L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux des commissions > Journal des débats de la Commission permanente de la justice

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission permanente de la justice

Version finale

32e législature, 3e session
(9 novembre 1981 au 10 mars 1983)

Le mercredi 14 octobre 1981 - Vol. 25 N° 7

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Présentation de mémoires en regard des modifications à apporter à la Charte des droits et libertés de la personne


Journal des débats

Débats de la Commission permanente de la justice, Le mercredi 14 octobre 1981

 

Les travaux parlementaires
32e législature, 2e session
(du 30 septembre 1981 au 2 octobre 1981)

Journal des débats

 

Commission permanente de la justice

Le mercredi 14 octobre 1981 _ No 7

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Présentation de mémoires en regard

des modifications à apporter

à la Charte des droits

et libertés de la personne (4)

(Dix heures vingt-deux minutes)

Le Président (M. Desbiens): À l'ordre, mesdames et messieurs!

La commission élue permanente de la justice reprend ses travaux. Elle a reçu le mandat de l'Assemblée nationale de tenir des auditions publiques en regard des modifications à apporter à la Charte des droits et libertés de la personne.

Les membres de la commission sont: M. Beaumier (Nicolet), M. Bédard (Chicoutimi), M. Boucher (Rivière-du-Loup), M. Brouillet (Chauveau), Mme Marois (La Peltrie) en remplacement de M. Charbonneau (Verchères), M. Dauphin (Marquette), Mme Juneau (Johnson), M. Kehoe (Chapleau), M. Lafrenière (Ungava), M. Marx (D'Arcy McGee), Mme Bacon (Chomedey) au lieu de M. Paradis (Brome-Missisquoi).

Les intervenants de la commission sont: M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Bissonnet (Jeanne-Mance), M. Blank (Saint-Louis), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Dussault (Châteauguay), Mme Lachapelle (Dorion), M. Martel (Richelieu) et M. Pagé (Portneuf).

Aujourd'hui la commission entendra dans l'ordre: la Fédération des travailleurs du Québec, la Fédération de l'âge d'or du Québec, M. Henri Lafrance, M. Jacques Légaré, le Mouvement laïque québécois, le Bureau d'assurance du Canada, le Grand conseil des Cris du Québec et le Conseil cri de la santé et des services sociaux de la Baie-James, le Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec et, enfin, la Ligue des droits et libertés.

J'inviterais M. le président de la FTQ, M. Daoust, à présenter les personnes qui l'accompagnent, s'il vous plaît.

On va suspendre quelques secondes si vous permettez.

(Suspension de la séance à 10 h 24)

(Reprise de la séance à 10 h 31)

Le Président (M. Desbiens): La commission permanente de la justice reprend ses travaux.

Avant de céder la parole à M. Daoust, je demanderais le consentement pour remplacer M. Brouillet (Chauveau), comme membre, par Mme Lachapelle (Dorion).

Si vous voulez procéder, M. Daoust.

FTQ

M. Daoust (Fernand): M. le Président, mesdames et messieurs les membres de cette commission, je voudrais en premier lieu vous présenter ceux qui m'accompagnent ce matin. À ma droite, Marie Pinsonneault, vice-présidente de la FTQ, à sa droite, Carole Gingras-Larivière, présidente du comité de la condition féminine de la FTQ; à ma gauche, Micheline Côté, vice-présidente du Conseil du travail de Québec, et, à sa gauche, Aimé Raiche, du Syndicat des travailleurs de l'énergie et de la chimie. Si vous me le permettez, M. le Président, je vais lire le mémoire que nous vous avons fait parvenir il y a quelques jours, quitte à le commenter ici et là.

C'est avec une certaine satisfaction que nous avons remarqué le nombre impressionnant d'organismes qui ont manifesté le désir de se faire entendre devant cette commission. Il n'est pas loin le temps où, seul, le mouvement syndical parlait de droits et de libertés, de justice sociale et d'égalité pour tous. S'il est possible aujourd'hui qu'autant d'intervenants, d'autant d'horizons différents, se préoccupent de ces questions, c'est manifestement grâce au travail et aux sacrifices qu'ont consentis, depuis plus de cent cinquante ans, les travailleurs et travailleuses organisés de notre pays.

La Fédération des travailleurs du Québec, la plus ancienne et la plus importante centrale syndicale au Québec, se réclame de cet héritage de luttes, et c'est dans cette perspective d'amélioration constante et graduelle du mieux-être collectif des travailleurs et travailleuses que la FTQ entend situer les suggestions et recommandations qui vont suivre.

Premièrement. L'action positive: une responsabilité syndicale. La position de la FTQ. En décembre 1979, les quelque 1000 délégués au 16e congrès de la Fédération des travailleurs du Québec endossaient les recommandations de la déclaration de politique sur la condition féminine qui leur étaient soumises, et c'est en ces termes qu'ils se prononçaient alors sur le principe et les modalités d'établissement de programmes d'action positive: "La FTQ réclame que la Charte des droits et libertés de la personne soit amendée en sorte que l'établissement de programmes d'action positive visant à

promouvoir la main-d'oeuvre discriminée pour une période transitoire soit autorisé, comme dans la législation fédérale. Les programmes d'action positive ne devraient pas être obligatoires, mais être négociés librement et appliqués conjointement avec les syndicats, là où ils sont présents."

Cette position avait été auparavant largement débattue, lors du colloque de la FTQ sur la femme et le travail qui avait pour thème Une double exploitation, une seule lutte, tenu à Montréal à l'automne 1979 et auquel participaient au-delà de 400 délégués.

Notre refus d'un constat d'échec du syndicalisme. Bien qu'à première vue cette position semble aller à contre-courant des positions jusqu'ici émises devant la commission, c'est pour nous la seule qui se refuse à admettre la faillite du syndicalisme et de la négociation collective comme outil de défense et de promotion des travailleurs.

Nous ne souscrivons pas à ce constat d'échec que plusieurs, peut-être un peu trop rapidement, ont dressé. L'établissement, par négociation collective, de programmes d'action positive n'est pas une utopie, ni un habile camouflage de l'inaction. C'est un défi que le mouvement syndical doit relever et c'est forts de nos convictions profondes que nous écartons la voie de la facilité.

Une charte des droits pour agir. Beaucoup des propositions généreuses touchant tant au principe qu'aux modalités de l'établissement de programmes d'action positive semblent peu soucieuses de vouloir convaincre et éduquer, préférant soumettre et obliger par un souci d'efficacité à court terme avec lequel on ne saurait être en désaccord sous peine de se condamner à l'échec. Nous ne sautons pas si rapidement aux même conclusions. Il s'agit, selon nous, d'un long processus de redressement social, aux multiples préalables sociaux. Bienheureux ceux qui croient que les langues de feu du Saint-Esprit descendront sur nous tous et qu'en un instant le Québec sera transfiguré! La baguette magique ne fait pas encore partie de notre arsenal syndical. Par ailleurs, cette vision même d'une société qui deviendrait soudainement plus juste par arrêté en conseil nous fait même un peu peur. Nous préférons encore nous fonder sur l'éducation, la mobilisation et l'action.

En ce sens, nous croyons que le défunt projet de loi 1k, modifiant la charte des droits et libertés et qui aurait rendu possible l'établissement volontaire de programmes d'action positive, répondait fondamentalement à l'esprit de nos revendications. Cependant, nous aimerions y voir figurer, comme dans de nombreuses autres dispositions législatives, l'affirmation du rôle essentiel du syndicat dans tout ce qui touche l'établissement des conditions de travail et particulièrement sa reconnaissance expresse comme agent moteur et partenaire essentiel dans le processus d'implantation et le fonctionnement des programmes d'action positive dans le domaine du travail. La FTQ accepte ainsi une grande responsabilité sociale, responsabilité que sa nature même lui commande non seulement de solliciter, mais de revendiquer, ce qui, cependant, dans notre esprit, ne devrait pas avoir pour objet de paralyser ou de jeter l'interdit sur tous ceux qui sont prêts à partager ce travail.

Partant, nous reconnaissons pleinement le rôle d'aviseur-conseil et d'organisme-ressource de première importance de la Commission des droits de la personne. Nous ne pouvons qu'appeler à une collaboration encore plus étroite et constante entre organismes qui sont voués à se retrouver sur le même terrain pour redresser les mêmes torts.

Le nécessaire engagement social du gouvernement du Québec. Au-delà même d'une campagne de longue haleine de sensibilisation et d'information, le gouvernement du Québec doit s'engager pour sa part à apporter les correctifs immédiats pour favoriser ce qui nous semble être les préalables essentiels pour développer d'abord une prise de conscience plus égalitaire chez tous les Québécois et Québécoises et pour, ensuite, éliminer à la source les corridors institutionnels générateurs de sélection sexiste ou autre, c'est-à-dire, d'abord et avant, tout un système d'éducation non sexiste, "antidiscriminant", qui favoriserait le décloisonnement entre les champs d'options et les orientations qui ont pour effet de "ghettoïser" rapidement les compétences par sexe et malheureusement, souvent encore, selon la condition sociale. Au simple chapitre des manuels scolaires, malgré les très nombreuses représentations faites en ce sens par de nombreux organismes, on ne peut à ce jour que qualifier de timides les progrès réalisés.

Permettez-nous, surtout et enfin, d'insister particulièrement sur la formation technique et professionnelle des adultes québécois et des possibilités réelles d'agir concrètement dans ce domaine par des programmes d'action positive. Bien que des représentations en ce sens aient déjà été faites devant la Commission d'enquête sur la formation professionnelle et socioculturelle des adultes, la commission Jean, nous ne croyons pas inutile d'en rappeler ici les grandes lignes pour illustrer nos propos.

La FTQ demandait alors que les sommes énormes que dépensent les gouvernements en ce domaine puissent se traduire en des programmes qui répondent plus adéquatement à cette aspiration des travailleurs à une formation spécialisée, polyvalente et transférable. Nous avons aussi noté, comme d'autres intervenants, que la main-d'oeuvre féminine était largement

défavorisée au niveau de l'accessibilité aux programmes de formation professionnelle, ce qui se traduisait dans les faits par la reproduction d'un système qui veut que les femmes souffrent à la fois d'une sous-représentation dans certains secteurs d'activité et d'une concentration anormale dans certains autres secteurs d'activité. La FTQ demandait alors des modifications importantes à la Loi sur la formation technique et professionnelle, loi 49, pour y inclure, dans le cadre général d'une politique de plein emploi, une déclaration formelle des droits des travailleurs en cette matière en y rendant illégale toute forme de discrimination dans l'accès aux programmes et aux ressources en raison de l'âge, du sexe, du statut social ou professionnel. Ces modifications incluraient aussi la mise en place de structures décisionnelles, opérationnelles et efficaces, reconnaissant le principe d'une participation des travailleurs, à travers leurs organisations syndicales, à l'élaboration et à la définition des politiques et des contenus de formation, au niveau des lieux mêmes du travail, à l'intérieur de très grands secteurs, comme au niveau d'un organisme unique de coordination et d'administration, composé majoritairement des représentants des parties patronale et syndicale.

Ces instances nous semblent à privilégier pour y élaborer des programmes d'action positive "de fond" qui s'attaquent au coeur du problème, avec un mécanisme assorti de consultation et de négociation entre les parties concernées.

Finalement, avec l'acharnement que vous nous connaissez, nous croyons que la première protection à laquelle les travailleuses, les minorités raciales, ethniques et nationales, les immigrants ont droit est celle de l'organisation syndicale. Nous réitérons nos revendications pour un meilleur accès au syndicalisme et l'instauration immédiate de mécanismes d'accréditation multipatronale et de négociation sectorielle. C'est pour nous un droit fondamental qui tarde à être pleinement reconnu.

C'est peut-être là incidemment l'incroyable discrimination que connaît l'ensemble de la population ouvrière du Québec de ce fait que l'accès au syndicalisme demeure quasiment impossible pour la très vaste majorité des travailleuses et des travailleurs. Dans le secteur privé, où on retrouve la majorité des travailleuses et des travailleurs, où on retrouve la presque totalité des travailleurs immigrants qui viennent de minorités ethniques de toute nationalité, le taux de syndicalisation au Québec est d'environ 20% ou 25%. C'est une source de discrimination et c'est dû à un tas de problèmes, de phénomènes que vous connaissez sans aucun doute et qui font l'objet, depuis de nombreuses années, de toutes sortes de prises de position de la part du mouvement syndical. Un travailleur sur cinq peut se donner un outil qui lui permet de se défendre adéquatement devant l'employeur et qui permet à celui-ci et à tous ceux avec lesquels il se regroupe sur les lieux du travail d'être sur un pied d'égalité au moment des pourparlers avec l'employeur, un sur cinq, alors que quatre sur cinq en sont privés. C'est peut-être là la source la plus profonde de discrimination en milieu de travail.

Des réformes immédiatement accessibles. La FTQ désire également vous présenter, de façon succincte, quelques autres propositions d'amendement à la Charte des droits et libertés de la personne, suggestions que d'ailleurs plusieurs autres intervenants ont déjà prises à leur compte et largement étayées. (10 h 45)

Discrimination salariale permise par la charte. La FTQ réclame que la Charte des droits et libertés de la personne soit amendée à l'article 19, dont l'objectif est de donner la parité salariale aux personnes effectuant des travaux égaux et équivalant aux travaux d'autres personnes mieux payées, si cette différence salariale se fonde sur un motif discriminatoire. La FTQ demande de biffer de cet article le terme "évaluation au mérite" qui est présenté comme permettant de payer des salaires différents sans que cela soit discriminatoire, et donc illégal.

Discrimination dans les régimes d'avantages sociaux. La FTQ réclame également que l'article 97 de la charte soit purement et simplement abrogé. En effet, en permettant la discrimination dans les régimes d'avantages sociaux, que ce soit sur la base du sexe, de l'état civil, de l'orientation sexuelle ou du fait d'être une personne handicapée ou d'utiliser un moyen pour pallier son handicap, cet article prend un caractère, selon nous, que nous jugeons discriminatoire et antidémocratique.

Nous nous lions à cette coalition qui est venue se présenter devant vous il y a quelques jours. Au cas où des gens verraient des désaccords - c'est normal qu'ils en voient - entre leur prise de position et la nôtre sur l'action positive, la FTQ faisait partie de cette coalition et il y avait un accord unanime de tous ceux qui en faisaient partie; non seulement faisait-elle partie de cette coalition, mais la FTQ est à l'origine de cette coalition. Je me souviens avoir envoyé une lettre au ministre de la Justice lui soulignant ces aspects discriminatoires de l'article 97 au nom de cette coalition. Je me souviens aussi que le mémoire qui vous fut présenté a été largement préparé par la FTQ.

Harcèlement sexuel. La FTQ réclame que soit expressément interdites, dans la charte, les pratiques patronales relevant du

harcèlement sexuel à l'endroit des travailleuses. Nous recommandons à cette fin qu'un employeur puisse être tenu responsable pour les actes de harcèlement, que ces actes proviennent des supérieurs ou des collègues de travail si, après avis, il néglige de remédier à la situation.

La discrimination fondée sur l'état de grossesse. La maternité étant une responsabilité sociale, les travailleuses ne doivent pas être pénalisées par leurs maternités ou par leurs grossesses, menées à terme ou non, ni par l'adoption d'un enfant, non plus que par le rôle assumé ou non qui est le leur dans la fonction de reproduction. Nous croyons que la charte des droits et libertés devrait reconnaître la fonction sociale de la maternité et, partant, le droit à l'égalité pour les femmes sans discrimination fondée sur l'état de grossesse.

En guise de conclusion: Des préoccupations communes qui appellent une convergence d'action.

La Charte des droits et libertés de la personne donne des assises légales à un grand nombre de revendications syndicales. Et c'est notre souci, que nous venons de manifester, de voir évoluer une charte des droits perfectible qui nous amène à parler ici du comment traduire ces principes en réalisations concrètes.

La Commission des droits de la personne, le mandataire opérationnel de par la charte, de l'application de principes de celle-ci, mérite d'avoir les moyens financiers et techniques pour mener son oeuvre à bien. Elle doit, de plus, jouir d'appuis et bénéficier du soutien et de la confiance de tous ceux qui partagent les objectifs et les principes fondamentaux énoncés dans la charte. Les préoccupations communes qui nous animent doivent nous amener à une convergence d'actions sur la base du respect mutuel de nos identités. La commission n'est ni un concurrent des syndicats, ni un substitut à ces derniers. Un certain hégémonisme manifesté par la commission nous inquiète et la tentation de se poser en unique acteur des réformes sociales n'est pas pour nous rassurer.

Il faut cependant reconnaître qu'une ouverture sur le mouvement syndical se dessine tranquillement, et nous espérons voir se développer encore et encore plus la consultation active entre la commission et la FTQ, ce que, pour notre part, nous appelons de tous nos voeux.

Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.

M. Bédard: M. le Président, je voudrais tout d'abord remercier M. le directeur général de la Fédération des travailleurs du Québec du mémoire qu'il vient de présenter à cette commission et remercier également celles et ceux qui l'accompagnent. Il s'agit effectivement d'un mémoire très intéressant, puisque la Fédération des travailleurs du Québec, par la voix de son directeur général, propose une approche qui est différente concernant, entre autres, la mise sur pied de programmes d'action positive ou d'accès à l'égalité. C'est avec beaucoup d'intérêt, comme tous les membres de la commission, que j'ai écouté vos propos. Comme vous l'avez d'ailleurs vous-même noté, l'approche de votre centrale diffère quelque peu de celle des autres organismes qui sont venus déposer devant la commission, dans ce sens qu'elle privilégie d'une façon tout à fait spéciale la négociation syndicale comme approche au niveau du problème de l'implantation des programmes de redressement ou d'accès à l'égalité.

Vous me permettrez sûrement, au nom des groupes discriminés, de vous poser quelques questions. La première serait de vous demander quel est le mécanisme que vous proposez dans les milieux non syndiqués, lorsqu'il s'agit de mettre en place, lorsque la discrimination a été prouvée et qu'il est nécessaire d'implanter un programme d'action positive.

D'une certaine façon, concernant votre approche, ne trouvez-vous pas qu'elle place l'avancement social des groupes discriminés un peu à la merci des priorités syndicales d'une centrale ou de ses syndicats membres? Je dirais même qu'elle peut placer ces groupes discriminés, d'une certaine façon, je dirais qu'elle peut les conditionner même à la stratégie, les obliger à se conditionner à la stratégie de négociation syndicale qui peut exister avec un employeur. Je pense que c'est une question qu'on peut se poser et vous la posez au niveau de la commission. Vous évoquez certaines réserves sur son rôle, le rôle gouvernemental aussi; je pense que c'est normal au niveau de la discussion franche que nous avons.

Le feu du Saint-Esprit, je suis bien prêt à admettre qu'il n'est pas tombé sur la commission ou sur le gouvernement, mais je ne pense pas qu'on puisse tenir pour acquis qu'il est tombé partout ailleurs, sauf là. Je vous le dis très amicalement, mais je pense que vous prendrez sûrement ma question au sérieux: Est-ce que vous croyez que le mouvement syndical a démontré, dans le passé, toute la souplesse voulue pour l'intégration dans des entreprises d'employés provenant de groupes discriminés? Je pense, par exemple, à une certaine méfiance des syndicats envers le travail à temps partiel, à une certaine méfiance des syndicats - je ne me prononce pas sur le fond - envers un statut particulier pour certains travailleurs; par exemple certains handicapés travailleraient souvent à un salaire moindre, ce qui va à l'encontre des conventions collectives. Il y a peut-être d'autres exemples que je pourrais donner, mais, si on

prend l'exemple du salaire à temps partiel, je pense que ça touche pas mal de gens au niveau de la société.

Encore une fois, sans me prononcer sur le fond, je ne crois pas qu'il y ait un syndicalisme très agissant dans le sens de la promotion de cette forme de travail. Ce serait l'essentiel des questions que je veux vous adresser, j'aimerais avoir vos commentaires.

M. Daoust: Vous me posez là, M. le ministre, des questions fort complexes et qui ont plusieurs facettes.

M. Bédard: On peut peut-être commencer par le premier volet...

M. Daoust: Oui.

M. Bédard: ... concernant le mécanisme...

M. Daoust: ... les groupes non syndiqués.

M. Bédard: ... d'implantation de programmes chez des groupes non syndiqués.

M. Daoust: Évidemment, dans la présentation du mémoire, j'ai dévié un peu du texte pour vous dire que, selon nous, la plus implacable discrimination - je devrais peut-être nuancer - une forme de discrimination que les travailleurs subissent, c'est les incroyables difficultés qu'ils connaissent sur le plan de l'accès au syndicalisme. Ce serait peut-être un peu rapide et un peu court de vous répondre que la solution à votre problème et la réponse à votre question est de faire en sorte que le Code du travail soit amendé de façon telle que les travailleurs puissent avoir un véritable accès au syndicalisme et que dès le moment où ils seront plus largement syndiqués dans notre société, au Québec, ils pourront négocier avec les employeurs des programmes d'action positive. On n'est peut-être pas encore rendu là.

M. Bédard: Je suis d'accord avec vous que c'est une partie de la réponse par rapport à vos positions...

M. Daoust: Je veux tout de même préciser ou développer cette idée. J'ai mis la main, malheureusement très tardivement... Pour être bien précis avec vous, c'est hier soir et ce matin, en venant ici à Québec, à bord de l'avion, que j'ai pris connaissance d'un document qui nous vient de cette très grande centrale syndicale pour laquelle on a un immense respect dans tous les milieux, la centrale syndicale suédoise LO, où il est question du marché du travail et des politiques du marché du travail en Suède.

Je m'excuse vis-à-vis de moi-même d'avoir pris connaissance de ce document un peu tardivement, parce que j'ai essayé de le fouiller en catastrophe pour voir ce que les Suédois faisaient dans ce domaine et j'ai vu, dans la plupart des textes que j'ai lus, qu'on ne peut parler de la Suède, alors que la Suède est encore, pour plusieurs, un incroyable modèle. C'est un bon modèle, pour être bien franc, tout au moins sur le plan syndical, puisque le taux de syndicalisation est trois ou quatre fois supérieur à celui qu'on connaît au Québec.

M. Bédard: Vous n'avez pas à vous excuser d'en avoir pris connaissance tardivement; je suis sûr que vous êtes en avance sur plusieurs membres de cette commission et c'est avec beaucoup de plaisir qu'on va vous entendre en discourir.

M. Daoust: Je n'ai pas vu dans les autres documents, beaucoup de références à la Suède. J'ai lu les documents de la Commission des droits de la personne. Je sais que ses membres sont allés aux États-Unis. Bravo! ce n'est pas loin de chez nous, il faut tout de même voir ce qui se passe aux États-Unis, eux qui nous influencent tellement au plan des mentalités, des comportements et qui sont tellement omniprésents sur le plan économique. On ne peut pas toujours aller chercher des modèles lointains et qui ne collent pas à nos réalités.

Mais je n'ai pas vu dans leurs documents qu'on faisait état de programmes d'action positive imposés dans plusieurs pays. Il y en a sûrement. Il y a le cas des États-Unis, mais ce que je voulais vous dire, c'est que je n'ai pas vu en Suède que ce soit le cas. C'est peut-être le cas, je m'excuse si je me trompe à ce moment-ci.

De ce document dont je prenais rapidement connaissance, si vous me permettez, je vais vous lire un passage. C'est en anglais, ce n'est pas très long et je n'ai pas la compétence de vous traduire ça, comme les interprètes, de façon simultanée: "Equality agreement came into force on April the 1st, 1977. Such agreement has been concluded between LO - grande centrale syndicale - et SAF, Sweedish Employeer's Confederation and LO - la même centrale -et KEO, the collective bargaining organization for cooperative employees. In the agreement, the two sides declare that there is inadequate equality between men and women in workinq life. (11 heures) "The two sides have agreed to alter this state of affair within their area of operations. The principle of equal pay for equal work of equal value shall be maintained and other differences shall be counteracted by a process of offering men and women equal conditions of employment

and training. "In addition, working conditions shall be so designed as to make it easier for both men and women to combine gainful employment and family responsibilities. A law on equality has now been passed by the non socialist government. This happened despite - et c'est ça qui me semble important - the fact that the two sides in industry stated that the work of achieving equality would be best achieved by having the question governed by collective agreement."

Je ne veux pas m'appuyer exclusivement sur les Suédois, mais ça me semblait important de rappeler qu'en Suède, eux qui ont atteint un tel degré de concertation, de coopération, de collaboration, ou un tel degré - oublions ces mots qui sont tabous dans certains milieux -de maturité dans le domaine des relations du travail, eux qui, je vous le répète, servent de modèle à tellement de gens, semblent apparemment dire que tout le problème de l'égalité sur les lieux du travail entre les hommes et les femmes... Plus loin dans le document il est question évidemment des travailleurs migrants et des jeunes et des handicapés. Cela se fait et cela devrait se faire par voie de négociation collective.

Là, j'arrive à votre réponse. Je m'excuse d'avoir fait un détour. C'est entendu qu'avec 20% des travailleurs syndiqués au Québec, il y en aura 80% qui vont être exclus de ce bienfait que nous, on qualifie de cette façon, qu'on appelle la négociation de la convention collective.

Je ne cesse de penser qu'il y a des effets d'entraînement. Dans les 20% de travailleurs syndiqués, il y a d'abord tout le secteur public et parapublic, qui est fortement syndiqué, où il y a beaucoup de progrès à faire, il faut l'avouer, et les travailleurs syndiqués se retrouvent dans un tas de grandes industries déterminantes au point de vue des conditions de travail et des conditions de salaire, provoguant des effets d'entraînement.

Je ne suis pas en train de vous dire que 20% c'est mieux que rien, mais s'il y avait des programmes d'action positive négociés dans ces 20%, je pense qu'il y aurait des effets d'entraînement dans le reste de la population non syndiquée.

Vous nous avez aussi posé la question à savoir qu'il y a beaucoup de méfiance. Peut-être vouliez-vous dire aussi que...

M. Bédard: J'avoue que j'en ai retenu plusieurs. La deuxième question que je vous avais posée, c'est: Est-ce que vous ne trouvez pas qu'en privilégiant uniquement l'approche syndicale, l'approche de la négociation syndicale, à ce moment-là on se trouve à placer certains groupes de discriminés dans une situation où ils sont obligés d'attendre le résultat des négociations, où tout leur état est en quelque sorte conditionné par le résultat des négociations et par les priorités syndicales aussi. C'est normal...

M. Daoust: C'est normal.

M. Bédard: ... que les syndicats aient des priorités en termes de luttes, etc., mais, avec votre approche, ne se trouve-t-on pas à conditionner tous ces groupes-là, à assujettir - le mot est trop fort, mais je dirais - à subordonner tous ces groupes-là aux priorités syndicales d'une certaine façon?

M. Daoust: Oui, les priorités syndicales, dans ce domaine-là comme dans d'autres domaines, vont devoir subir le choc du test de l'opinion publique et des évolutions.

Je disais à quelqu'un, juste avant le début de cette commission parlementaire, qu'il faut tout de même se l'avouer, ça ne fait pas tellement longtemps qu'on parle d'action positive, même que le mot est à peine connu dans la population.

M. Bédard: Non.

M. Daoust: Le mot est à peine connu dans la population et déjà certains le contestent. Le Conseil du patronat parle de redressement. Il n'a peut-être pas tort. Je ne veux pas m'attacher aux mots et aux traductions. Le concept qu'on retrouve à l'intérieur de ces expressions, action positive ou redressement, vient de faire son apparition, mais pas le fait, pas la réalité. On est tous tributaires de préjugés, le mouvement syndical comme l'ensemble de la population. Il n'y a rien qui ressemble plus à la population, dans le fond, que les travailleurs syndiqués, surtout ceux qu'on retrouve à la FTQ, sans être méchant à l'égard de nos camarades de la CEQ ou de la CSN.

M. Bédard: Vous avez le droit de passer vos messages. Les autres font la même chose.

M. Daoust: Écoutez, on est tributaire de préjugés. On a véhiculé et on véhicule encore des attitudes sexistes. On est tout mal à l'aise à l'égard de tout le problème des travailleurs immigrants. On a tenu un colloque là-dessus et on s'est aperçu à quel point il y avait un défrichage à faire à l'intérieur du mouvement syndical. Ce que je veux vous dire, c'est que c'est de relative apparition, l'idée de l'action positive. Il me semble qu'avant de vouloir imposer autoritairement, par une commission ou par un gouvernement ou par un édit, des programmes d'action positive aux employeurs et aux travailleurs, il faut préparer

longuement les mentalités. C'est un peu cela qui est le fond de notre position. On dit: Écoutez, on en discute depuis une dizaine d'années et je suis généreux quand je dis une dizaine d'années. Il faut donc faire un immense cheminement et une très longue réflexion à l'intérieur de toute la population, du mouvement syndical aussi. C'est un peu normal que les priorités syndicales de temps à autre puissent oublier certains de ces aspects quand toute la population elle-même les a oubliés pendant tellement longtemps: le problème des handicapés, des autochtones, des femmes.

Il suffit de lire les statistiques. On pourra se culpabiliser pendant des heures ici et dire: Mon Dieu qu'on n'a pas été correct. C'est très vrai qu'on n'a pas été correct. Mais on sait qu'il y a un immense travail à faire. On le sent chez nous en milieu syndical. Peut-être particulièrement à la FTQ, soit dit en passant, sans vouloir être plus masochiste qu'il le faut devant cette commission, parce qu'on retrouve des travailleurs du secteur privé, de la construction abondamment, on en retrouve de tous les milieux, que ce soit des milieux qui sont ici, la téléphonie, le commerce, enfin, on retrouve des travailleurs de tous ces secteurs et on sent que là aussi il y a des blocages. Nous, on dit: Préparons les mentalités par de vastes programmes d'éducation, par, évidemment, des incitations et des pressions de l'opinion publique. Si tous les groupes poussent dans le dos du mouvement syndical et que le mouvement syndical lui-même, qui doit être éveillé à ces réalités, s'ouvre à ces nouvelles philosophies, je pense que cela donnera des résultats.

M. Bédard: Naturellement, vous dites qu'à long terme de tels programmes qui sont mis en application à la suite d'une négociation, d'une approche de négociation, vont nécessairement avoir un effet d'entraînement sur les groupes, les milieux non syndiqués. Je pense que vous avez raison là-dessus. En même temps - sans distribuer des torts, car je pense que c'est toute la société qui en est en quelque sorte responsable - vous dites qu'il y a effectivement des situations de discrimination qui existent depuis longtemps et qui auraient dû être corrigées. Vous ne croyez pas qu'à ce moment il faut donner un coup de barre? Ce coup de barre pourrait être, dans un premier temps, des programmes dont l'élaboration est faite à partir de toutes les précautions qu'on pourra y mettre, c'est-à-dire consultations avec employeurs, avec syndicats. Naturellement, le rôle de la Commission des droits de la personne, le rôle du gouvernement sont importants, puisqu'il s'agit de contrer une situation discriminante, mais une fois toutes ces précautions prises, si on veut donner un coup de barre, ne doit- on pas, à ce moment-là, penser à des programmes à caractère obligatoire, quitte à voir leur effet, tout en ayant à l'esprit que peut-être, dans un avenir à plus long terme, la meilleure des solutions serait celle, par exemple, qui permettrait à tous les éléments d'une société qui sont concernés de s'entendre, que ce soit par négociation ou autrement, pour faire disparaître le caractère obligatoire? Mais dans un premier temps, justement à cause des retards peut-être pris, ne croyez-vous pas que le coup de barre peut difficilement être donné si on ne s'oriente pas vers des programmes à caractère obligatoire?

M. Daoust: Oui. Notre position à nous, c'est que... Je ne dis pas que les programmes d'action positive arrivent comme le couronnement d'un tas d'efforts, mais il faut que, préalablement, cette préparation se fasse par tous ceux qui sont déterminants dans notre société à tous les niveaux, les gouvernements, les entreprises, les syndicats et d'autres groupes déterminants. Et cette préparation, ce ne sont pas seulement des formules d'éducation, des programmes de publicité, des incitations et des exhortations. Il faut qu'il y ait en place un tas de mécanismes au Québec, et on ne cesse de les réclamer. On n'a même pas l'embryon d'une politique de main-d'oeuvre. Cela se comprend, on se partage le pouvoir entre deux gouvernements, un qu'on connaît fort bien et l'autre qui est ici. Il y a un dédoublement incroyable, des chevauchements et des problèmes qui découlent peut-être du fédéralisme tel qu'on le connaît, et ce n'est pas ici qu'on devrait en parler fort longuement. Mais, quant à nous à la FTQ, on a réclamé que le gouvernement du Québec reconquière au nom des Québécois toute la compétence dans le domaine de la main-d'oeuvre afin qu'on puisse se donner enfin une politique de main-d'oeuvre. Une politique de main-d'oeuvre, c'est terriblement global, soit dit en passant. Ce document qui nous vient de cette centrale syndicale que j'ai citée fait état d'un des petits aspects de cette politique de main-d'oeuvre. C'est incroyable le nombre de programmes que cela peut inévitablement aborder pour faire en sorte que cela puisse fonctionner à l'intérieur d'une société. Il y a tout le problème de l'éducation.

J'arrive aux programmes d'action positive. Je vais commenter votre question, mais cela en est, des choses qu'il faut mettre en place, une politique de main-d'oeuvre et tout le problème de l'éducation. C'est sur les bancs de l'école, dans la famille et à la télévision que les stéréotypes dont on doit vous parler depuis le début de cette commission nous sont agressivement présentés. On n'a pas beaucoup de moyens de défense là-dessus, mais les gouvernements

ont beaucoup à faire quant au système d'éducation. On a parlé des manuels sexistes là-dedans. On a parlé de toute la formation professionnelle. On sait que les femmes vont toutes dans à peu près trois, quatre ou cinq occupations, 60% - il y a des chiffres abondants là-dessus - dans les services, les bureaux, les commerces. On sait qu'il y en a peu dans la transformation des produits, dans la fabrication de ceux-ci et dans d'autres fonctions, mais cela se prépare dans les écoles, cela se prépare au moyen de l'éducation. Ce n'est pas tout. On a négocié avec ce gouvernement-ci - le dernier front commun - qui a été à l'égard des femmes un peu plus généreux - je dois le souligner et c'est même périlleux de parler de générosité à la veille des négociations - sans doute plus généreux que l'autre gouvernement qui l'avait précédé, à l'égard de la condition féminine. Il n'a pas accueilli avec un sourire sarcastique comme l'avait fait l'autre gouvernement et son porte-parole les demandes du mouvement syndical à l'égard du congé de maternité. On a eu 20 semaines, mais ces 20 semaines pour les employées, pour les salariées des secteurs public et parapublic, on le veut pour l'ensemble des salariées québécoises. Je vois que Mme Marois prend des notes et je souhaiterais bien qu'un de ces bons jours - peut-être dans le discours inaugural, je ne veux pas anticiper sur ce qu'on nous dira le 29 - on nous parlera d'une politique de congés de maternité pour l'ensemble des femmes québécoises et de garderies. Je comprends qu'il y a des sommes qu'on n'a pas, mais, tout au moins, qu'on trace un peu les balises. (11 h 15)

Congés de maternité, garderies, préparation à l'école, éducation, préparation par de grands programmes d'information et de formation, on prépare les mentalités, on prépare les travailleurs, on prépare les travailleuses elles-mêmes à quitter les emplois un peu traditionnels, sans les accuser plus qu'il ne le faut. Cela mène aux programmes d'action positive. Vous nous dites: II faudrait peut-être, dans certains cas, y aller obligatoirement, les imposer là où il y a des discriminations évidentes. Nous disons: Non, quant à nous, pour le moment, faisons tout cet immense travail.

Nos positions ne sont pas figées dans le ciment, incidemment. Ce que je veux vous dire, c'est que dans cinq ou dix ans, si c'est un échec, notre pari sur la négociation, notre pari sur des ouvertures d'esprit des parties, dont le Conseil du patronat, si on ne peut pas s'en parler à d'autres occasions, dans des sommets, des conférences socio-économiques, et faire en sorte qu'il y ait des changements dans les mentalités, peut-être - ce n'est sûrement pas la position de notre centrale -faudra-t-il y penser.

M. Bédard: Ce sont des positions que vous prenez au moment où on se parle, mais des positions, comme vous le dites, qui ne doivent pas être figées dans le ciment. C'est la même chose pour n'importe quelle position que peut prendre n'importe quel organisme parce qu'il y a des situations qui peuvent évoluer, qui peuvent changer, etc. Je retiens que vous nous avez dit que, pour le moment, c'est votre position, mais que la porte est ouverte à une analyse plus approfondie de part et d'autre, si le législateur décide d'agir dans ce sens.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: J'aimerais, à mon tour, remercier la FTQ pour son mémoire, qui est court, mais tout à fait au point et complet sur les points soulevés.

Entre parenthèses, le ministre a soulevé le problème des travailleurs qui gagnent moins que le salaire minimum. Peut-être n'est-il pas au courant que dans les ateliers de prisons québécoises, il y a des détenus qui travaillent pour moins que le salaire minimum, c'est même le cas à Orsainville.

M. Bédard: On en parlera en temps et lieu. Il n'existait absolument aucun programme de travail rémunéré, c'est nous qui l'avons mis au point.

M. Marx: Un fait est un fait.

M. Bédard: Nous sommes le premier gouvernement à y avoir pensé.

M. Marx: On ne peut contester les faits, il y a des détenus qui travaillent, à Orsainville ou dans un atelier attenant à Orsainville, pour moins que le salaire minimum. Qu'il vérifie auprès de son sous-ministre.

M. Bédard: Sous le gouvernement précédent, ils travaillaient pour rien.

M. Marx: Dites ce que vous voulez, ce sont les faits.

M. Bédard: On en reparlera.

M. Marx: En ce qui concerne l'action positive, vous avez écrit que la FTQ accepte de grandes responsabilités sociales dans ces domaines. C'est très positif vis-à-vis de ces programmes d'action positive. Vos recommandations démontrent qu'une certaine réflexion très sérieuse... C'est à la page 5 et, à mon avis, ça doit être répété pour que ce soit bien compris par toute la population: "II s'agit d'un long processus de redressement social, aux multiples préalables sociaux. Bienheureux ceux qui croient que les langues

de feu du Saint-Esprit descendront sur nous tous, et que, en un instant, le Québec sera transfiguré. La baguette magique ne fait pas encore partie de notre arsenal syndical. Par ailleurs, cette vision même d'une société qui deviendrait soudainement plus juste par arrêté en conseil nous fait même un peu peur. Nous préférons encore nous fonder sur l'éducation, la mobilisation et l'action."

C'est une position très réaliste, parce que moi, au moins, j'ai eu l'impression ainsi que d'autres intervenants qu'on pouvait tout changer par un arrêté en conseil, par une loi quelconque, par un programme. Je pense que c'est très important que les gens soient au courant, que ça va prendre du temps et que c'est tout un processus qu'il faut mettre en marche.

En ce qui concerne l'action positive, vous avez proposé que ce soit fait sur une base volontaire et vous avez parlé du rôle du syndicat, qu'on établisse de tels programmes à l'intérieur des conventions collectives. Je comprends bien ça, parce que c'est important. Si le syndicat n'est pas impliqué dans ces programmes de redressement, on va avoir beaucoup de problèmes dans les lieux de travail et je vois que les syndicats ont sûrement un rôle à jouer, mais on nous a dit qu'il y a très peu de femmes qui sont syndiquées. Quoique, dans votre délégation, on voie trois femmes sur cinq personnes, vos syndicats ne comportent pas 60% de femmes. Si j'ai bien compris, elles sont sous-représentées par rapport à la population. Donc, ce sont les syndicats qui vont négocier et, dans ces syndicats, le rapport de forces est en faveur des hommes, mais je me demande comment on va impliquer des femmes à la base dans ces négociations, parce qu'on nous a dit aussi que très peu de femmes sont syndiquées. Je ne veux pas faire un procès d'intention en ce qui concerne les hommes, je pense que les hommes sont de bonne foi car, à cause de ma déformation, je sais que dans le Code civil, c'est écrit: "la bonne foi est présumée et il faut prouver la mauvaise foi", donc je présume la bonne foi...

M. Bédard: Cela va pour les femmes aussi!

M. Marx: Cela va pour les femmes aussi, oui! Mais comment allez-vous impliquer plus de femmes de la base et avoir plus d'input des femmes dans ces négociations, dans ce processus?

M. Daoust: M. Marx, à la FTQ, selon l'enquête que nous menons à ce moment-ci -et dont nous aurons les résultats de façon un peu plus précise dans quelques semaines, pour le prochaine congrès de la FTQ - nous avons découvert - nous le savions, mais il faut le vérifier sur place - qu'en gros le tiers des membres de la FTQ est composé de femmes. Il y aurait donc, à l'intérieur de la FTQ -sujet à correction éventuelle - au-delà de 100 000 femmes. Nous faisons aussi, dans cette enquête, il faut vous le dire, l'examen de la présence des femmes dans les structures de notre centrale, à tous les niveaux. Moi, je connais ce résultat au niveau de la FTQ, dans son bureau et dans son conseil général, mais on le connaît fort peu - parce que c'est tout de même complexe - dans ses centaines, ses milliers de sections locales de syndicats où il y a des dizaines et des dizaines de militants et de militantes qui occupent des postes de responsabilité. On ne vous dira pas qu'on est meilleur que l'ensemble de la société, on est peut-être à son image et sûrement à son image, les hommes prédominent partout, massivement, fortement; pas dans tous les syndicats, là où il y a plus de femmes, inévitablement, il y a un partage, il y a des exceptions, mais on peut dire que c'est un peu le reflet de la société québécoise. Et on sait que...

Une voix: ...

M. Daoust: J'entends ici qu'on me dit: C'est un peu pareil au gouvernement et c'est un peu pareil de l'autre côté, autour de la table.

M. Marx: ... de la Justice. Il n'y a pas de sous-ministre ou de sous-ministre adjoint, enfin on ne peut pas trouver de femme capable.

Mme Marois: ... ça existe partout.

M. Daoust: Oui, vous avez bien raison. Là-dessus, on est d'accord. Comme je vous le disais, c'est un peu à l'image de la société, inévitablement, partout.

M. le député nous demandait ce qu'on va mettre en oeuvre. C'est entendu que là où vous retrouvez, dans des comités de négociation, des femmes, elles vont - c'est tout à fait normal - insister pour que des actions soient prises, que des revendications soient faites tenant compte de la présence féminine à l'intérieur de leur milieu de travail ou de l'absence ou de la sous-représentation, ce qui est le cas à peu près partout.

À la FTQ, on a un comité de la condition féminine qui ne cesse d'agir, de provoquer des prises de conscience, de suggérer et de recommander que des mini-programmes d'action positive, si je peux les appeler ainsi, soient établis un peu partout dans nos syndicats.

On en est vraiment à la phase de la prise de conscience, de la conscientisation. On n'est pas rendus et on n'est pas les seuls... Remarquez que je ne voudrais pas

que certains s'imaginent que c'est à peu près exclusivement chez nous que c'est comme cela.

M. Bédard: Autrement dit, il se fait du harcèlement, mais dans le bon sens du mot, de la part des comités d'action de la condition féminine pour assurer une meilleure présence.

M. Daoust: C'est-à-dire qu'il faut absolument que toute la structure, à tous les niveaux, s'engage dans des actions de redressement, partout. En tout cas, je sais que c'est une de nos préoccupations. Je sais que la question que vous nous avez posée, c'est une de nos préoccupations, faire en sorte qu'aux tables de négociation, partout, on ait cette prise de conscience, et on l'aura quand il y aura, évidemment, plus de femmes qui vont militer et qui vont être agissantes et actives à l'intérieur des structures.

Je ne vous raconterai pas tout ce qu'on fait parce que cela pourrait être fastidieux, mais il y a des documents qui sont publiés, il y a des sessions d'étude. On examine tous les cours de formation. Ce qu'on veut, pour le gouvernement, c'est que vous examiniez les manuels scolaires et les cours de formation. On le fait chez nous pour toutes nos publications, tous nos cours.

M. Marx: Je pense que c'est important que la Législature s'assure que les programmes de redressement seront faits en partie, qu'au moins 50% des gens qui vont le faire soient des femmes. Que ce ne soit pas quelque chose imposé ou négocié par les hommes, mais que les femmes soient impliquées, je pense que c'est très important. Je suis très heureux de voir que c'est une de vos préoccupations et j'espère que les femmes syndiquées dans votre fédération vont mettre beaucoup de pression sur vous et sur tout le monde.

Une voix: C'est déjà fait.

M. Marx: Au gouvernement, quand on cherche un sous-ministre, il faut chercher au ministère d'État à la Condition féminine. Au ministère de la Justice, il n'y a pas...

M. Bédard: C'est vraiment une idée fixe.

M. Marx: J'insiste...

M. Bédard: À un moment donné, je vais vous donner...

M. Marx: ... parce que j'ai tellement de femmes étudiantes en droit.

M. Bédard: ...tous les éléments de composition de mon cabinet et je pense que vous allez réfléchir.

M. Marx: C'est parce que j'ai tellement d'étudiantes en droit qui sont excellentes et je trouve malheureux que le ministre ne puisse choisir une de celles-là comme sous-ministre adjoint.

M. Bédard: Je ne connais pas toutes vos compagnes de droit.

M. Marx: On va vous faire la liste.

M. Bédard: Si vous voulez me faire des représentations...

M. Marx: Je pense qu'il faut commencer...

M. Bédard: ... il y a des manières.

M. Marx: ...par son ministère. Au lieu de changer la charte, mettre des virgules et des points, qu'il commence par son ministère.

M. Bédard: Je crois qu'il est beaucoup plus important de faire des lois qui, justement, reconnaissent l'égalité de la femme et qui en assurent non seulement la promotion...

M. Marx: On va revenir sur cette question.

M. Bédard: ...mais la pérennité plutôt que de se consoler avec des compositions parfois artificielles de cabinets ou de quoi que ce soit.

M. Marx: On va revenir sur cette question lors de l'étude des crédits. Vous êtes ministre depuis maintenant cinq ans.

M. Bédard: Cela me fera plaisir.

M. Marx: Vous avez eu le temps de trouver une femme comme cadre supérieur.

En ce qui concerne le harcèlement, c'est une autre question que j'aimerais vous poser. Vous avez parlé des pratiques patronales relevant du harcèlement sexuel à l'endroit des travailleuses. J'aimerais vous demander si vous avez eu beaucoup de plaintes - c'est à la page 10 de votre mémoire - disons des plaintes sérieuses et si vous avez des recours en vertu de vos conventions collectives, en vertu de la charte ou en vertu d'autres lois. En d'autres mots, qu'est-ce que vous faites quand vous avez une plainte sérieuse de harcèlement? (11 h 30)

Mme Pinsonneault (Marie): II y a eu des plaintes de harcèlement sexuel qui nous ont été apportées. Le harcèlement sexuel, c'est relativement nouveau. Les gens ont peur. Les personnes qui sont victimes de harcèlement

sexuel ne sont pas le genre de personnes qui vont aller crier sur tous les toits qu'elles ont été victimes de harcèlement sexuel.

D'une part, le mouvement syndical, en tout cas à la FTQ, met énormément d'emphase sur le fait que lorsqu'il y a du harcèlement sexuel, le premier recours est de venir voir sa déléguée syndicale ou son délégué syndical et, de là, nous allons mettre le processus en marche. Pour ma part j'ai eu à faire une mission et à travailler avec une personne victime de harcèlement sexuel et je sais que malheureusement c'est très difficile à prouver, le harcèlement sexuel. C'est très difficile. Au départ, lorsqu'on se présente à la Commission des droits de la personne, la femme qui est victime de harcèlement sexuel se sent dépourvue de tout moyen et elle se demande même si la démarche auprès de la Commission des droits de la personne donnera gain de cause. À ce jour, dans les cas de harcèlement sexuel que nous avons eus - Carole en a eu deux dont elle pourra discuter - la commission a été d'une illustre incompétence - je m'excuse d'employer ce terme - dans ces cas de harcèlement sexuel.

C'est quelque chose que les travailleuses vivent presque quotidiennement dans certains milieux de travail où il n'y a à peu près aucun recours pour les femmes dans le domaine du harcèlement sexuel.

M. Marx: Je veux juste poser une autre question dans ce sens. Il faut prouver qu'il y a eu harcèlement. On ne peut pas juste prendre la parole de la travailleuse qui a dit qu'elle a été harcelée. Cela peut être vrai ou pas vrai. Comment peut-on prouver le harcèlement d'après vous? Est-ce qu'il y a des éléments? Supposons qu'on dépose une plainte à la Commission des droits de la personne, elle va faire enquête. S'il n'y a pas de faits qui donnent certaines indications qu'il y a harcèlement, la commission ne peut rien faire et je trouve que c'est compréhensible.

Mme Gingras-Larivière (Carole): C'est peut-être justement le fait qu'au niveau de la charte, il n'y a rien en tant que tel qui se rapporte directement au harcèlement sexuel. On ne le définit pas, on dit tout simplement: C'est de la discrimination par rapport au sexe. Or, les cas que nous avons eus au niveau de la FTQ, sont ceux de femmes qui sont soutenues au niveau de leur syndicat, qui sont allées rapporter ce qu'elles ont vécu et elles avaient effectivement l'appui de leur syndicat, par exemple.

