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Version finale

31st Legislature, 3rd Session
(February 21, 1978 au February 20, 1979)

Thursday, January 18, 1979 - Vol. 20 N° 253

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Examen du dossier des discussions constitutionnelles


Journal des débats

 

Examen du dossier des discussions constitutionnelles

(Dix heures seize minutes)

Le Président (M. Cardinal): Messieurs, nous reprenons une deuxième séance, qui est une séance différente de celle d'hier, de la commission élue permanente de la présidence du conseil et de la constitution. Je dois donc recommencer d'énumérer les membres et les remplacements, s'il y a lieu et cela, pour toutes sortes de fins comme le droit de vote, de parole et autres. M. Bédard (Chicoutimi).

M. Morin (Louis-Hébert): II s'en vient, il est là.

Le Président (M. Cardinal): M. Bisaillon (Sainte-Marie); M. Charbonneau (Verchères) est remplacé par M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes); M. Clair (Drummond) qui préside une autre commission est remplacé par M. le ministre, à ma droite, M. Morin (Louis-Hébert).

M. Morin (Louis-Hébert): Oui, monsieur, présent.

Le Président (M. Cardinal): M. Forget (Saint-Laurent).

M. Forget: Présent.

Le Président (M. Cardinal): M. Grenier (Mégantic-Compton) est remplacé, pour cette séance, par M. Biron (Lotbinière); M. Laberge (Jeanne-Mance); M. Levesque (Bonaventure) sera remplacé aujourd'hui comme membre par M. Raynauld (Outremont); M. Paquette (Rosemont) est toujours notre rapporteur.

M. Raynauld: Question de privilège, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Non, il n'y en a pas. À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre!

M. Raynauld: C'est avec les autres droits dont le président avait parlé au début.

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous plaît. Il n'y a pas de question de privilège en commission parlementaire. M. Roy (Beauce-Sud).

M. Roy: Présent.

Le Président (M. Cardinal): M. Samson (Rouyn-Noranda). Intervenants: M. Bertrand (Vanier), M. Brochu (Richmond).

M. Fontaine: Remplacé par Fontaine.

Le Président (M. Cardinal): Bon, merci. M. Ciaccia (Mont-Royal) remplacé par M. Scowen (Notre-Dame-de-Grâce), M. Dussault (Châteauguay), M. Guay (Taschereau).

M. Guay: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): M. Lavoie (Laval) est remplacé aujourd'hui par M. Gratton (Gatineau); M. Lévesque (Taillon) est remplacé aujourd'hui par M. Michaud (Laprairie).

M. Michaud: Présent.

Le Président (M. Cardinal): M. Morin (Louis-Hébert) qui aurait été intervenant, en fût-il autrement, est remplacé, à ce titre, par M. Charron (Saint-Jacques).

Avant de commencer ces travaux, quelques remarques générales. Nous avons le même mandat qu'hier et, très brièvement, je rappelle qu'il s'agit de l'examen du dossier de la discussion constitutionnelle présentement en cours.

M. Morin (Louis-Hébert): On ne peut rien vous cacher.

M. Forget: Est-ce qu'on peut connaître l'horaire de la journée, M. le Président?

Le Président (M. Cardinal): Un instant. J'ai souligné que le rapporteur était le même. Justement, à cette question, M. le député de Saint-Laurent, ce n'est pas la présidence qui va se prononcer sur l'horaire de la journée. Je n'en ferai pas une question hypothétique au début. Nous siégeons normalement jusqu'à treize heures et nous verrons où en sont alors rendus nos travaux. Nous pourrons procéder par motions, dans un sens ou dans l'autre. Est-ce que cette réponse vous convient?

M. Forget: II le faut bien, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Quant au représentant du gouvernement, tous savent l'évidence que c'est le député de Louis-Hébert. Je lui cède immédiatement la parole pour éviter toute autre procédure.

Remarques générales M. Claude Morin (suite)

M. Morin (Louis-Hébert): Merci, M. le Président. Excellente idée d'éviter toute autre procédure. Je me souviens d'hier soir, alors que j'avais évidemment un certain nombre de choses à ajouter, ce que je vais faire ce matin, brièvement, à la suite du tour de table que nous avons entendu. Je vais commencer par ce qu'a dit le député de Beauce-Sud; ensuite, je passerai à ce qu'a dit le représentant de l'Union Nationale qui, ce matin, est remplacé par le chef de l'Union Nationale qui est reposé; ensuite, je passerai au député de Saint-Laurent. Le député de Beauce-Sud a proposé déjà — on l'a mentionné, et il l'a dit lui-même d'ailleurs — une commission parlementaire, l'an dernier, même plus que l'an dernier, en 1977.

Le Président (M. Cardinal): Je m'excuse, M. le ministre. On vous entend mal, non pas qu'on vous comprenne mal. Votre micro est trop éloigné.

M. Morin (Louis-Hébert): On va le rapprocher. Voilà! Le député de Beauce-Sud a proposé une commission parlementaire à laquelle serait invité le public pour qu'enfin au Québec, selon ce que souhaitait le député de Beauce-Sud, on sache quelle est l'opinion de la population et qu'on puisse, une fois pour toutes, déterminer l'orientation que les citoyens veulent prendre.

Je pense qu'en ce qui concerne le souci fondamental qui anime le député de Beauce-Sud je ne peux pas être plus d'accord que je ne le suis avec lui, car c'est essentiellement vers cette direction qu'il faut nous en aller, c'est-à-dire découvrir ce que pensent les citoyens. Mieux qu'une commission parlementaire, nous avons un projet qui sera réalisé d'ici à la prochaine élection, c'est-à-dire un référendum sur cette question.

Par conséquent, je répondrai oui et non à sa suggestion. Oui à une commission parlementaire, mais non à une commission parlementaire où on réécouterait le public, pour les raisons suivantes: ce n'est pas du tout parce qu'il ne s'agit pas de savoir ce que les gens pensent, mais cela ne se présente plus aujourd'hui de la même façon.

D'abord, il y aura plus tard le référendum dont j'ai parlé. Ensuite, en 1963, 1964, 1965 et 1966, il y a eu la commission parlementaire de la constitution qui a reçu un tas de mémoires. Entre-temps, il y a eu aussi la commission Laurendeau-Dunton; il y a actuellement la commission Pepin-Robarts; il y a aussi — et cela est très intéressant — beaucoup de groupes qui prennent parti, il y a eu la Chambre de commerce de la province de Québec qui a présenté un excellent travail et il n'y a pas très longtemps, de telle sorte que je ne pense pas que ce soit faire erreur que de croire que nous avons une idée pas mal juste de ce que certains groupes organisés, en tout cas, ont comme option politique et comme orientation politique ou — si vous voulez — comme orientation constitutionnelle.

Nous ne sommes pas, je pense, du tout dans la situation où nous étions il y a maintenant 15 ans, en 1963, où la question était relativement nouvelle pour les raisons que j'ai expliquées hier. Or, je suis d'accord avec la commission parlementaire et nous sommes d'accord avec la commission parlementaire; nous la tenons aujourd'hui dans le but d'informer le public mais je ne pense pas que cela puisse être, en tout cas pour le moment, une commission parlementaire du genre de celle que suggère le député de Beauce-Sud. Sa suggestion est donc, dans son esprit, excellente mais d'application peut-être un peu difficile.

Quant aux autres remarques que le député a faites, nous aurons l'occasion de les reprendre en cours de route lors de l'examen de chacun des sujets à l'ordre du jour. Je dois le féliciter de son esprit positif. Il n'a pas à être d'accord avec nous, comme gouvernement surtout, je pense que c'est son droit le plus fondamental, mais je pense que l'attitude qu'il a prise en matière constitutionnelle est une attitude positive et constructive. Il n'a pas besoin d'être d'accord avec tout; il n'a qu'à être, si vous voulez, pas nécessairement dans le même bateau que nous, comme je l'ai dit tantôt, mais au moins dans la même rivière. C'est cela qui est important pour les Québécois présentement.

Je dirais un peu la même chose de l'attitude du député qui représentait hier l'Union Nationale et de l'Union Nationale en général. C'était une attitude positive qui est critique. J'ai écouté les critiques qu'on a faites — je vais y revenir dans un instant — mais qui recherchent, je pense, ce qui nous a manqué très souvent au Québec, une sorte de — je n'aime pas l'expression front commun parce que ce n'est pas vraiment ce que nous cherchons — au moins une sorte de consensus sur des choses qui doivent normalement unir les Québécois et non les diviser; des choses qui vont de soi. À cet égard, je pense que son attitude est positive.

Il m'a attribué une déclaration et m'en a blâmé et que je voudrais corriger. Je l'avais faite d'ailleurs dans ma petite présentation, ma longue présentation selon les interprétations. Il a dit que j'ai dit que je condamnais d'avance tout fédéralisme renouvelé — je ne me souviens pas exactement de ses mots mais c'était le sens — que c'était voué à l'échec. Je veux dire ceci: II y a deux types de fédéralisme renouvelé; je le répète, il y a celui qui est proposé par le gouvernement fédéral, c'est-à-dire le bill C-60 qui est en fait une réforme ou une codification actuelle des vieilles lois ou de vieux règlements ou de vieux comportements mais qui n'est, au fond, qu'une correction tronquée d'un statu quo, de toute façon, inacceptable.

Or, ce genre de fédéralisme soi-disant renouvelé, il est sûr qu'il peut fonctionner dans le système actuel. C'est d'ailleurs celui que propose Ottawa et avec lequel sont d'accord, en gros, les Canadiens anglais, pour des raisons historiques valables pour eux. Voici ce que je continue de prétendre, cependant; je ne veux pas faire un débat là-dessus ce matin, mais je pense qu'il faut qu'on soit clair et honnête. Le fédéralisme renouvelé qui suppose un vaste réaménagement de pouvoirs au Canada, celui, au fond, que pas mal de Québécois qui pensent à ces questions et qui ne sont pas de notre avis partagent comme option, je pense honnêtement — parce qu'on a un tas de raisons et de faits qui peuvent le démontrer, on pourra toujours revenir à cela et en reparler davantage — que ce fédéralisme ne peut pas fonctionner dans le système actuel et ne peut pas être accepté, parce qu'il met en cause les bases du système dans lequel on vit aux yeux du Canada anglais.

De deux choses l'une: ou le fédéralisme renouvelé change beaucoup la situation actuelle et modifie les rapports de forces entre les provinces et Ottawa, et par conséquent il est inacceptable au Canada anglais. C'est un fait, ce n'est pas un souhait. Il ne faut pas qu'on nous attribue des souhaits, alors que nous, comme gouvernement, formulons des observations à partir d'une réalité qui est fort vérifiable et qu'ont vécue plusieurs

partis qui se sont succédé au pouvoir ici à Québec. Ou bien le fédéralisme renouvelé, c'est une opération cosmétique superficielle; à ce moment, c'est sûr que cela peut fonctionner. Je voulais faire cette distinction.

Le représentant de l'Union Nationale a dit aussi qu'il faudrait s'entendre sur un minimum vital. Je pense que c'est une saine réaction. J'ai une question à lui poser. Il n'est pas ici aujourd'hui, mais on pourra y revenir plus tard. Le minimum vital doit-il s'arrêter aux dix ou treize points dont plusieurs sont d'ordre formel, que nous avons devant nous, ou s'il doit englober des choses pour lesquelles l'Union Nationale s'est battue dans le passé avec Daniel Johnson et Jean-Jacques Bertrand, et avant cela Maurice Duplessis? Là, il faudrait peut-être clarifier cette question. Si le minimum vital — je donne tout de suite mon avis — ne touche que les quelques points que nous avons devant nous, je pense que ce n'est pas un minimum vital. Personnellement, je pense que c'est bon de s'entendre là-dessus. Comprenons-nous, je ne dis pas qu'il faut se chicaner pour autant. J'aimerais savoir de l'Union Nationale si cela s'arrête à cela, parce que si cela arrête à cela, cela va loin en deçà de leur propre expression d'opinion constitutionnelle parue il y a quelques mois, que j'ai d'ailleurs lue avec beaucoup d'intérêt, et que nous avons ici. Alors, ce sera une question qu'on pourra peut-être clarifier plus tard. C'est ce que je dirais maintenant sur l'Union Nationale.

En ce qui concerne le Parti libéral, on nous a dit, première chose, que la commission venait trop tôt ou trop tard. Trop tôt, parce que les conférences n'ont pas eu lieu et qu'on ne connaît pas encore les résultats, ou encore qu'on ne peut pas encore dévoiler les positions des autres provinces, et trop tard, parce que cela aurait dû venir avant que mon collègue de la Justice et moi allions représenter le Québec.

À cela, je veux dire que nous tenons une commission parlementaire selon le souhait même du député de Saint-Laurent, formulé dans le journal Le Soleil le 5 septembre dernier. Ce qui m'a toujours étonné — on s'en est même étonné entre nous — c'est qu'il ne soit jamais revenu à la charge pour proposer de nouveau la commission que lui-même avait proposée en dehors de la Chambre. Cela nous a un peu surpris. On attendait la suggestion. On aurait été prêt. On était prêt à l'accepter. Cela a été mentionné, d'ailleurs, à l'époque.

M. Forget: Non, vous n'étiez pas prêts. Vous l'avez avoué en commission.

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Morin (Louis-Hébert): Est-ce que je pourrais continuer?

Le Président (M. Cardinal): Oui, je vous prierais de continuer.

M. Morin (Louis-Hébert): Je voudrais continuer parce que je n'ai pas fait d'interruptions hier et je ne voudrais pas qu'il y en ait aujourd'hui. Je veux garder ce débat — malgré certaines incartades d'hier après-midi qui n'étaient pas de mon fait — à un niveau assez élevé. Je pense que c'est utile pour tout le monde.

Donc, je veux premièrement relever qu'elle a lieu, la commission parlementaire qu'il a demandée. Je pense que c'est une attitude normale des Oppositions de s'opposer. Si on n'avait pas tenu la commission, on se serait fait blâmer pour ne pas l'avoir tenue. On la tient; on se fait blâmer de ne pas l'avoir tenue au bon moment. On nous demande d'aller aux conférences fédérales-provinciales — il y a des grandes motions en Chambre et de grands débats là-dessus, des déclarations selon lesquelles on est obligé d'aller aux conférences fédérales-provinciales — nous disons que nous y allons et on nous blâme d'y aller maintenant en disant: Vous avez une option différente de celle que les autres présentent. Si nous n'y allons pas, on va se faire blâmer de ne pas y aller. Une des choses que longtemps, comme observateur de la scène politique, j'ai déplorée, c'est ce parti pris systématique de trouver que celui qui exerce des fonctions est nécessairement de travers parce que les fonctions ne sont pas exercées par celui qui les critique. Cela fait peut-être partie des règles du jeu que moi, personnellement, je déplore. Je trouve cela absolument stérile, mais en fait, si c'est avec cela qu'il faut vivre, bien sûr, on va le faire. (10 h 30)

II nous a dit que les positions que le Parti québécois avait prises là-bas, ce sont les positions traditionnelles du Québec et qu'il n'y en avait pas de nouvelles. Il y a deux raisons à cela. La première — et je l'ai précisé dans mon intervention d'hier — c'est que si nous en avions pris de nouvelles, orientées selon les objectifs de la souveraineté-association carrément, je n'ai pas besoin de vous dire qu'hier après-midi, on aurait eu une critique en règle disant qu'on avait assumé des positions que la population n'avait pas encore approuvées par référendum. La première chose qu'on a faite, on l'a faite à dessein, de telle sorte qu'on ne puisse pas se faire accuser de fausser le débat constitutionnel en cours en introduisant des éléments que le débat ne peut pas accepter.

Mais il y a une autre raison aussi. J'aimerais bien qu'il écoute parce que cela va lui rappeler des choses. C'est que si les positions que nous avons prises sont en substance, avec les quelques exceptions que je donnerai tantôt, les mêmes que celles des gouvernements antérieurs, c'est que fondamentalement — je souligne fondamentalement — les problèmes sont essentiellement les mêmes. Et ce, je pourrai le démontrer tantôt. Tout ce dont nous parlons maintenant, sauf pour de très rares exceptions, sont des choses dont on parlait il y a dix ans dans les mêmes termes. Par conséquent, nous avons pris les mêmes positions parce que cela s'applique aux mêmes problèmes.

Alors, dans cette perspective, venir nous dire qu'on n'a pas inventé des nouvelles positions est une critique qui porte à faux puisque à quoi sert d'inventer des nouvelles positions alors que les problèmes n'ont jamais été réglés depuis les dix ou quinze ans qui se sont passés et que nous sommes encore aux prises avec ces mêmes problèmes. Alors, on applique exactement les propositions que les autres ont proposées avant nous. Si elles sont acceptées ou refusées, on verra, mais on en tirera les conséquences, évidemment. Celles du Québec n'ont jamais été acceptées jusqu'à maintenant et on pourra les voir plus en détail tantôt.

Il y a aussi une autre chose que je veux relever très brièvement. Je veux dire tout de suite ceci: dans ce qui a été mentionné hier, pour la première fois, nous avons présenté à l'usage du public des positions, un historique et un état de la question qui peut être consulté par n'importe qui, et qui n'a pas besoin d'être un spécialiste du droit ou de la constitution. Nous avons fait exprès pour que ce soit simplifié et résumé. C'est ce qu'on nous reproche. Si on les avait compliqués avec 2000 annexes et avec un tas de documents techniques et des références à des jugements, on nous aurait dit que c'était trop compliqué et qu'on voulait perdre les gens là-dedans. Alors, là, je ne relève même pas cela, mais je veux cependant souligner que nous avons donné, objectivement et aussi honnêtement que possible — j'ai même dit que l'objectivité parfaite n'existait pas — un texte pour l'usage de ceux que cela intéresse.

Une autre chose que je ne peux pas accepter — je ne fais qu'une mention en passant — ce sont ces vagues allusions à un sens de l'éthique que j'aurais, semble-t-il, étant donné mes fonctions antérieures, plus ou moins enfreint. Je me demande à quel moment. Tout ce que j'ai dit est connu déjà. Je vais dire une autre chose. Si je manquais d'éthique ou si je voulais aller plus loin que ce que normalement, sans être obligé de le faire, j'ai fait hier et ce que je ferai à d'autres moments, je pense que ce serait un peu plus corsé comme explication des situations réelles qui se sont passées au Québec par rapport à Ottawa que ce qu'on en connaît maintenant dans le public. Il y a peut-être des choses que le public aurait intérêt à connaître. Il y a peut-être des attitudes qui ont été prises par des représentants du Québec que connaît très bien notre ami qu'il aurait été utile de connaître à l'époque et à propos desquelles je me suis, tout le temps que j'étais dans l'Opposition, abstenu de faire des allusions qui auraient pu être comprises de travers. J'ai toujours respecté, à cet égard, dans la mesure du possible, un sens de l'éthique. J'ai même mieux que cela. La meilleure preuve c'est que j'ai travaillé avec quatre premiers ministres, les uns à la suite des autres, et si j'ai pu réussir à travailler avec quatre premiers ministres, c'est justement qu'ils savaient qu'il y avait de ma part une loyauté et une discrétion à toute épreuve parce que, autrement, cela n'aurait pas pu durer très longtemps. Je pense que c'est un élément qu'on peut peut-être, au moins en passant, men- tionner. Je dois dire — et c'est la seule allusion que je ferai, à moins d'être provoqué encore — que ce genre d'interventions que j'ai entendues de la part du député de Saint-Laurent hier m'a donné une idée de l'immensité de sa petitesse!

Je voudrais maintenant terminer par deux citations. C'est toujours commode, les citations. On m'a accusé d'avoir été odieux dans certaines déclarations que j'avais faites en fin de semaine dernière à Chicoutimi. Je vais lire un texte ici. C'est une devinette, vous me direz qui a dit cela? "À supposer que la thèse souverainiste subisse un échec écrasant, on retomberait vite, par contre, dans l'immobilisme constitutionnel. L'opinion anglo-canadienne serait trop heureuse de conclure "business as usual". La possibilité de changements sérieux pourrait s'en trouver reculée pour longtemps". Il y a un prix à gagner. Question: Qui a dit cela et quand? Je répète pour que ce soit très clair. Ce sera utile pour tout le monde. "À supposer que la thèse souverainiste subisse un échec écrasant, on retomberait vite, par contre, dans l'immobilisme constitutionnel. L'opinion anglo-canadienne serait trop heureuse de conclure "business as usual". La possibilité de changements sérieux pourrait s'en trouver reculée pour longtemps ". Je donnerai la réponse plus tard aujourd'hui si personne se doute qui a dit cela.

Je peux vous dire que c'est en février 1977 que cette parole célèbre a été écrite. J'ai une autre citation.

M. Bédard: Le député de Saint-Laurent semble savoir.

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous plaît! Non, non. À l'ordre, s'il vous plaît! M. le ministre.

M. Morin (Louis-Hébert): C'est un gars qui écrivait beaucoup et qui parle peu maintenant.

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous plaît! M. le ministre, revenez à la pertinence du débat. La question, oui. Le reste...

M. Morin (Louis-Hébert): Je pense que c'est très pertinent. Maintenant j'ai une autre citation. Hier, d'avance, et j'ai cela ici dans le texte, on nous a dit: Si on réussit quelque chose, cela va être à cause des autres provinces. C'est sans vous que cela veut dire. Et, si on manque notre coup, la première cible de tout le blâme, si la négociation actuelle devait échouer, c'est le gouvernement actuel. Je cite. "Il est futile d'attendre et encore plus d'espérer un développement ou un déblocage quelconque sur le plan des options constitutionnelles, soit de la part du gouvernement fédéral, soit de la part d'un parti politique fédéral, avant l'échéance du référendum." Je répète: "II est futile d'attendre et encore plus d'espérer un développement ou un déblocage quelconque sur le plan des options constitutionnelles, soit de la part du gouvernement fédéral, soit de la part d'un parti politi-

que fédéral, avant l'échéance du référendum." Il y a une autre devinette: Qui a dit cela?

Il est dans cette salle. C'est un indice de plus. Cette citation, on pourra la trouver facilement, si cela intéresse les gens de l'entendre. Pour éviter toute recherche, c'est notre bon ami de Saint-Laurent qui a dit cela dans un texte qu'il a publié dans le Devoir qui a été accompagné de commentaires d'une autre personne que vous connaissez bien qu'on pourrait très bien aussi citer. Cela démontre au moins une chose, c'est que ou bien ce qu'il a dit là est vrai, ou ce n'est pas vrai. Si c'est vrai qu'il n'y aura pas de déblocage — c'est lui-même qui l'a dit — pourquoi nous blâmer d'avance qu'il n'y en ait pas? C'est lui qui l'a dit, bien avant qu'il soit question de révision constitutionnelle. Ou ce n'est pas vrai, et j'aimerais qu'on nous en parle davantage aujourd'hui.

M. le Président, c'était la petite intervention que je voulais faire pour le moment, pour rétablir certaines choses dans leur perspective. Il y a d'autres citations, à un moment donné, qui vont peut-être servir. Enfin, on verra. Quoi qu'il en soit, je proposerais — je ne sais pas si c'est à moi de le faire, en tout cas, je le pense, donc je le dis — qu'on entreprenne l'examen du dossier que nous avons devant nous, comme l'a suggéré le représentant de l'Union Nationale, dans l'ordre qui est là, parce que celui-là ou un autre, on doit commencer quelque part.

Le Président (M. Cardinal): D'accord, merci, M. le ministre. Je rappelle, pour ceux qui n'étaient pas membres de la séance d'hier, que nous avons treize documents, suivis de cinq annexes, si je ne me trompe pas, évidemment, du journal des Débats d'hier. Sur ce, pour suivre l'entente que nous avons obtenue à cette séance d'hier, je donne la parole à M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Gratton: M. le Président...

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le député de Gatineau.

M. Gratton:... avant que nous ne terminions la phase dite préliminaire de nos travaux, le député de Saint-Laurent, hier, avait exprimé un voeu, auquel le ministre des Affaires intergouvernementales n'a pas encore répondu. C'est que les membres de la commission puissent consulter, par un dépôt de la part du ministre, les documents qui ont été déposés au cours des conférences, aux conférences mêmes...

M. Morin (Louis-Hébert): Vous avez raison, je viens de voir cette note. Je m'excuse, j'ai oublié d'en parler...

Le Président (M. Cardinal): D'accord, permettez-moi, M. le Président... Votre intervention, M. le député de Gatineau... Je soulignerais que ce ne sera pas un dépôt à cette commission. Ce sera une remise de documents ou un dépôt à l'Assemblée nationale. Sur ce, M. le ministre.

M. Morin (Louis-Hébert): Bien sûr. Je m'excuse, je l'avais ici. Seulement, je ne l'ai pas vu dans mes notes. Quand j'ai parlé du dossier qui était ici, c'est ce que je devais ajouter. Je l'ai oublié.

Vous avez ici la substance des positions prises par le gouvernement du Québec. Il y a deux façons de procéder qui ont été suivies depuis des années dans ces discussions à huit clos. Pour ma part, j'en ai fait pendant 40 mois, de 1968 à 1971 et par la suite aussi. Il y a deux façons de procéder; enfin, il y en a plus de deux, mais on peut faire deux catégories de façons de procéder. D'une part, vous pouvez très bien — et il vous est loisible de le faire — faire circuler autour de la table des textes que vous soumettez à vos collègues des autres provinces qui les critiquent, que vous changez, que vous resoumettez, etc. Quelques provinces procèdent comme ça et aussi, parfois, le gouvernement fédéral.

Plusieurs autres provinces procèdent autrement et le font verbalement, à partir d'une position de principe, en vertu de la considération suivante qui est, je pense, facilement compréhensible, que certains documents peuvent circuler et être modifiés trois minutes après, de telle sorte que ça ne sert pas à grand-chose d'avoir des successions, comme ça, de papiers autour de la table. Le Québec a, depuis à peu près toujours, procédé par l'énoncé d'un principe qu'il explicitait longuement — ça dépendait des cas — autour de la table auprès des participants.

Il y a beaucoup de provinces, et non les moindres, qui ne distribuent pas de document et qui en parlent cependant. Nous sommes intervenus sur chacun des sujets, sauf un, celui que vous connaissez, "rapatriement et amendements constitutionnels", à partir de positions que nous avons exprimées verbalement, qui sont dans le texte ici ou à partir, comme c'est le cas dans certains domaines, de textes proposés par d'autres provinces, auxquels nous nous rallions et à propos desquels nous exprimions des opinions.

Donc, vous avez en substance devant vous ce dépôt de document, selon la méthode qui a toujours été à peu près celle suivie par le Québec et que nous n'avons pas voulu, cette fois-ci, changer, parce que c'était celle qui était traditionnellement suivie. Voilà la réponse que je vous fais.

M. Forget: Pour être bien sûr qu'on comprend la réponse du ministre, M. le Président...

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: ... il faut donc conclure que, lors des rencontres des premiers ministres et des rencontres des ministres ou des fonctionnaires qui ont eu lieu depuis la fin d'octobre, le Québec n'a déposé aucun document officiel sur aucun des sujets à l'ordre du jour. Il s'est borné à faire des remarques verbales.

M. Morin (Louis-Hébert): Si elles étaient aussi verbales que celles que vous faites ici et que vous avez l'intention de faire, d'après ce qu'on nous a

dit, ce ne serait pas très utile effectivement, vous avez raison. Cependant, il y a deux choses que je veux ajouter, que je n'ai pas dites encore. Nous avons pris la peine, et aucune autre province ne l'a fait, de préparer un document comme celui-ci qui a exigé une énorme étude pour retrouver tout sur les positions traditionnelles prises par les gouvernements du Québec dans le passé. Nous avons d'abord fait cela. Deuxièmement, nous avons participé à tous les comités et sous-comités qui ont été mis sur pied. Nous avions plusieurs fonctionnaires avec nous qui participaient à chacun de ces sujets. Troisièmement, dans chaque cas, sans exception, sauf le rapatriement et l'amendement constitutionnel, nous sommes intervenus.

Vos informateurs fédéraux ont certainement dû vous dire, par exemple, qu'en ce qui concerne le pouvoir de dépenser je suis intervenu assez clairement. En ce qui concerne, par exemple, le droit de la famille, mon collègue de la Justice est intervenu, de même qu'en ce qui concerne les droits fondamentaux. Si vous voulez d'autres détails, on verra au fur et à mesure et nous n'avons aucune espèce d'objection à vous donner verbalement — comme ce sera consigné sous forme écrite dans le journal des Débats, vous l'aurez davantage — les positions que nous avons prises. Nous avons participé tout le temps et vous pouvez même le demander à nos collègues des autres provinces, ils vont vous dire, je pense, qu'on a fait une tâche qui correspond et même qui dépasse en intensité celle de la moyenne des provinces, je dois le dire, et qui correspond pas mal aussi à celle que le gouvernement fédéral peut mettre.

M. Forget: Je remarque que c'est parfois long pour dire non, M. le Président. Cela va être plus court au moment du référendum.

M. Morin (Louis-Hébert): D'accord. M. Bédard: Oui, sûrement.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Lotbinière et chef de l'Union Nationale.

M. Rodrigue Biron

M. Biron: Seulement quelques remarques, surtout pour poser une question précise au ministre. Cela peut nous éclairer dans nos discussions d'aujourd'hui. Le ministre, tout à l'heure, dans sa courte déclaration, a dit — et, d'ailleurs, il en a parlé à la Chambre de commerce de Montréal cette semaine — que le fédéralisme renouvelé, tel que le Québec l'entend, le minimum que tous les partis politiques au Québec, je pense bien, ont toujours exigé, c'est inacceptable par le gouvernement fédéral ou par les autres provinces. C'est à peu près ce qu'il a dit.

On a vu, au cours des derniers mois, un certain déblocage de la part du gouvernement fédéral. Je voudrais savoir pourquoi il nous dit que c'est inacceptable comme cela. Spécialement au cours des deux dernières réunions des ministres responsables qui préparent la réunion de février, est-ce qu'il y a eu quelque chose de fait ou des attitudes prises par le gouvernement fédéral ou par d'autres provinces, qui font croire au ministre que c'est inacceptable? Est-ce que c'est à cause de ces deux réunions? Est-ce que le ministre peut nous en parler un peu plus?

Ce serait important de le savoir, parce qu'on a en face de nous la position du Québec, mais on sait aussi, par les médias d'information, la position des autres provinces et du gouvernement fédéral sur des points précis. Là-dessus, je veux tout simplement répondre au ministre sur ce qu'il nous disait tout à l'heure, en demandant si l'Union Nationale disait que c'était tout simplement ce qu'il nous faut comme minimum vital. C'est sûr que c'est non. D'ailleurs, je pense bien que c'est la position du Parti libéral aussi. C'est sûr que c'est la position du Parti québécois. C'est la position aussi de l'Union Nationale: ce n'est pas assez.

Mais, d'un autre côté, c'est un déblocage dans une certaine direction. Au lieu de prendre le problème entier, on a voulu le prendre par pièces détachées, soit treize points bien précis qui peuvent peut-être nous amener finalement à plus long terme à la révision constitutionnelle globale et entière que nous voulons avoir. (10 h 45)

C'est sûr que ce n'est pas tout ce que nous exigeons, tout ce que nous désirons, mais ce serait, à mon point de vue, si on acceptait quelque chose de la part du gouvernement fédéral, des autres provinces et du Québec sur ces treize points, et si on pouvait en venir à un consensus avec les autres provinces sur ce que nous voulons, ce serait un pas important, ce serait faire montre, à la fois de la part du gouvernement du Québec et à la fois de la part du gouvernement fédéral et des autres provinces, d'une bonne volonté d'agir dans la bonne direction. Alors, dans ce sens, je vois que la révision constitutionnelle — c'est-à-dire une nouvelle constitution canadienne — est irréversible; peu importe la réponse que nous aurons au référendum, la révision est irréversible dans ce sens mais la preuve serait encore plus grande si on pouvait s'entendre sur des points précis et en particulier sur ces treize points.

C'est pour cela que je demande au ministre pourquoi il nous dit que c'est inacceptable pour les autres provinces. Est-ce que, dans ces treize points, avec les discussions et surtout les deux dernières réunions, est-ce qu'il croit qu'il y a des points là-dedans, ou la majorité de ces points, qui pourraient être acceptables? Sinon, pourquoi n'est-ce pas acceptable par les autres provinces et le gouvernement fédéral?

M. Morin (Louis-Hébert): Je remercie beaucoup de cette question le chef de l'Union Nationale. Je vais dire une chose qui va peut-être être étonnante. Il est exact qu'une nouvelle constitution est irréversible au Canada; cela je le crois. Mais le problème n'est pas là; le problème est:

qu'est-ce qu'il va y avoir dedans? C'est justement — et il est regrettable que vous n'ayez pas pu, pour des raisons antérieures être ici hier et cela est compréhensible — là tout le problème: Qu'est-ce qu'il va y avoir dedans? Quand vous dites qu'il y a un certain nombre de points ici sur lesquels on pourrait s'entendre, c'est possible. Notre attitude est très claire. S'il y a des choses acceptables dans ce qui nous est offert, c'est bien sûr qu'on va les prendre; il n'est pas question de bloquer et de dire: Ce n'est pas bon.

Cependant, il y a deux choses qu'il faut éviter et nous allons être très vigilants comme vous l'auriez été vous-mêmes, de l'Union Nationale, et comme, je l'espère, les libéraux le seraient aussi et n'importe quel parti. Il y a deux choses qu'il faut éviter: d'une part, que les "concessions" qui seraient faites ne soient pas seulement des apparences mais des substances. En d'autres termes, on va voir des cas tout à l'heure, on va se poser des problèmes concrets pour chacun des cas: qu'est-ce qui est acceptable ou qu'est-ce qui est inacceptable. On peut très bien prétendre qu'on règle le cas du pouvoir de dépenser en apparence, mais en réalité, le gouvernement fédéral peut très bien conserver le pouvoir d'intervenir dans des domaines provinciaux. Ce genre de déblocage qui consiste en apparence plutôt qu'en substance, je pense qu'il faut se fier à nous, comme gouvernement représentant tous les Québécois, pour ne pas tomber dans ce piège et laisser croire que des choses sont changées qui ne le seraient pas. C'est notre premier devoir de vigilance.

Malheureusement, je ne peux pas vous dire aujourd'hui — c'est une règle du jeu et je la déplore mais que voulez-vous — quelle est la réaction des autres provinces et surtout quelle est la réaction du fédéral sur certains points. Évidemment, il y a des réactions antérieures du fédéral qu'on pourra peut-être évoquer, qui sont dans les livres et aussi du domaine public, on y reviendra tout à l'heure. Ce n'est qu'au mois de février qu'on verra, sur les points limités qui sont là, qu'est-ce qu'il en est.

L'autre chose qu'il faut éviter, notre devoir de vigilance, c'est que sur ce premier bloc de choses qui sont discutées, est-ce qu'il va y avoir une sorte de "package deal" qui va nous dire ceci: Vous prenez tel ou tel pouvoir à condition d'accepter aussi telle affaire. Je vais l'exprimer très clairement. Vous prenez tout cela et on vous donne cela. Il y a quelques concessions là-dedans mais il faut être d'accord avec une formule d'amendement constitutionnel, cela fait partie de l'ensemble. Comme pour la charte de Victoria, si c'est cela, ce genre de piège à ours, ou si vous voulez, ce genre de carcan, l'Union Nationale serait la première à refuser cela, et je pense que vous seriez d'accord.

Je ne peux pas vous dire d'avance qu'il va y avoir un déblocage ou non; je ne le sais pas encore. On va voir le 5 février. Si on respecte ces deux exigences, que ce soit vraiment des changements et qu'il n'y a pas de "strings attached" et que ce ne soit pas des pièges, on est assez ouvert pour dire: Bien sûr, on va le prendre. C'est le devoir que nous avons comme gouvernement — et c'est l'article 4 de notre programme — de défendre et d'accroître l'économie du Québec tant que le système marche.

Est-ce qu'il y aurait éventuellement un déblocage tel qu'il y aurait un vaste réaménagement de pouvoirs vers les provinces? Ce n'est pas moi qui ai dit que cela ne se peut pas; c'est M. Lalonde lui-même qui dit que ce n'est pas de ce côté qu'il faut chercher la solution. Je ne fais que rapporter ce que les autres disent. Il y a évidemment une attitude bizarre du côté du Parti libéral; hier, il nous a dit: On ne participe à aucun front commun. D'accord, je ne m'attendais pas à cela non plus. Mais il dit: Cependant, il y a plusieurs des positions traditionnelles du Québec qui furent élaborées par le gouvernement libéral précédent et nous ne renions certes rien de ce que nous avons dit à l'époque. Nous nous servons de ces positions. Alors, on nous dit: On ne change pas nos positions mais on ne fait pas de front commun.

C'est à peu près comme le gars qui dit: Oui, il fait soleil aujourd'hui, mais je refuse de dire qu'il fait clair. Ce n'est pas intelligent. Si vous êtes d'accord avec vos anciennes positions, vous êtes d'accord avec ce que nous disons. Alors, c'est inutile de poser le problème du faux ou du vrai front commun. C'est une parenthèse que j'ouvre à l'intérieur de cela.

Pour ce qui est de répondre à l'Union Nationale, c'est ce que je dirais. Il y a deux considérations. Il faut que ce soient des choses substantielles et pas de cordes attachées. Si ce sont des pièges qu'on tend aux Québécois pour les coincer, je pense que vous seriez les premiers à nous blâmer de nous laisser embarquer là-dedans. Deuxièmement, vous l'avez dit, c'est sûr qu'il y a bien d'autres choses que cela. J'en ai mentionné hier dans mon petit exposé. Il y a une quinzaine ou une trentaine d'autres sujets. Rien que pour le partage des pouvoirs — on ne parle pas des institutions — vous avez tout cela ici et qui n'est à peu près pas touché par ce qui est mentionné dans... Si cela doit se continuer, on verra. On garde une attitude ouverte à ce sujet, mais on ne se fera pas attraper dans des pièges.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Beauce-Sud.

M. Roy: Oui, j'aurais une question à poser au ministre, à ce moment, et je pense que c'est bien important avant d'aller plus loin dans nos travaux. On a parlé de réaménagement constitutionnel, de fédéralisme renouvelé, de nouvelle constitution. Quand on parle de fédéralisme renouvelé et de réaménagement constitutionnel, d'amendements à la constitution, cela pose le problème du rapatriement de la constitution, à mon avis. À partir du moment où on pose le problème du rapatriement de la constitution, il est évidemment question de la formule d'amendement. Il n'y a jamais eu d'entente jusqu'à maintenant à ce niveau. Puisqu'on parle de plus en plus d'une nouvelle constitution, ce qui

suppose qu'on laisserait là la vieille constitution et que cette nouvelle constitution pourrait être rédigée à partir des ententes qui seraient faites, j'aimerais demander ce matin au ministre si, comme gouvernement du Québec, on entend prendre une position très ferme relativement au rapatriement de la constitution, ou si on a l'intention de s'en tenir à l'élaboration d'une nouvelle constitution.

Le Président (M. Cardinal): M. le ministre.

M. Morin (Louis-Hébert): Je peux très bien comprendre. Vous nous demandez, en somme, si notre attitude en ce qui concerne le rapatriement et l'amendement, qui sont, au fond, reliés...

M. Roy: C'est cela.

M. Morin (Louis-Hébert): ... sera une attitude ferme. Je voudrais bien comprendre. Je m'excuse...

M. Roy: Je m'excuse, je vais m'expliquer, je vais tenter d'être plus clair.

M. Morin (Louis-Hébert): Oui.

M. Roy: Puisqu'on parle de remaniement de la constitution, de réforme constitutionnelle et ainsi de suite, je dis qu'à partir de ces thèses cela suppose évidemment le rapatriement de la constitution. Quand on parle de rapatriement de la constitution, ce sont des discussions qui ont duré depuis assez longtemps, cela suppose aussi une formule d'amendement avant le rapatriement de la constitution. D'ailleurs, on se souviendra de la Charte de Victoria...

M. Morin (Louis-Hébert): C'est cela.

M. Roy: Cela avait tourné à rien. Cela a toujours tourné à rien. Compte tenu de ces faits, compte tenu du nombre considérable d'années qui ont été perdues à ce niveau, est-ce que la position du Québec est ferme, à savoir qu'il n'est pas question pour le gouvernement du Québec du rapatriement de la vieille constitution, mais qu'il serait plutôt question de rédiger une nouvelle constitution?

M. Morin (Louis-Hébert): La position du gouvernement actuel du Québec à cet égard est une des plus solides qui soient, en même temps par conviction et en même temps aussi par histoire, si je peux m'exprimer ainsi. Nous prenons exactement à cet égard, et cela est identique, la position prise par les gouvernements antérieurs, concrétisée à Victoria par le refus du Québec exprimé par M. Bourassa de ne pas accepter la charte dans laquelle il y avait cette formule d'amendement. À l'époque, il y avait une chose en plus, c'est qu'on n'a même pas daigné reconnaître certaines des aspirations normales du Québec dans le domaine de la politique sociale, qui ont été défendues avec beaucoup de vigueur par M. Claude Castonguay, à l'époque, pendant plusieurs mois; il y a mis une intensité remarquable là-dessus. D'autre part, nous nous raccrochons aussi intensément à la position de l'Union Nationale en 1968 — il y a une série de citations qu'on sortira peut-être tantôt, si vous voulez — qui démontre clairement que le rapatriement et l'amendement constitutionnel sont un sujet important, mais qui ne viennent qu'après, comme, si vous voulez, terminaison d'un processus à l'intérieur duquel on a revu et fait le tour de l'ensemble de la répartition des pouvoirs. En cours de route, alors que vous définissez le statut politique et constitutionnel d'un État fédéré — je parle toujours à l'intérieur du système — comme le Québec, vous ne pouvez pas le geler en déterminant la formule d'amendement. Cela a l'air bien technique, cette affaire, et cela l'est effectivement, mais on va essayer quand même d'y voir clair en deux mots. D'ailleurs, on a une page qui porte là-dessus. On a quatre arguments pour lesquels le Québec, traditionnellement, a refusé cela. Le Québec a refusé que son statut soit gelé avant que le processus de révision constitutionnelle soit terminé. Il est évident qu'il refuserait qu'il soit gelé maintenant, avant que le référendum ait eu lieu. Les Québécois, au référendum, décideront ce qu'ils voudront. On n'a pas le droit de nous obliger, comme gouvernement du Québec, à accepter le statut quo qui sera probablement remis en cause par la population du Québec, plus tard.

Comme gouvernement — c'est un deuxième élément — comme conviction, on n'a pas le droit de faire cela. Par-dessus le marché, on est tellement à l'aise là-dessus, et c'est là-dessus que M. Lesage, à l'époque, en 1965, après une tournée de l'Ouest, a changé d'avis sur la formule Fulton-Favreau. C'est une des conditions fondamentales qu'avait mises l'Union Nationale à la discussion constitutionnelle, que cette question ne vienne qu'après, comme d'ailleurs la question de la charte des droits. C'est là-dessus que la Charte de Victoria, au fond, a achoppé et M. Bourassa à l'époque — on le sait très bien d'ailleurs — a dû refuser ce "package deal" qui gelait l'évolution du Québec, attitude à propos de laquelle, d'ailleurs, il a été félicité par tous les milieux dans tous les éditoriaux à l'époque.

Notre attitude là-dessus est très ferme et tellement ferme, d'ailleurs, que nous avons honnêtement — et là, cette fois-ci, on n'a pas fait ce qui avait été fait avant, on n'a pas laissé croire aux autres que peut-être bien, on ne sait pas, que c'est une question qu'on considérait éventuellement comme valable — dit, par la voix du premier ministre, nettement: Nous allons discuter de tout. Il y a une chose, cependant, à propos de laquelle nous nous raccrochons aux autres, c'est le rapatriement et l'amendement constitutionnel. Cela, nous n'en parlons pas maintenant, nous ne participons pas aux discussions là-dessus.

On nous a dit: Vous auriez peut-être dû rien qu'aller voir et discuter un peu sans vous engager. C'est exactement ce qui est arrivé en septembre

1970 à M. Bourassa, alors qu'il était premier ministre. On lui a dit: Viens voir, il n'y a pas de problème, on verra après. Cela a été écrit dans les journaux à l'époque. Le résultat? Il s'est trouvé pris avec cela. Cette fois-ci, il ne faut pas de malentendu. C'est une question qui, pour nous, vient après. Par-dessus le marché, elle vient après le référendum. Si les Québécois décident de garder le système actuel, d'accord, cela se posera comme problème. Mais je pense qu'on serait dans l'illogisme politique par rapport à nos options — qu'on ne cache pas — et, pire que cela, dans l'illogisme historique, même à l'intérieur du fédéralisme canadien tel qu'il existe maintenant, en s'embarquant là-dedans et en nous gelant au moment où, depuis quelques années, la remise en cause constitutionnelle se fait au Québec plus qu'ailleurs. Je ne sais pas si cela répond à votre question, mais en gros, c'est notre position.

M. Roy: Cela répond en partie à ma question, mais disons qu'étant donné qu'il peut y avoir des ententes qui peuvent être faites...

M. Morin (Louis-Hébert): Ah! Excusez.

M. Roy: ... pour en venir à certain consensus, on sait très bien que si on part du principe qu'on retient l'idée de la vieille constitution, du réaménagement de la vieille constitution, cela posera toujours le problème du rapatriement, et le problème du rapatriement posera toujours la question de la formule d'amendement. Il y a toujours eu des échecs à venir jusqu'à maintenant. J'ai l'impression — et je pense que cette impression est partagée par un très grand nombre — qu'aussi longtemps qu'on se raccrochera ou qu'on tentera de se raccrocher derrière la vieille constitution qui est à Londres, on va toujours tourner en rond parce que même si on fait des ententes sur le partage des pouvoirs, la question va toujours accrocher là-dessus et c'est là que nous allons achopper. Je me demande s'il ne serait pas plus sage qu'on en vienne, autrement dit, à établir comme préliminaire que, pour le Québec, il ne serait pas question du rapatriement de la vieille constitution. À ce moment on va mettre la question de la formule d'amendement de la vieille constitution de côté, et il faudra en prévoir une, évidemment, dans la nouvelle constitution. On ne peut évidemment pas y échapper. Mais à ce moment-là, on partira sur une base plus solide. On posera ce qu'on pourra appeler une pierre angulaire et on partira vers l'avenir. Sinon, j'ai la nette impression que nous tournerons en rond et qu'on va toujours se retrouver dans la même situation.

Pendant ce temps, les années passent et au fur et à mesure que les années passent, c'est le statu quo qui prévaut et ce sont les empiétements du fédéral que nous devons subir. Il y a toujours une stratégie là-dedans qui vise à faire en sorte que de l'autre côté, on cherche à gagner du temps. Il ne faudrait pas jouer le jeu de tenter ici au Québec de toujours avoir l'espoir de gagner du temps et de nous retrouver tout simplement à subir la situation qui prévaut à l'heure actuelle. Cela fait évidemment des sujets de campagnes électorales. Cela fait des sujets de campagnes politiques, des sujets électoraux, mais cela ne règle pas le problème.

Le Président (M. Cardinal): M. le ministre.

M. Morin (Louis-Hébert): Cela va être très bref. Je suis pas mal d'accord avec ce que dit le député de Beauce-Sud et je pense qu'il a bien raison de dire que le temps joue contre nous et que nous trouvons — cela n'est pas nouveau — le Québec dans une situation absolument invraisemblable où nous serions obligés d'accepter un gel de notre statut politique pour régler le problème du statu quo. Mais en réglant le problème du statu quo, nous nous cristallisons en quelque sorte dans le statu quo lui-même. Je ne sais pas si c'est clair, ce que je suis en train de dire là, mais c'est une absurdité. C'est que si on voulait débloquer le problème constitutionnel canadien, tel qu'il se présente dans le cadre fédéral et selon l'optique fédérale, l'optique d'Ottawa, on dirait demain: On est d'accord avec une formule d'amendement. (11 heures)

Là, il y aurait un vrai déblocage, mais ce serait au prix de toutes les choses auxquelles, bien avant qu'on existe vous et moi, les Québécois tenaient, je pense. On peut se tromper là-dessus, mais je ne le crois pas. C'est un principe de base de tous les gouvernements et c'est peut-être une des choses les plus sûres qui existent: on ne veut pas être gelé dans un carcan. En même temps, ce carcan et le fait de ne pas vouloir être gelés bloquent les discussions, c'est sûr, mais qui nous met dans la situation où on est obligé de se défendre si ce n'est la problématique fédérale telle qu'elle est énoncée et qu'on retrouve encore là-dedans, qu'on a retrouvée en 1970 et qu'on a retrouvée, en 1973? En somme, le problème est posé d'une façon qui ne nous convient pas et il y a des pièges tout le long. C'est ce contre quoi on essaie de se défendre.

Cela étant dit, je suis d'accord avec votre analyse que le temps presse. C'est justement parce que le temps presse qu'il restait une chose à faire, demander au monde au Québec ce qu'il en pense. Et là, on verra. Ils décideront ce qu'ils voudront. On comprendra. Ce sera la fin de ce genre de discussions effrayantes "time consuming" — je n'ai pas le mot — qui font que nous autres, au Québec, on est poigné là-dedans alors que le reste du Canada ne se préoccupe pas de cela et peut progresser et se préoccuper d'autres choses. C'est un désavantage du système qui est très sérieux et qui a des effets économiques.

Le Président (M. Cardinal): Un instant, M. le ministre. Si vous me le permettez, pour vous aider dans votre traduction, pour "time consuming", on pourrait dire en français — et je ne participe pas au fond du débat — il faut prendre son temps, mais sans le perdre!

M. le député de Nicolet-Yamaska et, ensuite, je reconnais le député de Vanier.

M. Scowen: M. le Président...

Le Président (M. Cardinal): Cela m'a été demandé auparavant. Est-ce que... Bon, nous allons recommencer. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, M. le député de Nicolet-Yamaska, M. le député de Vanier.

M. Scowen: Je m'excuse, je ne pensais pas...

Le Président (M. Cardinal): Non. Je pense que c'est un jugement qui va satisfaire tout le monde. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Scowen: Est-ce que cela vous satisfait? M. Fontaine: Oui. D'accord. M. Reed Scowen

M. Scowen: M. le Président, je voulais simplement renforcer un peu la position du député de Saint-Laurent en ce qui concerne notre refus de nous associer avec un front commun dans ce domaine. Je pense qu'on a refusé de s'associer dans un front commun parce que, en effet, il n'y a pas de position du gouvernement. Personnellement, j'ai été frappé de voir, lundi, la faiblesse du dossier qui nous a été présenté par le gouvernement pour cette rencontre.

M. Morin (Louis-Hébert): Faites attention à ce que vous dites!

M. Scowen: Je fais très attention. Je m'excuse.

M. Morin (Louis-Hébert): Cela ne fait pas longtemps que vous êtes là-dedans, vous.

M. Scowen: Cela me rappelle certaines études que je fais maintenant dans le domaine des locataires-locateurs sur la loi 107. On peut simplement dire que la position traditionnelle de tous les gouvernements du Québec dans le domaine des relations locataires-propriétaires est de trouver un juste équilibre entre les droits des deux. Si, aujourd'hui, le ministre Tardif était entré avec un document comme celui-là en disant: C'est notre position et tout le monde doit l'appuyer, on aurait certainement dit oui, mais ce n'est pas du tout une contribution au débat actuel. C'est cela que nous avons devant nous. Nous avons une liste de treize sujets très importants pour l'avenir du Québec et du Canada sur lesquels le gouvernement, franchement, M. le ministre, ne nous a presque rien donné comme position. Il a donné un document de quelques pages, que nous avons ici, qui fait l'historique. Je pense, à titre personnel au moins, que vous pouvez tenir pour acquis que tout le monde qui s'implique dans un tel sujet, dans une commission parlementaire, est déjà très conscient de l'historique de ce fait. On n'a pas besoin d'écouter pour la dixième fois les positions traditionnelles parce qu'elles ont été dévoilées depuis longtemps. Beaucoup d'articles et même des livres ont été écrits là-dessus. Ce qu'on cherche, c'est à savoir, dans le contexte fédéraliste, aujourd'hui, quelle position concrète découle de cela.

M. Morin (Louis-Hébert): C'est ce qu'on veut dire!

M. Scowen: Ce que nous avons donné — et je veux simplement citer les chiffres — c'est sur le pouvoir de dépenser, la position du Québec en quatre lignes.

M. Morin (Louis-Hébert): Attendez qu'on commence.

M. Scowen: ... le pouvoir déclaratoire, cinq lignes; la péréquation, sept lignes sur la position du Québec; l'impôt, dix-sept lignes sur la position du Québec; droit des familles, deux lignes. Je pense franchement...

Le Président (M. Michaud): À l'ordre.

M. Scowen: Je ne veux pas charrier, mais demander aux parlementaires de venir à Québec pour une commission parlementaire sérieuse sur une question qui est certainement la plus sérieuse de toutes les questions actuelles, pour 1979 au moins, et nous présenter deux lignes sur les pêches, dix-huit lignes sur la Cour suprême, 23 lignes sur le Sénat, cinq lignes sur le rapatriement, 22 lignes sur les ressources, et nous demander de donner notre opinion et de partager un front commun envers les autres gouvernements, franchement, je trouve que c'est ridicule. De plus, arriver aujourd'hui et savoir...

M. Guay: On n'a rien demandé.

M. Scowen: ... qu'il n'existe aucun document qui ait contribué, par le gouvernement, aux négociations, aux discussions qui ont découlé depuis la dernière conférence, aucune contribution écrite qui ait été faite, je dis simplement que, pour moi, ce n'est pas possible de s'associer avec un front commun sur zéro. Je prends, à titre d'exemple, seulement les pêches. Je cite la position actuelle du Québec, la section H de votre dossier: "Le Québec croit que les provinces devraient avoir compétence exclusive en matière des pêcheries sur leur territoire."

Le Président (M. Michaud): À l'ordre, s'il vous plaît. Le droit de parole est au député de Notre-Dame-de-Grâce. C'est à vous la parole.

M. Scowen: M. le ministre, je veux demander, voulez-vous parler sur une question de règlement, est-ce que je dois continuer ou quoi?

Le Président (M. Michaud): C'est à vous la parole, M. le député.

M. Morin (Louis-Hébert): Allez-y.

M. Forget: II n'a pas dit un mot. M. Scowen: Merci.

M. Morin (Louis-Hébert): Je n'ai rien dit. Je vais en dire tantôt, par exemple.

M. Scowen: Deux lignes sur les pêcheries. Je répète: "Le Québec croit que les provinces devraient avoir compétence exclusive en matière de pêcheries sur leur territoire." Je pense que tout le monde peut accepter que la question des pêches, parmi toutes les questions économiques, c'est une question où les mesures d'association, de réglementation en commun sont essentielles. Premièrement, les pêches, les pauvres pêches ne parlent aucune langue officielle, elles ne respectent aucune frontière, elles sont prises par les courants des mers sur lesquels la territorialité est très confuse et qui a des aspects internationaux soit dans un fédéralisme, soit dans une association. C'est clair, dans mon esprit au moins, qu'on doit avoir une réponse précise à une question comme: qui va prendre la responsabilité de la mise en marché des pêches dans les marchés internationaux? Qui va prendre la responsabilité de la surveillance de la limite de 200 milles avec des avions et tout le système de radiocommunication, le ministre de la Défense et les bateaux marins que cela implique? Qui va prendre la responsabilité de la recherche dans les pêcheries qui implique non seulement l'étude des pêches, mais l'étude des mouvements des pêches?

Est-ce que ce n'est pas un exemple clair d'un secteur où nous devons avoir une politique très élaborée sur laquelle on peut négocier avec non seulement le gouvernement central, mais avec nos gouvernements voisins qui ont des intérêts très étendus là-dedans? Non, tout ce que nous avons à discuter dans le domaine de la politique sur les pêches c'est deux lignes: "Le Québec croit que les provinces devraient avoir compétence exclusive en matière de pêcheries sur leur territoire." Le ministre nous demande de s'allier dans un front commun sur une telle politique...

M. Morin (Louis-Hébert): Je ne m'attends pas à cela du tout. Vous êtes le parti fédéral provincial...

M. Forget: II ne parle pas.

M. Scowen: Dans mon esprit au moins, c'est pourquoi c'est impossible. C'est impensable de s'associer à quelque chose qui n'existe pas. J'ai posé la question: comment est-il possible que le ministre soit arrivé à cette commission parlementaire si mal préparé? Hier, nous avons traité pendant une heure et dix minutes d'un historique, que tout le monde, je le répète, qui est un peu là-dedans connaît déjà, mêlé un peu avec ses réflexions personnelles sur ce qui est passé. Je le trouvais très intéressant.

Par exemple, j'ai déjà entendu ce qui s'est passé à Victoria de la bouche de cinq ou six personnes qui étaient là. La chose qui me frappe, c'est que même les Québécois qui étaient là n'étaient pas d'accord sur ce qui s'est passé. Vous avez donné une autre perspective de l'affaire qui était intéressante, mais je me demande franchement, M. le ministre, si ce n'est pas quelque chose qui serait plus valable, plus juste de faire à une émission de télévision plutôt qu'à une conférence où on est censé étudier la position de Québec.

Vous avez dit au début que la faiblesse de votre présentation était en partie parce que ça vient tout de suite après les Fêtes. Vous avez dit: Je ne pouvais rien faire depuis Noël, deux semaines de vacances pour tout le monde. Je l'accepte parce que j'ai pris des vacances à Noël aussi. Tout ce que je vous dis, c'est que la population de Québec attend de vous et du ministère des Affaires intergouvernementales du travail dans ce domaine. C'est une année très importante, c'est un moment très important. Je pense que de donner l'excuse qu'on avait des vacances, pour la faiblesse de cette présentation, le manque de détails, ce n'est pas tout à fait un bon gouvernement, pour arriver à ce point.

En terminant, M. le Président, ce que j'ai entendu, c'était, je pense, un bon argument, de votre bouche, hier, pour le système fédéral. J'attendais et je pense que M. Forget l'attendait aussi, de la publicité pour l'option souveraineté-association. Mais vous avez dit vous-même que vous n'aviez pas l'intention de le faire, et je suis complètement d'accord, vous ne l'avez pas fait. De cette perspective, c'était absolument nul, ce n'était certainement pas de la bonne publicité pour l'option péquiste.

