquettes d'urgence
pour avoir la traduction française. Après coup, elles ont
exigé de leurs fournisseurs que, dorénavant, ils fournissent les
étiquetages en question en respectant les exigences de la loi.
C'est un exemple, car, à ce moment-là , le gouvernement
avait éventuellement supprimé cette disposition parce qu'on
disait que c'était la course aux amendes et que cette course
conférait un caractère un peu vénal Ã
l'opération. Les gens faisaient de l'argent. On ne demande pas que les
gens puissent aller chercher la totalité de l'amende dans leurs poches.
Ce qu'on veut, c'est qu'ils puissent quand même éventuellement
poursuivre les contrevenants, y compris le policier, pour assurer le respect de
la charte. On pense que, dans bien des cas, si les policiers savaient que des
gestes qu'ils posent peuvent éventuellement non seulement amener les
gens à déposer une plainte devant la Commission de police, tout
le monde se bidonne avec ça, y compris les policiers eux-mêmes,
ça ne les dérange pas du tout, car, même quand les
recommandations sont défavorables, ce n'est pas nécessairement
évident qu'elles vont être mises en application par les chefs de
police, par les directions de police. Ce n'est donc pas un instrument qui les
effraie bien gros.
Par contre, la possibilité pour des citoyens de se servir de la
charte pour...
M. Bédard: Dans un avenir peut-être plus
rapproché qu'on peut le croire, si la Commission de police devenait
carrément un organisme quasi judiciaire, avec des décisions qui
doivent être mises en application...
M. Doré: On jugera, M. le ministre.
M. Bédard: ... je pense qu'à ce moment-là ,
ça pourra changer...
M. Doré: Cela ne changera rien au sens de la
recommandation qu'on vous fait en ce qui concerne l'application...
M. Bédard: Non, pas dans le sens des recommandations, mais
pour écarter des conflits d'intérêts qui peuvent être
visibles par rapport à la Commission de police.
Enfin, je vais laisser mes collègues poser leurs questions.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Marx: J'aimerais remercier les membres de la ligue d'une
façon assez spéciale. J'ai pris note du rôle que la ligue a
joué dans l'élaboration même de cette charte et en ce qui
concerne la protection des droits et des libertés des
Québécois depuis des années. Je dirais d'une façon
très franche qu'à mon avis, c'est très important d'avoir
des groupes bien organisés qui sont extragouvernementaux, et qui vont
travailler dans le sens de la ligue pour protéger les droits et
libertés des Québécois et pour mettre la pression sur les
organismes gouvernementaux et sur le gouvernement. Je pense que c'est
même essentiel.
Vous avez fait beaucoup de recommandations. Vous avez déjÃ
discuté de plusieurs de ces recommandations avec d'autres intervenants,
comme sur l'âge, la grossesse, l'action positive. Je ne veux pas revenir
sur ces sujets, mais vous avez soulevé le problème de la police.
C'est un problème que d'autres intervenants n'ont pas soulevé et
j'aimerais m'arrêter sur cette question. Cela va de soi que les policiers
sont soumis à la loi comme tout citoyen et je dirais même que la
grande majorité des policiers respecte la loi. Il y en a toujours
quelques-uns qui ne respectent pas la loi, mais ça arrive partout et
c'est impossible d'empêcher ça. Mais on a vu qu'il y a des
policiers au Québec qui sont plus égaux que d'autres,
c'est-Ã -dire qu'en vertu du rapport Keable le ministre de la Justice du
Québec, qui est aussi le Procureur général du
Québec, a trouvé bien de poursuivre les agents de la Gendarmerie
royale, mais on n'a pas poursuivi les agents de la Sûreté du
Québec ou les agents des corps policiers municipaux, quoique
c'était recommandé par le rapport Keable.
M. Bédard: Juste sur ce point.
M. Marx: Un instant, M. le ministre. Puis-je terminer? Même
en dépit des promesses faites par le premier ministre à la
Chambre quand le ministre de la Justice n'était pas là . Le
premier ministre a dit: On
va poursuivre tous les agents de police qui ont commis des infractions
en vertu du Code criminel. On attend. Maintenant, peut-être que le
ministre aimerait répondre à cette question.
M. Bédard: Non seulement je vais répondre, mais je
vous remercie de soulever le sujet; je ne vous félicite pas, par
exemple, de le soulever sans avoir fait les constatations, il me semble,
minimales, avant d'affirmer quoi que ce soit.