Ce que l'on a fait, on s'est assis avec elles, on a regardé ce qu'elles avaient vécu et là, elles nous expliquent de A à Z ce qui se passe. À ce moment-là, ce que nous faisons, c'est qu'on accompagne ces filles-là à la commission et c'est là qu'on discute et c'est là qu'encore une fois on reprend ce qui s'est passé, ce qu'elles ont vécu. Ce que moi je pense au niveau du harcèlement, c'est qu'à partir du moment où une femme, une handicapée ou peu importe, va au travail et se sent mal dans sa peau, a de la difficulté à vivre son temps au travail parce que soit par des gestes, par des paroles - ce n'est pas nécessairement par des propositions directes - mais à partir du moment où tu te sens mal dans ta peau parce qu'il y a des gens qui te font la vie dure par rapport à ton corps, je regrette, mais j'appelle ça du harcèlement sexuel. Et, en 1981, les gens qui vivent ça, qui ne sont plus capables d'aller gagner leur vie à cause de ça, je pense qu'au niveau de la commission on n'a pas à faire des scènes, on n'a pas à épiloguer durant des heures sur le fait que ce sont des cas de harcèlement sexuel.

Malheureusement, actuellement, il faut prouver, parce que des cas de harcèlement sexuel, on ne peut pas dire que ce sont des cas flagrants dans tous les cas. Vous avez des cas, par exemple, où ce sont des gestes spontanés, des gestes non consécutifs et qui finissent par des congédiements de femmes et par des mises à pied. En tout cas, il y a différentes solutions que les employeurs prennent et, finalement, ces gens se retrouvent sans travail. Souvent c'est camouflé, c'est ça que je veux dire. Si au niveau de la charte on définissait ce qu'est le harcèlement et qu'on prenait des mesures correctives à cela, cela nous aiderait grandement.

M. Marx: C'est ça. Tout le monde est d'accord qu'il y a un problème; je ne veux pas engager le ministre, mais je pense qu'il a donné l'indication qu'il va étudier ce problème d'une façon sérieuse et qu'on va essayer d'apporter des corrections dans la charte ou ailleurs. Supposons qu'on mette dans la charte que le harcèlement est interdit et supposons qu'on définisse même le harcèlement, comment cela va-t-il avancer votre cause? Parce qu'il y a toujours la preuve. Voyez-vous, malheureusement, c'est ça, il faut faire la preuve, sauf si on a un aveu du patron qui dit: Oui, je l'ai fait et je vais le faire encore. Voilà, on a la preuve, mais cela va arriver rarement qu'on trouve des gens aussi honnêtes.

Mme Gingras-Larivière: On a vécu dans notre syndicat le cas de harcèlement sexuel. Il n'y avait pas seulement une personne, une femme qui avait été harcelée, mais plusieurs femmes à l'intérieur d'une usine, à Aylmer, et lorsque la compagnie a eu vent qu'on était pour se présenter devant la Commission des droits de la personne, le "boss" en question a été transféré à Atlanta. Dans le cas de harcèlement sexuel, ce qui arrive, c'est que les patrons se servent de leur autorité pour menacer, intimider, écoeurer

même les femmes au point où elles vont démissionner d'elles-mêmes ou elles sont congédiées. Et cela a un impact socio-économique sur la femme au niveau de son régime de retraite, au niveau de ses avantages sociaux et ainsi de suite. Il est important que dans la charte le harcèlement sexuel soit clairement défini de façon que ce soit beaucoup plus facilement prouvable lorsqu'il y a des causes ou des problèmes qui nous sont apportés de femmes qui sont victimes de harcèlement sexuel.

M. Marx: D'accord.

Le Président (M. Desbiens): Mme la députée de La Peltrie.

Mme Marois: Merci, M. le Président. Je vais essayer de faire un certain nombre de commentaires et de poser des questions. Si vous voulez prendre des notes, vous avez du papier. Hier, on s'est plaint qu'on ne vous donnait pas de papier semble-t-il. Je vais peut-être être un petit peu dure aussi, mais je pense que vous êtes capables d'en prendre, vous êtes capables de réagir, de toute façon. La première réflexion qui me vient, c'est: Est-ce que c'est la poule qui vient avant l'oeuf ou l'oeuf qui vient avant la poule? Je suis d'accord et je pense que, s'il y avait la possibilité de syndicalisation générale au Québec ou si elle était davantage facilitée, ce que vous proposez deviendrait beaucoup plus facile. Vous nous dites, en même temps, cependant: Ceci n'existant pas, il reste que les groupes qui sont déjà syndiqués de par leurs négociations ont des effets d'entraînement. Oui, je pense qu'on l'a constaté, ils en ont, sauf que dans le cas de l'action positive, jusqu'à maintenant en tout cas, vous ne m'avez pas convaincue et moi, j'ai de grandes craintes que l'effet d'entraînement ne soit pas particulièrement important dans ce cas.

Le député de D'Arcy McGee reprenait une des questions que j'avais posées hier à la CSN en disant: Comme les femmes - je veux parler particulièrement des femmes - sont le groupe discriminé de façon systémique en général dans le monde du travail et que là où on voudrait que les femmes le soient de moins en moins, c'est dans des secteurs où justement des hommes sont majoritaires si non présents à 100% si on veut - vous le dites vous-mêmes - on espère que les femmes étant présentes dans les unités de négociation vont faire valoir ces points. Mais qu'est-ce qui va arriver là où il n'y a que des hommes dans les unités syndicales lorsqu'on veut négocier?

Une autre remarque d'un des collègues, hier, avait été de dire: Pour changer les comportements, la meilleure façon, c'est de changer les règles. Il faudrait peut-être penser à changer les règles. Je suis d'accord qu'il y a des évolutions de mentalités à respecter, mais il y en a qu'il faut provoquer aussi parce qu'on se rend compte que les gestes, qu'ils soient législatifs ou autres, n'ont pas d'effet, qu'ils soient même syndicaux, ces gestes. Je vais quand même le dire avec le sourire, mais une chose qui m'a quand même étonnée, c'est que vous êtes jusqu'ici la seule centrale qui a prôné la mise en oeuvre de programmes d'accès à l'égalité ou de redressement de façon volontaire, un peu comme l'ont fait le Conseil du patronat et la Chambre de commerce du Québec. Je me pose un certain nombre de questions. M. Daoust disait: II faut arrêter de se culpabiliser et se dire: C'est cela, la réalité. Ce n'est pas bien drôle et c'est bien plate. C'est vrai, sauf que, si la culpabilité ne génère pas d'action, effectivement, elle ne devient que masochiste. Pour moi, la culpabilité est la reconnaissance d'une égalité et dans le cas présent - je pense qu'on l'a prouvé - vous êtes d'accord avec nous là-dessus, cela ne fait pas de doute. Il y a discrimination et elle est même basée sur le système. Pour moi, cela doit générer de l'action et une action qui est plus agressive, si on veut, que de dire essentiellement: Un jour ou l'autre, on verra bien, cela se négociera, laissez-nous le temps. Le temps passé jusqu'à maintenant n'a pas donné les résultats qu'on escomptait.

Quand vous donnez aux syndicats un rôle de maître d'oeuvre, je suis tout à fait d'accord qu'il y ait des consultations, des ententes et des négociations là où il y a un syndicat. Je pense que c'est essentiel, sinon on sait fort bien qu'on risque d'aller à l'échec. Encore là, dans les entreprises où il n'y a pas de syndicat et où il y a une discrimination systémique, qu'arrive-t-il? Là-dessus, ce n'est pas très clair. Vous dites qu'il y a un effet d'entraînement, mais jusqu'à maintenant ce n'est pas vrai partout. Même là où il y a un syndicat, la discrimination s'exerce à l'embauche, lors d'une mise à pied, lorsque le syndicat n'a pas de contrôle. Qu'arrive-t-il? Quels sont les mécanismes?

Vous faites mention, dans votre document à la page 7, des problèmes à l'extérieur du monde du travail, entre autres l'accès à l'éducation, l'accès au logement et aux services publics. Est-ce que là on attend aussi du volontariat? Attend-on une forme d'obligation? La forme d'obligation qui est proposée par la commission n'est pas une obligation, de la façon dont je l'ai comprise, qui ferait en sorte que, demain matin, des programmes d'accès à l'égalité seraient obligatoires dans l'ensemble des entreprises du Québec, quelles soient publiques, parapubliques ou privées, mais ils seraient, entre autres, implantés, soit sur preuve de discrimination, et, là, avec une notion d'obligation, soit lorsqu'il y a contrat avec le

gouvernement, et il y a d'autres formules qui sont proposées.

Cela fait un peu le tour d'un certain nombre de questions que je voulais vous poser à ce sujet. Je vais cependant revenir avec un exemple qui m'agace un peu et peut-être aurez-vous des explications à me donner. Il y a une expérience derrière vous vécue par la FTQ et c'est à la Baie-James. C'est la fameuse convention de la Baie-James et les règlements de l'Office de la construction du Québec qui prévoient tous les deux que, dans la région visée, on va accorder la préférence à un Indien sur toute personne au niveau de l'emploi. Or, d'après ce que je sais - mon jugement peut être erroné, vous me le direz - il y aurait actuellement seulement une cinquantaine d'Indiens qui travailleraient sur les chantiers de la Baie-James et la plupart, si ce n'est la majorité, sont engagés par la Cri Construction Company, c'est-à-dire par une compagnie autochtone elle-même. Pourtant, la FTQ est là. Est-ce que cela n'aurait pas été une bonne occasion de faire de l'action positive ou du redressement progressif?

M. Daoust: Je vais commencer par votre dernière question. La FTQ est là, mais la SEBJ est là aussi. La SEBJ, c'est près de vous. La SEBJ, la Société d'énergie de la Baie James, Hydro-Québec, le gouvernement du Québec ont tout de même des apparentements. Vous dites: La FTQ, dans des programmes d'action positive, n'aurait-elle pas dû à la Baie-James faire en sorte qu'il y ait plus d'autochtones? Que je sache, la FTQ n'a pas de pouvoirs d'embauchage. Elle n'est pas l'employeur. Elle se débat comme un diable dans l'eau bénite à la Baie-James. On a passé notre temps à soulever les cas de discrimination à l'égard des travailleurs blancs ou amérindiens, à l'égard des femmes et à l'égard de tout ce qui s'y passe. On a présenté mémoire après mémoire. On a vu gouvernement après gouvernement au plus haut niveau, du premier ministre, en passant par tous les ministres responsables d'Hydro-Québec, ils ont tous reçu de la même façon, en faisant peu de redressements, des situations comme celle-là. Vous nous avez parlé d'un langage qu'on doit avoir entre nous, sans identifier, de cette façon que je n'aime pas; je voulais vous souligner que vous vous trompez de cible. (11 h 45)

Quand M. Bourbeau est venu, le nouveau président d'Hydro-Québec, vous auriez dû, vous-même, ou déléguer un ou une de vos collègues, lui poser toutes ces questions à l'égard de la discrimination à la Baie-James, de toute nature, entre parenthèses. On vit dans une société élitiste, et vous y participez quelque peu, puisque vous êtes le gouvernement et que vous laissez de telles choses se produire. Les cadres peuvent y venir avec leur femme et leurs enfants. Les travailleurs vivent dans des boîtes où la promiscuité est la règle. Je suis allé coucher dans ces trucs parce que je n'avais pas le choix. On a toujours demandé que ces travailleurs aient les mêmes droits que les cadres, qu'ils aient le droit, de temps à autre, de voir leur femme afin de ne pas avoir d'attrait pour autre chose.

Mme Marois: Je m'excuse, M. Daoust, je suis très consciente de toute cette réalité et cette problématique. D'ailleurs, vous pourriez me donner des exemples...

M. Daoust: C'est parce que vous avez montré une espèce...

Mme Marois: Vous pourriez me donner des exemples dont je suis pleinement consciente, et à pleines pages.

M. Daoust: Non, mais ne vous trompez pas de cible.

Mme Marois: Vous répondez en partie à la question que je vous posais, mais, en même temps, vous dites: On n'était pas là...

M. Daoust: Je reviens à toutes vos questions.

Mme Marois: Je vais attendre le reste. Mais vous me dites: On n'est pas là à l'embauche. Je ne dis pas que les entreprises gouvernementales sont beaucoup mieux que les entreprises privées, mais, parfois, elles font plus d'efforts. Dans la fonction publique, on l'a vu par les programmes d'égalité en emploi.

M. Daoust: ... à la Baie-James.

Mme Marois: Vous répondez vous-même à la question en disant: Nous ne sommes pas à l'embauche, donc, nous n'avons pas notre mot à dire. À ce moment-là, si on laisse les programmes d'action positive sur une base volontaire et essentiellement là où il y a un syndicat avec possibilité de négociation, si vous n'êtes pas présent là, qu'est-ce qui arrive?

M. Daoust: Je vois que vous parlez évidemment des droits de gérance, les droits d'embauche. C'est entendu que c'est un problème dans l'établissement des programmes d'action positive.

Quant à la Baie-James, on a fait un peu le tour. Je tiens à vous répéter que c'est flagrant comme milieu, comme endroit de discrimination, sur tous les plans. Encore une fois, c'est la SEBJ et un grand nombre d'entrepreneurs, ça ne touche pas toujours des problèmes d'action positive, mais il y a

différents types de discrimination. Mais passons.

Je n'ai pas oublié votre question, parce qu'elle me semble fondamentale. Ce que j'ai dit au tout début, c'est que c'est bien beau d'être généreux et de vouloir imposer des programmes d'action positive, mais il y a beaucoup de préalables.

C'est moi qui vais vous renvoyer quelque peu la balle, quitte à répéter ce que j'ai mentionné au début. Quand le gouvernement du Québec, ce gouvernement, qui est tout de même là depuis plus que quelques mois, dévoilera-t-il son projet de politique de main-d'oeuvre qu'on ne cesse de réclamer à cor et à cri partout? On en connaît les faiblesses, sans aucun doute: deux gouvernements, et le reste, et le reste. Mais le peu qu'on a, il me semble qu'on pourrait tout mettre ça ensemble, toutes ces pièces détachées, et se donner une politique de main-d'oeuvre. Il y a des fonctionnaires, à gauche et à droite, qui ont travaillé pendant des mois sinon des années là-dessus. Il y a des livres blancs et des livres de toutes les couleurs qui s'empoussièrent dans les officines gouvernementales. Mais on tarde encore à avoir un projet d'une politique de main-d'oeuvre.

C'est dans cette immense politique -enfin, cette politique de main-d'oeuvre ne pourra pas être immense puisqu'il va nous en manquer un morceau - qu'il y a beaucoup de choses qu'on devrait faire inévitablement. Arriver au bout de toute cette opération et dire: II y a des programmes d'action positive, on a une Commission des droits de la personne, demain matin, on va gonfler le personnel et on part en guerre, partout on va imposer des programmes d'action positive. Moi, je dis que, s'il n'y a pas une préparation préalable... Entre parenthèses, je suis conscient qu'on a un tas de gens, ici et ailleurs, qui ne sont pas de notre avis et je trouve ça drôle que vous m'en fassiez quasiment un reproche; vous dites: La CSN, la CEQ, elles sont allées dans le sens...

Mme Marois: Ce n'était pas un reproche que je faisais, ce n'était pas un reproche, c'était un constat.

M. Daoust: Mais c'est un constat qui est fait de façon un peu sarcastique...

Mme Marois: Tendancieuse.

M. Daoust: Et peut-être tendancieuse. Vous disiez: La FTQ, vous voilà avec le Conseil du patronat, quelle horreur.

Mme Marois: Je n'ai pas conclu comme ça cependant. J'espère!

M. Daoust: Mais moi, c'est un peu comme ça que je vous ai entendue.

Mme Marois: J'ai dit que vous étiez capable de vous défendre.

M. Daoust: Vous avez dit que vous étiez quelque peu attristée, ou je ne sais plus dans quels mots vous l'avez dit, Mme Marois.

Mme Marois: Cela m'agace.

M. Daoust: Cela vous agaçait de voir que, d'un côté, il y a la CSN; d'un côté, il y a la CEQ qui ont découvert une espèce de lumière et elles sont en faveur de ça, et il y a la FTQ qui se rapproche du Conseil du patronat. Écoutez, on n'a pas de fréquentations plus qu'il ne le faut avec elles, on nous accuse même d'en avoir plus qu'il ne le faut avec vous plutôt, qu'avec le Conseil du patronat.

Mme Marois: Remarquez qu'ils ne sont pas tout seuls à défendre ces positions, la plupart des groupes de femmes, la majorité, si ce n'est la totalité, se sont prononcées en faveur.

M. Daoust: Ce que je veux vous dire...

M. Bédard: Écoutez, on n'est quand même pas ici pour se culpabiliser de part et d'autre. Chacun ayant admis qu'il y a des situations discriminantes et chacun exprimant sa bonne foi pour essayer de les corriger, je pense qu'il n'y a personne qui puisse présenter patte blanche, que ce soit le gouvernement, les syndicats ou quelque groupe que ce soit au niveau social, et je pense que vous l'avez souligné à juste titre, M. Daoust.

Je dois vous dire aussi que, concernant le problème des programmes à implanter dans des milieux non syndiqués, je crois qu'on peut dire, jusqu'à maintenant, qu'il n'y a pas tellement de groupes qui ont trouvé des solutions plus éclairantes que celles que vous nous avez proposées, à savoir qu'il y a des effets d'entraînement, si on commence au moins par les milieux syndiqués, etc. Mais je pense qu'au niveau gouvernemental, comme au niveau de chacun des organismes, on n'a pas avancé de solutions tellement claires que tout le monde est d'accord pour dire que ça ne peut être que la seule solution à aborder. Dans ce sens, je pense que vous n'avez pas de culpabilité à vous faire de quelque manière que ce soit.

M. Daoust: Je vous remercie, mais, juste pour terminer, on revient donc à ces espèces de politiques de main-d'oeuvre et à un tas de jalons qu'il faut poser dans notre société. Vous êtes responsable de la condition féminine, on a parlé de garderies, on a parlé de congés de maternité - vous me parlez des effets d'entraînement - ce que nous avons

négocié dans les secteurs public et parapublic. On souhaite qu'il y ait des effets d'entraînement, j'en ai parlé un peu plus tôt et vous êtes placée à un endroit stratégique qui vous permettra, sans aucun doute, de donner suite à des politiques qui vont permettre aux femmes, entre autres - parce qu'il ne s'agit pas de tous les groupes -d'être plus présentes sur le marché du travail.

Mais, encore une fois, je ne peux pas répondre à toutes vos questions, il y a tout de même l'élément temps. C'est entendu qu'il y a des syndicats majoritairement et exclusivement composés d'hommes; c'est entendu qu'on n'a pas accès à l'embauche; en dépit du fait qu'on souhaiterait que le taux de syndicalisation soit plus élevé, ce n'est pas pour demain qu'on aura accès à l'embauche, mais peut-être que le fond de notre position, c'est quand les parties, le Conseil du patronat au Québec, la FTQ et les autres centrales aussi, se retrouveront dans des organismes que votre gouvernement pourra mettre sur pied - et qu'on souhaite de part et d'autre, quant à nous et au Conseil du patronat - à l'égard de politiques de main-d'oeuvre on essaie d'assimiler et d'apprivoiser ces modèles d'un peu partout -quand on se retrouvera à des endroits comme ça où on sera plus que des gens consultés, mais qu'on participera un peu aux décisions, peut-être qu'il y a un tas de ces phénomènes qu'on pourra tenter de corriger. C'est un peu le modèle suédois qu'on propose; ce n'est peut-être pas l'exclusif modèle valable, mais c'est un peu ce modèle. Encore une fois, c'est entendu qu'on ne peut pas tout corriger; là où il y a des hommes massivement, il va falloir jouer des coudes, et tous ensemble. C'est un problème de société et on ne peut pas le surmonter à moins d'une prise de conscience collective.

Je vais terminer en disant que ce ne sont pas toujours les lois. Prenez la Loi sur les normes du travail, c'est très bien, très généreux. Un gouvernement - je pense qu'on était d'accord là-dessus - adopte une loi contenant un tas de dispositions sauf que, dans la réalité, allez voir les gens qui travaillent et qui sont exploités par des employeurs, qui travaillent pour des entreprises où on essaie par tous les moyens de ne pas respecter la loi du salaire minimum. Ils vont vous en parler longtemps de la loi.

Mme Marois: Vous devez quand même convenir qu'il y a eu un pas important de fait et que cette loi a provoqué des améliorations importantes auprès des travailleurs et des travailleuses du Québec. Je comprends qu'elle n'est pas parfaite...

M. Daoust: C'est entendu, mais...

Mme Marois: ...qu'il y a des problèmes d'application et qu'il y a des problèmes de vérification. J'en conviens et, comme disait mon collègue, on ne peut pas avoir patte blanche personne là-dedans. Mais il reste que cet effort était quand même intéressant. Il ne faut pas non plus le minimiser et dire que ce n'était rien.

M. Daoust: Non, je ne le minimise pas. Mais je vous jure que pour un travailleur, c'est bien plus intéressant d'avoir un syndicat qui puisse parler en son nom que d'avoir un texte de loi ou des parlementaires qui vont voter en son nom. Quand on est impliqué dans une action syndicale, qu'on se sent sur un pied d'égalité avec son employeur, il me semble que c'est cela qu'on souhaite et qu'on veut. Quant à nous, il nous tarde de voir un gouvernement qui va accueillir nos propositions là-dessus, mais on ne désespère pas.

Mme Marois: Je vais me permettre un dernier commentaire. Écoutez! Le modèle suédois, je le trouve extraordinaire, sauf qu'effectivement, vous l'avez vous-même reconnu, il y a un taux de syndicalisation qui est passablement plus élevé que celui qu'on connaît. Je conviens avec vous qu'il y a sûrement des améliorations à apporter de ce côté-là. J'imagine que mon collègue, le ministre du Travail, de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, s'y est arrêté et s'y arrête encore.

Quand vous parlez aussi de la faiblesse des politiques de main-d'oeuvre, je ne vous en fais pas le reproche. Évidemment, je me suis aussi beaucoup documentée sur les programmes d'accès à l'égalité ou d'action positive. Entre autres, un des grands éléments nécessaires à la mise en place - ce sera peut-être par mode sectoriel, à ce moment-là, ou par mode régional - c'est justement une analyse des bassins de main-d'oeuvre et le développement de grandes politiques de main-d'oeuvre, sans quoi les programmes d'accès à l'égalité ou de redressement progressif risquent d'être biaisés et d'être faux. C'est donc un outil qui, en plus, peut provoquer une mise en place ou une recherche un peu plus importante de ce côté-là.

D'autre part, vous parliez de congés de maternité et de garderies. Si on regarde aussi dans les programmes d'accès à l'égalité, ce sont, entre autres, en ce qui concerne les femmes, évidemment - je ne parle pas ici des autres clientèles qui peuvent être visées par ce genre de programme - des éléments des programmes d'accès à l'égalité qui doivent être contenus dans des programmes d'accès à l'égalité. L'accès à l'égalité, ce n'est pas juste et essentiellement l'embauche ou la promotion. C'est beaucoup plus large, beaucoup plus

vaste, et cela comprend, entre autres, des politiques de main-d'oeuvre, des politiques relativement aux congés parentaux ou aux congés de maternité, des politiques relativement aux garderies et un ensemble d'autres mesures qui ont trait, cependant, aussi, à la formation professionnelle. Vous insistez beaucoup là-dessus. Je ne peux être que d'accord essentiellement sur ce que vous soulevez. On le sait. Il y a des groupes de femmes qui en ont fait la démonstration ici comme personne d'entre nous ne pourra le faire à cette table. Je peux seulement être d'accord avec vous.

Je reviens essentiellement à mon premier commentaire. Qu'est-ce qui vient avant l'autre? Qu'est-ce qui est plus fondamental, plus important?

Mme Gingras-Larivière: J'aimerais, en tout cas, vous répondre peut-être en partie. Je pense que vous vous retrouvez au même point où on s'est retrouvé dernièrement au niveau de la condition féminine à la FTQ. C'est-à-dire qu'on a eu des positions de congrès, on a eu de belles idéologies -garderies, avortement, en tout cas, un tas de points - sauf que les femmes nous ont dit: Un instant! On n'est pas rendues là. On a des idéologies, mais les femmes ne sont pas là. Par exemple, dans les comités de négociation - je ne les citerai pas tous - les femmes ne sont pas là. Il y a un bout qui manque et, pour ma part, ce n'est pas la loi qui va nécessairement combler ou solutionner ce bout-là. Je pense que c'est dans l'action -vous l'avez dit tantôt, Mme Marois - qu'on va aller chercher les femmes et c'est le rôle qu'a un comité de la condition féminine dans une centrale. Ce ne sont pas seulement les femmes au niveau de la centrale, mais aussi les femmes qui sont soit à la maison, soit dans un milieu de travail non syndiqué. Cela rejoint une loi favorisant l'accès à la syndicalisation. (12 heures)

M. Daoust parlait tantôt de la Loi sur les normes minimales de travail. Bien sûr qu'il y a une loi, bien sûr qu'il y en a qui s'en servent, mais jusqu'à quel point les gens l'utilisent-ils ou la connaissent-ils? Permettez-moi de mettre en doute cet aspect. Moi, je vous dis en tout cas qu'on va faire le bout d'aller conscientiser les femmes, d'aller les chercher. Cela ne se fait pas, comme vous l'avez dit, du jour au lendemain. Donnez-nous le temps de faire cela, on ne vous dit pas qu'on va résoudre le problème de A à Z, mais on vous dit: Donnez-nous le temps de faire cela, sauf qu'à un moment donné, on va entrer au niveau de la loi et on sera plus prêt. Présentement, les femmes de la FTQ et les hommes de la FTQ, parce que je dois vous rappeler que la position de la FTQ, c'est en congrès qu'elle a été votée et c'est aussi au niveau du colloque de la condition féminine, c'est une position de congrès et je veux dire que ce n'est pas Fernand Daoust qui pense et parle, c'est la FTQ, et, pour ma part, en tout cas, c'est vrai...

Mme Marois: J'avais compris cela aussi. Je suis très sensible à ce que vous dites, parce que effectivement je vis la même chose comme ministre d'État à la Condition féminine, je suis très consciente de cela. La seule chose que je me dis c'est: Là où il y a preuve de discrimination systémique, peut-être qu'on pourrait être un petit peu plus agressif. Je termine.

Le Président (M. Desbiens): Mme la députée de Chomedey.

Mme Bacon: Étant la quatrième à intervenir, je vais essayer d'être très brève, M. le Président. Deux points retiennent mon attention parmi tant d'autres. À la page 9 de votre mémoire, vous parlez d'évaluation au mérite et demandez de biffer de l'article 19 ce terme "évaluation au mérite". Est-ce que votre centrale a fait des travaux en ce sens, à savoir que la main-d'oeuvre féminine est davantage touchée par rapport à la main-d'oeuvre masculine? Est-ce que, pour vous, cela vous semble plus discriminatoire envers les femmes qu'envers les hommes? Est-ce qu'il y a eu des travaux qui ont été faits à ce sujet-là?

M. Daoust: Je ne pense pas qu'on ait des données précises dans ce domaine. Je pense que je ne suis pas en mesure de vous répondre bien adéquatement, parce que les études que j'ai vues ne vont ni dans un sens ni dans un autre. On n'a pas examiné de très près cette piste. On sait que l'évaluation au mérite, les femmes en sont victimes, parce que c'est terriblement subjectif et c'est inévitable - je pense bien que la recherche le prouvait - que les femmes en soient plus victimes que les hommes, à cause des stéréotypes, des préjugés, en fait à cause de tout un ensemble de la réalité qui est celle du marché du travail, de telle sorte et à cause du fait que, dans la plupart des cas, ceux qui procèdent à l'évaluation au mérite sont des hommes. Il y a toutes sortes de facteurs qui jouent quand on tient compte de celui-ci, de ce facteur, dans l'évaluation d'une personne.

Mme Bacon: À la page 10, sur le harcèlement sexuel, on en a parlé beaucoup tout à l'heure avec mon collègue de D'Arcy McGee, mais j'aimerais y revenir, peut-être parce que vous recommandez qu'un employeur puisse être tenu responsable par les actes de harcèlement qui proviennent de supérieurs ou qui proviennent de collègues de

travail. On a tantôt discuté longuement sur le fait que faire la preuve n'est pas facile, qu'il y a même des travailleuses qui ont de la difficulté à aller jusqu'au bout, je pense bien, de leur recours en justice. Il y a toujours cette crainte de procéder pour certaines travailleuses, même si elles peuvent avoir pleinement confiance en leur agent syndical et que le syndicat s'implique. Il y a tellement d'endroits encore qui ne sont pas syndiqués et où ce n'est pas facile pour elles d'aller directement à la Commission des droits de la personne. Est-ce que vous maintenez que le patron est responsable - je suis d'accord avec vous qu'il est responsable - de tout ce qui se passe dans son industrie ou son commerce, mais, encore une fois, comment peut-on y arriver, arriver à le tenir responsable quand c'est si difficile de faire la preuve et d'aller jusqu'au bout en faisant cette preuve? Est-ce que vous avez des suggestions ou est-ce que vous avez poussé davantage?

M. Daoust: C'est-à-dire que, dans le document, on dit bien qu'il peut être tenu responsable, si, après avis, il néglige de remédier à la situation ou de redresser celle-ci. Ce qu'on privilégie évidemment - pour ce qui est de la charte on souhaite bien que ce soit expressément interdit - c'est de plus en plus, des articles de convention collective de travail sur le harcèlement sexuel. Cela aussi, c'est relativement nouveau, comme on l'a dit. Il y a vraiment peu de syndicats, les recensements que nous avons faits nous indiquent que c'est vraiment la minorité des syndicats qui ont des articles sur le harcèlement sexuel, parce que c'est très nouveau et que les préoccupations ne s'étaient pas manifestées ouvertement, bien qu'il existe depuis toujours. De plus en plus, les différents comités de condition féminine que nous avons à la FTQ insistent pour qu'au moment des négociations les employeurs reconnaissent le problème et négocient des dispositions dans la convention collective de travail. Je sais qu'il y a des modèles. On fait circuler des projets à tous nos syndicats pour que ceux-ci puissent les négocier au moment opportun avec les employeurs, mais on en est au début.

Pour ce qui est du type de responsabilité, je reviens à ce que je mentionnais: Quand il y a vraiment négligence de remédier à la situation, c'est l'employeur, comme employeur, comme gestionnaire d'une entreprise, qui doit subir les contrecoups de pratiques de harcèlement sexuel.

Le Président (M. Desbiens): M. le ministre, en concluant.

M. Bédard: M. le Président, je pense que tous les membres de la commission ont été à même de constater que votre approche était motivée par une philosophie très claire et motivée aussi par l'espoir d'une amélioration globale, qu'on parle de syndicalisation, de politique de main-d'oeuvre ou de conscientisation plus grande de l'ensemble de la population concernant les situations discriminantes.

Je tiens à remercier M. le secrétaire général de la FTQ, de même que ceux qui l'accompagnent pour leurs représentations devant cette commission. Je crois vraiment être le porte-parole unanime des membres de cette commission en vous disant que vous y avez suscité une discussion positive, constructive et très importante pour la continuation des travaux de cette commission.

M. Daoust: Merci beaucoup.

Le Président (M. Desbiens): Nous vous remercions de votre participation.

J'inviterais maintenant la Fédération de l'âge d'or du Québec à s'approcher, s'il vous plaît.

Les représentants de la Fédération de l'âge d'or du Québec, s'il vous plaît.

M. Bédard: M. le Président, on pourrait peut-être passer à un autre mémoire.

Le Président (M. Desbiens): Nous allons suspendre pour quelques secondes.

(Suspension de la séance à 12 h 09)

(Reprise de la séance à 12 h 18)

Le Président (M. Desbiens): La commission élue permanente de la justice reprend ses travaux. Nous entendrons le mémoire présenté par M. Henri Lafrance. M. Lafrance, si vous voulez en même temps nous présenter celui qui vous accompagne.

MM. Henri Lafrance et Don Forbes

M. Lafrance (Henri): Bonjour. Je vais vous présenter M. Don Forbes, qui a signé avec moi le mémoire que je vous présente ce matin, qui a eu l'honneur de se faire refuser sa candidature à la Commission des écoles catholiques de Québec parce qu'il n'était pas assez catholique d'après les commissaires sortants, tout comme moi d'ailleurs.

M. le Président, mesdames et messieurs, je vais vous lire mon mémoire. Aux élections scolaires de juin 1976, M. Daniel Doran, un commissaire nommé en remplacement d'un commissaire élu, devant aller en élection, vit sa candidature refusée par la Commission des écoles catholiques de Québec parce qu'il ne professait pas la

religion catholique romaine. Aux élections scolaires de juin 1980, cinq candidatures furent refusées par la même commission scolaire, parce que les personnes concernées ne professaient et/ou ne pratiquaient pas ladite religion. Aux élections scolaires de juin 1981, sept candidatures furent refusées pour les mêmes raisons. Les candidats refusés avaient pourtant été jugés suffisamment catholiques pour payer des taxes et voter à la CECQ. Il est inadmissible que, dans un pays démocratique ayant signé la déclaration universelle des droits de l'homme, une telle situation puisse se produire au mépris de la plus élémentaire liberté de conscience et de religion.

Vu l'importance du principe de la liberté de religion, sur ce point précis, la Charte des droits et libertés de la personne devrait avoir préséance sur toute loi ou règlement même antérieur à l'adoption de la charte.

La Commission des droits de la personne devrait avoir les pouvoirs nécessaires pour intervenir efficacement contre toute discrimination religieuse.

Avant l'adoption des lois 22 et 101, les non-catholiques pouvaient envoyer leurs enfants dans les écoles anglo-protestantes plus ouvertes au pluralisme, donc plus respectueuses des droits fondamentaux, mais ce n'est plus possible maintenant. La loi 101 aurait-elle pour but d'imposer la foi et la pratique du catholicisme romain?

Nous espérons que les auteurs de la loi 101, c'est-à-dire l'Assemblée nationale, n'avaient pas de telles visées et qu'ils s'empresseront de garantir la liberté de conscience et de religion dans les structures scolaires comme dans les autres secteurs.

Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.

M. Bédard: M. le Président, je remercie les deux intervenants d'avoir décrit à l'attention de la commission une situation très bien explicitée dans leur mémoire. Sans doute que les membres en prendront considération. Avez-vous des suggestions précises à faire concernant la formulation de l'article 20? On voit qu'à l'article 3 toute personne est titulaire des libertés fondamentales, telles la liberté de conscience, la liberté de religion, la liberté d'opinions, la liberté d'expression, etc.

M. Lafrance: Dans la charte, c'est un principe, mais c'est un principe qui n'a aucune implication concrète. C'est un voeu pieux qu'on exprime dans l'article 3 de la charte, parce qu'on ne le fait pas respecter dans les écoles, entre autres, dans les commissions scolaires.

M. Bédard: Je m'excuse, mais je vous inviterais à lire tous les articles de la charte. Nous sommes conscients de ce qui est énoncé à l'article 3. Vous l'avez mentionné. La portée en est amenuisée, diminuée par les distinctions dont on fait état à l'article 20 de la charte.

M. Forbes (Don): L'article 41 engage les commissions scolaires à avoir des cours d'enseignement moral pour tous ceux qui sont dissidents, mais dans l'application, cela ne se fait pas ainsi, il faut vraiment se battre avec les commissions scolaires qui vont proposer du "bussing" comme à L'Ancienne-Lorrette. À Beauport, il y a deux cours de morale pour trois de religion. Où est l'exemption effective là-dedans? La Charte de la Commission des écoles catholiques de Québec date d'avant la constitution. Cela s'appliquait peut-être dans le temps, mais leur charte dit que ce devait être des commissaires catholiques, professant la religion catholique. Cela ne colle plus maintenant vraiment à la réalité démocratique du Québec. En général tout le monde a été baptisé catholique, mais l'influence religieuse sur la population n'est plus là; les temps ont changé.

M. Bédard: En fonction de l'article 41, selon votre expérience, est-ce que les cours de morale qui peuvent être exigés par les parents sont effectivement donnés?

M. Forbes: Ils peuvent être exigés si les parents se regroupent, si vraiment ils forcent la note, s'ils laissent savoir au principal que la commission scolaire ne disparaîtra pas... À Beauport, ils ont dit: D'accord, on va vous donner un cours de morale, mais deux périodes de morale contre trois périodes de religion; ils ne s'adonnent pas, l'un ne couvre pas l'autre, l'un ne remplace pas l'autre, ceux qui sont dissidents.

M. Lafrance: II faut se battre pour faire respecter le peu qui est garanti dans la charte. Il faut se battre pour l'avoir. Et d'ailleurs, je vous rappelle que nos écoles sont officiellement confessionnelles, cela veut dire que l'on fait de l'enseignement religieux dans toutes les matières, y compris le français et les mathématiques. C'est que le droit à l'exemption est un bien faible droit puisqu'on peut faire de la religion dans les autres matières. Dans la plupart des cinquièmes années, il y a la classe bateau et c'est Jésus-Christ qui est le capitaine. Cela inclut toute la classe, y compris les exemptés; cela fait des situations un peu baroques pour ceux qui bénéficient des cours de formation morale.

Pour revenir à l'article 20, je partage l'opinion de M. Jacques Légaré que j'ai rencontré ce matin et qui va présenter

aujourd'hui ses recommandations, c'est-à-dire que l'article 20 ne s'applique qu'aux organisations ayant des membres bénévoles, sympathisants ou cotisants et que l'article ne s'applique qu'aux personnes liées à contrat personnel ou collectif de travail.

Je voudrais également que la liberté de religion et de conscience ait préséance sur tout règlement d'une simple commission scolaire comme celle de la CECQ qui, par règlement, a décidé d'exclure de ses rangs tous les non-catholiques ou les non-pratiquants, parce que moi personnellement, cette année, je me suis fait refuser la candidature à la CECQ, non pas parce que je n'étais pas catholique, mais parce que je n'étais pas catholique pratiquant.

Ce que j'ai mentionné ici, je peux vous le lire. C'est très court. C'est la question: Êtes-vous catholique? À votre question concernant ma religion, je vous répondrai d'abord que c'est une affaire personnelle qui ne devrait pas être prise en considération lors d'une élection. Toutefois, comme la loi vous autorise à poser une telle question, j'y répondrai. Comme la majorité de la population de Québec inscrite sur la liste électorale de la CECQ, je ne pratique aucune religion particulière de façon régulière. Toutefois, j'ai été baptisé, confirmé et marié dans la religion catholique. Comme la majorité de la population, je considère qu'il appartient au couple et non au clergé de décider s'ils doivent s'unir sous forme d'union libre ou de mariage civil ou religieux, ou mettre fin à des situations invivables par le divorce, ou encore de planifier les naissances par les méthodes contraceptives de leur choix.

Enfin, je vous ferai remarquer que vous m'avez toujours reconnu les qualités d'électeur de la CECQ en m'inscrivant sur la liste électorale depuis que j'habite Québec et que le service des finances de la CECQ m'a reconnu les qualités de contribuable en m'expédiant un compte de taxe et en acceptant le paiement de celui-ci.

Par cette déclaration, j'indiquais que j'étais un peu comme M. Tout-le-Monde dans la ville de Québec.

M. Bédard: C'est presque votre mémoire, on se comprend. Alors, je prends note également que vous appuyez la suggestion qui nous sera faite postérieurement par M. Légaré avec qui on aura l'occasion d'en parler un peu plus.

Je vous remercie - en tout cas, personnellement, je n'ai pas d'autre question - de votre contribution aux travaux de cette commission.

Le Président (M. Desbiens) : Madame la députée de Chomedey.

Mme Bacon: Deux courtes questions; en fait, cela se résume peut-être à une seule, pour ne pas prendre tout le temps de la commission.

Vous indiquez dans votre mémoire que la Charte des droits et libertés de la personne devrait avoir prépondérance sur les lois sectorielles, par exemple. Dans le dernier paragraphe de votre première page, vous parlez de la loi no 22 et de la loi 101; est-ce que, pour vous, cette loi sectorielle rétrécit le pluralisme parce que vous parlez de pluralisme, aussi au niveau de certaines écoles?

M. Lafrance: Ce n'est pas que... Mon dernier paragraphe peut prêter à confusion.

Mme Bacon: Est-ce que vous pourriez en parler un peu plus? (12 h 30)

M. Lafrance: Ce n'est pas qu'on s'oppose à la loi 101, mais c'est qu'auparavant j'avais le choix, d'accord, d'envoyer mes enfants dans une école anglaise, mais où on respectait le pluralisme, la liberté de conscience - dans les faits c'était cela - ou de les envoyer dans une école française où on enseigne dans ma langue maternelle, qui n'est pas la langue maternelle de Don qui est anglophone. J'avais ce choix-là. C'est un choix un peu baroque. Je n'aimerais pas retourner à ce simple choix-là, mais il était encore préférable... À un moment donné, c'était le cas des immigrants qui souvent choisissaient l'école anglaise sans connaître la langue anglaise, parce qu'on respectait dans ces écoles davantage leur liberté de conscience, leur liberté de religion.

Mme Bacon: Ce qui veut dire qu'une loi sectorielle peut rétrécir...

M. Lafrance: Oui, dans un sens elle rétrécit, en pratique, sans probablement mauvaise volonté, dans le domaine confessionnel. En pratique, à cause de la situation de fait qu'on vit au Québec, cela rétrécit un petit peu.

Le Président (M. Desbiens): M. le député D'Arcy McGee.

M. Marx: Je m'excuse de mon absence, mais la question m'intéresse beaucoup. J'ai pris connaissance de votre mémoire, je pense qu'il y a eu d'autres refus par d'autres commissions scolaires dans d'autres provinces. Je me rappelle d'un cas à Windsor, en Ontario, où des professeurs se voyaient refuser des postes d'enseignants parce qu'ils n'étaient pas des catholiques pratiquants, parce qu'ils vivaient ensemble sans être mariés, quelque chose de semblable.

J'aimerais juste soulever le problème que dans la constitution canadienne on a

garanti certains droits. À l'époque on a pensé que c'étaient des droits fondamentaux, quoi qu'on puisse penser aujourd'hui. On a enchâssé dans la constitution canadienne au moins deux droits: un en ce qui concerne les droits linguistiques et un en ce qui concerne les droits scolaires. On a protégé l'enseignement confessionnel pour les catholiques et pour les protestants, au Québec et disons en Ontario, par l'article 93 de la constitution. Je vous pose la question: Quand est-ce qu'on décide que les droits fondamentaux ne sont plus des droits fondamentaux? En d'autres mots: Quand est-ce qu'on peut enlever des droits fondamentaux qu'on a accordés autrefois? Parce que pour les catholiques aujourd'hui, au Québec, pour les protestants qui tiennent à ces droits fondamentaux qu'on a enchâssés dans la constitution, cela reste des droits fondamentaux, et ce n'est pas à qui que ce soit de leur dire: Bien non, ce ne sont pas des droits fondamentaux aujourd'hui. Un des droits fondamentaux, c'est, pour les commissions catholiques et les commissions protestantes, d'engager des professeurs, des enseignants de leur foi. C'est une des garanties constitutionnelles. C'est-à-dire, qu'ils ont le droit de ne pas engager des musulmans, des juifs, des hindous, et ainsi de suite. C'est un droit qui est garanti par la constitution.

M. Lafrance: D'abord, je voudrais souligner que les écoles confessionnelles, ce n'est pas un droit fondamental au sens où on l'entend habituellement puis au sens où on l'entend dans la Déclaration universelle des droits de l'homme. Dans la charte actuelle, ce n'est pas déclaré un droit fondamental d'avoir... Vous voulez sans doute parler du carcan constitutionnel actuel.

M. Marx: Pas le carcan et je ne veux pas faire un débat; c'est faux, ce n'est pas un carcan. Moi, je suis neutre dans ce problème. Je vais vous dire, qu'ils n'ont pas couvert ma confession religieuse. Je suis un peu neutre dans ce débat, mais je pense que cela serait mauvais de parler de droits fondamentaux. C'est plutôt des droits garantis dans la constitution. Si ce sont des droits...

M. Lafrance: Oui, d'accord, on va s'entendre.

M. Marx: ... fondamentaux ou pas, cela est une autre question, mais ce sont des droits garantis dans la constitution et on nous suggère maintenant, quoi qu'on ne puisse pas le faire, d'enlever ces droits parce qu'ils ne collent pas à la réalité québécoise d'aujourd'hui.

M. Lafrance: Je suis conscient, pour reprendre l'expression que j'employais, que le carcan constitutionnel, sans vouloir faire de débat constitutionnel aujourd'hui, c'est bien clair que la constitution actuelle limite les pouvoirs de l'Assemblée nationale. Mais, lorsque Don Forbes et moi, on s'est fait refuser la candidature à la CECQ, à l'intérieur de la constitution actuelle, on nous avait déjà reconnu le titre de contribuables. Cela veut dire que la Commission scolaire de Québec ne se gêne pas pour venir percevoir nos taxes, même si, à ce moment-là, elle nous considère comme de bons catholiques pour venir percevoir nos taxes, à l'intérieur de la constitution actuelle. Elle nous considère même comme catholiques à titre d'électeurs. On est de bons catholiques comme électeurs, on est de bons catholiques comme contribuables, mais on ne l'est plus du tout lorsqu'il s'agit de poser notre candidature.

M. Marx: C'est un problème d'interprétation, vous êtes de bons catholiques pour la commission, elle s'est rendu compte de ça.

M. Lafrance: On est de très...

M. Marx: Pour moi, c'est une question fondamentale et j'aimerais avoir votre appréciation. Peut-on rayer ces droits? Supposons qu'on en a le pouvoir, faut-il rayer ces droits des commissions scolaires confessionnelles parce qu'on pense que ces droits sont, comment puis-je le dire? moins fondamentaux aujourd'hui qu'ils étaient il y a cent ans?

M. Forbes: Si on regarde le jugement du juge Deschênes, il disait que la constitution garantit que c'est l'État scolaire qui existait dans le temps, c'est en effet la commission scolaire, pas gouvernementale, mais vraiment religieuse, c'était supporté par l'archevêché, par l'Église catholique et, de l'autre côté, par les Églises protestantes. Cela existait jusqu'au niveau de la sixième année. Présentement, on a le cas, qui est assez normal d'une certaine façon, que la Commission des écoles catholiques de Québec et toutes les autres administrent jusqu'au niveau secondaire. Qu'est-ce qu'on fait avec ces gens-là, les parents dont les enfants vont aux écoles secondaires, mais qui ne sont pas catholiques? En effet, la Commission des écoles catholiques - je pense qu'il y en a six autres dans la province - est protégée par la préexistence, avant la confédération. Qu'est-ce qu'elles font avec le niveau secondaire?

M. Marx: C'est ça, ce que vous avez soulevé, c'est un bon point, parce que la garantie...

M. Forbes: Je pense qu'on pourrait

parler plus de privilèges ou d'état de choses existant antérieurement à maintenant, que de droits, de la façon qu'on comprend maintenant.

M. Marx: Vous avez soulevé un bon point, parce que effectivement la garantie constitutionnelle couvre probablement jusqu'à la sixième année et possiblement seulement jusqu'à la quatrième année. Pour d'autres, ce n'est pas une garantie constitutionnelle, c'est selon le bon vouloir de la volonté politique de M. Bédard et de ses collègues.

M. Lafrance: On pourrait aller plus loin, parce que les commissions scolaires catholiques de Québec et de Montréal sont beaucoup plus grandes que celles de 1867. La portion de territoire que j'habite ne faisait pas partie de la Commission scolaire catholique de Québec en 1867, donc je ne serais pas couvert dans mon coin.

M. Forbes: II y a aussi l'idée que la Commission des écoles catholiques est une commission plutôt privée et quelqu'un, dans le privé, peut faire ce qu'il veut, il a bien le droit de le faire. Mais est-ce qu'une commission publique a le droit de se limiter à l'accès aux affaires publiques? C'est l'État maintenant, le ministère de l'Éducation, qui est bailleur de fonds perçus dans la très grande majorité des cas par taxation générale. Est-ce qu'il a le droit de dire: On a ce petit privilège, ça existe, oui, mais d'où vient l'argent maintenant? Il ne vient pas de la dîme, de l'archevêché.

M. Marx: Quand l'argent vient de l'État, ce n'est pas comme autrefois, c'est venu des catholiques pour des catholiques, des protestants pour des protestants. Oui, merci.

Le Président (M. Desbiens): Nous vous remercions de votre participation aux travaux de la commission. J'inviterais maintenant M. Jacques Légaré à s'approcher, s'il vous plaît. M. Légaré, vous pouvez y aller.

M. Jacques Légaré

M. Légaré (Jacques): Mon nom est

Jacques Légaré. Je suis professeur d'économique et d'histoire dans un collège privé de la région de Québec.

M. le Président, M. le ministre, mesdames et messieurs les parlementaires, il me fait plaisir de vous présenter un mémoire très bref. Il est très bref parce qu'il ne touche que l'article 20 dont on a parlé dans d'autres mémoires. Mais je tiens à approfondir cette question avec vous parce que c'est un article qui limite beaucoup les articles fondamentaux de la charte. Si on lit l'article 20, il dit ceci: "Une distinction, exclusion ou préférence fondée sur les aptitudes ou qualités exigées de bonne foi pour un emploi ou justifiée par le caractère charitable, religieux, politique ou éducatif d'une institution sans but lucratif ou qui est vouée exclusivement au bien-être d'un groupe ethnique est réputée non discriminatoire."