D'après moi, c'était une bonne publicité pour le système fédéral. Vous avez décrit, pendant une heure et dix minutes, la perspective de quelqu'un qui était vraiment impliqué d'une façon clé, pendant des années, dans le déroulement des négociations continuelles entre onze parties différentes, chacune avec ses perspectives et ses objectifs différents, des négociations perpétuelles qui ont eu pour effet, d'après moi, je pense que vous serez d'accord, de nous rendre au point où nous sommes actuellement aujourd'hui au Québec, qui n'est pas mauvais.

Comme vous l'avez dit vous-même, les dépenses et, par conséquent, les pouvoirs provinciaux ont augmenté énormément depuis les dernières années; les provinces sont plus fortes que jamais, la langue, la culture québécoise est plus forte que jamais, nous sommes parmi les plus riches de tous les pays du monde, il y a du travail pour les fonctionnaires en masse. Ce n'est pas la pire des choses que nous avons réalisée, par vos efforts, par vos propres efforts que vous avez décrits. Je suis certain que vous, M. le ministre, êtes conscient que, si demain on réalisait une espèce de souveraineté-association, ces négociations ne se termineront pas, elles continueront. Je suis certain que vous, étant réaliste, savez très bien qu'elles ne seront pas plus faciles.

Si, avec une déclaration d'indépendance, alliée à une association, c'est possible de changer

l'équilibre des pouvoirs entre les provinces, je suis certain que les autres provinces, qui ne sont pas stupides et leurs leaders ne sont pas stupides, vont dire très vite: Écoutez, on veut avoir notre propre référendum pour pouvoir faire la même chose que Québec, avoir plus de pouvoirs à l'intérieur de notre Confédération. Si, avec une simple déclaration d'indépendance ou quasi-indépendance, on peut changer l'équilibre des pouvoirs dans la Confédération, c'est quelque chose qui peut se faire pour les dix autres. C'est un jeu qui peut se faire par tout le monde.

Alors, vous êtes réaliste, vous savez autant que moi que ce ne sont pas que des jeux de mots, un référendum gagné, une souveraineté-association gagnée ne changera pas la réalité des problèmes que vous avez vécus, que vous avez, je suis certain, étudiés, au nom des Québécois, avec une grande compétence. (11 h 15)

Ce que vous avez fait, pour moi, cela a été de la bonne publicité pour le fédéralisme et je vous remercie. Je vous félicite également. D'un autre côté, M. le ministre, en terminant, je vous répète qu'on ne peut pas s'associer avec un front commun, quand la politique de ce front commun n'existe pas.

Le Président (M. Michaud): M. le ministre, prenez-vous un droit de réplique?

M. Morin (Louis-Hébert): Cela va être très bref, parce que je voudrais qu'on commence les sujets. On va perdre du temps autrement. On ne vous demande pas un front commun. Vous l'avez déjà dit en Chambre, que vous vous opposiez à tout ce qui était fondamentalement québécois. Que voulez-vous que j'y fasse? Je le sais, je l'admets. C'est une attitude que je considère stérile. C'est une des rares fois au Québec où un parti important d'Opposition décide d'être le porte-parole d'autres partis qui ne sont pas ici dans cette Chambre. Qu'est-ce que vous voulez que j'y fasse? Je le regrette. Ce n'est pas le Parti libéral que j'ai connu alors que j'en faisais partie. Et je n'aurais pas je pense, à l'époque de M. Lesage, entendu ce genre de commentaire. Mais qu'est-ce que vous voulez? Les choses évoluent. Je ne demande pas ce front commun. Vous m'avez dit hier, dans votre texte, M. le député de Saint-Laurent, que vous gardiez les positions que vous aviez exprimées à l'époque. Cela me suffit. Merci... Vous reconnaissez qu'il fait soleil et vous ne voulez pas reconnaître qu'il fait clair. D'accord. Mais moi, cela me suffit.

Je propose, M. le Président, qu'on commence l'examen, comme l'a suggéré l'Union Nationale hier, dans l'ordre qui est là.

Le Président (M. Michaud): II y a deux personnes, M. le ministre, qui ont été reconnues par le président, soit le député de Nicolet-Yamaska et le député de Vanier.

M. Morin (Louis-Hébert): D'accord, excusez-moi, je l'avais oublié.

Le Président (M. Michaud): Après cela, on pourra peut-être procéder article par article.

M. Fontaine: Merci, M. le Président.

M. Forget: M. le Président, avec la permission du député de Nicolet-Yamaska...

Le Président (M. Michaud): Un moment, s'il vous plaît!

M. Forget: ... je voudrais juste faire un petit point de trente secondes et je lui remets la parole. Comme le ministre a fait un certain nombre de remarques qui m'étaient personnellement adressées, à la fois lors de sa grande réplique et de sa miniréplique d'il y a un instant, j'aimerais, en vertu de l'article 96 — puisqu'il faudrait le faire immédiatement après qu'il ait cessé de parler, M. le Président — rappeler que j'aimerais, en laissant toutefois le droit de parole prioritaire au député de Nicolet-Yamaska, corriger certains faits qui ont été allégués par le ministre tout à l'heure.

M. Morin (Louis-Hébert): C'est vous qui avez commencé hier.

M. Forget: Je préserve mon droit. Le Président (M. Michaud): Oui. M. Serge Fontaine

M. Fontaine: M. le Président, je voudrais, avant qu'on aborde chacun des treize points en discussion, revenir sur une critique qui a été faite hier par le député de Mégantic-Compton au sujet de la prise de position de M. le ministre qui disait: Toute forme de renouvellement du fédéralisme est vouée à l'échec d'avance.

Ce matin, il arrive et il donne deux explications à cela. Il dit: II y a une première forme de renouvellement du fédéralisme qui ne peut pas être acceptable par les Québécois, c'est celle qui est prévue dans le bill C-60. Je pense que nous, de l'Union Nationale, nous sommes d'accord là-dessus, à savoir que ce n'est pas une véritable réforme constitutionnelle.

Il nous parle, d'autre part, de l'autre forme de réforme constitutionnelle qui serait, celle-là, une véritable réforme — et là-dessus, je pense qu'on pourrait peut-être tout de suite, ce matin, essayer de voir... Je pense que tous les Québécois, tous les partis québécois devraient pouvoir s'entendre pour dire qu'avant toute discussion, il faudrait discuter le partage des pouvoirs.

Le ministre nous dit ce matin là-dessus que cela n'est pas acceptable par le Canada anglais. Il nous dit, d'une part, que les Québécois ne peuvent pas accepter une réforme comme le bill C-60, d'autre part, que le Canada anglais ne peut pas accepter une véritable réforme constitutionnelle.

Il tient pour acquis que ce n'est pas acceptable par le Canada anglais. Sur quoi se base-t-il pour affirmer cela? Il se base probablement sur l'historique qu'il a fait hier. Cependant, nous, de

l'Union Nationale, nous sommes prêts à l'accepter. Depuis 1976, depuis l'élection du Parti québécois, il y a eu, tant au Québec qu'à l'extérieur du Québec et surtout dans les provinces anglaises, certains changements d'approche vis-à-vis de la réforme constitutionnelle.

S'il fallait que le ministre se trompe, est-ce que cela veut dire qu'il accepterait, tant comme gouvernement que comme parti politique, une véritable réforme constitutionnelle? À cela on doit répondre non, parce que dans un article de journal d'hier, on rapportait ceci: II a toutefois affirmé que le Québec, même s'il participe à des discussions et qu'il pourrait en tirer quelques avantages dans le cadre du régime actuel, ne pourra se satisfaire du résultat, quel qu'il soit.

On se demande: Comment peut-il prétendre être un vrai et un bon gouvernement provincial, comment peut-il honnêtement prétendre se présenter aux conférences constitutionnelles pour représenter les intérêts des Québécois alors qu'il nous dit qu'à l'avance tout cela est voué à l'échec? C'est un peu ce à quoi je voudrais que le ministre réponde.

M. Morin (Louis-Hébert): D'accord, c'est une question intéressante.

Quand je dis qu'un certain type de fédéralisme renouvelé ne peut pas être accepté par le Canada anglais ni par Ottawa, je parle — je pense que vous avez fait la distinction — de quelque chose qui serait significatif, d'accord? Un peu comme ce que l'Union Nationale proposait à l'époque de M. Johnson et qui est repris en substance dans votre papier. Je pense que cela ne peut pas être accepté par Ottawa. Ce n'est pas moi qui ai dit cela. C'est M. Lalonde, c'est M. Trudeau, c'est d'autres porte-parole fédéraux et ce sont d'autres gens des autres provinces qui, d'une part, sont peut-être prêts à des ajustements dans le système — cela va de soi, que voulez-vous, c'est bien sûr — mais qui ne veulent pas d'un changement de substance et ils l'ont dit. Je ne fais que répéter ce qu'ils disent.

Maintenant, j'ajoute à cela non pas mon expérience à moi, Claude Morin, mais ce que j'ai vu et ce que tout le monde a vu pendant les années où quand même des gens compétents ont essayé de modifier l'attitude fédérale. M. Castonguay a tenté de le faire en ce qui concerne la politique sociale. À l'époque aussi, M. Johnson a essayé dans son cas de modifier l'attitude fédérale en ce qui concerne d'autres choses, comme le partage général des pouvoirs. Je ne veux pas recommencer tout ce que j'ai dit hier. M. Bourassa lui-même. Ce sont des faits. Vous me dites qu'il y a quelque chose de nouveau. S'il y a quelque chose de nouveau, j'attends de le voir. Au contraire, j'ai des citations. Mon Dieu! que je suis donc tenté. Il y a des gens qui ont observé la réalité et qui ont dit qu'il n'y avait rien qui se passait. Tantôt, j'ai donné un élément de citation de notre ami, M. le député, mais il était commenté par un autre qu'on connaît bien et je continue. Je pense qu'on va avoir la réponse. Je ne lis pas ma citation de tantôt du député, mais les paroles de celui qui commente: "On voudrait que

M. Forget eût tort. Malheureusement, les événements des dernières années et encore davantage ceux des derniers mois lui donnent raison. Il y a, en effet, plus de dix ans que le Québec ne cesse de proposer une révision du régime actuel; rien ne s'est pourtant produit. Même la victoire électorale du PQ n'a semblé incité aucun parti à entreprendre à ce stade-ci la moindre démarche inédite." Ce n'est pas de moi, que voulez-vous!

M. Raynauld: M. le Président, est-ce que je pourrais poser une question sur le même sujet seulement pour faire avancer le débat?

M. Morin (Louis-Hébert): Je pense que cela avance, on voit les choses. Il y a mon collègue ici...

Le Président (M. Michaud): Je m'excuse, mais présentement, c'est le député de Nicolet-Yamaska, ensuite le député de Vanier. Ensuite, si vous avez...

M. Morin (Louis-Hébert): Je veux dire que ce n'est pas moi qui ne veux pas que cela marche. Pendant des années, j'ai voulu que cela marche. Pensez-vous que cela a été bien intéressant à un moment donné quand je me suis rendu compte que cela n'allait pas? Je ne veux pas qu'on m'accuse de parler d'états d'âme; je ne le ferai pas. Devinez par vous-mêmes qu'à un moment donné il a quand même fallu que je me pose des questions et que j'apporte mes réponses. Cela n'a pas été facile, cela a été une période difficile. Ce n'est pas moi.

M. Fontaine: M. le Président, est-ce qu'il faut en conclure que cette attitude de l'autre côté de la clôture est due aux hommes en place ou au système?

M. Morin (Louis-Hébert): Non. Je vais demander à mon collègue de répondre. Je ne pense pas que ce soit une question d'hommes. Ce ne sont pas nécessairement des vilains qui sont de l'autre côté; il y en a, évidemment quelques-uns qui charrient dans l'autre sens, dirait-on, pour se faire pardonner des choses. J'ai ici une citation intéressante à cet égard, là encore: "Quant à ceux qui réussissent sur la scène fédérale, ils y parviennent généralement en s'associant, de manière parfois encore plus dure à l'endroit du Québec que leurs collègues anglophones, à une vision qui rabaisse fatalement le Québec au rang d'une province comme les autres." C'est toujours notre grand expert qui parle. Que voulez-vous, c'est lui qui le dit: Nos Québécois qui sont à Ottawa sont pires que les autres à cet égard.

Cela dit, c'est deux systèmes, deux continuités en présence. Je ne les blâme pas, les Canadiens anglais, d'avoir la leur; je pense qu'ils ont raison. Nous aussi avons raison. C'est cela qu'il faut modifier. C'est substantiellement ce genre d'orientation et de situation qui fait que nous proposons une chose qui s'appelle la souveraineté-association qui n'est pas l'objet du débat ce matin.

Je demanderais à mon collègue d'ajouter quelque chose qui peut éclairer le débat.

Le Président (M. Michaud): M. le député de Rosemont.

M. Gilbert Paquette

M. Paquette: M. le Président, sur cette question, le député de Nicolet-Yamaska dit: Les attitudes ont changé depuis le 15 novembre; il semble y avoir plus d'ouverture qu'avant. Je pense justement que cela ne tient pas aux hommes qui sont là. Tous les partis politiques fédéraux ont fait des déclarations qui sont contradictoires avec les aspirations du Québec. Cela ne dépend pas des hommes.

M. Trudeau prétend que le régime fédéral canadien est l'un des plus décentralisés au monde. Il l'a dit dans son document "Le temps d'agir". Le 30 septembre 1977, M. Broadbent disait ceci: "En ce qui concerne la distribution des pouvoirs constitutionnels et financiers, le Canada est déjà l'un des États les plus décentralisés au monde, sauf dans les questions culturelles, linguistiques, et peut-être l'immigration et les communications. Je ne vois aucun besoin de changement constitutionnel majeur." Les chefs conservateurs réunis à Kingston, le 19 septembre 1977, disaient ceci, dans leur déclaration conjointe: "Le gouvernement fédéral doit être suffisamment fort financièrement pour influencer l'économie, réaliser l'égalité des chances. Nous sommes prêts à étendre les secteurs de juridiction concurrente sur une base de coopération afin d'inclure le domaine du développement culturel. "

En fait, le modèle qu'il y a au Canada anglais, c'est l'extension des domaines de juridiction concurrente pour mettre sur pied un fédéralisme de concertation où les provinces vont avoir un mot plus grand à dire dans les politiques fédérales et vont pouvoir administrer certains programmes. Quand on parle de décentralisation, au Canada anglais, on parle d'arrangements administratifs, alors qu'au Québec on parle de transferts de pouvoirs politiques et permanents au sein de la constitution. Je pense que c'est pour cela qu'un fédéralisme décentralisé, cette forme de fédéralisme renouvelé que vous proposez ne peut pas fonctionner. Si cela réussissait, on demanderait au Canada anglais de vider le gouvernement fédéral de sa substance, qui en fait un gouvernement national et qui donne au Canada sa cohésion et lui permet une certaine résistance à l'américanisation, une certaine identité nationale. C'est pour cela qu'un fédéralisme renouvelé est incompatible. C'est une chose qu'on ne demande pas, soit dit en passant, dans un régime de souveraineté-association, puisqu'ils pourront se donner le régime fédéral qu'ils voudront. Ceci dit, je pense qu'on a le droit, en tant que parti, de dire: On ne pense pas que cela va fonctionner, ce n'est pas dans l'intérêt du Canada anglais.

Par contre, s'il y a moyen d'avoir des ententes sur des pouvoirs particuliers qui sont dans l'intérêt du Québec, on va les faire. C'est notre position. Je pense qu'elle est très claire. Ce n'est pas une position d'observateur. C'est une position de participant, mais qui ne s'illusionne pas sur la possibilité du Canada anglais. Si M. Trudeau voulait que les Québécois disent non au référendum, il mettrait à l'ordre du jour, en première tête de liste, la répartition des pouvoirs. Il arrêterait de dire que le régime fédéral est le plus décentralisé au monde, puisque la majorité des Québécois veut un fédéralisme décentralisé. Il ferait des concessions aux revendications traditionnelles du Québec avant le référendum. Mais il ne peut pas le faire et il ne le fera pas. Il ne faut pas s'illusionner là-dessus.

M. Fontaine: M. le Président, le député nous dit qu'il n'y a pas eu de changement d'attitude depuis 1976. Comment explique-t-il le fait, si je ne me trompe, qu'à la conférence de Régina, il y a eu un front commun de toutes les provinces pour demander un nouveau partage des pouvoirs? Peut-être que le ministre pourra me corriger...

M. Morin (Louis-Hébert): II faut préciser les choses historiquement. Il y a eu un front commun, c'est exact, sur plusieurs points. Je pense que c'était déjà arrivé dans le passé. Le front commun était — cela a été dit, d'ailleurs, à l'époque — surtout fondé sur le fait qu'on demandait au gouvernement fédéral d'étudier ces questions, mais que les autres provinces ne se prononçaient pas pour une large décentralisation des pouvoirs du genre de celle que Québec désire. Alors, il y a des choses sur lesquelles on était d'accord, et il y a des choses sur lesquelles ils étaient d'accord, avec nous. Je ne pense pas — on va le voir d'ailleurs bientôt — que les autres provinces désirent le même genre de décentralisation que le Québec désirait il y a vingt ans, ou quinze ans. C'est un fait de la réalité politique contemporaine. Ce n'est pas par mauvaise volonté qu'on insiste pour le mentionner tout le temps, c'est pour le rappeler, tout simplement. Je proposerais — je m'excuse, je ne voudrais pas couper la parole à mon collègue — qu'on commence l'examen...

Le Président (M. Michaud): M. le député de Nicolet-Yamaska a terminé? Le député de Vanier maintenant, s'il vous plaît!

M. Bertrand: Je laisse aller.

Le Président (M. Michaud): Vous laissez aller. Il y avait une dernière intervention en vertu de l'article 96. Très brièvement, M. le député de Saint-Laurent.

M. Raynauld: M. le Président...

M. Forget: C'est parce que je reprends... M. le Président, j'ai voulu intervenir parce que le ministre, à la suite de propos que j'ai tenus, a donné une réplique qui laisse croire que les affirmations que j'ai faites, dans deux cas, sont soit contradic-

toires ou complètement fausses. Je vais me limiter à deux points. Le ministre évidemment et moi-même avons touché un plus grand nombre de points, mais on y reviendra plus spécifiquement lors de l'étude des points détaillés. (11 h 30)

La question de l'éthique relativement à des informations dont il a pris connaissance alors qu'il était fonctionnaire et il y a un deuxième point, toutes les citations qu'il a tirées hors contexte ou en contexte, selon les cas, d'un article que j'ai publié en février 1977 et des commentaires du chef actuel du Parti libéral. J'aimerais revenir là-dessus. Je pense qu'il a très bien compris, mais la façon dont il a cherché à faire la réplique laisse croire qu'il y a des confusions qui n'existent que dans la façon qu'il a d'en parler. Relativement à la question d'éthique, en premier lieu, je veux simplement citer les propos que le ministre tenait ici hier, et c'est ce qui a alerté mon attention. À 16 h 5, il y avait à ce moment-là quelque 40 ou .45 minutes que le ministre parlait, il attire notre attention en nous disant ceci: Je vais peut-être parler de choses qui sont moins connues.

M. Morin (Louis-Hébert): C'est grave, cela.

M. Forget: C'est une indication claire, étant donné qu'il parle d'événements alors qu'il était fonctionnaire, qu'il a des révélations à faire, qu'il dit des choses qui n'ont pas déjà été dites. D'ailleurs, un peu plus tard — et toutes ses autres déclarations sont en sandwich avec celle-là — il nous fait un aveu qui est indicatif de la même intention. Il nous dit: Tel matin où il y a eu tel événement, il neigeait. M. le Président, un homme...

Des voix: M. le Président, cela est grave!

M. Forget: Ne vous énervez pas. Un homme qui prend soin de nous rappeler la sûreté de sa mémoire...

M. Bédard: Une chance que ce n'est pas vous autres qui êtes dans les négociations!

M. Forget: ... qui prend soin de nous rappeler qu'il a une mémoire infaillible pour un événement totalement insignifiant qui s'est déroulé il y a huit ans vient de nous avertir que pour le reste qu'il nous a raconté et qui était moins connu — entre guillemets — on peut probablement lui faire confiance, n'est-ce pas? Il se souvenait qu'il neigeait, donc il se souvenait probablement de toutes sortes de conversations, de toutes sortes d'événements qu'il vient d'ailleurs de nous relater. Parmi ces choses-là, qu'y a-t-il? Il y a des faits qui ne sont connus que de fonctionnaires comme, par exemple, le fait que certains documents sont préparés au niveau des fonctionnaires ou certains sentiments existent au niveau des fonctionnaires. À la page suivante, rouleau 1044-BPC, page 2, à peu près au milieu de la page, on a dit: "On a commencé à cette époque, au niveau des fonc- tionnaires, à rédiger un texte qui allait devenir", etc. Donc, on fait une distinction entre ce qui arrive au niveau politique et au niveau des fonctionnaires. C'est une information privilégiée. Je ne dis pas que c'est catastrophique de la connaître, mais c'est quand même privilégié et cela peut quand même parfois avoir une importance capitale lorsqu'on veut inviter son auditoire à porter un jugement sur des comportements politiques. Un peu plus loin, on fait un commentaire: Je doute que ce soit connu par d'autres sources à l'effet qu'à la conférence de septembre 1970 à laquelle assistait le premier ministre de l'époque celui-ci croyant que le sujet n'était peut-être pas terriblement important... Je ne peux pas me souvenir qu'il y ait eu un aveu de la part du premier ministre à l'effet qu'il croyait que ce n'était pas important. C'est donc une information qui vient d'une confidence ou d'une remarque privée que le ministre a eue.

M. Morin (Louis-Hébert): D'un discours d'avril...

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Morin (Louis-Hébert): Non, mais excusez... D'un discours...

Le Président (M. Cardinal): Un instant!

M. Forget: M. le Président, il y a deux choses...

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous plaît! Je m'excuse.

M. Forget: II y a deux choses qu'il disait.

M. Bédard: Heureusement que vous n'êtes pas dans les négociations. Cela n'avancerait pas beaucoup.

Le Président (M. Cardinal): Non! À l'ordre, s'il vous plaît! Tout s'est bien déroulé jusqu'à présent. On va continuer. M. le député de Saint-Laurent a invoqué l'article 96.

M. Forget: M. le Président...

Le Président (M. Cardinal): L'article 96 vous permet...

M. Forget: Oh! Excusez. Je croyais que vous aviez terminé.

Le Président (M. Cardinal): ... lorsque vous avez prononcé un discours, sans interrompre le ministre qui l'a prononcé, vous avez le droit de rétablir les faits. Je cite la fin de cet article qui dit: "Les explications doivent être brèves et ne doivent apporter aucun élément nouveau dans la discussion et elles ne peuvent engendrer un débat." Je désire le souligner. Je ne voudrais pas qu'il y ait un débat entre M. le député de Saint-Laurent et M.

le ministre, en vertu de l'article 96. D'ailleurs, l'article 163 nous dit que les règles applicables à l'Assemblée nationale s'appliquent aux commissions parlementaires.

M. Morin (Louis-Hébert): Je retire mes paroles quant à cela.

Le Président (M. Cardinal): Vous n'avez pas à retirer quoi que ce soit, M. le ministre.

M. Morin (Louis-Hébert): Je regrette d'avoir dit qu'il neigeait.

Le Président (M. Cardinal): Bon! M. le député de Saint-Laurent, si vous voulez bien finir.

M. Forget: Oui, brièvement, M. le Président. Le Président (M. Cardinal): Oui, rapidement.

M. Forget: Je ne suis revenu là-dessus, M. le Président, que pour ajouter que je ne sais pas, comme je n'étais pas là, quelles sont les informations privilégiées que le ministre peut avoir et qu'il peut révéler ou ne pas révéler. Je ne peux que déduire de ses paroles hier qu'il nous annonçait qu'il nous parlait de choses moins connues, qu'il nous avertissait de la sûreté de sa mémoire et qu'il nous fournirait un certain nombre d'indications, ce qui nous portait à croire qu'il s'agissait là d'informations privilégiées.

Peut-être que ce n'en étaient peut-être pas, et à plus forte raison, M. le Président, si cela n'en était pas, par l'interprétation qu'il donnait aux événements, en donnant encore à croire qu'ils étaient basés sur une information que lui seul possédait, il avait tendance à leur donner une crédibilité qu'ils n'auraient pas dans d'autres circonstances. Alors, qu'il ait donné l'information ou non, il y a là un abus, je pense, d'une source privilégiée. Qu'il ait déclaré quelque chose qui n'était pas connu ou non, il reste qu'il donne l'impression qu'il nous a, pour la première fois, ouvert la porte du saint des saints, nous a permis de voir ce qui était inconnu du commun des mortels et qu'à cause de cette connaissance privilégiée il en arrive à des conclusions différentes de celles de certains d'entre nous. Je pense que c'est un abus d'une information privilégiée. Qu'on l'ait communiquée ou pas, je ne suis pas en mesure d'en juger, une enquête seule pourrait le déterminer.

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Morin (Louis-Hébert): Je suis d'accord avec tout cela.

M. Forget: Le deuxième point, mais très brièvement celui-là, j'espère, ce sont les citations qui sont faites d'un texte de février 1977, le rapprochement que le ministre en a fait d'une partie de notre déclaration préliminaire relativement aux conséquences possibles d'un référen- dum, à la responsabilité du référendum, à la situation créée par la tenue d'un référendum, et l'utilisation qui en a été faite dans une déclaration récente du ministre. Je m'étonne que le ministre cherche à éviter la responsabilité qui, nécessairement, incombe au Parti québécois, au gouvernement actuel, pour le référendum, qui est un événement politique sans aucun doute important. Je pense que le ministre sera d'accord avec moi là-dessus. Si c'est un événement important, il crée une situation. Il crée d'abord une situation avant le référendum et il crée une situation politique après le référendum. Il est tout à fait légitime d'attirer l'attention là-dessus. Pour ce qui est d'avant le référendum, je me suis expliqué là-dessus dans l'article de février 1977 qu'a cité le ministre et je crois toujours que tant que le référendum n'a pas eu lieu, on est dans une espèce de vacuum, de vide politique, puisqu'il est évident — le ministre lui-même l'a dit à plusieurs reprises — qu'il n'était pas intéressé à de véritables négociations avant le référendum sur les positions qu'il veut vraiment défendre, donc qu'il n'est pas intéressé à négocier sérieusement sur aucune position avant le référendum. Je me demande en vertu de quoi, dans un contexte comme celui-là, on pourrait s'attendre à des déblocages quelconques, à une évolution positive quelconque.

Bien sûr, il faudra décider, du côté du ministre, si les discussions ou les exercices constitutionnels actuels constituent un déblocage ou non. Je serais porté à croire qu'il est d'avis que ce n'est pas un déblocage. Je serais porté à être d'avis que, quant à moi, personnellement, aussi, ce n'est pas un véritable déblocage. Il s'agit là d'un effort pour démontrer que le mouvement est possible. Au moins cela est réussi, puisque le ministre a convenu tout à l'heure que, désormais, il paraissait irréversible que le Canada serait doté d'une nouvelle constitution.

M. Morin (Louis-Hébert): Mais laquelle?

M. Forget: Oui, laquelle? Mais c'est déjà un progrès par rapport à la position qu'il aurait tenue il y a deux ans, où il aurait dit qu'aucune espèce de modification n'est même envisageable.

M. Morin (Louis-Hébert): Je m'excuse. Je soulève une question de privilège.

M. Forget: II a fait maintenant cette concession qu'il y aura des choses qui seront possibles. C'est la limite de ce qui voulait probablement être accompli par le gouvernement fédéral.

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous plaît! M. le ministre, je m'excuse, je l'ai répété à plusieurs reprises, il n'y a pas de questions de privilèges en commission parlementaire.

M. Morin (Louis-Hébert): En tout cas! N'importe quel règlement, là...

Une voix: L'article 96.

M. Morin (Louis-Hébert): L'article 96? Bon!

Le Président (M. Cardinal): Non. Vous qui avez bonne mémoire... Non, non! Si vous avez tous bonne mémoire, vous vous rappellerez qu'hier j'ai indiqué que le ministre n'avait jamais besoin d'invoquer l'article 96 parce que, à tout moment, il a le droit de s'exprimer, sans limite de temps.

M. Morin (Louis-Hébert): Je veux juste dire que je n'ai jamais dit ce qu'il est en train de me faire dire et que je ne considère pas qu'il y a progrès quand le progrès consiste en un carcan comme pourrait l'être une nouvelle constitution dans les circonstances actuelles, dans la perspective fédérale. Fin de l'intervention, en vertu de l'article X.

Le Président (M. Cardinal): Merci. Laissez faire les articles, parce que...

M. Forget: Normalement, l'article 96 permet de faire des remarques après que les remarques qui y ont donné lieu sont terminées, mais je suis tolérant à cet égard, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Je vous remercie, M. le député de Saint-Laurent, de m'informer sur le règlement!

M. Forget: M. le Président, la dernière partie de la citation qui est attribuée non pas à moi, mais à M. Ryan, le chef actuel du Parti libéral...

M. Morin (Louis-Hébert): Actuel?

M. Forget: ... à savoir qu'il aurait dit exactement la même chose — est-ce qu'on peut avoir un peu d'ordre, s'il vous plaît? — que le ministre Morin a dite. Là-dessus, M. le Président, il ne faut pas pousser la naïveté trop loin de la part du ministre. Il sait très bien qu'il y a une différence considérable entre constater une conséquence possible d'un événement et, de façon partisane, vouloir grossir cette conséquence de manière à en faire l'équivalent d'une menace. La même différence était faite dans l'esprit du ministre, j'en suis sûr, lorsque l'on pouvait dire, à la veille de l'élection de 1976: Si vous votez pour le Parti québécois, vous allez voter pour un parti qui veut l'indépendance du Québec.

M. de Bellefeuille: Question de règlement.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Deux-Montagnes soulève une question de règlement.

M. de Bellefeuille: Je voudrais savoir en vertu de quel article du règlement le député de Saint-Laurent intervient à l'heure actuelle.

M. Forget: 96. Je l'ai dit au début.

Le Président (M. Cardinal): II continue sur 96. Il y avait deux points. Non, écoutez...

M. Forget: C'est le même point.

Le Président (M. Cardinal): C'est terminé?

M. Forget: Pas avec les interruptions que j'ai eues, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Un instant.

M. Paquette: Est-ce qu'on pourrait commencer?

Le Président (M. Cardinal): S'il vous plaît. J'ai cité l'article 96 tantôt.

M. Gratton: On va siéger ce soir.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Gatineau s'il vous plaît, ne revenez pas là-dessus. Cela a été décidé hier que c'était une autre séance.

M. Gratton: Le ministre est nerveux.

M. Morin (Louis-Hébert): Je ne suis pas nerveux.

Le Président (M. Cardinal): Je voudrais dire simplement ceci: J'ai cité l'article 96 quant au texte et j'inviterais M. le député de Saint-Laurent à conclure.

M. Forget: Je conclus, M. le Président. Je veux simplement souligner que nous pouvons condamner le ministre sans contradiction. Nous sommes d'accord avec lui que, bien sûr, un résultat négatif à un référendum pourrait donner à certaines personnes l'impression que le problème est réglé, mais l'histoire ne s'arrêtera pas le lendemain du référendum. Il y a d'autres possibilités qui existent d'action et ce n'est pas indifférent non plus quant aux conséquences qui vont résulter du référendum, la façon dont la question va être formulée et la possibilité qu'il y aura à travers cette formulation d'envisager des alternatives. Le gouvernement a une responsabilité très grande dans la formulation de la question d'éviter justement d'assumer cette responsabilité dont il menace les Québécois à l'heure actuelle. Cela devrait être un argument non pas pour faire voter les gens comme le gouvernement le veut, mais, au contraire, il devrait s'en inspirer pour formuler la question de façon que toutes les issues soient constructives.

M. Morin (Louis-Hébert): Parfait. C'est excellent ça.

Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le député de Saint-Laurent. Est-ce que nous commençons nos travaux?

M. Raynauld: M. le Président...

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le député d'Outremont.

M. Raynauld: ... j'avais demandé tout à l'heure à poser une question sur un sujet qui me paraissait assez important et je voudrais avoir l'occasion de poser cette question. Le ministre nous dit qu'il est d'accord avec les positions d'un certain nombre de Canadiens à savoir qu'un fédéralisme renouvelé authentique ne serait pas accepté par les autres provinces et le gouvernement fédéral. Comme il s'agit d'un fédéralisme renouvelé qui représente une transformation beaucoup moins profonde du régime politique canadien que la souveraineté-association, comment peut-il dire, d'un côté, que le fédéralisme renouvelé, authentique, ne sera jamais accepté par les Canadiens anglais et, en même temps, aller dire aux Québécois que sa souveraineté-association va être acceptée par les Canadiens anglais? J'aimerais savoir cela et, s'il s'agit de prétendre qu'avec la souveraineté-association on a plus de pouvoirs qu'à l'intérieur du fédéralisme, renouvelé ou non, à ce moment, cela veut dire qu'un régime de souveraineté-association va pouvoir imposer aux partenaires des choses que des compatriotes ne peuvent pas s'imposer les uns aux autres.

Là, je rappellerai seulement une petite citation d'Abraham Lincoln qui a dit: Comment se fait-il qu'il serait plus facile de passer des traités entre voisins que de passer des lois entre compatriotes? C'est cela, ma question.

Le Président (M. Cardinal): M. le ministre.

M. Morin (Louis-Hébert): C'est une question intéressante qui est en dehors du sujet, mais à laquelle je répondrai très brièvement par une autre citation prise ici: "Quoi qu'il advienne, le Québec doit retenir deux leçons des tentatives antérieures: pas de rapatriement sans une ouverture réelle vers un ordre constitutionnel mieux accordé à ses exigences légitimes et, surtout, pas d'engagement ferme sans que l'opinion publique ait clairement eu l'occasion de se manifester." Cela veut dire le facteur déterminant des prochaines années, des prochains mois, c'est le référendum. Si cela n'était pas déterminant, il n'y aurait pas tellement d'excitation du côté fédéral pour tout faire pour nous faire manquer notre coup, y compris entreprendre une propagande qu'on vient de déplorer, d'ailleurs, au Conseil de l'unité canadienne. (11 h 45)

C'était utile de le signaler en passant, propagande qui vise à montrer aux Québécois qu'ils sont nés pour un petit pain, qu'ils sont dépendants et qu'ils sont impuissants. Le référendum est un élément majeur de la dynamique politique, il n'y en a pas d'autres. C'est la seule réponse que j'ai pour le moment, le sujet n'étant pas, et n'essayez pas de le faire modifier, l'étude de la souveraineté-association, mais l'étude d'une proposition qui nous a été faite par le gouvernement fédéral, qu'on n'a pas demandée, à laquelle on participe honnêtement et pour laquelle on a présenté des positions que je proposerais, M. le Président, qu'on regarde à partir de maintenant.

Le Président (M. Cardinal): D'accord, M. le ministre. Je veux seulement, pour les prochaines heures que nous serons ensemble, non pas rappeler le mandat que j'ai souligné à trois reprises, mais à la première page du document que vous aviez remis à chacun des membres de la commission, on indique que treize textes ont été préparés en vue des travaux de cette commission. La commission peut les prendre un après l'autre ou les prendre en bloc, enfin, faire ce qu'elle désire. J'attendrais une collaboration particulière des membres pour que nous puissions observer le règlement et construire un débat d'une façon aussi élevée que, en général, cela s'est produit jusqu'à présent.

M. Paquette: M. le Président, question de directive. Je pense qu'on adopte un mode de procédure relativement en dehors des règles à cette commission. J'aimerais savoir si vous allez considérer chacun des treize points comme un sujet particulier, c'est-à-dire que chaque député aura un droit de parole de vingt minutes sur chacun des sujets.

Le Président (M. Cardinal): C'est une très bonne question. Nous faisons présentement du droit nouveau. Les commissions parlementaires avaient été prévues, à l'origine, pour étudier des projets de loi, article par article, des postes budgétaires, à l'occasion de la défense des crédits. Avec des commissions du genre où on étudiait les problèmes de la United Aircraft, Commonwealth Plywood, le problème constitutionnel, nous sommes obligés de procéder par analogie. C'est pourquoi je demande un avis à la commission, ne voulant pas faire un débat.

Je serais disposé à prendre chacun des points et à considérer que sur chaque point, l'article du règlement s'applique et que chaque député, sauf le représentant du gouvernement, a droit à vingt minutes, et par analogie avec l'article par article ou le poste budgétaire par poste budgétaire.

M. Roy: M. le Président...

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le député de Beauce-Sud.

M. Roy: Sur le point de règlement que vous venez de soulever...

Le Président (M. Cardinal): Ce n'est pas moi qui l'ai soulevé.

M. Roy: Non, mais sur le point de règlement qui a été soulevé, je pense qu'il faudrait tenir compte d'une situation. Selon les informations que je possède, les travaux de la commission parlementaire vont se terminer aujourd'hui. Nous avons treize points à étudier. Il serait bien important, à mon avis, que les différentes formations

politiques ici présentes puissent s'exprimer sur chacun des points. C'est évident qu'avec le règlement tel qu'il doit s'appliquer, vingt minutes pour chaque député, on va étudier deux points, trois points, et il va y en avoir huit, neuf ou dix qu'on ne pourra pas aborder.

Je me demande, pour le bénéfice de tout le monde, s'il n'y aurait pas lieu de faire un regroupement, diviser ça en une ou deux parties, c'est-à-dire les regrouper en une partie ou diviser en deux parties et en venir à une espèce de consensus pour limiter le temps et permettre d'aborder tous les sujets. C'est une suggestion que je fais.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Beauce-Sud, c'est une suggestion, ce n'est pas une motion; je préfère un voeu à une motion. Parce qu'un voeu n'est pas débattable, il est toujours accepté par la présidence. Dans le cahier que nous avons devant nous, nous avons treize sujets divisés en points a), b) et c), c'est-à-dire en trois groupes différents. Comme serviteur de cette commission, je me rendrai au voeu de la commission.

M. Forget: M. le Président, je me demande si ça ferait une grosse différence, parce que malgré tout, les sujets sont différents, même à l'intérieur d'une même catégorie. Je ne vois pas comment on peut en discuter par catégories sans se mélanger constamment, surtout dans la deuxième catégorie, le partage des compétences. Ce sont des compétences tellement incomparables, sur des sujets qui n'ont rien en commun, que je ne vois pas comment on peut en discuter ensemble.

Dispositions concernant la pratique du fédéralisme

Pouvoir de dépenser

Le Président (M. Cardinal): D'accord. M. le député de Saint-Laurent, vous avez répondu à la question. Parce qu'il suffit qu'un membre de la commission n'accepte pas une suggestion pour que nous tombions sous la règle générale. Je vais simplement appeler, pour autant qu'on puisse le faire dans une commission semblable, le premier sujet soumis à l'étude du comité ministériel fédéral-provincial qui porte un titre général, "Dispositions concernant la pratique du fédéralisme", mais qui, à la page 5, s'appelle "Le pouvoir de dépenser ".

Suivant la règle normale, est-ce que M. le ministre veut s'exprimer?

M. Morin (Louis-Hébert): Je veux m'exprimer, M. le Président, très brièvement. Vous avez un texte très bref que je pourrais lire, mais je n'ai même pas besoin de le faire. Je suppose qu'il a été lu. Si ce n'est pas le cas, il faudrait peut-être quand même qu'on le fasse.

Je vais seulement essayer de dégager la substance, ensuite de décrire notre position. Par la suite, on discutera. D'abord, qu'est-ce que le pouvoir de dépenser? Je le prends dans le livre blanc fédéral publié en 1969, sous la signature du très honorable Pierre Elliott Trudeau, cette définition: "En termes constitutionnels, l'expression "pouvoir de dépenser" a une signification qui est propre aux institutions canadiennes, savoir le pouvoir qu'a le Parlement de verser certaines sommes aux individus, aux organisations et aux gouvernements à des fins au sujet desquelles le Parlement canadien n'a pas nécessairement le pouvoir de légiférer." Ce qui est important, c'est "à des fins au sujet desquelles le Parlement canadien n'a pas nécessairement le pouvoir de légiférer."

C'est une très vieille question. Déjà, en 1969 — je ne veux pas révéler de secret d'État, mais c'est dans le rapport du secrétaire de la conférence constitutionnelle, qui est public — nous avons passé plusieurs semaines et plusieurs mois à discuter de cette question. Elle a bloqué à cause d'une chose sur laquelle je vais revenir tantôt. Mais, avant cela, quelles sont les positions traditionnelles du Québec?

Les positions traditionnelles du Québec, d'abord, prenons l'entonnoir. Au point de départ, il faut limiter le pouvoir de dépenser. Je pense bien qu'il n'y a pas de doute là-dessus. Tout le monde l'a dit. Même dans d'autres provinces, cela se dit, quoiqu'avec beaucoup moins d'intensité, certaines provinces, et c'est du domaine public, tenant au contraire à ce que le pouvoir de dépenser soit maintenu.

Ce pouvoir de dépenser, vous le savez, permet au gouvernement fédéral d'entreprendre des programmes conjoints, c'est-à-dire d'intervenir carrément dans la juridiction provinciale. La difficulté était, jusqu'à maintenant, et encore, que quand le gouvernement fédéral lance un programme comme celui-là, à l'envergure du Canada, si vous n'acceptez pas d'embarquer dedans, vous êtes privé de sommes auxquelles vous auriez droit normalement et vous êtes privé de sommes parce que vous respectez la constitution ou votre conception de la constitution du Canada. Cela a été le cas du Québec pendant les dernières années et pendant toutes les années de M. Duplessis, où le Québec a été pénalisé.

Les gouvernements qui se sont succédé ont pris des positions très claires à cet égard et elles sont résumées à la page 2; cela part de M. Duplessis à M. Lesage ensuite, etc., jusqu'à M. Bourassa. Et M. Bourassa a dit ceci: Ce pouvoir ne disparaîtrait pas complètement en ce qui concerne les domaines provinciaux, mais il ne serait exercé, par exemple, dans le cas du Québec, que si cette province y consentait expressément. Ceci revient à dire qu'il disparaît en réalité, puisque le pouvoir de dépenser doit nécessairement supposer l'acceptation de la province à laquelle s'adressent les sommes.

Nous avons, nous, comme position — elle est là en quatre lignes, elle est résumée parce qu'elle est très simple: Québec croit que le pouvoir fédéral de dépenser devrait être limité aux seules

matières énumérées de compétence fédérale exclusive ou concurrente, c'est-à-dire que nous ne voulons pas que le pouvoir fédéral de dépenser s exerce dans des domaines provinciaux, ce qui va à l'encontre, d'après nous, de l'autonomie provinciale.

En somme, le pouvoir de dépenser, c'est la permission qu'on donne à Ottawa d'intervenir, par ces priorités, dans des domaines provinciaux et de pénaliser les provinces qui ne veulent pas.

Mais il restait un problème, en 1969, très sérieux, ce qui n'a pas été résolu à l'époque et à propos duquel il y a eu beaucoup de discussions. Comment une province manifeste-t-elle son désaccord? Comment décide-t-elle qu'elle ne participe pas à un programme dit fédéral-provincial? Et deuxièmement, le cas échéant, si elle ne participe pas, comment se verse la compensation à laquelle elle a droit?

S'il s'agit d'un programme de $1 milliard dont le Québec aurait 25%, c'est $250 millions. Si le Québec ne veut pas participer à ce programme, le Québec va-t-il perdre $250 millions, purement et simplement, qui vont aller ailleurs au Canada ou qui n'iront nulle part? S'il ne perd pas, c'est-à-dire que si on décide que le principe est que la province ne doit pas être pénalisée parce qu'elle exerce son droit constitutionnel, à qui va le montant de $250 millions?

Il y a eu plusieurs propositions faites à cette époque. Le fédéral, à l'époque, en favorisait une qu'il a mise en oeuvre d'ailleurs et qu'il a appliquée, il y a quelques mois, à l'occasion de I histoire de la taxe de vente, c'est-à-dire de remettre aux citoyens les sommes qu'il aurait versées au gouvernement pour établir un programme conjoint. Cette façon de voir les choses a toujours été refusée par l'ensemble des provinces et elle l'est encore aux nouvelles publiques. Je ne donne pas de position récente, puisque je n'ai pas le droit. Mais cette position n'est pas celle qui est favorisée et qui était favorisée, jusqu'à ce que la conférence constitutionnelle commence, par les provinces.

Deuxièmement, qui détermine et comment se détermine le refus? Il y a eu aussi des propositions fédérales à l'époque dans ce livre, je ne veux pas tout le résumer. On demandait quasiment aux provinces de réunir l'Assemblée nationale et de faire décider l'Assemblée nationale ou, encore, on a aussi proposé une méthode en vertu de laquelle ce seraient les divisions sénatoriales qui se présenteraient et qui se prononceraient; en somme, une méthode très compliquée de refus, telle que cela posait l'odieux à une province d'exercer son droit constitutionnel.

Nous avons alors décidé comme position, imitant en cela nos prédécesseurs, que pour le pouvoir de dépenser, le principe est — et cela est très clair — qu'il ne s'applique pas dans les domaines provinciaux.

Deuxièmement, ce que nous avons dit, c'est que l'argent dont une province serait ainsi privée va au gouvernement de la province qui l'utilise à des fins qui lui semblent convenables selon ses priorités. De deux choses l'une: nous vivons dans un système fédéral ou non. Si nous vivons dans un système fédéral, il doit y avoir ce qu'on appelle l'autonomie des États membres. À ce moment-là, les États membres ont à utiliser comme ils le veulent et selon leurs priorités — si cela ne fait pas, les gens les mettront dehors, les gouvernements qui prendront une mauvaise décision — les sommes qui seraient ainsi disponibles. Ou on ne vit pas en régime fédéral et, à ce moment, le gouvernement central peut justement intervenir dans les compétences provinciales. Nous n'acceptons pas cette deuxième façon de voir les choses.

Notre proposition est donc là. Il reste un problème à résoudre. Nous refusons donc le pouvoir de dépenser dans les domaines qui sont de compétence provinciale et nous avons demandé que la compensation s'effectue à la province elle-même, au gouvernement lui-même, et, troisièmement, que la décision de ne pas participer à un programme soit celle du gouvernement purement et simplement. En démocratie, c'est ainsi que les choses doivent fonctionner. Cela est notre position. Je serais intéressé à savoir ce que les autres pensent de cette position, ce qu'ils ont à en dire.

Le Président (M. Cardinal): D'accord, M. le ministre, merci. Je souligne au début de ces travaux précis sur ces treize articles ou sujets que j'appliquerai aussi strictement que possible et avec le plus de justice possible le règlement. C'est donc 20 minutes par député sur chacun des sujets.

M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Pour obtenir un peu plus d'information, M. le Président, j'aimerais poser des questions au ministre. Il m'en vient au moins trois à l'esprit.

Si je comprends bien, le gouvernement du Québec, dans cette discussion, aborde le problème de la limitation du pouvoir de dépenser comme un problème ad hoc, c'est-à-dire comme un problème particulier et non pas comme une application particulière d'un problème plus général quant à la nature, à la qualité de la répartition des compétences.

Le Président (M. Cardinal): Me permettez-vous, M. le député de Saint-Laurent et M. le ministre? Est-ce qu'on pourrait, si la commission est d'accord, poser toutes les questions dans le temps qui est imparti sur ce sujet? M. le ministre a toujours le droit de réplique ensuite, si on peut appeler cela un droit de réplique, non pas au sens textuel, sans quoi le temps va devenir quelque chose de joliment difficile à tenir.

M. Forget: D'accord.

Première question: Est-ce que c'est une solution ou une cheville carrée pour un trou carré, si vous voulez, une solution ad hoc au pouvoir fédéral de dépenser ou si c'est inspiré par une conception plus générale de la nature de la répartition des compétences? Si je comprends bien, les

articles 91 et 92 sont interprétés par les tribunaux comme une répartition des compétences législatives. On pourrait imaginer leur équivalent pour la répartition des compétences fiscales et les compétences administratives, etc. C'est donc une réponse particulière.

M. Morin (Louis-Hébert): Est-ce que je peux vous interrompre parce que je ne comprends pas?

M. Forget: Est-ce que la solution à ce problème du pouvoir fédéral de dépenser, vous la présentez comme une solution qui vaut elle-même, pour ce problème particulier, la limitation du pouvoir fédéral de dépenser dans les champs de juridiction provinciale, ou si c'est présenté dans un contexte plus large où l'ensemble du problème de la distribution des compétences, de façon plus générale, est abordé? Comme vous le faites verbalement plutôt que par un document écrit, j'ai l'impression que vous allez me répondre que c'est dans le contexte d'une solution ad hoc à ce problème particulier.

M. Morin (Louis-Hébert): Si vous connaissez la réponse...

M. Forget: J'ai dit que je présume, mais je n'en suis pas sûr. Je vous demande de confirmer. Comme vous ne comprenez pas la question, j'essaie de me rendre plus explicite.

M. Bédard: Comme les autres provinces, comme nos prédécesseurs.

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous plaît!

J'accorde à chaque député 20 minutes et je voudrais que les autres écoutent pendant que le député s'exprime.

M. Morin (Louis-Hébert): Oui, monsieur.

M. Forget: Réellement, pour ce qui est des modalités de la compensation, vous avez donné des indications à savoir que le paiement se ferait non pas aux résidents — ce ne serait pas analogue aux $85 récents — mais que cela se ferait au gouvernement. (12 heures)

Est-ce que vous pourriez enrichir cette description des modalités en nous donnant des indications quant au mode de calcul de cette compensation? Il y a plusieurs possibilités auxquelles on peut penser de ce côté. Est-ce que vous êtes allés à ce niveau de détail? Deuxièmement, vous avez parlé des modalités du refus. Vous avez dit: On peut envisager deux façons, soit les divisions sénatoriales, un processus qui avait été envisagé lors de la ronde de discussions interprovinciales de 1976, ou alors que chaque province décide, chacune pour elle-même, si elle veut se joindre ou non, une espèce d'opting-in en quelque sorte au pouvoir de dépenser. Est-ce que c'est l'essentiel de votre réponse ou est-ce qu'il n'y a pas, en somme, deux questions qu'il faudrait distinguer? Il y a d'abord la question de savoir si le programme fédéral de dépenses dans un domaine particulier, au niveau canadien, devrait être autorisé ou non par un consensus quelconque, une majorité qualifiée des provinces pour pouvoir devenir opératoire. Deuxièmement, même s'il devient opératoire, la possibilité de ne pas y participer, malgré tout, d'une province qui aurait exprimé un avis défavorable. Il me semble que la distinction qu'a faite le ministre en disant: On veut que ce soit le régime fédéral qui prévale n'est une réponse qu'à la deuxième question. Est-ce qu'une province, compte tenu que le programme fédéral de dépenses dans un domaine X existe, va participer ou non? L'autre question à laquelle s'adressait, dans le fond, l'exercice de 1975-1976 était de savoir: Est-ce que même le pouvoir du gouvernement et du Parlement fédéral d'édicter un programme de dépenses ne devrait pas être soumis à une modalité, à un processus de décision faisant intervenir les provinces, ce qui est un autre problème entièrement?

M. Morin (Louis-Hébert): Cela vient de me faire penser à quelque chose.

Le Président (M. Cardinal): M. le député.

M. Forget: Pour l'instant, ce sont les trois seules questions que j'ai modestement.

Le Président (M. Cardinal): D'accord. Alors, M. le ministre.

M. Morin (Louis-Hébert): Je lui réponds maintenant et, ensuite, aux autres?

Le Président (M. Cardinal): D'accord, nous allons faire le tour.

M. Morin (Louis-Hébert): Parfait, excellent. Il s'agit, à la première question, d'une solution ad hoc, puisque le problème est posé ad hoc. La liste des sujets que nous avons ici est un peu disparate; elle n'est pas arrivée nécessairement selon un ordre logique énoncé par M. Trudeau. D'ailleurs, sur place, deux provinces ont ajouté trois sujets. M. Trudeau en a ajouté un autre le soir au dîner. Donc, il n'y a pas de grande philosophie derrière cette liste. Ce sont des sujets qui sont arrivés comme cela. Cela aurait pu en être d'autres. Donc, c'est une solution ad hoc pour le problème qu'on nous pose et qui se pose à l'ensemble des provinces du Canada. Elle est fondée — je tiens à le signaler — sur une conception du fédéralisme que vous connaissez, à l'intérieur du système actuel, et qui est celle de la continuité québécoise. Je pense que cela répond à la première question. Quel est le mode de calcul à être utilisé? C'est assez simple. On n'a pas besoin de se compliquer la vie. Il y a toutes sortes de modes de calcul. Là, on pourrait très bien compliquer les choses et mêler tout le monde, mais je ne veux pas le faire. On peut très bien prendre la portion du programme qui aurait été attribuée à la province si elle avait

participé. C'est la méthode qui a été utilisée pour les programmes conjoints en 1965; cela peut très bien être cette méthode. Je pense qu'elle a fait ses preuves. C'en est une. Il peut y en avoir d'autres plus mécaniques, comme la proportion de la population, sauf que cela peut être injuste dans un sens ou dans l'autre. Si c'est un programme de soutien au blé, si le Québec demande sa part selon la proportion de la population, les gens vont chialer, avec raison. Vous voyez le genre!

Comment se manifeste le refus? Vous avez soulevé un grand problème. C'est à cela que vous m'avez fait penser, parce que c'est justement une des possibilités. Nous pensons que le refus doit être exprimé par le gouvernement de la province concernée. C'est sa responsabilité. Cependant, il y a une suggestion qui circule. À toutes fins utiles — vous allez voir juqu'à quel point les questions sont reliées les unes aux autres, malgré tout — il a été suggéré à quelques reprises que le mode de refus s'exprime — j'ai parlé de divisions sénatoriales tantôt, mais il y a une chose aussi que je n'ai pas mentionnée — de la même façon que s'exprimerait un amendement constitutionnel, c'est-à-dire par une majorité qualifiée de provinces. En d'autres termes, on appliquerait peut-être — c'est une possibilité — au refus d'un programme dit national ou pancanadien, la même méthode que celle qu'on appliquerait à l'amendement constitutionnel. Cela permet de voir jusqu'à quel point les modalités qui pourraient être retenues sur l'amendement constitutionnel sont "gelantes", si je peux m'exprimer ainsi, et peuvent être un carcan. Ce ne sont pas celles que nous acceptons. Nous n'acceptons donc pas celles-là.

En réponse aux questions — je me résume — c'est une solution ad hoc pour un problème qui nous a été posé ad hoc, mais fondé sur une conception du fédéralisme qui prévaut au Québec. Deuxièmement, le mode de calcul. Il y en a un qui a été utilisé en 1964/65 qui peut très bien valoir encore avec les modifications qu'il faut selon les cas en cause. Troisièmement, le refus se manifeste par le gouvernement. Vous n'avez pas soulevé un autre problème qui est important. C'est: Comment se fait le remboursement? Je réponds: II se fait, d'après nous, au gouvernement du Québec. Devant les trois ou quatres questions que vous avez posées, je vous en pose une maintenant et j'aimerais bien avoir une réponse: Croyez-vous que le gouvernement fédéral peut dépenser de l'argent dans des domaines provinciaux?

M. Forget: Nous ne sommes pas ici pour répondre aux questions.

Des voix: Ah!

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre! Le gouvernement peut quand même provoquer l'Opposition par des questions, mais...

Des voix: Ils ne veulent pas.

Le Président (M. Cardinal): ... c'est à l'exécu- tif de répondre devant une commission parlementaire.

M. Morin (Louis-Hébert): Vos prédécesseurs le savaient.

Le Président (M. Cardinal): L'Opposition peut répondre.

M. Morin (Louis-Hébert): M. Lesage le savait, lui.

M. Bédard: On va se fier aux prédécesseurs.

M. Forget: On ne sait pas ce qu'est la souveraineté-association. C'est une grosse différence. Il n'y en avait pas avant.

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Morin (Louis-Hébert): Ce n'est pas ce dont on parle.

M. Bédard: Ce n'est pas ce dont on parle. C'est un autre débat, cela.

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous plaît! Je vais reconnaître maintenant un représentant de l'Union Nationale.

M. Biron: M. le Président, je voulais presque apporter sans le savoir la réponse à la question du ministre. Le pouvoir de dépenser du gouvernement fédéral, bien sûr, cela aide ou cela peut établir certaines priorités communes et faire un certain équivalent à travers les provinces. Mais lorsque le gouvernement fédéral intervient dans un domaine qui est strictement de compétence provinciale, il peut aussi faire en sorte que la province doive changer ses priorités à la dernière minute. On l'a d'ailleurs vu dans le cas de la taxe de vente provinciale en particulier. C'est peut-être tout simplement la réponse la plus logique possible à la question du ministre qui dit que lorsque le gouvernement fédéral intervient dans une compétence d'un autre gouvernement et qu'il force l'autre gouvernement à changer toutes ses priorités, on doit refuser, à mon point de vue, toute intervention du gouvernement fédéral dans des domaines qui sont de compétence provinciale. Ce serait tout simplement faire le jeu de changer les priorités à la dernière minute. Finalement, une province avec une intervention fédérale, ce n'est peut-être pas si mal mais lorsqu'on en vient à cinq, dix ou 25 interventions du fédéral, il n'y a plus aucune priorité qui peut tenir au niveau des gouvernements provinciaux. Je crois qu'à la fois M. Duplessis et M. Lesage ont compris les premiers cette attitude-là des gouvernements fédéraux à l'époque et se sont opposés à des interventions du gouvernement fédéral dans des domaines de juridiction provinciale.