Vous endossez l'affirmation du Solliciteur général du
Canada qui essaie de faire croire que les policiers n'ont pas été
traités d'une façon égale parce qu'il n'y a que des agents
de la Gendarmerie royale qui ont été mis en accusation.
Premièrement, c'est faux. Rappelez-vous que l'enquête Keable
lorsqu'elle a été instituée, c'était suite Ã
la mise en accusation de policiers de la Sûreté du Québec
ou de la CUM et de la Gendarmerie royale. Prenons tous les dossiers qui ont
été traités par la commission Keable, qu'on parle
d'incendie de granges, de vol des listes d'un parti politique reconnu, le Parti
québécois en l'occurrence, et de toutes les autres infractions
dont il a été question sur lesquelles des plaintes ont
été portées contre les policiers de la Gendarmerie royale,
la raison est bien simple pourquoi on a porté des plaintes seulement
contre les policiers de la Gendarmerie royale, c'est qu'il n'y a eu aucune
preuve, aucun soupçon de preuve a savoir qu'il y avait des policiers,
soit de la Sûreté du Québec ou de la CUM, qui
étaient mêlés à la commission de ces infractions. On
ne peut quand même pas, dans un désir de donner l'apparence
d'équité et de justice, poursuivre des gens alors qu'ils ne sont
même pas dans le portrait.
M. Marx: Conclusion?
M. Bédard: La conclusion, c'est que j'espère que
vous allez cesser de vous faire le perroquet de l'affirmation...
M. Marx: M. le ministre, question de règlement.
M. Bédard: Laissez-moi terminer. ... du Solliciteur
général
M. Marx: Je ne suis pas le perroquet de qui que ce soit, parce
que j'ai soulevé la question à l'Assemblée nationale avant
que ce soit soulevé par le Solliciteur général du
Canada.
M. Bédard: Ce n'est pas cette question que vous avez
soulevée en Chambre.
M. Marx: Oui. Comment est-ce que vous le savez? Vous
n'étiez pas là .
M. Bédard: Parce que je lis le journal des
Débats.
M. Marx: Vous lisez le journal des Débats.
M. Bédard: Je lis le journal des Débats. Quand une
question est posée alors qu'un ministre n'est pas là , il en est
informé assez rapidement.
M. Marx: Si vous n'avez pas le journal ici, ne faites pas
d'accusations.
M. Bédard: Il y a des limites à dire n'importe
quoi. Pourquoi, suite aux travaux de la commission Keable, ce sont seulement
des policiers de la Gendarmerie royale du Canada qui ont été
accusés? C'est tout simplement que, dans les infractions sur lesquelles
il y a eu enquête, il n'y avait que des policiers de la Gendarmerie
royale qui étaient impliqués. On ne peut quand même pas
accuser pour la forme des policiers de la Sûreté du Québec
et des policiers de la CUM de... (20 h 45)
Mme Sauvé: L'APLQ.
M. Bédard: Ah oui, l'APLQ. Il y a eu un policier de la CUM
qui a été accusé. Il y a également eu un policier
de la...
Mme Sauvé: Mais il y avait d'autres policiers...
M. Bédard: ... Sûreté du Québec.
Mme Sauvé: ... que les policiers Cormier et
Coutellier.
M. Bédard: Oui, mais les recommandations de...
Mme Sauvé: Les autres policiers qui ont participé
au saccage des locaux de l'APLQ ne sont pas poursuivis.
M. Bédard: Ce que vous oubliez, c'est que le rapport
Keable, dans ses recommandations, n'a pas demandé de porter d'autres
plaintes concernant l'APLQ. Il faudrait quand même prendre la peine de...
Enfin, je ne vous fais pas le reproche de ne pas avoir pris connaissance de
tout l'ensemble, mais je crois que...
Mme Sauvé: On l'a lu et relu.
M. Bédard: ... dans ce domaine-là , c'est assez
clair.
Quant à l'autre point qui concerne la question que vous auriez
posée en Chambre et pour laquelle vous attendez une réponse
depuis longtemps, une réponse que je vous ai donnée à peu
près une dizaine de fois, en ce
qui a trait à l'infiltration de policiers Ã
l'intérieur d'organismes syndicaux ou encore à l'écoute
électronique illégale, je vous dis, comme Procureur
général, depuis que je suis là j'ai pris les mesures qu'il
fallait, et il n'y en a pas. C'est aussi simple que cela. Est-ce que je peux
vous dire...