Considérant que l'article 20 constitue dans les faits une porte ouverte à la discrimination et qu'il compromet souvent dans la vie quotidienne des personnes les droits et libertés reconnus par les articles 3 et 10 de cette même charte; considérant que l'article 20 ne devrait pas servir d'excuse ou de justification à la discrimination dans les entreprises privées et publiques qui donnent un service reconnu et encadré par la loi; considérant que l'article 20 permet la discrimination à l'intérieur des institutions publiques et privées pour des raisons religieuses, idéologiques ou politiques envers d'honnêtes citoyens qui aspirent à vivre dans un pluralisme valorisant et harmonieux; considérant que des cas précis de discrimination, des menaces de congédiement, des préférences à l'embauche et à la promotion, de l'intimidation professionnelle et l'insécurité sont le lot de très nombreuses personnes qui travaillent dans certaines institutions à but non lucratif employant plusieurs centaines de citoyens; considérant qu'un employé ne doit pas voir ses droits et libertés limités par les options religieuses, idéologiques ou politiques de son employeur; considérant qu'une option religieuse ou idéologique imposée institutionnellement conduit forcément à la discrimination telle que la Commission des droits l'a elle-même déclaré dans son avis touchant l'école confessionnelle; considérant qu'en matière d'éducation l'énoncé de politique du ministère de l'Éducation contenu dans le livre orange affirme le droit à la différence et le droit à la dissidence en matière religieuse et idéologique dans le monde de l'éducation; considérant que les objectifs pédagogiques de chaque discipline enseignée dans les collèges publics et privés, promulgués et contenus dans les Cahiers de l'enseignement collégial ont force de règlement et doivent être respectés puisqu'ils sont en outre d'inspiration humaniste, scientifique et pluraliste; considérant que le Conseil supérieur de l'éducation a jugé nécessaire par un avis spécifique de réprouver le monopole idéologique de toute nature en milieu scolaire; finalement, considérant qu'une école privée est définie, aux termes de la loi, "reconnue d'intérêt public", et, de ce fait, responsable de l'atteinte de tous les objectifs éducatifs du ministère de l'Éducation, ainsi que du respect envers ses employés de tous les droits et libertés que leur confère leur statut de citoyens à part entière, nous recommandons que l'article 20 ne s'applique qu'aux organisations ayant des membres

bénévoles, sympathisants ou cotisants et que l'article 20 ne s'applique pas aux employés liés à contrat personnel ou collectif de travail. (12 h 45)

M. Bédard: Je remercie M. Légaré de la présentation de son mémoire bref, mais clair qui porte sur un seul problème qu'il a identifié concernant l'application de la charte. Dans vos considérants, vous spécifiez que l'article 20 permet la discrimination à l'intérieur des institutions publiques et privées pour des raisons religieuses, idéologiques ou politiques envers d'honnêtes citoyens, etc. Pourriez-vous nous parler non seulement des raisons religieuses, mais des raisons idéologiques ou politiques? Pourriez-vous nous donner une série d'exemples que vous auriez vécus ou qui aient été portés à votre attention?

M. Légaré: Oui, j'aurais aimé présenter un mémoire collectif mais, comme j'ai vu l'avis dans les journaux, je n'ai pas pu faire une association bona fide des frustrés de l'article 20.

M. Bédard: ... contribution intéressante.

M. Légaré: Je vais vous donner quelques exemples précis. J'ai eu vent d'un professeur féminin, qui a été congédié à Saint-Jean, parce qu'elle était accusée d'être marxiste. Elle est allée jusqu'en Cour supérieure et elle a perdu. L'argument de la cour a été que son cas relevait des droits de gérance, à propos desquels d'ailleurs la Commission des droits de la personne ne peut que donner un avis qui n'a pas force obligatoire pour l'employeur.

Un autre exemple, un professeur d'un collège privé de la région de Québec a été remercié de ses services pour activités syndicales, une autre femme encore. Elle aurait demandé à son supérieur la permission d'aller à une réunion syndicale et, l'année suivante, les cours de géographie qu'elle donnait ont été supprimés et ils ont été repris l'année d'ensuite.

Un autre exemple encore plus patent, c'est un professeur de sciences politiques, encore de la région de Québec, qui a vu son contrat non renouvelé - c'est le même problème - parce qu'on lui a reproché de donner un cours d'histoire un peu orienté.

M. Bédard: Par rapport à la charte, est-ce que ce n'est pas plutôt dans les lois sectorielles qu'on trouve la solution?

M. Légaré: Non, je vais vous expliquer pourquoi. Dans ces cas-là, surtout dans celui du professeur de sciences politiques qui avait fait un grief à son syndicat, l'arbitre, entre autres, a demandé qu'un comité spécial soit formé et l'argument majeur qui a été donné a été que le professeur en question donnait un cours orienté. On a voulu faire appel à la commission et l'avis juridique qui a été donné au syndicat a été que l'article 20 rendait perdant au départ le professeur congédié.

M. Marx: Un instant; Puis-je intervenir, M. le ministre?

Le Président (M. Desbiens): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: J'ai seulement une question sur quelque chose qui a été déjà dit. En ce qui concerne le professeur à Saint-Jean, on peut être ou ne pas être d'accord avec la jurisprudence mais, comme cause de non-discrimination, on trouve à l'article 10 les convictions politiques. Je n'ai pas lu le jugement, mais il me semble qu'on ne peut pas congédier quelqu'un à cause de ses convictions politiques, sauf que, si on veut faire une demande au bureau de M. Bédard pour un poste, il peut refuser, j'imagine, des libéraux, mais autrement...

M. Légaré: Je suis content que vous fassiez cette remarque. Dans tous les cas de discrimination dont j'ai entendu parler à la fois comme personne et comme auditeur, c'est que justement on n'ira jamais écrire sur papier, noir sur blanc: "Monsieur, nous vous discriminons." C'est toujours par des voies déviées. D'autres exemples...

M. Marx: C'est votre appréciation. On ne peut pas dire que, chaque fois qu'il est dit que quelqu'un est "marxiste" et qu'il est renvoyé, c'est à cause de ses convictions politiques. Je peux donner l'autre côté de la médaille en disant que, chaque fois qu'un professeur "capitaliste" est renvoyé de certaines facultés, c'est à cause de ses convictions politiques aussi. C'est une appréciation que vous faites sans nous donner tous les faits.

M. Légaré: On m'a demandé des faits brefs. Comme je vous ai dit, je ne suis pas moi-même une commission d'enquête scrutant des faits précis, mais j'ai eu vent de ces cas et d'autres aussi à mon école. Nous voudrions régler ces situations en nous appuyant sur une bonne loi avec des articles qui ne nous trahiront pas, lorsque nous voulons obtenir justice. J'ai parlé des gens de gauche, mais aussi il peut arriver des gens, même des religieux... j'entendais les Juifs la semaine passée qui peuvent être aussi victimes de discrimination de la même façon, mais pour des raisons souvent opposées; alors cela nous prend des articles de loi d'une belle précision sans échappatoire et...

M. Marx: Si l'on biffe l'article 20, cela ne va rien changer. Parce que l'article 20 ne permet pas la discrimination dans les universités à cause de la religion ou à cause des convictions politiques de quelqu'un. Cela n'est pas permis par l'article 20. Dans les universités, on ne peut pas mettre quelqu'un à la porte à cause de ses convictions politiques ou à cause de sa religion; cela serait une raison discriminatoire qui est empêchée par la loi.

M. Légaré: Je suis content que vous parliez des universités. Dans ces milieux souvent, je ne sais pas s'ils sont plus évolués qu'ailleurs, ces questions existent moins, elles existent surtout dans les petites écoles ou celles plus traditionnelles dont les collèges privés. Ceux-là véritablement sont couverts par l'article 20.

M. Bédard: Est-ce que vous faites une distinction, au niveau des situations, entre l'enseignement privé et l'enseignement public?

M. Légaré: Je ne fais pas de distinction, sauf que dans le cas des collèges privés, c'est plus difficile de faire prévaloir l'universalité des droits reconnus aux articles 3 et 10. C'est plus difficile dans les collègues privés. Souvent, ils sont moins syndiqués, souvent ce sont des groupes religieux plus homogènes ou à l'idéologique plus homogène, ce qui fait que les minorités qui s'y trouvent ont plus de difficulté à faire valoir leurs droits.

Concernant la loi de l'enseignement privé, elle va être refaite bientôt, mais ce n'est pas là-dessus que je veux travailler, c'est au niveau de la charte, je pense que c'est une magnifique belle loi, et elle doit avoir toutes les beautés, c'est-à-dire ne pas avoir de points noirs. Or, l'article 20 est un véritable point noir parce qu'il est un paravent. C'est pour cela que les cas précis que je connais, et même d'autres de mon milieu de travail, qui m'en parlent, disent qu'avec cet article on est perdant en partant.

M. Bédard: À l'article 10 de vos considérations, est-ce que vous faites une différence entre les écoles privées reconnues d'intérêt public et celles qui ne sont pas reconnues d'intérêt public? Est-ce que la situation, selon votre expérience, peut, enfin, votre appréciation peut-elle être différente?

M. Légaré: Quant aux écoles publiques, le cas est moins grave parce qu'il y a un pluralisme de fait, même si l'Acte de l'Amérique du Nord comme le disait le député de D'Arcy McGee, en fait dans les faits...

M. Bédard: Je parle des écoles privées qui sont reconnues d'intérêt public et celles qui ne sont pas reconnues d'intérêt public.

M. Légaré: Celles qui ne sont pas reconnues d'intérêt public, je n'ai pas de connaissance de ces écoles. Je travaille dans une école reconnue d'intérêt public subventionnée à 80%. Faire prévaloir les articles 3 et 10 dans la réalité concrète sans avoir de représailles qui sont très subtiles parfois: on double la charge, on bloque l'élection d'un individu comme chef de département, on lui donne huit préparations de cours différents tandis que les autres en ont deux. Alors, voyez-vous, des actes de ce type sont très difficiles à prouver, mais les redressements se feraient beaucoup mieux si on n'avait pas cet article.

D'autant plus qu'on a des actes écrits qui ne sont pas des déviations, mais qui sont véritablement des lettres indiquant que vous n'êtes pas dans le cadre idéologique de notre école. L'article 20, s'il est enlevé, va pouvoir permettre aux personnes de se prévaloir de la justice contenue dans les articles 3 et 10.

M. Marx: Je n'étais pas législateur à l'époque, donc je ne sais pas pourquoi on a voté la loi, mais dans l'esprit du législateur du temps, j'imagine que la fonction de l'article 20 n'était pas pour permettre la discrimination à cause des opinions politiques des enseignants. Quand je lis l'article 10 et l'article 20, j'ai l'impression que ce sera un motif non acceptable de congédier un professeur, à cause de ses convictions politiques, dans une école privée.

M. Légaré: La chose a déjà existé, comme je vous en ai donné un exemple. C'est écrit, c'est un document écrit, on pourrait vous donner les pièces écrites. Un professeur de sciences politiques, carrément, dans une école privée de la ville de Québec, a vu son contrat non renouvelé et les papiers ont été signés par la direction selon lesquels on le remerciait pour des questions idéologiques. Cela s'est fait et ils avaient l'article 20.

M. Marx: ... la commission.

M. Légaré: Non, les avis juridiques qu'on a eus, au niveau du syndicat, ont dit: Avec l'article 20, tu ne peux rien faire, parce que c'est une institution privée, donc d'éducation qui a des buts éducatifs et religieux. C'est une institution, bien sûr, à but non lucratif.

M. Marx: Avec la permission du président, puis-je demander à la présidente de la commission comment la commission interprète les articles 10 et 20? Peut-être

que cela serait bon d'avoir juste un petit commentaire, d'avoir l'interprétation de la commission, parce que je me demande si c'est votre interprétation qui est aussi retenue par la commission.

Mme Fournier (Francine): Rapidement, ce qu'on peut dire, c'est que l'article 20 doit être interprété d'une façon restrictive et les termes justifiés par le caractère idéologique, religieux ou quoi que ce soit; nous l'interprétons de façon très restrictive. Il faut vraiment que la justification soit forte. Maintenant, c'est une question d'évaluation et je comprends la préoccupation de monsieur, à savoir que certains peuvent penser que le caractère, disons, religieux justifie une exception, à un moment donné, et d'autres pourraient penser que le caractère religieux ne justifie pas d'exception. Il y a donc là une matière à évaluation, mais nous l'interprétons d'une façon très restrictive, comme d'ailleurs le juge Beauregard nous a incités à le faire dans un jugement.

M. Marx: Mais, dans le cas de Saint-Jean, qui a été décidé par la Cour supérieure, est-ce que le juge a dit que la discrimination à cause des convictions politiques est permise? Ou est-ce qu'il a décidé de l'affaire pour d'autres raisons?

Mme Fournier: J'aimerais donner la parole là-dessus; si vous voulez une élaboration sur ce cas-là, j'aimerais mieux donner la parole à quelqu'un d'autre. Ce n'est pas moi qui ai fait l'étude de l'ensemble du dossier.

M. Marx: On va faire notre cours sur la charte ici.

Mme Fournier: Non, Mme Caron est directrice de la recherche à la Commission des droits de la personne.

Mme Caron (Madeleine): Dans ce jugement de Saint-Jean, ce qui est arrivé, c'est que... Évidemment, ce jugement-là est en appel en ce moment, peut-être qu'il y aura une autre interprétation de la Cour d'appel. Ce qui s'est passé, c'est que, finalement, il peut y avoir, cela touche l'interprétation des faits. Est-ce que la discrimination a été faite à cause des convictions politiques ou à cause de ce qu'on appelle un certain comportement d'un enseignant qui, aux yeux de l'institution, porterait atteinte aux droits des étudiants, par exemple?

M. Marx: C'est-à-dire, est-ce que c'est à cause de son idéologie ou est-ce parce qu'il porte des jeans? Cela revient à cela.

M. Légaré: J'aimerais ajouter quelque chose.

Le Président (M. Desbiens): M. Légaré.

M. Légaré: Dans ma suggestion, c'est-à-dire dans ma recommandation, le problème serait résolu, parce qu'on fait appel à l'adhésion volontaire des personnes et la charte, en fait, fait confiance à la personne, à son autonomie et, concernant les questions d'opinion, de religion ou de conviction intime, si la chose est laissée à la conviction personnelle des gens, les problèmes seront résolus. Il faut sortir du carcan, pour prendre le mot de tout à l'heure, des institutions qui donnent des instruments de pouvoir à des individus sur des questions de pensée, surtout dans le domaine de l'éducation où on travaille avec des phénomènes de pensée. (13 heures)

M. Marx: Je comprends le problème et je pense qu'il faut trouver une solution, parce que vraiment il y a de la discrimination interdite par la charte et, il faut trouver des moyens pour que ce soit respecté. Mais je trouve que votre solution est peut-être trop catégorique. Je peux prendre deux exemples. La commission a déjà eu une cause où les gais ont voulu louer une école religieuse pour faire un congrès de fin de semaine et cela a été refusé par l'école à cause de son orientation religieuse, ainsi de suite. Quoi qu'on pense de ça... Oui, c'est ça, que les gais ont voulu. Quoi qu'on pense de ça, peut-être que l'école religieuse a un certain intérêt, à cause de l'idéologie qu'elle véhicule, à ne pas louer aux gais.

Prenons l'autre exemple, que j'ai donné il y a quelques minutes, en ce qui concerne un organisme politique. Si on biffe l'article 20 complètement, si des libéraux posent leur candidature pour être embauchés par le ministre dans son cabinet, ils pourraient toujours plaider qu'ils ont été refusés à cause de leurs convictions politiques, et ce serait nécessaire pour le ministre d'engager des libéraux...

M. Bédard: Vous seriez les premiers... M. Marx: ... militants.

M. Bédard: Vous seriez les premiers à les empêcher de peur qu'on ne les convainque.

Le Président (M. Desbiens): M. Légaré.

M. Légaré: J'aimerais répondre à cet argument qu'on m'a déjà apporté, par exemple, d'un secrétaire engagé par une centrale syndicale et qui aurait des convictions patronales très fortes. Je dis qu'il faut faire confiance à l'intelligence des gens. En général, dans la population, les gens

n'iront pas dans des situations aussi évidentes, aussi évidemment conflictuelles pour eux. Je pense que l'article 20, tel que je le proposerais, irait très bien pour les clubs de pêche, qui regrouperont des pêcheurs.

M. Marx: Mais disons une église...

M. Légaré: II y a aussi l'argument du secrétaire qui irait à une centrale syndicale avec des convictions patronales. Cela va aussi pour le Conseil du patronat qui engagerait un secrétaire avec des convictions syndicales très fortes. Dans l'ensemble de la société, ça va s'équivaloir, ces genres de cas d'exception, et ça va plutôt libérer les personnes de la puissance des groupes. C'est ça l'important, libérer les personnes de la puissance des groupes.

M. Bédard: L'école privée, où tous les frais, tout le budget est assumé par des cotisants ou des membres.

M. Légaré: Justement pas, l'école privée reconnue d'intérêt public...

M. Bédard: Non, non reconnue. M. Légaré: Non reconnue?

M. Bédard: Non reconnue d'intérêt public.

M. Légaré: Je n'ai pas pensé à ce cas, parce que je ne le connais pas.

M. Marx: Ce serait nécessaire, mais ça devient impossible, pour les églises, d'engager qui que ce soit, pour les moines à Saint-Benoît-du-Lac d'engager des femmes, et ainsi de suite. Il ne faut pas que l'État s'impose trop. Protéger les libertés publiques ne veut pas dire brimer les libertés des autres. Il faut tirer la ligne quelque part. Je pense qu'on a essayé de tirer la ligne d'une façon assez juste dans les articles 10 et 20, il ne faut pas tout chambarder.

M. Légaré: Ce n'est pas un chambardement, c'est simplement baisser la ligne dans le sens de la liberté de la personne. Vous la maintenez, par l'article 20, trop haut au niveau du pouvoir accordé aux collectivités. La charte a justement été faite pour assurer aux individus, bons citoyens, la plus grande liberté possible, surtout dans les actes de pensée. Concernant votre communauté religieuse de moines masculins qui engagerait des femmes, si vous acceptez ma recommandation, ça n'empêchera pas les femmes de bien faire leur travail au service de la communauté. Cependant, ça va protéger leurs convictions religieuses personnelles. C'est ça qui est important.

M. Marx: D'accord.

M. Légaré: On n'est pas plus mauvais travailleur, je dirais même qu'on est meilleur quand on respecte nos opinions personnelles.

Le Président (M. Desbiens): M. Légaré, je vous remercie, au nom des membres de la commission, de votre participation. La commission élue permanente de la justice suspend ses travaux jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 h 05)

(Reprise de la séance à 15 h 16)

Le Président (M. Desbiens): À l'ordre, mesdames et messieurs!

La commission élue permanente de la justice reprend ses travaux pour l'exécution du mandat de l'Assemblée nationale de tenir des auditions publiques en regard des modifications à apporter à la Charte des droits et libertés de la personne.

Fédération de l'âge d'or du Québec

Nous recevrons comme premier intervenant cet après-midi, la Fédération de l'âge d'or du Québec, représentée par Mme Gertrude Boily. Mme Boily, si vous voulez présenter les personnes qui vous accompagnent, s'il vous plaît.

Mme Boily (Gertrude): M. le Président, M. le ministre Bédard, messieurs les députés, mesdames et messieurs, mes salutations en mon nom personnel et également au nom de mes deux collaborateurs.

Si vous me permettez, je vais me présenter. Mon nom est Gertrude Boily, présidente d'un gros club qui compte plus de 600 membres au Saguenay-Lac- Saint-Jean, trésorière du Conseil régional de l'âge d'or Saguenay-Lac-Saint-Jean et représentante au conseil d'administration de la Fédération de l'âge d'or du Québec.

J'ai à ma droite, M. Roger Duhamel, vice-président des Publications FADOQ, collaborateur et bénévole à la fédération et à ma gauche, Mme Rita Cambron, agent au développement de la fédération. Ces deux personnes sont venues participer avec moi à la présentation du mémoire à la commission de la justice sur la Charte des droits et libertés de la personne que la Fédération de l'âge d'or du Québec a préparé.

Avant de commencer, je dois vous dire que nous avons fait quelques corrections dans les jours précédents. Vous ne vous surprendrez pas si j'ajoute des choses qui ne sont pas écrites.

Je commence. Notre préoccupation. La Fédération de l'âge d'or du Québec regroupe 150 000 citoyens âgés du Québec à travers

ses 950 clubs affiliés, regroupés en seize régions. Elle est donc l'organisation la plus représentative d'une catégorie de citoyens dont les droits sont fréquemment lésés à un titre ou à un autre.

C'est là la raison fondamentale qui nous incite à intervenir devant votre commission afin de souligner un certain nombre de problèmes dont nous avons connaissance.

Nos membres nous font part des situations qu'ils vivent chaque jour et c'est pourquoi nous pensons être en mesure de souligner des pratiques ou des situations qu'il faut combattre. C'est notre devoir de citoyens de vous les signaler du doigt afin que vous puissiez y apporter des correctifs efficaces.

Notre point de vue a été présenté par notre président, M. Patrice Tardif, à l'occasion de notre congrès 1981, qui vient de se dérouler. Selon nous, les droits de la personne âgée et sa liberté comprennent plusieurs volets qu'on peut énumérer ainsi: le droit au secours quand la santé et la vie même d'un aîné est en péril ou en danger; le droit à la liberté d'association qui n'est pas respecté dans certaines résidences privées; le droit à la sauvegarde de la dignité au troisième âge et au respect de la vie privée; le droit à la jouissance paisible des biens, incluant l'inviolabilité du domicile; le droit au respect de la propriété privée; le droit au secret professionnel; le droit au respect de la personne âgée, qui ne doit pas être considérée comme marginale; le droit judiciaire et le droit politique, le retraité continuant d'être un citoyen à part entière jusqu'à la fin de ses jours; les droits économiques et sociaux fondamentaux pour qu'il continue de vivre décemment dans la dignité et le respect de tous et chacun sans être réduit au rang d'assisté social; le droit à la protection par suite de la perte progressive de l'autonomie de la santé physique et mentale et d'une partie des biens et du revenu de la personne âgée; le droit à la protection contre toute forme d'exploitation, le droit à un logement décent grâce à une aide gouvernementale, soit pour le maintien à domicile, soit pour l'hébergement, soit dans une résidence ou un centre d'accueil, etc.

Nous sommes bien conscients qu'une charte est avant tout un énoncé de principes fondamentaux. Ainsi, reconnaître le droit de tous à une vie décente dans une telle déclaration reste sans fondement réel si l'État ne met pas en place les moyens légaux et financiers d'assurer cette vie décente. C'est dans cet état d'esprit que nous présenterons nos observations sur la charte. 2. Les besoins. La personne âgée a droit, comme tout autre citoyen, à une protection légale de ses droits adaptée à ses besoins. Ceux-ci sont de deux ordres: 1. l'assurance d'une condition sociale décente, menacée par la baisse considérable des revenus à la retraite; 2. la protection contre toutes les formes d'exploitation. Même avec leur maigre pécule, nos aînés sont des proies faciles qui suscitent la convoitise et sont des victimes fréquentes de gens sans scrupules.

Article 1. Le droit à la vie. La FADOQ a toujours pris fermement position contre toutes les formes d'atteinte à la vie, que cela passe par l'avortement ou par l'euthanasie.

Article 2. Le droit au secours. La FADOQ croit que l'exercice du droit de grève dans les services publics et plus particulièrement dans les hôpitaux et les centres d'accueil vient en contradiction avec les besoins des personnes en perte d'autonomie et doit être interdit.

Article 3. Liberté d'association. Plusieurs personnes nous font part de témoignages, à savoir que ce droit n'est pas respecté dans maintes résidences privées. Ce droit d'association doit être accompagné de dispositions qui facilitent l'exercice de ce droit, par exemple, la possibilité d'utiliser un local ou une salle de la résidence où les locataires pourront se regrouper occasionnellement pour s'informer et s'exprimer.

Article 4. Sauvegarde de la dignité. Le chantage, la manipulation, la grossièreté et les mauvais traitements sont, hélas, présents dans trop de centres pour personnes âgées. Nous sommes informés que, dans un grand nombre d'établissements pour personnes âgées, on porte atteinte à la dignité de la personne en faisant une distribution abusive de médicaments et de tranquillisants afin de préserver la paix. Les bénéficiaires ainsi tranquillisés jour après jour, nuit après nuit, se détériorent plus rapidement et perdent graduellement contact avec la réalité, devenant vite un poids plus lourd.

Article 5. Droit au respect de la vie privée. Ce droit est remis en question par l'obligation faite aux personnes en perte d'autonomie de vivre à deux dans une chambre ou davantage dans une salle commune. Ce n'est pas toujours rassurant d'avoir à partager son intimité avec quelqu'un d'autre 24 heures par jour, 365 jours par année sans compter les incidents pénibles qui peuvent survenir quand l'un ou l'autre des bénéficiaires doit subir les sautes d'humeur d'un voisin antipathique, désagréable, voire même agressif. Cela se voit trop souvent.

Article 6. Jouissance de ses biens. La personne âgée est une proie facile et convoitée quand elle a un peu d'argent. Elle l'est plus si elle en a beaucoup. Comment arriver à assurer une protection véritable à la personne âgée vulnérable et craintive? Des cas de vols sont souvent rapportés dans les

institutions et il semble difficile d'adopter une mesure ferme pour corriger ces situations. Par ailleurs, nous nous demandons si la Curatelle publique en certains cas, de concert avec des membres de la famille, ne pourrait pas exercer conjointement une certaine protection des biens des bénéficiaires vivant en institution.

Article 10. Bases de discrimination. Il est étonnant que le législateur, au moment de rédiger sa charte en 1975, ait négligé de mentionner la discrimination en raison de l'âge dont sont victimes autant les gens jugés trop jeunes ou trop vieux.

Par ailleurs, la personne âgée perd aussi une bonne partie de son statut social en raison de son retrait du marché du travail et de la marginalité économique qui s'ensuit, ou encore en raison des handicaps physiques qui sont liés à la détérioration de sa condition de santé. C'est pourquoi la FADOQ a préconisé hier, devant la commission des affaires sociales, l'abolition de la retraite obligatoire à 65 ans.

Article 15. Accès aux moyens de transport. Nous tenons à souligner la discrimination économique dont sont victimes les personnes retraitées dont le revenu ne croît plus guère lorsque des administrations publiques, comme ce fut le cas dernièrement à Montréal, haussent arbitrairement le coût des services publics. À ce sujet, nous nous permettons de souligner le besoin légitime, pour une catégorie de personnes âgées et handicapées, par exemple, les aveugles, d'être accompagnées dans leurs sorties d'une personne retraitée qui jouirait de certains avantages économiques.

Article 40. Droit à l'instruction publique gratuite. Nos aînés n'ayant pas toujours eu la possibilité de s'instruire dans leur jeunesse à cause des conditions économiques de l'époque devraient aujourd'hui bénéficier de la gratuité de ces services en compensation. Il faut accompagner ce droit, si on veut qu'il soit efficace, de mesures visant à en faciliter l'accès. Nous suggérons l'utilisation maximale de la télévision pour éveiller la curiosité et l'intérêt des retraités sur des sujets qui les concernent ou qui les mettent en appétit de savoir. Nous ajouterons que des remarques pertinentes à ce sujet ont déjà été présentées par la Fédération de l'âge d'or à la commission Jean.

Article 46. Droit à la sécurité. La femme au foyer, épouse dont le mari travaille, a aussi droit à sa part de conditions justes et raisonnables. La Fédération de l'âge d'or veut attirer l'attention de la commission sur la contribution sociale que la femme âgée, mère de famille au foyer, a apportée à la société tout au cours de sa vie active, dans un contexte et des conditions souvent difficiles. Elle devrait pouvoir bénéficier d'une partie du régime de retraite accumulé par son mari, en cas de veuvage, de séparation ou de divorce.

Article 48. Protection des personnes âgées. Au-delà de l'affirmation du principe, nous croyons qu'il faut des mesures concrètes, notamment en augmentant la quantité de services et de soins dispensés par les institutions relevant du ministère des Affaires sociales à domicile, en contrôlant efficacement la plaie des foyers clandestins et en s'assurant que les personnes en résidence privée ou publique ne soient pas exploitées. Le développement d'un réseau de coopératives pour préretraités par la Société de développement coopératif d'habitation est l'un des éléments positifs de solution que nous envisageons. Face aux hausses prévues de près de 100% du coût des loyers pour les trois prochaines années, évaluation officielle de la Société canadienne d'hypothèques et de logement, on peut craindre que les personnes âgées voient leurs conditions de logement se détériorer.

Le programme Logirente sera-t-il suffisant? Est-il, par ailleurs, convenable qu'une personne âgée, qui n'a plus les moyens de payer le loyer devenu trop cher dans une résidence privée, soit chassée et forcée d'aller trouver refuge dans un centre d'accueil public? La FADOQ est consciente que le partage des pouvoirs fédéral et provincial dans le domaine de l'habitation n'aide pas la cause des personnes âgées aux prises avec des difficultés de logement, autant dans le secteur des HLM en nombre insuffisant pour répondre aux besoins, que dans le secteur des résidences privées conventionnées où la dualité propriétaire-locataire est parfois aiguë.

Le nouveau programme Logirente constitue une amélioration, nous en convenons, mais il reste encore beaucoup à faire, en particulier concernant le rôle de la Régie des rentes, afin d'assurer à toutes les personnes âgées une habitation convenable à prix convenable.

Article 49. Réparation du préjudice. Il serait juste que les sommes volées ou extorquées de façon frauduleuse soit restituées, capital, intérêt et dommages, à même les biens et salaires saisis. Dans le cas où la personne âgée décéderait avant le jugement définitif, l'action judiciaire devrait pouvoir être poursuivie et entraîner une sanction civile en plus d'une sanction pénale.

Article 67. Devoir de la Commission des droits de la personne. Nous recommandons d'ajouter un alinéa g) se lisant comme suit: "Accorder une attention particulière aux plaintes reçues des personnes âgées en perte d'autonomie ou moins susceptibles d'exercer par elles-mêmes les recours légitimes qui leur sont reconnus.

Article 70. Organismes habilités à agir. On nous signale que des propriétaires de

résidences privées empêchent la formation d'une association de locataires résidents en leur interdisant l'accès ou l'usage de la salle communautaire. Nous croyons que dans un tel cas, un club local de l'âge d'or pourrait se prévaloir de la clause d'exception prévue en référence à l'article 48, cas des personnes âgées ou handicapées.

En conclusion de ce mémoire, nous voulons formuler deux recommandations. Premièrement, que la procédure des plaintes des usagers aux conseils régionaux de la santé et des services sociaux, trop proches des professionnels et de l'administration, soit remplacée par la création d'un poste d'ombudsman, dans chaque établissement, poste comblé après consultation du comité des bénéficiaires et celui des bénévoles, quand il existe.

Deuxièmement, que la procédure de comparution à la Régie des loyers, dans le cas de résidences conventionnées, soit assouplie et qu'on tienne compte de la situation d'un locataire craintif et vulnérable face à un propriétaire mieux renseigné ou à ses procureurs bien aguerris.

Les personnes âgées ont un droit particulier à la protection de la justice. La Fédération de l'âge d'or du Québec veut faire respecter ce droit; c'est pourquoi elle s'engage à présenter aux autorités concernées des résolutions de plus en plus fermes dans ce sens. Merci.

Le Président (M. Desbiens): Merci. M. le ministre.

M. Bédard: M. le Président, il me fait plaisir de remercier, au nom des membres de la commission, Mme Boily qui, d'une façon tout à fait particulière, nous a fait part de l'ensemble des représentations de la Fédération de l'âge d'or du Québec. On est rapidement à même de le constater, il s'agit d'un mémoire qui fait vraiment le tour de l'ensemble des préoccupations qui sont le propre de l'âge d'or. On peut convenir, au départ, que tous ces éléments correctifs que vous réclamez ne peuvent pas nécessairement tous se retrouver dans la charte - j'ai l'impression qu'on se comprend de ce côté-là mais font partie de suggestions qui mèneraient à ce que vous êtes en droit de désirer, une politique globale concernant tous les membres de votre fédération, pas seulement ceux qui y appartiennent comme membres, mais tous ceux et celles qui partagent les mêmes problèmes.

Ce qu'il y a peut-être de remarquable -ça vaudrait peut-être la peine de le souligner - les membres de la Fédération de l'âge d'or, qui sont représentés ici, ce matin, par Mme Boily, M. Duhamel et Mme Cambron, nous ont fait distribuer, avant le début de nos travaux, une sorte de "charte", qui est en fait le résultat de ce qu'il est convenu d'appeler la conférence de la Maison blanche de 1961, sur les droits des personnes âgées, où on fait état de toute une série de droits, par exemple... Il vaudrait peut-être la peine que ce document soit consigné tel quel au journal des Débats, si mes collègues de la commission parlementaire sont d'accord.

M. Marx: Oui, c'est cela.

M. Bédard: Parce que, pour la première fois, non seulement on voit un groupe qui exprime son opinion franche et ferme sur des droits qui devraient être préservés concernant les personnes âgées, mais, ■ en même temps, on a un chapitre qui est tout aussi long et aussi significatif concernant les responsabilités aussi des personnes âgées. Depuis le début des travaux de cette commission... Je ne porte pas de jugement de valeur, je le souligne parce que je pense que ça vaut vraiment la peine d'être souligné, et c'est heureux à part cela pour l'ensemble des membres de la commission, parce que c'est une chose que d'être peut-être cinq ou six jours à entendre des groupes qui demandent le respect de droits, ce qui est tout à fait normal, la reconnaissance de droits fondamentaux.

Quand, à un moment donné, un groupe comme le vôtre trouve le moyen d'indiquer également, presque sur le même pied que les droits, les responsabilités auxquelles vous pensez devoir vous astreindre, je crois que cela mérite d'être souligné.

Je demanderais, M. le Président, que... On pourrait peut-être le lire. On voit sur le... Vous pourriez le lire, M. le Président, je pense que ça pourrait être inséré dans le mémoire.

Le Président (M. Desbiens): C'est le rapport de la conférence de la Maison blanche de 1961 sur les droits des personnes âgées. "Chaque citoyen âgé, quel que soit son origine, sa couleur, ses croyances, a: 1. Le droit d'être utile; 2. Le droit à un emploi selon sa compétence; 3. Le droit à un revenu décent; 4. Le droit d'accès et de participation aux ressources communautaires, récréatives, éducatives et médicales; 5. Le droit à un logement convenable adapté aux besoins de son âge; 6. Le droit au soutien moral et économique de sa famille, à condition que cela corresponde aux meilleurs intérêts de tous; 7. Le droit de vivre indépendant et autonome s'il le désire; 8. Le droit à une vie et à une mort dignes; 9. Le droit d'accès à l'éducation et à toutes connaissances de nature à lui permettre d'améliorer la qualité de vie des années qu'il lui reste à vivre."

Au chapitre des responsabilités des personnes âgées: "Les retraités, en profitant des occasions de s'instruire toujours davantage, devraient s'efforcer d'assumer les

responsabilités énumérées ci-après, au meilleur de leur connaissance: l. L'obligation, en tant que citoyen, de se préparer à être et à demeurer actif, alerte, capable, autonome et utile tant et aussi longtemps que la santé et les circonstances le permettent et de préparer sa retraite finale; 2. L'obligation d'acquérir et de pratiquer de sains principes de santé physique et mentale; 3. L'obligation de rechercher et de développer des occasions d'être utile durant les années de retraite; 4. L'obligation de partager son expérience et ses connaissances; 5. L'obligation de s'efforcer et s'adapter au fur et à mesure aux changements qu'entraîne le vieillissement; 6. L'obligation de s'efforcer à maintenir de bonnes relations avec la famille, les voisins et les amis, de telle sorte qu'il puisse devenir un conseiller respecté et apprécié tout au long de sa retraite."

M. Bédard: Merci, M. le Président. Je pense que ça répond au voeu de tous les membres de la commission que cela soit consigné, parce que je pense que ça fait ressortir qu'il est très clair pour les personnes âgées que des droits, ça entraîne aussi des responsabilités, des devoirs.

En ce qui regarde les autres représentations de votre mémoire, j'aimerais que vous détailliez un peu plus ce que vous évoquez à l'article 3 qui a trait à la liberté d'association, concernant le respect... Vous dites que le droit à la liberté d'association n'est pas respecté dans certaines résidences. J'aimerais que vous détailliez un peu plus cet élément, s'il vous plaît.

Mme Boily: C'est l'article 3. Ce droit n'est pas respecté dans maintes résidences. Les témoignages que nous avons, c'est que les propriétaires, lorsqu'ils font une location de leur maison ou de leurs logements, ils la font tels quels. Après que les personnes sont entrées - je pense qu'on va un petit peu plus tard, durant cinq ans - ils leur font des promesses, mais durant cinq ans je pense qu'ils ont le droit de chambarder ce qu'ils ont dit au départ, au moment de la location, à ces personnes. C'est ça qu'on dit, que leurs droits ne sont pas respectés parce qu'en fin de compte les propriétaires ne tiennent pas parole. C'est souvent des critiques comme ça que les personnes âgées nous apportent en disant: Nous autres, voici, quand on est entré là le propriétaire nous avait promis telle et telle chose. Il nous avait promis de ne rien changer. Mais là, une fois qu'on est bien installé, c'est tout à fait différent. C'est ce qui amène bien souvent des critiques, des témoignages de ces personnes qui sont très mécontentes et qui ne savent pas par quel moyen s'en sortir parce que déjà vous savez qu'il y en a qui vivent en dessous du seuil de la pauvreté parmi ces personnes. Ce n'est pas facile de les déplacer du jour au lendemain. C'est un petit peu dans ce sens. Il y a peut-être d'autres exemples qui pourraient être apportés. Mme Cambron en a d'autres.

M. Bédard: Votre compagne ou votre compagnon peuvent ajouter s'ils le désirent.

Mme Cambron (Rita): Le droit d'association doit supposer que les gens ont un local pour se réunir. Souvent dans les résidences, à Montréal, il y en a beaucoup, il y en a aussi à Québec, j'ai noté, qui obtiennent un local pour des activités, mais quand vient le temps de vouloir parler de leurs droits, quand il y a des augmentations de loyer ou si les gens veulent se regrouper pour réclamer certains services, par exemple, de la maison ou du propriétaire, ils n'ont pas droit d'accès à la salle. À ce moment, il faut qu'une personne qui veut être bénévole, qui veut aider ses compagnons, qui habite la même résidence passe de porte en porte pour essayer d'expliquer des choses. C'est assez long. Tandis que s'ils pouvaient obtenir une salle, vraiment, le droit d'association, serait bien reconnu parce qu'ils pourraient se regrouper et s'informer mutuellement. Par exemple, quand vient le temps des augmentations de loyers ou d'aller à la régie. Souvent, dans certaines résidences, au moment où on a fait la location, on leur a dit qu'il y aura une infirmerie ou qu'il y aura tel ou tel service. Après que tous les logements sont loués souvent ces services ne sont jamais mis sur pied et les gens ne peuvent pas tellement se rencontrer et unir leurs forces. La force de la Fédération de l'âge d'or c'est que c'est un regroupement, mais si les gens ne peuvent pas se regrouper, individuellement, ils n'ont pratiquement pas de recours. C'est dans ce sens qu'on trouve que le droit d'association est brimé si les personnes n'ont pas accès à un local qui existe souvent pour des activités de loisirs.

On veut bien que les gens se réunissent pour jouer aux cartes, mais il ne faudrait pas que cela dépasse trop les loisirs.

M. Bédard: Je vais y aller de deux autres questions rapides, puisque vous avez indiqué votre désir de pouvoir être libérés pour 16 heures, étant donné que madame doit prendre l'autobus pour la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean et qu'on sait que c'est loin. Il faudrait améliorer la route...

Une voix: Une tempête de neige est possible. (15 h 45)

M. Bédard: Oui. On va travailler dans ce sens. Je pense que tout le monde a été sensible à une représentation que vous avez faite concernant l'article 4. Vous dites que vous vous êtes informés, qu'il y a un grand

nombre d'établissements pour personnes âgées où on ferait une distribution abusive de médicaments ou de tranquillisants afin de préserver la paix. Quand des situations comme celle-là vous sont signalées, est-ce que ce sont des situations bien précises? Qu'est-ce que vous faites, à ce moment-là? Ce que je voudrais savoir, c'est si ce sont des situations précises que vous évoquez ou des informations qui ont pu vous être acheminées sans qu'on puisse vraiment mettre le doigt sur...

Mme Boily: M. le ministre, c'est sûr que ce n'est pas à nous à faire l'enquête...

M. Bédard: Je comprends.

Mme Boily: ... mais c'est une chose qu'on se fait dire assez souvent, c'est vrai que ça arrive, ça existe. De là à le prouver, ça prendrait une enquête. C'est un peu en dehors de nos responsabilités de faire des enquêtes. Mais c'est une chose vraie, ça n'a pas été écrit là pour rien, ça s'est sûrement vu, dit ou entendu, c'est arrivé réellement. On a décrit le climat social qui existe à ce moment-là; c'est à la suite de cela qu'on a greffé cette rubrique, si vous voulez, parce qu'on voudrait qu'il soit porté une grande attention là-dessus, puisque ça arrive trop souvent, c'est sûr. Mais là, on ne peut pas vous dire à quelle date...

M. Bédard: Je vous comprends, vous n'êtes pas ici assignée comme témoin dans une enquête, on se comprend, ce sont des situations globales que vous voulez évoquer, quoique, lorsque ces situations sont plus précises, avec des indications très bien circonstanciées, j'imagine que vous pouvez, à ce moment-là, en informer vos directeurs de centres qui, eux, se doivent d'acheminer vos représentations à qui de droit.

Mme Boily: Je pense que M. Duhamel...

M. Duhamel (Roger): M. le Président, je voudrais intervenir un instant. Je crois que le ministre l'a signalé au début de ses remarques, le mémoire que nous soumettons aujourd'hui est composé, je dirais, de deux parties très distinctes. Tout d'abord, nous sommes tous favorables, dans notre fédération, à la Charte des droits de la personne telle qu'elle est rédigée et présentée, et la meilleure preuve, c'est que nous n'apportons que quelques correctifs précis, ajouter un alinéa là, ajouter un mot à tel endroit. Cela, c'est concret, la réponse, c'est oui ou c'est non, c'est aussi simple que cela.

De plus, comme la présidente l'a indiqué il y a un instant, nous avons profité et tiré parti de votre accueil pour sensibiliser un peu les membres de la

Chambre à des situations concrètes, à des situations de fait. Évidemment, il n'est pas question d'inscrire dans la charte qu'il faut donner une salle à tous les vieillards dans toutes les résidences.

M. Bédard: Je comprends.

M. Duhamel: C'est l'évidence même. Mais tous ces faits sont vrais, et c'est pour vous montrer dans quel esprit nous avons voulu représenter nos mandants, en quelque sorte. Donc, deux parties: une partie, si vous voulez, législative ou juridique, qui est de modifier quelques termes dans la charte et, deuxièmement, vous faire une description aussi sommaire et rapide que possible d'une situation que nos cercles vivent quotidiennement.

M. Bédard: Je pense qu'on se comprend bien de part et d'autre. Même si, ici, c'est une commission qui ne siège que concernant la Charte des droits de la personne, il reste quand même, comme vous l'avez dit, que vous avez trouvé opportun d'évoquer certaines situations que vous voulez porter à notre attention. Par respect pour le sérieux des situations que vous évoquez, je voulais vous poser quelques questions dans ce domaine des représentations générales. Pour ce qui est de la charte elle-même, vous vous êtes prononcés ici et également, je crois, à la commission parlementaire des affaires sociales...

Mme Boily: Celle concernant l'âge de la retraite.

M. Duhamel: La retraite obligatoire. C'est cela.

M. Bédard: ... concernant l'abolition de l'âge comme motif de discrimination. Je vous pose la question, je ne voudrais pas qu'elle soit interprétée comme si j'étais contre l'abolition de l'âge de la retraite, loin de là, mais simplement en termes d'information, ne croyez-vous pas qu'une des conséquences de l'addition de l'âge comme motif de discrimination au sens de la charte pourrait être que des personnes pourraient contester certains avantages consentis aux personnes qui ont plus qu'un certain âge? Je pense, par exemple, aux tarifs préférentiels qui sont donnés dans les autobus, à certains programmes gouvernementaux. J'imagine que ceci ne vous inquiète pas.

M. Duhamel: Je vois très bien l'objection.

M. Bédard: Parce que vous tenez pour acquis que serait bien malvenu celui qui oserait;

M. Duhamel: D'un point de vue social, ce serait assez difficile, je pense, de le justifier, mais techniquement...

M. Bédard: J'anticipe votre réponse.

M. Duhamel: ... je dois me rendre à votre argumentation, dans un sens très étroit et technique. Cependant je ne pense pas qu'une administration, qu'elle soit provinciale ou municipale, s'abaisserait à cette rouerie, en quelque sorte, pour contourner une situation concrète et réelle.

M. Bédard: Nous partageons la même conviction, mais je tenais à ce que vous le disiez.

Mme Boily: Je dois ajouter à ça, M. le ministre, que c'est sûr que la demande d'abolition de la retraite à 65 ans, étant facultative, ce n'est pas tout le monde qui la prendrait, parce qu'il a été prévu qu'il y en aurait seulement 4% qui peut-être accepteraient de continuer le travail. Alors, il ne faudrait pas que toutes les personnes âgées soient pénalisées pour 4% qui décideraient de continuer pour six mois ou un an, on ne le sait pas. Mais on voudrait que ce soit facultatif au lieu que ce soit: C'est fini, là. Souventefois, la personne se retrouve avec de graves maladies parce que, du jour au lendemain, elle est coupée de tout, elle est coupée de ses amis, de son travail, de son milieu. Quand c'est facultatif, la personne le décide d'elle-même. Mais ça ne veut pas dire qu'il y en aura plus qui resteront sur le marché du travail à 65 ans.

M. Bédard: Je comprends très bien le sens de vos représentations et je vous remercie encore une fois de votre travail.

Le Président (M. Desbiens): Mme la députée de Chomedey.

Mme Bacon: M. le Président, en fait, le ministre m'a un peu enlevé ce que je voulais dire, tout à l'heure. J'ai quand même remarqué avec beaucoup de plaisir que vous nous parlez aussi des droits, mais vous nous avez parlé aussi de ces responsabilités dont on n'entend pas beaucoup parler depuis le début, sans, moi non plus, porter un jugement sur les mémoires qu'on a entendus.

Je pense que, quand vous nous dites que vous voulez de plus en plus être fermes dans les représentations que vous faites, vous l'avez démontré par votre mémoire, mais aussi vous nous avez, en toute sérénité, décrit les besoins. Vous avez, je pense, actualisé ces besoins qui restent, au cours des années, les mêmes malgré certaines améliorations des situations. Par exemple, on n'a qu'à énumérer, le respect de la vie privée. S'il y a une chose qui m'a toujours frappée et dérangée c'est cela, parce que ça dérange de voir des inconnus qui vivent ensemble 24 heures par jour, 365 jours par année, et ça nous fait surtout réfléchir. C'est pour moi, en tout cas, des choses importantes, la sauvegarde de votre dignité, la liberté d'association. Je ne reprendrai pas votre mémoire, mais, en somme, l'ensemble du mémoire décrit très bien ce que sont les besoins des personnes du troisième âge et vous l'avez bien expliqué.

J'essaierai d'être brève parce que, moi aussi, je veux vous permettre de quitter, mais il y a quand même une chose. Dans vos recommandations, vous suggérez ou vous proposez un ombudsman pour les gens qui sont en établissement. On sait que de plus en plus les personnes du troisième âge ont tendance à vouloir rester chez elles en appartement et je pense que les gouvernements aussi les encouragent à le faire par toutes sortes de moyens, toutes sortes de possibilités, par des sommes qu'on peut leur donner ou des services qu'on peut leur donner à domicile. Est-ce que, à ce moment, il n'y a pas un danger de créer deux catégories de personnes du troisième âge: les personnes en établissement, qui peuvent avoir, pour les défendre, un ombudsman, et les autres, en appartement, qui ont aussi des problèmes auxquels elles ont aussi à faire faire face et qui devront se référer à qui? Vous êtes-vous penchés aussi sur ces problèmes ou si vous ne voulez que représenter les personnes en établissement qui sont peut-être plus dans le besoin?

Mme Cambron: La Fédération de l'âge d'or se voit un petit peu porte-parole et représentante de toutes les personnes âgées. Ses membres - parce que les membres de l'âge d'or sont des gens qui sont encore valides parce qu'ils peuvent se déplacer pour se rendre rencontrer un groupe au club de l'âge d'or - s'ils sont encore en appartement ou s'ils sont dans leur logement, peuvent être membres d'un club de l'âge d'or. Ils pourraient, en participant à un regroupement comme celui-là, bénéficier des recommandations que le mouvement fait, parce qu'il peut y avoir aussi d'autres mouvements à côté de nous qui font aussi des recommandations pour les personnes âgées.

Par contre, pour les personnes qui sont en résidence, il y a deux ou trois catégories de résidence. Il y a des résidences où les gens sont vraiment tout à fait autonomes, mais, quand on dit en institution, on veut dire les personnes qui ont perdu leur autonomie, qui sont vraiment invalides ou qui ne peuvent pas tellement s'aider elles-mêmes. C'est surtout celles-là souvent, dans certaines institutions, qui sont un petit peu des victimes, soit des membres du personnel, etc. Ce sont des choses qui arrivent même si

ce ne sont que des exceptions, ça arrive et il n'y a qu'une adresse pour formuler les plaintes, c'est les centres de services sociaux. Dans les centres de services sociaux, on le dit, c'est trop proche des professionnels, c'est trop proche des administrations pour que ce soit vraiment efficace.