On parle aussi de remettre ces sommes. Je pense que c'est un point important que le député

de Saint-Laurent, d'ailleurs, a aussi touché, de même que le ministre. Si le gouvernement fédéral veut intervenir dans un domaine en particulier et que cela revient aux provinces ou à la province d'accepter ou pas, on peut être devant une situation où il y aura neuf provinces, cinq provinces ou quatre provinces qui vont accepter de laisser une intervention du gouvernement fédéral parce que cela fait leur affaire au point de vue priorité. Je pense bien que le Québec n'a pas le droit de s'opposer à ce que cela fasse l'affaire de l'Île-du-Prince-Édouard d'accepter une intervention du gouvernement fédéral. On n'a pas le droit de s'opposer à cela. Mais il ne faut pas que ce soit non plus au détriment des "payeurs de taxes" du Québec. Cela revient, à mon point de vue, au gouvernement de la province — qu'on l'aime ou pas, le gouvernement, c'est lui qui a démocratiquement été élu à la tête de la province pour gouverner, et trois ans, quatre ans, cinq ans après, si les citoyens ne sont pas contents, ils changeront le gouvernement — sans complication aucune par des représentations régionales au Sénat ou autrement de décider.

Je ne crois pas non plus que cela revienne à la compétence des assemblées législatives ou de l'Assemblée nationale de prendre des décisions sur chacun des points. Je pense bien qu'en régime démocratique, le gouvernement est élu, et au nom de l'efficacité aussi, c'est au gouvernement de décider. Si la population n'est pas contente, elle saura quoi faire à l'élection qui viendra. Mais une fois que le gouvernement d'une province a décidé de refuser l'intervention du gouvernement fédéral dans un domaine, un point bien précis, je crois que les sommes d'argent devraient être remises au gouvernement de la province pour qu'il puisse les appliquer selon ses priorités, toujours en disant que si les citoyens ne sont pas contents, ils prendront la décision lorsque le temps des élections viendra. Le fait de remettre directement de l'argent à chacun des citoyens d'une province lorsqu'un gouvernement provincial a refusé une intervention du fédéral, je juge cela ridicule. Ce qui est arrivé dans la question de la taxe de vente fédérale, cela a été tout simplement d'un ridicule consommé de faire parvenir des chèques à tous les citoyens. Et le gouvernement du Québec, le gouvernement de la province — cela aurait pu être une autre province aussi — est obligé de percevoir ces sommes d'argent six mois, un an ou deux ans plus tard.

Je pense bien que, si l'on fonctionne dans un régime démocratique, on a confiance aux gouvernements qui sont là et on a confiance au bon jugement de la population pour les élire ou les changer. Si l'on a confiance à ce régime-là, si une ou des provinces refusent l'intervention du gouvernement fédéral dans certains domaines, ces sommes doivent être remises au gouvernement de la province concernée pour que ce gouvernement concerné puisse les distribuer à son gré ou selon ses priorités.

Maintenant il s'agit de savoir, et je pense que c'est un point important qui a été apporté tout à l'heure par le député de Saint-Laurent, comment ces sommes vont être calculées. Est-ce que cela va être sur la base des citoyens, sur la base des taxes payées par la province, selon les douanes sur certains produits s'il arrive une priorité que le gouvernement fédéral veut établir, qu'on ne sait pas encore, mais qui va sur un produit qui serait à peu près totalement importé? C'est possible. Il s'agirait de définir certains paramètres dans les négociations pour faire en sorte qu'on puisse s'entendre sur une façon de redistribuer ces sommes d'argent. Certaines provinces, les provinces riches en particulier, qui paient plus d'impôt vont peut-être dire qu'il faut que cela soit redistribué selon les sommes d'argent payées. D'autres provinces plus pauvres vont dire que cela doit être selon le nombre de citoyens. D'autres peuvent dire que, si l'on intervient dans le domaine économique, en particulier vis-à-vis des entreprises, c'est au niveau des taxes payées par les entreprises. Il y aura lieu, dans les discussions futures, lorsqu'on en viendra à appliquer une telle philosophie, de discuter de ces différents problèmes.

M. le Président, je redis en terminant que le gouvernement fédéral doit dépenser de l'argent dans des zones de sa compétence, ne doit jamais intervenir lorsque c'est de juridiction provinciale. Il peut intervenir, bien sûr, lorsque c'est de juridiction concordante, à la fois du gouvernement fédéral et provincial, mais doit respecter l'acceptation ou le refus, lorsqu'il décide d'intervenir, du gouvernement de la province concernée. Il doit remettre les sommes d'argent nécessaires au gouvernement de la province concernée afin de respecter les priorités définies par les différents gouvernements.

Mais je pense bien que dans ce cas, comme dans tous les autres cas qui vont venir, il faut peut-être s'en tenir à une décision de principe, parce que cela ne revient pas à cette commission de l'Assemblée nationale de négocier à la place du gouvernement. Le gouvernement a été élu et c'est sa responsabilité d'agir comme un bon gouvernement provincial et de négocier les décisions ou les principes acceptés par l'Assemblée nationale ou par la commission de l'Assemblée nationale, mais ce n'est pas à nous de négocier chacun des points en détail. Je pense bien qu'une fois que la commission s'est prononcée sur un principe cela revient au gouvernement de prendre ses responsabilités et d'aller au bout. Nous de l'Union Nationale en particulier sommes donc contre toute intervention du gouvernement fédéral dans les domaines qui ne sont pas de sa juridiction. Il faut limiter réellement le pouvoir de dépenser et que le gouvernement fédéral respecte l'autorité des provinces au niveau de son pouvoir de dépenser.

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le député de Vanier.

M. Bertrand: En vertu de l'article 100, puis-je poser une question au chef de l'Union Nationale?

Le Président (M. Cardinal): S'il désire y répondre.

M. Bertrand: Elle est simple, mais pour mol elle est Importante. Je voulais simplement demander au chef de l'Union Nationale pourquoi II accepte de répondre aussi clairement à la question que le ministre lui pose, à savoir si oui ou non il considère que le fédéral peut dépenser dans des champs de juridiction strictement provinciale.

M. Biron: Parce que notre position, sur les problèmes constitutionnels, est établie clairement et on peut se fier sur cette position qui a été établie.

M. Bertrand: Et cela ne vous gêne pas de le faire en commission parlementaire!

M. Biron: Pas du tout.

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous plaît! Ne dépassez pas... Parce que c'était une question...

M. Morin (Louis-Hébert): Je pense, M. le Président, qu'on n'a jamais besoin d'être gêné quand on est en faveur du bon sens!

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous plaît! Oui, M. le député de Gatineau. Sur une question de règlement, ou une intervention?

M. Gratton: Je voulais simplement dire que nous poumons facilement, nous, du Parti libéral, répondre à la question du ministre. On y mettrait beaucoup plus de temps et de nuances que ne le souhaiterait peut-être le ministre!

Le Président (M. Cardinal): Bon, d'accord. Avant que je donne la parole à M. le ministre, je veux éviter un incident comme celui d'hier. En vertu de l'article 150, alinéa 1, de notre règlement sessionnel, les commissions élues peuvent siéger en tout temps lorsque l'Assemblée n'est pas en session ou lorsqu'elle a ajourné ses travaux pour plus de cinq jours. C'est notre situation. Une décision a été rendue hier. (12 h 15)

L'alinéa 2 du même article ne s'applique pas. Nous ne pouvons pas siéger après minuit à moins d'un consentement unanime. Je voudrais éviter qu'il y ait une motion qui nous ferait perdre du temps. Oui, M. le député de Vanier.

M. Bertrand: Du côté gouvernemental, on serait intéressé à étudier cela le plus longtemps possible, prendre tout le temps nécessaire aujourd'hui. On n'a pas d'objection à se rendre à 13 heures.

Le Président (M. Cardinal): Est-ce que tout le monde est d'accord pour que nous siégions jusqu'à 13 heures? Ce qui veut dire que je suspendrai jusqu'à 15 heures. Accepté, merci à tous. M. le ministre.

M. Morin (Louis-Hébert): Très brièvement, M. le Président, je le rappelle parce que c'est bon de temps en temps, je pense que la position du chef de l'Union Nationale est vraiment une position de bon sens dans le régime actuel, compte tenu des aspirations normales du Québec jusqu'à maintenant, historiquement. Je rappelle à cet égard un texte de 1966 de Daniel Johnson: Le Québec souhaite que l'on comprenne une fois pour toutes que pour des raisons socio-culturelles, il tient de façon absolue et intégrale au respect de ses compétences constitutionnelles et qu'il n'accepte à leur propos aucune ingérence fédérale directe ou... Et cela continue sur le pouvoir de dépenser. Je vous fais grâce de la suite. C'est à la page 6 d'un document qui s'appelle: Le gouvernement du Québec et la constitution. Je remercie le chef de l'Union Nationale de cette prise de position.

Je réponds à une question technique sur la compensation. Il n'y a pas vraiment de problème en ce qui concerne la compensation. Nous nous étions posé la même difficulté en 1965 pour savoir quel type de compensation s'appliquerait aux programmes conjoints dont nous devions nous retirer. À ce moment le principe a été retenu que le Québec avait droit aux sommes qu'il aurait reçues s'il avait participé aux programmes. Cela peut se calculer. Il n'y a aucune difficulté. Cela fait — 1965 — quatorze ans que cela dure et il n'y a jamais eu de drame. Maintenant, il y aura peut-être des cas particuliers. Si c'est un programme de soutien, je ne sais pas, moi, à la pèche à la baleine, je ne sais plus, mais ce n'est pas cela qui devrait nous arrêter. Maintenant, sans dévoiler le secret des discussions à huis clos, nous ne sommes pas entrés dans des considérations techniques comme celle-là sur le calcul de la compensation. Sur le type de compensation, c'est un autre problème. En terminant cette intervention, à la suite de ce que le chef de l'Union Nationale a dit, je redemande au député de Saint-Laurent, s'il est d'accord que le gouvernement fédéral dépense dans des domaines de compétence provinciale.

M. Forget: M. le Président, c'est un peu avec amusement que je vois les efforts désespérés du ministre pour obtenir des réponses parce que, tout à l'heure, il protestait fortement...

M. Morin (Louis-Hébert): Ce sont "les efforts désespérés" qui m'amusent, moi.

M. Forget: ... à savoir qu'il ne souhaitait pas, il ne souhaitait rien de tel qu'un front commun. Ce genre de question nous montre très clairement qu'il brûle d'avoir un appui ou d'avoir une confirmation sur chacun des points détaillés, qu'il ne peut pas en avoir, ou Dieu sait quoi. M. le Président, il y a une question préalable à celle que pose le ministre, c'est qu'il a affirmé qu'il défendait la position traditionnelle du Québec, et nous avons dit dans nos remarques initiales que c'était beaucoup une question d'interprétation. Il me semble personnellement là-dessus, il faudrait peut-être que je me livre à un travail d'archives, mais mes impressions, malgré tout, sans être aussi fortes,

aussi fidèles que celles du ministre, parce que je ne me souviens pas s'il neigeait ou s'il faisait soleil ce jour-là, sont que je me souviens malgré tout que j'ai siégé à un comité ministériel du précédent gouvernement sur les questions constitutionnelles.

Dans ce cas, je pense que le ministre n'aura rien à me reprocher. Il me semble que la position qui a été celle du gouvernement précédent relativement au pouvoir de dépenser allait plus loin que celle actuellement défendue par le gouvernement, et c'était la nature de la troisième question que je lui posais tout à l'heure, dont il a dit: C'est une question intéressante... Mais ce n'était pas seulement intéressant, c'était aussi une question de divergence possible entre la position qu'il a prise et la position du gouvernement précédent. Essentiellement, c'est ceci: II ne s'agit pas seulement de savoir si le Québec, par exemple, va participer ou non à un programme de dépenses fédérales, à un programme conjoint, comme on les a appelés. Il s'agit de savoir également si l'exercice par Ottawa de son pouvoir de dépenser dans des domaines où il n'a pas la compétence législative doit être astreint à des restrictions ou à des modalités, à des formalités d'approbation de la part des provinces. Ce sont deux questions.

L'impression que j'ai, encore une fois, c'est que là où le gouvernement précédent a pris position relativement à cette question, c'est que l'on voulait astreindre l'exercice du pouvoir fédéral de dépenser vis-à-vis de toutes les provinces ou de chacune d'elles prise individuellement à un mécanisme d'approbation des provinces. Le gouvernement actuel semble dire que c'est un problème où chaque province doit prendre sa décision quant à elle-même.

Mais ce n'est pas pareil, parce que la question qui est préalable, c'est de savoir s'il doit y avoir un programme fédéral de dépenser dans tel ou tel domaine. Dans cette décision, est-ce qu'on a affaire à une décision purement fédérale ou à une décision fédérale-provinciale, dans le fond? Je pense que, de ce côté, la position traditionnelle du Québec, dans la mesure où on veut dire que la tradition s'est créée par un événement qui était une position élaborée en 1976, tendait à nous rapprocher d'une solution où le pouvoir fédéral lui-même devenait fédéral-provincial, et pas seulement l'exercice du refus ou de l'acceptation par une province d'un programme de dépenses qui est déjà décidé.

M. Morin (Louis-Hébert): M. le Président...

Le Président (M. Michaud): M. le ministre, avez-vous un commentaire?

M. Morin (Louis-Hébert): Oui, j'ai des précisions amusantes. Sur la décision prise par le Conseil des ministres de l'ancien gouvernement, à Saint-Félicien, il y a un texte qui a été publié à l'époque. Je suis absolument atterré de constater que, sur le pouvoir fédéral de dépenser — je vais vous le lire dans une seconde — il n'y a qu'à peu près quatre lignes.

M. Forget: Cela s'ajouterait à vos quatre lignes.

M. Morin (Louis-Hébert): C'est assez inquiétant, par rapport aux remarques qui ont été faites.

M. Forget: C'est un communiqué de presse, ça?

M. Morin (Louis-Hébert): Dans ce temps-là, vous en faisiez beaucoup, oui.

M. Forget: Oui, mais ce n'est pas un document, justement, de négociation.

M. Morin (Louis-Hébert): Je lis le texte. M. Forget: II y a une certaine nuance.

M. Morin (Louis-Hébert): "Une garantie constitutionnelle relative au pouvoir de dépenser du gouvernement fédéral qui pourrait s'inspirer des propositions faites par le gouvernement fédéral sur ce sujet en 1969." C'est ce que vous disiez. Il y a un commentateur très connu qui continuait: "Cette condition est importante. Si le Québec pouvait obtenir, à ce sujet, des garanties constitutionnelles nettes, il ferait un pas capital, car un grand nombre de difficultés sont venues du pouvoir fédéral de dépenser depuis le dernier conflit mondial." C'est ce que je dis depuis ce matin. "En matière de remboursement aux provinces qui refuseraient de participer à un programme à frais partagés, les propositions fédérales de 1969 comptaient toutefois un élément peu intéressant. Ottawa tenait à rembourser, dans ces cas, les citoyens eux-mêmes d'une province non participante, non le gouvernement de la province intéressée. Cela comporte un risque de chantage évident et permanent." M. le député de Saint-Laurent, qu'est-ce que vous pensez de cette expression d'opinion?

M. Forget: Oui, mais cela ne répond pas à ma question, M. le Président.

M. Gratton: M. le Président...

M. Morin (Louis-Hébert): Cela ne répond pas à la mienne non plus.

Une voix: M. Ryan.

M. Forget: Tout le monde sait qu'il y a eu des problèmes avec le pouvoir de dépenser. C'est de l'histoire ancienne. Mais quel est précisément...

M. Morin (Louis-Hébert): Non, c'est de l'histoire très actuelle.

M. Bédard: C'est actuel, on en discute, c'est un des points.

M. Forget: Elle est aussi actuelle, parce que cela n'a pas été résolu, mais ça fait longtemps qu'on en parle. Donc, on n'a pas besoin de s'entretenir pendant une heure sur cette question.

En termes de solution, est-ce que c'est une solution qui vise à un pouvoir conjoint d'Ottawa et des provinces quant au pouvoir fédéral de dépenser ou s'il s'agit simplement d'un pouvoir d'abstention, en quelque sorte, des provinces prises individuellement? Il me semble, encore une fois, que la position actuelle, pour autant qu'il y en ait une, au-delà des quatre lignes qui sont dans le texte qu'on nous a remis, comme le ministre l'a dit, vise simplement à régler le problème pour une province, pour les provinces prises une à une, mais qui ne vise pas à modifier ou à qualifier le pouvoir de décision du Parlement fédéral relativement à des programmes de dépenses, en dehors des champs de compétence législative d'Ottawa.

M. Gratton: Bravo!

M. Morin (Louis-Hébert): Très brièvement, je m'excuse, mais la position prise par les gouvernements antérieurs à ce sujet-là et le vôtre visait à régler le problème de fond dont vous parliez, le principe étant que le gouvernement fédéral n'intervient pas dans des domaines de compétence provinciale par son pouvoir de dépenser. C'est ça, la difficulté. Je vois mal comment on nous demanderait maintenant, alors que cela ne s'est jamais fait avant, que cela n'a jamais été la position, de régler le problème des autres provinces, alors que c'est du nôtre qu'il est question.

Cette position qui a été prise antérieurement, c'est celle que nous avons répétée et j'ai des textes de 1976 qui confirment la position dans ce sens. Je ne voudrais pas qu'on mêle le sujet. La question, ce matin — le chef de l'Union Nationale a parfaitement raison; on n'est pas pour entrer dans toutes les technicités — c'est de savoir: Pensez-vous que le gouvernement fédéral a le droit d'intervenir dans des domaines de compétence provinciale par son pouvoir de dépenser? C'est ça, la question de substance. Le reste, c'est de la dentelle, dans une certaine mesure.

M. Forget: Une fois qu'on a dit non, on n'a rien réglé.

M. Morin (Louis-Hébert): Êtes-vous d'accord pour dire non?

M. Forget: Si c'est comme ça que vous arrivez à une conférence, que vous parlez de principes généraux...

M. Morin (Louis-Hébert): Non, je m'excuse.

M. Forget: ... et de "motherhood statements", vous n'irez pas très loin.

M. Morin (Louis-Hébert): Non, non, non. Bien, je m'excuse, on en a parlé très longuement à la conférence, mais ce qui m'inquiète... De deux choses l'une: ou bien vous ne savez plus ce que vous voulez à ce sujet, ce qui est fort inquiétant...

M. Raynauld: Ne vous inquiétez pas.

M. Forget: Je me demande si vous le savez vous-même.

M. Morin (Louis-Hébert): Si vous le savez, c'est quoi?

M. Gratton: M. le Président...

Le Président (M. Michaud): Messieurs, nous avions un ordre préétabli...

M. Morin (Louis-Hébert): Oui, c'est vrai, ça.

Le Président (M. Michaud): Le député de Lotbinière, chef de l'Opposition de l'Union Nationale, avait terminé son droit de parole.

M. Biron: J'avais posé une question au ministre. J'attendais sa réponse. Je veux tout simplement terminer en disant ceci: La position de l'Union Nationale, ce n'est pas de dire oui au Parti québécois comme tel, mais de dire oui à une position traditionnelle du Québec.

M. Morin (Louis-Hébert): C'est cela. C'est cela qui est intelligent.

M. Biron: Cette position, traditionnellement, l'Union Nationale l'a eue depuis M. Duplessis. Elle n'a pas changé. L'Union Nationale au pouvoir, l'Union Nationale dans l'Opposition officielle ou l'autre opposition après, la position de l'Union Nationale n'a pas changé. On a dit oui à une position du Québec. Et on a été heureux dans le fond, à la fois M. Lesage et M. Bourassa ont conservé à peu près la même position. C'est dire oui à une position du Québec, et c'est important.

En terminant, je voudrais dire au député de Saint-Laurent qu'il faudrait que le gouvernement du Québec arrive à Ottawa, ce qui donnerait passablement de pouvoir, en disant: La position du Québec, traditionnellement et encore aujourd'hui, c'est la continuité. On ne représente pas un gouvernement qui est séparatiste ou indépendantiste à l'heure actuelle. On a été élu avec un mandat clair d'être un gouvernement provincial, le 15 novembre 1976. C'est cela. Et dans le courant du mandat, faire un référendum, et après cela, les citoyens décideront ce qu'ils veulent. À l'heure actuelle, le mandat du PQ n'est pas de faire la séparation du Québec, mais c'est d'agir comme un bon gouvernement provincial et de respecter surtout les positions traditionnelles du Québec là-dedans.

Je voudrais demander au député de Saint-Laurent s'il ne croit pas que le Parti libéral, comme les autres partis, devrait dire oui à une position du Québec. En fait, il ne s'agit pas d'être à la remorque d'autres partis ou à la remorque du fédéral ou autrement. Il s'agit tout simplement de servir les meilleurs intérêts du Québec, de donner un mandat clair et précis au gouvernement, pour qu'il n'outrepasse pas son mandat. Mais sur ce point-là en particulier, qu'il représente la mentalité du Québec. En fait, théoriquement, si le gouver-

nement du Québec obtenait cela, ce serait une défaite pour le Parti québécois pour son option indépendantiste, à la fin, parce que ce serait une victoire pour les citoyens du Québec qui veulent un fédéralisme renouvelé, clair et précis là-dessus. Ce serait peut-être dans l'intérêt du Parti québécois d'agir à l'encontre d'une décision des Québécois ou des partis politiques du Québec, ou d'une continuité historique du Québec pour gagner son référendum, éventuellement.

Le Parti libéral fédéral est peut-être, par exemple, dans de l'eau chaude, c'est possible. Mais ce qui va arriver au Parti libéral fédéral, je m'en fous, je suis ici pour représenter les citoyens du Québec. Il faudrait faire en sorte d'adopter une position traditionnelle du Québec et la conserver, et donner un mandat au gouvernement du Québec qui respecte une position traditionnelle de tous les partis politiques qui ont présidé à la gouverne du Québec.

M. Morin (Louis-Hébert): Je suis bien d'accord sur cela. Et je veux souligner, pour qu'on s'entende bien, qu'il n'y a personne ici qui demande d'appuyer le Parti québécois. Ce n'est pas cela du tout. On a exprimé nos positions et à l'occasion de cette expression d'opinion, je pense qu'il est d'intérêt public de savoir ce que les autres pensent sur une position, pas du Parti québécois, pas des libéraux fédéraux, pas de Pierre, Jean, Jacques, de cela.

Si on obtient un gain dans ce domaine, conformément aux aspirations traditionnelles du Québec, cela veut dire que nous, le gouvernement que nous représentons, avons obtenu ce que les gouvernements fédéralistes n'ont pas obtenu avant. Ce sera aussi une réalité que les Québécois mesureront.

Cela dit, je pense que vous avez exactement la bonne attitude. On ne vous demande pas de participer à des fronts communs pour aller brasser Ottawa. Ce n'est pas cela le problème. On va prendre nos responsabilités. Ce qui m'étonne, c'est qu'un parti important d'Opposition refuse, encore une fois, tout en sachant que le soleil brille, de dire qu'il fait clair.

Une voix: M. le Président, il refuse d'être d'accord avec lui-même.

Le Président (M. Michaud): Oui.

M. Forget: M. le Président, comme on m'a cité abondamment et qu'on met en cause le Parti libéral, il semble que c'est l'objet de la commission parlementaire, si je ne m'abuse, de savoir ce que le Parti libéral pense. Il faudrait peut-être que la population, d'abord, nous élise, et après cela, comme le fait le ministre...

M. Bédard: C'est seulement une fois élus que vous allez dire ce que vous pensez? Seulement une fois élus?

M. Forget: ... décide, au moment venu, quelle sera la position, quels documents il va publier, etc. On pourrait jouer ce jeu-là aussi.

Le Président (M. Michaud): Excusez. Nous avons un ordre préétabli. Le député de Lobtinière a terminé. C'est maintenant au tour du député de Beauce-Sud.

M. Forget: II y avait l'article 96, M. le Président. Je ne veux pas inviter des articles pour rien.

Le Président (M. Michaud): Oui, mais de toute façon...

M. Forget: Mais le député de Lotbinière m'a posé une question, j'ai même cru entendre qu'il s'adressait directement à moi. En plus de cela, il fait de l'interprétation. Le ministre réplique et renchérit en faisant des interprétations, nous mettant directement en cause. Je pense qu'on peut au moins dire que malgré le désir d'unanimité ou d'unanimisme qui anime l'Union Nationale à tout prix, je peux comprendre qu'il serait souhaitable, si on avait une position, si on en avait une qui était présentée par le gouvernement, qui soit développée, qui aille au-delà des voeux pieux, sur laquelle on peut s'entendre mais qui ne signifie rien à moins de savoir comment cela s'articule. (12 h 30)

Si on en avait une, on pourrait peut-être être d'accord ou en désaccord, cela dépendrait de son contenu, mais nous ne sommes pas en face de cela; on est en face de quelque chose de très vague. Les méthodes de compensation, combien d'argent on recevrait? Cela n'intéresse pas le gouvernement parce que ce sont des technicités qu'on discutera un jour.

M. Morin (Louis-Hébert): Non, je pense que...

Le Président (M. Michaud): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: La question de savoir si, en face d'une décision fédérale, le Québec devra exercer...

Le Président (M. Michaud): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: ... ses droits en étant toujours en désaccord ou si on pourrait avoir un droit sur cette décision même...

Le Président (M. Michaud): M. le député de Saint-Laurent, s'il vous plaît!

M. Forget: ... cela n'intéresse pas non plus le ministre des Affaires intergouvernementales. Je comprends, parce que c'est dans un cadre fédéral. On ne lui demande pas de faire cet effort; on ne s'attend pas à ce qu'il le fasse mais il reste qu'il ne nous a pas donné de réponse là-dessus, comment être d'accord ou pas d'accord avec quelque chose qui est essentiel pour comprendre le fonctionnement de quelque chose qui devrait exister. On l'a

dit 20 000 fois qu'on n'était pas d'accord avec le pouvoir fédéral de dépenser; il faut aller au-delà de cela...

M. Morin (Louis-Hébert): Merci, Merci!

M. Forget: ... M. le ministre, parce que, si c'est tout ce que vous avez à dire, c'est zéro votre position, absolument zéro.

M. Morin (Louis-Hébert): C'était la vôtre.

Le Président (M. Michaud): Messieurs, messieurs!

M. Forget: Non, ce n'était pas la nôtre.

M. Bédard: Si le fédéral dit oui à cela, on aura fait un grand pas.

M. Morin (Louis-Hébert): On est deux zéro à ce moment-là.

M. Forget: Comment va-t-il dire oui? C'est cela qu'on voudrait savoir, comment? Dans quels termes? Avec quel...

M. Bédard: C'est son problème de dire oui.

M. Forget: C'est votre problème d'y réagir aussi.

M. Bédard: Ce n'est pas toujours au Québec de dire oui ou non; c'est au fédéral de dire de temps en temps oui ou non aux positions traditionnelles du Québec.

M. Forget: Vous pourriez peut-être faire des propositions.

M. Bédard: Elles sont là nos propositions. M.Forget: Elles sont incomplètes.

Le Président (M. Michaud): Est-ce qu'on pourrait revenir, messieurs, s'il vous plaît, à l'ordre préétabli?

M. Bédard: Vous n'avez jamais eu cette transparence.

M. Morin (Louis-Hébert): Les positions de 1976 que j'ai citées tantôt ne seraient jamais sorties s'il n'y avait pas eu un coulage.

Le Président (M. Michaud): M. le ministre, s'il vous plaît, à l'ordre!

S'il vous plaît, M. le député de Beauce-Sud.

M. Roy: Merci, M. le Président.

Je pense que, dans tout cela, il faut d'abord se référer à une question de principe général. On demande aux citoyens de respecter les lois. Les corporations municipales, qui sont les premiers gouvernements, sont régies par ce qu'on appelle le Code municipal ou la Loi des cités et villes. Il y a même une commission municipale qui surveille l'administration et l'application de la loi. Ce qui régit les gouvernements, ce sont les constitutions. Une constitution, on la respecte et, lorsqu'on ne la respecte pas, on crée des problèmes multiples. Si la constitution avait été mieux respectée jusqu'à ce jour, il y a bien des choses qui ne se seraient pas produites, peut-être même que le Parti québécois ne serait pas au pouvoir et peut-être même qu'il n'existerait même pas comme parti politique parce que les partis politiques naissent de besoins, de réalités. Je ne dis pas cela pour un appui inconditionnel au Parti québécois. Il faut regarder les choses telles qu'elles sont.

Si le fédéral s'était moins comporté comme une fille de joie — j'emploie le terme; je pèse mes mots — il y aurait moins de problèmes.

M. Raynauld: Quelles conditions mettez-vous au Parti québécois?

M. Roy: M. le Président, le pouvoir de dépenser, on sait que le gouvernement fédéral la utilisé sur le plan législatif et sur le plan administratif; il l'a utilisé aux deux niveaux. Il faudrait qu'on examine la question, je pense, aux deux niveaux parce que, lorsqu'on a créé le ministère des Affaires urbaines, pour ne pas dire interurbaines, cela a été une décision législative et il y a eu une loi qui a été votée par le gouvernement fédéral. Je prends un petit exemple pour être bien compris de tout le monde. Lorsque le gouvernement fédéral décide de créer un programme d'économie d'énergie, un programme d'isolation des maisons, cela est une décision administrative. Le fédéral est intervenu aux deux niveaux. Il est évident, M. le Président, que je ne peux faire autrement — et je le dis sans aucune hésitation, je le dis même avec beaucoup de conviction — de dire que le gouvernement du Québec actuel doit absolument, c'est fondamental, maintenir les positions antérieures du gouvernement en ce qui a trait aux pouvoirs du gouvernement fédéral de dépenser. Il va falloir que toute cette question soit revue.

Le ministre a parlé tout à l'heure d'une répartition proportionnelle relativement à des programmes si la province ou plusieurs provinces décident de ne pas y participer; je suis bien d'accord là-dessus mais il faudra aller beaucoup plus loin. Il y a des secteurs d'intervention du fédéral dans lesquels il n'y a pas d équivalence. Je vais prendre un autre exemple, M. le Président, pour que ce soit plus facile de se faire comprendre: Lorsque le gouvernement fédéral décide d intervenir, par exemple, dans une politique de développement de l'énergie dans le domaine pé-trolifère, on est sûr qu'il ne peut pas y avoir de compensation pour la province. La province n'est même pas libre d'y participer ou de ne pas y participer; il n'y a pas de pétrole dans le Québec jusqu'à maintenant. Alors, lorsqu'on intervient à coups de dizaines et de centaines de millions dans les autres provinces pour développer ce secteur d'activité économique, pour développer cette

énergie, on a l'impression — je pense que cela est dans les faits — d'assister à ce qu'on pourrait appeler un virement de fonds puisqu'on prend l'argent des contribuables du Québec, qui paient des taxes, des impôts au gouvernement fédéral, et on va développer un secteur d'activité économique, un secteur de pointe dans une autre région du pays.

J'aimerais qu'on me cite les gros investissements ou les grosses interventions au Québec de la part du fédéral dans lesquels on aurait débordé le pouvoir de dépenser qui nous aurait servi économiquement. Prenons, par exemple, tout le domaine de la mise en valeur des richesses de la Côte-Nord, les richesses près du Labrador, dans l'Ungava. Où ont été les interventions? On n'a même pas été capable d'avoir l'équivalent des chemins de fer qui ont été mis à la disposition des autres provinces lorsqu'il s'est agi de développer leurs ressources naturelles. Cela a toujours été ainsi. Les interventions dans le pouvoir de dépenser sur le plan économique pour mettre en valeur l'économie ne se font jamais. On intervient surtout dans des juridictions strictement provinciales comme telles, comme sur le plan administratif. On dirait que c'est pour aller chercher les faveurs de l'électorat pour permettre aux policitiens fédéraux d'offrir quelque chose à l'occasion des campagnes électorales.

Je pense qu'il n'y a pas seulement le problème d'obtenir une équivalence lorsqu'il s'agit d'une intervention, d'une intrusion fédérale en vertu de son pouvoir de dépenser dans les provinces, mais il faudrait examiner cela, aller beaucoup plus loin, parce que ce n'est pas suffisant. Il y a des interventions qui ont été faites qui ont défavorisé le Québec et pour lesquelles le Québec a payé. On pourrait rapprocher cette attitude de ce qu'on pourrait appeler des virements de fonds.

Le Président (M. Cardinal): M. le ministre.

M. Morin (Louis-Hébert): Très brièvement. Ce que le député de Beauce-Sud vient de dire est tout simplement une constatation à partir de la réalité des dernières années, à laquelle je n'ai pas vraiment beaucoup à ajouter. Encore une fois, il n'a pas — il le sait, il l'a dit, il le sait très bien d'ailleurs — à approuver le Parti québécois. Ce n'est pas le Parti québécois qui est présent aux conférences constitutionnelles. C'est le gouvernement des Québécois, quel qu'il soit. À ce moment, nous exerçons notre responsabilité en connaissance de cause, par rapport à ce facteur. Je tiens compte de ce qu'il a dit. Je pense que sur ce plan, il n'y a pas de précision supplémentaire à ajouter, sauf une, et je comprends que la question de la compensation se pose. Elle s'est posée dans le passé. Il y aurait des difficultés dans certains cas précis. Aucune n'est insurmontable avec un peu de bonne volonté. Je dirais seulement que comme le problème vient d'être soumis au début d'octobre, qu'il y a eu trois réunions de ministres, qu'il y a tout de suite une conférence fédérale qui vient, il y a donc une sorte de sprint constitutionnel actuellement. C'est un petit peu à cause de cette rapidité qu'un tas d'hypothèses de remboursement ne peuvent pas être examinées techniquement, comme elles l'avaient d'ailleurs été avec beaucoup plus de temps dans les années 1969. Il y a un tas de documents que je n'ai pas apportés ici pour ne pas ennuyer les gens; il y a un tas de documents techniques qui avaient été préparés par des experts de l'extérieur à l'époque sur ces choses, comme le mode de compensation. Actuellement, cela n'a pas été abordé. Je ne veux pas dévoiler de secret, mais cela n'a pas été l'objet de la discussion à huis clos. Cela a été surtout ce que nous faisons ce matin, le principe même de l'affaire.

M. Roy: M. le Président, puisque le ministre a apporté un petit point, j'aimerais aussi ajouter...

Le Président (M. Cardinal): Vous avez encore du temps.

M. Roy: ... quelque chose pour dire tout simplement que devant une question aussi fondamentale pour le Québec, je conçois mal qu'à une commission parlementaire comme celle-ci, il y ait des abstentions, voire même des dissidences. Compte tenu de l'attitude qui a été adoptée tant par le gouvernement de l'Union Nationale dans le passé, tant par le gouvernement du Parti libéral dans le temps de M. Lesage, même dans le temps de M. Bourassa, j'estime qu'on devrait avoir suffisamment le sens des responsabilités pour faire un peu ce que nous avions fait dans le domaine de la taxe de vente — lorsqu'il s'est agi, par une motion qui avait été débattue à l'Assemblée nationale, motion qui avait été proposée par le Parti libéral et qui avait été amendée, dont l'amendement avait été accepté pour faire un voeu unanime — que cela devienne aussi une question d'unanimité pour permettre au Québec, non pas au Parti québécois, lors de cette conférence, de présenter un front uni — je ne parlerai pas de "front commun" — de présenter une position unanime qui émane de la commission parlementaire. Pour moi et pour le Québec, c'est extrêmement important. J'ose espérer que mon collègue de Saint-Laurent, qui est le porte-parole officiel du Parti libéral, et ses collègues qui sont ici à la commission se raviseront, et que, de ce côté, on fera un front commun pour au moins conserver ce que nous avons et maintenir les positions qui ont été tenues, quitte à aller plus loin et à préciser davantage dans un autre temps.

Le Président (M. Cardinal): Est-ce que M. le ministre a quelque chose à ajouter?

M. Morin: Non. Je pense que ce qui vient d'être dit est complet en soi.

Le Président (M. Cardinal): J'avais reconnu auparavant M. le député de Rosemont.

M. Paquette: M. le Président, je pense qu'effectivement, pour partir de la remarque du député

de Beauce-Sud, on n'est pas ici pour établir un consensus, mais pour confronter des positions. Tous les partis autour de cette table, sauf un, ont accepté de le faire. On constate que la position que le gouvernement du Québec prend dans les négociations actuelles est conforme à ce que souhaitent la majorité des Québécois et l'ensemble des partis réunis autour de cette table quant à un fédéralisme décentralisé, parce que c'est tout ce qu'on peut faire dans le régime actuel avant le référendum. Même si le Parti libéral ne l'a pas dit, je pense que c'est également sa position. Le Parti libéral ne l'a pas dit peut-être parce que son chef n'est pas autour de cette table. C'est, d'ailleurs, pourquoi on souhaite qu'il arrive très bientôt, pour qu'on puisse peut-être avoir des positions du Parti libéral qui soient exprimées. Mais ses écrits sont là.

En 1967, M. Ryan disait ceci — et je pense que c'était très clair et que c'est conforme à la position actuelle du gouvernement du Québec dans ses négociations constitutionnelles — "II faudrait même préciser qu'en dehors de situations très graves comme l'état de guerre ou la rébellion le Québec pourrait être libre de se dissocier sans pénalité financière de décisions prises par Ottawa en vertu de ses pouvoirs de dépenser." Un peu plus tard, en fait, après l'élection de 1976, au congrès d'orientation du Parti libéral, la position était un peu moins claire, un peu plus ambiguë, tout en allant à peu près dans la même direction. M. Ryan disait ceci au congrès libéral: "II y aura lieu non pas d'abolir tous ces pouvoirs fédéraux — en particulier le pouvoir de dépenser — mais d'en entourer l'exercice de précautions et de sauvegardes plus fortes que par le passé."

On constatera la nature extrêmement vague de cette prise de position, beaucoup plus vague que la position que M. Ryan avait prise dix ans auparavant. Quand on compare cela avec la position du Québec, qui, elle, est extrêmement claire, on se demande comment le député de Saint-Laurent peut affirmer que le gouvernement du Québec adopte des positions timides, des positions qui ne sont pas claires. Le problème qu'on a, M. le Président, c'est qu'on est obligé de définir le fédéralisme renouvelé à la place du Parti libéral parce qu'il ne veut pas le faire. Et on va être obligé de le faire pour chacun des points, en attendant l'éventuelle position qui viendra peut-être un jour. Évidemment, le député de Saint-Laurent, pour motiver son refus de se prononcer, se cache derrière des précisions qui seraient peut-être absentes sur des modalités. Je pense qu'avant d'entrer dans des modalités administratives concernant le pouvoir de dépenser — et même législatives — il faut quand même savoir quelle position de base nous allons défendre. Je pense que c'est à ce stade qu'en sont rendues les négociations actuelles avec Ottawa. Là-dessus, la position du gouvernement du Québec, encore une fois, dans une optique de fédéralisme décentralisé est beaucoup plus précise que la position la plus récente en provenance du chef du Parti libéral.

Mais l'important, ce n'est pas cela, M. le Président. On est en train d'étudier actuellement les arbres de la forêt un par un. Et un très petit nombre d'arbres. On en a treize devant nous, on a treize sujets devant nous, alors qu'il y en aurait peut-être une centaine à discuter. Et on regarde les arbres un à un. Devant cela, le député de Saint-Laurent nous propose d'étudier les branches. Il voudrait qu'on entre dans les petits détails. Je voudrais qu'on regarde la forêt. Je voudrais qu'on situe ce point particulier qu'on est en train de discuter dans le contexte de la discussion générale sur la révision constitutionnelle. La position traditionnelle du Québec, encore une fois sur laquelle s'entendent tous les partis réunis autour de cette table et, je pense, la majorité de la population du Québec, c'est-à-dire l'abolition du pouvoir fédéral de dépenser dans un champ de compétence provinciale avec compensation automatique aux provinces, que va donner cette position de base? Dans le contexte général, en termes de pouvoirs du Québec, en termes d'autonomie, en termes de possibilité de maîtriser notre avenir, de développer l'économie du Québec, de développer également nos autres domaines de compétence en fonction des aspirations des Québécois, qu'est-ce que cela donne exactement? (12 h 45)

Je pense que c'est évident, comme la plupart des autres points que nous allons étudier, que c'est tout simplement une mesure défensive. Elle vise à empêcher, stopper, ralentir plutôt, à ralentir la centralisation au niveau du fédéral. On pourrait faire l'histoire de toutes les négociations constitutionnelles, comment le fédéral a envahi le champ des politiques sociales, le champ des affaires urbaines, le champ des affaires culturelles, et plus récemment la fiscalité avec la question de la taxe de vente, en bouleversant les priorités provinciales, et tout cela c'était des choses qui, par le pouvoir de dépenser du fédéral, venaient à l'encontre de ce qui existe au niveau de la question fondamentale dans la constitution, c'est-à-dire la répartition des pouvoirs.

Alors, si le gouvernement fédéral accédait à la position traditionnelle du Québec, tout ce que cela ferait ce serait de ralentir la centralisation. Cela ne donnerait pas d'outils supplémentaires au Québec. Cela ne permettrait pas une maîtrise de notre avenir, une réorientation de notre économie, une réorganisation sociale afin de résoudre tous les problèmes qui confrontent la société québécoise. Je voulais souligner ce point. C'est un arbre parmi la forêt.

J'aimerais également revenir sur le fait que même en ayant un oui — et je pense, encore une fois, que ce serait la meilleure façon, pour le gouvernement Trudeau, d'obtenir un non au référendum québécois, ce serait accéder à cette demande traditionnelle du Québec et montrer qu'il est prêt à ralentir le processus de la centralisation au niveau du gouvernement fédéral — même si le gouvernement fédéral accédait à cette demande, qu'est-ce que cela changerait? Est-ce que cela

empêcherait la minorisation du Québec au sein de la fédération canadienne? Est-ce que cela nous donnerait la maîtrise de notre avenir? Je pense que la réponse est évidente. C'est non, M. le Président. Par contre, bien sûr, s'il est possible d'obtenir un gain là-dessus, on va essayer de l'obtenir.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Gatineau.

M. Gratton: M. le Président, lorsqu'on prend connaissance des quatre lignes qui constituent ce qu'il est convenu d'appeler la position actuelle du Québec face aux négociations présentement en cours, on y lit que le Québec croit que le pouvoir fédéral de dépenser devrait être limité aux seules matières énumérées de compétence fédérale exclusives ou concurrentes. Avec cela, on ne peut pas être en désaccord, compte tenu qu'on dit à la deuxième ligne: II faudra cependant statuer sur le mode de compensation applicable aux provinces éventuellement abstentionistes. Il s'agirait du pouvoir de dépenser du fédéral dans une juridiction concurrente, il va sans dire. L'Union Nationale et le député de Beauce-Sud disent: Pourquoi ne pourrait-on pas avoir l'unanimité des membres de la commission autour de cette position?

J'aimerais poser une question précise au ministre, mais hypothétique parce que je ne suis pas en mesure de savoir si une telle formule a été proposée au cours des discussions. D ailleurs, le député de Saint-Laurent a posé la question à deux reprises sans obtenir de réponse du ministre. Supposons qu'il y aurait une formule quelconque qui limiterait le pouvoir de dépenser du gouvernement fédéral à un contrôle des provinces, quelle que soit la formule, et que tout cela serait inclus, inséré dans la constitution de façon qu'il n'y ait pas de méprise sur l'interprétation. Si le gouvernement fédéral voulait dépenser dans un tel domaine qui est de sa compétence exclusive ou de compétence concurrente, il soumettrait le tout à l'approbation des provinces et on aurait une formule quelconque qui permettrait aux provinces d'abord de décider si oui ou non le gouvernement fédéral a le droit de dépenser dans ce domaine.

En supposant qu'on ne satisferait pas aux critères de la formule, ce serait non, le gouvernement fédéral n'aurait pas le droit de dépenser. Et en supposant que les provinces diraient oui, à ce moment, il y aurait dans cette même formule une possibilité "d'opting out", avec une formule de compensation au gouvernement plutôt qu'aux citoyens. Devant cette possibilité, quelle serait la réponse du gouvernement du Québec au mois de février?

Le Président (M. Cardinal): M. le ministre.

M. Morin (Louis-Hébert): Je prends la question par la fin. Vous dites compensation aux provinces plutôt qu'aux citoyens, ce qui est un élément majeur. Évidemment, c'est notre position. Votre question, cependant, en soulève une autre parce que vous avez dit qu'il y a un contrôle des provinces. Cette suggestion a été faite en 1969, qu'il y ait un contrôle des provinces. Malheureusement, on demandait en somme aux provinces de se prononcer, à toutes fins utiles, selon une formule qui ressemblait à celle qu'on voulait faire appliquer à l'amendement constitutionnel lui-même. La question, quand vous parlez de contrôle des provinces, je suis obligé de vous la retourner en vous demandant: Est-ce que vous voulez dire une acceptation de chaque province en particulier? En somme, il y a un programme fédéral qui est proposé et on dit au Québec et aux autres provinces: Voulez-vous, oui ou non? Et si le Québec dit non, à ce moment, il a sa compensation. C'est cela votre question? La réponse, c'est oui, on va accepter cela, c'est évident et le versement va se faire au gouvernement.

Cependant, j'ai l'impression que votre question veut dire que ce serait un autre mode de consultation des provinces que de connaître l'opinion de chaque province individuellement et d'agir par rapport à chaque province individuellement; vous semblez introduire dans le mode de décision des groupes de provinces, des régions sénatoriales, par exemple, quelque chose qui ressemble à la formule d'amendement constitutionnel. Est-ce que c'est cela que vous voulez dire?

M. Gratton: Pas nécessairement... M. Morin (Louis-Hébert): Non, mais...

M. Gratton: ... je n'ai pas de formule précise. Ce n'est pas à moi d'en formuler non plus. Je pense que le ministre en conviendra.

M. Morin (Louis-Hébert): Non, mais vous venez d'en formuler une. Je veux des précisions pour répondre à votre question, c'est seulement ça.

M. Gratton: Non, écoutez, on n'est pas pour négocier ici, entre nous, ce qui, tout le monde en convient, doit être négocié avec les autres provinces.

M. Morin (Louis-Hébert): D'accord.

M. Gratton: Je parle en termes hypothétiques, il faut qu'il le fasse.

M. Morin (Louis-Hébert): D'accord, bien sûr. Si ça veut dire, votre question — il y a le "si", je le souligne de trois traits rouges, parce qu'il peut y avoir d'autres hypothèses, j'en prends une des multiples — si ça veut dire que le gouvernement fédéral arrive avec un programme, dans un domaine donné, qui est de compétence provinciale et qu'il dit aux provinces, en général: Si vous le voulez, je vais dépenser dans votre domaine, genre programme conjoint; si vous ne le voulez pas, vous allez avoir à votre disposition, comme gouvernement, les sommes que j'aurais normalement consacrées chez vous à l'exercice de ce

programme, si c'est ça la position fédérale, c'est la position que le Québec défend.

Par conséquent, c'est sûr qu'on va dire oui à ça. Pas de problème.

Maintenant, la difficulté, l'autre "si" que je souligne encore avec trois traits rouges, c'est que si ça veut dire un mode d'approbation qui va mettre les provinces dans une situation telle qu'elles vont avoir l'odieux de se défendre devant une intervention fédérale dans leur domaine à elles et, deuxièmement, de prouver au grand frère fédéral que ça les dérange dans leurs priorités; en somme, qu'on ait, dans un domaine de notre compétence, à prouver qu'on a le droit d'exercer une compétence, la réponse, à ce moment-là, est non. Il ne faut pas être humilié, tout de même.

M. Gratton: M. le Président...

M. Morin (Louis-Hébert): Vous, est-ce que vous seriez d'accord avec ça?

M. Gratton: Quand on parle des positions traditionnelles...

M. Morin (Louis-Hébert): Non, mais je veux dire, ça aiderait...

M. Gratton: Laissez-moi répondre. Quand on parle des positions traditionnelles qu'on veut défendre, que le gouvernement dit vouloir défendre au cours de ces négociations présentement en cours, il ne faut pas oublier qu'il y a une formule semblable, une ébauche de formule semblable qui a été proposée en 1976 par le gouvernement du Québec. Ce que je dis au ministre, contrairement à ce qu'il vient d'affirmer, c'est que la position actuelle résumée dans les quatre lignes que nous avons au document qu'il nous a remis, ne permettrait pas, à mon avis — c'est mon interprétation de cette position — au ministre de dire, comme il vient de l'affirmer, qu'on pourrait dire oui à une formule semblable.

M. Morin (Louis-Hébert): Comment ça?

M. Gratton: Parce qu'effectivement, quand on dit que le Québec croit que le pouvoir fédéral de dépenser devrait être limité aux seules matières énumérées de compétence fédérale, exclusives ou concurrentes, à un moment donné, il faut se brancher.

Soit qu'on accepte qu'il y ait un pouvoir de dépenser du fédéral conditionnel à une formule quelconque, ou on ne l'accepte pas. Dans votre énoncé, vous ne l'acceptez tout simplement pas. C'est une raison qui fait que ce n'est pas à cette commission...

M. Morin (Louis-Hébert): Je voudrais qu'on se comprenne. Il ne faudrait pas mêler les choses exprès. Nous nous prononçons contre le pouvoir fédéral de dépenser dans les domaines de compétence provinciale. C'est clair, tel que c'est écrit ici, dans les domaines de compétence provinciale.

Il faut, en d'autres termes, que cela s'applique aux domaines de compétence énumérés, fédérale, exclusive ou concurrente, ce qui pose incidemment — c'est amusant de mentionner cela — le problème de savoir ce qui est concurrent. Ce n'est pas réglé. C'est une preuve que cela ne touche pas à tout. Ce n'est pas résolu, ce qui est concurrent. Ce n'est pas abordé. Le pouvoir résiduaire n'est pas du tout abordé dans les négociations actuelles.

C'est la position de principe. Vous m'arrivez avec une autre situation. Vous nous dites: Si le fédéral vous offrait demain de vous compenser, comme gouvernement pour un programme qu'il veut faire dans tout le Canada, est-ce que vous accepteriez cela? Est-ce que vous accepteriez d'être compensés? C'est ce qu'on a demandé pour la taxe de vente, exactement. C'est le même principe. Il n'y a pas de contradiction entre les deux. Vous avez pris une application d'une situation administrative. On parle ici d'une modification de la constitution.

M. Gratton: Moi aussi.

M. Morin (Louis-Hébert): Alors, on s'est mal compris.

M. Gratton: Quand je vous parle de soumettre le pouvoir de dépenser du fédéral dans quelque domaine que ce soit; à l'approbation des provinces, je n'en parle pas en termes administratifs, j'en parle en termes de la constitution. La constitution le prévoit, la formule aussi.

M. Morin (Louis-Hébert): II faudrait que vous soyez...

M. Bédard: Et si la constitution n'est pas claire? Les tribunaux?

Le Président (M. Cardinal): Un à la fois, s'il vous plaît!

M. Forget: C'est pour cela qu'il faut en dire plus que quatre lignes.

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Morin (Louis-Hébert): Et c'est pour cela qu'il faut aborder bien plus de sujets que ceux qui sont là. C'est un des problèmes fondamentaux.

M. Gratton: On en convient, de cela aussi.

M. Forget: Après cela, on parlera de consensus.

M. Gratton: On en convient.

M. Morin (Louis-Hébert): Vous en convenez. C'est très bien. Vous devriez répondre plus souvent, vous.

M. Gratton: Je pense bien qu'il n'y a pas de contradiction entre ce que je viens de dire là et ce que le député de Saint-Laurent a dit.

M. Morin (Louis-Hébert): Non, non. Il n'y a pas de contradiction. Il n'y a aucune contradiction. Seulement, vous, vous commencez à reconnaître qu'il fait clair quand le soleil brille. C'est déjà cela.

On va entrer dans du byzantinisme. La position est là. Nous sommes contre l'intervention fédérale dans les domaines de compétence provinciale via le pouvoir de dépenser et, en cela, on rejoint pas mal de monde.

Le Président (M. Cardinal): S'il vous plaît, à l'ordre!

M. Gratton: Vous ne voulez sûrement pas, à ce moment-ci, avoir un front commun, comme le souhaitent le député de Lotbinière et le député de Beauce-Sud.

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre!

M. Morin (Louis-Hébert): Vous en avez assez dit pour que je me doute un peu de la position que vous avez.

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous plaît! Je m'excuse.

M. Morin (Louis-Hébert): C'est gênant pour vous de le dire, mais..

Le Président (M. Cardinal): M. le ministre. Si vous le permettez, M. le député, je reconnaîtrai le prochain intervenant. Je voudrais quand même rappeler quelque chose.

M. Gratton: Vous avez raison, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): La première règle, c'est que le président a raison et la deuxième règle, c'est que, s'il a tort, l'article 1 s'applique.

M. Gratton: C'est cela.

Le Président (M. Cardinal): Je dois, malgré la patience que doit avoir la présidence, conserver à ces travaux un certain ordre. Je me rappelle d'autres commissions parlementaires. Quand on commence à tenir le temps de 20 minutes par trente secondes et que trois s'expriment en même temps, cela devient difficile. Je dois conserver une certaine rigueur et une cohérence certaine dans la conduite de ces travaux, c'est pourquoi je reconnais le député d'Outremont.

M. Raynauld: Merci, M. le Président. J'ai également quelques questions supplémentaires à poser. Mais, auparavant, je voudrais peut-être essayer d'expliquer davantage les raisons pour lesquelles nous refusons de répondre aux questions auxquelles le ministre voudrait bien nous voir répondre.

La première, c'est une position du gouvernement exclusivement que celle de dire que cette commission parlementaire est une commission pour confronter des points de vue. Cela n'a jamais été notre position. Il ne faudrait pas interpréter, quand même. Il ne faudrait pas que ce soit le côté ministériel qui décide pour nous comment nous interprétons la marche des travaux d'une commission parlementaire. Ce serait quand même un peu extraordinaire que dans une commission parlementaire, tout à coup, on dise que c'est à l'Opposition d'exprimer des points de vue et que c'est à l'Opposition de prendre position lorsque c'est le gouvernement qui est au pouvoir.

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Raynauld: Le deuxième point, je voudrais expliquer — et ceci va répondre à la question du député de Nicolet-Yamaska qui s'inquiète qu'on n'ait pas de position — que nous avons une position. Notre position est la suivante: Nous ne collaborerons pas avec le gouvernement du Parti québécois. La raison en est bien simple...

M. Guay: Vous allez collaborer avec Ottawa.

M. Raynauld: ... le gouvernement actuel, qui prétend défendre les positions traditionnelles du Québec, ne défend pas les positions traditionnelles du Québec; toutes les positions du Québec ont été des positions fédéralistes à venir jusqu'à maintenant. Ce ne sont pas des positions fédéralistes; je vais vous montrer pourquoi.

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Raynauld: Une position fédéraliste reconnaîtrait le bien-fondé...

M. Bédard: M. Johnson n'était pas un fédéraliste? M. Lesage non plus? (13 heures)

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre! Je m'excuse, M. le député d'Outremont. Comme plusieurs, je me permets de vous interrompre. Je le fais pour que vous puissiez continuer jusqu'à 13 heures sans être interrompu.

M. Raynauld: Merci, M. le Président, de m'avoir interrompu pour me permettre de continuer. Ce que j'allais dire, c'est que si le gouvernement du Parti québécois prétend défendre les positions traditionnelles du Québec, est-ce qu'il ne devrait pas reconnaître, dans la position qu'il défend aujourd'hui, le bien-fondé de l'existence de pouvoirs fédéraux?

Il devrait, puisque traditionnellement le Québec a défendu le bien-fondé de pouvoirs fédéraux. Or, le gouvernement actuel conteste l'existence de tous les pouvoirs fédéraux. Nous l'avons encore entendu ce matin de la part du député de Rosemont, qui nous dit: De toute manière, ce sera

inacceptable, parce que cela ne nous donne pas des outils additionnels. Le ministre se plaît à répéter cela depuis qu'il est ministre. Il nous a dit: Ce ne sera pas satisfaisant. Qu'on vienne nous dire qu'on défend des positions traditionnelles du gouvernement du Québec, je pense que c'est une blague. Ce ne sont pas... Je m'excuse, M. le Président, je pense que j'ai la parole.

M. Morin (Louis-Hébert): Je veux faire une déclaration formelle et solennelle.

Le Président (M. Cardinal): Un instant! La parole est à M. le député d'Outremont.

M. Raynauld: J'ai la parole.

M. Morin (Louis-Hébert): J'ai une déclaration formelle et solennelle à faire.

M. Raynauld: Je pense que le gouvernement du Parti québécois ne défend pas les positions traditionnelles du Québec. C'est pour cela que nous ne pouvons pas nous associer à une opération qui dit la chose suivante: Nous allons, pour les fins de la discussion, et sous toute réserve, admettre qu'il existe une constitution, mais en même temps nous disons à tout le monde au Canada: Nous refusons l'existence de cette constitution, nous refusons l'existence de pouvoirs fédéraux. Quelle sorte de négociation peut-on entreprendre dans des conditions comme cela lorsque le négociateur se présente et dit: Je vais, pour les fins de la discussion, reconnaître que vous existez, mais, aussitôt qu'on aura accepté quelque chose, nous dirons: Vous n'êtes même pas légitimes, enlevez-vous de là, nous voulons tous les pouvoirs. C'est un cul-de-sac, la position du Parti québécois à l'heure actuelle, un cul-de-sac qui n'est absolument pas crédible.

M. Morin (Louis-Hébert): C'est épouvantable.

M. Raynauld: On dit, d'un côté, qu'on va négocier et qu'on va respecter des positions traditionnelles du Québec, qui ont toujours été fédéralistes, et ce gouvernement nous dit: Nous ne sommes pas fédéralistes, nous voulons supprimer ce système de gouvernement. Nous voulons le remplacer par un régime de souveraineté-association et vous allez collaborer avec nous, parce que vous avez déjà dit qu'un peu plus de pouvoirs au Québec, ce serait bon. Pensez-vous! C'est une supercherie. Vous voulez qu'on collabore avec cela, qu'on vous appuie, qu'on vous donne un consensus lorsque c'est vous qui avez brimé le consensus historique...

M. Morin (Louis-Hébert): En étant élus. C'est effrayant.

M. Raynauld: Le consensus historique a été brisé par le Parti québécois. Ce consensus a été brisé parce que la position du Parti québécois est une position qui n'est pas traditionnelle, elle représente une cassure historique par rapport à tout ce qui a existé jusqu'à maintenant. C'est pour ces raisons...