M. Marx: En 1976, il n'y a pas eu d'infiltration
policière?
M. Bédard: Je vous ai dit que tous les gestes que j'avais
à poser comme Procureur général ont été
posés et je suis en mesure de vous dire - cela fait déjÃ
plusieurs fois que je fais cette déclaration - qu'il n'y en a pas. Bon,
c'est tout.
M. Marx: Qu'il n'y avait pas d'infiltration policière
depuis que...
M. Bédard: Je vous l'ai dit - cela fait trois fois -
encore hier.
M. Marx: J'aimerais que cela soit précisé.
M. Bédard: Je ne peux quand même pas répondre
pour les ministres de la Justice qui m'ont précédé.
M. Marx: Non, je parle de 1976.
M. Bédard: Je vous réponds qu'à partir du
moment où j'ai été nommé ministre de la Justice,
étant informé de la probabilité de certaines pratiques qui
pouvaient être en cours, à ce moment-là , j'ai posé
les gestes nécessaires qui me permettent de dire, comme Procureur
général, qu'il n'y a pas d'infiltration de policiers Ã
l'intérieur d'organismes démocratiques et que je ne l'accepterais
pas - c'est aussi simple que cela - et qu'il n'y a pas non plus d'écoute
électronique illégale, comme certains mémoires l'ont
mentionné, parce que je ne l'accepterais pas. C'est tout. Si cela devait
se faire à mon insu, vous pouvez être sûr que les sanctions
qui s'imposent seraient prises.
M. Marx: Le premier ministre quand il a répondu Ã
cette question en Chambre, n'était pas aussi catégorique que vous
l'êtes maintenant. Il a donné l'impression que l'infiltration
policière se fait toujours dans tout système et il verra...
M. Bédard: Vous avez posé...
M. Marx: Je vous dis cela pas... J'accepte votre réponse
comme étant la vérité en ce qui concerne le ministre de la
Justice, mais je vous dis, M. le ministre, qu'en Chambre le premier ministre a
laissé croire qu'il pourrait encore y avoir une certaine infiltration
policière.
M. Bédard: La question était adressée au
ministre de la Justice. Comme j'étais absent, le premier ministre en a
pris note. Je ne lui ferai pas le reproche de ne pas répondre au nom du
ministre de la Justice. Alors, puisque vous posez la question, j'y
réponds.
M. Marx: Mais je suis très heureux d'avoir cette
réponse.
M. Doré: Ãcoutez! Je comprends qu'il y avait un
débat qu'il fallait vider...
M. Bédard: En fait, un débat, des mises au point.
Non, mais je...
M. Doré: La seule remarque que j'aurais à faire
là -dessus, puisque vous avez un peu ouvert la porte, mais on sort
légèrement du cadre du débat, c'est pour dire simplement
ceci. Le rapport Keable, quelles que soient les conclusions, et le rapport
McDonald, dans une moindre mesure - bien que, là aussi, il y ait des
éléments pertinents - à mon point de vue, posent le
problème du rôle de la police dans une société
démocratique, le problème large. Ce que je comprends du ministre,
c'est qu'il dit: J'ai pris les moyens nécessaires, comme Procureur
général, pour m'assurer que cela ne se produise plus. Ce qui veut
dire que des directives ont dû normalement être données. Ce
qu'on avait souhaité - je réitère l'invitation qui avait
été lancée au ministre de la Justice - c'est de convier,
comme on le fait autour de la charte, les organismes et la population dans le
cadre d'une commission parlementaire pour voir quelles devraient être les
suites à donner au rapport Keable de façon à s'assurer
que, dans l'avenir et en permettant une large expression d'opinions sur la
question, la police respecte les droits démocratiques des citoyens et
joue vraiment son rôle dans la société. Là -dessus,
évidemment, le forum, on ne l'a pas encore et on souhaiterait que ce
débat se fasse éventuellement parce qu'il y a plus que la seule
infiltration d'organismes démocratiques dans le rapport Keable, il y a
plus que simplement des poursuites à intenter contre des auteurs de
crimes au sens du Code criminel, tel que vous l'avez fait comme ministre de la
Justice, il y a tout le reste du rôle de la police, de l'encadrement des
mandats, etc. Ce débat n'est pas clos.