Souvent, la crainte de représailles empêche les personnes de formuler des plaintes. Même les familles n'osent pas formuler les plaintes. Alors, des situations pénibles se perpétuent parce qu'elles ne sont pas dénoncées.

Il faudrait, comme on le propose ici, un ombudsman, qui pourrait être une personne de l'extérieur de la maison, qui serait beaucoup plus libre pour rencontrer les personnes, recevoir les plaintes et les acheminer au bon endroit. C'est dans ce sens-là. Comment cela pourrait se faire? Disons que ça appartiendrait peut-être aux Affaires sociales d'y voir, mais nous pensons que ça pourrait être quelque chose qui pourrait aider les personnes qui sont des victimes à certains moments.

Mme Bacon: D'accord.

Mme Boily: Si vous me permettez, madame, je voudrais ajouter que ces personnes-là, souvent à cause de la gêne ou si elles ne sont pas capables de se déplacer, vont plutôt aller porter leurs critiques aux personnes qui les côtoient, qui sont près d'elles, qui sont plutôt - comme elle le dit -dans les clubs de l'âge d'or. Nous autres on reçoit tout. Mais elles n'iront pas voir les centres de services sociaux pour porter une critique comme ça. Elles vont venir à nous. C'est pour ça un petit peu que l'on parle de ce poste-là parce qu'on est bien en mesure de savoir ce qui se passe auprès de ces personnes. Ce serait plus facile pour elles et elles seraient plus à l'aise, je pense, de consulter ces personnes dans les clubs ou...

Mme Bacon: Dans votre mémoire on constate que vos revendications sont formulées, évidemment, en vue d'obtenir de meilleures conditions de vie et un mieux-être pour les personnes du troisième âge. Actuellement, dans la charte, on reconnaît aussi la majorité de ces droits-là, mais quel rôle voyez-vous à la charte ou au gouvernement pour le respect des droits de la personne? Par exemple, vous parlez de logement, vous parlez de transport, est-ce que vous voyez une protection via la charte ou via le gouvernement par ces services?

Mme Boily: Je pense que c'est le gouvernement qui devrait se pencher là-dessus avec ses services.

M. Duhamel: Si vous permettez, je crois avoir...

Mme Bacon: Par des politiques sectorielles? D'accord.

M. Duhamel: Voilà! c'est cela que j'allais dire.

Mme Bacon: D'accord. Merci.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Chapleau.

M. Kehoe: II ne reste que deux minutes. J'ai juste une question technique à poser. À la deuxième conclusion, vous mentionnez que vous voulez que les procédures de comparution devant la Régie du logement soient assouplies. Avez-vous arrêté exactement dans vos études de quelle façon vous voulez que cela soit fait? Que faire exactement pour atteindre ce but-là? Parce que effectivement, à la Régie du logement, je pense que les procédures devant le registrateur sont assez simples. Il n'y a pas de formalisme et je me demande à quoi vous voulez en venir avec ça. (16 heures)

Mme Cambron: Des témoignages qui nous sont parvenus nous apprennent que ça ne concerne peut-être pas nécessairement un locataire qui a affaire à un propriétaire dans une maison un peu privée surtout dans les grosses résidences où il y a peut-être 200 ou 300 locataires et qu'on oblige toujours les personnes, il faut considérer que ce sont des personnes âgées, à la retraite, qui ne se déplacent peut-être pas aussi facilement que d'autres et qui ont à se rendre à la Régie des loyers et ont souvent à faire face à des propriétaires qui ont des procureurs, et on pourrait dire que la lutte est un peu inégale. Les gens sont plutôt craintifs et ils vont subir une hausse un peu abusive de loyers plutôt que de s'y opposer parce que cela les oblige à des dérangements et il y a des démarches qu'ils ne sont pas habitués de faire et qu'ils ne se sentent pas tout à fait capables et à l'aise de faire. C'est dans ce sens. Comment cela pourrait être assoupli? Je ne le sais pas. Il y a le recours collectif. Cela existe dans certains domaines. Je ne sais pas si dans cela il ne pourrait pas y avoir quelque chose de semblable. La fédération ne s'est pas penchée sur un problème comme celui-là. On sait que c'est une situation qui existe.

Certaines personnes âgées sont des victimes de propriétaires qui ont moins de scrupules qui augmentent les loyers de façon un peu abusive, parce qu'ils savent que les gens ne savent pas trop comment se défendre.

Le Président (M. Desbiens): Nous vous remercions... Oui?

M. Bissonnet: J'aurais une petite question parce que j'ai eu des représentations à cet effet. Est-ce que vous avez beaucoup de vos membres qui sont hébergés à l'hôpital qui ont seulement, par exemple, la pension de vieillesse pour l'époux et l'épouse et lorsqu'on fait un séjour de plus de 30 jours à l'hôpital, le ministère des Affaires sociales revendique un montant d'argent à titre d'hébergement. Je ne sais pas si vous comprenez la question que j'ai à vous poser. Est-ce que vous avez des représentations? Souvent, le couple formé de personnes du troisième âge a évidemment son loyer à payer, un des deux va à l'hôpital, il faut qu'il paie en plus des frais d'hébergement à l'hôpital. Je ne sais pas si...

Mme Gendron: Je n'ai pas eu de cas... M. Bissonnet: Vous ne savez pas.

Mme Gendron: ... qui m'ont été présentés.

M. Bédard: Encore une fois, nous, membres de la commission, nous vous remercions très sincèrement de l'ensemble de vos représentations et nous vous souhaitons un bon voyage de retour.

Le Président (M. Desbiens): Nous vous remercions. J'appelle maintenant...

M. Bédard: Est-ce qu'on pourrait avoir cinq minutes?

Le Président (M. Desbiens): La commission suspend ses travaux pour cinq minutes.

(Suspension de la séance à 16 h 03)

(Reprise de la séance à 16 h 22)

Le Président (M. Desbiens): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission permanente de la justice reprend ses travaux.

Mouvement laïque québécois

J'invite le Mouvement laïque québécois à se présenter, s'il vous plaît. Mme LeBlanc-Legault, je vous demanderais, s'il vous plaît, de nous présenter les personnes qui vous accompagnent.

Mme LeBlanc-Legault (Norma): Je vous présente Micheline Trudel-Lamarre, qui est membre du conseil national du Mouvement laïque québécois, et Daniel Baril, qui est aussi membre du conseil national du Mouvement laïque québécois. C'est M. Baril qui va vous faire lecture de notre mémoire, si vous voulez bien.

M. Baril (Daniel): M. le Président, d'abord, le Mouvement laïque québécois est issu de l'ex-AQADER, l'Association québécoise pour l'application du droit à l'exemption de l'enseignement religieux fondée en 1976, qui s'était prononcée, à son congrès de 1979, pour l'école laïque. À la suite de cette nouvelle orientation, lors de son dernier congrès, elle a pris le nom de Mouvement laïque québécois.

Le Mouvement laïque québécois désire attirer votre attention sur certaines limitations qu'imposent les articles 41 et 20 à l'exercice des droits et libertés exprimés à l'article 10 de la charte. Ces limitations ont pour effet de sanctionner certaines formes de discrimination religieuse dans les écoles publiques du Québec. Comme vous le savez, l'article 41 accorde le droit aux parents d'exiger, dans les écoles publiques, un enseignement religieux ou moral conforme à leurs convictions, dans le cadre des programmes prévus par la loi. La reconnaissance du droit à l'enseignement religieux peut poser de sérieux problèmes d'application et peut équivaloir, dans la pratique, au maintien du statu quo confessionnel, où on retrouve un enseignement religieux obligatoire accompagné d'un mécanisme d'exemption le plus souvent inapplicable.

Ce droit à l'exemption est discriminatoire tant dans ses principes que dans sa pratique. Il a été voulu comme une mesure d'exception qui ne peut être appliquée largement et ne demeure ainsi qu'un droit théorique dont les violations ne se comptent plus de même que les frustrations qui s'ensuivent. Tous les témoignages recueillis tant par l'ex-AQADER, par la Centrale de l'enseignement du Québec ou dans la série de plaintes que le Mouvement laïque québécois s'apprête à déposer auprès de la Commission des droits de la personne, suffisent à le démontrer largement.

La commission reconnaissait elle-même, en 1979, que l'exemption est un mécanisme dont l'approche est négative et partant insuffisante et qu'on ne reconnaît pas à tous les élèves qui fréquentent l'école publique confessionnelle une égale reconnaissance de leur liberté de religion. Que l'école soit confessionnelle ou non, que l'enseignement religieux soit obligatoire ou optionnel, garantir aux parents le droit d'exiger un enseignement religieux dans le contexte pluraliste actuel ne peut que maintenir ces inégalités et injustices parce que tous ne pourront jouir, en pratique, du même traitement équitable. On se retrouvera aussi avec les mêmes discriminations, soit pour ceux qui choisiraient l'enseignement religieux, soit pour ceux qui choisiraient l'enseignement moral, qu'avec le présent système d'exemption.

Lorsqu'on reconnaît un droit, celui-ci doit être applicable à tous. L'article 41, en précisant que l'enseignement religieux ou moral qu'on est en droit d'exiger doit se situer dans le cadre des programmes prévus par la loi, restreint considérablement l'exercice de ce droit, puisque les seuls programmes prévus par la loi sont des programmes d'enseignement religieux catholique et protestant. Pourquoi ne reconnaît-on pas ce droit pour les autres confessionnalités? Parce qu'on ne peut multiplier indéfiniment les options et dilapider sans limite les fonds publics ou parce que le nombre ne le justifie pas. Un tel droit, reconnu à certaines confessionnalités seulement, devient alors un privilège pour celles-ci et une discrimination pour les autres, qui doivent se contenter alors de l'exemption et des problèmes qu'elle engendre.

Pourtant, comme le déclarait la commission, "le respect des droits de la personne exige que l'État offre à tous, indépendamment de leurs convictions religieuses, un enseignement public d'égale qualité (...). Le droit à l'éducation sans discrimination l'exige."

Devant ces principes reconnus de liberté de conscience, de religion et d'égalité devant l'enseignement public, l'argument du nombre ne peut tenir lieu de justice et de démocratie. Cet article est donc porteur d'une discrimination évidente et limite, de façon inacceptable, l'universalité souhaitable du droit reconnu à l'article 10, article visant à protéger la reconnaissance et l'exercice des droits et libertés de la personne contre toute discrimination, religieuse ou autre.

Inversement, il convient de signaler que l'absence d'enseignement religieux à l'école ne brime en rien le droit à la liberté religieuse, droit qu'on ne saurait nier. Une situation où les droits de tous sont pleinement égaux, en pratique, nous paraît nettement supérieure à la situation actuelle. Indépendamment des discriminations manifestes protégées par l'article 41, on est en droit de se questionner sur la justesse des fondements de ce droit et de se demander s'il appartient bien à l'État de dispenser un enseignement religieux confessionnel. Sur ce point, nous sommes à nouveau parfaitement d'accord avec la commission qui, rappelant un jugement du juge Taschereau, déclare que c'est là "imposer une obligation aux écoles publiques, financées par l'État, de donner un enseignement religieux pour satisfaire aux convictions de certains parents d'élèves, convictions qui demeurent leur affaire personnelle et l'affaire de nul autre, et certainement pas celle de l'État".

Or, pour toutes ces raisons, parce que l'exercice du droit à l'enseignement religieux amène des inégalités et des injustices plus grandes que la non-reconnaissance de ce droit, parce qu'on ne reconnaît pas et qu'on ne peut reconnaître à tous la pleine égalité de l'exercice de ce droit, parce qu'on ne saurait attribuer à l'État le devoir d'assurer un tel enseignement au détriment d'un enseignement d'égale qualité accessible à tous, parce que l'article 3 protège suffisamment la liberté de religion, nous demandons l'abrogation de l'article 41 de la Charte des droits et libertés de la personne.

L'article 20 constitue une autre reconnaissance de la discrimination amenée par le règlement du comité catholique et par la confessionnalité scolaire. Tel que rédigé, cet article a pour effet d'écarter tout le personnel des institutions scolaires de la protection que la charte assure ailleurs pour raisons religieuses, puisqu'on y déclare qu'une "distinction, exclusion ou préférence fondée sur les aptitudes ou qualités exigées de bonne foi pour un emploi ou justifiée par le caractère (...) éducatif d'une institution sans but lucratif (...) est réputée non discriminatoire".

Or, nos institutions d'enseignement public sont confessionnelles et le règlement du comité catholique pose une préférence notoire en exigeant que les membres du personnel d'une institution doivent être de foi catholique; c'est ce que dit l'article 22 du règlement du comité catholique.

Un tel critère d'engagement serait discriminatoire n'importe où ailleurs et il n'est pas plus acceptable dans nos écoles publiques. De plus, il conduit plusieurs enseignants à trahir leur conscience au détriment de l'enseignement religieux qu'on veut protéger par cet article.

Le droit à l'exemption prévu dans ces cas, pour l'enseignant, est aussi bafoué et tout aussi inapplicable que celui prévu pour les élèves. Il ne reste donc plus aucun recours à ceux qui se verraient lésés dans leurs droits, puisqu'ils sont exclus de la discrimination par l'article 20.

De l'aveu même de la commission, "une telle exigence - l'exigence du règlement du comité catholique - paraît, à première vue, critiquable comme allant à l'encontre de la liberté religieuse et du droit à l'égalité". La Charte des droits et libertés de la personne doit donc nous protéger contre une telle discrimination, devenue injustifiable et indéfendable, et non pas la sanctionner. (16 h 30)

Nous demandons donc, tant que l'école publique demeurera confessionnelle, d'ajouter à la Charte des droits et libertés de la personne un article qui verrait à protéger le personnel scolaire contre toute distinction, exclusion ou préférence fondée sur des raisons religieuses.

Pour terminer, on aimerait rappeler certaines conclusions de la Commission des droits de la personne. Dans son document sur la liberté de religion et de confessionnalité

scolaire, la commission, reconnaissant la discrimination engendrée par le système scolaire confessionnel, en appelait à l'intervention politique. La parole, disait-on, est maintenant au législateur. C'est à lui qu'incombe la responsabilité d'ajuster le système scolaire public pour le rendre respectueux de toutes les convictions, c'est-à-dire ouvert au pluralisme. Dans son analyse du problème de l'exemption dans les commissions scolaires cries et kativik, la commission répète à la lettre ce même appel, reconnaît qu'on est en droit de s'interroger sur la portée de l'article 41, et admet son impossibilité d'agir si cet article n'est pas remis en question.

Dans une lettre à un de nos membres, le bureau de Québec reconnaît qu'on ne peut régler les problèmes de discrimination religieuse à l'école par du cas par cas et nous signale que la situation exigerait maintenant l'intervention d'une volonté politique clairement exprimée, mais cette volonté politique n'est pas encore manifestée.

L'intervention souhaitée dépasse le cadre de la charte des droits et libertés, mais elle ne peut être conséquente sans amender d'abord cette charte dans le sens des modifications souhaitées plus haut.

En conséquence, nous vous demandons d'exprimer cette volonté politique dans le sens de nos demandes et de rendre ainsi la charte en conformité avec les interprétations de la Commission des droits de la personne elle-même. Merci.

Le Président (M. Lafrenière): Merci, M. Baril.

M. Marx, en l'absence du ministre.

M. Marx: Oui, je vais excuser le ministre. Il a un appel très important. On va gérer le gouvernement pour quelques minutes. C'est le temps pour un vote.

Le Président (M. Lafrenière): Pour prendre des engagements à sa place.

M. Marx: Pour prendre des engagements à sa place, oui. On a déjà eu des représentations dans deux sens de deux autres personnes, et je ne vais donc pas reprendre le débat qu'on a déjà fait sur cette question. Je pense que c'était évident que si on était en train de rédiger une disposition dans la constitution en ce qui concerne l'éducation, on ne viserait pas seulement les catholiques et les protestants, c'est évident. C'est tellement évident et c'est curieux, parce que, dans la charte fédérale, où on prévoit l'égalité de tous devant la loi, Terre-Neuve a insisté pour qu'il y ait un article spécial, l'article 29, que je vais lire, qui prévoit que "les dispositions de la présente charte ne portent pas atteinte aux droits ou privilèges garantis en vertu de la constitution du Canada concernant les écoles séparées et autres écoles confessionnelles". C'est-à-dire que cette province a voulu être sûre et certaine que l'article 93 de la constitution ne serait pas jugé inconstitutionnel à cause de la charte qui prévoit l'égalité de tous devant la loi. Dans ce sens, c'est évident qu'on a fait de la discrimination à l'époque, elle reste avec nous depuis la Confédération.

Le problème que vous avez soulevé va au-delà de la charte, parce que la charte ne s'applique pas aux lois adoptées antérieurement à la charte. Cela s'applique seulement aux lois postérieures. Vraiment, si vous voulez que le problème soit réglé, il faut qu'il y ait un acte politique du gouvernement. Vous devrez demander au gouvernement quelle est sa politique en matière d'éducation, parce que cela prendra plus qu'un amendement à la charte pour régler vraiment ce problème. Même si on amende les articles que vous avez suggérés, la charte n'aurait pas préséance sur les lois antérieures; les lois existantes seront donc encore en vigueur.

M. Baril (Daniel): Oui, il nous paraît évident que cela dépasse le contenu de la charte. Il y a aussi un article dans la charte qui dit que la commission a comme mandat de vérifier les lois antérieures pour voir si elles ne contreviennent pas à la déclaration de la charte.

Deuxièmement, on considère que la charte n'a pas à répéter à nouveau des lois qui nous semblent discriminatoires comme le règlement du comité catholique qui a force de loi. Les deux articles en question protègent ce règlement. Advenant le cas où la constitution serait changée et advenant le cas où le règlement du comité catholique serait amendé ou complètement éliminé, on resterait quand même avec une Charte des droits et libertés de la personne qui répéterait à nouveau ces cas. Si on peut aujourd'hui l'amender, on sera déjà prêt.

M. Marx: Ce serait un pas en avant, d'accord. Pour votre thèse, ce serait un pas en avant, oui. Je n'ai pas d'autres questions. Si vous avez d'autres commentaires, allez-y.

Le Président (M. Lafrenière): Allez-y.

M. Dauphin: J'aurais seulement une petite question, naturellement. Je me réfère à votre première page, lorsque vous dites qu'en fonction de la législation actuelle le droit à l'exemption de l'enseignement religieux serait jugé discriminatoire. C'est ce que vous dites, d'ailleurs, dans votre mémoire. J'aimerais que vous explicitiez un peu cela. Ce que je veux dire par là, c'est que je me demande si ce ne serait pas plutôt le contraire; si ce ne serait pas un

droit fondamental que d'avoir droit à l'exemption avec la législation actuelle.

Mme LeBlanc-Legault: Comme droit fondamental, cela devrait être l'égalité pour tous à l'école publique qui appartient à tous. C'est cela qui est fondamental, alors qu'on est devant des règlements du comité catholique qui a déclaré, en fait, nos écoles juridiquement confessionnelles seulement en 1974 et que l'enseignement religieux était obligatoire pour tous. Là où entre en ligne de compte l'exemption, c'est qu'on demande aux citoyens qui ne sont pas d'accord avec cela de faire une démarche de plus, c'est-à-dire d'aller à l'école et de dire: Je ne veux pas d'enseignement religieux pour mes enfants, je demande donc l'exemption. Par le fait même, on demande un cours de formation morale humaniste. Au contraire, c'est une contradiction quand on parle de droits fondamentaux et en même temps d'enseignement religieux obligatoire et de processus d'exemption. Cela me semble une contradiction évidente.

Mme Trudel-Lamarre (Micheline): Pour ajouter à ceci, c'est que l'enseignement religieux se fait de façon automatique, alors que, pour avoir un enseignement humaniste, il faut faire une démarche spéciale. Évidemment, compte tenu de cela et du contexte socioculturel dans lequel on vit depuis longtemps au Québec, cette démarche est rendue tellement difficile que cela équivaut à la marginalisation des enfants dont les parents ont eu le courage d'afficher leurs convictions religieuses. La Commission des droits de la personne nous a dit que ce n'était pas du cas par cas qui amènerait un éclairage neuf à la situation, mais, en général, on note encore, en 1981 - le droit à la dissidence a été reconnu par le comité catholique en 1967 et par ses règlements de 1974 - que, dans bien des endroits, les enfants exemptés de l'enseignement religieux ont des services de moindre qualité. Par exemple, les enseignants qui vont donner le cours de formation morale humaniste n'ont aucune préparation. Ce sont des compléments de tâche qu'on leur donne à la dernière minute. Dans plusieurs écoles, les enfants exemptés reçoivent deux cours de formation morale, alors qu'il y a trois cours d'enseignement religieux.

On donne de l'information aux parents, information qui vient du conseiller en éducation chrétienne ou, dans certaines commissions scolaires, on donne l'information sur le droit à l'exemption et sur le programme de morale humaniste seulement aux gens qui font une demande d'exemption. Déjà, il n'y a pas de politique. Le droit à l'exemption, il y a eu une commission parlementaire là-dessus. L'information, parce qu'on est dans un système confessionnel, est réduite le plus possible. Je ne veux pas en ajouter. Même dans une école confessionnelle on a le droit d'exempter nos enfants de l'enseignement religieux, 120 minutes au primaire et 100 minutes au secondaire, mais nos enfants sont baignés dans le projet éducatif chrétien; il y a des classes où à des enfants exemptés on fait réciter des prières en arrivant le matin, le bénédicité avant de partir le midi, les grâces en revenant.

Alors, c'est un contexte de récupération. L'animation pastorale qui se fait dans les écoles et qui est le relais entre l'évêché et le système scolaire s'adresse à tous les enfants parce qu'on n'a pas prévu -c'est trop compliqué à administrer - que des enfants soient aussi exemptés de l'animation pastorale.

Alors, je pense que le mot discriminatoire qu'on a utilisé n'est pas trop fort.

M. Marx: Juste une question. Est-ce que j'ai raison de dire qu'avant la loi 28 les commissions scolaires à l'extérieur des villes de Montréal et de Québec étaient surtout des commissions scolaires communes qui étaient des commissions confessionnelles en fait, mais pas en droit, et qu'avec la loi 28 on a rendu ces commissions confessionnelles en droit? On a changé le système avec la loi 28. Maintenant tout ce que je peux...

Mme LeBlanc-Legault: Excusez-moi, parlez-vous d'une loi québécoise ou du même article?

M. Marx: Oui, oui.

Mme LeBlanc-Legault: Il me semblait que ce projet de loi n'avait pas été adopté.

M. Bédard: La loi à laquelle réfère le député n'a pas été adoptée.

M. Marx: Vers 1970, non ce n'était pas adopté? Pour les commissions scolaires à l'extérieur de Montréal et Québec, on a adopté une loi, ah oui.

M. Bédard: À l'extérieur, oui c'est cela.

M. Marx: À l'extérieur de Montréal et Québec.

Mme LeBlanc-Legault: Je crois que le comité catholique a défini les commissions scolaires comme étant réputées catholiques ou protestantes; c'est dans les règlements du comité catholique, plutôt, mais ils ont force de loi parce que cela passe par un arrêté en conseil.

De toute façon, je vous connais comme étant un expert, M. Marx; au moment de la restructuration, je pense que vous avez bien travaillé...

M. Marx: Je n'ai pas pris position, c'était technique.

Mme LeBlanc-Legault: Je sais, et je sais ce qui a été recommandé par la personne dont vous étiez le conseiller technique, mais ce n'est pas le moment d'en parler.

M. Bédard: ... est en train de rougir.

Mme LeBlanc-Legault: Je pense que de toute façon le jugement Deschênes, qui a été le dernier jugement là-dessus, répète cela, bien que, à mon avis, je connais au moins deux autres constitutionnalistes, dont vous, dont j'avais déjà entendu une opinion très différente, à savoir que ce qui était protégé par l'article 93 pouvait se limiter au territoire occupé en 1867 par le Protestant School Board et la Commission des écoles catholiques de Montréal, et après un certain nombre d'années, qui était trois ou quatre.

Alors, le jugement Deschênes a élargi cela; par exemple, à ma grande surprise, Montréal-Nord est associée à Montréal sur le plan scolaire. On n'en parle même pas dans le jugement.

M. Marx: Malheureusement, les juges ne suivent pas toujours leurs anciens étudiants.

Mme LeBlanc-Legault: On l'a déjà dit, on est allé en commission parlementaire sur la constitution pour parler de l'article 28 du projet de charte fédérale, on est allé là-dessus. À ce moment-là on a bien dit aux gens en place que, même avec les limites qu'impose le jugement Deschênes pour le moment, jusqu'à temps qu'on soit allé en appel, toutes les autres écoles du Québec peuvent être déconfessionnalisées.

Le Président (M. Desbiens) Mme Trudel.

M. Marx: D'accord, j'ai pris la même position, j'ai dit que c'est garanti dans la ville de Montréal, telle qu'elle était en 1867, et qu'on peut baisser le niveau jusqu'à la quatrième année; je pense qu'on a fait des études historiques.

Le problème est politique, comme j'ai dit il y a quelques minutes, et maintenant peut-être peut-on savoir la politique du gouvernement sur cette question, s'il en a une. (16 h 45)

M. Bédard: Je pense que le ministre Laurin a parlé d'une politique à venir. En ce qui a trait à la charte des droits et libertés, on aura l'occasion d'avoir d'autres représentations.

Le Président (M. Desbiens): Mme

Lamarre voudrait ajouter quelque chose.

M. Bédard: Je voulais simplement, M. le Président, vous me le permettrez, m'excuser d'avoir été dans l'obligation de m'absenter quelques instants. Je suis convaincu que mon collègue d'en face a posé les questions pertinentes. Vous n'en êtes pas sûr? Vous avez essayé.

Mme LeBlanc-Legault: Je pense qu'il aurait préféré avoir un bout à ce moment-là.

M. Bédard: Vous avez entendu M. Légaré, vous étiez ici lorsque M. Légaré a témoigné en commission tout à l'heure; il y est allé d'une suggestion d'amendement. Est-ce que ça rejoindrait l'essentiel de votre préoccupation?

M. Baril (Daniel): Je suggérais un amendement à l'article 20 restreignant la portée de l'article 20 aux institutions privées. Lorsque je me souviens ou plutôt...

M. Bédard: Vous parlez des écoles publiques.

M. Baril (Daniel): ... les institutions qui ont des bénévoles comme personnel. Cela ne rejoint pas tout à fait ce qu'on voudrait parce qu'il y a des organisations qui peuvent avoir des employés salariés, même protégés par les conventions qui l'excluaient dans son amendement qui pourraient jouir de la protection de l'article 20. Si on pense, par exemple, à des organismes d'immigrants qui pourraient être protégés dans cet article, il va y avoir un personnel de salariés.

Ici, on faisait simplement demander que soit ajouté, à ceux de l'article 20, un article qui protégerait le personnel scolaire - ça va du directeur jusqu'au concierge parce que tout le personnel est touché par la réunion du comité catholique - de le protéger contre l'exclusion pour raison religieuse. On a pris connaissance seulement ce matin d'amendements suggérés en ce sens par la CEQ et il semble...

M. Bédard: Le plus large.

M. Baril (Daniel): ... correspondre assez exactement à ce qu'on disait: Que l'on enlève le mot "religieux" et "critère d'exclusion" et qu'on ajoute un paragraphe en limitant le caractère religieux aux institutions privées. C'est à peu près ça, si je ne veux pas trop fausser. Comme formulation, c'est assez proche de notre position.

M. Bédard: Excusez, allez-y.

Le Président (M. Desbiens): Mme

Lamarre voulait ajouter quelque chose.

Mme Trudel-Lamarre: Je voulais

simplement mettre un peu plus de poids sur le fait qu'on se présente aujourd'hui. C'est sûr qu'il y a des problèmes politiques mais le problème qu'on voulait soulever aujourd'hui est un problème de fond. Évidemment, que les lois antérieures à la charte ne peuvent pas être modifiées du fait qu'on déclare des droits et libertés, la charte n'a pas à donner une base supplémentaire à la discrimination qu'on vit. C'est pour ça qu'on demande une abrogation de l'article 41 et une modification de l'article 20.

M. Bédard: Cela répond à ma question, M. le Président.

Le Président (M. Desbiens): Je remercie, au nom de la commission, le groupe Mouvement laïque québécois pour sa participation à nos travaux.

BAC

J'inviterais maintenant le Bureau d'assurance du Canada à se présenter à l'avant. Alors, M. Medza si vous voulez présenter, s'il vous plaît, les personnes qui vous accompagnent.

M. Medza (Raymond): Merci, M. le Président. Si vous me permettez, mesdames et messieurs, j'aimerais vous présenter ceux qui m'accompagnent: M. John Sylvain, président du conseil du comité consultatif du BAC au Québec, le Bureau d'assurance du Canada, il est également secrétaire du Groupement des assureurs automobiles et, dans sa fonction principale, il est président-directeur général de Provinces unies, une compagnie québécoise. À côté de M. Sylvain, Me Hélène Lamontagne-Gagné, notre conseiller juridique. À ma gauche, M. Yves Brouillette, président du comité de la statistique du groupement des assureurs automobiles, il est également vice-président actuariat au Groupe Commerce, une autre compagnie québécoise. Je suis Raymond Medza, directeur général du Groupement des assureurs automobiles, j'agis également comme directeur pour le Québec du Bureau d'assurance du Canada.

Je demanderais, si vous me le permettez, M. le Président, à M. Sylvain de vous faire état de nos représentations.

M. Sylvain (John): M. le Président, le Groupement des assureurs automobiles est un organisme créé par le gouvernement du Québec et qui regroupe tous les assureurs privés autorisés à pratiquer l'assurance automobile dans la province. L'organisme est responsable du système de répartition des risques, de l'application de la convention d'indemnisation directe, de l'agrément des centres d'estimation de dommages matériels, du constat amiable et agit comme agent statistique. Le Bureau d'assurance du Canada est une association dont font partie la majorité des compagnies pratiquant au Québec l'assurance automobile, habitation, biens et responsabilités civiles tant pour les particuliers que pour les entreprises.

Le groupement et le BAC appuient les efforts du gouvernement du Québec dans le domaine des lois sur les droits de la personne, notamment au niveau des principes clés dont sont la dignité de l'individu et la valeur de l'acceptation et de la recherche des différences entre les personnes dans une société pluraliste. Le groupement et le BAC estiment cependant que la première qualité à rechercher dans l'établissement de la tarification automobile doit être l'équité. Pour que la prime soit équitable, elle doit tenir compte le plus précisément possible de la nature du risque. Comme on le sait, le risque lui-même peut varier selon un certain nombre de facteurs dont évidemment, l'âge, le sexe ou l'état civil de l'assuré. Bien que le mandat du comité sur la non-discrimination dans les avantages sociaux ne semble pas englober l'assurance automobile privée, le groupement et le BAC aimeraient profiter de la tenue de la commission, afin d'expliquer publiquement la position de leurs membres et les raisons pour lesquelles ils souhaiteraient voir l'article 90 modifié pour exempter expressément les assureurs automobiles de certaines obligations, notamment, les articles 11, 13, 16, 17 et 19 de la Charte des droits et libertés de la personne. Cela, afin de permettre aux assureurs automobiles d'offrir aux assurés québécois des primes équitables, c'est-à-dire qui reflètent le risque impliqué. Le mécanisme fondamental de l'assurance est que ceux qui sont exposés à un risque donné s'unissent en contribuant à un fonds commun, de sorte que les petites sommes payées par un grand nombre servent à compenser les dommages subis par un petit nombre. Ceux qui représentent un risque anormalement élevé pour l'ensemble de la communauté doivent payer des primes proportionnellement plus élevées pour préserver une certaine équité envers les autres membres de la communauté.

Afin de cerner la nature du risque, les assureurs automobiles utilisent un système de classification qui varie peu de l'un à l'autre pour un type de véhicule donné. Ce système de classification repose sur les critères suivants. Pour les garanties de responsabilité civile, tous risques et collision: le territoire, la classe du conducteur, le dossier de conduite et le groupe de tarification du véhicule. Pour les garanties accident sans collision ni versement et risques spécifiés: le territoire et le groupe de tarification du véhicule. Les facteurs âge, sexe et état civil servent uniquement à déterminer la classe du conducteur. Ils ne sont généralement utilisés que pour les assurés qui ont entre 16 et 30

ans, c'est-à-dire là où les statistiques révèlent une différence significative dans la nature du risque.

L'utilisation de ces facteurs n'est pas arbitraire, elle repose sur des fondements statistiques très sérieux. Au Canada, les premières données statistiques automobiles remontent à 1926. Chaque année, l'agence statistique désignée par l'ensemble des surintendants d'assurance du pays réunit les données de tous les assureurs autorisés à pratiquer l'assurance automobile. Depuis janvier 1969, ce rôle a été confié au Bureau d'assurance du Canada et, depuis janvier 1981, au Groupement des assureurs automobiles pour le Québec. Les données statistiques ainsi obtenues sont présentées dans un recueil communément appelé livre vert et s'intitulant: Le rapport statistique sur l'assurance automobile.

En tenant compte de ces données, chaque assureur se dote d'une structure de prix qui lui fournit suffisamment de revenus pour couvrir ses obligations tout en restant concurrentiel. De plus, l'assureur répartit ses coûts entre les différents groupes d'assurés pour en arriver à sa structure finale de tarif qui donne les primes exigées des différents assurés, compte tenu toujours du risque que chacun d'entre eux représente. Il est également à noter que le coût de l'assurance automobile reflète des problèmes qui n'ont rien à voir avec les droits de la personne, par exemple les habitudes de conduite, l'abus d'alcool ou de drogue et la dommageabilité des véhicules. Ces problèmes devraient être attaqués directement et non pas par le truchement d'un système d'assurance.

Comme la commission s'intéresse plus particulièrement aux facteurs âge, sexe et état civil, voyons un peu ce que nous disent les statistiques pour chacun. Ces statistiques sont tirées du dernier rapport du Surintendant des assurances de la province de Québec. Vous avez devant vous trois tableaux, je vais les repasser rapidement avec vous, si vous me le permettez. Pour les statistiques selon l'âge, au Québec, il y a deux facteurs essentiels. Le premier est la fréquence des sinistres, c'est-à-dire le pourcentage de détenteurs de permis de conduire qui sont impliqués dans des accidents. Le deuxième est le coût moyen des sinistres par véhicule.

En regardant le chapitre de la responsabilité civile, on voit que chez les assurés de moins de 21 ans, les conducteurs de moins de 21 ans, il y en a 23,6% qui sont impliqués dans des accidents, tandis que pour ceux de plus de 25 ans le pourcentage tombe à 12,2%, donc, presque la moitié.

Les coûts moyens pour ces mêmes gens passent de 192 $ pour les moins de 21 ans à 95 $ pour ceux qui ont plus de 21 ans.

Au chapitre de la collision, on retrouve encore la même chose. Pour la fréquence, les moins de 21 ans représentent 24%, tandis que ceux de plus de 25 ans représentent 8,4% des sinistres.

Le coût moyen passe de 400 $ pour les moins de 21 ans à 102 $ pour ceux qui ont plus de 25 ans.

Les statistiques selon le sexe...

M. Bédard: À ce stade-ci, est-ce qu'entre la responsabilité civile et la collision, vous faites une différence? Pourriez-vous l'indiquer de nouveau...

M. Sylvain: M. le ministre, la responsabilité civile...

M. Bédard: .. juste pour la bonne compréhension?

M. Sylvain: ... d'une police d'assurance vous assure contre les blessures que vous pourriez causer à d'autres, tandis que la collision c'est simplement les dommages que vous pouvez causer vous-même à votre véhicule ou qui peuvent être causés à votre véhicule.

M. Bédard: D'accord.

M. Sylvain: Pour les statistiques selon le sexe, encore une fois divisées entre hommes et femmes, selon les fréquences, on voit que les hommes ont 20,5% de fréquence de sinistres tandis que les femmes n'en ont que 15,8%. Les coûts moyens se différencient de la façon suivante: le coût moyen pour les hommes est de 168 $ tandis que pour les femmes il tombe à 122 $.

Au chapitre collision, le même phénomène se répète. Pour la fréquence, les hommes, 18,5%; les femmes, 11,8%. Le coût moyen des sinistres tombe de 299 $ à 160 $.

Les statistiques selon l'état civil entre les célibataires et les gens mariés, encore une fois divisées entre le chapitre responsabilité civile et le chapitre collision de la police d'assurance indiquent que la fréquence pour les célibataires est de 21,4% et pour les gens mariés de 17,4%. Quant au coût moyen, il tombe de 177 $ à 135 $.

Au chapitre collision, la fréquence est de 21,6% pour les célibataires et tombe à 11,9% pour les gens mariés. Le coût moyen tombe de 366 $ à 160 $.

Comme les membres de la commission l'auront certainement constaté, l'utilisation de chacun de ces facteurs permet de faire porter par les groupes qui représentent plus de risques leur part normale du coût des sinistres.

La suppression des facteurs âge, sexe et état civil en assurance automobile serait désavantageuse sur le plan économique et social. Par exemple, si on supprimait les facteurs sexe et état civil, il en résulterait une augmentation de 25% à 40% pour les

jeunes femmes, tandis que les jeunes hommes célibataires profiteraient d'une baisse importante. (17 heures)

L'élimination du facteur âge entraînerait aussi des augmentations pour les groupes de 30 ans et plus, qui constituent la grande majorité des assurés. Il s'agirait d'un transfert pur et simple des coûts d'un groupe de consommateurs à un autre. Alors que la société ne subventionne pas l'achat de voitures, serait-il acceptable d'exiger de la majorité des consommateurs qu'ils subventionnent la prime d'assurance automobile de ceux qui représentent plus de risques?

La fréquence d'accidents des jeunes conducteurs est beaucoup plus élevée que la moyenne. Bien que les 15 à 24 ans représentent 20% des détenteurs de permis, ils sont impliqués dans 37% des accidents routiers avec victimes et comptent pour 52% des tués sur la route. Si on subventionnait ces catégories, cela entraînerait un accroissement du nombre de jeunes propriétaires de voitures et, conséquemment, du nombre d'accidents et de victimes de la route. Ne serait-ce pas là une façon d'aggraver un problème social déjà très sérieux?

Si l'assurance doit être offerte par un marché d'assureurs concurrents, ceux-ci doivent être libres d'établir des différences entre les divers risques.

La concurrence entre les assureurs profite au public parce que chacun d'entre eux essaie d'être meilleur que les autres et de convaincre les consommateurs qu'il est le meilleur. Cette concurrence amène les assureurs à essayer de se surpasser dans les services offerts, dans la conception de nouveaux produits, dans les prix et dans la tarification des risques.

La vivacité de la concurrence qui caractérise notre marché de l'assurance automobile entraîne un niveau de recherche constant de la part des compagnies pour trouver des critères de tarification meilleurs et plus prévisibles.

Certains estiment qu'aucune différenciation n'est acceptable, même lorsqu'elle n'est pas arbitraire et qu'elle peut être objectivement justifiée. Nous ne partageons pas ce point de vue. À notre avis, la société et la grande majorité des individus qui la composent reconnaissent la nécessité et l'équité d'une différenciation dans de nombreuses situations. Les résultats de sondages effectués par le groupement et par le BAC afin de connaître la réaction du public face à une éventuelle modification des critères de tarification, démontrent que les gens favorisent en principe la tarification unisexe, mais qu'ils s'y opposent si elle doit leur coûter plus cher.

L'objectif des lois sur les droits de la personne réside dans l'élimination des différenciations qui porteraient atteinte à la dignité de la personne et aux droits à la différence. Le fait d'exiger des tarifs différents en assurance automobile uniquement en raison de la différence existant dans le risque ne porte nullement atteinte à la dignité humaine, mais constitue, au contraire, un effort d'équité envers tous.

Nous insistons sur cet aspect parce qu'il semble régner une certaine confusion dans la nature véritable des droits de la personne. Certains semblent croire qu'il faille présumer que tout le monde est en fait identique et qu'il ne devrait donc y avoir aucune différence de traitement et que les vies devraient être soumises aux mêmes paramètres généraux. Ce genre de raisonnement, loin de promouvoir le respect des différences individuelles, a pour effet de rejeter et de supprimer ces mêmes différences.

Le principe des droits de la personne n'exige pas un traitement égal, ni la prémisse que tout le monde est pareil, mais exige que personne ne soit pénalisé pour ses différences. Cette distinction cruciale est souvent perdue de vue.

Toute différence de traitement constitue une violation élémentaire du principe des droits de la personne si l'essence de ce traitement est de pénaliser l'individu ou le groupe qui ose être différent. D'un autre côté, une différence de traitement qui n'est pas une tentative de pénalisation, ni une marque gratuite d'hostilité à l'égard de la différence d'une personne ou d'un groupe donné ne constitue pas une violation du principe des droits de la personne.

Tout ceci concerne l'industrie des assureurs parce que, bien qu'il ne fasse aucun doute que les assureurs font des différences selon l'âge, le sexe et l'état civil, personne ne pourrait prétendre que cette différenciation est basée sur une volonté de pénalisation ou un sentiment d'hostilité à l'égard des jeunes, des personnes âgées, des hommes, des femmes, des gens mariés ou des célibataires. La preuve que les assureurs ne font pas de différence dans un but de pénalisation se trouve dans le fait que, dans certains cas, les hommes paient des tarifs inférieurs à ceux des femmes alors que, dans d'autres cas, ce sont les femmes qui paient des tarifs inférieurs à ceux des hommes, que parfois les jeunes paient plus que les gens plus âgés, alors que dans d'autres occasions c'est le contraire qui se produit, le tout en fonction de considérations actuarielles qui, comme nous l'avons dit, tendent dans la mesure du possible à une tarification de l'assurance basée sur les coûts effectifs.

M. le Président, nos recommandations sont les suivantes: attendu que le Comité sur

la non-discrimination dans les avantages sociaux reconnaît que l'établissement du coût des avantages sociaux ou de l'assurance doit nécessairement tenir compte du risque impliqué; attendu que l'utilisation des facteurs âge, sexe et statut civil par les assureurs automobiles repose sur des données statistiques contrôlées par le Surintendant des assurances du Québec et n'a pour seul objectif que d'établir la nature du risque impliqué; attendu que la Législature ontarienne est sur le point d'exempter expressément les assureurs automobiles de certaines obligations de sa Charte des droits et libertés de la personne relatives à l'utilisation de l'âge, du sexe et de l'état civil dans l'établissement de la tarification; attendu que les assureurs sont déjà régis par une loi spécifique et que leurs opérations font l'objet d'une surveillance par le Surintendant des assurances, le groupement et le BAC souhaitent donc que le législateur, premièrement, exclue expressément les assureurs automobiles des articles 11, 13, 16, 17 et 19 en incluant au texte de l'article 90 l'expression "assurance automobile"; deuxièmement, confie au Surintendant des assurances, dans le cadre de la Loi sur les assurances, le pouvoir de réglementer dans ce domaine en consultation avec la Commission des droits de la personne.

M. le Président, nous vous remercions d'avoir accepté de considérer notre point de vue.

Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.

M. Bédard: M. le Président, c'est nous qui remercions celles et ceux qui ont accepté de faire les représentations au nom du Groupement des assureurs automobiles et du Bureau d'assurance du Canada. Il s'agit d'un mémoire, on est à même de le constater, concis et précis. J'ai l'impression qu'il y en a plusieurs qui vont avoir des questions à poser. La ministre d'État à la Condition féminine est en train de faire l'évaluation des statistiques que vous nous avez présentées qui semblent démontrer très clairement les différences de risque qu'il peut y avoir d'une catégorie de citoyens et de citoyennes à une autre.

À la fin de votre mémoire, vous référez à la Législature ontarienne qui, dites-vous, est sur le point d'exempter expressément les assureurs automobiles de certaines obligations de sa charte des droits et libertés. Je crois que vous avez avec vous votre collègue de droite qui connaît bien la situation en Ontario. Est-ce que vous auriez d'autres informations pertinentes à nous communiquer sur la situation qui prévaut non seulement en Ontario, mais peut-être aussi aux États-Unis ou dans d'autres pays en matière d'assurance de biens? Je pense que cela intéresserait vraiment les membres de la commission de pouvoir profiter de votre expérience.

Mme Lamontagne-Gagné (Hélène): En effet, la législation ontarienne, il faut la considérer dans le contexte de la loi sur les assurances de l'Ontario. Il est exact que le projet de loi 7 contient actuellement un article qui va exempter les assureurs-vie et l'assurance en général de l'application de l'article qui, en fait, dit qu'il est interdit d'avoir une clause discriminatoire dans un contrat d'assurance qui pourrait être, entre autres, les différentes classifications utilisées pour la tarification.

Il faut cependant se rappeler que, dans la loi sur les assurances de l'Ontario, il existe un chapitre particulier qui traite des pratiques restrictives de commerce et qui, entre autres, prévoit qu'il ne doit pas y avoir de discrimination dans les taux sur l'automobile et dans d'autres domaines. Ce qui veut dire à ce moment-là que la Charte des droits et libertés de la personne de l'Ontario est doublement justifiée d'éviter un dédoublement de pénalité ou de contrôle dans un domaine qui est déjà du ressort du Surintendant des assurances et qui existe dans leurs lois.

Lorsqu'on dit qu'ils vont probablement approuver cette recommandation de l'article 20, il faut toujours comprendre pourquoi, dans notre deuxième recommandation, nous suggérons que le Surintendant des assurances du Québec pourrait peut-être, de la même façon que ça existe dans les lois sur les assurances en Ontario et au Nouveau-Brunswick, procéder de cette façon par le bureau du surintendant. C'est l'optique dans laquelle il faut regarder l'exemption de l'Ontario.

Dans les autres provinces, la tarification se fait de différentes façons. Ici, évidemment, nous considérons les trois éléments particuliers, soit le sexe, l'état civil et l'âge. Dans certaines provinces, notamment le Nouveau-Brunswick, l'Ontario et l'Alberta, l'élément état civil a été enlevé, dans les dernières années. Donc, ils utilisent présentement les critères âge et sexe et non pas l'état civil. Mais il y a toujours le quatrième élément qu'on ne mentionne pas ici, mais qui est très important en assurances, comme vous voyez, qui est le territoire. Cet élément est toujours présent.

Dans d'autres provinces, notamment les provinces où l'assurance est étatisée, la Saskatchewan, le Manitoba et la Colombie britannique, il existe un système mixte; la Colombie britannique, en 1979, a introduit ce qu'elle appelle le "fair plan" qui existe, en fin de compte, dans le but d'enlever la discrimination dans la tarification de l'assurance automobile. Cette loi va entrer

en vigueur graduellement et, présentement, l'élément sexe existe encore en Colombie britannique. Cependant, il faut se rappeler qu'en même temps qu'ils ont introduit cette loi ils ont introduit un nouvel élément dans la tarification, relié aux infractions de la route, aux accidents ou réclamations. Je vous donne un exemple: dans certains accidents ou certaines infractions, on aura une pénalité de $300 qui sera ajoutée au montant de base et cette pénalité doit être supportée pendant quelquefois un an, deux ans ou trois ans avant que la personne revienne au taux normal payé par tous les autres. C'est plus ou moins le bonus-malus qui existe en Europe.

En Saskatchewan, on fait la même chose, parce qu'ils ont éliminé l'élément sexe l'année passée; au Manitoba, c'est de la même façon, un système mixte. Lorsqu'ils enlèvent certains critères qu'on considère discriminatoires, ils introduisent en même temps d'autres éléments pour tenir compte d'autres facteurs, selon les statistiques et selon ce qui est disponible dans ces provinces.

Dans les autres provinces, comme les Maritimes, il n'y a rien de particulier, excepté au Nouveau-Brunswick, comme je l'ai mentionné plus tôt, où il y a aussi, à l'intérieur de la loi sur les assurances, ce chapitre concernant les pratiques restrictives du commerce de l'assurance, qui est un pouvoir reconnu du Surintendant des assurances. Au point de vue de la tarification, c'est à peu près la situation dans les autres provinces. (17 h 15)

Une voix: M. le Président, si je peux me permettre de rajouter un commentaire. La loi de l'assurance-automobile qui est en vigueur depuis 1978 prévoit déjà que le Surintendant des assurances doit produire à tous les ans un rapport sur la tarification automobile. Dans son rapport de l'an dernier, il y a un chapitre consacré entièrement à la revue des critères de tarification, tels qu'utilisés par les assureurs. Or, ce chapitre qui avait été consacré au dernier rapport ne nous arrivait pas comme une surprise, parce que l'industrie avait déjà commencé et continué à travailler sur l'étude des critères actuels utilisés pour savoir s'ils sont toujours de mise dans notre société contemporaine.

M. Bédard: Il y a des tableaux concernant les statistiques d'expériences de sinistres, selon l'état civil. On est à même de constater, mariés, célibataires, qu'il y a toute une différence de pourcentage au niveau du risque. Est-ce seulement à partir des statistiques... Est-ce seulement la compilation des statistiques qui vous donne...

M. Brouillette (Yves): Si je peux répondre à cette question, c'est basé sur les statistiques d'assurance automobile. Les pourcentages qui sont en haut représentent le nombre de sinistres par cent assurés. Pour cent personnes assurées, chez les célibataires...

M. Bédard: Est-ce pour une période donnée? Est-ce qu'il ne peut pas arriver qu'à un moment donné... C'est seulement à chaque année.