M. Bédard: II est rendu au référendum.

M. Raynauld: ... que nous n'accepterons pas de nous associer à des positions qui sont des positions de stratégie ou de tactique temporaires, provisoires où, en même temps, l'on dit: On va accepter une proposition à condition que cela fasse notre affaire, mais n'oubliez pas, ne vous trompez pas, nous n'acceptons aucun des pouvoirs fédéraux. Et on va nous faire croire qu'il faudrait qu'on appuie une position comme celle-là lorsque nous sommes fédéralistes? C'est la raison pour laquelle nous n'allons pas donner des réponses partielles comme celles que le gouvernement propose à l'heure actuelle.

Le deuxième point plus général, et qui est également plus particulier, c'est à propos de la position telle qu'elle nous est présentée. Je pense que le député de Saint-Laurent a déjà souligné que c'est une position incomplète. Je pense que l'hypothèse qui a été soulevée par le député de Gatineau confirme que la position telle qu'elle nous est présentée est une position tellement schématique que donner notre consentement à appuyer une position comme celle-là, en quatre lignes, correspond, à toutes fins utiles, à donner un chèque en blanc au gouvernement, dans le sens suivant. Il est dit ici qu'on refuse toute intervention du pouvoir fédéral de dépenser en matière provinciale. Or, le député de Gatineau soulève le cas où les provinces dans leur ensemble, en vertu d'un article de la constitution, pourraient se prononcer sur le bien-fondé d'une intervention dans un champ de juridiction provinciale et où, au cas où une des provinces refuserait son consentement, il y aurait une compensation à la province. Le ministre répond: Oui, nous accepterions une position comme celle-là. Je m'excuse. Je trouve que cette position est complètement différente de celle qui nous est présentée. Elle n'est peut-être pas incompatible, peut-être pas contradictoire. Elle est complètement différente de celle-ci. Je pense, à ce moment-là, que cela prouve justement que la position telle qu'elle nous est présentée représenterait un chèque en blanc. On ne sait pas du tout comment elle pourrait être utilisée.

Enfin, le ministre lui-même a admis que tout le domaine des juridictions concurrentes était un domaine qui était laissé plus ou moins en friche, qu'on ne savait pas exactement ce que cela serait. Quelle position le gouvernement prend-il sur ces domaines de juridiction concurrente? Refuse-t-il qu'il y en ait, par exemple, ou reconnaît-il l'existence de domaines de juridiction concurrente? Trouve-t-il qu'il est opportun d'en avoir dans la constitution qu'il envisage? Je pense que cela a été laissé sans réponse. Enfin, je voudrais terminer...

Le Président (M. Cardinal): Me permettez-

vous? Justement, il reste 30 secondes, et nous avons une entente à cette commission.

M. Morin (Louis-Hébert): Je continuerai à parler tantôt. J'aurais une suggestion à faire...

M. Raynauld: Puis-je terminer ou si je demande l'ajournement?

Le Président (M. Cardinal): II n'y a pas d'ajournement, je m'excuse. Je suis obligé, à la suite de l'entente de cette commission et de nos règlements — cela fait deux jours que nous invoquons l'article 150 — de déclarer qu'après toutes ces pièces d'éloquence que j'ai entendues ce matin les travaux de cette commission sont suspendus au même endroit, jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 h 8)

(Reprise de la séance à 15 h 9)

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous plaît. D'accord, nous pouvons poursuivre cette même deuxième séance de cette commission de la présidence du conseil et de la constitution, qui autrefois avait comme ajout: et les affaires intergouvernementales. Au moment où nous avons suspendu, à 13 heures, M. le député d'Outremont avait la parole.

M. Raynauld: M. le Président, j'avais, je pense, présenté l'essentiel des questions que je voulais poser, l'argumentation que je voulais faire. Si vous me permettez, je vais simplement résumer en deux ou trois mots. La première proposition est la suivante: La continuité historique, à mon avis, du Québec est une continuité qui s'inscrit au sein d'un système fédéral de gouvernement. La deuxième proposition est celle que le gouvernement du Québec, à l'heure actuelle, brise cette continuité historique, ne peut pas en même temps déclarer, d'une part, que le gouvernement va aller négocier de bonne foi une nouvelle constitution fédérale et, du même coup, récuser le bien-fondé de ce régime au Canada et promettre au contraire de faire tous ses efforts, suivant des étapes qui sont prévues, y compris un référendum, pour modifier ce système de gouvernement que nous avons au Canada et au Québec.

Par conséquent, je pense que cette position du gouvernement du Québec est une position qui nous conduit à un cul-de-sac, une quadrature du cercle où on essaie de concilier des inconciliables. Je pense qu'on touche du doigt ici tout le jeu de stratégie que le gouvernement du Québec essaie de faire dans le cadre de ces négociations constitutionnelles. Et parce que cette position nous conduit à un cul-de-sac, nous ne pouvons pas nous y associer, même si, sur le fond d'un certain nombre de ces questions, à l'intérieur d'un cadre fédéral, nous pourrions individuellement être d'accord.

C'est, je pense, une formulation qui vient préciser les raisons pour lesquelles nous ne pouvons pas appuyer le gouvernement du Québec dans l'opération préréférendaire qu'il est en train de conduire, parce qu'encore une fois toutes les propositions qui sont faites ici le sont avec une réserve fondamentale, que le régime fédéral doit être brisé, au Canada, tandis que nous, nous voulons étudier une modification à la constitution actuelle, dans un cadre fédéral. Cette antinomie, cette différence est trop fondamentale pour qu'on l'affaiblisse et on l'efface au profit d'une opération de pure stratégie et de tactique de la part du gouvernement du Québec.

Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le député d'Outremont. M. le ministre désire-t-il intervenir ou si je continue?

M. Morin (Louis-Hébert): Quatorze secondes seulement, peut-être. Il y a seulement une chose qui me frappe, c'est qu'il faudrait un peu de rigueur du côté de l'Opposition libérale. D'une part, ils ont insisté à maintes reprises pour que nous nous présentions à des conférences fédérales-provinciales et ils semblent aujourd'hui regretter que nous y allions. Je ne comprends pas très bien cet illogisme. C'est tout ce que je veux dire pour le moment.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Scowen: J'ai dit plus tôt, M. le Président, que je trouvais que la matière grise dans le document que nous avions ici n'était pas très forte. Je pense que, sur cette question de pouvoir de dépenser, nous avons un bon exemple. Vous dites, M. le ministre: "Le Québec croit que le pouvoir fédéral de dépenser devrait être limité aux seules matières énumérées de compétence fédérale exclusive ou concurrente".

C'est bien beau, je ne suis pas contre. Mais, pour moi, c'est plutôt un slogan qu'un programme ou une politique. Je vais vous dire pourquoi. Je vois un fédéralisme dans lequel nous avons deux gouvernements souverains, un gouvernement du Québec et un gouvernement du Canada. Le principe même va demander un remaniement fondamental de notre fédéralisme. Si nous le réalisons, nous serons face, avec cette politique que vous énumérez, à deux gouvernements égaux, souverains dans leurs endroits respectifs, chacun avec une liste de responsabilités énumérées de leurs compétences exclusives ou concurrentes. (15 h 15)

On va éliminer, bien sûr, le pouvoir de dépenser dans les domaines autres que de compétence fédérale, du gouvernement fédéral, et, bien sûr, le gouvernement du Québec n'en aura pas, parce qu'il n'a jamais eu la compétence de dépenser à l'extérieur de sa propre juridiction...

Mais c'est à ce moment-là, je pense, qu'on doit commencer à se poser des questions. Il y a deux aspects de cette situation qui m'inquiètent.

Je le répète, nous avons deux gouvernements souverains, chacun avec une liste de compétences dans lesquelles il peut dépenser. Et vous proposez, nous proposons de dire que ni l'un ni l'autre n'a le droit de dépenser un seul sou dans une compétence qui n'est pas la sienne.

C'est très simpliste, c'est très facile et les slogans peuvent s'appliquer parfaitement jusqu'à ce point-là.

Mais pour prendre la prochaine étape, il faut nuancer, je pense, un peu les choses. Je vous pose la question, M. le ministre, dans deux sens. Premièrement, il me semble qu'on peut accepter, parce qu'on le vit aujourd'hui, que la constitution, une liste des pouvoirs énumérés, est toujours en retard avec la réalité du monde, de quelques années ou même de quelques décennies.

Je cite un exemple que vous connaissez très bien: la télévision et la radio, qui sont soi-disant de compétence fédérale, à cause du fait qu'il y a, à l'article 91, une clause qui touche le télégraphe.

Les problèmes qui découlent des compétences dans le domaine de la télévision et de la radio sont loin d'être les mêmes que ceux qui découlent du télégraphe. Mais 110 ans après que cela a été écrit, c'est encore le point de référence.

Si quelque chose arrive, un nouveau problème, une nouvelle situation qui n'est pas couverte par la constitution comme telle, dans un domaine où nous avons et où j'espère que nous aurons deux gouvernements complètement souverains dans leurs compétences, avec des listes où elles sont énumérées, qui va dépenser là-dedans? Et sur quelle base?

Deuxièmement, étant représentant du gouvernement québécois, j'ose dire provincial simplement pour qu'on puisse se comprendre dans cette discussion. Je ne suis pas persuadé à 100% que je dois limiter dans un sens aussi strict que ce que vous proposez ici l'idée qu'on ne peut pas dépenser un seul sou dans un domaine de la liste fédérale. Je pense que ce serait peut-être une bonne idée d'avoir quelque chose qui nous permettrait au moins de faire des études, de faire des dépenses comme telles, de faire des petites choses au moins dans un domaine qui relève actuellement de la compétence fédérale, comme il est dit dans la constitution, parce que je sais très bien que, même avec cette limitation du pouvoir de dépenser, ce sera toujours possible de trouver des intérêts qui sont probablement, si vous allez jusqu'à la Cour suprême, de la compétence de l'autre gouvernement.

Quant au pouvoir de dépenser, parce que, premièrement, il faut prévoir, avec deux gouvernements égaux, certainement des nouveaux sujets qui ne sont sur ni l'une ni l'autre des deux listes, deuxièmement, à cause de tout ce qui se passe dans le monde, et les choses changent assez vite ces jours-ci, j'aimerais avoir, de mon côté au moins, un peu de flexibilité pour faire des choses qui sont peut-être strictement de la compétence de l'autre gouvernement; j'aimerais avoir une flexibilité minimale. Je soulève ces deux questions, M. le ministre, premièrement, pour deman- der votre opinion là-dessus, mais, deuxièmement pour servir comme illustration, si vous voulez, du fait que c'est bien difficile pour moi d'appuyer ou de rejeter le point de vue du gouvernement du Parti québécois dans tous ces documents-ci parce que, soit à cause des faits, soit à cause du manque d'intérêt, selon moi, vous n'êtes pas allés très en profondeur dans les détails de cette affaire. Parce que nous connaissons toute l'histoire, tout le cadre général; ce sont surtout les détails qui sont importants.

Je termine mon intervention, mais j'aimerais avoir du ministre un peu son idée sur les deux questions que j'ai soulevées.

Le Président (M. Cardinal): D'accord. Merci, monsieur.

M. le ministre.

M. Morin (Louis-Hébert): M. le Président, merci. Je donnerai tantôt, pendant un instant, après que j'aurai fini de parler, la parole à mon collègue.

M. Bédard: On se comprend.

Le Président (M. Cardinal): D'accord, je n'insiste pas.

M. Morin (Louis-Hébert): II va falloir que quelqu'un me parle de ces règlements, un de ces jours. La question que le député de Notre-Dame-de-Grâce pose est une question très intéressante. Je suis content qu'on la soulève, parce qu'il y a vraiment un problème de substance. Avant d'aller plus loin, je voudrais préciser une chose. Évidemment, c'est probablement une erreur de présentation. Ce que nous avons, ce ne sont pas les positions du Parti québécois, et personne ne demande d'appuyer les positions du Parti québécois. Il faudrait quand même s'entendre. Ce sont les positions exprimées par les autres, dont le Parti libéral, à l'époque, que nous avons reprises pour la solution de problèmes qui demeurent essentiellement les mêmes qu'ils étaient avant. Je voulais préciser cela. Je ne voulais pas qu'il y ait de confusion là-dessus, parce que si c'étaient les positions du Parti québécois, on nous blâmerait de prendre des positions de notre parti dans l'optique de la souveraineté-association, alors que ce n'est pas le sujet.

Aux deux questions que vous avez posées on peut répondre par une réponse et par une considération de fond. Ce que vous avez soulevé, c'est au fond tout le problème de ce qu'on appelle les pouvoirs résiduaires. Une question majeure beaucoup plus importante que celles qui sont abordées au cours des discussions présentes, et justement qui démontre jusqu'à quel point ce que nous avons comme optique ou comme champ d'investigation, si je peux m'exprimer ainsi présentement, étant de cela une amélioration même du fédéralisme courant, sans compter que c'est loin de ce que certains peuvent considérer être le fédéralisme renouvelé. La difficulté qui se présente, c'est

que vous avez à décider d'un principe que nous avons proposé et que nous acceptons, qui provient des gouvernements antérieurs. Mais en même temps, vous devez penser qu'une autre question n'est pas résolue, celle du pouvoir résiduaire. Les pouvoirs résiduaires, ce sont tous ceux qui n'ont pas été attribués au moment où la constitution a été faite ou, par la suite, à l'un ou l'autre gouvernement, c'est-à-dire tous les pouvoirs importants de l'époque moderne et que le gouvernement fédéral, parce que le pouvoir résiduaire lui appartient, a réussi, dans bien des cas, à s'approprier. Je me sers de votre question pour illustrer jusqu'à quel point est partiel l'exercice auquel on a été convié maintenant. C'est une des choses que nous avons dites dès le point de départ. Je voulais d'abord faire ce commentaire qui s'impose.

Cela étant dit, il demeure quand même une chose. Je ne veux plus vous poser la question là-dessus. Au-delà de tout cela, est-ce que le gouvernement fédéral a le droit de dépenser dans des domaines de compétence provinciale? Je ne vous pose pas la question, je la rappelle seulement, parce que c'est cela qu'on a à décider maintenant.

Le Président (M. Cardinal): Si vous permettez, pour éviter des questions de règlement, M. le ministre, j'ai promis que, suivant l'ordre qu'on suit habituellement, M. le député de Nicolet-Yamaska serait le prochain intervenant. J'ai, du côté ministériel, deux demandes d'intervention, l'une de M. le ministre de la Justice, l'autre de M. le député de Taschereau.

Je laisse le soin au parti ministériel d'établir l'ordre. Je rappelle qu'il n'y a qu'un représentant officiel du gouvernement et que les autres sont ici comme députés membres de la commission parlementaire. Cela étant dit, M. le ministre, comme vous le dites si bien, M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: Merci, M. le Président. Sans vouloir revenir sur tout ce qui s'est dit au sujet de ce premier point, si on regarde les mots "position actuelle du Québec" à la page 2 du document, il me semble y avoir quelque chose qui cloche un peu dans l'énoncé qui y est fait. On dit: "Le Québec croit que le pouvoir fédéral de dépenser devrait être limité aux seules matières énumérées de compétence fédérale exclusive ou concurrente." Par la suite, on ajoute une phrase qui dit: "II faudra cependant statuer sur le mode de compensation applicable aux provinces éventuellement abstentionnistes." Il me semble qu'il y a quelque chose, qu'il a un lien qui manque. Si on dit que selon la compétence fédérale exclusive ou concurrente le fédéral pourra dépenser dans ces domaines-là, par contre, on doit penser qu'à ce moment-là les provinces ne peuvent pas le faire. Si on accepte le dernier membre de la phrase, cela voudra dire qu'en plus de cela le gouvernement fédéral aurait des pouvoirs de dépenser dans les domaines de compétence provinciale et, à ce moment-là, il faudrait une compensation pour les provinces absentionnistes. Il me semble y avoir une contradiction entre les deux phrases.

Le Président (M. Cardinal): M. le ministre.

M. Morin (Louis-Hébert): II y a une chose vraie dans ce que vous dites et je pense que j'y ai fait allusion ce matin. C'est ceci. Ces deux phrases sont là pour des raisons très précises. La première est la position que nous prenons, c'est-à-dire que nous ne croyons pas — et cela, en s'inspirant de tous ceux qui nous ont précédés — qu'Ottawa devrait dépenser dans nos domaines. Et nous parlons de compétence fédérale exclusive ou concurrente pour régler le problème que le député de Notre-Dame-de-Grâce mentionnait tantôt. Il peut cependant arriver — je pense que l'expérience est là pour le démontrer — que d'autres provinces disent: Nous aimerions que continue le pouvoir fédéral de dépenser dans nos domaines de compétence. Il y a des provinces qui demandent cela. Si cela arrive — et c'est pour cela qu'on l'a exprimé comme ceci; le mot "éventuellement" est la clef et c'est pour cela qu'on n'a pas été très loin dans ce détail-là — si jamais la position que nous avons avancée n'est pas retenue et qu'on retient une autre position qui est: On va diminuer notre pouvoir de dépenser ou on va le faire contrôler un peu mieux, mais il y en aura encore, à ce moment-là, le problème de l'abstentionnisme se posera. Je pense que vous avez souligné quelque chose qui est vrai, et c'est l'explication que je vous donne pour essayer de clarifier un peu les choses. Mais nous sommes parfaitement conscients de l'apparent décalage entre les deux phrases, mais l'une se réfère à notre position et l'autre à ce qui arriverait si elle n'était pas intégralement acceptée. Il fallait prévoir le cas.

M. Fontaine: Est-ce que cela veut dire que ce serait négociable? Que le Québec croit que le pouvoir de dépenser devrait être limité aux seules matières énumérées de compétence fédérale exclusive ou concurrente? Est-ce que cela veut dire que le gouvernement du Québec accepterait de négocier autre chose que cela, pour autant qu'il y ait une compensation pour les provinces abstentionnistes?

M. Morin (Louis-Hébert): C'est un peu ce qu'on mentionnait ce matin. Nos premières préférences et ce que nous avons dit, c'est: Pas de dépenses fédérales dans les domaines provinciaux. Cependant, il faut être réaliste. D'autres provinces ne tiennent pas autant à leur autonomie que nous. C'est un fait. D'ailleurs, c'est un problème qui se présente tous les jours. Nous ne voulons pas — et jamais nous ne voudrons — dire aux autres provinces quoi faire. Si elles veulent ce à quoi nous tenons, dans ces conditions-là, on va le voir, là, on va le savoir la semaine prochaine, vraisemblablement, si elles tiennent à ce que ce pouvoir-là s'exerce, si elles tiennent à ce que pour elles cela marche, mais que nous ne voulons pas, en ce qui nous concerne, que le fédéral intervienne dans nos domaines de compétence, à ce moment-là le problème de la compensation se pose pour nous. C'est cela que cela veut dire. Le principe n'est pas négociable en ce qui concerne

le Québec. Je pense qu'on est d'accord là-dessus. C'est pour cela que ce matin je n'avais pas de difficulté à suivre le député de Gatineau.

Le Président (M. Cardinal): D'accord. Alors, du côté ministériel? M. le ministre de la Justice ou M. le député de Taschereau? M. le député de Taschereau, je vous reconnais.

M. Guay: Merci, M. le Président. Très brièvement, je m'en voudrais de ne pas relever quelques éléments des propos du député d'Outremont que je trouve assez spéciaux. Je trouve assez étonnant que des élus du peuple québécois, rémunérés à même des impôts payés par les Québécois, puissent venir dire en commission parlementaire ou à l'Assemblée nationale — ce qui revient au même, au fond — parce qu'ils ne sont pas d'accord avec le gouvernement, ce qui est leur privilège, qu'ils ne contribueront en rien — c'est leur attitude — à améliorer la position que le Québec doit défendre au sein du fédéralisme actuel. Je trouve cela, franchement, un peu indécent. On ne leur demande pas d'être d'accord avec le gouvernement, c'est bien évident. On ne leur demande pas non plus d'être d'accord avec le résultat du 15 novembre 1976, ce serait trop leur en demander. Mais enfin, on pourrait au moins être respectueux du résultat du 15 novembre 1976 et de la volonté populaire qui a confié au Parti québécois le soin de diriger les destinées du Québec pendant au moins quatre ans. (15 h 30)

À partir de là, on pourrait au moins, démocratiquement respectueux de la volonté populaire, se comporter en bons parlementaires québécois. Est-ce que les députés du Parti libéral sont élus à l'Assemblée nationale pour contribuer à l'amélioration du sort de la nation et du peuple québécois ou s'ils sont élus ou s'estiment élus pour d'autres fins? D'après les réflexions du député d'Outremont, je dois en conclure, pour l'instant en tout cas, que c'est à d'autres fins qu'ils sont ici. Il n'est pas étonnant, à ce moment, que le député de Saint-Laurent hier nous ait dit d'emblée, d'entrée de jeu: Nous ne participerons pas à un front commun. Et le député de Notre-Dame-de-Grâce, ce matin, nous disait: Le front commun auquel vous nous demandez de participer, on n'y participera pas. On n'a jamais demandé au Parti libéral de participer à un front commun.

Le Président (M. Cardinal): S'il vous plaît.

M. Bédard: On parlait d'un Parti libéral québécois.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Taschereau, vous avez la parole

M. Raynauld: Dites-le donc ce que vous demandez.

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Guay: On n'a jamais demandé au Parti libéral de participer à un front commun, mais, si le Parti libéral ou les membres du Parti libéral ont des idées — c'est un gros si, enfin, s'ils en ont — sur la façon d'améliorer les positions du gouvernement du Québec dans le débat actuel, il me semble que c'est un peu indécent, irresponsable de leur part de ne pas en faire profiter, de ne pas en faire bénéficier les membres de la commission et, par le fait même, le gouvernement qui pourrait ensuite aller défendre des positions bonifiées par l'apport du Parti libéral et de ses membres.

Au contraire, il n'est pas étonnant que le député de Saint-Laurent ait fait cette déclaration tout de go hier parce qu'effectivement il est difficile de participer à un hypothétique front commun ce que personne ne leur a demandé, lorsqu'au fond on participe à un autre front commun qui est incompatible. Parce qu'effectivement, M. le Président, à voir l'attitude du député d'Outremont et des députés libéraux en général depuis hier, on se rappelle facilement la rencontre, la visite ad limina de M. Trudeau chez M. Ryan l'autre jour où il a été question du débat constitutionnel. Puisque les membres du Parti libéral dans cette assemblée ne veulent pas contribuer au débat, nous faire part de leurs lumières, à moins qu'elles ne soient éteintes, on doit en conclure qu'ils font partie d'un autre front commun, d'un front commun où ils sont ici chargés de défendre d'autres intérêts, les intérêts du grand frère, les intérêts de la maison mère, les intérêts du Parti libéral du Canada.

Le Président (M. Cardinal): Je ne sais pas si tout est enregistré au journal des Débats, c'est un vieil usage parlementaire que les partis puissent s'attaquer. M. le député de Taschereau.

M. Raynauld: On est des traîtres... M. Guay: Si vous voulez...

M. Raynauld: Pour le moment, c'est vous qui le dites.

M. Guay: ... vous qualifier vous-mêmes de traîtres, je vous laisse le soin de vous qualifier vous-mêmes de ce que vous voudrez.

M. Raynauld: Qu'est-ce que ça veut dire, servir les intérêts des autres?

Le Président (M. Cardinal): S'il vous plaît, à l'ordre!

M. Guay: Libre à vous de vous qualifier de ce que vous voudrez.

M. Raynauld: Servir les intérêts des autres, cela veut dire quoi?

Des voix: On n'a jamais pensé à ça.

M. Scowen: Tout le monde reconnaît que M. Trudeau et M. Ryan ne sont pas d'accord.

M. Bédard: Vous voudriez bien qu'on vous le dise. Dites-vous-le vous-même.

M. Guay: Un autre argument du député d'Outremont, M. le Président...

M. Scowen: ...

M. Guay: ... le député de Notre-Dame-de-Grâce aura l'occasion de répliquer. Entre-temps, il peut continuer à calculer les lignes, c'est un exercice auquel il est très fort.

M. Scowen: M. le Président, il faut corriger les faits.

M. Guay: Un autre argument...

Le Président (M. Cardinal): Je m'excuse, M. le député de Taschereau, c'est parce que j'entends un député...

M. Guay: II marmonne.

Le Président (M. Cardinal): ... qui se situe pour le moment à ma gauche, et je suis obligé de vous interrompre pour rétablir les faits. J'ai déjà insisté sur le fait que nous bénéficions tous d'une immunité parlementaire et qu'entre partis politiques, à moins que l'on ne désire faire un front commun, il est normal que l'on s'attaque.

M. Guay: Je n'attaque personne, M. le Président, je constate un certain nombre de choses.

Le Président (M. Cardinal): Non, j'ai dit que les partis s'attaquent.

M. Guay: Ah! s'ils veulent attaquer... M. Scowen: Les faits.

M. Guay: ... libre à eux. Il y a un autre sophisme du député d'Outremont que je voudrais relever, celui suivant lequel, pour bien participer aux conférences constitutionnelles, il faut d'abord et avant tout faire une profession de foi fédéraliste. En d'autres mots, il est impossible de participer à une conférence constitutionnelle dans le cadre fédéral si, au départ, on a de sérieuses réserves à l'endroit du fédéralisme canadien. C'est dire que, normalement, à partir de cette logique, les gouvernements antérieurs qui étaient fédéralistes auraient donc dû réussir, puisqu'on nous dit qu'on s'en va dans un cul-de-sac. On s'en va dans un cul-de-sac parce qu'on a une option de souveraineté-association. Les gouvernements antérieurs qui n'avaient pas nécessairement cette option auraient donc dû réussir dans cette même logique. Or, c'est allé de catastrophe en catastrophe.

Le gouvernement Lesage était fédéraliste, le gouvernement Johnson, le gouvernement Bertrand, et Dieu sait si le gouvernement Bourassa l'était. Comment se fait-il qu'au bout de quinze ans de négociation de gouvernements fédéralistes avec le fédéral, on soit toujours au même point? Cela n'a pas évolué d'un iota. La seule chose qui a évolué, peut-être, ce sont certaines positions du gouvernement du Québec, sous M. Bourassa, qui ont régressé. J'en veux à titre d'exemple simplement ce que je lis ici, en 1972. M. Ryan disait: "Au rythme actuel — en 1972 — l'équipe Bourassa risque de se faire dévorer petit à petit par le gouvernement central. " En 1979, elle s'est à ce point fait dévorer qu'elle est disparue de la circulation.

Il y a un gouvernement dans tout cela qui a eu, à l'endroit du fédéralisme, des réserves très nettes. Il y a un premier ministre qui, dans tout ça, à un moment donné, a dit: Si on ne l'obtient pas, on va faire l'indépendance. C'était M. Johnson. C'est d'ailleurs le seul gouvernement, jusqu'à aujourd'hui, qui a réussi à faire amorcer des négociations qui ont abouti comme toutes les autres, au bout du compte. M. Johnson n'étant plus là, M. Bourassa ayant pris la place, cela a fini à Victoria, en 1971, le fédéral ayant réussi à tasser le Québec et à négocier ses propres priorités en oubliant les priorités historiques du Québec.

Mais, au moins, lorsqu'un gouvernement, celui de M. Johnson, a dit "égalité ou indépendance", on a dit: Peut-être qu'on devrait négocier. Et on a négocié de manière à tourner toute l'affaire à l'envers, et M. Bourassa s'est laissé faire comme un amateur.

Il n'est donc absolument pas essentiel, au contraire cela est même historiquement faux si on se fie aux résultats, qu'il faille faire une profession de foi fédéraliste avant d'aller négocier avec le gouvernement du Canada. Les résultats des quinze dernières années sont là pour démontrer que, toute profession de foi fédéraliste que l'on fasse, on n'aboutit pas nécessairement.

Qu'on se souvienne de 1970, lors de l'élection de M. Bourassa, qui contestait les méthodes de l'Union Nationale. Il suffisait, paraît-il, d'avoir de bons dossiers pour qu'Ottawa écoute. Et c'est un peu ce que nous disait le député de Saint-Laurent hier. Il suffit d'avoir des bonnes idées, au fond, et d'être fédéralistes en même temps, ce qui, au départ, est tout de suite une bonne idée. Il suffit d'avoir des bonnes idées, des bons dossiers pour que tout cela soit accepté spontanément, dans de grandes générosités. Allons donc! S'il le croit, il est naïf; s'il veut le faire croire à la population, il cherche à la tromper.

Il est évident que, dans tout rapport entre gouvernements, il existe un certain nombre de choses qui s'appellent les rapports de forces. M. Bourassa s'était isolé dans une position fédéraliste: Quoi qu'il arrive, quoi qu'il se passe, quel que soit le nombre de claques que je reçoive de M. Trudeau, je reste, je resterai toujours, serai toujours et suis encore un fédéraliste. Résultat: Le gouvernement fédéral a dit: C'est parfait, mon vieux, tu n'auras rien. Et il n'a rien eu, malgré les bons dossiers bien constitués, malgré les brillants jeunes technocrates qui l'accompagnaient à Ottawa pour aller négocier. Le bilan, c'est zéro. Non, c'est après 1971, après Victoria.

Le bilan, M. le Président, au bout du compte... M. Scowen: Je pensais qu'il parlait de vous.

M. Morin (Louis-Hébert): C'est quelqu'un à qui on avait laissé des hot-dogs.

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous plaît! Je n'ai pas entendu cette phrase. M. le député de Taschereau.

M. Scowen: M. le Président, est-ce que je peux vous demander une...

M. Guay: Le bilan, au bout du compte, cela a été zéro. Ceci veut donc dire que...

Le Président (M. Cardinal): Un instant, je m'excuse. Vous pouvez soulever une question de règlement, mais pas de privilège.

M. Scowen: C'est ni l'une ni l'autre. Je voudrais poser une question de clarification, si le député me le permet.

Le Président (M. Cardinal): Vous avez droit, en vertu de l'article 100, si le député le permet, de l'interrompre.

M. Scowen: C'est simplement une clarification.

Le Président (M. Cardinal): Et s'il le permet.

M. Scowen: J'essaie de vous comprendre. Si je vous comprends bien, votre pensée est que, depuis des années, le Parti libéral a suivi une ligne de pensée qui est traditionnelle et qui est conséquente avec la politique que vous proposerez d'ici dix jours, mais qu'avec l'arrivée de M. Ryan nous avons trouvé, au Parti libéral, un leader qui est maintenant allié dans un front commun avec le fédéral, qui est plus proche des positions fédérales que les autres partis libéraux avant. Est-ce que c'est cela qu'on est devenu seulement...

M. Guay: M. le Président, pour répondre à la question du député de Notre-Dame-de-Grâce, c'est précisément ce que nous cherchons à élucider depuis ce matin. Quelle est la position du Parti libéral? Ils ne veulent pas nous la dire. C'est un secret bien gardé, parce que, s'ils nous la disait, ils se trouveraient peut-être à collaborer avec le gouvernement et permettre aux Québécois de bénéficier de leurs lumières constitutionnelles. Mais non, ils le gardent pour eux. Ils ne veulent pas nous le dire.

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous plaît! Un instant. J'aimerais qu'on...

M. Guay: On ne peut pas le savoir. Quelle est la position de M. Ryan? On peut simplement en déduire, d'après un certain nombre d'écrits, certaines rencontres, certains énoncés, que cela a l'air à être à peu près cela.

Si ce n'est pas cela, qu'ils nous le disent et qu'ils nous disent surtout ce que c'est. Qu'ils nous disent ce que c'est.

M. Scowen: C'est vraiment votre conclusion?

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Guay: Tout cela, M. le Président, pour dire que le cul-de-sac dont parlait le député d'Outremont ou le député de Notre-Dame-de-Grâce, je ne me souviens pas très bien, qu'on nous promet.

Effectivement, on ne se fait pas d'illusions, on le sait très bien, sur les négociations constitutionnelles en cours, cela n'a rigoureusement rien à voir avec l'option fondamentale du gouvernement. Le cul-de-sac existe depuis 15 ans et il est dans la nature même du fédéralisme canadien. Un gouvernement qui irait négocier demain matin à Ottawa avec une profession de foi préalable en faveur du fédéralisme se casserait la gueule exactement comme d'autres gouvernements avant lui se sont cassé la gueule.

Le Président (M. Cardinal): Est-ce que M. le ministre de la Justice désire s'exprimer?

M. Bédard: C'est seulement une réflexion qui m'est venue à l'esprit en écoutant le représentant de Notre-Dame-de-Grâce qui, à un moment donné, se disait prêt à céder au fédéral sur le pouvoir de dépenser dans des juridictions provinciales. Il me venait la réflexion suivante à l'esprit. Puisqu'il est dans un tel état d'esprit, heureusement que c'est nous, le gouvernement actuel, qui avons à négocier avec le fédéral parce qu'au moins, même en étant souverainistes, nous respectons les positions traditionnelles du Québec qui ont toujours représenté un minimum vital pour l'autonomie du Québec. Je me demandais quelle serait — on parle du pouvoir de négociation du gouvernement actuel étant donné son option souverainiste — la force de négociation du Parti libéral s'il formait le gouvernement, vis-à-vis le fédéral s'il avait à négocier alors que le fédéral saurait qu'à l'heure actuelle il n'est même pas prêt à endosser au moins les positions traditionnelles du Québec. À mon sens, la position de force pour le Québec, c'est que c'est nous qui négocions, avec l'option qu'ils savent que nous avons et aussi avec l'assurance qu'ils ont que tant que nous sommes dans le système actuel, nous allons travailler pour essayer d'obtenir du gouvernement fédéral le plus de concessions possible.

Également, j'écoutais le député d'Outremont qui disait ne pas croire au gouvernement actuel dans les présentes négociations, étant donné son option souverainiste. C'est son opinion, je la respecte, mais je lui demanderais au moins de croire au fédéralisme, de croire au fédéral. Il ne faut pas oublier que ce que nous véhiculons à l'heure actuelle, ce sont les positions traditionnelles du Québec; ce sont les positions non pas de partis politiques mais les positions de gouvernements qui se sont succédé les uns aux autres, de

quelque parti politique qu'ils aient été, et qu'à l'heure actuelle, face à ces positions traditionnelles, c'est au fédéral à faire la preuve de sa bonne volonté. Dans ce sens, je lui dit: S'il ne croit pas à nous qui véhiculons les positions traditionnelles du Québec, qu'il croie au moins au fédéral qui, à l'heure actuelle, a l'occasion, la possibilité de dire oui ou non à ces positions traditionnelles.

M. Raynauld: Est-ce que je peux poser une question? Je veux répondre...

Le Président (M. Cardinal): Certainement, toujours en vertu du même article, mais il n'est pas obligé d'y répondre. M. le député d'Outremont.

M. Raynauld: Je veux juste lui demander s'il croit à ce que... Est-ce que, comme ministre, vous croyez à ce que vous présentez actuellement?

M. Bédard: Dans le cadre actuel, assurément, nous y croyons.

M. Raynauld: Vous y croyez? (15 h 45)

M. Bédard: Nous croyons que nous devons adopter l'attitude que nous adoptons à l'heure actuelle pour essayer, et cela, le plus rapidement possible, d'obtenir des concessions du gouvernement fédéral, concessions qui n'ont jamais été obtenues dans les quinze années précédentes, alors que c'étaient, comme on l'a fait remarquer tout à l'heure, des gouvernements fédéralistes qui assumaient la direction du Québec.

M. Raynauld: Vous n'y croyez pas. Vous dites que cela ne fonctionne pas.

M. Bédard: C'est que vous n'êtes pas capable de faire...

M. Raynauld: Vous dites que la souveraineté-association, c'est votre position. Le ministre a dit tout à l'heure: Nous véhiculons ici des idées des gouvernements précédents. C'est un gouvernement d'intendance. C'est du "caretaker".

M. Bédard: Pardon! Nous les véhiculons et nous les défendons.

M. Raynauld: Oui, mais vous n'y croyez pas.

M. Bédard: C'est ce que vous dites. Nous les véhiculons et nous les défendons en disant clairement à Ottawa que ce sont les positions traditionnelles du Québec. C'est le minimum vital dont les Québécois ont toujours exprimé le besoin et, effectivement, c'est au fédéral, à l'heure actuelle, de dire oui ou non au Québec, à ces positions traditionnelles. On est toujours dans la dynamique du gouvernement du Québec qui aura, le 5 février ou plus tard, à dire oui ou non au fédéral. Je m'excuse, mais la dynamique est peut-être différente. Cela fait assez longtemps que ces positions sont véhiculées par des gouvernements autres que nous qui n'avaient pas d'option souverainiste, il me semble que cela a assez duré. Ils savent exactement ce que nous voulons. C'est à leur tour de faire le mouvement qui serait peut-être de nature à influencer l'avenir du Québec et l'avenir du Canada.

Le Président (M. Cardinal): Si M. le député d'Outremont veut intervenir, je lui soulignerai que nous sommes toujours à l'article 1 et qu'il lui reste cinq minutes.

M. Raynauld: D'accord.

M. Scowen: Je veux répondre, car je pense que vous m'avez un peu posé une question. Sur la question de force dans le pouvoir de négociation avec le fédéral, premièrement, pour moi, M. le ministre de la Justice, il y a plusieurs façons de négocier. La force, c'est un aspect, mais ce n'est pas le seul. La question que je posais, c'est que oui, on peut accepter très facilement le slogan "vous ne devez pas dépenser un cent dans aucune catégorie qui n'est pas sur la liste de 91". On peut le dire, on peut être d'accord. Si vous le voulez, pour les fins politiques, allez-y, mais, dix secondes après que le gouvernement fédéral aura accepté ce point, vous serez face à face avec les nuances. Quand j'ai posé les deux questions au ministre des Affaires intergouvernementales, j'ai parlé des nuances, parce que pour moi, au moins, il y a longtemps que nous avons dépassé cet aspect "sloganeux", s'il existe un mot officiel dans la langue française.

Le Président (M. Cardinal): C'est un néologisme.

M. Scowen: Nous avons le droit de vous demander des détails sur les nuances. J'ai soulevé deux points qui sont très importants pour une réglementation du pouvoir de dépenser, deux aspects très importants que, pour moi, au moins, en fonction d'un bon gouvernement, au ministère des Affaires intergouvernementales, vous auriez dû développer ici en préparation de cette conférence à laquelle tout le monde est convoqué. Pour les slogans, si vous voulez, que tout le monde accepte, très bien, mais je m'intéresse beaucoup plus à la manière de le réaliser. Je pense, M. le ministre de la Justice, que M. Morin qui a vécu ces expériences sait autant que moi que, soit dans un système fédéral, soit dans une association, ce sera très important de développer des nuances, parce que finalement c'est tout ce qui compte. Les slogans ne sont pas très utiles. Du côté de la force, dans les négociations, une fois qu'on s'est servi de la force, on s'est rendu à la raison et à la praticabilité du fonctionnement du système. C'est pour moi l'essentiel qu'on aurait dû développer et discuter aujourd'hui.

Le Président (M. Cardinal): D'accord. M. le ministre des Affaires intergouvernementales.

M. Morin (Louis-Hébert): Merci. C'est intéressant, ce que vous dites, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. Vous insistez beaucoup sur les nuances et la mise en oeuvre, le détail et tout. Il y a quelque chose dans ce que vous dites. Savez-vous à quoi cela me fait penser? Je pense que c'est important. On a commencé l'exercice auquel le fédéral nous a conviés jusqu'au sprint que nous vivons maintenant, à la fin de novembre. Il y a eu deux réunions de ministres. Il y a dix provinces, plus le fédéral, cela fait onze. Il y a deux ministres par province, trois au fédéral. Cela fait pas mal de gens. Deux réunions de deux jours et demi. Il va y en avoir une autre de deux jours et demi.

Treize sujets, dont certains sont moins importants que d'autres, mais quand même treize sujets. Or, au moment où je vous parle, sans rien dévoiler, il n'y a qu'un calcul chronologique qui peut nous en rendre compte, on n'est jamais allé dans les détails que vous mentionnez. Ce qui veut dire ceci, qui est très significatif: selon votre logique, toutes les provinces du Canada seraient amenées à se brancher — il va peut-être y avoir une sorte de "forcing" — au mois de février sans que tout cela ait été examiné Vous me posez des questions que je vais poser, je pense, dès la semaine prochaine — je le dis tout de suite, il y a des observateurs ici — à mes collègues fédéraux. C'est très important ce que vous venez de dire. Je vous remercie et c'est tout ce que j'ai à dire sur le sujet.

Une voix: Vous auriez dû y penser avant. Pouvoir déclaratoire

Le Président (M. Cardinal): Messieurs, je n'ai pas à précipiter les travaux de cette commission. Nous sommes sur ce que j'appellerai, pour les fins de la discussion, le sous-alinéa petit a) du grand A, c'est-à-dire le premier sujet sur treize. J'ai tenu le temps de chacun des intervenants. À moins que quelqu'un ne demande la parole, il n'est pas question de voter sur un sujet semblable. Il n'y a pas de motion devant nous. Est-ce que je puis suggérer à cette commission, avec son accord unanime, que nous prenions maintenant le deuxième sujet: le pouvoir déclaratoire? J'ai l'accord de la commission auparavant? M. le ministre.

M. Morin (Louis-Hébert): M. le Président, il n'y a qu'une page sur le pouvoir déclaratoire parce que nous avons voulu, là aussi, simplifier les choses pour qu'elles soient facilement compréhensibles, mais il y a des livres entiers qui ont été écrits là-dessus. J'en ai un qui a été préparé, à la demande de la commission parlementaire de la constitution, en 1967 ou 1968, par l'Institut de droit public de l'Université de Montréal. Il a à peu près 200 ou 300 pages.

En deux mots, vous avez le résumé ici: Le pouvoir déclaratoire, c'est ce qui permet au gouvernement fédéral, à partir d'une déclaration unilatérale, de se donner juridiction sur des ouvrages de nature locale qui relèveraient normalement de la compétence provinciale. De ce fait, Ottawa peut, les circonstances s'y prêtant, accroître le domaine de ses activités aux dépens des provinces. Ce sont les articles 91, alinéa 29 et 92, alinéa 10 c) du BNA Act qui permettent cela.

Positions antérieures. Il y en a une, très catégorique, qui a été émise, en plus de celle de Mercier, en 1887. On a dépassé un peu la date de 1900, mais de l'autre côté. Ensuite, par d'autres premiers ministres, plus tard, et par M. Johnson qui est cité là et qui dit carrément qu'on n'en est plus maintenant à l'époque où on devrait conserver un tel pouvoir. La position que nous avons prise, c'est que, comme les provinces sont des États qui jouissent de leur souveraineté interne dans leurs domaines de compétences, nous avons demandé l'abolition du pouvoir déclaratoire fédéral. Voilà! C'est ce que j'avais à dire pour le moment sur ce sujet qui est présenté, ce qui veut dire, en termes techniques, si on tient absolument à des références, que c'est une modification des articles en cause de la constitution mentionnés au deuxième paragraphe de la feuille que vous avez devant vous. Voilà!

Le Président (M. Michaud): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: J'aimerais, M. le président, poser une ou deux questions au ministre là-dessus. C'est un peu le même genre de problématique. Le pouvoir déclaratoire est détestable, bien sûr, puisqu'il équivaut essentiellement à une modification unilatérale de la constitution. Ceci étant dit, je crois savoir que plusieurs provinces dans le passé, et c'est probablement toujours le cas, ont également déploré l'existence de ce pouvoir déclaratoire. Il a été brandi parfois un peu comme une menace par le gouvernement fédéral. Il a été utilisé dans un certain nombre d'autres cas sans que la logique de ces interventions soit toujours absolument limpide. Mais les problèmes que soulève l'utilisation du pouvoir déclaratoire ne sont pas tous entièrement fictifs. Il y a, malgré tout, des problèmes réels, dans une fédération, qu'on peut vouloir régler autrement que par l'utilisation d'un pouvoir déclaratoire. Il existe là-dessus un très grand nombre de possibilités. J'aimerais savoir du ministre des Affaires intergouvernementales — ne serait-ce que pour préparer des réponses à des objections possibles sans aucun doute, qu'il serait dans la nature des choses de voir soulever par d'autres provinces ou, plus vraisemblablement, par le gouvernement central — quelle est l'alternative qu'il envisagerait à cela?

Je peux donner un exemple. Il n'est pas difficile d'imaginer des cas où l'intérêt du Québec, dans une fédération et même j'irais jusqu'à dire dans une association soulèverait la question d'opportunité que des entreprises d'une autre province ne soient pas tout à coup utilisées de manière à frustrer le Québec de certains droits ou de certaines expectatives. S'il y a un gouvernement fédéral qui n'a pas de pouvoir déclaratoire et, à plus forte raison, s'il n'y a pas de gouvernement fédéral, il faut prévoir d'autres règles du jeu. Par

exemple, on a annoncé hier, à grand renfort de publicité, un projet considérable pour acheminer le gaz des îles de l'Artique vers le Québec, vers l'Est du pays. Il était à un moment question de construire un gazoduc dont un des tracés aurait franchi le territoire du Manitoba et de l'Ontario, si je comprends bien. Est-ce qu'il n'est pas possible d'envisager des circonstances où, dans un contexte de souveraineté absolue de chacune des provinces sur des installations de cette nature-là, les provinces en question pourraient prendre des positions qui seraient très préjudiciables aux intérêts du Québec?

Encore une fois, s'il y a un pouvoir déclaratoi-re et un gouvernement fédéral, on a une solution facile. Supposons qu'on adopte cette position de principe qu'on refuse ce moyen parce qu'il y a des implications constitutionnelles désagréables à d'autres égards. Quelles sont les solutions de rechange aux actions unilatérales — parce que par hypothèse il n'y a plus de pouvoir déclaratoi-re — d'autres États, d'autres provinces de la fédération ou de l'association qui portent atteinte gravement aux intérêts du Québec? Quelles règles du jeu y substituer? On ne peut pas toujours prévoir ce que ce sera. Cela peut être dans le domaine du transport de l'énergie, cela peut être dans toutes sortes de domaines imprévisibles. Qu'est-ce qu'on fait?

M. Morin (Louis-Hébert): M. le Président, la question, on peut y répondre assez brièvement. Je vais partir de ce qui nous a été exposé; en d'autres termes, la problématique est la suivante: Une province veut poser un geste qu'on trouverait préjudiciable, ce qui suppose aussi que le Québec pourrait, de son côté, poser des gestes qui seraient préjudiciables à d'autres. Il ne faut pas seulement penser que nous sommes toujours les victimes de quelque chose, il y a quand même d'autres possibilités aussi. Bon. On pourrait prendre le raisonnement que vous faites, sur lequel vous fondez — je ne voudrais pas interpréter vos paroles — la nécessité d'un gouvernement fédéral, mais la nécessité d'un pouvoir déclaratoire...

M. Forget: Ou de quelque chose d'autre.

M. Morin (Louis-Hébert): ... ou de quelque chose d'autre, donc du pouvoir d'intervention d'une autorité suprême. On pourrait partir de cela et faire deux commentaires. Le premier est que cette façon de voir les choses, je pense, suppose que les provinces sont, au fond, sujettes d'une sorte de monarque fédéral qui, lui, a le droit de venir mettre de l'ordre dans les principautés qui se chicanent. Première chose. Mais on pourrait aller plus loin que cela parce que, si c'est vrai au plan du Canada, la logique veut que cela soit vrai au plan du monde et que, par conséquent, il devrait y avoir, au plan de l'univers, une possibilité d'intervention de Dieu sait qui, dans les petites...

M. Forget: De Dieu.

M. Morin (Louis-Hébert): Oui, mais...

M. Forget: De Dieu lui-même!

M. Morin (Louis-Hébert): ... dans les petites principautés que sont les États-Unis ou l'URSS ou autres babioles du genre. En conséquence, je pense qu'il y a une autre considération qui entre en ligne de compte. Si ce que vous dites est vrai pour le Canada, c'est vrai pour le monde. Si c'est vrai pour le monde, le Canada devrait laisser tomber sa souveraineté, et je n'ai vu personne qui propose cela actuellement. C'est peut-être une innovation, mais en tout cas il faudrait être logique pour le Québec et pour le Canada en même temps. Ce que je trouve toujours frappant dans ceux qui nous attaquent — je ne parle pas de vous, là, je voudrais bien qu'on se comprenne — comme étant nationalistes et "parochial" comme on dit en anglais, c'est que ce sont les mêmes qui sont nationalistes canadiens et qui ont, a bien des égards, des comportements identiques aux nôtres sur un plan géographiquement plus étendu. C'est la même chose, la même problématique, au fond. Voici, en réalité, ce qui a manqué dans le système fédéral, et c'est un peu ce qui a amené Daniel Johnson à dire à l'époque ce qu'il a dit, de même que Robert Bourassa en 1976 — ce n'est pas de l'ancienne histoire — et ce qui a amené bien du monde au Canada à le dire. C'est que le fédéralisme, pour être un système intelligent, doit être fondé sur la confiance et la coopération réciproques. (16 heures)

Vous allez me dire: S'il y a des chicanes, qu'est-ce qu'on fait? S'il y a des chicanes, on se déprend. De la même façon que ce n'est pas parce qu'il y a, si vous voulez, des conflits entre familles ou entre individus qu'on va demander à l'État de venir mettre de l'ordre comme cela. J'espère que ce n'est pas cela que vous proposez...

M. Forget: II y a un Code civil au moins. M. Morin (Louis-Hébert): II y a une similitude. M. Forget: II y a un Code civil. M. Bédard: II y a une autorité.

M. Morin (Louis-Hébert): Non, je parle de l'intervention de quelqu'un. Je pense que ou on est dans un État fédéral dans lequel les provinces sont des États membres de la fédération avec leur souveraineté interne et on doit les respecter, qu'elles se comportent bien ou mal, ou bien encore on n'est pas dans un État fédéral et nous sommes, ici au gouvernement du Québec, la subdivision administrative du pouvoir central ou la "branch plant" de l'administration fédérale, ce qui n'est pas ma conception du système. Dans cette perspective, nous pensons que le pouvoir déclaratoire est un reliquat d'un impérialisme fédéral qui, je pense, n'a plus sa raison d'être, que beaucoup de provinces, ont rejeté et que le gouvernement fédéral, d'ailleurs, n'utilise pas souvent. C'est pour cela que ce n'est pas une énorme question dans

un sens. D'ailleurs cela a été abordé en 1968 et en 1969 aussi. J'oubliais de le mentionner tantôt.

Encore qu'il y a certaines provinces qui désirent le garder, qui aimeraient que le gouvernement fédéral vienne prendre des responsabilités qu'elles ont et qu'elles ne veulent pas assumer elles-mêmes. C'est la difficulté dans laquelle nous sommes. De ce côté, notre position est claire: nous ne souhaitons pas la présence du pouvoir déclaratoire et nous pensons que s'il y a un pouvoir déclaratoire pour venir mettre de l'ordre dans les provinces, pourquoi n'y aurait-il pas un ministère fédéral de l'Éducation pour venir mettre de l'ordre dans les programmes d'enseignement? C'est la même logique. Cette logique, nous ne nous embarquons pas dedans et aucun gouvernement du Québec jusqu'à maintenant, à ma connaissance, n'y a embarqué. C'est la réponse que je donne à votre question.

M. Forget: Si vous permettez, M. le Président, j'aimerais y revenir, parce que la réponse du ministre est simpliste, à mon avis. Il suppose que l'alternative au pouvoir déclaratoire devrait prendre la forme d'un pouvoir fédéral de même nature.

M. Morin (Louis-Hébert): Voilà.

M. Forget: Ce qui ne fait que replacer le problème à son point d'origine. Il y a dans n'importe quelle situation concrète la reconnaissance d'intérêts communs ou la non-reconnaissance d'intérêts communs. Je suppose que l'analogie que le ministre a faite entre le gouvernement mondial et ce qui relie entre elles les différentes régions ou provinces du Canada n'est pas tout à fait une analogie à prendre sérieusement. Même dans l'hypothèse de l'association, je le répète, il trouverait probablement nécessaire qu'il y ait certaines règles du jeu. On ne traite pas avec l'Ontario de la même façon qu'on pourrait traiter avec l'Afrique du Sud. Mais peut-être que c'est une hypothèse qui n'est pas justifiée de notre côté. Peut-être qu'on traiterait effectivement de la même façon avec l'Ontario qu'avec l'Afrique du Sud, mais à ce moment, il va falloir que le Parti québécois révise un certain nombre de ses positions quant à l'association.

M. Morin (Louis-Hébert): Je ne sais pas ce que l'Afrique du Sud vient faire là-dedans, mais en tout cas.

M. Forget: L'Afrique du Sud ou n'importe quel autre pays. Le Liechtenstein, si vous voulez, ou n'importe quoi.

M. Morin (Louis-Hébert): Bien sûr.

M. Forget: L'Afrique du Sud, c'est probablement ce qu'il y a de plus loin.

M. Morin (Louis-Hébert): La République islamique de Mauritanie.

M. Forget: C'est probablement ce qu'il y a de plus loin. C'est probablement aux antipodes. À moins que ce soit l'Australie, je ne suis pas versé en géographie.

M. Morin (Louis-Hébert): Le Liechtenstein, ce n'est aux antipodes, c'est à côté de l'Autriche.

M. Forget: Non, c'est moins loin. Mais quelles que soient les préférences quant aux comparaisons du ministre, il reste que s'il n'y a pas de reconnaissance d'intérêts communs, on peut admettre sa réponse à savoir qu'il faut faire confiance, et si la confiance n'est pas justifiée, "just too bad", comme on dit en anglais, c'est bien dommage, mais il faut se contenter de la situation. Je crois que s'il y a reconnaissance d'un intérêt commun, à la fois il doit y avoir reconnaissance que cet intérêt commun peut être menacé, compromis par l'action assez souvent égoïste des gouvernements vis-à-vis de leur propre population. Après tout tout le monde se fait élire un peu partout. Il y a donc un danger qui a été reconnu dans d'autres regroupements de provinces, d'États ou d'associations quelconque. S'il n'y a pas un pouvoir déclaratoire parce qu'on renonce justement à cette présence impérialiste, selon l'expression du ministre, il va falloir imaginer quelque chose d'autre.

On ne peut pas, par exemple, concevoir qu'une province qui est entre deux autres, l'une productrice d'une ressource et l'autre consommatrice d'une ressource prélève une espèce de droit de passage, comme les brigands du XVIIIe siècle faisaient sur les grandes routes en disant: Pour passer ici, messieurs, il faut payer telle somme. C'est la bourse ou la vie. Et après cela, on peut procéder. Je pense qu'il y a quand même certaines règles de civilité qu'il ne faut pas simplement laisser à la bonne foi et au hasard, mais qu'il faut aménager.

À plus forte raison dans une constitution fédérale dont c'est la raison d'être. S'il n'y a pas d'alternative, on peut nous dire: Oui, il n'y a pas d'alternative parce qu'on a discuté du pouvoir déclaratoire indépendamment des autres questions. À force de dire ça sur tous les sujets, on va se demander: Comment se fait-il que le gouvernement croit qu'il vaut la peine de faire ces propositions, de défendre des positions traditionnelles, dans un contexte ad hoc, comme le ministre nous a dit qu'il le faisait ce matin? S'il le fait dans un contexte ad hoc, ma foi, je peux comprendre que les positions soient extrêmement sommaires. Elles ne sont pas satisfaisantes pour autant.

M. Morin (Louis-Hébert): M. le Président, j'ai répondu tantôt à une partie de la question. Il y a un autre élément de réponse et j'ai un commentaire à faire après, un commentaire question. L'autre élément de réponse, c'est qu'il existe des ententes entre gouvernements. Ce n'est pas nous qui avons inventé ça; ça existe depuis déjà plusieurs générations dans plusieurs pays du monde. Donc, les gouvernements peuvent s'entendre et je vois mal comment il faudrait constamment supposer qu'on est tellement enfantin, tellement dépendant et tellement borné que les gouvernements de provin-

ces ne peuvent pas se rendre compte que, si nous, on bloque le fleuve Saint-Laurent, il y a quelqu'un qui va chialer à l'autre bout et inversement.

Je pense qu'il y a des choses qui vont de soi. Chaque fois qu'on discute du pouvoir déclaratoire, ce qui me frappe toujours, je ne parle pas d'aujourd'hui, c'est que ceux qui y tiennent invoquent toujours des catastrophes du genre tremblement de terre ou des choses absolument invraisemblables, des sinistres auxquels personne n'a jamais songé. On imagine des absurdités et, après ça, on dit: S'il y a telle absurdité qui arrive, qu'est-ce qu'on fait pour la résoudre? Si c'était la façon de raisonner par rapport à tout ce qui se passe au monde, on n'en sortirait jamais et on vivrait constamment inquiet.

Mais est-ce que je dois comprendre des interventions que vous faites, parce qu'elles me semblent un peu curieuses, étant donné qu'il en découle nécessairement des choses, que vous êtes d'accord pour qu'il existe un pouvoir déclaratoire fédéral, c'est-à-dire une possibilité d'Ottawa d'intervenir pour prendre à sa charge des domaines de compétence provinciale? Est-ce ça que ça veut dire?

M. Forget: Non, ça ne veut pas dire ça. M. Morin (Louis-Hébert): Ah!

M. Forget: Cela veut dire que, si on est contre, il faut penser aux problèmes. Certains problèmes étaient illusoires au moment où on a invoqué parfois ce pouvoir déclaratoire. Je suis prêt à admettre que certains de ces problèmes sont illusoires, mais il y en a quelques-uns qui sont réels. Ils sont réels du point de vue de l'intérêt même du Québec face à ses voisins. Je dis que, si on doit renoncer à ce pouvoir, et on doit y renoncer, il serait important pour le gouvernement qui veut y renoncer de trouver des solutions aux autres problèmes, parce qu'autrement il n'a que la moitié d'une solution.

M. Morin (Louis-Hébert): J'en prends bonne note. Je pense que c'est une intervention intéressante. Vous rejetez le pouvoir déclaratoire; vous voulez le remplacer par autre chose. Certainement, on peut regarder ça. C'est une avenue que nous avons commencé à explorer et qui est intéressante.