M. Bédard: C'est parce que nous pensions exactement dans
le même sens que vous le dites, qu'il y avait plus que le seul fait de
commettre des actes dérogatoires ou illégaux, quand on parle de
sécurité, de renseignements, etc., que nous avons mis sur pied
l'enquête Keable, avec un mandat, vous
pouvez en convenir, qui était quand même très large
dans les circonstances. S'il n'y avait pas eu la commission Keable, je pense
pouvoir l'affirmer, je ne suis pas là pour me lancer des fleurs, mais
quand même il y a des limites à se faire dire n'importe
quoi...
M. Marx: Si vous le méritez, on va vous donner des
fleurs.
M. Bédard: Honnêtement, s'il n'y avait pas eu la
commission Keable, dis-je, il n'y aurait pas eu de commission McDonald. Quand
on parle de notion de la sécurité nationale, de l'ensemble de ce
que doit être tout ce qu'on appelle services de renseignements, ayant
toujours comme préoccupation la protection des droits et libertés
des citoyens, parce que l'action policière est très
étroitement reliée à cette protection des droits et
libertés des citoyens, on sait que c'est un sujet complexe et ce n'est
pas de trop une enquête Keable.
Nous allons continuer le travail. Il y a certaines recommandations de
poursuites auxquelles nous avons donné suite. Dans un deuxième
temps, j'ai eu l'occasion de le dire, tout ce qui a trait à toutes les
autres recommandations de la commission Keable, nous l'avons acheminé
dans tous les services qui peuvent être concernés, que ce soit la
Sûreté du Québec, d'autres corps de police, la
Sécurité publique au ministère de la Justice, la
Commission de police, etc. Les recommandations couvrent un large terrain et
tous ces organismes ont comme fonction, dans le délai le plus rapide
possible, de nous faire parvenir toutes leurs recommandations à partir
desquelles on aboutira à d'autres suites à donner au rapport
Keable.
M. Marx: Bon! On a compris le discours, M. le ministre.
Maintenant, est-ce que j'ai compris...
M. Bédard: Ce n'est pas un discours, mais je tiens
à vous dire que, comme vous, comme tout autre citoyen qui est ici...
M. Marx: Je vous ai dit que j'avais compris.
M. Bédard: ... nous avons à coeur la protection des
droits et libertés. Je ne peux quand même pas répondre
à toutes les petites accusations qui sont portées...
M. Marx: Jamais!
M. Bédard: ... dans les journaux parce qu'on n'en finirait
plus.
Par exemple, je vous entendais dire dernièrement que le ministre
de la Justice n'avait pas le contrôle des forces policières, d'une
façon générale, comme ça, sans nuance. Vous savez
très bien que la seule force de police sur laquelle le ministre de la
Justice peut intervenir à l'heure actuelle, d'une façon
très précise, c'est la Sûreté du Québec.
Quand on parle des sûretés municipales, vous savez comme moi que
ça relève des municipalités...
M. Marx: ... mais, M. le ministre...
M. Bédard: ... et quand on a fait les amendements Ã
la Loi de police, je me rappelle toutes les représentations qui ont
été. faites par les municipalités qui étaient dans
le sens de: Prenons garde de faire un ministre de l'intérieur avec le
ministre de la Justice. Peut-être qu'elles ont raison, sans doute en
grande partie. Je ne demande pas plus de responsabilités qu'il n'en
faut, mais je pense qu'il faut être nuancé dans les attaques.
M. Marx: M. le ministre, pour répondre à vos
questions, vos interrogations, en ce qui concerne le contrôle politique
sur la police, il n'y en a aucun au Québec. Je suis en train de
préparer un rapport que je vais rendre public - je n'ai pas de rapport
caché comme on en a dans certains ministères -vous allez le lire,
et vous allez voir qu'il n'y a pas de contrôle politique sur la police au
Québec et que...
M. Bédard: Vous voulez un contrôle politique?
M. Marx: ... d'autre part, ça coûte trop cher par
rapport à d'autres juridictions.
M. Bédard: Est-ce que vous voulez dire que vous voulez un
contrôle politique sur la police?
M. Marx: Un contrôle politique... M. Bédard:
Oh!
M. Marx: Qu'il y ait une responsabilité...
M. Bédard: Je pense qu'on va avoir un long
débat.
M. Marx: ... politique quelque part en ce qui...
M. Doré: ... M. le ministre. M. Bédard: Oui,
et ...