M. Brouillette (Yves): Oui, c'est pour une période d'un an, mais ces statistiques sont compilées déjà depuis plusieurs années. Alors, cela peut varier un peu d'une année à l'autre. Il peut y avoir des variations; mais le fait qu'au niveau des jeunes hommes, la fréquence soit plus élevée chez des célibataires que chez les gens mariés, cela a été observé depuis dix ou quinze ans. C'est constant. À chaque année, on constate une différence. Par ailleurs, ce sont des statistiques pour le Québec, mais ces différences ont été observées aussi dans d'autres provinces et dans d'autres juridictions.

M. Bédard: Selon vous, où doivent s'arrêter les distinctions basées sur des données actuarielles? Par exemple, un couple avec un enfant, est-ce qu'il offre plus de danger, d'éléments de risques qu'un couple sans enfant, ainsi de suite? Est-ce que le Surintendant des assurances intervient à ce niveau?

M. Brouillette (Yves): Dans son dernier rapport, il l'a interrogé. Par contre, j'aimerais faire remarquer que dans les statistiques que vous avez sur la question de marié et célibataire, il faut s'en référer aux personnes qui ont entre 16 et 24 ans. Plus tard, ces critères n'entrent pas en ligne de compte.

M. Bédard: Oui, c'est vrai.

M. Brouillette (Yves): Pour poursuivre la réponse au deuxième aspect de votre question au sujet de la possibilité de faire une distinction entre ceux qui ont des enfants et les personnes mariées qui n'en ont pas, je pense que cela devient une question pratique. Il y a une limite à la subdivision qu'on peut faire dans la tarification, d'une part. Selon le principe adopté dans la tarification, à savoir de refléter les coûts indiqués dans la prime, si on avait l'évidence, selon votre exemple, qu'il y a une différence entre les personnes mariées et les personnes célibataires, il n'y aurait pas d'objection de principe. Cela devient une modalité pratique. On atteint une limite quant au degré de sophistication qu'on peut avoir au niveau de la tarification. L'autre aspect, c'est que la statistique est compilée,

comme c'est mentionné dans le mémoire, selon le plan statistique qui est promulgué par le Surintendant des assurances. Ce plan présentement ne comporte pas la variable avec ou sans enfant. Pour cet exemple, cela explique un peu l'allure de la tarification présentement. Ce sont les principaux facteurs retenus et ceux sur lesquels on a des statistiques disponibles.

M. Bédard: Par exemple, la notion de conjoint de fait, est-ce reconnu par vos membres comme pouvant être un critère d'augmentation ou de diminution des risques?

M. Brouillette (Yves): Oui.

Généralement, les personnes qui ont un conjoint de fait seront considérées comme mariées.

M. Medza: Le contrat d'assurance, c'est précisé dans la Loi sur l'assurance automobile à l'article de la définition de "conjoint". Ce que signifie le mot "conjoint", c'était déjà prévu dans la Loi sur l'assurance automobile. Cela fait partie du contrat d'assurance et c'est respecté par les assureurs, parce que c'est déjà dans le contrat.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: J'ai trouvé votre mémoire très intéressant, parce que cela démontre des effets possibles de l'incorporation de l'âge dans l'article 10. D'autres intervenants n'ont pas vraiment fait des représentations en ce qui concerne les effets possibles. Par exemple, tout le monde a dit: Mettez l'âge dans l'article 10, même des gens qui sont membres de clubs de l'âge d'or. Si on fait cela, est-ce qu'ils vont continuer de bénéficier des tarifs spéciaux du métro, de l'autobus, etc.? C'est une question que les tribunaux vont régler, j'imagine, un jour, si on met l'âge dans l'article 10.

Effectivement, le ministre a posé toutes les bonnes questions, c'est la première fois. Il ne m'a pas laissé beaucoup de questions à poser.

M. Bédard: Vous devez être fatigué un peu.

M. Marx: Non, je suis sur la même longueur d'onde que vous aujourd'hui sur ce mémoire, mais, effectivement, vous demandez l'exemption en ce qui concerne certains motifs de non-discrimination à l'article 10, c'est-à-dire que ce n'est pas nécessaire qu'il y ait une exemption en ce qui concerne la race, la couleur, l'orientation sexuelle, la religion, les convictions politiques, la langue, l'origine ethnique ou nationale ou la condition sociale. Vous voulez des exemptions pour des raisons comme l'état civil, le sexe...

Une voix: Et l'âge.

M. Marx: ... l'âge, le cas échéant, et les handicapés. Est-ce bien cela?

Mme Lamontagne-Gagné: M. le Président, si je peux ajouter quelque chose, c'est tout simplement que nous voyons un peu la charte en deux volets. Il y a d'abord l'accès au service qui est le service d'assurance, qui a été reconnu par certains tribunaux, dans les provinces de l'Alberta, de la Colombie britannique, comme incluant l'assurance et, évidemment, il y a le deuxième élément qui est la discrimination dans le contrat même qui nous touche de plus près.

Nous reconnaissons et nous admettons qu'il ne doit pas y avoir de discrimination à l'accès au service qui est l'assurance. Cependant, nous voulons qu'il soit spécifiquement reconnu dans la charte que la discrimination soit permise par rapport aux éléments que vous avez mentionnés dans le contrat qui, en fait, fait la distinction, l'individualisation du contrat et le contrat entre l'assureur et l'assuré purement et simplement, l'identification.

M. Marx: C'est cela.

Mme Lamontagne-Gagné: C'est à ce point-ci que nous voulons plutôt que le contrôle soit fait par le surintendant qui possède déjà toute l'expertise, le personnel, si vous voulez, et le pouvoir de faire ce contrôle.

M. Marx: Est-ce que les assureurs utilisent de temps à autre, soit dans les contrats d'assurance automobile, soit dans d'autres contrats, la condition sociale comme critère? Jamais?

Mme Lamontagne-Gagné: Non.

M. Marx: Pour quelqu'un qui reçoit l'aide sociale et qui bénéficie de l'assurance-incendie, il n'y a pas de problème?

Mme Lamontagne-Gagné: Non.

M. Medza: II n'y a aucune forme de discrimination dans l'accès au service.

M. Marx: C'est cela. Est-ce que la prime est plus élevée? C'est ma question.

M. Medza: II n'y a pas de critère de tarification. Dans l'assurance-incendie, les seuls critères de tarification sont l'endroit où le risque est situé, sa construction et son occupation. Cela n'a rien à voir avec les

autres.

Par contre, en assurance automobile, il y a des marges très différentes qu'on peut retrouver d'ailleurs dans le rapport annuel du Bureau des véhicules automobiles. Cela fait déjà quelques années qu'on n'en a pas, mais lorsque ces gens sont capables de nous en fournir, ils sont en mesure de nous donner -il y a une table très intéressante là-dessus -les accidentés par âge, par sexe et aussi les détenteurs de permis. J'ai déjà dit avant et je le répète que les femmes sont de très bons conducteurs statistiquement...

Mme Marois: Même si les gens disent le contraire.

M. Medza: Ah bien cela ils peuvent le penser...

Mme Marois: J'ai toujours cru, de toute façon, qu'on était meilleures conductrices.

M. Marx: Pas de sexisme ici.

M. Sylvain: Cela fait longtemps que les assureurs reconnaissent cela, madame.

M. Medza: II y a plus de conducteurs féminins que masculins et pourtant il y a moins d'accidents chez les femmes que chez les hommes, je pense que c'est une question d'équité.

M. Marx: J'ai posé la question sur la condition sociale parce que dans les services publics on fait des distinctions comme les compagnies d'électricité, les compagnies de téléphone qui ont déjà deux genres de contrats, un pour les moins nantis et l'autre pour les mieux nantis.

D'ailleurs on a entendu dire, je ne sais pas si c'est vrai, que c'est difficile pour certaines gens d'avoir des polices d'assurance à cause de leur condition sociale. Peut-être que j'ai été mal informé.

M. Brouillette (Yves): Je crois qu'au niveau de l'assurance-incendie cela pourrait dépendre davantage de la qualité de la construction, parce que pour ce qui est de l'état social des personnes, c'est une information qui n'est généralement pas disponible à l'assureur.

M. Marx: Je vous remercie pour cette assurance.

Le Président (M. Desbiens): Madame la députée de Chomedey.

Mme Bacon: Seulement une question, M. le Président. Je voulais quand même féliciter le BAC et le Groupement des assureurs automobiles, pour leur mémoire qui est très bien structuré, très bien fait et surtout bien explicite.

Il y a quand même une question que cela soulève. Vous demandez dans vos recommandations de confier au Surintendant des assurances, dans le cadre de la Loi sur les assurances, le pouvoir de réglementer dans ce domaine en consultation avec la Commission des droits de la personne. Est-ce que vous pourriez quand même expliquer comment vous voyez cette consultation? Vous vous êtes penchés sur ce problème?

M. Medza: La raison pour laquelle on veut aller à la direction générale des assurances, c'est que déjà on y a un mandat, une batterie d'actuaires. Au départ, si on n'augmente pas les crédits d'un ministère on peut se servir de ce qui existe.

M. Bédard: Je ne peux pas dire que ce n'est pas un argument sensible par les temps qui courent.

M. Medza: On y est structuré, on s'est déjà penché sur des critères de tarification. Nous nous penchons nous-mêmes en tant qu'organisme de groupe sur les critères de tarification. Par exemple, on doit s'interroger à savoir si on doit continuer à maintenir vraiment les critères d'état civil, la question: Est-ce que vous êtes marié ou non? Cela pose une certain nombre de problèmes de contrôle à savoir si les personnes sont ou non mariées puisqu'il y a les mariés de fait ou les conjoints de fait. Alors, il serait préférable qu'on puisse considérer d'autres solutions, et je pense que le service des assurances, qui est déjà structuré, peut nous être d'une aide précieuse dans cette étude, à savoir si c'est correct. Deuxièmement, il peut, en consultation avec la commission, s'assurer que l'orientation qui est proposée n'aille pas à l'encontre des valeurs que l'on veut défendre et sur lesquelles on est d'accord, c'est-à-dire qu'on ne veut pas toucher à la dignité humaine si statistiquement on est en mesure de prouver une chose, que c'est économiquement vrai que des gens devraient assumer...

Je pense qu'en général la société est d'accord avec le principe que celui qui est un plus grand risque assume une plus grande part des coûts. Evidemment, il y a les mesures sociales, mais on parle d'une autre dimension. Dans les dimensions normales d'assurance en libre concurrence on dit: Voici, si vous avez un risque qui représente plus de hasard, vous devriez payer plus cher. Une maison de 100 000 $ devrait coûter plus cher à assurer qu'une maison de 10 000 $. Celui qui a 10 accidents devrait payer plus cher que celui qui n'en a pas.

Si les raisons de cette aggravation du risque résident également dans le fait d'un état, soit l'âge, l'expérience, le sexe ou autres, à ce moment-là, je pense qu'il doit

être tenu en considération, pour autant et toujours, si le fait d'utiliser ce critère n'est pas une atteinte au droit et au respect de la personne.

Mme Bacon: Sur le plan de la discrimination, s'il y avait de la discrimination à ce moment-là. D'accord. (17 h 30)

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Chapleau.

M. Kehoe: Après une lecture attentive de votre mémoire, ça devient évident que les exceptions que vous demandez pour établir votre tarification, c'est une demande bien justifiée. Cependant, vous demandez dans votre première conclusion que ce soit exclu expressément pour les assureurs d'automobiles et ainsi de suite. Actuellement, qu'est-ce que vous faites? Est-ce que vous vous servez de ces critères pour établir le tarif?

M. Medza: Actuellement, les critères sont utilisés.

M. Kehoe: D'accord. Mais si tout ce que vous demandez, c'est que ça soit expressément inclus dans la charte elle-même, est-ce qu'il y a un but recherché, une raison bien précise?

M. Medza: C'est qu'actuellement, plusieurs des intervenants ont réclamé simplement l'abolition de cet article. Or, nous croyons que le service des assurances est bien placé pour administrer cette partie de la Loi sur l'assurance automobile. À moins d'être exclu spécifiquement de la charte des droits, ce ne serait peut-être pas possible. Premier argument.

Deuxièmement, le fait de demander que ce soit inclus dans un règlement, c'est qu'un règlement n'est pas aussi immuable ou quasi difficilement changeable ou modifiable qu'une loi, vous me corrigerez, chers juristes, si je suis dans l'erreur, mais il me semble que le règlement est plus facilement corrigible; comme on est dans une société en évolution, il peut arriver que certains critères qu'on reconnaît aujourd'hui comme absolument essentiels soient, dans cinq ans ou dans six ans, ou moins ou plus, susceptibles d'être modifiés pour toutes sortes de considérations. C'est pour ça qu'on demande que ce soit spécifié dans la charte et transféré à un service qui pourrait nous contrôler, qui a déjà le pouvoir de nous contrôler beaucoup.

Le Président (M. Desbiens): Mme la ministre.

Mme Marois: J'aimerais revenir sur une chose, je m'excuse, si je suis arrivée un peu en retard. Madame présentait tout à l'heure un certain nombre d'exemples de diverses provinces où les systèmes sont différents et on le voit bien d'une province à l'autre. On parlait d'un cas où on avait éliminé la variable du sexe, c'est ça? est-ce que je me suis trompée ou si j'ai mal compris? Est-ce que vous pourriez me redonner cet exemple et me dire comment on procède à ce moment-là? Est-ce qu'on répartit? Ce que j'ai compris de votre intervention, c'est que le risque était assumé par la personne elle-même, à ce moment-là, et non pas à partir de sa catégorisation par sexe. C'est ça?

Mme Lamontagne-Gagné: Disons que, spécifiquement les provinces de la Saskatchewan et du Manitoba ont éliminé l'élément sexe; par contre, je dois ajouter qu'au Manitoba, selon la Charte des droits et libertés de la personne qui est semblable à celle du Québec, pas aussi longue, mais sur les mêmes principes de base, le MPIC, qui est une assurance d'État et une assurance automobile, est spécifiquement exempté de la charte, parce que la loi qui contrôle l'assurance automobile au Manitoba a tout un système à elle de critères autres que le sexe, mais elle tient compte aussi de certaines pénalités, infractions au code de la route, réclamations, responsabilités civiles et tout, évidemment, parce qu'il s'agit d'un assureur.

Mme Marois: On procède donc par dossier à ce moment-là, par dossier d'un individu et non pas collectivement. C'est collectif à la base et, après ça, c'est par dossier individuel.

Mme Lamontagne-Gagné: Exactement. C'est un système mixte de critères subjectifs et objectifs.

Mme Marois: Maintenant, j'ai une question de fond et ça va être la seule sur laquelle j'aimerais m'arrêter. Vous vous appuyez dans votre mémoire - j'ai fait des recherches, c'est dommage, je n'ai pas le document de base avec moi, mais je vais m'appuyer sur les recherches que j'ai faites, sur le principe de l'équité pour justifier les classifications soit sur l'âge, l'état civil et le sexe. Pour cette même raison d'équité, vous souhaitez donc que les assureurs puissent continuer à utiliser ces mêmes facteurs dans leur classification. Vous voulez aussi que le Surintendant des assurances ait le pouvoir de réglementer ce domaine.

En 1980, le rapport du surintendant considère justement que le système de classification, j'imagine que vous l'avez sûrement lu, des risques en usage au Québec souffre de désuétude. Il dit, à propos de ce qu'on étudie maintenant que l'utilisation du sexe, de l'âge et de l'état civil pour fins de classification est de plus en plus controversé. Je pense que c'est pour ça qu'on en parle.

Finalement, il dit que les assureurs devraient se mettre résolument à la tâche et réviser en profondeur le système de classification.

Donc, le surintendant lui-même, qui est une espèce de grand chien de garde de tout ça, je dirais, estime que la réforme des règles de classification s'impose mais pour les mêmes motifs que vous mentionnez et qui sont les motifs d'équité. J'aimerais que vous m'en parliez, que vous justifiiez votre approche d'équité sur les mêmes bases.

Mme Lamontagne-Gagné: D'ailleurs, M. Medza a mentionné plus tôt quelque chose à cet effet.

M. Medza: M. le Président, Mme la ministre, dans le rapport du surintendant, en 1980, dont j'ai fait état dans ma première intervention, pour le ministre de la Justice, je soulignais que le surintendant avait jeté un regard, avec ses actuaires, sur la question de nos critères de tarification, tels qu'utilisés présentement. J'ai fait état également que ça ne nous arrivait pas comme une surprise, parce que, depuis le milieu de 1979 ou à peu près, en tant qu'assureurs, nous nous penchons sur la question de tous les critères de tarification. Que cela ait été suscité par une commission parlementaire ou autrement, je pense que, dans la société dans laquelle on vit, on a réalisé qu'il serait peut-être temps qu'on pense à regarder quels sont les critères qu'on utilise depuis 1940 à peu près.

De ces critères, le surintendant fait une critique. Il dit notamment que ces critères lui semblent désuets; il cite quand même des statistiques qui justifieraient le contraire de l'équité, mais il dit: Pensez-y quand même. Il nous donne à la fin de ça, un certain nombre de critères sur lesquels on devrait se baser pour établir des tarifs, comme l'homogénéité des classes et il ne précise pas que cela ne pourrait pas redevenir le sexe, si tel est le cas. C'est pour ça, d'ailleurs, qu'on dit: Si c'était possible et si la commission était d'accord pour recommander que ce soit ça, nous aimerions que le contrôle de cette révision de la tarification ou des classifications puisse se faire sous la gouverne, qu'il a d'ailleurs, du Surintendant des assurances et de la direction générale des assurances, afin qu'on puisse vraiment prendre le temps de le faire, que ce ne soit pas coulé dans le béton. Cela pourrait changer dans un an ou dans deux ans et ça pourrait être progressif.

Il y a déjà des critères qu'on n'utilise plus, par exemple. On a changé les classifications il y a six ans ou sept ans; on les a réaménagées, il y aura un plus grand nombre. Il y a toujours certains éléments qui finissent par être un peu de la discrimination, c'est évident. Lorsque vous parlez d'équité, on dit que ce n'est pas une atteinte à la personne et à la dignité de la personne; ce n'est pas parce que vous êtes une femme qu'on vous met dans une classification. Au contraire, on dit: Parce que vous êtes une femme et que les résultats actuariels nous démontrent que...

Mme Marois: C'est à peu près les seules fois où ça nous avantage.

M. Medza: Oui.

Mme Marois: II faut au moins le constater, c'est parce qu'on est fines.

M. Bédard: C'est peut-être parce que les calculs sont bien faits.

Mme Marois: Non, ils sont malheureusement bien faits dans les autres cas aussi.

M. Medza: On essaie de trouver des méthodes qui ne pénalisent pas quelqu'un d'une chose dont elle n'est pas vraiment responsable. Je pense que M. Brouillette avait quelque chose à ajouter.

M. Brouillette (Yves): J'aimerais ajouter quelque chose sur la première partie de votre question au sujet de ce qui se fait dans les autres juridictions. Une nuance qu'il faut apporter, c'est que, dans les provinces du Manitoba et de la Saskatchewan, ce sont des régimes étatiques. C'est ce qui leur permet d'avoir des primes uniformes et de ne pas faire l'allocation des primes selon les coûts. Nous, ici, non seulement au Québec, mais dans les autres juridictions où c'est un régime concurrentiel, on considère que c'est l'un des avantages importants du régime concurrentiel que d'allouer des coûts, de faire en sorte que les assurés paient des primes qui sont fonction des coûts qu'ils représentent. On considère que c'est une fonction importante d'un régime d'assurance non seulement de payer les indemnités, mais aussi de faire l'allocation des coûts.

Mme Marois: Ce n'est quand même pas incompatible, un système privé, avec une grille uniforme; à ce moment-là, ça se reporte, évidemment, sur des notions comme le service que l'assureur peut donner ou une approche qu'il peut avoir. Ce n'est pas, en soi, incompatible. Il y a un avantage, si je comprends bien votre intervention, dans ce système, mais il reste qu'en soi ce n'est pas incompatible.

M. Brouillette (Yves): Non, pas du tout. Je crois que ce qui est plus difficilement compatible, c'est un régime étatique avec une tarification selon les coûts, parce que les exemples de régimes étatiques ont généralement dégénéré vers une tarification

assez simplifiée. Si on prend l'exemple de la Régie de l'assurance automobile ici - ce n'est pas nécessaire d'aller voir dans d'autres juridictions - elle a une tarification qui est très simplifiée, parce que c'est beaucoup plus simple à administrer. En ce sens, on pourrait le faire, nous aussi, mais on considère que ce serait désavantageux parce que l'allocation des coûts ne serait plus effectuée.

Mme Marois: C'est cela. C'est avantageux pour certains groupes, désavantageux pour d'autres. Évidemment, tout cela s'équivaut. Il y a quand même des gens qui doivent supporter le risque. À partir du moment où c'est catégorisé, il y a quelqu'un qui supporte le risque collectivement.

M. Brouillette (Yves): C'est un aspect. Je suis d'accord avec vous pour dire qu'il y a certains groupes qui sont avantagés, d'autres qui sont désavantagés. C'est une façon de voir le travail. Si on prend l'exemple des jeunes conducteurs, on peut subventionner les jeunes conducteurs qui représentent des risques plus élevés, et réduire artificiellement leurs primes d'assurance. Quel va être le résultat? Sans doute qu'il va y avoir plus de jeunes qui vont pouvoir être propriétaires de voitures. Donc, plus d'accidents et plus de coûts. Est-ce que c'est avantageux pour l'ensemble de la société? C'est certain que pour ce groupe, à court terme, on peut dire que c'est avantageux parce qu'ils ont des réductions. Est-ce que c'est valable pour l'ensemble de la société que de réduire leurs primes et d'avoir plus de victimes? On croit que non, mais peut-être...

Mme Marois: En fait, c'est une forme de prévention qui peut être vue par la négative jusqu'à un certain point. C'est une forme de prévention, je suis bien consciente de cela.

M. Brouillette (Yves): Plutôt que d'interdire à ces gens d'avoir leur voiture, on leur dit: Au moins, payez ce que cela coûte. On n'est pas prêt à vous subventionner pour avoir des voitures.

Mme Marois: L'autre idée est celle qu'on avait déjà émise et que vous mentionniez relativement aux autres systèmes, à savoir que c'est la personne aux prises avec le problème qui supporte le risque. C'est aussi une autre approche.

M. Brouillette (Yves): Là-dessus, il n'y a pas de différence de principe entre notre approche et celle-là. Nous aussi, on cherche à facturer à chaque individu selon le risque qu'il représente. C'est une différence de degré. Sauf erreur, je crois que la philosophie qu'il y avait dans le rapport du surintendant était celle-là aussi. C'est une question d'application, de savoir comment on définit l'équité. C'est en constante évolution. On ne prétend pas que le système actuel représente un système parfait. Il y a assurément des améliorations à y apporter. Notre but, c'est de protéger le principe d'équité. Si on nous dit qu'on laisse l'équité de côté, c'est un pas en arrière.

Mme Marois: C'est cela, ou si on nous dit que l'équité devrait être révisée, ou les critères nous permettant de dire que c'est équitable, on est prêt à le faire. C'est cela que vous dites. Cela va. Je vous remercie.

Le Président (M. Desbiens): S'il n'y a pas d'autres interventions, madame et messieurs, je vous remercie de votre participation aux travaux de la commission.

J'inviterais maintenant le Grand conseil des Cris du Québec et le Conseil cri de la santé et des services sociaux de la Baie-James à s'approcher, s'il vous plaît.

M. Bédard: M. le Président, avec votre permission, peut-être serait-il opportun que les groupes qui sont ici et qui devaient comparaître ce soir, après le souper, puissent être informés, si tous les membres de la commission sont d'accord, que nous allons continuer nos travaux jusqu'à l'audition de tous les groupes, ce qui permettrait de terminer aux alentours de 20 heures ou 21 heures, sauf une petite suspension qu'on demandera tout à l'heure de cinq ou dix minutes.

Le Président (M. Desbiens): Comme il y a consentement unanime, les travaux de la commission se poursuivront de façon presque ininterrompue jusqu'à la fin des auditions. Il en reste trois.

M. Diamond, si vous voulez présenter votre mémoire.

Grand Conseil des Cris du Québec

et Conseil cri de la santé

de la Baie-James

M. Moar (Andrew): M. le Président, j'aimerais présenter les gens qui m'accompagnent; le grand chef, Billy Diamond, du Grand conseil des Cris; Me James O'Reilly, conseiller juridique des Cris, et je suis Andrew Moar, président du Conseil cri de la santé et des services sociaux de la Baie-James.

Le Président (M. Desbiens): Vous pouvez y aller.

M. Moar: Je vais essayer de me débrouiller un peu en français.

Le Président (M. Desbiens): II n'y a pas de problème.

M. Moar: Le Grand conseil des Cris du Québec, le Conseil cri de la santé et des services sociaux de la Baie-James et l'Administration régionale crie, trois entités cries, profitent de la tenue de cette commission parlementaire sur la Charte des droits et libertés de la personne pour venir apporter leur témoignage sur la situation déplorable des services de santé offerts à la collectivité crie du Nouveau-Québec, situation qui nie les droits de ces personnes à ces services. Les Cris sont une des dernières civilisations uniques en Amérique du Nord constituée de chasseurs et de trappeurs, de gens qui vivent très près de la nature, autrement dit. (17 h 45)

En 1971, leur vie traditionnelle était menacée par l'annonce du projet de la Baie-James. Ils entamaient des procédures judiciaires pour conserver leur mode de vie et arrêter le projet.

De la bataille juridique historique est résulté un pacte entre le peuple du Québec et les Cris de la Baie-James, à savoir la convention de la Baie-James et du Nord québécois signée le 11 novembre 1975.

L'état de santé chez la population crie était à ce moment-là déplorable et, de très loin, inférieur à la qualité des services offerts aux citoyens du Sud du Québec.

En 1975, la majorité des huit communautés cries, réparties sur un territoire de 135 000 milles carrés, n'avait aucune infrastructure sanitaire; il n'existait aucun système d'égout ou de distribution d'eau, aucun système de traitement des eaux usées, ni de service pour ramasser les déchets. Dans chaque communauté, il y avait soit une absence, soit une pénurie de logement.

À l'exception de Fort - George, aujourd'hui Chisasibi, il n'y avait aucun médecin dans aucune des communautés cries. Certaines communautés avaient des postes d'infirmerie où des services de santé de base étaient donnés.

La visite de médecins dans les villages cris était très irrégulière. Les patients devaient être évacués à chaque occasion pour des traitements médicaux de courte ou de longue durée. Il n'existait en substance aucun programme de médecine préventive et encore moins de programme de santé communautaire.

Le niveau des soins offerts était très déficient et les budgets accordés par le gouvernement fédéral, à l'époque, étaient tout à fait inadéquats.

Quant aux services sociaux, la plupart étaient inexistants.

La Convention de la Baie-James et du Nord québécois, notamment à son chapitre 14, devait remédier à cette situation inacceptable.

La signature de la convention a consacré des engagements du gouvernement du Québec envers la population crie qui voyait tout un chapitre de la convention, le chapitre 14, traiter des problèmes de santé et établir des programmes pour les résoudre.

Les négociations sur ce chapitre durèrent plus d'un an et les principes qui furent acceptés de part et d'autre sont les suivants: 1. Les soins de santé et de services sociaux pour les Cris devaient être considérablement améliorés. 2. Un conseil régional cri pour les services de santé et les services sociaux, sous le contrôle des Cris, devait être responsable de l'administration de tous les soins de santé et de services sociaux pour les Cris de la Baie-James et toutes les personnes habitant les communautés cries. 3. Ce conseil régional devait être créé par une loi provinciale immédiatement après la signature de la convention. 4. Le conseil régional cri devait être une entité juridique unique selon la loi du Québec, combinant toutes les fonctions d'un conseil régional de santé, d'un centre hospitalier, d'un centre local de services communautaires, d'un centre de services sociaux et d'un centre d'accueil. 5. Les budgets pour le conseil régional cri devaient être suffisants, compte tenu des besoins considérables, et devaient prendre en considération les coûts disproportionnés des services dans le Nouveau-Québec.

Les Cris considèrent aujourd'hui que la majorité de ces principes n'a pas été respectée, ni par le gouvernement du Québec, ni par le gouvernement du Canada; plusieurs de ces questions font aujourd'hui l'objet de procédures judiciaires devant les tribunaux.

Les Cris considèrent que les soins de santé et les services sociaux, depuis la signature de la convention, ne se sont pas améliorés et même, dans certains cas, se sont détériorés.

Ainsi, à la signature de la convention, quatre médecins et deux dentistes travaillaient à l'hôpital de Fort-George sur une base permanente. Aujourd'hui, il n'y a que des médecins sur une base temporaire.

Il y a eu des retards dans la législation pour créer le conseil cri de la santé. Ce conseil a été crée le 20 avril 1978, soit presque deux ans et demi après la signature de la convention alors qu'il était convenu de le créer immédiatement après la signature. Le Conseil régional cri n'a jamais été reconnu par le ministère des Affaires sociales comme ayant le statut et les fonctions d'un conseil régional, d'un centre hospitalier, d'un CLSC, d'un centre de services sociaux et d'un centre d'accueil.

Ceci a évidemment diminué les services à la population crie.

Le Conseil régional cri n'a jamais obtenu les budgets suffisants du ministère des Affaires sociales pour agir efficacement. Tous les budgets ont été imposés unilatéralement par le ministère des Affaires sociales. La législation proposée par le gouvernement du Québec à la suite de la convention ne reprend pas toutes les dispositions du chapitre 14 tel qu'il avait été prévu. Les Cris qui devaient contrôler l'administration de leur conseil régional ont rencontré d'énormes difficultés dès le départ avec les fonctionnaires du ministère des Affaires sociales.

Au point de vue administratif, les Cris se sont vu accorder des budgets pour avoir un personnel de cinq personnes à temps plein pour le Conseil régional cri qui devait régler les problèmes de santé et les services sociaux des huit communautés cries. La mise en application de l'entente fut ainsi sérieusement hypothéquée, le gouvernement du Québec refusant également d'en arriver à une entente avec les Cris au sujet de l'intention et des conséquences des obligations du gouvernement découlant du chapitre 14 de la convention.

Si bien qu'aujourd'hui, presque six ans après la signature de la convention, la situation est tout aussi déplorable qu'au départ. Les infrastructures sanitaires sont toujours déficientes dans la majorité des villages, les services de santé, les services sociaux ne se sont pas accrus, mais, à certains égards, ils se sont détériorés, tellement que certaines communautés envoient directement les patients vers le sud du Québec et parfois même en Ontario.

J'aimerais que le grand chef Billy Diamond continue le rapport en anglais, disons que son français n'est pas tellement bon.

M. Diamond (Billy): Mr. Chairman, to continue with the comments made by Andrew Moar, the Crees were forced to fight for what they considered they had already been given in the James Bay North in Québec agreement. An open confrontation with the Department of Social Affairs over chapter fourteen developed in 1979. The Crees were convinced at this time that the Government of Québec had decided not to respect the terms of the agreement. The financing levels being provided by Québec made it impossible to properly operate the hospital at Fort-George. Minimum services were provided to the nursing stations in the communities of Paint-Hills, Rupert-House and Eastmain, with great difficulties of recruiting, accommodation and budgets.

The budgets shortages of course let deficits. Instead of attempting to analyse the levels of health services required in appropriate budgets and to hide his own inaction, the government of Québec, in October 1979, appointed an inquiry officer to examine the operations of Chisasibi hospital between April 1st 1976 and October 31th 1979.

Yet until the month of April 1978, the Cree Health Board was not even created and had no jurisdiction over this hospital. In the meantime the government refused to discuss finances with the Cree Health Board notwithstanding the fact that the inquiry officer had no powers of administration.

During the summer of 1980, the showdown between the Crees and the government intensified with the epidemics which broke out in Rupert House and Némiscau.

These epidemics let the Crees to take legal proceedings against the government of Québec and against the government of Canada. The epidemics of gastroenteritis took the lives of several Cree children from these villages.

The government of Québec responded to this legal action one month later by decreeing a provincial administration would put into tutorship the Board of directors of the Cree Health Board.

The Crees contested this provincial administration before the courts as being an obvious abuse of power. The provincial administration nevertheless caused great chaos and the Crees resisted it. The provincial administration also caused great deteriorations in health care. The provincial administration also coincided with the move of the hospital for the island of Fort-George to the new community of Chisasibi. Unfortunately, and this is totally injustifiable, this hospital has still not opened as a hospital center. What is even more reprehensible is the fact that the Crees themselves had to pay for their own health services during almost all the period of provincial administration. In addition to suing the government of Canada, the Crees appeared in Ottawa before the standing committee on Indian Affairs and Northern development. On March 31st, 1981. In a public declaration, this committee endorsed the complaints of the Crees and Inuits with respect to the implementation of the James Bay Northern Québec Agreement. The Crees also appeared during the month of may before the committee of the House of Commons on Health, Welfare and Social Services.

During the entire confrontation with the Department of Social Affairs, the Crees of James Bay were obliged to pay, from their own heritage fund which has been received as partial compensation for the blooding of their lands and for their aboriginal rights, several million dollars in order to alleviate the financial "bordship" caused by the lack of sufficient budgets, in

order to improve sanitary facilities and to prevent the repetition of epidemics inside the Cree villages.

In this regard, the Government of Québec has steadily refused to participate in the construction and in the financing of sanitary facilities. In spite of the 1979 report by one of its senior civil servants, Mr. Jolicoeur, the director of Environmental protection services, and in spite of the provisions of the James Bay Northern Québec Agreement and the general provincial law which approved that agreement, one of the recommandations of the Jolicoeur report was as follows: "The proposals related to hygiene and environment being directly related to health ought to receive high priority. Particularly, the proposal relating to the supply of drinking water."

This recommandation has never been acted upon by the government of Québec. The situation is so bad that the Crees recently requested in Geneva that the World Health Organization come to Canada to inquire into the problems of health services in the James Bay area.

It follows from the circumstances which has been described above that the Grand Counsel of the Crees of Québec, the Cree Board of Health and Social Services of James Bay and the Cree regional authority considered that the government of Québec has not respected the Charter of human rights and freedoms by refusing the James Bay Crees decent and human health and social services comparable to those offered to other citizens in this province. (18 heures)

We believe that, in regard to the Crees, the government of Québec has not respected section 1 of the Charter, which mentions: "Every human being has a right to life and to personal security, inviolability and freedom." By maintaining a ridiculously low level of budget support, by not taking into consideration the enormous cost of transportation, of accommodation and of regional disparities which apply to the James Bay area, the government of Québec has endangered the inviolability and security of the Crees of the territory.

It goes without saying that the Crees feel that the government of Québec has not respected the dignity and reputation of the Crees within the meaning of section 4 of the Charter. We, the Crees of James Bay, also are aware of the view that the government of Québec has violated sections 2 and 45 of the Charter, especially because it knew that sanitary conditions in the Cree communities were a constant threat to the health of the Crees. The risk that other epidemics will occur and will recur among the Crees is ever present.

Lastly, we wished to stress the case of the Crees living outside the Cree communities, especially the Crees living in the Chibougamau area, who are not receiving any help or social services, because of the limited territorial jurisdiction of the Cree Board of Health and Social Services of James Bay.

The Crees request the committee to recognize their human right to health services, which mean their pressing needs. We also ask for an amendment to the Charter to insure the specific protection of this right and to insure the rights mentioned in chapter XIV of the James Bay Northern Québec Agreement.

Further, I would like to add a few comments that we consider are essential. We feel that we have signed an agreement six years ago and that agreement recognizes for the first time Indian rights, Indian interests in Québec. We feel that that James Bay Québec Northern Agreement is our charter of rights, that agreement is a tree between my nation, the Cree Indians of Québec and the people of Québec, whom you represent. It has a special place in federal and provincial legislation.

We want the government to respect and implement this Cree charter of Cree rights, which is special for the Crees, in order for them to survive and to live their style of life, their traditional way of life.

If the government of Québec does not respect an agreement signed six years ago between peoples, between nations, that same agreement that was confirmed by federal and provincial legislation, how can we expect the government to respect a Charter of fundamental rights and freedoms? We want an amendment specifically giving the right to the Crees to health, without limiting territories and boundaries. We wish to confirm with you that we are in agreement with the recommendations of the Commission on human rights and freedoms, that there be special recognition of Indian rights in this Charter. However, we want to go a little further.

We think that the Cree rights contained in the James Bay Northern Québec Agreement should be added as well. One of the most frustrating things is that the ministers hide behind the immunity of the Crown. In order for native people to progress, that immunity of the Crown must be removed, so that we can get injunctions against the Crown to get things, to get developments and to get progress in our communities. We are too isolated with the rest of Québec. We want to be part of this society, but you are not giving us a chance and that is why it is very important that governments live up to their word in the James Bay Northern Québec Agreement -and it has been six years - and if that does not happen then, our people will be the ones to suffer.

Thank you very much, Mr Chairman.

Le Président (M. Desbiens): Merci. M. le ministre.

M. Bédard: M. le Président, je remercie, au nom des membres de la commission, les représentants du Grand conseil des Cris et du Conseil cri de la santé et des services sociaux de la Baie-James de leurs représentations devant la commission parlementaire. Je ne crois pas que vous vous attendiez que je pose de nombreuses questions, puisque, tel que vous le mentionnez à la page 7 de votre mémoire, vous avez intenté, sur la base des éléments que vous évoquez, comme vous le dites vous-mêmes, des procédures judiciaires contre le gouvernement du Québec et contre le gouvernement du Canada.

Étant informé à l'avance du contenu de vos représentations devant la commission, j'oserais dire informé de votre plaidoyer devant la commission par rapport au contenu essentiel d'un plaidoyer qui, j'imagine, sera fait à l'intérieur des procédures judiciaires intentées et au niveau du forum que vous avez choisi, peut-être qu'on aurait pu avoir la tentation d'inviter le ministre des Affaires sociales à venir à cette commission pour donner la réponse ou la réplique à l'essentiel du plaidoyer que vous faites devant cette commission, mais je ne crois pas que c'était l'endroit. Les tribunaux auront sûrement, comme vous en avez indiqué le désir en intentant des procédures judiciaires, à trancher sur l'ensemble de ces points, sur l'ensemble de ces différentes situations que vous évoquez dans votre mémoire.

Concernant la toute fin de vos représentations, je peux vous dire qu'en ce qui a trait à des demandes d'amendements ou à l'inclusion de droits concernant les autochtones, vous avez été à même de constater que plusieurs groupes qui vous ont précédés ont également fait état de leurs préoccupations concernant les assurances à donner en ce qui a trait aux droits des autochtones. Des demandes de garanties ont été faites par ces groupes comme par le vôtre. En fait, ces demandes de garanties dans la charte, je peux vous dire que le gouvernement et les membres de la commission prendront en très grande considération l'ensemble des représentations qui ont été faites dans ce sens. Vous comprendrez que sur le contenu même de votre mémoire qui est - je ne porte pas de jugement de valeur, je ne suis pas ici pour cela - en définitive le fondement d'un ensemble de situations qui vous ont amenés à intenter des procédures judiciaires, je n'aurai pas de questions à poser, en tenant pour acquis que les tribunaux auront à trancher, à moins que, ce qui peut arriver parfois lorsqu'il y a des procédures judiciaires, les négociations donnent lieu à autre chose. Je vous remercie encore une fois de la présentation de l'ensemble de votre mémoire devant les membres de la commission parlementaire.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: Malheureusement, c'est la deuxième fois que j'entends cette plaidoirie. La première fois, ce n'était pas fait par les Cris, c'était fait par les Inuits qui ont comparu devant la commission sur la constitution. Leur plaidoirie était dans le même sens, que leurs droits n'étaient pas respectés par le gouvernement du Québec, surtout depuis quelques années.

Tout ce qu'on dit dans ce mémoire, c'est bien clair, on n'a pas respecté les droits des Cris. Il y a un manque flagrant d'égalité entre Québécois, Cris et Non-Cris, entre les gens qui habitent Québec et les gens qui habitent dans le territoire de la Baie-James. Ce qu'on a ici, c'est ce qu'on appelle en anglais "buck passing", c'est-à-dire que, chaque fois qu'on se présente devant un ministre, celui-ci dit: Ce n'est pas moi qui s'occupe de cette affaire, il faut voir l'autre. Quand on voit l'autre, il nous envoie en voir un troisième ou un quatrième, un sixième. Quand on fait le tour du Conseil des ministres, on n'a pas trouvé le bon.

M. Bédard: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.

M. Bédard: J'ai été loin de dire qu'en ce qui a trait aux mesures judiciaires cela ne relevait pas de mon ministère. J'ai très clairement dit qu'il y a un endroit, à partir du moment où les demandeurs ont choisi un forum, pour discuter de l'ensemble de la situation qui est devant une cour. C'est tout simplement ce que j'ai dit, c'est devant cette cour que Les prétentions de l'une et l'autre des parties se feront valoir, c'est-à-dire devant le tribunal compétent. Pour ce qui est des services de santé d'une façon tout à fait spéciale, je pense qu'il va de soi qu'il s'agit du ministre des Affaires sociales, mais si j'avais demandé au ministre des Affaires sociales d'être ici, indirectement, que ce soit par un autre ou par moi-même, nous en aurions été amenés à faire un plaidoyer, parce que les procédures judiciaires sont contestées. Nous aurions été amenés à faire ici ce que nous croyons devoir faire devant la cour, puisqu'on nous y a amenés.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: Je comprends votre intervention.

M. Bédard: ... le gouvernement du Québec, le gouvernement du Canada, et, comme représentant d'un gouvernement responsable, je dois peser mes paroles étant donné qu'il y a des procédures judiciaires. Vous pourriez y penser.

M. Marx: Je ne vous blâme pas d'avoir fait une plaidoirie pour soulever un problème de règlement. Je comprends votre situation, c'est bien difficile. J'ai beaucoup de sympathie pour votre position. Cela arrive souvent, quand il y a des contestations en cour, qu'on fasse des règlements hors cour. Le ministre a été avocat pratiquant pendant des années. Il sait qu'on fait des règlements hors cour. Même si c'est devant la cour, on ne peut pas toujours dire: C'est sub judice, il ne faut pas parler de ceci ou de cela. (18 h 15)

M. Bédard: J'ai rappelé cette possibilité, vous le reconnaîtrez.

M. Marx: D'accord. En ce qui concerne les droits des autochtones en général et ceux des Cris en particulier, comme le ministre l'a dit, souvent des groupes qui ont comparu devant la commission ont demandé que l'on inclue un article, comme cela a été suggéré par la Commission des droits de la personne - cela pourrait être une bonne idée - dans la charte qui vise spécifiquement les droits des autochtones au Québec.

Pour en arriver au problème qui nous préoccupe ici, j'ai parlé de "buck passing". Je n'aimerais pas dire que le ministre fait cela aujourd'hui, mais, en fait, le ministre de la Justice est le procureur du gouvernement. J'espère qu'il veille à ce que les ententes, les contrats du gouvernement soient respectés. À sa face même, le gouvernement n'a pas respecté cette entente, ce contrat. C'est bien beau de dire: On va attendre les décisions de la Cour supérieure, de la Cour d'appel, de la Cour suprême du Canada; on le saura dans les années quatre-vingt-dix.

M. Bédard: C'est ce que vous seriez obligé de dire si vous étiez à ma place, vous le savez très bien.

M. Marx: Vous n'avez pas à me faire de procès d'intention ici, M. le ministre.

M. Bédard: Non, je ne vous donne que de bonnes intentions.

M. Marx: J'aurais fait quelque chose de plus radical que de dire que c'est encore en cour.

M. Bédard: Je pourrais bien évoquer, M. le Président - peut-être que quelqu'un pourra le faire avec plus d'éloquence que moi - que, quand on parle de disparité des soins, il ne faudrait jamais oublier que cette réalité de disparité des soins existe dans l'ensemble du territoire du Québec.

M. Marx: Elle n'est pas si flagrante que cela.

M. Bédard: Promenez-vous. Ce n'est pas depuis...

M. Marx: Les conditions qu'on a ici... M. Bédard: Si vous me permettez... M. Marx: Oui.

M. Bédard: ... vous m'y avez invité, laissez-moi terminer.

M. Marx: Oui, d'accord, je m'excuse, M. le ministre.

M. Bédard: Au niveau de la disparité des soins, il s'agit de se promener dans le Québec, d'aller dans les régions éloignées, soit à Schefferville, en Abitibi, ou à Chibougamau, on a le représentant ici de l'Ungava qui peut ajouter des choses à ce que je dis. Le seul élément de la disparité des soins, il existe malheureusement non seulement entre Blancs et Inuits ou Cris, mais entre les Blancs eux-mêmes. C'est clair que les efforts d'un gouvernement, c'est d'essayer de faire en sorte qu'il n'y ait pas de disparité. À quel point est-ce possible...

M. Marx: Je ne blâme pas le ministre pour le manque de respect de l'entente et tout cela, c'est plutôt la faute du Conseil des ministres et non pas seulement la faute d'un ministre, quoique cela pourrait être rectifié par un ministre. Mais quand on parle de disparités, j'aimerais savoir si c'est exact qu'il y a des écarts assez graves entre Québécois, c'est-à-dire, si je comprends bien, il n'y presque aucun service de soins médicaux.

Le Président (M. Desbiens): M. le député d'Ungava.

M. Lafrenière: Au sujet des disparités, je peux en parler, parce que j'ai fait le tour du comté, c'est-à-dire de tous les villages inuits de la côte et certaines réserves indiennes. Il existe effectivement des disparités. Je suis bien d'accord avec eux quand ils disent que les soins médicaux dans le Nord de la province tirent de la patte par rapport à ce qu'on a dans le Sud. Au niveau des Indiens et des Inuits, c'est tout de même plus prononcé qu'au niveau de certaines populations blanches dans le Nord. Je pense à Chibougamau et Matagami, par exemple.

Mais ici, je pourrais peut-être poser une question à M. Andrew Moar. À la page 11, vous dites: Nous désirons souligner le cas des Cris résidant en dehors des communautés cries, exemple: les Cris de la région de Chibougamau, lesquels ne reçoivent aucun service de santé. Cela me surprend, parce que je vis là.

M. Moar: Je pourrais expliquer la situation. C'est qu'en 1975, quand les Cris ont signé la convention de la Baie-James, le conseil cri de la santé était créé pour donner ces services aux Cris. La raison pour laquelle aujourd'hui ils ont de la difficulté à avoir des services de santé et des services sociaux à Chibougamau, c'est que, pour avoir des services de santé du CLSC de Chapais ou du DSC de Roberval, qui n'ont pas le budget vraiment pour donner ces services... Ils ne peuvent pas donner ces services aux Cris qui vivent en dehors de Chapais. Nous avons environ 300 Cris qui vivent en dehors de Chibougamau et de Chapais, qui vivent dans des camps de chasse.

La semaine passée, nous sommes allés, avec le ministère des Affaires sociales et le ministère de l'Environnement, voir la situation déplorable des Cris de cette région. On en a conclu qu'on allait essayer de faire quelque chose pour justement donner ces services. Ils n'ont aucun système pour avoir de l'eau bonne à boire; pour la santé, disons que, s'ils vont au CLSC ou à l'hôpital où les services se donnent, ces gens ne parlent pas français; ils parlent le cri et leur deuxième langue, c'est l'anglais, et puis l'anglais, ils ne le parlent presque pas. Ce sont des chasseurs et des trappeurs. Là encore, le service n'est pas adéquat. Souvent les gens n'y vont pas parce qu'ils ne sont pas compris.

Pour les services de l'environnement, disons qu'autour des camps... Je n'ai pas vu le rapport encore. Environnement-Québec est en train de regarder la situation. C'est assez grave aussi; cela, c'est pour les Cris juste en dehors de Chibougamau. Lorsque tu regardes la situation, en dehors de la région 10-B, nous sommes prêts à donner les services de santé; nous avons 800 à 900 Cris qui demeurent en dehors de cette région. Ceux de Val-d'Or, à l'hôpital, ils sont prêts à assumer ces responsabilités, et ceux de Chibougamau, je pense qu'il y un problème à l'hôpital de Chibougamau.

M. Lafrenière: Oui, il y a un problème à l'hôpital. Non, mais le problème serait que le CRSSS cri ne couvre pas les réserves de Mistassini et de Waswanipi. Est-ce que ce serait cela?

M. Moar: C'est que le conseil cri de la santé a été créé pour donner les services de santé et les services sociaux dans la région 10-B, comme c'est prévu aux catégories 1 et 2, terres, c'est la région 10-B; donc Mistassini et Waswanipi tombent dans cela. Mais, où les Cris sont en dehors de Chibougamau, cela tombe dans la région 02 et, dans cette région, ils n'ont pas les ressources financières et professionnelles pour répondre aux besoins des Cris de Chibougamau.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: Oui, j'ai juste une question à poser au ministre. J'essaie de voir quels recours les Cris peuvent avoir devant cette commission.

L'autre jour, j'en étais bien heureux, je pense que c'était hier, le ministre s'engageait envers l'association des aveugles à intervenir auprès de son collègue, le ministre des Affaires sociales...

M. Bédard: C'est déjà fait, non seulement le ministre des Affaires sociales, mais le ministre d'État.

M. Marx: M. le ministre, il ne faut pas toujours me harceler.

M. Bédard: Non, c'est du harcèlement permis.

M. Marx: L'an prochain, ce sera dans la charte, je vais avoir un recours plus efficace.

Je répète qu'hier, il a pris l'engagement d'intervenir auprès du ministre des Affaires sociales pour voir si ce serait possible de rayer la discrimination vis-à-vis de certains aveugles. Il a pris un engagement, j'en étais bien heureux. Je lui ai déjà écrit une lettre aujourd'hui pour lui demander de me tenir au courant de ses discussions avec le ministre des Affaires sociales. J'étais bien heureux de voir qu'il a pris cet engagement, tout le monde était heureux.