M. Forget: Mais dont vous n'êtes pas prêt à faire état pour le moment.

M. Morin (Louis-Hébert): Non, parce qu'encore une fois on va beaucoup plus loin dans certaines questions que nous ne sommes allés aux réunions ministérielles. Je ne dis pas que c'est le cas précisément là-dessus; je ne veux pas dévoiler quoi que ce soit. On est toujours embarrassé dans ce cas-là. Mais le peu de temps qu'il y a eu pour ces négociations constitutionnelles ne vous a pas permis d'aller dans toutes sortes d'hypothèses qu'il aurait fallu regarder davantage, c'est bien sûr.

Je pense que je vais, pour le moment, m'abstenir de faire d'autres commentaires là-dessus. C'est une question assez simple. Il y a quand même, je le remarque et je le note, quelques provinces qui tiennent à un pouvoir déclaratoire. Je vais ajouter une chose: Si c'était si important, le pouvoir déclaratoire, pourquoi est-ce que ça fait tellement d'années que le fédéral ne l'utilise plus ou à peine? Mais ça... C'est tout ce que je veux dire là-dessus, M. le Président.

Le Président (M. Michaud): C'est au tour du député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: Merci, M. le Président. Je suis heureux de constater qu'on a une certaine forme d'unanimité autour de ce point. L'Union Nationale continue à dire ce qu'elle a toujours dit concernant ce pouvoir déclaratoire. Nous sommes d'accord avec la position que le Québec entend adopter face à l'abolition de ce pouvoir déclaratoire.

Cependant, il y a des questions que j'aimerais poser au ministre. Si on se réfère à la lettre qui était adressée à M. Trudeau par M. Lougheed à la suite de la conférence de Banff, on y voit que les provinces s'étaient entendues entre elles sur certains points qui faisaient l'unanimité et, entre autres, sur cette question du pouvoir déclaratoire. On disait: "Une disposition garantissant que le gouvernement fédéral n'usera de son pouvoir déclaratoire, lui permettant d'établir qu'un ouvrage précis est à l'avantage général du Canada, qu'avec le consentement des provinces concernées."

Je trouve assez difficile de comprendre le fait, étant donné qu'il y a eu unanimité des provinces et que le Québec faisait partie de cette entente, que maintenant, elles puissent revenir avec une autre proposition, avec laquelle nous sommes d'accord, d'ailleurs. Cela voudrait dire que les discussions n'auraient pas été fermées à ce sujet et qu'on pourrait y revenir. Est-ce que c'est cela qu'on doit comprendre dès...

M. Morin (Louis-Hébert): Je ne voudrais pas de malentendu, M. le Président. Dites-moi donc où vous voyez cela, parce que je sais à quoi vous faites allusion.

M. Fontaine: C'est la traduction de la lettre de M. Lougheed à M. Trudeau, qui est datée du 14 octobre 1976.

M. Morin (Louis-Hébert): C'est quelle annexe, celle-là?

M. Fontaine: C'est l'annexe C.

M. Morin (Louis-Hébert): Je veux dissiper le malentendu que je vois. Je comprends ce que vous voulez dire. Le pouvoir déclaratoire, une seconde: ... qu'avec le consentement des provinces concernées." En pratique, si vous utilisez le pouvoir déclaratoire avec le consentement de la

province, vous n'avez plus de pouvoir déclaratoire. Il n'y a pas de contradiction.

M. de Bellefeuille: S'il y a consentement, il n'y a pas de viol.

M. Morin (Louis-Hébert): Entendons-nous. J'imagine une situation X. Supposons que le gouvernement fédéral dit: Telle industrie en Ontario, on veut mettre la main dessus pour une raison X. L'Ontario dit: Bien sûr, cela a du bon sens. À ce moment-là, ce n'est pas le pouvoir déclaratoire tel que nous le connaissons maintenant, où le fédéral, unilatéralement, peut le faire. Je pense qu'il n'y a pas de contradiction. Est-ce qu'on se comprend?

M. Fontaine: Oui. Je ne le sais pas, mais cela règle peut-être le problème du député de Saint-Laurent qui dit qu'il faudrait trouver un système de remplacement.

M. Morin (Louis-Hébert): Je le sais bien. Moi aussi, cela règle le problème, si tout le monde est d'accord.

M. Fontaine: Si tout le monde s'est entendu, on passe à un autre point.

Le Président (M. Michaud): M. le député de Rosemont.

M. Paquette: J'aurais une réflexion analogue à celle du député de Nicolet-Yamaska. Je pense que, tout d'abord, il faut s'entendre sur la définition. Le pouvoir déclaratoire, c'est ce qui permet au gouvernement fédéral d'intervenir dans des champs, reconnus par la constitution, de compétence provinciale, sans l'accord du gouvernement de la province. Vous êtes d'accord avec cette définition?

M. Forget: Oui.

M. Paquette: D'autre part, le député de Notre-Dame-de-Grâce, tantôt, nous a dit: Moi je vois, dans le fédéralisme renouvelé, deux paliers de gouvernement: le gouvernement du Canada et les gouvernements provinciaux, en particulier le gouvernement du Québec. Ils sont tous les deux souverains dans leur sphère de compétence respective. Qu'est-ce que c'est, la souveraineté? La souveraineté, dans une sphère de compétence donnée, c'est l'autorité exclusive d'un État de légiférer sur son territoire, sans ingérence extérieure, à moins qu'il n'y consente. Vous allez retrouver cela partout, c'est la définition de la souveraineté.

Maintenir un pouvoir déclaratoire, c'est nier la souveraineté des provinces dans leur sphère de compétence respective. Tout autre mécanisme — le député de Saint-Laurent cherchait un autre mécanisme — pour permettre au gouvernement fédéral d'intervenir...

M. Forget: Ce n'est pas cela que je cherche.

M. Paquette: Si ce n'est pas cela que vous cherchez, vous n'êtes pas dans le sujet.

M. Forget: Oui, je suis dans le sujet.

M. Paquette: Si vous pensez à des mécanismes comme: les provinces pourraient mettre une commission conjointe sur pied pour régler certaines questions, ou pourraient passer des ententes entre elles, c'est prévu, cela se fait et cela n'a rien à voir avec le pouvoir déclaratoire.

Le pouvoir déclaratoire est une atteinte directe à la souveraineté des provinces, dans leur champ de compétence. Je suis d'accord avec le député de Nicolet-Yamaska. On n'a pas à trouver une formule de remplacement.

M. Forget: Pas pour le pouvoir déclaratoire.

M. Paquette: On peut chercher une formule permettant d'harmoniser les politiques des provinces, de faire en sorte que les provinces ne se marchent pas sur les pieds les unes des autres. Mais cela n'a rien à voir avec le sujet dont nous discutons. C'est tout ce que j'avais à dire là-dessus.

M. Forget: Cette intervention brillante du député de Rosemont a permis de comprendre qu'il ne comprend pas la question que j'ai posée au ministre. Cela ne m'étonne pas plus qu'il le faut.

M. Paquette: Je l'ai très bien compris.

M. Forget: II reste qu'il ne s'agit pas de trouver un substitut au pouvoir déclaratoire. Il s'agit de trouver une façon de résoudre des problèmes, une fois le pouvoir déclaratoire disparu. Je n'ai pas l'impression que vous avez une idée très claire des problèmes qui peuvent être soulevés.

M. Morin (Louis-Hébert): Ne faites pas de personnalité.

M. Paquette: Je pense que j'en ai une assez claire, pas mal plus claire que celle du député de Saint-Laurent qui nous évoquait des problèmes de transport où une des provinces située entre deux autres pourrait percevoir des droits de douane. (16 h 15)

Vous savez très bien que cela est réglé par les compétences fédérales actuelles, le transport interprovincial relève du gouvernement fédéral et le commerce interprovincial aussi. Actuellement — dans un fédéralisme, si on se place toujours dans cette optique — cette question est réglée autrement que par le pouvoir déclaratoire.

Je vais vous donner un exemple où cela pourrait intervenir. À un moment donné, une province comme le Québec — on l'a fait récemment — décide de protéger le fait français au Québec et de faire en sorte que tous les citoyens qui n'ont pas fait leurs études au Québec dans la langue anglaise n'aient pas accès aux écoles anglaises. Une autorité extérieure, comme le gou-

vernement fédéral ou les autres provinces, pourrait bien prétendre que cela nuit à sa juridiction. Voilà un bon exemple. Comment une affaire comme cela peut-elle se régler? On n'a pas besoin de pouvoir déclaratoire ni d'un autre mécanisme; cela peut se régler par des ententes interprovinciales, et on en a proposé une; on a proposé aux autres provinces de passer des accords de réciprocité en vertu de quoi l'école anglaise serait ouverte aux ressortissants des autres provinces à condition que la même chose soit faite pour les ressortissants de la province de Québec lorsqu'ils vont dans les autres provinces.

À moins que vous précisiez ce que vous avez dans l'idée, je ne vois vraiment pas ce que vous voulez dire quand vous dites que vous avez besoin d'une solution de rechange au pouvoir déclaratoire du gouvernement fédéral.

M. Forget: Si vous ne le prévoyez pas, tant mieux pour vous.

M. Paquette: Si vous le voyez, cherchez un meilleur exemple que celui que vous nous avez donné.

Le Président (M. Michaud): À l'ordre!

M. Bédard: C'est seulement une manière de ne pas être d'accord.

Le Président (M. Michaud): Excusez, vous voulez intervenir?

M. Scowen: Oui.

Le Président (M. Michaud): D'accord.

M. Fontaine: Est-ce que j'ai perdu mon droit de parole?

Le Président (M. Michaud): Non. Pardon. M. le député de Rosemont.

M. Paquette: Je comprends que vous cherchiez des poignées pour justifier que vous ne voulez pas donner votre position et vous voulez faire voir que cette question est très compliquée, et elle n'est pas compliquée du tout. La position n'a pas besoin d'être détaillée par 36 considérations.

M. Gratton: C'est comme vous autres, cela.

M. Bédard: Heureusement qu'ils n'ont pas à négocier.

Le Président (M. Michaud): M. le député de Nicolet-Yamaska, j'avais cru que vous aviez terminé et j'avais donné le droit de parole au député de Rosemont; si vous voulez continuer, vous avez encore au moins 15 minutes, sinon 17.

M. Fontaine: Je vais tout simplement demander son avis au député de Saint-Laurent sur la proposition qui a été...

M. Gratton: Quand partez-vous pour Ottawa?

M. Fontaine: ... adoptée avec les autres provinces du Canada à l'effet que le pouvoir déclaratoire serait aboli mais que, si jamais le gouvernement fédéral voulait s'en servir avec le consentement d'une ou des provinces concernées, il pourrait le faire; est-ce que, à ce moment-là, cela pourrait satisfaire ses préoccupations?

M. Forget: Je souscrirais à la réponse que vous a faite le ministre.

M. Morin (Louis-Hébert): Si tout le monde est d'accord, on pourrait peut-être prendre d'autres sujets. Le prochain est vraiment simple.

Péréquation et inégalités régionales

Le Président (M. Michaud): D'accord. Avec l'approbation de la commission, on pourra passer au point c: la péréquation et les inégalités régionales. M. le ministre.

M. Morin (Louis-Hébert): Ici, c'est vraiment un des quelques cas très simples qui se présentent devant nous, celui de la péréquation et des inégalités régionales. Il est très simple. Je vais lire seulement quelques lignes du deuxième paragraphe. Tout le monde sait qu'il y a un régime de péréquation qui existe au Canada depuis 1957 et qu'il existe des subventions inconditionnelles fédérales. Alors, je lis: Plusieurs provinces tiennent à ce que ce principe — c'est-à-dire ce qu'on vient de dire — ne soit pas transformé et aimeraient bien voir la péréquation en quelque sorte cristallisée dans la constitution elle-même, ce à quoi personne ne s'oppose vraiment puisqu'il ne s'agirait que de confirmer une situation qui existe depuis plus de 20 ans. Certaines provinces jugeraient également opportun de mentionner une formule précise de péréquation dans la constitution, mais là-dessus les avis sont beaucoup plus partagés. En substance, c'est très simple, on voudrait... Cela est une vieille question, je pense qu'elle date elle aussi de 1969; je me demande si elle n'était pas dans la Charte de Victoria. Je ne veux pas lire le texte juridique qui est là mais le principe, tenons-nous en au principe. Est-ce qu'il y a un article de la constitution qui pourrait dire qu'il y a un régime de péréquation qui existe, qu'il y a des subventions inconditionnelles données aux provinces pour qu'elles égalisent, en quelque sorte, la nature de leurs services? Le Québec a toujours été d'accord avec cela à la condition — je pense que tout le monde pourra la comprendre facilement — qu'on ne donne pas plus de pouvoirs au gouvernement fédéral qu'il n'en a maintenant. À cette condition, aucune objection — on peut l'écrire demain si on veut — parce que cela ne change strictement rien en pratique à la situation qui prévaut depuis vingt ans au Canada.

Il y a peut-être une ou deux provinces qui n'aiment pas beaucoup qu'on reconnaisse que la péréquation existe, mais c'est une vieille histoire. Au moment où l'on parle, en ce qui concerne le

Québec, aucune difficulté. C'est une vieille affaire déjà acceptée depuis toujours. On était déjà d'accord là-dessus. C'est même une des premières choses sur lesquelles on a été d'accord à Victoria ou ailleurs, je ne peux m'en souvenir au moment où je vous parle. C'est cela le problème. Est-ce qu'il y a un article dans la constitution qui dit qu'il y a un régime de péréquation? C'est cela.

Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le ministre. Est-ce que quelqu'un désirerait s'exprimer sur le sujet? Oui? M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Scowen: Je veux simplement poser une question au ministre. Dans votre projet d'association avec les dix autres provinces du Canada actuel, est-ce que vous prévoyez un système de péréquation?

M. Morin (Louis-Hébert): Dans notre projet de souveraineté-association, on prévoit un système de coopération. Il me ferait plaisir de vous en parler, mais ce n'est pas le sujet à l'ordre du jour aujourd'hui. Je pense qu'il ne faudrait pas sortir de la sorte de questions que nous nous sommes fixée.

Le Président (M. Cardinal): D'accord. M. le ministre...

M. Scowen: On va donner le consentement, si vous voulez...

M. Morin (Louis-Hébert): Même si on me donnait le consentement...

Le Président (M. Cardinal): Un instant! Me permettez-vous, M. le ministre!

M. Morin (Louis-Hébert): Je permets n'importe quoi.

M. Scowen: Ce n'est pas exclu.

Le Président (M. Cardinal): Non, il n'y a pas de consentement pour sortir du mandat d'une commission. Je m'excuse.

M. Scowen: Je pense que tout le monde s'intéresse à cette question.

Le Président (M. Cardinal): D'accord, mais on pourra en discuter à côté...

M. Scowen: II faut admettre que c'est un peu lié à...

Le Président (M. Cardinal): J'ai eu une certaine largesse, mais il ne faudrait pas quand même qu'on en vienne à un autre sujet.

M. Scowen: Oui, très bien, ce n'est pas tout à fait le sujet.

Le Président (M. Cardinal): Nous discutons, si je ne me trompe, de ce qui va être discuté, si ce l'est, le 5 février prochain. Oui, M. le député d'Outremont.

M. Raynauld: M. le Président, j'aurais également quelques éclaircissements à demander. Est-ce qu'au-delà du principe de la péréquation qu'il s'agirait de consacrer dans la constitution, il y a déjà eu des discussions sur les modalités d'application de ce principe, sur les modalités d'expression de ce principe dans la constitution? Je pense, en particulier, à celle-ci. Est-ce que, si on établit ce principe dans la constitution, le gouvernement fédéral conserve la possibilité de modifier la formule? Est-ce que, dans ce cas, il est prévu un consentement des provinces ou non? Est-ce qu'il y a un certain nombre de considérations ou d'applications qui ont déjà été discutées à cet égard?

Le Président (M. Cardinal): M. le ministre.

M. Morin (Louis-Hébert): Réponse très facile. La seule chose qui est discutée dans la ronde constitutionnelle actuelle, c'est vraiment, dans cette matière comme dans d'autres, le principe même. Il y a eu des suggestions de faites dans le passé. Je ne manque pas au secret en disant qu'il y en a qui sont revenues cette fois-ci, selon lesquelles il pouvait y avoir une formule précise de péréquation dans la constitution. Nous, du Québec, on n'aime pas qu'il y ait une formule précise parce que cela peut varier selon les époques. Nous n'avons pas accepté cette suggestion. Il n'y a pas eu de discussion technique jusqu'à maintenant, parce que la base même de toute l'affaire, c'est: Est-ce qu'on met dans la constitution qu'il y a de la péréquation, oui ou non, le système s'appliquant comme il s'applique maintenant, purement et simplement? Cela ne change rien. Vous n'êtes pas obligés de me croire, mais cette partie, ce sujet parmi les X autres ne change rien à ce qui existe maintenant. Ce n'est que la reconnaissance que la péréquation existe. C'est tout ce qui a été...

M. Raynauld: Cette question m'a été inspirée par un des commentaires que M. le ministre a faits tout à l'heure, à savoir qu'il ne faudrait pas qu'à l'occasion de l'insertion d'un principe comme celui-là dans la constitution, on vienne limiter d'une façon indirecte ou directe les droits des provinces, reconnus par ailleurs. Alors, je me demandais, étant donné cette condition qui peut être mise, qui d'ailleurs est inscrite ici...

M. Morin (Louis-Hébert): Oui, c'est cela. Il est là, le texte.

M. Raynauld: ... dans le document de travail de 1968, si, parallèlement à une précaution de ce genre en faveur des provinces, il avait été question de précautions parallèles en faveur du gouvernement fédéral ou non. C'est seulement une question d'information.

M. Morin (Louis-Hébert): Votre souci de prendre les intérêts du gouvernement fédéral vous honore, mais il n'en a pas été question. C'est très simple, cette discussion-là. On est à la veille de prendre plus de temps là-dessus qu'on en a pris là-bas. Mais en tout cas. Non, il n'en a pas été question. Je le répète: C'est simplement pour mettre dans la constitution qu'il existe une péréquation et que les gens s'occupent — les provinces et le gouvernement fédéral — de lutter contre les inégalités régionales. C'est cela, le principe. Ce sont les provinces maritimes qui, dans le passé, ont beaucoup insisté là-dessus. Ce sont des positions qui datent d'il y a longtemps et c'est à cause de cela que cela a été repris cette fois-ci. Cela fait partie du "carry-over" de toute la discussion constitutionnelle antérieure.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Lotbinière et chef de l'Union Nationale.

M. Biron: M. le Président, je crois que tout le monde est d'accord pour inscrire dans la constitution une formule de péréquation ou un principe de péréquation pour lutter contre les inégalités régionales. Je voudrais quand même voir un peu plus loin et demander au ministre si, à travers les discussions qui ont eu lieu, on a discuté d'un partage non seulement des pouvoirs, mais des revenus. Cela pourrait changer d'une façon considérable le mode de calcul. À l'heure actuelle, le calcul est fait sur le revenu des particuliers et on distribue la richesse avec cela. Finalement, si on redistribue les impôts d'une autre façon et si les provinces ont beaucoup plus d'impôts directs, d'impôts sur le revenu des particuliers et que le gouvernement fédéral a d'autres sources de revenus, on changera d'une façon considérable, je pense bien, en même temps, le mode de calcul des richesses des citoyens des différentes provinces. Y a-t-il eu des discussions en ce sens? Le ministre pourrait-il parler aussi un peu de ce mode de calcul qui pourrait éventuellement changer en fonction des richesses des individus ou de la façon de percevoir certaines taxes qui existent aujourd'hui et qui n'existeront plus lorsqu'on aura d'autres sources de revenus?

M. Morin (Louis-Hébert): Je dois répondre non à la première question et non à la deuxième, mais pas pour les mêmes raisons. Je réponds non à la deuxième, c'est-à-dire que je ne voudrais pas entrer dans l'explication de la péréquation, dans les modes de calcul. C'est outrageusement ennuyeux et cela n'est pas nécessaire à cause du premier non. On n'a pas parlé de cela. Je répète que la discussion constitutionnelle en cours n'est pas une discussion d'ordre administratif. À cet égard, ce qui a été présent dans notre esprit et dans celui de tout le monde, c'est: Est-ce qu'on met la péréquation dans la constitution et l'obligation pour les gouvernements de s'occuper des inégalités régionales? Si on le met, est-ce qu'on prend la précaution — tout le monde est un peu d'accord là-dessus — que cela ne vienne pas changer quelque répartition de compétence anté- rieure que ce soit? C'est tout. On n'a pas parlé des modes de calcul, ni des formules de péréquation, cela étant laissé à la discussion des arrangements fiscaux quinquennaux réguliers. Donc, on n'est pas allé là-dedans, sauf qu'il y a un sujet qui m'est venu à l'esprit tantôt sur l'imposition indirecte, sujet aussi antérieur, pris dans la discussion constitutionnelle de 1968 ou 1969 qui, lui, changerait un peu la répartition des ressources fiscales au Canada. Cela affecterait peut-être la péréquation, mais cela n'a pas été calculé. Ce n'est pas du tout cela qui s'est passé. Ce n'est que la confirmation du statu quo en cette matière par une phrase constitutionnelle. C'est ce qui se passe maintenant dans cette question. On est intervenu là-dessus, mais vraiment brièvement. C'est peut-être le sujet sur lequel on est intervenu le plus brièvement. On a dit: Oui, cela va, pas de problème.

M. Biron: Quand même, pour continuer le statu quo actuel sur la formule de péréquation, cela prend des revenus au gouvernement fédéral. C'était le but de ma question puisqu'un peu plus tard on discute du partage des revenus. Une fois qu'on a discuté du partage des pouvoirs, on a dit aussi: II faut avoir les sources de revenus correspondant aux pouvoirs qu'on a. Si le gouvernement fédéral a beaucoup moins de revenus, par contre, il va distribuer beaucoup moins d'argent au niveau des provinces. Est-ce que cela va affecter la redistribution avec la péréquation? Si le gouvernement fédéral n'a plus d'argent, théoriquement, il ne peut pas faire de péréquation.

M. Morin (Louis-Hébert): Je m'excuse. J'avais peut-être mal compris votre question. Actuellement, il n'est aucunement question, à aucun endroit, d'un partage fiscal fédéral-provincial tel qu'il diminuerait même légèrement la part du partage fiscal qui revient au gouvernement fédéral. Ce n'est pas du tout dans l'ordre des discussions que nous avons présentement. Ce n'est intervenu à aucun moment. Il n'est pas question d'un nouveau partage fiscal présentement. Il n'en est pas question. Ce n'est pas intervenu. Personne ne s'est demandé — en fait, c'est la première fois qu'on le fait aujourd'hui — si le gouvernement fédéral aura assez d'argent pour continuer. La réponse est oui, il en a beaucoup, mais cela n'est pas en cause. (16 h 30)

II y a une chose qui est en cause, c'est quelque chose que je dirai tantôt sur l'imposition indirecte, avec une nuance très importante que je vais apporter, pour ne pas qu'on se méprenne sur la portée de l'imposition indirecte qui vient comme prochain sujet.

M. Paquette: Si le député de Lotbinière le permet, juste une petite remarque. Je trouve son intervention intéressante parce que cela nous permet de voir que, peut-être, aller plus loin qu'une position de principe nécessite au préalable une entente quant à la répartition des pouvoirs et des fonds qui sont affectés à chaque gouvernement.

Le Président (M. Cardinal): D'accord. M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Merci, M. le Président. Je remarque que le titre de la rubrique est double. On parle de péréquation et d'inégalités régionales. C'est comme cela que c'est libellé. Sauf erreur, la position du Québec porte sur le premier membre, la péréquation. Sur les inégalités régionales, il n'y a pas d'autres observations là-dessus.

M. Morin (Louis-Hébert): Vous avez raison de signaler que le titre est un peu bizarre. C'est la péréquation en tant qu'instrument pour diminuer les inégalités régionales. C'est cela, au fond, qui aurait dû être dit, mais on n'a pas voulu changer les titres. C'est comme tantôt, on va avoir: ressources naturelles et commerce interprovincial. Ce ne sont pas les ressources naturelles et le commerce interprovincial d'autre part, ce sont les aspects interprovinciaux des ressources naturelles. On a pris l'appellation déterminée au cours de la conférence et on n'a pas voulu la changer. C'est surtout la péréquation en tant qu'instrument de lutte aux inégalités régionales, encore que je doive dire qu'il est question de mettre un paragraphe ou deux dans la constitution pour dire que le gouvernement fédéral et le gouvernement des provinces, parmi leurs responsabilités normales et sans changer la répartition des pouvoirs, doivent s'occuper de lutter contre les inégalités régionales. C'est essentiellement cela. Mais il n'y a pas grand-chose là-dessus. Vraiment pas.

Imposition directe

Le Président (M. Cardinal): Y a-t-il d'autres interventions sur ce deuxième sujet? Alors, est-ce que nous pourrions dire tertio et... Nous sommes rendus à l'imposition indirecte.

M. Morin (Louis-Hébert): L'imposition indirecte est un sujet un peu plus complexe sur le plan technique et un de ceux qui, en 1968, ont provoqué le plus de travaux d'experts de l'extérieur à cause d'une difficulté que je vais mentionner dans une seconde. Mais je veux tout de suite dire une chose que j'ai notée dans le troisième paragraphe de la première page de votre dossier. C'est que ce n'est pas parce que, juridiquement, une province ou des provinces auraient accès à des éléments de l'imposition indirecte que cela donne nécessairement plus d'argent aux provinces. Je pense qu'on règle là un problème juridique et non pas un problème de partage effectif des ressources. Je veux m'exprimer plus clairement encore parce que là il peut y avoir un plus grand malentendu possible dans cette ronde constitutionnelle, celui de croire — ce qui n'est pas encore une chose sûre, évidemment — que s'il y a une possibilité pour les provinces de recourir à l'impôt direct, elles vont pouvoir, effectivement, advenant le cas, y recourir, le gouvernement fédéral étant déjà présent dans ces domaines. C'est très clair que ce n'est pas le partage, que cela n'est pas un don d'impôt indirect du fédéral qui va dans les poches des provinces. Ce n'est pas ce dont il est question, je souligne. Ce dont il est question c'est, théoriquement, la possibilité pour les provinces d'avoir accès à l'impôt indirect.

Or, l'impôt indirect est cet impôt — si je peux lire la définition quelque part — qui est exigé d'une personne autre que celle que le législateur entend faire payer. C'est une vieille définition qui ne veut plus dire grand-chose aujourd'hui, et je l'explique dans le deuxième paragraphe; cela part de certaines notions d'économistes du siècle dernier, à l'époque de la Confédération; cela n'a pas été très révisé depuis. Donc, cela n'a plus l'actualité que cela avait à l'époque, à l'époque où les gouvernements n'avaient pas tellement de sources de revenus comme celles qu'on connaît aujourd'hui.

Ce que le Québec a demandé dans le passé, c'est l'application du principe de l'accès à l'ensemble des ressources fiscales. Avec une nuance double. L'impôt foncier et les droits successoraux continueraient d'être exclusifs aux provinces, les revenus de la douane exclusifs au gouvernement fédéral. Alors, à l'époque, impôt foncier, droits successoraux — je parle de 67, 68, à l'époque de M. Johnson — droits successoraux c'était plus important qu'aujourd'hui comme préoccupation gouvernementale. Je ne veux pas faire l'historique fiscal, il y en a qui les ont abandonnés.

Notre position actuelle est inspirée de cela, en tenant compte de l'évolution, bien sûr. Notre position, c'est la suivante: L'ordre du jour du présent exercice constitutionnel n'aborde pas le problème de la taxation directe — c'est encore plus important. Il ne touche que la taxation indirecte. À ce propos, le Québec a demandé que le paragraphe 2 de l'article 92 du BNA Act soit modifié pour permettre aux provinces — c'est là la substance — l'accès à toutes les formes de taxation, sauf toutefois les droits douaniers. Je reviendrai au reste après. Je pourrais peut-être m'en tenir à cela pour le moment et je voudrais éviter dans cette matière, si on est le moindrement capable de le faire, de devenir hautement technique. L'idée générale, c'est qu'on a droit comme province à toutes les formes de taxation, sauf que la douane reste au fédéral. C'est cela que cela veut dire.

La difficulté pratique et celle qui a fait achopper beaucoup de discussions en 1968, 1969, c'est que, si vous aviez droit aux impôts indirects comme province, le fédéral exigeait que ce droit soit limité — donc, le droit vous l'avez, mais limité — par deux considérations. La première, c'est que vous ne devez taxer que les citoyens de la province dans laquelle vous êtes et, deuxièmement, que votre application de la taxation indirecte ne doit pas constituer une barrière tarifaire masquée. La difficulté qui s'est présentée, qui a demandé beaucoup de travail, qui n'était pas résolue, c'est comment vous pouvez concevoir que l'impôt indirect va aller aux provinces sans que ces difficultés surviennent. Et le problème, au moment où je parle, va être repris la semaine

prochaine. Je ne sais pas exactement où nous en sommes présentement. C'est cela la position. C'est la même position qu'il y a dix ans.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: M. le Président, il serait peut-être intéressant de faire préciser une chose un peu dans le même esprit que le ministre l'a fait tout à l'heure lorsqu'il a dit que la péréquation, essentiellement, c'était d'inscrire dans des textes une pratique vieille de 20 ans. C'est un peu la même chose dans le cas de l'imposition indirecte dans les provinces. Même je pense que la ville de Montréal, la première, dans les années vingt ou quelque chose dans ce genre, a innové avec une taxe de vente et que, par un subterfuge juridique, cette taxe indirecte a été considérée comme une taxe directe.

M. Morin (Louis-Hébert): C'est cela.

M. Forget: Ce qui veut dire que, même avec un changement constitutionnel, on se retrouvait le lendemain exactement dans la position qu'on connaît aujourd'hui.

M. Morin (Louis-Hébert): C'est exact. J'ai oublié de le dire, c'est au milieu de mon premier paragraphe, M. le député. Les provinces ont de plus en plus recours à des formes de fiscalité qu'on pourrait facilement qualifier d'indirectes. C'est déjà le cas maintenant. C'est une discussion qui peut être fort technique. Cela ne changera pas énormément le statu quo. Je ne le dis pas par esprit de parti, je le dis parce que c'est la réalité. Vous venez d'ailleurs vous-même de le dire. Mais je pense qu'il est quand même bon de faire le tour de la question. Je n'ai pas autre chose à ajouter que cela.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Lotbinière et chef de l'Union Nationale.

M. Biron: J'ai une question à poser au ministre. Est-ce que dans les nombreuses discussions...

M. Morin (Louis-Hébert): Parce que M. le président est en train de me dire qu'il est un expert en taxation indirecte. Il me dit qu'il a enseigné cela pendant 25 ans.

Le Président (M. Cardinal): Je n'ai pas dit que j'étais un expert. Je dirai simplement, à la suite de l'intervention du ministre, que je me retiens beaucoup aujourd'hui pour de multiples raisons, mais c'est mon métier et mon rôle. M. le député de Lotbinière.

M. Biron: Le ministre a dit tout à l'heure, je crois avec justesse, que, même si on donnait aux provinces des sources théoriques ou constitutionnelles de revenus, de taxation, elles ne pourraient employer ces sources qu'en fonction de la capaci- té de payer du contribuable. Est-ce qu'il y a eu des discussions tout dernièrement ou au cours des dernières rencontres vis-à-vis de certaines sources de taxation indirecte qui pourraient être réservées aux provinces et d'autres réservées au gouvernement fédéral? Il y a toujours, à l'autre bout, Jean-Baptiste, le "payeur de taxes" dont la capacité est limitée. Il est déjà surexploité à l'heure actuelle. Ce serait peut-être intéressant de savoir s'il y a eu une discussion dans ce sens en particulier au cours des dernières réunions.

M. Morin (Louis-Hébert): Je vais vous répondre très vite. Non, le but de la discussion n'étant pas de refaire le partage fiscal, mais de rendre la constitution plus cohérente avec la pratique. Celle-ci fait que déjà des gouvernements provinciaux sont dans la taxation indirecte. La taxe sur l'essence pourrait très bien, si on voulait faire des discussions, être qualifiée de taxe indirecte. Il y en a une série d'autres. Cela n'a pas été l'objet de la discussion, le partage fiscal. Ce qui a été l'objet de la discussion, c'est: Est-ce qu'on écrit dans la constitution ce que vous faites déjà dans une bonne mesure et, si on le fait, quelle limitation met-on pour ne pas qu'il y ait de problème découlant de l'application éventuelle de reconnaissance juridique? Ce n'est pas de ça dont il a été question.

M. Biron: Est-ce qu'on a exploré aussi de nouvelles sources de revenu, de taxation indirecte? Comme au dernier budget provincial, on a imposé une taxe sur la publicité à la télévision, tout ça.

M. Morin (Louis-Hébert): Non.

M. Biron: On n'a exploré aucune nouvelle source possible où on pourrait dire: Cela relève du provincial, ça du fédéral?

M. Morin (Louis-Hébert): Non, carrément non. On a mentionné ces choses, parce que dans la nomenclature, il a été question de ces sujets, mais il n'a pas été question... On est en train de faire l'inverse. Au lieu de dire: Tel secteur de gouvernement a droit à telle taxe et tel autre à telle taxe, comme tout le monde est de toute façon présent dans tous les domaines, l'idée est de dire: Tout le monde a droit à toutes les sources de revenu, sauf telles ou telles petites exceptions. C'est ça dont il a été question. C'est le contraire de la procédure adoptée jusqu'à il n'y a pas très longtemps d'ailleurs, en vertu de laquelle on essayait mécaniquement de donner telle source de revenu aux provinces, telle source au fédéral, et arrangez-vous avec.

Ce n'est plus ça maintenant. Maintenant, la doctrine nouvelle, depuis dix ou quinze ans, c'est que la distinction technique et juridique datant du siècle dernier en taxation directe et indirecte, à l'époque où les gouvernements étaient beaucoup plus insignifiants — non significatifs dans le sens d'intervention étatique — qu'aujourd'hui, cette

distinction n'a plus de raison d'être et la constitution n'en tient pas compte, alors ajustons-|a. Ce n'est pas la recherche de nouvelles sources de revenu. Il n'y a personne qui s'attend à faire $100 millions quand ça va être adopté, si cela l'est.

M. Biron: Est-ce que ça voudrait dire aussi, si on accepte la position du Québec aujourd'hui, que dans certains domaines en particulier, je pense à l'amiante, on pourrait imposer une taxe, tant par tonne d'amiante et finalement, ça deviendrait une taxe à l'exportation, parce qu'on exporte 60%...

M. Morin (Louis-Hébert): Bon, très intéressante question.

M. Biron: ... ou 80%? Ce serait peut-être intéressant de voir quelle sorte de revenu additionnel on peut avoir, au Québec, de matériaux qu'on exporte à l'extérieur du Québec.

M. Morin (Louis-Hébert): C'est ce qui vient à la question g), la propriété des ressources et le commerce interprovincial, c'est exactement ce genre de problème. Ce n'est pas la taxation indirecte.

M. Biron: À l'heure actuelle, selon notre formule de taxation, le Québec n'a pas le droit de taxer des matériaux pour le commerce interprovincial ou international, donc imposer une douane sur ses propres produits. Si on accepte votre position, est-ce que le Québec aurait le droit d'imposer une telle taxe?

M. Morin (Louis-Hébert): Je dirais que si on accepte la position que l'Union Nationale avait eue, dont nous nous sommes inspirés, ça ne donne pas ce pouvoir, ça n'est pas la question. La question vient tantôt, avec la taxation des richesses naturelles. Cela viendra, mais pas tout de suite. En réponse à votre question, non ça ne donne pas ce pouvoir, ce n'est pas ça. Peut-être que c'est moi qui ne suis pas clair.

Cela ne règle pas le cas du jugement de la Saskatchewan, avant les élections en Saskatchewan, selon lequel il y avait une impossibilité causée par le système actuel pour la province de Saskatchewan d'agir comme elle l'aurait voulu dans le cas de la potasse. Cela ne règle pas ce cas-là, ni l'amiante, ni rien.

M. Biron: Ne prenons pas les richesses naturelles. Si vous voulez, on va prendre le meuble. On expédie beaucoup de meubles à l'extérieur. À l'heure actuelle, une vente de meubles du Québec vers l'Ontario, ce n'est pas taxable, avec la taxe provinciale. Le meuble est taxable si on le vend au Québec. Est-ce qu'avec votre formule de taxation indirecte on aura le droit d'imposer la taxe, non pas simplement sur les meubles vendus au Québec mais aussi sur ceux vendus en Ontario?

M. Morin (Louis-Hébert): C'est ça. C'est intéressant, ce que vous dites, parce que c'est tout le problème. Il s'agit de donner — si ça se peut, parce que ce n'est pas fait techniquement — aux provinces la possibilité de taxer ce genre de choses. Mais, en même temps, il ne faut pas que la taxe qui est imposée par une province soit payée par un citoyen d'une autre province.

M. Biron: Cela ne nous donne pas plus le droit de taxer les produits qui sont manufacturés dans une province et expédiés à l'autre province, votre formule de taxation indirecte. Cela donne simplement le droit de taxer certains produits qu'on n'avait pas le droit de taxer auparavant, pour usage au Québec, au niveau de chacune des provinces.

M. Morin (Louis-Hébert): Pour usage au Québec. Ce n'est pas facile, sur le plan administratif, mais je pense que vous avez bien décrit le problème avec les meubles, l'affaire des richesses naturelles étant plus complexe, mais vous avez raison, c'est ça le problème. Il ne faut pas que la taxe soit transférée à une autre province; il ne faut pas non plus qu'elle serve à toutes sortes de douanes internes pour bloquer le commerce interprovincial.

Dans quelle mesure l'application de ces restrictions va-t-elle annuler le droit juridique nouveau, s'il y en a un? Je ne le sais pas. C'est-à-dire que je le sais, c'est que ça va le réduire, c'est évident. Vous avez parfaitement raison, c'est le problème. (16 h 45)

M. Biron: Je voudrais terminer, M. le Président, là-dessus, parce que c'est important, ce sont des taxes, des sources de revenus.

M. Morin (Louis-Hébert): Dans ce cas-là, ce serait une source de revenus qui pourrait être plus substantielle.

M. Biron: II y a une taxe fédérale.

M. Morin (Louis-Hébert): Attention, M. le chef de l'Union Nationale, encore faudrait-il que le fédéral s'en tasse. Il faudrait que la capacité de payer permette qu'on s'y intéresse activement.

M. Biron: On va prendre un meuble avant la déduction des 8%. Il y avait une taxe fédérale de 11% qui était appliquée à la grandeur du pays, peu importe où c'était manufacturé. Et même si c'était manufacturé au Québec, si on l'expédiait en Ontario ou en Colombie-Britannique, c'était la taxe de 11% qui s'appliquait quand même, que ce soit vendu n'importe où. Et, en plus, il y avait une taxe de 8% tout simplement pour les meubles vendus au Québec, dans ce secteur en particulier.

Or, en ouvrant le pouvoir de taxer, même indirectement, sur le commerce interprovincial, on pourrait peut-être finalement faire en sorte qu'on puisse percevoir un certain montant de taxes sur ce qui va à l'extérieur, comme on serait peut-être obligé de payer une taxe pour les automobiles fabriquées en Ontario, dans le fond.

M. Morin (Louis-Hébert): Comme réponse à votre question, oui, il y aurait une possibilité théorique que nous utilisions ce nouveau champ fiscal, dans la mesure où il est nouveau. Je dis bien théorique parce que, en pratique, si vous ajoutez des taxes à ce qui existe déjà — on va tous être d'accord ici, autour de cette table. Il n'y a pas besoin de faire un front commun — c'est assez haut, les taxes, maintenant que je ne pense pas que le citoyen en accepterait davantage sous prétexte qu'on vient d'avoir une ouverture à un champ non exploité par les provinces.

En pratique, je ne pense pas que cela ait cet effet. En théorie, oui, et, éventuellement, dans X années, si le système continuait tel quel. Je ne voudrais induire personne en erreur. Il ne faut pas espérer de ceci une sorte de pactole fiscal.

M. Biron: Vous dites quelque chose qui peut être dangereux. Vous dites, en théorie, oui. Cela veut dire que les provinces manufacturières riches pourront imposer des taxes indirectement aux citoyens des provinces manufacturières pauvres. On a parlé de l'automobile tout à l'heure. Pour le meuble, c'est nous qui allons y gagner, mais, pour l'automobile, c'est nous qui allons y perdre.

M. Morin (Louis-Hébert): C'est ce que je suis en train de vous dire.

M. Biron: C'est pour cela qu'avant d'accepter de changer la formule de taxation indirecte il faudrait peut-être y penser sérieusement. Même si on pense pouvoir en profiter au Québec d'une façon temporaire, on peut peut-être y perdre dans l'échange, si nous ne sommes pas une province manufacturière riche.

M. Morin (Louis-Hébert): Non, M. le chef de l'Union Nationale, parce que la restriction qui est prévue vise justement à éviter ce que vous dites. La restriction qui est prévue vise à éviter que vous n'ayez une taxe à payer sur des autos provenant de l'Ontario.

M. Biron: Commerce interprovincial.

M. Morin (Louis-Hébert): Et eux ne paieront pas nos taxes sur les meubles. C'est plus compliqué que cela, mais c'est cela que cela veut dire.

M. Forget: Est-ce qu'on doit déduire des remarques que vient de faire le ministre que le Québec accepte ces restrictions?

M. Morin (Louis-Hébert): Non, c'est celles que nous avons mises ici.

M. Forget: À ce moment-là, l'objection que soulève le député de Lotbinière tient.

M. Morin (Louis-Hébert): Entendons-nous bien. Il y a un principe. Là où il y a un malentendu dans ce que nous sommes en train de faire — c'est pour cela que j'ai dit tantôt de faire attention — c'est que la discussion qui a cours maintenant n'est pas une discussion de partage des pouvoirs. C'est une discussion qui n'a pas abouti en 1968-1969 à cause de complications comme celle que vous venez de nous dire. C'est clair.

Aujourd'hui, on nous dit: Est-ce que les provinces devraient avoir accès à la taxation indirecte, peuvent avoir accès à la taxation indirecte? La réponse que nous donnons est: Oui, les provinces doivent comme principe avoir accès à la taxation indirecte. Nous croyons, comme principe, que oui.

Nous croyons aussi comme principe que la douane doit rester fédérale, très bien. Si vous ajoutez tout de suite des restrictions comme celle que vous mentionnez, vous venez de nier le pouvoir qui vient d'être donné. Je ne sais pas si vous me suivez.

Avant d'en arriver là il faut dégager, s'il y en a un, un consensus de la part des provinces. Est-ce que, en principe, vous pensez que c'est une bonne idée que les provinces puissent taxer indirectement? Ce n'est que cela qui est discuté maintenant. D'accord?

M. Biron: C'était le but de ma question et c'est pour cela que, à l'heure actuelle, parce que le Québec importe plus qu'il n'exporte, on serait pénalisé si on laissait les autres provinces imposer une taxe interprovinciale.

M. Morin (Louis-Hébert): Je vais généraliser votre problème. Le Québec et l'Ontario seraient gagnants, globalement, par rapport aux autres. C'est plutôt cela qu'il faut dire. Les provinces devraient se préoccuper de cela. Je ne veux nommer personne, mais il y en a d'autres qui sont... Mais on n'en est pas là. Tout le monde est conscient de cela.

M. Biron: Vous ouvrez un principe et cela vaut la peine d'aller au fond des choses là-dessus. Cela peut nous causer préjudice, comme cela peut peut-être nous rapporter. Avant d'accepter un tel principe, je pense que c'est peut-être mieux de ne pas avoir le droit d'imposer indirectement des taxes aux citoyens des autres provinces. Ce serait peut-être mieux, mais je ne le sais pas. Si le ministre des Finances était ici, il nous donnerait des chiffres justes et on pourrait peut-être voir mieux. Mais je ne pense pas qu'aujourd'hui on soit prêt à accepter un tel principe.

Tout à l'heure, le député de Saint-Laurent posait le point d'interrogation lui aussi.

M. Morin (Louis-Hébert): Je ne veux pas que cette affaire prenne trop de temps mais vous confondez deux choses qui n'ont pas lieu en même temps: la négociation fiscale et la reconnaissance de l'accès; en somme, si vous voulez, l'adaptation de la constitution au statu quo. C'est cela que cela veut dire.

Le Président (M. Laberge): M. le député d'Outremont avait demandé la parole.

M. Raynauld: Je vais, ici aussi, demander deux informations mais peut-être, auparavant, je pourrais poursuivre un peu sur ce dernier sujet.

Le ministre semble vouloir tenir séparée une déclaration de principe disant que les provinces ont droit à la taxation indirecte du principe qui pourrait venir à en limiter l'application. La position, telle qu'elle est écrite dans le cahier ici, ne comporte pas de restriction du tout. Les restrictions nous ont été présentées comme étant soit des obstacles qui se sont manifestés en 1968 et qui n'ont pas permis d'en arriver à un accord...

M. Morin (Louis-Hébert): C'est-à-dire que cela s'est arrêté avant qu'on en arrive à un accord. On ne sait pas ce qui serait arrivé.

M. Raynauld: ... ou bien des préoccupations qui peuvent venir d'autres gouvernements mais sur lesquelles, compte tenu du libellé de la position actuelle du Québec, le gouvernement à ce stade-ci ne retient pas de restrictions à l'application...

M. Morin (Louis-Hébert): Non, certainement pas à ce moment-ci, mais la discussion est loin d'être terminée sur ce sujet. Si j'en juge par les mois que les experts ont pris l'autre fois...

M. Raynauld: La question que je pose sous une autre forme est la même que celle...

M. Morin (Louis-Hébert): Je suis parfaitement conscient... Je ne voudrais pas qu'il y ait de chicane inutile. Je suis bien conscient de tout cela.

M. Raynauld: Je ne veux pas faire de chicane. Je veux seulement savoir si le gouvernement du Québec, à la prochaine conférence constitutionnelle, accepterait, pour faire passer le principe de l'accès des provinces à la taxation indirecte, de mettre des limitations à l'application, comme par exemple, que chaque province ne peut taxer que ses propres citoyens et non pas ses voisins. Ce genre de restrictions...

M. Morin (Louis-Hébert): Bien sûr, c'est le genre de questions qui sont soulevées là-bas. Ce que je vais faire, je vais, comme dans d'autres domaines qui peuvent venir ou comme cela a été le cas depuis ce matin, prendre note de cela. C'est évident qu'on est parfaitement conscient de cela. Mais nous avons, dans cette matière, tenu exactement le même raisonnement que dans les autres. Nous avons pris les positions telles qu'elles étaient exprimées par les gouvernements avant nous et nous les avons reprises là où elles étaient laissées. C'est cela qu'on est en train de discuter maintenant. Vous dites qu'il faudrait peut-être accepter des limitations, même en proposer nous-mêmes; d'accord, on va regarder ce que les autres ont à dire aussi. Ce n'est pas, au point où nous en sommes, une question qui va être résolue demain matin, d'accord. Je suis parfaitement conscient de cela.

M. Raynauld: Très bien, merci. Deuxième question: On reconnaît ici que le gouvernement fédéral aurait accès exclusif aux tarifs douaniers comme source de taxation. Or, depuis une dizaine d'années, les gouvernements ont trouvé des méthodes alternatives d'obtenir les mêmes résultats que les tarifs douaniers mais qui ne s'appellent pas du tout comme cela. Je fais allusion ici aux subventions à l'exportation et, en général, à tous les programmes subventionnés de promotion des importations. Cela a les mêmes effets économiques que le tarif douanier.

M. Morin (Louis-Hébert): Exact.

M. Raynauld: Est-ce que cela veut dire que si on doit faire une constitution pour quelques années, on accepterait en même temps des restrictions sur ces programmes de subventions aux exportations?

M. Morin (Louis-Hébert): Cette question n'est pas du tout discutée présentement. C'est une de ces autres grandes questions qui ne font pas partie de la ronde de discussions présentes et qui en démontrent le caractère incomplet. Je suis conscient de ce que vous dites mais cela n'est pas du tout le sujet. Ce n'est pas mêlant, c'est l'article 92 — je ne sais trop quoi — qui est discuté maintenant ou l'article 91 et c'est tout. Il n'est pas du tout question... Ce n'est qu'une discussion juridique présentement à partir d'un texte qui date de 111 ans. C'est cela. Il reste tous les problèmes que M. le chef de l'Union Nationale a mentionnés auxquels on fait allusion — je ne sais trop où — mais dont nous sommes conscients, ceux qui ont été l'objet d'un tas de travaux d'experts, qui sont restés en plan en 1970-1971 parce qu'il n'y a pas moyen d'arriver.

L'autre problème, les subventions et tout, c'est une autre paire de manches. Ce n'est pas dans la ronde constitutionnelle. Ce n'est pas un sujet qui est discuté.

M. Raynauld: Quelle est la position du gouvernement du Québec sur ce sujet? Est-ce qu'il a l'intention de faire des recommandations, de préparer des papiers là-dessus ou quoi que ce soit? Est-ce qu'il entend participer activement à cette renégociation?

M. Morin (Louis-Hébert): Si les sources d'information que vous avez vous ont bien renseigné, vous savez maintenant que nous avons participé à tous les sujets de discussions, sauf un, et que nous allons continuer à le faire. Je dois vous dire une chose. Je pense que vous allez vite comprendre. Il y a eu trois réunions de ministres maintenant, deux avant la fin de l'année, une autre la semaine prochaine, de deux jours et demi chacune. Je ne veux pas répéter ce que j'ai dit. Il y a un tas de monde autour de la table. Il y a des sujets dont certains — peut-être pas selon nos priorités à nous — intéressent beaucoup les autres; je pense à la monarchie, par exemple, qui a demandé du temps. Conséquence de cela: II n'y a personne qui

est allé, au moment où je vous parle, encore dans tous ces détails. Ce n'est pas une critique que je fais au processus qui est en cours. C'est une constatation qui ne règle pas le problème, mais qui fait qu'il y a certaines difficultés encore à résoudre. On en est totalement et entièrement conscients.

M. Raynauld: Comme je...

M. Morin (Louis-Hébert): C'est peut-être une de celles dont je suis le plus conscient, parce que j'ai eu le devoir absolument emballant, en 1968-1969, de suivre ces questions. Je peux vous dire que c'étaient des discussions qui étaient dépourvues de l'intérêt qu'on retrouverait normalement dans un film policier.

M. Raynauld: Comme je n'ai pas...

M. Morin (Louis-Hébert): Pour être clair, c'est à peu près le sujet le plus "plate" que je connaisse dans toute la constitution.

M. Raynauld: Comme je n'ai vu aucun document relatif à la taxation indirecte depuis au moins deux ou trois ans, je voudrais savoir si le gouvernement du Québec a préparé un document sur la taxation indirecte ou non...

M. Morin (Louis-Hébert): À l'époque, il y en avait, il y en avait même un immense...

M. Raynauld: ... dans les négociations depuis quelques mois.

M. Morin (Louis-Hébert): Personne n'en a depuis quelques mois.

M. Raynauld: Depuis quelques mois, non. Personne n'a examiné cela.

M. Morin (Louis-Hébert): Personne n'en a, que je sache. Je ne voudrais pas me tromper. Je peux bien dire cela: Est-ce qu'il y a quelqu'un qui a fait des grands topos dans les autres provinces, ou le fédéral, sur la taxation indirecte? Vous n'en avez pas eu connaissance.

M. Bédard: Même dans les autres provinces...

M. Raynauld: Vous n'avez pas l'intention d'en préparer non plus?

M. Morin (Louis-Hébert): Je vais être honnête avec vous. Je pars dimanche pour Vancouver. Réponse à votre question: Non, vous m'en voyez fort contrit, mais non. C'est "plate" à mort comme sujet.

M. Raynauld: Cela dépend des personnes. Je ne trouve pas cela "plate" tant que cela.

M. Morin (Louis-Hébert): II y a des gens qui ont certains traits de tempérament qui les font s'intéresser... Il y a des déviations comme cela. Qu'est-ce que vous voulez!

M. Bédard: M. le député de Lotbinière, le chef de l'Union Nationale...

M. Biron: Je dirais au ministre que c'est peut-être "plate" à mort, mais c'est le nerf de la guerre. C'est une question d'argent, et c'est bien important de savoir exactement où on va.

M. Morin (Louis-Hébert): Encore une fois, ce n'est pas de cela qu'on discute. C'est la formulation juridique de cette possibilité, avec toutes les petites et grosses complications qu'on vient de mentionner.

M. Biron: Pour le ministre, je voudrais seulement faire... J'ai regardé son document. Son document prévoit même qu'on ne peut pas taxer, qu'on ne peut pas aller à l'encontre non plus de l'article 121 de l'actuelle constitution qui prévoit qu'il n'y aura pas de douane entre les échanges provinciaux.

M. Morin (Louis-Hébert): Je n'ai pas dit cela.

M. Biron: Cela veut dire que, si on est plus clair à la fin, on a le droit à des sources de taxation indirecte au niveau de la province, mais certainement pas pour faire indirectement ce qu'on n'a pas le droit de faire directement en vertu de l'article 121.

M. Morin (Louis-Hébert): Vous avez raison de vous référer à l'article 121, qui n'est pas d'une clarté limpide, mais qui est surtout une disposition transitoire, dans laquelle il y a un esprit. Le problème que vous mentionniez tantôt, à tort ou à raison, on a supposé qu'il était mentionné dans l'article 121. J'aurais peut-être dû tantôt entrer dans des technicités. Je n'ai pas voulu ennuyer tout le monde, mais l'article 121 est là.

M. Biron: En d'autres termes, ce que je veux dire, c'est que vous prévoyez, par la position à l'heure actuelle, qui est en continuité, comme vous dites, le droit de taxation indirecte, mais tout simplement au niveau des citoyens de chaque province.

M. Morin (Louis-Hébert): C'est ce que nous prévoyons à cause de 121.

M. Biron: On ne peut pas taxer les meubles pour aller à l'extérieur ou l'amiante pour aller à l'extérieur et ainsi de suite.

M. Morin (Louis-Hébert): Non, et l'inverse non plus. On pense que l'article 121 règle ce problème. Il y a peut-être des avis juridiques différents. C'est cela qu'on est en train de regarder. Peut-être que j'aurais dû le dire tantôt. Je vous remercie de me le faire penser. J'aurais peut-être dû lire le texte en entier. On aurait accroché ce passage, mais il est à l'article 121. Je ne sais pas si M. Raynauld...

M. Raynauld: Oui.

M. Morin (Louis-Hébert): C'est parce que l'article 121...

M. Raynauld: L'article 121, oui. M. Biron: Qui limite le droit...

M. Morin (Louis-Hébert): D'accord. Je ne veux pas faire de discussion là-dessus.

Le Président (M. Laberge): Est-ce que cela va pour... M. le député de Saint-Laurent. (17 heures)

M. Forget: Juste une brève remarque, M. le Président.

Le Président (M. Laberge): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: II y a un mot qui a été utilisé à plusieurs reprises — je n'en fais grief à personne — mais qui, au fond, porte à confusion. Quand on parle des restrictions, on dit qu'on veut reconnaître un droit dans la constitution, par hypothèse, relativement au pouvoir d'imposition indirecte, mais le fédéral exige un certain nombre de restrictions. À mon avis, il s'agit moins de restrictions que d'un choix nécessaire au niveau des provinces quant aux principes qu'elles veulent utiliser dans l'exercice de ce pouvoir d'imposition indirecte. Ce que j'ai à l'esprit est peut-être un peu technique, mais c'est le même genre d'exercice et de choix, finalement, qui s'est imposé il y a environ une dizaine d'années à l'intérieur du Marché commun lorsque, à la suite d'un document sur les principes d'harmonisation fiscale à l'intérieur du Marché commun, on a établi une distinction dans le cas de l'imposition indirecte entre l'imposition qui se fait sur le principe de l'origine des biens et celle qui se fait sur la base de la destination. Or...

M. Morin (Louis-Hébert): Est-ce que je peux vous interrompre?

M. Forget: Pas maintenant, vous le pourrez tout de suite après, parce que j'ai un raisonnement et cela va me couper le fil.

M. Morin (Louis-Hébert): Ah! Mon Dieu Seigneur! On ne vous dérangera pas.

M. Forget: Oui.

M. Morin (Louis-Hébert): On ne bourrassera pas la table.

M. Forget: Ce que je voulais dire, c'est...

M. Morin (Louis-Hébert): Que personne ne fasse de bruit.

M. Forget:... qu'il y a un choix nécessaire des provinces qui font partie d'un marché commun par définition entre l'un ou l'autre de ces principes d'utilisation du pouvoir d'imposition indirecte. Ou elles doivent toutes utiliser l'imposition indirecte selon le principe de l'origine, ou elles doivent toutes l'utiliser selon le principe de la destination. On ne peut pas se retrouver dans un marché commun avec certaines provinces qui le font sur le principe de l'origine et d'autres sur le principe de la destination parce qu'à ce moment-là, il y a des incompatibilités; il y a double imposition sur certains biens au moment du passage d'une province à l'autre et aucun imposition sur certains autres biens dans le cas du passage entre deux autres provinces ou deux autres États. Donc, ce n'est pas tellement une restriction, mais c'est un principe de cohérence dans une fédération que, s'il y a un droit d'imposition indirecte qui est reconnu, il va falloir, malheureusement, que tout le monde l'utilise de la même façon parce que, autrement, cela va résulter en une espèce de charabia incompréhensible. Dans ce sens, si tout ce que l'on veut faire, c'est légaliser le statu quo, c'est-à-dire le fait qu'on a des taxes de vente provinciales, il faut non seulement, de façon sommaire, dire qu'on utilise un droit constitutionnel à l'imposition indirecte, mais aller une phrase plus loin et dire qu'on reconnaît aux provinces le droit de lever des impôts indirects selon le principe de la destination, c'est-à-dire selon l'identité de l'usager qui est un résident de telle ou telle province et pas d'une autre, plutôt que selon la nature du producteur ou du vendeur du bien qui est un établissement industriel ou commercial dans telle ou telle province. Effectivement, c'est ce qui se fait dans le moment. C'est sur la base de la destination du bien, de l'usager et c'est cela qu'on veut légaliser. Maintenant, cela pose tout le problème. Est-ce qu'on voudrait changer de système et imposer les biens sur la base de l'origine plutôt que la destination? Les provinces vont devoir se décider. Elles ne pourront pas faire les deux.