M. Marx: Un contrôle des autorités responsables.
Vous allez voir le rapport et vous aurez l'occasion de répondre le cas
échéant.
Si je comprends bien vous avez dit que vous avez donné suite
maintenant à toutes les recommandations du rapport Keable en ce
qui concerne les poursuites contre les policiers. C'est cela, oui ou
non? Je pense que c'est là une question simple. Il faut consulter ses
assistants pour une question aussi simple que ça?
M. Bédard: Je ne sais pas ce qui est simple. La question
ou vous?
M. Marx: C'est la question.
M. Bédard: Je pense que vous posez des questions
très importantes. Il est normal qu'avant d'y répondre on fasse
toutes les vérifications nécessaires...
M. Marx: ... être au courant de vos dossiers.
M. Bédard: ... par rapport aux représentations qui
nous ont été faites par les procureurs qui sont chargés de
ces dossiers. Je pense que l'on peut dire, je crois que je puis affirmer que
toutes les plaintes, les études ont été faites sur
l'ensemble du rapport Keable; toutes les plaintes ont été
portées qui devaient d'être portées.
M. Marx: Toutes les plaintes ont été
portées, toutes celles qui devaient être portées contre les
policiers.
M. Bédard: Toutes celles qui m'ont été
soumises.
M. Marx: Ã votre avis. Vous avez lu le rapport Keable,
vous savez quelles sont les recommandations.
M. Bédard: C'est ce que je vous dis.
M. Marx: D'accord, vous avez porté toutes les plaintes
nécessaires en ce qui concerne les recommandations sur des plaintes
contre les policiers. Passons à une autre question.
Le Président (M. Desbiens): C'est une question relative
à l'audition du mémoire de la Ligue des droits et
libertés.
M. Bédard: Toutes les plaintes où l'on peut
constituer la preuve nécessaire pour porter une plainte, parce que vous
savez qu'une plainte se porte à partir de motifs probables de croire
que, si une plainte est portée, il peut en résulter une
condamnation.
M. Marx: C'est l'explication qui laisse la porte ouverte.
M. Bédard: Vous connaissez le principe autant que moi.
Le Président (M. Desbiens): Alors...
M. Marx: J'ai d'autres questions à poser.
Le Président (M. Desbiens): Une autre question,
d'accord.
On va s'en tenir à cela, autant que possible.
M. Marx: Oui.
M. Bédard: Je ferais remarquer à mon
collègue d'en face qu'il aura l'occasion de le lire, et je le dis aussi
à nos amis de la commission, en attendant le grand débat dont
vous parlez.
Il reste quand même que la Sûreté du Québec,
parce qu'on lui a demandé... C'est une des seules forces
policières qui a quand même trouvé le moyen, dans une
revue, de donner tout l'essentiel de sa structure, de son système de
renseignements, tout cela, etc.; je comprends que cela ne donne pas le contenu,
mais je pense que c'est un pas dans la bonne direction.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Marx: Je vais poser des questions moins contentieuses,
très importantes, mais moins contentieuses en ce qui concerne le
ministre.
Dans le mémoire, vous avez fait état des
illégalités, des gestes illégaux que les policiers posent
de temps à autre. Peut-être faut-il penser à encadrer dans
notre charte la règle que l'on trouve dans la jurisprudence
américaine, c'est-à -dire que toute preuve illégalement
obtenue ne soit pas admissible devant les tribunaux. Je sais que cela ne couvre
pas le droit criminel qui relève de la juridiction
fédérale, mais peut-être peut-on innover ici au
Québec et cela va donner un exemple à suivre aux autres provinces
et au fédéral.
C'est dans notre juridiction en ce qui concerne les lois du
Québec. Cela va de soi que, si l'on met une disposition dans la charte,
on vise les lois du Québec et cela ne s'appliquerait pas au Code
criminel, aux infractions en vertu des lois fédérales. Mais ce
serait un exemple que le fédéral pourrait suivre le cas
échéant parce que, si je me souviens bien, une telle règle
n'est pas dans la charte fédérale proposée. Je pense que
c'est peut-être à nous, à un ministre qui veut faire
avancer les droits des Québécois et peut-être même
des Canadiens à proposer que l'on mette un tel article dans la charte.
C'est une suggestion, M. le ministre.
M. Bédard: Je vous enverrai toute la liste des
recommandations ou suggestions ou représentations que j'ai faite aux
autorités fédérales, je pense que vous allez être
assez impressionné.