Maintenant, peut-on demander au ministre de prendre son deuxième engagement? Un par jour, ce n'est pas trop; de toute façon, ce n'est pas lui qui va faire tout le travail.

M. Bédard: C'est demandé tellement gentiment, allez-y.

M. Marx: L'engagement c'est vraiment de demander à son service du contentieux de nous faire un rapport sur des demandes qu'on trouve dans ce mémoire en ce qui concerne le non-respect de certains droits. Je pense qu'on a signé une entente. Le gouvernement a tous les moyens possibles... Je pense qu'il serait bon pour cette commission et les membres de cette commission d'être

renseignés par le ministre, par le ministère de la Justice à savoir si vraiment il y avait un manque de respect des droits des Cris et un manque flagrant de respect des clauses qu'on trouve dans cette entente.

M. Bédard: Sur le premier point concernant les représentations que je m'étais engagé de faire auprès du ministre des Affaires sociales en ce qui a trait aux aveugles, je peux vous informer, sans avoir besoin d'écrire à mon collègue, que ces représentations sont déjà faites parce que effectivement, aujourd'hui, j'ai rappelé cette situation à la mémoire du ministre des Affaires sociales et du ministre d'État au Développement social, qui prendront les dispositions nécessaires. C'est entre leurs mains.

Pour ce qui est de la deuxième demande que vous me faites dans le sens d'informer les membres de la commission le plus possible sur ce que le contentieux aurait à dire, d'une certaine façon, par rapport à tout ce qui est contenu dans le mémoire qui nous a été soumis aujourd'hui, si des procédures en défense devaient être produites, il s'agit à ce moment-là d'un document public. En réponse à l'essentiel du contenu de l'action qui a été intentée, je pourrais peut-être le porter le plus rapidement possible à l'attention des membres de la commission.

Si l'essentiel du débat judiciaire devait connaître une autre issue, je ne peux quand même pas m'engager avant...

M. Marx: Peut-être que je peux poser une question à Me O'Reilly qui est le conseiller juridique des Cris.

M. Bédard: N'oubliez pas qu'il y a le gouvernement du Canada. Il n'y a pas seulement le gouvernement du Québec. Quand on parle de procédures judiciaires...

M. Marx: II ne faut pas jouer la carte de la constitution ici.

M. Bédard: Non, je ne la joue pas. Ils sont là, je n'ai même pas prononcé le mot "constitution".

D'un point de vue réaliste, il y a le gouvernement du Québec et le gouvernement du Canada. Je pense que vous savez que lorsque des procédures judiciaires sont intentées contre deux parties, il y a consultation entre les deux parties concernées. S'il y a production d'un plaidoyer, il y a une défense. En l'occurrence l'ensemble des membres... Je peux m'engager à ce que les membres de la commission sachent le plus rapidement possible le contenu de cette défense.

M. Marx: J'essaie de trouver un moyen pour qu'il y ait un résultat concret à la suite de cette présentation. Les gens ont présenté un mémoire assez sérieux avec un certain nombre de plaintes et il ne faut pas les renvoyer sans leur donner une idée de ce qu'on va faire.

M. Bédard: Nous avons... Allez-y!

M. Marx: Dans ce sens, j'aimerais demander à Me O'Reilly s'il y a d'autres recours, d'autres possibilités dans ce dossier. (18 h 30)

M. O'Reilly (Jim): M. le Président, mesdames et messieurs, je pense que M. le ministre a très bien dit que c'est devant la cour. On n'est pas venu ici pour faire le débat judiciaire. Je pense que lorsqu'on va en cour on prend nos risques en cour. On ne demande pas à la commission parlementaire de siéger en Cour d'appel. Cependant, ce qui a été fait, c'est une tentative d'établir un lien très étroit entre les dispositions d'une charte qui est censée protéger, à l'heure actuelle, certains droits fondamentaux et d'autres principes qui sont déjà impliqués dans une autre loi du Québec. Cette loi entérine ce que le chef Diamond a qualifié comme une charte pour les Cris et pour essayer d'arriver à la situation d'aujourd'hui, à un recours possible.

Évidemment, c'est la situation à l'heure actuelle. Indépendamment des principes qui sont en jeu dans la bataille juridique, si les Cris ont raison ou non, ce sont des tribunaux qui vont les trancher. Cependant, comme le dit le chef Diamond, c'est très difficile de rechercher des injonctions contre la couronne et cela bouleverse toute l'affaire. Je pense que sa remarque est très importante. Peut-être que, comme une disposition de la Charte des droits et libertés de la personne, vous pouvez songer à éliminer l'immunité de la couronne pour le gouvernement du Québec pour rendre accessibles, n'est-ce pas, tous les recours contre le gouvernement.

Je pense que l'autre recours, à l'heure actuelle, c'est d'examiner la situation pour voir si, oui ou non, il y a certains services dont les Cris sont privés pendant les procédures judiciaires. C'est ça le gros du problème actuellement. Quant au gouvernement, que ce soit le gouvernement du Québec, on fait le même reproche au gouvernement du Canada, c'est une question de gouvernement, ce n'est ni le gouvernement d'une partie ou l'autre, les procédures de la Baie-James ont été entamées contre le gouvernement libéral, donc on ne fait pas de discrimination.

M. Marx: Ils ne sont pas nos amis non plus.

M. O'Reilly: Mais c'est la situation

actuelle qui dure et qui, prétend-on, implique une certaine violation des droits fondamentaux qui sont dans la charte. Indépendamment de ça, est-ce que les vies sont mises en péril? Oui ou non? Il me semble qu'on peut au moins enquêter là-dessus. Et qu'est-ce que veut dire une Charte des droits et libertés de la personne si des situations qu'on a qualifiées d'intolérables peuvent subsister chez les Cris, chez une population où il y a un danger net pour la santé? C'est constaté et par les représentants du ministère des Affaires sociales et par les représentants du gouvernement du Canada; tout le monde semble être bien d'accord qu'il y a une situation qui met en péril la santé des Cris. Il y a déjà des vies qui ont été perdues, certains enfants sont morts en 1980, c'est un fait, ce n'est pas une plaidoirie. Alors, n'y a-t-il pas lieu en invoquant les chartes, de demander: Est-ce que la Charte des droits et libertés de la personne qu'on veut vraiment montrer comme exemple est efficace ou non?

Il me semble que les mécanismes font défaut pour appliquer la Charte des droits et libertés de la personne. Il n'y a personne à la commission qui, que je sache, a fait une enquête. Vu les procédures judiciaires, peut-être qu'on ne l'a pas jugé approprié et on ne l'a pas demandé non plus spécifiquement. Mais n'y a-t-il pas lieu de voir si cette charte est efficace à l'heure actuelle? Si des principes sont là mais qu'il n'y a pas moyen d'appliquer ces principes, et qu'il n'y a pas d'autre moyen que d'aller devant les tribunaux qui, avec tout le respect que j'ai pour le ministre de la Justice, peuvent prendre plusieurs années à rendre une décision, malheureusement, j'en sais quelque chose quant à des injonctions, si on avait affaire à un organisme du gouvernement, les immunités pour les injonctions n'entreraient peut-être pas en ligne de compte. Avec ce qu'on a c'est très difficile d'avoir des procédures décidées par des tribunaux dans un laps de temps assez court.

Le seul autre recours, il me semble, à l'heure actuelle, ce n'est pas qu'il n'y a pas eu assez d'efforts de faits, de part et d'autre, entre les Cris et le gouvernement pour parler du problème. Là aussi, il y a une difficulté de dialogue depuis un an et demi entre les deux gouvernements et les Cris. C'est un autre fait, mais n'y a-t-il pas lieu en appliquant la charte, et peut-être en y insérant un article qui va au moins protéger le droit fondamental aux services de santé de base dans la charte, de faire quelque chose tout de suite?

M. Marx: Supposons qu'on met un article dans la charte, je ne pense pas que la Commission des droits de la personne aurait la compétence pour exiger que le gouvernement établisse un hôpital ou que le gouvernement envoie cinq infirmières. Je ne pense pas qu'il y aurait un tel recours, même si on inclut un article dans la charte.

M. O'Reilly: Je pense, M. le député, que l'article 4 va très loin dans la Loi sur les services de santé et les services sociaux. Mais nulle part dans la charte comme telle, je n'ai trouvé un article qui traite spécifiquement de la santé. C'est peut-être un oubli. On a essayé, dans l'article 4, d'établir le droit en principe de tous les Québécois de recevoir des services de santé et des services sociaux adéquats, à la fois sur le plan scientifique, humain et social, avec continuité et de façon personnalisée. La seule restriction, c'est qu'on dit: "compte tenu de l'organisation et des ressources des établissements qui dispensent ces services". Mais le principe, l'économie, selon ce que j'ai compris, de la Loi sur les services de santé et les services sociaux, c'était bel et bien d'établir assez d'établissements à travers le Québec pour rencontrer ce critère.

En principe, je pense bien que la loi est allée à peu près jusqu'au point d'affirmer que tous les citoyens du Québec ont droit aux services de santé adéquats. Ce serait plus logique, me semble-t-il, de l'encadrer au moins dans la Charte des droits et libertés de la personne. Je dépasse les autochtones peut-être, mais il me semble qu'on est tellement prêt qu'il faut sérieusement songer à mettre spécifiquement un article dans la charte.

M. Marx: J'essaie de vous trouver un recours pour vos exigences immédiates. De toute façon, même si on ajoute un article, 48a ou quelque chose comme ça, ce ne serait pas possible pour la commission d'ordonner que des services soient organisés et qu'ils soient mis en application, ainsi de suite. Si on voit, par exemple, les droits économiques et sociaux, la charte n'a pas préséance sur ces droits, comme on le voit à l'article 52, par exemple. Je ne suis ni pour ni contre, je suis neutre à ce moment-ci en ce qui concerne un autre article qui traite des services de santé dans la charte. Mais, même si on l'ajoute, je ne suis pas sûr que des gens qui n'ont pas les services voulus et qui sont traités d'une façon inégale, auraient un recours efficace devant la Commission des droits de la personne. C'est tout ce que je veux dire.

M. O'Reilly: À ce moment-là, M. le député, le recours sera ultimement contre un ministre, le ministre chargé des Affaires sociales. Ce sera beaucoup plus clair devant les tribunaux que chaque personne aura comme droit fondamental le droit aux services de santé de base. Là, les ministres ne seront pas exemptés des injonctions. C'est

difficile contre la couronne, mais contre les ministres, c'est possible.

M. Marx: On ne peut pas prendre un mandamus pour exiger que le ministre fasse quelque chose. Je pense que les gens vont mourir avant qu'on ait le jugement, au moins ça.

M. O'Reilly: On verra.

M. Marx: Je ne suis pas un expert dans les injonctions et je suis sûr que vous connaissez cela beaucoup plus que moi. Sur le problème immédiat, pour ne pas s'éloigner trop, le ministre, ici ce soir, est prêt à prendre des engagements, un deuxième au moins. Peut-être peut-on demander son aide, sa coopération pour qu'un certain nombre de démarches soient faites. Si vous avez une suggestion, je suis prêt à l'appuyer.

M. Bédard: Oui. D'ailleurs, je vous voyais fouiller pour voir des points de droit. Je pense que vous avez été rapidement, à même, de réaliser la complexité de la situation. Disons qu'il y a deux éléments: II y a l'élément juridique, dans le sens qu'il y a des poursuites, comme l'a dit le procureur; c'est devant une cour que cela va se décider, c'est le tribunal qui va décider. On ne demande pas à la commission parlementaire de porter un jugement de valeur là-dessus. Le forum de discussions a été choisi. C'est devant la cour. C'est là que chaque plaidoyer se fera.

Il y a l'autre partie de la situation. D'ici à ce qu'une cour ait statué, il y a une situation à laquelle il faut essayer de remédier. Il y a eu, à un moment donné, un geste du gouvernement du Québec qui a été dans le sens de décréter une administration provisoire qui ne semble pas avoir été un succès. Vous le dites vous-mêmes. Elle a d'ailleurs été contestée pour bien des raisons que vous énoncez dans votre mémoire. J'ai l'impression que, pour cette partie du problème, il faudra absolument mettre au point tous les éléments qui peuvent faire que les pourparlers, les échanges recommencent s'ils sont discontinués et, après cela, qu'il y ait possibilité d'aboutir.

M. Marx: M. le Président, je sais que le ministre n'est pas responsable pour les soins et services médicaux au Québec. C'est sûr.

M. Bédard: Je ne suis pas responsable. Je suis quand même très conscient que...

M. Marx: Un instant. Je ne veux pas l'accuser de quoi que ce soit. Il est le ministre responsable de l'administration de la charte, si je peux le dire de cette façon. Puis-je demander au ministre, de la même façon qu'il a pris l'engagement hier, je pense, de parler à son collègue en ce qui concerne les problèmes des aveugles, puis-je lui demander de prendre l'engagement une autre fois de parler à son collègue, le ministre des Affaires sociales, pour voir si on peut faire quelque chose tout de suite pour que les Cris bénéficient des services médicaux minimaux - je pense que ce n'est pas trop vous demander - et nous faire un rapport, le cas échéant?

M. Bédard: Entre vous et moi, même si vous ne me l'aviez pas demandé, il va de soi, après les échanges que nous avons eus aujourd'hui, qu'il y a lieu de faire en sorte que les représentations qui nous ont été faites soient acheminées aux instances appropriées. Je m'en ferai un devoir.

M. Marx: Est-ce passible d'avoir une réponse la semaine prochaine? On va siéger une autre fois la semaine prochaine.

M. Bédard: On va peut-être se voir avant cela.

M. Marx: Peut-être même avant cela.

M. Bédard: Même si je ne vous vois pas, cela ne m'empêche pas d'agir. Vous me poserez sûrement la question.

M. Marx: La seule façon de régler le problème, c'est d'avoir une intervention politique; si on veut faire quelque chose d'ici quelques semaines, il faut avoir une intervention politique. Le problème est posé.

M. Bédard: D'ici la reprise de nos travaux concernant la Charte des droits et libertés, j'aurai sûrement eu l'occasion de m'entretenir avec qui de droit dans ce dossier.

Le Président (M. Desbiens): Mme la députée de Chomedey, cela va? Est-ce qu'il y a d'autres interventions? Je remercie... Oui, M. Diamond.

M. Diamond: Mr President, I just want to make few comments before you close. We signed an agreement in trust six years ago. What we are asking is to respect that agreement, to pay attention to that agreement and to five priority to that agreement. If that agreement had been respected and implemented, it would have been no need for the Crees to defend their rights in the Courts. We have certain human rights, certain fundamental rights. We do not want our children to die anymore, we have seen enough death in our villages. While the courts are deciding the principles, give us the services essential for our people to survive, give us the services essential, so

that we can have the same health services that are available to other citizens in this province. (18 h 45)

We are in agreement with the minister that there should be dialogue and there should be communication between ourselves and the Minister of Social Affairs, but we have had trouble reaching the minister, we have had trouble starting that dialogue. I am glad to hear that he is going to talk to his colleague, but we are ready too, we are ready to sit down. No, we do not want to spend all our time in the court, we prefer to exercise and practice those rights that we acquired in the negotiations, in the settlement of the James Bay Agreement. I would like to thank you, Mr Chairman, for giving us the time to...

M. Marx: If I could just have one word. What I try to do actually - as you said, there is the James Bay Agreement - I try to divide the court action from the immediate needs, because if we wait for the result of the court action, there are going to be serious medical difficulties not to talk about other problems in your community. You know, the minister really, I thought, very openly, said that he would talk to his colleague and see what can be done immediately to alleviate the situation and quand le ministre prend un engagement, c'est toujours sérieux.

M. Diamond: ... a little later after getting those comments, again thank you, Mr President.

Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.

M. Bédard: Comme vous le savez, on a beaucoup parlé du nouveau ministre des Affaires sociales, qui est en poste depuis quelques mois. Il y a également le SAGMAI qui est concerné. J'aurai l'occasion de rencontrer ces gens, d'échanger certains propos avec eux. Je peux vous assurer que je véhiculerai vos représentations auprès de la plus haute instance du gouvernement.

M. Diamond: We have had our problems, Mr Minister, with SAGMAI. We know that SAGMAI was created to solve the problems, but in the past year and a half and two years, SAGMAI has become the problem. It has blocked the access that we want to people like yourself. We do not want that access to be blocked. We want to participate in this government and to make you aware of the situation in Northern Québec. After all, the James Bay Northern Québec Agreement gave you the title to exercice your sovereignty over the rest of the province of Québec. That agreement set aside permanently the land to Québec while at the same time recognized those Indian rights that are there among the Crees' and Inuits' Communities.

M. Bédard: Je prends note de vos remarques concernant le SAGMAI, sans autre commentaire. Tel que je vous l'ai dit, les plus hautes instances du gouvernement seront sensibilisées - il faut bien se comprendre - à la situation concernant non pas les procédures judiciaires, parce que cela se réglera dans le forum où vous avez décidé de le régler, mais au-delà des procédures judiciaires. Pour ce qui est de l'ensemble de la situation qui doit prévaloir jusqu'à ce qu'un jugement soit rendu, comme cela peut prendre pas mal de temps, je crois qu'en termes de gouvernement, il faut trouver le moyen de renouer la discussion, les échanges et en arriver à atteindre des objectifs que vous poursuivez pour l'ensemble de votre peuple.

M. Diamond: Thank you.

Le Président (M. Desbiens): Merci. SFPQ

Je demanderais maintenant au Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec de s'approcher, s'il vous plaît.

M. Harguindeguy (Jean-Louis): D'accord? À ma droite, c'est Danièle Maude-Gosselin, vice-présidente à l'exécutif et responsable des dossiers d'égalité en emploi; à sa droite, Pierre Cormier, vice-président, unité fonctionnaires et, à ma gauche, Norman Duguay, secrétaire général, et Jean-Guy Fréchette, vice-président, unité ouvriers. D'autres sont absents parce qu'ils doivent assumer d'autres responsabilités, notamment au niveau des activités syndicales et, comme nous faisons cela le soir, ils ne peuvent malheureusement pas être présents. On ne peut pas dire qu'il y a une discrimination, mais on passe assez fréquemment le soir en commission parlementaire.

Ceci étant dit, pour revenir au sens de notre mémoire, le Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec reconnaît le travail énorme accompli par la Commission des droits de la personne depuis 1976. Nous sommes parfaitement conscients que la mise en application de la charte a grandement contribué à l'amélioration des conditions de vie et de travail d'un grand nombre de personnes, plus particulièrement les femmes.

Nous avons cependant été à même de constater, à cause, en grande partie, d'un mangue chronique d'effectifs, que les délais de règlement des plaintes sont beaucoup trop longs, s'échelonnant même parfois sur une période de quelques années. Nous réclamons

donc du gouvernement qu'il donne à la commission les moyens d'agir en augmentant sensiblement le personnel, plus particulièrement celui affecté au règlement des plaintes.

De plus, en vue d'améliorer davantage les services à la population, nous recommandons fortement l'ouverture de bureaux de la commission dans toutes les régions administratives du Québec, ce qui cadre aussi avec une politique de décentralisation du même gouvernement.

Nous estimons également, afin d'être en mesure d'assurer la pleine égalité à tous les individus qui composent notre société, que la Charte des droits et libertés de la personne devrait être amendée de la façon suivante: En ce qui regarde les activités syndicales, le Code du travail et la Loi des normes minimales du travail interdisent formellement le congédiement pour activités syndicales. Il n'existe cependant pas de protection à l'embauche pour les gens exerçant ou ayant exercé des activités syndicales. Il est ainsi fréquent que l'on refuse un emploi à des personnes à cause de leurs antécédents syndicaux ou même de leurs liens parentaux. À ce sujet, un quotidien de Québec faisait part du refus d'un grand magasin à rayons de la région de Québec d'embaucher les responsables syndicaux du défunt magasin Paquet - Syndicat. Il est donc absolument nécessaire que le motif "activités syndicales" soit ajouté à l'article 10 si l'on veut assurer pleinement l'égalité à tous les travailleurs.

L'âge devrait être également ajouté aux motifs pour lesquels il est interdit d'agir de façon discriminatoire. En effet, il est fréquent que l'on refuse quelqu'un à l'embauche ou lors de promotion sous prétexte que l'individu est trop âgé. Cette situation se vit notamment dans certains hôpitaux où l'âge limite d'embauche est de 35 ans.

De plus, dans le cadre des programmes de perfectionnement offerts par la fonction publique ou certains ministères, l'âge limite est parfois fixé à 35 ou 40 ans. Que l'on pense, par exemple, à Forma-Cadre. De nombreux employeurs cherchent également à mettre à pied un employé ayant accumulé une certaine ancienneté pour le remplacer par un employé ayant un coefficient d'expérience moindre que l'on peut souvent se permettre de payer moins cher.

De plus, même si nous sommes d'accord en principe avec l'abolition de l'âge obligatoire de la retraite, nous estimons qu'il faudrait prévoir une série de mesures visant à permettre aux gens de prendre une véritable retraite. Il ne faudrait pas que les personnes ayant dépassé la soixantaine soient obligées de continuer à travailler uniquement parce que leurs ressources financières ne leur permettent pas d'arrêter. (19 heures)

Grossesse. Il arrive encore que l'on refuse un emploi à une femme sous prétexte qu'elle est enceinte. Bien que la commission ait interprété le motif du sexe comme incluant de la grossesse, il est arrivé que les tribunaux rendent un verdict de non-discrimination dans ce cas.

C'est pourquoi il est important que le motif de grossesse soit inscrit dans la charte. De plus, les examens visant à détecter la grossesse lors de l'embauche devraient être prohibés.

Quant à l'apparence physique, malgré toute la subjectivité que peut entraîner cet article et la difficulté d'en faire la preuve, il est absolument nécessaire que ce motif soit aussi ajouté à ceux prévus à l'article 10 de la présente charte.

Tous sont parfaitement conscients que l'on refuse régulièrement des emplois ou des services à des individus en raison de leur apparence physique, notamment en raison de leur taille.

L'inclusion de ce motif aurait également l'avantage de couvrir les cas où le motif du handicap physique est plus ou moins applicable. Exemples: obésité, infirmité physique affectant l'apparence, mais pas la capacité de travail de l'individu.

La charte a grandement aidé à éliminer les cas de discrimination criante où les hommes et les femmes effectuant un travail identique pouvaient être rémunérés selon des échelles de salaires différentes. Toutefois, la notion de travail équivalent devrait être exprimée clairement dans la charte, et sa définition devrait être très large.

Cette définition devrait d'ailleurs s'appuyer sur l'application de facteurs de complexité des tâches ou de conditions de travail, plutôt que sur des comparaisons directes entre deux corps d'emplois dans une même entreprise ou organisme. 'On pourra juger de la nécessité d'instaurer cette notion lorsque l'on sait qu'actuellement, dans les conventions collectives des fonctionnaires et des professionnels à l'emploi du gouvernement du Québec, certains corps d'emplois équivalents, tant au niveau de la scolarité que des tâches - technicien en information vs technicien en administration ou agent d'information vs agent de recherche et de planification socio-économique - sont plus ou moins rémunérés selon qu'ils sont composés majoritairement d'hommes ou de femmes.

Et que dire du cas des employés de secrétariat à l'emploi du même gouvernement? Même si leurs tâches sont équivalentes à celles des agents de bureau, quand elles ne sont pas semblables, ces personnes ont des conditions salariales et de progression de carrière franchement inférieures.

Est-il utile de préciser que plus de 95% des employés de secrétariat sont des

femmes? On peut donc facilement imaginer ce qui existe dans le secteur privé si le gouvernement lui-même applique une telle forme de discrimination.

Nous aimerions aussi souligner le fait que dans sa formulation actuelle, la charte permet de favoriser certains corps d'emplois au détriment d'autres.

Ainsi, il n'est pas discriminatoire d'accorder des compensations ou avantages à valeur pécuniaire, tels un stationnement, à un employé cadre en fonction du poste qu'il occupe, au détriment d'un autre employé, et ce même si celui-ci serait plus justifié de l'obtenir en raison de son ancienneté ou d'autres motifs que nous estimons plus valables que le degré de l'emploi.

Ainsi, l'article 56, deuxième alinéa, de la charte a été interprété de façon que les mots "traitement" et "salaire", utilisés à l'article 19, incluent les compensations ou avantages à valeur pécuniaire se rapportant à l'emploi. L'article 19 de la charte n'assure le droit à l'égalité, en ce qui concerne la rémunération, que dans l'hypothèse de travail équivalent. Nous demandons que cette situation soit corrigée.

Élimination de la discrimination dans les avantages sociaux et régimes de retraite. Dans sa forme actuelle, l'article 90 de la Charte des droits et libertés de la personne a pour effet de permettre la discrimination dans les régimes d'avantages sociaux, de retraite et de bénéfices qui en proviennent, s'ils sont basés sur le sexe ou l'état civil.

C'est un non-sens si l'on considère que la charte a pour but d'éliminer la discrimination. De plus, la notion des données actuarielles est injuste dans ces cas. Nous viendrait-il à l'idée d'augmenter les primes d'un ouvrier dans un régime collectif d'assurance à frais partagés employés-employeur, sous prétexte que son espérance de vie est moindre que celle d'un cadre? De plus, comment peut-on supporter que des femmes soient réduites à la misère parce que leur régime de retraite leur impose de quitter le travail à 60 ans, soit cinq ans avant qu'elles aient droit au Régime de rentes du Québec et à la pension de sécurité de la vieillesse? Pourtant, notre employeur, le gouvernement du Québec, peut obliger les femmes qui ont cotisé au régime de retraite des fonctionnaires de prendre leur retraite à cet âge, si elles ont accumulé dix ans de service.

Le Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec réclame donc l'abolition de cette disposition si l'on veut assurer une pleine égalité. De plus, dans le cas où la charte serait modifiée en ce sens, il serait nécessaire qu'elle ait pour effet de rendre caducs tous les règlements, lois, conventions collectives antérieurs à l'adoption desdits amendements.

Action positive. Afin de permettre à la

Commission des droits de la personne d'assumer pleinement son mandat d'assurer la pleine égalité pour tous, nous croyons qu'il est essentiel qu'elle dispose d'instruments qui ne visent pas uniquement le règlement des cas individuels de discrimination, mais bien les structures et les systèmes qui sont en cause.

Il ressort des analyses qui ont été faites des programmes d'égalité en emploi pour les femmes, plus particulièrement de celle réalisée en 1978 par le Conseil du statut de la femme, que ces programmes peuvent dans l'ensemble être considérés comme des échecs lamentables.

Tout au plus ont-ils permis d'éliminer les cas de discrimination les plus flagrants et de promouvoir certaines femmes, de quoi, en fait, donner bonne conscience, mais rien qui n'enraye la discrimination systématique dont les femmes sont victimes. On peut facilement en conclure que la situation est la même pour les autres groupes discriminés.

De plus, est-il nécessaire de rappeler qu'à l'exception de Terre-Neuve et du Québec, toutes les autres provinces ont légiféré en faveur de l'action positive? La charte devrait donc être amendée, afin non seulement de permettre mais aussi d'inciter les programmes d'action positive en faveur des groupes historiquement discriminés, tels notamment les femmes, les communautés culturelles, les Amérindiens et les personnes handicapées. Ces programmes devraient d'ailleurs être obligatoires dans les organismes publics et parapublics, de même que dans le cas des entreprises traitant avec eux.

Ces programmes devraient comporter, en plus des mesures traditionnelles d'égalité des chances, des mesures de support: garderies, congés parentaux, ainsi que de redressement: programmes spéciaux de recrutement et de perfectionnement?

Le but des programmes d'action positive devrait être de permettre d'évaluer les individus, non seulement en fonction des qualifications reguises mais aussi en fonction des handicaps surmontés et du cheminement parcouru. Toutefois, afin de s'assurer que ces programmes répondent le mieux possible aux besoins des individus visés, la loi devrait prévoir que ces programmes sont nécessairement instaurés conjointement par la partie syndicale ou les représentants des employés dans le cas de non-syndicalisation de l'entreprise et l'employeur.

La partie syndicale ou les représentants des employés devraient également avoir le droit absolu de mettre ces programmes en marche dans les entreprises ou organismes.

De plus, ces programmes devraient être placés sous le contrôle exclusif de la Commission des droits de la personne. En effet, si le contrôle revient uniquement à l'employeur, on risque de se retrouver avec

des programmes qui n'auront de réalité que sur le papier. Le meilleur exemple que l'on puisse donner à ce sujet est le gouvernement du Québec, qui a instauré en 1980 un programme d'égalité en emploi pour les femmes, sans consultation auprès des syndicats, et qui refuse en même temps d'abolir les écarts salariaux entre corps d'emplois équivalents qui sont discriminatoires pour les femmes et qui continuent de plus à pratiquer le classement-maquette.

Également, le même gouvernement qui a instauré un programme d'égalité en emploi pour les personnes handicapées congédie encore fréquemment des employés devenus incapables en cours d'emploi de remplir leur fonction habituelle à cause d'une invalidité mais qui pourraient par contre fort bien accomplir d'autres fonctions.

C'est pourquoi nous estimons que ces programmes ne peuvent réussir s'ils sont placés sous l'arbitraire des employeurs qui ont été le plus souvent servis par les attitudes discriminatoires.

Citoyens à part entière. Nous estimons également que le principe d'égalité pour tous les citoyens et de non-discrimination que prévoit la charte devrait sous-tendre l'esprit de toutes les lois en vigueur au Québec. À cet effet, la Loi sur la fonction publique devrait être modifiée en conséquence afin que les restrictions imposées aux fonctionnaires, tant dans le domaine de la politique partisane que dans le champ du négociable, soient éliminées.

Afin d'améliorer les délais de règlement des plaintes soumises, nous estimons également que la commission devrait posséder les mêmes pouvoirs que les tribunaux administratifs et que les décisions qu'elle rend soient exécutoires et sans appel.

Même si nous nous sommes attardés sur les points qui nous sont peut-être les plus connus, nous souhaitons que ces quelques recommandations soient considérées à leur juste titre et que les modifications appropriées soient apportées aux diverses lois qui nous régissent.

Le Président (M. Desbiens): Mme la députée de La Peltrie.

Mme Marois: Je remercie le groupe au nom des membres de la commission de nous avoir présenté ce mémoire, qui est assez intéressant, je pense, à bien des points de vue.

Une première question, juste pour me situer, parce que je n'ai pas les données. Quelle est la proportion de femmes dans votre syndicat actuellement?

M. Harguindeguy: Près de 52% des membres sont de sexe féminin.

Mme Marois: Vous auriez peut-être aussi besoin d'un petit programme d'action positive, non, au niveau de l'exécutif? II y a quoi, il y a une femme ou deux à l'exécutif?

M. Harguindeguy: Deux femmes. Je pense qu'à ce niveau, il y a deux candidates qui se sont présentées au congrès et les deux ont été élues. On ne peut pas dire la même chose des députés élus chez les femmes et chez les ministres.

Mme Marois: Il faudrait les motiver un peu.

Une première question. Je m'étonne un peu de l'absence de recommandations en ce qui concerne le harcèlement sexuel, qui est venu dans plusieurs autres mémoires qui ont été présentés ici, même qu'un mémoire en soi ne parlait que de cette question. Or, on sait que ce problème existe et, malheureusement, il existe aussi dans notre fonction publique. Il y a des cas même patents qui ont été soulignés à la commission. Vous n'avez pas cru bon de le mettre là ou vous ne croyez pas que c'est important de le souligner, quelle est votre position là-dessus?

M. Harguindeguy: C'est sûr que du harcèlement sexuel, il y en a eu quelques cas. Sauf que c'est un domaine où c'est assez difficile de faire une preuve; d'ailleurs, ce n'est pas uniquement les femmes qui en sont l'objet, il y a aussi des hommes.

Mme Marois: Je suis bien d'accord.

M. Harguindeguy: Jusqu'à présent, dans les cas qui nous ont été soumis et parce qu'il n'y a pas de recours possible à l'heure actuelle, nous avons réglé au niveau de représentations effectuées auprès des ministères concernés. On s'est attardé aux cas peut-être les plus criants dans notre mémoire, ceux en tout cas sur la base desquels l'expérience nous démontre qu'il y a des amendements à apporter, quoiqu'on sache qu'à bien des places, ça existe, et sauf que les personnes ne sont pas non plus des plus intéressées à nous en parler ouvertement.

Mme Marois: C'est d'ailleurs un des problèmes qui ont été mentionnés par les gens qui sont venus défendre le fait que ça devait être inclus dans la charte parce que effectivement, les gens ne sont pas amenés à porter plainte pour toute espèce d'autres raisons qu'on sait qui entourent ces problèmes. Cela continue de m'étonner un peu, mais je pense que vous êtes quand même conscients de ce problème...

M. Harguindeguy: Oui, sûrement.

Mme Marois: ... et vous savez qu'il

existe de façon assez importante, malheureusement. C'est quand même plus vrai pour les femmes, mais c'est vrai aussi pour les hommes, je pense.

Vous dites à la page 7 de votre mémoire que la partie syndicale ou les représentants des employés, lorsqu'il n'y a pas syndicat, devrait avoir le droit absolu de mettre ces programmes en marche dans les entreprises. J'aimerais que vous m'expliquiez un peu comment vous voyez ça possible, et que signifie pour vous le droit absolu. Avez-vous pensé à des mécanismes? Avez-vous pensé à un certain nombre de choses? Pourriez-vous expliciter un peu ce point?

M. Harguindeguy: On demande, d'abord, que la loi prévoie l'obligation d'avoir des programmes, si, éventuellement, il n'y a pas de possibilité d'accord avec l'employeur. Mais il y a toujours les restrictions budgétaires, particulièrement au gouvernement. On peut être bien d'accord sur des principes, mais, dès le moment où ça coûte de l'argent, on laisse quelquefois tomber les principes. On voudrait quand même que la loi prévoie l'obligation pour tous d'instaurer de tels programmes; deuxièmement, qu'à défaut de s'entendre avec l'employeur, on puisse quand même, puisqu'on veut que le contrôle soit sous la responsabilité de la Commission des droits de la personne, préparer un programme et le soumettre. Si on regarde ce qui s'est fait au niveau du gouvernement depuis 1980, il y a un programme d'égalité en emploi pour les femmes qui a été implanté sans consultation préalable du syndicat, qui n'a donné encore aucun résultat, au moment où on se parle.

Mme Marois: Là-dessus, on est peut-être en désaccord. Il n'a pas donné des résultats très manifestes. Cela fait très peu de temps, de toute façon, qu'il est implanté. Il reste que, malgré qu'il ait été implanté depuis peu de temps, les données statistiques nous disent qu'il y a un certain état d'avancement, évidemment, absolument pas à la mesure des souhaits qu'on pourrait avoir, ça, j'en conviens.

M. Harguindeguy: Sauf que, si on se limite uniquement aux membres qu'on représente chez les fonctionnaires, on peut dire que la situation est stationnaire. On est au même niveau qu'on était auparavant. Si on regarde les points les plus cruciaux qui ont fait l'objet de demandes syndicales lors des dernières négociations, elles sont encore existantes, ces discriminations, celles qu'on mentionne au niveau des techniciens de certaines catégories d'emploi. Même si on pouvait être d'accord sur le principe, comme ça pouvait éventuellement coûter près de 8 000 000 $ de plus par année pour l'ensemble des réseaux, autant la fonction publique que les commissions scolaires et les hôpitaux, nécessairement, on a continué à garder la même discrimination. Même si dans la politique d'égalité en emploi depuis 1980, on dit que ça doit mener à ça d'ici trois ans - et le mandat se termine bientôt - il n'y a pas eu de discussions tellement à ce niveau.

Au niveau du classement-moquette, ça fait au-dessus de six ans qu'on fait des représentations pour faire changer la classification. Mais comme c'est une matière qui n'est pas négociable, comme il appartient au ministre de le déterminer et que nous ne sommes que consultants, nous attendons et, malgré maints rappels - je pourrais vous montrer la correspondance échangée avec le ministre actuel de la Fonction publique et ses prédécesseurs - c'est toujours à l'étude.

Mme Marois: C'est effectivement encore à l'étude, je peux vous le dire.

M. Harguindeguy: D'ailleurs, j'ai même dit au ministre actuel...

Mme Marois: C'est parce que vous vous étendez un peu et vous ne répondez pas à ma question. Vous soulevez des choses intéressantes, mais vous ne répondez pas à ma question. Le droit absolu s'exprime comment, ça se fait comment? Je veux essayer de comprendre, je ne veux pas...

M. Harguindeguy: Si la loi crée l'obligation d'avoir de tels programmes, si après quelques discussions on en vient à la conclusion qu'il n'y a pas moyen de s'entendre, il faudrait qu'on puisse éventuellement soumettre un programme. Maintenant, si vous me demandez: Est-ce que vous en avez préparé, je répondrai non, parce que c'est inutile de travailler là-dessus tant qu'on n'aura pas cette possibilité. Mais on demande qu'on puisse éventuellement en soumettre un pour forcer l'employeur à le mettre en application. C'est dans ce sens qu'on le revendique, tel qu'indiqué à la page 7.

Mme Marois: Dans une perspective de négociation ou même en l'absence de négociation, vous dites: Si de tels programmes n'existaient pas, on serait prêt à en bâtir et à les proposer pour d'éventuelles négociations. Vous ne sous-entendez pas que ce droit absolu comprend le fait que vous l'implantiez, peu importent les mécanismes, sans qu'il y ait entente avec l'employeur, parce qu'on sait fort bien...

M. Harguindeguy: Ou alors avec l'accord de la commission, si on lui donne le droit de regard absolu sur ces programmes.

Mme Marois: Donc, avec le mécanisme que la commission intervienne de façon

péremptoire.

M. Harguindeguy: Mais il faudrait nécessairement, comme condition préalable, qu'on implique l'obligation pour les parties d'avoir de tels programmes, parce que actuellement tout est fonction de budget. S'il n'y a pas de budget, il n'y a rien qui se fait. Pour donner des exemples concrets, pour les garderies, c'est le même cas à l'heure actuelle; ça bloque parce qu'il n'y a pas d'argent. On a beau avoir des beaux programmes, s'il n'y a pas de moyens financiers pour les mettre en application...

Mme Marois: II y a parfois des cas où ce n'est pas nécessairement des moyens financiers que ça implique. Il y a des cas où ça en implique, mais parfois ça n'en implique pas. Ce ne sont pas toujours des très gros moyens financiers, surtout quand on pense que, dans ce cas-là, il s'agit beaucoup - il y a bien des gens qui en ont fait la preuve ici de changement de mentalités, de changement d'attitudes. Mais, comme ce n'est pas suffisant, semble-t-il, actuellement, il faudra adopter des mesures très concrètes; sinon, on n'y arrive pas. C'est un peu ce que veulent faire les programmes d'égalité en emploi. Je pense que M. Bédard voulait compléter ma question. (19 h 15)

M. Bédard: II y a un autre aspect de votre question. Comme vous le dites, c'est bien beau d'avoir des beaux programmes, mais encore faut-il être sûr qu'ils puissent s'appliquer. Est-ce que vous seriez prêts à accepter qu'à partir du moment où un état de discrimination est constaté il y ait un programme mis sur pied par la Commission des droits de la personne, programme élaboré par la Commission des droits de la personne ou par un autre organisme, et qu'il y ait consultation de l'employeur et de l'employé? Si, malgré la bonne foi de toutes les parties, l'état de discrimination ayant été constaté, il n'y a pas de possibilité d'entente, seriez-vous d'accord que ce programme puisse être imposé?

M. Harguindeguy: D'abord, quand on parle du programme d'action positive, ce n'est pas que cela s'attache à un seul individu, parce que c'est aller un peu loin. Ce sont des groupes, des catégories d'employés. Nécessairement, si ce sont des catégories d'employés, le bien-fondé, il va falloir d'abord le justifier. Si toutes les parties sont de bonne foi et qu'effectivement il y a des obligations qui sont créées par la loi, je vois difficilement comment on va pouvoir ne pas appliquer un programme qu'on pourrait éventuellement élaborer conjointement, si on le peut. Si éventuellement, l'employeur se refusait - il n'y a pas seulement nous non plus, parce qu'on sait que les lois s'appliquent à tout le monde. On voudrait qu'il y ait au moins une des parties, c'est-à-dire les employés qui sont concernés, qui puisse soumettre le programme à la commission. Si la commission en vient à la conclusion que c'est la solution appropriée à la discrimination qui a été constatée, on le mettra en application. Quels moyens coercitifs la commission va-t-elle avoir? Cela va dépendre aussi d'une autre recommandation qu'on formule, où on veut que la décision de la commission soit finale et sans appel. À l'heure actuelle, on est quand même fort dépourvus, même si la commission en vient à la conclusion qu'il y a discrimination; si l'employeur se refuse à donner suite à la recommandation de la commission, on est obligé de prendre des procédures qui sont longues. C'est un tout.

M. Bédard: Oui, sauf qu'on parle de droits et libertés avant de parler de tribunal sans appel. Il reste que, quand on parle de droits et de libertés fondamentaux, cela a des conséquences très larges, par rapport à chacun des principes lorsqu'ils sont appliqués, de décider qu'il n'y a pas d'appel. En tout cas, cela mérite réflexion, c'est le moins qu'on puisse dire.

Mme Marois: On sait qu'on est - vous le savez vous-même - dans une conjoncture économique qui n'est pas particulièrement facile. On essaie par différentes approches, certains disent de dégraisser le système, d'autres disent de le rendre plus efficace, etc. On peut le prendre selon le point de vue qu'on a pour le voir, je ne mets pas cela en question nécessairement. Je ferai une hypothèse. On parle des programmes d'action positive ou de redressement, d'accès à l'égalité sur base de négociations. Je trouve cela intéressant; de toute façon, cela devient plus motivant si, effectivement, on s'entend pour les implanter. Dans cette perspective, quel serait votre choix, comme syndicat, entre l'implantation d'un programme d'accès à l'égalité pour les femmes, par exemple, qui forment une grande proportion des personnes dans la fonction publique, et une augmentation de salaire de 3% pour tous les membres? Je l'admets, certaines mesures ne coûtent rien, mais d'autres coûtent quelque chose. Pour corriger une discrimination, est-ce que vous n'êtes pas prêts à faire, dans le contexte d'une négociation, un certain nombre d'ententes et reconnaître que ces coûts soient partagés?

M. Harguindeguy: Premièrement, j'espère que c'est uniquement hypothétique.

Mme Marois: Enfin, c'est une hypothèse, je l'ai dit.

M. Harguindeguy: Oui, c'est cela. J'essaie de le confirmer. D'un autre côté, cela dépend quelle va être la contribution de l'employeur. Si vous nous demandez que le coût du programme d'action...

Mme Marois: Imaginons que c'est à part égale.

M. Harguindeguy: C'est parce que cela aurait pu arriver que vous nous fassiez assumer le coût global d'un programme d'action positive.

Mme Marois: Vous savez qu'on n'est pas méchants comme cela.

M. Harguindeguy: Peut-être pas vous, mais il y en a d'autres.

M. Bédard: Vous êtes maltraités à ce point dans la fonction publique?

Mme Marois: Vous n'êtes pas si maltraités que cela.

M. Harguindeguy: Peut-être pas vous; je ne veux pas parler, en tout cas.

Mme Marois: Je veux avoir la réponse du président. Je trouve qu'elle est très importante.

M. Harguindeguy: Je vais vous la donner. D'ailleurs, je n'ai pas l'intention de me défiler, je ne suis pas politicien, je suis syndicaliste.

Mme Marois: Oh là, là! Là-dessus, on pourrait discuter longtemps.

M. Harguindeguy: D'abord, il faudrait déterminer quel groupe. Il y a bien des préalables à cela. Je ne pense pas qu'il faille faire assumer par l'ensemble des membres des erreurs qui ont peut-être été commises antérieurement et qui incombent aussi à l'employeur; cela dépend de ce que ça va concerner. Si je fais référence au cas des techniciens et des employés de secrétariat, il y a quand même des revendications qui ne coûtaient pas extrêmement cher antérieurement qui auraient pu déjà trouver à l'époque des solutions qui aujourd'hui seront beaucoup plus onéreuses. Jusqu'à quel point on doit faire assumer cette partie de coût par l'ensemble ou le reste des autres membres? Il faudrait l'évaluer. Comme dans toute négociation, on évalue les propositions et on fait des demandes aussi selon la volonté des membres. Si parmi les 52%, c'est réellement une situation criante, les membres vont se prononcer en conséquence. Mais dire, a priori, qu'on est d'accord pour envisager à la prochaine négociation de donner moins d'augmentation, si on veut être équitable avec tout le monde, il y a aussi un coût de la vie qu'il faut respecter pour tous, il y a donc un minimum qu'il faut quand même assurer. Mais si c'est dans le surplus que vous voulez aller chercher, on regardera ce qu'il y a et il y aura sûrement des discussions.

Mme Marois: Mais vous seriez prêt à regarder une possibilité de négociation autour de cela?

M. Harguindeguy: On est toujours prêt à discuter.

Mme Marois: Vous manifesteriez une certaine ouverture d'esprit, si je comprends bien.

M. Harguindeguy: La négociation implique nécessairement une étude et des compromis.

Mme Marois: Cela va. J'ai d'autres questions à poser, mais le temps passe et M. le député de D'Arcy McGee devient impatient.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: J'aimerais remercier le Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec d'avoir présenté un mémoire et M. Jean-Louis Harguindeguy d'être venu en personne ici. Je ne pense pas que ce soit la faute des employés s'il y a discrimination dans la fonction publique, mais plutôt celle du patron. Je suis membre d'un parti politique, mais c'est très récent.

Mme Marois: Dans les études qui se sont faites finalement, on ne met pas la faute sur un individu, même pas sur un groupe, on dit: C'est un système qui a fait en sorte qu'on le vive comme cela. Sans doute que le système syndical a aussi une part de responsabilité là-dedans. Il faut être équitable à cet égard.

M. Marx: C'est la première fois que vous posez la question à quelqu'un: Est-ce que vous êtes prêt à avoir moins d'augmentation? Quand les syndicats présentaient leur mémoire ici, tout le monde ici était prêt que ce soit les compagnies qui portent le fardeau, mais quand c'est le gouvernement, vous voulez qu'il le porte un peu aussi.

Mme Marois: Non, ce ne serait pas correct ce que vous dites, parce que, selon les groupes qui se présentent, il y a des questions plus...

M. Marx: Personne n'a posé cette

question aux syndicats.

Mme Marois: ... pertinentes que d'autres qui ont été posées. On l'a posée sur toute la notion - vous vous en souvenez, même vous, vous l'avez posée - de quotas. Sur la notion de la masse salariale, vous l'avez même posée.

M. Marx: C'est moi qui ai posé des questions aux deux groupes. C'est vous autres qui avez posé cela à vos propres employés.

Mme Marois: Je l'ai même posée aussi à certains syndicats - non, là-dessus, il faudrait quand même être honnête - qui sont venus défendre leur position ici.

M. Bédard: Vous ne pouvez quand même pas nous en vouloir d'avoir de la variété dans nos questions.

M. Marx: De la quoi dans ces questions?

Mme Marois: Nous sommes originaux.

M. Bédard: Vous avez le droit de ne pas en avoir.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: La transcription va montrer à ceux qui lisent que - peut-être pas beaucoup de monde - vous avez posé cette question à ces employés et à ce syndicat, mais que vous n'avez pas posé cette question à d'autres syndicats qui sont venus ici.

Mme Marois: On lira la transcription.

M. Marx: Peut-être avez-vous pensé les poser, mais il était difficile de sortir les mots. Je comprends.

Mme Marois: On lira la transcription.

M. Marx: J'aimerais poser une question sur l'action positive en ce qui concerne les minorités culturelles. Je n'aime pas les mots "minorités culturelles", parce que je me demande toujours jusqu'à quelle génération on va porter ce "badge", mais c'est une autre question. Le gouvernement a un programme d'intégration des minorités culturelles à la fonction publique. Cela a été une promesse, un engagement électoral lors des dernières élections. Cela a peut-être aidé le gouvernement. De toute façon, il aurait gagné sans cela. Après les élections, on a vu qu'il va y avoir des compressions, des réductions dans les effectifs à la fonction publique. J'aimerais vous poser la question, parce que je pense que vous avez peut-être plus d'expérience dans ce domaine que les gérants du gouvernement qui ont souvent très peu d'expérience; ils arrivent souvent, et vous êtes là depuis des années.

J'aimerais savoir comment vous voyez ce soi-disant programme du gouvernement d'intégrer des membres des communautés culturelles dans la fonction publique. Comme deuxième question, j'aimerais vous poser la question bien franchement: Est-ce que c'est réaliste, leur programme? Si on veut vous mettre à la porte à cause des réponses, l'Opposition va vous défendre.

M. Harguindeguy: J'aime autant me fier à mon syndicat.

M. Marx: Vous avez bien raison, nous n'avons pas de pouvoir.

M. Harguindeguy: D'ailleurs, c'est déjà arrivé une fois qu'on vous a mis dehors.

Quant au programme d'action positive concernant les communautés culturelles, d'abord, on ne parle pas de minorités dans notre mémoire, je peux difficilement répondre. Je ne connais pas les intentions du gouvernement concernant cette intégration, sauf que, si je me fie à ce qui se fait pour ceux qui sont déjà à la fonction publique, parce qu'il y a quand même presque 2500 employés du gouvernement qui sont unilingues anglais et pour lesquels... Il y a au moins 2500 employés dans l'Estrie, en Gaspésie, dans la Gatineau; vous avez des employés de l'État qui ne parlent qu'en anglais; vous avez des Inuits aussi; tantôt, on a entendu des Cris, des représentants des Cris, mais il y aussi des Inuits, des Cris également, qui sont employés du gouvernement dans le Grand-Nord; je dirais à peu près 2500 qui sont dans divers ministères et qui ne parlent qu'anglais. Pour eux, le gouvernement n'a pas encore prévu de programme de francisation, dans le sens où il n'y a pas de cours qui se donnent en français, contrairement aux dispositions de la convention collective. Là aussi, il y a quelques restrictions budgétaires. Alors, vous demandez ce qui se ferait pour les autres, je peux difficilement répondre.