M. Morin (Louis-Hébert): C'est pour cela que je voulais vous interrompre tantôt. Je savais ce qui s'en venait. Si vous me le permettez, je n'entrerai pas là-dedans maintenant. Je tiens compte de ce que vous dites et on est parfaitement conscient de cela.

M. Forget: Ce n'est pas une restriction... M. Morin (Louis-Hébert): Oui, enfin...

M. Forget: ... d'un niveau de gouvernement sur un autre. C'est la restriction que constitue simplement la simple logique.

M. Morin (Louis-Hébert): Alors, disons que...

M. Forget: II faut choisir entre deux possibilités mutuellement exclusives.

M. Morin (Louis-Hébert):... je serai très gentil. Le fédéral ne veut rien restreindre. Il ne veut pas prendre de risque. Point.

M. Forget: Mais les provinces ne devraient pas en prendre non plus dans ce contexte pour les raisons qu'a indiquées le député de Lotbinière. Elles doivent choisir. Elles doivent exiger que les autres choisissent en même temps de la même façon qu'elles.

M. Morin (Louis-Hébert): Parfait.

Droit de la famille

Le Président (M. Laberge): Voulez-vous passer au sujet suivant qui est le droit de la famille qu'on a identifié comme cinquième article ou article e)?

M. Morin (Louis-Hébert): Je vais donner la parole à mon collègue de la Justice.

M. Bédard: M. le Président, je résume très rapidement. Depuis longtemps, on parle de l'urgence de la création d'un tribunal de la famille. On sait que la commission de refonte du Code civil en fait état. De nombreux mouvements, de nombreuses associations dans le Québec ont également fait état de cette urgence de la création d'un tribunal de la famille intégré qui puisse traiter globalement de l'ensemble des problèmes de la famille à partir des problèmes des enfants en difficulté en passant par les problèmes du couple, divorce, séparation, pension alimentaire, etc., dans un même forum, devant un même tribunal.

Étant donné, à l'heure actuelle, la situation constitutionnelle qui fait que le gouvernement fédéral a compétence en matière de mariage et de divorce, alors que les provinces sont compétentes en matière de célébration des mariages et de propriété de droit civil, ceci amène comme résultat qu'au Québec il n'y a pas moins de cinq tribunaux qui sont habilités à entendre les litiges en ce qui regarde le droit de la famille, entre autres la Cour supérieure, la Cour des sessions de la paix, la Cour municipale, le Tribunal de la jeunesse et la Cour provinciale, ce qui donne comme résultat que le citoyen s'y retrouve difficilement. Depuis longtemps, cette urgence de la création d'un tribunal de la famille a été réclamée par le Québec et par les autres provinces. Maintenant, les problèmes constitutionnels ont bloqué et bloquent encore un projet de cette nature-là.

Pour résumer rapidement, disons qu'en 1968 le Québec demandait que le mariage et le divorce relèvent de la compétence provinciale; en 1968 également, le Québec proposait aussi que les provinces nomment à l'avenir les juges de la Cour supérieure, des cours de comté et de district, ce qui correspondait à toutes fins utiles à la disparition des articles 96 à 100 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. Essentiellement, si le fédéral disait oui, ceci nous permettrait de répondre à cette urgence de la création d'un tribunal de la famille. Ce sont essentiellement ces positions que nous véhiculons à l'intérieur des discussions constitutionnelles qui ont lieu et que substantiellement j'ai véhiculées précédemment dans deux conférences interprovinciales et dans une conférence fédérale-provinciale.

Le Président (M. Laberge): Cela résume votre explication, M. le ministre?

M. Bédard: Je pense que oui, à moins qu'on ne me demande d'aller dans des explications techniques constitutionnelles.

Le Président (M. Laberge): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: J'aurais une question pour le ministre de la Justice, précédée d'un très bref commentaire. Je pense qu'il s'agit là d'une possibilité très intéressante sans peut-être aller jusqu'à dire que, s'il y avait seulement cela qui résultait des présentes séries de conférences, ce ne serait déjà pas si mal, étant donné que cela fait longtemps que c'est en suspens et que cela réglerait quand même un certain nombre de problèmes d'intérêt direct pour des individus, des personnes placées dans des situations difficiles. J'aimerais savoir du ministre de la Justice s'il est exact, malgré tout, que, même si le Québec avait une entière juridiction suite à des modifications constitutionnelles sur les questions de droit de la famille, il reste qu'on ne passerait pas de cinq tribunaux à un seul. On passerait, j'imagine, à deux tribunaux au moins ou peut-être à un tribunal avec deux divisions. Parce qu'il y a quand même les matières civiles et les matières pénales qui relèvent du droit de la famille interprété très largement. Les questions de refus de pourvoir, les questions de "délinquance juvénile" — entre guillemets, parce qu'on donne à cela un autre nom, mais il reste que c'est bien connu comme cela — seraient traitées par une division pénale ou criminelle et les questions de séparation, de détermination de pension alimentaire, d'adoption seraient traitées par une division civile. Le minimum, ce sont deux forums de délibération judiciaire et pas un probablement, même si, bien sûr, le fait d'avoir un greffe commun et des services connexes communs à la même cour, avec deux divisions, améliorerait les choses. Je voulais m'assurer que c'était bien là la perception du ministre aussi.

M. Bédard: Oui, c'est ma perception. Ceci nous permettrait un tribunal de la famille avec des divisions qui s'occuperaient, d'une part, de juridictions concernant les affaires civiles et, d'autre part, concernant les affaires pénales. Cela nous permettrait la création d'un tribunal de la famille unique.

Le Président (M. Laberge): Oui, M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: J'ai écouté avec attention ce que le ministre nous a dit au sujet du droit de la famille. Je pense que les positions qui sont exprimées là, encore une fois, sont issues la plupart du temps de l'Union Nationale. Je souscris

à ces propositions. Seulement, j'aimerais entendre le ministre nous dire où en sont les discussions actuellement.

Sur certains autres points, tout à l'heure, on a vu qu'il y avait déjà eu des ententes préalables entre les provinces face au gouvernement fédéral. Je ne sais pas, ici sur ces points, où en sont rendues les discussions actuelles. Est-ce que le ministre pourrait nous dire s'il y a de ce côté une ouverture d'esprit des autres provinces qui pourrait nous amener possiblement, à la prochaine conférence, à une entente qui pourrait déboucher sur ces points?

Le Président (M. Cardinal): M. le ministre.

M. Bédard: Je peux difficilement discuter des positions fédérales, jusqu'où en est rendue la position fédérale, la position des autres provinces, étant donné la règle du huis clos. Je dirais, d'une façon générale, qu'il y a lieu de continuer la discussion, qu'il y a lieu d'espérer des modifications appréciables.

M. Fontaine: Mais on a vu, par exemple, comme tout à l'heure, sur le pouvoir déclaratoire, qu'il y avait une entente quasi formelle entre les provinces, et cette entente a été formulée au gouvernement fédéral par une lettre de M. Loug-heed à M. Trudeau, et parce que cette lettre touche plusieurs points, je ne crois...

M. Bédard: Disons que là-dessus, je ne suis malheureusement pas en mesure de vous dire que toutes les provinces ont exactement la même position. Cela fait l'objet de discussions. Il reste qu'il y a une même préoccupation, tant au Québec que dans les autres provinces, c'est la nécessité, l'urgence d'en arriver à la possibilité de la création d'un tribunal unique, le tribunal de la famille. Maintenant, si on parle du rapatriement, pour employer l'expression, des juridictions concernant le mariage et le divorce, je ne suis pas en mesure de vous dire que toutes les provinces ont les mêmes vues.

M. Fontaine: D'accord.

M. Forget: II y en a qui aimerait mieux ne pas s'occuper de divorcer.

M. Bédard: Je pense que cela infère des propos...

Le Président (M. Cardinal): Une chance que le Code civil a été adopté avant la Confédération!

M. Bédard: Ce n'est pas sûr.

M. Fontaine: Encore là, si, par exemple, des provinces veulent que ce champ de compétence continue à être occupé par le gouvernement fédéral, est-ce qu'il y a des possibilités qu'une entente intervienne, à savoir que ces provinces pourront se prévaloir de ce droit ou de ce privilège, si on peut l'appeler ainsi, et que les autres provinces décideront d'occuper ce champ de compétence?

M. Bédard: Cela fait partie des possibilités, des hypothèses qui sont envisagées à l'heure actuelle.

M. Fontaine: D'accord.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Une seule autre question. Au risque d'être accusé de soulever des détails techniques, je présume qu'il y a des modalités d'application. Un transfert de juridiction, normalement, s'accompagne d'une règle, d'une espèce de clause grand-père. Les lois promulguées par le Parlement qui avait juridiction au moment du transfert continuent de s'appliquer jusqu'à ce qu'elles soient modifiées par le Parlement qui a nouvellement juridiction.

M. Bédard: Si transfert il y avait...

M. Forget: Cela ne devient pas caduc automatiquement.

M. Bédard: II s'infère nécessairement qu'il y a une continuité légale qui doit être respectée.

Communications

Le Président (M. Cardinal): Est-ce que sur ce cinquième chapitre il y a d'autres interventions? Dans ce cas, l'article 6, si on peut l'appeler ainsi, les communications. Je rappellerai cependant qu'à la séance d'hier j'ai indiqué que les pages 13 et 14 avaient été corrigées et que le texte avait été distribué par le secrétariat des commissions à tous les membres de la commission.

M. Morin (Louis-Hébert): Sauf que moi, je n'ai pas eu le mien.

Le Président (M. Cardinal): Un instant, M. le ministre.

M. Morin (Louis-Hébert): Ma générosité a fait que je l'ai donné à quelqu'un.

Le Président (M. Cardinal): M. le ministre, vous êtes très bien servi. M. le ministre des Affaires intergouvernementales. (17 h 15)

M. Morin (Louis-Hébert): Sur le sujet qui vient, qui était un des importants sujets non réglés des dernières années, celui des communications, il y aurait beaucoup à dire; je ne veux pas entreprendre ça, parce que ce serait trop long. C'est justement un des sujets les plus discutés et c'est celui où il y avait eu des prises de position très claires de la part de l'ancien ministre des Communications du gouvernement précédent.

Je ne veux pas, aujourd'hui, prouver l'importance des communications, d'accord? On n'entrera pas là-dedans. Je pourrais faire un grand topo, j'ai un droit de parole illimité, mais je pense que tout le monde va être bien content si je ne m'en sers pas pour montrer que les communications, c'est un domaine important. On est d'accord là-dessus; à moins qu'on y tienne, je n'en parlerai pas. Je suppose que les gens en sont conscients.

Deuxièmement, ça n'est pas un domaine à propos duquel il y a quoi que ce soit d'écrit dans la constitution, sauf qu'il y a quand même eu des décisions de cour qui ont eu un impact considérable sur le partage des pouvoirs. Troisièmement, c'est un sujet qui a été abordé pour la première fois — et les gens furent peut-être un peu surpris à l'époque — par Daniel Johnson, dans une déclaration, la première de toutes qu'il a faite, d'ailleurs, à la conférence constitutionnelle interprovinciale de novembre 1967, à Toronto, qui est devenu, par la suite, un sujet d'actualité. Il y a eu un ministère des Communications créé à Québec, etc. Je laisse passer l'histoire, j'ai fait mon cours d'histoire hier après-midi. Alors, ça suffit.

Le Président (M. Cardinal): Sous M. Bertrand.

M. Morin (Louis-Hébert): Sous M. Bertrand, c'est ça, vous avez raison. Bon. Il y a eu entre 1970 et 1976, je ne me souviens pas de la date exacte, un livre blanc présenté par le ministre des Communications à l'époque. Ce livre blanc contient fondamentalement la position qui est celle que le Québec défend. Je dois cependant dire — c'est la cause de la petite erreur technique d'hier — que, vers 1976, une proposition avait été faite conjointement par la Saskatchewan et le Québec, qui n'a jamais été traduite en français officiel, et c'est pour ça, je m'en excuse, qu'elle est en anglais, nous vous la remettons aujourd'hui. Ceux qui l'ont eue hier l'ont déjà. Le Québec s'est rallié à cette proposition. Il demeure rallié à cette position saskatchewano-québécoise, si je peux m'exprimer ainsi.

La positioin était la suivante, elle est résumée à la page 2 de notre texte, je le lis, parce qu'il s'agit de cinq lignes, c'est l'avantage d'avoir des petits textes. Le Québec ne fait que reprendre les positions exprimées en 1975/76, en acceptant cependant la demande de la Saskatchewan de préciser davantage le partage des compétences sur l'octroi des fréquences et autres questions techniques du genre. Le texte cité plus haut - celui qui vous a été ajouté — a donc été modifié en conséquence, sans que sa portée politique en soit diminuée.

Nous nous sommes donc ralliés à la position de la Saskatchewan et la nôtre, c'est bien évident puisque nous en faisons partie, sauf que si, évidemment, la Saskatchewan laissait tomber cette position, ce dont je n'ai pas d'indication maintenant, nous reviendrions à la position de M. L'Allier prise en novembre 1973 dans son livre blanc.

Est-ce que ça vaut la peine que je lise le texte en anglais? Je ne pense pas.

Le Président (M. Cardinal): Est-ce que la commission en dispense le ministre?

M. Morin (Louis-Hébert): C'est parce que comme il n'est pas arrivé en même temps... Disons que je ne le lirai pas.

Le Président (M. Cardinal): II a été distribué hier.

M. Morin (Louis-Hébert): C'est ça, voilà. Il a été distribué d'une façon telle, vous allez remarquer notre souci, qu'il prend exactement ou à peu près le même espace que votre texte erroné que vous avez maintenant et qu'il suffira — dans tous les partis, il y a des gens habiles pour le faire — de mettre du "scotch tape" et de coller ça là ou de faire une photocopie.

Le Président (M. Cardinal): M. le ministre, on fait des papillons.

M. Morin (Louis-Hébert): Des papillons, voilà, c'est ça, c'est exact.

Cela étant dit, au-delà de toutes les considérations d'ordre technique ou anecdotique, il demeure que, sans entrer, encore une fois, dans une élaboration de l'importance des communications, il s'agit d'un sujet majeur pour le Québec. Cela a peut-être été le grand sujet des années 70 à 76, sur le plan fédéral-provincial, ça faisait partie de la souveraineté culturelle à l'époque, c'était un des éléments. Les autres, je ne les ai jamais trop connus, mais, en tout cas, celui-là était connu.

Je m'excuse de cette remarque d'ordre partisan que je retire à l'instant. Je la transforme en remarque d'ordre historique. C'est la position de ces années que nous avons carrément reprise, parce qu'elle est plus précise que celle adoptée avant par l'autre gouvernement, que je ne blâme pas, parce que le problème se posait différemment.

Donc, la question a évolué, nous avons repris cette position et voilà, c'est là où nous en sommes maintenant. Si on veut partir la discussion, je pourrai revenir avec d'autres précisions par la suite.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de l'Opposition officielle. M. le député de Saint-Laurent, je vois que vous avez une envie...

M. Forget: Est-ce que le gouvernement s'est satisfait des implications de cette position traditionnelle du Québec? Par exemple, relativement au réseau téléphonique, si je comprends bien, cela suppose une juridiction provinciale complète. Il y a certaines implications, j'imagine, au niveau des réseaux de communication dits nationaux, sur le plan téléphonique, système de micro-ondes et ce qu'on appelle le "trunk system" des grandes lignes de communication téléphonique, téléinformatique, etc., et la détermination des tarifs sur ces lignes.

Est-ce qu'il n'y a pas là une zone un peu grise

malgré tout, dans une position qui fait reposer cela sur la juridiction exclusive de chacune des provinces? Je comprends que pour les tarifs domestiques, ce que je fais pour mon téléphone, etc., il n'y a pas de problème. Mais qui va s'occuper de déterminer le coût d'un appel entre Vancouver et Montréal? Étant donné les décisions qui seront prises à ce niveau, étant donné ce qu'on allègue être le cas dans le moment — je ne sais pas si c'est vrai que les compagnies de téléphone subventionnent, à même les profits des appels interurbains, les services locaux — est-ce qu'il n'y a pas là des problèmes extrêmement délicats?

Le Président (M. Cardinal): M. le ministre.

M. Morin (Louis-Hébert): Vous avez vu la note qui accompagne la position. Il y a certaines précisions techniques qui nous ont été apportées, que nous n'avons pas maintenant. On va les avoir la semaine prochaine, pour reprendre la discussion, parce que nous travaillons cela de concert avec une province et nous avons donné notre parole de le faire avec elle. De ce côté, on pourra comprendre que je ne fais que mentionner qu'il y aura des précisions. Mais cela ne change pas la partie politique, je veux bien le dire.

Il y a eu une distinction de faite entre quatre sujets, tous reliés aux communications, les spectres de fréquence, les transporteurs de communication, les émissions de radio et de télévision et la câblodistribution elle-même.

Une des complexités de tout le problème des communications au Québec est peut-être le fait que le monde n'a pas toujours compris de quoi on parlait. Par moments, il était question de câblodistribution, par moments de Radio-Canada, par moments de télévision, par moments de téléphonie, par moments de transports de données, par moments de spectres de fréquence.

Tout cela est discuté actuellement. Il y a eu deux temps. Premier temps, discussion quant au principe, parce que c'est comme cela qu'on procède. J'ai oublié de dire cela hier ou ce matin, j'aurais peut-être dû le dire. Nous ne sommes pas les seuls à parler de principes. Je découvre qu'il y a aussi beaucoup de nos amis anglophones qui aiment beaucoup discuter de principes, qu'ils soient politiques ou juridiques. De ce côté-là, je pense que nous sommes un peu tous dans le même bateau.

D'abord, il y a eu une discussion de principe sur les communications comme telles, où chacun a dit son mot. Une fois la discussion de principe bien entamée, sont venues des considérations d'ordre plus technique, spectres de fréquence, transporteurs, téléphonie, émissions courantes, "broadcasting" habituel et câblodistribution.

Sur ces points, nous appliquerons, quant à chacun des domaines, une position inspirée des positions antérieures du Québec, avec cette nuance-ci. Nous savons très bien, ce n'est pas une nouveauté, que dans un système fédéral, bien sûr, il faut qu'il y ait quelqu'un qui attribue des spectres de fréquence. Autrement, ce qui va se passer, c'est que les postes de radio et de télévision, s'il y a une anarchie, peuvent très bien se marcher les pieds les uns sur les autres, dans la mesure où des postes de télévision peuvent se marcher sur les pieds. Je ne sais pas comment on fait cela, techniquement, mais cela peut arriver. Il peut y avoir du chevauchement. Cela chatouille les ondes. Et quand l'électricité arrive par mottons dans des films qui ont des noeuds, cela bloque.

M. Bédard: L'exemple est technique.

M. Morin (Louis-Hébert): Mon exemple est technique, je m'en excuse. Une des choses que nous avons dites, c'est qu'il peut y avoir des attributions faites par le gouvernement fédéral — je ne sais pas quel est le mot technique — de portions de fréquence, lesquelles seraient attribuées, au niveau provincial — chaque spectre à l'intérieur de cela — par l'autorité du gouvernement provincial en cause.

C'est une des considérations qui fait que nous tenons compte de la nécessité d'éviter, de ce côté-là, une certaine anarchie. Il y a aussi tout l'aspect international qui entre en ligne de compte.

Je peux continuer, évidemment, dans des domaines techniques, mais, je voudrais l'éviter. Je peux le faire si vous le voulez, mais le principe est là; il est exprimé ici. La différence qu'il y a entre ce qui va venir la semaine prochaine et ce que nous avons maintenant, c'est que nous ne modifierons pas la portée politique de cela. Nous tenons compte de certaines contingences à l'intérieur du système actuel qui font qu'il peut y avoir des incompatibilités. C'est sûr que, si vous êtes dans un système fédéral, vous ne pouvez pas pour autant ne pas tenir compte de ceux qui sont autour de vous et qui peuvent chevaucher vos fréquences. Il faut qu'à ce moment-là il y ait entente et, là-dessus, la discussion n'est vraiment pas entamée. Je pense qu'elle a peut-être été abordée au niveau des fonctionnaires brièvement et elle reprend la semaine prochaine. C'est un des sujets les plus compliqués qui existent.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: De la part du gouvernement du Québec, on ne va pas au-delà des positions qui ont été définies d'une façon quand même assez précise il y a deux ou trois ans. Il n'y a pas de travail écrit qui pourrait nous permettre de voir jusqu'à quel point l'étude en détail a progressé par rapport à cela, c'est-à-dire sur les aspects techniques qui, malgré tout, à un moment ou l'autre, vont devenir des pierres d'achoppement. Je pense, par exemple, à ma règle du contenu canadien dans les émissions. Si le fédéral ne le fait plus, est-ce que chaque province acquerrait le droit de déterminer la portion de contenu canadien ou de contenu provincial à la limite?

M. Morin (Louis-Hébert): C'est cela.

M. Forget: Est-ce que cela ne peut pas causer des problèmes dans le domaine...

M. Morin (Louis-Hébert): M. le Président, je reviens à ma considération de tantôt. Si les provinces sont des États, avec une souveraineté interne dans les domaines de leur compétence et que la communication est un des domaines de leur compétence, ils prendront, ces États, leurs responsabilités. Cela est une position à laquelle je pense qu'il est logique de tenir en ce qui nous concerne.

Deuxièmement, nous n'avons pas modifié les positions, mais, à mesure que la discussion a avancé, nous l'avons technicisée en quelque sorte parce qu'on a été longtemps au Québec à émettre des préoccupations d'ordre de principe. Cela a commencé avec l'Union Nationale en 1968; par la suite, avec M. L'Allier, cela s'est précisé davantage et, au cours des dernières années, cela s'est précisé encore davantage. Nous avons évolué. C'est pour cela que je viens de faire cette distinction. Peut-être pas au moment où on parle, mais ces jours-ci, il y a des rédactions de textes qui se font comme celui-ci pour tenir compte des modifications techniques dont je viens de parler.

Cependant, je veux vous dire ceci: II est impossible aux onze gouvernements de faire actuellement des études techniques pour arriver à des conclusions constitutionnelles sur les discussions en cours. Je répète qu'il est impossible de le faire chronologiquement et humainement parce que nous n'avons pas le temps de le faire. La ronde constitutionnelle a commencé au mois de novembre 1978 et elle se termine, pour cette première vague, le 5 février 1979, c'est-à-dire qu'il y a exactement novembre, décembre et janvier, la période de Noël là-dedans. La première réunion des ministres a eu lieu le 23, 24 ou 25 — je ne m'en souviens pas — novembre.

Par conséquent, personne n'a fait — je ne pense pas dévoiler de secrets — d'études techniques comme celles qu'on aurait peut-être pu faire ou qu'on aurait peut-être dû faire si on avait eu beaucoup plus de temps. Je pense que là-dessus le Québec est exactement sur le même pied que les autres provinces et que le gouvernement fédéral qui, lui, a évidemment ses études antérieures, comme nous d'ailleurs. Nous prenons celles du ministère des Communications, mais il n'y a pas de grands experts communicateurs ou de communications qui sont autour de la table. Nous avons spécialement — je ne sais pas si c'est une caractéristique des ministres, cela — tenu à ce que les réunions se tiennent au niveau des ministres pour éviter de se perdre dans des considérations qui seraient trop techniques comme cela a pu être le cas dans le passé. Cela a le désavantage — c'est une des choses que vous soulevez — que nous ne disposons pas maintenant de grandes études que nous aurions préparées avec des experts de l'extérieur pour nous dire quoi faire. C'est le choix qui a été fait non pas par nous; encore une fois, je le répète, cela a été le mode, de procéder qui nous a été proposé au mois de novembre dernier à la conférence constitutionnelle. Ils nous ont dit que cela pressait et nous avons dit: D'accord, si cela presse, on va regarder cela avec vous. Il ne faut pas nous demander aujourd'hui d'avoir fait, entre-temps, des études. Il n'y en a pas, ni de nous, ni des autres, sauf celles qui étaient déjà disponibles, évidemment.

M. Forget: M. le Président, seulement pour revenir un peu sur ce point.

Le Président (M. Cardinal): D'accord.

M. Forget: La raison pour laquelle je pose ces questions, c'est que, bien sûr, quand on touche aux communications, on touche à un problème qui est soulevé depuis longtemps sur le plan politique et qui, même sur le plan des difficultés techniques — on aurait pu le supposer — aurait dû faire l'objet d'une étude intense et peut-être d'autant plus intense depuis un an ou deux. (17 h 30)

Je crois que c'est le député de Rosemont qui, dans son livre, suggère qu'il y aurait dans une association un secrétariat des communications, j'imagine, qui serait là pour résoudre un certain nombre de problèmes tels que, par exemple, la tarification sur les réseaux interprovinciaux de communications, les problèmes de savoir à quel niveau serait établie la tarification pour éviter que certaines provinces ne fassent les frais des services dans d'autres provinces, etc. Ce sont des questions extrêmement concrètes qui devraient être résolues, je présume.

Si ce ne sont pas ces questions qu'on voudrait résoudre, il y en aura d'autres, mais il y aura sûrement un certain nombre de problèmes. Si on envisage la possibilité de réseaux, au niveau des communications, télévision ou radio, il y aura également la nécessité de formuler des normes communes d'un organisme pour les formuler. La question de la publicité commerciale se pose justement, et la réglementation de la publicité commerciale sur des moyens de communications de masse pose également un problème dans la mesure où il y a des réseaux. Si les réseaux franchissent les territoires provinciaux, cela pose immédiatement un problème d'autorité sur cette tarification qui déborde les frontières. Jout cela, j'aurais imaginé que dans le contexte même d'une association, on ferait des études pour départager les questions d'intérêt territorial, strictement d'intérêt et de compétence territoriaux, et les questions d'intérêt et d'importance, en quelque sorte, supra ou extra-territoriaux et communs à un certain nombre d'unités associées, parce que dans une certaine mesure, ces problèmes sont des problèmes technologiques.

Le droit essaie bien imparfaitement de les circonscrire, mais la réalité technologique ne changerait pas, quel que soit le régime politique du Québec. Comme ce sont, par définition, des réseaux de communication, c'est fait pour communiquer, donc cela va nous amener à communiquer avec d'autres que nous-mêmes. Cela pose

tout de suite la question des règles de réglementation sur les tarifs, sur la publicité, sur le contenu, etc., dans la mesure où on s'implique dans des communications qui dépassent nos frontières. Tout cela, ce sont des problèmes auxquels le gouvernement actuel va devoir se confronter, quelle que soit l'issue de la conférence et, prati-quemment, quelle que soit l'issue du référendum. Je suis un peu étonné qu'on nous dise: On n'a eu que quelques semaines pour y penser. Dans le fond, vous avez certainement eu deux ans pour y penser.

Le Président (M. Cardinal): D'accord. M. le député de Saint-Laurent, votre question est très vaste. Je sais que le ministre est désireux d'y répondre et que d'autres députés veulent intervenir.

M. Paquette: En vertu de l'article 96 tout simplement, je suis heureux de voir que le député de Saint-Laurent s'est mis à des lectures sérieuses. Je pense qu'il a mal lu, parce que nulle part, dans le livre que mon collègue de Verchères et moi avons écrit, nous n'avons proposé de secrétariat de l'association Québec-Canada. C'était dans le cadre de l'association, et non pas du régime fédéral actuel. Même dans ce cadre, nous n'avons aucunement proposé de secrétariat conjoint pour s'occuper d'une espèce de réseau Québec-Canada de communications.

M. Forget: Dans votre diagramme, il y a une boule avec "communications, transports".

M. Paquette: Vous n'avez regardé que le diagramme.

Le Président (M. Cardinal): S'il vous plaît! J'ai déjà indiqué que l'article 96 ne permettait pas de débat. Comme nous en sommes à l'heure qu'il est, à cette horloge officielle, je voudrais éviter un autre débat de procédures. Si vous permettez, je vais faire comme j'ai procédé ce matin, et vous demander si la commission est unanimement d'accord pour que je suspende ses travaux à 18 heures pour les reprendre à 20 heures.

Des voix: D'accord.

Le Président (M. Cardinal): D'accord. Par conséquent, je vous informe immédiatement qu'à 18 heures, d'office, je quitterai ce fauteuil et que nous nous reverrons à 20 heures au même endroit.

M. Morin (Louis-Hébert): On vous dira au revoir.

Le Président (M. Cardinal): M. le ministre.

M. Morin (Louis-Hébert): Très rapidement, il faudrait encore une fois dissiper une confusion. Je pense qu'il n'est pas exact de dire qu'on n'a pas ce qu'il faut pour discuter sur le plan des communications dans le cadre des dossiers de négocia- tions relatifs à la souveraineté-association. Ce n'est pas ce dont il est question présentement. Je ne voudrais pas qu'on nous incite toujours, du côté libéral, à mêler les sujets pour ensuite nous dire que nous faisons de la souveraineté-association dans le cadre du fédéralisme actuel. On fait bien attention de ne pas le faire. Il ne faudrait pas qu'on nous le reproche maintenant. Je comprends qu'on a toujours tort, mais quand même.

Deuxièmement, j'ai dit en Chambre, à plusieurs reprises, qu'en plus des études que nous avons rendus publiques — à peu près toutes, il en reste quelques-unes à venir — il y en avait d'autres aussi qui étaient des dossiers normaux de négociations, et nous en avons sur à peu près tous les domaines, y compris, donc, les communications.

Ce qui se passe présentement, c'est que nous avons pris le relais des positions antérieures exprimées par M. L'Allier pour nous rendre à une conférence constitutionnelle à laquelle nous étions convoqués purement et simplement. Et on ne peut pas nous blâmer de ne pas avoir préparé dans le cadre actuel, dans le régime actuel des études pour ce qui est de la répartition des compétences en matière de communication, alors que nous n'avons, en définitive, que deux mois et demi pour en arriver à quelque chose. Le danger cependant — et je suis content de le signaler — est qu'il peut y avoir une tentation fédérale — je pense que le député de Saint-Laurent vient de montrer les complexités du sujet — de dire: C'est tellement compliqué que c'est mieux que cela reste fédéral en vertu du principe que quand c'est important, quand c'est compliqué et quand cela touche beaucoup de monde et quand c'est significatif, par essence, c'est fédéral. Il y a un danger de ce côté que nous verrons aboutir ou non, se manifester ou non au mois de février ou la semaine prochaine peut-être. Je passe la parole à... Excusez. Je vous donne à nouveau la parole, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): D'accord. Je la prends avec plaisir. Je reconnais que M. le député de Taschereau avait demandé la parole.

M. Guay: Je me rappelle les années que j'ai passées au ministère des Communications, j'étais justement responsable de ce dossier. Le député de Saint-Laurent exagère considérablement la difficulté technique et en invente même des aspects. À l'heure actuelle, dans la situation actuelle, le système téléphonique canadien est morcelé de plusieurs façons, certains morceaux étant sous juridiction fédérale, d'autres, sous juridiction provinciale. Par exemple, un appel téléphonique entre Edmonton et Winnipeg via la Saskatchewan, donc entre trois provinces, part d'une société d'État albertaine, passe par une société d'État de la Saskatchewan pour aboutir à une société d'État du Manitoba; le fédéral n'est absolument pas concerné dans tout cela. Cela n'empêche pas les provinces d'avoir convenu entre elles d'une tarification qui fonctionne très bien. Il n'y a aucune espèce de problème au fait que la téléphonie

puisse être de compétence exclusivement provinciale et que les compagnies établissent entre elles — comme c'est le cas à l'heure actuelle avec le réseau téléphonique transcanadien — la tarification en usage, le tout sujet à confirmation par les organismes de réglementation provinciaux. Le problème vient, par contre, de la compétition que fournissent les services sous juridiction fédérale, CN et CP, au réseau téléphonique transcanadien, ce qui met les provinces de l'Ouest notamment, qui sont propriétaires de leurs propres compagnies de téléphone, en fusil. Ce n'est pas étonnant que la Saskatchewan ait collaboré avec le Québec à cette proposition parce que malgré deux points de vue différents, l'un pour des raisons culturelles, l'autre pour des raisons techniques et financières, le point de vue culturel n'excluant pas le point de vue technique et financier et le point de vue technique et financier n'excluant pas le point de vue culturel, les deux provinces ont une similarité de vues, une coïncidence de points de vue qui n'est absolument pas étonnante. Si cela peut se produire pour la téléphonie, cela peut également se produire pour le système de radiotélévision canadien dans la mesure où — ce qui a toujours été, si ma mémoire est bonne, la position du gouvernement du Québec depuis des années — le gouvernement du Canada conserve la juridiction sur la Société Radio-Canada. Il n'y a absolument rien qui empêche que d'autres réseaux de radiotélévision soient créés ou existent comme il en existe déjà, que ceux-là, eux, soient sous juridiction provinciale. C'est ce que vise notre proposition. Il n'y a pas de complexité technique épouvantable dans tout cela. Tout cela est parfaitement réalisable. Le député de Saint-Laurent voit des choses là où elles n'existent pas.

M. Forget: C'est très simple, vous irez avec le ministre aux conférences.

Le Président (M. Cardinal): D'accord. Si vous le permettez, pour reprendre le schéma habituel de ces travaux, je reconnais M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: M. le Président, n'étant pas un expert dans le domaine, je n'ai pas l'intention de poser beaucoup de questions, sauf que je dois dire au départ que l'Union Nationale appuie, encore une fois, la position du Québec qui, cette fois-ci, vient plutôt d'un ancien gouvernement libéral provincial. Nous continuons à appuyer cette position...

Des voix: Bravo!

M. Fontaine: ... malgré qu'elle vienne d'un autre parti parce qu'il y a moyen quand même d'être Québécois et Canadien à la fois. Je voudrais tout simplement demander au ministre si le...

À mon souvenir, il y aurait eu une entente entre Mme Jeanne Sauvé et le ministre québécois des Communications au sujet des communications. Est-ce que le ministre peut nous dire si cette entente touche les droits constitutionnels ou si elle y fait allusion, et est-ce que cette entente peut s'inscrire dans le cadre de la proposition qui est faite ici?

M. Morin (Louis-Hébert): La réponse est non. Ce qui a été l'objet de discussions entre les deux ministres en question, ce sont ce que j'appellerais des ententes d'ordre administratif ou des délégations administratives très partielles. Nous avons, depuis toujours d'ailleurs, considéré, au gouvernement du Québec, sous quelque parti que ce soit, que des ententes d'ordre administratif ou des délégations administratives ne pouvaient pas remplacer des dispositions constitutionnelles de transfert de compétences. Par conséquent, ce qui a été mentionné entre le ministre des Communications, M. O'Neill, et Mme Sauvé, ne sont pas des propositions constitutionnelles. Elle a même dit que la Cour suprême ayant reconnu la juridiction fédérale en cette matière, il s'agissait maintenant — ce problème réglé — de procéder à des arrangements avec les provinces et le Québec à l'époque. Donc, ce n'est pas ce genre de discussions. Ce dont nous voulons discuter maintenant, ce n'est pas des arrangements administratifs. Il y a toujours moyen d'avoir des arrangements administratifs partout. C'est vraiment — et c'est l'objet de l'exercice — des discussions constitutionnelles qui doivent toucher le partage actuel des pouvoirs pour le changer en autre chose. Il restera à savoir si cela va assez loin ou pas assez loin, c'est un autre sujet. Mais la nature de l'exercice n'est pas administrative, mais constitutionnelle, ou politique, si vous voulez.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Beauce-Sud.

M. Roy: Merci, M. le Président. C'est seulement pour demander une précision parce qu'on nous a remis un texte, évidemment en anglais, concernant la position de la Saskatchewan. Je ne suis évidemment pas assez versé en cette langue pour pouvoir examiner et mesurer toute la portée des termes strictement juridiques.

M. Morin (Louis-Hébert): Surtout que c'est écrit par des avocats!

M. Roy: Oui, surtout quand c'est écrit par des avocats! Parce que, entre deux avocats, normalement, cela prend un juge pour trancher!

M. Morin (Louis-Hébert): Je n'en suis pas un. M. Roy: Alors, dans les positions...

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Roy: ... actuelles du Québec...

Le Président (M. Cardinal): C'est un notaire qui préside! Allez-y, je vous en prie.

M. Roy: Je n'ai pas parlé des notaires, M. le Président, je me suis limité.

M. Morin (Louis-Hébert): Cela va nous mêler encore davantage!

M. Fontaine: Cela ne vaut pas la peine d'en parler.

M. Roy: Je tiens à dire tout de suite que je ne m'associe pas aux propos de mon collègue. La position actuelle du Québec ne fait que reprendre la position exprimée en 1975-1976, en acceptant cependant la demande de la Saskatchewan de préciser davantage le partage des compétences sur l'octroi de fréquences et autres questions techniques du genre. D'après l'article II de la page précédente, sous-paragraphe no 2, "le Parlement du Canada peut de temps à autre légiférer sur les communications ou les réseaux de communication, mais aucune loi édictée ne peut porter atteinte à l'application de quelque loi présente ou future d'un corps législatif provincial, faite en vertu du paragraphe 1." Ce que je voudrais demander au ministre, c'est si, malgré la modification qui a été apportée, ce principe est retenu de façon intégrale.

M. Morin (Louis-Hébert): C'est justement là le changement, M. le député. Dans le texte anglais, à la fin... Vous vous souvenez qu'hier — j'avais en tête cette idée d'ailleurs quand j'y ai fait allusion — j'ai parlé d'un article 94a qui s'applique aux pensions...

M. Roy: C'est cela.

M. Morin (Louis-Hébert): ... dans lequel on a une formulation comme celle-là qui, au fond, ne veut rien dire pratiquement. On a voulu éviter ce problème et c'est exactement pour cela — et, là, on s'est trompé, d'ailleurs, dans la reproduction — que, dans le texte anglais, vous allez voir, à la fin du premier paragraphe, deuxième ligne avant la fin, l'expression "as far only as it is not repugnant to any Act of the Legislature of the province". Cela va beaucoup plus loin. La Saskatchewan a vu ce problème et nous aussi. Je ne sais pas comment on traduit cela en anglais, par exemple.

Le Président (M. Cardinal): En français.

M. Morin (Louis-Hébert): En français. Ce n'est pas répugnant, non. C'est peut-être cela aussi.

Le Président (M. Cardinal): Si vous le permettez...

Une voix: Incompatible.

Le Président (M. Cardinal): C'est cela. Les mots anxieux ou répugnants, faisons attention. (17 h 45)

M. Morin (Louis-Hébert): Je ne sais si on a le droit de demander un conseil à la présidence dans ces cas.

Le Président (M. Cardinal): Comme ce n'est pas une question de fond, mais de forme uniquement, la présidence vous dit que c'est "incompatible".

M. Morin (Louis-Hébert): C'est bien, cela. On a un président utile, merci.

M. Bédard: Cela prenait un notaire.

M. Roy: Si j'ai bien compris, on donne priorité à la législation provinciale.

M. Morin (Louis-Hébert): Voilà, clairement dans ce cas.

M. Roy: Clairement.

M. Morin (Louis-Hébert): C'est cela. C'est exactement la raison pour laquelle on a changé votre texte.

M. Roy: Merci de cette précision, M. le Président. Inutile de vous dire que je suis d'accord avec la position qui avait été prise en 1975-1976 qui est maintenue aujourd'hui, qui, j'espère, sera maintenue.

Le Président (M. Cardinal): Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur le même article?

M. Roy: Même si les libéraux ne sont plus d'accord; remarquez bien, c'est pour cela que j'ai dit sera maintenue.

M. Bédard: ils ne sont plus d'accord avec eux-mêmes.

Propriété des ressources et commerce interprovincial

Le Président (M. Cardinal): S'il vous plaît à cette heure-ci. Est-ce que nous pouvons passer au sujet suivant? Il s'agit du septième: La propriété des ressources et le commerce interprovincial avec, M. le ministre, l'intervention que vous avez déjà faite pour expliquer le titre de cet article

M. Morin (Louis-Hébert): C'est un sujet difficile à résumer, celui-là. On a eu pas mal de problèmes parce que, d'abord, il est beaucoup plus récent que les autres. Il est très ancien en même temps. C'est qu'il y a toujours eu une préoccupation québécoise et on a des positions qui datent de longtemps au Québec pour ce qui a trait à la propriété provinciale quant aux ressources. C'est une chose. Mais le problème a pris une actualité contemporaine en quelque sorte à cause des ressources de l'Ouest canadien et de problèmes très nombreux, dont tout le monde est au courant, que certaines provinces de l'Ouest ont eus avec le gouvernement fédéral en ces matières. Tout cela s'est terminé par un jugement de la Cour suprême dont tout le monde sait aussi la portée et qui a particulièrement touché la Saskatchewan.

Je pourrais toujours lire le texte; c'est que je

ne veux pas oublier d'éléments qui peuvent être importants dans ce domaine. Il s'agit de savoir en quelque sorte... Je veux essayer de résumer cela. D'abord, je ne suis pas un avocat. Ce n'est pas du tout une excuse que je présente; c'est une constatation.

M. Bédard: C'est un atout?

Le Président (M. Cardinal): Votre collègue pourra vous aider.

M. Morin (Louis-Hébert): Je dirais des choses là, mais j'ai toujours peur.

M. Bédard: Ce n'est pas pour rien.

M. Morin (Louis-Hébert): II y a tellement d'avocats dans ces groupes qu'on ne sait jamais si on est en minorité ou non. Je n'ose pas dire certaines choses qui seraient amusantes; je vais m'en passer. Je ne suis pas du tout spécialiste en droit. Je vais essayer de vous expliquer le problème politiquement en ce qui concerne la compétence fédérale dans le domaine du commerce international et, de façon dérivée en quelque sorte, dans le domaine du commerce interprovincial. Là, il y aurait des questions qu'on pourrait se poser parce qu'il s'agit de savoir jusqu'à quel point il y a une compétence dans le domaine interprovincial — enfin, j'assume que c'est le cas — selon le point de vue fédéral. Dans quelle mesure cette compétence peut-elle empêcher l'exercice de ce qui est, par ailleurs, une responsabilité exclusive des provinces, en matière de ressources naturelles?

Vous avez le cas typique de conflit entre une compétence fédérale — je ne la remets pas en cause pour les fins de mon exposé — qui existe et une autre compétence provinciale. Dans quelle mesure l'une a-t-elle préséance sur l'autre, et dans quelle mesure, par conséquent, en pratique, le pouvoir provincial peut-il, à la longue, ne rien signifier? Par exemple, s'il y a une compétence fédérale en matière de commerce international et qu'une province a compétence en matière de richesse naturelle, si la province ne peut pas fabriquer des richesses naturelles pour les exporter, parce que le fédéral ne veut pas parce qu'il est compétent en commerce international, cela veut dire, en pratique, que la compétence interne de la province ne veut pas rien dire. C'est tout un vieux problème qui est d'actualité aujourd'hui et il est décrit succinctement ici.

Les positions antérieures du Québec à cet égard. Je ne voudrais pas prendre celle des autres provinces. Je n'ai pas besoin de vous dire qu'il y a eu une élection en Saskatchewan sur cette question, et la décision de la Cour suprême est arrivée juste avant la campagne électorale, en plein milieu de la campagne électorale. Cela a été un élément majeur de la dispute et cela a été un facteur important dans le résultat de cette élection, alors, il y a une actualité plus intense de ce côté que de chez nous. Nous, puisqu'on n'a pas eu ce genre de dispute récemment, à cet égard, on est quand même en train de suivre l'évolution des choses, à partir des provinces de l'Ouest.

Lors des discussions constitutionnelles de 1968 à 1971, le Québec a réclamé la compétence provinciale exclusive sur l'exploration, la conservation et la mise en valeur des ressources naturelles. Cela veut dire, en français, la compétence dans l'ensemble des richesses naturelles. Cette position a été reprise, par la suite, par le ministre des Richesses naturelles du gouvernement libéral, notamment le 4 décembre 1973, devant la Chambre de commerce du district de Montréal, et le 26 avril 1976 devant l'Institut canadien des mines et de métallurgie. Là, il y a une continuité que je pourrais peut-être développer, mais qui est présente.

Cette question des ressources naturelles touche le territoire. C'est pour ça que quand on arrive aux positions actuelles du Québec, il y a une chose qui s'appelle le projet de loi C-60 dans notre document, et plus important encore le paragraphe B, les ressources et le commerce interprovincial.

Donc, clarifions tout de suite une chose, la discussion constitutionnelle ne porte pas sur le commerce interprovincial en tant que responsabilité ou les richesses naturelles en tant que responsabilité, mais sur l'impact de l'un par rapport à l'autre. Prenons le cas du projet de loi C-60, le premier cas qu'on va régler vite. Dans la constitution actuelle, si je la retrouve, elle est ici, voilà, il y a un article compliqué, l'article 127... à moins que je saute ce bout, c'est ennuyeux à mort, je pourrais peut-être prendre l'autre. Je ne sais pas, comment voulez-vous qu'on procède? Si vous voulez que je me mette à lire l'article 109. Ce n'est pas vraiment celui-là qui est problématique.

En tout cas, c'est une question qui a été soulevée. L'article 109 donne la propriété des mines... Je vais vous le lire, qu'est-ce que vous voulez que j'y fasse. Article 109 de l'Acte de l'Amérique du nord britannique: "Les terres, mines, minéraux et redevances appartenant aux différentes provinces du Canada, de la Nouvelle-Écosse, du Nouveau-Brunswick, lors de l'Union, et toutes les sommes d'argent alors dues ou payables pour ces terres, mines, minéraux, redevances appartiendront aux différentes provinces de l'Ontario, de Québec, de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick dans lesquelles ils sont sis et situés ou exigibles sous réserve des fiducies existantes et de tout autre intérêt que celui de la province à cet égard. Je ne comprends rien à la dernière partie. Mais ce que cela veut dire au début, cependant...

Le Président (M. Cardinal): C'est la traduction française d'un texte anglais.

M. Morin (Louis-Hébert): Ce que je retiens que cela veut dire, c'est que vous avez donc une précision dans ce texte-ci de la constitution en ce qui concerne la propriété des terres, mines, etc. Très bien.

Dans le bill C-60, il y a un article 127. Je vais

me mêler, je vois venir cela, mais en tout cas. En cas de conflit ou d'incompatibilité entre les dispositions de la loi de 1867 que je viens de vous lire et les textes constitutionnels subséquents et A: Les dispositions de la première partie, à l'exclusion des dispositions spéciales, ou B: Toute disposition de la première partie qui a été rendue applicable après que l'une quelconque des dispositions spéciales de la première partie ait été rendue applicable, les dispositions de la première partie visées à l'alinéa a) ou b), selon le cas, l'emportent dans la mesure nécessaire pour résoudre l'incompatibilité ou le conflit.

Tout le monde a saisi. Pas besoin d'explication. Cet article établit une règle en cas de conflit entre la première partie et la législation actuelle. La première partie de quoi, déjà? Du bill C-60.

Les dispositions de la première partie l'emportent dans la mesure où elles ont pris effet. Cela a bien l'air compliqué pour tout le monde.

M. Morin (Louis-Hébert): II y a tellement d'avocats de l'autre côté.

Le Président (M. Cardinal): Une chance que la suspension s'en vient.

M. Morin (Louis-Hébert): En ce qui concerne l'article 109...

M. Roy: Cela a été rédigé par des avocats.

M. Morin (Louis-Hébert): Oui, et par des spéciaux, à part cela.

M. Bédard: II y a du travail pour d'autres dans cela.

M. Morin (Louis-Hébert): Oui. En ce qui concerne l'article 109 de la constitution, le Québec croit que l'article 127 du projet de loi C-60, celui que je viens de lire avec beaucoup d'insistance, ne devrait pas avoir d'application. Le Québec ne peut accepter que les dispositions d'une loi fédérale priment sur la constitution écrite du Canada. C'est cela, le point. J'aurais peut-être dû dire cela au départ.

Vous avez une loi fédérale qui change la constitution et on ne veut pas que cela prime sur la constitution écrite du Canada. Le Québec maintient d'ailleurs cette position à l'égard de toute question qui ne relève pas de l'autorité exclusive du Parlement, notamment le partage des pouvoirs.

Là, je pense que cela devient plus clair. Il y a un article dans cette loi qui a une application constitutionnelle et, tant que toute la constitution n'est pas refaite, nous n'acceptons pas que cette loi ait préséance — vous me corrigerez, je suis peut-être à côté de la coche — sur la constitution en vigueur.

Je pense avoir fait un bel effort de clarification, M. le Président, sur cet article absolument majeur du bill C-60, mais qui, blague à part, a quand même sa portée à cause du principe qui est en cause.

Est-ce que je continue avec le reste tout de suite ou si on suspend?

M. Bédard: Ce ne serait pas long.

Le Président (M. Cardinal): Vous avez le temps qui vous convient, monsieur.

M. Morin (Louis-Hébert): Je vais tout de suite prendre l'autre sujet parce que c'est vraiment... Dans le premier cas, c'est un principe de droit qui est en cause et, par conséquent, politique à cause de certaines de ses implications. Là où c'est plus sérieux, c'est que nous croyons que la compétence exclusive des provinces en matière de richesses naturelles devrait être assurée sur toutes les ressources situées dans le territoire d'une province. Le Québec croit encore que les provinces devraient être seules compétentes relativement à la propriété, l'exploration, l'exploitation, le développement, la conservation, la gestion, le commerce et l'aménagement des terres, mines, minéraux, forêts et ressources hydrauliques.

D'autre part — c'est très important ce que je vais dire — le Québec veut éviter que certaines modifications constitutionnelles possibles ne restaurent, en matière de ressources et de commerce des ressources, la théorie dite des "dimensions nationales" tour à tour énoncée et modifiée par les tribunaux depuis 1867 au gré de cas spécifiques.

La théorie des dimensions nationales, c'est en somme toute cette disposition ou pratique constitutionnelle qui permet au gouvernement fédéral, lorsqu'il juge que quelque chose est important ou important pour lui, d'intervenir. Nous ne voulons pas que, par suite de modifications constitutionnelles possibles dans cette matière, cette théorie reçoive une application qui est en voie de désuétude présentement, premièrement.

Deuxièmement — et là, notre position est très simple — nous croyons que les provinces sont et doivent être responsables de leurs richesses naturelles nonobstant tout autre compétence fédérale qu'on voudrait mettre en conflit avec cette disposition. C'est la position du Québec et je pense que je ne dévoile aucun secret en disant que c'est celle des provinces de l'Ouest aussi puisque la question est à l'ordre du jour. Cela a été dit publiquement pendant la campagne électorale de M. Blakeney et en Alberta à maintes reprises par M. le premier ministre Lougheed. C'est aussi la...

Par conséquent, nous sommes d'accord avec les provinces de l'Ouest si on veut avoir ce renseignement.

Voilà, M. le Président, ce que je voulais dire sur la propriété des ressources, et ce en rapport avec le commerce interprovincial, plus la petite affaire concernant les territoires que j'ai mentionnée avant.

Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le ministre. M. le député de Saint-Laurent en vous rappelant que dans quatre minutes et trente secondes, je suspendrai.

M. Forget: M. le Président, je peux toujours aller de l'avant. Je me demande s'il serait considéré indigne de l'Assemblée nationale qu'au lieu d'entreprendre tout de suite une discussion, on se donne rendez-vous à 20 heures.

M. Morin (Louis-Hébert): Parce qu'on est très gentil, on va consentir à cela.

Le Président (M. Cardinal): D'accord. Messieurs les membres de la commission parlementaire de la présidence du conseil, nous nous retrouverons à 20 heures, au même endroit...

M. Bédard: On peut laisser nos affaires ici, non?

Le Président (M. Cardinal): Cela, on ne peut pas le savoir. Je ne le vous conseille pas. Nous nous retrouvons à 20 heures au même endroit. Nous suspendons les travaux jusqu'à 20 heures.

Suspension de la séance à 17 h 58

Reprise de la séance à 20 h 10

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous plaît!

Je constate qu'il y a quorum et nous continuons cette même deuxième séance, sinon seconde, de la commission élue permanente de la présidence du conseil et de la constitution. Au moment de la suspension, je m'en souviens — quelqu'un reconnaîtra cette phrase — M. le député de Saint-Laurent avait la parole.

M. Forget: Merci, M. le Président. Je vais énumérer mes questions. J'imagine que c'est la procédure préférée de la présidence de manière à permettre de tenir compte du temps. En premier lieu, j'aimerais savoir du ministre, sans qu'il ait besoin, là-dessus, d'identifier les opinants, si les différentes provinces ou même le gouvernement fédéral, ainsi que le Québec ont la même opinion sur ce que sont des richesses naturelles. C'est une expression qui, bien sûr, a l'air connue, mais jusqu'à quel point peut-on être sûr qu'on la définit tous de la même façon? Est-ce qu'elle porte sur les mêmes objets? Relativement à chacun des objets, à partir de quoi une richesse naturelle cesse-t-elle d'être considérée comme une richesse naturelle pour devenir un produit manufacturé, si l'on veut, qui a les mêmes caractéristiques que n'importe quel autre produit?

M. Morin (Louis-Hébert): M. le Président, je ne voudrais pas que ma première remarque soit l'objet d'un malentendu. La nature de la question que vient de poser le député de Saint-Laurent, si j'en avais besoin comme preuve — ce n'est pas le cas — démontre clairement qu'il a eu l'avantage de bénéficier d'un excellent "briefing" de la part de ses amis fédéraux, ce dont je le félicite parce qu'en plus il a une excellente mémoire. Il est effectivement exact qu'il y a une certaine difficulté en ce qui concerne la définition du mot ressource et c'est une des questions qui actuellement sont à l'étude entre les provinces et le gouvernement fédéral. On a essayé de le définir pour couvrir pas mal de choses et, ce faisant, des difficultés d'ordre technique ont été rencontrées. Au moment où je vous parle, la définition n'est pas encore agréée par tout le monde, pour autant que je me souvienne, sauf erreur, et c'est un des sujets qui seront repris la semaine prochaine.

La semaine dernière, au niveau des fonctionnaires, il y a eu une réunion, une rencontre, une conférence et, là aussi, cette question, si je me souviens bien, a été abordée.

Alors, réponse à la question: II n'y a pas de définition encore d'établie, définitive.

M. Forget: Mais est-ce que le Québec a sa définition? Une définition complète qui tient compte des différentes dimensions?

M. Morin (Louis-Hébert): On va voir quand il arrivera des documents la semaine prochaine.

M. Forget: J'espère que le ministre va savoir, un jour, si le Québec a une définition, mais j'aurais imaginé qu'il n'attend pas des documents pour lui dire quelle sera sa position là-dessus.

M. Morin (Louis-Hébert): Je m'excuse, je croyais que vous m'aviez demandé — c'est parce qu'on parlait d'autre chose — si on attendait une définition prochainement. La réponse est oui, il y en aura une la semaine prochaine. Mais, bien sûr qu'on a une définition des richesses naturelles.

M. Forget: C'est laquelle?

M. Morin (Louis-Hébert): II y a des exercices grammaticaux qui viennent d'être faits tout à l'heure, qui me feraient peut-être référer le ministre au dictionnaire.

Mais je pense, M. le Président, que ce qui compte — et c'est encore le problème qu'on avait cet après-midi — ce n'est pas essayer de faire, ici, dans cette commission, la tâche qu'un comité fédéral-provincial de ministres et de fonctionnaires est en train d'essayer de réaliser. C'est plutôt d'essayer de s'entendre sur certains principes fondamentaux. Le danger est toujours de se perdre dans des considérations hautement techniques, qui intéressent, au fond, les spécialistes, alors que, au départ ce qu'il faut déterminer entre nous, ici, si on veut déterminer quelque chose, à partir de la position que le Québec a prise quant aux richesses naturelles, c'est de savoir si, en plus d'informer le public, cette position, pour des raisons qui peuvent être partageables ou non, convient ou non à nos amis des partis d'Opposition. (20 h 15)

En avez-vous une définition? Cela pourrait peut-être aider.

M. Forget: II est difficile, à défaut d'avoir une définition, d'éviter des problèmes de nature politique. Il ne faut pas être un grand prophète et bénéficier de beaucoup d'expérience pour se rendre compte que toutes les provinces ne sont pas également dotées au même degré des mêmes richesses naturelles, quelle que soit la définition qu'on veuille adopter.

Pour donner un exemple, si on parle de ressources hydroélectriques, le Québec est bien pourvu. J'imagine que c'est une richesse naturelle, selon la définition du Québec. Est-ce que la force marée motrice, par exemple, est également une richesse naturelle?

M. Morin (Louis-Hébert): Ou le vent.

M. Forget: Ou le vent, si on veut. Il reste que c'est plus relié au territoire, peut-être que le vent l'est aussi. Mais on peut s'imaginer que, selon la définition qui est adoptée, une province, par exemple, comme le Nouveau-Brunswick ou la Nouvelle-Écosse prendra des attitudes différentes vis-à-vis des richesses naturelles selon que la force marée motrice est incluse ou non

M. Morin (Louis-Hébert): D'accord.

M. Forget: Si on prenait la définition la plus strictement adaptée à la source immédiatement du problème, comme l'a dit le ministre, il s'agit des inquiétudes de l'Alberta, largement, et de la Saskatchewan face à des décisions d'il y a quelques années, la crise de l'énergie, on pourrait dire que les richesses naturelles sont des richesses énergétiques, les fossiles, le combustible de fossiles, le gaz naturel, le charbon et le pétrole. À ce moment-là, cela ne concerne pas beaucoup le Québec.

On ne peut pas confiner dans le domaine purement technique des considérations comme celles-là parce qu'elles ont un impact distributif très inégal selon la solution technique. J'imagine qu'avant de prendre une position sur les principes le Québec voudra être sûr de sa définition parce que, selon la définition, il sera plus ou moins impliqué.

M. Morin (Louis-Hébert): M. le Président, on assiste à un drôle de processus, et c'est peut-être la dernière chose que je dirai là-dessus. On en est rendu à un représentant d'un parti de l'Opposition important qui se demande ce que sont les ressources. Cela ne m'étonne pas qu'il ne sache pas quelles sont ses positions à lui et qu'il ne reconnaisse pas les positions de son parti, celles que nous utilisons maintenant dans notre discussion avec Ottawa.