M. Marx: Mais on peut leur donner un exemple avec notre charte et
je pense que cela ne causera pas de problèmes au niveau de
l'administration de la justice, parce que, comme c'était souligné
par la ligue, j'ai déjà lu des articles dans les journaux, par
exemple, où des policiers ont défoncé une porte par
erreur, parce qu'ils ont fait une fouille sans mandat et, lorsque la femme a
porté plainte, les policiers ont dit: II n'y a pas de problème,
le gouvernement va payer pour la porte.
C'est cela que l'on veut éviter. Et, si nous avons une telle
règle, cela va empêcher les policiers de poser certains gestes
illégaux, et c'était soulevé par la ligue.
M. Bédard: Quand on parle de preuve obtenue
illégalement, cela peut soulever des cas très importants, en
termes de respect de l'intégrité même de la personne
humaine. Moi, je me rappelle avoir déjà plaidé un
procès pour meurtre où un des éléments de preuve
était des cheveux qu'on avait enlevés, d'une façon qu'on
peut imaginer... (21 heures)
M. Doré: Non volontaire.
M. Bédard: ... de la tête du détenu,
c'est-à -dire du prévenu.
M. Marx: C'était admissible. Tout est admissible au
Canada, maintenant et au Québec.
M. Bédard: Dans l'état actuel du droit.
M. Marx: Oui, tout est admissible même si c'est obtenu
illégalement.
En ce qui concerne la Commission de police, la ligue a souligné
qu'elle n'a pas vraiment beaucoup confiance en elle. Pour ma part, je ne suis
pas tout à fait d'accord. Le problème, c'est que le ministre ne
donne pas suite à ses recommandations. Par exemple, le rapport sur les
événements de la soirée du référendum. Il y
a un certain...
M. Bédard: Vous parlez encore à travers votre
chapeau. Posez-vous la question, parce que je vais vous répondre. Ce
n'est pas vrai que je n'ai pas donné suite. Au contraire, je n'ai
même pas attendu qu'elle me fasse des suggestions. Vous savez très
bien qu'au moment où on se parle, justement à la suite de ces
événements et de cette enquête, déjà le
directeur de la police de la communauté urbaine a eu une communication
écrite de ma part, à savoir que son enquête interne se
traduise par un rapport le plus rapidement possible au ministère de la
Justice. Si ce rapport tarde, le directeur sait que d'autres moyens seront
employés.
M. Marx: Ce n'est pas exact. Tout cela n'est pas tout Ã
fait exact. Il y avait d'autres choses, mais j'en passe parce que je ne veux
pas avoir une autre discussion. Ceux qui lisent les journaux et qui suivent ces
événements savent qu'il y a d'autres choses qui se sont
passées.
M. Bédard: II y avait des attitudes inacceptables de la
police.
M. Marx: Vous avez parlé de l'article 49 et il me semble
que chacun a un droit devant les tribunaux civils de prendre une action contre
qui que ce soit en cas d'atteinte illicite et intentionnelle, en ce qui
concerne ses droits et libertés. Je fais lecture de cet article 49: "Une
atteinte illicite à un droit ou à une liberté reconnu par
la présente charte confère à la victime le droit d'obtenir
la cessation de cette atteinte et la réparation du préjudice
moral ou matériel qui en résulte. "En cas d'atteinte illicite et
intentionnelle, le tribunal peut en outre condamner son auteur à des
dommages exemplaires."
C'est-à -dire que s'il y a une atteinte illicite à un droit
par un policier contre un citoyen, le citoyen, en vertu de cet article,
pourrait porter plainte devant les tribunaux civils...
M. Doré: Oui.
M. Marx: ... et réclamer des dommages, même des
dommages exemplaires.
M. Doré: Comme un citoyen pouvait, avant l'adoption de cet
article, poursuivre un policier, c'est-à -dire s'il était victime,
en vertu des règles usuelles du Code de procédure et de la
responsabilité civile.
M. Marx: Non, cela est plus large et plus libéral
que...
M. Doré: C'est clair, M. le député, que cet
article 49 est plus large que ce à quoi je faisais
référence, les poursuites en dommages et intérêts
contre des policiers qui pouvaient causer un préjudice à un
citoyen.
M. Marx: Parce que cela veut dire ici non seulement les articles
10 et 19...
M. Doré: Non. Je suis tout à fait
d'accord.