M. Marx: Les membres des communautés culturelles, ce ne sont pas des gens unilingues anglais.

M. Harguindeguy: Je parle de ceux qu'on a à l'heure actuelle.

M. Marx: Lorsque nous parlons des communautés culturelles au Québec, cela veut dire des non - Canadiens-français, pour mettre cela en termes exacts. Cela veut dire que, dans mon comté, il y a deux femmes qui font partie des communautés culturelles, si vous voulez, et qui parlent français, elles sont bilingues; elles aimeraient avoir des postes à la fonction publique...

M. Harguindeguy: II n'y en a plus. Il y a des coupures budgétaires, il n'y a plus d'engagement.

M. Marx: II n'y en a plus, c'est cela. Le programme est là, mais les postes ne sont pas là. On appelle cela, en bon jouai, c'est un "fake", le programme.

M. Harguindeguy: C'est la même question avec le programme pour les personnes handicapées où le gouvernement a prévu embaucher, d'ici deux ans, je pense, au moins 2% d'employés handicapés au gouvernement, sauf qu'on ne connaît pas encore la définition de "personnes handicapées" qui va être utilisée pour l'application de ce programme; on y est peut-être aussi, il y a un petit peu d'obésité, je peux peut-être entrer dans ces 2%, de toute façon. Mais on ne sait pas si cela va comporter rien que du nouvel embauchage de ces employés. Parce que, même si on avait prévu la formation d'un comité depuis février 1981, il n'y a pas encore de comité de formé, malgré nos demandes.

Alors, on peut difficilement répondre à votre question, à savoir de quelle façon on va intégrer ces catégories de personnes, parce que la politique existe, mais elle n'est pas mise en application.

M. Marx: Un instant, je n'ai pas terminé; c'est l'office, donc c'est un autre...

Mme Marois: C'est l'office... Ce n'est vraiment pas une question facile. M. Harguindeguy le sait lui-même. C'est une question très difficile à mettre en forme, pour s'assurer qu'il n'y a pas effectivement d'erreur et tout cela; ce n'est pas facile à traiter. Il faut quand même en convenir et l'office y travaille actuellement.

M. Marx: J'ai retenu le point que, pour les deux femmes dans mon comté, il n'y a pas de poste.

M. Harguindeguy: II y a des coupures budgétaires, alors il n'y a pas d'engagement à l'extérieur. Donc, ce n'est pas difficile.

M. Bédard: Les coupures budgétaires, je me demande si on est dans le sujet, parce que... (19 h 30)

M. Marx: Un instant, puis-je terminer? M. le ministre, je n'ai pas interrompu les députés ministériels; je me suis efforcé de ne pas vous interrompre depuis quatre jours maintenant. Je vous assure que ce n'était pas toujours facile, mais je me suis retenu. Je comprends que vous êtes... Je vous assure aussi et j'aimerais assurer le Syndicat des fonctionnaires qu'il existe de la discrimination entre ministres et députés quand je ne peux pas stationner devant la porte de la bibliothèque quoique les ministres le puissent. Peut-être que je vais déposer une plainte à la Commission des droits de la personne un de ces jours pour faire valoir mes droits.

M. Bédard: N'importe quoi!

M. Marx: En ce qui concerne l'intégration des membres des communautés culturelles, c'est vrai qu'il existe beaucoup de gens qui parlent français d'une façon inadéquate. C'est évident. Est-ce qu'il y a une façon d'intégrer ces personnes? Moi-même, quand j'ai commencé à enseigner à l'Université de Montréal, je ne parlais quasiment pas français. Le doyen a été bien complaisant, il m'a engagé et j'ai appris le peu que je connais en travaillant. Est-ce qu'il y a cette possibilité d'intégrer ces gens qui sont prêts à apprendre pour qu'ils apprennent en travaillant?

M. Harguindeguy: Actuellement, il y a des conditions d'admission aux examens qui nécessairement obligent tous les candidats à parler français. Donc, s'ils ne parlent pas dans un premier temps le français, ils peuvent difficilement s'inscrire, à moins que les règlements tels qu'ils sont soient modifiés en conséquence pour permettre cette ouverture. Dans certains corps d'emplois, on exige l'anglais en plus du français. Certains employés doivent parler deux langues, même s'ils ne sont pas payés pour ça. Comme condition essentielle, il faut parler français.

M. Marx: Je pense, par exemple, aux immigrants. Les immigrants viennent de la Pologne, ils parlent mal l'anglais et le français, ils trouvent du travail et, en travaillant, ils apprennent la langue. Cela se fait partout dans le monde. Je demande si ce serait possible, de votre point de vue, d'intégrer des gens de cette façon, même si leur français laisse beaucoup à désirer.

M. Harguindeguy: II va falloir que les plans de classification soient modifiés pour changer les conditions d'admission, autrement ce ne sera pas possible.

M. Marx: Cela dépend aussi des travaux. Pour un balayeur, la langue écrite n'est pas...

M. Harguindeguy: Même la convention prévoit, comme la Charte de la langue française, l'obligation de parler français dans tout...

M. Marx: II y a parler et parler. Un balayeur n'a pas besoin des mêmes compétences que quelqu'un qui est sous-ministre dans certains ministères.

M. Bédard: Regardez, je ne vous interromps pas, même quand vous dites des choses pas correctes.

M. Marx: Je pense qu'il y a une différence à faire en ce qui concerne les emplois, à savoir que ce ne soit pas le même test. Est-ce que vous êtes d'accord?

M. Harguindeguy: Sauf que les emplois auxquels vous faites référence sont quand même moins nombreux. Il n'en reste plus beaucoup des travaux d'entretien.

Généralement, c'est tout donné à contrat.

M. Marx: Donc, il n'y a pas beaucoup d'espoir pour les membres des communautés culturelles d'être intégrés dans la fonction publique.

M. Harguindeguy: Je n'en vois plus tellement.

M. Marx: Merci.

M. Harguindeguy: À moins d'apprendre le français pour avoir des emplois de bureau. Les travaux manuels sont de plus en plus donnés à contrat à des compagnies.

M. Marx: Vous avez dit que même dans les emplois de bureau, il n'y a pas de postes pour les femmes, par exemple.

M. Harguindeguy: C'est ça. M. Marx: II n'y en a pas.

M. Harguindeguy: À l'heure actuelle, il n'y en a pas.

M. Marx: L'autre jour quand j'ai posé la question, la ministre m'a donné une réponse comme quoi ça va "swigner" dans son programme. Maintenant ça ne va pas "swigner", ça ne va même pas danser; il ne va rien y avoir. C'est une fumisterie du gouvernement, c'est dégueulasse pour moi.

M. Bédard: Avez-vous terminé?

Mme Marois: Vous en mettez un peu trop là. Je pense que vous charriez aussi de votre côté. Il faudrait en être conscient. Il est évident qu'actuellement il y a un certain nombre de postes qui deviennent vacants -ce qu'on appelle l'attrition - qui ne se comblent pas, mais il y a aussi des nouveaux programmes qui sont mis en place et qui permettent des correctifs, tel qu'on le souhaiterait, soit dans des politiques d'égalité en emploi ou autrement. C'est évident qu'on est dans un contexte difficile. Là aussi, il faut prendre l'ensemble de la conjoncture quand on analyse une situation. Ce qui ne fait pas de la fumisterie pour autant.

M. Marx: Est-ce que...

Le Président (M. Desbiens): Est-ce qu'il y a d'autres intervenants. M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: ... le président du syndicat voit des postes qui s'ouvrent ces jours-ci?

M. Harguindeguy: J'ai pris une note, je vérifierai parce que je n'en ai pas vu beaucoup dernièrement.

M. Bédard: Ce n'est quand même pas le président du syndicat qui décide combien il y a de postes?

M. Marx: C'est le gars qui voit tout.

M. Bédard: Non, je m'excuse; vous avez parlé assez jusqu'à maintenant. J'imagine qu'à partir du moment où il y a une volonté politique de faire en sorte de mettre au point des programmes qui permettent justement une meilleure intégration au niveau de certaines des communautés culturelles, cette volonté politique devra trouver le moyen de s'exprimer. Je ne pense pas que ce soit au président du syndicat de décider de cela. Cela me semble clair, on n'est quand même pas ici...

Mme Marois: II faut être quand même conscient...

M. Bédard: Cela ne fait pas l'objet de négociations collectives.

Mme Marois: ... aussi - avec tout le respect que je peux avoir pour le président du syndicat ici présent - qu'il représente une catégorie de population dans la fonction publique, qu'il y a d'autres syndicats qui représentent d'autres catégories de population et qu'il y a aussi un ensemble de commissions, d'organismes d'État, etc. Il y a le gouvernement comme tel, il y a le parapublic, il y a le public, il y a le semi-public, etc. Il faut quand même être conscient de ça aussi.

M. Bédard: On a beau parler de coupures budgétaires, et je ne pense pas que ce soit le sujet principal de notre discussion, mais il reste que je ne connais pas encore tellement de fonctionnaires qui ont perdu leur sécurité d'emploi depuis que ç'a été annoncé, que je sache, alors qu'il y a pas mal de gens qui courent après la sécurité d'emploi. On a parlé du phénomène d'attrition tantôt, mais je n'en parlerai même pas, il y a tout simplement une volonté politique qui a été exprimée et qui doit trouver le moyen de se matérialiser. Comment? Vous serez à même de l'évaluer comme nous, peut-être qu'entre les désirs et

la réalité, il y a souvent une grande marge, j'en suis convaincu. Malgré la volonté politique, on ne va peut-être pas arriver au résultat qu'on aurait espéré quand on parle d'intégration concernant les communautés culturelles. Vous ne nous en voudrez sûrement pas de vouloir plus même si nous ne réussissons qu'à faire moins, que ce soit à cause des restrictions budgétaires ou autrement; on l'évaluera en temps et lieu.

Le Président (M. Desbiens): Mme la députée de Chomedey.

Mme Bacon: Je ne veux prendre personne à témoin, je ne veux pas mettre non plus dans de mauvais draps le président du syndicat, je pense qu'il peut se défendre lui-même, mais il ne faudrait quand même pas qu'on nie aux membres de l'Opposition la possibilité de s'intéresser de très près à ces choses.

M. Bédard: Non seulement je...

Mme Bacon: Je sens bien en ce moment qu'on est sur la défensive en face. On ne peut quand même pas nier à l'Opposition la possibilité de s'intéresser de près aux communautés culturelles et à leur intégration et de suivre de près les engagements parce que, de votre côté, on ne fait pas de promesses...

M. Bédard: Non seulement je ne le nie pas...

Mme Bacon: ... on prend des engagements. Les engagements qui ont été pris de donner une place de choix aux communautés culturelles et aux femmes, aux minorités...

M. Bédard: ... je pense que c'est un devoir de l'Opposition...

Mme Bacon: Nous le faisons.

M. Bédard: ... de s'intéresser et après de suivre le dossier...

Mme Bacon: De très près.

M. Bédard: ... de très près et de voir jusqu'à quel point les volontés politiques exprimées se matérialisent du point de vue concret, c'est tout à fait normal.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: Oui. Je veux rétablir certains faits. J'ai posé des questions en fonction du mémoire. Je n'ai pas demandé au président ou aux membres du syndicat de donner leur opinion, j'ai posé des questions qui portent sur des faits. Le président nous dit qu'il n'y a pas de poste, c'est un fait. Quand il raconte des faits, il ne faut pas commencer à faire un exposé sur autre chose pour camoufler qu'il y a des faits. Pour les deux femmes de mon comté, j'ai écrit à la ministre de la Fonction publique. Je n'ai pas eu de réponse; normalement, cela prend un mois, six semaines, deux mois, mais quand je vais l'avoir - et je sais ce que je vais avoir comme réponse - je vais parler à ces deux femmes de mon comté même avant d'avoir la réponse, parce que je connais déjà la réponse. Il y a des faits: quand il n'y a pas de poste, il n'y a pas de poste. Quand il y a des compressions, on n'établit pas beaucoup de programmes.

M. Bédard: Puis-je vous poser des questions? Voulez-vous m'expliquer en vertu de quoi c'est le président du syndicat qui décide combien il y a de postes au gouvernement? Vous prenez des faits là où ça fait votre affaire. Quand vous m'aurez répondu à cela...

M. Marx: Le fait, c'est qu'il n'y a pas de poste aujourd'hui et qu'on n'établit pas beaucoup de programmes dans les années maigres comme celles qu'on a maintenant.

Mme Marois: La question n'est pas posée aux bonnes personnes.

M. Bédard: Cette réponse, vous voulez la prendre, l'enrober, dormir avec elle, prenez-la. Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise?

M. Harguindeguy: Si vous voulez me donner le mandat, je peux bien le prendre, par exemple.

M. Bédard: Si le président du syndicat avait le mandat de décider combien il y a de postes, on aurait sûrement d'autres problèmes au point de vue gouvernemental.

M. Marx: Je pense qu'on aurait plus de succès avec lui qu'avec le gouvernement en ce qui concerne les communautés culturelles.

M. Bédard: Ce n'est peut-être pas ce que disaient ceux qui vous ont précédé, qui étaient du même parti que vous. Cela dépend des situations, chaque situation a son lot de problèmes.

J'aurais justement une question à poser en fonction du mémoire. J'aimerais avoir plus d'explications sur le désir que vous exprimez, à la page 4 de votre mémoire, que l'égalité de traitement s'applique au-delà de la notion actuelle de travail équivalent. Cela va jusqu'où?

M. Harguindeguy: Nous avons eu

certains cas pratiques où nous avons porté des plaintes auprès de la commission qui a statué qu'en vertu des dispositions de la loi actuelle certains avantages de nature pécuniaire sont considérés comme étant du traitement. Le cas soumis a été celui des Affaires sociales où, pour l'attribution des places - parce qu'elles sont quand même limitées aussi, cela va de soi; on ne pourrait pas avoir des places de stationnement au complexe G pour tout le monde, c'est sûr -il y a un certain nombre de points accordés en fonction de la classification des individus. C'est-à-dire que si vous êtes cadre, vous avez peut-être 25 points, si vous êtes professionnel, vous en avez 15, si vous êtes fonctionnaire tout court, vous en avez 10, ainsi de suite. Ces places peuvent être obtenues à un coût moindre que le coût réel. On estimait discriminatoire de déterminer qu'a priori quelqu'un qui avait telle classification avait nécessairement plus de chances d'avoir une place de stationnement qu'un autre fonctionnaire.

La commission, comme l'article 19 de la loi prévoit que la définition de traitements et de salaires inclut les compensations et avantages qui ont une valeur pécuniaire, a établi que ce n'était pas discriminatoire de déterminer l'attribution de places de stationnement de cette façon. Il nous semble que c'est quelque peu discriminatoire de prendre, a priori, la classification des gens.

Mme Marois: Sur cette question, vous ne voulez quand même pas dire: Traitement égal pour travail non équivalent?

M. Harguindeguy: On ne va pas jusque-là, ça va de soi.

Mme Marois: On pourrait l'interpréter comme ça.

M. Harguindeguy: Je ne voudrais pas que vous souleviez l'hypothèse qu'il faut remettre tout le monde en bas. Non, ce n'est pas ça. En tout cas, on estime que tout ne devrait pas rentrer dans la définition de salaire. Il y a certains avantages qu'on pourrait sûrement ne pas considérer comme étant des avantages de nature pécuniaire.

M. Bédard: Une dernière question. À la page 8 de votre mémoire, sous le thème "Citoyens à part entière", vous préconisez que "les restrictions imposées aux fonctionnaires, tant dans le domaine de la politique partisane que dans le champ du négociable, soient éliminées". Ne pensez-vous pas que l'interdiction qui est faite aux fonctionnaires, à vos membres, de faire de la politique partisane procède justement du principe qui veut que, si les citoyens sont égaux aux yeux de la charte, ils puissent sentir qu'ils le sont lorsqu'ils font affaires avec la fonction publique, peu importe leur opinion politique?

M. Harguindeguy: II y a quand même des possibilités, il existe un code d'éthique qui pourrait prévoir de quelle façon ou de quelle manière un fonctionnaire doit agir. Sauf qu'à l'heure actuelle c'est automatique: dès le moment où les brefs sont annoncés, un fonctionnaire ne peut pas faire de politique partisane. Même s'il était d'accord pour maintenir le gouvernement en place ou pour faire en sorte de le faire battre pour changer, il ne peut même pas participer. C'est quand même une restriction, quant à nous, qui n'est pas normale en 1981. Je pense qu'il y a quand même d'autres possibilités d'exercer un contrôle pour s'assurer que les fonctionnaires exercent adéquatement leurs fonctions.

M. Bédard: Vous me surprenez avec cette affirmation.

M. Harguindeguy: C'est la loi, à l'article 112, qui l'interdit.

M. Bédard: Non, avec votre demande. Autrement dit, vous accepteriez que les activités partisanes soient possibles pour les fonctionnaires. (19 h 45)

M. Harguindeguy: En dehors des heures, bien entendu. Ce n'est pas durant les heures de travail, il faut s'entendre. À l'heure actuelle, quand il y a une période d'élection, nous sommes fonctionnaires 24 heures par jour. Durant les heures de travail, qu'il y ait des restrictions imposées, ça va de soi; je pense bien qu'on est engagé par l'État pour rendre des services à la population. On n'est pas au service d'un parti politique, sauf qu'il n'y a pas que les heures de travail. Un fonctionnaire, dépendant de son rang, avec un certaine prudence dans bien des cas, jugerait, à ce moment-là, s'il doit ou non poser tel ou tel geste le soir; il pourrait avoir la possibilité de s'exprimer comme tous les autres citoyens, chose qu'il ne peut pas faire aujourd'hui.

Vous pouvez aussi avoir un fonctionnaire qui peut être président d'une association de comté, à l'heure actuelle, et il peut agir parce qu'il n'y a pas d'élection. Mais, le jour où l'élection arrive, il doit nécessairement démissionner s'il veut garder son poste de fonctionnaire. On en a quelques-uns qui ont perdu leur emploi au gouvernement pour des - en tout cas je l'estime - insignifiances comme poser ce que l'on appelle des posters, des affiches sur des poteaux téléphoniques, ou transporter du monde. C'est quoi, afficher un papier? Que ce soit afficher cela ou bien autre chose! Cela identifie une certaine partisanerie, mais

prétendre que les gestes des fonctionnaires vont par la suite être dénués de toute objectivité, je pense que c'est aller un peu loin.

M. Marx: C'est juste pour enchaîner à la question que le ministre vous a posée.

La prohibition des activités partisanes, est-ce que cela existe seulement au Québec ou si elle existe dans d'autres lieux?

M. Harguindeguy: Ailleurs aussi.

M. Marx: Aux Etats-Unis et dans toutes les provinces, si je me souviens bien, il y a eu des jugements des tribunaux où on a dit que la liberté de parole et la liberté d'avoir ses convictions politiques, cela n'empêche pas les gouvernements d'agir de telle façon, c'est-à-dire que cela existe à peu près partout en Amérique du Nord.

M. Harguindeguy: Oui, sauf qu'on peut innover dans ce domaine là aussi.

M. Marx: Je ne suis pas contre l'innovation si l'on marche dans le bon sens.

M. Harguindeguy: C'est cela.

M. Marx: Je pense que si cela existe partout il y a une raison pas difficile à discerner.

M. Harguindeguy: Peut-être que les politiciens ont certaines craintes, à certains niveaux, que des choses soient connues qui ne devraient pas sortir; il y a toujours peut-être ce risque.

M. Bédard: Je pense...

M. Marx: II y a toujours des enveloppes brunes.

M. Bédard: Honnêtement, monsieur, je ne crois pas que ce soit la considération principale. C'est un objectif à atteindre que d'avoir la fonction publique la moins partisane possible, et je pense qu'il y en a qui se sont imposé cet objectif en pensant aux services à la population, en ayant bien d'autres considérations que...

M. Marx: D'accord.

M. Bédard: ... le fait que des documents sortent ou ne sortent pas. Je respecte votre opinion, quoique cela me surprend de voir que vous seriez disposé à ce que la fonction publique reprenne une allure partisane. Je sais que vous faites la distinction entre les heures de travail et le temps en dehors des heures de travail; mais, entre vous et moi, les gens ne sont pas aussi compartimentés que cela.

Vous connaissez, je ne dirais pas une campagne électorale, mais peut-être; prenez une période de négociation; quand c'est dans l'intensité de l'action, j'ai l'impression que c'est assez difficile de faire la compartimentation qui serait obligatoire.

M. Harguindeguy: Mais cela va jusqu'où? C'est certain que la loi de la fonction publique se limite...

M. Bédard: Je vais en discuter avec vous parce que...

M. Harguindeguy: ... aux stricts employés du gouvernement. Mais pourquoi permet-on aux employés d'hôpitaux, qui ont aussi une incidence aussi importante que les fonctionnaires, de faire de la politique? Les employés des commissions scolaires peuvent en faire. Je ne veux pas dénigrer le rendement ou la participation des fonctionnaires mais, au niveau des membres que l'on représente, les implications et les prises de décision sont assez limitées parce qu'il y a un certain "red tape" - je cherche le terme français - qui s'exerce et qui fait en sorte que les décisions des fonctionnaires n'ont pas tellement d'incidence par rapport à la partisanerie politique ou l'objectivité des fonctionnaires au niveau de ceux que l'on représente. Que des sous-ministres, des directeurs de service qui peut-être orientent beaucoup les politiques du gouvernement, que peut-être eux se fassent imposer des restrictions, ils se débattront à ce niveau. Au niveau de ceux qu'on représente, je vois mal comment on peut réellement avoir une incidence si grande sur l'orientation d'un gouvernement. On est quand même des exécutants généralement.

M. Marx: Supposons qu'il y a des...

M. Bédard: Seulement pour terminer. J'oublie l'orientation d'un gouvernement mais plutôt le service à la population.

M. Harguindeguy: II y a quand même...

M. Bédard: Même en ayant des idées partisanes, on peut en même temps très bien servir la population. Mais prenons ça sur l'autre facette, mettons-nous à la place du citoyen qui a ses convictions et a l'impression de se faire servir par quelqu'un qui a des convictions qui ne sont pas conformes aux siennes, et qui reçoit une réponse négative. En fait, il peut imaginer n'importe quoi, je pense qu'on ne peut pas empêcher ça.

M. Harguindeguy: On fait le même parallèle avec la question de conscience professionnelle. Si vous avez un fonctionnaire qui doit donner tel ou tel service ou telle

catégorie de service à la population, c'est un droit que la population a d'avoir ce service. Elle peut autant se plaindre que si ce même fonctionnaire commet une faute de manoeuvre dans l'exercice de ses fonctions, il y a d'autres périodes aussi auxquelles le fonctionnaire pourrait à ce moment-là... Là, on parle seulement de la période électorale. En d'autres temps, il pourrait servir la population et faire en sorte que la population se sente malheureuse et décide de changer. Pourquoi permet-on pendant deux ans, trois ans, quatre ans et quand arrive une période de 50 jours ou de 45 jours, on dit: Tu n'as pas le droit pendant ce temps de faire de la partisanerie politique, parce que tu vas mal servir la population, quand on sait que quand même les jeux sont déjà faits pratiquement au niveau de la mentalité des gens, la population a une impression des gens.

C'est ça qu'on comprend mal, pourquoi dans cette période précise, on n'a pas le droit de faire de la partisanerie politique alors que dans d'autres temps, ça se peut faire, sauf que le code d'éthique interdit de faire ce travail de partisan en dehors de la période électorale? Ce qui est bien normal aussi, on est là pour servir le monde, point. On n'a pas à poser de questions à savoir si on le sert de telle ou telle façon parce qu'il est de tel parti politique; je pense que, de toute façon, cette mentalité a été changée passablement depuis nombre d'années. Au début, quand les fonctionnaires étaient redevables de leur emploi aux députés, comme c'était malheureusement le cas, possiblement que ça pouvait arriver assez fréquemment. Aujourd'hui, il y a quand même des concours, les employés doivent faire preuve de compétence, pas seulement de connaissances au niveau politique, les chances sont quand même moins grandes, il me semble.

M. Bédard: Je trouve intéressant les considérations que vous apportez.

Mme Marois: Parce que les règles sont...

M. Bédard: Les situations évoluent.

M. Harguindeguy: D'ailleurs, votre ex-responsable de la réforme électorale, Me Robert Burns, qui est devenu juge...

M. Bédard: Au juge le droit de...

M. Harguindeguy: II a semblé favorable à ce que les fonctionnaires acquièrent ce droit. Vous pourrez le consulter.

M. Marx: À mon avis, la restriction existe plutôt pour rassurer les citoyens que le gouvernement. Parce qu'il y a beaucoup de fonctionnaires qui se présentent aux élections, des sous-ministres et d'autres, et il n'y a pas de fuite de document. On n'a pas vu de document sur la place publique. Mais ce n'est pas là le problème. Le problème, c'est ce que le ministre a souligné, c'est-à-dire vos relations avec le public. C'est quelque chose peut-être à rediscuter afin de voir si on pourrait innover au Québec et faire quelque chose qu'on ne fait pas ailleurs.

M. Harguindeguy: Parce que, si vous me permettez, cette restriction n'est imposée que pendant la période des brefs, donc environ 50 jours ou 2 mois au maximum. La crainte que vous pouvez avoir d'un sous-ministre qui se présente, il n'y a rien qui l'empêche de se présenter parce que n'importe quel fonctionnaire peut le faire; sauf qu'il ne faut pas que les 40 000 se présentent, si on décide de le faire pour se présenter, de toute façon...

M. Marx: Vous avez dit que les dangers sont peut-être...

M. Harguindeguy: .... démissionne du gouvernement, c'est une démission conditionnelle, s'il n'est pas élu, il a huit jours pour revenir. Donc, le fait de se servir d'informations qu'il pourrait obtenir en cours d'emploi, ça existe quand même, sauf que j'ai l'impression qu'il y a une conscience professionnelle aussi.

M. Bédard: II y a une éthique professionnelle qui entre en ligne de compte.

M. Marx: Cela prouve mon point que le gouvernement n'a pas peur de ce que les fonctionnaires peuvent dire sur la place publique, parce que les sous-ministres peuvent se présenter et tout le monde peut se présenter, ce n'est pas cela le problème.

Le Président (M. Desbiens): Est-ce qu'il y a d'autres intervenants?

M. Bédard: ... problème.

M. Marx: Non, on est d'accord.

Le Président (M. Desbiens): Alors, je remercie le groupe du Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec de sa participation aux travaux de la commission.

Ligue des droits et libertés

J'invite maintenant la Ligue des droits et libertés à s'approcher à l'avant, s'il vous plait.

Alors, j'inviterais... C'est Mme Christiane Sauvé? Non. C'est M. Tardif, si vous voulez présenter les participants.

M. Tardif (Gilles): Je vais d'abord présenter Christiane Sauvé et Jean Doré qui ont avec d'autres personnes, travaillé bénévolement à présenter ce mémoire. Comme vous avez peut-être eu la chance, durant la journée, de parcourir le mémoire, comme il se fait tard et comme on est presque entre nous, on va se contenter de donner les grandes lignes du long mémoire qu'on a déposé et de répondre à vos questions.

Ce qu'il est important de dire, je pense, c'est qu'on ne peut pas douter du progrès qu'a constitué l'adoption, en 1975...

Le Président (M. Desbiens): Excusez. M. le ministre, voulez-vous savoir...

M. Bédard: Est-ce que vous pouvez rapprocher le micro, le mettre un peu plus fort? Oui, c'est cela, si vous pouvez rapprocher le micro un peu.

M. Tardif (Gilles): Depuis qu'en 1975, la charte québécoise a été adoptée, on ne peut pas nier qu'il y a eu beaucoup de progrès, mais il est aussi vrai cependant que des changements s'imposent à cette charte si l'on veut enrayer les différentes formes de discrimination et de violation des droits et libertés.

Au cours des cinq dernières années, la ligue a acheminé ou suivi plusieurs dossiers de plaintes, autant au niveau des droits des autochtones, des détenus, des handicapés, des droits politiques ou sociaux, des libertés académiques que de la discrimination dont les femmes sont victimes.

Cette charte, nous en connaissons bien les acquis et les limites puisque nous avons été un des principaux organismes qui n'ont pas cessé, depuis maintenant 10 ans, de revendiquer l'adoption d'une telle déclaration solennelle des droits.

D'ailleurs, sur la base d'une campagne de sensibilisation, de débat, de formulation et de reformulation de projets de charte et de mécanismes de mise en oeuvre, déjà, en 1975, nous présentions un mémoire sur le projet de loi no 50 à la commission parlementaire de la justice. En 1976, nous pressions le gouvernement de promulguer la première partie de la charte. En 1978, nous demandions une révision de certains des articles. En 1980, nous allions, devant le gouvernement fédéral cette fois, avec la fédération canadienne, présenter un mémoire proposant des changements majeurs au projet de charte fédérale.

Ce bref retour historique s'impose pour rappeler à l'opinion publique et aux actuels responsables politiques que si la charte québécoise a vu le jour, ce fut suite à de larges pressions populaires. (20 heures)

Dans le présent mémoire, vous trouverez la question de la nature même de la charte pour demander qu'on lui donne le statut fondamental qui lui revient. Dans une deuxième partie, nous soulignerons certains droits non encore proclamés bien qu'à notre avis extrêmement importants. Et enfin, dans la troisième partie, nous soulignerons certains problèmes que soulève le mode de fonctionnement actuel, insuffisamment, efficace de la Commission des droits de la personne, parce que la programmation des droits requiert, pour devenir un outil efficace, d'être insérée dans une loi qui a des dents et qui stipule des mécanismes concrets de recours pour l'ensemble de ces droits.

Par exemple, nous recommandons que les articles 51 et 52 de la charte soient modifiés pour étendre son champ d'application à toutes les lois et à tous les règlements, autant postérieurs qu'antérieurs à la charte, et pour donner à celle-ci le statut de loi fondamentale, c'est-à-dire une préséance sur toutes ces lois et tous ces règlements.

L'article 69 stipule que seuls les droits reconnus aux articles 10 à 19 et 48, premier alinéa, peuvent faire l'objet de plaintes et de demandes d'enquête auprès de la commission. En d'autres termes, la Commission des droits de la personne ne peut faire appliquer les droits fondamentaux, les droits politiques, les droits judiciaires, les droits économiques et sociaux. La présente charte empêche elle-même l'organisme public chargé de sa mise en oeuvre de recevoir et de traiter des plaintes sur l'ensemble des droits qui y sont énoncés. C'est nettement inacceptable.

La discrimination, tout aussi importante qu'elle soit au niveau des droits humains, n'est qu'une des formes de violation de ces droits. Mentionnons à titre d'exemple les plaintes face à certaines pratiques policières mettant en cause les droits généraux de la personne énoncés aux articles 1 à 9. Soulignons aussi les cas trop nombreux où est bafoué le droit judiciaire de pouvoir consulter son avocat. Ces cas et bien d'autres reliés à tous les droits, sauf ceux nommés expressément à l'article 69, échappent dans les faits à la Commission des droits de la personne. Nous recommandons que tous et chacun des droits proclamés dans la charte doivent pouvoir faire l'objet d'une demande d'enquête auprès de la Commission des droits de la personne par toute personne qui a raison de croire qu'elle a été victime d'une atteinte à l'un ou l'autre de ces droits.

La ligue entend souligner ici neuf domaines où il s'impose de compléter l'énoncé des droits proclamés par la charte. Au niveau des autochtones, l'absence de tout énoncé sur les droits historiques des nations autochtones, premiers occupants du pays, est une des lacunes les plus graves de cette charte. Ce silence dans les faits devient

complice de la violation des droits des autochtones. Faute d'inclure un article à cet égard, on refuserait ainsi dans le texte même où l'Assemblée nationale entend proclamer solennellement les droits dont jouissent ceux et celles qui y vivent, de reconnaître la spécificité des droits individuels et collectifs des nations autochtones. L'article 43 ne peut être invoqué ici comme une solution fournissant aux autochtones une base juridique d'intervention, puisque cet article consacre précisément leur assimilation en niant la spécificité de leurs droits collectifs. Cette spécificité est précisément que les libertés et droits fondamentaux des personnes appartenant aux peuples autochtones ne peuvent être dissociés de droits ancestraux et issus de traités de ces peuples.

C'est d'autant plus crucial que les peuples autochtones ont été depuis plusieurs siècles et demeurent victimes de politiques colonisatrices inacceptables. Il faut que des droits soient inscrits dans la charte québécoise puisque la juridiction provinciale a des effets directs sur la situation actuelle des peuples autochtones vivant au Québec, qu'il s'agisse des lois portant sur la chasse, la pêche, le trappage, le développement forestier, les ressources naturelles, l'éducation, l'aménagement du territoire et d'autres encore. L'expérience vécue depuis quatre ans par la ligue et son comité d'appui aux masses autochtones nous a montré l'urgence d'insérer ce droit dans la charte, tant pour le consacrer juridiquement que pour en rappeler et en proclamer solennellement la reconnaissance par toute la collectivité.

À cet égard, nous tenons à rappeler ce que nous disons depuis dix ans maintenant, à savoir que la légitimité internationale de la revendication du peuple québécois pour le droit à l'autodétermination est liée à la reconnaissance sans détour de ce même droit pour les nations autochtones. S'il y a une place où ce droit historique fondamental doit être énoncé pour lever toute ambiguïté dans la phase actuelle de l'histoire du Québec, c'est bien dans la charte des droits.

Dans une troisième recommandation, nous vous proposons d'amender la charte des droits en ajoutant un nouvel article qui se lirait comme suit: "Les descendants des premiers habitants du territoire québécois forment des peuples distincts et, à ce titre, ont droit à la protection de leurs droits ancestraux et issus tant de traités que de conventions internationales."

Dans un autre ordre d'idées, en ce qui regarde les droits des personnes handicapées, nous recommandons que l'article 10 soit modifié et qu'on substitue à l'expression "le fait qu'elle est une personne handicapée" les mots "handicap physique ou mental". Nous recommandons à cet égard aussi qu'à l'article 1, où il s'agit d'intégrité physique, une modification soit apportée, soit en ajoutant "et mentale", soit en supprimant tout simplement le mot "physique", de façon que cet article se réfère aussi bien à l'intégrité mentale que physique. Il y a en effet des tortures morales, des brutalités morales qui violentent autant le droit à l'intégrité que les brutalités physiques.

Signalons enfin que la reconnaissance effective du droit à l'intégrité passe par le droit à un environnement sain, ce qui nous conduit à appuyer les recommandations faites en ce sens par plusieurs organismes.

Quant au droit des détenus, l'Office des droits des détenus de la Ligue des droits et libertés présentera à cette commission un mémoire; nous lui laissons toute la chance de vous expliquer largement ce qu'il veut vous présenter.

Pour ce qui a trait aux droits économiques et sociaux, la Ligue des droits entend souligner ainsi deux points précis, d'une part, le caractère trop vague de l'énoncé d'ensemble des droits économiques et sociaux et, d'autre part, la question particulière de la discrimination dans les avantages sociaux. À cet effet, notre sixième recommandation dirait que, "quant à la définition vague et insuffisante que la charte donne au chapitre IV des droits économiques et sociaux, nous recommandons que la charte précise le droit à la vie décente et reconnaisse le droit à la santé et le principe du droit au travail, en se référant aux textes même agréés par le Canada et le Québec, de la déclaration universelle des droits et du pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

Quant à la discrimination dans les avantages sociaux, la Ligue des droits et libertés n'a pas hésité à se joindre dès le départ à la coalition pour l'abrogation de l'article 97 de la charte des droits à savoir: l'abrogation de l'article 90 de la charte, qui permet la discrimination dans les régimes d'avantages sociaux et d'assurances; l'inclusion dans la charte d'un nouvel article prohibant spécifiquement de telles discriminations, et la modification des législations et régimes publics dans le sens de l'abolition de toute discrimination, en concordance avec la charte telle qu'amendée.

Nous ne voyons pas en effet pourquoi la charte tolérerait des discriminations au niveau des avantages sociaux, l'objectif d'élimination de toute distinction fondée sur le sexe, l'orientation sexuelle et l'état civil doit aussi valoir pour des régimes d'avantages sociaux et cela malgré tous les calculs des personnes qui n'y voient là qu'investissements et rentabilité différentielle sur leurs clientèles. Il faut d'abord y voir une discrimination qui affecte les conditions de vie.

En matière de discrimination selon le sexe, nous entendons ainsi souligner au législateur l'importance d'ajouter à l'article 10 l'état de grossesse comme motif de discrimination interdite. En raison de récentes jurisprudences qui ont eu pour effet de dissocier l'état de grossesse du motif sexe féminin, on en est arrivé à permettre ainsi implicitement la discrimination sur la base précisément de l'état de grossesse.

Nous recommandons également que l'âge soit inclus dans l'article 10 comme motif illicite de discrimination et que l'âge soit défini de manière à ne pas permettre le maintien de l'âge obligatoire de la retraite.

M. Doré (Jean): J'ajoute, M. le Président, qu'en ce qui concerne les modifications à l'article 10, il y a une modification qui n'apparaît pas au document et que l'on souhaiterait que la commission et éventuellement l'Assemblée nationale adoptent. C'est une distinction fondée également sur certaines restrictions aux activités syndicales. Cela devait faire partie du mémoire et finalement on s'est rendu compte à la lecture ce matin que cela a été un oubli.

Je pense que l'on vous a rapidement fait état du cas assez frappant de la situation qu'ont vécue les gens du magasin Paquet à Québec qui ont été mis à pied à la suite de la fermeture et qui ont vu leur droit à être réembauchés par une entreprise québécoise du nom de La Baie limité par le fait de leur activité syndicale; c'est un exemple frappant qui existe, qui a été publié dans les journaux. Pour ce droit, c'est assez rare que les employeurs disent ouvertement qu'ils n'embaucheront pas de gens à cause de leur activité syndicale, sauf qu'en pratique on le sait très bien, il existe de telles choses que des listes noires de militants tant syndicaux que politiques et c'est une pratique assez systématique à l'embauche de faire du filtrage dit sécuritaire pour les employeurs et d'éliminer les candidats qui ont un passé d'activités syndicales. On ne voit pas pourquoi, si l'on reconnaît la liberté d'opinion et la liberté de conviction politique dans la charte, on permettrait à des employeurs de discriminer des personnes sur la base d'activités syndicales.

Cela n'y est donc pas, mais on vous demanderait d'en prendre note, on s'excuse, si cela n'y apparaît pas.

M. Marx: Sur ce sujet, est-ce que ce ne sera pas plus correct de mettre cela dans le Code du travail? Il y a déjà des dispositions dans le Code du travail qui traitent de ce sujet, c'est-à-dire que c'est l'activité syndicale par rapport à l'embauche par rapport aux services publics: louer une chambre, ainsi de suite.

M. Doré: Le problème essentiel, M. le député, c'est le suivant, c'est que, dans le cas du Code du travail, les dispositions sont relatives à des gens qui sont déjà embauchés et qui peuvent être l'objet de suspension ou éventuellement de congédiement pour leurs activités syndicales, mais, dans le cas présent, on parle ici des gens qui ne le seront probablement jamais parce qu'il existe une telle pratique discriminatoire de la constitution de listes noires sur la base d'activités syndicales et/ou politiques.

M. Marx: D'accord, mais qu'on inscrive ces dispositions dans le Code du travail et non pas dans la charte parce que la discrimination à l'article 10, c'est pour toute une gamme de raisons, pas seulement pour l'embauche.

M. Doré: Non, mais cela pourrait également s'appliquer. En fait, nous considérons que cela va dans la suite logique des motifs où on prohibe la discrimination pour des convictions politiques.

Essentiellement, les activités syndicales ne sont pas, au sens strict, des activités politiques bien qu'au sens large on puisse en arriver à comprendre dans la notion d'activités politiques les activités syndicales. Mais ce n'est pas seulement une question de refus d'embauche. Dans certains cas, cela peut être le refus de promotion. Dans certains cas, cela peut être des discriminations qui peuvent amener des gens à être congédiés. Dans ces cas-là, bien sûr, il y a toujours la possibilité de faire un appel, mais, dans les cas dont on parle, c'est très difficile.

Je reviens là-dessus parce que c'est important, la remarque préliminaire du président. Dans la mesure où la revendication fondamentale de la Ligue des droits relativement à la charte, c'est d'en faire une loi fondamentale précisément et de donner à la commission un droit de regard sur l'ensemble des droits qui y sont reconnus, cela nous paraissait important que cela puisse apparaître dans la charte. Évidemment, je laisserai aux savants juristes du Conseil des ministres le soin de déterminer, éventuellement, s'il est plus opportun de l'inscrire. Mais si cela apparaissait au Code du travail, ce serait déjà une amélioration sensible par rapport à la situation qui prévaut actuellement.

Je poursuis rapidement sur certaines autres recommandations qui nous semblent pertinentes et sur lesquelles on voudrait attirer votre attention. Je vais y aller en essayant de résumer le plus rapidement possible. Je pense qu'il est clair maintenant, pour ceux qui en doutaient encore, à la lecture des rapports des commissions Keable et McDonald, pour reprendre des choses qui sont connues, que bon nombre d'activités des

forces policières, tant fédérales et provinciales que municipales dans certains cas, ont porté atteinte à des droits démocratiques importants. Je pense, par exemple, à la constitution de dossiers sur les activités ou opinions politiques ou syndicales. La commission McDonald a lancé un chiffre qui était de 800 000 personnes. Il y a 800 000 Canadiens et Québécois qui ont des dossiers quelque part, soit à la GRC, à la Sûreté du Québec, au SPCUM ou ailleurs, qui ont été constitués sur la base de leurs opinions politiques. Je trouve que c'est important de le noter.

Qu'on pense à la fabrication de listes noires. J'y faisais référence tantôt; on a un cas récent et je pense que la commission pourrait en témoigner. Le congédiement de trois travailleuses de Pratt & Whitney est essentiellement un cas de congédiement fondé sur des activités politiques, à partir d'une intervention directe des forces policières. Cela est constitué à partir de listes noires, bien évidemment.

L'infiltration, déstabilisation d'organismes démocratiques, le recrutement d'informateurs par la crainte et le chantage. Enfin, bref, il ne s'agit pas de revenir sur l'ensemble de ce qu'on a pu retrouver, mais ce qui est clair, c'est que tous et chacun de ces faits dénotent des cas de violation à des droits reconnus par la charte, qu'il s'agisse d'atteinte à la dignité humaine, à l'intégrité physique, aux droits judiciaires dans certains cas ou même de la constitution de dossiers cachés.

Pour toutes ces raisons, on estime que la police ne devrait pas être à l'abri de l'application de la charte. De la même façon que la charte devrait avoir un caractère fondamental et avoir préséance sur toute loi antérieure ou postérieure, de la même façon que la commission, quant à nous, doit avoir droit de regard sur l'ensemble des droits reconnus par la charte et non pas uniquement sur les articles 10 à 19, on suggère que les policiers soient, bien sûr, astreints au respect des droits qui sont reconnus par la charte et, éventuellement, aux sanctions qui en découlent s'il y a non-respect.

Je vous souligne en passant - j'attire l'attention du ministre de la Justice à cet effet - qu'on a pu constater - le ministre de la Justice a l'air d'être occupé - en questionnant le responsable de la formation juridique des policiers, par exemple, à l'École de police de Nicolet, que la Charte des droits et libertés de la personne ne fait pas partie du tout du curriculum de formation des policiers. Cette charte existe depuis 1975, elle reconnaît des droits judiciaires importants, elle reconnaît des droits politiques importants auxcitoyens québécois. Pourtant, les policiers, qui sont formés normalement pour assurer le respect des droits des citoyens, ne sont pas formés pour connaître le contenu de la charte, ni savoir comment, en pratique, dans Leur travail, ils doivent en assurer le respect. On a posé la question: Est-ce à l'ordre du jour, est-ce que vous avez l'intention, éventuellement, d'inclure cela? Il me semble que c'est assez important. On passe beaucoup de temps à montrer aux policiers comment témoigner devant un tribunal dans des cas de voies de fait sur des policiers ou des choses semblables. Il me semblerait important d'accorder une couple d'heures à la charte. On nous dit qu'on étudie la question pour le moment. Je veux juste attirer l'attention sur le fait qu'on est assez loin quand même, du côté des forces policières en particulier, de préoccupations assez concrètes relativement à ces questions.

M. Bédard: Sauf un point. Quand vous dites que les policiers sont à l'abri de la charte, je ne crois pas que vous ayez raison. Ils ne sont pas à l'abri de la Charte des droits et libertés de la personne. Il peut y avoir des plaintes, des situations qui sont dénoncées au niveau de la Commission des droits de la personne. On a des exemples d'enquêtes qui ont été faites par la Commission des droits de la personne sur des conduites policières... (20 h 15)

Mme Sauvé (Christiane): Quand il y a discrimination.

M. Doré: Oui, lorsqu'il y a discrimination, M. le ministre.

M. Bédard: Oui.

M. Doré: Mais si la police porte atteinte à l'un des droits reconnus aux articles 1 à 10, par exemple la liberté...

M. Bédard: Non, mais il est sur le même pied que les autres citoyens à ce moment-là.

Mme Sauvé: Les plaintes sont automatiquement référées à la Commission de police.

M. Doré: À la Commission de police.

Mme Sauvé: Les policiers jouissent d'un système judiciaire qui leur est particulier et cela fait que graduellement ils ne se sentent pas concernés par la Charte des droits et libertés de la personne.

M. Doré: Par exemple, M. le ministre, regardez les droits judiciaires. On dit: "Reconnaître le droit de consulter." On reconnaît théoriquement le droit aux gens de consulter un avocat. Mais, en pratique, vous pouvez le demander à n'importe quelle

personne qui pratique le droit sur une base quotidienne, essayez de vérifier dans quelle mesure vous pouvez, dans un poste de police, avoir accès à une personne qui est détenue pour interrogatoire et qui demande de voir un avocat. Essayez d'avoir accès à un détenu. C'est extrêmement difficile. Les policiers jouent généralement à la chaise musicale, changent le bonhomme de poste de police, enfin, ils font tout pour l'interroger sans qu'il puisse avoir consulté son avocat.

En pratique, le droit n'est pas respecté. Comment peut-on le faire respecter? Nous, on dit que - et cela fait partie des recommandations qu'on soumet - si un droit comme celui-là est violé, la commission pourrait recevoir une plainte pour en examiner non pas... Il n'y a pas de discrimination, là, on parle d'un droit judiciaire qui est reconnu. On veut parler des droits généraux de la personne humaine aux articles 1 à 9, qui sont également reconnus, mais qui peuvent être violés, y compris le droit à l'intégrité physique. Je ne parle pas juste des cas de brutalité policière ou de violence policière. Dans ces cas-là, on estime que la personne devrait avoir la possibilité de porter une plainte à la commission. Si, effectivement, des droits ont été mis en cause, la commission pourrait, comme elle en a le pouvoir, recommander des réparations et aussi - on le recommande plus loin - tout citoyen qui est victime d'une atteinte à un droit reconnu par la charte devrait avoir la possibilité d'inscrire lui-même une plainte pénale, éventuellement, contre le contrevenant, et cela inclurait les policiers.

Je vous ferai remarquer qu'actuellement la charte ne prévoit de plainte pénale que dans les cas de violation aux articles 10 à 19. Les autres articles ne sont pas sujets à des plaintes pénales et, plus que cela, comme on le renvoie à la Loi sur les poursuites sommaires, vous savez, comme ministre de la Justice, que la seule poursuite qui peut être intentée, c'est sur permission du Procureur général.

Dans le Code du travail, on dit, par exemple, que toute personne intéressée peut inscrire une plainte pénale lorsqu'il y a une violation où on porte atteinte à l'un des droits reconnus par le Code du travail, et cela inclut les syndicats ou éventuellement même un travailleur. Pourquoi dans la charte, qui est une loi qu'on voudrait fondamentale, on ne reconnaîtrait pas à toute personne qui est l'objet d'une atteinte à un des droits reconnus à la charte le pouvoir d'inscrire elle-même une plainte sans avoir la permission du ministre pour le faire?

Si les policiers, d'une part, étaient formés, et, d'autre part, savaient qu'éventuellement des écarts par rapport à la charte pourraient faire l'objet, ne serait-ce que d'une plainte pénale, en plus éventuellement d'une recommandation défavorable de la commission, même de réparations, il nous semble que les policiers auraient peut-être un comportement drôlement différent par rapport à ensemble des citoyens que celui qu'ils ont malheureusement dans le contexte actuel.

Dans ce sens-là on dit: Les policiers devraient être assujettis non uniquement à ce qui est actuellement la juridiction de la commission, mais à l'ensemble des droits qui sont reconnus dans la charte, avec la possibilité, évidemment, d'avoir des sanctions si les droits ne sont pas respectés.

Je passe rapidement sur d'autres recommandations. On pourra revenir à des questions là-dessus. On suggère, par exemple, qu'une disposition nouvelle soit ajoutée qui oblige les policiers à informer toute personne de son droit à consulter un avocat et, surtout, de lui fournir l'occasion de l'exercer dans le respect du secret professionnel.