Il y a toujours une façon — et elle est évidente — de mêler les choses au point que des solutions sont impossibles à atteindre, c'est de compliquer les sujets de discussion jusqu'à la huitième décimale. Je suis vraiment très étonné que cette question survienne ce soir; il n'y a personne autour de la table, je pense, qui, a priori, et nous aussi, a soulevé le problème de la définition des ressources naturelles puisque c'est d'un principe à propos duquel il fallait parler.

Il y a effectivement — puisque vous avez ouvert la discussion sur ce sujet — une difficulté de définition du contenu de l'expression "richesses naturelles" sur le plan juridique qui a lieu maintenant et qui s'est produite entre les provinces et le gouvernement fédéral. Que le député de Saint-Laurent apporte cette notion ici est une démonstration évidente qu'il a des sources...

M. Forget: Qu'on s'est informé.

M. Morin (Louis-Hébert): ... que vous êtes informé, oui, qu'il y a des sources de renseignements qui...

M. Forget: Un minimum.

M. Morin (Louis-Hébert): Oui, justement... sont telles que je suis en train de me demander dans quelle mesure...

M. Bédard: ... fédéral, aussi.

M. Morin (Louis-Hébert): Je suis à me demander dans quelle mesure vous êtes en train de donner un coup de main ou d'essayer de donner un coup de main à vos amis fédéraux; je m'étonne de ce procédé. Je ne voudrais pas qu'on change la nature de cette discussion, on n'est pas ici pour définir ou fabriquer un dictionnaire fédéral-provincial; on est ici pour savoir une chose: Êtes-vous d'accord, vous — et nous le sommes — que les richesses naturelles, selon l'acceptation courante, sont de compétence provinciale, oui ou non? J'espère que vous êtes capable de nous dire cela; sinon, je vais vous aider, il y a des citations de M. Lesage. Cela ne m'étonnerait pas, sait-on jamais, que j'en aie de votre excellent collègue, notre ami de la... — Vous savez qui n'est-ce pas? — qui a déjà eu certainement l'occasion de se prononcer sur ce sujet.

Je refuse d'entreprendre un sujet technique ici, qui est justement l'objet de discussions au niveau de la conférence fédérale-provinciale. Je pense qu'on dévie du sujet et on perd du temps, parce que ce n'est pas le problème, c'est le principe même. Ce qui sera ressources est-il, à votre avis ou non, de compétence provinciale? C'est cela la question. Nous pensons que oui. Dans les positions antérieures, l'Union Nationale a déjà dit oui. Tout à l'heure on verra ce qu'elle va mentionner. Le Parti libéral aussi, que je connais bien, d'ailleurs, a déjà dit oui. Est-ce que vous autres, vous dites aussi oui? C'est à vous de répondre à la question.

M. Forget: M. le Président, on dira oui ou non quand on saura exactement de quoi on parle.

M. Morin (Louis-Hébert): Vous ne savez pas de quoi vous parlez. Merci, c'est cela que je voulais savoir.

M. Forget: M. le Président — je n'ai pas terminé — j'ai consulté le document que le ministère a déposé à l'Assemblée nationale, les positions traditionnelles du Québec sur le partage des pouvoirs de 1900 à 1976. 76 ans, trois quarts de siècle sont couverts là-dedans. Quelle n'a pas été ma surprise de constater que parmi la bonne vingtaine de sujets qui sont énumérés dans la table des matières, les richesses naturelles, comme rubrique, ne paraissent pas. Je les ai cherchées dans des rubriques autres, comme l'aménagement du territoire, l'environnement, les droits miniers sous-marins, encore que ce soit une définition très étroite qui n'a pas une très grande signification pour le Québec. Enfin, pas autant que pour le reste, du moins. Je les ai cherchées dans autre chose et il n'y a pas d'autre chose qui serait même rattachée de loin à la question des richesses naturelles. Je dois donc en conclure, puisqu'on a dit qu'on a fait des recherches exhaustives, qu'il n'y a pas de position traditionnelle du Québec sur la question des ressources naturelles. J'ai peine à le croire, M. le Président, mais cela indique...

M. Morin (Louis-Hébert): On aura tout vu!

M. Forget: ... malgré tout que lorsqu'on se livre à un exercice sur la position traditionnelle du Québec, il y a quand même des trous, des difficultés, même, de retrouver, semble-t-il, un énoncé cohérent et concis là-dessus. À plus forte raison de dire qu'on est en face d'une vérité à laquelle il faut donner son adhésion sans se poser même la question de savoir si toutes nos richesses naturelles, selon notre définition, seraient couvertes par une telle garantie ou seulement certaines d'entre elles. Si le ministre revenait de la prochaine conférence...

M. Morin (Louis-Hébert): Toutes, toutes. M. Bédard: ... naturelles...

M. Forget: Mais vous ne le savez pas. Vous venez de dire que vous ne le savez pas. Vous attendez que la définition soit agréée par tous.

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Forget: Alors, je ne vous dirai pas oui d'avance qu'on est d'accord, si la définition avec laquelle vous arriverez dans trois semaines est insuffisante.

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous plaît! Je n'ai pas à m'excuser pour le faire. J'avais indiqué le titre du chapitre qui avait été d'ailleurs annoncé. C'est la propriété des ressources et le commerce interprovinciai.

M. Morin (Louis-Hébert): Mais monsieur est poigné dans son dictionnaire à lui, que voulez-vous que j'y fasse?

Le Président (M. Cardinal): Attention!

M. Morin (Louis-Hébert): Voici: Ce qui actuellement, hier, demain, dans l'avenir, maintenant, plus tard ou jamais est, risque d'être, a la chance d'être, peut-être interprété comme étant ou donnant l'impression d'être une richesse naturelle est pour nous de compétence provinciale. Est-ce correct? Est-ce que cela est assez clair? Je ne vous en demande pas tant. Cela demande un effort d'imagination. Je vous demande: Ce que le monde appelle les richesses naturelles normalement, pensez-vous que c'est de compétence provinciale? Laissons les juristes se démêler avec une définition, parce que les juristes auront des définitions sur le mot communications, sur le mot droits miniers sous-marins, sur le mot agriculture, même sur le mot homme. On le sait, cela. Ce sont des choses que je ne connais pas beaucoup en droit, mais j'ai entendu parler de cela. Les juristes, des fois, ont des problèmes d'existence. Est-ce que le droit existe? Alors, on ne commencera pas cela.

Le Président (M. Cardinal): N'attaquez pas la présidence.

M. Morin (Louis-Hébert): Non, vous êtes notaire. Est-ce que c'est la même chose?

M. Bédard: Vous venez de l'attaquer.

M. Morin (Louis-Hébert): Blague à part, soyons sérieux. Quand on nous dit que l'expression "richesses naturelles" n'apparaît pas dans la liste, c'est qu'elle est ailleurs dans d'autres sujets. On a pris les sujets traditionnellement utilisés comme expression: aménagement du territoire — vous en avez là-dedans — droits miniers sous-marins. Si ce ne sont pas des richesses naturelles, je m'excuse, c'est peut-être de l'agriculture. On a de l'agriculture sous-marine, c'est vrai, c'est peut-être cela. Blague à part, c'est très simple.

M. Forget: Ah bon, vous plaisantez. Heureusement!

M. Morin (Louis-Hébert): Oui, il faut savoir distinguer quand quelqu'un fait une boutade ou non.

Essentiellement, nous considérons de compétence provinciale les richesses naturelles, point. Le monde, au Québec, a une notion de ce qui est richesse naturelle. Avant que les savants physiciens de l'avenir, dans l'an 2014 en inventent d'autres, on va se contenter de celle qu'on connaît maintenant. À partir de ce qu'on connaît maintenant, nous déterminons et nous croyons et nous avons toujours cru, les autres ont cru et votre parti lui-même a cru que c'était de compétence provinciale, d'après la constitution. Nous répétons cela aujourd'hui et nous pensons que, cela étant, le gouvernement fédéral ne peut pas se servir de son pouvoir dans d'autres secteurs pour venir nier notre compétence propre. Cela dit, il peut y avoir

des arrangements, comme il y en a entre pays souverains, entre le Québec et d'autres provinces et d'autres gouvernements pour que, de part et d'autre, on exploite les richesses naturelles à notre avantage et à celui des autres. Voilà, c'est simple. Cela ne sert à rien de compliquer les choses et de fendre les cheveux en quatorze.

M. Forget: M. le Président...

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: ... si cette réponse est si simple, pourquoi le ministre, quand je lui ai posé la question au début, s'est-il emporté et étonné qu'on lui pose la question: Donnez-nous votre définition des richesses naturelles? Il vient de la donner.

M. Morin (Louis-Hébert): Je vous lai dit tantôt...

M. Forget: C'est tout.

M. Morin (Louis-Hébert): ... à cette époque-là...

M. Forget: C'est sa définition. Très bien.

M. Morin (Louis-Hébert): ... au moment dont on avait parlé...

M. Forget: II n'est pas nécessaire de faire un esclandre...

M. Bédard: Quand M. Lesage disait que...

M. Forget: ... et un scandale au sujet d'une demande dont la réponse est si simple, selon le ministre. Pourquoi s'indigne-t-il?

M. Morin (Louis-Hébert): Non, ce n'est pas là-dessus que je fais un "scandale" — entre guillemets. Ce sur quoi je fais un scandale, c'est que vous arriviez avec une notion hautement technique qui n'est pas résolue maintenant pour mêler le débat.

M. Forget: Elle est résolue dans l'opinion du ministre. Il a dit: C'est tout, sans exception...

M. Morin (Louis-Hébert): Oui, c'est cela.

M. Forget: ... et quel que soit le niveau de fabrication.

M. Morin (Louis-Hébert): Oui, peu importe!

M. Forget: Peu importe.

M. Morin (Louis-Hébert): Bon!

M. Bédard: Quand M. Lesage disait que les richesses naturelles étaient de juridiction provinciale, il n'arrivait pas avec une définition toutes les fois.

M. Forget: L'acier rendu dans les voitures, c'est encore une ressource naturelle. On est d'accord là-dessus. C'est encore une ressource naturelle. Ceci étant réglé aussi élégamment, M. le Président...

M. Morin (Louis-Hébert): Je ne pense pas que vous soyez une richesse naturelle.

M. Forget: ... j'aurais une autre question.

Le Président (M. Cardinal): Je m'excuse, mais même si c'est le soir, je demanderais qu'une seule personne à la fois s'exprime. M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: Le ministre pourrait-il me dire, puisqu'il y a malgré tout, dans son interminable liste de ressources naturelles — il va cependant probablement concéder que certaines de ces ressources naturelles, le Québec n'en dispose pas...

M. Morin (Louis-Hébert): ...

M. Forget: En effet. Malheureusement. Si la liste est très longue, il est fort probable que la plupart des éléments sur cette liste ne sont pas des ressources dont dispose le Québec, mais des ressources dont disposent d'autres provinces ou d'autres États. À ce moment-là, si le ministre insiste sur une compétence provinciale absolue sans aucune espèce de restrictions, il place les intérêts du Québec au deuxième rang et place au premier rang une position absolue sur le plan des principes, mais un principe plutôt arbitraire à ce moment-là. Cela ne se confond pas avec l'intérêt du Québec. C'est une vision doctrinaire de ce qui doit être fait plutôt que le reflet des intérêts du Québec. Par exemple, dans le cas du pétrole — je pense qu'on n'en a pas encore beaucoup dans notre sous-sol, du moins on n'en a pas trouvé — ce qu'il nous dit, c'est qu'il se désintéresse complètement de l'usage que peuvent faire d'autres provinces de leur juridiction absolue et sans limites relativement à cette ressource.

M. Morin (Louis-Hébert): Je n'ai jamais dit cela.

M. Forget: Si c'est le cas. Et si ce n'est pas le cas — nous allons donc le prendre sous forme d'alternative — quelle est la nature des restrictions qu'il envisage à cette juridiction provinciale sur les ressources naturelles?

En particulier, conçoit-il que les provinces lorsqu'elles transigent, lorsqu'elles exportent des ressources naturelles devraient être au moins astreintes, à l'intérieur d'une fédération, à une règle de non-discrimination quant au prix? Autrement dit, à la suite d'une politique de conservation quelconque, que ce soit l'exploitation de notre énergie hydroélectrique, que ce soit l'exploitation de réserves épuisables de pétrole, de charbon ou de gaz naturel, si c'est vendu à un rythme donné, conçoit-il que ce soit vendu au même prix à tous

les Canadiens, quelle que soit leur province de résidence? S'il me dit non, je vais lui demander de quelle façon il entend protéger les intérêts du Québec eu égard à ces ressources dont nous ne disposons pas et dont disposent d'autres provinces.

M. Paquette: Vous voulez mettre cela dans la constitution?

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous plaît! M. le ministre des Affaires intergouvemementales.

M. Morin (Louis-Hébert): Oui. Il y a une chose qu'on ne sait quand même pas encore, c'est si le Parti libéral est d'accord que les richesses naturelles sont des richesses qui appartiennent aux Québécois. Le fait que cela appartienne aux Québécois, ce que nous croyons, n'a jamais voulu dire que les Québécois s'asseyaient stupidement dessus, premièrement. Dans la même mesure, les richesses naturelles qui appartiennent à l'Ouest comme celles qui appartiennent au Venezuela, cela n'a jamais voulu dire que ce monde là s'asseyait dessus. Je pense qu'on est assez civilisé dans le monde, et nous particulièrement ici, pour savoir qu'il n'y a personne qui vit seul au monde. Nous n'avons pas d'oranges, actuellement, les producteurs d'oranges nous en vendent et on s'en tire quand même. Ce n'est pas une richesse naturelle dans le sens traditionnel du terme, mais c'est quand même une ressource qui peut être considérée... (20 h 30)

M. Forget: Cela vient du sol, les oranges!

M. Morin (Louis-Hébert): Un instant! ... comme étant un bien d'exportation et un bien d'usage pour d'autres êtres humains. C'est comme cela que nous raisonnons et il n'y a personne actuellement qui a envie de couper qui que ce soit de quoi que ce soit en ce qui concerne certains biens essentiels comme ceux-là. Par conséquent, j'en reviens à ma question, a), b), comment se fait-il qu'on ne sache pas si les libéraux sont d'accord avec des choses avec lesquelles ils étaient d'accord il n'y a pas très longtemps? Deuxièmement, comment se fait-il que, dans beaucoup de sujets, je m'aperçois que le représentant libéral me tient exactement ou à peu près mot pour mot le raisonnement de certains de nos collègues fédéraux? Sans que je ne dévoile quoi que ce soit, il se trouve à y avoir une sorte de répétition ici d'arguments utilisés ailleurs. Je ne savais pas que j'avais l'avocat, ici, de la position fédérale en ces matières.

Je suis obligé de le reconnaître. Je le regrette, c'est la première fois — de plus en plus d'ailleurs on s'aperçoit de cela — que non seulement on ne reconnaît plus ses positions traditionnelles, mais qu'on essaie de faire reconnaître celles des autres qui justement étaient opposées aux positions traditionnelles. C'est bizarre, mais c'est ainsi. Je le déplore. Cela dit, je m'attends toujours à ce qu'on m'enlève cette inquiétude que j'ai en ce qui concerne la principale partie de l'Opposition. Estelle à la veille de reconnaître qu'on doive dans un domaine aussi important que celui-là concéder à un autre gouvernement la gestion de nos affaires?

M. Forget: M. le Président, je pense que si le ministre était un peu moins défensif, alors que son gouvernement, son premier ministre a lui-même convoqué de son plein gré cette commission parlementaire soi-disant pour éclairer le public, il pourrait très facilement prendre le loisir de répondre intelligemment à des questions tout à fait naturelles. Il ne s'agit pas de se mettre la tête dans le sable, de faire l'autruche. Tout le monde a vu la position qu'a prise l'Alberta dans un domaine qui nous intéresse, qui met en jeu des intérêts québécois, pas seulement des théories de constitution-nalistes, à savoir comment on peut définir un État constitutionnel idéal en fonction de théories juridiques.

Les intérêts réels des Québécois, ce n'est pas seulement de satisfaire des théories juridiques, c'est de satisfaire des intérêts concrets. Comme, par exemple, l'accessibilité à des ressources énergétiques à des conditions avantageuses. Avec les sornettes que le ministre nous raconte à savoir que tout le monde est de bonne volonté, que les gens de l'Alberta ou du Venezuela ne resteront pas assis sur leurs ressources, veut-il nous faire croire que ces gens n'essaieront pas de maximiser pour eux-mêmes les gains qu'ils peuvent retirer de leurs ressources naturelles? Veut-il nous faire croire qu'un gouvernement qui joue son rôle au Québec peut tout simplement se baser sur des affirmations de bonne foi et de bon-ententisme universel pour assurer les Québécois que leurs intérêts seront protégés, pas seulement des théories légales et constitutionnelles abstraites?

Il ne s'agit pas d'être informé par qui que ce soit. On n'a qu'à lire les journaux pour se rendre compte de ce qui se passe actuellement dans le monde. On nous parle, du côté énergétique, de pénurie possible dans un avenir pas tellement éloigné. Son collègue à l'énergie s'emploie à nous démontrer qu'il faut désormais économiser l'énergie. Il y a un réel problème qui se pose. De quelle façon le gouvernement actuel du Québec s'assure-t-il que le cadre fédéral, dans la mesure où il subsiste, nous permettra de maximiser nos possibilités de ce côté et dans quelle mesure, par exemple, lorsqu'un collègue à lui nous parle de possible pénurie alimentaire pour l'an 2000, s'assure-t-il que de ce côté également, s'il y a encore un cadre fédéral, ce cadre fédéral serve d'instrument, de levier pour le Québec pour obtenir une accessibilité avantageuse? Pas être traités comme de purs étrangers, mais être traités de manière qu'il y ait quelque avantage économique pour le Québec de cette association avec le reste du Canada. Ce n'est pas seulement par l'affirmation que les gens ne resteront pas assis sur leur blé ou leur pétrole qu'il va nous rassurer. Qu'il ne s'imagine pas cela.

M. Morin (Louis-Hébert): M. le Président... Le Président (M. Cardinal): M. le ministre.

M. Morin (Louis-Hébert): ... ce qui est terrible dans ce que j'entends là, c'est que le représentant de l'Opposition officielle non seulement réplique, mais en les soulignant davantage, avec les positions fédérales, mais il ne serait même pas d'accord avec les positions des autres provinces. On en est rendu au point où on pourrait déjà comprendre que, pour des raisons politiques, il ne soit pas d'accord, parce qu'il ne veut pas l'être, alors que quand même au fond c'est leur position qu'on défend avec les positions que nous défendons nous-mêmes, mais il est en train de rejeter celles des autres provinces. Je pense qu'il est peut-être seul à avoir le pas, premièrement.

Deuxièmement, il y a une autre chose qui me frappe aussi — il faut bien que j'y fasse allusion et je ne veux pas faire de personnalités — cela fait trois ou quatre sujets qu'on aborde aujourd'hui où tout devient soudainement très compliqué. Tantôt, c'étaient les communications; ce matin, c'était le pouvoir de dépenser; là, ce sont les richesses naturelles. Vous êtes en train de vous mériter le titre de M. Catastrophe. Chaque fois que l'on parle de quelque chose, il faut toujours faire appel aux tremblements de terre. On parle pourtant d'une chose très simple. Vous parlez de théories juridiques; qui a soulevé, ce soir, la définition juridique des richesses naturelles? Est-ce que le vent est une richesse naturelle? Est-ce que ceci est une richesse naturelle?

Nous partons d'une position beaucoup plus pragmatique que cela. Ce qui sera ou est considéré comme richesse naturelle appartient aux provinces qui pourront en disposer comme elles l'entendent et qui, cependant, comme elles ne sont quand même pas seules au monde, en disposeront avec leurs voisins. Il n'y a personne dans l'Ouest canadien, qui nous a menacés de ne pas nous envoyer de pétrole, pas plus que nous ne menaçons qui que ce soit de lui couper le courant. On en vend partout; on est un monde civilisé. Il est inutile de faire appel à des catastrophes effrayantes pour défendre des vues fédérales et des dogmes fédéraux, parce que celui-là en est un.

Je regrette que cela vienne d'ici. Je m'attends toujours que cela vienne de gens d'Ottawa, mais entendre répéter cela à Québec, je connais pas mal de personnes, dans votre parti, qui n'ont pas tenu les mêmes positions dans le passé et même très récemment.

M. Forget: Une fois le scandale passé dans l'esprit du ministre des Affaires intergouvernementales, il reste encore qu'il y a un problème qu'il n'a pas réglé. Peut-être peut-il croire lui-même et ses quelques collègues que sa façon de parler du sujet, de tourner alentour du sujet sans vraiment s'y adresser, va satisfaire l'opinion publique qu'il prétend vouloir informer. Il reste qu'il y a des intérêts très concrets auxquels j'ai fait allusion. Je pense qu'il ne peut pas les nier, quels que soient sa surprise, son état de choc ou son état d'âme, dont il fait un vigoureux étalage à chaque occasion. Ceci nous importe peu dans quel état d'âme se trouve le ministre des Affaires intergouvernementales; cela ne nous intéresse même pas de le savoir.

M. Morin (Louis-Hébert): Là, vous charriez légèrement.

M. Forget: Ce que nous voulons savoir, c'est si le gouvernement actuel du Québec, à part de se préoccuper de doctrines constitutionnelles, se préoccupe d'intérêts concrets. L'intérêt des Québécois, malheureusement, n'est pas identique, n'est pas superposable en tout à l'intérêt des gens de l'Alberta, si gentils, aimables et recevants qu'ils soient.

M. Morin (Louis-Hébert): Ce qui veut dire que, comme il y a des intérêts divergents d'une province à l'autre, il en découle qu'il faut le gouvernement fédéral pour mettre tout le monde d'accord et qu'on serait beaucoup mieux de dépendre totalement du gouvernement fédéral. Est-ce que c'est ce que je dois interpréter comme étant la position du représentant du Parti libéral?

M. Forget: II en découle qu'il y a des intérêts divergents, comme il l'a très bien compris et je le félicite là-dessus, et qu'il va falloir, d'une façon ou d'une autre, pour ce qui reste de vides que le gouvernement et le ministre doivent combler dans l'argumentation, trouver des moyens de concilier les intérêts divergents. Qu'il le fasse comme il l'entend ou comme il le voudra, mais au moins qu'il ait une solution. Si sa solution est un traité international, comme il semble vouloir le suggérer, implicitement au moins, par ses allusions au fait que les gens trouvent toujours moyen de s'entendre, qu'il dise que c'est cela qu'il a à l'esprit. Mais il faut quand même trouver des moyens de combler des écarts réels entre des intérêts réels et qui s'opposent très souvent, malheureusement. Ce n'est pas parce que c'est une province qui le dit — si province qu'elle soit — qu'elle a nécessairement des intérêts identiques à ceux du Québec. On y reviendra, d'ailleurs, sur d'autres sujets, parce que ce n'est pas le seul sujet autour duquel une question comme celle-là se pose. Dans quelle mesure le gouvernement actuel du Québec sacrifie-t-il les intérêts concrets et réels des Québécois pour satisfaire un souci d'esthétique constitutionnelle avec lequel la plupart des gens n'ont rien à voir?

M. Morin (Louis-Hébert): En aucune façon, M. le Président. C'est tout le contraire qui se passe. L'esthétique constitutionnelle vient plutôt des gens qui inventent des définitions ou qui essaient d'inventer des définitions de richesses naturelles qui ne sont même pas établies à ce moment-ci et qui n'ont comme objet, quand c'est soulevé, que de compliquer le problème. C'est beaucoup plus dangereux de mal défendre les intérêts du Québec

quand on est systématiquement le porte-parole des fédéraux dans cette salle.

Le Président (M. Cardinal): Si vous le permettez...

M. Forget: Vous savez mieux que nous ce que les fédéraux veulent là-dessus; je ne le sais pas, pour ma part.

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Forget: Ce que je sais très bien, c'est ce que les gens de I'Alberta veulent et je ne suis pas convaincu, dans le cas du pétrole et du gaz naturel, que c'est dans notre intérêt. Là-dessus, vous n'avez aucune réponse.

Le Président (M. Cardinal): Ayant suivi de très près...

M. Raynauld: M. le Président...

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Morin (Louis-Hébert): Vous êtes toujours...

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Morin (Louis-Hébert): ... contre tout ce qui ressemble à la dignité!

Le Président (M. Cardinal): M. le ministre, je m'excuse, comme les autres. Depuis 20 h 12 que je suis très attentivement ce débat et que je tiens le temps. Nous avions convenu — et c'est une convention qui dépend du règlement — qu'un député, sur le même article, ne pouvait parler que vingt minutes. Je dois donc souligner que le député de Saint-Laurent a épuisé son temps. À ce moment-là, je passe soit à M. le ministre, s'il a quelque chose à ajouter — parce que pour lui, on connaît la règle — soit à M. le député de Lotbinière, chef de l'Union Nationale.

M. Morin (Louis-Hébert): Je vais laisser la parole à M. le député de Lotbinière et chef de l'Union Nationale.

Le Président (M. Cardinal): Alors, M. le chef de l'Union Nationale.

M. Biron: M. le Président, la position de l'Union Nationale n'a pas changé depuis les années. Je retrouve, d'ailleurs, dans le volume qui nous a été remis, la position traditionnelle du Québec de 1900 à 1976. Tout au début, lorsqu'on parle d'un nouveau partage des pouvoirs, on y dit même que lors de la conférence constitutionnelle fédérale-provinciale de septembre 1950, M. Duplessis proposait, dans un mémoire préliminaire, un nouveau partage des pouvoirs entre les deux gouvernements, demandant entre autres que les pêcheries, le mariage, l'agriculture, etc. relèvent de la compétence exclusive des provinces.

On voyait un peu que, déjà, certaines richesses naturelles s'en venaient au niveau des provinces. Un peu plus loin, dans ces pouvoirs des autorités provinciales, on voit: Les ressources naturelles de la province: mines, forêts, pouvoirs d'eau, etc., devaient être de juridiction exclusive provinciale. Depuis ce temps, bien sûr, la société a évolué — cela fait 29 ans de cela — alors il y a certainement de nouvelles richesses naturelles, de nouvelles définitions des richesses naturelles qu'on a trouvées, bien sûr. La position de l'Union Nationale, c'est que les ressources naturelles, les richesses naturelles devaient relever exclusivement des provinces.

Il y a quand même quelque chose d'intéressant avec la présentation du ministre et même les questions du député de Saint-Laurent, tout à l'heure, lorsqu'on veut avoir une définition plus précise de ce que sont les richesses naturelles, d'abord s'il y en a une et si le Québec en a présenté une. Là-dessus, je me base sur la présentation du ministre lui-même dans un mémo — dont on a une photocopie ici — de M. Claude Morin, ministre des Affaires intergouvemementales à M. Marc-André Bédard, ministre de la Justice. On dit un peu plus bas: "Conformément à la règle que tous ont acceptée lors de deux réunions ministérielles précédentes, nous ne faisons pas état ici des positions prises à huis clos par Ottawa pour les autres provinces. Cependant, il nous est loisible de révéler les nôtres, ce que nous faisons dans la présente documentation."

Je voudrais savoir du ministre — pour revenir à la question du député de Saint-Laurent tout à l'heure — si, à travers les présentations du gouvernement du Québec, l'actuel gouvernement du Québec, il y a eu une définition des richesses naturelles, si cela a été présenté. Si cela n'a pas été présenté, on comprendra quand même; cela se peut, techniquement, qu'on ne l'ait pas présentée. Si on en a absolument besoin, c'est que dans cette présentation que le ministre nous fait, il nous parle de ressources et de commerce interprovincial. On a dit: "Le Québec croit encore que les provinces devraient être seules compétentes relativement à la propriété, à l'exploration, à l'exploitation, au développement, à la conservation, à la gestion, au commerce et à l'aménagement des terres, mines, minéraux, forêts et ressources hydrauliques."

Ce n'est pas seulement pour compliquer la vie du ministre. Je pense que c'est important de savoir où cela nous mène. S'il y avait simplement quelques ressources naturelles, on pourrait dire facilement: Cela débouche à telle place. Mais il y en a peut-être d'autres. Tout à l'heure, on a parlé du vent, de l'énergie solaire; est-ce que c'est une ressource naturelle? Les produits agricoles, transformés ou pas, est-ce que c'est considéré comme une richesse naturelle? Le minerai de fer, l'amiante transformé ou pas, jusqu'à quel point?

Lorsqu'on nous parle du commerce, du développement et de l'exploitation, c'est important de

savoir où se situe la position du Québec. Je ne veux pas savoir, encore une fois, ce qui est arrivé du gouvernement fédéral ou des autres provinces, mais je veux savoir du gouvernement provincial si, oui ou non, on a fait une définition à ce jour, et si on n'en a pas fait, on s'attend à en faire une et où tout cela va déboucher. Je pense que c'est un point extrêmement important.

Au deuxième paragraphe de la position actuelle du Québec, le titre, c'est "Les ressources et le commerce interprovincial". Il n'est pas du tout question de commerce interprovincial. Est-ce que le titre veut dire que les ressources peuvent être commercialisées interprovincialement par les provinces, avec juridiction exclusive des provinces? Si c'est cela, le gouvernement fédéral n'a rien à voir avec le commerce interprovincial des ressources naturelles, transformées jusqu'à quel point. Tout de suite, on s'aperçoit que la question du député de Saint-Laurent, tout à l'heure, pour avoir une définition des ressources naturelles, c'est important parce qu'on veut y rattacher, en même temps, le commerce interprovincial, et jusqu'où tout cela va aller. (20 h 45)

Je pense que ce sont des questions auxquelles il est important d'avoir une réponse. Ce n'est pas pour tirer des fils partout, c'est tout simplement pour voir un peu plus clair dans la position actuelle du Québec. Je crois que c'est tout simplement la continuité historique, d'ailleurs, des demandes des gouvernements québécois. Est-ce que, dans le passé, on a fait une définition? On peut aussi se poser des questions là-dessus, mais quand même on vit aujourd'hui en 1979 et je pense que c'est important de le savoir.

À présent, une dernière question, dans cette première étape. Est-il possible de limiter la juridiction fédérale dans le commerce interprovincial, en donnant une juridiction exclusive aux provinces dans les ressources naturelles, dans le commerce interprovincial ou dans la transformation, finalement, de leurs ressources commercialisées? Il est important aussi de le savoir. On a dit que l'article 121 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique donne le pouvoir nécessaire au gouvernement fédéral d'imposer des droits de douane; est-ce que nous, si on fait du commerce interprovincial, on pourra taxer ces choses? Ce serait indirectement une douane pour les autres provinces.

Finalement, la définition des ressources naturelles est liée véritablement à tout ce qui nous est présenté dans cet article.

Je pose ces questions au ministre et, après avoir obtenu ses réponses, j'aurai peut-être d'autres questions.

Le Président (M. Cardinal): II vous reste encore du temps. M. le ministre des Affaires intergouvernementales.

M. Morin (Louis-Hébert): Si vous regardez au bas de la première page du document qu'on vous a fourni, il y en a une définition de richesses naturelles, à l'époque où nous avons présenté nos vues. "Le Québec croit encore que les provinces devraient être seules compétentes relativement à la propriété, l'exploration, l'exploitation, le développement, la conservation, la gestion, le commerce et l'aménagement des terres, mines, minéraux, forêts et ressources hydrauliques." Vous avez cette définition au bas de la première page, je l'ai lue cet après-midi. Alors, je pense que cela répond à votre question.

Tout à l'heure, pour ne prendre aucune chance, j'ai dit que s'il y avait d'autres choses qui étaient de commun entendement compris comme étant richesses naturelles, cela entrerait là-dedans.

Ce qui veut donc dire par conséquent que les provinces sont responsables de leurs ressources, comme elles sont responsables de l'éducation. C'est, je pense, le genre de comparaison qu'on pourrait faire.

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Lotbinière.

M. Biron: Est-ce qu'on a déposé, de la part du Québec...

M. Morin (Louis-Hébert): Je voudrais parler de cela maintenant.

Là, il y a tout un faux problème qui traîne depuis cet après-midi ou hier, avec la question qui nous a été posée. Quels sont les papiers que vous avez fait circuler? J'ai dit qu'il y a plusieurs provinces qui ne font pas circuler de document. C'est la méthode que nous avons à peu près toujours prise, au Québec, sauf dans de très rares occasions, dans les années passées.

Cependant, ce qui se passe, c'est qu'il y a des comités de fonctionnaires qui se réunissent, auxquels nous participons. Et on arrive souvent à des travaux communs, on ne sait pas très bien qui les a rédigés. Ce sont des rapports de fonctionnaires dans lesquels on avait les nôtres. J'en ai un devant moi, sur un sujet. Il a quatre ou cinq pages, il porte justement sur le sujet des richesses naturelles, avec, à la fin, telle province qui dit: Bien, tel morceau, j'aime moins cela que tel autre, etc. Il y a des commentaires. À cause de la promesse qu'on a faite, je ne peux pas les dévoiler. Mais nous avons beaucoup de choses qui font partie, à partir des discussions que nous avons eues, de documents comme cela qui circulent autour de la table, mais qui ne sont pas signés Québec, mais qui sont signés comité dans lequel sont telles, telles ou étaient telles, telles et telles provinces. Cela arrive, c'est arrivé pour les richesses naturelles. Nous y participons, nous avons participé à tous les comités, sauf un, je le répète, rapatriement et amendement constitutionnel.

Or, c'est une question qui est en cours, au moment où je vous parle. Et au cours de ces discussions, soit de fonctionnaires, soit de ministres, il va de soi que des problèmes comme celui que vous mentionnez sont soulevés et qu'à la lumière des difficultés qui sont soulevées, quand, à dessein, on ne complique pas les choses comme cela a été fait tantôt de telle sorte qu'une chatte

n'y retrouverait pas ses petits, il y a moyen de résoudre les problèmes.

Mais, encore une fois, cela fait partie et c'est la conséquence un peu du processus accéléré du sprint constitutionnel dans lequel on est. Il y a des morceaux. On vit un peu ce que j'appellerais le syndrome de la patte en l'air, c'est-à-dire qu'il y a des morceaux; un moment donné, on s'aperçoit deux semaines après, houp! qu'on a oublié cela et cela. Alors, on y revient à la prochaine réunion. Il y a des morceaux qui sont les pattes en l'air, encore aujourd'hui, à cause de la rapidité du processus, qu'on va reprendre la semaine prochaine. Il n'y a aucune excitation dans tout cela, cela va de soi.

Tout ce qui a été dit sur l'interdépendance des uns et des autres en richesses naturelles, tout ce qui a été dit sur les richesses naturelles de l'avenir et de celles du passé, on en est profondément conscient. Cela fait partie des prises de position de nos représentants — ministre ou fonctionnaire — à ces comités ou à ces groupes et, des fois, ce n'est même ni des comités ni des groupes, c'est la conférence elle-même des ministres.

Il me serait très difficile — parce que j'embarquerais d'autres provinces — dans certains cas de faire état d'un texte que nous aurions — j'en ai un ici justement sur les richesses naturelles — établi parce qu'il est signé de quelques provinces et, malheureusement, c'est un des petits embêtements auxquels nous sommes soumis. Je ne peux pas dans ces cas faire autre chose que vous dire quelle est notre orientation — c'est quand même mieux que de ne rien dire du tout — tout en étant conscient de deux choses: a) il reste une réunion de ministres et b) il y a des travaux qui se font au moment où, qn parle pour les fins de la conférence de la semaine prochaine.

M. Raynauld: M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Un instant, M. le député de Lotbinière et chef de l'Union Nationale n'a pas terminé.

M. Biron: J'aurais voulu avoir plus d'explications de la part du ministre vis-à-vis des richesses naturelles parce que tout à l'heure j'ai posé une question à laquelle il n'a pas répondu non plus; il pourra peut-être me répondre ensemble. Qu'est-ce que le commerce interprovincial a à voir, ce titre, dans le paragraphe qui n'en traite pas? Qu'est-ce qui arrive avec nos richesses naturelles? Est-ce que c'est de juridiction exclusivement provinciale de faire le commerce des richesses naturelles interprovincialement?

M. Morin (Louis-Hébert): J'ai dit ce matin ou cet après-midi que l'appellation du chapitre qu'on est en train d'examiner portait un petit peu à confusion parce qu'il ne s'agit pas de deux sujets; il s'agit de savoir dans quelle mesure, s'il y a compétence provinciale dans le domaine des richesses naturelles, des compétences fédérales peuvent intervenir. Le fédéral a une compétence qu'on ne discutera pas, mais qu'on suppose ce soir, en commerce international. Il admet, il croit avoir et il prétend avoir une compétence en commerce interprovincial qu'on a souvent, au Québec, comme pour le camionnage interprovincial remise en cause. Supposons qu'il a la compétence dans le commerce interprovincial. Dans quelle mesure, en exerçant sa compétence en commerce interprovincial, vient-il, à toutes fins utiles, annuler ou réduire la compétence des provinces en matière de richesses naturelles? Ce qui veut dire que sur le plan logique, il fallait d'abord établir s'il y avait une compétence provinciale en richesses naturelles et, s'il y en avait une, jusqu'à quel point il y en a une. Là-dessus, je ne dévoile pas de secret, l'Alberta et les provinces de l'Ouest ont pris des positions extrêmement catégoriques que nous avons nous-mêmes faites nôtres.

Il reste à savoir, une fois la définition juridique à laquelle savamment, tantôt, le député de Saint-Laurent faisait allusion, une fois la définition juridique établie, si la compétence fédérale dans ce domaine du commerce — ne le précisons pas — vient changer ce qui sera compétence provinciale. Il faut aussi faire attention —et cela, c'est ce qu'on a à la page 2 du document — qu'en invoquant sa compétence et les dimensions nationales du problème de l'énergie, par exemple, le fédéral finisse par considérer que cela relève de sa compétence à cause de la théorie des dimensions nationales. Il peut trouver cette théorie des dimensions nationales et l'appliquer à partir de sa compétence en matière de commerce interprovincial ou international.

Je ne sais pas si j'ai répondu clairement à la question. Je ne veux rien laisser en plan mais ce sont des matières complexes, alors, si je n'ai pas été clair, je vous demanderais de me le dire et cela me fera plaisir de préciser.

M. Biron: Je crois que ce n'est pas clair, en tout cas, selon ce que je peux voir parce qu'on a de la...

M. Morin (Louis-Hébert): C'est tellement pas clair que cela a dû aller à la Cour suprême cette affaire. Je pense qu'on peut s'excuser, tout ce qu'on en est ensemble, de ne pas voir très clairement là-dedans. C'est tout le problème justement.

M. Biron: On a un produit soit naturel, les fibres d'amiante ou le minerai de fer, ou peut-être un peu plus transformé. C'est de là d'ailleurs qu'on demandait tout à l'heure une liste des définitions. On peut faire du commerce avec, il n'y a pas de problème tant qu'on reconnaît la juridiction exclusive du Québec à l'intérieur de la province mais aussitôt qu'on sort à l'extérieur de la province, surtout que tout à l'heure, on a dit qu'il faut limiter le pouvoir du gouvernement fédéral, en limitant le pouvoir du gouvernement fédéral, maintenant qu'on fait du commerce interprovincial, on limite encore plus le pouvoir du gouvernement fédéral. C'est là que j'ai de la difficulté quand même à voir jusqu'où le Québec

veut aller; jusqu'où les pouvoirs du gouvernement fédéral vont aller dans ce qui regarde le commerce interprovincial de richesses naturelles qui relève, à l'intérieur des provinces, de juridiction exclusive des provinces. Encore là, on a le cas du pétrole de l'Alberta où, à cause d'une dimension nationale ou du commerce interprovincial, le gouvernement fédéral a pu intervenir.

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le ministre.

M. Morin (Louis-Hébert): J'essaie de trouver une façon, en partant, parce qu'on va se compliquer les choses mutuellement, de ramasser ce problème.

M. Raynauld: C'est simple.

M. Morin (Louis-Hébert): C'est compliqué quand certains s'évertuent à le compliquer pour être bien sûrs qu'on n'arrive à rien. On sait de qui on parle, alors, on ne les regardera même pas.

M. Raynauld: Non, ne regardez pas. C'est très simple.

M. Morin (Louis-Hébert): Partons de: Est-ce que cela existe une compétence des États provinciaux dans une fédération sur leurs richesses naturelles, oui ou non? Si oui, dans quelle mesure existe-t-elle? Nous répondons à cela: Elle est entière. C'est notre position. C'est celle des autres gouvernements qui nous ont précédés. C'est le principe de base. Nous avons répété cela. Nous l'avons répété pour les ressources telles qu'elles étaient comprises avant et telles qu'elles sont comprises maintenant. Nous faisons face, lorsque nous énonçons cette position, à une autre position fédérale qui dit: Moi, j'ai une compétence en commerce international et je peux avoir primauté sur votre compétence interne si jamais il y a un problème international ou une urgence quelconque. Ce qu'il s'agit actuellement de déterminer — ce n'est pas résolu; je n'ai pas besoin de vous le dire, vous le savez — c'est à quel moment cesse la compétence fédérale et à quel moment commence la compétence provinciale en ayant déterminé qu'elle est entière dans le cas des richesses naturelles.

Il ne faudrait quand même pas s'imaginer qu'on n'est pas réaliste. On sait très bien qu'à un moment donné, lorsque vous avez une compétence entière, c'est comme lorsqu'un État est souverain, sa souveraineté est limitée par celle des autres. À quel endroit arrête-t-on dans la constitution le pouvoir fédéral pour que le pouvoir provincial commence? Je n'ai pas besoin de vous dire que le pouvoir fédéral, selon les gens d'Ottawa, devrait aller le plus loin possible. Selon les gens d'Ottawa et le Parti libéral du Québec, il devrait aller le plus loin possible, de telle sorte qu'à toutes fins utiles il y aura peut-être des richesses naturelles provinciales dans la mesure où ce n'est pas important, où cela ne sort pas de la province, où personne ne pense à les exploiter. Ce sera alors provincial. Mais, quand cela va devenir intéressant, sérieux, payant, en vertu d'une sorte d'opération magique, cela devient fédéral. Si c'est cette façon-là de voir les choses, nous ne l'acceptons pas.

Là où nous n'avons pas encore réussi à trancher actuellement — et le député de Saint-Laurent est très bien renseigné à cet égard parce qu'il sait qu'il y un problème de définition — c'est justement de savoir où commence celle du fédéral et dans quelle mesure il faut éviter qu'elle ne mette en cause celle des provinces. C'est cela, le problème. La réponse que je vous donne quant à nos positions, c'est que nous essayons de garder celle du Québec la plus large possible. C'est cela. Ce sont les positions que nous avons prises. Le Parti libéral — et je suis désolé d'apprendre cela; c'est la première fois que je vois cela depuis le commencement de la journée — rejette une position traditionnelle à ce moment-là et considère que les ressources naturelles peuvent être de juridiction fédérale. C'est comme cela que j'interprète votre position.

M. Forget: Arrêtez donc de déconner. Une voix: N'est-ce pas effrayant?

M. Forget: Vraiment, arrêtez donc vos con-neries.

Le Président (M. Cardinal): S'il vous plaît! M. Biron: M. le Président...

M. Morin (Louis-Hébert): Je m'excuse. C'est ce que j'ai compris.

M. Bédard: À force d'aider le fédéral, vous oubliez votre devoir d'aider le Québec.

M. Forget: Donnez donc des réponses intelligentes. Après cela, on pourra peut-être avancer un peu.

Le Président (M. Cardinal): S'il vous plaît! Il faut toujours quelques minutes comme cela dans une commission parlementaire. Nous avons quand même fait du progrès...

M. Forget: Ah oui?

Le Président (M. Cardinal): ... depuis quelques années.

M. Forget: Ah!

M. Morin (Louis-Hébert): Pour eux, cela a commencé il y a deux mois, l'histoire du Québec.

Le Président (M. Cardinal): À l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Lotbinière et chef de l'Union Nationale.

M. Biron: Je reconnais avec le ministre, M. le Président, que les provinces à l'intérieur de leur

territoire ont la compétence sur les richesses naturelles.

M. Morin (Louis-Hébert): Bon! C'est cela.

M. Biron: Mais le problème, c'est lorsqu'on sort à l'extérieur du territoire sans sortir à l'extérieur du pays. À l'extérieur du pays, c'est peut-être le commerce international et là il y a une compétence fédérale, mais, au niveau du commerce interprovincial, on a dit qu'on n'a pas de définition précise nous disant jusqu'où vont les richesses naturelles. Le bois, c'est une richesse naturelle, mais transformé en meubles, est-ce encore une richesse naturelle?

M. Morin (Louis-Hébert): D'accord. Je comprends maintenant.

M. Biron: Jusqu'où va la compétence provinciale au niveau du commerce interprovincial? On n'a pas de définition précise — on sait où cela commence — nous disant où s'arrête la richesse naturelle. Ce serait important de savoir cela. Si on enlève finalement tous les droits du gouvernement fédéral dans le commerce interprovincial, n'est-ce pas la survie du gouvernement fédéral qui est menacée au fond? On commence à lui amputer passablement de droits en lui enlevant ce commerce interprovincial. Finalement, les provinces même pourraient imposer indirectement un droit de douane en imposant une taxe sur le produit de richesses naturelles une fois transformées et ce serait un droit de douane que les provinces iraient prendre finalement, pour une fois, dans un champ de juridiction fédérale. Je comprends avec le ministre que ce n'est pas si simple que cela. C'est compliqué.

M. Morin (Louis-Hébert): Non, mais je pense que je vais clarifier. Il y a peut-être un malentendu. On parle de richesses naturelles et non de biens de fabrication. Un meuble n'est pas une richesse naturelle dans ce sens-là. Je pense qu'il ne faudrait quand même pas mêler les sujets.

M. Biron: Les produits agricoles?

M. Morin (Louis-Hébert): II y a un chapitre spécial pour les produits agricoles qui s'appelle l'agriculture.

M. Biron: L'électricité?

M. Morin (Louis-Hébert): Oui, l'électricité.

M. Biron: Même si l'électricité, c'est une première transformation.

M. Morin (Louis-Hébert): Oui, mais entre un meuble et un kilowatt, il y a quand même une nuance.

M. Biron: Le ministre comprend peut-être pourquoi tout à l'heure nous demandions juste- ment d'avoir une liste précise ou au moins une définition claire, nette et précise.

M. Morin (Louis-Hébert): C'est cela. Vous l'avez en bas. Vous l'avez. (21 heures)

M. Biron: En bas on dit: Le développement, la conservation, l'exploitation, le commerce. Finalement, cela veut dire que le développement et l'exploitation, cela peut être un changement, un premier, un deuxième, un troisième. Est-ce que l'amiante, avec un premier tamisage, c'est encore considéré comme une richesse naturelle, et un troisième ce n'est pas considéré comme une richesse naturelle? C'est plus compliqué, mais je pense qu'il faudrait avoir une définition de ce que c'est, et finalement cela nous éclairera sur le commerce interprovincial.

M. Morin (Louis-Hébert): D'accord! C'est là-dessus qu'on travaille justement, sur la définition. Vous vous souvenez, quand j'ai présenté ce papier-là cet après-midi, j'ai dit que je ne savais pas trop par où le prendre parce que c'est un sujet très compliqué. C'est cela qu'on avait en tête. Mais, lorsqu'on parle de développement de nos richesses naturelles, c'est la différence qu'il y a entre une rivière qui coule comme cela dans le paysage, dans un désert et une rivière qui est aménagée pour fabriquer de l'électricité. Ce sont les provinces, d'après nous, qui devraient être responsables de cela. Maintenant, à un moment donné, comme dans n'importe quelle initiative humaine, à partir d'un certain moment cela change de nature. C'est sûr que c'est autre chose. Il y a d'autres chapitres de la constitution là-dessus. On n'y touche pas. C'est encore une preuve qu'on est loin de faire le tour du sujet. Mon seul problème, pour le moment, c'est d'exposer les positions telles qu'elles sont maintenant inspirées du passé, tenant compte de nos discussions en cours, pensant qu'il va y avoir une conférence le 5 février où on imagine qu'il y en aura une, définition. J'espère qu'elle sera compréhensible. Cela dit, est-ce que, comme principe, les ressources naturelles c'est provincial ou fédéral? Nous disons que c'est provincial et qu'à cet égard les provinces ont une juridiction entière. C'est ce que nous avons dit, nous inspirant de ce qui était dans le passé. Le reste est parfaitement présent à notre esprit, vous avez bien raison de le souligner. C'est-à-dire que, lui, il le souligne d'une façon qui ne vise pas à compliquer à dessein le problème. Vous, vous le soulignez d'une façon à démontrer qu'à toutes fins utiles on ne peut rien régler et que, comme c'est tellement compliqué, il faut laisser cela à Ottawa.

M. Forget: Remarquez que c'est pour avoir une réponse que je soulève le problème.

M. Biron: M. le Président, si la compétence de commerce interprovincial sur les richesses naturelles cela relève, si j'ai bien compris, des gouvernements provinciaux — le commerce international — cela veut dire que l'électricité...

M. Morin (Louis-Hébert): Non, pas le commerce international.

M. Biron: Le commerce interprovincial. Cela veut dire que l'électricité, comme le pétrole...

M. Morin (Louis-Hébert): Non, entendons-nous. J'aimerais bien qu'on s'entende. Le commerce de la richesse naturelle relève du gouvernement des provinces. C'est parce que là vous avez introduit une autre motion, celle de la compétence extérieure, si vous voulez.

M. Biron: Interprovincial.

M. Morin (Louis-Hébert): Interprovincial, oui, oui. Les provinces sont quand même capables de s'entendre ensemble. On vend de l'hydro à l'Ontario.

Une voix: C'est ce que j'ai dit.

M. Morin (Louis-Hébert): Bien oui, c'est cela! Comment se fait-il que c'est si simple maintenant et que tantôt c'était compliqué?

M. Raynauld: Pourquoi n'est-ce pas le commerce international ici?

M. Morin (Louis-Hébert): On garde la compétence là-dessus.

M. Raynauld: On est capable d'en faire des...

M. Morin (Louis-Hébert): Bon, vous êtes d'accord.

M. Raynauld: Non, on n'est pas d'accord.

M. Morin (Louis-Hébert): Vous n'êtes pas d'accord. Pourtant cela avait du bon sens ce que je disais là. C'est vrai, vous êtes contre le bon sens. D'accord.

M. Raynauld: C'est vous qui n'allez pas assez loin.

Le Président (M. Dussault): M. le député d'Outremont, il faudrait quand même laisser le ministre terminer, s'il vous plaît.

M. Morin (Louis-Hébert): Non, non. J'ai terminé.

Le Président (M. Dussault): M. le député de Lotbinière.

M. Biron: Le ministre n'a pas encore répondu clairement parce que je veux savoir, justement, jusqu'où se termine la compétence exclusive des gouvernements provinciaux vis-à-vis des richesses naturelles. S'il y avait une taxe sur une certaine richesse naturelle, que ce soit le pétrole en Alberta ou l'électricité au Québec ou autre chose, est-ce que cela n'irait pas indirectement, finalement, à être un droit de douane où le Québec n'a pas de compétence?

M. Morin (Louis-Hébert): Comment n'a-t-on pas de compétence dedans?

M. Biron: Mais si c'est une taxe, cela devient un droit de douane, finalement, pour l'Ontario ou pour l'Alberta.

M. Morin (Louis-Hébert): À ce compte-là, il y a beaucoup de choses auxquelles il faut faire attention. Tout ce qu'on fait dans une province par rapport à un produit qui est vendu ailleurs peut-être, à un certain point de vue, considéré comme un obstacle au commerce, c'est-à-dire comme une sorte de droit de douane dans la mesure où cela augmente le prix. Si on a des règles de sécurité, des règles d'aménagement, des règles de protection du territoire, des règles de pollution qui font qu'il y a des coûts, c'est sûr que cela va augmenter le prix du produit. À ce moment-là on peut très bien dire: Ces règles que vous avez dans tel ou tel domaine équivalent à un droit de douane ou équivalent à une charge supplémentaire, par conséquent. Mais ce n'est pas cela. Ce qui est une douane, nous l'avons dit tantôt, doit relever du fédéral, il n'y a pas de problème. Dans le système actuel on n'a jamais mis cela en cause une seconde. Mais je ne sais pas là... Je ne sais pas si j'ai répondu.

M. Biron: Non, parce que, aujourd'hui, d'après la constitution actuelle, les provinces n'ont pas le droit d'imposer une taxe sur un produit, minerai ou richesse naturelle pour le commerce interprovincial.

M. Morin (Louis-Hébert): Oui, c'est cela.

M. Biron: C'est cela qu'on veut changer maintenant avec la présentation actuelle. On veut dire: Les provinces auront le droit d'imposer des taxes sur certains produits; tant et aussi longtemps que c'est du commerce interprovincial, la province aura le droit d'imposer certaines taxes. Pour les autres provinces finalement, pour le Québec dans certains cas aussi quand il va acheter des richesses naturelles transformées jusqu'à X — on le saura lorsqu'on aura la liste — cela deviendra un droit de douane. Donc, on va empiéter sur une juridiction fédérale.

M. Morin (Louis-Hébert): Non, ce ne sera pas un droit de douane, ce n'est pas du tout la même nature.

M. Biron: C'est la même chose exactement.

M. Morin (Louis-Hébert): Non, je regrette. Cela peut avoir le même effet, comme d'ailleurs une augmentation de salaire dans une entreprise peut avoir un effet sur le prix qui va équivaloir à une taxe. Ce n'est pas une taxe. C'est autre chose. Non, ce n'est pas la même chose. Vraiment, je ne

suis pas d'accord là-dessus. Au point de départ, sur le principe même de ce qui est en cause actuellement et qui provient des positions traditionnelles du Québec, est-ce qu'on est d'accord que cela a plus de bon sens de dire, compte tenu des intérêts québécois, que les richesses naturelles sont de compétence provinciale? Reconnaît-on qu'Ottawa a le droit d'intervenir là-dedans et de soustraire une richesse naturelle comme l'électricité, par exemple, sous prétexte que cela sort de la province, de la soustraire de la compétence provinciale? C'est cela qui est le problème, c'est très simple. Cela ne sert à rien de le compliquer avec l'énergie éolienne et toutes sortes d'autres choses. Ces problèmes peuvent se résoudre.

Partons d'une chose qu'on faisait déjà. Nous avons déterminé, à partir des positions antérieures du Québec, que c'était de compétence provinciale. C'est simplement cela qu'on dit là-dedans. La discussion se poursuivra la semaine prochaine. On va arriver avec une définition savante et on semble être au courant, notre collègue ici, et on va l'examiner. Elle va peut-être être acceptée ou refusée par les provinces, je l'ignore.

M. Biron: Dans le passé, les gouvernements provinciaux ont demandé la compétence sur les ressources naturelles, mais juste le commerce intraprovincial. Maintenant, si on parle de l'extérieur, qu'est-ce que cela aurait coûté si on avait alloué le commerce interprovincial pour le pétrole, en particulier? Qu'est-ce que cela aurait coûté au Québec de plus? Ce sont des choses qu'on doit savoir. Sur le principe de la souveraineté exclusive du Québec à l'intérieur des provinces, l'Union Nationale est constante là-dessus. Nous n'avons pas changé, mais on se pose des questions sur le commerce interprovincial, sur l'affaiblissement en fait du gouvernement fédéral s'il n'a pas le droit d'intervenir sur le commerce interprovincial de certaines ressources naturelles. On se pose des questions aussi. Je pense que ce serait bon de le définir et qu'on ait une définition le plus rapidement possible, une définition claire sur ce que le gouvernement actuel entend comme ressources naturelles et jusqu'à quel point on entend ressources naturelles, jusqu'à quel point de transformation on entend ressources naturelles.

M. Morin (Louis-Hébert): Je vous ai donné une définition ici. Le problème, je ne vous le cache pas, de la définition actuelle, c'est que c'est une définition conjointe fabriquée par tout le monde que je n'ai malheureusement pas le droit de dévoiler ici, mais cela me fera plaisir, dès que ce sera possible, de la donner. De toute façon, elle va être connue d'ici deux ou trois semaines. Je m'excuse de ne pas pouvoir en dire davantage. Je pense que vous allez comprendre la situation dans laquelle on est. On travaille à une définition, les provinces ensemble; je pense que là tout le monde serait d'accord pour empêcher le gouvernement fédéral de décréter que des richesses naturelles sont, pour des raisons X, Y ou Z, de compétence fédérale. C'est la lutte qui est en cause. C'est le problème actuel, surtout à la suite de la décision de la Cour suprême.

M. Biron: Juste la question à laquelle vous n'avez pas répondu, comment on aurait réglé le cas du pétrole de l'Alberta, si l'Alberta avait eu le droit d'imposer les taxes qu'elle aurait voulues sur le pétrole. Qu'est-ce que cela aurait coûté au Québec pour les dernières années?

M. Morin (Louis-Hébert): On peut reposer la question autrement. Qu'est-ce que cela aurait coûté aux autres si on avait appliqué la même politique dont vous parlez à l'électricité? Je ne sais pas ce que cela aurait coûté, il n'y a personne qui peut évaluer le prix d'une hypothèse?

M. Biron: On n'a pas vendu d'électricité trop trop à l'extérieur. Pas beaucoup à comparer au pétrole. Il ne faudrait pas charrier là-dessus non plus.

M. Morin (Louis-Hébert): Mais attention, le pétrole a deux caractéristiques que vous savez très bien. Cela ne fait pas terriblement longtemps que c'est commencé dans l'Ouest et, d'après leurs prétentions à eux, ce ne sera pas éternel.

M. Biron: Non, mais ce sont des montants énormes et on en a encore pour 30 ans.

M. Morin (Louis-Hébert): D'après l'avis catastrophique de notre collègue ici, il va arriver une autre invention à un moment donné qui va mettre toutes ces richesses à terre et on va en avoir d'autres qui sont...

M. Biron: Ce n'est quand même pas une excuse pour ne pas se figurer cela parce que ce sont des montants très importants que le Québec aura à payer au cours des dix prochaines années, même s'il y a des catastrophes.

M. Morin (Louis-Hébert): On est en train, de toute façon, d'atteindre le prix mondial.

Le Président (M. Dussault): Je pense que vous avez terminé, M. le député de Lotbinière. M. le député de Beauce-Sud, vous avez la parole.