M. Marx: ... mais les articles 1 Ã 48...
M. Doré: C'est des articles 1 à 99. Oui, c'est
cela.
M. Marx: ... qui sont couverts. Je pense que c'est un recours
très intéressant quoique c'est un recours souvent illusoire parce
que
cela prend des démarches devant les tribunaux civils. C'est long,
cela coûte cher, il faut engager un avocat, etc.
J'aimerais discuter, si c'est nécessaire, de votre recommandation
en ce qui concerne l'article 89 que je trouve très intéressante,
parce qu'en donnant la possibilité au citoyen d'intenter des poursuites
pénales, on va rendre la charte, comme les Américains disent,
plus "self enforcing".
Une voix: Yes, Sir.
M. Marx: Je pense que c'est ce que vous avez...
M. Doré: Je pense qu'il n'y a pas de meilleur moyen
d'assurer le respect d'une loi que de donner la possibilité aux gens qui
peuvent être victimes d'atteinte à cette loi de pouvoir intenter
des poursuites, éventuellement. Le problème actuel, c'est que,
comme on nous dit à l'article 89 que les poursuites sont prises suivant
la Loi sur les poursuites sommaires, le chapitre II de la Loi sur les
poursuites sommaires dit que, lorsque dans une loi provinciale, il n'y a pas de
peine spécifique prévue à la loi, la peine est
prévue dans la Loi sur les poursuites sommaires, mais on prend la peine
d'ajouter dans l'article que, dans ces cas-là , pour intenter une
poursuite, lorsqu'il n'y a pas de peine spécifiquement prévue
à la loi, ça prend la permission du Procureur
général.
M. Marx: Mais, est-ce qu'on...
M. Doré: Ce que nous disons, c'est que, dans un premier
temps, il serait souhaitable que, dans la charte, on fasse une infraction
à la charte de toute atteinte illicite à un droit reconnu
à la charte. Deuxièmement, on voudrait voir reconnu dans la
charte même le droit pour toute personne intéressée,
victime d'une atteinte à un droit, de pouvoir porter une plainte
pénale. Cela supposerait bien sûr aussi qu'on prévoit dans
la charte, et là -dessus on n'a pas fait de recommandation
spécifique, qu'il y ait des amendes spécifiquement prévues
à la charte et qui pourraient éventuellement sanctionner ce
droit. Actuellement, c'est 500 $ aux termes de la Loi sur les poursuites
sommaires.
M. Marx: Je comprends bien des actions pénales contre les
policiers qui ont enfreint la charte, mais, si on étend cela Ã
tout le monde, il va y avoir le gars qui veut louer un duplex, qui pense qu'il
y a eu de la discrimination et qui va intenter une action pénale. Il va
y avoir trop d'actions pénales, parce que quiconque pense avoir subi de
la discrimination aura le droit d'intenter une action pénale.
M. Doré: II y a peut-être une façon de
contourner le problème potentiellement dangereux ou d'engorgement auquel
vous faites référence, qui pourrait être la suivante: Si la
commission avait droit de recevoir des plaintes sur l'ensemble des droits et
éventuellement de constater qu'il y a eu violation, ça lui donne
la possibilité de suggérer, et éventuellement de
poursuivre en fonction de ça pour avoir des réparations. Dans le
cas où une plainte est fondée, on pourrait peut-être alors
dire que si une plainte était jugée fondée par la
commission, ça donnerait le droit à la personne qui en a
été victime d'intenter une poursuite pénale, ce qui,
à ce moment-là , éviterait le problème que vous
soumettez. C'est une suggestion qui pourrait être faite, si le danger est
un éventuel engorgement.
M. Marx: Oui, mais le problème pour la commission et pour
ces actions...
M. Bédard: ... que ce soit à la commission.
M. Marx: ... c'est que, lorsque c'est une action
pénale...
M. Doré: Mais là , la commission sera
peut-être engorgée.
M. Marx: ... il faut faire la preuve, hors de tout doute
raisonnable. Il faut avoir une preuve assez forte. Ce n'est pas la même
preuve, comme vous le savez, que dans un procès civil.
M. Doré: C'est pour ça que c'est assez rare, M. le
député, que des citoyens vont éventuellement
déposer une plainte pénale de leur propre chef sans consulter
forcément des conseillers juridiques ou des procureurs pour savoir s'ils
ont une chance ou non de réussir. Compte tenu de la nature de la preuve
qui doit être faite, il est évident que c'est déjÃ
un facteur qui va restreindre fortement l'utilisation de ce mode-là ,
parce que c'est forcément difficile de faire une preuve de cette nature.