Il y a eu des cas déjà relatés où des avocats ont été l'objet d'écoute électronique lorsqu'ils étaient en conversation avec leurs clients. Nous estimons que non seulement on doit reconnaître le droit, mais on doit favoriser l'exercice de ce droit-là. Cette disposition devrait comporter, quant à nous, la possibilité pour un individu qui est l'objet d'un interrogatoire de le faire en présence d'une personne choisie par lui et on suggère que des démarches soient entreprises par le gouvernement québécois auprès des autorités fédérales de façon que toute preuve obtenue illégalement ne puisse pas être utilisée, car c'est une autre façon d'encourager les policiers à commettre des actes illégaux, malheureusement.

On recommande également - et cela fait partie des recommandations plus générales - que toute violation - je l'ai dit tantôt - à l'un quelconque des droits judiciaires énoncés dans la charte puisse faire l'objet d'une demande d'enquête à la commission.

On recommande également, en ce qui concerne la protection du droit à la vie privée, l'adoption d'un article qui stipulerait que les services de police, tout comme les entreprises privées et les organismes gouvernementaux - parce qu'il y a beaucoup d'entreprises privées, on pense aux employeurs, à des assureurs, agences de sécurité privées qui colligent des renseignements sur la vie privée des gens -soient astreints à des normes très sévères visant à la protection de la confidentialité des renseignements qu'ils détiennent sur les personnes.

On ajoute qu'il devrait y avoir une adoption dans la charte d'une disposition qui comporterait l'interdiction pour les policiers de constituer des dossiers, des fiches ou de colliger des renseignements contenant des opinions politiques ou syndicales de toute personne. Si on reconnaît la liberté de

conviction politique aux gens, on estime que, par définition, la police ne devrait pas avoir le droit de constituer des dossiers politiques sur les citoyens. Cela devrait être clairement exprimé, quant à nous, dans la charte.

En ce qui concerne les programmes d'action positive, je peux peut-être laisser Christiane enchaîner là-dessus rapidement.

Mme Sauvé: Concernant l'action positive, nous endossons toutes les recommandations que la Commission des droits de la personne a faites, sauf qu'on voudrait apporter certaines précisions. Les groupes visés sont les groupes de femmes, les minorités ethniques, les personnes handicapées et les autochtones. Considérant la spécificité des peuples autochtones, on pense que ces derniers devraient être associés de très près à la conception de ces programmes, à leur élaboration et à leur application, de manière à éviter que d'autres que les autochtones définissent à leur place leur meilleure insertion au marché du travail blanc. On dit aussi qu'on considère illusoire l'option qui a été présentée dans le mémoire du Conseil du patronat à savoir le libre choix des employeurs de mettre en place des programmes d'action positive.

Voici la deuxième remarque qu'on voulait faire. On pense que la charte devrait imposer l'obligation de chercher d'abord à négocier les programmes d'action positive. La commission agirait comme arbitre, en dernier ressort, s'il y a mésentente entre les parties syndicale et patronale. On souligne également qu'il va devoir y avoir un travail important de fait au niveau de l'éducation et de l'information de la part de la commission parce qu'on s'attend qu'il y ait des résistances très fortes dans certains milieux et ça va demander beaucoup de travail d'information et d'éducation à ce sujet.

On veut aussi que les programmes d'action positive ne soient pas finalement réservés à certaines élites. On recommande donc que les programmes d'action positive soient axés sur les secteurs les plus défavorisés des populations cibles visées. Enfin, on est conscient que le fait d'introduire les programmes d'action positive ne suffira pas; il va falloir qu'il y ait des incitations de la part du gouvernement. À cet égard, nous demandons au gouvernement de mettre sur pied une politique conditionnelle à l'octroi de tout avantage comme des permis, des licences, des subventions. Nous lui demandons de conditionner l'octroi de tels avantages gouvernementaux à la mise en place de tels programmes d'action positive.

M. Doré: Je continuerai maintenant en ce qui concerne les pouvoirs de la commission. Pour l'essentiel, les recommandations de la Ligue des droits vont un peu dans le sens de la poursuite des activités actuelles et du rôle qu'a actuellement la commission en étendant ses pouvoirs à l'ensemble des droits reconnus par la charte, on le répète encore une fois, et en lui fournissant plus de moyens financiers de façon que la commission puisse assurer un traitement de beaucoup plus accéléré des plaintes. Là-dessus, on ne jette pas de blâme sur la commission. On a pu voir, de visu, le fardeau de tâche des enquêteurs de la commission pour se rendre compte que ce n'est pas possible humainement d'exiger davantage des gens qui sont là actuellement. Par ailleurs, on insiste de façon importante afin que le gouvernement fournisse les ressources humaines et financières nécessaires à la commission pour que la commission régionalise ses activités. Il nous semble qu'il y a une certaine discrimination faite aux citoyens du Québec en concentrant les activités de la commission uniquement à Québec et à Montréal. On aurait avantage à donner un droit égal d'accès à l'ensemble des citoyens du Québec en régionalisant les activités de la commission.

Pour le reste, en ce qui concerne certaines demandes qui ont déjà été faites, certaines de celles-là avaient déjà été faites par la Ligue des droits et libertés par le passé. Il va de soi qu'on est d'accord avec la demande qui a été faite de permettre à la commission de pouvoir ester ou agir en justice. On demande que la commission puisse prendre partie de son propre chef à toute instance où une personne invoque la charte soit pour demander une injonction éventuellement ou pour réclamer une indemnité; on voudrait que ce pouvoir soit reconnu à la commission. On recommande également que, si la commission est dotée de pouvoirs de réglementation, en particulier, on pense au secteur des programmes d'action positive, le tout se fasse en informant le public et en consultant largement les groupes impliqués. Je pense que, là-dessus, c'est une recommandation qui s'insère quand même assez bien dans la démarche que la commission a tenté de garder jusqu'à maintenant par rapport aux groupes.

Sans étirer davantage la présentation, je dirais que ça cerne l'essentiel de nos recommandations. J'ajoute simplement qu'en ce qui concerne la recommandation 25, il y a une mauvaise formulation de la recommandation. On disait: "Nous recommandons que l'article 89 de la charte soit transformé pour permettre au plaignant, si sa plainte s'avère fondée, de pouvoir poursuivre directement sans tomber sous les contraintes de la Loi sur les poursuites sommaires." Je pense qu'il faut décoder ce texte pour le comprendre dans le sens où je l'ai exprimé tantôt. C'est qu'on voudrait, à toutes fins utiles, premièrement, dire ceci: Commet une infraction à la présente charte

quiconque porte atteinte à l'un des droits reconnus par la charte, et non pas uniquement aux articles 10 à 19 et 48. Quiconque porte atteinte à l'un des droits reconnus par la charte commet une infraction, au sens de cette charte. Deuxièmement, toute personne qui croit qu'on a porté atteinte à l'un des droits reconnus par la charte pourrait ou devrait avoir le droit de présenter une plainte pénale; toute personne intéressée, bien sûr.

C'est plutôt dans ce sens qu'il faudrait comprendre la suggestion ou la recommandation qu'on faisait à l'article 89, avec plus de précision.

On est à votre disposition pour répondre à des questions, bien sûr, malgré l'heure tardive.

Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.

M. Bédard: Je voudrais d'abord remercier, d'une façon tout à fait spéciale, M. le Président, les représentants de la Ligue des droits et libertés pour le mémoire très substantiel qu'ils ont présenté à la commission. Je comprends qu'ils l'ont résumé, pour le bénéfice des membres de la commission, mais je pense que tous ceux et celles qui peuvent avoir la possibilité de lire ce mémoire d'une façon intégrale sont à même de constater rapidement toute la matière qui y est contenue.

Je vois que, dans votre mémoire, vous ne parlez pas des droits généraux fondamentaux, tels que droit au travail...

M. Doré: Bien sûr, on est passé rapidement là-dessus, M. le ministre, mais, à la page 13...

M. Bédard: Avec insistance, il y a le droit à l'environnement; je pense que vous êtes un peu au courant de l'essentiel de certaines des représentations qui nous ont été faites. Vous conviendrez avec moi qu'on ne les retrouve pas avec la même insistance dans votre mémoire que dans d'autres mémoires, notamment la reconnaissance de certains droits plus généraux. Peut-être les trouvez-vous plus collectifs. Autrement dit, je voudrais vous poser une question qui me semble de base: Est-ce que vous croyez que la charte doit être carrément orientée vers la défense des droits et libertés individuels ou si, dans le contexte où on est présentement, elle doit ouvrir sur des droits plus collectifs, tels que ceux que j'ai exprimés tout à l'heure?

M. Doré: M. le ministre, je pourrais peut-être vous répondre, à toutes fins utiles, par une recommandation qui est contenue dans le document. Vous remarquerez qu'on a quand même pris soin de dire qu'il y a des droits humains, des droits de la personne, en particulier les droits généraux des articles 1 à 9, qui doivent faire l'objet non seulement d'une demande d'enquête, mais il y a possibilité pour la commission d'intervenir là-dessus, possibilité d'obtenir des plaintes pénales là-dessus et aussi la loi à caractère fondamental.

Sur la question des droits économiques et sociaux, c'est-à-dire des droits plus collectifs, il nous semble important, et on a été un des organismes qui revendiquaient justement que la charte ne soit pas uniquement une charte de droits individuels, et on trouve, aux pages 12 et suivantes du document, un certain nombre de recommandations qui vont dans ce sens-là. Je pense que, pour l'essentiel, ce qu'on dit, c'est que la charte précise le droit à la vie décente et reconnaisse le droit à la santé et le principe du droit au travail, en se référant au texte même, disait-on, agréé par le Québec et le Canada, de la déclaration universelle des droits et du pacte international relatif aux droits économiques et sociaux.

Là, on donnait un certain nombre d'énoncés, à la page 13, qui sont assez clairs: le droit à un niveau de vie décent tiré de la déclaration universelle des droits, à l'article 25, alinéa 1; le principe du droit au travail, tiré également de la déclaration universelle; le pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, en ce qui concerne la reconnaissance du droit au travail, de même que le droit à la santé. (20 h 30)

Là, je me réfère entre autres au groupe des Cris qui sont venus entretenir la commission du problème spécifique qu'ils connaissaient en ce qui concerne la reconnaissance de leur droit à la santé, et j'ajouterais que si la charte était telle qu'on souhaiterait qu'elle soit, c'est-à-dire avec un pouvoir général d'intervention de la commission, un caractère fondamental et la reconnaissance de droits économiques et sociaux, y compris le droit à la santé, je ne suis pas certain que la commission n'aurait pas pu intervenir suite à une demande en ce sens des Cris pour être capable de déterminer si effectivement il y avait eu une violation de ce droit en vertu de la charte. Cela n'aurait pas été inopportun en ce qui nous concerne que la commission puisse le faire. D'ailleurs, je ne suis pas certain qu'elle n'aurait pas pu le faire autrement non plus en vertu d'un autre article.

C'est clair que pour nous, pour répondre à votre question, la charte ne doit pas être uniquement une charte de droits individuels. Elle reconnaissait déjà des droits collectifs importants. Il nous semble qu'il serait opportun de les inclure dans une charte, et je pense que c'est un peu le processus de bonification de la loi auquel

l'ensemble des députés et la population sont conviés au cours des journées qui viennent. Puisque le Québec a déjà adhéré nommément à des pactes internationaux reconnaissant des droits généraux et des droits collectifs, on voit mal pourquoi ces droits ne seraient pas inclus dans la charte des droits québécoise, ce qui ne ferait que bonifier le texte et finalement en augmenter la portée et l'ampleur, dans la mesure où la charte doit être non seulement la reconnaissance de droits mais également un processus en vue aussi de promouvoir l'élargissement des droits. Je pense d'ailleurs que la charte telle qu'adoptée en 1975 et le rôle que la commission y a joué ont contribué non seulement à faire reconnaître, mais à élargir certains droits et d'ailleurs nous amènent maintenant à constater qu'il y a des lacunes, qu'il y a des trous qu'il faut boucher et qu'il fautcompléter. C'est forcément un peu dans ce sens que l'on fait des recommandations.

M. Bédard: C'est dans ce sens que l'on a des commissions parlementaires. On sentait qu'il pouvait y avoir nécessairement des améliorations à apporter, ce qui est normal. Vous attachez beaucoup d'importance également à l'ensemble des droits judiciaires. Vous parlez de l'action policière, de la conduite des policiers par rapport aux citoyens, de droits fondamentaux pour les citoyens qui font l'objet d'arrestation de voir un avocat, de pouvoir voir leurs proches, enfin d'une façon générale du droit pour tout individu, même s'il fait l'objet d'une arrestation, d'être traité d'une façon humaine et digne, en fait dans le respect de son intégrité.

Quand vous regardez le contenu des articles 23 et suivants, en fait la section des droits judiciaires de façon spéciale, je comprends qu'ici elle peut paraître assez élaborée, elle ne peut faire l'objet d'enquête par la commission comme les articles 10 à 19. Ceci étant dit, quitte après cela à aborder jusqu'à quel point cela peut devenir l'objet d'une enquête possible par la Commission des droits de la personne sur le contenu même, est-ce qu'il y aurait des remarques particulières que vous auriez à nous faire en termes d'améliorations?

Mme Sauvé: L'obligation d'agir équitabtement, tel que cela a été reconnu dans la jurisprudence, je pense qu'on en fait...

M. Bédard: ... le traitement des personnes arrêtées. Toute personne arrêtée ou détenue doit être traitée avec humanité et avec le respect de la personne humaine.

M. Doré: M. le ministre, vous remarquerez que dans notre document, on n'en fait pas état, sauf de permettre l'exercice du droit de consulter un avocat et d'en faciliter l'exercice, pas uniquement de le reconnaître, sauf pour une recommandation assez précise là-dessus.

Pour le reste, on ne vient pas bonifier. Le texte des droits judiciaires nous apparaît, en ce qui concerne les principes qui y sont contenus, relativement satisfaisant. Ce n'est pas là le problème. Le problème est un problème d'application et de respect. Ce n'est pas un problème d'énonciation des droits, ils sont là. C'est de s'assurer qu'ils soient respectés. On dit là-dessus: 1) les policiers ne sont pas formés parce qu'ils ne connaissent même pas la charte. Cela, on le sait, on le tient de Me Lafortune qui est responsable de la formation juridique des policiers; 2) en pratique, les policiers se sentent à couvert de responsabilité, et cela, je pense que c'est une des choses qui se dégagent autant du rapport McDonald que du rapport Keable. Il y a bien sûr des zones grises dans lesquelles il y a du monde qui a pu jouer, y compris certains politiciens fédéraux, pour essayer de dire que, finalement, ce n'était pas aussi grave que cela, mais il y a quand même des droits qui sont reconnus ici, sauf qu'en pratique, s'il n'y a pas de moyen de les appliquer, si la commission ne peut pas les appliquer, si le seul recours du citoyen est de déposer une plainte à la Commission de police - là, je ne veux pas m'embarquer dans un débat, on en a déjà eu un en regard de la Loi de police - et vous savez l'opposition qu'on a à la Commission de police, on trouve que ce n'est pas l'organisme à qui il faut donner cette juridiction.

M. Bédard: Vous n'avez pas changé d'idée?

M. Doré: On n'a pas changé d'idée, on disait que c'était la commission des droits qui, éventuellement, face à des violations relativement au droit judiciaire, devait avoir juridiction et non pas la Commission de police, parce qu'on trouvait que le mandat de la Commission de police était trop contradictoire et qu'elle n'avait pas de crédibilité. Elle n'en a pas plus, du moins quant à nous.

On dit que le problème n'est pas un problème de reconnaissance des droits, on dit que c'est d'assurer le respect des droits. Peut-être que la meilleure façon d'assurer le respect des droits, c'est de donner éventuellement, non seulement à la commission, mais aux citoyens la possibilité de les faire appliquer. La plainte pénale dont je parlais tantôt, ce possible recours, si des policiers enlevaient l'exercice de droits judiciaires à des citoyens et que le recours possible du citoyen pourrait être une plainte

pénale contre un policier, on pense qu'éventuellement, les policiers y penseraient à deux fois avant de passer outre à des droits que le législateur a quand même voulu que les policiers respectent et que l'ensemble des citoyens respectent. C'est plus de cette nature, le problème avec lequel on est confronté.

Je vous ferai remarquer, je ne sais pas si vous vous rappelez l'histoire de l'étiquetage français des années 1967-1968, qu'un étudiant s'était aperçu qu'on avait oublié de faire la réserve dans cette loi que seul le Procureur général pouvait prendre des poursuites, et donc qu'on pourrait le faire. Une loi mise en application depuis sept ans par le ministère de l'Agriculture l'était de telle façon qu'en 1967, on avait encore un tas de produits unilingues anglais sur les tablettes. En l'espace de six mois et grâce à sept ou huit poursuites dans différentes régions du Québec, de la part de citoyens qui ont poursuivi des chaînes d'alimentation, on a amené les chaînes à se discipliner elles-mêmes, à mettre des étiquettes d'urgence pour avoir la traduction française. Après coup, elles ont exigé de leurs fournisseurs que, dorénavant, ils fournissent les étiquetages en question en respectant les exigences de la loi.

C'est un exemple, car, à ce moment-là, le gouvernement avait éventuellement supprimé cette disposition parce qu'on disait que c'était la course aux amendes et que cette course conférait un caractère un peu vénal à l'opération. Les gens faisaient de l'argent. On ne demande pas que les gens puissent aller chercher la totalité de l'amende dans leurs poches. Ce qu'on veut, c'est qu'ils puissent quand même éventuellement poursuivre les contrevenants, y compris le policier, pour assurer le respect de la charte. On pense que, dans bien des cas, si les policiers savaient que des gestes qu'ils posent peuvent éventuellement non seulement amener les gens à déposer une plainte devant la Commission de police, tout le monde se bidonne avec ça, y compris les policiers eux-mêmes, ça ne les dérange pas du tout, car, même quand les recommandations sont défavorables, ce n'est pas nécessairement évident qu'elles vont être mises en application par les chefs de police, par les directions de police. Ce n'est donc pas un instrument qui les effraie bien gros.

Par contre, la possibilité pour des citoyens de se servir de la charte pour...

M. Bédard: Dans un avenir peut-être plus rapproché qu'on peut le croire, si la Commission de police devenait carrément un organisme quasi judiciaire, avec des décisions qui doivent être mises en application...

M. Doré: On jugera, M. le ministre.

M. Bédard: ... je pense qu'à ce moment-là, ça pourra changer...

M. Doré: Cela ne changera rien au sens de la recommandation qu'on vous fait en ce qui concerne l'application...

M. Bédard: Non, pas dans le sens des recommandations, mais pour écarter des conflits d'intérêts qui peuvent être visibles par rapport à la Commission de police.

Enfin, je vais laisser mes collègues poser leurs questions.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: J'aimerais remercier les membres de la ligue d'une façon assez spéciale. J'ai pris note du rôle que la ligue a joué dans l'élaboration même de cette charte et en ce qui concerne la protection des droits et des libertés des Québécois depuis des années. Je dirais d'une façon très franche qu'à mon avis, c'est très important d'avoir des groupes bien organisés qui sont extragouvernementaux, et qui vont travailler dans le sens de la ligue pour protéger les droits et libertés des Québécois et pour mettre la pression sur les organismes gouvernementaux et sur le gouvernement. Je pense que c'est même essentiel.

Vous avez fait beaucoup de recommandations. Vous avez déjà discuté de plusieurs de ces recommandations avec d'autres intervenants, comme sur l'âge, la grossesse, l'action positive. Je ne veux pas revenir sur ces sujets, mais vous avez soulevé le problème de la police. C'est un problème que d'autres intervenants n'ont pas soulevé et j'aimerais m'arrêter sur cette question. Cela va de soi que les policiers sont soumis à la loi comme tout citoyen et je dirais même que la grande majorité des policiers respecte la loi. Il y en a toujours quelques-uns qui ne respectent pas la loi, mais ça arrive partout et c'est impossible d'empêcher ça. Mais on a vu qu'il y a des policiers au Québec qui sont plus égaux que d'autres, c'est-à-dire qu'en vertu du rapport Keable le ministre de la Justice du Québec, qui est aussi le Procureur général du Québec, a trouvé bien de poursuivre les agents de la Gendarmerie royale, mais on n'a pas poursuivi les agents de la Sûreté du Québec ou les agents des corps policiers municipaux, quoique c'était recommandé par le rapport Keable.

M. Bédard: Juste sur ce point.

M. Marx: Un instant, M. le ministre. Puis-je terminer? Même en dépit des promesses faites par le premier ministre à la Chambre quand le ministre de la Justice n'était pas là. Le premier ministre a dit: On

va poursuivre tous les agents de police qui ont commis des infractions en vertu du Code criminel. On attend. Maintenant, peut-être que le ministre aimerait répondre à cette question.

M. Bédard: Non seulement je vais répondre, mais je vous remercie de soulever le sujet; je ne vous félicite pas, par exemple, de le soulever sans avoir fait les constatations, il me semble, minimales, avant d'affirmer quoi que ce soit.

Vous endossez l'affirmation du Solliciteur général du Canada qui essaie de faire croire que les policiers n'ont pas été traités d'une façon égale parce qu'il n'y a que des agents de la Gendarmerie royale qui ont été mis en accusation. Premièrement, c'est faux. Rappelez-vous que l'enquête Keable lorsqu'elle a été instituée, c'était suite à la mise en accusation de policiers de la Sûreté du Québec ou de la CUM et de la Gendarmerie royale. Prenons tous les dossiers qui ont été traités par la commission Keable, qu'on parle d'incendie de granges, de vol des listes d'un parti politique reconnu, le Parti québécois en l'occurrence, et de toutes les autres infractions dont il a été question sur lesquelles des plaintes ont été portées contre les policiers de la Gendarmerie royale, la raison est bien simple pourquoi on a porté des plaintes seulement contre les policiers de la Gendarmerie royale, c'est qu'il n'y a eu aucune preuve, aucun soupçon de preuve a savoir qu'il y avait des policiers, soit de la Sûreté du Québec ou de la CUM, qui étaient mêlés à la commission de ces infractions. On ne peut quand même pas, dans un désir de donner l'apparence d'équité et de justice, poursuivre des gens alors qu'ils ne sont même pas dans le portrait.

M. Marx: Conclusion?

M. Bédard: La conclusion, c'est que j'espère que vous allez cesser de vous faire le perroquet de l'affirmation...

M. Marx: M. le ministre, question de règlement.

M. Bédard: Laissez-moi terminer. ... du Solliciteur général

M. Marx: Je ne suis pas le perroquet de qui que ce soit, parce que j'ai soulevé la question à l'Assemblée nationale avant que ce soit soulevé par le Solliciteur général du Canada.

M. Bédard: Ce n'est pas cette question que vous avez soulevée en Chambre.

M. Marx: Oui. Comment est-ce que vous le savez? Vous n'étiez pas là.

M. Bédard: Parce que je lis le journal des Débats.

M. Marx: Vous lisez le journal des Débats.

M. Bédard: Je lis le journal des Débats. Quand une question est posée alors qu'un ministre n'est pas là, il en est informé assez rapidement.

M. Marx: Si vous n'avez pas le journal ici, ne faites pas d'accusations.

M. Bédard: Il y a des limites à dire n'importe quoi. Pourquoi, suite aux travaux de la commission Keable, ce sont seulement des policiers de la Gendarmerie royale du Canada qui ont été accusés? C'est tout simplement que, dans les infractions sur lesquelles il y a eu enquête, il n'y avait que des policiers de la Gendarmerie royale qui étaient impliqués. On ne peut quand même pas accuser pour la forme des policiers de la Sûreté du Québec et des policiers de la CUM de... (20 h 45)

Mme Sauvé: L'APLQ.

M. Bédard: Ah oui, l'APLQ. Il y a eu un policier de la CUM qui a été accusé. Il y a également eu un policier de la...

Mme Sauvé: Mais il y avait d'autres policiers...

M. Bédard: ... Sûreté du Québec.

Mme Sauvé: ... que les policiers Cormier et Coutellier.

M. Bédard: Oui, mais les recommandations de...

Mme Sauvé: Les autres policiers qui ont participé au saccage des locaux de l'APLQ ne sont pas poursuivis.

M. Bédard: Ce que vous oubliez, c'est que le rapport Keable, dans ses recommandations, n'a pas demandé de porter d'autres plaintes concernant l'APLQ. Il faudrait quand même prendre la peine de... Enfin, je ne vous fais pas le reproche de ne pas avoir pris connaissance de tout l'ensemble, mais je crois que...

Mme Sauvé: On l'a lu et relu.

M. Bédard: ... dans ce domaine-là, c'est assez clair.

Quant à l'autre point qui concerne la question que vous auriez posée en Chambre et pour laquelle vous attendez une réponse depuis longtemps, une réponse que je vous ai donnée à peu près une dizaine de fois, en ce

qui a trait à l'infiltration de policiers à l'intérieur d'organismes syndicaux ou encore à l'écoute électronique illégale, je vous dis, comme Procureur général, depuis que je suis là j'ai pris les mesures qu'il fallait, et il n'y en a pas. C'est aussi simple que cela. Est-ce que je peux vous dire...

M. Marx: En 1976, il n'y a pas eu d'infiltration policière?

M. Bédard: Je vous ai dit que tous les gestes que j'avais à poser comme Procureur général ont été posés et je suis en mesure de vous dire - cela fait déjà plusieurs fois que je fais cette déclaration - qu'il n'y en a pas. Bon, c'est tout.

M. Marx: Qu'il n'y avait pas d'infiltration policière depuis que...

M. Bédard: Je vous l'ai dit - cela fait trois fois - encore hier.

M. Marx: J'aimerais que cela soit précisé.

M. Bédard: Je ne peux quand même pas répondre pour les ministres de la Justice qui m'ont précédé.

M. Marx: Non, je parle de 1976.

M. Bédard: Je vous réponds qu'à partir du moment où j'ai été nommé ministre de la Justice, étant informé de la probabilité de certaines pratiques qui pouvaient être en cours, à ce moment-là, j'ai posé les gestes nécessaires qui me permettent de dire, comme Procureur général, qu'il n'y a pas d'infiltration de policiers à l'intérieur d'organismes démocratiques et que je ne l'accepterais pas - c'est aussi simple que cela - et qu'il n'y a pas non plus d'écoute électronique illégale, comme certains mémoires l'ont mentionné, parce que je ne l'accepterais pas. C'est tout. Si cela devait se faire à mon insu, vous pouvez être sûr que les sanctions qui s'imposent seraient prises.

M. Marx: Le premier ministre quand il a répondu à cette question en Chambre, n'était pas aussi catégorique que vous l'êtes maintenant. Il a donné l'impression que l'infiltration policière se fait toujours dans tout système et il verra...

M. Bédard: Vous avez posé...

M. Marx: Je vous dis cela pas... J'accepte votre réponse comme étant la vérité en ce qui concerne le ministre de la Justice, mais je vous dis, M. le ministre, qu'en Chambre le premier ministre a laissé croire qu'il pourrait encore y avoir une certaine infiltration policière.

M. Bédard: La question était adressée au ministre de la Justice. Comme j'étais absent, le premier ministre en a pris note. Je ne lui ferai pas le reproche de ne pas répondre au nom du ministre de la Justice. Alors, puisque vous posez la question, j'y réponds.

M. Marx: Mais je suis très heureux d'avoir cette réponse.

M. Doré: Écoutez! Je comprends qu'il y avait un débat qu'il fallait vider...

M. Bédard: En fait, un débat, des mises au point. Non, mais je...

M. Doré: La seule remarque que j'aurais à faire là-dessus, puisque vous avez un peu ouvert la porte, mais on sort légèrement du cadre du débat, c'est pour dire simplement ceci. Le rapport Keable, quelles que soient les conclusions, et le rapport McDonald, dans une moindre mesure - bien que, là aussi, il y ait des éléments pertinents - à mon point de vue, posent le problème du rôle de la police dans une société démocratique, le problème large. Ce que je comprends du ministre, c'est qu'il dit: J'ai pris les moyens nécessaires, comme Procureur général, pour m'assurer que cela ne se produise plus. Ce qui veut dire que des directives ont dû normalement être données. Ce qu'on avait souhaité - je réitère l'invitation qui avait été lancée au ministre de la Justice - c'est de convier, comme on le fait autour de la charte, les organismes et la population dans le cadre d'une commission parlementaire pour voir quelles devraient être les suites à donner au rapport Keable de façon à s'assurer que, dans l'avenir et en permettant une large expression d'opinions sur la question, la police respecte les droits démocratiques des citoyens et joue vraiment son rôle dans la société. Là-dessus, évidemment, le forum, on ne l'a pas encore et on souhaiterait que ce débat se fasse éventuellement parce qu'il y a plus que la seule infiltration d'organismes démocratiques dans le rapport Keable, il y a plus que simplement des poursuites à intenter contre des auteurs de crimes au sens du Code criminel, tel que vous l'avez fait comme ministre de la Justice, il y a tout le reste du rôle de la police, de l'encadrement des mandats, etc. Ce débat n'est pas clos.

M. Bédard: C'est parce que nous pensions exactement dans le même sens que vous le dites, qu'il y avait plus que le seul fait de commettre des actes dérogatoires ou illégaux, quand on parle de sécurité, de renseignements, etc., que nous avons mis sur pied l'enquête Keable, avec un mandat, vous

pouvez en convenir, qui était quand même très large dans les circonstances. S'il n'y avait pas eu la commission Keable, je pense pouvoir l'affirmer, je ne suis pas là pour me lancer des fleurs, mais quand même il y a des limites à se faire dire n'importe quoi...

M. Marx: Si vous le méritez, on va vous donner des fleurs.

M. Bédard: Honnêtement, s'il n'y avait pas eu la commission Keable, dis-je, il n'y aurait pas eu de commission McDonald. Quand on parle de notion de la sécurité nationale, de l'ensemble de ce que doit être tout ce qu'on appelle services de renseignements, ayant toujours comme préoccupation la protection des droits et libertés des citoyens, parce que l'action policière est très étroitement reliée à cette protection des droits et libertés des citoyens, on sait que c'est un sujet complexe et ce n'est pas de trop une enquête Keable.

Nous allons continuer le travail. Il y a certaines recommandations de poursuites auxquelles nous avons donné suite. Dans un deuxième temps, j'ai eu l'occasion de le dire, tout ce qui a trait à toutes les autres recommandations de la commission Keable, nous l'avons acheminé dans tous les services qui peuvent être concernés, que ce soit la Sûreté du Québec, d'autres corps de police, la Sécurité publique au ministère de la Justice, la Commission de police, etc. Les recommandations couvrent un large terrain et tous ces organismes ont comme fonction, dans le délai le plus rapide possible, de nous faire parvenir toutes leurs recommandations à partir desquelles on aboutira à d'autres suites à donner au rapport Keable.

M. Marx: Bon! On a compris le discours, M. le ministre. Maintenant, est-ce que j'ai compris...

M. Bédard: Ce n'est pas un discours, mais je tiens à vous dire que, comme vous, comme tout autre citoyen qui est ici...

M. Marx: Je vous ai dit que j'avais compris.

M. Bédard: ... nous avons à coeur la protection des droits et libertés. Je ne peux quand même pas répondre à toutes les petites accusations qui sont portées...

M. Marx: Jamais!

M. Bédard: ... dans les journaux parce qu'on n'en finirait plus.

Par exemple, je vous entendais dire dernièrement que le ministre de la Justice n'avait pas le contrôle des forces policières, d'une façon générale, comme ça, sans nuance. Vous savez très bien que la seule force de police sur laquelle le ministre de la Justice peut intervenir à l'heure actuelle, d'une façon très précise, c'est la Sûreté du Québec. Quand on parle des sûretés municipales, vous savez comme moi que ça relève des municipalités...

M. Marx: ... mais, M. le ministre...

M. Bédard: ... et quand on a fait les amendements à la Loi de police, je me rappelle toutes les représentations qui ont été. faites par les municipalités qui étaient dans le sens de: Prenons garde de faire un ministre de l'intérieur avec le ministre de la Justice. Peut-être qu'elles ont raison, sans doute en grande partie. Je ne demande pas plus de responsabilités qu'il n'en faut, mais je pense qu'il faut être nuancé dans les attaques.

M. Marx: M. le ministre, pour répondre à vos questions, vos interrogations, en ce qui concerne le contrôle politique sur la police, il n'y en a aucun au Québec. Je suis en train de préparer un rapport que je vais rendre public - je n'ai pas de rapport caché comme on en a dans certains ministères -vous allez le lire, et vous allez voir qu'il n'y a pas de contrôle politique sur la police au Québec et que...

M. Bédard: Vous voulez un contrôle politique?

M. Marx: ... d'autre part, ça coûte trop cher par rapport à d'autres juridictions.

M. Bédard: Est-ce que vous voulez dire que vous voulez un contrôle politique sur la police?

M. Marx: Un contrôle politique... M. Bédard: Oh!

M. Marx: Qu'il y ait une responsabilité...

M. Bédard: Je pense qu'on va avoir un long débat.

M. Marx: ... politique quelque part en ce qui...

M. Doré: ... M. le ministre. M. Bédard: Oui, et ...

M. Marx: Un contrôle des autorités responsables. Vous allez voir le rapport et vous aurez l'occasion de répondre le cas échéant.

Si je comprends bien vous avez dit que vous avez donné suite maintenant à toutes les recommandations du rapport Keable en ce

qui concerne les poursuites contre les policiers. C'est cela, oui ou non? Je pense que c'est là une question simple. Il faut consulter ses assistants pour une question aussi simple que ça?

M. Bédard: Je ne sais pas ce qui est simple. La question ou vous?

M. Marx: C'est la question.

M. Bédard: Je pense que vous posez des questions très importantes. Il est normal qu'avant d'y répondre on fasse toutes les vérifications nécessaires...

M. Marx: ... être au courant de vos dossiers.

M. Bédard: ... par rapport aux représentations qui nous ont été faites par les procureurs qui sont chargés de ces dossiers. Je pense que l'on peut dire, je crois que je puis affirmer que toutes les plaintes, les études ont été faites sur l'ensemble du rapport Keable; toutes les plaintes ont été portées qui devaient d'être portées.

M. Marx: Toutes les plaintes ont été portées, toutes celles qui devaient être portées contre les policiers.

M. Bédard: Toutes celles qui m'ont été soumises.

M. Marx: À votre avis. Vous avez lu le rapport Keable, vous savez quelles sont les recommandations.

M. Bédard: C'est ce que je vous dis.

M. Marx: D'accord, vous avez porté toutes les plaintes nécessaires en ce qui concerne les recommandations sur des plaintes contre les policiers. Passons à une autre question.

Le Président (M. Desbiens): C'est une question relative à l'audition du mémoire de la Ligue des droits et libertés.

M. Bédard: Toutes les plaintes où l'on peut constituer la preuve nécessaire pour porter une plainte, parce que vous savez qu'une plainte se porte à partir de motifs probables de croire que, si une plainte est portée, il peut en résulter une condamnation.

M. Marx: C'est l'explication qui laisse la porte ouverte.

M. Bédard: Vous connaissez le principe autant que moi.

Le Président (M. Desbiens): Alors...

M. Marx: J'ai d'autres questions à poser.

Le Président (M. Desbiens): Une autre question, d'accord.

On va s'en tenir à cela, autant que possible.

M. Marx: Oui.

M. Bédard: Je ferais remarquer à mon collègue d'en face qu'il aura l'occasion de le lire, et je le dis aussi à nos amis de la commission, en attendant le grand débat dont vous parlez.

Il reste quand même que la Sûreté du Québec, parce qu'on lui a demandé... C'est une des seules forces policières qui a quand même trouvé le moyen, dans une revue, de donner tout l'essentiel de sa structure, de son système de renseignements, tout cela, etc.; je comprends que cela ne donne pas le contenu, mais je pense que c'est un pas dans la bonne direction.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: Je vais poser des questions moins contentieuses, très importantes, mais moins contentieuses en ce qui concerne le ministre.

Dans le mémoire, vous avez fait état des illégalités, des gestes illégaux que les policiers posent de temps à autre. Peut-être faut-il penser à encadrer dans notre charte la règle que l'on trouve dans la jurisprudence américaine, c'est-à-dire que toute preuve illégalement obtenue ne soit pas admissible devant les tribunaux. Je sais que cela ne couvre pas le droit criminel qui relève de la juridiction fédérale, mais peut-être peut-on innover ici au Québec et cela va donner un exemple à suivre aux autres provinces et au fédéral.

C'est dans notre juridiction en ce qui concerne les lois du Québec. Cela va de soi que, si l'on met une disposition dans la charte, on vise les lois du Québec et cela ne s'appliquerait pas au Code criminel, aux infractions en vertu des lois fédérales. Mais ce serait un exemple que le fédéral pourrait suivre le cas échéant parce que, si je me souviens bien, une telle règle n'est pas dans la charte fédérale proposée. Je pense que c'est peut-être à nous, à un ministre qui veut faire avancer les droits des Québécois et peut-être même des Canadiens à proposer que l'on mette un tel article dans la charte. C'est une suggestion, M. le ministre.

M. Bédard: Je vous enverrai toute la liste des recommandations ou suggestions ou représentations que j'ai faite aux autorités fédérales, je pense que vous allez être assez impressionné.

M. Marx: Mais on peut leur donner un exemple avec notre charte et je pense que cela ne causera pas de problèmes au niveau de l'administration de la justice, parce que, comme c'était souligné par la ligue, j'ai déjà lu des articles dans les journaux, par exemple, où des policiers ont défoncé une porte par erreur, parce qu'ils ont fait une fouille sans mandat et, lorsque la femme a porté plainte, les policiers ont dit: II n'y a pas de problème, le gouvernement va payer pour la porte.

C'est cela que l'on veut éviter. Et, si nous avons une telle règle, cela va empêcher les policiers de poser certains gestes illégaux, et c'était soulevé par la ligue.

M. Bédard: Quand on parle de preuve obtenue illégalement, cela peut soulever des cas très importants, en termes de respect de l'intégrité même de la personne humaine. Moi, je me rappelle avoir déjà plaidé un procès pour meurtre où un des éléments de preuve était des cheveux qu'on avait enlevés, d'une façon qu'on peut imaginer... (21 heures)

M. Doré: Non volontaire.

M. Bédard: ... de la tête du détenu, c'est-à-dire du prévenu.

M. Marx: C'était admissible. Tout est admissible au Canada, maintenant et au Québec.

M. Bédard: Dans l'état actuel du droit.

M. Marx: Oui, tout est admissible même si c'est obtenu illégalement.

En ce qui concerne la Commission de police, la ligue a souligné qu'elle n'a pas vraiment beaucoup confiance en elle. Pour ma part, je ne suis pas tout à fait d'accord. Le problème, c'est que le ministre ne donne pas suite à ses recommandations. Par exemple, le rapport sur les événements de la soirée du référendum. Il y a un certain...

M. Bédard: Vous parlez encore à travers votre chapeau. Posez-vous la question, parce que je vais vous répondre. Ce n'est pas vrai que je n'ai pas donné suite. Au contraire, je n'ai même pas attendu qu'elle me fasse des suggestions. Vous savez très bien qu'au moment où on se parle, justement à la suite de ces événements et de cette enquête, déjà le directeur de la police de la communauté urbaine a eu une communication écrite de ma part, à savoir que son enquête interne se traduise par un rapport le plus rapidement possible au ministère de la Justice. Si ce rapport tarde, le directeur sait que d'autres moyens seront employés.

M. Marx: Ce n'est pas exact. Tout cela n'est pas tout à fait exact. Il y avait d'autres choses, mais j'en passe parce que je ne veux pas avoir une autre discussion. Ceux qui lisent les journaux et qui suivent ces événements savent qu'il y a d'autres choses qui se sont passées.

M. Bédard: II y avait des attitudes inacceptables de la police.

M. Marx: Vous avez parlé de l'article 49 et il me semble que chacun a un droit devant les tribunaux civils de prendre une action contre qui que ce soit en cas d'atteinte illicite et intentionnelle, en ce qui concerne ses droits et libertés. Je fais lecture de cet article 49: "Une atteinte illicite à un droit ou à une liberté reconnu par la présente charte confère à la victime le droit d'obtenir la cessation de cette atteinte et la réparation du préjudice moral ou matériel qui en résulte. "En cas d'atteinte illicite et intentionnelle, le tribunal peut en outre condamner son auteur à des dommages exemplaires."

C'est-à-dire que s'il y a une atteinte illicite à un droit par un policier contre un citoyen, le citoyen, en vertu de cet article, pourrait porter plainte devant les tribunaux civils...

M. Doré: Oui.

M. Marx: ... et réclamer des dommages, même des dommages exemplaires.

M. Doré: Comme un citoyen pouvait, avant l'adoption de cet article, poursuivre un policier, c'est-à-dire s'il était victime, en vertu des règles usuelles du Code de procédure et de la responsabilité civile.

M. Marx: Non, cela est plus large et plus libéral que...

M. Doré: C'est clair, M. le député, que cet article 49 est plus large que ce à quoi je faisais référence, les poursuites en dommages et intérêts contre des policiers qui pouvaient causer un préjudice à un citoyen.

M. Marx: Parce que cela veut dire ici non seulement les articles 10 et 19...

M. Doré: Non. Je suis tout à fait d'accord.

M. Marx: ... mais les articles 1 à 48...

M. Doré: C'est des articles 1 à 99. Oui, c'est cela.

M. Marx: ... qui sont couverts. Je pense que c'est un recours très intéressant quoique c'est un recours souvent illusoire parce que

cela prend des démarches devant les tribunaux civils. C'est long, cela coûte cher, il faut engager un avocat, etc.

J'aimerais discuter, si c'est nécessaire, de votre recommandation en ce qui concerne l'article 89 que je trouve très intéressante, parce qu'en donnant la possibilité au citoyen d'intenter des poursuites pénales, on va rendre la charte, comme les Américains disent, plus "self enforcing".

Une voix: Yes, Sir.

M. Marx: Je pense que c'est ce que vous avez...

M. Doré: Je pense qu'il n'y a pas de meilleur moyen d'assurer le respect d'une loi que de donner la possibilité aux gens qui peuvent être victimes d'atteinte à cette loi de pouvoir intenter des poursuites, éventuellement. Le problème actuel, c'est que, comme on nous dit à l'article 89 que les poursuites sont prises suivant la Loi sur les poursuites sommaires, le chapitre II de la Loi sur les poursuites sommaires dit que, lorsque dans une loi provinciale, il n'y a pas de peine spécifique prévue à la loi, la peine est prévue dans la Loi sur les poursuites sommaires, mais on prend la peine d'ajouter dans l'article que, dans ces cas-là, pour intenter une poursuite, lorsqu'il n'y a pas de peine spécifiquement prévue à la loi, ça prend la permission du Procureur général.

M. Marx: Mais, est-ce qu'on...

M. Doré: Ce que nous disons, c'est que, dans un premier temps, il serait souhaitable que, dans la charte, on fasse une infraction à la charte de toute atteinte illicite à un droit reconnu à la charte. Deuxièmement, on voudrait voir reconnu dans la charte même le droit pour toute personne intéressée, victime d'une atteinte à un droit, de pouvoir porter une plainte pénale. Cela supposerait bien sûr aussi qu'on prévoit dans la charte, et là-dessus on n'a pas fait de recommandation spécifique, qu'il y ait des amendes spécifiquement prévues à la charte et qui pourraient éventuellement sanctionner ce droit. Actuellement, c'est 500 $ aux termes de la Loi sur les poursuites sommaires.

M. Marx: Je comprends bien des actions pénales contre les policiers qui ont enfreint la charte, mais, si on étend cela à tout le monde, il va y avoir le gars qui veut louer un duplex, qui pense qu'il y a eu de la discrimination et qui va intenter une action pénale. Il va y avoir trop d'actions pénales, parce que quiconque pense avoir subi de la discrimination aura le droit d'intenter une action pénale.

M. Doré: II y a peut-être une façon de contourner le problème potentiellement dangereux ou d'engorgement auquel vous faites référence, qui pourrait être la suivante: Si la commission avait droit de recevoir des plaintes sur l'ensemble des droits et éventuellement de constater qu'il y a eu violation, ça lui donne la possibilité de suggérer, et éventuellement de poursuivre en fonction de ça pour avoir des réparations. Dans le cas où une plainte est fondée, on pourrait peut-être alors dire que si une plainte était jugée fondée par la commission, ça donnerait le droit à la personne qui en a été victime d'intenter une poursuite pénale, ce qui, à ce moment-là, éviterait le problème que vous soumettez. C'est une suggestion qui pourrait être faite, si le danger est un éventuel engorgement.

M. Marx: Oui, mais le problème pour la commission et pour ces actions...

M. Bédard: ... que ce soit à la commission.

M. Marx: ... c'est que, lorsque c'est une action pénale...

M. Doré: Mais là, la commission sera peut-être engorgée.

M. Marx: ... il faut faire la preuve, hors de tout doute raisonnable. Il faut avoir une preuve assez forte. Ce n'est pas la même preuve, comme vous le savez, que dans un procès civil.

M. Doré: C'est pour ça que c'est assez rare, M. le député, que des citoyens vont éventuellement déposer une plainte pénale de leur propre chef sans consulter forcément des conseillers juridiques ou des procureurs pour savoir s'ils ont une chance ou non de réussir. Compte tenu de la nature de la preuve qui doit être faite, il est évident que c'est déjà un facteur qui va restreindre fortement l'utilisation de ce mode-là, parce que c'est forcément difficile de faire une preuve de cette nature. Je ne pense donc pas que le problème puisse se poser non plus.

M. Bédard: Est-ce que vous - je ne sais pas si j'ai bien compris - nous demandez à ce moment-là de changer le fardeau de la preuve?

M. Marx: Non, non, non.

M. Bédard: Non?

M. Marx: Non, on dit que...

M. Doré: Non, pas en ce qui concerne les plaintes pénales. Ce qu'on disait, par contre, une des recommandations qui est

faite...

M. Bédard: Excusez-moi, j'étais distrait, j'avais cru comprendre...

M. Doré: Oui. Non, en ce qui concerne les plaintes pénales, je disais simplement au député que, eu égard au fait que la nature de la preuve d'une plainte pénale doit être une preuve hors de tout doute raisonnable, il va de soi qu'avant qu'une personne porte une plainte, elle va consulter et, en cas de doute, va s'abstenir de le faire parce qu'il n'y a pas de chance de réussite.

J'ajoute, par contre, que dans le mémoire nous faisons état de ce qu'on considérait comme une espèce de fardeau de preuve. On voudrait créer une présomption en faveur de la personne qui a été victime, c'est-à-dire qu'on dit que, lorsque la plainte est fondée, si la commission reconnaît qu'une plainte est recevable, le fardeau devrait être déplacé sur la partie, contre la personne ou contre l'organisme qui est l'objet de la plainte, de façon que l'organisme prouve qu'il a agi en respectant la charte. En d'autres termes, ce n'est pas uniquement au plaignant de justifier le fait qu'il a été atteint, mais lorsqu'il a prouvé qu'il y a eu une atteinte, c'est plus... De la même façon qu'en ce qui concerne, par exemple, le droit du travail, une fois qu'on a établi devant le Tribunal du travail la présomption qu'une personne a été l'objet d'une mesure disciplinaire et qu'elle agissait dans le cadre d'activités syndicales, c'est à l'employeur de prouver qu'il avait une cause juste et suffisante, autre que forcément les activités syndicales, pour éventuellement sévir.

On a donc créé une présomption en faveur de la personne qui était détentrice du droit, et forcément l'employeur doit, dans cette poursuite, rejeter la présomption en établissant une cause juste et suffisante qui le justifiait de sanctionner la personne en question.

M. Marx: La mise de côté de la présomption dans le Code du travail n'a pas la même portée que mettre de côté la présomption d'innocence.

M. Doré: Je ne parle pas d'une plainte pénale, je parle uniquement dans le contexte d'une plainte que la commission...

M. Marx: Même là - je pense qu'on a fait le débat sur ça avec un autre groupe l'autre jour - c'est très difficile de prouver du négatif. C'est très difficile de prouver que je n'ai pas fait quelque chose.

M. Doré: Ce n'est pas tellement de prouver que je n'ai pas fait quelque chose. Je dois prouver que ce que j'ai fait, je l'ai fait en respectant les droits et la charte.

M. Marx: Je n'ai pas fait de discrimination.

M. Doré: Ou le geste que j'ai posé était conforme à la charte et aux droits qui y sont reconnus.

M. Marx: À mon avis, si on commence à renverser les fardeaux de la preuve de cette façon, on va empiéter sur les droits et libertés des mis en cause.

M. Bédard: Vous allez rapidement venir défendre ceux qui sont l'objet de ces présomptions.

M. Doré: Ce n'est pas la recommandation la plus fondamentale du mémoire, je vous ferai remarquer.

M. Bédard: Enfin, je pense que...

M. Marx: Non, c'est juste pour les fins de la discussion.

M. Bédard: On peut échanger quand même. Tout n'est pas figé dans le ciment.

M. le Président, je remercie, encore une fois, les membres de la commission d'être venus témoigner.

Le Président (M. Desbiens): Nous vous remercions.

M. Bédard: Témoigner dans le bon sens du mot, rendre témoignage.

Le Président (M. Desbiens): La commission élue permanente de la justice ajourne ses travaux au mercredi 21 octobre, 10 heures.

(Fin de la séance à 21 h 12)

Document(s) associé(s) à la séance