M. Roy: Merci, M. le Président. Seulement une brève remarque en ce qui a trait aux définitions. Les définitions qu'on retrouve dans les articles 109 et 117 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique sont assez limitatives. Il faut bien se rappeler que cela a été rédigé pendant peut-être une couple d'années, mais cela a été adopté en 1867, il y aura bientôt 112 ans.

Il y a de nouvelles formes d'énergie maintenant. Il est important, je pense, avant qu'on se retrouve avec des problèmes de duplication ou de concurrence à l'intérieur du Québec, que, dans la définition qui sera retenue, on tienne compte de ces éléments.

Le chef de l'Union Nationale a parlé tantôt d'énergie solaire, l'énergie éolienne. Il faudrait, je pense, qu'on se penche là-dessus et je pense que c'est très important. En tout cas, j'appuie cette demande qui a été faite, de façon à ce que ce soit clarifié le plus possible.

Dans le document que vous nous avez remis, il est dit, au paragraphe b), dans le bas de la première page — c'est un point que je veux soulever, qui n'a pas encore été soulevé en commission parlementaire — "Le Québec croit que la compétence provinciale exclusive devrait être assurée sur toutes les ressources situées dans le territoire d'une province. Le Québec croit encore que les provinces devraient être seules compétentes relativement à la propriété, l'exploration, l'exploitation et le développement, la conservation, etc."

Il y a deux façons, pour le gouvernement fédéral de s'immiscer dans les richesses naturelles d'une province; l'une d'elle est par voie législative, par décision administrative. Cela a largement été abordé. Cependant, il y a une autre façon qui est utilisée actuellement et qui n'a pas été abordée à cette commission — et j'aimerais bien avoir la position du gouvernement là-dessus — c'est par l'entremise des sociétés d'État qui se portent acquéreurs de sociétés existantes. Cela existe dans le domaine des transports; on a vu le débat, récemment, concernant l'acquisition par Air Canada de Nordair. Il y a des compagnies de pétrole qui sont des petites compagnies bien de chez nous, je ne parlerai pas des grandes multinationales; je ne sais pas si elles existent encore, mais je sais que ce sont des compagnies qui ont existé il y a quelques années, dans le cas de Laduboro Oil ou de la Verchères Oil, qui détenaient et qui détiennent peut-être encore des droits d'exploration, voire même d'exploitation.

Qu'arrive-t-il, quelle serait la position du gouvernement si Petro-Canada décidait de se porter acquéreur de ces petites compagnies qui sont des entreprises privées? Parce que c'est un autre moyen d'intrusion dont le fédéral peut se servir par l'entremise de ses sociétés d'État qui ne manquent pas de capitaux et qui ont d'immenses pouvoirs maintenant. Elles placeraient le Québec dans des situations assez embarrassantes à certains moments et viseraient à empiéter sur les droits et les politiques du Québec, voire même sur l'exploitation des ressources naturelles comme telles.

J'aimerais bien savoir si cette question sera soulevée à la conférence constitutionnelle, premièrement. Deuxièmement, quelle sera l'attitude du Québec, parce que le document ne fait aucunement mention, du moins dans ce que j'ai lu jusqu'à maintenant, de cet aspect. Je dis que c'est aussi important de discuter de cette question à ce niveau, comme il peut être important d'en discuter aussi comme on vient de le faire largement à cette commission.

M. Morin (Louis-Hébert): J'aime beaucoup la question que vous venez de poser, M. le député, parce que c'est une illustration très concrète d'une façon que le gouvernement fédéral peut uti- liser certains pouvoirs, par exemple, le pouvoir de dépenser, le pouvoir d'incorporer des sociétés, en fait, ces grands pouvoirs généraux qui ont causé tellement d'introduction du fédéral dans les domaines provinciaux.

Cela n'est pas à l'ordre du jour, c'est un sujet très important, mais ce n'est pas à l'ordre du jour de la conférence; c'est un de ces sujets très importants qui n'ont pas été abordés, comme une quinzaine ou une cinquantaine d'autres. Nous sommes actuellement, si vous regardez l'édifice constitutionnel, dans une pièce d'un édifice immense et, dans la pièce, nous sommes dans un coin et, dans le coin, sur le bord d'un meuble. Nous n'avons pas l'ensemble présentement.

C'est simplement ce que je peux vous donner comme réponse à votre question, la réponse est non; cela n'est pas discuté, cela n'est pas à l'ordre du jour. À votre autre préoccupation, je dis: Oui, c'est très important, vous avez parfaitement raison de soulever le problème.

M. Roy: M. le Président, le ministre nous a parlé d'une pièce, mais c'est une pièce qui a deux portes et je m'étonne qu'on ne porte pas plus attention à la possibilité d'utiliser la deuxième porte, si on limite la discussion à la première.

M. Morin (Louis-Hébert): Oui, je suis d'accord avec vous.

M. Roy: Je pense qu'on n'aurait pas tellement avancé.

Je demande au ministre — et je vais aller plus loin dans ma question — si la position du Québec n'aurait pas pour effet, justement, de faire introduire, dans cette discussion, sur ce point particulier, cette addition? Je pense que ce serait très important et j'en fais une recommandation. Je ne suis pas expert en questions constitutionnelles, mais je pense qu'il y a des principes sur lesquels il faut absolument insister et si on fait en sorte de limiter la discussion à un niveau et que, pendant le temps où on discute — on sait très bien que cela ne se règle pas dans 24 ou 36 heures, cela prend des semaines, des mois et des années, il suffit de regarder le passé pour savoir que cela dure pendant des années. (21 h 15)

Si pendant le temps qu'on guette la porte d'entrée, la porte d'en avant, on entre par la porte d'en arrière et qu'on occupe le territoire, on n'aura tout simplement rien réglé. Je me demande si le gouvernement ne serait pas près, sur ce point particulier, à insister énormément pour que les deux fassent partie de l'ensemble des discussions.

M. Morin (Louis-Hébert): M. le Président, effectivement, ce n'est pas à l'ordre du jour, ce qui veut dire que, normalement, nous ne devrions pas en parler pour cette raison, ce qui est une lacune. Cependant, pour rassurer tout le monde, je dois dire qu'il s'agit là, d'après ce que nous avons ici, d'une première liste de sujets. Il y a eu sept sujets choisis, deux autres ajoutés, un autre le soir et, le

lendemain, trois autres. Donc, il y en a treize dont quelques-uns sont de moindre importance, c'est évident.

S'il y a une ronde constitutionnelle qui est commencée, comme le gouvernement fédéral a mentionné une série de sujets, comme on sait très bien qu'il y a tellement d'autres choses qui n'ont pas été touchées, qui sont dans certains cas, beaucoup plus importantes que celles qu'on aborde — et vous en avez une qui est très importante — on présume que ce seront des sujets de la suite. Il serait impensable, selon la conception fédérale, que le problème constitutionnel se limite à ce qui vient d'être mentionné dans cette liste qu'on regarde aujourd'hui. Dans cette perspective, il est sûr que ce problème surviendra en cours de route.

M. Roy: M. le Président, je m'excuse d'insister. La propriété des ressources et le commerce interprovincial, le titre n'est pas du député de Beauce-Sud.

M. Morin (Louis-Hébert): De moi non plus.

M. Roy: Le titre est du fédéral. Je ne dis pas que c'est le ministre lui-même qui a introduit le titre. Mais, quand on parle de propriété des ressources, il y a deux volets et je pense qu'on ne peut pas entreprendre les discussions sur un seul volet parce que cela fait partie d'un tout sur ce point particulier. Je ne voudrais pas qu'on devienne, à un moment donné, les victimes d'une stratégie qui vise à attirer notre attention sur un point particulier alors qu'on utilisera l'autre volet au maximum pendant tout le temps des discussions.

M. Morin (Louis-Hébert): Vous avez raison.

M. Roy: Si on parle de la propriété des ressources naturelles du Québec, il y a évidemment la propriété directe par le gouvernement fédéral, par toutes sortes d'intrusions, par des mesures, mais il y a aussi la propriété via les sociétés fédérales.

M. Morin (Louis-Hébert): C'est cela.

M. Roy: Je pense qu'on ne peut pas, logiquement, discuter de cette question en insistant uniquement sur un seul des deux volets, parce que les deux volets font partie d'un tout, et je pense que le Québec, là-dessus, devrait prendre une position extrêmement ferme tout simplement parce que chaque province a quand même un droit de veto, si on se réfère à toute cette question constitutionnelle. Au moins, c'est l'héritage de Georges-Étienne Cartier, parce qu'il savait probablement que cela finirait un jour par être du 10, 12, 14 versus le Québec, contrairement à 4 versus le Québec dans le temps, alors qu'on avait plus de 50% de la population. L'histoire a démontré cela.

M. Morin (Louis-Hébert): D'accord.

M. Roy: Aujourd'hui, je pense que sur ce point qui est fondamental, la possession des richesses naturelles, c'est toute la question économique qui est à la base. J'insiste énormément là-dessus et je fais une recommandation spécifique au gouvernement, ce soir. Puisque la commission parlementaire a pour but de demander l'opinion de l'Opposition, je pense que c'est permis à l'Opposition de faire des recommandations. Je demande de façon très stricte, très ferme — j'insiste même sur la fermeté — de ne pas aborder cette discussion sans que les deux volets soient compris dans la discussion. Sinon, on sait très bien que, pendant tout le temps que ces discussions perdurent — et Dieu sait si elles perdurent depuis longtemps — nous vivons le statu quo versus un peu plus d'empiétement quotidiennement, régulièrement.

J'aimerais que le ministre puisse me dire à ce moment-ci, dans la mesure où c'est possible pour lui de nous en informer, s'il est prêt à accepter la recommandation que je viens de soumettre à cette commission.

M. Morin (Louis-Hébert): Je suis prêt à accepter votre recommandation avec cette nuance. Nous ne pouvons pas changer, au moment où je vous parle, l'ordre du jour tel qu'il existe. Cependant, ce que nous pouvons faire — et c'est probablement ce qui ressort de mon exposé d'hier et de ce que j'ai dit depuis — c'est qu'il va de soi que, connaissant l'expérience du passé — je ne parle pas de moi, je parle des Québécois — dans ce genre de discussions, il faut se méfier de ce que j'appelle les queues de dragon. Je vais vous dire ce que je veux dire en termes clairs. Une queue de dragon, c'est quelque chose qui a l'air de rien, mais, quand vous ouvrez la porte, il y a un monstre de l'autre côté. Tout ce que voyez, c'est la queue; vous pensez que c'est une souris et c'est un dragon.

Il peut arriver que des choses qui ont l'air de rien soient, en fait, des morceaux de choses beaucoup plus sérieuses qu'on oublie. Vous avez parfaitement raison lorsque vous soulevez le problème de l'empiétement, via d'autres mécanismes que l'intervention directe de l'État fédéral. Cela peut très bien être Petro-Canada ou d'autres... Cela peut être n'importe quoi.

M. Roy: J'ai donné Petro-Canada à titre d'exemple. Cela peut en être d'autres.

M. Morin (Louis-Hébert): II y en a encore des meilleures que cela.

M. Roy: C'est cela.

M. Morin (Louis-Hébert): Je suis à 150% d'accord avec vous là-dessus pour l'avoir vécu dans mes fonctions administratives. Je ne peux pas changer l'ordre du jour. Je présume, parce que je pense qu'on peut nous faire confiance là-dessus — enfin, ce sera à la population et à vous

d'en juger — que le Québec n'acceptera pas de se laisser, si vous voulez, prendre dans un entonnoir ou un carcan. Lorsque nous accepterons quelque chose — parce que s'il y a des choses valables, nous allons les accepter — nous ne l'accepterons pas avec des conditions attachées ou avec la connaissance qu'il y a un dragon de l'autre côté. Vous pouvez compter sur nous et cela correspond, à part cela, fondamentalement, non pas à mon état d'âme, comme dirait quelqu'un, mais à une conviction profonde chez moi et, je pense, chez tous mes collègues. Là-dessus, il n'y a pas de problème.

M. Roy: De toute façon, M. le Président, je sais très bien qu'il est impossible de demander au ministre de modifier l'ordre du jour. L'ordre du jour a été préparé, a été accepté et fait état des différents points, des différents sujets qui seront discutés. Cependant, une fois l'ordre du jour accepté et les différents articles à l'ordre du jour appelés, il y a des discussions. Lorsque des propositions sont faites, il peut y avoir des amendements, des acceptations, des modifications, voire même des refus. C'est la raison pour laquelle j'insiste... je ne voudrais pas qu'on accepte et si on devait accepter, à un moment donné, la proposition qui est faite à l'élément "Propriété des ressources et le commerce interprovinciale", tel que formulé bien que j'aie énormément de doute qu'on accepte cette proposition en considérant le fait, par exemple, que la question de la propriété des ressources naturelles est réglée. Ce n'est pas réglé et je sais que pendant les discussions et j'estime que pendant les discussions qui auront lieu lorsque cet élément de l'ordre du jour...

M. Morin (Louis-Hébert): Excusez-moi, M. le député, j'ai reçu...

M. Roy: C'est tellement important que je préfère attendre quelques secondes plutôt. J'ai dit que lorsque cet élément sera appelé pour discussion, je suis assuré je pense, si j'ai bien compris le ministre, qu'il va sûrement soulever cette question une fois que cet élément sera appelé pour que la discussion soit amorcée et de façon qu'il n'y ait pas d'acceptation partielle, si une acceptation devait avoir lieu. Je dis que les deux sont fondamentales.

M. Morin (Louis-Hébert): D'accord, je m'engage à ceci et on va en prendre note. Je garantis que la semaine prochaine lorsque la question viendra à huis clos, je la soulèverai telle qu'on l'a vue maintenant. Je ne peux pas m'engager à changer l'ordre du jour. Vous savez pourquoi. Mais je vais certainement en parler.

Le Président (M. Dussault): M. le ministre.

M. Morin (Louis-Hébert): Non, non, je m'excuse.

Le Président (M. Dussault): Je n'ai pas d'autre intervenant. M. le député d'Outremont.

M. Raynauld: M. le Président, je serai très bref, parce que je pense que les problèmes ont déjà été soulevés. Je voulais simplement avoir quelques précisions supplémentaires.

Je voudrais d'abord demander au ministre s'il est d'accord, comme il l'a laissé entendre tout à l'heure, avec la position de l'Alberta en ce qui concerne le pouvoir qu'auraient les provinces de percevoir des impôts et des redevances découlant de la vente et de la gestion des ressources naturelles. Je voudrais savoir si le ministre est d'accord avec cette position de l'Alberta et, dans l'affirmative, comment il conçoit qu'on pourrait servir au mieux les intérêts du Québec avec une position très absolue à propos de l'ensemble des éléments qui sont mentionnés dans la position du gouvernement du Québec, sans, en même temps, essayer de voir comment se régleraient, dans un cas comme celui-là de propriété exclusive et de contrôle exclusif, les problèmes qui ont donné lieu dans le passé à des chevauchements de compétence, soit par l'entremise de la taxation, soit par l'entremise du commerce interprovincial ou international, soit par toutes sortes d'autres domaines. Comment peut-il s'assurer qu'en gagnant un point sur ceci, la propriété et la gestion des ressources naturelles, cela ne pourrait pas se retourner contre les intérêts du Québec ou nous ramener dans les vieilles ornières, puisque ce n'est pas la propriété des ressources naturelles qui a été mise en cause — à ma connaissance, en tout cas; vous me corrigerez si je me trompe — cela n'a pas été ce principe qui a vraiment été mis en cause.

Ce principe a été érodé au cours des années à cause justement d'autres aspects qui viennent en concurrence avec ce principe qui est posé. Je suis un peu surpris que, finalement, on ne s'attaque pas ici, dans la position qui est présentée, justement à ces problèmes qui se sont posés et dont on fait état dans l'introduction du document et qu'on se contente de réaffirmer de façon plus forte un principe qui existait déjà dans la constitution depuis le début.

Pour tous les problèmes qui ont donné lieu à des difficultés, tous les autres domaines qui ont donné lieu à des difficultés, on n'a rien, on n'a aucun guide — si je peux dire — de ce que serait ou de ce que sera la position du gouvernement du Québec au cours de la prochaine conférence fédérale-provinciale. La question rejoint, à ce moment-là, ce à quoi le chef de l'Union Nationale a fait allusion tout à l'heure: Comment, pour prendre un exemple très concret et ne pas compliquer les choses, pour rester bien simple, se serait réglé, dans une perspective comme celle-ci, le cas des prix de péréquation du pétrole de l'Alberta, lorsqu'on sait qu'en vertu d'une intervention fédérale, avec le concours de l'ensemble des provinces, le Québec en particulier a récupéré à peu près $3 milliards en deux ou trois ans, juste au titre d'une péréquation sur les prix du pétrole? Est-ce que le ministre pense que, dans un contexte différent, l'Alberta aurait accepté volontairement de payer cette péréquation ou de contribuer à cette péréquation des prix du pétrole? Est-ce qu'au contraire il pense mettre dans la constitu-

tion ou défendre l'idée que, dans une constitution renouvelée, il y aurait quand même certaines précautions qui seraient prises de façon que, dans des cas semblables, le Québec ne se retrouve pas dans une situation pire que celle dans laquelle il a pu se trouver jusqu'à maintenant?

C'est cela, le problème principal que je soulève. Il me semble que les raisons pour lesquelles il y a eu des difficultés jusqu'à maintenant dans l'interprétation de la constitution ont eu lieu non pas à propos du principe de la propriété, mais à propos des interférences — si je puis dire — à cause des autres domaines de compétence. Malheureusement, on n'a rien ici qui nous indique dans quelle direction le gouvernement du Québec veut aller pour surmonter ces difficultés.

M. Morin (Louis-Hébert): Ce n'est pas le principe de propriété qui est mis en cause, vous avez raison, c'est l'application du principe de propriété, ce qui revient au même, cependant, à toutes fins utiles, en dernière analyse. On peut très bien reconnaître la propriété à quelqu'un, mais l'empêcher de l'exercer; à ce moment-là, il n'a pas au fond tout le sens de son droit de propriété. Nous avons essentiellement, sans que j'entre dans les détails, puisque je crois l'avoir déjà dit, appuyé les provinces de l'Ouest dans leurs positions, rejoignant en cela la position fondamentale du Québec en ce qui concerne la propriété des richesses naturelles. Il n'a pas été question, au cours de nos discussions jusqu'à maintenant, parce que ce sont des discussions d'ordre juridique et d'ordre politique constitutionnelle, parce que cela n'est pas l'objet de nos réunions, de l'agencement de la coopération interprovinciale en ces matières. Par conséquent, cela n'est pas un sujet qui est venu à l'ordre du jour.

Le Président (M. Cardinal): Est-ce que, messieurs, la commission a d'autres intervenants sur l'article 7?

M. Raynauld: M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le député d'Outremont.

M. Raynauld: Si on en est là, je voudrais simplement ajouter une information au dossier. Mon collègue a soulevé le problème de la notion de ressources naturelles; je voudrais, pour que le ministre se sente plus à l'aise ce soir...

M. Morin (Louis-Hébert): Je suis très à l'aise. (21 h 30)

M. Raynauld:... lorsqu'il ira au lit, lui dire qu'il y a une publication du Conseil économique de l'Ontario qui est publique. C'est un document qui est disponible. Il verra là-dedans qu'il y a un chapitre qui porte sur la taxation. Je pense, sauf erreur — je ne suis pas absolument sûr — que l'auteur est Richard Byrd de l'Université de Toronto. Il y fait une revue de l'ensemble des moyens de taxation. Lorsqu'il parle des ressources naturelles dans le premier paragraphe, il soulève exactement ce problème. Donc, il n'est pas absolument indispensable de défendre les intérêts du gouvernement fédéral lorsqu'on soulève la question de savoir comment on tient compte du degré de transformation d'une ressource naturelle. Il n'est pas indispensable non plus que l'on doive défendre les intérêts du gouvernement fédéral si on se pose la question de savoir si du minerai de fer concentré sur place, c'est une ressource naturelle au même titre que le minerai de fer qui n'est pas concentré sur place. Une fois qu'il a été concentré, si le coût du transport du minerai concentré fait aussi partie des ressources naturelles ou s'il n'en fait pas partie, c'est soulevé dans tous les manuels de taxation. Je pense que s'il s'était informé un peu de ces questions, il s'en serait aperçu. Il n'aurait pas été obligé de nous insulter.

Le Président (M. Cardinal): M. le ministre.

M. Morin (Louis-Hébert): Ce que je vais faire, monsieur, c'est vous féliciter. Si j'ai insulté qui que ce soit, je l'apprends. Je suis très heureux de constater qu'on a dans le député d'Outremont un député savant qui a beaucoup de temps pour lire. Je vous félicite. Continuez comme cela. C'est profitable.

Le Président (M. Cardinal): Sur ce, messieurs, je le fais comme — j'ai déjà employé l'expression — serviteur de cette commission, nous en sommes à 21 h 30 passées. Je l'ai fait à deux reprises, hier et aujourd'hui. Je ne voudrais pas qu'on ait une motion et qu'on la débatte jusqu'à minuit pour savoir si on va siéger au-delà de 22 heures. Je demande alors s'il y a un consentement de la commission, s'il y a des ententes. Nous en sommes à l'article 8, sur 13.

M. Morin (Louis-Hébert): Pour quoi faire, un consentement?

Une voix: Siéger jusqu'à 22 heures?

Le Président (M. Cardinal): Jusqu'à quelle neure voulez-vous siéger, messieurs?

M. Morin (Louis-Hébert): Je pense qu'il y a eu — je vais prendre la parole — une sorte de consensus entre tous les partis à l'heure du souper, à savoir que nous irions à peu près jusqu'à 22 heures. J'espère que ce n'est pas changé. J'attendrai une confirmation. J'aurai une suggestion à faire dans une seconde, après.

Le Président (M. Cardinal): Puis-je officiellement savoir si c'est un consentement?

Des voix: Oui.

Pêcheries, Sénat, Cour suprême,

Charte des droits de l'homme et constitution

Le Président (M. Cardinal): Dans ce cas, j'appelle l'article 8: Pêcheries.

M. Morin (Louis-Hébert): Je voudrais faire une suggestion, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Oui, M. le ministre.

M. Morin (Louis-Hébert): II y a plusieurs sujets qui restent. Je n'en fais pas du tout une question grave. Nous avons jusqu'à maintenant touché deux types de sujets qui nous intéressent, c'est-à-dire ceux qui traitent du fonctionnement du système actuel et quelques sujets qui traitent du partage des pouvoirs. Il en reste un, les pêcheries, sujet proposé — à l'époque — par la province de Terre-Neuve et que nous avons ajouté à l'ordre du jour. Nous avons d'ailleurs accepté de le faire.

J'aimerais peut-être, si les gens étaient d'accord — s'ils ne sont pas d'accord, je vais laisser faire parce que là-dessus, il y a beaucoup de positions prises par le parti antérieurement et qui vont dans la substance québécoise; je pense, par exemple, à la question du rapatriement et de l'amendement de la constitution, à la question des droits fondamentaux — laisser de côté la question de la monarchie. Je pense bien qu'on... Enfin! Si vous voulez, on peut en parler. On peut le prendre comme sujet prioritaire. Je veux seulement préciser une petite chose à propos de la monarchie pour qu'il n'y ait pas de malentendu. J'ai dit hier qu'il n'y avait pas de position antérieure du Québec sur le sujet de la monarchie tel qu'il se présentait maintenant. Il y a effectivement des positions antérieures sur la monarchie en tant que telle. Il y en a eu dans un document de l'Union Nationale à l'époque, c'est-à-dire qu'on souhaitait l'abolition du système monarchique qu'on voulait remplacer plutôt par un autre régime. Par la suite, cette position n'a pas été tenue par le Parti libéral qui n'a pas non plus dit qu'il mourait d'envie de garder la monarchie, mais qu'il n'était pas contre. Lorsque le problème s'est posé l'été dernier à la conférence de Régina, nous avons tout simplement pris la position que nous ne voulions pas — et les autres provinces non plus d'ailleurs — que le gouvernement fédéral s'attribue, par des changements d'ordre constitutionnel, des pouvoirs qui appartiennent à la fiction monarchique et qui pourraient devenir des pouvoirs dont ils se serviraient. Cela a été simplement cela, notre position. Donc, il n'y a pas de continuité québécoise marquée sur ce type de problème relatif à la monarchie. Mais c'est un problème très important pour les Canadiens anglais et nous avons accepté de le mettre à l'ordre du jour de la discussion constitutionnelle présente.

Cependant, quant au Sénat, c'est une question qui, normalement, ne devrait pas pouvoir être abordée. Elle peut être abordée, mais elle ne sera sûrement pas résolue. Je voudrais me faire corriger si j'ai tort. Je m'excuse, mais je voudrais simplement dire quelques mots là-dessus pour qu'on s'entende.

Le Président (M. Cardinal): Vous n'avez pas à vous excuser, vous avez tout votre temps.

M. Morin (Louis-Hébert): Non, mais c'est parce que je veux que les autres parlent aussi. J'ai hâte d'entendre leur avis sur certaines questions. Quant au Sénat, comme cela a été soumis par le gouvernement fédéral à la Cour suprême, normalement, il n'y a rien là-dessus au mois de février. On ne le sait pas encore. Ce n'est pas un sujet bien prioritaire pour moi. Je ne pense pas que le Sénat empêche qui que ce soit de dormir au Québec.

Une voix: II ne s'empêche pas lui-même.

M. Morin (Louis-Hébert): Cela n'empêche pas les sénateurs de dormir.

Le Président (M. Cardinal): N'oubiez pas que vous vous adressez à un président ancien membre du Conseil législatif.

M. Morin (Louis-Hébert): Quant à la Cour suprême... D'accord! Le Sénat est un des sujets qui est toujours un "carry over" des autres discussions.

Le Président (M. Cardinal): Ce qui veut dire une suite.

M. de Bellefeuille: Une reprise.

M. Morin (Louis-Hébert): Merci, M. le député. Je m'aperçois qu'il y a des députés savants pas seulement d'un côté.

Le Président (M. Cardinal): Je l'espère.

M. Morin (Louis-Hébert): Quant à la Cour suprême, nous avons pris une position qui, elle, est dans la nette continuité, c'est-à-dire celle du tribunal constitutionnel, je le signale, et elle a été renouvelée par l'Union Nationale, je ne me souviens à quelle date...

Une voix: En novembre 1978.

M. Morin (Louis-Hébert): En novembre 1978. Alors j'imagine que de ce côté-là on ne se chicanera pas beaucoup. Il y a des déclarations très intéressantes, des documents d'anciens gouvernements que j'ai ici — si on avait le temps on les distribuerait — qui vont clairement de ce côté-là, une continuité. On va voir quelle réception aurait été faite à la suggestion québécoise de plusieurs gouvernements quant au tribunal constitutionnel. Il reste les ressources au large des côtes, les pêcheries, on va peut-être y revenir tantôt, cela dépendra de ce que les gens ici vont vouloir aborder comme sujet. Il y a deux sujets qui ont leur importance en soi, je pense que tout le monde les a reconnus, et qui ont certaines conséquences assez sérieuses. On pourrait peut-être les prendre; sinon, on va laisser faire. Il s'agit de la charte des droits et il s'agit du rapatriement et de l'amendement de la constitution. Le rapatriement et l'amendement de la constitution, ce matin, le

député de Beauce-Sud en a parlé avec assez d'insistance, j'ai même pensé à un moment donné proposer qu'on commence par cela et finalement je l'ai peut-être oublié. On est revenu à l'ordre du jour tel qu'il est maintenant. Sur le rapatriement et l'amendement de la constitution, nous avons dans le document qui est là exprimé les raisons pour lesquelles tous les gouvernements québécois jusqu'à maintenant ont considéré que ce sujet devait venir en dernier lieu parce qu'il a des conséquences concrètes très sérieuses sur le statut politique du Québec. Cela a été la pierre d'achoppement de Victoria. Historiquement, c'est un fait. Cela a aussi été un des problèmes que M. Lesage a eus à l'époque après sa tournée de l'Ouest. Cependant, je tenais à le mentionner. On peut en parler plus longuement. Je tenais à le mentionner parce qu'il y a ici une mythologie dangereuse.

A priori, vous demandez aux gens: Est-ce que vous êtes d'accord que la constitution britannique devienne une constitution qu'on ait au Canada? Le sens commun dirait: Bien oui, c'est sûr, c'est normal, cela va de soi. Mais il faut faire attention, le sens commun peut, dans ce cas-là, jouer des tours. Parce que cela n'est pas simplement un geste de décolonisation comme l'a dit M. Trudeau. Cela en est un, bien sûr, mais cela a des conséquences très sérieuses, le rapatriement et la forme de l'amendement, sur le statut politique du Québec parce que la formule d'amendement veut dire, essentiellement: Cela prend combien de provinces représentant quel pourcentage de la population pour changer quoi, dans la constitution? Alors, quand vous avez décidé de cela, vous avez décidé du statut politique des États membres. C'est pour cela que cela a toujours été considéré par le Québec comme devant venir à la fin. Cela est la poignée, si vous voulez, sur laquelle on peut s'accrocher dans le reste du Canada, pas nécessairement à mauvais escient, mais inconsciemment peut-être, pour geler l'évolution politique du Québec. J'ai compris le député de Beauce-Sud ce matin comme émettant un avertissement sérieux de ne pas s'embarquer dans cette direction-là, ce avec quoi nous sommes parfaitement d'accord, puisque le premier ministre lui-même a déclaré qu'il décidait que nous ne participerions pas à cette discussion pour que le reste du Canada sache qu'à cet égard nous avons toujours la même position que les autres gouvernements.

Je fais une suggestion, mais je ne me battrai pas. Est-ce que vous seriez d'accord qu'on dise quelques mots du problème du rapatriement ou de l'amendement de la constitution ou celui de la charte des droits qui présente un autre type de problème et qui doit venir, lui aussi, d'après nous, après qu'on sait à quel pouvoir cela s'applique et à quelle répartition de compétence cela s'applique? Je ne sais pas. J'attends l'avis des autres.

Le Président (M. Cardinal): Si vous me permettez...

M. Morin (Louis-Hébert): Si vous ne voulez pas, on va prendre les pêcheries.

Le Président (M. Cardinal): Non, si vous me permettez. Nous avons un accord pour que nous terminions vers 22 heures. Cela a été unanime.

M. Morin (Louis-Hébert): D'accord!

Le Président (M. Cardinal): II y a déjà sept sujets qui ont été discutés. Il nous en reste donc six. Nous avons d'abord les pêcheries, qui peut-être en français s'appellent les pêches.

M. Morin (Louis-Hébert): Est-ce que je dois comprendre qu'il y a une intervention...

Le Président (M. Cardinal): Non, pas sur le fond.

M. Morin (Louis-Hébert): ... du président de l'assemblée en ce qui concerne une certaine terminologie utilisée, auquel cas je regrette d'avoir à dire qu'il faudrait qu'il s'en prenne au chef de son ancien parti, l'honorable Maurice Duplessis qui, à l'époque, a utilisé lui aussi cette expression. Fin de mon intervention, M. le Président.

Le Président (M. Cardinal): Je n'y répondrai pas.

M. Morin (Louis-Hébert): Voilà, mais je pense que vous avez raison, cela étant dit.

Le Président (M. Cardinal): La Charte des droits et libertés de la personne, vous en avez parlé vous-même et je vous ai laissé aller parce que vous avez toujours cette liberté, M. le ministre, représentant du parti ministériel du gouvernement. Sur la Cour suprême du Canada et le Sénat, vous avez exprimé votre opinion; sur la monarchie, vous l'avez fait aussi et, finalement, il y a le rapatriement et l'amendement de la constitution dont nous avons assez longuement parlé dans la matinée. Je suis à la disposition de cette commission et j'attends toute suggestion pour que nous puissions terminer vers 22 heures et nous quitter avec cette sérénité qui nous a marqués depuis deux jours. M. le député de Vanier.

M. Bertrand: Ma proposition sera fort simple, M. le Président. Comme il reste fort peu de temps, je pense que le ministre des Affaires intergouvernementales vient lui-même d'esquisser à quels points il attachait de l'importance et sur lesquels il aurait aimé entendre le point de vue des partis de l'Opposition. Il serait finalement beaucoup plus facile de laisser l'Opposition officielle, celle de l'Union Nationale, et le député de Beauce-Sud choisir, dans les cinq ou six derniers sujets...

Le Président (M. Cardinal): D'accord.

M. Bertrand:... de faire une intervention finale qui leur permettrait de mettre l'accent sur ce qui leur apparaît important.

Le Président (M. Cardinal): Je n'avais pas pensé à cela. D'accord. Merci, M. le député de Vanier, leader parlementaire adjoint.

M. Bertrand: On éviterait ainsi les discussions de procédure.

M. Morin (Louis-Hébert): Brillante suggestion.

Le Président (M. Cardinal): Dans ce cas, je vais suivre l'ordre habituel et les gens useront de leur jugement habituel pour en décider. J'ai dit qu'aux environs de 22 heures j'ajournerai sine die. Le représentant de l'Opposition officielle.

M. Forget: M. le Président, très brièvement...

Le Président (M. Cardinal): M. le député de Saint-Laurent.

M. Forget: ... en faisant le tour des sujets qui demeurent, je ne peux faire autrement que de constater un certain nombre de choses. Il y a d'une part le fait que nous n'avons pas une impatience désordonnée à discuter de la monarchie, non plus que le ministre, je le remarque...

M. Morin (Louis-Hébert): J'en connais que cela intéresse en maudit.

M. Forget: C'est un sujet qui est aussitôt ouvert que clos. Il y a d'autre part le fait que sur la question de rapatriement, la position du Québec, c'est qu'il ne participerait pas pour l'instant à ces discussions. Donc, il y a bien peu de choses à discuter là-dessus. Pour ce qui est des institutions fédérales, du Sénat et de la Cour suprême, je dois dire que nous de l'Opposition officielle entretenons un intérêt fort mitigé pour les opinions que le gouvernement actuel peut entretenir sur ces deux sujets, étant donné qu'il s'agit de sujets qui sont fort loin de ses préoccupations.

M. Morin (Louis-Hébert): Et de celles de pas mal de monde.

M. Forget: De celles de pas mal de monde peut-être, quoique c'est vrai à un plus haut degré dans le cas du gouvernement actuel.

M. Morin (Louis-Hébert): Je crois que vous êtes d'accord avec nous, et ce qui est important, d'ailleurs, c'est le partage des pouvoirs.

M. Forget: C'est précisément... M. Morin (Louis-Hébert): D'accord.

M. Forget: ... ce sur quoi j'allais conclure qu'il y avait finalement les deux sujets du partage des pouvoirs où il y a un intérêt plus marqué de tout le monde, je crois, au Québec, peut-être même ailleurs. Il y a particulièrement, dans ce secteur, un phénomène qui m'a frappé lorsque j'ai pris connaissance des notes sommaires qui nous ont été remises sur la position du Québec.

C'est qu'un événement nouveau, fort important, est survenu depuis qu'un gouvernement quelconque antérieur a eu l'occasion de se pen- cher sur cette question; c'est la création, à partir du néant, en quelque sorte, par un fiat juridique du gouvernement canadien, à la suite de l'échec des nombreuses conférences internationales sur le droit de la mer, de la zone économique de 200 milles. Ceci constitue une extension unilatérale du territoire sous souveraineté canadienne et pose immédiatement, pour les provinces, à l'occasion d'une discussion constitutionnelle, la question de savoir comment seront répartis les droits sur ce territoire nouveau. J'ai été frappé, encore une fois, par une continuité qui s'explique moins dans un cas comme celui-là que dans n'importe quel autre. C'est qu'il y a un élément nouveau et fondamentalement différent qui fait que le Québec en particulier est dans une position assez ambiguë II n'est pas — là, je pense à l'Atlantique nord — lui-même un État riverain, mais il pourrait, par sa position géographique, ambitionner de participer ou de partager, d'une certaine façon, dans l'exploitation des ressources, tant biologiques que minérales du fond marin, à l'intérieur de la zone économique de 200 milles, pourvu, bien sûr, que la définition du régime juridique de ce territoire de 200 milles soit faite de manière à lui laisser ouverture. (21 h 45)

Or, ce qui apparaît paradoxal dans la position qui a été définie par le Québec, c'est qu'on s'attache à une notion de juridiction exclusive des États riverains — dans ce cas-ci, des provinces riveraines — ce qui se trouve à exclure le Québec de toute prétention, par exemple, à une part — à titre de droit et non pas à titre de tolérance des provinces impliquées — dans les ressources biologiques immmenses des bancs de Terre-Neuve où, graduellement, la politique nouvelle du Canada va contribuer à éliminer ou à diminuer les contingents de pêche des pêcheurs étrangers, soviétiques, portugais, islandais, norvégiens, danois, etc., où on aura donc un espace de plus en plus considérable pour les pêcheurs canadiens. Est-ce que ces pêcheurs canadiens seront des pêcheurs terre-neuviens seulement? C'est ce qu'on serait porté à conclure si on prend la position "traditionnelle" du Québec. Ou est-ce que les pêcheurs québécois, ceux des Îles-de-la-Madeleine, ceux de la Moyenne et de la Basse-Côte-Nord, ceux de la Gaspésie pourront, comme question de droit, avoir accès aux territoires de pêche des bancs de Terre-Neuve? Je donne cet exemple parce qu'il est très connu, mais, évidemment, cela a une portée beaucoup plus large.

Il me semble que, dans un cas comme celui-là, on se trouve en face, encore une fois, comme dans le cas des ressources énergétiques de l'Ouest canadien, d'un conflit — je ne dirai pas cornélien, mais il a un peu cet aspect — entre des principes traditionnels, si vous voulez, la vertu cornélienne, et, d'autre part, des intérêts très pragmatiques, c'est-à-dire la possibilité pour les pêcheurs d'avoir des contingentements, des quotas de pêche sur les bancs de Terre-Neuve, et pas seulement par tolérance de Terre-Neuve, mais en fonction de leur droit, comme Québécois, sur ce territoire.

Auront-ils ce droit, ne l'auront-ils pas? Il semble que le gouvernement actuel du Québec prend la position qu'on fera confiance aux Terre-Neuviens de bien vouloir faire une part aux Québécois dans les prises de morue et autres espèces sur les bancs de Terre-Neuve, qu'ils délivreront eux-mêmes les permis de pêche sur les bancs de Terre-Neuve et que le Québec n'a rien à dire là-dedans; il faudra se faire confiance.

Est-ce que, en contrepartie, les pêcheurs terre-neuviens demanderont des droit privilégiés sur les rivières à saumon du Québec? Est-ce qu'il faudra faire un troc de ce genre? Ce sont des problèmes très concrets. Si j'étais un pêcheur des Îles-de-la-Madeleine ou de Gaspé, je me poserais ces questions et je ne serais pas tout à fait rassuré en lisant la position traditionnelle du Québec qui nous incite à dire que c'est Terre-Neuve qui a tous les droits sur les grands bancs et c'est "just too bad" si vous n'êtes pas là, que voulez-vous, on a des principes ou on n'en a pas.

Il me semble qu'ici, en particulier, on avait un développement à assurer dans la position traditionnelle du Québec parce que cette position traditionnelle — on ne pouvait pas faire autrement, dans le passé — a été développée à un moment où on ne pouvait même pas anticiper que le gouvernement canadien prendrait cette décision assez surprenante, tout compte fait, de créer une zone économique de 200 milles.

M. Morin (Louis-Hébert): M. le Président...

Le Président (M. Cardinal): Brièvement, s'il vous plaît.

M. Morin (Louis-Hébert): Très brièvement, je voudrais répondre au député catastrophe de Saint-Laurent que je ne pensais pas qu'on finirait la soirée quelque part entre le drame et la tragédie en ce qui concerne les poissons. Que voulez-vous? La frontière du Québec ne s'arrête pas au Groenland, le souhaiterions-nous que ce ne serait pas possible. Nous avons fait un effort là-dessus — très brièvement — pour une question qui a été soulevée par une autre province et qui est d'ailleurs connue publiquement, Terre-Neuve. On a dénoncé une opinion en ce qui concerne les 200 milles en reconnaissant très bien — et je l'ai dit — que ce n'était pas une question qui avait déjà été soulevée dans le passé.

Cette question de l'accessibilité à raison de 200 milles est loin — je souligne loin — d'être résolue actuellement, très loin d'être résolue. Par conséquent — je pense qu'il va se passer encore bien du temps avant qu'on y arrive — ce que nous avons donc énoncé comme position préliminaire est une position qui est a l'orée et au début d'une discussion qui a à peine eu lieu parce que c'est un des sujets, et on a eu deux réunions, jusqu'à maintenant, au niveau des ministres.

J'aimerais toujours, comme dans les autres cas, savoir ce que le parti du député de Saint-Laurent pense de cette question; on n'a pas le temps de résoudre ce problème, il nous a dit ce matin qu'il n'avait pas à répondre. Cependant, on a quand même, pas sur cette question précise, mais sur autre chose, les positions de son parti et on présume qu'à moins de les nier totalement, elles demeurent. Je ne lui demanderai pas ce qu'il pense à cet égard.

Je voudrais quand même dire ceci — et je laisserai la parole tout de suite à un autre — que c'est toujours possible, dans n'importe quoi, de trouver des difficultés éventuelles. Je pourrais en invoquer moi, des drames et des tragédies. Si on parlait de l'agriculture, je pourrais penser aux sauterelles; il n'y en a pas au Québec, mais on ne sait jamais. Il n'y en a plus, maintenant. Ou encore, tout à coup elles reviendraient.

Je n'aime pas cette façon de procéder et je ne veux pas m'engager là-dedans. En toute honnêteté, nous avons rempli un trou qui n'était pas touché par les gouvernements antérieurs, et pour cause. On se fait reprocher de l'avoir fait. Si on ne l'avait pas fait, on nous aurait dit: Vous avez oublié quelque chose d'effrayant, c'est épouvantable, on n'aura plus de poissons. C'est le genre de cas auquel il faut s'attendre et j'accepte ce genre de règle du jeu, encore que je ne considère pas que c'est tellement utile. Je laisse la parole à un autre, M. le Président, pendant quelques minutes.

M. Roy: Un point de règlement, M. le Président, un petit point de règlement de quelques secondes seulement. Étant donné qu'on doit terminer à 10 heures, j'aimerais, si c'était un consensus ou un consentement de la commission, qu'on accorde quelques minutes à chacun des partis, même si on dépasse de 2 ou 3 minutes.

M. Morin (Louis-Hébert): Oui, c'est cela, je suis d'accord. Parfaitement.

Le Président (M. Cardinal): La directive est rapidement rendue.

M. Morin (Louis-Hébert): Je vais faire autre chose. Je pense que je vais vous laisser aller et que je n'exercerai pas mon droit de parole. Cela irait?

M. Roy: Je n'ai aucune objection à ce que M. le ministre l'exerce.

M. Morin (Louis-Hébert): Je l'exercerai peut-être à la fin complètement, s'il reste du temps, si on ne le fait pas exprès pour me l'enlever, mais allez-y. Pas de problème.

Le Président (M. Cardinal): Si vous le permettez, on verra. M. le député de Lotbinière, chef de l'Union Nationale; ensuite, M. le député de Beauce-Sud.

M. Biron: M. le Président, j'irai rapidement. Il y a deux points particuliers que je veux toucher; je veux faire deux mises en garde au gouvernement, l'une sur la charte des droits et libertés et l'autre sur le rapatriement de la constitution. Encore là,

c'est tout simplement la continuité historique de l'Union Nationale, là-dessus.

La charte des droits, je pense que tout le monde reconnaît qu'un jour ou l'autre il en faut une. Mais je n'aimerais pas, quand même, qu'on aille rapidement accepter une charte des droits qui nous gèlerait finalement dans ce qu'il y a de plus important pour les provinces et pour le Québec en particulier, soit le partage des pouvoirs. Si on accepte tout de suite une charte des droits, il y a beaucoup de choses qui seront gelées à l'intérieur de cela et, finalement, on sera obligé, en négociant la charte des droits, de négocier un partage des pouvoirs d'une façon ou d'une autre.

Or, je pense bien qu'on se bute la tête sur le mur et peut-être un peu trop solidement. Il y a quelque chose au sujet duquel il faut être prudent avant d'accepter une charte des droits, c'est de faire le tour de tous les autres problèmes et d'ajuster notre charte après en fonction des problèmes qu'on aura. Il y a des droits des provinces, comme l'éducation, qui peuvent être reliés finalement à la charte des droits. Il y a le partage des pouvoirs et il y a beaucoup d'autres choses. C'est une mise en garde au gouvernement là-dessus. Je pense bien que c'est tout simplement la continuité historique, encore une fois, des gouvernements du Québec qui l'ont précédé de régler les problèmes de partage des pouvoirs. C'est cela, le gros problème. Après cela, on ajustera en conséquence la charte des droits à ce qui aura été décidé dans le partage des pouvoirs.

Le deuxième point auquel je veux toucher rapidement, M. le Président, c'est le rapatriement et l'amendement à la constitution. Là encore, cela a été, je pense bien, la position de tous les partis politiques. En particulier, le dernier premier ministre du Québec, sous le régime libéral, M. Bourassa, s'est opposé avec énormément de force et de véhémence au rapatriement de la constitution, à tel point qu'il a déclenché une élection parce qu'il craignait que le gouvernement fédéral ne rapatrie la constitution sans demander aux provinces ce qu'elles en pensaient.

Il n'est pas question, à mon point de vue, à l'heure actuelle, que le Québec doive donner la permission de rapatrier la constitution, on est en train d'ailleurs — on a fait un exercice aujourd'hui — d'essayer de découvrir une nouvelle façon d'écrire une nouvelle constitution. D'une façon ou d'une autre, cette nouvelle constitution, à mon point de vue, moi qui suis un fédéraliste convaincu, est irréversible. Le Canada aura une nouvelle constitution, peu importe le résultat du référendum ici au Québec. C'est irréversible. Alors qu'on aura une nouvelle constitution au Canada, pourquoi rapatrier la vieille? Pour avoir un vieux morceau de papier ici pendant un an, deux ans, trois ans ou cinq ans? On est peut-être mieux de suggérer au premier ministre du Canada, le premier ministre actuel, qu'il soit premier ministre ou non — on lui paiera un voyage à Londres — d'aller chercher le vieux papier dans le temps et on le mettra au musée à Ottawa. Ce sera peut-être bien bon, mais à l'heure actuelle, il n'y a certainement pas d'urgence là-dessus. Il ne faudrait pas que le gouvernement du Québec perde tellement d'énergies à essayer de trouver des formules de rapatriement ou des formules d'amendement avant de régler les autres problèmes qui sont beaucoup plus importants que cela et qui sont, en fait, encore une fois, le partage des pouvoirs.

Peut-être que cela reste une formule de chantage de la part des provinces vis-à-vis du gouvernement fédéral, mais il faut l'employer. Alors, il n'y a pas d'utilité à l'heure actuelle à rapatrier la vieille constitution canadienne.

Avant de terminer, M. le Président, je voudrais faire un souhait au ministre; je vais peut-être l'entendre dans sa réplique tout à l'heure dire ce qu'il en pense. Aujourd'hui et hier, je pense qu'on a fait un exercice qui valait la peine d'être fait. J'aurais aimé qu'on ait assez de temps pour passer à travers tous les problèmes; on aurait pu voir le point de vue précis de chacune des formations politiques là-dessus et donner une indication au gouvernement.

Tout de même, la prochaine conférence constitutionnelle s'en vient à grands pas, c'est au début de février. J'aimerais que, dans la semaine qui va suivre ou dans les deux semaines qui suivront, on puisse reconvoquer cette même commission parlementaire pour informer les membres de la commission de l'évolution du dossier. On pourra, pendant une journée — je ne veux pas que cela dure trois ou quatre ou cinq jours mais peut-être une journée — questionner le ministre ou le gouvernement en conséquence là-dessus. Ce serait beaucoup mieux que la période des questions traditionnelles où on sait qu'on n'a pas le temps de vider les questions avec une, deux ou trois questions additionnelles et cela finit là. Pendant une journée, on pourra peut-être faire le tour du dossier, voir ce qu'on a gagné, ce qu'on n'a pas gagné, pourquoi cela a bloqué dans tel endroit, pourquoi cela n'a pas bloqué ou qu'est-ce qu'il reste à faire en continuant.

Je ne veux pas en faire une motion, M. le Président, je veux tout simplement en faire un souhait. Je crois que ce serait bon, dans l'histoire de cette négociation au niveau fédéral-provincial à l'heure actuelle, qu'on puisse donner toute l'information nécessaire aux membres de cette commission. J'en fais un souhait et j'écouterai tout à l'heure la réponse du ministre.

Le Président (M. Cardinal): Votre voeu est noté au journal des Débats.

M. le député de Beauce-Sud.

M. Roy: Merci, M. le Président. En premier lieu, je vais souscrire tout de suite au voeu qui vient d'être exprimé par le chef de l'Union Nationale et député de Lotbinière à l'effet qu'une commission parlementaire — au moins une séance — puisse être tenue au retour de la conférence constitutionnelle. La période de questions, comme on le sait très bien, en vertu de notre règlement, ne permet pas à celui qui pose des questions de

faire des commentaires. On peut faire des commentaires, mais le président a l'obligation, à ce moment-là, de nous rappeler à l'ordre. Je pense que ce serait beaucoup plus valable. Cela apporterait peut-être un éclairage beaucoup plus grand et les parlementaires seraient beaucoup plus à l'aise si une commission parlementaire devait avoir lieu là-dessus. J'appuie l'idée du chef de l'Union Nationale à ce sujet.

Dans l'ensemble, M. le Président, je souscris aux propositions qui sont contenues et qui tiennent compte des positions antérieures du Québec, des positions historiques du Québec. Cependant, j'aurais peut-être deux brefs commentaires à faire, l'un concernant la charte des droits. Il est évident que plus la charte des droits fédérale serait élaborée, une charte des droits canadiens, plus, évidemment, cela peut empiéter sur les juridictions des provinces, limiter les provinces. Je pense qu'il y a une ligne de démarcation qu'il faut examiner. Tout dépend évidemment — et je fais une parenthèse — de notre conception fondamentale de ce que pourra être une nouvelle constitution, une nouvelle structure. Je dis que c'est au niveau de la charte que peut se poser le problème de la reconnaissance de deux nations, de deux nations fondatrices. Des francophones, il n'y en a pas qu'au Québec. Je ne fais pas de proposition formelle, mais disons que préalablement, je dis oui au principe d'une charte, mais d'une charte limitée, très limitée, si on retient le principe des deux nations. Je pense que c'est important à ce niveau-là. En ce qui a trait à la constitution, je ne veux pas reprendre les propos que j'ai tenus ce matin. Je les maintiens encore. Je ne crois pas au rapatriement de la constitution. Je dis que c'est une perte de temps. Je suis en faveur d'une nouvelle constitution. Quant à la vieille constitution, je terminerai tout simplement par une image ou une caricature en disant ceci: Elle a été trop violée pour sécuriser tout le monde. J'aime mieux qu'elle reste là-bas.

Le Président (M. Cardinal): M. le ministre. Vous n'avez peut-être pas le dernier mot, mais vous avez la réplique.

M. Morin (Louis-Hébert): Ce sera très bref, M. le Président. Avant d'aller plus loin, cependant, j'ai une question. J'ai peut-être mal compris. Le député de Beauce-Sud a dit qu'il est d'accord avec le principe d'une charte — mais je ne suis pas sûr d'avoir compris là-dessus — si on y intègre — vous me corrigerez si ce n'est pas cela — le principe des deux nations. Est-ce cela que vous avez dit? (22 heures)

M. Roy: Si on reconnaît le principe des deux nations.

M. Morin (Louis-Hébert): D'accord. J'aurais pu le voir au journal des Débats, mais c'est seulement pour ma compréhension ce soir.

La première chose que je veux dire, c'est que ce serait une bonne idée effectivement d'en parler de nouveau devant l'Assemblée nationale, quels que soient les résultats de la conférence. Je ne peux pas vous dire à quelle date, parce qu'après la conférence il y a la visite du premier ministre Barre et ensuite une série d'autres choses que j'ai été obligé de retarder à cause des travaux actuels qui ont pris à peu près tout mon temps.

Je suis d'accord avec la suggestion de l'Union Nationale et celle du député de Beauce-Sud. J'imagine que nos collègues libéraux seraient d'accord pour entendre parler de cela à nouveau, à un moment donné.

M. Forget: Oui, je vous l'ai demandé d'ailleurs hier ou ce matin.

M. Morin (Louis-Hébert): Oui, d'accord, excusez-moi, je ne voulais pas vous oublier. Donc, cela va de ce côté. Pas de date précise, mais il est sûr qu'on pourra se revoir pour analyser les résultats, quels qu'ils soient, de cette conférence.

Je suis très content de cette commission parlementaire. Je pense que même si les sujets sont complexes, nous avons pu commencer à éclairer la population, via les media d'information, sur la substance du problème constitutionnel, pour qu'on comprenne au moins qu'il ne s'agit pas seulement de questions strictement juridiques. Je pense qu'on a souligné non seulement la continuité historique, mais le fait que cela s'approche beaucoup des positions que nous avons, de la substance québécoise. Quels que soient les partis, même si on n'est pas tous dans le même bateau, il faudrait souhaiter être tous dans la même rivière; parfois on peut en douter, mais tout de même je crois que de ce côté, majoritairement, ici, c'est le cas.

Nous n'avons jamais demandé — et je le répète parce que je ne veux aucun malentendu là-dessus, je suis prêt à le dire publiquement n'importe quand — aux partis de l'Opposition d'appuyer le Parti québécois. Ce n'est pas cela du tout. Nous avons énoncé des positions que nous avons essayé de résumer. Cela a peut-être créé, à un moment donné, des malentendus, mais je pense que de l'avis d'à peu près tout le monde, il n'y a jamais eu un effort de synthèse comme celui-là de fait sur des questions aussi complexes. On va continuer dans le même sens pour l'avenir, parce que c'est non seulement une politique de transparence, mais c'est une politique de respect de la population.

Ce que nous avons demandé — on aurait voulu le savoir de tous les partis, on le sait de certains d'entre eux — c'est si les positions qui étaient les leurs avant sont encore les leurs aujourd'hui. C'est aussi simple que cela. Je regrette un peu — je ne veux pas faire de politique maintenant — que le Parti libéral, tout en reconnaissant que ses positions antérieures sont encore les siennes — on l'a dit hier — ne reconnaisse pas que leur utilisation par nous soit valide dans les cadres d'une discussion constitutionnelle qui se réalise à l'intérieur du système actuel. Je sais très bien qu'on a peur qu'à partir de

l'usage que nous en ferions — parce qu'il y a une certaine méfiance — on en déduise des choses que nos amis libéraux n'ont pas voulu dire. Ce n'est pas là le point; le point est que nous ne demandons pas et nous ne voulons pas que le Parti libéral croie que nous lui demandons d'appuyer le Parti québécois. Ce n'est pas une question de parti, c'est une question de gouvernement québécois. Nous sommes au pouvoir maintenant, d'autres l'étaient avant nous et dans l'avenir il y en aura d'autres, c'est sûr, cela va de soi. Cependant, au-delà de ces partis, au-delà de cette division temporaire dans laquelle on est obligé d'être, comme Québécois, et que le système encourage, division partisane qui parfois nous nuit, on essaie de trouver quelque chose qui au moins ferait que, pour certaines circonstances comme la conférence qui vient, on continue à dire les mêmes choses.

Je pense qu'on continue à dire les mêmes choses, au-delà des expressions d'opinions. Je ne veux pas faire dire aux libéraux des choses qu'ils n'ont pas dites. Cependant, je conçois que leur position antérieure, en substance et quant au principe, sauf quelques rares exceptions... Les richesses naturelles, par exemple, on en a parlé tantôt, il y a quelque chose qui m'inquiète de ce côté, je pense qu'on va y revenir. Mais, pour le moment, je considère que ce que nous avons présenté comme position traditionnelle, c'est encore, en substance, les positions des Québécois, une sorte de minimum vital qui est connu d'Ottawa maintenant, qui est connu depuis plusieurs mois. J'ai bien hâte de savoir quel sera, dans le système actuel, que ce soit à l'intérieur de la discussion constitutionnelle présente ou à l'intérieur d'un autre forum, j'aimerais savoir ce qu'Ottawa pense de ces positions, qui datent quasiment de générations, que les gouvernements québécois, les uns après les autres, ont prises et qu'ils ont défendues comme nous le faisons aujourd'hui nous-mêmes. Parce que nous représentons non pas les péquistes, nous représentons l'ensemble des Québécois et nous allons continuer à le faire comme c'est notre devoir de le faire. Je remercie de leur collaboration les gens qui ont participé à cette réunion d'une journée et demie et qui a été assez intense. Nous avons échangé des opinions parfois. C'est une sorte de règle de jeu politique que je n'aime pas moi-même, mais il semble qu'on s'y attende et il semble que cela fasse partie de ce genre de procédures; très bien. Si c'est cela, d'accord. J'oublie tout cela et je considère que le document bleu que vous avez devant vous, qui est inspiré des gouvernements antérieurs, demeure et que nous partons avec ce document pour les conférences qui s'en viennent en espérant que les Québécois sauront, comme nous allons leur dire d'ailleurs, que nous défendons non pas des positions de partis, mais des positions d'un peuple tout entier. Merci.

Le Président (M. Cardinal): Merci, M. le ministre. Si vous me permettez, ce sera très bref. Étant moi-même, comme président de cette commission, privé de participer sur le fond du débat, même sur les questions techniques qu'on a soulevées, je dois quand même dire que j'ai bénéficié du plaisir de vous entendre tous. Je désire vous remercier et vous féliciter de votre participation, à un niveau plutôt élevé, aux travaux de cette importante commission parlementaire. Nous sommes en train de faire, dans les faits, une réforme de nos travaux. Sur ce, je dois sans autre commentaire, ne voulant rien impliquer dans le débat, avec votre accord que vous m'avez accordé il y a quelques instants, ajourner les travaux de cette commission sine die.

(Fin de la séance à 22 h 7)

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