Je ne pense donc pas que le problème puisse se poser non plus.
M. Bédard: Est-ce que vous - je ne sais pas si j'ai bien
compris - nous demandez à ce moment-là de changer le fardeau de
la preuve?
M. Marx: Non, non, non.
M. Bédard: Non?
M. Marx: Non, on dit que...
M. Doré: Non, pas en ce qui concerne les plaintes
pénales. Ce qu'on disait, par contre, une des recommandations qui
est
faite...
M. Bédard: Excusez-moi, j'étais distrait, j'avais
cru comprendre...
M. Doré: Oui. Non, en ce qui concerne les plaintes
pénales, je disais simplement au député que, eu
égard au fait que la nature de la preuve d'une plainte pénale
doit être une preuve hors de tout doute raisonnable, il va de soi
qu'avant qu'une personne porte une plainte, elle va consulter et, en cas de
doute, va s'abstenir de le faire parce qu'il n'y a pas de chance de
réussite.
J'ajoute, par contre, que dans le mémoire nous faisons
état de ce qu'on considérait comme une espèce de fardeau
de preuve. On voudrait créer une présomption en faveur de la
personne qui a été victime, c'est-à -dire qu'on dit que,
lorsque la plainte est fondée, si la commission reconnaît qu'une
plainte est recevable, le fardeau devrait être déplacé sur
la partie, contre la personne ou contre l'organisme qui est l'objet de la
plainte, de façon que l'organisme prouve qu'il a agi en respectant la
charte. En d'autres termes, ce n'est pas uniquement au plaignant de justifier
le fait qu'il a été atteint, mais lorsqu'il a prouvé qu'il
y a eu une atteinte, c'est plus... De la même façon qu'en ce qui
concerne, par exemple, le droit du travail, une fois qu'on a établi
devant le Tribunal du travail la présomption qu'une personne a
été l'objet d'une mesure disciplinaire et qu'elle agissait dans
le cadre d'activités syndicales, c'est à l'employeur de prouver
qu'il avait une cause juste et suffisante, autre que forcément les
activités syndicales, pour éventuellement sévir.
On a donc créé une présomption en faveur de la
personne qui était détentrice du droit, et forcément
l'employeur doit, dans cette poursuite, rejeter la présomption en
établissant une cause juste et suffisante qui le justifiait de
sanctionner la personne en question.
M. Marx: La mise de côté de la présomption
dans le Code du travail n'a pas la même portée que mettre de
côté la présomption d'innocence.
M. Doré: Je ne parle pas d'une plainte pénale, je
parle uniquement dans le contexte d'une plainte que la commission...
M. Marx: Même là - je pense qu'on a fait le
débat sur ça avec un autre groupe l'autre jour - c'est
très difficile de prouver du négatif. C'est très difficile
de prouver que je n'ai pas fait quelque chose.
M. Doré: Ce n'est pas tellement de prouver que je n'ai pas
fait quelque chose. Je dois prouver que ce que j'ai fait, je l'ai fait en
respectant les droits et la charte.
M. Marx: Je n'ai pas fait de discrimination.
M. Doré: Ou le geste que j'ai posé était
conforme à la charte et aux droits qui y sont reconnus.
M. Marx: à mon avis, si on commence à renverser les
fardeaux de la preuve de cette façon, on va empiéter sur les
droits et libertés des mis en cause.
M. Bédard: Vous allez rapidement venir défendre
ceux qui sont l'objet de ces présomptions.
M. Doré: Ce n'est pas la recommandation la plus
fondamentale du mémoire, je vous ferai remarquer.
M. Bédard: Enfin, je pense que...
M. Marx: Non, c'est juste pour les fins de la discussion.
M. Bédard: On peut échanger quand même. Tout
n'est pas figé dans le ciment.
M. le Président, je remercie, encore une fois, les membres de la
commission d'être venus témoigner.
Le Président (M. Desbiens): Nous vous remercions.
M. Bédard: Témoigner dans le bon sens du mot,
rendre témoignage.
Le Président (M. Desbiens): La commission élue
permanente de la justice ajourne ses travaux au mercredi 21 octobre, 10
heures.
(Fin de la séance à 21 h 12)